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Full text of "Revue encyclopédique"

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,EVUE 

ENCYGLOPEDIQtJE  ; 

ANALYSE  RAISONNEE 

DES  PRODUCTIONS  LES  PLUS  REMARQUABLES 

DANS  LA  LITTLE ATUKE,  LES  SCIENCES  ET  LES  AWTS; 

PAR  UIYE  REUNION 

DE  MEUBBES  DE  L'lKSTmrt  ET  DVl'TftE?  HOBBIES  BE  IETTHE6. 


A  PARIS, 

AU  BUREAU  DE  LA  REVUE  EISCYCLOrEDlQUE, 

Kt  bliez  SLD1LLOT,  unn.unE,  iU  de  lodW,  >°  3o; 

ARTHUSBEUTRAXD,  aciiH\tTBn;i.in.B,  n«  z3. 

AVRIL  1830. 


MSMOBMHtaMBSai 


NOMS 

DES  COLLABORATEURS 

ET  DES  CORRESPONDANS,  FRANCOIS  ET  STRANGERS. 


i«  Pour  Jes  Sciences  physiques  et  mathematiques  et  les  y/rfs  industrials: 
MM.  Bailly  de  Merlibux,  Casaskca  ,  de  Madrid;  Cn.  Duns,  Girabd, 
Navier,  de  l'lnstitut ;  J.  J.  Baude,  Dubbuhfaut,  H.  DissaEd,  Fmibv, 
Feamcobur,  Ab.  Co.ndinbt;  D.  Laborer  ,  de  Londres;  A.  Michblot, 
be  Montgeht,  Mobeau  DE  Jon»Es;  QuErKLKi,  dc  Bruxelles;  T.  Richard; 
Wabdbm,  des  itats-Unis  d'Amerique,  etc. 

a"  Pour  les  Sciences  naturetles :  MM.  Floubbhs,  Gkoffboy  Saibt-Huaibe, 
de  l'lnstitut;  BoRYDBSAmT-VincEHT,  correspondantde l'lnstitut;  Mathibu 
Bonafoos,  de  Turin;  B.  Gaili.on,  de  Dieppe;  Isidore  Geoffeoy  Saikt- 
IIilaire,  Hoot,  etc. 

5°  Pour  les  Sciences  medicates  :  MM.  DAMtaoit,G.-T.  Dom,  FossATr, 
Gasc;Gebsom,  deHambourg;  db  Kibgshoff,  d'Anvers ;  Loyssh;  Ri- 
coilot  fils ,  d'Amiens,  etc. 

4°  Pour  les  Sciences  phitosopliiques'et  morales,  politiques,  gcographiques 
et  historiques  :  MM.  M.  A.  Jcluek ,  de  Paris,  Fondateur-Directcur  de  la 
Revue  Encyclopidique;  Abth.  Bbughot,Ad.  Blahqbi  ;  Alex,  de  la  Bohdb  , 
Jomard,  de  l'lnst. ;  M.  Avejibl,  Barbis  du  Bocagb  fits,  Benjamin  Coks- 

TAHT,  Ch.    COMTB,    DBPPINC  ,  Dl'FAO,  DuHOYEB,  GuiGNIACT,  A.  JaLBERT, 

J.  Labocderib,  Lanjuinais,  P.  Lami,  Isidore  Lebruii,  Lbsubub-Meblin, 
Massias,  Albkrt-Moht£moht,  Edsebe  Salvebte,  J.-B.  Say;  Sjmokde  db 
Sismosdi,  de  Geneve;  Wabhkoekig,  de  Liege,  etc.;  Dupin  aine; 
Bsbvulb,  Bouchehe-Leebb,  Gn.  Renoeaed,  Taillahdibe,  avecats,  Vi- 
baorbe,  du  Perou,  etc. 

5°  Pour  la  Litteralure  franchise  et  itrangire,  la  Bibliographic,  I'Archeo- 
logic  et  les  Beaux-Arts  :  MM.  Ahdrieox  ,  Amauby-Doval,  Embbic  David, 
Lemfrcieb,  de  Segue,. de  l'lnstitut;  Andribcx  ,  de  Limoges ;  Mme  Bt-Sw» 
Belloc;  MM.  Bubrouf  fils,  Chautet;  Gkiabihi  ,  de  Va?sovie;  P.-A. 
Coupis  ,  Fb.  Degeobce,  Dubbbsah;  Ed.  Gauttieb-d'Arc  ;  Ph.  Golb^bt, 
oorrespondant  de  l'lnstitut;  Leon  Halevy  ,  IIbkbices,  E.  Hbbbau, 
Augusts  Jullieh  fils,  Bfbnabd  Jullieh;  Kalvos,  de  Zante  ;  Adbibw- 
Lafasgk,  J.  V.  Leclbec,  A.  Mahul,  Moaglave;  Mohraed,  de  Lau- 
sanne;  G.  Pagakel,II.  Patih,  Amselme  Petbtih,  Pokgksville,  db  Rbif- 
fehserc  ;  db  Stassart,  dc  Bruxelles ;  Fa.  Salfi,  Schhitzleb,.  Ssavar, 
be  Svcnr;  LjtoKTsiEssii,  P.  F.Tissot,  Viguibe,  Yillejiate,  etc, 


REVUE 
ENCYCLOPEDIQUE. 


TYP0GRAPH1E  DE  MARCELLIN-LEGRAND  ,  PLASSAN  ET  C 

BUB  Oil  PBT1T-VACGIBABD  ,  5°   l5. 


PARIS.  —  1MPR1MERIE  DE  PLASSAN  ET  O 

niB   OB  VAUG1RABD,  N"    l5. 


REVUE 

ENCYCLOPEDIQUE, 

OB 

ANALSYE  RAISONNEE 

DES  PRODUCTIONS  LES  PLUS  REMARQU.4BLES 

PANS  LES  SCIENCES,  LES  ARTS   INDTFSTRIELS,  LA  L1TTERATTTRE 
ET  LES  BEAITX-ARTS  ; 

PAR  UNE  REUNION 
DE    MEMBRES   DE  L'INSTITUT, 

ET  D'AUTRES  HOMMES  DE  LETTRES. 


TOME   XLVI. 


AU  BUREAU  CENTRAL  DE  LA  REVUE  ENCYCLOr^DIQUE, 
ST     CHEZ    SEDILLOT,    LIBRAIRE,    RUE    DE     l'oDEON  ,     N°    5o„ 


AVRIL-JUIN     l830. 


«  Toutes  les  sciences  sont  les  rameaux  d'tine  m£me  tige. » 

Bacon. 

«L'art  n 'est  autre  chose  que  le  contr6le  et  le  registre  des  meillemes  pro- 
ductions... A  contrdler  les  productions  (et  les  actions)  d'un  chacun,  il 
6'engendre  envie  des  bonnes  et  meprisdesmauvaiscs. » 

Montaigne. 

"  Les  belles-lettres  et  les  sciences,  bien  etudiees  et  bien  comprises,  sont 
des  instrumens  universels  de  raison,  de  vei  lu,  de  bonheur.  » 


REVUE 

ENCYCLOPfiDIQUE. 

OU 

ANALYSES  ET  ANNONCES  RA1SONN&ES 

DES    PRODUCTIONS    LES    PLUS    REM ARQUA3LES 

DANS  LA  L1TTERATURE,  LES  SCIENCES  ET  LES  ARTS. 


I.  MEMOIKES,  NOTICES, 

LETTRES  ET  MELANGES. 


CONSIDERATIONS  sur  les  MOLLUSQUES, 

ET  EN  PARTICUL1ER 

SUR  LES  CEPHALOPODES; 

Par  M.  le  Baron  CUVIER. 
(Lu  &  1'Academie  des  Sciences,  le  23  fevrier  i83o.) 

Les  mollusques,  en  general,  mais  plus  particulierement  les 
cephalopodes,  ont  une  organisation  plus  riche,  et  ou  Ton  trouve 
plus  de  visceres  analogues  a  ceux  des  classes  superieures  que 
dans  les  autres  animaux  sans  vertebres.  lis  ont  un  cerveau, 
souvent  des  yeux,  qui  dans  les  cephalopodes  sont  plus  com- 
pliques  encore  que  dans  aucun  v  ertebre;  quelquefois  des  oreil- 


ti  CONSIDERATIONS 

les,  des  glandes  salivaires,  des  estomacs  multiplies,  un  foie  tres- 
considcrable,  do  la  bile,  une  circulation  complete  et  double, 
pourvued'oreillettes,  de  ventricules,  en  uii  mot,  de  puissantes 
impulsions  tres-vigoureuses ;  des  sens  distincts,  des  organes 
males  et  femelles  trcs-compliques,  et  d'ou  sortent  des  03ut's 
dans  lesquels  le  foetus  et  les  mojens  d'alimentation  sont  dis- 
poses eomme  dans  beaucoup  de  vertebres. 

Ces  differens  fails  resultaient  deja  des  observations  de  Redi, 
de  Swammerdam,  de  Monro  et  de  Scarpa  ,  observations  que 
j'ai  fort  elendues,  appuyees  de  preparations  nombreuses,  et 
dont  je  me  suis  prevalu,  il  y  a  mainlenant  trente-cinq  ans, 
pour  etablir  que  des  animaux  aussi  richement  pourvus  d'or- 
ganes  ne  pouvaient  pas  rester  confondus,  comme  ils  1'etaicnt 
avant  moi,  avec  les  polypes  et  autres  zoophytes  dans  une  seule 
classe,  mais  qu'ils  devaient  en  etre  distingues  et  reportes  a  un 
plus  haut  degre  de  l'echelle,  idee  qui  me  parait  aujourd'hui 
adoptee  d'unc  manierc  ou  d'une  autre  par  l'universalite  des 
naturalistes. 

Cepeudant  jcine  suis  bien  garde  de  dire  que  cette  organisa- 
tion, approchante,  pour  l'abondance  et  la  diversite  de  ses  par- 
ties, de  celle  des  animaux  vertebres,  fut  composee  de  me  me, 
ni  fdt  arrangee  snr  le  meme  plan  ;  au  eontraire,  j'ai  toujtHirs 
soutenu  que  le  plan  qui  jusqu'a  un  certain  point  est  commun 
aux  vertebres  ne  se  continue  pas  chez  les  mollusques,  et, 
quant  a  la  composition,  je  n'ai  jamais  admis  que  Ton  put 
raisonnablement  la  dire  une,  meme  en  ne  laprenant  que  dans 
une  seule  classe,  a  plus  forte  raison  dans  des  classes  differen- 
tes.  Tout  nouvellement  encore,  dans  le  premier  volume  de 
mon  Histoire  des  poissons,  j'ai  exprime  mon  sentiment  a  ce 
sujet,  sans  doute  avec  le  ton  modere  que  les  sciences  rccla- 
ment  et  avec  la  politesse  qui  appartient  a  tout  homme  bien 
eleT'e,  mais  cependant  d'une  maniere  assez  claire,  assez  posi- 
tive pour  que  personne  n'ait  pu  s'y  meprendre.  La  question 
est  sous  les  yeux  des  naturalistes  avec  ses  preuves ;  e'est  a 
eux  qu'il  appartient  de  la  juger,  et  je  me  serais  abstcnn  , 
romnie  je  m'en  abstiens  depui's  tlix  ans,  d'en  entretenir  l'A- 


SUR  LES  MOLLUSQUES.  7 

cadcmie,  si  une  circonstance  dont  elle  a  ete  temoin  ne  111c 
eontraignait  de  renoncer  a  une  resolution  que  me  dielaient  le 
desir  d'employer  plus  utilement  mon  terns  aux  progres  dc 
la  science,  et  la  persuasion  que  c'est  par  une  connaissance 
plus  approtbndie  des  laits  *plutot  que  par  des  dissertations 
polerniques  que  la  verite  en  histoire  naturelle  est  assuree  de 
se  faire  jour. 

Deux  jeunes  et  ingenieux  obseryateurs,  examinant  la  ma- 
niere  dont  les  visceres  des  cephalopodes  sont  places  mutuel- 
lement,  out  eu  la  pensee  qu'on  retrouverait  peut-etre  entre 
ces  visceres  un  arrangement  semblable  a  celui  qu'on  leur  con- 
nait  dans  les  vertcbres,  si  l'on  se  representait  le  cephalopode 
comrne  un  vertebre  dont  le  tronc  serait  replie  sur  lui-meme 
en  arriere  a  la  hauteur  du  nombril,  de  facon  que  le  bassin 
revienne  vers  la  nuque;  et  un  de  nos  savans  confreres,  saisis- 
sant  avidemment  celte  vue  nouvelle,  a  annonce  qu'elle  re- 
fute completement  tout  ee  que  j'avais  dit  sur  la  distance  qui 
separe  les  mollusques  des  vertebres ;  allant  meme  beaucoup 
plus  loin  que  les  auteurs  du  Memoire,  il  en  a  conclu  que  la 
roologie  n'a  eu  jusqu'a  present  aucune  base  solide;  qu'elle 
n'a  ete  qu'un  edifice  construit  sur  le  sable,  et  que  sa  seule 
base,  desormais  indestructible,  est  un  certain  principe  qu'il 
appellc  d' unite  de  composition,  et  dont  il  assure  pouvoir  faire 
une  application  universelle. 

Je  vais  examiner  la  question  dans  son  rapport  particulier 
avec  les  mollusques;  dans  une  suite  d'autres  Memoires  je  la 
traiterai  relativement  aux  autres  animaux;  j'espere  le  faire 
avec  la  mOme  urbanite  dont  notre  savant  confrere  a  use  en- 
vers  moi ;  et,  comme  les  ecrits  qu'il  a  diriges  depuis  dix  ans 
contre  ma  maniere  de  voir  n'ont  jamais  altere  en  rien  Pamitie 
que  je  lui  porte,  j'espere  qu'il  en  sera  de  meme  de  ceux  par 
lesquclsmaintenant  je  vaissticcessivement  defcndre  mesidees. 

Mais,  dans  toutc  discussion  scientilique,  la  premiere  chose 
a  faire  est  do  bien  definir  les  expressions  que  Ton  emploie  ; 
sans  cette  precaution  Pesprit  s'egare  promptement ;  prenant 
les  memes  mots  dans  un  sens,  a  un  endroit  du  raisonnement, 


9  CONSIDERATIONS 

el  dans  un  seas  different,  a  nn  autre  cndruit,  on  fail  oe  que  le- 
legiciens  appelleoi  des  syllogismes  u  quatre  tcrmes,  «jui  sunt 
les  pins  trompeurs  des  sophismes ;  que  si,  dans  l'cxpose  de  ces 
numes  raisonneinens ,  an  lieu  du   langage  simple,  des  mots 
propres,  rigourcusement exiges  dans  les  sciences,  on  emploie 
des  metaphorcs   et   des   figures   de    rhetoriquc ,    be   danger 
est  bicn  plus  grand  encore;  on  croit  se  tircr  d'un  embarras 
par  un  trope,  rcpondrca  une  objection  par  une  paronomase,  et, 
en  se  dctournant  ainsi  de  sa  route  direete,on  s'enfonce  promp- 
temenl  dansun  labyrinlhe  sans  issue  ;  mais,  j'endemande  par- 
don a  l'Acadcmie,  je  vois  que  je  me  perds  moi-meme   dan- 
le  langage  que  je  repousse,  et  je  m'empresse  de  revenir  a  ce- 
lui  que  je  continuerai  de  parler  dans  le  reste  de  ce  Mcmoire. 
Commencons  done  par  nous  entendre  sur  ces  grands  mots 
<r untie  de  composition  et  d 'unite  de  plan.  La  composition  d'une 
ebose  signifie,  du  moins  dans  le  langage  ordinaire,  les  partit Ss 
dans  lesquelles  cette  cbose  consiste,  donl  ellc  se  compose  ;  el 
Ie/?/rm  signifie  l'arrHtigement  que  ces  parlies  garden!  entre  cites. 
Ainsi,  pour  me  servir  d'un  exemple  trivial,  mais  qui  i  end  bieu 
les  idees,  la  composition  d' une  maison,  e'est  le  nonibrc  d'appar- 
temens  on  de  cliainbres  qui  s'y  trouvent,  et  son  plan ,  c'esl 
la  disposition  reciproque  de  ces  appartemens  et  de  ces  cbam- 
bres.  Si  deux  maisons  conlcnaient  cbacune  vm  vestibule,  une 
antiehambre,  une  chambre  a  toucher,  un  salon  et  une  sallc 
a  manner,  on  dirait  que   leur  composition  est  la  meme;  et,  si 
ces    pieces    etaient   au    meme   etage ,    arrangees     dans    le 
meme    ordre  ,    si    Ton  passait  de  I'une  dans   l'autre    de  lu 
meme  maniere,  on  dirait  aussi  que  leur  plan  est  le  mhnc. 
Mais,  si  leur  ordre  etait  different;  si,  de  plain-pied  dans  une 
des  maisons,  elles  etaient  placees  dans  l'autre  par  etages  suc- 
cessifs,   on  dirait  qu'avec  une    composition  semblable    Des 
maisons  sont  construites  sur  des  plans  differens.  Ainsi  la  com- 
position d'un  animal  se  determine  par  les  organes  qu'il  pos- 
sede,  et  son  plan  par  la  position  relative  de   ces  organes  on 
ce  que  notre  savant  confrere  appelle  leur  connexion. 

\iais  qu'est-oe  que  C unite  lie  plan.vX  surtniit  I' unite  tie  emu- 


SUB  LJSs  MOLLl  SQUES.  !( 

position,  qui  doit  servif  dcsurmais  de  base  nouvello  a  la  zeolo- 
•>ie  ?  Yoila  Ce  que  personnc  tie  nous  a  encore  dit  claircuienl, 
et  cependant  c'est  la-dessus  qu'il  faut  d'abord  fixer  scs  idccs. 
Unargumentateur  de  mauvaise  foi  prendrait  ces  mols  dans 
leur  sens  naturel,  dans  le  sens  qu'ils  ont  en  francais  ct  dans 
toutes  les  langues;  il  prctendrait  qu'ils  signifient  que  tons  les 
animaua:  se  composcnt  des  memes  organes  arranges  de  la  menu: 
maniere,  et,  parlant  de  la,  il  aurait  bienlot  pulverise  le  pre- 
lendu  principe. 

Mais  ce  n'est  pas  moi  qui  supposerai  que  les  naluralistes, 
ineme  les  plus  vulgaires,  aient  pu  employer  ces  mots  unite 
de  composition,  unite  de  plan,  dans  leur  sens  ordinaire,  dans  lc 
sens  (Yidentite. 

Aucun  d'eux  n'oserait  soutenir  nne  minute  que  le  polype 
et  l'homme  aient  dans  ce  sens  une  composition  une,  tm  plan 
un.  Cela  saute  aux  yeux.  Unite  ne  signifie  done  pas,  pour  les 
naturalistes  dont  nous  parlons,  idenliic ;  il  n'est  pas  pris  dans 
son  acception  nalurelle,  mais  on  lui  donne  un  sens  detourne 
pour  signifier  rcssembtance,  analogie.  Ainsi ,  quand  on  dit  qu'il 
y  a  entre  l'homme  et  la  baleine  unite  de  composition,  on  ne 
veut  pas  dire  que  la  baleine  ait  toutes  les  parties  de  l'homme; 
car  les  cuisses,  les  jambes,  les  pieds  lui  manquent,  mail  seu- 
leinent  qu'elle  en  a  le  plus  grand  nombre.  C'est  une  expres- 
sion du  genre  de  celles  que  les  grammairiens  appellent  cm- 
pkatiques  ;  unite  de  composition  ne  signifie  ici  que  tres-grandt 
ressemldance  de  composition. 

Dememe,  quand  on  dit  qu'il  y  a  unite  de  composition  entre 
l'homme  et  la  couleuvre,  la  couleuvre,  qui  n'a  point  d'exlre- 
inite  anterieure,  et  dont  les  posterieures  se  reduisent  a  de  le- 
gers  vestiges,  on  veut  dire  settlement  qu'il  y  a  entre  eux  une 
ceriaine  rcssembtance  dc  composition,  mais  deja  moindrc  qu'en- 
tre  l'homme  et  la  baleine. 

II  est  evident  qu'il  y  aurait  contradiction  tbrmelle  clans  les 
termes  a  appcler  une,  on  idrniiqttc,  une  composition  qui,  de 
l'aveu  memc  de  ceux  qtii  emploicnl  ces  mots,  change  d'un 
jicnte  a  l'autre. 


io  CONSIDERATIONS 

Ce  que  jc  (lis  de  la  composition  s'appliquc  aussi  an  plan  . 
nous  croirioQS  faire  injure  a  ces  naturalistes,  si  nous  preten- 
dious  que  par  ces  mots  unite  de  plan  ils  enlendcnl  autre  chose 
que  rcssernblance  plus  ou  moins  granite  de  plan.  Sans  cela  il 
suffirait  d'buvrir  devant  eux  un  oiseau  et  un  poisson  pour  lcs 
re  filler  a  l'instant. 

Or,  ces  termes  extraordinaircs  une  foisdefinisainsi,  une  fois 
dcpouilles  de  ce  nuagc  mysterieux  dont  les  enveloppe  le  vague 
de  Icurs  acceptions,  ou  le  sens  detourne  dans  lcquel  on  en 
use,  Ton  arrive  a  un  rcsultat  bien  inattendu  sans  doutc,  car  il 
est  directement  conlraire  ace  qui  a  ete  mis  en  avant. 

C'est  que  loin  de  fournir  des  bases  nouvelles  a  la  zoologie, 
des  bases  inconnucs  a  tons  les  hommes  plus  ou  moins  habiles 
qui  l'ont  cultivee  jusqu'a  present ,  restreiuts  dans  des  liniitcs 
convenables,  ils  Torment  au  contraire  une  des  bases  les  plus 
essentielles  sur  lesquelles  la  zoologie  repose  depuis  son  ori- 
gine,  une  des  principales  sur  lesquelles  Aristote,  son  crea- 
teur,  l'a  placee,  base  que  tons  les  zoologistes  dignes  de  ce 
noin  out  cherehe  a  elargir,  et  a  I'affermissement  de  laquelle 
tous  les  efforts  de  l'anatomie  sont  consacres. 

Ainsi,  cbaque  jour  Ton  peut  decouvrir  dans  un  animal  une 
partic  que  Ton  n'y  connaissait  pas,  et  qui  fait  saisir  quclquc 
analogie  de  plus  entre  cet  animal  et  ceux  de  genres  ou  de 
classes  differens.  II  peut  en  ctre  de  meme  de  connexions,  de 
rapports  nouvellement  apercus ;  les  travaux  anxquels  on  se 
livre  a  cet  effet  nu'iitcnt  tous  noseloges;  c'est  par  eux  que  la 
zoologie  agrandira  ses  bases  ;  mais  que  Ton  se  garde  de  croire 
qu'ils  l'en  i'eront  sortir. 

Si  j'avais  a  citer  des  exemples  de  ces  travaux  dignes  de 
toute  notre  estime ,  c'est  parmi  ceux  de  notre  savant  confrere 
M.  Geoffroy  que  je  les  choisirais  ;  lorsque ,  par  exemple, 
il  a  reconnu  qu'en  comparant  la  tete  d'un  ft  tus  de  mannni- 
Icre  a  celle  d'un  reptile  ou  d'un  oviparc  en  general  on  re- 
marquail  des  rapports  dans  le  nombre  et  l'arrangement  des 
pieces  qui  nc  s'apcrcevaient  point  dans  les  tetes  adulles. 
lorsqu'il  a  prouve  que  l'os  appele  Carre,  dans  les  oiseaux. 


SUK  LES  MOLLUSQUES.  n 

est  1'analoguc  de  I'os  de  la  cuisse  dans  les  foetus  de  mammi- 
feres,  il  a  fait  des  decouvertes  tres-reelles,  tres-imporlantcs, 
auxquelles  j'ai  ete  le  premier  a  rendre  pleine  justice,  lors 
du  rapport  que  j'ai  eu  occasion  d'en  faire  a  l'Acadcmie. 
Ce  sont  des  traits  de  plus  qu'il  a  ajoutes  a  ces  ressemblances 
de  divers  degres  qui  existent  entre  la  composition  des  diffe- 
rens  animaux  ;  mais  il  n'a  fait  qu'ajouter  aux  bases  anciennes 
et  connues  de  la  zoologie;  il  ne  les  a  nullement  changees;  il 
n'a  nullement  prouve  ni  l'unite,  ni  l'identite  de  cette  compo- 
sition, ni  rien  enfin  qui  puisse  fournir  un  nouveau  principe : 
entre  quelque  analogie  de  plus  dans  certains  animaux  et  la 
generalisation  de  1'assertion  que  la  composition  de  tous  les 
animaux  est  une  la  distance  est  aussi  grande ,  et  c'est  tout 
dire ,  qu'entre  l'homme  et  la  monade. 

Ainsi,  nous  savons  tous,  et  depuis  bien  Iong-tems,  que  les 
cetaces  out  aux  cotes  de  l'anus  deux  petitsos  qui  sont  ce  que 
nous  appelons  des  vestiges  de  leur  bassin.  II  y  a  done  la ,  et 
nous  le  disons  depuis  des  siecles,  une  ressemblance ,  et  une 
ressemblance  legere  de  composition;  mais  aucun  raisonne- 
ment  ne  nous  persuadera  qu'il  y  ait  unite  de  composition, 
lorsque  ce  vestige  de  bassin  ne  porte  aucun  des  autres  os  de 
l'extremite  posterieure.  * 

En  un  mot,  si  par  unite  de  composition  on  entend  identity, 
ondit  une  chose  contraireau  plus  simple  temoignage  des  sens  ; 
si  par  la  on  entend  ressemblance ,  analogie  ,  on  dit  une  chose 
vraie  dans  certaines  limites,  mais  aussi  vieille  dans  son  prin- 
cipe que  la  zoologie  elle-meme  ,  et  a  laquelle  les  decouvertes 
les  plus  recentes  n'ont  fait  qu'ajouter  dans  certains  cas  des 
traits  plus  ou  moins  importans,  sans  rien  alterer  dans  sa  na- 
ture. 

Mais  en  reelamant pour  nous,  pour  nos  predecesseurs  ,  un 
principe  qui  n'a  rien  de  nouveau  nous  nous  gardons  bien,  et 
c'est  en  quoi  nous  diffcrons  essentiellement  des  nnturalistes  que 
nous  combattons,  nous  nous  gardons  bien  de  le  regarder  comme 
principe  unique  :  au  contraire  ,  ce  n'estqu'un  principe  subor- 
donne  a  un  autre  bien  plus  eleve  et  bien  plus  fecund,  a  celui  des 


is  CONSIDERATIONS 

conditions  d'cxisteuoe,  de  la  convenance  des  parlies,  de  leiu 
coordination  pour  Le  role  que  1'amuial  doit  jouer  dans  la 
nature;  voila  lo  vrai  principe  philosophique  d'ou  decoulent 
la  possibility  tic  certaines  ressemblances,  L'ioapossibilite  dc 

i citaint's  aulrcs  ;  voila  lc  principe  rationncl  d'ou  celui  des 
analogies  de  plan  ct  de  composition  sc  deduit,  et  dans  lcqucl 
en  meme  tcins  il  trouvc  ccs  liniites  que  Ton  vent  mccon- 
naitrc. 

Mais  telle  observation  nic  menerait  trop  luin  ;  je  la  repren- 
drai  dans  un  autre  moment;  je  reviens  a  moil  sujet.  Tout  ce 
(pie  jc  viens  de  dire  sur  le  plan  et  la  composition  etant  pose, 
el  jc  le  repete,  cela  est  convenu  et  pose  depuis  Aristote  , 
depuis  deux  mille  deux  cents  ans,  les  naturalistes  n'ont  autre 
(hose  a  faire,  ct  ils  nc  font  en  eflet  pas  autre  chose  que  d'exa- 
miner  jusqu'ou  s'etend  cettc  ressemblance ,  dans  quels  cas  el 
snr  quels  points  die  s'arrete,  ct  s'il  y  a  des  etres  on  elle  se 
reduise  a  si  pen  de  chose  que  l'on  puissc  dire  qu'elle  y  finil 
lout-a-fait.  C'est  l'ohjet  d'une  science  speciale,  que  Ton 
iionunc  ranatomic  comparee,  mais  qui  est  loin  d'etre  une 
science  modernc,  car  son  auteur  est  aussi  Aristote. 

Dans  la  nouvelle  edition  de  mes  Lecons  d'anatomie  compa- 
ree que  je  prepare,  excite  par  le  desir  de  reduire  a  de  justes 
homes  ce  qui  a  etc  dit  vaguement  sur  ce  sujet,  je  considere- 
rai  hcaucoup  les  animaux  sous  ce  point  de  vue;  j'aurai  soin 
d'y  profiler  de  toutes  les  decouvertes  recentes  qui  elablissenl 
des  analogies  nouvelles,  mais  j'aurai  un  soin  non  nioins  grand 
de  marquer  les  limites  de  ces  analogies  ,  et  de  prevenir  contre 
les  conclusions  trop  generates  que  l'on  voudrait  en  tirer. 

Je  prendrai  la  Iiberte  de  soumettre  de  tems  en  lems  quel- 
ques  chapitres  de  ce  travail  a  l'Academie ;  mais  aujourd'hui 
jelui  demande  la  permission  de  lui  offrir  seulement  quelques 
considerations  sur  leseephalopodes,  sujet  que  je  suis  fort  hcu- 
rcux  d'avoirvu  choisir  par  notrc  savanl  confrere,  car  il  n'en 
est  aucun  on  l'on  puisse  voir  plus  clairement  ce  que  les  prin- 
i apes  en  discussion  ont  de  juste,  et  ce  qu'ils  ont  de  vague  et 
d'exa&ere. 


SDR  LES  MOI.LllSQUES.  iS 

Supposez,  nous  a-t-il  dil,  qu'un  animal  vertebre  se  re- 
plie  a  Pendroit  du  nombril  en  rapprochant  les  deux  parlies  de 
son  cpinc  du  dos  ,  coinme  certains  bateleurs,  sa  I  etc  sera  vers 
ses  pieds,  et  son  bassin  derriere  sa  nuque ;  alors  tous  ses  vis- 
ceres  seront  places  inutueliement  comme  dans  les  cephalo- 
podes;  et,  dansceux-ci,  ilsle  seront  comme  dans  les  vertebres, 
ainsi  ployes.  Cettepartie,  qu'a  cause  dc  sa  couleur  brune  vous 
nppclicz  le  dos,  repondra  a  la  moitie  anterieure  du  ventre;  1" 
loud  du  sac  repondra  a  la  region  ombilicale;  ce  que  vous  ap- 
pelicz  le  devant  du  sac  sera  la  moitie  posterieure  ou  inferieure 
du  ventre;  cctte  machoire  plus  saillante  que  vous  preniez 
pour  Tin ferieure  sera  la  superieure ;  tout  rentrera  dans  Por- 
dre;  unite  de  plan,  unite  de  composition,  tout  sera  de- 
mo nt  re. 

Je  dirai  d'abord  que  je  ne  connais  aucun  naturaliste  assez 
ignorant  pour  croire  que  le  dos  se  determine  par  sa  couleur 
foncee,  ou  meme  par  sa  position,  lors  des  mouvemens  de 
1'animal ;  ils  savent  tous  que  le  blaireau  a  le  ventre  noir  et  le 
dosblanc;  qu'une  infinite  d'autres  animaux,  surtout  parmi 
les  insectes,  sont  dans  le  meme  cas;  ils  savent  qu'-ine  infinite 
de  poissons  nagent  sur  le  cote  ou  le  dos  en  bas  ,  et  le  ventre 
en  haut. 

Mais  ils  ont,  pour  reconnaitre  le  dos,  un  caractere  plus 
certain  :  e'est  la  position  du  cerveau;  dans  tous  les  animaux 
qui  en  ont  un  il  est  en  dessus ,  et  Poesophage  et  le  canal  in- 
testinal sont  en  dessous;  notre  savant  confrere  lui-meme  Pa- 
vait  fait  remarquer  dans  un  de  ses  anciens  Memoires;  e'est  la 
pour  nous,  comme  pour  lui,  le  vrai  criterium,  et  non  pas  one 
puerile  remarque  sur  les  couleurs. 

Partant  de  la,  j'ai  pris  d'une  part  un  animal  vertebre  ;  je 
l"ai  ploye  comme  on  le  demandait,  le  bassin  vers  la  nuque  ; 
j'ai  enleve  tous  les  tegumens,  d'un  cote,  pour  bien  montrer 
en  situation  ses  parties  interieures  ;  d'autre  part,  j'ai  pris  un 
poulpe;  je  Pai  place  a  cote  de  Panimal  vertebre,  dans  la  po- 
sition indiquee,  et  je  me  suis  rendu  compte  de  la  situation 
respective  de  ses  organes. 


i.»  CONSIDERATIONS 

Los  ebauches  tres-grossierea  que  jc  mcts  sous  los  yeux  dc 
I'Academie  pourront  faire  saisir  lcs  details  comparatifs  ou  je 
vais  enlrer,  aux  persoaiies  qui  n'ont  jamais  observe  ccs 
animaux  par  clles-memes. 

Dans  ees  csquisses,  le  systeme  nerveux  est  colore  en  jaunc, 
l'arteriel  en  rouge,  le  veineux  en  bleu,  le  canal  intestinal  en 
bran,  le  l'oie  en  vert,  les  organes  genitaux  en  blanc;  les  or- 
ganes  respiraloires  sont  blancs,  piquetes  de  rouge. 

II  est  vrai  que,  dans  cette  position,  la  machoire  la  plus  sail- 
lante  du  poulpe  repond  a  la  machoire  superieure  du  mammi- 
fere ;  mais,  pour  en  conclure  que  c'est  la  machoire  superieure 
du  poulpe,  il  faudrait  que  le  cerveau  ffit  place  vers  l'enton- 
noir,  comme  il  Test  dans  le  mammifere  vers  la  nuque.  Or, 
c'cst  tout  le  contraire ,  le  cerveau  du  poulpe  est  vers  la  face 
opposee  a  l'entonnoir. 

Voila  deja  un  terrible  prejuge  contre  l'idce  que  l'entonnoir 
est  un  bassin  replie  contre  la  nuque. 

Mais  continuous. 

Pour  que  ce  cote  sur  lequel  se  replie  l'entonnoir  ffit  le  cfite 
de  la  nuqu^,  il  faudrait  encore  que  l'oesophage  passat  cntrele 
coteet  le  foie,  comme  on  le  voit  dans  le  mammifere ;  mais 
c'est  encore  tout  le  contraire;  il  passe  du  cote  oppose,  du 
rule  que  nous  appelons  dorsal. 

Pour  qu'il  y  eut  analogie  dans  la  position  du  coeur  et  de  1'or- 
gane  respiratoire,  il  faudrait  qu'il  ffit,  comme  on  le  voit  dans 
Ic  mammifere,  au-dessus  du  diaphragme,  du  foie  ct  de  l'esto- 
mac;ce  qui  le  porterait  du  cote  que  nous  appelons  dorsal, 
mais  que  l'hypothese  appelle  ventral. 

C'est  tout  le  contraire  :  les  branchies  ct  le  cceur  sont  plus 
loin  de  la  tele  que  le  foie  et  l'estomac,  et  au-dessus  de  cettc 
pai  lie  que  Ton  a  voulu  appeler  diaphragme,  et  ou  l'on  a  mumc 
i  herche  a  voir  des  piliers  analogues  au  psoas,  piliers  qui  ne 
sont  autres  que  les  muscles  de  l'entonnoir,  deja  decrits  dans 
mon  Memoirc  sur  les  poulpes. 

Pour(pi'iljr  cut  analogic  dans  la  position  des  gros  vaisseaux, 
il  faudrait  que  la  principale  veine  et  la  principale  arterc  mar- 


SHR  LES  MOLLLSQUES.  i5 

chassent  ensemble  lc  long  du  mcrae  cote  on  serait  le  ccrveau. 

Cela  est  vrai  pour  l'artere,  dans  le  sens  ou  nous  prenons  les 
visceres  du  poulpe  ;  mais  e'est  tout  le  contraire  pour  la  veine; 
elle  marche  prccisement  du  cote  oppose  ;  en  cela  elle  se  con- 
formcrait  aux  vues  des  nouveaux  auteurs;  mais  on  ne  pent 
regarder  la  veine  comme  un  regulateur  preferable  au  cerveau, 
a  l'artere,  a  l'cesophage,  au  foie  et  aux  branchies;  la  situation 
opposee  ou  elle  se  trouve  est  seulement  une  preuve  plus  pal- 
pable qu'il  ne  peut  pas  y  avoir  identite  de  plan. 

Pour  qu'il  y  eut  analogie  dans  la  position  des  organes  de  la 
generation,  il  faudrait  qu'ils  fussent  dans  la  partie  repliee  sur 
la  nuque  ,  et  adosses  a  la  portion  de  ce  repli  qui  reviendrait 
sur  la  partie  dite  dorsale  par  les  auteurs. 

C'est  tout  le  contraire ,  ils  sont  dans  le  fond  de  la  bourse  ; 
immediatement  enveloppcs  parle  sac;  dans  la  partie  qui,  dans 
1'hypothese,  repondrait  au  ventre  et  meme  au  nombril. 

Pour  qu'il  y  eCit  analogie  dans  Tissue  des  organes  genitaux, 
il  faudrait  que  leurs  orifices  fussent  voisins  de  l'anus,  soit  en 
avant  comme  dans  les  mammiferes,  soit  a  ses  cotes  comme 
dans  les  poissons. 

Point  du  tout,  dans  les  femelles  du  moins,  il  en  est  tout  au- 
trement  :  les  oviductus  s'ouvrent  fort  loin  de  l'anus,  et  pres 
des  branchies. 

Je  ne  parlerai  pas  des  reins ,  ni  de  la  vessie,  qui  n'existent 
pas  dans  les  cephalopodes,  ou  que  Ton  ne  croit  dii  moins  re  - 
trouver  dans  le  tissu  spongieux  qui  communique  avec  les 
veines  que  par  une  hypothese  sans  preuves. 

Voila  des  demonstrations  plus  amples,  plus  abondantes  qu'il 
ne  faut ,  pour,  montrer  que  le  probleme  de  l'analogie  de  plan 
entre  les  cephalopodes  et  les  vertebres  n'est  pas  encore  rescdu. 

En  voila  en  meme  terns  assez  pour  prouver: 

i°  Que  le  cdte  brun,  qui  est  celui  du  cerveau,  est  le  cdte 
dorsal; 

2°  Que  la  mandibule  la  plus  saillante  du  bee,  celle  qui 
embrasae  l'autre,  repond  a  la  mAchoire  inferieure. 

On  en  a  une  preuve  de  plus  dans  la  position  de  la  langue, 


,(i  CONSIDERATIONS 

qui  ert  But  oetto  mandibute,  el  dans  BeBe  dy  pharynx,  qui  est 

sous  rautrc. 

.">'  Ou'il  serait  plus  facile  d'ctablir  quclque  analogic  de  si- 
tuation, an  supposant  1'animal  ploye  en  sens  inverse  de  celui 
de  I'hvpotlicse  ;  car  alors  le  cerveau,  1c  foie,  l'cesophage,  les 
esterases,  la  grande  artere,  resteraient  dans  la  memo  position 
respective  que  dan?  les  vertebres;  mais  les  occurs,  la  vcine , 
les  branchies,  les  organes  de  la  generation  seraient  toujours 
autrement  disposes,  et  le  probleme  ne  serait  pas  encore 
rcsolu. 

.!<•  vais  plus  loin  :  je  dis  qu'il  est  impossible  qu'il  le  soit  eu 
entier. 

Les  cceurs  et  les  branchies,  ces  organes  si  importans,  tou- 
jours en  rapport  avec  l'cesophage  dans  les  vertebfes,  en  sonl 
ioi  a  une  grande  distance ,  et  sans  aucune  connexion. 

II  en  resulte  necessairement  une  toute  autre  direction  dans 
les  vaisseaux. 

En  effet,  la  grande  veine  est  d'un  cote  oppose  a  la  grande 
artere. 

Au  lieu  d'une  veine  unique  entrant  dans  une  oreillette  uni- 
que, la  veine  ici  se  parlage  en  deux,  pour  donner  dans  deux 
ra'urs  bianchiaux,  qui  font  l'office  du  cceur  branchial  unique 
des  poissons. 

Le  cceur  aortique  qui  manque  aux  poissons  est  ici  prononce 
coranie  dans  les  animaux  a  sang  chaud,  mais  il  est  entierement 
separe  et  meme  assez  eloigne  des  coeurs  branchiaux. 

L'aorte,  qui,  dans  les  vertebres,  nait  toujours  dans  la  poi- 
trine,  soit  dessus  l'cesophage,  comme  dans  les  poissons,  soit  en 
le  contournant,  comme  dans  les  animaux  a  sang  chaud ,  nait 
ici  dans  le  fond  du  sac  ,  au  point  le  plus  oppose  a  l'ceso- 
phage ;  en  sorle  que  ses  rameaux  les  plus  eloignes,  qui,  dans 
les  vertebres,  sont  ceux  de  l'extremite  postcrieure,  sont  ici 
precisement  ceux  de  la  tete. 

Or,  comme  le  plan  d'un  animal  depend  essentiellement  de 
la  distribution  des  vaisseaux  qui  portent  a  ses  organes  la  nu- 
trition el  la  vie,  on  pcut  d  priori  soulenir  que  riderttite  de 


SUR  LES  JUOLLUSQUES.  17 

plan  des  cephalopodes  et  des  vertebres  ne  se  demontrera  ja- 
mais que  tres-partiellemenl. 

Un  autre  element  generatcur  du  plan  des  animaux,  plus 
essentiel  peut-etre  encore  que  leurs  vaisseaux,  c'est  leur  sys- 
teme  ncrveux.  '    ' 

Or,  comment  vcut-on  qu'il  y  ait  ici  la  moindre  analogic? 

Le  cerveau  est  enferme  dans  une  cavite  de  l'anneau  carlila- 
gineux,  qui  sert  de  base  aux  tentacules;  il  fournit  en  avant  les 
nerfs  de  la  masse  buccale,  puis  une  expansion  qui  occupe  le 
cote  de  l'anneau  cartilagineux,  et  donne  les  nerfs  des  grands 
tentacules.  De  la  base  de  cetle  expansion  nait  le  filet  qui  se 
renfle  pour  Former  lenonne  ganglion  de  l'ceil ;  une  autre 
branche  se  renfle  un  pen  plus  loin  en  un  ganglion,  d'ou  les 
nerfs  du  sac  partent  en  rayonnant;  une  troisieme,  jointe  a  sa 
correspondante ,  descend  dans  I 'abdomen,  et  se  distribue  aux 
visceres  ;  un  petit  filet  va  a  l'oreille.  # 

II  n'y  a  pas  la  moindre  trace  d'une  moelle  epiniere,  ni  de 
ces  nombreuses  paires  de  nerfs  qui  en  sortent  si  reguliercment 
dans  les  vertebres  :  aussi  n'y  a-t-il  ni  epine  du  dos,  ni  aucune 
des  paires  de  membres  ou  des  paires  de  cotes  qui  s'y  rat- 
tachent. 

Ce  qui  a  fait  illusion  aux  jeunes  auteurs  du  Memoire,  c'est 
la  position  de  l'oreille  du  cote  de  l'anneau  cartilagineux  op- 
pose au  cerveau.  Comme  dans  les  vertebres  l'oreille  est  vers 
1'arriere  de  la  tete,  ils  ont  cru  qu'elle  marquait  la  nuque;  mais 
l'oreille,  dans  les  vertebres,  n'est  pas  seulement  a  1'arriere  de 
la  tete  :  elle  est  aussi  sous  cette  arriere,sous  le  cerveau  ;  dans 
le  poulpe  elle  est  placee  de  meme,  puisque  cette  partie  de 
l'anneau  est  l'inferieure  :  seulement,  les  deux  oreilles,  au  lieu 
de  rester  simplement  aux  cotes  de  l'cesophage,  descendent 
plus  bas,  et  Pembrassent  en  dessous  ;  mais  c'est  toujours 
en  dessous  qu'elles  sont. 

Cc  que  je  viens  de  dire  du  systeme  nerveux  me  ramene 
a  la  composition  des  cephalopodes.  Ils  ont  done,  comme  nous 
l'avons  dit ,  un  cerveau  enferme  dans  une  cavite  a  part,  des 
t.  xtvi.  avbil  i83o.  u 


iK  CONSIDERATIONS 

yeux,  des  oreilles,  un  bee  forme  de  deux  mandibules,  une 
langue,  des  glandes  salivaires,  tin  oesophage ,  un  gesier,  un 
second  estoinac.  un  canal  intestinal,  un  foie,  des  branchies, 
del  cceurs,  des  arteres,  des  veines,  des  nerfs,  des  organes  des 
deux  sexes j  ovaires,  testicules,  oviductus,  epididimes,  verge, 
toutes  choses  qui  leuf  sont  communes  avec  certains  verte- 
brcs,  mais  tout  cela  autreiuent  dispose,  presque  toujours  au- 
Irement  organise. 

Rn  meme  terns  ils  manquent  de  tousles  osdu  crane,  de  tous 
(  cux  de  la  face,  de  vraics  machoires,  de  dents,  de  tousles  os  de 
I'appareil  hyoi'dien  et  de  I'appareil  brancbial,  de  toutes les  ver- 
tebres,  de  tous  les  os  des  extremites,  des  cotes,  du  sternum, 
des  muscles  adherens  a  toutes  ces  parties,  de  la  moelle  epi- 
niere,  de  tous  les  nerfs  qui  en  sortent,  du  pancreas,  des  reins< 
de  la  vessie. 

En  meme  terns  encore,  ils  out  beaucoup  de  parties  donl  il 
n'y  a  nulle  trace  dans  les  vertebres;  un  appareil  niusculairc 
tout  different,  et  approprie  a  leur  forme  si  extraordinaire  ;  sou- 
^  eat  une  coquille  d'une  structure  singulierement  remarquable, 
et  dont  aucun  vertebre  n'offre  le  moindre  ve9tige ;  un  organc 
excrementitiel,  qui  produit  cette  liqueur  noire,  connue  sous 
le  nom  d'encre  de  seiche  ou  de  sepia;  un  appareil  spongieux 
ou  glanduleux,  qui  communique  directement  avec  leurs  veines 
par  une  foule  d'orifices. 

Ces  tentacules  memes,  que  Ton  a  voulu  comparer  aux  bar- 
billons  des  poissons,  ne  leur  ressemblent  ni  par  l'organisation, 
ni  paries  connexions. 

Leur  complication  est  prodigieuse ;  des  nerfs  renfles  d'es- 
pace  en  espace  en  nombreux  ganglions,  fournissant  d'innom- 
brables  filets,  des  vaisseaux  tres-prononces  divises  aussi  en 
innombrables  rameaux  les  parcourent  et  les  animent.  Des 
ventouses  d'une  structure  admirable  leur  fournissent  une  ar- 
murc  d'un  genre  unique.  Enfin,  le  principal  barbillon  des 
poissons  n'est  qu'un  prolongement  de  leur  os  maxillaire,  et 
les  tentacules  des  ccphalopodes  nc  sont  pas  meme  attaches 


SLR  LES  MOLLUSQUES.  ,}) 

au  bee  qui,  sans  representor  absolument  les  machoires  ,  en 
remplit  cependant  les  functions. 

Je  le  demande  maintenant :  comment  avecces  nombreuses, 
ces  enormes  differences,  en  moins  d'un  cote,  en  plus  de 
l'autre,  pourrait-on  dire  qn'il  y  a  entre  les  cephalopodes  et 
les  vertebres  identitede  composition ,  unite  de  composition  ,  sans 
detourner  les  mots  de  la  langue  de  leur  sens  le  plus  mani- 
feste  ? 

Jeramenetous  ces  faits  a  leur  veritable  expression,  en  disant 
que  les  cephalopodes  out  plusieurs  organes  qui  leur  sont 
communs  avec  les  vertebres,  et  qui  remplissent  chez  eux  des 
fonctions  semblables ;  mais  que  ces  organes  sont  autrement 
disposes  entre  eux,  souvent  construits  d'une  autre  maniere  ; 
qu'ils  y  sont  accompagnes  de  plusieurs  autres  organes  que  les 
vertebres  n'ont  pas,  tandis  que  ces  derniers  en  ont  aussi  de 
leur  cote  plusieurs  qui  manquent  aux  cephalopodes. 

J'avoue  qu'en  disant  cela,  je  nc  dis  autre  chose  que  ce  qu'onl 
dit  beaucoup  d'autres  avant  moi;  mais,  si  je  n'ai  pas  le  merite 
delanouveaute,  je  me  flalledu  moins  d'avoircelui  de  la  verite 
et  de  la  justesse,  et  celui  de  ne  point  enibrouiller  1'esprit  des 
commencans,  par  des  expressions  noa  definies  qui  semblent, 
dans  le  vague  qui  les  enveloppe  ,  presenter  un  sens  profond, 
mais  qui,  analysees  de  pres,  ou  sont  enlierement  contraires 
aux  faits,  ou  ne  signifient  que  ce  que  Ton  a  dit  de  lous  les 
terns  avec  plus  ou  moins  de  detail  dans  l'application. 

Dans  mes  communications  suivantes,  j'examinerai  plusieurs 
autres  principes  ,  plusieurs  autres  lois  annoncees  par  divers 
naturalistes;  mais,  pour  que  ces  lectures  ris  se  bornent  pas  a 
des  questions  metaphysiques,  j'aurai  soin  qu'elles  se  rat- 
tachent  toujours,  comme  telle  d'aujourd'hui,  a  quelques  de- 
terminations de  faits  dont  la  science  puisse  tirer  un  parti  phis 
solide  que  de  ces  oiseuses  generalites. 


Nota.  Le  ,M»';moire  qui  precede,  et  que  sou  illustre  auteur  a  bien  voulii. 
ous  communiquer,  a  paru  devoii  intcresser  vivement  uos  lectcurs  par 


ao  OBSERVATIONS 

lea  liaules  consideration*  pliilosnpliiqiics  qui  s'y  tiouvcnt  exposecs.  II  a 
donne  lieu  a  une  discussion  Ircs-animcc  enlrc  deux  savans  qui  onl  egale- 
ment  dca  droits  a  1'eslime  publique  cl  4  la  reconnaissance  de  tout  les 
amis  des  sciences.  II  ne  saurait  entrer  dans  Ic  plan  do  notre  Recueil  de 
reprodnire  dans  Ions  ses  details  one  discussion  poremeril  scientifiquc  et 
leclinique;  niais  nous  avons  cm  juste  et  convenable  de  placer  iniine- 
diateiuent  a  la  suite  du  Mcmoirede  M.  Cuvier  le  precis  de  la  repliquc 
laile  par  M.  Gcoflroy-Saint-IIilaire  (que  nous  nous  lionorons  de  compter 
parmi  nos  collaborateurs),  afin  que  la  vue  generate  qui  preside  a  ses  ob- 
servations puisse  etre  appreciee. 

N.  d.  R. 


Observations  sur  tc  Memuirc,  precedent ,  par  M.  Geoffroy- 
Saint-Hilaire. 

i\I.  Geoflroy- Saint -Hilaire  a  repliquc  a  pcu  pros  en  ces 
te lines  : 

«J'avais  cru  epuisee  la  susceptibilite  que  M.  le  secretaire 
perpetuel,  baron  Cuvier,  avait  montree  dans  la  dcrniere  seance. 
Cbacun  ici ,  et  moi  plus  particulierement,  nous  avions  cru 
IM.  Cuvier  ramene  par  ma  concession  faite  avec  tout  l'abandon 
d'une  franche  amitie.  Malheureusement  il  n'en  est  rien.  Le 
uuage  cleve  entre  nous  n'est  done  point  dissipe  :  e'est  la  pour 
moi  n n  juste  sujet  d'aflliction  et  de  regrets.  Mais,  d'ailleurs, 
je  ne  puis  me  defendre  d'une  certaine  satisfaction,  quand  je 
vois  mon  savant  confrere  aborder  enfin  de  graves  ques- 
tions que  chacun  de  nous  a  jusqu'a  present  comprises  diffe- 
remment ,  et  sur  lesquellcs  il  me  parait  utile  que  nous  nous 
expliquions. 

»  Je  ne  suis  point  prepare  pour  traiter,  ex  abrupto ,  loutes 
les  questions  qui  viennent  d'etre  soulevees,  et  je  me  conten- 
lerai  aujourd'lnii  de  presenter  brievement  quelques  rcmarques 
prcliminaires  : 

a  1°.  J'applaudis  a  la  demarche  de  M.  Cu\  ier,  laquelle  tend 


SIJH  LE  MEMOIRE  PRECEDENT.  21 

a  ramener  les  jours  brillans  tie  l'ancienne  Academie  des  scien- 
ces ,  ou  tous  les  sujets  eleves  de  nos  connaissances  etaient 
reproduits  successivement  et  eclaires  par  vine  discussion  ap- 
profondie. 

«  20.  Sur  le  fond  de  Pargunreritatfon ,  je  n'abuserai  pas 
long-lems  aujourd'bui  de  la  patience  de  l'Academie.  J'y  aper- 
cois deux cbosesdislinctes,  deux  questions;  l'une,  qui  concerne 
deux  jcunes  savans  qu'il  m'avait  paru  utile  d'encouragcr,  el 
l'autrc,  qui  me  regarde  personncllement. 

»  Premlcrement  :  MM.  Laurencet  et  Meyranx  auraient-ils 
devance  de  beaucoup  I'heure  propice  pour  ramener  les  mol- 
lusques  aux  faits  generaux  de  la  science?  Par  leur  idee  nou- 
velle  et  ingenieuse,  comprennent-ils  mieux,  en  effet,  que  leurs 
devanciers,  doivent-ils  i'aire  mieux  comprendre  l'organisation 
de  ces  animaux?  Ce  soin  les  regarde,  et  je  leur  laisse  toute 
cette  responsabilite,  c'est-a-dire,  tous  les  devoirs,  les  dangers, 
mais  aussi  la  gloire  d'unc  rcplique  a  produire.  Quant  a  moi, 
je  les  ai  loues  setilement  d'etre  entires  courageusement  dans 
une  nouvelle  voic  de  rechercbes ,  d'avoir  demande  a  une 
comparaison  approfondie  des  organismes  de  nouveaux  rap- 
ports. 

»  C'etait  justice,  et  je  m'applaudis  de  la  leur  avoir  faite 
bonne  et  eclatante  :  car  je  crois  toujour*  qu'il  y  a  du  merite 
dans  leur  vue  piincipale.  Satis  le  moindre  doute,  il  y  a  en  de. 
ma  part  vive  preoccupation  d'esprit,  mais  non  entrainemcnt 
et  legcrete.Les  considerations  dont  je  ne puis  memo  a  present 
medegager  sont  que  de  grands  et  important  organcs  existent 
aussi-bien  cliez  les  mollusques  que  cbez  les  poissons,  qu'on 
leur  y  donne  le  me  me  nom,  pane  qu'ils  y  alTeclent  des  for- 
mes seinl)lab!es  et  y  remplissent  des  fonctions  identiques.  Que 
plusieurs  renseignemens,  non  encore  donnes par  le  progres 
des  etudes  pbilosopbiques,  manquant  toujours,  ces  points  de 
ressemblance  n'en  sont  pas  moins  des  rapports  averes.  Or,  que 
conduce  d'eux  el  ayec  eux  ?  C'est ,  je  ne  me  defends  pas  de  le 
dire  par  pressenliment.  dome  decider lout-a^fai'l  d  priori,  c'est 
que  ces  organes  scmblables  ne  pcuvent  so  rencontrer  chez  les 


■22  OBSERV.  Sim  LE  MKM.  PRECEDENT. 

mollusques  dans  un  contrc-sens  manifesto  les  uns  a  regard  des 
autres,  pour  y  donner  le  spectacle  d'un  autre  sysleme  de 
composition  animalc,  pour  produire  ce  resullat,  impossible 
suivant  moi ,  d'unc  harmonic  parfaite,  quant  aux  fonctions, 
causae  par  un  desordrfi  dans  Passociation  d'organes  dont  la 
structure  ellc-mcme  ne  s'ecarte  en  rien  des  regies  de  forma- 
tion. J'ai  done  dit,  dans  moil  Happort,  et  je  persevere  dans 
cette  opinion,  que  je  vois  plus  de  chances  pour  la  probability 
qu'un  jour  les  mollusques  seront  ramenes  dans  une  niesurc 
quelconque  a  l'unite  de  composition,  qu'en  faveur  de  la  con- 
clusion qu'on  n'y  reussira  jamais. 

<■  Deuicicmemcnt  :  L 'argumentation  attaque  dircctcment  lc 
fond  de  ma  doctrine,  les  questions  de  l'unite  de  composition 
organique.  Ne  serait-ce  effeetivement ,  comine  cette  attaque 
le  donne  a  entendre,  qu'une  de  ces  fausses  doctrines,  produit 
fucheux  de  propositions  illusoires,  de  chimeres  pretendues 
philosophiques,  tclles  que  Tabus  dans  l'emploi  des  bonnes 
choses  en  fait  si  souvent  eclore?  Ccci  me  concerne  unique-* 
ment,  et  j'en  prendrai  personnel  lenient  soin.  On  sait  que  e'est 
le  reve  heureux  on  malheurcux  de  ma  vie  scientifique.  La  ont 
about]  toutes  mes  recherches,  les  travaux  de  quarante  annees 
entrepris  avec  courage  et  poursuivis  avec  perseverance.  Voila 
ce  qu'il  sera.it  regrettable  d'avoir  fait  sans  fruit.  Mais  je  n'en 
suis  pas  encore  redu.it  a  ce  point.  Les  paroles  que  je  viens 
d*ouir  n'ont  en  rien  ebraule  ma  conviction.  C'est  lout  ce  que 
je  puis  me  permettre  de  dire  en  ce  moment.  Je  defendrai  ce 
qui  est  propre  a  ma  doctrine  autrement  que  par  cette  allega- 
tion, et  je  le  fcrai  par  un  Memoire,  que  je  me  flatte  d'apporler 
incessamment. » 

Nota.  La  Revue  Encyclopediquc,  qui  s'etait  empressee  de  publier  les 
idees  de  M.  Geoffrov-Saint-Hilaihe,  a  salisfait  a  un  sentiment  de  jus- 
tice, en  faisant  aussi  connaitre  les  doctrines  contraires  de  M.  le  baron 
Cuvieh. 

M.  ledocteur  Paiiset  a  present 6  (voy.  Rev.  Enc,  t.  in,  pag.  32  (juillel 
1819),  l'expose  des  principes  generaux  et  des  doctrines  de  M.  (Sebflroy, 

M.  Flourcns  a  insure  depuis,  dans  le  meme  Reciieil  ( t.  v,  page  219, 
I'evrier   1820),    un  article  doni    le  dernier   paragraphs  contient  eelic 


DE   REGIME  PEMTENTIAIRE.  a3 

conclusion  :  o  La  marclie  philosophique  imprimee  desormais  a  celte 
science  (['analomie  comparative)  en  rendra  facile  one  application  directe 
et  rigoureuse ,  et  M.  Geoffrey  lui  aura  acquis  tous  les  genres  de  perfec- 
tion, car  il  I'aura  generalisee  et  popularisee  »  . 

Enfin,  M.  Frederic  Guvicr  (t.  xvi,  p.  246,  fevrier  1820)  a  aussi  insiste 
sur  la  nouveaute  et  l'utilite  des  idees  de  la  Philosophic  analomique.  Aujour- 
d'hui,  que  se  realise!) t  des  evenemens  qu'il  previt  des  1820,  et  dont  il  s'ef 
forcait  des-lors  d'adoncir  l'amertume  par  des  consolations  et  des  consi- 
derations elevees,  M.  Frederic  Cuvier  se  trouve  avoir  vraiment  fait  en- 
tendre des  paroles  prophetiques. 

Cette  polemiqne  entre  M.  le  baron  Cuvier  et  M.  Geoffroy-Saint-Hi- 
laire  a  ete  contiouee,  tous  les  lundis  du  mois  de  mars,  devant  I'Aca- 
deroie  des  sciences;  uiais  celui-ci  l'a  terminee,  leoavril,  par  uneanuonce 
sous  forme  de  prospectus.  «  Continuer  davantage  notre  ltitte  passionncc, 
a  dit  M.  Geoffroy,  ce  serait  amener  plutot  le  decri  de  la  science  que  le 
triomphe  de  la  veiite.  Cependant  on  aurait  dit  a  tort  que  quelques  con- 
cessions, evitant  la  confusion  de  termes  mal  definis,  resoudratent  plu- 
sienrs  questions.  On  se  trompe  en  cela,  continue  M.  Geoffroy  dans  son 
prospectus  distribue  a  ses  confreres;  il  y  a  au  fond  des  cboses  tin  fait 
grand,  essentiel,  vraiment  fondamental,  dormant  tine  ame  a  l'liistoire  na- 
turelle,  et  appelant  des-lors  les  generaliles  de  cette  science  a  devenir  la 
premiere  des  pbilosophies.  » 

M.  Geoffroy-Saint  Hilaire  publiera,  par  Iiviaispr.s,  tonics  les  questions 
soulevees  et  controversies  dans  le  sein  de  1'Academie.  La  premiere  li- 
vraison  est  sous  presse,  et  paraitra  prochainement  cbez  MM.  Pichon  et 
Didier,  quai  des  Augustins,  n"  4/- 


DE  L'EMPRISONNEMENT  SOLITAIRE 

AUX  ETATS-UN1S  (1). 

( Solitary  confincmen  t.  ) 

L'einprisoniienient  solitaire  a  souleve  entre  les  publicises 
de  l'Ainerique  et  de  l'Europe  meme   ttne  polemiqne  vive  et 

(1)  Cet  article  est  extrait  de  la  conclusion  generate  de  1'ouvrage  de 
M.  Charles  Lucas  sur  le  Syslimc  penitcntiaire  en  Europe  et  aux  Elals- 
I'nis.  Cette  conclusion,  annoncce  dans  le  second  volume  qui  \ient  de 
paraitre,  est  sous  presse  pour  ehc  publiee  dans  quelques  jmjis. 


a4  DU  REGIME  PENITENTIAIRE. 

animee  dans  laqucllc  on  noussemblc  avoir  bcaucoup  exagerir 
de  part  ct  d'atitre  les  bons  commc  les  manvais  cffets  de  ce 
svsli me  Ce  qui  a  fail  aussi  anx  partisans  de  cot  empri- 
sonnement solitaire,  comme  a  scs  adversaires,  franehir  les 
bornos  du  vrii .  e'est  que  les  uns  et  les  autres  n'ont  point 
adniisunc  distinction  essentielle  entre  l'empi  isonnement  soli- 
taire considere  comme  punitioi;  disciplinaire  et  comme  cba- 
tinient  juridique.  Des  lors,  le  tort  des  nns  a  ete  d'etendre  a 
l'usagc  disciplinaire  de  cet  emprisonnement  les  dangers  uni- 
quement  attaches  a  son  emploi  juridique,  et  celui  des  autres 
d'etendre  a  son  emploi  juridique  l'efflcacile  exclnsivement 
reservce  a  son  usage  disciplinaire.  D'un  cote,  en  effet,  les  de- 
fenseurs  dc  i'emprisonnement  solitaire,  ainsi  que  nous  le 
verrons,  le  presentment  comme  un  chatiment  qui,  parson  eifi- 
cacite  universelle,  resout  a  lui  seul  le  probleme  du  systeme 
peniter.tiairc  et  doit  en  etre  la  base.  D'un  autre  cote  ses  ad- 
versaires gcneraliscnt  egalcment  leurs  graves  reproches  et 
leurs  violentes  recriminations.  William  Roscoe,  de  Liverpool, 
un  des  criminalistes  les  plus  eclaires  de  1'Angleterre,  mais 
aussi  l'un  des  adversaires  les  plus  decides  de  I'emprisonne- 
ment solitaire,  s'exprime  ainsi  (1)  :  «  Ce  mode  de  chatiment, 
le  plus  inbumain  que  la  cruaute  d'un  tyran  ait  jamais  invente, 
est  une  atteinle  p'ortee  a  la  destination  de  notre  nature,  une 
violation  direcle  des  premiers  principes  du  christianismc.  »  Et 
plus  loin  il  dit,  en  parlant  du  eondamne  ainsi  detenu  :  «Qu'il 
epuisera  tons  les  genres  d'infortune,  el  qu'il  terminer  a  ses 
joins  dans  une  accumulation  de  souffrances  que  la  nature 
humaine  ne  pent  supporter.  »M.  Roscoe  cite,  a  1'appui  de  son 
opinion,  celle  du  general  Lafayette  qui  declare  q a' adopter  ce 
systeme  <t emprisonnement,  e'est  /'aire  rcrirrc  ct  rcmettrc  envi- 
gueur  tecode  inluiinain  d'un  siccte  d'  ignorance  ct  de  barlxwie  (2). 
Le  langage  de  la  defense  et  de  1'attaque  offre  dc  part  et  d'autre 

(1)  Roscok,  stir  la  Discipline  ponitcntiaire.  Londres,  1S2-;  pag.  ?4  ct  26. 
(7.)  Lcllrc  <lu  general  Lafayette,   cilec   dans  la  brochure  dc   Roscoe , 
page  5 1. 


DU  REGIME  PENITENTlAIPvE.  a5 

un  sens  trop  general  et  trop  etenduqui  presupposerait  a  I'em- 
prisonnement solitaire  an  plus  haul  degre  cette  egalite  d'in- 
fluence  qui  est  la  vertu  qui  lui  manque  precisement  le  plus. 
Avant  meme  d'interroger  les  faits  que  nous  laisserons  bientot 
parler,  il  suffit,  a  ce  qu'il  nous  semble,  de  jeter  les  yeux  sur 
la  nature  humaine  et  les  conditions  sociales  pour  y  apercevoir 
des  differences  de  caractere  et  de  position  qui  font  nccessaire- 
ment  de  la  solitude  un  chatiinent  tres-inegal.  Etpour  s'en  tenir 
uniquenient  a  ce  point  de  vuc  sous  lequel  Pioscoe  et  Lafayette 
ont  envisage  I'emprisonnement  solitaire,  c'est-a-dire  son  in- 
fluence sur  l'espril  on  le  moral  des  detenus,  toutes  ces  nuances  si 
tranehecsde  constitution,  d'education,d'habitudes,  demceurs, 
qui  modifient  si  differemment  la  scnsibilite  morale ,  ne  laissent 
pas  assurement  tons  les  homines  egalement  accessibles  a  la 
honte,  au  remords,  et  a  toutes  ces  souffrances  morales  qui 
sont  subordonnees  a  tant  d'antecedens  d'organisation  liu- 
maine et  "de  position  sociale.  Sans  doute  l'homme  doue  par 
la  nature  de  cette  scnsibilite  active  qui  s'est  ensuite  develop- 
pee  par  toute  la  puissance  de  l'education,  cet  homme  vivant 
seul  dans  sa  cellule  solitaire  avec  ses  pensees,  ses  reflexions 
et  ses  remords,  eprouverait  des  tortures  morales  auxquelles 
la  douleur  materielle  ne  saurait  etre  comparee.  Mais  est-ce 
parmi  ces  bommes  d'une  education  recherchee  que  se  recrute 
la  population  des  prisons,  et  faul-il  prendre  la  son  point  de 
depart  pour  juger  de  l'infiuence  de  I'emprisonnement  solitaire 
sur  la  masse  des  condamnes  ?  Cette  masse  est-elle  donee  d'une 
sensibilite  bien  exquise  et  d'une  conscience  bien  active  ?  «  Cette 
population  des  prisons  se  compose,  en  general,  observent  avec 
justesse  les  redacteurs  du  Code  penal  de  Pensylvanie,  d'hom- 
mes  dontle  sens  moral  est  emousse  parunelongue  habitude  du 
vice,  a  qui  il  arrive  rarement  de  se  retracer  les  doux  souvenirs 
des  relations  domcstiques,  et  qui  regardent  une  laborieuse  in- 
dustrie,  sous  toutes  les  formes,  comme  le  plus  dur  des  cha- 
timcns.  »Delivre  de  toute  occupation  iudustrielJe,  le  detenu, 
s'il  est  d'un  esprit  luurd  et  apathrque  conime  il  s'en  rencontre 
taut  dans  ces  classes  iguorautcs  et  nii-'iables  qui  peuplent  les 


•iG  DU  REGIME  PENITIvNTIAIRE. 

prisons,  oe  sera  gin're  moraleinenl  affecte  de  cclte  oisivete 
accompagnee  de  .solitude.  On  ue  peut  concevoir,  en  effet,  com- 
bien  de  circonstanccs  tide  choses  les  plusinsignifiantes  feront 
naitre  pour  lui  des  occasions  de  distraction  et  d'amusenient 
mt'ine.  Ajoutcz-y  rinnucncc  de  l'babitude,  cet  agent  tout 
puissant  pour  le  mal  comme  pour  Ie  bien ;  et  vous  senlirez 
qu'un  pared  esprit  sera  bientot  familiarise  avec  la  inonotonic 
de  la  solitude. 

Si  le  detenu,  au  contraire,  est  un  de  cesespritsactifs  et  en- 
treprenans  qui  se  rencoutrent  malheureusement  dans  la  car- 
riere  du  vice  comme  dans  toutes  les  autres,  son  imagination, 
non  preoccupee  par  quelque  travail  industriel,  s'attachera  a 
combiner  quelques  plans  d'occupation  future  et  de  procbaine 
evasion.  «  Pendant  tout  le  tems  de  mon  emprisonnement  dans 
le  donjon  solitaire  d'Olmutz,  nous  dit  le  general  Lafayette  (i), 
toutes  mes  pensees  se  portaient  sur  un  seul  objet,  et  ma  tete 
etait  remplie  de  plans  tendant  a  revolulionner  1' Europe.  » 
Et  il  ajoute,  en  faisant  allusion  ausysteme  d'emprisonnement 
solitaire  que  Ton  se  proposait  de  mettre  en  pratique  dans  la 
uouvelle  prison  pres  de  Philadelphie  :  «  Je  crois  que  le  voleur 
i'era  de  meme,  et  il  rentrera  dans  lasociete  la  tete  remplie  de 
plans  qu'une  occasion  si  favorable  lui  aura  permis  d'ima- 
giner.  » 

Rien  n'est  done  plus  faux  que  de  generaliser  1'influenre  de 
Pemprisonnement  solitaire  comme  impression  morale  sur 
Pesprit  des  condamnes,  etd'en  fairc  ainsi  un  theme  de  decla- 
mations pour  ou  contre  ce  systeme.  On  pourrait  cependaul 
admettre  un  cas  exceptionnel  peut-etre.  II  est,  en  efl'et,  des 
impressions  qui  tiennent  moins  aux  degres  divers  de  la  civi- 
lisation qu'aux  inspirations  communes  de  la  nature,  et  qui  dtss 
lors  doivent  agir  sur  tous  les  hommes  avee  un  certain 
caractere  de  generalite.  C'est  ainsi  que  les  directeurs  du 
penitentiaire  de  la  Virginie  declarent ,  dans  leur  rappoi'l 
a  la  legislature   de    decembre    1825,  «  que    depuis   que    la 

(i)  Lelli'c  dirja  ctlee. 


DU  REGIME  PENITENTIAIRE.  27 

facuite  de  faire  grace  a  etc  enlevee  au  pouvoir  execulif,  il  n'y 
a  pas  d'exemple  qu'un  convict,  condainne  a  vie,  ait  survecu 
a  Pattaquc  d'une  maladie.  Cette  attaque  a  cte  fatale  dans  tous 
les  cas.  »  C'est  que  Pcsperance  n'est  point  line  conquete  de 
la  civilisation,  mais  un  don  de  la  divinite,  une  condition  de. 
notre  existence,  un  besoin  de  notre  nature,  et  qu'il  n'est  ainsi 
aucun  homme,  quel  qu'il  soit,  qui  puisse  echapper  aux  lour- 
mens  du  desespoir.  Eh  bien,  nous  croyons  qu'il  faut  en  dire 
autant  de  la  souffrance  des  remords  que  certains  crimes  sou- 
leventdans  l'ame  humaine!  Si  les  acquisitions  et  les  habitudes 
de  Peducation  mettent  autant  de  distance  parnii  les  hommes, 
et  modifient  d'une  maniere  si  differente  leur  sensibilite,  du 
moins  il  est  des  notions  primitives  dans  l'intelligence  et  le 
sentiment  desquels  tous  les  hommes  se  rapprochent  et  s'ac- 
cordent  dans  quelque  condition  sociale  qu'ils  soient  nes.  Or , 
il  est  des  crimes  qui  revoltent  tellement  ces  notions  et  ces 
sentimens  de  convenance,  qu'il  n'est  pas  d'ame  humaine, 
apres  le  moment  de  l'effervescence  de  la  passion,  qui  n'en 
soit  profondement  et  cruellement  troublee,  et  qui,  des  lors, 
ne  soit  epouvantee  de  se  trouver  dans  la  solitude,  en  face  de 
ses  reflexions  et  de  ses  remords.  C'est  pour  les  grands  crimes, 
en  eflVt,  que  la  solitude  devient  une  peine  morale  terrible 
pour  tous,  et  pire  pour  Passassin  que  la  mort  meme.  Mais  en 
dehors  de  cette  sphere,  dans  tous  les  autres  cas  ou  l'ame  hu- 
maine n'a  pas  ete  assez  ebranlee  pour  absorber  toule  Patten- 
lion  du  coupable  dans  la  pensee  de  son  crime  et  en  faire  Pidee 
fixe  de  sa  solitude,  il  ne  faut  croire  a  PefTicacite  du  solitary 
confinement  que  dans  son  einploi  purement  disciplinaire,  ainsi 
que  le  prouve  Pexpose  de  son  histoire  et  de  ses  effets  dans  les 
penilenciers  des  Etats-Unis. 

Charles  Lvcas, 


■=®^^c= 


II.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 


SCIENCES  PHYSIQUES  ET  INATURELLES. 

STATISTIQUE. 

kipport  sur  les  institutions   de   bienfa1sance  du    royaiuue 

(des  Pays-Bas);  1827  (1). 
Kapport  svr  l'etat  TtES  ecoles  scperievres,  moyennes  ET  PRl- 

MAIRES;     1827    (2). 

Nous  avons  insure  dans  ce  rccueil  (voy.  Rev.  Enc,  t.  xxxvi, 
deecmbre  1827,  p.  5ofi  )  un  article  sur  le  mouvement  de  la 
population  dans  le  royaume  des  Pays-Bas.  Les  documens  sta- 
tistiques  que  nous  offrons  lei  peavent  etre  considercs  eomme 
y  faisant  suite  :  nous  les  avons  extraits  des  deux  Rapports  que 
le  ministre  de  Pinterieur  presente  annuellement  aux  Etats- 
generaux  sur  l'etat  de  Pinstruction  el  sur  les  institutions  de 
l>ienfaisance,  et  nous  y  ajoutons  quelques  aulres  details  que 
uou-  avons  cu  Poccasiou  de  recueillir  a  des  sources  tres-au- 
tlientiques  (5). 

Comme  notre  premier  article  fait  connaitre  Petendue  et  la 
population  des  provinces  pour  1824,  nous  croyons  d'aulanl 
plus  inutile  de  repeter  ces  documens  que  l'on  s'occupe  d'un 
nouveau  denombrcment  de  In  population,  et  que  les  opera- 

(1)  Braxelles,  1829;  Weisseobruch,  imprimeur  <lu  roi.  In-8". 

(2)  Bruxellrs,  1S29;  Weissenbnicli.  ln-8". 

(3)  Reeherehes  statistiques  sur  le  royatuuc  des  Pays-lias,  pur  A.  Qik- 
tf.let,  pour  faire  suilr  aux  Itccliarhcs  sur  la  population,  etc.  Bruxclles, 
1S29;  Tarlier.  In-S". 


SCIENCES  PHYSIQUES.  29 

lions  du  cadastre  ne  sonl  pas  encore  entierement  achevees. 
Des  que  ces  deux  operations  importantes  seront  terminees, 
nous  nous  empresserons  d'en  faire  connaitre  les  resultats. 
Nous  nous  bornerons  a  dire,  pour  le  moment,  que  l'etendue 
du  royaume  est  evaluce  a  6,  198, 107  hectares,  dont  4,653,656 
cultives,  1,283,765  incultes,  25, 751  batis,  et  255,oo/  for- 
mant  des  chemins  et  canaux. 

D'apres  les  comptes  rendus  au  roi,  les  depenses  et  les  re- 
cettes  ont  presente  les  valeurs  suivantes,  depuis  l'organisation 
du  royaume  jusqu'en  1827. 


Exercices. 

Depenses  (1). 

Recetles. 

1816 

116.774,402  ft. 

i4o,o23,658fl, 

1817 

1 1 1,877,561 

83, 4i6,654 

1818 

94,825,409 

83,075,521 

1819 

92,361,408 

80,933,971 

1820 

85,o3o,664 

8o,472v34 

1821 

91,454,256 

89, 3i 1,721 

1822 

gi,423,Co6 

85,272,108 

1820 

93,922,428 

96,150,985 

1824 

101,878,147 

81,009,677 

1S25 

106,177,979 

95,954,765 

1826 

112,116,749 

io4,542,4i3 

Or,  en  calculant  la  valeur  moyenne  des  recettes  pour  la  pe- 
riode  decennale  qui  a  precede  l'annee  1827,  et,  en  la  com- 
parant  a  la  population,  on  trouve  qu'un  individu  payait  une 
valeur  moyenne  qui  s'elevait  a  14  florins  48  cents ,  valeur 
qu'il  faut  augmenter  de'42  cents,  si  Ton  tient  compte  des  re- 
venus  provinciaux. 

Si  nous  passons  maintenant  a  ce  qui  concerne  Pinstruction, 
nous  observerons  qu'elle  comprend  trois  degres  differens. 
Les  depenses  faites  pour  V instruction  primaire  proviennent 
soit  du  tresor  de  l'Etat,  soit  des  fonds  provinciaux,  soit  des 
caisses  communales;  ces  sommes  ont  ete  respectivement  de 
516,361,92  fl.  ;  de   96,707,25  fl.  ,   et   de  1,006,501,07  fl. 

(1)    10,(100  florins  des  Pays-Has  font  21,164  f'r.  02  c. 


5o  SCIENCES  PHYSIQUES. 

Lc  tableau  suivant  indiquc  les  sonimes  partiellcs  qui  out  cti- 
I'tuiniies  par  les  differences  provinces;  nous  y  avons  joint  le 
nombrc  des  eleves  qui  frequentaient  les  ecoles  primnires  et 
0t  les  colleges ,  d'apres  les  rapports  des  annces  antericures. 


FO.\l>9  KLKVES  fc'l.TES 

-tvns  des  caisscs  des  exoles  dans 

ociaux.        coniniunales.        primaiies.       les  college 


Provinces. 

Brabant  septentrional 2,5oofl.       54,i9;fl.  ^7,978  420 

Brabant  meridional 10,000  90,681  43,54i  779 

Limbourg 3,5oo  53,33i  23,754  78a 

Cucldre io,4o4  6i,383  33,i55  172 

Liege 6,000  19,42a  25,533  634 

FUnulrc  orientate 8,800  34,234  55,872  274 

Flandre  occidental 5,ooo  50,669  57,122  256 

Hainaut 4'000  60,762  60,437  1,263 

Hollande  septcntrionale.  .  .  .  12,317  161, 5gj  4S,o48  221 

Hollande  meridionale io,o45  u4,8i6  50,175  225 

Zeiandc 1  ,^91  55,268  ij,2of>  37 

Namur 7)875  55, 206  22,978  455 

jlnvers 2,000  36,761  3i,4oi  5^o 

Utrecht 11,800  36,197  i5,66'6  119 

Prise 200  55,826  26,933  121 

Oiierysset 875  26,291  25,872  n5 

Groningue »  >4v27  21, 588  84 

Drenthe »  io,i55  8,899  2t> 

Luxembourg »  55,178  34,904  5o5 

Totaux 96,707  1,006, 5oi  633,859  7,o58 

Quant  aux  eleves  qui  se  trouvaienl  dans  les  six  universites 

au  1"  novembre  1827,  et  qui  etaient  inscrits  sur  les  listes  des 

differentes  facultcs  ;  en  voici  le  tableau  : 

UNIVERSITES.  rliltnsnpliir 

Tlieologif.  flinil.  Medecine.    Sciences.    etLeU.es.  Totiix. 

Leydc i58  191  62           10  167  588  (1) 

Utrecht 169  95  21            45  16S  498 


(1)  Dans  le  nonibre  des  eleves  en  medecine  sont  compris  22  jeunes 
gens  qui  suivent  en  nienie  lems  les  coins  de  cctte  faculte  et  les  coins 
perparatoire*. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  Si 

Groningue 92  68  29  i4  84  287 

Louvain »  i58  70  83  3;3  678(1) 

Liege »  «85  89  78  i54  5o6 

Gand. »  207  i65  11  21  4°4  (2) 

En  comparant  a  la  population  le  nonlbre  des  enfans  qui 
frequentent  les  e'cbles  primaires,  on  trouve  que  nous  en- 
voyons  aiix  ecoles  100  enfans  par  947  habitans.  Sur  3,938 
communes,  il  en  restait  neanmoins  encore  684  sans  ecoles, 
en  1826.  Le  nouveau  rapport  annonce  des  ameliorations  nom- 
breuses  a  cet  egard.  Parmi  les  ameliorations  qu'a  recues 
1'enseignenient,  nous  ne  devons  pas  omettre  de  citer  aussi  la 
creation  d'un  grand  nombre  de  cours  publics  pour  l'enseigne- 
ment  des  sciences  et  particulierement  de  la  mecanique  indus- 
trielle.  II  s'est  organise  egalement  di verses  institutions  parlicu- 
lieres  pour  l'industrie  et  le  commerce.  Depuis  quelque  tems 
le  gouvernement  avait  reuni  plusieurs  commissions  pour 
revoir  les  reglemens  des  universites  et  de  l'enseigiiement  en 
general,  et  pour  lui  indiquer  les  changemens  et  les  ameliora- 
tions dont  ils  etaient  susceptibles.  Ces  commissions  ont  pre- 
sente  leurs  rapports,  et  un  projet  de  loi  sur  Pinstruction  est 
sounds  en  ce  moment  a  la  discussion  des  Etats-generaux. 

Les  institutions  de  bienfaisance  dans  le  royaume  des  Pays- 
Bas  sont  peut-etre  plus  nombreuses  que  partout  ailleurs;  on 
peut  les  classer  sous  trois  litres  differens  ;  savoir  : 

i°  Les  institutions  qui  accordent  des  secours ;  —  20  les  ins- 
titutions qui  ont  pour  but  de  diminuer  le  nombre  des  pau- 
vres;  —  5°  les  institutions  qui  tendent  a  prevenir  l'indigence. 

Les  institutions  qui  accordent  des  secours  sont  ou  locales  ou 
pour  tout  le  royaume;  voici  les  nombres  relatifs  aux  pre- 
mieres : 


(1)  Dans  ce  nombre  sont  compris  269  eleves  du  college  philosophiquc. 

(2)  Dans  le  nombre  des  eleves  en  droit  et  en  m6decine  sont  compris 
'Tux  qui  se  preparaient  pour  ces  elu<les. 


oi  SCIENCES  PHYSIQUES. 


INKTITCTIOIVS 


Pour  secours   Pour  distribution    De  clini-ih- 
a  domicile.        d'alimcns.        materneUe.  Hospicef. 

Nombrcdes  institutions..  5,64o  47  6  7*4 

Iiulii  iitus  secourus 755,621  ?  i>557  4'w48 

Frais  d'administration...  ;iG,63i  (1.  2,23ill.  1 4,686 11.  g5  i,5lS  fl. 

Secours  de  toutc  cspicc...  4i99o,363  102,2111  »  3,2<)6,483 

Rcvenus  des  proprietes...  3,017,670  886  1,578  2,931,024 

Sou.icriptions  ct  dons. . ..  »  76,oS5  9,3g2  » 

Collcctcs 1,295,096  i,94G  4  >  9  46 '5797 

Subsides  des  communes.  .  1,464, |o3  24,S4S  3, 600  808,775 
Subsides  des  provinces  ou 

dcl'Etat 5,270  »  »  82,652 

Sur  1,000  habitant  des  Pays-Bas,  on  en  compte  122  a  120 
qui  recoivent  des  secours  a  domicile  ;  et  pres  de  la  moitie  se 
trouveut  dans  les  villes.  Les  charges  et  frais  d'administration 
reviennent  par  individu  a  (1.  o,g5,  les  secours  a  6,(Jo. 

Les  societes  qui  distribuent  des  alimens  et  du  chauffage 
pendant  l'hiver  comptent  8,976  souscripteurset  ont  distribue 
1,692,147  portions  de  sotipe,  22,847  livres  de  pain,  4^9  me- 
sures  de  pommes  de  terre,  etc. 

Les  six  institutions  de  charite  maternelle  sont  etablies  a 
Verviers,  Gand,  Harlem,  Rotterdam,  Leyde  et  Groningue. 

Surles4i?74Siudividus  secourus  dans  les  hospices,  58,827 
apparlenaient  aux  villes.  Cette  population  se  composait  de 
7,449  malades,  i5,ooa  vieillards  el  infirmes,  et  de  19,197 
cnt'ans.  Les  charges  et  frais  d'administration  reviennent  par 
individu  a  22,79  u->  ^es  na's  d'entretien  et  de  nourriture  a 
78,96,  en  tout  101,75. 

II  existe  aussi  cinq  societes  qui  ont  fourni  des  secours  u 
2,460  pauvres  honteux  pour  la  valeur  de  io,3io  11. 

Quant  aux  institutions  pour  tout  le  royaume,  elks  secom- 
posent  principalement  de  l'ho.spice  militaire  de  Leyde  et  de 
l'hospice  de  Messine  ouvert  aux  lilies  des  militaires  devenus 
invalides  ou  moils  au  service  de  l'Etat.  Ce  dernier  etablisse- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  33 

mcnt  renferme  140  individus  el  a  depense  21,200  fl.  Le9  pre- 
miers out  secoui'H  2,178  individus  au  moyen  de  io8,3o2  fl. 

Le  tableau  suivant  presente  des  renseigncmens  plus  parli- 
cuiiers  relativement  aux  hospices  et  aux  individus  sccourus  a 
domicile  pendant  l'annee  1827. 


SECOt/RS    A    DOMICILE. 

PrOVIIVCFS.                Indhfidua  secourua.      Drpensos.       Population.  Ilepenscs. 

fJrabant  septentrional 22,873        245,52gfl.      fio6  72,002  fl. 

Jlrabant  meridional 113,690         392,795        kfi\Q  53?.,6o5 

Limbourg 42,039         168,261        l,4ao  no,oiS 

Gueldre 20,575        254,289       1,275  181,799 

Liege 55,648        1fi44.11        1,29s  iG5,494 

Flandre  orient  ale 72,148         385,187        3, 062  5n9,4on 

Flandre  occidcnlalo S4,6oo        3g7,'66       2,208  248,16,5 

ILiinaut 104,220         539,375        3,646  28/f,8iS 

lloUandc  scptentrionalc. . . .        S3,626        €81 ,4*4       7»854  778,738 

Hollands  meridionalc 44,5o9     1,009,801       4i3o4  555, 507 

Zelandc 8,960         ?4U>323           699  QO,a44 

Nanutr 25,642           48,iS2        1,263  87,820 

Anvcrs 22>777        256, Si5       4>i3S  391,285 

Utrecht 14,966        246,457          976  i46,354 

Frise 19,467        4<)7,97i        'v5'9  i35,954 

Overysscl. 7,065         ii2,oi3           789  8S,g2i 

Groningue 8,345        214,758       i,5g2  1 59,765 

Drcntlie 2,o4o           56, 157           161  8,68 1 

Luxembourg .  ■ a,45i           17,56S           292  20, 543 

Totacx 755,621     5,706,895     4'v4S   4>a48,oo5 

Lcs  institutions  dc  bienfaisance  dc  seconde  cspece,  e'est- 
a  dire,  cclles  qui  ont  pour  but  de  diminuer  le  nombre  des  pauvrex, 
pcuvent  etre  classees  de  la  maniere  suivante  : 

nature  DR9  INSTITUTIONS.                                  Nomine.   Iiidiv.    secourus.  Depenscp. 

Ecolcsordinairesspecialespotirlcs  pauvrcs.       16?.       56,g5o  257,88311. 

oil  t'on  admet  lcs  patnres.  3,782       88,987  i55,i-i 

graluilcs 2  5 1        26,555  ? 

E coles  dc  Iravait 5o          a , 5 1 4  2.5,287 

t.  xi/vi.  Avait  i85o.  3 


:,,  SCIENCES  PHYSIQUES. 

Alelkrsdc  charile ->a  6,Sfio  Brs8,&$ 

Depots  dcmcndicilc 7  »■>[)&  2o4,(i>)S 

Colonics  dt :  bknfuisancc 1.1  8,i4°  i,5i6,4i5 

Elabiissemens  pour  les  sourds-muets.  .  .  4  »49  42»°9? 
pour  les  aveitglcs l  4o  i2,io3 

Sur  5G,q5o  eufansqui  se  trouvent  dans  les  ecoles  speciales 
pour  les  pauvres,  5i,956appartiennent  aux  villes.  Les  ecoles 
on  les  enfans  ties  pauvres  sont  instruits  gratuitement,  en 
communaute  avee  d'autres  enfans,  se  trouvent,  pour  la  phi- 
part,  dans  les  communes  rurales.  Les  ecoles  gratuites  se  di- 
visent  en  ecoles  hebdomadaircs,  dominicales  et  gardienues. 
Les  enfans  sont  admis  dans  ces  dernieres  au-dessous  do 
1'age  de  six  ans. 

Dans  les  ecoles  de  travail,  on  rt'admet  que  des  fdles.  Ces 
etablissemens  se  trouvent  dans  le  Brabant  septentrional  ,  la 
Gueldre,  les  deux  Flandres,  la  Zclande  et  An  vers. 

Les  ateliers  dc  charile  ne  se  trouvent  pas  non  plus  dans 
toutes  les  provinces;  ils  sont  administres  par  des  commissions 
ou  des  directeurs. 

Sur  les  onze  colonics  des  socictcs  de  bienfaisance,  cinq 
diles  libres,  contienuent  54 >  habilans.  Les  six  aulres  sont  com- 
posees  de  sept  etablissemens  pour  des  orphelins,  des  enfans 
trouves  ou  abandonnes  et  des  meudians,  de  63  balimens  auxi- 
liaircs  et  de  45  grandes  fermes  avec  leurs  dependanccs.  La 
population  se  compose  de  3,485  individus  vivaot  en  I'amille, 
2,076  orphelins  ou  enfans  trouves  et  abandonnes,  et  de  2,5;9 
mendians. 

Les  etablissemens  pour  les  sourds-muets  se  trouvent  a 
Gand,  Liege  et  Groningue;  1'clablissement  pour  les  aveu- 
gles  est  a  Amsterdam. 

II  faut  rapporter  encore  aux  institutions  precedentes  la  So- 
cietc  pour  I' amelioration  morale  des  detenus,  qui  comple  5,oj2 
membrcs  et  dont  les  soins  s'etendent  a  phis  de  Goo  detenus. 
Ils  ont  domic  lieu  a  une  depensc  de  5,8 13  fl.  Ses  reyenus 
s'ilevenl  a  plus  de  17,000  fl. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  55 

Enfin  les  institutions  tie  bicnfaisance  de  troisiemc  espece, 
qui  tendent  d  prevenir  I'indigencc,  sont  les  suivantcs  : 

ixstitttioxs.  Noinbm    Indiv.  secourue.      Dispenses. 

Ncnts-de-piclecommunanx luS  128,570  7,417,354"- 

— —            affcrmes ~i  5,656  ? 

Caisses  dc  sccours  muluels 443  69,025  287,914 

—  de  pensions  de  veuves 26  i3,ooo  225,000 

—  d'epargncs 53  10,882  1,047,890 

Les  Monts-de-Piete  diriges  pour  le  cotnpte  des  communes 
ou  des  institutions  dc  bienfaisance  jut  recti  2,216,755  gages 
•en  1827;  2,01 1,772  gages  ont  ete  retires,  et  120,609  ont  ^ 
vendus.  Les  memes  noinbres  ont  etc  respectivement,  pour  les 
Monts-dc-Piete  affermes,  877,593,  668, 002,  et  4«,-So. 

Les  caisses  dc  secours  mutuels,  pour  les  cas  dc  maladies 
ot  pour  eouvrir  les  dais  d'enterrement,  comptent  conimune- 
ment  15,724  individus  qui  recoivent  des  secours  pour  ivnc 
valeur  moyenne  de  1 8,5 1  fl,  parindividu,  et  la  depense  pour 
les  participans  est  de  4,  J  7  A- 

Les  caisses  des  pensions  pour  ks  veuves  et  les  orphelins 
sont  plus  particulierement  etablies  dans  les  provinces  septen- 
trionales;  malbeureusement  les  documens  qu'on  possede  ne 
sont  pas  satisfaisans. 

Les  eapitaux  des  caisses  d'epargnemonleht  a2,5i2,i67fl., 
ce  qui  donne  i66,56fl.  par  individu. 

An  total,  d'apresles  conclusions  du  rapport,  les  institutions 
de  bienfaisance  sont  au  nomine  de  1 1 ,4^|0,  non  compris  la 
sociele  pour  1'amelioration  des  detenus ,  et  les  caisses  des 
pensions  pour  les  veuves  et  les  orphelins.  Le  nombre  des  in- 
dividus qui  parlicipent  auxbienfaits  de  ces  institutions  est  de 
i,2i4,o55,etl'ensemble  des  depensess'eleve  a  1  2,821,559  A* 
Or,  si  Ton  considere  que  la  population,  en  1827,  etait  de 
6, 16b',  854  allies,  il  resulterail  de  ce  qui  precede  que,  dans  le 
royaume  des  Pays-Bas,  un  habitant  sur  cinq  reroit  des  se- 
cours. La  grandeur  de  ce  rapport  tient  sans  doute  a  ce  qu'il 
est   beaucoup  d'individus  qui  recoivent  des  secours  dc  iliffe- 


36  SCIENCES  PHYSIQUES. 

rentes  natures,  ct  qui  Ggurcnt  ainsi  plnsieurs  lois  dans  lc  total. 
Nous  torminerons  cot  aperpu  statistique  par  quelqucs  ren- 
seigncmens  sur  lc  n  ombre  des  crimes  ct  des  debts  qui  ont  ou 
lieu  dans  les  Pays-Das  pendant  l'annce  1826.  lis  pcuvcut 
inspiror  d'autant  plus  d'inlcrel  qu'ils  ont  cle  recueillis  et 
classes  de  la  meme  manicre  que  les  documens  pour  la  France, 
auxquels  on  pourra  les  comparer  plus  facilcmeut. 

Crimes  conlre  les  personnes. 

haturk  des  crimes.  Accusations.  Accuses.  Acquitles. 

Crimes  ct  delils  poliliqucs a  •  > 

Rebellion a3  6S  26 

Contravention  aux  loit  sanitaircs  ....  »  »  » 

Evasion  dcs  detenus .  .  3  3  » 

Faux  temoignage  ct  subornation 12  17  a 

Assassinat 10  i3  3 

Empoisonnemcnt >  •  „ 

Parricide- a  a  a 

Meurlre 17  24  7 

Coups  ct  blcssurcs 76  1 23  26 

Coups  envers  ascendant 22  21  4 

Arrestations  arbitraires »  ■  > 

Menaces  sous  conditions 5  5  2 

Mendicite  avee  violence 1  1  > 

Bigamie 2  2  > 

Avorlcment •  »  „ 

Infanticide .  a  2  ■ 

Crimes  conlre  en  fans,  enlevement  et  de- 

tourncment  de  mincurs a  >  , 

f'iol  ct  attentat  a  la  pudcur i3  16  2 

Viol  sur  des  en  fans  au-dessous  de  1 5  ans.  8  9  1 

Totacx 19J  3i>4  73 

Crimes  conlre  les  proprieles. 

hahjrb  des  CRIMES.  Accusations.  Accuses.  Acquitles. 

Concussion  et  corruption 4  q                  a 

Souslraction  de  deniers  publics 10  10                 a 

Jncendie  d'edi/iecs 8  11                4 


SCIENCES  PHYSIQUES.  3? 

//Kcm/i'c  d'autrcs  objcts »  »  • 

Destruction,  degradation  dc  proprivtcs.  .3  8  6 

Fau.ise-monnalc 7  >  l  2 

Conlrefacon  de  sccaux,  marteatix,cte.  a  2  » 

Faux  par  supposition  de  personncs.  ...  4  5  1 

Faux  en  ecrit tire  dc  commerce 8  la  » 

Autres  faux* ^7  4°  ,2 

lianqueroute  fraudulausc i4  '4  2 

Vols  dans  les  egllses 4  5  i- 

Vols  stir  les  clwmlns  publics 8  9  a 

Vols  domesllqtics l85  198  »4 

Autres  vols 5a8  744  9l 

Extorslon  dc  tettres  de  change,   obliga- 
tions, etc »  »  » 

Soustraclion  ct  suppression  de  titres  et 

actcs 2  a  » 

Bris  de  sccl/es »  •  ■ 

Importation  dc  marchandises  proltibecs..  2  5" 

Totaux 826         i,o85  i5o 

Quant  aux  tribunnux  corrcctionncls  ,  lc  nombre  des  accu- 
sations a  ete  de  22,489  pendant  l'anncc  1826,  ct  le  nomltrc 
des  accuses  £0,894,  SUI'  lesquels  6,G66  ont  ete  acquittes.  On 
a  conipte  aussi  i3,4G8  accuses  en  simple  police  ct  2,858  ac- 
quittes. 

Des  nonibres  que  nous  venons  de  citer  ct  des  autres  docu- 
mens  que  nous  arons  recueillis  dans  nos  Recherches  statisiuju.es 
sur  Icroyaume  des  Pays-Bus,  on  deduit  ces  consequences: 

i".  En  182G,  on  comptait,  dans  les  Pays-Bas,  un  accuse  aux 
cours  d'assiscs  sur  4»383  habitans;  et  en  France,  l  accuse  sur 
4,i5i  habitans;  on  comptait  aussi  devant  les  tribunaux  cor- 
rectionncls  1  prevenu  suraoo habitans  dans lepremier  royaunie, 
et  1  sur  198  dans le  second. 

2°.  Devant  les  cours  d'assises,  sur  100  accuses,  1G  seulc- 
ment  ont  etc  acquittes  chez  nous,  et  35  en  France  comme  en 
Anglelerre.  Ainsi,  la  repression  est  la  rheine  dans  ces  deux 
dernicrs  royaumes,  si  dill'crens  par  les  lois  ct  par  les  interns  ; 
mais  le  jury  y  cxistc,  tandis  qu'il  a  tie  aboli  chez  nous. 


sqniNCES  physiques. 

5".  Devant  les  Irtbunaux  corrcctionnelsj  la  repression  a  etc 
en  Frame  comnic  chcz  nous  :  sur  100  prcvenus,  16  out  tic 
acquiltes  :  il  en  est  rlc  nume  pour  les  tribunal)*  dc  -imple 
police,  sur  100  prcvenus,  14  seulcment  onl  etc  acquiltes. 
Ainsi,  sur  100  accuses  devant  les  trilninaux  crimincls,  correc- 
tiuuncls  011  de  simple  police,  14  a  16  out  etc  acquiltes  quand 
ils  onl  cu  affaire  a  des  juges,  et  55  quand  ils  out  cu  affaire  a 
un  jury. 

4°.  Le  jury  ct  les  juges  s'accordent  sur  ce  point  qu'ils  out 
acquitte  comparativement  plus  d'aocuscs  dc  crimes  conti  e  les 
personnes  que  d'accusesde  crimes  contrc  les  proprieles.ciimi  ix 
pour  tempererla  severitc  des  lois,  qui,  souvent,  reslenl  sans 
effet  par  un  exces  de  rigueur. 

A.    OuETELET. 


ART  MILITA1RK 

Campasne  pes  Francais  en  Aelemacne;  anisee  1S00  (Moreau,. 
general  en  chef) :  par  le  colonel  de  cavalerie  marquis  de 
Carriok-Nisas,  charge  des  travaux  liistoriques  speciaux  du 
depot  general  de  la  guerre  (1). 

OBSERVATION    GENfilULE. 

On  a  public,  dans  le  Moniteur  du  14  fevrier  dernier,  una 
Rapport  fait  a  V Academic  des  sciences  par  le  lieutenant-gene- 
ral, premier  inspecteur-gerieral  du  genie,  vicomte  Rocniat, 
relatifa  I'ouvrage  du  colonel  Carrion-jSisas  intitule  :  Essai 
sur  rflisloire  gincralcdel'  At  Imililaire.  Cc  rapport  lies-elendu, 
tres-lumineux.  el  qui  pa  rait  nc  rien  omeltre,  tant  sur  les  fails 
principalis  de  ccttc  histoire  memc  que  sur  les  vues  et  les  in- 

(i)Paris,  1829;  Ch.  Pi(|«et,ingenieur-geographe ordinaire  du  B,ol,  etc., 

quai  dc  Conli,  n°  1-.  In-4°  de  4^3  pages,  accompagnc  dc  8  planches. 
(  Extrait  du  tome  v  du  Manorial  du  depot  de  la  guerre,  rOccniiucnt  mis  en 
vcnto.) 


SCIENCES  PHYSIQUES.  % 

ten  lions  dc  celui  qui  l'a  ccritc,  aniumce,  a  la  fin,  comme  eo- 
rollaire  dc  ce  grand  travail,  un  autre  ouvrage  du  meme  au- 
teur,  intitule  :  Campagne  des  Franrais  en  Allemagne,  en  1800, 
que  l'Academie  des  sciences  avait  renvoye  au  meme  rappor- 
teur, niais  qui,  elant  moins  dogmatique  ct  scientifique,  n'ap- 
pelait  pas  au  meme  degre,  ou,  du  moins,  avec  les  memes 
titres,  l'attention  de  l'Academie. 

Cette  relation  de  la  campagne  des  Franrais  en  Allemagne, 
dans  l'annee  1800,  est  l'ouvrage  dont  nous  allons  presenter 
l'analyse  a  nos  lectcurs. 

L'honorable  rapporteur  de  l'Academie  des  sciences  indique 
ce  dernier  travail  comme  tine  application  des  principes  con- 
tenus  et  developpes  dans  le  premier.  II  pense  que  M.  Carrion- 
Nisas  a  voulu  offrir  unc  campagne-modele ,  et  celui-ci  ne  se 
defend  point  de  cette  intention;  il  l'enonce  meme  Tranche- 
meat,  au  debut  de  son  ouvrage. 

Deux  ecoles  se  sont  t'ormees  au  milieu  ou ,  si  Fon  veut,  en 
depit  de  l'experience  de  trente  ans  de  guerre.  Une  de  ces 
deux  ecoles,  et  e'est  celle  a  la  lete  de  laquelle  on  pcut  placer 
les  Romains  dans  l'antiquite,  dans  les  terns  modernes  Frede- 
ric II,  et,  a  une  epoque  plus  recente,  Moreau  :  cette  ecole, 
disons-nous,  s'aide  prudemment  de  toutes  les  experiences, 
marche  avec  melhode,  craint  les  poinles,  selon  l'exprcssion 
de  Frederic,  prcvoit  la  defaite  et  la  mauvaise  fortune,  dont 
Home  ne  s'est  jamais  laisse  aeeabler;  elle  lui  prepare  des 
compensations  ct  des  remedes;  elle  organise  surtout  la  de- 
fensive, el  fait  peu  de  cas  des  conquetcs  qu'on  ne  peut  pas 
aiscment  conserve!-. 

L'autre  ecolc  semble  envahir  pour  envabir,  conqucrir  pour 
conqucrir;  elle  organise  l'agression  sur  les  plus  vastes  plans, 
n'ose  pas  envisager  ou  dedaigue  de  prcvoir  la  defaite,  tie 
prepare  ricn  pour  la  reparer,  el  y  succombe  sans  espoir  et 
sans  ictour,  pour  peu  que  la  mauvaise  fortune  soit  opinialre. 
Alexandre,  moil  sans  avoir  eu  le  terns  d'etre  malheureux, 
est  !c  hrillant  et  dangereux  modele  que  cette  ecole  s'est  pro- 
pose dans  tous  les  terns,  dont  les  Tamcrlan,  les  Gcngiskan 


4o  SCIENCES  PHYSIQUES. 

out  etc  les  sanglantus  parodies,  ci  Bonaparte,  au  milieu  de  la 
civilisation  modcrne,  un  imitalcur  pleia  de  genie,  mais  ega- 
lcment  funcstc  a  sa  palric,  a  I'arl  ct  a  lui-meme. 

Le  colonel  Carrion-Nisas,  lortemcnt  irappc  do  la  difference 
entre  les  deux  systemes,  et  nun  inoins  prevent;  en  faveur  de 
Yecole  defensive,  a  evidcniment  ccrit,  depuis  la  paix,  dans 
Je  but  constant  d'eloi^ner  ses  concitoyens  et  les  generations 
futures  de  Yecole  conqucrante,  et  de  les  ramener  a  l'eeole  ro- 
maiue,  a  celle  de  Turenne  et  de  Frederic.  Son  premier  ou- 
vragc,  intitule  :  de  I'Orgaiusation  de  la  Force  armee,  clait. 
en  quelque  sorte,  ce  que  sont,  an  barreau,  ces  rapides  con- 
elusions  dont  1'enonce  precede  la  plaidoirie  et  les  details  de 
la  discussion  :  e'etait  1c  projet  d'une  institution  militaire, 
defensive  et  administrative.  L'autcur,  des  lors,  deplorait  ct 
relevait  les  inconveniens  de  l'eeole  conquerante,  qui,  trop 
souvent,  surlout  dans  ces  derniers  terns,  laissa  en  arriere 
toute  tradition,  toute  pratique  d' administration. 

Dans  sonseeond  ouvragc,  1'auleur  appcllea  lui  l'cxporiencc 
et  les  Tails,  depuis  l'orrgine  de  l'art,  e'est-a-dire  depuis  l'ori- 
yine  des  societes  jusqu'a  nos  jours,  pour  moulicr  combicn  Ic 
sysleme  conquerant  a  toujours  amene  de  catastrophes  aux 
conquerans  anciens,  et  aux  conquerans  modernes,  ct  a  nos 
rois,  imprudeus  cuvahisseurs  de  l'ltalie  ct  de  l'Espagne; 
eombieu  le  sysleme  de  la  defensive,  comme  base,  et  de  la 
conquele  successive  et  assuree,  a  produit  d'heureux  resultats, 
et  a  Home  (Luis  les  teins  anciens,  et  a  la  France  dans  les  terns 
modernes,  depuis  que  nos  rois  eurent  renonce  a  leuis  prelen- 
lions  au-dela  des  Alpes,  et  qu'ils  s'appliquerent  a  s'avaneer 
pas  a  pas  jusqu'a  nos  fronlieres,  telles  que  la  nature  nous  les 
a  donnees,  que  Cesar  les  a  apercues  avec  genie,  fixees  avec 
precision,  et  que  nous  avons  si  malheureusemeut  oulre- 
passees. 

Celie  intention  du  grand  travail  de  M.  Carrion-ISisas  n'a 
pas  echappe  aux  lecleurs  judicieux,  capables  de  s'oceuper, 
en  connaissance  de  cause  et  avec  quelques  vues,  de  la  malicru 
qui  y  est  traitec.  Toulclbis,  et  toujours  penelre  de  la  meme 


SCIENCES  PIIYSIQIES.  4f 

conviction  dc  la  vcrite  ct  de  1'ulililo  de  ses  apcrcus,  cet  ecri- 
vain,  a  qui  son  emploi  d'historiographe  du  depot  dc  la  guerre 
donnait  bcaucoup  dc  facilite  pour  celte  nouvcllc  composition, 
a  voulu  presenter  one  demonstration,  line  preuvc  plus  posi- 
tive, plus  precise  dc  la  verite  de  son  systeme,  en  I'appliquant 
aune  narration  complete,  detaillce  et  raisonncc  de  notrc  cam- 
pagne d'Allemagne  en  1800. 

II  a,  d'abord,  rasscmble  ct  rectifie  les  faits,  indique  les 
comparaisons  qui  se  sont  naturcllement  presentees,  et  deduit 
ensuitc  toutes  les  consequences  qui  pouvaient  etre  favorablcs 
a  ses  maximes,  sans  oinettre  les  observations  de  ses  adver- 
saires,  ct  sans  negliger  d'y  repondre  et  de  mettre  le  lectcur 
dans  le  cas  de  decider  en  connaissance  de  cause. 

C'est  ce  dernier,  curicux  et  important  travail  qui  a  ele 
insere  dans  le  dernier  Memorial  du  depot  dc  la  guerre,  et  dont 
un  bommc  du  metier  va  entretenir  nos  lecteurs. 


Le  5e  volume  du  Memorial  du  depdt  de  la  guerre  est  en 
grande  partie  rempli  par  la  campagne  qui  fait  l'objet  de  cclle 
analyse. 

Cet  ecrit  a  deja  fixe  1'attention  des  militaires,  des  bommes 
d'Elat  ct  des  savans.  Plusieurs  ouvrages  periodiques,  francais 
ct  ctraugers,  en  ont  rendu  comptc.  L'attcntion  memc  dont  il 
est  l'objet,  nous  dispense  d'en  pailer  aussi  longitement  que 
nousleferions,  si  cette  attention  avail  besoin  d'etre  provoqucc. 

Resumer  les  materiaux  epars  de  cette  brillante  campagne, 
dont  on  a  si  diversemenl  parle,  ct  en  former  l'cnsemble  d'un 
travail  raisonne,  n'etait  une  tache  ni  courte,  ni  facile  :  cllc  a 
memc,  pendant  quelque  terns,  failli  etre  impossible. 

On  assure  (ct  Ton  en  pourrait  infercr  quelque  chose  de  cer- 
tains passages  dc  ['introduction )  qu'une  partie  des  pa-piers 
de  cette  campagne  a  long-tems-manque  a  la  collection  qu'on  a 
du  faire,  avanl  d'en  entreprendrc  l'histoire.  Ces  papicrs,  dit- 
on,  se  trouvaienl  au  greffc  du  tribunal  on  Alurcau  flit  trad  11  if, 
en  i8o5,  parmi  tons  les  antics  pa  piers  qui  avaienl  etc  saisis 
cbez  tui  etportes,  a  lout  hasard,  comme  pouVant  servir  a  la 


4a  SCIENCES  PHYSIQUES. 

prticednreqai  avail  I'air  de  s'instruire  el  d'etre  dcstinec  a  se 

prolnnger  pendant  lorig-tenw. 

Cettc  ctrconstance  cxpliqucrait  comment  les  pieces  justifi- 
eatives  nppartenant  a  cette  partie  tie  la  campagne  tie  1800  qui 
cut  lieu  cu  Allemagne  tiiTient  un  caractere  incontestable  tic 
sineerite  et d'int6grtt6 ;  mi  n'v  Iruuvc  aucunc  ties  mutilations, 
ties  transpositions,  ties  alterations  tie  tout  genre  qu'ont  eprou- 
vees  tanl  d'aulres  relations  ct  tant  il'autrcs  documens  hfstOri- 
ques,  et  partieuliercment  comme  on  a  pu  le  voir  dans  lc 
volume  precedent  du  Memorial  (pages  269  et  suivantcs)  les 
papiers  rclatifs  a  la  partie  de  cette  campagne  de  1800  qui  a 
eu  l'ltalic  pour  theatre.  Ainsi,  ii  faudrait  nous  feliciter  d'une 
circonstanee  qui  a  pu  retarder  le  travail  du  narrateur,  lui  dc- 
robcr  long-teins  ties  materia  ux  necessaircs,  mais  qui  en  double 
aujourd'lini  1'interet.  L'opinion  pourra  enfiri  etre  fixee  sii'r  les 
evenemens  de  cette  memorable  campagne. 

On  a  conteste  a  Morcau  lc  merile  de  plusicurs  de  ses  eom- 
binaisons  strategiqucs  dans  les  ban  les  operations  de  l'armec 
du  Rhin ;  on  a  regarde  sa  mothode  lente,  tlit-on,  et  trop  mr- 
thodique,  comme  contraire  aux  nouvclles  maximes  introduites 
dans  la  grande  guerre. 

M.  tie  Nisas  ne  sc  borne  pas  a  rendre  justice  au  general 
Moreau  sous  les  rapports  militaires.  Apres  avoir  decrit,  avec 
une  concision  reniarquablc,  les  cvenemens  dc  cette  savanlc 
campagne,  il  n'hesite  pas  a  rolbir  comme  un  modele  qu'il 
sera  desormais  plus  convenable  d'imiter  que  les  canipagncs 
i'uites  dans  le  systemc  contraire. 

La  relation  tic  la  campagne  de  l'armec  du  Rhin,  en  18(10, 
so  divise  en  deux  parties  :  campagne  d'eteet  campagne  d'/iivrr. 
Chaque  partie  est  subdivide  en  cinq  chapitres.  Des  pieces 
juslificalives,  ti'unc  tres-grande  importance  pour  l'histoirc, 
tcrminent  chaque  partie. 

[/Introduction  rend  compte  des  motifs  qui  out  porte  I'tcii- 
vain  a  cboisir  pour  lexle  eettc  campagne  plulol  qu'aucune 
autre  de  la  revolution,  et  fait  euanaitre  les  ressources  el  les 
eecours  de  tout  genre  qu'il  a  bus  a  sa  disposition. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  ^3 

Premiere  partie.  Campagne  d'rlc.  —  Apn's  lin  expose  ra- 
pide  du  caractire  parliculicr  do  l'epoque  el  des  cvencmens 
qui  voiil  suivre,  Pauteur  cnumerc  les  fails  dc  la  campagne 
d'ele,  dcpuis  Ie  passage  du  Rhin  par  l'armce  francaisc 
(28  ami)  jusqu'a  l'armislice  de  Parsdorff,  du  i5  pullet.  II 
iiidiquc  la  position  et  les  forces  respeclives  des  deux  armees 
au  moment  des  hostilites. 

La  premiere  periode  offre  une  suite  de  combats  presque 
journaliers,  tous  forlement  soutenus  par  reunemi,  mais  favo- 
rables  a  nos  armees,  qui  poussent  les  Autrichiens,  du  Itliin 
surle Danube,  du  lac  de  Constance  au  camp  retranche  d'Ulm. 
A  cclte  epoque  (10  mai),  l'armce  du  Ubin  est  affaiblie  par 
un  detachemcnt  dc  20,000  homines  qui  avail  recti  l'ordre  du 
gouvernement  de  passer  en  Italic.  Cctte  circonstancc  oblige 
Ie  general  en  chef  a  ralenlir  ses  operations,  a  les  modifier  et 
a  les  continuer  sur  un  nouveau  plan. 

Pendant  eerie  seconde  periode  de  la  campagne  d'ele,  Mo- 
reau  cherche  a  tromper  son  adversaire  par  des  manoeuvres, 
a  1'affaiblir  par  des  combats  partiels  et  des  affaires  dc  postes, 
toujours  si  favorables  aux  soldats  francais,  a  le  detacher  cn- 
fin  de  sa  base  d'Ulm,  et  du  camp  formidable  ou  il  se  re- 
tranche. 

«  lei,  dit  M.  de  Nisas,  change  de  nouveau  la  scene,  et  se 
termine  la  deuxieme  partie  de  la  campagne  d'ele.  La  troi- 
siemc  periode  va  s'ouvrir,  et  portera,  comme  chacune  des 
deuxautrcs,  sa  nuance  particuliere.  Une  lutte,  d'environ  cinq 
semaines  de  combats  consecutifs,  va  recommencer;  mais,  au 
lieu  de  la  variete  d'altaques  deslinees  a  tromper  l'enncmi,  a 
faliguer  sa  resistance  et  a  l'ebranler;  enfin,  sur  la  base  defen- 
sive qu'il  a  choisie,  Poffensivc  va  prendre  nne  tendance  pro- 
noncec,  reccvoir  et  imprimer  une  impulsion  plus  ouveile- 
ment  franche  et  determinee.  » 

La  troisieme  periode  commence,  en  effet,  par  un  mou  Ye- 
meni offensif  et  general  sur  toute  la  ligne  d'operation  de  I'ar- 
nice  francaisc.  Les  jonrnccs  des  18  el  19  join  sou',  siguajees 
par  les  \  iiloires  reparatives  remportecs  a  Hochstedt.  Ellcs 


ft  SCIENCES  PHYSIQUES. 

assurcnt,  avec  1'ocoupation  do  plusicurs  points  imporlans,  ta 
communication  de  l'armce  du  lUiin  avee  celle  d'ltalie,  victo- 
rieuse  a  Marengo. 

L'armisticc  de  Parsdorff,  du  i5  juillct,  pcrmet  aux  trou- 
pes de  prendre  un  rcpos  cherement  achete. 

Lc  second  chapitre  rcvient  sur  les  cvencmens  raconles  dans 
lc  precedent ;  la  discussion  succcde  a  la  narration  :  il  est  con* 
sacre  a  1'cxamcn  du  plan  suivi  par  Morcau  pour  rouvertnre 
de  la  campagne  d'ete,  et  de  celui  que  lc  gouvernement  voti- 
lait  fa  ire  adopter  a  ce  general.  L'auteur  fait  connaitre,  par 
uiie  Icttre  que  lui  adresse  le  general  Dessolles  (pieces  justifi- 
catives,  n°  l\),  les  projets  qu'avait  concus  le  premier  consul, 
en  opposition  au  plan  adopte  par  le  general  en  chef  de  l'ar- 
mce du  Rhin,  et  le  motif  du  premier  disscntiment  survenu 
cntre  Morcau  et  Bonaparte.  Ce  chapitre  est  traite  d'une  nia- 
nicre  himineuse,  sous  le  triple  rapport  de  la  science,  de  l'in- 
tcrct  historique  et  de  la  verile. 

Une  discussion  particulicre  et  approfondic  de  la  premiere 
pcriode  de  la  campagne  d'ete,  depuis  le  passage  du  lthin  jus- 
qu'au  depart  du  detachement  qui  se  mit  en  marche,  le  10  mai, 
pour  se  rendre  en  Italic,  fait  l'objet  du  troisicme  chapitre, 
aussi  interessant  par  les  renseignemens  qu'il  conlicnl  que  par 
les  pieces  justificatives  dont  il  s'appuie. 

Dans  le  chapitre  quatre,  l'auteur  porte  ses  reflexions  sur  la 
sccondc  pcriode  de  la  campagne  d'ete,  depuis  le  10  mai,  epo- 
que  du  depart  du  detachement,  jusqu'au  10  juin,  ou  com- 
mence lc  grand  moiiYcment  dc  Morcau,  pour  detacher  Kiay 
de  sa  position  d'Ulm.  II  est  particulicrcment  rcmarquahlc  par 
la  discussion  rapidc  des  operations  des  deux  armces  oppost'es, 
("t  par  l'analyse  des  faulcs  commises  par  le  general  aulri- 
chien,  fautes  dont  sait  hahilemcnt  profiler  lc  general  fran- 
cais. 

Le  chapitre  cinq  conlient  les  observations  dc  l'auteur  sur 
la  troisicme  et  dcrnicre  pcriode  de  la  campagne  d'ete,  com- 
prcnant  la  relraite  dc  Kray  et  la  vivc  poursuite  dc  Morcau, 
depuis  lc   10  juin  jusqu'au  1  5  juillct,  date  dc  rarmistice  de 


SCIENCES  PHYSIQUES.  45 

Pai'sdorff.  II  sc  lerminc  par  des  reflexions  sur  cet  armistice  et 
sa  j  rolongation  jusqu'au  20  scptembre. 

On  remarque,  pages  79  ct  80,  les  paragraphes  suivans  : 

«  Sans  doute,  il  s'cn  fallait  de  beaucoup  que  les  deux  ar- 
nices  fussent  dans  un  etat  egal  de  fatigue  et  d'epuiscment ; 
mais  l'armee  franpaise,  bien  que  soutenue  par  ses  succcs 
journaliers,  commencait  a  sentir  la  fatigue  de  ses  marches 
contumelies,  et  l'epuisemcnt  du  pays  qu'elle  laissait  derriere 
elle.  C'etait  aussi  pour  elle  une  circonstance  importante,  et 
dont  elle  pouvait  etre  affectee  d'une  maniere  facheuse  au 
premier  et  au  moindre  echec,  que  l'idee  de  continuer  la 
guerre,  seule,  exposee  a  avoir  sur  les  bras,  d'un  moment  a 
1  autre,  tout  ce  que  1'armistice  d'llalie  pourrait  laisser  de 
forces,  momentanement  dispouibles,  au  cabinet  de  Vienne, 
pour  renforcer  son  armee  d'AHemagne. 

»  Toutefois,  s'il  avait  ete  raisonnable  de  prevoir  la  rupture 
de  1'armistice  d'Allemagne,  quand  il  cut  lieu  coneurremment 
aveccelui  d'ltalie,  le  premier  pouvait  sembler  plus  favorable 
a  Kray  qu'a  Moreau;  mais  la  reprise  d'armes  etait  si  invrai- 
semblable,  et,  malgre  les  subsides  d'Angleteire,  la  paix  defi- 
nitive etait  si  necessaire  a  1'Autriche  que  son  plenipotentiairc 
a  Paris  n'hesita  pas  a  la  signer;  qu'apres  avoir  desavoue  sa  si- 
gnature l'empereur  Francois ,  ayant  vu  par  lui-meme  l'etat 
de  son  armee,  acbeta,  par  les  plus  importantes  concessions, 
la  prolongation  de  1'armistioe ;  que  ce  ne  fut  enfin  qu'apres 
son  rctour  a  Vienne,  et  par  l'effet  des  plus  puissantes  in- 
fluences, que  1'armistice  fut  remplace  pard'imprudentes  hos- 
tilites  de  la  part  de  PAutriche,  au  lieu  de  l'etre  par  la  paix 
qu'on  attendait.  » 

Seconde  partie.  Campagne  d'hiver.  —  Ici  commence  l'cx- 
pose  sommaire  des  fails,  depuis  la  reprise  des  hostilitcs,  a  la 
fin  de  novembre  1800,  jusqu'a  1'armistice  de  Stcyer,  signe  le 
25  decembre  suivant. 

Moreau  a  change  d'adversaire.  Kray,  general  habile,  mais 
peu  favorise  par  le  conseil  auliquc,  est  remplace  par  un  jeunc 
arcbiduc  (l'archiduc  Jean),  cntoure  d'un  ctat-major  en  qui 
Vienne  a  la  plus  grande  confiance. 


4G  SCIENCES  NIVSIQIKS. 

I'm  ehanip  plus  vasle,  des  combinaisons  d'une  plus  grand  c 

porlee  VOnl  signaler  cclle  campagnc  d'hiver. 

l.'e-pace  tic  terns  designe  par  l'auteur  commc  la  premiere 
periode  de  la  campagnc  d'hiver  est  employe,  du  cute  des 
Autricliiciis,  a  Un  grand  mouvcinent  excentrique;  de  noire 
cole,  an  contraire,  a  unc  reconnaissance  gencralc,  suivie  d'uu 
momvement  de  concentration  :  cette  periode  est  oniric,  la  sc- 
conde  ne  1'estgiicre  moins  ;  niaisson  importance  est  immense, 
pni.-qu'elle  contient  l'lmmortelle  journec  de  llohenlinden. 

Avec  la  (roNicmc,  commence  la  marchc  retrograde  de  I'cn- 
nemi,  naguere  si  presomplucux,  et  qui  nc  s'arretcra  plus 
qn'aux  portcs  de  Yicnne.  Cette  capitale  est  sauvee  par  l'ar- 
inislicc  de  Stc\'er,  du  25  decembrc,  qui  terniinc  la  campagnc 
ct  la  guerre. 

Avant  d'entrer  dans  les  details  de  ces  trois  periodes,  e'est 
ici  le  lieu  de  placer  unc  remarquo  qui  justilic  pleinemcut 
cette  autre  observation,  souvent  ramenee  par  1'autcur,  que  la 
lcuommee  de  l'armcc  du  llltin,  en  1800,  a  etc  long-tcins 
etouffec  a  plai.Mr. 

Etl'ectivement,  quand  on  lit  les  Memoires  historiqucs  sur  lc 
consulat  et  l'empire,  qui,  dans  ces  dcrniers  terns,  out  obtenu 
ct  mcrile  !c  plus  de  vogue,  ceuxde  M.  Fauvelct-Bouricnne, 
on  y  voit,  tome  iv,  page  2Z48,  avec  quelle  joie  et  quel  senti- 
ment de  rimporlance  de  TaHaire  de  llohenlinden  Bonaparte, 
alors  premier  consul,  en  recut  la  nouvelle.  Jusquc-la,  nolle 
rcniarque  a  i'airc;  mais  croirait-on  qiic  l'editcurqui  annote  le 
teste  do  M.  liourienne  fait  dire  a  Moreau,  la  vcillc  dc  la  ba- 
taille,  qu'il  battra  lc  lendemain  M.  de  Kmy?  M.  de  Kray, 
comnic  nous  venous  de  le  rappeler,  n'etait  plus  depute  six 
inois  vis-a-vis  de  Moreau  ;  e'etait  1'archiduc  Jean  qui  comman- 
dail  l'armee.  D'oii  peut  venir  une  parcille  fan  to  qui  ne  serait 
pas  concevablc  sans  doute  dans  M.  Bourienne,  mais  qui  ne 
Test  guere  plus  dans  son  annolateur,  si  ce  n'est  dc  la  cause 
signalce  par  M.  Carrion-Nisas  ?  Est-il  un  homme  de  lettrcs, 
memc  des  plus  frivolcs,  qui,  dans  le  recit,  par  exemple ,  des 
campagncs  dc  Bonaparle  en  Italic,  coni'ondit  les  epoqucs  ou 


SCIENCES  PHYSIQUES.  tf 

'Bonaparte  avail  en  tele  Beatilien  on  Provera,  Wornufer  on 
Alvinzy?  Ces  evcnemcns,  ces  noms  sont  trop  cor.nus;  on  :i 
Irop  consacre  les  moindrcs  eireonstances  qui  s'y  rappoilenl, 
poor  qn'il  soit  possible  de  les  conibndre.  Mais  void  un  liomim: 
de  lettrcs  qui  ecrit  que  M.  dc  Kray,  (lends  du  commande- 
ment  de  Tarmee  autricliicnne,  le  i5juiilet,  en  est  encore  le 
general  le  3  novembre  suivant.  C'est  comme  si  1'on  mcttait, 
en  tete  de  Bonaparte,  "Wurmscr  a  Millesimo  ;  Beanlieu  a 
Mantoue.  Le  fait  singulier  que  nous  relcvons  ne"  pouvait 
passer  inapereu  :  il  constate  combien  etait  utile  la  publica- 
tion de  l'ouvrage  que  nous  analysons,  et  combien  les  (ails 
claicnt  oublies. 

Le  chapitre  second  est  intitule  :  Reflexions  sur  la  premiere 
periods  de  la  campagns  d'hiver,  contenant  le  court  cspace  depuis 
la  reprise  des  liostilites  jusqu'd  la  journee  d'Amp(ing. 

Ces  reflexions  tendent  a  faire  connailre  le  principe  de  toutes 
les  fautes  qui  ont  ete  commises  par  les  Autriehiens,  et  l'in- 
lluence  qu'elles  out  exercee  sur  les  operations  ulterieures. 
L'auteur  y  combat  les  doctrines  modernes  de  la  guerre  d'in- 
vasion.  Son  but  a  ete  d'etablir  un  point  de  comparaison  entre 
celle  guerre,  et  la  guerre  methodique  et  classique  dont  l'ex- 
perience  a  souvent  conteste  les  avantages. 

Nous  avons  deja,  clans  la  48"  livraison  du  Journal  des  Scien- 
ces militaires,  rapproche  des  opinions  de  M.  de  Nisas  l'opi- 
nion  si  imposante  de  M.  le  niarecbal  Gouvion  Saint-Cyr.  Le 
rapprocbement  que  nous  allons  faire  ici,  sur  la  question  des 
deux  guerres  n'aura  peut-etre  pas  moins  d'interet.  Voici 
d'abord  une  partie  de  ce  que  dit  dans  le  clmpitre  deux  de  la 
seconde  periode  l'auteur  de  la  campagne  de  1800  (1). 


Ceux  qui  se  reposent  trop  exclusivement  sur  ccrtai- 

nes  demonstrations  mathcmaliqups  nc  negligent-ils  pas  une 
l'oule  d'obscrvations,  de  eireonstances  morales  et  materielles. 


(1)  Page  285. 


.',8  SCIENCES  PHYSIQUES. 

doiit  sc  composcnt,  en  Iris-grando  parlie,  ^experience  do. 
toutes  Lea  professions,  L'art  do  eenduire  lea  Gnoses  humaincs 
ct  la  soeiete  ellc-meme?  Ccs  hommcs,  trop  prcoccupee  tlo 
^importance  do  qiiclqucs  notions  positives,  do  quclqucs  don- 
noes  dc  terns  et  d'espacc,  feraient  la  guerre  en  Espagne, 
comme  en  Italic ;  en  Italic,  conime  en  Allemagnc.  lis  la 
feraient  centre  un  Etat  despotique,  conime  ils  la  fcraicnt 
conlre  une  ripuLlique  ;  chez  un  pcuple  divise  en  factions, 
comme  chez  une  nation  unanimc;  chez  des  sauvagcs,  comme 
chez  des  homines  civilises  ;  a  un  cnncmi  habile,  comme  a  un 
incpte  adversaire;  au  nord,  comme  au  midi;  l'hiver,  comme 
Pete  ;  dans  les  montagnes,  comme  dans  les  plaines;  dans  un 
desert,  comme  dans  une  region  cultivee  ct  fertile. 

»  Dc  la,  d'infinics  aberrations,  de  honteux  meeomptes,  dont 
oncstdeeoncerte,  mais  dont  ramour-propre  ne  s'avoue  jamais 
la  veritable  cause,  laquelle  consistc  en  ce  que  Ton  s'est  or- 
gucillcuscment  persuade  qu'on  avait  tout  provu,  tandis  qu'il 
faudrait,  par  une  disposition  d'esprit  contraire,  se  conscrvcr 
pret  a  pourvoir  a  tout.  » 

Voici  le  jugoment  du  savant  marechal  sur  la  cause  premiere 
dc  ces  erreurs  (1)  : «  On  sait  qu'il  s'est  forme,  parmi  les  mili- 
taircs,  une  especc  de  coterie,  si  j'ose  me  servir  de  cettc  ex- 
pression, qui  croit  avoir  decouvert  des  principes  nouveaux 
de  Tart  de  la  guerre,  dont  ils  essaient  de  faire  une  science  qui 
aurait  des  regies  fixes  et  certaines,  propres  a  tous  les  cas. 

»  Le  prince  Charles  est  re  garde  comme  un  des  createurs 
de  ce  systemc  qu'il  definit  la  science  de  la  guerre.  En  tote  dc 
sa  relation  de  sa  campagne  de  1796  on  en  voit  le  devcloppe- 
ment.  Un  ecrivain  militaire  changer  qui  a  servi  en  Franc  e 
avait  deja  prcconise  quelquc  chose  de  scmblablc,  et,  si  Ton 
en  croit  ses  disciples,  il  aurait  perfcclionne  ce  systeme  :  qnoi 
qu'il  en  soil,  e'est  lui  qui  l'a  importe  chez  nous.  II  forme  la 
base  d'un  ouvragc  destine  a  donncr  dos  lecons  aux  futurs  go- 

(1)  Memoircs  sur  les  campngncs  des  armies  da  llhin  ct  dc  Pdun  ct  Mo- 
selle dc  ijQtjutqu'd  In  paix  de  Campo-Formio.  Tunic  in,  p.  61. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  49 

neraux  en  chef,  et  qui  doit  leur  apprendre  a  gagncr  les  batail- 
lcs.  et  a  diriger  la  guerre  par  une  methode  autrement  sure  que 
celle  que  les  generaux  avaient  employee  jusqu'a  ce  jour. 
Cepcndant,  on  veul  bicn  reconnaitre  que  les  grands  capitatn.es 
dout  l'Europe  admire  encore  les  hauls  fails,  sans  avoir  eu  le 
bnnheur  de  decouvrir  la  strategie,  ont  neanmoins,  quand  ils 
ont  reussi,  agi  conformement  a  ses  principes.  » 

II  est  impossible  de  se  rapprocher  plus  que  ne  l'ont  fait 
ces  deux  ecrivains. 

Le  troisieme  chapitre,  le  plus  important  de  1'ouvrage  par 
sa  matiere,  est  consacre  aux  details,  et  surtout  aux  details 
contestcs  de  la  grande  journee  de  Hohenlinden,  et  des  opera- 
tions qui  l'ont  immediatcment  precedee. 

Voici  comment  Pauteur  en  rend  compte.  (  Nous  ne  transcri- 
vons  que  les  principuux  details. ) 

«  L'armee  autrichienne  a  ete  formee  ,  pour  1'attaque  du 
3  decembre,  en  quatre  divisions  ou  colonnes  principales.  A 
droite,  Kienmayer  a  quitte  Landshut  pour  revenir  a  Dorfen, 
et  recoit  l'ordre  de  debouchcr,  avec  12  bataillons  et  18  esca- 
drons,  par  Lendorf.  A  la  tete  d'une  colonne,  de  force  a  peu- 
pres  cgale,  Baillet-Latourdoit  marcher,  par  Isen  etVeyer,  sur 
la  plaine  de  Preysendorf.  Le  general  lliesch  conduira  une 
semblable  colonne,  deslinee  a  se  porter  sur  Albaching,  Saint- 
Christophe,  et,  selon  reveiiemenl,  a  s'avancer  sur  Ansing  ou 
Ebersberg. 

»  Mais  ce  n'est  a  aucune  de  ces  trois  colonnes  qu'est  reserve 
l'honneur  ou  le  poids  principal  de  la  journee.  C'est  a  une  qua- 
trieme,  beaucoup  plus  forte,  a  la  tete  de  laquelle  marche  l'ar- 
chiduc  Jean,  et  qui  s'avance  par  la  grande  route  de  Haag  a 
Munich. 

»  Richepanse  doit  marcher,  le  5,  des  la  pointe  du  jour, 
d'Ebersberg  sur  Mattenpcet  par  Saint-Christophe ;  Decaen  doit 
le  suivre,  et  etre  a  son  tour  reinplace  a  Ebersberg  par  Mont- 
richard. 

»  L'objel  de  ce  mouvement  est  de  se  porter  sur  le  flanc 

T.'  xt.\  I     AVR1T.   l8?)r).  4 


5o  SCIENCES  PHYSIQUES. 

gaurhe  de  la  colonne  cefltrale  des  Autrichiens,  qui  marcbe  sur 
la  chanssee,  entre  Haag  et  Hohenlinden,  pour  la  couper  ou 
pour  tomber  sur  ses  derrieres,  si  deja  elle  etait  engagee  d«' 
toute  sa  longueur  dan?  le  defile. 

»  Ainsi,  tandis  que  1'ennemi  manceuvrera  an  loin  sur  noire 
gauche,  nous  manceuvrcrons  au  plus  pres  contre  la  sienne,  en 
mgme  terns  que  sur  son  centre. 


»  Place  avec  son  etat-major  au  milieu  de  la  petite  plaine  de 
Hohenlinden,  derriere  une  batterie  qui  devient  le  point  de 
mire  de  toute  l'artillerie  autrichienne,  Moreau  calcule  que  le 
general  Richepanse  a  eu  le  terns  d'arriver  a  son  importante 
destination;  il  lui  tarde  d'en  recevoir  l'avis,  quand  la  neige 
epaisse,  qui  tombait  depuis  plusieurs  heures,  cesse  tout  a  coup, 
et  l'atmosphere  eclaircie  lui  permet  d'observer  au  loin,  dans 
les  rangs  ennemis,  cette  incertitude,  ce  flottement,  aspect 
caractcristique  d'une  troupe  inopineinent  attaquee  sur  ses  der- 
rieres et  menacee  dans  sa  retraite  :  ce  fut  le  soleil  d'Hohen- 
linden. 

»  Moreau,  jugeant  alors  le  moment  arrive,  donne  le  signal 
de  Vattaque ;  elle  est  executee par Ney etGrouchy,  qui  livalisent 
d'ardeur.  Grouchy  est  oblige  a  un  mouvement  etendu  ;  INey, 
qui  atteint  immediatement  1'ennemi,  lui  fait  1,000  prisonniers, 
et  s'empare  de  10  pieces  de  canon. 

»  Moreau  ne  s'etait  point  trompe ;  Richepanse,  parti,  en 
effet ,  avant  le  jour,  comme  son  ordre  le  portait ,  marchant  a 
travers  mille  obstacles,  dont  l'epaisseur  de  la  neige  et  la  diffi- 
culte  des  chemins  ne  sont  pas  les  moindres,  venait  d'arriver; 
mais  sa  tete  de  colonne  seulement  etait  sur  le  point  dc 
Mattenpoet,  qui  lui  avait  ete  designe  dans  ses  instructions. 

»  Richepanse,  en  arrivant  sur  ce  point  avec  une  troupe  si 
reduite,  a  trouve  la  colonne  centrale  autrichienne  qui  mar- 
rhait  sur  la  chanssee  deja  enfoncee  ou  plutot  engou/frre  tout 
ontiere  dans  ce  long  defile.  » 

Le  detail  des  mouvemens  seconda'res,  les  eftbrts  des  gene- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  5i 

rnux  Legrand,  Bastoul  el  Bonnet,  pour  soutcnirl'attaque  prin- 
cipale,  terminent  cette  rapide  description. 

Voici  les  observations  de  l'auteur  sur  quelques  details  de 
cette  journee  que  les  historiens  out  consideree  diversemenl. 

«  L'intention  de  I'ordre  donne  a  Richepanse  etait  evi- 
demment  triple,  et  triplement  judicieuse  et  prevoyante;  car, 
de  troischoses  I'une  :  on  a  l'arrivee  du  detachemenl  francais 
I'ennemi  ne  serait  pas  encore  engage  dans  le  defile,  on  il  y  au- 
rait  comprornis  seulement  une  partie  de  sa  colonne,  on  elle  y 
serait  aventuree  dans  toute  sa  longueur;  ce  troisieme  pas, 
coinmc  le  moins  probable ,  etait  expresseunent  enonce  dans 
I'ordre ;  c'etait  la  plus  grande  faute  que  put  faire  I'ennemi : 
il  la  fit,  et  fut  ecrase  :  de  toute  maniere,  il  aurait  ete,  aver 
grand  avantage  pour  nous,  et  pour  le  succes  general  de  la 
journee,  ou  arrete  en  tete,  ou  harcele  en  flanc,  ou  charge  en 
queue.  Dans  toutes  les  hypotheses,  le  general  Decaen  se 
trouvait  a  portee  de  seconder  Richepanse.  Le  premier,  en  el- 
fet,  devait  empecher  et  empechaque  I'ennemi,  en  avancant 
en  force  par  la  chaussee  de  Wasserbourg,  ne  put  prevenir, 
troubler  ou  neutraliser  la  manoeuvre,  ou  decisive,  ou,  dans 
tous  les  cas  tres-importante,  qui  devait  avoir  lieu  sur  la  chaus- 
see de   Muhldorff. 

»Ona  vu,  dans  l'expose  desl'aits,  avec  quelle  precision  ces 
ordres  s'executerent,  ces  prevoyances  s'accomplirent. 

»Que  l'histoire  juge  done,  en  dernier  ressort,  si  ('opinion 
qui  perce  dans  les  conjectures  de  Jomini  n'est  pas  pleine- 
ment  justifiee  par  ces  pieces  qu'il  ne  connaissait  pas  ;  si  le  ge- 
neral Dumas,  constant  interprete  de  ce  qui  est  juste  et  vrai, 
s'est  ecarte  d'une  stricte  exactitude,  en  ecrivant  que  cette  me- 
morable bataille  a  ete  gagne'e  par  I' execution  la  plus  rigoureuse, 
la  plus  litte'rale  du  plan  premidite.  Exemple,  ajoute-t-il  avec 
raison,  rare  dans  les  fastes  militaires. 

»Danscet  episode  decisif  de  cette  grande  journee,  le  gene- 
ral en  chef  n'avait  garde  d'etouffer,  sous  le  merite  de  sa  pro- 
pie  pensee,  le  merite  d'execution ,  aussi  judicieuse  que  vi- 
goureuse,    qui  devait    faire   tant    d'honneur    aux    generau* 


Sb  sciences  physiques. 

Decaen  et  Richepansc;  o'etail  l'csprit  de  Morcau  el  tie  cette 
armee  que  cliacun  lit  a  ses  cainaradcs  et  A  Bes  snbordonnes 
leur  entierc  et  loyaie  pari  de  gloire.  » 

Cliapilre  iv.  «  Le  passage  (In  Rhin  avail  ete  accompagnil  de 
?rres  et  savantes  manoeuvres  (dit  [M.  de  TNisas.  an  commen- 
cement dc  cc  cliapilre)  ;  celui  du  Danube,  precede  et  suivi 
d'une  multilnde  de  combats,  qnclques-uns  tres-importans. 
Ions  plains  d'art  et  d'habilete.  Le  passage  de  I'lnn  dependit 
d'une  grande  bataille.  Apres  cetle  journee  dc  Hohenlinden, 
I'armee  autrichienne,  mutilee  en  lous  sens  et  frappee  an 
coeur,  se  baltit  encore  pendant  quelque  terns,  par  un  reste 
d'inipulsion  et  d'honneur,  mais  avec  peu  d'espoir  en  elle- 
meme.  » 

Les  observations  qui  suivent,  sur  la  troisiemc  periode  de 

,la  campagne  d'hiver  sont  ecrites   dans   le  meme  esprit  qui 

preside  a  l'ensemble  de  1'ouvrage.  Les  fails  plus  nombreux, 

les  details  moins  conlestes,  doivent  etre  lus  dans  le   tcxte  et 

dans  les  pieces  justificatives. 

l)n  resume  clair  et  succinct  de  tons  les  faits  exposes  dans 
les  chapitres  precedens;  des  considerations  generates  sur  les 
operations  et  les  mouvemens  qui  ont  eu  lieu  depuis  l'ouver- 
ture  de  la  campagne,  jusqu'a  la  bataille  dc  Hohenlinden,  for- 
ment  le  chapitre  v,  et  terminent  eel  important  travail.  Nos 
observations  parliculieres  ne  sauraicnt  rien  ajnuler  a  l'interet 
puissant  qu'il  presente.  II  nous  suflira  de  dire,  avec  Pauteur, 
que  cette  campagne,  telle  qu'ellc  a  etc  conduile  par  Moreau  ,  a 
conduit  aux  grands  resultats  de  pacification  generate  qui  de- 
vaient  en  etre  le  but,  d'une  maniere  beaucoup  plus  sure  qu'il 
n'aurait  ete  possible  d'y  parvenir,  en  suivant  le  plan  que  le  gou- 
vernemenl  consulaire  voulait  faire  pre'valuir. 

Cette  vcrite  parait  demonlree,  et  celte  assertion,  toule  se- 
vere qu'ellc  est,  ne  scmble  point  porter  atleinte  a  rimpartia- 
lite  que  le  general  Yaudoncourt  a  signalee  dans  l'historien 
de  iMorean,  et  dont  il  a  fait  un  juste  snjet  d'eloge  (1).  Tou- 
tefois,  il  nous  a  semble  que,  sans  deroger  precisement  a  cetle 

(l)  Journal  des  sciences  mildaircs,  /{<-f  livraison,  pages  i  \!\  a  l  26. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  53 

impartiable  Jans  les  choses,  le  narrateur  de  la  campagne  de 
1800  goulait  quelqucfois  un  secret  plaisir  a  trouvcr  a  Bona- 
parte quelqnes  torts  enters  Moreau. 

Cependant,  nous  convenons  avec  plaisir  que,  hors  dans  les 
notes  que  nous  avon.s  indiquees  et  qui  s'appliquent  a  un  long 
fragment  des  Memoires  de  Sainte- Helene,  nous  n'avons 
trouve  dans  tout  le  travail  de  M.  de  Nisas  sur  la  campagne 
de  1800,  aucun  passage  011  Pauteur  ne  s'efforcc  de  lenir  une 
equitable  et  consciencieuse  balance  -entre  les  deux  rivaux. 
Quant  a  la  critique  gene-rale  qu'il  fait  de  I'ecole  de  guerre  de 
Napoleon  (pages  520  et  52i),  c'est  une  question  qui  appar- 
tenait  a  tout  le  monde.  Nous  n'hesitons  point  a  inviter  le  lec- 
teur  a  juger,  par  lui-meme,  comment  M.  de  Nisas  l'a  traitee 
dans  ces  deux  derniers  cbapitres.  Nous  avons  deja  indique  en 
sa  faveur  de  graves  autorites,  nous  recommanderons,  en  fi- 
nissant,  la  lecture  d'une  piece  courte,  mais  remarquable,  par 
on  finit  egalement  la  seconde  serie  des  pieces  justificatives, 
C'est  une  lettre  du  general  Dumouriez  au  general  Custine, 
ecrite  le  29  uovembre  1792,  dans  laquelle  cet  bomme  d'Etat, 
ce  mililaire  d'une  rare  sagacile,  prevoit  le  cas  ou  nous  eten- 
drions  imprudemment  110s  conquctes ,  011  nous  incorporerions  des 
allies  ou  nourcaux  sit  jets  dans  les  cadres  de  noire  armee ,  et,  le 
cas  eclicant,  prcdit  ce  qui  adviendrait,  et  ce  qui  est  cil'ective- 
ment  advenu,  taut  il  est  vrai  qu'il  y  a  des  idces  sur  lesquelles 
tons  lesesprits  jusleset  sages  sont  unanimes,  et  des  apparen- 
<es  qui  enlrainent  loujours,  avec  le  meme  et  trop  deplorable 
succes,  les  espiits  ardens  el  inefleobis. 

Sicari),  officier  d'elat-maior. 


SCIENCES  MORALES  ET  POL1T1QUES. 


MAiNUKL     DE    l'hISTOIRE   DE    LA    l'HILOSOPHIE   de   Tensemann. 

traduit  de  l'allemand  par  M.  Cousin  (i). 

Depuis  les  terns  les  plus  recules  de  l'antiquite  grecque,  jus- 
que  vers  le  milieu  du  vie  siecle  avant  J.-C,  les  hommes  qui, 
pousses  par  ce  desir  de  savoir  naturel  a  l'humanite  cherche- 
rent  a  penetrer  la  raison  des  ehoses,  furent  appeles  les  sages, 
o'i  lofoi.  Le  mouvement  des  astres  et  leur  essence,  la  terre 
et  son  origine,  les  animaux  qui  l'habitent,  les  vegetaux  qui  la 
decorent,  l'air  qui  l'environne,  le  feu  qui  la  vivifie,  les  elemens 
qui  la  composent ;  l'iulelligence  et  ses  facultes  ;  puis,  les  nora- 
bres,  la  morale,  la  politique,  etc.;...  chacun  de  ces  sages  em- 
brassait  a  peu  pies  tout  dans  ses  meditations.  Cependant  il  ne 
pouvait  tout  analyser;  il  se  contenlait  done  de  quelques  de- 
compositions qu'il  avail  faites  sur  un  point  quelconque,  et  il 
itendait  cette  explication  a  tout  le  reste,  ou  niait  Pexistence 
de  ce  qu'elle  paraissait  ne  pas  pouvoir  cxpliquer.  Pylhagore, 
ne  en  584  avant  J.-C. ,  signala  ,  le  premier,  les  imperfections 
Je  cette  sagesse  ;  il  declara  que  la  meditation  des  penseurs  ne 
devait  pas  s'appeler  science,  toyix,  ma  is  recherche  de  la  science, 
<t>t).o<7o^('a ;  et  c'est  ainsi  que  fut  cree  le  nora  de  philosophic. 
Pythagore,  imitant  ses  de\anciers,  voulut  aussi  tout  com- 
prendre  dans  ses  recherches,  et  il  aboutit  comme  eux  a  une 
analyse  sur  un  seul  point,  et  a  une  hypothese  sur  le  reste. 
L'objet  qu'il  decomposa,  et  qu'il  voulut  etendre  a  l'explication 
de  l'Univers  ,  fut  le  nombre.  Les  ecoles  qui  suecederent  a  celle 

vi)  Paiis,  1829;  Sautclct,  Pichon  et  Didier.  1  v,  !.  in-S";  prix,  i5  IV. 


SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES.  55 

de  l'ylhagore,  jusqu'au  moyen  age,  conserverent  plus  ou 
nioins  celte  tendance  a  une  explication  universelle  ;  et  le  mo! 
de  philosophie  continua  de  signifier  :  recherche  de  la  science  en 
toute  chose,  contenant  en  resultat  quelques  analyses  partielles, 
et  des  conclusions  generates.  Sous  Charlemagne,  le  nom  de 
philosophie  disparait,  et  fait  place  aux  titres  des  sept  cu-ts  libe- 
raax ,  qui  sont  :  la  grammaire ,  la  rhetorique,  la  dialectique, 
l'arilhmetique,  la  geometrie,  l'astronomie  etla  musique.  Apses 
la  mort  de  ce  prince,  on  voit  reparaitre  le  mot  de  philosophie; 
mais  il  a  perdu  sa  vaste  signification  ,  et  il  n'exprime  plus 
guere  que  les  moyens  d'arriver  a  la  theologie  par  les  lumieres  de 
la  raison.  Cette  philosophie  se  divise  en  logique,  metaphysique 
et  morale.  La  morale  n'est  que  l'exposition  des  dogmes  moraux 
de  1'Eglise  ,  exposition  qu'on  cherche  a  rendre  scientifique ; 
quant  au  mot  de  metaphysique,  en  voici  J'origine.  Lorsque  Sylla 
revint  d'Athenes,  il  en  rapporta  lesmanuscrils  d'Aristote,qii'ii 
remit  entre  les  mains  d'Andronicus  de  Rhodes.  Celui-<i, 
ayant  trouve,apres  les  livres  intitules  :  t«  yvctxi,  les  choses 
natureltes ,  cinq  livres  qui  n'avaient  point  de  titre  particulier, 
voulut  en  marquer  la  place  ,  el  les  designa  par  ces  mots  :  ri 
psTa  Tiz  tpvGivM  :  livres  faisant  suite  aux  choses  physiques.  Or , 
ces  livres  traitaient  de  nos  idees,  d'etre  en  general ,  de  possible, 
de  cause,  etc....  Ces  idees,  et  surtout  des  speculations  sur  Dieu 
et  ses  attributs,  sur  les  espiits  inferieurs  et  sur  l'ame.  en  taut 
que  substance  immaterielle ,  coniposent  ce  qu'on  appelle  la 
metaphysiquc,  dans  la  philosophie  scolastique.  Quant  a  la  logi- 
que, elle  cherche,  d'apres  Arislote,  a  faire  l'inventaire  de  toutes 
les  idees,  a  les  classer,  a  en  expliquer  l'origine,  et  elle  poussc 
jusqu'a  une  subtilite  minutieuse  et  frivole  la  theorie  du  raisoti- 
nement  et  de  l'argumentation. 

Vers  la  fin  du  xvie  siecle,  le  mot  de  philosophie  reprend  son 
antique  signification.  Les  recherches  physiques,  trop  long-tems 
negligees  par  les  philosophes,  ont  retrouve  faveur  aupres 
deux.  L'objet  de  la  philosophie  est  triple,  dit  Bacon  :  elle  com- 
prend  Dieu,  la  nature  et  Vhomme.  Quand  Pythagore  avait 
subslitue  le  nom  ile  philosophie  a  la  science  mensongere  de  ses 


56  SCIENCES  MORALES 

prfedtfeoeesetUrs,  il  a\ait  constats  mi  grand  progres  cle  ('esprit 
humain,  en  montranl  que  les  penseurs  n'ctaient  plus  dupes  de 
leurs  speculations,  et  que,  s'ils  nc  lenaicnl  pas  la  verite,  ils  ne 
eroyaient  plus  la  lenir,  «l  sa\  aienl  au  moins  Ieur  ignoranee.  11 
restait  a  faire  un  second  pas  :  e'etait  de  prendre  la  route  quide- 
vait  faire  sortie  dc  ces  tencbres  reconnues.  Telle  fut  la  gloirc  de 
Bacon  et  de  Descartes.  L'un  et  l'autre  proclamcrent  que,  pour 
arriver  a  la  science ,  il  fallait  observer  avec  soin,  e'est-a-dire 
analyser  re  qu'on  voulait  connnitre,  et  s'interdire  toute  con- 
clusion hypolhtlique  ou  fondec  seulement  sur  une  autorite. 
L'un  appliqua  principalement  sa  methode  a  la  nature  physi- 
que, et  l'autre  a  1'enlendement  humain.  C'est  de  leur  siecle 
que  date  la  division  sericuse  et  durable  des  diffcrentes  etudes. 
Elle  ne  pouvait  avoir  lieu  plus  lot,  car  l'esprit  humain,  avant 
d'aborder  l'etude  des  details,  veut  avoir  une  connaissance 
vague  de  1'ensemble.  Toutefois,  ces  deux  philosophes  l'urent 
plutot  les  organes  que  les  auteurs  de  cette  revolution.  On  vit 
alors  des  hommes  se  consacrer  specialement  a  l'observation 
exacle  et  palientc  d'une  petite  portion  de  cet  ensemble,  qu'un 
seul  individu  voulait  saisir  autrefois  tout  entier.  La  philosophic 
signifiait  done  encore  la  recherche  de  la  science  en  toute  chose, 
inais  on  s'etait  partage  les  diverses  parties  de  cette  immense 
recherche.  Jusque  vers  la  fin  du  xvme  siecle,  on  ladivise  assez 
generalement  en  logique,  meiaphysique,  morale  et  physique  ;  ou 
bienencore,  enphilosophie  naturelte  comprenantla derniere  des 
divisions  precedent  es,  et  en  philosophic  morale  ct  intcllectuelle,  ou 
simplement  philosophic,  comprenant  les  trois  autres divisions. 
On  sait  quelles  sont  de  nos  jours  les  nombreuses  branches  de 
la  philosophic  naturclle.  La  philosophic  morale  et  intcllec- 
tuelle, ou  la  philosophic  pure,  est  soumise  aussi  a  de  nouvclles 
subdivisions  :  ellerenferme  :  1" psychologic,  g* logique,^ morale, 
4°  esthetique,  5"  mctaphysiqucou  ontologie.  Quant  a  la  cosmologic, 
ou  ce  qu'on  appelle  en  Allcmagnc  la  philosophic  dc  la  nature,  cette 
branche  ne  contient  que  les  generalilcs  des  sciences  physiques, 
et  consequemment  elle  rent  re  dans  leur  domaine.  L'aucicnnc 
philosophic  avail  note,  soil  dans  sa  logique,  soil  dans  sa  nicta- 


ET  POLITIQUES.  5? 

physique,  quelques-unes  des  iacultes  de  l'esprit  011  des  functions 
intellect  uelles.  On  les  etudie  maintenant  en  detail;  on  J  joint 
pfiisleurs  iacultes  dont  les  anciens  ne  s'etaient  pas  oecupes,  et 
c'est  ce  qui  forme  la  psychologie.  Ainsi,  la  psychologie  traite, 
entre  autres  chose?,  de  sa  propre  base  on  dc  la  connaissanee 
que  l'esprit  acquiert  de  lui-nieme ;  dc  la  connaissanee  par  les 
organes materiels,  de  lamemoire,  do l'abslraction,  des  Iacultes 
d'analyse  et  de  generalisation  ,  de  la  sensibilite  011  des  plaisirs 

etdespeines,  de  la  volonte,  etc Elle  s'becupede  distingueret 

de  classer  toutes  les  notion-:  elementaires,  et  par  consequent 
de  poser  les  fondemens  de  chaque  science ;  mais  elle  ne  suit 
aucune  science  dans  ses  complications.  Par  exemple  ,  la  psy- 
chologie constate  la  nature  et  l'origine  de  notre  notion denombre; 
etelle  abandonne aux mat hematiqu.es  le  soin  de  suivrele  nombre 
dans  toutes  ses  combinaisons.  Apres  avoir  decrit  la  maniere 
dont  nous  acquerons  la  connaissanee  d'une  qnalite  de  la  ma- 
tiere,  elle  s'arrete  et  laisse  a  la  physique  le  devoir  d'exposer  le 
jeu  de  toutes  les  proprieties  materielles.  Quand  elle  a  montre 
en  nous  cet  instinct  nature!  qu'on  appelle  croyance  an  temoi- 
gnage  des  homines ,  et  qu'elle  en  a  indique  les  conditions 
principals,  son  role  est  fini ;  le  reste  devient  la  tache  de  la 
critique  liisiorique.  Elle  n'a  point  d'autre  genre  de  rapport  avec 
les  etudes  qui  sont  encore  appelees,  comme  elle,  du  nom  com- 
mun  de  philosophic.  Ainsi,  elle  constate  notre  notion  de  justice, 
de  droit ,  de  devoir;  elle  la  separe  de  tout  ce  qui  doit  en  etre 
separe ;  mais  la  facon  dont  cette  notion  s'applique  a  tous  les 
details  de  la  societe  humaine,  la  subdivision  des  droits  et  des 
devoirs  fait  l'objet  d'une  autre  science,  qu'on  appelle  la  morale. 
Ainsi  encore  ,  la  psychologie  cherche  a  caracteriseHa  nature  de 
notre  notion  du  beau; mais  les  developpemens  dont  cette  notion 
est  susceptible  composent  cette  branche  qu'on  etudieprincipale- 
ment  en  Allemagne  sous  le  nomtVesthe'tique.  II  en  est  de  meme 
pour  les  notions  de  cause,  de  substance,  iVunite,  de  neccssile,  etc. . . 
La  psychologie  montre  en  quoi  clles  different  des  notions  sen- 
sibles;  mais Texamen  approfondi  de  ces  notions  (  ce  qui  for- 
piait  chez  les  anciens  scolastiques  Vonlologie  011  la  meiaphysiquc 


58  SCIENCES  MORALES 

gem  rale )  esl  scparc  de  la  psychologic  et  confie  a  d'aulres  mains. 
On  y  fait  rentier  la  llicodicec  ou  la  theologie  naturclle.  Quant 
a  la  togique ,  91  Ton  entend  par  ce  mot  une  simple  theorie  du 
raisonncment,  on  doit  la  comprendre  dans  la  psycliologie ;  si, 
au  contraire,  on  designc  par  la  ['exposition  complete  de  toutes 
les  causes  de  nos  erreurs  et  les  moyens  d'y  remedier,  on  ne 
doit  pas  encore  la  separer  de  la  psycliologie,  sur  laquelle  il  faut 
Tappuyer  de  tous  points,  mais  on  pent  la  culliver  comme  une 
seconde  partie,  qui  est  a  la  psychologic  ce  que  la  palhologie  et  la 
therapcutique  sont  a  V anatomic  et  a  la  physiologic. 

Ainsi  :  l"  psj'chologie,  2°  logiquc,  5°  morale,  4"  esthetique, 
5"  ontologie  ;  lelles  sont  les  subdivisions  que  renferme  aujour- 
d'hul  le  nom  du  philosophic  iniellectuelle  et  morale,  ou  simple- 
ment  de  philosophic 

De  toutes  ces  parties,  e'est  la  psychologic  qui  a  fail  le  plus 
de  progres,  e"t  qui  est  la  plus  cultivee  de  nos  jours.  Elle 
n'a.  comme  on  l'a  vu,  d'autres  rapports  avec  les  etudes  tjui 
sont  comprises ,  comme  elle,  sous  le  nom  de  philosophic,  que 
de  leur  fournir  leur  point  de  depart;  et  e'est  ce  qu'elle  fait 
pour  toutes  les  autres  etudes.  Si  la  morale  n'est  pas  en- 
core arrivee  a  l'etat  rigoureux  et  exact  des  mathc  malic/ ues  f 
la  psycliologie  n'en  est  pas  cause  ;  ou  bien,  si  on  l'accuse  du 
retard  de  la  morale ,  il  faut  lui  savoir  gre  des  progres  de  la 
geometrie,  car  sa  relation  avec  Tune  et  l'autre  science  est  ab- 
solument  de  la  meme  nature.  Si  Ton  redoute  Vontologie  ou  la 
metaphysique ,  qu'on  ait  tort  ou  raison ,  cette  repugnance  ne 
regarde  en  rien  la  psycliologie,  qui  est  tout-a-fait  distinctc  des 
speculations  sur  la  substance  et  la  cause,  et  dont  les  progres  ne 
sont  lies  en  rien  avec  la  marche  de  cette  autre  partie  de  la 
philosophie. 

Cependant  on  conteste  la  legitimite  de  la  psycliologie,  et 
Ton  dit  que  l'esprit  humain  peut  acquerir  la  connaissance  de 
toutes  choses,  excepte  celle  de  ses  actes.  Examinons  cette 
question. 

II  est  de  fait  que  nous  connaissons  certains  phenomenes 
qu'on  appelle  resistance,  etendue,  forme,  temperature,  poids. 
mouvement,  couleur,  son,  odeur,  saveur.  et  que  nous  les  rap- 


ET  POLITIQUES.  59 

portons  a  un  principe  qui  n'est  pas  nous,  et  que  nous  appelons 
mature.  Mais  il  est  de  fait  aussi  que  nous  connaissons  d'autres 
phenomenes,  que  nous  nommons perception,  jugement,  songe. 

souvenir,  espoir,  crainte  .    raisonnement,   etc ,   et  que 

nous  les  rapportons  a  un  principe  que  nous  appelons  nous- 
meines ,  ou  esprit.  Les  premiers  phenomenes,  ou  les  corps, 
nous  sont  connus  par  l'intermediaire  d'autres  corps  que 
nous  appelons  nos  organes  ;  les  seconds  nous  sont  connus 
sans  cet  intermediate ,  mais  ne  nous  paraissent  pas  moins 
certains.  Qnand  je  veux,  je  sais  que  je  veux;  ce  n'est  ui 
1'oeil,  ni  la  main  qui  me  le  fait  savoir,  mais  je  le  sais.  Qunnd 
je  promets,  je  sais  que  je  m'engage;  je  sais,  de  plus,  que  j'ai 
ou  que  je  n'ai  pas  Fintention  de  tenir  ma  promesse.  A  chaque 
instant  du  jour,  on  m'interroge  sur  ce  genre  de  phenomenes 
que  je  rapporte  a  moi,  et  que  je  connais,  je  ne  sais  comment, 
maisdontje  ne  puis  nier  la  connaissance.  Comprenez-vous? 
me  dit-on;  vous  souvenez-vous  ?  aimez-vous?  esperez-vous? 
Moi-meme  j'interroge  les  autres  sur  les  phenomenes  de  leur 
esprit,  donl  je  leur  suppose  la  connaissance,  parce  que  je  con- 
nais ceux  du  mien;  et  je  leur  demanile,  a  mon  tour,  s'ils  ont 
reflechi,  s'ils  ont  oublie,  s'ils  ontdoute,  s'ils  ont  craint.  Des  An- 
glais s'entretenaient  de  la  mortde  Charles  I".  C'est  la  premiere 
fois,  dit  I'un  d'eux,  qu'une  nation  met  son  roi  en  jugement.  — 
Combien  valait  le  denier  romain  ?  reprend  un  autre.  On 
s'etonne  de  la  question,  el  on  lui  en  demande  la  cause.  II  se 
recueille  un  instant,  et  dit  que  la  condamnation  de  Charles  par 
les  Anglais  lui  avait  rappele  celle  de  Jesus-Christ  par  les  Juifs  ; 
que  ce  souvenir  avait,  a  son  tour,  ainene  celui  de  la  vente  qui 
fut  faite  du  Seigneur  au  prix  de  vingt-quatre  deniers  romains, 
et  qu'il  avait  desire  savoir  la  valeur  de  cette  monuaie.  Voila 
done  un  homme  qui  a  connu  une  serie  assez  longue  des  actes 
de  son  esprit,  puisqu'il  les  retrouve  dans  sa  memoire,  et  qu'il 
peut  les  raconter.  Connaitre  les  actes  de  son  esprit,  les  re- 
i  hercher  attentivement  dans  sa  memoire,  en  observer  les  rap- 
ports de  similitude  et  de  succession,  voila  ce  qu'on  appelle 
.^'observer  soi-jiiT'ine ,  et  c'est  la  tout  le  secret  de  la  psjoho 
loi-ie. 


(k)  SCIENCES  MORALES 

l.oekc  nous  (lit  que  le  souvenir  est  rendu  plus  facile:  i°par  1'cin- 
ploidehitleiUkmaumomiMildcracquisitiondelacoiinaissanec, 
qu'on  vial  retenir;  2"  par  Fcw-amcn  reiterc  de  l'ol)jet  de  cctk'. 
connaissance ;  5"  par  le  plaisir  011  la  peine  qui  en  onl  aceom- 
pagne  ['acquisition ;  4°  l)i,r  ' 'exereiee  simullane  tie  plusiciirs 
sens  sur  un  memc  objet.  S'il  ne  s'est  pas  trompc,  il  a  done 
observe  comment  proecdait  son  esprit,  et,  si  nous  reconnais- 
sonsqirila  retrace  les  fails  lelsqu'ils  se  passent,  nous  observons 
ilonc  comment  procede  le  noire. 

Instruit  de  ces  phenomenes  dont  jc  me  reconnais  coinnie 
lescul  piincipe,  un  instinct  me  pousse  a  leur  associer  des  ges- 
tes  et  des  sons,  et  e'est  ce  qui  compose  le  langage.  Lc  memc 
instinct  me  fait  comprendre  que,  chez  les  autres,  les  gestes  et 
les  sons  expriment  des  phenomenes  du'meme  genre.  Lors- 
que  je  vois  sur  la  scene  des  personnages  s'adresser  des  ges- 
tes. et  que  je  les  entends  former  des  paroles,  il  n'y  a  la  pour 
mes  yeux  que  des  mouvemens,  et  que  des  sons  pour  mes 
oreilles ;  cependant,  je  comprends  que  ces  personnages  rai- 
sonnenl ,  qu'ils  esperent ,  qu'ils  out  de  la  haine,  de  l'ambi- 
tion,  de  l'amour.  Ainsi,  a  ces  phenomenes  materiels  qui 
frappent  mes  organes  j'en  associe  d'autres  qui  echappent  a 
mes  sens  et  qui  sont  purement  intellectnels.  Mais  011  en  ai-je 
puise  l'idee?  ou,  si  ce  n'est  en  moi-meme  ?  En  effel,  pronon- 
cez  lenomd'amouraux  oreilles  de  1'enfant ,  ce  ne  sera  pour  lui 
qu'une  emission  de  voix.  II  eu  est  de  memedu  mot  raisonne- 
ment  pour  ehaenn  de  nous  jusqu'a  l'age  de  trois  ou  qualrc 
ans  et  peut-etre  jusqu'a  un  age  plus  recule.  II  faut  que  nous 
iiyons  raisonne  avant  que  ce  teruie  nous  presente  un  sens  ;  afin 
qua  des  gestes  et  des  sons  deviennent  pour  moi  signes  ou  ex- 
pressions de  scntimens  et  de  pensces  ,  il  faut  que  j'aie  connu  en 
moi  ces  pensees  et  ces  sentimens.  Done  mon  esprit  connait 
les  phenomenes  qui  lui  sont  propres. 

Ouand  on  avancc  que  l'esprit  se  percoil  lui-meme,  on  ne 
"vcut  pas  dire  qu'il  se  contemplc  dans  sa  nature  ou  dans  sa 
substance,  mais,  lout  siniplcmcnl ,  que  cliaeun  de  nous  con- 
nait sa  propre  pensee  avant  de  1'exprimer  en  paroles  ou  en 


ET  POLITIQUES.  Gi 

signesdepensee.On  vous  annonce  que  tel  psychologtie  a  de- 
termine telle  loi  tie  l'enlendement  humain  ;  vous  repondez 
que  vous  en  doulez ;  or,  vous  avezconnu  votre  doute,  avant 
de  me  le  dire,  on  sans  cela  vous  ne  me  l'auriez  pas  dit.  Mais 
comment  le  principe  qui  doute  peut-il  connaitre  qu'il  doute? 
L'organe  observe  et  l'organe  observateur  elant  lemenie,  com- 
ment l'observation  peut-elle  avoir  lieu  ?  Je  n'en  sais  rien. 
Vous  connaissez  que  vous  doutez  commie  on  connait  qu'on 
doute;  voila  tout  ce  que  j'ai  a  vous  repondre.  On  a  suppose 
que  rhomme  pouvait  observer  ses  passions,  parce  que  les 
organes  qui  en  sont  le  siege  se  trouvent  en  ce  cas  distincts 
des  organes  qui  observent  :  mais  si  cela  est  vrai ,  la  difficult*'- 
n'est  que  cliangcc  ou  reculee.  En  effct,  de  deux  choses  l'une  : 
ou  l'organe  observe  ne  communique  pas  avec  l'organe  obser- 
vateur, et,  alors,  cxpliquez  comment  unorgane  materiel  pent 
percevoir  ce  qui  se  passe  chez  l'autre  sans  qu'il  y  ait  action 
du  premier  sur  le  second;  ou  bien  l'organe  observe  agit  sur 
l'organe  observateur,  et  alors  celui-ci  ne  pereoit  encore  que 
cetle  action  exereee  sur  lui,  et  il  s'observe  lui-meme.  D'ail- 
leurs  est-on  bien  sfir  de  (aire  une  separation  exactc  eutre  les 
phenumenes  moraux  ou  les  passions,  et  les  pheuomenes  in- 
tellcctuels  ou  les  pensees ;  et,  si  Ton  etait  un  peu  pousse  sin- 
ce point,  ne  serait-on  pas  expose  a  nous  accorder  plus  qu'on 
ne  pense  ?  Par  exemple  on  reconnaitrait  peut-elre  que  l'es- 
poir  est  un  phenomene  qui  nous  est  atteste  par  la  conscience  : 
eb  bien!  l'espoir  est  un  desir  mele  d'un  jugement  de  proba- 
bilite.  II  y  a  done  la  du  moral  et  de  l'intellectuel ,  et  il  est 
evident  que  notre  conscience  saisit  a  la  ibis  les  deux  elemens 
de  ce  fait  complexe,  ou,  en  d'autres  termes,  que  dans  ce  cas 
je  percois  en  moi  un  jugement  tout  aussi-bien  qu'un  sen- 
timent. 

De  ce  qu'on  ne  se  rend  pas  compte  d'un  fait  qui  exisle,  ce 
n'est  pas  une  raison  pour  en  nier  l'existence.  Ou  bien  on  toinbe 
dans  le  paralogisme  que  l'ecole  appelle  ignorantia  rei.  Ainsi 
Zenon  niait  le  moitvement  parte  qu'il  ne  pouvait  le  compren- 
dre;  ainsi  Berkeley  niait  la  maliere,  parce  qu'il  ne  pouvait  la 


6a  SCIENCES  MORALES 

roocilier  avec  sa  doctrine  sur  les  idees.  Ainsi,  fautc  do  con- 
cevoir  comment  l'esprit  connail  ses  actes,  vous  nicz  l'exis- 
lence,  non  pas  sculcmcut  de  la  conscience,  muis  de  la  peosee 
memc ;  car,  enfin,  si  vons  ne  savez  point  que  vous  pensez, 
personne  n'a  pu  vous  1'apprendre ;  dans  les  discours  vous 
n'cntcndez  que  des  sons  ,  dans  les  edits  vous  ne  voyez  que 
de  pelites  figures,  et  Ic  mot  de  pensce  est  pour  vous  vide  de 
seng. 

Quelques  personnes  s'imaginent  que  l'ctude  des  fond  ion* 
intellectuelles  ne  peut  consister  que  dans  la  determination  des 
conditions  organiques  dont  elles  dependent,  e'est-a-dire  dans 
la  description  des  protuberances  et  des  depressions  du  cer- 
veau.  Or,  la  cranioscopie  ne  montre  que  le  rapport  du  cervean 
a  la  function  intellectuelle ,  mais  la  fonction  intellectuelle  ne 
se  connait  pas  par  la  contemplation  du  cervean.  Ainsi,  le  doc- 
teur  Gall  a  cru  remarquer  une  coincidence  ordinaire  entre  la 
preeminence  de  telle  partie  du  cerveau  et  ce  qu'il  appelle 
1'inslinct  de  la  propriete.  II  connaissait  done  l'instinct  de  la 
propriete,  avant  de  savoir  dans  quelle  portion  de  1'appareil 
cerebral  il  en  placerait  l'organe.  Nous  en  dirons  autant  de  ce 
qu'il  nomme  la  sagacite  comparative,  et  de  toutes  les  autres 
fonctions  intellectuelles  dont  il  a  tente  d'assigner  le  siege.  Ou 
bien  les  mots  propriete  et  comparaison  ne  signifiaient  rien  pour 
le  docteur  Gall,  ou  bien  il  savait  les  idees  qu'il  y  attachait, 
e'est-a-dire  qu'il  connaissait  les  actes  intellectuels  queces  mots 
representent,  et  cette  connaissance  il  ne  l'avait  pas  acquise 
par  le  scalpel,  ni  par  les  yeux,  ni  par  les  mains,  mais  par  le 
procede  que  Bossuet  appelle  la  connaissance  de  soi-meme,  e'est- 
a-dire  de  la  facon  dont  chacun  de  nous  connait  sa  pensee.  II 
n'y  a  de  phrenologie  possible  qu'a  la  condition  d'une  psycho- 
togie  bien  faite;  et  chez  le  dogteur  Gall  la  psychologie  a  pre- 
cede la  cranioscopie ;  et  il  n'en  pouvait  etre  autrement.  On 
voit  done  qu'il  est  possible  de  fairc  une  psychologie  sans  le 
secours  de  la  physiologie ;  on  ignorera  seulement  alors  le  rap- 
port des  fonctions  intellectuelles  avec  l'etat  du  cerveau,  e'est- 
a-dire  le   rapport  du  moral  et  du  pbysique ,  mais  on  pourra 


ET  P0L1TIQUES.  6S 

connaitre  tres-exactement  en  elle-meme  la  marche  des  ta- 
cultes  intellectuelles,  les  caracteres  tie  resemblance  ou  de 
difference  que  presentent  les  actes  de  l'esprit,  leur  rapport 
de  succession,  en  un  mot  tout  le  moral  et  tout  l'intellectuel 
de  l'homme.  Lisez  les  ouvrages  du  philosophe  Ileid,  que  pu- 
blie  en  ce  moment  M.  Jouffroy,  vous  y  trouverez  une  psy- 
chologie  beaucoup  plus  complete,  beaucoup  plus  methodique, 
et  beaucoup  mieux  exprimee  que  celle  qui  sert  de  point  de 
depart  a  la  phrenologie  du  docteur  Gall  et  de  ses  succes- 

seurs. 

Le  seul  moyen,  dit-on  encore  ,  de  mettre  en  evidence  les 
lois  logiques  de  l'esprit  humain,  c'est  de  considerer  les  resul- 
tats  de  l'activite  intellectuelle ;  d'examiner  les  procedes  reel- 
lement  employes  par  l'esprit  pour  obtenir  les  diverses  con- 
naissances  exactes  qu'il  a  deja  acquises ;  en  un  mot,  de  regarder 
toutes  les  theories  scientifiques  comme  de  grands  faits  logiques. 
On  veut  dire  qu'il  faut  prendre  connaissance  des  jugemens  et 
des  raisonnemens  par  lesquels  les  savans  ont  construit  leurs 
sciences.  Or,  oii  prendra-l-on  cette  connaissance  ?  Apparem- 
ment  dans  les  discours  et  les  ecrits  de  ces  savans;  mais,  nous 
l'avons  deja  dit,  les  ecrits  et  les  discours  ne  sont  que  des  signes 
de  pensee,  etilsne  vous  apprendront  rien  si  vous  n'avez  conuu 
par  une  autre  voie  ce  que  c'est  que  la  pensee.  J'ai  jugi,  nous 
dira  tel  savant,  qu'il  fallait  classer  les  animaux  par  les  organes 
les  plus  importans  des  fonctions  animates.  Juger,  est-ce  la  un 
fait  materiel  que  vous  puissiez  voir  ou  entendre  ?  n'est-ce  que 
['assemblage  de  ces  deux  syllabes/a  et  gcr?  Classer,  c'est-a- 
dire  comparer,  chercher  des  ressemblances  et  des  differences  : 
si  vous  savez  ce  que  c'est  que  comparer,  que  chercher,  vous 
l'avez  appris  par  l'examen  de  1'acte  intellectuel  en  lui-meme, 
et  sans  le  secours  de  la  parole  ni  de  la  plume,  ou  bien  vous  ne 
comprendrez  jamais  ces  mots. 

II  est  tres-vrai  que  l'examen  attentif  du  langage  est  d'un 
grand  secours  pour  la  psychologic  L'esprit  opere  avec  une 
extreme  rapidite,  et  ilproduit  souvent  plusieurs  actes  differens 
a  la  fois;  il  a  une  conscience  obscure  de  ces  actes  pendant 


G4  SCIENCES  MORALES 

qu'ils  s'acconiplissent :  mais,  si,  des  qu'ils  sont  accomplis,  il 
ne  les  recherche  pas  altcntivement  dans  sa  mcmoirc,  comme 
nous  I'avons  \n  fair*  u  cet  Anglais  dans  IVxcmple  que  nous 
BVons  cite,  bientol  il  nc  pourra  pins  les  y  rclrouver,  ct  ces 
acles  scront  pour  lui  comme  s'ils  n'avaient  jamais  tie.  Pious 
nc  pouvons  pas  ranicncr  ainsi  a  .haque  instant  notre  reflexion 
sur  ce  (pie  nous  venons  de  faire,  afin  d'obtenir  la  connaissanec 
distincte  de  re  que  nous  avons  fait.  De  plus,  si  cepouvoirnous 
etail  donne,  il  nous  faudrait  encore,  pour  faire  la  science  de 
l'esprit  humain,  la  puissance  de  rctenir  tous  les  resultats  que 
nous  aurions  obtenus,  afin  d'examiner  en  quoi  ils  se  ressem- 
bleut  ou  different,  et  comment  ils  se  succedent.  Ces  deux  fa- 
cultes  nous  etant  refusees ,  il  est  done  fort  heureux  qu'un 
instinct  nalurel  ait  porte  Phomme  a  revetir  ses  idees  de  pa- 
roles. II  note  ainsi  ses  pensees  une  a  une  pendant  qu'il  en  a 
conscience,  et  si  l'ecrituie  vient  au  secours  de  la  parole,  voila 
un  moyend'enregistrerun  grand  nonibre  d'idees,  qu'on  estsfir 
de  retrouver  sans  avoir  besoin  d'en  charger  sa  memoire.  Le 
langagedevicnt  done  ainsi  pour  la  psycbologiece  que  I'algebre 
est  pour  la  geometric  :  e'est  une  puissante  mnemonique.  Par 
I'examen  dn  langage,  le  psychologne  arrive  a  des  decouvertes 
qu'il  n'aurait  jamais  lailes  sans  cet  appui.  Mais,  encore  uoc 
fois,  dememe  que  leslettres  A,  IJ,  C,  nesont  point  un  triangle, 
et  ne  l'exprinient  dans  une  demonstration  que  pour  ceux  qui 
v-onnaissent  deja  celte  figure,  de  irn'me  le  mot  croire  ou  lout 
autre  n'cxpriine  un  acte  inlellectuel  que  pour  celui  qui  a  pris 
ailleurs  connais  sauce  de  cet  acte. 

Mais,  de  plus,  comme  les  signcs  qui  composent  la  langue 
vulgaire  ne  sont  point  de  l'invention  du  psychologuc,  et  que 
tout  le  monde  les  emploie  chaque  jour  ,  le  psychologne  s'en 
scrt  pour  faire  rcmarquer  1'existence  et  les  differ  ens  caracteres 
de  tel  ou  tel  acte  de  l'esprit  a  ceux  qui  u'oul  pas  ['habitude  de 
reflechir  sur  leurs  operations  intellectuelles,  et  qui,  par  con- 
sequent, les  oublient  sitfit  qu'ils  les  out  nominees.  II  semble 
etonuant  qu'au  moment  ou  I'on  vient  de  nommer  un  acte  de 
<on  esprit  on  en  perde  aussitot  la  memoir e;  e'est  cependant  ce 


ET  POLITIQUE*.  05 

qui  arrive  Ions  les  jours.  Ainsi ,  dans  des  ouvrages  oil  I'on 
avancc  que  nous  ne  pouvons  connaitre  nos  propres  actes  inlel- 
lecluels,  on  Irouvc  des  phrases  telles  que  celles-ci  :  J'obeis  d 

tine  nccessite  togique Je  crois  avoir  decouvert —   Fairc  une 

abstraction....  Se  livrer  d  une  meditation  serieuse....   Avoir  une 

opinion  exagcree  dc  ses  propres  forces Nourrir  des  esperances 

chimeriques..-.  Concevoir  des  idees  exagerees  de  l'importance  de 
l'homme.  ..  .  Eclaircir  une  notion....  Les  idees  gouvernent  et 

boulcversent  le  monde Tout  le  mecanisme  social  repose,  en 

dernier  resultat,  sur  des  opinions Notre  activite  intellectuelle 

est  suflisamment  excitee  par  le  pur  espoir  de  dccouvrir  les  his  des 
plie nomines....  I  ne  trop  grande  attention  donne'e  aux details cm- 
peche  d'apercevoir  I' ensemble.  Les  deux  dernieres  phrases  sonl 
surtout  remarquables  en  oe  qif  elles  contiennent  deux  lois  de 
I'esprithumain,  marquees,  depuis  long-tems,  par  presquetous 
les  psychologues.  Maintenant,  nous  demanderonsaFauteurde 
ces  phrases  comment  il  sait  ce  que  c'est  qu'une  abstraction, 
une  meditation  sdrieuse ,  une  opinion,  une  notion  claire ;  com- 
ment, si  son  esprit  ne  s'observe  pas  lui-meme  et  n'a  point 
connaissance  de  ses  actes,  il  peut  parler  iYidees  et  dire  qu'elles 

gouvernent  le  monde,  etc Les  signes  du  langage  nousser- 

vent  done  ici  a  ramener  un  esprit  preocCupe  par  d'autres 
inatieres,  et  a  lui  faire  reconnaitre  que  l'intelligence  est  donee 
de  conscience,  ce  qu'il  avait  oublie  apres  I'avoir  constate  lui- 
meme  par  la  parole. 

C'est  ainsi  que  tous  les  sceptiques  ont  etc  pris  par  leurs  ae- 
"  lions  on  par  leur  langage.  Onse  fait  un  syslemequi  nous  force 
a  rejeter  une  partie  de  la  connaissance  humaine,  et  Ton  est 
bien  resolu  de  tcnir  ferme  jusqu'a  la  liu  ;  mais  on  n'est  pas 
tellement  en  garde  contre  l'evidence  qu'elle  ne  se  gli.sse  quel- 
quefois  dans  la  place.  Bentham  nie  1'existence  de  toute  con- 
ception d'obligation  morale  ;  mais  on  trouve  dans  ses  ecrits 
plusieurs  passages  ,  ou  le  mot  devoir  est  employe  avec  tons 
les  caracteres  que  lui  reconnaissent  les  moralistes  de  I'ecolc 
opposee.  Pyrrhon  revoque  en  doute  1'cxistonce  des  corps  ex- 
tcrieurs,  et  l'on  est  oblige  de  le   detourner  des  precipices; 

T-    XLVI.    AVRIL     lS3o.  5 


00  SCIEUC.BS  MORALES 

ni.'iis  mi  j on r  il  s'emporte  coiiiiT  son  cuisinier.  kI  le  poursuif 
jusqu'.i  la  place  publiquc,  la  broche  on  main. 

Ld  pretention  dc  certaihe  secle  philosoplnque  esl  de  tout 
reduire  dans  noire  esprit  a  la  eonnaissance  par  les  organes 
e\l<  ricurs.  Kn  consequence,  ainsi  que  Diderot  l'a  dit  sans  le 
prnmcr.  il  n'v  a  point  d'objot  lie  eonnaissance  qui  ne  soil 
susceptible  d'unc  representation  sensible  ,  e'est-a-dire  qui  ne  soil 
l-Uh  des  phenomenes  materiels  qui  I'rappent  nos  sens.  Or, 
nous  demandons  qu'on  donne  line  representation  sensible  a 
une  necessiie  togique,  a  une  decourerte,  a  line  abstraction,  a  nnc 

meditation,  a  une  opinion,  a  une  espcrance,  a  V attention,  etc 

Fjs  iodine  secte  explique  tout  en  medecine  ipar  Virritation;  or, 
nous  demandons  encore  si  1'  irritation  est  le  dur  ou  lemon,  le 
(hand  on  k  l'roid,  le  rouge  on  lebleu  ,  le  doux  on  l'amer,  etc... 
II  I'aut  qu'elle  soil  quelqu'une  de  ees  choses  pour  tonibcr  sous 
lessens;  le  terme  (Virritation  n'a  d'aeception  propre  qu'en 
ptyclwlogie ;  nous  savons  parl'aitemcnt  bien  ce  cpie  e'est  qu'uu 
esprit  irriie ,  et  nous  le  savons  par  la  conscience;  hors  dc  1-J, 
re  mot  n'est  plus  employe  que  methaphoriquement  :  e'est 
ainsi  qu'on  dit  :  des  (lots  irriles ,  une  blessure  irritee ,  un  01- 
gane  irrite.  Je  sais  qu'on  vent  designer,  par  le  mot  ^irrita- 
tion ,  la  cause  inconnue  d'une  augmentation  de  sensibilite  et 
d'action  dans  un  organe;  maisd'abord  raugmentation  de  sen- 
sibilite n'est  pas  percue  par  rinslrument  du  cbirurgien  ,  mais 
par  l'esprit  du  malade  ;  ce  qui  renlre  encore  dans  la  psycho- 
logic car  e'est  celui  qui  sou  lire  qui  se  connait  soufl'rant ;  de 
plus,  il  est  singulier  qu'un  des  ennemis  les  plus  declares  de  la 
psychologic,  pour  designer  le  principe  sur  lequel  repose  tout 
son  systeme  medical,  se  soit  servi  justemenl  (rune  melaphoie 
psychologique.  II  est  evident  que  Virritation  n'est  pas  sus- 
ceptible d'une  representation  physique,  ou  bien  elle  sera  telle 
rouleur,  telle  odeur,  telle  resistance,  etc...  Alois,  prenez  le 
nom  de  ce  phennincne  materiel  .   et  laisse/.-l.i  le  mot  d'irrita- 

lieill. 

Mais  <  e  oc  sunt  pag  seulcmeui  les  termes  ile  la  psycholo- 
gic ,  c.Vst-,'i-dire  les  signcs  des   connaissances  acqnises  par  la 


ET  POLITIQUES.  G; 

consciencc,  qu'on  voit  employes  par  ceux  dont  la  pretention 
est  de  tout  reduire  a  la  connaissance  par  les  sens  exterieurs; 
^ils  seserventaussi  des  mots  de  la  pure  ontologie,  de  cette  me- 
laphysique  generate  avec  laquelle  la  psychologie  ne  doit  pas 
etre  plus  conlbndue  qu'avec  les  matliematiques.  lis  devraient 
bannir  de  leur  langage  tout  ce  qui  rappelle  ces  conceptions  de 
cause,  de  possible  ,  de  necessaire  et  de  contingent ,  etc.,  que  la 
metaphysique  distingue  des  notions  purement  sensrbles,  et 
qui,  en  effet,  ne  sont  pas  snsceptibles  de  representation  phy- 
sique. Mais  ils  nous  parlent  de  la  tendance  consianie  de  toutes 
les  molecules  les  lines  vers  les  autres;  or,  l'oeil  voit  le  mou- 
vcment,  il  ne  voit  pas  la  tendance;  ce  mot  suppose  dans  les 
elemens  materiels  une  force,  une  aptitude,  line  virlualite,  etres 
melaphysiques,  ou  verites  rationnelles,  qui  ne  tombent  ni 
sous  les  sens  exterieurs,  ni  meme  sous  la  conscience,  mais 
qui  sont  du  dornaine  de  l'evidence  rationnelle,  comme  les 
axioines  matliematiques.  Ils  nous  parlent  de  lois  invariables ; 
ils  devraient  se  contenter  de  parler  de  phenomenes  qui  n'ont 
pas  encore  varie ,  car  autrement  ils  concluent  du  passe  a  l'a- 
venir,  ce  qui  depasse  encore  les  sens  et  la  conscience;  ils  an- 
ticipent  sur  1'idee  de  necessity  qui  leur  est  interdite,  car  les 
sens  voient  que  telle  chose  est ,  et  non  qu'elle  doit  toujours 
fetre.  II  ne  faut  point  parler  de  gravitation,  mais  de  chute  des 
(Dips,  car  on  pourrait  croire  que,  par  gravitation,  vous  en- 
tendez  la  cause  de  leur  chute,  ou  leur  tendanre  a  lomber,  et  la 
chute  seule  est  sensible.  Enfin,  il  taut  rayer  le  mot  d' excitation, 
qui  est  en  physiologie  ce  que  Virritation  est  en  pathologie ; 
ce  mot  suppose  une  action  exercee  par  le  corps  etranger  sur 
Porgane,  et  en  consequence  un  rapport  de  cause  et  d' effet ;  or, 
le  rapport  de  cause  et  d'effet  est  de  la  metaphy.-ique;  les  sens 
exterieurs  ne  montrent  que  des  rapports  de  contiguite,  ou  de 
ressemblance  et  de  difference  materielle,  etc.,  etc... 

Sans  doute,  la  physique,  voulant  se  borner  a  constater  les 
ressemblances  et  les  differences  des  phenomenes  sensibles  et 
leur  ordre  de  succession,  a  en  raison  de  ne  plus  chercher  a 
penetrerla  nature  inlime  des  etres,  a  appiofondir  la  notion  de 


08  SCIENCES   MORALES 

substance,  a  decouvrir  les  causes  finales,  eh...  M  :i  t -^  elle  h'a 
j)ii  so  separer  tou  l-;'i-fait ,  com  me  on  l'a  vu,  des  conceptions 
metaphysiques;  c'est  que  ces  conceptions  font  parlie  de  lYs- 
pfil  htimain,  el  qu'il  est  fort  difficile  de  les  chasser  enticre- 
ment.  Les  verites  ralionnelles  ne  sont  pas  moins  positives  que 
l<'s  phenomenes  matericls;  seulement  elles  sont  d'unc  nature 
diffcrcnte  ;  quand  on  veut  ne  s'occuper  que  des  phenomenes 
physiques ,  on  fait  bien  d'ecarter  les  verites  ralionnelles,  si 
Ton  pent  y  parvenir,  parte  qu'on  melerait  des  facts  qui  ne  se 
ressemblent  pas;  mais,  si  on  les  ecarte ,  on  rte  les  aneantil 
pblbt  pour  tela,  et  il  n'en  faut  pas  nier  l'existence  :  d'autres 
esprits  se  plairont  a  les  niediler,  car,  les  verites  qu'on  appelle 
exclusivement  metaphysiques,  ont  autanl  de  realitc  que  les  ve- 
rites lnathematiques,  et  Ton  pent  comprendre  les  unes  et  les 
autres  sous  le  nom  commun  de  verites  rationnelles.  Tel  esprit 
s'est  distingue  a  l'Eoole  Polyteehnique  par  la  faeilite  avec  la- 
quelle  il  comprenait  le  ealcul  differentiel  et  integral  qui,  s'il 
eiit  pris  connaissancc  des  travaux  de  Leibnitz  autre  part  que 
dans  les  on  clit  des  causeurs  de  philosophic  serait  pcut-elre 
maintenant  absorbe  dans  ses  meditations  sur  la  substance,  la 
cause  et  la  nature  intime  des  etres ;  et,  s'il  meprisait  alors  la 
psychologie,  cc  ne  serait  plus  en  raison  de  la  parenlc  qu'on  lui 
suppose  avec  1'ontologie,  mais  bien  plutot  parcc  qu'elle  lui 
paraitrart,  comme  les  sciences  physiques,  oeciipec  a  noter  de 
purs  phenomenes,  a  saisir  des  rapports  de  lessemblance,  de 
difference  et  de  succession  ,  sans  penetrer  dans  l'essence  des 
choses,  et  il  ne  verrait  dans  les  psychologies  que  des  gens 
rpii  passent  leur  vie  ;'i  ramasser  des  coquilles  et  a  chercher  en 
quoi  se  ressemblent  on  ne  se  ressemblent  pas  les  ('irons. 

Les  phenomenes  sensibles,  les  actes  de  noire  esprit  et  les 
verites  ralionnelles,  voila  Irois  ordres  distincts.  Pour  les  bien 
eludier,  il  est  a  souhaiter  qu'on  les  separe  :  on  n'y  est  cepen- 
dant  pas  encore  toul-a-fait  parvenu.  II  faut  dire  meme  que, 
si  la  physique  renonee  un  jour  a  concevoir  la  relation  de  cause 
et  d'effet  dans  les  rapports  de  eontiguite  on  de  succession, 
que  ndOs  monlrent  les  sens,  elle  sera  plus  homogene ,  mais 


ET  P0LITIQUE3  69 

offrira  beaucoup  nioins  d'inleret,  et  perdra  I'avantage  qui  l'e- 
leve  aujourcrbiii  au-dessus  do  la  mineralogie  ou  de  la  conchi- 
liologie.  Quoi  qn'il  en  soit,  les  trois  ordres  que  nous  avons 
inumeres  sont  reels  et  positifs  tous  les  trois  :  le  premier  est 
l'objet  des  organes  exterieurs  ou  de  la  perception  materielle, 
ou  de  V observation  physique  ;  le  second,  de  la  connaissance  de 
soi-mSme  ou  de  la  conscience,  ou  encore,  de  V observation 
psyclwlogique  ;  et  le  troisieme  est  l'objet  de  la  raison.  Si  ceux 
qui  s'occupent  du  premier  ordre  veulent  prouver  la  non-exis- 
tence des  deux  autres,  il  faut  qu'ils  fussent  rejeter  une  partie 
considerable  des  mots  de  la  langue  qui  servent  a  exprimer  ces 
deux  giandes  sections.  Hume  a  deja  tente  de  proscrire  tous 
les  termes  qui  expriment  les  verites  ralionnelles.  Selon  lui,  il 
ne  faut  plus  prononcer  les  mots  de  substance  ,  cause,  devoir, 
justice  necessite,  etc... ,  parce  que,  comme  il  le  demontre  fort 
bien,  ni  les  sens  exterieurs  ,  ni  la  conscience  ,  n'atteigncnt  les 
objets  representes  par  ces  mots.  Vous  devez  l'aire  la  nieme 
tentative  contre  tous  les  termes  qui  expriment  la  connaissance 
que  l'esprit  acquiert  de  sa  propre  niarche;  il  faut  que  vous 
supprimiez  les  mots  les  plus  ordinaires  du  langage  jusqu'a 
ceux-ci  :  s'occuper,  negligcr,  facile,  difficile,  etc...  Enfiu,  pour 
ne  pas  nous  repcler  ni  trop  multiplier  les  exemples ,  il  faut 
rayer  les  mots  je  et  moi,  car,  que  veulent-ils  dire,  s'ils  ne  sont 
pas  le  signe  d'une  intelligence  qui  a  conscience  d'elle-meme? 

Mais  non,  il  vaut  mieux  reconnaitre  que  les  pbenomenes 
materiels  ne  sont  pas  les  seuls  po?itifs  ;  epie  les  pbenomenes 
intellectuels,  pour  etre  connus  autrement,  n'ensont  pas  inoins 
connus,  et  n'en  out  pas  moins  une  existence  reelle  ;  el  que,  si 
les  psycbologues  ne  sc  bornent  plus  a  examiner  un  cote  de 
l'esprit  et  a  deviner  ou  a  nier  le  reste,  comme  I'ont  fait  long- 
tems  les  physiciens  pour  les  pbenomenes  pbysiques ,  la  psy- 
cbologie  deviendra  aussi  a  son  tour  une  science  positive.  Tel 
est  le  but  auquel  tendent  de  nos  jours  les  efforts  de  plusieuis 
hommes  pleins  de  lumieres. 

llcmarquons  Toi'drc  dans  lequel  se  sont  formees  les  sciences 
d'observation  soit  physique  soil  psycholo^ique  :  ce  sont  les 


?o  SCiliNCUS  MORALES 

phenomenes  les  plus  frappans,  tcls  epic  Ifes  inuuvcniens  des 
aslres  qui  out  ete  d'abord  observes  et  decritsavec  exactitude; 
ensuite  sont  venus  les  phenomenes  physiques  proprement 
dits ,  moins  frappans  que  les  premiers,  nioins  isoles  les  nns 
ties  autres,  moins  separes  ties  phenomenes  d'un  autre  genre  ; 
puis,  les  phenomenes  ehimiques  et  les  phenomenes  physio- 
logiques,  moins  sensibles  encore,  et  plus  entrelaces  les  tins 
dans  les  autres.  On  reconnait  deja  comme  possible  la  psy- 
chologic des  passions,  qui  ne  tombe  point  sous  les  organes 
materiels,  mais  sous  la  conscience,  et  qui  fait  partie  de  I' obser- 
vation da  mot.  On  accordera  bienlot  la  psychologie  de  l'intcl- 
ligence.  Cet  ordre  etait  necessaire  :  il  est  de  la  nature  des  fail* 
intellectuels  de  moins  attirer  notre  attention  que  les  faits  phy- 
siques, et,  comme  les  premiers  s'exercent  presque  toujours  si- 
multancmeiit,  et  sont  presque  inseparables  les  tins  des  autres, 
Pobservation  en  est  beaucoup  plus  difficile.  La  psychologic  de 
1'intelligence  devait  done  etre  la  derniere  venue  des  sciences 
d'observation.  La  premiere,  ou  l'astronomie,  ne  date  que  de 
Copernic,  ou  d'un  peu  plus  de  deux  siecles,  la  physique, 
d'un  siecle  et  demi,  la  chimie,  d'un  demi-siecle,  et  la  physio- 
logic vient  de  naitre.  On  se  plaint  des  systemes  et  des  contra- 
dictions des  psychologues  ;  mais  ils  travaillent  encore  a  l'insu 
les  uns  des  autres  ;  ils  n'ont  point  d'academie  on  ils  puisscnt 
reunir  leurs  lumieres,  se  redresser  mutuellement,  et  convenir 
d'une  langue  commune.  Sans  1' Academic  des  sciences,  ou  Ton 
verifie  en  commun  les  propositions  de  chaque  experinienta- 
teur,  les  ouvrages  de  physique  et  de  chimie  presenteraient  les 
memes  divergences  que  celles  qu'on  reproche  aux  livres  de 
psychologie.  Chaque  jour  tel  savant  ne  fait-il  pas  condamner 
les  resultats  qu'un  autre  croyait  avoir  obtenus.  Quand  ceux 
qui  s'occupent  des  memes  objets  de  recherche  n'ont  point  de 
communication  entrc  eux,  nc  s'exposent-ils  pas  aussi  a  par- 
ler  de  la  meme  chose  sous  des  noms  difterens?  Si  Ton  y  re- 
garde  dc  pies,  on  s'apcrcoit  qu'unc  grantlc  partie  des  debuts 
entre  les  psychologues  roule  sur  les  mots,  bicn  plus  que  siu 
lc  fond  des  choses. 


i:r  i»omtiqles.  ;i 

Sans  iloute  la  psychologic  a  etc  long-tems  obslruee  d'hy- 
potheses;  toutes  les  sciences  out  eu  cc  nialheur,  ct  elles  n'en  . 
soot  pas  encore  aussi  bien  delivrees  que  le  croient  les  savans. 
Mais,  an  milieu  de  ces  conjectures,  il  se  trouve  un  grand 
nombre  d'observations  reelles  qu'on  pent  recueillir  avce  tVuit. 
On  convient  que  l'astrologie  et  I'alchimie  avaient  amassc  une 
lougue  serie  d'exptriences  qui  ont  servi  plus  tard  de  f'onde- 
nient  mix  premieres  theories  positives.  D'ailleurs,  lhistoire 
de  la  psychologic  nous  mo.'itre  que,  plus  nous  nous  rapp'ro- 
chons  de  nos  terns,  plus  le  nombre  des  speculateurs  diminue, 
plus  celui  des  observateurs  augmente. 

En  resume  :  a  chaque  instant,  nous  parlous  des  actes  de 
notre  esprit,  au  moment  ou  nous  les  prenons,  pour  ainsi  dire, 
sur  !e  l'ait ;  nous  les  connaissons  done,  qooique  nous  ne  sa- 
chions  pas  comment  pent  s'operercette  connaissance;  s'iln'cn 
etait  ainsi,  nous  ne  parlerions  pas,  carle  langage  n'est  que 
l'expression  de  la  pensee ,  et  un  drame  represente  sur  la  scene 
ne  nous  oftVirait  qu'une  serie  de  sons  et  de  mouvemens  in- 
<oni|>renensibles.  Le  rapporl  du  pbysique  etdu  moral,  on  du 
cerveau  et  de  l'intelligence  ,  prcsente  une  question  tort  inte- 
ressante ;  mais  les  deux  termes  de  ce  rapport  s'observent  par 
des  procedes  differens;  la  connaissance  de  Pun  n'est  pas  celle 
de  I'aulre ,  et  la  psychologic  doit  preceder  la  craniologie. 
L'examen  du  langage  est  un  moyen  tres-fecond  de  decouvertes 
pour  le  psychologue,  parte  que  les  mots  fixent  d'une  maniere 
durable  le  souvenir  de  phenomenes  passagers,  et  qu'ils  sunt 
Palgebre  de  la  psychologic  lis  servenl  meme  a  prendre  les 
physiciens  cxclusifs  en  flagrant  delit  de  psychologie  et  menu' 
de  metaphysique  ou  d'onlologie.  II  taut  done  avouer  que  la 
connaissance  de  soi-meme  est  possible,  et  qu'on  pent  arriver 
par  la  psychologic,  et  par  elle  seule,  a  determiner  les  lois  de 
I'esprit  humain.  Sans  aller  plus  loin,  recueillons  les  plus  im- 
portant des  Tails  intellectuels  que  nous  avons  eu  ['occasion  de 
nominer  dans  cet  article  sculemenl.  On  vena  que  nous  les 
ronnaissons  directemenl,  ct  sans  avoir  besoin  du  secours  de 
la   craninlojj-ie,  nj  des  son-  < | n i   torment   le  langage.  L'espril 


72  SCIENCES  MORALES 

avoas-nous  dit,  commit  des  phenomcnes,  ids  que  la  durcte, 
la  forme,  la  couleur,  etc.,  qn'il  rapporte  a  un  principe  dis- 
tinct de  lui-meme,  appele  matiere,  c'est  la  perception  mate- 
rielle;  il  concoit  des  relations  de  cause  et  d'efl'et;  il  compare 
les  objets  de  ses  connaissances  ;  il  se  represente  des  figures  , 
dcs  sons,  des  conleurs  qui  n'ont  point  dc  rcalite  exterieure  : 
c'est  ce  qu'on  appclle  les  songes;  il  s'en  represente  d 'a  litres 
qui  n'out  eu  d'existence  que  dans  le  passe  :  c'est  ce  qu'on  ap- 
pelle  les  souvenirs;  la  mcmoire  est  aidec  par  ['attention,  par 
Inexperience  reiteree,  par  l'exercice  simultane  de  plusieurs 
sens,  par  le  plaisir  ct  la  peine;  l'intelligence  concoit  des  ne- 
cessites  logiques;  elle  peut  considerer  a  part  une  partie  d'un 
objet,  sans  faire  attention  aux  autres,  c'est  l'abstraction  ;  les 
recbercbes  de  differens  genres  lui  sont  plus  ou  moins  faciles 
ou  agreables  :  c'est-a-dirc  quele  plaisir  ou  la  peine  iutervien- 
nentdans  rexerciee  de  l'intelligence  ;  une  meditation  serieuse 
lui  fait  deeouvrir  la  verite;  en  d'autres  termes,  l'attention  ou 
rintervention  de  la  volonle  dans  la  connaissanee  augmenlc 
1'energie  decelle-ci;  enfin,  l'attention  est  exclusive;  quand 
elle  s'attache  aux  details  ,  elle  nous  fait  perdre  l'ensemble,  et 
reciproquement,  etc... ,  etc... 

Voila,  en  pen  de  mots,  des  observations  sur  l'esprit,  en 
aussi  grand  n ombre  que  celles  qu'on  a  recueillies  snr  l'elec- 
tricite  ou  le  gaz  hydrogene  ,  et  qui  n'ont  pas  moins  d'evi- 
dence.  Etendez  ces  observations,  approfondissez  la  marehe 
de  In  perception  materielle,  de  la  conception  rationnelle  ,  de 
la  comparaison,  du  reve,  de  la  memoire ,  de  l'abstraction,  de 
l'attention,  joignez-y  1'ctude  d'une  foule  de  facultes  que  nous 
n'avons  pas  eu  l'occasion  de  nommer  (car,  pour  le  dire  en 
passant,  1'activite  de  l'inlelligence  humaine  n'est  pas  eonte- 
nue  tout  entiere  dans  les  procedes  employes  par  l'esprit  dcs 
savans  pour  construire  leurs  sciences;  nous  avons  ineme.eitc 
plusieurs  actes  intcllectucls  qui  ne  rentrent  point  dans  la  lo- 
gique  il'une  theorie  scientifique) ,  et  alors  vousaurez  une  psy- 
chologic, c'cst-a-dire  une  hisloire  naturelle  de  l'esprit  laite 
par  lui-meme,    et   qui    aura  probablement  aulant  d'iulcrcH 


ET  POLITIQLES.      .  7.1 

pour  nous  que  I'histoire  naturelle  du  singe  ou  de  la  torlue. 
Ainsi  done,  en  meme  terns  que  je  percois  des  formes,  des 
mouvemens,  des  couleurs,  et  que  je  les  rapportc  a  un  prin- 
cipe  qui  n'est  point  moi,  et  que  j'appclle  matiere ,  je  connais 
des  jugemens,  des  conceptions,  des  souvenirs,  etc... ,  et  je  les 
rapporte  a  un  principe  que  j'appclle  moi,  ou  esprit.  Pourquoi 
cela?  je  n'en  sais  rien;  niais  cela  est,  et  il  n'.en  peut  etre  au- 
trement.  La  premiere  connaissance  s'exerce  a  l'aide  d'organes 
materiels,  la  seconde  sans  leur  secours ;  nous  appellerons  la 
premiere  observation  de  la  matiere  ou  observation  physique; 
et  la  seconde,  observation  de  moi,  ou  conscience.  Car  il  taut 
abandonner  les  termes  d'observation  exterieure  et  d'obsena- 
tion  interieure,  qui  sont  des  figures  prises  des  corps  solides, 
et  qui  font  croire  aux  gens  de  mauvaise  volontc,  qu'on  attri- 
bue  a  l'esprit  un  dedans  et  un  dehors,  et  que  (.'observation 
interieure  va  les  introduire  dans  une  espece  de  chambre  ob- 
scure, dans  laquelle  ils  verront  une  personne,  ou  an  moins 
ses  oreiites  (1).  Ne  disons  point  non  plus  que  l'esprit  voit  ou 
sent  ses  actes;  car,  voir  est  emprunte  de  1'exercice  de  la  vue 
physique  ,  et  il  emporle  avec  lui  l'idee  d'une  couleur  quel- 
conque  :  de  sorte  que,  quand  vous  dites  que  l'esprit  voit  ses 
jugemens,  les  physiciens  croient  probablement  que  vous  par- 
lez  de  quelque  chose  de  bleu  ou  de  jaune,  et  ils  affirment 
qu'ils  ne  voient  rien  de  pared.  II  est  des  gens,  dit  Bacon,  qui 
viennent  a  l'observation  de  l'esprit,  encore  tout  echauffes  des 
operations  de  la  forge  ,  el  qui  apportent ,  dans  cette  operation 
delicate,  la  suie  et  la  fumee  du  fourneau.  De  meme,  sentir  ne 
s'emploie  ordinairement  que  lorsqu'on  est  averti  de  la  partie 
du  corps  par  laquelle  nous  arrive  une  connaissance,  ou  un 
plaisir,  ou  une  peine.  Comme  la  connaissance  des  actes  de 
l'esprit  n'est  pas  accompagnee  de  ce  phtnomene,  il  ne  taut 
pas  se  servir  de  I'expression  qui  le  rappellc.  Si  Ton  avance 
que  l'esprit  suit  ou  connait  ses  actes,  je  pense  qu'aucun  hoinnie 

(1)  J'ai  souveut  cherche  la  conscience,  dit  le  ducteui  Bioussais,  niais 
je  declare  que  je  n'en  ai  jamais  vu  les  on  illcs. 


;4  SCIENCES  HORACES 

dc  boa  sens  ne  pourra  contest*  r  cclle  proposition.  Les  OiOtSttt- 
roir  et  lunnaitre  n'ont  qujun  sons  intellectuel ,  it  est  impos- 
sible (le  les  representor  par  line  image  ph\siquc. 

Les  homines  coiinaisscnt  les  aries  de  len  r  esj>rit  an  moinenl 
nn  ees  aelos  s'aecuinplNsent  ;  niais  ils  les  connaisscnl  vaguc- 
ment,  et  les  oublicnt  aussitol ;  ils  sont  tons  dans  la  position  on 
anrait  etc  i'A ny,!ais  dont  nous  avons  parle,  si  on  ne  l'avait 
force  a  faire  nn  retonr  snr  lui-ineme ,  et  a  chercher  par  la 
memoire  cc  qn'avait  fait  son  esprit.  Hamencr  sonvenl  ainsi  sa 
reflexion  snr  soi-meme ,  interroger  la  langne  et  les  eerits  des 
hommes  ponr  tronver  toutes  les  nuances  et  Unites  les  faces  de 
la  pensce,  deerire  tons  les  actes  intelleetucls  (pi'on  observe, 
en  marquer  les  ressemblances  ,  les  differences,  et  I'ordre  de 
succession  qui  fait  presumer  entre  eux  le  rapport  de  cause  et 
d'effet,  tel  est  l'emploi  de  la  psychologie. 

Comme  nous  l'avons  deja  dit  an  milieu  des  hypotheses  qui 
out  ete  multipliees  par  les  anciens  philosophes,  il  se  rencontre 
un  grand  nombre  d'observations  partielles ,  remplies  de  ve- 
rite.  L'histoire  de  la  philosophic  offrc  done  une  lecture  dont 
on  pent  esperer  d'abondantes  lumieres. 

D'apresles  definitions  que  nons  avons  donnees  an  coniinen- 
cement  de  cet  article,  l'histoire  de  la  philosophic  jusqu'au 
xvie  siocle  dc  notre  ere  est  l'histoire  de  toutes  les  sciences. 
Depuis  celle  epoque.  clle  n'est  plus  que  l'histoire  des  etudes 
qui  sont  restees  comprises  sous  le  noin  de  philosophic,  savoir: 
la  psychologie,  la  logique  ,  la  morale,  I'esthetique  et  l'onto- 
logie. 

Le  Manuel  dc  l'histoire  de  la  philosophic,  par  Tennemann,  ne 
contient  ipie  des  renseignemens  extremenient  abrcges  sur  le 
fond  des  doctrines  ;  maris  nulle  part  on  ne  saurait  trouver  une 
indication  plus  complete  de  toutes  les  sources  a  consulter, 
pour  approfondir  chaque  point  de  l'histoire  philosophique. 
Tennemann  fait  connaitre  non-seulement  les  ouvrages  qui  con- 
lienncnl  les  textes  originaux,  mais  encore  tons  les  commen- 
lateurs  et  tons  les  historiens  dc  chaque  philosophe  et  de  cha- 
que question    philosophique.   On  trouvcra  de  plus,  dans  son 


IvT  POUTIQUES.  ;5 

Manuel,  des  vugs  geuerales  sur  l'ensemble  de  I'll isto ire  tic  la 
raison  humaine.  II  nc  reconnait  point  de  peuple  primitif  en 
philosophic;  a  ses  yeux  elle  se  developpe  d'elle-mSme  sur 
chaque  territoire,  mais  non  pas  an  meme  degrc  chez  tons 
les  peuples.  Ce  sont  les  Grecs  qui  se  distinguent  le  plus  entre 
toutes  les  nations  de  Pantiquite  pour  le  mouvement  pniloso- 
phique,  et  meme  pour  le  mouvement  psychologique ,  car 
e'est  ehez  eux  qu'est  proclame  Paxiome  :  T'j6)6i  ctskutov. 
Cependant,  Pauteur  fait  d'abord  une  revue  des  opinions  reli- 
gieuses  et  philosophiques  des  peuples  orientaux.  II  divise  en- 
suile  I'histoire  de  la  philosophic  en  trots  grandes  epoques  :  la 
premiere  renferme  la  philosophic  grecque  et  romaine,  et  ilia 
definit :  Le  mouvement  Libre  de  la  raison  vers  la  science,  mais  sans 
la  connaissance  de  la  melhode  scientific] ue  ;  la  seconde  embrasse 
le  moyen  age ,  et  e'est  le  mouvement  de  la  raison  vers  la  science , 
mais  sous  le  joug  de  Cautorite  et  de  la  diatecti(/ue  ;  enfin  ,  la  troi- 
sieme  comprend  la  philosophic  moderne,  et  e'est  Vindipeo- 
dance  de  la  raison ,  et  son  mouvement  vers  la  connaissance  des 
choses,  avec  la  conscience  de  la  vraie  melhode.  II  termiue  par 
cette  conclusion.  « Ces  nombreux  essais  doivent  .-outenir 
Pcsperance  de  voir  tot  ou  tardla  raison  arriver  enfin  a  la  con- 
naissance de  soi-meme,  determiner  la  sphere  qui  Iui  appar- 
tient,  developper  de  plus  en  plus  la  vraie  methode  philoso- 
phique,  et  s'instruire,  par  Pexperience  du  passe,  a  eviter  les 
ecueils  on  elle  a  souvent  echoue.  Un  terns  viendra  on  les  dif- 
ferentes  manieres  de  philosopher,  qui  aujourd'hui  semblent 
n'etre  que  des  aberrations  ,  seront  reconnues  comme  les  con- 
ditions necessaires  de  la  vraie  culture  de  la  raison  et  de  la  ve- 
ritable science.  » 

Ad'jlpke  Garnier. 


rVWWMVW  W\fW\ 


:(i  SCIENCES  MGJtiWES 

The  British  empire  in  1828,  etc.  —  L'empirk  de  la  Grande- 
Bretagne,  en  1828;  par  le  Rev.  J.  Goldsmith  (1). 

Cet  ouvrage  est  une  sorle  d'Encyclopedie  abregee  tie  lYm- 
pire  britaimique.  II  embrasse  la  geographic,  la  statistique,  les 
finances,  les  lois,  les  mceurs,  etc.  La  redaction  en  est  fort  sim- 
ple ;  mais  elle  se  compose  tout  entiere  de  documens  positifs 
et  d'elemens  autbentiqu.es.  Le  chapitre  qui  contient  le  Tableau 
abrege  de  C organisation  politique  de  la  Grande-Brctagne  nous 
a  paru  particulicrcnient  digue  d'attention.  Les  personnes  qui 
n'ontpas  fait  une  etude  speciale  de  la  constitution  et  du  gou- 
vernement  britanuique  se  forment  generalement  des  idees 
confuses  et  incompletes  de  ('organisation  de  ce  pays.  Cepen- 
dant,  l'habitude,  devenue  generale  dans  presque  toute  I'Eu- 
rope,  de  lire  quotidiennement  les  papicrs  publics,  rend  neces- 
saire  depopulariser  des  notions  distinctes  a  cet  egard.  L'analyse 
de  la  portion  principale  de  l'ouvrage  du  reverend  Goldsmith 
reunira,  dans  un  tableau  concis,  les  maximes  publiques  et  les 
institutions  fondamentales  du  gouvernement  britanuique.  Ge 
tableau  pourrait  facilement  etre  plus  developpe  ;  mais  nous  ne 
craignons  pas  d'aflirmer  que  rien  d'essentiel  n'y  est  omis,  et 
que  tout  ce  qu'il  contient  est  exact. 

Le  gouvernement  britanuique  se  compose  :  i°du  Hoi,  en 
qui  reside  le  pouvoir  execulif*;  20  de  la  Cliambre  des  lords, 
composee  des  pairs  et  des  eveques  ;  5°  de  la  Chambre  des  com- 
munes ,  dont  les  membres  sont  elus  (du  moins  par  supposi- 
tion) pour  representer  le  peuple,  soit  par  les  francs-leiianciers 
( free- holders ) ,  ou  possesseurs  des  terres,  des  comtcs  du 
royaume  (2) ,  soit  par  les  francs-tcnanciers  de  maisons  (house- 
holders) ,  des  villesetbourgs  considerables.  (Un  certain  noiribre 
de  villes,  auxquellesleuraccroisseinent  depopulation  etd'acti- 

(1)   Londres,  Sir  Richard  Phillips.  1  vol.  iu-12. 

(•2)  Par  une  ancienne  fiction  du  droit  l'eodal,  1c  Roi  est  cense  le  suze- 
rain de  toutes  les  terres  du  royaume,  el  les  proprietaires  des  terres  soul 

reuses  les  tenir  de  lui  en   lie  J". 


ET  POLITIQUES.  77 

vile  coinmerciale  et  induslriellc  a  donne  tine  grande  impoi- 
tancc,  ne  sont  point  representees  dans  le  parlement.  L'esprit 
de  la  constitution  et  une  justice  rigoureuso  exigent  une 
proniple  reforme  a  cet  egard.) 

Le  Roi  est  I'organe  dela  loi,  le  chef  de  l'Eglise,  lc  directeur 
des  forces  pul)liques,  le  dispensateur  des  honnenrs  (fontain 
of  honour) ,  et  l'intermediaire  des  communications  avec  les 
nations  etrangeres. 

La  couronne  d'Angleterre  est  hereditaire,  en  vertu  de  la  loi 
commune  et  de  l'ancienne  coulume.  Mais  la  doctrine  du 
droit  divin  n'cst  point  admise  pour  cela ,  non  pins  que  cello 
de  l'indefeclibilite  du  trone,  puisque  la  succession  a  la  cou- 
ronne pent  constitutionnellement  etre  limitee  ou  changee  par 
1111  at  te  du  parlement.  C'est  precisement  a  tin  acte  de  cette 
nature  que  la  famille  acluellement  regnantc  doit  son  accession 
au  trone. 

A  la  ceremonie  de  son  couronnement,  le  Roi  prend ,  sous 
serment,  les  engagemens  suivans  :  «  De  gouverner  confor- 
memcnt  aux  statuts  du  parlement,  aux  lois  et  coutumes  du 
royaume;  — de  preter  main-forte  a  la  loi  et  a  la  justice,  pour 
l'execution  des  jugemens;  —  de  maintenir  de  lout  son  pou- 
voir  les  lois  divines,  la  vraie  profession  de  l'iivangile  et  la  re- 
ligion protestante  reformee,  etablie  par  la  loi.  » 

Le  Roi  est  considere,  par  la  loi,  comme  incapable  de  faire 
mal  :  la  responsabilite  de  toute  mesure  in  juste  ou  illegale,  de- 
meurant  uniquenient  a  la  cbargede  scsministres.  II  convoque 
le  Parlement  et  pent  I'ajourner,  le  proroger  ou  le  dissoudre , 
suivant  son  plaisir.  II  pent  refuser  son  consentement  a  toute 
loi  proposee;  il  nomme  son  conseil  prive  et  les  grands  ofli- 
cicrs  de  l'Etat;  il  a  aussi  le  pouvoir  de  faire  grace  aux  crimi- 
nels.  Si  la  prerogative  du  Roi  etait  envisagee  isolement,  son 
autorite  pourrait  paraitre  exceder  les  limites  d'une  monarchic 
teniperee;  mais ,  d'un  autre  cote,  ne  jouissant  presque  d'au- 
t;ttn  revenu,  sans  le  consentement  du  peuple,  expritnc  par  ses 
icjucsentans,  le  Roi  se  trouve,  pour  ce  fait,  dans  mi  elat  reel 
de  dependanoe.  Le  commandenient  des  amities  et  1'equipe- 


78  SCIENCES  MORALES 

meat  des  duties  lail  purtie  de  sa  prerogative  ;  mais,  sans  le 
com  ours  dii  Parlement,,  il  ne  saurait  pour  voir  a  k'ur  entre- 
lien.  II  dislribuc  les  places  etles  emplois ;  inais,  sansle  Parle- 
ment, il  ne  peut  leur  attribuer  aueun  salairc.  II  pcul  declarer 
la  guerre;  mais,  saus  le  ParJcmenl .  il  niaiique  des  moyens 
de  la  soutenir.  Le  Roi  est  investi  du  droit  cxclusif  de  convo- 
quer  le  parlement ;  mais  la  loi  lui  impose  le  devoir  tie  l'assein- 
hler  ,  au  moins  une  fois  tons  les  trois  ans  ,  et  la  neeessite  It* 
contraint  a  l'assembler  aunuellement.  le  Roi  est  le  chefde 
PEglise;  mais  il  ne  pent  alterer  la  religion  etablie  ,  ni  obliger 
qui  que  ce  soit  a  rendre  compte  de  ses  opinions  religieuses.  I! 
ne  peut  professer  la  religion  catholique  proscrite  expresse- 
ment  par  la  loi;  le  prince  qui  prot'esserait  cette  religion  est 
declare  incapable  d'heriter  de  la  couronne  on  de  la  posseder  a 
aucun  litre.  Le  Roi  est  le  premier  magistral;  mais  il  ne  peut 
rien  changer  aux  maximes  et  aux  usages  consacrespar  la  loi  et 
par  la  coulume;  il  ne  peut  influencer,  dans  aucuncas,  la  de- 
i -ision  des  causes  pendantes  entre  ses  sujets.  II  ne  peut  creer 
aucun  nouvel  office,  incompatible  avec  la  constitution,  on 
prejudiciable  a  ses  peuples.  Bien  que  la  poursuite  des  creances 
se  i'asse  en  son  nom,  il  nepeut  l'intcrdire  a  quicon([ue  se  porte 
plaignant.  Le  Roi  a  le  privilege  de  battre  monnaie;  mais  il  ne 
peut  en  alterer  la  valeur.  11  peut  faire  grace  aux  criminels. 
mais  non  les  exempter  de  payer  les  reparations  legales  aux 
parlies  lesecs.  La  loi  dispose  que  ,  dans  le  cas  de  meurtre,  la 
veuve  de  1'homicide  n'a  pas  seulement  le  droit  de  poursuivre 
le  meurtrier;  mais,  en  outre,  que,  dans  ce  cas,  le  pardon  du 
Roi  ne  peut  avoir  lieu.  Le  pouvoir  militaire  du  Roi  n'est  pas 
non  plus  absolu ,  depuis  qu'il  a  ete  declare  par  le  bill  des 
droits  (  it>8c-)  que  l'armee  ne  peut  exisler  lcgalement  sans  le 
consentement  du  Parlement.  Le  Roi  nepeut  jamais  elre  traduit 
persounelleuienl  devant  aucun  juge ;  mais,  s'il  commfet  un 
abus  de  pouvoir,  ou  bien  un  aclc  evidemment  contraire  au 
bien  public,  le  Parlement  pent  intenter  une  poursuite  conlre 
ceux  qui  ont  etc  les  instrumens  mi  les  conseillers  dc  1'aclc  iu- 
eriniine  ,  e|  le  pardon  du  Roi  ne  pent  profiter  aux  delinquans. 


ET  P0LIT1QI  Us.  79 

Les  nombrcuses  ct  importantes  restrictions  de  la  prerogative 
royalc,  auxquellcs  il  convienl  d'ajouter  l'independance  des 
juges,  etablie  sous  le  regne  actuel,  et  aussi  la  souveraine  li- 
lx -rle  el  irresponsabilitc  de.  la  parole  dans  le  Parlement,  assu- 
rers par  le  hill  des  droits,  oll'rent  la  plupartdes  garanties  qu'un 
esprit  judicieux  pent  desirer. 

i.e  1 1 < * i  a  (in  revenu  special,  appele  Us te  civile ,  sur  lequel 
sont  payes  les  officiers  de  samaison,  les  grands  olficiers  de 
l'Etal,  les  jugcsetles  officiers  employes  a  l'administration  de 
la  jnstiee. 

Le  Roiaponr  devise  ces  mots  franeais  :  Dieu  et  mon  droit. 
Les  lions  qui  supportent  ses  armes  furent  adoptes  originai- 
rement  par  Henri  II,  qui  les  emprunta  a  l'ecusson  de  sa  mere. 
La  fleurde  lys  fut  adoptee  par  Edouard  III,  lorsqu'il  preten- 
dit  a  la  couronne  de  France.  La  harpe  est  irlandaise;  le  char- 
don,  ecossais.  La  rose  blanche  provient  de  la  maison  d'York; 
la  rose  rouge,  de  la  maison  de  Laneastre.  Sur  le  ruhan  de  la 
jarretiere  est  inserite  cette  devise  en  franeais  :  «  Honni  soil 
qui  mat  y  pense.  » 

La  constitution  du  Parlement  remonte  a  l'au  121  5.  Dans  la 
grande  Charte  octroyee  par  le  roi  Jean,  ce  prince  promet«de 
eonvoquer  tons  les  archeveques,  eveques,  lords  et  grands  ba- 
rons personnellement ;  et  tous  les  autres  principaux  tenan- 
ciers,  par  l'intermediaire  des  sheriffs  et  baillis,  dans  l'espace 
de  quarante  jours,  pour  regler  les  subventions  et  impots  qui 
seront  necessaires.  » Les  actes  les  plus  anciens  qui  existent, 
pour  eonvoquer  en  parlement  les  chevaliers,  ciloyens  el  bour- 
geois, sont  de  la  49'  aunee  du  regne  d'Heuri  III  (1266). 

Le  Parlement  est  assemble  par  un  rescrit  [writ)  royal.  II  se 
compose  duiloi  et  des  trois  Etats  du  royaume.  Les  lords  spiri- 
tuels  et  les  lolMs  temporels  siegent  cnsendjle  dans  une  meme 
chambre;  tandis  que  les  Communes  deliberent  et  votent  dans 
une  autre  ehambre  separee.  Originairement ,  les  lords  et  les 
communes  s'assemblaient  dans  une  meme  chambre;  mai>. 
depuis  plusieurs  siecles,  lis  out  pris  I'habitude  de  sieger  dio- 
des chambres  distinctes. 


vSo  SCIENCES  MORALES 

Los  lords  spirit ucls  sont  deux  archevequcs ,  vingt-quatrc 
eveques  d'Angleterre  et  du  pays  de  (Jalles,  el  qnaire  e-vdiqaes 
elus  par  1'Irlande. 

Les  lords  lemporels  sont  les  duos ,  marquis,  comtes,  \  i- 
eomtes  et  barons  qui  siegent  par  leur  propre  droit,  et  ccux  it 
qui  ce  droit  est  con  fere  par  election;  nntamment  16  pairs, 
qui  representent  la  noblesse  d'Ecosse,  et  28  pairs,  qui  repre- 
sented la  noblesse  d'Irlande.  Le  n  ombre  despairs  estaujour- 
d'hui  d'environ  400.  En  outre,  les  juges  d'Angleterre  siegent 
a  la  cbambre  des  pairs,  en  vertu  d'nn  maadat  royal  qui  lcur 
donne  droit  d'assistance.  Les  maitres  en  cbancellcrie  y  siegent 
aussi,  en  vertu  du  droit  de  leur  office.  Le  proeureur  (attorney) 
du  Koi,  le  solliciteur- general  et  1111  conseiller  verse  dans  la 
science  des  lois  siegent  dans  certaines  occasions  pour  don- 
ner  leur  avis;  inais  nul,  s'il  n'est  pair,  n'est  adinis  a  voter  sur 
aucunc  question. 

Les  pairs  ont  plusieurs  privileges;  ils  sont  les  conseillers 
bereditairesdu  Koi ;  ils  ne  peuvent  etre  arretes  hors  les  cas  de 
trahison,  felon ie  ou  violation  de  la  paix  publique.  Ils  ne  peu- 
vent etre  juges  que  par  un  jury  de  pairs,  boruiis  pourtant,  en 
certains  cas,  tels  que  ceux  de  libelle  ,  parjure  ,  sedition  et  con- 
spiration, pour  lesquels  ils  sont  juges  par  un  jury  ordinaire. 
En  leur  absence  du  Parlement,  les  pairs  peuvent  voter  par 
procurati  >a.  La  chambre  des  lords  est  aussi  la  plus  haute  colli- 
de judicature  du  royaume;  et,  dans  tons  les  cas  d'erreur,  on 
peut  interjeter  appel  devant  elle  du  jugement  des  coins  infe- 
rieiires. 

La  chambre  des  communes  se  compose  de  658  chevaliers  et 
bourgeois.  Les  chevaliers  sont  les  representans  des  comtes; 
les  citoyens  et  bourgeois  sont  les  representans  des  villes  et 
bourgs.  L'Angleterre  elit  5i5  membres  de  la  chambre  des 
communes;  l'Ecosse  ,  l\5;  1'Irlande  ,  100.  Ils  sont  elus  en 
vertu  d'un  resent  du  Roi,  adresse  aux  sheriffs  et  baillis,  sa- 
voir  :  les  chevaliers,  dans  les  comtes,  par  la  majorite  des  pos- 
sesseurs  d'un  franc  fief  de  (\o  shellings  de  revenu  annuel  an 
inoins,  et  les  citoyens  el  bourgeois,  par  les  fibres  posscsxui  s 


ET  I'OLITIQUES.  81 

Be  maisons  des  villes  ou  bourgs.  La  qualite  d'electeur,  dans 
les  villes,  bourgs  et  ports,  s'acquiert  suivant  certaines  condi- 
tions qui  varient  avec  les  localises ;  tantot,  en  raison  des  cir- 
constances  qui  existaient  a  l'epoquc  on  remonte  l'origine  de 
l'election;  tantot,  d'apres  la  continue  immemoriale,  ou 
bien  suivant  les  decisions  de  la  chambre  des  communes,  ou 
meme  de  ses  comites,  constitutes  pur  le  statut  connu  sous  la 
designation  de  Grenville-act.  Dans  certaines  Villes,  les  francs- 
tenanciers  seuls  ont  le  droit  de  vote;  dans  d'autres,  ce  droit 
est  reserve  a  la  corporation  (  corps  municipal)  de  la  cite  ;  ail— 
leurs  .  les  electeurs  sont  les  bourgeois  etablis,  on  meme  la 
masse  de  la  population,  sans  autre  condition  requise  que  celle 
de  la  residence. 

L'election  se  fail  sur  la  place  publique,  devant  le  peuplc 
assemble.  Elle  est  presidee  par  le  maire  ou  le  bailli,  qui  re- 
coit  et  verifle,  seance  tenante,  ou  d'apres  la  notoriete  publi- 
que, les  tittes  de  l'electeur.  Celui-ci  pretc  serment  sur  Its 
saints  Evangiles.  On  dresse  uri  echafaud,  uomme  hustings, 
s\ir  lequel  les  candidats  montent  et  parlent  au  peuple,  pour 
exposer  leurs  principes  et  leurs  titres.  lis  ont  eu  soin  aupara- 
vant  d'aller,  de  maison  en  maison  ,  solliciter  les  suffrages.  C'est 
ce  qu'on  appelle  faire  le  canvass.  Sur  la  demande  des  amis  du 
candidat,  le  magistrat  propose  son  election  a  l'assemblee, 
par  main  levee.  Si  l'assemblee  est  unanime,  ou  que  la  majo- 
rite  .soit  evidente,  l'election  est  proclamee.  Mais  si  quelqu'un 
reclame,  on  procede  au  vote  individuel  [poll).  Chaque  elec- 
teur  monte  sur  les  hustings,  et  prononce  sou  vote  a  haute  voix. 
Le  magistrat  en  tient  note.  Le  poll  reste  ouvert  durant  dix 
jours  ;  mais  le  chiffre  des  votes  est  proclame  chaque  soir,  a 
la  fin  des  seances  :  {'election  a  lieu  a  la  pluralite  des  votes 
emis. 

Les  universites  d'Oxford  et  de  Cambridge  ont  le  privilege 
d'elire  chacune  un  membre  de  la  chambre  des  communes. 

On  appelle,  dans  le  langage  ordinaire,  bourgs-pourris  les 
bourgs  qui  ont  conserve  le  droit  d'elire  un  membre  de  la 
chambre  des  communes,  tandis  que  la  totalise  des  propiietes 

T.    XI.VI.    AVRIL    l83o.  G 


S...  SCIENCES    MORALES 

qui  donnent  droit  de  vote  'est  tombcc  en  la  possession,  mi 
sous  ('influence  hereditaire  d'unc  famillc.  Les  deux  grands 
partis politiques qui  se  partagent  l'Anglcterre,  les  democratcs 
(ivighs)  et  les  aristoerates  (toiys),  disposcnt,  dans  one  propor- 
tion a  pen  pres  egale,  des  bourgs  -  pourris.  lis  y  trouvent  l'a- 
vantage  de  t'aire  arriver  a  la  chambre  des  communes  les  homines 
a  taJens  qui  ont  succombe  dans  les  elections  pnpulaircs.  Ce- 
lui  qui  acceptel'election  d'un  bourg-pourri  contracte  l'engagc- 
ment  d'bonneur  de  voter  pour  le  parti  de  son  patron.  Si  I'elu 
du  bourg-pourri  vient  a  tomber  en  dissentiment  avec  son  pa- 
tron sur  une  question  capitale,  la  coutumc  est  qu'il  resigne 
son  siege  an  Parlement. 

Lorsqu'un  membre  du  Parlement  est  regulierement  tin,  il 
ne  peut  perdre  son  siege  pour  aucun  motif  qu'au  bout  du 
terns  fixe  par  la  loi. 

Les  principaux  privileges  des  membres  de  la  chambre  des 
communes  sont  raffranchisscment  de  loute  arrestalion  duiant 
la  session,  et  quarante  jours  apres  la  prorogation,  et  quaranle 
jours  avant  la  convocation  de  Passemblee. 

Le  privilege  special  et  le  droit  exclusif  de  la  chambre  des 
communes  est  1 'initiative  en  matierc  de  toutc  loi  Gnanciere, 
La  chambre  des  communes  a  aussi  le  droit  d'insliluer  une  en- 
quele  generate  pour  accuser  les  ministres  coupables,  les  juges 
partiaux,  et  generalement  tons  les  officiers  de  la  couronnc. 

Lorsqu'un  membre  veut  introduite  une  nouvelle  loi ,  ou 
mi  acte  quelconque  du  Parlement,  il  se  leve  et  demande 
la  permission  d'en  presenter  la  redaction  ecrite  [bill).  S'il  en 
obtient  la  permission,  le  bill  est  L'objet  de  deux  lectures,  se- 
parees  par  quelque  intervalle;  puis,  il  est  renvoyc  a  unco- 
mite,  qui  l'amende  et  le  complete.  Le  president  le  remel 
ensuite  sous  les  yeux  de  la  chambre  ,  afin  qu'elle  en  prenne 
connaissance  dans  son  etat  definitif.  Enfin,  on  en  dresse  la 
copie  authentique,  qui  est  lue  pour  la  troisieme  fois,  et  sur 
laquelle  on  vote.  Le  vole  s'opere  par  la  division  des  membres, 
qui  sont  comptes  un  a  un  par  deux  membres  delegues  par 
chacun  des  deux  cotes  de  la  chambre. 


ET  POUTIQUES.  83 

Quand  nn  bill  est  passe  a  la  chambre  des  communes,  il  est 
poite  a  l'autre  chambre,  pour  obtenir  son  approbation  avec 
les  memes  lonnalites.  Si  la  cbambre  des  lords  le  rejette,  on 
n'y  donne  aucuue  suite;  si  elle  y  fait  quelques  amendemens, 
ils  sont  portes  a  la  chambre  des  communes,  poury  Otic  ap- 
prouves.  Dans  ces  occasions  ,  il  est  d'usage  que  cliaque  cham- 
bre depute  un  certain  nombre  de  membres,  afin  dc  parvenir 
a  se  concilier.  L'assentiment  royal  donne  au  bill  lui  imprime 
le  caraetere  de  loi.  Get  assentiment  est  donne  ordinairement 
par  commission.  Mais,  lorsque  le  Roi  vienl  passer  un  bill 
«n  personne,  il  revet  son  habit  royal,  sa  eouronne ,  et  siege 
sur son  tronc,  dans  la  chambre  des  pairs.  Lorsque  le  Roi  a  pris 
seance,  il  mande  venirlcs  communes.  L'orateur  {speaker)  ,  on 
president,  snivi  de  la  chambre,  apporte  les  bills  financiers'; 
les  a utres  bills  sont  laisses  eu  la  possession  de  la  chambre  des 
lords.  Lorsque  le  Roi  donne  son  approbation  a  un  bill  d'inte- 
ret  public,  il  1'exprime  par  cetle  formide,  en  langue  francaise  : 
«  Le  Roi  le  veut.  »  Si  le  bill  concerne  un  interct  prive,  la  for- 
mule  est  celle-ci  :  «  Soil  fait  comme  il  est  desire.  »  Si  le  Roi  re- 
fuse sa  sanction,  il  dil  :  «  Le  Roi  s'en  avisera.  »  La  sanction  du 
Roi  pour  un  bill  financier  s'exprime  par  cette  formule  :  «  Le 
Roi  remercie  ses  loyaux  sujets,  accepte  leur  benevolence,  et  ainsi  le 
veut.  »  Toutes  ces  formules  sont  consacrees  en  langue  fran- 
caise, telles  que  nous  venons  de  les  rapporter  textuellement. 

L'usage  est  que  ceux  qui  s'opposent  a  un  bill  n'en  de- 
niandent  point  le  rejet,  mais  seulement  rajournement  de  la 
lecture  a  six  mots.  Les  membres  des  chambres  parlent  de 
leur  place,  et  ne  lisent  point  de  discours  ecrits.  Ils  adressent 
la  parole,  non  a  Tassemblee,  mais  au  president  [speaker).  La 
cbambre  des  communes  elit  son  president  pour  la  durce  de  la 
septennalite.  C'est  le  president  qui  forme  les  lisles  des  mem- 
bres destines  a  composer  les  commissions.  II  les  choisit  dans 
les  deux  cotes  de  la  chambre,  en  ayant  soin  de  conserver,  a 
la  majorite  de  I'asscmblee ,  lorsqu'elle  est  distincte,  la  pre- 
ponderance dans  les  commissions.  On  ne  forme  une  commis- 
sion, pour  l'oxainen  d'un  bill,  qu'apres  la  sjecbnde lecture.  On 


84  SCIENCES  MORALES 

forme  egalement  des  commissions  pour  divers  objcls  qui 
exigent  one  cnqucle.  Les  seances  des  deux  chambres  sont  le- 
galemcnt  secretes;  la  publicite  est  de  tolerance  et  d'usage  ; 
mais  cet  usage  est  aujourd'hui  aussi  puissant  que  la  loi.  Nean- 
moins,  pour  obeir  a  la  loi,  au  moment  du  vote,  la  cbambrc  si' 
forme  en  comite  general,  et  les  galeries  sont  evacuees  par  le 
public  —  Le  president  est  charge  du  soin  de  rappeler  a  l'or- 
dre  l'orateur  qui  s'en  ccarte.  La  cliambre  pent  ordonner, 
suivunt  les  occurrences,  tant  a  l'egard  de  ses  membres  qu'a 
l'egard  des  etrangers,  qu'il  lui  soil  fait  des  excuses  publiques, 
on  encore  que  le  coupable  garde  prison.  Un  clerc  on  grelller 
•est  attache  a  la  chambre  pour  la  redaction  de  ses  proces-ver- 
lraux  et  la  garde  de  ses  archives.  —  La  chambre  des  pairs  est 
presidee  par  le  lord  chancelier  ;  il  siege  sur  un  sac  de  laine  , 
regarde  comnie  l'embleme  de  la  preeminence  des  grands 
possesseurs  de  terres  et  de  troupeaux. 

Le  Roi  nomme  son  conseil  prive,  dont  voici  les  attributions  : 
i°  conseiller  le  roi,  pour  son  honneur  et  le  bien  public; 
2°  soutenir  et  defendre  tout  ce  qui  a  ete  resolu  en  conseil.  De 
cette  derniere  condition  resulte  la  solidarite  des  membres  du 
conseil.  Le  conseil  prive  a  le  droit  de  s'enquerir  de  loute  of- 
fense contre  le  gouverncment ,  et  de  remettre  les  offenseurs 
sous  garde  publique,  pour  que  leur  proces  leur  soit  fait  de- 
vant  les  cours  de  justice.  Mais  il  faut  remarquer  que  la  juri- 
diction  du  conseil  prive  est  purement  d'enquete  ,  et  non  de 
repression ,  et  que  les  personnes  emprisonnees  par  lui  ont 
droit  de  reclamer  leur  liberte,  en  vertu  de  1'acte  d' habeas 
corpus. 

Le  conseil  du  cabinet  est  un  couiite  du  conseil  prive,  et  se 
compose  ordinairement  des  onze  officiers  de  l'Etat,  dont  les 
designations  suivent  :  Le  lord  chancelier;  —  le  lord  presi- 
dent ;  —  le  lord  du  sceau  prive;  —  le  chancelier  de  1'echi- 
quier;  ■ —  le  premier  lord  de  la  tresorerie,  premier  ministrc; 
—  le  secretaire  pour  les  affaires  etrangeres; —  le  secretaire 
pour  le  departement  de  l'interieur;  —  le  secretaire  pour  le 
departcment  de  la  guerre;  —  le  premier  lord  de  1'amiraute ; 


ET  I'OLJITQUKS.  85 
|e  president  d-u  bureau  du  controle,  pour  les  affaires  de 

rindc. 

Les  minislres  inlioduisent  dans  les  deux  chambres  du  I'ar- 
lemcnl  toulcs  les  affaires  qui  dependent  de  la  couronne ;  ils 
exposent  le  tableau  des  besoins  publics ,  et  demandent  les 
sommes  neeessaires,  afin  d'y  pourvoir.  Ils  sont  aussi  charges 
des  depenses  publiques,  qui  doivent  etre  faites  et  soldees , 
conformement  a  la  loi,  sous  la  responsabilite  de  chacun  d'eux. 

Les  grands  officiers  de  la  couronne  sont  au  nombre  de 
uenf : 

i°.  Le  lord  grand-mailre-d'holel.  II  etait  anciennement 
vice-roi  d'Angleterre ;  aujourd'hui,  la  charge  est  purement 
de  ceremonial.  Elle  est  temporaire,  o'est-a-dire  conferee  pour 
line  eirconstance  speciale,  par  exemple,  pour  le  couronne- 
menl  du  Roi. 

2".  Le  lord  grand-chancelier.  Son  office  comprend  la  garde 
du  grand  sceau,  el  les  jugemens  des  causes  d'equite,  ainsi 
que  la  nomination  de  tons  les  juges  de  paix  du  royaume;  en- 
lin,  il  est  le  tuleur  des  orphelins  et  des  alienes. 

5°.  Le  lord  grand-tresorier  a  l'adiiimistration  et  la  compla- 
bilite  de  tout  le  revenu  du  royaume.  Son  office  est  lenu  en 
commission  par  cinq  lords  commissaires  de  la  tresorerie.  Le 
premier  lord  de  la  tresorerie  est  repute  chef  du  cabinet  mi- 
nisleriel.  Le  salaire  de  son  einploi  eslde4»ooo  liv.  sterlings 
(environ  100,000  1'r.)  ;  celui  des  aulres  commissaires  est  fixe 
a   1,600  liv.  sterlings  pour  chacun  (environ  40^000  fr.) 

l\".  Le  lord  president  du  conseil  prive.  II  expose  les  affaires 
dans  les  assemblies  du  conseil,  et  en  fait  ensuite  le  rapport 
a u  Roi. 

5°.  Le  lord  du  sceau  prive.  II  expedie  les  chartres  d'octroi 
et  concession  du  Roi. 

6".  Le  lord  grand-chambellan.  II  a  la  surintendance  du  |>a 
lais  royal  et  du  palais  du  Parlement. 

7".  Le  comte  mareehal.  Ii  a  la  surintendance  des  ecoies  mi- 
litaires.  Get  office  est  lenu  par  le  due  de  Norfolk ;  et  comim, 
re  pair  est  calholiqne,  oxerce  par  son  depute. 


K6  SCIENCES  MORALES 

8°.  Le  lord  grand-constable  :  son  office  est  icmporairc. 

9".  Le  lord  grand-amiral.  11  a  ^administration  de  tonic- 
les  afl'aires  de  la  marine;  ret  office  est  tenu,  en  commission, 
par  sept  lords  de  Pamiraute. 

Le  Roi  contere  des  rangs  et  des  titres,  snivant  son  plaisir. 
D'apres  tin  etat  dresse  il  y  a  dix  ans  ,  la  pairie  anglaise  com- 
prenait  a(3  dues,  parmi  lesquels  G  dn  sang  royal,  qualifies 
dues  royaux;  17  marquis;  100  comtes;  18  vicomtes  et  97  ba- 
rons ;  sans  compter  les  pairs  mincurs  et  les  pairs  eatholiques 
qui  n'ontpas  siege  jusqifen  1829,  faute  par  eux  de  preter  le 
serment  legal  qui  est  contraire  a  leur  foi.  L'Ecosse  a  70  pairs  , 
reprcsentes  au  Parlement  par  1G  d'entre  eux;  I'lrlande  «5o. 
reprcsentes  par  28. 

Les  autres  titres  sont  ceux  debaronnet  et  de  chevalier.  On 
compte  environ  5oo  baronnels  anglais;  200  chevaliers-ba- 
ronnets  eeossaiset  environ  100  baronnets  irlandais  :  ces  titres 
sont  heredilaircs.  II  y  a  25  chevaliers  de  la  Jarretiere  et  en- 
viron 400  chevaliers  du  Bain  :  en  1 81  5 ,  ces  derniers  ont  etc 
di vises  en  trois  classes  par  le  Prince-regent,  aujourd'hui  re- 
gnant; savoir  :  les  chevaliers  du  Chardon  ,  les  chevaliers  de 
Saint-Patrice  et  les  chevaliers  Bacheliers.  La  premiere  classe 
de  Pordre  du  Bain  comprend  les  chevaliers  Grand-Croix  ;  elle 
est  fixee  au  nombre  de  72,  sur  lesquels  12  peuvent  elre  choi- 
sis,  quoique  l'ordre  soit  militaire,  parmi  les  sujets  britanniques 
qui  remplisserit  des  emplois  civils  011  diplomatiques.  Les  mili- 
taircs  de  cette  premiere  classe  ajoutent  a  la  decoration  de  Pordre 
une  branche  de  laurier,  qui  entoure  un  ecu,  avec  cette  ins- 
cription saxonne  : « Icli  Dine » .  Aucun  militaire  n'est  eligible  a 
cette  classe  de  Pordre ,  s'il  n'a  le  grade  de  major-general  des 
armees  de  terre  on  de  contre-amiral  des  armees  de  mer.  Tons 
les  princes  dusang  royal,  ayant commission  d'oflicier-general 
dans  t'armce  de  lerre,  on  de  chef  d'escadre  dans  Parmec  na- 
vale,  sont  ajoutes  au  nombre  des  chevaliers  de  cede  classe. 
— La  secoude  classe  comprend  les  chevaliers-commandeurs  ; 
ils  onl  la  preseancc  sur  les  chevaliers  Bacheliers ,  et  jouissenl 
d'ailleurs  des  memes  droits  el  privileges  que  les  chevaliers  de 


I'.T  POLITIQUES.  S; 

la  premiere  clause.  Lois  de  l'institulionde  la  classe,  le  n  Om- 
bre l'u I  fixe  a  iKo,  outre  10  olliriers  etrangcrs  ayant  commis- 
sion (In  roi  d'Anglclerre ;  uiaislenombre  des  menibres  de cello 
classe  pent  s'aceroitre ,  en  cas  de  guerre  ou  par  des  actions 
d'cclat.  Pour  etre  eligible  a  cette  seconde  classe,  il  laut  avoir 
le  rang  de  lieutenant-colonel  dans  l'armee  de  terre  ou  de 
capilaine  de  vaisseau  dans  l'armee  de  mer.  Les  chevaliers- 
commandeurs  n'ont  point  leurs  amies  supportees  par  une 
branche  de  laurier;  mais  ils  les  enlourent  du  ruban  rouge  et 
de  la  decoration  appropriee  a  leur  classe.  En  outre,  personne 
ne  pent  arriver  a  la  premiere  classe  de  I'ordre,  avant  d'avoir 
passe  par  la  seconde  La  troisieme  classe ,  dite  des  cheva- 
liers-bacheliers  ,  se  recrute  parmi  les  officiers  commissionnes 
au  service  de  terre  ou  de  mer  de  S.  M.  Britannique  :  ceux  qui 
la  composent  ont  preseance  sur  les  ecuyers  {esquires).  Pour 
qu'un  oflicier  soit  eleve  a  celte  classe,  il  fa ut  qu'il  ait  oblenu 
one  medaille  ou  une  distinction  honoriGque,  ou  qu'il  ait  ete 
mentionue  expressement  dans  les  depeches  oflieielles  inserecs 
dans  la  Gazette  de  Londres,  comnie  s'etant  distingue  par  quel- 
que  action  contre  les  ennemis  du  pays.  Les  chevaliers  de  la 
troisieme  classe  du  Bain  ont  ie  privilege  de  porter  une  deco- 
ration qui  leur  est  particuliere,  suspendue,  par  nn  ruban 
rouge,  a  la  boutonniere. 

Sir,  est  la  qualification  aujourd'hui  usitee  a  l'egard  des  che- 
valiers et  baronnets  :  anciennement  elle  n'etait  accordce 
qu'aux  pairs.  En  adressant  la  parole  aux  lords,  on  les  qualifie 
vos  .seigneuries.  On  donne  le  tilrc  de  lord,  nieme  aux  fils  aincs 
des  pairs,  non  par  droit,  mais  par  courtoisie.  Les  menibres 
des  Communes  sont  qualifies  honorables  ;  et  les  menibres  du 
conseil  prive  tr  its -honorables.  —  La  noblesse  de  province  est 
connue  sous  la  designation  de  gentry.  Les  deputes  de  celte 
classe,  qui  sont  pour  la  plupart  elus  par  les  bourgs  et  les  pe- 
tiles  villes  des  comtes,  sont  connus  dans  la  Chambre  des  com- 
munes, sous  la  designation  de  country-gentlemen.  Ils  n'appar- 
tieiincntcommunemenl  aaucuii  parti  politique,  soit  whig,  soit 
lory;  mais  la  pliuarl  du  lenis,  ils  appuient  le  gouverncmciit 


88  SCIENCES  MORALES 

—  B&quine  (  eduyer)  est  iin  litre  sans  consequence,  que  s'ajp- 
proprienl  assezlegeremcnt  lespersonnesqui  ont  une education 
et  tics  tnosurs  Liberates. 

La  seconde  conr  du  royaume  (la  haute-cour  du  Parlement 
ayant  la  preeminence)  est  la  cour  de  Chancellerie.  Son  insti- 
tution a  hour  but  de  mitiger  la  rigueur  de  la  loi ,  de  bonnaJtre 
des  causes  qui  coneernent  les  mineurs  et  les  alienes;  enfin  , 
de  rendie  justice  dans  les  cas  de  fraude,  violation  de  depot 
et  autres  de  nature  analogue.  Le  lord  grand-chancelier  (en 
son  absence,  le  vice-chancelier  ou  le  maitre  des  roles)  est 
le  juge  unique  de  cetle  cour,  et  prononce  d'apres  les  prece- 
dens  et  l'equite.  Le  maitre  des  roles  est  le  chef  de  douze  mai- 
tres  en  chancellerie.  II  a  la  garde  des  registres ,  jugemens, 
sentences  et  decrets  de  la  Chancellerie.  II  assiste  le  lord-chan- 
celier  lorsqu'il  est  present ;  il  le  supplee  comme  son  depute, 
lorsqu'il  est  absent.  Ln  vice-chancelier  a  ete  institue  recent 
ment  :  son  rang  ne  vient  qu'immediatement  apres  le  maitre 
des  roles.  II  a  le  pouvoir  d'entendre  et  de  juger  toutes  les  cau- 
ses dependantes  de  la  cour  de  Chancellerie;  mais  ses  deci- 
sions, aussi-bien  que  celles  du  maitre  des  roles,  sont  soumises 
a  la  revision  du  lord-chancelier. 

Le  Banc  du  Roi,  etant  le  tribunal  supreme  de  la  loi  com- 
mune, est  place  en  pouvoir  et  en  honneur  immediatement 
apres  la  cour  de  Chancellerie.  Sa  juridietion  s'etend  sur  tout 
le  royaume;  elle  embrasse  toutes  les  causes  que  la  loi  declare 
relatives  a  la  pais  du  Roi.  Le  Banc  du  Roi  est  aussi  la  cour  d'ap- 
pel  des  doors  inl'erieures;  la,  ressortissent  encore  les  causes 
de  dettcs,  par  line  fiction  de  la  loi ;  parce  que  e'est  ce  tribunal 
qui  delivre  des  rescrits  d' habeas  corpus  aux  persono.es  indu- 
ment  emprisonnces.  Le  president  de  cette  cour  a  le  titre  de 
lord-chef  de  la  justice,  el  les  trois  autres  juges  dont  elle  se 
compose  sont  appeles  puisne  justices. 

La  cour  des  Plaids-Communs  est  le  tribunal  special  des  ac- 
tions reelles,  e'est-a-dire,  des  actions  qui  coneernent  la  pro- 
priety du  franc-fief,  de  sujel  a  sujet,  fondeesur  la  loi  commune 
et  le  statu!  commun.   Cetle  cour  delivre  aussi  des  mandats 


ET  P0LIT1QUES.  ty 

^habeas  corpus.  Les  juges  sont  an  nonibre  do  qualre,  dont  le 
premier  est  qualifie  lord  chef  de  la  justice  du  Plaid-Com- 
mun  ;  les  autres  sont  qualifies  puisne  judges. 

La  tour  de  l'Echiquier  connait  de  toutes  les  causes  relatives 
au  revenu  public,  sur  lesquellcs  elle  prononce,  eonforme- 
ment  a  la  loi  et  a  Pequile.  Elle  se  compose  de  qnatre  juges 
qui  ont  le  titre  de  barons  de  l'Echiquier  :  le  premier  d'entre 
eux  a  le  titre  de  lord-chief -bar  on. 

Les  douze  juges  qui  composent  les  trois  preeedentes  cours  * 
(Kings- Bench,  Commons-Pleas,  Exchequer)  vont  en  tournee 
(circuit)  dans  le  royaume,  douze  fois  dans  l'annee,  pour  ad- 
minister la  justice.  En  outre,  des  cours  locales  sont  tenues 
tous  les  trois  mois,  pour  les  comtes,  cites  et  villes  ayanl  cor- 
poration. On  appelle  leurs  sessions,  sessions  de  comte  ou  ses- 
sions quartenaires.  On  y  juge  les  affaires  de  rixes  et  de  me- 
nus debts.  PourLondres  etle  comte  de  Middlesex  qui  embrasse 
une  portion  de  la  capitale,  on  tient  huit  sessions.  Cette  cour 
est  designee  sous  le  nom  (Void  Bailey :  elle  se  compose  de  trois 
des  grands-juges,  du  lord  niaire  de  Londres  et  du  grefiier  de 
la  ville  (Recorder). 

II  y  a,  dans  chaque  comte  de  P Angle lerre ,  mi  sheriff  ou 
depute  du  Roi  qui  execute  les  ordres  du  roi  et  les  rescrits  le- 
gaux  qui  lui  sont  adresses;  qui  fait  arreter  et  retenir  en  pri- 
son les  delinquans,  qui  les  amine  devant  les  juges,  qui  pro- 
cure l'execution  des  sentences  judiciaires,  tant  civiles  que 
criminelles,  et  qui,  aux  assises,  pourvoit  a  la  protection  des 
juges.  Outre  le  sheriff,  chaque  comte  a  son  lord-lieutenant 
qui  presentc  les  juges  de  paix  a  la  nomination  du  lord-chan- 
celier,  nouime  les  ofliciers  de  la  milice,  et  remplil  le  role  de 
chef  des  pouvoirs  militaires  du  comte. 

Immediatement  au-dessous  du  sheriff,  sont  places,  dans  la 
hierarchie  de  chaque  comte,  des  juges  de  paix,  commission- 
lies  par  le  Roi.  Leur  office  est  de  faire  executer  les  lois  qui 
concernent  les  routes,  lesmendians,  les  vagabonds,  les  rixes, 
les  mutineries,  les  actes  de  felonic,  etc.;  enfin,  d'interroger 
et  de  remetlrc  sous  la  main  du  sheriff,  pour  etre  juges,  tous 


«,h  SCIENCES  MORALES 

ceufe  qui  enfreigneht  les  lots.  Leafs  fonctions  sont  gratuite*. 
ausst-bieriqne  ctelles  des  slieritfsetl'Ords-'lieutenausj  et  m&ttie, 
en  certains  cas,  obligatoires,  sons  peine  d'atucndc. 

Pour  voillcr  a  ec  quo  mil  no  soil  this  a  niorl ,  par  violence. 
deux    mi   truis  magistrals,   nommes  Coroners,    sont  clus   p;ir 

les  ffancsJteriaflciers  d*  cnaque  cointe ,  a  Collet  do  convoqner 
iiu  jury  compose  de  douzc  personnes  dn  voisinage,  loutes  les 
fpis  qu'il  y  a  lieu  de  constater  une  mort  subite  et  violente  et 
d'en  rechcrcher  les  causes.  Ce  jury  est  appele  jury  du  Co- 
roner. 

Les  conites  se  divisent  par  cantons,  on  centuries.  Chaquc 
centime  a  son  haul -constable ,  et  chaquc  paroisse  son  con- 
stable, dont  1'office  est  d'assister  lc  haut-constable',  de  main- 
tenir  la  paix,  d'arretor  et  detenir  ceux  qui  ia  troublont,  jusqu'a 
ce  qu'ils  puissenl  etre  amenes  devant  iin  juge  de  paix;  (Fcxc- 
cuter  les  mandats  des  magistrats  et  des  cours  de  justice,  avee 
1'autorite;  en  cas  de  resistance,  de  reclamer  l'assistance  de  la 
force  publique,  sans  prejudice  des  penalitcs  legates.  En  outre, 
chaquc  paroisse  a  les  officio's  publics  suivans  :  — rinspceteur 
des  pauvres  ,  elu  annuelleinent  par  et  panni  les  principaux 
tenanciers  des  maisons  de  la  paroisse,  sous  la  presidence  des 
deux  juges  de  paix  les  plus  voisins  ;  son  office  est  de  percevoir 
des  habitansde  1  aparoisse,  en  proportion  du  taux  dc  location 
des  maisons,  l'impot  destine  a  la  sustcntation  des  pauvres  de 
la  paroisse  {taxe  des  pauvres)  qui  sont  incapables  de  travailler  ; 
il  est  aussi  charge  de  fournir  du  travail  a  ceux  qui ,  etant  ca- 
pables  de  travailler,  ne  trouvent  pas  de  l'emploi.  — Les  gardiens 
de  l'eglise,  on  marguilliers  (cliurck  ivardcns).  — Les  inspec- 
tcurs  des  grandes  routes,  charges  de  veiller  a  la  conservation 
et  a  la  reparation  des  routes  qui  traversent  le  territoire  de  la 
paroisse,  depuis  une  barricre  jusqu'a  I'autre.  lis  sont  eommu- 
iicment  an  nombre  de  deux  par  paroisse,  choisis  par  les  prin- 
cipaux habilans,  sous  1'approbalion  ties  deux  juges  de  paix  les 
plus  voisins. 

'Pontes  les  cites,  et  ineine  plusieurs  bourgs,  onl  une  cor- 
poration indcpendanle ,  par  la  quelle  ils  sont  gouvcrnes,  con- 


ET   POU  JIOUES.  ;,. 

forincmcnl  a  line  charte  octroyee  par  Ic  Hoi,  avcc  juridictioii 
sur  clles-niemes,  pour  juger  en  toutc  matiere  civile  ou  crimi- 
nellc.  L'appeldes causes civiles est porte  auxeours  s'iperieures 
qui  siegent  a  Londres ;  les  causes  eriminelles  capitales  sont 
seulcs  portees  aux  pages  des  assises.  Lc  gouvernement  des 
cites  et  des  bourgs  varie,  suivant  leurs  charlcs.  Les  cites  out 
n n  main!,  des  aldermen  el  des  bourgeois,  qui  constituent  la 
corporation  de  la  ville  et  torment  la  cour  de  justice  do  la  cite. 
Les  bourgs  ont,  les  uns,  un  maire  ,  les  autres,  deux  baillis, 
lesqucls,  durant  leur  magistrature,  exercent  la  justice  de  paix 
dela  localite.  Quelques  cites  ont  le  titre  de  coinles,  ot  choisis- 
9feW  elles-mcmes  leur  sheriff*  Anciennemont  et  do  droit,  le 
peuple  des  villes  et  bourgs  clisait  les  meinbres  de  la  corpora- 
tion :  les  corporations  qui  ont  conserve  ce  mode  d'eleclion 
soul  appelees  corporations  ouvertes ;  mais  plusieurs  charles  de 
Charles  II  ont  enleve  lc  droit  d'eleclion  au  people,  pour  le 
transporter  aux  corporations  elles-memcs,  qui  se  complement 
en  pourvoyant  aux  vacances  qui  surviennent  dans  leur  sein. 
Ces  corporations,  appelees  closes,  sont  generalemenl  impopu- 
laires. 

Plusieurs  sorties  de  lois  sont  en  vigueur  en  Angleterre  : 
i°.  La  loi  civile ,  basee  sur  les  lois  municipales  de  r  Empire 
romain ,  redigees  en  code  par  l'empereur  Justinien,  vers 
l'an  533,  augmentee  de  plusieurs  autres  constitutions  emanees 
de  cet  empereur  et  de  ses  successeurs.  —  s°.  La  loicanonique, 
qui  est  la  collection  des  lois  ecclesiastiques.  — 3°.  La  loi  com- 
mune, qui  est  1'ancienne  loi  saxonne.  — 4°-  Le  statut  legal.  On 
entond  par  ccttc  expression  generique,  les  lois  sanctionnoes  par 
le  Hoi,  apres  avoir  ete  voices  par  les  deux  chambres  du  parle- 
ment.  II  y  a  quatre  cours  dans  lesquelles  1'applicatioTa  de  la 
loi  civile  et  de  la  loi  canonique  est  admise,  lorsqu'clle  no  so 
trouvepascontrairea  la  loi  commune  olau  statut  legal.  Ces  cours 
sont  la  cour  ecclesiastique,  la  cour  mililaire,  les  cours  d'ami- 
rautc,  cl'les  coins  des  deux  univcrsiles  [Oxford  et  Cambridge). 

La  liberie  individuclle  des  nationaux  anglais  est  t'orlemoul 
e\  religieuscmenl  protegee  par  les  lois  du  pays  :  nul  dcnlrc 


,,j  SCIENCES  MORALES 

rux  no  pent  Ctre  arrele,  QU  rctenu  cu  prison,  que  par  1'auto- 
i  iic  d'un  juge  de  paix,  et  sur  la  deposition,  par  serinem,  d'unc 
mi  ilc  plusieurs  personnes:  on  encore  pour  dettes,  en  vertu 
du  couunaudement ,  revetu  de  certaines  I'ormalites ,  d'unc 
cour  competente.  Lorsqu'un  jndividu  est  arrcte  pour  nn  acte 
criniinel,  l'oflicier  qui  I'arrete  est  tenu ,  par  l'acte  d' habeas 
corpus,  sous  les  peines  les  plus  severes,  de  delivrerau  prison- 
nier  ou  a  son  agent,  six  hcuresapresqu'ilcna  fait  lademande. 
une  eopie  du  mandat  d'emprisonnement  ,  afin  que  nul  ne 
puisse  etre  emprisonne  par  malveillanee,  par  vengeance,  on 
laisse  dans  l'ignorance  des  charges  elevees  contre  lui.  Si  celte 
copie  est  refusee,  sur  la  plainle  qui  en  est  faite  parecrit  et  sous 
sermenl,  le  lord-chancelier  ou  l'un  des  douze  grands-juges  du 
royaume,  declare  le  cas  caulionable;  ou  bien ,  sur  la  denon- 
ciation  par  serment  du  refus  de  la  copie.  le  lord-chancelier  ou 
le  juge  peut  decerner  un  rescrit  d' 'habeas  corpus,  en  vertu  du- 
quel  le  prisonnier  est  immediatement  amene  dcvantlui,  et 
obtient,  de  droit,  sa  liberie  provisoire,  moyennant  caution. 

Lorsqu'un  horarae  est  accuse  d'un  debt,  avant  qu'il  puisse 
etre  traduit  en  jugement,  les  charges  qui  le  concernenl  doi- 
vent  etre  examinees,  une  premiere  fois,  par  un  grand  jury  de 
vingt-trois  personnes;  douze  desquelles,  an  moins,  doivent  sc 
trouver  d'avis  qu'il  y  a  lieu  de  decerner  un  acte  d'actusation 
(/><'//  of  indictment)  ;  et,  dans  ce  cas,  le  proces  public  a  lieu 
devant  douze  pairs  de  Paccuse.  Les  pouvoirs  du  grand  jury, 
ou  jury  d'accusation,  exerces  avec  circonspection  et  vigilance, 
sont  certainement  l'une  des  plus  fortes  garanlies  de  la  liberie 
individuelle,  comme  l'une  des  meillcurcs  sureles  qui  puissenl 
etre  donnees  a  l'accuse. 

Le  petit  jury,  compose  de  douze  individus  ,  prete  serment 
«  de  juger  bien  et  veridiquement ,  et  de  prononcer,  entre  le 
Roi  et  le  prisonnier  qui  coinparait  a  la  bane  ,  une  decision 
conforme  aux  temoignages  qui  seront  portes.  »  Apres  avoir 
eqtendu  ces  temoignages,  la  defense  du  prisonnier,  et  ie  texle 
de  la  loi  de  la  bouche  du  juge,  les  douze  jures  doivent  expri- 
mer  ohacun  leur  opinion  individuelle.  et  se  rencontrer  lous 


ET  POLITIQUES.  90 

unanimcs  pour  I'apquittement  ou  la  condamnation  du  prison- 
rtier.  Les  jutes  doivent  etre  impartiaux  et  independans;  c'est 
pourquoi  ils  sont  tous  recusables  par  l'accuse.  lis  doivent 
chercher  les  motifs  de  leur  decision  (verdict),  dans  leur  con- 
viction in  time,  basee  sur  des  temoignages  clairs  et  positit's. 

Tons  les  crimes  capitaux  sont  classes,  en  Angleterre,  sons 
les  deux  rubriques  de  Irahison  et  felonie.  La  trahison  consiste 
a  coniploter,  conspirer,  011  marcher,  les  armes  a  la  main,  contre 
le  souverain;  ou,  enfin,  a  contrefaire  la  monnaie.  Sous  la 
denomination  de  lelonie,  sont  compris  les  meurtres,  vols, 
faux,  mutilations,  blessures,  eft'ractions,  etc.  Ces  crimes  sont 
punis  de  la  pendaison  :  les  meurtriers  sont  executes,  vingt- 
quatre  heures  apres  leur  sentence.  L'Angleterre  est  peut-etre 
le  seul  pays  ou  le  vol  soit  puni,  par  la  loi ,  aussi  severement 
que  le  meurtre;  et  cependant,  c'est  peut-etre  le  pays  oh  lc 
vol  est  le  plus  frequent  :  nouvelle  preuve  que  la  severite  des 
lois  n'est  pas  toujours  le  meilleur  moyen  de  repression  des 
crimes.  Au  reste,  la  peine  des  individus  coupables  de  vol  est 
ordinairement  commute  en  la  deportation  a  la  Nouvelle-Hol- 
lande,  a  vie  ou  a  terns.  Le  faux  temoignage  est  puni  de  l'em- 
prisonnement,  avec  amende.  Les  escroqneries  ,  filouteries  et 
petits  larcins  sont  punis  du  fouet  et  de  l'amende.  La  calomnie 
par  la  voie  de  la  presse ,  l'usage  de  faux  poids  ou  mesures  , 
l'accaparement  des  denrees  sur  les  marches  publics,  les  actes 
qui  portent  atteinte  a  lapaix  publique,  sont  punis  de  l'aniende 
ou  de  l'emprisonnement,  et  quelquefois  de  tous  deux  a  la  fois. 
Les  lois  concernant  la  chasse  sont  tres-oppressives,  en  Angle- 
terre :  elles  prodiguent  l'amende  et  l'emprisonnement.  En 
1818,  ces  lois  out  amene  douze  cents  personnes  dans  les  pri- 
sons publiques. 

Pour  completer  le  tableau  des  libertes  et"  privileges  de  la 
nation  britannique  ,  il  convient  d'ajouter  :  i"  que  tout  Anglais 
jouit  du  droit  constitutionnel  d'adresser,  soit  individuelle- 
ment,  soit  collectivement,  des  petitions  au  Hoi  et  aux  deux 
chambres  du  Parlement,  tant  pour  obtenir  le  redressement  de 


94  SCIENCES  MORALES 

ses  propros  grid's  on  de  ceux  d'autrui ,  que  pour  proposer 
l'adoption  d'uiw  loi  nonvclle  ou  ramendemenl  dc  la  legisla- 
tion cxi.-tantc ;  2°  que  tout  Anglais  jouit  aussi,  en  vertu  de  la 
constitution,  du  droit  de  dire  publiquemcnl,  d'ecrirc  ct  d'im- 
primer  ee  qu'il  croit  la  verite  ,  sur  toute  question  d'interel 
public ;  droits  qui  sont  consideres  comme  la  plus  eflicace  ga- 
rantie  de  la  bonne  conduite  des  bommes  publics  et  de  la  re- 
pression des  abus  de  pouvoir,  et  qui,  par  ce  motif,  sont 
places  sous  1'egide  iudependante  du  jugement  par  jury. 

N.  D.  Les  principaux  actes  constitutionncls  de  I'Anglcterre 
sont  an  noinbre  de  six,  savoir  :  i°.  La  grande  charte  des  liber- 
ies. 2°.  La  charte  des  forets.  5".  La  petition  da  droit  (  i  juin 
1628).  l\".  Uncle  d' habeas  corpus.  5°.  Le  bill  des  droits  (1689). 
6°.  h'acte  of  settlement  (d'elabli.sscment)  pour  la  limitation  da 
pouroir  de  la  coaronnc,  et  pour  consolider  les  droits  et  les  liberies 
dcssujets,pi\$s(:\es  i2eet  i5eannees  duregnedc  Guillaumelll. 

A.  Maiutl. 


<WVWVWWV\ 


Essais  sfR  l'histoire  de  l'esprit  ntiMAiN  dans  l'antiqiute,  par 
M.  Rio.  professeur  d'histoireau  college  de  Louis-le-Grand  : 

t.  1  et  n  (1). 

L'etude  du  developpement  intellectuel  des  peuples  au- 
ciensn'a  fait  eclorc  en  France  jusqu'a  present  que  des  esquis- 
ses  imparfaites.  Des  vues  etroites  et  inesquines  ont  domine 
cette  partie  de  la  critique  litterairc ;  on  s'est  borne  a  relever 
1'harraonie  imitative  d'un  vers,  a  noter  la  cadence  d'une  pe- 
riode,  011  tout  au  plus  Thabile  ordonnance  d'une  piece  de 
theatre ;  on  n'a   point  envisage  l'antiquite  face   a  face  clans 


(1)  Paris,  iSjo;  Hachette,  rue  Piene-Sarrazin,  11°  12,  et  Alex.  Mes- 
iiier,  plac«-  de  la  Bourse.  ■>.  vol.  in-8"  de  5oo  el  .^oo  pages ;  prix,  1 5  fr. 


j$T  POLITIQIES.  .p 

son  ensemble,  dans  sa  marche  progressive,  dans  ses  rapports 
avec  le  monde  moderne  :  en  un  mot,  on  a  fait  des  cours  de 
litterature  et  point  d'histoire   philosophi(pie. 

C'est  pourtant  un  magnifique  spectacle  que  celui  dc  cette 
civilisation,  dont  Ies  produitsont  traverse  les  siecles  sans  rien 
perdre  de  leur  fraicheur  ni  de  leur  eclat,  et  sont  restes  les 
types  immuables  do  grandiose  et  du  beau  dans  les  arts  d'ima- 
ginalion.  L'Orient  est  une  terre  de  prodiges,  parsemee  dc 
monumens  qui  semblent  le  legs  d'une  race  plus  grande 
que  la  notre;  et.ces  proportions  colossales  se  retrouvent  dans 
chacune  de  ses  ceuvrcs,  dans  ses  poemes,  dans  ses  intermi- 
nables  epopees  on  tout  se  mele  et  se  confond,  religion,  his- 
to'ne  el  philosophie.  La  Grece  est,  a  vrai  dire,  la  fleur  de  l'in- 
telligence  humaine:  peuple  heureusement  doue  du  ciel,  ou  le 
sentiment  du  beau  fut,  non  pas  le  privilege  de  quelques 
homines ,  mais  l'inslinct  de  tons,  qui  donna  au  monde  ses 
deux  plus  grands  genies  peut-etre,  Homere  et  Aristote,  et  a 
laisse  comme  souvenirs  de  son  passage  Plliade  et  le  Parthe- 
non. Quant  a  Rome,  nous  ne  la  placerions  qu'au  second  rang, 
sa  litterature  n'etantguere  qu'une  contre-facon  plus  ou  moins 
ingenieuse  de  la  litterature  grecque  ;  elle  merite  cependant 
d'altirer  l'attention,  parte  qu'apres  la  conquetede  rUnivers, 
elle  resume  les  autres  litteralures  ;  elle  les  recueille  dejavieil- 
lies  et  fanees  ;  elle  les  associe  a  sa  decadence,  a  sa  mort, 
pour  renaitre  plus  tard  avec  elle  sous  Tinspiration  feconde 
du  christianisme. 

L'imagination  de  M.  Rio  parait  avoir  ete  vivement  saisie 
de  ce  spectacle,  en  meme  terns  que  sa  raison  etait  frappee  de 
rinsuffisance  des  travaux  anterieurs;  il  a  compris  que,  dans 
la  vie  intellectuelle  des  peuples  anciens,  il  y  avait  autre  chose 
a  etudier  que  des  monumens  el  des  livres  ,  et  que  ces  ouvra- 
ges  etaient  nes  sous  l'influence  de  lois  constantes  qu'il  im- 
portait  de  decouvrir  et  de  determiner.  /Vlors,  s'emparant  d'un 
mot  sublime  de  Pascal,  il  a  entrepris  de  considerer  toute  la 
suite  des  hommes,  pendant  taut  dc  siecles,  comme  un  menu: 
homme  qui  subsiste  toujours,  el  qui  apprendcontinuellemenl. 


§6  SCIENCES  MORALES 

II  a  rcsolu  d'embrasser  tout  l'esprit  antique,  et  cssaye  de  re- 
traccr  scs  buns  el  ses  mauvais  jours,  sa  marche  logique,  et 
son  declin  cgalcment  rationnel. 

MaisTceuvre  ctait  diffictle,  et  le  sentier  rude  ct  mal  fiaye. 
Deux  conditions  sont  indispensables  pour  une  bonne  his- 
toire  de  1'intclligence  humaine  :  d'abord  la  conuaissance  com- 
plete des  fails,  non-seulement  litteraires,  mais  politique^  ct 
religieux  :  car  l'esprit  d'une  epoque  se  netrouve  dans  une 
constitution  ou  dans  un  systeme  tbeologique,  aussi-bien  que 
dans  un  dramc  ou  une  epopee  ;  puis  une  raison  superieure, 
capable  d'une  analyse  exacte  et  d'une  syntbese  puissante,  un 
esprit  de  la  trempe  des  Bossuet,  des  Vico,  des  Montesquieu. 
Or,  dans  l'etat  actuel  de  nos  etudes  sur  l'antiquile,  qui  pour- 
rait  satis faire  a  la  premiere  de  ces  conditions?  D'une  part, 
I'Orient,  qui  fut  si  long-tems  pour  nous  une  enigme  indechif- 
frable,  commence  a  peine  a  s'eclairer  d'une  lumiere  nouvelle, 
et  le  voile  qui  le  derobait  a  nos  yeux,  n'est  qu'a  denii  souleve. 
D'autre  part,  la  Grece  et  Rome  n'ont  pas  ete  explorees  a 
fond ;  leurs  sciences  ont  ete  negligees  comme  indignes  de  la 
science  moderne  :  leur  mytbologie  a  ete  expliquee  a  la  legere, 
ou  transformee  en  un  systeme  astronomique;  l'influence  de 
leurs  institutions  sur  la  litterature  et  les  arts,  mal  determinee. 
On  ne  peut  done  croire  que  I'crudilion  d'un  seul  homnie  suf- 
fise  a  combler  toutes  ces  lacunes.  Quant  a  la  seconde  condi- 
tion, qui  oserait  se  flatter  de  la  remplir?  ce  n'est  pas  moins 
que  le  genie,  ce  regard  rapide  et  sur  qui  saisit  les  faits  dans 
leurs  details  a  la  foisetdans  leur  unite,  et,  planantsur  lemonde, 
le  voit  d'en  baut  et  le  juge. 

L'oeuvre  tentee  par  M.  Rio  nous  semble  done  aujourd'hui 
tout-a-fait  impossible  :  car  les  eleinens  materiels  d'un  tel  tra- 
vail ne  sont  pas  rassemblcs,  et  le  genie  s'egarerait  lui-meme 
en  voulant  y  suppleer.  Aussi,  M.  Rio,  malgre  son  talent  in- 
contestable, a  recule  devai.it  son  entreprise;  et,  apres  avoir 
annonce  une  histoire  de  l'esprit  bumain  dans  I'antiquite,  il  a 
reduit  sa  laebe  a  un  eloquent  resume  de  l'bistoire  litteraire  el 
seientifique  de  l'ancieunc  Gpece. 


ET  POUTIQUES.  c£ 

T,a  civilisation,  selon  la  definition  dc  M.  Rio,  se  compose 
<!c  trois  elemens  :  l'element  intellectuel,  l'element  moral  ct 
l'element  materiel.  De  ces  trois  elemens  I'auteiir  rctranche 
tout  d'abord  les  deux  dernieis  :  l'element  moral,  parcc  qu'il 
demeure  stationnairc,  attendu  que  l'homme  n'a  jamais  eu  que 
le  memo  nombrc  de  moyens  pour  combaltre  ses  passions  ou 
pour  les  empechcr  de  nail  re  :  l'element  materiel,  parce  qu'il 
•enlantc  le  luxe,  et,  par  suite,  la  corruption  et  les  grandes  ine- 
galites  sociales  qui  tuent  les  nations. 

Resle  done  l'element  intellectuel,  qui  se  developpe  sous  la 
double  influence  de  la  religion  et  de  I'Etat; «  mais,  quant  a 
4a  religion,  dit  HI.  llio,  elle  ne  serait  susceptible  de  perfec- 
tionnement  qu'autant  qu'elle  serait  Pouvrage  de  l'homme  : 
elle  ne  doit  done  pas  figurer  dons  le  tableau  de  ses  progres  in- 
tcllcctuels  a  cote  de  la  poesie,  des  sciences  et  des  arts  » .  1,'E- 
lat  ne  se  perfectionne  pas  non  plus  suivont  les  memes  lois  que 
la  litterature, «  et  les  epoques  oi'i  I'esprit  humain  a  jetele  plus 
d'crlat  ne  sont  pas  celles  ou  1'ordre  social  a  recu  la  plus  beu- 
reusc  organisation.  »M.  Rio  s'abstient  done  egalementde  de- 
terminer d'une  maniere  precise  Taction  des  institutions  poli- 
liquesou  religieuses  surlemouvement  intellectuel  des  nations. 
Si  de  telies  restrictions  simplifient  beaucoup  ce  vaste  ta- 
bleau, elles  lui  utent  d'ailleurs  une  parlie  de  son  interet.  Nous 
(ne  pouvons  admettre  que  I'esprit  d'une  epoque  se  rellete  dans 
■sa  litterature  plus  que  dans  sa  religion,  ses  moeurset  son  indus- 
trie  :  ce  n'est  done  point  1'bistoire  d'un  seul  de  ces  elemens, 
mais  celle  de  tons,  qui  compose  l'histoire  lotale  de  Pintelli- 
gence  humaine.  Que  la  religion,  la  politique,  la  mora'ite  des 
peoples,  soient  ou  non  progressives,  qu'elles  marcbent  d'un 
pas  egal  ou  qu'elles  aient  un  sort  divers;  pen  importe  :  le  fait 
u  conslater  c'esl  que  toutes  ces  choses  ne  sont  pas  stalionnai- 
rcs;  et  cela  justement  prete  un  caractere  dramatiquc  a  l'his- 
toirc  de  I'esprit  humain.  On  se  plait  a  voir  ['intelligence  des 
nations  anciennes  nnitre  et  grandir  a  l'ombre  tutclaire  de  la 
religion;  puis,  parvenue  a  Page  viril,  elle  se  degage  (]c< 
liens  qui   lui    scmblont     trop  pesans.  et   cherche  son   apnni 

T.    XXVI.    AVIUT.    l8"0.  <J 


30  SCIENCES  MtXRALI'S 

dans  la  sagesse  tics  lois,  la  raisbb  et  la  morale  philosophiqac  . 
bientut,  empoclee  par  une  passion  d-indepuadaace  loujom- 
erois-anlo.  cllc  derange  riinrmonio des  lois,  el  l>rise  Ic  jnugdo 
la  morale  cdmose  elle  avail  briae  cclui  do  la  religion  :c'est 
sa  decrepitude*  tMillc  accnlens  de  lieux  et  de  durce,  mille  cif- 
constauecs  dwerses  \  lemient  varier  ce  spectacle  :  mais  il  n'cst 
corbplet  qu'a  la  condition  que  lonles  ces  varices  s'y  repro- 
duisent.  Sans  cela,  vous  n'aurez  sons  lc  litre  iFliistoirc  gene- 
rale  qu'une  monographic  plus  on  moins  etendue,  nnc  appre- 
ciation de  telle  on  telle  brauche  des  produiis  de  l'espril  hu- 
main.  Ainsi,  i\l.  Kin,  a  force  de  reduire  son  snjet,  l'-a  rcnfermc 
dans  un  cadre  de  ce  genre,  et  s'est  borne  finalement  a  pre- 
senter line  analyse  philosophise  des  creations  principales  de 
l'art  et  de  la  science  thcorique  chea  les  Grecs. 

L'Orient  a  ponrtant  attire  son  attention  :  mais,  pen  t'ami- 
lier  avec  les  langues  et  les  anliquites  de  l'Asic,  il  n'a  pn  don- 
ner  que  des  extrails  emprunles  anx  travanx  recemmcnt  pu- 
blics en  France  et  en  Angleterre.  Nous  en  excepterons  un 
morceau  remarqnablo  sur  la  poesie  hebraique  ,  el  quelques 
pages  curieuses  et  originales  sur  les  epopees  indiennes.  Le 
resle  de  eclte  premiere  partie  est  suffisant  pour  les  gens  du 
inoiule,  mais  doit  paraitre  faible  anx  erudits. 

La  Grcce,  voila  rcellcmcrit  tout  le  snjet  de  M.  Rio;  el  id- 
les la  carriere  ainsi  rclrecic  est  encore  vaste  et  glorieuse  a 
pareourir.  Depuis  les  poetes  religieux  qui  se  pcrdeot  dans  la 
unit  des  tcms  jusqu'aux  derniers  Ptoltmees,  depuis  ces  con- 
structions cyclopeennes  qui  font  encore  l'etonnement  des 
voyageurs  jusqu'au  temple  de  .lupilcr  Olympien,  le  genie  grec 
a  realise  lout  ce  qu'il  a  elc  donne  a  l'espiit  humain  de  conce- 
voir;  et,  soit  qu'il  aitalteint  leslimilesde  la  perfection,  comme 
dans  les  beaux-arts,  soit  qu'il  nit  seulcment  aplani  la  route, 
comme  dans  les  sciences  d'observation,  il  a  jete  partoul  sur 
son  passage  des  torrens  de  lumierc,  et  laisse  une  trace  iueffa- 
eablc.  Quelque  chose  de  mysterieux  et  d'inconnu  preside  a  sa 
naissance;  a  peine  degage  des  langes  de  son  bcrceau  el  des 
lien*  etroils  de  la  mylhologie  orientale,  il  se  manifeste  par 


ET  POLITICOES.  99 

vrtic  merveille,  1'epope.e  Homcrique;  il  est  deja  complcl  et 
d'une  beaute  parfaite,  comme  Mincrvo  sortie  tout  armee  dli 
cerveau  de  Jupiter. 

Son  developpement  et  son  education,  pour  ainsi  dire,  se. 
sontdonc  fa  its  dans  le  silence  entrel'arrivce  des  colonies  etran- 
geres  *t  la  conquete  des  Heraclides,  qui  suivit  la  guerre  de 
Troie.  Mais,  danscette  civilisation  si  brillante  ets'iharmonietisr, 
ne  faudrait-il  pas  distinguer  les  fruits  indigenes  du  sol,  et  ce 
fjtii  vint  d'ailleurs,  de  la  Thrace  ou  del'Egypte?  ne  faudrait-il 
pas  examiner  sous  quelle  influence  se  modifierent  les  tradi- 
tions de  FOrient,  la  doctrine  orpliique  avec  ses  orgies  et  ses 
ceremonies  barbares,  tesarts  del'Egypte,  leur  grandeur  uni- 
forme  et  leur  monotonia  symbolique  ?  Gar  le  polytheisme,  et, 
par  suite,  les  arts  de  la  Grece  sontnes  de  tout  cela,  et  certes 
l'elfet  est  assez  beau  pour  qu'ou  se  donne  la  peine  d'en  rc- 
chercher  la  cause. 

M.  Rio  ne  s'est  pas  arrete  sur  les  premiers  terns  de  la  Grece  : 
il  a  montre  rapidement  qu'elle  n'etait  pas  le  berceau  de  tontes 
les  connaissances  humaines,  et  que  Fart  avail  mavche  en 
Orient;  mais  il  n'a  pas  essaye.  de  determiner  ce  qu'elle  avait 
cree,  ce  qu'elle  avait  emprunte  aux  nations  plus  vieilles,  ni 
quelle  transformation elle  avait  fait  subir  aux  mythes  adoptees 
par  elle  comme  objets  de  cuke,  011  comme  simples  clemcns 
de  poesie.  M.  Rio  n'est  pas  remonte  plus  haut  qu'Homere,  et 
pour  lui  tout,  en  Grece ,  date  de  l'lliade. 

Cette  lacune,  dansunlivreremarquable  abeaucoup  d'egards, 
tient  surtout  a  ce  que  Fauteur  n'a  pas  fait  entrer  dans  son 
cadre  l'hisloire  de  Fordre  social  et  surtout  celle  do  la  religion. 
Les  revolutions  survenues  dans  le  culte  expliquent,  en  effet, 
les  revolutions  survenues  dans  Fart.  En  Grece,  tout  artiste 
s'inspirait  de  la  religion  nationalc  :  les  monumens  public's 
etaient  des  temples;  les  representations  theatralcs  elles-me- 
mes,  de  pieuscs  solennites.  A  mesure  done  que  les  mytlies 
obscures  et  terribles  de  FOrient  se  revfitaient  des  formes  gra- 
cienses  et  poetiques  du  polytheisme  grec,  Fart  cessait  la  vaine 
tentative  de  reprodtiire  I' image  des  forces  secretes  de  la  na- 


,00  senders  morales 

tun;,  et  s'wteyaU  a  la  contemplation  du  beau  absolu.  F  re- 
liant pour  base  celte  assimilalion  conslanle  cnlrc  les  ukui- 
veuiens  religieux  el  intellectuels,  on  pom-rail  snjvre  pas  a 
na<  les  progrcs  de  lolle  on  telle  brancbedes  beaux-a;js,  de  la 
sculpture,  par  cxcmple.  On  verrait  ainsi  les  colonies  do  Thrarc 
ct  d'J^gjrpte  introduire  en  Grcce  lenr  fetiebismc  ct  lcur  cos- 
mogonie  barbares.  G'est  lc  tcms  ou  l'art  surcharge  les  figures 
des  dieux  d'altribnls  bizarres,  symboles  d'nne  mysltrieuse 
puissance  :  ou  bien,  s'il  les  considere  commc  de  simples  abs- 
tractions, comme  1'elre  en  soi,  il  en  fail  alors  ccs  statues  de 
picrxe  brule  que  Ton  voyait  a  Pharcs  en  Achai'e,  celle  Venus 
de  Papbos,  ce  Cupidon  de  Thespis,  blocs  iufonncs  doul  parle 
Pausauias.  Mais  bientot,  soit  que  les  castes  sacerdotales  etran- 
geres  (i)  aicnt  etc  vaincues  dans  une  lulte  a  main  armee, 
soil  que  le  genie  grec,  a  vide  a  la  fois  de  liberie  ct  dcpoisic, 
ait  graduellemenjt  re  forme  cesmyllics  farouches,  le  culte  des 
personnificalioi.s  cosinogoniques  cede  a  celui  de  dieux  aclifs 
fails  a  I'image  de  l'homme  ou  de  heros  divinises.  Alors  vicnt 
Dedale,  ou  plulol  I'ecole  d'arlisles  designee  sous  ce  nom  gc- 
ncrique,  et  ceux-l.i  commencerent  a  oler  aux  statues  des 
dieux  leur  cachet  primilif  d'immobililc,  et  a  aniincr  la  pierrc, 
lc  bois  et  l'i  voire.  Enlin,  aprcs  de  longs  debats  donl  rbisloire 
n'a  pas  garde  le  souvenir,  les  puissances  de  la  nature  sont 
velegnees  dans  un  mondc  a  part  ou  la  veneration  publiquc  ne 
les  suit  plus;  Salurne,  le  Ciel,  Helios,  disparaisscnt  devanl 
les  splendeurs  de  l'Olympc,  Jupiter,  Apollon,  etc.  :  laTerre 
est  representee  a  Athenes,  dans  une  attitude  suppliantc,  de- 
mandant la  pluie  au  maitre  des  dieux  ;  Homcrc  complete  cctte 
revolution,  etdevientrorganede  la  religion  beroiquede  la  Gre- 
ce. Or,  rcmarqu.His-le  bien,  Phidias  est  ne  d'llomere,  ete'est 
dansl'Iliade  qu'ila  trouve  le  module  de  son  Jupiter  Olympien. 
Nous  ne  pousscrons  pas  plus  loin  l'examen  de  ccs  synchro- 
nismes,  qui,  appliques  a  d'autres  parlies  de  la  liltcralurc  et 

(i)  Voir  I'ouviage  sui-  la  Religion,  par  M.   Bwjomin  OOK^PiKt.   vol.  tt 
et  m. 


ET  POLrilOUKS.  loi 

des  arts,  doiineraicnl  probaMeritetTl  nil  soiftblabflc  resullak 
N>OUS  avo!)S  seulemenl  voulu  constalcr  que  replication  des 
revolutions  Htleraircs  do  la  Grece  doil  se  trouvcr  ilaus  I'his- 
hrfre  tie  scs  revolutions  religicases,  et,  puisqwc  ces  dcrui.  res 
ne  nous sont  pas  toul-a-l'ait  ineonuties ,  il  faut  suivre  aver, 
soin  ce  fil  precicux  qui  nous  guidera  dans  lc  labyriulhc  des 
antiquiles  belleniques.  Mallicureusement  ce  rapport  n'a  pas 
I'rappe  M.  Rio  :  il  a  neglige  1'etude  des  terns  primitifs,  sous 
prelexle  que  la  critique  ne  les  avait  pas  suflisamment  degages 
de  leurs  tenebres;  d'ou  il  suit  qu'il  n'a  pas  indique  comranit 
la  Grece  se  liait  a  l'Orient,  et  n'a  pas  meme  suffisammcnl 
rcleve  la  veritable  importance  de  l'cpopce  Homerique,  qui  lui 
sort  dc  point  de  depart.  Homere  n'est  pas  un  accident  isol.': 
dans  l'liistoire  de  la  Grece;  pour  apprccier  sa  grandeur,  il  ne 
faut  le  scparer  ni  du  mouveincnt  inlellectuel  qui  a  precede 
ct  prepare  sa  venue,  ni  des  siecles  qui  l'ont  suivie.  Homere 
rcprcsenle  toute  line  cpoque  de  la  civilisation  grecque,  el  la 
phis  curieuse  peut-elrc  ;  celle  ou  le  genie  national  a  Iriom- 
plie  definilivement  des  importations  elrangeres,  les  a  repous- 
sees  ou  modiiiees  victorieusement ;  celle  oil,  libre  de  ses  en- 
Ira  ves,  il  s'elance,  pletn  de  vie  et  de  jeunesse,  dans  la  carrieic. 
que  mil  peuple  apres  lui  ne  parcourra  si  complete  et  si  belle. 
II  est  le  monument  de  telle  revolution,  et  l'etat  social  de  son 
lems  a  passe  lout  enlicr  duns  ses  vers.  II  est  theologien,  plii- 
losophe  et  roi;  son  regard,  quiperce  les  profondeurs  de  I'O- 
lympc,  s'altaclie  cgalemenl  aux  details  d'un  sacrifice ,  a  la 
disposition  d'une  arince,  a  la  manoeuvre  d'un  vaisseau  :  il 
cpuisfe  le  cercle  entier  des  idces  et  des  connaissances  de  sou 
terns.  Homere  est  specialement  le  poele  de  la  Grece,  et  non, 
comme  dil  M.  Rio,  celui  de  I'luunanitc  :  ce  n'est  pas  I'homnir, 
dans  le  sens  abstrait  de  ce  mot,  qui  est  le  sujet  de  ses  chants  ; 
e'est  le  Grcc  :  la  Giice  s'y  reproduit  sous  loutes  ses  formes 
avec  ses  defairts  el  ses  qualilcs,  sans  dissimulation  nipi-cran- 
rion  oraloiie,  idle  (jue  le  lems  ct  sa  riche  nature  Tavaict 
faite.  Coiisidcre  souscepoiui  de  vue,  Homere  apparait,  no;'.- 
sculcmcut  comme  lc  createur  de  1'epopce,  mais  comme  lc 


102  SCIENCES  M01ULES 

resume  ilc  tout  lc  passu  de  son  pays,  el  le  pivot,  pour  ainsi 
dire,  sur  lequel  tourne  la  plus  brillantc  civilisation  qui  I'm 
jamais  :  et  c'esl  cette  universalite,  sans  doute,  qui,  f rap  pant 
de  stupefaction  la  critique  inoderue,  l'oblige  a  se  demandcr 
sil'IIiadc  etl'Odysscesont  reellemcnt  l'oeuvre  d'un  seul  bom- 
nie,  s'il  ne  I'andrait  pas  les  altribuer,  comine  le  Romancero 
espagnol  el  les  Niebelungen  de  l'Allemagnc,  a  une  generation 
entierc  de  poetes;  car,  dans  nos  siecles  d'aualyse,  nous  ne 
comprcnons  guire  ces  gcnies  des  premiers  ages,  synthetiques 
et  complete,  a  qui  une  sorte  de  revelation  divine  semble 
avoir  dit  tous  les  secrets  de  riiunianile. 

Nous  pensons  done  que,  pour  assigner  a  Homer e  le  rang 
qui  lui  apparticnt,  il  faut  l'etudicr  dans  ses  rapports  avec  Is* 
socicte  qu'il  a  deerite  et  le  long  mouvement  intellectuel  dont 
il  est  le  produit.  M.  Rio  n'a  pas  suivi  cette  marcbe  et  nous  ne 
lui  renouvellerons  pas  nos  reprocbes  a  ce  sujet  :  mieux  vaul 
rendre  justice  a  ses  travaux  sur  le  sieclc  dc  Pericles,  a  sou 
appreciation  des  principalis  bistoriens  de  la  Grcce,  a  1'exacli- 
tudc  serupuleuse  avec  laquclle  il  a  essaye  de  determiner  les- 
progres  des  sciences  natu relies.  Nous  nous  permeltrons  ce- 
pendanl  encore  une  legem  critique  :  M.  Rio  a  adopte  l'opinion 
de  Guillaume  Scblegel  sur  les  beaux-arts;  il  croit,  comme 
lui,  que  l'ccole  de  Phidias  est  le  type  de  la  perfection,  parco 
qu'clle  cut  tou jours  pour  but  d'idealiser  la  nature  humaine,  et 
que  la  decadence  de  la  sculpture  commence  avec  Lysippe,  qui 
rcduisit  l'art  a  n'etre  que  1'imitatipn  licit  le  de  cette  meme  na- 
ture. Cette  tbeorie,  pour  etre  unanimcmenl  admise,  aurait  be- 
soin  de  quelques  deveioppemens  que  M.  Rio  s'est  abstenu  de 
donner,  et  generalement  ses  assertions  sur  les  causes  de  la 
decadence  de  Tart,  bien  qu'elles  soient  pcut-etrc  jusles  an 
fond,  semblent  paradoxals,  1'aute  d'etre  appuyees  de  preuves 
sullisantes. 

Ensommc,  la  premiere parlie  de  l'ouvrage  de  M.  Rio,  oon- 
sacree  a  rendre  comple  de  la  marche  ascendantc  dc  ('intelli- 
gence chez  les  decs,  est  de  beaucoup  la  plus  faible;  la  sc- 
conde,  oii  se  deroule  lc  tableau  du  declin  progressifdes  Icttres, 


ET  POLITTQIES.  ro5 

dvs  ; i r t s  el  mC'ine  des  sciences,  oe  mcrile  piesque  quo  flea 

eloges. 

L'autctir  a  cte  surtout  domine  par  colic  idee,  qu'une  loi 
constants  preside  a  Fhistoire  de  l'intellfigence  chez  les  nations. 
L'imagination,  compagnc  de  la  jeunesse,  vient  colorer  de  ses 
rians  prestiges  Ietirs  premiers  pas  dans  la  carriere  :  clle  regno 
d'abord  sans  rivale,  decroil,  puis  s'eteint,  et  Fobservation 
prend  sa  place.  Mors  la  poesie  est  rejetee,  la  science  en  bon- 
netir;  mais  cette  ardenr  scientifiquc  s'use  bientot  clle-memc. 
On  se  lasse  de  Fobservation;  on  voudrait  revenir  a  la  poesie  : 
I'i inspiration  est  morte  :  tout  s'efface  et  di-sparait  a  !a  fois,  let- 
Ires,  beaux-arts  et  sciences;  et  le  peuple  qui  a  passe  par  ces 
revolutions  a  accompli  sa  destinee.  Ainsi,  chcz  les  Grecs, 
nous  voyons  l'imagination  regnerensouveraine  jusqu'au  terns 
d'Alexandre,  se  faner  insensiblement  et  languir,  depnis  le. 
jour  on  Aristole,  repondnnt  aiix  vceux  de  son  sieele,  a  pro- 
claim- que,  hors  de  Fobservation,  il  n'y  a  que  tenebres  et 
\ agues  reveries.  Elle  luttc  un  instant,  et  se  debat  contre  I'in- 
vasion  de  Fempirisme,  mais  sans  sueces.  Les  beaux-arts  des- 
cendant de  la  sphere  ideale  on  Phidias  les  avait  places,  et 
observent  exclusivement  a  leur  tour.  La  poesie  est  descrip- 
tive, didactiquc,  on  s'abaisse  a  louer  non  plus  les  dieux,  les 
heros  el  les  vainqueurs  aux  jeux  olympiques,  mais  les  courli- 
sanncs  couronnees  d'Alexandrie  ou  d'Aulioehe,  et  les  misera- 
bles  souverains  qui  se  sont  partage  les  depouilles  d'Alexan- 
dre. L 'eloquence  n'est  plus  line  puissance;  e'est  un  metier 
qui  fait  vivrc  ics  rheteurs.  L'histoire  est  devenue  une  Seclie 
chronique,  un  amas  de  lourdes  dissertations  sans  ehaleur  hi 
entbousiasme,  et  Polybe  n'est  qu'une  exception  honorable 
qui  confume  la  regie.  La  philosophic  craint  si  fort  de  s'egarrr 
avec  Platon,  dans  les  profondeurs  de  Fontologic ,  qu'elle  se 
borne  a  reconnaitre  les  fails  do  rtionde  materiel,  se  refuse  ;i 
toutc  consequence  qui  la  menerail  au  dela,  se  renferme  flans 
le  seepliei.-ine,  dans  la  negation  absolue  meme  de  Dieu.  La 
melhode  d'Aiistole  ,  poussee  jusqu'a  ses  derniers  lermes  .  a 
enlraine  son  eeole  dans  eette  route;  et,  certos,  il  landrail  li 
deploi-er  Comme  un  inaljieur  sans  Compensation  ,  si  elle  n'a- 


io'i  SCIENCES  MOIULES 

tail  pas  dole  la  Grece  <lc  laseulc  gluire  qui  lui  manquai,  celle- 

des  sciences  natiirelles. 

«  Homcre  el  A  lis  tote,  (lit  M.  Rio,  out  term,  l'un  apres 
I'autre,  le  sceptre  inlcllectuel  tie  la  Greee.  Le  regno  d'llomerc 
a  dine  6:>o  ans,  ct  les  chefs-d'oeuvre  des  pocles  et  des  artistes 
(liscul  asscz  si  cc  regno  fut  gloricux.  Mais  ,  commc  son  em- 
pire ne  s'cxen/ait  que  sur  les  imaginations,  il  a  du  dccliucr 
a\cc  oetle  facultc  que  nous  avous  vue  s'eleindro  pen  a  pen 
dans  la  periode  qui  snivit  Alexandre.  Celle  ere  memorable 
dans  l'liisloire  de  Tespi  it  lininain  pourrait  s'appelcr  I'avejier 
ineut  d'Aristole,  qui  preside  alors  a  son  lour  pendant  tiois 
siecles  a  ladestinee  inlellectuellc  de  la  Crete.  11  semblait  quo 
la  Providence  speciale  qui  veillait  sur  celte  intere-sanie  con- 
tree  n'eftl  pas  perniis  que  ces  deux  soieils  vinssent  I'eclairer  a 
la  fois,  et  qu'en  les  scparant  par  uu  interva!!e  de  six  sieelcs 
ellc  out voulu  laisser  a  I' im  agination,  le  terns  d'accomplir  sou 
reuvre  sous  les  auspices  de  l'un,  avaut  que  1' observation  com- 
mencHt  la  siennc  sous  les  auspices  de  i'aulre.  »• 

Ce  passage  resume  *d'm:e  maniere  briilante  I'influence 
exercce  par  ces  deux  genius;  et  c'esl  uoe  idee  Iictueiisc  que 
d' avoir  personnific  sous  ces  deux  noms  tonics  les  globes  de  la 
Greee.  En  cfl'et,  si  Homcre  est  le  plus  admirable  des  pocles, 
Aristote  est  peut-elre  l'inteiligence  la  plus  vaste  et  la  phis 
prot'ondo  tpii  art  cmbrasse  l'etude  de  la  nature,  el  nul  u';..  fait 
t'airea  la  science  un  pas  aussi  grand  quehii.  De  meme  que  Iqus 
les  arts  s'etaient  inspires  d'Homerc,  de  meme  toute  science 
Tint  d'Aristote;  il  jetait  dans  le  mondc ,  en  se  jouant,  des 
trailcs  de  politique  et  de  critique  lilteraire,  texte  de  medita- 
tions infmies  ;  inais  en  meme  terns,  de  son  axiome  phiiosophi- 
que,  de  la  necessile  de  ^observation  decoulaient  comme  d'une 
source  intarissablc  la  physiologic ,  la  zoologie,  la  botani- 
que,  etc..  etc. ;  d'autres,  sans  doute,  out  agrandi  le  domaine 
de  la  science  ct  achevc  l'cdilice  :  Aristote  en  avail  pose  les 
fondemens  si  I'ermcs  ct  si  solides  que  toule  la  I'lireur  da^  bar- 
bares  du  Nurd,  se  ruant  sur  I'Eurnpe,  ne  put  les  dispcrser,  ct 
que  celle  large  base  Milllt  an  devcloppemcnt  de  deux  mniiw- 
mens   inlellecluels   egalement   complcts   et    origiuaux,   aux 


EX  POLITIQUES.  io5 

sciences  de  la  irece  et  a  l'eiudilion  du  moycn  Sge. 
Nous  dcvons  rendre  cetfe justice  a  M.  Rio,  qu'il  a  parjuitc- 
ment  apprecie  l'immensile  des  travaux  d'Aristole  et  la  fecon- 
dile  de  son  prineipe.  Les  cbapitres  consacres  a  l'liistohc  des 
sciences  naturelles  sont  entitlement  neul's  et  dn  plus  vif  inte- 
rct;  les  decouvertes  du  philosoplie  de  Stagyre  et  de  son  ccole 
y  sont  babilement  analysees;  et  y raiment,  quand  on  rcQe- 
cbit  au  merite  de  ces  efforts,  on  excuse  presque  le  niailre  et 
les  disciples  d'avoir  vouhi  proscrire  le  culte  de  rimaginaiiou, 
et  rcservcr  des  faeultes  si  puissantes  pour  ouvrir  une  nouvclle 
carriere  a  rhumanile.  Cependant,  au  milieu  de  cet  elan  subit 
vers  la  science,  de  celte  investigation  curieuse  des  secrets  de 
la  nature,  un  fait  remarquabie  a  frappe  M.  Rio.  Lors  memo 
qu'ils  sc  defendaient,  pour  ainsi  dire,  par  les  armes  du  rai- 
sonnement,  contre  tout  i clour  a  la  poetic,  el  se  livraient  a 
^observation  la  plus  minutieuse  du  monde  materiel,  lei 
Grccs,  nourris  de  Sophocle  et  d'Homere,  ne  pouvaicnt  se 
garder  des  encliantemens,  ou  ,  si  Ton  vent,  des  prejuges  de 
leur  enfance,  et  restaicnt  encore,  a  leur  insu,  homines  d'arl  et 
d'imagination.  En  vain  ils  s'epuisaient  a  reconnaitre  les  organes 
e  t  les  liabi  t  udes  des  animau  x,  a  compter  la  boric  usemenlle  noni- 
bre  de  leurs  plantes  nnlionales,  a  etudierles  pbenomencs  de 
la  nutrition,  de  la  reproduction,  etc.,  etc. ;  il  ieur  falJait encore 
des  fables  et  de  merveilleux  recils;  il  fa  11  ait  que  les  rpssignfds 
qui  faisaient  leurs  oids  pies  du  lombcau  d'Oiphee  eussenl  la 
voix  plus  barmonieuse  et  plus  pure,  et  qu'une  bande  d'oi- 
seaux  iuconnus  vint  tons  les  ans  balayer  et  anoser  le  lom- 
beau  de  Mcmnon.  Pausanias  racontait  que  la  lave  del'Elna, 
poursuivant  deux  jeunes  gens  qui  portaient  dans  leur  fuite 
leur  pere  et  leur  mere,  s'etait  sepaiee  pour  leur  laisser  un 
passage  ;  Theopbrasle,  en  cnumerant  les  vegetans  de  la  Grece, 
s'arrctait  avec  amour  sur  les  fleurs  dites  curonalrcs,  parce 
qu'elles  eutiaient  dans  la  composition  des  couronncs.  «  Pour 
les  Crecs,  dit  M.  Rio,  la  furcur  de  Phedre  el  le  descspoir 
d'Ajax  elaicnl  graves  sur  les  feu  i  Iks  du  myrle  el  sur  la  lienp 
de  l'liyacinllie.  L'lu'-licryse ,  dont  on  se  courouuail  dans  les 
t'estins,  ctail  ai;.iji  appelee  du  nom  de  la  nyinpbe  qui  I'avaU 


rofl  SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES. 
iiicillic  pour  In  premiere  Fois.  La1  lycbnide,  qui  ciait  plus  belle 
en  Chypre  ct  a  Cythere  que  partoul  ailleurs,  etail  nee  de  I'eau 
< mi  Venus  s'etait  baignce  en  sorlant  des  bras  de  Vulcain.  La 
flour  dont  Ariadne  s'elail  fait  une  cor.ronne  porlait  le  nom  do 
Tbesce,  et  rappelait  les  iiifortunes  de  cette  princesse,  de 
meme  (pie  la  violetle  rappdart  celles  de  Proserpine.  »  Ainsi,. 
ce  peuple  d'arlisles  embcllissait  des  tresors  de  son  imagina- 
tion ses  premiers  pas  dans  le  sentier  de  la  science;  il  scmblail 
so  reprendre  avec  deliccs  a  ses  douces  fictions,  et  n'ecbanger 
scs  illusions  contre  la  realite  qu'avec  dotileur  et  regret. 

Mais  ces  derniers  jours  de  poesie  passerent  vite ,  ct  plus  les 
vieux  souvenirs  de  religion  et  de  patriotisme  s'effacercnt,  plus 
la  degradation  morale  s'appesantit  sur  les  masses,  plus  Fobser* 
vation  sechc  et  aride  pril  la  place  de  toule  autre  etude;  puis 
on  se  lassa  de  l'observalion  comme  du  restc  :  on  so  borna  a 
eommenter  peniblement  les  travaux  des  disciples  d'Arislote, 
et  alois  la  destinee  de  la  Grece  fut  accomplie ;  son  terns  etait 
fait,  sa  mission  terminee,  et,  certes,  jamais  nation  n'en  rem- 
plit  une  plus  belle  et  plus  glorieuse.  Rome  allait  lui  succeder, 
sans  la  remplacer  :  car,  Rome  guerriere  et  triompbantc,  put 
bicn  ravir  a  la  Grece  ses  statues,  ses  tableaux,  ses  monumens, 
mais  non  pas  son  genie,  flcur  amoureuse  de  son  beau  sol,  et 
se  fanant  sous  d'autres  cieux. 

Le  tableau  de  la  litterature  romainc  ne  saurait  ncanmoius 
manquerd'interet  :  nous  avons  (lit  pourquoi :  e'est,  d'ailleurs, 
le  complement  necessairc  de  Fcntreprise  de  M.  Rio;  et  le 
progres  sensible  (pie  nous  avons  remarque  du  i"  au  2""  vo- 
lume de  son  ouvrage,  nous  porte  a  croire  qu'il  s'en  lirera  aveo 
lionrre ur.  Nous  lui  rccommandons  surlout  deux  choses  :  clu- 
dier  les  antiquiles  et  les  institutions  du  peuplC-roi ,  puiscr 
aux  sources  et  se  defier  des  lumieres  d'autrui.  Qu'il  suivc  al- 
teiitfvement  cette  marehe,  et  il  aura  la  gloirc  de  donncr  a  la 
France,  sinon  une  bistoirc  complete  dc  Fesprit  humain  dans 
I'antiquite,  an  nioins  un  essai  curieux  sur  ce  grand  sujet  qu'il 
a  compris  le  premier  d'une  maniere  large  et  philaiophique. 

Alpli.  D'Herbelot. 


LITTERATUHE. 


L'Immortalite  de  l'ame,  ou  les  Qttatre  ages  religietuc,  poirae 
en  iv  chants,  par  M.  de  Norvins  (i). 


L'immortalile  tie  I'Siue  est  une  opinion  a  laquelle  on  a  pru 
devoir,  dans  presque  tous  les  tenis,  attacher  une  haute  im- 
portance. Elle  a  sa  premiere  source  dans  lc  sentiment  le  plus 
Ail'du  coeur  humaiu,  l'ainour  de  la  vie.  Le  moyen  de  la  per- 
pctucr  indefmiment  a  loujours  trouve  des  partisans  nom- 
breux.  Les  philosopher  meme  qui  n'ont  vu  qu'une  ingenicuse 
hypoihese  dans  cctte  noble  croyanee,  l'ont  adoptee  comme 
une  garantie  de  la  eonduite  des  homrnes;  mais,  si  des  sages 
en  ont  tire  parti  dans  l'mteret  de  la  morale,  il  fa u t  convenir 
que  des  fourbes  l'ont  quelqucfois  exploitive  a  leur  profit.  Sou- 
vent  ils  ont  desenchante  le  monde,  en  annoncaut  le  bonheur 
d'une  autre  vie.  Mais  ici,  comme  dans  toule  chose,  1'abus  est 
a  cote  do  bien.  Les  philosophes  et  les  poetes  de  tous  les  terns 
el  de  tous  les  lieux  ont  monlre  ce  qu'il  y  avail  d'heureux  el  de 
consolant  dans  ce  systeme.  Quclques-uns  ont  manifests  des 
craintes  sur  les  abus  qu'il  pourrait  enfauter.  En  effel,  la  su- 
pcrslition,  qui  corrompt  ee  qu'ellc  touchc,  a  souvent  pro- 
lane  les  objels  les  plus  sublimes. 

Le  sysleme  de  l'immorlalile  de  l'ilme  ne  remonte  pas,  dans 
l'Occidcnt,  a  une  Ircs-haute  antiquite.  Pherecide  le  Syrieu 
l'ut,  dit-on,  le  premier  qui  apprit  aux  Grecs  que  l'ame  existail 
de  loute  elcrnilc,  etdevait  exrster  a  jamais.  Pythagore  accre- 
dila  ce  sysleme,  qui  l'ut  adople  par  Thalcs,  Anaxagore,  l)io- 

1)   Paris,   iSoo;  Firruiu-Didol.  Un  vol.  iu-S" ;  [>iix,  7  IV. 


refl  LITTUR.VTUUE. 

gene,   Platoa,  etc.   Otto  eroyance  insptra  d'abord  le  pFus 

grand  enthousiasme.  Hegcsias  l'cnseigua  a  Gyrene,  el  une 

paitic  doses  nombrcux  disciples  s'enlreluerent,  afni  d'afl'ran- 
tliir  leu i-  ame  do  sa  prison  terrestrc  :  Cleombrote,  d'Ambra- 
cic,  se  precipila  du  bout  d'unc  tour.  Celte  inanio  du  suicide 
s'empara  do  beaucoup  d'esprits  faibles;  sesprogres  furent  si 
efl'cayans  que  Ptolemee  Philadelphe  defendit  d'enseigner  une 
doctrine  qui  tendait  a  depehpter  scs  Etats.  L'cntbousiasiue 
n'appartient  qa'a  la  nouveaule.  Ce  systeme  reparut,  ct  lo 
clonic  mil  un  contrcpoids  a  la  premiere  effervescence.  Dicear- 
que  nia  ('existence  do  l'ame1,  en  soutenant  qu'ellc  n'est  qu'une 
configuration  d'ou  resulte  le  sentiment.  Scion  Thales,  c'ost 
une  nature  de  soi-meme  en  mouvoment;  scion  Platon,  c'ost 
nne  essence  qui  se  ment  :  c'ost  (in  nombre,  dit  Xcnocrato; 
c'ost  une  entelechie,  dit  Aristole.  Pythagore  on  fait  une  har- 
monic ;  Possidonius,  une  idee  ;  Ilippocrale,  un  esprit  subtil  rc- 
pandu  par  tout  le  corps;  Heraclidc  de  Pont,  une  lumicre;  Ile- 
raclite,  une  etincclle  dc  l'essence  des  etoiles  :  on  voit  que 
chaque  philosophe  la  cree  a  sa  maniere.  Simonide,  Hippo- 
crate,  Gallion,  Pline,  les  deux  Seneque,  les  Epicuricns,  Its 
Sadduecens,  chez  les  Juifs,  la  croyaient  mortello;  les  sto'i- 
ciens  lui  accordaicnt  une  trcs-Ionguc  existence  (aprcs  la  se- 
paration du  corps);  mais  ils  lui  assignaicnt  uti  termo.  L?rtpi- 
nion  de  la  mortal!  te  do  Panic  paraissait  si  indifferente  cboz 
les  domains  que  Cesar  I'avouait  en  ploin  senat;  CicerOH, 
dans  quelques-u:is  de  ses  ouvragos  pbilosopliiques  ;  Seneque 
la  proolamait  sur  le  theatre.  Epicure  condamnait  Paine  a  mo 
point  survivrc  an  corps;  Lucrece  immorlalisa  los  raisonnc- 
mens  de  son  mailrc,  dans  son  admirable  chant  do  la  nature 
de  l'ame.  En  fin  ,  depuis  les  pbilosophos  el  les  pocles  do  la 
Civic  et  do  Rome,  jusqu'aux  ecrivains  du  xvni'  siccle,  tout  a 
etc  dit  sur  l'ossence  do  oe  principo  do  vie. 

En  composanl  un  poemc  sur  l'immorlalile  de  Paine,  M.  do 
Norvins  aborde  un  champ  des  long-tcms  nioissonnc ;  mais 
il  a  sij   lui  rendre  une  nnuvclle  l'eeoodite,  a   force   d'art   el 


LlTTJtoATURE.  109 

de  talent.  II  se  montrc  a  la  fois  neuf  comme  jihilnsnpho,  ot 
original  comme  poctc.  Son  plan  est  Taste,  mais  simple.  Qua- 
trc  chants  sont  consacrcs  aux  quatrc  religions  principals  qui 
out  regne  sur  le  mondc  :  la  religion  primitive  ou  uatiirclle  ; 
le  culle  mythologique ;  la  religion  des  barbares  du  nord ; 
puis,  la  religion  chretienne.  Cbaque  chant,  amene  par,  uno 
espece  d'ordre  chronologique,  se  compose  d'un  prologue, 
d'un  episode  et  d'un  epilogue,  en  sorte  que  chaque  parlie  de 
l'ouvrage  off  re  un  tout  complet.  Le  prologue  prepare  a  l'epi  - 
sode  qui  caracterise  l'epoque,  et  ['epilogue  indique  le  result  at 
de  Taction  episodique  comme  une  liaison  a  l'epoque  qui  suc- 
cede.  Cet  ordre  de  composition  est  sans  modele;  il  semble- 
rait  devoir  produire  une  trop  grande  uniformile.  Mais,  comme 
les  episodes  etablissent  une  opposition  sav;miment  combinee, 
le  poeme  offre  de  l'interet  et  de  la  variele.  L'autcur  ne  craint 
pas  de  bitter  quelquefois  avec  les  plus  grands  poetes  :  il  re- 
trace ainsi,  apres  Milton,  l'origine  du  premier  homme  : 


Dieu  tilt  :  1'homme  etait  ne;  sur  la  splendour  des  cieux, 

Par  un  instinct  superbe,  il  attache  ses  yeux. 

Mais  du  IrGne  de  Bieu  I'eclatact  luininaire 

L'eblouit;  son  regard  retombe  sur  la  terre  : 

Les  concerts  des  oiseaux,  le  doux  encens  des  fleurs, 

Des  panipres  savoureux  les  brillantes  couleurs, 

Des  rapides  zephirs  les  suaves  baleines, 

Murinurant  dans  les  bois  ou  sillonnant  les  plaines, 

Et  les  sombres  berceaux  du  bocage  natal, 

Tout  enivre  ses  sens.  Au  limpide  cristal 

D'une  source  paisible,  Uiie  forme  inconnue 

L'enchante...  e'est  lui-meme...  il  se  trouble  a  sa  vne. 

11  se  louche,  et  son  corps  tressaillc  sous  ses  doigts. 

Ce  qu'il  voit,  il  le  nomine,  et  le  son  de  sa  voix, 

Qui  dans  Fair  relentit,  l'agite  el  l'inquiete  : 

11  bherche  cette  voix  que  1'echo  lui  r6pete. 

La  nuit  vicnt,  et  la  nuit  est  un  songe  d'amour; 

Dans  un  reve  annoncee,  aux  piemieis  feux  du  jour, 


mo  MTTERATURE. 

Pne  image  tie  I'homme  en  se<  bins  so  reveille, 
Ei  de  I'liviiit'ii  In  terre  aconnu  In  uaeivedfle ! 
I/boinme  a  connti  I'anioui et  Dieu  tut  satisfait. 
l/homme  naissant  esl  roi  :  rhtnnmc  heureux  est  paifaiti 
Ivic  clc  son  bonlleur,  et  tier  de  son  empire, 

11  moiilre  sn  COmpagnfe  a  loill  cc  qui  respire. 

Soudain  a  cet  aspect,  par  mille  et  mille  echos 
Les  airs,  l«s  mon  Is,  les  bois,  Irs  plaines  et  les  eanx 
Du  noin  de  letir  nionarque  a  1'cnvi  retentisscnt ; 
A  son  heureux  destin  les  niondes  applaudissent, 
Et  lui,  courbant  la  lete,  invoquant  leur  auteur, 
Roi  cree,  sc  soumct  a  son  roi  createur. 

Ailleurs,  l'auteur  peinl  Orphee  arrachant  son  Eurydiee  aux 
enters.  La  comparaison,  non  nioins  redoutable  avec  Virgile 
et  son  admirable  interprets,  n'eflVaie  point  M.  dc  Noryins,  et 
le  lectenr  applaudit  a  sa  hardiesse.  Le  poete,  sfir  de  sa  force, 
s'est  fraye  les  routes  les  plus  didiciles;  il.les  parcourt  d'un 
pas  hardi,  et  souvent  l'obstacle  ajoute  a  1'eclat  de  son  succes. 

Le  poeme  de  1'Immortalite  de  l'fune  est  consacre  an  triom- 
phe  d'une  philosophic  utile  an  bonheur  des  bommes  :  I'au- 
teur  embrasse  son  systeme,  au  moras  autatit  par  sentiment 
rpie  par  conviction,  etilsetrouve  ainsidansla  position  la  plus 
favorable  au  poete.  II  ne  dogmatise  pas  connne  un  croyant 
aveugle  ;  il  ne  raisonne  pas  en  mctaphysicien  tranchant;  il 
s'abandonne  a  ses  inspirations,  et  ses  raisonncmens  sontdes 
images.  Le  poeme  dont  M.  de  Norvins  donne  aujourd'hui  tine 
nouvellc  edition  parol  a  uoe  epqque  ou  la  Iitleralure  et  la 
philosophic  trouvaient  encore  des  juges  dans  les  premiers  ta- 
lens.  Les  ecrivains  les  plus  eelebres  s'empresserent  alors  de 
signaler  au  public  celte  belle  production.  Parmi  ces  arbilres 
de  1'art,  on  remarquele  litterateur  dont  Peloquencepatriotique 
inspira  le  gout  des  arts  a  une  jeunesse  avide  de  recueillir  les 
lecons  du  successeur  que  Delille  s'elait  choisi  lui-meme  ;  lc 
penseur  spirituel  et  profond  qui,  distingue  par  des  succ.es 
nombreux,  a  honore  son  pays  en  se  montrant  a  la  fois  his- 
torien,  poete,  diplomatc  et  guerrier,  et  le  celebre  ecrivain  qui, 


UTTER  ATU  RE.  ill 

rival  hcurcuxcle  Steele  et  d'Addisson,  a  ouvert  une  route  mm 
velle  aux  moralistes  francais,  a  recueilli  de  nnmbreuscs  pal- 
mes  sur  la  scene,  et  a  perfcctionne  le  drame  lyrique,  en  al- 
liant  la  grace  et  le  naturcl  du  cbanlre  d'Armide  a  I'eclat  et  a 
la  force  tie  uos  grands  maitres. 

Le  pot- me  tie  &L  tie  Norvins  reparait  avec  tie  norabreuses 
ameliorations.  Couime  tons  les  talens  pnissans,  il  s'est  monlre 
pour  lui-mcme  plus  severe  que  le  public,  et  il  n'a  vu  dans 
son  succes  que  1' obligation  de  perfectionner  un  ouvrage 
applaudi.  Nous  en  fclieilons  l'auteur,  en  l'engageant  a  perse- 
verer  dans  sa  courageuse  resolution.  Son  poeme  est  destine 
a  survivre  a  notre  epoque;  il  doit  y  travailler  constamment. 
Plusieurs  passages  appellent  encore  son  attention  ;  on  y  ren- 
contre ties  vers  faibles  et  des  passages  dont  I'erilurmnu'fe  nuit 
an  veritable  eclat.  M.  tie  Norvins,  en  revelant  ce  qu'il  pou- 
vait  faire,  a  prouve  a  quel  point  il  lui  est  permis  tie  s'elever 
encore.  Un  poeme  n'est  jamais  terminc,  tant  que  l'auteur 
conserve  son  talent.  On  demandait  au  Tasse  comment  il  etait 
parvenu  a  donner  a  sa  Jerusalem  un  si  haut  degre  de  perfec- 
tion :  en  y  songeant  sans  cesse,  repondit  le  grand  poete. 

Les  lecteurs  du  poeme  tie  lTmmortalile  de  l'ame  remar- 
quentavec  un  vifinterct,  que  ce  bel  ouvrage  poetique  est  du 
a  la  plume  qui  a  retrace  Tunc  de  nos  grandes  epoques  bistori- 
ques.  Dans  cette  composition  l'auteur  se  montre  fierd'appar- 
tenir  a  la  grande  nation  dont  il  peint  si  eloquemment  les 
bautes  destinees  ;  il  parle  de  notre  gloire  avec  le  pieux  respect 
d'un  fils  qui  vient  sur  le  lombeau  de  sa  mere  cbercber  ties 
consolations,  en  rappellant  ses  vertus  et  ses  nialbeurs. 

A  une  epoque  oii  la  politique  et  la  Hyalite  ties  coteries  n'au- 
raient  point  absorbe  I'attention  generate,  le  poeme  tie  M.  tie 
Norvins  eutproduit  une  sensation  tres-vive;  toutes  les  bou- 
ches  de  la  renommee  se  sentient  ouvertes  pour  proclamer  son 
apparition.  Les  succes  purement  litteraircs  sont  aujourd'bui 
restreints  dans  d'etroites  limites;  mais  les  arbitres  tie  Part  se- 
ront  loujours  assez  nombreux.dans  la  pati  ie  des  Racine  et  des 


lis  LITTKEIATIRE. 

^"t»ltnire,  pour  assurer  lo  trioniphe  durable  do  tout  onvrage 

que  la  raison,  le  gout  et  le  talent  aitront  marque  de  !eur  cm- 

prcintc. 

Le  discours  pivliminairc  et  surtout  les  notes  sont  exticme- 
ment  remarquables  :  elles  attcstent  les  eonnaissanees  profon- 
des  et  varices  de  M.  de  Norvins.  La  science,  la  philosopliie 
rt  le  merit  e  de  l'ecrivain  se  trouvent  licureusement  minis 
dans  cc  beau  travail. 


OEvvres  posthumes  d'A.  E.  Gaulmier,  preccdees  d'une  Notice 
sur  sa  vie  ( i ) . 

Dans  l'etat  actuel  de  la  litterature,  il  y  a  peu  d'espoir  de 
celebrite  pour  le  poete  qui  he  sail  pas  mcttre  en  mouvement 
les  coteries  et  les  journaux.  Se  faire  un  grand  nombre  de  pro- 
neurs  bien  aniens,  bien  aveugles,  lei  doit  el  re  desormais  le 
precepte  fondaincntal  de  toutes  les  poctiques.  Est-il  surpre- 
nant  que  Eoilean,  qui  n'en  dit  pas  un  mot,  soit  aujourd'bui  si 
decrie?  Formez-vous  done  d'abord  une  troupe  compacte  d'ad- 
mirateurs  bruyans  et  devoues.  Le  public  ne  tardera  pas  a  Be 
mcttre  a  la  suite;  e'est  1'unique  moyen  de  1'emouvoir,  el  il 
est  infaillible.  Qu'importe  apres  cela  que  le  jugemcnl  des  con- 
naisseurs  vous  soit  favorable  ou  contraire?  C'cst  un  point  in- 
different pour  la  vogue  des  ouvrages,  pourlessuecesd'argcnt, 
qui  sont  maintenant  les  verilablcs  sueces  d'estime. 

Le  poete  dont  nous  annoncons  les  ceuvres  posthumes  n'en- 
tendait  rien  a  ces  hautes  combinaisons  litteraircs.  Confine  a 
llourges,  on  il  rcmplissait  le  laborieuxcmploi  de  professcur  de 
rhetorique,  il  altendait  sa  reputation  de  son  talent ;  aussi  a-t-il 


(i)  Paiis,  1800;  Delaunay.   5  vol,  in-iS  d'enviion  290  pages;   prix, 
6  fr. 


LITTfrlATURE.  n3 

vecu,  est-il  niort  ignore,  et,  comine  il  le  dit  lui-mcme  avee 
nne  spirituelle  ingenuite  : 

Nul  imprimeur,  accueillant  ma  misere, 
Dans  les  profits  ne  m'admit  de  moitie. 
L'ecrit  modeste,  en  mon  nom  public, 
Pour  le  public  fut  toujours  un  mystere. 
Si  quelquefois  un  complaisant  libraire 
Sur  sa  boutique  etala,  par  pitie, 
Ou  mon  epitre  ou  mon  cbant  funeraire, 
Toujours,  pour  moi  loyal  depositaire, 
II  me  rendjt  le  tresor  confie". 

Puisqu'il  s'agit  ici  d'un  ecrivain  pour  qui  la  renommee  fnl 
avare  de  ses  faveurs,  essayons  de  faire  connaitre  a  la  ibis 
Phomme  et  le  poete. 

Antoni  Gaulmier,  ne  a  Saint-Amand  (Cher),  en  1795,  avait 
une  de  ees  ames  qui  ne  trouvent  dans  la  vie  positive  rien  qui 
reponde  aux  exigences  de  leur  imagination  et  de  leur  sensi- 
hilite.  Des  Page  de  dix-sept  ans,  un  amour  aussi  ardent  que 
vertueuxs'empare  de  son  existence.  Celle  qu'il  aime  n'est  pas 
seulement  pour  lui  la  plus  belle  des  femmcs;  c'est  une  divinild 
qui  preside  a  toutes  ses  actions  : 

Elle  ouvre,  autour  de  moi  sans  cesse  voltigeant, 
Mon  cceur  au  malbeureux,  ma  main  a  l'indigent, 
Fait  entrer  le  pardon  dans  mon  ame  offensee, 
Epure  mon  langage  et  jusqu'a  ma  pensee. 

II  n'ose  pas  meme  lui  faire  l'a veil  de  satendresse. 

II  t'eut  dit  son  amour,  s'il  t'avait  nioins  aimee, 

luiecrivait-il  plus  de  douze  ansapres,  quand  des  long-temsle 
mariage  avait  mis  obstacle  a  son  bonheur.  Invinciblement 
arrete  par  cet  obstacle,  Gaulmier  trouva  dans  le  sentiment  du 
devoir  la  force  de  vaincre  sa  passion  ;  mais  ce  sacrifice  porta 
a  sa  sante  et  meme  a  sa  raison  une  atteinte  pro  fond  e ;  et, 
chose  singuliere!  tandis  que  dans  les  drames  et  les  romans 
nous  voyons  toujours  les  amansmalheureux  regarder  la  mort 

T.    XLVI.     AVRIL    l83o.  8 


,,/,  UTTERATURE. 

,  oinme  UO  asylc  ouvert  a  leurs  peine*,  c'est  la  erainte  de  la 
mort  qui  devint  pour  Gaulmier  la  source  de  mille  tourmcn? 
imaginaires.  Vaiueinent  il  cherche  dans  le  travail  un  remede 
au  trouble  quil'agite;  voue  d'aburd  a  [instruction  publique, 
il  la  quitte  pour  l't-Uide  de  la  medecine;  mais  ses  sens  se  re- 
volted au  spectacle  d'une  dissectiotJ ;  il  passe  alors  de  l'Ecole 
de  medecine  a  I'Ecolede  droit,  qu'il  ahaudonne  bientot  pour 
entrer  dans  un  seminaire.  Remede  impuissantl 

L'amour  opiniatre  avec  inoi  s'y  cacba; 
L'ennui  m'y  confmail,  I'e.inui  men  arracha. 

PbursuiVi  jus«iu'au  pied  des  autcls  par  les  agitations  d'un 
coenrdontil  avail  cru«  que  Dieuseul  pouvait  remplir  la  vaste 
solitude  .,  Gaulmier  se  decide  a  retourner  au  sein  de  sa  fa- 
mine- il  rentre  dans  ['instruction  publique,  etla  poesie,  aidee 
d'un  nouvel  amour,  le  reeoncilie  momenlanement  avec  la  v.e. 
Mais  son  ancienne  passion  nc  tarde  pas  a  se  rammer  : 

Sous  la  loi  d'une  amante 
J 'ovals  cm  pour  jamais  fixer  ma  vie  en  ante; 
Hods  brtilions  d'ecbanger  nos  serpens  solennels, 
Et  l'Hymen  souriait  a  nos  vceux  mutuels: 
Tn  paras,  jc  te  vis,  et  je  devins  parjure; 
Je  sentis  d'un  regard  se  r'oimir  ma  blessure  , 
F,t  I'amoureux  serment  d'une  conslante  foi 
Fut  commence  pour  elle  ,  et  s'acbeva  pour  toi. 

Un  voyage  aupays  on  il  avail  passe  son  adolescence  ne  fit 
que  raviver  ce  sentiment  : 

De  mes  doux  souvenirs  interrogeant  la  trace, 

J'ai  visite  les  lieux,  j'ai  reconnula  place 

Oil  je  la  vis  errer,  oil  je  la  vis  s'asseoir; 

Je  cms  a  chaque  pas  et  l'enlend.e,  et  la  voir. 

Ces  lieux  semblaient  avoir,  dans  leur  Ddele  enceinte, 

Garde  de  tous  ses  pas  I'ineHacable  empre.nle. 

Oui,  quelque  cbose  encor  de  ses  traits,  de  sa  voix, 

\olligeait  sur  les  fleurs,  murmurait  dans  les  bois; 

Je  ne  sais  quel  parfum,  pur  et  divin  comme  elle, 

Le  rephir  complaisant  m'apportait  sur  son  a.le. 


LITTERATURE  Mf> 

Le  terns  pendant lequel  Gaulmier  avait  demands  a  ['amour 
meme  ie  soulagement  des  peines  de  l'amour  fut  la  pcriode  la 
plus  lieureuse  de  sa  trop  courte  existence.  Vers  cette  cpoque 
(1821),  et  tandisqu'il  etait  professeur  an  college  de  Nevers,  il 
remporta,  par  une  ode  sur  le  devoumentde  Muleslicrbes,  le  prix 
de  poesie  decerne  par  PAcademie  franraise.  II  est  assez  rare 
de  voir  un  auteur  inconnu  venir  du  fond  de  la  province  re- 
cevoir  a  Paris  la  pal  me  academique.  Par  malheur,  l'ode  sur 
Malesherbes  est  peut-etre  la  plus  faible  de  toutes  les  compo- 
sitions de  Gaulmier;  ce  n'en  fut  pas  moins  celle  dont  il  re- 
cueillit  le  fruit  le  plus  doux.  0  Ah!  si  cet  instant  des  plus  vives 
sensations  du  bonheur  m'a  coute  cher,  ecrivait-il  a  sa  mere 
en  lui  rendant  compte  de  la  seance  oii  son  triomphe  fut  pro- 
clame,  je  suis  prel  a  en  acheteivle  retour  au  meme  prix.  De 
telles  jouissances  ne  peuvent  se  payer.  Ainsi  je  suis  voue  pour 
la  vie  a  la  litterature.  »  Homme  naif,  plein  de  veneration  pour 
l'Academie,  et  de  foi  dans  les  lauriers  qu'elle  aconsatres! 

En  poeme  sur  le  devoumenl  des  medecins  francais  et  des  sceurs 
deSainte-Camille,  d  Barcclonne,  ne  lui  valut,  I'annee  suivante, 
qu'une  mention  honorable;  ce  poeme  est  pourtant  bien  su- 
perieur  a  l'ode.  Gaulmier  a  sort  but  fait  preuve  d'un  grand 
talent  dans  la  peinture  de  qes  vertueuses  soeurs  : 

Simples  Giles!  quel  noin,  quel  litre,  quel  suffrage, 
Couronneront  jamais  leur  modeste  courage? 
Les  ruis  niOmes,  les  rois  voudraient-ils  l'essayer  ? 
L'homme  peut  les  benir,  Dieu  seul  peut  les  payer. 
Habiiantes  dn  ciel  sur  la  terre  cxilees, 
Aux  humaines  douleurs  viclimes  immolees, 
Le  malheur  est  1'ubjet  de  leur  culte  divin  ; 
Consoler  et  souflYir,  voila  tout  leur  destin. 
Emules  de  celui  que  leur  priere  adore, 
Leur  patrie  est  aux  lieux  oil  l'homrue  les  implore  ; 
Partout  leur  vasle  amour  etend  ses  doux  liens, 
Et  tous  les  nialheureux  sont  leurs  concitoyens. 
Anges  d'liumanite,  d'amour,  de  bienfaisance, 
Rien  n'a  pu  de  leur  zele  epuiser  la  Constance. 
La  mort  vole,  et  partout  les  trouve  sur  ses  pas. 
Iri,  leuis  soins  pipiix  out  same  du  trepas 


n6  LIITEKATUUE. 

Le  vicillaid  cxpiiant.  que  sa  (illc  abandon nc ; 
La,  dans  la  co-ur  llehi,  que  la  nuil  environne, 
Leur  voix  harmonieusc  a  du  divin  sejour 
Fait  descendre  nn  rayon  de  l'etemel  amour. 
Le  malheureux  espere  en  lenr  douce  parole; 
Lllcs  savent  des  mols  dont  le  charme  console. 
Dieu  veille  stir  leurs  jours,  de  lenr  seln  genereux 
Ecarte  du  fleau  le  sou  Ale  dangcreux  ! 
Ccins-les  de  Ion  amour,  couvre-les  de  tes  ailes; 
Que  tes  saints  escadrons  se  pressent  aulcur  d'ellis; 
Couionne  d'un  air  pur  leur  front  religieux  : 
II  n'est  pas  terns  encor  de  leur  ouvrir  les  cieux. 

Ces  vers,  inspires  par  une  ame  tendre  et  rcligieuse,  sunt 
dignes  de  rester  dans  la  memoire  de  tous  ceux  qui  sont  aen- 
sibles  au  double  charme  de  la  poesie  et  de  la  vertu. 

Le  poeme  sur  l' abolition  de  la  traite  des  Ni'gres,  envoye  a  tin 
autre  concours,  obtint  aussi  una  mention  honorable.  Mais  la 
muse  de  Gaulmier  n'attendait  pas  les  commnndesacademiqucs 
pour  preter  sa  voix  a  la  cause  de  1'humanite.  Toutes  les  fois 
qu'un  evenement  important  venait  exciter  la  sympathie  des 
amis  de  cette  noble  cause,  sa  lyre  resonnait  comme  d'elle- 
meme.  Ainsi,  l'expulsjon  de  Manuel  de  la  chainbre  des  depu- 
tes, la  mort  du  general  Foy,  la  prise  de  Missolonghi,  l'ele- 
vation  de  M.  Royer-Collard  a  la  presidence,  ont  ete  tour  a 
tour  le  sujet  de  ses  chants.  Detachons  un  fragment  de  son  oile 
sur  le  general  Foy,  qu'il  faudrait  pouvoir  c iter  ici  lout  en- 
tiere  : 

Talens,  dons  imiuortels,  tresors  dignes  d'envie, 
Que  l'liomme  avec  orgueil  s'efl'orce  de  nourrir. 
C'est  vous  seuls  qui  donnez  quelque  pi ix  ft  la  vie, 
Et  c'est  vous  qui  faites  mourir. 

Votre  charme  nous  perd,  votre  ardeur  nous  devoi  e  : 
C'est  1'errante  clarte  par  qui  le  voyageur, 
Credule,  va  cherchcr  le  danger  qu'il  ignore; 
C'est  le  divin  flambeau  qui  leconde  la  lleur, 
L'embellit  et  la  decolorc. 


LI TT  Ell  ATI) UK.  i  i; 

Aiusi  de  ton  genie  a  rayon ne  la  flanime; 
Aiusi  lu  niourus  consume 
Par  ce  feu  divin  qu'en  ton  Sine 
Le  ciel  meme  avait  allume. 

Que  dis-je  f  n'es-tu  plus  qu'unc  froide  poussieie, 
Un  vain  debris  dormant  dans  la  nuil  du  trepast 
Non,  non,  en  vain  le  sort  a  borne  ta  carriere; 
Quelque  cbose  de  toi  te  survit  ici-bas. 
A  la  place  oil  tonna  ta  parole  immortelle, 

Ton  souvenir  religieux 

De  la  mort  avide  et  cruelle 

S'elevera  victorieux. 
La  France,  qui  gemit  de  sa  perte  nouvelle, 
Dans  son  sein  genereux,  de  sanglots  oppiesse, 
Recueillera  ton  ame,  et  tu  n'as  pas  cesse 
De  vivre,  de  penser,  de  eombaltre  pour  elle. 

Et  toi,  qui  sur  sa  toinbe  as  purte  tes  douleurt., 
Tu  n'as  pas  tout  perdu,  pieiise  et  noble  France, 
Quand  pour  tes  citoycns  il  te  rcsle  des  pleurs. 
Sur  ce  menie  tombeau  que  lu  couvies  de  fleurs, 
line  palnie  a  la  main,  vois  s'asseoir  l'esperance. 
Enteuds  de  notre  deuil  la  cousulanle  voix  ; 
Par  ce  que  nous  pieuions  juge  ce  que  nous  somrms. 

Tant  que  la  Grece  bonora  les  grands  homines  , 
La  Grece  eul  des  heros  pour  defendre  ses  lois. 

Les  premiers  vers  semblcnt  tine  allusion  prophetique  a  la 
mort  prematuree  du  poete.  Les  derniers  sont  une  haute  ef 
fructueuse  lecon,  qu'il  adresse  a  ses  concitoyens. 

Mate  l'amour  de  la  liberte,  qui  se  confbndait  dans  son  ante 
avec  runiour  de  la  verlu,  etait  pour  fiaulmier  une  source  de 
chagrins  amers.  «  Force  par  les  rigueurs  de  la  fortune  de 
meltre  tous  ses  soins  a  conserver  sa  place  de  professeur,  il  se 
voyait  avec  douleur  contraint  de  devorer  son  indignation  en 
silence,  expose  a  mille  degoQts,  a  mille  inquietudes,  toutes 
les  Ibis  que,  cedant  aux  mouvemens  secrets  de  sa  con- 
science, il  laissait  echapper  des  sentimens  qu'il  ue  pouvait 
plus  contenir.  Cette  lutte  entre  le  besoin  de  communiqiier  MBS 
ponsees  et  l'inipi''iiiu>e  necessite  de  se  taire  ,  est  une  des  can- 


n8  LITTER  ATUREi 

>c»  qui  onl  lc  plus  attriste  et  par  suite  abrege  sou  existence. » 
Ajoiiions  qu'en  impnsant  silence  a  ses  opinions,  il  sacrifiait 
aussi  les  esperances  de  sa  gloire. 

La  haute  idee  qu'il  avail  concue  de  la  dignite  et  des  devoirs 
du  poete  est  exprimee  avec  tine  elegante  energie  dans  son 
epitre  a  M.  C.  Delarigne;  c'est  la.  noble  indcpendance  dont  il 
a  fait  preuve  qui  est  surtout  l'objet  des  eloges  que  Gaulmicr 
lui  adresse.  Saint,  s'ecrie-t-il  : 

Saint!  toi,  qui,  du  haut  des  celestes  sommets, 
A  la  faveur  des  cours  ne  descend i«  jamais; 
Qui,  toiljours  respectant  ton  sacre  caractere, 
N'as  pas  vendu  ta  gloire  aux  grandeurs  de  la  terre, 
Et  ne  profanes  pas,  aux  pieds  de  teur  autel, 
Pour  des  honneurs  d'un  jour  un  talent  irumorlel ! 

En  s'associant  dans  cette  epitre  a  tous  les  sentimens  gene- 
reux  dont  I'auteur  des  Messeniennes  a  ete  I'interprete,  Gaul- 
miers'est  constamment  elevc  a  la  hauteur  du  talent  auquel  il 
rendait  hommage. 

Cependant  des  chagrins  de  plusieurs  natures  ne  cessaient 
de  l'accabler.  Afflige  d'une  obscurite  pour  laquclle  il  ne  se 
sentait  point  fait,  il  voyait  avec  douleur  naitre  cbaque  jour 
des  renommees  poetiques  fondces  sur  la  bizarrerie  et  sur  la 
deraison.  Les  progres  du  mauvais  gout  lui  causaient  une afflic- 
tion serieuse.  Bientot  la  mort  d'un  pere  tendretnent  cheri  Cut 
suivie  de  la  perte  du  modique  palrimoine  de  sa  mere.  Rien 
de  plus  genereux  et  de  plus  touchant  que  la  leltre  qu'il  ecrivit 
a  celle-ci,  pour  la  consoler  de  ce  dernier  eveneinent.  Taut 
de  malbeurs,  en  meme  terns  qu'ils  alteraient  sa  sante,  lui  firent 
geolir  plus  vivement  le  besoin  d'a.ignientcr  ses  rcssources.  II 
s'eflbrcadoncd'elever  un  dernier  regard  vers  la  lortune  et  vers 
la  gloire.  L' Academic  franca ise  venaitde  mettre  au  concoursle 
sujet  de  I' invention  dc  I'imprim&rie.  Gauhnier  se  Malta  qu'un 
nouveau  prix,  en  attirant  sur  lui  ['attention  de  I'autorite, 
pourrait  lui  fa  ire  oblenir  une  place  d'inspecteur  de  l'Univcr- 
site,  qui  lui  permettrait  de  venira  Paris  completer  ses  etudes 


LlTTJilUTUUE.  »iy 

et  peut-etre  illustrer  son  nom.  II  consacra  le  peu  de  forces 
qui  lui  restaienta  cette  derniere  lutte;  et,  lorsqu'il  appril  que 
son  ouvrage  n'avait  pas  meme  obtenu  une  mention,  son  esprit, 
frappe  4  mort  dans  sa  derniere  esperance,  acheva  de  briser 
la  fragile  enveloppe  qu'il  consumait  depuis  long-tems.  L'a- 
mour-propre  d'un  autre  se  serait  revolte  contre  cet  arret; 
Gaulmier  ne  s'en  prit  qu'a  lui-memc ,  et  il  ne  put  supporter 
l'idce  de  l'avoir  merite.  Ainsi  une  vive  susceptibilite  est  in- 
separable du  talent  meme  le  plus  modeste,  et  l'effet  en  est  ici 
d'autant  plus  douloureux  que  l'ouvrage  condamne  a  l'ou'di 
par  1'Academie  semblait  digne  d'un  meilleur  sort. 

La  muse  de  Gaulmier,  quoique  naturellement  portee  au 
genre  elegiaque,  savait  prendre  babilement  tous  les  tons; 
plusieurs  de  ses  pieces  sont  animees  d'une  douce  et  muli- 
cieuse  gaile  :  tellcs  sont  :  YEpUrc  <l  M.  Cyprien  A  not ,  sur  la 
lecture  faite,  dans  une  societe  de  Paris,  d'une  tragedie  qu'ils 
avaient  composec  ensemble,  VEpitre  d  Mme  P**,  sur  le  bonheur 
d'etre  grand' 'mere ,  1' Anniversaire  diipoete.  Mais  c'est  surtout 
dans  l'expression  de  la  douleur  qu'excelle  son  talent.  La  me- 
lancolie,  qui,  chcz  tant  d'autres  ecrivains  ,  n'est  qu'un  mas- 
que impose  par  la  mode,  etait  chez  Gaulmier  une  disposition 
naturellc  que  la  fortune  n'avait  rien  fait  pour  corriger.  On  s'en 
apercoit  a  l'attachante  verite  qui  regne  dans  toutes  les  com- 
positions que  ce  sentiment  lui  a  inspirees.  Parmi  ces  compo- 
sitions ,  nous  citerons  surtout  :  La  jeune  Mere  mouranic,  la 
premiere  Communion,  les  Souvenirs  du  Poete.  la  Mort  d'un 
jeune  Erolier,  la  Tempete,  le  Porte  an  iombeau  de  sonpere.  La, 
Gaulmier  parvient  sans  peine  a  nous  atlendrir,  soit  qu'il  de- 
plore ses  proprcs  malheurs,  soit  qu'il  mOlc  le  souvenir  de  ses 
souffranres  aux  plaintes  qu'il  accorde  a  d'autres  infortunes. 
ou  au  tableau  de  la  nature  en  deuil.  Ainsi,  dans  le  Lendemain 
d'un  Jour  d'orage,  qui  ne  sympathise  avec  sa  tristesse  ,  lors- 
qu'apres  avoir  peint  le  changement  magi(|uc  produit  dans  le 
spectacle  de  I'univers!  par  I'apparjliou  d'nij  <  iel  serein  i! 
s'ecrie  : 


lie  LITTKRATIIU:. 

Et  moi,  FaiBle  jouct  do  sort, 
Vogaatil  sur  des  iners  infideles, 
Et  par  des  tempetes  nouvelles 
Toujours  ecarte  loin  du  port, 
Je  vois  stir  ma  triste  jeunesse 
Les  nuages  grossir  sans  cesse; 
A  peine  un  rayon  palissant 
Quelquel'ois  traverse  en  passant 
De  mes  ombres  la  nuit  epaisse, 
Et  du  dcstin  presque  toujours 
La  course  inegale  et  volage 
Fait  succeder  un  soir  d'orage 
Au  matin  de  mes  plus  beaux  piurs. 

On  reconnait  partout,  dans  les  vers  de  Gaulmier,  cette  ha- 
bitude de  Iraduire  la  pensee  en  sentimens  et  en  images  qui 
caracterise  le  poete.  Danssa  vie  et  dans  ses  ecrits,  iloffre  des 
rapports  frappans  avec  le  grand  lyrique  italien ,  Petrarque. 
C'est,  avec  moins  d'elevation  et  d'eclat,  mais  avec  plus  de 
elarte  et  de  naturel ,  la  meme  tendresse  d'ame  et  la  meme 
chastete  de  sentimens.  Les  passages  que  nous  avons  rappor- 
tes  pourraient  deja  tburnir  des  rapprochemens  assez  nom- 
breux;  nous  citerons  encore  les  deux  premieres  strophes  d'un 
morceau  charmant,  intitule  :  Reverie. 

A  travers  les  vallons,  sur  la  mouvante  arene, 
Le  Cher  roule  ses  flots  des  f'eux  du  jour  brillans. 
Inconstant  comnie  lui,  mon  regard  se  promene 
Le  long  de  ses  bords  verdoyans. 

Du  haut  de  ce  sommet  qui  de  loin  les  domine, 
Au  cliant  de  la  cigale,  au  souffle  des  zephirs, 
Je  vais  cherchant  partout  de  colline  en  colline 
La  trace  de  mes  souvenirs. 

Certes,  il  n'y-a  aucune  apparence  que  Gaulmier,  en  com- 
posant  ce  morceau,  dont  les  sentimens  sont  tout  individuels  . 
ait  songe  a  la  fameuse  canzone  : 

Di  pcnsier  in  pensier,  di  monte  in  monte,  etc. 

Et  pourtant  on  nc  peul  lire  l'un.  sans  se  rappelei  1'aulre. 


LITTERATUUE.  121 

Si  Gaulmier  avait  publie  lui-meine  ses  poesies,  il  eut  sans 
doute  fait  disparaitre  quelques  longueurs  ,  quelques  images 
devenues  communes,  quelques  allusions  banales  a  une  my- 
thologie  usee.  Malgre  ces  taches  legeres,  son  recueil  procurera 
de  donees  jouissances  a  tous  ceux  qui  sont  encore  sensibles 
au  charme  des  vers.  II  est  precede  d'une  notice  biographique, 
ou  Gaulmier  est  peint  avec  une  verite  touchante,  et  qui  laisse 
deviner  a  tout  moment  la  plume  d'un  tendre  frere.  Le  troi- 
sieme  volume  contient  la  traduction  en  vers  des  elegies  de 
Tibulle,  avec  le  lexte  en  regard.  Nous  ne  pouvons  examiner 
ici  cet  ouvrage,  qui  exigerait  a  lui  seul  un  long  article.  Obli- 
ges de  l'apprecier  en  peu  de  mots,  nous  dirons  que  dans  son 
etat  d'imperfection  il  prouve  encore  que  peu  de  poetes 
ctaient  aussi  propres  que  Gaulmier  a  reussir  dans  cette  dif- 
ficile entreprise. 


iii.  bulletin  bibliographique. 
uvrks  Strangers  (o. 


AMERIQUE  SEPTEINTRIONALE. 
ETATS-UNIS. 

i. . —  *  First,  second,  third  and  fourth  annual  Reports  of  Ihe 
Prison  discipline  Society .  —  Les  quatre  premiers  rapports  de  Ja 
Societe  pour  la  discipline  des  Prisons.  Boston,  1826-27-28-29. 
In-8". 

L'ilkistre  philanthrope  Howard  avail  developpe ,  avant  la 
fin  du  dernier  sie.cle  ,  quelques-uns  des  principes  fondamen- 
tanx  du  systime  pinitentinire ,  dans  ?es  ecrits  snr  les  prisons 
Mais  ce  systeme,  qui  blessait  beaucoup  de  prejuges  et  d'inte- 
rets  puissans*,  n'a  obtenu  un  commencement  d'escecution  que 
dans  les  premieres  annees  de  ce  siccle  ;  et  les  Etats-Unis  ont 
eul'honneur  de  servirde  modele  au  monde  entier  snr  ce  point 
enmme  snr  tant  d'autres.  La  Societe  pour  la  discipline  des  Pri- 
sons, dont  nous  avons  recu  les  quatre  premiers  rapports,  se 
propose  prineipalement  povir  hut  d'encourager  I'applicatiou 
du  systeme  penitentiaire  ,  et  d'ameliorer  en  general  Petal  des 
prisons  publiques. 

Cette  Societe  s'est  organisee  a  Boston,  an  milieu  de  l'an- 
nee  1825.  Elle  s'est  occupee  d'abord  a  rassemhler  nn  grand 
nomhre  de  fails  snr  les  maisons  de  detention  et  de  correc- 
tion des  Etats-Unis  ;  et,  apres  avoir  acquis  des  connaissances 
locales  snr  les  principales  prisons  de  cette  con  tree,  elle  a  pu- 
blic son  premier  rapport  au  mo  is  de  juin  i8'iG.  (ietle  publi- 
cation a  obtenu  un  tel  succcs  qu'on  en  a  fait  quatre  editions 


^i)  Nous  indiquous  par  un  aslcrisquc  (") ,  place  a  c6te  <lti  litre  de 
chaque  oiivrage,  ceux  des  livrrs  Strangers  ou  IVancais  qui  paraisseot 
iliftiies  (rime  attention  particulie.re ,  el  nous  en  rendrons  quclquefuic 
cuVnptu  dans  la  isction  drs  Analyfcs. 


ETATS-UMS.  is3 

consccutives,  et  plus  lie  soixantemille  exemplaires  des  quatre 
rapports  que  nous  annoncons  out  etc  repandus  en  Ameriquc 
et  en  Europe.  —  Nous  nous  bornerons  a  presenter  une  ana- 
lyse rapid e  des  interessans  travaux  de  cette  Societe. 

Le  premier  rapport  developpe  les  principes  et  les  fails  qui 
lui  paraissent  meriter  une  attention speciale  :  1".  La construc- 
tion des  prisons ;  il  taut,  pour  qu'un  edifice  de  ce  genre  reu- 
nisse  toutes  les  conditions  voulucs  par  la  legislation  et  par  la 
philanthropic  que  Ton  y  trouve  a  la  Ibis  surete  conlre  l'eva- 
sion  des  prisonniers-,  reclusion  solitaire  pendant  la  mi  it, 
moyens  faciles  de  surveillance,  appareils  ventilateurs,  lu- 
miere  suffisante  dans  les  cellules,  proprete,  endroits  conve- 
nables  pour  l'instruction  et  pour  le  cas  de  maladie.  2°.  Lois  et 
reglemens.  Sous  ce  titre  est  compris  tout  ce  qui  concerne  hi 
classification  des  prisonniers,  riiabillement,  la  nourriture,  les 
divers  modes  de  repression  el  dc  chatiment,  le  gouvernement 
inlerieur.  5".  Augmentation  dunombrc  des  criminels.  II  est  sa- 
tisfaisant  de  reconnaitre  que  le  nombre  des  detenus  est  loin 
d'avoir  augmente  dans  le  mcrne  rapport  que  la  population; 
d'ou  il  resulle  que  le  systeme  penitentiaire,  bien  qu'il  n'ait 
pas  rcpondu  a  toules  les  esperances  qu'il  avait  excitees,  a 
neanmoins  produit  une  amelioration  manifeste  et  palpable. 
Les  homines  de  couleur  composent  une  grande  partie  des  de- 
tenus. Dans  certains  Etats  de  l'Union,  Oli  i!s  no  torment  qu'un 
54mt'  de  la  population,  ils  fournissent  ponrtant  le  tiers  ou  le 
quart  des  criminels.  Une  autre  cause  qui  contribue  puissam- 
inenta  augmenter  la  quanlite  des  crimes,  e'est  que,  dans  plu- 
sieurs  maisons  penitentiaires,  les  detenus  sont  places  la  nuit 
dans  la  meme  chanibre,  an  nombre  de  dix,  quinze,  on  meme 
vingt  individiis.  II  faut  aussi  remarquer  que  1'argent  qui  cir- 
cule  dans  les  prisons  par  le  produit  du  travail  que  font  les  de- 
tenus, au  dela  de  leur  tache  journaliere,  y  engemlre  beaueoup 
de  vices,  et  que  trop  souvent  ces  honmies  depraves  trouvent 
des  inslrmnens  faciles  dans  les  employes  suballernes,  qui  se 
laissent  corrompre,  parce  qu'ils  recoivent  un  salaire  trop  ino- 
dique.  [\n.  Quels  soul  les  reniedes  conlre  les  incomeniens  da  sys- 
teme penitentiaire  ?  Avant  tout,  ainsi  que  le  prouve  une  multi- 
tude, d'exemples,  rien  n'est  plus  important,  dans  une  pareille 
institution,  ipie  le  caractere  de  la  personne  qui  est  chargee  de- 
la direction  immediate.  Dans  la  Hudson  penitentiaire  :1c  New- 
Hampshire,  les  depenses  surpassaienl,  en  1 8 1 S  .  les  revenu? 
de4?'-s35  dollars  (environ  22,8(19  IV.).  Mais,  depuis  qu'un  11011- 
veau  direct  eur  a  etc  place  a  la  tele  tie  eeitc  maison,  les  rere- 
nus  ont.  au  coutrairc .  surpasse  les  depenses  de  6,5o5  dollars 


iu4  LIYIIKS  tiTHAMlEltS. 

(04,047  li.).  «  Et  cede  prodigieuse  difference,  ajoutc  le  nip- 
port,  doit  etre  surtoutattribuee  an  caractcre  du  chef.  »(p.56). 
Un  bon  directeur  est  unc  source  d'avantages  noil  moins  pre- 
cieux  pour  tout  ce  qui  rcgarde  I'ordre  et  la  proprele  de  la  pri- 
son, ainsi  que  ['amelioration  morale  el  intellectuelle  des  de- 
tenus. 

Les  recettes  de  la  Societe,  pendant  la  premiere  annee  de 
son  existence,  out  etc  de  1,229  dollars  (0,G36  t'r.) ;  ses  depenses 
out  cousiste  principalement  dans  le  trnilement  d'un  secre- 
taire, charge  de  parcourir  les  Ltats  de  l'Union  poury  recueil- 
lir  des  faits  exacts  sur  I'etat  des  prisons. 

Le  deuxieme  rapport,  public  en  1827,  entre  dans  des  details 
dentins  sur  les  tacheux  effets  qui  resultent  de  la  mauvaise 
eonduite  des  employes  subalternes,  et  sur  la  difliculte  de 
trouver  des  homines  propres  a  remplir  cette  charge.  II  s'oc- 
cupe  ensuite  des  depenses  oceasiouces  par  les  maisons  peni- 
lentiaires,  et  il  prouve,  par  des  fails  nombreux,  que  ces  eta- 
blissemens,  qui  d'abord  avaient  exige  des  frais  considerables, 
commencent  a  oblenir  du  travail  des  prisonniers  un  revenu, 
non-seulement  egal,  mais  superieur  a  leurs  besoins.  Nous 
avons  deja  parle  ,  sous  ce  rapport,  de  la  prison  de  New- 
Hampshire.  Celle  de  L'Btaf  de  Massachusetts  a  presente,  du- 
rant  les  trois  dernieres  annees,  un  benefice  total  de  20,000  dol- 
lars (108,000  fr.) ,  toutes  les  depenses  de  la  maison  elant 
payees.  II  est  remarquablc,  cependant,  que  plusieurs  autres 
prisons  donnent  des  resullats  precisement  opposes,  bicn  que 
Ton  ne  puisse  assigner  aucune  cause  positive  a  de  telles  diffe- 
rences. On  doit  deplorerque  toutes  les  maisohs  penitentiaires 
n'aient  pas  encore  pris  des  mesures  pour  empecher  les  com- 
munications clandestines  entre  les  criminels.  II  importc  que 
chaque  detenu  soit  seul,  particulierement  pendant  la  nuit , 
afin  d'eviter  ces  apprentissages  de  corruption  et  ces  turpi- 
tudes qui  ont  lieu  entre  les  vieux  criminels  et  les  jeunes,  quand 
ils  passent  ensemble  plusieurs  lieures  sans  etre  soumis  a  au- 
cune surveillance.  On  a  decouvert  qu'il  se  f'aisait  de  faux  bil- 
lets de  banque  jusque  dans  l'irrterieur  des  maisons  peniten- 
tiaires ,  et  que  beaucoup  de  jeunes  gens  s'etaient  rendus 
COupables  de  recidives,  parce  qu'ils  avaient  appris  l'art  funeste 
du  crime  dans  ces  ecoles  de  depravation.  Les  citoyens  phi- 
lanthropes doivent  done  prendre  en  serieuse  consideration 
retablissenient  des  maisons  de  refuge  pour  les  jeunes  criminels. 
On  denuunle  aussi  que  les  alieue?  soient  places  dans  des  mai- 
,-ons  parliculieres ;  car  leur  presence  dans  les  prisons  occa- 
sione  des  inconveniens  de  divert  genres  ,  outre  quelle  est  un 
manque  d'humanite  envers  ceiix  qui  sont  atteints  d'ulienatiou 


ih'ATS-UNIS.  .:.;> 

mentale.  La  morlalite  varie,  dans  lestliverses  prisons,  de  deux 
a  vingl-dnq  individus  sui'  cent,  dans  le  COUPS  d'nne  annee. 
La  vieille  prison  de  Pldladelphie  ( old  county  prison  )  est  celle 
qui  cure  la  plus  grau.de  mortalite  relative  ,  tandis  que  la  pri- 
son de  Maine,  elablie  depuis  trois  ans,  et  on  il  se  trouve  habi- 
tuellement  cinquante  detenus,  n'en  a  pas  perdu  un  seul  pour 
cause  naturelle  de  mort. 

Apres  avoir  expose  tous  ces  faits,  le  rapport  presents, 
comme  principaux  remedes  :  i"  le  choix  de  bons  employes, 
qui  aient  a  la  Ibis  une  conduite  reguliere  ,  des  sentimens  reli- 
gieux,  de  l'activite,  une  omTversation  decente,  de  la  bienveil- 
lance  pour  les  prisonniers  ;  2°  un  genre  de  travail  qui  produise 
a  I'etablissement  et  aux  detenus  un  benefice  suffisant;  5°  la 
reclusion  solitaire  pendant  la  nuit ;  4°  une  occupation  con- 
stante  pendant  le  jour  ;  5°  une  surveillance  active  jour  et  nuit, 
ainsi  que  d'autres  moyens  de  police  interieure,  pour  empe- 
cher  toute  mauvaise  communication  entre  les  prisonniers ; 
6°  des  mesures  qui  tendent  a  leur  donner  simultanement  une 
education  religieuse,  morale  et  intellectuelle;  j°  l'examen  des 
causes  du  crime,  telles  que  l'intemperance,  la  con'trefacon  des 
billets  de  banque ,  l'abrutissement  des  homines  de  couleur, 
et  la  recherche  des  mesures  necessaires  pour  prevenir  ces 
causes. 

Le  rapport  est  termine  par  une  statistique  des  prisons  des 
Ltats-Unis.  La  recette  de  la  Societe  a  ete,  pendant  cette 
deuxieme  annee,  de  2,43q  dollars  (15,170  ft.) 

Le  troisieme  rapport  (juin  1828)  conlient  des  reponses  cir- 
constanciees  a  plusieurs  questions,  dont  voici  les  principales  : 
i°.  Qu'a-t-on  fait  pour  empecher  toute  mauvaise  communication 
entre  les  prisonniers"?  Lorsque  la  Societe  a  commence  ses  ope- 
rations, plus  de  2,5oo  criminels  etaient  renfermes  dans  moins 
de  2i5  chambres,  c'est-a-dire  qu'ily  avait  plus  de  10  detenus 
par  chambre.  Maintenant ,  on  a  construit  des  cellules  pour 
chaque  detenu  dans  les  prisons  de  Maine,  de  Massachusetts  , 
de  Connecticut ,  et  Ton  espere  qu'avant  peu  d'annees  le  sys- 
teme  de  la  reclusion  solitaire  pendant  la  nuit  aura  part  out 
prevalu.  20.  Qu'a-t-on  fait  pour  donner  aux  prisonniers  une 
instruction  convenable  ?  Des  allocations  de  fonds  ont  ete  accor- 
dees  par  les  legislatures  de  divers  Eta ts,  pour  salarier  des  cha- 
pclains  dans  les  prisons.  On  a  aussi  etabli,  dans  quelques  mai- 
sons  penitentiaires,  des  ecoles  du  dimanche  et  des  lectures 
regulieres  de  la  Bible.  5"  Qu'a-t-on  fait  pour  diminuer  les  dis- 
penses courantes  des  prisons?  Plusieurs  maisons  ont  trouve, 
dans  de  nouvelles  mesures  interieures,  les  moyens  de  subve- 
nira  leurs  depenses,  et  meme  de  presenter  un  benefice.  On  a 


ia(i  LIVRES  ETRANCERS. 

<lit  souvenl  que  l'econtoaie  ci  ('amelioration  morale. des  pri- 
sonniers  soul  deux  principes  opposes  dans  lc  gouvernement 
d'une  prison ;  niaislcs  Tails  etahlissent ,  an  contra  ire,  que  lcs 

prisons  on  le  moral  est  le  pins  devcloppe  sont  aussi  eelles 
qui  supplccnl  le  mieux  a  lenrs  depenses.  l\"  Que,  faut-il  at- 
tcndre  de  la  nourelle  prison  de  Philadelphia?  Pour  comprendrc 
]<■>  details  que  nous  allons  donner  a  ce  snjet,  on  doit  savoir 
que  cette  prison  a  ete  construite  d'aprcs  un  nouveau  prime  rpe, 
qui  consiste  a  imposer  aux  detenus  la  reclusion  solitaire  abso- 
lue,  jour  et  nuit ,  sans  aucun  travail.  Ce  mode  de  discipline  a 
provoque  de  nombreuses  reclamations  dans  les  Etats-Unis. 
On  a  dit  que  la  surveillance  serait  moins  exacte ,  qu'il  serait 
impossible  aux  gardiens  de  connaitre  les  maladies  subiles  des 
detenus,  et  qu'il  se  presenlerail  de  grandes  dillicullcs  pour 
leur  instruction.  D'ailleurs,  cette  reclusion  absolue  sans  tra- 
vail est  regardee  comme  line  barbaric  conlraire  a  tous  les 
sentimens  d'humanite .  et  qui  pent  devenir  fatale  a  un  grand 
nombre  de  detenus.  Le  rapport  cite  deux  lettres  de  l'hono- 
rable  general  Lafayette;  l'nne  eciilc,  en  i8a5,  a  un  philan- 
thrope anglais,  dans  laquelle  il  fait  observer  que  Ton  pourrait 
eviter  les  grands  inconveniens  du  systeme  de  la  prison  de 
Philadelphie ,  en  construisant  des  cellules  solitaires  pour  scparcr 
les  detenus  pendant  la  nuit,  et  en  multipliant  les  chambres  de 
travail  en  commun,  de  maniere  a  reduirc  le  nombre  des  prison- 
niers  rcnfennt's  dans  c/mque  charnbre  d  ce  qu'il  elait,  lorsque  la 
population  de  la  prison  itait  mains  considerable.  L'autre  lettre, 
dati'e  de  scplcmbrc  1826,  conlient  le  passage  suivant  :  «  Le 
peuple  de  Pensylvanie  croit  que  la  reclusion  solitaire  est  un 
nouveau  systeme,  une  decouverte  recente  ;  mais  non,  ce  n'est 
que  le  ritablisscment  du  sysleme  de  la  Bastille.  L'Etat  de  Pen- 
sylvanie ,  qui  a  donne  an  monde  l'exemple  de  l'humanite ,  et 
donl  le  Code  pliilanthropique  a  servi  de  modele  a  toute  l'Eu- 
rope,  est  mainlenant  sur  le  point  de  proclamer  l'incflicacite 
de  son  systeme ,  et  de  ressusciter  le  Code  inhumain  du  siecle 
le  plus  barbare  et  le  moins  eclaire.  Je  desire  que  mes  amis  de 
Pensylvanie  considerent  l'effet  qu'a  produil  ce  systeme  sur 
les  pauvres  prisonnicrs  de  la  Bastille.  Je  me  rendis  sur  les 
lieux,  le  lendemaki  de  la  demolition,  et  je  trouyai  que  tous 
les  prisonniers  avaient  eu  l'csprit  derange  par  leur  reclusion 
solitaire,  a  l'exception  d'un  seul.  11  avail  ete  prisonnier  vingt- 
cinq  ans,  et  on  le  relacha  pendant  que  le  peuple  demolissait  la 
Bastille.  II  regarda  d'abord  autour  de  lui  aver  une  espece  dc 
stupeur,  car  il  n'avait  vu  personne  durant  ce  long  espace  de 
terns;  et,  avant  la  nuit  du  meme  jour,  il  eprouva  de  idles  emo- 
tions qu'il  devint   completeinent  maniaquc;    il  u'en  esl   ja- 


ETATS-UNIS.  127 

mais  revenu  depuis  lors  (p.  [\0,  4  '•)•  *  Nous  ajouterons,  d'a- 
pres  le  qualrieme  rapport,  que  ees  observations  du  general 
La  Fayette,  appuyees  par  celles  ile  plusieurs  citoyens  eclaires 
<les  Etats-Unis,  n'ont  pas  etc  sans  resullat.  La  legislature  de 
Pensylvanie  vient  d'ordonner  que  lc  travail  soil  introduit  dans 
chaque  cellule,  et  que  Ton  suspende  en  outre  la  construction 
de  l'cdiuee,  jusqu'a  ce  que  Ton  ail  fait  l'experience  de  ce  nou- 
veau  mode  de  systeme  penilentiaire  (i).  5".  Quels  sont  les  rap- 
ports et  Les  differences  qui  existent  cntre  le  systeme  des  prisons  en 
Europe  el  cclui  des  Etats-Unis?  On  ri'a  point  adopte  aux  Etats- 
Unis  le  tread-mill  (inoulin  a  marcher) ,  generalement  employe 
en  Angleleire.  M.  Liviingston  en  donne  pour  raison  que  le 
tread-mill  est  plus  nuisibie  que  favorable  a  la  sanle,  altendu 
qu'il  n'exerce  que  Taction  musculaire  des  jainbes;  qu'iJ  n'ap- 
prend  au  detenu  rien  de  ce  qui  pent  lui  servir  hors  de  prison: 
qu'il  n'emploie  pas  suffisamment  les  facultes  bumaines;  en- 
nn,  que  cetle  punition  est  inegale ,  puisqu'un  homme  robuste 
peut  faire  sans  peine  ce  qui  est  une  veritable  tortuie  pour  nne 
constitution  faible.  Une  autre  difference  bien  remarquablc , 
e'est  que  les  detenus  des  Etats-Unis  gagnent  relativement  huit 
fois plus  par  leurtravail  que  ceux  delaGrande-Bietague.  Ainsi, 
999  prisonniers  americains  ont  gague,  en  1827,  81,979  dol- 
lards  \{\'\i,6c>6  fr.) ,  tandis  que  5,699  prisonniers  anglais  n'ont 
gagne  que  8,867  ''v-  sterl.  (221,675  fr.)  Quant  aux  rapports 
des  deux  systemes,  ils  sont  tres-nombreux,  puisque  l'un  et 
l'autre  sont  fondes  sur  les  memes  principes,  et  tendent  au 
meme  but.  —  La  Societe  a  recti,  pendant  cette  troisieme  an- 
nee,  2,444  J0"31'8  (i3, 197  fr.) 

Le  qualrieme  rapport  (juin  1829)  contient  beaucoup  de  par- 
ticularity interessantes  sur  les  prisons  des  Etats-Unis;  nous 
regrettons  que  les  homes  de  cct  article  nous  empechent  d'en 
donner  des  ex  trails.  Ce  qui  a  parlieulieremenl  flxe  notre  at- 
tention ,  e'est  une  notice  detaillee  sur  les  lois  penales  des  di- 
vers Etatsde  l'Union.  En  les  comparant  cntre  elles,  il  en  re- 
sulte  que  la  peine  de  mort  y  est  tres-inegalement  reparlic. 
Cetle  peine  ne  se  trouve  pas  du  tout  dans  lc  Code  de  M.  Li- 
vingston, pour  la  Louisiane.  Dans  la  legislation  de  Pensylvanie, 
clle  n'est  prononcee  que  contre  le  meurtre  au  premier  degre ; 
dans  celle  de  New-Hampshire,  on  y  a  joint  la  trahison.  Dans 
d'autres  Elals,  au  contraire,  par  exemple  dans  ceux  de  Mary- 
land, de  Massachusetts,  de  Virginie,  la  peine  de  mort  est  inlli- 
gee  pour  plus  de  vingt  cas  differens,  commc  viol  d'un  enfant 

(1)  Voyez  cl-dessus,  p.  a5,  les  reflexions  He  M.  Charles  Lucas  sur  le 
Syslime  penitenliaire. 


128  LIVHES  ft'HVAMGERS. 

au-dessous  de  dix  ans,  duel ,  rapl,  vol  a  main  armee,  ou  par 
effraction,  inoendie,  complot  d'une  personnc  libre  avec  de.s 
esrlaves,  etc. ,  etc.  II  en  est  de  meme  de  lout  le  systeme  de 
pcnalite  ;  il  differe  presque  aussi  eomplclement  d'un  Etat  de 
ITnion  a  I'autre  que  de  Test  a  l'ouest  de  I'Europc.  —  Le  rap- 
port examine  ensuite  les  different  genres  d'influence  que  la 
Soc.icte  pour  la  discipline  des  prisons  pent  cxercer,  tels  que  ceux 
d'introduire  d'utiles  changemens  dans  la  legislation  penale  , 
de  montrer  les  rapports  qui  existent  entre  la  construction  des 
prisons  et  le  moral  des  prisonniers,  de  faire  connaitre  le  prix 
du  travail,  non-seulement  comme  moyen  de  subvenir  aux 
depenses,  mais  comme  mobile  de  vertu;  de  faire  apprecier 
I'importance  d'une  vigilance  conlinuelle  du  gouvernement  sur 
les  prisons,  etc. 

Les  recettes  de  la  Societe  nnt  monte,  en  1829,  a  5,53 1  dol- 
lars (19,067  fr.) 

L'etendue  de  cette  analyse  nous  dispense  d'y  joindre  au- 
cune  reflexion.  INos  lecteurs  sauront  apprecier  les  travaux  de 
la  Societe  pour  la  discipline  des  prisons,  et  ils  trouveront  des  mo- 
tifs d'encouragement  pour  les  associations  du  meme  genre 
qui  existent  en  Europe.  G.  de  F. 

2.  —  *  Resolutions  submitted  in  the  House  of  representatives  of 
the  Congress  of  the  United-States,  etc. —  Resolutions  soumises 
a  la  Chambre  des  representans  du  Congres  des  Etats-Unis, 
declarantl'inconslitutionnalitede  facte  passe  le  i4juillet  1798, 
appele  communement  la  loi  de  sedition,  et  demandant  le 
remboursement  des  amendes  qui  ont  pu  etre  payees  aux 
cours  de  district,  par  les  personnes  declarees  coupables 
en  vertu  de  cet  acte.  Rapports  de  la  Chambre  des  represen- 
tans :  deuxieme  Congres,  deuxieme  session.  Charleston, 
1829;  Miller. 

II  s'agit  ici  du  principe  vital  de  tout  gouvernement  consti- 
lutionnel,  de  la  base  de  tout  progres,  de  toute  securite  du- 
rable pour  la  liberte  civile,  la  philosophic  et  les  lettres,  en 
un  mot  de  la  liberie  de  la  presse ,  source  de  lumiere  et  de 
constantes  ameliorations.  De  notre  terns  le  pouvoir  de  cette 
voix  immense  qui  organise ,  concentre  et  fortifie  l'opinion , 
s'est  accru  au  point  d'etre  a  lui  seul  un  moyen  de  gouverner  : 
mais  le  despotisme  est  impossible  la  ou  toutes  les  opinions  ont 
cours,  entrent  librement  dans  l'arene,  se  combattent,  se  ba- 
lancenl,  s'entre-detruisentrune  l'aulre,  ou  du moius  ne laissent 
subsister  que  le  bien  de  chaque  systeme,  le  depouillant  de  ses 
sophismes  et  de  ses  consequences  dangereuses.Encela  git  l'ex- 
cellence  de  cette  liberte  qui  fait  que  la  presse  n'est  et  ne  pen  I 
etre  ni    deniorratique ,    ni    exclusivemenl  monaichique ,    el 


ETATSrUNIS.  iao 

quo,  demcurant  la  meme  pour  tons,  elle  ne  fait  qu'encoura- 
gerla  lutte  ou  la  verite  doit  pre valoir.  II  estvrai  que  les  gens  ti- 
mides  voient  des  dangers  a  cette  lutte.  Pour  eeux  qui  sont  lie 
bonne  foi,  il  n'en  existe  pas,  car  cliaque  abus  de  la  prcsse,  s'il 
peut  y  avoir  abus,  enfante,  pour  ainsi  dire,  sa  reaction.  Les 
peuples,  jaloux  de  leurs  droits,  savent  ce  que  vaut  cette  ga- 
rantie,  et  y  veiilent  avec  amour,  mais  non  avec  la  douloureuse 
anxiete  de  ceux  qui  craignent  sans  cesse  de  se  la  voir  enlever. 
L'acte  de  sedition,  con  tee  lequel  s'eleve  la  reclamation  que 
nous  annoncons,  est  ainsi  concu  :  «Toute  personne  qui  eeriia, 
imprimera  ou  publiera  un  ecrit  faux,  scandaleux  ou  malicieux 
contre  le  gouvernement  des  Etats-Unis  ou  le  president  des 
Etats,  avec  intention  de  diilamer  ledit  gouvernement  ou  l'une 
ou  Pautre  Chambre  du  Congres,  ou  ledit  president,  de  les 
amener  a  mepris  ,  ou  d'exciter  contre  eux  la  haine  du 
peuple  ;  d  eveiller  des  seditions,  ou  d'encourager  a  des  asso- 
ciations illegales  pour  s'opposer  ou  resister  a  une  loi  des  Etals- 
Unis ,  ou  a  un  acte  du  president  ayant  pour  but  1 'execution  de 
cette  me  me  loi  et  lait  en  vertu  des  pouvoirs  dont  il  est  investi 
par  la  constitution,  ou  pour  aider  et  seconder  les  desseins  hos- 
tile* d'une  nation  elrangere  contre  les  Etats-Unis,  lcur  peuple 
ou  leur  gouvernement ;  cette  personne,  jugee  devant  une  cour 
des  Etats,  sera  punissable  d'une  amende  u'excedant  pas  deux 
mille  dollars  ,  et  d  un  emprisonnement  de  deux  ans  au  plus.» 
La  derniere  clause  porte  que  les  personnes  poursuivies  en 
vertu  de  cette  loi  seront  admises  a  rendre  temoignage  de  la 
recite  ,  afin  que  le  jury  puisse  determiner  la  loi  et  le  lait;  et 
que  la  duree  de  Tacte  lui-meme  sera  limileeau  5  mars  1801.  » 
Cette  loi  t'ut  passee  en  1798,  epoque  oii  la  revolution  1'ran- 
caise  epouvantait  le  monde ,  et  ou  Ton  atlribuait  ses  teiribles 
convulsions  a  l'extreme  licence  des  discussions  populaires. 
Bien  qu'il  Cut  excusable  a  un  gouvernement  si  jeune  encore  et 
aussi  peu  assis  que  celui  des  nouveaux  Etats  d'Amerique  de 
prendre  iacilement  l'alarme,  cet  acte  ful  une  des  principa- 
les  fautes  de  son  debut.  Graces  a  son  peu  de  duree,  a  l'etat 
de  calme  du  pays,  et  a  la  moderation  des  peines  qui  ne  i'u- 
rent  jamais  ou  tres-rarement  appliquees  dans  leur  etendue, 
il  eut  peu  d'action ,  et  n'amena,  par  consequent,  aucune 
suite  t'uneste.  Cependant,  1' opinion  publiqne,  qui,  des  l'ori- 
gine,  l'avait  declare  inconstitutionnel,  y  revient  aujourd'hui, 
et  vent  une  retractation  assez  t'ormclle  pour  qu'c.i  ne  puisse 
jamais  s'en  prevaloir  comme  precedent.  Elle  reclame  de  plus 
le  remboursement  des  amendes  payees,  et  une  sortc  de  reha- 
bilitation pour  quiconque  a  ele  altciiilpai   une  loi  injuste,  et 


T.    XLVI.    AVUIL   l85( 


9 


i3o  livrgs  etrangeks. 

qui  etait  clle-mcme  unc  violation  de  la  constitution.  A  l'ob- 
jec.tion  qu'on  lui  fait  que  rcvcnir  sur  les  coiulaninalions  pas- 
sees  sera  it  encourage*'  des  appels  a  la  legislation  contre  le  pou- 
voir  judieiairc ,  file  repond  que  loin  de  voir  en  cela  uti  nial, 
clle  y  voit  mi  bien,  ear  e'est  an  corps  existant  dans  la  consti- 
tution, et  par  ellc,  qu'il  appartient  de  porter  remede  a  tout 
ce  qui  pent  altercr  on  miner  la  loi  fondamenlale  ;  ct  le  blame 
i!h  Congrcs,  s'exercant  sur  lui-meme  pour  la  reparation  d'un 
tort  ou  d'une  injustice,  ne  pent  ni  l'abaisser,  ni  l'avilir. 

11  est  probable  que  cctle  question  debattue  a  la  Cliambre  des 
Elats,  y  sera  resolue  affirmativement.  Les  developpemens  en 
seront  curieux  a  suivre,  snrlout  par  l'experieoce  qu'ils  sup- 
posent  dans  le  champ  de  cette  politique  pratique  a  laquelle 
l'Amerique  a  du  jusqu'ici  sa  prosperite. 

5.  —  *  /Inter  Khan  and  other  poems.  —  Amer  Khan,  et  au- 
tres  poemes,  oeuvres  de  Lucretia  Maria  Davidson,  morte  a 
Platsburgb,  Btat  de  New -York,  le  37  aout  182a,  agee  de 
16  ans  oiue  mois  ;  recueillies  et  publiees  par  Samuel  F.  1$. 
Morf.  New-York,  1829. 

II  n'est  peut-etre  pas  d'age  on  les  sensations  poetiques 
soient  plus  nombreuses  ct  plus  varices  que  dans  l'enfance. 
Raremcnt  approfondies,  elles  se succedent avee  une  etonnante 
rapid it-e.  Quede  promesses  de  bnnheuret  de  joie  apportent  tin 
l>eau  soleil  d'etc,  le  son  des  cloches,  le  retour  du  dimanche  ! 
Sans  souvenir  de  la  veille,  sur  le  seuil  d'une  vie  qu'il  ne  con- 
nait  pas,  I'enfant  est  toutentier  a  ce  qu'il  eprouve  surl'heure; 
il  ne  meditc  pas,  il  n'analyse  pas,  il  est  beureux  par  instinct , 
eomme  l'oiseau  qui  cbante  et  se  berce  sous  la  feuillee.  Toute 
la  creation  lui  fait  fete  :  la  vue  d'une  flcur  le  jette  dans  des 
ravissemens ,  la  brise  le  caresse,  les  eaux  on  il  se  mire  lui 
sourient  :  s'il  s'arreteetregarde  a  ses  pieds,  ily  voit  etales  une 
foule  de  tresors,  car  il  n'a  pas  appris  a  se  faire  difficile  :  un 
caillou,un  coqnillage  trouves  dans  le  gravicr  lui  sontcboses 
precieuses  et  belles.  Puis,  dans  la  prairie,  e'est  encore  un 
monde  a  sa  portee ;  tant  de  sortes  d'berbes,  de  fleurs  de  for- 
mes et  de  coulcurs  sidelicates  qu'elles  scmblent  devoir  ecbap- 
per  a  des  yeux  moins  penetrans;  et  les  insectes  qui  se  nieu- 
vent  sous  ces  ombrages  nains,  et  qu'il  se  plait  a  decouvrir.  Et 
a  mesure  que  le  cercle  s'elargit,  que  naissent  les  besoins  d'i- 
maginalion ,  combien  de  brillanles  reveries,  de  palais  d'or  et 
d'argent  apparaissent  et  s'effacent  an  milieu  des  images !  Des 
croyances  confuses  et  pleinesdc  cbarme  remplissent  I'amcqui 
s'essaie,  parfois  des  lerrems  indefmies,  puis  des  pensees  reli- 
gieuses  melees  aux  formes  imposantes  du  culte,  an  parfum  de 


ETATS-UNIS.  iji 

1'eiicens,  aux  chants  doux  et  graves  de  la  priere .  an  jour 
sombre  et  mystcrieux  qui  rcgne  dans  l'eglise.  Et  qu'nn  ne 
croie  pas  que  l'enfant,  devenu  homnie,  eree  la  poesic  de  tou- 
les  ces  impressions  par  ses  souvenirs ;  non,  il  l'a  sentie  et  sa- 
vource  d'abord;  elle  a  parle  hant  a  son  ame,  a  ses  sens; 
mais  comme  le  sauvage  qui  se  balance  dans  sa  pirogue  sur  un 
lac  tranquille,  comme  le  paysan  de  nos  chaumieres  qui  s'as- 
sied  a  sa  porte  pour  respirer  l'air  pur  d'un  beau  jour,  qui  a 
pour  horloge  le  soleil ,  et  cultive  de  ses  mains  le  champ  qu'il 
a  seme,  le  verger  dont  il  a  plante  tons  les  arbres,  il  ne  sait 
pas  se  rendre  compte  de  ses  jouissances  et  de  leurs  causes  : 
il  s'y  livre,  voila  tout.  S'il  etait  possible  de  priver,  d'isoler 
l'enfanl  de  cette  poesic  qu'il  tire  de  ehaque  objet,  il  mourrait 
comme  une  abeillc  sevree  du  sue  des  fleurs;  comme  le  paysan 
qui,enleve  de  son  village  et  iransplante  dans  les  villes,  lau- 
guit  et  meurt  du  mat  du  pays,  (les  sensations  poetiques  de 
I'enlanee  sont  si  rcelles  f|u'elles  etendent  leur  inlluence 
sur  la  moiliede  notre  vie  :  e'est  a  cette  source  pure  et  fraiche 
qu'il  nous  faut  revenir  pour  retrouver  cette  intensite  de  joie 
que  nous  n'eprouvons  plus  qu'a  de  si  rares  intervallcs.  Jeune, 
1'anie  se  suffit  a  ellc-meme;  elle  n'a  pas  besoin  de  parler  de 
ce  qu'elle  sent.  II  n'y  a  pas  trop  de  son  activile  pour  aimer  et 
connaitre;  et  ce  n'est  que  plus  tard,  lorsqu'elle  se  degoQte 
des  plaisirs  simples  et  faciles,  qu'elle  appelle  la  sympatbie  a 
son  aide.  Mais,  si  la  voix  lui  etait  dorinee,  a  l'hcure  de  son 
premier  essor,  si  elle  trouvait  des  mots  pour  rendre  ses  vifs 
tressaillemens,  ses  decouverles,  ses  conquetes,  on  entendrait 
des  chants  purs  et  melodieux,  des  chants  planant  entre  le 
ciel  et  la  lerre,  souvenirs  du  chocur  des  anges  et  des  concerts 
humains.  iMaisle  passe  n';ipparlient  pas  a  l'oublieuseenfance, 
et  que  sait-elle  de  Pavenir?  Cependant,  e'est  la  qu'a  presque 
toujours  puise  le  poete  precoce  dont  nous  annoncons  les  oeu- 
vres.  II  y  a  quelque  chose  de  triste  a  cette  experience  antici- 
pee,  a  cette  preoccupation  de  peines  qui  ne  sont  pas  encore 
venues.  Le  genie  de  Maria  Davidson  (car  elle  en  avait)  firt 
melancolique  des  son  debut.  Tout  enfant,  elle  se  plaisaitaux 
sensations  reveuses,  a  la  musique  qui  fait  pleurer.  On  eftt 
dit  une  ame  deja  1'ormee,  et  non  plus  grandissante,  enfermee 
dans  ce  l'aible  corps  qu'elle  consumait.  Ses  compositions  ont 
un  accent  original ,  surtout  celle  on  elle  peint  l'espece  de 
trouble,  devertige  ou  la  jetait  la  promessed'une  recompense; 
Finipuissance  que  prodnisaient  en  elle  Iesmoyens  d'excitalion 
dont  en  I'entourait  imprudenirnent.  «  La  muse  s'enfuit!  dit- 
elle;  ni  prieres,  ni  menaces  ne  la  peuvent  retenir Je  ive 


i5i  LIVRE8   ETKANdEKS. 

puis  que  barbouiller  dtl  papier,  ni'impatienlcr  el  plcurcr  ! 
et  pourlant ,  olle  revicnt,  e!  me  tourmente,  et  me  tenle  d'e- 
crire ;  et,  lorsque  je  lc  lais,  elle  se  prend  a  rire,  et  me  laiile, 

car  il  n'y  a  lins  (Tharmonie  clans  la  rime,  pas  de  sens  dans  le 

vers Oh,  par  pitic !  amis,  qui  voulez  que  j'eciiv'e,  dtez  rle 

devanl  mes  ycux  vos  recompenses  et  vos  dons,  car  la  muse 
est  jalouse  et  me  vent  tonte  a  elle!  »Cerlc.  Oela  est  plein  de 
i;race,  et  d'un  enfantillagc  mele  de.  profondeur  qui  louche  et 
qui  etonnc. 

Les  aspirations  de  cette  jeune  fille  vers  l'elude  etaienl  si 
ardentesqu'ellc  s'ecriaitun  jour  :«  Oh,  que  de  chosesa  appren- 
dre!  Si  je  pouvais  les  embrasser  el  les  contenir  loutes  a  la 
fois!  «Maria  etait  nee  de  parens  pauvres,  et  elle  cut  de  bonne 
heure  le  spectacle  des  privations  et  des  soucis  qu'entraine 
une  gene  excessive.  Si  Ton  en  cr'oit  son  editeur,  elle  composa 
a  neufans,  et  meme  plulot;  a  treize  ans,  elle  avait  fail  mi 
poi'iue  intitule,  Bodri ,  dont  il  ne  reste  qu'un  chant.  En  iS'i'i- 
tin  etranger  ayant  In  quelques-uns  de  ses  vers,  voulut  lui 
procurer  tous  les  avantages  d'une  education  soignee,  et  la 
fit  entrer  a  ses  frais  dans  un  des  meilleurs  pensionnatsd'Ame- 
rique.  Son  esprit  y  redoubla  d'activite  et  d'cfl'orts  :  «  Je  suis  si 
heureuse,  ecrivait-elle  a  sa  mere,  que  je  tremble  sans  cesse 
que  quelque  chose  d'imprevu  ne  vienne  deranger  ou  inter- 
rompre  mon  bonheur!  11  y  a  tant  de  plaisir  a  savoir!  »Et 
dans  une  autre  lettre  : «  N'esperez  pas  trop  en  moi ,  car  je  ne 
suis  pas  capable  de  beaucoup.  3'etudie,  je  tiavaille,  mais  je 
crainsdene  pouvoirrealiser  les  espeiances  qu'on  a  concues.  » 
Sa  sante,  deja  faible,  ne  tarda  pas  a  s'alterer  tout-a-fait.  Cette 
jeune  ame  se  remplit  de  presscntimens  de,  mort,  mais  dou\ 
et  poetiques,  sans  melange  d'effroi.  C'elait  counne  le  retour 
d'un  exile  a  la  patrie  celeste.  «  Petite  etoile  scintillante,  jc  te 
sens  m'attirer  a  toi ;  diamant  qui  brilles  au  bandeau  bleu  dtl 
ciel,  comme  je  volerai  vers  toi,  quand  mon  ame  prisonniere 
sera  libre ! » 

Une  terreur  s'empara  d'elle  dans  ses  derniers  instans.  Elle 
craignait  de  perdre  la  raison,  et  I'exaltation  surnaturelle  ot'i 
elle  avait  vecu  justifiait  trop  ses  craintes.  «  Jc  sens  mon  ccr- 
veau  bouillonner,  puis  se  glacer  tout  a  coup!  »disait-cl!e. 
^ee  a  Platsburgh,  le  27  septembre  1808,  elle  mourut  le  •>.;• 
iioflt  1825,  comme  elle  allait  avoir  dix-sept  ans.  Elle  laisse 
deux  cent  soixante-huit  pieces  de  vers,  parmi  lesquelles  se 
trouvent  cinq  poemc^de  plusieurschauts  :  de  plus,  troisesquis- 
ses  de  romans ,  une  tragedie,  et  beaucoup  de  lettres  dont  il 
est  regrettable  qu'on  n'ait  paspvdjlieun  plus  grand  nombre.  A 


ETATS-UNJS.  —  GRAIN  DEliRETAGNE.  i33 

en  juger  d'apres  les  exlraits  qu'en  donne  1'editeur,  ellesetaienl 
naives  el  peignaient  avec  fidelite  le  developpement  de  ce  ta- 
lent precoce.  L.  Sw.-Belloc. 

EUROPE. 

GKAINDE-BRETAGNE. 

4.  —  The  modern  Traveller.  — Le  Voyageur  niodernc. 
description  geographique ,  historique  el  topographique  des 
differentes  euntrees  du  globe  ;  dedie  au  foi  par  l'editeur  J 0- 
siah  Cokdeh.   Londrcs,  lftoo;  James  Duncan.  5o  vol.   in- 12. 

Cette  publication  commenoee  depnis  deux  ans  se  terminc  a 
une  epoquc  favorable.  Nous  sommes  dans  le  sieele  des  voya- 
ges :  depuis  qn'une  longue  paix  a  permis  les  communications 
entre  les  peuples,  le  tresor  des  connaissanees  a  double  en  Eu- 
rope. On  a  pu  rectifier  les  erreurs,  en  appeler  des  conjectu- 
res aux  fails.  L'Amcrique,  dont  nous  ne  conuaissions  bien 
(|u'une  portion  du  nord,  et  mal  quelques  points  isoles  dans 
le  gud,  s'est  revelec  lout  a  coup,  avec  ses  repnbliques  nais- 
santes,  et  ses  cm  ieuses  experiences  dans  le  grand  art  de  la  le- 
gislation. L'Asiecst  devenue  le  theatre  des  triomphes  progres- 
sifs  de  la  civilisation,  et  de  decouvertes  eternities  :  on  a 
exploit;  les  richesses  de  son  antique  litterature,  de  ces  vieu.v 
terns  bisloriqnes,  auxquels  remoutent  les  origines  de  tant  de 
peuples  et  de  si  nombreuses  croyances.  La  Russie  a  pris  une 
attitude  nouvelle,  et  favorise  des  voyages  de  sciences  et  de 
decouvertes. 

Enfin,  la  Tunpiie,  dont  les  mystcres  de  gouvernement, 
de  religion,  de  mreurs  avaient  si  long- terns  defie  on 
lean  a  distance  la  curiosite  des  Euiopeeus,  est  devenue 
accessible  aux  reclierches  et  aux  observations  parliculiere-. 
Partout  le  terns  de  recueilliresl  venu,  el  la  moisson  attend  les 
ouvriers.  II  y  a  dix  ans  que,  dans  1111  pared  ouvragc,  il  cut  fallu 
admettre  encore  beaucqup  de  conjectures,  d'hypotheses  dou- 
leuses;  et  si ,  a  parti'r  d'aujourd'hui,  on  attendait  encore  dix 
ans,  il  y  aurait  a  craindre  que  les  traits  particuliers  aux 
gi  andes  nations,  s'efl'acant  par  le  contact  et  les  relations  mul- 
tiplies de  people  a  people,  on  ne  retrouvat  presque  plus 
de  ce  caraetcred'originalite,  source  de  tant  d'interet  et  de  re- 
velations import  antes. 

L'editeur  du  Voyageur  moderne  s'est  occupe  avec  un  soin 
remarquable  de  tout  ce  qui  avait  rapport  aux  clublisseniens 
britanniques  dans  l'Inde,  eta  L'histoire  des  Aincriques  du  noi  d 
el  du  sud    On  doit  lui  en  savoir  d'autanl  plus  de  gre,  qlie  les 


i34  LIVRES  ETRANGERS. 

materiaux,  tjuoique  notnbreux,  sont  on  inexacls  ou  indiges- 
tcs.  In  des  plus  grands  pcrfcctionnemens  de  l'ouvrage  est  ia 
multiplicity  des  renvois  anx  sources  et  anx  documens  Cfrigi- 
nanx.  Cette  precaution,  trop  negligee  jusqu'ici  dans  les  En- 
cyclopedies,  Dictionnaires,  etc.,  t'acilite  singulicrcment  les 
etudes  speciales,  et  offre  dc  grands  avantages  a  quiconque 
lit  pour  s'instrnire.  Les  divisions  adoptees  des  1'originc  per- 
meltent  anssi  de  se  procurer  separcment  tout  ce  qui  eoiuerne 
un  royaume,  sa  physionomie  politique,  historique,  son  as- 
pect, etc.  C'est  nne  compilation  faite  habilemenl,  d'apres  un 
plan  bien  entendn,  et  oont  des  details  originaux  et  savans 
completcnt  1'enscmble. 

5.  —  *  Travels  in  various  parts  ofPevi.  — Voyages  en  diflc- 
rentes  parlies  du  Perou  ,  y  compris  un  sejourd'un  an  an  Po- 
tose ;  par  Edmond  Temple.  Londres,  i85o;  Colburn  et  Isen- 
tley.  2  vol.  in-8". 

Que  de  reves  dores  les  noms  du  Perou,  el  surlout  du  Po- 
tose  n'ont-ils  pas  evoques!  Quel  ambilieux,  quel  avare,  ne 
s'est  transports  en  imagination  dans  cet  Eldorado  pave  d'or; 
sur  cette  montagne  on  un  Indien  poursuivant  un  lama  se  pril 
a  un  arbuste  dont  les  racines  cedercnt,  et  mirent  a  nu  dans 
le  sol  une  cnormemasse  d'argenl?  Ce  mont  inculte,  d'un  brun 
rougcalre,  qui  s'elcve  en  forme  de  cone,  presqueentierement 
depouille  de  vegelation,  an  milieu  d'un  pays  sterile  on  crois- 
sent  a  peine  quelques  rares  gazons,  quelques  arbrisscaux 
chetifs,  a  en  des  attraits  assez  puissans  pour  atlirer  a  sa  base 
des  homines  de  presque  tons  les  points  du  globe.  On  y  a 
bati  une  ville  qui  contenait  jadis  plus  de  cent  mille  habitant 
et  qui  est  encore  aujourd'bui  le  rendez-vous  des  specnlaleurs, 
et  des  hommes  a  projets  qui  s'obstinent  a  croire  que  deux 
cent  cinquanle  ans  de  travaux  laborieux  n'ont  pas  epuise  les 
richesses  eachees  du  Potosc.  Notre  voyageur  est  de  ccs  der- 
niers.  Enrole  parmi  les  membres  aetil's  de  l'associalion  l'on- 
dee  en  Angleterre,  vers  iSaS,  sous  le  nom  de  la  compagnie 
des  mines  du  Potose,  de  la  Paz  et  du  Perou,  il  Cut  attache,  en 
qualite  de  secretaire,  a  I'expedition  de  Buenos-Ayres.  Cnmiiie 
toute  entreprise  qui  veut  s'accrediter,  celle-ci  debuln  magnifi- 
quement.  II  n'etait  question  que  des  tresors  immenscs  qu'on 
allait  decouvrir,  et  le  conseil  des  directeurs  arrela  que  les 
employes  partiraient  de  Londres  dans  une  voilure  des  plus 
elegantes  et  liree  par  quatre  chevaux.  Arrive  a  Falmoulh.  on 
devait  mfme  embarquer  i'equipage,  charge  dc  reprcscnler  di- 
gnement  la  compagnie  dans  I'Amcriquc  du  sud.  Mallieureu 
senient  la  natui  e  du  pays  s'npposa  a  eetle  parade  de  charlata- 


(iUANDK-IWlKTAr.NE.  ijj 

nisme,  et  il  fallul  ebeminer  sur  les  plus  bumbles  montures  a 
travers  les  Pampas  jusqu'au  Perou.  A  mesure  que  SI.  Tem- 
ple approcbait  du  terme  de  son  voyage,  les  commodites,  et 
inume  les  ohoses  les  plus  neccssaires  a  la  vie,  seoiblaient  deve- 
nir  de  plus  en  plusrarcs.  Comme  le  roi  Midas,  il  payait  clier  le 
inanit'iiieiit  de  Tor,  ou  ce  qui  est  encore  pis,  Vesperanrc  d'en 
nianier  beaucoup  un  jour.  Lorsque  epuise  de  fatigue,  il  altei- 
gnit  avec  sa  mule  la  niaison  de  poste  situee  a  l'entrec  de  la 
villc  do  Potose,  il  n'y  put  trouvcr  ni  appartement ,  ni  lit,  ni 
rafraiebissement  d'aucun  genre;  et  il  I'ut  oblige  d'avoir  re- 
cours  a  ses  lettres  d'introduetion  pour  obtenir  un  diner,  qui 
se  lit  long-tenis  attend  re,  et  qu'il  devora  en  bomme  aflame. 
Plus  lard  il  trouva  inoyen  de  se  mouter  line  maison,  et  d'y 
faire  arriver  a  grands  frais  de  quoi  se  nourrir.  Mais  le  climal 
qui  reunit  presque  en  tout  terns  les  ehaiigemens  des  qualre 
saisons,  le  froid  percant  du  matin,  le  vent  aigu  qui  regne 
jusqu'a  midi,  puis,  de  raidi  a  trois  heures,  I'insupporlable  ar- 
deur  du  soleil,  lui  livra  de  si  rudes  assauts  qu'il  fa j Hit  suc- 
comber  a  une  dyssenlerie  violente.  II  se  relablissait ,  et  coni- 
mencait  a  prendre  gout  a  sa  situation  :  il  expediait  tons  les 
jours  a  ses  directeurs  des  lettres  pleincs  de  brillantes  descrip- 
tions, non-seulement  de  i'etat  acluel  des  mines,  mais  des 
operations  admirables  qu'il  y  avait  a  faire  pour  l'avenir,  quaiid 
il  apprit  que  Tageul  de  la  compagnie,  a  Buenos-Ayres,  avait 
refuse  de  payer,  et  qn'en  Anglelerre,  les  appels  pour  de  nnu- 
veaux  fonds  etaient  de venus  impossibles,  les  directeurs 
n'ayant  meme  pu  solder  la  premiere  ecbeance  des  interets 
des  actions.  Cette  nouvelle  jcta  le  pauvre  employe  dans  un 
grand  decouragemcnl.  Mais  comme  il  etait  surtout  done  d'un 
caractere  conliant,  et  dispose  avoir  le  bon  cote  des  cboses  dp 
ce  monde,  il  s'en  ruleva  bien  vite;  et  resolut  de  profiler  de 
sou  voyage,  et  d'en  faire  profiler  le  public.  Dans  cette  inten- 
tion, il  vit  le  plus  possible  de  cboses  cu  rift  uses,  prit  des  no- 
tqs,  rassembla  des  materiaux,  et  le  resultat  de  sa  mesa  ven- 
ture est  un  livre  inleressant,  plein  d'observations  impartiales 
et  tres-ainusanles  par  la  manierc  vive  dont  elle  sont  presen- 
tees ;  il  y  a  aussi  nnmbre  de  fails  sur  les  mceurs  du  people, 
ses  coutumes,  le  caractere  national  qu'il  peint  sous  des  cou- 
ieurs  beaucoup  plus  f.ivorables  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'ici.  II 
ne  vent  pas  non  plus  abandonner  ses  visions  de  richesse*,  el 
se  contente  d'ajourner  un  plan  d'exploitalion  qu'il  croit  pro- 
prc  a  metlre  au  jour  ties  Iresois  an  moins  aussi  considerables 
que  ceux  qo'on  a  d«ju  tires  <lu  i'crou.  Mais  M.  Temple  at 
une  imagination  si  active,   une  disposition  d'espril  si   lieu- 


iM  L1VRLS  ETUANCKRS. 

reuse  ,  qu'il  est  permis  de  rie  pas  adopter  tonics  ses  conolu* 
.-ions,  sin  tout  en  pareilles  maticres.  Ce  qui  est  nioinsdouteux, 
c'est  que  son  livre  plajra,  interesaera  et  sera  hi  gencralcment. 

L.  Sw-B. 

0.  —Natural  theology, etc..  —  Tlieologie  naturelle  oil  cssais 
sur  ['existence  de  Dicu  el  de  la  providence,  sur  I'iminati  ria- 
Hte  de  1'ame  et  de  untie  etat  fulur;  par  le  rev.  Alex.  Cbom- 
bie.  Lnndrcs,  1H29;  R.  Hunter.  2  vol.  in- 8"  de  xxiu-(Jo4, 
et  6/ja  P- 

Le  docteur  Crumble  est  depuis  long-lems  connu  d'une  ma- 
nure fort  avantageuse  dans  la  litterature  de  son  pays  par  di- 
verse* publications  philosopliiques  el  philologiqjies.  Des  Fan- 
nee  1 7<)3  ?  il  avait  donne  un  traile  etcmlu  sur  la  Necessile , 
auqnel,  a  l'imitation  de  Hume  et  de  Reid  ,  il  s'est  contente 
d'altaclier  le  titre  d'essai.  Ses  livres  de  grammaire  et  d'etymo- 
lo^ic  sont  reputes  classiques  en  Anglcterrc.  Le  dernier  de  ses 
ouvrages  se  fail  reniarqucr  par  cctle  tendance  pratique  et  eel 
empirisnie  rationnel  qui  caracterisent  1'Ecole  ceossaise.  Du 
reste,  l'auteur  s'en  est  tenu  mix  idees  les  plus  accreditees. 
Clarke,  Hume,  Hartley,  Cudworlli,  etc.,  voila  les  aulciirs  sur 
lesquels  il  s'appuie  et  qu'il  combat  habiliiellement,  et  s'il  s'est 
attache  a  refuter  Spinosa ,  c'est  sans  s'occuper  des  argumens 
de  Jacobi,  de  Heydenreich,  ni  des  autre*  metaphysiciens « 
leurs  compatrioles,  car  il  parait  avoir  pen  de  sympatliie  pour 
la  reveuse  Allemagne.  An  reste,  la  Tlieologie  naturelle  rappelle 
souvent,  pour  les  vues  com  me  pour  le  style,  Fenelon  demon- 
trant  l'existenco  de  Dieu  :  line  extreme  lucidite.,  Part  d'nnir 
l'imagmation  a  la  logique  ,  un  sentiment  religicux  prot'ond 
et  vrai ,  telles  sont  les  qualites  qui  en  recommandent  suitout 
la  lecture.  He  Reiffenbebg. 

n,  —  Memoirs  of  the  life  and  times  of  Daniel  De  Fue,  etc. 
—  Memoires  de  la  vie  el  de  l'epoque  de  Daniel  de  Foe,  conte- 
nant  une  revue  de  ses  ccrits  et  de  ses  opinions  sur  plusieurs 
sujets  important,  civils  on  ccclesiastiques;  par  WatterWn-i 
SON'.  Londres,  i83o;  Hurst.  3  vol.  in-8". 

L'histoire  de  t'anteur  de  Robinson  Crusoe  n'est  peut-etre 
pns  means  interessante  que  le  plus  connu  de  ses  ouvrages. 
M.  Wilson  donne  a  ses  compatrioles  des  elrennes  qui  seront 
bien  recues,  surtout  dans  ce  moment  on  la  pressc  pcriodiquc 
excrcc  par  ses  critiques  un  pouvoir  (|ue  la  poliliipie  niciiie  est 
souvent  force  de  reconnailre.  On  sera  curie  ux  de  passer  en  re- 
vue'les  ccrits  satiriqucs  d'un  ecrivain  original  et  plein  de 
\erve.  el  I'on  fcra  plus  d'un  rap[)rocliement  cntre  notre  tcnis 
ct   I'cnoiinc  00    ces  ccrits   t'urenl   publics.    TS'ous  gagnerons 


GRAIN  DE-BRET  AG  NE.  iZj 

quclque  chose  a  ce  parallele  :  on  y  vena  les  progres  de  la 
liberie  politique  et  religieuse,  et  d'autres  ameliorations  so- 
ciales;  mais  on  sera  force  d'avouer  que  notre  litterature  n'a 
point  suivi  cettc  marchc  progressive.  Un  ouvrage  qui  nous 
fait  faire  ccs  observations  sur  nous-memes  ne  pent  etre  sans 
nierite ,  ni  sans  utilite  :  ces  Meuioires  passeront  sur  le  conti- 
nent et  seront  las  par  les  curieux,  consultes  par  les  erudits, 
mis  a  profit  pour  l'histoire  litteraire  moderne,  lorsqu'on  s'oc- 
cupera  de  niettre  scs  annates  en  ordre,  non  pour  un  seal  pays, 
ce  qui  ne  suflit  point,  mais  de  maniere  a  ofl'rir  l'histoire  com- 
plete de  celte  division  des  connaissances  humaines,  histoire 
non  nioins  instructive  q-ie  celle  des  evenemens  politiques. 

N. 

8.  —  *  The  Adventures  of  Hatim-Tai  —  Les  A  ventures  de 
Hatim  -Tai  ,  roman  traduit  du  persan  par  Duncan  Forbes. 
Imprime  pour  le  Comite  des  finds  de  Traductions  orientates. 
Londres.  i85o;  J.  Murray.  In-4°  de  214  pages. 

Nous  avons  deja  eu  occasion  dc  signaler  les  services  que 
rend  a  la  litterature  le  Comite  de  Traductions  des  langues  de 
rOrient.  Cette  Societe  n'est  point  de  cedes  qui  s'assemblent 
pour  deliberer,  puis  laissent  passer  des  annees  entre  les  pro- 
jets  et  l'execulion.  A  peine  fondee,  ellc  a  produit  :  voila  le 
huitienie  ouvrage  sorti'de  ses  presses,  depnis  un  an  au  plus ; 
et  Tiiiterel  et  la  variete  de  seschoix  ont  prouve  qu'elle  vise  a 
un  siicces  populaire,  et  qu'elle  l'obliendra.  Elle  a  deja  fait 
d'heurcuses  excursions  en  histoire,  dans  les  arts  et  dans  la 
pocsie.  Cette  ibis,  il  s'agit  d'une  ocuvre  Unite  d'imagination  , 
fanlaslique  pendant  des  contes  arabes,  specimen  du  mer- 
veilleux,  qui,  pendant  des  siecles,  a  berce  les  esprits  ardens  el 
reveurs  des  conlrees  d'Asie.  Hatim,  le  heros  du  livre ,  etait 
un  chef  arahe  qui  vivail  au  vie  siecle  de  l'ere  chretienne,  et 
dorit'le  nom  est  passe  en  proverbe  comme  symbols  de  bra- 
voure  et  de  generosite.  Un  auteur  arabe  du  \iic  siecle  dit 
de  lui  :«  Hatim  fut  genereux,  brave,  sage  el  puissant  : 
quand  il  combajtait ,  il  etait  sur  de  vaincre ;  qnand  il  pillait, 
personne  n'eCit  oselui  disputef  le  butin;  quand  on  lui  deman- 
dait,  il  donnail  ;  s'i!  decochail  une  fleche,  elle  allait  droit  au 
but;  et  lorsqu'il  faisait  des  captil's,  il  lcur  rendait  la  liberie.  » 
Ses  aventures  se  divisent  en  sept  parties,  ou  episodes  dc  la  vie 
du  guorrier,  qui,  chacune ,  sont  marquees  par  sept  exploit^ 
des  pins  perilleux. 

II  n'y  a  ricn  de  precisement  neuf  clans  re  coute,  et  les  \k~ 
gendes  arabes  nous  onl  deja  familiarises  avec  les  mervcilles 
qu'il  renferme;  c<  pendant,  p'esl   mi  pas  de  pins  dans  ce  do- 


i38  LIVRES  ETRANGERS. 

niaine  si  vasle  tic  ['imagination,  el  la  Sex  iele  a  fait  sagemeut 
d'accueillir  cet  essai  qui,  par  la  siinplicite  de  son  style  et  ses 
formes  populaircs,  est  dignc  de  figurer  parmi  ses  travaux  plus 
graves. 

q.  — *  Cloudesley  :  a  Talc.  —  Clomlesley ,  eoiile  ;  par  l'au- 
tenrde  Caleb  Williams.  Loutlres,  i!C>o  ;  Colburu.  3  vol.  in-8". 

Nets  le  commencement  tlu  siecle  dernier,  tine  cause  fill 
long-tems  pendanlc  devant  line  des  eours  d'Irlandc,  ct  l'on 
en  trouvera  les  details  consignes  dans  un  des  volumes  du 
Stale  Trials.  Le  sujet  en  litige  elait  une  pairie,  avec  ses  de- 
pendances  en  terres  et  proprietes  de  toute  espece ;  le  rccla- 
mant,  jcunehomine  pauvre,  uial  eleve,  et  en  apparence  d'une 
naissance  commune,  se  nominait  James  Annesley,  et  l'on  ne 
doute  plus  aujonrd'liui  qu'il  n'eut  des  droits  reels  aux  lion- 
nenrs  auxquels  il  pretendait.  Enleve  par  un  oncle,  lorsqu'il 
etait  encore  enfant,  ce  dernier  le  tint  cache,  jusqu'a  ce  qu'il 
pflt  le  faire  passer  a  la  Aiiginie,  on  il  le  fit  vendre  comme 
esclave.  II  fut  decouvert  dans  cetle  miserable  situation  par  un 
ollicier  anglais  qui  le  ramena  dans  son  pays  natal,  et  l'enga- 
gea  a  se  porter  accusateur  de  son  oncle,  alors  en  possession 
de  tons  ses  biens.  L'liistoirc  de  ce  pauvre  jeune  homme  etait 
des  plus  louchantes,  et  sudisait  seule  pour  ctablirla  justice  de 
sa  cause,  mais  la  loi,  toujours  si  facile  a  interpreter,  I'ournit 
le  pretexle  d'une  diversion  dont  le  coupable,  desespcrant  de 
sa  defense,  s'empressa  de  profiler.  Par  one  circonslance  sin- 
guliere,  James  Annesley  se  trouvait  avoir  etc  cause  de  la 
mort  d'un  individu,  ct  certaines  parliculariles  lui  prelaienl , 
aux  ycux  de  la  loi,  un  caractere  d'homicide,  on  du  moins  de 
complicile.  Son  oncle  l'accusa  alors  a  son  tour,  et  renuia  ciel 
et  tene  pour  le  convaincre  de  meurlre,  mais  sans  succes;  car 
les  nmivelles  revelations  qu'amenrrent  les  debals  placerenl 
dans  lout  leur  jour  les  motifs  d'interct  qui  le  poussaient  a 
perdre  son  neveu.  Le  proccs  durait  encore,  lorsque  Annesley 
mourn!,  laissant  son  infamc  parent  possesscur  legitime  de  sa 
fortune. 

Cetle  cause,  qui  rappelle  relic  du  jeune  couite  de  Solar, 
eleve  de  l'abbe  de  l'Epce,  et  qui  scmbleiait  aussi  avoir  fourni 
a  Walter  Scott  quebpies-uns  des  incidens  de  Guy  iVanncring, 
n'a  pas  etc  adoplee  tout  enlierc  par  31.  Godwin.  II  ne  lui  a 
emprunte  qu'un  fait  pour  sen  ir  de  base  a  son  roman  :  l'enle- 
vement  du  jeune  beiitier  qui  separe  un  anibilieux  des  litres  et 
des  richesses  qu'il  couvoite.  L'auleur  de  Caleb  Williams  n'a 
besoin  que  d'un  pelit  uoinbrc  de  situations  oi'i  il  puissc  Imi- 
gucment  analyser  les  inoincnicns  du  cu'iir  liumain  :  ses  vivo 


GUANDE-BRLTAGNL.  ify 

lenlalions,  ses  terretirs ,  sea  remords.  II  excelle  a  decrire  une 
passion  :  il  la  prend  a  I'origine,  remonle  a  ses  causes  secretes; 
c'est  d'abord  un  atome  qui  s'agite  pour  vivie;  puis,  a  peine 
visible,  il  grossit  rapidement,  absorbe  Ies  pensees,  les  desirs, 
se  precipite  an  but  a  travers  niilie  obstacles  ,  l'atleint,  alors 
que,  dans  I'ame,  il  n'y  a  plus  puissance  de  jouir.  Nous  assis- 
tons  ensuiie  an  desenchantement,  au  degout  de  ces  biens  si 
ardemment  souhaites,  si  chercmcnt  payes.  Les  nuances  et  les 
progres  des  sen  time  na  constituent  le  principal  mcrite  de  cet 
ouvrage.  L'histoire  est  niaigre,  et  le  plan  pen  de  chose.  L'au- 
teur  n'y  a  cherche  qu'un  ca  Ire  a  ses  observations  melaphy- 
siques,  parl'ois  profondes,  souvent  minulieuses,  allouriiies, 
et  surchargces  de  Imp  de  details.  Un  oncle  succonibe  a  la 
tentation  de  faire  dispnraitre  le  fds  que  son  1'rere  aine  lui  a 
confie  en  monrant ;  ce  n'estpasi  ependant  un  mediant  homme, 
mais  un  elre  l'aible  ,  accessible  a  des  idees  d'auibition;  tort 
jeune,  il  s'est  vu  dedaigne  par  ses  parens  :  tons  les  soins  , 
toutes  les  affections  etaient  pour  Theiitier  du  nom;  l'injustice 
de  la  loi,  qui  le  condamnait  a  l'inferiorite  en  naissant,a  etede 
bonne  he  lire  comprise  et  commenteeparlui.  Les  domestiques, 
auxquels  il  a  etc  confie,  lui  out  mis  au  cceur  des  germes  de 
haine  et  d'ainertume.  Les  railleries,  les  predictions  de  cet  ave- 
nir  obscur  et  nul,  dont  la  pensee  le  poursuit,  ne  lui  ont  point 
cte  epargnees.  Son  frere  tombe  tnahule  ,  et  il  espere  sa  moil  ; 
mais  quand  le  danger  augmente  ,  quand  il  voit  sa  maigreur, 
ses  joues  pales,  lorsqu'il  l'enlend  lui  adresser  des  paroles  de 
tendresse  et  d'adieu,  son  cceur  se  fond  au  dedans  de  lui  ;  et 
cache  dans  un  coin,  il  prie  ardemment  le  ciel  de  lui  rendre  le 
eompagnon  de  ses  jeux,  l'enl'ant  inoffensif  qui  n'a  jamais 
abuse  de  la  parlialile  de  ses  parens,  de  son  precepteur,  pour 
lui  causer  un  moment  de  peine  on  d'bumilialiou.  (dependant, 
ce  meme  hommc,  tente  plus  tard,  ne  rcsiste  pas  :  il  confie  son 
neven  Julien  a  un  agent  lidele  ,  qui  1'eleve  en  secret.  Tuute 
Tediicalioii  de  renf'aiit  ,  le  developpemeut  de  son  caractere  , 
desesfacultes,  sont  suivis  pas  a  pas,  ainsi  que  Patlachcmentqui 
se  forme  danslecccur  de  Cloudesley,  qui,  de  compiice  de  lord 
Dan  vers,  devient  l'ami  le  plus  veritable  et  le  plus  devoue  dii 
jeune  homme.  Les  incidens  de  la  fin  sont  romanesques,  con- 
fus,  et  ne  meritent  pas  qu'on  s'y  arrete.  L'mlcrcl  et  In  curio- 
site  ne  sont  pas  non  plus  aus-d  soutcnus  dans  ce  livrc  (pie 
dans  Caleb  \V illiams.  II  aurait  plutot  du  rapport  avec  Mav.dc- 
ville,  roman  du  meme  auteur,  ou  il  a  disseque  la  haine  avec 
une  penible  perseverance.  Les  qualitcs  ct  les  del'auts  des  tlvnx 
ouvrages  rout  les  meines  :  profondeur  d'analvsc  el  puissance 


i^o  LITRES  ETMA1NGEKS. 

dYxprossion  :  hardiesse  do  thoorie,  et  habilole  a  dciouler  les 
plus  secrets  replis  de  la  conscience  humaine;  ma  is,  aussi,  fa- 
tigue et  soulfrance  d'une  elude  poussee  trop  loin. 

On  pent  encore  reprochcr  a  M.  Godwin  d'aVoir  vonln  t'aiie 
trois  volumes,  lorsque  denx  eussent  sulli  ;  il  en  est  resulte  des 
longueurs  et  d'cterncls  recits  loui-a-fait  en  debaw  de  I'aciion. 

L.  Sav.-Belloc 

Oar  rages  p6rwdiqu.es, 

to.  —  *  The  Oriental  quarterly  Review.  —  Revue  trimes- 
Irielle  Orientate.  Premier  cahier  :  Janvier,  i85o.  Londres; 
Hurst,  Chame.  In-8''  de  2S4  pages;  prix,  6  shcllings. 

Le  but  de  cetle  nouvelle  publication  est  de  traitor  de  tons 
les  intcrcts  qui  se  debattent  en  Orient,  d'eclaircir  lea  ques- 
tions relatives  a  ces  contrees  par  tous  le-;  documens  cxistans, 
tant  anciens  que  nonvcaiix,  enlin,  e'e  s'occuper  speeiale- 
inent  des  mceurs  et  de  la  lilterature  des  peoples  d'Asie.  Co 
premier  cahier  s'onvre  par  un  historiquc  curienx  de  l'origine, 
de  la  marche,  des  progrcs,  des  intrigues  et  de  l'iuiluence  de 
la  celcbre  compagnie  des  lodes,  dont  la  dissolution  possible 
cveille  tant  d'esperances  d'une  part,  el  tant  d'ell'roi  de  I'autre 
dans  les  partisans  de  la  liberie  du  commerce,  et  dans  les  hom- 
mes  interesses  a  dclcndre  le  monopole.  Puis,  vienl  un  article 
sur  la  situation  de  l'avcnir  probable  de  I'eglise  grccquc  ou 
oriental©;  one  Revue  d'un  ouvrage  do  Iknvditch,  publie  en 
1824,  sur  lesdecouvcrtes  des  Portugais  dans  l'inlerieur  d'An- 
gola  et  de  Mozambique;  une  analyse  de  voyages  rocens  dans 
rOrient;  el  de  ceux  de  Burckardi  dansl'Arabie :  unmemnire 
interessant  sur  I'etat  actuel  do  ['infanticide  dans  I'lnde ;  des 
rochorches  surlesantiquites  russcs,  particulierement  surcelles 
d'origine  asiatique,  etc. 

A  mesure  que  la  suite  de  ce  recueil  permettra  d'en  mieux 
j  tiger  l'espril  et  le  caractere,  nous  le  ferons  connaitre  soit 
par  des  cxtraits,  soit  par  des  analyses.  On  assure  (pie  M.  Buc- 
kingham en  est  l'editeur,  et  e'est  une  garanlie  de  la  maniere 
habile  et  conscietuieusc  dont  il  sera  conduit. 

L.  Sw.-Bei.i.oc. 

•  1.  ■ —  *  The  Foreign  literary  Gazette*  etr.  —  Gazette  do  la 
lilterature  etrangere,  et  resume  hebdomadaire  de  la  litleralure, 
des  sciences  et  desarts  ilu  continent.  Londres,  1800.  In-4"  a 
irois  coloanes. 

Cetle  leuille,  foudee  parlesprinoipa'tx  i'ibr  aires  de  laGrandc- 
I'u  clagiie.  et  redigee  par  une  elite  d'ecrivains  anglais  ct  el  ran- 
gerSj  esl  destince  li  multiplier  au-  Ichors  les  rapports  litlvraires 


GRANDE-BRETAGNE.  —  RUSSIE.  141 

et  scientifiquesde  l'Angleterre.  Prendre  la  fleur  de  cliaque  su- 
jet,  parler  de  science  de  maniere  a  etre  compris  des  moins 
instructs,  etre  frivolc  sans  deplaire  anx  esprits  graves  et  soli- 
des,  viser,  comme  condition  premiere,  a  la  variete,  tel  est  le 
but  anquel  paraissent  tendre  les  ellbrts  des  redacteurs.  Cbaquc 
numero,  parfaitement  imprime  sur  beau  papier,  pourrait,  ainsi 
que  la  Gazette  Litteraire  de  Paris,  former  11  n  petit  volume, 
s'il  etait  reduit  aux  proportions  ordinaires.  Voici  les  princi- 
paux  articles  qui  out  paru  en  Janvier  :  voyage  de  Caillie  a  Tini- 
buctoo;  l'Histoire  de  1'Empire  ottoman,  par  le  baron  J.  de 
Hammer;  la  Cour  el  la  Ville  sous  les  regnes  de  Louis  XIV, 
de  Louis  XV  et  de  Louis  XVI,  parF.  Barriere;  l'Enfant  a  deux 
tetes;  Voyage  du  baron  de  Humboldt  en  Siberie  ;  Le  bandit 
Gasparoni;  Conies  inedits  ;  les  iMille  etunc  Nuits,  traduits  par 
iM.  Trcbutien  ;  les  Memoires  inedits  du  baron  de  Grimm  ;  les 
Contes  Fantastiquesd'Hofl'mann;  la  Flore  de  Java,  par  iM.  Blu- 
mi'  ;  I'lnfluencede  l'Autricbc  sur  l'Allemagne  et  l'Europe,  par 
J.  F.  Schneller;  Portrait  des  habitans  du  royaume  des  Pays- 
Bas,  etc.  Ajoutez  a  cela  des  vers  francais  avec  la  traduction 
anglaisc,  et  quantite  d'annonccs,  d'anecdotes  et  bulletins  dt^ 
Societes  savantes.  La  France  tient  jusqu'ici,  dans  ce  pano- 
rama, la  place  la  plus  considerable.  De  Reiffesberg. 

RUSSIE. 

12. —  >  Hisioire  de  Russie,  par  Karamzine.  T.  xii.  Saint- 
Petersbourg,  1829;  impr.  de  N.  Gretcb.  In-8"  de  33o  pag.  de 
texte  et  245  pag.  de  notes. 

Ce  volume,  ouvrage  poslhume  de  1'illuslre  bistorien,  a  etc 
public  par  les  soins  de  i\I.  Dm.  Blocdof,  sur  un  manuscrit 
que  son  auteur  et;iit  sur  le  point  de  livrer  a  1'impression.  Ka- 
ramzine  I'avait  sounds  a  rempereur  Alexandre,  et  il  a  etc 
trouve  apres  le  deces  de  ce  monarque  a  Taganrog  :  <i  Ce  fut, 
dit  l'editeur,  la  derniere  lecture  de  rempereur.  »  Le  manu- 
scrit fut  rendu  au  celebre  liistorien  a  nne  epoque  on  les  ra- 
vages d'une  maladie  mortelle  le  conduisaient  lui-menie  au 
lombeau  ;  mais  les  souffrances  n'altcrerent  en  rien  le  beau 
genie  de  Karamzine ,  qui,  jusqu'a  son  dernier  moment,  n'a 
cesse  de  s'occuper  de  cet  important  travail;  et  nous  savons 
de  bonne  source  que,  bien  que  ce  volume  ait  paru  plus  d'un 
an  apres  la  mort  de  I'auteur,  les  editeurs  n'y  ont  apporle  au- 
cun  changemeut. 

Le  i  ?,e  volume  de  VHistoire  de  Russie  contient  une  periode 
qui  s'etend  depuis  I'annee  1O06  jusqu'a  I'nnnee  1611,  epoque 


>/iu  litres  i:tiian(;f,iis. 

.1  laqucllc  la  Russie  Out  en  proic  a  Indies  les  horreurs  dc.s  gucrrcs 
civil.'  et  eliangcre,  ravagce,  d'uii  cole,  par  les  I'olonais,  d'un 
autre,  par  le  general  suedoisdc  Lagardie.  el  troifhlee  inicrieu- 
rcment  par  I'apparition  successive  de  plusieurs  fairs  Dmitri, 
cpoque  oi'i  regno  rinl'urhmc  bsar  BasileChouiski,  dont  la  niort 
plongea  la  Kussie  dans  unc  anarchie  ct  dans  des  mallicuis  san- 
nouibic.  Da  milieu  de  ccs  troubles  s'eleverent,  enfm  ,  deux 
honinies  a  jamais  eelebres,  Minine  et  Pojarsky,  dont  le  cou- 
rage el  le  de\ "oument  vinrent  sauver  la  patrie  et  1'arraclicr  au 
joug  de  i'clranger. 

11  est  a  rcgrctter  que  Karamzine  ait  etc.  enleve  aux  lettres 
et  a  la  Russie  avant  d'avoir  acheve  eelte  belle  et  grande  ('im- 
position histoiiquc,  on  qu'il  ne  l'ait  pas  eonduite,  an  nioins, 
jusqu'u  l'epoque  de  l'avenement  au  trone  de  la  famille  Roma- 
nof  (  i6i5),  qui  regne  encore  anjourd'hui.  Lne  autre  plume 
pourra  bien  tenter  de  le  faire :  cela  meme  est  u  desirtr,  et  il  i'audra 
eneourager  par  totis  les  moyens  celui  qui  se  scntira  la  force 
d'entreprendre  cette  tache  difficile;  mais  ce  ne  sera  plus  la 
plume  de  Karamzine. 

i5.  • — Podrajaniia  Koranou,  etc.  — Imitations  du  Coran, 
par  A.  Rottchef.  Moscou,  1828;  impr.  d'Auguste  Semen. 
In- 16  de  29  pag. 

14.  — T.sevnitsa,  etc.  — La  Flute  ;  poesies  de  A.  Redkine. 
Moscou,  1828;  impr.  de  S.  Selivanofsky.  In-iG  de  40  pag. 

i5.  —  K'Eraston  ,  etc.  —  A  Erastc ;  satire  contre  les 
joucurs,  par  J.  Velikopolski,  avec  cette  epigraphe  d'Horace  : 

Ut  jugulent  homines  surgunt  de  nocte  lationes, 
tit  tc  ipsum  .serves  nbn  expergisceris. 

Moscou,  1828;  impr.  d'Auguste  Semen.  In~4°  de  24  pages, 
avec  une  gravure  representanl  le  portrait  d'un  joueur,  et  im 
frontispice,  011  titrc,  grave. 

Les  douze  pieces  qui  conq>osent  le  premier  des  trois  recueils 
dont  nous  venous  de  transcrirc  les  litres  sont  le  debut  d'un 
jeiineauteur,  qui  n'a  pas  crainl  d'entrerdanslalice  on  Alexandre 
Pouscbkine  s'est  deja  distingue  (1) ,  et  qui  se  l'ait  lire  encore 
avec  interet  apres  ce  maitre  de  la  lyre.  II  possede  bieu  sa 
langue  et  tOUS  les  secrets  dc  la  versification  russe,  et  sait  ine- 
langer  avec  art  les  couleursque  demands  lesujet  de  ses  chants. 
Ses  premiers  pas  onl  ete  si  heureiix  (pie,  de  toutes  parts,  les 
critiques  russes  lui  ont  erie  d'abandonner  les  imitations  pour 

(1)  Le  recueil  de  poesies  d'A.  Pouschkine  ,  arfrtbnce  dans  la  Iter.  Enc. 
(t.  xxxi,  p.  /io(>,  et  t.  xxxiv,  p.   \'\c\)  contienl  neuf  imilalions  du  Coian. 


RUSSIK.  M3 

se  livrer  tout  ontier  a  sa  verve,  et  deter  ton  pays  de  creations 
originates.  Le  conseil  est  bort  sans  doute,  mais  vent  etre  suivi 
avee  prudence  ;  sans  doute,  il  fan*  consulter  son  proprc  genie, 
obeir  a  ses  inspirations  et  etre  soi  enfin,  si  Ton  veut  vivre  dans 
la  posterite ;  mais  on  ne  deroge  point  et  l'on  n'enchaine  point 
sonindependanceei  sonavenirlittcrairespours'essayer,  comme 
ohjet  d'etude,  a  imiter  ce  que  les  siecles  ont  consacre  comme 
modele.  Or,  le  Goran  «  passe  encore  aujourd'hui  pour  le  livre 
le  plus  elegant  et  le  plus  sublime  qui  ait  ete  ecrit  en  arabe, » 
malgre  l'opinion  de  Voltaire,  qui  dit,  dans  son  Diclionnaire 
pliilosopldqae ,  que  «  e'est  line  rapsodie  sans  liaison,  sans  or- 
dre  et  sans  art,  »  et  les  imitations  d'Alexandre  Pouscbkine  et 
de  M.  Rottchef  nous  paraissent  faites  pour  achever  de  donner 
gain  de  cause  an  premier  de  ces  deux  jugemens. 

Le  second  des  recueils  aunonces  en  tete  de  cet  article  ne 
contient  gucre  egalement  f|ue  des  imitations.  Thomas  Moore. 
Lamartine,  Parny,  Byron,  Hafiz  et  quelques  autres  poetcs  per- 
sans  et  arabes  ont  etc  mis  a  contribution  par  M.  Redkine,  qui 
a  bien  aussi  fait  a  ses  compatriotes  quelques  emprunts  dont  il 
ne  parle  point,  entre  autres,  ce  nous  semble,  au  gracieux  Ba- 
tiouscbkof,  leqnel  a  trace  pour  les  Russes  les  regies  de  la 
poesie  legere,  et  a  laisse  lui-meme  en  ce  genre  des  modeles 
parfaits.  Le  morceau  qui  nous  a  semble,  du  reste,  meriter  la 
prel'erence  dans  ce  petit  recueil,  on  Ton  aime  a  suivre  les  pre- 
mieres impressions  d'un  jeune  poete  ,  rendues  en  vers  legers 
et  agreables,  est  une  imitation  de  la  piece  de  ML.  de  Lamar- 
tine, intitulce  :  le  Papl/lon  (  Nouvetles  Meditations;  in-8°, 
1825,  p.  36).  Dans  les  vers  adresses  a  Marie,  que  rauteur 
pivscnte  comme  originaux,  on  du  moins  dont  il  ne  rapporte 
la  premiere  idee  a  personne ,  nous  avons  trouve  des  lieux 
communs  d'assez  mauvais  gout,  et  dont  nous  l'invitons  a  se 
preserver  :  ce  sont  les  conseils  qu'il  lui  donne  pour  l'engager 
a  profiter  de  ses  jcunes  annees  et  a  tes  consacrer  «aux  vives 
jonissances  de  I'amour.  »  Ces  conseils  interesses  ont  passe  de 
mode  avec  les  progres  de  la  poesie,  on  plutot  de  la  morale,  et 
les  femmes  seulement  y  ont  perdu  quelques  fadeurs,  on  quel- 
ques impertinences,  qui  ne  devaient  pas  laisser  que  de  lesem- 
barrasser  quelquefois. 

Quant  au  sujet  traite  par  M.  Velikopolsky,  on  pent  dire 
qu'il  est  entierement  dans  les  mceors  russes,  dont  la  passion 
pourle  jeu  est  un  des  caracteres  les  plus  distinctifs,  que  nous 
avons  reprocbe  a  1'auteur  de  VEnnite  en  Russie  d'avoir  omis 
dans  se?  tableaux  (  Rer.  Erie,  t.  xlii,  aoftt  1829,  p.  47°  )• 


!.',»  MVRKS  BTft AUGERS. 

Plusieurs  critique  pusses',  en  pariaot  de  cctte  production 
(  ewtre  autres,  V  Atlunce,  fevrier  1828,  p.  90,  et  le  Courtlier  de 
Moscou*  n"  /(  de  la  meme  annee,  p.  4/^1  •>  01U  M&mfe  le  choix 
d«  ce  sujct.  en  disant  que  la  satire  ne  doit  lancer  ses  trails  que 
eontre  lcs  erreurs  .  lies  laiblesses  ct  les  ridicules  <lc  hi  societe, 
et  non  eontre  les  vices,  qui  sorit  justiciable  des  Lois  plutot 
que  de  la  poesic.  On  peilt  opposcr  a  ce  jugcmcnl  lYxomple  de 
Juvenal,  chez  les  Remains,  dont  La  verve  et  l'indignalion 
eontre  les  mceurs  de  son  terns  out  rendu  sans  doulc  plus  de 
sen  ices  reels  a  la  morale  que  Imileau  n'en  a  rendu  die/,  nous 
cnaltaquantde  pauvres  auteurs,  qui  n'avaienl  pas  rccu  (Jit  c'ui 
f influence  accrete.  Le  vice  que  combat  ML;  Yelikopolsky  avec 
taut  de  courage  n'est  pas  plus  justiciable  des  Iribunaux  en 
llussie  qu'ailleurs.  II  n'y  existe  point,  il  est  vrai,  d'ecoles  pu- 
bliques,  de  repaires  ouverts,  coninie  chez  nous,  a  tous  les  ci- 
loyens,  sous  la  sauvegarde  et  sous  la  protection  des  lois  ct  du 
gouverncment ;  une  disposition  du  code  russe  defend  meme 
le  jeu  dans  les  maisons  des  parlieuliers  on  tout  inspecteur, 
dit-on  ,  est  libre  d'entrer  el  de  saisir  les  carles  et  l'argcnt  des 
jmieurs  qu'il  surprendrait  en  flagrant  debt.  Mais  il  n'y  a 
guere  d'exemple  que  cette  ordonnance  de  police  soit  execu- 
tee  par  des  agens  qui  sortt  places  assez  has  dans  l'opinion  ct 
assez  pen  respectes  en  Russie  pour  courir  le  risque  d'etre  jetes 
par  les  fenetres  s'ils  osaient  se  presenter  dansles  cercles  de  la 
noblesse,  et  meme  de  la  haute  bourgeoisie,  pour  exercer  leur 
mandat. 

C'est  done  une  action  aussi  utile  que  courageuse,  une  action 
honorable  enfin,  que  la  publication  de  l'epitre  on  de  la  satire 
de  1U.  Yelikopolsky.  Nous  voudrions  pouvoir  dire  aussi  que 
c'est  une  bonne  ceuvre  poetique ;  mais  1'exeeulion,  sous  ce 
rapport,  n'a  guere  repondu  a  I'intention  ,  et  l'auteur  est  bien 
loin  du  satirique  Milonof,  mort  si  jeune  encore,  que  la  Russie 
regretlera  long-terns,  et  auquel.  du  reste,  M.  Yelikopolsky 
rend  un  digne  et  juste  hommage  a  la  p.  1 1  de  son  poeme.  II 
a  cependant  rencontre  quelquefois  des  mouvemens  hcureux  ; 
qnelquefois  on  pent  dire  aussi  de  lui,  comme  de  Martial  :  fecit 
indignatio  rersum;  l'indignalion  ou  le  coeur  le  rend  quelquefois 
poete,  entre  autrcs,  dans  le  tableau  qu'il  fait  (p.  10)  de  l'ordre 
et  du  travail  oppose  a  celui  du  jeu,  ct  dans  ces  vers  on  il  s'e- 
crie,  en  parlant  d'un  vieillard  bonteusement  livre  a  la  passion 
du  jeu  (p.  12) : 

Qu'il  est  tiiste  de  voir  le  vice  en  chevenx  blancs 
Demander  le  respect  pnur  sea  deporlemens  ! 


RUSSIE.  —  ALLKMAGNE.  145 

Nous  joignons  noire  voix  a  celle  du  Tclcgraplie  de  Moscou 
(  n"  4  de  1828,  p.  558  )  pour  IVliciter  l'aiiteur  de  sa  bonne  ac- 
tion, pins  rare  encore  que  les  beaux  vers  ;  et  nous  souhaitons, 
plus  que  nous  n'osons  l'esperer,  a  la  verite,  que  la  lecture  de 
sou  poeme  opere  quelque conversion parmi  les  joueurs  et  quel- 
que  amelioration  dans  les  moeurs  d'une  nation  que  tant  de 
peoples  sont  interesses  a  voir  grandir  en  civilisation  a  mesure 
qu'elle  augmente  en  etendue  et  en  puissance. 

Edme  Hereatj. 

16.  — Rim."  pastor  alt.  — Poesies  pastorales  d'Agliaja  Anas- 
silide.  Moscou,  1825 ;  impr.  de  Semen. 

Les  petites  pieces,  rime ,  qui  component  ce  rccueil,  sont 
ecrites  avec  esprit  et  grace,  niais  on  y  trouve  quelques  expres- 
sions communes  ;  le  style  est  neglige  en  quelques  endroits,  et, 
pour  tout  dire  en  un  mot,  elles  nous  paraissent  l'ouvrage  d'un 
ecrivain  peu  exerce.  L'auteur,  qui  prend  le  110m  pastoral 
d'Agliaja  Anassilide,  est  peut-etre  une  dame  russe,  et,  a  cc 
titre,  elle  aurait  droit  abeaucoup  d'indulgence.  Au  reste,  nous 
basardons  cette  conjecture  sans  fondement,  car  rien  ne  nous 
Tindique  dans  cet  opuscule,  qui  est  ecrit  d'un  bout  a  Tautre 
en  fort  bon  italien.  Qnoi  qu'il  en  soit,  si  ce  petit  volume  est 
d'une etrangere,  e'est  un  heuieuxessaidansla  langue  duTasse, 
et  nous  en  f'eliciterions  d'autant  plus  l'auteur;  s'il  est  d'une 
Italienne,  faisant  actuellement  sa  residence  en  Russie,  nous 
l'engagerions  a  se  souvenir  delte  aure  Toscane,  et  a  exprimer 
avec  plus  de  force  et  moins  de  negligence  les  sentiniens  de- 
licats  et  tendres  qui  animent  la  plupart  de  ses  jolies  Canzoni. 
Sa  main  parait  pen  sCire,  et  sa  touche  n'est  pas  assez  ferme. 
Elle  rappelle  un  peu  trop  Savioli,  qu'elle  parait  avoir  parti - 
culierenient  eludie.  A  tout  prendre,  e'est  un  agreable  recueil, 
oO  brillent  surlout  ces  pensees  ingenicuses  et  delicates,  et  ces 
mots  du  coeur  qui  sont  si  naturellement  le  partage  des  femmes. 

R. 

ALLEMAGNE. 

17.  - — *  Berliner  astronomisches  'ahrbuch  fur  i85o,  etc.  — 
Annuaire  astronomique  de  Berlin  pour  i83o;  publie,  avec 
l'approbation  de  YAcademie  royale  des  sciences,  par  M.  J.  F. 
Encke,  astronome  royal,  secretaire  de  1'Academie  des  sciences 
pour  la  classe  mathematique.  Berlin,  i83o.  Grand  in-8"  de 
5o8  pages,  avec  une  planche. 

Pendant  cinquante-quatre  ans,  le  celebre  Bode  a  publie, 
d'npres  ses  propres  calculs,  un  Almanaeh  astronomique,  qui, 

T.   XLVJ.   AVRIL    l85o.  JO 


i4<3  L1VRES  ETKANGERS. 

durant  cclle  longue  aerie  d'annces,  a  etc  le  senl  ouvragc  dc 
ce  genre  que  possedat  r\llemagnc.  Mais,  vers  les  dernieres 
annees .  la  redaction  n'en  etait  plus  aussi  soignee,  ni  aussi 
exacte ;  el,  d'ailleurs,  les  immcnses  progrcs  de  l'astronomie 
semblaienl  cxiger  des  ameliorations  dans  les  mclhodes  de 
calcul  qui,  qnarante  ans  anparavant,  avaient  pu  paraitre  suffi- 
santes.  C'estd'aprescette  dernicre  consideration  (pic  >1.  Schu- 
macher calculuses  tables  astiononiiques  auxiliaires,  dont  il  con- 
tinua  la  publication  pendant  plusicurs  annees,  jusqu'a  la  mort 
de  Bode.  —  Aujourd'liui ,  M.  Encke ,  successeur  de  Bode  a 
I'Observatoire  de  Berlin,  depuis  1826,  s'est  accorde  avec 
il.  Schumacher,  pour  completer  et  perfectionner  son  An- 
niiairc  d'apres  le  plan  des  tables  auxiliaires  qui  cessent  de 
paraitre.  M.  Encke  est  connu  de  tons  les  astronomes  par  la 
decouverte  qu'il  lit,  en  1819,  de  l'identite  des  cometes  de 
1819,  i8o5  et  179&;  et  plus  encore  par  ses  recherches  pro- 
Ibndcs  et  extremenient  elendues  sur  leurs  orbites,  dont  le 
resultat  general  a  etc  l'liypotlicse  d'uu  milieu  resistant  dans 
l'espace  du  ciel;  resultat  qui,  paries  predictions  du  rctour  de 
la  comele  en  i8a5  et  1828,  s'est  confirme  d'une  maniere  si 
cclalante.  On  a  lieu  d'attendre  d'un  savant  aussi  distingue 
quelque  chose  d'excellent,  et  a  la  verite  cet  Almanach  est  a 
present  peut-etre  le  plus  complet  et  le  plus  exact  de  tons  ceux 
qui  existent.  Les  caiculs ,  tant  pour  le  soleil  et  la  bine  que  pour 
lesplanetes,  y  sont  etendusnon-seulement  jusqu'auxsecondes, 
mais  encore  mix  dixiemes  de  seconde  ;  au  lieu  (pie  Bode  n'a- 
vait  don oe  pour  les  planetes  que  les  minutes.  Le  terns  vrai  et 
le  terns  moyen,  dans  la  table  du  soleil,  et  leslieuxapparens  des 
etoiles  fixes  sont  meme  donnes  en  centiemes  de  seconde. 
«  Tons  les  lieux,  dit  ftl.  Encke,  sont  deduits  immediatement 
des  tables,  sans  negliger  aucune  correction  quelconque,  et  ils 
sont  inditjues  tels  que  les  tables  les  donnaicnt.  En  des  prin- 
cipaux  objets  de  ces  epbemeiides  sera  atteint,  si  elles  peuvent 
ipargner  aux  astronomes  les  cakuls  immediats  des  tables,  qui 
leur  content  tant  de  terns.  »  Le  contenu  des  epbemerides  est 
classe  de  la  maniere  suivanle  :  1".  Le  soleil  et  la  lane,  demois 
en  inois  ;  le  soleil  [  2  pages) ;  une  determination  pour  chaque 
jour;  la  lune  (4  pages);  deux  determinations  par  jour,  a  0  h. 
et  a  1  2  h.  —  2".  Les  planetes;  chaque  planete,  pour  elle-meme; 
les  (janciennes,  d'une  meme  maniere,  sa voir  :  leurs  lieux helio- 
centriques  et  geocentriques  ,  pour  Mercure  et  Venus,  de  2  en 
2  jours,  et  pour  le  midi ;  pour  les  autres,  de  4  en  4  jours,  et 
pour  le  minuit.  Pour  les  4  nouvelles  planetes  ou  asterokles, 
les  lieux  geocenlriques  sont  donnes  seulement  de  4  en  4  joins ; 


ALLEMAGNE.  i47 

niais  il  y  est  ajoute  unc  ephemeride  de  leur  cours  apparent, 
durant  un  mois  de  1'opposltion,  de  jour  en  jour,  avec  les  loga- 
ri-thmes  de  leur  distance  du  soleil.  —  Viennent  encore  les 
cphemerides  pour  les  snlellUes  de  Jupiter  en  17  pages,  avec 
leurs  tables  auxiliaires  ;  —  lout  cela  remplace  les  representa- 
tions figuralives,  qu'on  donnait  joisqu'ici,  etqui,  agreables 
peut-etre  pour  les  amateurs,  n'etaient  d'aucun  usage  pour  les 
calculs.  \ient  enfin  une  table  de  la  position  et  de-la  grandeur 
apparente  de  1'anneau  de  Saturne  en  une  page.  —  3".  Lieux 
appurens (les  etoiles  princi pules.  Ce  sorrt  les  45  etoiles  de  M.  Besset, 
dont  l'ascension  droite  et  la  declinaison  sont  donnees  de  dix  en 
dix  jours,  c online  nous  l'avons  deja  dit,  jusqu'aux  centiemes 
de  seconde. — l\°.  Plu'nomcnes  et  observations  en  36  pages, 
savoir  :  eclipses  du  soleil  et  de  la  lune  ;  constellations  des  pla- 
netes;  etoiles  dans  le  parallele  de  la  lune  et  occultations  d'e- 
toiles  par  la  lune  (plus  de  120),  parmi  lesquelles  une  seule 
d'une  planete,  savoir  de  Venus,  le  14  octobre.  Les  lieux  de 
I'inimersion  et  de  l'emersion  sont  donnes  en  degres  de  la  peri- 
pherie  de  la  lune,  de  sorte  que  le  point  le  plus  boreal  de  la 
lune  forme  le  zero,  et  que  de-la  on  compte  par  Test,  le  sud, 
l'ouest  et  jusqu'au  re  tour  an  nord.  Suivent  les  tables  auxi- 
liaires pour  calculer  le  plus  exactement  ces  occultations.  — - 
Outre  ces  parties  essentielles  de  l'Annuairc,  il  y  a  encore  un 
Supplement  compose  de  cinq  divers  traites  astronomiques. 
Bode  avait  coulume  de  donner,  comme  supplement,  une 
ample  recolte  de  nouvelles  astronomiques,  fruits  de  sa  vaste 
correspondance  011  de  ses  lectures.  M.  Encke  s'est  aceorde 
avec  M.  Schumacher  pour  lui  laisser  ces  nouvelles  d'ailleurs 
si  interessantes,  afin  qu'il  les  fit  inscrer  dans  ses  Bulletins 
astronomiques,  dont  le  cadre  lui  permet  d'en  donner  un  plus 
grand  n ombre,  de  meme  que  le  mode  de  ses  publications  lui 
offre  Favantage  d'une  distribution  rapide.  Nous  termine- 
rons  en  disant  que  1'execution  typographique  de  cet  An- 
nuaire  a  etc  faite  avec  un  grand  soin.  H.  D*. 

18  —  *  Idcen  iiber  die  Politik,  den  Verkehr  und  den  Handel 
der  vornehmsten  V biker  der  alien  Welt,  etc. — Idees  sur  la  po- 
litique et  le  commerce  des  peuples  les  plus  cclebres  de  l'anti- 
qaite;  par  le  conseiller  de  cour,  chevalier  Heeren.  Goettin- 
gue,  1828-1829;  Vandenhock  et  Kuprecht. 

Ceux  des  ouvrages  de  Heeren  qui  out  jusqu'ici  ete  traduits 
en  francais  appartiennenl  certaipement  a  la  classe  la  plus  utile 
des  travaux  historiques;  mais  les  recherches  de  ce  savant,  qui 
ont  excite  en  Allemagne  l'interet  le  plus  vif,  sont  precisement 
celles  qui  sont  le  moins  connues  de  la  France.  On  avait  cepen- 


i48  LIVUES  ETRANGERS 

(hint  traduil  les  Irft'es  .stir  la  politique,  etc. ,  il  y  a  plus  de  vingt 
ans  deja ,  ma  13  sur  une  edition  qui  n'elait  encore  (|ue  le  pre- 
mier essai  des  forces  de  cet  esprit  penetrant  et  aclif,  landis 
que  I'edition  nonvelle,  que  nous  annoncons,  est  I'ouvrage  le 
plus  rcmarquahle  de  rhomnie  qui  occifpe  peut-elre  dc  noire 
tems  la  premiere  place  parmi  les  invesligateurs  de  l'his- 
loire  (i ). 

Ileeren  n'est  point  de  cos  philosophes  qui  ne  considcreni 
les  laits  que  pour  en  demontrer  la  necrssite ;  il  n'est  point  de 
ees  celecliques  qui  ehoisissent,  parmi  les  laits,  ceux-la  seuls 
qui  peuvenl  amnser  le  leeteur;  et  loin  de  lui  etait  aussi  I'iu- 
tention  de  faire  de  l'histoire  une  science  auxiliaire  de  la  poli- 
tique :  et  cependant  ses  on v rages  out  une  utilite  reelle  pour 
les  publicisles  et  les  homines  d'Etat;  ils  offrent  une  lecture 
plus  atlrayante  que  celle  de  la  plupart  des  ecrits  historiques 
composes  par  ses  savans  eompatriotes ;  et  enfin  on  reconnail 
dans  les  fails  ,  tels  qu'ils  sont  presenles  par  lui,  une  sorte  de 
necessite  on  tin  mains  d'ordre  naturel.  On  pent  aiusi  expliquer 
ces  resultats.  Heeren,  comme  on  dirait  dans  sa  patrie ,  ecrit 
l'histoire  pragmaliqucmcnt  :  c/est  dire  qu'il  recherche  les  causes 
qui  onl  produit  tels  effets,  tclles  consequences;  il  cherche  a 
remplir  les  lacunes  que  I'ohservateur  superficiel  apercoit  dans 
l'histoire  dn  monde,  non  par  des  phrases  ingenieuses  et  spiri- 
tuelles,  mais  par  des  investigations  scru  pule  uses;  mais,  la  on 
Ton  voit  avec  chute  la  suite  necessaire  ties  causes  et  de  leurs 
effets,  l'ordrc  des  laits  parait  naturel;  leur  recit  et  leur  repre- 
sentation dcvienncntveritables,  et  l'histoire  racontee  avec  verite 
n'est-elle  pas  la  source  tie  la  saiue  et  bonne  politique  ?  C'est 
le  hut  on  Heeren  est  parvenu  a  force  d'eludes  et  de  talent. 

Heeren,  le  veteran  ties  etudes  historiques  en  Allemagne,  et, 
depuis  une  longuc  suite  d'annees,  Pun  ties  professeurs  dont  les 
leeons  soul  le  plus  suivies  et  le  plus  aimees  a  I'Universite 
de  Goeltingue,  a  loujours  considere  l'histoire  sous  le  point  de 
vue  suivant  :  il  s'est  attache  adiscerner  les  idees  qui  out  guide, 
non  pas  les  princes  settlement,  mais  les  nations  entieres  et  les 
Etats  dans  tous  leurs  actes,  et  qui  les  ont  laits  tels  qu'ils  nous 
apparaissent  dans  l'histoire.  \  cette  vue  elevee  des  choses  il  a 
joint  une  etude  approfondie  des  notions  geographiques  :  Bur- 
ckardt,  l'un  des  plus  grands  \oyageurs  des  tems  modernes, 


(i)  On  publie  dans  ce  moment  une  nouvelle  traduction  de  l'ouvrage 
deHeeieu  (voy.  ci-apres,  an  Bulletin  bibliographique  de  France,  la  sec- 
tion des  Scirmcs  morales  et  politique*)  qui  nous  lournira  l'occasion  d'en 
parlci  avec  quelqnrs  developpemens  et  quelques  critiques. 


AtLEMAGNE.  1 4«) 

elait  son  eleve.  L'accord  do  toutes  ces  etudes,  l'histoire,  la 
geographie  et  enfin  les  sciences  politiqucs,  a  produit  l'ouvrage 
que  nous  annoncons. 

Deux  volumes  sont  consacres  a  VAfrique  :  il  n'a  certai- 
uement  paru  en  Europe,  depuis  quarante  ans,  aucun  ecrit  de 
quclque  imporlancc  sur  l'Afrique  et  ses  diverses  parties,  stir 
leur  histoire,  leurs  antiquites,  etc.,  que  Heeren  n'ait  consulte 
et  utilise.  Un  coinpilateur  ordinaire,  a  I'aide  des  tresors  que. 
possede  sur  ce  snjet  la  Bibliotheque  de  Goettingue,  aurail  pu 
entasser  volumes  sur  volumes  :  mais  Heeren  possede  I  art 
d'extraire  de  tons  les  faits  connus,  quelque  nombreux,  quel- 
que  contradictoires  qu'ils  puissent  etre,  un  petit  cercle  d'idees 
simples  et  nettes.  Les  idces,  simplifiees  de  cette  sorte ,  sont 
celles  qui  deviennent  principalement  utiles  pour  la  science  : 
chacun  les  comprencl,  et  les  plus  savans  s'etonnent  de  la  saga- 
cite  qui  les  a  precisees.  Aussi ,  de  meme  que  1'auteur  a  puise  a 
toutes  les  sources,  son  livre  deviendra ,  a  son  tour,  une  source 
ou  tons  devront  puiser. 

Carthage,  l'Ethiopie,  etc.  ,  l'Egypte  surtout,  n'onl  jamais 
ete  representees  dans  un  meme  ensemble  avec  autant  de  pro- 
fondeur  ct  d'agrement  a  la  fois  que  dans  cet  ouvrage.  Les 
castes  anciennes  et  les  causes  de  leur  existence,  la  politique 
egyptienne  et  les  causes  qui  ont  amenc  la  chute  de  sa  domina- 
tion, les  arts  de  ce  pays,  qui,  le  cedant  en  grace  et  en  elegance 
a  ceux  de  la  Grace,  les  surpassercnt,  sous  certains  rapports,  en- 
grandeur  et  en  majeste,  et,  du  resle,  plus  anciens  que  ceux-ci, 
sont  retraces  avec  autant  de  penetration  etde  soins  que  les  rap- 
ports geographiques  et  les  relations  commerciales  de  cette 
contree  dans  les  terns  antiques  ct  modernes.  Les  ecrits  de  Gau, 
de  Champollion,  de  Cailliaud,  sont  surtout  cites  avec  eloge. 
Les  voyages  d'Uannon  et  les  voyages  plus  modernes  sont  com- 
pares et  se  completent  reciproquement;  l'ouvrage  de  Heeren 
devitnt  ainsi,  pour  chaque  voyageur  qui  se  propose  d'explorer 
l'interieur  encore  presquc  inconnu  de  cette  vaste  presqu'ile, 
aussi  essentiel  qu'il  est  agreable  et  instructif  pour  tout  lecteur 
eclaire. 

U  A  see  est  traitee,  dans  plusieurs  volumes,  avec  le  meme 
succes  :  ici,  les  sources  historiques  et  geographiques  appor- 
taient  a  1'auteur  des  materiaux  encore  plus  nombreux  et  plus 
riches;  mais  ici,  comme  pour  l'Afrique,  il  ne  s'est  pas  con- 
lente  de  red  ire  ce  qui  etait  connu  deja.  L'Inde  surtout  et  sa 
litterature  lui  ont  procure  l'occasion  de  developper  beaucoup 
d'idees  neuves  et  excellenles. 

En  Enropr.  Heeren  ne  va  pas  an  dela  de  la  Grece:  et  il  se- 


i5o  LI \KHS  ETKA.NGiiKS. 

rait  a  desircr  que  d'aulres  savans,  prenaat  ges  travaux  pour 
module,  voulussent  6'occuper  des  autrespays  d'apr^s  un  plan 
semhlable.  VHistoire  anclenne,  V Hist  aire  des  systemes  poUtiqu.es 
de  I' Europe,  dues  au  meme  autcur,  donoent  a  eel  egard  des 
indications  fori  utiles.  Heercn  lui-meme  s'est,  dans  les  der- 
nfers  terns,  youe  plutot  a  l'hisioirc  moderne  et  particuliere- 
nuni  a  lliisiiiiic  d'AIlemagne;  et,  de  concert  avcoungeographc 
distingue  ,  M.  Lckert  ,  il  pnblie  un  ouvrage  don  t  nous  anions 
bientol  occasion  de  parler.  5. 

ig.  —  * Abriss  der  romisclun  Antiquitaten.  —  Esquisse  des 
antiquitcs  roinaines;  par  Frederic  Creuzer.  Deuxieme  edition, 
revue  et  augmentee.  Leipzig  et  Darmstadt,  1829.  ln-8". 

Ce  livre  que  nous  avous  fait  connaitre,  a  l'epoque  on  il  pu- 
rut  pour  la  premiere  fois  ,  doit  etre  considere  comme  un  re- 
pertoire complet  de  tout  cc  qui  peut  servir  a  la  connaissaucc 
de  Home,  de  sa  constitution,  de  ses  magistrals  et  de  scs  usa- 
ges. On  y  a  transcrit  beaucoup  de  passages  d'auteurs  anciens; 
on  y  a  indique  tons  les  travaux  des  modernes  avec  leurs  re- 
sultals.  L'illustre  professeur  de  Heidelberg  avait  eu  recoursa 
la  collaboration  de  Rl.  Bcehr  ;  il  lui  devait ,  disait-il,  tout  le 
cliapitre  sur  la  topographie  de  Rome,  celui  qui  a  pour  olijet 
la  vie  privee  des  Romains  ;  enfm,  celui  ou  il  est  question  de 
feur  etat  militaire.  Dans  la  preface  de  la  seconde  edition,  l'au- 
teur  se  plaint  que  Ton  ait  pris  pour  assertions  emises  par  lui, 
les  indications,  et  meme  les  questions  qu'il  a  reunies  dans  ce 
cadre  si  etroit ;  il  nous  promet  de  develppper  ses  vues  dans 
une  serie  de  dissertations  particulieres.  Ce  modeste  erudit  a, 
cette  fois  encore  ,  demandc  des  subsides  a  d'autres  savans;  ce 
sont  MM,  Dirksen,  de  Rcenigsberg,  et  Birnbaum,  professeur  a 
Lou  vain;  les  observations  de  ce  dernier  composent  un  clia- 
pitre particulier.  Quant  a  M.  ba-br,  ^inseparable  compagnon 
des  travaux  de  M.  Creuzer,  il  a  beaucoup  enrichi  cette  nou- 
velle  edition  de  ses  remarques;  enfm ,  Pindex  a  ete  refondu 
par  les  soins  de  M.  Bruihmen.  Nous  regrettons  de  ne  pas  voir 
donner  suite  a  un  projet  de  traduction  de  cet  excellent  livre; 
on  assure  que  M.  Derome,  auquel  on  doit  deja  les  Moires  du 
Palais  ,  avait  concu  l'idce  de  transporter  aussi  dans  notre  lit- 
terature  les  Antiquitcs  romaines ,  de  M.  Creuzcr.  S'il  reprend 
ce  projel  ,  s'il  persiste  dans  ['execution  de  cette  belle  entre- 
prise,  nous  pensons  qu'il  en  cbangera  le  litre,  qui,  en  France, 
peut  induire  en  erreur  sur  le  sujet  du  livre;  car  il  n'y  est  pas 
du  tout  question  de  monumens ,  ni  d'objets  materiels.  L'ori- 
gine  de  Rome,  sa  topographie,  les  esclaves,  le  mariage,  la 
repartition  du  people,  le  senat,  les  cornices,  les  magistrals  de 


\LLK\1AG,NE.  i5i 

la  villc  el  (It:  la  province  ,  les  d ignites  de  l'empire  d'Orienl  el 
d'Occident,  les  repas,  les  funerailles ,  etc.  ,  etc.,  tels  sont  les 
sujets  trailes,  on  plutot  indiques  dans  ce  volume;  car,  sur 
ehaeun  d'cux  on  rencontre  le  sonnnaire  dc  tout  ce  qu'il  faut 
lire  pour  l'etudier.  On  peut  joindre  a  ce  beau  travail  celui  que 
M.  Ba>hr  a  public  snr  la  litterature  romainc  ,  et  il  sera  facile 
de  se  procurer,  a  1  aide  de  ces  livres,  nne  bibliotheque  com- 
plete sur  chaque  point  de  droit  public,  de  science  ou  de  poe- 
sie,  et  de  consulter,  pour  s'eclairer,  tout  ce  qu'ont  ecrita  cet 
egard  les  anciens  et  les  modernes.  L'illuslre  professeur  a  done 
rendu  un  nouveau  service  aux  bonnes  etudes,  en  perfection- 
nant  une  production  d'un  aussi  grand  me  rite. 

P.    DE  GoLBERY. 

20.  ■ —  *  Die  dltesten  Nac/irichten  von  den  Bewohnern  des  linken 
Rheinufers,  von  Math.  Simon.  —  Notions  de  la  plus  haute  anti- 
quite  sur  les  habitans  de  la  rive  gauche  dn  Rhin,  par  Mathieu 
Simon,  membre  de  la  Societe  des  Antiquaires  de  France.  Co- 
logne, 1829;  Dumont  Schauberg.  In-8  . 

M.  Simon  est  deja  connu  par-  un  ouvrage  qu'il  a  publie  a 
Coblcntz,  en  1810  et  18  1  1,  sous  le  titre  de  Manuel  des  conseil- 
lers  de  prefecture*  en  deux  volumes,  et  dont  le  Moniteur  et  la 
Bibliotheque  du  Barreau  out  rendu,  dans  le  terns,  un  compte 
avantageux.  II  a  aussi  publie,  en  allcmand,  dans  les  annees 
1822  et  1824,  deux  volumes  d' Annates  du  pays  sitae  sur  la 
rive  gauclie  du  Rhin,  dont  plusieurs  historians  allemands  et 
beaucoup  de  journaux  ont  fait  Peloge.  Le  roi  de  Prusse  lui  fit 
remetlre,  a  cette  occasion,  une  medaille  d'or. 

Les  Notices  que  nous  annoncons  aujourd'hui  out  obtenu  le 
meme  accueil  du  roi  :  il  a  bien  voulu  accepter  la  dedicace  de 
l'oiivrage  entier,  qui  sera  publie  par  parties  separees,  et  qui 
embrassera  les  4°°  ans  pendant  lesquels  les  Gaulois  furent 
places  sous  la  domination  des  Ro mains,  Le  premier  volume 
qui  vient  de  paraitre  contient  :  i°  un  traite  sur  la  castramela- 
lion  et  la  discipline  militaire  des  Ilomains;  20  la  vie  de  Jules 
Cesar,  proconsul  de  la  Gaule  cisalpine  et  de  la  province  gau- 
loise  transalpine;  5"  l'histoire  des  guerres  faites  par  Cesar,  et 
par  suite  desquelles  loute  la  rive  gauche  du  Rhin  a  etc  sou- 
mise  a  la  puissance  des  Romains  ;  4°  one  notice  sur  les  anciens 
Germains  et  une  description  du  eours  du  Rhin  ,  d'apres  des 
observations  faites  du  tcms  de  Cesar. 

Un  cahier  de  planches,  executees  avec  soin,  est  joint  a  cet 
ouvrage  :  elles  representent  les  camps  des  Romains,  leurs  cos- 
tumes militaires,  el  quelques  monumens  decouverts  a  Bonn  et 
■  \  Vetera.   Une  carte  geographiquc  indique  quelles  etaient  les 


i5a  LIVRES  tiTRANGERS. 

frontiercs  de  la  Gaulc  indepeudante  sur  les  bords  (hi  11  In n . 

L'auleur  a  place,  en  tete  ile  son  ouvrage,  au  lieu  d'une  pre- 
face ordinaire,  le  recit  (extrait  de  son  journal)  d'un  voyage 
qu'il  a  fait  dans  la  province  du  Bas-Rhin  ,  pour  visiter  des 
ruines  romaincs  qui  s'y  trouvent  encore  :  entre  autres,  celles 
de  Worringen  (  Buruncum  ) ;  de  Dormagcn  (  Durnomaguni ); 
de  Zons  (Sunnium) ;  de  Geldub  (Gelduba) ;  de  Vetera,  (.Ale- 
ves, Ncuss  ct  les  environs,  et  le  chateau  de  Dyck,  qui  est  le 
monument  de  ce  genre  le  plus  considerable  du  pays.  La  des- 
cription qu'il  en  donne,  ce  qu'il  dit  de  ses  anciens  niaitres,  et 
le  sejour  qu'y  fait  la  princesse  Constance  de  Salm ,  a  qui  ses 
ouvrages  ont  acquis  en  Allemagne  comme  en  France  unc  juste 
celcbrite,  ont  fourni  plusieurs  pages  interessantes. 

L'auteur  a  transmis  cet  ouvrage  a  la  Societe  des  Antiqutdrcs 
ile  Paris.  Ln  des  membres  les  plus  distinguesde  cette  Societe 
s'est  charge  d'en  fairc  le  rapport  (1).  S*. 

21.  —  Russland  in  der  neuesten  Zeit.  —  La  llussie  dans  les 
derniers  terns;  par  E.  Pabel.  Dresde,  1800;  Arnold.  In-8°. 

De  terns  en  terns  ,  quelques  voyageurs  mecontens  se  char- 
gent  de  detromper  le  public  sur  les  tableaux  flatteurs  de  la 
llussie,  et  de  lui  montrerje  revers  de  la  inedaille;  M.  Pabel 
est  de  ce  nombre.  Son  jugement  sur  cet  empire  n'est  pas 
favorable  ;  il  est  probable  que  son  ouvrage  ne  passera  pas  a  la 
douane  litlei aire  de  la  Russie,  quoiquel'enipereur  Nicolas  y  soit 
beaucoup  lone.  Dans  le  premier  chapitrc,  ou  l'auteur  parle  de 
I'administration  publique,  il  fait  voir  le  grand  changement 
qui  s'etait  opere  dans  l'empereur  Alexandre  pendant  les  der- 
niers terns  de  sa  vie.  La  jeunesse  de  ce  prince  fut  charmante  ; 
c'etaientdes  traits  sans  nombre  degenerosite,d'humaniteetde 
justice.  Les  sciences  etaient  encouragees,  les  lumiercs  propa- 
gecs.  Tout  a  coup  la  mefiance  s'empare  de  I'ame  d'Alexandre; 
la  police  secrete,  la  censure,  sont  appelees  au  secours  de  la 
monarchic;  I'espionnage  est  organise  dans  toutes  les  classes. 
Les  universites  deviennent  suspectes,  et  la  Russie  craint  pres- 
que  autant  que  1'Aiitriche  les  progres  des  lumiercs.  Le  se- 
cond chapilre  traite  des  diverses  classes  de  la  societe.  Selon 
l'auteur  le  system*  prohibitif  aeheve  de  miner  le  commerce 
de  la  Russie.  On  trompe  le  gouvernement  de  la  maniere  la 
plus  dehonlee.  Les  fonts  sont  mal  administrates,  parce  qu'on 
donne  les   places  d'inspecteurs  a  d'anciens  officiers  qui  n'out 

(1)  Los  person  nes  qui  desireront  s'insciiie  pour  !a  conlinualion  de  ret 
ouviagc  derront  s"adresser,  a  Cologne ,  ft  la librairie  de  Dnniout  Sebau- 
beig,  et,  a  Paris,  cbec  Trent  t  el  et  Wurti. 


ALLEN  AGNE.  1 53 

aucune  idee  de  hi  science  forcstierc.  Les  routes  sont  mal  en- 
tretenues:  on  tie  repare  guere  que  celles  que  doit  parcourir  lc 
souverain.  Les  abus  les  plus  scandaleux  regnent  dans  i'admi- 
nistration  des  hopilanx.  On  a  employe  plus  de  vingt  ans  a  la 
redaction  du  code  commence  sous  Catherine  II,  et  continue 
sous  Paul  I";  quand  tout  a  ete  fini ,  1'empereur  Alexandre  a 
refuse  de  le  sanctionner,  pretendant  que  c'etaientdes  reves  de 
gens  de  bien.  II  parait  pourtant  que  1'empereur  Nicolas  a 
fait  reprendre  ce  sujet.  Selon  N.  Pabel,  la  corruption  des 
fonctionnaires  de  la  justice  en  Uussie  surpasse  toute  croyanee. 
II  par're  d'autres  abus  qui  se  commettent  dans  le  recrutement; 
l'armee  russe,  selon  lui ,  compte  inaintenant  1,406,000  hom- 
ines divises  en  deux  armees  et  en  neuf  corps ;  la  cavalcrie 
seule  a  200,000  hommcs.  Quelquefois  onseiait  tente  decroire 
que  ce  petit  ouvrage  a  ete  ecrit  pour  flatter  1'empereur  Nico- 
las aux  depens  de  son  frere  et  predecesseur.  C'est  ainsi  que 
1'auteur  presente  comme  une  mesure  pen  raisonnable  les  ef- 
forts que  fit  Alexandre  pour  affranchir  les  serfs  de  son  empire. 
Assurement,  si  Alexandre  a  bien  merile  de  sa  nation  et  de 
son  siecle,  c'est  pour  avoir  travaille  avec  zele  a  cet  affran- 
chissement,  sans  lequel  la  Russie  restera  toujours  barbare 
dans  l'Europe  civilisee.  N.  Pabel  pretend  que  les  paysans  out 
ete  peu  satisfaits  de  leur  liberte.  Cela  se  peut;  en  d'autres 
pays  aussi  la  servitude  etait  tcllenient  entree  dans  les  habi- 
tudes des  paysans  que  les  premiers  rayons  de  la  liberte  of- 
fenserent  la  vue  des  serfs  au  lieu  de  les  ravir.  En  Danemark, 
les  paysans  affranchis  par  Bernstorff  s'ecri^retif  douloureuse- 
inent  qu'ils  seraient  malheureux,  parce  que  personne  ne  vou- 
drait  plus  les  nourrir,  et  ils  suppliaient  qu'on  les  laissiit  dans  la 
servitude.  Cela  n'a  pas  empeche  les  memes  paysans  de  recon- 
naitre  ensuite  le  bienfaitde  l'affranehissement,  et  d'etre  beau- 
coup  plus  heureux  qu'ils  ne  I'etaient  lorsqu'ils  etaient  nourris 
et  loges  par  leurs  seigneurs. 

22.  —  Thomas  Moras  aus  den  Quellcn  bearbeitet.  —  Thomas 
Norus,  biographie  redigee  d'apres  des  materiaux  uuthcnli- 
ques,  par  G.  Thorn.  IUdhart.  Nuremberg,  1829;  Campe. 
In-8". 

La  vie  du  chancelier  d'Angleterre  sous  Henri  VIII  est  un 
des  episodes  les  plus  interessans  de  ce  rcgne.  N.  Rudhart, 
professeurau  lycee  de  Bamherg,  en  a  fait  le  sujet  d'un  ou- 
vrage assez  ctendu.  Deja  Sharon  Turner,  dans  l'histoire  du 
rcgne  de  Henri  VIII,  qu'il  a  publiec  icccmincnt,  a  discute 
et  expose  les  principales  circonstances  dc  la  vie  du  chancelier, 
et  N.  Rudhart  aurait  pu    y  puiser  des  vues   nouvelles  et  des 


ij'i  LI  V  RES  ETRANGERS. 

tii  i  t  s  pen  connus.  Le  professcurallemand  a  fait  an  reste  beau  • 
coup  ile  recherches,  el  <>n  voit  par  la  lisle  bibliograpbjque 
jointc  a  la  biographic,  qu'il  a  consul ti'  iin  grand  nombre  d'au- 
torilcs.  M.  Rudhart  examine  anssi  les  travanx  litleraires  du 
Morns,  et  fait  l'analyse  de  sa  fameuse  Utopie. 

23.  ■ —  Hans  Holbein  (In-  jungef'e.  —  Jean  Holbein  le  jeune  ; 
par  (Jlricli  Hegner.  Berlin,  1827;  Reimer.  In-8"  de  072  p  , 
avec  le  portrait  de  Holbein. 

Piusieurs  villes  d'Allcmagne  se  disputent  I'honneur  d'avoir 
donne  naissanceanpeintre  Holbein,  qui  parait  etrene  en  1498  ; 
sa  famille  s'etait  etablie  en  Suisse;  c'est  la  qn'on  trouve  aussi 
Holbeindanssa  jennesse.  Les  trouble-  de  la  Suisse  nuisirentaux 
arts,  el  Holbein,  muni  de  reeommandalions  d'Erasme,  prit  la 
resolution  dechereber  fortune  en  Angleterre.  Ilyarrivaen  i52(>, 
trouva  un  aceueil  favorable  aupres  de  Thomas  Moms ,  ami  d'E- 
rasme, obtint  la  faveurdu  roi  Henri  VIII,  peignit  piusieurs  pcr- 
sonnages  de  la  cour  de  ee  prince  inconstant,  fut  charge  de 
piusieurs  missions  sur  le  continent,  on  il  niourut  de  la  peste 
en  1 55^.  Sa  vie  est  peu  remarquable,  ma  is  ses  Iravaux  le  sunt 
da  vantage.  Aussi  son  biographe  a-t-ii  consacre  une  grande 
partie  de  son  ouvrage  a  l'examende  ces  chefs-d'oeuvre.  M.  He- 
gner revendique  pour  Holbein  piusieurs  ouvrages  qui  Iui  out 
ete  contestes,  par  exemple,  les  tableaux  de  la  Passion,  qui  se 
trouvent  a  la  bibliotheqtte  de  Bfde,  et  qn'on  a  lithographies 
reeemment  dans  eette  ville;  le  portrait  de  Sforze,  a  la  galerie 
de  Dresde ,  qn'on  a  attiibue  a  Leonard  de  "t Vinci.  L'auteur 
compte  parmi  les  beaux  ouvrages  de  Holbein  un  tableau  de 
famille,  qui  se  trouve  egalement  a  la  galerie  de  Dresde,  et 
qui  represente  l'echevinde  Bale,  Jacob  Meier,  peint  par  Hol- 
bein en  1529,  lorsqu'il.  etait  sur  le  point  de  retourner  en  An- 
gleterre. II  sollicita  aupres  des  echevins  de  Bale  une  pension 
pour  sa  femmeet  ses  enfans  qu'il  laissait  en  Suisse.  La  biblio- 
tbeque de  B.lle  posscde  de  Holbein  un  grand  nombre  de  beaux 
dessins,  provenant  de  la  collection  de  Fesch.  M.  Hegner  est 
amene  ensuite  a  discuter  l'authenlieite  des  gravures  de  hols 
representant  la  danse  des  morts,  et  attributes  a  "Holbein.  II 
parait  <pie  l'invention  de  la  fameuse  danse  des  moils  esttres- 
ancienne.  Un  couvent  de  religieuses,  a  Bale,  possedait  un  ta- 
bleau de  ce  genre,  portant  la  date  de  i3ia.  Holbein  lit  un  ta- 
bleau semblable;  il  en  existe  de  vieilles  gravures  sur  bois, 
dont  le  dessin  annonce  un  artiste  consomme.  Le  mono- 
gramme  HL  qu'on  y  trouve  parait  conlirmer  l'opinion  que 
Holbein  en  est  l'auteur.  (les  gravures  out  etc  rcinipriinees 
piusieurs  fois  :  les  edition-  les  plus  counties  sont  de  I'au  1 538. 


ALLEMAGNE.  1 55 

C'est  aussi  l'epoque  oii  Holbein  se  livra  avec  le  plus  d'acti- 
vite  a  la  peinture,  ct  pd  il  devaitlui  rester  pcu  de  terns  pour 
graver  sur  bois.  Cependanl,  les  gravures  trahissent,  comme 
nous  venous  de  dire,  uhe  main  tres-exercce,  et  M.  Hegner, 
sans  oser  decider  si  elles  sont  de  Holbein,  n'est  pas  elnigne 
de  les  attribuer  a  ce  peintrc  habile.  L'auteur  fait  voir  an 
teste  que  le  veritable  monogramme  adopte  par  Holbein  pour 
ses  ouvrages  etait  HH.  D-G. 

2jj.  — *  Mosaik  :  Heinric/i  des  Vierten  erste  Liebe. —  Mosai- 
que  :  Les  premieres  amours  de  Henri  IV ;  poeme  en  trois 
chants;  par\V.  de  Normann.  Constance,  1828  ;  Wallis. 

L'auteur  est  de  bonne  foi  :  il  n'annonee  pas  une  epopee  qui 
ait  pour  sujet  unique  les  premieres  amours  de  Henri  IV,  il  nous 
promet  avant  tout  un  ouvrage  compose  d'une  foule  d'elemens 
poeliques,  et  dans  leqnel  le  premier  sentiment  lendredu  plus 
aimable  des  rois  tiendra  la  place  principale  011  formera  le  pre- 
mier episode.  Ce  poeme,  dans  le  rhythme  des  epopees  italien- 
nes,  ressemble,  par  sa  coutexlure  et  le  charme  qu'il  en  recoit,  u 
un  deces  romans  pleinsde  I'esprit  le  plus  original  etle  plusca- 
pricieuxque  1'Allemagnc  doit  a  la  plume  de  son  admirable  Jean- 
Paul.  Dans  cessortes  d'ouvrages,  la  narration  tie  sert  ordinaire- 
ment  quede  vehicule, je  dirai  presque  de  pretexte  aux  reflexions 
et  aux  digressions  dont  il  plait  a  l'auteur  de  1'entremeler. 
Souvent  ee  n'est  que  par  une  transition  aussi  brusque  que 
hasardeuse  qu'il  se  replace  aupres  d'un  heros  long  -terns  ne- 
glige, dont  les  lecterns  lui  reprocberaienl  I'oubli,  s'il  ne  sa- 
vait  pas  les  gagner  par  le  charme  et  l'interet  des  episodes 
auxquels  il  sacrifie  le  personnage  principal,  qu'on  pourrait 
appeler  le  heros  titittaire  de  son  ouvrage.  Si  tout  detour  dans 
lequel  un  guide  vous  entraiue  a  besoin  d'excuse  ,  et  si  tout 
episode  n'est  an  fond  qu'un  delour  qu'il  faut  se  faire  pardon- 
ner,  combien  le  poete  ne  doit-il  pas  craindre  de  fatiguer  par 
deshors  -d'oeuvre  ['attention  qu'un  instant  apres  il  sera  dans  le 
cas  dereclamer  encore  une  l'ois  en  faveur  dumeme  heros  qu'il 
avail  delaissc !  Ici  se  presenle  un  ecueil  qui  est  la  pierre  de 
touche  du  veritable  talent,  et  IM.de  Normann  a  su  vaincre  la 
plus  grande  difficnlte  de  ce  genre  essentiellement  romantique. 

Assez  temeraire  pour  ne  consacrer  qu'une  l'aible  partie  du 
premier  chant  a  son  heros,  l'rancais  par  excellence,  et  pour  y 
placer,  il  est  vrai ,  par  un  artifice  des  plus  admits ,  une  revue 
du  nord  de  I'Allemagne,  M.  de  Aormann  arme,  des  le  com- 
mencement, toutes  les  severites  de  la  critique  contte  lui.  Ilcotn- 
mence  lesecondcliant  parse  reprocher  a  lui-nienie  le  desordre 
bizarre  de  son  ouvrage,  el  il  essaie  de  s'en  justifier.  II  sulhsait 


ij6  L1VRES   ETRANGERS. 

pent  etred'invoquersimplement  lc  litre  ingenicuxqu'iladonnc 
a  ce  poeme,  niais  les  meilhures  raisons  qu'il  pouvait  alleguer 
se  trouvent  sans  doutc  dans  les  vers  plein  d'une  gaile  aussi 
gracicuse  que  poetique,  ou  il  convient  de  son  erreur  volon- 
taire.  II  ne  tarde  pas  phis  long-tenis  a  nous  (aire  connaitre  la 
touchante  Fleurette.  Son  portrait  est  trace  avec  le  pinceau  de- 
licat  du  poete,  qui,  pour  un  moment,  a  pris  la  place  du 
peintrc. 

Charles  IX  ,  dont  Catherine  a  jugc  a  propos  de  promc- 
ner  momentanement  ailleurs  ([ue  dans  la  capitate  lesdegouts 
et  les  ennuis,  vient  au  chateau  de  Nerac,dans  le  pays  de 
Beam,  visiter  la  reine  Jeanne,  mere  du  jeune  Henri.  De  tous 
les  divertissemens  qui  lui  sont  offerts  le  roi  choisit  l'exerciee 
du  tir.  Ce  monar(|ue  perce  de  sa  fleche  I'orange  qui  sert  de 
but;  ma  is  au  milieu  de  son  petit  triomphe  et  desapplaudissc- 
mens  cxageres  des  courtisans,  Henri,  n'obeissaut  encore  qu'a 
une  ambition  enfantine,  s'empare  de  Pare.  II  remplace  I'o- 
range  par  une  rose  qu'il  a  enleveedu  sein  d'une  jeune  lille  qui  se 
trouve  parmi  les  speetateurs.  La  rose  est  frappee  et  tombe. 
II  est  vainqueur,  et  il  entend  au  meme  moment  un  cri  qui 
lui  fait  lourner  les  )eux  vers  celle  qui,  il  n'y  a  qu'un  instant, 
etait  paree  de  cetle  meme  fleur,  et  dont  il  parait  avoir  deja 
perce  le  coeur.  —  Le  troisieme  chant  appartient  aux  adieux 
et  aux  derniers  sermens  des  amans,  a  la  douleurct  a  la  mort 
de  Fleurette,  a  l'inconstance  et  au  lepentir  de  Henri.  Ce  re- 
cit  est  cntremele  de  passages  souvent  personnels  a  I'auteur, 
sans  nuirc  cependant  a  l'ensemble  de  I'ouvrage.  Tous  ces  re- 
tours  sur  lui-meme,  ou  plutol  sur  le  sort  commun  des  mor- 
tels,  sont  empreints  d'une  melancolie  qui  se  repand  jusque 
sur  les  idees  les  plus  riantes  du  poete.  C'est  grace  a  cette 
teinte  virgilietme  que  I'auteur  a  su  conserver  Fharmonie  dans 
un  poeme  oil  1'unite  parait  si  souvent  compromise.  Nous  nous 
abstenons  de  toule  citation  liree  d'un  ouvrage  si  digne  d'e- 
tre lu,  et  nous  nous  bornerons  a  exprimer  le  desir  que  les  lec- 
teurs  qui  ne  font  que  tout  effleurer  puissent  tomber  sur  ce  ta- 
bleau magnifique  de  toules  les  splendeurs  et  de  tous  les  deuils  de 
Home  qui  commence  le  troisieme  chant.  — M.  <le  iNormanua 
employe  d'une  maniere  particuliere  le  rbythme  emprunte  par 
les  Allemands  aux  Italiens.  II  enjambe  souvent  d'une  stance 
sur  l'autrc,  et  observe  rarement  les  differens  repos  que  la  re- 
gie etablil  dans  ces  sortes  de  vers.  Toutcfois ,  cette  licence 
prete  singulitrement  a  une  variete  de  ton  et  de  loumure  que 
la  marche  solennelle  de  la  stance  allemande  inlei  dit  au  poele 
trop   fidele  observaleur  dc  sa  loi  rigoureusc.  M**. 


SUISSE.  1 57 

SUISSE. 

»5,  —  *  Description  topograpliique  de  la  chaleUenie  du  Val- 
dc-Travers.  Neuchatel,  i83o;  A.  Borel-Borel.  In-8"  de 
91  pages. 

Sous  le  point  de  vue  de  l'histoire  comme  sous  celui  de  la 
statistique,  cette  monographic  merite  d'etre  etudiee  avec  au- 
tant  d'attention  que  l'auteur  a  mis  de  conscience  a  la  compo- 
ser. Llle  renferme  des  faits  curieux  sur  les  tetns  feodaux  et  les 
institutions  qu'ils  ont  leguees  a  des  tenis  pins  modemes. 
Mais  elle  offre  surtout  un  grand  interet  par  l'expose  fidele  et 
impartial  de  l'etat  actuel  de  l'administration,  des  mceurs,  de 
l'industrie  ,  du  commerce  et  de  l'agrieullure.  Celle-ci  a  ete 
traitee  avec  predilection  et  connaissance  de  cause.  La  descrip- 
tion du  Val-de-Travers,  placee  dans  les  bibliotheques  popu- 
laires  et  dans  les  mains  des  agriculteurs  fonrnirait  sans 
doute  de  nouvelles  idees  pratiques  a  beaucoup  d'habitans  de 
la  campagne  non  moins  interesses  que  les  autres  citoyens  a 
ce  que  les  lumieres  se  propagent. 

Les  vues  generates  sur  l'industrie  nous  paraissent  pleines 
de  sagesse;  l'anteur  desire  que  l'esprit  d'industrie  se  rattache 
autant  que  possible  a  l'agriculture.  Un  fait  qu'il  cite  prouve 
qu'ils  ne  s'excluent  pas  reciproquement.  «  L'industrie  et  les 
arts  sont  geoeralenient  associes  aux  travaux  de  l'agricidture 
dans  notre  pays,  surtout  au  Val-de-Travers ;  ce  i'ait  refute 
l'opiniondu  celebreeconomiste  Adam  Smith,  qui  pretend  que 
ces  deux  etats  sont  incompatibles,  et  que  Pexercice  de  I'un 
exclut  necessairement  celui  de  l'autre.  II  n'est  pas  rare  chez 
nous  de  voir  un  bon  agriculteur  Gire  en  meme  tems  habile 
horloger.  Quelquefois  les  memes  hommes  exercent  alteruati- 
venient  les  branches  d'industrie  qui  paraissent  les  plus  etran- 
geres  et  les  plus  opposees ;  j'ai  ouidire  que  beaucoup  de  ma- 
cons  el  de  tailleurs  de  pierre  de  Buttes,  lorsqu'ils  reveuaient 
chezeuxau  commencement  de  l'hiver,  apres  leur  tournee 
annuelle  chez  FEtranger,  se  mettaient  a  faire  de  la  dentelle,  et 
que  plusieurs  y  excellaient.  >> 

Les  capitaux  produits  par  l'industrie  du  Val-de-Travers 
pourraient,  comme exemple,  devenirun  salutaire  encourage- 
ment pour  d'autres  contrees.  «  Le  village  seul  de  Fleurier 
fournit  a  I'Ltranger  environ  seize  mille  montres  tant  en  or 
qu'en  argent.  Les  ouvrages  qui  sortent  de  ses  ateliers  reunis- 
senl  la  solidile  au  bon  gout.  Peut-etre  ne  nous  tromperions- 
nous  pas  en  portanta  800,000  francs  le  produit  total  de  cette 


i58  LIVRES  KTU ANGERS. 

Industrie, sur lesquels  il  faut  prelever  la  valour dc Tor, del'ar- 
gent,  les  mouvemens  bruts,  les  fouruitures  qu'on  tire  du 
dehors,  et  le  travail  tie  plus  do  deux  cents  ouvriers  que  l'hor- 
logerie  occupe  au  Val-de-Travers.  1,'cxcedant  constitue  les 
profits.  Deux  a Ht res  branches  d'industrie  sont  connues  de- 
puis  long-tems  au  Val-de-Travers  :  l'une,  est  la  reeoltc  qui 
se  fait  chaque  annee  de  plantes  vulneraires  et  dc  simples  pour 
le  the  suisse;  l'autre  est  la  fabrication  de  Pextrait  d'absinthe 
renomme  par  sa  bonne  qualite,  et  des  liqueurs  fines;  elle  a 
pris  one  grande  extension  a  Couveteta  Motiers;  I'exportation 
al'Etranger  peut  etre maintenant evaluee a  i5o,ooo  bouteilies 
par  an.  ■ —  La  seule  culture  des  plantes  destinces  a  la  fabrica- 
tion del'exlrail  d'absinthe  produil],  dans  la  paroisse de  Couvet, 
nn  revenu  annuel  dc  i5o  a  200  louis;  quelques  particuliers 
retirent  jusqu'a  20  louis  de  la  portion  de  jardin  ou  de  clos 
qu'ils  consacrent  a  cette  culture.  Cependant,  les  simples  cul- 
tives  dans  le  Val-de-Travers  ne  sullisent  point  encore  a  cette 
fabrication,  et  Ton  en  lire  beaueoup  du  Valais  et  d'autres 
lieux  eleves  de  la  Suisse.  Tous  les  efforts  tentes  en  France 
pour  y  acclimaler  ces  plantes  ont  ete  inutiles ;  elles  y  dege- 
nerent  bientot,  surtout  dans  le  midi ;  en  sorle  qu'il  sera  diffi- 
cile de  nous  enlever  cette  branche  d'industrie.  11  n'est  pas 
facile  d'evaluer  avec  quelque  exactitude  la  quantite  d'extrait 
d'absinthe  et  des  autres  liqueurs  qui  s'exportent  annuelle- 
ment.  On  peut  juger  de  1'extension  qu'a  prise  cette  industrie, 
qui  date  de  loin  dans  le  Val-de-Travers,  par  la  fabrication  d'une 
seule  maison  de  commerce.  Elle  s'eleve  a  4°j000  bou- 
teilles  par  an. » 

Dn  vice  deplorable  conl rebalance  chez  une  grande  parlie 
des  habkans  les  bienfaits  de  l'espril  industriel,4  e'est  Yivrogne- 
rie.  « Soil  que  la  multiplicity  des  cabarets  presente  une  occa- 
sion toujours  procbaine  dc  seduction,  soit  qu'un  penchant 
irresistible  entraine  a  la  boisson  ,  il  n'est  que  trop  vrai  qu'on 
y  fait  un  usage  immodere  du  vin  et  des  liqueurs;  e'est  une 
source  feconde  et  toujours  renaissante  de  vices,  de  desordre 
et  dc  misere;  qu'on  recherche  la  cause  de  la  plupart  des  dif- 
licullcs  devant  les  tribunaux,  qu'on  demande  aux  administra- 
teurs  des  secours  de  charite  qui  sont  ceux  qui  y  ont  le  plus 
IVequemment  recours,  ils  ferout  la  meme  reponse,  et  s'accor- 
deront  a  dire  que  presque  tous  les  desordies  ont  ieurs  prin- 
cipes  dans  la  frequcntalion  des  cabaiets.  Ces  desordres  sont 
presque  inconnus  dans  les  lieux  ecartes  ;  aussi  n'est-cc  plus 
guere  que  la  que  Ton  trouve  encore  quelque  trace  des 
anciennes  moeurs  :  les  habitans  isoles  des  montagnes  ne  con- 


SUISSE.  i59 

riaissent  pas  les  exces  dont  l'exemple  est  si  frequent  dans  les 
Villages;  de  leur  maniere  de  vivre  differente  resulte  anssi  nne 
maniere  de  penser  et  de  sentir  qui  ne  Test  pas  moins  et  qui 
leur  fait  infiniment  d'honneur;  ils  craignent  plus  que  les  autres 
une  paurrete  qui  les  humilierait,  et  ee  n'est  qu'a  la  derniere 
extremite  qu'ils  se  decident  a  solliciter  des  secours.  »  . 

Plein  de  franchise,  comme  on  le  voit,  l'autcur  n'a  pas  fait 
le  panegyrique  du  pays,  mais  sa  description.  II  expose  les  de- 
fauts  de  1  industrie  aussi-bien  que  les  vices  moraux,  et  necraint 
pas  d'attaquer  les  prejuges  et  les  routines  surannecs  de  ses 
concitoyens. 

L'administration  communale,  a  laquelle  appartient  une  si 
grande  part  dans  la  prosperite  on  le  malaise  d'urj  pays,  a  aussi 
fixe  les  regards  de  l'anteur.  «  La  communaute  de  Couvet  est 
assez  nombreuse  pour  avoir,  outre  ses  assemblies  generales 
et  periodiques,  un  conseil  compose  de  vingt-quatre  membies 
et  quelques  corps  particuliers  d'administration  qui  lui  rendent 
compte  de  l'autofite  qu'elle  leurconfie.  Sa  chambre  decharite 
est  bien  administree;  tout  s'y  passe  avec  ordre,  et  ses  deli- 
berations justifient  ordinairement  la  sagesse  des  principes  sur 
lesquels  cet  etablissement  est  fonde.  Un  autre  eloge  que  ine- 
rite  cette  communaute,  e'est  le  soiu  particulier  qu'elle  prend 
de  la  jeunesse  ;  elle  a  senti  depuis  long-terns  la  necesMte  d'une 
bonne  education,  tant  pour  le  bonheur  de  I'Etat  que  pour  la 
prosperite  des  families.  Des  inspecteurs  sont  nommes  pour 
surveiller  la  conduite  et  l'instruction  des  jeunes  gens,  et  ils 
remplissent  leurs  interessanles  functions  avec  une  suite  et  un 
zele  digues  de  la  reconnaissance  publique.  Le  recent  recoit 
une  partie  de  sa  pension  de  la  ville  de  Neufchalel. 

En  1765,  la  communaute  de  Couvet  admit,  au  n ombre  de 
ses  membres,  Rousseau,  qui,  en  recevant  ses  leltres  de  com- 
munier  concues  en  ternies  tres-obligeans,  fitcetle  rej>onse  re- 
marquable  a  ceux  qui  les  lui  presenterent  :  «  Qu'il  se  tenait 
plus  libre  sujet  d'un  roi  juste  et  plus  honore  d'etre  membre 
d'une  communaute  ouregnaient  la  veritable  egalite  et  la  Con- 
corde que  citoyen  d'une  republique  on  teslois  n'etaient  qu'un 
mot  et  la  liberte  un  leurre.  »  II  est  dit  dans  oes  lettres  que  la 
deliberation  fut  unanime  au  suffrage  de  cent  vingt-cinq  voix. 

Quoique  la  procedure  criminelte  soit  soumise  au  secret  le 
plus  absolu,  «  les  jugemens,  quand  il  s'agit  de  la  peine  capi- 
tate, ont  lieu  en  plein  air,  dans  le  village  de  Motiers,  en  forme 
de  jugemens  publics;  et  les  sentences  ainsirendues  sont  sans 
appel,  sauf  la  grace  du  souverain.  » 

Les  co7inistnires,  institution  qui  applique  au  principe  moral 


iliu  LIVRES  ETRANGERS, 

un  ordre  dc  choses  etabli  pour  les  actes  cxtcrieurs,  sonmet 
la  moralite  a  un  tarif  d'amcndes,  et  iaculque  la  religion  par 
voie  de  punition,  subsistent  encore  dans  le  Yal-de-Travers. 
«  La  chatellenie  de  Val-de-Travers  est  divisee,  pour  le  spii  i- 
tuel,  en  quatre  paroisses,  celles  de  blotters  et  Boveresse,  de 
Couvet,deFleurier,desButteset  Sainl-Sulpice;chncuned'cllcs 
a  un  pastcur  et  un  consistoire  administratif  qui  veillent  an 
niaintien  de  la  religion  et  des  bonnes  moeurs,  et  qui,  dans  les 
cas  graves,  renvoieut  les  pecheurs  scandaleux  et  refractaires 
devant  le  grand  consistoire  seigneurial  etahh  desl'annee  1507. 
II  siege  a  IMotiers  aux  epoques  des  quatre  fetes  religieuses  de 
I'annee,  preside  par  le  chatelain,  et  compose  des  pasleurs  du 
Val-de-Travers  et  de  ceux  de  la  juridiction  des  Verrieres.  Le 
chatelain  nomme  des  assesseurs  lai'ques  qui  doivent  etre  en 
nombre  au  moins  egal  a  celui  des  assesseurs  ecclesiastiques. 
Ce  tribunal  de  moeurs  peut  condamner  sans  appel  a  des 
amencles  de  dix-huit  a  quarante  batz  (3  a  G  fr.)  et  a  quelques 
jours  de  prison,  saut'  toutel'ois  le  recours  au  gouvernement. 
—  II  parait  qu'auciennement  sa  competence  etait  plus  eten- 
due  :  on  a  meme  dans  le  xvne  siecle  l'exemple  d'un  cas  o\\  il 
condamna  a  mort  une  femine  pour  fait  de  sorcellerie.  » 

Ce  qui  agit  sur  le  moral  des  hommes  bien  mieux  que  cette 
confusion  d'un  pouvoir  civil etdu  perfectionnement  religieux, 
ce  sont  dc  bons  pasteurs,  simples,  instruits,  pieux,  attaches 
de  cceur  a  leurs  ouailles,  qu'ils  ameliorent  parce  qu'ilslesai- 
nient.  Tel  fut,  a  l'epcque  de  la  reformation,  maitre  Thomas 
Petitpierre  .  cure  des  liuttes  et  de  Saint-Sulpice.  «  Vonlant 
rester  attache  a  ses  paroissiens,  il  prit  le  parti  de  se  refor- 
mer avec  eux,  se  maria,  devint  pere  d'une  nombreuse  fa- 
millc,  et  continua,  pendant  trente-deux  ans,  a  edifier  le  trou- 
peau  qu'il  avail  conduit  comme  cure  pendant  quarante-trois 
ans.  »     S.  D.  (Extrait  du  NouveUiste  Vaudois.) 

1TALIE. 

26.  —  La  vita  di  Cola  di  Rienzo,  etc.  —  La  vie  de  Colas  ue 
Rienzo,  revue  sur  une  meilleure  lecon,  par  Ze/irino  Re.  Forli, 
1828-1829;  Bordandini.  2  vol.  in-8". 

Par  qui  cet  ouvrage  a-t-il  etc  ecrit  ?  e'est  un  point  de  cri- 
tique encore  fort  obscur  malgre  les  recherthes  des  savans  qui 
s'en  sont  occupes.  Quelques-uns  l'ont  attribue  a  Thomas  For- 
tifiocca,  notaire  du  senat  romain  :  mais  cette  opinion  est  re- 
futee  victoricusement  par  plusieurs  passages  du  livre  ou  il 
est  question  de  cet  homme  en  termes  dont  il  ne  pent  s'etre 


ITALIE.  161 

servi  en  parlant  de  lui-meme.  Mais  quel  qu'en  soit  l'auteur, 
on  ne  pent  s'empecher  d'y  trouver  plusieiirs  sortes  de  merites  * 
fort  remarquables.  Perlicari  11 'a  fait  que  lui  rcndre  justice  eti 
louant  la  chute,  la  concision  nervcuse,  la  simplicile  toule 
antique  du  style  ct  dc  la  composition  generale.  Mais  ces  pre- 
cieuses  qualites  elaient  perdues  pour  la  plupart  des  lecteurs 
actuels,  car  l'histoire  est  ecrite  dans  l'idiome  romain  de 
l'epoque  de  Rienzo  ;  il  fallait  done  la  reudre  intelligible,  la 
Iraduire  prcsque  enlierement  en  italien  moderne  :  e'est  ce 
qu'a  fait  M.  Re,  en  conservant  toutefois  autant  que  possible 
la  coulcur  dc  1' original.  Nous  devons  dire  qu'il  a  tres-bien 
reussi.  L'histoire  de  ce  singulier  chef  de  parti  conserve  un 
assez  vif  parfum  de  passion  contemporaine,  et  on  aime  a  le 
voir  peindre  par  un  horn  me  qui  a  senti  le  pouvoir  de  sa  parole 
et  de  ses  talcns,  car  ce  chef  populaire  etait  non-seulement 
une  tete  ardente  et  active,  mais  encore  unhomme  savant  tout 
plein  de  l'anti quite,  qui  etudiait  assidfiment  et  goutait  aveo 
enthousiasme  les  auteurs  classiques:  Seneque,  Ciceron,  Tite- 
Live,  Cesar;  qui  parcourait  chaque  jour  les  environs  de  Rome 
pour  decouvrir  sur  des  monumens  mines,  sur  des  debris  de 
colonnes  et  de  piedestaux  quelques  mots  echappes  a  ce  vieux 
monde  romain  qu'il  voulait  ressusciter  et  recomposer  avec 
une  populace  italienne. 

M.  Re  a  enrichi  cette  edition  de  beaucoup  de  notes  utiles 
et  savantes,  et  de  tres-bonnes  observations  philologiques. 

27.  — *Istoria  delta  vita  e  delle  operedi  Rafaello  Sanzio,  etc. 
—  Histoire  de  la  vie  et  des  ouvrages  de  Raphael  Sanzio 
d'Urbin,  par  M.  Quatremere  de  Quincy;  traduite  en  italien, 
corrigee  et  augmentee  par  Fr.  Lokghena.  Milan,  1829;  Fran- 
cesco Sonzogno.  In-4"  et  in-8°  avec  xxm  tableaux  el  un  fac 
simile. 

Cet  ouvrage,  publie  en  France  en  1820,  n'y  produisit  pas 
une  grande  sensation  :  il  fit  beaucoup  de  bruit  en  Italie,  011 
on  lui  a  trouve  plusieurs  merites  qui  nous  avaient  echappe, 
et  on  1'on  aime  singulierement  cette  critique  ininutieuse  et 
savante  sur  les  plus  petites  circonstances  de  la  vie  des  homines 
celebres  qu'elle  a  vus  naitre.  II  devint  un  sujet  dc  contro- 
verse  parmi  les  erudits  et  les  artistes.  Un  homme  de  gout  et 
d'instruclion  a  voulu  rendre  populaires  les  disputes  dont  Ra- 
phael etait  l'objet,  et  il  a  traduit  l'ouvrage  de  M.  Quatrcmere 
de  Quincy.  Mais  il  n'a  pas  livre  au  public  une  version  simple- 
rinent  exacte  et  complete  :  il  a  joint  au  texte  une  foule  de  noles, 
de  critiques,  de  documens  qui  donnent  a  son  travail  beaucoup 
de  prix  et  d'interet.  C'est  une  biographic  sans  lacune  du  plus 
t.  xlvi.  avril  1800.  11 


iGu  LIVRFS   ETRANGERS. 

grand  des  peintres  modcrnes,  et,  en  outre,  unrecueil  tres-cu- 
rieux  de  renscignemens  sur  les  progres  des  arts  dans  ce  mo- 
ment unique  on  ils  faisaicnt  a  chaque  heure  un  pas  immense, 
et  produisaient  chaqne  jour  un  monument  immortel.  Les  Ita- 
liens  doivenl  a  M.  Longhena  beaucoup  de  reconnaissance  :  il 
a  dignement  servi  ieur  orgueil  national.  Les  artistes  dc 
toutes  les  nations  ne  lui  en  doivent  pas  moins. 

28.  — Per  I'inaugurazione,  etc. — -Scene  lyriqtte pour  l'inau- 
guration  de  buste  de  Vincent  Monti,  par  le  chevalier  Andre 
Maffei.  Milan,  1829;  Giacome  Pirola.  In-8\ 

La  solennite  qui  a  fait  naitre  ces  vers  avait,  dans  son  objet, 
quelquc  chose  de  toucbant  el  de  grave. II  s'agissait  d'inaugurer 
le  buste  du  grand  poete  qu'a  perdu  naguere  I'ltalie,  dans  la 
salle  des  seances  de  P  Academic  pliilodramatiquc  de  Milan. 
M.  Maffei  nes'est  point  montre  indigne  de  celebrer  cette  triste 
fete,  et  si  sa  poesie  manque  un  peu  de  l'onction  qui  semblait 
convenable,  ellen'est  depourvue  ni  de  force,  ni  d'eclat.  Ilfaut 
avoueraussiquele  defautqu'on  pourrait  luireprocbertrouvcen 
grande  partie  son  excuse  dans  la  disposition  meme  de  la  fete, 
dont  le  plan  nousparait  tres-mal  et  tres-froidement  concu. — 
Apres  la  representation  de  YAristodctnc  de  Monti,  le  theatre 
avait  ete  metamorphose  en  temple  de  I'eternite;  le  buste  du 
poete,  place  au-dessous  de  ceux  d'Homere  et  de  Dante,  etait 
d'abord  complimente  par  une  troupe  de  genies,  puis  par  la 
deesse  du  lieu,  I'eternite,  parle  xvni'siecle,  le  xixe  siecle,  etc. 

—  Coneoit-on  quelque  chose  de  plus  glacial  que  ces  person- 
niticalions  allegoriques!  Quoi!  I'ltalie  perd  son  plus  grand 
poete,  Milan,  un  de  ses  plus  justes  titres  d'orgueil.  une  com- 
pagnie  litteraire,  son  plus  bel  ornement,  et  en  meme  terns  un 
homme  du  plus  aimable  caractere,  et,  quand  il  s'agit  d'expri- 
mer  tant  de  douleurs  et  de  regrets,  on  ne  trouve  rien  de  mieux 
qu'une  parade  mytbologique,  meme  en  ayant  sous  sa  main 
un  poete  comme  M    Maffei  et  une  artiste  comme  Mmc  Pasla  ! 

—  Qu'on  nous  permette  de  passer  d'un  exemple  particulier  a 
un  fait  general  :  cette  manie  des  Italiens  pour  la  mytbologie 
grecque,  cette  passion  de  litteralure  classique,  qui  leur  fait 
presque  oublier  aujourd'hui  leurs  grands  poetes  du  siecle  de 
la  renaissance,  cet  enthousiasme  de  vieux  textes,  d'inscrip- 
tions,  de  medailles  ;  cet  eloignement  pour  les  sujets  presens, 
pour  le  momle  tel  qu'il  est,  pour  une  litterature  plus'vraie, 
tout  cela  ne  donnerait-il  pas  a  penser  que  cet  enthousiasme 
pour  les  arts  dont  on  fait  honneur  aux  peoples  du  midj  n'esl 
pas  si  sincere  et  si  profond  qu'il  le  parait,  que  tout  cet  en- 
thousiasme ne  vient  point  du  cceur?  Certes,  le  regime  politi- 


ITALIE.  1 63 

que  qui  pese  Suf  les  divers  peuples  dc  l'ltalie  e.-t  pour  beau- 
coup  dans  celtetimidite  qui  n'ose  aborder  les  fails,  les  passions, 
le  monde  moderne,  mais  il  n'en  est  pas  la  cause  unique.  — 
Un  petit  livre  nous  arrive  d'Alleinagne,  d'unclimat  froid,  d'une 
sociele  grave,  savante,  formalisle;  c'est  un  roman,  ce  sont 
quelques  lettres  d'un  jeune  homme  qui  reve  :  c'est  Weriher, 
c'est  tout  un  siecle,  toute  une  generation  peinte  en  quelques 
pages.  —  Trente  ans  plus  tard,  unjeune  lord  anglais,  plein  de 
mepris  pour  le  metier  d'ecrivain,  retrace,   au  milieu  de  ses 
voyages  de  dandy,  toutce  qu'un  bouleversemcnt  inou'i  a  jete 
dans  le  monde  d'idees,  de  passions,  de  sentimens  nouveaux; 
cette  lassitude  profonde,  cet  amour  d'un  repos  qui  ennuie, 
d'une  incredulite  qui  effraie.    On    n'en   peut  douter,   c'est 
la  l'expression  d'un  sentiment  profond,  d'une  ame  passion- 
nee.   Que  faisait  l'ltalie  pendant  ce  terns-la  ?  Elle  avait  ses 
poetes  aussi.  L'un,  possede  d'une  passion  delirante  pour  la 
liberte  romaioe,  l'exagere  dans  ses  tragedies,  emploie  un  talent 
de  bronze  et  de  feu  a  dessiner  surla  scene,  avec  des  propor- 
tions colossales,  ces  personnages  du  forum  que  l'histoire  a 
deja  faits  trop  grands;  marquis  piemontais,  il  outre  son  role 
de  citoyen  romain.  —  Mais,  un  bean  jour,  il  se  trouve  face  a 
face  avec  la  realite  et  s'enfuit  effraye  :  le  Spartiate  a  peur  de 
la  liberte   francaise  !  Voila  ce  que  fut  Alfieri.  Ce  n'est  pas  ici 
le  moment  de  rappeler  combien  l'auteur  de  la  Basvigliana  fut 
petit  et  faible  devant  la  verite,   lui  qui  peignait  si  poetique- 
ment  les  fictions  antiques.  —  Un  troisieme,  mort  aussi  depuis 
peu  de  terns,  ne  fut  guere  plus  ecrivain  populaire.  Qu'est-ce 
que  c'est  qu'une  poesie  qui  ne  s'adresse  qu'aux  savans !  — 
Ainsi ,  excepte  un  petit  et  bel  ouvrage  tPUgo  Foscolo ,  plus 
goCite  peut-etre  par  les  etrangers  que  par  les  Italiens  eux- 
memes,  toute  leur  litterature  depuis  un  siecle  tourne  labo- 
rieusement  autour  de  l'antiquite,  se  fatigue  a  commenter  leurs 
grands  poetes  du  moyen  age,  a  refaire  avec  leurs  ouvrages 
et  par  un  placage  de  vieux  mots,  de  locutions  orthodoxes,  de 
tournures  consacrees,  une  Iangue  qui  se  perd  faute  d'un  ge- 
nie qui  s'en  empare  et  l'adapte  aux  choses  de  ce  tems.  Us  sont 
si   loin  des  faits   que  plusieurs  dc  leurs  grandes  reputations 
modernes,   comme  celle  de   Perticari,   sont  fondees  sur  la 
grammaire  clans  son  sens  le  -plus  restreint,  sur  la  science  des 
mots.  —  On  peut  remarquer  l'inilucnce  de  cet  etat  de  choses 
sur  la  position  sociale  des  homines  de  lettres  en  Italie.  Par- 
tout  des  corporations,  des  societes,  des  academies ;  il  n'est 
pas  un  petit  bourg  qui  n'ait  la  sienne;  pas  tin  tailleur  de  pier- 
res,  pas  un  rimailleur.    pas  un  maitre   d'eeolc   qui  ne    soil 


164  LIVRES  ETRANGERS. 

mcnibrc  de  dix  on  douze  de  ccs  ridicules  congregations  :  le 
plus  illuslre  est  celui  qui  a  recti  le  plus  de  diplomes,  et  tout 
stranger  qui  sait  lire,  et  soutenir  en  mauvais  latin  une  con- 
versation de  deux  minutes,  revient  d'un  voyage  en  Italic 
avee  ses  nialles  plcines  dc  cette  sortc  de  parchemins.  La  tout 
est  classe,  chaque  homme  porte  son  etiquette,  ct  les  docteurs 
y  sont  aussi  n ombre ux  que  les  marquis  et  les  comtes,  qui 
pourtant  n'y  manquent  pas.  Mais  aussi  point  de  gloires  popu- 
pulaircs,  point  de  reputations  nationales,  ricn  qui  ressemble 
a  Byron,  qui  n'etait  peut-ette  pas  bachelier,  on  a  notre  Be- 
ranger,  qui  n'est  pas  de  l'Aeademie.  Si  Ton  a  parle  en  Italie 
dc  renovation  litteraire,  on  a  pris  la  question  dans  sa  parlie  la 
plus  materielle  et  la  moins  etenduc  :  on  en  a  fait  une  ques- 
tion de  dialecles  et  d'amour-proprc  national.  Nulle  pensee 
haute  et  vaste  dans  ceux  qui  s'en  sont  occupes  ;  pas  une  theo- 
rie,  pourou  contre,  qui  s'appnie  sur  des  bases larges  et  phi- 
losophiques,  des  disputes  au  lieu  de  discussions,  des  injures  a 
la  place  des  raisonnemens. 

Que  faut-il  done  pour  que  l'ltalic  reprenne  une  vie  litte- 
raire caracterisee  et  indepeudanlc?  Quels  evenemens  pour- 
raient  favoriser  cette  seconde  renaissance,  plus  difficile  que  la 
premiere,  car  on  tire  rriieux  parti  d'un  pcuple  barbare  que 
d'unpeuple  blase  ?...  Nous  n'avons  pas  besoin  de  ledire,  cha- 
cun  l'a  devine. 

29.  —  Maria  Stuarda,  etc.  —  Marie  Stuart,  tragedie  de 
Schiller,  traduite  par  M.  Andre  Maffei.  Milan,  1829;  les 
cditeurs  des  Annales  universelles. 

30.  —  Maria  Stuarda,  etc.  ■ —  Marie  Stuart,  tragedie  de 
Schiller,  traduite  par  Edvige  de  Battisti,  de  Saint-Georges. 
Verone,  1829;  Libanti. 

Ce  qu'on  appelle  le  romantisme  s'est  introduit  en  Italie  par 
la  frontiere  d'Allemagne.  Les  Anglais  semblent  n'avoir  ete 
que  pour  pen  de  cbose  dans  les  modifications  que  la  littera- 
ture  de  ce  pays  a  subies.  Le  roman  historique  recreepar  Man- 
zoni  est  le  seul  emprunt  qu'elle  ait  fait  aux  ecrivains  de  la 
Grande -Bretagne  :  les  Allemands  ont  trouve  bien  plus  tot  de 
la  sympathie  et  des  imitateurs  plus  nombreux.  Aussi,  cst-ce 
sur  eux  que  porte  le  ressentimejit  des  Italiens  qui  voient  avec 
chagrin  la  litlerature  de  leur  pajric  prendre  une  route  nou- 
relle  et  des  couleurs  differentes.  Goethe  et  Scbiller  sont,  aux 
yeux  de  ces  defenseurs  des  lettrcs  ortbodoxes,  les  represen- 
tans  du  mauvais  principe,  et,  en  cette  qualite,  recoivent  leurs 
maledictions  quotidiennes.  Nous  ne  pretendons  pas  qu'ils 
aient  tort  :  il  est  clair  que  1  Italie  sera  le  dernier  pays  ou  la 


ITALIE.  i65 

liberie  de  Part  pourra  s'introduire  :  chaque  tentative  d'inno- 
vation  trouvera  une  opposition  inflexible  et  puissante  dans  ces 
innombrables  academies  qni  la  couvrent,  dans  cette  critique 
minntieuse  et  grammatical  qui  en  sort,  dans  la  disposition 
generate  des  esputs,  amoureux  de  systemes  qui  ont  produit 
toute  la  gloire  litteraire  de  l'ltalie.  Les  Italiens  ont  encore, 
comme  nation,  unc  imagination  toute  mythologiqueet  n'abor- 
dcnt  les  tails  modernes  qu'aveo  repugnance,  a  moms  qu'ils 
ne  touchent  aux  dogmes  Chretiens.  Ainsi,  quoique  beaucoup 
d'ouvrages  dramatiques  aient  ete  traduits  avec  assez  de  succes 
des  langues  etrangeres,  ou  regnrderait  cependant  comme  une 
tentative  tres-dangereuse  de  les  reprcsenter  sur  an  theare 
italien.  L'une  des  tragedies  dont  nous  annoncons  la  publica- 
tion, celle  de  M.  Mallei,  a  ete  jouee  a  Venise,  et  la  tolerance 
avec  laquelle  elle  a  ete  ecoutee  jusqu'au  bout  a  excite  beau- 
coup  d'etonnement.  11  faudra  du  terns  et  de  grands  change- 
meas  dans  les  moeurs,  et  peut-Stre  dans  l'etat  politique  des 
Italiens,  pour  que  le  silence  de  l'auditoire  soit  remplace  par 
les  applaudissemens.  —  Du  reste,  ces  deux  traductions  nous 
semblent  tres-remarquables  :  si  nous  avions  a  nous  prononcer 
sur  leur  meritc  comparatif,  peut-etre  donnerions-nous  la  pre- 
ference an  travail  de  M.  Maffei,  dont  lc  style  est  ferine,  ele- 
gant, flexible  et  souvent  tres-passionne.  La  traduction  de 
Mm°  de  Battisti  lui  assigne  aussi  une  fort  belle  place  dans  la 
litterature  italienne. 

3i.  — *  Fulco  c/ella  Rupr,  o  la  guerra  di  Musso,  etc.  —  Falco 
de  la  Roche,  nouvelle  historique  par  G.  B.  Bazzom,  auteur 
du  Clidteau  de  Trezzo.  Milan,  1829;  Stella  et  fils. 

Nousavons  annonce,  il  y  a  pen  de  terns,  le  premier  ouvrage 
de  M.  Bazzom,  lc  Chateau  de  Trezzo  (voy.  Rev.  Enc,  t.  xlv, 
p.  678).  En  voici  un  nouveau  qui  temoigne  de  la  fecondite 
de  ce  jeune  ecrivain  :  les  eloges  qu'ils  meritent  tons  deux 
prouvent  que  cette  fecondite  n'est  point  malheureuse.  —  Les 
evenemens  historiques  auxquels  il  a  mele  sa  fable  apparlien- 
nent  au  commencement  du  xvi"  siccle,  a  cette  epoque  de 
guerres  intestines  provoquees  par  les  passions  de  mille  pelits 
souverains  presque  independans,  oi'i  tout  chateau  etait  un 
centre  d'operations  mililaires,  ou  plulot  un  repaire  de  bri- 
gandage. Nous  ne  deroulerons  point  ici  tout  le  fil  de  l'intri- 
gue  lice  par  M.  Bazzoni;  quoique  cette  intrigue  ne  soit  pas 
tres-compliquec,  cc  serait  une  tache  fatigante  et  sans  profit  : 
nous  dirons  seulement  que  ce  livre  est  reiiKirquable  par  des 
beautes  de  phisicurs  genres.  II  y  a  dans  le  talent  de  1  auteur 
un  progrcs  evident  depuis  le  Chateau dc  Trezzo  :  lc  seul  repro- 


ifi6  LI VltUS  ETRANGFRS. 

che  qui  puisse  §tre  adresse  a  Fun  et  Fautre  roxnan,  c'est  la 
froideur  de  La  passion  principale,  ici  I'amour  de  Gabriel  et  de 
Puna  :  il  nous  soluble  que  M.  Jlaz/.oni  avait,  clans  son  beau  et 
brillant  style,  ties  couleurs plus  fortes  et  plus  ardentes  a  jeter 
sue  cet  amour  ne  au  sein  de  Forage,  nourri  au  milieu  de* 
guerres,  brise  dans  une  dernier*  et  cpouvautablc  catastrophe, 
Nous  lui  conseilloas  aussi  de  supprimer  ou  de  relbndre  en- 
tierement  une  assez  longue  introduction,  ou  abondent  des 
plaisanteries  un  pen  usees  sur  un  sujet  encore  plus  vieux  :  le 
mariage  ct  les  maris-daiulins.  Peut-Otre  enlin  s'est-il  trop  at- 
tache a  des  peintures  accessoires,  auxquelles  on  ne  peut,  il 
est  vrai,  donner  trop  de  louanges.  II  excelle  a  reproduire  les 
scenes  de  la  nature  que  l'borizon  des  montagnes  rend  si  bi  il- 
lanlcs  de  contiasles  sous  le  ciel  de  l'ltalie  ;  il  sait  faire  passer 
dans  Fame  du  lecteur  tous  les  sentimens,  el  jusqu'aux  moin- 
drcs  sensations  qu'elles  font  eprouver  a  celui  qui  les  contem- 
ple ;  il  est  peintre,  il  est  poete.  iNous  pourrions  citer  une  foule 
de  scenes  de  ce  genre  qui  prouvent  un  talent  supericur  :  cette 
soiree,  par  exemple,  ou  Orsala  et  Rina,  penchees  sur  Fabime 
du  lac,  attendent  avec  anxiete  Falco,  leurepoux  et  lour  pere, 
uont  la  barque  lutte  contre  une  affreuse  tempete;  ou  celle 
dans  laquclle  Fauteur  nous  monlre  Grampo,  le  pirate,  etendu 
sur  son  lit  de  mort,  et  sa  vieille  mere,  assise  a  cote  de  ce  cada- 
vre,  et  le  contemplant  de  longues  heures  dans  uneeffroyable 
immobility  ;  ou  enfin  celle  de  la  mort  de  Gabriel.  II  y  a 
dans  toutes  ces  scenes  un  pro  fond  sentiment  de  poesie  et  une 
grandc  habitude  de  style  :  s'il  nous  etait  possible  de  faire  pas- 
ser dans  une  traduction  les  beautes  de  ce  style,  nous  ne  re- 
sisterions  pas  au  desir  d'en  reproduire  quelques  fragmens. 
Mats,  du  reste,  le  public  pourra  bicntot  decider  si  nos  eloges 
sont  merites,  car  on  assure  qu'une  traduction  de  Falco  est 
deja  commencee  et  ne  tardera  pas  a  paraitre. 

PAYS-BAS. 

o-j..  —  *  Verhandelingen ,  etc.  —  lYlemoires  de  R.  G.  Kiese- 
wetter  et  F.  J.  Fetis,  couronnes  et  publics  par  la  quatrieme 
classe  de  FInstitut  royal  des  Pays-Bas.  Amsterdam,  1829; 
Muller.  1  vol.  in-4"  de  iv-120,  ?5  et  58  pages. 

Dans  le  courant  de  Pannee  1824,  FInstitut  des  Pays-Bas 
proposa  cette  question  :  Quels  ont  ete  les  merites  des  Beiges  dans  la 
musique,  principaletnent  aux  xiv",  xv°  et  xvi"  si teles,  et  quelle  in- 
fluence les  artistes  cits  Pays-Bas  qui  ont  sejonrne  en  Italie  ont-ils 
cxercee  sur  les  cedes  de  musique  qui  se  sont  formccs  pcuapres  ctttc 


PAYS-BAS.  167 

epoque  en  Italie?  II  ne  recut  de  reponse  qu'en  1828;  niais  il 
n'avait  point  perdu  pour  attendre  :  les  deux  Meinoires  en- 
voyes  uu  concours  traitent  la  question  de  la  maniere  la  plu? 
satisfaisante  :  l'un,  en  alIemand,parM.  Kiesf.wetter,  direcleur 
de  la  chancellerie  du  conseil  aulique  de  guerre  a  Yienne,  obtint 
la  mcdaille  d'or ;  al'autre,  redige  en  francais,  par  M.  -Fetis, 
professeur  de  contre-point  et  d'harmonie  an  Conservatoire  de 
Paris,  fut  adjugee  la  medaille  d'argent.  M.  Kiesewetter  a  eu 
1'avantagc  de  consulter  les  ecrits  de  son  concurrent,  de  s'aider 
de  ses  lumieres,  et  l'on  voit  avec  plaisir  qu'il  invoque  sou- 
vent  son  temoignage.  Du  reste,  son  travail  ne  parait  pas  ici 
dans  l'etat  primitif,  mais  apres  avoir  subi  certaines  modifica- 
tions desirees  par  la  classe.  Le  tableau  de  nos  artistes  y  est 
beaucoup  plus  complct  que  dans  le  Memoire  francais.  L'in- 
fluence  qu'ils  ont  exercee  en  Italic  y  e^t  aussi  mieux  exposee. 
Enfin,  cequ'on  ne  trouve  que  la,  ce  sontdes  details curieux  sur 
les  incunabula  de  la  typographic  inusicale  011  de  la  musique 
notee,  avec  un  choix  de  morceaux  en  partie  inedits  et  propres 
a  caracteriser  les  mailres  des  differentes  epoques.  La  disser- 
tation dc  M.  Fetis  n'en  est  pas  moins  trcs-ioteressantc;  il  y  fait 
prcuve  de  goCit  et  d'erudition.  La  liste  curieuse  de  livres  hoi- 
landaisrclatifs  a  la  musique,  qu'il  a  placee  a  la  fin,  prouve  qu'il 
n'a  rien  neglige  pourposseder  convenablement  sa  matiere.  En 
somme,  les  deux  Memoires  se  completent  l'un  par  Pautre,  et 
attestent  que  la  Bclgique  a  ete  le  glorieux  berceau  du  bel  art 
qui  a  fait  plus  tard  la  renommee  des  Gretry  et  desGossec,  et  que 
cultive  aujourd'hui,  avec  tant  de  succes,  l'un  de  ses  enfans, 
1>I.  Fetis  lui-meme.  —  An  moment  on  nous  ecrivons  cette 
note,  les  journaux  nous  apprennent  que,  le  17  mars,  on  a  re- 
presente,  au  grand  theatre  d' Amsterdam,  le  premier  grand 
opera  dont  la  musique  ait  ete  composee  par  un  habitant  de 
cette  ville  ;  il  est  intitule  :  Numa  Pompilius,  second  roi  de  Rome; 
et  le  compositeur  est  M.  Fodor,  membre  de  la  quatrieme  classe 
de  l'lnslitut.  de  Reiffenberg. 

Outrages  periodiqucs. 

T)5.  — *  Journal  d' agriculture,  d'economie  rurale  et  des  manu- 
factures du  royaume des Pays-Bas ,  011  Recueil  periodique  de  tout 
ce  que  l'agriculture,  les  sciences  et  les  arts  qui  s'y  rapportent 
offrent  de  plus  utile  et  de  plus  interessant;  public  sous  la  di- 
rection de  la  Societeagricole  de  Bruxcllcs.  Bruxelles,  i83o;  au 
hureau  du  Journal,  rue  des  Sablons,  n°  28.  Paris;  Raynal, 
rue  Pavee  Saint- Andre-des-Arts,  n"  i3. 


168  LIVRES  ETIIANGERS. 

Lescaliiersdc  Janvier  et  dele  vrierdecet  utile  recueil,  que  QOUS 
avons  souvent  reconunande  a  nos  leeteurs  (  voy.  Rev.  Enc.  , 
t.  xuv,  p.  72 1 ),  contiennent  des  observations  sur  les  avantages 
qu'ofl'riraient  la  culture  desbetteraves  et  la  fabrication  du  Sucre 
dans  les  Pays-Bag.  Comme  le  sucre  colonial  est  moins  eher 
dans  Ce  pays  qu'cn  France,  ce  Memoire  est  un  nouvel  en- 
couragement pour  nos  cultivateurs  de  bctteraves  et  nos  l'a- 
bricans  de  sucre;  les  speculations  qui  reussiraient  dans  les 
Pays-Baa  ne  peuvent  manquer  de  succes  sur  notre  sol.  Dans 
un  autre  Memoire,  M.  Bron  indique  les  moyens  de  mettre  en 
valeur  les  terrains  incultes  dans  les  Ardennes,  et  Ton  pense 
bien  que  les  plantations  d'arbres  n'y  sont  pas  oubliees,  et  que 
le  meleze  est  au  nombre  des  arbres  qui  sont  recommandes 
specialenient.  Lorsqu'ii  semble  qu'en  France  quelques  agro- 
nomes  tendent  a  decourager  la  culture  de  cet  arbre,  il  n'est 
pas  inutile  de  jeter  un  coup  d'ceil  au  dehors,  el  d'examiner  ce 
que  Ton  pense  des  choses  que  nous  serions  tentes  d'aban- 
donner.  Ce  qui  est  utile  et  praticablc  dans  les  landes  des  Ar- 
dennes ne  le  sera  pas  moins  en  Bretagne,  dans  la  Sologne,  et 
dans  les  conlrees  situees  entre  l'Adour  et  la  Garonne.  Espe- 
rons  que  le  meleze  ne  sera  point  exile  de  nos  plaines,  tandis 
que  plusieurs  autres  parties  du  continent  s'empressent  de  l'ac- 
cueillir. 

34.  — *  Bibliothique  des  lnstituteurs;  Journal  de  l'instructiou 
moyennc  et  priinaire  dans  les  provinces  wallonnes.  Mons, 
1800;  imprimerie  de  Hoyois. 

Ce  journal,  redige  specialementpour  une  partie  du  royauuie 
des  Pays-Bas,  semble  n'etre  point  destine  a  une  circulation 
tres-etendue  :  cependant,  il  merite  d'etre  recherche  hors  des 
limites  que  les  redacteurs  lui  ont  assignees.  Les  matieres  d'un 
interet  general  que  contient  chaque  cahier  sont  choisies  avec 
discernement,  exposees  avec  clarte ,  etpiesque  toujours  re- 
commandees  par  des  circonstances  dont  les  Pays-Bas  n'eprou- 
vent  pas  plus  'brtement  I'influence  que  notre  patrie ,  et 
peut-etre  tout  le  reste  de  1' Europe.  Quelquet'ois,  cependant, 
il  s'y  glisse  des  articles  que,  selon  nous,  Von  n'aurait  pas  du 
inserer  :  tel  est,  par  exemple,  dans  le  cahier  de  Janvier  i83o, 
celui  ou  1'on  expose  l'origine  (supposee)  de  quelques  pro- 
verbes  Irancais.  Outre  que  ces  explications  ne  peuvent  avoir 
aucune  garantie  de  leur  exactitude ,  elles  ont  l'iuconveuient 
plus  grave  d'etre  peu  satisl'aisantes ,  et  encore  moins  utiles; 
elles  sont  done  hors  de  place  dans  un  recueil  00  tout  doit  etre 
mis  a  profit,  soit  par  les  instituteurs,  soit  par  les  eleves.      F. 

35,  —  *]$ouveUcs  Archives  historiques  des  Pays-Bas,  ou  lie- 


PAYS-BAS.  i(i() 

ctieil  pour  la  geographie,  !a  statistique  et  l'histoire  civile, 
militaire,  religieuse,  politique  et  litterairc  de  ce  royaume; 
pnblie  par  le  baron  de  Reiffenberg;  liv.  1  -  4-  BraxeUes, 
1829-1830;  Dc  Mat.  In-8°de  248  pages. 

Ccs  Archives  sont  une  espece  de  portcfeuille  ou  les  per- 
sonnes  instruites  peuvent  dt.  poser  leurs  observations  et  le  rc- 
sultat  de  leurs  etudes  sur  l'bistoire  des  Pays-Bas  considcrce 
dans  sa  plus  vaste  etendue.  Des  Memoires  sur  des  points  dif- 
ficiles  ou  pen  eonnus,  des  anecdotes  interessantes ,  des  pieces 
inedites  donnees  en  entier,  ou  parextrail,  des  Notices  bio- 
graphiques,  meme  de  simples  remarques  de  bibliographic; 
tout  peut  y  entier.  On  y  joint  une  indication  desecrits  impri- 
mes  soil  en  Belgique,  soit  a  l'Etranger,  ainsi  que  des  articles 
de  journaux  qui  se  rapportent  a  l'objet  que  l'editeur  se  pro- 
pose. Dans  les  quatre  premieres  livraisons,  nous  signalerons 
desrechercb.es  sur  l'etat  politique  des  juifs  dans  les  Pays-Bas, 
principalement  pendant  lemoyen  age .  M.  de  Reiffenberg  n'a  pas 
encore  ete  an  deladu  xnie  siecle.  Un  Mcmoire  sur  les  comtes 
de  Lou  vain  est  tire  des  papiers  de  M.  le  chanoine  Erkst,  qui  a 
coopere  d'une  maniere  si  active  a  Y Art  de  verifier  Les  dates, 
dans  lequel  il  a  insere  une  foule  d'articles  que  n'indique  point 
M.  Queraed  dans  sa  France  lilteraire.  Deux  fragmens  inedits 
des  annees  108G  et  1 108  peuvent  servira  l'histoirede  laScan- 
dinavie,  et  attireront  l'attention  des  savans.  Ceux-ci  verront 
surtoutavec  interct  les  Annales  de  l'abbaye  de  Rolduc,  ecri- 
tes  au  milieu  du  xne  siecle,  et  qui  etaient  egalement  ignorees. 
Le  texte  en  est  un  pen  corrompu  ;  on  l'a  copie  fidelement  sur 
le  seul  manuscrit  dont  on  ait  pu  disposer.  Au  reste,  quelques 
notes  sont  promises,  et  rcdrcsseront  les  plus  importantes  er- 
rcurs.  D'autres  pieces  sont  relatives  a  la  sorcellerie  et  au  re- 
gne  de  Jeanl",  due  de  Brabant,  et  de  Charles  IV,  einpereur 
d'Allemagne.  Une  des  subdivisions  des  Archives  est  consacree 
aux  traditions  populaires,  idee  heureiise,  et  dont  les  arts  d'i- 
magination  peuvent  proliter.  1>I.  de  Reiffenl)erg  propose,  dans 
la  quatrfeme  livraison,  des  reunions  periodiques  pour  les  an- 
ti  qua  ires  et  les  historiens,  a  l'instar  de  celles  des  naturalistes. 
«  La  session,  dit-il,  serait  terminee  par  un  pclerimtge  aux 
lieux  dignes  des  regards  de  tels  voyageurs,  pelerinage  qui 
s'executerait  sous  la  conduile  des  archeologucs  du  pays.  Quel 
plaisir  de  reconnaitre  les  traces  des  ;Normands  avec  les  PIu- 
qnel  et  les  Prevost,  d'aller  a  Vaucluse  dans  la  compagnie  do> 
Fortia ,  d'exhumer ,  avec  les  Raynounrd ,  les  Thierry,  le* 
Daunou,\e$  Cape/igue,  lesChampollion  ,  les  Buchon,  les  Dep- 
ping ,  les  Roquefort,  les  Le  Gtay,  les  souvenirs  de   la  vieille 


i;o      LIVRES  ETRANGERS.— LIVRES  FRANCA1S. 

France ;  d'cntcndre  Mai  evoquant  la  poussiere  classique  de 
Rome;  de  snivre  les  Hulmann  ,  les  Savigny,  les  Heeren,  les 
ISiebuhr,  les  Diimgc,  les  Bilchler,  les  Pertz,  les  Maltbice,  les 
Srhlosser,  les  Grimm,  les  Ebert ,  les  Bochmer,  dans  les  lieux 
ou  combattaient  Armenius  et  Goetz  a  la  main  de  fer  ;  de  visi- 
ter les  tombes  scandinaves,  sur  les  pas  des  Rafn  et  des  Abra- 
hamson.  et  d'avoir  un  Walter  Scoit  pour  cicerone  dans  la  poli- 
tique Ecosse!  »  P. 

LIVRES  FRANCAIS. 

Sciences  physiques  el  nature/les. 

5(3.  — ■  *  Elcmens  de  philosophic  naturelte,  renfertnaui  un 
grand  nombre  de  developpcmeus  neufs  et  d'applications 
usuelles  et  pratiques,  etc. ;  par  Neil  Arnott,  tiaduits  de  l'an- 
glais  sur  la  quatrieme  edition,  et  enrichis  de  notes  et  d' additions 
mathi'inatiques ,  par  T.  Richard.  Tome  II.  Mecanique  des 
Ihiides.  Paris,  i83o  ;  Auseliu.  In-8°  de  4y-J  pages,  avec  quatre 
planches  gravees;  prix,  6  fr. 

Les  elemens  de  philosophic  naturelle  de  Neil  Arnolt  soul 
populaires  dans  la  Grande -Bretagne,  parce  qu'ils  mettent  la 
mecanique  et  la  physique  a  la  portee  des  gens  du  moude,  el 
donnent  l'explication  de  la  plupart  des  phenomenes  qui  se  pas- 
sent  chaque  jour  sous  les  yeux  detous.  Quatre  editions  succes- 
sives  de  cet  ouvrage,  puhlices  en  peu  d'annees,  prouventle  cas 
qu'on  en  fait  en  ce  pays.  Cest  done  une  entreprise  digne  d'e- 
loges  de  le  faire  connaitre  aux  lecteurs  francais  qui  sauront 
l'apprecier.  Nous  avons  deja  rendu  cempte  du  premier  vo- 
lume, qui  traite  de  la  mecanique  des  corps  solides  (voy.  Rev. 
Enc. ,  t.  xtin,  p.  700) ;  celui  que  nous  annoncons  r  en  fer  me 
un  sujet  plus  difficile  et  plus  etendu  ;  les  fluides  ont  surtout 
acquis  de  nos  jours  une  importance  capitale  dans  l'induslrie, 
et  l'emploi  de  la  vapeur,  comme  force  motrice,  centuple  ses 
ressources.  L'auteur  pose  d'abord  les  bases  de  l'hydrosta- 
tique ,  explique  ensuite  les  effets  despompes,  des  syphons , 
des  aerostats,  des  machines  a  vapeur,  des  gazometres  et  de 
l'aeoustique ;  il  termine  par  I'applicalion  de  ces  principes  au 
mecanisme  dela  vie  desanimaux.  La  traduction  est  correcte  et 
redigeeavccclarte.  Cet  ouvrage  merite  a  tous  egardsd'obtenir, 
en  France,  un  accueil  aussi  favorable  que  celui  qu'il  a  recu 
en  Angletenc. 

37.  — *  Traite  de  la  lumiere,  par  J.  F.  W.  Hersciiel,  presi- 
sident  de  la  Societe  ostronomiqitc  de  Londres ;   traduil  de  Pan- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  171 

glais,  avec  notes,  par  MM.  P.  F.  Verhulst,  docleur  cs- 
•ciences ,  et  A.  Quetelet,  directeur  de  l'observatoire  de 
Bruxelles.  Paris,  i85o;  Malher  et  C'e.  2  volumes  in-8°  de 
200  et  3oo  pages,  avec  des  planches  gra\ees ;  prix,  9  1'r. 

Le  savant  W.  Herschel  a  compose  le  traite  d'optique  que 
nous  annoncons,  pour  l'Encyclopedie  lnctropolitaine,  publiee 
en  Angleterre  :  c'est  l'ouvi'age  le  plus  complet  qui  ait  encore 
ete  ecrit  sur  cette  importante  branche  de  la  physique.  Le 
1"  vol.  donne  les  bases  de  la  science,  explique  les  lois  de  la 
reflexion  de  la  luniiere,  celles  de  la  refraction,  la  theorie  des 
miroii's  et  des  Ientilles,  etc.  Le  a*  vol.  expose  les  phenomeues 
de  la  dispersion,  de  l'achromatisme,  des  anneauxcolores,  etc. 
Nous  reviendrons  sur  cette  production  remarquable,  lorsque 
la  traduction  sera  eiitierement  publiee. 

58.  —  *  Archives  des  de'eourertes  et  des  inventions  nouve/tes 
faites  duns  les  sciences,  les  arts  et  les  manufactures,  taut  en 
Prance  que  dans  les  pays  etrangers  pendant  l'annee  1829; 
avec  1'indicalion  succincte  des  prineipaux  produits  de  l'indus- 
trie  franeaise  etc.  Paris,  i85o;  Treuttel  et  Wiirtz.  In-8"  de 
58o  pages;  prix,  7  fr. 

Les  editeurs  continuent  avec  perseverance  leur  enlreprise. 
et,  depuis  vingt  ans,  ils  publient  chaque  annee  un  volume  011 
l'on  trouve  1'expose  rapide  de  toutes  les  inventions  faites  dans 
l'annee  precedente,  ainsi  que  de  tous  les  progres  recens  des 
arts  et  des  sciences.  Le  volume  que  nous  annoncons  est  digne 
de  ceux  qui  l'ont  precede,  et  merite  d'etre  accueilli  avec  in- 
tei  et.  L'auleur  passe  en  revue  les  diverses  branches  des  con- 
naissances  humaines,  et  indique  tout  ce  qui  s'y  est  fait  de 
plus  remarquable  ;  il  cite  les  ouvrages  ou  Ton  trouve  des  de- 
tails plus  etendus,  sur  chacun  des  sujets  qu'il  ne  peut  analy- 
ser que  tres-succinctenient.  Les  sciences  sont  divisees  en 
quatre  parties  :  I'histoire  nalurelle,  la  physique  et  la  chimie, 
la  medecine  et  les  mathcmaliques  ;  les  arts  comprennent  cinq 
sections  :  les  beaux-arts,  les  arts  mecaniques,  les  arts  chimiques, 
les  arts  economiques  et  fagriculture.  On  y  trouve  ensuite 
les  titles  des  35g  brevets  d'invention  pris  dans  l'annee  1829. 
Le  volume  est  termine  par  la  Iistc  des  prix  decernes  ou  pro- 
poses par  l'Academie  des  sciences,  la  Societe  d'agriculture. 
celle  de  Mulbausen,  la  Societe  d'encouragement,  etc.  L'ou- 
vrage  est  ecrit  avec  methode  et  clarte,  et  laisserait  pen  a  de- 
sirer  si  l'on  y  trouvait  des  figures  explicatives  des  machines 
el  des  appareils,  qu'il  est  bien  difficile  de  comprendre  a  la  simple 
lecture  de  leur  description  et  des  effets  produits. 

Francoetr. 


i;2  LIVHES  FH  ANGUS. 

So.  — Resolution  du  problime  de  la  quadrature  du  cercte  pur 
lis  principes  de  la  geometric,  par  J.  B.  Cheval,  iincien  geome- 
tre  du  cadastre  du  departemenl  de  la  Manche.  Paris,  1829; 
Bacbclier.  In- 12  dc  5G  pages,  avec  une  planchc. 

Depuis  que  I'Academie  des  sciences  a  pris  la  resolution  de 
repousser  lesdecouvertessemblablesacelleque  Rl.  Cheval  croit 
avoir  laite,  les  inventenrs  s'adrcssent  dircctcmenl  an  debon- 
naire  public,  qui  n e  repousse  rien,  el  anx  redacteurs  dc  recneils 
periodiques  condamnes  a  tout  lire.  Nous  avons  done  hi  cet 
opuscule,  et  nous  declarons  formellemcnt  a  l'auteur  que  sa 
prctendue  resolution  est  fausse,  et  que  ^approximation  qu'il 
dounc  est  moins  exacte  que  celles  dont  oil  fait  usage,  et  qui 
sufliscnt  a  toules  les  applications.  II  demandera  sans  doute 
qu'on  lui  prouve  son  erreur;  eomme  cette  discussion  ne  serait 
d'aucune  utilite  pour  le  public,  nous  nous  en  abstiemlrons 
d'autant  plus  volontiers  que  lamclhode  d'exposition  adoptee 
par  M.  Cheval  est  tres-ennuyeuse,  qu'il  insisle  longuement 
sur  cc  dont  il  ne  s'agit  point,  et  laisse  de  cote  ce  qui  resou- 
drait  la  question.  F. 

4o.  ■ — -  *  Essai  sur  les  moyens  de  conduire,  d' clever  et  dc  distri- 
huer  les  eau.r,  par  M.  Genieys,  ingenieur  au  corps  royal  des 
Ponts  el  Chaussees.  Paris,  1829;  Carilian-Goeury,  quai  des 
Augustins,  n°  4'- I»-4°  de  XL-275  pages,  avec  un  cahier  de 
5o  planches  gravees;  prix,  12  fr. 

M.  Genicys  est  attache  au  service  de  la  distribution  des  eaux 
dans  Paris  :  I'ouvrage  que  nous  annoncons  est  le  res ul tat  des 
reebercb.es et  des  etudes  auxquelles  il  s'est  livre  pour  remplir 
les  fonetions  de  sa  charge ;  il  a  reuni  dans  un  seul  volume  le 
tableau  com  pie  t  des  connaissances  que  Ton  possede  aujour- 
d'hui  sur  le  mouvement  des  eaux,  soit  dans  des  canaux  de- 
couvcrls,  soit  dans  des  conduits  fermes,  et  la  description 
des  moyens  que  I'on  peut  employer  pour  operer  dans  une 
ville  une  distribution  d'eau.  La  publication  d'un  pared  livre 
par  un  ingenieur  distingue,  qui  connail  parfaitement  le  sujet 
qu'il  traite,  est  un  veritable  service  rendu  a  la  science  et  a 
I'industrie. 

M.  Gcnieys,  dans  une  introduction  historique,  presentc  la 
description  des  principaux  ouvrages  hydrauliqnes  executes 
par  les  Romains.  Ce  people,  qui  nous  a  laisse  taut  de  inouu- 
mens  de  sa  civilisation,  n'avail  rien  neglige  pour  embellir  sa 
superbe  cite  par  la  presence  constante  d'une  grande  quantite 
d'eau.  «  La  longueur  totale  des  aqueducs  employes  a  la  distri- 
bution des  eaux  dans  I'ancienhe  Home,  dit  M.  Genieys,  etait 
de  43  myriainetrcs,  qui  rcpondcnl  a  107  lieues  dc  postc  ;  les 


SCIENCES  PHYSIQUES.  i;5 

trois  quarts  de  cettc  longueur  elaient  en  conduits  souterrains 
voutes,  et  pour  le  surplus  hors  deterre;  link  lieues  etaient  en 
arcades  qui  avaient  jusqu'a  32  metres  de  hauteur;  le  volume 
d'cau  fourni  parces  aqueducs  elait  de  785,000  metre?  cubes 
en  24  heures.  » 

Aujourd'hui  encore,  les  fontaines  de  Rome  sunt  nn  objet 
d'admiration  ,  nioins  par  la  belle  ordonnance  de  l'architecture 
et  par  les  ornemens  de  la  sculpture  que  par  les  torrens  d'eau 
qu'elles  repandent.  La  t'ontaine  Pauline  depense  journellement 
56,ooo  metres  cubes  d'eau,  et  celle  de  la  place  Saint-Pierre, 
au  Vatican,  composee  d'une  simple  coupe  elevee  sur  1111 
piedouchc,  en  depense  6,000,  tandis  que  la  gerbe  du  Palais- 
Royal,  que  nous  admirons  a  Paris,  11  e  jette,  par  jour,  que 
1,700  metres  cubes  d'eau. 

Dans  les  terns  modernes,  1'Italie  perdit  la  supcriorke  emi- 
nente  qu'elle  avait  eue  jusqiralors  sur  tons  les  peuples  dans 
la  construction  des  monumens  pour  la  conduite  des  eaux;  et, 
sous  Louis  XIV,  la  France  se  placa  au-dessus  de  1'Italie,  non- 
sculement  par  les  immenses  travaux  executes  a  Versailles 
pour  1'embellissement  de  cette  residence  royale,  maissurtoul 
par  les  recherches  et  les  experiences  sur  le  mouvement  des 
eaux  fakes  par  des  savans  francais. 

Malgre  nos  connaissances  dans  cette  branche  des  sciences 
ph_ysico-mathematiques,  peude  nos  villes  possedent  des  sys- 
temes  de  distribution  d'eau,  et  Londres,  Glascow,  Edimbourg, 
Philadelphie,  sont,  a  cet  egard,  plus  avanc4es  que  Paris, 
notre  capitale  n'aura  cependant  bientot  plus  a  leur  envier  un 
si  grand  avantage  :  80,000  metres  cubes  d'eau,  amenes  par  le 
canal  de  l'Ourcq,  vont  etre  consacres  journellement  a  I'eni- 
bellissement  des  places  et  des  promenades  de  Paris,  a  l'arro- 
sement  de  ses  rues  etau  lavage  desesegouts;  40,000  au  I  res  me- 
tres cubes,  tires  cbaque  jour  de  la  Seine  et  eleves  par  des  ma- 
chines a  vapeur,  seront  portes  par  des  conduits  en  fonte  de  fer 
dans  des  reservoirs  places  dans  chaque  maison  d'habilation, 
;'i  differentes  hauteurs,  suivant  le  desir  des  proprietaires. 

A  cette  introduction  historique,  placee  en  tete  du  livre  de 
M.  Genieys,  succede  un  vocabulaire  qui  donne  une  explication 
detaillee  de  tous  les  termes  de  science  ou  de  metier  employes 
dans  lecoursdel'ouvrage.  L'auteurentreensuiteenmatiere;  il 
divise  son  travail  en  trois  sections  :  dans  la  premiere,  il  deve- 
loppe  la  theorie  generale  du  mouvement  des  eaux  courantes, 
fondee  sur  les  belles  experiences  des  Bossut,  des  Dubuat,  el 
des  Prony  ;  dans  la  seconde,  il  donne  la  description  des  pom- 
pcs  et  des  machines  a  vapeur  que  Ton  peut  employer  pour 


i;4  LIVRES  FRAN  CASS. 

elever  des  eaux  au-dessusdc  leur  niveau  naturel;  dans  la  troi- 
sieme  section  enfin,  il  traitc  la  question  dc  la  distribution  des 
eaux  qui  comprend  tons  les  details  necessaircs  a  la  confection 
et  ;\  l'assemblage  des  tuyaux  de  conduite,  ainsi  qu'a  lY-tablis- 
sement  des  lbntaines  publiques  et  des  reservoirs  places  dans 
les  maisons  particulieres. 

II  nous  est  difficile  de  suivre  M.  Genieys  dans  l'exposition 
des  formules  de  I'hydrodynamique,  on  dans  la  description  des 
procedes  de  l'art  du  fontainier  :  qu'il  nous  snfllse  de  dire  que 
Ton  reconnait  en  lui  un  ingenieur  qui  joint  a  la  connaissance 
de  la  theoric  ^experience  de  la  pratique.  5o  planches,  gravees 
avec  un  soin  et  avec  un  luxe,  partieuliers,  accompagnent  cet 
ouvrage,  qui  sera  consulte  avec:  fruit  partous  ceux  qui  s'occu- 
pent  de  l'art  de  conduire  et  d'elever  des  eaux.  Ad.  J. 

4i. — Economie  industrielle;  par  C  L.  Bergery,  ancien 
eleve  de  l'Ecole  Polytechnique,  membrc  de  l'Academie  royale 
de  Metz,  etc.  Tome  11 ;  Economie  du  fabricant,  premiere  partie. 
Metz,  i83o;  Mmo  Thiel.  In-12  de  2/J8  pages;  prix,  2  fr. 

Ce  petit  ouvrage,  equivalent  a  un  gros  volume,  est  le  pre- 
cis du  cours  d'economie  industrielle  fait  aux  ouvriers  messins 
par  M.  Bergery.  Nous  n'entrerons  aujourd'hui  dans  aucun 
detail  sur  les  doctrines,  les  dissertations,  k-s  calculs  et  les  pre- 
ceptes  du  professeur;  lorsque  son  travail  sera  termine,  il  sera 
indispensable  de  le  considerer  dans  son  ensemble,  afin  que 
Ton  apprecie  encore  mieuxles  services  qu'il  ne  peut  manquer 
de  rendre  en  repandant  parmi  nos  fabricans  des  connais- 
sances  dont  plusieurs  d'entre  euxsont  encore  trop  depourvus. 
Nous  ne  pouvons  cependant  nous  abstenir  de  placer  ici  une 
remarque  qui  n'echappera  point  a  tout  lecteur  attentif :  en 
jetant  les  yeux  sur  la  table  des  matieres  de  ce  petit  livre,  on 
y reconnait,  au premier coup-d'ceil,  l'esprit  d'ordre  quia  pre- 
side a  la  disposition  de  toutes  les  parties,  a  la  composition 
des  moindres  details;  on  est  persuade  que  le  livre  est  bien  fait, 
on  le  lit  pour  confirmer  ce  jugement,  et  plus  on  avance,  plus 
on  est  satisfait. 

4a.  —  La  Mai.ion  de  campagne,  par  Mme  Aglai  Adanson, 
membre  des  Societes  d'horticulture  et  d'agronomie  pratique 
de  Paris ,  etc.  Troisicme  edition  ,  revue  et  beaucoup  augmen- 
tee.  Paris,  i85o  ;  Audot.  2  vol.  in-12  de  585-455  pag.  ;  prix, 
7  fr.  et  9  fr.  5o  c.  par  la  poste. 

L'editeur  de  cette  troisieme  edition  l'a  fait  preceder  de  l'avis 
suivant  :  «  L'interet  avec  lequel  j'ai  vu  accueillir  les  deux  pre- 
mieres editions  de  cet  ouvrage  m'a  engage  a  orner  sa  troisieme 
du  portrait  de  Pauteur,  fdle  du  savant  Adanson;  mais  je  n'ai 


SCIENCES  PHYSIQUES.  ip5 

pu  me  procurer  qu'une  peinture  faite  il  y  a  vingt  ans,  et  sur 
laquelle  je  n'ai  voulu  permettre  aucun  changement,  crainte  dc 
nuire  a  la  ressemblance.  »  On  lni  saiira  gre  aussi  d'avoir  con- 
serve Yavis  de  la  seconde  edition  ,  dans  lequel  M°"  Adanson. 
repondant  a  un  malin  critique,  declare  qu'elle  se  fait  honneur 
de  savoir  faire  usage  de  la  beclie  et  de  la  casserole  aussi-bien  que 
de  la  plume  ,  et  que,  «si  elle  etait  assez  heureuse  pour  faire 
gofiter  a  1'auteur  de  Particle  du  journal  dont  elle  parle  un  plat 
de  sa  facon,  il  n'aurait  plus  le  courage  de  la  railler,  et  que  sa 
malice  se  changerait  en  eloges.  »  A  ce  prix,  qui  ne  serait  tente 
d'essayer  quelque  peu  de  raillerie  bienveillante,  car  aucune 
autre  ne  peut  venir  a  la  pensee  d'un  critique  raisonnable, 
quand  meme  il  se  bornerail  a  examiner  l'ouvrage  sans  s'oc- 
cuper  de  I'auteur.  Examinons  done,  et,  si  nous  decouvrons 
quelque  place  on  la  malice  puisse  se  glisser,  nous  ne  eherche- 
rons  point  a  la  reprimer,  car  elle  n'abusera  point  de  cette  con- 
descfindance. 

C'est  d'une  Maison  tie  campagne  qu'il  est  question  ,  et  non 
d'une  maison  rustique.  Quelques  Anglais  out  la  pretention  de 
donner  Papparencc  d'une  chaumiere  a  une  habitation  deli- 
cieuse;  Wme  Adanson  vent  que  chaque  chose  s'annonce  pour 
ce  qu'elle  est  reellement,  que  tout  soit  bon,  convenable,  a  sa 
place,  au  dedans  comme  a  l'exterieur.  C'est  pour  les  maitresses 
de  maisons  de  campagne  qu'elle  a  ecrit ,  mais  son  livre  in- 
spirera  sans  doute  a  quelques  habitantes  des  villes  le  gout  de 
la  vie  champetrc  et  des  jouissances  qu'elle  procure,  toutes 
solides  et  substantielles.  Les  excellens  conseils  que  l'on  trouve 
ici  sur  l'ameublement  de  la  maison  de  campagne  arrivent  en 
foule  a  Particle  de  la  cuisine,  et  en  Men  plus  petit  nombre  lors- 
qu'il  est  question  du  salon  de  compagnie.  Mais  faut-il  croire 
a  une  observation  qui  termine  ce  que  1'auleur  a  ecrit  sur  cette 
piece,  qui  merite  bien  aussi  que  Pintelligcnce  et  le  bon  gofit 
prennent  soin  de  Parranger  et  de  Porner  ?  Nous  allons  la  tran- 
scrire  litteralement,  car  elle  provoque  une  discussion. 

« J'ai  omis  de  vous  parler  de  Peclairage,  et  je  n'ai  qu'un 
mot  a  vous  dire  sur  cet  article  :  c'est  que  1'usage  des  lampes, 
de  quelque  nature  qu'elles  soient,  detruit  en  peu  de  terns  la 
vue.  »  Ainsi,  Part  des  Quinquet,  des  Lebon  et  autres  promo- 
leurs  des  nouveaux  modes  d'eciairage,  adoptes  aujourd'hui 
dans  les  deux  mondes,  serait  un  present  funeste  que  la  science 
aurait  fait  aux  hommes  !  L'arret  prononce  par  M°"  Adanson 
n'est  pas  sans  appel ;  on  continuera  l'essai ;  les  physiciens  et 
les  medecins  prononceronl  en  dernier  ressort ,  dans  quelques 
eiei-lcs  peul-etre,  car  la  cause  ne  peut  etre  instruite  qu'avec 


i76  LKVRES  FRANCAIS. 

lenteur,  ct  le  tcms  est  un  des  temoins  qu'il  faut  intcrroger. 

Apirs  avoir  pourvu  a  tout  ce que  doit  renfenner,une  oiaison 
d'habitation  a  In  campagne,  I'auteur  pense  u  ce  qui  I'entoure, 
el  ne  s'etend  pas  moins  sur  ce  qui  eoncerne  la  basse-eour  et 
ses  dependances,  sur  la  demeure  des  onimaux  domestiques, 
que  snr  celle  des  proprietnires.  Le  rucher  n'est  pas  oublic,  non 
plus  que  le  vivier  et  I'etang.  Les  soius  d'economie  domestique 
tienncnt  aussi  la  place  qui  leur  apparlicut  legitimement.  Arrc- 
tous-uous  UQ  moment  a  la  liste  ties  litres  qu'il  est  utile  ft' avoir 
d  la  campagne  :  elle  est  bien  eourle  cetle  liste,  et,  sans  exclure 
aucun  des  ouv rages  qu'elle  iudique,  il  en  est  plusieurs  qu'on 
devrait  leur  assoeier ,  si  meme  ils  ue  meritent  point  de  leur 
rtre  pre  feres.  A  la  campagne,  quand  nieme  on  lirait  pen,  rien 
n'est  plus  agreablc,  plus  utile  qu'une  bibliotbeque  bien  meu- 
blee. 

INous  ne  dirons  rien  de  la  Pttite  Cuisiniere  de  la  maison  de 
campagne ,  avouant  notre  gnorance  sur  ce  point,  et  profitanl 
des  admirables  produils  du  savoir  gastronomique ,  de  meme 
que  le  vulgaire  jouit  de  tons  les  biens  de  la  nature,  sans  y  rien 
comprendre. 

lin  Petit  Diclionnaire  de  recettcs ,  de  notions  ct  d'ulililes  di- 
rerses  teimine  le  premier  volume.  A  la  quatrieme  edition  de 
cet  ouvrage,  I'auteur  fera  bien  d'en  retrancher  ce  recueil,  dont 
1'utilite  n'est  rien  mo  ins  que  certain  e,  et  dont  ('influence  peul 
avoir  de  graves  inconveniens.  Rien  de  plus  jmposant  que  le 
laconisme  des  recettes  infaillibles  pour  guerir  les  maladies  les 
plus  graves  :  «  Un  verre  moitie  eau  et  moitie  buile  d'olive. 
repete  plusieurs  iours  de  suite,  guerit  radicalemeut  les  fievres 
malignes.  '»  Une  assertion  aussi  positive  ne  permet  aucun 
doute.  On  applique  la  recette,  et,  si  les  malades  meurent,  ce 
n'est  pas  a  l'cflicacite  du  reniede  que  Ton  impute  ce  t'acbeux 
resultat. 

Le  second  volume  ne  provoque  point  d'observations  aussi 
severe*  que  celles  dont  nous  n'avons  pu  nous  abstcuir,  an 
sujet  du  Petit  Dictionnaire .  et  de  l'abus  que  Ton  peul  faire 
des  receltes  de  medecine  qu'il  renferme.  L'autcur  s'occupe 
exclusivement  du  jardinage,  et  ses  precej)les  sont  ceux  des 
maitres  de  l'art;  on  peut  les  suivre  avec  confiance.  Au  reste, 
nous  aurons  occasion  de  revenir  sur  cet  ouvrage  interessant 
dont  la  carriere  n'est  point  terminee,  qui  est  susceptible  de 
modifications  progressives  dans  quelques-  ones  de  ses  par- 
ties, tandis  que  d'autres  sont  (ixees  pour  un  long  espace  de 
terns.  Les  reimpressions  nous  montrenl  ces  ouvrages  aux  di- 
verses  epoques  de  leur  developpement ,  analogues  a  celles  de 


SCIENCES  PHYSIQUES.  i77 

l'hommc  enire  la  vigueur  de  la  jeunesse  encore  inexercee,  et 
la  force  dirigce  par  ['experience  et  le  savoir  qui  appartiennent 
a  la  maturilc,  el  la  cai  acterisent.  F. 

45.  —  * C Unique  medicate,  oil  Clwixd' observations  recueillies 
a  I'liopital  de  la  Cltaritt '•■ ,  par  (i.  Akdral.  Deuxiime  edition. 
T.  1  et  11.  Paris,  iSag;  Gabon.  2  vol.  in-8°;  prix,  i5  fr. 

Lcs  systemes  passent  vite  en  medecine,  et  les  ouvrages  dans 
lesquels  ils  sonl  developpes,  quclque  talent,  du  reste,  qu'on  y 
remarque,  quelque  brillant  qu'ait  ete  leur succes  lots  de  leur 
apparition,  tombent  bientot  dans  l'oubli  le  plus  complet ,  a 
moins  qu'une  nouvellelheorie  ne  vienne  exhumer  leurserreurs 
pour  les  combattre,  et  faire  ressortir  par  la  davantage  leme- 
rite  de  ce  qu'elle  avance.  Mais  qu'un  observateur  judicieux 
et  attentif  nous  communique  le  resullat  de  ses  travaux,  ex- 
pose a  nos  yeux  les  la  its  tels  que  la  nature  les  produit,  qu'il 
rapproche  ceux  de  ces  fails  qui  ont  du  rapport  entre  eux,  qu'il 
en  tire  des  consequences,  qu'il  nous  montre  enfin  comment  les 
nouvelles  verites  qu'il  annonce  viennent  eclairer  les  resullals 
anciens,  repandant  egalemcnt  la  lumiere  sur  ceux  qui  sont 
faux  pour  les  detruire  ,  et  sur  ceux  qui  sont  vrais  pour  leiir 
donner  plus  de  force  et  d'eclat,  alors  le  succes  ne  peut  etre 
doutcux,  et  il  sera  durable.  La  premiere  edition  de  Pouvrage 
que  nous  annoncons  a  paru  ilya  quelques  annees,  et  l'accueil 
favorable  qu'elle  a  recudu  public,  la  promptitude  aveclaquelle 
elle  a  ete  epuisee  ,  prouvent  ce  que  nous  venons  de  dire. 
M.  Andral  a  cru  devoir  faire  quelques  changemens  pour  la 
seconde ;  il  a  distribue  les  faits  dans  un  autre  ordre  ;  quel- 
ques-unes  des  reflexions  qui  servaient  de  commentaires  a  ces 
faits  ont  ete  modifiees,  et  de  nouvelles  observations  ont  ete 
ajoutees.  Les  deux  premiers  volumes  seulement  ont  paru; 
ils  conliennent  les  maladies  nombreuses  des  organes  tbora- 
cbiques,  les  affections  du  cceur,  des  gros  vaisseaux  et  de 
leurs  enveloppcs,  des  brooches,  du  parenchyme  pulmonaiie 
et  des  plevres  :  on  ne  trouve  point  la,  comme  dans  la  plupart 
des  livres  de  medecine,  pour  chaque  maladie,  une  longue  liste 
de  causes  piedisposantes  et  efficientes ,  une  description  plus 
011  moins  detaillee  d'une  foule  de  symptomes  souvent  sans 
rapports  entre  eux,  un  signalement  d'une  espece  d'etre  auquel 
on  doniie  un  nom,  et  qu'un  jeune  medecin  ne  reconnaitra  ja- 
mais lorsqu'il  viendra  an  lit  d'ua  malade.  M.  Andral  nedecrit 
point  une  maladie,  il  nous  montre  des  malades,  chacun  avec 
les  differences  que  l'age,  le  sexe,  la  susceptibilite  particuliere, 
le*  <  poques  plus  on  moins  avancees  de  1'invasion  du  mal  doi- 
vent  apporter  dans  la  maladie.  Son  recueil  d'observalions  est 

T.    XLVl.    AVRIL    l8jO.  12 


i7S  LIVRES  FUANCATS. 

mi  vasle  hopilal,  on,  ivmiis-anl,  les  uns  a  cot£  des  autre*,  Ions 
les  maux  qui  se  resseniblciit ,  pour  qn'il  soil  facile  de  saisir 
lours  rapports,  il  nous  fait  assister  a  ses  visites  jour  par  jour, 
prend  soin  de  (aire  ressortir  les  phenomenes  les  plus  impor- 
tans  qui  peuvent  nous  eonduire  a  la  connaissance  do  I'aflfec- 
tion  inlericure,  n'accorde  que  pen  d'attention aux signcs  moins 
^eitains  qui  pourraienl  distraire  notre  vue,  nous  Bait  apprcoier 
les  chaugemens  journaliers  qu'apporle  la  nature  on  rjni  soul 
dus  aux  remedes  ,  ot  enfin  nous  fait  constater  la  precision 
de  notre  diagnostic,  on  par  la  guerison,  ou  par  1'ouverture  dies 
cadavres,  si  le  mal  a  etc  au-dessus  de  toutes  les  res- 
sources.  Lorsque  ML  Laennec  se  servit,  pour  explorer  les 
affections  de  poitrine,  da  sthetoseope,  plusieurs  medecins, 
qui,  jusque-la,  avaient  traite  leurs  malades  sans  le  secours  do 
cet  instrument,  le  regard  ere  nt  comme  inutile  et  ne  voulureni 
point  s'en  servir;  depuis,  tout  ce  que  le  sthetoseope  ne  reve- 
lait  pas  a  l'oieille  du  praticien  ne  devaitpas  exisler,  et  tons  les 
autres  symptomcs  indiquassent -ils  d'une  maniere  ceitainc 
une  affection  du  coeur  ou  des  poumons,  si  le  sthetoseope  ne  di- 
sait  rien,  la  maladie  etait  nice.  M.  Andral,  sans  deprecier  la 
methode  de  l'auscultation,  l'une  des  plus  ingcnieuses  deeou- 
verles  de  la  medecine,  nous  montre  un  grand  nombre  de  cas 
ou,  sans  Pexistence  des  autres  sigues,  elle  n'aurait  pu  nous  re- 
veler des  affections  graves  du  coeur,  pas  plus  qu'elle  no  pout 
souvent  deeouvrir  seule  Pexistence  d'une  inflammation  aiguo 
du  poumon  ou  meme  des  tubercules  developpes  dans  eel  or- 
gane  :  d'a litres  fois,  si  1'on  s'en  rapportait  uniquement  aux 
signes  que  pent  fournir  cette  methode  d'exploration ,  nous 
pourrions  croire  a  la  presence  d'affeetions  qui  n'existent  reell< •- 
ment  pas  :  par  cette  sage  reserve,  l'auscultation  sera  rendue 
plus  utile  et  d'une  application  plus  pratique,  en  n'cxagerant 
pas  ses  avantages,  et  en  indiquant  avoc  precision  ce  qu'on 
peul  attendre  de  son  secours.  Une  des  parties  les  plus  impoi  - 
tantcs  du  travail  de  M.  Andral  est  celle  on  il  traite  de  la  forma- 
tion et  de  la  nature  des  tubercules  pulmonaires,  question 
grave  et  jusqu'ici  restee  indecise.  II  considere  le  tubcrcule 
comme  une  matiere  secretee,  et,  comparant  ce  produit  avec 
le  produit  de  toute  autre  secretion,  il  examine  le  precede  que 
doit  employer  la  nature,  et  il  pense  que  ce  phenomene  doit 
elre  precede  d'une  congestion  sanguine  plus  ou  moins  forte, 
mais  constanle,  accordant,  comme  on  le  voit,  un  role  asses 
important  a  l'inflammation,tout  enavouant  cependant  qu'uire 
predisposition  partieuliere  etait  neeessaire  pour  la  formation 
do  la  matiere  tuberculeuse.  Ces  idces  nous  paraissent  d'une 


SCIENCES  PHYSIQUES.  i79 

justesse  parfaile,  et  scinblent  me  me  concilier  deux  opinions 
lout-a-fait  opposees,  celle  qui  voit  dans  la  phlisie  un  resul- 
tat  constant  de  rinflammation,  et  l'niitre  qui  cousidere  cefete 
inflammation  commc  ton  jours  et  coinplelement  etrangere  a 
la  formation  des  tubercules  pulmonaires.  Les  signes  fournis 
par  l'auscultation,  par  la  toux,  la  voix,  les  craehats,  la  respi- 
ration, sont  appreeies  avec  soin  et  discutes  avec  rigueur;  il 
est  impossible  de  trouver  des  donnees  plus  justes  sur  tout  ce 
que  pent  apporter  de  lumieres  1'inspectiondes  matieresexpec- 
torees,  et  le  parti  qu'on  en  peut  lirer  pour  distinguer  entrc 
elleslcs  diverses  affectionsdes  differens  organes  contenus  dans 
la  poitrine.  —  Nous  rendrons  compte  des  autres  volumes, 
aussitot  qu'ils  paraitront. 

44.  — *Traite  de  la  peritonite  puerperale,  par  A.-C.  Baude- 
locque  ;  onvrage  couronne  par  la  Societe  royale  de  Medecine  de 
Bordeaux.  Paris,  i85o;  Gabon.  In-8° ;  prix,  6  fr.  5o  c. 

La  peritonite  puerperale,  011  fievre  grave  des  nouvelles 
arcouchees,  est,  de  toutes  les  maladies  auxquelles  les 
femmes  sont  sujettes,  une '  des  plus  frequentes,  des  plus 
promptement  mortelles,  et  peut-etre  celle  ou  ,  ce  qu'on  ap- 
pelle  la  nature  conservatrice  (c'est-a-dire,  l'organisation ) , 
trouve  le  moins  souvent  de  ces  ressources  inattendues,  dont 
nous  ne  eonnaissons  ni  I'origine,  ni  l'essence.  —  On  peutajou- 
ter  que  peu  de  maladies  ont  ete  1'objet  d'autant  de  travaux 
depnis  un  demi-siecle  surtout,  travaux  entrepris  par  les  me- 
decins  les  plus  distingues,  et  cependant  rien  de  certain,  rien 
de  bien  precis  sur  la  peritonite  puerperale  et  son  traitement , 
ne  resscrtait  de  leur  ensemble;  et  ceux  qui,  n'ajant  pn  l'ob- 
server  assez  frequemment  par  eux-menies,  etaient  reduits  a 
suppleer  a  leur  inexperience  par  les  ouvrages  des  auteurs,  y 
rencontraient  les  contradictions  les  plus  decourageantes.  Un 
livre  done  nvanquait,  qui  vint,  non  pas  proposer  de  nouvelles 
theories ,  conseiller  des  remedes  nouveaux,  pas  meme  ap- 
porter de  nouvelles  observations,  tons  ces  materiauxexistaient 
deja,  et  en  grand  nombre;  mais  qui,  dans  un  judicieux  et  im- 
partial examen,  put  eclairer  les  diverses  doctrines,  en  grou- 
pant,  autourde  chacune  d'elles,  les  fails  qui  servent  a  les  ap- 
puyer,  pour  en  deduire  ensuite  des  verites  pratitpies  qui 
doivent  seules  etre  le  but  et  le  complement  de  toutes  les  re- 
eherches  medicales.  M.  Baudelocque  a  entrepris  cette  tacbe  , 
et  il  s'en  est  acquitte  avec  succes.  Sa  premiere  recompense  a 
ete  le  suffrage  d  une  academie  savante,  et  la  gloire  de  I'em- 
porter  sin-  beaucoup  de  conenrrens;  mais  le  plus  desirable 
prix  de  son  travail  est,  sans  mil  doule,  le  bien  qu'il  aura  fait. 


i8o  LIVRES  FllANCAIS. 

en  donnant  un  bon  traite  pratique  qui  fixe  enfin  sur  <los  bases 
ocrlaines  lesidees  jusque-la  vacillantes  d'un  grand  nombre  tie 
medecins.  —  Dans  un  recueil  de  la  nature  de  la  Hirnc  Ency- 
clopediqne,  nous  ne  pouvons  pas  nous  fivrer  a  de  grands  de- 
tails tl'nnalyse  sue  mi  livre  de  medicine,  comme  nuns  le 
voiuli ions  laire.  et  comme  le  merite  I'ouvrage  de  M.  Baude- 
locque.  .Mais,  uependant,  nous  expuserons  quelqnes-unes  de 
ses  vues  les  plus  iinportantes. 

Pendant  long-terns,  tonics  les  maladies  des  femmes  en 
couches  furent  considerees  comme  produites  par  l'alteralion 
des  humeurs  que  le  melange  du  lail  corrompait  :  aussi  les  me- 
thodes  de  traitement,  haseessur  ces  preoccupations,  necher- 
nherent,  a  cette  epoque,  qu'a  rendre  la  purete  primitive  aux 
humeurs,  en  les  dehvrantdu  melange  qu'clles  avaient  subi, 
par  tics  purgatil's.  des  vomitil's,  des  dim-cliques  cl  a  litres  re- 
medes  appeleS  anti-lailcux.  Les  emissions  sanguines  ctaicnt 
proscrites.  —  La  mortaliteetail  eflrayantc,  el  les  malhcureuses 
qui  suecombaient,  la  plupart  du  terns,  n'etaient  point  celles 
dontrabattement,  lamaigrcur,  ['alteration  prof-node  (\ca  traits, 
el  tousles  autres symptomes  qui  aun.onc.ent  ordiuuir-ement  la 
depravation  des  liumeuis  devaient  (aire  craindre  davantage 
line  issue  luncste  a  la  roa  lathe.  Sod\cnl,  an  conlraire,  les 
viclimes  ctaicnt  des  femmes  jeuncs,  fortes,  accoutumees  a  un 
regime  de  vie  nourrissant,  et  chez  lesqucllcs  le  sang,  an  lien 
d'etre  languissant  et  vide,  paraissail  plutol  done  de  trop  de 
vie.  II  clait  evident  que  le  mode  de  trailcmcnt  n'etait  pas 
bon  pour  tons  les  eas,  si  memo  dans  plusicurs  il  n'etait  pas 
nuisiblc.  —  La  doctrine  de  I'inflainmatioQ  conmienca  son 
regno ,  et  toutes  les  Sevres  puerperales  l'urent  des  inllamma- 
lions  du  pcriloinc,  qui  nc  devaient  coder  qu'a  la  melbode 
anli-phlogistiquc:  les  saignees,  les  sangsues,  les  delayaus  fu- 
rent les  seuls  remedesmis  en  usage  :  la  maladie  fut-elle  nioins 
mcurtriere  ?  Malhenreuscmenl  nun;  et*,  telle  1'ois,  on  Irappait 
la  moit'.'  Les  maladcs  qui  pciissaicnl  en  plus  grand  nombre 
n'etaient  point  celles  que  la  vigueur  de  l'age  et  de  la  consti- 
tution ,  qii'une  nonri  ilure  sneculenle  .  que  pen  de  sang  perdu 
pendant  I'accouobenient,  qu'une  couche  dillicile  el  laborieuse 
semblaienl  devoir  disposer  aux  desordres  inllammatoircs  les 
plus  dangereux  :  la  morl  emporlait  les  I'aibles,  celles  que  la 
mauvaise  nourriture,  I 'habitat  ion  dans  dc>  licux  luunides.  une 
diarrhee  abondaale,  une  excessive  perle  de  sang  auraient  du 
preserver  de  la  plus  legere  inflammation.  Le  resultat  prouvc 
si  ceitc  metliode  exclusive  etait  meilleure  que  l'autre.  Cha- 
ciine  avait  des  sneers  qu'elle  vaniaii .  parce  qu'il  est  impos- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  181 

sible  (|u'une  theorie  se  t'onde,  si  elle  11'a  quelque  verite  qui  la 
soutienne;  011  se  taisait  sur  les  revers,  et  en  medecine,  tou- 
jours  se  taire  esl  nienlir.  Maig  c'est  le  propre  des  doctrines 
exclusives  d'aveugler  l'esprh.  D'autres  medecins  envisagerent 
la  peritonite  puerpftrale  oomme  une  maladie  specilique,  et 
enaployerent  pour  la  combat t re  divers  med teamen s  qui,  pour 
leur  avoir  re  us  si  dans  quelques  cas,  furent  preconisespar  eux, 
comme  les  seuls  remedes  a  cette  cruelle  affection  :  de-la  la 
vogue  des  preparations  niercuriellcs,  etc.,  que  beaucoup  de 
praticiens  emploient  encore  avec  l.i  coniiauce  la  ]>lus  i  1  i i mi— 
tec.  —  M.  Baudelocque,  sans  proscrirc  entitlement  aucunc 
de  ces  mcthodes  curatives,  chcrche  a  determiner  les  cas  dans 
lesquels  elles  peuvent  etre  utiles,  et  c'est  d'apres  la  difference 
des  causes  qui  produisent  la  maladie  qu'il  se  decide  a  em- 
ployer tel  mode  de  traitement  plutot  que  tel  autre.  La  partie 
de  son  ouvrage  on  il  s'occupe  de  l'etiologie  de  la  maladie  y 
est  traitee  avec  unc  grande  superiorite;  lout  ce  qui  a  etc  dit 
avant  lui  y  est  examine  avec  une  justesse  digue  de  tout  eloge ; 
et  c'est  apres  avoir  discute  toutes  les  opinions  qu'il  conclut 
par  cette  proposition  :  que,  de  toutes  les  causes  qui  peuvent 
developper  la  peritonite,  la  plus  puissante  est  la  viciation  de 
1'aii  almospberique  :  de  cette  verite  l'auleur  deduit  les  pre- 
ceptes  les  plus  sages  pour  1'hygienc  des  tcnunes  en  couclie  ;  il 
deniontre  combitn  est  funeste  la  reunion  d'un  grand  nombre 
de  inalades  dans  une  meme  salle,  le  defaut  d'air  et  la  malpro- 
prete  ,  conditions  anxquelk's  est  due  la  grande  morlalite  qui 
regne  dans  les  peritonites  epidemiques.  — Selon  lui,  deux 
grandes  divisions  peuvent  etre  clablies  :  les  tievres  puerpe- 
rales  sporadiques,  on  par  cause  interne;  on  les  observe  chess 
les  leninies  jeunes  et  fortes,  cliez  lesquelles  l'accoii' .■hemenl  a 
etc  difficile,  qui  out  recti  uncoup;  etalors  il  assigne,  pour  ces 
cas,  le  traitement  anti-phlogislique  dans  loute  son  clendiie.  — 
Lorsque  ['affection  est  epidemique  on  par  cause  externe,  el 
qu'elle  s'est  developpcc  sous  linlluence  des  circonslances  dool 
nousavons  parte  plusbaut,  chez  des  1'emmes  laibles,  dans  unc 
saison  bumide,  a  la  suite  de  chagrins,  etc.  Al.  Baudelocque  n« 
voit  plus  une  inilammation  IVanche  du  periloiuc  ,  et  alors  il  a 
recoups  a  divers  a  gens  therapeutiques,  auxquels  il  allribuc  des 
siicccs  prodigieux  ;  c'est  ainsi  qu'il  deniontre  que  toutes  les 
mcthodes  de  traitement  peuvent  avoir  leur  application. —  On 
ue  saurait  trop  l'aire  de  rcinciviiuens  a  1'auteur  pour  avoir  si 
liien  eclairci  1111  des  points  les  plus  obscurs  de  la  science,  et 
fail  cesser  I'iticertitude  qui  rcgnait  sur  une  maladie  aussi 
crave.  J -a.  L, 


i&i  LI  \  RES  FRANCA1S. 

45.  — *  Redmrehts  sur  le  traitetne/it  du  earner,  par  la  com- 
pression melhoiUque  simple  on.  combinee,  el  suf  I'histoire  gene- 
rale  (lc  la  nieme  maladie,  suivics  de  notes  :  1°  sur  Les  forces  ct 
la  dynamelrie  vitales;  a"  sur  I' inflammation  el  I'e'tai  febrile; 
par  J.  C.  A.  Recamier,  medecin  do  l'Holel-Dieu  de  Paris, 
professeur  de  medecine  au  college  royal  de  France,  prol'es- 
seurde  clinique  medicate  a  la  facullo  de  medecine,  etc.,  etc. 
Paris,  1829;  Gabon.  2  vol.  in-8°  de  600  p.  chaque;  prix, 
i5  francs, 

Enthousiasine  pour  des  moyens  therapeutiques  nou- 
veaux,  tonfiance  dans  ses  procedes,  audace  dans  leur  execu- 
tion, ibeories  medicales  prcsqu'iniiitelligibles,  a  force  d'ima- 
gination,  de  subtilite  ft  d'cleudue  dans  les  apercus ;  tels  sont 
les  traits  du  earactere  medical  de  M.  Recamier,  et  nous  les 
avons  retrouves  dans  son  dernier ouv rage.  Celui-ci  est  divise 
en  deux  parlies  :  l'une  chirurgicale,  d'experience  et  de  Tails; 
l'aulre,  medico- physiologique,  abstraite,  et  purement  specu- 
lative. La  premiere  est  destinee  a  rappcler  l'usage  de  la  mc- 
tliode  de  la  compression  dans  le  traiteineut  du  cancer,  et  a 
decrirc  1111  nouveau  moded'ablation  de  l'uterus.  La  nietliode 
de  la  compression,  employee  en  Angleterre  par  lesdocteurs 
Young  et  Pearson,  avail  ete  condamnce  par  S.  Cooper,  et  C h. 
Bell;  MM.  Brescliet  et  Fergus  avaient  iniprime,  dansle.  Nou- 
veau Dictionnairede  medecine,  que  Ton  devait  renoncer  a  tout 
essai  de  compression  dans  le  traitement  du  cancer  :  cepen- 
dant  les  resultats  obtenus  par  M.  Recamier  semblent  iufirmer 
cette  opinion,  et  sont  propies  a  rendre  quelque  faveur  a  cetle 
methode.  Ce  professeur  rapporte  que  sur  cent  malades  qui 
se  sont  presenteesalui  pour  etretraitees  d'afiedions  caneereu- 
ses,  seize  ont  paru  tout-a-fait  incurables,  trente  ont  ete  com- 
plctement  gueries,  par  la  seule  compression,  six  par  cc  der- 
nier moyen,  combine  a  la  cauterisation  par  le  nitrate  de 
mcrcure;  chez  les  douze  autres  inalades,  la  maladie  a  coni- 
pletement  resiste ;  le  succes  ne  serait  done  pas  douleux, 
uiais  la  maniere  d'etablir  la  compression  est  le  point  le  plus 
important,  e'est  la  raison  premiere  de  loule  reussite,  el  I'ex- 
IrCine  adresse  de  M.  Recamier  doit  etre  comptee  parmi  les 
causes  de  son  heureuse  pratique.  M.  Recamier  a  cle  plus  loin, 
il  a  concu  et  execute  une  operation,  effrayante  de  hardiesse. 
en  enlevant  la  totalite  de  l'uterus  ;  il  fallail  ouvrir  la  cavite  du 
bas-ventre,  porter  I'instrumeut  tranchaut  dans  la  piofondei.r 
du  bassin,  et  detruire  des  adherences  souveul  inliiaes;  ce  qui 
exposait  a  deciliter  la  vessie  ou  le  rectum.  Ccs  dillicultes  on) 
ete  vaincuo's.  et  le  succes  a  couronne   lanl  d'efforts.   Mais  on 


SCIENCES  PHYSIQUES.  i85 

comprendra  toute  la  gravite  de  cettc  operation,  en  apprenant 
que,  sur  cinq  fails  connus,  quatre  onl  ete  malheureux,  et 
que  M.  Dupuytren,  qui  certes  n'esi  pas  un  operate  Or  limide, 
n'a  pas  voulu  l'eiitreprendre  avant  qiie  l'expcrience  ait  pro- 
nonce  sur  sa  valeur. 

La  seconde  partie,  presentee  sous  la  simple  designation  de 
notes,  comprend  quelques  I'ragmens  du  systeme  medical  de 
l'auteur,  et  donne  l'idee  sommaire  d'un  travail  anthropologi- 
que,  qui  paraitra  prochainemeut ,  et  qui  traitera  des  lois  fon- 
damentales,  des  phenomenes  physiques,  physiologiques,  el 
psyehologiques  de  l'homme,  et  de  leur  rapport  dans  Petal 
normal  et  anormal.  Des  neologismes  frequeus,  des  rappro- 
cheruens  ingenieux  mais  subtils,  des  deductions  nombreuses 
et  obscurcies  par  trop  de  details  rendent  penible  l'etude  de 
ce  travail,  et  exigent  une  force  d'altention  et  de  memoire 
dont  peu  de  lecteurs  sont  capables.  Toutes  les  fonctions 
sont  classees  sous  la  denomination  de  sens,  et  ceux-ci  sont 
ilistiugues  en  lalens  et  en  sensibles;  si  vous  relranchez  de 
ees  derniers  le  sens  de  reaction  motile  ou  kinesimctrique,  vous 
relrouverez,  sous  des  noms  nouveaux,  la  division  des  pheno- 
menes vitaux,  que  Bichat  a  exposee  d'une  maniere  si  claire 
et  si  brillante  dans  son  ouvrage  sur  la  vie  et  la  mort.  Mais,  pour 
bien  compreudre  les  ideesmedicales  de  l'auteur,  nous  pen- 
sons  qu'il  faut  attendre  la  prochaine  publication  de  son  traite 
anlhropologique;  car  il  est  difficile  de  saisir  parfaitement  un 
systeme  que  Ton  ne  peut  juger  que  sur  des  fragmens  ineom- 
plets  et  isoles.  C.  S. 

46.  —  *  Voyage  de  lacorxelte  /'  Astrolabe,  execute  par  ordre 
d  11  Roi,  pendant  les  annees  1826-1827-1828-1829,  sods  le 
eunimandement  de  M.  Jules  Dlmont  d'Luville,  capitaine  de 
\aisseau.  Histoire  du  voyage.  T.  1.  Paris,  i83o;  J.  Tastu,  rue 
de  Vaugirard,  n°  "16.  Grand  in-8",  papier  supesfiu  de  exu  el 
527  p.,  aveo  vignettes  et  planches  litliographiees ;  piix,  1  ,'|  tV . 

Cette  expedition,  qui  a  deja  tant  excite  l'atlention  dumonde 
savant,  a  du  d'abord  soumettre  a  l'administration  supeiieuie 
de  la  marine  etauxdifferentes  sections  de  V  Academic  des  scien- 
ces ses  journaux,  ses  decouvertes,  sa  cargaison  toute  scienli- 
fique,  et  attendre  la  decision  du  Roi,  qui  vient  d'ordonnei 
l'impression  de  toutes  ses  parlies.  Elles  sont  au  nombre  de 
cinq  :  i"  Histoire  du  voyage,  metereologie,  magnetisme,  tem- 
perature de  lamer,  etc.  ;  2°  Botanique;  3"  Zoologie ;  L\"  Enlo- 
molugie;  5°  Hydrograpltie.  L'ouvrage  entier  se  coinposi  ra  de 
14  volumes  et  de  plusieurs  alias.  Deja  le  tome  premier  de 
I' Histoire  du  voyage  a  pafu,  et.cette  partie  sera  tmpritnee  oh 


184  LIVRES  FRANC  A1S. 

lierement  pour  la  fin  dc  I'annee  i83i,  avec  cinq  grandes  car- 
tes et  un  atlas  de  -i^o  p~Umch.es. 

Avant  V Astrolabe,  lcs  circumnavigateurs  out  mis  de  longs 
delais  a  la  publication  tie  leurs  relations  :  dix  annees  no  pa- 
raissent  pas  avoir  suffi  a  quelques-uns.  M.  Dumont  d'Urville 
ne refail point  ses  journaux;  il  raconte ce  qu'il  a  execute,  ■  I < ■  - 

convert  on  rcotilie  :  il  ne  modilie  pas  lcs  observations  aux- 
queiles  il  s'cst  livre  dans  I' Oceanic,  d'aprcs  les  bibliotheques 

et  le-s  opinions  systematiqnes  de  Paris  :  restant,  an  milieu  dc 
la  capital*:,  voyage ur  ct  inarin,  il  ccrit  avec  les  scules  in- 
spirations de  s.ni  esprit,  qui  est  nourri  de  fortes  etudes,  ottou- 
jours  dans  I'interet  des  progres  de  la  navigation,  de  la  geo- 
graphic et  des  autrcs  sciences  qui  s'y  ratlachent.  Co  zele  si 
louable,  qii'ont  partage  constamment  les  collaborateurs  de 
M.  d'Urville,  s'accroit  chez  eux  tons  par  les  decouragcniens 
memos  qu'on  leur  a  fait  eprouver.  Nous  rendrons  comptc 
prochainement,  dans  un  article  d'analyse,  du  premier  volume 
de  la  relation  qui  offre  surtout  un  precis  historique,  le  plus 
uuthentique  qu'on  ait,  sur  les  colonies  anglo-auslraliennes. 

Isidore  Lebiun. 

4  j. — *  [tincraire  descriptifdc  la  France,  ou  Geographic  com- 
plete, liisloriqueet  pittoresquede  ceroyaume,  parordre  de  ro  ules  ; 
par  M.  Vaysse  de  Villiers  ,  ancien  inspecteur  des  posies^ — 
Route  de  Paris  a  Toulouse;  premiere  parlie.  Paris,  i85o; 
Jules  Renouard.  In-8°  de  288  pages  avec  carte  ;  prix,  5  fr. 

Le  gout  des  voyages  est  devenu  hcaucoup  plus  vif  el  plus 
general  parmi  nous,  depuis  environ  quinzeans.  E  litre  les  mo- 
tifs qu'on  en  pent  assignor,  il  (hut  citer,  surtout,  nos  rapports 
continuels  avec  cette  foule  d'etrangers,  qui  affluent  aujour- 
d'hui  sur  presquelous  les  points  tie  notre  territoire  ;  la  facilite 
et  la  promptitude  des  communications;  les  progres  tou- 
jours  croissans  tie  1'iuduslrie,  devant  qui  s'effacent  les  distan- 
ces; enfin,  ce  besoin  insatiable  d'activite  qui,  delournc  de 
son  ancienne  direction,  reclame  maintenant  ties  alimcns  nou- 
veaux.  Aussi  voyons-nous  parailre  incessammenl  des  Iliac* 
retires,  ties  Descriptions  rouliercs,  etc,  a  l'usagedes  voyagours. 
surtout  pour  ce  qui  se  rapporte  a  la  France.  Et,  en  ollcl,  si 
nous  altaclions  quelque  importance  a  connaitre  ce  qu'offrent 
de  reinarquable  les  contrees  etrangeres,  nuns  devons  surloul 
elutlier  avec  zele  et  amour  notre  beau  pays,  interessant  sous 
taut  de  rapports  divers  ,  meme  pour  cenx  qui  ne  SO  at 
point  Francais;  mais  les  yeux  d'un  observaleur  instruit 
et  attentif  peuvent  faire  encore  bien  des  decouvertes  euricu- 
scs.il  ne  faut  pas  oublierque  lesvolcansd'Auvergne,  les  mo- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  i8;> 

numens  si  etrangenient  remarquables  dc  la  Bretagne,  les  tru- 
ces d'animaux  inconnus  decouvertes  dans  Ics  cafrieres  dc 
iMonlmai  tie,  atix  porles  meme  tic  la  capitate,  eta  tent  com- 
pletement  ignores  il  y  a  moins  d'un  sieele  ;  et  qu'il  y  a,  dans 
plusienrs  de  nos  tleparlemens,  des  cantons  bcaueoup  moins 
conuus  des  voyageurs  que  Ics  bords  du  Nil  et  eeux  de  la 
Neva  ;  et  peut-elre  non  moins  digues  d'atlirer  leiir  euriositc. 
On  concoit  done  qn'un  Itineraiie  descriplif  de  la  France, 
redige  avec  soin  et  conscience,  serait  tin  onvrage  tres-pre- 
cieux  et  fait  pour  inleresser  vivement  tonles  les  classes  de 
lecteurs.  iMais  un  pared  travail  exige  une  reunion  de  con- 
naissances  qu'il  est  rare  de  lencontrer  dans  tine  meme  pei- 
sonne,  et  surtout,  la  condition,  si  difficile  a  remplir,  d'avoir 
tout  vu  par  soi-meme,  ou  tin  moins,  dc  n'admettrc  que  ee 
qui  est  attesle  par  des  autorites  recommandaljles,  qu'on  au- 
rait  encore  soin  de  controler  l'unc  par  1'aiitrc.  Aussi,  parmi 
les  livres  de  ce  genre,  y  en  a-t-il  bien  pen  qui  mei  itent  quel- 
que  corrfiance.  Les  mis  indiqeent,  comme  encore  cxistans, 
et  bien  conserves,  des  edifices  doiit  il  ne  restc  pas  le  moindre 
vestige;  d'autres  mentiennent,  comme  riche  et  fertile,  tine 
coritree  qni  ne  produit  que  des  bruyeres,  ou  attribuent  a  un 
pays  des  personnages  et  des  fails  bistoriques,  bien  connus 
poor  appartenir  a  un  autre.  Les  exeniples  ne  nous  manque- 
raientpas,  assurement,  si  nous  jugious  apropos  d'en  citer 
quelques-uns, 

II  nc  taut  po'urtant  pas  cbriclure  decelte  dilTicultc  de  faire 
un  bon  Itincraire  de  la  France,  comme  de  tout  autre  pays, 
que  crl  heureux  pheriias  est  encore  a  trourer.  Le  volume  que 
nous  anhoncons  n'est  que  la  suite  d'un  travail  long  et  con- 
scieneieux,  commence depuis  quinze  ans,  qui  embrasse  non- 
seulement  toule  la  France  actuelle,  mais  encore  Ics  coutrees 
qui  y  etaient  naguere  reunies.  Celte  impnrlante  collection  est 
bien  connne  du  public,  et  le  suffrage  unaniine  ties  voyageurs 
fraica's  el  etrangcrs  a  prouve  suffisammenl  sou  nicrile  et  i  e- 
eompensesonutilitc.  L'antcur,  M.  Vayssede  Villiers,  inspcclcur 
ties  posies  retraite,  s'est  tronve  parla  nature  meme  tie  si  s  an— 
tie  lines  fonclions,  plus  a  porlee  que  personne  tie  remplir  la 
principale  ties  conditions  que  nous  exigions  tout  a  I'lieure  ; 
celle  tie  tout  voir  et  <lc  lout  observer  par  soi-meme.  Outre 
ce  genre  tie  merile,  qui  sulliiail  pour  Ini  assurer  la  prefe- 
rence, il  a  fail  preuve  d'un  rare  talent  d'observalioii ,  d'uue 
vaste  memoire,  d  une  instruction  solide  et  variee,  el  surtout, 
d'une  exactitude  de  description  donl  il  esl  difficile  de  se  fairs 
une  juste  idee,  line  critique  severe  rcprendrait  a  peine,  dan- 


i80  LURES  FilANCAlS. 

.-on  tra\ai!,  queiques  souvenirs  personnels  Irop  detuilles,  des 
dissertations  un  pen  tongues,  et  des  anecdotes  Irop  etendues 
pour  ce  genre  d'ouvrage,  et  qui  grossissept  [e  volume  sane 
aecessite.  Mais  ces  laches  legeres,  qu'il  sera  facile  de  faire 
disparaitrc  dans  uue  prochaine  edition,  n'otent  rien  an  me- 
rile  de  Tcnseinble  ;  et  Ton  ne  pent  qu'inviter  I'auteur  a  pour- 
suivre,  avec  lc  meme  zele,  une  collection  importante,  qui 
foimera,  comrae  il  s'en  tlatle  avec  raison,  une  veritable 
geographic  de  la  France,  par  ordre  de  routes,  la  plus  com- 
plete et  la  plus  instructive  qui  ait  encore  ele  publiee. 

Le  volume  que  nous  aunoncons  aujourd'hui  se  rapporte 
aux  communications  de  Paris  a  Toulouse,  et  comprend  les 
deux  routes  passant  par  Orleans,  Limoges  et  Montauban,  et 
par  Clermont,  llhodez  et  Albv. 

En  s'occupant  de  la  premiere,  I'auteur,  partanl  d'Orleans, 
deja  decrit  dans  un  precedent  volume,  signale,  avec  son 
exactitude  accoutumee  le  chateau  de  la  source  du  Loiret, 
(iu  il  retrouve  les  souvenirs  de  Voltaire  et  de  Bolingbroke  ; 
Chaleauroux,  patrie  du  general  Bertrand  ;  Yalencay,  celebre 
par  des  souvenirs  si  divers;  enfin  ,  Limoges,  dont  l'impor- 
tance,  coinine  chef-lieu  de  departement  et  commc  ville  in- 
dustrieuse  et  commercante,  meritait  un  peu  plus  de  details. 

L'auteur  continue  sa  route  par  Pierre-Bufliere  et  Lzerche, 
et  visile,  pres  de  cette  derniere  ville,  le  celebre  haras  de 
Pompadour,  on  il  lui  arriva  ,  dit-il  ,  une  aventure  assez  plai- 
sante,  mais  qu'il  raconte  beaucoup  trop  longuement.  II  s'ar- 
retea  Brives,  et,  apres  une  courte  description  de  cette  petite 
ville  et  de  sadelicieuse  vallee,  ilrappelle  les  homines  si  diver- 
sement  remarquables  qu'elle  a  vus  naitre,  parmi  lesquclsil  ne 
pouvait  oublier  le  trop  fameux  Dubois,  1'infortune.  marechal 
Jiruue,  et  M.  de  Martignac,  celebre  avocat  du  barieau  de 
Bordeaux,  pere  du  depute  de  ce  nom,  qui  honora  un  trop 
court  ministere  par  un  beau  talent  uni  a  beaucoup  de 
moderation  et  d'inlentions  genereuses.  Plus  loin  se  presente 
Cahors,  patrie  de  Marot,  et  Montauban,  l'une  des  plus  jolies 
villes  du  Midi ,  d'ou  Ton  arrive  enfin  a  Toulouse. 

Sur  la  seconde  route,  l'auteur  nous  fait  traverser  successi- 
vemciit  la  ville  de  Saint-Flour,  les  montagnes  du  Gantal,  et 
Chaudeseigues,  on  ,  par  un  procede  itigenieux ,  les  eaux.de 
(ilusieurs  sources  minerales  sunt  employees  au  chauffage  des 
babitans.  Entre  dans  le  departement  de  l'Aveyrou,  il  deciit 
avec  une  complaisance  qu'expliqucnt,  mais  que  ne  justiiient 
peut-etie  pas  -es  souvenirs  personnels,  les  abords  de  Uhodez. 
la  ville  elle  memo,   et  les  sites  roinantiques  des   vallees   qui 


SCIENCES  PHYSIQUES.  187 

l'envirouneut  ;  plus  loin  sc  presente  Alby,  patrie  tin  inalhou- 
reux  La  Peyrouse,  dont  on  fa  Die  la  calhedraleet  les  prome- 
nades, et  d'01'1  Ton  arrive  cnfin  a  Toulouse. 

La  description  spcciale  de  cette  ville  impoi  tante  tennine  le 
volume,  et  l'auteur  n'y  a  pas  oublie,  connne  on  le  deviue. 
les  souvenirs  de  Clemence  Isaurc,  et  de  la  belle  Paule,  le  ca- 
nal desdeuxmers,  les  nombreux  debris  d'antiquites  romaines, 
el  les  meurlres  deplorables  de  Duranti,  deCalas,  et  du  gene- 
ral Raniel.  En  un  mot,  rien  n'a  ete  omis  dans  ce  volume, 
non  plus  que  dans  les  precedens,  de  tout  ce  qui  pouvoit  en 
rendre  la  lecture  uiiie  et  attrayante  pour  les  voyageurs. 

La  secondc  parlie  des  routes  de  Paris  a  Toulouse  est  sous 
presse,  et  ne  tardera  pas  a  parailre.  Y.  Z. 

48.  —  *  Atlas  gi'ograpliiquc,  ecclesiastiqae  et  drpartemenlal 
de  la  France,  par  dioceses,  a  1'echelle  de  jy/5^5  ,  on  environ 
1  ligne  pour  /joo  toises;  dresse  par  Charles,  geographe. 
Paris,  1^29  et  1 85o  ;  Charles,  rue  de  Sevres,  n"  48 ;  80  plan- 
ches; piix,  140  l'rancs  (voy.  Rev.  Enc.,  seplembre  1829, 
p.  706). 

Celte  representation  chrorographique  de  la  France,  par  di- 
visions departementaleset  dioeesaines,  se  continue  avecrapi- 
dite,  et  son  succes  est  assure.  Depuis  l'annonce  que  nous 
avons  faite  des  vingt  premieres  cartes,  vingt  autres  ont  ete 
publiees,  elles  donnent  les  dioceses  de  Nantes,  de  Blois,  de 
Chartrcs,  de  Beauvais,  de  IMontpellier,  de  Soissons,  de  Poi- 
tiers, d'Agen,  d'Autun,  deChalons,  d'Evreux,  de  LaRochelle, 
d'Amiens,  de  Besancon,  de  Carcassonne,  d' Arras,  de  Tarbes, 
d'Aire,  de  A'erdun  et  de  Troyes,  qui  comprennent  lesdcpar- 
temens  de  la  Loire-Inferieure,  de  Loii-et-Cher,  d'Eure-el- 
Loir,  de  l'Oise,  de  l'Herault,  de  l'Aisne,  des  Deux-Sevres  et 
de  la  Vienne,  de  Lot-et- Garonne,  de  Saone-et-Loire,  de  la 
Maine,  de  l'Eure,  de  la  Charente-Iuferieure,  de  la  Somnie, 
de  la  Haute-Saone  et  du  Doubs,  de  1'Aude,  du  Pas-de- Calais, 
des  Haules-Pyrenees,  des  Landcs,  de  la  Meuse  et  de  1'Aube, 
Ces  cartes,  dressees  avec  soin,  ont  ete  revues,  avant  leur  pu- 
blication, au  secretariat  de-chaque  eveche.      Sueur-Merlin. 

49.—**  Dictlonnaire  topographique,  lustoriqae  et  statistique  du 
departement  de  la  Sart/te,  suivi  de  la  biographie  et  de  la  bil/lin- 
grapluc  du  Maine;  par  J. -11.  Pesche  ,  membre  ou  correspoii- 
dant  des  Societes  des  antiquaires  et  linneenncs  de  France,  de 
Normandie,  de  medecine,  d'agriculture  de  la  Saithe,  dep"har- 
macie  de  Paris,  1  o-i5e  livraisons.  Le  Mans,  1829-1800  ;  I'au 
teur,  rue  Saint-Jacques,  n"  10;  Paris,  Lance,  rue  Croix-dcs- 
Pelits-Champs.  4  cahiers  in-8"  do  96  pages  chacun;  prix  dc 
la  livraison.  1  IV.  5o  c. 


i88  LIVRFS  FRANCAIS. 

I,c  Maine,  (|u'iiiic  armee  iVAnlerci  quitla,  il  y  a  environ 
a,5oo  ;ms.  pour  s'eiablir  en  Italic,  on  elle  fouda  Bresse  et  Ve- 
ronu,  auquel  les  Remains  cotnmanderent  pendant  piusieurs 
sieoles  (voy.  Rev.  Enc.  ,  I.  xi.iv,  p.  772  e(  siiiv.);  le  Maine, 
<|ui  I'n  1  successivement  le  theatre  des  ravages  des  Nonnands 
el  dcs  Anglais,  des  guerres  de  la  Icodalite  et  tie  religion ,  nie- 
ritait  en  outre,  par  la  sagesse  de  sa  jurisprudence,  par  ses 
mrcurs  et  son  Industrie  ,  d'avoir  des  historiens*,  et  Ms  ne  lui 
out  pas  manque.  Mais  lenrs  outrages  ,  deja  anciens  ct  rares  , 
difl'us  comme  des  chroniques,  especes  d'annales  ecclesiiasti- 
qnes  et  mililaircs,  pretent  hop  a  la  critique  pour  n'elre  ]>as 
delaisses;  excepte  Pasqiiier,  qui  sera  toujour-  une  autorite 
respectable,  aussi-bien  qu'uri  inodele  de  naivete.  Deja  il  avail 
paru  nn  Diclionnaire  du  Maine  ,  par  l'nbbc  Le  Paigne  ,  011- 
vrage  estimable,  mais  ancien.  M.  i'esche .  profitant  des  rc- 
sherches  tie  ses  devanciers  ,  commence  son  Diclionnaire  par 
nn  resume  qui,  parfois,  apparlient  plulot  a  I'liisloire  generate 
de  France,  qu'a  1'histoire  speciale  de  sa  province;  Fauleur  y 
ajoute  la  chronologic  dcs  cveques  du  Mans,  plus  curieilse, 
mais  moins  intcressanle  epic  la  chronologic  des  comics  do 
Maine;  car,  :-i  la  premiere  conlient  des  notices  SUf  des  pre- 
lats  canonises,  llcne  d'Anjon  el  quelqucs  aulres  princes  lio- 
norent  la  deuxieme  qui  linit  a  Louis  Will  ,  dernier  comte 
apanage.  On  trouve  a  la  suite  la  liste  des  depute-;,  deputsi355 
jusqu'aux  dernieres  elections,  et  celie  des  prcl'cts.  La  memo 
exactitude  se  remarque  dans  la  partie  biographique  et  biblio- 
graphique  qui  comprend  piusieurs  de  hos  contemporains. 

11  Pant  que  Fancied  regime  et  le  jesuilisme  eomplcnt  encore 
nn  grand  nomlire  de  partisans  dans  la  Sarthe,  pnisque  Tautenr 
est  rcduil  a  un  silence  absolu ,  me  me  quant  aux  m  «  urs  dcs 
nobles  ct  du  clerge  sous  la  26  race  (1).  «  Nous  ne,  pom  1  ions 
pas,  dit-il,  copier  aujourd'hni  les  historiens  les  plus  limores, 
sans  fire  accuse  d'esprit  de  parti  011  d'exageration.  Un  mot 
sciilemenl  I'cra  connaitre  la  condition  desserfa  :  elle  etait  pirc 
que  celle  des  animaux  domestiqucs.  » dependant  M.  Pesche 
cite  un  grand  nombrc  de  Tails  curiciix,  tons  authenliqucs,  cl 
qui  expliquent  les  usages,  les  alms  ct  les  malheurs  de»chaque 


(P.  Premium'  les  gens  simples  et  ignorans  contra  les  superstitions  si 
vivaces  encore  dans  les  campagnes,  critiquer  la  BOnl'ection  dcs  I  isles  «lii 
jury  cl  d'anlics  sides  administrates,  soul  cboscs  qui  suffiscnl  pour  s'atti- 
rcr  le  ressentiinent  de  certains  abbes  el  de  certains  prefets.  M.  I'csChe 
•  n  <>i  nnexemple.  II  vie  til  d'etre  oblige  <!c  suppiimer  V  Album  Gcnoman, 
journal  dtmt  la  Revue  Eneyclapediquc  a  fail  plusieurs  lois  un  eloge  ineiite. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  189 

cpoquc,  y  compris  la  notie.  — •  Hildebert,  eveque  du  Mans, 
pourse  juslilier  do  Sacculation  d'avoir  trempe  dans  l'heresie 
de  son  maitrc,  le  celehre  Berenger,  inventa  la  Fete-Dicu,  (|iii 
I'nl  adoptee  succeasivemeni  dans  tonle  la  chrclicnte.  — Le 
Maine  etait  l'nnc  des  provinces  on  Ton  parlait  le  francais  le 
plus  pur,  le  mojns  barbate,  qnand  mi  moine  manceau  iit  re- 
presenter  dans  son  abba ye  de  Saint- ALbin,  en  Angleterre,  des 
especcs  de  tragedies  pienses,  bien  anterieurement  anx  mjs- 
tercs,  qui  nc  commencerent  a  etre  eonnusqu'en  1 098.  — Dans 
le  xiv"  siecle  et  line  partic  duxv',  les  Anglais  poiterent  pour  la 
secorrde  Ibis  la  guerre  en  France.  Pendant  80  ans,  le  Maine 
n'ent  pas  tin  bourg,  nn  canton  qui  ne  fut  le  theatre  de  quelque 
combat.  On  sait  que  ee  fut  en  traversant  la  lbrct  du  Mans, 
que  Charles  M  s'imagina  etre  arrete  par  un  fantome,  et  qu'il 
perdit  la  raison.  • —  Ambroise  de  Lore  est  place  dans  l'hisloire 
bien  apres  Dunois,  La  Hire,  etc. ,  parce  que  ee  heros,  qui  les 
egala  en  valcur,  eonibattil  seulement  dans  le  Maine.  Vers  I'an- 
nee  i/|3o,  il  s'avanca  avec  une  troupe  d'elite  jusqu'a  Caen,  le 
jour  nienie  de  la  (bice  Saint-Michel,  et  il  en  rainena  0,000  pri- 
sqnniers,  anglais  pour  la  plupart,  ayant  renvoye,  sans  rancon, 
1111  niillierde  vieillards,  de  leinmes,  d'enlansetdepretres.  —  Les 
Manceaux  se  dislinguerent  dans  le  xvi1'  siecle,  par  une  ener- 
gie  que  peut-etre  ils  n'auiaient  plus  a  present.  Un  grand  nom- 
bre  enibiasserent  la  relbrme ;  les  habitans  de  la  canipagne  , 
par  1'espoir  d'etre  exeinptes  des  dimes,  premices,  oblations; 
les  autres,  dans  l'attente  de  la  vente  des  biens  du  clerge,  on 
a  cause  de  ['abolition  des  jeunes,  de  la  confession,  du  celibat 
monacal.  Mais  un  eveque,  a  la  tete  de  gens  d'armes  qui  n'e- 
laient  que  des  brigands,  saecagea  unepartie  du  Maine  ;  el,  de 
nos  jours  encore,  cctte  belle  province  a  le  plus  soufferl  de  la 
guerre  civ  ile. 

Les  avantages  et  les  defaults  de  l'ordre  alphabetique  sonl 
bien  apprecjes;  niais  il  parait  surlout  ne  point  convenir  a  la 
topographic  et  a  l'hisloire  d'un  deparlement ,  principalement 
a  la  stalistique  qui  est  devenue  une  science  exacte.  En  I'adop- 
laut,  les  repetitions  sont  inevitables,  le  style  manque  de 
variete  ;  en  place  de  descriptions  animees,  on  ne  saisit  que 
des  details,  et  le  lecteur  s'egare  parmi  des  localites  qui  n'onl 
pour  1 11  i  d'autre  lien  enlre  elles  que  Ieurs  initiates.  Aussi, 
e'est  parce  que  la  stalistique  de  la  Sarlhe  a  pris  la  forme  de 
dictionnaire  que  le  plan  en  parait  un  pen  trop  vasle;  et  il  a 
lalln  le  talent  el  les  couuaissances  diverses  de  l'auleur  pour 
racheter  ces  defauts.  M.  Pesche  ecrit  principalement  pour  la 
population  de  la  Sarlhe,  bien  que  son  ouvrage  merite  d'etre 


190  LIVKfiS  I  I\\m:  US. 

reclifcrche  par  cenx  qui  font  de  noire  histoire  ane  etude  up 
profondie.  Krndil,  antiquaiic,  gcologue,  vraiment  statisticien, 
M.  Pesche  determine  d'abord  pour  chaqne  canton  et  pour 
rfhaque  commune,  I'etymologie  tin  noni,  la  position  relalive- 
ment  aux  villcs  on  bourgs,  el  les  distances  legates,  la  popula- 
tion et  ses  variations  depuis  an  moins  3o  ans;  suivenl  deux 
petits  articles  sur  l'histoire  ccclesiastique  et  l'histoirc  feodale  , 
un  apcreu  de  la  geologic  des  qnalites  ou  accidens  dii  terri- 
toire:  puis  la  division  des  terres,  les  genres  de  culture,  le 
commerce,  soit  agricole,  soit  Industrie!,  les  routes  et  chemins  ; 
enfin,  les  monumens  ou  les  habitations  remarquahles.  Ainsi  , 
deux  on  trois  pages  suffisent  a  la  description  d'un  village. 
L'administralion  n'a  pas  pu  priver  1'auteur  des  documens 
qu'elle  seule  pos«ede  :  en  outre,  il  a  parcouru  les  moindres 
hameaux,  consulte  contradictofrement  les  principaux  habi- 
tans,  et  ce  n'est  pas  sa  faute  quand  il  signale  les  ret  us  qu'il  a 
eprouves  de  la  part  de  quelqucs  maires  et  cures.  Lorsqu'un 
bon  regime  municipal  sera  enfin  etabli  en  France,  le  Diction- 
naire  statistique,  qui  pent  servir  trescdicacement  a  1'organi- 
ser  dans  la  Snrthe,  eelairera  aussi  les  conseils  municipaux  sur- 
lesinterels  rcciproques  de  leurs  communes.  — -Les  nouvelles 
livraisons  jusllfient  de  plus  en  plus  les  eloges  que  V  Academic 
des  sciences^  fait  des  premieres,  ainsi  que  la  decision  de  M.  l'in- 
tendant  de  la  Waisou  du  roi  d'enenvoyer  des  exemplaires  au\ 
principales  bibKotheqo.es,  et  le  succes  croissant  de  cet  ou- 
vrage  qui  se  continue  avec  activite  ,  et  dont  I'edition  sera 
presque  epuisee  aussitot  qu'achevee.  Isidore  Le  Brtn. 

Sciences  religieuses,  morales,  politiques  et  historiques. 

5o.  —  *  Sainte  Bible  de  Fence,  en  latin  et  en  francais,  avec 
des  notes  litteraires,  critiques  el  historiques,  des  prefaces  et  des 
dissertations  tirees  du  commentaire  de  dom  Calmet,  abbe  de 
Sinones,  dej'abbe  de  Fence,  et  des  autres  auteurs  les  plus  ce- 
lebres,  pour  laciliter  l'intelligence  de  l'Ecriture  sainte;  enri- 
cbie  de  figures  et  de  cartes  geographiques  ;  Cinquiemc  edition, 
soigneusement  revue  et  augmentee  d'un  grand  nombre  de 
notes  par  M.  Dbach,  rabbin  convert!,  et  enricbie  de  noitrclles 
dissertations.  Ouvrage  dedie  au  roi.  T.  xm,  xv  et  xvi.  Paris, 
i85o;  Mequignon-Havard,  rue  des  Saints-Peres,  n°  10.  3  vol. 
in-8";  prix  du  volume,  7  IV. 

Nous  suivrons  la  meme  marche  que  nousavons  suivie  jus- 
qu'ici,  en  rendant  compte  de  cette  imporlante  publi<  ation, 
dont  les  livraisons  se  succedent  regulieicmcnt,  el  ne  laisspnl 


SCIENCES  MORALES.  K)i 

rien  a  dcsirer  sous  le  rapport  typographique. — On  trouve, 
dans  le  xme  vohunc  une  preface  generate  sur  les  prophctes, 
une  dissertation  sur  les  prophctes,  unc  preface  sur  Isai'e,  unc 
dissertation  sur  les  G5  ans  dont  il  est  parle  dans  la  prophetic 
duchapitre  <j  d'Isai'e,  une  dissertation  sur  ces  paroles  d'Isai'e: 
Une  Vierge  concerra,  'enfant eru  un  fds,  et  rons  I'appcllevez  Em- 
manuel ;  une  dissertation  sur  la  prophetic  du  chapitre  xvm 
d'Isai'e,  une  dissertation  sur  la  beaute  de  Jesus-Christ,  et  le 
livre  d'Isai'e.  Apres  la  lecture  de  ces  savantes  dissertations,  on 
n'est  gufere  plus  avance  qu'avant  d«  les  lire.  On  a  vu  le  pour 
el  lc  centre,  et  on  ne  pent  se  decider  a  prendre  un  parti. 

On  trouve  dans  le  xve  \  olume  :  1°  une  preface  sur  Ezeehiel : 
2°  dissertation  sur  les  trois  cents  quatre-vingt-dix  ans  dont  il 
est  parle  dans  la  prophetic  du  chapitre  iv;  5°  dissertation  sur 
le  retour  des  dix  trihus;  4°  dissertation  sur  Gog  et  Magogs 
dont  il  est  parle  dans  les  chapitrcs  xxxviu  et  xxxix;  5"  disser- 
tation sur  la  coudee  hebrai'que,  pourservira  ['intelligence  du 
texte  duchapitre  xl,  versets5  et  suivans.  Le  livre  d'Ezeehiel. 
et  un  supplement  aux  notes  des  ehapitres  xlv  et  xlvui,  sur 
les  dimensions  du  terrain  destine  aux  pretres,  aux  levites  el 
au  prince.  Ce  supplement  est  bien  peu  de  chose.  Les  disserta- 
tions sont  toutes  marquees  a u  coin  de  l'erudilion;  mais  les 
conclusions  en  sont  rarement  claires  et  decisives. 

On  trouve enfin  dans lexvie  volume  :  i°  preface  sur  Daniel; 
2°  dissertation  sur  la  metamorphose  de  Nabuchodonosor; 
3°  dissertation  sur  les  quatre  empires  marques  dans  les  eha- 
pitres ii  et  vu;  4°  avertissement  sur  la  dissertation  suivante; 
5°  dissertation  sur  les  septante  semaines  ;  6°  Daniel  ;  70  remar- 
ques  sur  les  prophctes;  8°  remarques  sur  Isai'e,  Jeremie,  Ba- 
ruch,  Ezeehiel  et  Daniel.  Profusion  de  recherches,  paroimonie 
de  jugement,  e'est  le  refrain  que  Ton  est  oblige  de  ripeter  a 
la  fin  des  dissertations  de  chaque  volume.  On  aurait  tort  nean- 
moins  de  croire  que  e'est  peine  perdue  de  les  lire;  si  leurs 
auteurs  ne  prouvent  pas  toujours  ce  qu'ils  ont  eu  l'intention 
de  prouver,  ils  eelaircissent  du  moins  quelques  questions  par 
occasion,  et  d'ailleurs  ils  fournissent  des  materiaux  abondans 
dont  on  peut  tirer  parti  en  y  mettant  de  la  methode  et  du  bon 
sens.  Ils  ont  amasse,  a  grands  frais,  ce  que  d'autres  disposent 
et  coordonnent  quand  il  leur  plait.  J.   L. 

5i. — *Recueil  general  rtcs  anciennes  his  franpaises,  depute  1'an 
420  jusqu'a  la  revolution  de  1789,  par  MM.  Isambf.rt,  Decrvsy 
et  Taillandier.  T.  xvn,  xvm  et  xix  (i4mai  i645amai  ifi8€). 
Paris,  1829;  Belin- 1  eprienr.  2  vol.  in-8°;  prix  de  chaque 
vol..  7  fr.  (voy.  Rev.  Eve.,  t.  \nv,  p.  4-r>0-) 


i.,-  LIVRES  FRANCALS. 

Cos  trois  volumes  enmpronnent  le  regne  de  Louis  \1Y  jus- 
qu'en  i(><v(>.  La  legislation  dc  cette  epoque  meritait  d'obtenir, 
dans  I'utile  collection  commeneee  par  AIM.  [satnbert,  Jour- 
dan  et  \\enet,  el  contiuuee  par  MM.  Decrusfy  el  Taillandier, 
line  place  elciidue  ;  car  die  u  regie  une  funic  de  matiercs  Jonl 
plusieurs  sunt  regies  par  elle,  encore  aujourd'hui.  Une  publi- 
cation  de  cette  nature  est  pen  susceptible  d'etre  apprccico  dans 
le  pen  de  ligncs  t lo 1 1 1  le  Bulletin  bil/liographigun  dc  la  Revue 
doit  permottre  de  disposer  pour  cbacun  des  numbrcux  ouvra- 
ges  (|ii"il  aniiouce.  Nous  ne  pouvons  que  nous  bonier,  quant 
a  present,  a  signaler  an  public,  ainsi  que  nous  1'avons  deja 
fait,  la  grande  utiiite  de  ce  eonseiencieux  travail,  destine  a 
mettre  a  la  portee  d'un  grand  rrombre  de  bibliolheques  le  re- 
cueil,  essentiel  a  connailre,  de  nos  ancienues  lois  francaises. 

5a.  —  *  La  legislation  civile  Commercial 'e  et  crimimlle  de  la 
France,  ou  comincntaire  et  complement  des  codes  franeais; 
par  M.  le  baron  Locre.  T.  xvi  el  xvu.  Paris,  1829;  Trent tel 
et  \\  tirtz.  2  vol.  in-8";  prix  dc  chaquc  volume,  7  l'r.  pour  les 
souscripleurs ;  9  l'r.  pour  les  non-souscriptcurs  (voy.  liev. 
Enc,  t.  xxxii,  p.  468;  t.  xxxviii,  p.   177;  etc ) 

Le  seizieme  volume  de  cet  ouvrage  complete  le  code  civil, 
et  acheve  I'histoire  de  la  discussion  de  ce  code,  le  plus  impor- 
tant et  le  meilleur  de  ceux  que  nous  possedons.  Une  table 
analytique  et  raisonnee  des  seize  volumes  le  lermine.  M.  Lu- 
cre a  place  a  la  fin  de  ce  volume,  sous  le  titre  de  conclusion  du 
comment  aire  et  du  complement  du  code  n'n/,  un  morceauqu'il au- 
rai  t  duconsiderablemcnt  abreger,  et  dont  le  but  principal  parait 
etrede  repondrea  quelques  critiques  d'un  article  de  journal.  Le 
ton  de  cette  polemique  est  d'une  acrete  <|ue  lesleetcursne  trou- 
vent  pas  ordinairement  de  bon  gout.  Sans  doute  il  est  dur 
pour  uu  auteur  de  n'elre  pas  compris  par  la  critique;  mais 
ses  explications  ne  doivent  pas  degencrer  en  Ian  gage  de  fac- 
tum; et  lui-mcmc  a  son  tour  ne  doit  pas  s'exposerau  reprocbe 
de  n'avoir  pas  compris  son  critique.  M  Lucre  se  plaint  aussi 
avec  beaucoup  d'amertunie  des  empruuts  qu'il  declare  lui 
avoir  etc  Tails  par  M.  Fenet,  auteur  d'un  ouvrage  rival  du 
sien,  et  qui  est  intitule  :  Recueil  eomplet  des  Iravaux  prepara- 
loires  du.  code  civil.  Au  milieu  meine  de  cette  tongue  et  beau- 
coup  trop  tongue  polemique  on  irouve  de  nouveaux  et 
utiles  details  sur  le  mode  de  redaction  des  proces-vcrbaux  du 
Conseil-d'l^tat.  L'auteur  demonire  fort  pertinemment  qu'un 
pi'oces-  verbal  dune  discussion,  dont  la  forme  a  presque  tou- 
jours  etc  telle  d'une  conference,  ne  pent  donnerque  la  sub- 
stance des  discours;  c'esl  la  sa  justification  centre  le  repro- 


SCIENCES    MORALES.  190 

chequi  lui  est  adresse  dans  les  Memoires  de  T/iibaudeau,  d'avoir 
fait  perdre  en  grande  partie  anx  discours  du  premier  consul 
la  liberie,  la  bardiesse  de  la  pensee,  l'originalite  et  la  force 
de  I'expression.  M.  Locre  convientavec  bonne  foi  de  laveritc 
du  reproche,  et  l'emploie  meme  comme  refutation  d'un  pre- 
juge  <pji  a  eu  cours,  et  qui  lui  attribuait  une  grande  partici- 
pation aux  discours  du  premier  consul.  II  cite  a  ce  sujet  uir 
mot  de  Louis  XVIII  qui ,  mecontent  d'un  travail  qu'il  avail 
commande,  s'ecriait  :«  Comme  ces  gens -la  me  font  parler! 
Ce  n'est  pas  ainsi  que  Locre  faisait  parler  Bonaparte ;  il  lui 
donnait  encore  plus  d'esprit  qu'il  n'en  avait.  »M.  Locre  fait 
preuve  d'esprit  en  meme  terns  que  de  justice,  en  s'elevant 
contre  1'erreur  de  ce  propos.  Ses  proces-verbaux,  qui  d'ail- 
leurs  ont  ete  nevus  par  chacune  des  personnes  dont  les  opi- 
nions y  sont  analysees,  n'en  demeurent  pas  moins  un  monu- 
ment precieux,  dont  la  publication  merile  a  son  auteur  la 
reconnaissance  du  public,  et  qu'il  a  judicieusement  dispose 
dans  son  ouvrage  avec  la  methode  necessaire  pour  les  appro- 
prier  a  la  destination  qu'il  leur  donne  de  commentaire  de  nos 
codes. 

L'ouvrage  aura  25  volumes.  Quatre,  dont  l'un  a  paru,  doi- 
vent  etre  eonsacres  an  code  de  commerce.  Nous  rendrons 
compte  du  dix-septieme  volume,  relalif  a  ce  code,  lorsque 
nous  parlerons  des  livraisons  suivanles.        Ch.  Renouard. 

55.  — *  Du  systime  pinitcntiaire  en  Europe  et  aux  Etats- 
Vnis ,  ouvrage  dedie  aux  cha'mbres,  precede  d'une  petition 
qui  leur  est  adressee,  orne  de  plusieurs  plans  de  prisons  et 
tableaux  statistiques,  et  suivi  d'une  conclusion  generate  et  d'une 
secondc  /Ktitio?i  aux  cliambres  ;  par  M.  C  liar  les  Ltjcas,  avocat  a 
la  cour  royale  de  Paris,  membre  corrcspondant  de  la  Societe 
des  prisons  de  Philadelphie,  auleur  de  l'ouvrage  sur  le  sys- 
teme  penal  et  la  peine  de  mort,  couronne  a  Geneve  et  a  Pa- 
ris. T.  Hi  Paris,  i85o;  Timolbee  Debay,  rue  des  Beaux-Arts, 
n°  9,  et  rue  livienne,  n°  2  bis.  In-8";  prix ,  7  fr.  5o  cent,  et 
i5  fr.  les  2  vol. 

Le  second  volume  sera  incessamment  suivi  de  la  publica- 
tion de  la  conclusion  generale  (voy.  ci-dessus,  p.  25),  qui 
tcrmine  et  complete  l'ouvrage,  avec  la  seconde  petition  de 
I'anteur  aux  cbambres,  pour  reclamer  de  nouveau  l'adop- 
tion  en  France  du  systemepenitentiaire  en  faveurduquel  elles 
se  sont  deja  prononcees.  L'un  de  nos  collaborateurs  devant 
rendre  compte  de  cet  ouvrage,  nous  nous  bornerons  a  en 
indiqucr  ici  seulement  le  but  et  le  plan. 

Dans  le  premier  volume,  M.  Lucas  nousavait  montre  1'bis- 
r.  smvi.  wnir,  iS5o.  »5 


ig/i  LITRES   FRANC AIS. 

tofcfe  thSorique  du  systeme  penitentiaire  en  Europe  et  aux 
Etats-TJnis.  II  a  senti  que,  dans  I'intcret  de  lareformeau  succes 
de  laqitelle  ils'est  voue,  il  fallait, acute  des  principes,  expbser 
les  fails,  surtout  dans  nn  siecle  commc  lc  notre,  qui  ne  pro- 
rede  que  par  la  methodc  d'obstrvation.  Dans  ce  second  vo- 
lume, il  nous  retrace  done  Vhistoire  pratique  du  systeme  peni- 
tentiaire, travail  qui  exigeait  sans  doute  une  foule  de  docu- 
mcns  et  de  recherches,  niais  travail  necessaire,  que  l'autcur 
devait  avoir  le  courage  d'entreprendreet  d'executer,  s'il  vou- 
lait  serieusement  convaincre  son  pays  de  l'utilite  de  la  re- 
forme  qu'il  proposait.  Ce  second  volume  comprend  deux 
parties  :  la  premiere,  relative  au  systeme  penitentiaire  aux 
Etats-Unis,  divise  son  hisloire  en  trois  epoques.  D'abord  son 
origine  et  ses  succes  primitifsa  Philadelpbie,  puis,  1'epoque 
de  sa  decadence,  depuis  1800  environ  jusqu'a  1819,  cnfin, 
1'epoque  de  sa  restauration  ,  ou  l'auteur  nous  montre  dans  la 
pratique  des  resultats  si  decisifs  sur  la  regeneration  morale 
des  condamnes. 

Dans  la  seconde  partie,  relative  a  l'Europe,  M.  Lucas  re- 
trace l'origine  du  systeme  penitentiaire  dans  les  Pays-Bas, 
des  1772;  puis,  des  Pays-Bas,  il  revient  avec  Howard  en 
Angleterre.  dont  le  parlement  porte ,  £ur  la  petition  de  ce 
genereux  philanthrope,  le  premier  bill  d'adoption  du  systeme 
penitentiaire.  De  l'Angleterre,  l'auteur  suit  le  systeme  peni- 
tentiaire en  Irlande,  en  Ecosse,  en  Suisse,  seuls  pays  de 
l'Europe  ou  il  se  soit  encore  introduit  jusqu'ici. 

54-  —  Lettre  sur  les  duels  judiciaires  dans  le  nord  de  la 
France.  Valenciennes,  1829;  imprimerie  de  A.  Prignet.In-8° 
de  16  pages. 

Cet  opuscule,  dont  l'auteur  est  le  savant  M.  Le  Glat,  est 
adresse  a  M.  Fougeroux  de  Campignculles.  Le  point  histori- 
que  quiy  est  traite  est  d'une  haute  importance.  Les  duels  ju- 
diciaires sont  un  des  plus  intimes  elemens  du  moyen  fige  et 
l'une  des  plus  precieuses  revelations  qui  nous  aient  etc  faites 
par  l'histoire  sur  les  mceurs  des  races  franque  et  germaine. 
M.  Le  day  a  donne,  enquelques  pages,  une  r.ouvelle  preuve 
de  cette  erudition  sagace  et  judicieuse  que  chacun  lui  connait. 
Nous  nous  permettrons  cependant  de  trouver  trop  absolue 
cette  assertion  :  «  Le  clerge  ne  voulut  jamais  de  la  preuve  par 
le  combat. »  Bien  que  plusieurs  eveques  aient  ecrit  contra 
celte  loi,  et  parmi  eux  Agobar,  de  Lyon,  et  Avitus,  de  Vienne, 
il  n'en  est  pas  moins  certain  qu'elle  fat  acceptte  par  le  clerge 
de  beaucoup  de  contrees,  et  que  des  eveques  en  consacrerent 
souvent  parleur  presence  ['application  solennelle. 

55.  —  Discours  prononce  a  t'ouverture  des  conferences  de  la 


SCIENCES  MORALES.  jg5 

bibliol/ie  jue  des  avocats,  le  s"  decembre  i8'2(),  par  M.  Dipin 
aine,  batonnicrde  lordre;  imprime  aux  fraisde  1'ordre.  Paris. 
18395  Everat.  In-8"  de  20  pages. 

Ce  disco urs,  ecrit  pour  une  asscmblec  solennelle-,  ne  sort 
pas  du  genre  adopte  pour  les  ceremonies  analogues.  M.  Dujsin 
y  donne  d'excellens  conseils  aux  jeunes  avocals,  leur  cite  les 
modeles  qu'ils  doivent  imiter,  leur  indique  les  sources  aux- 
quelles  ils  doivent  recourir,  leur  rappelle  en  un  mot  beau- 
coup  de  choses  qu'ils  ne  devraient  jamais  oublier.  !\Iais  il  n'y 
a  rien  dans  tout  cela  d'absolument  nonveau,  ni  de  tres-rcmar- 
quable,  et  31.  Dupiu  est  tin  de  ces  generaux  qu'ilnefaut  pas 
louer  pour  une  vicloire  d'escarmbuche. 

5G.  — *  De  la  politique  et  da  commerce  des  pcuple.i  de  I'anti- 
qaite  ;  par  A.-H.-L.  ISeeben,  professeur  d'bistoire  a  l'Lniver- 
site  de  Guetlingue ,  membre  associe  de  I'lnstitut  de  France 
(Academie  dcs  inscriptions  et  belles-lettres) ,  etc. ,  etc. ;  traduit 
de  l'allemand  sur  la  quatrieme  el  dernicre  edition,  enricbie  de 
cartes,  de  plans  et  de  tiotes  inedites  de  I'autear,  par  W.  Sicrai. 
T.  1.  Paris,  1800;  Firinin  Didot.  In-8°  de  xxxj-55;">  pages, 
avec  une  carte;  prix,  de  cbaque  volume,  8  fr. ;  l'ouvrage  en- 
tier  formera  8  volumes. 

Cet  ouvrage  est  le  fruit  des  recherches  erudites  et  pleines 
de  sagacite  d'un  des  bommes  les  plus  dislingues  dont  s'honore 
aujourd'hui  l'Allemagne  ;  il  avait  des  droits  incontestables  aux 
honneurs  d'une  bonne  traduction,  et  il  merite  ['attention  de 
tous  les  amis  des  fortes  etudes  historiques  :  nous  lui  consa- 
crerons  incessamment  un  article  dans  noire  section  des  Ana- 
lyses. Z. 

57. — * Histoire  des  Francaisdes  divers Btatsaaxcinq dernier s 
siccles  ,  parMoNTEiL.  xvc  siecle.  Paris,  i83o;  Janet  et  Colelle, 
rue  !::ainl-Andre-des  Arcs,  a"  55.  2  vol.  in -8°  de  5oo  et 
56(5  pages;  prix,  14  fr. 

M.  Monteila  entrepris,  sur  l'bistoire  de  France,  un  travail 
qui  merite  les  plus  grands  eloges.  II  a  rccueilli  dans  les  diar- 
ies et  les  cbroniques  tous  les  monumens  qui  peuvent  jeter 
quelque  jour  sur  la  vie  interieure  de  nos  peres,  leursproee- 
des  industi  iels  ou  agricoles  ,  leur  administration,  leur  etat  so- 
cial. La  difficulte  d'un  tel  travail  etait  de  presenter  ces  (aits 
d'une  maniere  interessante  pour  la  masse  des  lecteurs,  sans 
toutefois  eciiie  un  roman  ,  et  s'ecarter  de  la  slricle  veiite  bis- 
torique.  M.  Monteil  avait  babilement  concilie  ces  deux  choses 
dans  sa  premiere  livraison  (xiv*  siecle)  :  a-t-il  aussi-bien 
reussi  dans  la  seconde,  nous  ne  le  pensons  pas. 

II  -oppose  qu'au  xv"  siecle  ,  dans  la  grande  salle  de  Ptfotel- 
de-Ville  de  Troves.  s'eleye  un  soil'  relic  question  :  Quel  est 


196  LIVIIES   FKANCAIS. 

des  divers  etals  le  plus  mallicureux  ?  Aussitot  le  pauvre,  puis 
le  cullivateui'  de  se  plaindre  de  leurs  miseres,  et  de  commen- 
cer  un  long  recit  qui,  d'ailleurs,  est  plein  des  details  les  plus 
preeieux  sur  lent*  situation  respeetive  a  cette  epoque.  La  dis- 
pute continue,  et  chaque  profession  vient  tour  a  tour  chaque 
soir  oll'rir  le  tableau  des  peines  et  des  embarras  qui  Passie- 
gent.  Comme  il  n'y  a  pas  de  juges  possibles  a  ce  proces  ,  il 
n'a  pasde  conclusion;  et  la  5oe  histoire  se  termine  comme  la 
premiere. 

On  voit,  au  premier  abord,  combien  cette  forme  est  mala- 
droitement  choisie.  File  ramene  a  tout  instant  des  formulcs 
monotones  et  fatigantes,  des  declamations  exagerees.  II  est 
presque  ridicule,  en  effet,  de  voir  l'bomme  d'eglise  ou  le 
riche  chatelain  se  prelendre  plus  malheureux  que  le  mendiant 
ou  le  valet  de  ferine;  et  l'emploi  de  ce  cadre  oblige  HI.  Mota- 
teil  de  reconrir  a  de  veritables  subtilites,  pour  donner  a  que!- 
ques-uns  de  ces  interlocuteurs  le  moyen  de  paraitre  dans  la 
singuliere  lice  qu'il  a  ouverte. 

A  part  ce  defaut  de  composition,  les  chapitres  de  M.  Mon- 
teil,  pris  individuellement,  sont  des  tresors  inepuisables  d'c- 
rudition  et  de  consciencieuses  recherches.  Quelques-uns  ren- 
ferment  sur  le  moyen  age  des  revelations  toutes  nouvelle*  . 
auxquelles  on  ne  pent  refuser  sa  confiance,  puisqu'clles  s'ap- 
puient  sur  des  textes  et  des  monumens  originaux  soigneuse- 
ment  relates  a  la  fin  de  Pouvrage.  C'est  un  commentaire 
indispensable  aux  bistoires  politiques  de  la  France  :  c'est  en 
meme  terns  un  inappreciable  service  rendu  aux  auteurs  dra- 
matiques  et  aux  romanciers  qui,  armes  du  livre  de  M.  Mon- 
teil,  pourront  faire  sans  peine  de  la  couloir  locale. 

Nous  donnerons  incessamment  une  analyse  detaillee  des 
deux  premieres  livraisons  de  cet  important  ouvrage.  A.  D. 
58.  — *  Memo  ires  complets  el  aidlientiques  du  due  de  Saint- 
Simon,  sur  le  siecle  de  Louis  XI V  et  la  rrgence;  publies  pour 
la  premiere  fois  sur  le  manuscrit  original  entierement  ecrit  de 
la  main  de  Pauteur,  par  M.  le  marquis  de  Saint-Simon,  pair 
de  France,  etc.,  etc.  Tom.  xix  et  xx.  Paris,  i85o;  A.  Sautelel 
et  comp.  2  vol.  in-8°  de  4po  et  486  pages;  prix,  7  fr.  (voy. 
Rev.  Enc,  t.  xliii,  p.  627,  et  t.  xliv,  p.  463). 

Ces  deux  volumes  terminent  cette  importante  publication  qui 
sera  completee,  vers  la  fin  de  mai ,  par  la  Table  des  maticrcs 
des  M /'moires  de  Saint-Simon.  «  Cette  Table  sera  dressee  ,  an- 
noncent  les  editeurs,  dans  I'ordre  alpbabetiquc  des  noms  pro- 
pres,  par  les  s'oins  de  M.  Delbare  ,  auleur  des  Tables  de  la 
collection  des  Me'rttoires  sur  I'histoire  de   France,  publiee  par 


SCIENCES  MORALES.  197 

M.  Foucault.  Ce  sera  1111  veritable  dictionnaire  biograpluque 
et  historique  du  siecle  de  Louis  XIV  et  du  terns  de  la  regence. 
Par  la,  les  rechercb.es  seront  rendues  faciles  dans  cette  vaste 
histoire,  et  chacun  pourra  y  trouver,  sans  etre  oblige  de  feuil- 
leter  plusieurs  volumes,  le  nora  propre  qui  l'interesse  ou  le 
fait  qui  se  rapporte  a  une  etude  speciale.  » 

5g.  —  ISouvelles  conjectures  sur  I' emplacement  du  champ  de 
bataille  ou  Cesar  defil  I'armee  des  Nerviens ,  par  A.  Le  Clay, 
membre  de  la  Societe  d' emulation  de  Cambrai,  correspondant 
de  la  Societe  royale  des  Antiquites  de  France,  etc.  Cambrai, 
1800;  A.  Furez.  In-8°  de  20  pag. 

Cette  dissertation ,  extraile  des  Memoires  de  la  Societe  d'e- 
mulalion  de  Cambrai,  a  ete  tiree  a  5o  exemplaires  seulement, 
en  faveur  de  ceux  qui  aiment  ces  minutieuses  disputes  sur  un 
point  obscur  d'erudition.  M.  Le  Glay  est  bien  connu  des  amis 
de  cette  science  d 'initiation,  si  Ton  peut  parlerainsi,  qui  de- 
daigne  les  triomphesbruyans,  lesapplaudissemensnombreux, 
et  ue  recherche  que  le  suffrage  de  quelqueshomm.es  laborieux, 
de  jour  en  jour  plus  rares.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  a 
ceux-la  ce  que  renferme  la  petite  brochure  qui  est  sous  nos 
yeux  :  ils  la  connaissent  et  preparent  peut-etre  deja  leurs  re- 
pliques.  ■ —  Ueux  mots  sufflront  aux profanes  :  M.  Le  Glay  de- 
montre,  en  s'appuyant  sur  des  temoignages  qui  nous  parais- 
sent  assez  solides,  i°  que  la  defaite  des  Nerviens  par  Cesar  a 
eu  lieu  sur  les  bords  de  l'Escaut,  et  non  pres  de  la  Sambre, 
comme  on  1'avail  pense  jusqu'a  present;  a"  que  I'espace  de 
terrain  compris  entre  Bonavis  et  Vaucelles  (l'ancienne  abbaye 
fondee  par  Saint-Bernard  et  Hugues  d'Oisy)  presente  toutes 
les  circpnstances  indiquees  par  Cesar  au  second  livre  de  ses 
commentaires,  et,  par  consequent ,  pourrait  bien  etre  l'em- 
placement  de  ce  champ  de  bataille.  —  Cette  dissertation  est 
dediee  par  l'auteur  a  M.  le  colonel  Pascal-Lacroix,  agronome 
eclaire,  et  savant  antiquaire  qui  habite  tout  aupres  du  lieu 
designe  par  M .  Le  Glay  comme  ayant  etc  le  theatre  de  la  defaite 
des  Nerviens. 

60.  —  Notice  sur  la  vie  de  A.  G.  J.  Gautier  ,  par  M.  Dupin 
aine,  batonnier  de  l'ordre  des  avocats.  Paris,  1829;  Gustave 
Pissin.  ln-8°  de  xxfi  pages. 

A mbroise-Georges-J oseph  Gautier  naquit  a  Chevreuse,  le  !\ 
avril  1776.  Apresdetres-bonnes  etudes  aux  colleges  deSainte- 
Barbe  et  de  Navarre ,  il  revint  cbez  son  pere ,  dont  il  sut ,  tout 
jeune  encore,  sauver  la  vie  par  une  demarche  courageuse 
aupres  du  comite  de  sur  ete  gencrale,  faite  au  moment  le  plus 
borrible  du  regne  de  la  terreur  conventionnelle.  Apres  cette 


if)*  LtVRES  FRAiNCAlS. 

epoque  desastrcuse,  il  se  devoua  an  barren  a  et  devhrt  I'un 
ilc-  avocats  h-s  plus  distingues  de  celui  de  Paris  Ce  qui  le  (it 
sin-tout  remarquer  pendant  sa  tongue  carriere,  c'etail  one 
profonde  connaissance  du  droit  ct  une  logique  claire  et  serree-. 
Une  infirmite  1'obligea  ,  vers  la  fin  de  sa  vie,  a  so  bonier  aux 
travaux  de  cabinet.  Cost  alors  qu'il  acbeva  un  ourrage  fort 
estimable  dont  Rf.  Dwpin  annonceta  publication  I'aite  par  ses 
soins  :  les  Etudes  de  jurisprudence  commerciale.  (Pissin  ,  place 
du  Palais-de-Justice ,  n°  i.Tn-8'1.)  Z. 

til .  —  *  A  a  Roi  ct  aux  Chambrcs  sur  les  rerilables  causes  de 
la  rupture  avec  Alger,  et  sur  C  expedition  qui  se  prepare;  par 
Alexandre  dc  Laborde,  depute  de  la  Seine.  Paris,  i85o; 
Truchy,  boulevard  des  Italiens.  In-8"  de  vi-iio-lx  pages; 
prix ,  5  fr. 

M.  de  Laborde  est  du  nombre  de  ces  fideles  et  courageux 
mandataires  de  la  nation  qui,  dans  une  libre  et  respectueuse 
adresse ,  out  fait  rcteutir  aux  oreilles  du  prince  les  alarmes 
et  les  voeux  du  pays.  Comme  ses  collegucs,  il  se  preparait 
a  defendre  de  nouveau  les  liberies,  les  droits,  les  plus  chers 
interets  de  la  France;  il  se  preparait,  surtout,  a  eombattre 
l'expedition  d'Alger,  si  lemerairement  entreprise  par  nos  mi- 
nfstres.  Rejete  de  la  tribune,  ('honorable  depute  s'est  retire 
avec  respect  devant  I'exercice  de  la  prerogative  royale  ;  mais 
il  n'abandonne  pas  ses  adversaires,  et,  presse  par  un  religieux 
devoir,  il  les  appelle  sur  un  autre  terrain. 

L'auteur  souleve  ici  plusieurs  questions,  dont  la  premiere 
de  toutes,  qu'il  rcsoutnegalivement,  eonsiste  a  savoir  sil'expe- 
dition  est  juste  dans  son  origine.  Le  fond  de  la  querelle  repose 
sur  une  creance  de  quatorze  millions,  reduite  a  sept  par  le 
gouvernemenf  francais.  Le  dey  avail  droit  a  une  partie  de  cetle 
somme,  parte  que  les  grains  fournis  par  la  maison  Bacri  et 
Busenach,  d'Alger,  sortaient  des  greniers  de  la  regence;  en 
accedant  a  la  transaction  qui  liquidait  cetle  creance,  le  dey 
eroyait  recevoir  sa  part ;  mais  il  s'en  trouva  frustre  par  des 
jugemens  anxquels  il  n'eut  pas  meme  la  facultc  d'inlervenir 
comme  creancier.  On  pent  juger  de  son  luimeur  contre  notre 
consul  avec  lequel  il  avail  cru  traiter  de  bonne  foi ,  et  qu'il 
soupconna,  sans  doute  a  tort,  de  l'avoir  indignement  trompe. 
D'autres  griefs  augmenterent  ses  mauvaiscs  dispositions  avec 
d'autant  plus  de  raison,  qu'une  lettre  qu'il  avail  ecrite  au  roi 
de  France,  pour  obtenir  justice,  etait  restee,  pendant  trois 
mois,  sans  aucunereponse.  Comment  concevoirqu'on  ait  pu  te- 
nir  une  pareille  conduite  avec  le  dey,  an  risque  d'enflammer 
:0n  mecontenlemcnt.  et  d'exposer  notre  commerce  a  des  pertes 


SCIENCES  MORALES.  199 

considerables  par  suite  de  ces  resolutions  de  colere  qui  eclatent 
si  sou  vent  dans  les  Consetls  des  puissances  barbaresques? 
Maissurtout  comment  expliquer  la  mauvaise  politique  de  lais- 
ser  aupres  du  dey  ce  consul  contre  lequel  il  nourrissait  les  plus 
lacheuses  preventions  et  une  baiue  qui  se  trahissait  a  tout  mo- 
ment ?  Du  moins,  il  faut  l'avouer,  les  ministres  n'avaient  nul 
inoyen  de  deviner  a  quel  point  le  representant  de  la  France, 
a  Alger,  pourrait  s'oublier  et  comprometlre  son  caractere. 
Laissons  i\l.  de  Laborde  raconter  une  faute,  une  aberration, 
un  emportement  presque  inoui's,  dans  un  agent  diplomati- 
que. «Ce  fat  alors  qu'a  l'oecasion  d'une  ceremonie,  le  consul 
se  presenta  devant  lui  pour  sollicker  sa  protection  en  faveur 
d'un  batiment  romain  qui  venait  d'entrer  dans  le  port.  Com- 
ment, repondit  le  dey,  tu  viens  toujours  me  tourmenter  pour 
des  objels  qui  ne  regardent  pas  la  France,  et  ton  gouverne- 
ment  ne  daigne  pas  repondre  a  la  leltre  que  je  lui  ai  ecrite 
pour  ce  qui  nie  regarde.  Mon  maitre,  repliqua  le  consul 
en  plein  divan,  n'a  pas  de  reponse  a  faire  a  un  homme  cocaine 
toi.  A  ces  mots,  le  dey  ne  se  possede  plus;  il  se  leve,  et 
IVappe  avec  son  eventail  de  plume  le  consul  Deval.  Hussein 
avait  eu  tort  sans  doute;  il  le  sentit;  et  craignant  que  le  con- 
sul ne  profilat  de  cetle  occasion  pour  provoquer  une  rupture, 
il  s'empressa  de  prevenir  les  Franeais  qui  se  trouvaient  a  Al- 
ger, que  sou  intention  n'avait  ete  nullement  d  insuller  la 
France,  ou  de  \ouloir  entrer  en  guerre  avec  elle  ;  pour  preuve 
de  la  sincerite  de  cette  protestation,  il  les  invila  a  rester  pai- 
siblement  dans  Alger  oil  il  les  protegerait,  ainsique  tout  ce  qui 
pouvait  regarder  la  France,  avec  la  plus  grande  affection  :  il 
leur  fit  meme  demander  acte  de  cette  notification.!)  M.  de 
Laborde  resume  en  pen  de  mots  sa  pensee  sur  la  guerre  d'Al- 
ger :  «lc  dey  reclame,  on  le  vole;  il  se  plaint,  on  l'insulte;  il 
se  facte,  on  le  tue.  »  J'adhere  a  cette  opinion,  si  energiquement 
exprimec;  mais  au  no  in  de  riionneur  national,  je  m'empresse 
d'ajouter  que  le  gouvernement  n'a  contribue  en  rien  a  de- 
pouiller  le  dey,  et  que  celui-ci  n'a  ete  frustre  de  sa  part  legi- 
time dans  la  liquidation  que  par  une  coalition  d'interets  prives 
qui  se  sont  seuls  presentes  devant  nos  tribunaux  sous  les  aus- 
pices d'une  action  legale,  sous  la  garantie  des  formes  legales. 
Seulement  un  ministre  at  lentil' a  conserver  les  relations  entre  la 
regence  et  nous ,  a  proteger  un  prince  avec  lequel  nous  etion? 
dans  des  rapports  de  paix  et  de  bonne  amitie,  aurait  veillc 
aux  interets  du  dey,  en  l'avertissant  de  la  necessite  de  faire 
defendre  sesdroitsdevaat  la  justice  a  cote  des  autres  creanciers 
de  la  maison  Bacri  et  Busenach qui avaient  forme  oppositional! 


200  L1VRES  FRANCAIS. 

tresor  a  la  delivrance  tic  la  sorame  de  sept  millions.  Certes, 
c'ctait  la  pour  nos  ministres  un  devoir  que  leur  prescrivaient 
cgalement  rhonneur  do  la  couronne,  celui  de  la  France,  et 
la  securite  de  notre  commerce.  A  cct  cgard,  et  snr  d'antres 
points  beaucoup  plus  importans  encore,  la  coinmision  d'en- 
quete  que  demande  M.  de  Lahonle  serail  de  la  plus  haute 
utilite  ,  puisqu'elle  aurait  pour  resullat  infaillible  on  de  pre- 
venir  la  guerre,  on  de  prouver  que  la  raison,  la  justice  et  la 
politique  pendent  cetlc  guerre  cvidcmmcnl  indispensable. 

Mais,  que  la  guerre  soil  juste  on  non,  nous  pouvions  la 
conjurer.  Un  ministere  sage  nYut  pas  laisse  le  consul  Deval 
dans  un  poste  ou  sa  seule  presence  etait  tin  obstacle  an  main- 
tien  de  la  paix;  un  ministere  vigilant  et  sense  se  fat  empresse 
de  reponrlre  an  dey  et  de  faire  droit  a  ses  justessujets  de  plain- 
tes;  un  ministere  habile,  profitant  des  dispositions  si  hante- 
ment  manifestoes  par  Hussein,  apres  un  outrage  qui  n'etait 
toutei'ois  (pie  la  represaille  d'une  insulte,  aurait  trouve  moyen 
d'obtenir  des  satisfactions  sullisantes,  et  d'eviter  une  rupture 
inipolitique  ainsi  qu'une  guerre  deplorable,  meme  dansle  cas 
d'un  succes. 

Bonaparte  n'emmena  que  5o,ooo  hommes  pour  la  con- 
quete  de  l'l^gypte  ;  M.  Bourmont  en  a  demande  53,ooo  pour 
la  seule  conquete  d'Alger.  Frappe  de  la  grandeur  de  nos  pre- 
paratit's,  qu'il  a  raison  de  trouver  exageres,  rendant  d'ailleurs 
la  plus  eclatantc  justice  a  l'experience  et  a  1'habilete  ,  enmme 
au  devoflment  de  nos  officiers  de  terre  et  de  mer,  M.  de  La- 
horde  ne  douterait  pas  un  moment  de  la  reussite  de  l'expe- 
dition,  si  elle  ne  lui  paraissait  pas  entreprise  avec  une  impru- 
dente  precipitation.  Nous  ne  suivronspas  les  developpemens 
d'une  opinion  qui  s'appuie  sup  la  connaissance  des  saisons,  de 
lamer,  des  vents,  de  lous  les  obstacles  qui  peuvent  survenir 
de  ce  cote ;  sur  l'opportunite  du  terns  favorable  a  l'entre- 
prise  ;  sur  Passiette  des  lieux,  sur  les  dillicultes  de  I'abordage, 
sur  la  puissance  et  la  facilite  des  moyens  de  defense.  Mais 
nous  osons  assurer  que  l'ensemble  des  observations  de  l'au- 
teurmerite  une  serieuse  attention.  Cependant ,  et  malgre  la 
force  des  mesures  qu'il  expose,  malgre  le  poids  des  autorites 
qu'il  atleste,  nous  ne  saurions  dissimuler  que  des  marins  ce- 
lebres  et  experimentes,  des  officiers  d'une  haute  distinction 
regardent  le  triomphe  de  nos  armes  comme  infaillible. 
Suivant  ^ux,  Alger  ne  saurait  eviter  de  tomber  entre  nos 
mains.  Admettons  cette  derniere  opinion;  (die  flattc  l'orgueil 
national  ,  et  nous  promet  quelque  gloire  pour  j'rix  du  sang  de 


SCIENCES  MORALES.  201 

nos  compatriotes,  qui,  suivant  la  judicieuse  pensee  do  l'ecri- 
vain,  pourrait  etre  verse  pour  une  meilleure  cause. 

Mais  c'est  ici  que  Fimprobateur  de  la  conduile  des  miuistres 
a  sur  eux  un  incontestable  avantage,  et  les  reduit  au  silence 
devant  l'invincible  et  accablante  verite.  Mailres  d' Alger,  il 
nous  faudra  l'evacuer;  il  nous  faudra  delruire  et  quitter  ces 
ramparts  qui  nous  auront  coiite  des  depenscs  enornies,  peul- 
8tre  ties  pertes  considerables  d'hommes ;  nous  serous  reduits 
a  la  honte  d'abandonner,  par  ordre  de  1'etranger,  une  ville 
qui,  entre  nos  mains,  deviendrait  bientot  un  second  Gibraltar, 
inattaquable  dejadu  cote  de  la  mer,  et  facile  a  fortifier  sur  les 
autres  points,  de  maniere  a  lc  rendre  presque  iuiprenable.  Le 
gouvernement  anglais,  dont  la  vieille  baine  pour  la  France  ne 
.-'est  pas  affaiblie  un  moment,  et  dont  la  jalouse  politique 
brule  de  nous  termer  toutes  les  sources  de  prosperite,  ne 
veut  pas  que  nous  acquerrions  une  station  sure  en  Afrique  , 
011  nous  pourrions  fonder  par  degre  une  puissante  colonic 
Voil.'i  pourquoi  le  gouvernement  a  exige  de  nous  la  promesse 
d'evacuer la  ville  apresl'avoirdelruite.  Cependant,  cette  meme 
puissance  occupe  Gibraltar ,  Malte  et  les  iles  Ioniennes,  et 
convoke  la  Grece,  ou  une  pnrtie  de  ses  ports.  De  quel  droit 
vient-elle  nous  interdire  unabri,  un  point  de  ralliemeut  dont 
nous  avons  besoin  dans  cette  Mediterranee,  qu'on  appelait  ja- 
dis  mareGallicum,  la  mer  Gauloise,  et  qu'a  la  honte  des  puis- 
sances qui  occupent  toutes  ses  rives,  on  pourrait  nonuner  au- 
jourd'huila  mer  britannique ?  Certes,  de  pareilles  pretentions 
'  doivent  faire  bouillir  le  sang  dans  toutes  les  veines  d'un  Fran- 
cais.  Toutefois,  ces  etranges  pretentions  d'un  cote,  de  ('autre, 
cette  souniission  de  notre  politique  au  veto  de  l'Angleterre,  ce 
sacrifice  de  nos  interets  a  ceux  de  notre  plus  ancienne  enne- 
mie  ,  ne  sont  pas  les  seules  causes  qui  doivent  nous  faire  de- 
plorer  l'expedition  d'Alger,  ct  nous  faire  gemir ,  meme  de 
notre  succes;  l'expedition,  meme  heureuse,  n'aura  pas  atteint 
son  but;  trois  mois  apres  notre  depart  de  la  cote  d'Afrique, 
les  brigandages  des  pirates  sortis  des  ports  de  Bugie  et  d'O- 
ran  recommenceront  avec  plus  de  fureur  que  jamais,  et  le 
commerce  europeen  tout  entier  nous  accusera  de  ses  nou- 
vcaux  malbeurs.  Voila,  au  resume,  les  resultats  d'une  expe- 
dition que  M.  de  Laborde  attaque  avec  tant  de  force  et  de 
raison  comme  injuste,  dangereuse,  prematuree,  infructueuse, 
et  par  consequent  condamnable  a  tons  egards. 

II  est  un  dernier  rapport,  celui  de  la  legalite  sur  lequel  nous 
devrions  examiner  la  guerre  d'Alger;  mais  l'auteur  n'ayant 
qu'eflleure  cette  question  grave  qui  demanderait  une  discus- 


203  LITRES  FRANCAIS. 

sion  severe,  nous  n'essaierons  pas  ici  de  I'aborder  et  de  I'ap- 

profoodir- 

(j'j.  — *  Alger.  Tableau  du  royaume,  de  la  title  d' Alger  et  de 
ses  environs,  de  ses  forces  de  terrc  et  de  mer ,  etc.  ,  precede  d'une 
introduction  kistorique  stir  les  differcntes  expeditions  d'Alger, 
depuis  Charles-Quint  jusqu'a  nos  jours ;  par  Menaudot,  ancien 
oflicicr  de  la  garde  du  consul  de  France  a  Alger.  Paris,  i83o; 
IMongie.  ln-8°  de  182  pages,  avee  cartes,  vue,  portraits  et 
costumes  de  ses  habitans ;  prix,  7  francs. 

On  devait  s'attendre  a  ce  que  l'expedition  qui  se  prepare 
donnerait  naissance  a  une  foulc  de  productions  coniposeesavec 
des  lambeaux  pris  dans  divers  ouvrages,  et  denues  de  toute 
revelation  nouvelle  sur  le  pays  qu'ils  ont  la  pretention  de  faire 
connaitre.  II  ne  Taut  confondre,  avec  ces  productions  cphe- 
meres,  ni  un  ouvrage  important  et  recommandable,  comme 
celui  dont  nous  venous  deparler,  ni  le  recit  consciencieux  d'un 
voyageur  eclaire,  qui,  tel  qne  Renaudot,  a  passe  de  longues 
anneesde  savie  dans  le  royaume  d'Alger.  La  position  olbcielle 
de  ce  militaire  bii  offrait,  pour  tout  voir  et  tout  examiner  a 
loisir,  des  moyens  inter dits  a  beaucoup  d'autres  observateurs, 
aussi  curieux,  mais  moins  bien  places  que  lui.  II  en  a  profit* 
non-seulement  avec  une  sagacite  rare,  avec  une  attention 
extreme,  mais  encore  avec  cette  patience  inl'aligable,  avec 
cetle  prudence  de  tousles  momens,  dont  on  trouveun  si  admi- 
rable exemple  dans  la  conduite  du  jeune  Caillie,  pendant  le 
cours  de  son  voyage  et  de  son  sejour  a  Tombouctou,  au  mi- 
lieu d'un  peuplc  jaloux,  soupconneux  et  pleiu  d'aversion  pour 
le  nom  cbretien.  Aussi,  nous  le  declarons,  sans  crainte  d'etre 
dementis  par  nos  lecteurs,  nulle  part  on  ne  trouvesur  Algei, 
sur  ses  habitans,  sur  les  di  verses  populations  de  la  contree,  sur 
loins  mceurs,  leurs  habitudes  et  leurs  usages,  sur  les  moyens 
de  defense  de  la  ville,  sur  les  batteries  du  port  et  de  la  rade, 
sur  les  forces  doterre  et  de  mer,  des  details  plus  circonstancies 
et  plus  complets  que  dans  le  voyage  de  Renaudot.  Amusanl, 
comme  un  roman,  et  vrai  comme  une  bistoire,  ce  volume 
merite  de  devenir  le  vade-mecum  de  lous  les  oiliciers  de  l'ex- 
pedition,  avec  d'aulant  plus  de  raison  qu'il  est  precede  d'une 
introduction  ecrile  d'un  sy!e  pleiu  de  clialeur  et  de  force,  ou 
I'on  relrouve  le  recit  des  entrepris.es  dirigees  conlre  Alger, 
depuis  Charles-Quint  jusqu'a  nos  jours.  P.-F.  T. 

63.  —  Bistoire  d'Alger  et  du  bombandement  de  cette  ville,  en 
1816.  Paris,  )85o;  Piltan.  In-8"  de  xn-366  pages;  prix.  6fr. 

6/j.   —  Alger  :  esquisse  topographique    et   historique  du 


SCIENCES  MORALES.  2o3 

royaume  et  de  la  ville;  par  A.  iVl.  Perrot.  Troisiima  edition. 
Paris,  i8jo;  Ladvocat.  In-8°  de  q4  pages;  prix,  5  Fr. 

G").  — Souvenirs  d'u n  officier  franrais,  prison/tier  en  Barbarie 
pendant  les  annees  1811,  1812,  i8i3  et  181/f  :  Situation  ci- 
vile et  mill ta i re  de  ce  pays,  mceurs,  gouvernement,  armee, 
positions  militaires,  productions  indigenes,  climat,  moyensde 
s'en  rendre  maitre  et  de  s'y  niaintenir,  plan  d'attaque,  de 
eonquete  etde  colonisation,  projet  d'organisation  d'une  armee 
d'expedilion,  strategic  nouvelle  et  scule  praticable  pour  as- 
surer le  sucees  de  cette  entreprise;  ouvrage  indispensable 
aux  militaires  de  tons  grades  et  de  toutes  amies  qui  l'erout 
partie  de  I'armee  d'expedition  d' Alger;  par  M.  Contremou- 
lins,  P.  M.  ,  de  Nantes,  capitaine  en  conge  illimite  Paris, 
i85o;  Anselin,  Delaunay  et  chez  1'auteur,  boulevard  de  la 
Madeleine,  n°  a5.  Iu-8°  de  x-44  pages,  avec  une  planclic ; 
prix,  1  fr.  5o  cent. 

66.  —  *  Memo  ire  pour  les  liommcs  de  couleur-C'inquieme  partie; 
an  nee  1828.  Paris,  1829;  impr.  de  Duverger,  rue  de  Veriienil, 
n°  4-  In-8°  de  272  pages,  avec  une  table  chronologique  et 
analvtiquc  des  pieces  contenues  dans  les  cinq  parties  1824 — 
1828. 

Voici  bien  certainement  une  des  collections  les  plus  digues 
de  fixer  1,'attention  des  amis  de  Phumanite,  des  homnies  qui 
desirent  de  voir  leurs  semblables,  sans  distinction  dc  races, 
participer  a  tons  les  bienfaits  de  la  sociabilite.  La  cinquieme 
partie  que  j'ai  sous  les  yeux  contient  des  documens  d'un  baut 
inleret.  Elle  presente  d'abord  cette  honteuse  affaire  des  hom- 
ines de  couleur  011  Ton  voit  un  ministre  de  la  justice  prolonger, 
pendant  vingt-un  mois ,  1'injuste  detention  de  citoyens  esti- 
mables  par  une  violation  manifeste  de  la  loi;  puis,  echapper 
ensuite  a  tons  les  de'gres  de  juridiclion  par  des  declarations 
successives  d'incompetence;  suivent  les  discussions  de  la  ses- 
sion de  1828  ,  relatives  au  regime  colonial ,  a  ses  monstrueux 
alms  en  ce  qui  concerne  les  esclaves  et  les  homnies  de  couleur. 
CMielqttes  proces,  portes,  daus  ces  derniers  terns,  devant  les 
tribunaux  des  colonies,  terminent  le  recueilpour  I'armee  1828. 
Le  plus  remarquable  est  celui  d'une  epouvantable  fern  me  qui 
prenait  plaisir  a  torturer  ses  esclaves,  et  les  faisait  trapper  elle- 
memesous  ses  yeux  jusqu'a  ce  que  le  sangrttissetdt.  Unesclave 
mort  deux  heures  apres  le  chatiment,  un  autre  trouve  sans  ali- 
mens  et  expirant  dans  un  cachot,  une  jeune  fille  frappee  ati 
sein  d'un  coup  de  couteau,  voila  des  crimes  qui,  pour  n'avok 
pu  etre  afYirmes  par  des  blancs,  n'ont  etc  punis.  dans  la  per- 
Sonne  de  cette  miserable  dame  Marlet.  que  de  /mis  anuria  di 


20|  LIVRES  FRANCAIS. 

htinnisscment  et  de  I' interdiction  <le  posscder  disorniais  des  ex- 
claves. Ce  n'cst  pas  sana  un  di-gout  profond  qu'on  rappelle  de 
lels  fails  ;  mais  o'est  un  devoir  qu'il  est  necessaire  de  s'inapo- 
-(  r ;  lail'opinion  publique  en  France  n'est  peut-etre  pas  sssez 
frappee  de  tous  les  abus  qui  resultent  de  l'cxisteuce  de  I'escla- 
vage.  Puisse  la  lecture  decesdocumens,  auxqucls  M.  Hissette, 
1'une  des  victiiues  <le  M.  de  Peyronnet,  a  ajoute  des  notes  in- 
structives  et  fudicieuses,  amener  plus  promptement  un  tel 
resnltat !  Presquepai-lout,  de  nos  jours,  on  s'occupeactivenient 
del'estiaction  de  1'esclavage ;  notre  pays serait-illeseulou  des 
pn  iMcupa  lions  politique*,  qui  doi  vent  a  ussiexister  ailleurs,em- 
pecheraient  de  songer a  effacer  endn  une  iniquitc  qui  nous  a 
ete  leguee  par  les  deux  siecles  precedents,  et  dont  nos  ncveux 
rougiront  un  jour  pour  nous?  P.  A.  D — 

Littcralure. 

tij.  —  *  Aax  artistes.  —  Du  passe  et  de  Cavenir  des  Beaux- 
Arts  (Doctrine  de  Saint-Simon).  Paris,  i83o;  Alex.  Mes- 
nier.  In-8"  de  84  pages. 

Voici  une  production  nouvelle  de  l'ecole  de  Saint-Simon  , 
clonl  ii  a  etc  fait  mention  plus  d'une  fois  dans  la  Revue,  et 
celle-ci  n'est  certainement  pas  une  des  moms  remarquables. 
Peut-etre  ceux  qui  la  liront  de  sang-froid,  et  sans  eprouver 
ce  sentiment  d'exaltation  mystique,  qui  forme  le  cachet  de 
l'ecole,  trouveront-ils  que  Pauteur,  malgre  Fexcellence  de  sa 
logique,  et  le  rare  talent  avec  lequel  il  sait  la  developper,  se 
laisse  parfois  entrainer  a  des  hypotheses  peu  d'accord  avec 
l'observalion  exactedes  choses.  Peut-etre  diront-ils,  que  ccr- 
taincs  explications  donnees  par  lui,  en  s'appuyant  sur  son  idee 
favorite,  sont  plus  ingenieuses  encore  que  solides,  et  qu'en- 
fin ,  comme  presque  tous  ceux  qui  arrivent  avec  un  systeme 
arrete,  il  s'efforce,  a  tout  prix,  de  rattacher  au  sien  tousles 
faits  qu'il  rapporle,  dussent-ils  meme  sortir  un  pen  I'roisses 
de  l'examen  metaphysique  qu'il  leur  fait  subir.  Mais,  en 
meme  terns,  aucun  des  lecteurs  de  cet  ouvrage,  et  il  nous 
parait  destine  a  en  trouvcr  beaucoup  malgre  son  pen  d'eten- 
due,  ne  pourra  s'empecher  de  rendre  justice  au  merite  Ires- 
notable  du  style,  souvent  hardi,  plein  d'images,  loujours  fa- 
cile, de  bon  gout  et  d'une  clarte  parfaite ;  a  l'clevation  et  a  la 
noblesse  des  pensees,  et  a  ce  sentiment  religieux  dont  1'au- 
teur,  coinnie  ses  condisciples,  est  profondement  pcnelre,  et 
qui  donnc  a  cette  production  une  physionomie  toute  particu- 
liere.  Une  courte  analyse  va  juslifier  a  la  fois  nos  cloges  et 
nos  critiques. 


LITERATURE.  ao5 

L'auteur,  jetant  tin  coup  d'oeil  sur  l'etat  acluel  tie  la  so- 
ciete,  est  frappe  de  cette  impression  vague  tie  souffrance  et 
de  satiete  qui  se  fait  remarqucrdans  lcs  arts  ;  et,  sous  ce  nom, 
il  comprend,  avec  son  maitre  Saint-Simon,  1'eloquence  et  la 
poesie  elle-meme.  II  chercbe  les  moyens  de  faire  cesser  cet 
etatdecboses,  etveut  remonterd'abord  aux  causes  d'une  telle 
decadence.  C'est  ici  que  nous  devons  expliquer,  avant  tout, 
ce  que  l'auteur  a  appele  les  epoquez  organiqttesou  religieuses, 
et  les  epoques  critiques  ou  Wincredulite.  Les  premieres  sont 
celles  ou  regne  une  foi  vive,  un  attachement  sincere  aux  dog- 
mes  d'une  religion  nouvelle  et  regeneree;  terns  ou  les  arts  et 
la  poesie  sont  empreints  d'un  caractere  de  sublimite,  que  fait 
ressortir  mieux  encore  une  nuance  de  grossii'rete  et  de  bar- 
baric. Mais,  lorsque  la  foi  s'est  affaiblie,  que  la  civilisation 
s'avance,  que  les  moeurs  s'adoucissent  et  se  corrompent ,  1'e- 
poqne  organique  disparait,  et  Ton  voit  cnmmeneer  les  terns 
critiques  ou  tout  est  mis  en  question,  on.  le  genie  fait  place  k 
l'clegance,et  l'imagination  au  raisonnemcnt.  L'auteur  trouve 
deux  exemples  meniorablesde  la  periode  organique,  dans  les 
premiers  siccles  dn  paganisme,  ou  parurent  Homere,  Hesiode, 
et  qutdques  illustres  contempoiains  ;  et  dans  ceux  du  christia- 
nisme,  ou  i'eloquence  des  peres  de  l'eglise  grecque  et  latine 
jeta  un  si  vif  eclat  au  milieu  des  tenebres  ou  se  perdaient  les 
lettres  pai'cnnes.  De  meme,  les  siccles  polices  et  corrompus 
de  Rome  et  d'Atbenes,  les  terns  d'incredulite  qui  oat  succede 
chez  nous  a  la  reforine  de  Luther,  offrent  des  exemples  des 
epoques  critiques  ou  irreligieuses. 

L'auteur,  apres  des  developpemens  pleins  de  chaleur  etde 
conviction,  conclut  de  tout  ce  qu'ila  observe,  qu'un  seul 
agent  pourrait  ranimer  encore  parmi  nous  le  flambeau  des  arts 
pret  a  s'eteindre  :  c'est  le  sentiment  religious  qui,  partout, 
s'allume  et  s'affaiblit  avec  eux.  II  faut  done  que  les  artistes 
s'efforcent,  pourleur  intent  meme,  de  rechaufl'er  la  foi;  c'est 
le  but  special  de  l'ecole  de  Saint-Simon,  et  le  vceu  le  plus 
ardent  de  l'auteur.  C'est  aussi,  en  terminant  son  livre  par 
l'expression  de  ce  vocu,  que  son  style  s'eleve  et  s'anime  jus*- 
qu'au  ton  de  renthousiasme ;  et  le  sentiment  qui  l'inspire  est 
si  vrai,  si  estimable  d'ailleurs,  meme  dans  ce  qu'il  pourrait 
avoir  d'exagere,  qu'il  n'entrera  dans  la  pensee  de  personne 
d'y  altacber  la  plus  legere  ombre  de  ridicule.  On  pourra  seu- 
lement  demander  a  l'auteur,  en  souhaitant  aussi  vivemenl 
que  lui-meme  cet  age  d'or  des  arts  et  de  l'liumanite  qu'il 
nous  predit,  quand  el  comment  il  arrivera  ,  et  quels  moyens 
lui  el  ses  arrlens  condisciples  se  proposent  d'employer,  pour 


n<.6  LIYRES  FK-VNCAIS. 

hater  cette  revolution  si  hcurcuse,  qn'il  se  plait  a  nous  re- 
presentor commeaussi  prncbaino  que  aecessaire. 

Le  vague  que  nous  avons  deja  .-ignale  dans  cet  optiscule 
se  presente  encore  dans  plusieurs  autres  passages.  L'auteur, 
qui  prolonge,  saus  intervalle,  sa  periode  organique  chretienne 
jusqu'a  ['apparition  tin  Dante,  c'est-a-dire  pendant  uu  cspace 
dc  plus  de  douze  siecles,  nc  voudrait  passoutcnir,  sans  doule, 
que  durant  un  si  long  iritervalle,  la  lot  ait  tOU jours  ete  aussi 
\ive,  aussi  sincere ;  que  lcs  arts  et  les  letlres  aicnt  toujours 
produit  des  chefs-d'oeuvre.  On  n'adinettra  pas  davaotage  ses 
idees  sur  Farchitecture  gothique,  qui  ne  reinonte  qu'aux  dcr- 
niers  sicclcs  de  celte  periode,  ni  sur  lc  poemc  du  Dante  qui, 
suivant  lcs  divisions  nicmes  de  l'auteur,  apparlient  reclle- 
ment  au  commcncenient  de  la  pcriode  critique.  On  peut  en 
dire  autant,  et  mieux  encore,  de  Vinci,  de  Raphael,  de  Rli- 
chel-Ange,  et  de  cetle  nombreuse  et  brillante  l'aniille  d'ar- 
tistes  et  de  poctes,  illustration  du  grandseizieme  Steele,  comme 
l'appellent  les  Italiens,  qui  fut  en  Europe  i'age  de  la  renais- 
sance des  arts.  Or,  cet  age  est  precisement  celui  de  la  refor- 
mation, et  ainsi,  d'apres  les  idees  de  l'auteur,  l'age  de  la  pe- 
riode  critique  ou  irreligieuse. 

Nous  tennincrons  cette  analyse  par  une  citation  prise  au 
hasard,  propre  a  donner  une  idee  du  style  de  l'auteur  et  de 
l'esprit  qui  a  dicte  son  travail.  «  Le  polytheisnie  nous  a  legue, 
dans  les  debris  des  constructions  cyclopeennes,  qui  out  sur- 
vecu  a  tant  de  revolutions,  une  idee  des  formes  colossales 
qu'il  leur  avait  imprimees;  le  moyen  age  est  encore  debout 
devant  nous,  dans  ces  vastes  eglises,  aux  tours  et  aux  flecbcs 
elancees,  qui  offrent  le  double  spectacle  de  la  grandeur  dans 
le  plan  general  et  de  la  profusion  dans  les  details....  Nous 
reconnaissons  sans  peine  ,  dans  les  temples  constants  sous 
l'empire  du  paganisme,  la  representation  fidele  de  cette  reli- 
gion, qui,  touchant  pen  le  cceur,  et  parlant  davanlage  aux 
sens,  honorait  la  divinite  paruu  magnifique  deploiemcnt  de 
forces :  Atlas  ou  Hercule  soutenant  la  voOte  du  ciel,  est  l'em- 
blemede  cette  architecture.  Et ,  a  la  vuede  ces  edifices  gothi- 
ques,  dont  ['architecture  bardie  semble  emporter  jusqu'au 
ciel  nos  regards,  nos  vceux  et  nos  esperances,  pouvons-nous 
nous  defendre  d'une  sorte  de  sainte  ardeur  ?  Ne  ressentons- 
nous  pas  une  emotion  de  tristesse  religieuse  en  visitant  leur 
enceinte,  ou  le  jour  qui  penetre  sous  des  voutes  profoitdes,  a 
travers  des  vitraux  colores,  invite  au  lecueillement ,  et  dont 
le  silence  ne  semble  pouvoir  elre  lompu .  sans  profanation, 
que  par  des  paroles  graves  et  sacrees?  "  \  .  L. 


LITTERATURE.  '.07 

68.  —  De  f  Imitation  the'dtrqte,  d  propot  du  romantisme; 
avee  cette  epigraphe  :  Iiiacos  intra  muros  peccatur  el  exlra. 
Paris,  i83o;  Henri  Feret.  In- 18  de  \l\o  pages;  prix,  2  IV. 

L'etat  maladif  tie  notre  litterature  occupe  lous  les  ecrivains  ; 
I'auteur  de  la  brochure  que  nous  annoncons  a  voulu,  com  me 
un  autre,  proposer  ses  remedes.  L'epigraphe  qu'il  a  choisie 
indique  assez  l'esprit  de  son  livre.  Malheureusement  ce  livre, 
•  malgre  quelques  idees  justes  et  quelques  apercus  ingenieux, 
n'est  ni  assez  proibnd  pour  etre  instructif,  ni  assez  bien  ecrit 
pour  etre  attachant.  L'auteur,  un  pen  trop  prodigue  de  di- 
visions et  de  subdivisions  abstraites,  dit  pourtant  quelque 
part  qu'il  n'ira  pas«  s'alambiquer  l'esprit  dans  la  distillation 
de  ces  quintessences  »  .  Je  lui  demande  la  permission  de  pro- 
fiter  de  cetexemple. 

6g. — *  La  divine  Comedicdc  Dante  Alighicri,  traduite  en  vers 
francais  par  M.  Antoni  Deschamps  (  vingl  chants);  ornee  de 
lithographies  representant  VEnfer,  le  Purgatoire  et  le  Paradis. 
Paris  1829;  Ch.  Gosselin,  U.  Canel  et  Levavasseur.  Un  vol. 
in-8°  de  lxiv  et  244  Png<?s;  prix,  7  fr.  5o  centimes. 

Le  traducteur  nous  avertit  que,  pour  rendre  le  style  du 
Dante,  il  n'a  point  choisi  cette  langue  courthanesque  qui  serait 
deplacee,  meme  dans  une  traduction  de  Virgile.«  Locutions 
dantesques,  repetitions  de  formes,  expressions  latines,  nous 
avons,  dit-il,  tout  reproduit  scrupuleusement;  commc  en  fai- 
sant  une  traduction  de  1'IIiade,  nous  aurions  respecte  les  epi- 
thetessacramentelleset  ces  belles  manicresde  direhomeriques 
qui  donnent  tant  de  caractere  an  style.  Done,  toutes  les  foi-; 
que  notre  traduction  paraitrainexacte,  ce  ne  sera  point  systeme, 
mais  impuissance  ;  car  nous  nesommespusde  ceuxqui  croicnt 
avoir  le  droit  de  changer  et  de  mutiler  les  grands  auteurs  qu'ils 
traduisent.  Quand, par  hasard,  Dante  est  obscur,  nousn'avon- 
pas  craint  de  l'etre  comme  lui,  preferant  toujours  le  tour  et  la 
concision  poetiques  a  la  paraphrase  prosaique.  En  un  mot,, 
nous  n'avons  jamais  transporte  le  commentaire  dans  le  texte, 
et  nous  nous  sommes  livre  en  toute  conliance  a  notre  poelc, 
marchant  quand  il  marche,  nous  arretant  quand  il  s'airete,  et 
le  suivant  pas  a  pas,  comme  lui-meme  suivait  Virgile  dans  son 
fatal  voyage.  » 

Ce  systeme  de  traduction  serait  fort  bon,  si,  en  francais,  il 
etait  praticable.  Malheureusement  le  conlrairc  u'e^t  pas  dou- 
teux  pourquiconque  a  uneconnaissance  approfondiedes  deux 
langues,  et  particulierement  de  celle  que  le  Dante  a  parlee. 
Choisissons,  pour  rendre  la  demonstration  plus  frappante,  un 
passage  justement  celebre  : 


•2o8  L1VKES  FKANCAIS. 

Conic  un  poco  ili  raggio  si  fu  messo 
Nell'  orribile  carcere,  end'  io  scorsi 
Per  quatlro  visi  il  mio  aspetto  stQSSOt 

Ainbe  lc  mani  per  dolor  mi  niorsi, 
Ed  ei,  credendo  chc'  1  I'essi  per  voglia 
Di  maiiicai ,  di  subito  Ievorsi, 

Dicendo  :  Padre,  assai  ci  fia  men  doglia 
Se  tu  mangi  di  noi ;  tu  ne  vestisti 
Queslc  miseic  carni,  e  lii  le  spoglia. 

La  premiere  impression  que  produit  ce  moreeau  est  celle 
d'une  nature  terrible,  exposee  dans  toute  son  energique  nudite. 
Et  pourtantcette  nature  n'a  rien  de  vulgaire,  lien  deprosai'que. 
Loin  de  la,  ee  langage ,  en  meme  terns  qu'il  est  l'expression 
naive  des  sensations  d  Lgolin  et  de  ses  enlims,  a  quelque  cliose 
de  sublime,  d'inspire,  de  surhumain,  dont  le  lectenr  a  d'abord 
quelque  peine  a  se  rendre  compte.  Mais,  s'il  parvient  a  exa- 
miner froidement  cecbcf-d'ceuvre,  il  s'apercoit  bientot  que  le 
cbarme  de  cette  double  impression,  a  la  fois  simple  et  poeli- 
que,  tient  aux  nombreuses  alterations  que  le  poete  a  eu  le 
droit  d'imposer  a  son  idiome. 

Examinons  versa  vers,  et,  pour  ainsidire,  mot  a  motleslyle 
de  ce  passage,  etnous  venous  combien  il  s'eloigne  du  langage 
ordinaire  :  Si  fu  messo,  latinisme  elegant,  pour  si  fu  introdotto, 
ambe  pour  amhedue,  ei  pour  eglino,  fessi  pour  facessi,  manicar 
pour  mangiar,  lerorsi  pour  levaronsi,  fia  pour  sard,  doglia  pour 
dolore.  Combien  de  modifications,  qui  toutes  ontpoureffet  de 
dormer  au  style  plus  devivacite,  de  noblesse,  d'enthousiasme  ! 
Ce  n'est  qu'apres  nous  avoir  ainsi  depayses  du  monde  de  la 
prose,  que  le  poete  laisse  ecbapper  ce  prosaisme  terrible  :  se 
tu  mungi  di  noi ;  encore  le  releve-t-il  aussitot  par  ce  beau  la- 
tinisme  :  tu  nevestisti  queste  misere  carni,  et,  au  lieu  d'employer 
la  forme  usuelle  de  Pimperatif :  spogtiale,  a  Paidc  d'une  con- 
jonction  insolite  devant  ce  mode  et  suivie  d'une  heureuse 
inversion,  e  tu  le  spoglia,  il  donne  a  ce  dernier  trait  une  grace, 
un  abandon,  une  melancolie  indefinissables.  C'est  ainsi  que  le 
poete,  dans  un  idiome  qui  est  comme  une  cire  molle  entre  ses 
mains  ,  petit  descendre  aux  plus  prosa'iques  details,  sans  que 
le  melange  du  trivial  et  du  plat  vienne  alterer  Punion  du  na- 
iurel  et  du  sublime. 

Meltons  maintenant  sous  les  yeux  du  lecteur  la  traduction 
franraise  de  ce  meme  passage  : 

Je  ne  repondis  lien  re  jour,  la  nuit  siiivanlc, 
Jnsqn'a  ce  qu'eclairant  ce  tableau  d'epouvantc 


L1TTERATL11E.  aog 

Dn  rayon  de  lumiere  entrat  dans  la  prison  : 

Alois  je  ne  fus  plus  maitre  de  ma  iaison, 

Quand  jc  vis  ma  paleur  sur  leurs  quatre  visages; 

Mes  larmes  ne  pouvant  se  frayer  de  passages, 

Je  me  mordis  les  mains  de  douleur,  a  la  fin, 

Et  mes  enfans  croyant,  eux,  que  c'etait  de  faini, 

Se  lcverent  ensemble  en  s'eciiant  :  O  pere, 

Ne  fais  done  pas  ainsi,  cela  nous  desespere; 

Tiens,  tiens,  nous  voila,  pere;  il  nous  sera  plus  douz, 

Si  tu  veux  a  manger,  que  tu  manges  de  nous ; 

Reprends-nous  cette  chair  que  tu  nous  as  donntie. 

Jen'insisterai  point  sur  les  longueurs  et  sur  lesautresdefauts 
de  cette  version.  II  en  est  un  qui  les  domine  tous  :  e'est  l'absence 
des  prestiges  de  P original,  c'esl  la  simplicite  prosaique.  Ce  de- 
faut,  qui  se  fait  generalement  sentir  dans  la  traduction  du 
Dante,  est  la  consequence  inevitable  du  systeme  du  traducteur. 

Le  francais,  n'admeltant  point  ces  modifications  materiellcs 
des  mots  et  des  tours  qui  font  de  l'italien  une  langue  double, 
partagee  entre  la  poesie  et  la  prose,  est  reduit,  dans  une 
lutte  corps  a  corps,  a  mettre  ses  formes  prosaiques  en  parallele 
avec  les  formes  poetiques  de  l'italien.  Toute  traduction  litterale 
d'un  poite  italien  est  done  impossible  en  francais;  celle  qui  se 
fera  lire  avec  plaisir  ne  pourra  jamais  etre  qu'une  imitation  ; 
car  il  faudra  necessairement  que  le  traducteur  supplee,  par  des 
equivalens  quelconques,  a  tout  ce  que  les  mots  perdent  de 
valeur  poetique  en  passant  d'une  langue  dans  l'autre.  Ces 
observations  ne  m'empecbent  point  de  reconnaitre  le  merite 
des  efforts  de  M.  A.  Deschamps.  Vivement  epris  de  son  mo- 
dele,  il  a  quelquefois  reussi,  au  dela  de  toute  esperance,  a 
reproduire  ses  beautes.  Je  citerai,  conime  un  exemple  remar- 
quable  de  la  difficulte  heureusement  vaincue,  la  traduction  de 
la  metamorpbose  du  serpent  en  bomme  et  de  l'bommeen  ser- 
pent, au  25me  chant  de  l'Enfer.  £nfm,  s'il  ne  fait  pas  toujours 
gouter  le  genie  du  Dante,  il  fait  du  moins  tres-bien  sentir  sa 
maniere.  Wais,  en  poursuivant  1'entreprise  hasardeuse  dont  le 
volume  public  n'est  qu'un  essai,  je  l'engage  a  se  defier  du 
systeme  qu'il  a  adopte;  ce  systeme,  a  bien  dire,  n'est  pas  le 
sien;  e'est  celui  d'une  ecole  poetique  qui  meconnait  evidem- 
ment  le  genie  et  les  ressources  de  noire  langue.  Ennemie 
declaree  de  toute  regie,  cette  ecole  proscrit  la  cesure  et  af- 
fecte  l'enjambement.  Voici  maintenant  que  M.  A.  Deschamps 
joint  a  ces  licences  cede  de  l'hiatus.  On  le  voit,  la  re  forme 
fait  des  progres  :  qu'elle  se  debarrasse  encore  de  la  rime,  et 
il  sera  possible  de  s'entendre.  Cn. 

t.  xtvi.  avril  i83o.  14 


7i.)  LIVRES  FRANC  US 

70.  —  Camille  on  le  Patriotisme,  tragedie  en  cinq  actes  el 
en  vers;  par  M.  Frdd.  Gaii.eron.  Falaise,  i83o;  Paris,  Lance, 
rue  Croix-des-Petits-Cbamps ,  n"  5o.  In-8°  de  5r>  pages; 
prix.  T>  IV. 

71.  —  Le  chateau  de  Falaise ,  poenie ,  par  Alplwnse  Le  Fla- 
guais.  Caen,  1800;  Chalopin.  In-80dc  18  pages. 

La  tragedie  a  tant  de  fois  ranime  des  eveucmcns  grecs  el 
romains  que  le  public  ne  vent  plus  que  des  faits  einpruntes  a 
l'hisloire  nouvelle ,  et  le  lucatic  franca  is  renvoie  pour  admi- 
rer Camille  a  Tite  Liveet  a  Plutarque.  Aussi  M.  Galleron  n'as- 
pire  pas  a  obtenir  un  sneces  sur  la  seine,  mais  a  etre  In, 
prineipalemcnt  par  ses  amis.  II  etail  bien  jeunc  quand  il  com- 
posa  sa  tragedie,  dont  ilconl'esse  lui-meme  qnelques  defauts. 
En  effet  elle  en  rcnlernie  de  plus  d'une  sorte  :  1111c  intrigue 
presque  vide,  des  scenes  qui  ralentissent  Taction,  un  dialo- 
gue trnp  raisonnableet  pas  assez  raisonne.  Le  patriotisme  aussi, 
generalement  i'roid,  est  moins  une  passion  qu'un  sentiment. 
Brcnnus  est  autant  Scylbe  que  Gaulois  :  auciin  incident  qui 
iutroduise  dans  Taction  au  moins  quelques-uns  de  ses  compa- 
gnons  :  toujours  des  Romains  011  des  Romanies.  On  voudrait 
que  le  caractere  aventureux  d'une  armcc  barbare  mais  gau- 
loise  fut  presents  en  contraste  avec  Tesprit  belliqueux  et 
deja  un  peu  civilise  du  peuplc  de  Rome.  Cependant,  cette 
piece  ne  blcsse  ni  le  gout,  ni  Tart,  ni  la  langue;  la  versilira- 
tion  en  est  assez  elegante,  et  on  la  lit  avec  quelque  iuterci. 
L'arrondissement  de  Falaise,  011  M.  Galleronexerce  les  fonc- 
tions  de  substitut ,  lui  est  redevable  d'une  bonne  slalistique 
en  4  vol.  in-8°. 

Get  arrondissement,  tout  luslorique,  possede  de  nombreu- 
ses  antiquitcs  celtiques,  gallo-romaines  et  du  moyen  age, 
que  Ton  eommenee  a  explorer:  c'est  un  de  ces  monumens, 
le  plus  rcmarquable  pent  etre ,  qui  vient  d'inspirer  assez  heu- 
reusement  un  jeune  poete.  M.  Le  Flaguais  le  reconnait  lui- 
meme  :  sa  muse  melancolique  a  cliantc:  assez  long-tems  en 
ballades  et  en  melodies  les  douleurs  de  la  vie  ;  et  quoique,  I'awe 
accablec  d' 'an  poids  d'emedions,  il  ait  vu  sur  les  mines  du  cha- 
leau  de  Falaise  de  jaunes  ravenelles  melanl  leaps  odorans  sou- 
pirs  auxparfums  enivrans  des  plus  beaux  souvenirs ,  de  roman- 
tique  il  redevicnl  classique.  Son  nouvcau  poenie  ne  prome 
pas  line  conversion  encore  bien  decidee ;  c'esl  peul-etre  <■<■ 
qui  contfibue  a  lui  procurer  un  a^se/.  grand  nombre  de  lec- 
teurs,  qui  ne  peuvent  lui  conteslei •Tenlenle  de  noire  versili- 
ration.  Les  poetes,  ce  me  semble,  s'aslreigneui  trop  ;i  sun  re 
la chroriodocie. lis exciteraienl  miens  Tinierei  en  remontant,  a 


LITTERATURE.  an 

leavers  le  cours  ties  siecles,  des  evenemens  modernes  jus- 
qu'aux  epoques  reculees.  Cet  ordre  est  analytique  puisqu'il 
conduit  du  connu  a  1'inconnu ;  rationnel,  car  il  s'aide  de  ce  qui 
existe  pour  faire  appreoier  ce  qui  a  cesse  d'etre ;  poetique,  parce 
qu'il  saisit  l'esprit  et  l'imagination  d'images  et  de  reflexions 
profondes.  Ainsi  ce  cadavre  de  chateau  semblerait  se  ranimer, 
et  progressivement  recouvrer  son  antique  gloire  :  nous  y  ver- 
rions  Henri  IV  montant  a  l'assaut,  puis  Duuois  contraignant 
Talbot  a  capituler  :  heureux  d'un  emploi  modeste  apres  la 
chute  du  trone  de  Constantinople,  des  Paleologues  se  trans- 
mettraient  le  commandement  de  celte  forteresse,  oil  les  pre- 
eeda,  mais  captif,  l'infortune  Arthur,  si  cher  aux  romanciers  ; 
enfin  apparaitrail  le  berceaudu  batard  qui  legitima  son  origine 
par  ses  exploits,  et  sa  conquete  de  I'Angleterre  par  des  insti- 
tutions que  huit  siecles  n'ont  pu  detruire.  M.  Le  Flaguais  fait 
raconter  par  un  trouvere  la  passion  du  due  Robert  pour  la  jou- 
vencelle  Arlete;  mais  cette  ballade  n'est  pas  digne  delagrande 
renommee  qui ,  dans  tous  les  ages ,  accompagnera  leur  fils 
Guillaume.  Les  terns  modernes  ont  produit  des  amours  non 
moins  epiques  que  celles  qui  furent  tant  celebrees  dans  l'an- 
tiquite.  L'Europe  efit-clle  echappe  au  despotisme  oriental  sans 
la  victoire  de  Charles  M artel,  heros  que  le  mont  Jupille,  pres 
Liege ,  \  it  naitre  des  amours  de  Pepin  et  de  la  belle  gauloise 
Alpalde?  Isidore  Le  Brun. 

72.  — Esquisses  in  females,  par  Potydore  Bocnin.  Marseille, 
marsi83o  ;  Anfonce,  Cainoin  ;  Paris,  Denain,  Lecointe.  In- 18 
de  06  pages ;  prix,  1  t'r. 

Voila  la  troisieme  i'ois  que  nous  avons  a  rendre  compte  des 
productions  de  M.  Polydore  Bounin ,  et  toujours  avec  espe- 
rance.  La  premiere  fois  qu'un  poete  se  presente  au  public,  la 
critique  le  prend  comme  il  se  donne ;  mais  au  second  recueil, 
elle  sait  deja  ce  qu'elle  a  droit  de  lui  demander.  Elle  aime  a 
suivre,  dans  1'enchainement  de  ses  inspirations  successives , 
les  mysterieuses  transformations  d'un  talent  dont  elle  a  ac- 
cueilli  les  promesses  naissantes.  Seduils  par  les  gracieuses 
images  de  M.  Bounin,  nous  demandions  a  cette  poesie  fraiche 
et  harmonieuse  une  pensee  plus  forte  et  plus  nourrie,  et  deja 
\eSermentde  Vipoase  etait  venu  nous  apprendre  que  la  vigueur 
n'etait  pas  etrangere  a  cette  niuse  du  midi  dont  nous  aimions 
la  mollesse.  Les  Esquitses  infernates  ajouteront-elles  quelque 
chose  a  notre  conviction  ?  Nous  attendrons,  pour  analyser  ce 
premier  poeme,  que  nous  recevions  de  Marseille  la  publica- 
tion des  trois  autres  qui  doivent  le  suivre.  Aujourd'hui,  nous 
laisserons  le  poete  parler  en  prose  a  noire  place  :  «  Jeunes 


212  LIVRES  FRANC AIS. 

gens,  notre  patrie  est  belle,  n'est-ce  pas  ?  aussi  belle  peut-etre 
que  des  pays  (lores  a  nos  yeux  tie  scduisans  prestiges.  Eli  bien ! 
des  lors,  pourquoi  la  delaisser,  pourqiioi  la  fuir,  quand  le  coeiir 
vous  dit  quelque  chose?  Pourquoi  vous  arrachcr  d'une  terre 
ou  la  Providence  vous  placa  peut-etre  comuie  unc  barmonie, 
comme  des  plantes  quelquefois  plus  brillantes  ailleurs,  mais 
plus  fraiches,  plus  cmpreiutes  de  leurs  graces  natives?  Est-ce 
la  gloire  qui  vous  attire  la-haut,  dans  la  capitale  ?  Est-ce  la 
fortune,  habile  enchanteresse  ?  Si  c'est  la  gloire,  je  vous  ex- 
cuse :  on  a  pu,  jusqu'ici,  ne  la  croire  attachec  qu'aux  ovations 
parisiennes  ;  si  c'est  la  fortune,  je  le  concois  sans  doute,  niais 
je  vous  plains.  Loin  de  moi,  toutefois ,  la  pensee  de  blamcr 
personnel  Paris,  en  ce  moment,  possede  une  foule  de  gloires 
que  lui  a  deputees  noire  province  :  admirons-les  sans  ran- 
cune,  soyons-en  fiers,  mais  avouons  qu'elles  seraient  ici  a  leur 
place  naturelle,  a  leur  vraie  place. 

»Restons  done  chez  nous,  jeunes  gens,  restons  chez  nous; 
et  si  la  gloire  de  reussir  nous  echappe ,  ayons  celle  d'avoir 
ose.  » 

J'aime  ce  eri  contre  la  centralisation,  arrache  a  un  ceeur  de 
pocte  par  Pamour  du  sol  natal.  A.  de  L. 

r;3.  —  *  La  retigiease  de  Monza,  episode  du  xvnc  siecle, 
faisant  suite  aux  Fiances  de  Manzoni  (par  M.  Jean  Rosini),  et 
traduit  de  l'italien  sur  la  fiuitieme  edition;  par  Jean  Cohen. 
Paris,  i83o;  H.  Fournier  jeune,  rue  de  Seine,  n"  i^- 
5  vol.  in- 12,  formant  ensemble  n55  pages;  "prix,  i5  fr. 

Nous  avons  annonce,  lors  de  sa  publication  en  Italie,  le 
roman  de  Rosini  (voy.  Rev.  Enc.,t.  xliii,  page  427)  quia 
obtcnu  dans  son  pays  un  succes  brillant  :  il  merifait 
d'etre  traduit,  quoiqu'il  ait  surtout  un  interet  local;  car  le 
but  de  l'auteur  aete,  comme  nous  I'avons  deja  remarque,  de 
faire  ressortir  la  gloire  de  l'ltalie  au  xviie  siecle  en  opposition 
avec  l'effrayant  tableau  qu'a  trace  M.  Manzoni  dans  ses  Fian- 
ces. Il  a  rempli  cette  tache  en  homme  de  talent  et  d'inst ruc- 
tion ;  et  les  deux  parlies  de  son  livre,  la  parlie  romanesque 
qui  continue  le  recit  des  coupables  amours  de  Gertrude  et 
d'Egidio,  dont  les  nomsetles  premieres  a  ventures  sont  connus 
de  tous  les  amis  de  la  litterature  italienne;  et  la  parlie  eru- 
dite, ou  1'auteur  nous  fait  passer  en  revue  tous  les  homines 
illuslres  de  l'cpoque,  sont  egalement  bien  traitees,  quoique 
leur  melange  ne  produise  pas  un  ensemble  Irtteraire  bien 
rt'gulier. 

r-^. — *  Philippine  de  Flandrc,  ou  les  prisonniers  du  Louvre  , 
roman  historique beige;  parM.  H.-G.  3Ioke,  auteur  du  Gueiur 


LITT^RATURE.  3i3 

(/enter,  du  Gueux  dcs  bois ,  etc.  Paris,  i85o;  Charles  Gosse- 
lin.  4  vol-  in- '2,  forinant  ensemble  xjv-g25  pages;  prix, 
12  fr. 

C'cst  une  heureuse  idee,  quoi  qu'on  en  puisse  dire,  que 
d'avoir  ouvert,  dans  le  roman,  un  nouveau  debouche  aux 
eludes  historiques,  et  d'avoir  rapproche  les  erudits,  par  cet 
ingenieux  expedient,  de  la  classe  frivole  qui  ne  veut  lire  que 
pour  s'amuser.  La  medioerite  a  du  s'emparer  du  roman  his- 
torique, comme  de  toute  autre  invention  du  genie,  pour  ta- 
ther  de  Pexploiter  a  son  profit;  mais  il  ne  faut  pas  que  ses 
malencontreux  essais  nuisent  aux  efforts  des  hommes  dislin- 
gues  qui  s'essaient  apres  elle  dans  cette  difficile  carriere.  On 
peut,  je  crois,  classer  les  imitateurs  de  "Walter  Scott  en  deux 
grandcs  divisions,  qui  se  partagent,  parparts  a  peu  presegales, 
les  qualites  qui,  reunies,  forment  I'apanage  de  ce  grand  ecri- 
vain.  Les  uns  se  font  remarquer  surtout  par  les  dons  de  l'ima- 
gination;  les  autres  sont,  avant  tout,  antiquaires  et  savans  : 
les  premiers  pourraient  sans  doute  reussir  egalement  dans 
d'autres  genres  de  litterature;  pour  les  seconds,  le  roman 
historique  semble  avoir  ete  decouvert  tout  expres,  afin  de 
leur  procurer  des  succes  plus  populaires  que  ceux  qui  sont 
d'ordinaire  le  sort  des  erudites  compilations  de  chroniques  et 
de  manuscrits  vieillis.  31.  Moke  nous  parait  appartenir,  de 
preference,  a  cette  seconde  classe  ;  non  pas  que  ses  produc- 
tions manquenl  totalement  de  cette  vie  poetique  qui  seule 
peut  assurer  le  succes  des  oeuvres  litteraires;  mais  leur  ca- 
ractere  dominant  nous  semble  etre  la  fHlelite  historique. 
—  M.  Moke  s'occupe,  depuis  long-tems,  de  la  composition 
d'un  ouvrage  serieux  et  difficile  ,  V Histoire  des  Pays-Bos.  Les 
recherches  que  necessite  cette  entreprise  lui  ont  fourni  des 
documens  et  des  idees  qui  lui  ont  paru  de  nature  a  rehabiliter 
la  gloire  de  sa  patrie  ;  il  a  pense  que  la  forme  du  roman  leur 
donnerait  a  la  fois  plus  de  relief  et  une  circulation  plus  eten- 
due.  C'est  dans  cette  intention  qu'il  avail  deja  puljlie  deux 
romans,  annonces  tour  a  tour  dans  ce  rccueil  (voy.  Rev.  Enc, 
t.  xxxvi,  p.  419?  et  t.  xl,  p.  74^).  Aujourd'hui,  il  s'efforce  de 
retracer  quelques  scenes  de  ces  vieilles  luttes  entre  la  France, 
alors  toute  feodale,  et  la  Flandre ,  on  predominait  le  principe 
democratique,  qui  se  terminerent  par  la  bataille  de  Courtray. 
Philippine  de  Flandre,  et  son  amour  pour  un  jeune  chevalier 
normand  forment  comme  le  noyau  de  faction,  autour  duquel 
1'auteur  a  groupe  la  description  du  Louvre  et  de  la  captivite 
du  malheureux  comtc  Guy  de  Flandre,  le  recit  anime  du 
tournoi  ccbbre  pour  les  fiancailles  d'Isabelle  de  France  et  An 


ai4  LTVRES  FRANCAIS. 

prince  de  Galles,  les  portraits  de  Phuippe-1«-Bel  et  de  Jeanne 
tie  Navarre,  les  tableaux  d'Tnlerieur  pris  clans  la  ville  ct  la 
bourgeoisie  de  Bruges,  etc.,  etc.  Ces  differentesesquissrs  sont 
tracees  avec  talenl ,  et  pourront  contribuer  a  faire  apprecier 
une  epoqne  iinportante  de  l'histoire  de  Flandre. 

^5.  —  Samuel  Bernard  et  Jacques  Borgarelly,  histoire  du 
terns  deLouis  XIV  ;  parM.  Rey-Dussueil.  Paris,  i85o;  (,h. 
Gosselin.  l\  vol.  in-ia  formant  ensemble  gi4  pag. ;  prix,  1  2  1'r. 

M.  Rey-Dussueil  semble  avoir  adoptc  le  projet  d'ecrirc 
une  serie  de  chroniques  marseillaises  et  provenpales  :  nous 
avons  deja  vudelui  la  ConfnrieduSaint-Esprit,  011  Ton  a  loue 
quelques  descriptions  locales,  et  des  esquisses  de  moeurs  et  de 
caracteres  qui  seniblaient  promettre  a  1'auteur  une  place  en 
deborsdecettefoule  obscure  de  fabricans  de  romans,  histori- 
ques  et  autres,  dont  les  produits  n'ont  d'antres  debouches  que 
les  cabinets  de  lecture,  et  d'antres  admirateurs  que  les  des- 
oeuvres  de  boutique  011  d'antichambre.  Cette  nouvelle  his— 
toire  du  tems  de  Louis  XIV  se  rattache  encore  a  la  ville  natale 
de  1'auteur  par  son  heros  Jacques  Borgarelly,  fils  cadet  d'une 
famille  de  la  bonne  bourgeoisie  de  Marseille,  que  les  injus- 
tices du  droit  d'ainesse  ont  amene  au  milieu  des  intrigues 
et  des  corruptions  de  Paris  avec  sa  franchise  et  sa  fierte  me- 
ridionales.  Mais  ce  caractere  principal  n'est  pas  trace  avec 
assez  de  vigueuret  deneltete;  et,  disons-Ie,  1'enseinble  du  Io- 
nian n'annonce  point  un  progres  bien  sensible  dans  le  talent 
de  1'auteur.  L'intrigue  en  est  faible,  languissanle  et  decou- 
sue ;  il  y  a  moins  de  vivacite  et  toujours  un  peu  de  preten- 
tion dans  le  style,  qui  surtout  dans  les  recits  et  les  dialogues 
manque  souvent  du  natnrel  et  de  la  simplicite  que  reclame nt 
ces  deux  genres  ;  puis,  les  details  ne  sont  pas  bicn  profonde- 
ment  penetres  de  la  couleur  hislorique.  Le  portrait  de 
Louis  XIV  surtout  nous  a  paru  I  eaucoup  trop  flatte,  aujour- 
d'hui  que  la  critique  moderne  et  des  publications  reccntes 
out  tanl  soit  peu  dissipe  cette  aureole  de  grandeur  et  dc  ma- 
jeste  dont  on  s'etait  plu  a  entourer  sa  royale  figure.  En  re- 
vanche, on  rencoiilia  aussi  dans  cct  ouvrage  des  descriptions 
brillantes  et  anilines,  et  quelques  scenes  qui  ne  sont  pas  ren- 
dues  sans  verite  pi  sans  chaleur.  lilies  rappellent  les  spiriluels 
et  premiers  essais  de  Pauteur,  qui  parurent,  dans  le  Mcrcure 
ile  France,  sous  le  titre  de  :  La  marquise  de  Chaves,  et  que 
M.  Gosselin  a  cu  I'heureuse  idee  de  faire  iniprimer  a  la  fin  du 
quatrioine  volume  dc  Samuel  Bernard. 

76.  —  Un  mariage  du  grand  monde,  traduit  de  l'anglais  dc 
Miss   l>.v  1 1  1. 11  .    par    Madame    ***.   traducteur    de    Marguerite, 


LITTEHATURE.  2i5 

Lindsay,  etc.    Paris   i>s5o;  Barbczat.  L\  vol.  in-12,  i'ormant 
ensemble  780  pages;  prix,  12  it. 

L'action  cle  ce  r.iman  est  extreuiemcnl  simple  :  lord  FHz- 
Henri,  pour  cmpecher  la  mine  du  comte  d'Arlingford,  son 
peie,  est  reduit  a  epouser  Emmeline,  la  lille  du  banquier 
Benson,  a  laquelle  sa  main  est  engagee  depuis  Ieur  premiere 
enlance.  II  a,  pendant  ses  voyages  sur  le  continent,  con- 
tracts une  liaison  d'amour  avec  une  I'emme  belle  et  pleine 
d'attraits,  mais  dont  ie  coeur  et  les  moeurs  sont  egalement 
corrompus.  Fitz-Henri  promet  a  cettecoupable  maitressie,  qui 
est  deja,  de  son  cote,  parjureauxsermens  pretes  a  un  epoux, 
de  ne  point  lui  etre  iufidele,  malgre  les  liens  nouveaux  qui 
vont  l'unir  a  Emmeline.  Une  longue  absence  lui  a  fait  perdre 
de  vue  complitement  celle-ci ,  et  il  est  loin  de  soupconner 
de  quelles  aimables  vertus  et  de  quelles  seduisantes  qua- 
lites  est  douee  sa  jeune  fiancee.  Un  tete-a-tete  prolonge, 
dans  son  chateau,  les  lui  revele  ;  et  peu  a  peu  elles  efl'acent 
de  son  coeur  les  traces  de  sa  premiere  et  funeste  passion. 
Mais,  trop  i'aible  pour  resister  aux  souffrances  du  long  com- 
bat que  se  livrent  en  lui  sou  amour  toujours  croissant  pour 
Emmeline,  les  craintes  de  ne  point  le  voir  partage,  el  les  re- 
mords  que  lui  cause  la  conscience  de  ses  torts  envers  elle,  il 
succombe,  an  moment  ou,  libre  des  (diaiues  de  ladj  Florence, 
il  apprend  qu'il  est  tendrement  aime.  II  n'y  a  que  peu  011  point 
d'incidens  etrangers  a  cette  donnee  principale;  la  societe  des 
deux  epoux  se  borne  a  un  petit  nombre  de  personnages,  et 
ceux-ci  ne  sont  esquisses  que  tres-legercinent  quoique  avec 
verite  :  cependant  l'interet  est  soutenu  constamment,  sans 
exciter,  il  est  vrai,  une  bien  vive  attention,  par  la  grace  natu- 
relle  des  details  et  par  les  agremens  d'un  style  simple  et  de 
bon  gout.  Sans  doute  l'auteur  anglais  doit  des  remerciniens 
a  sa  liaductrice,  dont  les  succes  anleiieurs  dansce  genre  sout 
one  garantie  sulfisante  du  merite  de  sa  nouvelle  publication. 

a. 

77.  —  Clolildc,  esquisses  de  1S22,  recueillies  et  publiees 
par  le  comte  Gaspard  de  Pons.  Paris,  i85o;  Gosselin,  rue 
Saint-Germaiii-des-Pit's,  n°  9,  et  Urbain  Cane!,. rue  Jean- 
.lacques -Rousseau,  11"  iG.  2  vol.  in-  18  de  !().»,  et  254  Pages  ; 
prix,  G  t'r. 

Clotilde  est  une  jeune  et  belle  personne,  qui,  maiiec  a  un 
genlilhommcde  province, bien  nulet  bienorgucilleux.s'eprenil 
d'un  ollicier  de  la  garde,  Alberic  d'Harville.  La  duchesse  de 
IJagiieux,  sa  rivale,  de  conceit  avec  son  mari,  M.  de  Kou\  teres, 
parvient  a  lui  persuader  qu'clle  est  trahie,  qu'Alberic  nc  laiiiHj 


uiG  LIVRLS  FRANC  ALS. 

pas,  et  veut  la  seduire.  Elle  s'empoisonne  :  Alberto,  present  a 
cet  horrible  evenement,  par  suite  d'une  avenlure  qu'on  lira 
tlans  le  roman,  rencontre  M.  de  Rouviercs,  l'insultc,  le  pro- 
voque  dans  ''exaltation  de  sa  doulcur,  et  lui  donne  rendez- 
vous pour  le  lendcmain.  M.  de  Rouviercs  lire  lc  premier  el 
manque  son  coup  :  sa  vie  est  entre  les  mains  d'Alberic  qui  se 
bride  la  cervelle  pour  ne  pas  survivre  a  son  amante. 

Le  recit  de  ce  duel  est  vif,  anime,  attendrissant  meme. 
Nous  clterons  encore  comme  un  morceau  reinarquable  le  bal 
chez  la  duchesse  d'Havrincourl,  ou  la  beaute  el  le  triomphe 
de  Clotilde  desesperent  M"  de  Bagneux,  et  la  poussent  aux 
dernieres  extremites.  Kn  general,  ily  a  du  talent  et  de  Pinteret 
dans  ce  livre  :  le  caractere  de  Paul  d'Harville,  frere  nature! 
d'Alberic,  est  plein  de  noblesse  et  de  dignite,  et  son  langagc 
severe  offre  d'heureux  contrastes  avec  la  ibugue  de  son  mal- 
heureux  frere.  —  La  lecture  de  ce  roman  fort  court  pent  fa  ire 
passer  quelques  heures  agreables,  et,  ;'r  lout  prendre,  il  nous 
a  semble  superieur  a  la  plupart  des  productions  de  ce  genre 
dont  nous  sommes  inondes.  A.  D. 

Beaux- Arts. 

-•8.  ■ —  Les  vrais  clcmcns  du  dessin,  enscigncs  en  seize  lepons, 
par  J.  P.  Yo'i'art.  Paris,  1829  ;  Audot.  In-4°  de  68  pages  et 
une  planche  lithographiee;  prix,  2  fr. 

L'auteur  ramene  Tart  qu'il  professe  au  dessin  de  trois  for- 
mes primordiales,  le  cube,  le  cylindre  et  la  sphere.  Jusque- 
la  il  ne  propose  rien  de  neuf,  puisque  des  long-tems  on  a  eta- 
bli  les  principes  du  dessin  sur  le  cercle,  l'ellipse  et  le  cane. 
Mais  M.  Voi'art  ombre  sur-le-champ  les-trois  corps,  et  pense 
que  l'eleve  qui  aura  passablement  accompli  cctte  Iftche 
pourra,  sans  autre  travail  preparaloire,  passer  au  dessin  de  la 
bosse.  II  est  permis  de  douter  que  cetle  marche  conduise 
promptement  au  resultat,  et  que  Part  du  dessin  soit  rendu 
facile  par  cette  melhode.  Le  dialogue  entre  un  pere  et  son 
fils,  qui  fait  la  maliere  de  Pouvrage  entier,  n'est  pas  nun  plus 
u-ie  forme  bien  heureuse  pour  developper  clairement  vine 
tbeoric.  Au  reste,  nous  devons  dire  que  la  dedicace  de  cet 
ouvrage  ayant  ete  acceptee  par  ftl  Gerard,  probabfement  ce 
e-elebre  peintre  en  porle  un  jugement  favorable,  et  ce  temoi- 
gnage  doit  nous  mettre  en  garde  contre  l'opinion  que  nous 
nous  en  sommes  formee. 

79.  — *  Men  Portefeuitle ,  par  P.  Lacour.  Bordeaux,  1828  ; 
lithographie  dr  Lege.  In-folio  de  io5fe utiles. 


BEAUX-ARTS.  217 

«  Ces  esquisses,  dont  jc  nc  fais  liter  que  cinquanle  exem- 
plaires,  formeront  un  reeueil  compose  de  plusieurs  volumes. 
L'hommage  que  j'en  fais  a  quelques  amis  et  aim  pelit  n om- 
bre d'amateurs  distingues  est  la  seule  publicite  que  je  lui 
donne.  »Toutetbis,  cette  collection,  qui  anrait  merite  une  plus 
grande  circulation,  est  remarquable  a  plusieurs  litres.  Pre- 
mierement,  elle  renferme  une  foule  de  dessins  gracieux  ou  cu- 
rieux,  que  tout  amateur  serait  jaloux  d'esquisser  au  trait  dans 
son  porlefeuille.  On  distingue  surtout  parmi  eux  un  lias-re- 
lief compose  et  dessine  par  M.  Lacour,  pour  la  salle  des  An- 
tiques du  Musee  de  Bordeaux,  et  qui  nous  semble  reproduire 
avec  une  grande  superiorite  les  beautes  de  la  sculpture  grec- 
que.  Ce  bas-relief  represente  la  peititure,  la  sculpture  et  I'ar- 
chileclurc  ;  rien  d'affecle  dans  le  dessin;  des  lignes  pleines, 
des  contours  larges,  des  formes  nourries,  et  cependant  bril- 
lantes  de  grace  et  d'elegance.  Beaucoup  de  dessins,  tires  du 
pave  de  la  cathedrale  de  Sienne  et  des  fiesques  des  loges  du 
Vatican,  peuvent  fournir  aussi  de  jobs  sujets  au  trait.  —  Un 
second  merite  du  porlefeuille  de  M.  Lacour  s'adresse  aux 
savans.  Les  antiquaires  parcourront  avec  plaisir  ses  dessins 
de  mines,  ses  facsimile  descriptions",  et  les  observalions  qui 
les  accompagnent.  Quelque  hasardee  que  puisse  paraitre  son 
opinion  sur  les  sujets  profanes  et  quelquefois  licencieux  qu'on 
rencontre  dans  des  monumens  cbretiens,et  qu'on  attribue 
aux  terns  et  au  culte  du  paganisme,  nous  pensons  qu'elle  me- 
rite d'etre  prise  en  consideration ,  et  discutee  jar  les  gens 
competens  :  car  il  apporte,  a  l'appui,  des  raisous  qui  nous 
paraissent  assez  bien  fondees.  ■ — Enfin,  ce  I'ortefeuille  te- 
moignera  des  progres  que  la  litbograpbie  fait  dans  les  villes 
de  departemens,  et  fait  bonneur  aux  presses  de  M.  Lege;  je 
ne  sais  s'il  aura  it  pu  etre  mieux  execute  a  Paris  meme. 
Du  reste ,  lous  les  dessins  de  ce  volume  n'ont  pas  etc 
reproduits  par  la  pierre  lithographique  :  plusieurs  jobs  paysa- 
ges  ont  ete  graves  a  1'eau-forte  par  M.  Lacour  lui-meme. 
—  L'auteur  promet  une  suite  a  cet  album  :  si,  lorsqu'il  rem- 
plira  sa  promesse,  il  veut  bien  nous  ranger  encore  dans  l'unc 
des  deux  classes  d'hommes  qu'il  jugc  digues  de  posseder  lc 
fruit  de  ses  travaux  d'affection ,  nous  ne  manquerons  pas  de 
commettre,  au  profit  de  nos  lecteurs,  une  nouvelle  indiscre- 
tion. Z. 

80.  — *  Architecture  moderne  de  la  Sicile;  ou  Reeueil  des  plus 
beaux  monumens  religieux  et  des  edifices  publics  et  particu- 
liers  les  plus  rcmarquables  des  principales  villes  de  la  Sicite  , 
mesures  et  dessines  par  J.  HittorffcI  L.  Zanth  ,  architectps, 


•ii 8  LIVRES  FRANCAIS. 

Paris,  1 82G- 1  8.~>u  ;  Jules  Renouard.  Dix-huit  livraisons,  For- 
mat grand  in-folio,  contenanl  chaeune  quatre  planches  gru- 
vees  an  trait.  Un  texts  eaplicati  f et  kistari(]U0$er&  remis,  gratis, 
aux  souscripteurs.  Prix  de  la  livraison,  5  francs  snr  papier 
colomhier  tin;  10  IV.  sur  colomhier  velin,  on  papier  <le  1 1  o  I  - 
lande,  proprc  an  lavis. 

81. —  *  Architecture  antique  dc  la  Sicile;  011  Rccucil  lies 
phis  interessaus  monumens  d'architeeture  des  villes  et  des 
lienx  les  plus  remarquahles  de  La  Sicile  ancienne  ,  mesures  et 
dessines  par  les  memes.  Paris,  1826-1S30;  Jules  Renouard 
Trente  livraisons,  format  grand  in-folio,  eomposees  chacuue 
de  six  planches,  dont  plusieurs  sont  eoloriees.  Un  volume  de 
texte  sera  remis,  gratis,  aux  souscripteurs,  a  la  fin  de  I'ou- 
vrage.  Prix  de  la  livraison,  10  fr.  sur  papier  colomhier  fin; 
20  fr.  sur  colomhier  velin ;  25  fr.  sur  colomhier  velin,  avec 
planches  sur  papier  de  Chine. 

J'ai  deja  signale  plusieurs  ibis  (voyezt.  xxxiu,  p.  828,  et 
t.  xxxvi,  p.  201)  ces  deux  importans  ouvrages  a  ['attention  du 
lecteur ;  maintenant ,  la  collection  consacree  a  C  architecture 
moderne  est  arrivec  presqu'a  sa  fin;  en  effet ,  les  dix-huit  li- 
vraisons annoncees  out  paru  ;  mais  quelques  planches,  au  dela 
du  nomhre  d'ahord  fixe,  etant  necessaires  pour  completer  le 
hut  que  M.  Hittorff  s'est  propose,  et,  cet  artiste  etant  anime 
hien  plus  par  l'amour  de  la  science  que  par  un  inleret  mer- 
cantile, ces  planches  seront  remises  gratis  aux  souscripteurs  , 
avec  le  texte  particulier  a  l'architecture  moderne. 

Depuis  mon  dernier  article,  il  n'a  paru  que  deux  livraisons 
(les5e  et6e)  de  Parchitecture  antique;  les  auteurs  out  voulu 
faire  jouir  le  public,  leplus  promptement  possible,  de  l'une 
des  deux  collections  annoncees,  et  ils  ont  consaere  presque 
tout  leur  terns  a  l'architecture  moderne;  a  present  ils  vont 
donner  les  memes  soins  a  l'architecture  antique,  et  ce  dernier 
recueil  se  compleiera  avec  toutc  la  rapidile  que  pcrmettent 
les  rechcrchcs  qu'il  exige,  el  la  surveillance  ties  graveurs;  car 
e'est  surtout  ici  qu'il  faut  dire  :  Sat  citd  qui  sat  bene. 

Les  cinquiemc  et  sixiemc  livraisons  sont  consacrees  a  deux 
temples  situes,  I'un  dans  I'Acropolis.  el  I'autre  sur  la  colline 
orientale  de  Selinonte;  M.  Hittorff  en  donne  les  plans,  les 
elevations,  les  coupes,  ainsi  que  les  restatirations.  Ces  res- 
taurations  nesonl  pas  le  fruit  dune  imagination  qui  cree  ;  ce 
ne  sonl  pas,  comme  il  arrive  trop  souvent,  des  variations  sur 
un  theme  donne;  e'est  le  travail  d'uu  esprit  juste,  allcnli!', 
eclairc,  qui  arrive  dn  connu  a  rinconnu  avec  Unite  la  cir- 
•  on.-pection  que  la  vcril  ible  science  inspire. 


BEAUX-ARTS.  219 

.le  Pai  deja  dil,  et  je  le  repete  avec  plaisir  :  ces  deux  collec- 
tions, justement  appreciecs  de  tous  le?  artistes,  et  que  j'exa- 
minerai  avec  un  nouveau  soin  lorsque  le  texte  de  chacune 
d'ellcs  aura  paru,  font  eonnaitre,  avec  tons  les  details  neces- 
saires  et  une  exactitude  fort  remarquable,  les  monumens  an- 
ciens  et  modernes  d'un  pays  occupe  ou  soumis,  tour  a  tour, 
par  lesGrecs,  les  Carthaginois,  les  llomains,  les  Arabes,  et  les 
Normands,  qui  y  ont  puise  les  principes  et  lesmodelesde  l'ar- 
chitecture  dile  gothu/ne.  Cette  derniere  circonstance  ,  encore 
peu  connue,  dont  M.  Gauttier  d'Arc,  l'un  de  nos  collabora- 
teurs,  aujourd'bui  vice-consul  en  Grece,  se  propose  de  pu- 
blier  les  preuves,  dans  son  histoire  de  la  conquele  de  la  Si- 
cile  paries  INormands,  detruirait  de  fond  en  cotnble  le  systeme 
adopte  par  ML  Boisseree,  qui  pense  que  Parchitecture  gothi- 
que  a  pris  naissance  sur  les  bords  du  Rhin,  et  que  la  cathe- 
drale  de  Cologne  en  est  le  type  :  aussi  ce  sera  pour  rnoi  un 
sujet  d'examen  et  de  discussion,  lorsque  les  deux  collections 
que  j'annonce  seronl  parvenues  a  leur  terine,  et  que  j'aurai 
sous  les  yeux  l'ensemble  des  travaux  de  M.  Hittorff.  Ce  ne 
sera  pas,  an  surplus,  la  seule  question  importance  d'bistoire 
de  1'art  pour  laquelle  ces  travaux  auiont  fourni  des  niateriaux, 
ou  dont  ils  ont  auront  provoque  1'exanien. 

82.  —  *  Collection  de  portraits  des  Francois  celebres  par  tears 
actions  ou  leurs  ccrits.  graves  par  les  meilleurs  artistes  franca  is 
et  anglais,  d'apres  des  oiiginaux  aulbentiques,  et  accompagncs 
de  notions  biogfaphiques.  Premiere  serie  :  Uttcrature.  Paris , 
1828  et  1829;  Lamy-Denozan,  et  Firmin  Didot  pere  et  61s. 

L'bonime  est  pour  lui-jneme  un  sujet  eontinuel  d'exameu, 
d'etude  et  de  curiosite.  Voyez  avec  quel  empressement  la 
foule  se  precipite  sur  les  pas  des  homines  qui  occupent  la  re- 
nominee,  ou  qui  ont  obtenu  une  celebrite  quelconque !  Cba- 
cun  recbercbe  avec  avidite,  dans  leurs  trails,  dans  Pexpressiou 
de  leur  figure,  un  rapport  entre  leur  ame,  ou  leur  esprit,  et 
leur  pbysionomie.  A  une  epoqne  ou  ,  coinme  pendant  notre 
revolution ,  des  hommes  sortis  des  derniers  rangs  de  la  90- 
ciete,  sont  parvenus  a  s'euiparer  du  pouvoir,  on  examine  cu- 
rieusement  leurs  traits,  Pexpressiou  de  leur  visage,  leurs  habi- 
tudes de  corps,  pour  tacher  d'y  decouvrir  les  indices  des 
grandes  qualites  ou  des  grands  defauts  qu'ils  ont  montres. 

Depuis  quelques  annees  on  a  publie  un  assez  grand  n ombre 
d'iconograj>bies ;  plusieurs  ont  ele  executees  avec  soin,  mais 
aucune  n'offre  Pinterel  de  celle  que  j'annonce.  En  ellet,  ce  ne 
sont  pas  les  person nages  eclebres  d'une  seule  cjtoque  de  notre 
bistoire  dont  les  editeurs  ont  voulu  reproduire  les  portraits: 


a  a..  LI  VMS  m  \>  CMS. 

ce  soul  Unites  les  cclebrites  qu'ils  out  reunies,  el  qu'ils  mellcnt 
sous  les  yeux  du  public.  Cepcndant,  pour  conserver  un  cer- 
tain ordre,  el  parce  qu'il  est  des  classes,  des  professions  qui 
s'attaehent,  de  preference,  a  telle  ou  telle  nature  de  celebri- 
tes ,  ils  out  divise  leur  collection,  qui  se  composera  d'environ 
deux  cents  portraits  en  cinq  series,  savoir:  1°  les  litterateurs; 
■?."  les  homines  d'Etat  et  les  jurisconsultes;  5°  les  rois  et  les 
guerriers ;  4"  les  savans;  5°  les  artistes. 

La  premiere  serie,  cellcdes  litterateurs,  composee  de  douze 
livraisons,  contenanl,  en  tout,  cinquanle  portraits,  est  ter- 
minee ;  chaque  portrait  est  accompagne  d'une  courte  notice 
imprimee  en  caractcrcs  microscopiques,  et  cependant  tres- 
lisibles;  quoique  courtes,  ces  notices  sont  substanlielles  et 
lontiennent  tout  ce  qu'il  est  important  de  connaitre  sur  cha- 
(|ue  personnage.  Le  prix  de  cette  collection  est  remarquable- 
ment  modique  ;  en  effet,  chaque  livraison  coiiteS  fr.  5o  c.  sur 
papier  velin  ;  l\  fr.  5o  c.  epreuves  sur  papier  de  Chine  ;  et  6  fr. 
avec  les  epreuves  avant  la  lettre,  egalement  sur  papier  de 
Chine.  —  Pour  expliquer  cette  modicite  de  prix,  il  taut  dire 
que  toutes  les  planches  sont  gravees  sur  acier;  ce  qui  permet 
den  tirer  un  nomhre  beaucoup  plus  considerable  que  celui 
que  Ton  pourrait  oblenir  de  planches  en  cuivre. 

II  n'y  a  pas  un  seul  portrait  faible  dans  la  suite  deja  pu- 
bliee,  et  plusieurs  sont  de  veritables  chefs-d'oeuvre  dus  au 
burin  de  MM.  Hopwood,  Fry  et  Scriven.  Au  merite  d'une 
execution  rcmarquable,  il  en  est  plusieurs  qui  joignent  un 
autre  ioteret  :  celui  d'etre  publics  pour  la  premiere  ibis;  lels 
sont  ceux  de  Rabelais,  de  Marguerite  de  Navarre  et  de  Bran- 
tome,  trouves  dans  un  manuscrit  inedit  de  la  bihliotheque  du 
roi,  qui  contient  en  outre  unc  trcntaine  d'auties  personnages 
(•(•lebres  des  xV  et  xvie  siecles,  et  qui  trouveront  leur  place 
dans  la  serie  suivanle. 

Avec  de  semblables  conditions  de  succes,  il  est  impossible 
que  la  collection  que  j'annonce  ne  soit  pas  rechcrchee  avec 
remprcssement  qu'elle  merile.  P.  A. 

85.  — Principes  des  ccritures  en  caractires  ordinaires  et  ca^ 
racteres  moulds,  appliques  aux  plans  et  cartes,  dans  lesquels  on 
fait  connaitre  les  proportions  et  les  dispositions  des  ccritures 
dans  les  plans,  etc. ;  par  F.  C.  IN.  Marie,  professeur  de  ma- 
thematiqucs  et  de  topographie,  ancien  employe  aux  bureaux 
topographiques  du  cadastre  el  du  depot  de  la  guerre.  Paris, 
l83o;  Goeury;Giroux,  Bachelicr,  etc.  In-4°de  56  pages,  avec 
10  planches  gravees  en  taille-doucc.  oflYant  divers  modelcs. 
d'ecriturc;  prix,  l  fr.  5o  cent. 


BEAUX-ARTS.  —  OUVllAGES  PERIODIQUES.    afti 

Cet  ouvrage  est  un  resume  des  principes  d'ecriturte,  specie 
lenient  applique  au  trace  des  plans  ct  cartes  geographiqucs  : 
il  n'est  pas  susceptible  d'analyse.  L'auteur,  ayant  present^ 
son  livre  a  l'Universite  et  a  ['administration  des  ponts-et- 
chaussees,aobtenu  deux  rapports  favorables,  Pun  deM.TiiL- 
lefer  ,  inspecteur  de  I' Academic  de  Paris,  l'aulre  de  M.  Val- 
lot,  ingenieur  en  chef  et  professeur  a  l'ecole  des  ponts-el- 
chaussees:  M.  de  Proxy  a  joint  aussi  son  approbation  aux 
precedentes.  De  pareils  temoignages  suffisent  pour  recom- 
mandercet  utile  ouvrage.  Francoeur. 

Our  rages  periodiques. 

84-  ■ — *  Revue  de  Provence.  Marseille,  i85o;  Feissat  aine. 
Ce  recueil  parait  une  fois  par  niois  par  livraison  d'environ  4 
feuilles.  Prix  d'alionnement,  a  Marseille,  20  fr.  par  an;  12  fr. 
pour  six  mois ;  2  fr.  de  plus  par  semestre  pour  Paris  et  les  de- 
partemens;  4  fr.  pour  I'Etranger. 

C'est  avec  un  empressement  reel  que  nous  saisissons  touted 
les  occasions  de  signaler  l'extension  que  prennent,  dans  les 
departcniens,  la  presse  politique  et  la  presse  litteraire:  si 
nous  voyons,  grace  a  1'une,  sc  former  et  s'accroitre  journel- 
lement,  en  France,  un  excellent  esprit  public  et  se  prdpager 
la  veritable  intelligence  des  interets  generaux;  l'autre,  pour 
agir  dans  un  sphere  moins  grave,  n'en  rend  pas  moins  de  nota- 
bles services  en  mtiltipliant  les  moyens  qu'ont  les  provinces 
de  parliciper  a  ce  grand  mouvement  des  esprits  qui  agile 
notre  epoquc.  Sans  doute,  il  pourra  souvent  arriver  que  ces 
journaux  litteraires  qu'on  commence  a  publier  dans  quelques- 
unesde  110s  grandes  villes  servirontde  tribune  a  la  mediocrite; 
mais  en  est-il  autrement  an  sein  meme  de  cette  capitale, 
foyer  principal  de  la  civilisation  et  des  lumieres,  et  les  medio- 
crites  parisiennes  en  sonl-elles  moins  des  mediocrites?  Offrir 
aux  ecrivains  en  tout  genre  les  moyens  de  se  faire  cannaitre, 
c'est  multiplier,  pour  le  talent  veritable,  les  chances  de 
succes,  c'est  creer  une  emulation  qui  ne  saurait  demeurer  ini- 
productive  et  sterile,  c'est  enfin  affranehir  la  pensee  du  joug 
de  la  centralisation  litteraire,  plus  facile  a  secouer  que  celuide 
la  centralisation  administrative.  On  ne  saurait  done  trop  encou- 
rager  les  efforts  tentes  pour  seconder  l'accomplissement  de  ce 
fait  ,  dont  le  resultat  doit  etre  une  plus  egale  diffusion  de 
['instruction  et  des  lumieres  sur  les  divers  points  de  noire 
beau  pays. 

Sous  ce  rapport,  la  Revue  de  Provence,  nouveau  recueil 
litteraire  qui  parait  niensuellcment  a  Marseille,  n'a  droit  qu'a 


J2a  LIV11ES  FRANCAIS. 

ties  eloges  que  justifiera  sans  doutc  la  suite  de  cette  pu- 
blication. Le  second  numero  (celui  de  fevrier),  que  nous 
avons  sous  les  ycux,  renl'erme  quelqucs  pieces  agreahles  de 
littcralure ,  en  tctc  dcsquellcs  il  faut  placer  un  morceau 
d'etude  critique  sur  Beaimiarchais  (1),  par  M.  Paul  David. 
Tout  en  rcndant  justice  an  peintre  de  Figaro,  I'auteur  a  su 
presenter  sous  un  jour  assez  neuf  des  critiques  d'enseniblc  et 
de  detail  qui  denotent  un  esprit  judicieux  et  fin  :  il  a  senti 
que,  pour  bien  apprecier  Beaumarcbais,  il  fallait  le  considerer 
sous  un  double  point  de  vue,  celui  du  terns  oii  il  a  ecrit  et 
celui  de  l'epoque  a  laquelle  nous  vivons  :  cette  distinction  lui 
a  fourni  maticrea  quelquesdeveloppemens  ingenieux,  revetus 
d'un  style  facile  et  correct  a  la  fois. 

Dans  un  cadre  plus  serieux,  M.  Toulouzan  a  offert  un  re- 
sume interessant  de  ses  rechercbes  statistiques  et  areheologi- 
ques  sur  la  determination  de  la  valeur  exacte  du  mille  romain. 
Cet  article  ,  dont  le  resultat  est  important  sous  le  rapport 
scientifique,  est  extrait  d'un  Memoire,  In  par  I'auteur,  a  l'ln- 
stitut  de  France.  Academie  royale.  des  inscriptions  et  belles- 
lettres,  le  jour  meme  des  funerailles  de  M.  Barbie  du  Bo- 
cage. 

Uhistoire  de  Marseille,  que  public  en  ce  moment  M.  Au- 
gustin  Fabue,  est  an  nouvel  exemple  du  gout  qui  se  mani- 
feste  de  plus  en  plus  en  Fiance  pour  les  travaux  historiques. 
Ainsi  appliquees  a  1'etude  speciale  de  certaines  provinces,  de 
cerlaines  villes  et  des  evenemcus  dont  elles  ont  ele  le  theatre, 
ces  rechercbes  ne  sauraient  qu'etre  extrememcnt  utiles,  puis* 
que ,  independamment  du  nouvcau  jour  qu'elles  repandronl 
sur  les  terns  Dial  connus  de  notre  bistoire,  elles  contribiteront 
a  faire  inieux  apprecier,  dans  leur  ensemble,  tous  les  elemens 
de  prosper!  te  publique  que  renl'erme  isolemeni  cbaque  par  tie 
du  royaume.  Sous  ce  double  rapport,  l'histoire  de  Marseille, 
Tune  des  plus  anciennes,  ties  plus  populeuses  et  des  plus  ri- 
ches cites  de  la  France,  nous  parait  devoir  Glre  un  des  ecrits 
les  plus  propres  aconcourir  a  ce  but  si  eminemment  national. 
Si  nous  devons  en  croire  les  eloges  donnes  par  la  Revue  de 
Provence  aux  deux  premieres  livraisonsdel'ouvrage  de  Mb.  Au- 

guslin  Fabre  ,  on  pent  esperer  qu'il  s'acquiltera  dignenienl  de 
la  tachc  qu'il  s'est  imposee. 

Le  seul  morceau  de  poesic  que  renl'erme  le  second  numero 

(]i\  recueil  que  nous  annoncons  est  un  fragment  des  Esquia&ei 


(i)  Lu  ;'i  l'AtheD^ede  Marseille,  le  19  cW'cembte  1829. 


OUVRAGES  PEIUODIQUES.  2a3 

in  females  de  M.  Polydore  Bounin  (voy.  ci-dessus,  p.  211); 
re  fragment,  dans  Icquel  pourtant  se  reconnaissent  une  cer- 
tairie  verve  et  unecertaine  vigueur  de  colons,  est  trop  incom- 
plet  et  trop  court  pour  qu'on  puisse  en  tirer  aucun  pro- 
nojtic  relativementa  I'avenir  poetique  reserve  a  nosproviuces 
meridionales  :  mais  n'avons-nous  pas  deja,  pour  garans  de  cet 
avenir,  et  les  succes  oblenus,  dans  la  satire  politique  et  dans 
l'epopeecontemporaine,  par  deux  jeunesautenrs  dontlesnoms 
sont  devenus  inseparables,  et  la  fondalion ,  a  Marseille,  d'un 
Athenec  clont  l'ouverture  recente  a  ete  signaleepar  lesbrillans 
debuts  de  presquetous  les  professcurs  auxquels  les  chahes  ont 
ete  confiees?  N!est-ce  pas  la  plus  qu'il  n'en  (hut  pour  nousas- 
surer  que  la  Provence  n'oublie  pas  qu'elle  f'utlapatrie  desTrou- 
badoursetlebcrceau  de  notre  premiere  poesie  ualionale?  D-s. 
85.  —  Baissez  la  tete ,  pauvue  Jacques!  Journal  de  Sainte- 
Pelagie  et  des  maisonsde  detention  pour  dettes.  Paris,  i85o.  — 
Ce  journal  parait  tous  les  dimancbes.  Une  partic  du  benefice 
est  consacree  a  soulager  les  detenus  pour  dettes  les  plus  ne- 
cessiteux.  Prix  de  l'abonnement,  a  Paris,  G  fr.  par  trinieslre, 
12  fr.  pour  6  mois,  24  fr.  par  an  ;  pour  les  deparlemens,  1  fr. 
5o  c.  de  plus  par  trimestre. 

Don  Quicbotte  naquit  dans  la  prison  on  Cervantes  ful  en- 
ferme  quelque  terns;  la  Bastille  fut  la  premiere  palrie  de  la 
Henriade;  de  nos  jours,  on  a  pourvu  a  ce  que  la  prison  de 
Sainte-Pelagie  ne  manquat  point  d'ecrivains.  —  Des  disposi- 
tions legales,  plus  tracassieres  que  prevoyantes,  dictees  par 
1111  esprit  de  rancune  dont  le  legislateur  devrait  s'affranchir, 
punissent  de  remprisonnement  des  delits  tres-dilllciles  a  ca- 
racteriser,  meme  avec  toutes  les  lumieres  d'une  raison  forti- 
fiee  par  l'exercice,  et  munie  de  tous  les  secours  du  savoir;  et 
trop  souvent  elles  sont  appliquees  par  des  passions  politiques. 
L'apparilion  de  ce  journal  est  un  des  traits  qui  ne  doivent  pas 
etre  omis  dans  la  peinture  de  notre  etat  social ;  s'il  vient  a 
cesser  un  jour,  par  la  dispaiilion  des  causes  qui  I'ont  fait  aai- 
tre,  le  bien-etre  dont  nous  jouirons  alors  sera  plus  que  l'equi- 
valeut  de  la  perte  d'une  production  litteraire  tres-digne  de 
l'attention  des  homines  de  bien  et  de  goQt.  Ce  journal  etant 
deja  a  la  scconde  annee  de  son  existence,  une  tres-grande  par- 
tie  du  public  a  pu  le  juger  :  si  quelqucs-uns  des  lecterns  de 
notre  Revue  ne  le  conuaissaient  pas  encore  ,  nous  leur  dirons 
avec  confiance  qu'ils  trouveront  dans  pawore  Jacques  un 
bomme  laisonnable,  un  hon  eompagnon,  un  hommc  d'e6prit  et 
de  tact,  qui  sail  observer  toutes  les  convenances,  et  qui  se 
constitue  Ic  defenseur  et  le  consolateur  d'une  classe  d'hommea 


.•>.",  LIVRES  EN   LANGUES  ETRANGERES. 

malheureuse,  et  souvenl  victime  dc  la  meehancete  ow  de  I  in- 
justice. N. 

8G.  — The  London  Express  and  Paris  Advertiser.  —  L'Expres 
de  Londres,  et  feuille  d'avis  dc  Paris.  Feuillc  quolidienne. 
Paris,  i8jo;  on  s'abonne  an  bureau,  rue  Feydeau,  n°  3,  Prix 
d'nn  nuniero,  10  sous. 

Le  but  de  cette  feuille  est  dc  donner  aux  liabitans  de  Paris 
les  nouvellcs  d'Angleterre,  chaque  jour  immedialcment  apres 
l'arrivee  dn  courrier,  et  plusieurs  beures  avant  les  autrcs 
journaux;  puis,  de  transmeltrc  immediatement  aux  Anglais, 
comme  echange  ,  loutes  les  nouvelles  qui  se  soul  repandues, 
chez  nous,  apres  la  publication  des  feuilles  du  matin.  Le  bul- 
letin des  deux  bourses  de  Paris  et  de  Londres  en  forme  une 
partie  essentielle  ,  qui  est  redigee  avec  soin  et  exactitude. 
Aussi  YEapres  de  Londres  pourra-t-il  rendre  quelques  services 
an  commerce  des  deux  pays,  tout  en  salisfaisant  avec  plus  de 
celerite  la  curiosite  des  nouvellistessur  les  deux  cotes  dudetroit. 

Litres  en  tongues  Hr anger es ,   imprimis  en  France. 

87. —  *  Colleeiio  selecta  SS.  Ecclesice  Patrum,  etc.  —  Collec- 
tion choisie  des  Peres  de  l'Eglise,  comprenant  leurs  meilleurs 
ouvrages  moraux,  apologetiques  et  oratoires;  par  M.  Cail- 
lau,  pretre  des  missions  de  Fiance,  plusieurs  aitres  pretres 
francais,  et  M.  M.  N.  S.  Guillon,  auteur  de  la  Bibliotheque 
choisie  des  Peres  grecs  et  latins;  t.  xxi,  xxn,  xxm  et  xxiv.  Paris, 
i83o;  Mequignon-Havard,  et  Poilleux.  4  vol.  in-8°.  II  pa- 
rail  chaque  mois  une  livraison  de  2  vol.,  dont  le  prix  est  de 
i/j  fr.  (voy.,  pour  les  livraisons  precedentes,  Rev.  Enc.,  t. 
xni,  p.  782 ;  t.  xuii,  p.  4&4>  et  t-  xlvj  P-  '99  et  P-  728)- 
L'editeur  dc  cette  belle  collection  tient  plus  qu'il  n'avait 
promts  ;  car  les  souscripteurs  ne  devraient  recevoir  que  deux 
volumes  par  mois,  et  les  livraisons  se  succedent  maintenant 
beaucoup  plus  rapidement.  Voici  en  pen  de  mots  ce  que  con- 
tiennent  celles  qui  viennent  de  paraitre  :  t.  xxi ,  le  traite,  en 
dix  livres  ,  d'Eusebe  de  Cesaree  ,  demons t ratio  evangelica ,  tra- 
duit  par  Donat  de  Vcrone  ;  t.  xxn  et  xxm  le  commentairc  du 
meme  Pere  sur  les  psaumes;  t.  xxiv ,  les  livres  intitules  : 
Commentaria  in  Hesaiam ;  fragmenta  varia  de  diver  sis  circa 
scripturam  responsis;  Canones  evangetici,  et  le  discoura  pour 
la  dedicace  dc  1'eglise  de  Tyr,  le  pancgyrique  de  Constan- 
tin.  —  II  nous  semble  que  l'editeur  a  donne  trop  de  place  aux 
o?uvres  d'Eusebe  quelque  importantes  qu'elles  soicnt  :  il  y  a 


LIVRES  EN  LANGUES  ETRANGERES.  sa5 

surtout  dans  les  commentaires  sur  les  psaumcs  beaucoup  de 
chores  qui  auraient  pu  etre  abregees,  sinon  supprimees  en- 
tic  re  ment.  A.  P. 

88.  —  * OEttvrcs  completes  d>'  Ciccron,  traduction  nouvelle  avcc 
le  tcxte  latin  en  regard.  T.  n.  Paris,  1829  -  1800;  C.  L.  F. 
Panckoucke,  edileur.  In-8";  prix,  7  IV.  le  volume. 

Celte  nouvellc  edition  lalinc  et  fra  11  raise  de  Ciceron 
fait  partie  de  la  belle  collection  des  classiques  latins,  publiee, 
sous  les  auspices  du  daupbiu  de  France,  par  M.  Panckoucke. 
Nous  avons  deja  entretenu  nos  lecleurs  de  1'ensemble  de  cette 
grand*  entreprise  litteraire  (voy.  Rev.  Enc.  t.  xliv,  p.  776); 
nous  leur  devons  aujourd'hui  quelques  mots  sur  le  Ciccron 
donl  le  second  volume  vient  de  parailre. 

C'est  le  propre  des  traductions  de  se  perfeclionner  en  se 
multipliant;  cette  multiplication  est  aussi  une  necessite,  lors- 
qu'il  s'agit  d'un  auleur  ancien  qui,  a  l'etendue  de  ses  ouvrages, 
ajoute  le  merite  d'embrasser  une  grande  diversile  de  suiets, 
interessant  a  la  Ibis  I'bistoire  de  son  terns,  la  litterature  classi- 
que  des modcrnes,  la  morale  etla  philosophic.  Tel  est  Ciceron; 
il  tient  une  des  premieres  places  p.irmi  ceux  des  ecrivains  de 
l'aiitiqnilc  quiontlaissele  plus  d'excellens  precepteset  d'excel- 
lens  exemples  a  noire  civilisation  :  c'est  un  modele  de  science 
et  de  gout,  pour  la  litterature  francaiseparliculierement;  pour 
notre  barreau,  qui  s'eclaire  cts'iiislruitasesimmortelsdiscoors; 
pour  nos  etudes  philos.ophiques,  puisque  celles  de  Ciceron 
sont  comme  le  resume  de  toutes  les  doctrines  prodtu'tes  par 
lessieclesanterieurs.  On  s'explique  done  sans  peine  l'empresse- 
ment  universel  pour  les  ecrits  de  ce  grand  homme,  le  uombre 
infmi  de  leurs  editions  completes  on  partielles,  celui  des  tra- 
vaux  varies dont  ilsont  etele  sujet  constant  parmiles  critiques, 
depuis  la  renaissance  des  lellres  et  dans  un  siecle  comme  le 
notre,  qui,  au  desir  de  tout  savoir,  unit  I'avantagc  d'etre  bien 
prepare  a  apprendre ,  et  enfln  1'accueil  honorable  fait  aux 
diverses  collections  des  ouvrages  de  Ciceron  publics  depuis 
quelques  annees. 

La  marche  progressive  des  connaissances  s'etend  simulta- 
nement  sur  les  anciens  et  sur  les  modcrnes  :  a  rnesure  que 
nous  compreuons  mieux  les  terns  actuels,  nous  apercevons 
aussi  des  fails  inconnus  jusquc-la  et  des  idees  en  quelque  sarle 
nonvelles  dans  les  terns  anciens.  Ces  sortes  de  decouvertes 
sont  l'ouvrage  des  homines  supericurs;  mais  on  ne  sanrail  les 
mettre  trop  tot  dans  le  domainc  common  de  ['intelligence  :  la 
philosophic  des  anciens  est  mieux  connue  aujourd'hui  qn'elle 
t.  xlvi.    A\Rir.   i83o,  1") 


•J3()         LIVRES  K\   LANGUES  BTRANGERES, 

ne  I'rlait,  il  v  a  un  siicle ;  on  traduiradonc  micux  aussi  en  mi 
idinme  moderne  les  ecrils  philosophiques  de  Ciceron. 

(?est  pour  prendre  possession  des  travaux  anlcrieurs  so* 
Ciceron,  et  pour  y  ajouter  ceux  qui  n'ont  pas  encore  He  mis  a 
la  portee  de  tons,  qii'on  entreprend  une  nonvelle  Iradiiclion 
des  QEuvres  completes  dc  ret  ecrivain  celcbre,  avec  1c  texte  en 
regard.  L'editeur  de  celle  collection  a  sollicite  et  ohlcnu  le 
conconrsde  plusieurs  litterateurs  justement  honores  de  l'estime 
publique,  et  il  croit  aussi  ajouter  quelqne  chose  aux  services 
qu'il  a  deja  rendus  aux  lettres  et  aux  arts,  en  excitant  ces 
ecrivains  renommes  a  terminer  et  a  reprodnire  des  ouvrn^es 
dontnotre  litterature  aurait  peut-etre  etc  privee  sans  ces  solli- 
citations.  Aussi  peut-on  assurer  que,  pour  cette  edition  des 
OEucres  completes  de  Ciceron,  en  latin  et  en  francais,  la  traduction 
francaise  sera  reellement  nouvelle,  et  se  recommandera  par  des 
noms  auxquels  le  public  francais  ne  demande  d'autres  garan- 
ties  que  leurs  precedens  travaux  et  leur  propre  reputation  (1). 

Nous  pouvons  done  recommander  tres-particulieremenl 
cette  nouvelle  et  complete  collection  des  ouvrages  del'illustre 
orateur  romain,  aux  gens  de  gotit  et  aux  gens  du  moude;  a 
ceux  qui  se  plaisent  a  1'etude  de.  ces  eternels  modeles  de  l'elo- 
quence  latinc,  comme  aux  personnes  qui  cherchent  dans  les 
ecritsde  Ciceron  I'histoire  de  son  terns,  qui  est  celle  d'une  des 
epoques  les  plusmemorables  de  I'histoire  ancicnne.      C.  F. 

8q.  — Facole  in  prosa  ed  in  verso,  di  Celestino  Galli.  — 
Fables  en  pro^e  et  en  vers,  par  Celestin  Galli;  dediees  a 
M.  G.  Juva;  livre  premier.  Paris,  1829;  Bobee  et  Hingray. 
In-8°  de  59  pages;  prix,  1  IV. 

On  ne  cesse  de  repeler  aux  poetes  qu'il  n'est  plus  possible 
de  faire  des  fables;  et  les  poetes  pourtant  ne  se  lassent  pas 
d'en  faire  qui  sont  accueillies  avec  une  indifference  toujour* 


(1)  Nous  pouvons  indiquer  ici  quelquesunes  des  traduclions  nouvelles 
deja  tres-avancees  :  De  la  Nature  des  dieux  :  Les  Tuseulancs  :  M.  Matter, 
piofesseur  d'lustoiie  a  l'Acadcmic  dc  Strasbourg,  auteur  de  VHistoirc  de 
I'Ecole  d'  Atexandrie  et  des  licelierehcs  sue  les  gnostiqu.es,  ouviages  cou- 
ronnes  par  I'lnstitul.  Des  [Situs  el  ties  tnauoe  :  M.  Slieveiiarl,  professem 
de  rbetorique  a  l'Acadeinie  de  Strasbourg,  traductcur  et  comnuotaleui 
d'Horace.  Dc  la  I'icillessc:  ilc  I'Amilic  :  M.  Pierrot,  prol'esseur  de  rbe- 
torique  an  college  royal  de  Louis-le-Grand,  et  professeur  suppleaot  d'e 
ioquenee  franchise  a  la  Facnlte  des  letlrcs  de  Paris.  La  Republiqm  ',  Les 
Lois;  De  Claris  Oratoribus ;  Brutus,  elc.  :  M.  dc  Golbcry,  correspondanl 
de  l'lnstitut,  uiembie  de  plusieurs  sorielo  cavantrs,  finncaises  el  etiau- 
gpws,  editeur  de  Tibulle,  ete. ,  etc. 


LTVRES  EN  LANGLES  ETRANGERES.    22? 

croissante.  Slats  re  n'est  pas  pour  nous,  Francais,  seulement. 
pour  nous  quiavous  en  La  Fontaine,  que  ce  genre  est  use  :  il 
l'est  egalement  pour  toutes  les  lilleratures  vieilles  et  Leg  lan- 
gues  qu'une  civilisation  compliquee  a  surchargees  de  figures 
ct  rle  mitaphores.  Ainsi,  les  Italiens  sont  aussi  fades  que  les 
Francais  sous  cedeguisement  fane,  quoique  leurs  Academies  et 
leur  etat  politifjue  tendent  a  le  conserver  encore  long-tems  en 
honneur.  —  Nous  ne  pouvons  done  donner  a  M.  Galli  que 
des  eloges  bien  restraints  :  nous  le  louerons  de  Tharmonie,  de 
la  grace,  de  la  correction  de  son  style,  puisqu'il  nous  est  im- 
possible de  louer  la  nouveaute,  la  force  de  sa  pensee.  ■ —  Ce 
premier  livre  contient  vingt  fables,  dix  en  vers  et  autant  en 
prose.  —  La  dedieace  est  pleine  de  sentimens  de  famille  fort 
louables  ;  mais  la  preface  ne  renferme ,  a  ce  qu'il  nous  sensi- 
ble, rien  de  nouvean  sur  le  sujet  qu'elle  traite  :  la  fable  en 
general. 


JV.   NOUVELLES  SGIENTIFIQUES 
ET   IJTT^RAIRES. 

AMKIUQUE  SEPTENTRIONAL!!. 
liTATS-UNIS. 


Socie'tcs  de  Temperance  formies  aux  Etats-Unis.  ■ —  La 
Societe  centrale  amerieairie  de  Temperance,  dontle  siege  est  a 
New- York,  public,  depuis  le  mois  de  mai  1829,  sous  le  tilre 
de  Journal  d'Humaniti,  une  feuille  hebdomadaire  dont  I'objei 
special  est  de  faire  connaitrc  scs  progres.  Elle  a  deux  agens 
generaux,  31.  Hewit  et  M.  le  docteur  Edwards  :  dix  antics 
personncsont  etc,  adivcrsesepoques,  employees  parellcs  pour 
voyager  dans  divers  districts  et  y  faire  connaitrc  ['existence 
et  le  but  de  la  Societe  qui  se  propose  uniqucment  de  delruire 
le  vice  de  I'ivrognerie. 

La  Societe  compte  deja  1,002  socictes  auxiliaires,  ainsi  re- 
parties  dans  les  divers  Etats  : 

Caroline  du  Nord i5 

Caroline  du  Slid 10 

Georgie i4 

Alabama 8 

Ohio 3o 

Kentucky , 9 


Maine 02 

New-Hampshire t\G 

Vermont 56 

lthode-Island 3 

Connecticut i33 

New- York 3oo 

New-Jersey 21 

Massachusets 1G0, 

Fensylvanie 53 

Delaware 1 

Maryland 6 

Virginie 5  •>. 


Tennessee. 

Missis.sipi 4 

Illinois 1 

Missouri 1 

Michigan 3 


Ces  societes  se  composent  dc  personncs  des  deux  sexes  qui 
s'engagent  a  s'abslenir  entitlement  de  1'usage  du  vin  :  leur 
nombre  s'cleve  deja  a  plus  de.  100,000.  On  pent  considerer 
ces  socictes  comme  preparant  tine  veritable  rel'orme,  et  on  en 
comprendra  la  necessile,  ?i  Ton  considere  qu'il  n'est  aucun 


ETATS-UNIS.—  AMERIQLE  MERIDIONALS.       a^9 

pays,  sans  en  excepter  l'Angletcrrc,  on  la  passion  du  vin  suit 
aussi  repandue,  nienie  dans  les  classes  superieures.  Ou  asx 
sure  que  plus  tie  700  ivrognes  ont  renonce  an  vin,  dans  le 
eourant  de  1'annee  1829.  La  Sociele  medicale  dm  (Connecticut 
songe  a  fonder,  pour  les  personnes  adonnees  a  la  boisson,  un 
hospice  ui'i  clles  serai ent  traitees  dans  les  formes;  un  seul  in- 
dividu  a  ofl'ertdesouscrire  pour  5oopiastrcs  (environ  2,5oo  IV.) 
pour  cet  objet.  La  Soeielc  se  louc  beaucoup  du  zele  de  plu- 
sieurs  medecins  qui  out  public  des  edits  sur  les  dangers  de 
I'inlemperance  pour  la  saute;  elle  reconnail  aussi  le  zele 
des  jurisconsultes  qui  ont  etabli,  par  les  registrcs  des  prisons, 
les  rapports  qui  existent  entre  ce  vice  et  les  debts  que  la  loi 
atteint.  On  commence  a  sc  prononeer,  aux  Etats-Lnis,  con- 
tre  l'usagc  de  distribuer  des  liqueurs  aux  elections  publi- 
ques;  beaucoup  de  personnes  ont  resolu  de  ne  pas  voter  en 
t'aveur  des  personnes  qui  le  feraient.  Pres  de  cinquante  dis- 
tilleries ont  cesse  de  travailler,  a  cause  de  la  diminution  dans 
la  consommation  des  liqueurs;  on  re  marque  dans  beaucoup 
de  villes  une  diminution  du  quart,  et  dans  quelques-unes  des 
neuf  dixiemes  dans  les  rentes;  4°o  detaillans  ont  ferme  leurs 
boutiques.  Le  nonibre  des  distilleries  aux  Etats-Lnis  est  ova- 
Jue  a  10,000,  et  celui  des  marchands  de  liqueurs  a  40,000. 

Plusieurs  societes  de  temperance  sesont  aussi  formees 
paimi  les  liibus  indiennes ;  il  y  en  a  dans  le  Ilaut  et  le  Bas- 
Canada,  dans  la  Nouvelle-Ecosse  etdansle  Nouveau-Bruns- 
vick;  si  nous  sommesbien  in  formes,  il  en  existc  aussi  quelques- 
unes,  donl  l'inlluence  est  beaucoup  plus  bornee,  en  Angle- 
terre,  en  Irlandc,  en  Ecosse. 

AMEUIQLE  MERLDI0N.1LE. 

Expose  sommaire  des  progres  qu'a  faits  la  repibuque  de 
Colombie,  dcpuis  1822,  t'poqttetle  la  publication  de  sa  constitution 
parte  congres  de  Bogota,  justfii'en  1827,  oucette  constitution  fut 
abolie.  —  L'expose  que  nous  allons  tracer,  d'apres  des  infor- 
mations exacles  el  des  documens  authentiques,  fera  connaitre 
les  progres  qu'a  fails  en  pen  de  terns  1'un  des  nouveaux  Etats 
de  rAmerique  du  sud  ,  sons  1'influcnce  des  institutions  libe- 
rales.  Si  Ton  considere  que  la  Colombie  a  soutenu  pendant 
long-lems  une  guerre  desostreuse,  dans  laquelle  ont  peri  un 
grand  nonibre  de  ses  citoyens  les  plus  eclaires  et  les  plus  ener- 
giques  (1),  et  qui  a  devorcd'iinmcnscs  [essoinees  particulierc» 

(1)  Sut  tiois  millions  d'liabitaris,  j»l us  de  cent  aiille  person oes  onl  etc 
hooissormees  dans  ia  guerre  dr  I'independance. 


a3o  .4ME1UQII-:  VIE  HI  DION  ALIi. 

et  publiqucs;  si  Ton  observe  qu'un  pcuplc,  degrade  par  la  plus 
abrulissante  servitude  et  par  un  regime  colonial  monslrueux, 
s'est  eleve  pea  a  peu  au  rang  d'une  uation  indcpendante,  gou- 
vernee  par  des  lois  en  harmonic  avec  l'esprit  du  siecle  ;  si  Ton 
tient  compte  des  divisions  que  la  politique  du  gouvernement 
espagnol  a  su  exciter  entre  les  differcntes  classes  des  habitans, 
blancs,  mulatres,  imliens  ou  indigenes,  on  vena  que  le  nou- 
veau  gouvernement  colombien  a  cte  force  de  lutter  contre  des 
obstacles  presque  insurmontables^  pour  attcindre  le  point  de 
perfect ionnement  social  dont  il  a  reussi  settlement  a  se  rap- 
procher.  C'est  un  spectacle  digne  d'admiration  que  celui  d'un 
peuple  qui,  sans  troupes  regulieres,  sans  generaux,  sansarmes, 
sans  experience  de  la  guerre,  sans  autres  ressources  finan- 
i iieres  que  des  dons  patriotiques  et  des  emprunts,  a  pit  tenir 
en  echec  et  expulser  du  territoire  une  armee  espagnole  bien 
urgaiiisee.  et  dont  les  triomphes  recens  en  Europe,  dans  la 
guerre  de  rindependancc  des  Espagnols  contre  Napoleon,  lui 
inspiraient  le  sentiment  de  sa  superiorfte,  et  semblaient  lui  ga- 
rantir  d'avance  une  longue  suite  de  victoires. 

Mais,  ce  qui  est  plus  surprenant  encore,  c'est  la  revolution 
morale*  qui  s'est  operee  dans  la  republique,  au  milieu  de  la 
lutte  du  nouvel  ordre  de  choses,  contre  1  ignorance,  les  pre- 
juges,  les  interets  locaux,  les  anciennes  habitudes,  les  diilicultcs 
de  communications  entre  des  villes  separees  par  de  grandes 
distances,  et  contre  d'autres  obstacles  multiplies  qui  s'oppo* 
saient  au  triomphe  des  institutions  nouvelles.  La  Colombie, 
sans  legislateurs,  sans  hommes  d'Etat,  fit  des  pas  si  rapides 
dans  la  carriere  de  l'independauce  et  d'une  sage  liberie,  qu'elle 
attira  l'attention  et  fixa  sur  elle  l'interet  et  les  vceux  des  amis 
de  l'humanite  dans  tons  les  pays. 

Cet  expose  fera  connaitre  quels  furent  les  ellbrts  des  divers 
fonctionnaires  en  faveur  de  leur  pays,  et  les  elans  du  patrio- 
tisme  pour  developper  ses  moyens  de  prospcrite.  On  pourra 
juger  a  quel  degreilaurait  pu  atteiudre,  si  de  fatales  discordes 
n'avaient  pas  trouble  1'ordre  public,  renverse  les  institutions, 
et  arrete  la  marche  des  affaires. 

En  1822,  a  l'epoqne  de  la  publication  de  la  constitution,  au- 
cune  puissance  etrangere  n'avait  recounu  l'independance  de  la 
Colombie.  Ce  ne  fut  que  peu  de  tenia  apres  que  les  Elats-Uni< 
de  l'Amerique  du  Nord  se  dceiderent  acetle  demarche,  et  con- 
clurent  un  traitede  paix,  d'amitie  et  de  commerce  avec  la  nou- 
velle  republique;  I'Angleterreen  litautaut,  en  i8a5.  liientot  la 
Colombie  con  tracta.  avec  les  nouveauxEtats  americains,  une  al- 
liance ollensiveet  defensive;  rempereurduBiesilieriitdelauu- 


AMEKIQLE  MEKIDIONALE.  rfi 

niere  accuiitumce  entre  les  nations,  nn  plenipolentiaire  acere- 
tlite  aupres  de  In t  par  le  gouvernenient  colombien.  Les  rois  de 
Fiance  et  ties  Pays-Bas,  nommerentdesconsuls-generaux,  d'a- 
pres  les  regies  du  droit  dcs  gens  ;  la  Bavierc  envoya  un  consul 
a  la  Guayra.  La  Prusse,  la  Suede,  le  Danemark,  la  confede- 
ration helvctique  et  les  villes  anseatiques  firent  des  ouvertures 
pour  etablir  leurs  relations  commercials  dans  l'Amerique  du 
sud.  La  cour  de  Home  expedia  des  bulles  aux  eveques  que  lui 
present  a  le  gouvernenient  colombien  pour  remplir  les  sieges 
\acans ;  enfin  le  cabinet  de  Madrid,  pretant  l'oreille  aux 
suggestions  de& puissances  les  plus  respectables,  et  considerant 
l'ordre  et  la  tranquiilitc  qui  regnaient  dans  la  Colombie  et  le 
Mexique,  donnait  deja  quelques  esperances  de  reconciliation 
avec  les  nouveaux  Etats  americains. 

Les  progres  furent  encore  plus  frappaiis- Jans  1'admiriistralion 
interieure  du  pays  :  ['education  etl'instructionpubh'que  furent 
les  objetsqui  atlirerent  suricut  l'attention  etles  soins  du  gou- 
vernenient. L'enseignemenl  mutuel,  d'abord  meconnu,  tut 
repaiidu  dans  presque  toute  la  republique,  parl'etablissement 
de  trois  ecoles  normales,  a  Bogota,  Caracas  et  Quito.  Non- 
seulcment  le  gouvernenient  reforms  les  colleges  de  Bogota, 
Caracas,  Quito,  Popayan,  Santa-Martha,  Panama  et  Merida, 
mais  il  i'onda  encore  les  nouveaux  colleges  de  Caly,  Ybague, 
Antioquia,  Boyaca,  San-Gil,  Pamplona.  Giiayana,  Giianare 
et  Cuiuana,  reorgauisa  le  college  de  Mompox,  et  etablit  des 
maisons  d'edueation  a  Pasto,  Buga,  Onda,  Veles,  Valencia, 
Socorro  ,  Tocuyo  et  Casanare.  Un  nouvcau  plan  d'etudes 
re inplapa  I'ancien  regime  colonial,  et  presida  a  1'etablissement 
de  l'universite  centrale  de  Bogota  et  des  universites  departe- 
mentales  de  Boyaca,  de  Popayan  et  de  Carlhagvne,  outre  qu'on 
retablit  celles  de  Caracas  et  de  Quito.  La  bibliotheque  natio- 
nale,  amelioree  et  considerablement  augmentee ,  possede 
actucllement  14,000  volumes.  La  botaniqne,  la  cbimie  et  la 
mineralogie  son t  ensciguecs  au  31  usee  d'hisloire  naturelle. 
line  Academic  nalionale  comple  parmi  ses  membres  les  citoyens 
les  plus  dislingues  parleur  savoir  el  par  leurs  talens.  Ln  conseil 
snperieur  (  Proio-medicato, )  est  charge  de  l'enseignemenl 
des  sciences  medicales;  une  Acadcmie  d'nrocats  remplit  les 
niemes  fonctions  par  rapport  a  la  jurisprudence,  et  repand  les 
connaissances  qu'exige  la  profession  d'liomaie  de  loi. 

Afin  d'encournger  1'agriculture,  le  gouvernenie;,t  accorda 
des  exemptions  et  des  privileges  pour  de  nouvelles  plantations 
le  cacao,  d'indigo,  de  cafe,  de  Cannes  a  gucre.  Trois  million? 
(Parpens  de  terres  incultes  furent  reserves  pour  de  laborieoa 


a3a  AMHRIQUE  MEUID10NALE. 

colons  etrangers  qui  viendraiedt  les  defrieber.  Deux  cantons 
commencaient  a  se  penpler,  lorsque  la  discorde  vint  desoler 
cette cobtree.  —  Les  rivieressont,  poor  la  rcpublique,  lesvotes 
de  communication  les  plus  importantes;  leur  navigation  eul 
aussi  des  encouragemens ;  des  privileges  I'm  cut  accorded  a 
ceux  qui  la  perfeetiomieraient,  et  des  bateaux  a  vajicur  par* 
comment  la  Magdcleine,  l'Orenoque,  l'Apure,  le  Z>ulia.  Des 
lois  speciales,  pour  favoriser  la  confection  des  routes,  eurent 
surtout  pour  but  de  fairc  ouvrir  uue  communication  entre 
Buonaventura,  sur  la  mer  da  Sud,  et  Caly,  entre  la  Guayra  et 
Caracas,  ainsi  que  d'autres  voies  dont  le  besoin  se  faisait  sen- 
tir.  On  assura  des  rev  en  us  aux  villes,  afin  de  les  mettre  en  clat 
de  veiller  a  la  securite  des  cf  toy  ens,  d'entreprendre  les  travaux 
que  rcclamcraient  la  salubrite,  le  service  public  et  1'avantage 
de  tons  les  habitans,  et  meme  des  embellissemens  (|ui  sont 
aussi  un  besoin  pour  les  noinbreuses  reunions  d'hnmmes; 
toutes  les  entreprises  utiles  furent  convenablement  secondees. 

Ces  mesures,  qui  ajoutaient  cbaque  an  nee  quelques  amelio- 
rations a  celles  tie  l'annee  preccdente,  qui  rectiliaient  ou 
pcrfeetionnaient  I'etat  du  pays,  qui  eloignaient  le  nial,  intro- 
duisaient  le  bien,  donnerent  a  la  republique  un  aspect  d'ordre 
interieurtres-satisfaisant,  et  propre  a  (aire  concevoirde  grandes 
esperahces.  La  presse  jonit  d'une  liberie  sans  liinites,  meme 
au  milieu  des  circonstances  graves  qui  obligerent  a  investir  le 
gouvernement  de  pouvoirs  extraordinaires.  Les  sessions  du 
congres  eurent  lieu,  aux  epoque&fixees  par  la  constitution,  Ses 
deliberations  furent  parfaitement  libres,  independaules  :  lors 
des  epoques  d'elections,  le  peuple  exerca  la  plenitude  de  ses 
droits  elcctoraux.  Le  pouvoir  exeeutif  n'exercait  aucune  in- 
fluence sur  les  tribunaux,  mais  il  s'attacbail  a  procurer  les 
mbyens  d'expedier  les  affaires,  a  lever  les  obstacles  qui  rallen- 
tissaient  Taction  de  la  justice  et  fatiguaient  les  citoyens  obliges 
de  recourira  ses  organes;  les  tribunaux  furent  multiplies  dans 
les  departemens,  et  des  juges  de  paix  furent  etablis  dans  les 
cantons.  Le  Code  de  Procedure  criminclle  et  le  Code  Penal 
etaient  deja  perfeetionncs,  au  point  qu'une  chamfare  les  sanc- 
tiouna  en  1826.  Les  personnes  et  les  propiietes  etaienl  res- 
peetees  et  les  droits  des  citoyens  garantis;  l'ordre  et  la 
tranquillite  regnaient,  quoiquel'on  cut  a  supporter  les  maux 
d'une  guerre  prolongee,  et  a  vaincre  les  difficultes  de  I'etablis- 
sement  d'un  regime  entierement  nouvcau. 

Le  gouvernement  de  la  Coloinbie  obtint  moins  de  succes 
dans  ses  vues  pour  ameliorer  les  flnances ;  mais  on  ne  sera 
point  surpris  qu'il  ait  fait  quelques  essais  dispendieux,  puis- 


A.ME1UQUE  MEIUDIONALE.  2.13 

que,  menie  dans  Fancien  continent,  il  est  si  difficile  fParrivei' 
a  mi  bon  systeme  de  revenus  publics.  Ce  travail,  dont  les 
homines  les  plus  experimentes  ue  s'acquittent  qufcvec  (ant  de 
peine,  nedevait-il  pas  etie  au-dessus  des  forces  d'lioninies 
uouvcaux  qui  n'avaient  eu  ni  les  occasion-;,  i,i  le  terns  de 
s'instruire  sur  des  matieres  aussi  conipliquecs.  Une  ancieiine 
colonic  de  l'Espagne  etait  peul-etrc,  de  tontes  les  contrees  dn 
moudc,  la  moins  bien  preparee  pour  un  systeme  de  finances 
conl'orme  aux  principes  de  1'economie  politique  :  on  avait  a 
latter  contre  les  habitudes,  l'edueation,  les  dilKieulles  qui  de- 
pendent de  la  figure  du  terrain  et  de  la  situation  des  lieux,  de 
''ignorance  des  habitans;  obstacles  contre  lesquels  les  mesures 
generates  nepeuvent  rien,  qu'il  faut  atlaquer  en  detail,  et,  pour 
ainsi  dire,  corps  a  corps.  Lorsque  le  gouvernement  constitu- 
lionnel  bit  etabli,  en  1821,  celui  qu'il  reunplaeait  lui  legua  nne 
dette  considerable  au-dedans  et  au-dehors;  il  1'allut  pourvoir 
aux  moyens  de  la  liquider.  de  lui  donner  des  hypolheques. 
d'assurer  1'amortissement,  d'acquitter  les  interels,  sans  eritra- 
ver  les  operations  pour  affranehir  le  pays,  et  chasser  l'ennemi 
coinuiun.  On  devait  aux  elrangers  le  prix  des  fournitnres 
d'armes,  de  munitions  et  d'habillemcnt,  i'aites  depuis  i8i(i 
jusqu'en  1820  ;  les  employes  civils  et  l'armee  reclamaicnt  un 
immense  arriere,  de  1819a  1821.  Les  fournitnres  faites  a  l'ar- 
mee, depuis  1810,  n'avaient  pas  ete  acquittees,  non  plus  que 
celles  que  fit  le  commerce  etranger,  en  vertu  d'un  contra t 
passe  en  182a,  sans  que  le  gouvernement  en  eiit  connaissance. 
A  ce  fardeau  si  accablant  venaient  sc  joindre  lesbesoins  impe- 
rieux  du  moment  :  il  fallait  faire  marcher  le  gouvernement  et 
continuer  la  guerre  contre  les  Espagnols.  Outre  la  consomma- 
tion  ordinaire  en  armes,  munitions,  habillemens,  etc.,  il  fallait 
former  des  depots,  afin  de  preparer  les  moyens  de  delivrer  les 
provinces  meridionales,  de  rep  rend  re  Puerto-Cabello,  et  de 
chasser  l'ennemi  de  iMaracaybo.  Les  ressources  inferieures  ne 
pouvaient  sulhre  a  tontes  ces  depenses  egalement  indispen- 
sables  ;  le  gouvernement  se  determina  done  a  imiter  l'exemple 
donne  par  plusieurs  autres  nations,  dans  des  circonstanccs 
moins  urgentes;  il  fit  un  emprtint  de  vingt  millions  de  pesos 
(  100  millions  de  bancs).  La  rquiblique  colonibienne  n'a  pas 
eu  le  bonheur  d'achever  1'oeuvre  de  son  affranchissenient  poli- 
tique, sans  s'iniposer  les  liens  d'une  dette  :  mais  qu'on  se  rap*- 
pelle  quelle  etait  sa  position  en  1820  et  1824,  el  qu'on  disc 
comment  elle  aurait  pu  faire  face  a  tontes  ses  obligations,  sans 
lesecoursd'unemprunl?  jNoussommesintimementconvaincus 
de  la  necessite  011  Ton  etait  d'en  venir  a  ce  parti ,  surtout  en 


a34  AMEIUOUE  M  EitlDIONAKE. 

cousideranl  que  l'un  des  principaux  objets  dont  le  gouvernc- 
inent  Colombian  s'occupait  alors  etait  Pailranchissement  du 
Perou. 

Alin  d'assurer  le  paiement  des  interets  de  la  dette  nationale, 
et  son  amortissement  graduel,  le  gouvernement  etablit  une 
commission  de  credit  public,  et  une  caisse  destinee  specialement 
anx  recettes  affectees  a  1'acquittenient  des  obligations  de  PEtal 
euverssescreanciers.  On  s'occupait  en  meme  terns  des  moycns 
d'augmenler  les  divcrses  branches  de  revenus  publics  ;  on  en- 
courageait  les  cultures  de  tabac,  et  les  divers  produits  de  Pagri- 
culture  dans  quelques  departemens ;  la  fabrication  des  mon- 
naies  etait  amelioree;  le  papier  timbre  etait  regularise,  ainsi 
que  les  douanes  et  les  octrois  ;  des  lois  proleclrices  excitaient 
l'esprit  d'association  et  d'entreprise,  les  recberches  et  Pexploi- 
tation  des  mines  d'or  et  d'argent ;  en  un  mot ,  on  iinprimait 
le  mouvement  a  toutes  les  ressources  du  pays ;  mais  ces  pre- 
miers actes  d'un  gouvernement  nouveau  n'etaient  cjue  des 
essais  que  le  terns  aurait  perfection  Des,  ou  qu'on  aurait  aban- 
doning pour  suivre  une  meilleure  direction.  On  ne  pouvait 
arriver  au  but  sans  parcouiir  l'intervalle  quienseparait,  etsans 
faire,  pendant  ce  long  trajet,  quelques  ecarts,  quelques  chutes 
dont  on  se  releverait,  d'apres  les  lecons  de  Pcxperience.  Quatre 
ans  ne  pouvaient  suflire  pour  donner  a  !a  Colombie  un  bon 
systeme  de  finances,  y  inettre  les  recettes  au  niveau  des  dis- 
penses, satisfaire  les  creanciers  de  PEtat,  preparer  de  futures 
ameliorations  pour  les  citoyens  et  pour  la  chose  publique.  Ce 
que  nous  avonsdit  fait  voir  avec  evidence  qu'en  finance,  comme 
dans  ce  qui  concerne  les  autres  parties  de  l'administration  que 
nousavons  parcourues,  les  lois  de  la  Colombie  sont  une  appli- 
cation des  plus  saines  doctrines  de  Peconomie  politique  ;  que, 
dans  ce  pays,  les  legislateurs  et  les  depositaires  du  pouvoir 
executif  eurent  les  intentions  les  plus  droites,  les  vues  les  plus 
liherales  et  l'esprit  d'ordre  qui  est  une  des  qualites  les  plus 
recommandables  des  homines  d'Elat. 

Passons  maintenanl  aux  affaires  de  la  marine  et  de  la  guerre : 
nous  y  verrons  autant  de  choses  a  loner,  le  meme  amour  de  la 
patrie  et  de  la  liberte  civique,  la  meme  rectitude  d'iutention. 
L'armee  colombienne,  quisupportait  depuis  long-tems  tout  le 
poids  de  la  guerre,  meritait  bien  que  le  gouvernement  consti- 
tutionnel  lui  consacrat  une  partie  notable  de  son  terns  et  de 
ses  soins.  II  fallait  sc  hater  de  liquider  et  de  payer  Parriere  de 
la.-olde,  organiser  les  corps,  reglercequi  concerne  les  retraites, 
les  conges,  I'avancement  et  le  recrutement;  les  lois  et  les  01- 
donnances  stir  tous  ces  points  furent  conformed  a  l'esprit  de 


AMEUIQLE  MERIBlONAiE.  235 

la  constitution.  reorganisation  des  tiibunaux  niilitaires  et  let 
lois  qu'ils  devaient  appliquer  manifesterent  encore  plus  clai- 
rement  les  vues  et  lesprineipes  de  conduiledugouvernemenl ; 
il  sut  conserve!'  aux  soldats  tous  les  droits  des  citoyens,  sans 
relacher  les  liens  de  la  discipline. 

Suivant  les  docuinens  founds  par  le  ministre  de  la  marine, 
cette  partie  des  forces  de  la  republique  a  exige  ties  depenses 
considerables  ;  mais  l'administration  pensa  qu'une  esca'dre 
etait  seule  en  etat  de  s'opposer  aux  entreprises  de  la  flotte  es- 
pagnole,  de  contenir  I'ennemi  qui,  de  son  repaire  de  la  Ha- 
vane,  ne  cessait  de  menacer  les  cotes  de  la  Colombie,  et  de 
la  battre,  en  quelque  lieu  qu'elle  la  rencontrat.  L'ne  loi  pour- 
vut  a  la  formation  des  equipages,  sans  nuire  au  recrutemcnl 
de  l'armee  de  terre  ;  une  autre  organisa  le  service  des  magasins 
et  des  arsenaux  de  la  marine ;  une  troisieme  Gxa  la  solde  et 
les  traitemens  :  des  ordonnauces  et  des  instructions  adminis- 
tratives  etablirent  l'ordre  et  l'uniformile  dans  le  service.  On 
Ibnda  deux  ecoles  de  navigation,  l'une  a  Guayaquil  et  l'aulie  a 
Carthagene.  Deux  ecoles  de  pilotage,  l'une  a  Puerto  Cabello  et 
1'autre  a  Maracaybo,  furent  des  foyers  pour  la  propagation  des 
eonnaissancesneeessairesaux  navigateurs  du  commerce  aussi 
bien  qu'a  ceux  de  l'Etat. 

Le  cadre  etroit  dans  lequel  il  a  fallu  renfermercelte  esquisse, 
ne  comportait  pas  plus  de  developpemens;  mais  nos  lecteurs 
y  trouveront  certainemenl  tout  ce  qu'il  faut  pour  apprecier 
lii  premiere  administration  constitutionnelle  qui  fut  ehargec 
des  destinees  de  la  Colombie.  On  conviendra  que  cette  admi- 
nistration ne  fut  point  au-dessous  des  devoirs  qui  lui  elaient 
imposes  ,  qu'elle  ne  trompa  point  la  conflance  de  ceux  qui 
l'avaient  mise  a  la  tete  de  la  republique.  Elle  etablit  une  con- 
stitution, fit  respecter  les  loisj  niit  de  Tordre  dans  les  affaires 
publiques ,  prepara  des  moyens  d'education  et  d'insti'uction  , 
encouragea  1'industrie  nationale,  la  civilisation  des  tribus  in- 
digenes encore  errantes,  commenca  la  restauration  des  finance-i 
et  I'exploitation  des  ricbesses  territoriales,  organisa  l'armee, 
fit  des  lois  protectrices  de  toutcs  les  entreprises  utiles  ,  soit 
aux  citoyens,  soit  a  la  republique.  Elle  pourvut  a  la  defense  de 
l'Etat,  acquit  des  amis,  des  partisans,  des  allies  pamii  les  gou- 
vernemens  etrangers.  Tels  furent  les  resultats  de  ce  regime 
constitutionuel,  et  on  les  obtinl  au  milieu  d'nne  guerre  achar- 
nee,  de  defiances,  d'oppositions,  d'obstacles  de  toute  espece. 
1'uisque  des  resistances  aussi  fortes  ne  purent  arreier  une 
marcbe  encore  nial  affermie,  lout  fait  presagerdes  siicces  <;i- 
core  plus  importans;  la  tcne  de  la  ColombiCj  encore  vierge, 


u'(i  A.UEIUQl  E.  —  EUROPE, 

etonncra  un  jour  le  monde  par  sou  heureuse  i'eeondilo,  par  les 
sources  de  prosperite  qui  sont  prates  a  y  repandre  leurs  bien- 
faits.  La  civilisation  y  operera  bientot  une  revolution  morale 
tics  plus  surprenantes,  et  il  sera  prouvc,  par  des  fails  innm- 
testables,  que  les  institutions  liberates  sunt  le  meilleur.moyen 
tie  faire  germcr,  developper  et  f'ruclilier  les  semences  tin  bien 
social,  du  bonheur  de  l'humanite. 

EUROPE. 

GRANDE-BRETAGNE. 

Londres.  —  Reintegration  des  juifs  dans  tears  droits  de  ci- 
toyens  /  Riforme  parlementaire,  etc.  —  Bien  que  nous  n'ayons 
pas  coutunie  d'entrctcnir  nos  lecterns  des  discussions  politi- 
ques  de  la  Grande-Bretagne,  cependant  nous  croyons  devoir 
signaler,  pendant  la  suspension  momentanee  des  travaux  du 
parlement,  trois  importantes  motions  proposees  lors  des  dcr- 
nieres  seances.  La  premiere  est  I'ali'rancbissemenl  des  juifs, 
bautement  reclame  a  la  cbambre  des  communes  (le  21  f e - 
vrier),  et  dont  nous  avons  parle,  a  propos  de  la  brochure  de 
M.  il.  Goldsmid  (voir  Rev.  Enc,  t.  xlv;  mars  i83o,  p.  G5i). 
La  seconde  est  la  re  forme  parlementaire,  qui  eompte  aujour- 
d'hui  parmises  soutiens  quelques-uns  des  principaux  chefs  du 
parti  tory,  tant  il  est  dans  la  nature  des  cboses,  et  surtout 
du  gouvernemenlrepresentatif,  de  rallier  pen  a  pen  les  esprils 
a  I'ordre  et  a  la  veritable  justice.  On  ne  demande  pas  moins 
qu'un  changement  du  systeme  electoral,  et  des  reductions 
dans  l'eglisc  anglicane.  Bref,  M.  Peel  a  presente  un  bill  len- 
daht  a  reduire  le  nombre  des  cas  on  le  crime  de  faux  etait 
puni  de  mort.  Toules  ces  questions  out  cte  plutot  soulevees 
qu'approfondies ,  et  elles  sont  loin  d'etre  resolucs  ;  cello 
meme  des  juifs,  quia  semble  presque  emportee,  aura  encore 
de  rudes  assauts  a  soutenir  a  la  cbambre  des  pairs,  et  a  celle 
des  communes  :  mais  elle  n'en  marque  pas  moins  un  progres 
fort  important  dans  Tcsprit  public,  el  ainsi  (|iie  celle  de  re- 
mancipation  catbolique,  si  long -terns  debattuc  el  conlestee, 
elle  aura  aussi  son  jour  de  trioinpbe. 

Reclamations  de  lady  Byron  et  de  ses  amis,  contre  les  fails  avari- 
ces par  ftl.  Moore. — La  publication  du  premier  volume  \\\-[\ 
des  Menioires  de  lord  Byron  (1),  par  M.  Moore,  a  snuleve  en 
Angleterre    toutes  les  baines  qui   avaient  poursuivi    le   poclo 

(1)  Traduits  en  fianrais  par  Mm*  Louise  Sw.  Bklloc.  Paiis  ,  i83o; 
Alexandre  Mesnicr,  place  de  la  Bourse.  2  vol.  in-8"  ;  pi'ix,  i5  IV. 


GRANDE-BKKTAGNE.  25; 

pendant  sa  vie.  En  vain  le  biographc  s'elail-il  efforce  d'adou- 
cirles  expressions,  de  menageries  amours-propres,  dene  par- 
ley a  propos  de  la  separation,  que  de  griefs  bbscurs  et  douteux  ; 
en  vainavait-il  acccptepourson  heros  une  large  partde  blame, 
et  meme  de  torls;  ce  n'elait  point  assez.  Lady  Byron,  sous 
pretexte  de  justifier  la  memoire  de  sa  mere,  du  tort  fort 
excusable  d'avoir  etc  plus  cxigeante  et  plus  alarmee  pour  le 
l)onbeur  de  sa  fi'lle  que  celle-ei  ne  l'etait  elle-meme,  et  d'a- 
voir, par  sollicitudc  maternelle,  contribue  a  la  separer  de 
son  mari  ,  vient  reveiller  line  foule  de  soupcons,  et  de  ladies 
calomnies.  Elle  n'articule  aueun  fait,  elle  ne  specific  anemic 
accusation,  faisant  ainsi  tout  supposer.  Etrange  piete  filiale. 
que  celle  qui  fait  fouler  aux  pieds  les  cendres  d'un  grand 
bomme,  et  qui,  sans  pitie,  lui  alienea  jamais  le  cceur  de  sa 
fille!  Que  penser,  d'aprcs  cela,  del'education  donnee  a  ectte 
derniere  ?  Le  poele  n'avait-il  pas  raisonlorsque,  dans  son  exil, 
il  s'ecriait,  apres  une  si  tendre  et  si  touchante  preoccupation 
de  son  enfant  :  «  La  /mine  te  sera  emeignce  comme  un  devoir,  et 
pourlant,  je  sais  que  tum'aimeras  :  bien  que  mon  nom  te  soit 
defenduconime  un  talisman  charge  de  desolation,  couimc  un 
lien  brise — ,  etc.  » 

Ce  que  lord  Byron  a  desire  ct  reclame  bautement ,  lors  des 
cuisans  chagrins  qui  le  chasserent  d'Angleterre,  onnele  luiac- 
corde  pas,  meme  apres  sa  mort  :  on  persiste  a  l'accuser  sans 
citerun  fait.  En  se  renfermant  dans  ce  silence  perfide,  lady 
Byron  et  ses  amis  laissent  planer,  sur  la  memoire  de  celui  qui 
devait  leur  etrecher  et  sacre  a  tantde  litres,  unmystcrc  d'ini- 
quite  effrayant.  Etcomment  ne  pas  s'en  indigner,  en  serappe- 
lant  l'ame  noble  et  genereuse  d'oi'i  sont  sorties  tant  de  brfdan- 
tes  inspirations  ?  La  vie  et  la  mort  du  poete  plaident  bien  haut 
contre  ses  detracteurs.  M.  Campbell  s'est  range  dernierement 
parnii  eux  :  il  a  ecrit,  dans  le  journal  dont  il  est  cditcui-,  le. 
New  Monthly  Magazine,  un  long  article  oi'i,  de  meme  que 
lady  Byron  (et  quoi  qu'il  en  dise,  en  son  nom),  il  renouvelle 
de  vagues  imputations  sans  preuves  et  sans  details.  Ine 
dame  a  pris  aussi  parti  :  tous  deux  out  nomme  Mme  Leigh, 
la  soeurde  lord  Byron,  et  son  amie  la  plus  chere.  Ne  viendra- 
t-elle  pas  en  avant?  ne  parlcra-t-elle  pas  a  son  tour?  Laissera- 
t-elle  calomnier  son  frere,  sans  prendre  sa  defense?  jusqu'ici. 
elle  ne  s'est  pas  encore  prononcee.  De  son  cote,  M.  Moore, 
dans  I'impuissance  de  retracter  ce  qu'il  a  dit,  fera-t-il  justice 
complete?  il  a  certainement  en  main  des  pieces  imporlantes. 
et  des  notes  propres  a  eft'rayer  les  ennemis  de  Byron  :esperons 
qu'il  les  donnera  sans  restriction  ,  el  qu'il  replacera  ainsi  la 
question  dans  son  veritable  jour. 


«38  El  110*% 

i>ftiSTOi..  —  Werner,  trti^edie  tie  lord  livnoN  ,  representee  sto- 
le theatre  c/e  celte  rille.  —  Cest  a  Macrcady  qu'on  doit  cette 
innovation.  Ce  eclcbre  tragedien,  dont  on  a  pu  appreeier  a 
Paris  le  jeu  energiquc  et  prol'ond,  a  dans  la  capitale  de  I'An- 
glelerre  des  ennemis  puissans.  De  laches  jalousies  peut-etre, 
et  les  terrenrs  d'un  talent  qui  n'est  pins  que  1'onibrc  de  lui- 
incnic,  lui  ont-elles  valu  les  honneurs  de  eette  persecution? 
Quoi  qu'il  en  soit,  les  journaux  l'ont  assez  maltraile  pour  qu'il 
se  soit  degofite  de  leur  donner  prise  a  s'acliarner  sur  lui.  II 
est  alle  jouer  en  province;  et  il  a  eu  a  Bristol  l'heureuse  idee 
de  monter  une  tragedie  de  Byron  on  il  a,  dit-on,  cree  le  pre- 
mier role  (Werner),  comine  il  a  fait  de  ceux  de  Virginius  et 
de  Guillaume  Tell  qui  ne  sont  joues  que  par  lui.  Quelques 
coupures  laites  avec  disccrnement  ont  abrege  l'oeuvre  sans  lui 
nuire,  et  la  piece  a  eu  le  plus  grand  succes.  L.  Sw.  B. 

ALEEMAGNE. 

Goettingve.  — Fondation  d'unc  bourse  en  favcar  des  etudians 
en  mrdecine.  —  A  1'occasion  de  la  celebration  du  jubile  semi- 
seculaire  du  celebre  docteur  Blxjmeisbach  ,  il  a  ete  fonde  une 
bourse  a  l'effet,  d'apres  les  statuts  de  fondalion,  de  faire  faire 
un  voyage  scientifique  a  un  jeune  etudiant  en  medecine  dis- 
tingue par  ses  talens  et  sa  conduite,  et  auquel  il  sera  compte, 
pour  les  frais  de  ce  voyage,  une  somme  de  600  rixdales  en 
or,  ou  environ  2,5oo  fr.,  toutes  les  fois  que  les  interets  du 
capital  de  fondn  lion  se  seront  accumules  et  eleves  j  usqu'a  cette 
somme.  M.  Blumenbach  s'est  reserve  le  droit  de  conferer  lui- 
memc  cette  bourse,  tant  qu'il  vivrait,  et  e'est  cette  annee 
qu'elle  doit  etre  donnee  pour  la  premiere  fois.  Elle  remplira 
un  double  but,  puisqu'elle  donnera  lieu  a  un  voyage  dont  les 
rcsultats  pourront  contribuer  aux  progres  des  sciences  medi- 
cales  et  naturelles,  et  qu'elle  sera  en  meme  tems  un  encoura- 
gement accorde  an  talent. 

ArTRiCHE.  —  Recherche  des  antiquites  nalionales.  —  II 
vient  d'etre  rendu  une  ordonnancc  imperialc  qui  enjoint 
aux  autorites,  dans  toute  l'etendue  de  la  monarchic  autri- 
chienne  de  donner  la  plus  grande  attention  aux  inscriptions 
anciennes  qui  se  trouvent  sur  les  murs  de  batimens,  sur  les 
grandes  routes  ou  partout  ailleurs,  de  les  transporter,  si  faire 
se  peul,  dans  les  musees  provinciaux,  ou  biende  les  faire  en- 
cadrer  dans  les  murs  exterieurs  des  egliscs;  mais  surtout  d'en 
adresser  des  copies,  aussi  exactes  que  possible,  au  conserva- 
teur-g^neral  (W  musees,  pour  qu'il  en  soit  ainsi   forme  un 


ALLEMAGNE.  —  SUISSE.  a.";) 

corpus  inscription  am  imperii  anstriaci.  —  C'est  M.  Ant.  nr 
Steijsbuchei,,  conservateur-gcne-ral  et  direcleur  du  musee  im- 
perial des  antiques,  qui,  l)ien  digne  de  la  confiance  de  son  mo- 
narque  ,  dirige  res  recherches  et  leur  donne  de  l'activite; 
rj'est  a  lui  qu'on  doit  le  bel  ordre  qui  regne  dans  ce  musee,  et 
les  acquisitions  nombieuses  clout  il  l'enrichit  journellement. 
On  trouve  aussi,  dans  les  numeros  l\5  et  46  des  Annates  de  lit- 
terature  de  Vienne  de  1829,  qui  continuent  de  paraitre,  redi- 
gees  maintenant  par  le  sous-bibliothecaire  Kopitoer,  deux  ar- 
ticles sortis  de  la  plume  de  M.  de  Steinbuchel  dans  lesquels 
ildetailleet  explique,  d'une  maniere  critique,  1 25  inscriptions 
latines  et  grecques  de  l'interieur  de  la  monarchic 

Jh.  de  LrcESAT. 
Hambovrg.  —  On  a  public  dernierement,  ici,  une  traduction 
en  vers  allemands  de  t'dpttre  de  M"""  la  princesse  Constance  de 
Salm  sur  I' Esprit  du  Steele.  Cet  ou  vrage,  inspire  par  une  haute 
philosophic,  n'a  pas  mains  de  succes  en  Allemagnc  qu'en 
France  (voy.  Rev.  Enc,  t.  xxxvm,  p.  g4-) 

SUISSE. 

Lausanne  et  Geneve. — Conrs  de  liiterature,  pro  [esse  dans  ces 
deux  titles,  par  M.  Monnard.  —  Nous  avons  fait  connaitrc 
l'arret  duConseild'Etatdu  canton  deVaud,  qui,  pour un  simple 
delit  de  presse,  auquel  M.  Monnard  etait  d'ailleurs  presque 
etranger,  interdit  a  celui-ci  l'cxercice  de  ses  lonclions  acade- 
miques  pendant  une  annee.  Cet  acte  devait  exciter,  en  favour 
del'ecrivain  qu'il  frappait  aussi  rudement,  une  vive  sympathie 
parmi  les  amis  des  liberies  publiques.  Aussi,  1'annonce  du 
cours  de  litterature  auquel  M.  Monnard  se  decida  bientot  a 
consacrei'  ses  loisirs  forces,  fut  accueillie  avec  un  interet  d'au- 
tant  plus  prononce,  que  le  talent  bien  reconnu  du  professeur 
promettait  d'ailleurs  un  enseignement  nou«ri  d'idees  neuves 
et  elevecs.  Quelques  amis  lui  avaient  offert  de  faire  circuler  a 
l'avance  des  listes  de  souscription ;  mais  il  refusa  cetfe  offre, 
ne  roulant  pas  avoir  un  auditoire  qui  put  paraitre  reuni  a 
force  de  sollicitationsindividuellcs.  Cependant,  lorsqu'il  ouvrit 
son  cours,  au  mois  denovembre  1829,  16'osouscripteursassis- 
tcrent  a  la  premiere  seance  :  api  cs  quelques  lecons,  il  y  en  eu* 
200,  etce  nombrcalla  toujoursen  auj-mentant,  a  tel  point  que 
dans  ce  dernier  mois,  la  salle,  quoiquo  suflisanle  pour  plusdc 
220  personnes,  ne  contenait  plustous  les  auditeurs  dont  plu- 
sieuri  etaient  venus    tout  expres  des  difl'erentes  parties  du 


?4o  EUROPE. 

canton  (1).  D'un  autre  o6te$  a  peine  l'annoncc  cut-elle  parti 
dans  les  feuillcs  publiqoes  de  Lausanne,  que  des  homines  dc 
lettres  de  Geneve  vinreat  chez  iM.  iWonnard  lui  demander  de 
repeter  simultancmeni  les  niemes  lecons  dans  leur  ville.  La 
cltose  paint  d'aftord  impraticable;  mais  file  fut  exec u tee,  ce- 
pendant.  6i)  s'arrangeant  de  telle  suite  que  les  deux  lecons  de 
chaque  semaine  furent  donnees  a  Geneve,  a  deux  jours  consc- 
culil's,  le  metered:  el  le  jeudi.  Ce  fut  an  niois  de  decembre 
qu'eutlicul'ouverturcdcce  second  cours,  qui  dura quatremois, 
tanclis  (pie  le  premier  fut  terminc  en  cinq  niois  seulement.  Du 
reste,  le  prolcsscur  I'ut,  dans  les  deux  villes,  egaleinent encou- 
rage ct  applaudi.  A  Lausanne,  lors  de  la  derniere  lecon,  on 
avail  place  mie  couronne  de  laurier  au-dessus  de  son  siege, 
et,  sur  sa  table,  des  vers  et  des  fleurs  :  ces  hommages  volon- 
taires  offerls  de  toutes  parts  a  l'liomme  de  merite  persecute, 
furent,  pourlui,  sans  doute  unc  douce  recompense  de  ses 
vertus  civiques  et  de  ses  honorables  travaux. 

Quant  an  cours  menie,  il  a  eu  pour  objet  l'histoire  de  la 
litterature  fiancaise  pendant  le  xvm"  siecle.  line  introduction 
sur  I'histoire  de  la  langue  a  presente,  dans  le  tableau  de  ses 
phases  diverses  et  de  ses  developpcmcns  successifs,  la  niarche 
des  idces,  du  gout  et  de  la  litterature  en  France,  depuis  l'epo- 
que  de  la  domination  romaine  jusqil'a  la  fin  du  regne  de 
Louis  XIV.  Le  xvin'  siecle  ouvre  le  jour  des  funerailles  de  ce 
roi.  Dans  Iesscenespopulairesquicelcbrent  raffraiichissemcnt 
de  la  France  d'une  autorite  onereuse,  le  professeur  a  vu  le 
prelude  de  la  revolution  qui  allail  s'operer  pendant.  lesiecle,et 
dont  la  crise  finale  ne  lot  violente  que  parce  que  la  revolution 
elle-meme  fi.it  contrarice  par  des  gens  qui  ne  la  coniprenaienl 
pas.  II  a  suivi  toutes  les  parlies  du  grand  mouvement 
philosophique  et  politique  du  siecle,  el  ses  developpemens 
purement  lilleraires.  Le  cours  a  eu  trois  parlies.  Dans  la  pre- 
miere, M.  Monnarda  parle,  a  commencer  par  Massillon,  des 
ecrivains  qui  se  trouvent  sur  les  conlins  des  deux  siecles,  par- 
ticipant aux  traditions  de  l'un,  et,  a  quelques  exceptions  pres, 
deja  places  sous  I'iniluence  de  celui  qui  commence.  Laseconde 
parlie  a  compris  les  grands  ecrivains  et  les  ecoles  qui  ont  le 
plus  concouru  au  mouvement  des  csprits.  Montesquieu,  A  ol- 
tairc,  lesencyclopedisles,  les  economisles,  l'eeoledeCondillac, 

(i)  Lausanne  n'a  pas  11,000  liabilans,  el,  a  Geneve,  dont  la  popula- 
tion eat  considerable;  le  public  se  partage  entrc  les  coins  riombreux  qu'y 
dunuenl  des  boinnn  s  dtstinzues  dans  ionics  les  sciences. 


SUISSE.  24 1 

J. -J.  Rousseau  et  Button  Dans  la  troisieme  parlie,  le  prores- 
seura  traite  des  ccrivains  secondaires  de  la  mcme  epoque;  de 
ceux  qui  ont  precede  immediatement  la  revolution  et  y  onl 
participe  par  opposition  ou  parsympalhie;  enfin,  de  l'eloquence 
pendant  la  revolution  etudiee  dans  ses  diverscs  phases.  II  a 
terrnine  ce  vaste  tableau  an  18  brumaire.  «  Le  jour  ou  mi  chef 
militaire,  a  la  tete  de  ses  soldats,  concul  l'idt'-e  de  chasser  de 
Porangorie  de  Saint-Cloud  une  assemblee  legislative,  la  mis- 
sion du  xvin8  siecle  se  tronve  ternunee.  La  sagesse  sociale  ful 
deplacee;  elle  allait  resider  pour  quelque  terns  dans  la  poinle 
des  bai'onnettes.  » 

Nous  terminerons  cet  article  par  des  citations  de  deux  jour- 
naux  suisses,  qui  font  bien  apprecier,  a  la  fois,  la  synipathie 
qui  s'est  partout  attachee  aux  lecons  de  M",  Monnard.  el  lies 
qualites  distinctives  de  son  talent. 

«  L'empiessement .  dit  la  Gazette  de  Lausanne  (  du  27  now 
1829,)  avec  lequel  le  public  lausannois  se  rend  au  cours  de 
M.  le  professeur  Monnard,  augmente  a  chaque  leeon  ,  et  le 
vif  plaisir  que  ses  auditeurs  trouvent  a  l'entendre  est  une  nou- 
velle  preuve  des  talens  solides  et  brillans  de  noire  compa- 
triote.  II  serait  difficile  de  reunir  aux  fruits  de  longues  et  con- 
sciencieuses  etudes,  plus  d'eteodue  dans  les  vues  generales, 
plus  de  justesse  dans  les  jugemens,  de  grace  dans  les  details, 
de  chaleur  dans  les  sentimens,  et  surtout  de  moralite  et  d'a- 
tnour  du  bien  et  du  vrai.  M.  Monnard  s'est  montre  jusqu'u 
present  habile  critique,  philosophe  sage  et  profond,  orateur  elo- 
queut,  et,  cequi  vaut  inienx  encore,  pleinde  zelepourla  grande 
cause  du  christianisme  a  laquelle  il  raltache  celle  de  la  civili- 
sation ,  de  la  liberie  de  la  pensee  humaine,  et  du  bonheur 
individuel.  Les  circonstances  particulicres  dans  lesquclles 
M.  Monnard  se  trouve,  cethiver,  tournenta  I'avanlagedu  pu- 
blic ,  dont  il  ne  pent  s'occuper  lorsque  les  lecons  academiques 
remplissent  son  tems  ;  aussi  nous  leur  devons  des  jouissances 
intellectuelles  auxquelles  nous  ne  sommes  point  accoutumes, 
et  nous  osons  assurer  qu'il  se  mele  autant  de  surprise  que  de 
satisfaction  dans  le  plaisir  qu'un  grand  nombre  des  auditeurs 
eprouve.  II  est  des  choses  qu'on  n'ose  attendre  et  qu'on  est 
heureux  de  recevoir  d'un  compatriote. » 

LeJournal  de  Geneve  (duieravril  1800)  s'cxprime  ainsi :  dlier, 
a  deux  hemes,  au  milieu  d'applaudissemens  repetes,  M.  Char- 
les Monnard,  de  Lausanne,  a  terrnine  son  cours  de  litterature 
francaise,  commence  le  8  decembre.  Le  plaisir,  l'interet,  l'ad- 
miration  excites  par  le  savant  professeur  vaudois,  ne  se  sont 
pas  afifaiblis  un  seul  instant;  ses  auditeurs  sont  unanimes  a 
T.  XI.VI.  avrii.  i85o.  16 


u'42  EUROPE.  —  FRANCE. 

reconnailrc  la  varicte  et  la  solidite  de  ses  connaissances,  la 
profbndeur  ile  ses  vues,  L'independance  de  ses  opinions,  la 
purete  de  son  accent,  la  facilite  et  1c  eliarmc  de  son  improvi- 
sation- Son  enseignement  est  nourri,  sub>tanii<l .  pbilosophi- 
qne,  fort  de  choses,  et  sobre  de  mots  :  sa  maniere  est  celle 
d'uu  penseur.  Une  critique  severe  et  minulicu.se  reprochera 
peut-etre  a  M.  iMonnard  d'avoir  quelquefois  aceorde  trpp  de 
place  a  des  ecrivains  trop  mediocres,  d'avoir  jelc  en  avant 
quelqucs  pointcs,  quelques  saillies  a  effet ,  qui  paraissent  plu- 
■tol  prcniedilees  qu'eehappees  a  la  rapidilc.  tin  debit;  enfin,  de 
n'avoir  pas  ete  constamnsent  heureuxdanslechoixde  ses  cita- 
tions ;  maisees  laches  legcres  ne  pen  vent  obscurcir  l'eclat  d'un 
cours  de  04  seances,  dans  lequel  l'habile  professeur  s'esl  tou- 
jours  soutenu  a  la  meme  hauteur,  et  a  deploye  autant  de  cha- 
leur  et  d'nbondance  dans  les  dernieres  lecons  que  dans  les 
premieres.  Jamais  cours  de  liiterarure  donne  a  Geneve  n'y  a 
cause  plus  de  veritable  satisfaction,  et  n'a  en  plus  de  sou- 
scripteurs.  Ce  cours  I'era  epoque  dans  notre  ville.  Notre  stu- 
dieuse  jcunesse  y  aura  puise  d'utiles  directions,  qui  porteronl 
tot  on  lard  leurs  fruits.  Des  relations  plus  intimes  auront  ete 
formces  entre  les  cantons  de  Vaud  et  de  Geneve  ;  el  un  bom- 
mage  public  aura  ele  rendu  a  un  citoyen  distingue.,  vietitue, 
pour  ses  opinions  etsaconduile  libera  les,  d'unacte  ad  minis!  nil  if 
arbitrable.   » 

FRANCE. 

DEPARTEMENS. 

Yannes  (Morhiluui).  —  Lecons  publiques  pour  Ccnseigncmcnt 
tics  sciences  nature  It  es.  —  Les  sciences  naturelles  qui,  depuis  la 
suppression  des  ecoles  centrales,  il  y  plus  de  u5annees,  avaicnt 
entierement  cesse  d'etre  enseignees  dans  le  deparlement  du 
Morbihan,  ont  enfin  trouve  de  digues  interprcles  parini  les 
membres  do  XaSociiU  Poly  mat  ique,  fdrmee  a  Vannes,  en  1826. 
Desl'annee  dernicre,  MM.  Ulutel  pour  la  zoologie,  Mauricet 
et  Richard  pour  la  bolanique,  et  Galles  pour  la  mineralo- 
gie,  avaient  ouvert  des  cours  dans  lesquels  ils  ont  developpe 
tout  ce  que  ces  sciences  ofl'rent  d'ulile  el  d'atlrayant ;  aussi 
leurs  lecons  ont-clles  etc  fort  exactement  suivies,  non-seule- 
ment  par  les  jeunes  gens  qui  se  livrent  a  l'etude  avec  toule 
l'ardeur  de  leur  age,  mais  encore  par  les  persomies  les  plus 
respectables  et  les  plus  instruiles  qui  sont  venues  ajouter  de 
nonvelles  connaissances  a  toutes  celles  que  deja  cites  po>se- 


DKPAUTEMENS.  —  PARIS.  243 

daient.  Ccs  cours,  suspendus  pendant  la  mauvaise  saison  , 
viennent  d'etre  rou verts  :  de  nombreuses  courses  dans  les 
environs,  familiarisent  les  elevesavec  les  productions  du  de- 
partement,  que  1'on  continue  a  classer  avec  soin  dans  le 
museum  forme  par  la  Societe  Polymalique.  Z. 

—  Chemin  de  fer  de  la  Loire.  (Voy.  Rev.  Enc,  sur  ce  che- 
min, t.  xlii,  p.  jSg).  —  Dans  le  rapport  sur  la  situation  gene- 
rale  des  travaux  de  celle  grande  entreprise,  presente  a  l'as- 
semblee  des  aelionnaires,  le  i5  decembre  1829,  M.  deGobal, 
secretaire  de  la  compagnie,  resuma  aiusi  le  compte  qu'il  ve- 

nait  de  rendre  : « Messieurs   les  directeurs  des  travaux 

paraissent  ne  pas  craindre  de  trop  s'avancer,  en  affirmant  que, 
dans  deux  ans  et  demi,  la  ligne  tout  entiere  pourra  etre  011- 
verte  et  livree  a  la  circulation  des  chariots  :  tout  dependra 
des  fonds  en  terns  opportun.  II  serait  inutile  de  chercher  a 
vous  demontrer  tous  les  avantages  qui  doivent  resultcr  de 
cette  acceleration  dans  les  travaux  ,  tant  sous  le  rapport  des 
economies  dans  la  confection,  et  les  interets  descapitaux,  que 
sous  celui  d'une  anticipation  des  produits,  qui  permettra  d'of- 
frir  a  MM.  les  actionnaires  desdividendes  plus  prochains.  Vos 
efforts,  qui  out  ete  couronnes  d'un  premier  succes,  prouvent 
assez  que  vous  avez  senti  loule  1 'importance  de  cette  mesure. 
Nous  pouvons  compter  qu'avant  la  fin  de  l'annee  nous  au- 
rons  5oo  actions  (sur  1000)  liberees,  dont  le  produit,  reuni 
a  celui  des  dixiemes  qui  seront  successivemcnt  percus  sur  le 
produit  des  actions,  s'elevera,  a  la  fin  de  la  troisieme  annee, 
a  la  somme  de  5,5oo,ooo  fr,  Vous  voyez  que,  pour  terminer 
le  chemin  de  fer  en  trois  ans,  il  s'en  faudrait  de  1 ,5oo,ooo  fr. 
que  vous  n'eussiez  atteint  les  5,ooo,ooo  juges  necessaires 
pour  Fenticre  confection  du  chemin.  II  serait  done  a  desirer 
rpie  la  liberation  des  Goo  actions,  autorisees  par  delilieration 
de  l'assemblee  generate,  pCit  s'effectuer  dans  le  delai  de  trois 
annees;  cet  expose  demonlre  la  convenance  et  la  necessite 
de  cette  mesure.  » 

Tout  annonce  que  les  travaux  seront  conduits  avec  une  ac- 
tivite  soulenvie,  et  que  le  succes  de  cette  entreprise,  aussi 
profitable  pour  le  public  que  pour  les  entrepreneurs,  decideia 
d'autres  compagnies  a  de  pareilles  constructions,  dont  les 
nombreux  avantages  ne  pourront  plus  etre  contestes. 

PARTS. 

TNSTlTtT.    ACADEMIE  DES  SCIENCES.    Moi<t  d"  X\  ni  L    lS.")ci. 

—  Sn:rur  du  5.   —  M.  Cauchy  presente  un   Memoire  sur  la. 


a44  FRANCE. 

propagation  du  son  dans  un  corps  elastique,  et  sur  le  mnmc- 
ment  de  la  lumiere.  —  M.  Dcpin  fait  un  rapport  verbal  Un- 
favorable sur  l'ouvrage  de  M.  le  baron  de  Morogces,  concer- 
nant  les  droits  sur  les  (fifties.  —  M.  Cttvier  lit  la  continuation  de 
ses  considerations  sur  l'os  hyoide. 

—  Du  la  avril.  —  l\J.  le  docteur  Jules  Gtjerin  adresse  unc 
lettre  sur  la  decouverte  de  la  salicine,  substance  extraite  dc 
l'ecorce  du  saule  (sali.r  alba).  «  Lorsque  M.  Leroux^  pharma- 
cien  a  Vitry-le-Francais ,  eut  communique  a  l'Academie  la 
decouverte  qu'il  avait  faife  de  la  salicine,  quelques  personnes 
en  reveudiquerent  l'bonneur  pour  M.  Bucbner,  cbimisle  allc- 
mand.  F.e  Memoire  de  ce  savant,  qui  vient  d'etre  publie  dans 
le  Journal  de  Pharmacie ,  prouve,  de  la  maniere  la  plus  evi- 
dente,  que  les  deux  substances  ne  sont  pas  les  meines,  et  qu'il 
v  n  autant  de  difference  entre  la  salicine  de  M.  Bucbner  el 
celle  de  M.  Leroux,  qu'entre  l'extrait  de  quinquina  et  la  qui- 
nine. La  salicine  a  ete  employee  avec  beaucoup  de  succes  a 
la  Charite,  pour  la  guerison  des  fievres  intermiltentes. — 
M.  Delessert  communique  deux  lettres  qu'il  a  recues  d'E- 
cosse.  La  premiere  est  relative  a  un  nouvel  arbre  donnant  un 
loit  bon  a  boire.  M.  de  Humboldt  avait  decouvert ,  dans  la 
province  de  Venezuela,  l'arbre  si  curieux.  appele  arbre  a  lait 
ou  a  vache  [paid  de  vaca)  ,  qui  est  de  la  famille  des  urticees,  el 
qui  fournit  un  tres-bon  lait.  Depuis,  M.  Lockart ,  direc- 
teur  du  jardin  botanique  de  la  Trinite,  en  a  trouve  plusieurs 
individus  dans  la  province  de  Caracas,  dont  le  lait  servait  aux 
habitans.  II  en  a  ete  rappoite  plusieurs  piedsen  Europe,  par 
M.  Fanning,  directeur  du  jardin  de  Caracas.  M.  James  Smii/i 
a  trouve  recemment,  sur  les  bonis  du  fleuve  Dem£rary,  un 
arbre  appele  lna-hya  par  les  naturels,  et  qui  fournit  un 
lait  tres-gras,  plus  epais  que  celui  de  la  vache,  sans  amer- 
tume,  mais  settlement  un  peu  visqueux.  —  La  seconde  com- 
munication de  M.  Delessert  est  relative  a  la  germination  de  la 
plante  dioique,  connue  depuis  long-tems  sous  le  nom  de  ne- 
penthes, et  si  remarquable  par  les  urnes  qui,  placees  a  l'ex- 
tremite  de  scs  feuilles,  se  remplissent  d'eau  potable,  et  se 
ferment  par  une  opercule.  Lne  plante  femelle  ayant  ete 
rapprochee  d'un  individu  male  qui  se  trouvait  a  Edimbourg, 
on  a  obtenu  des  graines  qui  sont  venues  a  matuiite,  cl  qui, 
semees,  ont  donne  plusieurs  petites  plantes.  M.  le  docteur 
JVallich,  directeur  du  jardin  de  Calcutta,  vient  d'envoyer  a 
M.  Delessert  une  nouvelle  espece  de  cette  plante ,  dont  les 
urnes  sont  spheriques. — La  compagnie  des  Indes  vient  de 
mettre  a  la  disposition  de  M.  Wallich  les  belles  et  noml)ieuses 


PARIS.  »45 

collections  1  assemblies  a  grands  fraispardesbotanisles  qu'elle 
avait  envoyes  dans  l'lnde  et  dans  les  contrees  voisines;  elle  a 
charge  ce  savant  d'envoyer  des  doubles  aux  botanistes  de 
France  et  tie  plusieurs  autres  conlrees.  —  M.  Arago  commu- 
nique unelettre  de  M.  J.  Dumas,  sur  une  variete  de  sel  gemme 
qui  provient  de  la  mine  de  Wieliczka,  en  Pologne,  et  qui  lui  a 
ete  donnee  par  II.  Boue.  On  a  observe  dans  ce  se!  la  propriete 
tres-remarquable  de  decrepiter,  quand  on  le  met  dans  l'eau, 
et,  a  mestire  qu'il  se  dissout  dans  le  liquide.  La  dissolution 
est  accompagnee  d'un  degagement  de  gaz  ties-sensible;  des 
bullesplus  volumineuses  s'en  ecbappent,  amesure  que  le  frag- 
ment eprouve  des  froissemcns  un  peu  forts;  ils  le  sont  assei 
pour  faire  vibrer  le  verre  dans  lequel  on  fait  l'experience. 
Ce  sel  doit  la  faculte  de  decrepiter  a  un  gaz  tres- fortemenl 
condense  qu'il  contient,  quoiqu'il  n'olfie  pas  de  cavites  ap- 
preciates a  l'oeil.  L'experience  faite  dans  une  obscurite  par- 
take ademontie  qu'il  n'y  a  pas  de  lumiereproduite  au  moment 
de  la  decrepitation;  le  gaz  qui  se  degage  est  de  1'hydro- 
gene,  que  M.  Dumas croit  un  peu  carbonne,  et  qui  s'enflamme, 
des  qu'il  est  melange  avec  de  l'air  et  en  contact  avec  un  corps 
enfiamme.  Ce  degagement  de  gaz  pourra  servir  a  expliquer 
des  acciilens  arrives"phisieurs  fois  dans  les  mines  de  sel  gemme, 
et  dont  on  ne  connaissait  pas  bien  la  cause.  Certaines  por- 
tions du  sel  sont  nebuleuses,  tandisque  d'autres  sont  transpa- 
rentes.  Ces  nebulosites  indiquent  l'existence  de  cavites  tres- 
petites,  probablement  remplies  de  gaz.  Un  fragment  nebuleux, 
dissout  dans  l'eau,  a  donne  en  effet  plus  de  gaz  qu'un  frag- 
ment de  meme  volume,  aussi  transparent  que  du  crista!,  qui, 
cependant,  en  a  degage  une  certaine  quantite.  Ce  nouveau 
fait,  rajrporle  par  M.  Dumas,  montre  combien  a  ete  frequent, 
dans  le  cours  desaccidens  geologiqnes,  le  pbenomene  auquel 
est  due  celteaccuniulation  de  gazdansdes  ca  viles  de  substances 
mineiales,  et  combien  out  ete  varices  les  malieres  sur  les- 
quelles  il  s'est  exerce.  M.  Dumas  essaie  de  reproduire  un  sel 
factice  decrepitunt  par  l'eau  comme  le  sel  naturel.  —  M.  La- 
treille  lit  une  note  inlitulce  :  Eclaircissemens  sur  quelques  pas- 
sages d'auteuis  anciciis ,  relatifs  d  des  vers  d  soie,  ou  aux  insectes 
qui  y  sont  designcs,  sous  ks  noms  de  bombyx  et  de  vers.  11  pense 
(pic  ce  sont  des  versions  inexactes  empruntees  aux  Egypliens, 
auxlndiens  et  aux  Tbibi'tains.  Sur  une  observation  de  Si.  Hu- 
zard,  M.  Laticille  annonce  qu'il  s'occupe  d'un  vaste  travail 
sur  les  bombyx,  dans  lequel  il  decrira  un  ver  a  soie  d'Anie- 
rique,  vivant  en  socicte,  et  dont  l'industrie  pourrait  tirer  parti. 
—  M.  Cauchy  lit  un  Memoirc  sur  l'integration  d'urie  ceitaine 


•i'jti  FRANCE. 

classc  des  equations  aux  differences  partielles,  et  sur  lis  j»!i<  - 

nonienes  dont  telle  integration  sort  a  fafre  cutinaitre  les  lois.. 
—  H.  FLOitntNS  lit  mi  iMenioire  du  plus  haul  inlerfit  SHr  le 
mecanisme  dc  la  respiration  chez  les  poissons,  Nousalldns  en 
donner  un  extrait,  tlcgage  aulant  qti'i!  sera  possible  des  details 
anatcmiques.  &  Des  qii'il  a  ete  demontrc  que  ce  u'cst  pas  l'eau 
(pie  les  poissons  respirent ,  mais  sculement  Pair  contend  dafls 
l'eau j  il  a  ele  naturel  dc  so  demander  quel  elait  done  le  role 
quo  jotiait  l'eau  clans  la  respiration  ties  poissons.  Or,  l'eau  ne 
pcut  avoir,  dans  ee  phenomene,  que  Irois  genres  d'action  :  ou 
une  action  ehiniique,  et  je  ne  m'en  occupe  point  ici  ;  ou  une 
action  physique,  comme ,  par  exemple,  de  prevenir  le  desse- 
chement  des  branchies,  genre  d'action  dont  on  a  beaucoup 
trop  exagere  Petendue;  ou  une  action  mecanique;  ot  o'est  pre* 
cisement  ce  genre  d'action,  assez  pen  connu  jusqu'ici,  qui  est 
le  principal.  Ainsi,  quels  sont  les  divers  ressorts  du  mecanisme 
de  la  respiration  du  poisson,  et  ju.-qu'a  quel  point  Peau  est- 
elle  neccssairca  Paccomplissement  tie  ce  mecanisme?  Co  sont 
la  les  questions  ;'t  la  determination  desquelles  ont  ele  consa- 
crees  ces  experiences.  L'appareil  respiratoire  de  la  plupart  des 
poissons  se  compose  ,  comuie  celui  ties  autres  animaux  verle- 
bres,  de  deux  appareils  distincts  :  un  appareil  exterieur  ot  un 
appareil  interieur.  L'appareil  exterieur  comprend  les  deux 
nulchoires,  l'arcado  palatine,  1'hyo'itle,  les  opercules ,  les 
rayons  et  la  membrane  branchiestege;  l'appareil  interieur  se 
compose  de  qualre  p-tires  tie  branchies ,  porteos  sur  quatro 
pairos  d'arcs.  Chatpie  branchie  se  compose  tie  deux  I'euillets  : 
cbaque  feuillet  d'un  rang  de  lames  ou  ('ranges,  libres  a  leur 
sommot  et  rounies  a  leur  base  ;  ot  ce  sonl  ces  lames,  ces  (ran- 
ges, t  os  l'euilles,  ces  branchies,  en  un  mot,  qui  sont  1'organc 
respiratoire  memo  ou  les  poumons  des  poissons.  Si  Ton  exa- 
mine un  poisson  qui  respire  dans  l'eau  ,  on  distingue  bienlot 
les  deux  mouvemens  principaux  qui  constituent  la  respira- 
tion. Dans  Pun,  loutes  les  parties  de  l'appareil  s'elargissertt  et 
se  di latent  :  l'eau  entre  par  la  boucbe,  ot  o'est  Pinspiration ; 
dans  Paulre,  toules  ces  parlies  se  resserrenl ,  se  rapproehenr, 
se  relreeissenl;  l'eau,  pressee  tie  toutes  parts,  sort  parl'ou- 
verture  ties  oulos  ,  et  c'est'l' expiration.  Tons  ces  monvemens 
ne  sont  qu'un  moyen  qui  a  pour  but  le  tlovoloppomont  des 
branchies  ou  dc  l'organe  respiratoire  lui-niemc.  La  determi- 
nation  tlu  mode  solon  loquol  so  developpent  les  branchies 
etant  le  point  imporlant,  et  le  point  jusqu'ici  neglige  tlu  me- 
canisme respiratoire  ,  o'est  tie  celle  determination  quo  j'ai  du 
m'occuper  d'abord.  Or,  si  Pon  examine  un  poisson  qui  res- 


PARIS,  24- 

pipe  dans  l'ean  libreiuent  et  regulierenient ,  011  voit  ses  hran- 
chies  et  toules  leurs  patties  se  devclopper  ct  se  resserrcr  tour 
a  tour.  Pour  mirux  suivie  dans  tons  ces  details  ce  mccanisnic 
du  mouvement  des  branchies ,  j'ai  successivement  enleve  sue 
plusieurs  lanches  et  plusieurs  earpes,  sort  l'opercule  d  1111  senl 
cote,  soit  les  deux  opercules ;  et ,  comme  ces  ablations  n'ont 
pas  empeche  ces  poissons  de  survivre  dnrant  plusieurs  jours  , 
j'ai  pu  rcpeter  et  varier,  avee  tout  le  soin  convenable,  ces 
observations.  Ainsi,  apres  avoir  determine  les  divers  genres 
de  mouvemens  propres  a  cliacune  des  parties,  j'ai  determine 
l'ordre  que  ces  mouvemens  observent  entre  eux.  J'en  ai  con- 
clu  que  le  mecanisine  respiratoire  des  poissons  se  compose  de 
deux  mecanismes  dislincts,  celui  de  1'appareil  cxlcrieur  et  cc- 
lui  de  1'appareil  interieur.  Voyons  maintenant  quels  soot  les 
ressorts  par  lesquels  ces  deux  mecanismes  operent,  soit 
dans  l'air,  soit  dans  l'ean,  ct  jusqu'a  quel  point  l'un  el  i'aulre 
operent  dans  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  milieux.  Si  Hon 
examine  on  poisson  qui  respire  dans  1'eau ,  toutes  les  parlies 
de  1'appareil  interieur  se  meuvcnl  dans  nn  certain  ordrc.  Si  on 
met  ce  poisson  dans  l'air,  toules  ces  parties  se  meuvent  avec 
une  encrgie  et  line  violence  qu'elles  n'avaient  pas  dans  l'ean. 
Cepeudaul,  ce  poisson  dans  l'air  mcurl  bienlol  par  asphyxie  ; 
ainsi  done,  ni  le  mouvement  de  ces  parties,  ni  ^'intervention 
de  l'air,  ne  suflisent  a  i'aceoniplissemciit  de  la  respiration. 
Si  l'on  examine  ce  qui  se  passe  dans  les  branchies,  on  voit  ces 
branchies  el  toutes  leurs  parties,  quand  le  poisson  respire  dans 
l'ean  ,  se  mouvoir  dans  1111  ordre  reguiier  d'eeartement  et  de 
rapprochement.  Mais,  si  l'on  met  le  poisson  dans  l'air,  ses 
branchies  cessent  aussitot  de  se  mouvoir.  L'ean  joue  done  1111 
role  constant  et  determine  dans  le  meeauisme  de  la  respira- 
tion des  poissons.  Cest  l'ean  qui  cearte  les  branchies  el  les 
mainlient  dans  nn  certain  ccartemenl  donne;  ct  c'esl  le  mou- 
vement aetif  de  1'appareil,  qui,  joint  a  1'intervenlion  de  1'eau, 
les  meut  et  porte  leur  ecarlcment  an  plus  haut  degre.  Deux 
ressorts  distincts  delermincnt  done  le  developpenient  de  l'or- 
gane  respiratoire  ties  poissons;  l'un,  les  mouvemens  aetil's  de 
1'appareil ;  l'autre,  rintervenlion  de  1'eau  uecessairc  pour  iso- 
ler  les  parlies  de  l'organe  branchial,  pour  les  mainti'iiir  dans 
an  etat  d'cquilibre.  et  dimiuuer  ainsi  la  qiianlite  de  force  inus- 
culaire  qu'il  efit  lallu  depenser  pour  leur  mouvement.  Dans 
l'air,  prive  de  eelte  iulervenlion ,  1'aninial  n'a  plus  la  force  ni 
d'isolcr  ni  de  mouvoir  ces  parlies.  Si.  en  laissant  le  poisson 
dans  1'eau,  on  entrave  le  developpenient  des  branchies,  1'ani- 
mal  meurt  comme  dans  Pair.  Cest  ce  qui  a  lieu  quand  on  lie 


v4*  FRANCK. 

les  opercules,  de  maniere  a  ne  leur  pcrmeltre  aucun  mauve- 
nient.  Le  but  tin  developpement  tie  lout  organe  respiratoire 
est  do  presenter  le  sang  a  I'air  sur  une  plus  grande  surface.  Le 
poisson  n'est  asphyxie  dans  l'air,  que  parte  qu'au  lieu  de  pre- 
senter a  Pair  les  trente-deux  surfaces  ties  feuillets  developpes 
par  I'Vau ,  il  ne  lui  presente  plus  que  les  quatre  surfaces  des 
deux  faisceaux  solides  que  torment  alors  les  branchies.  En  re- 
duisant  pen  a  pen,  soit  par  ligature,  soit  par  ablation,  le  nom- 
bre  <les  surfaces  developpees-  dans  l'air,  on  parvient  a  reduire 
la  respiration  a  etre  aussi  imparfaite  dans  1'eau  que  dans  l'air. 
On  voit  done  :  i°  que  dans  les  poissons,  comme  dans  tons  les 
vertebi  es  aeriens,  le  but  definitif  de  tout  le  mecanisme  respi- 
ratoire est  le  developpement  de  I'organe  respiratoire  memc  ; 
2°  que,  dans  les  poissons,  le  developpement  de  ces  organes  ou 
des  branchies  ne  peut  etre  open';  que  par  l'intcrvenlion  tie 
l'eau;  5U  que,  quelque  eneigiques  qtie  se  maintiennent  les 
mouveincns  tlu  re*te  de  I'appareil  dans  l'air,  ces  mnuvemens 
n'y  produisent  pas  cc  developpement;  4"  et  que  ccst  parte 
que  ce  developpement  n'est  pas  produit  dans  l'air,  que  I'ani- 
mal  nieurt  par  asphyxie.  » 

—  Seance  da  19  avril.  —  M.  Deleau  adresse  a  PAcademie 
OB  Memoire  ayantpour  litre  :  extraitd'un  ouvrage  inedit  inti- 
tule :  Traitement  des  maladies  de  loreille  moyenne  quiengendrent 
la  surditc.  «  Lorsque  j'ai  eu  rhonneur  de  vous  presenter  les 
resultats  de  mes  premiers  essais  sur  le  traitement  ties  sonrds- 
muets,  dit  1'auteur  dans  sa  lellre  d'envoi,  j'etais  loin  encore 
d'avoir  fixe  mon  choix  sur  le  precede  operatoire  qui  etail  le 
plus  propre  a  leur  rendre  l'ouie.  La  perforation  tie  la  mem- 
brane tlu  tympan  ,  les  douches  d'eau  portees  dans  Poreille 
moyenne ,  mes  tentatives  snr  l'emploi  des  douches  d'air, 
m'avaient  bien  demontre  qu'il  existe  beaucoup  de  sourds- 
muets  susceptibles  d'acquerir  la  faculte  d'entendre;  mais  ces 
faits  isoles  ctaient  encore  insuflisans  pour  me  faire  adopter 
defmitivemeiit  une  methods  speeiale  de  traitement  :  une 
theorie  experimentale  nc  presidait  pas  encore,  il  y  a  trois  ans, 
aux- cures  que  je  recherchais  avec  taut  d'avidile.  Vous  avez 
entourage  mes  efforts,  vous  m'aver.  aide  dans  les  sacrifices 
que  j'etais  oblige  tie  faire,  pour  me  procurer  des  sujets  d'ob- 
servations,  el  cctle  theorie  a  etc  trouvee;  M.  Savart  vous  l'a 
exposee  dans  son  rapport  du  i5  decembre  1&2Q.  Je  ne  vous 
avais  demande  que  trois  sourds-muets  pensionnaires,  et  tr«is 
ans  pour  les  inslruire;  vous  m'avcB  ilonne  quatre  eleveset  ac- 
cortle  quatre  ans,  alin  que  je  pusse  faire  une  suite  d'expe- 
liem-es  qui  se  ratlachent  loiil  a  la  fois  a  la  chirurgie,  an  per- 


I'ARlS.  a/jc) 

ltt'tiotinement  des  sens,  et  a  l'etude  d'unc  langue.  Nous 
sommes  arrives  a  la  fin  de  la  troisieme  annee,  il  est  terns  de 
Vous  rendrC  un  compte  exact  de  mes  travaux;  je  ne  pourrai 
m'en  acquitter  d'une  maniere  satisfaisante  que  duns  I'annee 
qui  nous  reste  encore  a  parcourir.  Ce  delai  ne  vous  paraitra 
peut-etre  pas  trop  long,  quand  vous  saurez  que  je  ne  me  suis 
pas  borne  a  instruire  mes  eleves  dans  l'art  deparler,  maisqueje 
me  suis  etendu  sur  un  terrain  plus  vaste,  qui  a  ete  fertile  en 
resultats.  Deja  je  vous  ai  fait  connaitre,  dans  mon  traite  sur 
les  douches  d'air,  le  procede  chirurgical  que  j'ai  definitive- 
ment  adopte  pour  le  traitement  des  sourds-muets  susceplibles 
de  guerison.  Fondee  sur  les  fonctions  de  l'oreille,  en  rapport 
avec  la  sensibilite  organique  et  acoustique,  ayant  pour  agent 
actif  un  corps  sans  lequel  I'oui'e  ne  peut  s'exercer,  cette  me- 
thode  rationnelle  de  traitement  ne  pouvait  manquer  d'avoir 
des  succes  ;  vous  en  connaitrez  une  partie  en  jetant  les  yeux 
sur  le  recueil  d'observations  que  j'ai  l'honneurde  vous  adres- 
ser.  Je  joins  a  ces  premiers  faits  un  examen  de  questions  im- 
portantes,  qui  ont  rapport  au  traitement  des  sourds-muets,  a 
['education  auditive  et  a  l'etude  du  langage  parle  ;  cette  no- 
tice servira  d'introduction  a  1'histoire  de  mes  eleves.  La  phy- 
siulogie  du  langage  a  ete  aussi  l'objet  de  mes  recherches. 
Dans  le  tems  j'ai  prouve  qu'on  pouvait  parler  sans  larynx;  je 
suis  pret  a  vous  developper  la  theorie  complete  de  cet  art, 
qui  jusqu'ace  jour  a  ete  vainement  cherchee.  Apres  bien  des 
essais,  j'ai  trouve  une  nouvelle  metliode  pour  apprendre  a 
lire  aux  sourds -mucts.  Yous  jugerez  de  son  utilite  et  de  ses 
resultats  pratiques  compares  a  ceux  des  methodes  connues. 
L'etude  que  j'ai  faite  de  la  prononciation  m'a  conduit  a  encor- 
liger  les  vices.  Je  vous  ai  hi  sur  le  begaiement  un  tiwfte  qui 
doit  etre  l'objet  d'uu  rapport  de  MM.  Dumeril  et  Magendie  ; 
je  vous  ai  fait  connaitre  une  nouvelle  dactyologie  syllabique, 
fondee  sur  les  organes  de  la  parole,  dont  elle  est  une  peinture 
e-xacle.  Entin,  il  me  reste  encore  a  soumettre  a  votre  examen 
les  Memoires  dont  voici  les  titres  et  que  je  me  propose  de  pu- 
blieren  i85o  :  r  TS  oucelles  recherches  sur  les  elemens  de  laparole, 
pour  servir  d'introduction  d  l'art  deparler;  i"  Histoire  des  sourds- 
muets  qui  ont  ete  confies  au  D'  Delt-au  par  ('Academic  des  scien- 
ces ;  5°  Quelle  est  la  meitleure  viithode  pour  ynesurer  I'ouie,  et 
pour  reconnaitre  si  cette  fonction  est  suffisamment  developpee  pour 
apprendre  a  parler?  4°  Nouvelle  metliode  de  lecture  fondee  sur 
la.  connaissance  exacle  des  clhnens  de  la  parole.  — M.  E.  Robert 
annonce  que  le  Dc  Paris  et  lui  viennent  de  recueillir,  dans 
la  sablonniere  du   Gros-Oaillou  .  une  defense  d'elephant,  do 


•.  >..')o  FHAWCH. 

o,  1 8  centimetres  de  circonfcrence  a  la  base,  ct  de  0,44  cen- 
timetres de  longueur.  Ce  fossile  se  trouve  tres-rarement  duns 
cette  partie  du  terrain  de  transport.  MM.  Hubert  et  Paris 
sunt  parvenus  a  reslituer  prcsque  complelcmenl  l'cxlremite 
de  la  dent.- — L'Acadcmic  precede  an  scrutfri  pour  1'election 
d'un  associc  ctranger,  en  remplacement  de  iM.  Young.  Sur 
45  volans,  M.  Blumenbach  rciniit  07  suffrages.  II  est  declare 
elu.  Les  autres  voix  se  sont  rcparties  sur  MM.  QErstedt,  Ro- 
bert Brown s  Bccssel  et  Jacobi.  —  M.  Dupelit-T/iouars  fait  1111 
rapport  verbal  sur  la  Notice  imprimee  de  M.  His,  relative 
qux  orangers,  et  qui  renferme  des  Tails  qui,  s'ils  etaient  bien 
constates,  seraient  de  nature  a  changer  les  idees  recues,  non- 
sculement  sur  ces  arbres  en  particulier,  mais  sur  le  sysleme 
vegetal  tout  entier.  La  longueur  de  ce  rapport  force  L' Acade- 
mic a  reniettre  la  fin  de  cette  lecture  a  la  seance  suivante.  ■ — 
M.  Coqucbert-Montbret,  fait  un  rapport  verbal  sur  le  voyage 
de  M.  Caii.lie  a  Teinboctou.  La  Revue  Encyclopedique  doit 
donner  line  analyse  de  ce  voyage,  et  nous  nous  bomerons  a 
dire  que  ['honorable  rapporteur  s'est  attache  surtout  a  veuger 
le  Yovngcur  francais  des  invectives  du  journal  angiaisle  Quar- 
terly Reiiew. 

—  Du  26  avril.  —  On  lit  une  lellre  de  M.  J.  Dumas,  a  qui 
Ton  doit  deja  quclques  decouvertes  en  cbiniie.  «Kn  parcou- 
rant  un  des  Memoires  de  M.  Liebig,  je  me  suis  apercu  qu'il 
s'est  occupe  de  l'examen  des  pbenomenes  que  le  cblore  el  I'a- 
cide  acelique  produisent  l'un  sur  1'autie.  Iln'a  vu  rien  departi- 
coiier  dans  cette  reaction.  Je  1'avais  ctndire  de  im»n  cdte,  et  elle 
sert  en  quclque  sortc  de  base  a  uh  Menioire  que  je  sournettrai 
bienlot  an  jngement  de  I' Academic  Quandon  expose  l'acide 
acelique  cri.-tallisable  a  1' action  du  cblore  sec  el  en  exces,  on 
obticnt  un  compose  nouveau ,  blanc ,  cristallise  en  lames 
rbomboi'dales,  solubles  dans  I'eau,  d'une  saveur  excessiyc- 
nient  caustique,  etc.  Je  fais  eonnaitre  dans  toon  Vtemoire  les 
moyens  de  1'avoir  pur,  ses  proprictcs,  sa  composition  et  ses 
rapports  avec  les  nombreux  produils  qui  se  rattachenl  a  l'acide 
acelique,  dont  j'ai  eu  pour  but  d'eclairer  la  nature  reelle,  en 
me  livrant  a  ces  rechercbes.  »M.  Gambakt,  directeur  de  I'ob- 
servaloire  de  Marseille,  ecrit  de  cette  ville  que  le  J.\  avril,  a 
4"  du  matin,  quand  le  jour  commencait  deja  a  se  former, 
il  a  apercu  une  comete  dans  la  tele  du  petit  r/iccal.  Les  progres 
de  1'aurore  ne  lui  out  point  permis  de  proceder  a  la  determi- 
nation precise  d'une  position,  ct  il  a  eu  senlement  le  terns  de 
prendre  les  deux  coordonncesau  cercle  equatorial,  ce  qui  lui  a 
donne,  4'1  ; .  FascensiondPoite  d'euviron  at*  <)'".  8",  el  la  decli- 


PARIS.  a5 1 

naison  tie  8°  5j'.  Celte  comete  a  deja  line  queue  qui  paraissait 
avoir  ~  degre,  mais  qui  sans  doute  s'etend  en  realite  davaniage. 
—  M.  Arago  annonce  que  dans  la  nuitdu  25  an  2(J,  M.  Nicolet 
a  apercu  la  comete  dont  il  s'agit,  enlre  la  constellation  rlu 
Dauphin  et  celle  du  Pegase.—  L'Academie  procede  ;'t  Telec- 
tion  d'un  membre  correspondant  ,  en  remplacement  tie 
M.  Soemmering ,  deeede.  Sur  5i  votans,  M.  Lean  Dufour,  de 
Saint-Sever,  obtient  45  suffrages;  M.  Quay,  a  Rochefort,  l\; 
M.  Duvernois,  2.  M.  Leon  Dufour  est  proclame  membre  cor- 
respondantde  la  section  d'anatomie  it  tie  zoologie. —  MM.  Des- 
fontaines  et  H .  de  Cassini  font  nn  rapport  sur  nn  manuscrit 
intitule  :  Planles  da  mont  Sinai,  recueillies  par  M.  Leon  de  la 
Borde,  nominees,  classees  et  deeriles  par  31.  Delile  ,  corres- 
pondant.  «M.  Leon  de  la  Borde,  qui  n'est  pas  botanisle,  mais 
qui,  fidele  a  ties  traditions  de  fainille,  s'interesse  a  toutes  les 
branches  ties  connaissances  humaines,  a  recueilli  sur  le  cele- 
bre  mont  Sinai  011  dans  le  desert  qui  1'environne,  pies  tie  80 
plantes  qu'il  a  rapportees  en  France  avec  les  autres  richesses 
scientifiques,  fruit  de  son  interessant  voyage.  Ces  plantes,  il 
a  du  nalurelleinent  les  confier  aux  savanles  investigations  du 
botaniste  qui  avait  si  bien  eludie  la  vegetation  d'une  conlree 
voisine  de  telle  oii  s'cleve  le  mont  Sinai,  et  non  moinscelebre; 
le  travail  de  M.  Delile  sur  ces  plantes  est  ce  qu'il  devait 
etre,  sorlant  des  mains  d'un  botaniste  aussi  exact  et  aussi 
instruit.  »• — M.  Geo/froy-Saitit-IIilaire  aioute  que  ce  ne  sont 
pas  seulement  ties  plantes  que  M.  De  la  Borde  a  rapportees 
du  mont  Sinai,  mais  de  plus  nn  animal  fort  remarquable  qui 
manquait  au  Museum  :  e'est  le  Daman  Israel  (HyraxSyria- 
cus).  —  M.  Desfov.taines  fait  lit]  rapport  verbal  sur  une  tlore 
etrangere  dont  les  planles  onl  ete  recueillies,  en  1826,  par 
M.  Delcotjr,  professeur  tie  botaniquc  a  Dresde.  M.  le  rappor- 
teur loue  1'exaclitude  avec  laquelle  1'auteur  a  reproduit,  dans 
leurs  plus  minutieux  details  et  avec  leurs  couleurs  nature Hes, 
les  planles  qu'il  a  decrites  dans  son  ouvrage.  M.  le  rapporteur 
lui  donne  ties  encouragement,  et  ['engage  a  conlinuer  un 
recueil  qui  sera  d'un  grand  interel  pour  les  botanistes.  ■ — 
M.  Bald,  irlandais,  fait  hommage  a  l'Academie  d'un  modele 
en  relief  de  Pile  Clare,  situe  a  l'entrce  tie  Clew-Bay,  sur  la 
cote  occidental*;  d'lilande;  ce  modele  est  conslruit  a  l'e- 
chelle  tie  7^777?  et  d'apres  tics  carles  a  l'echelie  tie  — tttt-  L'ile 
Clare  a  environ  5  milles  anglais  (1  lieue  \)  de  longueur,  et  2  { 
milles  (presil'une  lieue)  de  largeur.  —  M.  Dumerii  fait  un  se- 
cond rapport  verbal  sur  une  monographic  de  M.  Charpentier, 
relative al'hydrocephalcaiguedesenfans.  L'autcur  n'apresenti' 
aucun  nouveau  moyeu  medical  pour  la  gucrison  de  cette  mala- 


a5a  FHA1NCE. 

die;  niais  il  ;i  expose  avec  uietbode  les  moyens  les  plus  ra- 
tionnels  a  mettre  en  usage.  —  M.  Puissant  fait  un  rapport 
verbal  sur  un  Traite  d'astronomie  pratique  de  M.  Francoeur, 
dont  la  Revue  Encycloj>edique  rendra  compte  inccssamment. 
■ — MM.  Berthier  et  Serullas  font  un  rapport  sur  le  Memoire 
de  M.  Sobbeiran,  concernant  les  arseniures  d*hydrogene. 
<«Le  Memoire  de  M.  Soubeiran,  dit  en  terminant  M.  le  rap- 
porteur, presenle  l'histoire  des  arseniures  d'bydrogene  plu9 
exactement  et  plus  compieteuient  qu'on  ne  l'a  eue  jusqu'ici, 
par  suite  den  rectifications  qu'il  a  faites  et  des  additions  re- 
tttafqliables  qui  lui  sontpropres;  nous  pensons  en  consequence 
que  ce  travail  merite  l'approbation  de  1  Aeademieetl'insertion 
dans  le  recueil  des  savans  etrangers.  »  ( Approuve). —  M.  Sb- 
rxjilas  lit  une  note  sur  la  combinaison  de  l'acide  iodique  avec 
les  alcalis  vegetaux.  II  resulte  de  ses  experiences  :  i°que  la 
morpbine  seule  exerce  une  action  decomposante  sur  l'acide 
iodique,  dont  elle  separe  abondamment  de  l'iode,  caractere 
qui  est  propre  adistinguercettebasedesaulres  alcoloi'des;  2°la 
quinine,  la  cbinchorine,  la  trychine,  saturent  parfaitement 
l'acide  iodique,  en  produisant  des  combinaisons  salines  tres- 
bien  cristallisees.  M.  Serullas  signale  ces  nouveaux  composes, 
Ot  l'iode  est  associe  aux  bases  vegetales,  comme  pouvant 
trouver  des  applications  dans  l'art  de  gucrir.  —  M.  Dupetit 
Thouars  termine  la  lecture  de  son  rapport  verbal  sur  une  no- 
tice de  M.  His  relative  aux  orangers.  A.  Michelot. 

— Acadcmie  francaise.  —  Seance  publique  pour  la  reception  de 
M.  deLAMARTiNE  (jeudi  i"avril  i83o).  - —  Depuis  long-tems, 
les  solennites  academiques  n'avaient  attire  un  concours  aussi 
nombreux  de  spectateurs.  Trois  heures  avant  le  commence- 
ment de  la  seance,  les  portes  s'etaient  ouvertes  devanl  les  plus 
impatiens,  et,  plus  d'une  heure  avant,  la  foule  qui  se  pres- 
sait  a  l'entree  de  la  salle,  beaucoup  trop  etroile  pour  une 
telle  affluence,  avail  force  deux  ou  trois  fois  une  garde,  plus 
nombreuse  quede  coutume,  qui  en  defendait  les  portes.  Sans 
vouloir  rien  oter  au  merite  du  poete  celebre  qu'bonorait  un 
si  vif  empressement ,  nous  croyons  pouvoir  avancer  que  le 
desir  de  le  voir  et  de  1'entendre  ne  l'avait  pas  seul  excite.  Pour 
la  premiere  fois,  l'apologie  d'une  lillerature  nouvelle  allait 
("lie  prononcee  sous  les  voflles  de  l'ancien  palais  Mazarin  :  la 
guerre,  tant  de  fois  elevee  entre  les  classiques  et  les  roman- 
Itques,  se  reproduisait  sur  un  nouveau  cbamp  de  bataille;  ou 
plulot,  la  vicloire  ne  semblait  deja  plus  indecise,  puisque  l'uu 
dcs  apotres  de  cette  croyance  nouvelle  venait  sieger  en  trioin- 
pbateur  au  sein  de  I'Academie.  Mais  on  ne  pouvait  s  empe- 
cher,  en  memc  terns,  de  remarquer  a  quel  point  les  chocs 


PARIS.  a55 

etaient  changees,  et  combien  nous  avions  fait  de  chemin  de- 
pute dix  ans.  Le  poete  des  Meditations,  a  qui,  des  son  debut, 
et  au  .milieu  de  tant  d'acclamations,  on  avait  reproehe  si 
vivementlanouveaute,  et,  si  Ton  peut  hasardcrce  mot,  Velran- 
gete  de  son  style,  n'est  aujourd'hui,  pour  la  tourbe  des  nova- 
teurs,  qu'un  poete  incotore  et  sans  audace.  Les  exaltes  de  la 
nouvelle  eglise  Iitteraire  en  feraient  presque  un  classique;  et, 
tandis  que  1' Academic  franchise,  dans  sa  prudente  solliciludc 
pour  I'honneur  de  la  langue  dont  le  depot  lui  est  confie,  pense 
peut-etre  avoir  fait  cette  fois  un  acte  de  temerite,  les  adinira- 
teurs  de  bonne  foi  de  Christine  et  d'Hcrnaiu  la  noinment  timide 
et  pusillanime,  et  appellent,  de  tons  leurs  voeux,  des  choix  bien 
autrement  signifieatifs. 

M.  le  baron  Cuvier,  remplissant  les  fonctionsde  directeur, 
ayant  annonce  que  la  seance  etait  ouverte,  M.  de  Lamartine  a 
pris  la  parole  et  a  pronome  ,  d'une  voix  ferme  et  sonore  ,  le 
disco urs  remarquable  dont  nous  allons  essayer  de  presenter 
l'analyse. 

Apres  les  remercimens  et  les  politesses  d'usage,  I'orateur, 
accordant  un  juste  tribut  de  regrets  a  la  memoire  d'une  mere, 
enlevee  recemment  a  sa  tendresse  d'une  maniere  si  subite  et  si 
douloureuse,  a  passe,  a  l'aide  d'une  transition  ingenieuse, 
a  l'eloge  de  son  honorable  predecesseur,  M.  le  comte  Darit.  «I1 
parut,  a-t-il  dit,  a  Tune  de  ces  raresepoques  oii  la  societe  n'est 
rien,  ou  l'homme  est  tout;  epoques  funestes  au  monde,  glo- 
rieuses  pour  I'individu !  Terns  d'orages  qui  fortifient  le  coeur, 
quand   il   n'en  est  pas   brise ;   tempetes   civiles  qui  elevent 

l'homme,  quand  elles  ne  l'engloutisscnt  pas! On  ignorait 

alors  que  les  pennies  ne  sc  regenerent  pas  par  des  theories  , 
mais  par  la  vertu  ou  par  la  mort,  et  la  hache  sanglante  des 
revolutions  n'avait  pas  ete  pesee  dans  les  calculs  de  l'espe- 
rance. » 

L'orateur,  apres  avoir  trace  un  juste  eloge  du  caractere  et 
des  talens  de  son  devancier,  et  raconte  qu'il  expia  ,  par  dix 
mois  de  captivite,  son  noble  refus  de  servirle  crime,  rappcllc 
l'expression  du  chef  du  gouvernement  imperial, «  qui  a  si  bien 
connu  les  hommes,  et  qui,  dans  sa  brutale  energie,  accordait 
;\  M.  Darn  les  qualites  du  bceufet  du  lion.  »  II  loue  son  ardeur 
infatigable  pour  le  travail  en  meme  terns  que  sa  severe  probite, 
et,  apres  avoir  cite  Vhistoire  de  Venisc,  celle  de  Brctagne,  l« 
poeme  encore  medit  surVastronomie,  la  traduction  completed'  Ho- 
race, un  grand  nombre  d'epitres,  de  poesies  legires  et  de  discours 
academiques,  il  ajoute  :  «  Tels  etaient  les  loisirs  de  M.  Dam. » 
En  parlanl  d'Horace,  le  nouvel  academicien  a  porte,  de  ce 
poete,  un  jugement  qui  a  paru  trop  severe.  «  Ce  devait  etrc, 


•>..V|  FUANOK. 

a-l-il  ilit,  le  litre  dc  l'epoque;  Ies  lyrans  out  loujotirs  aime 

les  pot'tcs  de  cette  ecole;  ce  n'est  pas  pour  cux  que  s'elevent 

Irs  cchafauds  tic  Roucher  el  d' Andre  Ghcnicr,  epic  Syracuse 
a  ties  canities,  et  Florence  des  exils  !  lis  chantent,  cnuronnes 
dc  roses,  dans  les  banquets  des  mail  res  du  monde  et  dans  Ies 
saturnales  populaires.  Due  syinpatliie  secrete  Ies  attache  a 
toules  les  tyrannies ;  car  ccs  poctcs  trompent  les  hoinmes, 
tandis  que  les  sophistcs  les  corrompent  et  que  les  lyrans  les 
enchainent.  » 

Au  sujet  de  l'histoiic  de  lirctagne ,  Toraleur  a  regrette  que 
M.  Dam  n'eiil  pas  etudie  avec  plus  de  soin  cette  contrcc,  si 
riche  de  monumens  et  de  vieux  souvenirs.  II  aurait  vouhi 
aussi  qu'il  nc  se  tut  pas  arrete  precisement  a  l'epoque  de  nos 
troubles  civils,  et  qu'il  eut  peint  «  cette  population  simple  et 
devouee,  chez  qui  la  religion  et  la  royaute ,  n'ayant  pu  avoir 
leur  Salauiine,  peuvent  montrer,  du  moins,  leurs  Thcrmo- 
pyles.  » 

M.  de  Lamartine  remarque,  plus  loin,  que  ce  fut  M.  Dam 
qui,  dans  cette  menie  enceinte,  repondit  comme  direcleur  a 
M.  le  due  de  Montmorency;  et,  a  l'aide  de  cette  transition,  i! 
place  ici  un  juste  eloge  des  nobles  et  toncbantes  qualiles  de 
ce  dernier.  II  a  rappele  que  ce  fut  a  Iui-meme  que  cet  homme 
de  bien  adressa  les  derniers  mots  que  sa  main  defaillanle  ait 
traces,  et  s'est  montre,  avec  raison  ,  fier  d'un  tel  souvenir  et 
d'une  si  honorable  amilie. 

L'eloge  des  princes  de  la  ibmille  royal e  ,  et  surtout  du 
roi ,  a  succede  a  celui  de  Rl.  de  Montmorency.  Plus  loin, 
nousavons  remarque  ceux  de  plusieursacademiciens  illuslres, 
a  cote  desquels  M.  de  Lamartine  venait  de  prendre  j>lace.  Ces 
portraits,  ingenieusement  traces,  et  dont  Ies  applaudissemens 
souvent  repetes  par  le  public  ont  atteste  la  ressemblance, 
etuient  ceux  tie  MM.  Laine,  Roycr-Collard,  Villemain,  Ciivier 
et  Chateaubriand. 

Enfm ,  l'orateur,  jetant  un  coup  d'oeil  rapide  sur  le  xvme 
siecle  qui,  selon  lui,  n'a  pas  encore  de  nom,  et  qui  a  ete 
comble,  tour  a  tour,  de  taut  delouangeset  tie  maledictions,  lui 
compare,  avec  un  sentiment  d'orgueil,  que  la  generation  pre- 
sente  semble  toute  tlisposee  a  partager, le  siecle  tlonl  nousavons 
v  u  l'aurore.  Ici ,  prenant  en  quelquc  soite  un  ton  prophelique, 
lenouvel  elu  a  proclame  les  triomphes  futurs  tie  cette  jeunesse 
ardente  et  studieuse,  murie  avant  Page  par  taut  d'evenemens 
quj  se  sont  presses  autour  d'elle;  puis,  sans  laire  trop  ouverte- 
lement  l'apologie  de  la  reformation  litteraire,  il  a  vanle  Ies 
coryphees  dc  la  nouvelle  ecole,  et  presente  leurs  succes  pas- 
ses comme  gages  de  plus  grands  succes  a  venir ,  regarilant 


PARIS.  255 

il'ailleurs  comme  tres-probable  que  1'Academie  s'empresse- 
rait  bien  tot,  sans  acception  de  doctrine,  dc  leur  ouvrir  sos 
p  orles. 

Ce  discours  a  ete  termine  par  line  profession  de  foi  remar- 
qnable  sur  la  presse ,  que  l'orateur  regarde  «  comme  un  nou- 
veau  sens  donne  a  l'humanite  dans  sa  vieillesse  pour  la  eon- 
soleretla  rajeunir»  :  malgre  les  nombreux  abus  qu'elle  a  faits 
nailre,  il  ne  pense  pas  qu'on  pulsse  refuser  d'en  reiuercier  la 
providence,  ni  lui  rejeter  son  bienfait. 

Te!  a  etc,  a  pen  pres ,  ['ensemble  de  ce  discours  remar- 
quable,  souvent  interrompu  par  des  applaudissemens  unani- 
racs,  qui  a  revele  dans  son  autenr  un  lalent  d'oraleur  que 
le  public  ne  lui  connaissait  pas  encore,  et  qui  ne  manque  pas, 
comme  on  a  pu  voir,  d'une  cerlaine  analogieavec  son  talenl 
de  poete.  Le  style  a  lout  I'eclat  qui  convient  a  une  composi- 
tion de  ce  genre,  et  il  serail  aise  d'en  faire  disparaitre  des 
alliances  de  mots  bizarros,  des  antitheses  forcees  et  preten- 
tieuses,  et  quelques  autres  taches ,  qui  semblent  parfois  un 
tribut  paye  an  gout  de  la  nouvelle  eeolc. 

M.  le  baron  Cuvier  a  rcpondu  a  M.  de  Lamartine;  et  peut- 
etre,  malgre  la  supcriorite  de  son  merite  et  I'universalite  si 
bien  connue  de  ses  connaissances,  notre  illuslre  naturaliste 
n'etait-il  pas  le  plus  capable  de  bien  remplir  une  pareille 
tathe.  Nous  irons  meme  jusqu'a  supposer  que,  par  la  nature 
de  ses  travaux  et  le  genre  de  son  style,  Si.  Cuvier  ne  doit  pas 
eprouver  une  bien  vive  sympathie  pour  les  Meditations  pocti- 
ques.  Aussi,  sa  reppnse,  ecrite  d'ailleurs  avec  une  elegante 
purete,  et  dictceparle  sentiment  le  plus  parfait  des  convenances 
dc  tout  genie,  mais  on  ne  dominait  pas  une  conviction 
puissante,  a-t-elle  paru  un  pen  pale,  a  cote  dc  la  brillanfe  et 
chajfureuse  composition  de  M.  de  Lamartine.  On  y  a  pourtanl 
remarque  un  portrait  de  M.  Daru,  plus  anime,  plus  equita- 
ble surtout,  sous  quelques  rapports ,  que  celui  qu'avait  trace 
le  recipiendaire,  et  une  heurcuse  et  delicate  comparaison 
entre  ce  dernier  et  bird  Byron,  qui  a,  comme  on  sait,  inspire 
a  l'auteur  des  Meditations ,  les  plus  beaux  vers,  peut-etre,  qui 
soient  sortis  de  sa  plume. 

iM.le  directeura  termine,  en  exprimant  le  vceu  que  le  jeune 
successeur  de  M.  Daru  se  decidat  quelque  jour  a  remplir  les 
lacunes,  assez  etranges  en  effet,  qu'on  remarque  dans  ses  der- 
iiK-res  compositions;  I'iuvitant  a  ne  pas  oublier,  au  milieu  de 
ses  travaux  diplomatiques,  que  le  poete,  ret  instrument  du 
grand  concert  de  (a  creation,  a  aussi  des  devoirs  a  remplir  di- 
vers la  socit'te  dont  il  fait  le  cbanne  (cette  derniere  phrasi- 
faisait,  dit-on,  allusion  a  la  nomination,  deja  annoncee»  do 


■jf.i;  FRANCE. 

M.  de  Lamartine  a  l'ambassade  deGrece).  Enfm,  repondant 
a  la  pensee  plus  encore  qu'aux  paroles  du  reripiendaire,  M.  le 
dirccteur  a  declare  que  l'Acadeniie  s'empresserait  d'ouvrir  ses 
portes  a  tous  les  ecrivains  (|ui,  sans  offender  la  ?-aison  ill  la 
langue ,  feraieut  faire  a  la  litterature  quelques  pas  nouveaux, 
ainsi  que  l'avait  si  heureusement  tente  M.  de  Lamartine. 

Pour  terminer  cette  seance  ,  M.  Lebutjn  a  lu  ties  vers  tut  lq 
beaute  du  del  d'Athenes,  et  une  Ode  snr  an  voyage  au  man/ 
Liakoura  ( l'ancien  Parnasse).  On  a  applaudi ,  dans  cette  der- 
niere  piece,  quelques  vers  heureux  et  un  style  toujours  cor- 
rect et  facile.  Quelques  personnes  n'ont  pu  s'empecher  de  re- 
rnarquer  que  ces  souvenirs ,  tout  classiques ,  du  Parnasse  et 
des  muses  paiennes,  faisaient  un  contraste  singulier  avec  les 
doctrines  romantiqlies  qui  respirent  dans  le  discours,  non 
moins  que  dans  les  poesies  ,  du  nouvel  academicien.    Y.  Z. 

—  \1  Academic  francaise,  dans  sa  seance  du  20,  avril,  a  elu, 
a  la  place  vacante  par  la  mort  de  M.  de  Lally-Tollendal, 
M.  de  Pongerville,  l'un  de  nos  collaborateurs,  dontle  talent 
s'est  revele  par  un  succes  qui  rappelle  celui  des  Georgiques 
de  Delille.  La  traduction  de  Lucrece,  l'ouvrage  peut-etre  le 
plus  durable  qu'ait  produit  noire  epoque,  a  etendn  le  do- 
maine  de  notre  langue  philosophique  et  enrichi  notre  poesie 
d'une  multitude  de  tours  et  d'images  qui  donnent  a  cette  pro- 
duction l'empreinte  d'une  veritable  originalite.  Le  public  lit- 
teraire  avait  marque  la  place  de  M.  de  Pongerville  a  I'Acade- 
mie  francaise,  des  le  moment  ou  parut  sa  belle  traduction, 
qui  n'est  pas  son  seul  litre  aux  honorablcs  suffrages  qu'il  a 
obtenus.  —  Un  incident  remarquable  a  signale  cette  election, 
pour  laquelle  l'Academie  s'etait  reunie,  des  le  22  avril,  sans 
pouvoir  obtenir  aucun  resultat,  malgre  plusieurs  tours  de 
scrutin  successifs  :  elle  fut  done  obligee  de  consacrer  une  se- 
conde  seance  a  cette  operation,  ce  qui,  je  crois,  n'avait  pas 
encore  eu  lieu.  Les  principaux  concurrens  de  M.  de  Ponger- 
ville etaient  MM.  Ancelot,  Cousin  et  Scribe. 


Union  encyclopedia ue  pour  la  propagation  des  connaissances 
utiles.  —  Une  association  vient  de  s'organiser,  a  Paris,  sous  la 
direction  et  par  les  soins  de  M.  Bailly  de  Merlieitx;  elle  se 
propose  de  faire  composer,  et  de  repandre  par  toute  la  France, 
des  Traites  elementaires  bien  faits ,  sur  chacune  des  branches 
des  connaissances  humaines.  Une  Societe  de  meme  nature,  ef 
qui  se  propose  le  meme  but,  existe  en  Angleterre  depuis  trois 
ans  et  a  deja  obtenu  de  beaux  resullats.  Nous  allons  dou- 
ner    quelques    details    sur   1' organisation    de    VUninn    rncy- 


PARIS.  257 

clopcdiquc,  dont  le  directeur  est  dejA  connu  par  d'ulilcs  pu- 
blications, ctcntre  nnivcsynvY  Encyloprdic  portative,  dont  nous 
avons  annonce  les  livraisons  successives,  et  a  laquelle  Y  Union 
encylopedique  doit  dormer  des  developpemens  nouveaux  et 
etendus.  Un  Conscil  de  perfeclionnemcnt ,  compose  de  soixante 
Membres-Assistanset  de  cent-vingt  Membrcs-Auxiliaires,  sera 
choisi  parmi  les  homines  les  plus  celebres  par  leur  savoir  dans 
tous  les  genres.  Le  Tableau  de  tons  les  ouvrages  qui  doivent 
composer  cette  Bibliotbeque  universelle,  comprend  trois  se- 
ries, les  Sciences,  Leltres  et  Beaux-Arts,  les  Arts  industriels, 
Manufactures  et  Metiers,  l'Histoire,  la  Geographie  et  les 
Voyages.  Un  Rccueil  mensuel,  sous  le  litre  de  Memorial  En- 
cyclopcdique ,  destine  a  enregistrer  les  progres  journaliers  de 
cbaque  branche  des  connaissances,  sert  de  supplement  el  de 
suite  necessaire  a  la  collection,  qui  deviendra  par  la  une  ve- 
ritable  Encyclopedie  progressive.  Eh  fin,  le  Mode  de  souscriplion, 
tout-a-1'ait  neuf ,  assure,  mais  aux  premiers  souscripteurs  seu- 
lcment  :  i°  l'avantage  de  ne  payer  les  volumes  que  2  fr.  an 
lieu  de  5  fr.  5o  c. ;  2"  les  trois-quarts  dans  les  benefices  de 
l'entreprise,  benefices  qui  peuvent  etre  tels  que,  si  les  ouvra- 
ges, publics  par  la  Societe,  obtiennent  seulement  un  succes 
six  fois  moindre  que  ceux  qu'a  publics  la  Societe  anglaise,  ces 
souscripteurs  auront  gratis  une  Bibliollirque  en  000  volumes 
avec  un  Recueil  periodique,  et,  en  outre,  un  reveuu  annuel 
de  100  fr.  Nous  ne  pouvons  entrer  dans  plus  de  details  sur 
cette  vaste  entreprise,  dont  le  prospectus  lui-meme  est  un 
grand  ouvrage  ;  nous  ajouterons  seulement  que  le  but  princi- 
pal de  la  Societe  etant  de  repandre  partout  des  connaissances 
positives ,  le  nombre  des  souscriptions  admissibles  a  etc  fixe, 
pour  chaque  ville  et  pour  cbaque  deparlement,  en  raison  de 
la  population  (1). 

Ecole   prcparaioire   d' agriculture   reunie  d  I' institution   de 
M.    Dupras,    rue  du    Faubourg  -  Saint-  Honorc ,    n"   98.    — 


(1)  Conditions  de  la  souscriplion.  Celte  Bibliolbique  universelle  des  con- 
naissances bumaines  se  compose  de  trois  series,  chacunc  de  100  volumes, 
format  grand  in-3?,  dont  5o  ont  paru,  ou  de  100  livraisons,  format  grand 
in-8°,  dont  oj  sont  publiees;  piix,  pour  les  souscripteurs  ayanl  part 
dans  les  benefices,  2  fr.  le  vulume  ou  la  livraison  ;  pour  les  souscripteurs 
Don  actionnaires,  3  fr.  ;  par  irailes  scpares,  3  fr.  5o  c.  le  volume;  abon- 
nement  au  Memorial  encyclcpediquc,  pour  les  actionnaires,  6  fr.  par  an- 
nec ;  pour  les  autres  peisonnes,  10  IV.  —  Pour  rtceVoir  frane  deport,  par 
la  I'ostc,  il  fant  ajputer  25  cent,  par  volume  ou  livraison.  —  Les  letlM \s, 
demandes  et  souscriptions  doivent  etre  adi  essees  (franco)  aux  IUhkwx 
du  direction  dk  l'Union  Enc  yci.OPEdiquk,  rue  du  Jat  fliiiet,  n"  8,  a  f'aiis. 

T.    XLV1.    AVRIL   l85o.  1  7 


j58  FRANCE. 

Les  sciences  agronoiniqucs  vont  avoir  a  Paris  unc  institution 

digue  d'etre  comparee  a  celle  que  les  arts  industriels  ont  si 

lieureusement    acquise.     Esperons   que   celle-ci   obticndra . 

romme   la   premiere,  le   succt-s   que  tout    semble    lui  pro- 

ineltre. 

L 'experience  a  deja  prouve  1'importance  des  ccoles  prepa- 
ratoires  pour  les  services  publics,  l'industrie,  le  commerce  et 
les  beaux-arts.  L'agriculture,  cette  source  premiere  de  nos  ri- 
chesses,  ne  pouvait  rester  etiangerc  a  ce  besoin  general  d'ins- 
truction  speciale.  M.  Blanq,  ancien  eleve  de  l'Ecole  Polytech- 
nique,  apres  s'etre  livre  pendant  plusienrs  aunees  a  I'etude 
de  1'borticulture,  de  l'agriculture  et  des  arts  accessoires,  a 
eompris  combien  il  serait  utile  d'elever  au  niveau  des  autrea 
branches  de  l'industrie  humaine  cette  agriculture  qui  a  peut- 
etre,  plus  que  d'autrcs  sciences,  l'avantage  d'ouvrir  des  de- 
bouches nouveaux  et  durables  aux  generations  qui  s'elevent. 

Pour  donner  aux  families  toutes  les  garanties  desirables, 
apres  avoir  fait  choix  d'une  institution  honorablement  connue 
oii  les  eleves  sont  soumis  a  une  surveillance  qu'une  longue 
pratique  peut  seule  assurer,  le  fondateur  de  l'ecole  prepara- 
toire  d'agriculture  s'est  environnc  des  lumieies  de  professeurs 
speciaux. 

Les  dessins  topographique  et  descriptif,  l'arpentage  et  le 
lever  des  plans,  seront  enseignes  par  M.  Gavard,  ingeuieur 
geographe,  ancien  eleve  de  l'Ecole  Polytechnique,  et  inven- 
teur  d'instrumens  propres  a  i'aciliter  divers  genres  de  dessins. 
Les  notions  generales  de  physique,  de  chimie,  de  meteorolo- 
gie  seront  donnees  par  M.  Despretz,  repetiteur  a  l'Ecole  Poly- 
technique, ancien  capitaine  d'artillerie,  et  l'un  des  redacteurs 
du  Journal  da  genie  civil.  Les  principes  de  la  reproduction, 
de  la  vegetation  et  du  perfectionnement  des  plantes  seront 
developpes  par  M.  Oscar  Leclerc-Thouin,  de  laSociete  royale 
et  centrale  d'agriculture,  de  celle  d'horticulture,  ex-pro- 
fesseur  suppleant  au  jardin  du  Roi  pour  le  cours  de  son  oncle, 
Andre  Thoui'n,  dont  il  a  public  les  oeuvres. 

Arts  accessoires.  —  M.  Hizard  fib,  de  la  Societe  royale 
et  centrale  d'agriculture,  collaborateur  des  Annates  itagricul- 
ture,  donnera  aux  eleves  les  elemens  de  la  connaissance  des 
animaux  utiles  a  la  nouriiture,  au  vetement  et  au  service  de 
1'homme  en  societe.  — M.  Dubrhnfatjt,  auteur  de  plusienrs 
ouvrages  speciaux,  et  fondateur  du  journal  V A griculteur  ma- 
nufactm-ier,  fera  quelques  lecons  theoriques  sur  la  fabrication 
du  sucre  de  betterave,  la  fei  ulation,  la  distillation,  etc.  Enfin, 
M.  de  Valcofrt  aine.  I'ami  et   qnelqnefois  l'aide  de  MM.  dt 


PARIS.  d5§ 

Dombaslc  et  Bella,  a  promis  aussi  a  M.  Blanq  le  seconrs  tie  sa 
grande  experience. 

La  science  agricole  s'appuyant  sur  un  ensemble  de  connais- 
sances  varices,  on  sent  la  necessite  que  le  directeur  assiste 
aux  divers  cours,  afin  de  conserver  l'unile  si  necessaire  dans 
ce  nouveau  genre  d'enseignement,  afin  de  donner  a  ces  cours 
tons  les  developpemens  theoriques  et  pratiques  dont  ils  sont 
susceptible*,  et  surtout  afin  de  faire  apprecier  leur  liaison 
avec  l'agriculture. 

Pour  bien  faire  comprendre  cette  idee  d'ensemble,  pour 
bien  etablir  cette  liaison  des  sciences  et  des  arts  avec  l'agri- 
culture,  M.  Blan([  penetrera  bien  les  eleves  d'idees-meres, 
telles  que  celle-ci  :  qu'une  exploitation  rurale  n'est  autre 
cbose  qu'une  fabrique  dont  le  directeur  met  a  profit  lous  les 
agens  naturels  et  artificiels  dont  il  pent  disposer  pour  pro- 
duire  des  objets  utiles  a  la  societe.  De-la  ressort  la  necessite 
d'une  comptabilite  commerciale  et  des  economies  rurale  et 
industrielle,  qui,  elles-memes,  exigent  des  connaissances  en 
arithmelique,  en  geoinetrie,  en  arpentage,  en  arcbitecture, 
en  mecanique  et  en  bistoire  naturelle. 

En  assistant  a  cbaque  lecon  des  professeurs,  le  directeur 
pourra  s'assurer  de  l'attention  qu'y  apportent  les  eleves.  II 
en  interrogera  inimediatement  un  ouplusieurs,  pris  au  hasard, 
et  parviendra  ainsi  a  connaitre  la  capacite  de  cbaque  eleve  ; 
c'est  alors  que,  par  des  conversations  familieres,  il  arrivera 
a  faire  saisir  par  les  intelligences  les  plus  paresseuses  ce  qui 
aura  pu  leur  echapper  pendant  le  cours  des  lecons  generales. 
Kn  un  mot,  sa  mission  speciale  sera  celle  d'un  fFeily  (1)  des 
classes  aisees  de  la  societe. 

Perfectionnemenl  dans  la  fabrication  du  chocolat.  —  La  mai- 
son  qui  avait  acquis  le  plus  de  reputation  en  ce  genre  vient 
d'anieliorer  encore  cette  branche  d'industrie.  MM.  Debauvk 
et  Gallais,  ex-pharmaeiens  et  fabricans  de  chocolats  du  roi, 
rue  des  Saints-Pires,  n°  2(i,  out  etabli  dans  leurs  laboratoi- 
res  une  machine  qui  offre,  outre  l'avantage  d'une  trituration 
parfaite,  celui  de  ne  pas  presenter  l'emploi  du  fer  comme 
moyen  de  broiement;  ce  qui  fait  que  le  cacao  conserve  toute 
la  finesse  de  son  arome  et  lonte  Pexcellence  de  ses  proprietes. 
La  maison  de  MM.  Debauve  et  Gallais  est  connue  depuis  long- 
lems  par  Pinvention  du  cbocolat  analeptique  ou  reparateur 
au  salep  de  Perse,  et  du  cbocolat  adoucissant  au  lait  d'amande. 
Le  premier  est  un  des  alimens  les  plus  convenables  aux  per- 

(i)   Nom  du  <li:PCteur  <\c  PEcole  <tcs  jiauvrrs  de  HofWil  ("Suisse  . 


a6o  FRANCE. 

sonncs  affaiblies,  qui  ont  besoin  de  trouver  sons  up  petit  vo- 
lume line  nourriture  abondante,  de  facile  digestion,  et  non 
moins  agreable  que  resiaurante  ;  le  qhocolat  au  lait  d'amandc 
convicnt  pins  specialeincnt  aux  pcrsonnes  qui  sonffrent  dc  la 
poilrinc,  et  dans  les  convalescences  dcs  gastrites;  I'usage  de 
cc  dernier  oflVc  L'avantage  de  jouir  des  proprietes  precieuses 
du  cacao,  sans  avoir  a  redouter  son  action  stimulante. 


Cltroniquc  des  theatres  pendant  le  mois  Wavril  1800. — Qua- 
torze  premieres  representations  out  eu  lieu,  dcpuisle  icr  avril, 
sur  les  diflerens   theatres  de  Paris,   a  l'cxclusion  toutefois  de 
I'  Academie  dc  musique  et  du  Thcdtre-F  rancais,  qui  n'ont  pas, 
du  reste,  la  pretention  dc  rivaliser  d'activile  avec  leurs  con- 
currens  d'un  ordre  inferleur.  —  VOpera-Comique  a  donne,  le 
•ib  avril,  Danilowa,  opera  en  3  actcs,  par  MM.  Vial  et  Paul 
Ihu'ORT,  musique  de  M.  Adolphe  Adam.  Cette  piece  a  obtenu 
uit  honorable   succes.   Le  poemc  offre  des  situations  interes- 
sautes,  un  denoument  imprevu  et  satisfaisant ;  mais  on  pent 
Ini  reprocher  de  la   lenteur  et  quelquefois  du  vide  dans  Pac- 
tion; quant  a  la  partition,  ouyrage   d'un  jeune  compositeur 
plein  d'beureuses  dispositions,   mais  qui  ne  s'etait  encore  es- 
saye    que    dans  des  productions  moins    importaules ,    on    y 
trouve  des  chants  gracleux,  un  orchestre  souvent  brillant  et 
spiriluel  el  plusieurs  morceaux  pleins  d'effet   et  decoloris; 
mais  on  pourrait  peut-etre  desirer  de  plus   frequentes  traces 
d'inspiration,  plus  d'elan  et  de  verve,  des  idees  plus  neuves 
et  plus  individuelles.  —  UOdcon,    apres  avoir   eprouve  un 
nouvel  echec  a  la  premiere  representation  de  VEcole  du  Pau- 
vre,  comedie  en  5  actes  et  en  prose,  par  MM.   Brunswick  et 
Maillakt  (17  avril) ,  dont  l'idce  premiere  ne  manquait  point 
de   verite,   mais  dont  l'cxecution   denote  I'inexperieoce  des 
auteurs,  est  parvenu  a  faire  accueillir  (le  5o  avril)  par  le  public 
line  comedie  en  5  actes  et  en  prose  :  Ma  Femme  et  ma  Place, 
par  MM.  Bayard  et  Gustave  de  Wahia.  Cette  comedie  est  unc 
fort  jolie  piece;  il  y  a  des  peintures  de  mauirs  et  de  carac- 
lere,  un  pen  vieilles  de  fond,  mais  ravivees  par'des  details 
piquans  et  un  coloris  assez  frais;  Taction  n'est  ni  bien  origi- 
nate, ni  bien  fortement  nonce  ;  mais  elle  est  rapidc  et  gaie  ;  le 
dialogue  roule  Irop  souvent  sur  des  plaisanleries  un  peu  uni- 
Fonnes,  et   theme  un  pen  usees  sur  ['administration  et  sur 
la   situation  equivoque  du  mari.  mais  elites  sent  si  vives  et  si 
vpiriiuelles,  qu'elle's  ont  tenu  continuellement  en  haleine  I'at- 
lention  des  spectateurs;  des  applaudissemens  de  bon  aloi,  et, 


PAI1IS.  b#* 

tc  qui  vaul  encore  mieux,  le  lire  qui  n'a  cesse  de  cotirir  dang 
Fassemblee ,  out  constate  un  succes  qui  n'a  pas  etc  uu  seul 
instant  iucertaiu,  et  qui  attirera  du  monde  a  I'Odeon,  ou  I'bn 
altendait  depuis  long-lenis  uue  comedie  qui  vinl  rompre,  sin- 
ce theatre,   la  mauvaise  chance  de  la  muse  coniique.   Nous 
avons  dit,  lorsque  nous  avons  rendu  coinpte  de  la  piece  de 
M.  C.  Bonjour,  le  Protecleur  et  le  Mari,  ce  qu'il  faudrail,  selon 
nous,  de  hardiessc  pour  traiter  dans  le  vii'un  pared  sujet;  les 
deux  jeunes  auteurs  ne  l'ont  point  essaye,  et  il  ne  faut  pas  leur 
deinander  une  peinture  large  et  grandiose,  quand  ils  n'ont 
voulu  tracer  qu'une  esqnisse.  Les  inconveniens  de  solliciler 
une  place,  quand  on  est  le  mari  d'une  jolie  lemmc  qui  sollicile 
de  moitie,  se  bornent  ici  pour  le  mari  a  quelques  inquietudes 
dont  il  est  bientut  debarrasse,  parce  que  sa  lemme  est  aussi 
vertueuse  que  belle:  on  pent  amuser  quelques  iuslans  par  le 
developpement  d'une  pareille  idee,  et  c'est  cc  qu'ont  fait  avec 
un  vrai  talent  MM.  Bayard  et  Guslave  de  Wailly;  mais  nous 
atlendons  encore  le  poete  invenleuret  vigoureux  qui  trouvera 
dans  ce  sujet  la  donnee  profonde,  le  coniique  de  Moliere.  — 
he  theatre  de  Madame  a  donue  ,  le  1"  avril,   le  Couckev  de  la 
Mariee,  vaudeville  en  2  actes,  par  M.  Felix,  ou  Ton  a  remar- 
que  quelques  situations  piquantes  et  neuves,   au  milieu  d'un 
fond  commun  et  rebattu  ;  puis,  Philippe,  comedie-vaudeville 
en  1  acte,  par  MM.  Scbibe,  Melesvili.e  et  Bayard.  On  a  re- 
proche  de  1'invraisemblance  aux  donnees  principales  de  ce 
drame,  qui  sont,  du  resle,  empruntees  a  Frederic,  Ionian  de 
M.  Fievee ;  mais  on  y  a  admire  un  art  infini  dans  l'encliaine- 
nient  des  scenes;  des  situations  patheliques,  rendues  souvent 
avec  un  profond  sentiment  de  passion  ;  des  caracteres  vigou- 
reusement  traces;   un  dialogue   adapte  au  sujet,    energicpie 
sans  declamation  lorsque  la  circonstance  le  couiporte,   seme 
de  mots  heureux  et  de  spirituellcs  saillies,  entache  toutelbis 
de  terns  a  autre  de  mauvais  gofit  et  d'affcctation  ;  enfin,  le  jeu 
des  acteurs  et  surtout  de  Gonticr,   qui  est  admirable  dans  le 
role  principal.   C'est  encore  un  triomphe  a  joindre  a  la  liste 
deja  si  longue  des  succes  de  M.  Scribe  et  de  ses  collaborateurs 
les  plus  habituels.  —  Aux  Varieies,  trois  chutes  encore  :  la 
Mariee  d  I'encan,  tableau  villageois  en  1  acte,  par  MAI.  Duclos 
et  Felix  (5  avril);  le  Bal  de  CAvoue  ou  les  Quadrilles  hislo- 
riques,  comedie-vaudeville  en  1  actes,  par  MM.   Duflos  et 
Leon  (16  avril);  le  Voyage  en  Suisse ,  vaudeville  en  1  acte, 
renoii'vele  de  Patrat  (29  avril).  —  Aux  Nouveautes ,  Belle  et 
Bossuc  ,    ou    le    Medecin   orthopediste ,    vaudeville  en  a  actQS 
(  7  avril  ) ;  et  IcMari  au.r  neuf  i  cnuncs  .  vaudeville  en   1  act** 


■i(Si  FllANtfi. 

(  i3  avril) ,  qui  incident  tout  an  plus  d'fitre  cites;  et  Rafael, 
piece  en  3  actes,  melee  dcchanls,  par  M.  Tiieaulon  (aGavril), 
lenlalive  nialheureii.se  dans  le  genre  frcnctique  el  horrible , 
qui  aura  de  la  peine  a  sc  naturalise!-  hois  de  sa  sphere  indi- 
gene ,  les  theatres  du  boulevard.  —  Le  IkiOtre  de  la  Porte- 
Saint-Martin  a ,  denouveau,  essaye  avec  bonheur  de  trans- 
porter sur  noire  scene  line  des  compositions  les  plus  poctiqucs 
de  Shakespeare. Shylocl;,  !nclodramecn3actes,  par  JIM.  Dulac 
et  Allard,  a  paru  le  i"  avril,  et,  malgro  un  dialogue  comniun 
el  diffus,  declamatoire  jusqu'au  ridicule,  malgre  qui'lqiics 
iiialadresses  des  auteurs  qui  out  lausse  quelquelbis  la  concep- 
tion originale  en  voulant  l'adapter  aux  habitudes  et  aux  exi- 
gences de  notre  theatre,  a  excite  d'unanimes  applaudisscniens. 
—  L' ' Ambiga-Comiqae  a  entrepris  de  donner  une  parodie  de 
la  Christine  de  M.  Dumas,  sous  le  litre  de  Cliaitlot,  Surenc  et 
Charenlon  (  26  avril ),  qui  n'a  point  reussi :  et  la  Gaitc  a  monte 
une  piece  en  2  actes,  les  Demoiselles  (  1'4  avril),  dont  le  comi- 
que  n'a  pas  etc  du  go  fit  de  l'auditoire.  —  Nous  ne  termincrons 
pas  cettc  revue,  sans  annoncer  l'ouverture  d'un  theatre  alle- 
mand ,  on  Ton  se  propose  de  representer  successivement  les 
chefs-d'oeuvre  de  l'ecole  musicale  d'Allemagne.  On  y  a  vu 
deja,  depuis  le  16  avril,  le  Freyschuiz,  de  "Weber,  Faust,  de 
Sfohr,  le  Sacrifice  interrompu ,  de  AVinter  ,  et  Bibiana,  de 
M.  Pixis.  Nous  reparlerons  de  eelte  entreprise  qui  merite,  a 
tons  egards,  d'etre  encouragee,  et  de  l'effet  qu'elle  aura  pro- 
duit. 


Beaux -arts.  —  Peinture  en  mosalquc ;  Etablissement  de 
mosaique  monumcnlale  de  M.  Barberi ,  rite  des  Tourneltcs, 
n"  32,  d  Paris.  —  L'art  de  la  peinture  en  mosaique  ,  cultive 
avec  succes  par  les  anciens,  neglige,  comme  tons  les  autres, 
dans  la  barbarie  du  moyen  age,  repaint  avec  eclat  en  Italie, 
vers  la  fin  du  xve  siecle.  De  beaux  ouvrages  furent  faits  alors 
dans  l'eglise  de  Saint-Marc,  a  Veuise.  Au  commencement  du 
xvine  siecle ,  des  mosa'iques  Tort  remarquables  aussi  furent 
composees  pour  la  coupole  de  Saint-Pierre  de  Rome.  Napo- 
leon,  qui  avait  deja  encourage  cet  art,  en  faisant  copier  en 
mosaique  le  tableau  tie  la  Gene  de  Leonard  de  Vinci  qui  se 
trouve  a  Milan  ,  fonda  a  Paris  une  ecole  dont  la  direction  fut 
conliee  a  M.  Beixoni  :  nous  n'oserions  pas  avancer  que  cet 
etablissemenl  a  ete  de  pen  d'ulilile  ;  mais  il  est  certain  que  ce 
qu'il  a  produil  en  eleves  el  en  liuvaux  est  gcncralemcnt  pen 
COnnu.  — Cclui  dont  nous  entretenons  aujourd'hui  nos  lee- 


PARIS.  -jdT) 

leurs  a  ete  i'onde  et  soulcnu  par  les  soins  et  aux  irais  (I'imi 
simple  particulier,  M.  Barbed,  eleve  d'Aguatti,  et  qui  a  tra- 
vaille  long-tems  en  Italie,  aupres  du  prince  Eugene  Beauhar- 
nais,  qui  lui  fit  executer  plusieurs  tableaux.  Depuis,  il  s'est 
constamment  oceupe  de  son  art;  il  a  fait  pour  l'empereur  de 
Llussie  plusieurs  beaux  ouvrages,  notamment  le  portrait  de 
l'empereur  Alexandre  et  up  tal)leau  representaut  le  Triomphe 
de  I  Amour ,  qui  se  trouve  aujourd'hui  au  Musee  de  Saint- 
Pctersbourg.  M.  Barberiaenrichi  1'artqu'il  cultive  de  plusieurs 
perfeclionnemens  notables.  Le  principal  est  d'employer  des 
matiercs  vilrifiables  donl  il  modifie  la  forme  a  volonte,  par  le 
moyen  du  chalumeau.  Jusqu'ici,  on  avait  taille  les  materiaux 
an  marteau,  et  ils  conservaient  une  forme  cubique  qui  donnait 
iles  difficultes  et  une  grande  monotonie  a  1'execution  des  des- 
igns. Ce  procede  offre  un  autre  avantage  tics-important  :  il 
iburnit  la  possibilite  de  laisser  a  certaines  teinlcs  des  tableaux 
la  transparence  qu'elles  ontsur  la  toile.  Du  reste,  M.  Barberi 
nest  point  un  de  ces  artistes  qui  s'arretent  et  se  reposent,  fati- 
gues de  leurs  efforts,  des  qu'ils  ont  fait  un  pas  dans  la  carriere  : 
il  espere  pousserplus  loin  le  perfectionnement  dont  Part  de  la 
mosai'que  est  susceptible,  et  il  ne  craint  pas  de  s'adresser  aux 
sciences  physiques  pour  en  obtenir  les  secours  qu'il  peut  en 
attendre.  —  L'alelier  de  l\l.  Barberi  sera  visite,  avec  interet  et 
avec  fruit,  par  les  artistes  et  par  les  curieux,  qu'il  admet 
volonliers  a  juger  scs  ouvrages.  iNousy  avons  vu,  avec  beau- 
coup  de  satisfaction  ,  de  nombreux  travaux,  bien  propres  a 
exciter  I'admiration  des  personnes  qui  connaissent  les  im- 
menses  difficultes  de  la  mosai'que,  et  notamment  une  lete  de 
Silcne,  de  grandeur  naturelle,  un  portrait  de  V 'empcreur  Alexan- 
dre ,  d'apres  M.  Gerard;  des  poissons ,  des  quadrupcdes ,  des 
oiseaux ,  des  fleurs ,  etc.  ■ —  On  aime  a  voir  la  capitale  de  la 
Trance,  veritable  chef- lieu  du  monde  civilise,  s'embellir 
chaque  jour  par  les  tributs  que  viennent  lui  payer  des  etran- 
gers  de  tous  les  pays,  savans,  artistes,  simples  amateurs  du 
beau  et  des  arts,  dont  le  nombre  serait  beaucoup  plus  conside- 
rable et  ajouterait  a  l'aisance  et  a  la  prospcrite  de  noire  pa  trie, 
sans  les  malheureuses  passions  politiques,  aveugles  et  intole- 
rantes,  qui  nous  ont  empeche,  depuis  plusieurs  annees,de 
rcconnaitre  les  nouveaux  tlats  de  l'Amerique  du  sud,  et  qui 
offrent  des  symptomes  affligeans  de  disaccord  entre  les  cou- 
seillers  de  la  couronne  et  la  nation,  svmptomes  qui  eloignent 
de  notre  sol  hospitalier  beaucoup  de  branches  d'industrie  et 
beaucoup  de  families  ilisposees  a  s'y  etablir.  N. 

—  Carporama.   —  Les  savans,  leg  navigateurs.  eiifiu,  le 


uG4  I'll  A  N  G  E.  —  N  EC  IK)  I  AH'.  I E. 

public  sont  admis  a  present  a  examiner  le  Carporamct,  ou 
Collection  des  plantcs  el  fruits  lie  I'Inde  ,  par  1'cu  Kobillaro 
d'Argentelle,  qui,  tie  1802  a  i8ii(J,  employa  vingt-quatre 
annccs  a  les  modeler  ligc  par  tigc,  feuillc  par  feu  i  lie  :  travail 
unique,  d'une  solidite  a  tonle  cpreuve,  et  dont  les  precedes 
sont  deja  perdus.  La  Rente  Encyclopedic/ tie  (voy.  t.  xnn, 
p.  5i5)  a  insere  1111  precis  du  rapport  fait  a  V Academic  des 
sciences,  par  MiW.  Desfontaines ,  Labillardiire  ct  Cass  in i  sur 
«cette  collection  de  1  13  plantcs  representees  tie  grandeur natu- 
relle,  avec  une  perfection  telle  qu'clle  pent  faire  illusion  aux 
yeux  du  botaniste  le  plus  exerce.  »  An  moment  on  ellc  allait 
etre  embarquee  pour  l'Europe,les  liabilans  tie  i'llc-tle-Franre 
solliciterent  en  foule  la  favour  de  1' admirer  une  dcrniere  fois. 
Ces  beaux  ouvrages  tie  1\1.  d'Argcntelle  sont  pour  nous  d'un 
bien  autre  prix  :  ils  nous  procurent  la  eonnaissance  parfaite  des 
productions  les  plus  intercssantes  que  la  nature  ait  proiliguees 
avec  taut  de  richessc  entrc  les  tropitpies,  el  tpie  jusqu'ici  nous 
ne  pouvions  apprecior  que  d'apres  des  dessins  et  des  gravures 
plus  011  moins  exacts,  line  visile  an  Carporama  promet  une 
instruction  precise  a  la  jcunesse  :  e'est  surtoutpour  les  artistes, 
fatigues  de  reproduire  inccssamment  nos  plantcs  et  nos  fruits 
d'Europe,  qu'ily  auraproiita  etudier,  d'apres  nature,  le  port  des 
raineaux,  les  formes  si  varices  et  les  teintes  si  delicates  de  ces 
vegelaux  extraortlinaires;  le  cocolier  gigautcsque  etla  pomme 
tie  Cythere,  le  sagoutier  et  la  grenadille,  l'arbre  a  pin,  le  ca- 
caoyer,  le  nmscadier,  le  pamplenioussier,  etc.  Les  amis  tics 
sciences  et  des  arts  doivenl  desirer  que  le  Carporama,  qui  est 
momentanement  expose  rue  Grange-lkilclicrc,  n"  2,  reslc  a  la 
France,  et  qu'il  soil  acquis  par  le  goiivernenient  pour  ac- 
croitre  les  ricbesses  du  Musee  maritime.  Mais  cet  etablisscmcnt 
national,  quand  sera-l-il  livre  a  la  curiosite  et  aux  etudes  du 
public?  hid.  L — n. 

NECUOLOGIE. 

Angleterre.- —  Georges  Tierney,  membre  du  parlement. — 
Ne  a  Gilbraltar,  le  20  mars,  17G1,  Tierney  etait  fds  d'un  ne- 
gociant  anglais,  qui  le  fit  clever  an  college  d'Eton  ;  il  prit  en- 
suite  scs  tlegres  a  Cambridge.  II  se  destinait  au  barreau,  mais 
la  inort  de  trois  freres.  le  laissant  scul  heritier  dela  fortune  de 
son  perc,  lui  permit  d'aspirer  aux  honneurs  tie  la  carriere  par- 
lementaire.  En  1788,  sous  lc  ministere  de  Pitt,  il  publia  uneerit 
avec  lc  litre  iVEssai  sur  la  situation  recllc  de  la  Cornpagnic,  des 
ludcs  comparcc  d  ses  droits  et  d  scs  privileges;  ccttc  question 


NFXROLOGIK.  jG5 

qui  s'agitait  alors  aux  Chambres  etait  d'une  haute  importance, 
et  soulevait  une  foule  clc  passions  et  d'interets  :  le  ministers 
avait  pris  1'infliative ,  lorsque  cette  brochure  vint  donner  un 
dementi  formel  a  toutes  les  assertions  failes  par  Pitt  sur  Petal 
et  les  ressources  de  la  Compagnie.  Des  lor?,  les  croyances  po- 
litiques  de  Tierney  furent  connues,  et  il  se  trouva  neecssaire- 
ment  faire  partie  do  l'opposilion.  Arrive  a  la  Chambre,  apres 
deux  tentatives  malheureuses,  il  vint  prendre  place,  en  1796, 
dans  le  parti  oppose  a  Pitt,  aux  Burkisies ,  et  a  tons  les  de- 
tracteurs  de  la  revolution  francaise.  II  1'ut  de  Ires  bonne  foi 
dans  la  cause  qu'il  avait  embrassee,  et  ne  se  laissa  ebranler 
ni  par  les  sophismes  de  ses  adversaires,  ni  par  les  crises  qui, 
plus  d'une  fois,  amenerent  des  defections  parmi  les  partisans 
de  la  republique  an  parte  merit  anglais.  Ennemi  acharne  dfi 
Pitt,  il  s'attaquait  indislinctement  a  tous  ses  actes,  le  harce- 
lait,  le  raillait  sans  pit ie ,  avec  une  ironic  demi-serieuse  , 
demi-legere,  qui  mettait  souvent  en  defaut  l'imposante  logi- 
que  du  ministre.  Moins  brillant  que  Fox,  il  etait  plus  fecond 
en  argumens  :  comme  Burke  011  "Wyndham ,  il  ne  plongeait 
pas  dans  les  profondeurs  du  savoir,  ou  dans  les  raflinemens 
de  la  metaphysique ,  il  n'avait  pas  les  promples  reparlies  de 
Sheridan,  mais  ses  saillies,  plus  apres  el  plus  vehementes,  sai- 
sissaient  plus  fortement  l'auditoire.  Peu  verse  dans  la  pratique 
des  affaires,  il  lui  arrivait  souvent  de  se  laisser  emporter  sur 
un  terrain  qu'il  ne  connaissait  pas  a  fond  ,  comme  en  matieres 
de  finances  ou  d'cconomie  :  c'etait  la  que  Pitt  reprenait  tons 
ses  avantages,  et  le  battait  a  outrance.  Cette  guerre  passa  des 
mots  aux  choses,  car  le  ministre,  ayant  une  Ibis  accuse  l'ora- 
teur,  a  propos  d'une  motion  que  ce  dernier  combattait  et  qui 
avait  pour  but  la  levee  de  dix  mille  marins  destines  a  defen- 
dre  l'lrlande  d'une  invasion,  d'avoir  parte  non-seulement  en 
republicain,  mais  en  ennemi  de  PAngleterre,  Tierney  de- 
manda  qu'il  fut  rappele  a  l'ordre.  Loin  de  vouloir  se  retracler, 
l'autrc  insista,  et  il  s'en  suivit  unduel,  ou  tous  deux  firent 
feu  deux  fois  et  se  manquerent.  M.  Pitt  termina  le  different , 
en  tirant  en  Pair  son  troisieme  coup.  Lors  de  la  session  de 
1798  a  1799,  Tierney  fit  une  motion  pour  la  paix  ,  et  ne  cessa 
de  combattre  le  systeme  de  coalition  et  de  subsides  payes  par 
I'Angleterre  aux  puissances  en  guerre  avec  la  France.  Sons  le 
consulat,  il  esperait  encore  en  la  liberie.  II  prit  part  a  ['admi- 
nistration, en  1802, lorsque  M.  Addingtondevintministre,  mais 
pourpeu  de  terns  ;  il  fut  de  nouveau  employe  par  Fox,  et  apres 
la  mort  de  cc  dernier  recomnicii'/a  a  faire  de  l'opposilion  po- 


•j6()  NlfcCllOLOlilE. 

litique  au  parlement,  mais  seulemenl  a  propos  des  inlerels 

cxclusifs  de  l'Angleterre. 

Sa  reputation  d'orateur  lui  vient  surtout  des  debats  calibres 
auxqucls  il  prit  part  a  cote  de  Fox,  de  Burke,  de  >\  yndliani, 
de  Sheridan*  et  de  laportee  des  questions  qui  se  traitaient  alors. 
Sa  politique,  euunemment  consciencieuse,  lui  douuaille  droit 
dout  il  usait  si  habilemeut  de  decouvrir  et  d'exposer  dans  au- 
trui  tout  motif  egoi'ste  ou  mereenairc.  Ses  discours  avaienl  de 
I 'abandon,  et  parlicipaient  d'une  eauserie  spirit  uelle  et  mor- 
dante,  mais  jamais  vulgaire.  Commc  homnie  prive,  il  elait 
adore  de  sa  famille  et  d'un  nombreux  eercle  d'amis.  Jamais, 
ii  ue  rapporta  dans  son  interieur  les  ennuis  de  sa  vie  publique  : 
et  bien  que  desappoinle  dans  quelques-unes  de  ses  espcranees 
generates  et  personnelles,  il  ne  montra  jamais  ni  ainertume, 
ni  degout  des  homines.  II  avait  le  coeur  naturellement  tendre 
et  bienveillant.  II  est  moil,  age  de  69  ans;  c'elait  le  dernier 
homme  inarquant  de  cette  opposition  celebre,  si  riche  en  ta- 
lens,  enforce  et  en  jeunesse,  quidefendit  la  revolution  fran- 
caise  au  parlement  anglais  contre  le  ministere  le  plus  fort 
qu'ait  eu  la  Grande-Bretagne.  L.  S.  B. 

France.  —  Yacjquelin  (Louis-Nicolas)  naquit  a  Hebertot, 
bourgdu  dcpartemenl  du  Calvados.  Le  hasard,  qui  conlribue 
quelquefois  si  puissamment  a  la  reputation  des  hommes,  ne  fit 
rien  pourlui.  Nede  parens  pauvres  et  obscurs,il  dutt<>utason 
travail  eta  son  infatigable  perseverance,  et  il  offre  peut-etre, 
dans  1'histoire  des  sciences,  Pexeniple  le  plus  remarquable 
des  dilficulles  qu'un  homme  peut  avoir  a  vaincre  dans  celle 
carriere  deja  si  difficile.  —  A  l'age  de  14  ans,  il  fut  oblige 
d'entrer,  en  qualite  de  garcon  de  peine,  dans  la  pharmacie  de 
M.  Mezaise,  a  llouen.  C'est-Ia,  qu'au  milieu  de  travaux  durs 
et  fatigans,  il  sut  derober  quelques  instans  a  son  sommeil, 
pour  se  livrer  a  l'elude,  et  qu'excite  plutot  que  dccourage  par 
les  entraves  qu'il  rencontrait ,  il  acquit,  a  1'aide  des  iaibles 
nioyens  qu'il  possedait ,  les  elemcns  de  cette  science  dont  il 
i  lait  appele  a  reculer  un  jour  les  bornes.  —  Apres  avoir  passe 
deux  ans  dans  cette  pharmacie,  il  vint  a  Paris,  011  il  enlra 
ehez  M.  Sagel.  Ses  occupations  moins  multipliees  lui  per- 
mirent  alors  de  consacrer  plus  de  terns  a  l'etude;  mais  il  s'y 
livra  avec  trop  pen  de  reserve,  et  sa  sante  s'affaiblit  bieulot;  il 
tomba  malade,  et  fut  transports  a  l'H6tel-Dieu.  A  peine  rela- 
blijilentra  dans  l'officine  de  M.  Cheradame,  en  qualite  dV7<  re. 
Fourcroy  venait  souventcbezce  dernier,  quietait  son  parent,  et 
qui  lui  parla  avec  intcret  du  jeime  homme  studieux  qu'il 
avait  alors  pour  eleve.  Fourcroy  fut  frappe  de   1'ardcur  du 


NECKOLOGIE.  u6; 

jeune  Vauquelin  pour  les  travaux  chimiques,  et  le  prit  a  son 
service  aux  appointeinens  de  trois  cents  francs.  Des  la  fin  de 
la  premiere  annee,  le  jeune  homme  recut  une  montre,  cadeaa 
de  son  nouveau  patron,  qui  voulutainsi  reconnaitre  son  zele  ; 
nous  rapportons  cette  circonstance  ,  quoique  peu  iniportante 
en  elle-meme,  parce  qu'elle  fit  une  impression  profonde  sur 
l'esprit  de  Vauquelin,  et  qu'elle  rcdoubla  (he/,  lui  1'amour  de 
l'etude.  — Des  lors  sa  situation  devint  plus  hcureuse  ;  il  sut 
s'attirer  la  bienveillance  de  tous  les  amis  de  Foureroy. 
Mmc  Bailly,  qui  demeurait  avec  Foureroy,  le  prit  en  affec- 
tion. En  quittant  cette  maison,  on  il  avait  trouve  une  autre 
famille.  il  gera  pendant  deux  ans  la  pharmacie  de  M.  Goupil, 
et  enfin  lui  succeda. 

Le  reste  de  la  vie  de  cc  celebre  chimiste  est  trop  connu, 
pour  qu'il  soit  necessaire  d'entrer  dans  quelques  details  a  cet 
egard.  Si  nous  l'avons  suivi  pas  a  pas  clans  sa  jeunesse,  e'est 
que  ses  commencemens  furent  penibles ,  et  qu'on  apprecie 
mieux  la  force  d'ame  qui  l'a  aide  a  les  surmonler. 

Ses  propres  travaux  le  firent  bientot  connaitre,  et  il  devint 
successivement  inspecteur  des  mines,  membre  de  l'ancienne 
Academie  des  sciences,  membre  de  l'lnslitut,  chevalier  des 
ordres  royaux  de  la  Legion-d'Honneur  et  de  Saint-Michel  , 
professcur  administrateur  an  Museum  d'histoire  naturelle, 
professeur  a  l'Ecole  royale  de  pharmacie  ,  inspecteur-general 
de  la  Monnaie,  professeur  honoraire  de  la  faculte  de  medecine 
et  du  college  royal  de  France ,  membre  de  la  Societe  royale 
de  Londres  et  de  plusieurs  autres  Societes  savantes,  etc. ,  et, 
enfin,  depute  du  Calvados. 

Le  nom  de  Vauquelin  se  trouve  a  toules  les  pages  d'un  traite 
de  chimie;  en  effet,  il  n'est  aucune  partie  de  la  science  qu'il 
n'ait  exploree,  et  sur  laquelle  ses  travaux  n'aient  jete  un  grand 
jour.  Son  genie  observateur  savait  faire  jaillir  la  lumiere  des 
sujets  les  plus  obscurs,  et  rendre  importantes  les  choses  en 
apparence  les  plus  insigniliantes.  C'est  ainsi  que  son  analyse 
du  foie  de  raie,  son  memoire  sur  la  respiration  des  insectes  et 
des  vers,  son  analyse  des  excremens  de  poule,  celle  du 
.■■perme,  etc.,  offrent  des  resultats  qui  se  iient  aux  questions 
les  plus  interessantes  de  la  physiologic 

Si,  du  domaine  de  la  chimie  animale,  nous  entrons  dans 
celui  de  la  chimie  vegetale,  nous  trouvons  encore  ses  travaux 
remplis  de  faits  interessans  et  nouveaux,  et  qui  ont  depuis  etc 
mis  a  profit  par  tous  les  savans  qui  s'en  sont  occupes.  —  Con- 
IciiUins-nous  d'indiquer  1'aoalyse  <la  lamariyi.  celle  du  salsoba 
soda,  qui,  calcines  avec  la  potasse.  donnenl  du  bleu  de  I'russc 


aliS  M'iCllOLOCIK. 

avcc  los  sels  ile  lor.  Son  mcinoire  sur  Paction  do  I'acide  sulfu- 
riquo,  sur  los  inaticrcs  vegetates  ct  animalcs,  avcc  scs  obscr- 
\alions  sur  la  formation  do  l'clhcr ;  son  itn'moirc  sur  one 
maladic  do  la  seve  des  vegetaux,  fort  important  pour  la  phy- 
siologic, etc. ,  etc. 

Mais  c'est  surlout  dans  la  chimie  miuerale  quo  los  travaux 
do   Vauquelin   sont  nombreux;  on  lui  doit  la  decouverte  du 
chrome  et  do  la  glucine,  uno  met h ode  notnelle  d'analyse  du 
feretde  l'acier,  danslaqucllo  ilsignale  l'inconvenicnt  dol'acide 
sulfuriquepour  rcconnaitrc  la  presence  ducarbone  dans  l'acier, 
le  moyen  de  separer  le  phosphate   de  for  dans  l'analyse  de 
l'acier,  etc. ,  travail  fort  remarquable,  et  qui,  encore  aujour- 
d'hui,  sulfiraitpour  fairc  la  reputation  d'un  chimislc;  l'analyse 
de  l'alun,  qui  a  dissipe  lo  prejuge  qui  existait  sur  les  aluns  do 
llouieet  d'Angleterre  ;  l'analyse  d'un  grand  nombredo  pierres, 
derubis,del'enieraude,deraigue-niarine,dugrenatblane,etc. ; 
le   manuel  de  l'essayeur,   on  memoire  sur  la  coupollalion, 
l'essaidessalpetres,  un  memoire  sur  les  comhinaisonsdu  soufre 
avec  les  nietaux;  un  travail  sur  la  baryte  et  hi  strontiane  qu'il 
sort  du  rang  des  terros  pour  les  classer  parmi  les  alcalis;  un 
memoire  sur  la  solubilite  du  scl  marin  dans  les  dissolutions  de 
sols  neutres,  et  sur  les  phenomencs  qui  en  resultent,  travail 
rempli  de  fails  interessans  pour  l'histoire  des  sels,  ct  un  grand 
nonihre  d'autres  memohes  dont  la  simple  enumeration  serait 
trop  longue.  H.  £>• 

Vauquelin  a  laisse  nnc  SUc  qu'il  a  instituee  heriliere  do  ea 
fortune;  cependant  les  antics  niembres  de  sa  famille  ont  eu 
part  a  ses  bienfaits. 

—  Levavassecr,  que  la  mort  vient  do  frapper  dans  la  force 

de  l'age  et  du  talent,  naquit  a  Breteuil,  en  septembre    1774? 

d'une  famille  des  long-tems  honoree  dans  la  riiagistrature.  II 

fut  a  la  fois  honime  de  lettres,  agrononic  savant,  et  adminis- 

trateur  distingue.    L'aurorc  de  la  revolution  eclaira  sa  jeu- 

nesse  :  il  parlicipa  do  ses  vceux  au  trioniphe  do  sa  cause  sacree, 

lui  offrit  son  courage  eivique,  et  lorsque  la  France,   succom- 

bant  sous  le  fardoau  do  scs  triomphes,  passa  du  despotisme 

de  la  gloiro  a  l'anarchic  contre-revolulionnaire,  Levavasseur 

se  montra  noblenient  parmi  les  fonctionnaircs  restes  fhteies 

a  I'honneur  national.  Loug-loms niemhre  Juconseil  general  de 

l'Obe,  il  doploya  dans  des  circonslanccs  oragcuses  la  fermete 

de  l'homme  do  bien.  Devenu  mairo    do  Breteuil  il  acquit  de 

nouvcaux  droits  a  restiine  dc  ses  concitoyens.  Juste  envers 

tons,  il  fut  inaccosililo  a  hi    Seduction  do?  prejuges  rcnais- 

saus  ;  cuncmi  do  I'liypocri  ie.   il  n'ecoula    que  la  voix  dc  s.i 


NUCUOLOGIE.  209 

conscience;  nc  meconnut  point  notre  veritable  gloire,  et  rue 
proslitua  jamais  I'eloge  aux  oppressciirs  de  la  patric ;  aussi 
Levayasseur  obtint-il  I'honneur  de  la  disgrace  a  line  epoque 
on  le  pouvoir  affect  ait  d'oublier  les  droits  acquis,  et  de  sacri- 
fier  Pniteret  de  tons  au  privilege  de  qnelqnes-nns. 

Ce  digne  eitoyen,  rendu  a  la  vie  privee,  employa  ses  utiles 
connaissances  an  perfectionneinent  de  I'agriculture.  Quand 
les  detracteurs  de  nos  institutions  se  plaisaient  a  mepriser  la 
main  qui  conduit  la  charrue,  Levavasseur  croyait  s'ennoblir 
en  la  dirigeant  lui-memc.  Souvent  il  cut  l'honneur  d'associer 
ses  travaux  a  ceux  de  son  illustre  compatriote,  le  vertucux 
Laroehefoueault.  Ses  ameliorations  agricoles  n'avaient  pour 
hut  que  l'irtteret  general;  souvent  il  fit  a  ses  depens  des  expe- 
riences dont  le  puljlic  seul  recueillit  les  fruits. 

L'indigence  et  le  malheur  n'ont.  apercu  son  opulence  que 
pour  la  benir.  La  bienfaisance  lui  elait  si  naturelle,  qu'il  lai- 
sait  de  bonnes  actions,  comme  il  fit  depuis  de  bons  vers,  sans 
y  attacbcr  la  moindre  importance.  Une  simplicite  tranche, 
une  veritable  candeur  scmblaient  derober  son  merite  et  ses 
vertus  a  ses  propies  yeux.  Cct  homme  rare  l'ut  opulent  sans 
faste,  fonctionnaire  sans  intrigue,  philantropc  sans  preten- 
tion, poete  sans  vanite. 

Long-tems  livre  a  d'impoitantes  fonctions  puhliques,  a  de 
savans  travaux  agricoles,  Levavasseur  ne  se  livra  que  par  in- 
lervaile  a  l'elude  des  lettres.  11  nc  cedait  que  comme  invo- 
lontairement  a  sa  vocation  poetique.  II  ne  parut  done  que 
1'ort  tard  dans  une  carriere  ou  la  nature  l'entrainait  presque 
malgre  lui.  II  concut  le  hardi  projet  de  tiaduire  en  vers  la 
plus  ancienne  des  productions  poetiques  :  le  livre  de  Job, 
assemblage  de  meditations  metaphysiques  et  religieuses,  de 
controverses  du  doute  et  de  la  t'oi.  Sa  traduction  parut  en 
182,5.  Le  traducteur  de  Job  obtint  un  succes  d'autant  plus 
llatteur,  qu'jl  n'avait  recherche  le  patronage  d'aucune  secle 
lilleraire.  Le  seul  eclat  du  talent  foira  I'attention  du  public 
leltre  a  porter  ses  regards  sur  le  travail  d'un  ecrivain  qui. 
.1  son  debut,  offrait  la  reproduction  brillante  d'une  ceuvre 
creec  par  le  genie  poetique  a  une  epoque  anterieure  a  tous  les 
terns  connus,  qui,  peul  etre  composee  dans  une  langue  en- 
lierement  oubliee,  n'est  parvenue  jusqn'a  nous  qu'a  travers 
differens  idiomes.  On  trouvc  avec  surprise,  dans  la  version 
nouvelle,  l'empreinle  d'un  rare  talent  qui  nous  rendait  l'heii- 
reux  melange  d'images  nai'ves  el  de  penst'es  profondes.  On 
y  repiarque,  surtout,  la  franchise  du  doute  a  cote  de  I'en- 
thousiasme  de  I'illusion  de  ccs  premiers  Ages  011  Tesprit  hu- 
main  eprouvc  a  la  fois  le  besoin  de  entire  et  le  desir  de  s'eclai- 


270  MiCltOLOG  Hi- 

rer. On  sul  grt  an  Iradiu'tcur  d'avoir  cnriehi  notre  lit tt'-rattirc 
en  puisant  aux  sources  de  ces  beautcs  natives  qui  n'etaient 
guere  connucs  que  par des  especes  do  traductions  deguisees, 
et  des  iniitalions  que  quelques  poctes  de  notre  epoque  out 
publiees  sans  en  reveler  I'origine. 

Levavasseur  etait  done  d'une  tranquille  modcstie,  d'une 
insouciance  timide  qui  avaient  contribuc  autant  que  ses  tra- 
vaux  agrieoles  et  administratis  a  retarder  son  apparition  dans 
la  republique  des  lettres.  Apres  avoir  hesite  long-tems  a 
rendre  le  public  arbitre  de  son  talent,  lc  hazard  le  decida. 
Dans  HI)  de  ses  frequens  voyages  a  Paris,  il  s'adressa  a  un 
homme  dc  lettres  qui  venait  d'obtenirdessucces  dans  un  genre 
analogue  a  ses  travaux  poetiqucs.  Cet  ecrivain  eut  le  bonheur 
d'apprecier  le  premier  toutletalent  de  Levavasseur.  IU'excita 
vivement  a  se  faire  connaitre,  lui  donna  quelques  avis  aux- 
quels  le  traducteur  de  Job  se  soumit  avec  eette  resignation 
(•(iiirigeuse  qui  n'apparlient  qu'au  vrai  merite  ;  enfin,  il  lui 
epargna  les  desagreiucns  que  1'ecrivain  ignore  rencontre  tou- 
jours  a  son  debut. 

Levavasseur,  dont  le  nom  etait  absolument  inconnu  dans 
la  litterature,  fut  range  tout  a  coup  parmi  les  ecrivains  qui 
honorent  notre  epoque.  II  jouit  de  son  succes  en  homme  qui 
n'a  jamais  place  son  bonheur  que  dans  l'estime  des  autres. 
iMais  conservant  sa  candeur  an  milieu  des  applaudissemens, 
il  semblait  etonne  de  les  meriter.  Plusieurs  societes  savantes 
s'empresserent  de  l'adniettre  dans  leur  sein  ;  la  Societe  Philo- 
technique,  eritre  autres,  lui  accorda  le  litre  de  correspondant. 

Levavasseur  vit  dans  son  succes  l'obligation  de  perfec- 
tionner  son  ouvrage.  Dep'uis  cinq  ans  ses  efforts  tendaient  a 
ce  but;  il  y  touchait  quand  la  mort  le  frappa.  Cet  ecrivain 
distingue,  enleve  an  milieu  de  sa  carriere,  doit  exciter  de  vifs 
regrets. 

Cet  evenement  afiligeant  pour  tous  les  amis  des  lettres,  fut 
une  calainite  pour  le  pays,  on  ,  pendant  vingt-cinq  ans  Leva- 
vasseur avait  exerce  la  salutaire  influence  de  ses  lumieres  et 
de  son  zele  patriotiqiie ;  on  sa  genereuse  sollicitude  adoucit 
le  sort  de  tant  d'inl'ortunes.  Les  habitans  de  la  ville  de  Bre- 
teuil  et  des  villages  voisins  attesterent  par  leur  consterna- 
tion l'etendue  de  la  perte  qu'ils  eprouvaient.  lis  cesserenl 
leurs  travaux  pendant  trois  jours,  et,  simultanement  rcunis 
aux  enfans  de  leur  l)ienl'aiteur,  pour  lui  rendre  les  derniers 
devoirs ,  ils  semblaient  ne  former  qu'une  scule  famille  qui 
venait ,  avec  le  pieux  respect  de  la  reconnaissance,  apporter  sa 
douleur  snr  le  tombeau  d'un  pert.  IT. 


TABLE  DES  ARTICLES 

CONTENUS 

DANS  LE  CAHIER  D'AVRIL  i83o. 


1.  MEMOIRES,  NOTICES  ET  MELANGES. 

Page. 
1.   Considerations  sur  les  mollusques  et  en  particulier  sur  les 

oephalopodes Cuvier.        ft 

•2.   Observations  sur  lc  Memoire  precedent 

,    .    .    Geoffroy-Saint-Hilaire.      ho 

3.   De  l'cmprisonnement  solitaire  aux  Etats-Uuis.  CAar/es  Lucas.      2  3 

II.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 

4-   Rapport  sur  les  institutions  de  bienfaisance  du  royaume  des 
Pays-Bas.    —    Rapport  sur  l'elat  des  ecoles  superieures , 

1110yenu.es  et  priuiaires A.  Quetelet,     28 

ft.   Campagne  des  Francais  en  Alleniagne  en  1800.  .  .   Sicard.      38 
G.   Manuel  de  l'hisloire  de  la  pliilosophie  de  Tennemann,  tra- 

duit  de  l'allemand  par  Victor  Cousin..    .  Adolplie  Gamier.      54 

7.  L  empire  de  la  Grande-Bretagne,  en  1828,  par  J.  Goldsmith 
(ouvrage  auglais) A.M.      7ft 

8.  Essai  sur  llustoire  de  I  esprit  liumain  dans  l'antiquite,  par 

Mw  Rio Alphonse  d' Her  helot.      9  4 

9.  L'iiumorlalite  de  lame,  poeme,  parM.  de  Norvins.    .   .   A-    107 
10.   OEuvrcs  posthumes  d'A.  E.  Gaulmier 0.    11a 

III.  BULLETIN  B1BLI0GRAPHIQUE. 

Annoncesde  89  ouvrages,  franfais  etetrangers. 

Amerkjue   septentrionale. —  Etats-Unis,  5 12a 

Europe.  — Grande-Bretagne,  8,  dont  2  ouvrages  periodiques.    .  100 

—  Russie,  5 1 4  1 

—  Allemagne,  8 i45 

—  Suisse,   1 i57 

— -  Italic,  6 160 

—  Pays-Bas  ,  l\,  dont  3  ouvrages  periodiques 16G 

France,   54,   savoir  :  Sciences  physiques  et  natureltes,  i4  •  .    •    •  170 

—  Sciences  religieuscs,  morales,  politiques  et  historiques ,  17.  .    .  190 

—  Literature  ,  11 204 

■ —  Beaux-arts  ,6 2i(i 


aja  TABLE    1»CS    ARTICLES. 

—  Ouvrages  p&riodiques  ,  5 221 

—  Livres  en  languea  I'trangeres  ,  imprimis  en  France ,  3  .   .    .   .   224 

I V.  NOU  VELLES  SCIENT1FIQUES  ET  LITTERAIRES. 

Amkriquf.  sEPTENTniosAi.E.  —  Etats-Unis  :  Socielcs  de  tempe- 
rance    ....   228 

Ameriqi;e  mkrimonale.  —  Expose  sommaire  des  progres  qua 

faits  la  republiquc  de  t'.olombie  depuis  1822 229 

EUROPE. 

(  ;ram»b-Bretagke.  —  Londres  .■Reintegration  des  Juifs  dans  leurs 
droits  de  citoyens  ;  Rcforme  parlemenLaire.  Reclamations 
die  lady  Byron  el  de  ses  amis  contre  les  fails  avanees  par 
M.  Moore.  —  Bristol. rVerner,  tragedic  de  Byron,  represen- 
tee sur  le  theatre  de  celte  -ville a36 

Ali.emag\e.  —  Gailingiic  :  Fondation  d'une  bourse  en  faveur 
des  (''Indians  en  medecine.  — Autriche  :  Recherche  des  an- 
tiquites  nalionales.  —  Uambourg  :  Traduction  d'un  011- 
\rage  de  Mu"  la  princcssc  de  Salm 208 

Suisse.  —  Lausanne  el  Geneve  :  Cours  de  liiterature  professe  dans 

ees  deux  villes  par  M.  Monnard 269 

France.  —  Departcmcns  :  Valines  (Morbihan)  :  Leeons  publi- 
qucs  pour  les  sciences  ualurelles.  —  Chemin  de  fer  de  la 
Loire .2/^2 

Paris.  —  Institut  :  Academic  des  sciences  :  Seances  du  mois 
d'avril  1800;  Academic  francaise  :  Seance  publique  pom- 
la  reception  de  M.  de  Lamartine  ;  Nomination  de  M.  de 
Pongerville  a  la  place  laissee  vacanle  par  M.  deLally-Tol- 
lendal.  —  Union  encyclopedique  pour  la  propagation  des 
coniiaissances  utiles.  ■ — ■  Ecole  prcparatoire  d'agricullure. 
—  Perfeetionnemenl  dans  la  fabrication  du  chocolat.  — 
Chronique  des  theatres  pendant  le  mois  d'avril  1800.  — 
Beaux-avis  :  Peinlurc  en  mosaique  :  Ktablissemcnl  de 
mosaique  monumentale  de  M.  Barberi ■;  Carporama.   .  .  .   24~> 

PsiicROLOGIE. 

rfn'gleterfe  :■  Tierney.  —  France  :  Vanquelin;  Lerarvasseur  .  .   .  264 


REVUE 

ENCYCLOrtiDIQUE, 

on 

ANALYSES  ET  ANNONCES  RAlSONlNtES 

DES    PRODUCTIONS    LES    PLUS    REMARQUASLES 

DANS  LA  LITTltRATURE,  LES  SCIENCES  ET  LES  ARTS. 


I.  MEMOIRES,  NOTICES, 

LETTRES  ET  MELANGES. 


DE 

L'EXPfeDITION  CONTRE  ALGER  (i). 

L'expedition  contre  Alger,  qui  se  prepare  dans  les  ports  de 
France,  a  donne  lieu  a  un  grand  nombre  de  publications  des- 


(1)  On  peut  consulter,  sur  Alger,  les  ouvrages  dont  les  titres  suivent: 
l.   Alger.  — -  Tableau  du  royaume,  de  la   ville  d' Alger,  et  de  scs  envi- 
rons ;  ctat  de  son  commerce,  de  scs  forces  de  lerre  et  de  mcr  ;  description  des 
mceurs  et  des  usages  du  pays  :  precede  d'une  Introduction  liisloriquc  sur 
les  differenles  expeditions  d' Alger,  depuis  Charles-Quint  jusqu'a  nos  jours, 
avec  carle,  vuc,  portraits  et  costumes  de  seshabitans;  par  M.  Renaudot, 
ancien  oflicier  de  la  garde  du  consul  de  France  a  Alger.  Paris,  i83o  ; 
P.  Mongie,  boulevard  des  Italiens,  n°  10.  In-8"  de  182  pages;  prix,  7  fr. 
%.  Hisloirc  d' Alger  et  du  bombardement  de  cette  ville,   en  1816;  des- 
T.    XI.VI.    MAI    l83o.  l8 


374  1>E  L'EXPEDITION 

tinees  a  satisfaire  la  juste  curiositc-  de  ceux  qui  dcvront  j 
prendre  part,  ou  en  personne,  on  par  leurs  enfans,  leurs 
amis  et  leurs  compatibles.  Nous  avons  eberchc  u  nous  pro- 
curer le  plus  grand  nombrc  que  nous  avons  pu  de  ces  ecrits 
de  circonstance  ;  mais  d'autres  paraitront  sans  doute  encore, 
pendant  que  ces  pages  seront  sous  la  piesse,  d'autres  tandis 
qu'clles  circulerontdeja ;  ctpeul-etrc,  entrc  toutcs  ces  brochu- 
res, ne  s'en  trouvera-t-il  aucune  qui  reponde  pleinement  a 
ce  que  le  public  pouvait  demander ;  tout  au  moins,  celles 
dont  les  litres  sc  trouvent  dans  la  Note  ci-dessus  laissent  en- 
core beaucoup  a  desirer. 

La  premiere,  par  M.  Renaudot  ,  est  celle  qui,  pro- 
bablement,  donnera  le  plus  de  satisfaction.  L'auteur,  appele 
par  ses  fonctions  d'officier  de  la  garde  du  consul  de  France, 
a  resider  dans  le  pays,  et  a  en  comiaitre  les  habitans,  parle 

criplion  de  ce  royauuic  et  des  revolutions  qui  y  sont  arrivees,  de  la  ville 
d'Alger  et  de  ses  fortifications,  de  ses  fortes  de  terrc  et  de  mer,  mceurs  et 
costumes  des  habitans,  des  Mores,  des  Arabes,  des  Juifs,  des  chretiens; 
de  ses  lois,  de  son  commerce  et  de  son  revenu,  etc.,  avec  une  carte  du 
royaume,  et  une  vue  lilhographiee  de  la  ville  d'Alger,  de  ses  fortifica- 
tions et  de  sa  rade.  Paiis,  1800;  Piltan,  libraiie,  rue  des  Saints-Peres, 
n°  5i.  I11-80  de  366  pages;  prix,  6  fir. 

3.  Souvenirs  a"  tin  officicr  f'ratnais,  prisonnier  en  Barbarie,  pendant  les 
annees  181 1,  1812,  i8i3  et  1814,  etc.,  etc.,  par  M.  Copitbemoumivs,  P.  M. 
de  Nantes,  capitaine  en  conge  illimite.  Anselin,  libraiie,  rue  Dauphine, 
n»  9.  In-8°  de  44  Pagt,s  >  P,1X»  '  f''-  So  c. 

4.  Alger,  esquisse  topograpliique  et  hislorir/uc  du  royaume  et  de  la  ville  : 
accompagne  d'une  carte  generate  du  royaume,  et  d'un  plan  du  port, 
par  A.  M.  Perhot,  membre  de  plusieurs  socieles  savantes.  Paris,  iS3o; 
Ladvocat,  libraiie,  Palais-Boyal.  ln-8"  de  <^4  pages;  prix,  3  fir. 

5.  Au  Hoi  et  qux  Chambres,  stir  tcs  veritable?  causes  de  la  rupture  avec 
Alger,  et  sur  I'expcdilion  qui  sc  prepare,  par  Alex,  de  Laborde,  depute 
de  la  Seine.  Paris,  i83o  ;  Trucby,  librairc,  boulevard  des  Italiens,  n"  18. 
1  vol.  in-8°  de  170  pages;  prix,  3  fr. 

6.  Carle  de  la  regence  d'Alger,  et  d'une  partic  du  bassin  de  la  Mediter- 
ranee,  donnant  le  rapport  qui  cxiste  entre  la  Fiance  et  les  Etats  barba- 
resques,  par  A.  H.  DurouB.  Paris,  i83o;  Charles  Simoneau,  rue  de  Is 
Paix,  n°  6. 


CONTRE  ALGER.  2;5 

(In  nioins  de  ce  qu'il  a  vu,  et  ses  passions  meuie,  sa  haine 
contre  les  Turcs,  lcs  Maures,  les  Jirifs,  son  degoiit  ponr  les 
manieres,  le  climaf,  les  productions,  les  fruits  meme  du 
pays,  ses  remarques  galantes  sur  les  femmes  Maures  et  le9 
juives,  ont  un  grand  caractere  dc  verite.  D 'autre  part,  les 
prejuges  el  la  partialilc  de  1'auteur  s«  manifestent  presque  a 
chaqtic  page;  et,  tout  en  lui  tenant  compte  de  beaucoup  de 
renseigneniens  utiles,  on  en  cherche  en  vain  beaucoup  d'au- 
tres,  qu'il  aunonee,  qu'il  indique  et  qu'il  ne  donne  pas. 

La  seconde  brochure  n'esl  que  le  resultat  d'une  speculation 
dc  libraire.  Apres  avoir  fait  choix  d'une  description  d' Alger, 
publiee  en  Angleterre  an  commencement  du  siecle  passe,  par 
quelque  homme  attache  an  consulat  anglais,  I'editeur  en  a 
relranchc  le  nom  et  la  date  ,  et  il  y  a  ajoute  la  relation  de  l'ex- 
pedition  de  lord  Exmouth,  pour  lui  donner  une  apparenee 
plus  moderne;  il  y  a  joint  aussi  une  preface,  des  reflexions 
prctendues  philosophiques,  et  des  resumes  presque  toujours 
en  contradiction  avec  le  corps  de  l'ouvrage.  Cependaut,  on 
trouve  quelquefois  dans  cet  ecrit  des  choses  curieuses  et  ins- 
tructives  ;  mais,  faute  de  connaitre  on  celui  qui  parle,  on  le 
leins  dont  il  parle,  on  ne  sait  quelle  foi  on  doit  lui  accorder. 

La  troisieme  brochure  est  \Qtllu\ge Souvenirs;  sonauteur  ce- 
pendant  semble  ne  s'etre  souvenu  de  rien ,  ou  ne  savoir  rien 
nous  raconter  de  ce  qu'il  a  du  voir  pendant  sa  captivite  en 
Barbaric  An  lieu  de  faits,  il  nous  donne  ses  speculations  sur 
1'armure  et  l'accoutrement  qui  lui  paraissent  convenir  aux 
soldats  qu'on  enverra  faire  la  guerre  sur  la  cote   d'Afrique. 

La  quatrieme  est  une  courte  compilation,  faite  par  un 
homme  accoutume  a  ecrire,  et  acconipagnee  de  bonnes  car- 
tes ;mais  elle  ne  nous  apprend  rien  que  ce  que  1'auteur  a 
trouve  dans  des  livres  deja  connus. 

La  cinquieme  est  empreinte  du  talent  et  du  patriotisme  de 
Phonorable  depute  qui  l'a  publiee ;  elle  contient  plusieurs  ren- 
seigneniens precieux  sur  les  rapports  diplomatiques  de  la 
France  avec  Alger;  mais  il  faut  y  chercher  bien  plus  des  su- 
jcts  d'investigation  quant  a  la  conduite  du  ministere ,   pout- 


■i^G  DE  ^EXPEDITION 

t'tre  des  motifs  d'accusation  contre  lni ,  qu'unc  description 

statistiquc   ou  une  histoirc  du  pays  que  les   Franrais  vont 

stttaquer. 

Ce  n'est  point  de  ccs  questions  de1  controverse  parlemcnraire 
que  nous  desirons  nous  occuper  aujourd'hui.  II  est  possible 
que  Ie"  dey  d'Alger  ait  ete  vole  par  les  sieurs  Bacri  et  Buse- 
nach,  ses  agens,  et  que  des  hommes  qui  avaient  en  France 
acres  aupres  du  pouvoir  aient  (avorisc  cette  voleric  pour  y 
prendre  leur  part.  II  est  possible  que  la  condiihcdu  consul  de 
France,  a  Alger,  n'ait  pas  ete  exempte  de  reproches  :  dans  ee 
cas,  nous  esperons  qu'unc  discussion  approfondie  devant  les 
Cbambres  portcra  la  lumiere  sur  toutcs  les  Irautlcs,  sur  toDa 
les  mystcres  d'iniquite,  et  que  les  coupablcs,  s'il  y  en  a,  n'e- 
rhapperont  point  au  chatiment  qu'ils  meritent.  On  peut  croire 
encore  que  la  guerre  entreprise  aujourd'bui  a  ete  regardee 
par  le  ministere,  bien  moins  comme  necessaire  pour  venger 
uneinsulte,  que  comme  utile  pour  enivrer  la  nation  d'un 
pen  de  fumee  militaire  ,  et  qu'il  s'est  propose  de  vaincrc  dans 
les  champs  d'Alger,  non  les  pirates,  mais  les  electeurs  qui  re- 
crutent  les  rangs  de  l'opposition.  Dans  ce  cas,  nous  ne  dou- 
tons  point  qu'uncalcul  si  l'rivoie  et  si  miserable  nesoit  trompe: 
car  les  electeurs  recommanderont  a  leurs  deputes  d'exigcr 
nn  compte  severe  de  Pargent  et  du  sang  de  la  France.  St  le 
ministere  a  sacrifie  a  ce  petit  calcul  parlementaire  les  vraies 
convenances  de  la  patric,  s'il  a  precipite  ses  operations,  en 
1-es  reglant  non  d'apres  le  climat ,  non  selon  une  juste  econo- 
mic, mais  sur  les  chances  electorales,  un  compte  plus  severe 
encore  lui  sera  demands,  ou  de  la  nonchalance  avec  laquelle, 
pendant  trois  ans,  on  a  neglige  de  sc  mettre  en  etat  d'agir 
efficacement ,  ou  de  la  precipitation  ruineuse  qui  a  preside 
aux  derniers  armemens  ,  afiri  de  pouvoir  commencer  la  cam- 
pagne  trois  mois  seulement  apres  l'avoir  resolue.  S'il  est 
vrai  que  des  marches  scandaleux,  obtenus  a  l'aide  de  pots  de 
vin  de  plusieurs  millions,  couvrent  des  voleries  eflroyables,  ce 
sera  encore  aux  Cbambres  a  faire  justice.  Ce  sera  a  elles  a  de- 
ployer  toule  leur  severite  .   si ,   par  les  consequences  d'une 


COiNTKE  ALGER.  27; 

ignorance  presomptueuse,  1'expedition  manquait  de  succes; 
»i  la  jeunossc  de  France  perissait  sur  les  mers  ou  sur  le» 
sables  d'Afrique,  victime  de  l'ineptie  du  ministere.  Mais  tou- 
tes  ces  craintes,  fondees  sur  des  conjectures  ou  des  bruit* 
populaires,  ne  nous  presentent  poiut  encore  assez  de  realite, 
pour  que  nous  nous  permettions  de  les  examiner. 

C'est  a  une  question  plus  haute,  plus  generale,  que  nous 
voulons  nous  attacher,  a  une  question  que  seinblent  obscurcir 
et  I'esprit  de  parti,  et  la  juste  defiance  que  le  ministere  ins- 
pire Nous  eroyons  fermement,  et  nous  voulons  etablir  que 
la  guerre  d'Alger,  consideree  abstraitement ,  faite  en  terns 
opportun,  el  ponrsuivie  jusqu'au  but  qu'elle  doit  naturelle- 
ment  atteindre,  est  une  guerre  juste,  qu'elle  est  honorable, 
qu'elle  est  utile  a  la  France,  et  que,  de  toutes  les  conquetes 
que  la  nation  peut  desirer,  aucune  ne  lui  serait  plus  avanta- 
geuse  que  celle  des  rivages  si  rapproches  de  la  Barbaric. 

To  us  les  voyageurs  qui  ont  vu  Alger,  tous  les  ecrits  qui  ont 
ele  publics  sur  cette  regence,  nous  la  rep resen tent  egalement 
com  me  la  plus  grande  association  formee  pour  le  brigandage 
qui  ait  jamais  existe  sur  la  terre.  Depuis  l'an  i5i6,  oil  le  cor- 
saireHoruch ,  Aruch,  ou  Aroudj  Barberousse,  introduit  a  Al- 
ger par  le  roi  maure  de  cette  contree  Selim,  Eutemy,  fit  perir 
son  bienlaitcur.  et  s' em  para  de  son  trone,  la  souveraincte  a 
toujours  appartenu  a  la  bande  de  brigands  formee  par  ce  pre- 
mier corsaire,  organisee  par  son  frere  etson  successeurllaria- 
den ,  el  recrulee  an  loin  dans  le  Levant ,  de  maniere  a  se 
uiaintenir  toujours  au  nombre  d'environ  douze  mille  hom- 
ines. Ces  Turcs  levantins,  associes  pour  le  crime,  et  choi- 
sis  parmi  les  hoinmes  que  les  tribunaux  poursuivent,  et  que 
la  sociele  rejette,  soul  tcllemenl  odicUfe  a  leurs  compalriotes, 
qu'il  est  sans  exemple  qu'uue  seule  lemtne  torque  se  soit 
jamais  abaissee  jusqu'a  epouser  un  algerien.  Cependant,  cha- 
cun  de  ces  bandits,  dts  qu'il  est  enrole  dans  la  milice  d'Alger, 
sc  fait  riommer  cfl'cndi.  ou  monseigneur;  il  se  regards  Domme 
ayanl  part  a  la  souverainete  :  c'est  pour  lui,  c'est  pour  assu- 
rer sa  paic  ,  croissante  d'annee  en  annee  ,  que  les  pirates  d'Al- 


27«  DE  L'EXP  EDITION 

ger  vont  en  course  sur  la  mer,  el  (|ue  les  beys ,  suivis  de  leur 
petite  armec,  levent  des  contributions  sur  la  terre  :  il  moiitc 
par  anciennete  successivement  en  grade,  jusqu'aux  plus 
hauts  emplois  de  la  inilice;  et ,  si  la  pcilidie  ou  la  violence 
des  factions  le  l'avorise,  il  s'assied  sur  lc  trdne  electifdu  (ley. 
Mais  nul  ne  pent  entrer  dans  la  milice  df  Vigor,  s'il  n'esl  Turc 
levaulin  ,  ou  renegat  Chretien  ;  e'est  la  lc  litre  dc  noblesse  que 
Barbcrousse  inventa  en  imitation  de  l'ordre  de  Malic.  Qui- 
conque  est  ne  dans  les  Etats  sur  lesquels  domine  la  milice 
d' Alger,  est  exclu  a  jamais  de  cette  milice;  ni  Maure,  ni 
Arabe,  ni  Berebere,  ni  Juif  ne  pent  s'y  faire  admettre;  les  en- 
fans  des  effendis  de  la  milice,  qu'on  designe  sous  le  nom  de 
Kouloglis,  ceux  des  beys,  ceux  du  dey  lui-nicmc  en  sont  ex- 
clus  a  jamais  ;  rien  ne  peut  effacer  en  eux  la  tacbe  d'avoir  recu 
le  jour  d'une  femme  maure,  ou  esclave  (i). 

Le  chef  que  ces  brigands  elisent  entre  eux  pour  les  com- 
mander, et  qu'ils  nommenl  leur  dey,  ne  s'eleve  jamais  an 
trone  que  sur  le  cadavre  de  son  predecesscur  poignarde.  Cha- 
que  election  est  precedee  et  suiyie  de  plusieurs  massacres.  Le 
ppetendant  couronne  ne  laisse  vivre  aucun  de  ses  compeli- 
teurs,  et,  s'il  ne  perit  pas  lui-meme  des  le  premier  jour  de 
son  regne,  ii  fait  tomber  aussitot  les  tetes  de  tous  ses  rivaux. 
Au  reste,  e'est  une  dignity  laborieuse  que  celle  a  laquellc  il 
parvient  a  cc  prix.  Ses  eamarades,  qui  l'ont  cleve  au-dessus 
d'eux  pour  maiutenir  la  discipline,  pour  terminer  leurs  que- 
relles  et  pour  rendrc  la  justice,  lui  laissent  a  peine  un  mo- 
ment de  repos.  Des  le  lever  du  soleil,  tons  les  jours  de  la  se- 
maine,  excepte  le  jeudi  et  le  vendredi ,  il  est  assis  sur  une 
peau  de  lion,  dans  la  salle  du  Divan,  occupe  d'abord  des  af- 
faires d'Etat,  avec  j-es^i  nisi  res  qui  l'entourenl,  puis,  de  ju- 
ger  et  de  faire  executer  ses  sentences.  II  remp4it  ces  dernie- 
res  fonctions  sans  respect  pour  la  vie  humaine,  sans  modera- 
tion dans  les  supplices  et  dans  les  amendes,  mais  aussi  sana 

(l)  Tout  declined  Alger,  et  ilsemblc  q;ie  li  milice  SOUVeraioe lie  rumple, 
plus  aujomiriiui  que  six  ou  sept  LB  ill  e  homines. 


CONTRE  ALGEU.  *79 

delais,  sans  fiais,  et  avec  nne  impartiality  grossiere,  qu'on 
trouve  de  meme  assez  ordinairement  chez  un  capitaine  de  vo- 
leurs,  chez  unchefde  Bohemians,  chez  le  commandant  d'un 
vaisseau  de  pirates,  qui,  coiiune  le  dey  d'Alger,  gnuvernent 
des  societes  foraiees  pour  etre  en  guerre  avec  toute  societe 
humaine. 

Le  brigandage  d'Alger  pese  egalement  sur  les  mers  el  sur 
les  terres.  La  mi  lice  souverainc  d'Alger,  ou  les  douze  milie 
Turcs  an  nom  desquels  le  dey  d'Alger  regne,  ne  connaissent 
aucune  Industrie;  ils  nesont  associes  que  pour  depouilier  les 
faibles  et  pour  part  a  ger  leurs  depouilles.  La  piraterie  est  con- 
sideree  comme  la  premiere  source  des  revenus  de  l'Etat.  Le 
tresor  public  reclame  la  moitie  francbe  du  produit  de  tons  les 
vaisseaux  captures,  la  moitie  du  chargement,  et  la  moitie  de 
la  valeur  des  bommes,  qui  sorit  vendus  a  I'eiican  au  marche 
public,  apres  qu'on  les  a  fait  courir,  sautcr,  porter  quelque 
fardeau  devant  les  acheteurs,  qu'on  a  explore  tous  leurs  de- 
tains corporels,  sans  respect  pour  le  sexe  ni  l'age.  Ces  esclaves 
sont  nourris  ensuite  au  bagne,  avec  trois  pains  noirsd'une  de- 
mi-livre  cbacun,  par  jour,  et  un  pen  d'olives  au  vinaigre;  ils 
doivent  gagnerleur  vie  par  le  travail,  a  moins  qu'ils  ne  soient 
retires  du  bagne  pour  partager  les  honteuses  faveurs  de  leurs 
maitres.  II  y  a  assez  babiluellenient  a  Alger  treize  cents  es- 
claves chreliens  dans  les  bagnes,  sept  cents  chez  les  particu- 
Iiers. 

Au  terns  de  la  haute  puissance  des  Algeriens,  sous  les  deux 
Barbcrousse,  et  leurs  premiers  successeurs,  quand  leur  marine 
I'emportait  sur  toutes  celles  de  l'Europe,  ils  exercaient  la  pi- 
raterie indistinctement  contre  toutes  les  nations  chretien- 
116*;  mars  ils  n'ont  cesse  de  deebeoir  par  les  consequences  na- 
turelles  de  leur  genre  de  vie  elde  leurs  crimes ;  leur  marine  ne 
se  compose  plus  que  de  douze  a  quinze  batimens  porta nt  en- 
semble environ  deux  cents  canons.  Des  lors  ils  ont  eonsen- 
li  a  se  lier  par  des  traites.  a  respecter  les  puissances  les  plus 
redou tables,  moyerinant  des  preseos  aunuels  qu'ils  exigent 
d'elles ;  niais  ils  ne  font  auciin  traite  avec  celles  qu'ils  ne  re- 


380  DE  L'EXPEDITION 

doutcnt  pas;  cm  bien  sans  provocation,  sans  offense,  ils  de- 
clarent  la  guerre,  au  Pape,  aux  petits  Elats  d'llalie,  aux  villes 
ansealiqucs  ;  non  qu'ils  aient  a  se  plaindre  d'aucun  tort  qu'on 
leur  ait  fait,  mais  parce  que  leur  tresor  est  vide  et  qu'ils  veu- 
lent  le  remplir.  Ces  forbans  sont  en  dehors  du  droit  des  na- 
tions ;  ce  sont  eux  qui l'ont  voulu,  cc  sont  eux  qui  ont  considcre 
comme  un  motif  sullisant  dc  guerre,  de  dire  a  un  autre  peu- 
ple  :«  Nous  voulons  yos  biens,  pour  les  partager,  vos  per- 
sonnes,  pour  etre  nos  esclaves.  » Ils  out  ainsi  rendu  legitime 
toule  guerre qu 'on  leur  ft  ra,  sous  la  seule  condition  de  la  leur 
declarer.  Ils  se  plaignent  aujourd'hui  de  ce  que  le  consul 
francais  a  pris  sous  sa  protection  des  sujets  romains ;  car  la 
France  s'etait  soumise,  par  des  traitcs  conGrmcs  pour  la  der- 
niere  fois  le  29  mars  1790,  a  la  condition  honteuseo  de  ne 
point  preter  son  pavilion,  et  de  ne  point  proteger  les  na vires 
des  puissances  etrangeres  qui  pourraient  etre  en  guerre  avec 
la  regence  d'Alger  (Laborde,  p.  26).  »3Iais  cettc  regence 
n'a  eu  d'autre  motif,  d'autre  pretexte  pour  declarer  la  guerre 
au  Pape,  que  le  desir  de  piller  ses  sujets  ;  ce  motif  est  sulli- 
sant pour  lui  declarer  la  guerre  a  elle-meme. 

Le  brigandage  de  la  mili.ee  turquc  d' Alger  s'etend  stir 
tous  les  pays  situes  entre  les  royaumes  de  Marojc  et  de  Tunis, 
la  Mediterranee  et  le  grand  desert  d'Afrique.  Ce  pays  est  dc- 
signe  sous  le  nom  de  royaume  d'Alger,  quoiqu'il  soit  habile 
par  u\\  grand  nombre  de  peuplcs  independans,  annuellemcnl 
pillespar  les  Algeriens,  mais  qui  se  defendentcontreeux  aussi- 
bien  qu'ils  pcuvent.  M.  Perrotdonne  a  ce  royaume  220  lieucs 
de  cotes,  el  i5ode  profondeur:  M.  Renaudot  compte  21 5  lieues 
de  cotes,  180  pour  largeur  moyenne  du  sud  au  nord  ;  enfin, 
la  carte  dc  Dufour,  2o5  lieues  sur  140,  et  19,000  lieuescarrees 
desupeificie.  be  moins  elevede  ces  calculs  donne  uoe  elendue 
au  moins  egale  a  telle  de  i'ltalie,  avec  un  ( limat  et  un  sol 
superieurs  encore  a  ceux  de  celte  belle  peninsule,  en  sorte 
que  la  contree  qui  porte  le  nom  de  royaume  d'Alger  pour- 
rait  nourrir  deux  fois  plus d'habitans  que  I'ltalie;  elle  lesnour- 
ris^ait  en  diet,  soil  lorsque  la  province  d'  A  friquectait  la  plus  ri- 


CONTKE  ALGER.  »8i 

che  etlaplusheureuse  entre  les  provinces  romaines,  soitlorsque 
l'empirc  des  khalifes  la  renclit  pour  laseconde  fois  a  la  civili- 
sation, y  fonda  de  nombreuses  universites  arabes ,  et  en  fit  le 
siege  de  la  litterature,  des  sciences  et  des  arts,  a  l'epoqueou 
toute  l'Europe  croupissait  dans  l'ignorance  et  la  barbaric 
Cependant,  tel  a  etc  le  poids  accablant  de  la  tyrannie  que  la 
milice  d'Alger  exerce  siir  ce  royaunie,  qu'elle  en  a  reduit  la 
population  a  deux  millions  et  demi  d'habitans,  debris  des  an- 
ciens  peuples  bercberes,  maures,  arabes,  moresques  d'Es- 
pagne,  et  juifs.  La  scule  regie  de  gouvernement  que  con- 
naisse  la  regence  d'Alger,  e'est  de  prendre  aux  malheureux 
habilans  tout  ce  qui  peut  leur  etre  enlcve.  Les  Kouloglis, 
enfans  des  Turcs,  qui  babitent  les  villes,  avec  quelques  restes 
des  Maures  asserviset  degeneres,  et  les  Juifs,  obtiennent  seuls 
unesorte  de  protection  et  de  justice,  dans  un  rayon  peu 
etendu,  autour  de  ces  villes,  on  se  trouvent  leurs  cultures  et 
leurs  jardins.  Les  villes,  autrefois  nombreuses  et  ilorissantes, 
n'ont  plus  ni  Industrie,  ni  commerce,  ni  manufactures;  leur 
population  diuiiuue  rapidemeat,  et  la  plupart  tombent  en 
mines.  Les  campagnes  plus  cloignecs  sont  cultivees  par  des 
Bercberes  et  des  Maures,  qui  ne  s'y  monlrent  que  pendant  la 
saison  des  travaux,  mais  qui  se  refugient  dans  les  deserts  on 
dans  les  montagnes,  aussitot  qu'ils  out  terminelesrecoltes,  dont 
ils  empoitent  one  paitie  avec  eux,  et  dont  ils  enfouissent  le 
rcste  en  terre ;  tandis  que,  chaque  annee,  les  trois  beys  d'O- 
ran,  de  Titerie,  et  de  Constanline,  lieulenans  du  dey,  par- 
tent  a  la  tele  de  trois  corps  d'armee  turque,  pour  lever  sur 
ces  peuples  la  contribution  annuelle,  on  plutot  pour  leui-  ar- 
racher  de  vive  force  tout  ce  qui  est  susceptible  d'etre  em- 
poite.  On  pretend  qu'autour  d'Alger,  et  a  trois  lieues  de  rayon 
on  peut  compter  jusqu'a  di.v  ou  douze  mille  jardins  on  mai- 
sons  de  campagne ;  la  on  voit  lutler  la  fertilite  admirable  du  sol 
avec  l'incurie  et  I'inhabilcte  du  cultivateur.  qui  a  laisse  dege- 
nerer  tous  les  fruits  de  la  terre.  Des  qu'ou  a  depasse  ces  bor- 
nes,  et  la  banlieue  desaulres  grandes  villes,  la  terre  u'a  plus 
de  propiietaire,  et  le  pays  plus  de  gouvernement.  Le  premier- 


•jS'2  OE  L'EXPEDITION 

occupant  cnscmence  les  champs  qu'il  ne  pnurra  rocolter  que 
par  surprise,  on  s'enl'uyant  avec  le  butin  qu'il  derobe  a  la  tcrre, 
eomme  s'il  l'enlevait  a  l'ennemi. 

Dans  Qfctte  guerre  pour  lever  les  contributions,  qui  se 
renouvelle  chaque  annee,  dans  celle  lulle  entre  le.  brigandage 
et  la  barbaric,  l'bonime  a  soull'erl  plus  encore  dans  sa  nature 
morale  que  dans  son  induslrie  ;  le  plus  bontcux  des  gouver- 
ncmeos  a  prodnit  des  I'ruils  digues  de  Iui.  La  milicc.  souve- 
raine,  quoiqu'elle  soil  Ec-cuinc  de  la  nation  lurque,  est  encore 
la  partic  la  nioins  meprisable  de  la  population  d'Alger.  Au 
milieu  de  ses  vices  et  de  sa  leroeite,  elle  a  conserve  de  la  dis- 
cipline el  de  la  valeur,  et  Ic  pouvoir  lui  a  inspire  line  cerlaine 
(lignite  dans  les  manicres;  niais  toutes  les  nations  sujetles  out 
degenere  d'une  maniore  efl'rayante.  Les  Kouloglis,  enfans  des 
Turcs,  d.ont  Henaudot  porle  le  nombic  a  i5o,ooo,  et  qce 
la  politique  de  letirs  peres  exclut  de  1'arnice  et  de  loute  part 
au  gouvcrnement,  s'abandonncnt  a  tous  les  vices  et  a  la  mol- 
lesse  la  plus  efl'eminee;  les  Maures,  les  liercbercs,  les  Mo- 
resques d'Espagnc,  desarmes  par  leurs  oppresseurs,  et  toujour* 
tremblans  devant  cux,  n'ont  rien  conserve  du  courage  de  leurs 
ancehes.  lis  out  oublie  egalement  et  l'art  de  la  guerre,  et  les 
lettres  dans  lesquellcs  ils  brillerent  et  qu'i'.s  rendirent  a  I'Eu- 
rope,  et  les  manufactures  qui  laisaient  ['admiration  de  nos 
ai'eux,  et  ragriculture,  dans  laquelle,  a  Grenade  eta  Valence, 
ils  avaicnt  montre  leur  immense  superiorite.  Sans  eesse  deci- 
mes  par  leurs  lyrans ,  qui  voyaient,  dans  burs  talens,  leur 
richesse,  leur  credit,  des  motifs  de  les  craindre,  ils  na  repre- 
sentent  plus  que  la  populace  de  l'ancienne  nation  ties  Maures, 
a  laquelle  on  a  6le  toutes  les  soperiotitete  Sociales  qui  faisaient 
son  lustre.  Ceux  qui  vivenl  dans  les  villes  soul  lombes  dans  la 
crapule  et  l'esclavage;  ceux  qui  cultivent  les  campagnes,  et 
qui  se  refugierat  dans  les  montagnes  el  les  deserts  a  I'approcbe 
des  Turcs,  sont  descendus  auplus  has  degre  de  la  vie  sauvage. 
Les  Juifs,  enlin,  repousses,  meprises  par  tonics  les  autrcs 
classes  de  la  population,  places  dans  l'crbclie  sociale  au-des- 
sous  desesclaves,  et  ne  pouvanl  bo  ire  aux  fonlaines  publiques 


CONTRE  ALGER.  b85 

qu'apres  que  le  dornier  dcs  esclaves  y  a  bu,  sonl  accables  sous 
l'insulle  et  l'injiistice,  ])lus  qu'ils  ne  ic  i'urent  jamais  au  moyen 
age  par  1'Europe  inloleranle. 

Quelle  gloire  pom- la  Frnnce,  quel  bonheur  pour  l'humanile, 
qu'une  expedition  deslineea  I'aire  cesser  ce  scandale  de  Pordre 
social,  a  empecher  un  chef  de  brigands  de  prendre  rang-  plus 
long-tenis  parmi  les  souverains;  Line  societe  formee  pour  le 
crime,  de  dominer  plus  long-terns  sur  vine  nation  et  sur  une 
vaste  contree !  Quelle  gloire  pour  la  France,  apres  avoir  I'endu 
la  liberte  a  1'Amerique,  et  donne  ainsi  une  seconde  naissance 
aux  nations-modeles  qui  commencent  a  s'elever  au  dela  de 
l'Atlantique,  apres  avoir  soustrait  la  Giece  au  glaive  sangui- 
naire  qui  menacait  la  tete  de  tons  les  Hellenes,  de  ramener  la 
civilisation  dans  la  patrie  de  Saint-Auguslin,  de  la  planter  sur 
un  sol  on  elle  prosperera  rapidement,  oi'i  elle  s'etendra,  et 
qu'ellc  couvrira  bientot  tout  entier!  Car  tout  ce  magnifique 
pays  qui  s'etend  du  Zabara  a  la  Mediterranee ,  et  de  l'Atlan- 
tique aux  rives  du  Mil,  tout  ce  pays,  le  plus  riche ,  le  plus 
prospere,  le  plus  tranquille  de  l'empire  romain,  ce  pays  cou- 
vert  de  cites  florissantes,  d'oi'i  quatre  cents  eveques  se  rendaient 
encore,  au  ive  siecle ,  aux  conciles  d'AfVique;  ce  pays  renai- 
trait  au  bonheur,  a  la  richesse,  a  I'industrie,  aux  sciences  et 
a  la  vertu,  si  les  Francais  -y  portaient  l'ordre  et  la  liberie. 

Mais  quoi,  dira-t-on,  encore  une  entreprise  chevaleresqne  ? 
Et  e'est  toujours  la  France  qui  se  met  en  avant,  qui  sacrifie 
son  sang,  scs  tresors,  pour  le  bien  commun  de  rhnmanite  ! 
«Que  de  vceux  ne  forme-t-on  pas  depuis  des  siecles,  dit  31 .  do 
Laborde,  pour  que  les  puissances  de  la  rhretiente  se  reunis- 
sent,  se  concertent,  dans  le  but  de  detruire  ces  repaires  de 
brigands,  qui  entravent  les  coiriinunications,  paralysenl  le 
commerce,  et  occupent  sans  profit  un  sol  fertile....  Mais,  s'il 
eut  ete  desirable  de  hater  ce  moment  par  le  concours  de  tou- 
tesles  puissances  de  l'Europe,  quelle  folie  ne  serait-cc  pas  a 
une  d'clles  de  rentreprendre  seule,  et  de  se  I'aire  ainsi  le 
champion  du  genre  humain  (p.  /|'|-'|5) » .  Gertes,  je  me  per- 
niettrai,  dans  cede  occasion  .  de  tliflerer  completemeut  d'opi- 


»«/,  DE  L'EXP£D1TI0K 

nion  avec  M.  de  Laborde.  Je  i'ais  des  voeux  pour  que  les 
puissances  de  la  chretiente  n'entreprennent  jamais  rien  en 
coinuiun;  j'ai  pen  de  confiance  dans  la  magnanimite  des  re- 
solutions que  pourrait  prendre  eel  auguste  senat  de  rois ;  j'en 
ai  moins  encore  dans  le  conceit  ,  le  zele  et  l'habiletc  qu'il 
inetlrait  a  les  execuler.  L'interGt  direct  pour  les  nations, 
comme  I'inleret  personnel  pour  les  iodividus  ,  l'emportera 
toujours  sur  celui  des  compagnies  et  des  coalitions,  toutes  les 
fois  qu'on  aura  besoin  d'accord,de  suite,  d'activite  et  d'intel- 
ligeuce. 

Je  dis  l'interet,  parce  que  e'est  dV.n  grand  interct  qu'il  s'a- 
git pour  la  France;  il  s'agit,  en  eftet ,  du  plus  grand  benefice 
qu'on  puisse  altendre  d'une  guerre,  d'une  conquete  en  mi'mo 
tenis  et  d'une  colonie  :  l'une  et  ('autre  les  plus  riches,  les 
plus  avantageuses  qui  aient  ete  offertes  a  l'ambition  des  hoin- 
mes.  II  s'agit  de  la  conquete  d'une  region  presque  egale  en 
etendue  a  l'Espagnc,  situee  sous  le  meme  eiel,  presque  a  la 
meme  latitude,  avec  la  meme  abondance  de  belles  eaux,  les 
metnes  productions,  avec  line  fertilite  de  sol  bien  superieure, 
el  sans  les  vents  glaccs,  si  t'unestes  a  la  Caslille  ;  il  s'agit  de 
la  conquete  d'un  pays  qui,  comme  I'Espagae,  n'a  reellemcnt 
de  voisins  que  la  France;  car  il  n'a  de  l'ronlieres  a  garder 
contre  aucun  ennomi.  Le  royaume  d'Alger  n'est  separe  de 
Toulon  que  par  cent  trenle-cinq  licues  de  nier,  qu'une  flotte 
i'rancbira  en  huit  jours,  des  vaisseaux  man-hands  en  trois 
jours,  des  vaisseaux  de  guerre  en  trente  -six  he u res,  des  ba- 
teaux a  vapour  en  vingt-quatre  he u res.  Cette  mer  reunit  les 
Elats,  tandis  que  les  hautes  chaines  des  Pyrenees  les  separent. 
Ce  sunt  les  centres  d'activite  commcrciale,  et  inlelligente  , 
Toulon  cm  Marseille,  et  Alger,  qui  sont  voisins  ,  tandis  que  Ic 
voisinage  de  Roses  et  de  Perpignan  est  sans  importance. 

Le  royaume  d'Alger  ne  sera  pas  sculement  unc  conquete  ; 
ce  sera  unc  colonie,  ce  sera  un  pays  ncul',  sur  lequel  le  sur- 
plus de  la  population  et  de  l'aclivile  I'ranraises  pourront  se 
repandre.  Souvent  dans  des  ealruls  cconoiniques  on  a  evalue 
|cs  colonies  Tort  an  dcla  do  leur  importance  ;  on  a  represeulr 


COM'RE  AfcGER.  a85 

Saint-Dominguc.  pnr  exemplc ,  qui  ne  valait  pas  le  dixieme 
tic  ce  que  peut  valoir  Alger,  comme  elant  la  source  des  ri- 
chesses  de  I'ancicnnc  France.  iMais ,  en  comhattant  cette  er- 
renr.  d'autres  ont  aussi  trop  rabaisse  la  valenr  des  colonies. 
Les  vieilles  nations  de  I'Europe,  tout  comme  celles  de  l'anti- 
quite,  out  besoin  dc  debouches  ou  elles  puissent  verser  lout 
I'excedant  de  population  et  de  vie  que  cree  en  elles  la  civili- 
sation. Sans  doute  la  France  est  assez  etendue  et  assez  t'ertile 
pour  pouvoir  nourrir  deux  fois  plus  d'habitans,  employer 
deux  Ibis  plus  de  capitaux  qu'elle  n'en  a  ;  mais  la  propriete 
est  enchainee  dans  l'ordre  actuel,  la  proportion  entre  les  pro- 
duits  et  les  besoins  est  reconnue,  et  ne  saurait  se  changer  sans 
soullYance.  L'amclioration  progressive  de  la  France  s'opcre , 
mais  avec  une  ccrtaine  lenteur,  qu'il  ne  faut  ni  esperer,  ni 
mcme  desirer  de  voir  changer,  sous  peine  d'eprouver  les  per- 
turbations dc  toutes  les  existences  qu'eprouve  avijourd'bui 
l'Angleterre.  La  France  pourra  employer  un  jour  chez  elle 
les  talens,  les  capitaux  qui  surabondent;  mais  c'est  nn  fait 
qu'elle  ne  les  emploie  pas  aujourd'hui,  qu'elle  les  repousse, 
et  qu'il  en  rcsulte  un  malaise  universel  dans  l'etat  social.  C'est 
un  fait  que  chaquc  generation  amene  des  milliers  dc  jeunes 
gens,  deja  inities  dans  les  arts,  dans  le  calcul,  dans  ['intelli- 
gence des  affaires,  qui  demmdent  de  l'occupation ,  et  qui 
n'en  trouvent  point ,  parce  que  toutes  les  carrieres  sont  rem- 
plies;  c'est  un  fait  que  toutes  les  places  que  peut  donner  le 
gouvernement,  que.  toutes  celles  que  peut  donner  le  com- 
merce sont  recherchees  avec  avidite;  qu'il  y  a  dans  les  pro- 
fessions savantes  plus  d'aspirans,  que  le  harreau  ,  que  la  fa- 
culte  de  mcdecine ,  que  l'enseignement  et  que  la  presse  n'en 
peuvent  employer  au  service  du  public.  C'est  encore  un  fait 
que  les  manufactures,  l'agriculture  et  le  commerce  ne  re- 
compensent  qu'imparfaitement  1'activite  qu'on  y  emploie  ; 
que  la  vcnte  de  tons  les  produits  ou  bruts  ou  ouvres  est  diffi- 
cile, que  les  marchandises,  en  prenant  ce  mot  dans  l'accep- 
tion  la  plus  large,  depassentles  besoins  du  marche,  ou  la  ca- 
paritc  des  achetenrs  ;    qu'cnfin  les  capitaux  surabondent,  en 


28G  I)E  L'KXl'KDITION 

sorte  quo  l'Elat,  inalgrc  la  ('rise  politique  on  nous  nous  Irou- 
vons,  inalgrc  los  clonics  qu'on  clove  sur  la  volation  du  budget, 
Irnuvcrait  u  oniprunter  a  quatre  pour  cent  ,  et  que  les  negu- 
cians  ,  les  inannt'acturicrs  ,  les  proprictaires  de  lerre  emprun- 
leraieni  a  plus  bas  prix  encore,  s'ils  oll'raient  d'egales  so- 
re les. 

Toute  cettc  masse  dc  taiens,  de  connaissances ,  d'activitc  et 
de  capilaux  que  produit  la  France  avec  surabondance  ,  de- 
inande  impericusement  de  l'emploi ;  tile  le  demaude  pour  le 
repos  de  la  France  ;  car,  taut  d'aetivite  non  employee  est 
une  cause  pciinanente  de  (roubles  :  elle  le  demande  pour  la 
prosperity  future  de  la  France  ;  car  il  laut,  pour  quo  la  France 
soit  progressive,  qu'elle  puisse  ,  a  mesure  qu'elle  se  deve- 
loppe,  appeler  de  nouvcaux  lalens  et  de  nouveaux  capitauxa 
son  service  ;  et  il  faut ,  pour  cola  ,  que  la  creation  de  taiens  et 
de  capitaux  surabondans  nc  soit  pas  decouragoe. 

Cbacun  des  grands  Etats  de  PEnrope,  la  France  seule  ex- 
ceptee,  a  nn  debouclie  pour  les  hommes  actii's  qu'il  prodnit 
avec  surabondance.  L'Angleterre  a  devant  elle  l'lnde,  l'Aus- 
tralasie,  la  pointe  d'AIViqne,  le  Canada  et  merae  les  Etats- 
Fnis;  la  Kussie  a  toute  la  Siberie,  et  ses  couquetes  sur  la  Tur- 
qnie  et  la  Perse;  i'Autricbe  a  des  pays  neufs  dans  ses  pro- 
vinces esclavonnes,  des  pays  asservis  en  Italic,  et  une  part 
probable  an  demembrement  de  la  Turquie.  L'Espagnc,  le 
Portugal,  tant  qu'ils  out  eu  de  la  vie,  ont  eu  des  debouches 
en  Amerique,  et  pourraient  en  avoir  encore,  malgro  l'inde- 
pendance  dc  leurs  colonies.  La  France  seule  se  sent  a  l'etroit, 
resserree  dans  des  frontieres  qui  nc  peuvent  s'etendre.  Faut-il 
done  qu'elle  soit  laissee  en  arriere  par  toiUes  ses  rivalcs  ! 

On  a  suppose  qu'une  alliance  avec  la  Itiissie  aurait  pu  (aire 
regagner  a  la  France  quelques  districts,  ou,  si  1'on  veut,  quel- 
ques  departemens  sur  le  lUiin  (i)  :  changement  dans  la  limite 
des  Etats,  qui  aurait  probablement  allume  une  guerre  gene- 
rale  en  Europe.  Je  ne  sais  trop  oe  que  la  Fiance  aurait  gagne 

tt)  Ouvrtee  f'f  M.  db  LxrioBDR,  p.  iv. 


CONTRE  ALGER.  287 

en  puissance,  si  elle  avait  detacbe  quelques  lambcanx  do  la 
Prusse  rhenane;  sfirement,  du  moins,  elle  n'aurait  rien  gagne 
en  activite  industrielle  ,  elle  n'aurait  ouvert  aucun  einploi 
nouveau  aux  capitaux  qui  affluent  a  la  Bourse  ,  faute  d'etre 
appeles  ailleurs  ,  aux  capacities  de  cetle  jeunesse  si  indus- 
trieuse,  si  active,  si  instruile,  qui  demande  avec  tantd'instancc 
du  travail.  Que  PAfrique  lui  soit  ouveite  ,  au  contraire  ;  qu'a 
deux  011  trois  journees  des  cote's  de  France,  un  pays  immense, 
dont  les  ncuf  dixiemes  sont  sans  proprietaires,  un  pays  qui 
offre  au  choix  les  plus  beaux  climats  de  la  Provence,  de  l'l- 
talie  et  de  l'Espagne,  ainsi  que  les  climats  et  le  ciel  des  An- 
tilles, appelle  l'industrie  francaisc;  et  elle  s'y  transportera  avec 
empressement,  elle  creera  en  pen  d'annees  rabondance,  la 
securile  et  le  bonheur.  L'Afrique  a  surtout  besoin  d'hommes 
qui  pensent  au  profit  de  l'industrie  el  d'hommes  qui  la  g<i- 
rantissent.  Elle  appellera  de  preference  tous  ceux  qui  sau- 
ront  lui  creer  des  ressources  nouvelles  et  ameliorer  les  an - 
cienues,  tous  ceux  qui  sauront  se  mettre  en  rapport  avec  des 
peoples  barbares,  et  leur  communiquer  de  premiers  elemens 
de  civilisation,  tous  ceux  qui  pourront  s'employer  a  admi- 
nistrer,  a  fonder  l'ordre  public  et  a  le  garantir;  tous  ceux,  en- 
fin,  qui  lui  porteront  les  arts,  les  metiers,  l'industrie  qui  ont 
besoin,  pour  se  developper,  des  progres  des  sciences  et  d'une 
civilisation  avancee ;  quant  a  la  force  materielle ,  quant  aux 
bras  qui  executent,  on  les  trouvera  dans  le  pays.  Si  les  Eran- 
eais  arrivent  en  amis,  en  protecteurs ,  en  liberateurs,  s'ils 
viennent  pour  aider  les  Maures ,  non  pour  les  opprimer,  s'ils 
leur  rendent  la  seeurile,  l'egalite  devant  la  loi,  le  respect  pour 
la  vie  et  le  bonheur  de  tout  ce  qui  porte  1'effigie  humaine,  ils 
retrouveront  en  eux  ces  induslrieuxcultivateurs,  ces  homines 
patiens,  intelligens,  actifs,  qui  couvrirent  des  merveilles  de 
ragriculture  moresque  les  territoiresde  Grenade  etde Valence  ; 
ils  trouveront  dans  les  Juifs,  dont  plus  de  cinquante  mille  sont 
repandus  dans  le  royaume,  cette  aptitude  au  commerce,  cette 
promptitude  de  calcul,  cette  connaissance  de  tous  les  marches 
do  1'Afrique,  qui  en  feront  des  agens  admits  et  habiles  de  ton- 


a88  DE  L'EXPEDITION 

tes  lcs  entrepriscs  commcrciales,  des  colporteurs  ct  des  de- 
taiHaas  actifs,  des  voyageure  patiens,  sobres  ct  infaligables, 
pour  communiquer  avec  lcs  peoples  barbarcs  du  desert,  ou 
avec  les  tribus  opprimees  <le  Maroc  et  de  Tunis. 

Sans  doute,  pour  obtenir  ces  immenses  avantages,  il  ne 
Taut  pas  bonibardcr  Alger;  mais,  au  contraire,  delivrer  cette 
capilale  du  joug  qui  l'accable  :  il  nc  faut  pas  raser  une  yille 
qui  conticnl  plus  dc  cent  mille  babitans,  et  en  jeter  les  forti- 
fications dans  la  mer,  mais  an  contraire  cpargner  les  Maures 
en  accahlant  leurs  oppresseurs,  sauver  les  fortifications,  les 
rcparer,  les  completer  du  cote  de  la  terrc,  pour  les  rend  re 
aussi  bonnes  qu'clles  le  sont  du  cote  de  la  mer.  II  ne  faut  pas 
fairfi  la  guerre  aux  snjets  d'Alger,  mais  au  contraire  les  sepa- 
rer  de  leurs  maitres,  rechercher  leur  alliance,  dissiper  leurs 
prejuges,  triompber  de  leur  avcuglement,  et  commencerpar 
leur  faire  du  bien  malgre  eux;  car  Pexperience  seule  peut 
leur  apprendre  que  le  plus  grand  bienfait  que  puisse  leur  ac- 
corder  la  France,  e'est  de  les  conquerir,  pour  les  gouverner 
ensuite  par  des  lois  egalcs.  II  ne  faut  pas  venger  Tbonneur 
dela  couronne  sur  la  milice  torque  ;  car  jamais  il  n'a  dependu 
d'unc  association  de  brigands  d'attenter  a  l'honneur  de  pcr- 
sonne  ;  mais  il  faut  exterminer  celle  association,  et ,  si  l'on 
epargne  les  personnes,  tuer  du  moins  le  corps  politique  des 
forbans,  aneantir  un  gouvernement  qui  ne  differe  des  bandes 
de  voleurs  de  la  Sabine  qu'en  ce  qu'il  comprend  un  plus 
grand  nonibre  de  malfaileurs. 

Parmi  les  projets  qu'on  suppose  au  ministere,  quant  a  cette 
guerre  d'Alger,  il  y  en  a  dont  1'absurdite  ne  le  cede  qu'a  la 
cruaute.  On  a  dit,  par  exemple,  qu'on  detruirait  une  grande 
capitalc,  innoccnte  des  crimes  de  la  milice  turque,  et  deja 
trop  malheureusc  de  ce  qu'on  Pa  laissee  si  long-tems  sous  la 
domination  de  ces  brigands  etrangers;  ou  bien  on  a  dit  qu'on 
leverait  sur  elle  une  telle  contribution  de  guerre  qu'elle  paie- 
rait  tous  les  frais  de  Pexpedition  ;  qu'ensuite  on  evacuerait 
Alger.  Ne  parlons  pas  de  Pinjustice,  de  la  cruaute  d'egorger, 
nu  de  cbasser  dans  les  deserts,  et  de  faire  perir  tie  misere, 


CONTRE   ALfiER.  280 

en  lni  enlevanl  sa  derniere  ressouree,  toule  la  population  pai- 
sible  d'uiie  grande  villc;  n'cst-il  pas  evident  qu'on  ne  laissc- 
rait  a  la  parlie  active  de  cette  population  d'autre  ressource 
que  la  piraterie  et  le  brigandage;  que,  meme  eiil-on  delruit 
la  milice  turque,  les  Maures  seraient  pousses  par  la  miserc 
et  par  le  desir  de  la  vengeance  a  armer  en  course  de  toutes  les 
rades  de  l'Afrique,  01:  des  ports  de  Bonne,  de  Bugie,  de  Tennis 
et  d'Oran.  On  a  annonce  la  fondation  d'nnOrdrc  de  chevale- 
rie  pour  gouverner  l'AIVique,  comme  si  Ton  ne  savait  pas  que 
les  chevaliers  peuvent  etre  bons  pour  comballre,  non  pour 
fonder  ou  gouverner  les  empires;  que  ccux  de  Malte,  par 
leur  orgueil  et  leur  intolerance,  se  sont  toujours  fait  des  en- 
nemis  des  peuples  qui  leur  ctaient  soumis;  que,  racrnies 
dans  toute  l'Europe  parmi  la  plus  brave  noblesse,  et  riches 
de  tant  de  couimanderies,  la  valenr  qu'ils  ont  deploycc,  les 
tresors  qu'il  ont  prodigues,  pour  defendre  et  perdre  successi- 
vement  la  Palestine,  Rhodes  et  Malte,  auraient  suffi  pour 
eonquerir  et  gouverner  l'empire  ottoman,  si  le  bon  sens  des 
homines d'Etat,  la  paternitc  d'unc  administration  inlelligcnle, 
avaient  seconde  la  bravoure  des  chevaliers.  On  devrait  se  rap- 
peler  aussi  que  l'Ordrc  de  Malte  fut  lc  modele  que  Iloruc 
Barbcroussc  chercha  a  imiter,  et  que  la  piraterie  d'Alger  fut, 
a  ses  yeux,  aux  yeux  des  musulmans,  une  guerre  sacree  con- 
tre  les  inCdeles,  et  une  copie  assez  exacte  de  la  guerre  sacree 
des  chevaliers  de  Saint-Jean  contre  lesTurcs. 

Alger  doit  etre  la  conquetc  et  la  colonie  de  la  France;  et 
certes,  pour  vaincre,  pour  exlermincr  douze  mille  fnrbans, 
sans  racines  dans  le  pays  qu'ils  oppriment,  la  France  n'a  pas 
besoin  d'alliance,  011  de  secours  etrangers.  Mais  j'enlends 
dire  :  l'Angleterre  ne  le  pcrmcttra  pas.  Je  m'etonne  qu'un 
Francais  puisse  repeter  ces  paroles,  que  son  sang  ne  bouil- 
lonnc  pas  d'indignation,  a  l'idee  que  l'Angleterre  permettra 
011  ne  permettra  pas  quelque  chose  a  la  France  agissant 
dans  son  droit.  Mais  enfin,  puisqu'on  a  employe  cc  iangagc, 
t    xlvi.  mai  1800.  19 


2r,o  I)F  L'EXP  EDITION 

~i  jc  npondrai  que  l'Anglctcrre  pcrmeltra  a  la  France  la  con- 
quisle  d'Alger;  car  elle  n'a  ni  le  droit,  ni  te  pouvoir,  ni  l'in- 
Inrt  ile  KempC-cher. 

Le  droit.  On  a  fait  l'hotincur  a  la  regence  d' Alger  de  la 
rcgarder  comme  un  gouvcrnement  :  des-lors,  il  y  a  guerre 
cnlre  deux  royaumes  independans,  celui  dc  France  et  celui 
d'Alger;  le  second  est  en  paix  avee  1'Anglctcrre,  riaais  n'a  ja- 
mais eu  d'alliancc  avec  elle,  jamais  l'Angletcrrc  n'a  garanli 
sa  constitution,  son  independance,  ou  ses  frontieres.  La 
guerre  a  cu  On  prctexte  legitime,  el  tel  que  toutes  les  nations 
l'admettcnt  dans  leur  droit  public,  savoir  une  insultc  grave 
au  rcprcsenlant  de  la  puissance  qui  a  declare  la  guerre.  Quant 
mix  premieres  causes  de  la  qucrclle,  quant  aux  recrimina- 
tions, il  n'y  a  entre  les  deux  puissances  belligerantes  d'autrcs 
juges  que  le  sort  des  amies  et  la  volonte  de  Dieu.  La  France 
n'a  pu  s'engager  par  avance  a  nc  point  faire  dc  conqueles 
dans  one  guerre  legitime;  ce  serait  une  promesse  sans  cxem- 
ple  dans  le  droit  public  dc  1'Europe ;  et  jamais  la  France,  on 
l'Autriche,  ou  laRnssie,  ne  se  sont  aventurees  a  endemander 
one  semblable  aux  Anglais,  a  dire  qu'clles  ne  permcttraient 
pas  a  l'Angleterrc  la  conquete  de  la  Cafrcrie,  ou  celle  de  ['em- 
pire des  Birmans,  dont  cettc  puissance  s'est  tout  reeemment 
approprie  quelques  provinces. 

Le  potjvoir.  Je  concois  que,  si  l'Anglelerre  contractnit  une 
alliance  avec  Alger  avant  le  depart  de  l'expedition,  et  dcclarail 
la  guerre  a  la  France,  elle  pourrait  rendre  fort  difficile  et  fort 
basardeuxle  passage  d'une  grande  floltc,  quand  meme  celle-ci 
n'aurait  qu'un  trajet  de  huit  jours  a  faire,  dans  une  mer  ou- 
verlc,  a  une  immense  distance  des  ports  anglais  :  je  laisse  ;'i 
juger  a  ceux  qui  out  pu  apprecier  la  condnite  du  ministerc 
anglais,  en  faveur  du  sultan  que  le  roi  d'Angleterre  avail  ap- 
pele  son  plus  ancicn  allie,  Pardeur  de  ses  vceux,  ses  demons- 
trations equivoques,  et  sa  crainte  de  se  compromeltre,  s'il  y  a 
aucune  chance  a  ce  que  I'Angleterre  declare  aujourd'liui  d'a- 
vance  la  guerre  a  la  France  pour  protcger  le  dey  d'Alger. 


CONTRE  ALGER.  291 

Mais,  lc  debarquement  unc  i'ois  cffectue,  et  la  villc  d'Alger 
souiuise,  il  n'est  plus  an  pouvoir  do  l'Angleterrc  d'cntravcr  la 
France  dans  ses  operations.  Je  crois,  plus  que  personne,  que 
les  colonies  lointaines  dcs  Indes  ou  des  Antilles  ne  convien- 
ncnt  point  a  la  France,  puissance  continentalc,  qui  s'aflaiblit 
en  voulant  dispuler  Pempirc  des  mers.  Ses  flottes  ,  dans  unc 
tongue  navigation  ,  ne  pcuvent  eviter  d'etre  rencontrees  par 
les  llottes  anglaises;  leur  defaite  entraine  la  chute  des  colo- 
nies, surtout  de  celles  qui  sont  insulaires,  qui  sont  affaiblies  par 
une  population  d'esclaves,  et  qui  comptent  sur  la  metropole 
pour  leur  subsistance.  La  France  ne  tient  la  Martinique,  la 
Guadeloupe,  l'ile  de  Bourbon,  que  sous  le  bon  plaisir  des  An- 
glais; aussi  est-il  facheux  pour  elle  d'y  accumuler  de  nou- 
vcaux  capitaux,  de  donncr  ainsi  de  nouveaux  gages  a  ses 
rivaux.  Mais  une  colonic  conimc  Alger,  protegee  par  les  rc- 
doutables  fortiGcations  et  l'arlillerie  formidable  qu'au  dire  de 
plusieurs  les  Francais  ne  pourront  pasconquerir;  une  colonic 
dout  la  cote  inhospitaliere  est  visitee  par  de  si  terribles  tem- 
pctes,  une  colonic  continentalc  qu'on  ne  pent  point  lourner, 
point  prendre  par  derricre,  une  colonie  dans  un  pays  fertile 
en  grains,  abondant  de  tous  les  fruits  de  la  terre,  et  qui  serait 
dix  ans  separe  de  la  metropole  sans  eprouver  un  besoin  ;  une 
telle  colonie  ne  peut  etre  ni  conquise,  ni  detruite  paries  flottes 
anglaises,  d'autaat  plus  qu'elle  ne  tardera  pas  a  etre  defendue 
par  deux  millions  et  deini  de  sujets  ;  car  les  Francais  ont,  par 
dessus  toutes  les  autres  nations,  le  talent  de  se  faire  aimer  des 
pcuplcs  barbarcs  et  de  sympathiser  avec  eux;  its  l'avaient 
prouvc  autrefois  an  Canada,  commc  plus  recemment  en  Egyptc, 
et  ils  peuvent  apporter  aux  Maures  im  si  grand  bien,  ils  pen- 
vent  faire  cesser  pour  cux  une  oppression  si  cpouvantable,  que 
peudetems  doit  leur  suffire  pour  gagner  les  cceurs  de  tous  les 
Africains.  Quand  une  telle  colonic  est  une  fois  fondec  sur  ccs 
principes  du  bien  de  tous,  (pie  la  France  entend  micux  qu'>aiv- 
i-iine  autre  nation,  il  est  do  sa  nature  de  graiulir  et  de  se  fortifier 
sansccsse.  La  France,  maitressc  d'Alger,  s'avancera  plus  rapi- 


292  I>E  L'liXPfiUITION 

dement  encore  vera  I'cmpiic  africairi  que  l'Anglelcrre  vers 
relui  de  l'Inde,  la  llussie  vers  celui  du  nord  de  l'Asie;  et  il  est 
dans  1'interet  dcl'Europc  que  Ses  progres  soient,  encffel,  pro- 
portionnes  a  reux  de  ces  deux  colosses.  Trois  ans  d'expe- 
rience  ont  montre  le  pen  de  succes  que  doit  allendrc  une 
escadre  qui  cntieprendnut  le  blocus  d'Alger.  Qn'on  juge  quel 
serait  son  resullat,  si  c'etait  mtc  armee  francaise  et  non  la  mi- 
lice  d'Alger  qui  se  defendit  dans  ses  murs,  si  c'etait  la  fiottc 
britannique  qui,  arrivaut  de  Plymouth,  apres  une  navigation 
de  54o  lieues  marines,  trouvat  pour  ennemis  les  deux  rivages 
de  la  Meditcrranee,  tandis  que  des  cnsbarcations,  parlies  de 
Marseille  on  de  Toulon,  n'auraient  que  1 35  lieues  a  faire  pour 
trompcr  sa  vigilance. 

L'iNTERLr.  On  repete  qu'il  est  trop  contraire  aux  iuterets  de 
1'Angleterre  que  la  France  ait  une  colonic  en  Afrique  pour 
qti'elle  puisse  Ic  souffrir;  et  cependant  je  ne  vois  pas  qu'on 
ait  une  seule  tbis  indique  en  quoi  ces  iuterets  consistent.  On 
a  dit  que  1'Angleterre,  jalouse  de  la  marine  des  petites  puis- 
sances de  la  Meditcrranee,  de  celle  surtout  des  Genois,  qui 
pouvaient  faire  le  cabotage  a  meilleur  marehc  qu'elle  ,  avait 
vii  avcc  plaisir  la  pirateric  des  iJarbaresques  ruincr  cetle  ma- 
rine, et  re  ml  re  les  vaisseaux  italiens  moins  surs  pour  le 
transport  des  marehandises.  Cela  est  possible;  mais  c'est  1111 
intcrel  si  petit,  si  honteux,  qu'on  n'ose  le  produireau  grand 
jour,  qu'aucun  Anglais  nc  I'avoue,  et  que  1'Angleterre  rougi- 
rail  de  faire  la  guene  a  la  France,  pour  1'empecher  de  de- 
truire  la  piraterie  des  Algericns.  On  a  compare  l'cxpedition 
d'Alger  a  celle  d'Fgypte ;  mais  ce!le-ci  fut  enlreprise  tandis 
(pie  1'Angleterre  etait  en  guerre  avcc  la  France  et  allicc  aver 
la  Turquie:  d'aillcurs,  le  vrai  motif  de  sa  jalousie,  c'est  que 
la  France  s'ouvrait  par  l'Fgyple  une  route  plus  courte  vers 
I'liide,  qu'elle  ne  dissimulait  pas  que  son  but  etait  d'attaquer 
dans  celt e  conlrce  I'cmpire  brilannique,  et  que  meme,  en  n'el- 
lec t want  pas ecprojet,  la  civilisation  de  PKgypte  aurait  appele 
dans  cct  entrepot,  par  la  mcr  Rouge  et  la  Mcdilen-anee,  Iccom- 


CONTRE  ALGEK.  39I 

mercc  dc  I'lnde,  ct  aurait  fait  aux  Anglais  eelte  concurrence 
qu'on  est  eonvenu  de  regarder  connne  un  dommage  com- 
mercial. Mais  le  royaume  d'Algcr  lie  menace  par  aucunc  de 
ses  fronticres  aucunc  possession  anglaise,  aucun  allie  de  I' An- 
gleterre  ;  il  ne  fail  rivalite  a  aucun  de  ses  marches;  et  le  com- 
merce nouveau  qu'il  ouvrirait  en  France  avec  l'AIVique  cen- 
trale,  le  commerce  immense  qu'il  ferait  lui-memc  de  ses 
propres  produits,  quand  il  serait  rendu  a  l'industrie  et  a  la 
prosperite,  augmcnlerait  les  relations  commercials  de  I'An- 
gleterre,  loin  de  les  diminuer.  On  a  dit  encore  que  l'Angle- 
terre  ne  souffrirait  point  que  la  conquete  d'Algcr  coinpronnl 
son  empire  but  la  Medilcrranee.  L'Angleterre  attache,  en 
effet,  un  grand  prix  au  commerce  qu'elle  fait  avec  laTurquie, 
la  nier  Noire  et  les  cotes  d'ltalie ;  elle  a  done  voulu  que  ses 
fiottes  pussent  toujours  le  proteger  sur  la  Medilerranec , 
qu'elles  y  fussent  toujours  rcdoutables,  qu'en  cas  de  guerre 
ses  vaisseaux  y  trouvassent  des  asiles  assures;  qu'eulin  les 
parlies  plus  etroites  de  cctte  mer  fussent  plus  parlieulie- 
rement  soumises  a  son  inspection.  Par  des  depenses  trcs-consi- 
derablcs,  elle  s'est  assure  la  fortcrcsse  de  Gilbraltar,  qui  lui 
garautit  tout  au  moins  une  entree  toujours  librc  dans  cetle 
met,  par  le  detroit  qui  porte  son  nom.  Elle  s'est  encore 
altribue  la  possession  dc  Maltc,  nieme  au  risque,  pour  l'ob- 
tenir,  de  se  faire  accuser  de  manque  de  foi,  parce  que  Malic 
etait  un  point  d'inspection  et  de  garde,  sur  la  mer,  compara- 
tivement  elroite,  qui separe  la  Sicile  de  I'Afrique.  Nelson  re- 
connut  l'importance  de  ces  deux  points,  lorsqu'il  voulut  iu- 
tercepler  l'expedition  d'Egypte.  II  senlit  ineme  la  neccssile 
d'en  obtenir  un  troisieme  dans  les  mers  de  Grece ,  011  la  flotle 
de  Bonaparte  s'ctait  derobec  a  ses  rechcrehes.  Aussi  l'Anglc- 
terre  a-t-elle  ambitionne  la  protection  des  sept  iles  Ionicnnes, 
d'ou  elle  veille  sur  la  Grece  et  sur  l'Adiiatique,  landis  que 
1'insolencc  de  ses  a  gens  y  a  fait  detester  sou  anionic  peut-etre 
bienfaisailtc.  Mais  la  possession  d'Algcr  rfajoulcrail  pour  elle 
aucunc  garanlie  a  ccllc  chaine  dc  posies  qu'cllc  rcgardc  comuie 


•i94  DE  L'EXPIiDITION 

iniportans;  par  cc  molif,  eMo  ne  donna  point  a  lord  Exnionlli 
1'ordre  de  CODfJuorir  cetlc  ville,  mats  de  la  bruler.  D'anlrc 
pari,  Algol1,  aux  mains  dcs  Franeais,  ne  diminuerait  en  ricn  la 
domination  quo  scs  iloltcs  s'arrogent  sur  la  Mcditcrrance.  Al- 
ger ne  ponrrait  servir  a  la  France  do  point  d'allaquc,  ni  con- 
Ire  Gibraltar,  ni  contrc  3Ialtc,  ni  coatee  Corlbu  ,  ct  n'empc- 
cherait  point  l'escadre  brilannique  de  croiscr  librement  dans 
la  haute  mcr.  En  cas  de  guerre  cntre  la  France  ct  l'Angle- 
tcrrc,  la  cote  d'AIger  scrait  enncmie  pour  l'Anglctcrre,  comma 
la  cole  de  Provence;  mais  jamais  l'Anglctcrre  n'a  compte  sur 
l'amitie  dcs  Algerians  j  ou  n'en  a  fait  usage.  L'Anglctcrre  ne 
ponrrait  intcrrompre  la  communication  entre  la  France  et  sa 
colonic,  non  point  parce  que  la  cote  d'Afriquc  scrait  hoslilepour 
clle  ,  mais  parce  qu'en  tout  terns  la  nature  l'a  rendue  dangc- 
rcuse ,  et  qu'clle  ne  peut  deja  point  y  fairc  slalionner  ses 
vaisscaux.  Enfin,  l'occupation  de  Genes,  de  Livourne  ou  de 
Civita  Vccchia  par  les  Franeais,  serait  bien  plus  contraire. 
aux  inlerets  militaires  ou  commcrciaux  dc  l'Anglelerre  que 
colic  d'AIger. 

Rcste  nn  seid  motif  de  mccontcntemcnt,  la  jalousie.  La 
eonquete  d'AIger  et  l'aJministralion  prospcre  de  cc  beau 
pays  ranimeraient  en  France  lc  commerce,  l'industrie  ctl'es- 
prit  d'entrcprise.  Les  manufactures  franeaises  travaillcraient 
bienlot  avee  UO  renouvcllcnicnt  d'ardeur  pour  cos  noiivcaux 
sujots,  pour  dcs  sujets  dont  lc  nombro,  la  ricbessc  ct  les  bc- 
soins  s'accroitraient  rapidement.  La  Franco  tirorait  d'AIger 
tous  les  produils  que  peuvent  donner  les  climals  de  Fltalie  ct 
dc  l'Espagnc,  joints  a  tous  ccux  dcs tropiqucs ,  joints  a  tons 
ceux  du  commerce  dcs  caravancs  d'Afrique;  et  1'cchangc  ou- 
tre les  marchandiscs  dcs  deux  cotes,  scparces  par  une  naviga- 
tion  de  treis  jours,  scrait  si  prompt  et  si  sur  que  la  guerre  ma- 
ritime elic-memc  no.  ponrrait  pas  I'iutcrrompre.  La  Franco 
prosporcrait ;  mais  d'abord  osl-il  bien  sur  que  l'Anglctcrre  on 
resscnlil  line  si  basse  jalousie  '.'  Est-il  bien  sur  qu'cllo  no  vit 
pas,   co   que  quelqucs-uns  de  scs  minislrcs,  M.  Buskisson 


CONTRE  ALGEIt.  2,,.-, 

nitre  aulres,  nc  cesscnt  ile  proelamcr,  qn'iui  pays  commer- 
cant  s'enrichit  par  la  prosperity  des  peoples  avec  lcsqucls  il 
commerce ,  que  la  civilisalion  d'Algcr  ct  les  fruits  qu'ni  rc- 
cucilleraicnt  les  Franeais  tourneraient  indircctement  an  profit 
dc  l'Angleterre?  Est-il  bien  sQr  que,  jalouse  comme  telle 
puissance  se  monlre  aujourd'liui  de  la  Russie,  elle  rcdoulat 
un  accroissemcnl  de  puissance  de  la  France,  sans  lequcl 
celle-ci  ne  pourrait  servir  a  l'aulre  de  contrepoids?  Est-il 
bien  sur  qu'au  moment  011  le  minislere  anglais  recherche  1'al- 
liance  de  la  France  il  osat  avouer  qu'il  s'«qq)Ose  a  tout  ce  qui 
lournerait  au  profit  des  Franeais?  S'il  professait  de  tels  senti- 
mens,  comment  pourrait-il  compter  sur  Palliance  qu'il  de- 
sire? 

Dans  tons  les  cas,  jamais,  nous  le  croyons,  un  minislere 
franeais  n'au rait  la  bassesse  de  flatter  la  jalousie  des  ennemis 
de  la  France.  Deja  cette  France  peut  demander  a  son  minis- 
lere un  comptc  severe  d'une  guerre  cntreprise  sans  l'assenti- 
ment  national,  etdont  les  preparalifs,  imprudemment  preci- 
pites,  lui  causeront  peul-clre  beaucoup  de  cbarges  inulilcs. 
Mais  ses  accusations  seraient  accablantes,  si  la  vicloirc  sur 
laquelle  elle  a  droit  de  compter  demeurait  infructueuse ;  si  la 
conqnele  qu'elle  acbelcra  de  ses  tresors  et  de  son  sang  etail 
bassernent  sacrifice  a  la  jalousie  dc  l'Angleterre;  si  l'honncur 
national  aussi-hien  que  la  prosperity  du  pays  elaient  com- 
promis  par  la  vicloire,  plus  encore  que  par  la  defailc.  La 
France  doit  veiller,  elle  veille,  a  ce  que  la  guerre  cntreprise 
Centre  des  forbaus  ne  soit  pas  tournec  contre  leurs  innocen- 
tes  victimes;  a  ce  que  les  drapeaux  franeais  soient  un  objel 
dc  tcrrcur  pour  le  dey  et  ses  brigands,  mais  de  confiance  el 
d'esperance  pour  les  Maures ;  a  ce  que  le  pays  011  elle  porte 
ses  amies  soit  menage,  comme  un  pays  dont  elle  se  reserve 
la  propriete;  a  ce  que  Ic  soldat  nc  detruise  pas  pour  detruire, 
ne  tue  pas  pour  tuer,  mais  qu'il  epargne,  pour  la  France,  les 
homines  qui  deviendronl  ses  freres,  les  choses  qui  fonderont 
nvce    leur   prosperite    cellc  de   son  pays;  a  ce  qu'enfin   la 


:uf>  DE  [.'EXPEDITION  GONTIVE  ALGER. 

guerre  qui  ravage  s<»it  sans  ccsse  modem-  par  I'espril  deeon- 
qucto  t|tfl  veul  fonder,  rcslauror,  vivilier  pour  1'avciiir.  Tclie 
cSI  la  tache ,  la  vraic  tficlie  quo  la  France  impose  ;i  son  minis- 
tcro,  en  lui  laissant  encore,  quoiquc  sans  confiancc  en  lui, 
disposer  de  son  sang  et  de  ses  trosors.  Malheur  a  lui,  s'il  la 
ncgligeait,  au  niepris  des  intercls  de  la  patrie  et  de  ceux  de 
rhuinanile  ! 


J.  C.  L.  de  Sismondi. 


1830.  a 

LIBRAIRIE  DE  SEDILLOT, 

EDITEUR-COMMISSIONNAIRE, 

Rue  de  1  Od£on ,  N  30 ,  a  Paris. 


LIVRES  DE   FONDS. 


REVUE  ENCYCLOPEDIQUE , 


ANALYSE  RAISONNEE 

DES    PRODUCTIONS    LES    PLUS    REMARQUAELES    DANS    LA    LITTERATURE,    LES 
SCIENCES    ET    LES    ARTS  ; 

Par  une  reunion  de  membres  de  l'lnstitut  et  d'autres  hommes 
de  lettres  ;  publiee  par  livraisons  mensuelles  ,  de  quatorze 
feuilles  d'impression  chacune. 

Onze  anne'es  He  succes  progressifs  ont  constate  l'litilite'  Je  la  Revue  En- 
cyclopedique.  Fondee  a  une  epoque  ou  les  journaux  e'taient  prcsque  ex— 
i-lusivcmcnt  consaeres  aux  debats  journalicrs  d'une  politique  inquiete  , 
elle  vint ,  la  premiere  en  France  ,  repondre  aux  voeux  des  hommes 
e'claires ,  en  naturalisant  chez  nous  l'imilation  de  ces  recueils  ce'lebres 
de  1'Angleterre  et  de  l'Allemagne  oil  sont  ttaite'es  les  hautes  questions  de 
la  litterature  et  de  la  philosophie,  et  ou  les  productions  les  plus  remar- 
quables  sont  aualysc'es  par  des  e'crivains  judicieux. 

La  Revue  Encyclopedujue  comprend  quatre  grandes  divisions  : 
I.   Memoires  et  Notices. 


(*) 

II.  Analtses  d'owrages ,  divisees  en  trots  classes  :  i°  Sciences 
physiques  et  naturellcs  et  arts  industricls  ;  2°  Sciences  morales, 
politiques  et  historiques ;  3°  Litleraturc  et  Beaux- Arts. 

III.  Bulletin  bibliographique,  contenant  des  annonc.es  raison- 
.  nees   d'un  grand  nombre  d'oiivragcs   nouoeaux  ,  classes  par 

pays ,  et  dans  chaque  pays  par  ordre  de.  sciences. 

IV.  NoCVELLES    SCIENTIFIQUES  ,   INDCSTRIELLES    ET    LITTER-AIRES. 

Trois  cahiers  forment  un  volume  d'environ  700  ou  800  pages 
ct  au-dela.  Chaque  volume ,  comprenant  un  trimestrc  ,  est  suivi 
d'une  Table  alphabetique  ct  analytiquc  des  matieres ,  lellement 
disposee  qu'on  peut  rapprocher  et  comparer  a  volonte  ,  soit 
I'e'tat  des  sciences  et  des  elemens  de  la  civilisation  dans  chaque 
nation ,  soit  les  nations  elles-memes  ,  sous  les  differens  rapports 
sous  lesquels  on  a  cu  l'occasion  de  les  considerer. 

La  collection  des  donze  cahitvs  de  chaque  annce  forme  une 
sorte  d' ' Annuaire^scientifique ,  industriel  ct  litteraire  (  en  4  forts 
vol.  in-8° ) ,  tout-a-fait  independant  des  annees  qui  precedent 
et  de  celles  qui  suivent. 

Par  semestre,  par  anne'e. 

Pour  Paris 26  fr.  ^6  h. 

Pour  les  departemens 3o  53 

Pour  l'etranger 34  60 


LE  PIRATE, 

RECUEIL  DES  MEILLEURS  ARTICLES 

PUBLIES    DANS   LES  JOURNAUX   FRANCOIS   ET   ETHANGERS. 

Li/terature.  —  Sciences.  —  Beaux-Arts.  —  Industrie.  —  Thc'd- 
tres.  —  Cours  publics.  —  Tribiuiaux.  —  Modes. 

Le  Pirate  paratt  chaque  dimanche ,  depuis  le  ier  septemhre 
1829,  par  numero  de  quatre  feuilles  in-4",  grand  papier  vehn 


(  3  ) 
<TAnnonay  satine.  Le  prix  ,  d'un  tiers  au-dessous  de  celuidc  tous 
les  journaux  du  meme  genre ,  est  de  36  fr.  pour  un  an ,  20  fr. 
pour  six  mois,  12  fr.  pour  Irois  mois.  Chaque  trimestre  forme 
un  volume  dont  la  pagination  est  suivie  et  qui  est  termine  par 
•une  table  des  matieres.  Le  gout  qui  preside  au  choix  des  arti- 
cles du  Pirate  ,  son  luxe  typographique  et  la  commodite  du 
format  en  font  un  recueil  precieux  pour  les  bibliotluques. 

On  ajoute  1  fr.  par  trimestre  pour  le  recevoir  franco  dans  les 
departemens. 


PUBLICATIONS  NOUVEIXES. 


ANNUAIRE  DU  BUDGET, 


DICTIONNAIRE  ANNUEL 

i°  Des  depenses  generates  de  l'etat  et  des  depenses  particulieres 
dans  chaque  ministere  ;  20  des  recettes  de  l'etat ;  3°  des  trai- 
temens  de  tous  les  employes  civils ,  militaires  et  ecclesiasti— 
ques  indiques  dans  les  developpemens  du  budget ;  4°  de  toute 
la  partie  substanlielle  des  discussions  de  la  cbambre  des  de- 
putes ,  a  la  suite  de  chaque  article  de  depense  ou  de  recette ; 
precede  ou  suivi  des  totaux  des  budgets  depuis  i8i5. — Des 
listes  de  MM.  les  deputes,  i°  par  ordre  alphabetique  des 
noms,  avec  indication  des  departemens  qu'ils  representent  et 
de  leur  place  a  la  chambre ;  i°  par  ordre  des  departemens 
qui  les  ont  nommes.  —  Des  deux  lois  du  budget.  —  Eufin 
d'une  table  alphabetique  et  generale  des  matieres  avec  les 
noms  des  deputes  qui  ont  pris  part  a  la  discussion  et  renvois 
a  leur  discours ;  par  M.  Roch.  Un  fort  vol.  in-8°,  divise  en 
deux  tomes,  i83o.  Prix i5  fr. 


(4) 

Extra  it  (lu  Monilnu,  dn  i5  wars  i83o. 

L' Annuaire  du  Budget  est  lc  scul  livre  a  la  porlc'c  du  public  oil  Ton 
trouvc  dotaillc'es  les  de'penses  et  les  recettes  de  l'e'lat ;  ces  depenses  ct  ces 
recettes  y  sont  range'es  par  ordre  alphabe'lique,  dc  telle  sorte ,  que  quel 
qu~  soit  l'obiet  sur  lequel  on  veuille  avoir  des  renseignemens,  il  suffit 
de  cbercher  un  mot,  comme  on  lc  fait  dans  le  Dictionnairc  de  l'Aca- 
de'mie. 

Le  texte  ,  a  chaque  article,  est  accompagnc  du  incilleur  commentaire 
qu'on  put  lui  donner;  e'est  le  rapprochement  de  tous  les  argumens  em- 
ploye's pour  ou  contre  *  la  chambre  ,  de  tous  les  documens  histoiiqucs 
ou  statistiques  fournis  soit  par  les  ministrcs  et  les  commissaircs  du  roi , 
soit  par  les  de'putc's.  Le  me'rite  de  ce  dernier  travail  devait  consister  dans 
une  sage  concision  ,  dans  la  pre'fe'rence  continucllement  accordee  a  un 
raisonnement  sur  une  pe'riode,  et  surtout  dans  une  constante  impartia- 
lite' ;  M.  Roch  a  su  appre'eier  toutes  ces  conditions  et  les  a  remplies. 

Les  avanlages  que  la  possession  de  cet  ouvrage  peut  procurer  sont  fa- 
ciles  a  saisir.  Sa  forme  alphabe'tique  en  fail  le  manuel  indispensable  de 
MM.  les  niembr.es  des  deux  chambres.  II  ne  sera  pas  moins  utile  aux 
grandes  administrations,  non-seulement  parce  que  les  de'tails  de  leur 
personnel  et  de  leur  materiel  y  sont  rclate's,  mais  encore  parce  qu'elles 
peuvent  y  chercher  quelles  attaques  ont  e'te  dirige'es  contre  elles  a  tort 
ou  a  raison  ,  sur  quelles  parties  elles  ont  porte  et  comment  on  les  a  de'- 
fendues. 

Get  ouvrage,  qui  me'rite  dc  devenir  populaire,  offrira  lc  moyen  de 
suivre  avee  fruit  la  discussion  de  cbaque  section  du  budget;  hors  des 
sessions  il  scrvira  a  expliquer  la  plupart  des  mesures  du  gouvernement  et 
des  ordonnanccs  royalcs,  puisqu'un  grand  nombre  de'rivent  deS  dispo- 
sitions des  deux  lois  de  finances;  enfin,  la  connaissance  des  faits,  l'ap- 
pri5ciation  immediate  de  l'emploi  de  leurs  fonds  par  les  contribuables, 
seront  aupres  d'eux  les  ele'mens  de  conviction  les  plus  puissans ,  et  dont 
les  de'positaires  de  la  fortune  publique  auront  le  plus  a  se  fe'liciter. 

Extra.it  des  Debats  ,  du  I'SfeWier  i83o. 

L' Annuaire  du  Budget  est  un  excellent  livre.  Sur  quelque  haute  ques- 
tion de  finances,  d'ad  ministration,  de  politique  exle'rieure  ou  inte'rieurc 
que  vous  avez  besoin  dc  renseignemens  et  de  lumiercs  ,  vous  les  trouvez 
la,  la  re'ponse  a  cote  de  ('objection  ,  la  solution  a  cote  <lu  probleme.  Et 


(5  ) 

cc  qui  est  dignc  de  rcmarque  ,  e'est  que  ces  discours,  faits  pour  la  tri- 
bune ,  prononce's  en  seance  publique ,  gagnent  pour  la  plupart  a  c tre  relus  , 
me'thodiquement  range's,  commc  ils  le  sont  dans  1' Annuaire ,  par  ordre 
alphabetique ^ 

L1 Annuaire  justifie  complctement  le  mot  de  M.  Laffitte  ,  qui  convenait 
que  jamais  le  budget  n'avait  e'te  scrute  avec  plus  de  soin  ,  dans  son  en- 
semble et  ses  de'tails,  que  pendant  la  session  derniere.  Les  hautes  ques- 
tions de  politique  y  ont  e'te  traite'es  comme  elles  devaient  1'etre  ,  avec 
nrotondcur ,  avec  science.  II  suffit  de  rappeler  les  discours  de  M.  de  Cor- 
menin  et  de  M.  Dupin  aine  ,  sur  ['organisation  du  conseil  d'e'tat  et  l'ina- 
movibilite'  du  comite  du  contentieux,  les  discussions  sur  les  Suisses  ,  sur  les 
cardinaux  ,  sur  les  droits  de  la  chambre  en  maticre  de  traite's  de  paix, 
sur  les  juges  audileurs  et  l'enseigncment  du  pcuple.  Tout  ce  qui  touche 
au  commerce  et  a  l'industrie ,  a  l'agriculture  ,  a  la  prosperite  et  a  l'encou- 
ragement  des  lettres  et  de's  arts  ,  a  e'te  examine  avec  un  soin  scrupuleux  , 
cbacun  apportant  le  tribut  de  ses  lumieres;  en  un  mot,  je  nc  crois  pas 
qu'on  put  re'unir  un  ensemble  plus  complet ,  plus  satisfaisant  de  docu- 
mens  sur  l'e'tat  de  l'administration  de  notrc  pays  et  sur  les  ameliorations 
dont  est  susceptible  notre  systcme  politique  et  financier 

II  est  fort  a  de'sirer  que  ce  recueil  devienne  populaire.  Nous  voudrions 
le  voir  entre  les  mains  de  tous  ceux  qui  prennent  quelque  interet  a  la 
cbose  publique.  Le  rcfus  du  budget  n'est  qu'une  mesure  de  haute  poli- 
tique ,  ne'eessaire  parfois  ,  mais  rare,  l/examen  et  le  vote  du  budget  sont 
des  affaires  de  tous  les  ans.  Sachons  bien  ce  que  e'est  que  ce  budget.  En 
l'e'tudiant  avec  conscience,  nous  apprendrons  deux  choses  e'galement  im- 
portanles  ,  quoique  fort  ignorees  :  quelles  sont  les  economics  a  fa  ire , 
quelles  sont  les  charges  a  supporter  sans  murmure. 


DROIT  PUBLIC  ET  ADMINISTRATE 

FRANCAIS, 

ou  Analyse  et  resultat  des  dispositions  legislatives  et  reglemen- 
taires ,  publiees  ou  non  sur  loutes  les  matieres  d'interet  public 
el  d'administration  ;  par  Bouehene-Ltfer ,  avocat. 
Premiere  livraison,  tome  II  :  Ministeres  de  la  justice  et  de 


(6) 

l'inte'rieur,  i83o.  I  fort  vol.  in-&\  Prix 7  fr.   5o  c. 

L'ouvrage  complet  pouvant  se  diviser  en  plusieurs  parties 
distinctes,  formcra  environ  12  vol.  ou  livraisons  in— 8°. 

Chaque  volume  se  vendra  separement. 


SCIENCES  OCCULTES, 

ou 
ESSAI  SUR  LA  MAGIE,  LES  PRODIGES  ET  LES  MIRACLES; 

Par  Eusebe  Salverte ,  i83o.  2  vol.  in-8°.  Prix i4  fr. 


TRAITE  DES  PLAIES  DE  TJLTE 

ET  DE  L'ENCE^HALITE, 

PRINCIPALEMENT    »E    CELLE    QUI    LEUR    EST    CONSECUTIVE; 

Ouvrage  dans  lequel  sont  discutees  plusieurs  questions  relatives 
aux  fonctions  du  systeme  nerveux  en  general ;  par  J.  P.  Gamar 
docteur  en  medecine  ,  chirurgien  en  chef  et  premier  profes- 
seur  a  l'hopital  militaire  d'instruction  du  Val-de-Grace.  1  vol. 
in-8",  1 83o.  Prix 7  fr. 


OEUVRES 

DE  LA  PRINCESSE  DE   SALM. 

4  vol.  in-18,  sur  grand  papier  velin  satine ,  orne  de  son  por- 
trait ,  1 83o.  (Sous  prcsse.)  Prix ] 4  fr. 

La  princesse  tie  Salin   a  public  en  181 1  unc  premiere  c'Jition  dc  scs 


(7  ) 

poesies,  et  unc  secondc  <n  1817.  Scs  oeuvres,  qu'elle  fail  parahre  a»i- 
jourd'hui ,  rovnprennent  tout  ce  qui  formait  res  deux  editions,  plus  ce 
qu'elle  a  publie  depuis  ,  et  une  grande  quantite  de  pieces  ine'ditej. 


SCENES  POPULAIRES 

EN  IRLANDE, 

Recueillics  par  Mm"  S.  L.  Sw.  B...  et  A.  de  M.   1  vol.  in-8 
i83o.  Prix 7  fr.  5o 


LES  MAC-CARTY, 

ou  qu'est-cb 

QUE  LES  GENS   COMME  IL  FAUT? 

Traduit  de  Tanglais  par  Larast,   i83o.  4  vol:  in-12.  ..    12  fr. 

Cet  ouvrage,  qui  a  oltenu  le  plus  Lrillant  succes  aux  Etats-Unis  ,  de- 
vait  etre  reproduit  dans  notre  languc  ;  c'est  un  livre  de  bon  ton  et  en 
mime  tcms  un  livre  de  famille  ;  lcs  jcuncs  personnes  n'y  puiscront  que 
d  exccllentes  lccons. 


BIBLIOTHEQUE  MUSICALE. 

COURS  DE  MUSIQUE, 

suivi  d'un  choix  d'airs  des  meilleurs  maJtres, 

Pour  le  Foitc-Piano  ;  par  Tolly. 

tn  vol.  in-S°  oblong,  elegamment  cartonne ,  i83o..  ..    i5  fr. 

Ce  cours  e'le'mcnlaire  a  e'le  adople'  dans  la  plupart  des  pensions.  L'au- 
te!;r,  dont  la  nie'tboclc  so  rapproclie  de  celle  de  Jacotot  par  sa  simplicite' , 
•1  »u  ren4ce  I'eiude  dc  la  musiquc  A  la  fois  facile  et  agre'ublc,  en  substi- 


f8.| 

luant  a  des  exercices  ordinaircment  Pastidieux,  lcs  plus  jolis  airs  dc  nos 
grands  compositeurs. 

MANUEL  DE  LA  BOURSE, 

Contenant  des  notions  exactes  sur  les  effets  publics  francais  et 
etrangers ,  avec  l'etat  de  leurs  cours  respeclifs  depuis  l'ori- 
gine.  — Sur  les  affaires  qui  se  traitent  a  la  bourse  de  Paris. 
—  Marches  au  comptant  et  a  terme  ;  marches  fermes ,  libres 
ou  a  prime  ,  reports  et  differentes  manieres  de  speculer.  — 
Sur  le  mecanisnie  du  change  :  arbitrages ,  regie  conjointe ,  etc. ; 
un  apercu  de  la  bourse  de  Londres  et  sur  les  fonds  publics 
en  Angleterre.  —  Des  tableaux  d' evaluations  en  francs ,  des 
obligation*  d'Espagnc  et  des  certificats  Falconnet ;  de  l'inleret 
de  l'argent  place  en  5  en  3  pour  0/o  aux  differens  cours  de  la 
rente  ,  et  des  regies  generales  pour  tous  calculs  relatifs  aux 
effets  publics.  —  L'etat  des  finances  de  toutes  les  puissances 
du  globe,  et  la  liste  de  MM.  les  Agens  de  change  pres  la 
bourse  de  Paris ,  etc.  Nouvelle  edition ,  revue  et  augmentee 
de  tables  d'interet  compose  pour  l'amortissement  et  pour  l'ac- 
croissement  des  capitaux  ,  etc.  ;  par  Lamst.  i  volume  in-i8, 
i83o.  Prix - 2  fr.  5o  c. 


BOTANIQUE  DU   JEUNE  AGE. 

Un  vol.  in-8°  oblong ,  cartonne  ,  fig.  color,  avec  le  plus  grand 

soin  ,   1 83o 1 2  fr. 

Fig.  noires g  fr. 


MANUEL  DE  FORTIFICATION, 

OU  QUESTIONS  EXPLIQUEES  POUR  LES  JEUNES  OFFICIERS 

Sur  la  fortification  dc  campagne,  et  sur  la  fortification  ,  1'attaque 


(9) 
et  la  defense  des  places  de  guerre  ;  par  M.  Fosse ,  nouvelle 
edit.,  i83o.  i  vol.  in-18 2  fr.   5o  c. 


LIVRES    D'ASSORTIMENT. 


BULLETIN  UNIVERSEL  DES  SCIENCES  ET  DE  L'lN- 
DUSTRIE ,  publie  sous  la  direction  de  M.  le  baron  de  Fe- 
russac. 

PRIX  DE  L'ABONNEMENT  ANNUEL. 

Paris.     Les  depart. ,     L'e'tranger, 

i                                                                                                 port  franc.  port  franc. 

i.  Sciences  rrjathc'matiqucs  ,  physiques             fr.         fr.     c.  fr. 

et  chimiques i5         17     5o  20 

a.  Sciences  naturelles  et  geologic 26         3o     5o  35 

3.  Sciences  me'dicales ,  etc '11         25     5o  20, 

4.  Sciences agricoles,  e'eonomiques,  etc.          l5          17     5o  20 

5.  Sciences  technologiques 18         21        »  24 

6.  Sciences    geographiques  ,    e'eonomi— 

publiques  ,  voyages 22          25     5o  29 

7.  Sciences  historiques,  antiquite's  ,  phi- 

lologie '. 18         21        »  24 

8.  Sciences  militaircs ia         i4       »  i& 

Totaux 148       172     5o  197 

Prix  des  7  premieres  sections  prises  en- 
semble         120        i4a     5o  i65 

Prix  du  Bulletin  complel i32        i56     5o  181 


REVUE  BRITANNIQUE,  ou  Choix  d'Articles  traduits  des  meil- 
leurs  ecrits  periodiques  dela  Grande-Bretagne  ;  par  MM.  Saul- 
nier  Ills ,  ancien  prefet ;  Dondey-Dupre  fils ,  Charles  Coquerel , 
Pb.  Cbasles  ,  Lesourd  ,  Sedillot ,  West,  etc. 

Par  semestre,  par  anne'e. 

Par  mois 27   fr.  5o  fr 

Pour  les  departemens ".  .  .  .    3o  56 

Pour  Tetranger 33   •.  62 


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ALBUM  BRITANNIQUE ,  ou  Choix  de  Morceaux  traduits  de» 
recueils  annuels  de  la  Grande  -  Bretagne  ;  ouvrage  orne  de 
douze  belles  gravures  anglaises ,  et  publie  par  les  editeurs  de 
la  Revue  Britanniquc ,  pour  lui  servir  de  complement,  i83o. 
i  vol.  in-8°.  Prix i5  fr. 


PRECIS  DE  L'HISTOIRE  ANCIENNE ,  ET  DES  SUCCES- 
SEURS  D' ALEXANDRE  ;  par  MM.  Cayx  et  Poirson.  i  vol. 
in-8° 7  fr.   5o  c. 

PRECIS  DE  L'HISTOIRE  DU  MOYEN  AGE ,  depuis  l'in- 
vasion  des  Barbares  jusqu'a  la  prise  de  Constantinople  par 
les  Turcs  Ottomans;  par  M.  Des  Micbcls.  i  vol.  in-8°.   5  fr. 

PRECIS  DE  L'HISTOIRE  MODERNE;  par  M.  Michelet. 
i  vol.  in-8° 4  fr-   5o  c. 

PROGRAMME  du  Cours  d'Histoire  pour  la  classe  de  rhetorique; 
par  MM.  Poirson  et  Cayx  ,  professeurs  aux  colleges  royaux 
de  Henri  IV  et  de  Charlemagne i   fr.   25.   c. 

HISTOIRE  ANCIENNE  ,  par  Ch.  Du  Rosoir,  professeur  d'his- 
toire  au  college  royal  de  Louis-le-Grand ,  professeur  sup- 
pleant  a  la  Faculte  desLettres.  Tome  Icr,  contenant  l'histoire 
des  Juifs  ,  des  Egyptiens  ,  des  Assyriens  ,  des  Babyloniens  , 
des  Medes  ,  des  Lydiens  ,  des  Perses  el  des  Grecs  ,  jusqu  au 
regne  de  Dnrrius,  fds  d'Hystaspes.  i  vol.  in-8°. .    7  fr.   5o  c. 

HISTOIRE  ROMAINE,  depuis  la  fondation  de  Rome  jusqu'a 
retablissement  de  l'empire  ;  par  Augusle  Poirson  ,  professeur 
d'histoirc  au  college  royal  de  Henri  IV ;  ouvrage  adopte  par 
le  conseil  royal  de  l'instruction  publique  pour  l'enseignement 
de  l'histoire  romaine  dans  les  colleges  royaux  ct  particuliers 

de  France.  Tomes  I  et  II.  2  vol.  in-8° i4  fr- 

Le  tome  Iroi'sieme  et  dernier  est  sous  presse. 

HISTOIRE  DES  EMPEREURS;  par  M.  Cayx.  (Sous  presse.) 

HISTOIRE  GENERATE  DU  MOYEN  AGE;  parC.-O.  Des 


( II ) 

Michels ,  professeur  au  college  royal  de  Henri  IV.  Tome  IOTr 
contenant  le  demembrement  de  l'empire  romain  par  les  Bar- 
bares  du  Nord  et  les  Musulmans ,  l'etablissement  de  la  reli- 
gion chretienne  et  du  mahometisme ,  et  la  formation  d'un 

nouvel  ordre  social,  i  vol.  in-8° 7  fr. 

La  suite  est  sous  presse. 

ABREGE  DE  L'HISTOIRE  generale  des  tems  mo- 

DERNES  ,  depuis  la  prise  de  Constantinople  par  les  Turcs , 
en  i453,  jusqu'a  la  fin  de  la  guerre  d'Amerique  en  1783; 
par  M.  Ragon ,  professeur  d'histoire  au  college  royal  de  Bour- 
bon. 2e  edition.  2  vol.  in-8° i5  fr. 

TABLEAU  chronologique  de  l'bistoire  moderne,  depuis  la  prise 
de  Constantinople  par  les  Turcs ,  jusqu'a  la  revolution  fran- 
chise,  1453-1789  ;  par  M.  Miehelet.  1  vol.  in-8°.  5  fr.  5o  c. 

TABLES  SYNCHRONIQUES ,'  a  l'usage  des  cours  d'histoire 
ancienne  et  moderne  dans  les  colleges  royaux ;  par  un  profes- 
seur d'histoire 3  fr. 

TABLEAU  CHRONOLOGIQUE  DE  L'HISTOIRE  ANCIENNE 
ET  MODERNE,  depuis  la  creation  du monde  jusqu'en  juil- 
let  1820,  avec  la  chronologie  des  decouvertes ,  inventions, 
institutions ,  progres  de  la  civilisation  ,  des  homines  celcbres  , 
des  savans  ,  des  poetes ,  des  artisans,  etc.  ;  par  H.  Somer- 
hausen.  2  feuilles  nom-de— Jesus 6  fr. 

IDEES  SUR  LA  POLITIQUE  ET  LE   COMMERCE  DES 
PEUPLES   DE   L'ANTIQUITE  ;  par  Heeren  ,  traduit  par 
M.  Suckau ,  d'apres  le  consentement  de  l'auteur,  et  avec  des 
additions  et  corrections. 
Les  3  premiers  volumes  traitent  de  l'Asie  ,  les  4e  et  5e  de  l'A- 

frique  ,  les  derniers  de  la  Grece  et  de  l'Europe.  8  vol.  in-8°.  Deux 

volumes  sont  en  vente. 

Prix  de  chaque  volume n  fr. 

MANUEL  DE  L'HISTOIRE  ANCIENNE  ;  par  M.  Heeren  , 
traduit  de  l'allcmand  par  M.  Thurot ;  2'  edition  ,  revue  et  aug- 


(    M) 
mentee  par  1'auteur.    i  volume  in-8°  de  plus  do  5oo   pages. 
Prix 8  fr. 


RECUEIL  D'OBSERVATIONS  GEODESIQUES ,  ASTRONO- 
MIQUES  ET  PHYSIQUES ,  executees  par  ordre  du  Bureau 
des  Longitudes  de  France ,  en  Espagne ,  en  France  ,  en  An- 
gleterre  et  en  Ecosse ,  pour  determiner  la  variation  de  la  pe- 
santeur  et  des  dcgrcs  terrestrcs  ,  sur  le  prolongement  du  rac- 
ridren  de  Paris ,  faisant  suite  au  troisieme  volume  de  la  Base 
du  systeme  metrique ;  par  Biot  et  Arago  ,  membres  de  l'Aca- 
demie  des  Sciences  et  du  Bureau  des  Longitudes  de  France, 
r  vol.  in-4°,  avec  fig.  ,  1821 21   fr. 

OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES  faites  a  l'Observatoire 
royal  de  Paris  ,  publiees  par  le  Bureau  des  Longitudes.  In-f", 
1 825 ,  tome  I" 5o  fr. 

CONNAISSANCE  DES  TEMS  ,  a  l'usage  des  astronomes  et  des 
navigateurs ,  pour  les  annees  1829  et  i83o.  Prix  de  chaque 

annee  avec  additions 6  fr. 

Et  sans   additions 4  fr- 

On  peut  se  procurer  la  collection  complete  ,  ou  des  annees  se— 

parees  de  cet  ouvrage,  depuis  1760  jusqu'a  ce  jour. 

ANNUAIRE  PRESENTE  AU  ROI  par  le  Bureau  des  Longi- 
tudes. In-18 1   fr. 

Cet  ouvrage  parait  tous  les  ans.  , 

TRAITE  COMPLET  D'ASTRONOMIE  THEORIQUE  ET  PRA- 
TIQUE ;  par  Delambre.  3  v.  in-4°,  avec  29  pi.,  i8i4-   60  fr. 

Abrege  du  mdme  Ouvrage  ,  ou  LECONS  ELEMENTAIRES 
D'ASTRONOMIE  theorique  et  pratique  donnees  au  College 
de  Fiance.  1  vol.  in-8°,  2e  edition  ,  revue  ,  corrigee  et  aug- 
mentee  par  M.  Mathieu ,  membre  de  l'lnstitut  et  du  Bureau 
des  Longitudes.  (Sous  presse.) 

HISTOIRE  DE  L'ASTRONOMIE  ANCIENNE.  2  vol.  in-4% 
avec  17  plancbes  ,   1817 4°  fr- 


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HISTOIRE  DE  L'ASTRONOMIE  DU  MOYEN  AGE.  i  vol. 

in— 4",  1819,  avec  17  planches  en  taille-douee 2.5  fr. 

HISTOIRE  DE  L'ASTRONOMIE  MODERNE;  par  Delambre. 

2  vol.  in-4°,  avec  17  planches  ,1821 5o  fr. 

HISTOIRE  DE  L'ASTRONOMIE  DU  XVIIL  SIECLE;par 

Delambre  ,  publiee  par  M.  Mathieu ,  membre  de  l'lnstitut  et 

du  Bureau  des  Longitudes.  In-4°,  avec  planches ,  1826.  36  fr. 
TRAITE  DE    MECANIQUE  CELESTE  ;  par  le  marquis  de 

Laplace.  5  vol.  in— 4",  1798  a  1825. 

Le  quatrieme  volume  de  cet  ouvrage  ,  qui  contient  de  plus  la 
Theorie  de  Faction  capillaire  et  un  Supplement  faisant  suite  au 
deuxiemelwre  de  la  Mecanique  celeste,  se  vend  separement  21  fr. 

Chaque  Supplement,  separement 3  fr.   5o  c. 

MECANIQUE  CELESTE  ,  tome  V.  In-4" ,  avec  supplement . 

1825  et  1827 29  fr. 

EXPOSITION   DU   SYSTEME    DU   MONDE;  par  Lapface , 

5C  edit.,  revue  et  augmentee  par  l'auteur.  In-4",  1824,  avec 

portrait 1 5  fr. 

THEORIE  ANALYTIQUE   DES  PROBABILITES  ;   par  La- 
place. 1  vol.  in-4",  3e  edit.  ,   1820 27  fr.   5o  c. 

Quatrieme  Supplement  a  la  Theorie  des  Probabilites  ,  1825  ; 

separement 2  fr.   5o  c. 

ESSAI  PHILOSOPHIQUE  SUR  LES  PROBABILITES  ;  par 

Laplace,  5e  edit'.,  revixe  et  augmentee,  in-8°,  1825..    4  ^r- 
PRECIS  DE   L^HISTOIRE   DE  L'ASTRONOMIE  ;  par  La- 
place. 1  vol.  in— 8°,   1821 3  fr. 

TRAITE  DE  MECANIQUE  ;  par  M.  le  baron  Poisson  ,  membre 

de  l'lnstitut  ,  etc.  2  vol.  in-8°,  avec  8  pi.,  181 1.  .  .  .  12  fr. 
LECONS  DE  MECANIQUE  ANALYTIQUE  ,  dounees  a  l'E- 

cole  Polytechnique ;  par  Prony ,  membre  de  l'lnstitut.  2  vol. 

in-4",  J8i5 3o  fr. 

Mecanique  philosophique  ,  1  vol.  in-4° 12   fr. 


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COLLECTION  DES  MEMOIRES  RELATIFS  A  LA  REVO- 
LUTION D'ANGLETERRE  ,  aceompagnee  de  notices  et 
d'eclaircissemens  historiques ,  par  M.  Guizot.  25  vol.  in-8°. 
Prix  dc  chaque  volume 6  fr. 

Cette  Collection  est  uinsi  composee. 

HlSTOlRE  DU  LONG  PARLEMENT  ,  convoque  par  Charles  I"  en  i64o; 
par  Th.  May.  i  vol. 

Memoires  de  sir  Philippe  Warwick,  i  vol. 

Memoires  de  John  Price,  suivi  des  Memoires  de  Herbert  et  Ber- 
kley.  1  vol. 

Memoires  de  Ludlow.  3  vol. 

Memoires  de  Hollis  ,  Hustington  et  de  Fairfax,  i  vol. 

Memoires  de  mistress  Hutchinson,  i  vol. 

Proces  de  Charles  I'r,  Eikone,  Basilike,  Apologie  attribute  a 
Charles  Ier,  Memoires  de  Charles  II.  i  vol. 

Memoires  de  lord  Clarendon.  4  vol. 

Journal  de  H.  Clarendon,  i  vol. 

HlSTOlRE  DE  MON  TEMS  ,  par  Burnet.  4  vol. 

Memoires  de  Jacques  II.  4  vol. 

Memoires  de  sir  John  Beresby,  Memoires  du  duc  de  Buckin- 
gham, i  vol. 

HlSTOlRE  DE  LA  REVOLUTION  D'ANGLETERRE ,  suivie 
de  1'Histoire  de  la  restauration ;  par  Guizot.  5  vol.  in-8°. 
Prix  de  chaque  volume 7   fr. 

DE  LA  RELIGION,  consideree  dans  sa  source,  ses  formes  et 
ses  developpemens  ;  par  M.  Benjamin  Constant.  4  volumes 
in-8°.  Paris,  1827  et  1828 3o  fr. 

LETTRES  DE  FAMILLE  SUR  L'EDUCATION;  par  madame 
Guizot.  Ouvragc  couronne  par  l'Academie  dans  sa  seance  du 
3 1  aoiit  1827,  comme  le  plus  utile  aux  mceurs.  2  vol.  in-8". 
Nouvelle  edition ,  Paris  ,  1828.  Prix . .    1 4  fr. 

CONSEILS  DE  MORALE ,  on  Essai  sur  le  monde  ,  les  moeurs , 
la  litterature  et  les  questions  les  plus  intcrcssante^  de  l'etat 


(   »5) 
social  et  de  la  morale  ;  par  madame  Guizot.  Ouvrage  inedit  , 
precede   d'une  notice  et  public  par  M.  Guizot.  2  vol.  in-8°. 

Paris  ,  1 828.  Prix 1 4  fr • 

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et  membre  de  l'lnstitut ,  nouvelle  et  jolie  edition.  6  forts  vol. 
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Ideologie  proprement  dite.  1  vol.  in-18.  Prix 3  fr. 

Grammaire  Raisonnee.  1  vol.  in-18 , . .  .    3  fr. 

Logiqde  suivie  de  plusieurs  ouvrages  relatifs  a  l'instruction  pu- 
blique  ,  la  plupart  inedits.  2  vol.  in-18 <j  fr. 

Traite  d'Economie  politique  ,  ou  Traite  de  la  volonte  et  de  ses 
effets  ,  augmente  du  premier  cbapitre  de  la  morale.  1  volume 
in-18 3  fr.   5o  c. 

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d'un  memoire  sur  cctte  question  :  Quels  sont  les  moyens  de 
fonder  la  morale  d'un  peuple?  1  fort  vol.  in-18. .    3  fr.  5o  c. 

ESSAI  POLITIQUE  SUR  LE  ROYAUME  DE  LA  NOU- 
VELLE-ESPAGNE ;  par  M.  le  baron  A.  de  Humboldt; 
2e  edit.  4  vol.  in-8°,  avec  un  atlas  geograpbique  et  physique  , 

compose  de  20  planches  grand  in-folio.  Prix 166  fr. 

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L'atlas  separement i5o  fr. 

DU  PERFECTIONNEMENT  MORAL ,  ou  de  l'Education  de 
soi-meme  ;  par  M.  le  baron  Degerando ,  membre  de  l'lnstitut ; 
2e  edit.  2  vol.  in-8° 1 4  fr. 

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FRANCE  ,  au  dix-neuvieme  siecle  ;  par  M.  Ph.  Damiron  , 
elevc  de  l'ancienne  Ecole  Normale ,  professeur  agrege  de  phi- 


( '<> ) 

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OEUVRES  DRAMATIQUES  DE  J.  W.  GOETHE ,  traduites 

de  l'allemand  ;  precedees  d'une  notice  biographique  et  litte— 

raire  ,  par  Albert  Strapfer;  2e  edition.  4  vol.   in-8°,  papier 

satine.  Prix  de  chaque  volume 3  fr.  5o  c. 

OEUVRES  COMPLETES  DE  THOMAS  REID  ,  cbef  de  l'ecole 

ecossaise  ,  publiees  par  M.  Th.  Jouffroy,  avec  des  fragmens 

de  M.  Royer-Collard  el  une  introduction  de  l'editeur.  L'ou- 

vrage  aura  six  volumes. 

Le  prix  de  chaque  livraison  de  deux  volumes  est  de. .  i4  fr. 
PROVERBES  DRAMATIQUES,  par  Theodore  Leclercq;  cin- 

quieme  edition.  6  vol.  in— 8°,  dont  un  inedit,  sur  papier  su- 

perfin  des  Vosges ,  satine 3t)  fr. 

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les  premieres  editions.  Prix 7   fr. 

Les  memes  ,  sur  papier  jesus  velin  satine  ,  7  vol.  in-18 ,  dont 
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HISTOIRE  DE  LA  CONQUETE  DE  L'ANGLETERRE  PAR 

LES  NORMANDS  ;  par  Aug.  Thierry;  20  edition ,  augmentee 

et  enrichie  de  quatre  cartes  geographiques.  4  v.  in-8°.  28  fr. 

On  joint  a  cet  ouvrage  huit  dessins  lithographies  representant 

la  fameuse  tapisserie  de  Bayeux.  Prix 6  fr. 

LETTRES  SURL'HISTOIRE  DE  FRANCE;  par  Aug. 

Thierry,  auteur  de  l'Histoire  de  la  Conquete  de  l'Angleterre. 

Prix 7  fr-   5o  c- 

HISTOIRE  DES  GAULOIS  ;  par  Afiiedee  Thierry.  3  volumes 

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DE  L'EDUCATION  PROGRESSIVE  ;  par  madame  Necker  de 

Saussure  (premiere  partie).  1  vol.  in-8".  Prix 7   fr. 

TRAITE  DE  LEGISLATION  ,  ou  Exposition  des  lois  generales 

Miivant  lesquellcs  les  peuples  prosperent,  deperissent  011  res- 


(   '7  ) 
tenl  stationnaires  ;  par  Charles  Conitc  ,  avocat  a  la  tour  royalc 
de  Paris,  professeur  de  droit  a  l'academie  de  Lausanne,  au- 
teur  da  Censeur  europeen.  4  vol.  in-8°.  Prix 32  fr. 

HISTOIRE  DE  LA  CONTRE-REYOLUTION  EN  ANGLE- 
TERRE  SOUS  CHARLES  II  ET  JACQUES  II ,  par  Ar- 
mand  Carrel,  i  vol.  in-8°.  Prix 7   fr. 

FRAGMENS  PHILOSOPHIQUES;  par  V.  Cousin,  i  vol.  in-8". 
Prix 7   fr.   5o  c. 

PHYSIOLOGIE  DU  GOUT ,  ou  Meditations  de  Gastronomic 
transcendantc  ;  ouvrage  dedie  aux  gastronomes  parisieus ,  par 
un  professeur;  2e  edit.  2  vol.  in-8°.  Prix ...    i^  fr. 

ESSAI  SUR  L'HISTOIRE  GENERALE  BU  CHRISTIA- 
NISME ;  par  Charles  Coquerel ;  2e  edit.  In-8°.  Prix.  .   6  fr. 

HISTOIRE  DU  SOULEVEMENT  DES  PAYS-BAS ,  sous  Phi- 
lippe  II ,  roi  d'Espagne  ;  traduite  del'allcmand  de  F.  Schiller, 
par  M.  Ie  marquis  de  Chatcaugiron.  i  vol.  in-8°.  ...    12  fr. 

OEUVRES  INEDITES  DE  PAUL-LOUIS  COURRIER.  2  vol. 
in-8°.  Prix  .* .'  i 1 4  fr. 

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TIQUE ,  extraits  des  ouvrages  de  Benjamin  Franklin  ,  et  pre- 
cedes d'une  notice  sur  sa  vie  ;  par  A.  Ch.  Rcnourd  ;  2e  edit. 
2  vol.  in-18,  ornes  d'un  portrait  et  d'un  facsimile .  .    5  fr. 

MEMOIRES  SUR  LA  VIE  DE  BENJAMIN  FRANKLIN  , 
ecrits  par  lui-meme ,  traduction  nouvelle  ,  ornee  de  deux  por- 
traits. 2  vol.  in— 18.  Prix 6  fr. 

PRINCIPES  DE  LA  PHILOSOPHIE  DE  L'HISTOIRE  ,  tra- 
duits  de  la  Science  Nouvelle  de  J.— B.  Yico,  precedes  d'un 
discours  sur  le  systeme  et  la  vie  de  rauteur  ;  par  M.  Mi- 
chelct ,  professeur  d'histoire  au  college  de  Sainte-Barbe.  1  fort 
vol.  in-S".  Prix j   ff. 

OEUYRES  COMPLETES  DE  BEAUMARCHAIS ,  pYeccdfc'es 
d'une  notice  biographique  et  lilter.iire  ;  nouvelle  edition.  G  vol. 
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clcvc  de  l'Ecolc  Poly  technique.  3°  edition ,  considerablemcnt 

augmented,  i  vol.  in-8°.  Prix 4  fr. 

HISTOIRE  CONSTLTUTIONNELLE  DE  L'ANGLETERRE; 
par  Hallam,  tradtiction  revue  et  publico  par  M.  Guizot.  5  vol. 
in— 8°.  Prix  de  chaquc  volume 7   fr. 

L'EUROPE  AU  MOYEN  AGE ,  traduit  de  1'anglais  de  H.  Hal- 
lam ,  par  MM.  Dudouit  et  Burghers.  4  v.  in-8°.  Prix. .  28  fr. 

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notes  en  faveur  des  personnes  qui  veulent  approfondir  da- 
vantage  les  principes  de  cette  science ;  3e  edition ,  revue  par 
l'auteur,  etenrichie  de  nouveaux  developpemcns  ;  par  Jean- 
Baptiste  Say,  auteur  du  Traite  d'Economie  politique.  1  vol. 
in— 12,  broche.  Prix 2  fr.   5o  c. 

traite  d'Economie  politique  ;  par  j.-b.  Say.  3  vol. 

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HISTOIRE  U1VIVERSELLE  DE  L'ANTIQUITE  ;  par  Fr. 
Chret.  Schlosser,  eonseiller  intime  et  professeur  a  l'universite 
de  Heidelberg,  traduit  de  l'allemand,  par  M.  P.  A.  de  Gol- 
bery, eonseiller  a  la  cour  royale  de  Colmar,  cbevalier  dc  la 
legion  d'honneur  ;  correspondant  de  l'Institut  (Academie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  ) ,  etc.  3  vol.  in-8° 21   fr. 

HISTOIRE  CRITIQUE  DU  GNOSTICISME  ,  et  de  son  in- 
fluence sur  les  sectes  religieuses  et  philosophiques  des  six 
premiers  siecles  de  l'ere  chretienne ;  par  M.  J.  Matter.  Ou- 
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tres. 2  vol.  in-8°,  avec  un  cahier  de  planches  lithographiecs. 
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MANITE  ,  par  Herder;  ouvrage  traduit  de  l'allemand,  et 
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a  la  faculty  des  lettres  de  l'Academie  de  Paris  ,  maitre  de  con- 
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dc  Locke,  Berkeley,   Priestley,  Home -Took,  traduits   de 

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bieski  ;  par  N.-A.  de  Salvandy.  3  vol.  in-8° 21   fr. 

MANUEL  HISTORIQUE  du  systeme  politique  des  etats  de 
l'Europe  et  de  leurs  colonies ,  deptu's  la  decouverte  des  deux 
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ET  DES  CQliRESPOflDANS,  FRANgAIS  ET  ETRANGERS. 


l"  Pour  le9  Sciences  physiques  et  mathematujues  et  les  Arts  mdustrkls: 
MM.  Bailly  de  MBEUBtn,  Casabeca,  de  Madrid;  Ch.  DoriB,  Gihahd, 
Navies,  de  l'lnstitut ;  J.  J.  Bauds,  Dubrobfaut,  H.  Dussabd,  Fwhby, 
Fbabcg*cr,  Ad.  Gobdirbi  ;  D.  Lardrbr,  de  Londres;  A.  Micbelot, 
de  Mortgery,  Moheao  de  Jorbss;  QoKtEtET,  de  Bruxelles;  T.  Richabd; 
Warden  ,  dcs  Jiltats-'Unis  d'Amerique,  etc. 

a<>  Pour les Sciences  naturelles :  MM.  Fiodrrns,  Gkoffroy  Sairt-Hilaibb, 
de  l'lnstitut;  BorydbSairt-'V  lHCEiiT,  con  e&pondantde  l'lnstitut;  Mathibu 
Bobafous,  de  Turin;  B.  Gaillok,  de  Dieppe;  Isidore  Gsoffboy  SairT' 
Hilaibb,  Huot,  etc. 

3°  Pour  les  Sciences  medicates  :  MM.  Damiron,G.-T.  Dwb,  Feaa*», 
Gasc;  Gersok.,  de  HambGFurg ;  ©b  Kircxhoff,  d'Anvers;  Loys»s;  Ei- 
cotLOT  fils,  d'Amiens,  etc. 

4°  Pour  les  Sciences  pliilosophiquet  -et  morales,  politique*,  giograpkiqua 
et  historiques  :  MM.  M.  A.  Jullibr,  de  Paris,  Fondateur-Directeur  de  la 
Revue  Encyclopidique;  Ahth.  Bbugrot,  Ad.  Blarqci;  Alex,  de  la  Bobdb, 
Jomard,  de  l'lnst. ;  M.  Avkrex,  Barbie  do  Bocage  fils,  Bebjauir  Cons- 
tabt,Ch.  Cohte,  Dbpping,  Dufau,  Duboybr,  Gcigriaut,  A.  Jalbebt, 
J.  L*»ouBMrE,  LAirrcnrAis,  P.  LaUi,  Isidore  Lreror,  Lesoeur-Mbblir, 
Magmas,  Albbbt-Mortbmort,  Eusebb  Salvbbtb,  J.-B.  Say;  Simordb  db 
Sismordi  ,  de  Geneve;  Warr&cerig,  de  Liege,  etc.;  Dupih  aine; 
B  Seville,  Bolxhbhe-Lbfbb,  Parbrt-Real,  Ch.  Rbbouard,  Taillahdieb, 
avocats,  Vidaurrb,  du  Perou,  etc. 

5"  Pour  la  Ltiterature  francaise  et  itrangere,  la  Bibliographic,  VAreheo- 
logie  et  les  Beaux-Arts  :  MM.  Ahdhibbx  ,  Amaury-Dbval,  Emkeic  David, 
Lkuercier,  dbSeguh,  de  l'lnstitut;  Ardrieux,  de  Limoges;  M""1  L.-Sw. 
Belloc;  MM.  BuaBOOF  fils ,  Chauvet;  Chiaribi  ,  de  Varsovie;  P.-A. 
Goupib  ,  Fb.  Degeobge,  Dumbrsar;  Eo.  Gaottier-d'Arc  ;  Ph.  Golbkby, 
correspondaut  de  l'lnstitut;  Leqh  Halbvy,  Hebricbs,  E.  Herbal-, 
AufiusTE  Jollier  fils ,  Bebraid  Jolurr;  Kalvos,  de  Zante ;  Adribb- 
Lafasce,  J.  V.  Leclerc,  A.  Mahul,  Mobclavb;  Mobxard,  de  Lau- 
sanne ;  C.  Pagabbl,H.  Patib,  Arselub  Pbtktib,  Pobgervilui,  db  Rbif- 
vbbbbrg;  dk  Stassart,  de  Bruxelles;  Fb.  Sacti,  Scr-rttzlsr,  SaaVAit 
si  Sbcry;  LbobTbhsss,  P.  F.Tissot,  "Vic  dub,  Ysmm,  etc. 


*07 
STATISTIQUE    DES    MALADIES    PESTILENTIELLES ; 

RAPPORT 

Au  Ccnscil  superlcur  de  sante 

Sur 
LES    IRRUPTIONS   ET   LES    PROGUES   DES    MALADIES    PESTILENTTELLES, 

Pendant  I'annec   1829  (1). 

J'ai  Pbonneur  de  rend  re  comple  au  Conseil  des  resullals 
qu'offrent  les  documens  o.Ticiels  qui  lui  out  etc  communi- 
ques, et  qui  font  connaitre  les  irruptions  et  les  progres  des 
maladies  pestilentielles,  pendant  I'annec  1829. 

L'insuihVauce  de  ces  documens,  a  quclques  -egards,  m'a 
force  de  rccourir  a  plusieurs  autres  sources  d'information, 
dont  j'ai  obtenu  des  renseignemcns  egalement  authentiqucs. 

I. 

La  Peste,  favorisee  par  les  occurrences  de  la  guerre 
■d'Orient,  s'est  propagee,  en  1829,  sur  plusieurs  points  du 
littoral  de  la  mer  Noire.  Elle  exislait,  au  mois  de  jui'let,  a 
Varna,  dans  les  environs  d'Ode&sa,  et  a  bord  de  plusieurs 
vaisseaux  de  l'escadre  russe.  Elle  penetra  memc  dans  la  ville 
d'Odessa  ;  mais  des  mesures  severes  bornercnt  bientut  se$ 

(1)  Cc  Rapport,  fait  reccmment  au  Conseil  supericur  de  sar.te  du 
ruyaumc,  par  M.  Moreau  de  Joknks,  l'un  de  scs  me  nib  res,  contient  line 
seiie  de  faits  incdits  dont  la  connaissance  est  puisee  aux  sources  offi- 
cielles,  ou  acquise  par  des  documens  authentiqucs.  II  est  a  regielter  que 
ies  rapports  precedens  n'aient  pas  etc  publics;  ils  fourniraient  sur  eelte 
importance  matierc  des  indications  positives  cl  d'ntiles  maleiiaux. 

'9* 


*$8  STATISTIQUE 

ravages,  et  nc  (ardcreni  pas  a  Its  arreter.  Toutefois,  une  se- 
condc  invasion  cut  lieu,  six  semaines  apros  Ic  terme  do  la 
premiere,  el  -rendit  de  nonvcaux  efforts  necessaires  pour  on 
etouffer  le  germc.  "Vers  la  fin  d'aodt,  la  peste  so  manifesta  a 
Sevastopol ,  qui  est  le  grand  arsenal  maritime  de  la  llussie, 
dans  la  mor  Noire.  Elle  Cut  communiquee  aux  liabitans,  par 
leurs  relations  avec  les  vaisseaux  dc  guerre,  qui  en  etaient 
infeclcs.  L'existence  de  la  contagion  fut  d'abord  vivement 
contestee,  et  beaucoup  de  medecins  se  rangerent  parmi  les 
incredulcs  ;  niais  les  progres  du  mal  dissiperent  tous  les  dou- 
tes.  Denx  cordons  de  troupes  furent  formes  autour  de  la 
ville,  ct  empecberent  la  maladie  de  sc  repandre  dans  l'inte- 
rieur  de  la  Crimee. 

On  se  rappelle  que,  l'annee  passee,  tout  l'equipage  d'une 
barque  de  Cepbalonie  ayant  etc  attaque  par  la  peste,  a  la 
suite  d'une  communication  avec  un  vaisseau  turc,  il  fut  sou- 
mis,  par  tfn  medeoin  anglais  des  Iles-Ioniennes  a  un  trai- 
tement  mercuriel,  pfincipalement  a  des  frictions,  et  qu'il  nc 
perit  aucun  des  homines,  qui,  par  l'effet  de  ce  reniede,  eprou- 
verentune  forte  salivation.  On  devait,  cette  annee,  confirmer 
le  sneces  de  ce  traitement  par  de  nouvellcs  epreuves;  mais 
nous  n'avons  pas  etc  informes  s'il  avait  ete  employe  avec  le 
memo  bonheur. 

II. 

Le  Cholera  pesi'dentiel,  qui,  depuis  douze  ans,  n'a  pas  c'css6 
dexercer,  dans  toutes  les  contrees  de  l'Asic,  les  ravages 
les  plus  meurtriers,  semble  avoir  borne,  en  i8ag,  I'etendue 
ct  la  puissance  de  ses  effets.  II  n'en  avait  pas  etc  ainsi  l'an- 
nec  precedente.  Des-  le  mois  d'avril,  ce  terrible  fleau  parut  au 
Beneale;  il  attaqua  avec  violence  les  garnisons  anglaises  ct 
les  liabitans  de  Calcutta,  Cawnpore  et  Cbittatong.  II  s'avanea, 
de  village  en  village,  a  l'orient  de  la  premiere  de  ces  villes, 
et  pendant  quinze  jours,  surtout,  il  causa  une  grande  morta- 
lile.  Au  mois  de  juin,  il  se  rcpandit  dans  la  presidence  de 
Bombay,  a  I'autre  cxtrcmile  dela  peninsule  indienne;  ct,  au 


DES  MALADIES  PESTILENTIELLES.  299 

mois  d'octobre,  il  atteignit  la  ville  de  Madras  ct  ses  environs. 
On  croit  que  ce  fut  par  les  relations  commcrcialcs  de  la  tote  dc 
Coromandel  avec  Borneo  qu'il  fut  introduit  dans  cette  ile  a 
fa  fin  de  l'automne.  Toute  la  garnison  hollandaise  de  Pon- 
tiana  en  fut  attaquee;  et  le  resident,  qui  eut  le  bonheur  de 
lui  echappcr,  fut  la  seule  personne  qui  se  trouvat  en  elat 
d'administrer  aux  autres  quelques  remedes. 

Toutefois,  ce  fut  dans  les  environs  de  Calcutta  qu'eut  lieu 
la  plus  granile  mortalite.  Des  villages  entiers  furent  depeu^ 
pies,  et,  dans  la  ville,  il  perit,  en  huit  hemes  de  maladie,  pin- 
sieurs  fonctionnaires  publics,  et  beaucoup  d'habitans  des 
premieres  classes  de  la  societe.  D'apres  le  tcmoignage  du 
Dr  Michelson,  il  y  eut  des  ma'ades  qui  expirerent,  deux  hcu- 
rcs  seulement  apres  les  premiers  symptomes. 

On  eut'recours,  dans  cette  irruption,  comme  dans  les  prc- 
cedentes,  au  laudanum,  a  1'etber,  a  ropium-.et  au  calome- 
las  a  grandes  doses.  A  Madras,  le  fait  suivant  a  ete  public 
sous  l'autorile  du  gouvernement.  Un  Europeen,  age  dc  54 
ans,  ay  an  I  senli  les  premieres  attcinles  du  cholera,  sc  init 
dans  un  bain  chaud,  et  prit  du  laudanum,  non  par  gouttes, 
mais  a  pleinescuillerees  a  cafe.  On  estime  qu'il  en  avala  400 
gouttes  dans  la  nuit.  A  quatre  heures,  les  douleurs  avaient 
cesse  ;  mais  la  chaleur  naturelle  ne  revint  pas  avant  sept 
heures.  Le  tetanos  n'eut  point  lieu,  et  le  malade  ne  perdit  ni  le 
pouvoir  de  parler,  ni  celui  de  se  mouvoir.  II  echappa  a  la 
mort. 

On  n'est  pas  plus  d'accord  aujourd'hui,  dans  l'lnde,  sur  les 
causes  du  cholera  que  lors  de  sa  premiere  irruption,  en  1817. 
A  Calcutta,  on  l'a  attribue,  en  1828,  a  l'extreme  quantite  des 
pluies,  et  a  Bombay,  a  la  duree  de  In  secheresse.  A  bord  de 
YAbercrombie-Robinson,  navire  de  la  Compagnie  des  Indes, 
parti  de  cette  derniere  ville,  lorsqu'elle  en  etait  infectee,  on 
cnaccusa  rhumiditederair;  et,en  consequence,  an  lieu  de  re- 
couiir  a  tons  les  moyens  de  ventilation,  on  ferma  soigneuse- 
ment  les  sabords.  En  deux  jours,  la  maladie  devint  generate ; 
en  cinq  jours,  38  homines  en  furent  alteiuts;  24  en  mourn- 


3oo  STATISTIQUE 

rent,  dont  0  en  inoins  de  .six  hcurcs,  ct  i5  dans  les  donze 
heurcs  qui  suivirent  les  premiers  symptomcs.  Tous  les 
moyens  medicaux  furent  employes  sans  succes,  et  les  forces 
vilalcs  semblcrent  compIAtement  dctruitcs  des  le  premier 
instant  perceptible  dc  l'invasion.  Cependant,  aucun  des  olfi- 
tiers  nc  fut  altcint  de  la  maladie,  sans  doutc  parce  qu'ils  vi- 
vaient  separes  dn  rcste  de  l'equipagc. 

II  est  dignc  de  rcmarque  que,  lorsque  Bombay  fut  assailli 
par  le  cholera,  Sir  John  Malcolm,  gouverneur  de  cettc  ville, 
et  dont  la  haute  capacite  est  bicn  connue,  s'occupa  siir-le- 
chump  de  chercher  dans  les  districts  noiivellcmcnt  habilcs, 
et  ecartes  des  communications  commerciales,  quelquc  monta- 
gne  oil  Ton  put  former  un  asile  pour  les  troupes  et  un  hos- 
pice pour  les  convalescent. 

A  une  immense  distance  du  littoral  de  l'lndc,  le  cholera 
oriental  s'est  frayc  un  ehemin,  pour  la  seconds  fois,  jusqu'uux 
front  ieres  de  l'Europe.  On  se  souvient  qu'en  1825  il  parut  a 
Astrakhan,  et  parmi  les  equipages  de  la  flotte  russe  de  la  mer 
Caspienne.  En  1828,  vers  la  fin  dc  l'automne,  il  a  telate  a 
Orenbourg,  ville  situee  a  la  limite  de  la  Russie  d'Europe  et 
de  celle  d'Asie,  et  qui  est  le  centre  du  commerce  de  ccs  vastcs- 
regions.  Son  irruption,  commo  celle  qui  ravagea  Astrakhan, 
a  eu  lieu  apres  l'arrivec  des  caravanes  Tenant  des  pays  de  la 
Haute-Asie,  dont  les  communications  avec  l'lndoustan  sont 
frcquentes  et  multiplies.  La  maladie,  que  le  froid  dc  1'liivcr 
rigourcux  de  ce  climat  semblait  devoir  eteintlre  complctc- 
ment,  a  reparu  des  que  la  saison  s'est  adoucie,  et  un  rapport 
officiel  fait  connaitrc  qu'elle  exerce  de  grands  ravages  dans 
plusieurs  lieux  ties  provinces  orientates;  mais  le  gouverne- 
ment  russe,  la  considcrant  conime  propagec  par  contagion, 
a  pris  des  mesures  dout  on  pcut  espercr  un  plein  succes. 

HI. 

La  Fiiicre  jaune  a  etendu  ses  irruptions,  en  1829,  aim 
moins  grand  nonibre  dc  lieux  qu'il  u'arrive  ordiuairement  eu 
Amerique. 


DES  MALADIES  PESTILENT1ELLES.  5oi 

A  la  Martinique,  Pirruption  de  1828  conlinuapartiellement 
pendant  1'hiver,  inalgre  l'abaissenjent  de  la  temperature  ;  et, 
au  mois  de  mars,  elle  altaqua  encore  plusieurs  militaircs  rccem- 
ment  arrives.  Mais,  bientot,  elle  eessa,  ct  elle  n'a  reparu,  ni  a 
la  Martinique,  ni  a  la  Guadeloupe,  dans  tout  le  cours  de  1829. 
Une  cbaleur  extreniement  l'orte,  et  l'huuiidite  qui  resulle  de 
Pevaporalion  qu'elle  produti,  n'ont  pu  mettre  fin  a  cetle 
intermittence  remarquable  ,  nonobslant  la  puissance  qu'on 
leur  attribue. 

Les  grandes  Antilles  n'ont  pas  partage  cet  avantage.  La 
fievre  jaune  existait  au  Port-Uoyal  de  la  Jamai'que  des  le 
mois  d'avril.  Dans  les  dix  premiers  jours  de  mai ,  elle  fit 
perir  5o  marins  de  l'equipage  du  vaisscau  anglais  le  Magnifi- 
(jue.  En  juillet,  elle  regnait  a  bord  des  navires  du  commerce, 
en  rade  de  la  Havane,  ct  les  hopitaux  contenaient  un  grand 
nombre  de  malheureux  qui  en  etaient  attaques. 

Cepcndant,  a  la  meme  epoque,  File  de  Porto-Rico,  qui 
n'est  separee  de  Cuba  que  par  un  ctroit  canal,  et  qui  est  sou- 
mise  a  Paction  du  meme  clinial  et  d'agens  physiques  de  la  plus 
parfaite  identite,  continuait  d'etre  cxempte  de  la  maladie.  Le 
medecin  espagnol  Oller,  qui  est  Pun  des  praticiens  les  plus 
experimentes  de  la  colonie,  declare,  dans  un  Memoire  com- 
munique au  conseil,  que  e'est  l'exlreme  vigilance  des  mesures 
adoptees  par  le  premier  magistral  de  Porto-llico  qui  explique 
comment  la  fievre  jaune.  apportee  dans  cetle  ile,  s'est  eleintc 
aussitot,  et  pourquoi  cette  maladie  ne  reparait  point  annuellc- 
ment,  tandis  qu'a  la  Havane  il  ne  se  passe  point  d'annee  sans 
qu'elle  y  fasse  de  nombreuses  victimes.  Le  docteur  Oiler 
aflirme  que  cette  maladie  a  constamment  un  caractere  conla- 
gieux.  Dom  Emiglio  de  Ant;q,  autre  pralicien  eclaire  de 
Porto-Rico,  exprime,  de  la  maniere  la  plus  positive,  la  memo 
opinion.  II  affirme,  dans  un  Memoire  transmis  oflicicllement 
au  Conseil,  qu'avant  que  la  colonie  cut  des  relations  commer- 
cials avec  les  Etats-Enis,  la  fievre  jaune  n'etait  point  connue 
dans  cette  ile;  et  que,  le  pen  de  fois  qu'elle  y  a  regnc,  son 
apparition  a  coincide  avec  I'iirrivee  de  navires  americains,  ve- 
nant  des  lieux  qu'elle  rava  grail. 


5oa  STATISTIQUE  DES  MALADIES  I'ESTILENTIELLES 

Ccst  pour  avoir  repousse  les  importantes  lecons  que  don- 
nent  ccs  fails  qu'un  affreux  desastre  est  vcim  flapper  In 
population  de la  Nouvelle-Orleans.  Cetle  ville,  communiquant 
sans  aueune  precaution  avec  les  ports  des  Antilles  infcclcs 
de  la  fievre  jaune,  ses  relations  journalicres  avec  la  Ilavane 
ont  produit,  au  mois  d'aoCit,  une  imporlation  de  cette  mala- 
die,  qui  a  cause  les  plus  terribles  ravages.  Des  son  apparition, 
la  violence  de  ce  fleau  fut  si  grande  qu'il  faisaitperir  inevita- 
blemcnt  presque  tons  ceux  qu'il  attcignait.  II  enleva,  pendant 
six  semaines,  2D  a  5o  pcrsonnes  par  jour  dans  la  ville,  et  dans 
les  campagnes,  a  proportion.  En  avis  public  fut  donne  a  tous 
les  etrangers  et  aux  habitans  qui  n'etaient  pas  acclimates  de 
se  derober  a  la  mort  par  une  prompte  fuite. 

Tel  est  le  funeste  rcsultat  du  systemc  adopte  a  la  Nouvelle- 
Orleans  de  ne  prendre  aueune  mesure  pour  conserve!-  la  sante 
publique  que  les  journaux  americains  eux-memes  affirment 
que,  pai  l'effet  des  irruptions  de  la  fievre  jaune,  la  population 
de  cette  ville  est  renouvelee  trois  fois  en  dix  ans.  Les  vitlcs 
populeuses  du  littoral  des  Etats-Unis,  sur  PAtlantiquc,  sont, 
au  contrairc,  prcservees,  depuis  long-tems,  par  de  sages  dis- 
positions, de  cette  grande  calamile  qui,  autrefois,  en  repa- 
raissant  presque  chaque  annee,  suspcndail  leur  commerce, 
dcciinail  lours  habitans,  et  arretait  l'essor  de  leur  pros- 
peri  I  e. 

A.  MoREAU  DE  JoNNES.. 


Extraits  d'un  Mcmoire  intitule  :  Recherches  sur  les  progress 

COMPARES  DES  REVENUS  PRIVES  ET  DES  REVENUS  PUBLICS  DE  LA. 

France  et  de  la  Grajsde-Bretagne,  depuis  le  xvic  sicclc  jus- 
q u'd  nos  jours  ;  lu  a  I' 'Academic  des  sciences  par  M.  Charhs 
Dipin. 

Si  1' Academic  des  sciences  n'avait  pas  forme  dans  son  sein 
une  commission  de  slalisliqitc,  les  recherches  qui  sont  la  mature 


REVENUS  DE  LA  FRANCE  ET  DE  L'ANCLETERRE.  3o3 
de  co  Memoire  n'auraient  peut-Stre  jamais  excrce  nos  geo- 
mclres,  ni  profile  des  secoursqu'elles  pen  vent  tirer  des  hautes 
mathematiques.  Et  si  le  digue  Montiiyon  n'avait  pas  fonde 
un  prix  de  stalistiquc  a  decerner  par  1' Academic,  il  estdou- 
teux  que  ce  corps  savant  cut  accorde  a  cette  science  nouvelle 
les  soins  dont  son  jeune  Age  ne  peut  r.ncore  se  passer,  et  qu'il 
1'eQt  mise  sur  la  voie  qui  peut  la  conduire  lc  plus  surementet 
le  plus  tut  a  sa  maturite.  Tels  sontles  effets  d'une  pensee  sage 
et  profondo,  d'une  action  patriotique  et  d'une  judicieuse  di- 
vision dn  travail !  Le  terns  on  nous  recueilleron.s  les  fruits  des 
connaissances  que  M.  Dupin  s'attache  a  repandre  est  peut- 
etre  encore  fort  eloigne;  mais,  puisque  l'un  des  fideles  depo- 
sitaires  des  interets  nationaux  se  livre  paisiblement  a  des  tra- 
vaux  dont  notre  patrie  ne  profiterait  que  dans  un  terns  de 
prosperite  croissante,  il  conserve  Pespoir  d'un  avenir  plus 
heureux  et  plus  rapproche  de  nous.  Ne  repoussons  point  la 
consolante  securite  dont  il  nous  donne  l'exemple  :  nous  en 
avons  besoin  pour  suivre  ses  raisonnemens  et  ses  calculs  avec 
l'attenlion  qu'ils  meritent. 

Depuis  le  xvi''  siecle  jusqu'au  xix%  la  richesse  des  deux 
nations  aujourd'hui  les  plus  opulcntcs  de  l'Europe  s'est- 
clle  accrue  au  hasard,  et  sans  regies  assignables?  s'est- 
elle,  au  contraire,  devcloppee  suivant  un  ordre,  avec  un  de- 
gre  de  Vitesse  que  le  culcul  puisse  apprecicr?  Tel  est  l'objet 
des  rechercbes  suivantes,  dont  la  nature  et  les  consequences 
n'interessent  pas  moins  les  citoyens  que  le  gouvernement  : 
elles  indiquent  aux  particuliers  la  mesure  deleurs  charges,  a 
1'administration ,  la  mesure  de  ses  rcssources;  elles  permet- 
tent  d'evaluer  distinctement  la  partie  constante  et  la  panic 
variable  qu'on  peut  remarquer  dans  les  progres  de  la  richesse 
de  tout  un  peuple;  elles  conduisent,  pour  1'epoquc  presente 
et  pour  les  annees  qui  vont  suivre,  a  determiner  tres-approxi- 
mativement  la  puissance  d'accroissement  dc  cette  richesse; 
elles  ofl'rent,  par  consequent,  les  moyens  d'eclairer  et  de 
guidcrles  operations  d'economie  parliculierc  et  publiquc,  en 
calculant  pour   un  terns  specific,  tel  que  les   dix  annees  qui 


:„j  DES  UEVKMS  PRIVGS  ET  PUBLICS 

s'ecoulefbnt  de  i85o  a  i8.';o,  les  rcsultats  egalemcnt  neccs- 

saircs,  egalemcnt  demontres,  d'tin  progres  opcre  clans  les 
economics  du  tresor  dc  l'Elal,  dans  les  resources  de  la  pro- 
duction nalionale  et  clans  1c  hien-flrc  des  habitans. 

Si,  depuis  ic  xvic  sieelc  jusqu'a  nos  jours,  des  obser- 
vations bicn  f'aitcs  avaicnt  recueilli  les  donnees  statistiques 
les  pins  cssentielles  snr  Ic  nombrc  des  hommes,  snr  cckn  des 
totes  de  chaque  race  d'animaux  domcsliques,  sur  les  produc- 
tions les  plus  importantes  du  sol  ct  des  cultures,  sur  la  valeur 
de  ccs  productions  comparalivcmcnt  au  prix  du  travail  et  a 
la  valeur  de  I'argenf,  rien  neserait  plus  facile,  aujourd'hui, 
que  de  rctrouver  la  marche  irreguliere  ou  reglee  qu'a  suivie 
le  progres  des  forces  productives  dc  la  France  et  de  la  Grande- 
Bretagnc.  Malheureusement ,  il  s'en  faut  de  beaucoup  que 
nous  soyons  aussi  riches  en  bonnes  observations  sur  les  ele- 
mens  esscntiels  dc  la  richesse  nalionale.  Ces  elemens,  incom- 
plcts  memo  pour  lc  terns  oii  nous  vivons,  deviennent  plus 
rares  et  plus  imparfaits,  a  mesure  que  nous  remontons  vers 
des  terns  plus  recules.  Ainsi  le  degre  d'approximalion  qu'on 
pent  esperer  d'atteindre,  en  calculant  la  richesse  de  la  France, 
devient  moins  precis,  et  les  limites  qui  lc  renferment  s'ecar- 
tcnt  dc  plus  en  plus,  a  mesure  qu'on  s'cloignc  de  notre  epo- 
que.  On  Terra  neanmoins  qu'en  prenant  pour  guide  la  loi  dc 
continuite  qui  regit  les  devcloppemcns  dc  l'ordre  social,  aussi 
bien  que  la  marche  de  l'ordre  physique,  on  pent  s'elever  a 
des  resultals  beaucoup  plus  satisfaisans  qu'il  nc  semblait  pos- 
sible de  le  faire  par  des  rechcrchcs  de  ce  genre. 

En  considerant  attentivement  l'ctat  social  chez  un  peuple 
civilise,  on  remarque,  d'une  part,  des  causes  generates  dc 
regularite,  de  conservation,  de  progres;  de  l'autre,  une  foulc 
de  causes  pcrturbatrices.  Plusieurs  de  ccs  dernieres  sont  pu- 
rement  physiques,  tt  tiennent  aux  intemperics  des  saisons, 
aux  maladies,  aux  disettes,  aux  surabondanccs  de  produits 
nutritifs;  d'aulrcs  apparticnr.cnt  aux  passions  des  hommes, 
a  la  vidlcnce,  a  1'injustice,  a  I'arbilraire,  au  vol,  a  la  fraude, 


DE  LA  FRANCE  ET  DE  LA  GRANDE-BRETAGNE.  5o5 

a  Tignorance,  aux  erreurs,  en  un  rnot,  aux  folies  de  toutes 
sortes,  et  aux  attentats  delinis  on  non  par  les  lois. 

Chez  lcs  peoples  en  decadence,  les  causes  perturbatrices 
l'emporteut  sur  les  causes  de  conservation  et  de  production; 
la  societe  s'appauvrit  et  se  desorganise.  Ces  peuples  des- 
cendent  ainsi  graduelleuient,  jusqu'a  ce  qu'ils  devienneiit  la 
proie  de  quelque  nation  plus  puissante  et  niieux  constitute. 

A  travers  les  vicissitudes  de  combats  et  de  malheurs  dont 
l'imagination  s'epouvanlc,  la  Fiance  et  la  Grande-Bretagne 
se  sont  avancees,  depuis  trois  siecles,  dans  la  voie  du  perfec- 
tionneinent  social,  avec  plus  de  regularise  qu'en  aucun  autre 
terns  dont  Fliistoire  ait  conserve  le  souvenir.  Avant  d'exposer 
la  marche  qu'a  suivie  ce  peiTectionnement,  il  convient  de  re- 
monter  aux  principales  sources  de  la  richesse  nationale  :  tel 
est  l'objet  de  ce  Memoire. 

Si  chaque  habitant  d'un  pays  ,  de  la  France,  par  exemple, 
indiquait  la  totalite  de  ses  revenus  dans  une annee,  soit  qu'ils 
provinssent  de  son  travail  ou  du  fruit  de  ses  capitaux,  la 
sonnne  de  tous  ces  revenus  serait  ce  que  nous  appellerions 
la  richesse  annuelle  de  la  France. 

Pour  apprecier  la  Constance,  et  en  quelque  sorte  la  stabitite 
de  la  richesse  annuelie  d'un  peup'ie,  il  i'aut  etudier  la  variation 
possible  des  clemens  dont  elle  est  composce  :  c'est  une  etude 
premiere  et  t'ondamentale  pour  toutes  les  questions  statisti- 
ques  qu'on  veut  soumettre  au  calcul. 

Consideions  d'abord  la  richesse  d'une  contree  qui  jouit 
delapaix  et  d'institutions  stables,  premiers  biens  d'un  peuple. 
Dans  un  tel  pays,  au  bout  d'un  terns  pen  considerable,  il 
s'etablit  une  proportion,  un  equilibre  entre  les  prix  des  di- 
vers objets  convenables  a  l'homme,  selon  leur  agreinent  ou 
leur  ulilite.  Pour  arriver  a  cet  etat  il'equilibre,  tantot  le  ven- 
deur  reduira  les  prix,  afin  d'accroitre  la  quantite  de  ses  ven- 
tes ;  tantot  il  augmentera  les  prix,  sauf  a  laisser  diminuer  la 
quantite  des  objets  vendus  :  il  continuera  de  la  sorte,  aussi 
long-tems  qn'il  vena  croitre  son  produit  definitif.  Pardegres, 
le  mouvement  de  hausse  des  prix  deviendra  moins  rapide 

T.    XLVI.     MAI     l83o.  20 


3n(>  DES  UEVKJSliS  PRIVIES  ET  PUBLICS 

les  variations  tres-pelites,  et  Ie  produit  total  sensiblement 
slationnairc ;  ce  point  scpare  la  progression  des  richesses  de 
l(Mir  rclrogradation ;  e'est  le  tcrnic  anqucl  lc  vendcur  s'effor- 
cera  de  niaintenir  les  prix.      * 

Ainsi,  les  prix  de  chaquc  espece  d'objet  tendent  sans  cesse 
vers  une  cerlaine  limite  autour  de  iaquelle  ils  se  balaneent 
en  sens  conlraire  de  !a  quantite  d'objets  vendus;  desorte  que 
le  produit  total  des  venles,  pour  cbaque  espece  d'objets,  va- 
rie  bcaucoup  moins  que  les  deux  Clemens  dont  ce  produit  se 
compose.  Supposons  mainlenanl  que  les  objels  a  vendrc 
existent  par  millions;  qu'ils  soient  dissembles  en  beaucoup 
de  lieux,  enlre  des  mains  independantes ;  les  millions  de 
marches  qui  scront  conclus  dans  une  annee  presentcront 
une  valeur  totale  qui  s'ecartera  pen  du  prix  moyen  fixe  par 
l'avantage  mutuel  desvendeurs  et  des  aclieteurs.  La  theorie 
des  probabilities  apprend  a  calcuier  de  combien  le  produit  to- 
tal, on  la  richesse  annuelle,  peut  s'ecarter  du  maximum  indi- 
quant  la  limite  naturcllc  de  cette  richesse. 

Lorsque  l'etat  social  procure  a  un  pays  une  richesse  crois- 
sante,  on  peut  determiner  le  degre  d'accroissement  de  cette 
richesse  pour  l'intervalle  d'une  annee;  si  Ton  opere  sur  une 
longue  periode,  on  peut  obtenir  un  accroissement  moyen, 
convenablement  deduit,  qui  oflre  un  degre  d'approximation 
croissant  avec  le  nombre  d'aunees.  Afin  de  connaitre  l'exac- 
tilude  que  Ton  peut  esperer  d'atleindre  dans  cette  recherche, 
il  faut  examiner  en  premier  lieu  la  plus  grande  somme  d'ine- 
galites  que  puissent  presenter  les  richesses  annuelles  d'un 
pays.  En  France,  par  exemple,  il  faut  placer  au  premier  rang 
les  richesses  agricoles  et  les  plus  importans  de  leurs  produits, 
ceux  des  cireales. 

L'homnie  peut  bicn  restreindre  jusqu'a  un  certain  terme 
sa  consommation  de  cereales  :  dans  une  saison  l'atale,  il  peut 
donner  a  sa  famille  une  ration  de  pain  plus  ou  moins  re- 
duite,  ainsi  que  le  fait  un  capitaine  de  navire,  lorsqu'il  ne  lui 
resle  que  peu  de  vivres,  et  qu'il  est  eloigne  dc  tout  rivage  : 
mais  cette  reduction  a  des  homes  tres-rapprochee3,  el  plutot 
que  de  la  subir  au  dela  d'un  certain  terme,  chacun  se  resout 


DE  LA  FRANCE  FT  DE  LA  GRANDE-BRETAGNE.  307 

a  des  sacrifices  de  plus  en  plus  penibles.  On  en  jugera  par  les 
observations  suivantes  qu'on  doit  a  Gregory-King,  et  qu'a 
publiees  Davenant,  habile  adminislrateur,  tres-verse  dans 
l'etude  de  I'arithmetique  politique. 

En  procedant  par  dixiemc  de  diminution  des  recoltes  et 
d'accroissement  du  prix  des  bles,  on  arrive  aux  resullats  sui- 
vans  :  pour  un  dixieme  de  deficit,  5  de  rencherissement  ; 
pour  2,  8;  pour  5,  16;  pour  [±,  28;  pour5,  45.  Ainsi,  lorsque 
la  quantite  des  cereales  est  diminuee  de  raoitie,  leur  prix  est 
plus  que  quadruple. 

Au  xvie  siecle  et  aux  deux  suivans,  on  voyait  frequem- 
ment  de  grandes  variations  dans  le  prix  de  ces  substances  aK- 
mentaires.  Dans  un  intervalle  de  deux  ou  trois  ans,  ces  prix 
quintuplaient  et  retombaicnt  ensuite  au  plus  bas  degre.  Des 
famines  extremes  resultaient  de  cesinegalites;  de  grandes  mor- 
talites  en  etaient  la  consequence  ordinaire.  Grace  aux  progres 
de  l'agriculture  et  du  commerce,  a  la  multiplication  des  routes 
et  des  canaux,  au  perfeclionnement  des  moyens  de  transport  et 
d'approvisionnement;  gruoe  surtout  a  la  paix,  a  la  securite, 
a  la  liberte  dont  jouit  le  cultivateur,  ces  extremes  disparates 
dans  le  prix  des  cereales  ne  se  font  plus  remarquer.  Ainsi,  de- 
puis  trenle  ans,  les  prix  n'ont  pas  varie  de  cinq  dixiemes  au- 
dessus  ou  au-dessous  du  prix  moyen,  ce  qui  n'indique  pas  la 
variation  d'un  septieme  dans  la  quantite  de  bles  annuellement 
consommes,  de  plus  ou  de  moins  que  la  quantite  moyennc 
necessaire  aux  besoins  de  la  population. 

Nous  avons  cherche  quels  rapports  entre  les  prix  et  les 
quantites  consommees  peuvent  salisfaire  aux  observations  de 
Gregory-King;  nous  avons  trouve  qu'ils  sont  donnes  par  une 
equation  du  troisieme  degre.  Nous  avons  employe  cette  equa- 
tion pour  determiner,  d'apres  le  prix  moyen  des  cereales  en 
France,  depuis  1801  jusqu'a  1829,  le  prix  total  des  ventes,  et 
par  consequent  la  richesse  produite  par  les  cereales  consacrees 
a  la  nourrilure  de  l'homme. 

Le  prix  moyen  de  cette  consommation,  pour  la  population 
francaise ,    est  evalue   par  approximation  a  i,6oo  millions 


3o8  DES  REVENUS  PRIVES  ET  PUBLICS 

de  francs.  Voici  qu'elles  ont  ete  les  plus  granges  differences 
des  ventcs  effect  uees,  companies  a  ce  prix  moyen,  dans  les 
annecs  les  plus  remarquables  par  l'abondance  ou  la  disctte, 
depuis  le  commencement  de  ce  siecle  jusqu'en  1800. 

Annecs  de  plus  grande  abondnnce.  1804  :  le  prix  lotal  des 
ventes  a  diminue  de  219  millions  204  mille  francs,  ou,  apeu 
pres,  un  huitieme  du  prix  moyen.  —  1824  :  diminution  de 
i52  millions  256  mille  francs  ;  un  onziemc  du  prix  moyen. 

Annies  de  plus  grande  diseite.  1812  :  augmentation  du  prix 
total  des  ventes  de  cereales,  270  millions  202  mille  francs, 
sixieme  partie  du  prix  moyen.  —  1817  :  augmentation  du 
prix  total ,  5g5  millions  554  mille  francs,  presque  le  quart 
du  prix  moyen. 

Ces  inegalites,  considerees  en  elles-memes,  meritent  beau- 
coup  d'attention  :  mais,  quant  a  leur  influence  sur  le  revenu 
general  du  royaume,  elles  sont  d'une  faible  importance, 
comme  on  va  le  voir. 

Annies  de  plus  granite  abandonee.  En  1804,  l'abaissement 
du  prix  de  la  vente  des  cereales  ne  produisit,  -sur  le  total  des 
revenus  prives  des  Francais,  qu'une  diminution  de  trois  et 
demi  pour  cent  :  en  1824?  celte  diminution  ne  fut  que  de 
deux  pour  cent. 

Annies  de  plus  grande  diseite.  En  1812,  le  revenu  total  des 
Francais  fut  augmente  de  quatre  pour  cent,  et,  en  1817,  de 
cinq  et  demi  pour  cent. 

Ainsi,  parmi  toutes  les  sources  de  revenus  agricoles,  la 
partie  la  plus  imporlante  et  la  plus  lucrative  des  produils  de 
premiere  necessite  ne  presente  pas,  daus  les  annees  d'exlreme 
abondance,  une  diminution  superieure  a  trois  et  demi  pour 
cent  sur  la  tolalite  des  revenus  prives;  et,  dans  les  annees 
d'extreme  disetle,  I'augmentationde  ces  revenus  n'excede  pas 
cinq  et  demi  pour  cent. 

Un  second  Memoire  demontrera  comment  les  autres  con- 
sommations,  soil  pour  les  subsistances,  soit  pour  le  logement ; 
le  vetement,  I'ameublement,  etc.,  s'accroissent  quand  la  de- 
ptnse  des  cereales  diminue,  et  comment  ces  autres  depenses 


DE  LA  FRANCE  ET  DK  LA  CRTAfiDE-BRETAGNE.  5o<) 
vont  diminuant,  lorsquecelle  dea  cereales  augmente.  Ainsi,  les 
faibles  inegalites  que  nous  venous  de  signaler,  an  sujet  des 
cereales  dans  la  succession  des  revenus  nuntiels  de  la  popu- 
lation francaise,  sout  coutrebalancees  par  les  aulres  genres 
de  productions  et  de  consummations.  Ge  premier  apercu 
nous  montre  deja  par  quelles  compensations,  malgre  de  tres- 
grandes  anomalies  dans  le  prix  de  certuines  especes  de  pro- 
ductions et  de  consommations  ,  le  revenu  de  tout  un  peuplc 
n'eprouve  en  passant  d'une  annee  a  l'autre,  que  des  varia- 
tions tres-inl'erieures  a  celles  qu'on  pourrait  imaginer  d'apres 
un  exainen  superflciel. 

La  loi  mathemalique  qui  fixe  la  correlation  du  prix  des 
grains  et  des  quantites  consommees  permet  d'evaluer  nume- 
riquement  les  benefices  assures  atix  producleurs  de  cereales 
par  la  loi  politique  relative  aux  prix  que  les  hies  doiventat- 
teindre  avant  qu'on  permette  au  commerce  d'en  exporter  ou 
d'en  importer.  Les  memes  considerations  donnent  egalement 
la  mesure  des  avantages  resultant  de  I'approvisionnement  des 
reserves,  qui,  par  leurs  achats,  souiageut  Ic  producteur  dans 
ic  terns  de  surabondance,  ct,  par  leurs  rentes,  vienncnt  au 
secours  du  consomuialcur  quand  la  diselte  commence  a  frap- 
perla  population. 


^caM* 


II.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 


SCIENCES  PHYSIQUES  ET  NATURELLES. 

Journal  d'on  voyage  a  Temboctoc  et  a  Jenne  ,  dans  lfAfrique 
centrale,  precede  d 'Observations  failes  che:  les  Maures  Brak- 
nas,  les  Natous  etd'autres  peuphs  ;  pendant  les  annees  1824, 
i8a5,  1826,  1827  eti8aS  ;  par  2tc/ie  Caillie;  a  vec  une  carte 
itineraire  et  des  remarques  geographiques,  par  M.  Jomard, 
membre  de  l'lnslitut  (1). 


Parmi  tons  les  voyageurs  qu'un  ardent  desirde  gloire  a  con- 
duits dans  l'interieur  de  I'Afrique,  il  en  est  peu  qui  puissent 
rivaliser  de  courage  et  de  perseverance  avec  M.  Caillie.  De- 
vore  de  la  passion  des  voyages,  il  forma  presque  des  l'enfance 
ledessein  d'explorerce  mysterieux  continent  etcette  vilie  de 
Temboctou,  si  celebre  parmi  les  Europeens,  pour  n'avoir  ete 
visitee  par  aucund'eux.  A  peine  age  de  seize  ans,  il  faisait  voile 
vers  I'Afrique,  sur  la  gabarre  la  Loire,  compagne  de  La  Me- 
duse,  dont  elle  evita  lenaufrage.  II  parvint,  apres  de  longs  ef- 
forts, a  s'adjoindre,  comme  volontaiie,  a  l'expedition  du  ma- 
jor Gray.  Nous  avons  rendu  comple  decette  entreprise  mal- 
heureuse  dans  notre  cabier  du  mois  dc  juin  1827  (voy.  Rev. 
Enc,  t.  xxxiv,  p.  62a).  Toutefois,  la  relation  succincte  qu'en 
donne  M.  Caillie  con  tient  de  nouveaux  details  propresa  mieux 
faire  apprecier  les  perils  qui  l'accompagnerenl,  et  lesfautesqui 
en  compromirent  Ie  succes.  Suivant  lui,  les  expeditions  pres- 

(1)  Paiis,  jS.io;  Mongie  aine,  ct  A.Bertrand.  3  vol.  in-8"  de  4«4  & 
4"5  pages  ;  pi  i»,  "c  fr. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  3n 

que  infructueuses  de  Gray,  de  Peddie,  de  Campbell  et  de 
Tuckey  ont  coute\\  l'Angleterre  la  somme  enoimedc  i8mil- 
lions  de  francs. 

llevenu  a  la  cote,  notre'voyageur,  que  rien  ne  pouvait  de- 
courager,  obtint  de  M.  le  baron  Roger,  gouverneur  du  Sene- 
gal,  quelques  marchandises  pour  aller  vivre  chez  les  Maures 
Braknas,  dans  le  dessein  d'apprendre^leur  langue  et  de  s'i- 
nitier  aux  pratiques  de  leur  culte ,  qu'il  feignit  de  vouloir  adop- 
ter. 

Ce  people  nomade  habite  entre'le  desert  et  la  rivedroite  du 
Senegal.  II  se  compose  de  cinq  castes  distinctes  :  les  fiassancs 
ou  guerriers,  les  marabouts  ou  pretres,  les  zenagues  ou  serfs, 
les  tararines,  mulatres  nes  du  concubinage  des  Maures  avec  les 
negresses  et,  enfin,  les  negres  esclaves.  Les  hassanes  sontbel- 
liqueux,  mais  inluimains  et  rapaces;  cette  caste  opprime  et 
depouille  toutes  lesautres,  particulierement  celle  des  zenagues, 
qui  est  dans  sa  dependance.  Les  marabouts  sont  moinsciuels, 
mais  non  pas  moins  avides  que  les  liassanes ;  ce  que  ceux-ei  ar- 
rachent  aux  zenagues  par  la  violence,  les  marabouts  l'extor- 
quentpar  la  menace  du  feueternel.  Un  de  leurs  preceptes  fa- 
voris  est  qu'un  marabout  doit  toujours  reccvoir  et  ne  jamais 
donner.  M.  Caillie  s'est  vainement  efforcc  de  decouvrir  l'ori- 
gine  des  zenagues  et  comment  ils  ont  cte  reduits  a  payer  tri- 
but  a  d'aulres  Maures.  A  ses  questions  sur  ce  sujet,  on  repon- 
dait  toujours  que  Dieu  le  voulaitainsi,  parce  que  e'etaient  des 
infideles  qui  faisaient  rarement  le  salam.  Le  sort  des  zenagues 
est  tres-malheureux.  Cependant,  lorsqu'ils  sont  trop  cruelle- 
ment  opprimes  par  leur  maitre,  ils  ont  l'espoir  d'en  cbanger. 
II  leur  soffit  pour  cela  de  trouver  un  autre  hassane  endormi, 
et  de  lui  couper  une  oreille,  ou  bien  de  tuerson  eheval.  Des 
ce  moment  le  coupable  devient  serf  de  1'offense,  ct  l'ancien 
maitre  perd  tous  ces  droits.  Mais,  si  le  zenague  se  laisse  pre- 
venir  dans  ce  dessein  ,  il  est  fouetle,  depouille,  chasse,  et  ne 
trouve  plus  ni  asile  ni  pitie.  Malgre  cet  etat  d'oppression,  les 
zenagues  sont  en  possession  du  peu  d'arts  qui  existent  chez  les 
Braknas;  ils  travaillent  le  cuir  et  les  metaux  avec  plus  d'ha- 


3ia  SCIENCES  PHYSIQUES. 

bileteque  ne  lc  ferait  supposer  PextrQme  imperfection  de  lcurs 
instrument,  qn'ils  ne  peuvent  snustraire  a  I'aviiliic  des  hassa- 
ne.squ'en  les  confiant  a  hi  garde  des  marabouts,  Ces  trots  clas- 
ses reiproduisent  assez  fidelement  l'organisatibn  socialede  uo- 
tre  moyen  age,  et  pcul-clre  nn  jour  les  zinagues,  a  la  ibis 
induslrieux  tl  guerriers,  el  d'ailleurs  plus  iiomlueux  que  Ieurs 
mailres,  finiiont-ils,  comnie  notre  tiers-etat,  par  obleuir  ou 
arracber  Ieur  afiVancliissement. 

Les  nations  maurcs  s'eloignent  du  Senegal  dans  les  pre- 
miers jours  d'aout,  pour  cviter  les  inondalions,  le  niauvais  air 
et  les  moustiques.  Elles  vont  camper  sur  la  lisiere  du  desert, 
altirees  par  un  climat  sain  et  des  p;1tu  rages  abondans.  Au 
mois  de  mars,  epoque  ou  les  eaux  sont  rcnlrees  dans  leur  lit, 
les  Braknas  se  rapprochent  du  fleuve,  dont  les  zenrigues  et 
les  esclavcs  sont  venus  des  novembre  ensemencer  les  bords 
au  profit  des  hassanes  et  des  marabouts.  Leur  prineipale  cul- 
ture consiste  en  mil,  qu'ils  plantent  sans  donner  aucune  pre- 
paration a  la  terre;  et  leur  plus  grande  fatigue  est  ensuite 
de  chasser  le  jour  les  oiseaux,  et  la  nuit  les  pores-epics,  les 
gazelles  et  les  sangliers,  ennemis  obstines  de  leurs  moissons. 
Cbaque  cbamp  estlimitc;  maiscette  appropriation  du  sol  n'est 
sans  doute  que  passagere,  1'inondation  ne  permcltant  guere 
qu'elle  sub-iste  d'unc  annee  a  l'autre.  Pendant  tout  le  terns 
que  les  Braknas  passent  loin  dii  Senegal,  ils  ne  vivent  pres- 
que  que  de  lait.  Ln  jour,  M.  Caillie,  surpris  par  la  t'aim  dans 
la  tente  de  leur  roi,  se  voyant  presenter  du  lait  dans  nne  cale- 
basse ,  se  permit  de  dire  qu'il  mangerait  bicn  quelque  chose 
avant  de  boire.  Ces  paroles  exciterent  un  lire  general,  et  le 
roi  lui  assura  qu'il  ne  prenait  pas  lui-meme  d'autre  nounitiire. 
Cette  sobriete  forcee  se  concilie  a  mcrveiile  avec  le  jefine  du 
ramadan,  que  ces  peuples  observent  dans  toute  sa  rigueur, 
jusqu'ase  priverde  boire  une  goutte  d'eau  avant  le  couclier  du 
soleil.  On  com/oil  lout  ce  qu'eul  a  souffrirM.  Caillie, oblige  par 
son  role  de  neophyte  de  se  con  former  strictement  aces  auste- 
rites. 

Les  tentes  des  Braknas  sont  faites  avec  des  tissus  de  poil  de 


SCIENCES  PHYSIQUES.  5i5 

mouton;  car  le  mouton,  dans  cette  partie  de  PAfrique,  estcou- 
vert  de  poil  an  lieu  de  laine.  Lesdiverses  castes  campent  tou- 
jours  separcment.  (/instruction  des  cnfans  est  confiee  aux 
marabouts  et  renfermee  tout  entiere  dans  le  Coran,  que  les 
garcons  apprennent  par  coeur.  L'education  des  fdles  est  plus 
negligee;  la  partie  esscntielle  consiste  dans  l'ohligation  de 
boire  une  enorme  quantile  de  lait,  destinee  a  leur  procurer 
rembonpoint  qui,  aux  yeux  de  ces  peuples,  est  la  beaule  su- 
preme. Le  soin  de  faire  avaler  ce  lait  aux  jeunes  fdles  est  con- 
fie  a  des  esclaves  noires  qui,  autorisees  a  toutes  les  rigueurs, 
se  vengent  sur  ces  pauvres  enl'ans  de  la  brutalite  de  leurs  mai- 
tres.  «  J'ai  vu,  clitM.  Caillie,  demalheureuses  petiles  fdles  pleu- 
rer,  se  rouler  par  terre,  meme  rejetcr  le  laitqu'elles  venaient 
de  prendre;  ni  leurs  cris,  ni  leurs  souffrances  n'arretaient  la 
cruelle  esclave,  qui  les  frappait,  les  pincait  jusqu'au  sang,  et 
les  lourmentait  de  mille  manieres  pour  les  obliger  de  prendre 
la  quantite  de  laitqu'elle  jugeait  convenable.  » 

JNous  remarquerons,  comme  un  dementi  donne  aux  pre- 
tendues  lois  du  climat,  que  la  polygamie  n'est  point  en  usage 
chez  les  Braknas.  Leurs  femmes  nesouftVenl  meme  pas  qu'ils 
aient  des  concubines,  et  leur  roi  n'a  qu'une  epouse  comme 
ses  sujets.  Les  Mauresses  out  beaucoup  d'empire  sur  leurs 
epoux;  M.  Caillieva  jusqu'a  dire  que  leur  ascendant  surpasse 
celui  des  Francaises;  ce  qui  etonne  d'autant  plus  chez  un  peu- 
ple  a  demi-sauvage ,  que  les  Braknas  sont  d'un  caractere 
I'roid.  Le  voyageur  n'en  a  jamais  vu  s'embrasser;  1'amant 
pose  la  main  sur  la  boucbe  de  sa  maitresse  et  la  porte  a  la 
sienne,  donnanl  ainsi  au  baiser  un  intermediaire.  Le  pere  de 
famille  qui  revient  de  voyage  ne  recoit  dans  sa  tente  que  de 
froides demonstrations  de  respect.  Enfin,  les  Maures  ne  s'afTli- 
gent  de  la  mortde  personne,  et  ils  trouveraient  inauvaisqu'on 
pleurut  ceux  qui  ne  sont  plus,  dans  la  persuasion  que  leurs 
ames  sont  au  ciel.  Mais,  ces  bommes,  si  peu  sensibles  aux  af- 
fections morales,  le  sont  beaucoup  aux  douleurs  physiques,  et, 
sujets  a  peu  de  maladies,  ils  se  desolent  comme  des  enfans 
pour  les  moindres  souffrances.  Les  Maures  se  donnent  mutuel- 


3i4  SCIENCES  PHYSIQUES. 

lenient  l'bospitalite  ;  maisils  ne  meritent  pas  pourcela  le  nom 
d'hospitaliers;  rien  ne  leur  la i t  autaut  de  peine  qued'aperce- 
voir  des  ziafis  (voyageurs).  Ce  n'est  pas  par  bumanito  qu'ils 
les  recoiycnt,  mais  parcrainte,  surtout  quand  ce  sont  des  has- 
sanesqui,  s'ils  etaient  mal  rccns,  ne  manqueraient  pas  depil- 
ler  leurs  holes.  Ilsaccordenl  rarement  l'liospitalite  aux  voya- 
geurs negres,  cette  race,  disent-ils,  n'etant  bonne  qu'aproduire 
des  esclaves.  Lorsqu'ils  sont  en  guerre  entre  eux,  les  Maures 
ne  font  pas  de  prisonniers  :  les  ennemis  tornbes  en  leur  pou- 
voir  sont  mis  a  mort  sur-le-champ. 

Le  principal  et  presque  le  seul  commerce  des  Braknas  con- 
siste  dans  la  gomme  qu'ils  recueillent  sur  un  acacia  qui  croit 
isolement  dans  les  parties  elevees  du  desert.  Ce  commerce  est 
entre  les  mains  des  marabouts  ;  eux  seuls  transportent  la  gomme 
aux  escales  du  Senegal,  oii  les  Europeens  viennent  en  faire 
la  traite  ;  la  facilite  avec  laquelle  ceux-ci  se  soumettent  aux 
tributs  les  plus  humilians,  l'esprit  de  concurrence  qui  les 
anime,  et  le  prix  souvent  exagereauquel  ils  paient  la  gomme. 
ont  persuade  aux  Maures  qu'elle  nous  est  absolument  indis- 
pensable; aussi,  au  moindre  differcnd  qui  s'eleve,  leurs  chefs 
suspendent  la  traite,  et  ils  obtiennentpar-hi  tout  ce  qu'ils  veu- 
lent.  C'est  ainsi  que,  domine  par  la  soif  de  l'or,  l'liomme  ci- 
vilise s'abaisse  souvent  au-dessous  du  sauvage. 

Revenu  a  Saint-Louis,  notrevoyageur  n'y  trouva  point  les 
secours  sur  lesquels  il  avail  compte.  C'est  a  ses  propres  frais,  - 
r|u'apres  les  contrarietes  les  plus  vives,  il  entrepril  de  pene- 
trer  dans  le  continent  africain.  Muni  de  marcbandises  pour 
une  somme  de  pres  de  deux  mille  l'rancs,  fruit  de  ses  econo- 
mies, il  part  de  Sierra-Leone  pour  Kakondy,  sur  le  rio  Nu- 
nez, le  22  mars  1827.  La,  il  persuade  aux  habitans  que,  ne 
en  Egypte  de  parens  arabes,  il  a  ete  dans  soncnfance  emmene 
par  les  troupes  de  noire  expedition;  que  son  maitre,  apres 
l'avoir  conduit  au  Senegal,  l'a  aflranchi  pour  prix  de  ses  ser- 
vices, et  que,  libre  maintenant,  il  veutretourner  dans  son  pays 
et  rentrer  dans  la  religion  du  propbete. 

Les  bords  du  rio  Nunez  sont  habitcs  par  les  Nalous  et  les 


SCIENCES  PHYSIQUES.  5i5 

Landamas,  negres  paresseux  et  sans  Industrie,  qui  cuitivent 
fortmalunetcrre  fertile.  Ces  peuples,  encore  idolatres,  depen- 
dent du  fonta  Dhialon  (  pays  Dhialon),  et  paient  trilnit  a  l'al- 
mami  de  Timbo.  La  polygamic  la  plus  illimitee  regne 
parmi  cux;  les  femmes ,  mariees  ou  plutot  vendues  par 
leurs  parens,  n'y  rcspectent  pas  toujours  la  foi  conjugate. 
Mais  l'epoux  trompe  s'en  dedommageenvendantaux  negriers 
le  seducleur  qui,  d'apres  les  lois,  devient  son  esclave.  La 
femme  se  determine  ordinairement  a  le  reveler,  pour  echap- 
per  a  la  colore  du  simo,  peisonnage  mysterieux,  qui  est  le 
chef  d'une  societe  secrete  assez  semblable  au  pourrak  du  Ti- 
manni  et  au  mo  umbo- jo  umbo  d'autres  contrees  africaines.  Les 
inities  se  tiennent  dans  les  bois  avec  le  simo,  qui  ne  se  mon- 
tre  jamais  que  sous  les  deguisemens  les  plus  propres  a  exciter 
1'effroi.  La .  ces  hommes  travestis  de  mille  manieres  vivent 
deslributs  qu'ils  imposent  aux  populations  voisines,  maltrai- 
tant  cruellement  ceux  qui  penetrent  dans  leurs  retraites,  et 
surtout  les  femmes.  Ne  pourrait-on  pas  voir  dans  ces  institu- 
tions binaries  rorigine  de  ces  satyres,  de  ces  egipans,  de  ces 
cynocephales,  et  de  tant  d'autres  habilans  monstrueux,  que 
les  anciens  attribuaient  a  l'Afrique? 

M.  Caillie  quille  Kakond}r,  accompagne  de  quelques  mar- 
chands  mandingues,  auxquels  un  negociant  francais  l'avait 
recommande,  et  ce  n'est  pas  sans  un  secret  frisson  qu'il  salue 
en  passant  les  tombeaux  du  major  Peddie  et  de  ses  infortunes 
compagnons.  Triomphant  de  ces  sinistres  presages,  it  pour- 
suit  sa  route  a  Test  ,  a  travers  les  Elatsde  Palmamy  de  Timbo, 
vastes  contrees  qui  dependent  du  fouta  Dhialon,  et  dont  la  po- 
pulation se  compose  de  Mandingues  voyageurs  et  marchands, 
de  Foulahs,  conquerans  et  gouvernans  du  pays,  et  de  Dhia- 
lonkes,  ses  anciens  possesseurs,  qui,  restes  idolatres,  ont  dfl 
se  retirer  dans  les  montagnes,  ou  devenir  tributaires  des  Fou- 
lahs. Ce  peuple  cuivre  est  destine  a  jouer  un  grand  rote  en 
Afiique.  Repandu  dans  lout  le  nord  dn  Soudan,  it  y  a  deja 
fondc  plusieursEtals.  C'est  a  la  fuis  la  race  la  plus  intclligente 
et  la  plus  brave  de  ces  regions,   sans  peut-etre  excepter  les 


3i6  SCIENCES  PHYSIQUES. 

Maures.  Aussi,  les  Foolnbs.se  regardcnt-ils  comnie  les  blancs 
d'Afriquc.  Persuades  que  les  Chretiens  veulent  s'emparer  des 
mines  d'or  dc  I'inlcrieur,  ils  ne  negligent  rien  pour  lenr  en 
fernier  les  cbemins;  en  re  neon  t  rant  M.  Caillie,  ils  s'ecriaient : 
«  Un  blanc  qui  va  dans  Test!  les  grands  du  f'outa  n'en  savent 
cerlainement  rien  ;  ear  ils  s'y  opposeraient.  »Cupides  et  vio- 
lens  dans  leurs  rapports  avec  les  etrangers,  les  Foulahs  sont 
hospilaliers  et  genereux  envers  leurs  conipatriotes ;  ('amour 
de  la  patrie  est  unc  de  leurs  passions.  Notre  voyageum'a  point 
vu  demendians  parmi  eux.  Leurs  vetemens  sont  tres-propres. 
Chaque  village  a  une  ecole  publique  pour  les  enfans;  les  clas- 
ses se  tiennent  en  plein  air,  soir  et  matin,  a  la  clarted'un  grand 
ieu;  1'instruclion  consists  a  savoir  bien  lire  lecoran.  Les  Fou- 
lahs peuvent  avoir  jusqu'a  quatre  femmes  ;  mais  les  pauvres 
n'en  out  que  deux.  Les  femmes  foulahs  sont  vives,  gaies,  jo- 
lies  ettres-respeetueuses  envers  leurs  maris,  qui  paraissent  les 
trailer  avec  douceur.  A  mesure  que  M.  Caillie  avance  dans 
1'interieur,  il  trouve  des  habitans  plus  intelligens  et  plus  in- 
dustrieux.  Ce  fait,  remarque  par  lous  les  voyageurs,  senible 
deposercontre  le  principe  de  la  libertc  illimilee  du  commerce  ; 
car,  on  ne  peut  douterque  ce  ne  soit  reimportation  habituelle 
des  produits  denosarls  qui  ait  detruit  1'induslrie  chez  les  peu- 
ples  du  littoral  africain.  Le  premier  pays  traverse  par  notre 
voyageur  se  nomme  l'lrnanke.  Ses  bons  habitans  eurent  d'a- 
bord  quelque  peine  a  le  prendre  pour  un  Maure.  Mais ,  des 
que  sonhistoireleur  fut  contee,  les  cadeaux,  accompagnes  de 
temoignages  de  respect  et  d'interet,  arriverent  dc  toutes  parts 
au  compatriote  du  prophete. 

II  oblint  a  peu  pres  le  meme  accueil  dans  le  Fouta  Dhialon, 
qu'il  traversa  ensuite,  en  passant  a  gue  le  Bafing  non  loin  de  sa 
source,  etleTankisso,  qui  va  se  perdre  dans  le  Dliioliba,  apres 
avoir  baigne  le  pays  de  Boure,  celebre  par  ses  mines  d'or.  S'il 
etait  vrai,  comtne  les  negres  I'ont  dit  a  M.  Caillie,  que  lc  Tan- 
kisso  sortit  du  Bafing,  cette  riviere  etublirait  une  communi- 
cation entre  le  Senegal  et  le  Dbioliba,  comnie  en  Amerique  le 
Cassiquiare  entre  l'Orenoque  et  la  riviere  des  Amazoncs.  C'est 


SCIENCES  PHYSIQUES.  3i7 

line  singularity  geographique  qui  merite  d'etre  verifiee.  A  son 
arrivee  it  Camhaya,  village  de  son  guide,  M.  Caillie  i'ut 
temnin  d'une  scene  qui  conlraste  avec  les  moeurs  des  Braknas, 
non  moins  qu'avec  les  notros.  «  Je  voyais,  dit-il ,  ces  bons 
negres  embrasser  Icurs  petits  en  fans,  s'informer  de  leur  sante, 
et  de  celle  de  leurs  connaissances ;  les  femmes  aussi  parais- 
saient  satisl'aites  du  retour  de  leurs  maris;  mais  elles  ne  se 
livrerent  pas  a  cette  joie  naive  et  sincere,  qu'on  voit  en  Eu- 
rope a  I'arrivce  d'un  chet'de  famille.  En  abordant  leurs  maris, 
elles  avaient  l'air  timide  et  posaient  un  genou  en  terreen  signe 
de  salutation.  »  Les  esclavcs,  dans  cette  parlie  de  l'Afrique, 
habitent  des  villages  particuliers  noinmes  ouronde.  M.  Caillie 
les  a  vus  travaillant  tout  nus  sous  un  soleil  brdlant.  «La  pre- 
sence de  leur  maitre  les  intimide,  et  la  crainte  des  punitions 
Jail  avancer  l'ouvrage;  mais  ils  se  dedomuiagent  en  son  ab- 
sence. »  Ces  esclaves  ont  deux  jours  dans  la  semaine  pour 
cultiver  le  cbamp  consacre  a  leur  subsislance.  Sounds  a  des 
maitres  qui  ont  peu  de  besoins  et  dont  ils  ne  diflcrent  ni 
par  la  couleur,  ni  par  l'education,  ils  sont,  on  ne  pent  trop  le 
redire,  beaucoup  moins  malbeureux  que  ceux  de  nos  colonies. 
Quoiqu'ils  n'aient  pour  instruinens  d'agriculture  qu'une  petite 
piocbe  et  une  faucille  fabriquees  dans  le  pays,  ils  cullivent  la 
terre  beaucoup  mieux  que  les  negres  de  la  cole.  Pendant  le 
sejour  de  M.  Caillie  a  Cambaya,  un  courrier  de  Timbo  apporta 
une  circulaire  annoncant  la  deposition  de  l'almamy  regnant 
otl'avenemeiit  de  son  competiteur.  La  lecture  publique  de  cet 
ecrit,  faile  par  le  chef  du  village,  Tut  immedialement  suivie 
d'une  priere  solennelle  pour  le  nouveau  souverain,  comme  on 
l'eutpu  voirenEurope.  Le  voyageurassistaaussiala  construc- 
tion d'un  pout  sur  le  Tankisso.  Tous  lesbabilans  de  Cambaya, 
penetres  de  la  necessite  de  ce  pont,  se  mirent  a  l'ouvrage  en 
chanlant ;  ce  fut  pour  eux  une  partie  de  plaisir.  Le  pont,  ter- 
mine  en  peu  de  jours,  eut  de  l\o  a  45  pas  de  long  sur  6a  7 
pieds  de  large.  11  etait  soutenu  a  la  ibis  par  des  piquets  phn- 
tes  au  milieu  du  ruisseau  et  par  les  arbres  inclines  sur  ses  rives ; 
de  l'aveu  des  constructetirs ,  ce  dernier  appui  etait  necessaire 


3i8  SCIENCES  PHYSIQUES. 

pour  qu'il  put  rcsister  au  courant ;  M.  Caillie  a  trouve  sur  sa 
route  d'antrcs  ponts  a  pen  prcs  scmblables ,  dont  quclques- 
uns  elaienl  conslruits  aver  plus  d'art  et  de  soin. 

Au  sortir  du  Foula  Dhialon,  les  moutagnes  s'abaissent. 
Notre  voyageur,  apres  avoir  prisuu  nouveau  guide,  entredans 
le  Baleya,  pays  uui  et  fertile,  habite  par  de?  Dhialonkes  sou- 
mis  a  la  loi  du piophete,  dont ils nc  sont  pas  pourtanl  tres-zeles 
sectateurs.  Au  village  de  Couroussa,  dans  le  pays  d'Amana,  il 
apercoit  pour  la  premiere  fois  le  Dbioliba.  Le  lleuve  vient  la 
du  S.-O.,  et  se  dirige  ensuite  a  l'est.  Son  courant  au  mois  de 
juin,  epoque  oil  les  pluies  ont  deja  commence,  clait  d'environ 
trois  milles  a  l'beure,  et  sa  profondeur,  de  huit  a  neuf  pieds; 
il  commence  a  deborder  en  juillet.  La  population  d'Amana 
est,  en  grande  partie ,  idolatre.  Ce  sont  de  bonnes  gens  qui 
viventpaisiblementdesproduils  del'agriculture  etde  la  peche. 
Leur  chef  est  en  possession  de  louer  des  pirogues  aux  cara- 
vanes  qui  traversent  le  fleuve.  M.  Caillie  a  vu  quatre  de  ces 
pirogues  employees  loute  une  matinee  a  passer  plus  de  trois 
cents  personnes,  avec  plusieurs  anes  charges.  Arrive  a  Kan- 
kan,  chef-lieu  d«  pays  de  ce  nom,  notrepretendu  Maure  subit, 
devant  les  anciens  de  la  ville,  un  interrogatoiieen  forme,  dont 
il  se  tira  heureusement.  L'assemblee  decida  qu'il  continuerait 
sa  route  vers  Test,  mais  par  le  Ouassoulo,  etnon  par  le  Boure, 
avec  lequel  leKankan  etait  en  guerre;  cette  decision  fut  pu- 
bliee  le  lendemain  par  un  crieur.  La  ville  de  Kankan  a  environ 
six  mille  ames ;  les  rues  en  sont  larges  et  propres  ;  les  habitans 
sont  aussi  d'une  grande  proprete  chez  eux,  et  ils  portent  tou- 
jours  du  linge  blanc.  Le  pays  est  gouverne  par  un  conseil  de 
vieillards,  dont  les  assemblees  sont  graves  et  decentes.  II  est 
fertile  et  bien  cultive ;  les  comestibles  y  abondent.  Le  marche 
de  Kankan  est  fourni  de  marchandises  d'Europe,  telles  que  fu- 
sils, poudre,  indiennes,  ambre,  coiail,  quincaillcries.  Lesmar- 
chands  ont  de  petites  balances  auxquelles  les  graines  d'un  arbre 
servent  de  poids;  ces  poids,  suivant  M.  Caillie,  sont  aussi 
jusles  que  les  notres,  ce  dont  il  est  permis  de  douter.  Les  ha- 
bitans de  Kankan  sont  tous  musulmans.  Le  voyageur  assista 


SCIENCES  PHYSIQUES.  3i9 

chez  eux  a  la  fete  du  Salam,  celebree  avec  une  solennite  ;\  la 
fois  bizarre  et  imposante.  Un  demele  qu'il  eut  avec  son  guide, 
au  sujet  du  vol  de  quelques  marchandiscs,  l'obligea  de  recourir 
a  la  justice  du  pays;  lcs  details  de  ce  proees  prouvent  que  la 
civilisation  des  negrcs  musulmans  est  plus  avancee  qu'on  ne 
le  suppose.  Le  peuple  du  Ouassoulo,  moins  propre  que  celui 
du  Kankan,  senible  pourtant  plus  laboricux.  «  Je  voyais,  dit 
M.  Caillie,  beaucoup  u'ouvriers  repandus  dans  la  campagne, 
qui  piochaient  la  terre  et  la  remuaient  aussi-bien  que  nos 
viguerons.  Ce  ne  sont  plus  les  negres  esclaves  des  Mandin- 
gues,  qui  ne  font  que  retouroer  la  superficie  du  sol;  ce  sont 
de  vrais  laboureurs,  qui  travaillerit  pour  avoir  une  belle  et 
abondante  recolle.  Je  fus  elonne  de  tvouver  dans  l'interieur 
de  PAfrique  L'agriGultOre  a  un  tel  degre  d'avancement.  Leurs 
champs  sont  aussi-bien  soignes  que  les  notres.»  Les  habitans 
du  Ouassoulo  sont  de  la  race  des  Foulabs  ;  toutefois,  ce  peuple 
doux,  humain,  tolerant,  hospitalier,  n'a  aucune  religion  appa- 
rente.  Tel  est  a  peu  pres  aussi  le  peuple  Bambara  ,  dont 
W.  Caillie  traverse  ensuilc  !e  vaste  territoire.  La  parlic  du 
Bambara  qu'il  a  parcourue  ne  depend  pas  du  roi  de  Sego.  Au 
milieu  de  la  population  indigene,  qui  a  jusqu'ici  repousse  l'is- 
lamisme,  sont  disscmines  des  villages  de  Mandingues  maho- 
metans ,  qu'elle  laisse  professer  en  paix  leur  culte.  Le  sol  du 
Bambara  est  fertile,  quoique  sablonneux  ;  il  est  tres-decouvert, 
l'agriculture  n'y  ayant  epargne  que  quelques  arbres  a  fruit, 
parmi  lesquels  il  faut  surtout  compter  le  ce  ou  arbre  u  beurre. 
Les  Bambaras  manquent  d'industrie  et  voyagent  peu,  dans  la 
crainte  d'etre  faits  esclaves.  Leurs  alimens  sont  grossiers ;  ils 
engraissent  les  chiens  pour  les  manger,  et  devorent  jusqu'aux 
reptiles.  Le  commerce  du  pays  est  dans  les  mains  des  Man- 
dingues et  des  Serracolets,  nom  qui,  suivant  M.  Caillie,  in- 
dique  une  corporation  de  marchands,  et  non  pas  une  nation. 
Les  transports  se  font  d'une  maniere  incommode  et  couleuse  : 
les  commerpans,  reunis  en  caravanes,  portent  leurs  marchan- 
dises  sur  la  tete;  il  en  est  peu  qui  aient  des  anes.  Les  frais  de 
nourrilure  et  les  peages  absorbent  presque  tout  le  beneGce. 


3*0  SCIENCES  PHYSIQUES. 

Le  plus  grand  trafie  consist*  dans  les  noix  de  colats  qu'ils  vont 
cbercber  an  sud,  pour  allcr  les  echanger  a  Jenne  ct  a  Sansa  ti- 
ding contre  du  sel  ct  des  merchandises  curopeennes. 

M-  Caillie,  deja  nialade,  arrive  a  Time,  joli  village  oil  les 
Maudingues  ct  les  Bambaras,  separes  par  do  simple  inur,  vi- 
vent  en  bonne  intelligence,  malgre  la  diversile  de  religion. 
Retcnu  d'abord  par  tine  plaie  an  pied,  il  croyait  elre  an  mo- 
ment de  parlir,  lorsqu'il  se  vit  atteint  du  SCOrbut.  La  pein- 
tnre  qu'il  fait  de  son  etat  est  dechirante.  «  Mon  palais  Cut  en- 
tierement  depouille;  une  partie  des  os  se  delacberent  et 
tomberent;  mes  dents  semblaient  ne  plus  tenir  dans  leurs 
alveoles;  mes  soufl'rances  etaient  affreuses;  je  craignis  que 
mon  cerveau  ne  fut  attaque  par  la  force  des  douleurs  que  je 
ressentais  dans  le  crane  ;  je  fus  plus  de  quinzc  jours  sans  trou- 
ver  un  instant  de  sommeil.  Pour  mettre  le  comble  a  mes 
maux,  la  plaie  de  mon  pied  se  rouvrit,  et  je  voyais  s'evanouir 
tout  espoir  de  partlr.  Que  Ton  s'imagine  ma  situation!  Seul, 
dans  l'interieur  d'un  pays  sauvage,  couche  sur  la  terre  hu- 
mide,  n'ayant  d'autre  oreiller  que  le  sac  de  cuir  qui  contenait 
mon  bagage,  sans  medicaniens,  sans  personne  pour  me  soi- 
gnerque  labonne  vieille  mere  qui,  deux  Ibis,  par  jour,  in'ap- 
portait  un  pen  d'eau  de  riz  qu'ellc  me  forcait  de  boire ;  car 
je  ne  pouvais  rien  manger;  je  devins  bientot  un  veritable 
squelette;  enfin,  j'elais  dans  un  etat  si  cruel,  que  je  finis  par 
inspirer  de  la  pitie  meme  a  ceux  qui  etaient  le  moins  disposes 
a  me  plaindre.  »  Dans  cette  situation,  qui  aurait  fait  perdre 
courage  a  tout  autre,  M.  Caillie  ne  renonca  pas  un  inslantau 
dessein  d'aller  a  Temhoctou.  Apfes  cinq  mois  de  souffrances, 
sa  sante  cominenea  a  se  relablir,  et  il  put  se  remellre  en 
route.  Avant  de  quitter  Time,  il  nous  lait  des  Jlandingues  un 
portrait  assez  pen  flattenr.  «  lis  sont,  dit-il ,  vindicatil's,  cu- 
rieux,  envieux,  menleurs,  importuns,  avides,  ignorans,  su- 
perstilieux.  »  Pourtanl  il  avoue  qu'on  ne  peut  pas  precise- 
ment  les  appeler  voleurs,  puis(|u'ils  ne  se  volent  pas  entre 
eux.  II  nous  apprend  que  les  habilans  de  Time  laissent  leurs 
ncoltes  dans  les  cbamps  sous  la  garde  d'un  morceau  de  pa- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  52i 

pier  ecrit,  talisman  qui  suffit  pour  ecarter  les  larrons;  et  il 
ajoute  que  le  meurtre,  rare  chez  les  Bambaras,  est  inconnu 
parmi  les  Mandingues.  Mais,  autant  notre  voyageur  a  vu  de 
gaite  franche  et  naive  chez  les  Bambaras  et  les  autres  idol/i- 
tres,  autant  les  moeurs  des  Mahometans  lui  ont  paru  tristeset 
monotones  ;  il  est  meme  a  remarquer  que,  malgre  son  exle- 
rieur  musulman,  il  trouva  chez  les  premiers  plus  de  sympa- 
thie  et  de  secours  que  chez  les  autres. 

A  partir  de  Time,  sa  route,  jusque-la  dirigee  a  Test,  se  de- 
tournc  vers  le  nord-est  et  vers  le  nord.  Les  pays  qu'il  a  deja 
parcourus  paraissent  n'avoir  aucune  monnaie ;  mais,  dans  la 
partie  septentrionale  du  Bambara,  les  coquillages  nommes 
cauris  commencent  d'avoir  cours. 

M.  Caillie  evalue  le  cauri  a  un  demi-centime,  evaluation 
superieure  a  celle  de  Clapperton,  qui  voyageait,  il  est  vrai, 
dans  d'autres  contrees.  A  Tangrera,  ville  fort  commercante, 
M.  Caillie  vit  des  mendians  pour  la  premiere  fois  depuis  son 
depart  de  la  cote.  Ainsi  partout  les  ressources  semblent  fairc 
naitre  les  besoins.  II  trouva  aussi  dans  le  haut  Bambara  une 
institution  pareille  a  celle  du  Simo.  Les  hommes  qui  en  font 
partie,  appeles  lous,  sortent  des  bois  pendant  la  nuit,  et  cou- 
rent  dans  les  villages  en  poussant  de  grands  cris.  A  leur  ap- 
proche,  tous  les  habitans,  a  l'exceplion  des  inities,  se  renfer- 
ment  dans  leurs  cases.  M.  Caillie  a  vu  un  de  ces  lous,  la  tete 
couverte  d'un  haillon,  le  corps  entoure  de  sonnettes,  parcou- 
rir  un  village,  suivi  d'enfans  accoutres  de  la  meme  maniere  et 
poussant  des  hurlemens  affreux.  II  existe  entre  ces  hommes 
et  nos  anciens  loups-garous,  tels  qu'on  en  voyait  encore  en 
Provence  avant  la  revolution,  un  rapport  que  la  ressemblance 
des  noms  rend  encore  plus  singulier.  En  approchant  du  Dhio- 
liba,  on  remarque  un  changement  dans  l'aspect  du  pays :  leg 
habitans  sont  mieuxvetus,  les  marches  mieux  approvisionnes, 
les  cultures  mieux  soignees ;  on  voit  en  meme  terns  les  ca- 
banes  en  paille  remplacees  par  des  cases  en  terre ,  puis  celles- 
ci  par  des  maisonsen  briques  cuites  au  soleil.  Mais  ce  progres 
apparent  de  la  civilisation  est  aceompagne  d'un  inconvenient 
T.  xlvi.  mai  i85o.  '2  1 


322  SCIENCES  PHYSIQUES. 

asscz  grave  :  les  Negres  ignorant  1' usage  dcs  cheminces  el 
ayant  continue  de  fa  ire  du  feu  en  toulcs  saisons,  la  fumte, 
qui  ne  trouve  point  d'issue  a  travels  la  terre  on  la  brique, 
rend  ccs  dcrniercs  demeures  inbabitables  pour  1111  Europeen. 

C'est  a  (Jalia,  no'n  loin  dc  Jenne,  que  M.  Caillie  ntteignit, 
pour  la  scconde  Ibis,  les  bonds  du  grand  fleuve.  Jenne,  situee 
dans  une  ile  luarecageusc,  mais  cultivee,  a  environ  deux  nrilles 
et  demi  de  lour;  elle  est  cntourec  d'un  mar  en  terre  eleve 
de  dix  pieds  et  qui  a  plusieurs  portcs.  Les  rues  ne  sont  pas 
alignees ;  niais  elles  sont  asscz  larges,  propres,  et  ombragees 
de  quelques  arbres.  Les  maisons  ont  un  rcz-de-cbaussee  et 
un  premier  etage,  surmonte  de  tcrrasses,  le  tout  grossiere- 
ment  construit  en  terre  oil  en  briques;  elles  prennent  jour 
sur  des  cours  interieures.  On  11V  trouve  aucun  meuble;  les 
babitans,  malgre  rbumidite  du  pays,  coucbent  par  terre  sur 
des  nattes  ou  des  peaux  de  bceuf.  On  voit  a  Jenne  une  grande 
mosquee  en4erre,  dominec  par  deux  tours;  cet  edifiee,  pres- 
quc  abandonne,  est  toujours  entoure  de  mendians.  La  ville 
n'ayant  point  d'auberges,  les  etrangers,  qui  y  abondent,  sont 
loges  ehezles  parliculiers,  et  paient  leurloyer  en  marchandi- 
ses.  La  population  de  Jenne,  cntierement  mahometane,  est 
un  melange  de  Foulabs ,  de  Bambaras,  de  Mandingues  et  dc 
Waures.  M.  Caillie  Tevalue  a  8  ou  l'-o  mille  Ames  (i).  Cctte 
population  est  industricuse  :  on  y  voit  des  tailleurs,  des  cor- 
donniers,  des  maeons,  des  forgerons,  des  porte-foix,  des  em- 
balleurs.  Les  babitans  se  nourrissent  bien  et  sont  bien  vetus  ; 
les  esclaves  memes  ne  vont  pas  sans  chaussare."{(  Je  vis  avec 
plaisir,  dit  M.  Caillie,  que  dans  ce  pays  on  pouvait  porter  un 
moucboir  de  poche  sans  etrc  ridicule.  Les  habilans  s'en  ser- 
vent,  aulicu  que,  surtoulela  route  que  je  venais  de  parcou- 
i  ir,  il  cut  etc  dangereux  d'en  foire  usage.  » 


(i)  M.  Caillie,  dans  toutes  les  villes  qu'il  a  yisitues,  n'a  vu  que  dc 
faibles  populations;  au  eontraire,  Denliam  et  Clapperton  cilent,  dans  le 
Bornou  et  le  Haoussa,  bcaucoup  de  villes  de  3o  a  4°  mille  Ames.  Je  suis 
porte  h  croirc  que  le  premier  attenue  ce  que  les  antics  cxagerent. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  M 

Jenne  fait  maintenant  partic  d'un  royaiime  fonde  par  Ics 
Foulahs  ct  qui  a  pour  chef  Sego-Ahmadou,  frere  du  roi  de 
Massina.  Ce  musulman  fannliquc,  tronvant  que  Jenne  ctait 
un  lieu  trop  bruyant  pour  ses  habitudes  religicuses,  s'est  re- 
tire dans  une  ville  qu'ii  a  fondee  surla  rive  droile  du  fleuve, 
sous  le  nom  de  El-Lamdou-LUlald  (a  la  louange  de  Dieu). 
II  y  a  institue  des  ecoles  publiques  on  tous  les  enfans  vont 
etudier  gratis,  Sego-Ahmadou  fait  maintenant  la  guerre  aux 
Bambaras  de  SegOj  dans  l'cspoir  de  les  contraindre  a  em- 
brasser  l'islamisme ;  mais  il  a  affaire  u  un  pcuple  belliqueux, 
qui  lui  oppose  une  vive  resistance.  Cette  guerre  impoliti- 
que,  en  interrompant  les  communications  de  Jenne  avec  le 
Haut-Dhioliba,  fait  le  plus  grand  tort  a  son  commerce,  qui, 
neanmoins,  est  encore  assez  actif.  Les  Maures,  etablis  dans 
cette  ville,  recoivent  de  leurs  correspondans  k  Temboctou 
des  marchandises  d'Europe,  la  plupart  de  fabrique  anglaise, 
des  fusils  francais,  tres-estimes  en  Aftique,  et  dusel  en  plan- 
ches tire  du  desert;  ils  leurs  expedient  en  echange  les  produits 
du  Soudan,  de  l'or,  de  l'ivoire,  du  miel,  de  la  cire  et  des  co- 
mestibles. On  fabrique  a  Jenne  beaucoup  de  bougies,  et  l'u- 
sage  en  est  tres-repandu  dans  cette  ville  et  a  Temboctou. 
Les  Maures  tirent  l'or  du  Boure  et  du  pays  de  Kong.  Ils  font 
aussi  la  traite  des  esclaves  ,  qu'ils  envoient  dans  le  Maroc  et 
dans  les  regences  barbaresques. 

Les  Maures  de  Jenne  comblercnt  de  soins  M.  Caillie,  ct 
le  defrayerent  de  toute  depense;  mais,  en  vrais  speculateurs, 
ils  se  firentvendre  a  vil  prix  ses  marchandises.  Vn  diner,  qui 
lui  fut  donne  par  un  cherif,  fera  connaitre  les  moeurs  et  le 
luxe  du  pays.  Notre  voyageur  y  eut  pour  commensaux  sept 
autres  Maures  et  un  marchand  negre.  Les  convives  s'etant 
assis  autour  d'une  petite  table  ronde  dont  les  pieds  avaient 
trois  pouces  de  bant,  un  esclave  leur  servit,  dans  un  plat 
d'etain,  un  enorme  morceau  de  mouton  cuit  a  l'etuvee,  et 
placa  a  cote  d'eux  une  corbeille  pleine  dc  petits  pains  de  fro- 
ment,  que  M.  Caillie  trouva  delieieux.  «  Nous  mimes  tous, 
dit-il,  la  main  au  plat,  mais  avec  une  sorte  de  polilcsse.  La 


3a4  SCIENCES  PHYSIQUES. 

conversation  lut  assez  gaie;  mais  les  pauvres  chretiens  en  fi- 
rent  tousles  IYais»(i).  Apres  le  diner,  le  thefutservi  dans  de 
petites  lasses  de  porcelaine.  Le  the"  et  le  sucre  ne  se  voient,  a 
Jenne,  que  chez  les  riches. 

M.  Caillie  parlit  de  Jenne,  le  25  mars  1828,  dans  une  pi- 
rogue de  12  ou  i5  tonncaux.  Mais,  arrive  sur  le  grand  bras 
du  fleuve,  il  passa  sur  une  barque  qui  en  contenait  environ  60. 
Ces  barques  ont  de  90  a  100  pieds  de  long  sur  14  de  large  au 
milieu,  et  6  ou  7  de  profondeur.  Leur  equipage  se  compose 
de  16  ou  18  mariniers,  deux  timoniers  et  un  patron.  Elles 
sont  construites  en  planches  cousues  avec  des  cordes.  On  les 
calfate  avec  de  la  paille  pilee  et  melee  de  vase,  et  Ton  couvre 
ensuiteles  coutures  de  paille  fraiche.  Des  tringles  placees  in- 
terieurement,  de  distance  en  distance,  maintiennent  cette 
frele  construction.  Le  pont  est  compose  d'un  treillage  en  bois 
mince,  qui  s'eleve  en  berceau  fort  au  dessus  des  bords.  Les 
Negres,  ignorant  l'usage  de  la  pompe,  laissent  au  milieu  du 
navire  un  espacelibre  ou  sont  places  deuxhommes  sans  cesse 
occupes  a  jeter  l'eau  qui  fdtre  par  les  coutures.  Ces  barques 
n'ont  pas  de  voiles,  et  ne  peuvent  naviguer  que  par  des  terns 
calmes.  Elks  emploient,  suivant  l'occasion,  la  perche,  la 
rame  on  la  cordelle  ;  une  perche  tient  lieu  de  gouvernail.  Les 
mariniers  du  fleuve  sont  tons  csclaves,  et  il  y  a  meme  quel- 
ques  patrons  qui  apparliennent  a  cette  classe.  On  ne  leur  con- 
fie  pas  moins,  outre  des  marchandises  considerables,  le  trans- 
port d'autres  esclaves,  qu'ils  ont  soin  de  tenir  enchaines. 
Dans  une  rclache  que  fit  la  barque  de  M.  Caillie,  ces  malhcu- 
reux,  qu'on  avail  momentanement  debarrasses  de  leurs  fers, 
s'etant  mis  a  danser  sur  le  rivage,  des  Foulahs,  etablis  aux  en- 
virons, s'offenserent  de  cette  liberie  prise  pendant  le  ramadan; 
c'etait,  disaient-ils,  se  jouer  de  la  religion,  et,  en  reparation 
du  scandale,  ilsexigeaient  une  amende  de  5,ooo  cauris  (25  fr.). 


(1)  Les  Maures,  trts-adroits  a  prendre  les  mets  avec  les  doigts,  s'im- 
patientaient  souvent  contre  M.  Caillie,  et  maudissaient  les  cLuetiens, 
qui  ne  lui  avaient  pas  hiOidc  apprit  a  manger  decemment. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  325 

Mais  le  patron  parvint  a  transiger  avec  eux  pour  cinq  coups 
de  corde  donnes  a  chaque  esclave ;  ce  qui  ne  les  empecha  pas 
de  recommencer  a  danser  apres  le  depart  des  Foulahs.  Notre 
voyageur,  entoured'une  petite  flotlille,  fit,  dans  le  majestueux 
lac  Debo  (Dibbi),  une  entree  solennelle,  les  equipages  tirant 
des  coups  de  fusil,  et  criant  :  Salami  Salami  Tant  les  grands 
spectacles  de  la  nature  ont  d'empire  sur  tous  les  homines  ! 
Apres  avoir  traverse  ce  lac,  qui  s'etend  a  l'ouest  a  perte  de 
vue,  M.  Cailliecontinua  de  descendre  le  fleuve,  qui  coule  len- 
teuient  versle  nord  a  travers  les  pays  de  Banan  et  de  Diriman, 
immenses  plaines  decouvertes  et  marecageuses,  qu'habitent 
des  negres  mahometans  d'un  naturel  assez  farouche,  ct  ou  des 
tribus  nomades  de  pasteurs  foulahs  viennent  chercher  des 
paturages.  Le  port  de  Sa,  entre  le  lac  et  Temboctou,  est  le 
rendez-vous des barques  qui naviguent vers  cette  ville;  la,  elles 
se  reunissent  en  flottille  sous  les  ordres  du  patron  le  plus  ancien, 
qui  prend  le  titre  d'amirou.  Cette  precaution  est  necessaire  pour 
imposeraux  Touariks,  autrement  dits  Sourgous,  qui  habitent 
ces  contrees,  et  qui,  a  titre  de  droit  de  passe,  mettent  a  con- 
tribution les  navigateurs.  Les  Touariks,  sernblablesauxMaures 
par  la  couleur,  n'en  different,  quant  an  costume,  que  par  une 
bande  de  toile  de  coton  nominee  falara ,  qui  leur  enveloppe 
la  tete,  et  ne  laisse  voir  que  lebout  de  leur  nez.  Ce  peuple  n'a 
point  d'armes  a  feu,  et  il  a  peur  du  bruit  de  la  poudre.  II  n'en 
est  pas  moins  la  terreur  de  ses  voisins;  les  Foulahs  seuls  ont 
su  s'affranchir  de  ce  joug  honteux. 

La  flottille,  reunie  au  port  de  Sa,  offril  au  voyageur  quelque 
chose  d'imposant  qu'il  ne  s'attendait  pas  a  trouver  dans  l'intc- 
rieur  de  l'Afrique.  Le  mouvement  qui  regnait  de  toutes  parts 
lui  faisait  croire  qu'il  etait  dans  un  port  marchand  d'Europe. 
Mais  les  hippopotames  et  les  caimans,  qui  elevent  leur  tete 
au  dessus  du  fleuve ,  rappellent  bientot  la  pensee  vers  l'Afri- 
que. La  flottille  ayanteteassaillie  par  les  Touariks,  onfitcacher 
M.  Caillie  au  fond  de  la  barque,  a  cause  de  l'idee  exagcree 
qu'ont  ces  hommes  de  la  richesse  des  Maures ;  a  sa  vue  ,  leurs 
pretentions  n'auraient  point  eu  de  homes.  Le  Dhioliba  se  di- 


3aG  SCIENCES  PHYSIQUES. 

yjs<j  on  plusieurs  bras;  le  plus  septentrional,  qui  est  trcs- 
etroit,  tourne  vers  l'cst,  et  parail  la  ire  ensuile  un  coudc  an 
sud-cst.  Au  noi'd  cle  ce  coude  est  situc  Ic  village  de  Cabra ,, 
bati  9Ur  une  eminence  au  pied  de  laquvlle  conduit  un  canal, 
ou  petit  bras,  nbslrue  par  des  herbes.  Cabra  n'a  pas  plus  de 
],ooo  a  1,200  babitans,  tons  occupes  d'un  commerce  actif, 
mais  exposes  aux  rapines  des  Touariks.  Parli  de  Cabra  a  trois 
heures  et  demie  ,  M.  Cuillie  arriva  a  Temboctou  au  moment 
oOi  le  soleil  toucbait  a  l'borizon.  Laissons  ici  parler  lc  voya^ 
gcur  :  «  En  entrant  dans  cette  tile  mystcricuse ,  objet  des 
recbercbes  des  nalions.civilisees  de  l'Europe,  je  1'us  saisi  d'un 
sentiment  inexprimable  de  satisfaction;  je  n'avais  jamais 
eprou ve  une  sensation  pareille,  el  ma  joie  ylait  extreme  ;  mais 
il  fallut  en  comprimer  les  elans.  Ce  fut  au  sein  de  Dieu  que 
j'en  conliai  les  transports!....  Rcvenu  de  moil  cntbousiasme, 
je  trouvai  que  le  spectacle  que  j'avais  sous  les  yeux  tie  re- 
pondait  pas  a  mon  attente  ;  je  m'etais  fait  de  la  grandeur  et 
de  la  ricbesse  de  cette  ville  une  tout  autre  idee  :  elle  n'ofl're, 
au  premier  aspect,  qu'un  anias  de  maisons  en  terre  mal.  con- 
struilcs  ;  dans  toutes  les  directions,  ou  ne  voit  que  des  plaines 
immenses  de  sable  mouvant,  d'un  blanc  tirant  sur  le  jaune  et 
de  la  plus  grande  aridile.  Le  ciel  a  1'borizon  est  d'un  rauge  pale; 
tout  est  triste  dans  la  nature  ;  le  plus  grand  silence  y  regne ;  on 
n'entend  pas  le  chant  d'un  seul  oiseau.  Cepcndant,  il  y  a  je  ne 
sais  quoi  d'imposant  a  voir  une  grande  ville  elcvee  au  milieu 
des  sables;  et  Ton  admire  les  efforts  qu'ont  cu  a  faire  ses  fon- 
dateurs.  »  M.  Caillie  tut  recu  d'une  manic  re  toute  palernelle 
par  le  Maure  Sidi  Abdallabi,  auquel  le  cberif  de  Jenne  l'avait 
recommande.  «  A  Temboctou  ,  continue-t-ril ,  les  nu,its  son.t 
aussi  cbaudes  que  les  jours.  Le  21  avid  au  matin,  j'allai  saluer 
mon  bole,  qui  m'accueillit  avec  bonte  ;  ensuite  j'allai  me  pro- 
mener  dans  la  ville,  pour  rexaminer;  je  ne  la  trouvai  ni  aussi 
grande,  ni  aussi  peuplec  que  je  m'y  etais  allendu  ;  son  com- 
merce est  bien  moius  considerable  (pie  ne  le  public  la  rcnom- 
ruee  ;  on  n'y  voit  pas,  comme  a  Jenne,  ce  grand  concours 
d'etraugers  venaut  de  toutes  les  parlies  du  Soudan  :  je  ne 


SCIENCES  PHYSIQUES.  3a7 

veucootrai  dans  les  rues  de  Temboctou  que  les  chameaux  qui 
arrivaient  de  Cabra,  charges  des  marchandises  apporlees  par 
la  flottille ;  quelques  reunions  d'habitans  assis  par  terre  sur 
des  natles,  i'aisant  la  conversation;  et  beaucoup  de  Mauies 
couches  devant  four  po-rte,  dormant  a  l' ombre*  En  un  mot', 
tout  rcspirail  la  plus  grande  tristesse.  »  La  ville  de  Temboctou 
a  etc  sans  doule  beaucoup  plus  florissante  ;  elle  fut  long-tems 
le  canal  necessaire  du  commerce  entrc  l'Europe  et  les  vasles 
contrces  qu'arrose  le  Dhioliba.  Mais,  depuis  que  les  Europeens 
out  ctabli  des  comptoirs  sur  la  cote  et  sur  les  rivieres  de  Gui- 
nee,  l'introduction  de  leurs  marchandises  a  travel's  le  Sahara 
soutient  avec  peine  cette  concurrence  (1).  La  guerre  des  Fou- 
lahs  avec  les  Bambaras  a  porte  a  Temboctou  un  coup  non 
moins. sensible,  en  lui  fermant  le  riche  debouche  de  Boure  el 
de  Stsgo.,  Enfin ,  la  stagnation  du  commerce  de  Temboctou 
lient, encore  ad'autres  causes,  si,  comme  Sidi  Abdallahi  l'a 
dit  a  M.  Caillie  :  «  il  n'existe  aucun  rapport  ni  communication 
par  eau  de  Temboctou  avec  le  Haoussa,  et  la  navigation  du 
ilcu.e  s'anete  a  Cabra.  »  Serait-ce  que  le  bras  sur  lequel 
Cabra  est  silue  n*est  plus  navigable  an  dessous  de  cette  ville  ? 
Mais  comment  les  negocians  de  Temboctou  n'ont~ils  pas 
oberche  a  descendre  quelque  autre  bras,  pour  repandre  leurs 
marchandises  dans  le  Haoussa,  le  Yaouri,  le  Boussa,  pays 
lerliles  et  commercans  2  Sont-ils  arretes  par  des  obstacles  na- 
turcls,  on  par  la  ferocite  de  quelque  peuplade  riveraine  ?  Quels 
que  soient  ces  obstacles,  la  navigation  de  Mungo-Park,  depuis 
Sansanding  jusqu'a  Boussa,  semble  indiquer  qu'ils  ne  sont 
pas  insurmontables. 

Quoique  Temboctou  ait  moins  d'importance  qu'on  nc  l'a- 
vait  suppose,  les  details  transmis  par  M.  Caillie  n'en  seront 
pas  moins  lus  avec  un  vif  interet.  Batie  en  forme  de  triangle, 
cette  ville  peut  avoir  trois  milles  de  tour.  Elle  est  ouverte  de 


(i)  Kile  devicndrait  bicn  plus  redout  able,  si,  conimc  le  propose 
M.  Caillie,  les  Europeens  pouvaient  f'aire  un  etablissement  a  Bammakuu. 
sur  le  Uaut-UUioliba. 


3a8  SCIENCES  PHYSIQUES. 

toules  parts,  ct  n'a  pas,  suivant  M.  Caillie,  plus  de  douze  mille 
habitans,  qui  tirent  de  Jenne  lous  leu  rs  moyens  de  subsistance. 
Si  lcs  ilottilles  elaient  arretces  par  les  Touariks,  elle  serait  en 
proie  a  la  plus  affreuse  disette.  Les  maisons  de  Temboctou 
n'ont  qu'un  rez-de-ehaussee  ;  elles  sont  construites  en  briques 
rondes  sechees  au  soleil.  Les  rues  sont  propres  et  assez  larges. 
On  y  voit  sept  mosquees,  dont  la  plus  grande,  qui  est  aussi  la 
plus  belle,  estprcsqueen  mines.  Les  babitans  sont  des  negres 
de  la  nation  Kissour.  Leur  cbef,  nomme  Osman,  homme  tres- 
simple  dans  ses  habitudes,  est  a  la  fois  souverain  et  marchand. 
Le  pouvoir  est  hereditaire  dans  sa  famille.  U  ne  percoit  au- 
cun  tribut,  et  n'a  point  d'administration.  Ce  peuple  a  peu 
de  contestations,  et,  lorsqu'il  s'en  eleve,  les  parties  se  rendent 
aupres  du  souverain,  qui  assemble  le  conseil  des  anciens  entie- 
rement  compose  de  noirs.  Les  Maures  vont  resider  pendant 
quelques  annees  a  Temboctou  et  a  Jenne,  comme  les  blancs 
aux  colonies  ,  dans  l'espoir  d'y  faire  fortune;  mais ,  malgre 
l'influenceque  leur  donnent  leursrichesses,  ilssont  justiciables 
des  autoriles  du  pays.  Les  Maures  de  Temboctou  recoivent  en 
consignation  des marchandisesd'Adiar,  Tafilet,  Tripoli,  Tunis, 
Alger,  qu'ils  expedient  a  Jenne  et  ailleurs ;  on  depose  aussi  a 
Temboctou  le  sel  du  desert,  et  le  commerce  de  ce  produit, 
rare  et  precieux  dans  l'interieur  du  Soudan,  est  une  richesse 
qu'on  ne  peut  lui  ravir.  Les  esclaves  sont  traites  avec  douceur 
dans  cetle  ville,  qu'ils  quiltent  toujours  avec  regret,  lorsqu'on 
les  exporte  dans  les  paysbarbaresques.  «  J'ai  vu,  ditM.  Caillie, 
plusieurs  esclaves,  quoique  ne  se  connaissant  pas,  se  faire  des 
adieux  touchans  ;  la  conformite  de  leur  condition  excite  cntre 
eux  un  sentiment  de  sympalhie  et  d'interet  mutucl ;  ils  se  font 
reciproquement  des  recommandations  de  bonne  conduite.  »  Les 
moeurs  de  Temboctou  ressemblentbeaucoup  a  cellesde  Jenne. 
Dans  1'une  etl'autre  ville,  les  femmes  ne  sont  point  voilees; 
elles  sortent  libremcnt.  Ces  femmes  se  percent  le  nez,  comme 
les  notres  se  percent  les  oreilles ;  celles  qui  n'ont  pas  le  moyen 
d'ymettre  un  anneau  le  remplacent  par  un  morceau  de  soie. 
Les  habitans  de  Temboctou  couchent  sur  des  nattes  ou  des 


SCIENCES  PHYSIQUES.  529 

peaux  de  boeuf  soutenucs  par  qualre  piquets  fiches  en  terre; 
quelques  personnes  out  meine  des  matelas  en  coton.  Le  clinial 
elant  tres-chaud  et  le  bois  Ires-rare,  on  no  fait  point  habiluel- 
lementdu  feu,  comme  dans  le  Soudan.  Lespauvres  n'ont  pour 
combustible  que  la  fiente  de  chameau.  L'eau  se  vend  sur  le 
marche  a  raison  d'un  cturi  le  demi-litre. 

Nous  ne  dissimulerons  point  iciquecette  peinture  de  Tem- 
boctou  ne  ressemble  guere  a  la  description  que  Leon  l'A- 
fricain  nous  en  a  laissee.  Plusieurs  traits  des  deux  relations 
sont  meme  dans  une  opposition  frappantc.  Ainsi,  suivant 
Leon,  le  roi  de  Temboctou  a  un  palais  bati  par  un  habile  ar- 
chitecte  de  Grenade;  il  a  une  cour  brillanle,  trois  mille  ca- 
valiers, et  des  fantassins  sans  nombre.  Les  femmes  sont  voi- 
lees,  etc.  Mais,  outre  les  changemens  que  trois  sieclcs  ont  dCi 
produire  dans  la  mobile  Afrique,  1'exaetitude  de  Leon  a  ete, 
je  crois,  beaucoup  trop  vantee.  N'a-t-il  pas  pretendu  que  le 
fleuve  coulait  de  Temboctou  vers  Jenne?  Le  fait  contraire  est 
maintenant  horsde  doute.  On  doit  en  general  se  defier  de  l'es- 
prit  tout  poetique  des  Maures,  et  ne  pas  oublier  que 

Le  peuplu  aiabe  est  un  penple  conleur. 

Mais  31.  Caillie  a  trouve  dans  le  Quarterly  Review  un  con- 
tradicleur  bieij  autrement  acharne  que  le  vieux  auteurmaure. 
Un  article,  copieusement  assaisonne  de  sarcames  et  d'invec- 
tives,  a  rendu  compte  de  son  Voyage  dans  le  numero  du  mois 
de  mars.  Comme  ces  invectives  et  ces  sarcasmes  ne  prouvent 
rien  que  la  furibonde  antipathie  du  redacteur  pour  tout  ce 
qui  est  francais,  nous  n'avons  garde  d'entrer  dans  celte  igno- 
ble lice.  Quant  aux  fails  qu'il  oppose  a  la  narration  de  M.  Cail- 
lie ,  d'apres  les  lettres  du  major  Laing,  ou  les  renseignemens 
fournis  au  gouvernement  anglais  par  les  personnes  envoyees 
sur  ses  traces,  prives  des  documens  necessaires  pour  les  dis- 
cuter,  nous  ne  pouvons  qu'ajouter  un  petit  nombre  de  re- 
marques  aux  notes  judicieuscs  deja  publiees  par  le  Moniteur, 
en  reponse  a  la  diatribe  anglaise.' — Nous  avons  vu  que  M.  Cail- 
lie a  desip-ne  Osman  comme  Ic  chef  liereditairc  de  Temboctou. 


55o  SCIENCES  PHYSIQUES. 

Lc  Quaiterly  Review  assure  au  conti  aire  ,  d'apres  lc  lemoi- 
guage  imposanl  d'un  donicstiquc  negro  envoye  sur  les  licux, 
qu'Osman  n'est  que  le  lieutenant  du  sultan  Labo,  prince  Fcl- 
latab,  conquerant  du  pays.  Et  quand  cola  serait,  une  parcille 
erreur  serait-elle  done  si  aceablanle  pour  le  voyageur  1'ran- 
pais?  II  existe  cntre  les  ivjcils  de  Clappcrton  et  de  Lander 
une  contradiction  toute  semblable  au  sujet  du  Youriba;  l'un 
veut  que  la  souvcrainete  y  soit  hcreditaire;  l'aulre,  la  dit 
elective.  Qui  done  s'est  fait  une  aruie  de  cette  contradiction 
pour  attaquer  leur  sinceritc?  En  lisant  le  recit  d'une  excur- 
sion en  Alrique,  tout  leeteur  sense  doit  sc  rappelcr  que  le 
voyageur  comprend  a  peine  quelques  mots  des  idiomes  des 
pays  qu'il  parcourt,  qu'il  n'a  aucune  idee  de  leurs  moeurs  et 
de  leurs  institutions,  que  sou  vent  il  s'en  iuforme  auprcs 
d'individus  absolunient  ignares,  qu'enfin  sa  laague  n'a  pas 
toujours  les  mots  nccessaires  pour  traduire  leurs  reponses. 
On  voit  a  combien  de  bevues  de  tels  rapports  sont  inevila- 
blement  sujets;  et  Ton  peut  croire  qu'un  leeteur  afrieain  trou- 
verait  a  s'egayer  dans  les  rccits  de  nos  voyagcurs  les  mieux 
instruits.  —  Le  redacteur  du  Quarterly  Review  s'ctonne  que 
M.  Caillien'aitevaluequ'adouze  milleh abitans  la  population  de 
Temboctou,  que  les  rapportsplus  moderes portent  a  cent  mille. 
« Un  ecrivain  arabe  d'un  caractere  inattaque  (unassailed) 
dit  que  Temboctou  est  la  plus  grande  ville  que  Dieu  ait  creco. 
Lc  major  Lainga  trouve  qu'elle  repondait  a  toute  son  attente, 
exceptc  quant  d  I'ctendue,  qu'U  estime  d  quatre  milk s  dc  c'u  confe- 
rence, espace  qui,  si  les  edifices  sont  serres  (if  fully  built 
upon),  peut  trcs-bien  contcnirle  noinbrc  d'habitans  gcniTalo- 
ment  assigne  a  Temboctou.  »  En  verite?  Cent  mille  habilans , 
dans  une  circonfcrence  de  quatre  millcs!  e'est  pres  de  trenle- 
liuit  mille  habitans  par  mille  carre,  et  Paris  n'en  offre  au 
plus  que  vingt-cinq  mille.  A  qui  done  fera-t-on  croire 
que,  dans  un  pays  ou  les  maisons  sont  si  basses,  une  ville  qui 
a  pour  s'etendre  tout  le  desert  renferme  une  population  plus 
agglomeroe  que  cellc  de  Paris?  Si  Laing  domic  a  Temboctou 
quatre  millcs  dc  tour  et  M.  Caillie  trois  millcs,  ces  voyagcurs 


SCIENCES  PHYSIQUES.  35 1 

sunt  a  pen  pros  d'aecord  sur  la  scule  chose  dont  ilsaientpu 
juger,  l'etenduc  dc  la  ville.  — Dans  un  autre  endroit,  le 
critique  essaie  de  mettre  M.  Caillie  en  opposition  avec  lui- 
meme.  Nous  avons  cite  le  passage  ou  cclui-ci  rapporle 
que  Sidi  Abdallahi  lui  a  dit  que  la  navigation  du  fleuve 
s'arrete  a  Cabra;  le  critique  continue  :  «ln  another  passage  lie 
says,  Sidi  Abdallahi  informed  him  that  Haoussa  was  only  a 
twenty  days'  passage  fromTimbiictoo ,  descending  the  river,  and 
leLOimrmnded  a  small  canoe  in  preference  of  a  large  vessel,  as  llic 
passage  by  it  might  be  made  in  twelve  days  (torn,  n,  p.  555) » . 
Or,  voici  la  phrase  franrai>e,  qui  se  trouve  a  la  page  555,  ct 
non555.  «  Mon  hote  m'a  assure  que  Haoussa  n'est  situe  qu'a 
one  vingtaine  de  jours  de  Temboctou  en  descendant  le 
fleuve;  mais  dans  une  petite  pirogue  on  peut  laire  ce  trajet 
en  douze,  ct  atteindre  ensuite  rapidement  l'embouehure  du 
fleuve,  surtout  s'il  va  se  perdre  dans  l'Ocean.  »  11  est  clair  que 
le  premier  membre  de  cette  phrase  appartient  seul  a  Sidi  Ab- 
dallahi, et  Ton  pout  de  plusieuvs  manieres  le  concilier  avee 
son  assertion  precedente,  tandis  que  dans  le  second  mem- 
bre,  le  critique  a  cree  lui-meme  la  contradiction,  en  transfor- 
niant  une  conjecture  du  voyageur  en  un  conseil  d' Abdallahi. 
II  semble  que  le  chagrin  de  voir  un  Francais  revenu  de  Temboc- 
tou ait  derange  l'esprit  de  ce  critique,  homine  d'ailleurs  instruit . 
Ici ,  il  veut  que  les  Fellatahs  soient  aussi  blancsque  les  Fran- 
cais; la,  il  pretend  que  notre  voyageur,  entre  en  Al'rique  par 
le  sud  de  la  Scnegajubie  et  revenu  par  Tanger,  est  rctourne 
au  rivnge  meme  (to  the  very  spot)  d'ou  il  etait  parti ;  plus  loin 
il  tourne  en  ridicule  ML  Caillie  pour  avoir  dit  que  les  Arabes 
se  diligent  dans  le  desert  par  I'observalion  des  etoiles.  Nous 
lui  opposerons  le  temoignage  d'un  autre  voyageur  qu'il  en 
croirapeut-etre,  attendu  qu'il  n'est  pasnecn  Erance  :  «  Lacon- 
naissance  des  astres  est,  commeon  s'en  doule,  le  point  fonda- 
meiital  de  eel  art  (celui  de  parcourir  les  deserts);  ils  en  cun- 
servent  avec  soin  les  priucipales  notions,  qn'ils  se  transmet- 
IvMil  de  pcre  en  fils.  Quant  aux  proccdes  de  l'enseignemenl, 
it >  -out  peu  compliques;  le  seuil  de  leurs  cabancscst  leur  (Air- 


33a  SCIENCES  PHYSIQUES. 

scrvatoire;  lours  telescopes  sont  Icurs  regards  percans,  qu'ils 
pen  vent  promener  a  I'aise  sur  1'immcnse  pavilion  qui  se  deroule 
sans  tddienu  dessus  de  leurs  tetes.  Qu'unEuropcen  ailleassis- 
ter  aux  seances  pastorales  de  ces  academies  du  desert ;  l'objet 
en  vaut  la  peine.  II  verra  l'ancien  du  village  indiquer  a  l'as- 
semblee,  de  la  voix  et  du  geste,  Ics  diverses  constellations  ;  il 
I'enlcndra  decrire  les  cercles  et  les  ellipses  des  planetes,  de- 
nombrer  les  ctoiles  fixes,  les  nommer  par  leurs  noras  classi- 
ques,  quoique  alteres  par  la  langueel  les  traditions,  et  desi- 
gner par  leur  moyen  les  routes  inapercues  sur  les  plaincs 
unies  du  desert,  mais  tracees  dans  le  firmament.  II  entendra 
ensuite  les  jeunes  gens  repeter  avec  recueillement  les  lecons 
du  vieillard;  il  verra  meme  de  petits  ctres  tout  nus,  assis  sur 
les  genoux  de  leurs  meres,  lever  leurs  mains  en  fan  lines  vers 
le  ciel,  et  balbutier  les  noms  des  guides  futurs  de  leurs  loin- 
tains  voyages.  »  (  Pacho, Voyage  dans  la  Marmarique  et  la  Cy- 
renai'que,  p.  276.)  Et  si  ce  tableau  est  vrai  des  Arabes  de  l'oa- 
sis  d'Audjelab,  qui  vont  aussi  a  Temboctou,  il  doit  l'etre  ega- 
lement  des  autres  habitans  du  desert.  C'en  est  assez,  je  pense, 
pour  prouver  que  le  critique  anglais  n'est  pas  infaillible.  Ajou- 
tons  que  la  sincerite  de  M.  Caillie  ne  paraitra  suspecte  a  au- 
cun  Iecteur  non  prevent! ;  la  candeur  et  la  bonne  foi  sont  em- 
preintes  dans  toutes  les  pages  de  son  recit. 

Malgre  les  instances  de  Sidi  Abdallabi  pour  le  retenir  a  Tem- 
boctou, M.  Caillie,  apres  avoir  sejourne  dans  cette  ville  seu- 
lement  treize  jours,  la  quilla  le  4  mai  1828,  avec  une  caret- 
vane  qui  faisait  route  vers  le  Tafilet.  De  nouvelles  souffrances 
l'attendaient  dans  la  traversee  du  Sahara,  pendant  laquelle  il 
eut  a  lutter  a  la  fois  avec  les  rigueurs  de  la  nature  et  avec  la 
barbarie  des  hommes.  Un  trait  general  semble  caracteriser 
l'Africain  de  toutes  les  races ;  e'est  l'habitude  d'agir  d'apres 
l'impression  du  moment.  Ainsi,  chez  ces  peuples  enfans,  l'e- 
tranger  est  souvent,  pour  les  memes  individus,  et  a  peu  d'in- 
tervalle,  un  objet  d'insulte  et  de  pitic.  L'exterieur  musulman 
adopte  parM.  Caillie,  seul  moyen  de  penetrer  dans  la  plu- 
part  des  contrees  qu'il  a  parcourues,  ne  le  meltait  qu'incom- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  353 

pletement  a  Pabri  de  ces  caprices  cruels.  Ce  costume  avait 
de  plus  l'inconvenient  de  lui  interdire  toute  observation  as- 
tronomique  ,  et  ce  n'est  qu'au  prix  de  perils  nombreux  et  de 
precautions  infinies  qu'il  a  pu  tracer  et  conserver  les  notes 
informes  qui  ont  seryi  de  matcriaux  a  son  recit. 

Si  maintenant,  apres  avoir  rendu  justice  au  courage  sur- 
humain  et  a  la  rare  intelligence  dont  il  a  fait  preuve,  nous 
examinons  son  voyage  sous  le  rapport  des  progres  qu'il  a  fait 
faire  a  la  science,  nous  croirons  en  donner  une  idee  assez 
exacte  en  disant  que  l'l'mportance  de  ses  resultats  consiste 
moins  dans  des  decouvertes  nouvellcs,  que  dans  la  certitude 
et  la  clarte  qu'il  a  repandues  sur  ce  que  nous  ne  savions  que 
par  les  rapports  vagues  et  contradictoires  des  habitans  du  pays. 
Ainsi ,  le  cours  du  Dhioliba  de  Jenne  a  Cabra,  la  navigation 
etablie  sur  ce  fleuve,  et  le  commerce  de  Temboctou  avec  Jen- 
ne, etaientdeJH  connus  de  l'Europe;  miis  l'importance  de  ces 
villes,  les  peuplades  diverses  qui  habitent  les  bords  du  fleuve, 
les  particularites  relatives  a  sa  navigation,  et  une  multitude 
d'autrcs  details  transmis  par  M.  Caillie,  transforment  en  con- 
naissances  positives  des  renseignemens  confus,  inexacts,  et 
auxquels  le  doute  etait  attache.  Parmi  les  notions  nouvelles 
que  M.  Caillie  a  recueillies  on  doit  citer  celle  de  la  riviere 
Tankisso  et  de  son  passage  par  le  Boure,  l'existence  de  plu- 
sieurs  villes  commercanles,  Kankan,Time,  Tangrera,  celle  de 
la  ville  d'El  -  Araouan,  dans  le  desert,  nom  qui  sur  nos  car- 
tes ne  designait  qu'un  puits,  tandis  que  Tafilet,  pris  jusqu'ici 
pour  une  ville,  estlenomd'une  vallee  ;  enfin,  le  cours  vers  le 
nord  du  grand  fleuve  d'Afrique,  depuis  Jenne  jusqu'a  Cabra. 
D'apres  cette  direction  du  fleuve,  d'accord  avec  l'ombre  d'un 
style,  observee  par  M.  Caillie  A  Temboctou,  M.  Jomard,  dans 
la  carte  itineraire  qu'il  a  jointe  au  Voyage,  a  cru  devoir  repor- 
ter la  position  de  cette  ville  pres  du  180  de  latitude  nord,  et 
du  G°  de  longitude  a  I'ouest  de  Paris.  II  sera  prudent,  toute- 
fois,  d'attendre  pour  adopter  definitivement  cette  position 
qu'elle  ait  pu  etre  confirmee  par  quelque  observation  astrono- 
mique. 

Je  devrais  parler  ici  des  Remarques  et  reclierches  "eogra- 


334  SCIENCES  PHYSIQUES. 

pliir/ues  dont  M.  Jomard  a  enrichi  cette  publication.  Mais  quo 
pout-rait  ajoutcr  moil  suffrage  a  la  confiance  quo  son  noia 
est  en  possession  d'inspircr  a  1'Europe  savante?  Je  nc  sau- 
rais  pourtant  laisscr  echapper  l'oceasion  dc  remcrcier  ce 
docte  ecrivain  de  l'indulgcncc  avec  laquelle  il  a  liien  voulu 
parler  d'une  notice  dans  laquelle  j'ai  essaye  de  resoudre  le 
probleme  toujours  subsistant  dc  rembouchure  du  Dhioliba 
(voy.  Rev.  Enc,  1829;  t.  iv,  p.  5)  (1). 

CnAUVET. 


(1)  M.  Jomard  me  permettra  de  lui  soumettre  ic!  line  objection  con- 
trc  l'hypolhese  qu'il  a  reproduitc  de  l'ecoulcinent  d'un  bras  du  Dhioliba 
dans  le  Tchad  par  l'Yeou.  La  hauteur  flu  Tchad  a  ele  observee  ;  elle  est 
de  pres  de  3oo  pieds  au  dessus  du  niveau  de  la  iner.  Celle  de  Temboc- 
ton,  d'apres  des  calculs  tres-plausibles  de  M.  Jomard  lui  meaie,  est  de 
a3o  a  260  pieds.  N'y  a-t-il  pas  dans  ces  deux  hauteurs  un  obstacle  invin- 
cible a  ce  qu'un  bras  quelconque  du  Dhioliba,  continuant  son  cours  a 
I'est,  s'ecoule  dans  le  Tchad  f 


SCIENCES  MORALES  ETPOLITIQUES. 


Tableau  de  la  constitution  politique  de  la  monarchie  fran- 
chise selon  la  Ciiarte,  ou  Resume  du  droit  public  des  Fran- 
pais,  accompagnc  du  texle  des  lois  fondamentales,  et  de 
documens  auihentiques  ;  par  A.  Mahul  (i). 


On  a  souvent  reproche  aux  Francais  leur  complete  igno- 
rance de  Ieurs  droits  politiques,  et  non  sans  raison.  Les 
memes  hommes,  si  instruits  en  matiere  civile,  semblent  a 
peine  se  douler  qu'il  cxiste  d'autres  droits  qui  sont  cependant 
aujonrd'liui  la  base  et  la  garantie  de  tous  les  autres.  Cette  dis- 
position des  csprits  ticnt  surtout  a  l'etat  ou  se  trouvait  le  pays 
quand  la  revolution  arriva.  A  cette  cpoque,  le  mot  ineme  de 
constitution  etait  un  mot  vide  de  sens,  il  n'exprimait  rien  ; 
car  la  constitution  alors  n' etait  qu'une  maniere  d'etre  vague, 
incertaine,  depourvuc  de  tout  principe  fixe  et  d'aucune  idee 
arretee  ;  c'etait  le  res ul tat  incoherent  de  la  foule  des  evene- 
mens  divers  que  le  cours  des  siecles  avait  amenes.  Dans  une 
pareille  situation,  le  gouvernement,  sans  regie  precise,  ne  pou- 
vait  pas  etre  I'objet  d'une  etude  speciale,  parce  qu'il  etait  im- 
possible d'invoquer  une  loi  sans  cesse  variable,  et  qui  n'avait 
pas  d'expression  ecrite. 

Un  tel  etat  de  choses  admis,  on  concoit  comment  les  cs- 
prits durent  naturellement  se  refugier  dans  le  sein  des  juris- 
prudences particuliercs,  unique  protection  reservee  a  la  pro- 
priete  et  a  la  vie  des  citoyens.  Aussi  ,  dans  les  deux  derniers 

(i)  Paris  ,  iS3o  ;  Desauges,  run  Jacob  ,  n"  5.  In-8"  de  it  et  744  pag1 1 
prix,  10  fr. 


5."G  SCIENCES  MORALES 

sieclcs  qui  ont  precede  la  revolution,  n'etail-il  pas  rare  tie 
voir,  clans  les  pays  de  coulume  surtout,  tie  simples  particu- 
liers  en  savoir  autant  que  Icurs  avocats,  et  pouvoir  les  din- 
ger dans  les  nombrcux  detours  de  la  procedure.  C'est  sur  une 
erudition  de  ce  genre  qu'est  fonde  le  comique  de  I'une  ties 
meilleures  scenes  des  I'laideurs  de  Racine,  el  Ton  n'est  point 
surpris  d'entendre  un  valet,  dans  Moliere,  debilersans  hesi- 
ter  tous  les  termes  tie  la  chicane  la  plus  raflinee.  Les  poetes 
ne  faisaient  qu'exprimer  les  mceurs. 

Cependant,  les  choses  n'en  ont  pas  toujours  etc  ainsi  parmi 
nous.  II  fut  un  terns  on  le  droit  public  etait  pour  tous  une 
affaire  de  haute  importance,  dont  on  s'enquerait  avec  soin; 
et  qnand  les  communes  deLaon,  de  Saint-Quentin,  deYeze- 
lai  stipulaieut  leurs  droits  avec  l'eveque  ou  le  seigneur,  les 
traites  qui  fixaient  les  ihterets  des  parlies  etaient  de  veritables 
constitutions  d'Etat  conmiises  a  la  vigilance  du  plus  mince 
bourgeois  pour  en  faire  executer  les  clauses.  Mais  qu'ar- 
riva-t-il?  c'est  que  presque  toujours  l'autorite  royale  inter- 
vint  dans  les  debats;  de  sorte  qu'apres  bien  des  querelles, 
du  sang  repandu,  et  du  courage  depense  en  pure  perle,  les 
communes,  s'apercevant,  d'un  cote,  qu'elles  ne  pouvaient 
lutter  contre  le  roi  et  le  seigneur  reunis ,  d'un  autre  cote, 
qu'elles  avaient  moins  de  desavantage  en  adoptant  l'inter- 
venlion  d'un  tiers,  consentirent  a  laisser  fixer  leurs  droits 
par  les  decisions  de  la  couronne,  et  s'accoutumerent  peu  a 
peu  a  lui  abandonner  le  soin  de  toutes  les  afl'uircs  publiques. 
Elles  preferaient  l'autorite  d'un  mailre  eloigne  a  celle  d'un 
maitre  qui  pesait  incessament  sur  elles  par  un  despotisme  de 
details,  le  pire  de  tous  ;  et  Ton  vit,  sans  peine,  s'accroitre  la 
puissance  du  trone,  parce  qu'elle  affaiblissait  d'aulant  la  ty- 
rannie  si  justement  abhorree   des  grands  seigneurs  feodaux. 

Voila  comment  s'explique  ce  desinteressement  absolu  pour 
les  choses  generales,  devenu  par  le  laps  du  terns  un  des 
traits  dominans  du  caractere  national.  Quand,  par  suite  de 
l'accroissement  des  richesses,  de  la  diffusion  des  lumieres,  et 
des  progres  de  la  civilisation  qui  en  sontla  suite,  une  grande 


ET  P0LITIQUE3.  337 

devolution  eclala  dans  l'organisalion  sociale  de  la  France, 
relte  revolution  eveilla  d'abord  toute  l'encrgie  dc  I'opiuiou 
puldique;  mars  ces  premiers  efforts,  ces  elans  gencreux  fu- 
rent  accompagnes  de  tant  de  seeousses  violcntes,  de  tant 
d'evenemens  funestes,  que  chacun,  apres  la  toumiente,  sc 
scntit  epris  d'un  phis  grand  amour  du  repos  qu'auparavant, 
et  fut  heureux,  comme  autrefois,  d'abandonner  au  pouvoir 
Jes  interets  de  l'Etat  ct  le  maniement  des  affaires. 

Ce  fut  done  an  souvenir  recent  et  douloureux  des  maux 
■que  nous  avions  soufferls  que  Napoleon  dut  la  puissance  sans 
borncs dont  il  abusa  si  etrangement,  mais  qui  servit  aussi,  ii 
faut  bien  le  dire,  a  regularise!'  l'ordre  de  choses  fondc  par  la 
revolution.  Jusqu'a  lui,  tout  n'avait  ele  que  trouble  et  con- 
fusion;  jusqu'a  lui,  le  gouvcrncment  n'etait  qu'une  arenc 
ouverte  oii  les  parlis  se  devoraient;  jusqu'a  lui,  on  doutait 
encore  que  la  societe  nouvelle  put  s'organiser.  Le  premier,  il 
raffermit  le  terrain  surlequel  devait  s'elever  unc  autre  consti- 
tution sociale  :  il  crea  le  droit  civil;  et  ce  droit,  il  le  basa  sur 
l'affrancbissement  de  la  terre,  sur  la  libre  division  des  pro- 
prietes,  fait  immense,  fait  capital  qui  renferme  en  lui  seul  la 
revolution  lout  entiere,  e'est-a-dire  tout  le  cliangement ; 
car,  cbez  les  peoples  sedentaires,  la  societe  ne  repose  que 
sur  la  propriete  du  sol;  le  mecanisme  social  ne  rcsulte  que  de 
la  faculte  plus  ou  moins  restreinle  de  posseder  et  d'aliener. 
lly  a  cent  ans,  la  possession  etait  circonscritc  dans  un  nom- 
bre  determine  de  families,  et  1'alienation  des  biens  presque 
impossible;  aujourd'hui,  la  possession  et  1'alienation  sont 
accordees  a  tous,  sous  I'empire  d'unc  loi  commune,  qui  n'ad- 
met  ni  privilege,  ni  speciality  (l) ;  done,  la  revolution  est 
operee  sans  retour. 

Qu'on  ne  s'j  trompe  pas,  lout  est  la.  Les  conqnetes  de  Bo- 
naparte out  disparu  avec  le  conquerant,  mais  le  Code  civil 
est  reste;  il  est  reste,  parce  qu'il  a  implante  dans  nos  babi- 

(i)  Les  majorats  nc  sont  qu'une  exception  ;  or,  1'exception  ne  detruit 
pa-s  la  regie,  elle  la  confume. 

T.   XLVI.   MAI    l83o.  23 


538  SCIENCES  MORALES 

tudcs  journalicrcs,  dans  lea  inlcrcls  <le  la  vie  privec,  la  liltre 

possession  de  la  terre,  accordee  a  tons  sans  distinction;  il  en 

a  fail  {'existence  meme  de  notre  soeiete,  d'une  soeiete  qui  ne 

pent  subsister   qVa  ee  prix,   el  qui  cependant    ne  peut   pas 

perir. 

Toute  force  se  brisera  contre  cc  fait  inevitable  et  consacre 
de  la  propriete.  On  ne  refait  pas,  suivant  son  caprice,  un 
etat  social;  mais  on  pent  le  gener  dans  ses  tleveloppemens, 
retarder  ses  consequences  bienl'aisantes,  arreler,  pour  un 
terns,  ses  effcls  salutaires,  ajourncr  les  institutions  qu'il  re- 
clame; et  ce  mal  est  grand,  Ires-grand  :  il  compromet  la  (li- 
gnite du  pays  an  dehors,  il  empeehe  nne  foule  d'ameliorations 
a  1'interieur;  il  paralyse  le  commerce,  qui  a  besoin  d'aveniret 
de  stability  ;  il  accoutume  les  homines  a  ne  considerer  le  pou- 
voir  que  comme  \i\\  ennemi  dont  on  se  meiie,  tandis  qu'il  ne 
devrait  etre  qu'un  guide  eclaire  qu'on  aime  a  suivre,  un  pro- 
tecteur  sur  lequel  on  s'appuie. 

Si  telle  est  notre  situation  actuelle,  ce  n'est  pas  ce  que 
nous  examinons;  nous  ne  faisons  point  ici  de  la  politique 
speciale,  nous  n'entrons  point  dans  la  polemique  de  circon- 
stance;nous  cherchons  seulement,  apres  avoir  bien  deter- 
mine le  point  fonclamental  de  la  civilisation  nouvelle,  a  de- 
couvrir  quels  sunt  les  meilleurs  moyens,  non  de  la  sauver, 
elle  est  indestructible,  mais  de  hater  son  entier  developpe- 
nient.  Or,  ces  moyens  ne  dependent  que  de  nous  ;  et  les  lois 
constitutionnelles,  voila  les  elemens  qui  sont  donnes  a  tous 
pour  coordonner  l'ensemble  de  nos  inslitu'ions,  formees  au 
sein  des  orages,  pour  les  fixer  d'une  maniere  invariable,  et 
rendre  impuissantes  les  atlaques  dont  elles  sont  Pobjet. 

Quandle  legislateura  exprime  la  veritable  situation  du  pays, 
sa  mission  est  tcrminee }  e'est  ensuite  au  pays  lui-meme , 
e'est-a-dire  aux  individus  qui  le  composent,  qu'il  appartienl 
de  completer  1'ouviage.  Ccst  a  tous  les  citoyens  d'entrer 
dans  l'inlimite  de  la  legislation  politique,  de  se  penetrer  de 
son  genie,  de  leconder  I'oeuvre,  et  de  substituei-  a  la  let  Ire 
morte  I'espril  qui  vivifie.  Depuis  qninze  ans,  nous  avons  fait 


ET  POLITIQUES.  35o 

eri  France  quelques  progres  en  ce  genre;  mais  il  nous  reste 
encore  bcaueoup  a  faire.  Nous  avons  encore  a  vaincre  d'an- 
ciens  prejuges,  a  faconner  nos  habitudes  a  la  constitution  qui 
nous  regit,  a  bien  connaitre  enfin  l'importance  de  nos  devoirs 
et  de  nos  droits.  L'etude  ici  n'est  plus  le  partage  seul  des  gens 
du  metier,  elle  est  le  devoir  de  tous.  Comme  aux  terns  an- 
ciens,  e'est  a  tous  les  membres  de  la  commune  de  veiller  sur 
l'expression  littcrale  du  conlrat  pour  en  maintenir  les  con- 
ditions. 

Honncur  a  ceux  qui  favorisent  ces  etudes !  honneur  aux 
ecrivains  graves  et  consciencieux  qui  nous  aident  dans  ces 
instructions  indispensables!  Ce  n'est  qu'a  ce  prix  qu'un  meil- 
leuravenirnous  est  reserve;  car  il  ne  suflitpasque  notrepro- 
priete  ne  puissc  nous  etre  enlevee  :  il  faut  encore  que  nous 
en  jouissions  avec  pleine  securite,  et  sans  contestation. 

L'ouvrage  auquel  est  consacre  cet  article  a  etc  conc.u  dans 
ces  vues  utiles  et  elevees.  Le  but  de  l'auteur  est  de  nous  ini- 
tier  dans  tous  les  secrets  de  la  loi;  d'en  developper  les  raisons, 
d'en  I'aire  sentir  la  portce ;  ce  sont  des  dissertations  sur  la 
matiere  qu'on  peut  comparer  aux  lumineux  exposes  des  mo- 
tifs qui  eclairerent  rimposante  discussion  du  Conseil-d'Etat, 
quand  il  redigea  le  Code  civil. 

D'abord,  M.  Mahul  nous  donnc  le  texte  meme  de  la  Charte, 
base  et  principe  de  l'ouvragc,  objet  special  de  la  discussion  ; 
puis  il  rcprend  tous  les  articles  de  cetle  loi  fondamentale, 
et  les  commente  successivement  avecune  franchise  d'opinions, 
une  lucidite  de  jugement  qui  ne  fait  pas  moins  d'honneur  a 
la  netlele  de  son  caractere  qu'a  l'exactitude  de  son  esprit  et 
a  l'excellence  de  ses  vues.  La  point  de  vaines  declamations, 
point  d'appel  aux  ^passions;  nulle  insistance  de  parti;  dans 
son  livre,  tout  est  raison  et  science. 

Voici,  du  reste,  comment  l'auteur  procede  dans  l'examen 
de  chaquc  article  en  parlii  ulier  :  le  principe  etant  pose  par  la 
loi,  l'auteur,  d'abord,  nous  fait  connaitre  l'hisloire  meme  et  la 
fortune  variable  de  ce  principe  dans  la  legislation  francaise ; 
de  la  il  arrive  a  son  etat  actuel  garanti  par  notre  constitution; 


34o  SCIENCES  MORALES 

alors,  iU'examine  en  lui-m€me,  tvnite  les  diverse9  questions  qlji 

s'y  rattacbent,  ct  termine  en  donnant,  sous  la  forme  <lc  pie- 
ees  justificative*,  1c  texte  des  lots'  qui  en  assurcnt  1'cxeculion. 
Pour  mettie  le  lectcur  mieux  a  mC'inc  de  c iiriprendrc  lels 
avantages  de  rette  ma  re  lie  pbilosopbiquc,  nous  prendrons  un 
exemple  dans  l'un  des  ehapilres  de  l'ouvrage,  dans  celui  qui 
traite  de  la  liberie  indiriduelle.  L'auteur  montrc  d'abord  com- 
bien,  avant  la  revolution,  cette  precieusc  liberie  fut  presquc 
toujours  sacrifice  aux  caprices  de  l'arbitraire.  H  retrace  les  in* 
fames  abus  des  lettres  de  eacbet,  qui,  meme  alors,  dit-il, 
e'taient  bica  plutdt  des  actes  de  violence  fjue  des  actcs  legaux. 
Aussi,  voyons-nous  que  les  cahiers  des  senechaussees  et  des 
baillages  furent  unanimessur  ce  point.  Toutes  les  constitu- 
tions qui  depuis  lors  furent  donnees  consacrerent  Ic  droit. 
Si,  dans  le  cours  de  nos  troubles,  il  fut  souvent  foule  aux 
pieds  par  la  force  et  la  Violence,  le  principe  n'en  rcsla  pas 
moins  constate,  et  tout  principe  admis  amene,  tot  ou  lard,  ses 
consequences.  Elles  n'unt  commence  a  se  developper,  quoi- 
que  bien  imparfaitement  sans  doutc,  que  depuis  la  restaura- 
tion,  ct  leur  garantie  est  exprimee,  soit  dans  les  articles 
77-82  de  la  constitution  dv  l'an  xiii,  soit  dans  le  Code  crimi- 
ncl,  cbap.  3  du  litre  vm.  Le  texte,  qui  est  renvoye  aux  pie- 
ces justiiicatives,  est  fort  babilement  commente  dans  le  corns 
des  observations;  el,  pour  mieux  eclairer  le  point  de  la  dis- 
cussion, l'auteur  compare  aux  precautions  de  la  loi  francaise 
cclles  que  consacre  en  Anglelerrc  le  fameux  ante  de  Yhabcas 
corpas.W  result  e  des  judicieuses  reflexions  de  M.  Mabul  que 
la  legislation  protectrice  de  la  liberte  des  citoyens  laisse  en- 
core cbez  nous  beaucoup  a  desircr;  que  cette  legislation, 
formee  au  moment  ou  la  tempete  elait  a  peine  apaisee ,  s'oc- 
cupc  ben  plus  de  fournir  line  arme  au  pouv  oir  qu'unc  sauve- 
garde  a  l'individu.  Mais  il  en  resulle  aussi  que  la  surveillance 
des  Cbambres,  la  publicilc  des  discussions,  la  liberie  de  la 
presse,  les  maximes  de  la  magisliature  et  les  regies  que 
s'est  tracees  l'adminislration  tendent ,  du  moins  dans  la  pra- 
tique, a  diminuer  les  abus,  jusqu'a  ce  qu'enfin  une  the-jiie 


ET  POLITIQUES.  34, 

foile,  expriuice  par  des  Iois  precises,   les  fasse  dispaBaitue 
cnlierement,  et  nous  aecordent  une  protection  suflisaute. 

Dans  la seeonde  section  de  ce  cl.apitre,  M.  Mabul  traile 
des  passeports  qui  se  lient  si  immcdia  lenient  a  la  libre  vo- 
lume de  rhoinmo.  L'auleur  souticnt  avec  raison  que  le  passe- 
port,  si  on  l'exige,  estde  droit  cominun  sans  exainen  preala- 
ble;  car  toulc  niesure  preventive,  est  hors  de  nos  lois.  II 
observe,  avec  non  inoins  de  raison,  que  la  legislation  des  pas- 
seports, toute  formee  des  lois  rcvolutionnaires,  met  le  cilojen 
comme  Nlmnger  d  la  merci  du  caprice  dci  fan  lionnairesa  d- 
inimstralifs.  Toutcs  les  reflexions  qu'il  fait  a  ce  sujet  sont 
pleines  de  sens,  d'equite,  et  meritent  d'etre  inurement  exa- 
minees par  le  legistaleur,  pour  qu'eafiu  il  y  fasse  droit. 

J'auraig  desire  que,  dans  celte  section,  M.  Mahul  eflt  exa- 
mine jusqu'a  quel  point  il  etait  legal,  sous  l'cmpire  de  la 
Cl.arte,  d'exigcr  un  imppt  de  tons  ceux  qui  deinandent  uu 
passeport.  Ce  qu'il  y  a  de  sur,  e'est  qu'en  faisant  de  la  dcli- 
vrance  des  passeports  une  niesure  fiscalc,  non-seulemenl  on 
niuliiplie  les  alius,  mais  on.Ics  rend  plus  diiliciles  a  detruire. 

L'auleur  finit  ce  chapitre  par  de  tres-bonnes  considerations 
sur  I' extradition  el  le  droit  d'asite,  droit  que  semlile  autoriscr 
le  texte  meine  de  notre  Corle  civil.  Dans  cette  troisieme  sec- 
tion, comme  en  toute  occasion,  M..  Mahul  embrassc  avec 
vivacite  le  parti  dumalhcur,  et  reclame  noblement  en  favour 
de  l'humanite.  Tout  le  nionde,  an  fond,  est  d'accord  sur  celte 
doctrine;   l'espiit  de  parti  peut  seul  l'obscurcir  ou  la  con- 


teslei 


Telle  est  la  melbode  large  ct  complete  de  l'auleur.  C'est 
ainsi  qu'il  traite  toutes  les  gran. les  questions  du  droit  public 
des  F rancais  :  l'cgalite  devant  la  loi,  la  liberie  de  la  prcsser 
(die  des  cubes,  1'organisation  des  trois  pou.voirs  dans  leurs 
limiles  respectives;  l'organisation  de  l'armee,  celle  de  l'or- 
dre  judiciaire,  etc.,  etc.,  elc.  Sur  cbacun  de  cos  objets 
M.  Mal.ulelablit  des  disseiialiuns  qui  font  connaitrc  rinten- 
lion  .('■(■lie  de  la  loi,  el  qui  toutes  out  une  dimension  propor- 
lioniiee  a  I'i.nporlance  du  sujet.  Le  litre  iv,  relalif  a  la  Cbam- 


3:,a  SCIENCES  MORALES 

bre  dcs  deputes  dcs  deparlcmens,  comprend,  a  lui  seul,  i(>/| 
pages;  ncuf  sections  sont  consacrees  a  l'examen  des  droits 
electoraux,  et  les  pieces  justificatives  de  cc  titre  iv  renfer- 
nient  le  rccueil  complet  de  tontes  les  lois  sur  cette  matierc, 
suivies  do  regleinent  de  la  Chambre  des  deputes.  Enfin,  pom- 
completer  l'ensemble  des  documens  officiels,  I'autcur,  a  l'oc- 
casion  du  budget  annuel  de  l'Etat,  presente  le  tableau  de 
l'etat  financier  en  1789,  le  tableau  dcs  budgets  de  1S10  et 
i8ag,  et  le  tableau  comparatif  de  tous  les  budgets,  depuis 
1801  jusqu'a  1829. 

Ces  pieces  authenticates  sont  d'autant  plus  precieuscs 
qu'elles  se  trouvent  ici  reunies  a  un  commentairc  judicienx, 
et  que,  certainement ,  si  elles  n'elaienl  pas  ainsi  rassemblees 
sous  les  yeux ,  on  ne  se  livi-erait  pas  aux  rechercbes  neces- 
saires  pour  se  les  procurer.  Aussi,  je  ne  doute  pas  qu'inde- 
pendamment  du  merite  intrinseque  de  l'ouvrage  cet  avantage 
materiel  d'un  repertoire  de  jurisprudence  politique  sur  dcs 
points  si  inleressans  ne  finisse  par  assurer  a  cc  livre  un  succes 
populaire  :  il  n'a  besoin  que  d'etre  connu. 

C'est  a  cela  que  doivent  travailler  les  journaux,  seuls  et 
veritables  organes  de  la  publieite.  Mais  nous-memes  nous 
n'aurions  qu'imparfaitement  rempli  notre  tache,  si  nous  nous 
bornions  a  presenter  IVisemble  du  travail  de  M.  Mahul;  nous 
devons  aussi  a  nos  lectcurs  de  leur  la  ire  connailrc  sa  maniere 
d'exposer  les  doctrines,  son  style,  sa  redaction  propre,  toules 
parties  si  essentielles,  et  qui  nous  initient  si  bien  dans  la  pensce 
intime  de  l'auteur.  Mais,  en  ce  cas,  nous  ne  connaissons 
qu'une  bonne  critique,  c'est  do  titer.  Dans  le  nombrc  des  pas- 
sages qui  s'offrcnt  a  notre  cboix  nous  piendrons  de  prefe- 
rence celui  qui  a  rapport  a  Particle  i/j  de  la  Charle  ,  section 
intilulee  :  Du  pouroir  dictatorial  et  des  coups  d'Etat  : 

«  On  a  quelquefois  singtdierement  interprete,  soit  a  la  tri- 
bune, soit  dans  les  ecrits  politiques,  les  derniers  mots  de  l'ar- 
ticle  14  de  la  Cbarte,  qui  attribuent  au  roi  le  droit  dc  faire  les 
reglemens  et  ordonnances  necessaircs  pour  la  suretcde  CEtat: 
on  a  voulu  y  voir  le  droit  de  frapper  des  coups  d'Etat.  de  re- 


ET  POLSTIOIKS.  5  ,r. 

prendre,  an  bcsoin,  le  pouvoir  absolu, en  un  moi,  la  tiiotature. 
(Idle  interpretation  fausse  est ,  nous  nc  craignons  pas  de 
le  dire,  subversive  de  la  Charte  tout  enlieic.  Si  elle  est  admise 
dans  notre  droit  public,  il  n'y  a  plus  rien  de  solide  dans  noire 
constitution  ;  il  n'y  a  plus  de  libertc  morale,  ni  pour  les  legis- 
lateurs,  ni  pour  les  magistrals,  ni  pour  les  citoyens.  Tout  est 
remis  en  question  pour  l'avenir;  et  il  faudrait  nous  hater  de 
redemander  l'ancienne  constitution  de  la  monarchie,  on  sur- 
vivraient  du  moins  quelques  libertes  irrefragables.  Mais  il 
n'en  est  point  ainsi.  La  nation  francaise  est  proprietaire  legi- 
time et  incommutable  de  certaiues  libertes  :  la  Cbarle  les  a 
reconnues  avec  solennite;  elle  en  a  regie  sagement  l'cxercice. 
La  trahison  seule  et  le  parjure  pourraient  les  usurper  in  omen - 
tanement  sur  elle;  et  bientot  clles  verraicnt  tarir  la  source  de 
Pimpot,  s'il  avait  cesse  d'etre  libiement  vote  par  les  elus  des 
departemens;  et  bientot  les  juges  depositaircs  de  la  justice 
du  roi,  refuseraient  de  punir  la  resistance  legitime  aux  prol'a- 
iiateurs  de  son  nom  sacre. 

»  Sans  doutc,  il  pent  se  presenter  des  circonstances  exlra- 
urdinaircs  ou  l'Etat,  tombe  comme  en  dissolution,  soit  par 
l'anarchie,  soit  par  l'oppression,  demande  qu'unc  main  forte 
s'empare  desrenes  du  gouvernement  pour  le  replacer  sur  des 
bases  nouvelles  :  e'est  le  jour  des  revolutions.  Quelques  hom- 
mes  de  genie  furent  places,  a  des  sieclcs  de  distance,  sur  la 
route  du  terns,  pour  remplir  ces  grandes  et  pcrilleuses  mis- 
sions. Les  circonstances  alors  les  secondent ;  les  peuples  vien- 
nent  se  rangerautourd'eux;  I'opiuion  publique  les  protege,  le 
succes  les  justifie  ,  et  la  posterite  ,  a  laquelle  les  vaincus  en 
appellent,  absout,  en  dernier  ressort,  Paudacieux  vainqueur. 
Hors  ces  grandes  et  rares  circonstances,  la  tentative  d'un  coup 
d'Ltat  n'est  plus  qu'une  conspiration,  a  moins  que  ce  nc  soil 
une  intrigue,  e'est-a-direde  la  petitesse  unie  a  de  la  mecban- 
cctc.  Si  cependant  cclle  conspiration ,  ou  cetle  intrigue,  est 
louronnec  de  quclque  succes,  cc  succes,  pour  petit  qu'il  soit, 
n'est  que  passager;  mais  il  sullit  a  user  la  constitution  eontre 
laquelle  il  a  ele  obtenu  :  il  sullit  qiiclquefois  pour  appeler  une 


34 i  SCIENCES  MORALES 

autre  revolution  qui  relahlissc  la  stability  et  l'ordre,  comme 
un  violent  orage  ramene  la  serenite  sousihi  ciclobscurci.  Ceci 
n'est  point  une  thcorie;  c'est  l'histoire  du  18  fruotidor  et  cello 
du  18  brumaire. 

0  D'ailleurs,  quel  interet  pent  jamais  exist er  pour  le  trone 
dans  le  rcnversement  des  lois  sue  lesquelles  il  s'appuie,  et  d'oii 
il  lire  sa  force  et  sa  splendeur?  Le  trone  peut-il  ctrc  scpare 
de  la  nation  ?  Et  a  qui  n-pparticnt-il  de  meconnaitre  la  voix  de 
la  nation,  dans  I'expression  legale  et  solcnnelle  des  Chambrcs 
qu'elle  a  pour  organes? 

»  Desormais,  il  est  aise  de  comprendre  que  la  legitimate  des 
coups  d'Elat  ne  peut  se  trouver  dans  la  loi  ecrite.  La  loi  ion-, 
dauicnlale  pourrait  bien  indiquer  les  formes  pour  s'amcliorer 
ou  pour  se  conserver;  mais  elle  ne  saurait  consacrer  les 
niojens  de  se  detruire  elle-meme  ;  car  le  suicide  legislalii*  ne 
serait  pas  moms  inconsequent  et  absurde  que  le  suicide  phy- 
sique. Mais,  a  defaut  de  la  raison  et  du  bon  sens,  le  texte  de 
la  Charle  viendrait  cette  fois  a  notrc  appui.  Qu'on  jette  les 
yeux  sur  1'article  14  :  cct  article  enumcre  les  attributions  di- 
verses  du  pouvoir  royal  et  executif;  et ,  a  moins  d'y  voir  la 
destruction  en  Here  de  la  Charle,  il  est  impossible  d'y  trouver 
autre  chose  que  cette  enumeration  (1).  Ilcmarquez  que,  par 
sa  construction  grammatical,  il  place  sur  la  memclignc  ,  et, 
dans  la  meme  categoric  ,  les  oidonnances  neccssaires  pour 
l'execution  des  lois  et  celles  que  peut  rendre  ncces^aires  la 
sQrete  de  l'Etat;  actes  de  nature  a  peu  pies  analogue,  et  d'un 
rang  en  quelque  sorte  secondaire,  du  moins  relativement  aux 
prerogatives  magnifiques  que  les  termcs  piecedens  de  1'article 
attribuent,  dans  une  proportion  gradueUement  descendante, 
au  pouvoir  du  roi.  Est-ce  d'ailleurs  subrepticement,  et  comme 


(1)  L 'article  i4  tie  la  Charle  parait  avoir  ete  redige  d'apres  l'art.  1 44 
de  la  constitution  de  l'an  111,  concu  en  ces  termes  :  «  Le  directoire  pour- 
vnit,  d'apres  le*  lois,  a  la  surele  exlerieuie  de  la  republique;  il  pent  la  ire 
des  proclamations  conformes  aux  lois,  pour  lour  execution  ,  il  dispose  de 
la  force  armeCj  Clc.  » 


ET  POLITIQUES.  345 

pour  terminer  unc  phrase,  que  sc  serait  glissee  dans  la  Chartc 
rinvesliliuc  de  la  puissance  dictaturiale  ?  Et,  si  cllc  avaitdu  y 
parailre,  n'aurait-clle  pas  etc  l'objct  d'unc  disposition  precise 
et  solennelle  ?  Mais  non  ,  la  dicta  lure  ne  sc  proclame  point 
d'avance;  clle  nc  s'ecrit  point;  et,  le  jour  011  elle  est  appelee 
par  la  necessite,  elle  apparait  spontanement,  et  se  juslilie  A 
peine  par  le  succes  (1).  ;> 

Qu'on  nous  pardonne  cede  longue  citation,  elle  etaft  n<s- 
cessaire  pour  justifier  notre  jugement,  et  prouver  la  sincerity 
de  nos  eloges.  JMaintenant,  nous  le  savons,  si  Ton  voulait  inci- 
denter  sur  les  details,  il  serait  aise  do  trouvcr  maticre  a  con- 
trover  se ;  chaque  esprit  a  ses  nuances;  mais  il  faut  surtout 
considerer  ici  lc  point  de  vue  general  et  l'ensemblc  du  travail. 
Or,  sous  ce  rapport  essentiel,  ii  ne  nous  resle  qu'un  mot  a  dire, 
parce  qu'il  resume  toule  notre  opinion,  e'estquece  livre,  non- 
seulement  est  l'oeiivre  d'un  homme  instruit,  d'un  esprit  juste* 
d'un  ecrivain  exerce,  mais,  ce  qui  vaut  mieux  encore,  e'est 
rccuvre  d'un  bon  citoyen. 

D-  M. 

ftrwwrwvwwwt 

Histoire  UNivERSELLEDE  l'antiquite  ;  par  FrM.  C/irct.  Scxilos- 
ser,  professcur  d  I'Unirersite  de  Heidelberg  ;  traduite  de  1'al- 
lemand  par  P.  A.  de  Golbery,  conseiller  a  la  cour  royale  dc 
Colmar,  etc.  (2) 

Je  voudrais  qu'une  des  Academies  savantes  de  l'Europe, 

(1)  «  Quel  que  soit  notre  respect  pour  la  liberte  ties  opinions,  nous  nc 
pouvons  nous  defendie  He  penser  que  ceux  qui,  par  une  fausse  inter- 
pretation de  I'art.  i4  de  la  Cliarte,  soutiennent  qu'une  simple  ordon- 
nance  royale,  rendue  sur  ^allegation  de  la  surete  de  l'Etat,  pent  deioger 
a  la  Cliarte  el  aux  lois,  se  rendent  coupables  du  delit  prevu  par  l'art.  4 
de  la  loi  du  17  inai  :8iy,  qui  punit  les  allaqucs  formcllcs  conlre  t'anlo- 
r*tt  conslilutiotinette  du  Hoi  et  des  (.'liambres.  » 

(Note  de  1'Auteur  de  l'ouvrage. ) 

(2)  Paris,  1S2S;  Leviault.  3  vol.  ir.-S";  jirix,  21  IV.    - 


j.',i)  SCIENCES  MORALES 

qui  proposcnt  quelqu«jfb!s  des  questions  oiseuses  et  pen  inle- 
ressantes,  promit  un  prix  a  l'auieur  du  meillcur  plan  d'urie 
histoire  univcrsclle.  Quel  sujet  pourrait  etrc  plus  important, 
et  offrir  aux  concurrehs  une  phis  belle  occasion  de  develop- 
per  a  la  Ibis  Cine  vaste  erudition,  une  haute  philosophic  et 
une  brillantc  imagination!  Quel  livre  serait  en  memo  terns 
aussi  utile  clans  ['instruction  publiquc  qu'une  histoire  univer- 
selle  tracee  d'apres  un  bon  plan,  et  exec u tee  avee  talent!  A 
mesurcque  les  annates  des  peuples  scdcroulent  sous  nos  yeux, 
grace  aux  recherches  des  savans,  que  leurs  monumens  sont 
reproduits,  et  que  les  traces  de  leur  existence  et  de  leurs  rela- 
tions se  multiplient  aux  regards  des  investigateurs  de  l'anti- 
quite,  on  sent  da  vantage  le  besoin  d'enchainer  les  faits  de 
l'histoire,  de  lier  lesevenemens,  d'embrasser,  s'il  est  possible, 
d'un  coup  d'ceil  la  marche  du  genre  huinain  dans  les  ages 
passes. 

Ce  tableau  a  etc  souvent  tente ;  mais  la  plupart  des  ecri- 
vainsqui  l'ontessaye  out  succoinbe  sous  la  tache.  Lesunsont 
travailleencompilateurs  :  d'autresont  manque  de  philosophic, 
et  n'ont  vu,  ou  voulu  voir,  que  ce  qui  s'accordait  avec  leurs 
opinions,  leurs  croyances,  ou  leur  esprit  de  parti.  Anquetil  et 
d'autres  honneles  aulcurs  ont  tache  de  parler  un  peu  de  cha- 
que  peuple,  en  consultant  de  bonnes  sources  ;  ils  ont  mis  ces 
notices  a  cote  les  unes  des  autres;  et  voila  leur  histoire  uui- 
versellc  faite.  Les  discours  de  ttossuet  sont  l'ouvrage  d'un 
hommc  de  genie ;  personne  n'a  esquissc  les  epoques  histori- 
ques  en  trails  plus  rapides,  et  avec  plus  d'energie  ;  mais  il 
scniblc  que  eel  ouvrage  n'a  etc  compose  que  pour  demontrer 
a  un  jeune  prince  la  necessite  et  1'antiquile  de  la  domination 
du  saccrdocc  sur  les  peuples  et  meme  sur  les  rois.  L'histoire 
profane,  les  traditions  religieuses,  la  legendc,  tout  concourl 
a  unmenie  but;  e'est  pour  cela  aussi  que  les  Juii's,  qui  n'oc- 
cupent  qu'une  bien  petite  place  dans  l'histoire  generate  de 
rantiquite,  sont  places  par  Bossiiet  sur  le  premier  plan  ,  et 
que  les  evenenicnsy  sont  releves,  nou  d'apres  leur  importance 
historique  ou  phifosophique,  mais  d'apres  cello  que  le  clerge 
v  atlachail  du  tems  <le  Bossuet. 


ET  POLITIQUES  54; 

L'histoire  miiverselle  de  M.  Schlosser  est  tout  I'pppose  des 
discours  de  1'eveque  dc  Meaux;  il  semble  que  le  professeur 
de  Heidelberg  ait  pris  le  coutre-pied  du  precepteur  du  Dau- 
phin. Bossuct  regarde  la  Genese  comme  un  ouvrage  histori- 
que,  et  fonde  sur  elie  son  resume  de  l'histoire  des  terns  pri- 
mitif's.  Les  miracles  entrent  dans  son  recit  comme  des  faits 
notoires;  le  peuple  juif  joueun  plus  grand  role  que  les  Grecs 
et  les  Romains.  II  parle  a  peine  de  la  Chine  et  de  l'lnde;  il  ou- 
blie  quelquefois  sa  tache  d'observaleur  pour  monter  en  chaire, 
etpiecher  son  eleve  avec  toute  la  vehemence  et  toute  l'onc- 
tion  de  son  admirable  talent.  M.  Schlosser,  au  contraire,  ecarle 
les  traditions  sacrees  des  peuples,  ets'en  tienta  l'histoire  pro- 
fane ;  ce  n'est  point  par  Adam  et  Eve  que  commence  son  histoire 
univeiselle,  parce  que  les  historiens  profanes  n'en  disent  rien; 
il  oe  croit  meme  pas  qu'uh  seul  couple  ait  cte  la  souche  du 
genre  humain,  «  attendu  que  plusieurs  naturalisles  trouvent 
trop  de  differences  entre  les  diverses  races  pour  pouvoir  ad- 
mettrequ'ellesdescendent  loutesd'uneseule.»Cesontlesnalu- 
ralistes,  gens  pen  consideres  du  terns  de  Bossuet,  que  Schlos- 
ser interroge  pour  connailre  l'etat  primilif  du  globe.  Le  nou- 
vel  historieu  n'accorde  qu'une  trcs-  petite  place  aux  Juifs; 
mais,  en  revanche,  il  s'etend  beaucoup  sur  les  belles  institu- 
tions des  Grecs.  II  entre  mele  ses  recits  de  nombreuses  re- 
flexions ;  mais  ce  sont  des  considerations  d'un  genre  philoso- 
phiquc  telles  que  les  inspire  I'esprit  du  siecle,  et  telles  que 
les  ainie  le  public  actuel.  Point  de  legende,  point  de  tradition 
theologique  dans  I'abrege  de  Schlosser,  tout  est  positif  et  pro- 
fane :  e'est  l'ouvrage  d'un  professeur  d'une  de  ces  universiles 
allemandcs  on  Ton  pense  et  ou  Ton  enseigne  librement. 

Cependant,  examinons  cet  ouvrage  de  plus  pies,  et  voyons 
comment  I'auteur  s'est  acquitte  de  la  tache  qu'il  s'etait  propo- 
see.  II  fautsavoird'abordquelapailie  traduite  par  M.  Golbery 
ne  coniprend  que  l'histoire  universelle  de  l'antiquite;  encore 
laul-il  prendre  le  mot  antiquite  dans  le  sens  le  plus  strict ;  car 
I'auteur  s'arrete  aux  derniers  successeurs  d' Alexandre,  etl'his- 
loicc  roinainc  n'est  pas  comprise  dans  cette  partie.  Cest  done, 


348  SCIENCES  MORALES 

a  proprcmenl  purler,  I'histolre  de  l'untiquite  la  plus  render 
que  nous  Jonnc  le  traducteur  do  Schloss«r;  et  nous  n'avons 
a  nous  occupor  que  de  cclle-ci. 

L'autuur  prend  l'histoire  ancienne  dc  plus  haut  qu'aucun 
autre  hislorien  ;  car  il  commence  par  les  terns  ou  il  n'y  avait 
pas  d'hommes  sur  le  globe,  et  on,  par  consequent,,  il  n'y 
avait  pas  encore  d'hisloire.  Ce  sont  dcs  fails  geotogiques,  des 
notions  sur  lesosscmcns  fossiles,  les  terrains  primitifs,  secon- 
daires  et  d'alluvions,  etc.,  qui  forme  nt  le  debut  de  son  ou- 
trage. D'abordcet  expose,  pris  fa  et  la  dans  les  ouvrages  des 
geologues,  n'est  pas  complet;  ensuite,  il  ne  parait  nullcment 
necessaire  de  commcncer  Fhistoire  de  t'antiquite  par  uneepo- 
queou  il  n'y  avait  pas  d'bistoire,  et  ou  il  n'y  avait  pas  d'etres 
numains.  Ces  details  seraient  a  leur  place,  s'il  s'agissait  de 
faire  l'histoire  du  globe  que  nous  babitons.  Mais  peut-etre 
ne  serait-il  pas  sans  interct  de  rapprocher  les  fables  que  les 
divers  peuples  de  l'anliquile  ont  inventees  au  sujet  des  pre- 
miers homines  et  du  premier  etat  de  la  terre. 

Je  crois  egalemcnt  que  M.  Schlosser  aurait  pu  se  dispenser 
d'entrer  dans  des  recherehes  sur  les  races  et  dans  la  question 
de  sayoir  si  la  terre  a  ete  peuplee  parune  seule  espece,  ou 
s'il  y  a  eu  simultanoment  plusicurs  especes  ou  races  sur  di- 
vers points  du  globe.  L'auteur  rapporte  les  opinions  dc  quclr 
ques  naturalistes  et  physiologistes  sur  la  diversite  des  races,  et 
il  est  dc  l'avis  de  ceux  qui  pensent  qu'il  a  du  y  avoir,  des  l'o- 
rigine,  plusicurs  especes  d'etres  humains,  altendu  qu'il  y  a 
des  differences  physiologiques  trop  marquees  entre  les  races 
pour  qu'clles  puissent  provenir  d'une  seule  et  meme  espece. 
Si  M.  Schlosser  avait  voulu  rapporter  a  cet  cgard  toutes  les 
opinions  dcs  naturalistes,  dont  les  uns  admettent  quinzc  es- 
peces, et  les  autres  quatre  on  cinq,  il  aurait  ete  entraine  loin 
de  son  sujet;  etce  qu'il  en  dit  ne  peut  etre  complet,  ni  par 
consequent  salisfaisant.  Je  crois  done  que  l'auteur  aurait 
niieux  fait  de  laisscr  encore  cet  objet  de  cote,  comma  etarit 
ctranger  a  son  but,  qui  n'est  autre  que  de  resumcr  1'histoiro 
des  priiuipaux  peuples  de  l'anliquite. 

Les    nations    resscmblcnt    aux    Individus.   Dans    un   ffffe 


ET  POLITIQUES.  549 

avance  on  ne  se  souvient  plus  do  son  premier  age,  et  Ton  n*a 
qu'uDC  itlt'c  conTuse  ties  jours  dc  l'cnfance.  De  nieme  Ies  na- 
tions, ne  se  souvenant  jamais  dc  leur  origine  quand  leur  his- 
toire  commence  a  s'ccrire,  n'ont  que  des  fables  on  de  vagues 
traditions  sur  leurs  commencemens.  On  pent  rapporter  ces 
traditions;  mais  je  crois  que  l'hisloire  universelle  ne  com- 
mence que  la  ou  les  historiens  anciens  commencent  a  s'ap- 
puycr  sur  quelques  documcns  certains. 

C'est  chez  les  Cliinois  et  les  Indiens  que  M.  Schlossertrouve 
ties  documens  tie  cette  espece ;  aussi  est-ce  par  ces  peuples 
qu'il  ouvre  son  histoire  universelle.  On  sait  neanmoins  pen  de 
chose  de  leur  antiquite,quoique  leurs  historiens  lesfassent  re- 
monter  tres-haut;  quel<]ues  pages  ont sufli  a  l'autcur  pour  re- 
tracer  les  fails  historiques  de  chacune  des  deux  nations.  En 
general,  M.  Schlosser,  dont  l'esprit  parait  preferer  les  re- 
flexions philosophiques  a  la  simple  narration,  est  Ires-court 
sur  les  evenemens  publics  qui  constituent  ce  qu'on  appclle 
proprement  Thistoiie  ;  mais  il  s'etend  beaucoup  sur  les  insti- 
tutions des  peuples,  sur  leurmaniere  de  se  gouverner,  sur  leur 
lilteralure  et  sur  leur  culte.  On  ne  peut  blamer  Pauteor  d'e- 
tre entre  dans  ces  details  inslruclifs  et  interessans;  mais  peut- 
clre  ne  fallait-il  pas  expedier  si  rapidement  les  evenemens 
publics  dansun  ouvrage  annonce  comme  une  histoire  univer- 
selle. , 

Apres  les  Cliinois  et  les  Hindous,  1'auteur  fait  paraitre  sur 
la  scene  l'empire  de  la  Bactriane ,  Babylone  et  l'Egypte.  Ce 
dernier  pays  lui  inspire  des  reflexions  judicieuses  sur  l'insta- 
bilite  de  la  prosperite  des  peuples.  «  On  est  beaucoup  plus 
frappe  encore,  dit-il ,  tie  la  fragilite  ties  grandeurs  humaines, 
depuis  que  les  travaux  des  Francais  etdes  Anglais  out  fait  con- 
naitre  les  admirables  restes  de  la  civilisation  egyptienne  et  ties 
ouvrages  que  les  Greeset  les  Pvomainsy  ont  ajoutes.  Qu'est  de- 
venue  cette  splendeur  ?  Elle  a  passe  chez  des  peuples  qui 
comprcnnent  l'esprit  de  leur  sieclc,  comme  les  anciens  Egyp- 
tlcns  avaient  saisi  celui  des  terns  primilifs.  »  Cependant,  au 
lieu  de  dtrouler  les  ancicnnes  annales  de  ce  people  ,  et  de  nous 
faire  connaitre,  au  moins,  la  succession  des  prineipales  dynas- 


35o  SCIENCES  MORALES 

ties.  l'auteur  se  rontente  tie  purler  des  monumens,  des  castes, 
de  l'indnstrie  et  des  arts  cliez  les  Egyplicns,  ct  d'efflcurcr  son 
sujet  au  lieu  de  lc  trailer  a  fond.  Bossuet,  tout  sommaire  qu'il 
est,  trouvepourtant  inoyen  de  n'omettre  aucun  fait  histonque 
essentiel.  M.  Schlosser  fait  bien  mieux  connaitrc  l'etat  moral 
et  intellectuel  de  chaque  peuple  et  de  chaque  epoque;  mais 
l'liisloire  est  trop  peu  developpee  par  lui;  a  peine  est-e!Ie 
nieme  resumee.  Ce  qui  est  encore  a  l'a  vantage  de  Bossuet, 
e'est  que  cc  grand  ecrivain  cite  pour  chaque.  fait  son  autoritc 
an  has  de  la  page  :  M.  Schlosser  se  contcnlc  de  citer ,  de  loin  a 
loin,  avec  une  sobriete  d'autant  plus  etonnante  que  les  savans 
allemands  pechent  ordinairement  par  le  defaut  contrairc. 

L'auteur  arrive  ensuitc  aux  terns  ou  florissaient  les  Pheni- 
ciens  et  les  Juifs,  et  ou  s'etablit  l'enipirc  des  Perses  et  des 
ftledes.  L'histoire  des  Juifs  est  degagee  ici  de  tout  le  mcrveil- 
leux  qu'elle  a  dans  les  annales  de  ce  peuple  ;  1'auteur  juge  en 
philosophc  les  institutions  de  Moi'sc.  Use  hate  d'anivcr  aux 
Grecs,  qui  sont,  a  ce  qu'il  pa  rait,  son  peuple  dc  predilection, 
car  il  lui  a  reserve  les  deux  tiers  de  son  histoire  universelle  de 
l'antiquite.  C'est  qu'en  Grece  il  est  sur  son  terrain  :  la  philo- 
Iogie  allemande  a  fourni  tant  de  beaux  travaux  sur  1'histoire  et 
les  institutions  de  la  Grece,  et  1'histoire  de  ce  peuple  occupe 
tantde  place  dans  les  etudes  des  univcrsites  d'Allcmagnc  ,  qu'il 
n'est  pas  etonnant  qu'un  professeur  de  Heidelberg  Irouve 
presque  toute  l'anti(juite  chez  les  Grecs,  et  abonde  en  rensei- 
gneniens  et  en  reflexions  sur  ce  peuple.  Celte  partie  est  aussi 
rnieux  pourvue  de  citations,  et  l'erudition  de  l'auteur  y  trouvc 
moyen  de  briller.  II  semblerait  que  le  reste  de  1'ouvTage  n'est 
la  que  pour  servir  d'introduction  a  1'histoire  de  la  Grece,  ct 
que  l'auteur  n'a  traite  rapidement  les  terns precedens  que  pour 
arriver  a  son  sujet  principal.  On  peut  nieme  dire  que  1'histoire 
de  la  Grece  est  la  seule  partie  qui  soit  exposee  avec  soin ,  ct 
conime  ellc  doit  l'etre,  et  que  lc  restc  a  ete  sacrifie  a  cetle  ex- 
position. M.  Schlosser  dira  peut-elre  qu'il  a  renvoye  ses  lec- 
teurs  a  Touvrage  de  Heeren  sur  les  peuples  de  L'antiquite; 
niais  cela  ne  le  dispensait  pas  de  bien  remplir  le  cadre  qu'il 
s'etait  trace,  et  qu'il  annonce  dans  le  litre. 


ET  POLITIQUES.  35 1 

Loin  (le  se  trainer  sur  les  traces  d'autres  auteurs,  M.  Scblos- 
ser juge  et  presente  les  fails  d'apres  les  resultats  de  ses  propres 
recherches;  aussi  rectifie-t-il  beaneonp  de  fails  erronement 
presentes ,  et  il  contredit  sonvent  des  autenrs  d'unc  grande 
reputation  qui  ont  pu  se  tromper  pour  n'avoir  pas  compare 
toutes  les  donnees  que  nous  four  nit  Fantiquite  sur  un  evene- 
ment  ou  sur  un  personnage  hislorique.  II  juge,  par  excmple, 
au  sujet  de  Fhistorien  anglais  Mitford,  auteur  d'une  histoirees- 
timcede  la  Grece,  que  cet  auteur  eerivait  dans  le  dessein  de  de- 
nigrer  tons  les  gouvernemens  populaires,  el  de  louer  tons  les 
tyrans;(i)  «  et  il  pcnseque  Fabbe  Barlhelemy  partait  de  princi- 
pestoutdiffcrens ;  cequi  senihlerait  fairecroire  que  I'auleur  du 
Voyage  d'Anacluasis  favorisait  beaucoup  le  regime  pop u (aire; 
je  ne  crois  pas  que  la  lecture  de  son  onvrage  justifie  celte 
opinion.  Quant  a  Mitford,  M.  Scblosser  parait  avoir  raison  , 
en  ce  que  l'auteur  anglais  a  voulu  rebabililer  la  memoire  de 
quclques  rois  de  Fantiquite  qu'il  a  cm  sans  doute  nial  juges; 
les  principes  poliliques  entraient  peut-etre  pour  peu  de  chose 
dans  ces  paradoxes,  ou ,  si  Fon  veut,  dans  cetle  maniere  de 
voir  et  de  juger.  M.  Scblosser,  apres  avoir  indique  les  divers 
Stats  qui  se  formerentenGrcce^et  ceuxquelesGrecs  formerent 
au  dehors  de  leur  palrie,  arrive  a  l'opoque  brillante  ou  Athenes 
devint  une  des  villcs  les  plus  illustres  du  monde,  et  un  des 
foyers  de  la  civilisation  des  peuples.  Ici ,  nous  trouvons  les 
guerres  racontees  en  detail,  les  institutions  et  les  lois  des  Grecs 
expliquees  d'une  maniere  lumineuse,  les  pei'sonnages  qui  ont 
joue  un  role  dans  les  grands  evenemens,  juges  d'apres  les  fails 
etd'apreslcs  autorites  anciennes.  Deplus,  M.  Scblosser  ajoute, 
pour  chaque  epoque,  comme  dans  le  premier  volume,  des 
eclaircissemens  sur  Fetat  politique,  civil  et  intellectuel.  Les 
poetes,  les  historiens,  les  philosophes,  les  orateurs  de  chaque 
epoque  sout  apprecies  par  un  homme  qui  les  a  profondement 
etudies,  el  qui  est  au  fait  des  recherches  des  savans  modcmes. 

(i)  M.  Neelc  ,  dans  son  ouvragc  :  Romance  of  history  (Londies  i8sft)  , 
blflme  egalement  Mitford  de  n'avoir  juge  les  anciens  qu'avec  la  preven- 
tion de  l'esprit  aristocralique. 


7>52  SCIENCES  MORALES 

Je  vais  citor  un  passage  pour  donner  une  idee  de  la  manure 
dont  I'auteur  prcscnle  et  apprecie  les  fails.  II  s'agit  de  Petal 
de  la  ville  d'Athenes  a  1'epoque  oi'i  Pericles  fascinait  les  ycux 
par  l'eelat  de  son  gouverncment,  ct  on  Alcibiade  corrompait 
les  niocurs  par  ses  vices  brillans. 

«Tandis  que  I'esprit  de  parti  ct  la  soif  de  la  domination 
perdaient  une  parlie  dcs  Atheniens,  le  luxe  et  les  richcsses 
influaient  sur  les  autres;  enfin  1'accroissement  du  n ombre  des 
esclavcs  bouleversa  les  rapports  sociaux.  Quelle  preponde- 
rance ne  donnait  point  a  Nicias  la  propriete  de  mille  esclaves! 
Combien  Alcibiade  ne  s'cleva-t-il  pas  an  dessTis  de  I'Atbe- 
nien  des  premiers  terns,  lui  dont  les  afl'rancbls  pouvaient 
jouer  un  role  dans  l'Etat?  Au  terns  dont  nous  parlous,  il  l'al- 
lut  que  le  plus  grand  nombre  des  citoyens  renoricat  aux  pro- 
fessions; elles  demeurerent  abandonnees  aux  esclaves.  On 
vivait  alors  de  la  solde  militaire  et  du  droit  de  presence,  et 
Ton  atlendait,  pour  s'cnrichir,  leparlage  d'un  Etat  etranger. 
Cimon  avail  deja  commence  a  gro'ssir  le  patrimoine  des  ci- 
toyens par  le'pillagc  et  les  distributions  ;  Pericles  alia  beau- 
coup  plus  loin,  ainsi  que  leprouvent  les  exemples  de  l'Eubee, 
de  Samos  et  de  Naxos.  On  se  rappelle  quel  fut  pendant  la 
guerre  du  Peloponese  le  sort  de  Melos  et  de  Lesbos.  La  vi- 
lete  des  prix,  comparee  aux  moyens  d'acquerir  une  existence, 
laissait  aux  Atheniens  la  faeulte  de  se  livrer  aux  arts,  au 
theatre,  aux  enlreliens  pbilosophiques,  et  a  toute  espece  de 
divertissement  intellectuel,  sans  que  leurs  affaires  en  souffris- 
sent  de  prejudice...  Jusque  bien  avant  dans  la  guerre  du  Pe- 
loponese, le  particulicr  vivait  en  general  fort  modestement ; 
mais  Pericles,  pour  la  seule  construction  des  Propylees,  puisa 
dans  le  tresor  pres  de  2J  millions,  et  5  a  4  millions  sorlirent 
de  la  bourse  des  citoyens  pour  les  vases  sacres  ;  enfin  40  la- 
lens  d'or  furent  employes  a  la  statue  de  Minerve.  Sur  la  place 
publiquc,  dans  les  boutiques,  sous  les  portiques,  on  Ton  se 
rassemblait,  comme  aujourd'hui  dans  les  cafes,  on  s'cntrele- 
nait  des  arts,  et  sur  v!ngt  citoyens  il  y  en  avait  bien  trois  que 
leur  position  sociale  mettait  dans  le  cas  de  s'en  occuper.  II 


ET  POLITIQUES.  555 

en  etait  de  meme  de  la  science  de  la  parole  et  de  celle  de  la 
poesie,  de  la  dialectique  et  de  la  grammairc.  Chacun  pou- 
vait  etre  appele  a  rendre  compte  des  affaires  les  plus  difficiles 
et  les  plus  embrouillees  ;  chacun  entendaitprononcer  lesdis- 
cours  les  plus  eloquens  :  la  place  publique,  les  affaires  jour- 
nalieres,  les  tribunaux  suffisaient  a  1 'etude.  II  n'etait  pas  be- 
soin  de  langne  etrangere,  ni  d'autres  connaissances  que  celles 
qui  se  liaient  a  la  vie  commune  de  l'Athenien.  II  ne  faut 
done  pas  s'etonner  que  l'on  eut  la  pretention  de  bien  juger 
les  arts,  la  poesie,  1'eloqucnee.  » 

L'examen  que  M.  Schlosser  fait  des  ceuvres  des  principaux 
poetes,  orateurs  et  historiens  de  la  Grece,  est  plein  d'instruc- 
tion    et   d'apercus    interessans.    En  s'oecupant  de  Tanalyse 
des  tragedies  d'Eschyle  et  de  Sophocle,  il  est  amene  a  tracer 
un  parallele  entre  ces  deux  grands  poetes.  « Dans  Sophocle, 
dit-il,  e'est  le  siecle  de  Pericles  et  sa  tendance  vers  les  arts; 
il  ne  conserve  de  vestiges  ni  de  l'aristocratie  d'Eschyle  ni  de 
l'antique  monarchic   Quand  il    introduit  sur  le  theatre  un 
maitre  unique,   e'est  un  tyran  selon  les  idees  grecques,  ou 
bien  e'est  un  executeur  de  la  volonte  du  peuple  ou  de  la  no- 
blesse patricienne.  DansEschyle,  la  religion  est  grande  et  ter- 
rible ;  clans  Sophocle,  elle  garde  un  caractere  d'amenile  etde 
serenite,   meme  la   oii  il  est  question  des  Eumenides.  Dans 
Eschyle,  les  femmes  sont  etrangeres  al'Etat  et  aux  entreprises 
importantes;  dans  Sophocle,  elles  soutiennentle  rule  que  leur 

avaient  donne  Aspasie  et  d'autres  courtisanes Le  peuple 

et  la  ville  paraissent  chez  eux  sous  un  jour  tout  different. 
Dans  Eschyle,  I'Elat  est  compose  de  vieillards,  de  patriciens, 
de  pretres;  dans  Sophocle,  e'est  un  public  confus  d'Athe- 
niens  dont  la  vanite  recherche  toutes  les  occasions  de  s'ap- 
plaudir  lui-meme.  Les  objets  d'effroi  el  d'horreur  s'eloignent 
de  la  scene;  car  ils  seraicnt  desagreables  a  ce  peuple  trop  de- 
licat  :  il  faut  done  qu'au  lieu  d'effrayer  Sophocle  atten- 
drisse,  etc.  » 

L'histoire  de  la  domination  des  rois  de   Macedoine  et  des 
eonquetes  d' Alexandre  oecupe,  avec  raison  ,  une  place  consi- 
T    xlvi.  mai  i85o.  25 


354  SCIENCES  MORALES 

derable  dans  cette  hisloire  uuiversclle.  L'auleur  examine  ju- 
dicieusement,  et  toujours  a  I'aide  des  temoignages  des  an- 
ciens,  ['influence  que  le  plus  grand  conquerant  de  I'anliquitc 
exerea  sur  le^sort  des  peuples,  aiusi  que  sur  la  civilisation. 
Acute  du  portrait  d' Alexandre  1'auteur  place  celui  de  l'esprit 
le  plus  vastedc  la  meme  epoque  et  de  I'anliquitc  entiere,  de 
eet  AristOte  quieut  la  globe  d'etre  le  preceptcur  d'Alexandre. 
«  Si  Ton  exeepte  les  londateurs  de  religious,  dit  M.  Sehlosser, 
nul  honmie  n'a  exerceuueplusgrande  influence  sur  rinunanite 
tout  entiere  qu'Aristote.  INon-.-eulement  il  a  domic  des  lois  a 
rOecident  et  a  la  religion  chrelienne,  mais  il  a  gouverne  l'O- 
rient  et  rislamisnic;  enfin,  il  a  rcagi  sur  toutes  les  branches 
des  connaissances  humaines.  Sou  esprit  etait  degage  des  ega- 
remens  de  ['imagination,  ses  i'aeultes  exquises  s'appliquaient 
seulement  aux  choses  rcelles  et  possibles;  aussi  l'universalite 
de  son  genie  speculatif  n'avait-elle  pas  echappe  au  createur 
de  la  nouvelle  p\iissance  macedonienne ;  il  le  donna  pour 
gouverneur  a  son  Ills....  AristOte  et  Alexandre  embrassaienl 
tons  deux  l'univers  dans  leurs  conceptions,  tous  deux  vou- 
laient  le  soumettre  et  en  changer  la  lace.  Le  destin  se  declara 
pour  AristOte  :  quant  a  Alexandre,  il  ne  put  accomplir  son 
plan.  Avant  d'atteindre  le  Gange.  le  roi  tout-puissant  t'ut  ar- 
rete  par  l'opiniatrete  de  ses  soldats,  et  l'Occident  fut  preserve 
de  ses  conquetes  par  sa  mort.  Aristote,  par  ses  recherches 
historiques  et  philosophiques,  voulut  coordonner  et  diriger 
toutes  les  connaissances  humaines.  II  transmit  a  ses  succes- 
seurs  tout  ce  (pie  la  Grece  florissante  avait  conquis  dans  le 
domaine  des  sciences  et  de  la  civilisation;  mais  il  appartenait 
aux  terns  modernes,  et,  pour  certaines  choses,  aux  dernicrs 
terns  seuleinenl,  d'accroitre  et  de  rectifier  ses  observations, 
ou  meme  de  les  bien  comprendre  et  de  les  bien  expliquer.  » 
M.  Sehlosser  expose  ensuile  l'histoire  des  successeurs 
d'Alexandre  et  celle  des  dynasties  grecques  en  Syric  et  en 
Egypte.  II  s'arrete  a  Ptolomee  IV,  Philopator,  enajoutant  un 
tableau  de  l'ecole  d'Alexandrie  a  celte  epoque  ou  la  domina- 
tion romaine  allait  aneantir  la  dynastic  des  Grces.  el  les  effacer 
du  nombre  des  peoples  independans. 


ET  POLITIQUES.  355 

M.  Golbery  a  rendu  service  a  la  litterature  philologique  en 
France,  en  traduisant  un  ouvrage  qui  rachete  de  grands  de- 
fauts  par  des  parties  traitees  habilement  et  avec  un  profond 
savoir.  Le  principal  uieriledu  traducteurest  une  fldelite  scru- 
puleuse  a  reproduire  la  pensee  de  l'auteur,  et  a  ne  rien 
omettre  de  ses  developpemens.  Des  personnes,  qui  tiennent 
beaucoup  a  la  forme,  prefereraienl  que  le  traducteur  fut 
restemoins  fidelea  l'original,  eteuttraduit  avec  plus  deliberte 
et  d'aisance.  D'autres  lui  sauront  gre  de  s'etre  astreint  a  cette 
exactitude,  qui  n'est  pas  commune  dans  les  traductions.  S'il 
faut  nous  prononcer  entre  les  deux  opinions,  nous  sommes 
d'avis  que,  dans  un  ouvrage  d'instruction,  il  faut  fidelement 
reproduire  le  fond,  et  ne  rien  omettre  des  raisonnemens  et 
des  fails,  mais  que,  pour  le  reste,  il  est  permisau  traducteur 
de  consulter  autant  le  gout  de  la  nation  pour  laquelle  on  tra- 
duit  que  celui  de  Fauteur  que  Ton  vent  reproduire. 

n— c 


LITERATURE  POLONAISE. 


PoEZYE   AdAMA   MlCKlEWICZA  (l). 

Poesies  A'Adam  Mickiewicz,  traduites   du   polonais ,    par 
MM.  F.  Miaskowski  et  G.  Fblgence  (-i). 

Depuis  long-tems  le  nom  de  Mickiewicz  (5)  etait  popu- 
laire  dans  tout  le  nord  del'Europe;  ct  cepcndant  aucune 
de  ses  compositions  n'avait  passe  le  Rhin.  Tandis  que  la 
France  accueille  avec  empressemenl  les  moiudres  produc- 
tions eclmppees  a  la  plume  des  ecrivains  celebres  de  l'Allc— 
magne  ou  de  rAngleterre,  elle  ignorait  jusqu'a  l'existence 
d'un  poetc  qui  va  de  pair  avec  les  plus  brillans  genies  de  ce 
siecle,  et  qui  reunit  dans  ses  vers  a  un  eclat  d'images  tout 
oriental  1'enthousiasme  reveur  et  la  sensibilite  profonde  de 
POccident.  Get  injuste  ouhli  vient  enfin  de  cesser  :  une  tra- 
duction elegante  et  fidele  revele  a  la  France  Mickiewicz,  et 
nous  pouvons  proclatner,  a  noire  tour,  que  1'Europc  compte 
un  grand  poele  de  plus. 

G'est,  peut-etie,  un  beau  don  du  ciel  pour  up  jeune 
homme  qui  garde  au  cceur  une  etincelle  du  feu  sacre,  qu'une 
vie  inquiete  et  orageuse.  Au  milieu  de  noire  civilisation  re- 
guliere  et  monotone,  de  la  pompe  de  nos  salons  et  de 
nos  spectacles,  de  nos  joies  de  ceremonig,  je  ne  sais  quel 
voile   d'uniformite  s'etend  sur  la   vie  entiere  :  {'exaltation , 

(1)  Paris,  1828  ;  J .  Uarbezal  ct  C'1' ,  rue  des  Beaux-Arts,  n°  6 ;  Geneve, 
in  cine  maison.  3  vol.  in-S°  de  206-216  et  17S  pages,  avec  le  portrait  de 
l'auleur ;  piix,  i5  fr. 

(2)  Paris,  i85o;  Sedillot.  Grand  in-8°  de  80  pages,  avec  le  portrait  dc 
J'auteur  ;  piix,  3  fr.  j5  c. 

(3)  On  pro  nonce  Mitikevitch. 


LITTER  ATU  RE.  35  5 

traitee  de  folie,  se  refroidit  vite  ;  on  se  raidit  conti-e  l'enthou- 
siasme,  chose  etrange  en  effet,  et  de  mauvais  ton  ;  les  ames  , 
conimc  les  corps,  s'assujcttissent  aux  gouts,  anx  bienscances, 
etsemettent,  pour  ainsidire,  an  regime  intellectuel  dn  pins 
grand  nombre.  Mais,  snpposez  que  le  hasard,  arrachant  nn 
jenne  poete  aux  douceurs  de  la  vie  commune,  le  jette  dansun 
monde  a  part;  qu'une  passion  violente,  I'emportant  ties  sa 
jeunesse,  ait  trouble  son  ame  en  y  laissant  une  trace  pro- 
fonde;  que,  plus  tard,  une  grave  douleur  l'ait  dec-hire  ,  une 
de  ces  douleurs  qui  font  saigner  un  coeur  d'homme  sans  l'hu- 
milier,  et  le  forcer  a  rougir;  alors  cotnme  il  secouera  les  liens 
facticesdont  1'aurail  enchaine  la  societe!  comme  l'aigle  preiv 
dra  son  vol  libre  et  superbe  a  travers  l'espace!  comme  le  ge- 
nie se  developpera  dans  sa  grandeur  et  sa  magnificence  na- 
tives! Tel  fut  le  sort  d'Adam  Mickiewicz. 

Ne  vers  1798,  en  Lithuanie,  dans  la  Pologne  russe  ,  iMic- 
kiewiez  est  fils  d'un  avocat  sans  fortune.  II  commenca  ses 
etudes  a  Novogrodek ,  se  rendit  ensuite  an  gymnase  de 
AVilna;  puis,  en  181 5,  suivit,  dans  celte  ville,  les  corn's  de 
i'Universite.  II  etait  alors  un  des  eleves  les  plus  distin- 
gues  du  savant  historien,  M.  Lelewel,  etcultivait  avec  sueees 
les  litteratures  grecque  et  latine,  dont  il  posscde  une  con- 
naissancc  approfondie. 

Un  amour  malbeureuxpour  une  jeufle  fille  de  son  voisinage 
vint  troublcr  ces  occupations  paisibles  :  raconter  cet  episode 
de  sa  vie  n'est  point  de  notrc  sujet.  II  est  dans  le  cceur  des 
abiines  qu'un  ceil  curieux  ne  doit  jamais  penelrer,  des  pfeines 
ameres  et  secretes  qu'il  faut  respecter  et  taire.  Ce  qu'il  im- 
porle  de  savoir  ,  e'est  que  L'inegaNte  des  fortunes  mit  un 
obstacle  invincible  a  l'union  des  deux  amans,  et  que  le  sou- 
venir de  ces  beaux  jours  d'esperances  et  de  douces  illusions 
n'a  jamais  cesse  de  poursuivre  Mickiewicz,  et  d'ajouter  quel- 
que  chose  de  plus  cuisant  encore  a  toutes  ses  douleurs. 

Cependant,  son  genie  poetique  s'etait  eveille ;  sa  maitrcs-c 
et  son  pays  inspirerent  ses  premiers  vers.  II  traduisit  d'abcrd 
des  ballades  allcinandes,  puis  traita  des  sujets  nationaux  ou 


558  L1TTERATURK. 

de  fantaisie,  et  publia  enfin,  en  1822,  un  volume  do  poesies. 
Ce  recueil,  qui  contenait,  autre  aulres  pieces,  Grazyna  et  les 
Aleux,  fit  sensation  en  Pologne.  Pleiu  do  bcautes  nouvelles 
et  originates,  de  recits  nail's  et  d'eclatantes  images,  il  contras- 
tait  vivement  avecl'allure  sententieusc,  froidc  et  guindee  que 
la  Pologne  avait  empruntee  recemment  a  la  litteralure  fran- 
caise  du  xvin6  siecle.  Les  partisans  exclusifs  de  cette  littera- 
ture  attaquerent  Mickiewicz,  ct  ce  dernier  fut  quelquefois 
oblige  d'abandonner  la  poesie  pour  la  polemique,  et  de  des- 
cendre  dans  I'arene,  arme  de  vehementes  et  spirituelles  pre- 
faces. A  pen  pres  a  la  uieme  epoque,  il  composait  une  ode 
celebre  parmi  la  jeunesse  polonaise,  et  qui  se  lie  plus  intime- 
ment  encore  a  l'histoire  de  sa  vie. 

C'etait  le  tem6  ou  l'esprit  de  liberte,  qui  avait  remue  I'Eu- 
rope,  s'eteignait  de  toutes  parts,  comprime  par  la  ruse  011  par 
la  violence  :  le  despotisme  ebranle  se  redressait  plus  terrible, 
et  les  constitutions  s'ecroulaient ,  coinine  trente  ans  aupara- 
vant  les  trones.  Indigne  de  ce  spectacle,  et  de  ce  qu'il  appe- 
lait  la  lachete  de  l'age  mur,  Mickiewicz,  dans  sa  genereuse 
douleur,  s'adressa  auxjeunes  gens,  leur  confiant  la  tache  de 
relever  l'autel  de  la  liberie ,  et  il  composa  I'Ode  a  la  Jeunesse, 
qui  fut  couronnee  par  Y  association  des  elites  de  CUniversite  de 
TVilna.  II  est  permis  de  croire  que  cette  composition  fut  un 
des  titles  de  Mickiewicz  a  la  baine  du  gouvernement  russe  : 
aussi,  lorsqu'une  mesure  brutale  vint  frapper  l'Universite  de 
Wilna,  l'auteur  de  l'Ode  a  la  Jeunesse  ne  fut  pas  oublie. 

Ici  commence,  pour  Mickiewicz,  une  longue  serie  de  per- 
secutions. A"  sein  de  l'Universite  de  "VN  ilna,  un  simple  etu- 
diant ,  Tho?nas  Zam(i),  avait  forme  une  Societe  litteraire 
et  scientilique,  dans  le  but  d'eutretenir  l'esprit  national  ct  les 
habitudes  morales,  sans  lesquelles  le  patriot  is  me  meme  degenerc- 
rait  en  passion  aveugle  ct  facile  d  rebuter.  Cette  association  prit 
le  nom  de  Societe  des  freres  rayonnans ,  ainsi  nominee  ,  parce 

(1)  Voir,  dans  la  Bingraphie  nnivcrsellc  et  portative  des  Contentporains. 
par  M.  Boisjoslin,  erliteur,  Particle  Thomas  Zan. 


LITERATURE.  35t) 

que  les  etiulians  I'urenl  partages  en  sept  classes,  qui  tirerent 
leurs  noms  des  sept  rayons  de  La  lumicro  celeste  :  Mickiewicz 
i*ul  mis  au  nomine  de<  vingt  philemathes,  ou  surveillansde  I'a.-- 
sociation;  et  deja  celte  ideo  de  Thomas  Zan  promeltait  a  la 
Pologne  les  plus  beaux  resullats,  quand  une  denunciation 
clandestine  obligca  la  Societe  de  se  dissoudre,  en  1822.  L'im- 
prudence  d'un  jeunc  etudiant  attira  bientot,  sue  les  membres 
disperses,  une  nouvclle  persecution.  En  septembre  1820. 
Thomas  Zan  fut  arrete,  jete  en  prison  avec  une  foule  de  ses 
caniarades ,  soumis  a  une  euquete  rigoureuse ,  pendant  la- 
quelle  il  deploya  la  plus  heroique.  fcrmcte.  Mais  il  fut  con- 
vaincu  d'avoir  voulu  propager  I 'insensee  nalionalitc polonaise , 
etenferme  dans  la  forteresse  d'Orembourg ;  dcptiis,  il  n'a  pas 
reparu  dans  son  pays.  Quatre  professenrs  furent  destitutes, 
entre  autres  le  savant  Lelewel  ;  dix  philomai lies  condamnes  au 
bannissement  perpetuel,  et  parmi  enx  Mickiewicz.  Un  grand 
nombre  d'etudians,  deportes  dans  les  regimens  russes,  out , 
clepuis ,  trouve  la  mort  loin  de  leurs  families  et  de  leurs  amis . 
sous  les  rein  parts  de  Silistric  et  de  Warna. 

Quanta  Mickiewicz,  on  I'envoya  a  Odessa,  et,  durant  son 
sejour  en  Crimee,  il  composa  des  sonnets,  dans  lesquels  il 
retrace  les  merveilles  de  la  nature  d'Orient  et  les  secrets  sen- 
timens  de  son  time,  avec  une  chaleur  et  tin  eclat  de  poesie 
dont  les  Tiistes  d'Ovide  n'approcberent  jamais.  Bientot  le 
gouvernement  russe  tleeouvrit.  par  sa  correspondance .  qu'jl 
trouvait  tolerable  cc  lieu  d'exil.  On  le  fit  tout  de  suite  partir  pour 
Moscou,  et,  la  il  fut  place  sous  la  surveillance  de  la  police, 
et  atlacbe  a  la  personne  du  prince  Galitzin,  gouverneur  mili- 
laire  de  cette  province.  Mais  celte  rigueur  devint,  pour  Mic- 
kiewicz, la  source  d'un  adoucisscment  inattendu  a  ses  maux. 
Le  prince  Galitzin  fut  emu  de  son  sort  ;  nappe  de  son  talent, 
il  tint  a  houneur  de  sc  faire  tin  ami  du  grand  poete,  et  le  con- 
iluisil  a  Saint-Pelersbourg.  011  Mickiewicz  publia  une  edition 
<le  ses  oeuvresj  el  ful  aecueilli  avec  enthousiasme  par  cctlc 
panic  tie  Tarislocratic  moscovile  qui,  hop  I'aible  on  (top  in- 
diffcrente  pour  secouerle  joug,  murmure  ueannioins  en  secret 
centre  sa  pesanteur.  Mais  sans  doute  lYiiqueiic  de  la  pour?  «'t 


5Gu  UTTUHATUIU:. 

lcs  exigences  de  hi  police  tmperiale  convenaient  pen  a  I'func 
independante  ilc  Mickiewicz;  il  obtint,  par  le  credit  de  ses  ad- 
miraleurs,  la  permission  de  quitter  la  Kussie,  souslacondition 
expresse  de  nc  pas  rentier  en  Lithuanie.  II  vint  alors  en  Alle- 
magne,  passa  quelque  terns  prcs  de  Goethe,  a  Weimar,  et  s'y 
lia  d'unc  amitie  solidc  avec  noire  i [lustre  slatuaire  David.  II 
parcourj  aujourd'hui  l'ltalie,  levant  a  ses  forets  natales,  a  son 
bleuISiemcn ,  et  projelant,  pour  distrairc  ses  ennuis,  1111  voyage 
en  Orient. 

Ces  revers  de  la  fortune  et  ces  violens  oarages  de  l'ame 
out  developpe  cliez  le  poele  polonais  mi  Sentiment  prolond 
do  melancolie.  Patriole  ardent  el devouc,  ses  peines  person- 
nelles  se  sonl  accrues  encore  de  cell 68  de  son  pays  :  et  parmi 
les  spectacles  delicieux  de  la  nature  du  midi,  les  fontaines  de 
Bakc:ysarai,  et  les  ruisseauj;  murtnttrant  sur  la  molle  urine,  il 
redit  sans  cesse,  avec  line  expression  dechirante  de  tristesse 
et  de  regret,  ce  mot  sidoux  d' amour  qui  ria  pas  d'egal  stir  la 
terre,  si  ce  n'est  tc  mot  de  palrie;  et  ce  melange  de  passion  re- 
\euse  et  d'eblouissantes  couleurs  prele  un  cliarme  irresisti- 
ble a  ses  vers.  Xandis  qu'il  erre  parmi  les  palais  dclabres  des 
khans  de  Crimee,  et  parcourt  ces  galcries  et  ces  vestibules  que 
batayail  jadis  le  front  des  Baclias,  on  bien,  qu'emporte  par 
son  clieval  il  wit  les  furls,  les  vallons  et  les  rochcrs  coaler  uses 
pieds  lour  d  lour,  et  /Hspnrailrc,  scmblables  au.r  flots  de  la  mer, 
on  aime  a  \  oir  comnu.  il  se  reprend  avec  delices  au  souve- 
nir de  la  terre  ualale,  comme  il  s'ecrie,  pleio  d'une  emotion 

\  raie  : 

«  0  Lithuanie!  le  bruit  de  Us  florets  resonnait  plus  dou- 
ccment  a  mon  oreille  que  le  chant  des  rossignols  de  Baulare 
el  des  jeuncs  filles  du  Salhire,  et  je  loulais  avec  plus  de  joie 
lcs  Idiiilrieres  que  les  muriers  de  rubis  et  les  ananas  d'or.  » 

La  se  revele  l'ame  tool  entiere;  et  cette  grave  et  poignant.; 
douleur  qui  n'est  pas  seulement  un  simple  degout  du  monde, 
uue  habitude  de  l'esprit,  une  exaltation  passagere,  mais  qui  a 
-.(•>  racifles  an  fond  du  coaur,  sYtourdil  un  inslanl  sans  pouvoir 
jamai-  a'epuiser,  et,  toujours  geesente  ,  i  it  et  se  deccle  miis 

chaque  pen^'e  d:i  poelc.  Cette  melanrolie.  caractcrc  disliuclil' 


LITTER  ATURlv  30 1 

dc  son  genie,  est  d'ailleurs  empreinle  stir  la  figure  COitlttife 
dans  les  poemes  tie  MirkicAviez ;  et  qui  vena  le  br-mzc  oil 
iM.  David  a  modele  les  traits  de  son  ami  ne  s'etonnera  pas 
que  celui  dont  il  eonlemple  Pimage  ait  fait  les  Ai'eux,  les 
Sonnets  de  Crimec  et  Wallenrod. 

Mickiewicz  n'est  pas  seulemcnt  un  habile  et  grand  artiste  . 
c'est  un  artiste  inspire,  done  du  talent  d'improviser,  comme 
de  eelui  d'ecrire.  Qu'il  se  trouve  an  milieu  de  ses  amis;  que 
le  son  du  piano,  le  refrain  d'une  chanson  nationale  reveille 
son  sentiment  poetique  ,  il  demande  un  sujet,  et  verse  sur  cc 
theme  de  hasard  tons  les  tresors  de  sa  riche  imagination.  Un 
soir,  en  1827,  il  etait  a  Saint-Petersbourg  (1) ,  avec  quelques 
compatriotes ,  chez  ML  Adam  Rzewuski  :  e'elait  la  veille  de 
Noel  et  Tanriiversaire  de  sa  naissance.  II  Aenait  d'improviser 
quelques  vers,  lorsqu'exalte  par  les  transports  de  ses  amis,  emu 
paries  souvenirs  de  la  Pologne  quelui  rappelait  le  cercle  reuni 
devant  ses  yeux,  il  demande  tout  a  roup  un  sujet  de  tragedie 
emprunte  a  I'histoire  nationale.  On  se  presse  aulour  de  lui, 
on  se  consulte  :  une  voix  prononce  le  nom  de  Samuel  Zbo- 
nnvski  (■?.)  ;  Mickiewicz  accepte,  et  sort  un  instant.  On  attend 
son  retour  dans  le  silence  :  chacun  cherehe  a  rassembler  dans 
sa  memoire  les  evenemens,  les  personnages  qui  pouvaient 
figurer  dans  celte  tragedie.  Mais  le  poete  rentre,  et  son  drame 
est  pret.  L'imagination  l'a  transporte  dans  la  Pologne  du 
xvie  siecle  :  d'admirables  accens  jaillissent  de  son  ame  ;  fac- 
tion marche,  se  developpe,  se  lie,  et  deja  il  avait  declamc 
plusieurs  centaines  de  vers,  lorsqu'au  milieu  d'un  discours  de 
reproclies  que  Zamoyski  adressait  a  Samuel,  ses  forces  Vahah- 
donnent,  il  chancelle,  et  tombe  evanoui  sur  un  siege.  Des 
hirmes  d'emotion,  des  cris  d'enthousiasmc  eehappent  a  I'as- 
semblce  cnlicrc  :  on  environne  le  poete,  et  quelques-uns  de 


(i)  Extrait  d'une  Lcltrc  ecrite  par  it ti  lemoin  oculaire. 

(a'j  lTn  des  plus  mauvais  citoyeus  de  la  Pologne,  qui  la  remplil  de  trou- 
Imcs  el  d'inlrigues,  au  tenis  de  Henri  III.  —  I.c  sujet  du  drame  etnit  fa 
liitle  de  ce  lactirux  avec  I'i'lusUe  Familledes  ZarrnOAiki. 


36a  UTTKHATURE. 

nous,  dil  I'auteur  de  la  letire,  restent  comme  petrifies,  Irs 

yeux  fixes  Mir  Pobjct  de  tears  adorations Ce  fut  la  un  beau 

jour  pour  Mickicwicz,  un  de  ces  jours  qui  font  supporter  bien 
des  mois  de  souffrance,  el  rappellent  encore  que  la  vie  est 
belle,  et,  malgre  les  deceptions  de  la  fortune,  ne  laisse  pas 
que  d'avoir  ses  enchantemens. 

Tel  est  lc  poele  que  MM.  Fulgence  et  Miaskowski  cn- 
treprenncnt  de  naturalise!-  parmi  nous  :  avant  de  parler  de  ses 
ouvrages,  nous  avons  du  parler  de  sa  vie,  de  ses  disgraces, 
des  tempetes  qui  1'ont  troublee.  Dans  les  siecles  oii  la  poesie  est 
l'expression  et,  pour  ainsi  dire  ,  1'bymne  de  la  societe  entiere, 
1'echo  de  la  voix  commune  et  l'imagc  des  secrets  sentimens  de 
tous,  le  nom  et  la  vie  du  poete  peuvent  et  doivent  meme  res- 
ter  ignores.  Qui  a  ecrit  ITliade  ou  le  Romancero  ?peu  imporle  ; 
et  pourquoi  vouloir  atttacber  un  nom  d'auteur  a  ces  cbants? 
II  ne  leur  faut  qu'une  date.  Mais ,  dans  nos  terns  ou  la  poesie 
est,  conime  les  homines,  toutc  personnclle  et  individuelle,  ou 
il  n'y  a  pas  d'unite  dans  Part  plus  que  dans  la  societe,  le  poele 
n'a  de  valeur  qu'a  la  cendition  d'etre  original.  Ses  idees  et  ses 
emotions  propres  revivent  toules  dans  ses  cbants  :  et  a  qui  ne 
connait  pas  l'homme ,  I'eeiivain  ne  presente  qu'une  enigme 
indechiflrable.  Connnent  sentir  et  juger  Chihle-Harold.  Man- 
fred et  Lara,  sans  les  Memoires,  les  confidences  de  lord  Byron? 
II  en  est  de  meme  pour  Mickiewicz ;  et  le  meilleur  commen- 
taire  de  ses  livres  ,  e'est  son  bistoire. 

Deux  passions,  l'amour  et  le  patriolisme  ont  inspire  les  \ers 
de  MickieAvicz ,  conime  elles  ont  renipli  sa  vie.  Au  matin  de 
sa  jcunesse,  lorsque  l'avenir  se  peignait  a  ses  yeux  de  rianles 
couleurs,  et  que,  fier  de  son  talent,  il  avait  encore  confiance 
en  la  fortune,  il  fit  des  vers  d'amour,  et  cornposa  le  poeme  des 
Aleax.  Plus  lard,  quand  ces  illusions  disparurent  et  qu'a  leur 
place  de  trisles  realiles  vinrent  l'assieger  de  toules  parts,  il 
seniblc  qu'il  ait  ressenli  plus  vivement  les  maux  de  la  Po- 
logne ,  conime  si  ses  peines  avaient  ramene  natnrellemenl 
ses  regards  sur  celles  du  pays.  De  ces  deux  sentimens 
est   resullc   unc  poesie    plus  energique,  plus   nervcuse^  les 


LITTEUATURE.  j(>5 

Sonnets  de  Crimee  et  Wallenrod.  Que  si  vous  supposez  relic 
poesie  du  coeur  cmbcllie  de  tout  I 'eel  at  de  1'imagination,  parfife 
d'un  luxe  d'images,  altcrnativement  suaves  et  gigantesques, 
vous  aurez  line  idee  du  genie  de  Mickiewicz,  et  vous  com- 
prendrez  faeilement  eombien  un  tel  poete  doit  etre  chei'  au 
pays  qui  Pa  vu  naitrc. 

Le  debut  de  Mickiewicz  dans  la  carriere  liltcraire  fut  bril- 
lanl ;  et,  depuis,  sa  gloire  n'a  pas  cesse  de  giandir.  II  publia 
d'abord  des  Ballades  el  les  poemes  de  Grazyna  et  des  Aieux. 
De  tous  ses  ouvrages  Grazyna  sera  le  nioins  goute  des  lec- 
teurs  franca  is  ;  car  son  merite  principal  console  dans  une 
fidelite  scrupuleuse  a  reproduire  les  formes  elegantes  et  la 
purete  de  la  langue  polonaise  an  xvie  siecle  :  e'est  un  sujet 
tire  des  anciennes  Annales  lithuaniennes.  Litawor,  i'un  des 
princes  de  ce  pays,  vient  de  conclure  un  traite  avec  l'Ordre 
teutonique  pour  depouiller  ses  freres.  Sa  feinme  Grazyna 
Papprend  :  elle  envoie  secrelement  au  grand-maitre  un  mes- 
sager  muni  de  faux  ordres  du  prince  et  charge  de  rompre  le 
traite.  Les  chevaliers,  irrites  de  ce  manque  defoi,  attaquentle 
chateau  de  Litawor.  II  elait  nuit ;  Litiwor  dormait  :  Grazyna 
prend  ses  amies,  court  aux  remparts,  et  meurt  en  combat- 
tant.  Mais,  au  bruit  de  la  bataille,  Lilavvor  s'est  eveille  :  la  vuc 
de  sa  femme  expirante  exalte  son  courage  ;  il  fait  un  horrible 
carnage  des  Croises  :  puis,  vainqueur,  se  precipite  dans  les 
flammes  du  bfi(  her  qui  vient  de  consumer  les  restes  de  Grazyna. 
Parmi  les  Ballades,  les  unes  sont  traduites  de  l'allcmand  ; 
les  autres,  originates,  sont  consacrees  a  reproduire  en  vers 
simples  el  nail's  des  conies  populaires  et  des  traditions  lilliua- 
nieunes.  Car  Mickiewicz  est,  avant  tout,  un  poete  national;  el, 
dans  les  Aieux,  drame  plulot  que  pocme,  et  drame  de  passion, 
apparaissent  encore  de  vieilles  coutumes  locales  et  des  super- 
stitions de  paysans. 

La  scene  est  en  Lithuanie.  Un  usage,  qui  rcmonle  au  terns 
du  paganisme,  veut  que,  le  jour  des  marts,  on  evoque  les 
ames  du  purgaloire  pour  leur  offrir  quelque  adoucissement  a 
leursmaux,  des  privies,  ou  meme  des  dons  mater jels,du  pain. 


564  LITTEilATURE. 

<les  fruits  el  dii  hit,  Ccs  cert'-mnnics,  qui,  comme  toutes  les 
Petes  ilu  moyen  &ge,  dmmaieiit  naissance  a  dcs  orgies,  furent 
proscrites  par  l'Egliso.  fttafs  l(>s  naysans,  fideles  a  leurs  tradi- 
tions, vont  encore  celebrer  Ic  jour des  aieux  an  fond  dcs  bois 
et  dans  les  chapelles  en  mines.  Une  solennite  de  cc  genre 
a  fourni  a  Mickiewicz  le  snjet  d'nn  poemc,  dont  deux  parties 
senlenient  ont  parn.  11  suppose  que  la  foule  est  rassemblee 
dans  un  temple  a  demi-delruit ;  \\n  magicien,  sorte  de  pontife 
populaire,  eonvoque  autour  de  lui  les  ombres  :  elles  apparais- 
sent  a  sa  voix,  puis  s'eloignent  :  une  senlc  est  restce,  malgre 
gfes  evocations  et  ses  menaces,  et  s'attache  opiniatrement  aux 
pas  d'une  jcune  CiWe. 

A  la  nuit  tombee,  utt  vieux  p  ret  re  fait  reciter  aux  enfans 
qu'il  instruit  les  priercs  de  1'Eglise.  Un  inconnu  demande  l'hos- 
pitalite  :  il  est  vein  d'une  facon  bizarre,  et  parle  un  langage 
plus  bizarre  encore.  Ilraconteen  termes  obscurs  une  triste  his- 
toire  d'amour.  Mais,  au  milieu  de  ce  terrible  et  singulier  dia- 
logue, le  pretre  et  le  voyageursereconnaissent  :  c'est  Gustave, 
son  eleve  cheri  :  il  est  devant  ses  yeux,  mais  pour  y  mourir, 
et .  apres  avoir  embrasse  son  maitre,  il  se  frappe  d'un  poignard 
qu'il  tenait  cache  sous  son  manteau  ,  et  il  expire  sans  qu'au- 
cun  sccours  humain  puisse  le  sauver. 

Or,  Gustave  estcette  ombre  qui  troublait  la  fetedes  aieux  : 
de\ ore  d'une  passion  violente,  ce  jeune  homme  a  mis  fin  a  sa 
\ie,  et  Dieu  l'a  condamnc  a  errer  chaque  annee  un  mois  sur  la 
lerre  pour  revoir  la  demeure  de  celle  qu'il  a  tant  aimee  ,  et 
consommer  de  nouveau  son  crime  parmi  d'horribies  angoisses. 
Ce  sujet  l'antastique,  etquisemble  une  h'-gende  d'un  vieux  mo- 
nastere  ,  Mickiewicz  l'a  pare  de  tons  lescharmes  de  la  pocsie  : 
la  dernicre  partie  surtout,  avec  ses  inventions  bizarres  et  ses  con- 
templations mystiques,  est  pourtant  un  chef-d'oeuvre  de  grace 
el  de  sensibilite  profonde.  Nous  citerons  un  passage  on  Mic- 
kiewicz, sous  le  nom  de  Gusiave,  retrace  les  impressions  et  les 
senlimens  desa  jeunesse.  II  s'adresse  au  pretre  :  «  Epris  des  il- 
lusion- que  m'ollraient  mes  songes.  degoute  du  cours  mono- 
»one  d(s  choses  d'ici  -has.  ct  dedaiKuant  les  etic-  d'une  nature 


LITTER  ATU  RE.  365 

rulgairc,  je  cherchais ,  j'appelais  cette  divine  amantc  qui 
n'exista  jamais  sous  le  soleil ,  cette  amantc  qu'un  souflle  d'en- 
thousiasme  avait  fait  nailre  sur  les  vagues  mobiles  de  l'imagi- 
nation,  et  que  le  desir  avait  embellie  a  souhait  de  mille  fleurs. 
Mais,  dans  ces  terns  glaces,  il  n'y  a  point  d'ideal  :  a  travers 
le  present,  j'ai  pris  mon  vol  vers  Ytigc  d'or  ;  je  deployais  mes 
ailes  dans  le  ciel  des  poetes;  je  poursuivais,  j'errais,  sans  me 
lasser  de  ma  course.  Enfin,  apres  de  longs  voyages  dans  ces 
oonlrecs  lointaines,  je  retoinbe,  et  j'allais  me  precipiter  dans 
le  torrent  des  infames  voluptes.  Je  m'arrC-te  un  instant :  je  jette 
encore  un  regard  autotir  de  moi ;  je  l'ai  trouvee  enfin  cette 
amie.  je  l'ai  trouvee  pres  de  moi  :  je  l'ai  trouvee  pour  la  per- 
dre  a  jamais.  »Nous  n'ajouterons  qu'un  mot;  tel  fut  reiiihou- 
siasme  quisaisit  la  jeunesse  polonaise,  a  l'apparitiondes  Aicux, 
quel'exemple  deGustavefut,  dit-on.contagieuxpourplusieurs. 
Werther  sen!  avait  exerce  cet  empire  sur  les  ames;  influence 
deplorable,  sans  doutc,  mais  qui  It'moigne  pourtant  de  la 
puissance  et  de  l'inspiration  tin  poete. 

Vers  le  meme  terns,  Mickiewicz  composait  VOdea  la  Jeu- 
nesse, bymnede  patriotisme  et  d'espoir,  on  se  mele.  a  un  pro- 
fond  degout  de  l'indifference  contemporaine,  une  foivive  dans 
l'avenir  de  la  liberie.  II  y  a  dans  cette  piece  des  strophes  qui 
dechirent  le  cceur,  quand  on  songe  que  cette  noble  jeunesse  de 
"Wilna ,  pour  les  avoir  repetees  dans  ses  promenades  et  ses 
entretiensdu  soir,  pour  les  avoir  commentees  par  ses  actions, 
a  subi  la  persecution,  le  bannissement  et  les  fers.  MickieAvicz 
exhortait  ses  amis  a  1'union  :  lis  l'ont  payee  cher  cette  union  ; 
et  vraiment  ils  elaient  propbetiquesces  beaux  vers  du  pocte  : 
«  Courage,  jeunes  amis,  quoique  le  chemin  soit  rude  et  glis- 
sant,  que  la  violence  et  la  lachete  nous  en  dispulent  Pen- 
tree,  etc.  » 

Voici  cette  ode  traduite  avec  une  scrupuleuse  exactitiule. 

«  Sans  ame  et  sans  coeur,  pareils  a  des  squelettes,  voila  les 
peoples!  Jeunesse!  prete-moi  des  ailes!  que  je  m'env.tle  au 
dessus  dece  monde  decrepit,  dans  la  region  des  illusions  ce- 
lestes, la  on  l'enthousiasme  enfante  des  miracles,  inonde  la 


366  LITTKRATURE. 

tunc  dc  flours  nouvelles,  et  embellit  l'esperance  d'images  do- 
rees. 

»  Que  celui  que  l'fige  a  fletri  courbant  vers  la  terre  son  front 
sillonne,  que  celui-la  s'enferme  dans  le  cercle  que  decrivent 
ses  debiles  yeux. 

»Mais  toi,  jeunessc,  vole  au-dessusde  l'horizon,  et  de  ton 
ceil  aussi  peccant  que  le  solcil  penetre  d'une  cxtremito  a  l'au- 
tre  tous  les  espaccs  de  l'humanile. 

»Regarde  la-bas,  oil  un  brouillard  etcrnel  obscurcit  cette 
masse  inondee  d'un  torrent  de  basscsses  :  e'est  la  terre.  Vols 
oonime  sur  ccs  eaux  livides  surnage  un  reptile  dans  son  en- 
veloppe  hideusc,  navire,  pilote  et  gouvernail  a  la  fois,  poursui- 
vant  d'autres  reptiles  plus  petitsquelui  ;  tantot  il  s'elance  a  la 
surface  des  eaux,tantot  plonge  au  fond  :  il  ne  songe  pas  aux 
tempetes,  ni  les  tempetes  a  lui;  mais,  tout  a  coup,  il  se  brise 
en  eclats  contre  un  rescif  :  nul  ne  savait  sa  vie,  nul  ne  sait  sa 
mort.  Cest  1'egoi'sme. 

»0  jeunesse!  le  nectar  de  la  vie  ne  m'est  doux  qu'alors 
que  je  vide  la  coupe  avec  d'autres;  la  joie  ne  saurait  abreuver 
les  coeurs,  si  des  liens  sacres  ne  viennent  les  unir.  Union  !  jeu- 
nes  amis,  union  !  Le  bonheur  commuiL,  voila  notre  but.  Foils 
de  notre  alliance,  eclaires  par  l'enthousiasme,  union  !  jeun<^ 
amis ! 

»Heureux  memecelui-la  qui,  enlraine  par  un  noble  delhv, 
succombe  dans  la  carriere  !  Son  corps  est  un  echelon  de  plus 
vers  le  temple  de  la  gloire. 

» Union!  jeunes  amis!  quoique  lc  chemin  soit  rude  etglis- 
sant ;  que  la  violence  et  la  lachete  nous  en  disputent  l'entrec  : 
la  violence,  qu'elle  soil  repoussee  par  la  violence  :  la  lachete, 
apprenons  a  la  terrasser  des  l'enfance. 

i)  Celui  qui,  enfant  au  berceau,  brise  la  tetede  l'hydre,  jeune 
homme  etouffera  les  centaures,  arrachera  des  viclimes  aux  en- 
ters, et  ira  cueillir  des  lauriers  au  ciel. 

»  Penetre  on  lavue  ne  penetre  pas;  brise  ce  que  la  raison  ne 
brise  pas!  O  jeunesse!  ta  vilesse  est  relic  de  1'aigle;  Its  bras 
soul  rommc  la  foudre. 


LITTERATURE.  367 

»  Allons,  joignons  nos  bras;  ceignons  de  cette  chaine  indis- 
soluble la  sphere  du  monde.  Concentrons  nos  pensees  en  un 
seul  foyer,  en  un  seul  foyer  nos  umes. 

»Sors  de  tes  fondemens,  vieil  univers!  que  nous  te  pous- 
sions,  vers  des  routes  nouvelles,  et  ,  debarrasse  de  Ion 
ecorce  pourrie,  tu  vas  rappeler  les  jours  fleuris  du  printems. 

»Comme  dans  l'empire  du  chaos  et  de  la  nuit,  trouble  par 
le  choc  confus  des  elemens,  un  mot  sortit  de  la  bouche  de 
Dieu,  et  Ton  vit  le  monde  rouler  sur  son  axe,  les  vents  souf- 
fler,  les  ondes  couler ,  et  le  ciel  se  parsemer  d'etoiles  :  ainsi 
dans  les  regions  de  l'humanite  il  regne  une  nuit  profoude.  Les 
passions  luttent  encore  ;  mais  la  jeunesse  brule  d'un  feu  crea- 
teur,  d'oii  sortira  le  monde  tout  anime  :  l'amour  lui  soufflera 
la  vie,  et  l'amitie  Taffermira  sur  une  base  eternelle. 

»  Soudain  vont  disparaitre  et  la  couche  de  glace  qui  resserre 
lescoaurs,  et  les  prejuges  qui  obscurcissent  la  lumiere.  Salut, 
aurore  de  la  liberie  !  presage  d'un  soleil  libera teur!  » 

Entre  l'Ode  a  la  Jeunesse  et  les  sonnets  de  Crimee  il  y  a 
une  transition  naturelle,  Cex'U.  Relegue  a  Odessa,  comme  pa- 
triote  polonais,  Mickiewicz  parcourut  la  Crimee,  les  mines  de 
ces  villes  jadis  fiorissantes,  et  les  monumens  devastes  oii  triom 
phait  l'orgueil  de  ses  khans  :  il  visita  surtout  ses  vallees,  ses 
paysages  enrichis  de  toutes  les  splendours  de  l'Orient,  et  il 
consacra  les  souvenirs  de  son  voyage  dans  dix-huit  sonnets, 
etincelans  de  beautes  poetiques,  et  oii  se  peignent  admirable- 
ment  les  alternatives  de  plaisir  el  de  douleur  qu'excitaient  en 
son  ame  tantot  les  merveilles  de  la  nature,  tantot  le  souvenir 
de  son  pays  et  de  son  amour.  Ainsi ,  parmi  les  ruines  du  cha- 
teau de  Balaklawa,  il  ecrivait  ce  Sonnet  : 

Raines  da  chdteaa  de,  Balaklawa  (1). 

«  Ces  chateaux,  reduits  en  d'innombrables  decombres,  t'em- 

(1)  Surle  golfe  dc  ce  nom  s'elevent  les  mines  d'un  chateau  bali  par  des 
Grecs  de  Milet,  et  dont  les  Genois  fiient  plus  laid  une  foiteresse  sous  le 
nom  de  Cembalo. 


308  LITTERATUKE. 

bellissuient  ct  Ic  gardaienl ,  0  Migrate  Crimcc !  Aujourd'hui  ils 
berissout  les  rocbers  commc  dcs  cranes  do  gcans  :  les  reptiles 
les  habitcnt,  on  des  homines  pijres  que  Les  reptiles. 

»  Kscaladons  la  lourellc  ;  je  chcrche  les  traces  des armoirics  : 
voila  line  inscription,  peut-etre  le  nom  d'un  heros,  terrcurdes 
arniees,  qui  dort  dans  l'oubli ,  cnvcloppe  comme  un  vcr  des 
feuilles  do  la  vigne  sauvage. 

»Ici  lc  Grec  ciselait  dans  les  murs  les  orneniens  attiquos  : 
ici  l'ltalien  imposait  des  fers  aux  Mongols  :  la  le  pclerin  de 
la  Mecqne  murmurait  un  pieux  namaz. 

»  A  present,  lcsvaulours  planent  autour  des  tombeaux  avec 
leurs  ailes  noires,  semblables  a  ces  drapeaux  de  deuil  qui, 
dans  unc  ville  depeuplee  par  la  pesle,  flottent  eternellement 
au  liaut  des  bastions.  » 

Puis,  quand  fatigue  de  ces  excursions,  et  rassasie  de  spec- 
tacles, il  rentrait  en  lui-meme,  et  songeait  a  son  exil,  aux 
compagnons  de  sa  jeunesse,  au  sol  qui  l'avait  nourri,  a  tous 
ces  details  encbanteurs  clont  se  compose  Thlee  de  patrie, 
alors  il  oubliait  l'Orient,  et  scs  delices  et,  ses  fleurs;  el,  s'a- 
drcssant  au  Niemen  (1)  : 

«  O  INiemen!  fleuve  qui  m'as  vu  nailre!  on  sont  tes  eaux 
que  je  puisai  jadis  dans  mes  debiles  mains,  et  qui,  plus  lard, 
me  portaient  vers  quelque  asile  sauvage  ,  cbercbant  du  repos 
pour  mon  coeur  agite  ? 

»C'est  la  queLaure,  contemplant  avec  orgueil  1'ombre  de 
ses  charmes,  se  plaisait  a  tresser  scs  cbeveux,  ct  a  parer  sa 
tete  de  fleurs  :  e'est  la  que,  jeune  enthousiaste,  je  troublais, 
du  torrent  de  mes  larmcs,  son  image  qui  se  dessiuait  sur  le 
sein  de  l'onde  argenlee. 

»0  Niemen!  6  fleuve  qui  m'as  vu  nailre!  on  sonl  tes  eaux 
d'autrefois,  et  avec  elles  rant  de  bonbeur,  tant  d'esperances? 
on  est-elle  .clle  aimablc  gaile  de  mes  jours  d'enfance? 

»Et  cette  inquietude   plus  aimable  encore  de  la  jeunesse 

(i)  Ce  sonnet,  qui  ne  fait  pas  partie  de  ceux  de  Ciiniee,  senible  pour- 
tant  avoir  tic  compose  a  la  memc  cpoqur. 


LITTEIUTURE.  369 

oragouse?  Oii  est  ma  Laure,  ou  sont  mes  amis?  Tout  est 
passe;  pourquoi  mes  larmes  ne  passent-elles  jamais?  » 

Nous  avons  reuni  ces  deux  sonnets,  parce  qu'ils  expriment 
lieureusement  la  double  inspiration  qui  a  produit  tous  les 
poemes  de  Miekiewicz  :  1'enlhousiasme  pour  les  bcautes  de  la 
nature  et  la  mclancolie  sicgeant  toujours  au  fond  du  coeur. 
Parfois,  c'est  la  poesie  exterieure,  et,  potJPainsi  dire,  ['Orient 
qui  domine;  parfois,  c'est  la  reverie  et  la  peinlure  quelque 
pen  inetapby.-ique  des  tourniens  de  l'ume;  mais  ces  deux  sen- 
timens  se  mclent  et  se  confondent  sans  cesse  :  et  dans  leur 
alliance  est  le  charme  et  la  veritable  unite  du  poete. 

Des  ouvrages  de  Miekiewicz,  Konrad  IV allcnrod  est  cehii 
qui  represent*  le  mieux  ce  double  caractere  de  son  talent.  II 
etait  difficile  de  rencontrer  un  plus  beau  sujet  de  poeme, 
diflicile  encore  de  le  trailer  avcc  plus  d'art  et  d'originalile  ; 
et  ce  livre,  comme  Marmion  011  Lara,  unit  l'interet  du  romau 
a  l'eclat  de  la  poesie.  Wallenrod  est  un  Litbuanien  qui ,  an 
milieu  d'unc  lulle  sanglanle  entre  ses  concitoyens  el  1'Ordre 
teutonique,  voyant  la  cause  nationale  desesperee,  va,  sous  un 
nom  suppose,  s'illustrer  dans  les  armees  cbretiennes  de  l'Es- 
pagne  ,  puis  entre  clans  I'Ordre  ,  conquiert,  a  force  d'exploits  , 
la  dignile  de  grand-maitre  ,  et ,  vengeant  alors  son  pays.,  va 
perdre  au  siege  de  'NVilna  la  gloire  et  l'avenir  des  chevaliers. 
De  retour  a  Marienbourg,  il  est  eondamae  par  le  tribunal  se- 
cret, et  meurl,  ainsi  que  la  solitaire  Aldona,  que  des  liens  in- 
connus  de  tous  attacbaient  a  son  sort.  Voici  le  passage  ou 
Wallenrod,  scion  l'usage  des  juges  secrets,  apprerid  sa  con- 
damnation.  4 

«  Alf  (nom  litbuanien  de  IV alter)  en-ait  sur  les  rives 
du  lac,  sans  but,  sans  pensee,  sans  desir.  Id  1'attire 
un  desert;  la,  une  montagne  neigeuse;  il  Inmve  quelque 
soulagcment,  quelque  fatigue,  dans  ces  aspects  sauvages  et 
dans  la  rapidite  de  sa  course.  II  se  sent  mal  a  l'aise,  etouffant 
au  milieu  de  ces  brumes  d'biver.  II  jetle  son  manteau,  son 
armure;  il  arracbe  ses  habits;  il  depouille  son  sein  de  tout, 
bors  du  chagrin.  II  etait  matin,  quartd  il  vint  pros  des  rem- 
t.  xlvi.  mai  iS5o.  v-4 


3-o  UTTERATURE. 

parts  ilt:  la  villc.  II  apercoit  cmiimc  nnc  ombre,  s'ain  te  ,  ob- 
serve  :  l'ombre  lourne  autour  dc  lui,  glisse  sur  la  ncigc,  ct 
se  nerd  dans  Ics  fosses;  on  n'enleiul  que  lc  cri  malhcur! 
malhcurl  malhcur!  A  ccs  mots  ,  Alf  s'eveille  ,  s'ctonne ,  re- 
flechit  mi  instant.  11  a  tout  eompris.  —  II  lire  son  cpec ,  se 
rctourne  tie  tons  coles,  epic  d'uti  exit  inrjuiel ;  mais  rieo  a 
Thorizon;  seulcme<M,  a  travers  les  gucrels,  la  heige  route  en 
lourbillons;  le  vent  du  nord  sifllc.  II  rcgardc  la  rive,  s'ar- 
relc  emu,  puis,  d'un  pas  lent  et  chancelantj  il  rclournc  vcrs 
la  tour  d'Aldona.  » 

Certes,  il  y  a  quelque  chose  de  vraiment  myslciieu\  et 
d'inallendu  dans  cctlc  signification  d'en  arret  de  moil. 

JVaUcnrod ,  comme  la  plupnrt  des  poemes  de  Mickiewicz, 
if  est  pas  sculement  one  oenvre  dc  l'esprit,  e'est  encore  un aclc 
de  patriotisme  ct  un  souvenir  du  pays.  II  y  a  du  rapport 
enlre  la  condition  des  Lilhuaniens  opprimes  par  les  Crosses 
ct  cclle  de  la  Pologne  soumisc  au  dcspolisme.  njoscovile.  Ce 
rapprochement  a  frappe  le  poete.  Sans  doule,  lorsqu'il  re- 
muail  les  vieillcs  gloires  de  sa  tcrrc  natale,  ct  demandait  un  he- 
ros  aux  chroniques  du  moyen  age,  scs  regards  se  sont  oatu- 
rellcment  arretes  sur  des  malheurs  scmhlables  a  ccux  de  son 
lems;  ct,  quand  il  a  montre  'NYallcnrod  conlcmplant  avec  un 
affieux  sourire  les  desastres  des  Allcmands,  il  a  songe  peul- 
elre  qu'un  jour  viendrait  on  la  Ilussie  paicrait  a  son  tour  les 
maux  de  la  Polcgnc.  D'ailleurs,  fidelc  a  la  veritc  et  a  l'exac- 
litudc  historique,  il  s'est  garde  de  transporter  les  idecs  et  les 
passions  de  notre  cpoquc  dans  le  mondc  du  xiV  sieclc;  el, 
lors  meme  qu'il  s'inspirait  du  triste  spectacle  qui  se  dcroule 
sous  scs  yeux,  il  revetait  encore  son  tableau  dc  coulcurs  an- 
tiques, ct  reslait  peintre  curieux  des  coulumcs,  des  croyances 
et  des  superstitions  de  l'anciennc  Lilhuanic.  A  notre  avis, 
e'est  la  un  des  plus  grands  nieriles  du  poeme  dc  IV  allvnrnd 
qu'il  soit  le  produit  d'une  emotion  toute  conlcmporainc  ct 
toute  vivanle  sans  que  ricn  trahisse  l'allusion  ;  qu'il  louche', 
comme  un  interet  prcssant  cl  actucl,  ct  charme,  comme  un 
souvenir  des  (cms-passes.  Aussi,  nous  n'hcsilerons  pas  a  pre- 


LITTERATERE.  3;i 

ferer  W 'altenratl  au  Farts  (i),  otfVrage  d'une  composition  plus 
rercnte,  et  que  les  admirateurs  (!c  31ickit; wiez  placent  volon- 
ticrs  an  premier  rang.  Ce  poeme,  die  die  a  un  comtc  "Wcnecs- 
las  Uzewuski ,  seigneur  polonais,  qui.  nprrs dc  longs  voyages 
en  Orient,  cut  la  singuliere  idee  d'adopter  les  moeurs  et  la 
manierc  de  vivrc  des  Arabcs  ;  ce  poeifle,  dontlcnom  meme 
est  oriental,  decrit  avec  un  rare  honhcur  d'expression  les  sen- 
sations diverses  qui  agitcnl  i'limo  d'un  cavalier  arabe  courant. 
an  hasard  a  travers  1'inimcnsite  dti  desert.  Mar. ,  quelles  que 
soient  la  richesse  de  cette  eclatanle  poesie,  et  la  magnificence 
dc  ces  vers  on  le  Paris',  menace  par  l'ouragan  ,  apercoit  der- 
riere  des  monticules  de  sable  les  os  blanchis  d'une  caravane  , 
on  peut  se  lasser  de  ce  torrent  d'images  :  on  aimera  toujours 
la  poesie  des  sounds  et  dc  IVallcnrod,  celte  poesie  d'emotion 
et  de  sentiment ,  la  seule  vraie,  la  seule  qui  reveille  uae  vive 
sympatbie,  parce  qu'elle  part  du  cceur. 

Ce  ret  our  perpetuel  aux  traditions  d'une  gloire  decline, 
cette  tendresse  filiale  pour  une  patrie  qui  ne  vit  plus  que  dc 
souvenirs,  ont  rendu  bien  cher  aux  Polonais  le  nom  de  Mic- 
kic^vicz,  et  ils  n'ont  jamais  cesse  de  lui  prodiguer  des 
temoignages  d'un  sincere  attacbement.  En  1828,  la  com- 
tesse  Ostrowska  fit  publier  a  Paris  ,  sous  la  direction  de 
M.  L.  Cbodzk.0,  une  edition  complete  des  oeuvres  de  Mickie- 
■nicz  :  e'etait  le  premier  livre  polonais  imprime  en  France  , 
et  le  prix  de  l'edition  fut  oflert,  dans  son  integritc,  an  poete. 
En  meme  terns,  les  patrioles  de  la  principaute  de  Posnanie, 
voulant  bonorer  le  genie  dc  Mickiewicz ,  el  ivparer,  autant 
qu'il  ciait  en  eux,  les  injuslcs  persecutions  dont  il  etait  vic- 
timc,  publierent  dans  la  meme  intention,  a  Posen ,  une  edi- 
tion de  scs  oeuvres.  Anjourd'hui.  M.  ."Uiaskow.-ki  rend  encore 
nn  eclalant  hommage  au  poete  national,  en  le  faisant  coh- 
naitrca  la  France.  Aide  d'un  collaborateuf  habile,  M.  G.  Fri.- 
cesce,  il  a  su  rendre  tonics  les  hardiesscs  de  l'original ,  sans 
briscr  ['harmonic,  et  sans  altcrcr  la  purcte  et  la  precision  dc 

Farts,  le  chevalier  cbez  lc=  Aral  es. 


372  litterature. 

notrc  langue.  Son  travail  sera  sans  doute  couronne  d'un  ple'm 
succes,  et  la  France,  dont  riiospitalite  accueille  tontes  les 
gloircs,  comme  toutes  les  inforlunes,  placera  Mickiewkz  an 
nouibre  des  ecrivains  les  plus  distingues  dont  s'honore  le 
xixe  siecle  (1). 

L'auteur  de  IV allcnrod  s'eleve,  en  effet,  au  dessus  du  vul- 
gaire  despoites,  et  son  nom,  comme  eel  ni  de  Byron,  de  Beran- 
ger,  de  Lamarline ,  de  qnelqnes  antrcs  encore  forces  a  hitler 
contre  des  preventions  contempoi'aines,  est  nn  de  ces  noms 
qui  surnageronl  dans  l'avenir.  Plus  jenne  que  la  plnpart  de 
ces  homines  superieurs  ,  Mickiewicz  n'a  pu  atleindre  encore 
son  complet  developpement,  et  donner  tonle  samesure  rl'exa- 
geration  dn  coloris  et  ('affectation  do  la  sensibilitc  deparent 
quelqnefois  ses  plus  belles  pieces;  mais  ces  delauls  disparai- 
tront  avec  le  tcins,  surtout  s'il  se  derobe  de  plus  en  plus  a 
rinfluence  de  Goethe  et  de  l'Allemagne,  dont  l'esprit  semblait 
avoir"  dicte  son  premier  recueil.  11  paraitrait  aujourd'lini  se 
rapprocher  plutot  de  lord  Byron,  quoiqu'une  parlie  de  TVal- 
lenrod  et  le  Faris  soient  des  conceptions  tout-a-l'ait  originates. 
Mais  limitation  de  t'Angleterre  est  moins  dangereuse  pour 
Miekiewicz  que  celle  de  l'Allemagne.  Porte  naturellement  a  la 
reverie,  et  a  cette  sorte  de  mysticisme  philosophique  common 
au-dela  du  Rhin,  le  poete,  sur  les  pas  de  l'ecole  allemaude, 
pouvait  se  perdre  par  I'abus  du  fantastique  et  la  vague  et  per- 
petuelle  contemplation  du  monde  inlellectuel.  L'eludc  de 
Byron  le  ramenera  neccssairement  a  celle  de  iaviercelle,  sans 


(1)  Nous  ne  pouvons  nous  empecher  de  payer  iciun  juste  Iribut  d'eloges 
au  patriolisme  des  jeunes  Polonais  relentis  a  Paris  par  l'amuur  de  la 
science.  Tandis  que  M.  Leonard  Chodzro  eleve  mi  monument  durable  a 
la  renonimee  des  legions  polonaises  ,  et  que  M.  Miaskowski  traduit  Mic- 
kievvicz ,  MM.  Sowinski  ,  Olkszczynski  IVeres  ajoutent  aux-autres  globes 
de  leur  pays  celle  des  beaux-arts  ;  M.  M.  Podczaszynski  se  livre  a  de  savan- 
tes  reeberches  sur  la  litterature  des  aneiens  peuplesslaves  ;  M.  Pbzycodzki 
traduit  Bentham  ;  tous ,  en  unmot,  d'un  consentement  unanime,  con- 
sacrent  Ieurs  efforts  ft  preparer  ft  leur  maibeureux  pays  tine  vie  et  une 
pmspeiite  nouvelles. 


UTTERATURE.  577> 

lui  ravir  ce  qu'il  y  a  tie  gracieux  et  tie  touchant  dans  sa  douce 
et  triste  imagination.  Quand  on  a  fait  les  Aieux,  il  y  aurait 
peril  a  se  nourrir  de  Weriher  :  car,  peu  a  peu,  on  pousserait 
la  sensibilite  jusqu'a  la  demence  :  mais  on  pent  lire  et  relire 
Manfred  ou  Lara  :  avec  une  telle  time,  on  ne  copiera  jamais 
Dom  Juan. 

Alphonse  d'Herbelot. 


L'Astronomie,  poeme  en  six  chants,  par  P.  Daru,  d«  I'Academit 
franc aise  (1). 

Un  double  Iribut  d'eloges  a  deja  ete  paye  ,  dans  le  sein  de 
FAcademie  francaise,  a  la  memoire  de  M.  Daru.  Le  plus  il- 
lustre  de  nos  natu-ralistes ,  le  jeune  et  celebre  auteur  des  Me- 
ditations poctiques,  ont  successivement  retrace,  avec  des 
formes  et  des  couleurs  differentes ,  la  probite  severe ,  I'in- 
croyable  activite  de  l'adininistrateur  et  de  l'homme  d'Etat,  les 
talens  et  la  fecondite  de  l'ecrivain,  les  vertus  privees  et  le 
noble  patriotisme  du  pair  de  France.  Ces  eloges,  proferes  par 
deux  bouches  si  eloquentes  devant  l'elite  de  la  capitale,  ont 
deja  retenti  loin  de  nous;  et,  comme  pour  les  mieux  motiver 
et  ajouter  a  nos  regrets,  le  pieux  heritier  des  vertus  et  du  nom 
de  M.  Daru  publiait,  precisement  le  me  me  jour,  le  poeme  de 
V Astronomic,  que  son  illustre  pere  s'elait  efforce  de  relire  et 
de  retoucber  encore  dans  ses  derniers  momens. 

Nous  n'avons  pas  le  dessein  d'ajouter  a  de  tels  eloges,  que 
nous  ne  pourrions  meme  qu'affaiblir  en  les  repetant;  nous  ne 
devons  d'ailleurs  considerer  ici,  dans  M.  Daru,  ni  le  ministre, 
nil'oraleur,  ni  lepair;  il  ne  sera  pour  nous  que  Fauteurd'un 
poeme  honorablemcnt  connu  avant  d'etre  publie,  et  auquel 
on  avait  deja  promis,  peut-etre  avec  un  peu  de  hate,  une  ce- 
lebrite  assez  rare  de  nos  jours  pour  ce  genre  de  productions. 

(1)  Pari*,  iS5o  ;  Finnic)  Didot.  I11-80  de  x-5oo  pages ;  prix,  7  t'r. 


:>;4  ijttlratukt. 

Avant  u'cxamiucr  cct  ouvrage,  nous  no  pouvons,  toutel'uii. 
nous  empccher  dc  dire  quelqucs  mots  de  la  manicre  dont  il  a 
etc  compose,  lis  fourniront  unc  nouvellc  preuve  do  cello 
mervcilleusc  aptitude  an  tiavail,  do  ceiie  encr;-ie  de  volonte. 
dont  pen  d'hommes  ont  etc  doucs  au  meme  degro  que  Tole- 
rant et  infaligable  traducleur  d'Horace. 

31.  Darn  avail  hi,  au  mois  d'aviil  1825,  a  une  seance  an- 
mielle  de  l'lnstitut,  un  discours  en  vers  sur  les  facultis  de 
I'liommc,  011  se  faisaicnt  remarquer,  surtout,  dc  beaux  vers 
sur  les  progres  de  l'astronoinie.  Le  eclebre  Laplace,  qui  avail 
assiste  a  la  seance,  vint,  des  premiers,  1'cliciter  l'auteur,  et 
l'engagea  inslammeni  a  composer  uri  poeme  special  sur  le 
meme  sujet,  en  lui  promettant  d'aillcurs  ses  conseils.  M.  Darn 
saisit  avidemment  celteidec;  et,  aprfes  qualre  annces  d'etudes 
penibles  et  multipliees,  ii  se  scnlit  en  ctat  de  commcnccr  sa 
redautable  entreprise.  Au  mois  d'aviil  1827,  il  recita  a  l'Aca- 
«lemie  quelques  fragmehs  des  deux  premiers  chants  deja  ter- 
minus. L'ouvrage  tnlier  Telait  lui-meme,  et  n'avait  plus  be- 
soin  que  d'etre  retouche  dons  ses  details  a  Tepoque  ou  une 
mort  prematuree  vint  cnlever  l'auteur  a  sa  famillc,  aux  lut- 
tres,  et  a  dt-nouibreux  ct  vrais  amis. 

En  ouvraut  ce  livre  ,  et  avant  meme  d'avoir  pris  connais- 
sanee  du  plan  que  s'clait  trace  M.  Darn,  une  premiere  re- 
flexion nous  est  venue,  et  el!c  se  prescutcia  cerlaincmcnt  a 
l'espritdeplusd'unlecteur.  Le  moment  est-il  bien  chofsi  pour 
une  telle  publication,  et  nc  sommes-nous  pas  deja  loin  du 
terns  ou  Ton  faisait  cbaque  jour  des  pocincs  didacliqucs  sur 
les  oiscaux,  sur  les  fleurs,  sur  les  jardins,  sur  Part  dc  la  table, 
enfiri,  sur  la  chimie  meme  et  sur  les  sciences  les  phis  anii- 
poeliqucs,  si  Ton  pent  ainsi  parlor?  II  scmblc,  a  voir  le  mou- 
vement  qui  cntraine  noire  littcrature,  que  plus  d'un  sieele 
s'est  ecoule  depuis  la  publication  de  ces  ouvrages,  dont  nous 
nOUs  garffbriSj  d'aillcurs,  deconlesier  le  merilc.  Nous  sommes 
plus  lohi  encore  d'approuvcr  les  etranges  ecarts  ou  la  poesie 
s'emporte  aujourd'hui,  pcut-ctre  (ct  Ton  serait  tonic  de  le 
eroire,  A  la  lecture  de  ccrtaincs  compositions)  pour  monlrcr 


UITiSllATURE.  3:;» 

comment  il  jic  Caul  pas  faire  ,  et  pour  dcgonter  a  jamais  de 
tiuit  ce  qui  est  faux,  absurde  ct  barbare.  Mais  tout  ccrivain  n'a 
pn  prendre  la  plume  qu'avee  lu  desir  et  l'cspoir  d'etre  hi,  el 
mi  pde«i€  tlnlai-lique ,  veritable  anachronismc  par  le  terns  on 
nous  vivons,  risque  beaucoup  de  demcurer  sans  lecteurs.  Vol- 
taire se  plaignait  deja  que  ses  eontcmporains  ne  voulaicnt 
pins  lire  de  vers  serieux  :  que  dirait-il  done  aujourd'hui? 

Voila  pour  la  forme  et  le  genre  du  poeme.  Si  de  la  nous 
passons  au  sujet  meme,  nous  ne  pouvons  nous  empechcr  de 
le  trouver  encore  plus  malhcureiisement  cboisi.  Si  Boileau  a 
1 1  it  ([ue  la  pocsie  pouvait  lout  peindre,  ce  n'est  pas  sans  doute 
uii  motif  pour  tout  essayer;  ct  Dclillc  lui-meine,  trop  vanle 
de  sou  terns,  mais  trop  deprecie  aujourd'hui,  a  coniplcteincnt 
cchoue  ,  quand  il  a  voulu  ,  dans  le  plus  mediocre  de  ses  poe- 
mes,  inctlrc  en  rimes  la  physique  et  la  chimie  modernes.  Vol- 
taire, qu'il  taut  loujours  citer,  et  dont  !e  gout  elait  si  pur. 
tenia,  le  premier,  avee  un  brillant  succes,  d'embellir  de  tout 
le  cbarme  de  la  plus  haute  poesie  les  grands  phenomenes  de 
la  physique,  generate,  de  l'aslrononiie  ct  meme  de  l'opliquc. 
Son  epitre  a  Mmc  du  Chfltelet  est  un  chef-d'oeuvre  en  ce  genre, 
ct  Ton  peul  remarquer  que  la  ponipe  et  l'elegance  du  style  n'y 
iilenl  rien  a  l'cxaelitude  singuliere  des  descriptions.  Mais  Vol- 
taire,  s'il  cut  veeu  de  nos  jours,  se  serait  bien  garde,  inalgre 
son  talent  prodigicux,  ou  a  cause  de  ce  talent  meme,  de  mel- 
ire  en  vers,  comme  I'auteur  des  Trots  Rcgnes,  les  br&lans  alca- 
tis  ct  les  picjuans  acides ,  et  bien  moins  encore  ces  vases  au 
grots  ventre,  au  long  bee,  au  cou  tors ,  que  nous  appelons ,  en 
simple  prose,  des  cornues.  II  n'efit  pas  essaye  davantage,  du 
iiMiius  nous  le  croyons,  de  peindre  les  phenomenes  compli- 
qii'es  de  la  nutation,  de  la  refraction,  de  la  precession  des 
equinoxes,  et  ces  details  a  rides  de  forme,  de  densite  el  de  po- 
sition ,  qui  soul  la  base  des  plus  simples  nolious  de  l'aslrono- 
niie, el  s'y  reproduisenl  a  ehaquc  instant;  en  un  mot,  s'il 
nous  est  peruiis  de  developper  ici  noire  idee,  nous  perisons 
qu'il  y  a  dans  les  sciences,  el  surtoill  dans  eclles  qui  s'occu- 
pent  de  l'elude  dc  la  nature,  one  serie  de  faits  gencraux  qui , 


374  LITTJillATURE. 

dc  tout  tems.  out  Crappc  les  \eux  les  iiioins  exerces,  et  dont 
les  causes  soul  an  moins  soupconnees  des  intelligences  les  plus 
communes.  Le  porle  peut,  sans  crainte,  s'emparer  de  ces 
t'aits,  les  embellir  me  me  c!c  tout  le  prestige  de  son  talent,  sfir 
d'etre  entendu  des  lecteurs  vulgaires,  et  de  ii'iMiv  pas  dedai- 
gne  de  ceux  qui  savent  quelque  chose  de  plus.  Mais  la  s'ar- 
rete,  suivant  nous,  le  domaine,  dejii  assez  vasle,  de  la  poesie. 
Malheur  m<me  a  I'homine  d'un  grand  talent  qui  voudrailpo- 
nclrcr  plus  1  o i ii !  Le  nioindre  des  dangers  (|iii  le  nieuaecnt  est 
de  perilre  un  tems  precicux  et  des  efforts  dont  il  aurait  pu 
fa  ire  un  meilleur  usage  ;  et,  expose  lout  a  la  I'ois  a  se  montrer 
sec  et  prosai'que,  s'il  veut  lout  dire,  inexact  et  ineomplet,  s'il 
s'arrcle  a  la  superiicie,  il  lui  anivera  souvent  de  se  briser 
conde  ce  double  ecueil. 

Ces  graves  dilficulles,  que  l'edileur  lui-meme  aindiqures, 
dans  une  preface  ecritc  avec  beaucoup  de  soiu  et  de  gout, 
n'avaient  pas  effraye  l'heureux  traducteur  d'Horaee  ;  et  il  faut 
avoucr  que  l'alblcle,  souvent  vainqueur,  toujours  iulrepide  , 
qui  avail  pu  soutenir  une  pareille  lutle,  devait  plus  qu'aucun 
aulre  pretendre  a  ce  nouveau  succes,  que  ses  diflicultes  memes 
remlaient  plus  allrayant.  Mais  ce  n'esl  pas  tout  encore.  Comme 
s'il  eut  craint  de  profaner,  par  des  ornemens  vulgaires,  l'aus 
tere  majeste  de  son  sujet ,  il  s'est  prive  d'un  genre  d'artifice 
que  les  poetes  didactiques  ne  manquent  guere  d'employer 
dans  leurs  compositions,  pour  en  deguiscr  mieux  l'aridile.  Le 
pocme  de  I'Astronnmie  ne  contient  aucun  episode  proprement 
dit,  et,  cerles,  ce  ne  peut  etre  que  parce  que  l'auteur  s'etait 
decide  d'avance  a  les  repousser;  car  plusieurs  suiels  assez 
heureux  se  presentaient,  pourains'i  dire,  d'eux-memes.  C'est 
done  un  pocme  purement  didaclique,  dont  le  sujet  se  rattache 
aux  plus  hautes  speculations  de  la  geometrie  (e'est-a-dire  a 
tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  antipatbique  a  la  poesie),  et,  par  des- 
sus  tout  cela,  un  pocme  sans  episode  que  M.  Dam  a  offert 
aux  lecteurs  de  noire  epoque.  Une  entrepiisc  si  bardie  sera- 
t-elle  couronnee  d'un  brillant  succes?  On  pourra  en  juger  jus 
qu'a  un  certain  point  par  l'analyse  suivante. 


LITTtiRATURE.  077 

Apres  une  courle  invocation,  lc  poete  (nous  uvons  presque 
dit  le  professeur)  expose  quelques  Tails  generaux  sur  lc  sys- 
teme  du  monde,  sur  la  formation  presumee  des  planetes,  sur 
la  vitesse  de  la  lumiere  et  les  divers  rayons  qui  la  component. 
On  remarque  deja,  dans  ce  premier  chant,  et  on  le  verra 
mieux  encore  par  la  suite,  combien  les  matieres  sur  lesquelles 
I'auteur  va  s'cxercer,  et  dont  quelques-unes  n'avaient  pas  etc 
traiiees  avant  lui ,  sont  rcbelles  a  la  poesie  ;  quant  a  celles  qui 
s'y  preterit  avec  moins  de  desavantage ,  elles  rappellent  trop 
bien  I'epilre,  deja  citee,  a  Mme  du  Chatelet,  et  les  memes  phe- 
nomencs,  par  exemple ,  sont  tout  autrement  decrits  dans  ces 
vers  de  Voltaire  : 

II  decouvre  a  mes  yeux,  par  une  main  savante, 
De  1'aslre  des  saisuns  la  robe  elincelante; 
L'emeraude,  l'azur,  le  pourpre,  le  rubis, 
Sont  l'immorlel  tissu  dont  brillent  ses  babits. 
Cliacun  de  ses  rayons,  dans  sa  substance  pure, 
Porte  en  soi  les  couleurs  dont  le  peint  la  nature; 
Et,  confondus  ensemble,  ils  eclairent  nus  yeux, 
Us  animent  le  monde,  ils  emplisseut  les  cieux. 

Et  dans  ceux-ci,  de  M.  Darn  : 

Messagers  de  la  flamme,  ou  piives  de  chaleur, 
Ghacun  des  sept  rayons  apporte  une  coulcur. 
Taut  qu'ils  restent  unis,  ils  brillent  sans  rien  peindre, 
Tout  est  blanc  •"  tout  est  noir,  s'ils  viennent  a  s'eteindre. 

Que  Tangle  du  ciislal  les  separe  et  les  brise, 
La  palette  se  couvre,  et  je  vols,  6  surprise! 
Le  poui  pre,  Toran^e,  Tam6lhyste,  l'azur, 
Le  vert,  ami  de  l'oeil,  le  sapbir  et  l'or  pur,  etc. 

Plus  loin  ,  on  reconnait  assezbien  le  pheuomene  de  la  re- 
fraction : 

Les  effets  des  rayons  sont  un  autre  miracle  : 

En  approcbant  des  corps,  un  invincible  obstacle 

Les  force  a  rejaillir  dans  on  angle  pareil 

A.  celui  qu'ils  furmaient  en  tonibant  du  soleil. 


Ceux-ci  sont  irprmsses  et  ceux-la  sont  recus,  etc. 


:  7s  LITERATURE 

II  j  a  plus  de  bonheur.  el  line  reutaruuablti  precision, 
l  hi-  ['indication  du  gnomon  etde  la  clepsydre  : 

L'oinbre  tiaco,  en  tombant,  la  marche  du  soleil. 

Dans  lc  passage  droit  qii'oflre  un  vase  inlidele 

L'eau  marque,  en  s'ecoulant,  i'bcuie  qui  Cuit  coninie  elle. 

Ailleurs,  1' usage  dc  la  bdussole,  des  montrcs  marines  e|  du 
Inch  pour  determiner  la  position  d'un  vaisseau  on  pleine  mer, 
so  trouve  indique,  ma  is  d'une  maniac  a  pen  pros  inintelli- 
gible  pour  lo  comnnin  des  lecteurs,  et  Ires -incomplete  pour 
ooux  qui  savent  exactement  de  quoi  il  s'agit.  Co  premier  chant 
est  terrain*  par  un  assez  beau  morceau  sue  l'astrologio,  et  sui 
le  culte  symbolique  rendu  au  soleil  chez  tous  les  peoples  de  la 
terre.  Id,  on  il  nc  s'agit  plus  de  cos  malheurcux  details  tech- 
niques, destruclcurs  de  touie  poesie  ,  l'auteur  so  sent  plus  a 
l'aise;  on  voit  qu'il  a  depose  un  instant  ses  enlraves,  et  aver, 
sa  liberie  reparaissent  1'clegao.ce  et  rharmonie  qui  lui  sunt 
propres. 

Le  second  chant  ofTre  surtout  ce  genre  tie  merile,  ct  par 
une  cause  toute  semblable;  l'auteur  se  reportc  a  I'expedition 
ct  an  retour  des  Argonaiiies,  et  represcnte,  en  Ires-beaux  vers, 
Orphee  ,  assis  a  la  poupe  du  navife  Argo  ,  chantant  a  la  priere 
de  ses  companions,  les  principales  constellations  et  lout  I'cn- 
scmble  de  la  sphere  celeste  connue  <les  ancieris.  On  pourra 
trouvcr,  a  la  verile  ,  le  divin  fils  de  Calliope  bien  savaul  , 
lorsqu'il  expose,  les  connaissaiues  fles  pieties  d'Osiris  et  des 
Brachmanes,  sur  la  division  de  l'annee,  les  equinoxes,  les 
solstices,  etc. 

Urie  heureuse  transition  anienc  Orphee  a  chanter  les  grands 
homines  que  la  reconnaissance  du  monde  a  places  parmi  les 
constellations : 

o  Un  jonr,  reconnalssans  de  vos  nobles  tiavaux 

El  pleins  du  iouveair  da  heros  de  Colebos, 

I, is  mortels  placeront,  dans  ce  ciel  qui  m 'inspire, 

Le  vaigseau  q.ui  nous  porle,  el  vos  noius)  el  ma  hie.  » 


LITTER  AT  IKE.  ^79 

Ainsi  disait  Orphec,  el  ses accord*  savans 
Allaicnt  mourir  an  loin  sur  les  ailes  des  vests-. 
Am  phi  trite  pretait  tine  o  1 « i  1 1 < ■  attentive, 
El  deja',  retirant  lour  cla'rte1  Fugitive, 
Ces  astrcs,  que  chantail  son  lulli  harmonieux, 
Acbevaieut  Icntcmcnt  lcur  route  dans  les  cieux. 

Noustrouvons,  ilansle  3e  chant,  les  divers  systemes  celestes 
imagines  par  les  Grecs,  r.explieation  ties  eclipses  donnco  par 
Thales;  les  voyages  dc  Pythagore,  les  .  travaux  do  f'yllieas.  de 
Platon,  d'Aristote.  et  surtout  cenx  de  l'ecole  d'Alexandrie  ; 
terns  on  rastronomie  antique  commence  a  meriter  le  nom  de 
science,  et  on  s'illustrerent  successivement  Euclide,  Eratos- 
thene,  Archimede,  Ilipparqne  et  Ptolemee.  L'aulenr  n'a  pas 
oublie  1'incendie  de  la  bibliotheque  d'Alexandrie  ,  evenement 
si  memorable,  et  sur  lequel  il  reste  encore  tant  de  doutes  (1). 
Une  brillante  description  dn  Pheuix,  ou  I'on  retrouve  lc  poetc 
tout  entier,  se  mele,  dans  ce  chant,  a  des  details  bien  arides 
sur  lc  cycle  de  Meton,  sur  la  cause  des  eclipses,  et  sur  la 
sphere  de  Ptolemee  ;  details  que  I'aut'eur  no  pouvait  sans  doute 
eviter,  mais  que  bien  surcment  la  poesie  osait  aborder  ici 
pour  la  premiere  fois. 

Les  progres  rapidesdel'astronomje  dans  les  terns  modernes , 
et  les  grandes  deeouvertes  geographiques  du  xve  et  du  xvi°  siecle 
qui  sy  raltachent  d'une  maniere  si  intime,  donnentun  interet 
plus  vifau  4e  chant.  Ensuite  viennent  les  systemes  de  Coperr 
nic,  de  Ticho-Brahe,  les  belles  lois  de  Kepler,  Galilee  ,  Des- 
cartes, Cassiui  et  I'iuimiortel  Newton,  dont  le  plus  mnguiliqiic 
eloge  e^l  eertainement  celui  qii'en  a  fait  Voltaire  ,  dans  ces 
beaux  vers  de  l'epitre  deja  eitoe  : 

Confidcns  du  Tirs-IIai.it,  substances  ctcrnc ;1I< ■:<  , 
Qui  brulez  de  ses  feux,  qui  couvrez  de  vos  ailes 
Le  frdnc  ou  votre  maitre  est  assis  parmi  vous, 
Parlez!  du  grand  Newton  n'eticz-vous  point  jaloux  ? 


;i)  Voycz,  a  cesujrl,  une  dissertation  tris  ciiricusc  <!<■  M.  Auguis,  dans 
les  j\la,ioircs  dc  la  Sociele  -Jls  JtMiquaitesi  t/autcur  y  fail  femarquci  que  , 


38o  LITTEKAlTRi:. 

Les  lois  de  la  gravitation  universelle  sont  aussi,  il  faut  en- 
core l'avouer,  tout  autrcment  exprimees  dans  un  autre  pas- 
sage de  cette  meme  epitre  que  dans  ces  vers  de  M.  Daru : 

Soumis  atix  memes  lois,  doues  d'une  puissance 
Qui  s'accroit  par  leur  masse,  et  peril  par  la  distance, 
Les  astres  voyagcurs  dans  les  plaiues  du  ciel, 
Exercent  l'un  sur  l'auti  e  un  effort  muluel. 


C'est  la  que,  produisant  1'equiltbre  COromuD  , 
Pesans  de  tous  cotes  ils  ne  tombent  d'aucun. 


L'auteur  s'arrete  au  5e  chant,  comme  pour  regarder  der- 
riere  lui ,  et  jeter  un  vaste  coup  d'oeil  sur  les  decouvertes  ac- 
cumulces  pendant  les  siecles  qu'ilvientde  parcourir.  II  expose 
le  veritable  sysleme  planelaire,  les  mouvemens  propres  du 
solcil,  son  volume,  ses  taches,  sa  densite,  sa  distance  de  la 
terre,  etc.  II  traite  ensuite  des  onze  autres  planeles  (eny  corn- 
prenant  Ceres,  Pallas,  Junon  et  Vesta,  decouvertes  au  com- 
mencement de  ce  siccle),  et  presente,  de  meme,  les  proprie- 
tes  physiques  et  astronomiques  de  chacune  d'elles.  Est-il 
besoin  de  faire  remarquer,  encore  une  fois,  ce  que  de  seni- 
blables  details  ont  d'anti-poetique,  et  ne  doit-on  pas  plnindre 
sincerement  un  homme  d'un  talent  reel,  condamue,  par  le 
vice  du  sujetqu'il  s'esl  impose,  a  ramener  onze  fois,  et  presque 
dans  les  memes  termes,  les  notions  de  densite,  de  distance, 
de  volume  d'autant  de  planetes?  On  concoit  trop  bieii  ce  qui 
a  dO  resulter  d'une  telle  gene;  et,  pour  le  inieux  faire  voir,  il 
nous  suffira  de  citer  ces  vers  qui  se  rapportent  au  soleil  : 

Dites-nous  son  pouvoir  et  sa  vitesse  immense. 

Son  axef  —  Cent  dix  fois  le  noire.  —  Sa  distance? 

—  Ce  meme  axe,  compte  douze  mille  et  cent  fois. 

— ■  Son  01  bite?  —  Une  ellipse.  —  Et  sa  force,  son  poids  ? 

d'apns  I'opinion  commune,  on  a  du  chauffer  les  bains  d'Alcxandrie  avec 
des  mamsciits  traces  sur  papyrus  ou  sur  parchemin,  assez  peu  propres  a 
un  tel  usage,  ct  cela,  a  l'epoque  de  l'annee  oil  ils  avaient  le  moins  be- 
soin d'etre  chauffes,  surtoul  sous  un  tel  climat. 


LITTERATURE.  38 1 

i —  Trois  cent  mille  leviers,  puissans  comme  la  terre, 
Ne  l'ebranleraient  pas  au  centre  de  la  sphere. 
—  Sa  grandeur,  son  volume?  —  elc. 

Hfltons-nous  d'ajoutcr  qu'a  la  suite  tie  pareils  vers,  et 
comme  par  expiation,  se  trouve  placee  une  tres-belle  invoca- 
tion au  soleil,  ou  le  poete  reprend  tous  ses  avantages. 

Enfin,  le  dernier  chant  se  rapporte  uniquemeril  a  la  terre 
et  a  la  lime.  La  determination  de  la  figure  de  notre  globe, 
les  voyages  et  le  devodment  de  la  Condamine,  de  Maupcr- 
tuis  et  de  leurs  compagnons,  de  Cliappe,  de  Lacaille  et  des 
savans  modernes  ne  pouvaieiU  y  el  re  oublies.  Ensuite  vient 
la  bine  avec  ses  taches  ,  son  e lie t  sur  les  marees  ;  puis  la  me- 
sure  de  l'arc  du  meridien,  trace  d'abord  de  Dunkerque  a  Bar- 
celone,  les  comctes,  les  nebuleuses,  et  l'epilogne  qui  termine 
le  poeme.  Nous  avons  remarque,  un  pen  avant  la  fin  de  ce 
chant,  le  morceau  suivant,  qui  nous  a  paru  digne  d'etre 
cite  : 

Dans  ces  lieux  souterrains  oil.  par  de  durs  travaux, 

L 'avarice  pnursuit  les  sets  on  Its  melaux, 

II  est  des  malhemvux  dunit  la  f'aible  paupiere 

IN'a  jamais  du  soleil  entrevu  la  lumiere. 

Kes  dans  les  profondeurs  des  antres  tenebreux, 

Jamais  un  jour  serein  ne  se  leva  pour  eux; 

lis  n'en  connaissent  point  la  fraicbeur  ravissante, 

Ni  d'une  belle  unit  la  pompe  eblouissanle. 

Mais  four  d'autrcs  morlels,  leur  dit-on,  un  ciol  pur 

Brille,  et  la  nuit  ievet  son  ecliarpe  d';izur, 

Resplendit  de  sapliirs  et  de  rubis  sans  nombre; 

Et,  tandis  qu'enl'ouis  dans  voire  asile  sombre 

'Vous  n'avez  sous  les  yeux  que  les  tiistes  clartes 

Des  flambeaux  rcsineux  aux  f'oiels  em  p  run  tea, 

lis  ont,  pom  se  guider,  un  soleil,  des  etoiles, 

Des  cieux,  dont  1'ocil  humain  pent  ecarter  les  voiles, 

Des  arts  qu'ils  ont  crees,  dont  les  sceours  puissans 

Rapprochent  l'univers  de  leurs  debiles  sens. 

Ces  leux,  qui  vont  roulant  sous  des  voutes  profondes, 

Ces  feux  sont  des  soleils,  ces  soleils  sont  des  mondes, 

Ces  mondes  ont   des  lois.  Comme  a  de  tels  rccits 

Les  pales  habitans  de  ces  antres  noircis 


38a  LITTBRATl  HE. 

Brtkleront  ded6trnbe  noe  injiutc  bari-ief«! 
Pourront-ils  s'clancrr  jusques  ;'i  la  lumifcre? 

Qui  les  (It'livrcra  de  Kin  obscurite? 

Tel  est  l'liumnic  aspirant  apres  la  veiile; 
C'est  an  join'  qui,  pour  lui,  sYn-indra  sans  renailio 
Qu'a  ses  ycux  dcssilles  die  di.it  apnaraitie,, 
Quelle  fera  briller  son  unmortel  flambeag  : 
Latuihiere  l'altend  sur  lc  senii  du  tombcau. 

Cc  morceau  acbevc  de  monlrcr  cc  que  nous  avohs  deja 
(lit,  que  ce  n'est  ccrtainemcut  pas  lc  talent  poetique  qui  a 
manque  ici  a  M.  Daru.  Son  slvle  est,  en  general,  plein  tie 
force  ct  menie  d'elegance,  ct  nous  aurions  pu  citcr  beaucoup 
trautrcs  passages,  on  il  s'est  eleVe  a  toute  la  hauteur  tic  son 
sujet.  Du  reste,  clans  cctte  graiule  et  laborieusc  composition. 
nulle  decouVefte importa'nte  n'a  ete  omisc,  nul  fait  essentiel 
n'est  reste  sans  explication.  II  est  d'autant  plus  equitable  de 
rendre  justice  ace  genre  demcrite  du  pocme  qu'il  a  souvent 
coiitc  bien  cher  a  son  auteur,  ct  que  celui-ci  semblerait  mume 
n'en  avoir  pas  ambilionnc  d'autrc.  II  disait  souvent,  a  ce  que 
rapporte  Pediteur  :  o  Mon  livrc  n'aura  peul-clrc  pas  beaucoup 
d'attrait  pourle  public,  mais,  du  moins,  il  est  orlbodoxe,  il 
necontient  pas  d'heresie.  »Fersonnc,  assuremerit ,  tie  voudra 
lui  refuser  cette  gloirc ;  mais  cst-elle  un  assez  digue  prix  de 
tant  de  veilles,  et  est-cc  done  pour  cela  sculement  qu'on  est 
poete  ? 

Y.  Z. 


III.   BULLETIN  BIBLIOGRAPITIQUE. 

litres  Strangers  (t). 


AMEUIQUE  SEPTENTJtIONALE. 
ETATS-UNIS. 


i)o.  — *  Mccaniqne  celeste,  by  the  marquis  de  Lapl  ace  pro- 
of France,  etc.  —  Mccaniqne  celeste,  par  lc  marquis  de  La- 
place, pair  de  France,  etc. ;  tradnite  et  commentee  par  Na- 
thaniel Nowditch  ,  de  la  Sociele  royale  de  Ldndres,  dc  celles 
i^Edimbourg  et  de  Dublin,  dc  la  Socieic  philosophic/ ucde  Pliila- 
delphic,  dc  V Academic  runericaine  des  Sciences  ct  des  /iris,  clc. 
Tonic  i".  Boston,  1S29;  Milliard,  Gray,  Lilllc  ct  V.  ilkins. 
In-4°  (le  7GG  pages. 

Cclte  traduction  dc  rouvragcleplusremarquable  qui  ail  ete 
pulilic  dep  11  is  Ion  g--lcmssurles  sciences  mathematiques  etas  iio- 
nomiqucs  ne  doit  pas  etre  considcrce  seulement  comme  1111  bom- 
mage  rendu  a  la  memoire  dc  1'illustrc  geometrc  que  la  France 
a  perdu  :  nous  y  voyons  une  preuve  incontestable  des  prQ- 
gres  <pie  les  malhematiqucs  out  (aits  mix  Etats-Unis,  contree 
que  nous  sommes  habitues  a  regardcr  comme  sterile  pour  les 
sciences  purement  speculatives.  Si  loutcs  les  divisions  des 
connaissanccs  humaincs  y  sont  cultivees  avec  aulant  de  sul- 
ci's que  celle-ci,  l'instruction  rellucra  vers  son  origins,  ct  I  • 
coueliant  repandra  sa  lumiere  sur  l'Oricnt,  menace  dc  devenir 
plus  obscur  de  jour  en  jour,  s'il  est  abandonne  au\  parti- 
sans des  tencbres  dont  il  eprouve  depuis  long-lems  lc  fata! 
pouvoir.  Comme  le  second  volume  de  cctle  traduction  doit 
paraitre  dans    lc  COUrs  de  cette  annee,  nous  nous  rcsenon- 

(1)  Nous  indiquoris  par  >ni  a.st(r,i isquc  (")  ,  place  a  role  du  litre  de 
clia([uc  ouvtagc,  ccn\  des  livrcs  e.lrangeis  ou  iVanrais  <pii  paraissenl 
tyignea  d'une  attention  pai  liculiere,  et  npus  en  rendrons  <Ju;elquefois 
ccniptc  dans  la  section  des  Analyses, 


384  LTATS-UNIS. 

tie  rend  re  rumple  de  l'un  et  de  l'autre  en  meme  lenis,  ee  qui 
nous  imposera  de  nomelles  etudes  matlicmaliques ;  car  l'in- 
fatigable  traducteur  a  plus  que  double  I'eWndire  de  I'ongmal, 
en  y  ajoutant  ses  notes  el  ses  commentaires,  qui  sffront  plus 
particulierement  I'objet  de  noire  attention. 

Lc  litre  de  Mccanir/ae  celeste  parait  cpnsaere  niaintenant 
dans  toules  les  langues  qui  ne  sunt  pas  elrangeres  aux  scien- 
ces. Les  anciens  nous  avaient  donne  I'eiemple  de  ce  respect 
pour  le  titre  de  quelque  ouvrage  d'une  grande  importance;  il 
etait  bon  de  le  renouveler,  et  on  ne  pouvaii  L'appliquer  plus 
cony  enablement.  Z. 

cji.  — The  christian  Almanac  for  New-York,  etc.  —  L'Alma- 
nach  chretien  des  Stats  de  New- York,  Connecticut  et  New- 
Jersey.  New-York,  i83o. 

Les  almanachs  ont  pen  d  importance  pour  l'liomme  super- 
ficiel;  ils  en  ont  beaucoup  pouicelui  qui  observe  et  qui  refle- 
cliit.  Le  people,  surtout  dans  les  pays  on  rcgne  le  catholi- 
cisine  ,  n'u  guere  d'autie  nourriture  inlellectuelle  que  les 
almanachs.  S'ils  sont  remplis  d'idces  ridicules,  de  faux  pre- 
sages, de  reveries  astrologiques  ,  ils  coulribuent  puissamment 
a  perverlir  le  jivgement  du  peuple  ,  on  du  nioins  a  le  mainle- 
nii-  dans  ses  prcjuges.  Mais,  si  an  conlraire  les  lecleurs  peu 
instruits  trouvent  dans  ccs  petits  ouvrages,  dont  ils  font  leur 
unique  inanuel,  des  avis  utiles,  des  maximes  de  vertu,  de 
sages  conseils  sur  l'agricullure  et  sur  les  arts  mecaniipics,  ils 
ne  larderont  pas  a  les  mettre  a  profit;  et  les  almanachs  ren-  ; 
dront  ainsi  aux  dernieres  classes  de  la  societe  le  meme  ser- 
vice  que  rendent  les  journaux  aux  classes  inlermediaires.  On 
commence  a  comprendre  gvncralcment  combien  il  impoitc 
de  purgerles  li vies  do  peuple  de  tout  l'alliagc  impur  des  tcms 
de  barbaric.  Due  Societe  rcligieusc  publie  a  Paris,  depuis 
quelques  annees,  tin  excellent  almanach,  sous  le  titre  de  : 
Almanack  des  hons  councils  ;  et  nous  sommes  heureux  de  pou- 
voir  aniioiicer  'qu'il  s'en  est  vendu ,  eclte  annee,  plus  de 
20,000  exemplaires.  La  Suisse  vient  aussi  de  fa  ire  parailre  un 
trcs-bon  ouvrage  de  ce  genre,  qiu  a  obtenu  beaucoup  de  suc- 
ces.  L1 'Almanach  chretien  de  New-York,  qui  nous  a  etc  envoye, 
se  distingue  par  le  choix  et  1'utilite  des  malcriaux  qui  le  eom- 
poscnt.  On  y  remarque  un  grand  nombre  de  preccptes  mo- 
niiix  presentrs  sous  la  forme  encrgique  et  concise  de  prorcrbes, 
entre  autres  quelques  maximes  de  ce  venerable  Franklin,  qui 
savait  si  bien  I'art  difficile  de  parler  an  peuple.  On  y  trouvera 
aussl  des  eonseils  adresses  aux  jcunes  fermiers,  des  anecdotes 
instructives  et  des  details  statistiques  sur  les  Ktats-Unis.  II  est 


AMERIQUE  SEPTENTRIONALE.  t  385 
impossible  de  rien  extraire  d'un  pareil  livre ;  nous  nous  bor- 
nerons  a  le  recommander,  comme  un  modele  a  suivre,  aux 
[XTSonnes  qui  s'occupent  de  ces  interessantes  publications  po- 
pulaircs. 

C)2.  • — *The  fifth  Report  of  the  American  Sunday  School 
Union,  etc.  —  Cinquieme  rapport  de  la  Societe  americaine 
du  dimanchc.  Philadelphie,  1827.  In-8°. 

Les  ecoles  du  dimanche  sont  l'une  des  creations  les  plus 
Tastes  et  les  plus  utiles  de  la  philantropie  religieuse.  Les  pre- 
mieres institutions  de  ce  genre  ne  remontent  guere  au  dela 
d'une  treatable  d'annees,  et  durant  ce  court  intervalle  ,  elles 
se  sont  propagees  dans  toutes  les  provinces  et  les  colonies  de 
la  Grande-Bretagne,  dans  l'Amerique  du  Nord,  en  Allemagne. 
en  France,  dans  les  Pays-Bas  ,  en  un  mot,  dans  la  plupart  des 
contrees  ou  il  existe  des  eglises  protestantes.  Un  calcul  qui  a 
cte  fait  recemment,  et  dont  nous  n'avons  pas  lieu  de  contes- 
ter  l'exactitude,  evalue  le  nombre  des  en  fans  qui  recoivent 
maintenant  l'instruction  dans  les  ecoles  du  dimancbe,  a  tin 
million  cinq  cent  soixante-sept  mille!  Quel  puissant  levier  entre 
les  mains  des  bienfaitcurs  de  l'humanite,  qui  regardent  avec 
raison  la  propagation  des  lumieres  comme  la  meilleure  garan- 
tie  de  I'ordre  social  et  du  bonbeur  individuel  !  Les  ecoles  du 
dimanche  parviendront  peul-etre  a  resoudre  un  probleme  . 
dont  on  avait  inntilement  cbercbe  la  solution  :  celui  de  savoir 
comment  it  est  possible  (Cinspirer  aux  classes  infcrieures  le  desir 
et  le  besoin  de  s'eclairer.  Et  elles  atteindront  ce  but  par  un  seul 
fait,  c'est  qu'elles  rattachent  l'instruction  du  peuple  a  ses 
croyances  religieuses. 

Le  rapport,  qui  nous  inspire  ces  reflexions,  renferme  pin- 
si  e u r s  details  interessans  sur  les  ecoles  du  dimanche,  dans  les 
Elats-Unis.  Le  nombre  des  enfans  qui  les  frequentent  est  de 
349,202,  tandis  qu'il  n'etait,  en  1828,  que  de  25q,()56  :  ce  qui 
fait,  pour  une  seule  annee,  une  augmentation  de  89,546  eco- 
liers.  Le  nombre  des  instituteurs  et  moniteurs  de  ces  ecoles 
s'eleve  a  52,663  individus,  qui  remplissent  gratuiteinent  leurs 
functions.  «  Nous  demandons,  dit  a  ce  sujet  le  rapport,  la  per- 
mission de  soumettre  une  remarque  imporlante  aux  homines 
eclaires  de  notre  pa}rs.La  Societe  des  ecoles  compte  56,2f>5  in- 
stituteurs, et  il  s'en  trouve  parmi  eux  un  grand  nombre,  tant 
homines  que  femmes ,  dont  aucun  salaire  n'aurait  pu  acheter 
les  services.  IMais ,  en  evaluant  ce  salaire  a  trenle-trois  crn- 
tiemes  de  dollars  (1  fir.  78  c.) ,  taux  qui  avait  ete  d'abord  fixe  , 
lorsqtie  les  moniteurs  etaient  paycs,  la  sonune  totale  de  la  de- 
pcnse  monterail  a  9o5,<>97  dollars  (IV.  4*880,000) !» —  Voila 
r.  xi.\  1.  mai  i83o.  a5 


r,8<;  1:1  \i\si\is. 

ce  que  produit  la  charilc,  quand  eile  est  unie  a  de  profondes 
convictions  religieuses;  el  aous  devous  ajouter,  voila  ce  que 
ne  produira  jamais  cette  pbilantropie  bavarde,  qui  fail  des 
discours,  et  ae  fait  pas  (Tactions.  Pour  remuer  lesmas9es, 

pour  rallaehera  un  intent  ilc  bienl'aisance  cinquante  inillc  in- 
dividus,  il  taut  autre  chose  que  des  phrases  de  rhctcur. 

La  meme  Societe  s'occupe  aussi  de  differenles  publica- 
tions, qui  out  toutes  pour  but  de  conlribuer  a  L' instruction  de 
la  jeuneSse.  I.e  nombre  des  volumes  qu'clle  a  publies  depuis 
lc  mois  de  mai  1828  jusqu'a  la  meme  epoque,  en  1829,  s'e- 
levc  an  tola!  enorme  de  877,990  exempiaires.  Les  volumes 
de  ces  ouvrages  ont  etc  repartis  de  la  maniere  suivante  : 

i°.  Ouvrages  pour  les  Bibliotheques  des  Ecoles  du  Di- 
manche 447',l0°  volumes. 

2".  A  litres  publications .  telles  que  Bi- 
bles, Teslamens,  I  ivies  de  questions,  Ga- 
techisnies,   (^antiques  sacres,  etc.    .   .  .   207,74°  "   "   "   " 

">".  Exempiaires  du  fff«#as«i  pom'  les  Di- 
recteurs  des  Ecoles  du  Dirrianche 50. 280  <>    »   »    >> 

4".  Excmplaire  de  YAvu '  de  la  jeune.sse.  .    167,000  »    »    »    » 

Total.    .   .   878,020  volumes. 

Depuis  son  origine,  la  Societe  a  public  6,098.899  volumes, 
doiit  la  plupart  ont  etc.  places  dans  les  bibliotheques  popu- 
lates des  Etats-lJnis.  Laseule  bibliotheqiic  populaire  de  New- 
York  conticnt  75,853  volumes  :  d'ou  Ton  doit  conclure  que 
les  classes  du  peuple,  dans  L'Ameriqiie  septenlriouale .  pos- 
sedent  des  moyens  d'instruction  plus  etendus  que  les  savans 
el  les  academies  dans  beaucoup  de  pays  de  l'Europe.  Que  de 
serieiises  reflexions  dans  des  chiffres  tels  que  ceux-la! 

La  recette  de  la  Societe  des  ecoles  du  dimanche  a  etc,  pendant 
l'annee  1828,  de  75,884  dollars  (409,780  fr.).  Cetle  somme. 
composee  de  dons  individucls,  est  aussi  forte  que  celle  qui 
est  allouee  dans  le  budget  du  gouvernement  francais  a  l'ins- 
trnclion  pr'unaiie.  G<  de  F. 

MEXIQUE. 

93.  —  *  Regixlro  official  del  gobierno  de  los  Estados  Mi  xicanos, 
—  Hegistreoflieicl  des  Elats-Unis  du  Mexique.  Mexico,  i85o; 
prix  de  la  souscription,  12  reaux  par  mois  a  Mexico,  el  au-de- 
horSj  17  reaux,  franc  deport. 


MEXIQUE.  7>'> 

Ge  journal  quotidien  est  encore  a  son  debut,  ayant  paru, 
pftur  la  premiere  fois,  le  20  Janvier  de  eette  annee.  A  quelques 
egards,  e'est  le  Moniteurmexirain,  quoiqu'il  difi'ere  en  plusieuts 
points  essentieis  de  notre  ■Vioniteur  francais.  Premierement,  il 
u'equivaut  gnere,  quant  a  1'elendue,  qu'a  la  moitie  ile  noire 
journal  officiel;  et,  en  general,  ee  qu'il  eontient  est  beaucoup 
moinsennuyeuxqueles  dnuze  interminablcs  colonnesde  notre 
feuille  que  peut-elre  aucun  lecteur  n'a  jamais  eu  le  courage  de 
lire  d'uu  bout  a  l'autre.  Autre  difference  encore  plus  essen- 
tielle  :  dans  le  Moniteur  mexicain  ,  le  gouvernenicnt  a  con- 
stamment  beaucoup  dechoses  a  communiquer  auxgouvernes; 
les  affaires  publiques  y  sont  trailces  publiquement.  Loin  de 
craindre  011  de  mepriser  I'opiuioii  des  citoyens,  on  s'attache 
a  la  connaiire,  afin  de  s'y  conforjfter^  lorsqu'elle  est  jusie  et 
profitable  aux  interets  comnnms.  et  de  la  redresser,  lorsqu'eu 
pent  deeouvrir  les  causes  qui  lout  faussee,  et  lui  (aire  prendre 
une  nieilleure  direction.  Id,  dans  notre  ancien  monde,  nous 
sonmies  traites  plus  lestement;  le  pen  que  1'on  daigne  nous 
reveler  nous  intercsse  si  pen,  qu'autant  vaudrait  nous  laisser 
tout  ignorer.  Obeissance  et  argent,  voila  tout  ce  qu'on  vent 
de  nous,  en  attendant  qu'on  nous  impose  de  plus  ('obligation 
de  nous  laire,  et .  par  la  suite,  une  complete  servitude  poli- 
tique, projets  Curtesies  qui  prepare nt  pour  les  generations 
futures  une  revolution  plus  epouvantable  que  celie  dont  on 
vent  foire  disparaitre  les  derniers  vestiges.  Pen  nous  importe 
aujounl'bui  de  savoir  les  noms  des  homines  revetus  du  pou- 
voir;  el  c'esl  a  pen  pres  tout  ce  que  le  Moniteur  veut  bien 
nous  apprendre  :  le  Registre  mexicain  entre  dans  le  detail  des 
operations  du  gouvernement ,  rend  compte  de  1'emploi  des 
revenus  de  I'Etat,  etc.  On  pense  bien  que,  de  terns  en  terns, 
les  huit  colonnes  de  la  feuille  quotidienne  tie  lui  suffisent 
point,  el  qu'un  supplement  est  uecessaire. 

II  est  a  desirer  que  ce  journal  se  rcpande  en  Europe,  qu'il 
tombe  entre  les  mains  de  ceux  de  nos  publicistes  qui  joigneul 
nn  haul  savoir  a  des  vues  genereuses,  guidees  par  une  forte 
raison.  Qu'on  parle  en  France  du  Mexique ;  qu'on  en  parle 
apresdeprofondes  meditations,  avec  1'interet  que  doit  inspirer 
y\n  pays  sur  lequel  reposent  de  si  gramies  esperances  !  Que 
Ton  s'occupe  aussi  de  nos  affaires  an  Mexique  et  qu'on  noiw 
disc  de  fortes  verites ;  *i  nous  n'avons  pas  le  courage  d'en  pro- 
filer, elles  ne  seront  pas  perdues  pour  tout  le  monde.  Ces 
communications  entre  les  peoples  sont  un  acheminement  vers 
la  plus  utile  de  toutes  les  institutions  bumaines,  si  jamais  ellc 
de\ient  praticable,  institution  tpie  l'Amerique  aconcue  la  pre- 


588  LIVRES  ETRANGERS. 

mure  pour  toute  I'etendue  tic  ce continent, et qui,  franchissanl 
les  oaers ,  pourrait  reunir  en  un  seul  congres  les  delegues  de 
tout  le  miMidc  civilise.  Nous  apprenons,  par  ce  Registre,  qu'un 
article  sur  le  Mexiqne,  insere  clans  un  journal  tie  PhiladelpbSe, 
a  fait  une  forte  impression  a  Mexico  :  en  effet,  les  passions  qui 
agitent  trop  souvent  les  republiqucs  doivent  etre  plus  dispo- 
ses a  econter  ties  ctrangers  que  des  compatriotes;  et,  si  elles 
n'obscurcisscnt  pas  tout-a-fait  la  raison,  ce  sera  par  les  con- 
seils  d'un  etranger  qu'elles  seront  le  plus  surement  ramenees 
aux  sentimens  de  Taniour  tie  la  patrie,  du  devoir,  de  la  vertu. 
En  ce  moment,  le  Mexiqne  offrc  an  monde  un  spectacle  plus 
penible  qu'inquietant;  les  maux  qui  retardcnt  les  progres  tie 
eette  republique  n'attaquent  point  les  sources  de  la  vie;  ce 
sont  les  douleurs  poignantes  d'un  honime  robusje  sounds  a 
une  torture  momentanee.  Notre  situation  parait  plus  calme  ; 
les  causes  tie  nos  souffrances  sont  si  compliquees,  si  an- 
ciennes ,  et  leur  action  si  continue,  qu'il  nous  reste  a  peine 
asset  de  force  pour  nous  plaindre. 

Dans  la  partie  non  oflit  ielle  tie  ce  journal,  on  remarque  un 
bon  eboix  de  nouvelles  etrangeres  et  des  dissertations  judi- 
cieuses  sur  des  sujets  politiques  ou  moraux.  Dans  le  pays  on 
l'onecritainsi.  les  ecrivains  ont  apprecie  la  porlee  deslecteurs 
sur  lesqucls  its  peuvent  compter  :  ainsi,  lorsque  les  passions 
politiques  cesseront  d'agilcr  la  republique  mexicaine,  la  nation 
se  montrera  prete  pour  toutes  les  ameliorations  qui  font  au- 
jourd'hui  la  prosperite  de  ses  voisins  au  nord.  Nous  suivrons 
ses  progres  avec  attention,  en  consultant  frequemmenl  le 
Registre  mcxicain.  N. 


EUROPE. 


GRANDE-BRETA'JNE. 

c\l\.  ■ — * EncycLopcdia  Britannica.  —  Encyclopedic  Brilanni- 
que.  Septihne  edition,  danslaquelle  seront  incorpores  les  suppli- 
mens  des  premieres  editions,  enrichie  d'une  nouvelle  st'-rie, 
de  gravities  sur  acier;  publiee  par  le  professeur  Napier.  T.  i; 
premiere  livraison.  Edimbourg,  i85o;  Black. 

On  sail  que  les  premiers  savans  tie  la  Grande-Brelagne  ont 
contribue  a  la  redaction  de  ce  livre,  et  que  cbacun  d'eux  a 
fourni  sa  pari  ;'i  re  vaste  depot  des  conriaissances  actjielles  et 


GIUN  DE-BRET  AGiNE.  3,H<, 

des  decouvertes  les  plus  reeentes.  Le  succes  immense  de  I'ou- 
vrage,  les  nombreuses  reimpressions  qui  en  out  fete  faites,  el 
par  dessus  tout,  le  rare  merite  des  articles,  I'ont  classe  tout- 
a-fait  a  part.  Mais  la  multiplicity  des  travaux,  le  terns  neces- 
saire  pour  completer  l'oeuvre ,  ont  necessite  l'addition  de 
supplemens,  qu'on  reimprimeaujourd'hui  dansle  corpsmeme 
du  livre.  La  dissertation  sur  l'histoire  des  sciences,  si  remar- 
queeetsi  digne  de  l'etre,  reparaitraen  tetede  la  nouvelle  edi- 
tion. La  dissertation  sur  l'histoire  de  la  metaphysique,  de  la 
philosophic,  etc.,  par  leu  leprofesseur  Stewart,  en  richiedeplu- 
sieurs  corrections  et  d'augmentations  faites  d'apres  unmanus- 
crit  posthume  de  l'aiiteur,  sera  suivie  d'un  Memoirede  sirJ«- 
mes  Mackintosh,  sur  l'histoire  de  la  philosophic  aux  xvne  et 
xviue  siecles,  epoque  que  Stewart  n'a  pas  eu  le  terns  de  com- 
pleter. Enfin,  la  dissertation  sur  l'histoire  des  sciences  physi- 
ques et  mathematiques,  commencee  par  le  doeteur  Playfair, 
a  ele  continuce  depuis  le  xvine  sieele  jusqu'a  nos  jours,  par 
le  professeur  Leslie.  Le  litre  dc  YEncyclopedie  Britannique  est 
a  lui  seulun  eloge.  Cette  edition,  publice  par  livraisons  men- 
suelles,  se  composera  de  vingl  volumes  in-4",  d'un  prix  mo- 
dere,  quoique  le  papier,  les  caracteres  et  les  gravures  soient 
fort  superieurs  a  ceux  des  premieres  reimpressions. 

g5.  — *  Notices  of  Brasil  in  1828  and  1829.  —  Notes  sur  le 
Bresil  en  1828  et  1829;  par  le  reverend  II.  "Walsh,  auteur 
d'unvoyage  a  Constantinople,  etc.,  etc.  Londres,  i83o;  Wes- 
tley  et  Davis.  2  vol.  in-8". 

C'est  en  qualite  de  chapelain  que  M.  Walsh  accompagna  au 
bresil  lord  Strangford,  ambassadeur  d'Angleterr'e  :  il  cut  de 
frequentes  occasions  de  voir  de  pres  l'empereur  don  Pedro, 
qui,  d'apres  les  details  donnes  sur  son  interieur,  semble  vi- 
vre  plus  eu  simple  particulier  qu'en  roi.  II  est  fort  adroit,  et 
s'exerce  atoutessortes  de  metiers  :  mais  il  affectionne  de  pre- 
ference l'ebenisterie  etla  inenuiserie.  Toujours-lepremierleve 
dans  son  palais,  il  en  parcourt  les  fardins  et  les  appartemens, 
•n  tirant  des  coups  de  fusil  comme  signaux  de  reveil,  et  afin 
quepersonne  ne  dorme  apres  lui.  II  est  sohie  et  regulier  dans 
sa  maniere  de  vivre.  II  a  la  figure  commune,  et  ses  manieres 
aiusi  (|ue  son  langage  decelent  le  peu  de  soius(|u'on  a  donnes  a 
son  education.  Cependant,  il  ne  manque  pas  de  moyens  natu- 
rcls;  il  parle  assez  bien  le  francais,  et  fort  imparfaitement 
I'anglais.  Ses  depenses  particulieres  sont  reglees  avec  uue 
grandeeconomie.  ei  il  oe  dedaignepasde  verifier  lui-mf-me  les 
BOinptes  de  sa  maison.  II  a  meme  plusieurs  eutrcprisc*  pour 


.\o  LIV1USS  ETRAN6E&S. 

(aire  ff.uctifier  les  funds  que  lni  allouent  les  chambres,  el  qui 
nc  s'elcvcnt  qu'a  200,000  reis  pour  lui,  et  12,000  pour  sea  en 
tans.  II  loue  des  paturages,  et  fail  vendre  publiquement  par 
tea  enclaves  une  partie  dc  la  recolte  de  ses  terres.  II  s'est  fail 
mi  nitrite  de  son  economic  pres  de  l'asseniblee  constituante, 
a  laqnclle  il  dit  dans  son  premier  discours  :  «  Won  pcrc  depen- 
sait  par  an  qualre  millions,  jc  n'en  depense  pas  un.  Je  vcu\  vi- 
vre  en  simple  parliculier,  et  economise!*  la  bourse  de  I'Etat 
c omnie  la  mienne  :  je  me  bornerai  done  pour  mes  depenscs 
partieulieres  a  1  10,000  reis.  »Malgrc,  cette  moderation  et  cct 
accord  apparent  avee  la  forme  du  gouvernenicnt  represcnta- 
tif,  on  lc  soupconne  dc  nc  pas  voir  avec  plaisir  les  progres 
dc  la  democratic,  qu'il  a  d'abord  eneouragce  par  petir  de  loiu- 
licr  dans  l'anarcbie  qui  dcsolc  les  autrcs  Elats  dc  l'Amerique  du 
sud.  Quelques  gens  qui  se  pretendent  bien  in  formes  vont  menu: 
jusqu'a  dire,  qu'il  n'attend  qu'un moment  favorable,  pourse de- 
li, rer  tout-a-fait  des  entraves  qu'il  a  miscs  a  son  pouvoir,  et 
que  deja,  deux  Ibis,  il  a  tentede  secouer.  Sa  popularite,  a  recu 
no  echec  lors  de  la  mortde  l'imperatrice,  qu'a  tort  on  a  raison. 
ou a gencralement  aitribuee  au  chagrin qu'elle  ressentait  d'une 
intrigue  dc  l'empereur  avee  une  des  dames  du  palais,  crece  par 
lui  marquise  dc  Santos,  etdont  il  rcconnut la  fdle  sous  lc  tide  de 
duchesse  dc  Goyas.  II  cxigea  de  l'imperatrice  qu'elle  \ isitat  et 
repUt  publiquement  cette  maitresse  :  non- settlement  die  n"\ 
\  oulut  pas  cousentir,  mais  e'le  eut  avee  lui  a  ce  sujet  une  ex- 
plication tres-vive,  a  la  suite  de  laqnclle  elle  tomba  nialadc. 
Elle  etait  in:  einte  depuis  pen  ,  et  la  maladic  prit  lout  de 
suite  un  caractcre  alarmant.  l.e  people  l'aimait,  ct  les  prie- 
res,  les  voeux,  les  processions  nc  furent  point  cpargnes.  Elle 
mourut  le  10  decembiv  1826,  a  I'agc  de  29  ans  dix  nlols  et 
dix-ncuf  jours,  aprcs  avoir  fait  de  to uchans  adieus  isescnfans. 
E'ainee,  dona  Maria,  reine  de  Portugal,  etait  la  scule  qui  (fit  en 
age  de  eomprendie  la  jierle  qu'elle  laisail  ;  et  Ton  dit  qu'elle 
s'en  montra  profondemcui  affligte.  i.e  tleuil  I'm  general;  on 
fit  a  l'iniperaii ice  des  obseques  d'une  magnificence  jusque-la 
inconmi''  au  5'resil.  Elle  etait  (rune  figure  agrcablo,  el  d'uu 
nature]  affable  et  oienvcillanl.  Kile  avail  adopte  les  eujilumcs 
du  pays,  el  s'o< icupait  de  ses  enfans  en  mere  lendrc  el  eclai- 
ree.  Elle  parlait  el  ccrixail  bien  le  franeais  el  I'espagnol:  et 
jc  tut  une  de  ses  lettres  a  son  beau-pcrc,  Dom  Juan,  qui  decida 
ce  dernier  h  reconnoitre  1'indepeudance  du  pays  :  car  ilavaaK 
beaucoup  d'afleclion  pour  elle,  et  unv  grande  foi  en  ses  lumit- 
vcs.  C'etait  la  premiire  imperatrice  du  Nouveau-iWonde;  el  si 


GRANDE-BKEIAGAE.  5gi 

elie  ent  veeu,  il  est  probable  qu'clle  cut  exerce  ui:e  influence 
salu taire  snrles  mceurs  et  la  conduite  des  Bresiliennes.  Elle  a 
laisse  cinq  en  fans,  dont  quatre  lilies  ct  un  garcon,  Dom  Pedro 
d' Alcantara,  heritier  presomptif  du  trone.  Elle  avait  un  autre 
Ills,  dom.loao Carlos,  qui  est  inort  victimedes  troubles de  1822. 
Les  violences  des  troupes  auxiliaires  portugaises  qui  se  por- 
taient  a  toutes  sortes  d'exces,  brisant  les  fenetres,  iusultanl 
les  babitans,  deciderent  Temperem1  a  cnvoyer  sa  femme  et 
toute  sa  famille,  de  Rio  a  Santa-Cruz,  residence  royale,  eloi- 
gnce  de  dix-sept  lieues  :  on  partit  precipitammenl  dans  un 
moment  d'alarme  ,  par  une  unit  t'roide  et  pluvieuse  qui  tut 
suivied'un  jourtres-cbaud.  L'enfantprit  la  fievre,  et  soecousba 
au  bout  de  pen  de  terns. 

Rl.  Walsh  donne  fort  au  long-  le  recit  d'une  emeute  des  Ir- 
landais  emigres  a  Rio;  ainsi  que  des  particularities  curiewses 
et  neuves  sui  l'espril  constitutionnel  du  Bresil,  et  sur  le  niou- 
vemenl  de  la  presse.  Comme  ce  dernier  point  est  surtout  d'ua 
interel  general,  nous  nous  y  arreterons  de  preference. «  En 
1828,  il  s'imprimait  i35  recueils  periodiques  dans  toute  la  Pe- 
ninsule;  la  part  du  Bresil  etait  de  25,  savoir  :  1.5  a  Rio,  3  a 
Bahia,  et  le*  autres  a  Pernambnue,  .1  Saint-Paul,  a  Saint-Joan 
del  Rey,  et  a  Villa  Rica.  Voici  lestitres  de  ceux  de  Rio  :  Impe- 
rii* do  Brazil ;  'c'est  l'organe  'hi  gouvernement,  et  il  sort  des 
presses  de  l'impriinerie  imperiale  :  le  Diario  de  Bio-Janeiro , 
et  le  Journal  do  Commercio,  s'hnpriment  tous  deux  sur  vilain 
papier,  et  en  nssez  mauvais  caracteres,  bien  que  la  vogue  en 
soit  giande,  a  cause  des  nombieux  avcrtissemens  qu'ils  ren- 
ferment;  on  y  joint  parlbis  mie  l'euille  detacbee,  intitulee  C'or- 
isspondaucc,  et  qr,i  se conipose  d'attaques  contre  certains  indi- 
tldus,  el  des  plus  singuliers  li belles  qu'on  puisse  imaginer. 
l.'editeur  qui  imprime  et  met  en  circulation  ces  injures  u'csl 
passif  d'aucune  peine,  puurvu  quMl  ne  se  refuse  pas  <i  impii- 
nieret  a  publicr  de  me  me  la  repliquede  I'offense,  Cette  guerre 
Bte  mills  et  de  personnalites  moment  odieuscs  fait  les  delices 
et  I'amnsement  lilteraire  de  tousles  babitans  de  Rio.  Des  le 
maiin  ,  mi  les  voit  s'assembler  par  groupes  devant  leurs  por- 
ted, on  dans  leurs  boutiques  pour  jouir  en  common  de  la  lec- 
ture du  journal,  surtout  de  la  partie  scandaleuse.  II  arrive 
soment  <pje  l'indisidu  attaque  est  au  nombre  des  audileurs, 
mm*  il  ne  pense  jamais  a  se  venger  aulrement  que  par  une  re- 
pliquc  encore  plus  a  pre.  Cette  cone.-pnridaiice  met  en  saillie 
deslraits  remarquables  tin  lar.icierc  national.  D'apros  le  uode 
con  titutionnel,  un  affrancbi  ne  peul  etre   eleciem  :  el  pnui 


3»a  L1VIIES  ETRANGERS. 

s'assurer  le  privilege  d'eleetion,  auque)  ils  attachent  un  grand 
prix,  les  Bresiliens  fournisseat  parfois  les  plus  etranges  cei  ii- 
jicats.  Un  colonel,  Joachim  Franciscos ,  briguait  cet  hon- 
neur,  lorsqu'un  fabricant  de  chandelles  ,  Manuel  de  Sou /.a 
Silva  s'opposa  a  ce  qu'il  1'obtint.  sous  prclexle  qu'il  n'clait  pas 
ne  libre.  11  s'ensuivit  une  plaisanlc  dispute,  toujours  conti- 
nues par  la  voie  fles  journaux,  et  le  colonel  produisit  en  fin  un 
certilicat  attestant  qu'il  etait  lib  illegiiune  de  Francisca  das 
(Ihugas,  mulatresse  libre,  non  mariee,  batarde,  nee  d'un  pcre 
inconnii;  ct  d'un  domestique  de  la  maison  du  reverend  Joa- 
quini.  Cette  piece  ,  loule  humble  qu'elle  etait ,  clablil  les  droit* 
du  colonel ,  et  il  n'hesita  pas  a  la  publier  pour  se  faire  decla- 
rer eleeteur.  Apres  les  trois  journaux  que  nous  avons  cites,  et 
qui  sont  quotidiens ,  il  y  a  encore  :  i°  PAnalkia;  2°  /' Au- 
rora fluminens ;  5°  c"  Astree  ;  4°  le  Courrier  dec  Bresll,  ecrit  en 
t'raneais.  paraissant  trois  fois  la  semaine;  5°  le  Rio  Herald  (an- 
glais) hebdomadaire;  6°  le  Malagueita  }  7*  le  D carlo  dos  Dc- 
pitlados;  8"le  DiariodoSenado;o{'\cDesperlador  Constilutionale; 
\(j"\g  Ccnsur  Brazilico;  i  r  VEspclho  Diumanlino;  les  unsnien- 
suels ,  les  autres  publics  irregulierement;  i2°le  Propagador, 
mi  annales  de  medecine,  de  zoologie  et  de  botanique,  recueil 
annuel.  Detoutecetteliste,  le  Malaguetia,  qui  tire  son  nom  du 
poivre  le  plus  chaud  et  le  plus  mordant  qu'on  reeolteen  Ame- 
rique,  est  le  seul  qui  merite  une  mention  particuliere,  taut  a 
cause  du  talent  avec  lequel  il  estredige,  que  pour  la  viru- 
lence des  attaques  qu'ils  se  permet  conlre  le  gouvernement 
et  les  gens  en  place.  II  est  en  guerre  ouverte  avec  I'Imperlo 
do  Brazil;  et,  lorsque  la  famille  d'Andrada  etait  au  faite  des 
bonneurs  et  du  pouvoir,  il  la  poursuivit  avec  une  violence 
telle,  qu'on  ne  put  s'empecber  d'attribuer  a  une  vengeance 
particuliere  la  tentative  d'assassinat  qui  fut  fake  a  cette  epo- 
que  sur  la  personne  de  l'editeurdu  journal.  II  fut  grievement 
blesse,  et  n'echappa  qu'a  graud'peine;  il  accusa,  non-seule- 
ment  les  Andradas,  mais  Pempereur,  d'etre  ses  assassins,  et 
il  en  donnait  pour  preuve  un  mouchoir  tombe  dans  le  com- 
bat, et  qui  portait  les  initiales  de  ses  ennemis.  Ceux-ci  nie- 
rent  de  la  f'acon  la  plus  forte,  allerent  meme  le  visiter  tan- 
dis  que  ses  blessuresle  retenaient  au  lit ;  et  aueunfait  n'ayant 
etc  prouve  contre  eux,  ils  ne  fureut  point  mis  en  cause. » 
Nous  avons  assezfait  connaitre  cet  ouvrage  pour  donner  la 
enriosite  de  le  lire  en  entier,  et  nous  y  renverrons  le  Lecteufr 
pour  les  observations  de  moeurs,  el  les  traits  generaux  du 
pays  et  du  peuple. 


GRAN  DE-BRET  AdrNE.  5o3 

96.  —  Bertha's  visit  to  her  uncle  in  England.  —  Visile  de 
Bertha  a  son  oncle  en  Angleterre.  Londres,  1829;  Murray. 
3  vol.  in-8". 

Miss  Edgeworth  a  dit,  avec  sa  justesse  accoutumee,  qu'on 
pouvait  bien  conduire  un  enfant  aux  sources  du  savoir,  mais 
qu'on  ne  pouvait  le  contraindre  a  y  puiser  s'il  n'en  eprouvait 
le  besoin  et  I'envie;  aussi  s'est-e!le  appliquee  a  cultiver  avant 
tout  rintelligence,  et  a  lui  donner  le  gout  d'aller  a  la  decou- 
verte,  et  de  s'enrichir  partout  de  choses  neuves  Elle  met  les 
jeunesesprits  sur  la  voie  de  l'instruclion,  et  les  laisse  avancer 
seuls,  sans  les  charger  d'unbagage  inutile  demots  et  de  tomm- 
ies. L'etude  preparee  aveccet  art,  et  faite  en  liberie,  acquiert 
un  charme  infini ,  et  devient  une  calme  et  innoeeiite  passion 
dont  les  jouissanees  n'ont  point  de  homes,  car  chaque  jour  les 
renouvelle.  Pour  les  enfans  qui  sont  en  marcbe,  et  dont  l'es- 
prit  actif  reclame  de  nouveaux  alimens,  la  Visit e  de  Bertha 
sera  une  mine  precieuse,  on  lour  curiosite  trouvera  sans  cesse 
de  quoi  se  satisfaire  ;  mais  pour  les  aulres,  ce  seront  tettres 
closes  dont  il  ne  tireront  ni  plaisir,  ni  utilile.  II  taut  avoir  en- 
viede  connaitre,  ctde  connaitre  a  fond,  pour  aimer  cctte  lec- 
ture 1111  peu  grave. 

Quelqnes  details  religieux  fort  remarquables,  nun's  en  de- 
hors de  nos  mceurs et  de  notre  religion  ,  nous  semblent  de  na- 
ture a  ne  pouvoir  se  traduire;  cependant,  on  annouceeommc 
devant  paraitre  incessamment  une  traduction  dece  livre.  L'o- 
riginal  est  d'une  femme. 

97. — *  The  present  state  of  infanticide  in  India.  —  De  Pelat 
acluel  de  l'infanticide  dans  lTnde  ;  tire  des  papiers  soumis  au 
parlcment  a  ce  sujet,  en  join  1824,  et  en  juillet  1828,  sur  les- 
quels  on  appelle  de  nouveau  1'atlention  de  ['honorable  Com- 
pagnie  des  Indes  orientales,  et  des  amis  de  la  religion  etde  l'hu- 
inanite;  par  J.  Peggs,  missionnaire  a  Cultack,  a  Orissa,  au- 
teur  du  Cri  des  Sutties  d  la  Grande-Bretagne,  etc.  Londres, 
i85o;  Pecley.  In-8°. 

II  est  des  crimes  devant  lesquels  la  pensce  s'epouvante,  et 
qu'elle  ne  peut  se  resoudrc  a  considerer  que  par  le  sentiment 
d'un  devoir  a  remplir,  et  d'un  grand  bien  a  I'aire  :  de  ce  nom- 
bre  est  l'infanticide  ,  si  commun  dans  les  Grandes-Indes,  en 
depit  des  tentatives  faites  de  loin  en  loin  pour  Pabolir.  Un  ou- 
vrage  publie  par  Moor,  en  1811,  un  autre  qui  par ut en  i8i5. 
sur  la  possibilite  de  I'abolition  du  menrtre  des  enfans  femelles  d 
(ju:erat,  cnPm,  les  mesures  adoptees  par  le  marquis  de  \\cl- 
lesley  pour  prevenir  la  destruction  des  enfans  a  Sangur,  on! 


Sgi  LIVRliS   ETftAiNGEfifc. 

ciniii iinic  .1  repandre  on  Anglcterre  lacroyaueequecesodieux 
sacrifices  o'existaienl  plus  II  nVn  esl  rien  cependanl  :  cello 
continue  se  continue  encore  publiquernent,  et  sur  une  im- 
mense ctendue  dc  pays.  Elle  proud  sou  origine  tanlot  dans 
d'absurdes  superstitions  religieuses,  lautot  dans  un  sentiment 
d'orgueiJ  hiimilie;  car.  pour  un  lndou,  avoir  une  fille  qui  no 
so  marie  pas  est  un  dcslionneur  afl'reux.  Le  reverend  dortour 
IV 'a rd,  autour  d'un  savant  Apercu  de  t'/ustoire,dc  la  liUcraliin 
it  ill'  la  inytliologiedes  / ndoits,  rapporleque  los  habitans  d'Orissa. 
ct  do  la  par  tie  orieuialc  ilu  Bengale,  offrent  souvent  leurs  en  fan  a 
u  la  deesse  (Junga,  el  lui  consacreni  leur  premier  no,  afin  d'ap- 
polcr  scs  benedictions  sur  le  rosle  do  la  l'aniillo.  lis  elevenl  la 
vietime  jusqu'a  ragedequalrc  ouoinq  ans,  puis,  a  certain  jour, 
la  meucnt  baigner  dans  la  riviere,  et  I'encouragcul  as'a\ancer 
<le  plus  en  plus,  jusqu'acequ'elle  soitentraince  par  lecourant, 
.t  inoins  que  quelque  charitable  etrangerne  la  retire  de  I'eau, 
<  t  no  1'adople.  An  nord  du  Bengale,  il  existe  un  autre  usage 
encore  plus  revollant.  Si  un  enfant  refuse  le  sein  de  sa  mere, 
et  tombe  en  languciir,  on  en  conclut  qui!  est  sous  I'mfluenoe 
tie  quelque  malin  esprit.,  on  le  met  dans  un  bcrceau,  et  on  le 
suspend  a  unarbre,  on  ilest  ordiuairemont  devore  par  les  four- 
mis  el  par  les  oiscaux  de  proie.  S'il  survil  trois  jours  a  cello 
horrible  e-preuve^  la  mere  le  reprend,  et  recommence  a  I'allai- 
ter  :  ma  is  cc  cas  est  fort  rare,  Un  missionnaire  anglais  saliva 
line  fois  une  de  cos  nialheureuses  creatures,  qui  elail  lomlice 
de  sou  berceau,  et  qu'un  jackal  emportait.  Passant  plus  tard 
;mi  inciiie  lieu,  avec.  un  VQyageur,  il  trouva  dans  une  cor- 
i  tide  le  sijiielette  d'un  enfant  entieremciiL  depouille  par  les 
fourmig.  (Ihaque  coutree  a  sa  legendepour  juatifier  riufanii- 
tide,  et  la  foi  dans 'es  traditions  est  telle,  (pie  la  mere  consent 
prcsque  toujonrs  adevenir  le  bourreandesnnpropre  nouriU- 
son.  Quclquefois  ello  I'etouffe  aussitoi  qu'il  vieut  de  naiire, 
on  le  Iait.se  mourir,  fautede  soinsetde  propretc.  Quelque  eina 
tiueeque  soil  celt  con  til  me,  die  est  si  fort  contro  nature,  el 
latrocite  en  est  si  e\idcnte,  qu'iJ  y  a  tout  lieu  de  crone  qu'il 
nr  I'audrait  a  b<  oompagnie  des  Lndes  qu'une  voJonte  ferine 
pourla  fa  ire  disparailre  ciilierciucnl.  Dcja  ['abolition  dts Suttees 
ou  sacrifices  des  veuves  indie  noes,  pronoocee  par  le  conseil 
.ous  la  presidence  <iu  gouverneur-general,  le/jdecembre  der- 
ner,  a  prouYe  que  les  pr£jugps  pppulaires  n'etaient  pas  si  re- 
doutables  qu'on  se  I'imaginail ,  el  que  le  terns  etail  venu,  0,u 
il  u'etait  plus  pennis  de  tolerer  de  pareils  exces  d'ignorance 
el  de  cruauie.  en  se  retranchant  ilerriere  <^'  vaines  craintes 
^'insurrection.  Les  relations  ile  plus  en  plus  elonrlues  a  .  cc  les 


GRANDE-liRETAGTNE.  %5 

Europeens,  lc  zile  des  missionnaires,  la  demonstration  que 
rien  dans  lenrs  propres  lois  on  Shastras  n'autorise  cette  barha - 
lie,  oot  deja  commence  aebranler  les  Indous,  et  il  a  sulli  d'un 
re jr lenient  condamnant  a  Pamende  et  a  la  pri.-on  quit  onque 
preleiait  les  mains  on  tolererait  le  sacrifice,  nieme  volontaire. 
d'une  veuve,  pour  calmer  le  zele  des  plusfervens.  Que  la  Com- 
pazine agisse  de  mfme  pour  ['infanticide,  qu'elle  menace  ile 
sa  colore  et  de  sa  justice  les  parens  assez  denatures  pour  im- 
moler  leurs  propres  eufans,  et  avant  dix  ans,  il  n'y  aura  pins 
d'exemple  d'un  pared  crime.  Si  cette  riche  et  puissante  So- 
cictc,  menaceeaujonrd'hui  dans  ses  privileges  et  son  existence. 
desire  s'assurer  encore  de  longues  anoees,  et  consolider  son 
empire,  e!lc  ne  le  peut  qu'cn  appelant  les  peuplades  qu'elle 
gouverne  aux  bicnfaits  d'une  emancipation  qui  doit  arrivcr 
lot  on  tard,  mais  qui  la  soutiendra  on  I'engloutira,  scion  qu'elle 
trouvera  en  elle  un  allie,  ou  un  emiemi. 

98.  — *  The  i": ooni  of  Derorgoil.  —  La  sentence  do  Devor- 
g"il,  melodrame ;  el  Archindrane,  on  la  tragMie  d' Ayrshire , 
par  sir  Waiter  Scott,  cdimbourg,  i85o;  Cadell.  Londros. 
Simpkiu  et  Marshall.  In-8"  de  55j  pages. 

Comment  se  i'ait-il  que  I'homme  qui  s'est  montre  si  drama- 
tique  dans  ses  romans.  9i  habile  a  faire  agir  et  parler  ses  per- 
sonnages,  qui  a  fait  passer  sons  nosyeux  une  suite  de  tableaux 
liiouvaii.-,  ait  toujours  echone  dans  les  compositions  qu  il  des- 
tine an  theatre?  Le  cadre  lui  semble-t-  il  trop  etroit  pour  les 
nuances  qu'il  aimc  a  y  introduire  ?  Est-ce  la  profondeur  de 
passion  qui  lui  manque,  et  qu'il  cherche  a  remplacer  par  l'exa- 
geration  dans  la  situation  el  dans  les  caractercs?  Je  ['ignore; 
mais,  a  en  juger  par  I'executioo,  sa  theorie  dramatifjue  doit 
elre  defectueuse.  II  semble  qu'il  precede  en  sens  inverse  de  sa 
maniere  accoulumee  :  tout  l'cchafauiiage  .  tons  les  ressoi  Is  de 
rintrigue  que,  d'habitude,  il  dissimule,  el  qui  ne  sont  pour 
lui  que  des  moyens  pour  faire  saillir  un  trait  de  earactere-, 
viennent  ici  surle  premier  plan;  Tout  se  dessine  avec  erudite. 
6e  sont  de  grands  crimes,  de  grands  remords,  de  giandes  pu- 
nition-,  escortes  de  tout  le  bagage  du  decorateur,  forets, 
t'.'iiHi  re,  or  age ,  puissances  surnalurc  lies  ;  depuis  le  fantome 
>anglaiit  jiwpi'aux  hobgoblins  OU  larla.lels  qui  imitent  sans 
but  les  lia\aux  el  les  ainuscmeus  des  hommes,  et  dont  la 
gaite  a  quelque  chose  de  crenx  et  de  faux  :  Walter  Scott  en- 
io!e  lout  pour  (aire  de  I'effet,  sans  parvonir  a  produire  une 
seide  impression  de  plaisir  011  de  terreur  :  o'esl  que  lui-meinc 
m  ii    rien  senti;  il  *'ost  mis  a  I'oeuvre   peiir  faire  un*  pie  < 


3(,G  LITRES  Ef RANGERS, 

qu'on  put  donnerau  benefice  de  Terry,  acteur  qu'il  aimait . 
a  l'Adclphi,  theatre  de  Londres.  II  a  fouillc,  mm  dans  se& 
souvenirs,  mais  dans  I'inimense  magasin  du  fatras  melodrama- 
liquc,  el  il  en  a  retire  les  premiers  materiaux  qui  1  u i  sont  tom- 
hessousla  main,  secontenlantde  les  coudre  ensemble  lantbien 
que  mal  :  puis,  de  loin  en  loin,  son  imagination  s'est  leveil- 
lec,  et  quelques  lueurs  ile  verve  sont  venues  eclairer  ce  chaos ; 
tcuiuin  loute  la  partie  I  vriqne  du  dialogue  entre  la  jeune  Kath- 
leen et  son  amourenx,  deguises  en  lulins  pour  efl'rayer  et 
tourmenter  GuM  Crammer;  la  il  y  a  de  la  gaite  et  d'amusantes 
bouffonncries.  Mais,  pour  nn  pcu  d'inspiralinn,  que  de  rem- 
plissage  et  de  lieux  communs  !  Somme  loute,  la  sentence  de 
Devorgoil  est  tout  au  moins  insignifiante,  et  ne  meriteraitpas 
qu'on  en  parlat,  sans  1'importanee  du  nom  qui  s'y  raltachc. 
II  n'en  est  pas  de  meme  de  la  tragedie  qui  vient  apres,  el  qui 
me  semble  fort  superieure  a  Halidon  lull,  et  a  la  Maison  d'  As- 
pen ,  publico  dans  le  Keepsake  dc  cette  annec. 

In  jeune  bomme,  nomine  Quentin  Blanc,  devient,  malgre 
lui,  confident  d'un  assassinat  commisseeretenieut  par  le  lord 
Archindrane ,  qui,  redoulanl  son  tcmoignage,  1'cnvoie  re- 
joindre  nn  regiment  de  troupes  auxiliaires  a  la  guerre  des 
Pays-Bas.  II  obtient  son  conge,  et  revient  dans  son  pays  na- 
tal au  moment  oi'i  sa  presence  est  plus  que  jamais  dangereiise 
au  seigneur  dont  il  est  le  complice  involontaire.  Les  ennemis 
de  ce  dernier  apprcnnent  le  retour  de  Quentin,  et  se  mettent 
a  sa  piste  pour  s'en  saisir  et  le  forcer  a  parlcr;  landis  que  le 
lord  ,  decide  a  un  nouveau  crime  pour  cacber  l'ancien,  le  fait 
cnlever  ct  assassiner.  Le  meurtre  s'cxecute  pendant  la  nuit . 
a  bord  d'une  barque,  mais  a  peine  le  corps  a-t-il  etc  jete  a  la 
nier,  qu'en  depit  des  precautions  prises  pour  le  faire  aller  au 
fond,  il  s'elevc  a  moitie  hors  de  l'eau  ;  et,  droit,  porle  par  la 
vague,  il  semble,  a  la  pale  clarte  de  la  tunc,  poursuivre  ses 
meurlriers.  En  vain,  its  redoublent  d'efforts,  en  vain  la  bar- 
que s'eloigne,  le  cadavre  la  suit  au  rivage,  ct  si  un  coup  de 
ramc  le  fait  un  moment  disparaitre,  il  s'eleve  de  nouveau , 
toujours  plus  proche.  Egare  de  terreur,  l'assassin  blas- 
pheme haut,  ct  Philippe,  fils  de  lord  Archindrane,  le  poi- 
gnarde,  et  le  jette  a  sa  victime  comme  un  sanglant  hdlocauste, 
s'attendant  presque  a  se  voir  haute  par  les  deux  fantomes. 

Cette  cir Constance  rappelle  un  fait  semblable ,  arrive  a 
bord  d'un  vaisseau  anglais,  et  donne  comme  authentique  par 
un  officier  de  marine  ,  qui  a  public  ses  aventures  il  y  a  un  an ; 
il  est  probable  que ,  frappe  de  ce  que  cette  apparition  avail 


GRAN  DE-BRET  ACNE.  ."97 

d'imposant  et  de  dramatiquc,  sir  Walter  Scolt  s'en  sera  em- 
pare  pour  en  faire  la  conclusion  de  son  drame ;  car  e'est 
la  presence  du  cadavre  qui  depose  contre  le  coupable,  et  fait 
decouvrir  toute  1'enormile  de  son  crime.  Bien  que  les  situa- 
tions soient  encore  forcees.  et  quelques  pcrsonnages  hors  de 
nature,  cependant,  il  y  a  ca  et  la  des  nuances  de  naturel  et  de 
vie  que  de  grands  ecrivains  ne  desavoueraient  pas.  La  joie  du 
jeune  homnie  ,  son  bonheur  a  revoir  sa  patrie  ,  ses  sensations 
de  bien  etre  et  de  jeunesse  qui  triomphent  de  tons  les  dan- 
gers, de  tous  les  chagrins,  qui  le  font  reposer  en  paix  sous  le 
toil  de  l'homme  qui  s'est  charge  de  l'assassiner,  ont  beaucoup 
de  fraicheur  et  de  charine  ;  et  remettent  en  memoire  le  relour 
de  Bertram  aux  lieux  d'on  il  avait  ete  enleve  tout  enfant,  et 
cetle  chaine  de  souvenirs  vagues  si  delicieusement  renouee 
dans  le  heros  de  Guy  Manner ing  :  de  pareilles  reminiscences 
sont  bien  permises  au  poete  qui,  le  premier,  a  cree  cette  si- 
t  nation  ravissante. 

99.  —  Walter  Colyton  :  a  tale  of  1688.  —  Walter  Coy- 
ton  :  conte  de  1688;  par  l'auteur  de  Brambletye-House ,  etc. 
Londres,  1 85o  ;  Colburn.  5  vol.  in-8" ;  prix,  1  livre  1 1  shelling*, 
C  penccs. 

100.  —  The  Game  of  Life.  — ■  Le  jeu  de  la  vie;  par  Leitck 
Ritchie.  Londres,  i85o;  Bull.  2  vol.  in-8";  prix,  18  shel- 
lings. 

De  nombreuses  traductions  ont  deja  fait  connaitre  aux  lec- 
teurs  francaisMe  talent  de  M.  Smith.  De  tous  les  admirateurs 
et  continuateurs  de  Walter  Scott,  e'est  leplusconsciencieux.  II 
ne  se  hasardesurun  terrain  qu'apres l'avoir  bien  examine;  il  en 
connait  a  fond  les  moindres  Iocalites.  Plus  antiquairc  que  ro- 
mancier,  il  se  pique  d'une  grande  exactitude  dans  les  descrip- 
tions, les  mceurset  les  continues  du  temsqu'ilchoisit ;  ilya  pour 
ainsi  dire,  de  I'originalite  dans  le  materiel  de  ses  livres.  Chaque 
scene,  prise  au  hasard  ressemble  a  l'interieur  d'un  cabinet  go- 
thiqueplein  decuriosiles  du  moyen  agesoigneusement  conser- 
vees.  Ici,  e'est  une  armure,  la,  un  bijou,  plus  loin  tine  admira- 
ble ciselure  du  travail  le  plus  precieux,  tout  amuse  Pesprit, 
tout  fait  appel  aux  yeux ;  mais  si ,  fatigue  d'avoir  taut  regarde, 
on  en  vient  a  chercher  des  homines,  du  mouvement,  de  la  vie. 
alors  le  charme  disparait,  vous  vous  trouvez  seu!  au  milieu 
de  debris  poudi'eux,  et  votre  imagination  reclame  autre  chose. 
L'auteur  des  Cavaliers,  de  W alter  Colyton  prepare  admira- 
blement  son  theatre,  mais  ne  sait  point  creer  d'acteurs,  ou 


.-)<)«  LIVftES  ifrllANGKItS. 

-il  en  met  en  scene  iis  u'oni  ni  pby  innomie,  ni  verite ;  oe  sont 
des  emprunts  Tails  j  ses  predecessewrs ,  el  qui,  des  les  pre- 
miers mots-,  trabisscni  une  preoccupation  maladroke  et  3an- 
gereuse  ;  e'eet  ainsi  qu'un  des  prineipaux  personnagej  de  eeiic 
deruierc  production  rappelle  ['inimitable  Jean:iie  Deans  de  la 
prison  d'Edimbourg,  son  voyage  a  Londres,  et  jusqu'a  sa  pre- 
seotation  a  la  reine.  Cette  fois .  ce  n'est  qu'une  favorite  qu'il 
s'agit  d'attendrir  en  faveur  dn  heros,  condamne  a  morl  par 
•  iii  conseil  dc  guerre  pour  avoir  frapp  e  un  offijpier  superieur. 
La  mailresse  du  Cpupable  se  deguise  en  ho nunc .  et  parvient 
jusqu'a  la  celebre  Catherine  Sejdley,  comtes'se  de  Dorches- 
ter, car  Faction  se  passe  sous  le  regne  de  Jacques  II ,  et  les 
bases  historiques  sur  lesquelles  elle  s'appuie  soni  I'rmpopula- 
rite  croissante  du  roi,  les  Irahisons  ile  ses  courtisans,  l'inva- 
sion  du  prince  d'Orangc  et  ['abdication  :  foods  beaucoup  trop 
lourd  et  trop  vaste  pour  la  toile  d'araignee  lissee  en  dessus. 
Les  premiers  ouv rages  de  31.  Smith  promeltaient  mieux  que 
cela  ;  psut-etre  ent-il  du  se  bonier  a  de  com  les  scenes  deta- 
chers on.  il  efit  mis  en  saillie  les  homines  et  les  choses  du  lems 
passe  avec  la  conleur  qui  l'avait  frappe  dans  les  vieilles  chro- 
niques,  I'envie  de  creerdes  aventures,  de  leurdonner  un  fi! . 
mi  but.  ['aromplclcnicnt  d.'.-t.iurn'-de  sa  vocation.  Evidemmcnt 
preoccupe  des  objets  exlerieurs,  il  a  fait  des  romans  pour  clas- 
ser  ct  utiliser  ses  reeherches,  el  Pintrigue  ct  les  personnages 
tie  sont  venus  qu'en  second,  et  taut  bien  que  mal.  Ce  sont 
surtout  les  conversations  (jue  rendenl  insupportables  leur  man- 
vais  gout  et  1'absence  totale  de  naturel. 

M.  Kitehie  s'est  du  moins  preserve  de  la  mariie  de  laire 
<lu  golhique,  ou  de  l'histoirc-roman  ,  et  il  faul  Ten  loner  avanl 
lout,  car  par  ie  lems  qui  court  ce  n'est  point  sa  vocation  qu'nn 
auteor  consul te,  mais  la  vogue  du  jour  :  de  hi  ce  deluge  de 
detestables  memoires,  d'insipides  romans,  a  lilies  fastuenx, 
ii  pretentions  gigantesques ,  dont  on  assomme  le  public.  lei, 
rien  de  plus  ordinaire  que  lc  sujet,  uii  jeune  hoinme  sans 
amis  ,  mais  bien  ne  ,  se  voit  force  a  visiter  Londres  ,  et  a  cher- 
cher  dans  cette  immense  capitale  une  existence;  il  n'a  d'atltde 
appui  que  dix  louis  dans  sa  poche,  qui  sont  bien  vite  man- 
ges. II  eopie  des  actes  judieiaires,  recueille  ou  fabriquc  des 
iiniivelles  pour  les  journaux  ,  eerie  dans  des  magazine;;;  (  nlin, 
u'ayaut  pour  viue  (pie  son  esprit,  le  met  a  contribution  de 
cent  facons,  et  tantot  heureux,  tantot  miserable,  traverse  led 
scenes  les  plus  varices .  et  assistc,  dans  nne  ruelle  de  Londres 
ou  sur  une  de  ses  places  .  a  tous  les  eontrasles  dechirans  ou 
eomiques  que  peul  offrir  I'jnterieur  d'une  grande  \ille.  C'est 


GRANDE-RRET^GNE.  —  RUSSIE.  :.).) 

im  panorama  que  l'auleur  a  vouki  derouler  a  (ravers  de-  sen- 
sations individuelles,  inais ,  il  a  plutot  reusM  a  les  multiplier 
qu'a  les  approfondir.  11  n'y  a  <le  calme  nulle  part,  les  tails, 
les  choses,  les  geos  se  pressent ,  sc  hcurtent,  entravent  mn- 
tuellement  leur  marehe.  Jamais,  eomme  dans  la  nature,  noe 
sensation,  aulour  de  laqnelle  toutes  les  autres  se  groupenl  el 
cedent,  ne  domine  seule.  C'est  un  entassement  d'images,  dc 
bruits  qui  ne  disent  rien  a  I'ame,  et  la  fatiguenl  an  lieu  de 
I'enioin  oir.  Puis,  la  encore,  on  chercherait  vainement  une pen- 
see  nenve,  une  vueproiondeet  intime de cette  existence  vague, 
sans  dignite,  sansconsistanee,  a  laquelle  les  vices  del'edueatiuu. 
de  la  societe  et  tant  d'autres  causes  contiamuent  de  nos  jours 
une  foule  de jeunesgens  II  y  a  ponrtant  la  de  trisles  et  impor- 
tantes  verites  a  soulever,  desplaies  a  sonder  eta  guerir,  s'ilesl 
possible.  Mais  ce  qui  manque  depuis  long-tems  a  ax  ouvrages 
anglais,  c'est  un  haut  sentiment  moral ,  la  preoccupation 
que  la  litterature  est  une  mission;  ilsenont  fait  un  amusement 
des  yeux  et  de  1'esprit  :  aussi  decline-t-elle  rapidement,  et 
devient-elle  de  jour  en  jour  plus  pale  et  plus  enervee.  C'est 
un  arbre  sans  scve  ,  a  longs  et  languissans  rameaux,  dont  les 
fruits  n'ont  plus  de  saveur.  L.  Sw  -Belloc. 

RUSSIE. 

ioi.  —  Ottomanskaya  Imperia,  etc. — L'Empire  ottoman, 
on  Examen  approfondi  de  la  Turquie  d'Europe,  dans  son  etat 
acluel,  sous  les  rapports  physique,  geographique ,  stalistique 
et  politique,  emprunte,  en  grande  partie,  a  la  Geographic  uni- 
verselle  de  Malte-Brun,  et  complete  par  les  documens  les  plus 
reeens  dus  aux  meilleurs  ecrivains  sur  ce  sujet.  Moscou, 
1828  ;  imj  rimerie  de  S.  Selivanovsky.  In-8"  de  1V-J28  pag. 

102.  — Noveirliia  istoritclieskia ,  etc.  —  Nouvelles  counais 
sances  historiques,  politiqucs,  statistiques  et  geographique* 
sur  l'empire  turc,  empruntee-  aux  meilleurs  voyages  et  aux 
sources  les  plus  cert  lines,  avec  up  supplement  sur  les  moeurs 
et  toutumes  de  cet  empire,  sous  la  forme  de  nouvelles,  d'anec  - 
dotes  el  d'entreliens.  Moscou,  1828.  2  vol.  in-8°  de  25i  el 
241  pages,  avec  gravures;  le  premier,  de  1'imprimerie  de 
PUniversite,  et  le  second,  de  celle  de  Selivanovsky. 

,io3.  —  Vsgliad  na  evropdiskouiou  Tourtsiou,  etc.  —  Coup- 
d'oeil  sur  la  Turquie  europeenne  et  sur  les  environs  de  Con- 
stantinople, sous  le  double  rapport  topographique  et  militahc, 
avec  les  principles  dispositions  legislatives  de  l'empire  otto- 


ion  LIVRES  STRANGERS, 

man.  Ouvragc  compose,  d'apres  [es  ccrivains  changers  les 
plus  recens  et  les  plus  digues  de  foi,  par  lc  capitaine  d'etat-? 
major  general  Laihjensky,  et  dejlie  au  comte  Dubitch.  Saint- 
Petersbourg,  1828;  imprimerie  de  Charles  Kray.  In-8°  de 
167  pages,  avec  une  carte  de  la  Turquie  d'Europe  ct  une 
autre  des  environs  de  Constantinople;  prix  6  roubles,  a  la 
librairie  d'AIexis  Svetnikof. 

io/f-  — Ninrcltnee  Sostoianit,  etc.  —  De  l'Etat  actuel  des 
prim  ipautcs  turques,  la  Moldavie  et  la  Valachie,  et  de  la  pro- 
vince russe,  la  Bessarabie;  avec  la  description  historique  et 
statistique  de  ces  pays,  des  mceurs,  des  coutumes  et  de  la  vie 
interieure  de  leurs  habitans ,  la  liste  des  bospodars  qui  ont 
gouverne  jusqu'a  present  la  Moldavie  et  la  Valachie,  el  l'ex- 
plication  des  divers  rangs  et  grades,  tant  civils  que  mililaires, 
et  des  fonctions  qui  s'y  rattachent;  par  Ignuce  Iacovekka. 
Saint-Petersbourg,  1828;  imprimerie  d' Alexandre  Smirdine. 
In-8°  de  11-295-11  pages,  avec  une  carte  de  ces  trois  pro- 
vinces. 

Les  relations  que  la  proxiuiite,  une  ancienne  rivalite  d'in- 
terets,  des  conquetes  recentes  et  des  tentatives  plus  recentcs 
encore  pour  accroitre  ,  ou  rlu  moins  pour  consolider  ces  con- 
quetes, en  pro fi tant  de  1'insurrection  des  Grecs,  ont  etablies 
entre  la  Russie  et  la  Turquie,  doivent  faire  recherchcr  avec 
soin  tons  les  documens  statistiques  et  historiques  que  la  pre- 
miere de  ces  puissances  publie  sur  la  situation  de  l'autre  ;  mais 
sont  en  meme  terns  une  raison  peut-etre  pour  qu'on  s'attacbe 
a  discuter  la  valeur  de  ces  documens  et  qu'on  eelaire  du  flam- 
beau de  la  critique  des  renseignemens  que  leurs  auteurs  peu- 
veril  avoir  interSt  a  presenter  sous  1111  jour  favorable  a  certaines 
vues  particulicres.  Nous  avions  done  songe  a  reunir  dans  une 
meme  analyse  l'examen  des  qnatre  ouvrages  dont  nous  venous 
dedonner  les  tit  res  en  tetedecet  article  et  qui  ont  parutousquatre 
dans  la  meme  annec  ;  malheureusement,  ces  ouvrages  nous 
sont  parvenus  unpeu  tard  pour  avoir,  auxyeuxde  nos  lecteurs, 
tout  1'attrait  de  la  nouveaute,  et  nous  risquerions,  en  differant 
d'enrendrecompte,  d'arriver  dans  un  moment  peu  opportun, 
quoique  la  question  qui  se  debal  en  cc  moment  entre  la  Rus- 
sie, ou,  si  Ton  veut,  entre  la  Grcce  et  la  Turquie,  soit  encore 
loin  d'etic  resolue.  Nous  aurons  sans  doute  l'occasion  d'y 
revenir  et  de  developper  nos  vues  a  cet  egard ;  aujourd'hui , 
nous  nous  contentons  de  presenter  une  idee  succinite  de  ces 
ouvrages  d'apres  l'impression  qu'une  premiere  lecture  rapide 
nous  a  laissec,  et  en  meme  terns  d'apres  cellc  que  les  critiques 
cusses  enx-memes  semblent  en  avoir  recue. 


RUSSIE  401 

Commencons  par  rcmarquer,  en  passant,  que  notre  attente 
n'a  pas  etc  enlierement  remplie  a  I'egard  de  ccs  ouvrages.  Ne 
nous  elantpas  assez  arretes  an  litre  dc  chacnn  d'eux  (que  nous 
avons  piis  la  precaution  dc  Iransciiie  en  detail  pour  eviter 
que  les  lecteurs  tombent  dans  la  meme  preoccupation),  nous 
pensions  que  nous  allions  etre  initics  a  d'importantes  recher- 
clies  et  a  de  nouvelles  lumieres  dues  a  1'esprit  d'investigation 
et  de  critique,  et  nous  n' avons  guere  trouve,  dans  les  trois 
premiers  du  moins,  que  des  compilations,  assez  completes  du 
reste,  maisdont  lesauteurs  eux-memes,  al'exccption  des  deux 
derniers,  ont  neglige  de  se  nommer,  faisant  assez  voir  par-la 
que  leur  travail  etait,  a  leurs  propres  yeux,  plulot  line  affaire 
de  circonstance  et  de  speculation  que  le  rcsuilat  d'une  deter- 
mination cclairee  et  d'une  etude  consciencieuse  de  leur  sujet. 
Non  pa's  que  nous  voulions  blainer  en  eux  le  lounble  dessein 
de  cbercher  a  servir  les  interets  et  les  exigences  du  moment 
par  la  publication  d'ouvrages  qui  peuvent,  jusqu'a  un  certain 
point,  etre  regard es  comme  des  guides  siirs  et  des  manuels 
indispensables  a  tons  ceux  qui  s'occupent  des  evenemens  qui 
se  passent  ai:x  licux  dont  ces  auteurs  nous  offrent  la  descrip- 
tion ;  mais  nous  croyons  indispensable,  surtout  a  line  epoque 
ou  les  travaux  scientifiques  et  litter  aires  tendent  trop  de  tous 
cotes  a  devenirde  pures  speculations,  de  bien  etablir  la  diffe- 
rence qui  existe  entre  de  simples  compilations  et  des  recher- 
ches  proi'ondes  et  consciencieuses ,  faites  pour  apporler  de 
nouvelles  lumieres  a  la  science. 

II  semble,  en  effet,  qu'on  devrait  s'attendre  a  un  travail  neuf 
et  original  de  la  part  d'ecrivains  russes  sur  des  contrees  que 
leur  position  doit  les  mettre  a  portee  de  niieux  etudier,  et  par 
consequent  demieux  juger  que  nous;  et  cependant  le  premier 
des  quatre  ouvrages  que  nous  avons  inscrits  en  tete  de  cet  ar- 
ticle n'est,  commc  son  titre  l'annonce,  qu'une  compilation 
d'un  ecrivain  etranger  qui,  malgre  les  services  incontestables 
qu'il  a  rendus  a  la  science  et  la  juste  estime  dont  jouissent  ses 
travaux  en  Europe,  ne  doit  pas  etre  cru  aveuglement  sur 
parole,  surtout  quand  il  s'agit  de  choses  ou  il  a  pu  etre  in- 
duit  lui-meme  en  erreur  par  l'autorite  de  ses  devanciers,  ou 
qu'il  n'a  pu  voir  et  par  consequent  juger  avec  ses  propres  lu- 
mieres. Or,  les  reprocbes  qu'on  a  pu,  avec  raison  ,  adresser  a 
la  Geographic  universelle  de  Malte-Brun  pour  les  parties  qui 
concernent  plus  specialement  la  Russie,  etaient  un  avertisse- 
ment  pour  ne  pas  prendre  comme  certains  et  non  sujets  A 
contestation  des  fails  et  des  renseignemens  statistiques  rap- 
portes  sur  la  foi  d'autrui,  et  pour  lesquels  peut-etre  l'autorite 
t.  xivi.  mai  i83o.  96 


',(.<-  LIVRES  ETRANGERS. 

rleHasselrtdeM.de  Hammer,  cites ausM  dans  le  li\  re  que  nou« 
annomons.  n'esl  pasnonpliisentu  irement  condiiantc.  Tout  ce 
qui  paraii  appartenir  en  propre.  a  I'editeur  dans  oette  publica- 
tinn,  c'est  I'avertissement  de  deux  pages  qui  est  en  tfcle  du 
volume,  el  qui  temoigne  du  moins  de  ses  bonnes  intentions 
et  de  son  esprit  eclaire.  La  premiere  phrase  surtout,  ou  il 
parlc  des  sucres  obtenus  par  les  afmes  de  ses  compatrioles 
ilans  line  cause  qu'il  regarde  connne  coninnine  «  a  tons  les 
fils  dc  l'Eglise  grecque,  combattanl  pour  I'affrnnchissement  de 
la  patrie»,  nous  parait  en  ineme  teins  l'expression  do  senti- 
ment general  que  ceite  cause  a  su  eveiller  cliez  les  Rosses  el 
mi  exemple  de  cetje  sage  tolerance  qui  tend  tons  les  joins,  de 
phis  en  plus,  a  eclairer  le  gouvernement  d'un  pays  on  la  ma- 
nifestation de  la  \  elite  ccsse  a  ses  yenx  d'etre  dangereusc. 

Le  second  de  ccs  ouvrages  ,  qui  eompiend  deux  volumes, 
est  traits  on  ne  pen  tplus  severement  par  VAbeille  du  Norrt 
(n°  i  i/|  de  1828)  ;  elle  assure  qu'il  ne  repond  nullemcnt  a  son 
titrc,  et  rpie  c'est  11110  compilation  d'anciens  et  de  nouveaux 
articles  de  journaux ,  I'aite  sans  elioix  et  sans  aurun  esprit  do 
critique,  ou  Ton  trouve  des  (aides  a  cote  de  reaseignemens 
historiques,  et  de  purcs  niaiseries  meiees  a  des  details  teclini- 
ques  de  geographic  et  de  statistique.  Le  premier  document 
que  nous  offre  cette  compilation,  et  qui  a  pour  titrc  :  Examen 
chronologique  de  fhistoire  des  sultan-:  trues,  est  une  traduction 
fort  mal  faite  d'une  parlie  do  V Art  d?  verifier  les  dales.  Plu- 
sieurs  auteurs  grecs,  allemands,  Irani  ais,  etc.,  parmi  lesquels 
figure  encore  Malte-Brun,  out  etc  mis  a  contribution  par  les 
edileurs,  mais  avec  si  pen  de  soin  et  tant  de  precipitation  que 
leurs  jugemens  Se  croisent,  se  conlredisent,  sans  que  Ton  ait 
cm  nccessaire  seulement  de  le  (aire  remarqucr.  En  nn  mot, 
cct  ouvrage  n'est,  aux  yeux  des  rcdactcurs  de  VAbeille  da Nord, 
que  nous  avons  trouves  rarement  aussi  severes,  et  dont  nous 
n'avons,  d'ailleurs,  aucim  sujet  de  suspecter  ici  la  bonne  foi, 
qu'un  veritable  livre  de  pacotilie ,  commc  on  en  voit  beau- 
coup  trop  aujourd'hui  dans  le  commerce  de  la  librairic. 

Ce  journal  traite  un  peu  micux  (voy.  n"  70  de  1828)  l'ou- 
vrage  de  M.  Ladijensky,  dans  lequel  ii  a  CPU  reconnaitre,  du 
reste,  de  nombreux  et  lYeqiicns  emprunts  fails  a  celui  du  co- 
lonel franoais  Denis  dc  Juchereau.  11  In i  trouve  presque  toutes 
les  qualitcs  opposees  aux  defauts  qu'il  reproche  plus  tard  aux 
deux  volumes  dont  nous  venous  d'entretenir  nos  lecteurs,  et 
rejettc  le  petit  noinbre  de  fautes  qu'il  y  a  remarquees  sur  la 
precipitation  avec  laquclle  1'impression  a  etc  I'aite,  pour  re- 
pondrc  a  remprcsscment  d'un  public  avide  de  renseignemens 


RUSSIE.  —  DANEMARK.  4<£ 

sur  tin  peuple  pour  lequel  sa  vieille  haine  s'est  ranimee  a  la 
flannnc  de  ['insurrection  grecque.  Le  Telcgraphe  de  Moscou 
(n°  10,  mai  1828)  ne  lui  est  pas  tout-a-fait  aussi  favorable, 
et  il  cntre  meme  a  son  sujet,  et  en  commenrant  son  article, 
dans  des  reflexions  generates  qui  se  rapprochent  de  celles  que 
nous  avons  consignees  nous-meme  en  tete  de  cclui-ci,  etou  il 
deplore  le  peu  de  soin  avec  lequel  sont  fails  la  plupart  des  ou- 
vrages  destines  a  repondre  a  iin  besom  du  moment,  el  la  trop 
grande  creance  que  leurs  auteurs  trouvent  aupres  du  public; 
mais  il  se  hate  cependantd'ajouter  que  celui  de  M.  Ladijensky  , 
malgre  tout  ce  qu'il  laisse  a  desirer,  ne  doit  pas  etre  confondu 
avec  ces  honteuses  speculations  pour  lesquelles  la  critique  de- 
vrait  reserver  toutes  ses  rigueurs. 

Nous  consacreronsun  article  special  a  1'ouvrage  de  M.  Iaco- 
venka  ,  qui  nous  a  paru  plus  neuf ,  plus  original  que  les 
precedens.  et  sur  lequel  nous  croyons,  par  consequent,  neces- 
saire  d'arreter  un  peu  plus  long-tems  l'attention  de  nos  lec- 
terns. Edme  Hereati, 


DANEMARK. 


io5.  — A  grammar  of  the  Danish,  etc.  — Grammaire  de 
la  langue  danoise,  accompagnee  d'un  recueil  de  morceauxde 
litterature  en  prose  et  en  vers,  a  l'usage  des  Anglais,  par 
M.  Erasmus  Rask  ,  professeur  d'histoire  litteraire  ,  et  biblio- 
thecaire  a  l'llniversite.  Copenbague,  i83o;  Brummer.  In-8° 
de  xn-iSi  pages. 

Dans  un  terns  011  la  civilisation  scmble  rapprocher  de  plus 
en  plus  les  nations,  comuie  pour  n'en  faire  qu'une  seule  et 
meme  fauiille  tendant  au  meme  but ,  on  applaudit  a  l'appa- 
lition  de  cbaque  moyen  propre  a  resserrer  les  liens  litteraires 
qui  doivent  les  reunir.  M.  Rask  a  ,  sous  ce  rapport,  bien  me- 
rite  de  ses  contemporains.  Peu  de  savans  ont  public  autant 
de  grammairesque  lui,  peu  degrammairesoffrent  une  reunion 
de  qualites  aussi  estimables  que  celles  dont  il  a  enricbi  la  littera- 
ture danoise.  La  simplicite  clans  la  melhode,  la  clartedansl'ex- 
position,  etl'exactitude  dans  les  details  sont  en  general  les  traits 
distinctifs  de  ses  ouvrages.  La  grammaire  que  nous  annoncons 
ne  le  cede  en  rien  a  ses  publications  anterieures ;  il  y  adopte 
le  meme  systeme  qu'il  a  suivi  dans  ses  grammaires  auglo- 
saxonne  et  islandaise;  comme  dans  ses  autres  grammaires, 
on  y  trouve  aussi  un  traite  fort  instructif  sur  la  formation  des 
mots  qui,  pour  l'etude  comparative  des  langues,  est  d'une  si 


404  livres  etrangers. 

grande  importance.  —  Dans  les  details  de  cet  ouvrage  ,  il 
y  a  pourtant  quelques  endroits  oil  nous  ne  sommes  pas  d'ac- 
cord  avec  lui.  Nous  en  citerons  ici  quelques  exemples  :  pour 
faire  connaitre  la  prononciation  de  la  voyelle  6  il  cite  les  deux 
vnots  francais  cceur  et  isuf,  mais  la  voyelle  de  ccs  deux  mots 
se  prononce  differemment.  En  disant,  p.  17,  que  les  mots 
danois  termines  en  let  qui  sont  empruntcs  d'une  langue  etran- 
gere  sont  du  masculin  ,  il  cite  com  me  exception  le  mot 
unicenitet  qui  est  du  genre  neutre.  II  pourrait  aj outer  ici 
le  mot  f/icuttet  qui  est  aussi  neutre  ,  mais  ce  sont  do  petites 
taches  qui  disparaisscnt  au  milieu  de  tout  ce  qu'il  y  a  d'excel- 
lent  dans  cet  ouvrage. 

La  grammaire  est  suivie  d'un  recueil  de  morceaux  de  litte- 
rature  danoise.  Quoique  ces  morceaux  ne  soient  pas  sans  in- 
teret,  nous  aurions  voulu  en  rencontrer  quelques  autres  peut- 
etre  plus  dignes  de  cette  distinction;  nous  regrettons  surtout 
de  n'y  pas  trouver  les  noms  des  auteurs  danois  les  plus  cele- 
bres  ;  enfin  nous  ne  croyons  pas  qu'il  soit  convcnable  d'offrir 
auxcommencans  des  morceaux  d'un  style  antique,  quelqu'en 
soit  d'ailleurs  le  merite.  II  ne  parail  pas  que  l'auteur  ait 
voulu,  par  ce  choix,  offrir  a  ses  lecteurs  un  echantillon  ou, 
pourainsi  dire,  un  avant-gout  des  beautes  de  la  litterature  de 
son  pays  :  toutefois  il  remedie  lui-meme  a  cette  omission,  en 
renvoyant  au  recueil  des  plus  beaux  morceaux  de  cette  litte- 
rature qu'a  publies  M.  Rahbek. 

Le  style  anglais  de  M.  Rask,  selon  l'avis  des  connais- 
seurs,  merite  des  eloges.  II  nous  prouve  de  la  maniere  la  plus 
evidente  sa  capacite  pour  remplir  la  tache  qu'il  s'est  imposec; 
cette  grammaire  lui  vaut  aussi  l'honneur  d'avoir  enrichi  la  lit- 
terature de  son  pays  du  premier  ouvrage  systematique  dans 
ce  genre.  S.  B. 

ALLEMAGNE. 

106. — *Monumenla  Germaniee historica.  — Monumenshistori- 
ques  de  la  Germanic.  T*n.  Hanovre,  iS5o.  In-t'oliode84opag. 

Ce  second  volume  renferme  une  collection  de  documens 
historiques  tres-precicux.  On  sait  que  lc  premier  comprenait 
lesv'et  vie  siecles  ;  celui-ci  va  jusqu'au  xnr.  II  donne  d'abord 
une  vie  de  saint  Gall,  ecrite  au  vmc  siecle  ;  ce  n'est  pas  celle 
qui  est  connue  pour  etre  de  Wielfried  Strabon.  Celle -ci  est 
la  source  de  tout  ce  que  Ton  a  ecrit  sur  saint  Gall.  Elle  est 
suivie  de  beaucoup  d'autres  traites  sur  ce  saint,  etd'un  cata- 


ALLEMAGNE.  4o5 

logue  des  abbes  ilu  monastere  qui  commence  par  saint  Otmar, 
le  premier  qui  se  soit  attache  a  la  regie  de  saint  Benoit ;  sespre- 
decesseurs  suivaient  celle  de  saint  Cnlumban.  Vers  le  milieu 
du  ix'  siecle,  un  moine  de  Saint-Gall,  appele  Rappert,  entrc- 
prit  d'ecrire  l'histoire  du  convent ;  on  public  ici  son  travail. 
Parmi  les  annales  nous  citerons  cedes  de  saint  Amand,  d'apres 
un  manuscrit  de  la  bibliotheque  de  Gand,  ecrit  au  ixe  on 
au  xe  siecle;  celles  de  saint  Bavon,  imprimees  d'apres  un  ma- 
nuscrit du  xive  siecle  apparlenant  a  la  meme  bibliotheque  ; 
celles  de  saint  Maximin  de  Treves;  puis  la  chronique  de  saint 
Martin  de  Cologne,  que  ['on  decouvrit  dans  unpalimpseste  de 
la  bibliotheque  de  "\Valraff.  Viennent  ensuile  les  annales  de 
Xanten,  redigees  par  un  moine  de  cette  ville,  et  les  annales  de 
Fulde.  D'autres  contiennent  encore  la  curieuse  relation  d'un 
tournois  qui  a  eu  lieu  a  Mayence ,  en  1480. 

Du  reste,  ce  recueil  ne  nous  interesse  pas  moins  que  les 
Allemands,  parce  que  M.  Perz,  qui  en  est  1'editeur,  a  revu 
les  annales  de  Limoges,  et  les  a  publiees  d'apres  le  manuscrit 
primitit'  trace,  ii  la  fin  du  ixe  siecle,  dans  le  monastere  de  Saint- 
Marlial.  —  Le  Chronicon  Aqiulaneum,  qui  s'etend  de  83o  a 
1020,  avait  deja  ete  public  parLabbe  et  Martene  :  il  a  subi  une 
pareille  revision.  Nous  avons  encore  remarque  un  autre  litre 
curieux  :  Chronica  de  sex  tctutibus  Mundi;  puis  un  traite  sur 
les  eveques  de  iMetz,  par  Paul  "Warnefried.  M.  Perz  a  omis  , 
toutefois,  le  recit  des  miracles  de  saint  Clement.  II  n'y  a  pas 
moins  de  details  sur  le  monastere  de  Saint-Vendrille,  et  ce 
que  d'Aehery  avait  publie  se  trouve  soigncuscment  corrige. — 
Nous  citerons  anssi  les  Return  Francortnn  genealogice  deja 
imprimees  par  Duchesne  et  Bouquet ,  niais  revues  sur  un  ma- 
nuscrit de  saint  Gall.  Ces  genealogies  nous  imporlent  beau- 
coup,  ainsi  que  le  breriarium  regain  Francorum.  —  On  a 
imprime  anssi  dans  ce  volume  un  poeme  sur  Charlemagne,  ac- 
compagne  d'une  dissertation  pourpmuver  qu'il  n'est  pas  d'AI- 
cuin  ,  mais  d'Angilbert;  puis  la  vie  de  cet  empereur  par  Egin- 
hard  ;  enfih  fa  eelebre  histoire  laissee  pas  Nithard,  qui  prit  part 
au\  demeles  de  Louis-le-Debonnaire  avec  ses  enfans.  Nous 
sonunes  forces  de  nous  arretcr,  croyani  que  nos  indications 
suffisent  pour  faire  comprendre  de  quelle  ressource  sera  ce 
recueil  pour  tons  ceux  qui  veulent  bien  connaitre  le  moyen 
age. 

107. —  *  Universal historischc  UebersichtderGeschichteder  alte  11 
JVett.  —  Coup  d'neil  general  sur  l'histoire  de  l'ancien  monde  ; 
par  M.  Christ.  Schlosser.T.  ii  :  1™  et  1'  parlie :  t.  iv  :  1"  par- 
tie.  Franct'ort  sur  le  Mcin,   i85o.  In-8n. 


4oG  Livni.s  Grangers. 

L'auteur  do  cet  article  a  donne  unc  traduction  de  la  premier* 
moitie  de  cet  ouvrage.  el  I'accueil  qu'il  a  repu  en  France,  nous 
permet  d'annoncer  que  le  public  en  possedera  bientot  la  con- 
tinuation (toy.  ci-dessus,  p.  345  fanalyse  de  cet  ouvrage). 
Nous  allons  prealablement  la  faire connaitre.  L'auteur y  parle 
d'abord  des  successeursd1  Alexandre  el  de  I'efat  politique  etlit- 
teraire  du  monde  sous  leurregne.  Cette  partie  adeja  pan,  en 
francais,  le  traducteur  ayant  juge  a  propos  de  constituent!  eu 
ouvrage  separe  tout  ce  qui  a  precede  la  domination  romaine. 
On  pense  bien  qu'au  sujct  dcs  peoples  italiqucs.  M.  Schlos- 
ser  a  beaucoup  profile  de*  savantes  investigations  de  Niejmhr. 
L'exislenee  de  l'Histoire  de  Rome,  puhliee  par  1'illustre  au- 
teur,  1'a  engage  a  abregcr  beaucoup  ses  recits  sur  les  epoques 
qu'il  a  approfondies.  La  premiere  partie  du  second  volume  at- 
teinl  la  fin  de  la  premiere  guerre  punique.  La  niarche  de 
Rl.  Schlosser  est  moins  rapide,  quand  il  arrive  a  1'epoque  des 
Gracques,  quand  il  nous  parle  de  ^Iarius,  de  Sylla,  de  China 
et  des  revolutions  qui  agiterenl  Rome.  L'histoiredescmpereurs 
est  traitee  avec  beaucoup  d'etemlue,  sin  tout  en  ce  qui  con- 
cerne  la  politique  iutcrieure  et  1'administration.  Le  terme  que 
M.  Schlosser  se  propose  est  la  chute  de  l'empire  d'Occident: 
il  ne  veut  point  aborder  le  moyen  age.  Ce  qui  fail  surtout  le 
merite  de  ce  livre,  e'est  qu'il  n'est  ecrit  dans  Tesprit  d'aueun 
systeme,  d'aucune  secte ;  il  n'est  point  dicte  par  une  opinion 
de  cireonslance,  1'amour  du  vrai  l'a  seul  inspire.  Pendant  qua- 
ranle  ans  de  sa  vie,  l'auteur  s'est  uniquement  voue  a  I'etude  de 
l'anliquilc.  En  vain  d'amcrcs  et  malveillautes  critiques  ont 
cherehe  a  le  decourager,  a  le  priver  de  la  seule  recompense 
que  se  propose  le  veritable  homme  de  leltrcs,  M.  Schlosser  y 
oppose  une  juste  indifference.  II  n'en  retrace  pas  avec  moins 
de  fidelite  le  tableau  des  diverses  epoques,  ses  apercus  litte- 
raires  n'en  sont  pas  moins  recherches.  Content  de  presenter 
les  fails  sous  le  point  de  vue  le  plus  philosophique,  il  pent 
dedaigner  des  chicanes  de  details,  qui,  fussent-elles  fondees en 
quelques  points ,  noleraienl  rien  a  I'harmonie  de  1'ensemble 
ni  a  la  belle  disposition  de  son  histoire.  La  premiere  partie  du 
r>"  tome  s'anete  a  Trajan.  Le  public  allemand  attend  avec 
impatience  les  deux  deruiers  volume.-. 

108.  — :  Georgius  Syncellus  et  JS'wcplioriis  C.  P.  — Georges 
le  Syncelle  et  Nicephore  de  Constantinople;  edition  de  Din- 
dorf.  Bonn,  i83o.  a  vol.  ln-8". 

Ces  deux  volumes  font  partie  de  la  belle  coliection  des  his- 
loriens  de  Byzance  qui  s'avance  avec  beaucoup  de  rapiditc. 
sous  les  auspices  de  M.  iNiebvhr,  et  par  les  soins  d'excellens 
philologues,  ven  le  terme  qu'elle  rloit  atteindre.  Syncelle  n'e- 


ALJLEMAGNE.  4o; 

lail  pas  1'un  des  auteurs  ie^  moins  importans;  il  a  ete  conlie  a 
la  revision  de  M.  Dindohf,  que  ses  tea  vaux  out  rendu  juslement 
celebre.  Dans  une  courte  preface,  il  nous  apprend  qu'il  a  fait 
usage  de  deux  manuscrits  de  la  bibiioiiicque  de  Paris.  L'uu  a 
servi  de  base  a  la  premiere  edition,  telle  que  publia  a  Paris, 
en  i65-',  !e  pere  Goar,  l'autre  a  ete  indique  aux  savans  par 
les  Letties  parisiennes  de  Bredow,  et  M.  Dindorl'cn  aurait 
lire  im  plus  grand  secours  si  ce  manuscrit  n'etait  afflige  de 
nombreuses  lacunes  aux  endroits  les  plus  importans.  II  re- 
prend  le  pere  Goar  au  sujet  de  la  maniere  irrespecleuse  dont 
il  traite  Sealiger;  mais  n'y  a-l-il  pas  tin  peu  de  severite  aussi 
dans  le  jugement  que  M.  Dindorf  porte  surle  pere  Goar  qu'il, 
appelle  mediocri  homo  docirina,  artis  critical  facilitate  nulla, 
negligentia  incrcdibili.  On  n'en  a  pas  moins  reimpiime  ici  son 
canon  chronologique,  scs  animadversions,  et  jusqu'a  son  in- 
dex. On  a  bien  lait  sans  doule,  mais  si  ce  pere  de  1'Oratoire 
n'efit  ete  qu'un  si  mince  erudil,  il  n'y  avait  pas  lieu  de  lui  ac- 
qofder  les  honneurs  dune  compression.  On  doit  a  M.  Dindorf 
la  justice  de  dire  qu'il  a  signale  les  conjectures  et  les  lecons  du 
pire  Goar  et  les  lecons  quelquefois  hasardees  de  ce  savant. 
Quant  a  lui.  il  a  marque  des  letties  A  et  B,  celles  qu'il  doit  a  la 
nouvelle  collection  des  manuscrits  de  Paris.  La  reimpression 
du  Syncelle  n'est  pas  un  des  moindr.es  services  rendus  a  la 
science  de  l'liisloire  par  les  savans  qui  s'occupent  de  repro- 
duce les  Byzantinss  On  sait  de  quelle  importance  est  la  ehro- 
DOgraphie,pour  laconnaissancedes  dynasties  d'Egypte.  Quant 
a   JNicephore,  cet  airhcveque  de  Constantinople  n'a  donne 
qii'uue  chronographia  rompendiaria,  qu'un  abrcge  ,  dans  lcquel 
ont  ete  intercales  des  fails  poslerieuts  a  son  epoque  :  aussi  le 
pere  Petau  cherchait-il  a  ce  tableau  chronologique  un  auteur 
plus  recent ;  on  a  reproduit  ici  la  dissertation  du  pere  Goar,  qui 
combat  vietorieusement  cette  opinion.    En/in,  nous  ne  vou- 
lons  pas  oublier   de  parler  du  traite  de  Bredow  sur  le  Syn- 
celle :  on  Pa  place  a  la  tele  du  second  volume. 

ioi). —  Gesanmu  Ite Sckriflen.  —  Recueil  des  ceuvres  de  Louis 
BoF.KNE.Yol.i-'.ii.  Hambourg,  182;);  Hoffmann.  P.  deGouuliu. 

ftlalgre  sept  volumes  d'oeuvres,  M.  Bcerne  est  un  ecriyain 
encore  ignore  hors  des  limites  tie  l'Allemagne.  Cependant  il 
merile  d'etre  oonnn  a  cause  de  la  tournure  originale  de  son  es- 
piil.  Boerne  est  un  Israelite,  vivanl  d'une  maniere  tres-inde- 
peudante  ;  et  n'ayaBt,  Jain  mi  pays  ou  tout  le  monde  a  des 
litres,  que  le  simple  degre  de  docteur,  que  les  universites  ac- 
cordent  tres-facilement,  et  que  portent  lousceuxqui  n'onl  pas 
d'autres  tides.  Encore,  ne  parait-il  pas  que  I\l.  Bcerne  se  pare 
de  ce  nom  insignifiant.  Cet  auleui  est  du  nombrc  desecrivaim 


4o8  L1VKES  feTRANGEUS. 

alleinandsqui  ont  cru  dc  bonne  foi,  pendant qnelque  lenis,  que 
levir  pays  etait  appele  a  jouir  des  bienfaits  de  la  liberie  de  la 
presse.  En  1818,  lorsque  lea  petits  Etats  d'Allemngue  oserent 
lever  la  main  pesante  de  la  censure,  en  depit  de  1'Autriche  , 
M.  Bcerne  (Hun  journal  in  tit  die  :  DielVaagc,  la  Balance,  on  il 
signalait  franehement  les  abus,  etexposait  avecvcrile  la  situa- 
tion de  ['Allemagne.  Ce  journal  tut  an  nombre  dcsrecueils  les 
plus   francs  et  les  plus  redoulables  pour  le  pouvoir  absolu, 
parte  que  l'auteur  y  maniait  avec  adresse  l'armc  de  l'ironie  et 
du  sarcasme,  qui  mine  quelquefois  les  projets  les  mieux  tra- 
mes  dans  le  silence  et  l'obscurite.  On  sail  que  les  dectcts  ou 
conventions  de  Carlsbad  ne  tarderent  pas  a  enlever  aux  jour- 
naux  allemandsla  liberie  dont  ilsavaient  joui  tin  moment.  Les 
journalistes  independans  virent .  qu'ils  n'avaient  d'autre  parti  a 
prendre  que  de  deposer  la  plume.  La  plupart  sc  flattaient  que 
l'esclavage  lie  la  presse  ne  durerait  que  peu  de  terns:  mais  il 
continue  encore,  quoique  mitige  et  modifie  dans  plusieurs  pe- 
tits Etats  de  la  confederation.  M.  Bcerne  vint  en  France,  et 
nous  l'avonsvu  quelquc  terns  babitcr  l'ermitagede  J.-J.  Rous- 
seau, dans  la  vallee  de  Montmorency.  Etant  retourne  ensuite 
en  Allemagne,  il  continua  de  fournir   des  articles  non  poli- 
tiques,    mais  pleins  de  sarcasrnes  ,  aux  journaux  les  moins 
esclaves.  Ses  oeuvres  ne  se  composent  guerequede  morceaux 
ecrits  pour  les  journaux.    Ayant  eu  occasion  de  comparer  la 
nation  allemande  avec  d'autres  grandes  nations,  l'auteur  pa- 
rait  trouver  dans  Papatbie  de  ses  compatriotcs  une  des  prin- 
cipals causes  de  1'etat  de  servitude  dans  lequel  on  s'efforce  de 
les  tenir.  De  la  ses  remarqa.es  ironiques  sur  le  caractere  alle- 
mand  qui  se  repetenljusqu'a  saliele  dans  ses  ecrits,  et  qui,  toutes 
spirituelles  qu'elles  sout,  ne  laissent  pourtant  pas  d'exciter  un 
peu  la  bile  des  Allemands.  On  dirait  que  l'auteur  est  un  enne- 
mi  ardent  de  la  nation  ;  cependant,  il  est  evident  qu'ilnc  bait 
que  lesdefauts  qui  empechent  1' Allemagne  d'etre  libre.  Cette 
pauvre  Allemagne,  avec  ses  trente-huit  souverains,  sa  divi- 
sion invariable   en  caste  noble   et  caste   roto-fiere ,  ses  res- 
tes  de  feodalite  et  de  gothicisme ,  a  eertainement  beaucoup 
a  sereprocher  de  n'etre  jamais  parvenue  a  cette  unite  de  gou- 
verncinent  et  de  nation ,  a  Iaquelle  sont  arrives  les  autres  peu- 
ples  d'Europe,  depuis  le  moyen  age,  et  a  elre  restee  avec  tant 
de  princes  et  si  peu  de  pouvoir  reel.  Cependant,  combien  de 
traits  louables  ne  se  deploient  pas  a  cote  de  cette  insouciance? 
et  quelle  energie  n'a-t-elle  pas  revelec  dans  quelques  circons- 
tances  importantes?  II  faudrait  lui  tenir  compte  de  ses  quali- 
tes  en  la  pageant.  C'est  ce  quene  fait  guere  M.  Boerne  dans  ses 
sarcasrnes  qui,  aureate,  ont  le  but  patriotique  de  reveiller 


ALLEMAGMv  4oy 

1'AUemagne  de  sa  lelhargie  apparente.  Les  deux  premiers  vo- 
lumes des  ceuvres  de  Boerne  contiennent  des  articles  de  spec- 
tacles particulierement  sur  le  theatre  de  Francfort ;  les  deux 
volumes  suivans  sont  remplis  de  morceaux  poliliques  qui, 
dans  les  journaux,  avaicntete  en  partie  mutiles  par  lacensure. 
Dans  le  cinquieme  volume,  l'auteur  donne  ses  observations 
sur  les  moeurs  parisiennes  et  sur  le  mouvement  de  la  littera- 
ture  dans  cette  capitate.  Dansces  observations,  l'auteur  traite 
quelquefois  les  Fraucais  avec  aussi  peu  de  management  que 
ses  compatriotes ;  cependant,  on  ytrouve  aussi  des  reflexions 
fines,  ct  des  tableaux  piquans  qui  tourncnt  de  terns  en  terns  a 
la  caricature.  Les  deux  derniers  volumes  contiennent  des  me- 
langes qui  ne  sont  pas  tous  egalement  bons;  on  y  remarque 
tropque  l'auteur  vise  a  l'effet,  et  veuta  toute  force  etre  mor- 
dant. En  general  un  choix  plus  severe  aurait  mieux  servi  la 
reputation  de  l'auteur. 

no.  —  Die  Pappenlieimer ,  historisch-romantisches  Gemalde. 
— Les  Pappenbeim,  tableau  historique  et  romantique  du  tems 
de  la  guerre  de  trente  ans  ;  par  A.  de  Tromutz.  Dresde  et  Leip- 
zig, 1829;  Arnold.  4  vol.  in-12. 

Les  romans  a  la  "Walter  Scott  continuent  de  se  multiplier  en 
Allemagne.  L'epoque  de  la  guerre  de  trente  ans,  ou  tant  d'in- 
terets  seculiers  et  religieux  etaient  en  jeu,  est  excellente  pour 
les  romanciers.  C'est  la  aussi  que  M.  de  Tromlitz  a  pris  son 
heros.  Pappenheim,  general  noble  et  catholique,  qui  assiege 
Magdebourg,  inspire  de  1'affection  a  la  fille  d'un  bailli,  devoue 
a  la  cause  des  protestans,  la  deshonore,  la  meprise,  manque 
d'etre  empoisonne  par  elle,  et  meurt  apres  s'etre  repenti 
d'avoir  fletri  I'innocence  de  cette  heroine  qui,  du  reste,  prend 
des  resolutions  desesperees.  Ce  qu'il  y  a  peut-etre  de  meilleur 
dans  cc  roman ,  ce  sont  les  tableaux  guerriers,  les  scenes  de 
camp,  les  luttes  entre  le  catholicisme  et  le  protestantisme  sur 
le  champ  de  bataille.  D — c. 

Outrages  Periodiques. 

111.  — * Zeitschvifl  filr  Rechtswisscnscliaft.  —  Journal  criti- 
que de  jurisprudence  et  de  legislation  etrangere ;  public  par 
MiM.  Mittermaikr  et  Zaccharij:;  t.  11,  cab.  1 — ^8.  Heidel- 
berg, 1  B3o. 

Des  articles  reiteres  ont  signale  l'importance  de  ce  recueil : 
le  cahier  que  nous  annoncons  aujourd'bui  n'a  pas  moins  d'iu- 
teret.  S'agit-il  de  legislation  anglaise?  on  y  rencontre  unedis- 


410  LIVRES   ETRANGERS. 

cussioq  sur  les  actesdu  parlement,  en  matiere  de  banqueroute. 
des  remarques  sur  le  droit  de  prdpriete  fonciere,  uue  Notice 
sur  les  dispositions  relatives  auxdelits  de  la  presse;  eulin,  des 
vucs  sur  les  vices  de  ['administration  de  la  justice  a  la  chan- 
cellerie.  S'ag\jt-il  de  lois  a  etablir?  qu'qp  Use  les  beaux  arti- 
cles de  ML  Mittcrmaier  sur  les  projets  de  eode  criminel  pour 
les  l'ays-Bas  ;  eulin  ,  nous  pouvons  y  Irouver  sur  nos  propres 
affaires  des  articles  digues  de  la  plus  scrieuse  attention  ;  ear 
M.  Foelix  a  examine  dans  ce  cahier  les  detains  de  notre  sys- 
terae  hypothecate,  et  M.  Devaux  s'est  livre  ;i  une  savante  ct 
ingenieusc  discussion  sur  le  duel.  Pour  assurer  la  bonte  d'un 
sysleme  hypothecate,  il  fa ut  quele  capilalislc  puisse  connailre 
exactement  I'etatactuel  de  la  fortune  de  son  dehiteur ;  il  faut  que 
legage  ne  puisselui  etresoustrait,  sans  leconooursdesa  volon- 
tc.  Et  e'est  prccisement  ('absence deces  deux garanties qui  nous 
afllige.  ML  Foelix  fait  remarquer  que  nous  n'avons  pas  meme 
desinoyens  certains  pour  savoir  si  I'emprunteur  est  rcellement 
proprietaire  de  rinuneuble,  la  transcription  n'ayant  pas  lieu 
clans  tons  les  cas,  ct  laissant  en  dehors  les  vices  du  litre  du  ven- 
deur.  Les  charges  dont  mi  bien  a  pu  etre  greve  sont  impos- 
sibles a  decouvrir;  la  fraude  est  aisee,  et  ici  on  cite  l'excniple 
d'un  dehiteur  qui  engagea  deux  fois  les  memes  immeubles, 
pretendant  qu'ils  ne  l'etaient  pas,  et  appuyant  ce  mensonge  en 
ne  fournissanta  chaque  creancier  que  deux  de  sesquatre  abon- 
tissans,  tandis  qu'il  avail  presente  an  premier  1'indicalion  des 
deux  autres.  Les  actions  resolutoires,  les  reductions  pour  sur- 
venance  d'enfans,  les  hypotheques  independantes  d'inscrip- 
tion,  sont  au tantde  picges  clans  lesquelspeut  lomber  le  crean- 
cier. M.  Foelix  se  plaint  surtout  de  ce  que  les  registres  ne 
contienncnt  que  les  noms  des  proprietaires,  au  lieu  d'etre  ap- 
pliques aux  biens  eux-memes,  en  sorte  qu'il  est  impossible  de 
savoir  si  ces  biens  sont  greves  du  chef  d'un  autre  proprietaire; 
d'ou  resulte  la  necessite  de  se  procurer  les  noms  de  tons  ceux 
qui  onl  possede  depuis  dix  on  vingt  ans,  ou  meme  depuis 
t  rente-,  quand  il  n'y  a  pas  eu  transcription.  Les  actes  notaries 
peuvent  etre  entaches  de  nullite,  ne  valoir  que  comnie  actes 
•sousseing-prive,  et  ne  point  autoriserd'inscriplions  :  les  borde- 
reauxeux-memessontsuietsabcaucoupde  nullites.  Rien  n'em- 
peche  le  dehiteur  de  dcteriorcr  le  gage,  soil  en  consentant  des 
servitudes,  soil  en  faisant  des  coupes.  Les  omissions  commi- 
ses  par  le  conservaleur,  dans  les  extraits  qu'il  delivre,  la  diffi- 
culte  de  negocier  les  creances,  les  frais  et  les  delais  des  expro- 
priations, enfin,  lesfraudesqui  peuvent  se  conimettre  clans  les 
ordres,  sont  autant  devices  auxquels  il  faut  remedier.  M.  Foe- 


AJLLEMAGNE.  4,1 

lix   nous  promet  lur   ces   divers  points  des  vues  que   nous 
attendons  avec  impatience,  car  il  a  I' erudition et  la  sagacitene- 
eessaires  pour  bien  discuter  ces  graves  questions.  Passonsa  L'ar- 
ticle  sur  lo  duel,  il  commence  par  le  narre  du  fait  qui  a  si  fort 
exerce  la  jurisprudence  des  cours.  Le  projet  de  loi  estanalyse, 
ainsi  que  la  discussion  qui  s'en  est  sui vie  a  la  chambre  des  pairs; 
on  indique  quelques  ecrita  publics  a  cetle  occasion  ;  enfin,  l'au- 
teur  aborde  lui-meme  le  fond  de   la  question.  Lorsqu'un  fail 
existe  depuis  des  siecles,  lorsque  des  citoyens  paisibles,  des 
homines  d'honneur  avouent  qu'eux-meincs  obeiraient  a  l'opi- 
nion  qui  l'etablit,  il  faut  bien  que  ce   fait  et  cette  opinion  ne 
soient  pas  les  eil'cts  d'un  simple  prejuge.  II  est  des  actions  qui 
echappent  a  la  prevoyance  des  lois.  De  menie  qu'on  ne  pent 
recompenser  tout  ce  qui  est  bien,  on  ne  peut  punir  tout  pe 
qui  est  mal.  La  societe  n'a  done  pas  pourvu  a  toute  espece  de 
vengeance,  nee  d'une  offense  particuliere.  D'ailleurs,  il  est  des 
actions  que  Ton  ne  porterait  pas  a  la  counaissance  des  tribu- 
naux  pour  en  obtenir  la  reparation.  Traliirait-on  le  secret  de 
la  foi  conjugate  blessee?  celui  de  I'atteinte  portee  a  la  purete 
du  lit  virginal?  et ,  cependant,  n'yaura-t-il  aucune  reparation 
pour  des  fautes  qui  attaquent  la  societe  dans  sa  base?Tandis 
qu'elle  protege  minutieusement  tous  les  pas  de  l'homme  dans 
la  vie  physique,  la  plus  noble  paitie  de  notre  elre  restera-t-elle 
sans  defense?  Le  duel  seul  pent  resoudre  la  question;  il  nous 
vient  de^  antiques  races  germaines;  el,  pour  sa  justification, 
deux  conditions  seules  sont  exigees  :  i°  te  danger  reciproque  ; 
2°  la  publicite  et  ia  loyaute.  On  refute  apres  cette  deduction 
les  argumens  qu'on  pourrait  tirer  de  ce  qu'on  a  dit  conlre  le 
suicide,  on  de  l'immoralite  de  la  peine  de  mort,  pour  pros 'i 
crire  le  duel.  La  seconde  question  (jue  se  propose  l'auteur  est 
celle  de  savoir,  s'il  est  possible  d'empecber  ie  duel  par  des  lois. 
Ce  ne  sont  plus  des  theories,  ce  sont  des  fails  qu'il  rapporte. 
La  Ckataigneraie,  favoride  Henri  II ,  peril  en  duel,  ce  fut  I'oc- 
casion  de  la  premiere  ordonnance  con  tie  les  combats  singu- 
Hers;  et,  dans  moins  de  dix  ans,  on  compta  plus  de  dixmille 
victimes  du  duel;  plus  de  huit  mille  perirent  sous  CharlesI.Y 
et  Henri  III ,  malgre  lcurs  scveres  dispositions,  et  bien  que  le 
concile  de  Trente  eut  j)iit  soin  de  declarer  que  e'etait  un  tour 
du  diable  pour  s'emparer  des  aines  par  la  mort  violente  des 
corps.  Henri  IV  adoucit  les  rigueurs  de  scs  predecesseurs,  et 
Ton  se  battit  moins;   enfin,  quand  Richelieu  fit  revivre  les 
anciennes  peincs,  on  aocourut  de  toute  la  France  a  Paris  pour 
se  battre  sous  ses   fenelres.  Aujourd'hui,  qu'il  ineurt  moins 
d'individus  par  suite  du  duel ,  que  le  hasard  n'en  fait  flapper 


4.a  livues  Strangers. 

par  la  foudre,  pourquoi  porter  line  loi  centre  le  duel?  II  n'y  a 
plus  de  batailleurs  de  profession,  et  l'Europe  en  est  a  jamais 
purgce.  Dans  unc  troisieme  partie,  M.  Devaux  prouve  que  la 
loi  nou voile  n'est  pas  propre  a  atteindre  le  but  qu'on  se  pro- 
pose. D'abord,  il  n'y  a  point  de  definition  generate  ;  le  duel  est 
restreint  a  deux  cspeces  d'armes;  en  second  lieu,  il  peche  et 
par  la  nature  des  peines,  et  par  la  procedure  qui  precederait 
leur  application.  Mieux  vaudrait  se  contenter  de  declarer  que 
le  duel  est  pcrmis,  et  que  la  deloyaute  seule  occasionera  des 
poursuites,  a  raison  du  crime  de  meurtre  ou  de  blessures.  Cet 
article  est  plein  de  vues  ingenieuses  et  d'apercus  justes  ;  nous 
n'avons  pu  les  indiquer  que  tres-sommairement.  Ceux  de  nos 
lecteurs  qui  voudront  le  lire  en  francais,  le  trouveront  dans  le 
cahier  de  fevrier  de  la  Revue  Germanique,  dans  lequel  il  a  ete 
traduit. 

i  ia.  — *  Archiv  fur  Geschichte.  — Archives  d'histoire  et  de 
litterature.  publiees  par  Schlosser  et  Bercht.  T.  i.  Francfort- 
sur-le-Mein,  i83o.  In-8°. 

Voici  un  nouveau  recueil  periodique  dont  le  but  est  d'em- 
brasser  la  science  historique  dans  toutes  ses  branches,  de  rece- 
voir  dans  ses  cahiers  les  dissertations  que  beaucoup  de  savans 
laissaient  ignorees  dans  leurs  poi  tefeuilles,  et  de  publier  enfin 
des  analyses  d'ouv rages  importans.  II  n'est  pas  besoin  de  dire 
que  les  juges  sont  competens  :  quandon  a  nomme  les  auteurs 
de  ce  recueil,  ou  a  rappele  par  cela  meme  les  tilres  incontes- 
tables  qu'ils  ont  al'estime  de  l'Europe  savante.  Jetons  main- 
tenant  un  coup-d'reil  sur  ce  premier  cahier.  On  y  trouve, 
d'abord,  un  morceau  intitule  :  La  Fitte  et  la  Femme  d'un  mi- 
nistre  de  la  revolution;  il  y  est  question  de  j\lrac  de  Stael  et 
de  M""  Roland.  Mous  ferons  connaitre  celte  production  de 
M.  Schlosser  avec  plus  de  details,  quand  la  traduction  qu'on 
imprime  dans  ce  moment  aura  ete  publice;  en  attendant,  nous 
avertirons  nos  lecteurs  que  l'auteur  se  propose  de  donner  line 
seconde  edition  de  son  histoire  du  xvuT  sieclc ,  et  de  publier 
prealablement  plusieurs  morceaux  de  ce  genre.  Celui-ci  est 
plein desagacite,  de  vues  profondes  et  ingenieuses.  M.  Schlos- 
ser a  encore  iourni  a  ce  cahier  des  lettres  sur  le  Dante ;  un 
article  sur  l'histoire  de  la  Suisse,  par  Meyer;  un  apercu  sur 
l'etat  des  corps  enseignans,  des  professeurs  et  des  eleves  an 
tems  de  Julien  ;  des  recherehes  sur  les  sources  auxquclles  out 
puise  les  historiens  latins  des  derniers  tems;  enfin,  un  article 
sur  l'histoire  des  Ominayades  en  Espagne.  —  Quant  a 
M.  Bercht,  il  a  enrichi  ce  cahier  d'un  morceau  fort  etenclu 
sur  le  proces  de  Fouquel,  et  de  l'examen  de  trois  ouvrages 


ALLEMAGNE.  4i5 

de  M.  Bignon ;  enfin,  il  y  a  joint  des  remarques  sur  Heeren. 
Quant  a  present,  nous  nous  bornerons  a  communiquer  a  nos 
lecleurs  quelques  indications  sur  l'un  des  morceaux  de  ce 
journal  liistorique  ;  celui  qui  concerne  les  historiens  latins,  et 
les  ressources  que  leur  ofl'iaient  les  docuniens  publics  de 
Rome.  51.  Schlosser  fait  remarquer  que,  des  les  tenls  les  plus 
anciens,  le  grand-pretre  tenait  note  des  evenemens  les  plus 
importans,  et  que  le  tableau  qui  les  rappelait  etait  afliche  pu- 
bliquenient.  C'etait  bien  la  un  journal  officiel,  dont  chaciin 
pouvait  prendre  des  copies.  Les  lettres  devinrent,  dans  la 
suite,  un  moyen  de  publication  et  presqu'unesortede  gazette. 
11  y  avait,  au  terns  de  Ciceron,  des  gens  qui,  moyennant  sa- 
laire,  se  chargeaient  de  tenir  les  absens  au  courant  des  affaires 
de  l'Etat.  Beaucoup  de  lettres  ecrites  a  un  ami  l'etaient,  en 
effet,  pour  toutes  les  notabilites  de  la  province  oii  il  se  trouvait 
et  dans  laquelle  on  les  faisait  circuler.  II  en  est  de  meme  des 
epilres  des  apotres  ecrites  conformement  a  cet  usage.  Cesar 
voulut  que  les  actesdu  senatet  ceux)du  peuple  fussent  publies 
jour  par  jour.  Dodwell  etReinesius  nous  ont  conserve  des  frag- 
mens  de  ces  journaux,qui  remontent  jusqu'a  la  guerre  contre 
Persee.  On  y  lit  la  relation  d'un  jugement,  puis  celle  d'une 
querelle  de  cabaret,  des  details  sur  vine  espece  de  faillite.  De 
tout  cela  il  resulte  que,  des  lors ,  les  moyens  de  publication 
etaient  fort  multiplies.  51.  Schlosser  prouve  que  Cesar  pensait 
a  propager,  par  tous  les  moyens  possibles,  la  connaissance  des 
affaires  publiques,  et  qu'en  effet  il  songeait  a  une  sorte  de 
monarchiepresqueconslitulionnelle;  mais  Auguste,  plusporte 
au  despotisme,  revoqua  ces  decrets,  et  les  journaux  furent  re- 
duits  a  la  condition  des  petites  affiches.  Les  acta  publico,  dcttrna, 
urbana  etaient  fort  recherches.  On  les  lisait  dans  les  provinces, 
aux  armees,  mais  non  pas  toujours  sans  danger;  des  lors,  le 
gouvernement  avait  sesdelateurs,  et  Ton  accusait  d'opposition 
tout  ce  qu'il  y  avait  d'honorables  citoyens  en  butte  a  la  haine 
des  favoris  des  empereurs.  On  faisait  aussi  des  recueils  d'anec- 
dotes  scandaleuses  dans  le  genre  des  Memoires  de  Chapelle  et 
Bachaumont.  Les  Grecs  ordinairement  s'en  chargeaient.  De 
la  vient  que  les  derniers  historiens  citent  ordinairement  des 
aulorites  grecques.  Ces  collections  etaient  souvent  de  meil- 
leures  sources  que  les  bulletins  officiels  des  armees,  ou  la 
flatterie  attribuait  aux  empereurs  des  exploits  mensongers. 
M.  Schlosser  rapporte  en  ce  genre  des  faits  fort  curieux  :  les 
details  qu'il  donn  e  sur  Torganisation  des  archives  ne  sont  pas 
moins  interessans.  Ph.  de  Golbery, 


414  LIVUES  ETRANGERS. 

ITALIE. 

n3. — *Bibliotcca  agraria,  etc. —  Bibliotheque  agraire  on 
Recueil  d'instructions  choisies  sur  1'agricultufe.  t.  xii.  Du 

nuirier  et  des  vers  dsoie  :  instruction  redigee  par  M.  J.  Mohetti 
et  M.  C.  CnioLiM.  Milan,  1829;  Stella  ct  fils.  In-16  tie  xvn 
et  551)  pages. 

Nous  avons  annonre  dans  le  terns  la  publication  du  pre- 
mier volume  decette  utile  collection  (voy.  Rev.  Enc.  t.  xxxiii, 
p.  5 12).  Depuis  lors  elle  s'est  augmentee  d'un  grand  nombre 
tie  volumes  qui  ont  completement  repondu  a  ce  que  faisait 
esperer  le  premier,  Lnouvrage  dece  genre  manque  en  France, 
011  I'agricufture  n'est  peut-etre  si  reculee  que  parcc  que  nous 
n'avons  point  de  bons  livres  elementaires.  Le  Calendrier  du 
bon  cultivate ur,  et  les  Annates  de  Rovltle ,  par  M.  de  Dom- 
basle ,  sont  presque  !es  seuls  qui  puissent  fitre  lus  avec  fruit 
par  la  masse  des  agriculteurs,  et  encore  y  aurait-il  beaucoup 
de  cboses  a  retrancber  et  d'autres  a  ajouter,  car  les  traites 
elementaires  d'agriculture  doivent  surtout  etre  concis,  com- 
plets  et  clairs.  II  serait  tres-utile  que  des  hommes  de  pratique, 
aides  par  des  gens  instruits  dans  les  sciences,  sereunissent  afin 
depublier  une  suite  d'ouvrages  oiil'onrattacberait,  auxprinci- 
pes  fondanicntaux  de  l'agriculture  et  de  1'economie  domestique 
rurale,  toules  les  decouvertes  et  les  inventions  nouvelles,  tous 
les  perfectionnemens  obtenus.  Les  connaissances  agricoles  se 
repandent  beureusement  tous  les  jours,  les  etablissemens- 
modeles  se  multiplient,  et  il  est  probable  que  la  collection 
dont  nous  parlous  obtientlrait  un  grand  succes.  —  On  en  pent 
juger  par  1'utilite  veritable  qu'un  traite  pared  a  celui  de 
MM.  Morelti  et  Chiolini  aurait  dans  beaucoup  de  departe- 
mens  francais  on  la  culture  du  murier  et  la  production  de  la 
soie  est  arretee  par  le  defaut  de  bons  renseignemens.  Nous 
avons  vu  nous-memc,  dans  le  departement  de  l'Ain ,  et  dans 
plusieurs  parties  du  Dauphine,  des  entreprises  considerables 
echouer  parce  qu'on  n'avait  pas  des  guides  sfirs,  et  qu'on  crai- 
gnait  la  depense  qu'il  aurait  lallu  i'aire  pour  se  procurer  au 
loin  des  chefs  d'atelier  et  des  ouvriers  instruits  et  experimen- 
tes  :  un  manuel  pratique  aurait  pare  a  tous  les  inconveniens 
et  appris  une  i'oide  de  ces  choses  toutes  simples,  qu'il  n'est 
pas  i'acile  de  trouver  lorsqu'on  n'est  pas  deja  penetre  tie  la 
matiere.  —  Les  deux  auteurs  italiens  traitent  en  detail  ce  qui 
regarde  la  culture  du  murier,  ils  decrivent  les  diverses  espe- 
ces,  leur  influence  sur  la  soie  des  vers  qui  s'en  nourrissent,  la 


ITALIE.  4,5 

maniere  d'elever  ces  animaux,  le  choix  du  local  ou  on  les 
place  ,  la  disposition  des  tahlcttes  oti  on  les  expose,  les  ma- 
ladies auxquelles  ils  sont  sujets;  les  outils  et  ustensiles  neces- 
saircs  a  tout  etablissement  de  cette  nature,  etc.,  etc.  Ils  ont 
fait  un  tres-bon  ouvrage  sur  1111  sujet  important  pourlenr  pa- 
trie,  qui  trouve,  dans  la  production  de  la  soie,  une  de  ses 
principalis  sources  de  revenus. 

1 14.  —  Viaggio  di  Terra  Santa,  etc.  — Voyage  a  la  Terre- 
Sainte,  divise  en  chapitres  selon  l'ordre  des  matieres,  par  le 
docteur  Santino  Daldini,  cure  de  Saltrio.  Milan,  1829;  Motta. 
In- 12  dc  168  pages. 

M.  Daldini  partit  de  Rovellasca,  dans  le  diocese  de  Come, 
au  mois  d'avril  1 8 1 4 •  H  passa  par  Eivourne,  Zante,  Spezia, 
Micoui,  Tine,  Rhodes,  Alexandrie  d'Egypte,  Tyr  et  Ptole- 
mai's.  Arrive  a  Nazareth^  il  s'y  arreta  et  celebra  la  messe  au 
lieu  meme  011  s'accomplit  ie  mystere  de  I'Annonciation.  II 
visita  ensuite  les  lieuxcelebresdes  environs  :  le  Thabor,  Cana, 
Tiberiade,  le  Jourdain;  puis  Saint-Jean  d' Acre,  Jaffa,  et  enfin 
Jerusalem,  ou  il  entra  le  14  decembre  1814.  Ily'trodra  la 
pesle,  et  nous  devons  le  croire  lorsqu'il  raconte  qu'il  prodi- 
gua  ses  soins  evangeliques  dans  cette  triste  circonstaiice,  oi'i 
ils  etaient  fort  necessaires,  puisque  les  moines  dominicnins, 
chez  lesquels  il  etait  loge,  montraient,  selon  lui  ,  beaucoup 
moins  de  zele  que  de  crainte.  Betbleem  attira  aussi  ses  pas  , 
et  apres  avoir  parcouru  tous  les  lieux  que  consacrent  les  tra- 
ditions ehretiennes,  il  quitta  Jerusalem  le  5o  decembre  i8i4- 
II  revint  par  Jaffa,  Damiette,  Rosette  et  Alexandrie.  De  cette 
derniere  ville,  il  partit  pour  Candie  :  mais  une  lempete  le 
rejeta  sur  la  cote  d'Egypte.  II  se  remit  bientot  en  mer,  et  ne 
fut  cette  fois  guere  plus  heureux,  car,  arrive  a  la  hauteur  de 
I'ile  de  Sardaigne.  le  navire  qui  le  portait  fut  capture  par  un 
corsaire  de  Tripoli,  qui  fit  du  pauvre  pelerin  un  miserable 
esclave.  Sa  captivite  dura  trois  mois,  et  prit  fin  par  l'entre- 
mise  du  consul  anglais.  Enfin  il  arriva  a  Livourne  au  com- 
mencement d'aoiit  i8i5,  se  rendit  a  Rome,  obtint  plusieurs 
audiences  du  pape,  auquel  il  remit,  comme  tous  ceux  qui 
reviennent  de  la  Terre-Saiote,  les  plaintes  des  moines  qui 
I'habitent  et  qui  sollicitent  des  secours  temporels  du  pere 
spirituel  des  fideles,  et  rentra  sain  et  sauf  a  Come. 

On  voit  que  ce  voyage  est  uniquenient  religieux,  et  qu'il 
n'avait  aucun  but  scientifique  ou  historique.  La  simplicite  de 
la  narration  de  M.  Daldini,  son  style  inexperimente,  sa  facon 
superficielle   de  juger  les  moeurs  et  le  caractere  des  peuples 


/,i6  livkes  ltr  angers. 

chcz  lesquels  il  passe,  montrent  que  e'est  la  probablemcut 
son  premier  et  son  dernier  essai  comme  ecrivain,  qu'il  n'a 
point  fait  ce  long  pelerinage  pour  en  tirer  parti  litterairement, 
ct  qu'il  nc  l'a  entrcpiis  que  pour  salisfaire  a  un  sentiment 
purement  rcligieux,  qui  est  en  debors  du  domaine  de  la  cri- 
tique ;  du  rcste  e'est  une  satisfaction  qu'il  s'est  donnee  a  ses 
piopres  frais ,  et  qui  n'a  lien  coute  qu'a  lui.  Nous  avons  des 
pelerins  qui  n'ontpas  autant  de  desinteressement,  ct  qui  voya- 
gent  avec  inoins  de  simplicite.  P. 

1 15.  ■ —  //  Viaggio.  —  Le  Voyage,  poeme  de  CalUroc  Scbe- 
zia  (nom  que  porte  Mrae  Ce'cile  de  Luna  Folliero,  comme 
membre  de  1' 'Academic  Pontaniana.de  Naples).  Naples,  i83o; 
imprimerie  franeaise.  In-8°  de  80  pages. 

Le  poeme  que  nous  annoncons  a  etc  inspire  a  Mme  de  Luna 
par  la  reconnaissance;  elle  l'adresse,  comme  un  bommage  de 
ce  sentiment,  a  Ms1'  le  due  et  a  Mme  la  ducbesse  d'Orleans.  Ce 
petit  poeme  a  pour  sujet  le  voyage  que  Pauteur  fit,  il  y  a 
quelques  aunees,  de  Naples  a  Paris,  et  il  se  divise  en  six 
chants,  composes  de  tercels  (tcrzine).  Lesverssont  empreints 
d'une  douce  melancolie,  et  plcins  de  ces  tendres  epanchemens 
de  coeur  d'une  jeune  femme,  qui  ne  manquent  jamais  de  faire 
impression  sur  les  times  sensibles.  Nous  y  avons  remarque  de 
belles  et  nobles  pensees,  et  des  images  vives  et  gracieuses.  Les 
plus  beaux  passages  de  ce  poeme  se  trouvent  dans  le  2C  chant, 
qui  contient  la  description  d'une  tempete  sur  mer ;  dans  la  der- 
niere  partie  du  5",  o\\  Mme  de  Luna  exprime  son  admiration  et 
son  amour  filial  pour  le  venerable  51.  Charles  Pougens  ;  et  en- 
fin,  dans  le  6%  dont  le  sujet  est  la  premiere  entrevue  qu'elle 
eut  avec  Mme  la  duchesse  d'Orleans. 

Le  style  est  naturel  et  correct,  a  tres-peu  d'exceptions  pres. 
La  versification,  toujours  elegante,  harmonieuse,  rappelle  la 
maniere  des  poetes  classiques  de  l'ltalie. 

Cependant,  nous  devons  nous  etonner  que  Mme  de  Luna,  qui 
est  Ttalienne ,  et  qui ,  eertes ,  n'a  pas  l'oreille  moins  delicate 
que  ses  compatriotes,  en  general,  ait  pu  faire.  un  eloge  sincere 
de  nos  orgues  de  Barbarie  (  voy.  la  Note  a  du  6e  chant ) ,  et 
nous  doutons  fort  qu'un  veritable  amateur  de  musique  veuille 
y  souscrire. 

Nous  recommandons  ce  volume  a  tous  ceux  qui  aiment  la 
poesie  italienne,  et  nous  sommes  persuades  qu'ils  conserve- 
ront,  long-tems  encore  apres  l'avoir  lu,  les  douces  emotions 
qu'il  leur  aura  fait  eprouver.  M. 

ufi.  — /  Prigionieri  di  P'mighettone ,  etc.  — Les  prison- 


ITALIE.  4i7 

diers  de  PizzigheUone,  roman  historique  du  xvi*  siecle;  pur 
I'auteur  de  Sibilla  Odaleta  et  dc  la  Fiancee  tigurienne.  Milan, 
1829;  Stella  et  Qls. 

Nousavons  annonce  il  y  a  peu  de  terns  les  deux  premiers 
ouvrages  de  I'auteur  anonyme  de  ce  nouveau  roman  histori- 
que, et  nous  avons  du  faire  une  part  a  I'eloge,  une  autre  au 
blame  ( voy.  Rev.  Enc,  t.  xlv,  p.  678).  Aujourd'hui  I'eloge 
sera  plus  complet  et  la  critique  moins  severe  sans  cesser  d'etre 
juste.  L'auteur  a  fait  des  proxies  evidens;  il  parait  vouloir 
partager  avec  M.  Manzoni  et  I'auteur  de  Falco  de  la  Hoche 
le  sceptre  du  roman  historique  en  Italic  Nous  l'encouragerons 
de  toutes  nos  forces.  L'llalie  possede  a  cet  egard  d'immenses 
ressources.  Son  histoire,  morcelee  comme  son  territoire,  per- 
met  dinteresser  plus  vivement  l'amour-propre  de  nation  et 
de  cite;  ses  longues  et  sanglantes  querelles  intestines  meltent 
a  la  disposition  de  l'ecrivain  des  passions  ardentes  et  drama- 
tiques,  cnfin  les  invasions  etrangeres  qui  sent  venues  tant  dc 
fois  engraisser  ses  plaines  du  sang  de  la  France,  de  l'Espagne, 
de  1'Allemagne,  de  la  Suisse,  tons  ces  fleaux  qui  sont  pour 
le  philosophe  un  continuel  sujet  d'amiction,  sont  pour  le  ro- 
mancier  d'inepuisables  sources  de  pathetique,  de  tableaux 
piquans,  d'intrigues  attachantes,  de  peripeties  terribles  et 
d'emotions  toujours  nouvelles.  — L'auteur  des  Prisonniers  de 
Pizzig/iettone  n'a  pas  employe  toutes  les  ressources  que  l'his- 
toire  de  son  pays  mettait  a  sa  disposition,  mais  il  a  use  de  quel- 
ques-unes  avec  habilete.  L'epoque  qu'il  a  choisie  est  celle  de 
la  captivite  de  notre  imprudent  Francois  I",  et  il  s'est  attache 
surtout  a  bieri  peindre,  au  milieu  du  peuple  dont  ils  se  dispu- 
taient  la  conquele,  ce  roi,  ses  courtisans,  ses  chevaliers  et 
ses  heureux  adversaires,  lesEspagnols.  Plusieurs  traits  de  son 
tableau  ne  manquent  pas  de  verite;  cependant  nous  devons 
dire  qu'il  nous  serable  n'avoir  pas  ele  c'ompletement  exact 
dans  le  portrait  qu'il  a  fait  de  ce  roi  que  1'histoire  a  flatte  et 
flalte  encore  mieux  que  ne  I'aurait  pu  faire  le  plus  plat  de 
ses  valets,  et  qui  etait  tout  simplemenl  un  egoi'ste  volup- 
tueux,  spirituel  et  dur.  Je  ne  dis  rien  de  sa  bravoure  :  e'etait 
un  meuble  de  son  metier,  et  un  vetement  que  portait  dans  cc 
tcms-la  tout  bomme  convert  d'un  casque  de  fer  et  muni  d'une 
bonne  Lime  de  Milan.  Du  resle,  les  etrangers  saisissent  diffi- 
cilement  et  rendent  plus  difficilement  encore  ce  qu'il  y  a  dans 
nos  moeurs  et  nos  maniercsd'essentielleinent  francais,  et  je  ne 
connais  guere  que  Walter  Scott  qui  ait  su  donner  a  des  hom- 
ines et  a  des  evenemens  de  notre  histoire  la  physionomie 
que  nous  leur  prttons  nous-memes  par  tradition. 

t.  xlvi.  mai  i83o.  2" 


4i8  LIVRES  STRANGERS 

PAYS-BAS. 

i  i  y, — *Jiri:e  i/ow  den  we'mig  bekenden  zuidelyken  Moluku/ten 
Archipel.  etc. — Voyage  dansl'Archipel  meridional  des  iMoluc- 
qdeset  lc  longde  la  c6te  du  sud-ouest,  encore  tout-a-fait  in- 
connuo,  de  la  jNouvelle-Guince,  parM.  D.  U.  Kolff  jcune, 
lieutenant  de  marine,  etc.  Amsterdam,  1828.  Iu-8°  de  5g8  p. 

Los  iles  Molticques  meridionales,  ainsi  que  les  iles  elites 
d'Aroe  et  de  Tenimber.  etc. ,  ont  ete  toujours  des  possessions 
fort  interessantes  pour  le  commerce  des  epieeries,  qui  s'y  trou- 
venl  en  si  grande  abondance.  Ces  iles  etaient  autrefois  siuon 
sujettes,  an  moins  tributaires  des  Hollaiulais.  Ceux-ci,  apres 
avoir  retire  les  postcs  qu'ils  y  avaient  etablis ,  ne  les  avaient 
pas  visitees,  depuis  de  longues  annees,  lorsque  M.  Kolfl'recut, 
en  182"),  la  mission  de  les  explorer.  II  a  parfaitement  alteint 
le  but  de  son  voyage  en  rcnouant  avec  les  indigenes  les  rela- 
tions d'amitie  et  de  bonne  intelligence  qui  avaient  ete  inter- 
rompues  si  long-tems.  Partout  il  trouvait  le  plus  grand  respect 
pour  le  gouvernement  bollandais,  ou  la  Compagnie,  comme 
ces  gens-la  aiment  a  le  nommer  meme  actuellement. 

En  1826,  le  meme  ofiicier  visita  la  cote  sud-ouest  de  la 
Nouvelle-Guinoe,  terre  jusqu'ici  prcsque  incomme,  inhabi- 
ted ou  peuplee  d'habitans  qui  sont  encore  an  dernier  degre  de 
civilisation;  il  offre  encore  le  recit  do  ce  voyage  en  nous 
presentant  de  fort  interessans  details  sur  ces  regions  loin- 
taines. 

1 18. — De  Mcnscli  beschouwd  in  zijhen  aanleg,  etc.  ■ — L'hom- 
xne  considere  comme  etre  pensant,  moral  et  sensible,  afin 
de  developper  les  piincipes  de  toute  connaissance  qui  lui  est 
possible,  en  rapport  avec  sa  vraie  destination,  par  M.  J. -J.  Le 
Hoy.  Delft,  1827.  In-8"  de  xiv  et  522  pages. 

La  philosophic  de  Kant,  dite  critique',  avait  trouve  vers  la 
fin  du  xvnT  sfeclede  nombrcnx  disciples  en  Hollande.  M.  Le 
Roy  est  du  nombre  de  ceux  qui  en  sont  actuellement  encore 
les  plus  chauds  partisans.  L'ouvrage  que  nous  annoncons  en 
est  une  nouvclle  preuvc,  puisqu'il  ne  contient  qu'une  expo- 
sition de  la  philosophie  de  Kant,  quelquefois  rectifiee  et  ani- 
plifiee.  La  distinction  de  Kant,  en  philosophie  critique,  prati- 
que el  philosophie  du  jugement ,  screproduit  surle  titrememe 
de  l'ouvrage,  car  e'est  l'homme  intellectuel  et  pensant, 
1'hommc  moral  et  agissant,  enfin  l'homme  sensible  aux affec- 
tions du  beau,  du  vrai ,  etc.  ,  et  l'homme  raisonuant  et  ju- 
fijeant  ,  qui  torment  les  sujets  des  trois  principalcs  sections 
du  livre  entier.   La  seconde  partie,    celle  ou  Ton  traite   de 


PAYS-HAS.  4i9 

I'homme  moral,  merile  surtout  les  plus  grands  eloges.    X.X. 

i  jg.  — De  I' emancipation  de  I'enscigncmcnt  primaire  clans  le 
royainne  des  Pays-Bas.  Mons,  sans  date;  typographic  de 
Hoyois-Derely.  In-8"  de  29  pages. 

La  question  de  la  liberte  de  1'enseigncment  a  etc  singulie- 
rernenl  posee  et  debattue  dans  les  Pays-Bas.  D'un  cote  les 
liberaux,  c'est-a-dire  les  amis  des  lumieres,  plaidant  pour  la 
prohibition;  de  I'autre  les  indices  de  Rome,  pour  la  liberte. 
Cela  s'est  fait  par  le  hasard  d'unc  de  ces  positions  coniradic- 
toires  que  les  partis  sont  souvent  conlraints  d'acceptcr,  parce 
que  les  partis  manquent  de  bonne  foi.  Pour  nous,  qui  croyons 
a  cet  inebranlable  axioine,  que  la  verite  et  la  justice  sont  tou- 
jours  la  plus  sure  voiepour  arriver  au  bien ,  meme  materiel, 
nous  n'hesitons  pas,  dans  cette  ciiconstanee  conime  dans 
toute  autre,  a  prendre  parti  pour  le  droit  contre  le  fait  acluel. 
Que  les  jesnites  abuseut  de  la  liberie  d'enseignement  dans  les 
Pays-Bas,  e'est  un  malheur  sans  doute;  mais  ce  serait  un 
malheur  bien  plus  grand  que  d'acceptcr,  a  propos  d'une  po- 
emique  ephemere,  nn  principe  oppressifet  subversifdes  lois 
d'equile  naturelle.  Dieu  nous  garde  d'avoir  la  vue  si  courte 
quede  sacrifier,  au  profit  des  passions  d'un  jour,  les  regies  qui 
doiventbientut  et  pour  toujouisiegncr  surlemonde  !  Quelque 
specieux(|uesoient  les  argumens  de  I'autcurde la  brochure  qui 
est  sous  nos  yeux,  quelque  forte  que  soit  la  formule  qui  les 
resume  et  qu'il  a  prise  pour  epigraphe  :  Eo:perientia  optima 
magisira,  nous  ne  cro}rons  pas  qu'il  soit.  necessaire  de  les 
combattrc  :  cette  nature  depreuves  n'est  pas  admissible  dans 
l'espece  :  avant  de  ohereher  a  etablir  le  fait,  il  fallait  exami- 
ner le  droit.  C'est  ce  que  l'auteur  n'a  point  fait;  sans  doute, 
parce  qu'il  passe  lui-ineme  condamnation  a  cet  egard,  quant 
a  la  these  qu'il  soulient.  S'il  y  attache  pcu  d'importance, 
nous  sommes  encore  en  opposition  complete  avec  lui  :  car, 
pour  nous,  tout  est  la  :  le  reste  est  une  affaire  de  statist 
tique.  A.  P. 

120.  —  De  Engelsolie  Armen,  etc.  —  Les  pauvres  Anglais  et 
la  SocieU  de  Bien  fat  sance  des  Pays~Bas ;  traduit  de  Panglais. 
Amsterdam,  i85o;  Evven  Garlman.  In-8"  de  57  pages. 

Ce  livre  est  une  traduction  d'un  article  qui,  sous  le  litre  de  : 
The  Anti-paupersystem  and  home  colonies,  a  etc  place  dans  le 
Quarterly  Review  pour  novembre  1829.  II  conlient  de  justes 
plaintes  sur  les  mesures  qu'on pr end  en  Angleterre  pour  lesou- 
lagementdespauYres,  el  recouimandel'exemple  de  la  Societe 
de  Bienfaisance  des  Pays-Bas,  a  laquelle  on  doit  la  fonda- 
tion  des  celebres  colonies  agricoles.    Sans  doute,    les  Beiges 


4ap  LIVRES  STRANGERS, 

eprouveront  mi  vif sentiment  de  satisfaction,  en  voyantscsins 
titutions  patriotiqaeB  e)  bienfaisnntcs  pmposccsconmiemodele 
an  penple  qui  se  distingue  le  plus  aujourd'bui  par  le  nomine 
et  la  Defection  des  associations  philanlhropiques. 

iai.  —  V erhandeling  over  hei  Sewerken  ran  de  geschietUnis 
der  Netln-landen ,  etc.  —  Traite  sur  la  maniere  d'ecrire  I'his- 
toire ties  Pays-Bas,  par  ML.  J.  Scheltema.  Harlem,  1829; 
Loosjes.  ln-8"  de  \i  et  77  pages. 

On  sait  qu'apres  le  deces  de  M.  Stuart,  historiographe  dn 
royanme,  S.  M.  le  roi  de*  Pays-lias,  par  decret  du  25  dc- 
cembre  irisfj,  a  ouvert  nu  concours  en  invitant  tons  les  savans 
du  rovaiunc  a  lui  presenter  leurs  idees  sur  la  meillcure  ma- 
niere de  traitcr  1'liistoire  des  Pays-Bas.  Quarante  auleurs  mil 
repondu  a  l'appel.  Cinq  Memoires  out  ete  juges  dignes  d'une 
distinction  honorable  par  la  commission  qui  avait  ete  nominee 
pour  en  juger.  In  des  cinq  est  eelui  dont  nuns  annoncons  la 
publication.  Sans  doute  M.  Schellema,  si  favorablement  connu 
par  plusieurs  ecrits  relatifs  a  I'histoire  de  sa  pa  trie,  elait  un 
de  ceux  dont  0:1  pouvait  se  flatter  de  recevoir  une  solution 
satisfaisante  de  la  question  proposee. 

La  maniere  de  traiter  I'histoire  des  Pays-Bas'peul  etre  mise 
en  question  surtout  sous  le  rapport  de  la  difliculte.de  reunir. 
dans  nn  seul  tout,  I'histoire  des  Pays-Bas  meridionaux  avec 
celle  des  provinces  septentrionales  pendant  la  peri  ode  de  1 58 1 
jusqu'a  i8i5.  En  verile ,  ce  n'etait  pas  tin  pays,  e'etaient  deux 
parties  tout-a-1'ait  dislincles,  1'une  sujette  d'une  puissance 
etrangere,  I'Espagne  on  l'Aulrichc,  I'autre  independante  et 
jouissant  d'un  rang  distingue  parnii  les  puissances  de  l'Hu- 
rope.  C'est  pour  cela  aussi  que  M.  Scheltema  conseille  de  ne 
pas  chercher  a  rassemhler  en'un  corps  des  matieres  si  dispa- 
rates. II  vent  qu'on  traite  I'histoire  de  ees  terns  separenient. 

Les  observations  que  l'auteur  acomnnmiquecssurles  devoirs 
du  t'ulur  hislorien  des  Pays  -Bas  meritent  une  serieuse  atten- 
tion. Le  gouvernement  commence  de  plus  en  plus  a  livrer  au 
public  les  source.-,  intcressantes  de  notre  histoire.  Les  archi- 
ves del'Etat,  des  provinces,  des  villes,  des  communes  s'ou- 
vrent  pour  tons  ceux  qui,  dans  un  but  scLentiflque,  desirent 
y  i'aire  des  recherches.  On  use  dona  esperer  que  I'histoire  des 
Pays-Bas  poUrra  enfin  etre  fraitee  d'une  maniere  digne  de  I'im- 
porlance  du  so  jet. 

Nous  espcrons  que  les  auleurs  des  aulres  quatre  Memoires, 
dont  la  mention  honorable  a  ete  laile,  se  dccideronl  aussi  a  pu- 
biier  leurs  ecrits. 

122.  —  Recherches  sur  la  tongue  nationale  de  la  majeure  par- 


PAYS-BAS.  —  LIVRES  FRANC  AIS.  421 

lie  du  royaume  des  Pays-Bus,  par  M.  le  baron  vanWkstreenen 
van  Tiellandt.  La  Have,  i83o.  In-8". 

L'auteur,  connu  comme  savant  hibliograpbe,  cherche  a 
demontrer  :  1°  que  la  langue  neerlandaise  ou  flainande  a  ete, 
depuis  des  tenis  bien  recules,  la  langue  du  gouvernemeni  en 
Belgkiue ;  a'qu'elle  a  etc  la  langue  de  la  litterature  beige;  oes 
deux  theses  sontdeveloppcesaumoycn  de  do  mb  reuses  citations 
de  lois  et  de  coutumes  anciennes  ecrites  enflamand  ;de  livres 
flamandspublies  dans  les  xv%  xvie  et  xvn°  siecles,  de  beancoup 
<le  productions  des  anciennes  chambres  de  rhclorique,  etc. 
Les  Maerlandt,  lesKelu,  les  vanVeltnem  etaulresont  loujours 
ecrit  en  flamand.  L'auteur  avoue  que,  sous  la  maison  de  Bour- 
gognc ,  le  fraucais  deviut  la  langue  de  la  cour,  mais  il  sou- 
lient  que  la  langue  flamande  ou  neerlandaise  est  toujours 
restee  la  langue  du  peuple. 

Des  rechercb.es  interessantes  de  M.Willems,  d'Anyers,  consi- 
gnees dans  son  Memoire  sur  la  litterature  des  provinces  meridio 
nales,  confirnienl  lesresullats  oblenus  parM.  vanWestreenen. 
On  ne  saurait  qu'applaudir  a  desrecbercbes  qui ser Vent  surtout 
aetendrelaennnaissaneede  I'aneienne  litterature  beige.    X  X. 

LIVRES  ERANCAIS. 

Sciences  physiques  et  nature  lies. 

1 23.  — * Memoire  BUT  la  famille  des  ombelliferes,  par  M.  Aug, 
Pyr.  de  Cajndolle,  niembre  du  conseil  souverain  de  Geneve, 
professeur,  etc.  Paris,  1S29;  Treutlel  et  Wiirtz.  Iu-4"  de 
8/|  pages,  avec  19  planches  gravees  en  taille-douce  ;  prix,  3fr. 

Ce  Memoire  fait  suite  a  la  collection  des  travaux  que  l'au- 
teur publie  successi vement  pour  servir  a  I'histoire  du  regue 
vegetal;  il  est  le  cinquieme  de  cette  collection,  et  traite  des 
ombelliferes.  Les  plantes  qui  composent  cette  famille  out  des 
rapports  si  multiplies,  qu'il  n'^n  existe  pas  de  plus  nalurelle,  et 
dont  I'etude  presentea  la  t'ois  plus  de  dillieulles.  lit,  quoiqu'en 
prenant  deux  plantes  de  cette  famille  aux  extremites  opposees 
de  la  chaine,  on  trouved'enormes  differences  de  composition; 
cependant,  comme  on  rencontre  toutes  les  nuances  qui  con- 
duisent  de  l'une  a  I 'autre  par  degres  insensibles,  il  scmble 
(pie  loutes  ces  plantes  ne  forme nt  qu'un  genre  tres-nombreux 
•■il  especes,  oii  les  coupes  qu'on  y  fait  sont  artificielles,  seule- 
ment  pour  en  faciliter  I'etude. 

(i'est  au  travail  de  Cusson  qu'il  taut  remonter  pour  prendre 
one  idee  exacte  de  la  composition  des  ombelliferes;  depuis. 


4-2i  LIVRES  FKANCAIS. 

Hoffmann,  Goertner,  Sprengel,  Lagasca,  out  perfection^  cc 
tmvail ;  uaais  receminent  M.  Koch  a  public  (1824),  dans  les 
Rienioircs  de  la  Societe  des  curioux  de  la  nature ,  une  disser- 
tation ties- savante  qui  sert  de  base  an  Memoire  de  M  De 
Candolle.  M.  Kocli  a  remarque  que  c'est  a  tort  qu'on  regarde 
Ie  fruit  des  onibcllifcres  comme  forme  de  deux  carpelles  (que 
Linnee  appelail  graines  nues)  et  de  deux  styles;  ce  n'estque 
par  nn  avortement  regulier  ct  constant  que  les  choses  sont 
ainsi  reduites;  car,  dins  la  nature  reeile*  ilexiste  cinq  carpelles 
et  cinq  styles.  Ces  carpelles  se  fondent,  savoir  :  trois  ensemble 
du  cote  extern*  de  I'ombelle ,  el  deux  du  cole  inlerne ;  il  ne 
reste  que  deux  styles  touroes,  l'nn  en  dehors,  1'autre  en  de- 
dans; Pun  des  carpelles  porlc  trois  cotes,  l'aulre  deux. 

Telles  sont  les  distinctions  qui  servent  de  base  au  savant 
auteur  pour  distribuer  methodiquement  les  ombellil'ercs;  il 
ne  nous  est  pas  possible  d'exposer  ici  avec  detail  sa  theorie. 
Linnee  ne  connaissait  que  199  especes  classees  en  4a  genres, 
tandisque  M.  De  Candolle  classe  980  especes  en  148  genres,  ct 
entre  dans  tons  les  developpemensneeessairespour  fairc  con- 
cevoir  l'ulilite  des  distinctions  qu'il  croit  devoir  adopter.  Dix- 
neuf  planches  servent  a  eclaircir  les  idees  presentees  dans  le 
texte.  Ce  travail  est  digue  du  savant  auteur  du  Sysle?na  et  du 
Prodronms  :  c'est  aux  botanistes  verses  dans  l'elude  de  la  na- 
ture qu'il  convient  d'apprecier  jusqu'a  quel  point  on  doit 
compliquer  Petude  des  vegetaux,  en  faisant  reposer  leur  clas- 
sification sur  des  observations  aussi  delicates  que  difficiles  a 
saisir.  Francoeur. 

!24.  . —  *  Biclionnaire  de  mrdecine  ct  de  chirurgie  pratiques  ; 
par  MM.  Andral,  Begin,  Btandin,  Bouillaud.  Bondier,  Cru- 
veilhicr,  Cullerier ,  Devcrgie  (Alph.  ),  Dugcs  ,  Dupuytren, 
Foville,  -Guibourt,  Jolly,  Lallemand,  Londe,  Magcndie,  Ruticr, 
Rayer,  Roche-Sanson.  Paris,  1829-1800  ;  Gabon,  Mequignon- 
Marvis,  Bailliere  et  Crochard,  editeurs.  II  y  aura  i5  vol.  in-8° 
de  55o  a  600  pages;  prix  de  chaque  volume,  7  IV.  Le  4°  vol. 
est  en  vente. 

Les  principaux  articles  de  ce  quatriemc  volume  sont  Phis* 
toire  medicale  et  chirurgicalc  du  cancer,  en  1 15  pages;  les  ar- 
ticles briilure,cnlcuh,blennorrhagie,  i'ormant  chacun  5o  pages. 
M.  Londf.  a  egalenient  consacre  3o  pages  a  nous  apprendre, 
au  mot  boisxon,  les  differences  des  eaux  de  pluie,  de  riviere, 
de  source,  etc.  ;  la  maniere  do  (aire  le  vin,  le  cidre  et  la  biere  ; 
il  n'a  pas  oublie  les  proprietes  du  cafe,  qui  nous  seront  rap- 
pelees  un  pen  plus  loin  par  ftl.  Ratier  ,  et  Ton  ne  pouvait 
leur  accorder  moins  de  5  pages;  on  pent  done  assurer  que  le 


SCIENCES  PHYSIQUES.  ^25 

cinquicme  volume  ne  terminer;!  pas  la  lettre  C.  Cetlc  enlre- 
prise  confirme,  comme  on  voir,  la  justesse  de  celte  verfte 
devenue  proverbiale,  qu'il  est  diflicile  de  sortir  de  l'A,  15,  C. 
Cependant ,  si  les  souscripteurs  consenlent  a  payer  quelques 
volumes  de  plus,  ils  pourront  encore  posseder  un  bon  ou- 
vrage;  sinon,  ils  auront  un  Dictionnaire  longuemcnt  com- 
mence, et  plus  rapidement  fini. 

1 25. — * Atlas  historic/ ne  et  bibliographiquede  la  medecine,  com- 
pose de  tableaux  sur  l'bistoire  de  l'anatomie,  de  la  physiolo- 
gic de  l'hygiene,  de  la  medecine,  de  la  chirurgie  et  de  l'obs- 
tctrique,  etc.;  par  Casimir  Broussais,  docteur  en  medecine, 
professeur  agrege  a  lafaeultede  medecine  de  Paris  ,  etc.,  etc. 
Paris,  1829;  Alllc  Delaunay.  Grand  in-4"  de  48  p. ;  prix,  i5  fr. 

M.  Chouland  avail  public  a  Leipzig,en  1822,  douze tableaux 
sur  les  difterentes  branches  de  la  medecine  et  sur  sa  biblio- 
graphic M.  Casimir  Broussais  a  etendu  ce  travail ;  en  s'en  em- 
parant, il  ne  s'est  pas  borne  a  citer  des  litres  d'ouvrages,  mais 
il  s'est  efforce  de  car  a  denser  en  quelques  mots  le  systeme  et 
les  opinions  de  chaque  auleur,  pour  faire  ressortir  l'enchai- 
nement  des  decouvertes,  et  la  progression  de  la  science.  Des 
modeles  existaient  deja  dans  ce  genre  ;  V Alias  hislorique  dc 
M.  Las  Cases  ,  V Atlas  ethnographique  da  globe,  parM.  lialbi , 
Y  Alias  de  la  lilteralure  des  arts  et  des  sciences,  dont  plusieurs 
tableaux  out  dejarccu  en  Allemagne  leshonneursde  la  traduc- 
tion ,  out  demonlre  1'iitilite  de  ces  tables  synoptiques.  M.  C. 
Broussais  a  done  suivi  une  carriere  dejatracee  ;  il  a  consacre 
six  tableaux  hisloriques  e!  bibliographiques  aux  branches  les 
plus  importantes  des  sciences  medicales  :  Vandtomie,  la  physio- 
logic, Yhygicne,\amedccine,h\  chirurgie  etVobsletrique  : en  ou- 
tre quelquestables  supplemenlaires,  dont  1'une  ofJfre,  dans  uq 
ordre  physiologique,  I'epoque  de  la  fondation  des  principales 
universites,  ecoles  de  medecine, et  academics;  etune  autre,  b 
nomenclature  des  divers  journaux  francais  et  etrangers. 

Chacun  des  six  tableaux  comprend  deux  parties  distinctes:  la 
la  premiere  bibliographiq.ue,  danslaquelle  sonl  ranges,  paror- 
drealphabetique,  les  noms  de  tous  lessavans  qui  onlcontribue 
aux  progresd'une  des  branches  de  la  medecine,  ouqniont  ecrit 
sur  I'histoire  de  cette  science;  on  trouve  ,  a  la  suite dechaque 
nom,  la  date  de  lanaissanceetcellede  la  moil  de  1'auteuj,  ainsi 
que  les  litres  dc  sesouvrages.Ona  blame  ce  mode  disposition, 
Euais  bien  a  toil,  selon  nous;  on  aprelendu  que  l'exposition 
chronologique  adoptee  par  le  docteur  Chouland  elait  pre- 
ferable. Mais,  oil  elait  1'avanlage?  Celui  de  lire  ccllc  longur- 
Uste  d'auteurs  dans   leur  ordre  de  succession  ne  coinpeasajj 


4*4  LITRES  FRANCAIS. 

pas  l'cxtreme  difliculte  et  In  lenteur  des  recherches,  si  Ton 
etait  curieux  cle  consulter  I'ouvrage  de  tel  on  tel  auteur; 
car,  dans  les  sciences,  on  ne  coinpte  pns  par  anm'es,  mais 
par  homines ;  ce  sont  ceux-ci  qui  niarquent  les  epoques 
rema rqunbles  et  fonclent  les  dates  de  toute  science  ,  et 
des  sieclcs  entiers  peuvent  s'ecouler ,  Bans  laisser  de  traces  ni 
de  souvenirs.  En  ontre,  l'ordre  chronologique  est  etabli  dans 
la  sccondc  partie,  ce  qui  complete  la  tutalite  ties  rensei- 
gncnuns ,  la  premiere  partie  n'elant,  pour  ainsi  dire,  qu'une 
indication  pour  ariiver  a  la  seconde.  Celle-ci  offre  un  carnc- 
tere  different  selon  qu'elle  embrasse  les  branches  hyi  otheli- 
ques  ou  certaines  de  Part  de  gucrir;  pour  la  physiologie  etla 
medecine,  elle  retrace  leur  histoire,  en  indiquant  les  revolu- 
tions successives  qtti  les  ont  conduites  jusqu'a  nous,  et  en  ex- 
posant  leurs  decouvertes  les  pins  importantes.  Le  tableau 
medical  est  diviseen  periodes  formees  arbitraircmeiit  pai  I'au- 
teur,  et  comprenant  un  intervalle  plus  ou  moins  etendu,  se- 
lon l'abondance  des  maleriaux  founds  par  l'histoire  des  terns 
les  plus  recules,  ou  selon  la  richesse  re  elle  de  tel  ou  tel  siecle 
pour  les  terns  modernes.  Sept  periodes  sont  ainsi  fixees.  La 
premiere,  depuis  les  terns  indetcrmines  jusqu'a  Hippocrate; 
la  deuxieme,  depuis  ce  grand  homme  jusqu'a  Galien;  elle  est 
de  58o  ans;  la  troisieme,  de  Galien  a  Paracelse  f  1 5^6) ;  laqua- 
trieme,  dece  fougueux alchimiste  jusqu'a  Sauvages  (ao5ans); 
la  cinquicme,  de  celui-ci  a  Brown  (49.1ns);  la  sixieme,  de 
Brown  a  Broussais  (56  ans);  la  Sep  ti  feme  de  Broussais  a  uos 
jours.  L'on  voit.  d'apies  cet  apercu ,  toute  1'iniportance 
queM.  Broussais  attache  auxtems  modernes;  plus  il  serappro- 
che  de  nos  jours,  plus  il  resserre  ses  periodes,  parce  que  les 
sciences, comiue les  terns,  presententun horizon  immense;  or, 
les  objets  eloignes  ne  s'apercoivent  que  par  groupes,  tandis 
que  les  plus  proches  s'offrent  a  nous  distincts  dans  tous  leurs 
details. 

Quelques  mots  sur  chaque  periode|  donnent  uue  indication 
sommaire  de  sa  tendance  et  des  systemes  qui  predominent, 
puis,  l'on  trouve  dans  les  colonnes  suivantes,  disposees  hori- 
zontalement,  la  liste  chronologique  des  auteurs,  ranges  par 
nation,  et  juges  par  la  seule  exposition  sommaire  de  leurs  doc- 
trines. 

Cette  partie  du  travail  de  M.  Broussais  est  la  plus  attaqua- 
ble,  parce  qu'elle  est  la  plus  arbitraire ,  et  qu'on  ne  peut  ju- 
ger  un  auteur  parune  seule  ligne  d'analyse;  dans  son  ensem- 
ble, elle  nous  montre  la  medecine,  d'abord  theologique,  se 
uiodelnnt  ensuitc  sur  les  ('coles  pbilosophiques  prcdoniinaii- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  4a5 

les,  restant  humorale  depuis  Galien  jusqu'au  xvn*  siecle, 
epoque  ou  clle  offire  un  grand  mouvenicnt.  qui  rcmet  l'obser- 
vation  e-n  honneur,  renverse  rhumorisme,  localise  les  mala- 
dies, etdcveloppe  la  doctrine de  l'irritation.  Ce  coop  d'ceil  im- 
mense, qui  rappelle  tout  les  terns  et  toutes  les  gloires,  n'est 
etranger  a  aucun  penseur;  on  y  retrouve  la  maiche  habituelle 
de  I'esprit  humain  avec  ses  oscillations  et  ses  progres,  et  ime 
preuve  de  sa  perfectibility  indefinie.  Si  Ton  pent  reprochera  ce 
tableau  l'absence  de  quelques  idees  vraies  et  saillantes  an  mi- 
lieu des  systemes  qui  amcnirent  celui  de  l'irritation,  dont 
I'honneur  appartient  a  notre  siecle,  on  est  bien  plus  e tonne  du 
silence  volonlaire  de  I'auteur,  sur  les  travaux  qui  ont  mar- 
que nosquinze  dernieres  annees;  c'est  une  lacune  qui  frappe 
d  autantplus,  qu'elle  nous  touche  immediatement,  et  il  y  avait 
mieux  a  faire  qu'a  se  borner  a  enumerer  des  noma.  La  diffi- 
culte  etait  grande,  epineuse,  peut-etre  plus  pour  M.  Broussais 
que  pour  tout  autre,  mais  son  devoir  d'historien  lui  com- 
mandait  de  la  surmonter. 

Les  tableaux  consacres  a  I'anatomie  et  a  la  chirurgie  offrent 
l'exactitudeet  la  precision  des  sciences  de  Fails;  plus  de  theories 
oud'hypotheses,  mais  desdecouvertes,  des  methodeset  des  pro- 
cedesutiles.  La  partie  anatomique  pent  etre  jugeecomplele,  et 
il  en  serait  de  meme  de  la  partie  chirurgicale,  si  l'epoque  de 
Desault  jusqu'a  nos  jours  avait  ete  traitee  ;  mais  la  lacune  que 
nous  avons  observee  dans  la  partie  medieale  se  rencontre  en- 
core ici :  1'amputation  coxo-femorale  de  M.  Larrey,  la  litho- 
tritie  de  M.  Ciriale,  et  tant  d'autres  heureuses  innovations, 
sont  passees  sous  silence  ;  et,  chose  assez  remarquable,  I'auteur 
cite  les  travaiKX  des  etrangers ;  il  parle  des  instrumens  litho- 
tripteurs  de  Gruituisen,  tandis  que  tout  le  monde  sait  que  ce 
chirurgien  n 'avait  fait  que  jeter  cette  idee  dans  une  note  de 
journal,  sans  lui  donner  aucune  application,  et  il  indique  les  tra- 
vaux de  Vacca-Beritnghieri  sur  la  taille  recto-vesicale,  sans  en 
avoir  rapporte  la  decouvertea  YL. Sanson,  auquel  on  I'attribue 
generalement ,  quoiqu'on  trouve  dans  Haller  qu'un  nomme 
Vegeliul  a  publie  ce  precede. 

Tel  est  1' Atlas  de  Ml.  C.  Broussais  :  malgre  quelques  im- 
perfections, c'est  un  ouvrage  neuf  en  France,  et  dont  l'expe- 
rience  prouvera  l'utilite ;  il  est  destine  a  repandre  le  goCit  d'une 
saine  erudition,  en  en  facilitant  l'etude.  C.  S. 

126.  —  *  Eornmen  des  doctrines  medicates  et  des  systemes  dc 
nosolngie,  precede  de  Propositions  renfermant  la  substance  de  la 
medecine  physiologique  ;  par  F.  J.  V.  Brobssais.  Troisieme  edi- 


/jaG  UMiKS   FUANGAIS. 

tion.  Paris t  i83o;  M"c  Delaunay.  3  vol.   in-8"  ilc  cxix-/(8.>, 

591,  6a3  pages;  prix,  u5  IV. 

II  y  aura  mi  quatrierue  volume. 

Nous  rendrons  compte  de  cet  important  ouvrage. 

127  — *Des  himorrholdes,  ou  Traits  analytique  detoutesles 
affections  hemorrhoidales ;  par  A. -J.  de  Momeciie,  inedecia 
<le  la  facultede  Paris. DcuxUme edition.  Paris,  iX3o;  M"c  De- 
launav.  In-8"  de  35o  pages;  prix,  7  IV. 

L'accueil  favorable  que  le  public  a  fait  a  la  premiere  edition 
de  cet  ouvrage  est  venu  confirm er  le  jugemeut  des  medecins 
les  plus  eclaires;  une  naethode  parfaite,  une  diction  pure,  el 
degagee  de  cette  multitude  deternoes  scientifiques  qui  nc  ser- 
vent  souvent  qu'a  dissjmuler  l'ignorance,  des  details  infinis, 
mis  a  la  portee  de  toutes  les  intelligences,  ont  rendu  ce  livre 
precieux  pour  tous  les  homines  atleints  d'afl'ections  hemor- 
rhoidales;  et  Ton  pent  dire,  sans  crainle  d'etre  accuse  d'exa- 
geration,  que  e'est  le  traite  le  plus  complet  et  le  plus  satisfai- 
sant  que  la  science  possede  surce  sujet.  M.de  Montegre,  dont 
I'humanite  pleure  encore  la  perte,  avait  une  penetration  trop 
\ive,  un  talent  irop  genereux  pourne  pas  comprendre  les  re- 
formes  salulaires  introduites  dans  la  medecins  ;  aussi  a-t-il  ral- 
tache  l'aflfection  hemonhoi'dale  a  la  doctrine  de  l'irritalioi),  et 
\\  a  su  y  ajouter  des  vues  nouvelles  puisees  dans  la  plus  saine 
physiologic  Un  tel  ouvrage  ne  peut  elre.  trop  consult?,  et  il 
oll're  le  double  a vanl age  d'etre  a-la-fois  savant  et  populaire. 

128.  ■ — *Traiie  des  plaits  de  tete  et  de  t'enctplialite,  principa- 
lement  de  cellequi  leur  est  consecutive  ;  ouvrage  dans  leqUel 
sont  discutees  plusieurs  questions  relatives  aux  fonetions  du 
systeme  nerveux  en  general;  par  M.J.  P.  Gama,  chirurgien  en 
chef,  premier  professeur  a  l'hopital  militairc  d'inslruction  du 
Val-de-Grace.  Paris,  1800;  Sedillot,  rue  de  1'Odeon,  n°  7>o. 
In-8°  de  5oo  p.;  prix,  7  fr. 

Appele  depuis  long-tems  aux  premieres  places  dc  la  chirur- 
gie  militairc,  M,  Gama  a  eu  1'occasion  d'observer  des  millier? 
de  faits,  de  comparer  el  de  juger  les  methodes  de  traitement 
employees  par  sesconfreres  et  leschirurgiens  etrangers.  Fixe 
depuis  cinq  ans  a  Paris,  et  a  la  tete  d'un  grand  hopilal ,  il  a 
continue  ses  recherches,  verifieses  opinions,  el  il  a  fail  scrvir 
lesprogres  de  la  medecine  a  ceuxde  la chirurgie,  car  ces  deux 
sciences  doivent  sesuivre  et  s'cclaircr  multiellemenl.  Malheu- 
reusement  cette  verite  est  encore  Irop  souvent  mcconnue.  La 
partie  physiologique  dc  l'ouvragc  offredes  remaVques  inleres- 
.santes  sur  descas  dc  paralysic  de  poitrine,  causeepardesapo- 


SCIENCES  1'HVSiQlES.  (yi7 

plexics  cerebrates,  les  sympathies  nerveuses,  les  fonctions  des 
lobes  cerebraux  antericurs,  et  celles  de  la  cinquieme  paire; 
maisces  fails,  reunis  dans  la  theoric  generate  de  Vunitii  du  sys- 
timenerveux,  ne  s'y  lienlpasparfaitement;  car,quepeut-oncom- 
prendre  par  unite  du  systcmc  nerveux,  si  sa  structure  etses  fonc- 
tions offrent  de  arables  differences;  cela  est  tellement  avere, 
que  M.  Gama  lui-mcme  localise  ['intelligence  dans  la  partie 
anterieure  de  la  tele,  et  qu'il  a  demontre  que  la  perte  de  la 
parole  resullait  rarement  des  obstacles  mecaniques,  presentes 
par  lesorganes  de  la  prononciation.  Si  ce  moid' unite  exprime 
seulement  que  le  systemc  nerveux  est  partout  continu,  qu'il 
offre  une  portion  centralc  on  arrivent  toutes  les  impressions, 
qu'ebranlent  les  sympathies,  ce  n'est  plus  qu'unterme  general 
et  abstrait ,  qui  comprend  une  t'oule  d'actions  speciales  et  dis- 
tinctes,  dememe  que  dans  l'unite  de  la  vie  se  concent  rent  tou- 
tes les  fonctions  qui  l'entretiennent  et  la  constituent. 

Dans  la  partie  chirurgicale  sont  traitees  toutes  les  questions 
importantcs,  les  plaies  superficielles  et  profondes,  les  fractu- 
res et  leurs  complications,  telles  que  les  paralysies,  la  com- 
pression, les  epancliemens,  et  les  transformations  qu'ils  su- 
bissent.  La  valeur  reelledc  I' operation  du  trepan  est  savamment 
discutee,  et  beaucoup  restreinte;  cnfin,  l'inflammationdu  ccr- 
veau  et  de  ses  dependences  est  eludiee  avec  tous  les  details 
que  comporte  sa  gravite  :  c'est  ici  que  se  revelent  tous  les 
avantages  de  la  doctrine  de  ['irritation,  qui  sont  d'autant  moins 
contestable*  pour  les  plaies  de  tete,  que  les  causes  sont  exter- 
nes,  et  que  I'inflammation  est  ordinairement  degagee  de  toule 
influence  etrangcre  a  la  lesion.  Aussi ,  l'auteur,  qui  neglige  de 
faire  valoir  ses  propres  titres  a  la  reconnaissance,  rapporle-t- 
il  ses  succesalamedecine  physiologique. —  Nous  ne  pouvons 
mieux  faire  connaitre  la  portee  et  l'utilite  des  regies  de  traite- 
ment  proposees  par  M.  Gama,  qu'en  rapportant  ses  propres 
conclusions,  qui  etablissent  :  i"  que  la  reunion  immediate  de 
tputes  les  plaies  du  crane,  sans  en  excepter  celles  qui  sont 
compliquees  de  lesions  inlcrieures  ,  est  indispensable  pour 
prevenir  une  trop  forte  inflammation  du  cerveau,  et  rendre  la 
guerison  rapide;  2"  que  les  saignees  locales  permanentes  doi- 
vent  elreaussilotapresmiscsen  usage,  et  prefereessoitaux  eva- 
cuations sanguines  veiueuses,  soit  mix  applications  de  sang- 
sues,  plus  abondantes,  el  reiterees  a  de  certains  intervalles, 
parce  que  les  premieres  agissent  avec  une  aclivite  continue, 
que  ne  sauraient  presenter  les  autres,  et  qn'elles  donnent  a 
I'encephale  le  terns  de  se  raflermir  et  de  rep  rimer  son  irrila- 
tation,  sansqn'aucune  reaction  puisse  s'y  Opener;  3*  que  Ir  in- 


4a8  LIVRES  KRVNCAIS. 

panne  doit  etre  pratique  que  pour  (a  ciliterl' extraction  des  frag- 
mens  osseuac  enfonces  vers  lecerveau,  on  des  corps  etrangers 
accessibles  aux  instrumens  apres  la  perforation  do  crane;  4" que 
les  revulsifs,  ordinaireinent  inutiles  lorsque  lc  iraitement 
local  est  bien  dirige  ,  sent  souvem  nuisibles,  et  ne  peuvent 
etre  employes  quequand  L'irrilatiot)  cerebrate  commence  a  de- 
croitrc  ;  5°  que  le  (Void  est  d'une  application  difficile  et  dange- 
rcuse  dans  beaucoup  de  eas  ;6°  enlin,  que  les  alimens  ne  doi- 
vent  pas  etre  refuses  pendant  trop  long-lems  aux  gujets  ntteints 
de  plaies  de  tete,  lorsque  les  organes  digestifs  soul  sains.  » — 
En  resume,  cc  traite  estun  ouvrage  consciencieux  et  utile. 

c.  s. 

129.  —  De  la  destruction  mecanique  de  la  pierre  dans  laiiessie, 
ou  considerations  nouvelles  sur  lalilhotritie;  par  J.  J.  A.  Rical. 
Paris,  1800;  Gabon.  In-8°de  89 pag.,  a vce planches;  prix,  a  fr. 

Ce  Me  moire,  In  a  l'Institut  lc  10  aout  et  le  14  decembre 
1829,  expose,  d'une  inaniere  claire  et  precise,  tout  ce  qui  a  ete 
fait  jusqu'a  present  pourcette  branche  de  lachirurgie,  les  ins- 
trumens cpie  l'auteura  inventes  y  sont  decrits,  et  leurs  avan- 
tages  expliques  de  facon  a  ne  pas  laisser  douter  de  leur  supe- 
riorite  dans  la  plupart  des  cas.  J — s. 

i5o.  —  *  Collection  des  rapports  generous-  sur  les  travaux  du 
Conseil  de  salubrite  de  la  rille  de  Paris  et  du  de'parternent  de  la 
Seine,  executes  depuis  1802  jusqu'en  1826 ;  publiee  sous  les  aus- 
pices du  prefet  de  police,  par  i\l.  V.  de  Moleon.  T.  i".  Paris, 
iS5o  ;  an  bureau  du  Recueil  industriel,  rue  Godot-de-Mau- 
roy,  n°  2.  et  Bachelier.  In-8°  de  xliii  et  4«4  pages;  prix, 
7  fr. 

C'est  une  idee  bonne  et  heureuse  que  d'avoir  commence  a 
reunir  dans  un  meme  ouvrage  tous  les  travaux  sanitaires  et 
hygieniques  projetes  ou  executes  dans  les  divers  Etats  de 
l'Europe,  en  les  considerant  sous  le  rapport  des  applications 
qu'on  en  pent  faire,  ou  qu'on  en  a  faites,  a  la  salubrite  publi- 
que,  soit  dans  les  villes  ou  dans  les  campagnes  ;  soit  dans  les 
grands  ctablissemens,  tels  que  les  lazarets,  les  hopitaux,  les 
prisons  ;  soit  enlin  dans  les  manufactures,  les  ateliers,  les  habi- 
tations particulieres. 

«  Une  telle  collection',  grossie  par  le  terns,  devierulra  une 
sorte  de  Code  on  l'hygiene  publique  trouvera  resolues  toutes 
les  questions  qui  l'inleressent ;  et  l'industrie  incertaine,  des 
reponses  toutes  faites  aux  questions  qui  l'embarrassent.  » (Ex- 
trail  du  Rapport  du  Conseil  de  Salubrite  de  la  villi  de  Piiri.s  . 
annee  1821.  ) 

M.  de  Moleon.  dirccleur du  Recueil  induslrieL  el  auieur  dc 


SCIENCES  PHYSIQUES.  429 

plusieurs  ouvrages  sur  l'industrie,  la  statistique  et  1'economic 
politique,  l'un  des  anciens  elevesde  cette  Bcole  Polytechnique 
qui  a  deja  produit  tan*  d'hommes  utiles  dans  tons  les  genres, 
va  rendre  1111  nouveau  et  veritable  service  a  la  civilisation,  en 
publiant  la  collection  dont  nous  annoncons  le  premier  vo- 
lume. 

Line  table  alphabetique  des  malieres  traitees  dans  les  divers 
paragraphes  des  rapports  du  Conseil  de  salubrite  permet  de 
recherclier  et  de  trouver,  avec  une  grande  t'acilite,  tous  les 
objels  inliniment  varies  dont  traite  celte  collection,  et  sur  les- 
quels  on  peut  desirer  ties  renseignemens. 

L 'importance  de  1'ouvrage  de  M.  de  Sloleon,  que  voudront 
se  procurer  et  consuiter  tous  les  prefets,  tous  les  maires  et  tous 
les  hommes  qui  s  intcressent  vivement  a  la  chose  publique, 
nous  a  determines  a  en  Conner  l'examen  a  l'un  de  nos  colla- 
borateurs,  medecin  inslruit  et  philanthrope  ,  qui  en  rendra 
compte  a  nos  lecteurs.  N. 

i5i.  — ■  Socicte  royale  et  centrate  d' agriculture  :  Rapport 
de  Rl.  le  vicomte  Hericart  de  Thury,  sur  le  concours  ouvert 
pour  le  percemrnt  des  putts  fores ,  d  t'effet  d'obtenir  des  eaux 
jaillissantes  apptirables  aux  besoins  de  V agriculture.  (  Seance 
publique  du  18  avril  1800.)  Paris,  i8"jo;  Mmc'  Huzard.  In-8" 
de  64  pages,  avec  2  planches. 

Le  rapport  de  M.  deThury  est  precede  de  l'explicalion  des 
deux  planches  destinees  a  mettre  en  quelque  sorle  sous  les 
yeux  des  lecteurs  les  causes  de  tous  les  phenomenes  des  puits 
fores.  Cette  explication  est  liree  d'un  ouvrage  intitule  :  Con- 
siderations gcologif/ues  et  physiques  sur  la  the'orie  des  puits  fores, 
ou  fontaines  artificielles,  iniprime  en  1829,  chez  Firmin  Didot. 
Cette  matiere  est  aujourd'hui  suffisamment  eclaircie,  et  l'im- 
Baensite  des  nouvelles  ressources  dont  l'agricnlture  pourra 
disposer  pour  les  irrigations  ne  peut  manquer  d'etendre  les 
speculations  agricoles,  de  rendre  produclives  des  teiics  qui 
semblaient  condamnees  a  une  eternelle  sterilite,  de  dissemi- 
ner  avec  moins  d'inegalite  les  coltivateurs  sur  le  sol,  en  leur 
procurant  en  abondance,  au  point  qu'ils  auront  choisi  pour 
leur  habitation,  l'element  dont  ils  ne  pevivent  se  passer.  L'ex- 
ploitalion  des  eaux  soulerraines ,  ouverte  maintenant  a  tout 
le  monde,  et  qui  heureusement  n'est  pas  encore  une  conquete 
du  monopole,  quoique  moins  imporlante  que  celle  des  me- 
taux  et  du  combustible  1'ossile,  a  le  tres-grand  avantage 
de  se  renouveler  par  une  circulation  permanente,  au  lieu 
que  les  mines  s'epuiseront  inevitablement,  aucune  cause 
connue  ne  tendant  a  rcproduire  les  amas  precieux  que  nous 


45o  LIVRES  FRANCAIS. 

Iraosportons  journcllement  a  la  surface  pour  Ics  appro- 
prier  a  not  re  usage,  Ics  repandre  partout  ct  fairc  disparaitre 
lours  fragmens  reduits  a  uue  extreme  division.  Continuous 
cependant  a  consomrner  largemenC  du  charbon  de  terre  : 
c'estun  moyen  dc  restituera  la  vegetation  1'un  des  principes 
ilont  ello  a  le  plus  besoin.  En  lui  prodiguant  I'eau  avec  la 
mrme  liberalite,  quelque  generation,  encore  loin  do  nous,  aura 
peut-etre  de  nouveau  sous  ses  yeux  un  rogue  vegetal  gigan- 
tesqixe,  tcl  que  fut  celui  quo  lc  monde  fossile  nous  revele. 
Encourageons  do  tout  notre  pouvoir  les  divers  emplois  ,  la 
plus  grande  consummation  possible  de  charbon  do  terre,  mul- 
tiplions  les  puits  lores,  arrosons  toute  la  terre,  a  fin  qu'elle  sc 
revete  dc  sa  plus  belle  parure,  et  qu'elle  nous  prodiguc  ses 
fruits;  mais,  dans  rinteret des  generations  futures,  ne  prodi- 
guons  point  les  metaux. 

La  Societe  centrale  d'agriculture,  bien  convaincne  de  I'im- 
portancede  ce moyen  d'irrigation  qu'on  pent  appliquerpresque 
en  tout  lieu,  a  propose  trois  pi ix  qu'elle  distribucra  dans  sa 
seance  publique  dc  i85o;  ces  prix  seront  de  3,ooo  IV.. 
2,000  fr.  et  1,000  l'r.  Les  concurrens  devront  I'airc  connaitre, 
par  un  protes- verbal  :  1°  le  site  et  la  profondeur  des  puits; 
2°  le  volume  d'eati  qu'ils  donncnt  en  24  heures;  3"  la  tempe- 
rature ile  l'eau  dans  I'interieur  des  puits.  lis  joindrout  un 
proces-vetbal  des  tones  oil  pierres  traversees  par  la  sonde,  la 
note  de  l'epaisseur  des  couches  et  les  memoircs  de  la  depense 
du  sondage.  lis  feront  constaler  par  les  aulorilcs  locales,  les 
ingenicurs  des  mines  on  des  ponts  et  chaussees,  les  Societes 
savantes,  s'il  y  en  a  dans  le  departement,  les  l'aits  enonces 
dans  les  proces-verbaux. 

Un  concours  pared,  ouvert  en  1828,  a  communique  par- 
tout  un  mouvement  donl  on  a  deja  vu  de  grands  efi'ets  :  des 
travaux  trcs-utiles  ont  etc.  l'aits  en  France  ;  l'attention  de  l'Eu- 
rope  a  etc  f'ortement  exeitee ;  partout  on  se  prepare  a  profi- 
ler de  cetle  ressource  des  arts  agricoles.  Mais  tout  n'ctaitpas 
encore  assez  prepare  pour  que  toutes  les  conditions  du  pro- 
gramme fusscnt  remplies  ;  la  Societe  s'est  done  decidec,  con- 
formement  a  l'avis  de  ses  commissaires,  a  proroger  le  con- 
cours, ajournant  lc  grand  prix  dc  5, 000  fr.  jusqu'a  ce  nouveau 
terme.  Quant  mix  deux  autres  prix,  celui  de  2,000  IV.  a  ete 
partage  cntre  MM.  Fi.achat  freres  ,  ingenieurs  civils,  et 
M.  Mr  lot,  mecanicien  a  hpinay,  pros  Saint-Uenis.  Le  troi- 
sieme  prix,  de  1,000  fr.  ,  a  etc  divise  entrc  deux  concurrens  , 
comme  le  second,  eldeccrne  a  MM.  Fhaisse,  dc  Perpignan,  et 
Poitevin,  de  Tracy -lc- Mont .  pros  Compiegne.  Entin,  une. 


SCIENCES  PHYSIQUES  43 1 

grnnde  medaille  d'or  a  ete  decernee,  a  titre  d'encourngemcnt, 
a  M.  Farel,  de  iMontpellier. 

Nous  croyons  devoir  transcrire  en  entier  le  resume  tres- 
eourt  de  iM.  deThury. «  II  resulte  detout  ee  que  nous  venons 
d'exposer  :  i°que  votre  appel  a  ete  entendu  ;  que,  de  tons 
cotes,  on  s'esl  empresse  d'y  rcpondre,  et  que  Part  de  percer 
des  puils  artesiens,  ou  fontaines  arlifn  ielles,  qui  semblait 
anciennement  etre  un  privilege  exclusif  pour  les  pays  de 
formation  crayeuse  de  nos  departemens  du  Nord,  est  main- 
tenant  intrbduit ,  ou  plutot  generalement  repandu  partout; 
2°.  Que  de  nombreuses  associations  se  sont  formees  pour 
en  etablir  sur  tons  les  points  de  la  France,  et  qu'en  ce  mo- 
ment diverses  compagnies  percent  des  puits  deja  tres-pro- 
fonds,  et  dont  le  succes  nous  parait  infaillible;  3".  Que 
les  cinq  candidats  dont  nous  avons  fait  conn  ait  re  les  tra- 
vaux  ont  satist'ait  a  plusieurs  conditions  du  programme  , 
mais  en  laissant  cependant  beaucoup  a  desirer  sous  le  rapport 
de  certaines  difficultes  que,  jusqu'a  ce  jour,  aucun  d'eux  n'est 
encore  parvenu  a  vaincre  ou  a  surmonter,  telles  que  rentier 
percemcnt  du  calcaire  jurassique  ,  celui  des  marnes  et  argiles 
irisees,  celui  de  la  grande  masse  de  craie  ;  enfin,  celui  des 
grandes  depositions  de  sable  coulant  qui  se  trouvent  entre 
certaines  formations  lerliaires  ,  et  qui  ont  fait  abandonner  un 
grand  n ombre  de  puits  deja  tres-prolbnds  ;  4°-Qlie?  jusqu'a 
ce  que  les  sondeurs  soient  parvenus  a  surmonter  ces  difficul- 
tes, il  restera  toujours  de  1  incertitude  sur  le  succes  des  puits 
fores  dans  les  pays  qui  ontpreciscmenl  le  plus  besoind'eau.  » 

N. 

1 3?..  — *  Notice  hisiorique  sur  le  pro  jet  d'  Line  distribution  gene- 
rale  d'eau,  d  domicile,  dans  Paris,  el  Expose  des  details  y  relatifs, 
recueillis  dans  di/fcrentes  villes  da  royaume  uni,  votamment  d 
Londres  ;  par  C.  F.  Mallet,  ingeniear  en  chef  de  premiere  classe 
an  corps  royal  des  ponts  et  chaussees,  etc.  Paris,  i85o;  Carilian- 
Gorury.  In-4"  de  82  pages,  avec  un  tableau  et  un  plan  de  la 
disposition  des  tuyait.r  de  cotiduite  duns  Paris ;  prix,  5  fr. 

M.  Mallet  a  fait  deux  voyages  en  Angleterre,  a  I'effet  d'y 
observer  les  moyens  employes  dans  ce  pays  pour  dislribuer 
l'eau  dans  les  grandes  villes.  Charge  d'abord  d'une  mission 
speciale  pour  cet  objet,  il  ne  put  sojourner  assez  long-tcms 
dans  la  Grande-Bretagne  pour  y  p router,  autant  qu'il  le  desirait, 
de  1'instruction  que  les  plus  habiles  ingenieurs  anglais  s'em- 
pressaient  de  mettre  a  sa  portee;  apres  avoir  satisfait  aux  de- 
voirs qui  lui  etaient  imposes,  il  passa  la  Manche  une  seconde 
fois,  ft  yisita  plus  a  loisir  les  grands  etablissemens  de  distri- 


45a       •  LIYRES  FltANCAIS. 

bution  des  eaux.  11  etait  alors  mieux  dispose  pour  celte  etude, 
muni  3'une  suffisante  connaissance  do  la  langue  anglaise, 
ayant  diseule  d'avancc,  el  sous  divers  aspects,  les questions a 
rcsoudrc  el  les  divers  ul>jets  de  ses  recberches.  Son  premier 
voyage  avail  eii  Lieu  en  lS-j./j  :  l'annce  precedente  M.  le  pre- 
fct  dc  la  Seine  avail  aussi  visile  I'Angleterre  pour  le  meine 
objel  :  mais  il  ne  s'agissait  encore  que  de  se  decider  sur  foffre 
que  faisait  alors  unc  compagnie  anglaise  de  se  charger  de  la 
distribution  des  eaux  a  domicile,  dans  Paris.  Le  resultat  du 
voyage  de  M.  de  Chabrol  ne  repoudit  pas  tout-a-fait  aux  vues 
des  speculateurs  anglais;  lc  priucipe  de  la  concurrence  fut 
consacre,  et  ce  fut  alors  que  M.  Mallet  recut  I'ordre  d'aller 
recueillir  sur  les  lieuxles  inforniations  necessaires  pour  i'aire 
un  projet  complet  de  distribution  des  eaux,  et  le  presenter  aux 
entrepreneurs,  avec  le  cahior  des  charges,  line  sorte  d'avant- 
projet  preccda  ce  grand  ouvrage;  revenu  en  France,  vers  la 
fin  de  novembre  1824,  notre  ingenieur  prescnla  sa  premiere 
ebauche,  an  mois  de  mars  1826  ;  etau  mois  d'aofit  de  lameme 
ann.ee  ,  il  l'ut  charge  de  la  redaction  du  projet  defied tif  qui  fut 
terminc  an  commencement  de  ievrier  1826.  i  Ce  projet  portail 
a  22  millions  la  depense  du  systeme  de  distribution  generate 
des  eaux  de  1'Ourcq,  tant  pour  le  service  public  que  pour  celui 
des  particulicrs;  il  se  composait  d'un  Memoirc  instructif,  du 
clevis  general  des  travaux  a  (aire,  d'un  bordereau  de  prix  de 
toule  especc,  d'un  detail  estimatii'et  de  54  feuilles  de  dessins 
ou  plans  dont  un  presentail,  sur  une  grande  echelle,  la  dispo- 
sition generate  du  systeme  et  de  Lous  les  tuyaux  places  dans 
chacune  des  rues  de  Paris.  » 

Ce  projet,  examine  d'abord  par  une  commission,  diseule 
ensuite  dans  le  Conseil  des  ponts  et  ehaussces,  donna  lieu  a 
diverses  observations,  et  enfin  a  une  proposition  qui  cbangeait 
une  des  donnces  essenlielles, et,  par  consequent,  modiliait  les 
moyens  d'excculion  ;  avanl  de  s'arreter  aaucune  des  modifi- 
cations proposees,  le  Conseil  voulut  se  rendre.  compte  des 
depenses  qu'.eUes  entraineraient;  M.  Mallet  l'ut  encore  charge 
de  I'aire  res  nouveaux  calculs.  II  s'agissait  de  I'aire  contribuer 
a  la  to  is  la  Seine  et  I'Ourcq  a  la  distribution  que  I'on  voulait 
I'aire.  On  proposait  trois  syslemes  difi'erens  pour  arriver  a  ce 
resultat;  notre  ingenieur  presente  dans  un  tableau  l'estima- 
tion  des  depenses  de  chacun.  Le  plus  economiquc  scrait  celui 
qui  conserve) ait,  pour  les  eaux  de  I'Ourcq,  le  systeme  actuel, 
«  en  invitani  M.  G  iuabd  a  terminer  le  projet  dont  il  a-  ait  pose  les 
bases  dans  l'ouvrage  qu'il  a  public  en  1810,  projet  dont  1'exe- 
cution  est  deja  tres-avancee,  et  il  landrail  qu'on  appliquat  lc 


SCIENCES  PHYSIQUES.  /,"> 

Syslcme  Doureau,  seulemenl  au  houveau  gome  tic  dislribu- 
'<ion.  <•  L'atilorite  des  rbill'rcs  ne  donna  ooiirtant  pas  la  prioritc 
;'i  ('fertc  proposition;  on  prefera  i'niHi'oriiiile  des  systemes  de 
distribution  pour  les  cauX  des  deux  rivieres.  Le  savant  ct  volu- 
fiiiiteux  travail deM.  Mallet  fnt  adfcsseaM.  le  p relet  de  la  Seine 
"pai'M.  lc  dirccteur-general  des  pontsct  chaussces;  puis  com- 
munique  an  Conseil  municipal  de  Paris,  qui  noinnia  anssi  sa 
commission  d'examen.  Enfin,  il  fnt  arretc  que  Ton  distribne- 
ra it  les  eaux  de  POurcq  suivant  lc  projet  de  M.  Girard,  et  que 
l'on  se  bornerait  a  clever  2,000  ponces d'eau  de  Seine,  pour  les 
distribucr  suivant  le  nonveau  systcme.  Ainsi,  les  vues  d'eco- 
nonrie  prcvalurcnt  dans  lc  Conseil  municipal.  Au  mois  d'avril 
i82'8,  M.  Mallet  recut  l'ordre  de  faire  le  projet  definitif 
ij'apres  les  nouvellcs  donnccs.  En  meme  terns,  I'administra- 
tion  rcpandit  dans  le  public  le  caliier  des  conditions  proposces 
nux  capitalistes  qui  voudraicnt  sc  rendre  adjudicataires  de 
I'entreprise,  aYec  invitation  de  faire  connaitre  leurs  observa- 
tions. «Lc  i5  juillct  suivant,  ime  commission  prise  dans  lc  scin 
du  Conseil  municipal,  et  aupres  dc  laqiicllc  nous  fumes  ap- 
pcles,  M.  Girard  ct  moi ,  commenra  l'exanicn  des  observa- 
tions envoyees,  el  la  discussion  des  objections  presentees  qui 
devait  preceder  le  caliier  des  charges.  Mais  dejii  nous  avions 
commence  l'etude  du  projet,  d'apres  nos  proprcs  idecs,  et  il 
ctait  trace  sur  le  papier,  lorsque  la  commission,  apres  avoir 
discutc  lc  programme,  arrcta  eclui  auqucl  nous  aurions  a 
nous  conformcr,  ct  deeida,  entre  alitfes  choses,  que  nous 
utiliscrions  les  trois  etablissemens  que  la  ville  possedait  sur 
le  bord  de  la  Seine,  deux  au-dessous  dc  Paris  et  un  au-dessus, 
et  que  la  ville  fournirait  sur  la  rivedroite,  vers  la  Rapce,  l'em- 
placemcnt  d'un  quatrieme  ctablisscment.  C'est  sur  cc  pro- 
gramme que  nous  avons  compose  notre  troisieme  projet  qui, 
joint  a  eclui'qui  avail  etc  dcinande  a  M.  Girard  pour  les  eaux 
de  l'Ourcq,  devait  etrc  propose  aux  spcculateurs  comme  prc- 
sentant  les  elemens  de  leurs  ealeuls,  ct  devenir,  pour  l'admi- 
nistration,  la  base  fondamentale  d'un  contrat  dans  Icquel  clle 
avail  1111  si  grand  inleiet.  » 

La  platiche  jointe  a  cctte  notice  prescnte  l'enscmlile  de  ce 
projet,  lc  troisieme  que  l'auteur  avait  rcdigc,  ct  qui  fnt  ap- 
prouve  par  la  commission  du  conseil  municipal,  apres  un  cxa- 
men  qui  occupa  plusicurs  seances.  Le  nouveau  caliier  des 
charges  ctait  alors  au  ministcre  dc  l'interieur  el  donna  lieu  a 
quclqucs  communications  cntre  cc  minislere  et  la  commission 
du  conseil  municipal;  lc  Conseil  d'Elatprit  enfin  pari  ;\  cede 
longue  serie  de  discussions  et  d'examens;  il  fit  quelques  legi - 
t.  xlvi.  mai  iS5o.  "   28 


tfj  LIVHES  FllANCAIS. 

res  modification?,  et  apres  quelques  autres  epreuvas,  le  cahier 
des  charges  fut  livre  an  public,  au  moU  d'aout  1829.  «U  prc- 
sente  dofinitivement  labasedu  contratpourl'importanle  entre- 
prise  offcrtc  a  4a  speculation,  ct  nous  osons  1'espercr  aux  vues 
philanlropiqiies  des  capitalistes.  lis  n'oublieront  point,  sans 
doute  qu'ils  sont  charges  de  pourvoir  a  l'un  des  premiers  be- 
soins  de  la  capitate  du  monde.  besoin  aussi  grand  qu'il  a  ete 
jusqu'ici  inrompleleincnt  satisl'ait,  malgre  la  constante  solli- 
citude  des  magistrals  de  la  ville.  » 

L'histoire  de  ce  projet  confirme  de  plus  en  plus  ce  que  Ton 
ne  peut  ignorer,  depuis  que  Ton  execute  de  grands  travaux 
publics.  Pour  concevoir  et  preparer  ces  travaux,  il  faut  des 
connaissances  approfondies  et  l'habilete  de  I'artiste  ou  de 
Pingenieur  :  pour  faire  adopter  un  grand  projet,  il  faut  des 
facultes  d'un  autre  ordre;  les  obstacles  moraux  sont  plus 
didiciles  a  surmonter  que  tous  ceux  qui  ne  tiennent  qu'a  la 
nature,  etaux  limites  des  ressourcesque  les  arts  et  les  sciences 
peuvent  procurer. 

Le  reste  de  celte  Notice  est  consacre  a  Pexposition  des  faits 
relatifs  a  la  distribution  des  eaux,  recueillis  par  l'auteur  dans 
le  cours  de  ses  deux  voyages  en  Angleterre.  11  visita  sueces- 
sivement,  et  dans  le  plus  grand  detail,  les  nombrcux  etablis- 
semens  qui  repandent,  dans  tous  les  quartiers  de  Londres, 
des  eaux  beaucoup  plus  abondantes  que  celles  dont  jouiront 
les  babitans  de  Paris,  lorsque  le  projet  dont  il  s'ag  t  ici  aura 
recu  son  enliere  execution.  Ajoutons  qu'au  moyen  des  pre- 
cautions que  prennent  les  compagnies  chargecs  de  ces  dis- 
tributions, les  eaux  qu'elles  fournissent  sont  d'une  admirable 
limpidite  et  d'une  saveur  irreprochable  :  M.  Mallet  etail  fort 
satisfait  de  l'eau  que  recevait  la  maison  ou  il  logeait  a  Lon- 
dres, etcependant,  il  appritque  l'etablissement  allait  changer 
sa  prise  d'eau  et  conslruire  un  filtre  ,  ce  qui  devait  entrainer 
une  depense  de  pies  de  deux  millions.  Dans  une  conversation 
avee  le  directeur  de  cet  etablissement,  comme  il  exprimait 
son  etonnement  cju'une  compagnie  put  se  resoudre  a  un 
aussi  grand  sacrifice  qui  lui  semblait  tout-a-fait  inutile,  il  recut 
cette  laconique  reponse  :  Ceau.  doit  etre  comme  la  femme  de  Ce- 
sar. A  Paris,  on  est  moins  scrupuleux. 

Nous  regrcttons  de  ne  pouvoir  suivre  Pauteur  dans  les 
nombreux  details  ou  il  entre  sur  les  filtres,  leurs  dimensions 
et  leurs  produits,  sur  les  differentcs  formes  de  robinets,  sur 
les  prises  d'eau,  les  conduites,  les  reservoirs,  la  distribution 
ii  differentes  hauteurs  etc.  :  M.  Mallet  a  depose  une  grande 
partie  de  ces  connaissances  dans  le  Bulletin  Universel,  et  dan» 


SCIENCES   PHYSIQUES.  435 

le  Journal  du  Genie  civil,  recueils  periodiques  oil  les  deve- 
loppemens  que  ces  notions  exigent  sont  a  la  place  qui  leur 
convient. 

En  quittant  Londres,  l'auteur  va  continuer  ses  observations 
a  Manchester,  a  Liverpool,  et  successivement  a  Glasgow* 
Greenock  et  Edimbourg.  Cbemin  faisant,  il  observe  tout  ce 
qui  pent  interesser  uu  ingenieur  sur  celte  terre  elassique  dc 
Tindustrie,  et  fait  une  ample  provision  dc  connaissances  qui 
lui  fournirbnt  sans  doute  la  maliere  d'un  no  uvea  u  Memoire ; 
il  nous  le  fait  csperer.  Son  attention  s'est  dirigee«  sur  les 
constructions  de  divers  genres,  pouts,  ports  de  mer,  edifices 
publics,  e  gouts ;  enfin  sur  les  cheinins  de  fer  frails  ways],  ob- 
jct  qui,  plus  que  jamais,  occupe  nos  voisins,  et  n'est  pas  loin 
d'operer  cbez  nous  une  revolution  dans  les  divers  moyens 
de  communication  qui  ont  etc  en  usage  jurqu'a  ce  jour.  »  Au 
sujet  des  chemins  de  fer,  M.  Mallet  recommande  l'ouvrage 
que  MM.  Coste  et  Perdokket  ont  p.ublie  sur  ces  importances 
constructions  (voy.  Rev.Enc,  t.  xlv,  p.  G87).  On  remarque 
frequemment,  en  lisant  celte  Notice,  que  l'auteur  est  trop  mo- 
deste  pour  nc  pas  etre  impartial,  trop  eclairs  pour  que  ses  ju- 
gemens  ne  soient  pas  conformes  a  l'equile.  F. 

1 33. — *  A  sir  onomie  pratique  ;  usage  et  composition  de  la 
Connaissance  des  terns;  ouvrage  destine  aux  astronomes  ,  aux 
marins  ct  aux  ingenieurs;  par  L.  B.  Francoecr,  professeur 
dc  la  Faculte  des  Sciences  de  Paris.  Paris,  i83o ;  Bachelier. 
In-8"  de  5oo  pages  avec  des  planches  gravees  en  taille  douce  ; 
prix,  7  fr.  5o  c. 

M.  Francceur,  encourage  par  le  succes  de  ses  traitesde  ma- 
thematiques  pures  et  appliquees,  et  penetre  de  l'ulilite  d'un 
ouvrage  specialement  consacre  a  I'application  raisonnee  des 
formules  et  des  ephemerides  aux  problemes  d'astronomie 
usuelle,  vient  de  rendre  un  service  a  la  science,  par  une  pro- 
duction dont  je  vais  rendre  compte  et  indiquer  le  plan. 

Une  introduction  est  destinee  a  rappeler  les  formules  tri- 
gonomelri(|ues  servant  a  resoudre  la  pi u part  des  problemes 
d'astronomie  pratique ;  a  faire  connaitre  quelques  particula- 
rites  sur  les  etoiles,  et  a  indiquer  les  moyens  d'abreger  cer- 
taincs  operations  numeriques,  etc. 

La  premiere  parlie  de  l'ouvrage  supplee  au  laconisme  du 
texte  de  la  Connaissance  des  terns  ,  pour  ce  qui  a  rapport  a  la 
signification  et  a  l'usage  des  nombres  qu'elle  conticnt.  On  y 
remarque  le  calcul  de  la  refraction  par  les  tables  de  ce  livre  et 
par  les  tables,  plus  commodes,  (bailees  sur  I'cuiploi  des  logn- 
rithmes;  des  notions  precises  sur  la  formation  d'un  catalogue 


$6  LIVRKS  FRANGAIS. 

d'etoites;  sur  l;i  determination  des  ascensions  droiies  cl  decli- 
nirisons  apparcntes,  cl  le  calcul  de  roMiquitc  de  IWIipiiqne, 
en  ayant  egard  a  la   nutation  Inni-solairc ;  sur  la  melbode 

d'inrerpolalion  appliqnee  aux  lieux  lunaires,  el  sur  la  figure 
da  globe  terrestre.  Enfin  cett-e  premiere  panic  est  terininee 

par  line  theorie  complete  des  parallaxes  et  par  <lcs  cxcmplcs 
niinicriques  propres  a  guider,  dans  tons  lescas,  le  ealcula- 
teur,  pour  passer  du  lien  vrai  ile  la  luae  ail  lien  apparent,  on 
veciproqucment. 

La  secondc  parlie  a  ponr  objet  Ies  theories  ct  les  solutions 
tVun  grand  nomine  de  problemes  d'astronomie.  Kile  est  prin- 
cipalcment  mligce  en  faveur  des  ingenicurs  qui  .  ne  I'aisanl 
qn'aceidcnlellement  des  applications  de  eelte  science,  de-M- 
reni  savoir  titer  des  observations  celestes  les  rcsullats  utiles  a 
la  navigation  et  a  la  geographic.  Le  premierparagraphc  est  re- 
lalifa  la  mesurc  du  terns  et  a  la  conversion  des  di  verses  dorees 
les  uncs  par  les  autres.  M.  r'rancoeiir  iudiquc  comment  on  y 
parvient  a  1'aide  de  la  Connaissaiue  tics  terns,  on  an  moyen  des 
tables  generates  qu'H  a  calculees  d'aprcs  une  fornmte  de  la 
Mceanique  celeste,  assujettie  aux  elemens  nuuieriques  les 
i>lus  recens.  11  expliquc  la  nianiere  de  determiner  Theme  so- 
laire,  vraie  ou  moyenne,  du  passage  d'un  astre  an  mcridicn ; 
il  donne  les  types  de  calculs  relatifs  a  ce  passage;  expose  la 
mclhode  la  plus  sCire  pour  determiner  la  deviation  d'une  lu- 
nette meiidicnne,  et  proeede  a  la  recherche  du  terns  ahsolu 
par  les  angles  boraires,  soil  que  l'aslre  ait  ete  observe  avec  un 
instrument  donnant  les  angles  simples  de  hauteur,  soit  qu'H 
l'ait  ete  aveclecercle  rcpeiileur;  enfin  il  enseigne  a  regler  un 
chronomctre  par  des  hauteurs  corrcspoudunles  ct  en  fait 
connaitre  lous  les  usages. 

Ce  savant  professeur  passe  ensuite  a  la  determination  de  la 
latitude  geogiaphiquc  par  des  passages  meridieas,  des  hau- 
teurs circomnieridicimes,  des  digressions  de  la  polaire,  ct  par 
plusieurs  autres  procedes  usites  en  nier.  11  expose  dillercnlcs 
mclhodcs  plus  ou  moins  exacles  pour  obtenir  les  longitudes 
terrcstrcs  :  par  cxemp.c,  far  les  chronometres,  les  leux,  les 
distances  de  la  lime  au  soleil  ou  aux  etoiles,  les  culminalions 
comparees  de  la  lime  et  d'un  astre,  les  eclipses  et  les  oc<  ulta- 
tions.  Des  exemples  varies  el  hien  choisis  mettent  le  caleula- 
teur  le  moins  exerce  a  nieme  de  suivre,  sans  crainte  de  ja- 
mais s'egarcr,  la  marche  des  operations  nuuieriques  les  plus 
compliquees,  et  de  parvenir  a  des  resultats  rigoureux,  si  seh 
propres  observations,  ou  celles  qu'il  emprunlc,  meritenl  une 
cntiere  confiance. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  $3? 

M.  Francoeiir  s'atfbcbe  aussi  a  dormer  les  calculs  il'ii  lever, 
dueoueher et  tie  Pamp  lituHe  ties  astics,  de  I'azininih  d'im 
olijel  tcrrestre,  de  la  dectinaison  de  l'aiguille  aimantec.  Enfin 
ii  Iraite  des  marees  avec  un  soin  particulier,  d'apres  la  thcorin 
de  D.  Bernou'tlli,  pour  trouvei Theme  de  la  pleine  mer,  cl 
d'aprcs  eclle  de  Laplace,- pour  cal cilleries  hauteurs  des  marees 
sysigies;  en  sorle  que  toutes  les  circonslances  de  ce  grand 
pheuomene  sont  predites  exactcment,  eomme  dans  la  Con- 
naissance  des  Lcms,  ei '  L'Annuaire  du  bureau  des  longitudes. 

La  troisieme  ct  dcrniere  partie  a  rapport  a  la  composition 
et  a  I'u sage  des  tables  astronomiqiies :  eltecomprend  d'abOrd 
la  formation  des  tables  du  soleil',  cl  un  precis  des  iinportaiis 
tray  an  x  de  M.  Bessel,  rclalifs  a  la  determination  de  la  longi- 
tude moyer.ne  de  cet  astro  au  commencement  de  ce  siecle.  On 
y  trouve  ensuite  le  caleul  d'un  lieu  complet  du  soleil,  eu 
ay  ant  sculemeut  egard  ,  pour  abreger,  aux  prm'cipales  pei  ■- 
turhatinns  planetaires  ;  d'ou  il  suit  que  la  longitude  vraie,  de- 
duiledes  tables  de  Dclambre,  esl  ici  rcproduile  a  un  trcs-pclit 
h  on  lb  re  de  secondes  pics. 

L'auteur  expliqne  cgalemcnt  la  formation  des  tables  de  la 
lune,  en  s'arretant  aux  nombics  et  aux  formulas  que  noire 
savant  confrere,  M.  Damoiseau,  a  employees  pour  la  con- 
struction de  ses  exccllenles  tallies  ;  mais  en  negligeant  les  ter- 
mes  fort  petits.  11  expose  en  outre  les  principes  qui  servent 
de  base  a  la  formation  des  tables  des  planetes,  et  eutre,  a  cet 
egard,  dans  des  explications  qui  aidenl  a  la  parfaite  intelli- 
gence du  caleul  des  licux  geocentiiques  de  Venus  et  de  Mars, 
depouillcs  toutcfois  des  terines  dependans  des  perturba- 
tions. 

Toutes  ces  theories  importantes,  qu'aucun  ouvrage  elemen- 
taire  n'avait  encore  donnees  d'une  manicrc  anssi  dclaillec  el 
aussi  salisfaisanle,  sont  suivies  de  remarques  generates  sur  la 
determination  des  constantes  qui  entrent  dans  les  formulas 
astrononiiques,  deduilcs  de  la  theorie  de  I'atlraction,  ct  de 
1'explicalion  Ires-circonstauciee  de  la  melbode  dc  noire  illus  - 
tre  confrere,  RI.  Legendre,  pour  combiner  des  equations  de 
condition  de  la  maniere  la  plus  avantageuse :  sans  omeltrc 
cependant  la  melhode  de  Tobie  Mayer,  dont  la  pluparf  des 
astronomes  font  encore  usage,  lorsque  le  nomlire  des  equa- 
tions de  condition  est  considerable. 

M.  Francfcur,  continuant  de  remplir  le  cadre  tres-etendu 
qu'il  s'est  trace,  et  de  douuer  d'otiles^developpemeus  a  la 
troisieme  panic  de  son  Uranographie,  fait  voir  comment  les 
astronomes   determinant   I'obliquite  dc  Peclfplique  aux  cpn- 


438  LIVRES  FRANCAIS. 

ques  des  solstices  cti!es  equinoxes;  ilexplique  tant  los  formu- 
las de  precession,  de  nutation  et  d'abcrration,  que  la  con- 
struction des  tables  parliculieres  relatives  aces  deux  dcrnicrs 
pbenomenes  ;  enfin  il  resume  ce  qu'il  a  ditconcornant  la  for- 
mation et  I'usage  des  dix-scpt  tables  qui  lermincnt  I'ouvrage, 
lesquclles  sdnt  d'autant  plus  precieuses,  dans  les  voyages 
scicnliliqucs,  qu'elies  servhaicut,  a  defautde  la  Connaissance 
des  terns,  a  reproduire  exactemenl,  pour  une  cpoque  qucl- 
conque,  tous  les  clcmens  lies  calculs  astronomiqucs. 

Telles  sont  les  principales  malieres  qui  cntrent  dans  la 
composition  de  cet  ouvrage,  et  qui,  par  la  maniere  dont  elles 
sont  Indices  et  coordonnces  enlre  elles,  se  prcscnlcnt  avec 
I'attrait  de1  la  nouveaute.  Redigees,  comme  elles  lc  sont,  avec 
toute  la  clarte  desirable,  et  reunies  ainsi  en  corps  de  doctrine, 
elles  ne  peuvent  manquer  d'atteindre  completement  le  but 
que  l'auteur  s'est  propose  (1).  Puissant. 

i54.  ' —  *  Journal  de  Voyage  ^Moresque  atilour  da  tnonde , 
execute  sur  la  corvette  la  Coquille ,  commandec  par  M.  L.-J. 
Duperrey,  pendant  les  annces  1822-1826;  parR.-P.  Lesson. 
T.  1 ;  liv.  1.  Paris,  1800;  Amable  Gobin  et  compagnie.  In-8°; 
prix,  5  fr.  5o  c. 

M.  Lesson  nous  donne  ici  le  commencement  d'une  relation 
inleressante  du  voyage  autour  du  monde  qu'il  a  fait  avec 
l'expedition  confiee  au  commandement  du  capitaine  Duper- 
rey.  La  premiere  livraison,  ornce  de  plusieurs  gravures,  con- 
tient  la  relation  du  trajet  de  la  France  au  Bresil,  et  de  la  aux 
iles  Malouines,  sur  lesquelles  M.  Lesson  donne  beaucoup  de 
details.  Nous  ne  doutons  pas  que  cette  relation,  sur  laquelle 
nous  reviendrons  lorsque  la  publication  en  sera  plus  avancee, 
ne  soit  lue  avec  beaucoup  d'interet  par  tous  les  amateurs  de  la 
geograpbie  el  des  voyages.  D — c. 

1 55.  —  Vue  el  Plan  de  la  vitle  d' Alger ;  Carte  de  la  pro- 
vince d'Alger  et  d'une  par  tie  des  provinces  de  Mascara  et  de 
Titteri,  lircedcrAtlasmanuscritdcM.  J.  G.  Barbie  du  Bocage. 
Paris,  1800;  Knccht,  Rocby,  Piquet,  Trcultel  et  AVi'iitz. 
1  feuille  Jesus;  prix,  2  fr.  5o  c. 

Cette  feuille  presente  nn  panorama  de  la  cote  et  des  mon- 
tagnes  Mluecs  autour  d'Alger,  et  donne,  en  outre,  le  plan  de  la 
ville,  de  ses  monumens  et  de  ses  fortifications,  ainsi  que  la 


(l)Nousavons  cm  ne  pouvoir  mieux  faire  connaltrc  I'excellent  ouvrage 
de  INI.  Franca-nr  qu'en  tiansci  ivant  ici  le  rapport  presente  a  V Academic 
des  sciences,  dans  la  seance  du  26  avrit  i83o,  par  l'honorable  nienibre 
qui  a  bicn  voulu  nuns  It  eouunuuiquer. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  'po, 

carte  de  la  province  d' Alger  et  d'une  partie  de  celles  du  sud  et 
du  ponent.  Au  Las  de  la  vue  de  la  ville  et  des  montagnes  qui 
l'environnent ,  on  a  ajoute  le  non;  de  chaque  point  principal, 
en  sorte  qu'on  pourra  reconnaitre  ,  d'une  maniere  generate, 
sur  celte  representation  orographique,  les  positions  strategi- 
ques  dc  l'armee,  soit  au  moyen  dc  ces  indications,  soit  par 
des  rapprocliemens  qu'il  sera  facile  de  faire;  c'est  an  burin  de 
M.  Roux,  deja  bien  connu  ,  que  Ton  doit  cette  belle  gravure 
sur  pierre. 

Le  plan  d'Algcr  a  d'autant  plus  d'interet,  qu'il  est  en  rap- 
port avec  la  vue  et  qu'il  offie  une  infinite  de  details,  notam- 
ment  1'emplacement  de  plusieurs  edifices  qui  etaient  restes 
inconnus  jusqu'ici;  il  pent  donner,  compare  ainsi  avec  le 
relief,  Pidee  de  l'aspect  admirable  de  cette  ville  :  Alger  est  a 
mi-cote,  s'eleve  en  amphitheatre,  et  ses  maisons,  peintes  en 
blanc,  se  detachent  sur  un  fond  de  verdure  nuance  des  plus 
riches  couleurs;  mais  le  charme  se  dissipe  en  mettant  pied  a 
terre  et  en  entrant  dans  la  ville  oil  Ton  circule  au  milieu  de 
rues  etroites,  sales  et  sombres. 

La  carte,  dressee  sur  une  echelle  de  2  pouces  5  lignes  pour 
6  lieues  de  25  au  degre ,  est  un  fragment  d'une  carte  sur  la 
meme  echelle  de  loute  la  Barbarie  occidentale  :  elle  presente 
une  etendue  de  10  a  i5  lieues  autour  de  la  ville.  C'est  la  partie 
de  la  Regence  qui  va  devenir  le  theatre  de  la  guerre.  Riche  de 
details  importans,  cette  carte  permettra  de  suivre  bien  autre- 
ment  encore  l'expedition  et  le  mouvement  des  troupes  assie- 
geantes  pendant  toute  la  campagne.  Ces  deux  derniers  mor- 
ceaux  de  topographic  ont  ete  graves  par  M.  LATRENTavec  un 
soin  qui  merite  des  eloges.  La  vue,  la  carle  et  le  plan,  detaches 
d'un  ouvrage  manuscrit  de  M.  Barbie  du  Bocage  sur  l'histoire 
et  la  gcographie  de  la  Regence,  sont  accompagnes  d'un  texte 
descriptif  trcs-succinct,  qui  traite  de  la  cote,  des  montagnes, 
de  la  ville  et  des  provinces  d'Alger,  des  bourgs,  forteresses, 
batteries;  des  mceurs  des  Maures,  des  Juifs,  des  Chretiens, 
des  Arabes  et  des  Turcs ;  des  etablissemens  publics,  monu- 
mens,  antiquiles,  du  gouvernement,  des  forces  de  terre,  des 
monnaies  et  du  calendrier  algerien. 

Ce  tableau,  dedie  a  tons  les  officiers  de  l'armee  de  terre  et 
de  mer,  pent  etre  fort  utile,  non-seulement  aux  personnes  qui 
font  partie  de  l'expedition,  mais  encore  a  loutes  celles  qui 
prennent  interet  a  cette  guerre.  Suei'r  Merlin. 

•  56.  —  Annuaire  statistique  du  dcpartement  de  la  Fienne, 
pour  l'annee  i83o.  Poitiers,  i83o;  Sanrin  freres.  In-18  de 
169  pages;  prix,  1  fr.  5o  c. 


44«  LIVKKS  FRAN^AIS. 

Nous,  aimons  a  recommander  les  publications  do  ce  genre 
lorsqn'elles  parviennent  a  notre  connaissance  ,  ct  dopnis  long- 
tems  nous  avons  signal*  loir  utilile.  Ce  qui  convient  surtout 
aux  annuahes  stalistiques,  ce  sont  des  la  its;  leur  mission  spe- 
ciale  est  dc  reunir  tous  coux  qui  couceruent  les  Iocalites  aux- 
c|i:cllcs  ils  appartiennenl;  et  leur  principal  nicrite  doit  consisr 
tcr  dans  l'exactitudc  des  donnees  qu'ils apportent  en  tiibuta  la 
science.  Dansl'Annuaire  dela  Vienne,  les  fails'  recueillis  nesont 
pas  encore  tros nombreux,  mais  ils  paraissdit  bien  cboisis. 
Outre  les  nomenclatures  dc  noms  propres ,  qui  forment  sim- 
plement  iioe  sorle  de  succu.rsaje  de  I'Alnianach  royal,  on  y  re- 
marquc  dix  cbapitres  consaeres  a  la  statisliq-ue  proprement 
elite  :  description  physique,  meteoro!o»ie,  eaux,  forets,  pouts 
et  cbaussees,  mines,  agriculture,  induslrie,  population,  fi- 
nances. Nous  y  avons trouve  les  evaluations  suivantes  : 

L'elendue  ter.iiloriale  est,  en  supciGcie,  de  354  lieues  carrees,  oil 
699,200  he    aies, 

Dont,  en  terres  enseniencees. .   .   ..  .   .   .  59/100  on  4'2,5^S  hectares. 

—  En  vignes 4/ioo  on     27,968 

—  En  pi  airies ,   .   .  .  4/'°oou     27,1,68 

—  En  bois 5/ 100  ou     54,960 

—  En  terres  ineultes 24/100  ou  167,8^18 

„,     En  butiniens,  cjuis,  routes  et  eaux.  4'Joo  ou    27,968 

Total  .....  699,200  hectares. 

La  population  est,  suivantrctat  ollicieldressr  d'aprcsl'ordon- 
nancedu  1 5  mars  1827,  de  267,670  Ames;  ce  qui  donnerait, 
par  lieue  carree ,  7J6  funes  25/177.  Comme  onje  voit,  le  de- 
parte  men  I  de  la  Vicnnc  ne  ligurerait  point  parmi  les  premiers, 
sur  une  liste  on  les  departcmens  seraient  classes  d'apres  leur 
population  proportioniiellc  011  bien  d'apres  l'aclivite  et  les  do- 
veloppemens  de  leur  industrie  agricole. 

toy.  —  Manuel  complct  du  tcneiir  dc  Hires,  ou  Tart  de  tenir 
les  livres  en  peu  de  leeons  par  des  moyens  prompts  et  fail- 
les; rcnlermant  uri  Cours  de  teii'ue  des  livres  d  partie  simple  ct 
d  pnrtie  double 3  unc  nouvelle  methode  pour  les  tenjr  a  partie 
double  an  moyen  u'un  seul  registre,  et  les  diverscs  maniercs 
d/ciublir  les  comptes  courans  avec  ou  sans  nombres  rouges, 
de  cal.culer  les  epoqucs  communes,  les  interets,  les  cscomp- 
tes,  etc.  ;  oiiyrage  a  I'aide  duqtiel  on  pent  apprendre  sans 
maitre;  par  M.  Trkmer*,  professeur  dc  comptabilite  enm- 
mcrciale.  Paris  i  t85o;  Koret.  Ia-i8.de  325  pag.;  piix,  5  IV. 


SCIENCES  MORALES.  44 \ 

Sciences  religieuses,  morales,  poliliques  et  historiqucs. 

i38.  *  Sainte-Iiible  <!e  Fence,  en  latin  et  en  francais,  avec- 
des  notes  Uttcraires,  critiques  et  historiqties,  des  prefaces  et  des 
dissertations ,  tiroes  dnromnienlaire  de  don  Calmet,  abbe  de 
Scnones,  de  l'abbc  de  Fence,  et  des  autres  auteurs  les  plus  ce- 
ll bres,  pour  faciliter  ^Intelligence  de  I'Ecriture-Sainte  ;  enri- 
chie  de  figures  et  de  carles  geogrftpbiques.  C'tnquiiine  edition, 
soigncuscment  revue,  etaugmentee  d'un  grand  nomhredc  no- 
tes, par  M.  Drach  ,  rabbin  converti.  et  enriehie  de  nouretles 
dissertations.  Oiivrage  dedie  ail  roi  T.  xiv  et  xxn.  Pari-,  i85o; 
Mequignon-Havard  ,  rue  des  Saints-Peres,  n°  10.  2  vol.  in-S"; 
prix  du  volume,  7  fr. 

Cette  livraison  se distingue  par  tons  lesavanlages  qui  on* fait 
remarquer  les  precedents.  Le  tome  xiv  renferme  une  preface 
sur  Jcrcniie,  une  dissertation  sur  les  Rechabites,  liommes  d 'une 
vie  eweinpUiire,  eCitne  abstinence  rigoareUse,  d'  une  granrtc  retraite, 
d'un  desinteressement  presque  en  tier;  les  propbeties  deJeremio, 
une  preface  sur  les  lamentations  de  Jeromie,  am  stijet  de  la 
prise  de  Jerusalem  paries  Chaldccns  ;  les  lamentations,  la  plus 
sublime  deselegiesquel'on  connaisse  ;  une  preface  sur  Baruch; 
le  livre  de  ce  prophete,  et  une  dissertation  sur  la  mine  de 
Babylune,  par  M.de  Sainte-Ckoix.  Pour  dunner  une  idee  pre- 
cise de  celte  dissertation,  nous  citerons  le  passage  suivant. 
«  Tons  les  propbetes  ont  cte  doues  d'uno  foriect  vivo  imagi- 
nation, qualile  essentielle  du  poete  :  e'est  par  e!!c  qu'ils  frap- 
petit  ['esprit  et  meuvent  le  cc&ur.  La  grandeur  de  leurs  idces, 
fa  hardiesse  de  leur  style,  la  force  de  leurs  expressions,  la  ri- 
chesse  de  leurs  comparisons,  l'abondance  de  toutes  leurs  fi- 
gures nous  ravissent  en  admiration,  on  font  sur  rios  sens  une 
impression  profonde  et  incffaoable.  Parmi  eux,  Isai'e  estle  pre- 
mier; el  ses  cerits  surpasscnt  de  beaucoup  les  chefs-d'oeuvre 
de  l'antiqui'lc.  Que  ne  lui  doit  pas  Ilaciue  dans  ses  beaux 
cboeurs  d'Estherel  d'Athalie?  et  peut-eireque,  sans  lui,  lemer- 
veilleux  de  Milton  ne  serait  qu'extravagance.  L 'esprit  de  Dieu 
a  pu  scul  elever  si  liaut  les  propbetes  ;  et  leur  sublimite  est  en 
enx  une  prcuvc  d'inspiration  :  le  flambeau  de  leur  genie  a  etc 
alluine  aux  rayons  de  la  divinite  qui  les  ecluirent  ;  et,  de  la 
oonnaissance  de  ses  altributs,  ils  empruntent  toute  leur  force: 
il  ne  leur  etait  done  pas  difficile  d'etre  grands  philosopbcs.  Que 
de  salutaires  lecons  n'aJrcsscrent-ils  pas  aux  peuples  el  aux 
rois?  lis  menacaicnt  sans  ccsse  les  riches  cl  les  puissans,  ceux 
qui  dt'pouillcnt  la  veuve  et  I'orphelin  de  leurs  heritages,  les 


44^  LIVRES  FRANCAIS. 

impies  qui  insultent  a  la  patience  tin  Seigneur,  les  juge» 
iniques,  surtout  ces  faux  sages,  organe  du  mensonge  ,  qui, 
suivant  Isai'o,  donncnt  au  vice  le  nomdc  la  vertu,  et  a  lavertu 
le  nom  du  vice;  qui,  abusant  do  ['empire  qu'ils  out  sur  les 
esprit,  leur  font  prendre  lestenebres  pour  la  lumicre,  etla  lu- 
miere  pour  lestenebres.  Ce  langage  n'est  pascelui  dc  1'orgueil 
liypoi  rite  et  interesse;  il  apparlient  exclusivement  a  la  vcrile 
franche  et  courageuse;  les  prophetes  l'eurent  tail  jours  pour 
guide;  et  leur  morale  Cut  anssi  pure  que  la  source  dont  elle 
emanail.  Envoyesde  Dicu  ,  ils  portaient  la  parole  en  son  nom, 
on  ecrivaient,  sous  sa  dictee,  sur  des  table  If  es  qui  etaient  en- 
suite  exposces  en  public.  Ils  etaient  done  de  veritables  ora- 
teurs,  et  memhres  esscntiels  de  la  theocratic.  Jamais  l'elo- 
quence  t'u  t-elle  si  vehemente;  jamais  eut-elle  a  u  taut  d'elevation? 
Leur  voix  semble  encore  retentir  a  nos  oreilles.  » 

Dans  le  xxu*  volume  sont  contenues  sept  epilres  de  saint 
Paul,  une  preface  generate,  des  prefaces  partieulieres,  des 
dissertations  sur  le  salut  des  gentils,  sur  les  effets  de  la  cir- 
concision,  sur  le  peche  originel,  sur  le  mariage  des  infideles, 
sur  le  bapteme  pour  les  morts,  sur  le  combat  de  saint  Paul  a 
Ephese,  sur  la  resurrection  des  moils,  et  sur  Cephas.  Ilporte 
en  tete  une  table  chronologique  des  epitres  de  saint  Paul. 

J.  L. 

159.  — *  Meditations  religieuses,  en  forme  dediscours,  pour 
toules  les  epoques.  circonstances  et  situations  de  la  vie  do- 
mestique  et  civile,  traduites  par  MM.  Moknaud  et  Gence, 
d'apres  l'ouvrage  allemand ,  intitule  :  Slunden  </er  Andacht. 
Tom.  1;  premiere  partie,  on  n08  1  a  xn.  Paris,  i85o;  Treut- 
tel  et  Wurta;  Strasbourg,  Londres  et  Bruxelles,  meme  mai- 
son.  In-8°  de  58o  pages;  prix,  5  fr. 

Ces  Meditations  ont  ete  publicesd'abord  en  Allemagncsous 
la  forme  d'un  rccueil  religieux  periodique.  L'auteur,  dont  le 
nom  e-t  inconnu,  mais  qu'on  presume  elre  un  pretre  catho- 
lique  plein  de  tolerance  et  de  philosophic,  a  rassemble  ces 
feuilles  eparses  qui  avaient  obtenu  un  grand  succes  dans  sa 
patric,  et  en  a  forme  un  livre  que  MM.  Monnard  et  Gence  ont 
traduit  en  franrais.  On  doit  les  remercier  d'avoir  entrepris  ce 
travail,  car  nous  ne  possedons  rien  encore  qui  se  rapproche 
de  celte  maniere  a  la  fois  philosophique  el  familiere  de  con- 
siderer  et  d'appliquer  les  dogmes  religieux.  Chez  nous  les 
livres  religieux  sont  en  general  beaucoup  trop  mystiques. 
Lorsqu'ils  s'adressent  a  des  esprits  ou  incertains  quant  a  la  foi, 
o\\  tiedes  quant  a  la  pratique,  ils  ne  produisent  aucun  effet  ; 
lorsqu'ils  tombent  sous  les  yeux  de  gens  dont  1'esprit  est  ar- 


SCIENCES  MORALES.  443 

dent  el  ('imagination  facile  a  emouvoir,  ils  peuvent  les  exalter 
a  un  point  dangereux  et  leur  faire  negliger  tout  ce  qa'il  y  a 
de  positif  et  d'actuel  dans  la  vie;  en  un  mot,  ils  provoquent 
toujours  ou  l'extase  on  1'lnlarite.  Tout  cela  est  hois  du  vrai 
et  du  ben.  Nous  pensons  que  nous  ne  sommes  plus  au  tenis 
ou  Ton  pouvait,  sans  peril,  eneourager  tonics  ces  minuties 
de  la  vie  devote,  ces  consecrations  de  femmes  et  de  jeunes 
gens  a  tel  ou  tel  saint,  a  tel  ou  lei  mysttre;  loutes  ces  petites 
pratiques  qui  constituent  a  elles  seules  une  existence  hors  de 
{'existence  reclle.  Aujoui'd'hui ,  il  convicnt  d'appliquer  ce  qui 
reste  de  croyances  aux  fails  materiels,  au  lieu  de  le  dissiper 
en  niaiseries  ridicules;  il  convient  de  ne  pas  faire  deux  parts 
des  devoirs  de  l'homme  ici-bas  ,  et  de  fondre  en  un  soul  code 
la  morale  et  la  religion.  L'ouvragc  dout  nous  annoncons  la 
publication  serait  tres-proprc  a  arnener  ce  resullat ;  malheu- 
reusement  il  trouvera  deux  obstacles  a  operer  ie  bien  :  pre- 
mierement  il  ne  pent  pas  devenir  populaire  ,  el  secondement, 
beaucoup  de  pretres  chretien- ,  non-seulement  ne  cberche- 
ront  pas  a  le  repandre,  mais  encore  s'opposeront  de  loul  leur 
pouvoir  a  sa  diffusion.  On  sent  qu'il  nous  est  impossible  d'a- 
nalyser  un  pared  livre  :  ce  n'est  d'ailleurs  ici  qu'une  premiere 
parlie  qu'on  ne  peut  apprecier  completemcnt  sans  connaitre 
1'ensemble.  Cependant  nous  pouvons  dire  que  les  Meditations 
qu'elle  renferme  nous  semblent  parfaitement  pensees  et  sen- 
ties,  et  que  Ie  st\le  des  traducteurs  est  d'une  clarte,  d'une 
elegance  simple  el  correcte  qu'on  Irouve  rarement  dans  les 
livres  de  piete.  A.  P. 

iqo.  — *  Essaisur  la  science  et  sar  la  fol  pliilosopliique ,  par 
Frederic  Akcillon,  de  1'  A cademic  royale  ties  Sciences  de  Berlin; 
avec  cette  epigraphe  :  Ao;  po;  -xov  c-w,  donnez-moi  un  point 
d'appui.  Paris,  1800;  Gide  fils,  rue  Saint-Mare-Feydeau , 
n°  20.  In-8°  de  a;5  pages  ;  prix,  6  fr.,  et  7  fr.  par  la  poste. 

On  reconnait  en  philosophie  trois  genres  de  certitude  di- 
recte  ou  immediate  qui  correspondent  aux  trois  genres  d'evi- 
dence  suivans  :  i°  ('evidence  de  conscience  ou  de  sens  in  time  ; 
'2°  l'evidence  de  perception  ou  des  sens  exterieurs;  5°  I'evi- 
dence  raiionnelle,  on  de  raison  intuitive,  qu'il  ne  faut  pas 
confondre  avec  l'evidence  de  raison  deductive  ou  de  raison- 
neinent,  laquelle  cngendre  notre  certitude  indirccle  ou  me- 
diate. 

Ces  trois  genres  de  certitude  different  par  leur  objet  :  le 
premier  me  fait  connaitre  ma  pensee  ,  ma  sensibilite,  ma  li- 
berte ;  le  second,  le  monde  materiel;  le  troisieme,  des  veri- 
tes  immuables,  telles  que  I'eternitt'  du  tern*.  ['infinite  de  I'es- 


/,.',4  MVKliS  t'UANCUS. 

pace,  la  necessity  d'une  cause  a  ton  tee  qui  commence  d'exister, 

1'univcrsalile  des  axiomes  dc  geomelrie  et  des  axiomes  de- 

morale. 

Ma  pensee,  ma  scnsibilile,  ma  volonlc  on  ma  libcrte,  e'est 
moi.  Le  mondc  materiel ,  ee  nVst  pasmoi;  le  terns.  I'espare  , 
la  loi  morale,  ee  rt'est  ni  moi,  ni  le  mondc  materiel.  Le  moi 
et  le  monde  physique  pen  vent  perir;  le  mondc  de  la  raison 
intiiilive  est  imperissable. 

Les  ebjets  que  ces  trois  divisions  comprennent  nous  sont 
connus  direclement,  par  la  lumiere  qui  leur  est  propre,  sans 
qu'une  classe  emprunte  sou  evidence  d'aueune  des  deux  an- 
tics. L'cxistence  de  ma  pensee  n'est  pas  prouvee  par  l'exis- 
tenee  de  tel  ou  tel  arbre,  ni  1'existenee  de  cet  arbre  par 
I'exrstence  de  ma  pensee,  pas  plus  que  ['existence  de  I'esnat  c 
intini  par  1'existence  de  nva  pensee  ou  de  1'arbre. 

Je  sais  que  je  pense,  et  je  lc  sais  de  science  certaine  ,  sans 
que  je  puisse  appuyer  cette  science  stir  d'a  litre  I'ondcmcnl 
qu'elle-uicme.  Je  sais  qu'independauiment  de  ma  pensee  il  est 
im  mondc  que  j'appellc  materiel ,  dont  ('existence  est  conlin- 
gente,  e'est-a-dire,  dont  je  puis  coneevoir  le  commencement 
et  la  (in;  do  reste  1'existence  dc  ce  mondc  no  m'est  aussi  de- 
moulree  que  par  ellc-memc.  Enfin  ,  je  sais  d'une  manicre  tout 
aussi  directe,  que  d'autres  objets  sont  impcrissabics,  comme  lo 
tcnis,  l'espace,  la  cause  premiere.  Pour  parler  la  langue  pbi- 
losopbique,  je  sais  quMndependcninient  du  moi,  ilestun »on- 
moi  contingent ,  et  un  non-moi  necessaire.  Voila  tout  ce  qu'il 
nous  est  accorde  de  savoir ;  ces  trois  mondes  et  les  analyses 
qii'cm  en  peut  faire  component  lc  do-ma ine  de  la  science. 

Mais  independamment  de  la  science,  noos  avons  aussi  en 
nous  une  laculte  qu'on  appelle  la  foi.  Je  sais  qu'une  lige  de 
from  en  t  est  sortie,  1'an  passe,  d'un  grain  lombe  en-terre;  je 
crois  que  celle  aimee  un  autre  grain  seme  gcrmcra  et  produira 
son  epi.  11  n'y  a  plus  ici  certitude,  mais  simple  croyanee  ou 
foi.  Je  suis  certain  de  ce  que  je  vois  ou  dc  ce  que  j'ai  vu;  quaint 
je  dis  :  je  verrai,  je  ne  fa  is  plus  que  crnire.  De  meme  je  sais 
qu'apres  avoir  re  garde  allenlivemcnl  les  traits  d'un  liomme,  je 
me  les  suis  rappeles  en  son  absence  ,  je  crois  qu'a  regard  d'un 
autre  bomme  ,  ma  memoirc  agifa  comme  elle  a  fait  poor  ce- 
lui-ei.  J'ai  done  une  croyanee  a  la  slabilile,  et  ;'i  la  gencralilc 
des  pbeaomenes  que  m'a  reveles  I'experienre  soil  interne  soil 
extcrne,  e'est-a-diic.  la  conscience  el  la  perception.  La  science 
du  present  et  du  passe  engendre  la  foi  a  Tavenir;  la  con- 
naissance  dun  fail  particuliur  oceasione  uuc  croyanee  a  un 
fail  general.  Comme  nos  trois  genres  de  certitude,  cette  fvi  ou 


SCIENCES    MORALES.  445 

croyance  est  un  principe;  cllc  n'a  pas  d'autrc  fondement  logi- 
que  qu'elle-meme. 

II  est  un  second  genre  de  foi  que  nous  devons  encore  nolcr. 
L'enfant  s'abandonne  an  temoignage  et  a  1'autorile  de  ceux 
qui  renlourent,  par  pur  inslinct  et  sans  raisonnement.  Ce 
qu'il  croit  sur  le  dire  d'autrui  surpasse  de  beaueoup  ce  qu'il 
sail  par  sa  propre  experience  ,  et  par  sa  propre  raison  intuitive 
on  deductive.  Dans  l'age  mur,  nous  pouvons  relenir  notrc  foi , 
et  ne  l'accorder  qu'apres  avoir  examine  si  le  temoin  n'est  pas 
trompcur  ou  trompe.  Les  raisonnemens  qui  torment  cet  exa- 
men  s'appuient  sur  la  croyance  a  la  stabilite  et  a  la  general ite 
des  phenomenes  que  nous  manil'este  la  conscience  ou  la  per- 
ceplion.  Mais  bien  souvent  nous  negligeons  tous  ces  calculi, 
el  1'inslinct  de  foi  au  temoignage  ou  a  laulorite  nous  empoilc. 
Ce  que  nous  admettons  ainsi  n'est  pas  pour  nous  une  science , 
jnais  une  croyance. 

Ainsi,  en  resume,  nous  avons  trois  genres  de  certitude  on 
de  science,  et  deux  genres  de  croyance  ou  de  foi.  La  joie  qui 
m'agite,  la  pierre  qui  roule,  le  lems  qui  nc  s'arrete  pas,  voila 
des  objels  de  science  ;  le  soleil  de  demuin,  les  victoir.es  de  Gee 
sar,  voila  des  objets  de  foi. 

Telle  est  l'acception  dans  laquelle  nous  aimerions  a  voir 
prendre  les  mots  de  science  el  de  foi  en  philosophic  On  aura  it 
ainsi  l'avanlage  de  nc  point  s'eearter  de  la  langue  vulgaire, 
et  d'enumerer  seulement  les  fails  qu'ellc  exprime  par  savoir 
el  croire ,  lorsqu'elle  emptoie  ces  termes  dans  un  sens  non 
figure.  II  est  clair,  en  effet ,  que  les  mots  :  je  crois  d  mon  cr.is- 
lence  ,  signifient  dans  le  sens  propre  :  je  sais  que  fexis'.c; 
et  que  les  mots  :  je  sais  que  le  soleil  se  levera  clcmain ,  veulcnt 
dire  sans  figure  et  sans  hyperbole  :  je  crois  que  le  soleil  se  levcra 
drmain. 

M.  Aneillon  nc  donnc  pas  aux  termes  science  et  foi  la  signi- 
fication que  nous  venous  de  leur  assigner;  essayons  de  (aire 
cemprendre  celle  qu'il  leur  attache.  I.a  conscience  ne  me  rend 
pas  seulement  certain  des  modifications  de  ma  pensec;  clle 
m'attcste  encore  l: existence  d'un  mot  suostantiel  auquel  appar- 
tiennent  ces  modifications.  De  memo  la  perception  niatei  iellc 
ne  me  donne  pas  un  arbre  comine  une  pure  apparence,  mais 
comme  un  elre  reel,  auquel  appartient  la  forme  qui  m'appa- 
rait.  Ainsi  encore  la  raison  immediate  ou  intuitive  (que  nuns 
distinguons  du  raisonnement  parce  qu'elle  nous  fournit  des 
(onnaissances  qui  ne  sunt  deduites  logiquemenl  d'aucune 
autre),  la  raison  immediate  me  fait  concevoir  la  realite  d'une 
cause  pour  tout  pheuonicne  qui  commence  d'exister,  et  m; 
»ne  donne  pas  cette  cause  pour  une  pure  idee  de  mon  esprit. 


4'iG  LIVHES  FRANCA1S. 

Eh  bicn  .  la  certitude  que  j'ai  do  I' existence  rc'elle,  ou  sttbstan- 
tielle  du  inoi ,  du  monde  materiel ,  et  des  objcts  saisis  par  la 
raison  intuithe.  c'esl  Id  be  que  M.  Ancillon  appelle  la  foi '  pld- 
losophique ;  et  la  eonnaissanee  clc  ec  qui  esi  pure  modification 
(rune  substance;  comme  telle  peine  on  lei  plaisir,  telle  cou- 
lcur  on  telle  forme,  voila  ce  qn'il  appcllc  la  science  philnso- 
phiqtie.  Dans  ec  langage,  nous  avons  foi  a  I'existenre  reelle 
ties  (hoses,  mais  nous  en  satons  les  qualiles,  les  pheno- 
menes, 

Comme  tout  ccrivain  qui  s'ecarto  de  la  languc  nsnelle , 
M.  Ancillon  no  pent  s'empecher  d'y  relomhor  quelquefois. 
Ainsi,  apres  avoir  dit  que  les  plienomenes  composent  senls 
notre  science,  il  laisse  SOiivent  glisser  des  phrases  semblables 
a  celle-ci  :  la  science  se  rapporte  anx  existences,  e'est-a-dire 
aux  realiti's. 

Nons  pensons  done  que,  dans  l'interet  de  la  phiiosophie, 
il  landrail  se  gardcr  de  donncr  anx  mots  usuels  de  la  languc 
une  acceplion  differentc  de  cclle  qn'ils  out  dans  la  bonche  de 
tout  le  monde.  On  s'expose  sans  cola,  a  denx  inennv  eniens  : 
le  premier  e'est  de  ne  pas  elre  facilement  compiis;  le  second  , 
e'est  de  rendre  quelquefois  soi-meme  a  ces  termes  lenr  sens 
ordinaire  et  legitime,  et  d'emplo\  er  ainsi  les  memes  expres- 
sions dans  denx  acceptions  differentes. 

Dn  reste,  sons  le  voile  d'nn  language  qui  paraitra  peut-etre 
obscnr  et  pen  rigonreux,  M.  Ancillon  traite  avec  profondeur 
l'nne  des  questions  les  pins  cpineuses  de  la  phiiosophie,  et 
l'on  tromera  dans  son  livre,  surtoutau  dernier  chapitre ,  in- 
titule :  De  notre  besoin  de  I'infini ,  des  pages  pleines  de  verve 
el  de  poesie.  Adolphe  Garmer. 

i4i-  —  Essai  Idstoriqtte  stir  la  legislation  polonaise,  civile  et 
criminelle,jiisqtCaa  lems  des  Jugellons,  depuis  I'annee  980  jus- 
qu'en  il\do\  par  t/c«c/«'H(  Lelewei..  Paris,  i83o;  Aime  Andre. 
In- 8°  de  85  pages. 

Ce  pelit  Essai  sur  l'ancienne  legislation  polonaise  a  l'a- 
vanlage  de  nous  presenter  le  tableau  de  choscs  (bit  pea  con- 
nues  parmi  nous.  M.  Meyer,  en  effet,  n'a  rien  dit  des  lois  qui 
regissaient  I'anlique  Slavonie.  dans  son  important  ouvrage  sur 
les  Instiittiions  jinlicittircs  de  l'Europe,  et  nous  ne  pensons  pas 
qn'il  existe  aucun  livre  francais  moderne  dans  lequel  on  puisse 
prendre  meme  une  simple  notion  de  cette  legislation.  L'Essai 
de  M.  Lelewei  comblera-t-il  cette  lacune  ?  II  taudrait  resoudre 
cette  question  negativement  si  l'on  comptait  y  trouver  on  ou- 
vrage complel  sur  cette  matiere  ;  mais,  si  on  le  prend  pourcc 
qu'il  est,  e'est-a-dire  pour  une  simple  esquisse,  on  saura  tou- 
jours  gre  a  l'auteur  d'avoir  voulu  nous  initier  dans  la  conuais- 


SCIENCES  MORALES.  447 

sance  de  1'nncienne  constitution  politique  et  judiciaire  de  sa 
patrie.  Rl.  Lelewel  partage  1'epoque  dont  il  a  entrepris  de 
retracer  l'histoire  (93o-i43o)  en  cinq  periodes  de  centannees 
chacnne.  Dans  la  premiere,  il  nous  niontre  les  lois  nationales 
se  confondant  ct  se  melant  avec  les  lois  canoniques.  Dans  la 
seconde,  il  fait  connailre  1'influenee  du  chrislianisme  sur  la 
legislation  slave  ;  les  proprietes  parliculieres  acquierent  plus 
d'etendue,  la  cruaute  (les  supplices  s'adoucit.  De  i  i5o  a  1200, 
deux  circonstances  amenent  la  deterioration  de  la  loi  natio- 
nale;  ces  circonstances  sont  la  donation  des  privileges  aux 
proprietaires  (  jure  lueredltario  )  et  le  droit  de  principaule 
[jure  dttcati).  Pendant  la  quatrieme  periode  (i2Jo-i53o),  la 
loi  allemande  se  repand  ;  la  loi  nationale  est  a  son  declin, 
inais  le  desir  de  la  remettre  en  vigueur  commence  a  se  ma- 
ni fester.  Enfin,  sous  la  cinquieme  periode  (  i53o-i45o),  nous 
assistons  a  la  reslauration  de  la  legislation  nationale,  par  les 
efforts  de  Kasimir-le-Grand.  C'est  ici  que  s'arrete  le  recit  de 
M.  Lelewel.  Nous  eussions  desire  que  ce  recit  cut  eu  plus 
d'etendue.  L'auteur  pa  rait  affectionner  beaucoup  les  idees 
generates,  fort  en  vogue  aujourd'hui,  mais  qui  offrent,  suivant 
nous,  le  double  inconvenient  d'etre  presque  toujours  syste- 
matiques,  et  de  presenter  moins  d'ihstruction  reelle  qu'un 
ouvn.ge  dans  lequel  on  se  contente  d'exposer  le  detail  des  fails 
puises  dans  les  sources.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  ne  pouvons 
que  repeter  que,  dans  la  penurie  ou  nous  etions  relativemcnt 
a  l'histoire  judiciaire  de  I'ancienne  Pologne,  la  publication  de 
l'Essai  de  M.  Lelewel  est  nn  veritable  service  rendu  a  la 
science.  A.  T. 

142. — *  De  la  contrainte  par  corps ,  consideree  sous  les  rap- 
ports de  la  morale,  de  la  religion,  du  droit  nature!  el  du  droit 
civil,  et  dans  I'interet  de  l'humanite  en  general ;  par  J.  L.  Cri- 
velli,  avocat  a  la  Cour  royale  de  Paris.  Paris,  1800;  Gustave 
Pissin,  place  du  Palais-de-3ustice.  In-8"  de  172  pages;  prix, 

Aft. 

Le  tilre  de  cet  ouvrage  ne  donnerait  qu'une  idee  imparfaite 
de  son  contenu.  Sans  doute  l'auteur  s'y  eleve  avec  force,  et 
avec  une  sorte  de  passion,  c  out  re  le  principe  assureinent  er- 
rone  de  la  contrainte  par  corps;  mais  une  grande  parlie,  la 
plus  grande  parlie  meme  de  son  travail  est  consacree  a  indi- 
quer  les  ameliorations  dont,  sous  ce  rapport,  notre  legislation 
scrait  susceptible.  Et,  ici  nous  adresserons  a  l'auteur  un  re- 
proclie  qui  pourra  d'abord  sembler  contradictoire  avec  le  pre- 
mier, mais  qui  ne  fera  que  completer  et  mieux  expliquer  no- 
tre pensee;  c'est  de  pa  rait  re  ceder  en  quelque  jorle  le  terrain 


448  LIVRES  FRANC  AIS 

sur  lcqnel  il  s'anuoncait  coinmc  venant  combat  (re  chaiule- 
mont,  et  a  outrance,  et  d'admellre  hop  facilement  la  neces- 
sity d'une  Institution  contrc  laquelle  il  vicnt  do  so  prononcer. 

La  conlraiute  par  corps  pout  elie  envisagee  de  tiois  inanit- 
ies :  on  cominc  peine,  lorsque,  par  excnijilc,  die  est  prODOa- 
cec  contie  le  slellionat  (operation  qui  cousistc  a  vendrc  ou  hy- 
polhequer  tin  immcuble  dont  on  u'est  point  proprielairc,  ou 
a  dissiimder  la  totalitc  ou  parlie  des  charges  dont  il  est  greve); 
et  alors,  le  mode,  ropportunile  de  son  application  to U cheat 
aux  questions  d'organisation  et  de  legislation  ciiniinelle  et  pe- 
nale ;  ou  eomme  gar-antic  des  obligations  qn'elle  caulionne, 
ctsous  ce  rapport,  elle  u'est  el  ne  pout  etre  qu'inulilc  on  im- 
morale;  ou  bien,  enfin,  connne  cnnlrainic  et  nwyen  violent 
d'execution  a  employer  conlre  nn  debilcur  aise,  mais  de  mau- 
vaise  foi,  et  son  existence,  sa  necessite  comme  reniede,  accn- 
sent  dans  ce  cas  le  vice  de  nos  lois  civiles  on  politiqnes  :  les 
uncs  pen  habiles  a  prevenir  ou  a  dejoucr  la  1'raude  ;  les  aulrcs 
partiales  en  faveur  de  tel  ou  tel  genre  de  propriete  deja  trop 
facile  a  sonstrai;  e  anx  legitimes  exigences  des  creanciers.  Sous 
le  premier  et  snrtout -sous  le  second  point  dc  vue .  Touvra^c 
de  M.  Crivelli  ne  laisse  guere  a  desirer;  mais  le  dernier  as- 
pect est  beaucoup  trop  neglige.  An  resume,  re  livre  doiine. 
one  assez  haute  idee  du  merite  et  de  la  maniere  d'eorire  de 
I'auteur,  pour  (aire  desirer  qu'il  entreprenne  un  traile  solide 
et  complet  de  la  matiere.  Nous  lui  recommanderons  alors  de 
pousser  jusqu'an  bout  ses  rccbcrcbcs  legislatives,  et  dc  join- 
die  a  son  travail  l'expose  et  la  discussion  de  ce  qui  conecrne 
l'exercice  de  la  conlrainle  par  corps  en  matiere  fiscalc  (com- 
me, par  exemple  ,  pour  droits  de  douanes)  et  en  matiere  cii- 
niinelle et  correctionnelle,  e'est-a-dire,  pour  le  recouvre- 
ment  des  frais  de  justice  et  des  anieiules.  Tel  qu'il  est,  cc 
volume  sera  lu  avec  plaisir  et  avec  profit,  surtont  par  les  le- 
gislateurs  qui,  sans  doute,  nc  tardcront  pas  a  etre  de  nouveau 
appeles  a  coordonner,  et  a  regularise!'  noire  legislation  posi- 
tive sur  la  contrainte  par  corps,  si  loulel'ois  cette  institulion 
doit  etre  conservec.  Boichene  Lefeu,  sJttcit. 

1^5.  —  Traile  de  la  legislation  de.s  theatres,  ou  expose  com- 
plet et  metbodiquc  des  lois  et  de  la  jurisprudence  rclalhement 
aux  theatres  et  spectacles  publics,  par  M.  Vivien,  avocat  a  la 
Cour  royale  ,  et  Jl.  Edmond  Blanc  ,  avocat  au  conseil  du  roi 
et  a  la  Cour  de  cassation.  Paris,  i85o;  Brissot-Thivars,  rue 
de  l'Abbaye,  nf  i4;  Wra'  Charles  Bechet,  Quai  des  Angus- 
tins,  )i"  5().  In-8"  de  4^>o  pages;  prix ,  6  fr.  5o  c. 

Lorsque  l'empire,  s'adjugeant  par  droil  de  conqu.Ote  les 


SCIENCES  MORALES.  449 

prerogatives  de  la  vieille  monarchic,  fit  main  basse  sur  la  plu* 
part  des  liberies  publiques ,  il  n'eut  rien  de  plus  presse  que  de 
confisquer,  a  son  profit,  la  liberte  des  theatres,  reconnue  par 
l'Assemblee  nationale  ,  et  mille  fois  outragee  pendant  nos  dis- 
cordes  ci viles.  L'exercice  de  rindustrie  theatrale  fut  entrave  par 
les  restrictions  les  plus  ridicules,  et  soumis  a  tous  les  caprices 
du  pouvoir.  On  nc  s'imagincrait  pas  qu'encore  aujourd'hui , 
dans  les  villes  de  province,  I'autorite  municipale  a  le  droit 
d'intervenir  dans  la  composition  de  la  troupe,  d'exiger  que  de 
nouveauxsujetssoient  engages,  d'ordonner  que  telle  piece  nou- 
velle  sera  montee,  etc.,  etc. 

Quelle  que  soit  Pabsurdite  de  cette  legislation ,  il  faut  l'ac- 
cepter  comme  un  fait,  et,  dans  un  ouvragc  destine  a  devenir 
le  guide  respectit'  de  l'administration  et  des  personnes  atta- 
chees  aux  theatres,  il  faut  expliquer  les  lois  et  non  les  eom- 
battre;  il  faut  mettre  en  relief  tous  leurs  vices  par  le  simple 
expose  de  leurs  prescriptions  incompatibles  et  jncoherentes. 
On  trouvera  done  dans  1'ouvrage  de  MM.  Blanc  et  Vivien  pen 
de  discussions  theoriques  sur  le  merite  des  decrets  divers  qui 
regissentles  theatres  :  mais  en  revanche  ces  decrets  sont  par- 
faitement  analyses  ;  les  decisions  judiciaires  ou  administrati- 
ves  sur  les  questions  importantes  sont  relatees  avec  soin,  et, 
bien  que  l'arbilraire  le  plus  absolu  regne  dans  cette  matiere, 
les  difficultes  qui  peuvent  resulter  d'une  pareille  incertitude 
sont  generalement  prevues  et  aplanies. 

Ce  traite  est  done,  avant  tout,  un  ouvrage  utile  et  prati- 
que :  cependant  ii  est  precede  de  considerations  sur  la  liberte 
des  theatres  qui  nous  ont  paru  concilier  habilemcnt  les  droits 
individuels  descitoyensetceuxdugouvernement.  MM.  Blanc 
et  Vivien  pensent  que  les  theatres  doivent  etre  libres  :  «car 
l'artdramatique,  considere  soit  comme  l'exercice  d'un  talent, 
soit  comme  l'objet  d'une  speculation,  est  le  developpement 
d'une  faculte  de  1'homme  :  or,  l'exercice  de  chacune  de  nos 
facultes  entrainant  quelques  alms,  il  n'en  est  pas  une  qui  ne 
put  etre  enchainee  au  meme  litre  que  l'industrie  theatrale,  et 
la  liberte  de  1'homme  tomberait  alors  tout  entiere  dans  le  do- 
maine  des  gouvernemens. »  Mais  le  maintien  de  l'ordre  public 
exige  aussi  des  garanties.  L'existence  d'une  censure  theatrale 
parait  done  necessaire  aux  auteurs,  pourvu  que  cette  censure 
recoive  une  organisation  legale  et  constitutionnelle,  et  qu'elle 
soit  confiee  a  un  corps  independant.  Cette  partie  du  livre  de 
MM.  Blanc  et  Vivien  nous  a  paru  remarquable,  et  dictee  par 
un  esprit  de  moderation  et  de  sagesse  dont  le  pouvoir  devrait 
bien  profiter. 

T.    XLVI.    MAI    l800.  2(J 


45o  LIVRES  FRANCAIS. 

En  resume,  cet  ouvrage,  le  seul  complet  que  nous  posse- 
sions sur  cette  matiere,  merite  de  faire  autorite  en  jurispru- 
dence. Le  prcdeccsseur  de  M.  de  Peyronnct  en  avait  lui-meme 
senti  l'imporlance,  et  en  avait  pris  un  grand  noinbre  d'exero- 
plaires  pour  les  bibliotheques  del  departemens.  A.  D. 

i44-  — *  I't'Ui't  sar  I'aaroissement  de  population  dans 
tcs  lies  britanniques ,  par  Sir  Francis  d'Ivernois.  Geneve , 
1800;  impiimerie  de  la  Bibliolheque  universelle.  In-8°  de 
44  pages. 

Parmi  les  nonibreuses  questions  qui  excitent  aujourd'hui 
les  debats  des  economistes,  un  fait  s'eleve  ([iii  les  domine 
toutcs  :  e'est  l'accroissement  constant  de  la  population  chez 
les  nations  civilisees.  Ce  fait,  auquel  il  est  impossible  d'assi- 
gner  un  tcrme  et  des  limites,  ce  fait,  qui  renferme  tout  l'a- 
venir  de  nos  societes,  a  ete  envisage  de  deux  manieres  abso- 
lunient  opposees  par  des  ecrivains  justenient  lenommes ; 
ceux-ci ,  prelendanl  que  la  production  suit  toujours  la  popu- 
lation, voient  dans  le  noinbre  croissant  des  hoinmes  un  gage 
de  securile  et  de  honheur;  ceux-la,  soulenant  an  contraire 
que  Paugmentation  des  produits  necessaires  a  la  vie  est  plus 
lente  que  celle  des  hommes  ,  et  que  la  premiere  doit  finir  par 
trouver  des  bornes,  nous  predisent  de  sinistres  deslinees. 
M.  d'Ivernois  se  range  ouverlcment  de  ce  dernier  parti,  qui 
reconnait  pour  chef  le  celebre  Rlalthus;  mais  il  elablit  tine 
distinction  importance  entre  les  deux  manieres  dont  peut  s'o- 
perer  l'accroissement  de  la  population,  savoir  :  la  diminution 
du  nombre  des  deces  et  l'augnienlation  de  celui  des  naissan- 
ces.  Dans  la  premiere  hypothese,  puisque  les  homines  meu- 
rent  moins,  on  en  doit  generalement  conclure  qu'ils  jouissent 
tie  plus  de  bien-etre;  nous  disons  generalement ;  car  il  est  des 
causes  particulieres  dont  M.  d'Ivernois  n'a  point  parle,  et  qui 
peuvent  diminuer  la  morlalitc,  sans  qu'il  y  ait  accroissement 
de  bien-etre;  par  exemple,  la  decouverte  de  la  vaccine.  Dans 
la  seconde  hypothese,  celle  ou  ['augmentation  propoition- 
nellc  des  naissances  est  seulc  cause  des  pro  gres  de  la  popula- 
tion, et  ou,  par  consequent,  elle  est  accompagnee  d'une  mor- 
tality slationnaire  ou  memc  croissante,  il  est  probable  que  la 
condition  de  l'espece  humaine  s'aggrave  de  plus  en  plus.  Car 
de  tristes  observations  out  prouve  que,  plus  les  hommes  sont 
miserables  ,  plus  ila  ont  de  penchant  a  donner  le  jour  a  d'au- 
tres  hommes.  Suivant  ces  principes,  M.  d'Ivernois  voit,  dans 
le  mouvement  retrograde  ou  progressif  de  la  mortalite  pro- 
portionnelle,  la  mesure  du  bien-etre  des  peuples;  et  il  re- 
grette  avec  raison  que  les  documens  necessaires  pour  consta- 


SCIENCES  MORALES.  45, 

tcrles  fluctuations  qu'elleeprouve  manquentencoredansbcau- 
conp  dc  pays,  et  particulit'rement  en  Irlande.  Quant  a  l'An- 
gleterre,  1'auleur,  adnplantdescalculsd'apreslesquels,  de  1801 
a  1821,  la  morlalitc  a  diminue.dans  ce  pays,  dans  la  propor- 
tion de^-  a  ■£*,  sembleun  pen  embarrass?  de  coneilier  ce  fait 
avec  Li  detresse  generale  de  la  classe  bu  mere,  et  il  s'en  tire 
en  disant  qu'il  cioit  decouvrir  les  causes  d'un  etat  de  choses 
si  nouveau  dans  Ie  contours  furluit  de  deux  evenemens  :  l'ac- 
croissenient  de  la  population  et  celui  des  machines  qui  rem- 
placent  Ie  travail  de  l'homme.  Mais  il  craint,  non  sans  motif, 
que  le  decroissement  de  la  morlalile  n'ait  cesse  depuis  1821 
(sans  parler  de  1'emigratioq  qui,  en  Angleterre,  supplee  la 
morl)  ;  il  semble,  en  effet,  evident  que,  si  ^'augmentation  du 
nombre  des  hummes  par  la  diminution  de  celui  des  dcr.es  est 
en  elle-meme  un  bien,  elle  doit  conduire  tot  ou  lard  a  cet 
autre  etat  de  choses,  oil  ('augmentation  n'a  plus  lieu  que  par 
les  naissances.  L'auleur,  apres  nous  avoir  donne  des  details 
interessans  sur  Geneve  et  sur  la  Suisse,  trouve  pa'rmi  nous, 
dans  des  laits  remarquables ,  la  confirmation  de  ses  idees.  II 
rapprocbe,  parexemple,  le  mouvrment  de  la  population  dans 
l'uu  de  DOS  departemeus  les  plus  riches,  le  Calvados,  avec  ce 
meme  mouvement  dans  l'un  de  nos  dtparlemens  les  plus 
pauvres,  Ie  Finistere  : 


1826.  Calvados.  Fin 


ISTtBE. 


Naissances 1  sur  45,61  1  sur  22,3i 

D' ct'S- 1  sur  47,02  i  sur  29,80 

Accrnissement  annuel i/i5i8  i/3q 

Periode  du  doublement io54  ans.  62  ans. 

D'ou  il  conclut  que  le  Calvados,  ayant  trouve  dans  son  ai- 
sance  le  moyen  de  conserver  un  plus  grand  nombre  de  ses 
nouveau  -nes,  en  met  mom*  an  monde,  tandis  que  les  habi- 
tans  du  Finistere  s'epuisent  a  entretenir  des  enl'ans,  dont  la 
moitic  peut  etre  considered  comme  des  enl'ans  perdus.  A  ce 
propos,  M.  d'lvernois  ne  peut  s'empeihcr  de  souriie  de  la 
sollicitude  de  M.  le  baron  Dupin,  qui,  apres  avoir  remarque 
que  la  papulation  s'accrcit  en  France  plus  lentement  que  dans 
les  autres  Elats,  «  fait  un  appel  au  pattidtisme  energique  des 
Francais,  pourqu'ils  se  tirent  du  plus  has  (\egre  d'une  echelle 
q^ui  fournit,  suivant  lui,  l'indice  cerlain  de  la  prosperite  des 
Etats»  ;  M.  d'lvernois  oppose,  a  ('assertion  du  savant  depute, 
que,  depuis  Ieurs  nouvelles  institutions,  h  vie  des  Francais 
s'est  prolongec  de  28  a  50  ans  ,  cette  autre  assertion ,  qu'il 


45a  LIVRES  FKANCAIS. 

dit  resulter  des  calculs  du  bureau  des  longitudes  ,  que,  de- 
puis  1817,  le  rapport  des  deces  s'est  accru  chez  nous  de  1  sur 
/|o  a  1  sur  39  -5.  Or,  j'ouvre  l'Annuaire  dn  bureau  des  longi- 
tudes pour  iH3o,  et  j'y  lis,  page  100,  que  la  vie  moyenne,  qui, 
suivant  Duvillard,  etait  avant  la  revolution  de  28  ans  \,  est 
portee  aujourd'hui  a  5i  ans  \.  En  verile,  la  statistiquc  n'est 
encore  qu'un  sable  inouvant.  ISous  nous  sommes  clendus  sur 
la  brochure  de  M.  d'lvernois,  parce  que,  sous  un  mince  vo- 
lume, elle  resume  beaucoup  de  theories  d'une  haute  impor- 
tance, et  que  les  observations  les  plus  graves  y  sont  presen- 
tees sous  des  formes  piquantes  ct  sous  un  jour  nouveau.  On 
ne  peut  nier  que  la  distinction  etablie  par  l'auteur  cntre  l'ac- 
croissement  de  population,  qui  a  pour  cause  le  progres  des 
naissances,  et  celle  qui  resulte  de  la  diminution  des  deces,  ne 
soit  feconde  en  deductions  du  plus  haut  interct ;  on  ne  peut 
nier  que  1'augmentation  de  la  mortalite  proportionnelle  ne 
soit  pour  les  societes  un  indice  alarrnant.  Mais,  la  ou  cet  in- 
dice  exisle,  quels  moyens  employer  pour  detruire  ou  pour  at- 
tenuer  le  mal?  C'est  ici  la  partie  faible  de  la  brochure  de 
M.  d'lvernois,  qui,  a  la  verite,  parait  devoir  etre  suivie  de 
plusieurs  auties  lettres  sur  le  meme  sujet.  II  ne  propose  ici 
point  d'autre  moyen  que  de  recommander  aux  pauvres  de 
s'abstenir  du  mariage,  tant  qu'ils  se  sentent  hois  d'etat  de 
nourrir  et  d'elcver  des  enfans.  Cette  recommandation,  je  le 
crains,  ne  serait  guere  plus  etficace  que  le  projet  iVinfibula- 
lion  du  docteur  "Weinhold.  On  sait  d'ailleurs  que,  dans  les 
classes  pauvres,  surtout,  la  procreation  des  enfans  n'est  pas 
toujours  precedee  des  ceremonies  du  mariage.  Un  moyen 
plus  sur  se  presente  pour  ralentir  le  progres  qu'on  redoute, 
et  il  resulte  des  fails  memes  invoques  par  iM.  d'lvernois,  c'est 
de  donner  au  peuple  de  l'instruclion  et  de  l'aisance.  Un  poete 
coniique  a  dit : 

On  ne  saurait  avoir  tous  les  dons  a  la  fois  : 
Messieurs  les  grands  esprits,  d'ailleurs  tres-estimables, 
Out  fort  peu  de  talent  pour  creer  leurs  scmblables. 

Cette  plaisanterie  recele  peut-etre  un  fait  important  :  l'in- 
slruction,  en  developpant  l'organe  de  la  pensec,  diminue 
sans  doute  la  force  et  1'activite  des  autres  organes,  el  rend 
ainsi  moins  imperieux  I'inslinct  de  la  reproduction.  Elle  eleve 
d'ailleurs  la  dignite  morale  de  l'homme,  et,  reunie  a  l'aisance, 
preoccupe  les  parens  de  la  crainte  salulaiie  de  voir  un  trop 
ijtand  nombre  de  nouveau -venus  prendre  part  aux  rcssour- 


SCIENCES  MORALES.  453 

ces  dc  la  famille.  Ainsi  done  en  Europe,  I'lnstruction  popu- 
lairc,  loin  d'etre  une  source  de  dangers,  est  an  conlraire  un 
moyen  de  salul;  ainsi,  la  loi  qui  etablit  le  partage  egal  des 
successions,  au  lieu  de  favoriser  l'aceroissement  demesure  dc 
la  population,  tend  au  contraire  a  le  contcnir  dans  de  justcs 
bornes  ;  et  la  France  doit  probablenient  a  cette  loi  d'etre, 
parmi  les  grands  Etats,  celui  ou  cet  accroissement  est  le 
moins  rapide.  Mais,  aux  moyens  que  nous  venons  d'indiqucr, 
il  serait  bon  de  joindre  une  exploitation  mieux  entendue  de 
chaque  territoire.  II  faudrait  aussi  que  les  nations  euro- 
peennes  dirigeassent  vers  les  pays  fertiles  et  non  civilises, 
non  pas  des  troupes  d'aventuriers  sans  ressources,  mais  des 
colonies  pourvues  de  moyens  d'exislence,  et  conduites  par 
des  chefs  habiles;  et,  poureviter,  non-seulement  les  jalousies 
nationales,  mais  encore  les  charges  que  les  colonies  et  les 
metropoles  s'imposent  reciproquement,  il  faudrait  qu'aussitot 
constitutes  ces  colonics  fussent  destinees  a  une  prompte  in- 
dependance.  Tels  furent  les  elablissemens  que  formerent  les 
Pheniciens  et  les  Grecs  a  une  epoque  de  leur  civilisation  qui 
a  plus  d'un  rapport  avec  la  noire.  Ch. 

i45.  —  *  Memorial  portatif  de  chronologic,  d'histoire  indus- 
trielle  ,  d'economie  politique,  de  biographie,  etc.;  contenant  : 
i°  les  dates  des  evenemens  et  des  faits  les  plus  remarquablcs 
de  l'hisloire  generale,  consideree  specialement  sous  les  rap- 
ports religieux,  politique,  scientifique  et  litteraire;  —  2°  des 
details  etendus  sur  l'origine  et  la  succession  des  inventions  ou 
procedes  les  plus  generalement  employes  dans  les  diverses 
branches  d'industrie ;  de  nombreux  renseignemens  sur  les 
traditions,  superstitions,  cultes  et  croyances,  mceurs,  usages, 
costumes,  theatres,  etablissemens  scientifiques,  industriels  et 
d'hiimanite,  des  principales  nations  du  monde  ;  —  3°  des  par- 
ticularities historiques  sur  Ics  phtnomencs  les  plus  extraordi- 
naires  arrives  clans  tousles  pays,  comme  les  chutes  d'acrolithes, 
les  apparitions  de  cometes,  les  longevites,  les  pestes,  cpidemies,  ma- 
ladies contagieuses,  etc. ;  — 4°  un  grand  nombre  de  faits  statist!— 
ques ,  philanlhropiques ,  econoiniques  de  toute  nature;  des 
tableaux  presentant  la  puissance  comparative  des  principaux 
Etats,  leur  population,  leursdelles,  leursrevenus,  leursarmees 
et  leur  marine;  le  nombre  et  la  nature  des  condanmalions 
prononcees  par  les  tribunaux  IVancais;  la  population,  la  mor- 
talite  moyenne,  et  la  depense  des  hopitaux  et  hospices  civils  ; 
enfin ,  des  releves  de  divers  genres,  speciaux  aux  villes  dc 
Paris,  Londres,  etc. ;  —  5"  plusieurs  actes  politiques  impor- 
tans,  publies  depuis  le  xve  sieclc  jusqu'a  nos  jours;  —  6°  une 


454  LIVllES   FRANCAIS. 

tal>Ie  biographique,  dormant  les  dates  des  naissances  et  de  la 
mort  d'un  grand  nombre  de  personnages  celcbres  dans  la 
politique,  les  sciences,  les  lettres  et  les  arts;  —  7°enfin,  une 
table  alphabetiqne  Ires-detaillee  de  toutes  les  malieres  conte- 
niies  dans  I'ouvragc.  Noutette  edition*  revue,  carrigee  et  con- 
sidcrablement  augmented.  oe  et  4e  pai  lies.  Paris,  r8">o;  Ver- 
dure, quai  des  Augustins,  n°  i5.  a  vol.  in-ia,  accompagnes 
d'nn  atlas  pour  les  grands  tableaux  ;  piix,  la  IV. 

La  publication  des  3'et  4* 'parties  deeel  o.ivrage,  egalement 
curie u x,  utile  et  instruclif,  que  ndus  avons  annon'ce  avee  soin 
lors  de  sa  premiere  apparition,  ofl're  un  tableau  pliiloso])bi(iue 
des  progris  successifs  de  I'industrie  humaine.  L'auteur  (\l.  le 
comte  de  Laibespin)  a  su  resumer  avec  talent  I'liistoire  de  la 
civilisation,  telle  que  I'ont  I'aile  les  sciences  rmtbemuliques, 
physiques,  industrielles.  Ce  litre  est  one  Revue  Encyclopedic/ ue 
abregce,  qui  fait  connailre  et  apprecier  toutes  les  pacifiques  et 
IherveflleuYes  conquetes  de  I'esprit  hnmain. 

146.  —  *  Hisloire  du  commerce  entre  le  Levant  et  I' Europe, 
depuis  les  croisades  jusqn'a  la  fondation  des  colonies  d'Arne- 
rique ;  par  G.  B.  Depping;  ouvrage  qui  a  ete  eouronne,  en 
1828,  par  1' Academic  royale  des  Inscriptions  et  Delles-Lettres. 
Paris,  i83o;  Imprirherie  royale;  Treuttel  et  Wiirtz.  2  vol. 
in-8°  de  viii-54/i  et  S^5  pages;  prix,  12  fr. 

Nous  rendrons  nn  compte  detailie  de  cet  ouvrage  qui  est  dfi 
aux  conscien*  ieuses  rerberches  d'un  de  nos  eriidits  les  plus 
savans  et  les  plus  laborieux. 

x^n.  —  *  Les  Polonais  en  Italie  ,  Tableau  bistorique  ,  chro- 
nologique  et  grograpbique  des  travaux  des  Polonais  en  Italie 
pour  la  regeneration  de  leur  pa  trie;  dedie  a  M.  lecomte  Titus 
Dzialynski,  par  Leonard  Chodzko.  Paris,  r85o;  J.  Barbezatct 
Renouard.  Feuille  syrioptrque;  prix,  4  fr. 

M.  Ltonard  Cbodzko,  auteur  de  V Histoire  des  legions  polo- 
naises sous  la  rrpublie/ue,  occupe  deja  une  place  dislmguee 
parmi  les  ecrivains  contemporains.  Fort  de  renseigneniens 
Iaboriensement  poises  aux  sources  les  plus  autbentiques ,  et 
done  d'un  esprit  consciencieux  et  independant ,  il  reunit  les 
qualiies  necessaires  pour  le  genre  de  travail  auquel  il  consa- 
cre  ses  veilles.  L 'ouvrage  que  nous  annonoons  ici  est  un  re- 
sume rapidc  de  I'lusto'ire  des  legions  polonaises  en  Italie,  de- 
puis leur  formation  jusqn'a  leur  dispersion.  (Voy.  iiev.  Enc, 
t.  xLiv,p  1 02.). I  alouxdeconserver  les  nomsdeses  compatibles 
qui  se  sont  illustrcs  pendant  cette  memorable  eampagne.  il 
donne  une  lisle  nominative  des  ofliciers  supri ieurs  et  infc- 
Weurs,  niorls  011  blesses  en  Italic,  etaequille  aiusi  un  tribut  du 


SCIENCES   MORALES.  —  LITTERATURE.       455 

reconnaissance  natiooale  envers  ces  representans  vivans  d'une 
patrie  opprimee  et  prcsque  aneantie.  — Lapartie  inferieuredes 
deux  colonnes  lateralcs  est  terminee  par  une  proclamation  da 
general  Dombrowski  aux  Polonais,  datee  de  Milan  en  1797,  et 
par  un  ordre  du  jour  a  l'armee  francaise,  qui  fait  connailrc 
l'eclalante  victoire  des  trois  cents  Polonais  commandes  par  le 
general  Kniaziewicz  remportee  sur  cinq  millc  Napolitains, 
presde  Magliano,  dans  les  Etats  romains. 

La  carte  d'ltalie,  011  se  trouvenl  traces  tous  les  mouvemens 
des  Polonais,  a  etetres-biengravee  par  M.  £mr/n  Oleszczynski; 
et  lc  Tableau  entier  est  dedie  au  comte  polonais  Dzialynski, 
1'un  de  ces  citoyens  qui  ne  respirent  que  pour  la  gloire  de 
leur  patrie. 

Le  Tableau  des  Polonais  en  Ilalie  a  ete  concu  sur  un  plan 
analogue  a  celui  de  1' Atlas  de  Lesage,  dont  il  parait  destine  a 
devenir  1'un  des  accessoires  indispensables.  Z. 

Litlerature. 

1^8.  —  *  Grammaire  generate.  Pltilosopluede  la  langnc  fran- 
calse;  par  B.  J.  Paris,  i85o;  Sedillot.  In-8";  prix,  3  fr. 

Amesure  que  le  xvme  siecle  s'eloigne  de  nous,  cliaque  jour 
nous  fait  admirer  davantage  la  bardiesse  des  ecrivains  qui  fi- 
rent  sa  gloire,  et  leur  perseverance  a  saper  dans  leurs  fonde- 
mens  lesvieux  abus,  et  a  porter  partout  le  flambeau  de  la  phi- 
losophic La  grammaire,  qui,  jusqu'acette  epoquc,  n'avait  etc 
qu'une  science  de  mots,  iirie  serie  de  rudimens  qbscurs,  qu'une 
suite  de  dissertations  vides  de  sens  (  exctpte  quelquefois dans 
les  eslimables  ouvrages  des  solitaires  de  Port-RojMl),  devient, 
chez  Dumaisais  et  Beauzee  ,  le  fond  d'excellens  traites,  ou  la 
me ta physique  du  langage  se  presente  avec  une  clarle  et  une 
netlete  jusqu'alors  inconnues;  la  grammaire  pent  des  ce  mo- 
ment etre  ctudiec  par  les  homines  raisonnables  et  instruits. 
Sur  les  traces  de  ceshabiles  ecrivains,  qui  seulsont,  comme 
Ton  dit,  fait  ecole,  se  pressent  divers  grammairiens,  dont 
quelques-uns  ne  sont  pas  indignes  d'atteniion  ,  rnais  qui  ge- 
neralemenl  out  donne  pen  d'impiilsion  ;  aujourd'hui,  envoici 
venir  un  qui  remue  jusque  dans  ses  fondations  le  vieux  etgo- 
thiqiie  edifice  dont  Dumarsais  et  Beauzee  avaienteutrepris  et 
aVance  la  demolition.  M.  B.  J.,  deja  connu  par  un  petit  011- 
vrage  remarquable  sur  les  conjugaisons  francaises  (1),  publie 

(i)Obscri'ations  stir  les  conj  ttgaisons  franfaiscs.  l'aiis,  1824;  Sedillot.  In-S°. 


45G  LIVRES  FRANC AIS. 

le  commencement  d'un  livre  qui  nous  semble  devoir  faireepoque 

jparmi  les  oeuvres  gramma  ticalosde  not  re  sioclc.  L'auteurappelle 

sticbiologie,  ou  science  desclcmens,  la  pari  ie  la  plusessentielle 
rle  I't'ludc  des  Iangues,  celle  qui  a  pour  hut  de  comprendre 
les  autres  hommes  et  dc  s'en  f'aire  entendre.  II  divise  cette 
science  en  quatre  parlies:  i°la  granunalologie, comprenant  la 
lecture,  l'ecritureet  la  prononciation  ;  2°la  ptosdologicou  etude 
des  desinences;  5°  Yctymologie  ou  etude  des  mots  dans  leurs 
families;  4°  la  pltrascologie  ou  syntaxc,  etude  des  phrases. 
L'auteur  ne  s'occupe,  quant  a  present ,  que  des  deux  premie- 
res parties;  la  premiere  lui  offre  l'occasion  de  remarquer  que 
la  prononciation  et  I'orthographe  sont  beaucoup  plus  d'actord 
qu'on  ne  le  croit  communemenl,  et  que  les  principes  cxpli- 
quent  tout  d'line  maniere  generale  :  e'est  done  a  etablir  ces 
principes  qu'il  s'applique.  Apres  avoir  defini  ["accent  tonique, 
la  quantite,  les  sons  elementaires  de  la  voix  humaine,  I'auteur 
presente  le  tableau  Acs e'lemensde  la  parole,  et  fait  l'application 
de  ses  idees  a  la  prononciation  dc  la  langue  francaise. 

Dans  la  seconde  partie  ou  ptoscologie,  il  s'occupe  d'abord  de 
la  classification  des  mots,  et  ne  craint  pas  de  soulever  centre 
lui  toute  la  foule  des  grammairiens  en  n'encomptantque  trois 
sortes  :  les  noms,  les  verbes,  les  Ugatifs.  II  examine  d'abord  les 
noms,  qu'il  divise  en  nonv*,  substaniifs,  adjectifs,  et  pronoms  ; 
nous  recommandons  la  theorie  qu'il  donne  des  noms  abstracts, 
simples  ou  composes  ;  on  est  tout  surpris,  apres  l'avoir  lue,  de 
s'ttre  mepris  si  long-lems  sur  la  vraie  nature  de  ces  mots, 
dont  il  avait  phi  a  la  tourbe  des  grammairiens  de  f'aire  des  ad- 
verbes,  des  prepositions,  des  conjonclions  :  ce  qu'il  dit  de 
Vadjeclif ' metaphysique ,  ou  article,  n'est  pas  moins  curienx; 
mais,  ce  qui  doit  surtout  attirer  l'atlenlion  ,  e'est  la  portion  dc 
l'ouvrage  qui  concerne  le  verbe;  cette  maticre  est  traitee  avec 
une  grande  superiorile,  et  le  tableau  des  conjugaisons  francal- 
scs,  qui  ne  forme  pas  plus  d'unc  demi-page ,  nous  semble  ne 
rien  laisser  a  desirer.  Quand  M.  15.  J.  passe  aux  prepositions, 
il  les  reduit  tout  d'abord  a  dix-sept;  chez  lui,  les  conjonclions  ne 
sont  plus  qu'au  nombre  deonze  ;  enfin,  il  semble  qu'il  premie 
a  tache  de  braver  les  anathemes  des  Irois  quarts  et  demi  des 
grammairiens  dont,  romme  il  dit  quelque  part,  la  reputation 
n'est  fondee  que  sur  ces'distinclions  longueset  Tides  de  sens, 
que  leur  ignorance  a  etablie  au  grand  detriment  des  pauvres 
enfans  qui  doivent  apprendre  leurs  regies. 

Nous  ne  pouvonsqu'engager  EVM .  B.  J.  a  continuer  ses  tra- 
vaux  sur  la  grammairc,  et  a  rendre  de  plus  en  plus  cette 
science  accessible  a  la  jeunesse  :  l'ouvrage  qu'il  vient  de  pu- 


LITTERATURE.  45- 

blier  annonce  un  jugement  excellent,  et  les  nombrcux  exem- 
ples  qu'il  cite  prouvenl  assez  son  erudition;  c'est  en  persis- 
tant ademander  lareforme  de  tons  ces  vieux  et  absurdcs  alms 
qu'il  justifiera  pleinement  l'epigraphede  son  premier  ouvrage: 
Non  fumum  ex  fulgore,  sed  ex  fumo  dare  lucent. 

J.  Adrien-Lafasge. 

i/jc).  i — Rhetorique  classique  a  C usage  des  aspirans  au grade  de 
baclielier-es-letlres ,  par  Ferreol  Perrard,  avocat  a  la  Cour 
royale  de  Paris.  Deuxieme  edition.  Paris,  i85o  ;  Papinot.  In-i  2 
de  xii  et  227  pages;  prix,  a  fr.  5o  cent. 

Nous  n'avons  rien  a  direde  particular  sur  ce  cours  de  rhe- 
torique; il  est,comme  tous  les  autres,  un  extrait  d'autres  ex- 
traits,  remontant  toujours  par  des  extractions  successives  jus- 
qu'au  livre  de  Quintilien,  de  V Institution  de  Vorateur. 

L'auteur  l'a  divise  en  vingt  numcros  ou  chapitres,  sous  cha- 
cun  desquelsse  trouvent  plusieurs  questions  avec  les  reponses 
qu'il  y  faut  faire.  Nous  avons  deja  dit  ,  dans  ce  recueil,  ce 
qu'il  faut  pen^er  decette  melhode  d'etudepar  questions  et  par 
reponses,  qu'elle  est  bonne  dans  les  catechismes,  et  partout 
ou  1'on  ne  vent  pas  parler  a  la  raison,  mais  seulement  a  la  foi 
ou  a  la  routine  ;  toutefois,  nous  ne  pouvons  blamer  ici  1'em- 
ploi  de  cette  methode  ;  elle  repond  parfaitement  a  l'usage  au- 
quel  on  la  destine;  il  faut  savoir,  en  effet,  que  les  examens 
universitairesse  font  aujourd'hui  en  tirant  d'une  urne  la  ques- 
tion ecrite,  a  laquelle  l'aspirant  est  trop  beureux  d'avoir  uric 
reponse  prete. 

Une  telle  mesure,  jugee  necessaire  aujourd'hui,  en  dit  plus, 
ce  me  semble  ,  contre  l'Universite  que  les  attaques  nombreu- 
ses  dont  elle  a  etesi  souvent  l'objet.  B.  J. 

i5o.  —  *  De,  C  Histoire  de  la  pnesie  ;  Discours  prononce  a 
YAthenee  de  Marseille,  pour  l'ouverture  du  cours  de  littera- 
ture,  le  1 2 mars  1800;  par  M.  J.  J.  Ampere.  Marseille,  i83o; 
typographic  de  Feissat  aine  et  Demonchy.  In-8"  de  5  1  pages. 

Un  long  fragment  de  ce  discours  a  deja  paru  dans  la  Re- 
vue de  Provence  ,  recueil  litteraire  imprime  a  Marseille 
(voycz  ci-dessus,  page  221.)  Mais  l'ceuvre  tout  entiere 
meritait  bien  I'impression ;  car  on  y  trouve  non  -  seule- 
ment un  style  correct  ,  elegant  et  colore,  mais  encore  les 
traces  d'un  tr<s-grand  savoir  et  des  pensees  neuves  et  fortes. 
Apres  avoir  passe  en  revue  tout  ce  que  demanderait  d'etudes 
une  bonne  histoire  de  la  poesie,  apres  avoir  dit  quelles  qua- 
lilcs  particulieres  devrait  posseder  celui  qui  cntreprendrait  de 
traiter  ce  beau  sujet,  M.  Ampere  a  examine,  l'un  apres  I'autre, 
les  elemens  qui  doivent  sen  ir  a  cette  histoire,  en  ctrc  coinme 


458  LI V RES  FKA1NQAIS. 

les  bases,  et  raster  tonjours  prescns  a  I'esprit  de  l'historien  : 
les  iiioiuimens  litteraires  eux-meim*,  les  travanx  critiques 
auxqucls  ils  <»nt  donne  lieu,  les  caraelcrcs  physiologiqnes  des 
peuples,  la  nature  des  contrees  qu'ils  h  iliilent,  la  langue  qu'ils 
parlent,  les  moeurs,  les  arts,  la  religion,  les  sciences,  le  gnu- 
vernement,  entin  la  philosophic,  qui,  toujour*  et  par-tout,  se 
charge  ilc  resumer,  pourainsi  dire,  les  epoqueset  les  nations. 
—  Le  jeune  professeur  a  annonce  qrr'il  s'occuperait  surlout, 
dans  son  cours,  de  l'histoire  de  la  pocsic  du  Nord,  dont  tons 
les  amis  des  lettres  savcnt  qu'il  a  fait  une  etude  approl'ondie; 
mais  il  a  ajoute  que  ee  corns  lui-meme  ne  forme  qu'une  partie 
d'un  ouvrage  immense  auquel  il  a  deja  coTsacrc  beaucoup  de 
veilles  lahorieuses  :  VUisloire  unircrselle  de  la  poesie.  —  On 
doit  souhailer  que  M.  Ampere  accomplisse  son  vaste  projet;' 
et  ,*  s'il  ne  taut  pour  tela  qu'rm  grand  amour  du  travail,  un 
esprit  etendu  etvigoureux,  une  plume  facile,  pure,  eloquente 
an  besoin ,  et  une  time  ardente  et  genereuse ,  nous  aurons 
bientot  un  ouvrage  qui  manque  a  notre  lillerature,  et  peul-etre 
a  toutes  les  autres.  N. 

i5i.  ■ — *  Cours  de  litteralure  francaise  ;  par  M.  Villemain, 
membre  de  1' Academic  francaise,  professeur  a  la  Faculte  des 
lettres  de  Paris.  Tableau  de  lu  lilterature  da  moyen  age  en  Fran- 
ce, en  Italie,  en  Espagne  et  en  Angleterre.  Lecons  do  cours  de 
i£3o.  T.  1.  Paris,  1800;  Pichon  et  Didier,  Quai  des  Angus- 
tins,  n°  47-  In-8"  de  xv-4:t>  pages;  prix,  9  fr. 

Apres  avoir  apprccie,  avcc  une  rare  impartiable  et  une, 
saga  cite  exquise,  les  deux  derniers  scales  de  la  [itterature 
europeenne,  JM.  Villemain  aborde  aujourd'hui  le  moyen 
age.  La  tache  est  rude  et  penible  :  ear  le  moyen  age,  c'est 
une  civilisation  tout  enliere  et  une  civilisation  mal  con- 
nue,  mal  comprise,  et  dont  les  mouvemens,  eulaches  d'une 
rouille  de  barbaric  ,  eflaroru  bent  la  delieatesse  du  gout 
moderne.  Nous  aurons  a  examiner  cans  un  prochain  ar- 
ticle, si  M.  Villemain  n'esl  pas  resle  quelquefois  au  -dessous 
de  cette  tache,  s'il  n'a  pas  portr  plus  d'un  jugement  hasarde, 
s'appuyant  snr  une  etude  un  pen  legcre  des  ecrivains  origi- 
naux.  Mais  bien  que  nous  differions  d  avis  sur  quelques  points 
avec  ftl.  Villemain,  nous  ne  pouvons  nous  empecher  de  ren- 
(\re  des  a  present  justice  a  la  sagacite  hahituelle  de  ses  vues, 
a  l'admirable  eclat  de  son  style,  a  toutes  cesqualites,  en  uninot, 
qui  font  de  lui  I'.'ud  des  plus  Indians  oraleurset  des  plus  inge- 
nieuxcritiquesde  notre  tems.  Nous  attendronsle  second  volume 
pourrendreun  eompte  detailledc  cet  imporlantouvrage.  A.  D. 

j 52.  —  Lcttrc  d  M.  Victor  Hi  go  ,  par  M.  Charles  Faro  , 


LITTER  ATUIE.  459 

suivie  d'un  Projel  de  tharte  romantique.  Paris,  i83o;  Landois 
et  Bigot.  In-8°  de  6u  pages;  prix,   i  t'r.  5o  c. 

L'energie  des  impressions  est,  chez  presque  tons  les  hom- 
ines, en  raison  de  la  nouveaute  (\e»  objets.  II  est  sans  doutw 
quclques  espiitssupcrieurs  (pii,  appreciani  lescho.ses  en  elles- 
uicines  ,  sunt  d'antant  pins  epris  dn  beau  qu'ils  en  ont  pins 
souvent  goute  les  channes ;  ma  is  il  n'en  est  pas  ainsi  des  mas- 
ses; lebeau  uoeu  d'tilet  sur  elles,  s'il  n'est  pas  en  meine  teins 
nouveau  ;  de  la,  chez  tons  les  peoples  qui  ont  conserve  les 
nionumens  de  leurs  aits,  1'altcralion  necessaire  du  prineipe 
qui  leur  doune  la  vie.  Fouillez  dans  les  tombeaux  del'antique 
Egypte  ,  et,  plus  vous  avancei  ez  vers  les  Ptolemees.  plus  vous 
verrcz  le  gout  se  corronipre;  les  Grecs,  les  Uomains  ont  piar- 
couru  la  meme  periode;  rien  ne  pent  nous  dispenser  de  la 
subir.  De  la  le  roinantisme,  qui  n'est  pas  autre  chose  que  l'al- 
teralion (malhcureuscincut  inevitable)  do  prineipe  du  beau. 
Cette  alteration  pent  avoir  lieu  de  mille  manures  diverses; 
car  le  beau  est  comine  un  centre  unique  d'ou  part  un  nombre 
infini  de  li-mesdivergentes;  et  voila  ce  qui  rend  le  romanlisme 
indefinissable.  Le  romantisme  est  un  etre  negatif :  e'est  ce  qui 
n'est  pas  purement  beau.  Cependant,  anus  et  eunemis  s'eftbr- 
cenl  de  donner  \\i\  corps  a  ce  lanlome.  Dernierement  encore, 
le  chet  des  rovn antiques  ea  a  mis  an  jour  une  definition  toute 
nouvelle.  "Le  romantisme,  a-1-ildit,  n'est  que  le  libtralisme  en 
litter.ilure.  »>  Or,  croyez,  apres  cela,  a  I'egalite  des  intelligen- 
ces !  Gel  axioine,  convert  pour  moi  des  lenebres  les  plus  pro- 
tbndes,  a  ete  un  trait  de  lumicre  pour  l'auleurde  la  brochure 
que  j'annonce.  «0  luniineux  rap-  rochement,  s'ecrie  t-il,  d'oOl 
la  verile  jaillit  brillante  et  viclorieuse!  Cette  revolution  de 

1789,  par  qui  nous  sonmies  tons  legalement  egaux cette 

revolution  s'opere  niaiutenant  dans  le  doinaine  de  l'esprit.... 
et  de  nieme  que  nous  avons  vu  naitre  et  se  develnpper,  parmi 
les  premiers  bienfaits  de  cette  grande  crise  sociale  ,  la  petite 
propriete  fonciere,  nous  voyons  eclore  aujourd'hui  la  petite 
propriety  tittei  aire.  Et  dequel  droit,  en  effet,  un  hommeaurait-il 
plus  de  genie  que  d'autres?  Pourquoi  soufl'rir  que  quelques 
reputations,  grandies  a  travers  les  siecles,  dominent  a  perpe- 
tuitu  la  repnblique  des  Icltres?  Ce  mot  de  republique,  si  jus- 
tement  employe  ici ,  n'indique-t-il  pas  qu'une  parl'aite  egalite 
doit  regner  enlre  tons  les  membresqui  la  composentPQu'onse 
rappelle  ce  fier  republican!  abaltant  dans  son  jardin  les  tetes 
de  pavots  qui  depassaient  les  aulres,  et  Ton  en  conclura  avec 
juslessc  que  Ilacinc  et  d'autres  aristocrates  litleraires  sont  trap 
grands  de  la  tele ,  comine  dit  D.  Carlos  en  pa  riant  du  due  de 


/|()o  LIVRES  FRANCAIS. 

Lutzelbourg  dans  voire  admirable  drame  iVHcmani. »  Cotic 
citation  donnera  unc  idee  de  l'ironie  spirituelle  et  mordante 
qui  nnime  la  lelire  d  M.  V.  Hugo.  Mais  a  die  pro ,  dirait  mi 
ilalicn?  Pour  que  le  ridicule  put  tuer  le  romantisme,  il  i'au- 
drait  que  le  principe  du  beau  fut  encore  assez  lecond  pour 
enl'anler  des  chefs-d'oeuvre  q\ii  excitassent  la  surprise  ct  1'ad- 
lniration  publique;  et  c'est  ce  dont  il  est  permis  de  douter. 

Ch. 

i  53.  *  OEuvres  de  Voltaire,  avec  prefaces,  avertissemens  „ 
notes,  etc.,  par  M.  Becchot.  8*  livraison.  Paris.  i83o;  Le- 
fevre,  rue  de  l'Eperon,  n°  6.  Imprimerie  de  F.  Didot.  L'ou- 
vragc  complct  formera  70  volumes  in-8°,  qui  paraissent  par 
livraisons  de  5  vol.  ,  de  deux  en  deux  mois  ;  a5  vol.  ont  paru  : 
prix  du  vol.  ,  4  fr.  5o  c. 

Cette  8°  livraison  de  l'edilion  la  plus  complete  et  la  plus 
soignee  qui  ait  encore  paru  des  OEuvres  de  Voltaire  se  com- 
pose du  tome  1"  du  Theatre,  de  YHistoire  de  Bussie,  et  du  t.  11 
des  Melanges  (tomes  xi,  xxv  etxxxvm  des  OEuvres  completes). 
Les  pieces  contenues  dans  le  1"  volume  du  Theatre  sont 
OEilipe,  les  fragmens  d'Artemire,  Mariamne,  lTndiscret,  la 
fete  de  Belebat,  Brutus,  et  les  Originaux,  ainsi  que  les  va- 
riances; les  lettrcs  sur  OEdipe,  le  discours  sur  la  tragedie  a 
milord  Bolingbrocke,  etc.  Le  tome  11  des  Melanges  renferme 
les  elemens  de  la  philosophic  de  Newton,  un  Mcmoire  inedit 
de  Voltaire  ,  et  un  autre  sur  la  satire,  la  vie  de  Moliere,  le 
discours  de  reception  a  l'Academie  francaise,  etc.,  etc.,  etc. 

II  serait  snperflu  de  reproduire  ici  les  eloges  merites  que 
Ton  a  deja  faits  de  cette  belle  edition,  lors  de  la  publication 
des  premieres  livraisons.  Contentons-nous  de  dire  que  celle- 
ci  n'est  nullement  infericure  aux  precedentes,  et  que  cette 
edition,  par  la  beaute  du  papier  et  des  caracteres,  ainsi  que 
par  le  soin  avec  lequel  les  volumes  sont  composes  et  les  notes 
redigees  par  le  savant  et  lahorieux  edileur,  continue  de  meri- 
ter  les  suffrages  du  public. 

1 54.  — *  OEuvres  completes  de  M.  le  vicomtc  de  Chateaubriand. 
pair  de  France,  membre  de  TAcademie  francaise.  T.  vn ,  x 
et  xi.  Le  Genie  du  Cltristianisme,  t.  vn,  les  Natchez,  t.  1  et  II. 
Paris,  i85o;  Fayolle,  rue  du  Rempart-Sainl-Honore.  3  vol. 
in-12,  d'environ  4°o  pages  chacun  ;  prix  de  chaque  volume, 
5  fr.  5o  c. ,  pour  les  souscripteurs  aux  oeuvres  completes  ;  4  fr- 
pour  les  non-souscripteurs.  (Voyez,  pour  les  livraisons  pre- 
cedeutes,  Rev.  Enc,  t.  xlv,  p.  712.  ) 

Celte  livraison  de  l'edilion  de  M.  le  marquis  de  Fortia  con- 
tient  :  1°  les  critiques  et  les  jugcniens  ecrits  par  plusieurs 
homines  distingues  dans  differens  journaux.  sm-  !c  Genie  du 


LITTERATMIE.  461 

Christianisine,  lors  de  la  publication  des  diverscs  editions  de 
cet  ouvrage  celebre,  et  les  deux  prefaces  qui  les  accompagne- 
rent;  2°les  deux  premiers  volumes  des  Natchez,  composition 
bien  belle  de  style,  mais  a  laquelle  les  romans  de  Cooper  ont 
fait  un  tort  immense  sous  le  rapport  de  la  verite  des  choses 
et  des  couleurs. — -Nous  devons  a  l'editeur,  pour  cette  Iivrai- 
son,  les  mfnies  eloges  que  pour  les  precedentes;  seulement , 
nous  lui  signalerons  une  assez  grande  negligence  dans  la  cor- 
rection des  epreuves  :  quoique  en  general  les  fautes  d'impres- 
sion  que  nous  avons  remarquees  ne  denaturent  point  le  sens 
de  l'auteur,  elles  sont  cependant  facheuses  dans  un  livre  qui, 
par  la  magnificence  du  style,  est  destine  a  passer  souvent  el  a 
rester  long-terns  sous  les  yeux  de  ceux  qui  le  possederont. 

i55. — *  OEuvres  de  P.-E.  Lemontey,  de  l'Academie  fran- 
chise; edition  revue  et  preparee  par  l'auteur.  Paris,  1829; 
A.  Sautelet;  Brissot-Thivars.  5  vol.  in-8°  de  xxiv-425,  43 1> 
598,  364  et  448  pages ;  prix,  35  fr. 

Nous  rendrons  conipte  incessamment  des  OEuvres  de  Le- 
montey,  dans  notre  section  des  analyses.  Nous  nous  bornerons 
arappeler  ici  ((uels  sont  les  ouvrages  du  spirituel  academicien, 
recueillis  paries  edileurs. —  Le  premier  volume  se  compose, 
apres  une  notice  sur  Lemontey,  dc  Raison,  Fotie,  petit  cours  de 
morale  mis  d  la  portee  des  vieux  enfans.  —  Dans  le  second  vo- 
lume, ontrouve:  1°  les  Obsertal ears  de  laFemme;  20  la  Nourri- 
ture  d'un  prince,  ou  le  danger  des  coutumes  etrangeres;  3°  le 
Pccheur  du  Danube  ;  4°  Traite  des  coups  et  de  leur  application  aux 
divers  usages  de  la  vie  ;  5°  le  jardiuier  de  Samos,  ou  le  pere  du 
senat ;  6"  Par  allele  moral  et  physiologiquede  laDanse,  du  Chant 
etduDcssin;  ip°  PEnfant  de  C Europe,  ou  le  diner  desLiberaux  a 
Paris,  en  1 8 14-  Le  tome  hi  comprend  les  eloges  de  Morellet , 
Vicq-d'Azyr,  Fabry  Peyresc  et  Jacques  Cook;  les  notices  sur 
Marguerite  de  Galois,  reine  de  Navarre  ,  Francois  de  Lorraine , 
due  de  Guise,  surnomme  le  Balafre,  Jeanne  d'Albret,  reine  de 
Navarre,  mere  de  Henri  IV,  Gaspard  de  Coligny ,  amiral  de 
France,  De  Thou,  lustorien,  le  cardinal  deRetz,  la  duchesse 
dc  Longueville,  31 mc  de  Lafayette,  Mmc  Deshoulieres,  Chaulieu, 
Adrienne  Lecouvreur,  Helvetius,  et  M"e  Clairon.- — Les  articles 
inedils  ,  extraits  des  /h'emoires  de  Dangeau,  avec  les  notes  d'un 
anonyme  ,  fonnent  le  quatrieme  volume;  etlecinquiemecon- 
tient  :  1°  VEssai  sur  rdtablissement  monarchique  de  Louis  XIV , 
et  sur  les  alterations  qu'il  eprouva  pendant  la  vie  dc  ce  prince, 
&\ecles pieces  justificatives,  parmi  lesquelles  se  font  surtoul  re- 
marquer  les  Memoircs  du  cumte  Jean  de  Coligny,  et  la  notice 
sur  Colbert ;  puis  :  20  de  la  peste  de  Marseille  etde  la  Provence, 
pendant  les  annecs  1720  et  1721;  50  Etude  litte'raire  sur  la 


/,6a  LIVRES  FRANCAIS. 

partis  historique  du  roman  dc  Paul  et  Firginie  ;  l\"  de  la  Preci- 
sion considn-ce  dans  le  Style,  les  Langues  et  la  Pantomime  (i)  ; 
5"  des  Bods  efj'els  de  la  Caisse  d' Epargne  el  de  Prevoyance ; 
G°  Essai  stir  la  LitUr attire  et  la  /, an  que  russes. 

■  ."><>. — * OEuvres  de  M  Ballanche.  T.  i,  contenant  Anll- 
gonr,V  Ifomme  sans  nom,  Elcgic,  Eragmens.  Paris,  i83o;  .1.  Bar- 
bezat,  rue  des  Beaux-Arts,  n"6;  meme  mai.-on  ,  a  Geneve. 
Grand  in-8°  de  plus  de  5oo  pages;  prix,  9  fr-  L'ouvrage  aura 
g  volumes. 

Nous  reviendrons  sur  cette  importante  et  curieuse  collec- 
tion. 

157.' — *  EIHade,  traduction  aouvelle  en  vers  franca  is, 
precedee  d'un  h'.ssai  sur  /' Epopee  liomirique ,  par  A.  Bignan. 
Paris,  1829;  Bclin-Mandar,  rue  Saint-Andre-dcs-Arts,  n"  55. 
2  vol.  in-8u;  prix,  i5  IV. 

Une  fulelite  rigoureuse,  tel  est  le  systeme  de  traduction  que 
M.  Bignan  a  suivi,  com  me  il  le  dit  lui-nume  dans  sa  pre- 
face. Traduisant  sur  le  texte,  et  nun  d'apres  une  autre  traduc- 
tion ,  il  a  tacbe  de  ne  jamais  ni  raccourcir,  ni  allonger  son 
modele ,  et  de  se  rapprocher  de  la  simplicite  grecque,  sans 
trop  s'eloigner  de  l'elegance  qu'exige  la  poesie  francaise. 
Aulant  que  la  nature  de  notre  langue  le  lui  a  permis,  il  a 
rendu  ces  epitbctes,  pour  ainsi  dire,  sacramentelles,  qui  pei- 
gnent  avec  taut  de  verite  tout  ce  qu'embrasse  la  vue  du 
poete,  et  qui  caracterisent  si  specialement  les  pays,  les  heros 
et  les  dieux.  Une  bonne  traduction  en  vers  de  I'lliade  peut 
exercer  maintenant  une  salutaire  influence  :  quelle  que  soit  la 
direction  nouvelle  de  notre  litterature,  nos  muses  etudieront 
toujours  avec  fruit  les  sublimes  monumens  de  celte  vieille 
poesie  grecque,  si  vraie,  si  originate  et  si  populaire.  Poete 
primitif,  poete  national,  Horn  ere  est  a  lui  sen  I  toute  la  mytho- 
logie,  toute  1'histoire  de  I'ancienne  Grece,  et  son  genie,  qui  a 
domine  tout  le  moride  antique,  regne  encore  sur  toutes  les 
litteratures  modernes.  N. 

i58.  —  Poesies  d'une  femme.  Paris,  i83o;  Ch.  Gosselin. 
In-8"  de  i3t  pages;  prix,  5  fr.  5o  c. 

Le  plus  grand  eloge  qu'on  puisse  faire  de  ce  recueil,  c'est 
qu'il  est  digne  de  son  titre.  Ce  sont  bien  la  en  eflet  les  Poesies 
d' une  femme.  D'abord  un  anonyme  modeste  et  pudique,  qui 
derobe  I'auteur  a  s.es  triompbes  et  ne  permet  pas  de  le  classer 
parmi  les  gens  de  letti  es.  Ensuite  une  grace  simple  et  negligee 

(1)  Ce  morceau  et  les  notices  sur  Colbert,  Chaulieu,  Helvetius  et 
Mlle  Clairon  ont  paru  dans  la  Revue  Encyclopedique,  qui  s'honorait  <W 
compter  M.  Lbmostey  an  nombre  de  ses  collaborateurs. 


LITTERATURE.  463 

qui  ne  vise  jamais  a  l'effet,  et  semble  plulut  le  redouter.  Enfin 
Pexpression  naive,  Panalyse  delicate  de  sentimens  qu'il  ap- 
partient  plus  particulierement  a  l'autre  sexe  de  ressentir  et 
d'exprimer.  M"e  Delphine  Gay  a  petit-fire  plus  d'elegance  et 
d'eclat ;  >lme  Desbordes  Valmore,  plus  de  passion  ;  M°"  Tastu, 
plus  d'imagination  et  de  pensee  :  niais  aupres  de  ce  triumvi- 
rat  dc  nut  re  Parnasse  feminin  se  place  sans  trop  de  desavan- 
tage  le  poete  ineonnu  a  qui  nous  devons  ces  pieces  pleines  de 
cliarme.  J'en  veux  citer  une,  pour  donner  une  idee  des  autres, 
bien  qu'elle  puisse  perdre  quelque  chose  a  en  etre  ainsi  de- 
tachee.  Une  poe.-ie  toute  ecbappee  du  coeur,  sans  souci  des 
regies  de  Part,  de  la  critique,  du  sueces,  qui  parle  pour  elle- 
meme  comme  si  elle  ne  devait  point  avoir  d'auditeurs,  une 
telle  poesie  ne  se  fait  qu'imparfaiiement  connaitre  par  frag- 
mens,  par  echantillon,  elle  plait  surtoul  dans  son  ensemble ; 
citons  pourtant  pour  justifier,  pour  achever  nos  cloges. 

Le  Depart. 

II  est  vrai,  ce  depart  mon  creur  le  desirait; 

Mais  aujuurd'hui  je  tremble....  est  ce  done  un  caprice, 

Et  dois-tu  me  grander  de  mon  trouble  secret? 

Partii!  a  ce  moment  tout  devient  sacrifice; 

Tous  les  objels  alors  obtiennent  un  regret. 

Je  parcours  le  jaidin,  chaque  arbie,  chaque  allee, 

Ker;oivent  un  adieu  de  la  pauvre  exilee. 

Tout  me  parait  plus  beau,  tant  mes  yens  sonf  charmes. 

J'ai  i  pgi  et  an  soleil  qui  pourpre  ma  croisee, 

Et  qui  vient  au  matin  sur  mes  rideaus  fermes 

Dessiner  le  jasmin,  tout  couvcit  de  rosee 

Et  giimpant  en  lesions  le^erement  formes. 

Dans  ma  memoire  ainsi  tunt  se  grave  et  demeure; 

Et  la  table  oil  le  soil  j'ecris  a  mon  ami, 

El  le  grand  fauteuil  vert  oil  j'y  pense  a  toute  heure, 

Oil,  qtiand  il  ne  vient  pas,  je  m'appuie  et  jc  pleure; 

Et  ce  coin  que  le  jom  n'eclaire  qu'a  demi, 

Oil  pour  lui  senl  a  Dieu  j'adresse  mes  piieres; 

Et  le  long  corridor  oil  resonnent  ses  pas  ; 

Jusqu'au  mur  de  la  cour,  donl  je  compte  les  pierres, 

Repetant  que  demain  je  ne  les  verrai  pas! 

Que  veux-tu?  e'est  folie,  et  tu  m'en  vois  honteuse. 

J'esperais  du  plaisir. ...  l'esperance  est  menteuse, 

Je  ne  m'y  fiiai  plus....  En  quitlant  ces  beaux  lieux, 

Temoins  de  mon  amour,  de  ma  joie  innocente, 

J'ai  peur  de  les  revoir  les  larmes  dans  les  yeux  ; 

11  n'est  pas  de  malheur  que  mon  coeur  ne  pressente ! 

Mon  espiit,  tu  le  sais,  facile  a  s'emouvoir, 

Inquiet  el  trouble,  jamais  ne  se  repose: 

Pour  l'etre  fait  ainsi  le  bonheur  se  compose 

De  mille  riens,  helas  !  qn'on  ne  saurait  prevoir  ; 


4&4  LIVRES  FIUNCAIS. 

Je  suis  ce  qui  m'entoure  t'l  rarement  moi-nifime. 
Laisse-moi  done  trembler  loin  de  tous  ceux  que  j'aime. 
Ici,  cc  que  je  vois  seinble  nie  proteger: 
Sur  ce  banc  qu'un  lilas  pare  etvicnt  onibrager, 
J'ai  pleure  qaelquefois;  la,  mon  Srae  blcssce 
Souvent  a  promene  son  unique  pensee; 
Partout  le  souvenir  nie  cbarnie  et  nie  remplit, 
Et  pour  inoi  du  pasae  le  present  s'einbellit. 
Ces  arbres,  ces  bosquets  et  ces  boutons  qui  naissent, 
Tous  ces  objets  enCn,  je  crois  qu'ils  nie  connaissent. 
Partir!  qui  me  promet  que  tu  nie  rcverras  ? 
Ab  !  sait-on  I'avenir?...  je  ne  part ii ai  pasl 
Peul-etre  en  ces  lieux  chers  a  nies  jeunes  annecs, 
Je  reviendiais  un  jour  le  caur  desenchante, 
Voyant  a  nu  la  vie,  et  retrouvant  I'anees 
Ces  fleurs et  ma  beaute. 

H.  P. 

lSg.  —  Fables  anciennes  et  modernes ,  francaises  et  etran- 
grrcs,  dont  La  Fontaine  a  trade  le  sajct;  littoialcmcnt  extraites 
de  pres  dc  quatre  coats  ouvrages  anterieurs  au  xvtn'  siecle ; 
par  J.  L.  Prel  et  J.  F.  M.  Giullaiime.  Paris,  1829;  Lance. 
Specimen  de  86  pages  in-8" ;  prix,  2  fr. 

La  Fontaine  n'a  pu  echapper  ni  a  ces  annotatenrs  qui  ca- 
lomnient  leur  auteur  en  Ini  imp ut ant  des  personnalites,  ni  a 
ces  critiques  audacieux  qui  pretendent  corriger  l'ceuvre  du 
geuie ,  ni  me  me  aux  commenlaleurs  qui  expliquent  le  plus 
souvent  ce  qui  n'a  pas  besoin  d'etre  explique.  Nous  citerons 
seulement  I'oratorien  Valette,  qui  arrangea,  sur  de  petits  airs 
ct  vaudevilles,  des  fables  choisies  du  bonkomme  :  a  quoi  une 
religieuse  d'Orleans  ajouta  des  chansons  morales  et  des  em- 
blemes.  Lin  ridicule  encore  plus  ineffa cable  s'est  attache  a  la  pu- 
blication faite,  en  1808,  par  M.  Lebrtin,  ex-president,  prevot 
ct  juge  royal,  qui  a  reduit  les  fables  de  La  Fontaine  a  la  simple 
narration.  Par  un  exces  contraire  de  veneration  pour  le  grand 
poete,  l>1.  le  president  Tribert,  parce  qu'il  occupait  sa  maison 
a  Cbaleau-Thierry,  a  compose  un  recueil  de  fables,  imprime 
en  1818;  mais  on  n'ya  point  reconnu  ['influence  de  la  localite. 
On  doit  remaiquer  que  e'est  de  nos  jours  que  le  fabuliste  a  etc 
le  plus  souvent  reimprime.  La  premiere  edition  de  ses  oeuvres 
dale  de  1G68  ;  pendant  les  trenle  etquelques  anuees  suivantes, 
on  en  publia  cinq  autres  seulement;  lc  xviu"  siecle  en  pro- 
duisit  dix ;  anenne  edition  nouvelle  ne  fut  impiimce  dc  1789 
a  1796;  mais  decelte  epoquejusqu'en  1800,  il  en  parut  quatre. 
On  connait  plus  de  vingt-cinq  editions  des  fables  et  des  autres 
poesies  de  La  Fontaine,  donnccs  de  1801  a  1823.  L'histoire 
de  sa  vie  par  M.  "NValckenaer,  quoique  ecrile  avec  une  pro- 


LITTER  ATURE.  465 

lixite  extreme,  est  trcs-curieuse;  plus  lard,  M.  Robert  a  cbcr- 
che  a  l'apprecier  par  l'examen  de  ses  ceuvres  seulement;  et 
M.  Prcl  a  consacre  toutes  ses  etudes  litteraires  a  un  travail 
semblable.  Mais  il  n'a  pu  encore  publier  qu'un  specimen  de  «a 
collection  de  2,775  fables. 

Autant  on  apportait  autrefois  de  soin  a  suivrc  scrupulcu- 
sement  dans  Ies  ecrivains  les  idees  et  les  images  qu'ils  s'etaient 
reciproquement  empruntees,  autant  on  neglige  a  present  de 
recbercber  cette  fdiation  du  genie.  Des  rheteurs,  il  est  vrai, 
abuserent  de  ces  rapprocbeinens  :  jaloux  d'etaler  un  vaste 
savoir,  ils  exhumerent  de  l'oubli  d'insipides  imitations  faites 
par  de  mauvais  ecrivains,  on,  dans  leur  etroite  conception,  ils 
presenterent,  comme  des  plagiats,  des  inspirations  bien  dis- 
tinctes.  La  Fontaine  a  presque  toujours  emprnnte  a  autrui  les 
sujets  de  ses  fables  :  on  n'en  compte  guere  que  huit  qui  soient 
de  son  invention  ;  et  cependant,  bien  superieur  a  tons  ses  dc- 
vanciers,  il  est  un  modele  desesperant  meme  pour  ceux  qui, 
comme  M.  Arnault,  ont  pu  innover  dans  ce  genre  de  pocsie. 

RIM.  Prel  et  Guillaume  presentent,  avec  metbode  et  d'une 
maniere  bien  plus  complete  que  ne  l'a  fait  M.  Robert,  l'indi- 
cation  desfabulisles  grecs,  latins,  francais,  itolicn*>,  cspagnols, 
allemands,  anglais,  hollandais  et  orientaux.  Ils  rapportent  le 
texte  de  cbacun  d'eux,  et  ils  citent,  en  outre,  les  editions  de 
leurs  ceuvres,  qu'on  ne  se  procurerait  pas  meme  dans  les  plus 
gra rules  bibliotheques  :  ces  auteurs  sont  places  suivant  l'ordre 
chronologique,  et  non  par  serie  de  nation.  Ainsi,  le  specimen 
indique  Fan  1 544  comme  la  date  du  conte  des  quarante  Vezirs. 
Mais  il  est  incontestable  que  les  Asiatiques  sont  les  inventeurs 
de  l'apologue,  et  que  les  sujets  de  la  plupart  des  fables  imitees 
par  les  Grecs  et  les  Latins  appartiennent  a  l'lnde  primitive  et 
a  la  litterature  de  la  Cbine ;  d'ailleurs,  l'origine  des  Mille  et 
une  Nuits  est  d' autant  plus  incertaine  qu'un  savant  Orienta- 
liste  vient  encore  d'essayer,  sans  succes,  de  la  determiner 
(voy.  Rev.  Enc,  t.  xliu,  p.  467  et  suiv.  —  Journ.  des  Voyages, 
novembre  1829).  La  fable  du  Meunier,  son  Fits  et  CAne  forme, 
avec  les  citations  qui  s'y  rapportent,  au  noinbre  de  a3,  presque 
la  totalite  de  cette  brocbure. 

Nous  savons  que  deux  litterateurs  connus,  MM.  Noel  et 
Le  Railly,  ont  compose,  en  4  volumes,  un  ouvrage  sur  les 
fabulistes  cbez  toutes  les  nations.  Ce  beau  travail  manque  aux 
diverses  litteratures  modernes;  mais  differentes  circonstances 
en  ont  retarde  la  publication.  Ce  sort  est  commun  au  manu- 
scrit  de  M.  Prcl,  qui  formerait  aussi  f\  volumes.  En  vain  il  a 
demande  a  le  soumettre  a  des  exatninateurs  pour  (pie  1'im- 
T.  xlvi.  mai  i85o.  Zo 


466  LIVRLS  FRANC AIS. 

piimeiic  royalc  lc  fit  paraitrc.  Le  budget  cslavnrc,  mais  sett- 
lement pom  It's  Utiles  ct  les  sciences.  Faute  aussi  de  speciality 
dans  les  defenses ,  les  foibles  encouragement  qu'il  accorde 
sont  ravis  par  ['intrigue  a  des  talens  modestes.  II  est  a  desirer, 
dans  riult '-ret  de  la  saine  liltcrature,  que  quclquc  libiairc  en- 
Ireprenne  1'impression  de  cet  ouvrage,  qui,  du  reste,  est  sus- 
ceptible d'amelioratioo.  Isidore  Le  15run. 

160.  — fVUIichn  Mcistcr,  par  Goethe,  traduil  de  l'allemand 
par  Theodere Thoisenel. Paris ,  1829;  Jules  Lefevre.  4  vol. 
in-12  de  240,  2i5,  189,  218  pages;  prix,  12  IV. 

Peut-fetre  le  tradueteur  de  ce  roman  eelebre  a-t-il  en  tort 
de  ne  point  lui  conserve!1  son  litre  :  Les  annccs  d'apprentissage 
de  JVilliclm  Mcister,  qui,  bien  qu'un  peu  vague  el  un  pen 
obscur,  exprime  cependant  l'idee  la  plus  generate  a  laquelle 
puisse  se  rapporter  la  composition  contuse  et  incoherenle  de 
Goethe.  A  travels  la  uiulliplicile  de  scenes  et  d'acteurs,  dont 
clle  est  coinmc  encombree,  on  distingue,  en  effet,  un  sujel 
principal  qui  s'en  detachc,  e'est  ['education  morale  d'un  jeune 
enthousiaste  que  ['experience  de  la  nature  reelle  et  du  monde 
degage  par  degres  de  ses  illusions  d'enfant  et  d'artiste.  U  y  a 
de  tout  dans  ce  livre,  qu'onpeutbeaucoupcritiquer,  mais  qu'il 
1'aut  aussi  beaucoup  admirer.  II  n'est  personne,  je  crois,  qu'il 
ne  rcbute  par  la  trivialite  ennuyeuse,  on  lc  fantastique  pueril 
de  certains  tableaux,  de  certains  pcrsonnages.  Mais  il  n'est 
personne  aussi  qui  ne  doive  se  plaire  a  la  peinture  de  cette 
societe  de  tons  rangs  reuuie  par  le  gout  de  f'independance  et 
des  arts  ;  a  ces  scenes  de  la  vie  comique,  inferieures,  je  pensc, 
a  celles  qu'en  ont  retraces,  chez  nous,  Scarron  et  Lesage,  mais 
qui  s'en  distinguent  par  un  caractere  etranger,  d'un  effettreS.- 
piquant.  Les  coulisses  de  l'Allemagne  ne  sont  pas  plus  chasles 
que  les  notres,  mais,  s'il  en  faut  croire  ce  livre,  le  deregle- 
ment  y  est  mele  de  je  ne  sais  quelle  candeur  passionnec  qui 
le  releve  un  peu.  Les  comediennes  que  rencontre  JVUIulm 
ont  de  plus  que  les  amies  de  Gil-Bias  des  affections  involon- 
taires  et  vraies.  Marianne  surtout  est  une  de  ces  figures  plei- 
nes  de  charme  dont  les  ceuvrcs  de  Goethe  offrent  comme  une 
galerie;  elle  y  brille  a  cote  des  Claire,  des  Charlotte,  des 
Marguerite.  On  connait  le  personnnge  singulier  de  Migntm , 
par  la  belle  analyse  de  M.me  de  Stael,  et  l'lieureuse  imitation 
qu'en  a  faite  "Waller  Scott  dans  sa  Fenella.  C'esl  la  beaute  sail- 
lanle  de  ce  roman,  comme  roman.  Car,  a  vrai  dire,  la  parlie 
romanesque  n'y  est  que  secondairc;  c'esl  un  cadre  on  Gcellic 
a  renfermc  d'admirables  dissertations  d'arl  el  de  morale, d'ad- 
mirables  morccaux  de  pocsie.  Toutcs  ces  aventures,  tous  ces 


LITTERATURE.  46; 

personnages  ue  sont  la  que  pour  provoqucr  l'auleur,  et  lui 
servir  de  compere.  II  est  lui-merae  le  premier,  ou  plutot  le 
seul  acteur  de  son  drame.  Peut-etre,  comme  l'a  dil  ingenieu- 
sement  Mmc  de  Stael,  n'eOt-il  pas  dCi  interposer  de  tiers  entre 
ses  lecteursetlui.  Sa  belle  analyse  de  l'Hamlet  ne  perdraitricn 
certainement  a  n'etre  qu'un  morceau  de  critique,  et  elle  pa- 
rait  bien  au-dessus  de  l'auditoire  qui  l'ecoute.  TVilhelm  Mecs- 
ter ,  public  en  1795,  avail  ete  deja  reproduit  dans  notre  lan- 
gue.  En  i8o3,  il  en  parut  line  traduction  francaise  a  Coblenlz; 
depuis  on  en  a  fait  une  imitation  sous  le  titre  &' Alfred.  Ces 
essais,  oublies  aujouid'hui,  ne  donnent  que  plus  de  prix  a  la 
version  elegante  de  M.  Tbousenel.  Le  nouveau  traducteur  a 
particulierement  rendu,  avec  assez  de  bonheur,  quelques 
beaux  vers  de  Gcetbe,  entre  autrcs  ses  stances  celebres  sur  l'I- 
talie.  C'est  un  avantage  qu'il  a  sur  la  plupart  de  nos  tradnc- 
teurs  d'allemand  et  d'anglais,  dont  la  prose  vaut  mieux  que 
les  vers,  bien  qu'elle  ne  vaille  pas  touj ours  grand'  chose.    H.  P. 

161.  — Les  Cardeurs,  ou  Patriotisme  et  Vengeance,  roman 
irlandais  ;  par  M.  Crowe  ;  traduit  de  l'anglais,  par  M.  H.  J.  B. 
Defauconpret.  Paris,  i83o;  Charles  Gosselin.  5  vol.  in-12, 
de  200  pages  chacun  ;  prix,  9  fr. 

162.  —  Le  Ccnnemara,  ou  une  election  en  Irlande,  roman 
irlandais,  par  letneme;  traduit  de  l'anglais,  par  le  mime.  Pa- 
ris, 1800;  Charles  Gosselin.  1  vol.  in-12  de  195  pages;  prix, 
3  francs. 

Ces  deux  ouvrages  forment  la  sixieme  livraison  des  romans 
irlandais  publies  par  M.  Gosselin  ;  c'est  une  collection  inte- 
ressante,  dont  nous  avons  plus  d'une  fois  fait  apprecier  le 
merite  (voy.  Rev.  Enc,  t.  xliv,  p.  488).  M.  Banim,  patriote 
fervent  et  eclaire,  en  avait  fait  tons  les  frais  jusqu'ici ;  aujour- 
d'hui,  un  nouvcl  ecrivain  est  presente  au  public  francais.  Le 
premier  nous  avait  paru  reunir  plus  d'une  qualite  eminente  : 
ses  digressions,  bien  ou  mal  amenees,  sur  la  situation  morale 
et  politique  de  l'lrlande ,  ont  eclairci ,  pour  ses  lecteurs,  la 
plupart  des  questions  importantes  auxquelles  donne  lieu  le 
sort  de  ce  pays;  les  caracteres  qu'il  a  introduits  dans  ses  ro- 
mans sont  presque  toujours  dessines  avec  une  verite  qui  de- 
cele  un  observateur  profond;  enfin,  il  sait  retracer  avec  force 
les  effets  de  la  passion.  M.  Crowe  ne  nous  parait  pas  avoir 
beaucoup  de  ressemblance  avec  son  devancier.  II  y  a  dans  sa 
maniere  de  voir  et  de  representer  les  choses  nioins  d'illusion 
et  de  poesie.  Pour  lui,  l'lrlande  n'est  point  celte  ile  enchantee, 
cetteveiteEiin,  que  des  pocles,  peut-e!re  trop  prevenus,  ont 
si  souvent  chantee  ;  et,  c'est  libre  de  lout  scrupulc,  qu'il  de. 
pouille  ses  habitans  de  cet  ideal  de  palriotisme  energique  et 


<jC8  LIVRES  111  AN  C  A  IS. 

de  verve  spiriluelle  auquel  nous  mil  habitues  les  romans  tic 
Banim,  de  l;ul\  Morgan,  etc.  line  sorte*  de  pessimisms  mii- 
qiieur  inspire  ions  les  recits  qu'il  fail  de  leure  conspirations, 
de  leurs  emeutes  contre  I'oppressioB  anglaise;  mais  ce  n'est 
certes  point  parsytapathie  pour eelle^cij car  ses  partisans  n'ob- 
tiennent  pas  grace  devant  son  inexorable  pinceau.  Ainsi,  dans 
les  Car  dears  ,  Arthur  Dillon  se  laisse  d'abord  altera  l'entliou- 
siasme  patriotique qui  s'accorde  si  bienavectous  les  sentimens 
de son jeune  Sge;  puis,  la  lache  cruaute,  I'egoismegrossicrdes 
seditieux  subalterncs  parmi  lesquels  il  se  trouve  quelquetems 
compromis,  viennentdissipersesrevesd'independance,  sesflat- 
teuses  esperances  de  liberte,  et  lui  rendent  de  plus  en  plus  cher 
le  bonheur  tranquil'le  de  la  vie  privee.  Mais,  en  opposition  an 
mailre  d'ecole  0'  llourke,  pour  qui  les  troubles  populaires  ne 
sont  qu'un  uioyen  d'ainbition  personnelle,  a  cote  des  ignobles 
conspirateurs,  dont  les  crimes  ne  sont  rachetespar  aucun  devofi- 
ment,  par  aucune  generosite,  viennent  se  placer  un  lord  Cast- 
letown-Belville,  un  reverend  Crostwhaile,  que  l'impulsion  des 
bas  interets  a  reunis  dans  les  rangs  des  oppresseurs.  —  Le  Con- 
nemara  est  une  sorte  de  caricature  vive  et  gaie,  chargee  avec 
esprit,  inais  dont  on  regrelle  dc  ne  pas  comprendre  entiere- 
ment  le  sens;  quelques  notes  auraient  pu  expliquer  les  al- 
lusions qu'elle  doit  renfermer,  et  nous  apprendre  ce  que 
nous  devons  croire  des  merveilleux  recits  de  l'auteur  sur  le 
roi  Mac  Loughlin  et  sa  monarchic  sauvage.  Du  reste ,  l'es- 
prit  de  M.  Crowe  nous  a  paru  plus  a  l'aisc  dans  ce  second 
ouvrage,  dont  le  fonds  et  la  forme  lui  appartiennent  en  pro- 
pre,  tandis  que  la  conception  et  l'execution  des  Cardeurs  rap- 
pellent  jusqu'a  un  certain  point  la  maniere  de  M.  Banim. 

i65.  —  Guy-Eder  ,  on  la  Ligue  en  Basse-Bretagne  ;  par 
Hippotyte  Bonnelier.  Paris,  1800;  Tetot  freres,  rue  Croix- 
des-Pelits-Champs,  n°  55.  5  vol.  in-12  de  200  a  25o  pages; 
prix,  1  o  fr. 

«  En  i58g,  un  jeune  gentilhomme  brcton,  age  de  quinze 
ans,  s'echappe  du  college  de  Boncourt,  troque  avec  des  Juifs 
sa  robe  de  chambre  et  ses  livres  dc  classe  contre  un  poignard 
et  une  epee,  et  part  seul,  a  pied,  pour  Orleans,  on  se  trouvait 
alors  le  due  de  Mayenne.  Des  brigands  arretent  et  devalisent 
le  jeune  aventurier.  11  rcvient  au  college,  s'en  echappe  encore 
bientot  apres,  et,  cette  fois,  se  dirige  sans  obstacle  vers  la 
BasseJ3retagne,  ou  le  due  de  Mercoeur  soutcnait  le  parti  de  la 
Ligue.  Peude  mois  apres,  l'enl'ant  de  quinze  ans  commande  a 
trois  mille  homines;  et  son  nom  ,  qui  est  devenu  un  cri  de 
guerre,  fait  verser  le  sang,  allumer  des  incendies,  miner  les 
villes  de  Cornouailles...  —  La  ligue  s'eteiat  :  il  disparait  un 


LTfTERATURE.  V,fi0 

instant  dc  la  scene,  pour  y  reparaitre,  trois  ans  apres,  fausse- 
inent  accuse  dans  la  conspiration  de  Biron...  —  Ce  jeune 
gcntilhomme  ,  cet  aventurier,  ce  devastateur  de  la  Cor- 
nouailles,  c'cst  Guy  Eder  de  Beaumanoir  de  Lavardin,  baron 
de  Fontenelle.  »  Tel  est  le  theme  du  nouveau  roman  dc 
M.  Bonnelier,  tel  qu'il  l'indique  lui-meme  dans  sa  preface  : 
sur  cctte  courte  donnee  historique,  il  a  reconstruct,  pour  ainsi 
dire,  toute  la  vie  du  ligueur  breton.  Son  livre  est  done  moins 
un  roman  historique  qu'une  sorte  de  biographic,  embellie  de 
developpemens  pittoresques  et  de  scenes  dramatiques,  dans 
le  genre  que  Walter  Scott  a  mis  a  la  mode,  et  qui  forme  du 
rcste  un  ensemble  assezanime.  Le  style,  on  Ton  apercoit  bien 
ca  et  la  quelque  nuance  de  recherche  et  d'afl'ectation ,  est  en 
general  agreable  et  de  bon  gout,  a. 

164.  —  Conies  et  nouveltes,  par  M.  Merville.  Deuxieme  edi- 
tion. Paris,  i83o;  Gagniard.  5  vol.  in-12;  prix,  12  fr. 

De  ces  trois  volumes,  les  deux  premiers  seuls  sont  a  leur 
scconde  edition.  lis  ont  paru  pour  la  premiere  fois  en  1829,  et 
ont  deja  ete  annonces  dans  ce  recueil.  [Rev.  Enc,  t.  xli, 
p.  55o. )  lis  contenaient  six  nouvelles  :  Le  Panicr  d'argente- 
rie,  les  Oubliettes,  I'lndustriel,  La  Renaudie,  Err  ear  de  nom  et 
I' Adulterc.  Celui  que  Pauteur  a  joint  a  cette  nouvelle  edition 
en  renferme  trois  autre?  :  La  C lianoinesse  de  Remiremont ,  ou 
CAnneau  de  la  morte,  Prosper  el  le  Managed' an  escroc. 

M.  Merville,  dont  la  reputation  comme  auteur  drama- 
tique  a  commence  d'une  manicre  brillante  par  la  Famille 
Glinet,  et  auquel  nous  somnies  redevables  de  plusieurs  autres 
jolies  comedies,  telles  que  les  Qualre  Ages  ( voj.  Rev.  Enc.  , 
torn,  xv,  p.  421  et6oo),  et  la  Premiere  Affaire  (torn,  xxxv, 
p.  81 1 )  ,  a  porte  le  meme  talent  d'observalion  dans  ses  Nou- 
■  velles,  que  Ton  pent  regarder  commo  autant  d'esquisses  dra- 
matiques, auxquelles  il  ne  manque  que  le  dialogue.  Deja  quel- 
ques-unes  d'entre  elles  ont  ete  transporters  sur  la  scene  avec 
succes;  le  volume  qu'il  nous  offre  aujourd'hui  obtiendra  cer- 
tainementle  meme  accueil,  et  pourra  fournirdes  idces  heureu- 
ses  a  plus  d'un  de  ses  confreres;  nous  ne  doutons  pas  qu'avec 
un  pen  d'art,  par  exemple,  on  ne  parvienne,  sans  beaucoup  de 
peine,  a  faire  du  Mariage  d'un  escroc,  un  petit  tableau  de 
moeurs  agreable,  mais  qui  serait  peut-etre  plus  vrai  que  vrai- 
scmblable.  E.  H. 

iG5.  — *  La  France  littcraire ,  ou  Dictionnaire  bibliogra- 
phique  des  savans,  historiens,  gens delettresde  la  France,  etc., 
par  J.-M.  Qierard.  Paris,  i85o;  F.  Didot.  5  vol.  in-8°  dc 
600  pages  an  moins,  sur  1  colonnes.  Chaque volume,  public 


4?o  LIVRES  FRANC  AIS 

'cu  deux  livraisons;  prixde  chaque  livraison,  7  francs  5o  c. 
Nous  avons  annonce  cet  important  ouvrage  presque  a  son 
debut,  (  voy.  Rev.  Enc. ,  t.  xxxvn  ,  page  533).  Maiutenant, 
qu'il  est  parvenu  a  sa  6"  livraison,  et  a  la  fin  de  la  lcttrc  G  , 
nous  croyons  juste  de  le  rappeler  an  souvenir  du  public.  An 
point  oii  il  sc  trouve,  il  est  certain  que  l'ouvrage  se  terminera 
bienlot;  car  ce  qui  a  deja  paru  forme  environ  la  moilic  de  la 
totalite  du  travail.  L'exeeution  continue  d'etre  soignee  et 
conscicncieuse.  L'ulilite  en  est  cbaque  jour  reconnue  par  les 
libraires,  les  gens  de  lettres  et  lesbommes  de  cabinet.  Aucunli- 
vre  du  111  erne  genre,  depuis  les  grands  travaux  des  Bcnedictins, 
ne  merita  mieux  l'estime  et  les  encouragemens  des  bommes 
eclaires.  X. 

Beaux-Arts. 

166.  —  *  Voyage  pitloresque  au  Bresil,  par  Maurice  Rugen- 
das.  Paris,  1827-1830;  Engelmann  et  comp.  a  Paris,  a 
Mulhouse  et  aLondres;  les  principaux  libraires  de  France  etde 
Petranger.  Vingt  livraisons  divisecs  en  quatre  parties;  savoir  : 
vues  et  paysages ;  costumes  et  portraits  des  Negres  et  des  In- 
diens ;  mceurs  et  usages  des  Indiens  et  des  Europeens ;  moeurs 
et  usages  des  Negres.  Le  prix  de  chaque  livraison,  composee  de 
cinq  planches  grand  in-folio,  lithographiees  par  les  artistes  les 
plus  habiles,  et  d'environ  deux  feuilles  de  texte,  est  de  12  fr., 
epreuves  sur  papier  blanc;  et  de  i5  fr.,  epreuves  sur  papier 
de  Chine. 

La  nature  est  si  grande,  si  riche,  si  variee,  qu'il  est  facile 
de  concevoir  que  l'etude  de  ses  productions  suffise  a  Pactivite 
de  Pesprit  le  plus  studieux.  Buffon,  jeune  encore,  fait  un 
voyage  en  Italic.  Si  les  monumens  cloves  par  le  peuple-roi ; 
si  les  chefs-d'oeuvre  qui  enrichissent  la  patrie  des  arts  n'absor- 
bent  pas  toute  sa  pensee ,  ne  sont  pas  I'objet  unique  de  son 
admiration,  du  mo  ins  il  leur  accordera  un  juste  hommage  ? 
Loin  de  la  :  il  ne  voit  que  la  nature,  il  n'est  occupe  que  de 
ses  aspects  et  de  sa  magnificence.  Qu'eut-il  done  eprouve  s'il 
avait  etc  transports  dans  une  foret  vierge  du  Bresil,  au  mi- 
lieu d'un  luxe  et  d'uri  desordre  de  vegetation  qui  depassent 
tout  ce  que  ['imagination  peut  inventer  ?  C'est ,  en  efl'et,  un 
spectacle  bien  extraordinaire  et  bien  imposant,  dont  on  a  pu  se 
former  une  idee,  d'abord,  par  celte  vue  d'une  foiet  vierge 
que  M.  Ie  comte  de  Clarac  a  fait  graver  a  son  retour  du  Bre- 
sil; ensuite,  par  le  tableau  qui  a  ete  expose  au  Louvre,  et 
dans  lequel  M.  Taunay  avait  represcnte  l'habitation  qu'il  s'e- 
tait  fait  cons truire  pres  de  llio-.Ianciro,  dans  un  lieu  sauvage 
et  enchanteur  tout  a  la  fois. 


BEAUX-ARTS.  47, 

L'ouvrageque  j'annonce  est  destine  a  faire  connaitre,  d'une 
maniere  complete,  I'imnicnse  etendue  du  Bresil  que  M.  Hu- 
gendas  a  parcouru  dans  lous  les  sens.  II  a  employe  plusieurs 
annccs  a  faire  ce  voyage,  et  il  en  a  rapporle  une  grande  quan- 
tity de  dessins  aussi  remarquables  par  le  talent  d'execulion 
que  Ton  y  trou ve  ,  que  par  une  extreme  fldelite ,  la  premiere , 
peul-elre,  de  toules  les  qualites  d'un  peintre-voyageur.  Mais, 
re  n'etait  pas  assez  de  representer  les  lieux;  il  i'allait  aussi  en 
(aire  connaitre  les  habilans;  ce  n'etait  pas  la  partie  la  moins 
interessante  du  voyage.  M.  Rugendas  la  bien  senti,  et  Ton 
voit,  par  la  division  indiquec  de  l'ouvrage,  qu'il  n'a  rien  laissc 
a  desirer  a  ce  sujet. 

Trois  populations  bien  differcntes  foulent  le  sol  du  Bresil. 
Les  indigenes,  divises  en  plusieurs  tribus,  parcourent  les  pro- 
teinics solitudes  des  forets;  le  peintre  nous  les  montre  pour- 
suivant  le  jaguar,  le  tigre  de  l'Amerique  mcridionale ;  ou , 
retires  dans  leur  retraite  ignoree,  se  livrant  a  des  soins  do- 
mestiques.  Ici,  ils  passent  un  torrent  sur  nn  pont  forme  de 
Kanes  qui  embrassent  les  arbres  des  deux  rives;  la,  ils  exe- 
cutent  leur  dansc  mililaire  a  laquelle  les  femmes  et  les  enfans 
prennent  part ;  ailleurs,  on  les  voit  ensevelissant  un  des  leurs. 
Tour  a  tour  en  guerre  et  en  paix  avec  les  Europeens ,  ils  ac- 
cueillcnt  les  voyageurs,  ou  se  defendent  contre  une  attaque 
imprevue. 

Transporte  de  I'Afrique  pour  fertiliser  le  sol  qu'il  arrose  de 
ses  sueurs,  et  qui  fait  la  ricbesse  de  son  maitre  ,  le  Negre  doit 
a  un  interet  bien  entendu  des  soins  proprcs  a  lui  faire  suppor- 
ter les  travaux  dont  il  est  charge;  mais,  il  est  place  sous  le 
I'ouet  du  surveillant,  et  le  maitre  reprime,  par  des  chatimens 
corporcls,  l'iniliscipline  et  la  paresse.  C'est  l'esclavage  enfin. 

Place  de  droit,  par  une  intelligence  plus  dcveloppee, 
comnie  il  l'cst  de  fait,  au-dessus  des  deux  autres  classes, 
l'Europeen  a  du  se  soumettre  aux  besoins  du  ciimat  qu'il  ha- 
bite;  ce  n'est  plus  l'Europe,  e'est  un  monde  tout  nouveau. 

M.  Rugendas  a  joint  a  ses  planches  un  tcxle  plein  d'interet. 
Ce  qu'il  ne  pouvait  pas  representer,  il  Pa  decrit;  ainsi  les 
planches  et  le  texte  s'expliquenl  l'un  par  l'aulre,  et  se  com- 
pletent  muluellement. 

Les  neuf  livraisons  qui  out  deja  paru  out  oblepu  I'approba- 
tion  unanime  des  savans  et.des  artistes  ;  c'est,  sans  contredit , 
un  des  owrages  les  plus  interessans  qui  aient  etc  publics  de- 
puisla  paix.  P.  A. 

167.  —  *  Chants  polonnis,  nationalize  et  poput aires  avec  a/xom- 
pagnement  de  piano  ou  harpe,   lextet  et  notices;  publics  par 


4^3  LIVRES  F1UNCAIS. 

Albert  Sowikski,  el  traduits  en  francais  parG.  I-'ulcence  et  J. 
de  Fremont.  iw  livraison.  Paris,  i83o;  Petit,  rue  Vivienne, 
n°  18.  Un  cahier  in-folio,  orne  d'une  vignette  par  M.  W.  Oles- 
cztnski;  il  y  aura  2  livraisons  qui  couteront  ensemble,  3o  fr. 
In  \if  iuttirt  s'attache  au  recueil  tic  M..  Sovinski  :  «La 
musique  polonaise,  heritiere  0*0  cos  vieux  chants  slaves  qui 
menaient  nos  ancfitres  a  I'eglise,  a  la  guerre,  a  la  danse,  est, 
comme  le  dh  l'auteur,  une  tics  plus  anciennes  de  l'liurupc  (1). 
Aussi,  cette  collection,  slcurieuse  sousle  rapport  scienlifique 
et  musical,  n'estpas  non  plus  sans  importance  pour  Thistoire, 
a  laqucllc  aucun  monument,  aucun  debris  des  terns  passes 
ne  doit  rester  indifferent.  —  M.  Sow  inski  a  tail  preceder  cette 
premiere  livraisond'unecourteintroduction,  oii  ils'altachesur- 
tout  a  faire  connaitre  les  quatre  genres  distincls  auxquels  ap- 
partiennent  presque  tous  les  chants  polonais  : 

«  1°.  La  Polonaise,  dont  tous  les  compositeurs  out  tant  de 
fois  adopte  la  coupe,  est  encore  le  rhythme  favori  de  nos  com- 
patriotes;  en  general  on  la  joue  avee  un  mouvement  trop  ra- 
pide,  qui  la  defigure,  tandis  qu'elle  doit  etre  lente,  et  rendue 
dans  un  style  large  et  melancoliquc.  Quelquefois  elle  accom- 
pagne  une  danse  fort  singuliere,  qui  consiste  en  marches  gra- 
ves et  nobles,  et  on  figment  les  personnes  de  tout  age.  C'est 
dans  la  grande  Pologne  que  s'est  conservec  la  vraie  maniere 
d'executer  la  Polonaise. 

»2°.  La Dumka,  aujourd'hui  partout  repandue,est  originahe 
del'Ukraine  polonaise;  c'est  a  tort  qu'on  1'a  confondue  avec 
des  airs  russes,  elle  n'a  point  de  rapport  avec  eux.  Les  Dumka 
ont  toujours  une  melodic  triste  et  douce,  adaptee  a  des  pa- 
roles simples,  souvent  en  patois  d'Ukraine,  de  Pologne  et  de 
Yolhynic ;  on  entend  le  soir,  dans  la  campagne,  les  jeunes  filles 
chanter  les  Dumka  devant  leurs  chaumieres,  ou  bien  sur  la  li- 
siere  des  hois  en  promenant  les  enfans  ;  c'est  alors  qu'elles  ont 
leur  veritable  accent  dans  toute  sa  naivete;  c'est  alors  que  la 
mort  de  Gregoire,  les  adieux  du  Kozak,  la  Voisine,  les  Ljlas 
attristent  jusqu'aux  larmes. 

(1)  Peu  de  nations  mantrcraicnt  aujourd'hui  un  chant  intact  du 
xe  siecle,  comme  celui  de  saint  Adalbert;  I'liymne  Boga  Hodrica ,  de 
saint  Woycicch  ,  archeveque  de  Gnesne,  fait  au  xc  siecle,  note  au 
xv,  s'est  conserve  parmi  le  peuple  a  Dombrowa,  sur  laVarta,  dansl'e- 
{jlise  de  Gnesne,  oil  tous  les  ans  on  le  cbante  a  l'anniversaii  e  de  la  mort 
du  saint  archeveque.  Ce  chant  a  paru  en  Pologne,  dans  les  chants  histori- 
ques  de  Nienucwicz  ;  en  Angleterre,  dans  les  Essais  de  M.  Bowring ;  en 
Fiance,  dans  la  Revue musicale,  publiee  par  M.  Fetis,  et  dans  les  chant* 
populaires  de  G.  Fulgcnce. 


BEAUX-ARTS.  473 

«5°.  Le  Mazurek, dont  lc  noni  vieot  tie  la  Mazowie,  est  Pair 
dedanselepluscaracterise  du  pays;  e'est  le  modeledctousnos 
airs  nouveaux;  on  distingue  cepeudant  aiscment  ces  demiers 
des  anciens,  a  leur  coupe  moins  originate  et  moins  chantante. 
II  y  a  deux  genres  de  Mazurcks  :  les  tins,  dont  la  premiere 
partic  est  to uj ours  en  minetir  et  la  deuxieme  en  majeur  sont 
i'aits  pour  elre  chantes.  ct ,  comme  on  dit  en  polonais,  pour 
etre  ecoutes;  les  aulres  servent  a  une  danse  dont  les  figures 
sont  des  passes  et  des  conduites  multiplies  ;  son  mouvenient 
est  a  -J  et  cepeudant  moins  rapide  que  la  valse. 

«  C\°.  Le  Krakowiak  semille  d'esprit  et  de  gaile ;  son  noni  in- 
diipie  son  origine  ;  il  fait  les  delices  des  salons  et  surtout  des 
chaumieres.  Les  Krakowiens  le  dansent  avec  beaucoup  de 
mouvement  et  d'expression ,  tout  en  chantant  des  paroles  de 
circonstanee  dont  i Is  raultiplient  les  couplets,  et  que  souvent 
ils  improvisent.  Ces  paroles  out  une  allure  un  peu  libre  qui 
rappelle  merveilleusement  les  chansons  semi-grivoises  de  la 
Fiance  ;  d'autres  se  rallachent  aux  epoques  glorieuses  de  l'his- 
toire,  aux  souvenirs  doux  et  tristes  qu'elle  nous  rappelle,  et 
sont  une  fidele  expression  do  caractere  et  des  mceurs  de  la 
nation. 

«Ces  quatre  sortes  de  chants,  quelqucs  Sielanka,  quelques 
danses  cosaques  sont  le  fond  dont  se  compose  toutelamusique 
populaire  de  la  Pologne.  » 

La  premiere  livraison ,  qui  a  paru  deja,  contient  des  mo- 
deles  dans  tous  ces  genres  differens,  et  donne  une  premiere 
idee  du  caractere  general  de  la  musique  polonaise.  On  y  re- 
trouve  des  ballades  melancoliques  et  presque  sauvages,  de 
gaies  et  vives  chansonnettes,  puis  des  chants  guerriers  et  his- 
toriques  qui  ont  un  accent  plus  severe  et  plus  male;  tous  ce- 
pendant  trahissent  leur  origine  populaire,  par  la  simplicite  des 
motifs ,  ct  parce  que  ceux-ci  offrent  d'inacheve  et  d'inrom- 
plet;  mais  ces  melodies,  encore  vagues  et  indecises,  qui  frap- 
pent  l'imaginalion  du  peuple  et  de  l'enfance,  et  qui  laissent  des 
souvenirs  ineffacablcs,  ne  sont  nullemenl  depourvues  de  char- 
mc  et  d'expression,  et  plusieurs  compositeurs habiles  out  prou- 
ves  tout  le  parti  qu'on  en  pouvait  tirerenlesdeveloppantet  en 
les  regularisant,  pour  ainsi  dire.  Weber,  enlre  autres,  s'est  em- 
pare  d'une  des  Dumka  que  renfermc  la  collectioo.de  11.  Sowins- 
ki,  et  l'a  introduite,  ce  mc  seml)Ie,  dans  son  FreySchiitz  ,  dont 
elle  n'estpas  un  desmoindres  orucmens.  Nous  citerons encore, 
parmilesmorceauxremarquables  contenus  dans  la  premiere  li- 
vraison  ,  le  Mazurek  de  Dombrowski  et  la  polonaise  de  Kos- 
ciuszko,  qui  rappellent  deux  noms  bicu  chers  a  leur  pa  trie.  Eu 


i;.i  LIVRES  FRANQAIS. 

general  le  choix  de  ces  (hauls  esl  fail  avec  gofit;  cl  M.  So- 
winski.  donl  lc  lalent  distingue  est  apprecie  par  tousles  amis 
i!c  Mm  art.  s*est  donnd  beaucoup  de  soins  pour  (pic  tous 
les  accessoires  concourussent  an  bon  effet  de  I' ensemble. 
Nous  ne  terminerons  pas  cet  article,  sans  mentionner  la  foKe 
vignette  ou  M.  Olesczynski  a  groupe,  avec  esprit  ef  scnii- 
ment,  les  costumes  les  plus  caracterisques  de  sa  pairie  antour 
d'une  statue  de  la  Pologne ,  qu'ombrage  un  saide,  tiistc  eni- 
blcmc  de  ses  malheurs.  I. 

Memoir es  et  Rapports  de  Societes  sarantes. 

1O8.  —  *  Seance  publique  de  la  Sociele  d' agriculture,  commerce, 
sciences  et  arts  du  departement  de  la  Marne,  tcnue  a  Chalons 
le  9  septcmbre  1829.  Chalons,  1829;  Boniez-Lambert,  inipri- 
nieiir  de  l'Ecole  royale  d'arts  et  metiers.  In-8°  de  98  pag. 

M.  Garinet,  maire  de  Chalons  et  president  de  la  Sociele,  a 
on  vert  la  seance  par  un  disco urs  sur  les  progres  de  I'agrrcul- 
ture  dans  le  departement  de  la  Marne.  Cet  ecrit,  remarquable 
par  la  clarte  de  l'exposition,  par  l'ordre  des  f'aits  et  la  sagesse 
des  vues,  merite  encore  plus  d'estime,  en  raison  de  ce  qu'il 
I'm  prononcc  dans  une  occasion  solennclle,  sous  le  ininistere 
actuel.  II  fallait  du  courage  civique  pour  s'exprimer  ainsi,  au 
sujet  de  la  vente  des  domaines  du  clerge,'et  des  effets  qu'elle 
a  produits  :  «  ces  proprietes,  en  general  nial  cultivees,  preci- 
sement  parce  qu'elles  avaient  trop  d'etendue,  sont,  a  l'exeep- 
tion  des  forets,  tombees,  par  leur  division,  dans  les  mains 
d'une  foule  de  petits  proprielaires  tellement  nombreux  qu'il 
ne  reste  presquc  plusde  proletaires  dans  nos  campagnes.  C'est 
ainsi  que  les  petites  proprietes  se  sont  mullipliees ;  l'egalite  de 
parlage  dans  les  successions  en  augmente  le  n ombre,  au  point 
que  la  majorite  de  la  France  est  interessee  au  bon  ordre. 
L'histoire  recueillera  colte  epoque  commc  ayant  enfante  des 
prodiges  en  I'aveur  dc  l'agriculture  et  de  la  prosperite  des 
campagnes;  mais  les  requisitions  et  les  conscriptions  en  out 
contrarie  le  mouvement :  c'esl  la  restauration  qui  lui  a  donnc 
une  impulsion  nouvellc,  en  consacranl  les  completes  de  la 
revolution.  Depuis  l'etablissement  de  laCharte,  l'aequereur  de 
domaines  nalionaux  a  etc  en  pariaite  securite;  le  clerge  est 
dole  par  ie  tresor;  Immigration  a  eu  son  indemnite;  les  habi- 
lans  des  campagnes  aehelent  des  terrcs  et  les  paient ;  ils  sont 
mieux  loges ,  mieux  veins,  et  plus  civilises —  En  resume. 
l'agriculture  du  departement  de  la  Marne  compte  cinq  epoques 
principales  :  les  ameliorations  flu  regne  de  Henri  IV.  Tetahlis- 


MEMOIRES  ET  RAPPORTS.  ,',;.> 

scment  dcs  grands  chemins,  la  suppression  des  corvecs,  1'abo- 
lition  do  la  dime  et  des  droits  feodaux,  la  division  desproprieies, 
et  la  publication  de  la  Cliarle  constitulionnelle. » 

M.  le  doctcur  Prix,  secretaire  de  la  Soeiete,  a  rendu  compte 
des  travaux  de  1829.  On  y  remarque  l'heureuse  idee  d'ouvrir 
un  conconrs  entre  les  communes  d'un  meme  departement 
pour  le  mcillenr  entretien  des  chemins  vicinaux,  et  d'exciter 
leur  emulation  par  des  eloges  publiqucment  deccrnes,  et  des 
medailles  qui  en  perpetueiit  le  souvenir.  En  1829,  vingt-deux 
communes  out  pi  is  part  a  ce  concours;  treize  ont  ete  jugecs 
dignes  de  la  medaille;  et  huit,  d'une  mention  honorable.  Ce 
n'est  certainement  pas  dans  ce  cas  que  le  stimulant  de  l'emu- 
lation  peut  avoir  quelque  inconvenient. 

Une  Notice  biographique  sur  I'estimahle  docteur  Chamorin, 
ancien  maire  de  Chalons,  etc.,  par  M.  Prin,  expriine  la  recon- 
naissance et  les  regrets  publics  envois  un  citoyendevoue.cou- 
ragcux,  dont  la  vie  presque  toutcntiere  l'ut  consacree  a  faire  le 
plus  de  bien  qu'il  fut  possible  an  plus  grand  nombre  de  ses 
concitoyens,  dont  la  fermete  et  les  vcrtus  obtinrent  les  hom- 
mages  des  armees  qui  avaicnt  envahi  la  France,  et,  par  ces 
hommages  memos,  devinrent  suspectes  au  parti  qui  domine 
aujourd'hui,  et  menace  notre  patrie  de  plus  grands  maux  que 
l'invasion  elrangere  n'en  eut  causes. 

Quoique,  d'apres  son  litre,  la  Soeiete  de  la  Marne  scmble 
elrangere  a  la  lilteralure,  elle  ne  la  neglige  point,  et  lui  donne 
une  place  dans  ses  travaux  et  dans  les  rapports  de  ses  com- 
missions, fails  aux  seances publiques:  acelle  de  1829,  M.  l'abbe 
Hubert,  chanoine  honoraire  de  l'eglise  de  Saint-Denis,  etc.,  a 
lu  une  ode  a  la  Divinite,  d'une  poesie  sage,  reguliere,  ce  qui 
ne  suffit  point  pour  une  composition  lyrique  dont  le  sujet  est 
aussi  sublime-.  Plus  d'un  lecteur  pensera  aussi  que  cette  ode 
est  trop  longue ,  et  que  1'enthousiasme  ne  peut  soutenir 
l'epreuve  de  trente  strophes  de  quatre  alexandrins  :  Horace 
n'alla  jamais  jusqu'a  la  nioitie  d'un  chant  aussi  prolonge,  si 
ce  n'est  dans  ses  imprecations  contre  Canidia,  piece  qui  n'est 
pas  la  meilleure  de  ses  ceuvres.  Mais  tel  est  le  gout  de  quel- 
ques  versificateurs  modernes.  lis  vculent  suppleer  par  le 
noinbre  des  vers  au  merite  de  la  poesie;  plus  l'ode  se  rel'roi- 
dira,  plus  on  y  prodiguera  les  strophes,  sans  refleehir  que  cette 
multitude  de  I'aibles  impressions  ne  peut  jamais  prod u ire 
I  efl'et  d'un  sentiment  prol'ond,  subit,  exprime  av>  c  one  ener- 
gii|ue  precision.  Au  resle,  dans  les  travaux  de  la  Soeiete  de  a 
31arne,,  la  poesie  semble  reserve' e  pour  rornement  des  seances 


I7<>  LIVRES  FRANCAIS. 

pubiiques;  ['agriculture,  Ics  sciences,  1'indusirie  el  les  arts 
>ont  ['occupation  habituelle  de  ses  membres,  et  le  public  pro- 
file du  bon  emploi  qu'ils  ibnt  ainsi  de  leur  terns  et  de  leuis 

eonnaissanees.  F. 

Ouvrages  periodiques. 

1  6.Q.  — *  Annates  de  la  Socicleroyale  des  sciences,  belles-lettres 
ct  arts  d'Orh'ans.  Orleans,  i85o  ;  cbcz  M.  Pelletier,  se- 
cretaire-general de  la  Soeiete.  Prix  de  Pabonnement,  pour 
a  volumes  (  12  muneros ) ,  1a  IV.  pour  la  Fiance,  i5  fr.  pour 
I'etranger. 

Le  tome  x  ile  cet  important  Rccueil  eontienl  un  Memoir*; 
de  M.  Berthereau  de  la  Giraudiere,  stir  les  semis  et  les  plan- 
tations d'arbres  verts,  011  d'uliles  verites  sont  exposecs  avec 
1'autorite  de  I' experience ;  l'auteur  insiste  sur  la  nccessitc  de 
reboiser  nos  montagnes,.  d'y  rctablir  les  belles  forets  qui  les 
revetirent  autrefois,  et  de  reserver  les  plaines  pour  1'agricul- 
ture,  en  protcgeant  ses  produits  par  des  plantations  inulti- 
pliees  d'arbres  disposes  avec  art  pour  le  double  but  d'embellir 
le  paysage ,  et  d'offrir  un  abri  contre  l'impetuositc  des  vents. 
Mais  quelques  erreurs  se  sont  glissees  panni  ces  verites,  et 
proliteraient  infailliblcment  de  cette  association  pour  se  faire 
accreditor.  II  u' est  pas  exact,  par  exemple,  de  dire  que  le 
meleze  ne  reussit  point  en  plaine  ;  les  arbres  de  cette  efipece 
qui  servent  a  la  construction  des  vaisseaux  de  guerre,  en 
Russie,  viennent  de  plaines  tres-basses,  ce  qui  n'empecbe 
point  qu'ils  ne  rivalisenl  en  grandeur  avec  ceux  des  Alpes. 
Quant  an  non-succes  des  semis  de  melezes  en  grand ,  on  de- 
\ait  s'y  attendre,  d'apres  les  observations  du  venerable 
Malesherbes;  il  avail  si  bien  dcerit  la  faiblesse  de  renfance 
de  cet  arbre,  qu'on  est  surpris  d'apprendre  que  l'on  n'a  pas 
pris  les  precautions  qu'il  indique,  et  dont  aucune  ne  pent 
etrc  negligee  impunement.  Mais,  quand  le  meleze  a  echappe 
aux  dangers  qui  le  menacaient  pendant  ses  premieres  annees, 
il  devient  plus  fort  que  ses  voisins,  s'empare  du  sol,  el  me- 
lite,  dans  les  Alpes,  le  nom  A' arbre  intolerant,  que  Malesherbes 
lui  a  donne.  Dans  les  forets  de  la  Russie,  il  ne  manifeste  point 
ce  caractere;  car  il  vit  paisiblement  au  milieu  des  pins,  des 
sapins  et  des  bouleaux ;  il  est  meme  tellement  dissemble 
parmi  ces  arbres,  qu'il  est  ties-rare  de  trouver  des  groupes  de 
quelques  melezes  reunis  sans  aucune  interposition.  Si  done 
on  vent  multiplier  clans  nos  plaines  eel  arbre  que  des  qualilcs 


OUVRAGES    PEKIODIQIJES.  /l7y 

si  precieuscs  recommandcnt  aux  soins  des  proprietaires  en 
etat  de  l'etablir  dans  leurs  domaines,  c'est  dans  les  bois  cju'il 
fan t  le  semer;  quels  que  soient  les  voisins  dont  ie  patronage 
aura  preserve  sonenfance,  s'il  parvient  a  la  jeunesse,  il  s'ele- 
vera  biehtdt  au-dessus  de  la  foret ,  et  dominera  ses  anciens 
protecteurs. 

Remarquons,  au  sujet  de  eel  arbre,  une  singularity  qu'il 
presente  en  Ecosse,  si  toutefois  on  doit  une  entiere  eonfiance 
a  des  documens  affectes ,  peut-etre,  de  quelque  erreur  typo- 
graphique.  Dans  l'ouvrage  de  M.  Barloav,  sur  la  resistance 
des  bois,  traduit  en  franeais  par  M.  Foirier,  ingenieur  des 
ponts  et  ehaussees,  le  meleze  est  indique  conime  le  plus  leger 
des  bois  employes  dans  les  constructions,  tandis  que  celui  des 
Alpes  et  de  Russie  est  aussi  pesant  que  Forme ,  et  beaucoup 
plus  qu'aucune  sorte  de  pin  on  de  sapin.  Ce  meleze  d'Ecosse 
diuercrait-il  effectivement  de  celui  du  continent  europeen  ? 
La  pesanteur  specifique  indiquee  dans  les  tableaux  d'expe- 
riences  e.-t-elle  exacte,  bien  mesuree  ou  correctement  ecrite? 
Cette  question  merite  bien  qu'on  l'examine ;  car,  suivant 
M.  Barlow,  le  meleze  ne  serait  pas  senlement  Ie  plus  leger  des 
bois  de  construction,  mais  encore  le  plus  faible,  a  quelque 
usage  qu'on  l'emploie  ;  celui  dii  continent  est  loin  de  justifier 
cette  mauvaise  reputation.  On  aura  done  a  faire  de  nouvelles 
recherch.es  sur  cet  arbre,  et  a  verifier  une  partie  de  celles 
qu'on  a  laites,  avant  de  s'occuper  des  moyens  de  le  multiplier 
partout  ou  il  peut  reussir. 

170. — *  Annates  des  mines,  ou  Recueil  de  Memoires  sur  Sex- 
ploitation des  mines  et  sur  les  sciences  qui  s'y  rapportent, 
redigees  par  le  Conscil  general  des  mines;  publiees  sous  l'au- 
torisation  du  conseiller  d'Etat,  directeur-general  des  ponts  et 
ehaussees  et  des  mines.  2e  serie.  Paris,  1829;  Londres  et 
Strasbourg;  Treuttel  et  YYiirtz.  —  Ces  Annates  paraissent  de 
deux  mois  en  deux  mois,  par  cahier  de  10  feuilles  au  moins. 
On  y  joint  les  tableaux,  cartes  et  planches  necessaires  a  l'in- 
telligence  du  texte ;  prix  de  la  souscription  annuelle,  20  fr.  a 
Paris  :  24  fr.  pour  les  departemens. 

On  serait  satisfait  de  ce  recueil,  quand  meme  tous  lescahicrs 
ne  seraicntpas  aussi  pleins  quela4e  livraison  de  1829,  on  Ton 
ne  trouve  cependant  que  sept  articles,  mais  tous  instruclifs, 
soit  que  Ton  y  decrive  les  travaux  metallurgiques  de  l'Angle- 
lerre,  soit  que  les  connaissances  acquises  chez  nos  voisins 
soient  appliquees  au  perfeetionnement  de  noire  propre  iudus- 
trie.  MM.  Coste  et  Perdosnet  y  out  depose  leurs  observations 


4;K  LIVRES  FRANCAIS. 

sur  le  travail  des  mines  d'etain  et  dc  cuivre  en  Cornouaillcs  , 
et  sur  le  travail  dc  la  fonts  et  du  for  en  Angleterre,  ainsi  que 
sur  les  fouraeaux  de  cementation  pour  la  conversion  du  fer 
en  acier,  tels  qu'ils  sonl  elablisa  Scheflield,  dans  le  Yorkshire. 
M.  Robin,  directeurde  la  fouderie  dc  Yizille,  y  rend  coniple 
des  essais  dc  Putllage  de  la  fontc  de  fer  executes  pour  la  pre- 
miere tots' dans  cette  usine.  —  M.  Moisson  DcsRocnES  ,  inge- 
nieur  des  mines,  propose  line  maniere  de  traitcr  directement 
le  mineral  de  fer,  e'est  -a -dire  sans  le  conveilir  prealable- 
ment  en  fontc.  Cc  mode  dc  trailement  aurait  pour  result  at  . 
ilit  M.  Desroches ,  que,  pour  obtenirla  meme  quantite  dc  fer 
forge,  on  economiserait  le  quart  dc  la  mine  employee  acluel- 
lement,  et  les  deux  tiers  dc  la  liouillc  (pie  Ton  consomme.  II 
calcule  que,  dans  un  ctablissement  que  Ton  pourrait  former 
dans  le  departcment  de  l'Aveyron,au  Monastcre,  pies  Rhodez, 
lc  quintal  metrique  dc  fer  dc  tout  echantillon  ne  couterait  pas 
19  francs.  Yoil.'i  de  magniliques  annonccs,  failcs  par  un  hommc 
dont  le  sa  voir  est  bien  connu,  juge  competent  en metallurgies 
il  est  done  a  desirer  que  des  experiences  soient  faites  en  France  ; 
car  si  la  France  ne  prend  pas  l'initiative  ,  il  est  probable  que 
I' Angleterre  ne  negligera  point  des  vues  qui  semblcnl  si  profit- 
tables  a  son  Industrie  ;  et,  dans  le  cas  011  ces  proccdes  auraient 
le  sueces  annonce  par  M.  Desroches  ,  nous  serions  encore  une 
fois  dans  le  cas  d'imporler  chez  nous  ,  comme  anglais  ,  des 
proccdes  dont  l'origine  franeaise  ne  pent  etre  contestee. 

Les  Annates  des  mines  sont  un  de  nos  mcilleurs  recueils  pe- 
riodiques;  les  etrangers  le  recherebent,  ct  n'en  prolitent  pas 
moins  que  nous;  tel  est  I'honorable  caractcre  des  bons  011- 
vrages. 

171.  —  "Bulletin  de  la  Societe  de  geographic ;  par  MM.  Bar- 
bie   DU    BOCAGE,    BlANCHl,  BONNE ,  SuEUR-MERLIN  ,  WARDEN   Ct 

aulres  membres  de  la  Societe,  gcographes  ,  voyageurs,  el 
homines  de  leltrcs  francais  et  etrangers.  Recueil  mensuel. 
Paris,  i85o;  Arthus  Berfrand.  Prix  de  l'abonnement  (pour 
ceux  qui  ne  sont  pas  membres  de  la  Societe) ,  12  fr.  par  an, 
a  Paris,  i5fr.  dans  les  departeniens;  18  fr.  a  l'etranger 

172. — *hcvue  des  deux  Mondcs  :  journal  des  voyages,  de  I'ad- 
tninisiration,  des  mceurs,  etc.,  cliez  les  diffcrens  peoples  du  globe. 
ou  Archives  geographic/ ues  et  historic] ues  du  xixe  Steele;  par  une 
Societe  de  savans,  de  voyageurs  et  de  litterateurs  francais  et 
etrangers.  Au  bureau  de  la  Revue,  rue  Bellechasse,  n°.  i4; 
Arthus  Bertrand.  Prix  de  la  souscription  :  a  Paris,  16  fr.  poui 
(i  mois,  5o  fr.  pour  1'annee;  dansles  departeniens,  17  fr.  5o  c. 
—  55  fr   ;  a  1'etranger,  19  fr.  —  36  fr. 


OIJV RAGES  PEIUODIQUES.  47:) 

>Tous  avons  rapproche  ees  deux  recueils,  en  raisori  des  afli- 
nites  qu'ils  ont  nccessairemcnt ,  quoiquc  leur  hut  ne  soit  pas 
tout-a-fait  le  meme  :  le  premier,  devoue  spccialement  mix 
sciences  geographiques,  considere  avant  tout  la  terrc  ,  sa  des  - 
cripliou,  lcs  decouvertes  que  l'on  pent  y  faire  encore,  etc.  ;  le 
second  observe  les  hommes  et  lcs  peuples  ,  et  sera  toujour* 
egalement  occupe  dans  tous  lcs  terns  ,  meme  lorsque  le  pre- 
mier aura  cesse  d'exisler,  I'autc  d'alimens,  car  les  connais- 
sances  geographiques  ont  des  limites  que  l'homme  peut  at- 
teindre.  La  Sociele  de  geographic  devra  subsister  dans  tons 
les  terns,  pour  observer  les  changemens  qii'eprouvera  la  sur- 
face du  globe,  soit  par  des  agcns  naturels,  soit  par  les  travaux 
des  homines  ;  mais  ,  tot  ou  tard,  arrivera  l'epoque  on  ses  bul- 
letins deviendront  tres-rares,  et  ne  pourront  donner  lieu  a 
nne  publication  periodique.  Aujourd'hui,  nous  sommes  en- 
core eloigncs  de  cette  disette  :  l'ancien  et  le  nouveau  monde 
offriront  long-tems  encore  anx  voyageurs  des  occasions  d'au- 
dacieuses  cntreprises,  de  decouvertes  qui  seront  le  prix  de  la 
patience  et  du  courage.  La  recherche  du  tombeau  de  La  Pey- 
rouse,  1'exploration  de  l'intericur  de  FAiVique,  les  monts  gi- 
ganlesques  de  1'Asie,  le  nord  de  l'Amerique,  etc.  ,  voila  plus 
qu'il  ne  faut  pour  remplir,  pendant  un  grand  nombre  d'an- 
nees,  48  feuilles  d'impressions  annuellement ,  en  n'inserant 
que  des  notices  pleines  d'inleret,  ou  tres-importantes  pour  la 
science,  telles  que  lcs  rcdacteurs  du  Bulletin  savent  tres-bicn 
les  choisir.  Parmi  les  travaux  de  la  Societe  de  geographic,  la 
publication  de  ce  Bulletin  n'csl  pas  moins  digne  qu'aucun 
autre  de  la  reconnaissance  du  monde  savant. 

La  Revue  des  deux  Mondes,  reunie  maintenant  an  Journal 
des  Voyages,  est  un  recueil  plus  volumineux,  et  renfermant 
des  objets  encore  plus  clivers;  les  curieux y  trouveront  ce  qui 
leur  convient,  aussi-bieu  que  les  savans.  Les  redacteurs  out 
adopte,  pour  leurs  materiaux,  les  trois  divisions  suivantes  : 
i°  archives  geographiques;  1"  archives  liistoriques  ;  3°  varietcsel 
nouvelles;  celle-ci  est  snivie  iTannonces  bibliogra.phiqu.es ,  donl 
quelques  articles  nous  ont  l'ait  apprehender  que  les  inlerets  des 
lecteurs  n'y  f'ussent  subordonncs  a  ceux  ties  ecrivains.  La 
Revue  Encyclopedique  s'impose  le  devoir  de  la  plus  scrupuleuse 
impartiality ;  et  si  elle  deviail  quelque  pen  d'un  sender  aussi 
etroit,  ce  serait  du  cote  des  lecteurs  qu'ellc  regretterait  le 
moins  de  s'etre  jctee.  F. 


,So         LIVRES  EN  IANGUES  ETRANGERES. 

Litres  en  tongues  etrangires ,  imprimis  en  France. 

i-5.  — *  Co/leclio  selecta  S.  S.  Ecclesia patrum,  etc. —  Col- 
lection choisie  des  peres  de  I'Eglise,  comprenant  leurs  meil- 
leiirs  ouvrages  moraux,  apologetiques  ef  oratoires;  par 
M.  Caillav,  pretre  des  missions  de  France,  ptusieurs  autre* 
prilres  ftancais,  et  M.  iM.  N.  S.  Gvili.on,  auteur  de  la  Biblio' 
lliee/itr  choisie  des  pires  grecs  el  latins •  t.  xxvi  et  xxvn.  Paris, 
i83o;  MequignOn-Havard,  et  Poillcux.  2  vol.  in-8°.  II  parait 
chaqne  mois  nne  livraison  de  deux  vol.  dont  le  prix  est  do. 
14  fr.  (voy.  Rev.  Erie.,  t.  xlv,  p.  199,  et  p.  729,  etc.) 

Cette  livraison  contient,  i°  trois  Notices  sur  saint  Jnles, 
pape,  sur  Osius  de  Cordoue,  et  sur  saint  Ililaire,  eveque; 
2°les  anivres  choisies  de  ce  dernier,  c'est-;\-dire  son  Trade 
de  la  Trinite,  son  Hire  de  la  foi  des  Orientaux,  son  c'pitre  d  sa 
fille  Abra  (ouyrage  qui  Ini  a  ete  dispute);  ses  deux  litres  d 
Constance  Auguste,son  livre  conlre eel  empercur,  le  livreron- 
tre  les  Ariens.  on  conlre  Auxence  de  Milan;  quinze  fragmens 
historiques,  et  son  traite  sur  les  psaumes.  Nous  devonsa  cette 
livraison  les  memes  eloges  qn'anx  precedentes.  Si  nousavions 
qnelques  reproches  a  laire  a  L'editeur,  ce  serait  sur  un  point 
qui  lni  meriterapeut-etre  la  reconnaissance  des  amis  des  bel- 
les-lettres. 11  noussemblequ'onaurait  pn  retrancher  plusieurs 
parties  des  oeuvres  de  saint  Hilaire,  qui  n'ont  guere  d'impor- 
tance  religieuse,  et  qui  nesont  reinarquables  que  par  la  haute 
eloquence  qui  y  brille.  A.  P. 

i>-4.  — * Cor  pus  juris  civilis  Academicum  parisiense  ;  in  quo 
Justiniani  instil utiones,  digesta  sive  paiulecta,  codex,  autben- 
tica  seu  novella  constitutions ,  et  edicta  coinprehcnduntur ; 
prseterea  Leonis  et  aliorum  imperatorum  novella  constitutio- 
nes,  canones  sanctorum  et  apostolorum  ac  feudorum  libri ;  huic 
editioni ,  cum  optimis  quibusque  collatse,  nove  accesserunt , 
sub  tilulo  juris  ante  justinianei,  U Ipianifragmcnta libri  rcgu- 
larum  singular  is,  Pauti  sententiarum  libri  v,  breviora  veterum 
jurisconsullorum  fragmenta,  ac  Gaii  institulionum  commenta- 
riia  it  ;  denique  leges  similes  seque  invicem  illustrantes,  con- 
trarise,  abrogate,  breviter  notis  indicanlur.  —  Corps  du  droit 
civil,  etc.,  publiepar  C.  M.  Gausset,  avocat  a  la  Com-  royale. 
Paris,  i85o;  Janet  et  Cotelle.  In-4°;  prix,  24  fr. 

Cne  nouvelle  edition  du  corps  de  droit  romain  est  une  en- 
treprise  qui  merite  d'etre  fort  encouragee.  Celle-ci  forme  ra  un 
volume  in-4"de  i,4oopages  environ,  divise  et  public  en  douze 


IMPRIHES  KN  FRANCE.  481 

li  vraisons,  du  prix  de  deux  l'r.  chacjiic,  ou  24  fr.  pour  l'ouvrage 
complet.  Ellesort  des presses  de  M.  Duverger;  elle  estimpri- 
mee  surdeux  colonnes,  en  caracteres  neul's,  ettres-lisibles;  le 
papiereu  est  fort  beau.  On  annonce  qu'il  paraitra  une  livraison 
par  mois.  La  premiere,  qui  a  paru,  se  compose  de  14  feuilles, 
et  comprend  le  droit  anterieur  a  Justinien.  M.  Galisset,  qui 
donne  ses  soins  a  cette  edition,  est  connu  par  la  publication 
d'un  recueil  complet  des  lois  f'rancaises,  depuis  1789.  Nous 
nous  bornons,  pour  aujourd'liui,  a  t'aire  connaitre  le  materiel 
de  cette  utile  entreprise,  sur  laquellc  nous  aurons  plus  d'une 
ibis  occasion  de-revenir.  Puisque  nous  en  sommes  a  parler 
de  (.'execution  materielle,  nous  dirons  que  l'editeur,  dans  les 
rares  citations  grecques  qu'il  al'occaiosn  dedonner,  a  tort,  ce 
me  semble,  d'imprimer  ces  passages  sans  esprils  ni  accens.  Si 
nous  faisons  cette  minulieuse  remarque,  e'est  dans  le  desir 
qu'on  ne  laisse  pas  cette  irregularite  se  perpetuer  dans  les  li- 
vraisons  subsequentes. 

C.  R.,  avocat. 


r.  xiv  1.  MAI   18 JO. 


|\.    MHVELLES  SC1ENT1FJQUES 
ET   UTTtiRAIRES. 

AMERIQUE  SEPTENTRIONALE. 

ETATS-UNIS. 


Extrait  tCinie  lettre  adrcssee  de  New- York,  du.  a5  arril  1 83o, 
a  M.  Ji'lhen,  de  Paris,  fondateur  tie  la  Revue  Encyclopedia ue. 

o Plusieursdevosecrivainspolitiques  d'Europe  out  paru 

croire  qu'ilserait  utile  d'appcleiTaltenlioiulescitoyons  ties  Eta  ts- 
W nis  sui- la  tendance  deleurgouvernemenl,ctdelesleniren  garde 
contreles  envahissemens  du  pouvoir  militaire.  Quoique  la  no- 
minal ion  du  President  act  nclsenible  just  ifierces  apprehensions, 
elles  ne  sont  point  fondees,  et  nous  ne  voyons  rien  ici  qui 
menace  notre  liberie.  II  esf  bien  vra.i  que  ,  dans  quelques-uns 
de  ses  actes,  le  nouveau  cabinet  a  manque  de  discernement 
et  d'habilete,  que  sa  politique  suit  quelquefois  une  mauvaise 
direction  ;  qu'il  a  confie  ties  missions  diploniatiques  impor- 
tantes  a  des  hommes  tres-honorables  sans  doute,  mais ,  qui, 
ne  sacbant  point  la  langue  des  pays  oii  ils  sont  envoyes,  s'y 
trouvent  quelquefois  fort  embarrasses  de  leur  role  ;  mais,  en 
general,  l'administration  n'a  change  ni  ses  principes,  ni  sa 
marche.  Soixante-quinze  millions  de  la  dette  publique  ac- 
quires cette  annee  nous  donnent  l'esperance  qu'en  moins  de 
quatre  ans  nous  n'aurons  plus  de  creanciers.  Ce  qnel'on  pour- 
rait  blamer  dans  notre  gouvernement ,  ce  serait  peut-etre  un 
zele  excessif  pour  les  reformes,  zele  dont  beaucoup  de  per- 
sonnes  ressentent  les  effets  :  mais  la  nation  s'en  trouve  bien , 
voila  l'essentiel.  La  situation  de  notre  pays  est,  generalement, 
tres-satisfaisante  :  toutes  les  industries  se  developpent  au  dela 
de  nos  esperances,  quoique  les  manufactures  eprouvent  une 
stagnation  et  un  embarras  momentanes.  La  religion,  la  mo- 
rale, ('education ,  tous  ccs  grands  interets  sociaux  obtiennent 
['attention  qu'ils  meritent,  et  la  population  entiere  nous  offrc 


ETATS-UMS.  465 

le  beau  spectacle  de  l'onlre  social,  de  1'aisauce  et  du  bonhcur 
qui  en  sont  le  prix.  Vous  savez  que  Voltaire  a  dit  :  le  travail 
cloigne  de  nous  trois  grands  mau.v;  le  vice,  le  besoin  et  I' ennui. 
»  Dans  les  circonstances  actuelles ,  il  me  semble  que  le  de- 
voir d'un  bon  citoyen  est  d'employer  ses  forces  et  son  activile 
dans  le  sens  de  I'esprit  public  et  du  mouvcment  general ,  puis- 
qu'on  ne  s'ecarte  pas  de  la  bonne  voie,  et  qu'il  serait  inoppor- 
tun  de  sonner  le  tocsin  d'alarme,  tache  toujour*  penible,  el 
malheureusement  quelqueibis  necessaire.  Je  connais  trop 
bien  votre  sincere  pbilantropie  et  l'interet  que  vous  prenez  a 
la  prosperile  de  ma  patrie  pour  n'etre  pas  certain  que  vous 
aurez  plus  de  plaisir  a  recevoir  les  bonnes  nouvelles  que  je 
viensdevoustransmettre,  qu'a  lire  les  plus  belles  dissertations 
sur  les  moyeus  d'eviter  des  maux  que  nous  redoutions  ,  il  est 
vrai,  lorsque  nous  pouvions  causer  ensemble,  a  Paris,  mais 

qui,  tres-heureusetnent,  n'avaient  aucune  realite »     E. 

Re  forme  des  lois  criminelles.  — Les  lecteurs  de  la  Revue  En- 
cyclopcdique  ont  pu  voir,  dans  notre  T.  xliv,  p.  214,  un  ex- 
trait  d'une  lettre  qui  m'etait  adressee  par  M.  Edouard  Livings- 
ton,, et  00.  il  m'annoncait  que  son  Code  criminel  pour  la 
Louisiane  serait  sans  doute  discute  dans  la  session  qui  devait 
avoir  lieu  au  commencement  de  cette  annee.  Uue  nouvelle 
lettre  que  je  viens  de  recevoir,  en  date  du  5  fevrier  i85o, 
conlient  les  details  suivans  :  « Notre  Assemblee  legislative  ne 
s'est  pas  encore  occupee  de  mon  Code  de  la  Louisiane,  et  je 
brains  que  sa  translation  a  un  median t  petit  village  n'en  re- 
tarde  encore  l'examen.  En  attendant,  je  presenterai  au  Con- 
gres,  dans  le  cours  du  mois  prochain,  le  Code  pour  les  Etats- 
lJnis,dontje  vous  aienvoye  unexemplaire.il  y  a  ici  des  prejuges 
a  vaincre,  comme  dans  les  a u Ires  pays;  mais  je  ne  desespere 
pas  d'y  parvenir.  Vous  recevrez  le  detail  des  discussions 
aussitot  qu'elles  auront  lieu.  » 

On  voit,  par  cette  lettre  de  11.  Livingston,  que  la  discus- 
sion de  son  Code  penal  pour  la  Louisiane  est  encore  ajour- 
nee ;  mais  que  celle  qui  doit  avoir  lieu  dans  le  sein  du  con- 
gres  des  Etats-Unis,  pour  l'examen  de  son  Code  criminel  fede- 
ral, est  probablement  ou verte  en  ce  moment.  Lorsque  cette  dis- 
cussion me  sera  parvenue,  jem'empresseraid'en  faire  connaitre 
les  principauxresultatsaux  lecteurs  decerecueil ;  jedois  toute- 
fois  relevcr  immedialement  une  erreur  grave  contenue  dans 
les  feuilles  publiques  qui  ont  annonce  les  circonstances  dont 
\e  viens  de  parler.  On  a  dit  que  M.  Livingston  prononpait  l'a- 
holition  de  la  peine  de  mort  dans  son  Code  criminel,  destine 
anx  Etats-Unis.  II  y  a  ici  confusion  manifeste.  Cet  habile  jn- 


^84  fiTATSrUNIS.— AMEJUQl  E  MlilRIDIONALE. 
risroiisiilu* ,  dans  son  projel  de  Code  penal  pour  la  Louisiane, 
eo  a  banni  la  peine  capilale,  et  il  est  evident  qu'en  effel  sou 
opinion  personnelle  est  coritraire  a  ce  chaliment  (i).  Mais, 
dans  Ir  Code  criminel  qu'il  a  ete  charge  do  preparer  pour  la 
juridiction  federate  des  Etats-Unis ,  la  peine  de  moil  ne  se. 
trouve  pas  abrogee,  quoique  elle  soil  restreinte  dans  des  cas 
extrfenaemem  rarcs,  et  le  celebre  legislateur  fait  connaftre, 
dans  le  Rapport  qui  precede  son  projet,  les  motifs  qui  I'onl 
oblige  a  la  eonscn  er.  A.  Ta\llat<dier. 

AMERIQLE  MEBIDION ALE. 

Colombie.  —  Coup  d'tvil  rapide  stir  la  comitate  du  general 
Bolivar,  ct  appreciation  impartiale  des  accusations  dirigies  contre 
/„/.  —  La  Revue  Amcricaine  de  New-York  (the  north-american 
Review)  a  public ,  dans  le  mois  dc  janyier  de  eclte  annee,  un 
Tableau  Itistorique  dc  la  Colombie,  d'autanl  plus  interessant  et 
d'autant  phis  exact,  qu'il  parait  trace  d'apres  les  documens 
les  plus  authentiques  ct  les  fails  les  miens  averies.  Corame  a 
I'histoire  de  la  Colombie  se  lie  intimcnicnt  cclle  dc  la  con- 
duite  politique  du  president   Bolivar,  le  tableau  dorit  nous 
parlous  offre  un  certain  nombre  dc  traits  peu  favorablcs  au 
caraclere  et  au  desinteressemenl  de  I'hbmme  qui,  pendant  un 
si  long  espace  dc  terns,  s'est  concilie  les  veeux  les  plus  sincere* 
des  amis  de  la  libertc  amcricaine.  Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui 
que  la  conduite  dc  Bolivar  a  paru  au  moins  equivoque,  sinon 
tout.a-l'ait  contraire  aux  liberies  dc  son  pays.   Des  cciivains 
fort  connus  dans  le  monde  politique  I'o'n't  atlaquec;  d'aulres 
l'ont  defendue  ;  et  cette  controverse  a  laisse  dans  I'esprit  des 
lecteurs  des  motifs  suffisans  dc  doute.  II  est  affligeant  que  la 
conduite  du  libcrateur  de  la  Colombie  ait  pu  inspirer  des  de- 
fiances et  des  craintes  a  ceux  qui  desirent,  comme  nous,  que 
le  peuplc  americain  jouisse  d'inslitutions  en  harmonic  avec 
les  progres  de  I'esprit  humain,  protectrices  des  droits  natu- 
rcls,  et  capable s  de  faire  le  bonbeur  de  ccs  regions  tortiinccs. 
On  pent  conclure  du  Tableau  dc  la  Revue  amcricaine,  ct  des 
derniers  evencmens  qui  ont  en  lieu  dans  la  Colombie  :  1"  que 
lc  president  Bolivar  a  eommis,  en  lSiti  el  en  1837,  one  faute 
grave,  en  ne  soutenant  pas  avec  ferine  I  e  la  constitution  dc 
Cucuta  ,  en  vcrtu  de  laquelle  il  eta  it  president  de  la  republi- 

(1)  Nous  feions  connaitre,  dans  an  de  nos  prochains  caliinrs,  la  partie 
<lu  nouveau  Kappott  de  M.  Livingston  qui  coriceine  cet  important 
sujet. 


if 

i 


AMKUIQIE  MERIDIONALS.  ,s  i 

que,  ct  en  proposanl  qu'an  avancAl  la  convocation  de  la  con- 
vention d'Ocana; 

a".  Qu'il  n'y  a  pas  cu  necessity  imperieuse,  en  1828, 
d'abolir  formellement  la  constitution:,  et  de  !ui  substilner  un 
gouvernement  dictatorial,  contre  lequel  furcnt  ensuite  dirr- 
gees  plusieurs  attaques  iosurrectiortnelles. 

La  premiere  question  nous  pa  rait  fortrlaire.  En  septembre 
1826,  Bolivar  quitta  le  I'eiou  poor  revenir  dans  la  Golombie  , 
dejaagitee  par  ('insurrection  de  Valence  du  00  avril,  qui  me- 
nacait  de  romprc  l'union  et  de  renverser  le  systeme  cons  tit  u- 
lionnel.   Bolivar  etait  president  de  la  Golombie  ,  nomine  par 
le  meine  congres  qui  avait  deerete  la  constitution,  et  devant 
lequel  il  avait  jure  librcment,  et  spontanemeut  ,   tie  l'obsei- 
ver,  de  la  maintcnir  et  de  la  defendre.  Plusieurs  1'ois  il  rcnou- 
vela  ,  a  la  nation  colombienne,  le  serment  d'etre  fidele  a  see 
institutions,  de  les  conserver  intactes,  de  leur  sacrifier  sa  for- 
tune, sa  vie  et  son  honneur.  Avecde  telles  garanties,  il  etait. 
jusle  que  le  gouvernement  de  Bogota,  et  les  departemens  fi- 
deles  aux  lois  fondamentales  ,   atlendissent  avec  confiance 
I'aniyee  du  president,  a  qui  son  caraGtere  public  et  ses  pro- 
messes  imposaient  le  devoir  de  soutenir  le  pacte  colombien. 
en  rcprimant  les  revolutions,   tant  pour  satisfaire  a  I' opinion 
nationalc  oulragee  dans  ses  lois  et  dans  son  gouvernement, 
que  pour  preserver  la  republique  de  bouleversemeiis  ulte- 
L'ieurs.   Bolivar   n'etait   ni  mediate ur,  ni  conciliateur;  entrc 
les  partis  qui  agilaienl  la  Coiombie;  un  tel  role  ne  pouvait 
convenir  au  chef  de  l'Etat,  qui  avait  des  devoirs  precis  a  rem- 
plir,   et  des  regies  fixes  a  suivre.   Nous  voulons  bien  que  sa 
profession  de  t'oi  politique  fut  consignee  dans  la  constitution 
bolivienne,  comme  le  dit  d'ollirc,  et  ensonnom,  son  secre- 
taire a   la  municipalile  de   Guayaquil;  nous  admeltons  qu'il 
criit  de  bonne  foi  que  ce  contrat  etait  preferable  a  celiii  de 
Gucula,  ct  proprc  a  faire  indubitablement  le  bonheur  de  sa 
patrie.  Mais  ce  n'etait  pas  au  president  a  decider,  d'apres  son 
opinion  personnellc,  des  lois  constilutionnelles  qui  pouvaient 
etre  les  plus  utiles  au  peuplc  colombien.  Sa  mission  etait  de 
soutenir  une  constitution  qui  coniptait  six  annees  de  regnc , 
qui  I'avait  lui-meine  revetu  de  Pautorite  supreme,   et  qui  sc 
voyait  mise  en  peril  par  la  rebellion  de  quelqucs  bonimes  a 
qui  la  loi  demandait  coiuple  de  leur  conduite.  Au*si,  des  que 
Bolivar  annonca  dans  sa  proclamation  du  mois  dc  septembre, 
datee  de  Guayaquil,  qu'il  venaitserrer  dans  ses  bras  les  amis 

de  la  justice  et  ses  cuncmis,  les  innocens  el  les  coppables,  il 

ne  fut  pas  possible  de  douter  que  les  lois  constilutionneUes  dc 


*4 


486  AMJSRIQUE  MEKI  DION  ALE 

la  rcpubliquc  no  restassent  Outragees ,  que  leurs  plus  fermes 
soutiens  nc  Invent  disgracies,  etque  la  victoiic  n'appartint  a 
ceuz  qui  les  avaient  mutiloes. 

En  passant  de  Guayaquil  a  Popayan,  Bolivar  confirma  les 
oraintes  qu'il  avail  fait  naitre;  cftf,  biten  qu'a  la  vcrite  il  ait  re- 
fuse le  litre  de  dicta  teur,  dont  les  municipalites  de  Guayaquil, 
do  Cuenca  et  de  Quito  lui  1'aisaient  liommage,  en  consequence 
de  la  commission  dont  il  avait  investi  Leocadio  Guzman  avant 
de  quitter  Lima  [North  umerican  Review  ,  p.  77),  ilexerca, 
dans  toute  sa  plenitude,  l'autorite  dictatorial  ,  sans  avoir 
egard  a  celle  du  gouvernement  etabli.  L'un  de  ses  actes  les 
plus  notables  ,  et  les  plus  reprehensibles  dans  cette  occa- 
sion ,  est  d'avoir  tire  de  prison  ,  et  retabli  dans  leurs  em- 
plois,  trois  ofiiciers  qui  avaient  ete  condamnes  par  la  cour 
martiale,  conformement  aux  lois  existantes.  Cette  atteinte 
a  l'independance  du  pouvoir  judiciaire  ne  saurait  etre  excu- 
see  a  notre  avis  ;  car  tout  le  monde  sait  que  la  die  tat  u  re  a  pour 
but  et  pour  objet  de  sauver  l'Etat  du  peril  ou  il  se  trouve  ; 
et,  en  admettant  que  la  Colorable  couriit  les  plus  grands  clan- 
gers, il  nous  est  difficile  de  croire  que  son  salut  dependit  de  la 
revocation  d'un  arret  emane  d'un  tribunal  competent,  et  le 
premier  de  tons  dans  l'orclre  judiciaire. 

A  la  meme  epoque,  la  conduile  de  Bolivar  a  Venezuela  est 
connue  de  tout  le  monde.  Apres  Tanmislie  de  Puerto-Cabello, 
dont  nous  ne  conteslons  pas  l'opportunite ,  les  auteurs  et  les 
fauteurs  de  1'insurrection  deValence  furent  recompenses  avec 
profusion  par  des  grades  militaires,  par  des  emplois,  des  de- 
corations ( 1),  des  eloges  et  des  faveurs.  Les  amis  de  la  consti- 
tution furent  dedaigncs ,  et  menie  reprimandes,  pour  avoir 
mis  obstacle  aux  progres  de  rinsurrection  contre  les  lois  fon- 
damcntales  de  l'Etat  et  contre  le  gouvernement  national. 
Voila  justement  le  tort  grave  que  Ton  pent  reprocber  a  Boli- 
var. Des  l'instant  on  il  crut  qu'il  etait  de  son  devoir  ou  de  sa 
politique  de  caresser  les  fauteurs  de  la  revolution  nonvelle,  en 
leur  dispensant  des  faveurs,  en  cedant  a  leurs  vceux  pour  la 
convocation  anticipee  de  la  convention,  il  sanctionna  implici- 
tement  lechangement  de  system*,  et  laissa  pour  l'avenir  une 
grande  breche  ouverle  au  mepris  de  son  pouvoir  ,  aux  atta- 
ques  contre  son  autorite,  et  a  la  severe  improbation  de  sa 
conduite.  Les  journaux  de  Bogota  sont  remplis  des  felicita- 
tions que  Bolivar  adressait  a  l'armee  et  aux  municipalites  qui 


(1)  Elks  consislaier.t  en  mrdaille^  pnrlant  lVKigie  dc  Boliva 


i 


AMERIQLE  MEK1DIONALE.  487 

avuient  proclamc  la  dictnturc,  avec  plusou  moins  d'eneigie  et 
de  resolution,  lis  etaient  remplis  de  Penumeration  des  recom- 
penses qu'il  distribuait  a  ses  amis  et  a  ses  partisans,  et  ils  au- 
raienl  du  Petre  aussi  des  destitutions  qui  frappaient  les  pa- 
triotes  amis  de  la  constitution.  Chacun  des  actes  du  president 
fut  une  blessure  niortelle  faite  a  1'ordre  constitutionnel ,  une 
mine  preparee  pour  fa  ire  sauter  loul  autre  systeme  qui  vien- 
drait  a  s'utablii*.  Quand  on  accordait  non-seulemeut  aux  All- 
ies et  aux  cites,  mais  encore  aux  corps  militaires,  le  droit  de 
discuter,  dans  des  assemblies  illegales,  Putilite  et  Popporlu- 
nite  d'une  constitution,  d'exiger,  avec  menaces  et  par  des 
voies  de  fait,  son  abolition  011  sa  re  forme,  comment  a-t-on  pu 
esperer  que  ces  doctrines  et  cette  experience  ne  seraient  pas 
toujours  preserves  a  1'imaginalion  d'bommesdontPobeissauic 
n'est  ni  inspiree  par  un  sentiment  de  conviction,  ni  eelairce 
par  la  connaissance  des  luis? 

Venezuela  vient  de  se  declarer  contre  l'union  centrale  ei 
contre  Pautorite  de  Bolivar;  comment  peut-on  ne  pas  lui  en 
reconnaitre  le  droit,  puisque  auparavant  on  avait  accordii  a 
Guayaquil,  a  Cuenca,  a  Quito,  a  Cartbagi'ne ,  a  Maracaibo . 
celui  de  se  declarer  contre  la  constitution  de  Cucula  et  contre 
le  gouvernement  national?  Tel  est  Pinconvenient  qui  resulle 
de  deliberations  precipitees ,  ou  Ton  s'ccarte  du  veritable  in- 
teret  commun.  Les  doctrines  de  Bolivar  dans  les  discussions 
politiques  de  1826  et  1827,  lorsqu'il  s'agissait  de  savoir  si  la 
constitution  de  Cucuta  devait  etre  ou  n'etre  pas  maintenue , 
si  elles  n'ont  pas  introduit  l'anarchie,  out  au  moins  dispose  les 
esprits  a  s'agiter  frequemment,  en  pri^ant  la  Colombie  des 
a  vantages  inappreeiables  d'un  regime  fixe  et  permanent.  L'his- 
loire  des  actes  et  des  petitions  menacantes  et  irrespectucuses, 
adresses  a  la  convention  par  l'armee  et  par  quelques  municipa- 
lity ,  pent  maintenant  servir  de  texte  a  ceux  qui  se  sont  decla- 
res contrel'autorite  de  Bolivar.  Ces  actes,  qui  rapellentles  terns 
malheureuxdesmilicespretoriennes,  furent  accueillis  favora- 
blement  par  le  president  de  la  Colombie,  et  lui  servirent  a  pro- 
clamerque  son  pouvoirillimite  emanait  de  la  volonte  du  peu- 
ple,  de  ce  meme  peuple  qui,  aujourd'bui,  dans  les  provinces  de 
Venezuela,  exige  le  contraire  de  ce  qu'il  parait  qu'on  lui  fit  exi 
ger,  lorsdela  convention  d'Ocana.  Les  fruits amers  que  Bolivar 
recueille  maintenant  cbez  cette  population,  qui  semblait  Pavoir 
proclanieleseulhomme  capable  de  la  gouverner,  sont  dus  aux 
semenccs  anarcliiques  qu'il  jeta  en  1827  et  en  1828  pour  ar- 
river  a  la  dktalure.  Exemple  douloureux,  qui  doit apprendre 
aux  chefs  futursdes  Etats  nouvcaux  de  PAnierique  a  contcmr 


488  AMI.IUOlK  MERIDIONAL!. 

dans  de  justes  bornes  les  passions  exaltees,  en  forpant  les  na- 
tions a  respecter  leurs  lois  fnndamcntalcs,  a  nc  pas  y  porter  at- 
teinte,  excepte  lorsqu'une  neeessitc  imperieose  I'exige,  mats 
toujours  on  employant  les  voies  legales,  et  sans  s'eearter  ja- 
mais des  formes  conservatriees  qu'elles  out  ellcs-momcs 
prescriles  d'avanGe. 

La  seconde  consequence  est  encore  plus  cvidenle.  Bolivar 
fut  elovc  a  la  diclalurc  on  1828,  dans  la  supposition  que,  la 
Colombie  etant  en  proie  a  l'anarchie ,  ct  prole  a  etre  niorce- 
lee  par  la  guerre,  soit  inlcrieurc,  soit  exterieure,  il  nerestait 
d'antres  moyens  de  salut  que  d'abolir  la  constitution  ct  do 
creer  un  dictate ur.  Si  tel  avait  ete  lc  veritable  etat  de  ee  pays, 
nous  excuscrions  la  mesure  extraordinaire  qui  priva  les  Co- 
lombiens  de  leurs  lois  et  de  leurs  garanlies;  mais  les  papiers 
publics  et  les  informations  que  nous  a  Tons  prises  nous  ont  suf- 
fisamment  eclaires  sur  cette  matierc  (voy.  ci-dessus  p.  229) 
I' expose  sommaire  des  progres  qu'a  fails  la  Colombie,  sous  I'in- 
fluence  des  institutions  liberates,  depuis  Cannee  1822,  ipoque 
(Is  la  publication  de  sa  constitution  par  le  eon'gris  de  Cu.eu.ia, 
jusqu'en  1827,  ott  cette  constitution  fut  abolie.)  En  1828,  per- 
sonne,  dans  les  provinces  colombiennes  ,  n'etait  en  insurrec- 
tion conlre  le  gouvcrnement ;  tous  les  citoyens  obeissaient  au 
president  de  la  republique;  car,  si  Carlhagenc  et  Cumana 
avaient  ete  exposees  a  one  insurrection  momentanee,  l'ordre 
etait  parfaitement  retabli  an  mois  de  juin.  Venezuela  etait 
revenue  a  1'etat  de  calme  dont  clle  jonissait,  avant  le  mouve- 
inent  de  1826;  et  cela  sans  qu'il  eut  ete  neccssairc  d'abolir  la 
constitution.  II  est  certain  que  la  convention  d'Ocaiia  avait  du 
sa  dissolution  a  des  intrigues  et  a  des  menees  dont  quelques 
personnes  accusent  Bolivar  lui-meme,  et  que  la  constitution 
de  Cucuta  n'avait  pu  etre  reformee;  mais  il  est  certain  aussi 
que  la  dissolution  de  la  Convention  ne  laissait  pas  l'Etat  dans 
1'anarcbie,  parce  que  la  Ioi  qui  avait  convoque  cette  Assem- 
bler avait  declare  exprossement  que  la  constitution  de  Cucuta 
serait  en  vigueur  jhsqu'd  ce  qu'elte  fit  reformee.  ]\'ayant  subi 
aucune  modification,  elle  etait  done  encore  dans  toute  sa 
force,  et  reclamait  l'obeissance  de  tous  les  Colombiens.  La 
Colombie  n'etait  point  livrcc  a  1'anarcbie,  parce  qu'il  ne  sau- 
rait  y  avoir  anarch ie  la  ou  il  existe  des  lois  conuues  et  ob- 
servers, et  des  autorites  respectees. 

La  convocation  prematures  de  la  convention  est,  a  nos 
ycux,  unc  des  fautes  graves  de  Bolivar.  En  favorisant  cette 
anticipation  de  I'epoque  fixee  par  la  constitution,  il  von- 
Inl  sans  doute  eomplaire  a  ceux  qui  en  avaient  manifests  le 


AMEMQIE  MERIDIONALS.  489 

dcsir;  mais  il  ne  vit  pas  mi  feignit  de  ne  point  voir  que  cette 
manifestation  a \  nil  en  lieu  par  des  moyens  que  les  lois  reprou- 
vaient ,  ct  qu'elle  etait  en  opposition  avoc  le  gouvernemenl  : 
en  un  mot,  qn'on  attaquait  vigoureusement  le  systemc  pour 
le  deiruire.  Des  que  les  peuplcs  se  virent  appuyes  par  lc  pre- 
sident, ils  durent  croire  qu'ils  avaicnt  agi  avec  justice,  et 
qu'ils  avaient  le  droit  d'employer  a  I'avenir  de  pareils  moyens 
illegaux,  et  de  s'affrahchir  de  l'oneissance  due  au  gouverne- 
ment,  quel  qu'il  fat.  II  serait  arrive  prceisement  tout  le  con- 
traire ,  si  Bolivar,  se  reunissant  au  vice-president  de  la  Co- 
lombie  ,    eut   soulenu    la    constitution  ,     reprimande    ceux 
qui  lui  avaient  porte  atteinte,  et  differc  la  convocation  jus- 
qu'au  terns  fixe  par  la  loi  fondamentale  de  I'Etat.  Les  liommes 
qui  avaient  abandonee  unc  fois  les  voies  legales  ne  se  seraicnt 
pas  fourvoyes  dans  line  autre  occasion,  si  le  president  leni- 
ent d'abord  fait  entendre  qu'ils  avaient  manque  a  Ieurs  devoirs, 
et  qu'ils  meritaient  le  ebathncnl  reserve  aux  ini'racteurs  des 
lois.  Alors,  les  masses  auraient  etc  plus  en  garde  contre  la  se- 
duction; il  eut  ete  moins  facile  de  les  amener,  par  des  voies 
inconstitutionncllcs  ,  a  troubler  l'ordre  legal ;  et  les  agitatcurs 
se  seraient  Irouves  sans  appui.  Alors,  lc  gouvernement  ct  la 
nation  auraient  eomptc  sur  un  regime  stable,  sujet  seuleinent 
a  ces  variations  que  conseillent  le  ferns  el  Pexperience,  mais 
qui  ne  peuveiU  s'optrer  par  la  violence  et  par  le  relachement 
des  liens  de  l'ordre  public.  Sans  nul  doute  ,  si  Ton  s'etait  con- 
duit d'apres  ces  principes.  Bolivar  n'aurait  pas  ete  dictateur; 
mais,  en  revancbe,  la  Colombic  ne  serait  pas  exposee.  comme 
elle  Test,   a   des    troubles    frequens  qui  nuisent  a   la  pros- 
perity   intcricure    de  I'Etat,    et    a  sa   consideration    au-de- 
hors.  Cette  republique  n'aurait  pas  offert  au  monde  lc  scan- 
dale  d'un  pays  qui  se  laisse  impuncment  arracber  scs  lois , 
quisacrifie  ses  droits,  scs  garanties,  son  bonneur  a  un  entbou- 
siasmc  cxagere  etaune  reconnaissance  imprudente.  File  n'au- 
rait pas  en  a  plcurerles  victimes  sacrifices  pendant  la  duree  de 
la  dictalure;  nos  oreilles  n'auraient  pas  etc  frappees  du  projet 
d'assassiner  le  liberateur,  en  haine  de  son  autorite  ,  jugee  ty- 
rannique;  enfin ,   Bolivar  aurait  conserve  intacte  la  belle  re- 
putation que  lui  out  acquise  les  services  qu'il  a  rendus  a  1'in- 
dependancc.  II  aurait  etc  gloricuxpourle  liberateur  de  joindre, 
a  l'eclat  de  sesbauts  fails  militaires,  le  litre  de  magistral  desin- 
teresse,  de  fidele  sujet  de  la  loi.  Peut-etre  il  est  encore  terns 
pour  lui  demeritcretd'obtenir  cette  recompense.Sisaconduitc 
a  venir  pent  effacer  les  fausses  demarches  on  il  s'esl  laisse  en- 
trainer  depuis  pen  de  (ems,  s'il  laisse  aux  Colombicns  la  li- 


4go  AMERIQIE.  —  EIROPL. 

berte  tie  se  constituer,  s'il  soulicnt  lidelement  leura  instil m- 
lions,  s'il  rcprimc  l'lntcrvention  audacieuse  ct  illegale  de  la 
force  armcedans  les  discussions  politiqucs  ;  s'il  protege  lous  les 
eiloyens  sans  distinction  d'opinions,  et  en  eouvrant  d'un  juste 
etsalutaire  oubli  les  agitations  passees;  il  ne  lui  sera  pas  dif- 
ficile de  rcmonler  an  rang  eleve  que  lui  assignent  ses  talens, 
sa  Constance  et  son  patriotisme.  Une  condnite  tranche  et  loyale 
desarmera  ses  ennexnis ,  et  lui  rendra  la  confiance  de  eeux  (|ui 
l'ont  regardc  comme  le  destrucleur  de  leurs  liberies.  Le  be- 
soin  de  la  paix,  de  I'imion,  d'un  gouvernement  impartial, 
subordonne  auxlois  politiques  ,  ne  se  fait  nulle  part  sentir  plus 
vivemenl  que  dansun  Elat  nouvcau  qui  se  presente  au  mondc, 
avee  la  force  de  conservcr  son  independence  et  d'embrasscr 
les  priheipes  d'une  sage  libertc. 

EUROPE. 

GRANDE-BRETAGNE. 

Londres. —  Projet  (Tun  Cimetiere  National. —  Une  des  choses 
qui  frappenl  le  plus  un  ctranger,  quand  ilparcourt  les  \  astes  rues 
ile  Londres  ,  ses  larges  trottoirs ,  ses  places  ou  squares  pkmles 
d'arbres,  e'est  de  reucontrer  de  distance  en  distance  des  cime- 
tiere.*, entassesau  centre  de  la  ville,  au  milieu  du  bruit,  des  cris 
tin  peuple,  duroulement  des  voitures.  On  s'etonne  que  Le  lieu 
soit  si  etrangement  choisi  sous  le  double  rapport  de  lasalubrilc 
et  du  respect  du  auxmorls.  On  est  choque  devoir  ces  asilcs  d'un 
repos  si  long  et  si  solcnnel,  convertisen  une  arene  onsedebat- 
tent  millc  interets  vulgaires.  C'cst  tanlot  un  passage  ouvcrt 
au,\  pietons,  comme  celui  qui  entoure  "Westminster,  ou  tantot, 
comme  a  Saint-Paul,  le  rendez-vous  des  oisifs  ct  des  cau- 
seurs,  tandis  que  tout  autour  de  la  mince  barricade  de  bois 
■joir  tourbillonne  une  foule  affairce  qui  s'agite  et  blaspheme. 
C'est  afin  d'evitcr  ce  fatigaut  contraste  et  d'assainir  la  ville  , 
qu'on  a  coneu  le  projet  de  fonder  hors  de  la  capitale  ,  a  Prim- 
rose Hill,  dans  un  site  de  i5o  acres  de  tcrre,  un  cimetiere  di- 
vise  en  trois  regions  de  tombeaux.  La  plus  haute  serait  ornee 
de  temples,  de  chapellcs,  de  mausolces  de  divers  styles,  eu- 
toures  d'une  double  rangee  de  porliquesa  jour,  egalement  rem- 
plis  de  pierres  tumulaires.  La  seconde  ct  la  troisicme  seraient 
plantets  d'arbres,  de  lleurs,  sur  le  inodele  du  cimetiere  du 
Pere-la-Chaise.  On  cberchc  a  ras  embler  des  funds  pour  uiet- 
tre  a  execution  le  plan  de  IN.  Goodwin,  architect*',  qui  a  b.-ili 
plusieurs  egliscset  d'autres  mo nu mens  nationaux.  Oncalcule 


GRANDE-B11ETAGNE  —  RLSSIE.  4gi 

qu'il  faudrait  une  soninie  de  4fio^ooo  livres  sterling,  divisec 
en  iG,ooo  actions  de  20  livres  chacune.  Oncraintquelesobsta- 
'k'S  ne  viennent  du  clerge  qui  preleve  des  droits  de  sepulture 
considerables,  et  qui  ne  s'en  demettra  pas  facilement.  Cepen- 
dant,  l'interet  public  reclame  hautement  cette  re  forme  ;  la 
necessite  d'enterrer  annuellement  5o,ooo  cadavres  dans  les 
cimetieres  places  an  centre  des  quartiers  les  plus  populeux  de 
la  ville  ne  peut  manquer  d'y  developper  des  germes  de  ma- 
ladic  et  de  mort. 

RESSIE. 

Kertch.  —  Noitrellesdccouvcrles  d'antiquitcs. —  Nous  avons 
deja  plusieurs  fois  entretenu  nos  lecteurs  desdecouvertes  pre- 
cieuses  d'antiquitcs  faites  dans  la  Crimee,par  M.  de  Blaram- 
berg,  directeur  des  M  usees  d'antiquites  Habits  a  Odessa  et  A  Kertch 
(voy.,  entre  autres  articles,  Rev.  Enc.,t.  xix,  p  .725  ;  et  t.  xxvi, 
p.  4<P)-  Nous  empruntons  aujourd'bui  au  Journal  de  Saint- 
Petersboarg  quelques  details  sur  de  nouvelles  decouvertes, 
non  moins  interessanles,  faites  pres  de  Kertch ,  au  commen- 
cement de  1'annee  derniere. 

«  Des  ouvriers,  travaillant  a  extraire  1'argiledans  une  fosse 
pres  de  cette  ville,  decouvrirent,  au  niois  de  mars  1829, 
5  tombes  antiques,  au-dessus  desquelles  etaient  deposees  io 
petites  statues  en  tene  cuite,  avec  six  vases  de  la  meme  ma- 
tiere  (dont  un  de  la  forme  la  plus  elegante),  et  une  quanlite 
de  petits  objets  en  nacre  de  perle,  en  ivoire  et  en  verre,  appar- 
tenant  a  des  ornemens  de  feuime.  Lesobjelsen  metal,  decou- 
verts  dans  la  meme  fouille,  etaient  entitlement  ronges  par  le 
terns,  et  se  brisaient  au  moindre  effort. 

»Les  statues,  qui  sont  plus  011  moins  endommagees,  repre- 
sented toutes  des  figures  de  femmes,  dont  6  sont  drapees,  et 
n'offrent  aucun  attribut  qui  puisse  faire  reconnaitre  quelles 
divinites  elles  represented.  Les  quatre  autres,  formant  une 
sorte  de  groupe,  off  rent  Venus  et  l'Amour.  La  plus  re- 
manpiable  de  ces  pieces,  celle  qui  en  meme  terns  est  la  moins 
endommagee,  represente  la  deesse  de  Cythere ,  assise  Mir  un 
rocber  que  couvre  en  partie  u.ie  belle  draperie ;  a  cote  de  la 
deesse  s'eleve,  sur  le  rocber,  un  Terme,  surmonte  de  la  tete 
de  Serapis,  avec  le  modiits ;  et-mt  pied  du  Terme  se  trouve 
1'enfant  de  Venus,  dehout  et  dans  une  altitude  des  plus  gra- 
cieuses.  Au  bas  du  rocber,  on  voit  deux  Amours,  monies,  I'un 
sur  un  dauphin,  l'autre  sur  un  rygnc.  Cette  composition  est 
irun  linn  style,  el  il  ne  lui  manque  que  I'avant-bras  tie  Veuus 
et  la  tete  de  l'Amour.  C'esl  a  M.  Digbt,  architccle  de  la  qua- 


,,,.  EUROPE. 

rantaine  de  Kerlcb,  el  a  M.  Tomasini,  negotiant  d'Odessa,  que 
nous  sommes  rede  vab  les  de  la  conservation  deces  objete,  qui 
Mini  incessamenl  orner  le  Aiusee  de  K.ertch. 

nQuelques  savans  s'etaient  pr< nces  conlre  I'authenlicite 

des  Dionutnens  paleographiques.  portanl  I'ere  dn  Bospbore, 
uaiquemeot  a  cause  de  la  rarete  decesexemples.  I  a  fragment 
description  sur  marbre,  decouvert  dernierement  a  kerlcb, 
prouve  (|uc  la  science  des  antiquites  ue  doit  point  souffrir  de 
semblables  exclusions.  On  lit  sur  ee  marbre,  tres-dis'tincte- 
inenl  :  0.  q.  1*.  E.  T.  E.  I.,  qui  esl  Fan  499  ^c  '  (l('  l'"  B°S- 
pbore,  ao3  ans  apres  J.-C.  A  eette  epoque,  Caracalla  etait 
niaitre  de  Rome,  et  Sanr ornate  IV  (clout  on  connaitdes  ine- 
daillcsavec  la  nieme  date)  regnait  dans  le  Bosphore;  Malbcu- 
reusement ,  on  ne  lit  sur  le  marbre  presque  rien  que  la  dale, 
et  lesdernieres  lettresdu  nomd'un  niois  macedonien,  peut-etre 
panemys. 

» —  Le  Musee  des  aniiquitcs  de  la  nieme  villc  \ienl  de  faire 
unenouvelle  acquisition.  M.  Poumehtsoff,  capitaine  (jfss&ouf) 
des  cosaques  de  la  mer  Moire,  domicilii;  a  Temruk,  district  de 
Tainane,  a  fait  don  au  Musee,  d'un  marbre  avec  one  ancienue 
inscription  grecque,  qui  contieut  une  consecration  on  oblation 
a  llercule,  et  qui  date  du  terns  du  roi  Perisade,  filsde  Sparto- 
rus.  ftlalheurcusemenl,  la  partie  i\i\  marbre  sur  laquelle  etait 
le  commencement  de  ['inscription  est  cassee  et  perdue.  Voici 
la  partie  qui  s'est  conservee.et  dont  les  letlres  soht  tres-bclles 
el  tres-dislinctes  : 

.  .  .  AAOT  TOY  SHAPTOKOT 

.  .  .  TIMOrENOT 

.    .  .  ATIIN  EniKPATOT 

.    .  .  IKPATIIZ   KPHTINHN 

.    .  .  IIPAKAEI 

Le  roi  Perisade ,  fils  de  Sparlocus ,  donl  l'bistnirc  ne  fait 
pas  mention,  et  qui  ne  nous  est  connu  que  depuis  pen  par 
une  inscription  semblable,  qui  a  ete  trouvee  a  Kerlcb,  il  v  a 
quelqucs  annees,  et  traasportee  ensuite  a  Theodosie,  regnail 
surle  Bosphore,  apres  l'an  284  avanl  J.-C,  epoque  a  laquelle 
mourut  Spartocus  IV,  d'apres  Diodore  de  Sicile. 

»Ku  creusant  tin  fosse,  autour#de  ['emplacement  du  jardin 
public  <pie  Ton  forme  actuellemenl  a  kerlcb,  on  a  trouve,  a 
la  prol'ondeur  d'une  arcbine  et  demic,  deux  luvaux  d'argile, 
qui,  scion  toutes  les  appareoces,   out  appartenu  a  nil  ancien 


KliSSlK.  —  SUEDE.  ia3 

aqueduc  tine.  Ces  tuyaux  conduisaicut  l'eau  des  environs  du 
Mont-d'Or  s.ur  une  distance  dc  irois  on  quatre  ver.-tcs,  ail  jar- 
din  du  pacha,  dont  il  ne  reste  plus  de  trace  aujourd'hui,  mais 
dont,  par  tradition  ,  on  connait  la  situation  a  une  *erste  dc  la 
ville.  » 

SUEDEi 

Sthockiiolm.  —  Aca.dimie  des  sciences  :  Nominations  de  mem 
brts  res  id  arts  el  etrangers  ;  Musee  d'hUtoire  naturelle. — Dans  sa 
seance  du  20  Janvier  i85o,  celte  Academieaprocedeal'eleclioo 
dc  plosieurs  membres  residanset etrangers. Elle  a  nomine,  pour 
la  section  d'erudition  generate,  M.  le  conite  Gustave  de  LowSn- 
hielm,  cnvoye  extraordinaire  et  ministre  plenipotentiaire  a  la 
coin-  de  France;  pour  la  section  des  sciences  economiques, 
31.  A.  de  Hartmansdorff,  conseiller  de  la  chancellerie  ;  pour 
la  section  de  medecine ,  MM.  Jean  Israel  Erstrom,  medecin 
du  roi,  et  Pierrc-Gustave  Cederschjold,  professeur;  pour 
la  section  de  zoologie  el  de  botanique,  M.  le  baron  Axel  Gus- 
tave Gvlletskrook,  mareehal  de  la  cour,  et  MM.  Pierre-Fre- 
(Atic'Waiilberg,  professeur,  et  T.-U.  Erstrom,  prevot;  elle  a 
choisi ,  comme  associes  etrangers,  dans  la  section  de  chimie 
et  de  mineralogie,  M.  Duloing,  professeur  a  I'Ecole  Polytech- 
nique  de  Paris,  et  M.  Henri  Rose,  professeur  de  1'Universite 
de  Berlin;  et  dans  la  section  de  mathematiques ,  M.  le  baron 
Fourier,  secretaire  de  la  section  mathemalique  de  I'Academie 
des  sciences  de  Paris.  \ 

L'Academie  des  sciences  vieut  de  faire  1'acqnisition  d'un 
des  plus  beaux  hotels  de  Stockholm,  poury  etablir  le  Musee 
d'hisloire  naturelle,  dont  les  collections  y  sont  maintenant 
mises  en  ordre.  Le  batiment  est  assez  vaste  pour  le  logeinent 
de  tous  les  officiers  de  I'Academie.  M.  Mosander  ,  suppleant 
du  professeur  Berzelius,  est  le  conservaleur  des  collections 
mineralogiques  et  geognostiques ;  M.  le  professeur WiKSTHoat, 
auteur  d'une  monographie  du  genre  Daphne  ,  et  de  plusieurs 
Memoires  in  seres  dans  les  Annates  de  I'  Academic ,  est  charge 
des  collections  de  botanique  ;  et  enfin,  M.  le  professeur  Nils- 
son,  des  collections  de  zoologie.  Ce  dernier,  connu  par  ses 
ouvrages,  intitules  :  Omitologiasuecica.  et  Manuel  des  chasseurs 
el  ties  zoologistes ,  etc.  ,  a  public  des  planches  nouvelles  pour 
sa  Fauna  suecica,  et  annoncc  la  prochaine  publication  d'un 
grand  travail  sur  les  poissons  suedois. 

A  cademic  sucdoisc.  —  M.  Samuel  (J  rub  be,  professeur  al'l  niver- 
site  d'Upsal,  a  etc  nomine,  le  25  Janvier  i83o,  en  reinplacc- 
mentde  feu  M.  de  Leopold,  lncmbre  de  I'Academie  sucdoisc, 


4«)i  EUROPE. 

qui,  comme  I' Academic  frnncnisc ,  est  specialcmcnt  cdrtsacree 

a  la  litteralure,  a  la  poesie  et  a  la  languc  du  pay".       B — M. 

ALLEMAGNE. 

DOCUMENS   RELAT1FS    A    LA   STATISTIQUE   MORALE 
DE   LA    MO  IS  ARCH  IE   PRUSSIENNE. 

Nous  devons  la  communication  de  ces  documens  a  M.  Adrien 
IV  \ mi.  qui  les  doit  lui-meme  en  grande  partie  a  l'obligeance  dc 
M.  le  conseiller  Hofmann,  directeur  da.  Bureau  stntistique  de 
la  monarchic  prussienne,  dc  MM.  les  barons  Alexandre  et  Guil- 
laume  de  Humboldt  et  de  JV1.  le  professeur  Schubert;  le  reste 
a  etc  puise  dans  1'ouvrage  de  M.  Julius  stir  les  Prisons  (roy. 
Rev.  Enc.,t.  xliv.  pag.  66),  et  (\&ns]a  Stntistique  de  laMonare/uc 
prussienne ,  par  M.  le  baron  de  Zedlitz.  Ces  documens  font 
partie  du  Tableau  physique,  moral  et  politique  des  cinq  parties  du 
monde  ,  dont  M.  Balbi  s'occupe  depuis  tres-long-tems,  et  qui 
doit  paraitre,  dans  lc  courant  de  l'annee  procbainc. 


I.  Etendve. 

Classification  des  provinces   d'aprcs 
leur  etendue. 

Millcs  carres 
Provinces  (i).  allemands. 

1.  Prusse ij'^D 

2.  Silesie 7J3 

3.  Braudebourg  ....  723 

4.  Pomeranie 56j 

5.  Posen 538 

6.  Provinces  rbenanes.  48° 

7.  Saxc 455 

.S.  Westphalie 364 


Total 


5,o4 1 


II.  Population. 

a .  Classification  ties  provinces  d'apris 
tear  population  absoluc,  en  1827. 

Nombbe 
Provinces.  d'habitans. 

i.  Silesie 2,33?.,ooo 

2.  Provinces rhenanes.  2,1 5 1,000 

3.  Prusse 2,o3o,ooo 

4.  Braudebourg.  .   .   .  1, 525, 000 

5.  Saxe 1,378,000 

6.  Westphalie 1,200,000 

7.  Posen 1,067,000 

S.   Pomeranie 86^,000 


Tot 


i2,535,ooo 


(1)  Depuis  quelques  annees,  la  monarchic  prussienne  est  divisee  en 
huit  provinces,  subdivisees  en  a5  gouverncuiens,  011  rcgences.  Le  canton 
de  Neufchatel,  quoique  dependant  du  roi  de  Prusse,  fait  partie  do  la 
Confederation  suisse ,  et  n'est  point  compris  dan^  es'catculs  des  docu- 
mens qui  vont  suivie. 


ALttMAGNE. 


495 


Spite  dv  IIe  Tableau. 

b.  Classification  des  provinces  d' a  pros 
lair  population  relative,  en  1S27. 

Provinces.     Nombre  d'babilans. 

par  mille  carre  allemand. 

1.  Provinces  rhenanes.  4i412 

2.  Westphalie 3,254 

3.  Silesie 5,i  12 

4-  Saxe 3,992 

5.  Brandebourg 2,o45 

6.  Poseu 1,933 

7.  Prusse '7700 

8.  Pomeranie 1 ,55 1 


III.     NoMBRE  DKS   MAISONS. 

a.  Classification  des  provinces  d'aprcs 
le  nombre  des  maisons  partial  - 
Hires  cxislantes  en  1827. 

Maisons 
Provinces.  particnliferes. 

1.  Silesie 335,275 

2.  Provinces  rhenanes  .   .  3 10, -65 

3.  Prusse  orient,  etoccid.   2i5,5o6 
4-  Saxe 197,199 

5.  Brandebourg 1 67,453 

6.  Westphalie 166,007 

7.  Posen 107,886 

8.  Pomeranie 93,47! 


Total. 


59i,85i 


Scite  dc  IIIe  Tableau. 

Classification  des  provinces  d'aprcs 
le  yiombre  des  maisons  particu- 
lieres  contenucs  dans  cliaqtic  milte 
carrc  d'  A  llcmagnc. 

Nombre 
Provinces.  de  maisons 

par  mille  cant-  allem. 

Provinces  rhenanes  .  .  6o3 

Silesie 4^5 

Westphalie 45a 

Saxe 43o 

Brandebourg 221 

Posen 200 

Pomeranie i65 

Prusse 81 


IV.  Classification  des  provinces  d'a- 
prcs le  nombre  de  leurs  villes. 

Nombre 
Provinces.  de  villes. 

1.  Posen 148 

2.  Saxe 145 

5.  Brandebourg i4i 

4-  Silesie i5S 

5.  Provinces  rhenanes. .  i32 

6.  Westphalie i3o 

7-  Prusse 120 

8.  Pomeranie 72 

TOTAI '<027 


(  La  suite  an  Cahier  prochain. ) 

Leipzig.  —  A ccroissement  da  commerce  de  la  librairie.  — 
Si  de  l'accroissement  du  nombre  des  imprimeries  et  des  librai- 
ries  on  petit  inlerer  quelque  preuve  de  l'accroissement  et  des 
progres  de  la  civilisalion,  des  sciences  et  des  arts,  l'Allemagne 
peut  se  glorifier  d'avoir  fait,  sous  ce  rapport,  de  grands  pro- 
gres, car  elle  a  vu  presque  quadrupler  le  nombre  de  ses  li- 
brairies,  dans  l'espace  de  cinquante  ans.  En  1780,  on  ne 
comptait,  dans  toute  l'etendue  de  l'Allemagne,  que  223  mai- 


,()<;  EUROPE. 

sons  de  librairie,  et  il  en  existe  maiutenant  827!  Dans  tous 
les  cas,  ce  fait  prouve  un  1  res-grand  accroissement  du  gout 
pour  la  lecture,  ne  fut-ce  muuic  que  pour  celle  des  roniaiis. 

ITALIE. 

Venise.  —  AntiquiUs  expliquies  par  le  \Y  Labds.  —  M.  le 
D'  Labus,  de  Milan',  vicnl  de  publrcr  une  suite  d'observa- 
tions  fort  curieuses  (1)  sur  quelques  inscriptions  latinos  re- 
eennnent  dtcouvertes  a  \  cnise  on  aux  environs,  et  particu- 
liercment  stir  1111  autel  antique  qui  a  ete  trouve,  I'annce  dcr- 
niere,  lors  d'une  restauratiun  faite  a  I'autel  de  1'ancicnnc  cba- 
pelle  du  baptistere  de  la  basiliquc  de  Saint -Marc.  En  levant, 
a  cello  occasion,  la  precieuse  table  de  granit  oriental  qui 
forme  ee  que  Ton  appelle  encore  en  Italic,  d'apres  l'usage  de 
la  primitive  Eglise,  la  Mensa  011  table  sacree,  on  reconnut 
qu'clle  posait  sur  un  autel  antique,  dedie  au  soleil,  ainsi  qu'il 
rosulle  de  ['inscription,  gravee  en  tres-beaux  earaoteres  ro- 
mains,  que  voici  : 

SOLI 

S  AC  R 

Q.  BAIENVS 

PROCVLVS 

PATER 
NO  MI  M  VS. 

Les  explications  que  donne  M.  le  Dr  Labus,  au  sujet  de  ce 
monument  et  de  linscription  qui  s'y  lit,  ont  principalement 
pour  objet  de  faire  connaitre  le  cutte  auquel  a  servi  cet  autel, 
et  le  titr'e  en  vertu  duquel  il  a  ete  erige.  C'est  ainsi  qu'il  cta- 
blit,  par  une  foule  de  rapprochemens  puises  dans  les  inscrip- 
tions antiques  du  meme  age,  que  Ic  monument  en  question 
tut  consacrc  au  cube  du  soleil,  renouvele  en  Occident  do  celui 
du  dieu  persan  Mithra,  et  que  ce  fut  un  des  ministres  de  ce 
culte,  qualifie  pater  minimus,  on,  comme  l'interprete  M.  lc 
Dr  Labus,  pcre  legitime,  pire  consacrc,  qui  erigea  ce  monu- 
ment d'une  des  superstitions  orientales  quidisputerent  le  plus 
long-tems  et  le  plus  opiniatrement  lc  terrain  an  christianisme 
naissant.  M.  Labus  fait  remarquer  que  l'expression  nomimus, 
tout-a-fait  inconnue  jusqu'ici  des  lexicographes  latins,  n'est 
que  le  mot  grec  Aouipos  latinise,  suhant  un  usage  dont  les 
inscriptions   dumeme    age   offrent  une  foule  d'exemples,  et 

{1)  Milan;  imprimerie  de  Perrota.  1 11-8"  d'une  detni-feuille. 


ITALIE.  —  PAYS-BAS.  /$} 

ftWe  cette  expression  repond  a  cellos  de  pater  et  de  sabratas 
'que  fournissent  en  partieulier  plusieurs  inscriptions  miluria- 
ques.  M.  le  l)r  Labus  aurait  pn  aj outer  que  lc  titre  qui  pa-rait 
avoir  ete  le  plus  eminent  clans  cette  bierarcbie  mithriaque,  celui 
de  pater  sacrorum,  qui  se  lit  sur  beaucoup  d'inscriptions  des 
li"  et  in0  siecles  (1),  est  probablement  le  meme  qui  est  ex- 
prime,  sur  notre  autel,  par  les  mots  paler  nomimus,  attends 
que  la  qualification  latinede /?a£<?r  sacrorum  ne  saurait  etre  ren- 
due  en  grec  d'une  manierc  plus  precise  et  plus  exacte,  que 
par  Jlv.-mp  Noptpwv,  mots  qui  se  retrouvent  presquc  idenlique- 
ment,  sous  une  i'orme  latine,  dans  ceux  de  pater  nomimus. 
M.  le  Dr  Labus  eclaircit,  du  reste,  avec  l'abondance  et  la 
surete  d'erudition  qui  lui  sont  proprcs,  toutes  los  notions  qui 
se  raltacbent  an  monument  dont  il  s'agil;  et  suivant  son  usage 
il  s'en  sert  pour  cxpliquer  plusieurs  particulates  curieuses 
qu'offrent  des  inscriptions  inedites,  provenantde  la  meme  con- 
tree,  qu'il  public  a  cette  occasion.  II  est  cependant  une  ob- 
servation assez  importanle  qu'a  negligee  HI.  le  Dr  Labus,  et 
qne  je  me  permeltrai  de  faire  a  son  del'aut,  sur  cet  emploi  de 
fflonumeBs  profanes  au  sein  de  la  primitive  Eglise.  Ce  fait, 
si  curieux  en  lui-meme ,  et  dont  l'autel  en  question,  servant 
d'appui  a  la  niensa,  on  table  sacree,  d'un  baptisterc  cbretien, 
fournit  une  application  si  positive,  semblait  mer iter  d'etre  .si- 
gnals a  ('attention  publique.  Mais  il  est  vrai  que  ce  n'est 
guere  qu'en  France,  oii  l'instruction  archeologique  est  en- 
core si  p«u  repandue,  qu'il  pourrait  etre  nccessaire  d'en  faire 
Vobjet  d'une  remarque,  tandis  qu'en  Italie,  et  suit  out  allome, 
on  les  exemples  du  meme  fait  se  rencontrent  a  chaque  pas  et 
sont  familiers  a  tout  le  monde,  il  est  a  peu  pies  inutile  de 
s'arreter  a  une  pareille  observation ;  et  e'est  sans  doute  parce 
que  iM.  le  Dr  Labus  rcgardait  cette  notion  comme  trop  vul- 
gaire,  qu'il  n'a  pas  cru  devoir  en  faire  meme  une  simple  men- 
tion. R.  R. 

PAYS-BAS. 

Emancipation  des  Juifs.  —  Effet  remarquable  de  leu'r  reha- 
bilitation en  Hi  llande.< — De  1780  a  1806,  la  population  d' Ams- 
terdam se  coniposait  de  neuf  dixiemes  de  chretiens  ,  et  d'un 
dixieme  de  Juifs.  Ces  derniers  etaient  exclus  de  toute  pro- 


(1)  Voyez,  entieautres  monumens  de  celte  epoqi:c,l'inscription  durc- 
Cueil  de  Grutcr,  p.  xxviii,  n°  2,  et  celle  des  Monum.  Mailcian,  t.  111, 
p.   107. 

T.   XLV1.   MAI   l830.  52 


4o8  EUROPE  —  PAYS-HAS.  —  FRANCE, 

fession  liberate,  charge  de  confiance  ou  place  honorable.  Les 
criminels  elaient  nlors  dans  la  proportion  d'nn  ncuvieruc  stir 
1c  total  de  la  communautc.  En  i  Soli,  les  Juifa  oblinrent  un 
soulagement  partiel,  et  la  population  reslant  la  tneme,  Ic 
nombrc  dcs  criminels  diminua  jusqu'en  1811,  ct  ne  forma 
plus  qu'un  treizienie.  En  1811,  ils  furent  compleleioent 
emancipes,  ct,  dans  lcs  cinq  annces  qui  sun  irenl,  los  criminels 
do  crojance  juive  n'claient  plus  que  dans  la  proportion  d'un 
vingtieme  au  total  de  tons  les  oondanines  bollaudaisde  touted 
religions.  15. 

Deyenter.  —  Celebration  du  jubile  de  PA  l/tntt'e.  —  Le  1G  fie- 
vrier  ou  a  celebre  dans  cette  villele  second  jubile  de  l'Alhcncc, 
qui  y  est  etabli  depuis  L'annee  iG3o.  M.  lc  profcsseur  van 
Ecr.  a  prononce,  pour  cclte  occasion,  un  disco urs  dans  lequel 
il  a  parcouru  les  principaux  evenemcns  qui  se  ratlachent  a  cet 
elablisscment  si  intcressant  pour  l'instruction  publique.  II  y  a 
cinq  siccles  deja  qu'on  trouvait  a  De  venter  une  ecole  sous  le 
nom  de  Fratrcs  vitec  communis,  qui  eternisa  le  nom  du  celebre 
GccstGroete,  ct  ou  le  grand  Erasme  a  puise  le  commence- 
ment de  son  instruction.  Dans  les  troubles  de  la  guerre  ayec 
l'Espagne,  a  la  fin  du  xvi6  siecle,  cet  etablissement  avait  peri 
tout-a-fait;  cc  n'est  qu'en  iG3o  qu'il  fut  releve,  par  les  soins 
surlout  du  profcsseur  llcvius.  Cet  etablissenicnt,  qui  est  sou- 
tenu  enti erement  aux  frais  de  la  villc,  a  found  un  nombrc 
considerable  de  savans  distingues  a  la  patric.  —  M.  le  profes- 
seur  Bosseha  a  fait,  lc  inf-mc  jour,  lecture  d'un  poeme  com- 
pose en  l'honncur  dc  la  fete.  XX. 

FRANCE. 

PARIS. 

Isstititt.  —  Academic  des  Sciences.  —  ■Stances  du  mois  de  uai 
i83o. 

Du  3  Mai. — M.  Julia  deFomenelle  adrcssc  une  note  surun 
fossile  bumain  trouve  dans  un  traversin,  pies  dcs  raartres  de 
Vcyro.  Cette  note  est  renvoyeca  la  commission  chargeedc  ren- 
dre  compte  des  objets  du  meme  genre  recueillis  par  MM.  Mar- 
cel dc  Serres,  Tounial,  Ckrisiolet  autres.  —  IL  Arago  presente 
quclques  eclats  d'un  gros  clienc  frappc  dc  la  foudre,  qui  lui 
out  etc  rcmis  par  M.  le  ddc  de  Cuactres.  Lc  premier,  long 
d'environ  5  pieds,  est  fendu  en  latles  de  2  ou  3  lignes  d'epais- 
scur  ct  dc  8  ou  10  lignes  dc  largeur.  L'autre,  -long  de  i  •-  Oil 
i5  lignes,  est  divise  en  une  multitude  de  fragmens  longitudi- 
naux,  dc  maniere  qu'il  ressemble  a  un  balai.  11.  Arago  cite  a 


PARIS.  403 

•. - v- 1 1 o  occasion  deux  cas  on  de  vieuz  chevrons  de  cjiarpehtc 
out  efe  divises  do  la  memo  manierc.   Lavoisier,  qui  fit  sur  lo 
dexrifer  un  rapport  a  I'A'cadfenaie  des  Sciences,  rapporte  qu'une 
piece  de  hois  de  la  charpente  fut  fendue  en  rragmens  lotigittj- 
dinaux  si  menus  ct  si  nombreux,  qu'elle  reprcsentait  parfai- 
tement  une  hotte  d'ailumettes.  Ces  observations,  faites  sur  du 
hois  sec,  doivent  l'aire  rejeler  une  explication  qui  ne  s'appli- 
querait  qu'au  hois  vivant,  et  qui  supposerait  que  le  fluide 
elcctrique  descend  le  long  des  vaisscaux  qui  contiennent  la 
seve.  - —  31.  Be-cqi'ep.el  lit  un  Memoire  sur  an  procede  electro- 
chimique  pour  retiree  le  manganese  et  !e  plomh  des  disso- 
lutions dans  lesquclles  ils  se  trouvent.  —  M.  Coquefrert-Mont- 
bret  fail  an  rapport  sur  un  Memoire  allemand  de  M.  Eclouard 
Petri,  relatif  aux  moyens  de  douhlcr  la  production  de  la  laine 
chez  les  inoutons.  «  Dans  l'cspece  du  mo u ton,  dit  M.  Petri , 
les  sues  nourriciers  se    fepartissent  nalurcllcmcnt   enire  la 
chair,  la  graisse  el  la  laine.  Par  des  tonics  freqnenles,  faites 
quand  ranimal  est  encore  tres-jeune,  on  peut  determiner  Ces 
sues  a  se  porter  en  plus  grande  abondance  vers  la  pcau,  pour 
y  produire  plus  de    hrins  de  laine.  »   M.  Petri  assure  avoir 
applique  cette  llieorie  avee  beaacoup  de  succes,  et  annonce 
que  col  to  nielhode  augmenlc  ia  finesse  en  memo  terns  que  la' 
quanlile  de  la  laine.  Colic  amelioration  peut  se  transmettie 
par  la  generation,  el  Ton  peui  transformer  ainsides  iroupeaux 
entfers  en  bStes  a  laine  tres-fine,  si  Ton  cmploie  toujours  a  Ia 
reproduction  les  individus  les  plus  amoliores,  et  si  Ton  ob- 
serve, d'ailleurs,  dans  le  choix  des  alimens  et  dans  les  aulrcs 
soins  tout  ce  qu'exige  une  bonne  direction.   Au  surplus,  le 
succes  complet  d'une  experience  aussi  prolongee  est  encore 
une  esperahce,  aux  yeux  meme  de  M.  Petri.  —  M.  Bureau  de 
la  Malle  lit  un  Memoire  sur  le  dcvcloppeincnl  des  facultes 
mtellectaelles  des  animaux.  «  L'autcur  a  eherche.  a  se  rendre 
compte  de  Pinfluenee  que  ['education  peut  avoir  sur  les  taCul- 
tes  intelleetuelles  des  animaux  vivant  en  sOciete.   Les  chieris 
lui  pa'raissent  prendre  en  general  les  defauts  de  lours  maihvs. 
Le  cbien  d'un  boucher,  d'nn  eeorcheur,  devien't  iiardi  et  fe- 
io;e;  cehii  d'une  femme  sensible  et  delicate  est  limine  et 
oruinlif.    Ils   resscntent  plus    vivement  la   douleur,   cornme 
I'homme  Iui-m6me  a  mesure  qu'il  est  plus  civilise.  Aiosi,  le 
ehien  jette  des  cris  percans,  quand  on  lui  marche  sur  iapattc, 
tandis  que  le  loop,  le  renard,  etc.,  se  laissenl  lucr  sans  donner 
aucun  signc  de  schsibilite  physique.  M.  de  la  Malle  ne  eroit 
point  avee  Aristole  que  les  aniniaux  ne  soient  pas  cnpablcs  de 
reminiscences,  niavec  Buffon  qu'ils  soienl  demies  de  la  facrilte 


5oo  FRANCE. 

i]c  comparer  ct  tie  jugcr.  II  cite  un  grand  nombre  de  fails  a 
l'appui  de  son  opinion,  cl  il  accorde  aux  animanx,  i°  nn 
instinct  aveuglc  :  ilen  trouve  la  prcuvcdans  l'liahitudc  qu'oitt 
les  chiens  de  se  rouler  avec  line  cspece  de  furcur  sur  les  de- 
bris d'animaux  qu'ils  rencontrent ;  il  pease  que  c'est  uik 
manure  d'exprimer  letir  dcgout  pour  ces  objets;  2"  line  la- 
culte  d'imitation  :  M.  de  la  Malle  raoonte  Fhistoire  d'un  chieo 
eleve  avec  un  dial,  qui  l'ut  son  mailre  en  tout,  et  dont  il  finit 
par  prendre  l'instinet  et  les  habitudes;  5°  une  volonte  inlelli- 
genle  et  la  faculle  de  comparer  et  de  juger.  Lorsque  I'autenr 
habitait  le  Louvre,  il  y  a  plus  de  trcnte  ans,  il  avait  sous  Jes 
yeux  des  eperviers  qui  elaicnl  venus  se  rel'ugier  dans  ce  bail- 
ment, et  qui  se  laissaient  facilement  observer.  On  les  voyait 
donner  a  leurs  petits  les  plus  singulieres  lecons.  Ainsi,  quand 
le  ptre  et  la  mere  revenaient  de  la  ehasse  avec  un  oiseau  on 
nne  souris,  ils  faisaient  un  cri  particulier  pour  les  prevcnir  ;  les 
petits  vcnaient  alorsvoler  au  milieu  de  la  cour,  I'epervier  lsi- 
cliait  sa  proie,  de  manicre  que  le  petit  put  la  saisir  au  passage  ; 
s'il  la  manquait,  le  pcre  se  precipitait  rapidement  el  la  rallra- 
pait  toujours  avant  qu'elle  eQt  louche  lerre.  Lorsque  le  petit 
etail  bien  habitue  a  cctle  epreuve,  on  lui  lachait  sa  proie  vi- 
vante,  ct  son  education  etait  finie,  quand  il  reussissait  a  s'en 
emparcr  Facile ment.  M.  de  la  ftlalle  cite  encore  l'exemple  de 
deuxchiens  qui  s'enlendaient  parlailemenl  pourchasser  ;  pen- 
dant que  l'un  battait  le  hois,  I'autre  saisissait  le  gibier  au  pas- 
sage. M.  de  la  Malle,  elant  parvenu  a  contrel'aiie,  avec  une 
rare  exactitude,  les  differens  animanx,  il  excite  leurs  passions 
avec  la  plus  grande  lacilite.  C'est  ainsi  qu'ayant  imite,  en  ren- 
trant  chez  lui,  les  cris  de  chiens  qui  se  battent,  le  sien,  qui 
l'aimait  beaucoup,  sortit  a  l'instant  et  lui  mordit  les  jambes. 
Les  autres  especes  montrent  souvent  une  intelligence  non 
moins  fine.  On  voit  a  Brives-la-Gaillarde  des  cochonsqui  sui- 
vent  leurs  maitrcsses  par  la  ville ,  qui  les  accompagnent  a  la 
promenade,  et  vont  avec  dies  jusqu'a  leur  chambre.  Ces  co- 
chons,  vraiment  civilises,  donnent  des  marques  detendresse 
et  de  plaisir  quand  on  les  caresse.  —  Nous  ne  continuerons 
pas  l'analyse  de  ce  Memoire;  nous  croyons  en  avoir  assezdit 
pour  inspirer  le  desir  de  lire  en  cnlier  le  travail  de  M.  Dureau 
de  la  Malle,  qui,  sans  doute,  sera  bienlot  livre  a  rimpression. 
—  Da  10  mat. —  M.  Beltrami  adresse  de  nouveaux  ma- 
nuscrits  du  Mexique  ,  orncs  de  figures  et  de  hicroglyphes.  lis 
sont  renvoyes  a  la  commission  mixte  qui  a  ete  chargee  d'exa- 
tniner  un  manuscril  envoye  precedenuncnt  par  le  memc  sa- 
vant. —  M.  le  tloclvur  Emmanuel  Rousseau  adresse  une  letlre 


PARIS.  5oi 

;\  taquelle  sunt  joints  de  nouveaux  documcns  sur  la  propriH& 
fAbrifuge  du  hoax  ■ —  M.  Cattchy  presente  1'extrait  d'une  Iecou 
faite  au  college  de  France,  sur  V integration  des  equations  aux 
differences  partielles  ,  line  aires  ct  d  cor/ficiens  const ans,  dans  les- 
fjuelles  toutes  les  dcrivecs  de  la  variable  principal e  sont  de  mime 
ordre. —  MM.  Gay-Lussac  et  Magcndie  font  un  rapport  sur  le 
Memoire  de  M.  Lerotx,  pharmacien  a  Vitry-le-Francais,  re- 
lalif  a  Y analyse  cltimique  de  t'ccorcedu  saule,  et  sur  la  decouverte 
<Cun  principe  imwediat  propre  d  supplier  le  sulfate  de  kinine.  «  II 
ne  s'agissait  de  rien  moins,  dit  M.  Magendie  ,  que  de  savoir  s'il 
exisle  dans  1'un  de  nos  vegetaux  indigenes  un  principe  qui 
puisse  tenir  lieu  des  alcalis  que  l'industrie  extrait  mainlcnant 
des  ecorses  de  kinkina  :  M.  Leroux,  sachant  que  le  saide  avait 
ete  employe  plus  d'une  fois  avec  avantage  comme  ainer  et  fe- 
l)iifuge,  a  voulu  savoir  si  les  ecorces  sans  valeur,  qui  sont 
detachees  de  l'osicr,  avant  de  le  me  tire  en  ceuvre,  ne  contien- 
draient  pas  quelquc  substance  analogue  a  la  kinine  ou  a  la  cin- 
chonine,  et  bientot  il  envoya,  d'abord  al'un  de  nous,  et  en- 
suite  al'Academie,  deux  produits  extraits  de  1'ecoree  du  saule 
helix.  L'un  qu'il  nommait  salicine,  et  qu'il  regardait  alors 
comme  one  base  salifiable  vegetale  de  l'autre  qu'il  appelait 
sulfate  de  salicine ;  et  ces  deux  substances,  M.  Leroux  les  an- 
noncait  comme  devant  posseder  le  pouvoir  febrifuge.  Le  Me- 
moire preserrtait  aussi  deux  parties,  l'une  chimique  et  l'autre 
clinique.  M.  Leroux,  etant  venu  a  Paris  dans  le  mois  de  juillet , 
a  reconnu,  avec  nous,  que  la  substance  qu'il  extrait  de  l'e- 
corce  du  saule,  sous  le  nom  de  salicine,  n'est  pas  un  alcali 
vegetal.  M.  Leroux  avait  deja  verifie  que  son  pretendu  sulfate 
de  salicine  n'existe  pas;  ce  que  vos  commissaires  ont  verifie. 
La  salicine  pure  se  presente  sous  la  forme  de  cristaux  blancs, 
tres-tenus,  et  nacres,  elle  est  ties-soluble  dans  l'eau  et  dans 
Palcool ,  mais  non  dans  Tether.  Sa  saveur  est  des  plus  amercs, 
etrappelle  l'arome  de  1'ecorcedu  saide.»  —  «  Relativement  a  la 
vertu  febrifuge  de  la  kinine  ,  l'un  de  nous  s'est  assure  par  des 
essais,  commences  des  le  mois  de  juin  de  1'annee  derniere,  sur 
des  fievres  intermittentes  a  dififerens  types,  que  la  salicine  est 
un  agent  febrifuge  suffisant  pour  arrelcr  les  fievres  d'acccs, 
sans  en  porter  la  dose  tres-haut.  Votrc  rapporteur  a  vu  des 
fievres  coupees  du  jour  au  lendemain  par  trois  doses  de  sali- 
cine de  six  grains  cbaque.  Bcaucoup  de  medecins  donnent  le 
sulfate  de  kinine  a  doses  aussi  el  meme  plus  elevces.  La  sai;- 
cinea  etc  I'objei  d'experienres  faites  a  la  CharileparM.  Miqucl, 
a  I'Hotel-Dieu,  par  MM.  Hussan  el  Bally.  Pliisieurs  medecins 
nous  ont  adrcssc  an  certain  nomine  d'observations  od  le  pou- 


f>02  FRANCE. 

voir  anti-febrile  dela  salicine  no  petit  6tre  revoque  on  doute. » 
M.  Leroux  a  done  decouverl  dans  I'ecorce  du  saule  hdlix  un 
principe  cristallisable,  (|ui  jouit  incontestablement  de  la  pro- 
priety febrifuge  a  un  degre  qui  se  rapproche  do  cchii  que  pos- 
sedelc  sulfate  de  kinine,  ct  cette  decouverte  est  sans  con tr edit 
I'une  <h-*  plus  importances qu'on  ail  faites  depuis  plusieurs  an- 
nees  en  therapeutique. — MM.  Cux'wr,  dc  Prony  et  S atari  font 
un  rapport  surle  Memoirede  M.  Beknati,  Felatifau  mecaniqne 
dc  la  voir  lunnainc  dans  le  chant.  «L'objet  principal  de  eel  ecrit 
est  de  faire  connaitie  la  pari  que  preod  dan.-;  les  modulations 
de  la  voix  un  organe  aux  fonclions  duquel,  sous  ce  rapport, 
les  pbysiologistes  ont  donne  assez  peu  d'atlention.  C'est  le 
voile  du  palais  ou  plulnt  lc  detroil  du  gosier,  focrae  dans  lo 
haut  par  ce  voile  du  palais,  sur  les  roles  paries  piliers  et  en 
dessous  par  la  base  de  la  langue. »  Nous  ne  suivrons  pas  l'il- 
luslre  rapporteur  (M.  Cuvier)  dans  la  sayante  analyse  qu'U 
fait  destraya.ux  de  M .  Bennati,  el  nous  nous  contenterons  d'en 
•  iter  les  conclusions.  «"fll.  Bennati  est  parvenu  a  secreerun 
organe  qui  marque  jusqu'a  trois  octaves.  II  indique,  dans  son 
jit-moire,  les  precautious  que  Ton  d<  it  prendre  a  eet  egard 
pour  rinstruclien  des  jeunes  gens  destines  a  la  musique  vo- 
eale,  precautions  pari.,  sune  des pi jncipaies  esl  d'in- 

lerrompre  les  exercices  a  I'epoque  dc  la  nine.  M.  Bennati  cou- 
clut  son  Memoire  par  cette  proposition  :  que  re  ne  sent  pas 
les  sculs  muscles  du  larynx  qui  servent  a  modulcr  les  sons, 
mais  encore  ceux  de  l'os  hyo'i'dc ,  ceux  dc  la  langue  el  cpux 
Oai  voile  du  palais,  sans  lesquels  on  ne  pourraitatteindre  a  Ions 
les  degres  de  modulations  necessaires  pour  le  chant;  d'ou  il 
resulte  que  1' organe  de  la  voix  est  un  instrument  sui  generis, 
un  instrument  inimitable  par  Part,  parce  que  la  malicrc  dc  son 
mecanisme  n'est  pas  a  notre  disposition  ,  et  que  nous  no  con- 
cevons  pas  meme  comment  il  s'approprie  a  I'espece  de  sono- 
rite  qu'il  produit.  Ceresultat,  sans  etre  eniiorement  neuf pour 
la  science,  nous  parait  avoir  etc  appuye,  par  M.  Bennati,  de 
pr6UT.es  et  d'observations  nouvelles,  ct  avoir  acquis  sous  sa 
plume  Tin  developpemcnt  qui  fixera  davanlage  I'allention  des 
pbysiologistes.  En  consequence  nous  avons  i'honneur  de  pro,- 
poser  a  1'Acadcmic  dc  temoigner  sa  satisfaction  a  I'aulcur.i) 
(  \pprouve.) 

—  Da  17  mai.  —  M.  le  president  annonce  a  l'Academie  la 
pcrtc  qu'elle  vient  de  faire  de  SI.  Fourier,  secretaire  perper 
tuel  pour  les  sciences  matbemaliques,  membre  tie  l'A<  adcinie 
i'rancaise,  el  l'un  des  savans  les  plus  illustres  de  noire  t-po- 
•\nv.  —  M.  Cavcuy  annonce  qu'il  est  parvenu  a  dejuire  Ux, 


PARIS.  .  5o3 

lltcoric  generate  du  mouremcnt  de  la  lumiire  des  equations  qu'il 
a  d'onnees  dans  ses  e.rercices  mat himatiq lies',  et  qui  represen- 
lenl  le  mouTenient  interieur  d'un  corps  dont  l'elasticite  n'cst 
pas  la  meme  dans  tons  lcs  sons.  En  partant  de  ces  equations, 
et  d'une  i'ormule  qu'il  a  etablie  dans  ses  lecons  au  college  de 
France,  il  a  pu  determiner  facilement  la  surface  de  l'onde  lu- 
niineuse  dans  un  crislal  a  un  axe  ou  a  deux  axes  optiques. 
Cetle  surface,  couptc  par  lcs  plans  coordonnes,  offre  les 
mt'ines  sections  que  celle  de  Fresnel,  pourvu  qu'on  admette, 
conmie  l'analyse  conduit  a  le  penser,  que  les  ondes  lutni- 
neuses,  en  cela  semblablc?  aux  ondes  sonores,  cessent  de  pou- 
voir  etre  percucs,  lorsqu'cllcs  se  propagent  avec  des  vitcsses 
qui  depassent  cerlaincs  limites.  Cette  supposition  s'accorde 
avec  lcs  experiences  des  pbysiciens  ,  en  vertu  desquelles  les 
rapports  entre  les  vitcsses  des  divers  rayons  dans  la  topaze  et 
les  unties  cristaux  a  un  sen]  axe,  on  ;'i  deux  axes  optiques,  dif- 
ferent Ires-peu  de  1'unile,  et  pent  servir  a  rendre  raison  de  la 
difference  qui  exisle  entre  lcs  corps  Iransparens  et  les  corps 
opaques.  —  MM.  Sylvesire  et  Flourens  font  un  rapport  stir  la 
methode  d'enseignement  primaire  a  I' 'usage  des  avengles  et  des 
sourds-muets,' par  M.  Charles  Barbier.  «  Vos,  commissaires 
vous  proponent,  dit  en  terminant  le  rapporteur,  qu'il  soit  ecrit 
a  1'auteur  une  lellre  ostensible  de  felicitation,  sur  ^extension 
qu'il  se  propose  de  donner  a  ses  utiles  travaux,  et  qui  lui  ex- 
prime  l'interet  avec  lequel  l'Academie  verrait  que  des  expe- 
riences sur  l'application  de  sa  methode  a  l'enseignement  pri- 
maire fussent  faites  avec  soin  ,  et  notamment  qu'elles  fusseut 
repetees  dans  1'instilution  des  sourds-muets.  »  (Approuve.) 

• —  Duil\  mm.' — MM.  Legendre,  Poisson,Lacroix,  Gay-Lus- 
sac,  Dulong  et  Arago  sont  nommes  au  scrutin  membres  dela 
commission  qui  doit  presenter  les  candidats  pour  la  place  de 
secretaire  perpetuel,  vaenntc  par  la  mort  de  M.  Fourier. — 
M.  Caichy  fait  connaitre  a  l'Academie  la  suite  de  ses  travaux 
sur  l'application  du  calcul  au  mouvement  des  ondes  lumincsi- 
ses.  — ■  M.  Dupetit-Tiiouars  lit  un  Memoire  sur  ['education 
des  sourds-muets. 

—  Du  3i  mat.  —  M.  A.  Ciievalt.ver  annonce  que  son  pro- 
cede  de  blanchiment  des  edifices,  par  1  'acid e  hydrochlorique 
etendu  d'eau,  a  etc  employe  avec  succes  1°  pour  la  face  dc  la 
niaison  dc  M.  Froi  lef'ond  de  IMIisIc,  rue  Saint-Florentin,  n"  9; 
•2"sim-  lcs  facades exterieirresetinterieures  du  Palais-Bourbon. 
—  M.  Caught  prcsente  deux  Mcmoires  ;  le  premier,  sur  la 
theorie  des  nombres;  !c  deuxicme,  ayanl  pour  titrc  :  Determi- 
nation des  racines  primitives  dans  latheorie  des  nombres,  I'ournit 


5o4  FRANCE. 

im  moycn  general  pour  calculer  directcmcnt  ces  racines.  Le 
meme  membre  depose  un  Memoire  sur  la  theorie  de  la  lu- 
mierc. — MM.  LatreiUe,  Dmneril  et  Cutter  font  un  rapport  sur 
un  Memoire  de  M.  Milne  Edwards,  conceruant  une  disposi- 
tion partictiliere  de  l'appareil  branchial  clicz  quelques  crusta- 
ces.  «  Si  la  classification  dcs  mollusques  ct  de  plusicurs  autres 
animaux  sans  vcitcbrescstmaintenant  assise  sur  des  bases  na- 
turelles  el  invariablcs ,  c'est  le  resultat  des  prineipcs  intro- 
dnits  dans  la  melluule  par  M.  Cuvier,  ceux  d'employcr  pour 
premiers  carae  teres  les  prinripaux  organes  de  la  vitalilc,  dont 
ceux  de  la  respiration  font  esscntiellement  partie.  »Nous  ne 
suivrons  pas  le  savant  rapporteur  dans  I'analyse  du  travail  dc 
M.  Edwards,  ct  nous  contcnterons  de  citcr  ses  conclusions. 
«  Ces  recberclies,  dit  M.  LatreiUe,  etanl  de  nature  a  peri'ec- 
tionner  la  methode,  nous  ont  paru  justificr  de  plus  en  plus 
l'estime  que  s'est  deja  acquise  l'auteur  par  d'autres  travaux 
sur  des  animaux  de  la  memo  classe  ;  nous  somnies  done  d'a- 
vis  que  l'Acadcmie  doit  les  accucillir  lavorablement,  et  l'cn- 
courager  a  les  poiusuivre.  »  (Approuve.)  —  MM.  LatreiUe  et 
Cuvier  font  un  rapport  sur  le  travail  de  M.  Milse  Edwards, 
rclatii'a  ['organisation  de  la  bouchechez  les  crustaccs  suceurs. 
«  En  supposant,  dit  M.  LatreiUe,  que  l'auteur  du  Memoire 
n'ait  pas  altt  int  lebut  qu'il  s'est  propose,  celui  de  ramenerau 
meme  type  ['organisation  de  labouche  des  crustaccs  pourvus 
de  niachoires,  et  celle  dcs  animaux  de  la  meme  classe  munis 
d'un  syphon,  on  qui  sont  suceurs,  il  n'en  aura  pas  nloins  ac- 
quis des  droits  a  l'estime  et  a  la  reconnaissance  des  naturalis- 
tes,  par  cela  seul  qu'il  nous  a  l'ait  connaitre  un  mode  d'orga- 
ni  sat  ion  ignore  jusqu'a  ce  jour.  Nous  ne  pensons  pas  qu'il  ait 
donne  a  ces  paroles,  uniformite  decomposition }  loule  1'exten- 
sion  que  queiqtics  zoologistes  leur atlribuent,  puisqu'il  admet, 
suivant  les  circonstances,  la  creation  de  nouveaux  organes. 
Personne  n'a  jamais  contesle  que  la  nature  ne  modifie  ceux 
qu'elle  vent  approprier  a  d'autres  usages  et  a  d'autres  t'onc- 
tions.  Qui ,  par  exemple,  n'a  pas  rcmarque  combien  different 
les  mAchoires  d'un  niammil'cre  carnassier,  de  celles  d'un  ta- 
nianoir,  d'un  l'ounnilier?  lebec  d'un  oiseau  de  proie,  de  celui 
d'un  colibri?  mais  ici  on  pent  suivre  ces  modifications.  II 
n'en  est  pas  de  meme  d'autres  organes  dissemblahles,  quaut 
uux  formes  et  aux  usages,  et  cependant  reconnus  pour  appar- 
teoir  au  meme  type.  Nous  citerons  lesailes  des  oiseaux,  ct  les 
iuigeoires  des  poissons.  On  ne  pent  assigner  sous  ce  rapport 
aucun  moyen  de  liaison  entre  ces  classes  ct  celles  qui  leur  sont 
liinilropbes.  On  passe  brusquement  des  uncs  aux  autres.  Coi> 


PARIS.  5o5 

jidcrcs  sous  le  point  de  vue  do  I'organe  manducateur,  les  divers 
ordres  de  laclassedcseruslaceset  de  relies desarachnidesetdes 
iuscctes  sont  aussi  incoherent.  On  nous pane  de  transformations 
de  mandibulesetde  machoires  en  des  sorlesde  lanccttes  on  de 
lames  delices,  faisant  partie  d'unsucoir.  Mais  comment  prou- 
Ter  ces  metamorphoses,  sans  nous  montrer  qu'on  arrive  par 
nuances  insensihles  d'un  mode  d'organisation  a  I'autre  ? 
Qu'on  nous  indique  des  inseclcs  broyeurs  ou  pourvus  de  ma- 
choires, qui  nous  conduisent  a  des  hemipteres,  insectes  su- 
ceurs?  II  exisle  enire  cet  ordre  et  les  autres  un  hiatus  qu'on 
ne  saurait  combler.  On  sent  que  pour  le  jeu  de  certains  orga- 
Oes,  ct  vu  l'espace  qu'ils  peuvent  occuper,  leur  situation  co- 
relatrice  doit  Sire  a  pen  pres  identique  ;  mais,  autre  chose  est 
de  dire  que  les  organes  sont  toujours  les  memes,  maissimple- 
ment  modifies.  Nous  ne  pensons  pas  que  M.  Edwards  atta- 
che au  mot  transformation  un  sens  rigoureux.  »M.  Lalreille 
donne  ensuite  une  analyse  dctaillce  du  Memoire,  et  conclut 
ainsi. «  Nousdevons  toutefois  savoir  gre  a  M.  Edwards  de  nous 
avoir  donne  une  description  aussi  complete  du  cruslace  qui 
a  etc  l'objet  de  son  Memoire,  et  nous  pensons  qu'il  merite  a 
cet  egard  les  eloges  de  l'Academie.  (Approuve.)  »— -  M.  Poin- 
sot  lit  un  Memoire  tres-etendu  sur  la  theorie  et  de  la  determi- 
nation de  I'cqncdeurdu  systeme  so  (aire. — On  nomine  au  scrutin  : 
i°  correspondant  de  la  section  de  botanique,  M.  TVallich  , 
directeur  du  jardin  botanique  de  Calcutta;  2°  correspondant 
de  la  section  de  zoologie,  M.  Qioy,  medecin-naturaliste  a 
Uochel'ort.  —  La  commission  chargee  de  presenter  des  can- 
didal* pour  la  place  de  secretaire  perpetuel  des  sciences  ma- 
themuliques  designe  MM.  Arago,  Puissart,  et  Becquerel. 
L'eleclion  aura  lieu  a  la  seance  prochaine.  — Une  autre  com- 
mission, chargee  de  deccrner  le  prix  fonde  par  M.  de  Mon- 
tyon,  pour  celui  qui  aura  rendu  un  art  ou  un  metier  moins 
insalubre  ou  moins  dangereux,  fait  son  rapport.  Sur  sa  propo- 
sition ,  l'Academie  arrele  qu'un  prix  de  Unit  mille  francs  sera 
decerne  a  M.  Aldini,  inventeur  des  moyens  pour  preserver  les 
ppmpicrs  de  C  action  de  la  flammcdam  les  incendies,  moyens  dont 
la  liexne  Enryclopcdique  a  l'ait  connaitre  les  succes  a  ses  lec- 
terns (voy.  t.  xliv,  p.  2465  5'iSet  53o.)        A.  Michelot. 

—  L' Academic  des  Inscriptions  et  Belles-Leilrcs  a  nomme, 
dans  la  seance  du  7  mai,  aux  six  places  vacantes  dans  son  sein. 
Les  candidals  elaient  au  nombre  de  34-  Ceux  qui  out  obtenu 
la  majorite  des  suffrages  sont,  1°  M.  TiiruoT,  prol'csseur  au 
college  de  France,  aulcur  d'unc  hisloire  de  la  philosophic,  ct 
Ir.iducteurde  la  politique  etdc  la  morale  d'Aristote;  a"Mi.  Cuam- 


5o6  FRANCE. 

puluon  le  jeune,  counu  par  ses  deeoiiverles  dans  I'eeriture 
bieroglyphique  el  par  sob  recent  voyage  en  Kgypte;3'M.THiEB- 
U-. .  auleur  del'Histoire  des  conquetcs  des  Normands,  el  des 
1  etlres  sur  Phisloire  de  France;  V~  ML  Lajard,  auleur-d'un 
ouvrage  sur  Ic  culte  de  Milhra  ;  5"  M.  Am&die  Jacbert,  autcur 
il'mi  voyage  en  Anncnie  el  eri  Terse,  d'une  gramniaire  tur- 
que,  etc.;  0°  M.  Mionnet,  conservateur  des  medailles  de  la 
Bibliotheque  du  Hoi ,  auleur  d'un  tres,-grand  ouvrage  sur  les 
medailles  grecques,  romaines,  etc.  Les  autres  voix  des  3o  aca- 
de.niciens  presens  a  la  seance  ont  ete  distributes  entre 
MSI.  Cousin,  Charles  Nodier,  Depping,  etc.,  etc.  M.  Cousin 
a  oblenu,  dans  plusieurs  des  scrutiny,,  jusqu'a  il\  voix 
sur  3o. 


Societe  centrals  d' agriculture. — Seance  publiqne  annuelle 
du  ib  avril  i83o.  — Le  mini-sire  de  I'ipterieur  presidail  celte 
seance,  cl  l'a  ouvcrle  par  un  disco  ins  approprie  a  celte  solen- 
i tile; .  —  Apres  le  comple  rendu  des  Iravaux  dc  la  Societe 
pendant  l'annee  1829,  fait  par  M,  CnALLAN,  vice-secretaire, 
M.  IUricart  de  Tiu'rv  a  lu  mi  Memoire  sur  le  concours  pour 
le  percement  de  puits  fores  suivunt  la  uoethode  artesienne,  a 
rell'et  d'obtenir  des  eaux  jaillissantes  applicables  aux  besoins 
de  ragriculture.  II  a  montre  avec  quelle  rapidile  cette  utile 
application  dc  la  sonde  du  miueur  a  l'art  du  Ibntainier  s'esl 
repandue,  non-seulement  en  France,  mais  dans  tons  les  pays 
de  TEurope.  Le  programme,  public  pour  le  concours  par  la 
Societe  d'agricullurc,  a  ete  traduit  dans  presque  toules  les 
langues  etradgeres,  en  cspagnol,  en  ilalien,  en  hollandais,  en 
russe,  en  arabe ,  etc.;  des  associations  se  sont  lbrmees  sur 
beaucoup  de  points  pour  l'acquisilion  des  sondes  artcsiennes, 
el  i'on  pourrait  titer  chez  nous  plus  de  vingt  departemens  qui 
font  t'aire  aujourdliui,  a  leursfrais,  des  puits  tores'.  M.  de 
Thury  nomine  un  assez  grand  nombre  de  particuliers  qui  out 
entrepris  d'importans  travaux  en  cc  genre  :  il  regretlc  que 
beaucoup  d'entre  eux  se  soient  abstenus  de  concourir  pour  les 
prix  proposes,  dont  les  deux  derniers  seuls  out  ete  distri- 
bute (Toy.  ci-dcs.<u.i ,  p.  {\d<o ,  le  comple  rendu  detaille  du 
rapport  dc  M.  Hericart  de  Thury. — La  Societe  cnleud  en- 
suite  la  lecture  de  plusieurs  rapports,  etdistribue  des  encoura- 
gemens  a  des  Memoircs  sur  differentos  questions  d'economie 
ruralc,  parmi  lcsquelsona  distingue  celui  deM.  Demoussy,  vc- 


PARIS.  5o7 

i.rinairc  aBrives,  sur  la  Cecite  des  chevaux,  la  traduction  de  la 
Philosophic  de  In  statiatit/ae  de.  Me 'chlor  Giojn,  par  Jl .  Blanrfiard, 
do  (lap  ;  enfin  ,  un  manuel  pratique  prop  re  a  guider  !es  habitans 
des  campagnes  et  lcs  ouvriers  dans  Ics  constructions  rusti- 
qncs,  par  M.  deFontenay,  de  Thors  (  Aude).  — M.  Henri, 
directeur  de  la  phavmacie  ccntrale,  a  fait  un  rapport  sur  !es 
Mcmoires  envoyes  pour  le  concours  Ouvert  par  la  Societe  sur 
un  suiet  fort  important  :  l'emploi  qn'on  pent  (aire  do  toutes 
!'.s  parlies  du  corps  des  animajjx  morts  :  les  crins,  les  poils, 
la  laiiie,  -a  corne,  les  sabots,  les  ergots,  la  peau,  la  graisse,  ies 
os,  la  chair  musculaire,  les  tendons,  le  sang,  les  boyaux,  etc. 
Sept  Memoires  out  eta  presentes.  Le  premier  prix  a  ete  ac- 
eorde  a  eclui  de  M.  Payen,  mais  a  la  condition  que  ce  ehfmiste 
le  redigerait  sens  la  forme  d'une  instruction  claire  et  simple  a 
la  portec  des  brfbitans  des  campagnes.  Line  medaille  d'or  a  ete. 
decernee  a  un  autre  Menloire  de  M.  Hav'dliers ,  veterinaire  a 
Alencon;  enfin,  un  Momoire  de  M.  Limoiisin^Lamotfte  a  ob- 
tenu  line  mention  honorable.  —  La  seance  a  etc  terminee  par 
la  lecture  de  plusieurs  rapports  relatifs  a  des  erocouragemens 
siccordes,  soit  pour  des  plantations  considerables  faites  sur  des 
terrains  arides ;  soit  pour  des  ameliorations  oblenues  flans  les 
precedes  de  culture.  Les  prix  proposes  pour  le  concours  de 
i83i  sont  lcs  suivanS  :  i°  pour  r.n  manuel  pratique,  etc.,  icv  et 
ac  prix,  ,1,500  fr. ;  20  pour  le  meilleur  Memoire  sur  la  cecite 
des  chevaux,  i,5oo  fr.  ;  5°  pour  la  construction  d'une  ma- 
chine a  battre  et  a  vanner  le  b!e,  1"  et  2"  prix,  3,5oo  fr.  ; 
/j"  pour  le  percement  de  putts  artesiens,  5, 000  fr. ;  5"  pour  la 
culture  di!  pavot,  dit  ceillette,  i.ooo  fr.  —  La  Societe  propose, 
en  outre,  pour  iSS'i  ,  trots  prix  de  3, 000,  2,000  el  5oo  fr., 
mii  seronl  deccmes  a  ceux  qui  auron't  seme,  dans  les  departe- 
mens  meridionaux,  la  plus  grande  etendue  de  terrain  en 
( hone-liege  ,  et  un  autre  prix  do  1,000  fr.  pour  le  meilleur 
Meinoire  qui  decidera  si  la  maladie  du  pied  des  betes  bovines 
et  ovines,  connue  sous  le  noni  de  crapaud  on  pieHin,  est  ou  non 
eontagieuse. 

S oriel c  francaise  de  staiistii/ue  unherselle  (1)  :  Seance  du  20 
tUtril  iSjo.  — La  Societe  a  arrete  qu'il  sera  ouvert  un  con- 


(1)  Cetle  Sociele,  dppt  nous  avons  deja  fait  connaitre  la  creation  ct 
lcs  premiers  travaux  (voy.  I!a>.  Hue,  t.  xi.v,  p.  769),  se  compose 
inaintcnaiit  dc  pros  de  600  membres,  ct  paiait  devoir  piendieun  grand 
deyeloppeiu'ent  duns  leus  Its  pays. 


5o8  FttANCiS. 

tours,  ct  decerne  desprix  pour  I'ouvrage  suivant  :  statistic b 
i'.i  i.mi.maikk  de  la  France.  —  Conditions  da  Programme.  L'au- 
tcur  de  relic  compilation  comprendra,  dans  une  serie  su Hi— 
saote  de  tableaux  el  dans  200  pages  nil  environ  de  tcxte  :  — 
L'ciat  lopographique  des  S6  departemens  de  la  France,  sous 
les  rapports  hydrograpbiqnes,  meteorologiques,  geoiogiques 
ct  niudicaux;' — Les  productions  nalurelles  des  trois  rogues, 
dans  chaque  deparlemenl,  et  letirs  consommatious  ;  —  La 
population,  les  naissances,  manages  et  deces,  et  leur  reparti- 
tion dans  les  divers  sexes;  1'elat  des  enfaus  legitimes  et  natu- 
rels  ;  ages,  religions,  conditions  et  cmplois  (les  institutions 
charitables,  hospices  et  hopitaux)  ;  —  Les  lois  de  la  mortalile 
et  lours  anomalies  principales  ;  —  L'agricullure  et  ses  diverges 
branches  (le  prix  de  la  main-d'eeuvre  dans  chaque  dfipartement) ; 
—  L'industrie  ouvriere,  mecaniquc  et  manufacturicre;  les 
usines,  leurs  moleurs  nalurels  et  artificicls; —  Le  commerce 
imerieur  et  exterieur  et  sea  agens  (les  transports  et  la  naviga- 
tion) ;  les  signes  et  moyens  d'ecbange ; —  Les  etats  d'impor- 
tation  et  d'exportation  des  cinq  dernieres  annees  au  moins; 
• — Les  consommations  de  toute  nature  des  objets  manufac- 
tures;— L'ctat  scientifiquc  de  la  France;  l'instruction  generale 
de  cbaque  de-partemeut;  l'instruction  des  divers  ages  et  sexes 
elementaire  et  progressive;  l'instruction  des  diverses  profes- 
sions, physique  et  intcllectuelle  ;  l'instruction  morale;  —  La 
litteraturc;  ses  moyens  de  publication,  {'impression  et  la  li- 
brairie;  les  institutions  litteraires  et  scientifiques ;  —  Les 
beaux-arts;  les  institutions  qui  les  protegent  et les encoura- 
gent;  —  Lc  gouvernement ;  ses  formes,  ses  pouvoirs  publics 
et  administratifs;- — La  religion  ;  les  cultes  et  leurs  ministres; 
—-Les  cours  et  tribunaux,  et  leur  action  repressive,  preven- 
tive, ou  de  simple  vigilance;  la  police  ;  la  legislation;  la  cri- 
minalitc,  suivant  les  ages,  les  sexes,  les  localites,  les  profes- 
sions et  les  debts  anterieurs  (les  prisons  et  les  bagnes)  ;  —  Les 
revenus  de  l'etat,  sa  dette,  ses  depenses;  les  budgets  de  1814 
a  1802  inclusivement  ;  —  Les  armecs  de  lerre  et  de  mer, 
leurs  forces;  la  diplomatic; — Les  employes  des  administra- 
tions publiques. 

Ces  tableaux  pourront  etre  generaux  011  particuliers,  et 
doiventelre  term!  ties  par  1111  tableau  de  recapitulation  gene- 
rale. 

Tous  les  tableaux  doivent  etre  dresses,  et  le  texte  rcdigc, 
sur  les  documens  les  plus  recens.  Les  auteurs  sont  tenus  de 
Ics  indiqucr. 

D'apres  cet  enonce,  ce  travail  pourrait  paraitre  exceder  Ics 


PARIS.  5oq 

limiles  du  terns  accords  par  le  programme,  on  celles  flos  lu- 
mieres,  quelque  etenducs  qu'elles  soient,  des  personncs  ap- 
pelees  ace  concours;  on  serait  dans  I'erretir.  La  Societe  no 
demande  qu'unc  compilation,  faite  avec  critique  et  sagacite, 
de  matcriaux  qui,  en  grande  partie,  existent  deja.  Kile  desire 
encourager  la  publication  d'une  Statistique  generale  de  la 
France,  dans  une  forme  elementaire. 

Les  ouvrages  seront  remis,  avant  le  icr  juillet  i87>2,  au  Se- 
cretariat-general de  la  Societe,  place  Vendome,  n"  'il\.  II  en 
sera  delivre  an  reeepisse,  qui  portera  le  numero  et  le  jour  de 
la  remise,  et  la  devise  portee  sur  le  Memoire.  La  devise  sera 
rcpclee  sur  l'enveloppe  cachetce,  qui  renfermera  le  nom  de 
l'auteur  et  celte  me  me  devise. 

La  Societe,  a  son  asscmblee  mensuelle  de  juillet,  nommera 
un  jury  charge  de  l'examen  et  du  jugement  des  Memoires 
qui  auronl concouru. 

Avant  la  fin  de  decembre  i8j2,  le  nom  de  l'auteur  et  la 
Revise  du  Memoire  ou  des  Memoires  qui  auront  cemporte 
des  prix  seront  proclames ;  et  les  prix  et  les  accessits,  s'il  y  a 
lieu,  seront  decernes  dans  l'assemblee  annuelle  de  la  Societe, 
en  fevrier  i855. 

Le  premier  prix  sera  de  la  valeur  de  .   .    .  .  3,ooo  francs  ; 

Le  second  de 2,000 

Le  troisieme   de •   .    1,000 

La  Societe  pourra  decerner  deux  accessits,  qui  seront  des 
medailles  d'or  de  4oo  et  de  5oo  francs. 

Quand  la  Societe  fera  imprimer  ce  Manuel,  il  en  sera  de- 
livre 5oo  exemplaires  a  l'auteur  qui  aura  remporte  le  pre- 
mier prix. 

La  Societe  se  reserve  de  prendre,  dans  les  Memoires  qui 
auront  remporte  les  deux  autres  prix  et  les  accessits,  les  fails 
statistiqucs  ouhlies  dans  le  premier  et  qui  lui  paraitraient 
propres  a  completer  le  manuel  qu'elle  fera  imprimer;  et 
alors  elle  repartira  les  exemplaires  delivres  gratis,  dans  une 
juste  proportion  enlre  les  auteurs. 

Les  Memoires  de  ceux  qui  n'auront  pas  remporte  de  prix 
seront  remis.  aux  porteurs  des  recepisses. 

La  Societe  se  reserve  egalement  de  decerner  des  prix  on 
des  medailles  d'encouragement  pour  l'etude  speciale  de  quel- 
ques  parties  de  la  Statistique  ou  pour  des  statistiques  parii- 
culieres  de  departement. 

Pour  exlrait  conforme, 
Le  Secretaire  general  de  la  Societe,  de  Montveraiv. 


5  io  FRANCE. 

Publication  prochaine.~-  Uisioire  scientifique  et  militnirc  cfo 
I' expedition  francaise  m  Egyple,  precedee  iTunr  Introduction 
presentanl  le  tableau  de  L'Egypte  ancienneel  modorno.  de- 
puisles  Pharaonsjusqu'aux  successcurs  d' AK-Bey ;  el  suivie  du 
lcrii  des  eveaemens  siirveuus  en  ce  pays  depuis  Io  depart  des 
Franeais  et  sous  1c  rogue  do  Moliammcd-Ali.  — «Cequi  die- 
tingue  d'abord  la  campagne  d'Egypte  et  do.  Syrie,  disenl  Irs 
auteurs  decel  ouvragc  dans  leur  prospectus ,  e'est  son  unite, 
qui  en  fait,  pour  ainsi  dire,  un  episode  a  part,  entierement 
detache  des  autres  gucrrcs  de  la  revolution.  Ce  qui  eh  rcievc 
ensuite  le  plus  ['importance  aux  ye-ux  des  amis  do  la  patrie  et 
des  arts,  e'est  son  double  but  scientifique  et  mililaire,  rap- 
port complexe  souslequel  neanmoins  olio  d'a point  encore  etc 
eovisagee  dans  \\\\  memo  ouvrage.  L'histoire  generate  et  com- 
plete de  l'expedhion  d'Egypte  restart  done  encore  a  faire.  Noas 
axons  oso  PentrepsewLre  ;  et,  la  considerant  dans  tout  son  en- 
semble, meler  aux  exploits  de  nos  soldais  les  oonquetes  de 
nos  savans.  >>  M.  X.  B.  Saintine,  qui  s'est  charge  do  la  direc- 
tion de  l'cntrcprise ,  parait  n'avoir  neglige  aucun  moyen  pour 
se  procurer  des  material! k  convenables;  et  deja  il  pent  ciler, 
par  mi  les  homines  qui  l'aideront  de  leur  participation,  soit 
comrae  redacteurs,  soit  comme  possessours  de  documens  cu- 
rieux,  beaucoup  de  noins  bonorablcs,  enlre  autres  :  MM.  le 
general  BcUiard,  Pory  de  Saint-Vincent ,  d'Aure,  comma  s- 
saire-ordonnateur  en  chef  de  I'armee  d'Orient;  Desgt 
medecin  en  chef  de  ('expedition;  Dulertre,  premier  dessina-^ 
teur  attache  a  l'expedilion;  Geo{froy-Saj:t-IIi!nirc,  pore  et  fits; 
general  Gourgaud;  M.  J.  Juliim,  <!c  Paris;  Larrcy ,  chirm— 
gi'en  en  chef  de  l'expedilion;  Merer!,  directeur  de  l'impiime- 
ric  du  Kaire;  Parseral  dc  Grandmaison,  Poussielgue,  adminis- 
trateur-general  dos  finances  on  bgypte;  le  general  II 
Redoute".  —  L'ouvrage  entior  fornaera  12  volumes  iu-8°,  avee 
un  Atlas  in-4"  oblong,  contestant  plus  do  900  sujets.  Chaquo 
volume  se  oomposcra  de  cinq  livraisons,  qui  paraitront  tons 
les  vingt  jours,  a  compter  du  5imai  i85o.  Prix  de  chaque 
livraison,  atlas  compris ,  5  IV.  On  sonscrit,  sans  rieh  payer 
d'avance,  chez  Gagniard,  Quai  Voltaire,  n°  i5,  et  Donain, 
rue  Vivienue,  n°  lG. 


Reclamations.  —  Regie  generate ,  en  fait  de  critique  liltr- 
raive,  —  La  Revue Enayclopedique  n'est  point  dansl'usagc  d'ad-1 
meltre  les  reclamations  particulieres  quo  lui  adtessent  qucl- 
quefois  dos    auteurs  dont  rajnour-propre,   plus   on  moms 


PARIS.  5,i 

susceptible  et  irascible,  les  porlc'a  s'inscrire  conire  les  oxa- 
rhens  critiques  auxquels  leurs  ouvrages  out  donne  lieu.  Car 
la  stride  obligation  d'inserer  des  reclamations  de  ce  genre 
n'est  imposee  par  la  loi  et  par  les  convenances,  qu'autant  que 
la  personne  meme  des  auteurs,  et  leur  caraclere  ou  leur  re- 
putation auraienl  pu  gtre  attaqnes  ,  mais  jamais  lorsque  la  cri- 
tique s'est  renfennee  dans  de  justes  bornes,  eut-elle  oieinc 
ete  severe  ou  mal  fondee;  sans  quoi,  toute  critique  lilteraire 
deviendrait  absolument  impossible.  Aujo'urd'hui,  neanmoins, 
nous  admettrons,  par  exception,  deux  lettres  de  deux  eerivains 
trcs-bonorables,  dont  l'un  est  etranger,  et  qui  out  cru  voir, 
dans  les  articles  publics  sur  leurs  ouvrages,  des  assertions  laus- 
ses,  des  interpretations  pen  fidcles  de  leurs  opinions,  ou  des 
inexactitudes  qu'il  leur  a  paru  necessaire  de  rectifier. 

Lettre  de  M.  Beltrami  a  M.  Jullien,  de  Paris,  au  sujel  (!u 
comnle  rendu  (parM.  D-g.)  de  son  ouvrage  intitule  :  Lc 
que.  —  Paris,  28  mat  1800. —  "Monsieur,  jevousprie  d'in- 
serer le  plus  lot  possible  dans  voire  estimable  Recueil  ma  re- 
clamation, tendant  a  rectifier  quelques  erreurs,  graves  selon 
moi,  ecbappees  a  cclui  de  vos  coHaborateurs  qui  a  rendu 
compte  de  mon  Mexiqiie  dans  votre  cabier  de  Mars  (t.  x,\v. 
pag.  G95-G99).  —  M.  D-G  s'est  tiompe,  en  disant  que  jc  me 
suis  rembarque  a  Vera-Cruz.  S'il  m'avait  bieri  lu ,  il  n'aiirait 
pas  depouille  mon  ouvrage  d'une  grande  quanlile  de  cboses 
remarquables  que  je  passe  en  revue,  depuisVera-Cruz  jusqu'a 
Alvarado,  veritable  point  de  mon  depart,  indique  a  la  fin  de 
mon  second  volume. 

II  n'est  point  exact  de  dire  qu'«n  capitaine  Hall  nous  a 
eclaircs  sur  la  situation  actuelle  du  Mexique:  ni  qiCon  posscde 
maintenant  d  Paris  (ou  ailleurs)  beaucoup  de  dessins  de  mo- 
numens  mexlcains,  de  ceux  du  moins  que  mon  ouvrage  montrc 
a  la  science  et  a  la  curiosile  :  les  uns  etaient  entierement  i  1- 
connus;  les  autres  laussemenl  representes.  Quand  on  vcu't 
deprecier  par  des  comparaisons,  i!  taut  specifier.  Lesgenerali- 
tes  sont  toujours  evasives  ou  insidieuses,  et  ne  servent  so 
qu'a  surprendre  I'ignorance  ou  la  bonne  foi  du  lecteur. 

L'lustitut  lui-meme  a  deja  donne  un  dementi  a  cetie  asser- 
lion  ,  par  le  soin  qu'il  a  piis  de  s'occuper  de  ceux  de  ces  mo- 
numens,  que  j'ai  eu  l'bonneur  de  soumeltre  a  son  exauien  ; 
et  j'en  ai  d'autres  que,  cerles,  il  ne  Irouvra  pas  indignes  de 
son  attention. 

Je  ii'admetspointq'u'onpuisse  encore  elre  incredule  de  bonne 
foi  sur  la  realite  de  ma  decouverte  des  sources  de  la  riviere  San- 
glante  el.  du  Mississipi.  Le  terns  et  les  America  ins,  Hies  juges 


5ia  FRANCE. 

couopel'etts  et  iuexorables,  out  parte;  les  journaux  ct  Ics  aii- 
torites  d'Amerique  m'ont  honore  de  leurs  suffrages  et  de  leurs 
felicitations;  et  les  homines  qui  avaicnt  lo  plus  d  inlcrOt  a  l'at- 
taqucr,  ceux  qui  ont  teute  iuutilcmcut  avant  inoi  celte  ehtre- 
prise,  se  sont  tus,  se  taiscnt  encore,  et  se  tairont  toujours 
devant  1' evidence,  evidence,  que  voiiis  avez  vous-memo  rc- 
connuc  en  ces  termes  (voy.  Rev.  Enc,  t.  xxix,  p.  4^9)  : 
« L'immensile  de  I'entreprise  de  I'auteur,  comparee  a  la  pe- 
titesse  de  son  volume,  1'crait  naitre  quclquc  sou'pcon,  si 
M.  Beltrami  ne  monlrait  point  dons  tout  son  livre  tine  sinccrile 
dont  Ics  circonstances  au  milieu  desquelles  it  a  ivrit  semblent  Sire 
garans.  >•  Et  plus  loin  :  «Cet  intrcpide  voyageitr  parcourt  actuel- 
lement  le  Mexiquc,  abandonnant  a  sa  destince  le  premier  produit 
de  ses  courses  lointaines,  et  preparanl  sans  doute  un  second  vo- 
lume, non  moins  inleressant  que  le  premier. »  Vous  ajouliez,  en 
terminant  :  «  //  etait  difficile  de  reunir  dans  un  sent  volume  plus 
de  choscs  curieusis  ,  plus  d'inte'ret  et  mime  d' instruction. » —  Le 
Scott-Times  disait  aussi  :  ulmprimer  sa  decouverte  en  presence 
du  lieros  meme  de  la  piece,  le  M ississipi ,  en  presence  de  la 
jalousie  la  plus  vice,  sans  mettre  [comme  tant  d' attires  voya- 
geurs)  C Ocean  enire  sa  plume  et  le  theatre  de  ses  exploits ,  e'est 
clonner  tine  grande  prettve  d'une  noble  assurance  et  de  la  vcrite 
de  ses  assertions. »  — En  vain  objeclerait-on  ,  pour  accreditef 
des  doutes  SUf  cette  decouverte,  que  I'auteur  se  trouvtdt  isole 
et  sans  protection.  die  volonte  forte,  courageuse,  iriebranla- 
ble,  petit  conduire  tres-loin ;  plusieurs  volontes  divergentes 
s'entrechqquent  et  echouent.  La  jalousie  et  de  plus  grands 
besoins  divisent,  ancient,  repoussent  les  expeditions.  Un 
homme  isole  n'inspire  d'ailleurs  de  crainte  a  pcrsonne  ;  et  dans 
les  expeditions,  au  contraire,  on  pcut  voir  des  maitres,  des 
conquerans,  et  souvent  on  les  egorge,  oil  bien  on  leschasse. — 
Avec  le  raisonncinent  qu'on  voudrait  opposei',  que  deviendrait 
le  Timboctou  de  M.  Caillie?  Que  dirait-on  du  pi ix  quelaSo- 
ciete  geographique  lui  a  decerne ,  des  honneurs,  des  pensions 
etdes  suffrages  qu'il  a  recusdu  gouvernement  et  de  la  France  ? 
Certes,  M.  Caillie  n'etait  pas  inoins  isole  et  sans  protection 
dans  son  entreprise  que  jc  ne  1'elais  dans  la  mienne,  dont  j'ai 
neanmoins  laissc  partout  des  traces  et  des  temoins ,  que  les 
Americains  n'ont  pas  manque  d'interroger. 

«Quant  a  l'assertion  que  I'auteur  est  un  elrangcr,  qui  a 
cfierche  un  asile  en  France,  elle  me  parait  blesser  les  conve- 
nances aulant  que  la  vcrite.  Je  suis  en  France,  comme  j'ai 
ete  et  puis  etre  partout  ailleurs;  libre  d'allcr  et  venir,  quand 
bon  me  semble  :  comme  un  homme ,  qui  est  ct  qui  a  etc ,  par- 
tout  et  toujours,  sans  crainte  et  sans  rcproche.... 


PARIS.  5i3 

»  Pour  vous,  monsieur,  vous  regretteres  vivement,  j'en 
suis  sur,  qu'on  n'ait  point  rendu  justice  a  un  etranger  esti- 
mable, qui,  aprcs  tant  d'efforts  et  de  sacrifices,  vient  offrir 
le  peu  qu'il  sait  sur  des  pays  et  sur  des  pcuples  lointains, 
extraoi'dinaircs ,  encore  inconnus  ou  mal  connus;  si  jen'ai  pu 
meriter  I'approbation  de  votre  collaborateur,  comme  j'ai  ob- 
lenu  eelle  dont  m'ont  honore  l'lnstitnt  et  divers  journaux 
(  notamment ,  la  Revue  Britanniquc,  la  Revue  tie  Paris  ,  cello 
des  deuxMondes ,  lc  Mercure,  la  Gazette  Utteraire,  le  Moniteur, 
le  Messager  des  Cliambrcs ,  la  Quotidienne ,  YEclio  Franeais , 
le  Corsaire,  le  C  orres  pond  ant ,  etc.,  etc.),  au  moins  avais-jc 
droit  d'atlendre  plus  de  circonspection  et  un  examen  plus  ap- 
profondi  du  critique  qui  me  citait  a  son  tribunal,  et  qui  m'a 
eondamne,  presque  sans  m 'entendre,  ou  plutot  sans  me  lire.» 

J'ai  l'honneur,  clc.  J. -C.  Beltrami. 

■ — Reponsec/cM.  D — g. — Jel'elicite  M.  Beltrami  des  eloges 
qu'il  a  recus  dans  le  grand  nombre  de  journaux  dont  il  rap- 
pellc  les  titles,  et  je  regrette  de  ne  pouvoir  souscrire  aux 
memes  eloges  sans  de  grandes  restrictions.  Pour  composer 
uu  bon  ouvrage  sur  le  Mexique,  il  n'aurait  pas  fallu  noycr  des 
remarques  interessantes  dans  beaucoup  de  digressions  oi- 
seuses,  et  qu'un  gout  severe  ne  saurait  approuver.  31a  reponse 
a  sa  reclamation  sera  courte  : 

i°.  II  est  vrai  que  cc  n'est  pas  a  Vera -Cruz,  mais  a  quel- 
ques  lieues  de  la,  que  s'est  embarque  M.  Beltrami.  Je  ne  pou- 
xais  pas  le  suivre  dans  toutes  ses  excursions,  et  je  n'ai  point 
depouitle  son  ouvrage  des  choses  remarquables  que  je  n'ai  pu 
qu'indiquer,  sans  les  reproduire. 

2°.  L'auteur  ne  veut  pas  que  le  capitaine  Basite  Hall  nous 
ait  eclaires  sur  la  situation  actuelle  du  Mexique.  Pour  n.oi,  je 
persiste  dans  mon  opinion  fovorable  sur  cet  ouvrage,  que 
j'ose  recommander  a  M.  Beltrami  comme  line  relation  con- 
cise el  remplie  d'in!eret 

3°.  Selon  l'auteur,  i!  n'y  a,  ni  a  Paris,  nt  ailleur?,  beaucoup 
de  dessins  de  monumens  mexicains.  C'est  un  fait  materiel , 
facile  a  verifier,  savoir  :  a  Paris,  a  la  Bibliotheque  du  roi,  chez 
M.  de  Latour  Allard  et  C'e ,  etc.,  a  Berlin,  ou  il  existe  de 
fort  beaux  dessins  de  monumens  mexicains,  et  a  Londres , 
chez  Lord***,  qui  possede  une  collection  extremement  riche 
en  ce  genre.  Le  Musee  mexicain  de  M.  Bullock  a  ete  long- 
tems  ouvert,  dans  cette  derniere  capitale. 

4°.  M.  Beltrami  ne  veut  pas  qu'on  puisse  etre  incredule  an 
sujet  de  la  realite  de  la  decouverte  des  sources  du  Mississippi, 
Cependant,  il  ne  peut'empecher  qu'il  n'v  ait  eu,  et  qu'il  n'v 
ait  encore  des  incredules  sur  ce  point. 

t.  xlvi.  mai  i83o.  55 


5i4  FRANCE. 

5°.  M.  Beltrami  se  trouve  blesse,  parce  que  j'ai  dit  qu'il  est 

\onu  pbercher  un  asile  en  Franco.  II  n'a  suremcnt  pas  bien 
suisi  le  sons  do  I'ex'pression  quo  j'ai  employee.  11  parlo  beau- 
roup,  dans  son  ouvrage,  do  ses  perseduteurs ,  de  scs  enncmis. 
des  medium  qui  lo  tonrnientaient  dans  sa  palrie ;  j'avais  cru 
quo  c'elail  pour  fuir  ccs  michaxii  qu'il  s'etait  retire  on  France  ; 
si  je  me  suis  tronipe,  inon  orrour  n'a  rien  d'offensant  pour  lui. 
Parmi  les  etrangers  qui  sont  venus  chercher  un  asile  en 
France,  il  y  a  plusieure  hommes  d'honneur  ot  do  merite  que 
lour  patrie  regrctle  vivement,  que  la  France  est  heureuse  et 
(lore  d'aceucillir  sur  son  sol  hospitaller,  et  pour  lesquels  elle 
aiine  a  remplaoer  leur  patrie  absence.  M.  Beltrami  est  au 
noinbre  de  ces  Francais  d'adoption  dont  nous  honorons  le 
caractere,  dont  nous  plaiguons  les  malheurs,  dont  nous  ap- 
precions  les  travaux.  Mais  la  verite  et  la  conscience  ont  leurs 
droits  sacres,  qui  ne  pcrmettent  pas  do  dissimuler  le  jugement 
que  Ton  porte  d'un  onvrage  dont  on  rend  coniple  au  public. 
On  peut  trouvor  et  signaler  des  del'auts  dans  l'ouvrage,  sans 
que  l'estiine  duo  a  l'auteur  et  a  ses  qualites  personnelles  soil 
en  rien  alteree. 

6°.  Enfin,  iM .  Beltrami  pent  se  rassurer  sur  l'effet  do  Tar- 
ticle  qu'il  signale  dans  la  Revue  Encyclopcdique.  Ce  qui  coin- 
promet  le  credit  d'nn  recueil  poriodique,  ce  n'est  pas  vine 
critique  impartialc  et  mesuroo  des  ouvragcs,  mais  bien  phi- 
tot  l'abus  des  eloges  de  complaisance,  et  de  ce  qu'on  a  inge- 
nieusement  appole  la  camaraderie  littdraire :  notre  Revue  a  piis 
le  plus  grand  soin  d'eviter  cot  ocueil,  et  de  conserver  lou- 
jours,  dans  les  jugemens  qu'elle  porte  sur  les  ouvrages,  un 
caraclore  d'indopendance  et  de  moderation  qui  n'a  peut-elre 
pas  ete  l'une  des  moindres  causes  du  grand  sucees,  constate 
par  douze  annees  d'exislence,  qu'elle  a  obtenu  generalement. 

—  Extrait  d'une  letlre  adressee  a  M.  le  Directeur  de  la 
Revue  Encyclopcdique.  —  Celui  de  vos  collaborateursqui,  dans 
le  cahier  de  MASS,  do  votre  estimable  Recueil  (page  700  )  ,  a 
mentionne  mon  petit  traite  :  Des  Melhodes  en  general,  et  de  la 
Methode  Jacotot  en  particulier,  outre  qu'il  n'eu  a  pas  fait  con- 
naitre  reellement  l'esprit  et  le  but,  a  comniis  une  erreur  grave 
contre  laquelle  il  est  de  mon  devoir  de  reclamer.  On  lit,  dans 
une  note  : «  M.  Case  se  declare  contre  les  etudes  littoraires  et 
grammalicales;  il  voudrait  qu'on  y  subslituat  des  connais- 
sances  plus  materielles,  plus  sensibles,  etc.  »  Si  M.  le  redac- 
teur  out  dit  que  je  proscrivais  les  etudes  litteraires  et  gram- 
malicales pour  les  enfans,  il  efll  exprime  ma  pensee  ;  mais,  on 
presentant  cotle  proscription  d'une  maniere  gonerale,  non- 


PARIS.  5i5 

seutement  il  a  denature  ma  doctrine,  mais  encore  il  m'a  ex- 
pose a  paraitre  absurde  a  vos  lecteurs.  Dans  nn  autre  ouvrage, 
a  l'analysc  duquel  M.  le  redacteur  renvoie  d'ailleurs  (voy. 
Rev.  Enc,  t.  xuv,  p.  5  >g  ) ,  en  tracant  un  plan  d'etudes,  j'ai 
fait  une  large  part  aux  etudes  litteraires ;  mais  stirtout  je  leur 
ai  donne  une  base  plus  solide,  plus  rationnelle  que  celle  de 
l'Universite,  et  je  les  ai  placees  dans  un  tems  plus  favorable 
a  leurs  progres. 

Agreez,  monsieur,  etc.  Gasc. 

Chroniqtje  des  theatres,  pendant  le  mois  de  mai  i83o.  — 
Treize  pieces  de  genres  divers  ont  vu  le  jour,  depuis  un  mois, 
sur  les  differens  theatres  de  Paris  :  nous  allons  rappeler  brie- 
vement  leurs  titres,  et  le  sort  qu'elles  ont  eprouve.  —  L'A- 
cademie  royale  de  MusiQTiE  prepare  avec  lenteur,  et  avec  une 
sorte  de  prudcnte  dignite,  les  ouvrages  qu'elle  offre,  a  de  ra- 
resintervalles,  al'admirationdu  public  ;  aussi  s'entretenait-on 
depuis  long-tems  de  Manon  Lescaut,  ballet -pantomime  en 
troisactes,de  MM.  Aumer,  pour  le  poinie,  Haley  y,  pour  la  mu- 
sique,  etCiCERi,  pour  les  decorations,  qui  n'a  ete  represente 
que  le5mai  dernier,  line  intrigue  penibleet  mal  nouee  n'a  pu 
racheter  les  inconveniens  du  sujet,  qui ,  adapte  avec  un  admi- 
rable talent  aux  formes  du  roman  par  l'abbe  Prevost,  n'etail 
guere  de  nature  a  se  plier  aux  exigences  de  la  scene,  et  sur- 
toutaux  developpemens  exterieurs  que  necessite  le  genre  du 
ballet-pantomime.  Toutei'ois,  cet  ouvrage  a  obtenu  un  succes 
de  curiosite,  du  surtoutaux  costumes  dessines  par  M.  Dupon- 
chel,  qui  a  ressuscite,  avec  talent,  toutes  les  pompes  et  lous 
les  ridicules  de  l'opera  du  xvme  siecle. — LcTheatre-Francais 
a  donne,  le  8  mai,  un  nouvel  ouvrage  de  M.  Ancelot,  intitule  : 
XJn  an,  on  Le  Manage  d' amour,  drame  en  troisactes.  Ainsi  que  le 
titrelelaissedeviner,  cesontlessuiteset  les  tristes consequences 
d'une mesalliance  que  l'auteur  a  voulu  mettre  en  scene;  mais 
il  a  manque  l'effet  qu'il  voulait  produire,  en  pretant  a  l'un  de 
ses  personnages  principaux,  a  la  jeune  fille  que  le  comte 
de  Lesseville  a  elevee  au  rang  de  son  epouse,  des  gau- 
cheries  trop  niaises,  qui,  destinces  a  faire  ressortir  le  sens  de 
la  lecon,  tombent,  au  conlraire,  tout-a-fait  a  cole  du  but;  et, 
tandis  que  l'auteur  a  voulu  prouver  qu'il  tie  faut  pas  epouser 
une  grisette,sa  piece  pro\ive  seulement  qu'il ne  faut  pas  epou- 
ser une  sotte.  Du  reste,  elleest  dialoguee  avec  esprit  et  natu- 
rel,  et  contientd.es  situations  touchantes  et  des  roles  biencon- 
cus. —  On  a  vu,  a  VOdeon,  le  il\  mai,  le  Vieux  Mart,  comedie 
en  troisactes  et  en  vers,  par  M.  Delavim.e.  Apres  le  VieuxCi-> 


;.i<i  FRANCE. 

libataire,  tie  Collin  d'llarlevillc ,  l'auteur  semble  avoir  voulii 
monlrerun autre  Dubriagc,  place  ontre  une  vieille  gouvernantc 
clone  jciinc  femme,  donl  ilse  1'aitlc  tyran,  de  peur  de  deve 
nir  son  esclave,  comme  il  l'a  ete,  de  sa  servanlc.  L'extremc 
faiblessc  de  ce  ^  ieillard  pour  son  aneiennc  mailresse,  ct  son 
extreme  durete  poursa  jcune  femme,  dont  le  caraclere  dnux 
et  tiniiile  conha-lc  avec  I'.espril  acarialre  el  impcricux  de  la 
vieille  Mrar  Clement,  voila  la  donnce  donl  l'auteur  a  cssaye 
de  tirer  tons  scs  effets  drauiatirpies.  Malheureusement,  cettc 
donnce  ne  fournil  pas  une  seule  situation  comique.  Le  carac- 
lere du  vieux  niari  est  faux  d'un  bout  a  1'autre;  sa  conduite 
avec  sa  femme  n'csl  pas  celle  d'un  bornme  qbi  s'est  fail  nn 
systeme  de  fermcte  conjugale,  niais  plutot  celle  d'un  extra- 
vagant et  d'un  bourru  ,  prive  du  sentiment  des  plus  simples 
convenances.  Leroledc  la  jeune  femme,  conlinuellemenl  pa^- 
sif,  est  plus  penible  qu'interessant.  II  n'ya,  dans  cetle  piece. 
que  le  personnage  d'une  fdlc  de  M°""  Clement  et  de  son  mai- 
Ire,  jeune  personne  d'un  caraclere  naif,  qui  rappelle  le  talent 
dont  M.  Delaville  a  fait  prcuve  dans  d'autres  ouvrages.  Le 
style  offre  aussi  quelqucs  traits  spirituels ;  mais  ilestbieu  dif- 
ficile de  broder  un  dialogue  comique  sur  une  piece  dont  la 
conception  manque  a  la  ibis  d'aclion  et  de  carat  teres. —  L'O- 
pera-Comiqde  \ient  de  nous  rendre  ractrice  passionnee  et 
dramatique  qui  avait  contribue  nagucre  si  puissamment  an 
succes  du  Theatre  anglais  ctabli  pendant  quelques  mois  a  Pa- 
ris. Pour  inlroduire  miss  Smituson  au  milieu  des  acteurs  or- 
din  aires  de  ce  theatre,  pourmeler  la  languc  qu'elle  parle  seule 
au  dialogue  francais,  il  fallait  necessairement  faire  une  piece 
nouvelle;  et,  dans  V J aberge  d'Auray  (opera  en  un  acte,  par 
MM.  FtLGENCEet  Henry,  musique  deMM.  HEROLDet  Caraffa, 
qui  a  etc  represents  le  1 1  mai),  lesauteursn'ont  eu  autre  chose 
en  vue  que  d'arranger  quelques  situations  oii  le  talent  de  la 
tragedienne  put  se  developper  avec  energie.  Toutefois,  lem 
pelit  acte  est.  agence  avec  art,  l'interet  y  est  habilement  me- 
nage, et  les  situations  se  sont  bien  prelees  a  ('admirable  ta- 
lent de  l'actrice.  Elle  a  etc  dechirante  ;  ct,  quoiqu'cllc  parlal 
anglais,  e'est  elle  a  coup  sCir  que  les  spectateurs  ontle  mieux 
comprise  :  il  est  impossible  d'exprimer  les  angoisses  de  la 
crainte  et  les  tourmens  tlu  desespoir  avec  une  plus  effrayante 
verite.  —  Attendre  et  courir,  opera  comique  en  un  acte,  faiblc 
et  commun  sous  tons  les  rapports,  de  MM.  Filgcnce  et  Hr.x- 
ry,  pour  les  paroles,  Halevy  ct  Drijoltz,  pour  la  musique, 
a  ete  represents  sans  succes,  sur  le  meme  theatre,  le  27  mai. 
—  Au  Vaudeville,  a  paru,  le  7  mai,  le  Dernier  jour  de  Deuil, 


PARIS.  517 

vaudeville  en  un  acle,  par  MM.  Varez  et  Desvergiers  :  e'esl 
un  essai  malheureux,  sans  beaucuup  d'esprit  et  de  verve 
dans  le  dialogue  et  dans  les  couplets,  qui  n'a  pas  obtenu 
grande  attention  de  la  part  du  public.  En  revanche,  MmeGni- 
goire,  ou  le  Cabaret  de  la  Poinme  du  Pin,  vaudeville  en  deux 
actes,  par  MM.  Chirles  et  Dupeuty,  inspire  par  une  chanson 
de  Beranger,  a  reussi,  grace  a  plusieurs  tableaux  amusans  ct 
a  des  scenes  tort  gaies.  —  Les  Varieties  ont  vu  tomber  succes- 
sivement  :  les  Trois  Couchees,  coniedie-vaudewlle  en  trois  re- 
lais,  par  MM.  Henri  et  Roche  (i  1  mai),et  leQuai-aux-Fleur.s, 
tableau  en  un  acte,  mele  de  couplets  (a5  mai). —  Le  Theatre 
de  la  Porte-Saint-Martin  a  donne,  le  7  mai,  le  Bigame,  ou 
Toinelte  et  Stephanie,  melodrame  en  trois  actes  ,  dont  I'idee 
premiere  promettait  un  succes,  qui  a  ete  coinpromis  par 
des  details  de  mauvais  gout,  par  des  scenes  de  placage,  inu- 
tiles  et  par  consequent  nuisibles,  et  par  un  style  faux  et  tour- 
ruente.  —  Dans  le  Courent  de  Tonnington,  ou  la  Pensionnaire 
anglaise,  melodrame  en  trois  actes  ( represents  an  theatre 
de  la  Gaite,  le  12  mai),  de  MM.  Viclor  Ducange  et  Anicet, 
ouvrage  qui  est  evidemment  un  reflet  tragique  de  la  Fille 
d'Honneur,  de  M.  Alexandre  Duval,  etde  1'Orange  de  Malte, 
de  Fabre  d'Eglantine,  on  a  remarque  quelques  tableaux 
gracieux  dc  l'interieur  d'un  couvent,  un  second  acte  vif  et 
nourri,  et  un  denoQment  qui  est  peut-etre  un  peu  use  au 
theatre.  —  Nous  n'avons  plus  qu'a  mentionner  les  Secondes 
Amours,  comedie  lout-a-fait  mediocre,  representee  le  24  mai, 
a  l'AMfiiGU-CoMiQtJE,  et  le  Deluge,  drame  historique,  avec  des 
chceurs,  par  M.  Augustin  Hwoi.  (26  mai),  auquel  des  effcts 
dc  decoration  neut's  et  brillans  assurent  une  grandc  vogue  au 
Ciroi  e-Olympique. 

L'Otera  allemand,  qui,  grace  a  l'intelligence  et  a  raclivitc 
de  M.  Laurent,  est  venu  remplacer  momentanement,  chez 
nous,  l'Opcra  italien,a  obtenu  beaucoup  de  succes.  II  nous  a 
monlre  des  pieces  deja  appreciees  parmi  nous,  d'autres  qui 
nous  etaient  a  peu  pres  inconnues.  Le  Frejscltutz,  de  Merer, 
et  le  Fic/elio  de  Beethowen  sont  celles  qui  ont  eu  le  plus  de 
vogue.  Tout  le  monde  a  vu  le  Freyschutz,  dont  Robin  des  Bois 
nous  avait  deja  donne  une  idee.  Quant  au  Fidelio,  e'est  un 
opera  dont  le  canevas,  assez  mai  tissu,  a  ete  emprunle  a  un 
ancien  opera  tVancais  intitule,  Leonore,  etqui,  s'il  n'est  11  i  bien 
raisonnablement  imagine,  ni  bien  ingenicusement  conduit, 
est  du  moins  dispose  avec  bonheur  pour  fournir  des  efl'ets  au 
musicien;  et  le  genie  de  Beethowen  en  a  lire  un  parti  admira- 
ble. Sans  analyser  en  detail  celte  belle  partition  ,  BOUS  lemai 


5i8  FRANCE. 

querons  settlement,  que  le  second  acte  surtout  offre  des  si- 
tuations tin  plus  grand  pathetique.  L'air  dc  Florestan,  le  trio 
et  le  quatuor  qui  vicnnent  ensuite,  oft'rent  des  beautcs  du  pre- 
mier ordrc,  et  attestent  la  force  du  genie  drainatique  duce- 
lebre  compositeur.  Le  final  est  un  morceau  plein  d'origina- 
lite,  etpeut  soutenir  la  comparaison  avcc  ce  que  Ton  connait 
de  plusremarquable  en  ce  genre. 

Les  operas  alleniands  sont  joues  avec  assez  d'ensemble ; 
mais  nous  ne  parlcrons,  dans  le  peu  d'espace  dont  nous  pou- 
toiis  disposer,  que  des  deux  principaux.  M.  Haitzinger  est  un 
acteur  passable  et  un  excellent  cbanteur ;  sa  voix  de  tenor  est 
fort  belle,  mais  peut-etre  n'en  menage-t-il  pas  assez  la  puis- 
sance; avec  un  peu  plus  d'art,  on  n'aurait  rien  a  lui  repro- 
cher.  II  est  extrcmement  goute  du  public  francais,  et  il  me- 
rite  de  l'etre.  M1"*  Scliroeder - Derrient  est  douee  d'nn  organe 
etendu  et  sonore  ;  a  la  plus  belle  qualile  de  son  elle  joint  l'ac- 
centleplus  dramatique;  et  son  jcu  n'est  pas  moins  pathetique 
que  son  chant.  Les  choeurs  aussi  sont  tres-bons,  et  remarqua- 
bles  surtout  par  cette  justesse  et  ce  sentiment  d'harmonie 
nalurels  aux  AUemands.  Cette  troupe  n'a  rien  neglige  pour 
reussir  parmi  nous;  elle  a  meme  apporte,  a  grands  frais,  quel- 
ques-unes  des  decorations  necessaires  a  la  mise  en  scene  de 
ses  operas ;  le  public  lui  tient  compte  des  efforts  qu'elle  a  Baits 
pour  lui  plaire,  et  le  theatre  allemand  attire  la  foule. 


Beaux-Arts.  — Nlorama  :  Abbaye  de  J  Vest  minster.  —  Dio- 
rama :  Vue  de  Paris  ;  Unc  scene  du  Deluge.  —  La  difference 
essentielle  des  deux  procedes  consiste  en  ce  que,  dans  le  Neo- 
rama,  le  spectateur  est  place  de  maniere  a  voir  tout  autour  de 
lui,  cousequeuunent  a  embrasser  l'enscmble  de  l'edilice  au 
milieu  duquel  il  est  transport^ ;  tandis  que,  dans  le  Diorama, 
il  n'apercoil  que  ce  qui  est  devant  lui.  Ces  deux  moyens  out 
un  interct  qui  leur  est  propre,  sans  doule  ;  cependant ,  je  per- 
siste  a  penser  que  le  Neorama  a  des  ressources  plus  etendues, 
et  qu'il  peul  satisfaire  plus  completement  la  curiosite. 

Les  foudaleurs  dece  dernier  etablissement  viennent  de  met- 
tre  sous  les  ycux  Cm  public  Yinterieur  de  I'eglise  de  /' Abbaye  de 
Westminster*  undes  plus  celtbres  edifices  gothiques  qui  exis- 
tent. Fondce  au  commencement  du  vn1  siecle,  par  Sebert,  roi 
des  Saxons  de  Test,  cette  eglise  tombait  en  ruines,  lorsqu'elle 
l'ut  reedifiee  sur  un  plan  plus  vasle  et  plus  riche,  dansle  cour* 
du  xi"  siecle,  par  Edouaicl-lc-Confesseur,  qui  y  fut  enterre. 
Depuis.  presque  tons  les  r<  is  d'Anglelerre  1'ont  eml)ellie  on 


PARIS.  5i0 

veparee,  et  c'est  a  Georges  III  que  Ton  doit  la  restauration 
complete  ,  terniinee  il  y  a  moins  de  vingt  ans,  de  la  chapelle 
d'Henri  VII. 

Le  caractere  general  de  1'arehitecture  de  cette  eglise  est 
d'une  extreme  elegance;  mais,  ce  qui  fait  naitre  un  interet 
peut-etre  plus  grand  que  lavuedel'eglisememe,  c'est  le  grand 
nombre  de  tombeaux  eleves  dans  le  chceur  a  toutes  les  cele- 
brites  de  I'Angleterre.  La,  le  poete,  le  guerrier,  le  prince  re- 
posent  dans  un  mfme  asilc.  A  la  verite,  ces  monumens  de 
toule  espece  detruiscnt  un  peu  l'harmonie  de  1'ensemble  ;  mais 
ils  elevent  la  pensee,  ilsrapprochent  les  terns  et  les  rangs;  et, 
lorsque  chaque  souverain  vient,  a  son  avenement  au  Irene,  se 
faire  couronner  dans  cette  eglise,  il  semble  que  Pelite  de  tou- 
tes les  generations  de  I'Angleterre  assiste  a  cette  ceremonie 
pour  lui  rappeler  que  la  gloire  de  la  palrie*doit  etre  le  but  de 
ses  actions.  C'est  dans  la  chapelle  d'Edouard-le-Confesseur 
cpie  Ton  conserve  les  fauteuils  qui  ont  servi  a  chaque  couron- 
nement ;  le  siege  le  plus  ancien  est  une  simple  pierre,  sur  la- 
quelle  on  couronnait  les  rois  d'Ecossc,  etqui,  d'apres  une  tra- 
dition ridicule,  dont  on  a  conserve  le  souvenir,  aurait  servi 
d'oreillcr  a  Jacob. 

On  doit  savoir  gre  a  MSI.  Alaux  d'avoir  mis  sons  nos  yeux 
un  edifice  aussi  remarquable  a  tous  egards  ;  quant  a  l'execu- 
tion,  elle  est  telle  qu'on  pouvait  l'attendre  de  peintres  habiles 
qui  n'ont  employe  leur  talent  que  pour  arriver  au  but  qu'ils 
seproposaient :  celui  d'une  extreme  fidelite.  L'interieur  de  l'e- 
glise  de  l'abbaye  de  "Westminster  ne  frappe  pas  ^imagination 
comme  celui  de  Saint- Pierre  de  Home;  c'est  une  autre  ar- 
chitecture; c'est  un  autre  ciel,  eonsequemment  une  lumiere 
diflerente;  eesont  memed'autres  souvenirs.  Cependant,  jecrois 
que  les  auteursde  ce  nouvel  ouvrage  ont  plus  approche  de  la 
perfection  que  dans  le  premier;  c'est-a-rlire  que  Pon  s'aper- 
coit  moins  que  l'on  est  devant  un  tableau.  C'est  le  plus  bel 
eloge  que  l'on  puisse  faire  d'une  production  de  cette  nature. 

Au  Diorama,  on  voit,  tour  a  loin-,  le  commencement  du  De- 
luge et  une  vac  dc  Paris.  Le  premier  de  ces  deux  tableaux  est 
tout-a-fait  fantastique;  rien  ne  peuten  donner  une  idee,  si  ce 
n'est  le  spectacle  que  l'on  a  sous  les  yeux,  lorsque,  en  gravis- 
santde  bautes  montagnes,  on  traverse  la  region  des  images,  et 
c'est  peut-etre  une  circonstanee  de  cette  nature  qui  a  inspire 
a  M.  Daguerue  le  tableau  dont  je  parle.  Au  fait,  il  m'a  rap- 
pele  involontairement  ce  que  j'avais  eprouve  lorsque,  sur  le 
sommct  dcs  Alpes,  au  niois  de  join,  je  me  suis  trouve  au  mi- 
lieu memed'un  orage.  Le  second  tableau,  une  vue  de  Paris,  du 


5»o  FRANCE. 

menie  auteur,  est  uu  inagnilique  paysage,  dont  les  premiers 
plans  sont  tres-brillans,  et  les  foods,  011  Ton  apcrooit  la  som- 
mite  des  principaux  edifices  de  Paris,  tout— a-l'ait  vaporeux. 
Ainsi,  c'est  une  vue  de  Paris  qui  ne  donne  l'idee,  ni  de  l'as- 
siette.ni  de  l'etendue  de  cette  ville;  seulement  onvoital'ho- 
rizon  des  mouumens  qui  annuncent  le  voisinage  d'une  tres- 
grandc  ville.  Le  point  de  vue  est  pris  de  Montniartre.  Si  le 
spectateur,  qui  ne  connaitrait  pas  la  capitale  de  la  France, 
n'avait  pas,  apres  avoir  vu  cet  ouvrage,  une  idee  juste  de  la 
ville  que  Ton  a  voulu  mettre  sous  ses  yeux,  au  moins  il  con- 
serverait  le  souvenir  d'un  beau  tableau,  execute  d'une  ma- 
niere  brillante  et  large.  Jo  crois,  au  reste,  que  les  moyens  pro- 
pres  au  Diorama  sont  impuissans  pour  att,eindre  le  but  que 
M.  Daguerre  s'est  propose.  Pourdonner  une  idee  juste  d'une 
grande  ville,  il  faut  placer  le  spectateur  sur  le  sommetde  l'un 
des  principaux  edifices;  c'est  ce  que  laisait  M.  Prevost  dans 
ses  panoramas. 

Des  deux  autres  petits  tableaux,  actuellement  exposes  au 
Diorama,  l'un,  une  rue  pariielle  de  Saint-Germain  - I' A  uxer- 
rois,  est  bien ;  l'autre,  une  vue  pride  sous  les  voutes  du  Colysie, 
est  tres-bien.  II  semble,  pour  me  servir  d'une  expression  po- 
pulate, mais  trcs-juste,  que  Ton  va  marcher  dans  le  tableau. 

P.  A. 

—  Musee  Diocletien.  —  Galerie  du  colonel  Bernardini  (  rue 
Neuve-des-MatJturins ,  n°  1  ,  an  coin  de  la  rue  de  la  Cliaitsse'e- 
d'Antin).  —  Nous  avons  annonce  deja  (voy.  Rev.  Enc. , 
t.  xtiv,  decembre  i<Sag,  pag.  8i4)  cette  belle  collection,  de 
plus  de  700  tableaux,  Cornice  avec  un  soin  particurier,  qui 
presente  un  grand  nomine  de  cbefs-d'oeuvre  des  premiers 
maitres  de  Part,  et  beaucoup  d'ouvrages  remarquables  des 
diflerentes  Ecolcs  italiennes  et  des  Ecoles  bollandaise  et  fla- 
mande,  espagnole,  francaise,  allemande,  etc. ,  ainsi  que  plu- 
sieurs  tableaux  de  genre,  dessins,  manuscrits,  gravures  an- 
ciennes  et  autres  objets  de  curiosite.  Tous  les  amateurs  et 
tons  les  amis  des  arts  voudront  visiter  ce  bel  elablissement, 
dispose  avec  l'elegancedu  gofit  1'rancais,  et,  sous  quelques  rap- 
ports, avec  une  sorte  de  taste  asiatique,  dans  sept  salons,  atte- 
nant  a  un  jardin  qui  i'ait  partic  du  i>Iusee,  et  qui  ofl're  un  lien 
agreablede  reposet  de  reunion.  On  pent  s'y  procurer  une  Notice 
delaillee.  sur  ce  Musee,  etsur  quelques  circonstances  relatives 
a  la  vie  tres-aventureuse  et  agitec  du  colonel  etranger,  de- 
venu  francais  d'adoption ,  qui  a  employe  quinze  annees  de 
voyages,  de  recbercbes  dilliciles  et  dispendieuses  pour  le 
londer.  —  Le  prix  d'entree  est  fixe  a  di.v  francs  par  porsonnc  ; 
Qnelque  elevee  que  cette  retribution  puisse  paraitre,  on  ne  la 


PARIS.   —    NECROLOGUE  3a  i 

trouvcra  point  disproportionnce  avec  la  beaute  tin  Musee  Dio- 
iliticn,  a\ec  les  sacrifices  considerables  qu'il  a  exiges,  etavec 
les  enormes  capitaux  qu'iJ  represente.  Plusieurs  eonnaisseurs 
eclaires ,  qui  ont  ete  admis  a  visiter  cette  collection  avant 
qu'elle  fut  ouverte  au  public,  en  ont  porte  le  meme  jugement. 

NECROLOGIE. 

Norwege.  —  Le  comte  de  Platen,  ex-gouverneur  general 
ile  Nonvege,  nc,  dans  Pile  de  Rtigen,  au  mois  de  mai  1768, 
vient  de  mourir  a  Christiania,  dans  le  mois  de  Janvier  dernier, 
age  d'cnviron  65  ans.  Sa  mort  a  excite  d'universels  regrets, 
et  sa  memoire  merite  d'etre  consaeree  dans  un  ouvrage  perio- 
dique ,  qui  hen  ore  egalement  to  us  les  hommes  distingues, 
quelle  que  soit  leur  patrie  ,  qui  ont  contribue  utilement  et 
activeuient  aux  progres  de  la  civilisation.  Le  comte  de  Platen, 
ills  du  baron  Bernard  de  Platen,  qui  etait  gouverneur-general 
en  Pomeranic,  s'etait  destine,  fort  jeune  encore,  au  service  de 
uier;  et,  depute  sa  i^c  jusqu'a  sa  20°  annee,  il  avait  voyage 
dans  presque  toutes  les  parties  du  monde,  d'abord  sur  des 
navires  marcbands,  et  ensuite  sur  des  batiuiens  de  guerre  sue- 
dois.  C'est  a  son  genie,  a  ses  lumieres,  a  sa  perseverante 
activite  que  1'on  doit  l'execution  du  projet,  forme  depuis  des 
siecles,  de  faire  communiquer  la  mer  du  Nord  avec  la  Bal- 
tique.  II  etait  directeur- general  de  la  grande  entreprise  du 
canal  de  Gotlia,  qui  fait  l'admiration  de  l'Europe  el  la  gloire  de 
la  Suede.  Les  actionnaires  de  ce  canal  ont  donne  pour  succes- 
seur  a  M.  de  Platen,  dans  cette  imporlante  direction,  le  baron 
de  Sparre,  general  commandant  le  corps  du  genie.  Les  Etats 
ont  fait  les  foods  necessaires  a  l'achevement  des  travaux,  et 
l'on  espere  qu'ils  seront  termines  dans  trois  ans.  N. 

Dakemark.  —  Frederic  Muster  ,  eveque  de  Zelande,  pro- 
fesseur  et  docteur  en  theologie,  grand'eroix  de  l'Ordre  de 
Danebrog,  vient  demourirsubitement,le  vendredi-saint  9  a  vril, 
(Pun  coup  d'apoplexie  foudroyante.  Ne,  a  Gotha,  en  Allema- 
gne,  le  14  octobre  1760,  il  vint  en  Danemark,  a  Page  de 
quatre  ans,  lorsque  son  pere,  Balt/iasar  Munter,  fut  nomme 
pretre  a  l'eglise  de  Saint-Pierre  de  Copenbague.  Deux  voya- 
ges en  Europe,  qu'il  cntreprit  dans  sa  jeuncsse,  lui  fournirent 
I'oecasion  de  former  des  relations  etendnes,  et  qu'il  conserva 
pendant  toute  sa  vie,  avec  les  hommes  les  plus  savans  de  son 
epoque.  En  France,  il  etait  lie  d'amitie  avec  MM.  Lanjuinais, 
pair  de  France,  et  Gregoire,  ancien  eveque  de  Blois,  et  il  en- 
tretenait  une  correspondance  interessante  avec  l'ltalie  .  pat 


5aa  NriCROLOGIE. 

l'intermediaire  de  M«*  Capece  Latro,  aucicn  archeveque  de 
Tarente,  et  de  Tamburini,  le  plus  cclebrc  des  theologiens  de 
sou  pays.  A  une  vastc  erudition,  surtout  dans  l'lustoire  de 
l'tglise  et  dans  la  science  des  antiquilcs,  Munter  joignait  cette 
douceur  de  caractere  qui  captive  Eous  les  coeure.  Aussi  sa 
perle  a  cause  de  prol'onds  regrets  parmi  ses  compatriotes.  II 
tut  nomine  professeura  I'tlni  versite  de  Copenhague,  en  1788, 
ct  en  1808,  le  roi  le  designa  pour  l'eveche  du  diocese  de  Ze- 
lande.  Apres  avoir  passe  par  les  di  lie  reus  degres  de  l'Ordre  de 
Dancbrog,  il  tut  deeore  de  la  grand'eroix,  en  1817. 

Les  ccrits  publics  par  Munter,  en  danois,  en  latin  et  en  al- 
leuiand ,  sunt  tres-nombreux ;  nous  indiquons  ici  les  princi- 
paux  :  i°  Notice  curieuse  sur  les  traductions  en  vers  de  I'A- 
pocalypse  danslesdi verses  languesde  I'Europe  ;  des  Memoires, 
des  Dissertations  et  des  Recherches;  i"  sur  les  Inscriptions 
antiques  de  Babylone,  etsur  celles  des  anciensFtrusques,  etc.  ; 
5°  sur  les  anciennes  inscriptions  grecques  et  latines  qui  eclair- 
cissent  l'histoire  du  christian isnie,  et  jcllcnt  un  nouveau  jour 
sur  l'authenticite  des  livres  saints  et  des  monumens  Chre- 
tiens; 4"  sur  les  Ordres  de  chevalerie  du  Nord;  5"  sur  1'Fvan- 
gile  apocryphe  de  Nicodemc;  6°  sur  la  guerre  des  Juil's  sous 
les  empereurs  Trajan  et  Adrien  ;  7"  sur  lTnlroduclion  du 
christiauisnie  dans  le  Nord;  8"  la  Biographic  de  saint  Aus- 
chaire,  eveque  de  Hambourg,  apolre  du  Seplentrion;  9°  la 
Biographie  du  pape  Lucius  I";  io°  des  Fragmcns  d'une  an- 
cienne  version  latine,  anterteure  a  saint  Jerome,  des  pro- 
phetes  Jeremie,  Ezcchiel,  Daniel  et  Usee;  11°  une  edition 
nouvclle  de  Firmicus  Moternus;  12°  la  doctrine  des  Monza- 
nistes ;  i5°,  enfin,  Primordia  Ecclesice  africancc,  volume  in-4" 
de  plus  de  5oo  pages,  public  en  1829,  et  Tune  des  dernieres 
productions  de  l'auteur.  —  A  Rome,  Munter  avait  retrouve  les 
reglcmens  de  l'Ordre  des  Templiers,  et  public  un  volume  en 
allemand  sur  ce  sujet ;  mais  la  regie  clle-meme  n'a  pas  en- 
core etc  imprimee.  II  l'a  communiquce  an  grand -mait re  des 
Templiers  de  Paris,  dont  la  Societc  conserve  un  manuscrit 
grec  de  1'Evangile  de  saint  Jean,  qui  a  etc  l'objet  d'une  disser- 
tation latine  de  Munter.  On  trouve,  sur  ce  sujet,  des  details 
etendus  dans  la  nouvelle  edition  de  V  H  is  loir  e  des  Sectes  reli- 
gieuses,  par  M.  Gregoire,  ancicn  eveque  de  Blois.        15.  G. 

Suisse.  —  Soleure.  ■ —  Notre  concitoyen  Jean  Zeltnbb  , 
membredu  Grand-Conseil,  et  ancicn  ambassadeur  de  la  con- 
federation Suisse  en  France,  dont  l'hospitalite  gene  reuse  offrit 
pendant  quinze  ans  un  asilean  celebre  patriote  polonais  Kos- 
ziuszko.  dont  les  bailliaces  italiens  admircrcnt  le  desintercsse- 


NECROLOGIE.  5a3 

ment,  pendant  tout  le  terns  qu'il  y  exerca  des  fonctions  or- 
dinairement  tres-lueratives  ,  et  dont  les  vertus  ptihliques  et 
privees  ne  se  dementirenl  pas  uu  seul  instant,  a  etc  enleve 
depuis  peu  a  sa  famille  et  a  sa  patrie.  Sa  memoire  sera 
conservee  honorablement  parnii  nous.  En  annoncant  cette 
perte  douloureuse,  le  Nouvelliste  Vaudois  fail  cette  observa- 
tion :«  Zeltner  eut  de  commun  avec  les  plus  grands  politi- 
ques  de  FAngleterre  d'aimer  avec  passion  les  literatures 
anciennes.  II  fut  toujours  exempt  de  cet  orgueil  de  noblesse 
qui  caracterise  les  petits  esprits,  et  ne  flit  jamais  courtisan.  » 

Pays-Bas.  —  Ciirtet,  Dr  medecin  ,  professeur  et  Fun  des 
fondateurs  de  1'Ecole  de  medecine  a  Bruxelles,  mort  dans 
cette  ville ,  le  ig  avril  i85o,  a  la  suite  d'une  longue  maladie, 
et  au  moment  ou  sa  famille  et  ses  amis  le  consideraient  comine 
entierement  retabli.  Cette  perte  a  ete  vivement  sentie  par  les 
habitans  de  Bruxelles,  qui  n'estimaient  pas  moins  le  beau  ca- 
ractere  que  les  profondes  connaissances  et  la  rare  habilete  du 
docteur  Curtet.  Sa  jeunesse  avait  ete  livree  aux  etudes  et  aux 
travaux  les  plus  penibles.  Une  maladie  cruellc,  dont  il  fut  at- 
teint  sous  les  murs  de  Nimegue,  le  (it  renoncer  au  service  des 
armees.  Iletablit  son  domicile  a  Bruxelles,  ou  il  fut,  pendant 
long-tems,  directeur  en  cbef  des  bopitaux.  Les  fatigues  qu'il 
eprouva,  apres  la  bataillede  Waterloo,  occasionerent  untypbus 
dont  il  ne  fut  jamais  completetnent  gueri.  Les  ressources  de 
son  art  et  des  precautions  extremes  ont  pu  prolonger  sa  vie, 
mais  ne  pouvaient  relever  une  constitution  usee  par  des  tra- 
vaux excessifs.  M.  Curtet  etait  ne  dans  les  montagno>s  de  la 
Savoie,  et  a  l'esprit  actif  et  vigoureux  qui  distingue  ses  com- 
patriotes,  il  joignait  cette  probitc  severe  qui  leur  amerite  une 
si  belle  et  si  universelle  reputation.  M.  Curtet  n'etait  Sge  que 
de  67  ans.  N. 

Frakce.  —  Gohier  [Louis  Jerome) ,  ex-ministre  de  la  jus- 
tice, ex-president  du  directoire  executif,  mort  a  Paris,  le  29 
mai  i83o,  age  de  85  ans  (1).  La  Fiance  vient  de  perdre  un 
ami  pur  et  courageux  des  liberies  publiques;  la  societe ,  un 
bomme-modele  dans  les  hautes  dignites  et  dans  Fexercice  du 
pouvoir,  comme  dans  le  commerce  de  la  vie  et  dans  le  lover 


(1)  Ce  discours  devait  «'tre  iirononce  sur  la  toml)e  de  M.  Gohier,  aprfcs 
d'autres  discours,  hommage  de  liaute  eslintc  et  de  vive  afl'ection  que  plu- 
sieurs  amis  de  ce  verttieux  citoyep  se  sunt  empresses  de  payer  a  sa  me 
moire.  Nous  citerons  entre  antres  celni  de  M.  Bkhxabd,  de  Heiines,  avo- 
cat  distingue,  dont  le  beau  taleut  a  deja  servi,  dans  plusieurs  Occasions, 
la  cause  de  la  liberte. 


5p4  MU'.HOLOGIK. 

domesliquc.    Cinquante  —  cin«|    an>    so    soul    ecoules    dcpuis 

qu'a  l'ocia.sioii  d'un  nouwau  regno  Louis-Jerome  Goliier  pu- 

blia,  sous  lo  litre  do  Couronncmcnl  d'nn  Hoi,  un  petit  drame 

ingenieux,  ou,  quand   tout  etait  llattcriu  pour  le  trone,   il 

ci'o)  ait  le  scrvir  micux  par  dc  sages,  mais  tres-souvenl  in  utiles 

coiiscils. 

Lebarreau  de  Ilennes  le  comptait  parmi  scs  principalis  ora- 
tcurs,  lorsque  la  Bretagne  donna  le  premier  signal  de  ce  mou- 
vement  d'emaneipation  qui  devait  etonner  ct  changer  le 
niondc.  II  entra  dans  cc  inouveinent  rapidc  avec  un  coura- 
gcux  enthousiasmc,  vcrtu  dcs  ames  fortes,  el  l'ut  un  des  pre- 
miers acteurs  de  ce  drame  si  grand,  si  long  et  si  terrible  . 
dont  le  denoument  a  etc  cnfin  la  consecration  irrevocable  des 
libertes  nationales. 

Appele  a  la  seconde  legislature,  president  du  premier  tri- 
bunal dc  la  republiquc  francaise,  ministre  de  la  justice,  mem- 
bre  du  Directoire,  la  vie  publique  de  Gohier  l'ut  souvent  un 
exemple,  et  toujours  undevoument.  Dernier  president  du  Di- 
rectoire, ilosaseul  resister  a  l'homme,  prodige  des  terns  mo- 
dernes,  qui  devait  briser  loules  les  resistances;  et  cet  acte  de 
courage  l'ut,  peut-etre,  laderniere  grande  vertu  qui  so  montra 
debout  sur  le  tombeaudela  republiquc.  Chei'de  l'fitat,  Gohier 
s'occupa  des  interets  publics,  et  negligea  les  siens  :  il  sortit 
pauvre  des  dignites  ou  tant  d'autres  n'aspirent  que  pour  clever 
avec  eux  leur  fortune.  Deja  c'etait  un  eloge  au  terns  de  Cin- 
cinnatus  :  dc  nos  jours,  c'est  un  de  ces  rares  exemples  donnes 
au  monde,  et  qu'il  faut  admirer.  Line  espece  d'exil  en  Hol- 
lande,  avec  le  litre  de  consul-general,  l'ut  le  chatiment  il'im 
noble  caraclere  ;  mais  ce  qui  semblait  humilier  I'ancien  direc- 
leur  a  la  nouvelle  cour  des  Tuileries  le  lit  grandir  dans  l'es- 
lime  des  homines.  Desccndu  des  hauteurs  du  pou voir,  il  ren- 
tra  dans  les  rangs  des  citojens  avec  une  conscience  sans 
leproche,  avec  des  mains  purcs,  et  une  reputation  de  probite 
que  la  calomnie  n'a  ose  atteindre ,  et  devant  laquellc  toutes 
les  passions,  soulevees  dans  de  longs  orages,  out  garde  lc  si- 
lence. 

Simple  dans  ses  habitudes,  eleve  dans  ses  sentimens,  il  vecut 
en  sage  dans  le  doux  commerce  de  sa  famille,  des  lettres  et 
de  l'amitie  :  car,  pour  lui,  vivre,  c  etait  aimer;  pour  un,  loute 
l'existence  etait  ramour  du  pays,  etait  sa  famille,  ses  amis, 
le  bicn  a  faire,  les  services  a  rendre  ,  la  culture  des  lettres,  et 
I'atlrait  pour  les  arts.  11  voulut  s'associer  a  tous  les  actes  ge- 
nereux,  et  son  nom  est  inscrit  sur  toutes  les  listes  de  souscrip- 
tiousciviqucs.  Lorsqu'un  avocat  celebre,  que  la  France  comple 


NECIlOL(X;il«.  5-25 

parmi  les  plus  eloqucns  defenseurs  ties  liberies  nationales, 
vint,  naguerc,  a  Paris,  dcfendre  la  memou'e  de  La  Chalotais, 
on  Vit ,  avec  attendrissemenl,  <-elni  qui  avait  porte  le  mantean 
directorial,  reprendre  la  robe  d'avocat,  se  reunirau  barreau  de. 
la  capitale,  et  paraitre  dans  Ic  sanctuaire  de  la  justice,  on  , 
pendant  la  defense  d'un  grand  inagistrat,  lachenient  calom- 
nie,  sa  seule  presence  etait  1111  tcmoignage ,  et  l'emotion  de 
ses  traits  l'eloquenlc  apologie  de  celui  qui  avait  ete  son  guide 
et  son  ami.  La  veneration  publiquc  reposait  sur  ses  cbeveux 
blancs  :  il  comniandait  le  respect,  il  iuspirait  l'amitie.  Heu- 
reux  d'aimer  et  d'etre  aime,  il  achcvait  son  chemin  dans  la 
vie,  avec  les  jouissances  du  coeur ,  les  plaisirs  de  l'esprit,  el 
des  1  eves  de  gloire  et  de  bonheur  pour  sa  patrie. 

II  s'est  peint  dans  les  Mcmoires  qu'il  a  publics  sur  les  der- 
niers  terns  du  Directoire  (  voy.  Rev.  Enc,  t.  xxii,  p.  ^oo,'); 
et  tous  les  partis  y  ont  reconnu  l'homme  de  bien.  11  preparait 
un  travail  plus  considerable,  les  Memoires  de  toute  sa  vie; 
desirons  que  ce  dernier  ouvrage  ne  S'.it  pas  perdu  pour  ses 
contemporains  et  pour  la  posterity  :  car,  e'est  a  de  tels  hom- 
ines qu'il  appartient  d'ecrire  ce  qu'ils  ont  vu  ,  ce  qu'ils  ont 
fait.  La  verite  se  monlre  alors  dans  l'histoire  sans  reticences 
et  sans  laid,  et  l'histoire  est  seulement  alors  le  gr;md  moui- 
teur  des  peuples  et  des  rois. 

Quelques  doux  loisirs  dans  la  vie  de  Gohieretaient  occupes 
par  la  culture  des  fleurs  :  il  composait,  dansces  derniers  terns, 
un  poeme  sur  les  quatre  ages  :  octogenaire,  il  chantait  1'en- 
fance  dans  des  vers  pleins  d'esprit  et  de  sentimens,  de  natu- 
re!, de  grace  et  de  fraicheur  :  on  cut  dit  des  fleurs  du  prin- 
tems  epanouies  dans  les  champs  de  l'hiver.  C'etait  un  homme 
des  terns  anciens,  qui  avait  traverse  presque  tout  un  siecle, 
sans  rien  perdre  de  cette  bonte  native  que  les  passions  alte- 
rent;  rien  de  cette  franchise  que  le  commerce  des  hommes 
rend  une  vertu  si  difficile;  rien  de  cette  sensibilite  douce  etpro- 
fonde  que  l'agedetruit.  Quatre-vingt cinq  hiversn'avaient glace 
ni  son  esprit,  ni  son  cceur.  II  s'exaltait  encore  pour  tout  ce  qui 
etait  bien,  pour  tout  ce  qui  etait  grand;  il  avait  de  l'enthou- 
siasme  et  des  vceux  pour  son  pays;  il  avait  des  larmes  pour 
Pinfortune,  de  l'indignation  contre  le  crime,  une  Constance 
dans  l'amitie  a  toute  epreuve,  un  facile  entrainement  vers  tons 
ceux  qui  honoraient ,  par  leurs  talens,  les  lettres  ou  les  arts. 

La  Fiance  gardera  toujours  la  memoire  d'un  de  ses  meil- 
leurs  citoyens,  que  la  niort  a  respecte  si  long-tems,  et  jus- 
qn'.i  ce  jour  funeste,  comme  pour  montrer  a  ceux  qui  depen- 
dent les  libertes  publiques  un  modelc  vivant  de  courage  et  de 


526  NlfcllOLOGIE. 

vertu,  commc  pour  donna-  a  rcux  «[n i  calomnient  les  vieux 
citoyens  des  terns  dc  la  repubtique  nn  dementi  vivant,  et 
pour  leur  apprendre  que,  dans  ces  terns  difliciles,  vecurent 
des  hommes  forts  et  moderes,  ardens  et  genereux,  devoues 
pour  la  patrie  et  pour  riiumanite.  Cette  tombc  ne  sera  point 
muette  :  elle  aura  son  eloquence;  ct  1c  nom  de  Gohier  suffira 
pour  rappcler  un  grand  exemple  et  de  grands  souvenirs. 

VlLLENAVE. 

Vers,  SnprovisSs  stir  la  tombc  de  M.  Gohier. 

L'un  des  plus  vicux  debris  des  jeunes  republiques, 

Et,  dans  les  terns  nouveaux,  1'noiame  des  terns  antiques, 

Gohier  mourant  disait,  en  son  dernier  emoi  : 

Mon  pays  est  encor  plus  malade  que  moi  (1). 

(Historique.) 

VlLLENAVE    fits. 


(1)  En  recueillant  ici  la  derniere  penste  d'un  bon  citoyen,  qui,  sur  boo 
lit-  de  niort,  s'occupait  encore  uniquement  des  inlerels  de  sa  patrie, 
nous  devons  cependant  faire  reniarquer  combien  cette  pcnsee,  inspirce 
par  un  sentiment  profond  des  malheurs  publics,  manque  de  vetile.  La 
France,  qui  a  survecu  a  de  longues  et  ci  uclles  agitations,  qui  a  ^te  occu- 
pee  par  les  Anglais,  qui,  apres  avoir  porle  elle-meme  dans  une  partie  dc 
1  Europe  ses  amies  victorieuses  et  souvent  I'induence  bienfaisante  de  ses 
mreurs  et  dc  ses  lois,  a  vu  son  lerritoiie  envabi  deux  fois,  en  moins  de 
deux  annees,  par  la  coalition  europeenne,  et  s'est  relev^e  avec  glo'tre 
apres  tant  de  malheurs  :  la  France,  noble  espoir  des  nations  civilisees, 
toujours  forte  ct  vivace  par  son  esprit  national,  par  son  courage,  par  la 
bonte  de  ses  institutions,  par  l'union  de  ses  meilleurs  citoyens  et  de  ceux 
qui  eomprennent  le  mieux  ses  interets  et  ses  besoins ,  sortira  bientot 
triomphante  de  la  crise  nouvelle  que  des  passions  iniprudentes ,  de 
vieilles  et  incorrigibles  pretentions  ont  suscitee. 

M.  A.  J. 


TABLE  DES  ARTICLES 

CONTENTS 

DANS  LE  GAHIER  DE  MAI  i85o. 


1.  MEMOIRES,  NOTICES  ET  MELANGES. 

Pages. 
1.  De  l'expe^lition  contre  Alger.  .  .  .  J.  C.  L.  dc  Sismondi.  267 
•>..    Rapport  sur  les  irruptions  et  les  progres  des  maladies  pesti- 

lentielles,  pendant  Tannee  1829.    .   .    .   Moreau  de  Jonnes.   297 

3.  Reclierches  sur  les  produits  compares  des  revenus  privets  et 
publics  de  la  France  et  de  la  Grande-Bretagne 5o2 

II.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 

4.  Journal  dun  voyage  a  Temboctou  et  a  Jennd,  par  M.  R6ne 
Caillie Cltauvet.  5 10 

5.  Tableau  dc  la  constitution  politique  de  la  monarchic  fran- 
caise  selon  la  Charte,  par  A.  M;>hul D.  M.   553 

6.  llistoire  universelle  de  l'antiquite,  par  Schlosser,  traduite 

de  I'allemand  par  P.  de  Golbery D — g.   345 

7.  Poesies    d'Adam    Mickievicz ,    traduites    en    francais    par 
MM.  Miaskowski  et  Fulgeuce Alph.  d'Herbelot.   55fi 

8.  L'Astronomic,  poeme.  par  M.  Daru Y .  Z.    o~7> 

III.  BULLETIN  B1BLI0GRAPHIQUE. 

Annonces  de  85  ouvr ages,  francais  etetrangers. 

Amerique  SEPTEivTiiioNAT.E.  —  Etats-Utiis,  5 583 

—  Mexiquc,  1  outrage  periodique 586 

Europe.  — Grande-Bretagne,  7 •   •   •  388 

—  Russie ,  4 ^99 

—  Danemark,   1 4^3 

—  ALlemagne,  7,  dont  2  outrages  periodiques 4°4 

—  Italie,  4 4J4 

—  Pays-Bas  ,6 4 '  8 

Fbance  ,  52,  savoir  :  Sciences  physiques  et  naiurelles ,  i5.  .   .    .  [\<>.i 

—  Sciences  religieuses,  morales,  politi.ques  et  historiques ,  10.  .    .  441 

—  Littirature,  18 455 

—  Beaux-arts,     2 4?° 


5a8  TABLE    HE.-    AUTlCiES. 

—  Mimoires  et  Rapports  de  sociitis  savarites,  1 t\~\ 

—  Ouvrages  periodiques ,  l\ 47G 

—  Litres  en  iangu.es  Mrangeres ,  imprimis  en  France ,  2   .   .    .   .   4^*> 

IV.  NOUVELLES  SCIENTIFIQUES  ET  LITTERAIRKS. 

AsiERlQUE    SEPTENTRIONALE.     ElalS-  UlltS    !    Exlia'lt    d  11110    lollfe 

adressee  do  New-York  a  M.  Jullien  clc  Paris. — Ho  forme  dee 

lois  criminelles 4$2 

Ameriqoe  meriiuonale.  —  Colombie  :  Coup  d'oeil  rapide  sur  la 
conduito  du  general  Bolivar,  et  appreciation  impartiale  des 
accusations  dirigees  coatro  lui 4^4 

EUROPE. 

Granpe-Bretagne.  — Londres  .-Projol  dun  cimetiere  national.    .   4o° 
Rissie. — Kertch  i Kouvelles  decouvertes  d'antiquiWs 4|)> 

—  Suede.  —  Stockholm  :  Academic  des  sciences  :  dominations 

de  membres  residaus  et  etrangers ;  Musee  d'liisloire  natu- 
relle.  ■ —  Acadomie  suedoise 4$|3 

Aleemagne.  —  Documons  rclatil's  a  la  statisliquo  morale  de  la 
nionarcliio  piussieiinc.  —  Leipzig  :  Accroissomont  du  com- 
merce do  la  librairio 4(j4 

Italie.  — Pcnise  :  An tiquites  expliquees  par  le  Dr  Labus.    ,   .    .   490' 

Pats-Bas.  —  Emancipation  dos  Juifs  :  EITcts  remaiquables  de 
leur  rehabilitation  on  Hollando.  —  Deeenter  :  Celebration 
du  jubile  de  rAthonoe 497 

France.  —  Paris  :  lnstitut :  Acadomie  dos  Sciences  :  Seances  du 
3  au  5i  mai ;  Acadomie  dos  inscriptions  :  Election  de  six 
membres. — Societe  ccnlrale  dagriculture :  Seance  publique 
annuelle.  —  Society  franeaise  de  statistique  univcrselle  : 
Prix  proposes.  ■ —  Publication  prochaine  d'une  liistoire 
scientifique  et  militairederexpedition  franeaise  en  Egypte. 

—  Reclamations  de  MM.  Beltrami  et. Gasc.  —  Clironique 
des  theatres  pendant  le  mois  de  mai.  —  Beaux-Arts  :  1V0 
rama  :  Abbaye  de  Westminster.  Diorama  :  Vue  de  Paris, 
une  scene  du  deluge.  Alusee  Diocletien '.    .   /|<|<S 

Necrologie. 

Plorwege  :  Platen.   —  Dancmark  :  Munter.  —  Suisse  :  Zeltner. 

—  Pajs-Bas  :  Curtet.  — France  :  Collier ,   .   .    .  5a  1 


TABLE  DECENNALE 


REVUE  ENCYCLOPEDIQUE, 


Repertoire    general    des    motiercs    contenucs     dons     les 

QUARANTE    PREMIERS    VOLUMES    dc    C€  Becucil   (df.    1819  A 
1898  INGLES.  ) 


yto$fcct\x$. 


La  direction  do  la  Revue  Encyclopediqie  s'etait  propose 
tie  publier,  apres  chaque  periode  de  cinq  annees,  la  Table  ge- 
nerate et  raisonnee  des  matieres  contenues  dansce  Rccueil. 

La  ire  serie,  de  1819  a  i8'i3  inclus.,  qui  comprenait  vingl 
volumes,  etait  depuis  long-tems  terminee,  et  prete  a  etre  li- 
vree  a  I'impression.  Les  faits,  notions,  inventions,  decouver- 
tes,  etc.,  y  sont  classes,  sous  l'indication  generale  des  con- 
trees  et  des  sciences  auxquelles  ils  appartiennent,  de  manure 
que  le  lecleurle  moins  exerce  puisse  facilement  comparer 
entre  elles,  soit  les  differentes  nations  et  leurs  litteratures, 
soit  les  diverses  branches  des  sciences  et  des  arts,  retrouver 
exactement  ce  qui  appartient  a  chatune  d'elles,  et  apprecier 
leurs  progres,  ou  leur  decadence. 

Les  ouvrages  analyses  ou  an  notices  dans  la  Kevie  sont  cites 


( » ) 

dans  noire  table,  soit  soqs  le&differens  litres  des  mutinies  aux- 
quclles  ils  sc  rapportent,  soit  aux  noms  des  auteurs,  cdilcurs, 
savans  ct  artistes  dont  la  Revue  a  mentionne  les  ouvrages,  les 
inventions  on  les  travaux. 

Enfin  ,  les  rcdacteurs,  les  collaborateiirs  ct  les  correspon- 
dans  qui  ont  insere  des  Me  moires,  ou  des  Analyses  danscc  ile- 
cueil,  en  trouveront  Vindication  complete  u  l'article  qui  les 
concerne. 

La  a"  serie,  de  1824  a  1828  inctus  ,  comprenant  les  vingt 
derniers  volumes,  a  etc  excculcc  dans  le  ineme  ordre  et  sur  le 
memeplan.  Mais,  conune,  si  elle  elait  publiee  separement,  elle 
presenterait  la  repetition  obligee  des  memes  indications  gene- 
rales  pour  la  plupart  des  articles  ouverts  dans  la  premiere 
serie,  nous  avons  pense  qu'ily  aurail  un  grand  avantage,  pour 
les  souscripteurs,  a  reunir  ces  deux  tables  quia que  11  uales,  et  a 
les  fondre  eu  une  seule  qui  deviendrait  decennale.  Ainsi,  un 
grand  nombre  d'artictes qui,  fraction nes,  ne  presenteraientquc 
pen  d'iuteret,  en  offriront  beaucoup  par  la  reunion  de  tou- 
tes  les  notions  on  observations  dont  leur  ensemble  se  compose. 
IVune  part,  il  y  aura  economic,  sous  le  rapport  du  materiel; 
d'autre  part,  les  souscripteurs,  pouvant  embrasser  d'un  coup 
d'ceil,  sur  chaque  maliere,  un  espace  de  dix  annees,  auront 
sous  la  main  le  tableau  complet  de  la  statistique  morale,  phi- 
losophique,  srientifique,  litteraire  et  industriclle,  tant  de  la 
France  que  de  tons  les  pays  de  l'Europe,  et  tel  qu'il  resultera 
des  Memoires  et  Notices,  des  Analyses  et  des  Comptes  rendus, 
et  des  auties.  Articles  inseres  dans  les  quarante  volumes  qui, 
jusqu'au  1"  Janvier  1829,  torment  la  collection  complete  de 
la  Revue  Enryclopedique. 

Cette  Table  decennale,  indispensable  pour  ceux  des  abon- 
nes  de  notre  Recueil  qui  en  ont  conserve  la  collection,  ne  sera 
pas  moins  utile  a  tous  les  amis  des  lettres,  qui,  sans  avoir  la 
Revue  Enryclopedique,  voudronl  la  consulter,  etse  tenir  au  cou- 
rant  de  la  marche  et  des  progres  des  connaissances  humaines 
et  des  nations  comparees,  depuis  1819  jusqu'a  1829.  Elle  for- 
mera  deux  volumes,  susceptibles  d'etre  relies  en  un  seul,  et 
d'environ  mille  pages  d' impression  en  tout,  sur  deux  colonnes, 
meme  format  que  celui  de  la  Revue.  Le  prix  en  est  et  demeu- 
rera  fixe  a  i5  fr.  pour  Paris. 

Nous  engageoas  ceux  de  nos  abonnes  qui  ont  deja  temoi- 
gnc  le  desir  de  souscrire,  ainsi  que  ceux  qui  ne  1'ont  pas  en- 


(5) 
core  fail,  a  nous  faire  parvenir  leur  demande  en  regie,  sans 
avance  tie  fonds,  dans  le  plus  court  delai  possible,  afiu  que  nous 
puissions arreter,  d'une  maniere  definitive,  lenombre  d'exeni- 
plaires  qu'il  sera  necessaire  de  faire  tirer.  On  ne  paiera  qu'au 
moment  de  l'expedition  de  la  table  decennale ,  dont  l'impres- 
sion  aura  lieu,  aussitot  que  nous  aurons  reuni  unnombre  suf- 
fisant  de  souscripteurs  pour  couvrir  nos  avances. 

Nota.  Les  personncs  qui  voudront  souscrire  sont  priees 
d'adresser,  dansle  plus  court  delai,  franc  deport,  a  la  Direc- 
tion de  la  Revue  Encyclopedique,  rued'Enfer-Saint-Michel, 
n°  18,  1'engagcment  signe  par  elles,  dont  le  modele  est  ci- 
apres  : 

Je  soussigne,  

demeurant  a  = 

declare  souscrire  pour  exemplaire    de  la  Table 

iilce.-vn ale  de  la  Bcvue  Encyclopedique,  ou  Repertoire  general  des  matiires 
contenues  dans  les  quaranto  premiers  volumes  de  ce  Recueil  (de  1819  a 
1828  inctus.),  devant  former  deux  volumes  in-8°,  en  tout  d'environ 
mille  pages  d'impression  ,  a  raison  de  quinze  fr.  pour  I'ouvrage  entier, 
livre  a  Paris,  au  Bureau  d'abonnemenl  de  la  Revue,  hue  de  t.'ODKOi», 
n°  3o;  ladile  somme  payable  en  recevant  I'ouvrage. 

A  le  i83o. 


(4 


Education  :  IMan  d'education 
dresse  pour  le  roi  de  Rome  et  les 
autrcs  princes  du  sang,  sons  l'in- 
«poctiou  personnelle  de  I'empe- 
ieur  Napoleon  ,  publie  a  Lundres, 
VI,  610;  VIII,  578.  —  Extraits 
des  ouvrages  des  auteurs  les  plus 
estimes  qui  out  ecrit  sur  l'educa- 
tion,  VII,  lSg.  —  Principes  d'e- 
ducation  intcllcctuelle ,  morale  et 
physique,  1S8.  —  Le  monde  des 
Emilcs,  on  l'education  sociale, 
55s.  —  Education  premiere,  011 
maniere  de  diriger  les  enfans,  con- 
sideree  sous  le  rapport  de  leurs  ca- 
racteres  futurs,  3j5.  —  Traite  d'e- 
ducation  publique  et  privee  dans 
une  monarcbie  constitutionnelle, 
5gi.  —  Education  des  pauvres,  a 
Lausanne,  616.  —  Systeme  d'edu- 
cation britannique  ,  par  Dufief, 
VIII,  n5.  —  Sur  l'education  des 
classes  inferieures  en  Angleterre  et 
dans  quelqucs  antres  pays,  a44-  — 
Extraits  sur  l'education  ,  tires  des 
meilleurs  auteurs  ,  en  Angleterre  , 
5/19.  — De  la  premiere  education ,  ou 
de  la  direction  des  enfans,  relative* 
men  t  a  leur  caractere futur,  IX ,  1 58. 

—  Projet  de  bill  en  Angleterre, 
pour  l'education  des  pauvres,  54p. 

—  Expose  du  systeme  d'education 
piimaiie  suivi  en  Suisse,  en  Alle- 
magne  ct  en  Hollandc,  XI,  162.  — 
Des  instituts  d'Hofwyl,  consideres 
plus  particulierement  sous  les  rap- 
ports qui  doivent  occuper  la  pen- 
see  des  hommes  d'Etat,  49^.  — 
Question  sur  la  garantie  que  l'edu- 
cation publique  doit  offrir  a  l'Etat 
ct  aux  parens,  XII,  222.  — Coup 
d'ceil  sur  l'education,  par  Gautier- 
Sausin,  XIII,  4^3.  —  Plans  pour 
['education  et  Instruction  liberale 
des  jeunes  gens  reunis  en  grand 
nombre,  ecrits  en  anglais,  XV,  320. 

—  Essais  sur  les  principes  elemen- 
taires  de  l'education,  par  Spur- 
zheim,  XVI,  i56".  —  Discours  du 
P.  Gerard  sur  la  necessity  de  cnlti 


ver  l'intelligence  des  enl'ans,   1 84- 

—  Expose  analytique  des  metlm 
des  de  rat  be  GauWler,  par  Jussieu, 
353.  —  Preceptes  d'education,  pat 
L.  Ronneschi,  X.VI1I,  157. —  E» 
s»i  sur  l'histoirc  du  developpemeul 
moral  et  industriel  de  I'honime, 
6i3.  —  Esquisse  du  systeme  d'edu- 
cation suivi  a  New-Lanark,  XVI 1 1, 
5;  XXV,  119;  XXVI,  83i.  —  l)e 
la  melliode  employee,  il  y  a  qualie 
siecles,  a  Mantoue  ,  par  Vict.  de 
Feltre,  XIX,  a3i.  —  De  I'hcu- 
reuse  influence  d'une  education 
perfectionnee  dans  tons  les  pays, 
XX,  121.  —  Le  livie  des  peres  el 
meres,  pendant  la  premiere  edu- 
cation de  leuis  enl'ans,  176.  —  L'in- 
stitut  domestique  de  Liederskron, 
a  Erlangen,  XXI,  375.  —  Prin- 
cipes, conseils  et  questions  sur 
l'education  et  ('instruction  de  In 
jeunesse,  par  F.  Delbrnck,  XXI, 
619.  —  Itistitut  d'education  pesta- 
lozzienne  a  Riquewihr  (Haul 
Rhin),  XXII,  419.  —  Considera- 
tions sut  les  causes  de  l'education 
sccondaire,  par  Renouard,  XXI  V, 
45o,  —  Observations  sur  celle  que 
1'on  donne  au  peuple,  par  Rrou- 
gham,  XXV,  727.  —  Essai  sur  l'e- 
ducation des  femmes,  par  Mme  de 
Remusat,  776.  —  Essai  d'educa- 
tion nationale,  par  La  Chalolais, 
XXVI,  519.  —  Le  conservaleur  de 
I'enfance  et  de  la  jeunesse,  809.  — 
Lettressurl'education,  par  Rom. in, 
85o.  —  Manuel  des  jeunes  meres, 
par  Leger,  XXII,  186.  — Essai  sur 
l'education,  publie  a  Rruxellcspar 
L.  de  R....  476.  —  Autre,  pbysico- 
moral,  par  Paselti,  XXVI 1 1,  iS-!. 

—  De  ['education  des  indigens 
dans  les  colonies  des  Pays  -  Ras, 
XXX,  570.  —  Essai  sur  celle  des 
femmes,  par  Mme  de  Remusat, 
766.  —  Statistique  de  celle  de  la 
Haute-Ecosse  en  1826,  3i,  o^g.  — 
Lettres  de  famille  sur  l'education 
domestique,  par  M"IC  Guizot ,  335. 


LL  II,    III  I.ILU 


AuX  ACADEMES  ET  AUX  SOCIKTBS  SAVAXTES  de  tOUS  leg  pays. 

Lcs  Acadbmibs  eflcs  Socaetks  savaut****  »'<rriuirtf  htbuqoe,  franchises 
et  eh-angeres ,  soirt  invitees  a  fake  parventr  exa clement ,  francs  de  port, 
an  Directeur  de  la  Jteixie  Encyclopedia ue,  aim  d'Exfbr  -saint-  MicHEt, 
m'  18,  les  camptes  rendu*  de  leurs  travauxet  les  programmes  desprix 
qu'elles  proposent ,  afin  que  la  Revue  puisse  lcs  fairc  connaitre  le  plus 
promptement  possible  a  scs  Jectems. 


AUX  EDITEURS  D'OUVRAGES  ET  AUX  LIBRAIRE3. 

MM.  les  Editeurs  d'ourrages  periodiques,  francais  et  etrangers,  qui 
desireraient  ecbanger  leurs  recueils  avec  le  notre,  peuvent  compter  sue 
le  bon  accueil  que  nous  ferons  4  leurs  propositions  d'eorxaoge ,  et  sur  une 
prompte  annance,  dans  la  Revue,  des  publications  de  ce  genre  et  <ks 
autre*  ouvrages ,  nouvellenieut  publics .  qu'ils  uous  auront  adresses. 


AuX  EDITEURS  DES  RECUEILS  PERIODIQUES,  ES  ANGLETEBRE. 

MM.  les  Editeurs  des  Recneib  periodiques  publics  en' Angleterre  sont 
pries  de  faire  rcmettre  leurs  numeros  a  M.  Kolandi  ,  a  Londres ,  n°  20, 
Bemers-street ,  Oxford  -street ,  qui  leur  transmettra  ,  ehaque  mois,  en 
echange,  los  cahiers  de  la  llvvue  Encyclopediquc,  pour  laquelle  on  peut 
aussi  souscrire  chez  lui ,  soit  pour  l'annee  courante ,  sort  pour  se  procurer 
kas  collections  des  annees  auteiieurei  ,  de  1819  a  1&J9  jnclustvement. 


AUX  LIBRAIBEi  ET  AUX  £DiTEURS  D'oUV&AGEg,  MMJJ&tg&t 
ET  EH  1TAXIE. 

M.  Zmr.fcs,  librahc  a  Leipzig,  et  M.  G.  Piatti,  libraire  4  Floreaee , 
«mt  diargos  deTecevuirot  de  nous  faire  parvenir  les  ouwages  publics  ea 
Allemagne  et  en  Itatie ,  que  MM.  les  libraires,  les  editeur*  et  les  aufceors 
deeireront  ratre  aaooocer  dans  la  Revue  Er.cyclopedique. 


Tom  les  ocrrsges  aononces  dans  Ja  Jiewe  se  tTi>u7£ttt  &ki 
Siniuor,  LitBj.ua,  xu£  de  1'Odeon,  n*  3o, 


S0USCRIPT10N. 

La  Bavttc  Erieyclopcdique  pa  Wit  mensucllemcit,  depuh  Janvier  1819, 
parcatuers.de  12  a  rj  fettiUcs'd'i'nipressJon;  Troiscahiers  formenl  tmvo- 
lumu,  termiue  par  une  Table  analytiquc  et  alphabetiquc  des  matidres. 

Chaqnc  annee  est  Lndepcndantc  des  annces  precedentes,  et  c-QYe  unc 
sorte  d  Annuairc  scienlijiquc  ct  litterairc,  en  4  volumes  in-S°. 

Prix  de  t'Abonnemcnt. 

A  Paris. 4G  fr.  pour  un  an  ;  26  fr.  pour  six  inois. 

Dans  les  departemcns.  53  00 

A  1'ctraDgcr 60  34 

En  Anglelene 7  5  42 

A  purlir  du  1"  Janvier  ou  du  i«  juillet. 

Le  montant  dc  la  snuscription ,  envoye  par  la  poste,  doit  ftrc  adresse 
d'avance,  fba.ic  db  port,  ainsi  quit  la  corresportdance ,  au  Direcleur  dc 
la  Revue  Encyctoptidique,  rue  d' 'Enfcr-Saint-Michct ,  n"  18.  G'esl  a  la  meme 
adresse  qu'ou  devra  envoy ev  les  oftvrages  de  tout  genre  et  les  gravities 
qu'on  voudra  lake  aunonccr,  ainsi  que  les  articles  dont  011  desirera  lln- 
sertion. 

On  souscrit  aussi  a  Paris,  chez  ks  libruires  ci-apres: 
TaKOTTBr.  et  Wubtz,  rue  dc  Bourbon,  n°  17; 
Ghahlbs  Bschbt,  quai  des  Augustiiis,  n°  55  ; 
Rer  et  Ghayieh,  quai  des  Augustins,  n°  55  ; 
A  la  Gaiebik  pb  Bossakgk  perc ,  rue  Richelieu,  u«  60; 
Boret,  rue  Haulefeuille,  n°  12  ; 
J.  Rexocakd,  rue  de  Tournon,  n°  6. 

On  souscrit  aussi  chez  tous  les  Directenrs  des  postes,  ct  chez  les  prin- 
cipaux  Libraires,  dans  les  departemens,  et  dans  les  colonies. 

LiBRiiRES  chez  lesguels  on  souscrit  dans  les  pays  etrangers. 


Amsterdam,  Delacbaux. 

Anvers,  Ancelle. 

Arau  (Suisse),  Sauerlander. 

Berlin,  Schlesinger. 

Berne,  Clias;  —  Bourgdorfer. 

Breslau,  Kcygel. 

BrucceUei  ,  Bujardin  -Sailly ;  — 
Dcmat ;  —  Horgnies-Benie  ;  — 
Librairie  parisience,  i'raneaisc  et 
ctrangere.  *  ■ 

Florence,  Piatti;  — Vieusscux. 

Fiuncfort  -  sur  -  Mcin,    Jugel. 

Hand,  Yamicnkerckoven  fils. 

Ocnive,  Cherbuliei;  — Barbczat 
et  Delaine. 

La  Have,  les  frercs  Langenhuyscn. 

Lausanne,  Fischer. 

Leipzig,  Brockbaus;  —  G.Zirges. 

Liege,  Dcsoer; — Colardin. 

Lisbonne,  Paul  Martial. 

Londres,  V.  Rolandi;  —  Dulau  et 
O  ;  —  Treuttcl  ct  W'urtz;  — 
Bossange,Bartliez,LovvcllciC 


Madrid,  Dennee;  — Peres. 
Manheim ,  Artaria  ct  Fontaine. 
Milan,  Gicgler;  Vismara ;  Bocca. 
Mont,  Le  Boux. 

Moscou,  Gautier; — Riss  pereetfils. 
Naples ,    Borel ;    —   Marotta    et 

Wanspandock. 
New-York  (Btats-Unis),    Foreign 

and  classical  bookstore;  —  Bu- 

rard  et  Mondon. 
Ayi in cllc  -  Orleans  ,    Jourdan;    — 

A.  L.  Boismare. 
Palerme  (Sicile),  Pedonne  et  Ma- 
ra tori ;  —  Bti'iif  (Gh.). 
Pctersbourg,  F.  Bellizard  et  C'S— 

Graeil';  —  Pluchart. 
Rome,  de  Bomanis ;  —  Merle. 
Stuttgart  et  Tubinguc,  Gotta. 
Turin,  Bocca. 
Varsovic,  Glucksberg. 
Vimne   (Autriche),   Ger'old ;   — 

Schaumbourg  ;  —  Scliaibaclier, 


JMFRIMERIE   DE    fLhAShS    ET   C'%    HTE     DE    VACI 


ANALYSE  RAISONNEE 

DES   PRODUCTIONS  LES  PLUS  REMARQUABLES 

DANS  LA  LITTERATURE,  LES  SCIENCES  ET  LBS  ARTS} 
PAR  UJWB  REUMON 

BE  MBWBRES  DE  L'iRSTHXT  ET  d'aTJTRES  HOHMES  DE  LETTRE6. 


A  PARIS, 

AtJ  BUREAU  DE  LA  REVUE  ENCYCLOPliDIQUE, 

Et  chez  SEDILLOT,  libraibe,  rcb  de  l'odeoh,  «t°  3o; 

ARTHUS  BERTRAN&,  ebb  hmjibfsvhui  ,  n«  >3. 

JWN  1830. 


NOMS 

DES   COLLABORATEURS 

ET  DES  CORRESPOKDANS,  FRAA'GAIS  ET  ETRANGERS. 


J"  Pour  les  Sciences  physiques  et  maihematiques  et  les  Arts  indtislriets: 
MM.  Bailly  dk  Mbrueix,  Casasbca,  de  Madrid;  Ch.  Unix,  Giraed, 
Natikb,  de  l'lnstitut ;  J.  J.  Babdb,  Dibrchfal't,  H.  Dussabd,  Fb«ey, 
Fbascoblb,  Ad.  Gondinbt;  D.  Lardher,  dc  Londres;  A.  Micbelot, 
be  Mobtceby,  Moheao  db  Jorkks;  Quktelet,  de  Bruxclles;  ,T.  Richard; 
Warden,  des  Fjats-TJnis  d'Amerique,  etc. 

a»  Pourlcs  Sciences  naturctlcs :  MM.  Flouhkks,  Geoff  boy  Saiht-Hilajbb, 
de  l'lnstitut;  Buby  de  Saist-Vijicbkt,  conespondantde  l'lnstitut;  Mathiru 
Bohafoos,  de  Turin;  B.  Gailloh,  de  Dieppe;  Isidobb  Geoi  froy  Sajnte- 

HlLAIBE,  HuOT,  etC. 

3°  Pour  les,  Sciences  medicates  :  MM.  Dashboji,G.-T.  Dojjj  ,  Fossati, 
Gasc;  Gersoj* ,  deHambourg;  de  Kihckhoff,  d'Anvers ;  Loysss;  Ri- 
collot  ills,  d*  Amiens,  etc. 

4°  Pour  les  Sciences  phitosopluques  et  morales,  politiques,  geographique* 
ct  historiques  :  MM.  M.  A.  Jillies  ,  de  Paris  ,  Fondateur-Directeur  de  la 
Revue  Encyctopidique;  Arth.  Bblt.not,  Ad.  Blahqdi;  Alex,  de  la  Bobde, 
Jouahd,  de  l'lnst. ;  M.  Ave^el,  Babbie  do  Bocagb  Ills,  Bekjaatik  Cons- 
taut,  Cn.  Gomtb  ,  Depfikc  ,  Dlfau,  Dlnoyer,  Ciigmadt,  A.  Jalbebt, 
J.  Labouderib,  Laichjisajs,  P.  Lami,  Isidore  Lebrlk,  Lesuefr-Mebli:?, 
Massias,  Albert-Mowtkmoht,  Ei/skbe  Salvbbte,  J. -15.  Say;  Siuokdb  de 
Sismokdi,  de  Geneve;  Wabneoehig  ,  de  Liege,  etc.;  Dupin  nine; 
Beevillb,  Boccbenb-Lbfsb,  Pareht-Rbal,  Ch.  Reaoijard,  Taillakdieb, 
avocats,  Vidalrbe,  du  Perou,  etc. 

5°  Pour  la  Litteraiure  franraise  ct  e-lrangere,  la  Bibliographic,  VArckeo- 
logic  et  les  Beaux-Arts :  MM.  Andb>eux,  Ajiacby-Doval,  Emkric  David, 
Lemeecier,  de  Segue,  de  l'lnstitut;  Alloc;  Andrtei'X,  de  Limoges; 
Ma*  L.-Sw.  Belloc;  MM.  Blbkouf  Cls,  Chauvet;  Chiabiki,  de  Varso- 
vic;  P. -A.  Coopis  ,  Fb.  Degbobgb,  Dumbbsah;  Ed.  Gaottibr-d'Arc  ; 
Ph.  Golbbbt,  correspondant  de  l'lnstitut;  Leon  Halevy  ,  Henrichs, 
E.  IIkbbab,  Al'Gdste  Jdllibic  fils,  Bbbkabd  Julliek;  Kalvos,  de  Zante; 
Adbies-Lapahcb  ,  J.  V.  Leclerc,  A.  Mahil.  Mokglavb  ;  Mohxard,  de 
Lausanne;  C.  Pagakil^  H.  Patih,  Aksblmb  Petetin,  Porcerville,  de 
RsiFrEHEEBG ;  de  Stassaht,  dc  Bruxellcs;  Fa.  Salfi,  Schnitzler,  Se»- 
vaj»  dbSuchy;  LeohThiesss,  P.  F.  Tissot,  "VicuiEn,  Vjllbsate,  etc. 


REVUE 

ENCYCLOrEDIQUE. 

ou 

ANALYSES  ET  ANNONCES  RAISONN^ES 

«ES   PRODUCTIONS    LES    PLUS    EEMAHQCABLES 

DANS  LA  LITTERATURE,  LES  SCIENCES  ET  LES  ARTS. 


L  MEMORIES,  NOTICES, 

LETTRES  ET  MELANGES. 


DE  L'ABOLITION  GRADUELLE  DE  L'ESCLAVAGE 

DANS  LES  COLONIES  ETROPEENNES, 

Et  notamment  dans  les  colonics  francaises , 

Considerie  d  la  fois  dans  I'intevet  des  esclaves^  des  maitres,  des 
colonies  et  dos  Metropoles. 

PREMIER    ARTICLE. 

L'histoire  de  cette  question  est  I'hisloire 
de  toutes  les  questions  de  justice  et  d'hiima- 
nite.  Quand  elles  ont  ele  proposees,  elles  out 
rencontre  tin  nombie  considerable  d'oppt- 
sans;  et,  lorsque  leurs  effetsont  eti  bien  con- 
nus,  elles  ont  oblenu  rassentiment  universel. 

(Philips,  Discours  a  la  Chambre  des  Com- 
munes, session  de  1S26.) 

Le  nouveau  tribut  que  nous  venons  offrir  a  cette  contro- 
verse  vive   et  animce  dont  l'esclavage   colonial   est  depiiis 
T.  XLVl.  Jf«N  i83o.  54 


55o  DE  L' ABOLITION  GRADUBLLE 

long -tems  l'objet  en  Europe   n'est  ni  base  Stir  les  TRcmc* 

princMoeS)  ni  traite  d'apres  la  meme  mcibode  que  la  plupart 

des  edits  qui  I'ont  precede.  Le  sujet  s'est  presente  a  nos  re- 
gards sous  un  aspect  que  nous  oserions  presque  dire  nouvcau. 
En  effet,  nous  ccartant  cntiirement  du  mode  d'examen  qui 
consiste  a  envisager  l'esclavage  d'une  manicrc  generate  et 
speculative,  a  rechcrchcr  la  nature  ct  1c  fondement  dc  cetle 
institution  sociale  (s'il  est  permis  de  lui  donner  ce  litre),  a 
faire  connaitre  les  modifications  qu'eile  a  subies  chcz  tous  les 
peuples,  nous  nous  sommes  bornes  a  considerer  exclusivcment 
l'esclavage  colonial,  a  en  ofl'rir  un  tableau  tout  subslantiel,  tout 
compose  de  faits  posi  til's  et  concluans,  ct  d'ou  resultat  la  ne- 
cessite pressante  de  l'abolir.  Nous  avons  concentre  tous  nos 
efforts  sur  le  systcmc  considers  dans  ses  effets  actuels ;  nous 
I' avons  tourne  dans  tous  les  sens,  examine  sous  toutesles  faces; 
nous  avons  puise  en  lui  des  armes  pour  le  combattre ,  et  fait 
en  sorte  qu'il  portut  lui-meme  son  propre  arret  de  condam- 
nation.  En  unmot,  on  s'etait  surtout  efforee  de  presenter 
l'esclavage  des  noirs  comme  contraire  a  tous  les  droits  ;  nous 
avons  fait  voir  qu'il  est  contraire  a  tous  les  intercls.  On  avait 
reussi  a  prouver  qu'il  est  criminel ;  nous  avons  demontre  qu'il 
est  absurde.  Ce  travail  se  trouve  par  la  suflisamment  carac- 
terise. 

Peu  de  mots  suffiront  pour  en  devclopper  le  plan.  II  sem- 
blait  qu'avant  de  prononcer  ,  et  pour  pouvoir  prononcer  en 
connaissance  de  cause  sur  le  regime  de  l'esclavage,  il  fallait, 
d'abord,  constater  ce  qu'est  actuellement  ce  regime.  Dans  ce 
but,  nous  avons  commence  par  offrir  un  resume  fidele  et  im- 
partial de  l'etat  oil  se  trouve  aujourd'hui  la  population  agri- 
cole  de  nos  colonies,  soit  d'apres  la  loi  faite  pour  ellc ,  soil 
d'apres  Vusage  qui  en  differe  si  frequemment. 

La  constitution  actuelle  de  l'esclavage  etant  ainsi  suffisam- 
ment  connne  et  averee,  nous  avons  successivement  examine 
ses  resultats  sous  tous  les  rapports  possibles  et  conclu  dc  ret 
cxamen  1'imperieuse  necessite  del'aliolir;  et,  comme  il  est 
arrive  quelquefois  qu'en  accordant  cetle  necessite  on  alleguait 


DE  L'LSCL/VVAGE.  55i 

tine  imfposgibilite  materielle  tiree  <le  la  nature  memc  des  chose?, 
nous  avons  fait  voir  que  ce  n'est  la  qu'une  croyance  erronee, 
qu'un  prejoge  qui  cede  a  nn  examen  approfondi.  Enfin  ,  ju- 
geant  qu'il  ne  suffisait  pas  d'avoir  prouve  que  1'esclavage  doit 
etre  delimit,  mais  qu'il  fallait  montrcr  comment  il  pent  1'clre, 
nous  avons  termiue  en  indiquant  la  marche  qui  nous  parait 
devoir  etre  adoptee  pour  consommer  cetle  grande  revolution, 
sans  s'ecartcr  du  respect  du  a  la  propriete  privee ,  sans 
coinpromettre  le  maintien  dc  la  paix  publique  dans  les  co- 
lonics. 

Le  travail  s'est  trouve  ainsi  divise  en  trois  parties,  dans  les- 
quelles  on  ctablit  succcssivement  : 

i"  Quelle  est  la  condition  actuellc  des  esclaves  d'apres  la  loi 
el  I'usage  des  colonies; 

2°  Qu'il  resulle  de  la  condition  acluelle  de  1'esclavage  colo- 
nial qu'il  est  necessaire  de  l'abohx,  et  que  cette  abolition  pent 
sc  concilier  avec  l'existenec  des  colonies; 

5°  Quels  sont  les  rnoyens  a  prendre  pour  opercr  l'abolilion 
graducile  de  1'esclavage. 

La  composition  de  ce  Memoire  a  exigc  plus  de  peines  et  dc 
soins  qu'onne  pourrait  le  croire,  a  cause  du  grand  nombre  dc 
sources  ou  il  a  lallu  en  puiscr  les  materiaux.  Nous  avons  la- 
che  de  le  rendre  aussi  complet  que  possible.  Au  surplus,  e'est 
une  pensee  plus  baute  que  le  desir  de  meriler  d'honorables 
suffrages  qui  a  excite  notre  zele  et  soutenu  nos  efforts;  l'es- 
poir  que  peut-etre  il  pourrait  concourir  a  faire  adopter  une 
utile  et  glorieuse  re  forme,  que  tout  au  moins  il  donnerait,  dans 
un  lieu  ou  dans  un  autre,  l'idce  d'un  bienfait  auquel  on  ne 
songeait  pas,  qu'il  pourrait  en  resulter  des  ameliorations  dans 
le  sort  de  quclqucs  malheureuscs  creatures  d'une  contree  loin- 
taine;  cette  pensee  a  efface  toutes  les  autres ;  elle  nous  emeut 
encore  profondement  :  e'est  assez  dire  que  nous  avons  eu  bien 
plus  en  vuc,  dans  ce  travail,  une  bonne  action  qu'un  bon  ou- 
vraae! 


DE  L'ABOLITION  GIUDUELLE 

PREMIERE    1'ARTIE. 

Condition  des  enclaves  iCapres  la  loi  et  C usage  des  colonies. 

§  I".  Dans  les  colonics  francaises.  —  La  legislation  coloniale, 
en  malierc  d'esclavagc  ,  a  encore  pour  base  fondamcnlale 
dans  nos  etablissemcns  l'ordonnancc  celebre  dc  i(i85,  contre- 
signee  Colbert,  et  connue  sous  le  titre  de  Code  noir  (i).  La 
condition  des  esclaves  s'y  trouvc  ainsi  reglee  : 

Les  mailrcs  doivent  i'aire  instrnire  leurs  esclaves  dans  les 
principes  du  christianisme,  et  leur  pcrmettre  dc  prendre  part 
aux  exercices  religieux;  tout  travail  doit  cesser,  depuis  I'heure 
dc  minuit  du  samedi  jusqu'au  minuit  suivant. 

Lc  concubinage  avec  uneesclave  est  interclit,  sous  peine  d'a- 
mende  ;  les  enfans  cjui  en  sont  issus  ne  peuvenl  etre  afl'rancbis 
que  par  l'union  du  pcre  avec  sa  concubine,  laquelle,  en  ce  cas, 
vsl  tenue  aft'rancbie,  et  ses  enfans  liljres  el  legitimes.  L'enfant 
suit  toujours  la  condition  de  sa  mere. 

Les  esclaves  ne  peuvent  sc  marier,  sans  la  permission  dc 
leurs  maitrcs;  mais  ceux-ci  ne  peuvent  les  marier  contre  Icin- 
gs. 

La  quanlile  de  nourriture  et  l'espece  des  vetemens  que  les 
maitres  doivent  a  leurs  esclaves  sont  fixes.  II  est  del'endu  dc  so 
dclivrer  de  ce  soin,  en  accordant  aux  esclaves  certain  jour  de  la 
semaine  pour  travaillcr  a  leurcompte.  Encasd'int'raction  de  la 
part  des  mailres  ou  de  traitemens  barbares  et  inbumains,  les  es- 
claves ont  droit  de  recoursaupres  du  procurcur-general,  lequel 
est  tenu  de  poursuivre. 

Les  maitres  peuvent  encbainer  leurs  esclaves,  et  les  faire 
battre  de  cordes  ou  de  verges ,  mais  non  leur  faire  dormer  la 
torture  ou  les  mutiler  dans  urt  de  leurs  memhres,  sous  peine  de 
confiscation  dudit  esclave. 

(i)  Morcau  de  Saint-Merry.  Lois  el  Constitutions  des  Colonics.  In -4", 
ton),  I. 


DE  LESCLAYAGE.  533 

Les  esclavcs  malades  ovi  infiimes  reslcnt  a  la  charge  de  leurs 
natures.  Ilest  ordonnc  a  tout  possesseur  d'csclaves  de  les  gou- 
"verner  cu  bon  pert*  de  famille. 

Les  esclavcs  ne  pen  vent  rien  posseder,  ni  fairc  aucune  dis- 
position quelconque;  ils  sont  meublcs,  et  leur  condition  est 
generalement  reglee  conime  cellc  des  autres  objets  mobi- 
liaires.  Ils  ne  peuvent  etre  admis  conime  arbitres,  ni  comme 
lenioins.  Observons,  quant  au  temoignage,  qu'il  fut  reconnu 
postcrieurcment,  que  la  plupart  des  debts  coinmis  dans  les  ha- 
bitations resteraient  iinpunis,  si  Ton  appliquait  rigourcusc- 
ment  le  principe  ;  le  temoignage  des  esclavcs  fut  done  admis  ; 
mais  en  aiicun  cas  centre  leurs  ma'dres.  Cette  regie  a  ete  gene- 
ralement suivie  dansnos  colonies;  la  Gourde  cassation  l'a  for* 
mellcmeut  consacree  en  1828. 

Les  esclavcs  ne  peuvent  intenler  aucune  action  en  justice, 
lis  sont  juges  d' apres  les  formes  et  par  les  magistrals  ordi- 
naircs;  ils  jouissent  du  droit  d'appel  au  conscil  souvcrain; 
ee  droit  fut  dans  la  suite  rest  rein  t  aux  cas  de  mort  ou  dejarrcls 
eoupesr 

L'esdave  qui  a  fiappe  son  maitre  ou  quelqu'un  des  siens 
avec  contusion  et  effusion  de  sang  ,  an  visage,  sera  puni  tie 
mort.  La  meme  peine  pout  egalemeut  lui  etre  infligce,  suivant 
les  cas,  pour  violences  covers  des  personnes  fibres. 

Nous  reviendrons  ailleurs  sur  les  dispositions  relatives  aux 
affranchissemens. 

A  cctte  loi  nous  devons  ajouter  l'oidonnance  porlec,  un 
Steele  apres,  par  Louis  XYI,  en  1784,  et  qui  contient  plusieurs 
dispositions  en  faveur  des  eselaves. 

Get  acte,  apres  avoir  micux  specific  les  heures  de  rcpos 
accordees  aux  esclavcs,  les  jours  de  fetes  et  dimanches,  statue 
qu'il  sera  alloue  a  ebacuu  d'eux  un  petit  terrain  qu'ils  cultive- 
ront  dans  leurs  loisirs,  et  dont  les  produits  tourneront  entie- 
lement  a  leur  aisance personnelle. 

II  doit  etre,  en  outre,  ctabli  sur  les  habitations  des  terrains 
suflisans  en  vivres,  ainsi  qu'un  hopital  acre  et  raeuble  de  lit- 
pour  les  malades  et  les  iufirmes. 


531  DE  L'ABOLITION  GRADliKLLK 

II  est  defendu  de  laisscr  coucher  les  eselaves  par  tcrrc. 

Les  femmes  enceintes  et  les  nourriccs  ne  seront  assujclties 
qu'a  un  travail  modcre  :  les  meres  de  six  enfans  soul  cxemples 
d'un  jour  de  travail  par  scmainc,  pour  la  premiere  annee;  de 
deux  pour  la  deuxienic,  et  ainsi  de  suite-,  jusqu'a  ce  qu'cllcs 
soienl  exomptes  de  toute  espece  de  travail. 

Le  nonibre  des  coups  do  fouct  infliges  commc  chalimcnl  est 
limile  a  cinquante. 

Les  procurer,:*  ou  eoonornes  des  habilalions  peuvent  tire, 
snivant  les  cas,  revoques  de  ktirs  fonclions,  condanmes  a  des 
amondes,  memo  A  la  peine  de  inort. 

L'annee  suivante,  sur  quelques  representations  des  colons, 
une  nouvelle  ordonnance  enjoignit  aux  eselaves  de  porter 
respect  et  obeissancc  aux  personues  p;  eposees  sur  cux,  commc 
a  leurs  mailres  menies;  mais  tout  en  spocifiant  qu'il  ne  I'allait 
qualifier  d'insubordination  les  justes  ptaintes  des  eselaves  tou- 
e'nani  la  now  riture,  les  traitcmens  abusifs. 

Ainsi  se  trouva  (ixec  la  condition  legale  des  eselaves;  la 
revolution  vinl  changer  cet  ordre  dc  choses.  L'esclavage  Cut 
Jtboli  dans  tonics  nos  colonies  par  la  Convention  nationale ; 
mais  le  gouvernement  consuiaire  se  hala  d'annuler  cet  acte  de 
la -Convention,  et  la  loi  du  5o  prairial  an  X  y  rclablit  tout  sur 
le  pied  de  1789.  La  rcstauraiion  n'ayant  point  abroge  cette 
b>i,  il  en  resulte  que  l'esclavage  exi.sle  a  present  dans  les  colo- 
nies francaises,  tel  qu'il  a  etc  eonstitue  par  les  acles  dc 
Louis  XIV,  Louis  XV  et  Louis  XVI ;  dcsorleque,  pour  ce  qui 
concerne  les  eselaves,  notre  revolution  pent  absolumcnt  etre 
consideree  coinme  non  avennc  (1). 

On  peut  ranger  dans  deux  classes  les  dispositions  legisla- 
tives que  nous  venous  d'enumerer.  I.es  unes  sont  des  mesures 
de  protection  en  t'aveur  des  eselaves,  lesautres  sont  des  mesures 
de  rigueur  destinees  a  garantir  centre  eux  la  securite  des  plan- 

(1)  II  est  mrme  a  reniaiquer  que  les  ordonnances  cle  Louis  XVI,  lie 
ijf>{  Ct  17S5,  no  sn:il  pas  inseiees  dans  le  Code  ofliriel  de  la  Martinique; 
Ce  qui  pionve  qn'elles  ne  sont  point  eonsideieej  comma  elan!  acluello 
men  I  en  vigneur  dan?  les  Antilles  fcancaises. 


DE  L'ESCLAVACE.  555 

tcurs.  Or,  lout  prouve  que,  dans  la  pratique,  si  les  dcrnicres 
ont  conslamment  ete  executees  avec  le  soin  leplus  scrupulcux, 
tt  quelquclbis  meme  iniquement  outrepassees,  les  premieres, 
au  conlraire,  ont,  dans  tons  les  terns,  ete  presque  toujours 
mises  en  oubli,  oa  violees  avec  impudeur. 

En  1788,  MALOUETreconnaissait  (1)  que  les  ordonnances  et 
les  lois  qui  protegeaient  les  esclaves  etaicnt  tombces  en  desue- 
tude, et  que  tout  etait  d  peu  pres  d  la  discretion  du  maitre.  Un 
ecrit  plus  recent,  que  recommande  hautement  la  position  de 
son  nuteur  (2),  porte  :  «  quanta  l'article  du  Code  noir  quipres- 
crit  de  donner  aux  esclaves  deux  rechanges  par  an ,  il  n'y 
a  pcut-etre  pas  deux  habitations,  dans  toules  les  colonies,  oi'i 
telle  sage  loi  ait  ete  suivie.  »  II  en  rcsulte  qu'ils  sont  presque 
nus.  En  outre*  ilsn'ontpour  la  plupart  ni  lits,  ni  matelas,  etc.; 
et  e'est  par  suite  de  l'liumidite  du  solsur  lcquel  ils  coucheut 
qu'im  Iris-grand  nnmbre  mctiient  de  la  poilrine,  dans  un  pays 
oi'i  jamais  les  blaucs  ne  sont  poitrinaires  (p.  iG5).  II  peril  un 
grand  nonibre  d'enf'ans,  parte  que,  la  nuit,  ils  coucbent  tins 
sur  la  icrre,  et  qu'on  ne  leur  donnc  jamais  rien,  ni  pour  les  vetir, 
ni  pour  les  nourrir.  Dans  les  hopilaux  les  plus  renonimes ,  les 
Noirs  malades  ne  sont  couches  que  sur  des  (its  de  camp  ;  ficu- 
reux  s'its  ont  une  ntd/e  en  jonc  pour  se  couvrir  !  Lc  maitre  n'est 
pas  moius  l'arbitre  absolu  de  la  nourriture;  ellc  depend  enlie- 
rcment  de  la  quanlite  de  terrains  qu'il  a  consacrec  aux  vivres 
et  de  la  reussile  de  ccs  plantations.  L'esclave  ne  recoil,  la 
plupart  du  terns,  que  quelques  palates  et  un  pea  d'eau;  el,  si,  la 
nuit,  la  faim  le  force  a  aller  marronncr  quelques  subsistances, 
il  est  taille  (fuuette),  le  leudemain.  «  Que  de  fois  j'ai  vu,  a 
rinstantdu  dejeuner,  des  Noirs  nc  pas  avoir  une  palate,  et  rester 
sans  manger  (  p.  204  )!  Quant  aux  chalimcns,  ils  ont  pu 
quelquelbis  ft  re  pontes  jusqu'a  cinq  cents  coups  de  fouet  distri- 
bute par  deux  commandeurs  a  la  fois,  et  souvent  recommen- 

.  (1)  Memoire  sur  les  Colonics,  pag.  5G. 
(2)  Dei  Colonics,  cl  parliculieremcnl  dc  Saint-Doininguo,  par  1«.'  colonel 
Malemmxt,  aiicic!)  colon.  Tails,  1S1J. 


556  DE  L'ABOLITION  GRADUELLE 

cos  le  lendemain  (p.  17/1).  »  Co  chatiment  peut  etrc  infligo  A 
tout  propos.  <iJ- aivu plutsieurs  fois,  dit  I'aulcurd'uneciitrecem-' 
incut  public ,  <|ui  a  passe  vingl  ans  dans  nos  diverges  colo- 
nics (1),  un  Noirbatlu  jnsqu'an  sang  pour-  avoir  casse  tin  verr* 
011  mat  lave'  une  assictte.  J'ai  enlendii  les  cris  d'nn  mallicureux 
sounds  pendant  plusicurs  jours  an  supplicc  du  fouct,  parce 
qu'il  avait  oubiic  d' arrow  les  radis  de  son  maitre  (p.  5i5).  » 
L'autew  aflinne  qnc  les  ordonnanees  de  Louis  XIV  et  de 
Louis  XVI  sunt,  en  ce  qui  concerne  les  traiteniens,  enticre- 
mcut  dedaignees,  et  que  chacun.chatic  ses  esclaycs,  sans  avoir 
d'autre  limile  que  sa  volonle. 

L'espece  el  la  duree  du  travail  sont  fixees  au  gre  du  maitre,  du 
gerant,  ou  meine  du  commandeur  ;  ce  travail  est  presque  tou- 
jours  excessif  et  susceptible  d'epuisef  les  forces  des  travail- 
leurs.  Un  ancien  colon  de  Saint- Domiiigue,  du  rcste  parti- 
san zelede  l'esclavage,  fait  Paveu  que  e'est  la  piincipale  cause 
tie  la  mortalite  parini  les  esclaves  (2).  «  J'ai  souvent  gemi-, 
dit-ii  (p.  3j7),  de  la  grandeur  du  travail  dans  les  sucreries. 
Dans  les  terns  de  la  roulaison,  les  esclaves  ont  a  peine  quel- 
qnes  minutes  de  repos ;  les  ouvriers  des  moulins  et  ceux  de 
la  sucrerie  y  sont  attaches  vingt-quatre  futures  de  suite  :  ceux 
iini  sont  aux  champs  viennent  les  retayerd  mimdl.  Tons  y  pas- 
sent  tonr  a  lour;  et,  quand  i'atelicr  n'est  pas  nomhreux,  il  y 
i'acU  revenir,  un  jour  sur  trois.  Ainsi,  la  rouiaison  s'effecluant, 
sans  discoatinuer,  du  lundi  au  samedia  minuil,  l'esclave  passe 
Iiuit  jours  dans-  un  travail  force,  sans  dormir  (p.  378). 

»Les  femmes  travailient  quelquofois  jusqu'a  la  veille  de 
l'accouchement;  et,  quant  au  repos  du  dimanclie,  il  est  en- 
tierement  loisible  au  maitre  d'en  priver  ses  esclaves,  et  de  les 
Cairo  travailler,  ce  jour-la,  si  bon  Lui  semble  (5).  » 

(1)  Precis  lii.slorif/tie  de  hi  Traitc  cl  de  t'Eschtvagc ,  par  M.  Mfi- 
hknas,  ex-employe  an  Senegal  en  qnalile  d'agricultcur-botaniste.  In-8", 
18,6. 

(2)  M.  Babrv-Saint-Vekant.  —  Des  Colonics moderncs  sons  hi  Zone 
torride,  etc.  1  vol.  in-8",  1S02.  » 

(7))  MOHENAS,   p.    J~~>. 


DE  L'ESCLAVAGE.  5r>7 

Dans  un  lei  etat  de  choscs,  il  nc  faut  pas  demander  ce  que 
pent  elre  ^instruction  religicuse.  La  pFupait  des  esclaves  sont 
baptises;  mais  lcur  croyance  ne  consisle  qu'en  nne  bonteuse 
superstition.  Malottet  (i)  avouequ'ils«  n'ont  aucune  idee  de 
la  religion,  et  qu'ilsy  indent  loutes  les  extravagances  descul- 
tes  idolatres.  On  ne  pr  end  nil  e  terns,  ni  la  peine  de  les  instruire; 
et  lenr  vie,  si  penible  d'ailleurs,  se  passe  dans  cet  abrutisse- 
ment  pitoyable.  Temoins  des  dereglcraens  des  pretres,  etc.  » 
Ce  temoignage  est  continue  par  celui  d'ecrivains  plus  re- 
cens  (2)  qui  alTirment  que«  le  plus  grand  nombrc  des  esclaves 
ue  sont  reellcment  Chretiens  que  de  noni.  » 

Un  libertinage  sans  l'rein  est  le  seul  dedommagement  laisse 
aux  esclaves  pour  prix  de  1'etat  d'abrulissement  dans  lequei 
on  les  main tient.  Les  manages  sont  rares  parnii  eux.  Les  mai- 
tres, loin  de  les  favoriser,  y  mettent  obstacle ,  sous  pretcxte 
qu'ils  ne  disposent  plus  de,  leurs  personncs,  ni  de  celles  de 
fours  enfans  avec  autant  de  facilite,  quand  ils  sont  unis  eritre 
eux  par  ce  lien  sacre.  «  La  disposition  du  Code  noir,  dit  un 
eciivain,  apologistc  modere  de  l'esclavage ,  qui  defend  aux 
maitres  d'abuser  de  leurs  negresses  n' a  jamais  cle"  executee,  et 
elten,apu  I' elre  (5).  » 

Quanta  ('administration  de  la  justice,  relativement  aux  es- 
claves, on  a  ecrit  qu'elie  n'est  qtCun  abus  scandaleux  de  C ar- 
bitrable le  plusreroltant  (4);  on  peut  consulter,  pour  s'en  con- 
vaincre,  les  collections  qui  presentent  les  arrets  des  diver- 
ses  cours  coloniales  jusqu'a  ces  derniers  terns.  La  on  voit  des 
esclaves  condamnes  a  etrc  pendus  et  Strangles  pour  propos  se- 
dilieux,  011  Lien  pour  avoir  porte  la  main  sur  un  Idanc  ;  et,  d'une 
autre  part,  des  maitres  punis  d'une  amende  en  sucre,  et  de 


(1)  Mcnioires  sur  les  Colonics.  T.  iv,  p.  545. 
(s)  Malenfant,  p.  227,  etc. 

(T>)  IliLLiAHD- D'AuBiiBTEiiL.  Considerations  sur  la  Coiunic  do  SniiU-Uu- 
minguc.  T.  1,  p.  67. 
(4)  Mohehas,  p.  a4o. 


5$8  DE  L'ABOMTION  GilADUELLE 

quelqucs  jours  de  prison,  pour  avoir  fait  peril"  sous  1c  fouef,, 

mi  lue  a  coups  dc  fusil  lours  esclavcs  (i). 

Un  ancle  du  grand-juge,  du  g  fcvrier  1804,  nous  fail  con- 
nailreque,  jusqu'i  ccttc  cpoquc,  un  scul  jugc  pouvalt  pronon- 
cer  sue  la  vie  des  esclavcs.  Co  n'est  que  depuis  1827  (pie  la 
publicite  des  debuts  a  etc  introduile  dans  les  Antilles,  el  que 
Fesclave  accuse  a  un  defenseur;  mais  il  est  encore  privc  du 
recours  en  cassation. 

Tel  est  l'esclavage  dans  les  colonies  francaiscs.  Toutefois, 
il  fan  I  l'avouer,  lesmoeurs  adouoics  presquc  parloul  ont,  dans 
un  grand  nombre  de  cas  partieuliers,  ameliore  le  regime  qui 
\ient  d'etre  decrit,  ct  multiplie  le  nombre  des  mailres  hu- 
mains,  sans  qu'il  faille  pourtant  s'en  rapporter  a  cct  egard 
aux  temoignages  interesscs  des  colons  et  a  eeux  des  orateurs 
qu'ils  ont  cboisis  pour  defenseurs  dans  nos  assemblies.  En 
oulre,  on  doit  segan.'er,  quand  il  s'agit  des  colonies,  de  pren- 
dre une  idee  absolue  du  regime  qui  est  en  vigueur.  Comme 
tout  y  est  livre  a  l'arbitrairc,  il  en  rcsulte  que  les  fails  pcuvent 
sou  vent  n'avoir  qu'une  importance  locale  et  momenlanee.Ce 
qui  est  cxactement  vrai  pour  telle  colonic  ne  Test  pas  jus- 
qu'au  meme  degre  dans  la  colonic  voisine.  Souvent,  il  sullit 
du  clioix  d'un  gouvcrneur  qui  sait  metlre  I'lunnanile  a  Cordre 
da  jour,  pour  voir  le  sysleme  rapidement  modifie.  Ces  obser- 
vations, que  nous  dictc  l'impartialite  severe  dont  nous  nous 
gomnies  fait  une  loi,  ne  sauraicnl,  au  surplus,  infirmcr  les  as- 
scrlions  qui  precedent,  ct  qui  etablissent  bicn  reellement,  en 
point  de  droit,  cumme  en  point  de  fait ,  la  condilion  dans  la- 
qucllc  ce  xixe  siccic,dont  nous  sommes  tiers,  a,  jusqu'a 
present,  iaissc  les  esclavcs  de  nos  colonies. 

§  II.  Dans  les  colonies  anglalses. — La  legislation  des  cla- 
hlisseuicns  britanniques  en  maliere  d'esclavnge  se  compose 
de  la  loi  consolidec  de  la  Jamai'que,  de  1817;  des  actes  iVamc- 
tiuration  voles  par  les  aulres  iles,  dans  les  annees  subscqucn- 
les,  et  drs  ordres  en  conse.il  portes  par  le  gouverncnienl  pour 

(1)  Muheai'  de  Sai.m-iMe:ihy.  —  IsAMisEnx.  Lois  cl  Ordonnanccs,  etc. 


DE  L'ESCLAVAGE.  53c> 

qtielques  colonics  qui  no  jouissent  pas  ties  formes  representa- 
tives. (Trinite,  Sainle-Lnric,  Dcmcrari).  Nous  avons,  dansnn 
precedent  travail  (voy.  Rev.  Enc,  t.  xlv,  fevrier  i83o,  p.  25g) 
piesente  l'cxposc  des  fails  qui  ont  successivement  am  eric  ccs 
divers  actes;  nousallons  seulement  ici  en  rappeler  la  substance. 
La  loi  de  la  Jamai'que  impose  aux  maitres  l'obligalion  de 
Cairo  instruire  leurs  esclaves  dans  les  prinsipes  de  la  foi  chre- 
lienne  ;  de  leur  accorder  un  jour  surquinze  pour  la  culture  de 
leurs  terrains  a  vivres;  de  leur  donner  un  habillement.  conve- 
nable,  une  ibis  dans  l'annee.  Le  travail  du  dimanche  est  in- 
lerdit;  une  exemption  de  taxe  est  accordee  aux  mailres  chez 
lesquels  la  population  esclavese  serait  accrue;  il  est  defendu 
d'abandonncr  des  esclaves,  devenus  vieux  ou  infii'mes ;  le  meur- 
tre  d'un  esclave  peut  etre  puni  de  mort;  ct  les  traitemens 
cruels,  d'une  amende  ou  de  la  prison  ;  le  maitre  peut,  en  ce 
dernier  cas,  el.  re  declare  incapable  de  po;seder  des  esclaves; 
le  nombre  des  coups  de  fouet  infliges  pour  punitions  dans  le 
scin  des  babilalions  ne  peut  pasdepasser  trenle-neuf ;  le  mai- 
tre ou  gerant  doit  etre  present ;  l'usage  des  colliers  ou  chaincs 
est  aboli  ;  enfin,  l'institution  protectrice  du  jury  est  introduitc 
dans  les  procedures  criminelles  intentees  contre  les  esclaves. 
Les  actes  d'amelioralion  des  autres  iles  sont  en  general  mode- 
less sur  eclui-ci.  Quant  aux  ordres  enconseil ,  ils  instituent  un 
lung'tstiat  protecleur  des  esclaves,  auquel ces  derniers  ont  recours 
en  tftute  circonstanee,  et  qui  surveille  l'execution  des  dispo- 
sitions de  la  loi  en  ce  qui  les  concerne,  l'usage  du  fouet  est 
interdit  aux  surveillans,  comme  signe  d'autorile;  dans  les 
c'lalimcns ,  le  nombre  des  coups  est  restreint  a  vingt  -  cinq  ; 
un  tel  cbatiment  ne  pent  etre  inllige  qu'en  presence  d'une 
personne  libre;  tons  chatimens  corporels  sont  sevcrcment 
interdits  d  I'egard  des  femmes ;  chaque  habitation  doit  de- 
sotmais  avoir  un  regislre  sur  lequel  seront  insorits  lous  les 
cbaiimens  infliges;  1'esclave  qui  veut  se  marier  en  obtient 
I'antorisatioD  du  magistrat,  sur  le  refus  nun  motive  de  son 
mail  re.  Dans  les  venlcs  d'esclavcs,  on  ne  peut  plus  separer  le 
man  de  la  femme,  n't  les  en  fans  au-dessous  de  seize  cms  de  leurs 


S/jo  DE  L'AROLITION  GKAMJELLE 

parens.  L'csclavc  a  la  libre  disposition  de  son  pccule,  <i  pmt 

inlenlcr  en  justice  toule  aotion  afln  dc  fa  ire  respecter  sa 
prop  rib  te  ;  il  a  lc  droit  de  (aire  accepter  a  son  maitre  le  juste 
prix  de  sa  pcrsonnc,  et  de  se  raeheter  ainsi,  de  menie  que  1'uii 
des  >iens;  enfin,  il  peut  fitre  entendu  comme  temoin  en  cer- 
tains cas  ,  et  en  produisant  un  certificat  d'instruclion  reli- 
gieuse. 

Tellessont  les  bases  du  systeme  l£gal  introduij  dans  lescta- 
blisscmensbritanniques  pour  regler  la  condition  des  esclaves  : 
nous  laissons  au  lectcur  a  le  rapprocher  de  eclui  qui  regit 
nos  colonjes. 

Etablissons  maintenunt  la  condition  des  esclaves  sous  l'in- 
flnence  de  ce  systeme  legal.  En  182.5,  un  rapport,  imprime 
par  ordre  dc  la  Cbauibre  des  Communes  (1),  et  qui  etait  le 
resulfat  d.es  recherches  de  deux  commissaires  nommes  par 
elle  pour  visiter  les  colonies,  portait  que  les  esclaves  sont 
actueliement  traites  en  general  avec  la  plus  grande  douceur. 
Les  dispositions  cruellcs  que  coiitiennent  encore  lesloisne  sont 
jamais  mises  a  execution  ;  elles  repugnent  tout-a-fait  aux  sen- 
timens  des  habitans  humains  et  eclaires  qui  constituent  main- 
tenant,  dans  les  principales  iles,  une  mnjorite  considerable,  et 
toujour*  croissanle.  Pendant  environ  \ingt  ans  qu'ont  dure 
lenrs  rccheicbes,  il  n'ont  entendu  citer  qu'un  trcs-pctit  nom- 
bre  de  traits  de  creaute  envers  des  esclaves.  Dans  leurs  fre- 
quens  voyages  an  travers  des  iles,  ils  ne  virent  presque  jamais 
le  I'ouet  011  le  baton  servir  entre  les  mains  des  surveillans  des 
travaux,  antremciit  que  comme  signe  d'autorite.  Ils  ont  re- 
connn  une  disposition  generalc  a  etablir  des  ccoles  pour  pre- 
parer les  esclaves  a  rccevoir  de  nouveaux  adoucissetrrens  a 
ieur  condition  ;  en.'in,  il  leur  pa  rait  que  le  pririeipe  ffamdtio* 
ration  gradncllr  du  systeme  d'eselavage  a  etc  partout  framlic- 
incnt  adiuis. 


^0  First  Report  of  Commissianncrs  on  civil  and  criminal  Justice,  in  llie 

West  Indies,  ordered  liy  the  lluuse  of  Commons  to  be  printed,  5  July, 
•  8a5. 


1)15  L'ESCLAVAGE.  5.',i 

En  1823,  M.  IkiiRE,  membre  de  L'assemblee  legislative  de 
la  Jamaique,  prononca,  an  sujet  des  nonvclles  mesures  propo- 
sees  par  le  gouvcrnement,  un  discours  qui  peut  servir  a  con- 
stater  la  situation  desesclaves  dans  cette  ilc.  L'oratcur  affirme 
que  toules  les  dispositions  protectrices  de  la  loi  consolidee 
sont  religieusement  observees;  que  tous  les  debts  commis  en- 
vers  cette  partie  de  la  population  sont  sevcrement  reprimes; 
que  les  manages  sont  puissamment  encourages,  et  de  jour 
en  jour  plus  nombreux;  que  les  esclaves  jouissentde  la  blue 
ct  pleine  disposition  de  leur  pecute,  lequel  serai t  quelquefois 
une  fortune  pour  un  villageols  du  royaume-uni ;  que  le  desir  de 
favoriser  l'instruction  religieuse  parmi  cette  partie  de  la  popu- 
lation impose  a  l'ile  un  fardeau  de  10,000  liv.  slerl.  par  an  : 
il  est  loin,au  surplus,  de  regarder  le  Code  des  esclaves  conime 
parfait,  et  il  admet  qu'il  est  susceptible  de  recevoir  du  terns 
des  ameliorations  (1). 

En  1824,  l'assemblee  de  la  meme  ile  etablit,  comme  un 
point  de  lait,  dans  son  rapport  sur  les  troubles  dont  l'ile  avait 
ete  momentanement  le  tbeatre,  quaucun  des  esclaves  qui 
avaient  pris  part  aux  complots  n'avait  allegue  pour  sa  justifi- 
cation la  cruaute  ou  l'exigence  de  son  maitre. 

L'accroissement  des  valeurs  possudees  par  la  population  es- 
clave  est  un  fait  qui  atteste  suffisamment  scs  progres  vers  les 
■babitudes  d'ordre,  d'economie  et  de  sociabilite.  Le  montant 
de  cette  propriete  s'est  eleve,  dans  ces  dernieres  anhees,  a  la 
somme  d'un  million  sterling,  pour  la  seulc  ile  de  la  Jamai- 
que,  et  a  2,5oo,ooo  liv.,  pour  la  totalite  de  la  population  es- 
clave  des  Antilles  anglaiscs,  portee  a  700,000  individus  (2). 
II  arrive  quelquefois  qu'un  planteur,  presse  parses  creanciers, 
a  recours  a  ses  esclaves,  qui  lui  pretent  lout  ou  partie  de  la 
somme  dont  il  a  besoin. 

On  trouve  aussi  une  prcuve  de  la  moderation  des  travaux 


(1)  Proceeding/:  of  the  honourable  House  of  Assembly  of  Jamaica.  In-S°, 
1S2S. 

(2)  Tlic  royal  Gazelle  of  Jamaica.  1S26,  n"  i3 


fi/fJ  DE  L'ABOLITION  GRAEUJELLE 

en  general  dans  cettc  observation  que  la  sUpeVitfritd  minie- 
lique  des  famines,  qui  se  faisatl  romarqucr  parnii  la  popula- 
tion csclave,  contrairement  a  unc  des  donnees  do  stalistique 
les  mieux  etablies,  ct  qui  resultait  des  travaux  excessifs  qu'on 
cxigcait  desbommes,  a  etc  a  pen  pres  eflacee  ;  en  1818,  la  po- 
pulation noire  de  la  Jamaique  exalt  portee  a  545,252  indivi- 
dus;  ct,  dans  ee  total,  le  nombrc  des  femmes  n'cxeedait  que 
de  74  sculemcnt  celui  des  honnncs  (1). 

Quant  a  rinstruclionrcligieusc,  on  a  deja  obtcnu  d'heuroux 
rcsultats  de  1'institution  des  deux  eveques  de  la  Jamaique'  ct 
dclaBarbade.  Le  clerge  inferieur  est  plus  surveillu  el  mieux 
dii ige Yersl'accomplissemenlde  ses  devoirs.  L'eveque  dela  Bar- 
bade  debuta,  en  1825,  dans  sa  mission  apostoliquc,  par  unc 
visite  dans  loutes  les  parties  de  son  diocese  maritime.  Le  rap- 
port qu'il  fit,  apres  unc  inspection  detaillee,  I'ut  satisfaisant ; 
il  trouva  parlout  les  planteurs  entierement  disposes  a  contri- 
buer  a  tous  Ics  frais  que  pourrait  cntrainer  l'ereetion  d'eta- 
blissemens  nouveaux.  Ce  meme  pcrsonnage  avait  attenlivc- 
ment  suivi  dcsecoles  etablies  par  lui-meme  a  la  Rarbade  pour 
les  enfansnoirs,  ct  il  rendait  temoignagea  leur  docilile,  a  leur 
aptitude;  il  croyait  qu'on  pourrait  bientot  se  servir  de  ces 
memes  enfans  pour  communiqucr  quelque  instruction  a  des 
negres  adultes  (2). 

11  existc,  depuis  quelques  annees,  a  la  Jamaique,  lirfe  Sociili 
pour  provoquer  laconrersionet  ['instruction  religieuse  desesclaves. 
Cettc  Societe  se  raltaebe  a  une  autre  association  du  meme 
genre  formee  a  Londres.  Un  document  public  en  avril  1826, 
par  le  comite  de  la  Societe,  pour  la  paroisse  de  Saint-Tbomas, 
elablit  que,  pendant  1'annee  1824?  environs  70  chapelains  ct 
catecbistes  ont  ete  employes  par  ellc  pour  porter  rinstruc- 
tion  parmi  les  Noirs,  dans  les  iles  d'Anligoa,  Montf'errat , 
Sainl-Christopbe,  Nevis,  Barbade,  la  Jamaique,  ainsi  qu'a 


(1)  The  Jamaica  Almanack  for  llicycar  1S18,  p.  117. 
(?)  Quarterly  Review,  1825. 


DE  L'ESCLAYAGE.  545 

Dcrnerara,  ct  qu'unesomme  de  5,335  liv.  sterl.  a  etc  consa- 
crec  a  cette  destination. 

De  pareils  comites  existent  dans  d'aulrcs  ilcs.  One  lellre 
adressee  a  Talent  colonial  des  ilcs  Bahama,  en  Anglcterre, 
par  les  dix  commissaires  de  correspomlance  (1),  pent  servir 
a  fixer  la  position  des  esclaves  dans  ccs  ilcs.  Suivant  les  com- 
missaires, la  non  separation  des  families  dans  les  ventcs  d'es- 
claves,  la  libre  disposition  de  lenr  ptcule,  la  fixation  d'uneta- 
clie,  qui  reduit  la  duree  de  leur  travail  a  sept  heures  environ, 
sont  des  usages  universellement  consacres  (p-.  12).  Les  escla- 
ves soiit  diriges  comme  des  ouvriers  ordinaires,  et  le  l'ouet 
ou  la  simple  baguette  que  tienl  le  surveillant  n'esl  qu'un  si- 
gnedc  son  autorile  (p.  17).  Les  disposilions^des  actes  relalifs 
a  l'entretien,  a  la  nourriture,  etc.,  sont  religieuscment  cxecu- 
tees,  ct  il  est  facile,  en  observant  les  esclaves  dans  les  plan- 
tations, de  reconnaitre  qu'ils  n'ont  point  a  se  plaindresousces 
divers  rapports  (p.  18).  L'inslruction  religieuse  a  fait  des 
progres  sensibles  dans  ccs  dcrnieres  annees,  comme  le  con- 
statent  les  rapports  de  la  Societe  ^vesleyenne.  Parini  les  pre- 
dicans  autorises  dans  ces  iles ,  quatre  sont  noirs  (trois  bap- 
tistes  et  tin  anglican  ;  il  est  pen  d'esi  laves  qui  ne  professenl  le 
christianisine;  les  maitres  favorisent  raccomplissement  des 
devoirs  religieux  (p.  19).  Quant  aux  manages,  ils  sont  c'ga- 
lement  secondes  par  les  maitres;  et,  si  la  religion  nelesconsacre 
pastoujours,  e'est  que  les  pretres  de  I'Kglised'Angleterrc  peu- 
vent  seuls  lcssolenniser,  et  qu'il  n'y  en  a  que  deux  pour  cette  co- 
lonic, composee  d'une  chaine  de  70  ilcs  qui  s'etendent  dans 
une  longueur  d'envircn  cinq  cents  milles.  Le  memc  inconve- 
nient a  lieu  al'egard  des  Blancs  fibres;  mais, que  cette  consc- 
cralionait  lieu  ou  non,  on  rcmarque,  en  general,  a  l'ayaritage 
du  progres  des  habitudes  morales  parmi  la  race  noire,  que  le 
contrat  est  rarement  violc,  et  qu'il  n'est  guere  dissout  que  par 
la  mort  (p.  20).  Les  commissaires  enfin  declarent  fonnclle- 
ment  que  les  chatimens  infliges  aux  esclaves,  pour  les  fautes 


(1)  .In  official  letter,  etc.  Nassau  New- Providence.  ln-8°,  jSao. 


5/|4  DE  LABOMTIO.N  GIUDUELLE 

ct  debts  qu'ils  commellent,  sont  doux  ot  nioderes,  si  on  los 
compare  a  ceux  qui  sunt  encourus  pour  les  mcuiesactcs,  d'a* 
pres  la  loi  crimineUe  d'Angleterre. 

En  iSao,  uo  rapport  fait  a  Passcmblee  do  Pile  de  Tabago 
ctablil  que  le  dccroissemcut  annuel  de  la  population  noire  de 
cetle  ile  s'affaiblit  de  jour  en  jour,  et  que  la  diffusion  ct  l'aug- 
mcnlation  de  la  proprietc  parmi  les  Noirs,  dont  Petat  est  gc- 
ueralement  ameliore  sous  le  rapport  de  leurs  demeures,  de 
leurs terrains,  de  leurs  vetemens  et  de  lour  nourriture,  la  di- 
uiinution  des  pratiques  de  magie,  Paffaiblissement  des  cbati- 
mens,  l'abandon  total  des  travauxde  nuitdans  les  habitations; 
constituent,  suivant  l'opiuion  du  comite,  un  proxies  aussi 
reel  et  aussi  rapide  que  le  comporle  la  nature  de  cetle  popu- 
lation noire  qui  consiste  en  partie  en  Africaios  impoites. 

En  i8^5,  le  gouverueur  de  la  Dominique,  eerivant  au  mi- 
nistre  alhrmait  que  les  cselaves  etaient  geiicralement  bien 
traites  et  satisfails,  ct  qu'ils  n'avaient  que  bien  rarciuent  a  sc 
plaindre  de  leurs  maitres  (1).  Quelques  mois  apres,  le  gou- 
verneur  de  la  Grenade,  ouvrant  le  session  legislative,  se  feli- 
citait  d'avoir  a  dinger  une  ile  oii  l'on  avail  deja  tant  fait  en  la- 
veur  des  cselaves,  et  oii  Ton  sc  prometlait  de  faire  plus  en- 
core dans  un  avenir  pen  eloigne.  Vers  la  meme  epoquc,  les 
regislres  des  chatimens  de  I'ile  de  la  Trinite  ayant  etc  produits 
au  parlcment ,  sur  une  masse  de  556  propiietes  presenlant 
5,gi5  esclaves  on  ne  trouvait  pas  quelquefois,  dans  un  es- 
pace  de  trois  mois,  un  seul  chatiment  inscrit.  Enfin,  nous 
avons  sous  les  yeux  les  proces-\erbaux  de  diverses  proce- 
dures suivies  en  1824?  c'ans  la  meme  ile,  contre  des  esclaves, 
desquels  il  resulte  que,  confoimemcnt  a  l'ordre  en  conseil, 
le  protecteur  des  esclaves  y  assiste;  qu'il  interroge  lui-meme 
les  temoins  a  charge,  apres  qu'ils  Pont  ete  par  le  procureur- 
gcneral,  etc.  (2).  II  nous  serait  facile  de  multiplier  les  lemoi- 
gnages  de  ce  genre. 

(1)  The  royal  Gazette .  1826,11°  1S. 
(a)  The  Trinidad-G uardian.  Mai  182C. 


DE  L'ESCLAVAGE.  545 

Faut-il  croire  neanmoins  a  toute  Fetendue  du  Lien  annonce 
par  les  documens  que  nous  venons  de  citer?  Faut-il  admettre 
comme  generalement  adoptes  les  adoucissemens  du  sort  des 
Noirs  sounds  au  joug  britannique,  et  adherer  a  ce  que  les 
planteurs  repetent  si  souvent,  que  leurs  esclaves  cherissent 
pres(jue  le  sort  qu'on  leur  a  fait?  Non,  certes,  telle  n'est  pas 
notre  pensee.  II  est  de  la  nature  de  l'esclavage  que  le  maitre 
puisse  toujours  facilement  rendre  nuls  pour  ses  esclaves  les 
bienfaits  d'un  ordre  legal,  meme  admirable  ;  et,  apres  tout,  ce- 
lui-ci  ne  Test  point  encore.  Si  les  moeurs  se  sont  en  genera! 
adoucies,  comme  dans  toutes  les  autres  colonies,  il  n'en  est 
pas  moins  vrai  que  la  personne  du  Noir  est,  la  comme  ailleurs, 
dans  nne  foule  de  cas,  tout-a-fait  a  la  merci  du  colon;  que, 
laaussi,  son  sort  depend  trop  souvent  des  habitudes  morales, 
de  la  situation  des  affaires  de  ce  colon,  surtout  du  choix  qu'il 
a  fait  des  mandataires  de  son  autorite,  etc.  II  estcertainement 
permis  de  douter  de  cette  felicite  si  vantee,  quand  on  voitles 
gazettes  d€s  iles  couvertes  de  signalemens  d'esclaves  deser- 
teurs,  et  quand  on  croit  devoir  porter  contre  la  desertion  des 
peines  tres-severes.  Les  lois  protegcnt  les  esclaves  ;  mais  on 
est  force  deconvenir  qu'elles  peuvent  etre  eludees,  et  tout  de- 
montre  qu'elles  le  sont  quelquefois.  II  est  bien  reconnu  sur- 
tout que  l'exclusion  du  temoignage  des  esclaves  contre  leurs 
niaitres  sert  a  laisser  dans  l'ombre  une  foule  d'actes  auxquels 
ilssontenbutte.  En  1825,  un me mbrede  I'assemblee  legislative 
de  la  Jamaique,  M.  Rennals,  rapporteur  etdefenseur  d'un  pro- 
jet  de  bill  pour  l'admission  du  temoignage  des  esclaves,  cita 
divers  faits  rapportes  par  lespersonnes  que  le  comite  avait  in- 
terrogees,  et  relatifs  a  des  proces  011  des  Blancs  libres  mani- 
festement  reconnus  coupables  avaient  echappe  au  chdtiment,  pur- 
ee qu'il  n'y  avait  eu  pour  temoins  que  des  esclaves.  Enfin,  un 
colon  ,  ami  sincere  de  Phumanite,  et  qui  nous  a  vivement  ex- 
cites a  la  publication  de  cet  ecrit,  nousavouait  tout  recemmenl 
que,  dans  File  qu'il  habite  (l'une  de  celles  que  regit  un  ordre. 
enconseil),  ilya  encore  une  foule  d'abusmonslrueux  surles- 
t.  xlvi.  juin  i85o.  35 


546  DE  L'ABOLITION  GRADUELLE 

quels  les  magistrate  sont  obliges  de  feigner  les  ycux,  et  d'in- 
fractions  faites  aux  lois  avec  une entitle  impunite. 

II  est  done  bien  demoutre  que  tout  n'est  pas  fait  encore 
dans  les  colonies  anglaises  en  faveur  des  esclaves,  bien  qu'une 
amelioration  notable  dans  le  systcmc  doive  etrc  regardec 
eomme  un  fait  constant. 

§  III.  Dans  les  colonies  des  autres  nations  et  Etats  des  deux 
Amcriques.  —  Les  colons  espagnols,  comnie  pour  effacer  les 
cruautes  dont  Ieurs  pcres  se  rendirent  coupablcs  dans  le  JNou- 
veau-Mondc  envers  les  indigenes,  se  sont  depuis  long-tcnis 
signales,  entre  tous  les  planteurs  curopcens,  par  la  douceur 
de  leur  conduite  a  l'egard  des  esclaves  uoirs  qui  y  sont  venus 
remplacer  cette  population  eteinte.  La  legislation  de  leurs  co- 
lonies est,  en  ce  qui  toucbe  l'esclavage,  basee  sur  des  prin- 
cipes  plus  humains  et  plus  equitables,  et  elle  est  aussi  moins 
frequemment  violce  on  mise  en  oubli  que  dans  la  plupart  des 
autres  possessions  coloniales. 

Cette  legislation,  formee  des  cedules  successivement  por- 
tees  par  les  rois,  et  des  actes  des  gouverneurs  ,  qualifie  en 
general  debt,  1'efTusion  du  sang  dans  les  cbatimens. 

L'esclave  a  la  libre  disposition  de  sa  propriete;  s'il  a  de 
justes  motifs  de  plainte  contre  son  inaitre  ,  le  magistrat  peut 
contraindre  ce  dernier  a  le  vendre  pour  le  prix  d'acbat ;  s'il 
a  perdu  de  sa  valeur  par  Page  ou  par  quelque  inlirmite,  le 
magistrat  faitl'estimation.  II  a,  du  resle,  toule  facilite  pour  se 
racheter,  en  payant  a  son  maitre  son  juste  prix;  il  est  admis  a 
porter  temoignage  en  plusicurscas. 

C'esl  aux  colonies  espagnoles  que  le  gouvernement  britan- 
nique  a  emprunte  Futile  institution  du  protecteur  des  esclaves. 
L'instruction  religieuse  est  la,  comme  on  pense,  un  point  im- 
portant. Les  mariages  sont  encourages.  Au  surplus,  un  fail 
decisif  en  faveur  de  la  condition  des  esclaves  sous  la  domina- 
tion espagnole,  e'est  que,  dans  les  iles  memes  ou  ils  etaient 
comparativement  plus  nombreuxque  dans  les  autres  Antilles, 
il  n'y  a  jamais  eu  de  revoke  contre  les  Blancs. 

Les  republiques  qui  ont  remplace  sur  le  continent  les  colo- 


DE  L'ESCLAVAGE.  54; 

tiies  espagnoles  ont  aboli  1'esclavage  et  adopte,  pour  en 
amener  l' extinction  definitive,  des  mesures  sur  lesquelles  nous 
reviendrons  ailleurs. 

Au  Bresil,  le  regime  legal  de  l'esclavage  est  a  peu  pres  le 
meme  que  dans  les  possessions  espagnoles.  En  general,  le 
travail  est  taxe;  et,  au-dela  de  la  tache  que  le  maitre  a  droit 
d'exiger,  l'esclave  travaille  pour  son  compte.  Cette  besogne 
est  calculee  pour  chaque  sernaine,  de  maniere  a  ce  qu'elle 
puisse  etie  faite  en  quatre  ou  cinq  jours.  Neanmoins,  malgre 
les  adoucissemens  apportes  a  la  condition  des  esclaves ,  la 
corruption  et  la  misere,  ou  cette  population  est  ordinairement 
plongee,  font  que  les  deces  surpassent  de  beaucoup  les  nais- 
sances  dans  plusieurs  parties  de  l'empire,  et  qu'il  n'y  a  jusqu'a 
present  que  la  traite  qui  ait  pu  retablir  l'equilibre  (1). 

Dans  les  colonies  du  Danemark,  nation  a  qui  appartient  la 
gloire  d'avoir  la  premiere  aboli  la  traite,  et  notamment  dans 
l'ile  de  Sainte-Croix,  les  Noirs  sont  generalement  traitesavec 
humanite.  La  population  est  la  en  progres,  et  ce  fait  comprend 
tous  les  auti'es  (a). 

Long-tems  les  Hollandais  purent  etre  consideres,  a  l'egard 
de  leurs  esclaves,  comme  les  plus  impitoyables  des  maitres  ; 
vers  la  fin  du  dernier  siecle,  ils  n'avaient  encore  rien  fait  pour 
eux.  Nul  reglement  ne  limitait  le  travail,  non  plus  que  les  cba- 
timens;  le  meurtre  seul  etaitpuni  d'une  amende;  les  esclaves 
etaient  presque  mis  et  a  peine  nourris  (3). 

De  nos  jours,  le  changement  qui  s'est  effectue  partout  dans 
les  mceurs  a  amene  d'heureuses  ameliorations  dans  le  sort 
des  esclaves  de  ces  colonies.  Eclaires  par  ces  terribles  insur- 
rections qui  ont  jete  dans  les  forets  5o,ooo  esciaves,  les  co- 
lons bollandais  ont  adopte  d'autres  principes.  Un  observateur 

(1)  M.  de  Humboldt.  T.  v,  p.  142.  —  Alphonse  de  Beauchamps.  His- 
ioire  du  Bresil.  T.  m,  p.  5o4.  —  Maw.  Voyages  dans  I'lntericur  du  Bresil. 
T.  ii.  — Balbi.  Essai  sur  le  Nouveau-Monde;  Revue  Encyclopedii/ur,  iS^S 
T.  ii,  p.  5C7. 

(2)  MdREJiAS,  p.    1  l5. 

'3)  Stedman.  Voyage  a  Surinam,   179?.  —  Mitorni,  etc 


548  DE  L'ABOUTION  GRADUELLE 

impartial,  deja  cite  (i),  nous  apprend  que  leurs  esclaves  sont 
maintenant  traites  avcc  humanite. 

Tcrminons  par  ces  anciennes  colonies  anglaises  qui  i'or- 
mcnt  actuellement  un  Etat  sur  lequel  reposent  les  plus  hautes 
csperanccs  dc  In  civilisation  americaine.  Lcs  Iois  conccrnant 
L'esclavage  v  etaient .  avant  leur  glorieuse  revolution,  a  peu 
pres  les  memcs  que  ccllcs  qui  regissaicnt  les  a  litres  posses- 
sions britanniques.  Mais  les  mceurs  avaient ,  plus  prompte- 
ment  que  dans  les  lies,  heureusemcnt  modifie  la  condition 
generate  des  esclaves.  Depuis  1'aiTrancbissement ,  l'esclavage 
a  cte  entiereinent  aboli  dans  plusieurs  Etats,  et  consideiable- 
mentameliore  dans  ceux  oii  il  subsisle  encore. 

Dans  les  Etats  du  nord,  tels  que  Maryland,  Delaware,  etc., 
ou  les  esclaves  sont  peu  nombreux,  ils  sont  generalement 
mieux  traites  que  dans  le  midi  de  l'Union.  On  precede  contre 
eux  en  justice  d'apres  la  meme  loi  que  contre  les  Blancs ,  et 
l'institution  du  jury  est  admise  dans  les  procedures  ou  ils  sont 
impliqucs.  Dans  Delaware,  lc  maitre  est  puni  d'arnende  pour 
■violence,  et  de  mort  pour  le  meurtre  envers  la  personne  de 
son  esclave.  La  legislature  de  Maryland  a  statue  qu'on  ne 
pourrait  faire  cultiver  par  cbaque  esclave  plus  de  600  plants 
de  tabac. 

Les  lois  de  la  Caroline  du  sud  relalivement  a  l'esclavage 
dataient  de  1740;  clles  etaient  fort  cruelles  ,  et  subsistaient 
encore,  dans  les  dernieres  annees  du  siecle,  epoque  ou  le  ver- 
tueux  Larocbefoucaud-Liancourt  visitait  cet  Etat.  Depuis, 
diverses  mesures  out  ete  prises  par  le  gouvernement  en  fa- 
veur  des  esclaves.  Un  temoignage  autbentique  prouve  com- 
bien  de  telles  mesures  etaient  urgentes.  En  1816,  le  grand 
jury  de  Cbarlestown  signala  les  bomicides  sur  la  personne 
desNoirs,  comme  devenus  fort  commtms  dans  la  ville  depuis 
quelque  tems.  «  Lesmaitres  et  les  maitresses,  disent  les  mem- 
bres  de  ce  jury,  exevpant  sur  leurs  esclaves  un  pouvoir  illimitr, 
et  se  livrant  aux  exces  de  leurs  passions  cruelles;   ils  les  ac- 


(1)  Mai  km  am.  p.   ij4- 


DE  L'ESCLAVAGE.  5/,9 

cablent  de  traitemens  barbares,  les  traitent  plus  mat  que  des 
biles  de  somme ,  et  rendent  la  ville  et  l'Etat  I'opprobre  du 
monde  civilise.  » 

Une  loi  a  d'abord  augmente  l'amende  portee  contre  le 
meurlre  d'un  esclave,  et  y  a  ajoute  l'emprisonnement  ;  une 
autre,  plus  recente  ,  a  enfin  reconnu  que  le  maitre  qui  tue 
son  esclave  peut  etre  poursuivi  comme  meurtrier. 

En  Georgie  et  en  Virginie,  la  loi  ancienne,  un  peu  moins 
rigoureuse  que  dans  la  Caroline  du  sud,  a  pareillement  subi 
de  noinbreuses  modifications.  Maintenant,  quiconque  tue  ou 
estropie  un  esclave  est  puni,  comme  s'il  eflt  agi  envers  un 
Blanc  (1). 

Dans  ceuxdes  Etats  nouveaux  on  Pesclavage  existe,ilesten 
general  etabli  sur  des  bases  conformes  a  l'humanite.  Les  deux 
constitutions  du  Kentucky  et  du  Mississipi  statuent  que  l'as- 
semblee  generate  portera  toutes  les  lois  necessaires  pour  obli- 
ger  les  proprietaires  d'esclaves  a  les  trailer  avec  humanite,  a 
pourvoir  a  leurs  besoins  et  a  leurs  vetemens  ,  a  s'abstenir 
de  tous  chatiuiens  barbares  ,  etc. 

«  Dans  les  poursuiles  contre  des  esclaves  pour  trahison, 
l'enquete  par  un  jury  ne  sera  pas  exigee;  mais  la  marche  de 
ces  poursuites  sera  reglee  par  une  loi ,  sans  que  cependant 
Tassemblee-generale  puisse  priver  les  esclaves  du  droit  d'etre 
juges  impartialement  par  un  petit  jury  (2).  » 

Diverges  mesures  ont  ete  prises  subsequemment ,  en  vertu 
de  ces  dispositions  constitulionnelies ,  pour  assurer  une  pro- 
tection efiicace  aux  esclaves. 

Un  grand  avantage,  commun  a  la  presque  totalite  des  es- 
claves des  Etats-Unis,  e'est  que  la  loi  civile  actuelle  les  re- 
connait  immeubles,  et  qu'ils  sont,  en  cette  qualite  ,  attaches 


(1)  Warden.  Description  des  Etats-Unis.  Paris,  1820.  —  Larochefou- 
caud-Liancourt.  Voyages  aux  Etats-Unis,  1795-1797.  —  De  Chastellttx, 
id. ,  1781-1783,  etc. 

(a)  Constitutions  ct  Lois  fondamentales  des  Pcuplcs  de  /'Europe  et  de 
V Amirifjue,  par  MM.  Dufau,  Dovercier  ct  Guadet.  T.  vi,  p.  5j  et  i54- 


55o  DE  L ■'ABOLITION  GRADUELLE 

a  la  terre  ,  ct  transmissibles  settlement  commc   toute  autre 
propriete  immobiliaire  (i). 

Nous  avons  expose  avec  une  enticre  impartiality  la  con- 
dition des  esclaves,  telle  que  l'ont  faite  la  loi  et  l'usage  des 
colonies.  Resumant  les  points  principaux  dont  il  a  etc  ques- 
tion dans  cette  premiere  partie,  nous  obtenons  les  resultats 
suivans  : 

i°.  Quant  a  ce  qui  concerns  la  nourriture,  le  logement,  les 
vetemens  et  les  soins  donnes  aux  malades,  aux  enfans,  etc., 
les  esclaves  sont,  a  peu  pres  partout,  sous  ccs  diver*  rapports, 
plus  bumainement  traites  qn'autrefois,  mais  a  des  degres  bien 
differens,  suivant  la  diversite  des  circonstances  qui  peuvent 
modifier  la  situation  des  maitres. 

2°.  L'usage  de  taxer  le  travail,  de  maniere  a  ce  qu'il  reste  a 
l'esolave  un  nombre  divers  de  jours  dans  la  semaine  ou  il  lui 
est  loisible  de  travailler  pour  son  compte,  n'est  etabli  que 
dans  un  petit  nombre  de  colonies  ou  de  possessions. 

5°.  La  duree  du  travail  de  jour  ct  de  nuit,  les  heures  de  re- 
pos  que  necessitent  le  sexe,  l'age ,  les  forces  ou  les  situations 
diverses  des  individus  sont  a  peu  pres  partout,  de  fait,  sinon 
de  droit,  laissees  a  la  volonte  du  maitre  ;  il  n'y  a  d'exception 
a  cette  regie  qu'en  faveur  des  femmes  enceintes. 

4°.  L'instruction  reelle  clans  les  principes  de  la  foi  chre- 
tienne,  comme  base  de  la  societe  moderne  ,  est  negligee  et 
presque  nulle  dans  beaucoup  d'etablissemens,  ou  la  plupart 
des  esclaves  sont  encore  livres  a  l'idolatrie  ou  a  la  supersti- 
tion. 

5°.  L'institution  du  manage  est  peu  eneouragee  dans  quel- 
ques  colonies;  elle  n'est  en  usage  ordinaire  que  dans  les  colo- 
nies espagnoles. 

6".  La  vente  des  individus  d'une  meme  famille  n'est  probi- 
bee,  sous  quelques  restrictions,  que  dans  cerlaines  colo- 
nies. 

(i)  Warden.  T.  hi,  p.  488. 


DE  L'ESCLAVAGE.  53 1 

•p'.  L'emploi  du  fouet  comme  chatiment  domestique  et 
legal  est  consacre  partout;  mais  1' usage  a  rendu  cet  emploi 
plus  rare.  Presque  partout  ,  le  nombre  des  coups  est  limite  ; 
le  fouet  ne  pent  plus  etre  signe  dautorite,  ou  stimulant  du 
travail,  et  il  est  prohibe  a  l'egard  des  femmes,  dans  quelques 
colonies  anglaises  seulement. 

8°.  L'usage  des  registrcs  des  chutimens  dans  les  habita- 
tions n'existe  que  dans  un  petit  nombre  de  colonies  an- 
glaises. 

9°.  L'institution  d'un  magistrat  en  litre,  protecteur  des  es- 
tlaves  ,  est  bornee  a  quelques  colonies  anglaises  et  espa- 
gnoles. 

io°.  Le  droit  de  propriete  et  de  Libre  disposition  de  tout  ce 
qui  peut  entrer  dans  le  pecule  ,  sous  l'autorite  du  maitre,  et 
d'une  facon  plus  ou  moins  restreinte,  est  universellement 
consacre. 

n°.  Le  droit  d'intenter  personnellement  toute  action  ci- 
vile contre  un  Blanc  n'est  reconnu  que  dans  quelques  colo- 
nies. 

12°.  La  faculte  de  changer  de  maitre,  sur  motifs  vala- 
bles  ,  et  d'apres  decision  des  magistrate,  est  reconnue  seu- 
lement dans  les  colonies  espagnoles  et  an  Bresil. 

i3°.  Le  droit  de  defense  personnelle  contre  les  Blancs 
n'est  explicitement  reconnu  nullepart;  l'esclave  est  severe- 
ment  puni  dans  quelques  colonies  pour  l'avoir  exerce. 

i4°.  Le  meurtre  ou  la  mutilation  contre  la  personne  d'un 
esclave  ne  sont  encore  punis  que  d'une  amende  ou  du  ban- 
nissement  dans  quelques  colonics. 

i5°.  Les  esclaves  accuses  sont  presque  partout  juges  d'a- 
pres des  formes  et  par  des  tribunaux  exceptionnels.  II  y  a 
partout  pour  eux  des  lois  penales  particulieres  d'une  extreme 
rigueur. 

i6°.  Enfin  ,  leur  temoignage  est  repousse  en  justice  contre 
leurs  maitres,  dans  la  presque  totalite  des  etablissemens  colo- 
niaux,  et  dans  quelques- uns  seulement  contre  les  Blancs  en 
general. 


55 »  NOTICE 

Voila  ce  qu'est  l'esclavagc  colonial;  dans  la  seconde  partie 
de  ce  travail,  nous  ferons  ressortir  les  consequences  natu- 
relles  et  necessaires  de  l'etat  de  choses  que  nous  venons  de 
constater. 

P.  A.  Dufau. 

•NWWVMVWWX 

NOTICE  BIOGRAPHIQUE 

Sur  M.  le  baron  Fourier, 

Secretaire  perpetuel  de  CAcademie  des  Sciences,  et  membrs 
de  I' Academic  francaise  (1). 

Les  sciences  viennent  de  perdre,  dans  la  personne  de 
M.  Fotjrier,  un  geometre  et  un  physicien  du  premier  ordre ; 
les  lettres,  un  ecrivain  d'un  talent  superieur;  la  France,  un 
des  hommes  qui  Font  ulilement  servie  dans  de  hauts  emplois, 
ou  qui  l'ont  le  plus  honoree  par  leurs  travaux  et  leurs  decou- 
vertes. 

Ce  n'est  point  son  eloge  qu'on  se  propose  de  faire  ici ; 
cette  tache,  cet  honneur  plutot,  ne  peut  appartenir  qu'a  ceux 
de  ses  confreres  qui  marchent  sur  ses  traces;  seuls  ils  sont 
dignes  d'apprecier  son  genie.  On  desire  seulement,  dans  cette 
Notice,  donner  des  details  purement  biographiques;  et  ceux 
qui  vont  etre  presentes,  recueillis  dans  la  conversation  meme 
de  rillustre  defunt,  dans  celle  de  ses  amis,  dans  la  lecture  de 
ses  ouvrages,  et  dans  les  pieces  imprimees  et  manuscrites 
qu'il  avait  bien  voulu  confier,  recevront  encore  un  interet 
puissant  du  sujet  meme  auxquels  ils  s'appliquent  et  de  leur 
grande  exactitude.. 

Jean-Baptiste-Joseph  Fourier,  ne  a  Auxerre,  le  21  mars 
1768,   etait   issu  d'une  famille  originaire   de  Lorraine.   Son 

(1)  Cette  Notice,  sauf  quelques  changeinens  et  additions,  est  celle  que 
I'auteur  a  fournie  a  la  Jliographie  itniversctle  et  portative  des  Contempo- 
rains,  dont  il  est  maintenant  dirccteur. 


SUR  M.  LE  BARON  FOURIER.  557. 

grand-oncle,  Pierre  Fourier,  relbrnialeur  et  general  de  l'Or- 
dre  des  chanoines  reguliers,  honora  le  clerge  par  de  grandes 
verlus,  et  institua  une  congregation  de  femines,  ajoutant  aux 
trois  voeux  des  religieuses  nn  quatrieme  voeu,  qui  n'est  pas  le 
moins  respectable,  et  qui  certainement  est  le  plus  utile,  celui 
d'enseigner  gratuitement  les  enfans  des  pauvres.  Plusieurs 
maisons  de  cet  Ordre  ont  ete  conservees  en  France,  et  notam- 
nient  dans  la  capitale.  M.  Fourier  fut  place  fort  jeune  a  l'e- 
cole  inilitaire  d'Auxerre.  Une  grande  intelligence  se  deve- 
loppa  chei  lui  de  tres-bonne  heure;  il  fit  toutes  ses  classes 
avec  une  rapidite  surprenante ,  et  en  avait  acheve  le  cours 
a  l'flge  de  treize  ans.  C'est  alors  qu'il  commenca  a  se  livrer 
avec  ardeur  a  1'etude  des  mathematiques.  Cette  etude  ne  lui 
fit  cependant  pas  negliger  la  culture  des  lettres;  il  y  trouvait 
du  charme,  et  scmblait  pressentir  que  la  litterature  aussi  de- 
vait  etre  pour  lui  un  moyen  d'illustration.  A  peine  age  de  dix- 
huit  ans,  il  avait  deja  fait  plusieurs  decouvertes  mathemati- 
ques impoi  tantes  ;  elles  sont  consignees  dans  un  Memoire  ou 
d'excellens  juges  retrouverent  le  genie  precoce  de  Pascal.  On 
le  nomma,  vers  cette  epoque,  professeurde  mathematiques  a 
l'ecole  militaire  ou  il  avait  ete  eleve.  Peu  d'annees  apres,  lors- 
qu'on  institua  a  Paris  VEcole  normale,  M.  Fourier  y  fut  en- 
voye ,  par  son  departement,  comme  un  des  professeurs  les 
plus  capal)les  de  cultiver  la  partie  philosophique  des  scien- 
ces. On  reconnut  bientot  la  necessite  de  diviser  l'auditoire  en 
plusieurs  sections  destinees  a  des  entretiens  scientifiques 
entre  les  eleves,  et  M.  Fourier  futchoisi  pour  etre  un  des  di- 
rectcurs  de  ces  conferences.  Plus  tard,  VEcole  centrale  des 
Tracaux  publics,  nominee  depuis  Ecole  Polyleclinique,  fut  or- 
ganisee  sur  des  bases  fixes  ;  Lagrange  et  Monge  desi- 
gnerent  M.  Fourier  pour  etre  un  des  professeurs  de  cette 
institution,  que  l'Europe  a  tant  enviee  a  la  France,  et  ou  les 
sciences  etaient  alors  enseignees  par  ceux-memes  qui  en 
avaient  recule  les  limites.  L'elocution  facile  et  elegante  du 
jeune  professeur,  l'urbanite  de  ses  manieres,  l'intcret  qu'il 
savait  repandre  sur  la  science  par  les  idees  profondes  dont  il 


554  NOTICE 

enrichidsait  sea  lecons,  et  par  la  raaniere  pliilosophique  tlont 

il  les  presentait,  le  iirent  generalement  cherir  et  respecter  des 

uteres. 

Cetait  l'epoque  on  Ton  meditait  en  silence  l'ulilc  et  glo- 
ricusc  conquetc  de  l'ligyplc.'Le  grand  liomnie  qui  devait 
dinger  celte  memorable  expedition  voulul  que  la  guerre  de- 
vint  un  moyeo  de  civilisation  pom-  les  pays  conquis,  et  la 
Commission  d'Egyple  fntorganisee.  Les  connaissanees  varices, 
les  lalens  de  M.  Fourier,  l'avaient  fait  apprecier  du  gouver- 
nemenl;  on  le  mil  an  nombre  des  savans  qui  devaient  accom- 
pagnerle  general  Bonaparte,  et  on  le  chargea  en  menie  terns 
de  proposer  les  eleves  de  l'Ecole  Polytechnique  qu'il  conve- 
nait  de  leur  adjoindre.  M.  le  comte  de  Chabrol,  aujourd'hui 
prefet  du  departement  de  la  Seine,  fut  un  des  eleves  designes. 
Cette  circonstance  n'a  peut-etre  pas  ete  sans  inlluence  sur  la 
carriere  de  ce  savantadministrateur;  s'ilenetait  ainsi,  cc  serait 
un  litre  que  M.  Fourier  anrait  acquis,  long-tems  d'avance,  a 
la  reconnaissance  de  la  ville  de  Paris.  La  vie  litteraire  de 
M.  Fourier  est  liee  intimement  a  cette  expedition  loinlaine, 
dont  le  but  etait  alors  inconnu,  et  qui  devint  uneepoque  a  ja- 
mais eelebre  pour  les  sciences  et  les  arts,  comme  elle  fut  un 
brillant  episode  de  gloire  pour  nos  armes.  Apres  la  soumis- 
sion  du  Kaire,  Vlvstiltit  d'Egypte  fut  cree  ;  M.  Fourier  s'y 
trouva  compris.  L'experienee  ayant  fait  connaitre  la  necessite 
d'etablir  dans  les  Societes  savantcs  des  secretaires  perpetuels, 
on  proceda  a  celte  nomination,  et  toutes  les  voix  designe- 
rent  M.  Fourier.  Plusieurs  fois  il  presenta  d'importans  Me- 
moires  a  cct  Inslitut.  Bientot  des  soins  poliliques  vinrent  se 
meler  aux  travaux  du  savant;  M.  Fourier,  juslemcnt  appre- 
cie,  fut  choisi  pour  etre  le  commissaire  de  l'armee  franeaise 
aupres  d'un  divan  forme  des  principaux  Llemasde  la  ville  du 
Kaire  et  des  provinces,  apres  que  la  prudentc  severite  du  ge- 
neral en  chef  cut  calnie  1'humeur  inquiete  des  revokes  de  la 
capitale.  Bonaparte  n'avait  rien  neglige  pour  entretenir  des 
relations  utiles  et  familieres  avec  les  habitans,  et  cct  art  de 
'.'omuumiqiicr  avec  les  hommes,  que  M.  Fourier  possedait  a 
un  haul  degre,  le  rend  ait  en  effet  tres-propre  a  etablir  l'union 


SLR  31.  LE  BARON  FOURIER.  555 

entre  ['administration  civile  et  Farmee.  Lc  general  en  chef 
pailit  alors  pour  aller  rompre  la  frame  immense  qui  s'our- 
disfeoit  contre  lui  en  Syiie.  31.  Fourier  fut  retenu  au  Kaire. 
Pendant  Pabsence  du  chef  supreme,  le  pouvoir  de  l'admi- 
nislrateur  s'accrut  encore,  et,  comme  l'a  remarque  31.  Ville- 
main,  le  secretaire  perpetuel  d'une  academic  se  trouva  pres- 
quc  le  gouverncur  d'une  moitic  de  PEgypte.  Plus  tard,  l'ad- 
ministration  d«  la  justice  fut  aussi  confiee  a  31.  Fourier;  on 
fit  alors  les  malheurs  de  la  guerre  alleges  par  le  bienfail  des 
lois. 

Bonaparte,  en  quitlant  l'armee  pour  revenir  en  Fiance, 
avail  laisse,  avec  la  prevoyance  la  plus  attentive,  tous  les  or- 
dres  necessaires  pour  favoriser  les  nobles  excursions  que  le 
zelc  des  savans  francais  devait  tenter  de  nouveau  dans  la 
Haute-Egypte.  II  avail  divise  ces  ardens  explorateurs  en  deux 
sections,  et  avait  senti  la  necessite  de  nommer  un  chef  dans 
chacune  d'elles.  31.  Fourier  se  trouva  designe  pour  etre  l'un 
de  ces  chefs.  Jusquc-la,  les  savans  francais  n'avaient  pu  que 
rarcment  s'avancer  dans  les  provinces  meridionales  de  l'E- 
gypte.  La  victoire  leur  ayant  ouvert  cette  contree,  ils  visite- 
rent  plus  Iibrement  les  ruines  magnifiques  de  Thebes,  et 
chacun  d'eux  prit  part  a  ces  decouvertes,  que  Ton  pouvait 
direconquises  surl'ennemi,  puisque,  selon  l'expression  meme 
de  31.  Fourier,  elles  avaient  lieu  dans  des  courses  perilleuses 
oii  le  geometre,  l'artiste,  l'cleve  de  Buffon,  calculaient  les 
grandeurs,  dessitiaient  les  monumens,  observaient  la  nature 
a  la  favour  d'une  victoire,  ou  dans  1'intervalle  de  deux  com- 
bats, lis  remonterent  le  cours  du  Ml  et  visiterent  Tile,  mys- 
terieuse  d'Elephantine.  C'est  dans  ce  voyage  celebre  que 
31.  Fourier  recueillit  sur  lelieu  meme  ces  impressions  si  vives 
dont  ses  recits  se  sont  animes  plus  tard.  Si  son  zele  fut  sur- 
passes, ce  ne  put  etre  que  par  celui  de  l'intatigable  Denon  : 
niais,  en  general,  nul  n'a  concouru  plus  efficacemenl  que  lui 
a  la  composition  du  grand  ouvrage  sur  l'ligypte. 

H  n'en  menait  pas  moins  de  front  les  h'autes  fonctions  qu'fl 
i\ait  dans  Parmee  :    lorsque  M'orad,  craignanl  le  depart  des 


556  NOTICE 

Francais,  oil'rit  de  traitor  avec  Richer,  par  l'entremise  dc  son 
cpousc,  la  belle  Scilty  Nefirah,  que  cc  Bey  avail  enlcvec  u 
Aly,  ce  fut  M.  Fourier  qui  conclut  le  traite  avec  cette  femme 
celebre  ;  alliance  qui  amena  une  pacification  desiree,  mais 
qui  dura  trop  peu.  Ce  fut  encore  lui  dont  l'herolque  arniee 
d'Egypte  emprunta  la  voix  pour  exprimer  ses  regrets,  lorsquc 
le  Per  d'un  assassin  fanatique  eut  frappe  le  malheureux  Rleber. 
M.  Fourier,  du  haut  d'un  bastion,  celebra  dignemenr,  en 
presence  de  toute  l'armee,  le  vainqueur  de  Maastricht  et 
d'Heliopolis.  Quand  il  fit  entendre  ces  mots  :  «  Je  vous  prends 
a  temoin,  intrepide  cavalcrie,  qui  accourfites  pour  le  sauver 
sur  les  bauteurs  de  Coralm, »  l'armee  se  troubla  en  agitant 
ses  etendards,  et  l'orateur,  partageant  la  douleur  commune, 
s'arreta,  interrompu  par  le  bruit  des  armes  ct  le  fremisse- 
ment  de  tant  de  soldats  en  pleuis.  Peu  de  mois  apres  cette 
triste  solennite,  on  apprit  au  Raire  Ic  destin  du  genereux 
Desaix,  recemment  parti  d'Egypte.  L'orateur  de  l'armee 
d'Orient  eut  encore  a  celebrer  la  memoire  de  ce  grand  capi- 
taine  au  lieu  meme  oii  il  avait  honore  les  restes  de  Kleber ; 
et,  cette  fois  encore,  son  eloquence  s'eleva  a  la  hauteur  de 
son  sujet. 

Retenu  en  Egypte  jusqu'au  terme  de  I'expedition,  M.  Fou- 
rier revit  enfin  la  France  avec  le  petit  nombre  de  savans  et 
de  guerriers  echappes  a  cette  expedition  aventureuse.  D'une 
conquete  si  bardie,  de  tant  de  combats  et  de  gloire,  il  restait 
les  travaux  de  la  science,  la  carte  du  pays,  la  copie  des  mo- 
numens;  il  ctait  au  moins  a  desirer  qu'on  ne  laissat  perdre 
aucun  de  ces  signes  precieux  de  notre  passage  en  Egypte. 
Mais  il  etait  a  craindre  que  chaque  savant  en  particulier  ne 
voulQt  faire  usage  separement  de  cc  qu'il  avait  recueilli,  et 
que  l'ensemble  des  resultats  ne  fut  ainsi  morcele.  M.  Fourier, 
interpelle  par  le  premier  consul  sur  ce  que  Ton  disait  de  la 
grandeur  et  de  la  magnificence  des  portefeuilles  rapport* 
d'Orient,  profita  de  cette  circonstance  pour  appeler  sa  sollici- 
tude  sur  ce  sujet.  II  fut  arrele  que  toutes  ces  richesscs  sc- 
raient  reunies,  et  que  l'ouvrage  sur  l'Egypte  serait  public  aux 


SUR  M.  LE  BARON  FOURIER.  -557 

frais  du  gouvernement.  Les  savans  auxquels  ce  soin  fut 
commis  designerent,  par  un  suffrage  unanime,  M.  Fourier, 
pour  tracer  le  frontispice  du  temple  qu'ils  allaient  elever  a  la 
gloire  des  sciences  et  de  la  patrie. 

Le  premier  consul  voulut  recompenser  un  homme  qui, 
sans  solliciter  aucune  distinction,  avait  rendu  d'aussi  emi- 
nens  services;  il  ecrivit  a  Berthollet,  le  18  pluviose  an  10, 
pour  savoir  si  la  prefecture  du  departement  de  l'lsere  pour- 
rait  etre  agreable  a  M.  Fourier.  Ce  savant  fut  en  effet  nomme 
prefet  de  Grenoble,  le  2  Janvier  1-802.  II  fut  aussi  compris 
dans  la  Legion -d'Honneur,  aussitot  qu'elle  fut  creee  ,  et 
nomme  baron  avec  dotation,  en  1808.  Pendant  les  quatorze 
annees  de  son  administration,  elle  ne  parut  pas  souffrir  des 
distractions  de  la  science ;  elle  en  profita  me  me  :  de  grands 
travaux  publics  furent  acheves;  le  dessechement  des  marais 
de  Bourgoin,  qui  infectaient  plus  de  quarante  communes,  fut 
execute,  et  cette  vaste  et  salutaire  entreprise,  si  souvent  et 
si  inutilemcnt  tentee,  fut  terminee  par  l'influence  d'une  ad- 
ministration active,  pleine  de  sagesse  et  de  fermete. 

Au  milieu  de  soins  administratifs  aussi  imporlans,  ftl.  Foti- 
rier  parvint  cependant  a  accomplir  la  tacbe  difficile  qui  lui 
avait  ete  confiee.  Ce  fut  pendant  les  huit  premieres  annees  de 
son  sejour  a  Grenoble  qu'il  ecrivit  ce  discours  qui  sert  de 
preface  bistorique  au  grand  ouvrage  sur  l'Egypte;  exposition 
eloquente,  rapide  et  bien  ordonnee,  ecrite,  selon  Texpression 
de  JM.  de  Fontanes,  avec  les  graces  d'Athenes  et  la  sagesse 
de  l'Egypte,  et  ou  sont  minis  a  grands  traits  les  evenemens  de 
l'histoire,  les  observations  de  la  science,  les  vues  de  la  poli- 
tique. C'est  dans  ce  discours,  regarde  comme  un  des  beaux 
monumens  de  la  langue  francaise,  que  l'auteur,  invoquant  a 
la  fois  l'autorite  des  Ages  et  les  speculations  du  genie,  a  re- 
pandu  de  vives  lumieres  sur  les  entreprises  que  pourrait 
essayer  l'Europe  pour  civiliser  l'Orient,  et  que  Ton  rencontre 
quelques-une9  de  ces  hautes  pensees  auxquelles  recemment 
encore  Pillustre  ecrivain  pretait  une  elevation  et  une  energie 
nouvelles. 


f>5S  NOTICE 

L'Institut  dc  Franco  ayant  propose,  en  180G,  line  question 
d'une  dilfieultr  egale  a  son  importance,  cellc  de  determiner 
les  lois  de  la  propagation  de  la  chaleur  dans  les  corps  solides, 
M.  Fourier  erea,  pour  resoudre  ce  probleme,  en  l'agrandis- 
sant  encore,  des  melhodes  enlierement  nouvclles;  il  les  veri- 
iia  par  des  experiences  extremement  curieuses,  fades  avec  les 
instrumens  les  plus  precis  dont  on  eCtt  encore  fait  usage,  et 
donna,  en  1807,  une  solution  complete  de  la  question  pro- 
posee.  Elle  oblint  le  prix,  et  placa  I'auleur  au  rang  de  ccs 
homines  rares  qui  savent  prouver,  quelque  illustrcs  qu'aicnt 
ete  leurs  predecesseurs,  que  le  genie  peut  toujours  fljouter  a 
la  science.  En  1811,  M.  Fourier  remit  a  lTnslitut  un  second 
Memoire  sur  le  meme  sujet  :  ces  denx  ecrits  ont  forme  le 
corps  du  grand  ouvrage  qu'il  a  public  plus  tard. 

En  18 1 5,  lorsque  l'empereur  Napoleon  debarqua  en  France 
et  s'avanca  vers  Grenoble,  M.  Fourier,  sur  un  avis  du  prefet 
du  Var,  flt  publier,  le  5  mars,  une  proclamation  pourmain- 
tenir  l'ordre,  et  faire  respecter  le  gouvernement  du  roi  et  la 
Charte  constitutionnelle.  II  sortit  de  la  ville  a  l'arrivee  du 
vainqueur;  mais  Napoleon  le  fit  ramener  dans  Grenoble.  Dans 
cette  circonstance  difficile,  M.  Fourier  etait  expose  a  un  dan- 
ger imminent ;  il  en  fut  preserve  par  1'affection  des  habitans 
e,t  par  la  politique  habile  de  l'empereur,  auquel  il  fut  pre- 
sents au  milieu  d'un  immense  eoncours  de  monde,  et  qui  le 
nomma,  le  12  mars,  a  la  prefecture  du  departement  du 
Rhone.  Les  principaux  babitans  de  Lyon,  qui  connaissaient 
tout  le  bien  qu'on  pouvait  attendre  de  cct  habile  magistrat 
dans  des  conjonctures  aussi  critiques,  desiraient  vivement 
que  ces  fonctions  lui  fussent  confiees,  et  qu'il  les  acceptat : 
M.  Fourier  etait  alors  dans  l'impossibilite  de  les  refuser; 
mais  les  principes  de  justice  et  de  moderation  qui  ont  tou- 
jours regie  sa  conduite  ne  lui  permirent  pas  de  conserve!- 
cette  place.  II  se  refusa  par  ecrit  aux  mesures  qu'un  ministre 
exigeait  de  lui,  et  il  fut  revoque  par  decret  du  12  mai  sui- 
vant.  Napoleon  lui  dit  plus  tard  qu'il  avait  compris  sa  con- 
duite, ct  qu'il  I'approuvait. 


SUR  M.   LE  BARON  FOURIER.  559 

Rendu  a  lui-meme,  le  celebrc  gcometre  vint  hahitcr  Paris. 
En  1816,  il  hit,  a  l'Academie  des  sciences,  un  Memoire  Bur 
les  vibrations  des  surfaces  elastiques,  qui  contenait  plusieurs 
integrates  encore  inconnues  d'equations  appartcnant  a  des 
questions  dynamiques'.  La  meme  annee,  cette  academic  l'ap- 
pela  dans  son  sein  ;  mais  Louis  XVIII,  iuduit  en  erreur  sur  la 
conduite  politique  de  ce  savant,  refusa  de  lui  accorder  sa 
sanction  royale.  Cependant,  en  1817,  les  suffrages  s'etant 
reunis  une  seconde  fois  en  sa  favour,  le  Roi,  apres  un  exa- 
men  attenlif  de  tous  les  faits,  approuva  l'election.  Peu  de 
terns  apres ,  M.  Fourier  fut  choisi  pour  secretaire  perpetuel 
de  l'Academie,  conjointement  avec  son  illustre  confrere,  M.  le 
baron  Cuvier.  Enfin,  la  Societe  royale  de  Londres,  et  d'aulres 
academics  etrangeres  voulurent  aussi  partager  1'honneur  de 
le  compter  parmi  leurs  membres. 

En  1820,  M.  Fourier  ajouta  a  ses  decouvertes  la  solution 
d'une  question  extremement  compliquee  ;  elle  consiste  a  for- 
mer les  equations  differentielles  qui  exprkoent  la  distribution 
de  la  chaleurdans  les  liquides  en  mouvemcnt,  lorsque  tomes 
les  molecules  sont  deplacees  par  des  forces  quelconques, 
combinees  avec  les  changemens  de  temperature.  Ces  equa- 
tions appartiennent  a  l'hydrodynamique  generate,  et  Ton 
doit  a  leur  auleur  d'avoir  complete  cette  brancbe  de  la  me- 
canique  analytique. 

Ce  fut  en  1822  que  ce  grand  geometre  livra  au  monde  sa- 
vant son  admirable  traite  intitule  :  Theorie  analytique  de  la 
Chaleur.  Le  discours  preliminaire,  et  en  parliculier  un  passage 
de  ce  discours  qui  nous  a  surtout  frappes  et  qui  peut-etre  n'a 
pas  ete  assez  rernarque,  suffirait  seul  pourmettre  HI.  Fourier 
au  nombre  des  geometres  philosopbes  auxqucls  il  appartieut 
d'arracher  a  la  nature  quelques-uns  de  ses  secrets  les  plus  ca- 
ches. Jusqu'a  lui,  les  effets  de  cet  element  universel  etaient 
restes  en  dehors  des  theories  mecaniques.  Les  lois  constantes 
qui  en  reglent  la  distribution  etaient  encore  inconnues  ;  on 
avail  recueilli  des  observations  precieuses;  mais  on  ne  eon- 
naissait  ainsi  que  des  resultats  partiels,  et  non  la  rbmonslia- 


5()o  NOTICE 

lion  mathemalique  des  lois  qui  les  comprennent  tous.  L'il- 
luslre  aulcur  est  parvenu  a  les  dccouvrir  et  a  lcs  renfermer 
dans  les  formules  d'une  haute  analyse,  en  sorte  que  desormais 
(cite  theorie  formeia  unc  des  branches  les  plus  importantes 
de  la  physique  generale.  Scs  priacipes  sont  deduits,  commc 
ceux  de  la  mecanique  rationnelle,  d'un  ties-petit  nombre  de 
fails  primonliaux,  dont  les  geometres  ne  considerent  point  la 
cause,  mais  qu'ils  admettent  comme  resullats  des  observa- 
tions communes  ct  confirmees  par  toutes  les  experiences. 

Les  principaux  resultats  de  cette  theorie  sont,  comme  on 
I'a  deja  dit  en  partie,  les  equations  diff<  rentielles  du  mouve- 
ment  de  la  chaleur  dans  les  corps  solides  on  liquides,  et  l'e- 
quation  generale  qui  se  rapporte  a  la  surface.  Ces  equations, 
comme  celles  qui  expriment  les  vibrations  des  corps  sonores 
ou  les  dernieres  oscillations  des  liquides,  apparliennent  a  une 
des  branches  de  la  science  du  calcul  le  plus  recemment  de- 
con  vertes,  ctqu'il  importait  beaucoup  dc  perfectionner.  Apres 
avoir  etabli  ces  equations  differentielles,  il  fallait  en  obtenir 
les  integrates;  ce  qui  consiste  a  passer  d'une  expression  com- 
mune a  une  solution  propre  assujettic  a  toutes  les  conditions 
donnees.  Cette  recherche  difficile  exigeait  une  analyse  spe- 
ciale  que  M.  Fourier  a  crcee,  et  qui  est  fondee  sur  des  theo- 
remes  nouveaux  dont  nous  ne  pourrions  ici  faire  connaitre 
la  nature.  II  suffira  de  dire  que  la  methode  qui  en  derive  ne 
laisse  rien  de  vague  et  d'indetermine  dans  les  solutions; 
qu'elle  les  conduit  jusqu'aux  dernieres  applications  numeri- 
ques,  condition  necessaire  de  toute  recherche,  et  sanslaquelle 
on  n'arriverait  qu'a  des  transformations  inutiles.  II  est  digne 
de  remarque  que  ces  meme-  theoremes  s'appliquent  a  des 
questions  d'analyse  generale  et  de  dynamique  dont  on  desirait 
depuis  long-tems  la  solution.  On  pent  facilement  juger  de 
quelle  importance  doit  etre  cette  theorie  toute  nouvelle, 
pour  lcs  sciences  physiques  et  pourl'economie  civile,  et  quelle 
peut  etre  son  heureuse  influence  sur  les  progres  des  arts  qui 
exigent  l'emploi  et  la  distribution  du  feu.  En  general,  et  c'est 
ici  un  des  caracteres  de  son  genie,  M.  Fourier,  dans  toutes 


SI  11  M.   LE  BARON  FOLRIiifi.  5<ii 

ses  recherches,  se  proposait  toujours  d'en  dedujre  de  nou- 
veaux  a  vantages  pour  la  societe  civile;  bien  different  en  cela 
de  ces  geornetres  qui  consacrent  trop  souvent  des  facultes  in- 
tellectuclles  fort  remarquables  a  des  questions  vagues  et  u 
des  calculs  sans  issue. 

La  theorie  de  la  cbaleur  a  aussi  une  relation  necessaire  avcc 
re  systeme  du  monde  ;  un  ordre  de  phenomenes  tres-impor- 
tans  s'accomplit,  dans  ce  systeme,  par  suite  des  Iois  qui 
regissent  sa  distribution  :  il  serait  impossible  de  rappeler  ici 
tous  les  resultats  inatlendus  auxquels  M.  Fourier  est  parvenu 
a  ce  sujet;  il  suffira  d'indiquer  quelques-unes  des  hautes 
questions  dont  il  a  pu,  aide  de  ses  nouvelles  theories,  donner 
une  solution  complete. 

Pourquoi  les  temperatures  terrestres  cessent-elles  d'etre 
variables  a  une  profondeur  si  petite  par  rapport  au  rayon  du 
globe  ?  Quel  terns  a  du  s'ecoulcr  pour  que  les  climats  pusscnt 
acquerir  les  temperatures  diverses  qu'ils  conservent  aujour- 
d'hui;  el  quelles  causes  peuvent  faire  varier  maintenant  leur 
cbaleur  moyenne?  A  quel  caractere  pourrail-on  reconnaitre 
que  le  globe  terrestre  n'a  pas  entierement  perdu  sa  cbaleur 
propre  ;  et  quelles  sont  les  Iois  exactes  de  la  deperdition  ? 
Independamment  des  deux  sources  de  cbaleur  pour  notre 
globe  :  1'une,  fondamentale  et  primitive;  l'autre,  due  a  la 
presence  du  soleil ;  n'y  a-t-il  point  une  cause  plus  univer- 
selle,  qui  determine  la  temperature  du  ciel  dans  la  parlie  de 
1'espace  qu'occupe  maintenant  le  systeme  solaire?Dans  celle 
question  entierement  neuve,  quelles  sont  les  consequences 
d'une  theorie  exacte  ?  Comment  pourra-t-on  determiner  cette 
valeur  constante  de  la  temperature  de  Cespace,  et  en  deduire 
celle  qui  convient  a  chaque  planete  ?  Si  Ton  ajoute  a  ces 
questions  principales  celles  qui  dependent  des  propriety's  de  la 
chaleur  rayonnante  et  plusieurs  autres  encore  non  moins  im- 
portantes,  on  se  formera  une  idee  de  1'ensemble  des  admira- 
bles  conceptions  de  cet  homme  de  genie,  et  Ton  pourra  en- 
trevoir  les  donnees  qu'il  a  fournies  a  l'esprit  de  l'homme 
T.  XLVI.  Iuin  i<S5o.  36 


56s  NOTICE 

au-rlela  memc  dc  la  spline,  dcja  si  vaste,  de  loutes  les  scien- 
ces positives. 

La  solution  de  ces  problemes,  qui  demandait  nnc  tete  dont 
la  puissance  rappclal  les  Newton,  les  Lagrange,  les  Laplace, 
nous  a  fail  connaitre  que  la  temperature  desespaecsplanetaires, 
dans  notre  sysleme  solaire,  etait  de  4o  degres  au-dessous  de 
zero  du  ihermomctre  de  Reaumur ,  la  meme  a  pen  pres  que 
celle  qui  regne  aux  poles  dc  la  terre ,  aussi  delerminee  par 
suite  de  la  theorie  de  M.  Fourier.  On  a  pu  comprendre  alors 
pournuoi  la  temperature  que  nous  eprouvons  sur  notre  globe 
reste  contenue  entre  de  certaines  limites,  et  comment  ilse  fait 
que  le  froid  et  la  chaleur  ne  deviennent  pas  tour  a  tour  d'une 
intensite  terrible  pour  tout  ce  qui  vit,  lors  du  passage  du  jour 
a  la  nuit  et  de  la  nuit  au  jour,  ainsi  que  dans  les  variations 
qu'tprouve  la  distance  de  la  terre  au  soleil  pendant  sa  revolu- 
tion. On  a  su  aussi  que  la  masse  incandescente  qui  forme 
l'interieur  du  globe  doit  se  trouver  a  environ  vingt  lieues  au- 
dessous  de  sa  surface,  et  que  la  chaleur  qui  en  emane  ne  peut 
plus  exercer  aucune  influence  sur  la  temperature  terrestre. 
Alors  a  disparu  pour  jamais  cesysteme  du  refroidissement  de 
la  surface  de  notre  globe  auquel  la  presence  du  feu  central 
pretait  une  apparence  de  verito.  Le  calcul  a  tout  rectifie,  jus- 
qu'aux  erreurs  du  genie ;  et  ces  enormes  planetes,  situees  aux 
confins  de  notre  systeme  solaire,  et  ou  Buffon  placait  une 
chaleur  qui  devait  les  rendre  des  milliers  de  siecles  inaccessi- 
bles  aux  especes  vivantes,  n'ont  plus  aujourd'hui  d'autre  tem- 
perature que  celle  des  espaces  planetaires,  4©  degres  au-des- 
sous de  zero. 

M.  Fourier  ayant  calcule  d'apres  quelle  loi  s'operait  le  re- 
Xroidissement  du  globe,  originairement  dans  un  etat  d'incan- 
descence,  et  combien  il  avait  fallu  de  siecles  pour  I'amener  a 
l'etat  actnel,  on  sent  combien  cette  question  acquiert  d'inte- 
ret  sous  le  point  de  vue  cosmologique.  Nous  laissons  au  lec- 
teur  a  pressentir  quelles  peuvent  etre,  sous  ce  rapport ,  les 
consequences  de  cette  decouvcrtc. 

Dans  ces  dernieres  annees,  nous  avons  vu  M.  Fourier  s'oc- 


SUR  M.  LE  BARON  FOURIER.  563 

vuper  d'experiences  tres-interessantes  sur  la  transmission  de 
•la  chalcur  a  travers  des  corps  de  substances  diverses;  quel- 
ques-uns  des  resultats  furent  contbrmes  a  ce  que  l'habik'  phy- 
sicien  avait  soupconne  ;  entrc  autres,  que  la  quantite  de  cha- 
leur  qui  traverse  plusieurs  lames  de  differentes  malieres 
superposees  varie  selon  l'ordre  de  superposition,  les  cir- 
constances  exterieures  restant  les  memes.  Ainsi,  en  placaut 
une  feuille  de  cuivre  entre  la  peau  et  du  drap ,  on  facilite  la 
transmission  ;  entre  du  drap  et  du  drap,  on  ne  la  change  pas; 
et ,  entre  du  drap  el  du  marbre ,  on  la  ralentit. 

Pour  faire  ces  experiences,  M.  Fourier  avait  imagine  un 
thermometre  tres-ingenieux,  et  d'une  senstbilite  remarqua- 
ble,  appele  par  lui  thermomMre  de  contact.  Cet  instrument, 
peu  connu,  merite  l'attention  des  physiciens.  Une  suite  nom- 
breuse  d'observalions  bien  faites,  du  genre  de  celles  dont 
nous  venons  de  parler,  pourrait  avoir  de  tres-heureux  resul- 
tats pour  1'industrie  ;  M.  Fourier  en  parlait  aussi  comme 
pouvant  etre  fort  utile  a  l'hygiene. 

II  a  encore  perfectionne  plusieurs  points  importans  du  cal- 
cul  des  probabilites;  on  sait  tout  ce  qu'on  peut  attendre  d'u- 
tile  de  son  travail  sur  les  Resultats  moyens  et  sur  les  Erreurs  des 
Mesures.  Dans  un  beau  travail  sur  la  resolution  generale  des 
equations,  cette  matiere  a  ete  traitee  par  notre  grand  geo- 
metre  d'une  maniere  entierement  neuve.  Enfin,  on  trouvera 
sans  doute  dans  ses  papiers  des  reflexions  aussi  curieuses  que 
philosophiques  sur  les  points  epineux  de  l'algebre  elementaire 
et  sur  la  theorie  des  paralleles. 

On  a  peine  a  comprendre  comment ,  au  milieu  de  medita- 
tions si  profondes,  il  est  possible  de  se  livrer  a  des  travaux 
qui  exigent  le  genie  des  lettres  aussi-bien  que  celui  des  scien- 
ces. M.  Fourier  offrait  souvent  la  preuve  de  la  possibilite  de 
ce  double  effort;  et  c'etait  toujours  avec  une  admirable  sou- 
plesse  de  talent  qu'il  Pexecutait.  Les  beaux  eloges  qu'il  a  pro- 
nonces,  comme  organe  de  PAcademie  des  Sciences,  l'ont 
place  a  cote  de  Fontenelle,  de  Condorcet  et  de  Vicq-d'Azyr. 
Au«si  ingenieux  que  le  premier,  mais  avec  plus  tie  simplicity. 


564  NOTICE 

il  s'eleve,  comme  Condorcet,  par  la  gencralite  des  idees  et 

I'univcrsalUc  des  connaissances,  et  se  rapprochc  du  dernirr 

par  rharmonie  ,   1'elegance  et  les    mouvemcns   animes    du 

9lyle. 

En  1827,  1' Academic  francaisc  voulut  acquitterla  dette  dc 
la  litterature  envers  ce  savant  illnstre  ;  et,  le  1 7  avril,  tous  les 
suffrages  le  dcmanderent  a  l'Academie  des  Sciences.  La  meme 
annee,  apres  la  moil  dc  Laplace,  M.  Fourier  lui  succeda  dans 
le  Conseil  de  perfcctionnement  de  I'Ecole  Poly  technique ,  et ,  en 
1828,  apres  la  chute  du  ministere  de  Villcle  ,  ii  tut  nomme 
membre  de  la  Commission  chargee  d'eclairer  le  gouvernemenl 
sur  la  distribution  des  encouragemens  accordes  aux  scien- 
ces, auxlettres  et  aux  beaux-arts,  et  eusuite  president  de  la 
Commission  de  statistique,  etablie  au  ministere  de  la  marine 
et  des  colonies.  II  avait  refuse  du  nouvcau  ministere  la  place 
de  directeur-general  de  la  librairie ,  dans  laquelle  il  aurait  pu 
faire  tanl  de  bien  :  c'etait  la  seule  raison  qui  lui  faisait  regret- 
ter  que  ses  occupations  el  sa  sante  ne  lui  eussent  pas  permis 
d'accepter. 

C'est  au  milieu  de  lant  de  travaux,  de  meditations  et  de  de- 
voirs remplis  avec  une  rigide  exactitude,  que  M.  Fourier 
trouvait  le  terns  de  rcpondre  a  tout,  de  donner  des  preuves 
de  l'amitie  la  plus  cordiale  a  ses  confreres  ,  d'accueillir  el 
d'encourager  toutes  les  personnes  qui  lui  etaient  adressees. 
Rien  n'egalait  le  charine  de  sa  conversation,  a  la  fois  gaie , 
spirituelle  et  pleine  de  grace.  Ces  qualites  si  estimables,  et 
la  bonte  qu'il  apportait  dans  ses  relations  sociales,  lui  alti- 
raient  autant  d'auns  que  son  genie  lui  faisait  d'admirateurs. 

II  etait,  depuis  plusieurs  annees,  atleint  d'une  angine  ner- 
veuse  ;  cette  inGrmite  ,  aggravee  recemment  par  une  chute, 
l'a  enleve  presquc  subitement ,  le  i(i  mai  dernier,  dans  la 
soixante-troisieme  annee  de  son  age.  Les  savans  s'empresse- 
ront  de  caracteriser  ce  qu'il  a  fait  pour  le  progres  des  scien- 
ces, qui  lui  doivent  des  calculs  profonds,  des  theories  neuves, 
des  lois  demontrees,  et  des  decouvertes  qui  rendront  son  nom 
immortel.  Ses  obscques  ont  etc  celebrees,   le   18  mai,  dans 


SLR  M.  LE  BARON  FOURIER.  565 

Keglise  de  Saint-Jacques-du-Haut-Pas.  A  cette  solennile  dou- 
lonreuse  cnt  assiste  de  nombreuses  deputations  de  l'lnstitut 
et  de  l'Ecolc  Pulytechnique  ;  les  membres  de  sa  famille,  dont 
la  douleur  profonde  se  faisait  remarqiier;  les  amis  les  plus 
in  times  de  M.  Fourier,  et  un  grand  nombre  d'academiciens  , 
de  savans,  d'hommes  de  leltres,  et  de  perscnnes  que  la  recon- 
naissance ou  les  regrets  avaient  reunies,  et  presque  confon- 
dues,  autour  du  cercueil  de  l'illustre  academicien,  de  l'excel- 
lent  parent,  de  l'homme  de  bien,  ami  des  libertes  publiques 
de  son  pays.  —  Le  poele  etaittenu  par  MM.  Geoffroy-Salnl- 
Hllaire  et  Bonlemps  Beaupre ,  de  l'Academie  des  Sciences; 
Feletz,  directeur  de  l'Academie  rrancaise,  et  Sylvestre  de  Sacy, 
de  l'Academie  des  inscriptions.  Le  convoi  s'est  dirige  sur  le 
eimetiere*de  l'Est.  Plusieurs  discours  ont  ete  prononces  sur  la 
tombe,  par  M.  Sylvestre,  par  M.  Cutler  ,  et  par  MM.  Feletz, 
Girard  et  Jomard.  — Voici  la  liste  des  principaux  ecrits  de 
M.  Fourier  : 

i°.  Memolres  sur  la  Statique,  contenant  la  demonstration 
du  principe  des  vitesses  virtuelles  et  la  theorie  des  mo- 
mens,  imprime  dans  le  tome  n,  du  Journal  de  I'Ecole  Poly- 
technique  s  1798. 

20.  Memoir e  sur  la  Resolution  generate  des  Equations  alge- 
brlques  :  presente  a  VInstitut  d'Egypte. 

3°.  Discours  prctimlnalre  ,  servant  de  Preface  hlslorique  a  la 
Description  de  I' Egypte.  Paris,  1810.  t  vol.  gr.  in-f°. 

4°.  Rapport  sur  les  Etabllssemens  appeles  Tontines.  Pa- 
ris, 1821.  In-4°. 

5°.  Theorie  analytlque  de  la  Chaleur.  Paris,  1822.  In-4°. 

6°.  Plusieurs  Rapports  sur  les  Progres  des  Sciences  mathe- 
matiques.  Paris,  1822  a  1829. 

70.  Eloge  hlstorique  de  sir  William  Herschel.  Paris,  1824. 
In-4°. 

8°.  Eloge  de  Delambre.  Paris,  1825.  In-4°. 

90.  Deux  Memolres  sur  la  Theorie  du  Mouvement  de  la  Cha- 
leur dans  les  Corps  solutes  ;  inseres.  dans  les  tomes  iv  et  v  des 
Memolres  de  I'Jnstitnt,  annees  1S24  et  a6. 


MM   NOTICE  SUR  M.  LE  BARON  FOURIER 

i  o*.  Notice  historique  sur  la  Vie  et  tes  Ouvrages  de  Breguttt 
Paris,  1826.  In-4". 

n",  Mimoire  sur  les  Temperatures  du  Globe  terrestre  et  deb 
Espaces  plane"  taires.   Paris,  1827.  In-4". 

1  a".  Memoires  sur  la  Distinction  des  Racines  imaginaires,  et 
sur  I' Application  des  Thcorimes  d'  Analyse  algcbrique  aux  Equa- 
tions transcendantes  qui  dependent  de  la  Thcorie  de  la  Chaleur 
(toni,  vn  des  Mem.  de  I'Inst.  ,  1827.) 

i5°.  Eloge  historique  de  M .  Charles. 

»49.  Mimoire  sur  la  Theorie  analytique  de  la  Chaleur  (t.  vm, 

On  attribue  encore  k  M.  Fourier  des  Recherches  statistiques 
iitr  la  Ville  dc  Paris,  publites  d'apres  les  ordresde  M.  de  Cha- 
brols  pret'et  de  la  Seine.  II  a  f'ourni  quelques  article's  de  geo- 
metres  celebres  a  la  Biographie  universelle  ;  Us  sont  signes. 
Am  Z 

VlElLB    BE    BOISJOSLM, 


=*J^jjr3*»3-  «—  - 


II.  ANALYSES  DOUVRAGES. 


SCIENCES  PHYSIQUES  ET  NATURELLES. 

Theorie  analvtique  du  systeme  Dti  monde,  par  M.  G.  DE 
Pontecovlant,  ancien  eleve  de  VEcole  Poly  technique,  Capi- 
taine  au  corps  royal  d'etat-major  (i). 

2V.  B.  Une  excellente  analyse  de  cet  ouvrage  a  paru  dans  le 
recueil  trimestriel  anglais  intitule  :  The  foreign  Quarterly  Re- 
view. Nous  allons  reproduire  cet  article,  aussi  exactement  que 
peuvent  le  perrnettre  le  plan  et  le  but  de  notre  Revue,  et  l'e- 
tendue  qu'il  nous  est  possible  de  donner  a  cbacune  de  nos 
insertions  :  c'est  un  hommage  que  nous  nous  plaisons  a  ren- 
dre  a  l'une  des  Revues  anglaises  les  plus  dignes  d'estime  par  le 
choix  des  sujets  qu'elle  traite,  par  la  sagacite  des  discussions, 
la  justesse  et  l'impartialite  des  jugemens. 

C'est  dans  l'histoire  des  sciences  mathematiques  que  Ton  voit 
le  plus  clairement  coinbien  la  marcbe  des  connaissances  hu- 
maiues  est  lenle,  comment  les  verites  ne  se  revelent  quepeu 
apeu,  meme  au  genie,  et  ne  brillent  de  tout  leur  eclat  qu'a- 
presuu  terns  plus  oumoinslong,  qu'apres  une  suite  dedecou- 
vertes.  Depuislc  plus  simple  theoremedegeometrie  jusqu'aux 
plus  hautes  conceptions  de  la  theorie  des  forces  centrales,  onre- 
connait  presque  partout  l'empreinte  des  efforts  successifs  des 
invenleurs;  on  a  commence  par  entrevoir  les  lois  generales 
de  la  nature;  peu  a  peu,  les  notions  vagues  et  confuses qu'on 

(1)  Paris,  1829;  Bachelier.  a  vol.  iu-8°  de  556-5o4  pages;  prix  , 
18  fr. 


568  SCIENCES  PHYSIQUES, 

s'en  clait  form&es  out  acquis  plus  de  precision  ;  mate  cc  n'est 
qu'aprcs  de  tongues  ct  pcnibles  recbercbes  qu'on  est  parvenu 
a  saisir  la  forme  simple,  a  constatcr  l'universalite  d'applica- 
lion  qui  caracterise  ceslois. 

Mais,  quciles  que  soient  l'imporlance  et  les  difficultes  des 
investigations  suceessives  par  lesquelles  une  decouverte  est 
romplctee,  la  globe  en  apparticnt  presquc  cxclusivenient  a 
celui  qui  ouvrit  la  carriere.  Cetle  disposition  de  l'esprit  hu- 
main  pent  etrc  justifiec  ;  il  est  bien  rare  que  la  premiere  ma- 
nifestation d'une  verite  grande  et  feconde  soit  due  a  une  in- 
telligence ordinaire  ;  au  lieu  que,  pour  aller  tres-loin  sur  une 
route  ouvertc  et  sulfisamment  eclairee,  les  forces  du  genie  ne 
sont  pas  indispensables.  «  V arignon  nous  gencralisera  ceta«, 
disait  1'un  des  Bernoulli;  mot  encore  plus  profond  que  plai- 
sant  et  malicieux.  En  effel,  combien  d'bommes  se  montrent 
capables  d'etendre,  de  simplifier,  de  perfectionner  une  decou- 
verle  qu'ils  n'auraient  pu  fairc?  On  ne  refuscra  pourtant  pas 
une  assez  baute  estime  aux  savans  labotieux  qui  mettent  la 
science  a  la  portee  du  plus  grand  nombrc,  ou  qui  la  rendent 
plus  usuelle  ;  leur  place  est  marquee  parmi  les  bienfaitenrs  dc 
1'humanite;  ils  eclairent  les  arts,  ils  en  creent  de  nouveaux, 
ils  fortificnt  la  raison ,  extirpent  deserreurs,  consolident  de 
plus  en  plus  le  pouvoir  dc  la  verite.  Le  genie  avait  defricbe  et 
seme,  ils  ont  soigne  les  cultures,  fourniaux  jeunes  plantesles 
sues  nourriciers  qui  les  ont  amenees  jusqu'a  la  fructification; 
un  aussi  grand  service  est  bien  digne  de  toute  notre  recon- 
naissance. 

L'astronomie  physique  ne  remonte  verilablement  que  jus- 
qu'au  xvii*  siecle,  epoque  de  prodiges  en  tout  ce  qui  est  du 
ressort  de  ('intelligence  bumaine.  La  decouverte  de  l'atlrac- 
tion  universelle  conduisit  Newton  a  la  connaissancc  de  tous 
les  mouvemens  des  corps  celestes  et  des  lois  auxquelles  ils 
sont  assujettis.  Depuis  celte  admirable  epoque,  le  developpc- 
ment  des  effets  de  1'attraction  sur  les  planetes  n'a  point  cesse 
d'occuper  les  plus  grands  geometres,  et  les  principes  de  New- 
ton ont  forme  la  base  d'un  vaste  edifice,  auqucl  notre  siecle  a 


SCIENCES  PHYSIQUES.  56t> 

eu  la  gloire  de  mcltrc  la  derniere  main.  Malheureusement . 
cet  edifice  est  un  temple  dont  mil  profane  ne  pent  approcher; 
a  1'exception  d'un  tres  -petit  nombre  d'inilies,  tous  les  autres 
humains  en  sont  exclus.  La  connaissance  du  systeme  du 
monde  ne  se  propage  pas  antrement  que  celle  des  dogmes  de 
la  foi ;  presque  tons  sont  reduils  a  croire  sur  la  parole  de  ceux 
qui  ont  pu  voir.  Mais  comment  pent -on  sc  faire  introduire 
dans  le  sanctuaire  ,  et  jouir  de  la  vue  de  toutes  les  merveilles 
qu'il  renferme?  11  faut  se  livrer  a  de  longnes  et  profondes 
etudes,  se  i'amiliariser  avec  les  instrumens  des  sciences  exac- 
tes,  avec  les  melhodes  de  calcul  et  l'usage  des  signes  qu'elles 
emploient.  Des  cbarlatans  de  savoir  pretendent  que  Ton  pout 
eviter  toutes  ces  fatigues,  et  proposent  d'inlroduire,  par  une 
voie  plus  courte  et  plus  facile,  aupres  de  ces  verites  sublimes 
que  l'analyse  malbematique  se  plait,  disent-ils,  a  couvrir  de 
ses  tenebres  ;  ils  trompent  lenrs  trop  confians  auditeurs,  et  ne 
les  eclairent  que  de  fausses  Incurs,  ne  leur  montrent  que  des 
images  incorrectcs  et  meconnaissables ,  au  lieu  de  repandrc 
une  lumiere  vive  et  pure  sur  les  formes  reelles  des  objets.  Lfe- 
criture  algebrique  est  certainement  la  plus  logique  et  la  plus 
precise  de  celles  qui  offrent  leur  secours  au  raisonnement,  et 
il  n'est  pas  aussi  difficile  qu'on  se  l'imagine  deparvenir  a  com- 
prendre  tout  ce  qu'elle  exprime  tres-bien,  et  que  le  discours 
ordinaire  ne  traduirait  qu'imparfaitement.  Les  traites  dits  po- 
pulaires,  si  multiplies  aujourd'hui,  s'accordent  tous  u  proscrire 
l'algebre  et  ses  signes ;  quel  effet  pcuvent-ils  operer  ,  sinon 
d'abaisser  l'instruction  moyenne  au-dessous  du  niveau  qu'elle 
eCit  alteint  si  Ton  eut  donnc  aux  gens  du  monde  une  idee 
moins  retrecie  de  la  portee  de  leur  intelligence?  On  ne  refu- 
sera  point  a  ces  traites  le  merite  bien  reel  de  dirigcr  les  esprit s 
vers  des  objets  digues  de  leur  attention;  mais  on  n'accordera 
jamais  qu'ils  puissent  reveler  le  mecanisms  de  l'univers  aux 
intelligences  capables  de  le  comprendrc. 

Mais,  pour  cenx  memes  qui  abordentl'astronomie  physique 
avec  une  suflisante  provision  de  connaissance  d'analysc  nia- 
thematique,  I'etude  de  cclte  science  n'est  pas  exempt*  de  dit- 


57o  SCIENCES  PHYSIQUES. 

licultes,  qui  proviennent  principalement  dc  la  diversile  ties 
inclhodcs  s 1 1 i \  i e s  par  les  geometres  qui  lui  ont  consacre  leurs 
veilles.  Comme  ehaque  question  Cut  traitee  isolement,  et  par 
des  rechcrclu  s  analyliques  appropriees  au  sujet,  lcs  solutions 
parricuKeres  auxquelles  on  ctait  parvenu  ne  preparcrcnt  point 
les  voles  pour  arrivcr  a  d'aulres  resultats  ;  I'edifiee  s'elevait  et 
sc  consolidait,  quoique  cbacun  de  ses  niateriaux  eut  etc  fa- 
conne,  sans  que  Ton  pi  it  soin  de  le  raccorder  avec  les  parties 
adjaeentes.  Ce  defaut  de  vues  concertees,  ce  dcsordre  dans  les 
investigations,  etaient  inevitables;  car  telle  est  la  marche  du 
genie  ;  et  il  n'etait  reserve  qu'aux  plus  eminentes  facultes  de 
rontinuer  Foeuvre  de  Newton.  D'Alembert  enrichit  la  dyna- 
mique  de  son  principe .  theoreme  si  general  qu'il  renferme 
toule  une  science  dans  son  simple  enonce.  Jean  Bernouilli 
lournit  son  contingent  par  la  decou  verte  du  Principe  des  Fitesses 
rirtuclles.  Lagrange  reunit  ces  deux  sources  d'expressions  ana- 
lytiques  ,  et  il  en  deduit  celles  du  mouveuient  d'un  systeme 
dc  corps  agissant  les  uns  sur  les  autres  suivant  une  loi  quel- 
conque.  Laplace  entrait  alors  dans  la  carriere  ,  et  cominencail 
,i  pii parer  des  niateriaux  pour  sa  Mecanique  celeste  ,  le  plus 
taste  des  monumens  eriges  a  la  science,  et  qui  a  manifesto 
plus  qu'aucun  autre  l'immense  pouvoir  de  Fanalysc  mathema- 
tique- 

Mais  une  instruction  placee  aussi  haul  n'etait  accessible 
qu'a  ceux  qui,  sachant  deja  beaucoup,  nc  manquaient  point 
de  tems  pour  de  profondes  etudes.  En  cherchant  les  moyens 
d'v  atleindre  plus  facilement,  onvoit  d'abord  querien  nepeul 
^uppleer  aux  connaissances  preparatoires ;  quant  au  travail 
tilterieur,  il  semble  qu'on  le  rendrait  plus  court  et  moins  pe- 
nible,  si  Fon  profitait  de  toutes  les  ressources  que  Fanalyse 
[)ossede  actuellement,  et  si  Fon  parvenait  a  mettre  plus  d'u- 
nil'ormite  dans  les  metbodes.  Tel  est  le  service  qu'un  jeune 
geometre  s'est  propose  dc  rendre  a  ses  compagnons  d'etudes 
matbematiqucs  et  qu'ils  lui  devronl  en  effet,  comme  on  pent 
sYn  convaincre  en  parcourant  Fouvragc  dc  M.  de  Pontccou- 
lant. 


SCIENCES  PHYSIQUES,  57] 

L'auteur  tie  YEssai  sur  tes  Perturbations  des  Cometes,  Me- 
moiro  eouronin:  par  1' Academic  des  Sciences,  qui  avait  rcmis 
trois  fois  inutilenient  ce  sujet  au  concours,  semblait  designe 
d'avance  pour  servir  de  guide  a  tous  ceux  qui  auraient  l'am- 
bition  de  s'elever  jusqu'a  la  Mecanique  citesie.  Quoiqu'il  sou- 
mette  a  de  nouveaux  procedes  analytiques  les  questions  trai- 
tees  dans  cet  ouvrage,  il  a  cru  devoir  se  conformer,  en 
general,  au  plan  suivi  par  1'illustre  auteur. 

Le  premier livre  de  la  Thcorie  analytiquc  du  Syslime  duMonde 
est  consacre  a  l'exposition  sommaire  des  lois  generates  de 
1'equilibre  et  du  uiouveinent,  et  aux  formules  qui  les  expri- 
rnent.  Centre  1' usage  qui  semble  s'etablir  aujourd'hui ,  l'au- 
teur ne  s'attacbe  point  a  rendre  difficile  ce  qui  n'eCit  point  em- 
barrasse,  a  introduire  une  complication  qui  ne  serait  point 
dans  les  choses,  a  obscurcir  les  notions  les  plus  simples  et  les 
plus  claires;  au  contraire,  tout  ce  premier  livre  est  d'une  lu- 
cidite  que  Ton  cherchera  sans  doute  a  egaler,  lorsque  la  mode 
actuelle  n'exercera  plus  son  empire,  lorsque  Ton  debarrassera 
Kentree  de  la  carriere  des  epines  dont  on  l'obslrue  ,  et  qui  ne 
devraient  se  faire  sentir  que  dans  les  haules  regions  de  la 
science. 

Los  formules  etablies  dans  le  premier  livre  sont  appliquce> 
au  systeme  planelaire.  Consideree  sous  cet  aspect  general, 
l'astronomie  physique  presente  trois  problemes  a  resoudre  : 
i°  determiner  les  orbites  des  planetes  autour  du  soleil;  2°cal- 
cnler  le  mouvenient  de  rotation  de  ces  corps  autour  de  Lews 
axes;  5"  soumctlre  egalement  au  calcul  leurs  figures, que  1 'at- 
traction modifie,  aussi-bien  que  leurs  mouvemens.  Le  pre- 
mier prohleme  a  etc*  resolu  plus  completement  que  les  deux 
.nitres,  parce  que  ceux-ci  n'admettent  aucune  simplification  , 
rt  que  les  observations  ne  fournissent  que  peu  011  point  de 
donnees  pour  l'application  des  formules  analytiques.  Notre 
planete  est  la  seule  dont  nousayonspu,  jusqu'a  present,  de- 
terminer la  figure  et  le  mouvement  de  rotation  autour  de  son 
nxe. 

Les  methodes  tie  calcul  que  Ton  doit  au  genie  do  Lagrange 


5ya  SCIENCES  PHYSIQUES. 

-mi!  I.i  plus  precieuse  acquisition  quo  les  sciences  mathema- 
tiqucs  aienl  faite  depuis  Newton  :  elles  ont  eclaire  plusieura 
points  de  la  mecanique  celeste  ,  et  particulierement  la  theoiie 
des  perturbations  planetaires.  Ccs  ingenicux  artifices  d'ana- 
lyse  simplifient  le  calcul  des  differentes  forces  qui  agissent 
sur  un  systeme  de  corps,  el  presentent  les  rcsultats  sous  nne 
forme  qui  laisse  apcrcevoir  facilemcnt  lenrs  relations  rau- 
tuelles.  Notre  auteur  ne  manque  pas  de  les  employer  partout 
oil  ils  sont  applicables ;  et  c'est  ainsi  que  son  traitc  est  devenu 
court  et  facile  a  lire,  sans  cesser  d'etre  complet. 

Dans  l'etat  actuul  de  l'astronomie  physique,  l'attention  des 
geometrcs  et  des  astronomcs  doit  se  dinger  principalemcnt 
vers  la  theoiie  des  cometes.  Ce  sera  par  l'etude  de  ces  corps 
cpie  nous  pourrons  penetrer  plus  intimement  les  mysteres  de 
la  constitution  dc  l'univers.  Malheureusement,  on  ne  peut  les 
observer  que  pendant  leur  courte  apparition,  dans  une  tres- 
pelite  partie  de  leur  orbite  ;  leur  masse  est  done  encore  in- 
connue ,  ainsi  que  la  force  qui  les  retient  dans  leur  orbite , 
malgre  l'attraction  solaire.  C'est  aux  geometres  qu'il  est  re- 
serve de  tracer  cette  orbite,  d'en  achever  le  contour  d'aprcs  le 
petit  nombre  dc  points  que  l'observation  a  pu  determiner  sur 
un  arc  d'une  tris-petite  etendue.  Parmi  les  methodes  propo- 
sees  pour  resoudre  cette  question,  on  distingue  celle  de  Lam- 
bert, plus  elegante  que  correcte,  celles  de  Laplace  et  de  La- 
grange; c'est  cette  derniere  que  M.  de  Pontecoulant  a  suivie 
en  la  modifiant  pour  la  rendre  plus  facilement  applicable  ;  et, 
a  cet  egard,  il  a  tres-bien  reussi  :  parmi  toutcs  les  manieres 
de  proceder  a  ces  calculs,  celle  de  notre  auteur  est  la  mieux 
a  dap  tee  aux  besoins  de  la  pratique.  Cependant,  il  serail  utile, 
et  meme  indispensable,  clans  certains  cas,  de  recourir  a  la 
methode  de  Laplace  :  cette  consideration  a  decide  HI.  de 
Pontecoulant  a  exposer  cette  methode  dans  une  note  placee  a 
la  fin  dn  second  volume,  et,  selon  son  usage,  il  la  simplifie  et 
la  rend  plus  commode  qu'elle  ne  paraitra  ,  si  on  l'etudie  dans 
la  Mecanique  cHestc. 

Les   perturbations   que   les  cometes  eprouvenl  dans   leur 


SCIENCES  PHYSIQUES.  5-5 

mouveuient  sont  beaucoup  plus  considerables  et  plus  diffi- 
ciles  a  determiner  que  celles  des  planetes.  En  effet,  a  la  dis- 
tance prodigieuse  ou  les  cometes  parviennent  en  s'eloignant 
du  soleil,  l'attraction  decetastre  devient  extremement  faible, 
et  les  forces  pcrturbatriees  doivent  agir  avec  plus  d'eoergie. 
L 'analyse  meme  ne  possede  encore  que  de  laborieux  moyens 
d'approximation  pour  evaluer  les  effels  de  ces  forces,  et  il  est 
des  cas,  dit  notre  auteur,  ou  la  patience  du  calculateur  doit 
suppleer  a  ('imperfection  des  melhodes  de  calcul.  Parmi  les 
cometes  qui  parcourent  les  espaccs  celestes,  on  en  compte  au 
moins  cent  trente  donl  notre  systeme  planetaire  repoit  de  terns 
en  terns  la  visite,  ou  qui  n'cn  sortent  point.  L'bistoire  de  L'as- 
tronomie  conservera  soigneusement  toutce  qui  est  relatif  a  la 
comete  de  Halley,  que  Ton  n'a  pas  revue  depuis  i?5<);  les 
travaux  dont  elle  fut  l'objet,  et  surtout  ceux  de  Clairaut,  qui, 
apres  des  recherches  d'une  longueur  prodigieuse,  parvint  a 
fixer  l'epoque  du  retour  de  cette  comete  avec  plus  de  preci- 
sion que  Halley  n'avait  pu  le  faire  :  le  geometre  francais  ne 
se  trompa  que  d'un  mois  sur  une  periode  d'environ  76  ans,  et 
il  efitcertainemen!  poussel'approximation  beaucoup  plus  loin, 
s'il  avail  introduit  dans  ses  calculs  une  valeur  plus  exacte  de 
la  masse  de  Saturate,  et  l'attraction  d'Uranus,  dont  i'existence 
etait  encore  ignoree  de  son  terns.  La  comete  de  Halley  nous 
fera  une  nouvelle  visite  en  i835;  et  cet  bote,  impatiemment 
altendu,  fixera,  pendant  toute  la  duree  de  son  apparition,  les 
regards  du  monde  astronomique.  La  difference  entre  l'obser- 
vation  et  les  resultats  du  calcul  donnera  une  idee  plus  exacte 
de  la  nature  de  ce  corps  celeste  ;  sa  masse  sera  mieux  connue ; 
on  pourra  decider  si  les  fluides  repandus  dans  les  espaces  ce- 
lestes lui  opposent  quelque  resistance.  On  comparera  aussi  ses 
apparences  physiques  a  celles  dont  on  a  conserve  le  souvenir, 
ce  qui  peut  donner  quelques  lumieres  sur  la  constitution  de 
ces  sortes  de  corps,  apprendre  si  le  volume  ou  la  densite  des 
vapeurs  dont  ils  paraissent  formes  subit  quelques  change- 
mens,  quelque  diminution  sensible.  M.  de  Pontecoulant  ap- 


5-,  SCIENCES  PHYSIQUES, 

plique  a  celto  comete  seg  Ibrmules  pour  le  calcul  des  pertur- 
bations, el  il  parvient  a  ce  resultat  ! 

—  Passage  au  perihelie,  le  5i  octobrc  i835. 

—  Demi  grand  axe  de  l'orbite,  17,98355  ibis  la  distance 
moyenne  dc  la  terre  a\i  soleil,  on  environ  Ooo  millions  de 
lieues. 

—  Rapport  do  1'excenlricilc  an  demi  grand  axe,  0,967453. 
— Inclinaisnu  de  l'orbite  par  rapport  a  l'ccliplique,  i7°46'5o". 
L'lionnenr  d'avoir  decouvert  line  seeonde  comete  periodi- 

qne  appartient  a  M.  Encke,  de  Gotha.  Les  observations  decet 
astronome,  jointes  acelles  de  MM.  Aragoct  Olbers,  prouverent 
que  celte  habitante  de  notre  systeme  planetaire  avait  accom- 
pli quatre  revolutions,  de  i8o5  a  1819,  et  que,  par  consequent, 
sa  periode  etait  a  pen  pres  de  trois  ans  et  trois  mois.  Cette  im- 
portante  decouverte  nniltiplie  nos  moyensd'ajouter  beaucoup 
de  fails  curieux  a  ceux  qui  sont  deja  connus  sur  les  cometes, 
et  de  composer  peu  a  pen  la  theorie  des  corps  de  cette  espece. 
L'action  des  planetes  sur  la  comete  d'Encke  est  si  puissante 
que  le  passageau  perihelie,  en  1823,  futretardede  neufjours. 
Invisible  en  Europe,  ce  petit  corps  celeste,  destine  a  nousap- 
prendre  tant  de  choses,  tut  observe  a  Paramatta  (Nouvelle- 
Hollande) :  multiplionsles  observatoiresetlesastronomes,  afin 
de  ne  rienperdre  dece  que  l'univers  astronomique  peut  nous 
reveler.  Tot  ou  tard ,  ces  connaissances,  qui  semblent  etran- 
geres  a  la  destination  de  l'homme  sur  la  terre,  se  coordonne- 
ront  avec  les  autres,  et  prouveront  que  l'instruction  sur  le  sys- 
teme du  monde  a  quelque  part  dans  le  perfectionnement 
moral  de  l'homme. 

Depuis  1822,  les  deux  passages  de  la  comete  de  Encke  au 
perihelie  se  sont  accordes  avec  les  resultats  du  calcul,  sur- 
tolit  le  dernier.  Pour  expliquer  les  retards  anterieurs  a  1819, 
Encke  ressuscila  l'hypothese  d'un  milieu  resistant :  les  obser- 
vations ulterieures  apprcndront  s'il  faut  l'admeltre  ou  la  reje- 
ter  definitivement.  Jusqu'a  present ,  dit  notre  auteur,  l'exis- 
tence  d'un  tel  milieu  n'est  point  indiquee  par  les  principalis 
phenomenes  de  1'astronomie  physique. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  5?5 

Entre  les  rares  apparitions  de  la  comete  de  Halley  et  des 
frequens  retours  de  celle  d'Encke  vient  se  placer  la  co- 
mete de  Biela,  dont  la  periode  est  de  six  annees,  huit  a  neuf 
mois.  Les  variations  de  l'orbite  qu'elle  parcourt  actuellemenl 
out  etc  calculees  par  M.  Damoiseau  ;  en  mai  i85i ,  elle  pas- 
sera  tres-pres  de  Jupiter,  et  sera  soumise,  pendant  qnelque 
terns,  a  Taction  de  cette  planele.  M.  de  Pontecoulant  deter- 
mine, par  ses  methodes  du  calcul  des  perturbations,  le  grand 
axe  de  son  orbite,  son  excentricite,  et  son  inclinaison  sur  l'e- 
cliptique,  dont  la  variation,  depuis  182G,  sera  d'environ  20': 
mais  celle  du  plan  de  cettt:  orbite  avec  celni  de  l'orbite  ter- 
restre  aura  retrograde  d'environ   5°  i3'45". 

Tandis  que  les  geomelres  s'attachent  a  resoudre  toutes  les 
questions  relatives  an  mouvement  des  cometes,  les  physiciens 
diligent  leurs  recherches  vers  les  phenomenes  qui  peuvent 
nous  donner  quelques  notions  de  la  nature  et  de  la  constitu- 
tion de  ces  corps.  En  attendant  qu'on  puisse  arrivera  des  con- 
naissances  sur  cet  objet,  d'une  si  haute  importance  pour  I'as- 
tronomie  physique,  on  est  reduit  a  des  conjectures,  et  on  nc 
les  epargne  point.  Les  cometes  sont-elles  des  corps  perma- 
nens,  indestructibles,  comme  les  planetes;  ou  sont-elles  tormees 
accidentellement  aux  depensdes  fluides  repandus  dans  les  es- 
paces  celestes,  comme  les  nuages  dans  notre  atmosphere? 
C'est  a  une  posterite  bien  reculee  qu'il  est  reserve  de  repon- 
dre  a  cette  question,  non  par  des  hypotheses,  mais  par  des 
faits  bien  constates.  Si  quelque  comete,  en  passant  tres-pres 
du  soleil,  etait  vaporisee  en  partie,  elle  eprouverait  peut-ctre 
une  perte  qui  ne  serait  point  reparee,  et  qui,  se  renouvelant 
aux  autres  passages  pres  du  soleil ,  amenerait  la  destruction 
totale  de  ce  corps  celeste,  dont  l'existence  n'aurait  ete  qu'e- 
phemere  en  comparaison  de  l'immortalite  des  planetes.  Et , 
si  la  comete  qui  aurait  eprouve  quelque  diminution  au  peri-' 
helie  attirait  ensuite  a  elle ,  vers  l'extremite  opposee  de  son 
orbite,  quelque  matiere  qu'elle  aurait  trouvee  sur  son  passage^ 
elle  se  maintiendrait ,  et  pourrait  durer  toujours,  quoique  des- 
tructible par  sa  nature.  Newton  ne  leur  accordait  pas  cette  fa- 


5^6  SCIENCES  PHYSIQUES. 

tulte;  il  pcnsait  que  ces  corps,  si  legcrs  on  raispn  de  lour  vo- 
lume, eprouvaient  dans  lour  marche,  par  la  resistance  du 
niilieu  qu'ils  travcrsaicnl  ,  un  ralonlisscmcnt  qui  devait  les 
fixer  en  fin  dans  la  sphere  d'atlractinn  du  soleil ,  et  les  pceci- 
piter  vers  cet  astre,  dont  ils  accroitraient  ainsi  la  masse,  et  re- 
pareraientles  pertes  qu'il  failcnntinuullcmcut  par  1'emission  do 
la  lumiere.  Ainsi,  dans  ['organisation  de  I'univers,  la  destina- 
tion des  cometes  serait  de  servir  d'aliment  aux  foyers  qui 
echauffent,  eclairent  ct  vivifient  les  syslenies  planelaires.  Cette 
hypothese  n'est  pas  ibrmcliement  contredile  par  la  decou- 
verte  de  deux  cometes  a  courte  periode ;  eependant ,  elle  ne 
parait  plus  aussi  plausible,  surtout  depuis  que  les  physiciens 
eommencent  a  douter  que  la  lumiere  soit  une  emanation  du 
soleil.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  deux  corps  celestes  dont  il  s'a- 
git  seront  observes  avec  assiduite  a  chacune  dc  leurs  appari- 
tions; on  notera  soigneusement  les  modifications  de  lcurmou- 
vement,  de  leur  volume,  de  leur  apparence;  leurs  frequens 
retours  dpnnerout  lenioycn,  non-seulement  de  multiplier  les 
observations,  mais  en  memc  terns  de  les  rendre  plus  precises  et 
plus  digues  de  confiance.  On  sait  deja  que  la  masse  de  ces  co- 
metes est  exlremement  petite,  qu'elles  ne  peuvent  exercer  une 
action  sensible  sur  les  planetes,  qu'elles  ne  derangent  point 
l'orbite  terrestre,  nun  plus  que  son  mouvemenl  de  rotation; 
en  un  mot,  qu'elles  eprouvent  de  grandes  perturbations,  et 
n'en  causent  point  que  nos  instrumens  puissent  nous  faire 
apercevoir. 

Les  seules  cometes  visibles  sont  cedes  qui  traversent  l'es- 
pace  renferme  par  l'orbite  terrestre.  Si  Ton  suppose  que  ces 
corps  abondent  egalement  dans  toutes  les  regions  du  ciel,  on 
devra  conclure  qu'il  n'y  en  a  pas  moins  de  25o,ooo  qui  s'ap- 
prochent  du  soleil  a  une  distance  moindre  que  celle  d'Uranus. 
Apres  Pexpositiondes  lois  du  mouvement  de  translation  des 
corps  celestes,  M.  de  Ponlecoulant  passe  a  celle  du  mouve- 
ment de  rotation,  matiere  plus  difficile,  et  qu'il  traite  avec 
une  habilete  tres-remarquable  :  nous  serions  tente  d'ajouter 
qu'il  surmonte  avec  bonhcar  toutes  les  difficultes  qui  depen- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  5;7 

dent  tie  l'expression  analytique.  Avec  le  secours  des  metho- 
des  de  Lagrange,  et  des  lumieres  qu'il  tire  des  travaux  ante- 
rieurs  de  M.  Poisson  sur  le  meme  snjet,  il  renferme  dans  les 
inemes  formules  les  effets  de  ('attraction  sur  le  mouvement 
de  rotation  des  planetes,  et  les  derangemens  qu'elles  cprou- 
vent  dans  leur  orhite  par  I'action  de  la  meme  force.  En  effet, 
puisqu'il  n'y  a  qu'une  seule  cause  et  une  seule  loi ,  l'ex- 
pression de  l'effet  ne  peut  varier  que  parce  qui  particularise 
la  question  dont  on  s'occupe  :  ici  l'analjse  se  montre  telle 
qu'elle  est  en  effet ,  la  langue  la  plus  correcte  que  le  raisonne- 
ment  ait  faite  pour  sou  usage,  et  la  plus  propre  a  seconder  ses 
operations  sur  les  choses  qn'elle  peut  exprimer. 

Les  planetes  qui  composent  notresysteme  solaire,  exercant 
leur  attraction  les  unes  sur  les  autres,  modifient  de  deux  ma- 
nieres  le  mouvement  de  rotation  de  chacune:  ou  elles  occasio- 
nent  un  deplacement  de  l'axe  de  rotation,  par  rapport  a  la 
planete  meme,  ou  seulement  un  cliangement  de  la  direction 
de  cetaxe  dans  lesespaces  celestes.  D'Alembert  fut  le  premier 
qui  donna  line  theorie  complete  de  ce  mouvement  de  Tare 
terrestre,  au  moyen  duquel  Bradley  avait  explique  le  pheno- 
mene  de  la  nutation  ;  le  geometre  franeais  determina  la  forme 
de  l'ellipse  que  l'astronome  anglais  avait  supposee  decriteen 
vertu  de  ce  mouvement.  Mais  il  est  evident  que  cette  maniere 
d'envisager  la  question  n'est  pas  assez  generale,  car  l'axe  ter- 
restre peut  changer  a  la  foisde  situation  par  rapport  aux  etoi- 
les  fixes  et  dans  l'interieur  de  la  terre;  cette  variation  serait  lu 
plus  importante  pour  nous,  car  elle  ferait  balancer,  a  la  sur- 
face de  la  terre,  la  position  des  poles  et  de  I'equateur,  et,  par 
consequent,  les  latitudes  et  tout  ce  qui  en  derive;  ainsi  l'e- 
quilibre  des  mers  ne  serait  pas  constant,  etc.  II  est  vrai  que, 
jusqu'a  present,  les  observations  n'ont  fait  connaitre  aucun 
cliangement  de  cette  sorte-;  mais  il  n'y  a  pas  long-tems  que  les 
astronomes  out  a  leur  disposition  des  inslrumens  propres  a  faire 
apercevoir  ces  variations  presque  insensibles,  et  a  lessoumet- 
tre  a  la  mesure.  D'ailleurs,  quelle  quesoit  la  perfection  deces 
inslrumens,  et  l'espacede  terns  embrasse  par  les  observations, 
t.  xi.vr.  ji'in  i85o.  37 


>8  SC1KTSCKS  PHYSIQUES. 

ilrpent,exi8terdes  mouveoiensd'une  telle  lentcurque  la  tbeo- 
rie  ail  sonic  le  pouvorr  do  les  reveler;  ainsi,  par  exemplc,  lee 

inegalilcs  scculaires  du  inouvemenl  dos  equinoxes,  produites 
par  I'ftttractioil  dos  planctes,  affect  en t  la  duree  de  Fannec  tro- 
piqne;  cependantj  quoiquo  ce  inouvemenl  ail  ete  eonslam- 
ment  accelere  depuis  lo  loins  d'llipparque,  I'annee  tropique 
n'a  dimimie  que  «ie  8  a  <)"  dans  un  inlorvallo  de  plus  dcvingl 
Modes.  L'obscrvalion  directe  no  saurait  allcindrc ces  differen- 
ces inlininionl  pelites;  I'analyso  viont  a  son  aide.  Laplace  a  dc- 
inontro  le  premier  quo  la  position  dos  axes  terrestres  peut 
etre  regardee  comme  pormanente,  par  rapport  a  la  surface  de 
la  lone  :  (.'analyse  do  M.  I'oisson  aconfnmc  ocltc  decouverle  ; 
i\l .  do  Ponloeoulant  I'a  miso  a  la  portee  do  tous  los  lecfeurs 
en  elat  (\i~  losondro  nn  problcmc  ordinaire  ilc  mecanique. 

La  terrc  el  la  lone  sont  los  souls  corps  celestes  qui  rendenl 
sensible  ^attraction  muluellequeles  planetes exorcont  los  nnes 
sur  los  autres.  Snr  la  lerro,  oolte  action  so  manil'cslo  par  los 
pbenomenes  do  la  precession  dos  equinoxes,  do  la  nutation  el 
de  la  diminution  de  I'obliqiiite  de  l'ecliptique;  sur  la  luno,  ellc 
produit  lc  carieux  ofi'et  que  Ton  nomine  Vibration  ,  snjot  traile 
par  Lagrange  avoc  (ant  do  profondeur  et  do  succcs. 

On  doit  a  Dominique  Cassiui  la  connaissancc  dc  doux  parli- 
eularitcs  tres-rcmarquables  du  mouvoment  de  rotation  de  la 
lune  ;  cet  illuslre  astronomo  constala  que  l'axe  dc  rotation  do 
notrc  satellite  est  toujouis  egalement  incline  sur  le  plandel'c- 
eliptiquo,  el  que  co  memo  plan  est  coupe  suivant  une  niome 
li"iio  par  l'orbito  el  par  I'cquatcur  lunairo.  Lagrange  demon- 
tra  quo  le  second  fait  est  une  consequence  neeessaire  du  pre- 
mier, et  que,  si  lc  mouvement  n'avait  point  commence  en  sa- 
tislaisant  a  cos  conditions,  -on  si  qiielqnc  cause  deraiigcait  la 
position actnolle,  rallraclion  do  la  tone  I'amencrait  on  la  rela- 
blirait;  en  un  mol,  que  la  luno  esl  dans  un  otat  CCequilibrc 
stable. 

Cos  travaux  a\  aionl  place  la  llieorie  dc  la  luno  boaucoup  Iroji 
haul  pour  qu'il  nc  lul  point  difficile  de  continue?  a  I'eloveren- 
»-ore.  On  n'aiiem!.  pyuria  completer,  quedesolwterTatiofls  el  des 


SCIENCES  PHYSIQUES.  579 

donnees  qui  mcttent  en  ctat  de  determiner  la  figure  de  ce  sa- 
tellite avec  plus  de  precision  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'ici. 

L'appli'.ation  des  formules  generalesau  calcul  desincgalites 
du  mouvcmcnt  de  rotation  de  la  lune  cause  par  Taction  du  so- 
leil  et  de  la  terre  (celle  des  autres  planetes  est  tout-a-fait  in- 
sensible) est  plus  laborieuse  que  celle  dont  la  terre  serait  I'ob- 
jet  :  il  faut  y  introduire  l'obliquite  de  Tequateur  lunaire,  par 
rapport  a  l'axe  instantane  de  rotation ,  et  la  position  variable 
des  poles.  Au  reste,  les  precedes  du  calcul  sont  les  memes  que 
lorsqn'il  s'agit  des  mouvemens  de  la  terre,  et  les  resuhats  que 
Ton  obticnt  sont  parfaitement  analogues.  On  y  remarquc  la 
demonstration  analytique  de  Tuniformite  du  mouvement  de 
rotation  de  la  lune,  demonstration  qui,  suivanl  loutcs  Iespro- 
babilites,  doit  s'etendre  a  toutes  les  planetes  et  a  leurs  satel- 
lites. En  effet,  quelles  qu'aient  cte  les  causes  qui  affecterent  le 
mouvement  de  ces  corps  a  son  originc,  il  nc  pent  y  avoir  au- 
jourd'hui  d'autres  resultatsque  ceux  des  forces  permancntes, 
dont  Taction  ne  cesse  jamais,  telles  que  (^attraction  univer- 
selle. 

Quoiquc  Taction  du  soleil  affecte  d'unc  maniere  sensible  le 
mouvement  de  la  lune  dans  son  orbite,  cet  astre  est  sans  in- 
fluence appreciable  sur  le  mouvement  de  rotation.  On  deduit 
aussi  de  la  theorie  ce  fait  surprenant,  quoiquc  tres-iincien- 
nement  connu,  c'est  que  la  lune  ne  nous  montre  que  Tun  de 
ses  hemispheres,  et  que  Taulre  ne  sera  jamais  visible  pour  nous. 
Ainsi  les  inegalites  seculaires  du  mouvement  de  revolution 
de  la  terre  sont  transmises  au  mouvement  de  rotation  de  la 
lune,  et  les  faitsastronomiques  les  plus  remarquables,  parfai- 
temenl  d'accord  avec  la  theorie,  devienncntautant  dc  prcuves 
en  faveur  des  doctrines  de  Newton. 

Apres  Texposition  des  divers  mouvemens  des  corps  celes- 
tes, Tauteur  aborde  les  questions  relatives  a  leur  forme.  Ici, 
des  obstacles,  quel'analyse  mathematique  ne  pouvait  surmon- 
ter,  ont  ralenli  la  marche  de  la  theorie ;  quoiquc  les  recher- 
chcs  des  geometres  aient  eu  le  meme  succes,  elqu'aucune  ap- 
plication des  mathcmatiques  A  la  physique  n'ait  conduit  a  des 


58o  SCIENCES  PHYSIQUES. 

decouvertee  analytiques  plus  bnportantes,  a  des  tommies  plus 
elegantes  et  plus  tecondes  en  ivsultats,  on  se  trouvait  dans 
l'impossibilite  d'en  fairc  usage  sans  iotroduire  quelque  suppo- 
sition purement  arbitrairesur  1'etat  primitifdes corps  que  Ton 
uonsiderait.  Si  oes  corps  avaient  commence  par  etre  solides, 
les  geomctres  scraienl  dispenses  de  toute  investigation  ,  et  les 
obsei  vateurs  seraient  charges  seuls  de  recueillir  ce  qu'il  nous 
serait  possible  d'apprendrc  sur  la  forme  et  les  dimensions  de 
res  rochere  circulant  dans  les  edpaces  celestes;  mais,  s'il  est 
question d'une masse  lluide  en  toutou  en  parlie,  elledoit  pren- 
dre une  forme  propre  a  mamtenir  I'equilibi'c  entre  les  forces 
dont  elle  eprouve  faction.  La  question  devient  exlremement 
compliquec.  si  la  masse  n'est  pas  entitlement  fluide,  si  elle 
est  composee  d'elemcns  de  densites  diilerentes ;  dans  ce  cas, 
lien  ne  pent  dispenser  de  quelque  hypo  these  sur  la  position 
initiale  de  ces  molecules  heterogenes.  Dans  les  recherches  re- 
latives aux  planetes,  on  a  evite  tous  ces  embarras  en  suppo- 
posanl  que  ces  corps  furent  autrefois  dans  l'etat  de  fluidite,  ei 
que  leurs  molecules  agissent  les  unes  sur  les  autres  conforme- 
ment  a  la  loi  de  la  gravitation  universelle ,  en  raison  inverse 
du  carre  de  la  distance. 

La  theorie  de  ('attraction  des  spheroides  ne  se  borne  pas  aux 
applications  dont  la  figure  des  planetes  est  l'objet ;  elle  s'etend 
a  plusieursautres  questions  physico-mathematiques,  telles  que 
les  problemes  d'hydrodynamique,  aux  theories  de  l'electricite 
et  du  magnetisme,  et,  en  general,  a  tous  lescas  ou  l'onconsi- 
dere  Taction  des  forces  molcculaires  emanees  d'un  centre. 
C'est  a  Laplace  que  Ton  doit  cette  precieuse  acquisition  de 
l'analyse  mathemalique,  ainsi  que  ses  resultats  les  plus  inte- 
ressans  :  mais  en  la  considerant  uni([uement  comme  methode 
aualylique,  on  doit  dire  que  M.  Yvory  l'a  perfectionnee ,  et 
que,  par  une  heureuseapplication  du  theoremede  Maclaurin, 
il  a  surmonte  des  difficultes  qui  avaient  arrete  tous  les  geo- 
metres qui  s'etaient  oeeupes  de  ce  meme  sujetapres  d'Alem- 
hert. 

Newton  avail    fail  plus  qu'oifvrir  la  voie  a  ces  recherches  : 


SCIENCES  PHYSIQUES.  58i 

dans  son  livre  des  Principes,  il  avail  demontre  qu'uii  point 
materiel  renferme  dans  one  sphere  ereuse  y  est  partout  en 
equilihrc,  ctque  cette  merae  sphere  agit  sur  un  point quelcon- 
que  de  l'espaee  exterieur,  avec  une  force  egale  a  eelle  de  sa 
masse  reunie  an  centre.  Si  done  les  corps  celestes  etaient  ri- 
goureusement  spheriques,  aucune  cause  ne  tendrait  a  changer 
leur  forme  :  mais  notre  planete  est  legerement  aplatie  dans  le 
sens  de  son  axe  ;  quelle  pent  etre  l'influence  de  cette  confor- 
mation,  uon  pas  au  dehors,  sur  les  autres  planetes,  mais  a  la 
surface  de  la  terre  et  sur  les  couches  inlerieures?  iNotre  globe 
est-il  parvenu  a  l'etat  de  stabilite,  ou  de  nouvelles  revolutions 
physiques  le  menaceraient-elles encore?  L'auteur  de  la  Meca- 
nique  celeste  nous  a  rassure  en  prouvant,  par  une  savante  ana- 
lyse, que  les  spheroi'des  pcu  eloignes  de  la  figure  spherique 
agissenl  cxactement  comme  des  spheres  qui  les  egaleraient  en 
masse  et  en  volume.  La  legitimite  de  ses  preuves  a  etc  con- 
testee  ;  ce  qui  a  donne  lieu  aquelques  debats  entre  M  M.  Yvory 
et  Poisson.  31.  de  Pontecoulant  demontre  aussi  cette  propriete 
des  spheroides  en  s'ecartant  quclque  peu  de  la  direction  suivie 
par  Laplace;  mais  il  arrive  au  meine  but,  guide  par  les  memes 
raisonnemens  fondes  sur  les  memes  principes  :  au  fond,  les 
deux  demonstrations  ne  peuvent  etre  considerees  comme  es- 
senliellement  differentes.  II  reste  encore  quelques  obscurites, 
quelqucs  points  conlestcs  dans  cette  partie  de  la  theorie  ma- 
themaliquc  du  systeme  du  monde  :  les  geonaetres  comptenl 
sur  M.  Yvory  pour  la  perfeclionner  avec  l'habilete  dont  il  a 
deja  donne  tant  de  preuves. 

En  appliquant  ces  formules  gencrales  au  cas  d'unc  masse 
fluidc  homogene  douee  d'un  mouvement  de  rotation,  noire 
auteur  arrive  d'une  maniere  tres-elegante  a  ce  theoreine  de 
Legendre  :  Si  le  mouvement  est  renferme  entre  certaines  limiies. 
deux  figures  differentes  de  la  masse  fluids  peuvent  satisfaire  au.r 
conditions  de  I'cquilibre.  Cepeudanl  une  force  unique  ne  peul 
recllemenl  produiie  qu'une  seule  forme  do  la  masse  qui  re- 
coil son  action  ;  lorsque  le  raisonncmenl  el  I 'analyse  malhe- 
matiquc   semblent  n'dtre    point   d'accord,  il    fant    examiner 


58a  SCIENCES  PHYSIQUES. 

scrupulcuscmeut  1'im  et  I'autio ,  jusqu'a  ce  que  la  contradic- 
tion ait  totaletnent  dispart] ;  et,  presqne  toujour*,  c'est  ('analyse 

qui  a  raisou. 

Toiitcs  ces  recherchea  prennenl  un  nouveau  degre  d'interct, 
lorsqu'ellcs  out  pour  ohjet  la  figure  dc  la  terre,  et  la  compa- 
rison tic  ce  qu'elle  est  a  ee  qu'clle  tlcvrait  ctre  d'aprcs  les  lois 
tie  la  gravitation.  Heureusement,  plusieurs  niethodes  viennent 
s'offrir  a  la  fois  pour  rcsoudre  ce  problcme  ;  chaeune  tics  con- 
sequences qui  dtrivent  dc  la  6gure  de  la  terre  et  dc  cclle  de 
l'atmospbere  qui  l'environne  pent  fournir  ties  rcsultats  qui 
servent  a  rcmontcr  jusqu'a  la  cause  qui  les  a  produits.  On  a 
commence  par  des  mesures  acluelles  d'arcs  de  mcridicns  ct  de 
parallcles;  on  a  observe  les  variations  de  la  pesanteur  en  plu- 
sieurs  lieux,  etc.  Ces  diverges  operations,  quidcvaient  sevcri- 
flcr  l'une  par  l'autre,  n'ont  pas  offert  la  concordance  a  laquelle 
on  s'attendait  :  les  mesures  prises  a  l'cquateur  ctaient  inconei- 
liables  avec  cclles  du  meridicn  sous  le  eenle  polairc  ;  mais  ces 
dernicres  n'etaicnt  point  corrccles,  eomme  on  s'en  est  assure 
depuis.  Newton  avait  deduit  du  phenomtne  de  la  precession 
des  equinoxes  que  l'aplatissement  de  la  terre  ne  pouvait  exce- 
der  la  deux  cent  trentieme  partie  du  diametre  de  I'equa- 
teur  ;  lesmesurcs  prises  au  Perou,  aucapdeBonne-Esptrance, 
en  Italic,  en  France  et  en  Laponie  ne  donneraient  qu'environ 
un  trois  cent  quaranle-cinquieme  ;  mais,  en  n'cmployant  que 
les  mesures  de  Tare  entre  Dunkerquc  et  IMont-Jouy,  on  aurait 
pourresultat  l'inadmissible  aplatissement  tie  pies  il'nn  cent 
quarante-cinquiemc.  On  est  fonde  a  soupconner  que  ties  causes 
inconnues  et  purement  locales  out  fait  devicr  le  fil  a  plonib,  et 
par  consequent  cause  des  crreurs  dans  Pobservation  des  lati- 
tudes. Ces  deviations  dependent,  comme  on  le  suit,  ties  inega- 
lites  asscz  visibles  a  la  surface  de  la  terre,  et  qu'on  decouvre 
dans  la  densite  des  combes  supcrficielles.  On  pent  done  repro- 
cher  aux  operations  gcodesiques  ces  causes  d'incerlitudes  que 
1'on  ne  peut  ni  reconnailre  ni  eviler,  et,  de  plus,  lee  longs  et 
peniblcs  travaux  qu'cllcs  imposcnt.  On  a  done  cu  recours  aux 
observations  dc  I'intcnsite  de  la  pesanteur  a  rliiBferentes  lali- 


SCIENCES  PHYSIQUES.  j*j 

ludes  ,  et,  comme  los  variations  dc  cette  mice  affactent  la 
viics>c  tin  peadule  a  secoudes,  c'est  par  la  mesure  de  cette 
\  ilesse  qu'oo  olitient  colic  dc  la  pesanteur.  Les  operations  de- 
vicnncnl  promptes,  iacilcs,  toujours  a  la  portcc  de  ccux  qui 
vetilent  les  entrepreudre,  ct  peuvent  fit  re  multipliees  a  l'in- 
fini;  dc  plus,  les  resullats  no  so  ressentenl  plus  dc  l'influeucc 
des  causes  locales.  En  cmployant  les  observations  laites  an 
Peroii,  au  Petit-C.oavc  (Saint-Doaiinguc) ,  a  Paris,  a  .Saint- 
Pclersbourg  et  en  Laponie,  Bl,  dc  Pontecoulant  trouvc,  pom 
raplalisscment  de  la  terre,  un  trois  cent  quarante-deuxicuie. 
valour  ti  jieu  pre*  egale  a  cello  qui  resulte  des  closures  geode- 
Mqiies;  inais  ellc  est  iul'erieure  a  cede  qui  resulterait  des  ob- 
servations failes  et  reeueillies  avec  beauconp  de  soin  ,  depuis 
(piclques  annces.  Celle-ci  saccorde  d'uuc  maniere  tres-remar- 
quable  avee  les  calculs  dc  Laplace,  qui,  d'apres  los  mouvemens 
de  la  lunc  ,  allribuc  a  la  terre  un  aplatissemenl  d'un  trois  cent 
sixieme,  et  qui  prouvc,  dc  plus,  que  la  precession  des  equi- 
noxes et  la  nutation  do  1'axe  terrcstre  sunt  precisement  ce  qui 
aurait  lieu  si  la  terre  clait  un  sphcroule  de  revolution.  En  effet, 
a  nicsure  que  Ton  a  multiplie  les  observations,  on  s'est  assure. 
de  plus  vn  plus,  quo  les  meridiens  soul  des  ellipses  semblables 
ct  que  les  tres-lcgercs  differences  que  Ton  pout  y  anercevii 
ne  tiennent  qu'a  des  causes  locales  et  accidcntelles. 

Mous  n'avons  pu  fa  ire  qu'une  tns-succincte  analyse  de  co 
que  l'auleur  a  ronfernie  ilans  ses  doux  volumes.  Pour  com- 
pleter son  ouvrage,  il  faudrait  qiril  y  ajoutat  la  theorie  des 
satellites,  celle  des  marees,  des  refractions,  dc  tout  ce  qui 
compose  1c  domainc  do  l'astronomie  pjiysiquej  esperons  quo 
iVl.  de  Pontecoulant  en  coniposcra  un  troisieme  volume.  Lo 
travail  qu'il  a  si  beurcuscment  execute  est  plus  propre  qu'au- 
cun  autre  a  repandre  les  connaissanccs  aslronomiques  en  les 
rendanl  plus  accessibles ,  sans  rion  diminuer  de  la  grandeur 
qui  attire  vers  olios  los  osprils  capables  d'apprecicr  lour  su- 
blime boaule.  Les  dccou\  cries  los  plus  iinportantcs  ne  devien 
nonl  rcellemenl  utiles,  non  plus  (pie  los  aulrcs  rj chesses  dc 
quelquo  nature  qu'elles  soieal .  que  lorsqu'elles  sortent  do  la 


584  SCIENCES  PHYSIQUES. 

mystorieus*  obscurity  oil  quelques  livres  les  retenaient  loin 
des  regards  vulgaires,  el  qu'elles  occopent  le  rang  qui  leur  ap- 
partient,  dans  I'ensemble  des  connaissances  humaines. 

Ed  terminant  I'examen  do  cct  important  ouvrage,  jolons  un 
coup  d'eeil  s 1 1 r  I'etal  des  sciences  uratbematiques  dans  notre 
p.n  s.  (i  comparons  ce  que  l'on  fait  ici  en  leur  faveur  aux  soins 
qu'on  leur  prodigue  sur  le  continent.  On  ne  pent  eontester 
que  l'immortel  auteur  de  la  decouverte  de  la  gravitation  uni- 
verselle  n'avait  point  en  de  successour  dans  sa  patrie,  et  que 
tout  cc  que  ses  doctrines  out  acquis  dans  l'espacc  d'un  siecle 
apparlient  exclusivement  a  des  geomctres  du  continent.  Nos 
astronomes  out  a  peine  quitte  leur  ohservatoire ;  ils  ont  tola- 
lement  neglige  la  tbeorie,  uniquement  livres  a  la  pratique.  On 
citera,  sans  doute,  quelques  rares  exceptions  a  celte  remarque 
si  generate  qu'on  pourrait  la  considered  coinme  unc  regie  : 
mais  il  n'en  est  pas  nioins  certain  que,  depuis  Newton,  l'ana- 
lyse  matheinaiique,  appliquee  a  1'astronomie,  n'a  fait,  en  A.n- 
gleterre,  aucun  progrcs  reniarquable.  Depuis  Flamstead,  nous 
nous  sommes  livres  avec  ardenr  et  succes  a  1'astronomie  pra- 
tique, et  jamais  a  aucune  epoqne  clle  ne  fut  aussi  bien  cultivee 
qu'elle  lest  maintenant  dans  la  Grande-  Bretagne.  Throng- 
ton  a  porte  les  instrumens  astrouomiqnes  a  un  degre  de 
perfection  bien  rapproche  du  terme  ou  l'industrie  bumaine 
sera  forcee  de  s'arreter  (1).  Munis  des  meilleurs  telescopes 
que  l'on  ail  jamais  construits,  nos  observateurs  ont  porte  leurs 
investigations  bors  des  limites  du  systeme  solaire,  parcouru 
l'immensite  de  l'espace  interpose  entre  les  divers  systemes  qui 
composent  l'Univers.  Unc  Socield  astronomique  est  fondee;  son 
existence  est,  a  la  fois,  line  preuve  et  unc  garantie  de  l'interet 
que  l'on  prend  aux  travaux  des  astronomes  observateurs,  et 
de  Futile  direction  qui  sera  donnee  au  zele  de  notre  nation 


(i)  L'auteur  de  eel  article  parait  oablier  cc  que  l'on  a  fail  depuis 
quelques  annees  a  Munich  el  a  Copenbague.  I/Anglelene  est  p'eul-ctie 
menacee  de  perdre  la  supeiioiile,  qu'elle  avail  acqiiisc  dans  la  fabrication 
des  instrumens  destines  a  la  culture  des  sciences. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  585 

pour  les  progres  de  cette  parlie  des  connaissanees  humaines. 
Esperons  que  la  theorie  sera  tiree  de  l'abandon  ou  elle  est 
tombee,  et  qu'on  deplore  meme  en  lisant  les  Memoires  dela 
Societe  astronomique  :  on  n'y  trouve  qu'un  petit  nombre  d'ar- 
ticles  oi'i  l'analyse  matbematiquc  soit  appliquee  a  la  loi  gene- 
rale  de  I'Univers;  et,  dans  ce  nombre,  Irs  Memoires  les  plus 
remarquables  ontete  envoyes  par  des  associes  etrangcrs.  C'est 
vainementque  lesmenibres  les  plus  eclaires  et  les  plus  influens 
de  la  Societe  en  expriment  le  regret;  rien  ne  pent  decider  nos 
geometres  a  consacrer  a  l'astrononiie  pbysique  nne  parlie  de 
leur  terns  et  de  leurs  travaux.  Les  medailles  etles  encourage- 
mens  ordinaires  n'ont  rien  produit,  et  ne  pouvaient  effective- 
ment  obtenir  aucun  suoces,  parce  que  nos  astronomes  sont, 
pour  la  plupart,  encore  trop  etrangers  aux  hautes  mathemati- 
ques.  On  convient  que  la  tbeorie  ne  pent  se  passer  de  bonnes 
observations  qui  procurent  a  l'analyse  les  donnees  sans  les- 
quelles  tons  ses  calculs  seraient  inuliles  :  mais  la  science  ne  se 
perfectionnerait  point,  si  elle  n'etait  cnltivee  que  comme  un 
art  mecanique,  n'exigeant  que  des  yeux,  de  la  patience  et  de 
l'adresse.  II  est  peut-etre  utile  de  maintenir  la  division  du  tra- 
vail, de  ne  point  faire  passer  de  l'etude  aux  operations  ma- 
nuelles,  et  de  ces  operations  aux  meditations  du  cabinet :  cette 
opinion  sera  fortifiee.  par  Thistoire  de  l'astrononiie  pratique, ; 
on  a  remarque  que  les  observateurs  les  plus  celebres,  cenx 
dont  les  travaux  ont  eu  la  meilleure  part  aux  progres  de  la 
science,  se  sont  bornes  aux  observations,  laissant  a  d'autres  le 
soin  de  perlectionner  la  tbeorie.  Les  connaissances  necessaires 
pour  arriver  a  ce  pei  fectionnement  exigent  de  longues  et  pro- 
fondes  eludes,  une  force  d'attention  dont  peu  d'hommes  sont 
capables;  il  est  bien  plus  aise  d'apprendre  a  manoeuvrer  un 
telescope,  et  a  calculer  d'apres  une  formule;  l'astronomie 
pratique  est  une  occupation  facile,  amusante;  cesattraits  man- 
quent  totalement  auxbautesmatbematiques  ;  ellesnecomplent 
point,  parmi  ceux  qui  les  cullivent,  de  simples  amateurs. 

L'etude  des  lnatbematiqucs  ne   sera  point  abandonnec  en 
Angleterre;  elle  y  conservera  Eonjonrs  assez  de  faveur  pour 


am  sciences  physiques. 

que  lcs  connaissanccs  aelucllcment  rcpandiics  nc  icltogradcnt 
point  :  caais  les  institutions  publiques  nc  font  pas  asscz,  pour 
dies ;  on  no  s 'attache  point  a  former  des  geomdrcs  capable-* 
de  faife  le  nu'ilk'iu'  emploi  des  excellcntcs  doniiccs  fournies 
par  les  observations.  L'cnscignement  des  hautes  rnalhcinali- 
qucs  est  confine  dans  l'Univei'site  de  Cambridge  !  Mais  nos 
ingenieurs  civils  et  militaires,  lcs  olliciers  dc  node  armec  et 
de  notrc  marine  sont-ils  a  portcc  dc  frequenter  cette  Univer- 
site,  et  d'y  terminer  lc  cours  dc  leurs  etudes?  II  nous  faudrait 
une  Ecole  Polytechniquc,  commc  celle  dc  France,  oti  lcs 
jeuncs  gens  que  la  nature  a  prepares  pour  l'etude  des  nialhe- 
matiqucs,  ayanl  deja  fait  preuve  de  cettc  aptitude,  et  munis 
des  connaissanccs  que  Ton  pent  aequerir  dans  nos  ccolcs  ac- 
tuclles,  seraient  conlics  a  de  savans  professcurs,  et  diriges 
vers  lcs  services  publics.  L'ouvragc  dont  nous  venous  dc 
rendre  compte  est  une  demonstration  convaincante  de  la 
grande  ulilite  de  cettc  institution,  dont  aucune  de  cedes  que 
nous  avons  aujourd'hui  nc  pcut  nous  tenir  lieu.  Un  jcune  ca- 
pitaine  d'elat-major  consacre  ses  loisirs  aux  theories  les  plus 
abstraitcs  et  les  plus  dilliciles  dc  l'analyse  et  de  la  niccanique ; 
il  traitc,  en  se  jouant,  des  sujets  qui  ont  absorbs  toute  I'atten- 
tion  des  maitres  dc  la  science  :  phenomene  des  plus  remar- 
quablcs,  qui  ue  sc  montre  que  rarement  en  quelqtic  lieu  que 
ce  soit,  et  jamais  chez  nous  OU  nulle  cause  n'esl  capable  de 
lc  manifester.  Qu'un  jcune  odicier  anglais  soil  proprc  aux 
etudes  dont  M.  de  Pontecoulant  a  si  bien  profile  ,  ce  sera 
presquc  en  pure  pcrte ;  il  nc  trouvera  dans  aucune  de  nos 
ccolcs  I'instruclion  prclimiuaire  qu'il  lui  faudrait  pour  sc 
mettrc  en  etat  dc  marcher  scul  dans  la  carriere.  Nous  n'a- 
vons  point  senti  combien  la  haute  instruction  mathematiquc 
et  la  rectitude  qu'elles  donnent  aux  csprits  sonl  nccessaires 
dans  l'cxercice  des  diverses  fonclions  publiques.  Le  fonction- 
naire  qui  en  est  bien  pourvu  pourra  cerlainement  rcmplirscs 
devoirs  avec  plus  de  disccrnement  qu'un  hommc  moins  in- 
-liuil  ;  ct,  dc  plus.  ccs  connaissanccs  scront  appreciees,  en- 
eouragees;  dies  se  propageroot  cnlin.  si  le  gouxcrncmcnl , 


SCIENCES  PHYSIQUES.       .  587 

convaincu  de  la  puissanle  influence  qu'elles  peuvcnt  exerccr 
sur  ^administration,  ccsse  un  jour  de  les  negliger.  On  n'im- 
posera  point  au  clerge  ['obligation  d'etre  tres-instruit  en  ma- 
thematiques;  des  succes  dans  celtc  division  des  sciences  ne 
seront  pas  un  litre  pour  arriver  a  Pepiscopa't  :  mais  les  ser- 
vices publics  ,  militaires  ou  civils,  sur  mer  ou  sur  terre,  les 
arts  les  plus  utiles  et  les  plus  capables  d'aecroitre  la  puissance 
nationale  ne  prosperent  point  sans  le  secours  des  mathcma- 
tiques,  et,  de  tems  en  terns,  ils  out  besoin  de  tout  le  savoir 
des  geometres.  Comment  ne  pas  voir  avec  surprise  et  chagrin 
que  nous  soyons,  a  cet  egard,  aussi  en  arriere  par  rapport  au 
continent,  que  nous  n'ayons  encore  adopte  qu'une  si  petite 
partie  des  importantes  ameliorations  que  l'enseignement  des 
mathematiques  a  recues  partout  ailleurs  !  Chez  nos  voisins,  la 
geometric  a  pris  une  forme  toule  nouvelle;  ici,  elle  est  a  pen 
pres  comme  au  tems  de  Ptolemec.  La  trigonometric  enseignec 
dans  nos  ecoles  n'a  point  profite  des  travaux  d'Euler,  de  La- 
grange, de  Legendre ;  nos  traites  des  sections  coniques  sont, 
a  tous  egards,  au-dessous  dc  ce  qu'Apollonius  nous  a  trans- 
mis.  Quant  a  la  geometrie  descriptive,  qui  est  eminemment 
celle  des  services  publics  et  des  arts,  nous  ne  la  considerons 
pas  encore  comme  une  division  speciale  de  l'enseignement. 
Sur  le  continent,  elle  est  introduile  dans  toutes  les  ecoles  mi- 
litaires ,  et  consideree  comme  une  partie  essentielle  de  I'in- 
struction  mathematique  des  officiers. 

L'Ecole  Polytechnique  de  France  n'existe  que  depuis  une 
trentaine  d'annees  ,  et  Ton  sent  aujonrd'hui  les  heureux  effets 
de  l'impulsion  qu'elle  a  donnee  aux  sciences.  A  quelques  ex- 
ceptions pres,  l'entree  dans  cette  ecole  etait  une  admission 
dans  l'un  des  services  publics  dontelle  etait  la  pepiniere  com- 
mune. On  n'y  entrait  qu'apres  de  severes  examens,  et  a  cette 
epoque,  on  ne  connaissait  point,  en  France,  d'aulres  distinc- 
tions que  celles  des  talens  et  du  merite.  L'instilution  pouvait 
done  choisir  ses  eleves  dans  toutc  la  jeunesse  francaise;  les 
concurrens  (taient  nombrenx .  quellcs  que  fussent  les  condi- 
tions qifo:i  leur imposait,  qiielquc  ('-(endue  que  l'ondonnatau 


588  SCIENCES  PHYSIQUES. 

programme  des  connaissances  exigees.  Suivant  les  maximes 
d'alors,  on  voulait  que  les  jenncs  gens  instruils  mix  I'rais  de 
l'Flat  devinssenl  utiles  a  la  chose  puhlique  ;  cette  pensee,  et 
les  reponses  du  candidal,  dirigeaient  seules  le  choix  de  l'exa- 
minateur.  Une  ecole  qui  comptait  parioi  ses  piofesseurs  La- 
grange, Monge,  Berthollet  et  d'autres  savaus  dont  la  Fiance 
s'honore  aujourd'hui,  ne  pouvait  manquer  de  sucees ;  ellc  rc- 
pondit  aux  esperances  que  Ton  avait  coneues.  On  en  \it  soi- 
tir,  dans  1'espace  de  trente  ans ,  presque  tons  les  Francais  qui 
se  soot  illustres  par  les  sciences.  Cetle  admirable  institution 
n'a  pu,  sans  doule,  se  soustraire  a  toutes  les  actions  polili- 
ques,  ni  conserver  lous  les  avantages  de  son  organisation  pri- 
mitive; ma  is  it  lui  reste  encore  assez  de  sa  jcune  vigueur  pour 
exercer  une  sahilaire  influence  sur  ^instruction  ,  sur  les  pro- 
gres  des  sciences,  et  ce  qui  est  encore  plus  precieux,  sur  l'e- 
ducation  Rationale  ( 1). 

Si  des  habitudes  el  des  prejuges  interuisent  a  l'AngleletTe 
de  fonder  des  etablissemens  analogues  a  l'Ecole  Polytechnique 
de  France,  on  ne  repoussera  pas,  au  moins,  les  ameliorations 
praticables,  et  il  y  en  a  plusieurs  d'un  ties-grand  prix.  II  s'a- 


(i)  Cet  eloge  de  l'Ecole  Polytechnique  ne  trouvera  point  de  contra.- 
dicteurs  en  France  :  mais,  pour  apprccier  les  services  qu'ellc  pent  conti- 
nue!' a  nous  rendrc,  il  faut  porter  nos  regards  sur  I'ensemblc  des  etablis- 
semens d'inslruclion  puhlique,  sur  les  metfabdes  et  les  objels  d'enseigne- 
ment,  sur  les  lois  qui  doivenl  lediriger,  l'etendre  on  le  reslreindre.  Nous 
ignorons  encore  ce  qu'il  nous  serait  possible  de  faire,  avec  mi  systemc 
d'instiuclion  puhlique  moins  vicieux  que  celui  dont  l'einpire  a  dole  la 
restauration  ,  et  que  Ton  n'a  point  ameliore.  On  est  convaincu  aujour- 
d'hui  qu'il  lui  faut  plus  de  liberie;  que  l'emulation  devrait  ttre  excilee 
entre  les  departemens  et  les  cites  pupuleuses;  que  les  connaissances 
usuellcs  reclamcnt  une  bonne  partiedu  terns  prodigue  a  l'eludc  du  grec 
et  du  latin.  Quand  nous  aurons  une  solution  satisfaisanlc  des  queslions 
relatives  a  I'inslrnclion  generate,  i)  sera  facile  de  resoudre  celles  qui 
concernenl  les  ecoles  speciales,  et  de  regler  leurs  attributions.  Perdons, 
s'il  est  possible ,  la  mauvaise  habitude  de  travailler  en  inarqueterie , 
quoique  nous  ne  puissioos  ignorer  qu'une  bonne  administralion  est 
d'une  seule  peusee,  d'une  geulc  piece.  IN.  dl  K. 


SCIENCES  PHYSIQUES.  589 

girait,  nous  ne  pouvons  le  dissimuler,  dc  surmonler  avaul 
tout  l'attachement  aux  vieux  usages,  non  moins  opihifitre 
dans  nos  ecoles  que  dans  les  cantons  les  plus  recedes  de  la 
Grande-Bretagne.  Quelque  parti  que  Ton  prenne,  on  n'aura 
point  fait  assez,  si  nos  cours  publics  ne  mettent  point  les 
eleves  au  niveau  des  connaissances  neeessa'ires  pour  lire  avec 
fruit  les  meilleurs  ouvrages  sur  les  sciences  ou  les  arts  aux- 
quels  ils  voudront  se  consacrer.  Puisque  leur  instruction  spe- 
ciale  ne  commence  qu'a  leur  sortie  de  nos  ecoles,  qu'ils 
soient  au  moins  conduits  par  leurs  livres  et  leurs  professeurs 
jnsqu'a  I' entree  de  leur  carriers,  et  munis  de  tout  ce  qu'il  faut 
pour  la  parcourir  avec  succes.  Si  Ton  s'obstine  a  suivre  1'an- 
cienne  methode,  parce  qu'elle  est  ancienne,  les  jeunes  gens 
studieux  seront  dispenses  de  toute  reconnaissance  envers 
leurs  instituteurs  ;  s'ils  ouvrent  un  ouvrage  etranger,  pour  y 
chercher  une  instruction  que  les  savans  anglais  n'ont  pas  mis 
a  leur  porlee  ,  ils  eprouvent  un  facheux  desappointement,  et 
s'arretent  sou  vent  a  la  premiere  page,  faute  de  savoir  assez  d'al- 
gebre;  ils  s'apercoivent,  mais  bientard,  qu'il  faut  recommen- 
cer  leur  instruction.  Cette  mesaventure  n'arrive  que  trop  sou- 
vent  a  ceux  de  nos  jeunes  gens  les  plus  dignes  d'etre  encoura- 
ges; les  elemens  d'Euclidc  qu'on  leur  a  mis  entre  les  mains, 
et  le  Traite  des  Sections  conlc/ues,  tel  qu'il  est  dans  nos  ecoles, 
ne  les  ont  point  mis  en  etat  de  lire  une  seule  page  de  Poisson, 
de  Fourier ,  de  Dupin  ,  etc. ,  pas  plus  que  nos  methodes  de 
calcul  n'ont  pu  les  exercer  a  faire  usage  des  quipos  peruviens, 
ou  du  swan-pan  des  Chinois.  On  ne  doit  point  etre  surpris  que 
nos  ecoles  publiques  produisent  si  peu  d'hommes  remarqua- 
bles  dans  les  sciences  mathcmatiques ,  puisque  les  elemens 
qu'on  y  enseigne  sont  aussi  prodigieusement  en  arriere  de 
1'etat  actuel  de  la  science. 


SCIENCES  MORALES  ET  POL1TIQUES. 


DE   l'eNTENDEJIENT  ET  DE  LA  UAISON.   INTRODUCTION  A   l'eTUDE 

de  la  philosophy;  par J.-F.  Thurot,  professeur  an  College 
royal  de  France.  Avec  cetle  epigraphe  :  Dicam  enim  ncc 
men,  ncceain  fjuibus,  si  vera  non  fuerint,  non  vinci  me  malhn, 
quam  vlncere.   Cicer.  ,  Aeadem. ,  lib.   u ,  cap.  4  (')• 

L'observation  exacle  des  phenomenes  de  la  nature  a  fait 
laire  de  si  grands  progres  a  toutcs  les  sciences  qu'on  s'ac- 
corde  mainlenanl  a  la  considerer  comme  le  seal  moycu  d'ac- 
querir  de  veritables  connaissanccs.  Les  homines  qui  se  livrent 
a  l'etude  de  la  philosophic,  ct  qui  sont  le  plus  divises  dans 
lours  opinions,  conviennent,  comme  les  autrcs,  que,  pour 
connaitrc  un  objet  quelconquc,  il  n'y  a  pas  d'autre  moyen 
que  de  Pobserver  avec  soin.  Tons  assurent  que,  dans  leurs 
recherches,  ils  suivent  la  meme  methodc ,  et  qu'ils  nc  don- 
nent  pour  certain  que  ce  qu'ils  out  decouverl,  apres  avoir 
long- terns  observe. 

Cependant,  aussitot  que  les  philosophes  arrivent  a  l'expo- 
sition  de  leurs  idees,  ils  cessent  d'etre  d'accord.  Non-seule- 
ment  ils  nc  conviennent  plus  des  memes  fails  ,  mais  ils  nc 
s'accordent  pas  meme  sur  le  langage.  Les  theories  on  les 
systemes  qu'ils  ferment  de  part  et  d'autre  different  telleinent 
par  le  fond  des  idees  el  par  les  expressions  que  ce  qui  pour 
les  uns  est  evident  doit  necessairement  etre  inintelligible  ou 


(i)  Paiis.   i<S3o;    Aime   Anchr,   quai  Malaquais,  n°  l3.  2   vol.  in-8°  •, 


SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES.  5gi 

faux  pour  les  aulres.  Nous  nc  concevons  point,  par  exemple, 
qu'un  hommc  habitue  aux  ecrits  de  Locke,  de  Condillac,  dc 
Tracy,  de  la  Romiguierc,  puisse  rien  eomprendre  aux  ecrits 
de  l'ecole  philosophique  donl  M.  Cousin  est  le  i'ondateur. 
Mais,  d'un  autre  cote,  nous  ne  conccvons  pas  mieux  qu'un 
hommc  qui  comprend  ou  croil  eomprendre  les  ecrivains  de 
cetteecole  trouve  inlclligibles  les  ouvrages  des  premiers.  De 
part  et  d'autre  cependanl  ou  pretend  eludier  les  memes 
objcls,  el  fa  ire  usage  de  la  meme  methode. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  prouver  que  les  ecrivains  qui 
out  marche  sur  les  traces  de  Bacon  et  de  Locke  ont  admis 
('observation  des  (aits  conime  seul  moyen  d'acquerir  des 
connaissances  reelles  :  e'est  une  verite  que  personne  n'a  con- 
lestee.  Leurs  adversaires  pourraient  leur  reprocher,  toutfu 
plus,  d'avoir  mal  observe,  ou  d'avoir  neglige  1'obscrvation 
de  certains  phenomenes.  lis  nc  sauraient  leur  reprocher, 
avee  quelque  apparence  dc  raison  ,  d'avoir  voulu  s'in- 
struire  autrement  qu'en  soumettant  les  faits  a  un  examen 
scrupuleux. 

D'un  autre  cote,  si  Ton  reprochait  a  ceux-ci  d'avoir  voulu 
s'instruirc  autrement  que  par  Pobservation  des  fails  et  par  des 
inductions  lirees  des  faits  observes,  il  leur  scrait  facile  de 
trouver  dans  leurs  ecrits  la  preuve  qu'ils  ont  recommande  la 
methode  d'observation  comme  la  seule  propre  a  conduirc  a 
la  decouverte  de  la  verite.  M.  Cousin,  par  exemple,  nous 
apprend,  dans  la  preface  qui  precede  ses  Fragmens  p/iiloso- 
pluqucs ,  publics  en  1826,  que  e'est  avec  son  secours  qu'ila 
fait  scs  plus  grandes  decouvertes.  «  La  methode  d'observa- 
tion, dit-il,  est  bonne  en  elle-meme.  Elle  nous  est  donnee 
par  l'esprit  du  terns,  qui  lui-meme  est  l'ceuvre  de  l'esprit  ge- 
neral du  monde.  Nous  n'avons  foi  qu'd  elle,  nous  ne  pouvons 
rien  que  par  elle,  et  pourtant  en  Angleterre  et  en  France,  elle 
n'a  pu  jusqu'ici  que  delruire  ou  ne  rien  fonder.  Parmi  nous, 
son  seul  ouvrage  en  philosophic  est  le  systeme  de  la  sensa- 
tion transibrmee.  A  qui  le  tort?  Aux  liommes ,  non  d  la  me- 
thode.  La  methode  est  irreprochable  :  elle  suffit  toujours  ;  muis 


..i)j  SCIENCES  MORALES 

/'/  faut  Cappliquer  selon  son  esprit.  II  ne  faut  qu' observer  ;  77iais 
il  faut  observer  tout  (i).  ■> 

En  recommandant  la  metbode  d'obscrvation,  M.  Cousin  n'a 
pas  entendu  donner  tin  sterile  precepte  ;  il  a  tente  d'en  fa  ire 
rapplication ,  du  mo  ins  il  nous  l'assure.  «  Plus  que  jamais 
iidele  a  la  metbode  psycbologique,  dit-il,  au  lieu  de  sortir  de 
I' observation ,  je  m'y  enfoncai  davantage ,  et  c'est  par  I' observa- 
tion que,  dans  l'intimite  de  la  conscience  eta  un  degre  on 
Rant  n'avait  pas  penetre ,  sous  la  relativite  el  la  subjeclivite 
apparente  des  principes  necessaires  ,  j'atleignis  et  demelai  le 
fail  instantane,  niais  reel,  de  l'aperception  spontanee  de  la 
verite,  aperception  qui ,  ne  se  reflechissant  point  elle-iiK'nic, 
passe  inapeicue  dans  les  profondeurs  de  la  conscience ,  mais 
y  est  la  base  veritable  de  ce  qui,  plus  tard,  sous  une  forme 
logique  et  entre  les  mains  de  la  reflexion ,  devient  une  con- 
ception necessaire.  Toute  subjectivite,  avec  toute  reflectivite, 
expire  dans  la  spontaneity  de  la  reflexion.  » 

Dn  autre  ecrivain  de  la  meme  ecole,  31.  Tk.  Joufmoy,  re- 
connait  que  les  immenses  progres  des  sciences  naturelles  ne 
peuvent  etre  attribues  qu'a  un  beureux  emploi  de  la  metbode 
d'observation.  II  admet  que  cette  metbode  est  la  seule  a  l'aide 
de  laquelle  on  puisse  former  les  sciences  pbilosophiques  ;  seu- 
lement,  il  pense  qu'il  est  des  faits  qui  sortent  de  1'ordre  des 
fails  sensibles,  et  qu'il  faut  observer  autrement  que  les  faits 
des  sciences  naturelles.  «  Nous  admettons  pleinement  avec 
Bacon,  dit-il,  que  tout  ce  que  nous  pouvons  connaitre  de  la 
realite  se  reduit  d  des  faits  que  nous  observons  et  a  des  induc- 
tions tirees  de  ces  faits  sur  la  partie  de  ia  realite  qui  echappe 
a  notre  observation.  Nous  ajouterons  meme,  pour  etre  plus 
complets,  que  nous  tironsces  inductions  au  moyen  d'un  certain 
nombre  de  verites  on  axiomes  primilifs  qui  nous  revelent  ce 
que  nous  ne  voyons  pas  dans  ce  que  nous  voyons  ,  et  sans  les- 
quels  nous  n'irions  jamais  au  dela  des  faits  observes.  Nous 
sommes  si  convaincus  de  la  verite  de  cette  doctrine  que  nous 


(i)  Fragment  phiiosoph. ,  pag.  vui. 


ET  l'OLITIQl  KS.  5r>5 

nc  I'ad meltons  pas  parcc  qu'elle  est  dc  Bacon,  grtais  unique- 
mciit  parce  qu'elle  represente  ellc-meme  an  fait  incontestable 

dc  ('intelligence  humainc  (1). 

Biffin,  M.  Damiron,  que  M.  Cousin  considere  comme  an 
des  plus  distingucs  de  ses  disciples  ,  nous  apprend  que  son 
maitre  a  adopte  la  methodc  suivie  par  tous  les  hommes  veri- 
ta!)!ement  instruits.  Suivant  lui,  l'opim'on  de  M.  Cousin  sur 
la  methodc  n'a  rien  dc  parliculier  :  e'est  celle  da  monde  savant, 
a  quclqa.es  exceptions  pris ;  et  le  disciple  est  d'aceord  sur  ce 
point  avee  1c  mnitre.  II  declare  posidvemcut  que  la  senle  ma- 
niere  de  faire  de  la  philosophic  eM  la  mclhode  d 'observation. 
C'est  aujourWhai  s  ajoule-t-il,  Co  pinion  la  plus  generate  dans 
le  monde  savant.  II  concoit  cependant  one  methodc  diffe- 
renle,  mais  il  tie  la  concoit  que  chez  les  hommes  qui  par- 
lent  au  nom  de  la  revelation,  e'est-u-dire  chez  les  theolo- 
giens  (aj. 

Ainsi,  voihi  deux  classes  d'ecrivains,  ou,  si  Ton  veut,  de 
philosophes,  qui  adoptent  la  meme  methode,  qui  l'nppliqucnt 
al'etude  des  memes  objels,  et  qui  arrivent  a  des  resultats  en- 
ticrement  opposes. 

Les  ecrivains  de  la  nouvelle  ecole,  que  nous  pouvons  con- 
siderer  comme  les  romantiques  de  la  philosophic,  traitenl  les 
philosophes  des  deux  derniers  siecles  a  pen  pres  comme  les 
romantiques  litteraires  traitent  nos  pocles  et  paitlculicrement 
nos  ecrivains  dramatiques.  lis  assurent  que,  depuis  Locke 
jusqu'u  M.  de  Tracy  inclusivement,  les  philosophes,  et  parti- 
culnrcmcnt  ceux  que  la  France  a  produils  dans  le  cours  du 
xviu0  siecle,  n'ont  debile  que  des  crreurs.  Suivant  eux,  leurs 
ouvrages  ont  cu  et  peuvent  avoir  encore  les  consequences  les 
plus  i'unestes  pour  le  genre  humain.  Leurs  opinions,  au  con- 
traire,  si  nous  nous  en  rapportons  a  eux,  ne  tendent  quau 

(1)  Voyez  la  preface  de  la  tradnclii  n  ties  Esquisscs  dc  Philosophic  mo- 
rulo  de  Dugt.il  Stewart,  par  M.  Th.  Joujfbov. 

(2)  Essai  sur  t'Hisloircd^  la  Philosophic  en  France,  au  xix"  siLclb.  T.  u  , 
p.  24!-. 

T.  Xi.VI.   JTJ1B   I  83o.  58 


5g , 


SCIENCES  MORALES 


I »*■  i  feclionnemcnt  des  uttocurs,  et  deja,  si  I'on  en  croil  ceux  qui 
les  professent,  elles  oni  produrl  loute  la  liberie  doni  la  Franca 
jouit  aujourd'hui  (i). 

Los  ndv  ersairesdesphilosophes  romaniiqucslcur  I'oni,  a  leur 
tour,  des  rcproches  qui  ne  sont  gucre  moins  graves  :  ils  pro- 
lendcut  que  lours  ecrits  soul  inintelligibles  on  absurdes  lis  les 
accuscnt  do  reprnduire  les  reveries  du  Bas-Empire  et  du  nioven 
aye,  et  disent  qu'ils  leiaieul  reculer  la  raison  buniaine  de 
plusieui'S  siocles,  si  la  raison  luunaine  pouvail,  en  ell'el ,  rc- 
trograder.  Ils  leur  reprochent  surlout  d'affecter  tine  insul- 
tantesupcriorile  sur  les  grands  ecrivains qui  les  out  precedes, 
el  qu'ils  prelendent  avoir  delrones,  et  les  defient  de  eilcr  tin 
fait  dont  ils  puissenl  s'atlribuer  la  deeouverle.  Enfin,  ils  assu- 
rent  que  les  nouvcaux  mailrcs  de  philosophic,  non-seuleme.nl 
n'ontpas  fait  faire  un  seul  pas  a  une  science  quelle  qu'ellesoit, 
mais  que  leurs  travaux  n'ont  pas  eu  d'autres  rosullals  que 
d'obscurcir  l'inlelligence  de  tous  les  jeunes  gens  qui  out  suivi 
leurs  leeons,  et  de  leur  inspirer  une  incurable  vanile  (2). 

Serions- nous  obliges,  pour  expliquer  ['opposition  qui 
cxistc  enlre  les  deux  ecoles,  d'admettre  que  les  homines  nc 


{1)  Voyez  les  Lemons  de  Philosophic  de  M.  Cousin,  et  YEssai  sur  I'His- 
loiic  dc  la  Philosophic  de  M.  Damiron. 

(2)  11  est  bien  vrai  que  les  philosophes  de  la  nouvclle  ecole  ont  prc- 
tendu  qu'ils  en  avaient  fini  avec  le  xvmc  siccle,  cumnie  le  xvme  sieclc  en 
avait  fini  avec  le  nioyeii  age,  et  qu'a  1'exemple  de  Saint- Simon  ils  ont 
accuse  les  grands  ecrivains  de  cetle  epoque  d'avoir  tout  detruit  et  de 
n 'avoir  lien  su  fonder;  mais,  s'ils  se  sont  atlribuc  la  gloire  d'avoir  a  ja- 
mais ruine  ces  deslrucleuis,  ils  n'ont  pas  pieteudu  qu'ils  avaient  eux- 
inemcs  fonde  quclque  chose.  M.  JoufFioy  dit,  an  contraire,  qu'il  cioil  que 
les  sciences  philosopbiques  ne  meritent  point  le  lilre  de  sciences,  parce 
qu'elles  sont  encore  livrees  a  cet  esprit  de  systeme  auquel  echappent  a 
peine  les  sciences  n  aim  el  les.  M.  Damiron  se  demande  quelle  sera  la 
Iheorie  de  son  ecole,  et  il  repond  :  II  serait  difficile  dc  le  dire  parce  one  CBS 
ciiosES  sokt  a  haithk;  mais  si  ccs  clioses  ne  sonl  pas  encore  (en  1828),  du 
moins  dies  sc  priparcnl,  s'clabonnt  et  sc  font  prcssenlir.  T.  1,  p.  i5S.  — 
Voila  done  une  ecole  qui  depuis  quinzc  ans  an  moins  est  en  travail,  el 
qui  n'a  pa  encore  accoucber. 


ET  POLITIQUES.  5r,5 

sont  pas  Ions  doueS  des  menies  organes,  et  que  les  tins  pos- 
sedent,  pour  decouvrir  la  verite,  un  sensdont  les  autres  so:.t 
prives  ?  Si  rien  ne  coustate  ou  ne  fait  supposer  unc  difference 
d'organisalion,  ne  devons-noiispasconclurequcl'aceordsur  la 
methode  ou  sur  l'objct  auquel  on  l'appliquc  est  plus  apparent 
que  reel?  C'est  en  effet  ce  qui  arrive  :  quand  des  deux  cotes 
on  nous  parle  d'observation,  on  ne  s'entend  que  sur  un  mot. 

Quel  est  le  sens  qu'attachent  a  ces  mots  :  methode  d'obser- 
vation, les  disciples  de  Bacon,  de  Locke,  de  Condillac?  lis 
pensent  que,  pour  eludier  un  phenomene  quel  qu'il  soit,  il 
l'aut  employer,  a  ['observer  les  organes  dont  la  nature  nous  a 
doues;  il  faut  eludier  I'objel  nicme  qu'on  veut  connaitrc,  et 
non  pas  un  autre. 

Mais  est-ce  la  ce  que  la  pbilosophie  pretendue  eclectique 
entend  par  methode  d'observation?  nullement.  Les  ecrivains 
de  celle  ecole  posent  d'abord  en  principe  que  tout  est  dans 
tout  (1).  La  eunnaissance  de  celte  maxime  ne  saurait  etre  le 
rcsultat  de  l'observation;  car,  pour  y  fire  arrive  par  cetle 
voic,  il  faudrait  avoir  observe  toutes  cboses,  et  n'avoir  laisse 
aiicune  decouverte  a  t'aire.  A  moins  de  posseder  la  science 
universelle,  nul  ne  peut  done  affirmer  avec  certitude  que  tout 
est  dans  tout,  sans  le  secours  de  la  revelation.  Voilu  done  la 
methode  d'observation,  telle  que  les  savans  la  conpoivent  et 
rappliquent,  repoussee  avant  d'avoir  fait  le  premier  pas  dans 
la  science. 

La  nouvelle  ecole  ayant  admis  comme  une  incontestable 
verile  que  tout  est  dans  (out,  il  lui  suffit  d'etudier  quelque  ob- 
jet  que  cc  soit  pour  acquerir  la  science  qu'clle  desire  posse- 
der. Elle  parviendrait  a  determiner  la  conformation  d'un 
aigle  en  observant  un  limacon;  et  fcrait  sorlir  un  traite  de 
morale  de  l'observation  d'un  triangle.  Tout  etant  dans  tout, 
il  n'est  rien  qui  ne   soit  dans  1'bomnie   :   aussi  la  nouvelle 

(1)  M.  Cousin,  Ccurs  d'Hislcirc  de  la  Philosophic  de  iS2S. 


'u}6  SCIENCES  MORALES 

icole  nous  declare-t-elle  en  termes  posilifs  que  Yhommc  est 

tin  unircrs  en  abrege"  (1). 

Celui  qui  veut  eludicr  l'hnmmo,  par  Ic  procode  quo  nous 
designons  par  les  mols  'mithode  (f  observation,  est  oblige  d'ob- 
servcr  chacunc  des  parlies  qu'il  veut  connaftre.  II  facit  qu'fl 
applique  les  divcrscs  facultes  dont  la  nature  l'a  done  a  ctu- 
dier  son  organisation  physique,  ses  passions,  scs  mccurs,  son 
intelligence,  ses  lois,  son  histoire. 

Mais  celte  observation  n'est  pas  necessairc  snivant  la  nou- 
velle  eeolc  :  il  suffit  de  savoir  (aire  usage  de  V analyse  psycho- 
togique.  Par  cos  deux  mots  1'ecole  entend « ['observation  lente, 
patiente,  minutieuse  des  faits  caches  dans  la  nature  humaine, 
a  Vaide  de  la  conscience  (2).  »  La  psychologic  s'acquiert  done  eri 
se  repliant  sur  soi-meme,  en  s'isolant  des  ohjets  exlcrieurs, 
et,  comme  on  dit,  en  s'ecoutant  penser. 

Tout  etant  dans  tout  et  l'homme  etant par  consequent  un 
univers  en  abrege,  que  sera  la  psychologie,  cetle  science  qu'on 
acquiert  en  regardant  en  soi-meme  avec  les  yeux  de  l'esprit? 
«  Elle  est,  dit  le  chef  de  1'ecole  nouvclle,  la  science  universefle 
concentric  La  psychologie  conlienl  el  reflechit  tout,  et  cc  qui 
est  de  Dieu,  et  ce  qui  est  du  monde,  sous  t' angle  precis  et  de- 
termine de  la  conscience;  tout  y  est  a  l'etroit,  mais  lout  y 
est  (3).  » 

II  n'est  done  pas  necessairc,  pour  aequerir  la  science  uni- 
versellc,  d'observer  chacun  des  objets  dont  les  sciences  s'oc- 
eupent;  il  suffit  de  s'isoler  du  monde  exterieur,  de  renlrer 
en  soi-meme,  et  de  considcrer  attentivement  ce  qui  se  trouve 
cache  sous  Tangle  precis  et  determine  de  la  conscience. 

Les  ccrivains  de  cetle  ecole  donnent  a  ce  procede  le  nom 
de  mithode-  a" observation,  et  ils  en  sont  Inert  les  maitres;  inais, 
dans  leur  bouche,  ces  mols  n'ont  certainement  pas  Ic  mfine 
sens  qu'ils  ont  quand  ils  sont   employes   par  les  savans.  Si 


(1)  Court  d' His loirede  la  Philosophic  de  1S2S;  5°  Ie^on,  p.  ">4- 
(■>)  Ibid.,  f  Ic^on,  p.  6.  —  (3)  Ibid.,  5"  le^nn,  p.  7>/\. 


1ST  i'OLITIQLES  5<)7 

les  nicuibres  de  l'Acadeniie  ties  sciences  ou  tic  1'Acadcmie 
des  inscriptions  n'avaienl  jamais  regarde  que  sous  I'aaglc  pre  - 
cis  ot  determine  de  leur  conscience,  nous  doulons  qu'ils 
eussent  fait  1'aire  de  grands  progres  aux  divcrses  branches  des 
connaissanccs  humaincs.  Nous  avons  quelque  peine  a  com- 
piendie  comment  un  hommc  parviendrait  en  procedant  ainsi 
a  connaitre  la  geographic,  la  geologie,  la  botanique,  l'lus- 
loirc,  l'arahc,  le  grec  ou  le  chinois. 

L'ohjet  de  ces  rcmarqucs  n'est,  ni  de  faire  la  critique  des 
procedes  scicntifiqucs  de  la  nouvelle  ecole,  ni  de  pronvcr 
(ju'elle  ne  sait  rien  observer  :  nous  voulons  (aire  voir  scule- 
incnt  que  ce  qu'elle  nomme  methede  £  observation  n'a  rien  de 
commun  avec  les  procedes  que  les  naluralistcs  et  un  grand 
nombrc  dc  philosophes  designent  par  les  memes  mots.  Cos 
deux  procedes  ne  se  ressemblent  en  aucune  maniere;  el  ?i, 
pour  parvenir  a  la  verile,  il  n'y  a  qu'une  voie,  il  est  fort  a 
oraindre  qu'on  ne  s'egare  do  part  ou  d'autrc. 

Les  philosophes  eclectiques  reconnaissent  eux-memes  que 
leur  millwde  d' observation  n'a  rien  de  commun  avec  le  pro- 
cede  que  les  savans  designent  par  ces  mots.  Apres  avoir  fait 
I'eloge  de  eclte  melhode  quand  its  en  parlent  d'une  maniere 
general e,  ils  la  declarcnt,  en  effet,  inapplicable  quand  ils  la 
concoivent  telle  qu'on  1'emploie  dans  les  sciences ;  ils  asso- 
rt nt  posilivemcnt  qu'elle  ne  pent  conduire  a  aucun  grand  re- 
sultat.  La  raison  qu'ils  en  donncnt  est  que,  si  Ton  voulait 
toujours  en  faire  usage,  il  faudrait  se  livrcr  a  des  travaux  sans 
fin  ;  ii  n'y  aurait  pas  moyen,  discnt-ils,  de  connaitre  un  sys- 
teme  et  de  le  declarer  bon  ou  mauvais,  avaut  de  l'avoic  ci.ii- 
die ;  on  ne  ponrrait  faire  des  classifications,  distinguer  ties 
epoques,  avant  d'avoir  observe  Its  objets  qu'on  se  propose  de 
classer  (i). 

Ainsi,  quand  ils  emprunlent  a  I'ecole  scicntifique  la  methode 


(1)  Voyez  la  4C  lecon  l'u  fours  d'Hisloirc  dc  la  Philosophic,  p.  ia-l4.  — 
Vnyiz  aussi  dans  YEssai  sur  I'Histoire.  do  la  Philosophic  de  M.  Daaiiion, 
le  chapitre  dans  lequel  i'autcur  Lraite  do  la  science  dc  I'inobstrvable. 


"h,M  6€TENC£S  MORALES 

d' observation ,  ils  nc  Ini  emprunlent  rcellcmcnt  que  deux 
mots  :  ils  n'adoplcnt  auctin  de  ses  procedes.  Faul-il  done 
s'etonncr  si  les  deux  ecoles  lie  pcuvent  se  coinprcndre  mu- 
tuellemenr,  et  si  elles  amvent  a  des  resullats  qui  n'ont  rien 
deromuuin?  Lea  pretentions,  le  langage,  et  nous  pourrions 
meme  dire  les  habitudes  des  deux  ecoles,  correspondent  au 
reste  parfaitement  aux  procedes  qtfclles  cmploient. 

On  rcproche  a  la  premiere  de  trailer  avec  mepris  les  grands 
eerivains  que  l'Anglelcrre  et  la  Fiance  out  produits  pendant 
Te  dernier  siecle;  on  les  accuse  de  manquer  dc  modestie. 
Mais  un  pen  d'orgucil  n'est-il  pas  pcrmis  a  celui  qui  pcul  ac- 
queriir  la  science  uiiivcrscllc  en  reposant  douccment  sur  son 
oreiller?  La  philosophic  romanlique  ne  donne-t-elle  pas  l'ex- 
plication  de  Ionics  choses?  Et  des  hommes  aux  yeux  desquels 
il  n'est  rien  d'inexplicable  ne  participcnt-ils  pas  aux  preroga- 
tives de  la  divinite  (1)  ? 

Les  disciples  de  Bacon,  de  Locke,  de  Condillac,  accusent 
leurs  adversaires  d'etre  inintelligihles.  Mais  comment  des 
hommes  qui  ne  voient  que  des  yeux  de  la  tele,  et  qui  ne 
tavent  entendre  que  par  leurs  oreilles,  pourraient-ils  com- 
p  rend  re  des  hommes  qui  apprennent  tout  sans  rien  regarder, 
in  sans  rien  ecoutcr?  I'eut-il  y  avoir  quclque  chose  de  com- 
mun,  soil  dans  leurs  idees,  soil  dans  leur  langage!  N'est-il 
pas  ridicule,  par  exemple,  que  les  coiidillaciens  ou  les  sensua- 
lities ,  comme  on  les  a  elegainment  appelcs,  aient  la  preten- 
tion d'entendre  ccux-ci,  quand  ils  disent  au  genre  luimain  :  «  II 


(1)  La  philosophic,  dll  M.  Colsin,  est  la  tamicre  de  Ionics  les  lumicres^ 
I'auioritc  de  loules  les  atiloritis  (Cours  d'Histoire  de  la  Pbilosoplne,  l"  le- 
con,  p.  59,  1S2S).  La  philosophic  est  rinlettigcncc  absottic,  l'^xplicatioic 
absolue  de  toctf.s  choses,  ibid.,  p.  29.  Le  savant  professeur  entend  pai  ler 
ici  do  sa  pbilosopbie,  et  non  de  la  pbilosopbie  des  scnstiatistes.  Ceux-ci, 
routine  il  le  dit  ties-Men  dans  tine  autre  partio  de  ses  leeons,  ne  sont  que 
des  moilies  d'homities,  landis  .jne  lui  et  ses  disciples  sont  des  liommes  tout 
cnliers.  Aussi  n'appai  tienl-il  pas  a  tine  moilie  d'hommc  do  defin'u-  1'in- 
fini,  de  donner  I'oxplioation  absolue  de  toutes  clioses,  et  de  faire,  par 
('observation,  la  science  de  I'inobservabie. 


ET  BOUTIQUES.  50g 

y  a  thins  la  raison  humaine  deux  elemens  etleur  rapport,  cYsi  - 
a-dirc  trois  ('lemcns,  trois  ulecs.  Cos  trois  blocs  ne  soul  pas 
un  produit  arbitrable  dc  la  raison  humaine;  loin  de  la,  dans 
leur  triplicate  et  dans  lour  unite,  elles  constituent  le  fond 
meme  de  cclle  raison  ;  elles  y  apparaissent  pour  la  gouverner, 
conune  la  raison  apparait  dans  l'hommc  pour  le  gouverner. 
Ce  <|ui  ctaitvrai  dans  la  raison  humainement  considerec,  sub- 
sist* dans  la  raison  considerec  en  soi ;  ce  qui  faisait  le  foods  de 
la  raison  eternelle,  c'est-a-dire  une  triplieile  qui  se  resoul  en 
unite,  et  une  unite  qui  se  developpe  en  triplieile.  L'unile  de 
eetle  triplieile  est  seulc  reelle  ,  et  en  meme  terns  eelte  unite 
peri  rait  tout  entitle  dans  un  seul  des  trois  elemens  qui  lui 
sont  neccssaircs  ;  ils  ont  done  tons  la  meme  valeur  logiquc,  et 
constituent  une  unite  indecomposable  (i).  » 

Ce  passage  el  une  multitude  d'autrcs  que  nous  pourrions 
rappoi  tor,  et  qui  ne  sont  ni  moins  clairs  ni  moins  profonds, 
prouvent  inconleslablemenl  queles  deux  ecoles,  qui  different 
dans  la  methode  qn'elles  emploient,  different  aussi  dans  lo 
langagc.  II  y  a  sans  doule  dans  les  deux  langues  des  mots 
commons  a  1'une  et  a  l'autre;  mais  ces  mots  n'ont  pas  la 
meme  signification.  Nous  ne  devons  pas  clre  etonnes  si  I'ecOle 
scientifique  ne  voit  que  tencbres  la  ou  d'aulres  sont  frapp es 
d'une  admirable  lucidite. 

Ayanl  olabli  que  les  deux  ecoles  entre  lesquelles  la  philo- 
sophic se  divisedc  nos  jours  different  par  la  methode,  par  les 
resullats  qu'elles  en  obliennent,  par  les  idecs  ct  par  le  lan- 
gagc, nous  devons  arriver  a  l'ouvragc  qui  fait  le  sujet  dc  cet 
article. 

I.'auleur  admet,  comme  tons  les  aulrcs,  qu'il  n'y  a  qu'une 
bonne  mclhodo,  celle  qui  consist 6  dans  L'art  d'observer.  Mais 
attache-t-il  a  ces  mols  le  sens  qu'on  lui  donne  dans  les  scien- 
ces, ou  celui  que  lui  altribue  la  philosophic  eel ectique?  Les 
chefs  dc  cetle  philosophic  lc  compterout-ils  an  nombre  de 
burs  scctalcurs  ,  ou  le  relogueront  -  ils  paruii  les  condillaciens 

(i)Cours  cPUisloirodc  fa  Philosophies  S"  le?on,  p.  i5. 


6of>  SCIENCES  MORALES 

<t  les  sciisualistcs?  Cettc  question  est  grove  dans  Ic  terns  ou 
nous  vivons  :  car,  si  les  premiers  promettent  la  gloirc  a  cetfx 

qui  se  pfacent  sous  leur  baitnicre,  iis  nienaccnl  lie  I'ouhli  lout 
honmie  qui  s'en  ('•carlo. 

M.  Thurot  a  parfaitement  compris  ot  determine  lc;  dan- 
gers auxquels  on  s'expose  qunnd  on  combat,  on  seulemeot 
quand  on  n'adopte  pas  certains  sy>lcines. «  Ceux  qui  out  unc 
fois  adople  unc  opinion  oo  un  systemc  en  ce  genre,  dit-il, 
s'y  attaches!  avec  lant  d'opiuntretc  qu'iis  eprouvent  loujours 
quelque  peine,  on  mftme  unc  sorte  de  colore,  a  l' occasion  de 
tout  ce  qui  conlrarie  leur  theorie.  favorite.  Plusieurs  d'entre 
t  ux  out  recours,  pour  la  [aire  triompher,  a  deux  moyens  qui 
out  en  effet  quelque  SQCfJs  aupres  de  la  multitude,  et  qui 
semblent  se  preler  1'ua  a  l'autre  un  mutuel  appui,  naais  qui, 
pourtant,  ne  font  rien  a  la  question.  Le  premier,  e'est  de  "par- 
ler  avec  une  grande  admiration  d'eux-memes ,  de  leurs  doc- 
trines, on  de  celles  qui  s'en  approchent  In  plus.  Lc  second, 
e'est  de  s'exprimer,  au  contraire,  avec  un  dedain  presque 
voisin  du  nicpris  sur  les  opinions  opposees,  d'employer  memo 
pour  les  designer  des  termes  qui  tendent  a  les  l'aire  regarder 
comaic  iminorales. » 

Cetie  consideration  n'a  point  empGche  M.  Thurot  de  re- 
nheix'her  et  d'exposerla  veiite,  en  snivantla  methods  exclu- 
sivement  admise  aujourd'hui  dans  les  sciences.  L'auteur. 
apres  avoir  determine  lc  sens  general  du  mot  philosophic, 
fiit  voir  que  la  philosophic,  commc  science  particuK&re  ,  n'est 
que  I'etude  de  soi-nicmc,  c*csl-a-dire  de  i'honime  et  de  ses 
i'aciiilcs.  II  observe  qu'en  rcflechissant  sur  ce  q  l'il  est  parvenu 
a  snvoir  jusqu'ii  present,  chaque  homme  pout  se  convaincre 
que  tout  ce  qu'il  a  acquis  de  connaissauces  rcelles  ,  positives 
et  vcritablement  utiles,  consiste  principalcmcut  dans  l'obscr- 
valion  exacte  et  attentive  de  la  manic  re  dont  se  succedent  les 
divers  ordrfes  de  fails  on  d'evenemens  que  nous  oifrc  sans 
cesse  lc  spectacle  de  la  nature  et  de  la  societe.  Quand  unc  Ibis, 
dit-il,  celte  succession  a  etc  reconnue  et  invariablenient  con- 
statee,  la  science  relative  a  I'espece  partiouliere  de  fails  que 


ET  POLITIQUES.  601 

Ton  considcre  existe,  et  sc  trouve  fondce  sur  sa  veritable 
base; 

M.  Thurot  trouve,  dans  l'histoire  des  sciences,  la  demon- 
stration de  ectte  vcrite;  il  la  fait  remarquee  particulicrement 
dans  L'histoire  ds  l'astronomte  et  de  la  ehiniie.  «  II  me  serait 
gaos  doHrte  facile,  ajoute-t-il ,  d'appliquer  dcs  reflexions  du 
m'me  genre  a  presque  tontes  les  autres  branches  de  la  con- 
naissapce  humaine  :  a  la  physique,  a  la  medceine  et  meme 
aus  sciences  morales  et  politiques,  et  Ton  devine  d'avance 
qu'on  serait  conduit  au  name  resultat.  II  est  done  evident  que 
io;iie  science  reelle,  tontc  connaissancc  positive,  nc  consisle- 
qn'en  des  series  plus  011  moins  elendues  c«  faits  soigneuse- 
ment  observes,  dont  l'ordre  el  la  succession  out  etc  constates 
par  des  experiences  nombreuses  el  diverses,  qui  nous  mettent 
a  meme  de  prevoir,  dans  bicn  des  cas,  avec  certitude,  ce  qui 
doit  .-uivre  de  telles  011  telles  circonstances  donnees  ou  con- 
nues;  circonstances  qui  nesont  clles-memes  que  des  faits,  de 
la  realite  desquels  nous  sommes  assures,  soit  immediatement, 
soil  d'une  maniere  indirecte.  » 

('.'est  done  reellement la  methode  d'observation  usitce  dans 
les  sciences  que  HI.  Tburot  applique  a  1'ctiidc  de  In  philosophic. 
Le  pfocede  dont  il  fait  usage  n'a  done  men  de  commun  avec 
cette  ecole  reveuse  quicroit  arriver  a  la  science  universellc  en 
gommeillant.  Son  langage  est  loujours  clair,  precis,  elegant; 
lei,  en  un  mot,  qu'il  doit  etre  dans  un  ouvragc  verilablement 
scientifique. 

L'auteura  d'abord  divise  le  sujetdont  il  s*occape  en  deux 
grandes  parlies,  ain>i  que  l'indiqne  le  litre  de  son  ouvragc;  il 
Iraile  de  rentendement  dans  la  premiere,  et  de  la  raison  dans 
la  secoade. 

II  a  suhdivise  la  premiere  parlie  en  trois  sections  :  dans  la 
premiere,  il  traitede  la  connaissance;  dans  la  seconde,  de  la 
science  ;  ctde  la  vo'onte,  dans  la  troisieme.Ilexposcdanslapre- 
Biien  les  faits  les  plus  generaux  qui  constituent  tout  acte  en 
x  rtu  duquel  nousconnaissons  un  objet  qucleonque.  II  deter- 
mine ensuite  ce  qu'il  fuut  entendre  par  les  mots  sensation,  per- 


6oa  SCIENCES  MORALES 

ceptivn,  intuition,  impression  ,  sentiment,  conscienee.  La  valour 

deccs  mots  etant  determinee,  il  examine  successivement  leg 

moyens  que  la  nature  nous  a  donnes  d'acquerir  ccrtaincs  con- 
naissanccs.  II  traite  du  lonelier,  et  des  perceptions acquises qui 
so 1 1 1  le  resultatde  cc  sen*,  du  gout,  de  l'odorat,  dc  l'oule,  dc  la 
viic.Enfin,  il  s'occupe  des  perceptions  acquises  par  la  vue,  et 
des  representations  qu'elles  fournissscnt  a  la  menioire,  des  sen- 
timens,  de  l'inslinct  ct  de  ('habitude,  del'orgauisaiion. 

Dans  la  seconde  section,  cede  qui  est  relative  a  la  science, 
M.  Thurot  s'occupe  d'abord  dc  ['abstraction  ctdu  langage;  il 
traite  ensuite  des  notions  et  des  conceptions,  de  la  preposi- 
tion et  de  ses  diverges  cspeces,  de  la  grammaire  generate,  on 
de  la  maniere  de  signifier  des  mots,  en  fin  de  la  melaphysique 
et  dc  la  signification  de  plusieurs  lernies  employes  par  Ies  me- 
laphysiciens. 

L'auteur  traite  dans  la  troisiemc  section  de  la  volonte  dans- 
l'etrc  done  des  facnlles  de  connailre  et  de  savoir;  des  senli- 
mens  et  des  passions;  de  la  sympalhie,  consideree  conime 
cause  des  senlimens  moraux,  et  des  passions  qui  naissent  de 
cette source  ;  de  la  faculle  de  perception  morale,  et  des  notions 
qu'elle  fournit  a  I'entendemcnt;  du  sentiment  religieux  el  dc 
son  influence  sur  la  vertu  ct  le  bonhcur;  enfin  de  l'influence 
de  la  legislation  ,  ou  du  mode  d'existence  des  societes  polili- 
ques,  sur  la  vertu  et  le  bonhcur. 

La  seconde  parlie  del'ouvrage,  bien  moins  clendue  que  la 
premiere,  traite  de  la  raison,  dc  la  verite,  des  caractercs  do 
la  verite,  des  moyens  par  lesquels  ils  so  manifcslent  a  noire 
esprit,  et  des  effets  qu'ils  y  produiscnt;  de  la  methodc  et  des 
moyens  que  l'cspiit  liuniain  pent  employer  duns  la  recherche 
de  la  verite;  en  fin,  du  raisonncment. 

On  voil,  par  cct  expose,  que  M.  Thurnt  a  traite  des  pheno- 
tnenes  qui  sont  l'ohjet  de  son  ouvrage,  dans  1'ordre  le  plus  na- 
ture!, el  que,  par  consequent ,  toutes  ses  idees  s'enchainent. 
Condillac,  dans  plusieurs  dc  ses  ouvrages,  clait  lomlie  dans 
une  crreurque  j-es  ennemis  lui  out  ainercmcnl  reprochee,  et 
qui  a  etc  la  cause  dc  prcsque  toutes  les  accusations  dont  il  a 


ET  POLITIQUES.  Co3 

cte  l'objct.  II  avait  considere  tons  les  pbenomenes  de  l'en- 
fendement  ct  dc  la  raison  commi;  un  fait  unique  diversement 
modifie  ;  ayant  un  esprit  done  d'une  grande  puissance  de  de- 
duction, il  avait  tache  de  tout  ramener  a  un  principe  unique. 

M.  Thurot  n'est  pas  tombe  dans  cette  erreur  :  il  a  tres bien 
compris  que  les  pbenomenes  divers  qui  sont  I'objet  d'une 
science  ne  derivent  pas  toujours  et  necessairement  d'un  fait 
primitif  et  unique,  ou  que,  s'ils  en  derivent,  il  ne  nous  est 
pas  toujours  donne  de  decouvrir  ce  fait  on  d'apercevoir  com- 
ment il  se  lie  a  tous  les  autres.  Aussi  s'est-il  borne  a  decrire 
ccux  qui  rentrent  dans  la  science  dont  il  s'occupe,  sanspre- 
tendre,  avec  Condillac,  que  ces  pbenomenes  ne  sont  que  la 
transformation  d'un  fait  unique.  On  fait  transforms  n'est  pas  le 
ni'rac  fait;  e'estun  fait  nouveau  ;  ce  n'est  que  par  une  espece 
d'al:us  du  Ian  gage  qu'on  pent  dire  le  contraire. 

Les  sujets  que  M.  Thurot  a  traites  sont  trop  nombreux  et 
trip  varies  pour  qu'il  nous  soit  possible  de  donner  ici  uno 
idee  exactc  et  complete  de  son  ouvrage.  Nous  nous  bornerons 
a  parler  de  la  partie  qui  pcut  le  micux  le  fa  ire  apprecier,  de 
la  partie  qui  se  rapporte  a  la  morale. 

II  y  a  deux  manieres  dc  juger  une  tbeorie  :  I'une  est  de  la 
considerer  en  elle-mcme;  l'aulrc  d'exnminer  les  resultats  aux- 
quelselle  conduit  dans  la  pratique.  La  premiere  eon  vicnt  peut- 
fitre  plus  que  la  seconde  aux  csprits  speculates;  mais  la  se- 
conde  est  la  plus  expeditive  et  pcut-etre  aussi  la  plus  sure. 
Kous  sommes  dans  un  siecle  d'ailleurs  ou  Ton  veut  arriver  a 
des  resultats  positifs  :  on  ne  s'engage  point  dans  une  route 
difficile  si  on  ne  sait  pas  ou  elle  mine.  C'cst  done  par  les  ve- 
rites  pratiques  de  M.  Thurot  que  nous  devons  faire  juger  de 
sa  tbeorie. 

Nous  voudiions  qu'il  nous  ful  possible  de  reproduire  ici 
toute  la  parlie  dans  laquellc  l'auteur  s'occupe  de  morale;  no 
pouvant  tout  citcr,  nous  en  donncrons  nnc  analyse  rapidc,  et 
nous  rapporterons  quelqucs  pages  pour  justifier  notrc  juge- 
ment. 

La  partie  de  son  ouvrage  dans  laquellc  M.  Thurot  expose 


6o4  SCIENCES  MORALES 

parliculiorcmcnt  les  jdu'nomencs  moraux  est  relic  ou  il  traile 
(I  •  la  volonle.  L'auteur  fait  connailre  d 'a Lord  ['influence  de  la 
nature  sociale  dc  rbomme  ct  dn  langage sur  la  volonte,  etles 
facultes  et  lea  opera  tious  (|iie  la  voloute  embrasse  on  suppose* 

II  Iraitc  ainsi  de  1'altenlion ,  de  la  memoire,  de  la  liaison  ou 
association  flies  idees,  de  I'exercice  ct  de  la  culture  de  la  me- 
moire, de  1'iniagination,  ct  dcs  effels  quelle  produit  sin-  la 
conduite  ordinaire  ue  la  vie. 

L'imagi  nation  est  celle  de  nos  facultes  a  laquellc  la  lillera- 
ture  el  ia  philosophic  rouiantiqucs  de  nos  jours  donncut  la 
preponderance;  nous  pouvons  nieine  dire  qu'ellc  est  la  scule 
qu'elles  adrnettent.  Rcponssant  1'observation  Icntcet  lahorieuse 
dcs  fails,  n'admcltant  aucune  des  regies  que  la  raison ,  le  terns, 
I'experience  ont  consacrees,  le  roniantisme  litteraire  ou  phi- 
losophiquc  pretend  tout  connaitre  et  lout  faire  par  le  scul 
secours  de  I'imngination,  Part  dramaliquc,  la  morale,  les  lois, 
et  meme  I'liisloirc  des  evenemens  et  des  systemes  philosophic 
ques  de  1'antiquite.  M.  Thurot  nc  meconnait  point  les  a  vanta- 
ges qu'on  peul  retirer  de  cette  faculte,  quand  elle  est  dirigee 
par  ii;i  jugement  sur ;  mais  il  reconnait  aussi  que, chez la  plupart 
dcs  homines,  die  esl  nn  prineipe  d'erreurs  plusoumoins  dan- 
gcreuses.  et  quelquefois  des  plus  deplorables  egaiemens. 

<i  Sollidtee,  coraine  toutes  nos  autres  facultes,  par  le  be- 
soin  que  nous  cprouvons  sans  ccsse  de  nous  souslrairc  aux 
impressions  penibics,  ou  d'en  eprouver  d'agreablcs,  dil-il, 
noire  imagination  est  trop  sou  vent  occupce  a  salisfaire  les  plus 
vulgaiies  de  ces  besoins,  les  plus  grossiers  de  ces  appetite. 
Los  memos  causes,  qui  out  fait  naitre  en  nous  des  associations 
d  iiecs  fausses,  incompletes  ou  vicieuses,  de  quelque  inaniere 
que  ce  soit,  determinentsouvent,  a  leur  occasion,  un  travail 
de  i'imagination  qui,  loin  de  les  rectifier,  de  les  cpurer,  ne 
fail  qii'augmeuter  le  vice  ou  le  danger;  et  de  la  vieut  1c  mal 
ou 'elle  produit  si  ficquemment. 

» Ainsi,  egaiee  ou  seduite  par  la  paresse,  par  la  vanite,  par 
nn  vain  desir  de  globe,  ou  par  d'autres  passions  non  moins 
puWibles,  elle  affectionne  de  preference,  dans  les  arts,  ces 


ET  POLITIQUE:*.  6o5 

eombinaisons  faciles  et  mesquines  auxquellcs  lc  faux  goflt 
d'une  mnllitude  ignorante  ne  manque  guere  cl'ri;  plainlir ;  dans 
lei  sciences,  ces  theories  plus  brillanlcs  que  solides  qui,  apres 
avoir  fascine  pendant  quelqties  mo  mens  les  esprits  superfieiels 
s'evanouissent  bientot  sans  retour,  et  ne  laissent  a  leurauteur 
que  mepris  ct  que  ridicule;  dans  la  science  des  mceurs  enfin, 
ces  sophismes  honleux  qui  lendent  a  degradcr  la  verlu,  qui 
vont  jusqu'a  justifier  ou  mcnie  a  preconiser  les  attentats  les 
plus  odicux.  •> 

Parmi  les  causes  qui  detcrminent  ou  constituent  la  volonte, 
les  sentimens  el  les  passions  tiennent  un  rang  fort  considera- 
ble; aussi  M.  Thurot  a-l-il  Iraite  ce  sujet  avec  un  soin  parli- 
culier.  Apres  avoir  expose  la  nature  et  les  effets  generaux  des 
sentimens,  et  les  avoir  divises  en  plusieurs  classes,  il  est  re- 
monte  a  la  cause  qui  produit  les  sentimens  moraux ;  il  l'a  trou- 
vce  dans  la  sympalhic,  et  il  a  vu  dans  la  sympathie  morale 
I'origine  du  sentiment  de  l'humanile,  de  1'egalitc,  du  rcmords 
de  la  conscience. 

31.  Thurot  considere  la  sympathie  sous  deux  points  de  vue, 
scion  qu'on  Peprouve  pour  les  autres,  ou  qu'on  cherche  a  la 
leur  inspirer  pour  soi-mem*.  II  donne  le  nom  de  sentimens 
sympaihiqu.es  a  oelle  qu'on  eprouve  pour  autrui,  et  il  designc 
sous  lc  nom  de  sentimens  personnels  le  desir  d'etre  l'objet 
de  la  sympathie  des  autres.  II  expose  ensuite  quels  sont  les 
effels  de  la  predominance  ties  sentimens  sympaibiqucs  sur  les 
sentimens  personnels,  et  quelles  sont  les  passions  qu'on  pent 
rapporter  a  cette  cause.  Les  sentimens  syinpathiques,  reliitive- 
ment  a  certaines  personnes,  deviennent  des  sentimens  person- 
nels rclativemcnt  a  d'autres,  si  l'on  y  sacrifie  des  inlercts  plus 
legitimes  que  la  raison  devrait  faire  preferer,  commc  sont, 
dans  certains  cas,  ceux  de  la  famille,  ceux  du  corps  dont  ou 
est  membre,  ou  ceux  de  la  patrie. 

«Toules  les  fois  que  nous  Iransgressons  cetle  loi  dc  la  rai- 
son, dit  M.  Thurot ,  nous  sommes  averlis  d'abord  par  respire 
de  malaise  que  nous  fait  eprouver  la  sympathie  que  nuns  ne 
pouvons  jamais  entiercment  etouffer  dans  nos  cceurs,  et  qui 


(Jo6  SCIENCES  MOilALES 

y  clove  la  voix  en  favour  de  coux  qui  auraicnt  a  SC-uflrir  do 
la  preference  in  juste  qui  nous  determine.  En  second  liou , 
nous  en  sonimos  averlis  aus.si  par  la  pensce  que  nous  serons 
blames,  ha'is  ou  mi-prises,  par  toule  personne  qui,  u'ayaut 
aucun  inlcret  direct  ou  indirect  dans  noire  couduito,  nc  sera 
iufluencee  quo  par  los  sentimens  los  plus  naturels  et  les  plus 
conformes  a  la  plus  stride  justice.  Or,  e'est  la  precisement  ce 
qui  constitue  cette  opposilion  de  la  sympalhic  a  ellc-meme 
dont  j'ai  parle  tout  a  1'heure.  Elle  pent  done  avoir  lieu  ou  sc 
manifester  a  tous  les  divers  degres  de  nos  sentimens  sympa- 
thiques,  et  des  lors  nous  sommes  autorises  a  les  considcrer 
coinme  des  sentimens  personnels,  par  opposition  a  ceux  d'unc 
sympathie  plus  etenduc  ou  plus  legitime.  C'est  cet  effot  con- 
stant du  nude  d'action  de  la  sympaihio  sur  un  esprit  eclaire 
et  sur  un  coeur  genereux  que  noire  illustre  Fenelon  exprimait 
par  ces  belles  paroles  :  Je  pre  fere  ma  famille  a  moi,  ma  patrie 
d  ma  famille,  et  le  genre  hamain  a  ma  patrie.  » 

Ayant  expose  quels  sont  les  etTels  de  la  predominance  des 
sentimens  sympathiques  sur  los  sentimens  personnels,  ettraite 
du  sentiment  de  la  justice  et  de  celui  de  I'honneur,  M.  Thu- 
rot  passe  a  I'examen  dos  diets  do  la  predominance  des  senti- 
mens personnels  sur  les  sentimens  sympathiques.  II  recherche 
quellcs  sont  les  passions  qui  naissent  de  cette  source,  cc  qui 
lc  conduit  a  traitor  du  desir  inimodore  des  richessos,  de  l'au- 
torile  ou  du  pouvoir,  de  la  consideration  ,  de  la  renommee  ou 
de  la  gloire.  II  passe  ensuite  en  revue  d'autres  passions  qui 
ont  la  meme  origine,  tclles  que  1'orgueil,  la  vanite,  I'hypo- 
crisie. 

Toutcs  les  actions  honorables  et  vertucuses  naissent  de  la 
predominance  des  sentimens  verilahlement  sympathiques;  de 
meme  toutes  les  actions  honteuses  ou  vicieuses  naissent  de  la 
preponderance  des  sentimens  personnels.  C'est  one  veritc  que 
M.  Thurot  demontre  avoc  une  clarto  qui  ne  laissc  rieh  a  desi- 
rcr;  nous  ne  croyons  pas  qu'il  soil  necessaire  de  rapporter  los 
preuves  qu'il  en  donne.  INous  croyons  lairc  plus  do  plaisir  a 
nos  ledcurs,  en  reproduisant  quolqucs-unes  de  ses  observa- 
tions sur  1'amour  immodore  du  pouvoir. 


ET  POLTTIQL'ES.  C07 

«Remarquons,  dit-il ,  que  ['influence  predominant  el  ton- 
jours  aclive  des  sentiniens  physiques  011  organiques,  est  en- 
core une  des  causes  les  plus  eflicaces  de  1'amour  iminoderc  du 
pouvoir,  du  eulte  presque  universel  qu'obtient  la  puissance, 
soit  malerielle,  soit  spirituellc.  En  efi'et,  les  individus  qui  se 
consaerent  a  la  propagation  et  a  la  defense  de  certaines  idees 
puiement  speculalives  auront  beau' s'imposer  a  eux-memes, 
comrae  des  lois  inviolables  de  leur  profession,  le  niepris  des 
riehesses,  le  rcnoncement  aux  plaisirs,  aux  pompes  et  aux 
grandeurs  de  la  tcrre ;  ils  auront  beau  faire  vceu  de  pauvrete, 
d'liumanilc  et  de  continence,  du  moment  oii  ils  seront  par- 
venus a  disposer  de  la  force  publique,  pour  appuycr  et  defen- 
dre  leurs  dogmes  abstrails,  ils  deviendront  iniailliblement  les 
plus  avides,  les  plus  orgueilleux  et  les  plus  incontinens  des 
faommes.  Car  il  serail  tout-a-fait  contraire  a  la  nature  des  cho- 
ses  c[iie,  pouvant  disposer  des  volontes,  des  riehesses,  et  sou- 
vent  nieme  des  personnes  d'un  grand  nombre  de  leurs  scmbki- 
hles,  el  pouvant  en  abuser  impunement,  ils  ne  fussent  pas  sans 
cesse  tenles  de  le  faire.  La  meme  cause  qui  aura  conlribue  a 
elablir  leur  domination  tendra  done  incessamment  a  I'accroi- 
tre,  car  ils  auront  pour  soutiens,  outre  le  grand  nombre  des 
hommes  sincerement  persuades,  tons  ceux  qui  espercroiit  de 
profiter  directement  ou  indirectement  des  avantages  que  le 
pouvoir  donne  a  ses  partisans.  Ainsi  la  resistance  de  ceux  que 
cememe  pouvoir  ii  rite  ou  indigne  sera  paralysee  par  la  craintc 
de  tout  le  mal  qu'il  peut  faire  a  ses  adversaires,  qu'il  ne  man- 
que jamais  de  trailer  en  ennemis. 

»  On  pourrait  croire  assez  generalement  que  la  passion  ex- 
cessive du  pouvoir,  ou  l'ambition,  est  le  propre  des  anics  ele- 
leveeset  des  cceurs  magnanimes  :  il  me  scmble,  au  contraire, 
qu'clle  caracterise  presque  toujours  les  hommes  qui  n'ont  au- 
cune  veritable  dignile,  el  dont  le  coeur  n'csl  susceptible d'au- 
cun  sentiment  genereux.  Les  plus  vils  csclaves,  les  plus  la- 
ches suppots  de  la  tyrannie,  sont  precisement  ceux  qui  c.on- 
voitent  avec  le  plus  d'ardeur  toutes  les  occasions  de  s'clevcr 
au-dessus  de  leurs  cgaux,  ou  de  leurs  superieurs  en  talens  et 


608  SCIENCES  MORALES 

en  muitc  reel;  cc  sont  loujoursceux  qui  excrcenl  aVec  Ic  ptilS 
d'insolence  et  d'inhnmanite  I'anioi  ile  qui  leuresl  confifee,  quel' 
que  precaire  ou  chetive  qii'eHe  soil.  Sous  uu  moharquc  inl'a- 
tue  de  la  chimcre  du  pouvoir  absolu,  ou  sous  un  usurp:!  leur 
que  la  reunion  de  (aeultes  personnelles  extraordinaire*,  et  le 
concours  de  circonstances  encore  plusrares,  auronl  place  Oil 
rang  supreme,  voyez  loutes  Its  ambit  ions  subalter'nes  s"em- 
presser,  s'agiter  de  toutes  parts  pdtir  enflummer  et  assouvir 
cetle  soif  dedoniinalionqui  1c  devore,  lui  vendre  aqui  mienx 
mieux  les  droits  Ies  plus  sacres  des  sujets,  lui  immoler  leura 
garanlics  les  plus  procieuses,  afin  d'obtenir  en  rctour  de  leu* 
servile  devoCmicnl  quelques  parcelles  de  cet  or  qu'il  enleve 
violemnient  aux  citoyens  ou  aux  nations  etrangeres,  quelques 
delegations  de  cettc  puissance  sans  frein  et  sans  limites  qu'ils 
s'efforccnt  de  remetlre  on  ses  mains.  Voyez  enfin  cette  foule 
innombrable  d'agens  de  la  tyrannie,  dans  Ions  les  rangs  et  dans 
toutes  les  conditions,  employer  la  calomnie,  le  mensonge,  la 
delation  ,  l'inlrigue,  la  basse  fialterie  cttous  lesinoyens  les  plus 
honteux,  pour  se  supplanter  les  uns  les  aulres,  pour  aniver 
aux  places,  aux  honneurs,  aux  dignites ;  et  demandez-vous 
si  ceux  qui  sont  ainsi  parvenus  a  s'approchcr  le  pins  pres  dtl 
supreme  dispensateur  de  ccs  pretendus  biens  sont  capaulcd 
de  lui  suggerer  des  pensecs  nobles  et  genereuresPSi  lci-niGme 
est  capable  de  concevoir  dc  telles  pensees,  lorsqu'il  sent  a 
chaque  instant  le  besoin  de  s'entourer  de  pnreils  auxiliaires'.' 
Cemeluons  done  quele  desk  immodere  du  pouvoir,  et  toutes  les 
actions  ou  determinations  qui  en  sont  la  suite,  est,  plus  encore 
que  l'amour  excessif  des  richesscs,  l'indice  de  la  plus  etroile 
personnalite,  d'un  egoi'sme  qui  lend  incessamment  a  ctoiifl'er 
lous  lessenlimens  de  parti,  d'honneur  et  d'bumanite.  » 

Nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  cettc  analyse;  nous 
croyons  en  avoir  assez  dit  pour  donner  une  idee  du  sujel  de 
Touvragc  de  M.  Thurol ,  de  la  metbode  que  l'auteur  a  suivic, 
et  des  resullats  auxquels  il  est  arrive. 

Nous  pensons  qu'il  nc  saurait  manquer  de  produire  un  ef- 
fet  salutaire,  au  milieu  des  divisions  qui  ont  eclate  dans  lt»a 


ET  P0L1TIQUES.  6  >9 

Seienccsmorales,  et  dans  les  k-ttrcs,  et  nous  considerons  comme 
tin  devoir  d'cn  recominander  la  hectare  anx  jeunes  gens  qui 
se  livrent  a  I'cludede  la  philosophic,  et  aux  hommes  qui  exer- 
cent  quelque  influence  sur  I'educatioh. 


VWVJWVWVW 


JhsroiRE  de  la  legislation,  par  M.  he  Marquis  de  Pastoset, 
rice- president  de  laChainbredes  Pairs  (i),  et  viembre  de  I'ln- 
siititt  royal  de  France,  Academic  franchise  et  Acadcmie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  etc.  T.  vm  et  ix  (2). 

Chez  des  pcuples,  comme  ceux  de  la  Grece,  dont  la  reli- 
gion elait,  pourainsi  dire,  materielle,  les  traditions,  Phistoire 
ct  la  legislation  devaient  etre  necessaircment  melees  de  no- 
tions mylhologiques.  A  chaque  instant,  les  decrets  de  ces 
mille  divinitcs  interviennent  dans  les  affaires  puhliques  et  pri- 
vees,  et  I'historien  qui  cherche  a  penetrer  dans  ce  dedale  se 
trouve  bien  souvent  arrete  dans  ses  investigations,  sans  pou- 
voir  renouer  le  fil  qui  le  conduisait.  Les  ecrivainsde  ces  peu- 
ples,  aulieu  del'eclairer,  ne  font  que  redoubler  l'obscurite  qui 
Penvironne.  Homere,  Hcrodote,  Pausanias,  Plutarque,  lui  ra- 
content  naivement  des  faits  miraculeux  auxquels  ils  ne  cher- 
chent  pas  meme  a  donner  des  causes  humaines.  Si  done  on 
ccrit  l'histoire,  soit  de  la  legislation,  soit  de  Part  militaire, 
soit  des  beaux-arts,  il  faut  ecrire  en  meme  terns  l'histoire  de 
la  religion,  qui  atoujours  eu  une  influence  plus  ou  moins 
prononcee  sur  chacun  des  evenemens  remarquables  des  na- 
tions de  l'anliquite  en  general,  et  des  peuplcs  de  la  Grece  en 
particulier.    Cette   observation  s'etend  sans  doule  aussi  aux 

(1)  On  sail  que  l'auteur  est  devenu  depuis  Chancelier  de  France. 
(s)  Paris,  1S28;  Treuttel  et  Wiirlz,  rue  de  Bourbon.   2  vol.   in-8"; 
prix,  14  fr. 

T.   XLVI.   JI'IN    l83o.  59 


610  SCIENCES  MORALES 

peuples  modorncs;  mais  lcs  interventions  divines  y  sonl  phi* 
rares,  ct  bcaucoup  moins  materieiles. 

La  neeessite  que  je  viens  de  constatcr  a  ete  parfailcment 
sentie  par  M.  de  Pastoret,  et  lc  plan  qu'il  a  adopte  est  admi- 
rable d'ordie  et  de  simplicite,  qualites  si  es«entielles  dans  des 
ouvrages  de  cette  nature.  Le  vmc  volume  et  une  partie  du 
ix%  Ies  derniers  publics,  sont  divis&s  en  autant  de  cbapitres 
que  la  Grtce  renfermait  de  peuplades.  Ce  sont  autant  de  ca- 
dres bien  proportionnes  qui  presentent  l'enscmble  le  plus 
complet  et  le  plus  judi^ieux  dc  cc  que  l'antiquite  nous  a 
transmis  sur  la  legislation  de  la  Hellade.  Chacun  de  ces 
cbapitres  se  subdivise  en  plusieurs  sections ;  la  premiere  ex- 
pose succinctcment  I'historique  de  la  legislation  de  cbaque 
peuple,  et  sert  conime  d'introduction  aux  suivantes,  ou  Ton 
passe  en  revue  les  lois  civiles  et  criminelles,  les  institutions 
religieuses  et  commerciales  :  ces  dernieres  sont  celles  sur  les- 
quelles  nous  avons  le  plus  de  details.  Cette  disposition  per- 
met  d'etudier  sans  distraction  le  caraetere  legislatif  de  cbaque 
liltat  de  la  Grece,  d'etablir  ensuite  des  paralleles  et  des  rap- 
prochemens  piquans  avec  ce  qui  s'est  passe  a  la  naissance  de 
nos  societes  actuelles.  Apres  avoir  etudie  la  marcbe  de  l'es- 
prit  humain  dans  la  civilisation  des  Grecs,  il  sera  curieux  dc 
l'observer  sous  un  autre  ciel,  developpant  avec  des  elemens 
differens  notre  civilisation  moderne.  On  s'etonnera  de  voir 
reparaitre,  apres  tant  de  siecles,  le  meme  esprit  dans  cer- 
taines  dispositions  legislatives;  laloi  du  talion,  par  excmple, 
et  les  compositions  pecuniaires;  car,  an  terns  d'Eschyle , 
comme  ausiecle  de  Charlemagne,  le  meurtre  etait  puni  par 
le  meurtre;  celui  qui  frappait  etait  frappe  lui-meme.  L'oracle 
de  Delpbes  forca  Hercule,  coupable  du  meurtre  d'Ipbitus,  de 
se  laisser  vcndre  comme  esclave  pour  trois  annees,  et  le  pro- 
duit  de  la  vente  dedommagea  le  pere  de  la  perte  de  son  fds. 
Une  disposition  analogue  se  retrouve  dans  les  Capitulaires. 
Le  droit  d'asile  dans  les  temples  rappelle  celui  qui  fut  etabli 
dans  les  eglises,  et  qui,  a  la  bonte  de  Ntalie,  existe  encore 
dans  certaines  parlies  du  territoire  romain. 


ET  PpLITIQUES.  (in 

Les  lems  pi'imitifs  de  laGrece  offreat  une  histoire  presque 
uniforme  chez  tous  les  peuples  qui  la  composaient;  ses  pre- 
miers rois,  tous  fils  de  Neptune,  c'est-a-dire,  chefs  de  colonies 
etrangeres  qui  arrivaient  par  la  mer,  paraissent  avoir  ete  par- 
tout  assez  absolus.  Persee,  petit-fils  d'Acrisius,  qui  Fonda 
l'assemblee  des  amphictyons,  echange  sa  souverainete  contre 
celle  de  Megapenthe,  qui  regnait  sur  Mycenes,  et  cela  sans 
aucune  intervention  des  peuples  ainsi  ncgocies.  Plus  tard,  lors- 
que  les  Heraclides  conquirent  l'Argolide,  on  voit  les  chefs  de 
l'armee  victorieuse  tirer  au  sort  les  trois  lots  qu'ils  avaienl 
formes  pour  le  partage  du  pays.  Cependant,  comme,  de  tons 
lespouvoirs  humains,  lepouvoir  absolu  d'un  seul  est  celui  qui 
s'use  le  plus  vite  par  ses  propres  exces,  les  peuples  grecjs 
s'en  lasserent  bientot,  et,  par  un  clan  presque  unanime,  se 
sonleverent  pour  secouer  le  joug,  et  pour  adopter  le  gouver- 
nement  republican!.  II  leur  fallut  neanmoins  combattre  encore 
pour  la  liberte  ;  souvcnt  ils  furenl  heureux  dans  leurs  efforts  ; 
d'aulresfois,  ilsfurentvaineus  et  dominespar  des  tyrans;  mais 
jamais  ils  ne  resterent  dans  un  long  esclavage,  sans  tenter  d'en 
sortir  :  on  ne  voit  chez  eux  aucune  tyrannie  de  longue  duree. 
Ce  ne  fut  qu'a  l'epoque  ou  la  democratie  se  consolida  en 
Grece  que  la  legislation  y  prit  une  forme  definitive  et  inva- 
riable; on  vit  alors  s'etablir  les  corps  politiques.  Chez  les  Ar- 
giens,  le  pouvoir  se  parlageait  entre  le  senat,  les  quatre-vingts 
et  les  artynes.  II  serait  impossible  de  determiner  aujourd'hui 
d'une  maniere  precise  quelles  etaient  leurs  attributions  res- 
pectives  ;  il  parait  cependant  que  les  artynes  exercaient  quel- 
quefoisl'autorite  judiciaire,  ou  du  moins  qu'ils  etaient  charges 
d'instruire  les  proces.  Les  affaires  commerciales  etaient  portees 
devant  le  peuple.  La  lapidation,  la  confiscation  et  la  question, 
que  le  credit  des  idees  philanthropiques  a  bannies  de  nos  codes, 
etaient  en  usage  :  on  regardait  le  talion  comme  la  loi  fonda- 
mentale.  Dans  des  terns  moins  recules,  lorsque  la  civilisation 
eut  fait  quelques  progres,  on  admit  les  compositions  pecu- 
niaires,  toutes  les  fois  qu'elles  etaient  agreees  par  la  famille  du 
mort  ou  de  I'offense.  L'ostracisiiie ,  cette  mesure  si  iniuste, 


Bia  SCIENCES  MORALES 

niais  rassuranle  pour  un  peuple  jaloux,  ciail  elaMi  a  Argos, 
aussi-bfet)  <|u'a  Atlit'iifs,  qnoiqu'il  y  soit  reste  moins  eclclue. 
«  Lcs  Argicns,  tlil  ML  de  Pastoret,  n'curcnt  point  d'Aristide  a 
proscrire.  » 

Si  Ton  devait  croirc  aux  reputations  des  pcuples,  snrtout 
'lorsqu'elles  leur  sont  faites  par  des  peoples  eontemporains  el 
rivaux,  les  Argiens  auraienl  cu  a  un  hant  degre  tons  les  vices 
de  l'intempcrance  ,  niais  ils  etaient  renommes  pour  leurs 
verlus  hospital! eres.  Un  fait  digne  d 'attention  dans  l'histoircde 
1'Argolide,  e'est  qn'Agamemnon  cxercait  sur  lcs  diflcrens 
Etats  qui  la  cemposaient  une  sortc  de  supn'malie.  Les  recils 
d'Homere  lc  prouvent  claircinent.  Jusqu'nu  s'elpndait  ce 
pmivoir,  et  quelle  en  avait  etc  la  source?  II  serait  difficile  de  le 
dire. 

La  monarchic,  la  democratic  et  en  fin  la  tyrannic  se  succe- 
dercnt  aussi  a  Sicyone  ;  des  orages  popnlaires,  les  eruautes  des 
usurpatcurs,  les  violences  des  factions,  troublaicnl  chaque  jour 
CM  petit  Etal,  quand  parut  un  de  ces  hoinmcs  qui  donnent 
rimmortalite  a  leur  pays;  Aratus  rendit  a  Sicyone  lc  calmc 
avec  la  liberte.  «  O  grand  hommc  ,  (lit  Ciceron  ,  que  ifclicz- 
vous  Romain  !  »  L'histoire  de  Sicyone  nous  est  assez  ennnue  ; 
nnis  fort  pcu  de  renseigneniens  nous  soot  parvenus  sur  sa 
legislation  civile  et  criminelle.  Le  voisinage  de  Corinthc  nc 
permit  pas  a  Sicyone  de  sc  livrer  an  commerce  ;  mais  la  pa- 
trie  d'Apelles  devait  etre  distinguee  dans  les  arts;  son  ecole 
de  peinturc,  si  juslement  eelcbre,  t'lait  une  des  insliliilions  de 
PEtat. 

Corinthe,  si  Ton  considcre  sa  position  geographique,  anrail 
ditdevenir  l'arbitre  de  la  Gri.ce.  Placet-  au  centre  de  l'lsllune, 
elle  pouvait,  par  terre,  en  perniettre  on  en  defendre  l'enlree 
a  son  gre;  par  mer,  lous  les  vaisseaux  arrivaient  nalurellc- 
ment  dans  son  port.  Corinthc  devint  une  vil'le  necessairc- 
ment  maritime  etcommercantc;  la  navigation  giecque  lui  dut 
de  grands  progres  ;  elle  cut  memc  une  forte  marine,  aussi  ses 
gucrres  furenl-ellcs  plus  maritimes  que  tcrrilorialcs.  Lcs  jcux 
istlimiqucs  relablis  parTlicsce  conlribucrcnt  egrilemenl  a  re- 


ET  I'OLMIOUES.  fii3 

gandre  dans  sua  scin  le  luxe  et  l'altondance.  En  up  mot,  Co- 
i;i»itho  ileviut  le  marche  general  de  la  Greee.  Un  peuplc  aclif 

cl  commcrcant  doit  rcdoiitcr  plus  qu'un  autre  les  suites  fa- 
cheuses  de  iVisivcle  ;  les  Corinlhiens  ne  tarderent  pas  a  iu- 
troduire  chcz  cux  une  loi  que  Solon  avail  apportec  d'figypte, 
et  i|iii  obligcait  tous  les  habitans  a  declarer,  chaque  annee,  quels 
etaient  leurs  moycns  de  subsistance.  I.es  dcpcnses  d'un  ci- 
Loyen  ctaient-elles  si  fortes  qu'elles  appelassent  I'atlentioii 
pul)li([iie,  on  le  sommuit  de  rendre  coinpte  de  ses  biens  :  sa 
fortune  etait-clle  rcconnue  suffisante,  on  le  Iaissait  libre  d'en 
faire  I' usage  qu'il  voudroit  :  ne  suffisait-elle  pas  a  ses  dcpcn- 
ses, on  lui  ordonnait  de  vivre  avec  plus  d'eeonomie,  et  une 
anienile  lui  etait  imposce  s'il  n'obcissait  pas.  Uu  homme  sans 
aucun  bien  vivait-il  avec  magnificence,  on  le  livrait  a  la  jus- 
tice. IWajs  que  peuvent  les  mcilleures  lois  sompluaires  con- 
Ire  lcsenvahissemens  du  luxe  et  de  1'opulcnce  ?  Coriiitbe  n'en 
dcvint  pas  moins  le  receptacle  des  plus  sales  debauches,  an 
point  que  lesGrccs,  pour  caraclcriscr  lYxces  de  la  prostitution, 
se  servirent  de  1'expressiou  KorjvjQic/."siv.  En  cffet,  la  prosti- 
tution y  etait  non-seulenienl  lolerce,  mais  meme  honoree ; 
ellc  n 'etait  pas  settlement  un  vice  public,  c'clait  une  institution 
dcl'Etal  et  de  la  religion.  Les  courlisancs  etaient  les  pretres- 
scs  de  Venus  :  dans  les  solenniles  qui  signalaicnt  les  fetes  do 
cette  deesse,  elles  avaient  le  premier  rang  Lc  nombre  de  ces 
singulieres  pretresscs  dcvint  considerable.  C'ctait  un  acte  de 
oiete  d'en  consacrer  une  on  plusicurs  a  ce  culte  immoral; 
plus  de  mille  jeunes  lilies  furent  ainsi  donnees  pour  I'aceom- 
plisscment  de  voeux  religieux,  et«  c'cst  de  ce  seminaire,  dil 
Montesquieu,  que  sont  sorties  ces  beaules  celebres  dont  Athe- 
nee  a  ose  ecrirc  l'bistoire. » 

En  parlant  de  l'Arcadie,  M,  de  Pastorct  dit  (p.  i53)  : « La 
position  de  son  lerritoire  et  les  gouts  de  ses  habitans  sem- 
blaicnt  devoir  les  culrainer  pen  vers  la  guerre.  »Je  me  per- 
metlrai  de  faire  observer  an  noble  pair  que  la  plupart  des  peo- 
ples pasteurs  out  clcconqucrans;  ce  qui  nesemblepas  etre  son 
opinion;  jc  ne  domic  la  niieiinc  qu'avcc  timiditc,  lorsqu'clie 


6i4  SCIENCES  MORALES 

esl  en  opposition aveccelle  d'un savant  telque  M.  dc  Pustoret,e* 
je  me  contenterai  d'indiquer  »u  ouvrage  dont  l'autcur,  qui  pa- 
rait fibre  de  mon  avis,  expose  el  developpe  cetle  opinion  avcc 
talent.  C'est  la  Politique  des  Nations  de  M.  de  T hkis.  La  civi- 
lisation des  Arcadiens  eutcela  de  remarquable  qu'ellc  fut  in- 
digene ;  ils  pouvaient  se  vanter  avec  plus  de  raison  que  les 
Alheniens  d'etre  fits  de  la  tore.  Pclasgus,  un  de  leurs  rois, 
fut  eelui  qui  Ieur  enseigna  ;i  vivre  en  societe.  II  est  fort  pro- 
bable qu'ils  furent  divises  en  tribus,  mais  on  ne  sait  quel  en 
etait  le  nombre,  ni  quelle  place  elles  occupaient  dans  l'Etat. 
Le  conseil  des  dix-mille,  dont  l'existence  est  constatee,  laisse 
aussi  beaucoup  de  doutes  sur  ses  droits  et  ses  attributions; 
quelques  ecrivains  out  pense  qu'il  etait  souverain,  et  jugeait  en 
dernier  ressort. 

Le  gonyernement  de  Mantinee  avail  un  caraclere  unique 
dans  Phistoire  de  l'anfiqufte;  e'etait  absolumcnt  et  entitlement 
le  gouvernement  representatif.  Les  magistrals  etaient  elus, 
non  par  l'assemblee  generate,  mais  par  des  citoyens  designes 
pour  elite  en  son  nom.  Entre  le  peupleet  l'elu  etaient  aussi  des 
elections  intermediaires.  Certes,  voila  qui  reduit  a  peu  les 
loufiiiges  donnees  par  Mmo  de  Stael  aux siecles  moderaes, pour 
la  decouverte  de  ce  systeme.  Cependant,  il  taut  avouerque  le 
gouvernement  de  Mantinee  avait  un  element  de  moins  que  les 
monarchies  constitulionnelles  ,  ou  que  cet  element  n'y  exis- 
tait  que  d'une  maniere  incomplete. 

L'usage  de  sacrifier  des  victimes  humaines  dura  long-tems 
en  Arcadie  ;  el,  quand  il  cessa,  on  y  substituaune  coutume  au 
moins  bizarre;  on  fusligeait  des  femmes,  a  certains  jours, 
devant  l'autel  du  dieu  vainqueur  de  l'lndc.  La  peine  de  mort 
v  etait  frequemment  prononeee,  et  Ton  serait  vraiment  tente 
de  croire  que  quelque  Dracon  avait  passe  par-la.  Je  suis  la- 
che  que  cela  s'accorde  si  peu  avec  les  cboses  mcrveilleuses 
que  les  poetes  out  dftes  sur  la  douceur  des  niceurs  de  l'Arca- 
die,  dont  ils  ont  fait  un  veritable  Eden  mythologiquc ;  mai.- 
les  faits  sont  irrecusabtes. 

Les  solennites  d'Olympie  devaieht  donher  aux  Eleens  un 


ET  POLITIQUE.  6i5 

caractere  tout  particulier.  Leur  territoire,  cousacre  a  Jupiter, 
les  metlait  a  l'abri  des  invasions  et  des  violences  des  peuples 
voisins.  Aussi  jouissaient-ils  d'une  paix  rare  men  t  troublee,  ou 
qui  ne  le  fut  que  par  les  guerres  intestines.  Nous  ne  connais- 
sons  rien  dans  les  terns  modernes  qn'on  puisse  comparer 
a  ce  concours  immense,  a  ces  victoires  en  champ  clos,  ou  as- 
sistait  une  grande  partie  de  la  Grece.  Les  jeux  olympiques 
suflisent  pour  caracteriser  toule  l'antiquite.  Ce  n'etait  pas 
seulement  une  lutte  d'homme  a  homme  pour  un  prix  deter- 
mine :  c'etait  une  fete  religieuse  pendant  laquelle  toutes  les 
guerres  cessaient;  le  vainqueur  faisait  rejaillir  sur  sa  patrie 
une  partie  de  la  gloire  qu'il  acqucrait,  et  une  seule  victoire  a 
Olympie  etait  un  titre  suffisanl  a  l'immortalite.  M.  de  Pastoret 
donne  des  details  fort  etendus  et  tres-interessans  sur  les  regies 
observees  dans  ces  jeux.  On  pourrait  dire  que  la  legislation 
des  Lleens  se  bornait  presque  a  ces  reglemens. 

Aristote  range  parmi  les  oligarchies  le  gouvernement  qui 
succeda  en  Elide  a  la  royaute.  Un  senat,  compose  de  go  per- 
sonnes,  gouvernait  seul;  encore  ce  nombre  fut-il  reduit.  Les 
senateurs  etaient  perpetuels.  II  parait  qu'on  exigeait  l'impro- 
visation  dans  les  deliberations.  Thucydide  rappelle  un  traite 
qui  designe  encore  d'autres  magistratures,  les  demiurges,  les 
tresoriers  et  les  six  cents.  Des  tribunaux,  etablis  dans  chaque 
bourgade,  evitaientaux  habitans  l'embarras  des  deplacemens, 
et  Polybe  amrme  que  le  gouvernement  veillait  soigneusement 
a  ce  que  la  justice  y  fut  rendue  d'une  maniere  imparliale.  Ou 
ignore  si  et  a  qui  on  appelait  des  decisions  de  ces  tribunaux. 
Une  loi  civile  prevenait  l'alienalion  des  biens  palrimoniaux 
qui  aurait  pu  avoir  des  suites  graves  dans  un  pays  dont  l'agri- 
culture  faisait  la  richesse  principale. 

Aprts  les  premieres  revolutions  politiques,  l'histoire  semble 
oublicr  l'Achaie  pendant  plusieurs  siecles.  Son  systeme  d'ad- 
ministration,  qui  nous  est  inconnu,  est  neanmoins  cite  par  Stra- 
bon  ,  comme  etabli  sur  des  bases  excellentes.  Le  souvenir  de 
la  ligue  que  les  Acheens  fonderent ,  les  noras  d'Aratus  et  de 
PhUopocmen  ne  periront  point.  Nous  voudrions  pouvoir  re- 


tiiG  SCIENCES  MORALES 

produire  ici  les  belles  pages  do  M.  de  Pastoret  sur  cette  fede- 
ration eelebre ,  dont  on  eonnait  mallienreiiscmcnt  Imp  pen 
l'organisation  inlcrieure,  mais  que  Pulybc  assure  avoir  etc  un 
modclc  parfait  d'egalile  politique.  Ce  (pie  fit  la  ligue  aeheenne 
domic  un  grand  poids  a  son  assertion.  EUe  montre  ce  qu'au- 
rait  etc  la  Grecc,  si  des  divisions  intericures  n'eusscnt  pas  fa- 
vorise  les  ennemis  do  debors,  el  si  sa  turbulence  politique  cut 
etc  moderee  par  la  crai.ntcdcs  Elats  plus  pubsans  qui  l'etii 
louraient. 

Nous  nc  savons  que  peu  de  chose  de  la  legislation  de  Me- 
garc;  ses  habilans  avaient  line  reputation  universelle  de  cu~ 
pidile  et  de  mauvaise  foi  :  un  oracle  l'avait  en  quelque  sorte- 
confirmee;  mais,  ce  qui  en  est  un  temoignage  bien  plus 
grave,  e'est  la  loi  rendue  a  Athenes,  et  qui  defendait,  sous, 
peine  de  la  vie,  a  aucun,  Megaricn  d'aborder  sur  les  cotes  dc- 
l'Attique.  Une  disposition  non  nioins  singulicre  de  la 'legisla- 
tion d'Egine  Qontraignit  les  etrangers  a  payer  un  droit  en. 
abordant  sur  son  territoire;  cette  continue,  qui  eta  it  aussi  sui- 
vie  a  Delphes,  est  analogue  aux  pcages  des  terns  feodaux  ct  jX 
noire  impot  des  passeports.  Pendant  la  rivalite  qui  s'elablit 
cnlre  Egiiie  et  Athenes  pour  1'enipire  de  la  mer,  les  Albc- 
niens  defendirent,  sous  peine  de  mort,  a  aucun  de  leurs  conci- 
toyens  de  descendre  dans  cette  ile  :  on  peut  juger,  par  cette 
loi,  de  l'animosite  qui  regnait  cntre  les  deux  peuples.  Platon,. 
qui  avait  aborde  forcement  a  Eginc  pendant  son  esclavage  ,. 
tut  mis  en  jugement  a  son  retour  a  Athenes.  Les  Eginetes, 
jouerent  un  role  brillant  a  la  balaille  de  Salamine,  et  la  Grecc 
entiere  leur  decerna  l'honneur  de  la  journee.  Une  marine- 
aussi  bonne  suppose  l'habitude  de  la  mer,  et  Egine,  en  effet,, 
faisait  deja  un  commerce  considerable  au  xe  siecle,  avantl'ere 
chietienne. 

La  Beotie  ful  le  theatre  de  ces  scenes  sanglantes  tant  de  fois 
reproduites  par  les  poetcs.  Elles  annoncent  des  moeurs  dures 
ct  barbares.  Ce  que  nous  connaissons  de  la  legislation  crimi- 
BftHl  des  Beoticns  conlirmc  cette  induction.  La  peine  de  mort 
ctait  accompagnee  de  mille  rallincmcns  crucls ;  et  e'est  ici  Ic 


ET  POLITICOES.  fii7 

lieu  de  rentlre  graces  a  la  civilisation  moderne  qui  nous  a  deli- 
vres  do  ces  horreurs  si  communes  dans  l'anliquito  ct  an 
Uioycn  age.  La  peine  de  mort  ,  an  moins  inutile  dans  une  so- 
ciele  possedant  une  morale  religieuse  pour  prevenir  le 
crime  ,  ct  une  force  publique  suffisante  pour  retenir  dans  des 
inaisons  de  correction  ou  dans  des  lieux  de  deportation  ceux 
desesmembres  qui  lui  sont  devenus  dangereux,  perd  cbaque 
}our  de  ses  partisans,  ct  l'avenir  verra,  nous  l'esperons,  dispa- 
railre  cette  peine  odieuse  de  nos  Codes,  comme  nous  en  avons 
vu  disparaitre  deja  la  torture,  line  punition  singuliere  etait  in- 
fligee  aux  debiteurs  insolvables  :  ils  etaient  places  assis.,  au 
milieu  de  la  place  publique  de  Thebes,  avec  uu  panier  d'osier 
sur  la  tete.  Le  pere  du  poete  Euripide  subit  cette  peine.  (Nie. 
de  Damas,  p.  5o2.)  La  Beotie  etait  l'asile  de  tous  ceux  qui 
avaient  ete  condamnes  dans  les  autres  Etats  de  la  Grece  ;  il 
parait  que  ceux-ci  ne  I'accordaient  que  dans  le  cas.de  crimes 
involontaires.  Une  loi,  analogue  a  celle  qui  cxistait  <  n  Elide  et 
en  Etolie,  gaiantissait  la  conservation  des  patrimoines;  et 
ftl.  de  Pastoret  relcve  ici  l'erreur  de  Montesquieu ,  qui  atlri- 
bue  cette  loi  aux  Atbeniens.  Une  autre  loi  excluait  des  ("one- 
tions  de  la  magislra lure  les  citoyeus  qui  n'auraient  pas  aban- 
dpnne  le  commerce  depuis  au  moins  dix  ans.  M.  de  Pastoret 
pense  que  cette  loi  ne  s'appliquait  qu'a  ceux  qui  faisaient  un 
commerce  de  detail,  L'usage  voulait ,  en  Beotie  ,  que  les  lilies 
appoilassent  une  dot  a  leurs  maris.;  cette  coutume  n'etait  pas 
generate  en  Grece  ,  puisque  nous  voyons  Danaiis  faire  publier 
qn'il  accepterait ,  meme  sans  aucun  present  de  leur  part ,  les 
maris  qui  s'offriraienl  pour  ses  filles,  auxquelles  personne  n'e- 
tait fort  empresse  de  s'allier,  apres  le  sort  qu'elles  avaient  fait 
subir  a  leurs  premiers  epoux.  II  est  assez,  singulier  que  les 
Beotiens  civilises  par  Cadmus  fussent  tellejjient  resles  au-des- 
sous  des  autres  peuples  grecs  que  leur  ignorance  etait  provcr- 
kiale  cbez  leurs  voisins.  «  II  etait  assez  inslruil  pour  un  Beo- 
tien,.  »  ecril  Cornelius  Nepos,  en  parlant  d'Epaminondas. 

Les  Etats  pa  it  ie  Is  qui  composaient  l'Elolie  se  njuuissurnt 
jjMi;  deputation  dans  une  diile  generate  ou  Ton  dLJcutait  le-. 


r,,8  SCIENCES  MORALES 

interets  du  pays.  Lea  magistrats  y  etaient  annucls.  Nouscon- 
naissons  le  strata ge  et  lcs  apoclcles,  le  grammatisse  ou  grc flier 
(!c  1'Etat,  et  le  general  de  la  cavalcrie,  qui  devait  avoir  une 
graride  influence  dans  un  pays  ou  cette  arme  etait  si  renommee. 
Le  strat^ge  etait  a  la  fois  lc  general  en  chefet  le  president 
de  la  confederation  etolienne.  L'assemblee  generate  delcguait. 
en  se  separant,  a  quelques-uns  de  ses  membres  la  decision 
iles  objets  d'un  ordre  inferieur  qui  pourraient  sc  presenter 
dans  l'inlervalle  du  terns  ou  elle  n'etait  pas  reunie;  c'etaient 
lesapocletes  ouelus.  D'autres  tbnctionnaires,  les  polemarques, 
avaient  la  garde  de  la  ville  pendant  le  jour,  et,  pendant  la 
unit,  le  soin  d'en  fermer  les  portes,  et  d'en  garder  les  clefs. 
Les  Etoliens  avaient  long-tems  cxerce  le  brigandage.  Cc 
genre  de  vie  etait  aussi  celui  des  Acarnaniens,  leurs  voisins, 
dont  Polybe  loue  cependant  beaucoup  les  vertus  morales,  et  la 
fidelite  a  accomplir  leurs  promesses.  (Hist,  iv,  §  3o.) 

En  Epire,  la  royaute,  d'abord  unique,  puis  divisee,  subsista 
sans  beaucoup  de  vicissitudes.  «Lameme  race,  dit  M.  de  Pas- 
toret  en  parlant  des  peoples  de  l'Epire,  les  gouverna  pendant 
neuf  siecles.  La  duree  dc  ce  gouvernement,  dans  des  pays  ou 
les  republiques  etaient  si  multipliees,  est  un  garant  de  sa  dou- 
ceur et  de  sa  bonte.  Un  serment  mutuel,  a  chaque  avene- 
ment,  resserrait  le  lien  du  prince  et  dessujets  :  le  prince  jurait 
de  gouverner  selon  les  lois  ;  les  sujets  de  maintenir  la  royaute 
conformement  aux  lois  aussi.  »  Cette  circonstance  remar- 
quable  de  l'bistoire  politique  de  la  Grece  doit  nous  trapper 
u'autant  plus  qu'elle  a  plus  de  rapports  avec  notre  genre  de 
gouvernement  actuel.  Qui  de  nous,  en  lisant  les  lignes  prece- 
dentes,  ne  se  transporte  en  idee  vers  l'antique  basilique  de 
Reims,  en  ees  jours  solennels  ou  nos  rois  echangent  avee 
leurs  sujets  des  sermens  d'amour  et  de   fidelite  ? 

Je  n'ai  pas  besoin  de  rappeler  l'oracle  de  Dodone,  si  fameux 
parlefanatisme  de  ses  prfitres  et  leurs  barbares  austerites.  Tout 
le  monde  connait  les  leeits  des  pretres  sur  ces  chenes  myste- 
rieux  dorit  le  fruit  les  nourrissait,  et  dont  le  fremissement 
)  eniplissait  les  profanes  d'une  terreur  religieuse.  Je  parle  des 


ET  P0L1T1OUES.  G19 

prfitres;  mais  on  sait  que  les  oracles  etaient  rendus  par  une 
pretresse,  et  M.  tie  Pastoret  presentc  des  reflexions  fort  juste;- 
sur  les  motifs  qui  faisaient  choisir  des  femmes  pour  remplir 
a  Delphes  et  a  Dodone  le  role  d'inspirees.  Malheureusement 
les  poetes,  en  s'occupant  des  fables  mylhologiques,  n'ont  rien 
dit  de-  la  legislation  de  1'Epire.  L'histoire  presente  seule- 
ment  l'exemple  d'une  repudiation;  mais  on  ne  peut  en  con- 
clnre  que  celte  coutume  on  cette  loi  fut  generate,  car  l'epoux 
elait  un  roi,  et  Ton  sait  que  les  rois  ont  toujoursjoui  de  quel- 
ques  privileges  sur  cet  article. 

Nous  n'avons  pas  non  plus  des  notions  bien  precises  11  i 
bien  etendues  sur  les  lois  qui  regissaient  les  Thessaliens. 
Lear  histoire  est  une  serie  de  revokes  el  de  tyrannies  cruelles, 
jusqu'a  ce  que  les  Macedoniens  y  etablissent  babilement  leur 
domination.  M.  de  Pastoret  s'etonne,  avec  raison,  que  des 
ecrivains  aient  compare  les  esclaves  tbessaliens  aux  hilotes  de 
Sparte  :  ils  etaient  beaucoup  plus  buniainement  traites;  on 
les  cbargeait  generalement  de  ('agriculture,  etGrotiusappelle 
meme  leur  esclavage  une  servitude  imparfaite.  C'etait  un  crime 
en  Thessalie  de  tuer  une  cigogne.  Aristote  donne  le  motif  de 
cette  loi  singuliere  :  un  grand  nombre  de  serpens  desolaient 
la  contree ;  des  cigognes  la  purgerent  de  ces  reptiles,  et  les 
Thessaliens  honorereut  par  la  suite  l'animal  qui  leur  avait 
rendu  un  si  grand  service.  ' 

Des  doutes  se  sont  eleves  sur  la  nature  de  la  monarchie  ma- 
cedonienne;  les  uns,  et  parmi  eux  Bossuet,  l'appellent  abso- 
lue.  D'autres,  connne  Grotius,  pensent  que  le  pouvoir  royal 
etait  soumis  a  des  lois  nationales,  a  une  constitution.  La  pre- 
miere de  ces  opinions  parait  la  plus  probable  :  on  voit  Phi- 
lippe et  Alexandre  juger  en  personne  et  en  dernier  ressort  les 
alfaires  de  leurs  sujets.  Je  ne  parle  pas  de  ces  jugemens  mili- 
taires  ou  ils  agissaient  comme  generaux  et  a  la  tele  d'une  ar- 
mee ,  quoi(]u'ils  puissent  indiqucr  jusqu'a  certain  point  l'in- 
fluence  de  l'aulorile  royale  sur  l'espril  des  Macedoniens. 
Cependanl  Quinte-Curce  dit  que  les  crimes  capitaux  etaient 
juges.  en  temps  de  paix,  par  le  peuplc.  et  en  terns  dc  guerre 


*;,o  SCIENCES  MOIULES 

par  I  ariuec ;  le  roi  avail  droit  do  grace.  II  cite  Ic  strata  gcmc 
float  sc  servirent  les  officiors  d'Alcxandre  pom-  calmer  le  cha- 
grin qu'il  eprouvail  d'avoir  lue  Clilus  :  ils  lirciU  re  i  id  re  par 
I'aniu  e  mi  dccret  qui  dcclarait  GlituS  coupablc,  ct  Ic  condain- 
nail  a  mort.  Quoi  qu'il  en  suit,  legouverncmen-t,  cntoure  d'une 
grandc  ponipe,  etait  cvidemmenl  an  nomhro  dc  ccux  qu'ou- 
nomine  gouverncmcns  mililmvcs.  L'armcc  etait  soldce,  cc 
cj n i  est  aussi  l'indiee  d'un  pouvoir  central  tres-actif  ct  tres- 
oteiidu.  1'hilippc  prcpara  les  doslinccs  d'Alcxandre,  cl  lui  ou- 
vril  le  chemin  de  l'Asie ;  il  crea  lc -commerce  et  la  marine  de 
la  Macedoine.  On  a  demande  oii  Philippe  prenait  ccs  armes 
tl'argent  doni  1'oracle  lui  avait  ordonne  de  se  scrvir?  Un  fail 
pent  I'expliquer  :  e'est  la  possession  de  Thasos,  dont  Philippe 
s'empara  apres  avoir  vaincu  les  Illyriens.  Thasos  renfermait, 
nne  mine  d*or  Dual  cxploitee  :  il  porta  sur  cet  ohjet  l'activito 
ct  la  vigilance  qui  lui  etaient  habiluelles,  ct  bientot  cclle  mine 
lui  t'ournit  annuellement  mille  lalcns,  e'est-a-dire  lc  double 
du  rcvenu  d'Alhencs.  La  polygamic  n'avait  pas  etc,  chez  les 
Macedoniens,  uncas  penc/ahle,  car  on  en  trouvc  des  cxemples, 
non-seulement  pour  les  rois,  mais  encore  dans  les  manages 
qu'Alexandre  fit  contractor,  en  Asie,  a  ses  ollicicrs,  pour  la 
plupai  t  deja  maries  dans  leur  pays.  Avant  Alexandre  aussi,  un 
homine  qui  aurait  cpouse  une  captive  aurait  fait  tin  outrage 
a;ix  moaurs  nationales.  L'armee  sc  purifiait  avant  et  apres  les 
bataillos;  elle  se  purilia  apres  la  mort  d'Alcxandre.  Cctte  pu- 
rification n'ctait  sans  doute  qu'une  ceremonie  religieuse  pro- 
pre  aux  Macedoniens  dont  les  annates  oflYe-nl  en  general  beau- 
coup  plus  d'aliment  a  la  curiositc  que  celles  des  L.tats  de 
l'Dubcc,  de  Corcyre,  dc  Zanle,  d'llhaque  et  de  (Jcphalonie, 
dont  l'organisation  politique  et  legislative  estheaucoup  moins 
connuc. 

C'e>t  a  regret,  mais  pressc  par  I'espace ,  que  je  me  vois 
force  de  passer  sous  silence  de  nombreuses  pages  du  livrc  de 
M.  dc  I'aslorel,  pourarriver  a  l'cndroitou  rautcurs'oceiipodcs 
pcuplcs  de  lTonic.  L'oligarchic  etait  le  gouvcrucmenl  inle- 
rieur  dc  la  plupart  des  villes  de  cc  pays,  quaiul  Alexandre, 


ET  POLITICOES.  C21 

apres  la  prise  d'Epliesc,  y  relablil  la  democratic.  Plus  tard 
enfin  l'lonie  tomba  sons  la  puissance  romaine  jusqu'a  ce  que 
Pompee  lui  rendit  1111  instant  scs  lois  et  sa  liberie.  Malgiv  leurs 
malbeurs  politiqucs,  ces  cites  dcvinrcnl  riches  ct  puissantes 
par  le  commerce  ;  ce  I'urent  Its  l'boceens  qui,  les  premiers  des 
Grecs,  firent  de  longs  voyages,  et  reconnurcnt  la  mer  Adriali- 
que,  la  merTyrrbenienne  ct  les  coles  d'Espagne  :  l'une  de  nos 
\illes  les  plus  opulentes,  Marseille,  fut  i'ondee  par  eux, 
<:t  Ton  sail  quclles  richesses  elaient  celles  d'Ephese,  dont  le 
temple  a  acquis  une  si  grande  et  si  singulierc  cclebi  ite.  11  faut 
Tcmarqucr  que  le  commerce  parail  avoir  produit  un  eft'et  ton- 
jours  semblable  sur  les  peuples  anciens,  celui  de  corrompre 
les  moeurs.  L'lonie  etait  rcnommee  pour  ses  courtisanes ,  et 
e'est  de  la  que  sortirent  prcsque  toutes  celles  qui  devinrenl  la- 
meuses  en  Grece.  Ceci  et  d'autres  observations  analogues  sur 
Jes  peuples  modernes  me  portent  a  croire  que  ie  commerce 
d'echange  et  de  fabrication  a  toujours  Ie  mf-mc  resullal  : 
lous  les  grands  comptoirs  me  paraissent  avoir  etc  des  foyers  de 
corruption.  Le  commerce  d'lonie  etait  certainement  regie  par 
un  Code  :  nous  n'en  connaissons  que  de  faibles  parties,  €t 
dies  dorment  a  entendre  que  la  piraterie  n'etait  pas  enliere- 
menl  etrangere  a  ce  negoce.  C'est  par  cette  voie  que  les  Ioniens 
se  procuraient  ce  grand  noinbre  d'csclaves  qu'ils  allaient  ven- 
dre  a  toutes  les  nations.  « L'lonie  vous  amenait  des  esclaves,» 
dit  Ezccbiel  aux  Tyriens. 

La  Cappadoce  fournissait  aussi  beaucoup  d'esclaves,  comme 
le  prouvent  de  nombreux  passages  des  ecrivains  anciens.  Mais 
sa  legislation  nous  est  moins  bien  connue  que  telle  de  la  Ga- 
latie,  qui  sc  composait  de  trois  pcuplades,  et  etait  divisee  en 
douze  tctrarchics  qui  avaient  en  commun  un  conseil  de  trois 
cents  personnes.  C'etait  un  conseil  national  qui  nommait  aux 
cmplois  de  l'armee,  etexercait  l'autorite  judicia'ue  en  maliere 
criminelle.  Les  autres  causes  etaient  porlees  devant  les  telrar- 
ques  ct  les  juges. 

La  Forme  du  gouvernement  des  Lyciens  a  cte  l'objet  de  beau- 
coup  d'eloges  soit  cbcz  les  anciens,  soil  chcz  les  modernes.  La, 


ii,,,,  SCIENCES  MORALES 

nous  rctrouvons  encore  unc  SOEte  de  gouvernement  represen- 
talif.  Vingt-trois  cites  composaient  la  confederation.  L'assem- 
blee  des  deputes  se  tcnail  dans  la  villc  qu'ils  choisissaient.  Le 
nombre  des  \oix  n'etait  pas  egal  pour  chaque  ville  :  les  plus 
considerables  en  avaient  trois,  d'autres  deux,  d'autres  une 
seulenient ;  elles  contribuaient  aux  depenses  publiques  dans 
la  proportion  du  nombrc  dc  leurs  deputes.  Certaincs  condi- 
tions, telles  que  1'agc ,  un  domicile  reconnu,  un  cens  paye, 
etaient  cxigees  poutTelcelion.  Les  magistrate  etaient  nommes 
par  l'assemblec.  On  choisissait  d'abord  le  lyciarque  ou  chef de 
I'Elat,  etensuitc  les  administrateurs  ct  les  juges.  Montesquieu, 
qui  nomme  ce  gouvernement  unc  republique  federative,  parait 
l'avoir  considere  plutot  dans  les  rapports  avec  les  Etats  etran- 
gers  et  sous  les  rapports  d'une  cite  a  une  autre  que  dans  l'eco- 
nomie  interieure  de  ^administration  politique.  Je  ne  puis,  du 
reste,  partager  l'opinion  de  Bodin  el  telle  de  M.  de  Pastoret, 
qui  rangent  un  tel  gouvernement  parmi  les  oligarcbies.  Je 
pense  bien  plutot,  avec  Sainte-Croix,  qu'on  doit  le  regarder 
comme  une  democratie  pure  et  simple,  et  je  ne  vois  pas  ce 
qu'il  pent  avoir  de  commun  avec  le  gouvernement  oligarcbi ■• 
que.  Nicolas  de  Damas  dit  que  les  Lyciens  condamnaient  a  la 
servitude  le  citoyen  convaincu  de  vol.  Chez  ce  peuple  les  en- 
fans  portaient  le  nom  et  prenaient  l'etat  civil  de  leurs  meres. 
Les  filles  heritaient  des  biens,  nonles  Gls. 

II  ne  me  reste  que  bien  peu  de  place  pour  m'occuper  avec 
M.  de  Pastoret  de  la  legislation  des  Perses,  a  laquelle  ila  consa- 
cre  la  dernierepartie  du  neuvieme  volume  de  son  bel  ouvrage. 
Plusieurs  ecrivains,  evidemment  animes  de  l'amour  du  para- 
doxe,  ont  voulu  fairede  la  monarchie  persanne  une  monarchic 
temperee.  lis  font  remonter  ordinairement  cette  forme  de 
gouvernement  au  regne  de  Darius,  fds  d'Hystaspe,  etpreten- 
dent  qu'alors  naquit  une  aristocratic  dont  les  membres  for- 
maient  un  conseil  sans  Passentiment  duquel  le  roi  ne  pouvait 
agir.  L'histoire  refute  en  mille  endroits  cette  singuliere  asser- 
tion, et  M.  de  Pastoret  a  savamment  reuni  une  masse  de 
preuves  qui  la  laissent  sans  nul  fondement.  Helvetius,  a  qui 


ET  POLITIQUES.  623 

il  arrivait  souvent  d'accommoder  l'histoire  a  son  gout  parti- 
culier,  pretend  que  des  philosophes  etaient  charges  d'inaugurer 
!e  prince,  et  lui  clisaient  le  jour  de  soncouronnement  :  «Sache, 
6  roi,  que  ton  autorite  cessera  d'etre  legitime  le  jour  que  lu 
cesseras  de  rendre  les  Perses  heureux.  »  II  aflirme  ,  avec 
toute  la  gravito  possible,  ce  fait,  qui  n'a  jamais  existe  que  dans 
son  imagination.  Quels  etaient  ces  philosophes,  et  qui  leur 
donnait  la  liberte  de  parler  avec  celle  hauteur  a  des  rois  qui 
faisaient  mourir  dans  d 'horribles  supplices  un  courlisan  asscz, 
audacieux  pour  les  contredire? 

D'autres  ont  avance  que  les  ordres  du  roi  etaient  a  la  verite 
absolus  et  supremes,  mais  qu'une  fois  donnes  ils  avaient  force 
de  loi,  et  que  lui-meme  ne  pouvail  les  revoquer.  II  s'ensui- 
vrait  que  le  souverain  n'avait  pas  le  droit  de  grace.  L'histoire 
repond  a  cette  opinion  :  e'est  par  Pusage  de  ce  droit  que  Cre- 
sus  echappa  a  la  mort  qui  le  menacait  de  si  pies.  Elle  rap- 
porte  un  autre  exemple  :  un  juge  avaitprevarique;  il  est  con- 
damne  a  La  mort;  mais  le  roi,  reoonnaissant  de  ses  services, 
commue  sa  peine,  et  le  sauve  du  supplice.  Xenophon  est  sans 
doute  cause  de  toutes  ces  erreurs  ;  il  a  denature  la  verite  dans 
son  roman  de  la  Cyropedie,  et  Platon  n'est  peut-etre  pas  non 
plus  exempt  de  tout  ceproche,  quoiqu'il  soit  facile  de  voir  que 
l'un  et  l'autre  cherchaient  plutot  a  montrer  ce  qui  aurait  dfi 
etre  qu'a  decrire  ce  quietait  (1).  La  monarchic  des  Perses  ejtait 
despotique  dans  la  signification  la  plus  absolue  de  ce  mot.  Du 
souverain  seul  emanait  la  loi,  revocable  a  sa  volonle.  II  etait 
considere,  non  comme  l'image  de  Dieu,  mais  comme  un  Dieu, 
et  l'on  ne  se  presentait  pas  devant  lui  sans  Vadorcr.  Le  ser- 
ment  rapporte  parGrolius,  et  qui  avail  lieu  a  l'avenement  du 
roi,  appartient  a  l'histoire  des  Medes,  non  a  celie  des  Perses. 
Le  roi  pouvait,  et  e'est  la  le  signe  le  plus  incontestable  d'un 
gouvernement  absolu,  deleguer  sa  toute-puissance.  Le  livre 
d'Esther  nous  offre  l'exemple  d'une  de  ces  delegations  de  pou- 
voir.  n  Pais  de  ce  peuple  ce  que  lu  voudras,  »  dit  Assuerus  a  son 

(i)  Non  ad  historic^  fidem  script  us  sed  ad  effigiem  jtisti  imperii. 


C-u'i  SCIENCES  MORALES 

I'avori;  il  fcui  BOnfie  lc  sceau  royal  ,  qui  s'appliquail  a  tons  \v 
derrets.  Ricnlot  Esther,  a  son  tour,  oblient  l'orihe  cPrui  mas- 
sacre  epouvantahlr.  Parysalis  se  sert  aussi  de  son  ascouilaiit 
sur  son  Ills  pour  hii  arriichoi'  le  droit  royal  do  vie  el  de  niort, 
afin  de  faire  pcrir  dansd'hnrrildcstonrmensun  honimcqui  lui 
tivait  dcplu.  Les  acles  que  je  viens  de  rapporter,  ct  mille  au- 
tre^ que  jc  pourrais  filer,  suflisent  pour  dotmer  une  idee  de  cc 
que  devaient  etre  en  Perse  les  lois  criminclles.  Dans  les  pro- 
\inces,les  Satrapesavaient,  comnie  lc  chef  du  gouverncment, 
le  droit  de  vie  et  de  mort.  Des  tribunaux  etaient  institucs  ; 
mais  par  qui  et  comment  les  juges  otaicnt-ils  nommes  ?  Je 
ne  saurais  le  dire,  quoiqu'il  fut  important  de  le  savoir  pour 
connaitre  jusqu'aquel  point  lenrs  arrets  pouvaicnt  etre  iude- 
pendans.  Des  peines  terribles  etaient  portees  contre  ceux  qui 
sc  seraient  laisse  corrompre ;  on  les  faisait  mourir  dans  les 
supplices,  on  les  ecorchait  ensuitc,  et  letfr  peau  servait  a  rc- 
couvrir  le  siege  oii  devait  s'asseoir  leur  sneccsseur.  Je  ne  sui- 
vrai  pas  M.  de  Pastoret  dans  l'enumeration  de  tons  les  supplices 
en  usage  chez  cepeuple,  dont  Xenophon  nous  presentc  un  si 
seduisant  tableau  :  l'iinagination  repugne  a  se  nourrir  de  ces 
horreurs  :  les  auges,  les  cendres,  la  mutilation  ,  le  erucifie- 
ment,  rinhumationvivante,  mille  autre  ralfinemensdc  ciuaulc 
qui  prouvent  jusqu'ou  peuvent  aller  le  dclire  de  la  tyrannic 
ct  l'avilissemcnt  des  nations.  Jc  mc  contenterai  dc  remarquer 
que  la  loi  punissait  de  mort  les  attentats  a  la  pudeur  ct  le  crime 
de  faussc  monnaie.  II  y  a  lieu  de  s'etonner  et  de  s'auTiger  qu'un 
chatiment  aussi  disproportionne  ait  ete  si  anciennement  et  si 
universellemcnt  applique  pour  ce  dernier  delit. 

Voila  une  analyse  bien  incomplete  saus  doute  du  bel  ouvrage 
de  M.  dePastorel;  mais  il  n'est  point  facile  d'analyscr  un  livre 
lellcment  rempli  de  faits  et  de  choses  qu'il  n'est  lui-memc 
qu'une  maguifique  analyse  de  la  partic  la  plus  epineusc  perit- 
etrc  et  la  plus  obscure  dc  l'liistoire  des  peuples  anciens.  Le 
lcctcurs'ctonneia,  commemoi,  qu'onailpu  trailer  une  mature 
aussi  serieuse,  jc  dirai  prcsquc  aussi  aridc,  avec  un  style  rc- 
maiquable  par  son  elegance  aulant  que  par  son  extreme  purctc. 


ET  POLITIQUES.  t]25 

M.  de  Pastoret  a  prouve  en  cela  que  sa  place  est  egalement 
bien  marquee,  en  sa  double  qualite  d'erudit  profond  et  d'ecri- 
vain  habile,  a   PAcademie  des  Inscriptions  et  a  l'Academie 


Alexandre  Le  Noble. 


■fro  «  o  »*<fW  e—gnaa  •j^^j.jfn 


Principes  d'organisation  industjueile,  par  J.  J.  Fazy  (i) 

Un  auteur,  anime  de  bonnes  intentions,  et  possedant  assez 
bien  les  doctrines  de  l'econoniie  politique  moderr.e,  dans  un 
ouvrage  publie  depuis  pen,  en  meme  terns  qu'il  convient  des 
progres  apparens  de  Finstruction  generale  et  de  la  prosperity 
pubhque,  se  plaint  aniereinent  du  pen  de  fruit  reel  que  les 
classes  productives  de  la  societe  recueillent  de  ces  proves 
Cetteremarque  est  juste,  el  merile  attention.  Tandis  que  1'ad- 
ministration  se  vante  des  accroissemens  de  notre  population 
il    resulte  des  documens  recueillis  dans  toute  l'Europe  par 
M.  Jacob    (2)   que  depuis  la  paix  generale  la  France  est  de 
totis  les  Etats  du  continent  celui  dont  la  population  a  fait  pro- 
porlionnellement  le  mains  de  progres,  etque  e'est  celui  ou  l'on 
se  plaint  le  plusgeneralement  des  souffrances  de  l'agriculture 
des  arts  et  du  commerce.  C'est  un  fait  a  la  connaissance  de 
tout  le   monde   que,  malgre  les    places    nombreuses    dans 
Fordre  mdilaire  et  l'ordre  civil  que  distribue  tous  les  ans  la 
faveur,  les  jeunes  gens,  a  mesure  qu'ils  parviennent  a  Page 
d'embrasser  une  profession,  ne  rcussissent  pas,  sans  les  plus 
grandes  diilicultes,  a  utilizer  leur  bonne  volonte  et  leurs  ta- 
lens.   L'Angleterre  a  diminue  ses  depenses  annuelles  de  plus 
de  deux  cent  millions;  elle  a  rembourse  une  bonne  partie  de 

(1)  Paris,  1800;  Mather  et  O.  In-S<>  de  204  pages  ;  prix,  6  fr. 

(■)   Envoye  par  le  Comite  d'enquelc  d'Anglelerre  pour  constater  la 

production  et  le  prix  des  bles  sur  le  continent. 

T.    XLYI.     IVI.N     l83o.  /,_ 

40 


G->6  SCIENCES  MORALES 

<sa  dette ;  ct  nous,  en  mmne  terns  que  noire  territoire  s'esl 
trouve  eonsidirablement  diminuc  ,  nous  avons  augmentc  la 
somme  de  nos  contributions,  ct  triple  notre  dette. 

II  est  certain  qu'au  fond  de  tout  cela  il  se  trouve  un  vice, 
une  nialadic  socialc  que  tout  bon  citoyen  doit  s'eflbrcer  de 
gucrir.  Ce  viccest-il  dans  la  nalurejnyincible  des  choses  ?  est-il 
dans  nos  institutions?  Par  quels  moycns  peuvent-ellcs  etre 
reformecs  ?  On  ne  saurait  nier  que  ces  questions  ne  soicnt  d'un 
haut  interet;  mais  on  ne  saurait  pretendre  a  les  rcsoudre,  si 
Ton  ne  joint  a  une  grande  experience  un  jugement  solide  et 
une  parfaile  connaissance  de  l'economie  politique. 

C'est  bien  aussi  sue  celte  science  (qui  n'est  autre  qu'unc 
experience  raisonndc)  que  l'auteur  du  livre  que  nous annoncons 
pretend  s'appuycr,  Iorsqu'il  signale  les  causes  et  le  remede  du 
mal  qui  nous  tourmenle.  On  ne  peut  lui  refuser  ^intelligence 
des  bons  principes  ;  mais  en  possede-t-il  l'ensemble  et  la  liai- 
son P  Beaucoup  de  ses  assertions  sont  inconlcstables ;  niais  le 
sont-elles  loutesPIl  se  fonde  sur  de  grandes  verites ;  mais 
n'invoque-l-il  pas  aussi  de  grandes  erreurs  ?  Lorsqu'il  se  plaint 
des  entraves  que  nous  imposent  nos  lois  fiseales ,  nos  mono- 
poles,  notre  administration  de  la  justice  et  notre  administra- 
tion civile,  il  a  malbeureusement  trop  raison  ;  mais,  quand  il 
vent  que  ce  soient  des  administrations  cleliberantes  qui  appre- 
cient  les  facultes  des  liommes  ct  la  valeitr  des  choses  (p.  i45), 
certes  il  est  coupable  d'un  grand  outrage  envers  l'economie 
politique.  Nulie  valeur  intrinseque  ne  peut  resulter  que  du  de- 
gre  de  satisfaction  attache  a  1' usage  des  divers  produits;  et  le 
seid  moyend'apprecier  celte  satisfaction  est  le  prix,  librement 
consenti ,  que  les  consommateurs  mettent  a  chacun  de  ces 
produits.  Les  facultes  des  homines,  comnie  leurs  capilaux, 
sont  une  partie  de  leurs  proprietes,  et  o'est  y  porter  de  graves 
atteintes  que  de  vouloirles  faire  appieeier  par  des  administra- 
tions, quelque  spontanees,  quelque  libres  qu'elles  soient.  Si 
on  les  apprecie  au-dessous  de  leur  valeur,  au-dessous  du  prix 
courant,  on  fail  tort  an  proprietaire ;  si  on  les  apprecie  au- 
dessus,  on  favorise  la  dilapidation  des  capilaux,  on  fait  tort 


ET  POLITIQUES.  629 

u  la  production,  car  on  favorise  la  destruction,  soit  aux  depen* 
de  cclui  qui  a  cru  produire  ,  soit  aux  depens  de  ceux  qui  vien- 
nent  a  son  secours. 

31.  Fazy  s'esl  empare  d'un  principe  dont  la  demonstration, 
quoique  des  plus  importantes,  n'est  pas  tres-ancienne,  et  dont 
il  n'a  nulle  part  cite  l'origine  (1)  ;  c'est  qu'en  realite  on  n'a* 
chelte  des  produits  qu'avec  d'autres  produils,  et  par  consequent 
que  c'est  la  production  qui  favorise  la  production;  et  il  en  tire 
une  consecpience  exagerte  et  fausse.  II  affirme  que  la  produc- 
tion n'a  point  de  bornes,  non  plus  que  les  richesses  ;  et  que  ,  si 
1'on  ne  produit  pas  indefiniment,  c'est  uniquemeut  par  la  faute 
de  notre  organisation  sociale.  II  oublie  ce  qui  constitue  la  pro- 
duction. Pour  qn'une  raarchandi.se  merite  d'etre  appelee  un 
produit,  il  ne  suffit  pas qu'elle  soit  le  fruit  de  l'industrie',  il  faut 
encore  que  sa  valeur  echangeable  egale  ses  frais  de  produc- 
tion. Si,  en  consommant  une  valeur  egale  a  10  fr.  de  matieres 
premieres,  de  main-d'ceuvre,  etc.,  vous  ne  parvenez  a  creer 
qu'un  objet  dont  il  soit  impossible  d'obtenir  au  dela  de  9  fr., 
ou  toute  autre  valeur  equivalente  a  9  fr.,  vous  ne  creez  nas  de 
la  valeur,  vous  en  detruisez,  puisqu'il  y  avait  auparavant  dans 
le  monde  une  valeur  de  10  fr.  que  vous  avez  changee  en  une 
valeur  de  9  fr. 

L'auteur,  en  posant  en  fait  que  la  production  n'a  point  de 
bornes,  admet  comme  verite  une  assertion  entierement 
fausse.  La  creation  d'un  objet  de  consommation  exige  des  sa- 
crifices :  elle  exige  l'emploi  d'un  capital,  d'un  travail,  qui  ont 
une  valeur.  Du  moment  que  la  salisfection  qui  peut  resulter 
du  produit  n'est  pas  equivalente  a  I'avance  qu'on  a  faite,  on 
ne  peut  plus  la  produire.  S'il  faut  que  je  mette  quatre  semai- 
nes  pour  creer  des  valeurs  qui  ne  peuvent  pourvoir  a  ma  sub- 
sistance  que  pendant  trois  semaines,  je  mourrai  pendant  la 
quatrieme,  a  moins  que  je  ne  vive  de  la  charite  publique, 


(1)  Voyer  le  Trailc  d'  Economic  politique,  Jiv.  i,  ch.  i5  ;  et  ]r  Court  com ' 
plet  d' Economic  politique,  5e  paitic,  cli.  i  4  5. 


6a8  SCIENCES  MORALES 

c'est-a-dire,  sur  des  valours  reelles  mais  produites  par  d'au- 

tres  que  par  moi. 

En  posant  en  fait  que  la  production  o'a  point  de  bornes, 
rauteui'  ffvance  done  un  fait  qui  a'est  pas.  La  production  est 
bornee  lorsque  les  moyens  de  produire  arrivent  au  point  de 
se  trom  er  plus  chers  que  les  produils  qui  pern  ent  en  resulter. 

C'est  une  grande  erreur  de  croire  que  dea  associations  in- 
duslrielles,  et  des  moyens  de  credit,  puissent  soutenir  la 
valeur  d'une  inarchandise  qui  ne  se  vend  pas,  quand  il  n'j  a 
pas  dans  celte  marchandise  me  me  une  qualite  qui  en  cleve  le 
prix  au  niveau  de  ses  frais  de  production.  Tout  prix  force  est 
un  abus  paye  par  quelqu'un. 

L'anteur  s'imagine  que  des  banques  de  circulation  qui  re- 
pandent  des  billets  ayant  corns  de  monnaie  peuvent  reme- 
dier  a  tout;  et  veritablenient  des  banques  qui  ne  seraient  pas 
privilegiees  comme  Test  la  Banque  de  France,  des  banques 
qui  pourraient  venir  au  secours  de  1'induslrie  proprement 
dite,  et  dans  lesquelles  on  trouvcrait  des  especcs  de  eompa- 
gnies  d'assurance  qui,  sans  s'exposer  a  des  pertes  superieures 
a  leurs  gains,  repareraient  quelquefois  les  malheurs  impre- 
vus,  seraient  fort  utiles  au  commerce  en  general.  Mais  il  ne 
faut  pas  croire  que  des  escomptes  et  des  billets  ,  en  supposant 
qu'ils  jouissent  de  la  plus  haute  confiance,  puissent  tenir  lieu 
de  capitaux.  lis  ne  peuvent  remplacer  que  l'agent  de  la  cir- 
culation, et  ne  peuvent  conserver  leur  valeur  que  lorsque 
leur  somme  n'excede  pas  la  somme  habituellement  necessaire 
pour  les  echanges.  Las  escomptes  sont  occasionnellement 
tres-uliles ;  mais  il  vaut  encore  mieux  que  les  industriels 
aient  assez  de  capitaux  a  eux  pour  n'avoir  pas  recours  aux 
escomptes. 

Tels  sont  les  principes  dont  il  nous  semble  qu'il  n'est  pas 
permis  de  s'ecarler,  lorsqu'on  propose  un  plan  d'Oganisation 
irulustriclle.  M.  Fazy  nous  permettra  encore  de  lui  faire  ob- 
server que  ces  mots  organisation  industrielle  ne  presentent 
point  d'idte  nette.  On  n'organise  pas  plus  l'itulustrie  qu'on 
n'organise  les  arts  et  les  sciences.  Ces  choses  se  forment,  se 


ET  P0L1TIQUES.  Gag 

pcrfectionnent  selon  le  gout  et  les  talens  des  homines.  Toul 
ce  qu'on  a  droit  d'attendre  d'un  gouvernement  ^claire,  c'est 
qu'il  fasse  des  loi.%  qu'il  cree  des  institutions  favorables  a  l'in- 
dustrie,  mais  non  qu'il  organise  C  Industrie. 

Ce  qui  la  favorise  en  general,  ce  sont  les  mesures  qui  alle- 
gent  les  ffaiS  de  production  qu'augmcntent,  an  contraire,  les 
charges  de  l'Etat  et  les  sotlisesde  l'administration.  Tandis  que 
les  procedes  de  1'agricuhure,  des  manufactures  et  du  com- 
merce, deviennentplusexpeditifs  et  moins  chers,  grace  au  ge- 
nie des  particuliers,  on  perfectionne  aussi  l'art  de  tirer  de 
l'argent  des   peuples   au   profit   des   fonctionnaires    publics, 
des    gens  a  places  et  a    pensions,    des   flalteurs,   des  trai- 
tans  et  des  pieties.  Les  iriipots  sont  des  frais  ajoutes  aux  frais 
indispensables  de  la  production,  et  d'ou  il  resulte  que  la  ma- 
jeure partie  de  la  population  se  Irouve  privee   d'un  grand 
nombre  de  produits  et  de  beaucoup  deperfectionnemensdont 
elle  pourrait  jouir  s'ils  n'etaient  portes  a  un  prix qu'elle  ne  pent 
atteindre.  Sans  compter  qu'un  gouvernement  qui  vent gou- 
verner  tout  multiplie   les  obstacles,  au   lieu  de  les  aplanir. 
L'argent  des  contributions,^  qui  pourrait  en  totalite  etre  em- 
ploye a  faire  du  bien  a  la  nation,  sert  beaucoup  trop  souvent 
a  lui  faire  du  mal.   Comment  justifier  aux  yeux  de  la  raison 
des  guerrescomme  celle  de  Russie,  en  1812,  celles  d'Espagne, 
en  1808  eten  1820?  Outre  le  sang  qu'elles  font  repandre,  et 
les  devastations  qui  en  sont  les  suites,  elles  nous  font  de- 
tester  et  mepriser  des  etrangers,  et  ir'aboutissent  on  definitive 
qu'a  engraisser  des  fournisseurs  et  des  favoris.  Oi'i  nous  mine 
cet  etablissement  sacerdotal  quiengraisse  deschanoines  et  des 
prelats  ?  a  repandre  des  mandemens  incendiaii  es,  a  favoriser 
des  missionnaires  dont  les  predications  publiques  el  les  con- 
fessions secretes  abrulissent  l'esprit  des  peuples.  La  multi- 
tude des  paperasses  qui  encombrent   nos  administrations  n'a 
d'autre  effet  que  d'attirer  au  centre  du  gouvernement  des  de- 
terminations qui  devraient  etre  laissees  au  bon  sens  des  locali- 
tes.  On  eleve  des  colonnes  et  des  monumens  expiatoires,  et 
Ton  u'eclaire  pas  nns  rues.  Avec  la  dixieme  partie  dc  ce  que 


<53o         SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES. 

eofttcunc  carnpagnc  onrcndiail  navigable  la  Enire,  qui,  tantot 
pitrce  qu'cllf?  a  trop  d'eau,  tantot  parte  qu'ellc  en  a  trop  pen, 
n'esl  pas  praticable  durantles  deux  tiers  de  l'annee.  On  niet- 
trait  ainsi  en  relation  ['orient  nvec  I'occident  de  la  France. 
Mais  on  parait  ignorer  que  la  facilite  dcs  communications, 
en  baissant  les  frais  de  toutc  espece  de  production,  est  un  des 
principaux  elemens  de  la  richesse  des  peuples;  et  la  Bourgo- 
gne  nieurt  de  faim  en  mfine  terns  que  la  Brutagne  ne  peut 
pas  vend  re  ses  decrees. 

Quand  les  lumicrcs  seront  plus  generalement  repandues, 
quand  les  intcrfits  nationaux  auront  de  veritables  interpretes, 
determines  a  refuser  la  substance  de  l'Etat  a  ceux  qui  font  sa 
honle  et  son  malbeur,  alors  la  nation  francaise  jouira  de 
toute  l'elendue  de  ses  ressources  et  des  biens  qui,  en  bonne 
justice,  ne  dcvraient  appartenir  qu'a  l'intelligencc  ct  a  l'acti- 
fite  vrainicnt  utiles. 

J.  B.  S. 


LiTTERATURE. 


HlSTOIRE  DE  LA  LITTERATURE  ANCIENNE  ET  MODERNE,  par  Frederic 

Schlegel,  traduite  de  l'allemand  par  William  Duckett(i). 


Frederic  Schlegel,  poete  et  philosophe  distingue,  est  sur- 
tout  celebre  en  Allemagne  pour  avoir  imprime  une  vie  et  une 
direction  nouvelles  a  la  critique  litteraire.  II  fit  ses  premieres 
amies  dans  quelques  recueils  periodiques;  entreautres,  dans 
VAthenceum,  redige  de  concert  avec  son  frere  Auguste  Guil- 
laume.  II  etait  alors  protestant  comnie  lui."  Bientot  Frederic 
se  convertit  solennellement  au  catholicisme,  a  Cologne  :  de  la 
il  se  rendit  a  Paris,  puis  aVienne,  oA  il  accepta  de  M.  de 
Metternich  une  place  a  la* chancellerie,  et  le  titre  de  membre 
libre  de  l'Universite  de  cette  ville.  Ses  cours  dans  cette  Acadd- 
mie  ,  pleins  d'apercus  feconds  et  ingenieux  sur  le  moyen 
age,  acheverent  sa  reputation  d'habile  critique.  D'ailleurs,  soit 
independance  d'esprit,  soit  simplement  indolence,  il  montra 
pen  d'empressement  a  pn-ter  l'appui  de  son  talent  aux  vues 
politiques  de  Mj»  de  Metternich,  et  II  etait  a  peu  pres  tombe 
dans  la  disgrace  de  ce  personnage,  quand  la  mort  le  surprit 
en  Janvier  1829  a  Dresde,  oii  il  venait  de  coinmencer  un 
cours  de  philosophic 

Le  zele  religieux  qui  animait  F.  Schlegel,  dans  les  derniers 
Jems  de  sa  vie,  tient  a  un  motif  trop  noble  et  trop  honorable, 
pour  le  passer  sous  silence.  Penetre  du  desir  de  voir  les  na- 
tions de  l'Europe  unies  dans  une  fraternite  commune  d'opi- 


(1)  Paris,  1829;   Balliraore,  rue  de  Seine-Saint-Germain,  n"  48.  2  vol. 
tn-8"  ile  plus  de  juo  pages;  prix,  14  fr. 


<tfa  LITTERATURE. 

nions,  de  vceux  et  de  sentimens,  Schlegel  pensait  que  la  con- 
dition necessaire  de  cette  alliance  ctait  l' unite  de  religion; 
or,  lei  est  Petal  d'anarchie  011  le  rejet  absolu  du  prin- 
cipe  de  Fautorite  a  conduit  le  proteslantisrae  que  Schle- 
gel regardait  f'Eglise  reformee  connne  incapable  d'accomplir 
cetle  haute  mission  du  xix'  siecle.  So  regards  se  tourncrent 
done  vers  le  eatholicjsme  ,  vaste  cerclc  dont  les  rayon?  abou- 
tissent  a  un  meme  centre,  association  forte  et  compacte,  qui  a 
son  chef  visible,  sa  loi,  sa  hierarchic  II  embrassa  le  catholi- 
cisme  avec  amour,  comme  une  esperance  et  an  gage  pour 
1'avenir,  coinnie  une  doctrine  vraiment  universelle  ,  et  qui 
d online  a  la  fois  la  litterature,  l'art  et  la  philosophic.  Enthou- 
siaste  du  moyen  age,  parce  qu'il  y  vo)rait  triompher  cette 
puissante  unite,  il  classa  les  litteratures  diverses,  non  d'apres 
leur  merite,  comme  produit  de  l'art,  mais  d'apres  le  carac- 
lere  plus  on  moins  prononce  de  leur  tendance  religieuse. 
Puis,  a  mesure  que  son  esprit  s'enfoncait  dans  le  domaine  des 
abstractions  theologiques ,  il  introduisait  le  mysticisme  dans 
la  critique;  ainsi,  lorsque  son  sujet  Famenait  a  parler  de  la 
Bible,  il  proclamait  incompletes  et  insuffisantes  Fintcrpreta- 
tion  du  sens  Htteral  et  celle  meme  de  I'esprit  des  litres  saints. 
II  lui  fallait  une  troisieme  interpretation  plus  elevc'e  que  les  pre- 
cedentes,  I' interpretation  qui  a  pour  base  le  sens  mystique  cache, 
tequct,  avec  ou  sans  figure  ,  repose  sur  le  mystere  de  I' dine  et  de 
son  union  avec  Dieu.  «  Et  dans  cette  connaissance  selon  fame , 
ajoute-t-il,  parvenue  a  sa  clarte  la  plus  complete,  on  pent  dire 
avec  raison  que  e'est  le  verbe  eternel  de  Famour  qui  se  com- 
prend  et  s'entend  lui-meme.  »  Celle  sorte  iVillnminisme  se  re- 
produit  a  diverses  reprises  dans  Fouvrage  de  F.  Schlegel,  et 
repand  quelquefois  de  Fobscurite  sur  sa  critique  hahituclle- 
ment  profonde  et  judicieuse;  nous  avons  du  signaler  des  Fa- 
bord  cette  disposition  d'esprit,  parce  qu'elle  marque  d'une 
emprcinle  propre  et  individuelle  VHistoircde la  Littirature,  et 
fait  toute  son  originalite,  ses  defauts,  aussi-bien  que  son  nit- 
rite. 

Le  plan  de  F.  Schlegel  n'est  pas  plus  conforme  que  son 


LITTER  ATUT.E.  633 

principe  de  critique  a  la  manhe  suivie  jusqu'a  present.  Lais- 
sant  de  cute  les  litteratures  de  l'Asie,  il  choisit  la  Grece  pour 
point  de  depart,  et  revient  ensuite  a  I'Oiient,  lorsqn'il  nous 
inontre,  an  terns  des  Anlonins,  les  arts  de  la  Grece  fecondes 
et  un  instant  renouveles  par  le  melange  des  traditions  in- 
diennes,  bebrai'ques  et  pcrsanncs.  Dans  la  civilisation  grec- 
que,  ce  fait  l'a  surtout  frappe«  que  le  developpement  intel- 
lectuel  y  est  tout-a-fait  libre  et  independent,  aussi-bien  des 
entraves  d'une  constitution  sacerdotale  decidant  tout  en 
Orient  que  d'un  but  politique,  que  Ton  apercoit  partoul  cbez 
les  Romains  ;  la  science  apparait  pour  la  premiere  fois  comme 
une  puissance  isolee  et  se  suffisant  a  elle-meme;  spectacle 
auquel  on  n'a  depuis  jamais  rien  vu  de  semblable.  » 

Rome  est  fdle  de  la  Grece,  et  telle  fut  sa  fidelite  a  suivre 
les  traces  de  sa  mere  qu'elle  sacrifia  a  cet  esprit  d'imitation 
ses  antiquitcs  nationales  et  patriotiques.  Cette  adoption  d'une 
litterature  etrangere  par  le  pcuple  le  plus  superbe  et  le  plus 
fier  qui  ait  existe  s'explique  naturel'ement.  Aprea  la  con- 
quite  de  PItalie  meridionale  et  de  la  Sicile ,  lorsque  la  Grece 
se  revela  aux  legions  romaines,  sa  langue  dominait  dans  tout 
le  monde  civilise  :  on  lisait  Homere  au  fond  de  l'Asie,  et  les 
Cartbaginois  redigeaient  en  grec  leurs  voj'ages  de  decouver- 
tes.  C'etait  le  lien  universel  entre  les  pcuples,  et  les  Romains 
ne  purent  se  soustraire  a  cet  empire  de  1'inlelligence.  lis  vi- 
rent  dans  la  langue  des  Grecs  un  instrument  utile,  et  l'accueil- 
lirent  :  bientot  cette  litterature  etalant  devant  eux  tous  ses 
charmes,  ils  1'aimerent  comme  art,  I'etudierent,  la  copierent 
sou  vent,  sans  que  leur  civilisation  put  jamais  dement  ir  cette 
origine. 

La  carriere  parcourue  par  la  litterature  romaine  fut  bril- 
lante,  mais  courte  :  M.  Schlegel  la  resscrre  entre  le  consulat 
de  Ciceron  et  la  mort  de  Trajan,  e'est-a-dire  dans  un  espace 
de  180  ans.  Kile  s'eleint  presque  avec  Tacite ,  jusqu'au  mo- 
ment oule  christianisme  lui  donnera  une  impulsion  nouvelle. 

Mais  avec  Adrieu  commencait  un  mouvement  intellectuel 
d'une  espece  singuliere,  et  dont  l'influencc.  a  peine  entrcvue 


03',  LITTER  \  IT  RE. 

jusqu'a  nos  jours,  appellc  encore  des  investigations  (ungues 
it  m  Houses.  La  litterature  grecque  renaissait  jeune  et vivace, 
avec  d'autrcs  inspirations,  un  autre  but,  une  autre  philoso- 
phic Lasse  de  la  mythologie  homerique,  et  rcjetanl  ses  vieil- 
les  croyances,  elle  avait  paru  mourir  avec  les  dogmes  rians 
dont  s'etait  embellie  sa  poesie.  Maintenant  elle  rompait  le  si- 
lence, et,  communiquant  par  Alexandrie  avec  tout  le  monde 
oriental,  lui  empruntait  ses  opinions,  sa  cosmogonie,  sa  foi 
dans  les  esprits  supeiieurs  et  sa  tendance  extatiquc.  Sans 
doute,  eelte  source  de  creations  etait  moins  pure  et  moins 
lieureuse  que  la  premiere;  elle  avait  pourtant  sa  puissance, 
son  energie ,  elle  fecondait  l'art  et  la  philosophic ,  et  les  es- 
prits etaient  fortement  remues  par  cette  seconde  manifesta- 
tion du  genie  grec.  Cette  renaissance  d'une  litterature  qui 
semblait  avoir  accompli  sa  destinee  porlait  un  double  carac- 
tere.  D'une  part,  Lucien,  Sextus  Empiricus  et  les  sceptiques 
continuaient  a  battre  en  ruines  la  mythologie  pa'ienne,  et  se 
raillaient  des  superstitions  qui  la  remplacaienf,  de  ['autre,  il 
s'elevait  en  Grece,  et  surtout  en  Egypte,  de  nombreuses  sec- 
tes  philosophiques,  plus  ou  moins  attachees  aux  systemes 
spiritualistes  de  Pythagore  el  de  Platon ,  mais  outrant  cette 
disposition  religieuse  et  la  poussant  jusqu'a  l'extase ;  pleines 
d'un  besoin  de  foi  qu'elles  ne  pouvaient  satisfairc,  sombres  et 
mysterieuses  dans  leurs  dogmes  et  leur  langagc.  Telle  fut  l'e- 
cole  appelee  d'Alexandrie,  ecole  dont  il  est  impossible  de 
comprendre  les  travaux,  si  on  ne  la  decompose  en  ses  bran- 
ches diverses,  puisqu'elle  fournit  an  christianisme  naissant  ses 
plus  eloquens  defenseurs,  en  meme  terns  que  ses  plus  achar- 
nes  adversaires. 

M.  Schlegel  indique  avec  une  rare  sagacite  comment  la 
doctrine  de  Platon  s'alliait  nalurellement  avec  le  mysticisme 
alexandrin.  Platon,  en  admettant  les  idees  innees  et  une  sorte 
de  revelation  individuelle  des  perfections  de  la  Divinite,  avait 
par  cela  meme  reconnu  qu'il  cxistait,  pour  l'homme ,  une 
source  de  verite  surnaturelle ,  et  independante  de  l'exercice 
de  sa  raison.  «  C'etait ,  selon  lui,  un  souvenir  obscur  tl'imc 


LITTERATURE.  C35 

existence  primitive  infiniincnt  plus  delieieuse  et  plus  spiri- 
tuelle  que  cclle  de  ce  mondc  »  ;  e'etait  un  sentiment  vague, 
indetermine,  qui  ne  se  resumait  pas  en  un  systeme  complct. 
Les  successeurs  de  Platon  allerent  plus  loin;  parlant  de  ce 
principe  que  la  raison  n'ctait  pas  pour  I'hommc  le  seul 
moyen  de  connaitre,  ils  cherchcrent  cette  science  nouvelle  et 
superieure  dans  les  idees  et  le:-  traditions  de  l'Orient,  qui 
toules,  dit  M.  Schlegel,  reposaient  plus  ou  moiiis  sur  ce 
meme  principe.  Or,  dans  ces  traditions  se  confondaient  le 
mysticisme  le  plus  extravagant,  le  culte  des  esprits  malfai- 
sans,  la  magie,  les  I'olies  cabalistiques.  Ainsi  le  platonisme, 
grossi  d'un  alliage  impur,  s'eeartait  chaque  jour  de  sa  beaute 
primitive,  et  devenait  la  souche  de  plusieurs  sectes  diverses 
dans  leur  but  et  Ieur  enseignement,  et  que  M.  Schlegel  a 
faussement  reunies  sous  lenom  geuerique  de  neo-platonisme. 

Trois  grandes  divisions  dominent  la  philosopbie  de  ce  terns  ; 
et  elles  sont  d'autant  plus  importantes  qu'a  la  naissance  du 
christianisme  leurs  partisans  se  rangerent  sous  des  bannieres 
opposees  :  ce  sont  Peclectisme,  le  neo-platonisme  propremenl 
dit,  et  le  syncretisme. 

L'eclectisme,  tentative  imparfaite  de  concilier  les  principes 
divergens  de  la  philosophic  grecque,  tut  enseigne  par  Pota- 
mon  d'Alexandrie,  et  ne  parut  qu'un  instant.  Sa  tendance 
semble  pourtant  avoir  frappe  quelques  Peres  de  l'Eglise,  et 
Lactance  laisse  entendre  que  le  christianisme  n'est  qu'une  es- 
pece  d'eclectisme  parvenu  a  sa  purete  la  plus  absolue. 

Le  neo-platonisme,  que  professercnt  Plutarque  et  Apulee, 
n'etait  qu'un  faux  eclectisme,  un  compromis  entre  le  plato- 
nisme, quelques  ressouvenirs  de  Pythagore,  de  Moise  meme, 
et  des  emprunts  faits  an  culte  oriental  des  esprits  superieurs. 
Toute  autre  etait  encore  la  direction  du  syncretisme. 

Cette  secte ,  qui  joua  un  grand  role  an  commencement  de 
notre  ere,  parait  avoir  du  ses  premiers  developpemens  a  un 
chretien,  Ammonius  Saccophore.  Ammonius  voulait  unir  Ic 
rationalisme  des  Grecs  au  supcrnaturalisme  des  Chretiens.  II 
enseignait  uue  philosophic  basee  sur  celle  de  Platen,  mais  ou 


63C  LITTERATURE. 

semdluient  quelques principes  d'Aristote,  beaucoup  de  tradi- 
tions chretiennes .  el  quclques-unes  orientales.  Plotin  s'em- 
para  de  eel  enscign'emenl,  en  lit  un  cysteine,  et  y  introduisit 
a  un  plus  haul  degfe  legoQtdes  sciences  occultes  del'Egypte  et 
de  la  Perse.  Sou  principe  rcligieux  (1)  etait  I'inluition  imme- 
diate de  la  yerite  ,  au  moyen  de  la  contemplation;  son  prin- 
cipe moral  reposait  sur  unc  affinite  primitive  de  noire  ante 
avee  la  Divinite  :  an  milieu  des  tenebres  et  des  distractions 
de  la  vie,  cette  union  s'affaiblissait,  et  le  moyen  de  regenerer 
notre  etre,  e'etait  encore  la  conlemplalion  du  beau  et  du 
monde  intellectuel. 

II  y  avait  la  matiere  a  bien  des  extravagances  :  les  succes- 
seurs  de  Plotin  entrereut  hardiment  dans  cette  voie  ,  et  se  li- 
vrerent  a  toules  les  folies  de  Pastrologie  et  du  polytheisme 
oriental.  Le  thaumaturge,  Apollonius  de  Tyane,  espece  de 
pythagoricien  voyageur,  remplissant  les  villes  de  son  charla- 
tanisme,  et  trainant  apreslui  une  multitude  abusee,  ne  fit  que 
reduire  en  actions  et  professer  sur  les  treteaux  les  enseigne- 
mens  secrets  du  syncretisme.  Porphyre ,  qui  publia  les  En- 
neades  de  Plotin,  Jamblique  et  leurs  disciples,  zeles  enthou- 
siastes  de  la  sagesse  des  pretres  egyptiens,  sectateurs  des 
cosmogonies  les  plus  incompatibles,  des  dicux  les  plus  oppo- 
ses, trouvercnt  dans  leur  polytheisme  place  pour  toutes  les 
religions,  a  l'exception  de  telle  du  Christ,  lis  s'eleverent  avec 
fureur  contre  la  foi  nouvelle  ,  l'attaquerent  dans  leurs  cents, 
et  lui  susciterent  ses  persecutions.  Rome,  devouee  a  cette 
doctrine,  Rome,  avec  ses  monstrueux  Cesars,  pliant  le  genou 
devant  Serapis  et  toutes  les  idoles  de  l'Orienl,  se  baigna  dans 
le  sang  des  martyrs.  Julicn  lui-meme,  malgre  l'inconteslable 
superiorite  de  ses  lumiercs,  fit  profession  de  syncretisme.  II 
fut  le  heros  de  cette  philosophic;  et  l'admiration  que  lui  onl 


(1)  La  Tiinite  ou  Triadede  Plolin  se  composait  de  l'etre  absolu  et  un, 
de  ^intelligence  sortie  de  cette  unite  et  occupee  sans  cesse  a  la  contem- 
pler,  de'  Tame  sortie' de  I'inlelligence  el  n'etaut  qu'unc  pensee.  (Voir 
Matter,  llift.  de  I'Ecofe  d' Alexandrle.) 


LITERATURE.  63; 

vouce  plusicurs  ecrivains  du  dernier  siecle  doit  paraitre  inex- 
plicable a  qui  sait  combien  de  pratiques  superstitieuses  et 
d'absurdes  croyances  troublaienl  I'esprit  de  ce  grand  guer- 
rier. 

Le  syncrelisme  fat  done  l'adversnire  Ie  plus  obstine  de  la 
predication  evangelique  ;  mais  dans  les  rangs  des  eelectiqiics 
et  des  neo-platunieiens  le  christianisme  trouva  d'eloquens 
apologistes;  Origcne  lui-meme,  toujours  prcoccupe  d'une  in- 
vincible croyance  a  la  transmigration  des  Times  et  a  d'autres 
theories  orientates ,  appartenait  visiblement  a  cette  secte  phi- 
losopbique.  Quant  aux  ecrivains  de  l'eeole  Ammonio-Ploti- 
nienne,  ils  succomberent  sous  le  coup  qui  frappa  Julien; 
poursuivis  a  leur  tour  par  le  lessen timent  des  empereurs,  ils 
alierent  chercber  un  asile  en  Perse,  y  disparurent,  et  le  chris- 
tianisme triompha  en  Orient. 

En  Occident,  sa  tache  avait  etc  bien  plus  facile  :  la,  point 
d'ecole  de  philosophic  a  combattre;  et  les  autels  des  dieux  de 
l'Olympc  s'ecroulerent  d'eux-memes,  le  jour  oii  la  main  des 
empereurs  cessa  de  les  soutenir  :  point  de  litterature  rivale: 
car  la  langue  latine,  relevee  et  renouvelee  a  son  tour,  fut,  a 
proprement  parler,  la  langue  du  christianisme,  I'instrument 
de  ses  conquetes,  le  lien  moral  par  lequel  il  tenait  le  monde 
sous  sa  loi.  De  plus,  des  populations  neuves  et  vierges  vinrent, 
dans  tout  l'enthousiasme  d'une  conviction  naive,  se  proster- 
ner  aux  pieds  de  la  croix;  et,  quand  les  premieres  terreurs  de 
Pinvasion  furent  passees,  l'Eglise  put  s'applaudir  et  se  glori- 
fier  dans  ses  jours  de  fete  de  ce  que  Dieu  lui-mane  avait  guide  da 
fond  du  Nord  cette  foule  de  neophytes ,  de  ce  qu'il  avait  fail  luire 
devanteuxsa  lumiered  travers  les  obscuritcs  du  desert,  et  les  avait 
conduits,  comme  par  la  ?nain,  d  la  fonlaine  d'eaux  vices,  a  la 
source  de  toute  redemption. 

En  eflet,deux  elemensont  forme  le  moyen  age  en  Occident, 
le  christianisme  et  le  genie  du  Nord;  de  la  viennent  sa  litte- 
rature, sa  poesie;  et  si  cette  civilisation  a  parfois  subi  d'autres 
influences,  elles  furent  passageres,  laisserent  peu  de  traces,  ou 
*c  confondirent  avec  les  deux  grands  principes  que  nous  ve- 


638  LITTER  ATOIIK. 

nons  ilc  signaler.  Lc  moyen  age  est  done  pour  M.  Schlegel 
l'objet  d'une  etude  de  predilection  et  d'une  admiration  pro- 
fonde  :  car,  a  cette  cpoque,  {'unite  catholique  vivific  la  societe 
entiere  :  file  inspire  la  litlerature,  se  mSle  a  toute  chose,  se 
decide  dans  les  productions  les  plus  frivoles  en  apparence,  et 
j usque  dans  les  romans  dc  chevalerie. 

L'iiciilure-Sainle  et  les  doctrines  chrelicnnes,  voila  done, 
d'apres  F.  Schlegel,  le  londement  naturel  de  toute  poesie 
vraiment  moderne  :  «  non  pas  ,  dit-il  ,  que  le  chrislianismc  , 
con«idere  en  lui-mcmc  et  pour  lui-meme,  puisse  etre  un  ob- 
jet  de  poesie  »  ;  mais  son  influence  doit  etre  sensible  partout. 
A  l'appui  de  cette  distinction,  M.  Schlegel-  cite  deux  exempies 
Frappans,  la  poesie  chevalcresqne  do  moyen  age  et  la  divine 
eomedie  <lu  Dante.  L'epopee  chevalercsque,  avec  sa  mylho- 
logie  du  Nord,  sesrecits  merveillcux,  sa  1'oi  vive  et  ses  gene- 
reux  paladins,  est  partout  empreinte  de  ('esprit  germanique, 
modifie  seulement  par  les  croyances  chretiennes  :  c'esl  la  son 
charme  et  sa  grace  inllnie.  Lc  Dante,  malgre  la  puissance  de 
son  genie,  n'a  pu  reus.-ir  a  unir/a  poesie  et  le  ckristianisme  dans 
une  harmonic  parfaitr,  ;«  car  les  mys  teres  se  refusent  a  toute 
exposition,  comme  formant  un  sujet  trop  eleve ,  et  presen- 
tant  un  but  qui  ne  saurait  etre  alleint.  » 

La  forme  exterieure  de  l'inspiration  cliretienne  et  son  vete- 
ment,  pour  ainsi  dire,  dans  la  litteralure  du  moyen  age,  sera 
done  l'anlique  tradition  du  Nord.  Cette  tradition  ,  dont  le  mo- 
nument le  plus  precieuxest  YEdda  islandaise,  a  quelques  rap- 
ports avec  la  philosophic  cliretienne  :  serieuse,  melancolique, 
pleine  de  developpemens  magnifiques  sur  la  nature  inlime  de 
i'homme  et  ses  soufl'rances morales,  ellese marie  heureusement 
avec  la  tristesse,  la  (lignite,  la  tendresse  chaste  el  grave,  qui 
respirent  dans  les  ecritures.  Sans  doule  les  Barhares,  quand 
ils  envahircnt  le  monde  romain  ,  y  porterent  ft  lew  suite  cette 
richc  poesie,  qu'ils  redisaient  sous  la  tente,  le  matin  desbatail- 
les  et  au  sein  de  leurs  forets  natales  :  mais  lesNormands  laravi- 
verent,  alors  que, parcourantrOceansurleurslongues  barques, 
ill  allerent  chanter  leurs  chants  de  guerre  dans  les  ahbayes 


LITTEIIATURE.  63g 

de  France  et  d'Angleterre,  dans  les  castels  et  les  cglises  fie 
Sicile  et  d'ltalie  ;  peuple  singulier  el  vraiment  heroiqne,  oil 
chacunetait  a  la  fois  poete  elguerrier,  qui  remplit  1'Europe  et 
l'Asie  du  bruit  de  ses  amies,  fonda,  comme  en  se  jouant,  des 
principautes  et  des  royaumes  ;  et,  pour  delassenient  de  ses 
travaux  militaires,  fit  don  an  nionde  moderne  d'une  source 
inepuisable  d'art  et  de  poesie  ! 

De  cos  deux  elemens  est  sortie  la  poesie  moderne  ;  car,  d'a- 
pres  M.  Schlegel ,  les  contes  et  les  mythologies  de  l'Orient  au- 
raient  eu  peu  d'influence  sur  sa  formation  :  encore  cet  hon- 
neiir  reviendrait-il  presque  uniquement  a  la  poesie  persanne. 
A  I'appui  de  cette  opinion,  nous  verrons  la  litlerature  espa- 
gnole,  si  long-tems  representee  comme  fiile  de  l'Arabie,  se 
developper  avec  tout  l'eclat  d'une  inspiration  naive  et  inde- 
pendante,  et  ne  rcvetir  ses  recitsdes  couleurs  orientales  qu'a- 
pres  la  prise  de  Grenade. 

La  poesie  moderne  se  subdivide  nalurellement  en  deuxgran- 
des  epoques.  Nous  appellerions  volonliers  la  premiere  1'ere 
des  trouveres,  des  troubadours,  etc.,  soit  que  ses  poesies  res- 
tent  anonymes  comme  celles  de  i'Espagne  et  de  l'Allemagne, 
soit  qu'elles  se  rattacbcnt  a  quelques  noras  de  menestrels  ou 
d'bommes  d'armes,  comme  celles  de  la  Provence.  Laseconde, 
plus  cultivec,  plus  savante,  commence  a  ('apparition  de  la 
litlerature  classique  italienne.  Ce  fut  un  beau  moment  dans 
Phistoire  du  monde  que  ce  besoin  de  poesie,  cet  elan  d'ima- 
gination  et  d'enthousiasme  qui  saisit  toule  PEuropc  au  terns 
des  croisades,  alors  que  l'Allemagne  se  pi  it  a  rajeunir  ses 
bymnes  de  ba failles ;  la  Provence,  a  remplir  la  France  et  PI- 
talie  de  ses  sirventes  et  de  ses  chants  d'amour;  la  France  du 
nord,  a  compter  finement  les  diets  el  [diets  des  chevaliers', 
et  que  I'Espagne  fit  son  epopee,  en  combattant  les  Maures. 
La  Provence  vive  et  spiriluellene  put  assujeltir  son  genie  aux 
longs  developpemens,  a  la  forme  laborieuse  de  1'epopee  ou 
meme  du  roman  chevaleresque:elle  eutdes  satyres,  des  chan- 
sons, quelques  nouvelles.  Mais  ailleurs  de  vieux  souvenirs 
de  gloire  nationale ,  une  tendance   religieuse  prononcee,  unc 


640  MTTlUATUKE. 

disposition  d'oprit  plus  grave  el  plus  patienle,  fircnt  naitrc 
ccs  nobles  et  touchantes  histoires  ou  sc  refietcnt  si  bien  la 
vie,  les  emotions,  les  croyapces  iln  moyen  age. 

Sans  pai  ler  i<  i  du  romancero  espagnol,  dont  le  caractere  est 
tout  individuel,  ct  que  nous  menlioniieronsplus  tard,  nous  dis- 
tinguerons,  eoninie  M.  Schlegel,  trois  cercles  de  tables  et  d'his- 
toires  qui  out  servi  de  sujet  aux  mils  epiques  du  moyen  ugs: 
ce  sont  les  traditions  des  guerres  d'Attila,  type  dc  la  grande 
composition  appelee  chant  des  Niebclungen;  les  guerres  de 
Charlemagne,  ct  les  aventuics  du  roi  breton  Artus  et  dc  la 
Table-Ronde. 

Bien  que  lepoeme  des  IN  iebelungenparaissc  avoir  recu,  vers  le 
xiirsiecle,  sa  forme  definitive,  il  u'estevidemment  qu'un sou- 
venir et  un  resume  d'anciennes  ballades  nationales.  11  raconte 
les  exploits  et  la  ruine  d'une  peuplade  bourguignonne  appe- 
lee les  Niebelungs,  qui  suivait  la  fortune  d'Attila  ;  et,  succom- 
bant  a  des  discord es  intestines,  disparut,  sans  que  l'hisloire 
en  ait  garde  la  memoire.  Celle  periode  d'invasion  et  de  com- 
bats a  inspire  quelques  autres  poemes  allemands,  d'une  date 
pareillement  aneienne;  ellc  sujet  des  Niebelungense  retrouve 
dans  les  litteratures  hongroise  et  scandinave.  D'ailleurs,  on 
chcrcherait  vainement  dans  ces  compositions  une  image  lidelc 
des  vieilles  mceurs  de  ia  race  germanique.  On  ctait  pen  cu- 
rieux  au  moyen  age  de  verite  et  d'exaciitude  bistorique;  et 
touslessiecles  se  revetaient  nalurellement,  dans  l'iniaginalion 
de  1'ecrivain,  dc  la  forme  el  des  couleursde  son  siccle.  itvez- 
vous  vu  dans  une  des  salles  du  Musee  roval  une  suite  de 
peintures  empruntees  a  la  Bible,  ou  Davidet  ses  c/tevaticrs  pa- 
raissent  avec  aimurcs  de  fcr,  ecus  blasonnes  et  panaches  flot- 
tans  ;  ou  les  fantassins,  babilles  a  la  mode  des  bandes  suisses, 
dans  les  guerres  d'ltalie,  formeut  d'epais  carris  garni s  d'ar- 
quebusiers  et  tout  herisses  de  hallebardes.  L'artistc  a  trans- 
port^ en  Judee  jusqu'aux  moindres  details  du  costume  de  son 
terns  :  ainsi  firent  tous  les  poetes  du  moyen  age. 

Ces  anacbronismes  sont  sensibles  dans  les  romans  de  Char- 
lemagne, so  jets  franrais,  qui  nous  sont  mieux  connus,  ct  dont 


LITTER  ATURE.  641 

nous  pouvons  apprecier  le  caractcre.  Beaucoup  do  ces  re- 
cits,  dus  a  dcs  poeles  uorniands  ,  respircnt  mi  dcdain  su- 
pcrbc  dii  grand  cmpercur.  Dans  les  troisromans-sur  Ogier-le- 
Danois  et  sa  famillc,  composes  a  lacour  dc  Guillaume-le-Con- 
qucrant,  Charlemagne  joue  le  role  d'nn  prince  incptc,  indolent, 
sans  autorile  dans  son  royaume ,  et  gouverne  par  ses  douzc 
pairs  :  on  volt  que  l'auteur  avait  present  a  l'esprit  le  souve- 
nir de  Charles-le-Chauve,  en  parlatit  de  son  illuslre  alcul.  A11 
terns  dcs  crolsades,  et  sous  la  plume  des  poeles  francals,  Char- 
lemagne subit  une  autre  metamorphose;  on  fit  de  ce  poli- 
tique consomme  11  n  paladin,  nn  croise,  presquo  un  eoureur 
d'aventwes;  on  lui  allribua  vagucineut  les  fameuses  eampa- 
gnes  de  Char les-M artel  contre  les  Sarrazins;  son  histoire,deja 
si  merveilleuse,  on  1'enrichitdccontesarabesou  persans,  crea- 
tions bouffonnesou  t'antastiques,  fruits  de  imagination  orien- 
tale  :  ce  fut  le  cachet  et  le  charme  de  Huon  de  Bordeaux, 
de  Guerin  dc  Rlonlglave,  Tables  pleines  de  verve  et  de  gaile, 
on  Charlemagne  a  repris  son  rang  de  heros,  mais  011  le  roi  des 
lees,  Oberon  ,  tientle  sceptre,  plus  puissant  parses  prestiges 
que  1'cmpereur  par  sa  redoutable  epee. 

Quelles  que  soient  l'elcgance  et  la  variete  des  poemes  de 
Charlemagne,  nous  leur  prefererons  encore  ceux  d'Arlus  el 
de  laTable-Ronde.  On  sail  le  fondement  de  ce  cerclc  d'epopeest 
e'etait  la  recherche  du  S'  Graal,  la  coupe  dont  le  Christ  sYlai' 
servi  le  jour  de  laCene,  et  que  Joseph  d'Ariinalhic,  d'apres  la 
tradition,  avait  portee  enGrande-Brclagne.  Pourconquerirce 
precieux  tresor,  une  condition  etait  nicessalre  :  il  fallail  avoir 
cfiiirement  garde  flair  dc  virginity  et  ce  triomphe  etait  reserve 
ii  un  chevalier  de  la  Tablc-Rondc,  Parceval-le-Gallois  :  e'est 
ainsi  queeelte  legendc,  presque  monastique,  selieauxproues- 
ses  des  compagnons  du  roi  Artus,  Un  dcs  plus  beaux  episo- 
des de  cettc  longue  hisloire  est  le  roman  de  Tristan-de-Leo- 
nais.  On  ne  pent  s'imaginer  quelle  grace  nai'vo,  quelle  delica- 
lesse  de  sentiment  respire  dans  laiuour  du  chevalier  pour  la 
reine  Iseult.  Denuedes  ressources  de  la  feerie,  qui  ne  fut  in- 
troduite  que  lard  dans  les  romans  de  la  Table-Ronde,  el  appa- 

t.  xlvi.  jihn  ib'5o.  ;'i  1 


(i,j  MTTERATUR& 

r  lit  pour  la  premiere  Ibis  dans  Isai'c-le-Tristc,  cc  livrc  porte 
unc  tcintc  douce  etmclaneoliquc,  qui  emeu i  I'ame'vivenientetla 
repose  iles  scenes  de  combats  et  dc  carnages,  si  frequcntcs 
dans  leg  compositions  du  mo  yen  ;1gc.  La  mort  dc  Tristan,  vic- 
timc  d'nnc  deplorable  meprise,  et  le  desespoir  dc  son  amie, 
qui  lc  trouve  expiranl,  quand  ellc  vicnlle  guerir,  peuvent  al- 
ler  de  pair  avec  les  creations  les  plus  pathctiques  de  l'art  mo- 
derne;  ct,  ccrtcs,  nous  connaissons  plusd'une  epopee recenle 
on  contemporaine,  que  nous  donncrions  tout  enticrc,  de 
grand  cocur,  pour  quelques  pages  eebappees  a  la  plume  bar- 
bare  du  pauvrc  et  obscur  romancier. 

Nous  venons  d'esquisser  les  sujets  principaux  dont  s'est 
nourrie  la  litterature  de  TEurope  centrale  des  sa  premiere 
manifestation  :  il  nous  reste  a  indiquer  un  autre  cercle  de 
poesies  egalcment  riches  ct  abondantes,  et  de  plus  parfaite- 
ment  individuelles  et  originales  :  nous  voulons  parler  des  ro- 
mances cspagnoles. 

Les  romances  espagnoles,  et  specialenrent  le  poeme  du  Cid 
Cainpeador  (1),  n'ont  aucun  rapport  avec  les  romances 
maures,  que  Ton  a  sans  cesse  voulu  confondre  avec  elles, 
pour  en  induire  un  rapport  constant  de  filiation  entre  la  litte- 
rature espagnole  et  celle  des  Arabes.  Klles  sont  Seres  ct  su- 
perbes  comme  un  cavalier  castillan,  chevaleresqueset  pie  uses, 
sans  ornemens  affectes,  et  d'un  admirable  laconisme.  Nous 
nc  pretendons  pas  ici  etablir  un  parallels  regulier  entre  lc  ro- 
iv.ancero  ct  tout  autre  grand  produit  de  l'csprit  hnmain.  Mais, 
a  notre  avis,  le  poeme  du  Cid  n'est  guere  au-dessous  de  l'l- 
liade.  Rodrigue  vaut  bicn  Acbille ;  sans  doute  il  est  beau  dc 
voir  les  Troycns  vainqneurs  s'eloigner  des  vaisseaux  grecs,  a 
la  seule  vue  du  fils  de  Pelee  ;  mais  quel  spectacle  nous  dffrent 
les  romances!  (Vest  le  lendemain  de  la  mort  du  Cid  :  Chi- 
menc  est  assiegec  dans  Valence;  Alvar  Fancz  plic  avec  ses 
compactions  :  la  ville  est  menacec.  Tout  a  coup,  la  portc 
s'ouvre,  et  voila  que  le  Cid  parait,  a  cbeval ,  convert  de  son 

(1)  Ami  des  camps,  siirnom  du  Cid. 


11TTKRATURE.  G43 

armure,  soutenu  par  deux  ecuyers  :  les  barbares,  le  regardant 
venir,  hesitant  et  fuicnt  :  sa  cendrc  les  a  vaincus,  et,  mort, 
lc  Cid  est  encore  plus  terrible  que  toute  une  artnee. 

Nous  aimerions  a  nous  arreter  sur  ces  details,  sur  les  autres 
epopees  du  romanccro,  la  touchante  histoire  dcs  sept  cnfans 
de  Lara,  etce  Mndarra  le  butard,  qui  venge  le  vieux  Goncalo 
Gustos,  et  se  fait  reconnaitre  pour  son  fds.  Nous  montrerions 
Bernard  de  Carpio,  pret  a  combattre  Roland,  lui  confiant, 
par  un  sublime  message,  le  soin  de  son  pere  et  de  sa  mere, 
s'il  est  tue  dans  la  balaille;  nous  dirions  sa  querelle  avec 
Alplionse-le-Chaste  et  ses  admirals  prieres  pres  du  catafal- 
que de  son  pere.  Nous  prisons  au  moins  rpa'il  est  impossible 
<Je  sentir  et  d'anprccier  la  litterature  cpagnole  sans  la  connais- 
sance  dc  ces  poesies;  qu'etrangcrcs  au  luxe  metaphoriquu 
des  fictions  orientales,  et  d'une  simplicite  parfaite,  elles  sont 
a  la  fois  un  precieux  monument  historique  et  le  plus  beau 
fleuron  de  la  couronne  poetique  du  moyen  age. 

Plus  tard,  apres  la  prise  de  Grenade,  quand  les  Maures  en- 
trerent  de  gre  ou  de  force  dans  la  societe  espagnole,  leur 
tendance  byperbolique  et  leur  style  brillante  fircnt  invasion 
jusqu'u  un  certain  point  dans  la  litterature  des  vainqueurs,  et 
les  tragedies  de  Calderon  en  seront  pour  nous  la  preuve  vi- 
vante.  Mais,  neanmoins,  l'Espagne  gnrda  toujours  sa  vieillc 
devotion  au  calholicisme  etaux  traditions  chevaleresques,  et 
seulement  en  modifia  quelque  peu  l'expression.  C'est  ce  ca- 
racleje  distinct  et  immuable  qui  l'a  soustraite  a  l'imitation  de 
I'antiquite  classique,  lui  a  donne  un  rang  a  part  dans  la  litte- 
rature europeenne,  et  est  devenu,  de  la  part  de  plusieurs  cri- 
tiques modernes,  et  surtout  de  F.  Sehlegel,  l'objet  d'une 
admiration  exclusive  et  exageree.  Au  terns  de  la  renaissance, 
quand  s'ouvrit  la  seconde  ere  de  la  poesie  moderne,  et  qu'u 
l'inspiration  naive  et  spontanee  succedtrent  les  produits  d'un 
entliousiasme  calcule  et  savant,  l'Espagne  varia  peu  :  autetir 
d'clle,  l'esprit  chevaleresque  s'ctcignait  cliaque  jour;  en  Alle- 
magnc,  par  Taction  du  pouvoir  et  bientot  par  les  dispute-: 
theologiques;  en  Italie  et  en  France,  ou  il  n'avait  jamais  jete 


G44  LITTER  ATT  HE. 

de  profondes  rr.cincs,  p;ir  l'affeclalion  a  reproiluirc  unique- 
mcnt  la  forme  antique,  de  telle  sorte  que  Home  redevenait 
presque  paienne  a  force  d'admirer  Ilomerc  et  Virgite.  Mais 
Lope  et  surtout  Caldcron  n'ont  renie  ni  levir  foi,  ni  lenr  his- 
toire  :  ilssont  restcs  Espagnolset  Chretiens.  Aussi,M.  F.  Schle- 
gel,  lorsqu'il  compare  les  diverscs  lillcralures  dramatiqucs  de 
l'fiurope,  nc  balance  pas  a  assignor  la  premiere  place  a  Cal- 
dcron. 

Quelle  que  soit  notre  eslime  pour  ce  sentiment  cmpreiiil 
dans  la  poesie  espagnole,  nous  ne  p ouvons  partagcr  Popinion 
dcF.  Schlcgcl,et  les  motifs  sur  lesquels  il  s'appuie  nous  semi- 
blent  faibles  et  errones.  «  Le  but  de  l'art  drnmatiqne,  dit-il, 
n'est  pas  seutement  d'exposer  l'enigme  de  l'existence,  mais 
aussi  d'en  donner  l'explication.  »  En  meme  teins  qu'il  retrace 
le  tableau  de  la  vie  et  des  souffrances  de  l'homme,  il  doit  fairc 
ressorlir  de  cc  tableau  l'idee  d'une  rue  nouvelle  et  d'une  glorifi- 
■cation  spirituelle,  prix  de  ccs  mimes  souffrances.  Voila  done  1c 
mysticisme  religieux  donne  comme  base  essentiellc  de  Tart. 
Or,  ce  cachet  clirctien,  celte  couleur  celeste,  F.  Schlegel  la  re- 
trouve,  a  son  plus  haut  degre,  dans  les  drames  de  Calderon, 
specialement  dans  PAdoration  de  la  Croix  et  le  prince  Con- 
stant: «  C'est  le  dernier  relentissement  du  inoyen  Age  catho- 
lique,  c'est  la  que  cette  renaissance  et  cette  glorification  chre- 
lienne  de  l'imagination,  qui  caracterisent  en  general  son  esprit 
et  sa  poesie,  ont  atteint  leur  apogee.  >» 

Ce  principe  de  critique  nous  parait  vicieux  et  radicalement 
faux.  Autre  chose,  en  effet,  est  l'art  considere  en  lui-meme, 
autre  chose,  l'esprit  qui  le  domine.  On  peut  soutenir  que 
l'inspiration  chretienne  est  la  plus  ftconde,  meme  pour  le 
drame;  mais  non  pas  que  le  but  de  l'art  soit  l'edification  des 
peuples,  I' explication  picuse  de  la  vie;  qu'il  soit  comme  unc 
sorte  de  commentairc  a  des  instructions  religieuses.  L'art  est 
une  manifestation  de  l'inlelligen'ce  qui  a  son  cercle,  son  but  a 
part,  sa  direction  propre,  et  n'a  pas  besoin  d'emprunter  Imilcs 
ceschosesau  culle  ou  a  la  politique.  II  fut  en  Orient  unc  simple 
decoration  des  temples,  un  ornemeril  des  ceremonies.  Aussi, 


LITTfiUATURE.  64> 

n'y  parvint-il  jamais  a  la  perfection.  En  Giece,  fibre  et  inde- 
pendant  de  toute  entravc,  etudie, admire  pour lui-memc,  il  sc 
deploya  dans  sa  purctu ,  dans  sa  magnificence  complete.  Ce 
seal  rapprochement  suffit  pour  renverser  lc  principe  de  F. 
Schlegel :  car  il  nc  tendrait  a  rien  moins  qu'a  cmbarrasser  1'art 
des  memos  chaines  qui  le  liaient  en  Orient. 

Le  but  de  1'art  dramatique  est  d'clevcr,  de  rcmuer  les  times, 
tantot  par  des  creations  ideales,  tantot  par  1'exacte  imitation 
de  la  nature;  d'interesser  enfin  ;  et  malheureuscmcnt  ce  puis- 
sant inlcrctqu'il  doit  exciter  manque  souventdansCalderon.  Si 
nous  prosentions  ['analyse  de  ce  Prince  constant  que  F.  Schlegel 
tient  pour  an  chef-d'oeuvre,  nous  donnerions  unc  triste  ideede- 
Lvi  sagacile  de  critique.  Sans  doutc,  1'enthousiasmc  rcligieux 
dc  don  Fernand  dc  Portugal  est  trace  a  grands  traits,  et  louche 
parfois  an  sublime  :  niais  sa  piete  memc  est  verbeuse  et  fati- 
gante,  et  les  autres  personnages,  depuis  le  roi  de  Fez  jusqu'a 
1'inevitable  gracioso,  soul  faibles  et  sans  coulcur.  Le  dramc, 
commc  presque  tons  cenx  de  Cahleron,  est  mal  conduit;  le 
denoument,  inhabile,  precipite,  sans  aucnne  liaison  neces- 
gairc  avec  l'action  principale.  Dans  Louis  Perez  de  Galice,  on 
rencontre  unc  admirable  scene;  celle  ou  Louis  arrache  an 
jiige  de  Salvaticrra  les  pieces  de  l'enquele  dirigee  contre  lui. 
D'a Hires  drauies  offrent  d'eclalantes  beautes  perdues  dans  un 
.mias  de  scenes  incoherentes,  de  descriptions  hors  de  propos, 
d'ambitieuses  metapTiores.  Mais  les  caraclercs  soul  presque 
toujours  monotones  el  exageres,  la  verite  hisloriquc  nolle,  les 
situations  amenees  sans  art.  F.  Schlegel  semble  nietlre  Cal- 
dcron  au-dessus  de  Shakespeare  :  quarii  a  nous,  il  nous  parait 
qu'ily  a  plus  de  genie  dans  la  seule  creation  de  Macbeth  ou 
d'lago  que  dans  lontes  les  tragedies  <h\  poete  espagnol. 

L 'admiration  exclusive  dc  M.  Schlegel  pour  le  Canioens , 
qu  il  appelle  le  /joetc  herolque  ro  in  antique  par  excellence,  et  la 
preference  qu'il  duune  a  sod  epopee  sur  celle  du  Tasse,  bien 
qu'elle  s'explique  plus  naturellement,  aurait  besoin  d'etre 
appuyee  sur  des  raisons  meilleures.  Fu  general,  el  quel  que 
^•oit  lc  wcrile  dc  sea  observations  sur  la  liltcraUuc  ilalicuuc  , 


«#j  LITTER  ATURE. 

la  parlie  dc  son  oUYrage  qui  embragse  la  sccondc  ere  dfe  l;< 
poesic  moderne  est  inferieure  a  968  beaux  dcvcloppeincns  sur 
l'cpopee  chevaleresquc  ;  ct  ce  fait  lieut,  sans  doule,  a  ee  que,. 
•  out  entier  a  ses  ideas  rcligicuses,  il  a  laisse  dans  son  tableau 
line  part  Irop  ctroite  a  l'ait,  a  Yeslhcliqtte  proprement  dite. 

Si  nous  quillons  la  poesic  du  moyen  age,  sujet  l'avori  de 
M.  Schlegel)  pour  nous  occuper  de  la  pbilosapbie,  seule 
tranche  des  connaissances  buniaines  qui  ait  ensuite  attire  se- 
lieusement  ses  regards,  nous  trouverons  ses  considerations 
incompletes,  sans  nouveaute  ni  profondeur.  Quel  que  S  idecs 
ingenieuses  sur  le  Platonisme  au  moyen  age,  one  explication 
assez  obscure  du  mysticisme  de  Jacques  Beebme  ne  sauraient 
tenir  lieu  de  1'abscnee  absolue  d'indications  precises  sur  la  phi- 
losophic scolasliquc.  11  eut  etc  curicux  pourtant  d'introduire 
le  lecteur  au  sein  des  universiles  ou  des  ecoles  savantes  fon-. 
dies  dans  les  monasteres,  de  nous  monlrer  cette  foule  avide 
dc  science,  qui,  d'un  bout  de  la  France  a  ('autre,  s'altachait 
aux  pas  d'un  Abeilard  ou  d'un  saint  Bernard,  et  ces  ecoliers  de 
trente  ans  qui,  assis  dans  les  cloilres  sur  leurs  bottes  de  paillc, 
discutaient  les  questions  les  plus,  abstrailes  de  l'ontologie ,  a 
I'aide  de  quelques  phrases  d'Aristote  el  de  centons  des  peres 
de  IT'lglisc.  M.  Schlegel  a  neglige  ce  spectacle,  passe  legere- 
ment  suv  ces  qucrelles  d'ecolesqui  avaicnt  lew  retcnlisseincnt 
au  dehors,  donne  a  peine  quelques  mots  d'eloges  aux  mys- 
ti(|iies  religieux  de  i'Allemagne,  et  il  se  hate  d'arriver  a  la 
re  forme. 

Bien  que  zele  partisan  de  i'imite  eatholique,  M.  Schlegel  a 
dignenienl  apprccie  Luther  et  mesure  la  hauteur  de  son  genie. 
II  pensc,  d'ailleurs,  que  la  reformation  n'a  pas  etc  la  premiere, 
ni  la  seule  cause  dc  cette  independance  d'esprit  qui  se  mani- 
festo a  la  fin  du  xvnc  et  dans  le  xvme  siccles,  et  qu'en  un  mot, 
elle  n'a  pas  mis  dans  le  monde,  comme  on  l'a  repete  si  sou- 
vent,  la  liberie  in.tellectuelle.  Mais  cette  liberte  cxislait-elle 
di'ja,  ou  fut-elle  developpee  poster ienrement  et  par  d'aulrcs 
causes  :  ('est  une  question  que  M.  Schlegel  ne  chcrche  pas  a 
rcsoudre,  et  a  laquelle  repondent  tous  les  monumens  de  In 
iilterature  de  cc  terns. 


LITT&iATURE.  ().',7 

Disons-le  haulcmcul  :  la  reforme  n'a  pas  dote  FEurope  de 

Fesprit  d'examen  et  d'independanue  :  seulcmcut  ello  a  fixe, 
pour  ui)  infant,  ce  qui  n'elait  qu'unc  vague  tendance,  lui  a 
donne  unc  direction  religieuse,  ct  l'a  rcnfcrme  dans  le  ecrele 
des  disputes  theologiques.  Avant  Luther,  ct  dcpuis  le  milieu 
t|u  xvc  sieele,  une  sorte  d'insurrection  sourdc  et  tacite  contre 
I'oHinipotence  du  Catholicisms  so  preparait  par  toutc  FEu- 
rope ;  et  les  novateurs  allaicnt  plus  loin  que  ne  fit  jamais  la 
reforme;  carils  s'attaquaient  a  toutes  choses,  dognies,  culte  et 
morale,  et  mettaient  en  question  jusqu'a  Dieu.  Dans  une  re- 
vue de  celte  classe  d'ecrivains  apparaitraient  d'abord  Ponla- 
iius,  qui  composait,  au  xt'  sit-cle,  des  dialogues  contre  les 
pretres ;  Ange  Politien,  favori  des  Medicis,  et  qui,  charge  d'hon- 
neurs  ecclesiastiques,  de  prieures  et  de  canonicals,  rcganlait 
comnie  perdus  les  momens  jadis  passes  d  reciter  son  breviaire. 
Maehiavel  tentait  de  substituer  a  F organisation  toute  catho- 
lique  des  Etats  et  de  la  vie  sociale,  une  politique  moiulainc, 
fondee  seulcment  sur  la  ruse  et  la  violence.  Pierre  Bembo , 
amant  de  Lucrece  Borgia  ,  auteur  des  vers  les  plus  licencieux, 
prelre  a  qui  Fracastor  dediait  son  poeme  de  Syphilis ,  recevait 
le  chapeau  de  cardinal,  aux  applaudissemens  des  cours  sa- 
vantes  de  I' Italic  Leon  X  lui-nieme,  amateur  passionne  de  la 
chasse  et  des  plaisirs,  ne  goutait,  dans  les  ceremonies  de  FE- 
glise,  que  leurs  pompes  et  leur  magnificence.  Enfm,  Erasme, 
dans  son  dialogue  appele  Puerpera,  ecrivait  ces  singulieres 
paroles  :«  11  y  a  grand  peril  pour  la  dime  et  Fa  U  to  rite  des 
pretres,  la  diguile  des  iheologiens,  la  majeste  des  moines  :  la 
confession  menace  mine,  ct  aussi  les  vceux  ;  les  hrefs  de  Home 
perdent  credit;  FEucharislie  est  en  danger  :  sans  doute,  voici 
venir  FAnte-Christ.  »A  quoi  nn  autre  iuterlocuteur  de  re- 
pondre  :  «  Ce  qui  parait  aux  hommes  d'une  si  haute  impor- 
tance n'est  peut-elre  rien  aux  yeux  de  Dieu.  » 

Ce  mouvement,  anterieur  a  Luther,  resta  independant  de 
la  reforme  protestante,  et  se  conlinua  au  sein  meme  du  ca- 
tholicisme.  Rabelais,  qui  en  est  en  France  Fexprcssion  la  plus 
Sdcle,  se  riail  de  Fun  et  de  Fautre  culte,  appclait  Calvin  de- 


6^8  LITTERATURE. 

ntoniaqtte  et  imposteur  tie  Genive,  et  s'inquictait  mcme  asses 
peu  lies  horribles  persecutions  qui  I'rappaicnt  les  novaleurs. 
Montaigne,  ( sprit  de  la  mOmc  trcmpe,  quofque  moths  cyniqne 
et  moins  dere^le,  fut,  on  le  sail,  partisan  de  la  conronne,  dans 
sa  lutte  contre  les  protcstans  de  France.  Cclte  conduitc  des 
deux  ecrivains  les  plus  hardis  de  ec  sicclc  montreassez  qu'ils 
ne  devaient  pas  a  la  re  forme  lcnr  pliilosopliie  et  leur  liberti- 
nagc  d'esprit,  comme  on  disaitan  tems  de  Bossuet. 

Que  (it  done  Luther,  et  quelle  f'ut  sa  mission?  Luther  se  sai- 
sit  de  ce  desir  d'independance  vague  et  irresolu  qui  tourmen- 
tiit  toutes  les  tctes,  et  lui  donna  un  hut,  une  direction  a  la 
I'cis  dogmatique  et  rellgieuse.  II  lui  ouvrit  une  carriere  ou  il 
pat  se  deployer  avec  apparence  de  liberte,  sans  toutefois  en 
sortir.  De  plus,  il  y  cut,  en.tre  Luther  et  les  philosophes  de 
France  et  d'ltalie,  cetle  grande  difference,  que  les  uns  etaient 
de  simples  pensenrs,  que  lui  f'ut  un  homine  de  main  et  d'ac- 
t'on.  Tandis  que  Politien,  Laurent  de  Medicis  et  leurs  amis, 
errans  sur  les  bords  de  l'Arno  et  dans  les  jardins  enchantes  de 
Florence,  au  milieu  des  voluptes  d'une  civilisation  delicate, 
s'elaient  contentes  de  rire  finement,  et  en  gensde  bonne  com- 
paguie  ,  des  superstitions  du  vulgaire,  Luther,  avec  son  lan- 
gage  grossier,  niais  enthousiaste,  avec  son  latin  barbare  et  ses 
argnmens  plus  harhares  eneore,  Luther,  debout  sous  les  ar- 
ceaux  d'une  calhedrale  gothique,  allait  pr&chant  sa  doctrine 
aux  bourgeois  de  la  Saxe  et  aux  etudians  deWittcmbcrg;  il 
remnait  les  masses  populaires,  soulevait  des  questions  vivan- 
t;s  el  f'amilieres  a  tous  :  il  s'exaltait ,  s'emportait,  tour  a  tour 
grave  philosophe  et  I'ougueux  sec ta ire  :  aussi  les  autres  firent- 
fls  de-:  livres,  et  lui  une  revolution. 

Ainsi,  l'esprit  d'examen  ne  vient  pas  de  la  rel'orme;  ilia 
precede,  elce  grand  nusivcinenl  n'en  est  qu'une  application 
rcslreinte-.  Luther  et  ses  premiers  disciples,  apres  avoir  pose 
hardlment  le  prineipe  de  la  liberie  absulue  dans  l'drdre 
mtellectuel,  recurrent  devant  ses  consequences  :  Calvin  i'on- 
damna  aux  flamuies  Servel;  des  persecutions  violenles  s'cle- 
\erent  en  Ilollande  et  ailleurs  conlre  les  homines  qui,    pre- 


LTTTERATURE.  649 

nnnl  au  serieux  ces  professions  d'iudcpcndanoc,  essayererit  dc 
faire  schisme  au  sein  du  schisme  meme ;  et,  dans  ces  inconse- 
quences, il  n'ya  rien  qui  nous  doive  elonner.  Toute  religion 
positive  est  incompatible  avec  la  libcrteabsolue  d'examen  : 
elle  ne  saurait  vivre  que  de  foi,  et  par  cela  memo  qu'elle  ad- 
met  des  dogmes  et  des  mysteres,  elle  contredit  implicitement 
le  principe  de  l'independance;  car,  du  jour  on  elle  reconnai- 
trait  a  ses  sectateurs  le  droit  individuel  de  suivre  ou  de  rejeter 
sos  enseignemens ,  elle  ne  serait  plus  une  religion ,  mais  une 
philosophic. 

L'independance  intellcctuclle  ne  recut  done  son  entier  de- 
veloppemcnt  que  dans  les  diverses  ecoles  purement  philoso- 
phiques,  etrangeres  a  toute  theologie ,  soit  catholique,  soit 
piotestante.  Descartes,  bien  qu 'attache  au  dogme  de  la  reve- 
lation chretienne,  avait  peut-etre  involonlaircment  donne  le 
signal.  Une  fois  entree  dans  cctte  voie,  la  philosophic  mareha 
vite,  et  ce  n'est  pas  en  France  qu'il  est  besoin  de  rappeler  ce 
qu'elle  tenia,  ce  qu'elle  accoinplit  meme  au  xvm°  sieele.  Que 
celte  philosophic  soit  blamee,  que  ses  chefs  soient  vivement 
combaltus  par  M.  Schlegel,  nous  Ic  concevons  facilement,  et 
nous-meiiie  sommes  loin  d'en  partager  toutcs  les  doctrines. 
Mais  il  nous  parait  que  le  critique  allemand  a  totalement 
meconuu  deux  des  plus  beaux  genies  de  notre  nation  , 
Descartes  et  Pascal.  En  general,  il  fait  peu  de  cas  de  toute 
philosophic  qui  n'est  pas  exclusivement  religieusc  et  mys- 
tique, et  qui,  sortant  du  cercle  trace  par  les  livres  saints, 
fherche  ailleurs  l'explication  du  monde  et  dc  la  destinee  de 
•  I'liomme.  Kant,  malgre  sa  tendance  spiritualiste ,  est  1'objet 
dc  graves  censures,  et  M.  Schlegel  convient  a  peine  ,  par  une 
sorte  de  concession  a  l'admiration  de  toute  I'Allemagne,  que 
sa  philosophic  n'a  pas  He  precisemfnt  nuisible  d  la  maniire  de  pen- 
ser  et  a  la  foi.  II  reserve  ses  eloges  et  sa  sympathie  pour  les 
eerlvainscatholiques  de  France  ou  d'AHemagne.  Saint-Martin, 
Ronald,  La  Mcnnais  d'une  part,  Novalis  et  Stollnrg  de  l'au- 
tre,  apparaissent  a  L'imagination  de  M.  Schlegel,  conune  les 
precurseurs  d'unc  revolution  complete  daus  l'ordre  intcllcc- 


65o  LMTEHATURK. 

tucl,  les  auteurs  d'une  philosophic  nouvelle  dcvant  qui  dut- 
venl  disparaitre  lcs  fonnules  vides  des  terns  passes.  En  mi 
mot ,  la  philosophic  qu'il  dcmande,  el  donl  il  croit  eutrevoir 
('apparition  dans  l'avenir,  c'est  celle  qui,  s'abjurant  elle- 
mf'ine,  hunulierait  la  raison  de  1'homme  devant  I'autorite  de 
I'Eglise,  et  ne  rccomvaitrait  pour  principe  et  poor  axiome 
que  la  parole  evangeliquc.  Cetle  disposition  d'esprit  eclale 
pareillemcnt  dans  ('appreciation  dcs  poetes  de  rAllcmagnc 
moderne  :  sans  doule  M.  Schlegel  ne  peut  refuser  ses  eloges 
aux  conceptions  de  Goethe  et  de  Schiller  ;  mais  il  semhle  cga- 
ler  a  ce  dernier  le  poete  Werner  «  qui,  dit-il,  transporta  plus 
complcteiuent  dans  ses  tableaux  dramatiques,  les  mysleres  du 
sentiment  et  de  la  ibi.  »Et  en  efl'et,  Werner,  esprit  exalte, 
sombre,  se  laissant  aller  a  tous  les  caprices  de  la  reverie,  a 
plus  que  persoune  introduit  le  mysticisme  dans  l'art  drama- 
lique,  et  sa  piece  de  Luther,  etincelante  de  sublimes  bcautcs, 
est  jusqu'ici  l'expression  la  plus  fidele  de  ce  systeme  qui,  sur. 
la  scene  eomme  ailleurs,  tend  a  considerer  rhouimc  dans  ses 
rapports  intimes  et  caches  avec  la  Divinite. 

Ainsi,  le  zele  religieux,  l'exaltation  presque  clauslrale  que 
nous  signalions  an  commencement  de  cet  article,  ont  suivi  et 
dhige  M.  Schlegel  dans  lout  le  cours  de  son  ouvrage,  et  don- 
nentparf'oisa  ses  opinions  uneapparcnccdepartialite.  Pourtant 
il  nous  semblc  que  ce  dcl'aut  n'est  guere  du  ressortdc  la  cri- 
tique :  il  tient  de  trop  pros  aux  convictions,  a  la  conscience 
meme  de  1'ecrivain,  sanctuaire  impenetrable  a  des  censures 
purement  litteraires.  De  meme  done  que  nous  ne  reproche- 
rons  jamais  au  grand  Bossuet  de  n'avoir  yu  dans  l'histoire  du 
mondeqec  1'accomplisseincnt  des  desseins  arreles  de  Dicu,  de 
meme  nous  ne  reprocherons  pas  a  M.  Schlegel  d'avoir  em- 
prcint  chaque  page  de  son  livre  de  ses  preoccupations  d'ecri- 
vaiu  catholique  ;  d'autant  plus  que  ses  croyances  ne  l'empe- 
client  pas  de  rendre  justice  a  ses  adversaires,  et  d'apprecier 
dignement  leur  talent.  Sur  ce  point  noire  lachc  devait  sc  bor- 
ner  a  prevenir  le  leclcur,  et  nous  l'avons  accomplie.  Ce  que 
nous  ne  pouvonsexcuser  chez  M.  Schlegel,  c'est  sa  methodc 


LITTERATURE.  65k 

vicieuse,  le  desordre  et  l'incohcrence  de  certains  chapitres,  le 
defaut  de  clarte,  rendu  pins  sensible  par  l'incorrection  l're- 
cjuenle  de  la  traduction.  Mais  les  amis  de  la  litterature  du 
uioycn  age  seront  aisement  portes  a  l'lndulgence,  qnand  ils 
liront  les  pages  oii  l\l.  Scldegel  a  decrit  le  mouvemcnt  intel- 
lectuel  de  ce  terns.  Son  enthousiasme  de  fervent  catholique , 
loin  d'Stre  un  obstacle  a  cette  etude,  la  servait  au  contraire  , 
puisque  cette  disposition  d'espritle  mettaiten  harmotiie  avec 
la  civilisation  qu'il  voulait  retraccr.  Aussi  cette  parlie  est-elle 
lemarquable  par  une  veritable  protbndeur  de  pensee  ,  unc  in- 
telligence parfaite  des  monumens  de  la  litterature  et  de  l'art. 
Et  en  effet,  pour  interroger  avec  succes  nos  vieilles  Annalcs, 
i!  faut  se  depouiller  un  instant  du  scepticisme  et  de  la  raison 
I'roide  de  notre  epoque,  s'associer  aux  impressions  nai'ves  des 
acteurs  de  ces  grands  drames  qui  saisissent  et  enchantent  l'i- 
magination,  se  plaire  aux  recits  de  guerres  ,  de  tournois  et  de 
pas-d'armes,  ne  pas  sourire  au  jargon  barbare  de  saint  Tho- 
mas-d'Aquin,  aux  excommunications  de  Gregoire  VII  :  et  ce- 
lui-la  ne  comprendra  jamais  bien  la  poesie  du  nioyen  age, 
qui  a  entendu  sans  emotion  les  hymnes  de  l'Eglise,  les  proses 
des  morts  dans  une  catbedrale  gothique,  et  contcmple  froide- 
ment  les  ruines  des  manoirs  el  des  abbayes,  les  tours  a  demi 
ecroulees  de  Juniieges  et  les  murailles  noircies  de  Tancor- 
\i.Ue. 

A tph.  D'Herbelot. 


hi.  bulletin  b1bl10graph1que. 
livres  Strangers  (i). 


AMtittlQUE  SEPTENTRIONALE. 
ETATS-UNIS. 


l  ^5.  — *  REPORT,ete.  — Rapport  fait  auCongrcs,  par  HI.  Cam 
BitELENS,  au  no m  dc  la  Commission  dn  commerce.  Imprimc  par 
yrdre  tin  Congres.  In-8"  do  G/j  pages. 

«  La  Commission  du  commerce,  a  laquelle  avaicnt  ele  rcn- 
voyes : 

i".  La  partte  tin  message  du  president,  relative  au  com- 
merce des  Etats-Unis  avec  les  nations  etrangeres,  a  la  re- 
forme  des  lois  repressives  do  la  contrebande,  a  Felablissemcut 
de  mag-asms  publics ; 

2".  Divers  Mcmoires,  rcpresentant  la  situation  fa  eh  c  use  de 
noire  commerce ,  et  demandant  I'allocation  d'un  rabais  sur 
les  cordages,  et  sur  les  autres  articles  manufactures  avec  des 
matcrianx  etrangcrs ; 

3".  Deux  resolutions  de  la  Chambre,  savoir: 

De  fairc  des  recherches  et  un  rapport  sur  I'effct  que  nos 
dcrnieres  lois  de  recedes  ont  produil  snr  noire  commerce 
avec  les  nations  etrangeres;  et 

De  fairc  des  recherches  el  un  rapport  stir  la  situation  pas- 
see,  et  sur  Fetal  present  de  noire  navigation;  et  de  proposer 
les  mesures  necessaires  pour  Fagrandissemenl  de  noire  ma- 
rine commcrciale;  » 

A  soumis  a  la  Chambre  le  Rapport  que  nous  annoncons  i •  - i 
et   qui  est    lellcment  rempli  de   fails   et  de  calculs   du  plus 


(i)  Nous  indiqunns  par  vm  asterisque  ('),  place  a  cOtfi  du  litre  de 
chaquc  ouvragc,  eeus  des  livres  etiangers  ou  francais  qui  paraissenl 
djgnes  d'une  attention  parliculiere ,  ct  nous  en  rcadrons  quelquefois 
cutnptc  dans  la  section  des  Analyses, 


ETATS-UNIS.  653 

haul  ihtcret,  que  !c  seul  moyen  d'en  rendre  un  compte  exact 
serai t  de  le  traduire  presque  tout  enlier.  C'est  arec  un  veri- 
table regret  que  nous  nous  voyons  forces  dc  n'en  donner 
qu'une  analyse  suocinete,  et  ccitaiuement  Port  incomplete. 

«  Jusqu'au  mois  de  decembre  1807,  Ies  Elats-Unis  d'Ame- 
rique  jouirent  d'une  prosperite  toujours  croissante,  parce  que 
le  gouvernement  avail  jusque-la  favori.se  la  navigation,  non 
pour  satisfaire  des  interets  prives,  mais  dans  le  Iju!,  bien  plus 
general  el  bien  plus  vaste,  de  former  une  marine  marchande, 
d'orgarrlser  nne  ecole  de  marins  qui  couterait  pen  a  l'Etat,  ct 
qui,  en  cas  de  guerre,  lui  rendrait  les  plus  grands  services, 
Mais,  a  l'epoquc  signalee  plus  liaut,  les  outrages  des  deux 
grandes  puissances  belligerantes  amenerent  tine  serie  de  res- 
trictions et  d'entraves  au  commerce,  qui  causere-U  la  guerre 
de  1812,  et  finirent,  avec  elle,  en  181 5.  11  semblait  alors  que 
la  prosperite  diit  renaitre  avec  la  perspective  d'une  longue 
paix;  le  tarif  de  1816  detruisit  ces  flatteuses  cspcrances,  ct 
fut  le  commencement  d'une  longue  suite  d'errcurs  qui  ont 
enfanle  le  resultat  que  la  guerre  et  toutes  ses  consequences 
n'avaient  pu  produire.  »  Nous  avons  essaye,  dit  I'auteur,  de 
resister,  par  des  decrets,  a  la  tendance  salutaire  et  naturelle 
de  notre  industrie  vers  le  commerce  et  vers  l'agriculture. 
Nous  avons  sacrifie  le  commerce,  la  navigation  et  les  capi- 
taux  de  la  Nouvelle-  Angleterre  ,  pour  developpcr  la  rivalite 
des  manufactures,  pour  embarrasser,  pour  miner  nos  auciens 
et  industrieux  artisans.  Nous  avons,  a  cbaque  session  ,  jete  le 
commerce  dans  un  tel  etat  d'agitalion,  que  la  valeur  de  la  pro- 
priete  ne  pouvait  etre  determinee  positivement  qu'apres  I'a- 
journement  du  congres;  et  e'est  la  ce  que  nous  avons  appele 
encourager  et  proteger  notre  industrie.  Nous  avons  di-sipe 
plusieurs  millions  de  nos  anciens  benefices  commereiaux,  en 
laisant  d'absurdes  experiences  pour  augmenter  la  richesse 
nationale.  En  chercbant,  par  deslois,  a  nous  rendre  plus  io- 
dependans  des  autres  nations,  nous  avons  sappe  les  fondc- 
mens  de  cette  puissance  navalc,  qui  seule  peut  nous  proteger 
contre  une  invasion  etrangere.  » 

Par  le  systeme  des  prohibitions  ct  des  droits  execssifs,  on 
a  voulu  favoriser  l'accroissement  des  manufactures  ;  le  resul- 
tat contraire  a  cu  lieu,  parce  qu'on  a  employe  trop  de  capitaux 
a  ce  genre  d'industrie,  et  que  le  prix  des  produits  baissant  de 
jour  en  jour,  ces  capitaux  ont  diminue  de  valeur  dans  la 
meme  proportion.  Aussi  les  manufactures  n'ont-elles  aujour- 
d'hui  que  le  tiers  dc  la  valeur  qu'elles  avaient  en  181") :  pane 
que  les  malieres  premieres  out  etc  taxees,  souvent  au-dessus 


f,5'j  ETATS-OIS. 

du  prix  d'achat,  quelqucfois  m&nc  au-dcssus  de  celui  u6J 
produits  manufactures;  et  parce  que  l'introdiw  lion  IVaudu- 
leuse  des  marchandises  surtaxees  a  ete  organises  en  systemc  , 
de  manicre  a  dejouer  tous  les  efforts  du  gouvernement  pour 
la  prevenir. 

Par  l'cxagtralion  des  t  arils,  on  a  cru  ralcntir  lc  mouvement 
d'euiigration  vers  l'ouest,  de  la  population  americaine  :  on  n'a 
fait  que  I'accelcrcr.  En  void  la  preuve,  du  moins  pour  cer- 
taines  parlies  des  Etats-Lnis.  De  J  790  a  1800,  l'aiigmenta- 
tion  de  la  population,  dans  la  JNouvellc-Angletcrre,  a  ete  de 
226,006  ;  uepuis  1800  jusqu'a  1810  (les  restrictions  commer- 
tiales  ayant  commence  en  1807),  I'accroissemcnt  a  etc  de 
23g,S83;de  1810  a  1820,  il  n'a  plus  ete  que  de  i88,i54;et, 
de  1820  a  1828,  de  i52,6i6  seulenient. 

On  a  etc  induit  en  erreur  par  le  desir,  naturel  sans  doute  , 
mais  aveugle,  de  rivaliser  avec  les  manufactures  de  laYieille- 
Anglclerre.  LI  11c  telle  rivalite  est  impossible  entre  mi  pays  dont 
['agriculture  est  le  premier  besoin  et  la  principale  ressource, 
et  un  Etat  dont  la  population,  concentree  dans  un  espace 
etroit,  a,  depuis  long-teins  et  par  degres,  cede  a  rindustrie 
manufaeturiere  les  bras  que  la  culture  du  sol  ne  pouvait  oc- 
cuper.  En  effet,  en  1801  ,  epoque  oii  l'Angleterre  fabriquait 
moins  qu'a  present,  on  y  comptait  1,718,289  agriculteurs,  et 
i,843,35i  artisans  ou  manufacturers.  L'Ameriquc  est  loin  de 
se  trouver  dans  des  conditions  pareilles. 

Le  rapporteur  de  la  Commission  entre  ensuite  dans  quel- 
ques  details  relatifs  a  diverses  branches  de  commerce,  aux 
laines,  aux  fers  ,  aux  cordages  ;  et  partout  il  etaldit,  en  cliif- 
fres,  l'avantage  que  donnc  aux  etrangers,  surles  Amerieains, 
l'exageralion  des  droits  sur  les  matieres  brutes.  Par  exemple, 
de  1819  a  1823,  pendant  un  espace  de  cinq  ans ,  Timporta- 
tion  des  cordages  et  cables  fut  de  2,198,129  lb.;  elle  a  etc 
de  7,002,764  lb.,  dans  les  cinq  annees  qui  ont  suivi  1824  .  a 
cause  des  droits  excessifs  imposes  sur  le  chanvre.  Ce  genre  de 
commerce  est  lout-a-fait  transports  a  la  Russie ,  et  perdu 
pour  les  Etats-Unis.  La  manufacture  de  Bostog,  qui,  en  1826, 
avail  fabriquc  4^°  tonneaux  (milliers)  de  cordages,  n'en  a 
produit  que  5o5,  en  1827;  236  en  1828,  et  147  en  1829. 
D'un  autre  cote,  il  est  parti  de  Saint -Pctersbourg,  pour  les 
Etats-Unis',  en  1828,  sur  66  navires,  5,5i2,320  lb.  de  cor- 
dages, dont  2,164,096  lb.  ,  seulenient,  sont  cntres  par  les 
douancs.  Line  des  plus  tristes  consequences  de  cct  etat  dc 
choscs,  e'est  que  PAmerique  donnc,  par  le  fait,  une  prime  de 


LTATS-UN1S.  65S 

liv.  i.,665,8g  (i)  achaque  navire  de5(  o  tonneaux,  construit  et 
gree  en  Aftgleterre;  et  que  les  armateurs  americains  font  par- 
tir  leurs  vaisseaux  a  demi  equipcs,  et  exponent  la  vie  de  tears 
marins  pour  se  procurer,  au  dehors,  des  voiles  et  des  corda- 
ges que  les  larifs  rendenl  ti-op  eouleux  dans  l'interieur. 

Le  pire  est  que  les  droits  imposes  sur  les  etoffcs  de  laines 
grossieres,  surlesel,  surlesucregris,  surletheellecafe,sontles 
plus exageres  de  tons,  et  tomberit  precisement  sur  les  classes 
les  nioins  aisees  de  la  nation,  et  surtout  sur  1'agriculteur. 

La  navigation  sur  les  cotes  par  ait  avoir  acquis  un  plus  grand 
developpeinent ;  ma  is  cette  apparence  est  illusoire,  et  depend, 
i"  de  ['extension  du  territoire  americain;  a"  d'uue  naviga- 
tion, par  la  vapeur,  de  40,197  tonneaux,  employee  piincipa- 
lement  sur  les  lacs,  sur  le  ftlississipi,  le  Missouri  et  I'Ohio; 
3"  du  commerce  avec  la  Louisiane  et  avec  la  Floride  ;  4"  en- 
fin  ,  de  ['estimation  fatisse  d'un  tonnage ,  dont  une  partie  est 
pnrement  nominale.  Le  fait  est  que  la  marine  amuricaine  a 
decline,  puisqu'elle  ne  s'est  pas  elevee  dans  la  proportion  que 
semhlaienl  hii  promettre  l'accroissement  du  territoire,  et  les 
nouveaux  debouches  ouverts  au  commerce.  La  navigation 
sur  les  cotes  est  certainement  d'un  million  de  tonneaux  au- 
dessous  du  point  qu'elle  anrait  du  atteindre. 

•  Comparons,  ajoute  M.  Cambreleng,  notre  navigation 
commerciale  exlerieure  avec  celle  de  I'Angleterre,  clepuis 
1789  jusqu'a  1807,  espace  de  terns  pendant  lequel  la  Grande- 
Bretagne  adopta  le  systeme  des  prohibitions,  et  nous  celui  de 
la  liberte  du  commerce.  Dans  le  cours  de  ces  dix-huit  annees, 
le  tonnage  de  I'Angleterre  descendit  de  i,5o7,G56  tonneaux 
a  i,424,io5;  le  notre  monta  rapideuient ,  de  127,029  ton- 
neaux a  1,089,^76.  Au  contraire,  le  systeme  continental, 
adopte  par  les  puissances  de  PEurope,  les  mit  toutes  dans  un 
etat  de  gene,  tandis  que  I'Angleterre  etendait  son  commerce; 
el,  en  i8i5,  son  tonnage  s'elevait  a  2,088,029  tonneaux.  A 
partirde  1807,  son  importation  et  son  exportation,  qui  pen- 
dant les  quatie  annees  preeedentes,  elaient  restees  stalionnai- 
res,  la  premiere  a  28  ou  5o  millions  de  livres  sterling,  la  se- 
conde  a  54  millions  sterling,  s'elcvcrent,  dans  les  quatre 
annees  qui  suivirent,  l'une  a  4'  millions,  I'autre  a  ^5  ou  5o 
millions  sterling.  Les  mauvais  effets  de  son  propre  systeme 
furent  neutralises  par  les  restrictions  que  s'imposaient  les  na- 
tions voisines,  et  elle  dfit  a  leurs  efforts  un  nouvel  accroissc- 
ment  de  richesse  ct  de  puissance.  » 

(1)  i,6G5  dollars  S9  cents,  environ  9,029  francs  12  centimes. 


056  lViATS-lNIS. 

Depuis  la  I'm  dc  la  guerre,  en  i8i5,  la  France  a  eprouvu 
des  ameliorations  considerables  dans  son  commerce  exlerieur. 
Son  importation  s'fest  eleveej  tic  190,000,000  de  francs,  u 
453,Ooo,ooo;  son  exportation,  dc  397,000,000  a  5i  1,000,000. 

Le  commerce  russc,  cnlravc  par  les  prohibitions,  est  loin 
d'avoir  augmente  dans  le  meme  rapport. 

Le  commerce  des  Elats-Unis  est  reste  an  moins  stationnaire, 
sons  rinfluence  des  mesnres  prohibilivcs ;  tandis  que  eclui  de 
I'Amerique  septenlrionale  est  monte,  dc  88,24"  lonneaux a 
400,841.  Ainsi  la  Nouvclle-Ecossc,  seule,  a  employe,  en 
1828,  pour  son  commerce  : 

Avec  FAnglelerre 27,162  tonncaux. 

Avec  les  Indcs-Occidentales 37,714  id. 

Avec  les  Etats-Unis i6,o58  id. 

Avec  le  Bresil i,54o  '"'• 

Avec  1'Europe,  moins  l'Angleterre  .  .  .  1,638  id. 

Sur  les  cotes 58,924  id. 


Total.  .  .   i33,o45  tonncaux. 

Tel  est  l'Etat  de  prosperity  de  cetle  petite  ile,  dont  la  po- 
pulation ne  s'eleve  pas  au-dessus  de  1 25, 000  habitans. 

«La  population  des  provinces  de  I'Amcrique  du  iNord  etait, 
Qn  1808,  de  4o9,4*2  liabitans,  en  1825  tie  Sjj/pJ.  La  po- 
pulation de  toute  la  Nouvellc-Anglelerrc,  suivaut  les  recen- 
semens  faits  en  1800,  en  1810  ct  en  1820,  etait,  dans  I'annee 
1806,  a  pen  pres  dc  1,075,000,  et,  da ns  I'annee  1825,  de 
i,75o,ooo.  Aiusi,  en  19  ans,  la  population  dc  la  Nouvclic- 
Angleterre  s'est  accrue  seulcmcnt  de  27  p.  cent,  et  cellc  des 
colonies  anglaises  de  1  i3  p.  cent. 

»L'exporlalion  des  colonies  est  devenuc  quadruple,  l'im- 
portation  s'est  elevee  dc  4  millions  a  10  ;  tandis  (|ue  noire  ex- 
portation et  notre  importation  sont  encore,  en  1828,  cc 
qu'clles  etaient  en  1807,  epoque  de  la  premiere  interrup- 
tion de  notre  commerce  exterieur.  Cetle  enorme  difference 
s'expliquera  facilemcnt  si  Ton  reflechit  que,  depuis  lors,  notre 
commerce  a  etc  entrave  par  les  tarifs  exageres,  tandis  que  ec- 
lui des  colonies  avec  l'Angleterre  a  etc  libre  jusqu'a  present." 

Nous  n'avons  pu  suivre  le  rapporteur  de  la  commission 
dans  one  foule  de  details  Hon  moins  curieux  queposilil's,  ct  qui 
inleressent,  non-seulement  les  Americains ,  mais  encore  tou- 
tes  les  autres  nations,  dont  le  commerce  est,  pour  ainsi  dire, 
passe  en  revue.  Nous  regrcttons  surtout  dc  ne  pouyoirmcttfc 


ETATS-LMS.  Gf>7 

sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  une  serie  de  tableaux  stalistiques 
qui  ont  pour  objet  :  i°  l'etat  comparatif  des  avantages  dont 
jouissent  les  manufactures  anglaises,  au  detriment  desameri- 
eaines,  a  cause  des  droits  qui  frappent  1'introduction  des  ma- 
tieres  brutes;  2°  les  avantages  comparatifs  du  commerce  an- 
glais et  du  commerce  americain,  pour  la  construction  et  le 
greement  des  vaisseaux;  3°  l'etat  comparatif  du  tonnage  ame- 
ricain employe  au  commerce  exterieur,  de  1789  a  1807,  et 
de  1 8 1 5  a  1829;  4°  l'etat  du  tonnage  americain  et  du  tonnage 
anglais  actuellement  employe;  5"  celui  de  la  reduction  des 
tarifs  dans  la  Grande-Bretagne,  et  de  leuraugmentation  dans 
les  Etats-Unis;  6°celui  du  tonnage  de  vaisseaux,  soit  anglais, 
soit  etrangers,  entres  dans  les  ports  d'Angleterre,  venant  de 
I'exterieur,  du  ior  Janvier  1-8  14  au  5i  decembre  1828;  70 l'e- 
tat du  commerce  maritime  de  l'Angleterre,  depuis  la  paix, 
avec  ses  colonies  de  l'Amerique  du  nord,  avec  celles  siluees 
au  sud  du  55e  degre  de  latitude,  avec  les  Indes  occidenta- 
ls, etc. ;  8"  l'etat  comparatif  des  droits  d'entree,  percus  sur 
les  marchandises  etrangeres,  dans  l'Amerique  septentrionale 
et  dans  les  Elats-Unis;  9°laquantite  deeafe  introduite  en  A11- 
gleterre,  pour  la  consommation  interieure,  depuis  1789  jus- 
qu'a  1828,  les  taxes  diverses  sur  cette  marchandise,  et  leur 
produit  annuel;  io°  l'etat  de  I'exportation  des  grains,  de  l'A- 
merique en  France,  conformement  au  traite  de  1787  ;  1 1°  la 
quantite  de  soie,  tant  brute  que  travaillee,  introduite  en  An- 
gleterre ,  de  1814  a  1828;  i2"enfin,  l'etat  de  ['exportation 
des  produits  manufactures  de  l'Angleterre ,  dans  1'Inde  et  dans 
tous  les  pays  situes  a  Test  du  cap  de  Bonne-Esperance  (y  com- 
pris  la  Chine),  a  l'exception  de  la  Nouvelle-Galles  du  sud. 
L'on  voit  ou  nous  entrainerait  l'exposition  des  faits  qui  resul- 
tent  de  ces  divers  tableaux,  et  les  de veloppemcns  indispensables 
pour  en  faciliter  1'application.  Nous  nous  bornerons  done  a 
consigner  ici  les  vceux  de  la  commission  du  commerce  ,  et  les 
moyens  qu'elle  propose  pour  faire  cesser  les  graves  inconve- 
niens  que  subissent  en  ce  moment  les  Etats-Unis. 

«Nous  devons  adopter  des  mesures  promptes  pour  sauver 
notre  commerce  maritime.  Le  parti  le  plus  sage  est  de  sup- 
primer  les  taxes  sur  le  chanvre,  sur  le  fer  et  sur  les  toiles  a  voi- 
les... II  faut  abolir  les  droits  de  tonnage,  et  reduire  les  impots 
sur  la  construction  des  navires,  allouer  un  rabais  equivalent 
au  droit  impose  sur  les  materiaux,  etc...  Notre  politique  doit 
changer,  et  ne  plus  immoler  l'interet  general  a  des  interets 
prives.  Imitonsla  sage  ambition  del'AngleteiTe,  qui  ne  sacrific 
t.  xlvi.  jmn  i83o.  [\1 


t).,S  L1VRES  ETRANGIRS. 

jamais  In  gluiro  et  la  puissance  nationales  a  des  considerations 
d'agrancUsBement  personnel*,  et  qui  ne  pennet  a  aucun  avai>- 
ta"e  particulicr  d'cutrer  en  lutte  avec  l'accroiss  merit  de  sa 
marine... » 

«I1  est  a  desirer  que  le  commerce  soil  libre  enlre  les  na- 
tions de  I'Europe  et  cellos  de  l'Amerique.  Aucun  people  n'est 
plus  interesse  que  nous  a  ce  que  toutes  les  entraves  soient  bri- 
sees,  a  ce  que  toutes  les  restrictions  soient  abolies...  Le  nieil- 
leurinoven  de  pauverrir  a  ce  but  serait  d'erablk  mutuellcment 
un  maximum  de  taxe,  sous  lequel  les  produits  d'un  pays  se- 
raient  librement  cxportes  dans  tons  les  autres;  ou ,  en  d'au- 
tres  termes,  de  souscrire  une  convention  reciproque  et  for- 
melle  de  ne  jamais  lever  de  taxes  prohibitive*.  Un  tel  projet 
trouverait  sans  doutebien  des  contradicteurs,  comme  le  traite 
de  i -- 13  enlre  1'Angleterre  et  la  France  en  trouva  dans  le 
••ouvernemeiitdu  Portugal.  Mais,  si  les  nations  pnissantes  dou- 
uaient  Fexcinple,  les  autres  seraient  bientot  entrainees.  >> 

«'i'elles  etaient  a  peu  pres  les  doctrines  de  M.  Pitt  et  celles 
de  M.  Jefferson  en  i;c)5.  Les  intentions  aussi  bienveillantes 
que  sages  de  ces  deux  hommes  d'Etat  oat  etc  rendues  infroc- 
tueoses  par  la  guerre  qui  a  succcde  a  la  revolution  franoaise, 
et  qui  a  suspendu  la  marche  de  la  reforme  commerciale.... 
Aujoord'hoi  que  la  paix  est  rendue  aux  nations,  votre  com- 
mission vous  propose  de  renouveler,  en  la  modifianl  comrne 
il  convient  a  noire  etat  acluel,  la  politique  commerciale  qui 
s'appuyait,  avantla  guerre,  stir  de  si  respectables  autorites.... 
Une  t'oule  de  considerations  nous  engagent  a  lenler  an  moins 
l'experience.  Le  caractere  liberal  de  nos  inslitutions,  la  forme 
de  notre  gouvernement ,  la  vaste  elendue  de  notre  territoire, 
la  variete  et  la  surabondance  de  ses  productions,  I'imperieuse 
Mtcessite  d'etendre  notre  navigation,  de  renouveler  notre  ma- 
rine marchande,  etc.,  tout  plaide  en  faveur  dune  politique 
siessentielleauperfectionnementdcs  institutions  liberalcs,  qui 
font  l'orgueil  et  le  bonheur  de  notre  siecle. » 

En  consequence,  la  commission  propose  de  soumettre  a  la 
Chambie,  dans  le  cours  de  la  presente  session,  les  mesures 
suivantes  : 

Un  bill  re  giant  les  appointemens  des  douaniers. 

Un  auiendement  aux  lois  qui  reglent  la  perception  deS  re- 
venus  publics. 

Vn  bill  fixantune  allocation  pour  1'etablissement  et  l'entre- 
tien  de  magasins  et  dTcntrepots  publics. 

Un  bill  qui  alloue  un  rabais  equivalent  an  droit  impose  sur 
les  materiaux  qui  servent  a  la  construction  des  oavir.es. 


ETATS-UNIS.  —  M  i:\IQlli.  65g 

Ln  bill  accordant  un  rabais  sur  les  cordages,  quand  ils  sonl 

exportes. 

Un  bill  abolissant  les  droits  de  tonnage. 

Un  bill  qui  I'avorise  l'exlension  de  noire  commerce  avec  les 
notions  ctrangeres.  ChjUkbetrow. 

M  EX  I  QUE. 

1 76.  — *Memoriade  laSccrelaria  de  Esludoydcl Dcsj  acko,  etc. 
— Memciredu  Secretariat  d'Elal  et  des  Depeches  des  relations 
interieures  el  exterieures,  In  par  le  secretaire  d'Elat  de  celte 
branclie  d'administration  a  la  Cbambre  des  deputes,  le  12  fe- 
vrier  i85o,  etlelendemain  a  la  seance  du  senat  mexicain.  Mexi- 
co, i83o.  Petit  in-folio  de46  pages,  avec  plusiems  tableaux  el 
des  pieces  justificatives. 

L'homme  d'Etat  qui  a  redige  ce  Meinoire  (don  Lucas  Ala- 
man)  ne  parle  de  lni-meme  qu'a  la  derniere  page  ,  el  n'en  dit 
que  peu  de  mots;  mais  c'est  assez  pour  faire  apprecier  son 
caractere.  Citons  celte  peroraison,  avant  de  parcoufir  l'ex- 
pose  de  la  situation  actuelle  du  Mexique. 

«  Dans  le  tableau  que  je  viens  de  meltre  sous vos  yeux, 
rien  n'est  cxagere,  ni  dissimule;  evitant  avec  soin  les  opinions 
extremes,  je  me  suis  defic  de  rami  propre  jugement,  et  j'ai 
laisse  parler  les  faits  :  ils  ne  sont  que  trop  certains,  trop  evi- 
dens;  et,  s'il  en  etait  quelques-unsdont  on  put  douter encore, 
je  les  appuierais  par  de  nombreux  temoignages.  Comme  fonc- 
tionnaire  public,  et  comme  homme  de  bien  et  d'honneur,  je 
vous  ai  represente  notre  nation  et  nos  affaires  telles  que  je 
lesaivues  :  a  queique  opinion  politiquequ'appartiennentceux 
qui  liront  ce  Memoire,  tons  conviendront  en  eux-memes  que 
j'ai  dit  vrai. 

»Lesmauxde  la  republique  sont  tres-graves;  mais  enfin 
nousn'y  succomberons  point ;  nous  aureus  le  tems  et  la  force 
d'y  appliquer  les  remedes  convenables,  pourvu  que  nous  ne 
perdions  pas  un  moment  ,  et  que  nous  entrepienions  avec 
courage  uue  guerison  radicale,  au  lieu  de  nous  borner  a  des 
palliatifs.  II  est  indispensable  d'y  proceder  avec  ordre  et  re~ 
gularite,  de  donner  les  memes  soins,  et  en  meine  tems,  a 
toutes  les  parlies  de  1'administralion.  Sans  la  surete  des  per- 
sonnes  et  des  propi  ietes,  point  de  societe  ;  sans  representans 
elus  par  les  citoyens ,  point  de  liberie;  sans  tine  force  pu- 
blique  organisee  pour  maintenir  le  boa  ordre  et  1'union,  et 
qui  ne  puisse  jamais  etre  to'.unee  centre  les  droits  des  citoyens, 
une  nation  ne  pourrait  subsister.  Ces  trois  ulem'cns  sont  ega- 
lement  necessaires  a  l'existence  d'un  gouvernement  regulier, 


660  Li v  hks  Strangers. 

quelque  forme  qu'on  lai  donne.  Vous  avez  cntre  vos  mains 
les  plus  diets  inteivis  dc  la  nation  ;  vos  resolutions  vont  de- 
cider de  sa  consideration  et  de  son  credit  au  dehors,  de  son 
bien-etre  au  dedans,  de  son  existence.  J'etais  charge  de  faire 
conuaitre  sa  veritable  situation ,  j'ai  rcmpli  ce  devoir  :  que  le 
con  ares  applique  anx  maux  que  j'ai  signalcs  des  rcmedcs 
prompts,  efficaces;  la  nation  a  mis  son  espoir  dans  la  sagesse 
de  ses  representans  :  elle  leur  confie  son  avenir,  et  leur  de- 
mande  la  conservation  des  moyens  de  prospcrile  qu'elle  tient 
des  liberalites  de  la  nature.  » 

Le  Mcmoire  de  don  L.  Alainan  traite  d'abord  des  relations 
de  la  republiquc  niexicaine  avec  les  autres  Etats  de  l'Amcri- 
que  et  avec  l'Europe.  La  grande  question  de  la  reconnaissance 
des  nouvelles  repuldiques  americaines  est  a  pen  pres  resolue: 
soit  que  la  rigueur  des  formalites  diplomatiques  ait  un  peu 
cede,  soit  que  des  interets  d'un  autre  ordre  sesoient  fail  ecou- 
ter  il  ne  reste  plus  qu'un  petit  nombre  d'Etats  chreliens  qui 
n'ont  pas  encore  etabli  des  relations  de  paix  et  de  commerce 
avec  le  Mexique.  Le  Bresil  est  de  ce  nombre,  sans  qu'il  y  ait 
lieu  de  s'en  etonner;  la  paix  ne  peutetre  troublec  entre  deux 
Etats  qui  n'ont  ni  la  volonte,  ni  les  moyens  de  se  faire  la 
guerre,  et  les  relations  commerciales  doivent  etre  exlreme- 
ment  rares  entre  deux  pays  qui  n'ont  presque  rien  a  echanger 
entre  eux.  Mais  ce  qui  surprend  et  afflige,  c'est  que  les  nou- 
velles republiques  out  presque  suspendu  leurs  relations^  rnu- 
tuelles.  Depuis  le  cap  Horn  jusqu'aux  frontieres  des  Etats- 
Lnis,  les  discordes  civiles  ont  etc  plus  funestes  quo  ne  le 
furent  en  aucun  terns  les  amies  de  1'Espagne.  La  lecture  de  ce 
Memoire  fournitd'autressujets  d'adliction  etd'inquietude;  car 
la  situation  du  Mexique  est  a  peu  pres  celle  de  tous  les  nou- 
veaux  Etats  americains. 

En  exposant  la  situation  interieure  de  la  rtpublique,  1'au- 
teur  du  filemoire  est  1'orce  de  rappeler  ce  douloureux  souve- 
nir des  evenemens  de  la  tin  de  1828,  et  d'en  suivre  les  con- 
sequences, en  1829.  Quelques  Etats  se  detachent  de  la  con- 
federation ;  d'autres  s'appretent  ales  imiter ;  des  reunions 
armees  se  forment  sur  divers  points  :  l'Etat  est  menace  d'une 
dissolution  generale.  «  Tels  sont  les  resultats  de  plusieurscau- 
ses  dont  Taction  s'est  prolongee,  qui  ont  uni  leur  puissance, 
0(i  qui  ont  succede  l'une  &  T'autre;  il  en  est  quelques-unes 
qui  meritent  une  attention  plus  speciale ;  ce  sont  les  Societes 
secretes,  le  systeine  electoral,  l'abus  du  droit  de  petition,  les 
vices  de  l'organisation  des  milices  locales  et  la  licence  de  la 
presse.  »Don  L.  Alaman  fait  de  graves  reprochesaux  Societes 


MEXIQliE.  661 

secretes;  et  en  effet  leur  existence  nepeutguere  etre  justifiee, 
si  la  nation  est  veritablement  litre.  II  parait  que  les  elections 
ne  sont  pas  encore  soumises  a  des  lois  fixes  dans  les  divers 
Etats  du  Mexiqne;  et  cependant  il  n'y  a  point  de  constitution 
ni  de  gouvernement  populairequi  nereposent  essentiellement 
surunbonsysleme  electoral.  La  nomination  d'un president  vient 
de  mettre  la  republique  en  peril  :  chaque  reelection  peut  etre 
aussi  orageuse  ;  il  y  a  done  dans  la  constitution  un  vice  qu'il 
faut  se  hater  de  fairedisparaitre;  loin  que  lastabilite  des  lois  en 
eprouve  aucune  atteinte,  cette  reforme  est  au  contraire  le 
seul  moyen  de  consolidercc  que  1'on  aura  conserve. 

On  reproche  au  droit  tie  petition  d'etre  devenu  Tune  des  ar- 
mes  des  Societes  secretes  pour  attaquer  le  gouvernement, 
troubler  l'ordre,  et  profiter,  selon  leursvues,  de  1'agitation 
qu'elles  ont  causee.  Mais  les  pretendus  petitionnaires  mexi- 
cains,  qui  viennent  en  armes  deposer  leur  requele,  et  pro- 
cedent  immediatemerit  a  ['execution  de  ce  qu'ils  ontdemande, 
ne  sont  pas  des  agens  de  Societes  secretes,  et  ne  meritent  pas 
non  plus  de  porter  le  titre  qu'ils  se  donnent;  ce  sont  des  re- 
belles  dont  le  gouvernement ,  s'il  etail  en  etat  de  faire  execu- 
ter  les  lois,  aurait  bientot  debarrasse  les  citoyens  paisibles. 
II  ne  s'agit  pas  de  limiter  le  droit  de  petition,  qui  tres-cer- 
tainement  n'autorise  point  les  attentats  contre  l'autorite  pu- 
blique,  ni  le  brigandage,  ni  l'assassinat.  Dans  l'etat  deplorable 
011  ces  exces  ont  reduit  la  republique,  e'est  d'un  gouverne- 
ment fort,  e'est  d'union  entre  les  bons  citoyens  pour  secon- 
der ce  gouvernement,  que  Ton  doit  sentir  le  besoin;  e'est  la 
ce  que  la  patrie  reclame,  ce  qui.  doit  etre  le  but  de  tons  les 
efforts.  L'audace  des  perturbateurs  vient  echouer  contre  une 
masse  imposante  de  citoyens  amis  de  l'ordre  et  decides  a  le 
faire  observer;  et  le  droit  de  petition  rentre  dans  ses  limites, 
sans  que  l'on  se  soit  occupe  de  l'y  ramener.  «  Heureusenient 
l'immense  majorite  de  la  nation  voit  ces  desordres  avec  hor- 
reur  ;  son  bon  sens  et  sa  moderation  arretent  bientot  les 
progres  de  la  contagion  :  mais  nous  avons  des  hommes  tou- 
jours  prets  a  servir  lesambitieuxou  les  brouillons  qui  veulent 
entreprendre  un  bouleversement.  La  freqnente  repetition  de 
ces  changemens,  operes  par  la  force,  demoralise  les  peuples, 
altere  les  notions  de  propriete  et  de  soumission  aux  lois,  de- 
truit  la  confiance,  et  avec  elle  tons  les  moyens  de  prosperite 
publique.  II  faut  qu'une  main  puissante  combatte  ces  calami- 
tes,  qui,  si  elles  se  prolongeaienl,  ameneraient  la  guerre  civile, 
et  entraineraient  la  mine  de  la  patrie.  » 

Les  details   que  donne  ce  Memoire  sur  les  milices  locales 


66a  LIVRES  STRANGERS. 

da  Mcxique  font  voir  que  ('organisation  de  la  force  publique 
\  est  encore  trcs-vicieuse,  et  decide  en  meme  terns  on  prin- 
cipe  de  faiblesse  dans  le  gouvernement  central.  Les  Etuis  (V- 
deres  sont,  par  rapport  a  cc  gouvernement,  a  pen  pres  dans 
la  meme  position  que  les  grands  vassaux  par  rapport  a  leur 
suzerain  dans  les  beaux  terns  de  la  fcodalile  :  eliacun  pent 
mettre  nnc  armec  sur  pied  ,  se  eoneertcr  avec  ses  voisins,  sans 
(pie  I  autorite  cenlrale  en  ait  connaissance.  Ainsi  le  lien  fede- 
ral est  sans  force,  toujours  prel  a  rompre;  telle  est  la  cause 
ties  desastrcs  que  Guatemala  vient  d'eprouvcr.  II  ne  suffit  pas 
a  In  republique  d'adopler  une  bonne  organisation  de  sa  force 
publique;  il  faut  revoir  l'ensemble  des  institutions,  consoli- 
der  et  perfectionner  la  base  de  ('edifice  national.  Une  verite, 
une  pensee  profonde,  qui  pourraient  contribucr  a  ccs  indis- 
pensables  constructions,  seraient,  pour  les  nouvelles  republi- 
ques,  d'un  bien  plus  grand  prix  que  l'etablissement  des  rela- 
tions amicales  avec  les  grandes  puissances  de  l'Europe  :  si  le 
ver  rongeur  est  dans  leur  sein,  si  elles  portent  en  elles-memes 
des  causes  de  destruction,  que  leur  imporle  un  eclat  passa- 
ger?  Est-ce  de  ccs  jouissancesde  l'amour-propre  qu'elles  dc- 
vraient  s'occuper? 

Ce  qu'on  lit  dans  cc  Memoire  sur  la  liberie  de  la  presse 
pouvait  suffire  pour  eclairer  le  Congres  mexicain,  mais  n'ap- 
prend  pas  aux  lecteurs  curopeens  tout  ce  dont  ils  auraient 
besoin  pour  juger  a  quel  degre  de  licence  cette  liberte  est 
par-venue  dans  le  Mcxique,  de  quels  abus  elle  dut  elre  la 
source.  Partout  ou  la  presse  libre  a  excite  quelques  reclama- 
tions, les  plaintes  ont  etc  redigces  a  peu  pres  de  la  meme  ma- 
niere;  et  ccpendant  on  ne  pent  pas  affirmer  qu'elles  furent 
egalemcnt  fondees.  Esperons  qu'en  Amerique  aussi-bien  qu'en 
Europe  on  senlira  les  inconveniens  et  les  dangers  du  remede, 
el  qu'on  fiuira  par  supporter  le  mal. 

Ce  que  Ton  a  vu  precedemment dispose  a  toutcequelereste 
du  Memoire  nous  apprend  sur  les  passeports,  sur  le  defaut  de 
donnees  stalistkpies  relatives  aux  ressonrees  naliouales,  aux 
ilivers  elemens  de  la  prosperitc  publiquc.  On  n'est  point  sur- 
pris  qu'une  colonic  francaise,  prete  a  s'embarquer  pour  aller 
se  fixer  a  Goazacoaleo,  n'ait  pas  ose  braver  les  dangers  d'une 
guerre  civile,  lorsque  les  evenemensde  1828  furent  connus  en 
Europe.  On  ne  s'etonncra  pas  meme  que  de  frequentes  epi- 
demics viennent  moissonner  les  generations  naissantes,  lors- 
que la  population  qui  subsiste  par  le  travail  est  plongee  dans  la 
misere,  imprevoyante,  adonnee  a  1'ivrognerie,  etc. ;  un  gou- 
vcrnemenl  sage  et  I'education  peuvenl  remedieraoes  maui: 


MEXIQUK.  663 

aiais  il  eu  est  d'autres  contre  lesquels  les  societes  humaines  onl 
peu  de  pouvoir;  tellcs  sont,  par  exemple,  les  secheresses 
opiniatres  qui  desoleiit  quelquefois  les  provinces  mexicaines. 

L'Universite  et  les  colleges  sont  resles  a  peu  pres  dans  le  ftiemc 
etat  (pie  sous  le  gouvernement  tie  la  metropole.  On  a  cree  un 
Instilut  national;  il  ne  se  reunit  point.  Sans  parconrir  dan-; 
toute  son  elendue  ce  tableau  des  ealamites  d'une  nation , 
voyons-y  quelques  trails  qui  font  honneur  au  caraclere  na- 
tional. Lops  de  la  derniere  invasion,  les  relations  commerciales 
ne  f u rent  ni  intcrrompues,  ni  derangees  ;  tout  sc  passa  comme 
si  aueun  soldat  ennemi  n'efit  dcbarque  sur  le  territoire  mexi- 
cain.  C'esi  ainsi  que,  lorsqu'Arinibal  etait  campe  aux  portes  de 
Rome,  le  terrain  qu'il  occupait  fut  vendu  aussi  clier  qu'il  l'cfil 
ete  si  la  republique  romaine  avait  joui  de  la  paix  la  plus  pro- 
f'onde.  Les  deux  rtpubliques  out  manifesto  une  egale  confiance 
dans  leurs  destinees;  les  jeuncs  nations  du  Nouveau-Monde 
ont  sans  doute  l'ambition  de  durer  plus  long-tems  que  l'an- 
cienne  Rome ,  et  de  ne  jamais  aliener  leur  liberte ;  qu'elles 
fassent  done  tout  ce  qui  est  encore  en  leur  pouvoir,  et  qu'elles 
ne  se  trompent  point  sur  les  moyens  d'assurer  leurs  bautes 
destinees. 

Nous  nous  plaisons  a  traduire  quelques  passages  de  ce  Me- 
moire  :  terminons  par  celui-ci,  oii  la  generosile  mexicaine  se 
manifeste  par  ses  oeuvres. 

«  Les  maladies  propres  a  nos  cotes  si  malsaincs  ont  cause, 
celte  annce,  de  grands  ravages,  parce  que  lc  nombre  de  ceux 
qu'elles  pouvaient  atteinilre  a  ete  considerablemcnt  augment  e. 
L'expu!:-ion  des  Espagnols,  {'expedition  tentee  par  1'ancienDe 
metropole  et  le  zele  des  defenseurs  de  la  patrie  ont  accumule 
sur  ces  plages  les  victimes  des  exhalaisons  morlelles.  Toules 
ont  ete  secourues  avec  une  toucbante  sollieitude,  au  milieu 
des  besoins  qu'on  epiouvait  et  de  Pexcessive  incommodite 
des  pluies  dans  les  plaines  de  Tampico.  La  marehe  retrograde 
des  troupes  dans  I'intcrieur  y  a  porte  la  contagion  dont  plu- 
sieurs  soldats  etaient  atteints;  la  junle  de  sante  a  pris  la  pre- 
caution de  fa  ire  bruler  les  vetemens  des  morts,  et  meme  ceux 
des  malades.  » 

Un  Memoire  tel  que  celui-ci  contient  plus  de  materia ux 
pour  l'histoire  qu'on  ne  pourrait  en  rassembler  si  Ton  com- 
pulsait  lous  les  journaux  publics  dans  le  meme  espace  de 
terns.  Y. 


664  LIVRES  STRANGERS, 

EUROPE. 
GRAIN  DE-BRETAGNE. 

177.  —  *  Family-Library  :  The  Lives  of  the  most  eminent 
British  Painters,  Sculptors  and  Architects.  —  Bihliothequc  de 
tami'lle,  publiee  par  Menu  ay.  T.  iv  et  x  :  Vies  des  I'eintres, 
Sculpteurs,  Architectes  les  plus  eminens  de  la  Grande-Breta- 
gne,  far  Allan  Cunningham.  Londres,  i83o;  John  Murray. 
3  vol.  de  55o  u  4<>o  pages  chacun,  ornes  de  12  gravures. 

«Ce  n'est  pas  sans  une  juste  defiance  de  moi ,  dit  M.  Cun- 
ningham, que  j'entreprends  cet  ouvrage  :  je  n'ai  point  oublic 
la  reuiarque  salirique  de  mon  compalriote  «  quand  se  re'sou- 
dra-t-on  a  ecrire  stir  ce  que  Con  comprend?  »  II  laut  savoir  gre 
al'auteur  de  cette  timidite  si  rare  parmi  ceux  qui  semelentde 
pailer  des  arts  an  public.  Jamais  jugemenspluserronesnel'urent 
prononces  avec  plus  d'aplomb  que  par  cette  foule  de  preten- 
dus  connaisseurs  qui  egarent  le  gout  au  lieu  de  1'eclairer.  lis 
tranchentetdecidentsansappel.  Elrangersaunart,  auxlongues 
etudes  necessaires  pour  I'acquerir,  a  ses  meditations,  a  ses 
emotions  intimes,  ils  se  constituent  juges  de  ce  qu'ils  out  a 
peine  regarde ,  et  d\in  trait  de  plume  annulent  le  fruit  d'un 
an  de  travail  et  de  toute  une  vie  d'observation.  Cette  in- 
supportable fatuite  n'existe  pasici.  C'est  plutot  l'histoire  pcr- 
sonnelle  des peintresqu'une  appreciation  deleurs  oeuvres.  Deja 
connu  comme  poete,  commc  edileur  de  vieilles  ballades, 
M.  Cunningham  sent  et  comprend  a  merveille  la  poesie  des 
faits,  le  genie  d'instinct ;  aussi  excelle-t-il  a  peindre  les  bizar- 
reries,  les  originalites  de  quiconque  a  so  se  frayer  scul  une 
route.  De  plus,  il  a  ete  long-tems  l'ami  et  le  compagnon  du 
plus  celebre  sculpteur  moderne  de  l'Angleterre,  de  Chantrey, 
et  il  s'est  essaye,  tant  bien  que  mal ,  a  marcher  sur  ses  traces. 
Enfin  il  a  connu  les  revers,  leshauts  et  les  has  de  ce  monde  ;  il 
sait  combien  il  est  penible  et  difficile  de  lutlercontrclesorl;et, 
quoique  sorti  glorieusement  du  combat ,  il  a  toute  sympathie 
pour  ceux  qui  ont  succombe.  Son  premier  volume  contient  un 
rapide  apercu  de  l'histoire  de  la  peinlure  pendant  le  moyen 
age,  et  alors  qu'elle  ne  fut  qu'une  imitation  penible  et  dou- 
teuse  des  etrangers,  de  Holbein,  de  More,  de  Mytcns,  de 
Rubens,  de  Vandyck,  etc.  ;  pour  lui ,  le  premier  peintre  na- 
tional est  Hogarth,  qui  transporta  dans  son  art  toute  la  verve 
et  tout  le  mordant  de  la  satire.  Son  geste,  toujours  juste ,  mats 
parfois  un  peu  force,  tient  de  la  comedie  :  il  exprime  nette- 
uicnt  la  peosce .  et  la  met  en  saillic  de  la  far  on  la  plus  evi- 


GRANDK-BRETAGNE.  665 

dentc.  On  dirait  unc  ccrilure  \ive,  spirituelle,  apte  a  nomincr 
loute  chose,  et  dont  chaque  caractere  porte  unc  idee  a  I'es- 
prit.  C'est  tantot  le  Regnier,  tantot  le  Moliere  de  la  peinlure; 
car,  s'il  a  accentue  fortcment  certains  traits,  les  nuances  ne  iui 
echappentpas.  Sacouleurseprete  merveilleusement  aussi  aux 
impressions  qu'il  veut  donner.  Dans  certains  tableaux,  elle  a 
un  aspect  blafard  et  terne  ;  dans  d'autres,  elle  est  vigoureuse, 
sombre  et  d'un  myslere  effrayant,  en  barmonie  avec  la  scene 
qui  se  passe.  La  vie  de  Hogarth  occupe  environ  cent  pages 
tres-animees  du  premier  volume  de  M.  Cunningham,  ensuite 
vient  celle  de  sir  Josue  Reynolds,  beaucoup  moins  bien  com- 
prise, et  ecrite  avec  froideur;  puis  celles  desdeux  fondateurs 
de  l'ecole  de  paysage  anglais,  Wilson  et  Gainsborough,  ri- 
ches en  anecdotes  spirituellement  contees.  A  mesure  qu'il  se 
rapprocbe  de  notre  terns,  et  qu'il  traile  des  artistes  conteni- 
porains,  l'ouvrage  prend  plus  d'interet.  Les  details  sur  Barry, 
qui,  apres  avoir  etudie  cinq  ans  a  Rome,  s'ecriait,  a  la  veille 
de  rcpartir  pour  l'Angleterre  :  «  Oh  !  que  je  serais  heuieux  si  je 
pouvais,  en  retournant  dans  ma  palrie,  trouver  quelque  coin 
oii  je  pusse  vivre  en  paix  au  milieu  de  mes  etudes,  de  nus 
livres,  de  mes  platies,  oit  je  pusse  avoir  des  modeles  vivans, 
le  pain,  la  soupe,  et  de  quoi  me  couvrir !  Avec  quel  repos  je 
travaillerais,  sans  souci  de  ce  que  deviendrait  mon  oeuvre,  et 
pour  me  contenter  seulement !  mais,  quand  je  pense  a  ce  que 
je  suis,  et  a  ce  que  je  deviendrai  a  Londres,  oi'j  il  me  faudra 
payer  un  loyer,  chercher  de  riches  patrons,  et  des  gens  qui 
m'emploient,  je  me  sens  saisi  d'horreur!» 

Fuseli,  le  plus  ambitieux  des  peintres  anglais,  qui  n'aspi- 
rait  a  rien  moins  qu'a  devenir  le  rival  de  JMichel-Ange,  et  qui, 
dans  sa  soif  de  distinction,  prenait  chacun  de  ses  efforts  pour 
une  reussite ,  est  juge  par  M.  Cunningham  avec  une  grande 
partialite.  Cependant  ce  n'etait  pas  un  homme  de  genie;  il y  a 
dans  la  plupart  de  ses  compositions  une  extravagance,  une 
pretention  a  la  force  et  a  l'originalite,  qui  decelent  plus  de  fa- 
tigue que  d'inspiration.  II  court  sans  cesse  apres  le  grandiose 
et  le  poetique,  et  sa  confiance  en  Iui-meme  lui  donne  une 
certaine  audace  qui,  pies  du  public,  Iui  tient  lieu  de  talent.  II 
est  juste  aussi  de  reconnaitre  que  l'habitude  qu'il  avait  prise 
de  tourner  ses  figures  avec  hardiesse,  le  nombre  de  ses  pro- 
ductions ( il  a  laisse  pres  de  huit  cents  dessins) ,  enfin  la  faei- 
lite  avec  laquelle  il  retracait  les  scenes  qui  avaient  frappe  son 
imagination  dans  ses  lectures,  justifiaientsa  reputation.  Ilavait 
de  l'cspril ,  et  le  tours  qu'il  fit  a  l'Academie  fut  goute ,  bien 
qu'abondant  en  sophismes  et  en  vues  fausses  sur  l'art  :  il  n'ai- 


«>uti  LUKES   ETRANGERS. 

mait  el  ne  comprenait  la  nature  que  traduite  dans  les  lines;  el, 
au  lieu  de  tirer  ses  inspirations  de  ce  qu'il  voyait ,  c'ctait  lou- 
jours  dans  son  imagination  qu'il  cherchait  tin  ideal  introuva- 
ble  :  de  la  ses  ecarts  nionslrueux  et  sa  faussetc  presque  conti- 
nuelle,  qui,  moins  fatigante  dans  ses  dessins,  devient  iu.suppoi  - 
tabic  dans  ses  tableaux  :  aussi  ses  partisans  abandonnent-ils  ses 
peintures  a  la  critique.  Parnii  les  compositions  serieuses  que 
sir  Thomas  Lawrence  possedait  de  lui  il  y  en  a  quelques-unes 
reellemcnt  remarqnables.  Ileerivait  comme  il  peignait .  d'un 
style  elabore,  etvisant  a  reflet.  II  a  fait  tout  un  volume  d'apho- 
lisnies  sur  l'art  ,  dont  les  uns  sont  ingenieux,  les  autres  ex- 
Iravagans.  II  commenca  line  histoirc  de  lapeinture,  encore 
incdite,  quis'arrele  a  Miehel-Ange.  C'etait  un  esprit  actif,  i'e- 
cond,  mais  gate  par  l'affectation. 

De  tons  les  person nages  qui  figment  dans  la  derniere 
partie  de  la  galerie  de  M.  Cunningham  le  plus  curieux  et 
le  plus  attrayant  pour  la  gencralitc  des  lecteurs  est,  sans 
conlredit,  le  pauvre  Blake,  visionnaire,  si  jamais  il  en  fut, 
et  qui,  comme  Ilofl'mann,  s'cnloura  toute  sa  vie  des  crea- 
tions d'un  cerveau  echauffe.  II  appril  a  graver  de  bonne 
heure;  mais,  comme  pour  sc  dedommager  du  terns  qu'il  etait 
oblige  de  dormer  a  cet  art  froid  et  fatigant,  il  se  livrait  a  la 
fin  de  la  journee  a  toules  les  fantaisies  de  son  imagination. 
II  oubliait  enlicrement  1c  present  pour  ne  vivre  que  du  passe. 
Done  d'une  grande  puissance  d'abstraction ,  il  se  retirait  au 
bprd  de  la  nier  pour  y  converser  avec  Ilomere.  Moisc,  "V  irgilo, 
le  Dante",  Milton,  qu'il  croyait  fermement  avoir  connus  jadis. 
llalfiimait  queccsgeniesluiapparaissaient,  et  venaient  peupler 
sa  solitude  ;  et,  lorsqu'on  I'injrefrogeait  sur  leur  aspect,  il  re- 
pondait  : «  Ce  sont  toules  des  ombres plerheg  de  majcste,  grisa- 
tres  mais  lumineuses,  et  depassant  dc  beaucoup  la  taille  ordi- 
naire des  hommes. »  Sa  l'emme ,  qui  lui  clait  fort  devouec , 
parlagcait  son  enlhousiasme,  et  l'aceom^agna  souvent  dans 
ccs  et  ranges  enlrevues,  on  elle  avoue  qu'elle  ne  vit  et  n'en- 
1  lendit  rien  ,  bien  qu'elle  persisle  a  croirc  (jue  son  inari  voyait 
et  enlcndait.  Dans  l'espiit  revenr  de  Blake  les  moindres  ob- 
jets  prenaient  une  apparence  sumaturelle.  Une  I'ois,  ildemnnda 
a  une  dame  si  jamais  elle  avait  vu  les  funerailles  d'une  fee?Et 
il  conta  que,  la  veille,  se  promenant  dans  son  jardin,  par  un 
terns  calme  et  doux,  ct  alors  que  pas  un  souffle  d'air  n'agilait 
les  branches  et  les  fleurs,  il  avait  entendu  un  son  harmonicuxet 
bas,  sanspouvoir  definir  d'ou  il  venait.  «Enfin  ,  continua-t-il, 
jc  vis  se  mouvoir  une  large  fcuille  de  rose,  dessous  je  distin- 
guai  une  procession  de  petites  creatures  de  la  grosseur  et  de 
la  forme  de  saiiterc'lcs  vertes  el  grises  :  elles  portairnt  un  corps 


GRANDE^BRETAGM".  (i(i; 

etentlu  sur  la  feui.le,  qu'elles  enterrerent  en  ehanlanl ;  puis 
elles  disparurent  :  c'ctaient  les  obseqnes  d'unc  fee.  »  On  serait 
tente  <Je  ne  voir  dans  ce  recit  qu'une  reverie  poelique  de  Far- 
tiste,  si  Blake  n'avait  donne  Ijicn  d'aulrcs  prcuves  tic  la  tena- 
city de  ses  singulieres  preoccupations.  II  prelendait  pouvoir 
evoquer  a  son  gre  les  morts  les  plus  illustres,  et  leg  faisait 
poser  pour  faire  leur  portrait  d'apres  nature.  Le  terns  le  plus 
propice  pour  ces  visitations  etait,  tlisait-il,  depuis  neuf  lieu- 
res  du  soir  jusqu'a  cinq  heures  du  matin.  II  attendait,  les  yeux 
fixes  daus  le  vague,  et  tenant  son  crayon,  que  le  modcle  pa- 
rut;  puis  tout  a  coup  il  se  nicttait  a  dessiner  avee  ardeur. 
comme  si  reellement  il  avail  vu  quelque  chose.  Un  de  ses 
confreres  le  pria  de  lui  faire  aiusi  un  portrait  du  celebre  he- 
ros  de  FLeosse,  sir  "William  "Wallace.  Blake  y  conscntit,  et,  a 
l'heure  dite,  attendit  son  modcle,  l'ceil  elincelant  de  joie;  car 
il  admirait  parliculierement  ce  grand  homme.  «Enfin  le  voila, 
s'ecria-t-il;  je  le  vois,  la,  la  !  quel  air  noble  !  Donnez-moi  mes 
crayons.»  Au  bout  d'un  peu  de  terns,  ilinterrompit  son  travail : 
«Je  ne  puis  pas  continuer,  dit-il,  EdouardI"est  venusemettre 
entre  lui  et  moi.  »  «C'est  fort  heureux,  reprit  son  ami,  tar.  j'ai 
aussi  envie  du  portrait  du  roi »  .  Blake  prit  une  autre  feuille  de 
papier,  et  y  retraca  les  traits  du  descendant  des  Plantagenets. 
Les  oeuvres  de  Blake  se  ressentent,  comme  Ton  peut  l'ima- 
giner,  de  cette  singuliere  direction.  Ce  sont  des  compositions 
de  la  plus  etrange  bizarrerie,  souvent  inintelligibles,  et  ce- 
pendant  empreintes  de  poesie.  II  en  grava  plusieurs,  tie  petite 
dimension,  d'apres  un  procede  qu'il  avait  invente.  Nous  reu- 
voyons  a  Touvrage  memc  pour  plus  de  details  sur  ses  oeuvres 
et  sur  sa  vie.  II  mourut,  le  12  aout  1828,  sans  que  son  exal- 
tation se  fut  dementie  un  seul  instant.  L.  Sw.-Belloc. 

178. —  *  The  Library  of  inter taining  knowledge  :  TkeNew- 
Zecdanders. — Bibliotheque  des  cennaissances  agreables.  Les 
habitans  de  la  Nouvelle-Zelande.  Londres,  )8jo;  Charles 
Knight,  Pall-Mall-East.  In- 1.2  de  t\it\  p.,  avec  46  gravures  en 
bois,  et  une  petite  carle  de  la  ISouvelle-Zelande. 

Nous  avons  deja  faitconnaitre  le  but  et  le  plan  de  la  Soc'ute 
formee  a  Londres  pour  la  propagation  de  toute.s  les  connaissanrcs 
humaines  (voy.  Rev.  Etic,  t.  xxxv,  p.  488).  Le  volume  qu'clle 
vient  de  publier  sur  la  Nouvelle-Zelantle  et  sur  ses  habitans 
lient  a  la  Ibis  aux  deux  grandes  divisions  de  nos  connaissan- 
ces;  l'instruclion  qu'il  nous  ofl're  n'est  pas  moins  mile  qu'a- 
greable.  On  y  trouve  la  substance  d'un  tres-grand  n ombre  tie 
\  illumes  qui  out  ete  mis  a  contribution,  ct  qui,  remontant  jus- 
qu'au  milieu  duxvii'siecle,  nous  font  nrriverj  usque  vers  la  fin  de 


668  LIVRES  ETRANGERS. 

1827  :  on  ne  pouvait  dcmandcrde  plus  recentes  informations 
sur  une  con  tree  aussi  lointaine.  Cet  ouvrage  tient  plus  que 
son  litre  ne  proinef,  la  description  du  pays  n'est  pas  separee 
de  celle  de  ses  habitans,  et  la  curiosite  du  naturaliste  est  sa- 
tisfaite,  aussi-bien  que  celle  du  philosophe  moraliste,  obser- 
vateurdes  phenomenesque  presenters  lcst'acultesdel'homme, 
suivant  les  degres  d'instruction  et  de  civilisation  que  les  cir- 
constances  out  amenes.  Pour  ceux  qui  se  plaisent  aux  reeits 
d'aventures  singulieres  ,  ce  livre  vient  tres-a-propos;  car  il 
COO  tient  la  narration  de  John  Rutherford,  matelot  anglais,  de 
54  ans  au  plus,  et  qui  a  fait  un  long  sejour  parnii  les  Zelan- 
dais,  on  il  (tail  devenn  chef  d'une  penplade.  Revenu  en  An- 
glctcrreau  commencement  de  1828,  il  excita  doublement  l'at- 
tenlion  par  sa  personne  ctpar  son  journal.  La  singularity  du 
tatouage  qui  couvrait  son  visage  et  plusieurs  parties  de  son 
corps  n'enipeche  pas  qu'on  ne  reconnaisse  dans  son  portrait, 
qu'on  voit  dans  cet  ouvrage,  le  type  des  belles  formes  anglaises. 
Ayant  reussi  a  s'echapper,  apres  dix  annees  de  captivite,  il 
vint  a  Otai'ti,  et  devint  repoux'd'une  belle  de  ce  pays,  Tem- 
mena  jusqu'au  port  Jackson,  ou  il  prit  conge  d'elle  et  de  ses 
amis,  en  1827,  avec  promesse  de  revenir  au  bout  de  deux 
ans  :  il  voulait  revoir  sa  patrie.  Quoique  son  journal  ait  fourni 
la  niatiere  d'une  grande  partie  de  ce  livre,  les  redacteurs  ont 
fait  aussi  beaucoup  d'emprunts  au  journal  de  M.  ftlarsden, 
qui  visila  la  Nouvelle-Zelande  en  1820,  et  a  celui  ducapitaine 
Cruise,  de  la  meme  epoquc.  On  lira  aussi  avec  interet  l'his- 
toire  de  Shonghie,  Zelandais  qui  eut  la  curiosite  de  voir  la 
Grande-Brctagne,  et  surlout  celle  de  Topai-Copa  ,  dont  ce  li- 
vre conlient  aussi  le  portrait.  Un  sejour  de  deux  ans  en  An- 
gleterre  n'avait  point  adouci  le  caractere  de  Shonghie,  Tun 
des  plusferocescannibales  dont  l'histoire  des  penples  barbares 
ait  fait  mention.  En  general,  les  moeurs  des  Zelandais  sont 
atroces.  Ce  livre  est  lermine  par  des  observations  sur  la  vie 
sauvage  comparee  a  celle  de  Fhomme  civilise,  et  sur  les 
moyens  d'etablir  1'ordre  social  parmi  ces  peuplades,  les  plus 
barbares  qu'il  y  ait  sur  la  terre.  II  y  a  tout  lieu  de  croire  que 
ccs  derniers  chapitresfurent  ecrits  par  un  missionnaire anglais 
nu  americain;  en  donnant  de  justes  eloges  a  la  douce  phi- 
lanthropic, al'esprit  de  l'Evangile,  que  I'ecrivain  a  manifeste, 
on  ne  pent  s'empecherde  faire  des  vceux  pour  que  ses  conscils 
ne  prevalent  point,  que  l'Europe  fasse  la  conquete  de  la 
Nouvelle-Zelande,  et  subslitue  une  racemoins  inbumaineaux 
iiabilansacluels,  au  lieu  de  les  amener  par  degres  a  ne  plus 
^'entre-devorer.  a  ne  plus  massacrer  les  equipages  pour  s'em- 


GRANDE-B11ETAGNE.  66g 

parer  des  navires,  a  pratiquer  l'hospitalite,  non  par  caprice, 
mais  comme  un  devoir  impose  par  la  morale.  Avant  qu'on  put 
obtenir  ce  resultat,  combien  d'Europeens  et  d'indigenes  ser- 
viraient  aux  horribles  festins  de  ces  betes  feroces  ?  la  pitie 
meme  doit  ctre  dirigee  par  la  raison,  et  s'occuper  des  victi- 
mes,  avant  de  s'etendre  jusqu'nux  bourreaux.  F. 

179.  — *  Travels  hi  Kamschatka  and  Siberia.  —  Voyage  an 
Kamschatka  et  en  Siberie,  avec  la  relation  d'un  sejour  en 
Chine  ,  \>a.v  Pierre  Dobell,  conseiller  a  la  cour  de  S.  M.  l'em- 
pereur  de  Russie.  Londres,  1800;  Column.  2  vol.  in- 12. 

La  premiere  visite  de  ce  voyageuru  la  Chine  date  de  1798, 
mais  depuis  il  sejourna  sept  a  huit  ans  a  Canton  et  a  Macao, 
et  alia  meme  une  fois  jusqu'a  Pekin.  Bien  qu'il  mette  une 
grande  reserve  dans  ses  communications  sur  ce  pays,  c'estce- 
pendant  lapartie  la  plusneuveetla  plus  attrayantedeson  livre. 
II  s'enfaut,  selon  lui ,  que  les  forces  militaires  de  l'empire 
s'elevent,  comme  on  l'a  dit,  a  plus  d'un  million  d'hommes;  ou 
du  moins  jamais  armeeaussi  nombreuse  ne  fut  plus  mal  orga- 
nisee,  et  plus  ignorante  dans  l'art  de  la  guerre.  L'interventton 
des  troupes  est  nulle  lors  des  insurrections  qui  eclatent  dans 
les  provinces,  et  qui  naissent  presque  toujours  des  querelles 
de  quelques  families  puissantes.  Le  gouverneur  se  contente, 
en  pareilscas,  d'assistera  la  melee,  et,  apres  Tissue,  rachete  an 
parti  victorieux  un  certain  nombre  de  prisonniers,  qu'il  en- 
voic  a  Pekin  ,  les  qualiQant  du  noni  de  rebelles,  ou  dont  il  fait 
couper  la  tete,  comme  justice  plus  expeditive.  II  existe  en 
Chine  une  secte  tres- formidable  qui  s'intitule  fraternite  ce- 
leste, et  qui,  si  Ton  en  croit  les  bruits  publics,  exerce  une 
grande  influence,  et  compte  parmi  ses  membres  plusieurs  per- 
sonnages  puissans,  bien  qu'elle  se  recrute  en  grande  partie 
parmi  les  vagabonds,  les  joueurs,  et  tout  ce  qui  forme  la  lie 
de  la  societe.  Elle  a  pour  but  le  renversement  de  la  dynaslie 
tatare. 

On  ne  peul  nier  que  les  arts  mecaniques  ne  soient  pousses 
a  un  haut  degre  de  perfectionnement  en  Chine  ;  mais  ce  per- 
feclionnement  est  moins  le  resultat  d'un  progres  scientilique 
que  de  l'experience  lente  et  laborieuse  des  siecles  ecoules.  La 
maniere  dont  les  Chinois  fabriquent  les  soieries,  le  lustre  qu'ils 
leur  donnent,  1'eclatet  la  duree  des  couleurs,  l'emportent  sur 
les  notres,  mais  ce  n'est  point  grace  a  des  procedes  secrets  ou 
particuliers.  M.  Dobell,  qui  assista  a  la  teinture  de  diverses 
etoffes,  ne  vit  pas  employer  d'autres  mordans  que  les  plus  con- 
nus,  et  les  plus  en  usage  en  Angleterre.  Le  brillant  des  cou- 
leurs tient  a  une  pratique  exercee  de  l'application  des  mordans, 


C,:,,  LIVRES   ETRANGERS. 

••i ;,  certames  influences  du  climat :  parexemple,  on  teini,  et  on 
met  srchcrlcs  soiea  an  moment 01^  regno  le  rent  du  nord^qu'on 
nomine  pak  fung,  depuis  lo  fm  de  septembre  jusqu'au  com- 
mcncemenl  d'ostobre.  Ce  vent  a  dos  efl'ets  si  remarquables. 
et  se  fail  scnlir  si  vile,  que,  s'il  commence  a  soufllerdans  la 
unit,  lorsque  lesporteset  les  fenetres  sont  fermees,  i'extcdmc 
secheresse  de  I'air  penetre  partout;  les  meubles  et  les  plan- 
oherscraquentavecun  bruit  pared  a  1'explosion  d'un  pislolet. 
Si  les  planches  ont  ete  posees en  etc,  par  un  tems  humide, 
ellesse  lVndent,  et  s'onvrcnt  d'un  ponce  an  moins.  Le  pak  fung 
est  aussi  trcs-favorablc  a  I'emballage  des  marchandises,  et  les 
Chinois  rattendent  avec  impatience  pour  embarquer  le  the, 
les  soieries,  et  en  general  tout  ce  qu'ils  exponent  :  ils  preten- 
dent  qu'il  detruit  et  absorbe  complelement  tout  germe  d'hu- 
midite,  etque  les  soies  tcintes,  qui  ont  ete  secheesa  cevent,  se 
piquent  011  se  tachent  rarenient,  outre  qu'elles  conservent  jus- 
qu'a  la  fm  la  meme  vivaeite  de  couleur.  «  Ce  peuple  est  onrlin 
a  toute  especede  sensualites  ;  il  aime  les  images  indecentes  et 
les  ecrits  fibres,  et  no  se  fait  nul  scrupule  de  pousser  l'amour 
du  plaisir  jusqu'a  un  exees  criminel.  Les  representations  tliea- 
trales  sont  souvent  d'uue  grossierete  choquante,  quoique  les 
femmesy  assislent,  et  paraisscnt  y  prendre  un  vif  plaisir.  »En 
general,  dans  les  amuscmens  comme  dans  les  occupations  gra- 
ves, dansleur  formidaire  de  politesse,  on  la  forme  remplace  le 
fond,  ilya,chez  lesCliinois,  un  melange  de  niaiserie,  de  licence 
et  de  gravite,  qui  denote  Hne  civilisation  vieillie  et  maladive.  On 
diraitque  tout  s'est  efface  derriere  ce  terne  et  insipide  vernis, 
et  que  la  pensee  et  Tame  se  sont  enfuies  pour  faire  place  aux 
convenances  et  aux  sotles  regies  de  l'etiquette.  Void  entre 
beaucoup  d'autres  one  de  leurs  traditions  caracteristiques  sur 
1'originedes  lettres  en  Europe  :  «  Un  Chinois  qui  avait  accou- 
tumc  de  se  promener  en  lisant  s'enfonca  unc  fois  dans  un 
boisou  il  s'arreta  pour  se  reposer.  Jl  mit  son  livre  prcsde  lui, 
et  s'endormit.  Un  pen  apres  il  s'eveilla,  retourna  chez  lui,  el 
oublia  le  volume,  qui  resta  la  plusieurs  annecs,  lombant  en 
poussicre,  a  l'exception  de  vingt-quatre  caracteres,  qu'une 
pierre  recouvrait.  Un  singe  retrouva  ce  lambeau,  et,  ne  pou- 
vant  le  lire,  le  porta  aux  Europeens,  qui  en  firent  la  base  de 
leur  pauvre  et  chelif  langage.  » 

M.  Dobell  donne  aussi  de  eurieuses  parlicularites  sur  la  Si- 
bcric  et  le  Kamschatka.  Ce  dernier  pays  se  depeuple  de  jour 
en  jour,  et  pourtant  le  sol  y  est  productif,  susceptible  de  cul- 
ture; et,  <  omme  position,  il  avoisine  les  contrees  les  plus  ri- 
ches et  les  plus  populeuses  du  globe.  I  isulTii  de  dix  a  donze 


<:HANoi:-miKTA<;Ni:.  671 

jours  (le  trarersee  pour aborder  anx  ilcs  du  Japon  :  trente  ou 
qiiarault;  jours  pour  se  rendre  aux  iles  Sandwich,  a  Macao, 
aux  Philippines;  et  de  deux  mois  au  plus,  pour  atteindre  la 
cote  nord-ouest  de  l'Amerique.  L.  Sw.-B. 

■  80.  — *  On  financial  Reform,  etc.  — De  la  Reforme  des  Fi- 
nances, par  Henry  Parkell,  membre  du  parlement.  Londres, 
i85o;  Murray.  In- 12  de  5oo  pages. 

Les  connaissanccs  economiques  sont  loin  d'etre  generale- 
ment  repandues  dans  le  parlement  d'Angieterre.  La,  comine 
ailleurs,  les  anciens  prejuges  de  la  balance  du  commerce  ont 
de  protbndes  racioes  qui  ne  cederont  qu'a  Taction  du  tems.  II 
faut  que  les  generations  se  succedent,  et  que  de  jeunes  es- 
prit*, plus  diverts  aux  inspirations  de  la  raisori,  adoptent  pour 
regie  de  conduite  des  principes  fondes  sur  des  lumieres  plus 
sGres,  sur  une  etude  plus  rigoureuse  de  la  nature  des  choses. 
L'ouvrage  que  nous  annoncons  ici  est  le  fruit  des  dernier* 
progres  de  l'economie  politique.  Sonauteur  fait  partie  dc  cette 
minorite  eclairee  du  parlement  britannique  dont  l'influence 
augmente  tous  les  jours,  et  aux  efforts  de  laquelle  l'Angleterre 
doit  deja  un  assez  bon  nombre  de  bonnes  lois,  plus  de  liberie 
conmierciale  et  une  diminution  notable  dans  les  depenses  pu- 
bliques  et  le  montant  de  la  dette.  II  est  triste  que  nous  augmcn- 
tions  la  notre  a  mesnre  que  celle  de  nos  voisins  diminue  ! 

«Quand  on  considere,  dit  l'auteur  (page  74)?  a'un  co*e  'es 
avantages  (|ue  toutes  les  nalions  auraient  trouvcs  si  Ton  avait 
laisse  les  manufactures  el  le  commerce  suivre  leur  cours  na- 
ture!, c'est-a-dire  si  Ton  avait  laisse  les  nations  se  pourvoir  de 
ce  qui  leur  convenait  au  meilleur  marche ;  et  quand  on  con- 
sidere de  l'aulre  cole  les  guerres  et  les  frais  occasioned  par 
le  systeme  qui  a  pourbut  deproteger  I'industrie  par  des  droits, 
on  ne  peut  eviter  cette  conclusion  que  les  homines  d'Etat  qui 
ont  invente  ce  systeme,  et  ceux  qui  le  souliennent  encore, 
sont  les  plus  grands  ennemis  du  genre  humain  et  de  la  civi- 
lisation. » 

Comme  dans  cet  ouvrage  les  bons  principes  de  l'economie 
politique  marcbent  toujours  appuyessur  des  fails,  ils  s'y  pre- 
sentent  avec  une  force  irresistible;  et  les  nombreux  tableaux 
reunis  par  M.  Henry  Parnell  le  rendent  exlreniement  preeieux 
a  toutes  les  personnes  qui  s'occupent  de  ces  matieres.  Les 
economistes  francais  qui  veulent  se  tenir  au  courant  des  fi- 
nances, des  bonnes  mesures  prises  par  l'Angleterre  dans  ces 
qninze  dernieres  apnees,  et  aussi  des  sottises  de  quelques- 
uns  de  ses  homines  d'etat,  trouveront  ici  une  ample  matiere 
a  lent*  speculations.  J.  B.  S. 


(>;?.  LIVRES  ETRANGERS. 

181.  —  *  Memoir  of  the  Life  and  public  Services  of  sir  Thomas 
Stamford  Raffles ,  etc.  —  Memoires  sur  la  Vie  et  les  Services 
publics  de  sir  Thom.  Stamford  \\. v ffi.es  ,  cx-gouvcrncur  de 
Java  en  181 1-1816,  et  de  Bencoolen  ct  ses  dependances,  en 
1817-1824;  suivis  de  details  sur  le  commerce  et  les  ressour- 
ces  de  l'archipel  oriental.  Londrcs,  i83o;  Murray.  In-4°  de 
820  pages,  public  par  la  veuve  de  sir  Thomas  Rallies. 

182. — *T/ie  Li fe  of 'Major-general sirThomas  Munro. — Yiedu 
major-general  sir  Thomas  Munro,  Baronnet,  ex-gouverneur 
de  Madras;  avec  des  extraits  de  sa  correspondance  et  de  ses 
papiers ;  par  le  reverend  George.  Gleig.  Londres,  i85o;  Col- 
bnrn  et  Bentley.  2  vol.  in-8°. 

Ces  deux  homines,  qui  ne  durent  qu'a  leurs  talens  le  rang 
eleve  auquel  ils  parvinrent,  avaient  de  singuliers  rapports  de 
gofitset  de  caractcre.  Egalement  doues d'une  iirae  energique, 
d'une  volonle  forte  et  independante,  d'un  esprit  ohservateur, 
il  fallait  a  leurs  facultes  nn  champ  vaslc,  des  creations  a  i'aire, 
nn  pays  neuf,  et  surtout  il  leur  lallait  etre  a  uneassez  grande 
distance  de  1'autorite  superieure  pourqu'ils  pussent  se  (igurer 
parfois  agir  seuls  et  pour  leur  propre  convpte.  Places  imine- 
diatement  sous  la  main  de  la  compagnie  des  Indes,  ils  n'eussent 
etc  que  des  agens  dociles  et  secondaires ,  tandis  que,  loin 
d'elle,  ils  purent  agir  avec  liberie,  et  d'apres  leurs  propres 
observations  sur  la  contree  et  ses  habitans.  Sir  Thomas  Raffles 
alia  memc  si  loin  qu'il  inspira  de  la  jalousie,  sinon  de  la  me- 
fiance  aceuxmrmesqui  jugeaient  indispensable  de  l'employer. 
II  prit  heaucoup  sur  lui ;  a  Java,  il  vendit  les  terres  de  la  Com- 
pagnie sans  la  consnlter ;  il  introduisit  des  reformes,  et  adopta 
desmesuresquitendaient  peut-etre  plusaaflermir  la  puissance 
britanniquc  que  celle  de  la  Compagnie.  Ses  mesures  politi- 
ques  a  Sumatra  lui  attirerent  la  censure  des  directeurs,  par- 
ticulierement  l'emancipation  des  esclaves,  ainsi  que  l'etablis- 
sement  d'une  station  pour  1'abolition  del'esclavage,  actes  qu'il 
fit  sans  autorisation,  et  qui  etaient  direcleinent  contraires  anx 
interets  qu'il  etaitcharge  de  soutenir.  Mais  il  ctaittrop  enthou- 
siaste  des  theories  dubien  public,  trop  zele  pour  la  justice,  il 
avail  lecoeur  trop  chaud,  et  la  tete  trop  1'orte  pour  se  resigner 
au  role  de  suballerne,  surtout  dans  une  sphere  eloignee  de 
quinze  mille  milles  du  siege  du  pouvoir.  Puis  sa  carriere 
avait  ete  plus  administrative  que  militaire;  il  echappait  a  celle 
subordination  despotique,  sous  laquelle  Munro  s'etaitde  bonne 
heure  accoutume  a  plier.  Aprcs  avoir  aid<*  a  la  reduction  de 
Java,  en  1809,  '1  ml  charge  de  toule  l'administration  de  cette 
ilc.  dont  il  a  donne  la  meillcure  histoirc  qui  existe.  lnl'atiga- 


G  R  A  N  D  E-B  R  ET  A  GN  E.  f  >7  3 

ble  Jans  ses  recherche.-,  il  ne  faissa  euhftpper  auciuie  occasion 
d'etudier  le  pays,  ses  res'sources",  ses  productions,  et  de  ga- 
gncr  la  confiance  des  naturels.  II  fit  beaucoup  de  hien,  mais 
la  Compagnie,   qui  tient  pins  a  honneur  de  se  faire  craindre 
qu'aimer,  lni  snt  peu  de  gre  de  tant  d'innovalions  salutaires, 
et  lni  (it  quitter  Java  ponr  Bencoolen.  Sa  sante  etait  alors  si 
delabree,  qn'avant  de   se  rendre  on    ses  nouvelles  fonclions 
l'appelaient,  il  vint  faire  1111  voyage  en  Europe,  dans  Pete  de 
1  8 16.  II  avail  a  coeur  de  se  disculper  auxycux  de  la  Compa- 
gnie, et  d'exposer  an  grand  jonr  tonte   son  administration. 
Mais  il  ne  renssit  point  pies  dn  conseil.  Cependant,  on  voulut 
bien  luiaceorder  le  merite.de  ses  bonnes  intentions,  mais  sans 
approuver  aiieune  de  ses  mesures.  Malade,  el  degoute  de  ces 
injustices,  il  fit  une  tournee  sur  le  continent,  el  ne  consentit 
u  repartir  pour  les  Indesqu'au  bout  do  plusieurs  annees.  II  ar- 
riva  a  Bencoolen,  dans  Pile  de  Sumatra,  d'ou  il  ecrivait  :  «  Ce 
lieu  est,  sans  contredit,  le  plus  miserable  que  j'aie  jamais vu, 
Je  ne  puis  vous  donner  une  idee  de  la  desolation  qui  m'en- 
vironne.  Un  gonvernement  detestable,  une  foulc  d'obstacles 
qui  tiennent  aux  localites,  enfln,  des  tremblemens  de  terre 
repetes,  out  si  bien  fait,  que  nous  n'avons  pas,  a  la  Iettre,  oi'i 
reposer  nos  teles,  ni  de  quoi  satisfaire  a  la  (aim.  Les  routes 
sont  impraticables  :  les  senders  fiayes  dans  la  ville,  couverts 
de  ronces  etde  mauvaises  herbes;  la  maison  destinee  an  5011- 
Arerneur  est  un  repairc  de  chiens  affames,  de  chats-fouins,  de 
corbeaux,  etc.  »  Plus  tard,  en  penetrant  dans  I'interieur,  il  y 
trouva  la  population  tellcment  miserable,  et  le  pays  si  inculte, 
qu'il  sedecida  a  y  camper  pour  surveillerlui-meme  lestravaux 
qu'il  avait  ordonnes,  entre  autres  le  defrichement  des  parlies 
de  la  foret  qui  servaientd'asile  a  une  quantite  innombrable  de 
betes  feroces.  Un  villageois  lui  dil  que  son  pere  et  son  grand- 
pere  avaienl  ete  emportes  par  de^  tigres,  et  il  y  avait  a  peine 
une  famille  qui  n'eut  perdu  ainsi  quelques-nns  de  ses  mem- 
bres.  «  Les  habitans  semblaient  pre>quc  resignes  a  la  perspec- 
tive de  ce  genre  de  mort,  et  ne  prenaient  que  peu  on  point  de 
precautions  pour  s'en  garantir;  ils  croient  a  la  transmigration 
des  ames  ,  et  appellent  ces  animaux  leurs  drnes  ou  grands- 
peres.  Sur  les  bords  d'une  des  rivieres  de  la  cote,  plus  de  cent 
personnesavaient  ete  devorees  par  les  tigres  1'annee  d'avant  : 
quand  il  s'en  presente  un  a  l'entree  d'un  village,  on  s'em- 
j  resse  de  Iui  placer  sur  son  passage  du  riz  et  des  fruits,  dans 
1'espoir  qu'il  se  con>enlera  de  I'offrande,  et  passera  outre  sans 
faire  de  mal  aux  homines.  Dememe,pour  la  petite-verole,  des 
«[u'elle  se  manifeste  dans  une  maison  ,  on  y  porte  toute  espece 
t.  xr.vi.  ivi^  i85o.  4" 


g:,  livres  Strangers. 

do  presens,  a(in  d'apaiser  le  mauvais  esprit.  » En  general,  les 
Indiens  neluttent  pascontre  lemalhcur;  ils  l'acceplent  comme 
necessite,  et  mettent  dans  leur  resignation  buaucoup  phis  de 
Constance  el  de  force  qn'il  n'en  faudrait  pour  preveuir  ou 
repousser  le  mal.  C'est,  du  reste,  nne  race  inoffensive,  sobrc, 
passionnement  attachee  a  ses  antiques  coutumes,  et  capable 
d'energie  pour  conseryer,  mais  jamais  pourdefendre.  Bencoo- 
len,  quoique  l'nn  dcs  premiers  etablissemens  de  la  Compa- 
gnie,  etait  devenn  avec  le  terns,  le  Botany-Bay  de  l'lnde.  On  y 
deportait  chaque  annee  nn  certain  nombre  de  criminels.  Le 
principal  revenn  dn  gonvernement  consistait  en  impots  sur 
les  jeux  et  le  combat  des  coqs.  Le  pays  produisait  du  poivre 
assez  abondammenl ;  mais  le  systcme  de  tra\  aux  forces  qu'on 
avait  adopte  pour  la  culture  etait  si  radicalement  vicieux,  que 
le  produit  de  la  rccollese  maintenait  fort  au-dessous  des  frais. 
Nolle  part  sir  Thomas  Raffles  n'eut  trouve  plus  de  maux  a 
combattre,  plus  d'utiles  re  formes  a  faire.  II  se  mit  a  l'ceuvre 
de  toute  sa  puissance,  emancipa  les  esclaves,  abolit  les  cor- 
vees,  introdiiisit  un  nouveau  plan  de  gouvernement,  et  seren- 
dit  si  populaire  parmi  les  naturels,  qu'un  vieuxchef,  etantvenu 
de  fort  loin  pour  le  voir,  lui  sauta  au  cou'et  le  quittaen  pleu- 
rant  comme  un  enfant.  Cette  epoque  fut,  sans  contredit,  la 
plus  heureuse  de  sa  vie  :  il  jouissait  du  bien  qu'il  avait  fait  a 
un  peuple  reconnaissant ,  et  il  avait  pres  de  lui  sa  femme  et 
sa  famille.  Mais,  son  bonheur  dura  pen;  snr  quatre  enfans, 
il  n'en  put  sauver  qu'un  des  ravages  du  climat  :  encore  fallut- 
il  se  resoudre  a  s'en  separer,  et  a  l'envoyer  en  Angleterre.  La 
sante  de  lady  Raffles declinait  rapidement  :  en  1823,  il  obtint 
la  permission  de  partir,  et  s'embarqua  sur  le  vaisseau  La  Re- 
nommee,  qui  devait  le  ramener  dans  sa  patrie.  Ils  etaient  a  peu 
de  distance  de  la  terre  lorqu'un  violent  incendie  e data  a  bord. 
Le  gouverneur  et  sa  femme  furent  sauves,  non  sans  peine; 
mais  le  premier  y  perdit  ses  papiers,  ses  dessins,  toutes  ses 
notes,  ses  observations,  les  matcriaux  rassembles  a  grands  frais 
pour  une  bistoire  complete  et  detaillee,  non-sculement 
de  Sumatra,  mais  de  Borneo,  et  de  toutes  les  iles  remarqua- 
bles  de  ces  mers.  D'immenses  collections  d'objets  d'histoire 
naturelle,  des  cartes,  des  dictionnaires,  des  recherches  ma- 
nuscrites  sur  les  langues  d'Orieat,  furent  enleves  aux  scien- 
ces par  cette  catastrophe;  et  celui  qui  avait  passe  sa  vie  a  ac- 
querir  ces  tresors,  et  pour  qui  la  perle  etait  irreparable,  en 
parle  avec  une  resignation  extraordinaire-  dans  une  letlre  da- 
tec  de  1824,011  il  raconte  ce  desastre,  et  qui  fut  publiee  dans 
lesjournaux  anglais,  peu  de  temsapres  reveneinent.  II  remit 


GRANDE-BRET AGiNE.  6;5 

ii  la  voile,  et  arriva  en  Angleterre  an  mois  d'aout.  Quoiqu'il 
n'eQt  que  4^  ans,  le  climat  ties  Indes,  ses  rudes  travaux,  et 
son  infatigable  activite,  avaient  triomphe  d'une  constitution 
originairement  tres-robu?te.  il  n'eut  plus  que  de  courts  inter- 
venes de  bien-etre,  dont  il  profita  encore  pour  fonder  la  so- 
ciete  et  les  jardins  zoologiques,  l'undes  etablissemens  les  plus 
utiles  et  les  plus  curicux  de  Londres.  Sa  veuve  a  reuni  plu- 
sieursdes  papiersqu'il  a  laisses,  et  une  grande  partiede  sacor- 
respondance  dans  le  volume  que  nous  annoucons  :  comnie 
elle  ne  l'a  pa?  quitte,  elle  a  pu  y  joindre  des  details  interessans 
sur  le  pays  qu'ils  out  habite  ensemble,  et  snr  son  administra- 
tion. Peut-etreeut-il  ete  mieux  dedonnerii  ces  Memoires  une 
forme  plus  populaire,  et  d'en  mettre  le  prix  a  la  portee  de 
presque  toutes  les  classes  de  lecteurs. 

La  vie  de  sir  ftlunro  a  surtout  rapport  aux  guerres  soute- 
nues  par  la  Compagnie  et  aux  traites  qui  en  furent  la  suite; 
il  debuta  d'abord,  comme  enseigne,  dans  la  campagne  contre 
Hyder-Ali,  de  1780  a  1784-  Promu  au  grade  de  lieute- 
nant, en  1786,  il  se  fortifia  dans  l'etude  du  persan  et  de 
l'indou.  En  1790,  lors  de  Parmement  du  celebre  Tippoo, 
«t  de  sa  premiere  declaration  de  guerre  a  la  Compagnie, 
M.  Munro  prit  part  aux  bostilites,  et  assista  meme  a  la 
cbute  de  Bangalore.  En  1792,  il  passa  de  Parmee  a  l'admi- 
nistration,  ayantete  nomme  assistant  du  capitaine  R«ad,  an 
departement  des  revenus,  et  charge  particulierement  du  dis- 
trict de  Baramahl.  Plus  tard,  il  fut  envoye  a  Canara  pour  re- 
gularisercette  nouvelle  possession,  que  la  seconde  guerre  con- 
tre Tippoo  avait  assuree  a  la  Compagnie.  II  fut  ainsi  grand 
organisateur  de  la  plupart  des  nouveaux  territoires  conquis, 
et  il  y  deploya  une  severite  plus  militaire  que  civile.  Son  de- 
voOment  aceux  qui  l'employaient  retrecit  souvent  sa  justice; 
cependant  on  ne  peut  lui  reprocher  d'actes  de  cruaute  :  c'e- 
lait  un  administrateur  selon  le  cceur  desdirecteurs  du  conseil, 
et  un  habile  homme  de  guerre.  L'expedition  contre  les  Mah- 
rattes  lui  valut  le  rang  de  colonel ,  de  general  de  brigade,  et 
enfin,  de  major-general.  Bien  qu'il  fut  revenu  en  Angleterre, 
en  1819,  avec  la  ferme  intention  de  ne  plus  relourner  dans 
lTnde,  et  de  se  reposer  de  ses  fatigues,  sa  nomination  a  l'em- 
ploi  de  gouverneur  de  Madras  ranima  son  ambition,  et  il 
trouva  la  force  de  repartir.  La  guerre  des  Birmans  fut  pour 
lui  une  nouvelle  occasion  de  se  signaler.  On  reconnut  ses  ser- 
vices en  Ic  nommant  baronnet ;  et  Ton  assure,  que  lors  du  rap- 
pel  de  lord  Amherst,  on  le  designa  pour  succeder  au  gouver- 
neur-general.  Ce  fut  dans  Pete  de  1827,  qu'allant  visiter  ua 


ti;(>  LIVRES  gtrangers. 

lien  i  i )  l'i ■  - 1 1-  du  cholera-morbus,  il  succomba  ace  thai  terrible, 
rlont  il  ressentit  les  premiere's  attcintesaneufheuresdumatin, 
et  dont  il  mo  unit  ;'i  neuf hcurcs  du  soir  lc  metne  jour. 

"Oc  meiiie  que  sir  Thomas  Raffles,  il  avait  conserve  de  fpais 
souvenirs  d'enfance,  et  de  profondes  affections  de  famillc,  qui 
reposent  l'amc  et  repandentdu  charme  sur  unc  vie,  d'ailleurs 
si  constaniment  et  si  peniblement  oecupce. 

L.  Sw.-Belloc. 

RUSSIE. 

i85.  —  Lettrc r/cTtJTTJNDJU-oGLOu-MousTAFA-AGA ,  veritable 
philosophe  turc,  a  M.  Thadde'e  Bitlgaiupje  ,  redacteur  de  Y  A- 
beille  da  Nord ' ;  traduite  du  russe  et  publiee  avec  mi  savant 
commentaire  ,  par  Koutloik-Fouladi  (pscudonyme)  ,  ci-dc- 
vant  ambassadeur  de  la  cour  de  Boukhara  a  Khiva  (l'aucienne 
Germanie)  (1),  actuellement  marchand  d'abricots  confits  de 
Samarcande ,  et  litterateur.  Sainl-Petersbourg,  1828;  imp. 
de  N.  Gretsch.  Broch.  in-8°  de  j5  p. 

Cette  letlre,  dont  1' original,  en  langue  russe,  a  paru  vers  la 
fin  de  1827,  dans  V  Abellte  da  Nord,  journal  dirige  a  Saint-Pe- 
tersbourg  par  MM.  Gretsch  et  Boulgarine,  et  dont  une  pre- 
miere traduction,  autre  que  telle  que  nous  annoncous  ici ,  a 
etc  publiee  a  Moscou,  dans  le  Bulletin  da  Nord,  recueil  fran- 
cais ,  presque  enticrement  redige  par  M.  Lecoiute  de  Laveau 
(cah.  de  levrier  et  de  mars  1828)  ,  a  fait  beaucoup  de  bruit  en 
llussie,  et  a  ete  un  sujet  de  scandale  pour  les  orientalistes  de 
tous  les  pays.  Elle  est  de  M.  Senkovsky,  auteur  d'un  Supple- 
ment a  I' Histoire  generate  des  Huns,  des  Turcs  et  des  Mogols,  qui 
a  ete  l'objet  d'une  critique  severe  de  la  part  dc  M.  de  Ham- 
mer, dans  les  Annates  de  Lilterature,  de  Viennc  (J '  ahrb'ucher  der 
Litcratur,  xxxix  band).  L'autenr  censure  prend  a  son  tour  sa 
revanche,  en  relevant  sans  pitie  une  foule  d'eneurs  que,  se- 
lon  lui ,  M.  de  Hammer  aurait  commises,  dans  son  ouvrage 
sur  les  Originesr asses  (2).  Le  ton  de  plaisanterie,  quelquefois 

(1)  L'analogie  entre  Kliiva  et  l'ancienne  Germanic,  qui  est  donnee  ici 
cominf  unc  plaisanleiie,  parait  avoir  etc  presentee  comme  serieuse  par 
M.  de  Hammer,  qui,  dit  t'autewr  de  cette  lettre  (p.  43)  «  nesedoutant 
pas  que  Kliiva,  ou  l'aucienne  Ourgucnc/j,  s'appelle  en  arabe  Djordjanii, 
au  lieu  de  ce  mot,  a  hi  Djurmania,  el  a  proclame  solenneileincnt  la  de- 
couverte  de  la  pa  trie  primitive  des  Alleniands.  » 

(2)  Sir  les  Uridines  ritsscs,  Extraits  de  manuseiits  orientaux,  adresses 
a  M.  le  comte  A.  de  Itointmzo/f,  chancelier  de  I'empire  de  Russie,  dans 
une  suite  de  lettres,  depute  1'an  1816  jusqu'a  l'an  1S25,  par  M.  J.  df 
Hammer.  1  vol.  in-4°.  Saint-Petershourg,  1827.  Se  trouvc  a  Paris,  chex 
Dondey-Dupi  e  ;  prix,  9  fr. 


RUSSIE.  r,;; 

assez  heureuse,  qui  regne  d'un  bout  a  ['autre  dans  coitc  let  - 
tre,  ne  doit  pas  etre  une  raison  pour  nous  dc  la  passer  sous 
silence,  ou  de  la  Iraiter  legcrement.  II  y  a  un  cote  serieux, 
tres-serieux  dans  cette  polemique  ;  elle  prouvcrait,  si  M,  Seu- 
kovsky  a  raison,  et  si  toutes  ses  critiques  sont  bien  fondees  , 
qu'avec  un  nom  celebre  on  peut  abuser  de  la  confiance  des 
lecteurs,  et  leur  donner  pour  dc  la  science  les  resultats  d'une 
etude  fort  peu  consciencieuse,  ou  du  moins  fort  peu  echirec  ; 
ou ,  si  les  critiques  de  31.  Senkovsky  sont  injustes,  que  les 
petites  jalousies  et  les  petites  rivalites  etouflfent  trop  souvent 
tout  sentiment  de  justice  et  de  veritechez  eetix  qui  cultivent 
les  sciences,  dont  le  but  general  devrait  etre  avant  tout  la  re- 
chercbe  de  la  verite. 

Nous  passerons  rapidemenl  sur  les^vingt  premieres  pages 
de  la  lettre  de  31.  Senkovsky,  consacrees  a  etablir  1'origine  et 
l'liistoire  du  philosop/ie  lure  dont  il  a  pris  le  nom,  et  a  racon- 
ter  comment,  de  marchand  de  (abac  a  Jaffa,  il  est  devenu 
marchand  de  savon  a  Saint-Petersbourg.  L'an  1206  de  la  fuite 
du  prophete,  dit-il,  le  pacha,  ayant  besoin  d"argent,  lit  ramas- 
ser,  dans  le  desert,  une  provision  d'alcali,  par  les  Bedouins, 
avec  lequel  il  fit  fabriquer  une  enorme  quanlile  de  savon, 
qu'il  distribua  ensuite  aux  plus  riches  habitans  de  ia  province, 
avec  Tordre  d'en  verser  le  montant,  sans  dclai,  dans  sa  caisse. 
«  Du  nombre  de  ces  derniers,  ajoule-t-il.  fut  aussi  mon  pere, 
a  qui  Ton  envoya  i4>ooo  rattles  (livres)  de  cette  utile  sub- 
stance, pour  laquelie  il  dut  payer  sur-le-ehamp  10,000  abod- 
mcdfda  (piastres  fortes  d'Espagne).  »CeIui-ci  ayant  voulit  faire 
de  tres-humbles  remontranccs  an  pacha,  son  I'lquile  donna 
aussitol  l'ordre  de  1'etrangler.  Le  tils,  auquel  on  ue  laissa  dc 
toute  la  succession  de  son  pere,  que  les  i/|?ooo  rattles  de  sa- 
von, prit  le  parti  de  venir  les  vendre  en  Russie.  Nous  n'avons 
cite  ce  passage,  que  pour  avoir  occasion  de  signaler  tin  nou- 
vel  exemple  de  la  tolerance  de  la  censure  russe,  qui  a  permis 
a  l'auteur  d'imprinier  la  remarque  suivante  (p.  8)  :«Plusieurs 
de  nos  pachas  font  un  commerce  a  peu  pres  semblable,  et  Ton 
m'a  dit  qu'il  y  a  quelque  part  une  contree  ,  oil  ies  seigneurs 
partagent  absolument,  de  la  meme  nianiere  ,  Teau-de-vie  a 
leurs  serfs.  »  Or,  cette  remarque  s'appli(|tie  bien  directement 
a  la  Russie  ,  ou  le  gouvernement  s'est  reserve  le  monopole  de 
l'eau-de-vie  de  grains,  Jontie  peuple  fait  un  usage  si  frequent 
et  si  funcste,  et  dont  la  vente  est  afferinee  tous  les  an?  par  !a 
couronuc,  dans  chaque  province,  au  plus  offrant  et  dernier 
encherisseiir. 

Veiiant  a  l'objet  dc  sa  critique  .  31.  Senkovsky  dit  posiljvc- 


«;8  LIVRES  ETRA1NGERS. 

mcnt,  (p.  21),  que  :«  Prcsque  chaque  ligne  des  traductions 
de  M.  dc  Hammer  (de  l'arabe,  du  persun  et  du  turc)  est 
remplie  d'erreurs,  d'inexactitudes  etde  meprises  si  graves  et 
souvent  si  risibles,  qu'elles  sortent  de  la  categorie  des  incor- 
rcclions  pour  lesquelles  un  auteur  peut  reclamcr  et  obtenir 
l'indulgence  de  ses  lecteurs  benevoles.  »  Entre  autres  erreurs 
qu'il  releve ,  nous  eitcrons  le  mot  arabe  ikhtiar,  qui  signifie, 
selon  M.  Senkovsky,  libre  arbitre,  volonte ,  opinion,  et  dont 
M.  de  Hammer  (p.  i3,  des  Origines  russes  ,)  a  fait  un  nom 
propre  d'homme;  lc  mot  mounfeshian  (qui  va  en  s'elargis- 
sant) ,  dont  il  a  fait  un  peuple,  les  Mounfcslias.  C'est  ainsi  , 
ajoute  le  critique,  qu'on  voit  figurer  dans  l'ouvrage  de  M.  de 
Hammer,  les  Tamlessans,  les  Andjars,  les  Schefnans ,  les 
Bourghaz ,  les  Esroussiyds ,  les  Ssafers ,  les  Ssakars ,  les 
Aslians,  les  Gharans,  les  Kholeks ,  les  Mouharikas ,  les  Bir- 
kcts,  etc.  ,  tons  peuples  d'origine  grammatical,  et  nes  sous  la 
plume  de  M.  de  Hammer.  »  Plus  loin  (p.  3o) ,  nous  trouvons 
quele  celebre  orientaliste  de  Vienne  a  ecrit  (p.  44)  ?  que«  lej 
Turcs  sont  un  peuple  nombreux ,  et  que  leurs  especes  sont 
sans  nombre ;  que  les  uns  demeurent  dans  les  deserts  et  dans 
les  plaines,  et  les  autres  monlent  sar  des  cbam'enux.  n  «  On  lit 
dans  le  lexte  persan,  dit  M.  Senkovsky  :  Der  djebtd  niscliinind, 
c'est-a-dire  lis  siegent  (ou  ils  demeurent)  dans  les  montagnes; 
mais  le  savant  orientaliste  a  mal  demele  le  mot  djcbal,  monta- 
gnes, et  il  y  a  substitue  djimdl,  cbameaux,  et,  par  ce  cbange- 
nient  d'une  seule  lettre,  cela  signifie  en  effet  que  les  uns  liabi- 
tent  Us  plaines,  et  les  autres  siegent  (ou  demeurent)  dans  les 
ehaineaux.nPlus  loin,  enfin  (p.  54),  le  critique  rapporte  ce 
passage,  traduit  par  M.  de  Hammer  (p.  38,  art.  des  Russes)  : 
«  Leurs  maisons  sont  de  bois ;  on  y  porte  du  lin  et  du  Kundus 
(nom  d'une  berbe).  Ils  out  de  grandesvilles,  ou  ilyadeflierbey 
du  Hadnik,  des  cours.  »  Et,  au  lieu,  de  cela,  il  y  a  dans  l'origi- 
nal,  dit  M.  Senkovsky  :«  Leurs  maisons  sont  en  bois.  C'est 
de  tear  pays  qu'on  nous  app^rte  du  lin  et  des  peaux  de  castor. 
Leurs  grandes  villes  sont  Kidw  (  Kiovie,  011  Kief) ,  Tchernig 
(Tchernigof),  Kharka  (Kbarkof) ,  etc.  Ainsi,  nous  avons  vu 
tout  a  l'heure  que  M.  de  Hammer  avait  piis  des  noms  com- 
muns  pour  des  noms propresde  peuples;  maintenant,il  prend 
des  noms  de  villes  pour  des  noms  communs.  »  «  Le  livre, 
ajoute  le  critique,  est  traduit  presque  en  entier  de  la  meme 
maniere ,  et  il  serait  impossible  d'y  trouvcr  trois  Iignes  de 
suite  qui  puissent  soutenir  un  examen.  »Aprescela,  fiez-vou» 
aux  tresors  d'une  erudition  dont  les  possesseurs  seraient  en- 
coi«  pbif  rare.«  et  pbu  dis<emine5  que  ne  le  sont  le?  orienta- 


RUSSIE  679 

listes  de  l'Europe  (1).  Tant  qu'ils  s'entendront  pour  exploiter 
notre  credulite,  nous  pourrons  estimer  leurs  enseignemens  a 
Pegal  de  Tor  le  plus  pur;  qu'un  motif  de  haine  ou  de  jalousie 
les  divise,  nous  n'aurons  plus  que  de  la  fausse  monnaie. 

Mais  le  point  le  plus  important  de  Pouvragede  M.  de  Ham- 
mer, c'est  celui  ou  il  cherche  a  prouver  Porigine  asiatique  et 
turque  des  Russes  et  des  Slaves,  puisque  c'est  la  l'ohjet  avoue 
de  son  travail.  Que  devient  ce  travail,  s'il  est  prouve  qu'il 
s'est  trompe  a  cet  egard,  comuie  nous  venons  de  voir  qu'il  Pa 
fait  dans  les  exemples  que  nous  avons  deja  cites  d'apres  son 
critique?  Or,  selon  M.  Senkovsky  (p.  12),  la  plus  grande 
preuve  sur  laquelle  M.  de  Hammer  fonde  son  opinion  a  cet 
egard  serait  un  verset  du  Goran, «  dans  lequel  il  est  parle,  dit-il, 
deje  ne  sais  quels  Asshab-ar-Ras,  expression  qui  signifie  litte- 
ralement  les  gens  de  Ras.  Les  uns,  poursuit-il,  ont  assure 
que  ar-Rass  etait  jadis  le  nom  d'un  lieu  en  Arable;  d'autres, 
plus  savans,  ou  peut-etre  plus  ignorans,  ont  cru  y  voir  Pap- 
pellation  du  fleuve  Arras  ou  Araxe  ;  mais  personne  n'avait  en- 
core imagine  qu' A sshab-ar-Ras  put  designer  les  Russes.  » — 
«  Pour  etablir  l'extraction  asiatique  et  turque  des  Russes  et  des 
Slaves,  dit  plus  loin  M.  Senkovsky  (p.  ^5),  M.  de  Hammer 
fait  des  rapprochemens  tout-a-fait  ingenieux.  II  ne  doute  pas 
que  les  Sacae,  dont  parle  Herodote  ne  soient  les  memes  que  les 
Slaves,  nommes  en  arabe  Sakaiib.  Or,  vous  savez,  ajoute-t-il, 
que  Sakaiib  est  un  plurielarabedu  mot  Saklab,  forme  par  cor- 
ruption d'un  terme  grec  Sklab,  Sklar,  ou  St/ilav,  pour  Slav. 
II  faut  avouer  que  la  ressemblance  des  mots  Sac  et  Slav  est 
parfaite.  »  Passant  aux  Russes  (p.  49)?  le  critique  rapporte  le 
passage  de  Pecrivain  arabe  JMessoudi,  sur  lequel  M.  de  Ham- 
mer, dit-il,  «  fonde  tout  son  systeme  de  Porigine  asiatique  de 
cette  nation  scandinave.  »I1  met  en  regard  la  traduction  de 
Porientaliste  de  Vienne,  et  la  sienne,  entre  lesquelles  on  re- 
marque  les  plus  grandes  differences.  Arrive  (p.  5/j),  a  Pen- 
droit  oil  Pauteur  arabe  montre«  la  posterite  d'Aabour  (fds  de 
Souveid,  fds  de  Japhet,  fils  de  Noe) ,  apres  avoir  passe  le 
fleuve  de  Balkh  (ou  POxus),  se  dirigeant,  pour  la  plus  grande 
partie,  vers  la  Chine,  et  s'y  dispersant  dans  les  differentes 


(1)  On  peut  consulter  a  ce  sujet  dans  le  Bulletin  des  Sciences  hisloriques 
et  de  Pliilologic  (cahier  d'aviil  i83o.  p.  ^0.5)  nn  article  curieux,  ou  l'auteur 
met  en  regard  plusieurs  motsfranraisavec  la  traduction  wolofe,  ouolofe, 
ghiolofe,  ou  yolofe,  de  deux  auleurs  qui  ont  ecrit  sur  colte  langue, 
MM.  Dard  et  Roger,  sans  qu'il  y  ait  la  moindre  analogie  entre  eux,  du 
moins  dans  cetle  partie  de  leur  vocabulaire. 


68o  I.I  MILS  STRANGERS. 

contrees  qu'elle  Bnil  par  peuplcrj  »M.  Senkovsky  ajoulc  : 
ii  C'esl  de  cetle  branche  que  descendentlesKhouttels,  indige- 
nes (In  Rhouttclan,  les  Ourmitans,  les  habitans  de  la  ville 
d'Ousrouschnd,  et  les  Sogdiens,  etablis  cntre  Samarcande  el 
Boukbara;  o  Phrase  quo  M.  do  Hammer  traduit  ainsi ,  de  son 
c6te  :  «  De  leur  nombre  sonl  ccux  qui  habitent  le  Khatlan,  les 
Romessan,  les  Esroussiyes  (Russes)  et  les  Ssafcr  (Ssakar?) 
qui  demeurent  entre  Samarcande  et  Boukbara.  » 

«  Voifd  vos  Russes  d'Asie  !  s'ecrie  le  critique.  C'est  le  nom 
de  la  fameuse  ville  d'Ourqusckne,  si  celebre  par  sa  oavcrne  de 
selammoniaque,  etappelee  plus  tafd  Ouratepe^qaeM.  de  Ham- 
mer lit  Esroussiye ;  et,  prcnant  ensuite cetle  Esroussyejtour  la 
Russie,  il  vous  fait  voir  elairement,  que  les  Russes  jouaient 
mi  rule  important  en  Asie,  aux  bords  du  Sir-Deria,  bien 
avant  les  terns  historiques.  »  —  «  Allons,  ajoute  31.  Senkovsky, 
hosch  gueldiniz!  sefa  gueldiniz!  Embrassez-vous,  bons  vieux 
voisins,  les  Russes  de  la  Grande-Bukbai  ie  avec  les  braves  AI- 
lemands  de  Khiva  (voy.  la  note  premiere  ti-dessus) !  Vqus 
devez  cultiver  votre  anciennc  ami  tie,  foridee  si  solidement 
sur  deux  fautes  d'orthographe  !  » 

Nous  avions  pense,  jusqu'a  ce  jour,  avec  M.  Senkovsky 
(p.  5g),  et  d'apres  tous  les  bons  autcurs, «  que  les  Slaves  ap- 
partiennent  essentiellement  a  la  race  europeenne,  qu'ils  ne 
figment  qu'une  des  quatre  brandies  de  la  grande  famille  oc- 
cidental, dont  les  trois  aulres  sont  les  Germains,  les  Greco- 
latins  et  les  Gaulois  ;  que  toutcs  ces  branches  parlent  aussi  des 
langucs  qui  viennent  d'une  source  commune,  mais  qui  fer- 
ment en  meme  terns  un  contraste  parfait  et  presque  systema- 
tique  avec  les  idiomes  d'Asie,  non-seulement  par  rapport  a  la 
structure  des  mots  et  des  syllabes,  mais  encore  quant  a  la 
maniere d'artieuler  lessons,  al'emploi  des  organes,  au  genie 
particulier  de  ces  idiomes,  et  jusqu'a  I'ordredans  lequel  ilsre- 
produisent  les  idees;  que  cette  famille  occidcptale  se  distin- 
gue de  plus  detoutes  les  autres  races  humaines  par  des  signes 
caracteristiques,  naturelset  ineffaoables,descheveux  blonds  et 
des  yeux  bleus.  »Nous  ajouterons,  avec  le  critique  de  M.  de 
Hammer, «  qu'elle  a  fort  bien  pu  venir  de  l'Asie,  avant  011  aprcs 
la  formation  des  nations  asialiques  que  nous  connaissons  au- 
jourd'hui;  »mais,  «  comme  on  ne  sail  ni  quand  ni  comment 
elle  est  arrivee  en  Occident,  »nous  pensons  aussi  que,«  il  est 
plus  raisonnable  de  ne  pas  en  parler,  »que  «  Ton  ne  lei  a  jamais 
de  l'histoire  avec  de  l'etymologic  et  des  hypotheses,  »et  nous 
croyons,  enfin,  que  M.  Senkovsky  a  demontre  jusqu'a  Fevi- 
dence,quecellesde  M.  de  Hammer  sont,  sinon  deuueesdetoute 


RUSSIE.  —  ALLEMAGNE.  681 

espece  tie  fondemenl  raisonnable,  au  moins  exlrememcnt  ha- 
sardees. 

IN ous  e'en  eonelurons  pas,  avec  M.  Senkovsky,  que  tons 
lesouvages  du  celebre  et  fecond  orientaliste  de  Yienne  ne  me- 
ritent  pas  plus  do  rreance  que  celui-ci;  mais  nous  en  tirerons 
cette  nouvelle  preuve,  qu'il  ne  faut  pas  prendre  a  la  letire 
toutes  les  opinions  et  toutes  les  assertions  de  nos  philologues 
et  de  nos  etymologistes,  et  que  ees  deux  sciences,  la  derniere 
surtout,  sont  au  moins  aussi  conjecturales  que  Test  encore 
malheureusement  celle  de  la  medecine,  malgre  toutes  les  de- 
couvertes  et  toutes  les  nouvelles  doctrines  de  nos  modernes 
Halle  (1).  E.  H. 

ALLEMAGNE. 

184.  ■ — *  Phi tipp  Melancht/ion's  JFerke,  etc.  — Choix  dea 
oeqvres  de  Philippe  Melanchthon,  publie  par  le  Dr  F.  A. 
Koethe.  irc  et  2e  parties.  Leipzig,  1829$  Brockhaus.  In-8°. 

K  L'un  d'eux,  assis  a  la  droite  du  president,  etait  d'une  sta- 
ture peu  apparente  :  son  oeil  etait  habituellement  baisse  avec 
l'expression  de  la  modeslie,  presque  de  la  timidite ;  mais, 
Iorsqu'il  1'elevail,  on  y  voyait  briller  un  feu  qui  decelait  a  la 
fois  la  penetration  et  l'imagination.  Son  spurire  avail  quel- 
quefois  une  nuance  d'ironie,  mais  sans  mechancete  aucune : 
tout  chez  lui  annoncait  la  bienveillance  :  ses  maniercs  di- 
saient  qu'il  etait  toujours  pret  a  apprendre  des  autres,  mais 
son  Ian  gage  prouvait  qu'il  etait  ne  pour  enscigner.  C'elail. 
sans  contredit,  l'esprit  le  plus  cultive  de  l'assemblec,  et  il 
occupait  un  des  premiers  rangs  comme  savant  ainsi  que 
comme  reformatcur.  Aimant  a  parler  sans  elre  indiscret,  in- 
dulgent sans  faiblesse,  plein  de  sagacite  sans  siibtilite,  enjoue 
sans  etourderie,  erudit  sans  orgueil;  grand  par  son  intelli- 
gence, plus  encore  par  son  activite,  grand  surtout  par  la 
crainte  de  Dieu  :  ce  ne  pouvait  etre  que  Philippe  Meknch- 
thon.  » 

Ce  portrait  (2) ,  qui  fait  faire  si  bien  connaissance  avec 
l'homme,  fait  aussi  connaitre  parfaitement  le  caractere  de  ses 
ouvrages.  Une  moderation  qui  n'exclut  pas  la  fermete,  une 
erudition  qui  n'exclut  pas  la  finesse  d'esprit  et  les  ornemens 
du  style,  voila  ce  qu'on  j  rencontre  toujours  :  ils  sont,  d'ail- 

(1)  Nous  pailerons  dc  la  reponso  de  M.  de  Hammer  dans  nctie  pio- 
chaio  cahier. 

(2)  Ilestextrail  d'un  morceau  du  docteurCox,  in  sere  dans  uu  lecucil 
anglais  :  The  Iris,  a  literary  and  religious  offering. 


68a  LIVRES  STRANGERS, 

leurs,  un  monument  historique  duns  lequel  on  peut  etudier 
micnx  que  partout,  peut-etre,  les  debuts  religieux  de  son 
epoquc.  La  plus  ancienne  edition  de  Melanchthon  est  celle  de 
1 56 1 ;  la  plus  complete,  dit-on,  eelle  de  1601,  publiee  a  Wir- 
temberg  par  son  gendre,  Gaspard  Peuccr ,  en  4  vol.  in-folio. 
Les  collections  de  ses  ceuvres  latines  sont  encore  assez  nom- 
breases  ,  mais  il  n'y  en  a  aucune  de  ses  divers  eci  its  en  langue 
allemande.  —  L'edition  que  fait  paraitre  en  ce  moment  le 
libraire  Brockhaus  ne  sera  point  complete,  mais  composee 
d'un  choix  destine  a  1' usage  general  des  protcstans;  elle  aura 
six  parties  (cent  feuillcsd'impression),  necodtera  que  athalers 
8  gros  (  environ  8  fr.  5o  c.  ) ,  et  se  joindra  naturellcment  au 
Choix  des  ceuvres  de  Luther,  public  a  Gotha  par  le  libraire 
Perthes.  —  Cette  publication  acquiert.  en  ce  moment  un  nou- 
veau  degre  d'interet  par  la  solennite  du  Jubije  evangclique 
qui  a  dO  etre  celebree  le  25  juin  dernier ,  anniversaire  de  la 
presentation  a  l'empereur  Charles -Quint  de  la  Confession 
d' '  Augsbourg.  H.  C. 

i85.  — *  Grundsatze  der  Civil- und  Criminal -Gesetzge- 
bung,  etc. — Traite  de  Legislation  civile  et  penale,  par  Jeremin 
Bentham,  traduit  en  allemand  sur  la  seconde  edition,  et  aug- 
ments d'une  introduction  et  de  notes,  par  Frederic-Edouard 
Benecke.  Berlin,  i83o;  Amelang.  a  forts  vol.  in-8°. 

II  nous  a  toujours  paru  fort  singulier  que  les  ouvrages  de 
Bentham,  jouissant  depuis  trente  ans  environ  d'une  si  grarxle 
popularite  en  Angleterre,  en  France,  et  surtout  dans  le  Nou- 
veau- Monde ,  soient  restes  jusqu'ici  presque  entierement 
inconnus  des  Allemands,  qui,  d'ordinaire,  s'emparent  si  promp- 
tement  des  publications  remarquables  des  autres  pays.  Ben- 
tham, il  est  vrai,  est  cite  quelquefois  dans  les  ouvrages  alle- 
mands; mais,  en  general,  ces  empunts  sont  meles  a  une  foule 
d'autres  citations,  tirees  d'ouvrages  bien  inferieurs  a  ceux  de 
Bentham,  et  paraissent  n'avoir  pas  ete  puises  a  la  source 
meme.  Sans  doute  cette  espece  d'oubli,  ourAllemagnealaisse 
l'illustre  auteur  du  Traite  de  Legislation,  provient  principale- 
ment  de  la  faveur  accordec  a  certaines  doctrines  fantastiques 
qui  ont  usurpc,  dans  ce  pays,  la  place  de  la  saine  philosophic, 
et  qui  ont  fait  tant  de  bruit  en  France,  depuis  quelques  an- 
nees,  quoiqu'en  effet  elles  n'y  soient  connues  que  de  bien  peu 
de  personncs  :  car  ces  doctrines  ne  s'accordent  guere  avec  les 
recherches  positives  et  fondees  sur  l'experience  du  publiciste 
anglais.  Mais  on  peut  aussi  signaler  en  Allemagne  d'autres 
directions  philosophiques  que  celle  de  cette  ecole  mystique 
aujourd'hui  a  la  mode;  et,  comme  l'a  fort  bien  rcmarqtie  la 


ALLEMAGNE.  683 

Revue  germanique  (i) ,  «  on  disait  naguere  la  philosophic  fran- 
paise,  on  dit  encore  la  philosophic  ccossaise,  mais  il  n'y  a  pas 
de  philosophic  allemande  ;  rAllemagne  est  maintenant  l'asile 
et  la  patrie  de  tous  les  systemes  passes  et  presens.»On  devait 
done  s'attendre  a  rintroduction,  en  Allemagne  ,  des  idees  de 
Bentham,  par  un  des  savans  qui  suivent  une  direction  ana- 
logue a  la  sienne.  M.  Benecke  s'est  charge  de  cette  tache,  et 
a,  le  premier,  entrepris  une  traduction  du  Traite  de  Legisla- 
tion civile  et  penale.  M.  Benecke  est  connu  par  la  maniere 
originale  dont  il  base  la  philosophic  sur  l'analyse  des  faits  de 
la  conscience.  II  a  expose  son  systeme  dans  un  assez  grand 
nombre  d'eerits  philosophiques,  et  principalenient  dans  ses 
Esquisses  psycliciogiques.  II  etait  nature!  qu'un  ccrivain  aussi 
independant  ne  se  bornat  pas  a  donner  une  simple  traduction 
de  l'ouvrage  dc  Bentham ;  et,  en  effet,  il  y  a  ajoute  deux  cents 
pages  environ  d'introduction  et  de  notes,  dans  lesquelles  il 
s'occupe,  d'un  cote,  d'eclaircir  la  doctrine  de  Bentham  et  de 
l'elever  a  la  hauteur  d'une  veritable  theorie,  et,  del'autre,  a 
exposer  ses  propres  principes  philosophiques,  en  taut  qu'ils 
peuvent  servir  a  approfondir  les  grandes  questions  traitees 
par  Bentham  ,  principes  qu'il  s'est  formes  independamment 
de  ce  dernier,  et  qui  s'accordent  pourtant  sans  conlrainte  avec 
les  idees  principales  de  1'ecrivain  anglais.  —  On  trouve,  dans 
le  second  volume,  des  notices  biographiques  sur  Bentham  et 
Dumont,  dont  Benecke  a  puise  les  imteriaux  dans  les  articles 
que  plusieurs  journaux  anglais  et  francais  out  publics  sur  ces 
deux  hommes  celebres.  —  Quant  au  style  de  cette  traduc- 
tion, il  est  clair,  facile  et  adapte  au  genie  et  aux  formes  de  la 
langue  allemande ;  et  Ton  y  retrouve  partout  cette  netlete  et 
cette  precision  qui  distinguent  tousles  ecrits  philosophiques 
de  M.  Benecke.  Z. 

1 86.  — Zur  Gcfckichtc  Friedrick  JVilhclm'sI  undFricdrichs  II , 
Kccnige  von  Preussen.  —  Pieces  pour  servir  a  l'histoire  de 
Frederic  Guillaume  I"  et  Frederic  II,  rois  de  Prusse;  publiees 
par  le  D' Cramer.  Hambourg,  1829;  Hoffmann  et  Campe. 
In-8°  de  i83  pages. 

Les  Memoires  de  la  princesse  de  Baireuth,  sceur  de  Frede- 
ric II,  nous  avaient  deja  inities  dans  les  secrets  de  menage  du 
plus  bizarre  des  rois,  de  ce  Frederic  Guillaume  I",  qui  ne  con- 
naissait  rien  de  plus  satisfaisant  pour  le  cceur  d'un  roi ,  que 
l'aspect  d'un  regiment  d'hommes  de  six  pieds,  bien  exerce,  et 
qui  poussait  dans  son  palais  l'esprit  d'economie  ou  d'avarice, 

(ij  Janvier  1820- 


<i84  LIVIUSS  STRANGERS, 

jusqu'a  refuser  le  necessaire  a  sa  famille,  souveot  reduitc  u 
tinier  le  sort  du  moindre  menage  bourgeois.  Les  pieces  ii- 
rees  de  I'obscurite  par  le  Dr  Cramer,  et  provenant,  dit-ou,  de 
la  succession  d'uu  des  precepteurs  de  Frederic  II,  s'accor- 
dent  parfaitement  avec  les  Mcmoires  de  la  princesse de  Prusse, 
et  motlent  la  bizarrerie  du  pere  du  grand  Frederic  dans  mi 
plus  grand  jour  :  c'est-la ,  a  pen  pres ,  lout  leur  merite.  La 
deuxieme  piece  est  intitulce  :«  Comment  nion  (ils  aine,  Fre- 
deric, fera  ses  etudes  a  Wusterbausen.  »  C'est  une  instruction 
eerite  par  le  roi.  On  y  lit  : «  Le  dimanclie,  il  (le  prince  royal) 
se  levera  a  7  hemes;  des  qu'il  aura  mis  ses  pantouiles,  il  s'a- 
genouillera  devant  le  lit,  pour  adresser  une  courte  priere  a 
Dieu,  mais  assez  haut,  pour  que  ceux  qui  sont  dans  la  cham- 
l)io  pnissent  l'entendre.  Des  que  cela  sera  fait,  il  s'habillcra 
vite,  se  lavera  proprement,  fera  sa  queue,  et  se  poudrera ; 
l'habillement  et  la  priere  n'occupcront  pas  plus  d'un  quarl- 
d'heure;  il  sera  alors  7  beures  el  1111  quart.  II  dejetinera  en- 
suite  en  7  minutes.  Apres  cela  ses  domestiques  et  Duhan  (le 
gouverneur)  entreront,  pour  reciter  tous  a  genoux  la  grande 
priere,  etc.  »  A  l'cgard  de  l'enseignement ,  le  roi  avail  mis  en 
marge  du  plan  d'etudes  qui  lui  avait  ete  propose  : .« L'histoire 
des  Grecs  et  des  Romains  doit  etre  supprimce,  elle  n'est 
bonne  a  rien.  »Le  pauvre  prince  royal  eut  bien  de  la  peine  a 
salisl'aire  aux  exigences  de  son  auguste  pere.  II  lui  adressa , 
en  i7'.'.8,  une  humble  lettre,,  afin  de  savoir  pourquoi  il  reua- 
sissait  si  peu  a  contentcr  le  roi.  Celui-ci  lui  repondit  :«  C'est 
parce  que  vous  etes  entete,  parce  que  vous  n'aimez  pas  voire 
pere;  en  second  lieu,  vous  savez  bien  que  je  n'aime  pas  uu 
drole  (kerl)  effemine,  qui  n'a  pas  d'inclinalions  humaines, 
qui  montre  de  l'embarras,  qui  ne  se  distingue  ni  a  {'equitation 
ni  au  tir,  qui  est  malpropre ,  qui  frise  ses  cheveux  comme  uu 
fat,  et  qui,  millc  fois  rcprimandc,  ne  se  corngc  point;  qui,  de 
plus,  a  une  fierte  ridicule,  ne  parle  a  personne,  n'est  ni  po- 
pulate ni  affable,  fait  des  grimaces  et  n'obeit  jamais  a  ma 
volonle,  que  lorsqu'on  le  force.  Voila  ma  rcponse.  Signe  , 
Frederic  Guillaume.  »Ce  nieme  roi  disait,  dans  ('instruction 
donnoe  aux  gouverneurs  de  son  fils  :«  Le  principal  soin  des 
deux  instituleurs  devra  etre  d'inculquer  a  mon  fils  I 'am  our  de 
1'ctat  militaire,  et  de  lui  (aire  sentir  que,  puisque  rien  au 
monde  ne  saurait  faire  a  un  prince  autant  d'honiicur  que  Te- 
pee, il  serait  meprise  dans  le  monde,  s'il  ne  Taimail  pas  avanl 
tout,  et  n'y  cherchait  sa  seule  gloire.  »  II  parait  que  cette  in- 
struction flit  suivie  a  la  lettre,  et  que  les  instituleurs  reussi- 
rent  assez  bien  ;i  ijjspircr  a  Frederic  II  I'amour  de  fepie.  I  ne 


ALLEMAGNE  tfg; 

autre  piece  de  ce  rccucil  mel  en  tumiere  Ic  despolisme  de 
Frederic  Guillaume  I",  relativement  au  cultc.  En  lutherien 

zele,  ce  roi  avait  fort  a  cceur  debannir  du  culte  tout  ce  qui 
pouvait  rappe'ler  les  rites  de  l'Eglise  catliolique.  En  conse- 
quence, il  proscrivil  avec  line  rigueur  presque  fanatique,  ou 
plutot  avec  son  despotisnie  militaire  de  coutume,  les  surplis, 
les  cierges,  les  psaumes  latins,  etc.  ,  a  la  grande  desolation 
des  pasteurs  et  des  paroissiens,  habitues,  depuis  Ieur  enfance, 
a  ces  coutumes.  Heureusement  son  fils  rendit,  dans  la  suite, 
la  liberte  au  culte,  sans  toulel'ois  abolir  entierement  les  ordres 
arbitrages  de  son  pere.  La  piece  la  plus  curieuse  du  rccucil 
est,  ace  qu'il  nous  parait,  l'ordonnance  par  laquelle  Frederic 
Guillaiiiiie  appela  le  comte  de  Stein  a  la  vice-presidence  de 
l'Academie  des  sciences.  Void  le  contenu  de  cette  piece,  dont 
le  style  allemand  est  extrtnieaient  bizarre.  «  Le  roi  enjoint  au 
nouveau  vice-president  de  bien  observer  les  conjonctions  des 
aslres,  et  de  voir  s'il  n'y  aurait  pas  dans  le  firmament  un  con- 
cours  de  cometes  qui  pourraient  meltre  la  terre  en  danger.  En 
pared  cas,  le  vice-president  devra  en  conferer  avec  ses  colle- 
gues,  afin  d'avber  aux  moyens  cle  remedier  aux  desordres  qui 
pourront  avoir  lieu;  de  plus,  il  est  enjoint  au  vice-president 
de  veiller  a  ce  que  les  loups-garous,  les  dragons  volans,  les 
nains  des  montagnes,  les  feux  follets  et  d'autres  etres  nuisi- 
bles ,  dont  1'incredulitc  vent  nier  l'existence,  ne  fassent 
pas  de  mal ;  comme  ils  aiment  a  sejoumer  dans  les  marais,  les 
lacs,  les  fosses,  les  landes,  le  vice-president  fera  tout  ce  qu'il 
pourra,  afin  d'extirper  des  etres  aussi  malfaisans.  II  lui  sera 
alloue  7  ecus  pour  chaquc  monstre  qu'il  livrera,  mort  ou  vif.  » 
Voila  les  occupations  d'un  vice-president  de  l'Academie  de 
Berlin,  en  ljSa,  a  l'epoque  ou  Fontenelle  etait  secretaire  de 
l'Academie  des  sciences  de  Paris !  Quelle  enorme  distance 
entre  les  superstitions  grossieres  de  Frederic  Guillaume  I",  et 
l'esprit  philosophique  de  son  fils  Frederic  II! 

187.  ■ —  Rio  de  Janeiro  wie  es  ist.  • —  La  ville  de  Rio-Janeiro 
telle  qu'elle  est.  Ouvrage  devant  servir  a  l'histoire  du  jour  ct 
des  mceurs  de  la  capitale  du  Bresil ;  par  C.  Schlichthorst. 
Hanovre,  1829;  Hahn.  In-8°. 

M.  Schlichthorst  fut  au  nombre  de  ces  Allemands  qui,  du 
vivant  de  la  derniere  imperatrice,  se  firent  enroler  pour  le 
service  bresilien  par  l'agent  que  le  Bresil  entretenait  ;i  Ham- 
bourg.  En  arrivant  a  Hambourg,  l'auteur  trouva  cet  agent 
entoure  d'une  petite  cour  qui  se  composait  d'un  bohemien , 
tailleur  de  crista!,  d'un  ancien  maitre  de  danse,  se  faisant 
appeler  prince    Ypsilanti,   et   de   quelques   artisans   mines: 


686  LIVRES  LTRANGERS. 

M.  Schlichthorst  cut  honte  tic  se  livrer  a  cct  agent ;  cependant 
voyant  d'honnetcs  Allcmands  s'engager  aussi,  il  prit  courage, 
et  s'embarqua  pour  chercher  fortune  au  Bresil.  II  pense  que 
ce  trafic  d'ames  pour  Ic  nouveau  monde  n'est  pas  precisement 
un  mal  pour  1'Allemagne  ,  attendu  que  e'est  un  moyen  de  la 
debarasser  des  mauvais  sujets,  en  sorle  que  la  politique  est 
intcressce  a  favoriser  de  pareilles  expeditions.  Au  mois  d'avril 
i825  lc  batiment  de  transport  cntra  dans  le  port  de  Rio-Ja- 
neiro. L'auteur  fut  presente  avec  les  autres  inililaircs  alle- 
mands  a  I'einpereur  et  a  I'imperatrice  dans  l'arsenal  de  la 
marine.  Don  Pedro  parut  a  M.  Schlichthorst  un  bel  homme. 
roulant  des  yeux  vifs,  et  montrant  en  riant  de  belles  dents. 
L'imperatrice  courte  et  grosse,  portait  des  bottes  de  dragons 
avec  des  eperons  en  argent,  un  pantalon  bleu  et  une  tunique. 
Le  costume  parait  grotesque,  mais  nous  le  traduisons  fidele- 
ment.  Le  beau  climat,  la  richesse  de  la  vegetation,  I'abon- 
dance  en  poissons  promettaient  a  l'auteur  un  sejour  agreable; 
mais  il  n'etait  pas  destine  a  en  jouir.  Une  de  ses  premieres 
aventures  tut  un  duel ,  suivie  d'une  blessure  a  la  jambe  qui  le 
forca  de  garder  le  lit  pendant  un  mois,  et  lui  laissa  une  suite 
de  douleurs.  La  seconde  mesaventure  fut  sa  nomination  a  un 
grade  de  simple  lieutenant.  M.  Scblicbthorst,  degoute  du  Bre- 
sil,  alia  Irouver  I'imperatrice, sa  compalriote,  pour  obtenir  d'elle 
les  moyens  de  retourner  dans  sa  patrie.  On  lui  repondit  qu'on 
etait  bien  dispose  pour  les  Allemands,  mais  qu'on  n'avait  ni 
argent  ni  influence.  Notre  auteur  eut  le  bonheur  de  sauverla 
vie  a  une  jeune  Creole,  qu'une  fusee  mal  dirigee,  pendant  un 
feu  d'artifice,  manqua  de  faire  perir.  Suivie  de  ses  femmes 
esclaves,  elie  se  fit  accompagner  chez  elle  par  son  liberateur. 
On  croit  que  l'auteur  va  comnaencer  un  reman,  mais  le  ro- 
manesque  disparait  bientnt.  La  jeune  Creole  est  la  favorite 
d'un  muletier,  ainsi  que  l'atteste  une  petite  fille,  fruit  de  leur 
union.  L'auteur  ne  raconte  cette  aventure  que  pour  nous  ap- 
prendre  qu'au  Bresil  les  enfans  naturels  jouissent  d'autant  de 
droits  ( il  dit  meme  de  plus  de  droits)  que  les  enfans  legiti- 
mes, ce  qui  n'est  pas  vraisemblable.  M.  Schlicbthorst  parle 
avec  cbaleur  des  belles  soirees  sous  ce  climat  parfume,  de  l'a- 
rome  des  fleurs,  du  luxe  que  deploient  les  dames  dans  les 
grandes  societes,  de  l'amour  du  plaisir  qui  anime  les  habi- 
tans  de  ce  beau  pays;  mais  il  ne  cache  pas  le  cote  laid,  l'esprit 
vindicatif  des  indigenes  a  qui,  dit-il,  la  piqure  de  millions 
d'insectes  envenime  le  sang;  le  sort  affreux  des  Negres  qui, 
dans  leur  desespoir,  prennent  quelquefois  la  resolution  de  ne 
manger  que  de  la  terre  pour  deperir  lentement,  et  a  qui  lei 


ALLEMAGNE.  687 

mattres  mettent  des  muselieres  pour  les  en  empecher,  etc. 
Ne  voulant  plus  elre  lieutenant  brcsilien ,  l'auteur  obtint  onfin 
son  conge,  et  l'imperalrice  lui  remit  une  assignation  de  200 
milreis  sur  son  tresorier.  Celui-ci  parla  de  l'epuisement  de 
la  caisse  imperiale  et  de  l'obligation  d'attendre;  M.  Schlicht- 
horst  donna  quittance  de  200  milreis  ,  il  en  recul  i5o  ;  un  ami 
lui  fournit  ce  qui  lui  manquait  pour  retourner  en  Allemagne. 
II  y  a  dans  ce  petit  ouvrage,  du  reste  important,  quelques 
eclaircissemens  a  tirer  pour  l'liisloire  de  la  cour  de  Bresil.  On 
lit  avec  quelque  interet  le  tableau  des  mceurs  du  pays,  quoi- 
qu'on  sache  que  les  couleurs  tracees  a  la  bate  ne  peuvent  pas 
avoir  une  justesse  rigoureuse. 

188.  — Johannes  JVit  genannt  von  Doring.  Frag?nente  aus 
meinem  Lehen  and  meiner  Zcit. — Jean  "Wit,  dit  Doering;  Frag- 
mens  relatifs  a  ma  Yie  et  a  mon  Tems.  Vol.  1".  Leipzig,  i83o 
In-8°. 

Depuis  cinq  ou  six  ans,  Jean  Wit,  dit  Doering,  entretient  le 
public  de  ses  a  ventures,  et  raconte  tantot  d'une  maniere,  tan- 
tot  d'une  autre,  comment  apres  avoir  ete  demagogue,  et 
poursuivi  par  la  police  de  divers  Etats,  il  a  enfin  abjure  ses 
erreurs,  et  est  devenu  un  bomme  tout-a-fait  respectable.  En 
Allemagne  on  n'a  pas  su  encore  quelle  opinion  se  former  sur 
cet  individu  qui  revele  les  mysteres  de  pretendues  societes 
secretes,  mais  qui,  en  nieme  tems,  deconvre  aussi  des  se- 
crets de  police.  Dans  quelques  journaux  on  a  emis  l'opinion 
que  M.  Jean  Wit  a  bien  pu  etre  un  emissaire  des  gouverne- 
mens  absolus  pour  surprendre  les  projets  des  homniesinfluens 
du  parti  independant ;  mais  on  ne  voit  pas  pourquoi  alors 
onaurait  jete  cet  emissaire  partout  en  prison.  II  faudrait  qu'un 
emissaire  fut  bien  vil  pour  se  laisser  maltraiter  ainsi  par  in- 
teret. D'autres  ont  pense  que  Jean  Wit  a  une  envie  demesuree 
de  jouer  un  role  dans  le  monde,  ou  de  faire  croire  qu'il  en  a 
joue  un,  et  que  ses  revelations,  moitie  vraies,  moilie  fausses, 
sont  le  fruit  de  cette  avidite  d'une  renommee  quelconque. 
Ceux-ci  pourraientbien  avoir  raison.  Dans  son  nouvel  ouvrage, 
l'auteur  nous  donne  une  S'  ou  4e  edition  du  recit  de  ses  de- 
meles  avec  les-societes  secretes  et  avec  les  polices  du  Piemont, 
de  PAulriche,  etc.  En  outre,  il  se  vante  d'avoir  surpris  les  se- 
crets des  demagogues  de  France,  d'Allemagne,  d'ltalie,  il  s'ac- 
cuse  d'avoir  ete  leur  complice  ,  et  repete  1'hisloire  de  sa  con- 
version operee  a  force  de  prisons  et  de  mauvais  traitemens. 
On  ne  voit  pas  que  les  gouvernemens  d'Allemagne  fassent 
bcaucoup  de  cas  de  ses  revelations;  cependant  quelqiies-uns 
d'entre  eux  ne  sont  peut-etre  pas  faches  des  efforts  que  fait 


iiSS  LIVAES  KTRANGERS. 

.lean  W  i i  pour  faire  croire  que  lea  hommes  indeuendans  fer- 
ment des  complots  centre  la  sOrete  dea  Eta  is.  Si  Jean  "Wit  no 
parlait  qn?  de  Iciir  police,  il  y  a  probablement  long-lem* 
qu'ils  auraient  prohibe  sea  revelations* 

180.  —  Liedcr  von  Ber  anger ,  nacli  dem  franzosischen  ire  a 
ubersctzt.  —  Chansons  de  Beranger ,  traduites  lidelemcnl  du 
franeais  en  allcmand,  par  Philippine  Engelhard,  nee  Gatte- 
rbs,  Gassel,  1800;  Bolun.  In- 12. 

L'csprit  lyrique  de  Beranger  ne  paraissait  guere  susceptible 
d'etre  traduit  dans  tine  langue  etrangere.  line  dame  allemande 
apourtant  lentecette  entreprisc  difficile,  et,  eomme  elle  nous 
apprend  qu'elle  est  agec,  I'elounement  redouble.  Je  ne  sais, 
au  reste,  si  Beranger  sera  satisfait  de  son  tradudeur.  .Madame 
Philippine  Engelhard  nous  avertit  dans  sa  preface  fleuric 
qu'elle  considerc  la  poesie  du  chansonnier  franeais  comrae  an 
charmanl  enfant  qui  se  plait  a  sc  rouler  dans  la  poussiere,  ct 
qu'il  faut  nettoyer  et  peigner  d'abord  avant  de  pouvoir  le  pre- 
senter a  la  bonne  compagnie.  Par  consequent  eettc  dame  a 
oris  soin  de  layer  et  de  peigner  le  joli  enfant  avant  de  le  pre- 
senter au  public.  Jc  laisse  a  penser  ce  que  sont  devenues  les 
chansons  de  Beranger  par  suite  des  soins  par  trop  mater- 
nels  de  madanie  Philippine  Engelhard.  D-g. 

SUISSE. 

Canton  de  Vaud. 

igo.  —  Eccamen  de  ce  qui  a  precede,  occasione  et  suivi  les 
Petitions  adrcssees  au  Grand-Conseil  du  Canton  de  Vaud,  dans 
sa  session  de  1829,  pour  un  changement  a  sa  Constitution  ;  ct  Ob- 
servations sur  quelques  autres  objets  qui  intircssent  ce  canton; 
pat  Henri  Monod,  Conseiller-d'Elat/et  ancien  Landammann. 
Lausanne,  18S0. 

ini.  —  Memoire  historique  sur  la  Constitution  du  l\  aout 
1814?  onec  unapercudes  autres  Constitutions  qui  out  rcgi  le  Can- 
ton de  Vaud  dc puis  1798,  cons'uUrees  essentiellement  sous  krap- 
poi-l  du  systeme  electoral;  presente  par  le  Conseil-d'Etat  au 
Grand-Conseil ,  dans  la  session  de  i83o.  Lausanne,  i85o; 
impiimerie  des  frcres  Blanchard.  In-8°  de  100  pages. 

iga.  - —  Rapport  du  Conseil-d'Etat  au  Grand-Conseil  du 
Canton  dc  J' ami,  sur  le projei  de  decret  iendant  dapporter  quel- 
ques  cbongem.  n  i  au  sysietHe  electoral  ctabli  dans  la  Constitution; 
presente  dans  la  session  de  1800.  Lausanne,  i83o;  imprhne- 
rie  des  freres  Blanchard.  Tn-8"  de  44  pages* 


SUISSE.  6S9 

im,  —  Rapport  tie  la  Commission  da  Graml-Conseil  sur 
U  Piiijcl  dc  Detrei,  tie.  Lausinne,  >85o ;  impiiincriu  tic  lii- 
giiQU  nine.  In  -  8"  do  53  pages. 

I.c  canton  de  Vand,  no  dc  la  revolution  helvt'Miquc,  suivit 
les  destiuecs  d<!  la  republiquc  unitairc  jusqu'aii  moment  ou  !o 
media  teur  dc  In  Suisse  ion  da  la  confederation  nouvcllc  sur  les 
debris  de  I'ancienne,  et  du  gouverncment  central  qui  I'avait 
remplacee.  Des  19  cantons  organises  par  Facte  de  mediation, 
H  n'y  en  eut  point  qui  put  se  ieliciter  a  plus  juste  litre  que  le 
canton  de  Vaud  d'avoir  recu  tine  conslitution  approprjee  u  scs 
besoins,  a  1'esprit  de  ses  habitans  et  au  devcloppement  pro- 
gressif  J'institutions  liberales.  Aussi,  quoiquc  d'originc  el  ran- 
ge re,  cette  charle  fut  rccue  avec  enthousiasme,  non-sculc- 
ment  comme  sanction  dc  I'emaneipalion  vaudoise,  mais  aussi 
comme  garaniie  dc  lout  l'avenir  de  la  liberie.  Lc  jeune  can- 
ton  vecut  beurcux  et  prit  ties  forces  durant  onze  belles  annoes. 
Dans  une  fete  rationale,  instituoc  a  l'occasion  de  la  premiere 
seance  du  Grand-Conseil,  il  celcbrait  annucllement  son  bon- 
heur  politique  et  l'acte  fondamcnlal  qui  le  lui  assurait.  Lors- 
quc  survint  la  eonlrc-revolulion  de  i8i5et  1814,  la  Suisse 
resscntit  les  conlre-coups  dc  la  commotion  europeemie.  L:t 
necessite,  dcessc  puissante,  comme  s'exprime  tin  poctc(CAL- 
limaque),  la  necessite,  pcrsoiinifiec  dans  la  Sainl --Alliance,  fit 
peser  sur  nos  petilcs  pcuplades,  betirctises  par  la  liberie,  un 
joug  qu'.tvaieut  appclo  de  tons  leurs  vorux  les  vieilies  arislo- 
craties.  Les  nouyeaux  cantons  payerent  lour  independance 
du  prix  dc  quelques  institutions  republiraines  ;  ct  a  cette  epo- 
que  classiqtie  tic,  la  legitimite,  oil  cxigea  que  la  liberie  ellc- 
meme  sc  legiliuiiU  par  des  sacrifices.  Apres  bicn  ties  pour- 
parlers avec  les  niinistres  des  puissances,  le  Grarid-Conseil  tin 
canton  de  Vaud  rcmplaca  de  sa  propre  autorile,  qui  n'avait 
pour  sanclion  que  {'inspiration  elracg.'ro,  unc  constitution 
chore  au  people,  par  la  constitution  plus  arislocralique  du 
4  aout  18  i/i-  L'histoirc  de  cos  deux  lois  fondaiuentsles  et  tic 
colles  qui  les  out  preeedces,  suitout  I'liistoirc  fort  detaiilee  dp 
la  chartc  de  1814  et  tics  negociations  dont  ellc  futle  but  et  le 
tcrme,  font  la  matiere  du  Memoive  lustorit/nc  dont  nousavons 
place  le  litre  sous  le  n°  191.  Ce  travail  oilb -iel,  fait  par  unt: 
plume  habile  sur  la  correspontlancc  diplomatique  ct  sur  d'au- 
tresdocumens  inedits,  n'olfrepasseulcmenl  un  intcrct  cantonal 
et  Suisse  :  e'est  une  partic  integrante  dc  Phistoire  dc  l'Europe 
en  i8i4<i  une  monographic  empreinte  dc  tout  l'espiit  dc 
1'epoque.  Malhcureuscment  cet  ouvragc,  ainsi  quo  les  n°"  igp 
ct  193,  compose  climprimc  pour  la  session  iv<  cnlc  tin  Graml- 

T.   XLVI.   JOIN   l85o.  44 


69o  u\  u ks  Strangers. 

Conseil  ct  a  1' usage  presque  exclusif  de  ses  membres,  ne  se 
trouve  point  dans  Ie  commerce  dc  la  librairie  ;  inais  il  sera 
sans  doute  reimprime  dans  une  de  ces  collections  historiqucs, 
moounvens  des  terns  passes  el  honneur  du  ndtre. 

La  partle  de  la' constitution  dc  iSh."  qui  recul  I'atteinte  la 
plus  forte  fnt  le  systhne  elccUral.  Au  lieu  de  nominations 
faites  uniquement  par  les  assemblees  electorales,  avfcc  on  sans 
['intervention  du  sort,  on  enrichit  Ie  systeme  des  elections  de 
deux  rouages  aristobratiques ;  un  seul  tiers  du  Grand-Confeeil 
fut  nomme  par  le  peuple  ;  un  second  tiers  par  le  Grand-Con- 
seil  lui-menie,  sur  une  quadruple  liste  de  candidats  pr6sentes 
par  les  assemblees  electorales  ;  enfin,  un  tiers  un  pen  plus 
faible  par  la  commission  electorate,  composce  du  Conseil- 
d'Etat  ou  pouvoir  executif,  du  tribunal  d'appel,  supreme 
Courde  justice,  et  de  40  membres  du  Grand-Conseil  tir&5  an 
sort.  La  duree  des  functions  legislatives  fut  portee  de  cinq  a 
douze  ans.  On  sail  depnis  long-terns  a  quoi  tendent  les  elec- 
tions d'un  corps  qui  se  recrule  en  grande  partie  lui-meme. 
I  ne  majorite  compacte,  guide e  par  quelqnes  cbefs,  fut  ['ine- 
vitable resultat  de  la  reforme  contre-revolutionnaire.  La  bro- 
chure (n°  189)  de  M.  l'ancien  landammann  Monod  conlient,  a 
ce  sujet,  des  revelations  fort  interessantes. 

Sous  la  nouvelle  constitution,  comme  sous  I'ancienne,  le 
canton  continua  dc  flcurir;  la  partie  materielle  dc  I'adminis- 
tralion  et  1'instruction  publique  suivirent  cette  ligne  de  pro- 
gres  et  d'amelioration  que  Ton  s'etait  traccc ;  les  finances 
prospererent ,  car  jamais  ombre  de  soupcon  ne  s'est  elevee 
contre  l'integrile  des  magistrals  vaudois;  ct,  quelle  qu'ait  ete 
leur  couleur  politique,  ils  se  sont  toujours  presentes  au  tri- 
bunal de  I'opinion  les  mains  pures.  Mais,  a  cole  de  ces  pro- 
gres  matei'iels  et  du  developpement  que  prenaient  les  ecoles 
primaires  et  1'instruction  supericuic,  la  vie  civique  sembla 
s'eteindre.  La  rarete  des  elections,  la  faible  proportion  a  la- 
quelle  se  trouva  reduite  la  veritable  representation  nationale, 
la  realisation  des  consequences  du  systeme  electoral,  favora- 
ble a  celle  des  aristocraties  qui  sut  s'en  emparer  la  premiere, 
tout  cela  produisit  du  decouragement  et  de  {'indifference  pour 
la  vie  republicaine.  Ces  dispositions  eurent  pour  organe  le 
silence,  alors  que  la  voix  du  bonheur  national  eut  ete  de  mau- 
rais  exemple  pour  l'Europe,  et  que  la  jouissancc  pleine  de  la 
liberie  eut  ete  jugee  seditieuse.  Cependant,  le  calme  exterieur 
couwait  un  sentiment  de  malaise.  On  se  le  confiait  a  l'o- 
reille,  parte  que  la  taeiturnile  etait  devenue  de  mode,  soit 
qu'on  la  trouvat  conforme  au  nouveau  systeme  constitution- 


SUISSE.  Gijt 

nel,  soit  qu'on  en  eCit  pris  l'habitude  au  milieu  des  espions 
etrangers,  a  qui  la  publicite  a  depuis  enleve  lcs  profits  en  ne 
leur  laissant  que  l'ignominie. 

La  publicite,  presque  insignifiante  pour  nos  affaires  inle- 
rieures,  ctcndit  son  domaine,  en  18114,  par  la  creation  du 
Nouveltiste  vaudois ,  journal  semi-hebdomadaire,  consacn': 
principalement  aux  Lnterets  de  la  Suisse  et  a  ceux  du  canton 
de  Vaud  en  particulier.  II  habitua  pen  a  pcu  lcs  citoyens  a 
s'occuper  davantage  de  la  chose  publique  et  a  penser  tout 
haut.  Un  article  insere  dans  ce  journal,  le  10  mars  1826,  ren- 
fermait  une  epigramme  par  trop  vive  contre  une  parlie  des 
foiiclionnaires  publics  et  des  legislateurs.  Unmembre  du  Con- 
seil-d'Eiat  repondit  dans  la  feuille  suivante.  Sa  reponse  fit 
eclore  un  petit  essaim  d'antagonistes;  la  guerre  sur  la  ques- 
tion electorate  se  trouva  commencee ;  elle  devait  se  conti- 
nuer  jusqu'a  ce  qu'elle  eut  amene  un  resultat  de  fait,  une 
solution  en  action.  L'opinion  generale,  ma  is  tacite,  devint 
1'opinion  publique;  elle  avoua  pour  ses  organes  les  publi- 
cistes  qui  oserenten  appeler  a  sa  sanction,  parce  qu'ils  con- 
naissaient  les  besoins  du  pays  et  les  sentimens  de  lcurs  conci- 
toyens.  Les  faits  out  prouve  depuis  que  ces  hommes  n'en 
imposaient  pas  sur  le  caractere  de  la  mission  qu'ils  avaient 
choisic. 

Sur  ces  entrefaites ,  un  verlueux  citoyen,  le  general  Frede- 
ric Cesar  de  la  Harpe,  soutien  constant  de  la  liberte  de  son 
pays,  qui  lui  doit  plus  qu'a  tout  autre  l'origine  et  la  conserva- 
tion de  son  independance ,  fit,  dans  le  Grand-Conseil,  le 
6  mai  1826,  une  motion  iudividuelle ,  pour  faire  disparaitre 
les  lacunes  et  corriger  les  vices  de  la  constitution.  Sans  egard 
pour  l'auteur  de  la  proposition,  sans  respect  pour  le  regle- 
ment,  la  motion  fut  ecartee  avant  toute  discussion.  Deux  an- 
necs  apres,  M.  Samuel  Clavel,  ancien  membre  du  tribunal 
d'appel,  demanda,  par  forme  de.  motion,  qu'il  l'Cit  apporte , 
par  les  moyens  qui  paraitraient  reguliers  et  legaux,  au  mode 
d'election  de  la  representation  nationale,  quelques  change- 
mens  qui  paraissaient  geneialement  desires,  tcls  que  l'intro- 
duction  du  sort  et  d'une  representation  plus  directe.  Discutee 
dans  deux  seances  consecutives,  cette  motion  fut  rejetee,  a  la 
majorite  de  117  voix  contre  3g.  A  cette  occasion,  un  premier 
et  imparfait  essai  de  publicite  complete  des  debats  legislatifs 
fut  tente  dans  le  Nouvelliste  vaudois. 

La  resolution,  bizarrement  redigee,  que  I'assemblee  legisla- 
tive prit  alors,  annoncait  de  la  persistance  dans  le  refus  qu'elle 
prononcait.  Cela  donna  du  ton  a  l'opinion  publique.  L'anuee 


89*  LIMIT'S  ETftAfiGKRS. 

suivante,  27  petitions,  rrvft ucs  de  plus  dc  .'|,nuo  signatures, 
demandcrent  an  Grand-Couseil,  dans  les  Icimcs  les  plus  ron- 
venableSj  do  rouloir  bien  aviser  a  mic  amelioration  du  sys-> 
teme  electoral ;  un  tiers  des  Hgnataires  demanda  t\nltttant 
tout,  on  staluat  legalcmeul  1111  mode  dc  revision.  Cos  petitions 
donnorcnt  lien  a  uttC  discussion  pTolotjgeE  daas  den*  seances 
conseeutives .  I'nne  de  sept  henres ,  l'antrc  de  hnil  et  demie  ; 
la  relation  en  romplil  1  '\o  pages  ih-$°,  peiil  oarai Here  (1  ').  INnir 
resnltat  materiel  tie  la  discussion,  la  resolution  de  Fannee 
procedenlc  I'nt  confirmee  ,  a  line  majorite  i!c  87  roiii  conlre  r>.r). 
Lc  resnltat  moral  flit  lout  autre  :  ectte  det'aite  apparente  de- 
vinl  lc  signal  de  la  victoiro  de  1'opinion  puhliquc.  La  mani- 
festation dc  eelle  opinion,  et  le  senl  fait  tfeS  petitions  produf- 
sirenl  unc  impression  profondc  siir  lc  Consril-d'lilal ;  M.  lc 
landammann  Monod,  memhre  du  Consoil-d'Klal ,  ailirinc  , 
dans  sa  brochure,  que  eelle  impression  lut«  dc  la  peur,  on  uti 
sentiment  dc  erainte  qui  nc  laisse  pas  d'avoir  quelqne  analo- 
gic avee  la  pcur.  »  Jc  laisse  aux  acleurs  lc  soin  dc  reveler  to 
qui  se  passa  derricrc  les  coulisses. 

Un  mois  aprcs  la  cloture  de  la  session,  lc  Conseil-d'Etat 
nomma  unc  commission  dans  son  sein,  pour  projcler  des 
changemens  a  la  constitution.  Cost  tout  ec  que  Ton  appril ; 
le  secret  le  plus  rigourcux  1'ut  observe.  Quelque  terns  avant 
la  session  dc  1800,  unc  premiere  revelation  se  iii  dans  un 
journal  d'un  autre  canton,  qui  annonea  le  Mcmoiir,  hhtorique 
(n°  igi),commc  un  elier-d'ocuvrcdiplomati([ue.  Par  malheur 
pour  la  diplomatic  vaudoisc,  son  trompctte  se  tromail  etrc  le, 
Courrier  fribourgcois,  eirconstance  qui  revelait  du  jesuitisme. 
Cettc  ceuvre,  plus  estimable  que  l'annonec  nc  la  faisait  suppo- 
scr,  demeura  inconnuc  jusqu'aux  premiers  jours  du  mois  de 
mai  dernier;  alors,  an  commencement  de  la  session  du  Grand* 
Conseil,  on  la  remit  a  ses  membres,  avec  le  projet  dc  chan- 
gemens a  la  constitution,  et  le  Rapport  (n°  19-1)  qui  laccum- 
pagnait. 

La  eirconstance  du  secret  si  bien  garde,  rapprorhee  de  la 
hale  aveclaquellc  out  demande  a  procedcr  el  les  nicinbres  du 
Conseil-d'Ltatcl  la  majorite  legislative, qui,  jusqii'alors,  avaienl 
repousse  loute  idee  dc  changciiicnt ,  nc  saurail  eehapper  a 
1'attcntion  des  hommes  habitues  a  observer  el  a  reflefchir;  Le 
projet  dc  decret  prescnte  par  le  Conseil-d'L'tal  a  etc  disculc,  il 
est  vrai ,  dans  cinq  longues  seances,  aveccalme,  generalc- 

(1)  Session  de  1859  du  Grand-'Cvnseil  dll  Canlon  lit  Fault.  Lausanne, 
1829;  Fisrher.  1  vol.  in  8"  dc  477  pages. 


SI  iSSK.  6<j3 

Hie  ut  avec  iiii'Miie;  pi|is,.adople  sans  mollification  ,  a  la  ma- 
jority ilc  1 34  voix  (<>iii  1  c  20.  La  minorite,  composec  des  cle- 
inciis  les  plus  lielerogcncs  el  les  moins  unis,  ademande,a  pen 
pros  unaiiimcment ,  plus  de  lenteur  el  tie  eirconspection  dans 
nne  ocuvre  aussi  importante,  afin  que  Popiuion  publique  put 
clre  consull.ee 9  et  le  rejuoclie  de  precipitation  evile.  La  frac- 
tion dcinocratique  de  cette  minorite  ,  a  hupielle  je  mc  fais  1111 
lionneur  d'avoir  apparlenu,  a  demande,  en  outre ,  toutefois 
avec  quelqucs  divergences  individuellcs  :  1°  one  loi  prealable 
de  forme  sur  la  manierc  de  procedcr  d.lns  1111  <  liangenient  a  la 
constitution;  2°  le  rejcl  de  Particle ,  qui  altribue  au  Grand- 
Conscil  la  faeulte  de  nonnncr  dix-huil  de  ses  mcmlires;  5"  la 
sanclinn  de  la  conslilulion  nouvelle  par  les  assemblies  cleclo- 
rales,  Je  nc  sais  si  je  liasardc  ti  op  en  porlaut  1111  jugement  dans 
one  cause  011  j'ai  etc  parlic;  mais  il  mc  scnible  que  ccs  trois 
points  out  etc  sou  ten  us  avec  plus  de  force  de  logique  que  les 
theses  conlraircs  n'out  etc  defenducs  dans  les  dcbals  et  dans 
le  Rapport  dc  la  Commission,  indique  sous  le  n"  iq5. 

Quoi  qu'il  en  soil,  la  constitution  de  181  !\  a  ele  recllemenl 
corrigce ,  a  quelqucs  cgards ;  mais  on  a  laisse  subsister,  dans 
les  changemens  nif-mes,  des  gertnes  viciaix  qui,  lot  011  laid, 
par  la  force  des  choscs,  deviendront  des  germes  de  malaise. 
Les  corrections  reelles  sont  les  suivanles  :  i°  le  ecus  electoral 
a  ele  bajsse  ,  el  les  colleges  elcctoranx  ouvcrls  a  un  bcaucoup 
plus  grand  nombre  de  ciloyens.  20  Tonics  les  elections,  a 
Pexceplion  dc  18,  seiont  failcs  par  le  peupie,  avec  ou  sans 
Pinlervenlion  du  sort.  5°  La  dun' e  des  functions  legislatives  est 
rcduile  de  12  ansa  6.  4"  Les  elections,  plusdirecles  et  de  moi- 
lie  pins  frequences,  permellrout  mix  eleclcurs  d'excrccr  leurs 
droits  a  des  cpoques  plus  rapprocbees,  el  les  engageront  a  les 
exercer  avec  plus  de  soin.  5"  Dans  la  suile,  si  quclquc  cliange- 
llient  se  fait  a  la  constitution,  il  devra  elre  saiielionnc  par  les 
assemblies  eleclorales.  Les  vices  du  changement  operc  con- 
sisient,  suivanl  moi ,  dans  les  points  que  voici  :  i°  On  a  pro- 
cede,  avec  precipitation,  malgre  les  circonstances  les  plus  fa- 
vorables  pour  procedcr  avec  le  calmc  de  la  sagesse  el  avec  la 
eirconspection  digne  de  la  bonne  foi ;  on  a  refuse  dc  statucr 
d'avance  1111  mode  de  revision  ,  et  d'aborder  de  front  la  ques- 
tion du  pouvoir  consliluant.  2"  Les  dix-huit  nominations  que 
lc  Grand-Conseil  s'est  reserve  dc  faire  seronl  incvilablcmcnl 
unc  mine  d'intrigues  exploilee  au  profit  du  pouvoir  executif. 
5°  Jusqu'a  present,  la  duree  dc  lbnclions  des  nicnibies  du 
Grand-Conseil  el  du  Gonseil-d'Ltalavajl  loujours  eleia  mime; 
desormais,  les  membres  du  Gonseil-d'Etal  rcsleronl  en  charge 


G.)i  LIVRES  ETR ANGERS 

don/c  ans,  et  les  legislateurs  six  ans  :  par  la  possibility  d'une 
reelection  continuelle,  et  par  [es  dix-nuit  nominations  dont 
nous  Tenons  de  parlcr,  on  a  enlevc  aux  electeurs  l'inflnence 
meme  la  plus  eloigned  sur  la  composition  du  Conseil-d'Etat ; 
te  people  sera  tcnu  do  subir  a  vie  les  administrateurs  (pi'il  ju- 
gcrait  le  moins  digues  de  sa  confiance.  4"  Le  refus  de  rehouTe- 
ler  mtegralement  la  Chambre  actuelle,  pour  metlre  fin  a  une 
organisation  fletrie  par  l'opinion  publique,  par  les  orateurs 
du  Grand-Conscil,  et  par  le  Rapport  meme  du  Conseil-d'Etat 
(n°  «9'j),  a  ete  aggrave  eneore  par  une  loi  transitoire  qui,  du 
moins,  aurait  dft  etre  tin  compromis  entre  l'ancien  systeme 
electoral  ct  le  nouveau,  tandis  qu'elle  n'est  qu'un  moyen  de 
conserver  l'ancien  dans  le  cadre  du  nouveau,  et  de  transmettre 
a  la  Chambre  a  venir  les  fun  est  es  traditions  du  passe.  5"  La 
sanction  de  la  reforme  constitutionnellc  par  les  assemblies 
electorales,  reconnue  necessatre  pour  l'avenir,  a  ete  eludce 
pour  le  present,  an  mepris  de  la  logique,  et  au  detriment  de 
la  force  morale  de  la  constitution.  6°  II  est  vrai  qu'un  article 
de  la  nouvelle  charte ,  clairement  commente  par  le  Rapport 
du  Conseil-d'Etat  ^n"  1 92).  par  lc  Ilapporl  de  la  Commission  du 
Grand-Conscil  (n°  190),  et  par  queiques  orateurs  de  lamajorite 
legislative,  annonce  ,  dans  une  loi  de  forme,  de  vigoureuses 
garanties  contrc  tout  changement  futur,  et  n'en  donne  au- 
cunc  pour  les  ameliorations  lentes  et  successives  que  le  tems 
pourra  faire  juger  convenables.  70  Enfin,  je  crains  que,  par 
un  antecedent  que  les  generations  futures  deploreront,  le 
Grand-Conseil  ne  se  soit  laisse  depouillcr  par  le  conseil  d'Etat 
de  l'inilialive  en  matiere  de  changement  a  la  constitution. 

Les  hommes  qui,  apres  avoir  opiniatrement  repousse  toute 
idee  de  reforme  constitutionnelle,  viennent  de  faire  accepter 
prccipitainmcnt  celle  qui  leur  convenait,  ont  fait  un  calcul 
habile,  non  point  pour  la  gloire  de  leur  palriotisme,  mais 
pour  un  interet  present  et  epbemere.  Quinze  jours  de  reflexion 
de  la  part  du  public  eusscnt  suffi  pour  qu'il  comprit  et  re- 
poussat  les  perils  caches  sous  une  premiere  apparence.  Le 
pays  aurait  etc  reduit  a  deplorer  le  mecompte  du  pouvoir 
executif  rcntre  dans  ses  limites  naturelles  :  au  lieu  de  cela,  si 
Ton  ecoute  le  vceu  de  queiques  petitionnaires  reconnaissans, 
le  pays  sera  reduit  a  feter  annuellement  une  nouvelle  exten- 
sion de  ce  pouvoir,  ct  l'inamovibilile  de  fait  de  sesmembrcs> 

C.  Monnard. 


IT  A  LI  E.  695 

ITALIE. 

iq^.  —  *  Statistica  agrarca  delta.  Val-di-Cliiana,  etc. — 
Statistique  agraire  de  la  province  de  Val-di  -Chiana  ,  par  Giu- 
seppe Giuli,  professeur  d'histoire  naturelle  a  1'Universite  de 
Sienne.  Tom.  1".  Pise,  1828;  imprimerie  de  Nicolo  Capurro. 
In-8°  de  270  pages,  avec  une  carte  topographique  du  cours 
de  la  Chiana. 

Quoique  nous  n'ayons  encore  que  le  premier  volume  de  cet 
ouvrage,  nous  ne  voulons  point  differer  de  lui  rendre  la  jus- 
tice qu'il  merite.  L'auteur  est  bien  pourvu  des  connaissances 
generates  et  locales  qu'exigeait  le  sujet  qu'il  a  traite  :  pro- 
prietaire  d'un  domaine  dans  le  pays  qu'il  decrit,  il  y  a  re- 
cueilli,  pendant  18  ans,  des  observations  surle  climat,  le  sol 
et  ses  productions,  la  geologie,  l'histoire  physique  et  indus- 
trielle,  en  un  mot,  sur  tons  les  elemens  de  la  statistique  qu'il 
a  redigee.  De  plus,  il  avait  compte  sur  les  secours  de  tousles 
amis  des  connaissances  utiles ,  et  il  ne  s'etait  point  trompe  : 
on  s'est  empresse  de  lui  fournir  des  faits  inleressans,  des  ob- 
servalions  qu'il  n'avait  point  ete  a  portee  de  faire,  des  Iumie- 
res  encore  peu  rcpandues,  et  qui  ne  serajent  peut-etre  pas 
arrivees  jusqu'a  lui.  Avec  des  materiaux  aussi  abondans  et 
choisis  avec  tant  de  soin,  il  ne  pouvait  faire  qu'un  bon  ou- 
vrage. Ajoutons  que  le  sujet  repondait  fort  bien  aux  soins  qui 
lui  etaient  prodigues,  etdevenaitrtellementplusdigned'atten- 
tion  a  mesure  qu'il  etait  plus  etudie.  La  geographie  physique 
de  cetle  partie  de  la  Toscane  a  des  traits  remarquables  qu'on 
ne  rencontre  que  tres-rarement  a  la  surface  de  la  terre;  une 
vallee  de  plus  de  vingt  lieues  de  longueur,  aboutissant  a  deux 
fleuvcs  entre  lesquels  elle  partage  ses  eaux;  de  grands  travaux 
de  dessecheinent  et  d'assainissement  operes  avec  succes ;  de 
vastes  marais  convertis  en  terres  cultivables,  l'homme  eta- 
blissant  sa  demeure  dans  ces  lieux  memes  qui  repandirent 
autrefois  a  une  grande  distance  leurs  exhalaisons  mortelles  : 
voila  des  objets  dignes  d'etre  connus  et  medites,  de  puissans 
encouragemens  pour  entreprendre  dans  les  contrees  mareca- 
geuses  ces  travoux  qui  out  produit  de  si  bons  effets  entre  le 
Tibre  et  l'Arno.  Nous  en  avons  meme  a  peu  de  distauce  de 
Paris;  des  marais  empestent  1'air  que  respireut  quebpies-unes 
de  nos  garnisons,  et  causent  annuellement  des  pertes  d'hom- 
mes  que  Ton  eQt  evitees,  soit  en  renoncant  a  ces  postes  si  mal- 
sains  et  sans  importance  militaire,  soit  en  procurant  I'ecou- 
lement  des  eaux  stagnantes  qui  rendent  ces  lieux  si  dangereux 


69G  LIVRF.S  ETRAJ!fGERS. 

pourtoute  la  population  qui  \  scjourne,  ou  qui  en  approclie 
dc  trop  pres.  On  sail  que  bit, die  est  la  lerre  classique  des 
sciences  hydrauliques,  et  quoique  ues  sciences  soient  aetuclle- 
incnl  rcpandues  partoul,  dies  ne  68  plai.-eut  pas  nioins  ;iux 
lic.!\  dc  leur  origine ;  les  ingenieurs  iialicns  d'aujourd'hui  out 
cu  soin  tie  los  y  ronscrvcr. 

La  preface  de  M.  Ginli  est  une  introduction  qu'il  faut  lire  : 
t'ovteur  y  expose  la  piineipalcs  divisions  de  son  ouvrage,  et 
i'ait  une  courte  analyse  de  chacune.  «J'ai  dislribue  en  cinq 
livres  Ionics  les  malicrcs  que  j'avais  a  trailer.  Le  premier  con- 
tient  l'histoire  des  revolutions  physiques  donl  on  rctrouve  les 
traces  dans  1c  pays  que  je  decris;  j'y  expose  I'etat  du  ciel,  le 
climat,  les  niclcores,  les  proprietcs  des  eaux,  de  l'air,  etc. 
Lc  second  livre  entrc,  pour  charpie  commune,  dans  quclques 
details  topographiques,  gcologiques,  el  de  statislique  agricole 
et  iudustrielle  ;  j'y  joins  i\n  sommaire  de  l'histoire  civile  de  la 
commune...  Lelroisieme  livre  expose  cc  qui  appaiiicnt  speeia- 
lement  a  i"adminislralion  agricole ,  a  scs  ressources,  aux  ani- 
niaux  qu'elle  cmploic  ,  a  sa  legislation —  Les  precedes  do 
culture  el  les  manipulations  de  quclqucs-uns  de  ses  produits 
serorit  l'objct  du  quatricmc  livre....  Lnfin ,  le  cinquicme  qui 
csl  une  sorte  d'cpi!ogue  exposera  les  rcsullais,  et  sera  pre- 
cede dc  tableaux  sytaoptiqo.es  de  la  population,  du  nombre 
des  bestiaux....  On  verra  done  que  mon  but  a  etc  de  (aire 
connaitre  lc  terrain  stir  lequel  nos  cullivaleurs  exerivnt  leur 
indestrie,  les  precedes  locaux,  et  les  succes  qui  soul  le  fruit 
ues  travaux  et  des  sucurs  de  l'homme  des  champs,  il  faut  que 
toulcs  ccs  cboscs  soient  bicn  connues,  aQn  que  les  autres  na- 
tions puissent  juger  de  ce  qui  est  a  leur  convenance  et  de  ce 
qu'clles  pourront  executcr  avec  succes.  « 

Le  premier  volume  ne  renl'crme  que  les  deux  premiers  li- 
vres  ;  et,  commc  on  !'a  hi,  l'autcur  debute  par  la  geographic 
el  la  gcolog':e  du  Y'al-di-Chiana,  eonsideree  dans  son  ensem- 
ble. 11  n'a  pas  de  peine  a  prouver  (pie  toule  cetle  conlrce  Cut 
couverle  autrefois  par  les  eaux  dc  la  mer ;  outre  les  bancs  de 
pierre  calcaire  < oquillicre,  on  Iror.vc  en  abundance  des  nauti- 
les,  des  ammonites,  etc.,  (Tune  belle  conservation;  on  a  trouve, 
prc:,d'Art'Z7.o,  una  macliuire  de  baleine  enfouie  sous  une  cou- 
cbe  C.i  galels.  Ala  rigueur,  les  temoignages  des  bistoriens  ne 
astivent  rien  aj  Outer  a  la  ceriitude  qui  re  suite  decesmonumens 
de  Taiic'ieiine  nature  ;  mais  l'histoire  pent  t'ournir  quclques  lu-^ 
nncves  sue  l'cpoque  t'e  ces  boulcvcrscmens  donl  la  date  est 
t(  'alement  perdu:-.  Quclques  passages  de  St  tab  on  scmblcnt 
;.uJiqi!Cr  qu'unc  branche  de  I'Anio  U.mbait  autrefois  dan6  h 


ITALIi;.  0cj7 

Tibre,  el  qu'elle  s'est  dessechee  a  mesurc  que  la  branche  di- 
rigce  vers  la  mer  a  creuse  son  lit,  rccule  scs  bords,  ct  rccn 
mi  plus  grand  volume  d'eau  :  I'art  ai!a  peut-etre  la  nature 
duos  ce  travail,  comnic  on  l'a  vu  dans  d'autres  coutrees,  a 
lies  epoques  plus  rapprochees  do  nous. 

Les  travaux  pour  le  dessecliement  de  la  vallee  de  la  Cbiana 
ne  eommencerent  qu'au  xix^  siccle  ,  el  alors,  cetle  vallee  etait 
partout  marecageuse.  On  commenia  par  l'aire  ecouler  vers 
l'Arno  les  eaux  du  territoire  d'Arczzo.  Les  Medieis  continue- 
rent  ces  ameliorations  jusqu'aux  environs  de  Monte  Puleiano, 
par  divers  precedes  qui  sont  exposes  dans  ce  livre;  mais  cc 
hit  sous  le  regno  du  grand-due  Leopold  I"  que  1'on  obtint 
enlin  lesrcsultats  les  plus  importans;  et,qu'en  employanl  avee 
babilete  les  moyens  de  dessecliement  et  d'atterrissement ,  on 
parvinl  a  stibslituer  une  vaste  etendue  d'excellentes  terres  a 
des  marais  nou-seulement  inu tiles,  mais  tres-pcriiicicux.  La 
province  allait  reeueillir  les  fruits  de  cette  longue  perseve- 
rance dans  la  voie  d'une  sage  administration,  lorsquc  les  com- 
motions politiques  en  Europe  exigerent  d'autres  soins  :  la 
Cbiana  Cut  a  pen  prcs  onbliee  jusqu'en  1814.  Lnfin,  apres  tin 
iiivellcment  general  de  la  vallee,  les  pcntes  ont  ete  reglees 
pour  que  les  eaux  de  la  riviere  ne  soicnt  stagnantes  nulle 
part,  el  les  altcrrisscmcns  soul  diriges  de  maniere  que  le  sol 
so  consolide  el  so.  dessecbe  autanl  qu'il  le  laut,  et  dans  le  lems 
le  plus  court.  C'est  a  M.  le  chevalier  Fossombroni  qu'on  est 
redevable  de  ces  dispositions  qui  ache ver ont  de  procurer  a  ce 
pays  tout  le  bien  qui  pent  resulter  d'une  lieureuse  application 
des  sciences  bydrauliques. 

Ce  bien  n'est  pas  encore  entierement  ofotenu  ,  quoique  les 
ameliorations  soienl  immenses;  le  fond  de  la  vallee  expose 
encore  les  babitans  a  des  fievres  intermit tcntes  et  a  des  dys- 
senteries  qu'on  atlribue  an  Iron!  bumidc  des  nuits.  Les  eaux 
y  sont  presque  parlout  cbargees  de  sels  calcaires  ,  en  sorte  que 
1'on  est  oblige  de  recourir  aux  cilernes.  M.  Giuli  recommande 
l'usag<:  des  flitres  de  cbarbon  qu'il  a  deja  fait  connaitre  dans 
la  2C  edition  de  son  traite  de  Clrimie  cconomique ,  et  sur  lcs- 
quels  il  donne  ici  des  details  pratiques,  afin  de  les  mettre  a  la 
portee  de  tout  le  monde,  et  de  faire  apprecier  le  peu  de  do- 
pense  et  d'embarras  qu'ils  entrainent. 

Le  second  livre  est  beaucoup  plus  etendu  que  le  premier, 
ct  il  devait  l'elre ,  en  raison  des  details  dans  lesquels  1'auteur 
est entre sur  chaque  commune  de  la  province  de  Val-di-Cbiaua. 
I'our  cliacune,  il  decrft  Ic  lerriloirc,  non-seiilcmcnl  a  la  nu- 


698  LIVRES  ETRANGERS. 

niere  dcs  agronomes,  mais  suivant  les  methodes  dc  la  topo- 
graphie  et  de  la  geologic;  vient  ensuite  la  statistique  civile  et 
ucclesiastique ,  puis  celle  ties  arts  et  manufactures,  et  enfin  un 
smnmaire  historique.  II  faiit  remarquer  que  les  communes , 
sous  lo  gouremement  actuel  fie  la  Toscane,  sont  a  peu  pres 
I'equivaletit  de  boa  cantons. 

Le  mouTement  dc  la  population,  dans  la  commune  d'A- 
rezzo,  confirme  une  observation  falte  en  France  sur  les  efl'ets 
dc  la  centralisation  du  gouvernemcnf.  Le  grand-due  Leo- 
pold I",  dont  la  Toscane  benit  encore  la  memoire,  s'etait  at- 
tache a  la  ire  reilucr  vers  les  campagnes  les  citadins  dont  le 
nombre  cOmmencait  a  surcharger  les  villes,  el  il  avait  reussi  : 
la  population  d'  \rezzo  croissait,  mais  lentement,  et  celle  de 
son  territoire  allait  beaucoup  plus  vile.  Depuis  que  les  formes 
du  gouvernement  de  Napoleon  ont  etc  introduites  en  Toscane 
et  a  peu  pres  conservees  depuis  la  restanralion,  Arezzo  est  de- 
venu  cbef-lieu  dune  province,  et  croit  a  vue  d'ceil,  aux  de- 
pens  de  scs  environs  ;  l'ordrc  etabli  par  Leopold  est  change 
en  sens  contrairc. 

Quant  an  nombre  dcs  ecclesiastiques ,  la  France  differe  en- 
core beaucoup  de  I' Italic  Dans  la  petite  province  dont  il 
s'agit  .  on  compte  4^veches  et  6  collegiales  sur  une  surface 
qui  n'est  pas  la  moitie  d'un  departement  francais,  et  dont  la 
population  est  au-dessous  dc  110,000  habitaus.  La  ville  de 
Monte  Pulciano  a  un  eveque,  un  seminaire,  deux  com  ens 
d'hommes  et  deux  de  femmes,  outre  l'eglise  de  Saint-Blaise 
qui  pent  etrc  considerce  comme  une  collegiate.  La  population 
de  tout  le  diocese  est  au-dessous  de  10,000  habitans,  et  la  ville 
n'en  a  pas  2,5oo.  L'elendue  territoriale  de  I'eveche  equivaut, 
tout  au  plus,  aux  deux  tiers  de  celle  du  departement  dela  Seine. 

La  statistique  de  la  commune  de  Cartona,  autre  cveche, 
merite  l'altention  des  lecteurs  par  les  details  geologiques  dans 
lesquels  ML.  Giuli  est  entre,  par  la  description  des  murs  de  cette 
ville,  monument  des  anciennes  constructions  etrusques,  et 
par  une  discussion  sur  la  camptfgne  d'Annibal  coutre  le  pre- 
somptueux  et  malhabile  Flamiuius.  Les  militaircsy  remar<|ue- 
ront  quelqnes  crrcurs  dans  lesquelles  l'auteur  est  peut-etre 
tombe;  il  pense  qu'Annihal  na  pu  employer  deux  ou  trois 
journees  a  traverser  un  inarais  de  six  a  sept  lieuesde  largeur,  ou 
que  son  arniee  anrait  tellement  souffert  dans  ce  passage  qu'elle 
se  fut  exposee  a  une  destruction  totale  :  il  n'en  est  pas  ainsi, 
etle  general  carthaginois  ne  l'ignorait  point. 

M.  Giuli  regrelte  de  n'avoir  pu  donne'r  une  notice  plus 


ITALIE.  (in;, 

etendue  et  plus  complete  des  homines  eelebres  nes  dans  la 
province  qu'il  deceit.  Sa  nomenclature  n'est  ccpendant  pas 
sterile  :  il  cite  quinze  noins  historiques  apparlenans  a  la  ville 
d'Arezzo,  ct  pour  ceux  dont  il  ne  parle  point,  il  rcnvoie  aux 
Stanze  d'Angeluecie.  Comme  naturaliste,  notrc  auteur  ne  pou- 
vait  oublier  Coesalpin  qui,  le  premier,  fit  line  classification 
methodique  desplantes,  nilledi,  naturaliste,  medccin  et  poete, 
chantre  du  \  in  de  Monte  Pulciano,  qu'il  proclame  sans  hesiter 
il  te  d'ogni  vino.  Les  communes  ruralcs  meme  fburnisscnt 
aiissi  leur  contingent  d'hommes  eelebres  dans  les  amies,  1'E- 
glise,  les  lettres,  les  sciences. 

Lorsque  nous  aurons  sous  les  yeux  tonte  cette  statistique, 
nous  serous  probablement  dans  le  crfs  de  revenir  encore  sur  ce 
premier  volume,  au  sujet  de  Ve'pilogue  que  I'auteur  nous  a 
promis.  Le  resume  d'un  bon  ouvrage  est  coinme  la  cle  de  la 
voule  qui  consolide  l'edifice,  et  permet  qu'on  puisse  le  voir 
debarrasse  de  l'echafaudage  qui  servit  a  la  construction.    F. 

iq5.  — * Edizione  complela  di  tutte  IcOpere  di  s.  Francesco 
be  Salles.  — Edition  complete  des  OEuvres  de  saint  Francois 
de  Salles.  Brescia,  i8y.g;  Pasini.  5  vol.  in-16.  L'ouvrage  en- 
tier  en  formcra  douze. 

Francois  de  Salles  a  obtenu.  dans  l'Eglise  catholique,  une 
reputation  superieure  a  son  mci  ite ;  et  beaucoup  de  gens  du 
monde,  qui  ne  connaissent  ni  ses  livres,  ni  sa  vie,  le  placent 
aussi  tres-haut  dans  leur  estimc  et  j)iesque  a  cote  de  saint 
Vincent  de  Paule.  D'ou  pent  venir  cette  erreur  generale?  Une 
etude  exacte  de  cet  hommc  celebre  le  fait  decouvrir  facile- 
ment.  C'est  qu'avec  un  esprit  mediocre  et  porle  a  un  mysti- 
cisme  assez  retreci,  il  possedait  une  ame  toute  pleine  d'amour 
et  de  devoument  et  que  le  monde  paie  avec  largesse,  et  sou- 
vent  sans  discernemenl,  cette  ardeur  de  sacrifice  dont  profile 
le  grand  noinbre.  On  n'aurait  publje  aucun  de  ses  livres  que 
sa  reputation  n'en  serait  pcut-elre  pas  moins  belle.  Le  dio- 
cese oi'i  il  passa  toute  sa  vie  est  encore  ricbe  des  traditions 
de  ses  bonnes  ceuvres,  son  nom  y  est  populaire  :  il  n'est  pas 
une  des  maisons  oi'i  il  demanda  1'bospitaUte  dans  ses  courses 
apostoliqucs,  qui  ne  conserve  precieusement  le  souvenir  de  ce 
glorieux  evenement.  Dans  l'esprit  des  simples  babilans  du 
Faucigny,  le  bon  eveque  est  aussi  le  savant  ct  eloquent  ecri- 
vain.  De  la,  je  pense,  est  venue  la  premiere  reputation  li t to  — 
raire  de  saint  Francois  ;  mais  dans  ce  pays,  et  surtout  au  terns 
ou  il  vivait,  tout  homme  faisant  des  livres  et  parlant  latin  au- 
rait  acquis  la  meme  renommee.  Ainsi,  cc  sont  les  vertus  du 
«ainl,  bien  plus  que  ses  lalcns,  qui  meritent  nos  hommages  : 


-oo  LlVRES  Strangers. 

oar  il  eiait  place  dans  des  cu-constances  difficilcs.  Possede 
coiume  il  I'elait  do  Papdeur  du  proselytisme,  il  lui  fatlnt  une? 
grande  mansuetude  pour  no  commetlre  auquo  ;icle  d'intole- 
ranee  s'ar  les  protcslans  dont  les  crrcurs  environnaicnt  ses 
oiiailles,  sur  les  Gencvois  eux-memes,  qui,  autrefois  faisaient 
pai  lie  do  son  iruupeau,  qui  etaient  devenus  le  noyau  do  la  Pie- 
forme,  el  suriesquels  il  possedait  un  droit,  an  moins  nomi- 
nal, dc  priueipautc  seculiere".  Quant  a  ses  oeuvres,  si  quelques 
parties,  ou  respire  une  c  ha  rile  chrclicnne  qu'on  ne  pout  hop 
recotnmander,  meritaient  d'etre  reproduces  et  popularisees, 
i!  en  est  d'aulres  cpi'il  serai t  tres-bon  de  siipprimer-.  Cost  au- 
jourd'liui  le  terns  moins  que  jamais  dc  rcimprimcr  ces  entrc- 
tiens  mystiques  avee  P  Idiot  ce,  res  exaltations  d'amour  ue 
Dieu,  ccllc  uieluphysique  inintelligiblc  qu'il  dislribuait  avec 
profusion  a  sa  bicn-aimee  Frntifoisc  de  Cltanlal,  et  aux  an- 
tics brcbis  ehoisies  qu'il  croyait  conduire  dans  le  ohemin  do 
la  perfection  chrelienne.  Par  ces  motifs,  une  edition  choisie 
des  outrages  du  saint  evequc  nous  auiait  paru  etre  plus  utile 
a  la  religion  que  l'edition  complete,  commcnccc  par  M.  Pa- 
sini. 

19G.  —  *Nuovo  Galaleo  di  Melchiorrc  Gioja,  etc. — Nouvcau 
Galatee,  par  Mrichior  Gjoja,  corrige  de  nouveau  et  augmente 
de  pensecs  sur  la  civilite,  la  pratique  du  monde  et  autres  su- 
jcts  semblables,  a  Pusage  de  la  jeunesse.  Milan,  i83o;  Visaj. 

line  science  qui,  chez  nous,  est  releguee  dans  qtielques 
manvais  livres  d'eoole,  ctque  nous  reputons  ne  pouvoir  s'ap- 
prendre  que  par  la  pratique,  une  science,  en  effet,  qui  ne 
pent  s'enoncer  en  preceptes  puisque  ces  preoeptcs  devraient 
etre  aussi  nombroux  que  les  diverses  circonstauccs  de  la  vie, 
la  science  du  mon  le,  a  etc  en  Italic  l'objet  dime  multitude  de 
trailes  soil's  de  la  plume  des  mcilleurs  ecrivains.  Serait-ce 
par  hasard,  que  ceftfl  science  nous  est  inconnue?  II  faudrait 
pOur  l'ailirmer  donner  un  dementi  a  PEurOpe  cnlicre  qui 
nous  a  fait  a  cot egard  une  reputation  inattaquable.  Ainsi  les 
et  rangers  veulont  suppleer  par  l'ctude  a  pe  tact  dclicat  et  in- 
fallible qu'un  jeune  homme  acquierl  chez  nous  six  mois 
iiprfes  sa  sortie  du  college,  qnand  il  a  le  bonheur  de  tombcr 
tout  d'abord  an  milieu  de  ce  que  nous  appelons  la  bonne- 
rompngnic.  Du  reste,  tons  les  ecrivains  etrangers  no  se  bor- 
nent  pas  a  donner  un  traite  de  civilite  et  dc  manieies  :  its  ral- 
laelicnt  sonvent  lour  sujet  a  des  doctrines  dc  morale  ou  a  des 
theories  pbilosopbiquos.  el  e'est  suit  out  sons  ce  rapport  qu'ils 
soul  digues  d'altention.  Le  livre  doni  nous  venous  do  trans- 
onic lc  litre,  par  exemplc,  est  PoutragC  d'unhominceclcbrc. 


ITALIE.  70 . 

que  l'ltalio  a  perdu  depuis  pen,  d'unc  tfitfi  forte  ct  savanie 
qui,  malgre  qnelques  erreurs  notables,  a  Iaisse  de  profoudes 
traces  dans  les  divers  champs  de  la  science.  Aussi  qnitle-t-il 
a  tout  instant  son  I'rivole  sujet  pour  se  jeter,  a  la  grande  satis- 
faction des  lccteurs,  sur  des  objels  plus  intereasans,  dont  il 
sail  tirer  grand  parti.  Les  Pensees,  dont  cetlc  nouvelle  edition 
est  enrichie,  sonttirees  pour  la  plupart  dc  La  Bruycre,  et  n'en 
valent  pas  moins  pour  cela. 

197. —  Elogio  del  Caralierc  Giov.  Alesmndro  Brambilla.  • — 
Eloge  d' Alexandre  Brambilla,  hi,  le  5  novembre  i8'.«f),  a  I'ou- 
verture  solennelle  des  etudes  de  I'universite  dc  Pavie,  par  le 
docteur  C.  A.  Uicom,  professeur  de  physiologic,  etc.  Pavie, 
1800 ;  Bizzoni. 

Alexandre  Brambilla  naquit,  en  1728,  a  Saint-Zcnon,  pros 
de  Pavie.  II  ctudia  d'abord  la  chirurgie  sous  Baretta  et  Gra- 
zioli,  puis  deviut  chirurgien  dans  les  armees  aulrichicnnes. 
Son  savoir,  sa  sollicitude  attentive  a  remplir  ses  devoirs,  son 
habilete  pratique  le  fire  nt  en  fin  remarquer  dans  cct  cmploi 
infericur  qu'il  occupa  pres  de  cinq  ans  :  il  fnt  nomme  sue-* 
ccssivement  chirurgien-major  de  regiment,  chirurgien  en  chef 
de  la  garde  imperiale  noble,  et  chirurgien  de  I'empereur 
Joseph  II,  encore  mineur.  II  etait  digne  de  ccs  faveurs.  Le 
jeune  prince  aupres  duquel  Marie -Therese  l'avait  place  ne  vit 
pas  en  lui  un  simple  oflicier  de  palais  :  i!  en  fit  son  ami,  1111 
de  ses  conseillers  intimes,  etne  permit  pas  qu'il  lequittat  dans 
tout  le  cours  de  ses  voyages.  Brambilla  trouva,  danscclte 
derniere  circonstance,  l'occasion  de  connaitre  ct  dc  cousuher 
avec  fruit  les  plus  celcbrcs  chirurgiens  el  medecins  de  ce  terns. 
II  sut  mettre  leurs  conseils  a  profit  ct  ameliora  bcaucoup  le 
systeme  sanitaire  suivi  dans  les  armees  de  ['empire.  11  cher- 
cha  a  attirer  en  Autrichc  les  jeuncs  gens  qui  promcllaient  le 
plus  de  talent,  et  qui  rcpandirent  ensuite  par  mi  la  masse  des 
chirurgiens  les  connaissances  qu'ils  avaicnt  acquises  dans  line 
academic  centrale.  Bramhilla  n'oublia  point  sa  patricct  s'em- 
pressa  dc  rendre  utile  pour  elle  le  credit  dont  il  jouissait. 
L'universite  dc  Pavie  prit  par  ses  soins  un  lustre  nouveau,  et 
il  l'enrichit  de  bcaucoup  d'instrumens  de  chirurgie  el  d'objels 
d'hisloire  nalurelle.  Joseph  II  etant  moil,  son  chirurgien  se 
trouva  en  hntle  a  des  altaques  sourdes  qui  le  portcrent  a  se 
demettre  de  ses  emplois  ct  a  quitter  la  cour.  II  revint  a  Pavie, 
qu'il  quitla  lorsquc  les  mouvemens  poiiliques  comnienccrcnt 
aagiter  1'Italie.  II  se  mit  en  route  pour  l'Allemagnc  :  mais  il 
ne  put  achever  son  voyage  et  futatlcint,  a  Padonc,  d'unc  ma- 
ladie  qui  prit  en  quelques  jours  un  caraciere  morlel. — Telle 


j-cfc  LIVRES  KTRAftGERS. 

fut  la  vie  (le  I'lioinmc  que  M.  RigOni  avait  a  loner.  La  tache 
do  l'orateur  etait  facile,  et  il  s'en  est  bien  acquilte  en  faisant 
ressortir  tout  a  la  fois  les  lalens  et  les  belles  qualites  privees 
de  Brambilla. 

u)S.  — *  Trnxalic  iCEuripitlc,  etc.  — Tragedie  d'Euripide, 
traduites  par  Fitia:  Beixotti.  Milan ,  1829;  Stella  et  (lis. 
ln-N". 

M.  Bellotli  a  deja  public  la  traduction  dc  deux  grands  tra- 
giques  grccs,  Escbyle  ct  Sophocle  :  cclle  que  ao.us  annojicoas 
couronne  (Jignement  la  tache  immense  qu'il  s' etait  imposee. 
II  ne  lui  rcsterait  plus  maintenant  qti'a  traduire  ce  qui  nous 
est  parvenu  d' Aristophanes  pour  avoir  aeheve  une  carriere 
litteraire  que  pen  d'homuies  auraicnt  ose  entreprendre.  On 
concevra  toutc  ('importance  de  ses  travaux  si  Ton  songe  que 
jusqu'a  present  l'ltalie  uc  posscdait  presque  aucune  bonne 
traduction,  meme  parlielle,  de  la  littcraturc  dramalique  de  la 
Grece,  et  qu'il  lui  en  a  donnc  une  complete  et  reniarquable  par 
de  rares  qualites  de  style  et  de  fidelite.  M.  Bellolti  s'est  servi 
pour  rendre  ses  originaux  de  vers  elegans  et  corrects,  et  e'est 
un  avantagc  dont  nous  ne  pourrions  jamais  jouir  en  France 
pour  les  ecriTamsde  I'antiquite,  a  moins  qu'un  poete  comme 
Andre  Chenier  ne  consacrat  sa  vie  ace  penible  travail.  Mais 
quand  aurons-nous  un  autre  Chenier?  Et,  si  nous  l'avions, 
ne  serait-ce  pas  une  profanation  que  d'asservir  un  pared  genie 
a  se  trainer  sur  les  pensees  d'autrui  ? 

PAYS-BAS. 

1  cjg.  — *  Dettxieme  rccuell  de  Tableaux,  publie  par  la  Commis- 
sion generate  de  Statistic/ ue  (1).  La  Haye,  imprimcrie  de  l'Etat. 
In-8°. 

Nousavonsdejaannonce  (Voy. ci-dessus,  cahierd'AVRiL  i83o, 
p.  28)  le  premier  recueildesdocumens  statisliques  publie  par  la 
Commission  creec  aupres  du  ministere  de  1'interieur.  II  avait 
particulieremcnt  pour  objet  tout  ce  qui  se  rattache  a  la  popu- 
lation, aux  naissances,  aux  deces ,  aux  manages,  etc.  Le 
volume  qui  vicnt  de  paraitre  renferme  de  nouveaux  docu- 
mens  sur  le  meme  sujet  ;  il  comprend,  en  outre,  des  recher- 
ches  intcressantes  sur  diffcrentes  parties  de  I'industrie  natio- 
nale,  dont  nous  nous  bornerons,  pour  le  moment,  a  indiquer 

(1)  La  Commission  de  statistique,  attachee  au  ministere  de  I'interieur, 
se  compose  des  administrateurs  de  ce  ministere  et  de  M.  le  rei'erendairc 
Shuts  comme  secretaire. 


PAYS-HAS.  ;oj 

les  principales,  parce  que  nous  nous  reservons  tie  puiser  suc- 
cessivement  dans  ce  recueil,  et  dans  tous  ceux  que  t'era  parai- 
tre  le  gouvernement,  les  donnces  qui  pourront  le  plus  inle- 
resser  les  lecteurs  de  la  Revue.  Differens  tableaux  statisliques 
sur  le  niouvement  d'entrec,  de  sortie  et  de  transit,  surla  na- 
vigation et  les  peches,  sur  les  houillcres,  etsur  I'etat  numeri- 
que  des  betes  a  cornes,  ties  chevaux  et  des  moutons,  lournis- 
sent  ties  renseignemens  qui  manquaient  generalement  encore 
pour  le  royaume.  Sous  le  titre  rniteorologie ,  on  donnc  deux 
dessins  representant  lescourbesdes  temperatures,  pendant  tlix 
annres,  a  Malints et  a  Zrwanenburg,  entre  Harlem  et  Amster- 
dam; peut-etre  trouvera-t-on  que  ces  dessins,  sans  autre  in- 
dication et  sansrenseignemens  sur  les  instrtimens  qui  ont  servi 
aiix  observations,  presentent  moins  d'interet  a  la  science.  Les 
tableaux  sur  I'etat  ties  vaccinations  et  sur  ('administration  tie 
la  justice  contiennent  ties  documens  plus  satislaisans ;  les  der- 
niers  particulierement  doivent  I'ournir  ties  resultats  utiles,  si 
on  les  compare  a  ceux  que  Ton  public  annuellement  en  France. 
Les  Pays-Bas,  a  quelques  exceptions  pres,  sont  encore  sous 
i'influence  ties  memes  lois  que  ce  dernier  royaume;  il  devient 
done  tres-interessant  d' examiner  et  tie  comparer  les  crimes  et 
les  debts  sur  lesquels  les  tribunaux  ont  eu  a  prononcer  des 
deux  parts.  En  publiant  mes  Recherches  statisliques  sur  le 
Royaume  des  Pays-Ras,  oil  se  trouvent, .je  crois,  les  premiers 
documens  que  l'onait  publics,  chez  nous,  sur  ('administration 
de  la  justice,  j'ai  deja  eu  l'occasion  d'etablir  des  rapproche- 
mens  semblables,  et  tie  faire  voir  toute  I'utilite  que  Ton  peut 
en  retirer.  Les  tableaux  que  je  presentais  etaient  pour  1826; 
ceux  de  la  Commission  sont  pour  1827,  et  peuvent  etre  con- 
sidered conime  faisant  suite  aux  miens.  Le  peu  tie  mots  que 
nous  venons  de  dire  sur  la  nouvelle  publication  de  la  Commis- 
sion de  statistique  suffira  deja  sans  doute  pour  en  faire  appre- 
eierl'importance; «  fitlele  au  principe  qu'elle  a  adopte,  elle  se 
borne  a  ne  presenter  que  des  duffies  011  des  tableaux  authen- 
tiques,  sans  chereher  a  etablir  aucun  systeme,  et  en  s'abste- 
nant  d'entrer  dans  le  domaine  des  theories.  »  Cetle  sage  reserve 
a  aussi  ete  suivieen  France  dans  la  publication  des  Recherches 
statistiques  sur  Paris,  et  dans  les  documens  sur  t' administration 
de  la  justice,  qui  sont  des  modeles  dans  ce  genre. 

A.  Quetelet. 

200.  — Lettres  sur  la  Liberie  de  la  Religion,  et  sur  les  Thco- 
democrates,ou  les  Jesuilesmodernes.  Amsterdam,  1829;  Diede- 
richs  freres.  In-8°  de  1 26  pag. 

Cette  brochure  est  dirigee  contre  le  parti  catholiquc  des 


po&  UVKI-S  1'TilANGFJlS. 

Pays-Has.  Le  jm*jvb  etant  un soiiverain  cleeiif,  I'mitcur  reoi-e* 
sente  la  dour  do  iiome,  non  comttie  u«e  monarch ie  the.icra- 
tique,  mais  cominc  une  tlico-denmcralic.  De  la  lc  pom  dc 
ilido-dcmncrates  qn'il  donne  aux  jcsuilcs.  Cestcn  vcrtu  de  leur 
esprit  dcniocratique ,  si  l'ou  en  croil  eel  ouvragc,  que  les 
jesuites  onl  conspire  contro  les  rois,  el  qu'lls  sont  lee  enneniis 
fle  toutes  les  monarchies  constitulionncilcs  ou  non  conslitu- 
tionnelles.  Voila,  sans  doute,  un  aspect  nouvcau  sous  1  equal 
fin  nous  peint  les  jesuites,  et  nous  no  sonimes  pas  aceoulumcs 
n  les  maudire  comme  amis  de  l'egalilc  et  de  la  libeite.  Mais 
l'auteur  lui-meme  ne  prend  pas  ce  rcproche  au  sciieux  :  bion 
tpie  le  tilre  de  sa  brochure  semble  indiquer  que  le  rcpublica- 
nisnie  des  jesuites  est  le  principal  argument  qu'il  Icur  oppose, 
ce  motif  n'est  que  subsidiairc  et  n'occupe  guere  qu'unc  demi- 
pagc.  Tout  lc  rcste  est  consacre  a  devolopper  les  perils  qu'rn- 
traine  dans  l'lilat  une  mi  lice  devoute  a  un  souvoiain  etrangor, 
et  surtout  it  dcveloppcr  les  croyances  ahsurdes  flont  I'auldur 
accuse  la  doctrine  catholique.  11  ne  vcut  point  que  les  eallmli- 
ques  obtieunent  la  liberie  de  la  prcssc,  ni  la  libeite  do  I'on- 
scignement,  et  a  ce  sujet  il  s'emportc  en  injures  coulir  ie 
parlement  d'Angleterrc,  qui  a  ordonne  l'emancipalion  ties 
catholiques,  el  contra  les  liberaux  de  France  et  des  Pays-Bas 
qui  out  soulenu  cette  mesure. 

L'intolerance  eranscliquc  (car  e'est  la  religion  evangeliqne 
qui  est  en  Hollande  la  religion  de  l'lilat)  n'est  ni  plus  eelairee, 
ni  pins  retenue,  ni  de  mcilicuro  f»i,  ni  de  meilleur  ton 
que  1'intolerance  callwtiquc.  Le  sty  le  et  les  raisonncmens  do 
cette  brochure  nc  different  en  lien  des  discoius  flu  plus  fou- 
gueux  de  nos  missionnaiics,  ou  flu  plus  ignorant  cure  d'Es- 
pagne.  Ainsi  toute  religion  dominante,  e'est-a-flire  appuyee 
par  le  bras  seculicr,  incline  vers  la  persecution,  et  ce,mal  est 
prcsque  inevitable  :  en  effel,  si  les  dcposilaires  flu  pouvoir 
sont  serieusement  convaincus  flc  la  fettle  fle  leurs  croyances, 
comment  n'auront-ils  pas  de  repugnance  pour  ecus  qu'ils  rc- 
gjrdent  eomnie  les  enncmis  de  leur  foi  ?  Sans  doute  ,  le 
nioyen  de  Iranchcr  la  difficulte  scrait  de  rctircr  l'assisianee  de 
la  force  publiquc  a  toute  opinion  qui  se  renferme  flans  les 
limiles  fle  la  conscience  individuellc,  et  de  ne  rendre  obliga- 
toirc  que  1'accomplissemcnt  des  devoirs  sociaux.  Des  que  dans 
un  pays  il  n'y  a  plus  comnmnaute  fl'opinions  religieuses , 
l'unite  de  I'Etat  nc  repose  plus  sur  la  religion  ,  mais  sur  la 
morale  sociaie,  et  lc  tcxtc  de  la  loi  ne  doit  pas  mentir  a 
ce  fait.  Bfe  genez  les  cultes  divers  que  dans  les  pratiques  et 
les  maximes  qui   pcuvent    The    contiaires  aux    devoirs   so- 


PAYS-BAS  7o5 

ciaux;  pour  tout  le  reste ,  laissez-les  libres  :  voila  ce  que 
doit  faire  aujourd'hui  tout  gouvernement.  JMais  cc  principe 
est  plus  facile  a  proclamer  qu'a  pratiquer.  Comme  chacun 
etablit  une  relation  iulinie  entre  sa  morale  ct  sa  religion,  le 
souverain,  que  ce  suit  un  hnrame  ou  une  assemblee,  inclinera 
toujours  a  meltre  une  pai  tie  tie  sa  religion  dans  la  morale  so- 
ciale,  et  a  etendre  sur  la  premiere  1' obligation  qui  n'apparlient 
qu'a  la  seconde. 

11  en  sera  ainsi  jusqu'a  ce  qu'on  ait  etabli  la  morale  sociale 
sur  des  bases  qui  lui  soient  propres;  c'esl-a-dire,  jusqu'a  ce 
qu'on  l'ait  assise  sur  sa  propre  evidence,  comme  les  mathe- 
matiques,  on  du  moins  jusqu'a  ce  qu'on  ne  lui  ait  laisse  d'e- 
tranger  que  les  maximes  de  religion  generale  qui  se  retrouvent 
dans  tous  les  cultes,  comme  la  grammaire  generale  preside  a 
toutes  leslangues  particulieres. 

Ce  ne  seront  pas  les  Leilres  sur  les  Theo-democraies  qui  aide- 
ront  a  degager  le  droit  social  des  entraves  d'un  culte  parti- 
culier.  Ad. 

201. —  Essni  historique  et  lopographique  sur  I'origine  a" Sti- 
vers et  de  ses  premiers  liabitans ;  par  M.  Marshall,  avocat  et 
arcbiviste  de  la  ville  d'Anvers.  Anvers,  1829;  imprimeiie  de 
Jouan.  In-8°de  vi-48  pages,  avec  plans  et  figures. 

Conservateur  des  archives  de  la  ville  d'Anvers,  homme 
plein  de  zele  et  de  talent,  M.  Marshall  etait  a  meme,  plus 
que  tout  autre  ecrivain,  de  faire  un  bon  Memoire  sur  Porigine 
d'Anvers  etl'histoirede  cette\ille.  On  doit  lui  savoir  beaucoup 
de  gre  d'avoir  bien  rempli  sa  tache.  Sa  brochifre  est  pleine  de 
choses  curieuses  et  renferme,  dans  un  cadre  resscrre,  tout  ce 
qu'il  y  a  de  plus  interessant  a  connaitre  rel.ilivement  a  cette 
cite  sicelebredans  le  monde,  autrefois  si  riche  et  si  florissante 
par  son  commerce  et  son  industrie,  si  illustree  par  tant  de 
grands  peintres  qui  ont  eternise  l'ecole  flamande.  Les  per- 
sonnes  qui  aiment  mieux  la  verite  historique  que  des  tradi- 
tions fabuleuses  prefereront  la  brochure  de  M.  Marshall, 
ecrite  sans  pretention,  et  dans  le  seul  but  de  servir  utilement 
Phistoire,  a  tout  ce  que  Ton  a  publie  sur  la  ville  d'Anvers. 

deK. 

202.  —  *  Essai  sur  CHistoire  de  la  Litter  atari  ne"erlandaise , 
par  J.  de  S'Gravehwert,  membre  de  l'Institut  des  Pays- 
Bas,  etc.,  dedie  a  S.  M.  le  Roi  des  Pays-Bas.  Amsterdam, 
i83o;  Delachaux.  In-8°  de  vui  et  23 1  pages. 

Onavait  trop  long-tenis  neglige  en  France  les  langues  et  les 
litteraturesetrangeres;troplong-temsaussi,desprejuges  anti- 
sociaux,  desantipathies  nationalesavaientdivise  les  peuples,  et 
t.  xlvi.  jcin  i83o.  45 


;oG  LIVRES  KTRAfcGERS. 

cxercelcur  influence,  nicmcsur  leslinnvmes  relaircs.  Los pro- 
gress des  Fuiftiefes  c\  de  rtotlv.bllerfcottjnAfdnJCatJonjt)hreai'tt\reS 

et  plusmultiplitcs,  qui  sunt  necs  du  scin  krtfeme  des  gncrrcs,  ct 
qui  out  pris  de  phis  grands  dcvcloppcmeus  dcpuis  la  pafac,  mil 
contribuc  a  micux  (aire  connaitre  ct  apprecicr  les  nations  lc? 
unes  par  les  autres  ;  ct  la  Rente  Encyelopcdiquc,  d'apris  les  lc- 
moighages  de  scs  nombreux  correspondans ,  n'a  pas  etc  en- 
titlement inutile,  depuis  doiuc  annc.es  qu'ellc  cxiste ,  pour 
amencr  cct  important  resultat. 

Aujourd'hui,  les  ecrivains  les  plus  rcnommes  de  l'Angle- 
tcrre,  de  l'Allcmagne,  del'Ilalie,  obtiennenl  en  France  la 
niemc  popularile  que  dans  lciir  propre  patric ;  et  la  langiie  ct 
la  litteraturc  franchises  out  plus  que  jamais  tin  caraelerc  d'u- 
niversalite  qui  les  rend  proprcs  a  transporter  d'un  pays  dans 
up  autre  les  productions  scicntifiques  et  litt;iaircs  digues 
d'une  tres-grandc  publicite.  Mais  la  litteraturc  neerlandaise, 
qui  comprend  les  ouvrages  ecrits  en  hollandais  et  en  flam- 
mand,  et  qui,  d'apres  son  hislorien,  se  devcloppa  speciale- 
'  ment  vers  la  fin  du  xvi*  et  art  commencement  du  xvn*  sieclc. 
etait  encore  tres-pcu  connue.  M.  de  S'Gravenwert  cntrcprend 
de  venger  cetle  litteraturc  d'un  injtiste  oubli,  et  ses  docles  et 
laborieuscs  rechcrches  lui  mcrilent  la  reconnaissance  de  ses 
compatriotes  et  des  amis  de  la  litteraturc  dans  tons  les  pays. 

Aprcs  une  courlc  introduction,  I'autcur  traite  suercsi-ive- 
ment  de  l'origine  de  la  langne  neerlanda'ise  (ou  hollanclaise) , 
ct  des  diflerentes  cpoqucs  litleraircs  f'c  ccltelangue  :  i*dti  ail* 
au  xv n*  siecle ;  2°  dans  le  xvn*  sieclc,  on  la  Hollande,  lout 
en  conquerant  son  independance  politique,  eultive  a  la  fois 
avec  un  egal  succes  les  sciences,  les  belles-lettres  ct  les  arts  ; 
5°  dans  le  xvm*  sieclc,  qu'il  divise  en  trois  periodesdistinctes, 
de  1700  jusqu'en  1775  ;  puis,  jusqu'a  la  revolution  de  1795  ; 
et  enfin  jusqu'en  i8i5,  periode  de  la  restauration  qui  se  ral- 
tache  au  moment  actuel. 

Le  passage  suivant  donnera  une  idee  du  style  ct  de  la  ma- 
niere  de  voir  de  l'auleiir  :  t. II  n'existe  point  de  people  qui, 
dans  le  cours  de  deux  ou  trois  siecles  seulement,  ail  produit 
lant  d'hommes  eminens  sur  une  population  aussi  restreinte 
quecelledesPays-Bas,  en  Hollande  surtout.  On  le  doit  en  par- 
tie  aux  institutions  liberales  des  Provinccs-IJnics,  alors  I'ort  en 
avant  de  celles  des  autres  peoples  del'Europc,  qui  gcmissaicnl 
prcsque  tons  sous  le  joug  dii  despoti^me  ou  de  la  supcr.-lition ; 
maisonledoitcgalement  aubon  sens  investigateuret  solidc  de 
la  nation,  qui  nc  s'est  jamais  dementi  jusqu'a  nos  joins.  —  La 
litteraturc,  ingenicusement  appelce  la  pbysionomie  d'un  peu- 
ple,  n'est  pas  demeurec  en  arriere  ;  clle  est  grave  ct  religicusc 


PAYS-IAS.  —  fcfVRES  FRANCAIS.  ;0; 

comme  la  nation,  toujours  simple  et  souvent  sublime  on  bar- 
die, ct  so  distingue  surtoul  par  un  ca rude  re  original  do  medi- 
tation et  de  patriotism** . 

L'ouvrage  que  nous  annoncons  cstuntribut  honorable  pate 
par  un  boa  citoyen  a  sa  patrie,  et  par  un  cerivain  eclaire  a  la 
littcrature  el  a  la  cause  des  lumicres.  Tons  les  homines  ai  ides 
.d'inslruelion  aimeront  a  suivie  un  guide  habile  qui  les  con- 
duit dans  des  routes  nouvclles  et  dans  un  monde  peut-elre 
inconnu  pour  bcauconp  d'entic  eux,  et  tii's-digne  d'etre  clu- 
die.  Lc  succes  do  cet  ouvrnge  doit  etre  europcen,  oomme  l'a 
ete  le  but  de  1'auteur;  ct  UI.  de  S'Gravcnwert,  qui  va  par- 
courir,  ccttc  annce,  1'Italie.  en  observateur  insiruit  ct  ami  des 
arts,  ne  pent  manquer  d'y  rccevoir  l'accueil  distingue  que  me- 
rilc  la  reunion  de  connaissanccs  elendues  ct  variees  a  des 
qualites  aimab'es  ct  solides.  Nous  reviendrons  sur  cctte  his— 
toirc  lilloraire,  pour  en  ofi'rir  l'aualysc  a  nos  leclewrs. 

M.  A.  Juelien,  de  Paris. 

Ourrages  periodiques. 

2o3.  ■ — *  Tydsc/irifU  etc. —  Recucil  de  la  Socic'tc  des  Sciences 
medicates  de  Hoorn.  Troisiemc  volume.  Amsterdam,  i83o; 
imprimcric  de  Vinck.  In-8°  de  i58  pages. 

Co.  recueil,  rcdigc  par  MM.  Rynbers,  Van  Marken  et  Jor- 
kitswa,  et  dont  nous  avons  en  plus  d'une  ibis  occasion  de  par- 
lor avee  eloge,  fentermc  d'excellentcs  observations.  Dans  le 
dernier  volume  que  la  Societe  vicnt  de  publier,  on  trouvc 
parmi  un  grand  nombre  d'analyses  d'ouvrages  et  de  notices, 
une  observation  fort  interessante,  par  M.  Kereert,  sur  une  o  man - 
msc  survenne  a  la  suite  de  I'accouchement ;  des  rcchcrchos  sur 
hi  fistute  lacrymalc,  par  ?d.  BccnxER;  une  dissertation  rhimiiiuc 
sur  les  stls;  une  Notice  surla  lilhrotrilir,  parL,ANDSH.R00N,  etc. 

DSK. 

LIVRES  FRANCAIS. 

Sciences  physiques  et  naturetles. 

2oZj.- —  *  Principes  de  Philosophic  :oologique,  discules  en  mars 
1800.  par  iM.  Geoffroy-Saint-Hilaire.  Paris,  1800;  Pichon 
et  Didier,  (juai  des  Augustins,  n°47  ;  Rousseau,  rue  de  Riche- 
lieu, n"  io5.  ln-8°de  22G  pages;  prix,  !\  t'r.  5o  cent. 

La  discussion  sur  le  principe  desdiversitcs  awima'cs  toujours 
ramenoes a dc communes  conditionsd'oiganisalionnous  a  parn 
avoir  uu  tol  caractore  dc  grandeur  ct  d'ulilile  philosophiqnc 


?08  L1VR1S  FRANCAIS. 

que  nous  nous  sommes  empresses  d'cn  offrir  quelques  parties 
a  nos  lecterns.  Nous  avons  insere  dans  ce  recueil  (voy.  ci-des- 
sus,  cahicr  d'dvrit  iiSTto.  p.  5  el  p.  20)  le  premier  Memoirede 
M.  Georges  Cimer,  et  line  replique  de  IM.  Geoffroy-Saint- 
Hilaire,  etablissant  les  points  de  controverse  discutea  devant 
l'Vc. identic.  Ce  dernier  a  fail  connaitre  qn'il  prcparail  nn  ou- 
Tragc  dans  lequel  les  memos  questions  seraient  reproduces 
avectouslesdeveloppcmensconvenables.  Get  miYrage  vientde 
paraitre,  et  ne  pent  manqnor  d'inspirer  on  vif  interel ;  il  tie 
s'agit  de  rien  moius  que  de  savoir  si  la  philosophic  zoologi- 
que,  telle  que  l'a  finite  A  r  is  tote,  telle  que  Font  contirmee  les 
travaux  de  vingt-deux  siecles ;  telle  enfin  que  iM.Cuvier  lui- 
meme  l'a  consacree  par  des  travaux  ad  mi  rabies ;  si  eette  phi- 
losophic, demontree  insufTistnteet  incomplete,  cedent  la  place 
aux  doctrines  recemment  inlrodiiites  en  Allemagne  par  plu- 
sieurs  savans  celebrcs,  et  en  France  par  M.  GcoflYoy-Snint- 
Hilaire.  Quand  les  discussions  scienliuques  ne  roulent  quesur 
des  travaux  de  detail,  elles  demeurent  renfeimees  dans  I 'en- 
ceinte des  Academies  et  des  Societes  savantes;  mais,  quand 
elles  portent  sur  les  plus  hautes  generaliles  de  toute  une 
science  ;  quand  elles  sont  engagees  et  soutenues  par  deshum- 
mes  dont  le  nom  est  europeen,  alors  la  curiosite  puhlique  s'e- 
veille  et  s'y  attache.  Toutes  les  sciences  sont  par  contre  coup 
mises  en  cause,  et  ont  un  interest  majeur  a  lent-  resultat.  La 
controverse  elevee  entre  M.  Guvier  et  M.  GcofiYoy-Sainl-Hi- 
laire  ofTre  ces  carac teres  ;  le  public  ne  saurait  y  rester  indiffe- 
rent. Les  questions  en  litige  sont  telles  qu'independ.unnient 
de  leur  inleret  scientifique  elles  sont  de  nature  a  s'emparer 
fprtement  de  toutes  les  intelligences,  pour  lesquelles  le  spec- 
tacle de  la  nature  animee  est  une  source  feeonde  d'emotions 
poetiques,  philosophiqueset  religieuses.  Or,  il  n'y  a  pas  d'ame, 
quelque  pett  cnltiveeet  bien  organisee,  qui  n'en  eprouve  sou- 
vent  de  semblables. 

Ges  nouvelles  idees  de  philosophic  n'etaient  encore  con- 
nucs  et  debattues  que  dans  les  regions  les  plus  elevees  de  la 
science:  c'est  depuis  trente  ans  environ  qu'elles  se  sont  in- 
troduites  en  Allemagne  par  les  travaux  de  Kielmayer,  Oken, 
Spix,  Tiedernann,  Meckel,  Cams,  Bojanus  etc.,  et  aussi  par 
les  speculations  de  CEcole  de  la  Nature;  un  France,  paries  ecrits 
de  M.  Geoffroy- Saint- Hilaire  et  par  nos  communications 
avec  FAIlemagne  :  elles  doivent  aujonrd'hui  a  la  dernicre  dis- 
cussion academique  d'etre  presentcment  repandues  parmi  tou- 
tes les  classes  de  lecteurs. 

Le  livre  que  nous  annonpons  ajouterait  beaucoup  plus  a  ces 


SCIENCES  PHYSIQUES.  ;o9 

vesultats  dernierement  produits  par  la  presse  periodique,  s'il 
avait  ete  destine  par  son  auteur  a  une  grande  circulation; 
mais  il  parait  qu'il  a  etc  pris  des  mesures  pour  qu'il  n'en  fut 
pas  ainsi.  L'auteur,  ayanl  vouiu  subordonner  les  inte.retsde  la 
science  aux  egards  et  aux  relations  d'amitie  qui  l'unissent  a 
M.  Cuvier,  n'a  desire  donner  a  son  livre  qu'une  demi-publi- 
cite.  L'ouvrage  est  tire  a  un  tres-pelit  nombre  d'exemplaites, 
et  ne  doit  pas  etre  reimprime. 

Quand  de  nouvelles  idees  entrentavec  eclat  dans  la  pensee 
publique,  on  desire  en  connailre  l'inventeur,  ou  le  premier 
promoteur.  Les  questions  de  priorite  sont  toujours  diflici- 
les  a  resoudre.  Les  nouveaux  principes  de  philosophic  zoolo- 
gique  ne  seraient-ils  que  propages  d'AUemagne  en  France? 
Auquel  de  ces  deux  pays  en  doit-on  attribuer  I'honneur?  Que 
des  discussions  publiques  s'elevent  sur  ces  points  de  fails,  on 
peut  considerer  les  choses  elles-memes  comme  appreciees  et 
jugees  dans  ce  qu'elles  ont  de  fondamental. 

J.  31.  de  Saint-Ange,  D.  M. 

N.  B.  Les  d^veloppemens  qui  suivent,  et  que  nous  avions  demandes 
a  l'auteur  luinitme  pour  bien  pieciser  l'etat  de  la  question,  nous  parais- 
sent  devoir  la  reproduce  avec  une  nouvelle  lumiere,  et  satisferont,  sans 
doute,  les  lecteurs  meme  elrangers  a  la  question  scientifique  pioprement 
dite  qui  voudront  s'en  faiie  une  idee  netle,  et  la  bien  compiendre. 

Connaitre  avec  exactitude  et  les  rapports  et  les  differences 
des  materiaux  constituans  des  systetnes  organiques  chez  les 
animauxesl  le  probleme  comme  lebutdel'analomiecomparee. 
Mais  quelles  melhodes  y  serontemployees,  quelsprocedessont 
preferables?  Car,  devra-t-on  s'en  tenir  a  ce  qui  fut  pratique 
de  tout  terns,  a  ce  qu'on  distingue  aujourd'hui  sous  le  nom 
de  doctrine  aristoleliquc?  ou  faudra-t-il  admetlre  en  concur- 
rence et  par  preference  le  service  de  la  Thcoriedes  Analogues? 
Ces  derniers  et  nouveaux  moyens  d'etude  ameneraient-ils 
une  utile  renovation  de  la  facede  la  science?  M.  Georges  Cuvier 
ne  partage  point  cette  opinion  de  son  confrere  :  il  n'a  nulle 
raison  de  rien  changer  a  ce  qu'il  a  pratique  jusqu'a  ce  jour; 
or ,  c'est  en  presence  de  cette  redoulable  opposition  que 
M.  Geoffroy-Saint-Hilaire  a  propose  sa  Theorie dcs  Analogues, 
qu'il  donne  comme  un  procede  nouveau  et  comme  un  guide 
assure,  procurant  au  moment  meme  les  inspirations  et  les  re- 
velations desirables,  et  portant  a  des  recherches  instantane- 
mcnt  scientifiques. 

Voila  ou  est  le  nceud  de  la  controverse  qui  s'est  elevee  der- 
nierement au  sein  de  l'Academie  des  sciences. 


LIVUES  FRANC AIS. 

La  doctrine  arhtotdique  n'cst  et  no.  pent  elrc  invoquce  quo 
dam-  des  cas  ties- simples  :  die  n'a  gucro  idee  tics  rapports 
que  fl'une  manide  instinctive  :  lea  homines  de  la  science  nut 
lino  sagacito  (|iii  les  a  cnlraincs  In' s  -suim-nt  au  dela;  on  ne 
parte  ici  queue  la  doe-trine  olle-meine,  que  desconseils  qu'elle 
pent  inspirei'.  Kt,  cnieflol,  comma  moyen,  die  ne  vapas  bcau- 
COHp  an  dola  dc  ce  (|iii  est  acquis  par  Ic  scul  lion  sens  po- 
pulate, quand  il  s'agit  pour  ellc  d'aequerir  la  conscience  des 
r:  ^tiuhlances  philosophiqucs  des  organes.  L'ccil  dol'homme, 
l'a'il  du  singe,  celni  duboeuf,  tie  la  grenouillc,  dn  serpent,  elc, 
e'est  un  ceil  pour  die,  coniuie  pour  tout  le  monde.  II  ne  faut 
pas  se  denianuer,  dans  l'un  on  I'aulre  cas,  pourquoi  :  il  suilit 
qu'on  le  disc,  sur  un  jugement  prompt  et  instinclif. 

Lebrasde  I'honmne  est  forme  parquatre  troneons  :  l'epaulc, 
le  bias  proprement  Jit,  Pavant-bras  el  la  main.  Connaisscz 
toutes  les  hesitations  de-la  doctrine  aristotdiquc  ,  si  die  enlre- 
prendde  comparer,  dans  des  animaux  divers,  cette  quatricmo 
et  dernicre  partie,  le  troncon,  nomme  la  main  chez  1  homme. 
Pour  qu'elle  continue  a  considerer  cclle-ci  comme  toujours 
aiialogique  dans  la  Serje  des  etres,  die  exige  la  reunion  do 
tous  les  rapports  possibles;  il  faut  qu'il  lui  soit  donne  meme 
troncon,  meme  forme  et  meme  fonclion.  Ce  troncon  exisle 
diez  le  cheval ;  mais  dans  cette  especc  apparlenant  a  la  meme 
classe  des  mummiferes,  les  formes  et  les  functions  sont  mi- 
tres; alors  il  est  de  necessitc  que  la  doctrine  aristoteliquc  as- 
servisse  £  cette  observation  pariiculiere  sa  pbilosopbie  gfene- 
rale.  Un  autre  systeme  de  formation,  prononce-t-dlc,  a 
produit  cet  autre  troncon.  Ainsi  ia  nature,  dans  plusicurs  fa- 
milies de  mammiferes,  reuoncerait  au.^si  vile  a  la  voie  acrou- 
tumce  des  transitions,  afin  de  composer,  avec  aussi  pen  de 
motifs  pour  changer,  un  nouveau  systeine  organique  ! 

Cependant,  qu'a  son  toiir  la  theorie  des  analogues  s'ex- 
plique  sur  ces  mfimes  faits.  Elle  n'est  point  tcntie  de  changer 
dc  philosophic  a  chaque  variation  unpen  considerable  qu'elle 
rencontre  dans  la  serie  des  clres  :  e'est  que  cette  theorie  se 
refuse  expresscmcut  a  faii'e  concourir  ensemble  pour  aboutir 
a  un  avis  comniun  les  trois  demens  nccessaires  a  la  docUino 
arislotelique;  savoir  :  le  troncon,  sa  forme  et  sa  fonction  :  la 
theorie  des  analogues  s'empare  du  troncon  tout  seul,  dont 
elle  examine  d'ubord  toutes  les  conditions  communes,  par- 
tout  ou  celui-ci  sc  trouvc  ,  ct  die  n'arrive  qu'en  second  lieu 
sur  les  deux  autres  circonstances  propres  a  1c  qualifier;  sa- 
voir :  sa  forme  el  scs  usages. 

Ainsi  le  cheval  a  une  quatriem :  partie  au    membre  ante- 


SCIENCES  PIlfSIQUES.  711 

eieiir,  laqucllc  devient,  par  consequent,  facilement  compa- 
rable a  la  quatrieme  parlie  on  a  la  main  de  l'liomme.  Avec 
eeltc  rossource  d'obscrvalion ,  il  n 'est  plus  necessairc  de  c'or- 
riger  a  lout  lnoment  la  philosophic  appliquable  a  ces  faits;  il 
u'est  pas  nou  plus  necessairc  d'admettre  une  nouvelle  creation 
d'organes  pour  ces  cas  particuliers  :  on  s'en  tient  a  ce  qui  est, 
a  la  possibilite  demontree  d'une  transformation  des  parties  : 
ces  incuies  parties  peuvent  changer  ,  el  changent  en  effet  de 
forme  dans  les  di verses  families  ;  en  changcant  de  forme,  elles 
changent  net  essairement  de  function,  Or,  ces  cas  trouvent 
une  exposition  loute  simple,  en  meme  terns  queleur  explica- 
tion, dans  la  proposition  suivante  portee  a  toute  sa  generalite; 
le  dernier  tronpon  de  I'cxtremitc  anlcrieure  est,  chez  la  plupart 
des  inammifcres,  employe  diversement,  devcnanl  la  patte  du  c/tien, 
la  gri/fe  du  chat,  une  aile  chez  la  chauve-souris,  une  ramc  chez  le 
phoque,  enfin  une  portion  de  lajambe  chez  les  ruminans. 

Ainsi  la  doctrine  aristotelique  serait  restremte  dans  1  ap- 
plication a  en  faire ,  et  meme  de  toute  inulilite  :  restreintc , 
puisqu'elle  ne  s'applique  qu'aux  animaux  teltement  voisins 
qu'alors  il  est  tout  simple  qu'ils  rcunissent  en  eux  les  trois 
sortes  d'elemens  pour  de  eommuns  rapports;  ce  qui  ne  se 
rencontre  qu'entre  les  espeees  de  monies  families  :  el  de  toute 
inutililr,  puisqu'elle  ne  se  porte  qu'a  la  connaissance  d'aualo- 
gies  deja  fournies  instinctivemeut  a  l'esprit  :  effeclivemcnt , 
l'evidence  porte  en  soi  un  principe  de  niauifcsUilion  propre  a 
frapper  egalement  toutes  les  imaginations. 

An  contraire ,  la  Thcorie  de(  Analogues  se  distingue  par  son 
caraclcre  d'une  complete  universalile ,  et  par  sou  interven- 
tion, alors  que  cel!e-i  i  est  indispensablemcut  reclamee. 

Sou  universal 'ite  se  manifesle  dans  cetle  circonstancc  que, 
reposant  sur  la  consideration  du  seul  element  analomiquc,  la 
thcorie  saisil  un  sujet  d'observation  infiniment  etendu  :  ce,t 
clement  resle  partoul  compai'al)!c,  meme  lorsqu'il  disparait ; 
car  des  traces  indicatives  de  sa  disparition  subsistent  loujours. 
Ces  I  de  cclle  manicre  que  s'ctahlil  celle  universaiite  de  ser- 
vice :  ct  en  clll-1  la  thcorie  des  analogues  ne  prcjugc  point 
la  ci;:i  tTvalion  invariable  des  malcriaux  :  clle  inlervient  seu- 
loincnt  pour  en  faire  lVppel  et  pour  en  regler  le  comptc. 

Sou  intern  nlion  se  monlrc  ans'i  parfois  indispensable ;  e'est 
q-.iand  les  formes  des  mentes  parties  out  eprouve  une  si  grand e 
m.'lamoi  pliose  que  les  analogies,  pour  etrc  retrouvees  on  dc- 
moulivcs,  exigent  louti ;s  les  lumicres  de  la  science,  les  pro- 
cedes  de  la  plus  exqui.-c  s.agacile,  et  les  ressources  de  sa 
propre  melhude  dc  determination. 


7,2  LIVRES  FRANC  AIS. 

Bo  definitive ,  la  doctrine  aristotelique  retient  dans  des  li- 
mites  reslreinlcs  le  principe  de  la  ressemblance  philosophique 
des  etres,  n'en  voulant  qu'autant  que  cc  principe  se  manifesto 
aux  yenx  du  corps,  et  la  Thiorie  des  Analogues  trouve  a  eleodre 
indefiniment  le  champ  des  faits  comparable*,  entendant  les 
rechercher  an  dela  de  leur  manifestation  oenlaire,  et  usant 
des  veux  de  1'esprit  pour  ponrsnivre  et  saisir  ce  que  des  com- 
paraisons  suivies  opiniatrernent  accordent  encore  de  rapports. 
Geoffroy-Saiist-Hilaire. 

2o5. — Nouveait  Manuel  de  I'  A natomisle,  etc. ,  par  M.  Ernest- 
Alexandre  Lauth,  D.-M.  ,  agrege  en  exercice,  chef  des  tra- 
■vaux  anatomiques  pres  la  Faculte  de  medecine.  de  Stras- 
bourg, etc.  Strasbourg,  1839;  imprimerie  de  Levrault.  In-8* 
de  xvi-7;6  pages;  prix,  8  5o  c,  et  10  fr.  par  la  poste. 

L'auteurdece  nouveau  manuel,  qu'ilnc  faut  pas  confondre 
avec  tant  d'autres  manuels  de  ce  genre ,  Start  deja  parvenu  a 
se  faire  connaitre  de  la  maniere  la  plus  avanlageuse  ,  pai  tout 
ou  les  sciences  naturelles  sont  cullivees,  par  ses  interessans 
travaux  sur  les  vaisseaux  lymphatiques.  L'exeellent  ouvrage 
que  nous  annoncons  ne  reut  manquer  de  placer  M.  Esnest 
Lauth  a  cote  de  son  digne  pcre ,  l'un  des  plus  savans  mede- 
cins  de  l'Europe,  et  que  la  mort  a  trop  tot  ravi  aux  sciences 
medicates  et  a  la  Faculte  de  Strasbourg,  qu'il  a  si  long-tems 
illustree.  II  serait  trop  long  d'offiir  l'analyse  d'un  ouvrage  ana- 
tomique  :  il  s'y  preterait  difficilement.  Nous  dirons  settlement 
que  nous  avons  lu  avec  une  grande  attention  le  manuel  de 
M.  Lauth,  et  que  nous  le  regardons  comnie  lc  meilleur  et  Ic 
plus  convenable  qui  existe  pour  acquerir  les  connaissances 
anatomiques.  M.  Lauth  n'y  a  rien  omis,  et  n'a  dit  que  ce  qu'il 
faut  savoir.  II  a  surtout  rendu  1111  grand  service  aux  eleves  et 
a  tous  ceux  qui  n'ont  pas  le  terns  d'etudier  l'anatomie  dans 
de  gros  volumes  souvertt  si  diffus,  et  remplis  de  choses  super- 
flues,  qui  fatiguent  1'esprit,  et  empechent  de  saisir  l'essentiel. 

De  Rirckhoff. 

206.  —  * Rapport  du  Conseilde  Salubrite  de  la  Villc  de  Paris 
et  du  Departement  de  la  Seine.  Paris,  1829;  an  bureau  du  Re- 
cueil  induftriet,  manufacturer  et  des  Beaux-arts ,  rue  Godot- 
de->lauroy,  a*  2.  In-4°  de  34  pages ;  prix,  3  fr. 

Le  conseil  de  salubrite  est  compose  de  1  7  membres,  savoir 
MM.  Adelon,  Andral,  Barruet,  Parcet,  Deyeux,  Dupuylren , 
Gaul  flier  de  Claubry ,  Girard,  Huiard  pore,  Hazard  fits,  J. 
Juge,  Laharraque,  LeRoux,  Marc,  Parent-Duchatclet ,  Pel- 
letter,  Petit,  rapporteur.  Les  objets  que  le  rapport  embrasse 
sonten  tres-erand  nomhre   :    vacheries;  —  falsification  du 


SCIENCES  PHYSIQUES  7i3 

lait;  —  fabriques  de  produits  chimiques;  —  fours  achaux;  — 
fabrication  de  gaz  hydrogene; —  dangers  des  vapeurs  de  la 
braise;  — comptoirs  en  marbre,  a  I'usage  des  niarchands  de 
vin;  —  bnanderies;  — assainissement  de  la  villc  de  Vincen- 
nes  et  de  la  commune  de  Clicliy  ;  —  charlatan isrrte ;  — voie- 
ries;  — prisons;  — suicides;  — maisons  de  bains  publics, 
depots  d'eaux  mineralcs;  —  maison  de  sevrage;  — dispen- 
saires;  —  emploi  de  la  fleur  de  soufre  pour  etcindre  le  feu  des 
cheminees,  etc.  —  Cette  longue  nomenclature  annonce  deja 
des  travaux  considerables,  et  atteste  une  surveillance  tres- 
aclive;  mais  176  autres  Rapports  particuliers  sur  diverges  fa- 
briques out  absoibe  plus  de  terns  que  tons  les  objets  dont  le 
rapporteur  a  fait  une  mention  specialc.  De  plus,  il  a  fallu  dres- 
ser le  tableau  de  mortalite,  et  par  consequent  recueillir  et 
classer  les  fails,  comparer  les  resultats  du  calcul.  Arretons- 
nous  d'abord  a  ce  travail  du  Conseil.  On  y  observe  qu'en 
1828,  la  mortalite  des  femmes  surpass*  d'un  huilieme  celle 
des  hommes  :  si  cbaque  annee  reproduisait  le  meme  resutat, 
de  sorte  qu'on  pdt  le  regarder  conime  une  consequence  des 
lois  de  la  nature,  conmie  on  sait  d'ailleurs  que  le  nombre  des 
naissances  feminines  est  moindre  dans  nos  climals  que  celui 
des  naissances  de  Pautre  sexe,  nous  serions  menaces  devoir 
disparaitre  graduellement  la  plus  belle  moitie  du  genre  hu- 
main.  On  pent  done  affirmer  que  les  observations  faites  a 
Paris  sur  ce  rapport  entre  les  pertes  eprouvees  annuellement 
par  les  deux  sexes  ne  s'etendent  pas  a  toute  la  France,  et  en- 
core moins  a  tous  les  pays  comparables  au  notre  quant  an 
climat,  aux  moeurs  et  an  degre  de  civilisation.  Mais  ce  qui 
ne  doit  pas  etre  omis,  e'est  qu'a  Paris  mt-me,  on  il  parait  que 
les  femmes  ont  a  supporter  une  si  grande  part  des  maux  qui 
pesent  sur  nous  depuis  notre  entree  dans  la  \  ie  jnsqu'a  sa  der- 
niere  limite,  leur  patience  est  moins  sujette  a  se  lasser,  letir 
courage  plus  ferme ,  on  qu'elles  savent  mieux  se  soumeltre 
a»ix  dures  lois  de  la  necessile  :  les  suicides  sont  beaucoup  plus 
rares  cbez  les  femmes  que  chez  les  homines. 

II  nousserait  impossible  de  suivre  ce  rapport  clans  toute  son 
elendue  :  il  faut  done  nous  bonier  a  quelques-uns  des  sujets 
divers  qu'il  passe  en  revue ;  nous  tacberons  de  choisir  ceux 
qui  attireraient  plus  specialement  I'atlenlion  du  plus  grand 
nombre  de  nos  lecteurs. 

Comptoirs  des  marc/iands  de  vin.  Les  ordonnances  qui  savent 
tout ,  et  ne  peuvent  faillir,  comme  personne  ne  l'ignore,  pres- 
rrivent  aux  marcbands  de  vin  de  revetir  d'une  feuille  d'etain 
la  table  sur   laquclle  ils   font   leur  distribution.  Cependant. 


7 14  L1V11ES  FilA^CAIS. 

quelqucs  marchandsont  voulu  selever  jusqu'a  la  magnificence 
Ju  niarbre  :  ordrc  do  la  police  d'eloigner  cettc  malicre  dunga- 
reuse,  et  de  revenir  a  retain ;  reclamation  do  l'auibitioux  ma;- 
chaml;  le  Cotlseil  est  pris  pour  juge,  ct  le  marbre  gagnu  sou 
procefi  coutre  les  agens  de  police  et  con  t  re  le  metal,  niai-  a 
condition  (|u'il  sera  rcvclu  d'un  mastic  qui  le  mule  inatlaqua- 
I) le  par  le  vinaigre  doat  les  vins  dcbilcs  sur  les  romploirs  de 
Paris  ne  snnt  pas  exempts.  Si  les  marchainls  voulaient  porter 
la  magnificence  nn  pen  plus  loin,  et  subslituer  1c  porphyre  on 
le  grauit  an  marbre,  i!  laudrait  peut-etre  une  nouvelle  or- 
cloiiiiauce  pour  autoriser  ce  changement. 

Falsification  du  lait.  Le  Consoil  de  salubrite  se  borne  stric- 
lement  a  ses  attributions.  II  n'est  pas  charge  de  surveiller  la 
probite  des  marchauds;  le  soin  de  la  snnte  publique  lni  trace 
les  limiles  de  ses  inspections.  Queiqu'il  soil  bien  reconnu  que 
la  consommalion  du  laitage  a  quadruple,  et  que  la  production 
de  ce  liqukle  n'est  pas  doublee  a  beaucoup  pros,  il  est  permis 
aux  vendeurs  de  l'ubriqucr  ce  que  les  vacbes  ne  foui  nisscut 
point,  pourvu  que  le  lait  arti'ieiel  u'ait  rien  tie  mall'aisanl.  I\e 
verrons-nous  done  jamais  l'industrie  agricole  laire  pour  la  ca- 
pitale  lie  !a  France  ce  qu'elle  est  parvenue  a  meltie  en  prati- 
que autour  des  principales  villes  de  la  Grande-Brelagne ,  y 
ivpandre  abondamment  uu  laitage  pur,  alimentaire ,  bienfai- 
saut,  sintoiit  pour  renfance?  Pourquui  I'aris  n'a-t-il  pas  en- 
core son  Hat  ley? 

Dangers  des  mpeurs  de  (a  braise.  —  Une  discussion  entre  deux 
labricans  de  chemiuees  a  donne  lieu  an  Conseil  d'emeltre  son 
avis  sup  les  diets  ties  vttpeiirs  dc  la  braise,  qu'il  regarde  commc 
lr; s-dangereuses.  En  diet  dies  peuvent  I'etre  ,  mai.s  beau- 
coup  moins  qu'on  ne  le  pense ;  car  plus  de  la  moitie  des  ha- 
bilans  du  nord  vivent,  una  grande  partie  de  l'annee,  an  mi- 
iieu  de  ces  vapeurs,  dans  des  cbambres  bien  closes,  et  n'y  sont 
point  asphyxies.  L'n  leu  de  braise  est  cntrolenu  toute  la  jour- 
nee  dans  les  poeios  formes  des  Ilusses,  dans  les  tandours  des 
icimnes  grccqucs,  travaillant  gaiment  autour  de  cc  foyer 
ardent  place  sous  leur  (able. 

Asstunissenunt  de  Vincennes  et  de  CHchy ; — Buanderies.' — ■ 
Le  projet  d'elablir  aux  Ternes  le  blanchissage  par  la  vapour 
repaud  l'alarmo  dans  cette  commune;  reclamation  des  ha- 
bitans  contrc  ce  foyer  d'infection  qu'on  veut  leur  apporter.  I'u 
peu  plus  loin,  la  commune  de  Ciichy  ej&t  n'eliemeril  infcclt'e 
par  les  blanchissciies  sui\ant  les  proocdos  nrdinaires:  des  Ira- 
\aux  d'assaiuisM-iueiil  soul  devenus  indispensable*.  Ain.-i  lc^ 
j 'renditions  repousfeent  des  perfecti'jnucmoi'.s  qui  sCiaicut  a 


SCIENCES  PHYSIQUES.  -i5 

Li  fote  des  moyens  d'economie  et  de  salubrile,  et  la  routine 
perpetue  lesprocedes  les  plus  \icienx,  los  pins  nuisiblcs  a  la 
saute  de  eeux  qui  les  emploicnt.  Le  Couseil  a  suivi  dans  ce 
cas  les  maximcs  dont  il  no  s'ecarte  point;  il  a  rendu  justice 
au  blancliissagc  par  la  vapeur,  et  propose  des  moyens  de  ren- 
dre  moins  infecfes  et  moins  dangereuscs  les  emanations  des 
mares  de  Clieby.  Puisquc  nous  ne  savons  rien  faire  sans  F  im- 
pulsion du  gouvcrnemenl ,  et  que,  d'nn  autre  cote,  le  gou- 
vcrnement  vent  lout  faire,  tout  regler,  tout  dinger,  ne  sc- 
rait-ee  pas  vers  le  perfcciionncmcnt  du  blauchissage  qu'il 
devrait  imprimer  sa  direction?  II  ne  s'agirait  que  d  "imifer  nos 
voisins,  de  faire  mieux  a  inoindres  t'rais,  et  sans  infecler  nos 
habitations,  ce  que  nous  faisons  aujourd'hui  si  nial  et  si  cbe- 
rement. 

Ce  que  nous  venous  de  dire  suflit  pour  faire  apprccicr  cc 
rapport;  niais,  pour  qu'il  opere  tout  le  bien  que  Ton  pent  at- 
tendre  des  lumieres  et  de  la  sagesse  du  Conseil,  il  faudrait 
que  le  public  sut  profiler  des  communications  qui  lui  sunt 
faites,  qu'il  prit  1'babitude  de  lire  les  edits  lels  que  eclui-ci, 
<j ue  tous  les  esprits  capables  de  meditation  s'en  occupasseni 
serieusement,  avec  suite  et  perseverance  :  notre  public  n'est 
pas  encore  parvenu  a  ce  point  de  maturite. 

Le  Conseil  tcrmine  son  Rapport  par  une  reflexion  generate 
que  nous  aliens  transcrire;  elle  provoquera  sans  doute  aussi 
les  reflexions  du  lecleur. 

n  L'arbitrairc. ,  quelque  moclcre  qu'il  soit  dans  son  action, 
en  semant  Fineerlitude ,  fait  toujours  naitre  des  craiutcs,  et 
devient  par  cela  rafme  plus  dangereux  pour  Fordre  social  que 
les  lois  les  plus  dures.  Sous  sa  funcste  influence,  rindustrie, 
qui  a  besoin  de  stabilite  pour  se  developper,  devient  languis- 
sante  :  en  efl'et,  des  qu'elle  ne  pent  plus  compter  sur  l'avenir, 
elle  periclite ;  le  present  ne  sail  rait  lui  suilire ,  car  i!  est  dans 
sa  nature  de  se  notirrir  surtout  d'esperanees.  Aussi  rien 
n'est  plus  propre  a  favoriser  ses  progres  que  la  conliance 
qu'inspire  une  sage  administration,  toujours  disposee  a  pro- 
teger  les  interot3  de  ses  adminislres,  el  a  u'agir  qu'en  obeis- 
sani  aux  lois. » 

207. — *Traite  ilhneniaire dc  Mineral  ogie,  par  F.-S.  Bevdant, 
menibrc  de  FAcadcmie  royal  e  des  sciences  de  l'lustitut ,  pro- 
fesseur  de  mineralogie  a  la  Faculle  des  sciences  de  l'Acado- 
mie  de  Paris,  etc.  Deu.iii'me  edition.  T.  1".  Paris,  i85o;  Yer- 
diere,  quai  des  Aiiguslins,  11°  a5.  In -4°  de  7J2  pages  et 
1 1  planches,  dont  5  sonl  coloriees;  prix  du  premier  vol..  1  \  IV. 

IK-s  que  le  seco:id  vohuue  de  cetlc  nouvelle  edition  aura 


;i6  L1VRES  FRANC  MS. 

paru,  nous  nous  emprcsscrons  d'en  rend  re  a  nos  lecteurs  nu 
comple  detaille.  Pour  donner  wne  idee  de  la  tache  qui  nous 
sera  imposec,  citons  ce  qu'on  lit  dans  la  preface  :«Dans  la 
necessite  dc  (aire  aujourd'hui  unc  nouvelle  cdilion,  je  n'ai 
rien  a  changer  aux  theories  que  j'ai  exposccs  dans  la  pre- 
miere ;  j'ai  settlement  a  ajouter  les  fails  dont  la  science  s'est 
enrichie,  el  a  donner  sur  differentea  parlies  des  details  que  mes 
cours  m'ont  fak  juger  necessaires.  Conunc  fails  nouveaux,  on 
trouvera  clans  eclte  edition  les  observations  de  M.  Savart  sur 
l'etat  clasliquc  des  maticres  minerales,  et  les  applications  qui 
en  resultent ;  les  variations  que  j'aiieeonnues  dans  la  pesanteur 
specifique  des  corps  suivant  leurs  diverses  structures  et  les 
moyens  de  donner  a  ce  caractere  l'importance  dont  il  est  sus- 
ceplible;  le  resultat  des  reeherehes  de  M.  Becqverel  sur  I'e- 
leclricite  par  lachaleur,  dont  la  theoric  se  trouve  entitlement 
changee;  le  calcul  des  analyses  minerales,  d'apres  nos  expe- 
riences sur  la  maniere  dont  les  substances  se  melangent,  lors- 
qu'elles  cristallisent  ensemble,  etc.  :  comme  details  neces- 
saires pour  completer  la  parlie  philosophiquedela  mineralogie, 
on  reconnaitra,  d'une  part,  beancoup  d'additions  dans  l'etude 
des  formes  cristallines,  dans  les  tableaux  qui  presentent  les 
derivations  reciproques  des  formes  de  chaque  systeme,  dans 
les  obliterations,  dans  les  groupeniens,  dans  la  partie  geome- 
tiique  de  la  cristallograpbie  ;  de  1'autre,  on  trouvera  des  no- 
tions plus  elendues  sur  les  essais  chimiques  devenus  cle  la 
plus  grande  importance,  et  un  expose  plus  regulier  dt;s  caiac- 
teres  auxquels  on  peut  reconnaitre  les  diverses  matieres  ren- 
fermecs  dans  un  corps.  Les  notions  geologiques,  necessai- 
res  pour  apprecicr  le  gisemeut  des  mineraux,  out  ete  aussi 
redigees  de  nouveau,  suivant  les  principes  qui  doivent  nous 
dinger  aujourd'hui,  et  presentees  dans  le  plus  grand  degre 
possible  de  generalile  ;  j'ai  cru  devoir  y  donner  une  idee  ge- 
nerate des  experiences  de  M.  Becquerel  sur  la  formation  et 
la  cristalUsation  des  diverses  substances  dans  des  appareils 
electro-chimiques.  Enfin,  ayant  cru  devoir  donner  encore  un 
apercu  de  l'emploi  des  substances  dans  les  arts  et  les  usages  de 
la  vie,  j'ai  tfiche  de  le  red u ire,  autant  que  possible,  aux  gene- 
r addles  les  plus  importantes. » 

On  comprendra  sans  peine  que  d'aussi  nombreuses  addi- 
tions out  exige  un  second  volume,  et  l'auteur  donne  aussi  un 
precis  de  ce  qu'il  y  renfermera.  On  voit  que  l'ouvrage  de 
M.  Beudant  sera  1'image  fidele  de  la  science  mineralogique, 
telle  qu'elle  est  aujourd'hui. 

308. —  *  Experiences  faites  d  Lomfres  pour  perfectionner  et 


SCIENCES  PHYSIQUES.  7,7 

faire  connaitreplus generalement  I'Arl  dese preserver de  faction  de 
la  flmnme;  parM.  le  chevalier  Jean  Aldini.  Paris,  i83o;  im- 
primerie  de  Mm°  Huzard.  In-8°  de  26  pag.,  avec  uae  planche. 

Cette  brochure  fait  suite  a  l'ouvrage  de  M.  Aldini  que  nous 
avons  an nonce  (voy.  Rev.  Erie,  t.  xlv,  fevrier  i83o,  page 
394),  et  ajoute  de  nouveaux  fails  eP  de  nouveaux  moyens 
conservateurs  a  ceux  que  I'habile  el  «ele  physieien  a  deja  fait 
connaitre.  L'artqu'il  s'efibrce  de  repandre,  avecun  devofiment 
bien  digne  d'etre  couronne  par  le  succes,  a  eu  dans  la  Grande- 
Brelagne  le  sort  auquel  on  devait  s'attendre;  accneilli  avec 
empressement  par  les  savans  ,  les  artistes  ,  les  philantropes  , 
la  nation  ,  quelques  specula teurs  ont  essaye  de  le  repousser. 
Le  seul  obstacle  que  M.  Aldini  ait  eu  a  surnionter  est  l'eloi- 
gnement  de  quelques  compagnies  d'assurances  qui,  apparem- 
ment,  trouvent  plus  commode  de  n'avoir  a  s'occuper  que  des 
choses  et  nullcment  des  personnes.  M.  Aldini  pense  lout  au- 
trement  :  «Le  mobile  qui  a  constamment  soulenu  mon  cou- 
rage dans  le  coins  de  mes  recherches,  auquel  je  dois  mon 
activite,  qui  m'a  fait  sortir  de  mon  pays,  supporter  les  fati- 
gues et  les  embarras  de  mes  voyages,  e'est  le  vif  desir  de  pou- 
voir  me  dire  un  jour  que  je  suis  parvenu  a  sauver  quelques- 
uns  de  mes  semblables  de  la  mort  la  plus  cruelle.  Voila  ce  qui 
me  fait  souhaiter  si  ardemment  de  voir  mettre  mes  procedes  a 
execution  dans  les  lieux  les  plus  menaces  par  les  incendies. 
J'ai  maintenant  l'intime  conviction  que  j'ai  fait  tout  ce  qui 
etait  en  mon  pouvoir  pour  rendre  ce  service  a  mes  conlem- 
porains;  j'ai  communique  sans  reserve  la  forme 'et  les  dimen- 
sions de  mes  appareils,  et  toutes  les  connaissances  que  j'ai  pu 
acquerir  sur  les  moyens  de  secoinir  les  incendies  :  il  m'est 
done  permis  de  croire  que  j'ai  rempli  la  tacbe  qui  m'etait 
devolue. » 

Une  lettre  de  M.  le  professeur  Birkbeeck,  inseree  dans  celle 
brochure,  pourra  servir  a  comparer  cntre  elles,  rclativemcnt 
aux  incendies,  les  deux  plus  grandes  capilales  de  I'Europe, 
et  il  semble  que  Londres  ne  gagnera  ricn  a  ce  parallele.  «  Dans 
les  nombreux  incendies  qui  out  eu  lieu  reeemment,  il  est 
heureusement  arriv  e  que  pen  de  personnes  ont  peri.  Je  dis  lieu- 
reusement ,  parce  qu'il  ne  parail  pas  qu'on  ait  fait  les  moindres 
efforts  ni  les  moindres  preparatifs  pour  eviter  de  si  tristes  ac- 
cidens,  dans  le  cas  ou  ils  seseraient  presenles...Il  aeteprouve 
que,  l'un  dans  l'autre,  un  incendie  a  lieu,  tous  les  jours  de 
1'annee ,  dans  cette  grande  capitale.  II  est  certain  qu'au  mois 
de  Janvier  dernier  on  en  a  eu  plus  de  trente,  dont  quatorze 
les  dix  premiers  jours  du  mois  et  un  au  moins,  par  chacun 


:,8  LIVRES  FllANCAIS. 

des  dcrniers  jours.  Le  moissuivant  n'a  pas  etc  moins  effrayant  : 
deux  grands  edifices  destines  anx  diverlissemcns  pulilics -oni 
ete  rcduits  en  ociulres,  presquc  des  lo  commencement  de  I'iu- 
cendie. » 

Tout  scmble  se  disposer  pour  rarcompiissement  des  veoux 
philanthropiqutisde  M.  Aldini,  et  la  circulation  europeenne  de, 
son  ouvrage;  les  gouverncmens  out  manifesle  l'inlcret  qu'ils 
y  prennent,  les  Societcs  savantes  propagent  la  connaissancc 
de  cc  nouvel  art,  et  favoriseront  ses  progres  :  mais  les  espe- 
rances  de  1'auleur  reposont  sur  cenx  qui  sont  charges  specia- 
lement  des  secours  conlre  les  incendies.  «Si,  commc  j'ose 
l'csperer,  I'humanite  recneillc  un  jour  les  fruits  de  mes  ton- 
gues et  perseverantes  rccherches ,  ce  sera  principalement  aux 
chefs  des  pompiers  des  difterentes  nations  que  j'en  serai  rede- 
vahlc;  car,  sans  lcur  honnc  volonte,  les  connaissances  que  jc 
m'efforcc  de  repandre  seraicnt  confinees  dans  mes  ouvrages, 
et  dans  la  mernoirc  de  quelques  hommes  qui  ne  sont  pas  dans 
le  cas  d'en  faire  l'applicalion. »> 

Quand  monic  les  rccherches  dc  M.  Aldini  n'auraient  pas 
ete  couronne.es  par  un  succes  non  contcste,  les  intentions  de 
cct  ami  dc  I'humanite  sont  trop  louables  pour  qu'on  ne  s'em- 
prcsse  point  de  le  seconder;  il  pent  compter  sur  la  coopera- 
tion de  tous  ecus  qui  auront  vu  ses  experiences,  on  lu  ses 
ouvrages.  "> 

o0y. — *  Guide  duChauffeur  el  da  Proprietaire  de  Machines  d 
rapeur,  oil  Essai  sur  t'cialdissemcnt,  la  conduite  ci  I'cvArctirn 
des  Machines  a  vapeur,  et  principalement  de  cclles  ditcs  de  IV coif, 
a  moyenne  pression ;  precede  dc  I'rincipcs  pratiques  sur  la 
Construction  des  Foumeaux,  suivi  d' Observations  sur  I'Utiiete 
comparative  des  principau.r  systiwes  de  Machines  d  vapeur,  et  dc 
quelques  motcurs;  par  MM.  Guouvelle  et  Jatjnez,  ingenieurs 
civils.  Paris,  1800;  Malher.  In-8"  orne  dc  10  planches;  prix, 

9  ff' 

Dans  l'interessante  Notice  sur  Irs  Explosions  de  Machines  d 

rapcur  epic  M.  Akago  a  puhliee  dans  VJnnuairc  du  Bureau  des 
Longitudes,  ce  savant  signal*  I'ignorance  et  l'inaltenlion  des 
conducteurs  de  ces  machines  comme  une  des  causes  qui  peu- 
vent  donner  lieu  a  des  accidens  fnnestes.  Indiqucr  aux  pro- 
prictaircs,  et  a  cenx  qu'ils  emploicnt,  les  mcyeus  de  prevenir 
ces  malhenrs  scrait  un  assez  grand  service  rendu  a  l'in- 
dustricpourrecommanderlelivrcdc  MM.Grouvelle  ct.Tauiiez ; 
mais  le  ( iuidc  du  Chauffeur  fcra  p!:is  encore  pour  les  fabrieans. 
On  y  trouvc  exposccs  avee  les  details  les  plus  miiiulieux 
toutcs  les  precautions  a  prendre,  non-seulcmcnt  dans  La  enn- 
duite  des  machines  a  vapeur  de  differens  systemes,  mais  cn~ 


SCIENCES  PHYSIQUES.  7it, 

core  thins  leur  pose.  Lcs  deux  auteurs  s'oceupent  cux-menios 
depuis  long-lems  do  la  fabrication  (ic  res  machines  et  tie  tout 
ec  qui  s'y  rapporte,  ainsi  que  tin  montage  cles  ateliers;  ainsi 
les  instructions  qn'ils  donnent  me'ritcut  la  plus  grande  con- 
fiance. 

Cet  ouvrage  est  divise  en  qualre  parlies :  la  premiere  traile 
de  tout  ce  qui  est  relaiifaux  chaudieres  ct  a  lours  fourneaux  ; 
vienncnt  ensuite  les  diverses  especes  de  combustibles  et  la 
coniparaison  de  leur  effet  calorilique,  les  accidens  qui  pcu- 
vent  arrivcr  aux  chaudieres,  Its  soupapes  de  siircle,  le  mana- 
inclre,  les  flotteurs.  Dans  la  seconde  partie,  les  auteurs  s'occu- 
pent  des  accidens  que  pent  cprouver  chacune  des  pieces  des 
machines,  et  indiquent  les  moyens  de  les  reconnaitre  et  d'y 
remedier.  La  troisieme  partie  expose  les  soins  geueraux 
qu'exigent  les  machines  a  vapeur;  on  y  trouve  des  details  tres- 
inslructifs  sur  les  mastics,  les  communications  de  mouve- 
ment,  la  conduile  des  machines  a  vapeur  et  leur  pose.  Enfin, 
dans  la  quatrieme  partie,  inlitolec  :  Ckoi.r  et  achat  des /machines 
d  vapeur,  les  auteurs  ont  reuni  des  considerations  sur  les  di- 
vers systenies  de  ces  machines,  et  sur  leur  coniparaison  avec 
les  autres  moteurs;  ils  donnent  des  eonseils  sur  la  maniere 
de  traiter  avec  les  rnecanieiens,  soumetlent  au  calcul  la  force 
des  machines,  font  des  ohservations  sur  les  ordonnances  et 
instruclions  relatives  a  leur  emploi.  Celle  dernierc  panic  ren- 
fcmie  peut-etre  des  notions  dont  1'utilite  n'esl  pas  hicn  scntic; 
mais  quelques  superfluiies  sont  un  moindre  inconvenient  que 
I'omission  des  choses  essenticlles.  Un  Appendice  contient  di- 
vers ol)jeis  qui  auiaient  pu  trouver  leur  place  dans  le  corps 
de  1'ouvrage;  mais  il  laut  observer  qu'une  composition  telle 
que  celle  de  MM.  Grouvelle  et  Jaunez  est  un  assemblage  de 
pieces  dcslinees  a  scrvir  isolement,  dont  chacune  doit  elre 
traitee  commc  si  clle  etait  seulc,  quniqu'elle  ail  des  relations 
avec  les  autres.  j»insi  e'etait  moins  de  1'cnsenible  qu'il  fall  ait 
s'occuper  que  du  perfcclionnement  de  chacune  de  ces  pieces. 
Tel  a  etc  le  hut  des  auteurs,  et  nous  devons  dire  qu'ils  1'onl 
altcini.  A.  F. 

21  o. — * Hisloirc  generate  des  Voyages,  on  Nouvellc  Col/rciion 
des  Relations  de  Voyages  par  terre  et  par  mcr,  mise  en  ordre  et 
coinplelee  jusqu'a  nos  jours,  par  C- A.  "Wai.kenaer,  membro 
de  rinslitut.  T.  xvni.  Paris,  i83o  ;  Lcf-ebvre.  In-8  de/jSS  p.  ; 
prix  du  vol. ,  7  f.  (Voy.  Rev.  Enc. ,  t.  xlv,  p.  148.) 

Ce  volume  ren ferine  la  continuation  du  voyage  dans  la 
partie  de  l'oues't  et  du  nord  de  la  colonic  du  cap  do  Befwe-fo- 
perance,  de  M.  Liihtcnsleiii,  en  180/4,  ot  donnc  des  details  de 


7»o  LIVKES  FRANCAIS. 

celui  dn  general  Jansscnsiihi  riviere  des  Hippopotnmes  :  pui.°, 
il  traite  de  I'excursion  de  M.  Lichtcnstein  a  Zwellendam  ct 
aux  environs,  ot  de  son  autre  voyage  (ait  en  i8o5  dans  les 
pays  des  Bosrhmans.  des  Koranas  et  des  Betzouanas.  Des 
observations  particulicres  sur  la  limile  dn  pays  des  Cafres, 
snr  leur  caractere  et  leur  maniere  de  vivre,  et  snr  les  Bos- 
rhmans,  les  Betzouanas  et  les  Koranas,  ajoutent  encore  a 
l'interet  des  descriptions  generates  de  ce  voyagenr  natura- 
liste.  Celle  inoitie  (In  volume  est  conipletcc  par  nn  cxtrait  du 
vocabulaire  de  l'auleur,  traitanl  des  dialectes  des  Betzouanas 
et  des  Hottentots.  L'autre  partie  du  volume  est  consacree  : 
i°aux  deux  missions  des  t'reres  Moraves  chez  les  Hottentots, 
de  i^5()  jusqu'a  1801  ,  lesquelles  ont  ete  interrompues  pen- 
dant qiiarante-huit  ans.  Ces  missions  sont  celles  du  vertueux 
Georges  Schmidt,  que  Ton  considei  ait  conimc  un  digue  enfant 
de  Dieu  et  des  trois  t'reres  Henri  Marsiveld  de  Guuda ,  Jean 
Daniel  Schwinn  d'Erbac/t ,  ct  Jean  C/ir.  Ktilnel  de  Herrn/uil  ; 
2°  aux  voyages  dn  reverend  J.  Campbell,  dans  l'interieur  de 
lacolonie,  a  Guadendalet  a  Bethelstlorp,  en  1812  et  i8i5,  a 
Graaf-Reynett,  a  Lattakou  el  dans  le  pays  des  Griquas  et  des 
Namaquas,  en  1 8 13  et  j8 i4-  Le  volume  conlient  en  outre 
les  observations  de  cet  inspecteur  des  Missions,  sur  les  moeurs 
et  habitudes  des  Boutcbouanas,  des  Vanketzens,  la  descrip- 
tion de  la  ville  de  Lattakou  et  des  pays  au  dela  des  lieux  con- 
nus  des  Griquas  qui  accunipagnent  les  missionnaires,  etc.  , 
ainsi  que  des  notices  sur  les  pays  des  grandes  Numaques  ct 
des  Damaras,  et  des  observations  sur  les  Boscbimans.  Le  vo- 
lume enfin  est  lermine  par  des  vocabulaires  bouschouana, 
namaqna,  cal're,  hottentot,  etc. 

La  partie  du  voyage  de  M.  Lichlenstein  est  due  a  la  plume 
de  M.  Deppikg,  et  le  commencement  des  voyages  des  mis- 
sionnaires au  savant  travail  de  M.  Eyries. 

La  collection  des  voyages  dc  M.  AValkenaer,  dont  nous  ve- 
nens  de  (aire  une  analyse  succincte  du  xvnic  volume,  sera  ac- 
compagnee  d'un  atlas  special  nccessaire  pour  L'intel  ligen.ee  du 
texte.  Trois  cartes  de  cet  atlas  sont  publiees  :  la  premiere  a 
pour  titre  :  La  Sine  gamble  et  la  cdte  occidentals  d'A frique , 
depuis  le  cap  Blanc  jnsqu'au  cap  Sainte-  Anne;  la  seconde  est 
intitulec  :  Gitinec  entre  Sierra  Leone  et  le  passage  de  la  ligne,  et 
la  troisieme,  Congo,  Angola  et  Benguella.  Leur  redaction ,  dit 
M.  Walkenaer,  a  ete  confiec  a  M.  Dufouk,  qui,  jeune  encore, 
promet  a  la  France  nn  bon  geograpbe  de  plus,  par  ce  desir  de 
perfection  qui  I'anime  dans  tout  ce  qu'il  execute. 

Nous  consacrerons  un  article  a  ces  cartes,  lors  de  la  pro- 


SCIENCES  PHYSIQUES SCIENCES  MORALES,  yu 

diaine  publication  de  celle  du  sud  de  I' Afrique ,  qui  doit  pa- 
raitre  avec  le  xixe  volume  de  ce  grand  ouvrage. 

Sueur  Merlin. 

211.  —  *  Annuaire  du  Departement  de  la  Sarlhe  pour  i83o. 
Le  Mans;  Monnover.  In-12  de  Sao  pages  ;  prix,  1  fr.  5o  c. 

II  serait  trop  tard  pour  {"aire  mention  d'un  Annuaire  de 
1800,  si  celui  de  la  Sarthe  ne  contenail  point  des  materiaux 
propres  a  des  constructions  durables,  des  fails  statistiques  et 
historiques.  Due  grande  parlie  de  ce  volume  est  un  Essai  sur 
la  Staiistique  de  I' Arrondissement  communal  de  La  Fliclte.  Cette 
inleressantc  description  sera  coutinuee  dans  1'Annuaire  de 
1801  ;  et,  en  procedant  ainsi,  la  slatistique  du  departement 
de  la  Sarlhe  se  trouvera  tout  enliere  dans  cet  Annuaire,  et 
recevra  chaqiie  annee  les  corrections  et  les  diverges  modifica- 
tions donl  elle  aura  besoiu.  C'est  ainsi  qu'il  couvient  de  trai- 
ler ces  parties  de  nos  connaissances  en  partie  mobiles,  et 
dont  les  elemens  plus  durables  tiennent  on  a  la  nature,  ou  aux 
institutions  qui  ne  doiveul  point  etre  invariables,  mais  tendre 
sans  cesse  vers  leur  perfectionnement  par  une  marche  lente 
et  graduee.  Les  aunuaiies  sent  tres-propres  a  recevoir  le  de- 
pot de  ces  documens  dont  l'liistoire  profitera  d'autant  plusai- 
semenlet  avec  plus  de  surete  qu'ils  seront  tolijours  bien  com- 
plets,  bien  connus,  appropries  auxlieux  el  auxcirconstances. 

Les  amateurs  de  l'ancien  ordre  de  clioses  trouveront  clans 
les  documens  historiques  recueillis  par  M.  Catjvin,  auteur 
de  cet  Essai,  plus  d'un  sujet  de  regrets,  en  comparant  ce  qui 
fut  autrefois  a  ce  qui  est  aujourd'hui.  lis  feront  sans  doute 
des  voeux  fervens  pour  voir  renaitre  en  France  le  beau  terns 
011  l'abbe  d'Evron  (riche  abbaye  de  bencdiclins)  nommait, 
en  qualite  de  baron,  a  treute-cinq  cures  et  a  seize  prieures, 
avait  ses  officiers  de  justice,  etc. 

II  y  a  huit  colleges  dans  le  departement  de  la  Sarthe  ;  deux 
sont  en  pleine  activite,  deux  autres  semblcnt  commencer,  et 
quatre  n'ont  d'autre  fonctionnaire  que  le  chef.  II  n'est  pas 
question  d'enseignement  mutuel  :  esperons  que  les  annuaires 
prochains  en  feront  mention.  F. 

Sciences  religieuses,  morales,  politiques  et  historiques. 

212. — *Des  Usurpations  sacerdotates,  on  du  clerge  en  oppo- 
sition avec  les  principes  actuelsde  lasociele,  et  du  besoinde  ra- 
menei  le  culte  catholique  a  la  rt  ligion  primitive;  precede  du  recit 
de  la  mission  du  P.  Farina  a  Ajaccio  ;  par  l'abbe  Cerati.  Paris, 
i83o;MmeV*CharIes-Beehet.  In-S^e  i84pag. ;  prix.3  fr.  5oc. 
T.  XLVI.  J«1H   lS3o.  4^> 


7ai  LIVR8S  FKANCUS. 

L'ouvrage  de  M.  l'abbe  Cerati  presente  quelque  degre  d'uti- 
lite,  dans  les  circonstances  on  nous  nous  trouvons.  L'auteur 
s'cst  attache  ademonlrcr  dans  le  premicrchapilrc  :  i°  Que,  si 
les  pretres,  les  prelats  et  les  papes  veulent  conscrvcr  Finnic 
de  I'Eglise,  les  pretres,  les  prelats  ct  les  papes  sont  dans  la  ne- 
cessite  d'adopter  sans  restriction  l.i  religion  que  prerhaient 
les  apotres,  et  d'abdiquer  tonic  espece  d'influence  sur  les  af- 
faires tempoiellts  ;  —  2°  Que  lespretreset  les  prelats  se  trouve- 
ront  menaces  dans  leur  existence  spiriluelle  meme,  s'ils  persis- 
tent a  refuser  d'etre  citoyens  et  nationaux ; — 5"  Que  si  le  clerge 
vise  encore  a  la  conquete  de  son  ancicnne  puissance,  il  creera 
des  revolutions  nouvelles,  des  guerres  civiles,  et  succombera 
dans  la  lutte;  — 4°  Q"e>  si  les  ministres  du  culte  persistent  a 
se  montrer  intolerans ;  s'ils  pretended  t  etablir  des  distinctions 
inusitees  dans  les  temples;  s'ils  manquent  de  douceur  et  de 
charite  envers  les  fideles;  s'ils  rejettent  des  sacremens,  selon 
leur  bon  plaisir,  des  malheureux  qu'ils  devraicnt  plaindre,  le 
peuple  les  detestera,  et  fuira  une  religion  qui  ne  pardonne 
pas. 

Dansle  second  chapitre,  il  examine  les  projetsdu  parti-prS- 
tre,  et  trouve  sur  ses  vues  secretes  et  sa  tendance  des  choses 
nouvelles  a  dire,  meme  apres  M.  de  Montlosier  ,  dont  il 
semble  parfois  s'ecarter. 

II  s'eleve  avecbeaucoup  de  force  et  de  raison  dans  son  troi- 
sieme  chapitre,  contre  le  retablissement  des  Ordres  religieux 
parmi  nous,  et  principalement  des  jesuites. 

Le  chapitre  quatre,  consacre  a  signaler  l'excessive  multi- 
plication des  pretres  depuis  la  restauration,  renferme  des  do - 
cumens  et  des  avis  precieux.  M.  l'abbe  Cerati  croit ,  et  beau- 
coup  de  personnes  croient  avec  lui,  que  le  nombre  des  pieties 
est  trop  considerable,  qu'on  Its  retient  trop  dans  les  villes, 
au  lieu  de  les  envoyer  dans  les  campagnes  qui  manquent  de 
pasteurs;  que  les  ordinations  se  font  avec  si  pen  de  soin,  oti 
avec  tant  de  bonne  volonte,  qu'en  general  les  nouveaux  pretres 
sont  cites  pour  leur  ignorance.  M.  Frayssinous  en  a  fail  I'aveu. 

Le  chapitre  cinq,  intitule  :  de  l:  education  auamains  du  clerge, 
contient  des  idees  ti  es-saines,  et  peut-etre  aussi  quelques  pa- 
radoxes. C'est  le  jugement  qu'on  peut  porter  en  general  sur 
l'ouvrage  entier,  qui,  d'ailleurs,  ne  se  distingue  nulleinent 
par  la  purete  et  l'elcgance  du  style. 

II  y  aurait  de  l'injuslice  a  ne  pas  declarer  que,  tout  en  stig- 
matisant  les  abus  qui  deshonorent  la  religion  catholique , 
M.  l'abbe  Cerati  montre  le  plus  grand  respect  pourelle.  Quel- 
ques lignes  suffiront  pour  le  prouver. 


SCIENCES  MORALES.  ?»5 

«  Toucher  a  la  religion,  c'cst  toucher  a  la  pai  tie  la  plus  vi- 
f.ale  de  la  societe ;  le  derangement  le  plus  leger  peut  causer 
des  convulsions  violentes;  quand  on  ne  porterait  que  le  trou- 
ble dans  quelques  consciences,  ce  serait  deja  un  crime  assez 
grave  :  la  seule  idee  d'un  pareil  malheur  aurait  sum  pour  m'ef- 
frayer — 

»  La  religion  est  un  sentiment  si  profond  et  si  naturel  que 
jamais  on  ne  pouria  le  detruire  dans  l'homme,a  moins  qu'une 
education  anti-sociale,  ou  une  longue  habitude  du  crime,  ne 
l'ait  pervei  ti  et  entierement  denature.  » 

2i3.  — Le  vrai  Messie,  ou  PAncien  et  le  Nouveau-Testa- 
mens  examines  d'apres  les  principes  de  la  langue  de  la  na- 
ture: par  G.  OEgger,  ancien  premier  vicaire  de  la  calhedrale 
de  Paris;  avec  celte  epigraphe  :  Ln  pen  de  pliilosophie  eloi- 
gne  du  c/trislianisme ;  beaucoup  de  philosophic  y  ramenc. 
Paris,  1829;  Felix  Loquin.  In-12. 

C'est  une  singuliere  position  que  celle  d'un  journalisfe  : 
il  se  voit  souven-t  oblige,  presque  dans  le  me  me  instant,  de 
passer  d'un  extreme  a  l'autre.  Apres  avoir  rendu  conipte  de 
Pouvrage  de  M.  Pabbu  Cernti,  qui,  craignant  de  toucher  a 
la  religion  ,  semble  ne  se  decider  qu'avcc  peine  a  signaler  les 
abus  sous  lesquels  la  discipline  de  I'Eglise  est  enscvelie,  nous 
voicimaintenant  con  train  Is  de  parlerdu  vraiMessiede  M.  I'abbe 
OEgger,  qui  porte  hardiment  la  eognee  dans  l'essence  memo 
du  christianisme,  dans  le  symbole  des  apotres. 

La  langue  de  la  nature  est  l'idee  dominante  de  Pouvrage  de 
HI.  OEgger.  Cette  langue  consiste  a  remonter  en  esprit  au 
dela  de  toules  les  langues  de  convenlion,  et  a  ne  voir,  dans  les 
livres  saints  ni  de  Ylirbreu,  ni  du  grec ,  ni  du  latin,  etc. ,  mais 
uniqueinent  des  embleines  naturels,  des  symboles,  des  liierogly- 
phes  ,  tels  qu'on  a  du  les  employer  pour  exprimer  les  idees  de 
melaphysique  et  de  morale,  avant  qu'on  eul  tree  les  mots  con- 
ventionnels  correspondant  a  ces  idees.  En  eludiant  ce  que  les 
auteurs  allemands  out  appele  la  symbolique ;  en  se  rappelant 
quelle  a  du  etre  la  nature  du  langage  hieroglypliique  dans  les 
anciens  pieties  egyptiens;  en  examinant,  en  outre,  les  carac- 
teres  du  phenomene  de  Ve.rlase  m»derne ,  et  en  comparant  le 
toutavec  les  images  prophetiques  et  les  paraboles  de  PEvangile, 
on  trouve  que  la  plupart  des  livres  que  l'antii|iiitenousa  trans- 
mis  comme  ins  pi  es  sont  ecrits  d'un  bout  a  l'autre  en  images 
parlantes,  prices  dans  la  nature  visible;  en  d'autres  termes,  en 
langue  de  la  nature. 

A  Paide  de  cette  langue  de  la  nature,  qifii  a  retroilvee  le 
premier,  il  donne  des  explications  tics  tirres  saints  qui  ne  s/iu- 


7a4  LIVRES  FRAiNCAlS. 

raient ,  suivant  lui,  etre  arbilraires  comme  celles  que  I'on  avait 
donnees  jitsqu'alors.  Cost  dans  ces  explications  qu'il  admet  la 
triple  essiiice  dc  Dieu  relativement  a  rhomme  :  triplicite  on 
trinite  que  la  philosophic  elle-meine  a  recnnnue  d'apres  Pla- 
ton,  qnoique  Jehovah  soit  unique  en  pcrsonne  comme  en  lire. 
Ainsi,  Jehovah  createur  est  Jesus-Christ  redempteur.  Lcmeme 
etre  ineffable,  la  meme  personne  divine  est  pere  en  taut  que 
createur,  et  fils  en  taut  que  redempteur.  I,e  Sainl-Esprit  n'est 
autre  chose  que  l'enibleme  nature!  de  ruction  de  Dieu  rarliee, 
en  tant  qu'elle  est  invisible  comme  le  vent;  une  multiplicity 
de  personnes  distinctt:s,  meme  dans  sa  propre  essence ,  serait 
inutile,  si  elle  n'etait  absurde,  et  meme  sacrilege.  Quant  au 
dogme  de  la  transsubstantiation ,  il  le  regarde  comme  aussi 
absurde  que  si  Ton  voulait  soutenir  que  la  parole  de  Dieu  est 
reellement  du  froment.  II  ne  respecte  pas  davantage  les  autres 
articles  de  la  l'oi  catholique. 

Comment  M.  OEgger  a-t-il  decouvertla  languede  la  nature, 
inconnue  jusqu'a  lui,  sans  exception  meme  de  saint  Paul? 
Quand  il  set  a  utile  de  s'expliquer  on  que  le  terns  en  sera  venu  , 
il  dira  le  fin  mol ;  attendons. 

L'ancien  premier  vicaiie  de  Notre-Dame  se  montre  partout 
dans  son  livre  l'ennemides superstitions  et  du  fanatisme  :  nous 
ne  saurions  le  bhlmer  ;  mais  par  quel  merveilleux  changement 
le  plus  ardent  propagateurde  la  confrerie  de  ]Notre-Dame-dcs- 
sept-douleurs  nous  dit-il  maintenant  que  Jesus  ne  pouvait  etre 
appele  qu' improprement  fils  de  Marie,  et  que  ceci  devrait  don- 
ner  a  penser  a  ceux  qui  ne  craigneut  pas  d'elever  des  autels 
a  cette  creature,  qui,  lout  inleressante  qu'elle  puisse  etre,  ne 
devrait  jamais,  sous  aucun  rapport,  etre  assimilee  au  Crea- 
teur, et  qui  serait  evidemment  elle-meme  la  premiere  a  ren- 
verser  ces  autels,  s'il  lui  etait  donnc  de  revenir  sur  la  lerre? 
C'est  im  secret  que  nous  saurons  peut-etre  un  jour.     J.  L. 

214.  —  Observations  morales,  critiques  et  potitiqucs,  par 
Adricn  Destailleir.  Deuxihne  edition.  Paris,  i83o;  Pillet. 
In-8°  de  384  pages ;  prix,  6 IV. 

Cet  ouvrage  est  un  recueil  de  Pensees  detachees  sur  la  mo- 
rale, la  religion,  la  politique  et  la  litterature.  Nous  aurions 
desire  que  1'auteur  pi  it  la  peine  dc  lier  entre  elles  ses  re- 
flexions, et  s'efforcat  de  nous  donner  un  livre  au  lieu  de 
phrases  decousues.  Qu'apres  la  mort  d'un  grand  homme  ses 
heriliers  recherchent  avidement  jusqu'aux  moindres  traces  de 
sa  plume,  et  donnent  au  public  les  materiaux  des  ouvrages 
qu'il  se  proposait  de  publier,  on  acceptera  ce  present  avec 
teconnaissance,  mais  en  regrettant  toutefois  la  main  qui  au- 


SCIENCES  MORALES.  7*5 

rait  donne  de  la  suite  a  ces  pensees  eparses,  de  l'harmonie  a 
ces  debris  disco rdans.  C'est  ainsi  qu'a  ete  recu  le  recueil  des 
Pensees  de  Pascal.  Mais,  que  de  son  vivant  un  auteur  publie 
les  notes  dont  ses  cartons  doivent  avoir  seuls  la  confidence, 
c'est  ce  qu'on  ne  sait  comment  excuser.  Tant  que  I'architecte 
se  port*  bien,  pourquoi  appeHe-t-il  le  public  a  contempler 
ses  pierres  sur  le  chantier?  Qu'il  acheve  sa  maison,  et  nous 
irons  la  voir.  Les  ouvrages  de  LaBruyere,  Larochefoucault  et 
Vauvenargues  se  recommandent  par  le  merite  du  style  et  la 
finesse  des  apercus;  mais  les  deux  derniers  surtout  sont  de- 
poui'Yus  de  methode.  Ce  del'aut  n'est  pas  ce  qu'il  est  bon 
d'imiter.  M.  Destailleur  parait  croire  que  ce  qui  s'oppose  aux 
prr.gres  de  la  morale,  comme  science,  c'est  la  prevention 
qu'on  eprouve  contre  ceux  qui  prennent  la  plume,  apres  les 
ecrivains  que  nous  avons  nommes.  II  n'y  a  de  savoir,  que 
quand  il  y  a  classification  et  rigoureux  encbainement  des 
parties  ;  le  desordre  des  idees  est  le  premier  ennemi  de  touts 
science. 

Un  ouvrage  du  genre  de  celui-ci  se  derobe  a  toute  analyse. 
Laissaut  de  cote  les  observations  de  l'auteur  que  nous  ne  re- 
gardons  pas  comme  fondoes  et  dont  la  refutation  nous  deman- 
derait  trop  de  place,  nous  nous  bornerons  a  citer  les  trois 
suivantes  qui  nous  ont  paru  justes  et  bien  presentees.  —  «  Les 

homines  different  bien  plus par  la  maniere  de  sentir  que 

par  la  maniere  de  penser.  C'est  ce  qui  produit  l'obstination 
dans  les  discussions.  S'il  ne  s'agissait  que  de  combattre  des 
raisonnemens,  on  parviendrait  plutot  a  s'entendre ;  mais 
comment  changer  des  sentimens,  reformer  des  gouts?  La  diffi- 
culte  n'est  pas  de  convaincre,  c'est  de  persuader.  Parvenez  a 
concilier  les  interets,  il  vous  restera  peu  de  chose  a  (aire  pour 
accorder  les  esprits.  »  —  «Les  femmes  jugent  toujours  bien 
des  choses  de  sentiment ;  les  hommes   n'en  jugent  bien  que 

lorsqu'ils  sont  amoureux.»  — « L'utilite  des  lettres  n'est 

pas  moins  bien  constatee.  Rousseau  cite  les  Spartiates,  qui 
n'ont  laisse  que  la  memoire  de  leurs  grandes  actions. ..  et  So- 
crale,  qui,  dedaignant  de  fairedes  livres,  n'a  laisse  que  la  me- 
moire de  sa  verlu.  Mais  celte  memoire,  ces  exemples,  com- 
ment nous  auraient-ils  ete  transmis,  si  1'bistoire  n'avait  pris 

soin  de  les  recueillir? Socrate  nous  scrait-il  bien  connu 

sans  Platon  et  Xenophoo,  qui  nous  ont  conserve  sa  morale  ? 
La  pbilosophie  qui  pense  ne  passe  a  la  posterite  que  par  la 
philosophic  qui  ecrit.  »  Ad. 

2  i  5.  —  Rapport  sur  f'etat  des  etablissemens  df  Instruction  et 
(/'education  de  CEglise  reformce  du  Dcpartement  de  (a  Seine,  au 


yiG  LIVRES  FilANCAIS. 

5i  decembre  1829.  Paris,  i85o;  librairieprotestante  tie  F.  Ser- 
ver. In- 1 2  de  37  pages,  avec  deux  tableaux. 

On  rend  compte,  clans  ec  Rapport,  du  nonibre  d'eleves  des 
deux  sexes  qui  suivent  les  diverges  ecoles  specialcment  des- 
tinees  aux  enfans  protestans;  de  I'etat  desrecettes  et  depenses 
deceselablissemens;  d esdiflc rentes  con naissanccselcmenta ires 
qu'on  chcrelie  a  procurer  aux  eleves;  des  progresqu'ilsy  font ; 
des  instructions  que  doivcnt  leurdonner  les  pasleurs;  etc.  Le 
nomine  des  garcons  qui  frcquentent  l'ecolc  d'enseignement 
mutuel  eta-it,  an  5i  decembre  1829,  de  78.  A  la  nienie  epo- 
que,  celui  des  filles  s'elevait  a  7,1 ;  le  pensionnat  de  demoisel- 
les comptait  3o  eleves.  Les  ecoles  du  diinanche,  a  l'Oratoire 
et  au  temple  dc  la  rue  Saint-Antoine,  etaient  frequentees,  la 
premiere,  par  i(io  enfans  des  deux  sexes,  la  seconde,  par  70; 
enfin  les  ecoles  de  Rl.  Fontaine,  de  M.  Buc/de  et  de  M"  Lang 
rccoivent  1 34  eleves,  garcons  et  filles. 

Ce  Rapport ,  qui  doit  inleresser  surtout  les  families  pro~ 
leslanles,  et  tons  les  amis  de  l'instruction  prima  ire,  est  ter- 
mine  par  une  liste  des  membres  du  Comile  de  surveillance 
des  divers  etablissemens  d'education  de  l'Lglise  reform.ee.  On 
y  remarqueavec  interet  lesnomsde  bea ucoupde  dames  recom- 
mandables  et  bienfaisantes,  qui  ont  consenti  a  surveiller  l'e- 
cole  des  filles. 

216.  —  Rapport  sur  la  Caisse  d'Epargnes  et  de  Prevoyance  (de 
Paris),  par  M.  Navier,  de  l'Academie  des  Sciences.  Paris, 
1800;  F.  Didot.  In-4°  de  52  pages. 

21  . — -Rapport  piesente  par  M.  Portal,  premier  Vice- 
President  du  Conseil  des  directeurs  de  la  Caisse  d'epargnes  (de 
Bordeaux)  a  I'assemblee  generate  des  fondateurs.  (Seance  du 
25  avril  1829.  )  Bordeaux,  1829;  Andre  Brassier.  In-4°  de 
12  pages. 

M.  Benjamin  Delessert,  president  et  1'un  des  fondateurs  de 
Tetablissenienl  d'une  caisse  d'epargnes  et  de  prevoyance  a 
Paris,  ayant  communique  a  l'Academie  des  Sciences  le  compte 
des  operations  de  cette  caisse,  M.  Navier  fut  charge  de  faire 
tin  rapport  sur  cette  intcressante  communication.  Le  compte 
rendu  par  IM.  Portal  est  un  acte  d'administration,  renonvele 
chaque  annee,  et  reduit,  par  consequent,  a  ce  qu'exige  la 
eomptabilite  ;  les  c  luff  res  en  remplissent  presque  toutes  les 
pages.  Le  rapporteur  signale  une  influence  remarquable  de  la 
prosperite  du  credit  public  et  de  la  hausse  des  fonds  sur  les 
etablissemens  tels  que  les  caisses  d'epargnes;  ils  peuvent 
souffrir,  voir  augmenter  lcurs  embarras,  par  cela  mfrae  que 


SCIENCES  MORALES.  727 

Ton  regarde  comme  un  indice  de  la  felicite  publique.  Le  rap- 
porteur explique  tres-elairernent  ce  mysterieux  rcsultat. 

Le  rapport  de  M.  Navier  est  un  Memoire  sur  la  caisse  d'e- 
pargnesde  Paris,  et  sur  ces  etablissemens  en  general.  En  depil 
de  la  reserve  de  1'auteur,  qui  ne  parait  pas  avoir  destine  cet 
ecrit  a  une  grande  publicite,  il  sera  it  a  desirer  qu'il  pfit  cir- 
culer  partout;  il  ferait  du  bien ,  meine  an  milieu  des  circon- 
statices  actuelles,  on  le  bien  devient  si  difficile  a  faire.  Apres 
une  courte  bistoire  de  la  caisse  d'epargnes  de  Paris,  M.  Navier 
rappelle  la  memoire  du  predecesseur  de  M.  Delessert  a  la 
presidence  de  cet  etablisseinent.  «  Le  due  de  Laroehefoucauld 
a  conserve  jusqu'a  sa  mort  la  presidence  de  la  caisse  d'epar- 
gnes:  cette  fonction  n'etait  point  donnee  par  le  ministcre.  II 
sera  desormais  impossible  de  parler  de  cet  homme  venerable, 
sans  faire  naitre  en  meme  terns  deux  souvenirs  bien  opposes: 
celui  d'une  vie  consacree  a  l'exercice  de  toutes  les  vertus  ; 
celui  d'une  mort  que  l'implacable  esprit  de  parti  s'est  vaine- 
mentefforce  de  fletrirparde  laches  outrages.  »  — Lerapporteur 
entre  dans  quelques  details  sur  les  ameliorations  progressives 
de  la  caisse  et  de  son  influence  sur  la  classe  laborieuse.  «  Les 
resultats  qui  viennent  d'etre  exposes  supposent  que  beaucoup 
de  bien  avait  ete  fait ;  il  est  impossible  de  ne  pas  donner  quel- 
que  part  dans  la  reconnaissance  qui  lui  est  due  a  1'auteur  d'un 
ecrit  qui  ne  sera  point  oublie,  les  Trois  Visites  de  M.  Bruno ; 
ouvrage  ingenieux  du  a  la  plume  de  Lemontey,  et  que  Ton 
croirait  ecrit  par  Franklin.  » 

Tout  ce  Memoire  meriterail  d'etre  transcrit,  si  les  limitos 
de  notrc  lecueil  nous  le  permettaient ;  mais  nous  sommes  re- 
duils  a  un  petit  nombre  de  citations;  voici comment  M.  Navier 
lermine  son  Memoire. 

c  Les  beaux -arts  et  les  sciences  sont  cuitives  avee  ardeur. 
lis  ont  donne  a  la  France  une  globe  qui  est  desormais  impe- 
rissable,  malgre  les  erreurs  passageres  dans  lesquelles  le  goQl 
du  public  se  laisserait  entrainer;  mais  les  progres  de  l'esprit 
humain  dans  cette  carriere  brillante  ne  doivent  pas  etre  le 
seul  but  de  nos  eftorts.  II  ne  s'agit  pas  seulement  d'augmenter 
les  jouissances  intellecluelles  du  petit  nombre  des  hommes 
qui  peuvent  les  gofiter,  et  que  la  fortune  a  deja  combles  de 
ses  dons.  II  s'agit,  pour  tout  homme  qui  a  un  coeur,  de  rendre 
meilleure  la  condition  de  la  masse  du  peuple,  et  surlout  d'e- 
levcr  ses  scntimens  et  son  caractere.  Ce  n'est  pas  en  repandant 
sans  discernement  des  aumones  que  Ton  pent  y  parvenir.  Le 
meilleur  usage  que  des  hommes  riches  puissent  faire  aujour- 
d'hui   de   leur   fortune   consiste  a  fonder  des   etablissemen« 


;a»  LIVRES   FRANCAIS. 

destines  a  propager  ('instruction,  ou  des  institutions  telles  que 

la  caisse  d'epargnes,  qui  tendent  a  developper  le  sentiment 

de  la  prevoyance,  et  a  rlunuer  an  peuple  les  inoyens  lie  la 
nicltre  en  pratique.  Cel  etablissement  nous  parait  altester  le 
discernement  non  moins  que  la  bienl'aisance  de  ses  fondateurs, 
et  meriter  an  plus  liaut  degre  1'estime  el  la  reconnaissance 
publiques.  »  ]\. 

218.  — *  Histoire  du  Droit  romain  an  moyen  age,  par  F.-C. 
de  Savigny  ,  traduitc  de  Pallemand  par  Charles  Gfenoux, 
docteur  en  droit.  Premiere  livraison.  Paris,  i83o;  Alexandre 
Mesnicr,  Place  de  la  Bourse.  2  vol.  in-S°;  prix,  du  volume, 
8  fr. ;  il  y  aura  4  volumes. 

La  grande  reputation  que  M.  de  Savigny  s'est  acquise  en 
Europe,  comme  jurisconsulte,  nous  f'aisait  vivement  desirer 
nne  traduction  f'rancaise  de  scs  ouvrages.  La  plupart  des 
hommes  qui  parmi  nous  s'occupent  de  la  science  du  droit 
sont  en  efl'et  elrangers  a  la  langue  allcmande  ;  de  sorle  qu'ils 
ne  connaissaient  les  ecrits  de  ce  rclebre  jurisconsulte  que 
par  les  extraits  qu'en  avaient  publics  quelques  journaux  de 
jurisprudence.  Grace  a  la  traduclionque  nous  donne  M.  Gue- 
noux,  ils  pourront  a  Favenir  juger  par  eux-memes  le  plus  im- 
portant des  ouvrages  de  M.  de  Savigny,  et  profiter  des  im- 
menses  recherches  de  ce  savant  ecrivain. 

L'etude  de  Fhistoire  a  pris  parmi  nous  line  activite  qu'elle 
n'avait  jamais  eue,  et  la  branche  la  plus  importante  de  celte 
science  est  incontestablenient  celle  qui  s'occupe  des  lois  ou 
des  institutions.  Quel  que  soit  le  mepris  que  quelques  ecri- 
vains  affectent  pour  Futilite,  il  est  incontestable  que  la  ten- 
dance generate  des  esprits  les  porte  vers  les  recherches  utiles. 
Si  Fon  aspire  a  connaitre  le  passe,  e'est  pour  y  trouver  des 
lecons  pour  I'avenir  :  on  veut  savoir  quelle  est  la  marclie  que 
la  civilisation  a  suivie,  afin  de  ne  pas  s'egarer  dans  la  route 
qu'on  est  appele  a  parcourir.  Les  theoriciens  eux-memes  ne 
peuvent  se  flatter  aujourd'hui  d'inspirer  quelque  confiance , 
d'obtenirquelque  credit,  qu'autant  qu'ils  ont  uneconnaissance 
positive  de  Fetat  reel  de  la  societe,  et  des  diverses  causes  qui 
Font  produit.  C'est  dans  Fhistoire  de  la  civilisation  que  les 
nations  peuvent  chercher  des  regies  sures  pour  Favenir  :  or, 
il  faut  convenir  que  Finfluence  lies  domains  et  de  leurs  lois 
sur  les  divers  peuples  de  FEurope  est  une  des  parties  les  plus 
considerables  de  celte  bistoire.Tout  bomme  qui  possede  quel- 
que connaissance  du  droit  romain,  et  qui  a  quelques  no- 
tions des  lois  auxqiielles  la  plupart  des  nations  europeennes 
oheisseoU  ne  pent  s'empecher  de  reconnaitre  la  filiation. 
L 'histoire  de  M.  de  Saviffny  sera  done  favorablement  aecueil- 


SCIENCES  MORALES.  729 

lie  par  plusieurs  classes  de  lecteurs  :  elle  sera  recherchee  par 
les  hommes  qui  se  livrent  a  l'etude  de  l'histoire,  par  ceux  qui 
cult i vent  la  science  du  droit,  et  mcmc  par  ceux  qui  s'occupent 
de  theories  legislatives. 

Les  deux  volumes  que  nous  annoncons  ne  torment  (pie  la 
moitie  de  I'ouvrage  :  les  deux  qui  restent  a  publier  ne  se  le- 
ront  probablemeul  pas  long-terns  attcndre.  L'ouvrage  se  di- 
\ise  en  deux  grandes  parlies  :  la  premiere  est  relative  aux 
terns  anterieuis  a  la  fondation  de  l'eeole  de  Bolognc  ,  vers 
l'an  1100;  la  seconde,  aux  terns  posterieurs.  Les  deux  vo- 
lumes qui  \iennent  de  paraitre  torment  la  premiere  partie, 
et  sont  ainsi  divises  :  le  premier  contient  les  generalites  ;  le 
second ,  les  details. 

Le  savant  auteur  traite,  dans  le  premier  volume,  des  sour- 
ces du  droit  au  vc  siecle;  de  l'organisation  judiciaire  des  Re- 
mains pendant  cetle  epoque  ,  en  Italic,  et  dans  les  provinces  ; 
des  sources  du  droit  dans  les  uouveaux  Etals  germaniques; 
de  l'organisation  judiciaire  des  Gennains ;  de  l'organisation 
judiciaire  des  Homains,  depuis  la  domination  des  Germains; 
enfin,  de  1'eoseignement  du  droit  au  v"  siecle. 

Dans  le  second  volume,  M.  de  Savigny  traite  du  droit  ro- 
main  dans  les  royaumes  de  Bourgogne ,  des  Visigoths  et  des 
Francs,  en  Angleterre,  dans  le  royaume  des  Ostrogoths,  en 
Italie  sous  la  domination  grecque,  en  Italic  sous  le  pape  et 
rempereur,  dans  le  royaume  des  Lombards;  le  dernier  cha- 
pitre  est  consacre  au  droit  romain  conserve  par  le  clerge.  Ce 
volume  est  lermine  par  1111  appeiidice  qui  contient  les  matieres 
suivantes  :  i°  glose  sur  les  Institutes;  20  Petri  Petri  excep- 
tiones  legitm  romanarum ;  3U  table  des  passages  du  droit  ro- 
main d'aprcs  l'ordre  des  sources  du  moyen  age  ,  citees  dans 
roitviagc  d'apres  l'ordre  des  sources  du  droit  romain. 

On  concoit  qu'il  ne  nous  est  pas  possible  de  donner,  dans 
ce  bulletin,  une  idee  des  immenses  et  consciencieuses  re- 
cherches  auxquelles  I'auteur  s'est  livre  pour  composer  celte 
bistoire.  Aussi  nous  bornerons-nous  a  dire,  quant  a  present, 
qu'elle  justilie  completement  la  reputation  dont  M.  de  Savi- 
gny jouissait  en  France,  avant  que  son  ouvrage  y  put  etre  ge- 
neralement  apprecie.  On  a  pu  voir,  par  Vindication  des  cha- 
pitres,  (jue  I'ouvrage  est  ecrit  avee  mcthode ;  nous  devons 
ajouter  que  la  traduction  fait  bonneur  a  la  plume  de  M.  Gue- 
noux,  par  1'elegance  et  la  clarte  qui  distinguent  son  style. 
L'ouvrage,  imprime  sur  beau  papier,  est  sorti  des  presses  de 
51.  Founder  :  e'est  assez  dire  qu'il  est  imprime  avec  soin. 

M.   de    Savigny,    outre   son  Histoire  du  Droit  romain  an 


yZo  L1VRES  FRANC AIS. 

moyen  age ,  a  publie  tin  Traiti'  dc  la  Possession,  qui  a  acquis 
une  grande  eelebrile  ,  surtout  en  Allemagne.  Un  savant  pro- 
fesseur  de  Louvain,~M.  Warhkobnig,  nous  en  a  donnc  quel- 
ques  extraits  dans  un  recueil  de  jurisprudence  qui  sc  pul)lic 
a  Paris  (la  Themis) ;  mais  nous  sommes  encore  a  en  desirer 
la  traduction.  Esperons  qu'apres  avoir  reproduit  dans  notre 
languc  l'histoire  du  droit  romain  au  moyen  age,  M.  Guenoux 

nous  donncra  aussi  le  Traitc  de  la  Possession.  Ch.  C 

219.  —  *  Jurisprudence  generate  dn  Royaumeou  Repertoire 
melhodique  de  la  Legislation  el  de  la  Jurisprudence  modernes; 
par  ML  Dalloz.  Tome  ixc.  Paris,  i85o;  au  bureau  de  la  Juris- 
prudence generate,  rue  Hautefeuille,  n°  [\.  Cet  ouvrage  aura 
12  volumes  in— 4°,  divises  en  a\  livraisons,  contenant  cha- 
cune  la  matiere  d'environ  5  vol.  in-8°  ordinaircs;  prix  de  la 
livraison,  1  0  f'r. 

Voici  un  des  plus  vastes  et  des  plus  utiles  ouvrages  qui ,  de- 
puis  long-teins,  aient  enrichi  la  science  du  droit.  HI.  Dalloz 
s'est  charge,  depuis  plusieurs  annees,  de  continuer  le  Journal 
des  Audiences,  connu  sous  le  nora  de  Journal  de  Denevers. 
Oblige  de  donner  une  nouvelle  edition  de  ce  recueil  depuis 
l'origine  de  la  Cour  de  cassation  jusqu'a  i8'j5,  M.  Dalloz  a 
pense  qu'une  simple  reimpression  ne  suffirait  pas  aux  besoins 
de  la  science,  ni  a  ceux  de  la  pratique  journaliere.  II  a  forme 
la  tres-difficile  entreprise  de  classer  tous  les  arrets  d'apres 
l'ordre  des  matieres.  Ce  travail  etait  immense  ;  non-seulement 
M.  Dalloz  s'en  est  tire  avec  bonbeur,  mais  meme  son  plan 
s'est  agrandi  et  amcliore  par  l'execution.  Au  lieu  de  se  borner 
a  reimprimer  tous  les  arrets  relalifs  a  une  matiere,  il  y  a  joint 
un  resume  doctrinal,  en  sorte  que  son  ouvrage  est  devenu  un 
recueil  de  traites  speciaux,  appuye  par  des  autorites  de  juris- 
prudence pliisconiplelesquedansaucunaiitrerecueil.  Le  9°  vo- 
lume, dont  la  seconde  livraison  vient  de  paraitre,  comprend 
les  mots  huissiers,  liypotluques  et  privileges,  impot ,  incendie, 
instruction  cr'uninclle,  instruction  par  rcrit,  interdiction,  inter- 
rogatoire  stir  fails  et  articles,  intervention,  jeu,  jeu  de  bourse, 
jitgemenl,  liberie  individuelle,  liberie  provisoire ,  lois,  loterie , 
lounge,  mandat,  manufactures.  Six  livraisons  reslent  a  paraitre; 
on  annonce  qu'elles  seront  publiees  avant  le  1"  Janvier  pro- 
chain.  Nous  reviendrons  sur  cette  publication  si  remarquable, 
qui  assure  a  son  auleur  un  rang  Ires-distinguc  parmi  les  juris- 
consultes;  mais  nous  voulons,  des  a  present,  remercier 
M.  Dalloz  d'un  autre  genra  de  merite.  Les  livraisons  qu'il 
public  maintenant  sont  doubles  des  premieres;  et  le  public 
recoit,  san>  augmentation  deprix,  deux  fois  plus  que  les  pro- 
spectus ne  lui  promettaient.  La  Revue  Encychpcdiquc ,  habi- 


SCIENCES  MORALES.  ;3i 

tuee  a  faire  a  ses  lecteurs  les  memes  sacrifices,  aimera  toujour!* 
u  saisir  les  occasions  de  signaler  les  auteurs  et  les  editeurs  qui 
mettront  un  aussi  honorable  scrupule  a  depasser  kurs  enga- 
gemens.  C.  l\.,  Avocat. 

220.  • —  Traite  ilem*ntairc  de  la  Procedure  civile,  par  M.  L. 
F.  Atger.  Paris,  1828;  Pichon  etDidier.  2  vol.  in-8";  prix,  10  t'r. 

Montesquieu  avail  remarque,  dans  les  Lettres  persannes, 
que  le  droit  roniain,  adopte  par  les  Francais,  par  inconslance 
pour  Icurs  lois  anciennes,  avait  introduit  des  forma.'ites  dont 
l'exces  etait  la  lioiste  de  la  raison  humaine.  II  avait  demande 
si  la  forme  s'estrenduc  plus  pernicieuse  lorsqu'elle  est  entree 
dans  la  jurisprudence,  on  lorsqu'elle  s'est  logee  dans  la  inede- 
cine;  si  elle  a  fait  plus  de  ravage  sous  la  robe  d'un  juriscon- 
sulte  que  sous  le  large chapeau  d'un  medecin  ;  et  si,  dans  1'une, 
elle  a  plus  mine  de  gens  qu'elle  n'en  a  tue  dans  1'autre?  Mais 
l'auleur  de  VEsprit  des  Lois  etaliHt  que,  dans  les  rcpubliques, 
il  faut  pour  le  moins  autantde  formaliti's  que  dans  les  monar- 
chies. Files  augmentent  dans  Tun  et  1'autre  gouvernement, 
ajoute-t-il,  en  raison  ducas  que  Ton  y  fait  de  rhonneur,  de  la 
fortune,  de  la  vie,  de  la  liberie  des  citoyens. 

Cette  critique  et  ce  jugement  de  Montesquieu  sont  ration- 
nels,  chacun  a  leur  place.  II  resulte  de  cette  diversite  d'opi- 
nions,  qui  ne  sont  pas  contradicloires,  que,  si  Ton  pent  plai- 
sanier  sur  l'abus  des  formes,  et  meme  s'en  plaindre,  il  faut 
reconnaitre qu'elles  ont  leurs  necessites;  et,  tantqu'elles  sub- 
sislenl,  et  qu'il  y  a  des  officiers  ministeriels  institues  pour  les 
appliquer,  il  importe  de  les  etudier.  Que  si  les  ennemis  des 
forinaliles  de  justice  citaicnt  la  C our  de  cassation  etle  Conseil- 
a'Eiat  pour  exalter  la  simplicite  de  la  procedure  qui  y  est 
suivie,  il  faudrait  leur  faire  observer  quecesCours  supremes 
ne  sont  pas  des  juridictions  ordinaires,  mais  des  magislratu- 
res  d'exce})lions.  A  la  Cour  de  cassation,  les  arrets  intervien- 
nent  sur  des  procedures  achevees,  et  cette  Cour  ne  connait , 
relativement  a  la  procedure,  que  des  jugemens  dans  lesquels 
les  formes  out  ete  violees.  Le  Conseil-d'Etat  ne  rendaussides 
decisions  dans  les  affaires  privees  que  sur  les  malieres  re- 
put  ees  administrative?. 

Tout  ce  qu'il  est  done  raisonnable  despcrer,  e'est  que  la 
procedure,  dans  les  juridictions  ordinaires  du  royaume,  sera 
encore  abregee  et  simplifiee.  C'est  ici  1'occasion  de  rappeler 
la  proposition  faite  par  Adrien  Duporl,  soutenue  par  Cha- 
broud  et  Bai'n'ive,  et  reproduite  depuis  par  Cambaceres ,  pour 
etablir  le  jury  au  civil  comme  au  criminel ;  mais  cette  insti- 
tution, dans  laquelle  l'Angleterre  et  les  Flats -Luis  de  l'Ame- 
riqne  voienl  le  palladium  de  leur  liberie  civile  et  politique,  fut 


702  LIVRES  FRANC AIS. 

ajournee  indefiniment  par  deux  de  nos  assemblies  nationales, 
comme  incompatibles  avec  nos  habitudes,  nos  preventions,  et 
peut-etre  aussi  avcc  l'ioteret   d'une  classe  imp  oombreuse 

d'hommcs  de  loi  el  de  justice.  C'est  ainsi  que  la  procedure 
nicme  a  tin  cole  philosophiquej  eh  1'examinatft  dans  ses  rap- 
ports aver  la  nature  et  le  principe  du  gouvernement 3  avec  le 
droit  politique  et  ci\  il ,  comme  aussi  dans  ['influence  que  peu* 
vent  avoir  sur  elle  le  cliniat.  les  moeurs  et  la  religion. 

Les  premiers  traitcs  on  la  procedure  I'ut  enseignee  ont  ele 
appeles  styles.  L'ancien  style  du  parlement  Cut  ecrit  en  latin. 
INous  avons  eu,  depuis,  \enouveau  style  da  Parlement,  l'ancien 
et  le  nouveau  style  da  C/uilclet,  les  styles  particuliers.  Mais  cea 
styles  nouveauxetaienlreslcs  loujours  anciens  par  leurbarbare 
idiome. 

Eniin,  Pigeau  parut,  et,  comme  Malherbe  l'avait  fait  pour 
la  poesie ,  il  mit  soudainen  i'uite  les  Ronsard  et  les  Dubartas 
du  palais.  La  procedure  civile  publice  en  1789  par  31.  Pigeau, 
avocat  au  parlement,  decede  professeur  de  la  faculte  de  droit 
de  Paris,  fit  dans  toutes  les  juridiclions  du  royaume  une  re- 
volution qui  Cut  complete,  bien  que  les  praticiens  de  routine 
netrouvassenlpasl\auteiirassez/bnnfl/M/tf,parcelaqu'ilavaitsu 
raisonuer  1'instruction  des  affaires,  et  ecrire  avec  methode,  clar- 
te,  correction,  nous  oserions  dire,  avec  interet,sur  unenialiere 
aussi  ingrate  que  la  procedure.  Son  ouvrage  etait  devenu 
classique  au  barreau,  et  il  suffisait  a  tons  les  besoins  de  la 
theorie  et  de  la  pratique,  lorsque  notre  procedure  fut  changee 
et  reunie  en  un  Code,  dont  l'ensembleesl  un  avantage  incon- 
testable, mais  que  nous  croyons  d'ailleurs  defectueux  et  fort 
infciieur  dans  son  execution  au  Code  civil,  dont  il  depend. 
Depuis  lors,  M.  Pigeau  a  modifie  lui-metne  son  traite,  sous  le 
litre  de  la  Procedure  civile  des  tribunaux  de  France,  mais  ces 
raccommodemens n\i\\tiit  laissedes  lacunes  e!  des  imperfections 
que  les  notes  de  M.  Crivelli  ont  du  combler  et  corriger  dans 
une  edition  posterieure.  Cependant,  d'autres  Iraites,  entiere- 
ment  composes  sur  le  Code  nouveau,  ont  ete  publics.  Le 
Cours  de  procedure  civile,  par  M.  Berriat-  Saint  -  Pri.r ,  et 
V analyse  redsonne'e  sur  le  Code  de  procedure  et  les  loisde  la  pro- 
cedure civile,  par  IU.  Carre,  doivent  etre  dislingues. 

M.  Au^er  nous  pa  rait  appele  a  prendre  un  rang  honorable 
apres  ces  jurisconsultes,  dontil  reconnait  que  les  ouvrages  lui 
ont  etc  d'un  grand  secours,  mais  a  Tautorite  desquels  il  ren- 
voie  peut-etre  trop  frequemment. 

Le  Traite  de  M.  Auger  est  entitlement  didactique.  II  con- 
sent :  i°  les  regies  de  la  competence  des  juridictions  civiles. 
et  des  ofliciers  qui  y  sont  attaches;  1"  les  elemens  de  la  pro- 


SCIENCES    MORALES.  733 

cedure  civile  avec  dcs  definitions  tirees  des  meillours  coin- 
mentaires  du  Code  ;  5°  des  notes  nombreuses,  dans  lesquelles 
on  donne  l'explication  de  la  loi  par  ses  motifs  et  des  exem- 
ples,  et  la  solution  de  toutes  les  difficultes  que  son  texte  pre- 
sente,  et  des  questions  de  procedure  les  plus  iniportantcs,  d'a- 
pres  les  auteurs  et  les  decisions  judiciaires. 

L'auteur  remarque  justement  que  la  plupart  des  ouvrages 
qui  ont  paru  jusqu'a  ce  jour  sur  la  procedure  ne  conviennent 
pas  a  tous  ceux  qui  se  livrent  a  1'etude  de  cette  science  :  les 
uns  ne  sontdeslines  qu'aux  jeunes  gens  qui,  avant  d'approfon- 
dir  cette  partie  du  droit,  sont  obliges  d'en  acquerir  des  notions 
generales  ;  les  autres  ne  sont  a  la  portee  que  de  ceux  qui  ont 
deja  une  certaine  instruction.  M.  Auger  a  done  pense  qu'un 
livre  qui  pourrait  C-tre  utile  a  ces  deux  sorles  de  personnes 
serait  favorablement  accueilli  du  public,  et  il  declare  avoir  eu 
principalementen  vue  les  jeunes  praticiens. 

Le  second  volumeest  destine  aux  procedures  diverscs,  et  l'au- 
teur ne  s'est  pas  seulement  occupe  de  toutes  les  procedures 
speciales  comprises  dans  la  seconde  partie  du  Code ;  il  a  eru 
devoir  Iraiter  en  outre  des  procedures  qui  se  trouvent  dans  le 
Code  civil,  et  il  a  rapporle  les  articles  de  ce  dernier  Code,  de 
maniere  a  reunir  toutes  les  regies  d'une  meme  procedure;  ce 
qui  distingue  cet  on v rage  de  tous  les  autres  commentaires. 

Enfin  les  regies  de  la  procedure  a  observer  devaut  les  tri- 
bunaux  de  commerce  et  de  paix  sont  exposees  dans  les  notes  du 
premier  volume,  de  sorte  que  Ton  voit,  d'un  seul  coup  d'neil, 
les  ressemblances  on  les  differences  de  ces  regies  avec  celles 
de  la  procedure  ordinaire. 

II  nous  reste  a  desirer  que  M.  Auger,  pour  rendre  son  ou- 
vrage  encore  plus  utile,  le  complete  par  un  recueil  de  formu- 
les  propres  a  meltre  en  action  les  principes  qu'il  a  demontres. 
Et,  commee'est  surtout  dans  les  formulesque  les  vices  du  lan- 
gage  judiciaire  se  sont  perpttues,  nous  ne  sauriosis  trop  re- 
commander  a  l'auteur  de  rendre  les  siennesclaireset  concises, 
et  de  les  purger,  le  plus  possible,  de  ternies  barbares  et  inin- 
telligibles.  Parent-Real. 

221.  — Lettre  de  M.  H.  Devaux,  ancien  depute  du  Cher, 
a  1151.  les  elecleurs  ,  sur  le  vote  de  1'adresse  du  16  mars  i85o. 
Bonrges,  i83o;  iniprimerie  de  Mmc  Vc  Souchoir,  In-8"  de  22 
pages. 

222.  —  Essai  sur  (a  liberie  de  suffrage  dcs  fonclionnairm  pu- 
blics amovibles,  par  le,  meme.  Bourges,  1800;  meme  imprime- 
rie.  In-8°  de   11  pages,  dont  la  derniere  est  numerotee  201. 

•J23.  —  Lettre  d'un  Electeur  du  Cher  aux  autres  Elect eurs 


?3/|  FilVIUES  I-iANCAlS. 

(sans  nom  d'auteur).   Bourges,    i83o;  meme  imprimeric. 

In-8°  do  1 7>  pages. 

224-  —  Disrours  $ur  I'  Adresse,  par  M.  Gaetan  de  Larochb- 
foi'cauld,  depute  ilu  Cher;  session  do  i83o.  Paris,  i83o; 
imprimerie  de  Henry?  roe  (iit-le-Cceur,  n°8.  In-S°de  7  pag. 

Nous  reunissous  hi  qua  tic  brochures  sorties  du  meme  de- 
partement,  et  qui  donncnl  line  idee  exacle  el  sullisante  de  la 
crise  actuelle,  laquelle  y  est  saincmcnt  appreciee.  Et,  bien  qn'il 
n'entre  pas  dans  les  habitudes  de  la  Revue  Ency dope digue  dc 
s'imniiscer  dans  la  politique  de  circonsiances,  cependant, 
lorsque  ces  circonslances  sont  graves,  lorsqu'il  se  represente 
dans  1111  debat ,  encore  vivant,  des  questions  de  l'imporlance 
de  celles  qui  s'agitent  en  ce  moment,  des  questions  qui  tou- 
tbent  aux  racines,  et  peuvent  conduire  a  la  vie  ou  a  la  niort 
du  systeme  representatif,  e'est-a-dire,  du  meilleur  mode  de 
gouvernement  connu  jusqu'a  present,  nous  en  occuper  est  un 
droit  que  nous  n'enlendons point  abdiquer,  une  obligation  que 
nous  devons  a  nos  lecteurs  de  remplir. 

Rien,  an  restc,  ne  saurait  rendre  notre  lathe  a  cet  egard 
plus  agreablc  et  plus  facile  que  d'avoir  a  rendre  compte  d'une 
broi  hure  dc  M.  Devai'x  ,  dont  la  dialectique  serrce  et 
pressantc,  ct  le  style  hardi  et  piquant,  out  ete  depuis  long- 
tems  remarqties  par  les  personnes  habituees  a  suivre 
et  a  etudier  les  discussions  parleincntaires.  L'ceuvre  de  cha- 
cun  de  ses  deux  amis  du  Cher,  1'un,  M.  le  comte  Hippo- 
lyie  Jaibekt,  citoyen  plein  de  patriotisme  et  de  talent;  l'au- 
lre,heritierd'un  beau  zele  et  d'un  beau  nom,  n'est  pas  nonplus 
depourvue  du  merite  co nv enable  an  but  que  se  proposait  l'e- 
crivain,  ou  l'oraleur. 

Dans  sa  letlre  aux  electeurs,  M.  Devaux  commence  par  po- 
ser nettement  la  question  que  ceux-ci  ont  a  resoudre ;  autcur 
de  l'adresse  qu'il  s'est  appropriee  par  son  vote,  il  se  presenile 
le  front  haut  devant  ses  Junes.  La  forme  de  l'adresse  etait- 
elle ,  comme  l'ont  pretendu  des  puhlicistes  dont  il  serait  per- 
mis  jusqu'a  un  certain  point  de  suspecter  la  bonne  foi ,  outra- 
geante  pour  le  monarque  ;  ses  coups  devaient-ils  meme  porier 
aussi  haut?  Tel  ne  pouvait  pas  etre  son  objet,  telles  n'etaient 
pas  assurcment  les  intentions  de  ses  auteuiN.  On  a  fait  grand 
bruit,  a  cette  occasion,  d'atleinte  portee  a  la  prerogative  royale. 
Qu'il  nous  soil  permis  de  nous  arreter  un  moment  a  cette  ques- 
tion la  plus  fondamentale  ;  car  le  reste  de  la  querelle ,  s'il 
etait  sincere,  ne  serait  que  pure  chicane  de  mots  et  que  jeu 
d'enfans. 

(Vest  d'abord  un  ptrange  service  que  rendent  a  la  rnyaute 


SCIENCES  MORALES.  ?&5 

ses  courtisans  que  tie  pretendre  qu'elle  a  ses  droits  isoles, 
independans,  en  opposition  avec  ceux  de  la  nation.  Nousavions 
pense  jusqu'a  present  que  la  royaute  etait  une  charge  publique 
dont  I'objet  etait  le  gouvernemevit  et  Icbonheurde  la  nation. 
Que  si  Ton  voulait  qu'elle  futaussi  une  institution  divine,  mys- 
terieuse  dans  son  essence  commedans  son  origine,  nous  y  con- 
5cntions,pourvu  qu'elle  nesortit  pas  sous  cette  forme  des  regions 
superieuresotiFon  dit  qu'elle  s'est  foruiee,  et  qu'elle  consentit 
du  moins  a  s'humaniser  un  peu  dans  ('application.  Les  constitu- 
tions, au  reste,  sont  decemonde,  et  nous  en  avons  vu  fabriquer 
assez  dans  ces  dcrniers  terns  pour  croire  qu'elles  ne  nous  tom- 
bent  pasd'en  haut,  et  pour  savoir  menie  comment  dies  se  font. 
Or  nous  vivons  aujourd'hui  sous  l'empire  d'une  constitution  et 
d'une  constitution  ecrite.  Les  droits  de  la  royaute  ne  peuveat 
('one  plus  etre  absolus,  mais  relatifs,  et  l'exercice  de  ces  droits 
ne  saurait  aller  jusqu'a  troubler  l'liarmonie  et  deranger  I'equi- 
Jibre  de  la  constitution.  Leroiesl  libre,  nousdit-on,  de  choisir 
ses  ministres.  Libre  quant  aux  choix  des  personnes  ,  oui  assu- 
rement;  mais,  quant  au  choix  du  systeme  ou  il  lesprend,  on 
pent  soutenir  qu'il  n'est  libre  que  jusqu'a  un  certain  point;  car 
la  Chamhre  aussi  est  libre  de  repoussertel  ou  tel  systeme  par 
tous  les  moyens  que  la  Charte  ecrite  a  mis  entre  ses  mains. 
La  question  actuelle  se  reduit  done  a  ce  point  :  sont-ce  des 
homines,  est-ce  un  systeme,  qu'a  pretendu  rejeter  la  Cham- 
b\e,  et  que  repousse  la  nation?  La  reponse  a  cetle  question 
n'est  pas  douteuse,  et  voici  comment  s'explique  M.  Devaux  : 
((Lesnomsrepresentenlsouvent  plus  que  des  individus, ils  peu- 
ventetreaussil'expressiond'unsysteinepolitiquequi  a  loujours 
en  la  puissance,  depuis  la  restauration,  d'inqui'eter  les  esprits. 
Ce  n'est  pas  un  systeme  cache  dans  la  metaphysique  des  theo- 
ries insensibles  aux  masses,  mais  un  systeme  materialise  par 
ses  actes,  qui  a  combaltu  par  les  armes,  paries  conspirations, 
par  toutes  les  influences  dont  il  a  pu  disposer  au  dedans  et 
au  dehors  de  la  France,  tous  les  interets  populairesde  1789  a 
1829,  sans  vouloir  se  reposer  dans  la  Charte,  contre  laquelle 
il  protesta  des  son  origine,  et  qu'il  assiege  sans  cesse  par  des 
commentaires  insidieux  destines  a  fairc  conlisquer  a  son  profit 
l'oeuvre  de  la  sagesse  de  Louis  XVIII.  Ce  systeme,  odieux  a  la 
nation  sous  le  litre  de  contre-revolution,  s'est  vanle  des  son 
apparition  au  pouvoir  d'arreter  le  cours  de  nos  ameliorations 
sociales  promises  par  les  deux  precedens  discours  de  la  cou- 
ronne,  a  l'ouverture  des  sessions  de  1828  et  de  1829.  II  s'est 
proclame  provisoirement  stationnaire,  le  visage  tourne  vers 
h»  passe,  avec  l'anarchique  ambition  de  commander,  memo  mi- 


?56  LIVUES   FRANC AIS. 

litairemcnt  an  besom-,  un  mouyement  retrograde  a  un  grand 
peuple  qui  inaichait  victorieux,  dcpuis  quarante  ans,  a  la  con- 
qucte  de  toutes  les  riehesses  de  la  civilisation  progressive  » . 
Mais,  est-ce  d'ailleurs  sinccrcmcnt  que  le  ministere  se  vantait 
de  n'a  voir  encore  rien  fait  et  de  ne  vouloir  rien  (aire  ?  Qucsigni- 
fiait  done  son  apparition?  Ses  membrcs  venaicnt-ils  exploiter 
a  leur  profit  personnel  et  contrairement  a  leurs  opinions  et  a 
leurs  antecedent  une  forme  de  gouveruement  qui  a  pourprjn- 
cipe  el  pour  base  I'interet  general?  Y  aurail-il  rien  de  plus 
abject  qu'un  pareil  calcul  et  qu'une  telle  resignation  ?  Non,  Ic 
ministere  du  8  aout  n'ctait  pas,  quoiqu'il  en  puisse  dire,  un 
ministere  faineant.  Convainrue  de  eclte  verite  flagrante,  la 
Chambre  pouvait-elle  refouler  en  elle-meme  ou  dissimulcr 
sa  conviction  ?  M.  Devaux  demontre  quelle  cut  etc  la  perfidie, 
et  quel  ettfit  le  danger  d'une  pareille  conduite.  Ccuxqui  pen- 
sent  que  ['opposition  an  ministere  ne  devait  se  manifester  que 
par  des  actcs  ne  se  sont  assurement  pas  rendu  pompte  de  1'in- 
convenance,et  je  dirais  memedel'odieux  d'une  telle  dissimula- 
tion, lis  ooblicnt  de  plus  que  parmi  les  lois  sur  lesquellcs  la 
Chambre  devait  elre  appelce  a  dclibercr  il  en  est  une,  loi  de 
confiance  et  de  nccessite  tout  a  la  fois,  que  la  Chambre  etait 
maitressc  de  refuser,  qu'elle  ne  pouvait  pas  ne  pas  refuser,  et 
dont  la  non-adoption  pouvait  jeler  pour  un  moment  la  per- 
turbation dans  les  finances  et  dans  1'Kfat.  C'etait  done  pour  la 
Chambre  un  devoir  d'avertir  d'avance  la  couronne  de  ses  dis- 
positions a  cet  egard;  e'est  encore  ce  que  demontre  parfaite- 
ment  M.  Devaux. 

Mais,  dit-on,  si,  malgre  le  resultat  d'eleotions  confnrmes  a 
la  pensce  de  la  Chambre,  le  roi  persjste  dans  son  choix!  Nous 
ne  voulons  pas  cioirc  a  une  pareille  supposition  ,  car  elle 
manque  aux  conditions  essentielles  du  gouveruement  repre- 
sentatif,  sous  lequel  nousvivons.  La  Chambre,  interrogi  e  par 
le  discours  du  trone  ;  les  electeurs,  inlerroges  par  la  dissolu- 
tion, ne  pouvaient  mentir  a  leur  conscience  ;  ils  out  accompli 
la  loi  de  leur  nature  et  de  leur  existence.  Declarer  qu'on  ne 
saurait  marcher  avec  la  Chambre,  telle  que  les  elections  nou- 
velles  1'auront  faite,  ce  serait,  chose  impossible,  eontrairea  la 
penseememe  qu'a  donnee  laCbarte,  et  a  la  pensee  de  la  main- 
tenir;  ce  serait  proclamer  une  incompatibilite  cruellc.  Mais  la 
royaute  est  hois  de  ce  debat.  La  royaute  restcra  ce  qu'elle 
doit  etre  :  juge  supreme  du  ministere  qu'elle  cree  el  qu'elle 
brise  a  volonte;  protectrice  des  interets  de  la  nation,  qu'on  nc 
brise  pas.  Non,  la  royaute  n'est  pas  en  cause.  Eh!  qu'arrive- 
t-il   done  ici  qui  n'ait  pas  etc  prevu  par  la  constitution?  Un 


SCIENCES  MORALES.  +>5j 

disscntimcnt  onlrc  le  ministore  et  Ics  deux  Cbamlres.  Mais 
n'est-ee  pas  pr£cisem£oii  ptynl'de  tellcs  circonstancos  que  nous 
est  donncc  noire  forme  de  gouvcrnement?  Cerlcs,  si  Paccovd 
devait  toujour.';  regner  cntre  le  pays  et  le  minislerc;  si  le  r'of, 
{oujours  suflisammont  inslruit  par  scs  agens  ,  ne  pouvait  von- 
loir  ct  la  ire  que  ce  qui  est  communement  desire,  a  quoi  lion 
eel  appareil  fie  deux  Chambres?  A  quoi  bon  la  prcsse  ?  a  quoi 
l)on  les  elections?  II  n'y  aurait  qu'a  se  laisser  condnire  mol- 
lenient.  La  sagessc  de  Louis  XVIII,  et  probableinent  aussi  son 
experience,  en  ont  fait  juger  nulrcmcnt.  Jc  sais  que  beaucoup 
de  gens  ne  voient,  on  du  moins  ail'ectcnt  de  ne  voir,  dans  la 
Cbarte,  qu'nnc  concession  de  pure  forme,  et ,  dans  scs  dispo- 
sitions reglemenlaires,  qu'un  certain  mode  assez  compliant' 
d'exercice  du  pouvoir  supreme,  substilue  a  la  simplirid:  du 
mode  ancien.  Les  Cliambres,  suivant  eux,  doivenl  voter  fi- 
bre mcnl  l'acceptation  de  toules  les  lois  qn'on  leur  prijsenTc,  ct 
notamment  du  budget ;  mais  leur  liberie  ne  va  pas  in.  qu'a  la 
non-acceptation.  Les  ccrivains  sont  libres  de  manifester  leurs 
opinions',  pourvu  que  ces  opinions  ne  deplaiscnt  point  aux  mi- 
nislrcs  ou  a  lours  agens.  Enfin,  les  clecleurs  sont  libres  de  se 
rendre  aux  elections,  memo  sans  passeports,  a  la  condiliou 
qu'ils  voteront  pour  les  Candidate  ministericls.  3Iais  la  France 
no  saurait  etre  dupe  d'une  seml)lable  deri.-ion.  Les  a"6tenrs 
nieiiie  d'un  pared  syslemo  ne  sont  pas  non  plus  dupes  de  eelte 
interpretation.  Et  le  genre  de  liberie  qu'ils  nous  proposerit  a, 
jusqu'a  present,  ete  reserve  dans  1'applicalion  aux  seuls  fonc- 
tionnaires  publics  amovibles.  Ceci  nous  conduit  a  la  secondc 
question  trailec  par  iM.  Dcvai  x. 

Celle-ci  n'exige  pas  les  memos  developpemens.  M.  Dovaux 
!a  traite  sous  le  point  de  vuc  moral,  avec  sa  supcrioritc  aceou- 
tumee.  L'bonneur,  la  conscience  des  fonclionnaires  publics 
ferontccrtaincmenl  justice  d'un  pared  dogmc  de  serviiilc.  Non, 
tons  ne  doivent  point  leur  position  an  ministere  aetucl;  il  y 
en  a  dont  la  situation  est  due  a  des  eludes  ct  a  des  travaux  an- 
terieurs  mrme.a  la  vocation  proncnceC  de  ccs  mini-lies  pour 
1'cxercice  de  si  haiits  empiois.  Les  eniplois  ne  sont  pai  tons 
le  prix  de  la  sollicilalion  el  de  la  bassesse.  II  y  en  a  de  legili- 
mement  acquis,  et  les  tilulaires  de  ccux-ci  ne  doivent  Hen  ;i 
leurs  Excellences  actucllcs.  Le  cb;  f-dVcuvrc  de  la  loyaule  oi. 
du  raisonnement  serait  de  poser  la  limilc  qui  separe  les  ezn- 
plois-professions  de  ccux  qui  ne  soul  que  le  rcsullat  de  la  fa* 
veur  minislcrielie.  An  surplus,  relict  inevitable  de  cello  snric 
de  degradation  morale  infligee  aux  fonclionnaires  piubHcsserh, 
il  faul  1'csperer,  d'mspirer  aux  ieunes  g.  us.  pour  l'avcnir.  le 
t.  xlvi.  juiN  1 83o.  4? 


p56  L1VRES  FRANCAIS. 

gout  ilcs  professions  independantes  ct  honor ables,  idles  qu*' 
les  professions  agricoles  on  industrielles ,  de  preference  a  ce- 
lni  d'un  elat  qui ,  en  dehors  de  certains  cadres  el  de  eertaioea 
limilcs,  n'en  est  pas  un,  fet  de  nous  debarrasser  par  conse- 
quent de  celte  nuee  de  frclons,  inoccupes  et  parasites,  qui 
prenncnt  part,  sans  aucune  utilite  produitc,  a  la  distribution 
d-vi  milliard  annuel  :  e'est  du  moins  ce  que  nous  souliaitons. 

La  Iettre  dc  iM.  le  comic  Jaubert  est  une  exhortation  plcine 
de  raison  el  de  franchise  a  ses  colleguesclecteurs.  Le  discours 
de  M.  de  Larochelbuoauld  est  une  reponse  faite  a  son  insu,ct  par 
avance  auxcalomnies  de  ceux  qui  meconnaissent,  sans  doutc 
sansespoir  de  sueces,  les  sentimenset  les  intentions  des  vo- 
tans  dc  la  memorable  adresse.  Nous  citerons  ici,  en  terminant, 
la  peroraison  de  M.  Jaubert  :  «  Encore  une  ibis,  que  desirons- 
nous?  L*egalite  ou  l'inegalite  devanl  la  loi  ?  la  liberte  d'indus- 
tiie  ou  les  corporations;  la  liberie  religieuse  ou  les  jesuites 
( pridominans)?  La  liberte  individueUe  ou  les  cours  prevo- 
tales  ?  la  liberte  de  la  press*  ou  la  censure?  des  conseils  muni- 
cipaux  que  nous  elisions,  ou  des  conseils  municipaux  choisis 
par  le  prefct?  un  budget  qui  diminue,  ou  un  budget  qui  aug- 
mente?  En  un  mot,  Pancien  regime,  ou  les  interets  nouveaux  ; 
un  gouvernement  ou  nous  soyons  quelque  chose,  ou  un  gou- 
vernement  ou  nous  ne  soyons  rien?  Nous  sommes  maitres  de 
choisir.  »  Cette  voix,  non  denude  d'eloquence,  a  etc  entendue , 
et  MM.  Devauxel  de  Larochefoucauld  ont  etereelus. 

1$.  L. ,  Avocat. 

2^5.  —  *  Tableau  de  la  Potogne  ancienneet  modeme,  public. 
en  un  volume,  par  Malte-Brun  :  Nouvclle  edition  enliercnie-nt 
re  fondue,  augmenteeet  orneede  cartes  ;  par  Leonard  Ciiodzko. 
Paris,  i83o;  Aime  Andre,  quai  Maluquais,  n°  i3.  2  vol.  in-8* 
de  vij-5i2  et  556  pages;  prix,  i5  fr. 

II  est  pen  de  pays  en  Europe  qui  soient  aussi  mal  connus 
que  la  Pologne  ;  et  pourlant  ce  royaume,  aujourd'hui  decbu 
de  sa  splendeur,  et  foule  aux  pieds  par  ses  ennemis,  disputa  , 
au  xvie  siecle,  la  palme  des  sciences  a  1'Italie,  devint  plus 
tard  le  rempart  de  la  chretiente  contre  les  Ottomans,  ct,  na- 
guere  encore,  donna  au  monde  l'admirable  spectacle  d'une 
nation  fidele  a  ses  allies  au  milieu  des  plus  aflYcux  revers  ,  et 
jusqu'a  leur  derniere  bataiile.  M.  L.  Chodzko  ,  auteur  dc 
YHistoire  des  Legions  polonaises,  et  que  son  talent  aussi-bicn 
que  son  zele  placent  au  premier  rang  parmi  les  patriotes  po- 
lonais,  vicnt  d  entreprendre  la  tuche  honorable  dc  dissiper  ces 
tenebres,  et  d'appelcr  sur  son  pays  1'attentiou  de  1'Europe. 
Au  travail  ineomplet,  publie  en  1807  par  Malte-Brun,  il  a 


SCIENCES  MORALES.  7.-9 

substitue  un  tableau  de  la  Pologne,  envisagee  a  la  fois  sons  les 
rapports  statistiques  ,  hisloriques  ft  litteraires;  ot,  aide  dc 
quelques  jcunes  et  habilesconcitoyens,  il  est  parvenu  a  ele- 
ver  un  veritable  monument  national. 

Le  tableau  de  la  Pologne  se  divise  en  quatre  parties  dis- 
tirlctes;  il  comprend  :  i°  une  statistique  generale  du  pays  et 
une  description  historique  et  geographique  de  chaque  pala- 
tinat ;  a"  un  precis  de  l'histoire  nationale,  continutie  jus- 
qu'en  i85o  ;  5"  un  essai  sur  l'ancienne  legislation  polonaise  ; 
4°  des  fragmens  sur  l'ancienne  litterature  du  pays,  precedes 
d'une  introduction. 

M.  Chodzko  s'est  charge  spccialement  de  la  statistique  et 
de  la  geo  graph  ie ;  et  il  a  compiis  dans  son  plan ,  non-seu- 
lenient  le  royaume  actuel,  mais  toutes  les  provinces  qui  out 
dcpcndu  ou  releve  a  diverses  epoques  de  cette  glorieuse  cou- 
ronnc  :  la  Lithuanie,  la  Livonie,  la  Courlande,  la  Gallicie , 
l'Ukraine,  la  Valachie,  la  ftloldavie,  etc.,  etc.  Dans  cette 
premiere  partie,  nousavons  surlout  distingue  un  chapitre  sur 
l'etat  des  Juit's  en  Pologne,  rempli  de  details  du  plus  haut  in- 
teret,  et  des  considerations  enlierement  nouvelles  sur  la  ma- 
rine polonaise  dans  la  mer  Baltiqne,  le  commerce  de  Dantzig 
et  la  langue  lithuanienne.  Ne  pouvant  relator  ici  les  calculsde 
M.  Chodzko,  nous  nous  contenlerons  de  reproduire  la  con- 
clusion de  son  ouvrage  : 

«  En  recapitulant ,  dit-il,  cette  statistique  actuelle  des  an- 
ciennes  pro\  inces  polonaises,  et  comptant : 

i°.  Pour  l'ancienne  Prusse-Polonaise.   .  800,000   habit. 

2°.  Pour  Ie  grand- duche  de  Posen.   .    .  980,000 

5°.  Pour  le  royaume  de  Gallicie ^j000?00*} 

4°.  Pour  la  republique  de  Cracovie.   .    .  110,000 

5°.  Pour  le  royaume  de  Pologne.   .   .    .  5, 700, 000 

6°.  Pour  la  Polognc-Russe 8,800,000 

7°.  Pour  la  Courlande 600,000 

Nous  trouvons  dans  son  ensemble  une  population  de  dix- 
huit  millions  neuf  cent  quatre-vingt-dix  milk  habilans.  Enfin  , 
en  comptant  les  200,000  Lithuaniens  et  280,000  Polonais  ha- 
bitant la  Pi  usse-Orientale  (vassale  de  la  Pologne,  depuis  i525 
jusqu'en  1657),  dont  la  capitale  est  Kuenigsberg,  nous  anions 
la  to  table  de  19,470,000  habitans.  Si  nous  voulionsy  ajouler 
un  accroissement  putatif  de  six  annees,  nous  trbirverioris, 
pour  1'annee  1829,  la  population  absolue  de  vingt  millions 
d'habitans,  et  pcut-etre  au  dela  pour  tout  l'ancien  territolre 
de  la  Pologne.  » 


74o  LIVRES  FRANC  AIS. 

l)e  res  calculs  nous  lircrons  und  seule  consequence.  En 
i8i5,  la  Russic  s'est  vantee,  a  In  face  dc  PBttrdpe,  de  rctahiir 

le  royaiinic  dc  Polognc,  dc  Ic  rclcver  a  l'abri  dc  sa  haute  pro- 
lection.  Eh  bien!  malgre  ccilc  parade  dc  magnanimile,  cllc 
rclient  tou jours  sons  son  sceptre  rnssc  les  belles  provinces 
lillr.ianiennes,  livric;  a  des  commissions  inquisiloiialcs ;  cllc 
travaillc  sans  cc^se  ay  ctcindrc  le  sentiment  de  Fmsensde  na- 
lionalite  polonaise,  a  y  comprimer  toulc  fibre  manifestation 
de  l'esprit  public.  Voila  la  gencrosile  dont  elle  a  use  cavers 
la  Pologne! 

Le  precis  hislorique  qui  compose  la  dcuxieme  partic  ,  due 
a  UB  jennc  ct  courageux  publiciste,  renferme  un  resume  com- 
plet  de  I'ilisloirc  Rationale,  redigc  d'apres  les  documens  les 
plus  authentiqucs ;  il  presented  en  outre,  un  tableau  \il'  ct 
anime  des  efforts  des  palriotes  polonais  pour  inaintenir  leur 
indcpcndancc  sous  Kosciuszko,  pour  la  rcconqnerirsous  Uom- 
browski  et  Ponialowski ;  ct  il  retrace  avee  impartiable  hcou- 
duite  du  gouveinemcnt  russe  depuis  i8i5.  La  troisicme  par- 
lie  ,  empruntce  par  M.  Chodzko  a  son  mailrc  et  ami, 
M.  Lelewel,  famiiiarisera  le  lecteur  avee  une  legislation  cu- 
rieuse  et  ignorce.  (Voy.  ci-dessus,  p.  (\\Q>,  l'annonce  du  tra- 
vail de  M.  Lelewel. )  Enfm,  la  quatrieme  est  une  veritable  re- 
velation sur  l'ancicnne  Iittcrature  polonaise. 

L'auteur  de  ce  travail,  M.  Michel  Podczasztnski,  ancien 
rcdacteur  du  journal  de  Varsovic,  s'csl  livre,  depuis  plusieurs 
annees,  a  des  recherches  laboiieuses  sur  la  Iittcrature  de  la 
Yieille-Pologne.  II  en  public  aujourd'bui  plusieurs  fragmens 
qui,  bien  qu'ecrits  a  la  hate,  pourronl  fa  ire  juger  dc  I'impOr- 
iance  et  de  la  nouveaute  de  son  couvre.  Dans  une  savanle  in- 
troduction, il  parcourt  les  Ages  divers  de  la  literature,  les 
progics  intcllcctuels  dc  son  pays,  sagloireala  fin  duxVsieble, 
sa  decadence  au  xvnc.  Puis,  abordant  chaquc  ccrivain  celebre 
Pun  aprcs  l'autre,  il  donne  sa  biographic  cxacte,  la  listc  de  scs 
travaux,  un  bref  apercu  du  caraetere  de  son  talent.  Nous  for- 
mons  des  vceux  sineercs  pour  que  M.  Podczasz.ynski,  aehe- 
-vant  des  etudes  si  heureuscment  commenctes,  reslitue  a 
son  pays  la  part  de  gloire  litlerairc  qu'il  merite,  ouvre  a  la 
critique  moderne  un  champ  a  peine  defriche ,  et  montre  a 
l'Europe  sous  son  aspect  scienlifique  le  chef  et  le  maitrc  des 
pcuples  slaves. 

En  resume,  le  Tableau  de  M.  Chodzko  est  le  seul  livre  i'ran- 
cais  qui  puisse  faire  vraiment  connaitre  la  Pologne  :  a  cc  litre, 
nous  le  rccommaudons   a  tous  les  amis  de  cc   malhcurcux 


SCIENCES  MORALES.  7/,i 

royaume,  i\  tons  ceux  qui  appellent  dc  lcurs  plus  aniens  desirs 
lc  jour'de  son  retablissement ,  et  apprecieat  les  hautes  vert  us 

civ  iles  el  guerricres,  lc  patriotisms  et  le  devofiment  a  la  bonne 
rieille  cause  dcs  nations. — Irmcta  fides.   .    .  . 

226.  — *  Ili.stoire  du  Congrcs  de  Vienne,  par  Fauteur  de  VHis- 
loire  de  la  Diplomatic  francaisc.  Paris,  1 829 ;  Trcuttel  etW  ihtz. 
5  vol.  in-8°  de  cxxvi-J26,  520  et  452  pages;  prix,  18  fr. 

Dcs  Irois  volumes  que  nous  annoneons  la  moitie  a  peine 
est  consacree  mix  deliberations  du  congrcs  de  Vienne.  Le  reste 
se  compose  dcs  nombreuses  pieces  officielles  emanees  de  cctte 
assemblce,  et  d'une  introduction  00  les  principes  et  les  hom- 
ines dc  la  revolution  franraise  sont  impitoyablcmcnt  immolcs 
aux  doctrines  politiques  de  M.  de  Jletlei  nicli. 

31.  de  Flassan  parait  saisi  d'une  adniiralion  profon.de  pout- 
la  diplomatic  moderne  et  pour  le  congrcs  de  Vienne  en  parti- 
culier  :«  Cost,  dit-il,  un  ouvrage  immortcl,  et  les  peoples 
reeonnaissans,  a  mesure  qu'ils  le  connaitiont  davantage,  ap- 
prccieront  micux  les  biehfaits  qui  en  sont  decoules.  »  Nous 
aimons  a  croire  que,  dans  la  pensee  memo  de  1'autfur,  cetle 
regie  admet  quelques  exceptions,  et  qu'ii  pcrniet  a  la  Pologne 
et  a  I'ltalie  dc  nourrir  pour  leurs  maitres  un  autre  sentiment 
que  la  reconnaissance.  C'cst,  en  verite,  faire  outrage  au  Ijou 
sens  public  et  aux  souffiances  dcs  peuples  que  de  s'ecricr  dc 
sang-froid  :«  Au  congrcs  de  Vienne,  les  plenipotenliaires  rc- 
flclaient  la  magnaniniile  et  !a  noblesse  d'auic  des  monarqucs 
allies;  et  cc  fureat  les  plus  pures  impulsions  qui  conduisircnt 
aux  diverses  resolutions.  » Nous  n'admetirons  jamais  qu'clle 
suit  pine  de  tons  reproches  eelle  reunion  de  vainqueurs 
qui,  denombrant  com  me  de  \i!s  troupeaux  les  citoyuvs  d'E- 
tais  Libres,  s'adjugcrciH  a  chacun  un  certain  nombre  iWhncs, 
consomme  rent  Passer?  issement  de  la  Pologne,  imposercnt  lc 
joug  autrichieii  a  la  bcile  Italic,  vouluienl  puiiir  lc  roi  de 
Saxe  <!c  sa  fidelite  aunialbeur,  cl  spolierenl  audacieiiscmenl 
les  foibles  au  profit  des  furls. 

Cependaot,  quelle  que  soit  notie  opinion  persor.nelle  stir 
les  priiicipes  dc  51.  de  Flassan.  sa  hainc  des  idi.es  liberates, 
son  dedain  pour  Napoleon,  qu'il  traasforme  en  un  genera!  du 
second  ordie,  infericura  tons  ses  rivaux,  nous  11c  pouvons 
mecoamillre  1' importance  et  lc  one  rite  de  son  travail.  II  a 
rendu  un  compile  exact  ct  scrupuLeiix  de  loutes  les  negocia- 
tions,  notes  et  conlre-noles  aur  lesquelles  repose  Fed  ifice  po- 
litique fondc  par  les  :-omcrair.s,  et  defendu  par  Castlercagh 
ct  M.  de  Meilcrnicii ;  et  son  si \ic ,  raiemcnt  elegant,  est  au 
moins  d'une  clarte  narfailc.  A<j  milieu  dc  cc  conllit  de  delibc- 


742  LIV11KS  FKANCAIS. 

rations,  on  voitavcc  plaisir  la  France,  toute  saignante  encore 
de  scs  blessures,  protester  en  l'aveur  de  la  Pologne,  et  arrachcr 
la  Saxe  a  la  rapacite  de  la  Prusse  nnie  a  h>  ftussie.  Si  e'etait  nn 
acte  de  politigucj.c'.etatt  aussi  nn  acte  de  courage;  etlcs  notes 
des  plenipotentiaircs  franca  is  stir  oette  question  sont  un  mo- 
dele  d'adresse  et  de  fermcle  tout  a  la  fais. 

Debaroassee  d'un  luxe  de  reflexions  communes  et  de  ridi- 
cules diatribes. contre  la  revolution  et  son  fils  couronne  ,  This* 
toire  du  congres  de  Yienne  pouira  faciliter  I'etudc  de  nos 
quinze  dernieres  annees;  et,  a  ce  litre,  nousdevons  la  recom- 
mandcr  a  tons  les  amis  dc  la  science  politique,  a  totis  les  es- 
prits  curieux  de  counaitre  a  fond  la  restauration  universelle 
de  181 5.  A.  D. 

227.  —  *  Histoire  de  la  Chute  de  VEmplre'de  Napoleon,  par 
E.  Labaune.  Paris,  1820;  Anselin  et  Pochard.  2  vol.  in-8% 
avec  plans  et  cartes;  prix,  12  fiv 

2 ■> 8.  —  *  Histoire  mi  U  lair  e  des  Francais  par  Campagnes. — 
Onzicme  livraison  :  Histoire  de  la  Campagne  de  1810,  par  M.  de 
ISoRviNs.  Paris,  i85o;  Gagniard,  Quai  Voltaire,  n°  i5..  2  vol. 
in- 1 8  avec  cartes  et  portraits;  prix,  7  fr.  5o  c. 

II  semble  qu'apres  taut  de  discussions  passionnees,  d'exa- 
giialions  dans  les  deux  sens,  le  moment  est  enfin  venu  de 
juger,  comme  pourra  le  faire  la  poslerite  elle-meme,  l'homme 
le  plus  extraordinaire  de  notre  epoquc.  Le  terns,  le  plus  in- 
faillible  de  tons  les  modcrateurs,  a  deja  calme  les  passions; 
la  voix  de  la  verite  pent  se  faire  entendre,  et  nous  sommes 
hcureusement  aussi  loin  des  declamations  frcnetiques  du  M.o- 
nileur  secret  et  du  Cabinet  de  Saint-Cloud,  que  des  adorations 
pcrpctuelles  du  Memorial  deSainte-Hclcne.  En  blamunt  las  ex- 
ces  d'uno  ambition  que  la  conquete  de  l'Europc  enliere  edt 
a  peine  sattsfaite ,  on  pent  sans  crainte  aujourd'hui  hono- 
ver  un  genie  superieur  et  une  illustre  infortune;  et  on  com- 
mence a  comprendre  que,  pour  I'honneur  meme  de  la  France, 
il  ne  convicnt  pas  de  trop  abaisser  celui  qui  la  gouverna  pen- 
dant quatorze  ans,  et  qui  lui  fit  faire  do  si  grandes  choses. 

Rieu  ne  nous  semble  plus  propre  a  etablir  a  cet  egard  une 
opinion  raisonnee  et  impartiale  que  l'examen  comparatif  des 
ouv rages  que  Ton  publie  sans  cesse  pour  et  contre,  et  dont 
le  nonibrc  n'a  pas  encore  fatigue  1'insatiable  curiosite  des  lec- 
teurs.  Tel  est  le  motif  qui  nous  engage  a  rcunir,  dans  un  meme 
article,  deux  histoires  des  dernieres  annees  de  l'empire,  com- 
posees  d'ailleurs  a  deux epoques  differentes,  et  dans  un  esprit 
piesque  diametralcment  oppose.  En  elTet,  si  Ton  en  excepte 
ces  sentimcus  d'horreur  pour  la  (rahison .  de  duulcur  et  de 


SCIENCES  MORALES.  ;.',:. 

compassion  pour  les  maux  de  la  patiie,  qui  duivent  sc  retro'u- 
ver  uii  fond  de  toules  les  ames  gent-reuses,  il  serait  diflieilc  de 
rencontrer  deux  relations  des  memes  faits  plus  dissemblables. 

La  seconde,  dans  l'ordre  de  date,  publiee  par  M.  de  Nor.- 
vins,  est  heaucoup  moins  considerable  que  l'autre,  et  n'em- 
hrasse  qu'une  partie  des  desastres  qui  accompagnerent  la 
chute  de  Napoleon  ;  elle  appartient ,  comme  on  le  voit  par  le 
titre,  a  une  collection  interessante,  deja  parvenue  a  sa  on- 
zieme  livratson.  Le  peu  d'etendue  accorde  a  chaque  campa- 
gne,  le  pri-x  modiqne  du  livre,  et  le  format  qu'on  a  choisi,  mon- 
t  rent  assez  qu'on  a  voulu  mettre  celle  collection  a  la  portee  de 
tons  les  lecleurs,  particulicremcnt  des  inilitaires.  M.  de  Nor- 
vins,  deja  connu  par  des  productions  d'un  autre  ordre,  et 
surtout  par  Phistoire  la  plus  complete  qu'on  ait  encore  donnee 
de  Napoleon,  se  trouvait  on  ne  peul  mieux  prepare  a  un 
travail  de-  ce  genre,  et  l'on  doit  regrclter  qu'il  n'ait  pu  lui 
donner  plus  de  developpemens. 

Apres  un  precis  rapide  dc  l'etat  oil  se  tronvaicnt  la  France 
et  nos  armees  par  suite  de  la  deplorable  catastrophe  de  Mos- 
cou ,  l'auteur  s'empare  de  son  sujet ,  et  raconte  avec  une 
clarte  et  un  ordre  renxarquables,  un  style  toujours  pur  et  sou- 
vent  clcve,  les  grands  evenemens  de  la  cainpagne,  non  moins 
desastreuse  de  i8i5.  II  peint  de  vives  coulcurs  ces  premiers 
succes,  si  chcrement  achetes,  de  Lutzen,  de  Bautzen  et  de 
Wurlschen,  cri  la  fortune  trompeuse  sembla  pour  la  dernierc 
t'ois  souiire  a  nos  amies.  Mais  bientot  de  npuveaux  orages 
se  fonnent  contre  nous  dans  le  Nord.  L'Europe,  soulevee 
tout  inline  contre  un  scul  peuple,  ne  se  croit  pas  encore 
assez  forte  pour  le  vaincre.  Des  intrigues  tenebrcuscs,  dont  le 
terns  a  deja  de  voile  une  partie,  de  secretes  violations  des  traitcs. 
enfin  des  defections  deeidecs,  plus  honteuses  encore,  arrachent 
de  nos  rangs  des  allies  j usque-la  fidelcs,  et  qui  auraicnt  pu 
tlu  moins  se  retircr  loyalemcnt  ailleurs  que  sur  les  champs 
de  bataille.  Apres  de  vains  efforts  pour  reprendre  {"offensive, 
apres  avoir  vu  trois  fois  le  chemin  de  la  Haute-Allemagnc 
ferme  a  ses  lieutenans  par  les  deroutcs  de  Grossburen,  de 
Kulm  et  de  la  Katzbach,  Napoleon,  vainqueur  au  sanglant 
combat  dc  Dresde,  tente  de  nouveau  la  fortune  dans  les  phi i- 
nes  de  Leipzig.  La  succouibe  en  partie  cetlc  armee  nouvellc, 
creee  comme  par  enchantcmenl  depuis  la  deroute  de  Moscou  : 
l'homicur  seul  de  nos  amies  pcut  encore  etrc  same  ;  et ,  apres 
avoir  ecrase  les  b.ivarois  a  Hanau,  I'cmpereur  passe  le  Khin 
qu'il  ne  doit  plus  revnir,  poursuivi  par  les  trois  armees  con- 
fcilerce*  qui  pourt.int  n'osent  franchir  encore  cctle  limite  re- 


?44  LIVHES  FUAKgAIS. 

ii(iiiUili!o  du  grand  empire.  En  mcme  terns,  Ic  tcrriloire  etait 
nivahi  vers  les  Pyrenees;  le  Ills  adnplil"  do  Napoleon  lutlait 
avec  peine,  en  Ilalie,  contre  les  amies  aulriehienncs  el  contre 
relics  nieincs  d'nn  prince  franrais  ctabli  an  prix  de  not  re  sang 
sin-  le  Irone.  des  Dcux-Siciles.  (Merles,  c'esl  tin  spectacle  aussi 
imposanl  que  pcnible  (pie  cc  tableau  d'nn  pruple,  deja  ac- 
eable  par  vingl-cinq  ans  de  combats  ct  de  vicloircs,  lutlant 
seiil  contre  toulc  l'Europe,  ne  ecdant  qu'apres  des  efforts 
inouls,  el  plutot  vaiucu  par  la  Irahisou  que  par  les  amies! 

Tel  est  le  drame  memorable  retrace  avec  un  vrai  talent  par 
M.  lie  Norvins,  mais  ou  doiaine,  comme  nous  l'avons  deja 
hiisse  entrcvoir,  un  vif  seiUimeiit  de  partialitc  pour  le  heros. 
Sans  doule  tout  homme  d'bonneur  ne  peut  que  s'indigncr  au 
souvenir  de  ces  trahisons  successives  de  peuplesou  d'indivLdus 
.-auslesquelles  la  chute  del'enipire  n'eiit  etc  ni  aussi  prompte, 
ni  peut-elre  aussi  certaine.  Mais,  a  qui  faut-il  atlribucr  la 
cause  premiere  de.  tant  de  desastres,  sinon  a  1'aaibition  insa- 
tiable do  Napoleon?  Qui  done  avait  ete  reveillcr  dans  letirs 
deserts  les  hordes  du  Nord ,  et  leur  rapprendre  le  chemin  si 
long-lcms  oublie  des  belles  regions  du  Midi?  Qui  les  a  ame- 
iiees,  pour  ainsi  dire,  par  la  main ,  jusquc  sous  les  murs  d'une 
capilale  qui,  depui?  tant  de  siecles,  n'avait  pas  vu  la  t'umee 
ties  camps  ennemis?  Nous  avons  aussi  remarque  avec  peine 
la  maniere  dont  l'auleur  rappelle  la  memorable  adres>e  du 
cor;  s  lcgislalif,  au  mois  de  "decern  bre  1810.  II  y  avait  sans 
cioule  du  courage,  et  memo  quelquc  danger,  a  parlcr  ainsi  au 
vaiuqucur  de  l'Europe,  encore  si  terrible  malgre  sa  dei'aite; 
el  cc  premier  cri  de  liberie,  apres  quatorze  ans  d'esclavage, 
ceite  altitude  genereuse  d'nn  des  premiers  corps  de  I'Etat,  si 
long-tems  degrade  par  de  serviles  adresscs,  mcrilaicnt  line 
autre  cpithete  que  celle  de  seditieua;,  employe  par  M.  de 
Norvins^ 

L'ouvrage  de  M.  Labaim:!!,  d'une  date  bcaucoap  plus  an- 
ticline ,  el  plus  considerable  par  son  format ,  embrusse  aussi 
tin  plus  griiud  nombre  d'annees,  puisqu'ii  commence,  comme 
le  precedent,  avec  hi  cauipague  de  L11l7.cn  ct  de  Leipzig,  et  ne 
s'arrele  qu'apres  la  catastrophe  de  1 8 1 4.  L'auleur  ctait  deja 
connu  par  une  relation  de  la  canipagne  de  Moseou,  qui  parut , 
pen  apres  la  rcstauration,  ei  i'til  aceucillie  avec  cmprcsscmcnt. 
On  coneoit  sans  peine  que  ,  Icmoin  et  acleur  dans  ccttc  luile 
terrible,  il  ait  conserve  un  vit'  sentiment  d'indignation  conlre 
J'auteurdc  i;int  de  niati.x.Cetle  prevention  domino  dans  tout  son 
ouvrage,  d'ailleurs  Ires-cstimablc,  el  I'a  cntraine,  aussi  mailgrc 
lui,  dans  plus  d'une  errtfur,   /..  i'.!:-i.  e;;  r;-!;nrni:t  ocg  ne{jf&  ia- 


SCIENCES  MORALES.  ^5 

tions  i'allacieuses  ou  peut-etrc  uqe  cgale  mauvaisc  foi  condui- 
sail  les  .deux  parlies,  tons  les  torts  que  M.  dc  Nor V ins  rcproebe 
cwlii-ivement  aux  puissances  alliees,  M.  Labaume  les  allribue 
tie  mcme  a  Napoleon.  II  parait  supposer  line  veritable  sympa- 
ihie  pour  la  France  ct  un  desir  sincere  du  bonheur  dcspeuples 
aux  cabinets  qui  avaient  eigne  jadis  le  traite  de  Pilnilz,  ct 
parlage  la  Pologne.  II  est  pcrniis  assurement  de  ne  pas  pcu- 
Ser  a\ec  lui  que  «les  nations  etrangercs  ne  voulurent,  pour 
pi.ix  de  noire  delivrance,  qu'abjurcr  dans  nos  bras  ces  senli- 
mens  de.  haine  et  de  discorde  qu'un  genie  anti-social  lui  avail 
suggeres.».  II  y  a  loin  de  ces  nobles  peilsees  a  la  violation  des 
capitulations  de  Dresde  et  de  Danlzig,  et  aux  ravages  dont 
nos  provinces  du  nord  et  de  l'est  garderont  long-tems  le  sou- 
venir. 

Mais,  quelle  que  soit  l'opinion  parlieuliere  dc  Tauleur, 
qui ,  d'ailleurs,  ecrivait  sous  l'influence  de  1'indignation  sou- 
levee  dans  beaucoup  d'ames  gencreuscs  par  les  lerribles  con- 
sequences des  failles  de  Napoleon,  on  doit  avouer  aussi  qu'il 
se  nioulre  exact  et  scxupuleux  bistorien,  toules  les  Ibis  qu'il 
s'cta!  lit  une  difference  evideute  entie  cc  (pi'il  pense  et  ce 
qu'il  doit  dire.  Ainsi  il  c  aracterisc  coiivcnablemcnt  les  nego- 
cia'ions  secretes  de  l'Autrichc  avec  les  puissances  alliees,  an 
moment  menic  ou  elle  s'etail  portce  medial  rice  cnlre  les  deux 
parties,  et  semblait  n'avoir  d'aulre  inleret  que  de  lout  pacifier-; 
les  demonstrations  du  cabinet  de  Berlin,  apres  la  retraile  du 
general  Torek;  et  le  traite,  plus  extraordinaire  encore,  par 
lequel  1'Angleterre ,  constantc  dans  sa  liaine  et  dans  ses  pro- 
jets,  vint  a  bout  de  detacher  de  la  cause  de  Napoleon  son 
inalbcureux  et  imprudent  beau-l'icre.  L'auteur  rend  justice 
ailleuis  an  noble  cataclere  du  prince  Eugene,  sous  les  ordres 
duquql  il  avait  deja  fait  la  cumpague  de  Woscou,  et  au  de- 
voOment  si  genereux  et  si  inutile  des  braves  et  loyaux  Polo- 
nais  el  de  leur  digue  chef.  Son  sly'c  est,  en  general,  clair, 
precis,  el  convenabic  au  sujet.  II  s'anime  dans  le  reiil  de  quel- 
qucs  c\enemcns  dc  premier  ordie,  et  nous  cilerons,  conimc 
des  morceaux  lies-remaiquables,  le  rccit  de  la  bataille  de 
IjM/.cu,  la  moil  du  due  de  Frioul,  la  deroulc  de  \ittoria,  et 
surlmil  la  deplorable  catastrophe  de  Leipzig-.  II  y  a  aussi  dc 
rinleret,  mais  de  cet  intcrct  pcniblc  el  douloureux  qy'iospi're 
I'agoriie  d'unc  grande  nation  luttant  contre  une  fataiile  qui 
doit  s'accompiir ,  dans  le  rccit,  d'ailleurs  tres-hien  trace,  de 
la  eairrpagne  de  i8i.'|,  OU  le  genie  de  Napoleon  iappela,  pen- 
dant quciquesmois,  les  beaux  jours  de  I'arsuee  d'llalie,  el  ori 
il  rcmporla  nnalre  victoires  en  tix  jours  contre  une  ai'mec 


r/,fJ  L1VRES  FllANCAIS. 

triple  tie  la  sicnnc.  On  trouvc,  a  la  fin  du  memo  volume, 
des  details  curicux  sur  les  cvcnemcns  peu  connus  qui  accom- 
pagnerent  la  chute  de  la  domination  framaise  en  Italic,  et  sur 
les  horreurs  commises  a  Milan  par  le  peuple  mutirie.  L'ou- 
vrage  est  accompagnc  de  plans  et  de  cartes,  leves  ct  dessines 
avee  beaucoup  de  soin  par  l'auteur  lui-nieme  ,  et  qui  font  par- 
laitement  comprendre  la  niarche  des  armees,  et  les  grander 
combinaisons  stratcgiques  auxquelles  ils  se  rapportent. 

220.  —  *  Souvenirs  de  la  Moire,  rccueillis  pendant  le  scjour 
des  Franeais  dans  le  Peloponcse  ;  par  J.  Manclaht.  Paris, 
i85o;  Igouettc,  rue  de  Savoie,  n°  12.  In-8°  vm-^i  1  pages; 
prix,  7  IV. 

C'est  un  episode,  jusqu'i,cisans  exemple  dans  noire  histoire, 
et  peut-ctre  mime  danscclle  de  toutes  les  aulres  nations  civi- 
lisees,  que  cette  expedition  de  Moree,  campagne  prcsquc 
toute  diplomatique,  espece  de  promenade  militaire,  qui  pour- 
tan  t  a  coflte  cher  a  notre  valeureuse  armee,  et  oil  il  a  etc  verse, 
conmie  on  l'a  dit,  beaucoup plus  cCencre  que  de  sang  (1).  Etions- 
110  us  alors  en  guerre  a  veele  sultan,  souverain  passablementdes- 
potique  dcsGrecsde  l'a  Moree,  et  qui  ne  pouvait  les  rcgarder 
que  conime  des  esclaves  revolles  que  nous  venions  aider  a 
brisei  leurs  chaines  ?  Non,  sans  doute,  puisque  noire  ainbas- 
sadcur  n'avait  pasquitte  le  palais  de  France,  et  continuaitd'e- 
clianger  des  notes  amicales  avec  les  ministres  de  sa  hautesse. 
Elions-nous  en  paix  avec  Mahmoud?  Bien  moins  encore;  a 
moius  qu'on  ne  veuille  prendre  pour  un  tcmeignage  d'al- 
liance  et  de  bonne  amitie  d'aller  a  main  armee  s'emparer  des 
places  fortes  d'un  pays  qui  iui  apparlenait,  et  en  chasser  les 
troupes  envoyecs  par  1'un  do  ses  vassaux.  Telle  etait  la  bi- 
zarrerie  de  autre  situation  politique  envers  la  Porte  que  le 
general  en  chef  se  fclicile  dans  unede  ses  depeches  de  ce  que 
le  general  Tiburie  Sebastiaui  avait  eu  la  moderation  dc  retenir 
ses  troupes  devanl  Coron,  et  de  les  cmpOcherde  faire  feu  sur 
les  Turcs  ;  puree  que  la  guerre  cut  alors  commence  cittre  eux  et 
nous.  IS'c  I'etait-elle  done  pas  reellement  par  le  seul  fait  de 
noire  dtbaiquement  sur  le  sol  de  la  Moree? 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  expedition,  en  t  re  prise  dans  des  vuejv 
si  nobles  et  si  geuereuses,  fera  untternelhonneur  a  la  France;  le 
bien  reel  qu'elle  a  produit  doit  consoler  nos  braves  du  peu  de 
globe  qu'il  leur  a  ele  pcrmis  d'y  acquirir.  Parmi  les  relations  qui 


(1)  Vnypz  la  jolic  chsnFon,  di'jii  conime,  composite  par  un  scrgCDt-ma- 
jui  dc  t'aiuicc,  que  I'aultur  a  cu  sum  dc  tapporler,  p.  a i4- 


SCIENCES  MORALES.  ;47 

on  out  dcjaetepnblices,  etqui  toutcsonl  etc  accueillies  avec  uu 
cmpressement  justifie  par  lesujctmemc,  noussigualeronscellc 
de  ftl.  Mangeart.  Cet  ecrivain  n'appartenait  pas  a  1'armce  ; 
niais,  dans  cette  croisade  nouvellc,  aussi  scientifique  et  plii- 
lantropique  que  militaire,  on  tons  les  arts  de  la  civilisation 
ctaient  representes,  on  n'avait  pas  oublie  la  redaction  d'un 
journal  en  langue  du  pays,  qui,  sous  le  tit  re  deGourrier  d'O- 
rient,  devait  rendre  un  compte  fidele  de  toutce  qui  interesse- 
rait  l'armee,et  reporter  deses  nouvelles  en  France.  M.  le  colo- 
nel Kaybaud,  connu  lui-meme  par des  Memoires  interessans 
sur  les  premieres  campagnes  des  Hellenes,  apportait  ce  nou- 
\eau  bienf'ait  au  pays  pour  lequel  il  avail  verse  son  sang; 
W.  Mangeart  figurait  parmi  les  employes  de  ces  etablissemens 
nouveaux,  et  c'est  surtout  pendant  son  scjour  a  Patias  et  ses 
excursions  dans  les  autres  places  de  la  peninsule,  qu'il  a  re- 
cueilli  les  observations  consignees  dans  son  journal.  Cequ'on 
remarque  surtout  dans  cette  relation,  d'ailleurs  peu  etendue, 
et  qui  n'embrasse  qu'un  petit  nombre  de  1'aits  curieux,  c'est 
la  bonne  t'oi  qui  l'a  constamment  dictee.  Ainsi,  des  le  com- 
mencement, l'auteur  peint  avec  naivete  le  desappointement 
qu'il  oprouva  lorsqu'au  lieu  decesberosdela  Greceregenerec, 
qu'il  venait  admirer  sur  les  mines  I'umantes  de  leur  patrie,  il 
ne  vit  d'abord  qu'un  ramas  despeeulateurs  avides,  pa  riant  plu- 
tot  italien  que  grec,  race  trcs-peu  heroique,  mais  fort  empres- 
see  de  s'cnrichir  aux  depens  du  procbain,  et  qui  ne  voyait 
dans  l'expedition  liberatriee  qu'une  occasion  de  l'a  ire  de  nou- 
velles dupes.  II  tut  de  meuie  fort  etonne,  et  tout  autre  I'eut 
etc  conune  lui,  de  voir  avec  quel  empressement,  au  depart 
des  Egypliens,  la  plupart  des  filles  et  des  iemmes  moreotes , 
cnlevecs  parceux-ci,  renoncaientau  sol  natal  pour  suivre  leurs 
nouveaux  mailres.  Mais,  lorsqne ,  admis  dans  l'intcrieur  des 
families  veritablement  grecques,  tristes  debris  du  carnage  tie 
Missolonghi  ,  l'auteur  a  pu  etudier  de  pres  cette  nation  tant 
calomniee,  on  aimea  voiravecquellci  baleur, quelle  intimecon- 
viclion  il  peint  leurs  vertus  domestiques  ,  leur  amour  ardent 
de  la  patrie,  et  surtout  leur  vive  reconnaissance  envers  ces 
Francais  genereux  qui  leur  apportaient  avec  la  liberie  tons  les 
arts  de  la  civilisation.  Les  lecteurs  de  notre  pays  verront  en- 
core avec  un  juste  sentiment  d'orgueil  1'beureuse  revolution 
operee  en  si  pen  de  jours  clans  les  villes  occupoes  par  nos 
troupes,  et  surtout  a  Palras:  uneville  nouvelle  sortait,  comme 
par  enchancement,  des  mines  degoutantes  de  Fancienne.  On 
y  remarquaildcju  des  magasins  rtmplis  de  toutes  sorles  d'ob 


?.',8  LIVRES  F11ANCAI5. 

jels  de  consommalion  et  de  luxe,  d'elcgantes  bouliques,  et 
suFtout  des cafes  etdes  billards.  que  lours  proprieiairesavaioni 
grand  soiu  de  designer  par  des  nonis  frauoais.  Parmalheur,  la 
civilisation,  avec  see  bienfaiis,  avait  aussi  apporie  ses  vices, 
et  l'auteur  cntre  a  cet  cgard  dans  des  details  que  le  plus  le- 
ger  senlim«Trt  des  convenances  aura  it  du  lui  fa  ire  supprimer. 
ISmisappellcrons  settlement  l'aitenlion  des  lecteurs stir les  ta- 
Mcaux  inleressans  des  mcctirs  inoreot"s,  sur  les  horribles  de- 
vastations exercees  par  les  Ttires  ;  la  totichante  bicnfaisaiice  de 
nos  guerriers  envers  les  victimes  d'une  contagion  que  lcur 
W'le  senl  venait  d'arrctcr,  la  visile  au  camp  d'Hualiim,  la  re- 
vuede  l'armec  a  laquclle  assista  ccchef  de  Barbarcs,  et  les  loi- 
sirs  de  la  qnarautaine,  excitcrout  egalemcnt  un  vif  interct. 

Nous  n'avons  pas  encore  parle  du  style  de  cet  ouvragc,  en 
general  clair  et  facile,  mais  surcharge  d'invocations,  de  figu- 
res, et  surlout  d'allusions  niythologiqucs.  Celles-ci  du  moins 
peuvent  se  justilier  en  partie  par  les  inspirations  que  1'aulcur 
devait  recevoir  surcette  terre  toute  classique;  mais,  en  jetant 
les  yeux  sur  notre  littorature  acluelle,  il  aurait  du  compren- 
drc  que  nous  n'avons  jamais  etc  plus  loin  des  souvenirs  du 
pagauisme  et  des  dieux  de  L'lliade  et  de  1'Odyssee.      Y.  Z. 

25o.  • —  *  Scenes  popuhiires  en  Irlande,  par  31.  Shiel;  re- 
cm  sillies  et  traduites  de  l'anglais  par  mesdaiues  L.  Sw.-B.  el 
A  de  31.  Paris,  iS.jo;  Sedillot,  rue  de  l'Odeon,  n°  5o.  In-fc>* 
de  5^9  pages;  prix,  7  I'r.  5o  c. 

Ces  scenes,  dont  le  Globe  avait  deja  pubiie  quelqucs  frag- 
mens,  out  principalement  pour  sujet  les  mouvemens  politi- 
que* qui  ciretit  lieu  en  Irlande,  quelque  terns  avant  et  iniinc- 
dialcmcnt  arpres  I'cniancipalion.  Elles  peuvent  ctre  regardees 
comme  1111c  hisloire  complete  de  c«  t le  graade  mesure,  liis- 
loire  dramaticjiie,  biillante,  pleine  de  chaleur  et  de  passion. 
Lear  aulcur,  31.  Shiel,  a  joue  lui-nieme  un  rule  dans  les  seines 
qu'H  raconte.  el  ses  paroles  out  d'autaiit  plusde  poids  et  d'iu- 
teivl  qu'i!  avail  avec  les  antics  acteurs  des  relations  person-1- 
relies  propres  a  ies  lui  fa  ire  hien  connaitre  et  bien  jugeiS 
I/ouvrage  est  precede  de  quelqucs  reflexions  sur  l'histoire  de 
l'iilande  avant  I'epoque  00  cominencent  \m  Seines  populaire.t. 
Nous  ignorons  si  ces  reflexions  sont  dues  a  la  plume  de 
31.  Shiel  ou  a  celle  des  Iraductrices  ,  mais  elles  nousscmblenl 
fori  remarquahles,  ct  ncus  en  conseillons  la  lecture  a  tons  ecus 
qui  voudront  savoir  tons  les  details  de  la  rtaissance  el  des 
aCles,  en  un  mot,  l'histoire  complete  de  ['association  calholi- 
1111  ■.'.  corporation  unique  dans  les  auuaies  de  FEurope.  Yoici, 
du  icste,  la  table  des  principalis  chapitres  de  ce  livre  :  Assises 


SCIENCES  MORALES.  r40 

de  Clonmcl  :  c'est  le  recit  tin  jugement  des  assassins  de 
M.  Chathviik,  vielhne d'une  haine  populaire. —  Des  Associa- 
tions des  catlioliijues  et  de  tears  principnux  chefs.  On  com/oit, 
sans  que  nous  lc  disions,  tout  ce  que  ce  chapitre,  cent  par  tin 
homme  place  comme  l'etait  M.  Sliicl,  doit  presenter  d'interet 
et  destruction.  —  O'Conntl  :  le  portrait  tie  cet  homme  ex- 
traordinaire est  trace  avec  un  art  admirable  et  unc  rare  vi- 
gueur  de  pinceau.  —  Election  de  Clare.' — Les  Meetings  de 
Londres.  —  O'Connel  au  par  lenient.  — Promenade  d  Clare.  — 
Dernicres  elections  de  Clare.  —  Nous  regretlons  de  ne  pou- 
voir  entrer  dans  de  plus  grands  developpcmens  au  sujet  d'un 
ouvrage  qui  merite  ['attention  sous  plusieurs  rapports  et  qui 
est,  quant  a  la  forme,  d'un  genre  tout-a-fait  ncufjusqu'u 
present.  A.  P. 

25 1.  *—  Vies  de  plusieurs  personnages  celibres  des  terns  an- 
ciens  et  mo d ernes ;  par  C.  A.  Walckenaer,  meuibre  de  l'ln- 
stitut.  Laon,  i83o;  typographic  de  i\lel!eville.  Paris,  chez 
M.  Bailly,  a  la  bibliotheque  tie  la  ville.  2  vol.  in-8°,  de  3^6 
et  442  pag. 

Un  savant  qui ,  comme  M.  Walckenaer,  s'est  livre  a  des  etu- 
des et  a  des  rechercb.es  de  genres  divers  a  du  necessairement 
porter  son  attention  sur  la  vie  et  les  travauxd'un  grand  110111- 
bre  de  savans  qui  l'ont  precede,  et  sur  d'autres  personnages 
qui  tcnaient  plus  on  moius  aux  objets  de  ses  recherches.  De  la 
cctte  foule  de  notices  quel'auteur  a  etc  a  mOme  de  rassembler, 
et  qui  forment  line  galerie  biograrhique  assez  etendue,  et 
surtout  tres-variee.  Quclr|ues-unes  tie  ces  notices  sent  tres- 
courlcs,  et  rcssemblent  a  des  notes  bonnes  a  consullcr;  beau- 
coup  d'autres  conlicnncnt  des  articles  biographiqucs  com- 
plcts,  et  exposent  avec  beaucoup  d'interet  la  vie  privee  et 
publique,  et  ia  serie  des  travaux  lillcraires  011  scicntiliques  des 
personnages.  Cette  foule  de  notices  est  classee  par  livrcs  et 
sections;  ainsi,  dans  les  deux  premiers  livres,  M.  Walckenaer 
met  en  scene  des  personnages  historiques,  de^  savans  et  des 
litterateurs  de  l'anliquite;  les  deux  autres  livres,  plus  consi- 
derables, traitent  des  homines  marqnans  des  lenis  modernes, 
en  indiquant  par  des  subdivisions  la  classe  des  voyageurs, 
celle  des  naturalistes,  celle  des  litterateurs,  etc.  On  rctrouvc 
la  tous  les  gouts  de  l'auteur  et  les  objets  de  ses  travaux.  La 
galerie  des  voyageurs  est  nombrcuse ,  comme  on  devait  I'at- 
tendre  d'un  biographc  qui  tient  en  niemc  terns  un  rang  emi- 
nent dans  la  geographic.  Les  notices  sur  La  Fontaine  et  sur  le 
president  Henault  rappellcnt  au  lecteur  les  editions  tres-esli- 
meesque  M.  Walckenaer  adonnee?  de  leurs  ouvragt  s.  Beau- 


-5o  LIVRES  FRANC  AIS. 

coup  de  notices,  parmi cellos  qui  sonl  rassembloes  dansocs  deux 
volumes,  ont  deja  ete  imprime.es  ailleurs,  notammcnt  dans  la 
Biograplde  unirerselle ;  mais  l'auteur  les  a  revues  el  augincn- 
tees,  on  corrigees  en  partie.  La  Notice  surLa  Fontaine  se  trouvc 
a  la  tete  du  travail  de  M.  Walckenaer  snr  ce  poete,  et  a  ete 
imprimec  plnsieurs  fois  dans  di Verses  editions  des  eenvres  de 
La  Fontaine  ;  son  biograpbe  a  revu  cette  notice,  et  il  exprime 
le  desir  qn'elle  reste  telle  qu'il  l'a  redigee  dcfinitivement ,  et 
qu'elle  soit  rcimprimee  ainsi,  et  non  autrement.  File  n'a  qne 
le  dcl'aut  d'etre  trop  concise;  la  notice  de  Maucroix,  ami  de 
La  Fontaine,  est  plus  etendue  que  la  sienne.  31.  Walckenaer 
aura  pense  que  les  details  silt  la  vie  de  La  Fontaine  se  trou- 
vent  partout,  et  qu'il  n'en  est  pas  de  meme  du  cbanoine  de 
Reims  qui  fut  l'ami  intime  du  bonhomme,  et  qui  lit  aussi  de 
bons  vers.  \  la  notice  sur  Maucroix  en  succede  une  sur  le  maii 
de  cette  M°"de  la  Sabliere,  qui  cut  aussi  Pamitie  de  La  Fontaine 
comme  celle  de  Larochefoucauld.  On  a  beaucoup  de  rensei- 
gnemens  sur  cette  femme  spii  ituclle  ;  mais  le  man  a  ete  pres- 
que  coinpletement  Qublie  par  les  biograpb.es.  M.  Walckenaer 
y  a  supplee  par  une  notice  cuiieuse,  dont  les  details  sont  pui- 
ses  en   partie  dans  des  manuscrits  provenant  de  ia   famille. 
La  Sabliere  meritait  cet  honneur;   il  etait  renomme  pour  sa 
facilite  a  tourner  un  madrigal;  ses  impromptus  ont  ete  impri- 
mes ;  ct  il  n'est  pas  inutile  de  dire  que  M.  Walckenaer  a  ete 
le  premier  qui  en  ait  donne  une  edition  correctc.  On  pourrait 
citer  beaucoup  d'autres  notices  curieuses  de  ce  recueil,  qu'ou 
lit  avec  plaisir,  quoique  tout  n'y  soit  pas  egalemeut  important. 
La  derniere  section  occupe  le  lecteur  de   quelques  ecrivains 
anglais.  Dans  la  section  des  voyageurs,  nous  signalons  les  no- 
tices sur  Marco-Polo,  Zuccbelli,  Psalmanazar.  Une  note  im- 
primee  en  tete  de  l'ouvrage  avertit  le  public  qu'on  n'a  tire  les 
vies  des  personnages  celebres  qu'a  3oo  exemplaires,  dont  200 
seulcment  sont  entres  dans  le  commerce  de  la  librairic.  Peut- 
etre  les  bibliophiles  rechercberont-ils  dans  la  suite  avec  em- 
pressement  ces  deux  volumes,  sortis  des  presses  de  Laon  qui  ne 
l'ournissent  pas  souvent  de  pareils  ouvrages.  D-g. 

Litterature. 

101.  — *  Dictionnaire  universel  de  la  Langue  francalse,  avec 
le  latin  et  les  Homologies,  extrait  comparalif,  concordance, 
critique  et  supplement  de  ses  dictionnaires,  Manuel  encyclo- 
pediquc,  et  de  grannnairc,  iYorlliographe ,,  devieux  Ian  gage,  de 
ncologie,  conteaant  :  1"  l'analyse,  la  comparaison  et  la  critique 


LITTERATURE.  75i 

des  Irois  editions  du  Diclionnaire  de  l' Academic ,  de  ceux  de 
Furetieres,Trceoux,  Ferraud,  Gattel,  frailly,  etc.  ;  lcurs  no- 
menclatures ,  l'extrait  de  leurs  definitions,  les  deceptions ,  les 
locutions  nobles,  familieres  on  provcrbiales  usilees;  les  pro- 
verbes  et  la  concordance  grammatical ,  ou  regime  des  mats  ; 
l'indication  de  lenr  emploi  selon  l'usage  ct  les  styles  noble, 
poelique,  figure,  familier,  populaire,  marotique,  epistolaire ; 
et  la  prononciation  figuree;  2#  les  varianles  de  definitions  , 
d'acceptions,  d'orlhographe  de  ces  dictionnaires  ;  5"  les  mots  an- 
ciens  ou  nouvcaux,  les  definitions,  les  acceptions  et  les  alliances 
de  mots,  omis  par  ces  dictionnaires  et  recueillis  dans  les  eeri- 
vains  francais  les  plus  estimes;  4°  ies  Icrmes  propres  aux 
sciences,  arts,  manufactures,  metiers,  etc.,  et  les  definitions 
extraites  de  leurs  dictionnaires  ou  traites  particuliers;  5°  les 
mots  du  xieux  langage  necessaires  pour  1'intelligence  des  an- 
ciens  auteurs  et  celle  de  La  Fonlaine,  etc.,  depuis  J.  de 
Meun;  6°  les  mots  crcis  par  la  neologie  et  te  neologistne,  pour 
1'intelligence  des  auteurs  nouveaux  et  des  journaux,  etc. ,  qui 
les  emploient ;  j"  les  etymologies  grecques ,  latincs,  arabes  , 
celtiques,  etc. ,  etc.  ;  8°  Pextrait  et  la  critique  des  nouvcaux 
dictionnaires;  90  de  nouveaux  exemples  de  pbrases  formant 
une  collection  de  maximes  et  de  pensees  des  meilleurs  au- 
teurs; suivis,  io°  de  dictionnaires  :  i°  des  synonymes,  20  des 
difficultcs  de  la  lo.n«ue ,  resolues  par  les  bons  grammairiens  . 
3°  des  rimes ,  4°  des  liomonymes ,  5"  des  paronymes  ;  1 1  °  de 
traites  :  i"  de  versification ,  2*  des  tropes ,  5"  de  poncluation, 
4°  des  conjugaisons,  5°  de  prononciation  ;  1 2'  de  vocabulaires  : 
1°  de  myt/totogie,  avec  1'etymologie  grccque,  2°  des  pirson- 
nages  remarquablcs  ,  3°  de  geographic  ancienne  et  moderne ,  se- 
lon la  nouvelle  division,  avecle  latin ;  i3°  d'un  abrege  degram- 
maire  en  tableau;  \(\*  d'une  nomenclature  complete  d'bistoire 
naturelle,  suivant  la  derniere  classification  :  ouvrageclassiquc, 
adopte  pour  les  bibliolheques  et  les  distributions  de  prix  dans 
les  colleges,  et  pouvant  tenir  lieu  de  tous  les  diclionnaires , 
par  Pierre-Claude- Victoire  Boiste,  ancien  avocat,  homme  de 
lettres.  Pan-Lexique:  Septieme  edition,  revue,  corrigce  et  aug- 
mentee  :  i°  de  I'extrait  du  supplement  au  diclionnaire  de  I'A- 
eademie;  1"  d'un  grand  nombre  de  mots,  de  locutions  et 
d'acceptions  nouvelles;  5°  de  nouvelles  maximes  et  penst'es 
donnant  des  exemples  de  phrases;  imprimee,  avec  des  carac- 
tcres  fondus  cxpres,  par  M.  Firmin  Didot.  Paris ,  1H39;  Ver- 
diere  ,  quai  des  Auguslins.  In-4°  de  xix-724  el  210  pages; 
prix,  27  fr.  et  5o  fr.  relie. 

Le  succes  et  le  merite  de  ce  diclionnaire  ,  fruit  de  vingi- 


:52  LIVR1S  IT.ANCAIS. 

cinq  annees  W un  travail  astidu  ,  et  qui  it-unit  qnatante-hiiit  ob- 

j,is  particttlicrs  d'uli/ile,  indiques  dans  son  litre,  out  ete  con- 
statcs  par  aacs^rie  d'editions  qifobtientnaremfentcelte  sorte 
d'ouvragcs.  C'csl  tres-ccrlaincment  le  plus  romplct  quo 
nous  ayons  eu  jusrpi'a  present;  et,  jusqu'a  ce  que  1' Academic 
fraivaise  ait  achcve  son  intenninal)le  travail  Mir  noire  lan- 
gue,  c'est  le  scul  auquel  on  puisse  recourir  avec  une  cntierc 
cdiilianee.  II  renfernie  nn  exlrait  comparalif  de  tous  les  attires 
dictionnuires ,  et  Ton  y  trouve  a  la  fois  leur  concordance  gene- 
rale,  leur  critique  et  leur  supplement.  Qnelqncs  parties,  il  est 
vrai,  pourraient  elre  modifiees  on  ameliorees;  nous  n'approu- 
vons  point,  par  exemple,  cette  distinction  tranchee  enlrc  le 
style  nolile  et  le  style  familier,  qiri  pent  souvent  disparaitrc 
sous  la  plume  d'un  ccrivain  habile;  mais  ce  sont  des  taches 
legeres  dans  un  cadre  aussi  immense  ;  et,  d'ailleurs,  bcaucoup 
de  lecteurs  seront  d'un  avis  different  du  notrc. 

Le  Diclionnaire  de  M.  Boiste  ,  ouvrage  immense  et  inap- 
preciable, est  une  veritable  Encyclopedic  de  notre  langue,  et 
un  manuel  egalement  necessaire  aux  savans,  aux  MWerfftCurs 
ctaux  gens  du  monde,  puisqu'il  offrc,  suivant  les  expressions 
de  I'autcur, « la  collection  de  tous  bs  mots  re|>resentans  d'tine 
idee  dans  la  langue  francaise.  » — «Lc  premier  livre  d'une  na- 
tion, ditVoLNEY,  est  le  Dictionnairc  de  sa  langne.  »  N. 

253.  — *  La  Conversion  d'un  Homanliqne ,  Manuscrit  de 
Jacques  Delorme,  public  par  M.  A.  Jay,  sum  de  deux  Lcllres 
stir  la  Litterature  du  Siecle,  et  d'un  Essui  stir  /' Eloquence  poli- 
tique en  France.  Paris,  i83o.  Moutardier.  Tn-8";  prix,  7  (V. 

S'il  ne  s'agissait,  duns  la  qucrclle  (|iii  emeut  aujotird'hni 
tonte  la  litterature,  que  de  defend  re  eerlaincs  reputations  rmi- 
sacrees  par  le  terns,  atlaque'es  sans  md  menagement  par  des 
reputations  naissantes  qui  semblent  vouloir  s'elever  sur  les 
mines  de  toutes  les  autres ,  ce  ne  serait  pas  trop  la  peine  de 
prendre  la  plume.  En  effet,  de  quels  sccours  out  besom  des 
homines  qui  ontconquis  leur  reputation  par  des  ouvrages  qtii 
resteronl?  Effacera-t-on  des  lastcs  du  theatre  ie  nom  do  spi- 
rilnel  autcur  des  Etourttis,  et  d'un  volume  de  contes  phih> so- 
phiques,  on  l'esprit  assaisonne  le  hon  sens  d'une  inanicre  si 
pifpiante?  Pieard  ,  qu'on  pent  appeler  un  dcmi-Molierc,  n'a- 
t-il  pas  marque  a  jamais  sa  place  parmi  les  pnetes  comiqucs? 
Otera-t-on  a  M.  Alex.  Duval  I'art  de  composer  un  drame,  et 
le  talent  d'amuser  et  d'intcresser  les  spectatcurs,  aVienne  et 
a  Saint-Pelcrsbourg,  commc  a  Paris?  L'aul<Mir  de  taut  d'a- 
greables  peintures  de  meetirs,  de  Sjlla,  de  Id  Feslale,  ne  rrsle- 
l-il  pas  en  possession  de  loulc  sa  reputation  d'houmic  d'espi  it 


LITERATURE.  753 

et  d'ecrivain  distingue?  Que  redoute  M.  £tienne  de  ceux  qui 
vondraient  rabaisser  son  talent?  apres  avoir  reussi  sur  les 
trois  scenes,  produit  une  excellente  comedie  de  mceurs,  et  re- 
trouve  en  quelque  sorte  la  plume  de  Voltaire  pour  la  polemi- 
que  politique,  il  n'a  rien  a  craindre  ni  du  present  ni  de  l'ave- 
nir.  M.  Lemercicr,  dontcertaines  gens  n'imitent  que  les  fautes, 
qui  est  createur,  et  dont  on  suit  la  trace  en  cherchant  a  le  faire 
oublier  par  un  silence  rempli  d'un  injuste  dedain,  ne  laissera- 
t-il  pas  de  lui  un  durable  souvenir?  Delille  est  -  il  mort  tout 
entier  sous  les  coups  que  lui  ont  portcs  une  foule  d'ingrats 
disciples ,  copistes  perpetuels  du  maitre  qu'ils  desavouent  et 
voudraienteusevelirau  milieu  de  sa  gloire?  Et  Casimlr  Delavi- 
gne,  objetdetantde  colereetpresquedehaine  de  la  part  de  cer- 
tains seides  du  parti ;  Casimir  Bonjour,  dont  les  ouvrages  sont 
en  possession  legitime  des  suffrages  publics  et  de  Pestime  des 
connaisseurs?  II  nous  serait  facile  d'ajouter  d'autres  celebri- 
tes  a  cette  liste,  et  de  convaincre  d'injustice  les  coryphees  de 
la  nouvelle  ecole,  si  Ton  peut  donner  ce  nom  a  une  reunion 
de  jeunes  gens  qui  n'ont  encore  aucune  autorite  ;  qui  surtout, 
jusqu'a  present,  ne  promettent  pas  de  laisser  des  lecons  dans 
des  exemples.  II  nous  serait  plus  facile  encore  d'opposer  les 
ouvrages  de  Racine  et  de  Voltaire  ,  comme  un  bouclicr  forge 
par  des  mains  divines,  aux  ridicules  insultes  de  leurs  estran- 
ges adversaires.  Laissons-donc  de  cote  des  interets  de  gloire 
personnelle  qui  sont  en  surete;  abandonnons  la  cause  des 
homines  pour  ne  penser  qu'a  celle  des  principes  eternels  de  la 
raison  et  du  goCit. 

C'est  leur  defense  que  M.  Jay  prend  en  main  dans  sa  Con- 
version (Tun  Romantique.  Sans  doute  il  aurait  du  choisir  une 
forme  plus  neuve;  sans  doute  on  lui  reprochera  d'avoir  battu 
d'avance  celui  qu'il  vent  perdre,  en  ne  lui  pretant  que  de  trop 
faibles  armes  pour  le  combat.  On  dira  encore,  avec  raison, 
qu'il  aurait  du  rendre  plus  vraisemblable  la  metamorphose  de 
son  heros,  dont  la  conversion  devrait  etrefilee  avec  art  comme 
une  reconnaissance  au  theatre;  mais,  ces  objections  une  fois 
admises,  on  se  trouve  contraint  d'avouer  que  l'auteur  fait 
bonne  guerre  a  la  secte  Iitteraire  qu'il  combat.  II  attaque  d'a- 
bord  avec  force  la  pretention  qu'elle  affecte  a  Poriginalite. 
Dans  cette  partie  de  sa  polemique,  il  montre  le  genie  de 
M.  Hugo  humblement  a  la  suite  du  genie  de  ce  Saint-Amand 
que  les  vers  de  Boilcau  ont  immortalise.  Et ,  chose  fucheuse  ! 
il  y  a  dans  telles  strophes  du  second  un  sentiment  poetique  et 
une  harmonie  que  Ton  cherche  en  vain  dans  les  strophes  cor- 
respondantes  de  son  imitateur.  Ee  Catichemar,  pour  Iequel  le 
t.  xlvi.  juin  i85o.  48 


754  LIVRES  FRANCAIS 

maitre  et  l'eleve  semblent  lultcr  ensemble,  fail  encore  micux 
sentir  la  ressemblancc  des  deux  maniercs;  l'une  et  l'autre  sont 
de  niauvais  gout ;  mais  Saint- Amand  ne  se  plait  pas  a  offenser 
la  raisondu  lecteur,  com  me  cela  arrive  quelquefois  a  son  suc- 
ecsscur.  II  faut  du  bon  sens,  mime  dans  la  fantasmagorie. 
iM.  Alfred  ile  Vigny  entre  a  son  tour  en  parallele  avec  l'auteur 
du  Moist?  sauvc ;  il  s'en  tire  un  peu  moins  mal  que  son  chef, 
mais  non  pas  sans  quelque  notable  dommage  ;  car  son  origi- 
nalile  est  evidemment  convaincue  de  plagiat. 

L'auteur  re vient  a  M.  Hugo,  commeau  capitaine  de  lanou- 
velle  armee  litteraire,  au  heros  des  chevaliers  du  genre,  et  le 
poursuil  dans  son  ceuvre  de  predilection,  le  drame  de  Crom- 
wel, autre  imitation  pretentieuse,  que  Ton  nous  donne  pour 
une  creation  :  la,  il  faut  l'avouer,  M.  Jay  triomphe  de  son  ad- 
vcrsaire  avec  des  amies  de  la  meilleuretrempe  ;  mais  aussi  la 
victoire  est  facile;  car  leschoses  etrangesque  M.  Hugo  atrou- 
vees,  en  se  martelant  lecerveau,  donnent  ici  beau  jeu  a  la  cri- 
tique :il  cite,  entre  tant  d'autres  de  la  meme  famille,  les  vers 
suivans,  que  l'emule  de  Ronsard  met  dans  la  bouche  de  l'e- 
legant  Rochester  et  de  l'eloquent  Cromwel. 

H.    Certe,  elle  a  les  os  sees,  a  faite  un  tres-bon  feu!... 
Ca.  Poui  quoi  ne  pas  parler  tout  de  suite,  mon  cher, 

Puisqu'il  vous  reste  encor  du  penchant  pour  la  chair; 
R.    Chair!  une  peau  coll6e  a  des  os  f'aits  en  duegne  ! 

Et  plus  loin  : 

It Ma  belle!  un  vieux  spectre  a  damnerl 

Un  corps  a  rebuter  les  behes  carnassieres! 
Une  figure  a  faire  avorter  les  sorcieres! 

Pourquoi  faut-il  qu'un  homme  neavec  un  vrai  talent,  avec 
un  talent  plein  de  force  et  d'une  haute  porlee,  qu'un  poete 
qui,  apres  avoir  eu  de  si  belles  inspirations  dans  le  genre  su- 
blime, sait  trouver  quelquefois  des  chants  pleins  de  grace  et 
de  melodie,  puisse  descendre  a  de  pareilles  choses  ?  Pour- 
quoi des  jeunes  gens  heureusement  doues  par  la  nature  se 
plaisent-ils  a  travestir  ainsi  la  scene,  la  langue  et  leur  muse? 

M.  Jay  ne  s'attache  pas  uniquement  a  la  critique  de  detail; 
il  defend  aussi  les  interets  de  l'art  et  de  la  verite  sous  leur 
rapport  le  plus  eleve.«  Si  Cromwel  n'eflt  etc  qu'une  espece 
de  Gilles  fanatique,  lei  que  M.  Hugo  l'a  represenle,  serait-il 
parvenu  au  supreme  pouvoir?  Son  genie  efit-il  dompte  les  fac- 
tions fremissantes  autour  de  lui?  Les  rois,  ses  conlemporains 
et  ses  flatteurs,    se  fussent-ils  prosternes  devant  sa fortune? 


LITTERATURE.  :55 

La  coiir  siiperbe  de  Louis  XIV  eut-elle  porte  le  deuil  de  sa 
mort?  II  fautdonc  avoiier  qu'en  s'attachant  presque  exclusi- 
vement  aux  petitesses  de  sa  vie  privee,  au  ridicule  de  son  ca- 
ractere,  meme  en  supposant  la  peinture  vraie,  M.  Victor  Hugo 
n'a  fait  connaitre  qu'imparfaitement,  M.  Jay  aurait  dQ  dire 
n'a  fait  que  defigurer  etabaisser  indignement  ce  puissant  per- 
sonnage,qui  domina  sur  l'Europe,  comme  sur  1'Angleterre  ; 
qui,  parle  fameuxacte  de  navigation,  prepare  la  preponderan- 
ce maritime  de  son  pays.  Cromwel  convert  du  sang  royal,  isole, 
au  faite  de  la  puissance,  devait  eprouver  des  inquietudes;  son 
sommeiletait  probablement  moins  paisiblequeceluide  l'inno- 
cence  :  mais  il  ya  loin  de  ces  perturbations  morales  a  lacrainte 
puerile  des  spectres  que  M.Hugo  luiprete  :  Cromwel  redoutait 
plus  le  poignard  des  assassins  que  les  apparitions  nocturnes  dc 
Charles  I".  II  ne  fallaitpas  fairedu  vainqueur  de  Naseby  et  de 
"Worcester  tin  poltron  et  un  niais.  »Yoila  le  ton  que  peut-etre 
M.  Jay  aurait  du  prendre  plus  souvent  pour  se  tenir  a  la  hau- 
teur de  son  sujet ;  mais,  parune  consequence  de  l'air  solennel, 
quitouche  a  la  pedanterie,  et  court  le  risque  de  causer  quelque 
ennui,  il  est  tombe  parfois  dans  la  caricature;  temoin  l'apo- 
theose  de  Ronsard,  ou  pourtaotla  plaisanterie  ne  manque  ni  de 
justesse,  ni  de  sel.  Je  tremble  aussi  que  Pauteur  n'aitdonne  un 
peu  trop  de  simplesse  et  de  niaiserie  a  son  Jacques  Delorme, 
inconvenient  moins  grave  a  laverite  que  s'il  s'agissait  du  grand 
CromVel;  mais  il  eGt  ete  bien  d'accorder  plus  d'esprit  au 
jeune  Polyeucte  du  romantisme,  qui  abjure  ses  erreurs,  et 
se  convertit  a  la  religion  du  vrai. 

M.  Jay  a  parfaitement  saisi  le  cote  faible  de  la  cause  des 
romantiques,  en  m  on  trail  t  les  defauts  graves  qu'ils  vont  cher- 
cher  dans  Shakespeare  pour  les  offrir  a  notre  admiration,  de- 
pouilles  du  charme  des  beautes  qui  les  accompagnent  et  leur 
servent  de  voile  dans  les  scenes  de  PEschyle  et  du  Dante  an- 
glais; on  ne  peut  qu'applaudir  aussi  a  la  juste  appreciation 
d'un  si  grand  genie;  l'auteur  parle  comme  un  homme  qui  a 
une  connaissance  parfaite  de  la  langue  et  dss  ouvrages  de 
Shakespeare.  J'aurais  voulu  qu'il  entrat  plus  avant  dans  l'exa- 
men  de  cemodeledangereuxet  sublime,  chez,  lequel  nos  jeunes 
ecrivains  negligent  ou  ne  voientpas  tantde  choses  vraies,  bien 
observees,  saisies  au  fond  du  coeurhumain,  tant  de  caracteres 
si  habilement  traces ,  des  personnages  de  formes  si  variees  et 
qui  seraient  neufs  encore  sur  notre  theatre;  enfin  ,  des  idees 
d'une  autre  famille  que  celles  des  Grecs  et  des  Romains,  et 
dues  a  un  autre  genre  de  civilisation.  M.  Jay  etait  sur  la  voie 
d'une  si  belle  discussion;  il  s'est  arrete  trop  tot.   Encore  un 


75(i  LIVttES  FllANCAIS. 

scni[iiile.  Pounjuoi  le  jutlicieux  cerivain  n'a-t-il  mele  aucune 
reflexion  critique  a  scs  beaux  portraits  de  Corncille,  dc  Racine 
ct  dc  Voltaire?  II  s'exposait  a  compromeltre  sa  reputation  de 
juge,  ou  a  encourir  le  rcproche  de  partialitc,  en  n'avouant  pas, 
avec  toule  la  franchise  de  sa  conscience  lkteraire,  ce  qui  man- 
que aces  grands  inaitres,  etce  que  noire  theatre  tragique  laisse 
a  desirer.  Des  le  commencement  de  la  revolution,  le  relour 
des  esprits  a  la  nature  et  a  la  verite  fit  aperccvoir  aux  moins 
clairvoyans  que  notre  trayedie  etait  montee  sur  des  echasses, 
et  qu'il  convenait  de  Ten  faire  descendre  pour  la  rapprocher 
davantage  de  tout  le  monde.  Cette  reflexion  et  les  hesoins  d'un 
changement  qu'elle  annoneait,  comme  suspendus  pendant  la 
periode  de  I'empire ,  reparaitrait  aujourd'hui  avec  plus  de 
force;  la  masse  des  citoyens,  en  se  nourrissant  du  pain  de  la 
raison  et  de  la  liberie  ,  demande  un  theatre  toujours  noble  et 
pourtant  plus  populaire,  des  heros  qui  soient  des  homines,  des 
actions  plus  susceptibles  d'un  interet  general,  un  autre  ordre 
de  sentimens ,  et  enfin  un  langage  qui  represcnte  mieux  la 
parole  veritable  des  differens  personnages.  En  se  mettant  ainsi 
d'accord  avec  le  siecle,  et  au  niveau  de  1'opinion,  i\I.  Jay,  an 
lieu  de  nuire  a  sa  cause,  n'aurait  donne  que  plus  d'autorite  a 
sa  defense  des  principes  de  I'art  de  composer  et  d'ecrire. 
Mais 

La  critique  est  aisee,  et  l'art  est  difficile. 

Ce  vers-proverbe  nous  avertit  de  ne  pas  affaiblir,  par  trop  d'exi- 
gence,  les  louanges  que  nous  accordons  avec  plaisir  a  l'auteur 
de  la  Conversion  d'un  Romanlique.  I'.-F.  T. 

a34^  —  * Bibliothcque  latine-franpai.se,  publtee  par  C.  L.  F. 
Panckoucke.  OEuvres  de  C.  C.  Tacite,  traduites  parC.  L.  F. 
Panckobcke.  Histoires  :  T.  1.  Paris,  i83o;  Panckoucke. 
In-8°  de  45S  pages ;  prix,  7  fr. 

M.  Panckoucke  vient  de  donner  au  public  le  premier  vo- 
lume de  sa  traduction  de  Tacite  :  nous  ne  doutons  pas  du 
succes  de  cet  o'uvrage  ,  car  l'auteur  a  fait  de  louables  efforts 
pour  acquerir  la  parfaite  intelligence  de  son  modele  et  de 
l'anliquite  romaine  en  general.  Apres  avoir  rassemble  autour 
de  lui  toutes  les  editions  et  toutes  les  versions  de  Tacite,  tous 
les  livres  oii  Ton  a  juge  ou  commente  ce  grand  historien,  apres 
s'en  etre  approprie  le  genie,  autant  qu'il  etait  en  lui,  par  une 
lecture  repetee  et  approfondie,  M.  Panckoucke  a  voulu  faire 
plus,  et  il  est  alle  reconnaitre,  l'un  apres  l'autre,  les  theatres 
divers  ou  s'est  accompli  le  long  dramc  de  l'histoirc  des  pre- 


L1TTERATURE.  75; 

niiers  empereurs.  Da  pied  des  Alpes  au  load  de  la  Calabre,  il 
a  parcouru  l'ltalie,  Tacite  a  la  main,  el  a  eherchc  des  lumie- 
res  jusqu'au  milieu  des  mines  souterraines  de  Pompeii  et 
d'Herculanum.  II  s'est  ensuite  transporte  sous  un  autre  del, 
sous  le  ciel  froid  de  la  brumeuse  Caledonie,  poury  retrouver 
ce  qui  peut  avoir  surveeu  des  temoiguages  de  la  domination 
romaine.  Sans  doute  I'empreinte  en  est  moins  visible  que  sur 
le  sol  de  l'ltalie,  et  peu  de  chose  y  resle  qui  rappelle  aujour- 
d'hui  les  conquctes  d'Agricola;  mais  ce  n'en  est  pas  moins  un 
grand  secours  que  l'etude  des  lieux  pour  bien  comprendre  les 
evenemens  qui  s'y  sont  passes;  et  il  taut  lelieiler  M.  Panc- 
koucke  de  celte  conscience  de  traducteur  qui  l'a  porte  a  en- 
treprendre  de  semblables  voyages  pour  perfectionner  son 
ceuvre  :  nous  ne  pouvons  que  l'annoncer  aujourd'hui;  nous 
nous  livrerons  plus  tard  a  un  examen  dctaille  de  cette  traduc- 
tion remarquable. 

255.  —  *  OEuvres  completes  de  M.  le  vicomte  de  Chateau- 
briand ,  pair  de  Fiance  ,  membre  de  l'Academie  francaise. 
T.  vm,  xii  et  xin.  Voyage  en  Amerique,  t.  i  et  n;  les  Natchez, 
t.  in;  Genie  du  Christianisme ,  t.  vm.  Paris,  1800;  Founder 
jeune.  5  vol.  10-12  de  54i,  4^9  et  4/8  pages;  prix,  5  fr. 
5o  c.  le  vol.  pour  les  souscripteurs  aux  OEuvres  completes, 
et  4  fr.  pour  les  non-souscripteurs.  (Voy.,  pour  les  livraisons 
precedentes,  cl-dessus,  p.  460). 

Nous  ne  pouvons  que  repeter  ici  les  eloges  que  nous  avons 
donnes  a  cette  belle  edition  en  annoncant  les  precedentes 
livraisons.  Ces  trois  volumes  nouveaux  sont  enrichis  uc  beau- 
coup  de  notes  et  d'extraits  de  journaux  qui  contiennent  les  cri- 
tiques 1'aites  a  diverses  epoques  des  ouvrages  de  M.  de  Cha- 
teaubriand. 

256.  —  *  Harmonics  poetiques  et  religieuses,  par  Alphonse  de 
Lamartine.  Paris,  1S00;  Ch.  Gosselin.  2  vol.  in- 8"  de  542  et 
556  pages,  ornes  de  vignettes  gravees sur  bois  par  Pon et, 
d'apres  les  dessins  d' Alfred  et  Tony  Johannot ;  prix,  16  IV. 

M.  de  Lamartine  \ient  de  rompre  un  long  silence  en  aug- 
mentant  le  recueil  de  ses  oeuvres  de  deux  volumes  nouveaux 
que  les  admirateurs  des  Meditations  poetiques  et  tous  les  amis  de 
la  belle  poesie  attendaient  avec  impatience.  Nous  nous  bor- 
nons  aujourd'hui  a  signaler  leur  publication,  en  prometlant  .: 
nos  lecteurs  d'en  parler  avec  les  details  qu'ils  lOinportent  dans 
on  prochain  article  d'analyse.  Z. 

25^.  —  Poesies  romaines,  par  M.  Jules  de  Saint-Felix. 
Paris,  i83o  ;  Delaunay,  Palais  -  Royal ,  peristyle  Valois, 
n"  182  et  1 83-  In-8"  de  x- 1 7 4  pages;  prix,  5  IV. 


758  L1VKES  FRANC AIS. 

Tandis  que  la  loule  de  nos  ccrivains,  seduitc  par  quelqucs 
cxemples  heureux,  se  precipite  vers  le  moycn  ;1ge,  l'exploite, 
le  retourne  en  tons  sens,  el  dedaigne  ce  qui  n'est  pas  varlet9 
ou  pages,  castels  on  moustiers,  on  aime  a  voir  un  jeunc 
poete  se  tenir  a  l'ecart,  et,  pen  soucicux  tie  ce  mouvement, 
redire  encore  les  souvenirs  deslems antiques,  Home  payenne, 
sa  gloire  et  sa  magnificence.  C'est  fa  ire  a  la  Ibis  preuve  d'ori- 
ginalite  et  de  discernement  :  car,  bien  que  le  nom  de  Rome 
ait  niille  fois  retenti  dans  nos  poemes  et  sur  nos  theatres,  ce 
sujet  est  encore  ncuf  pour  l'art,  si  on  veut  le  revetir,  non  plus 
d'une  forme  empruntec  et  convenue,  mais  de  ses  couleurs 
propres  et  veritables,  si  Ton  vent  nous  introduire  reellement 
au  sein  de  la  Rome  des  empereurs,  dans  ces  magnifiques  pa- 
lais  plus  vastes  que  des  villes  et  pares  des  depouilles  de  l'uni- 
vers,  au  milieu  de  ces  fetes  splendides,  de  ce  luxe,  et,  il  faut 
le  dire,  de  cette  corruption  presque  fabuleuse.  M.  de  Saint- 
Felix  a  tente  de  nous  familiariser  avec  cette  civilisation 
etrange,  preparee  par  sept  siecles  de  eonquetes,  et  que  le 
monde  ne  reverra  plus.  Sans  avoir  completeinent  reussi  a  la 
retraccr  sous  ses  aspects  divers,  il  a  saisi  et  habilement  cs- 
quisse  quelqucs  figures  romaines  de  la  decadence.  Nous  cite- 
rons,  entre  autres  pieces  :  Les  Deux  Romes,  le  Reveit  (Can 
Empereur,  Pollion,  et  les  Souvenirs  rC  A ssyrie,  commedes  com- 
positions egalement  empreintes  dc  verite  bistorique  et  de 
poesie. 

La  maniere  de  M.  de  Saint-Felix  est  elegante  et  pure; 
mais  il  Manque  souvent  d'energie;  et,  quand  il  lui  faut  pein- 
dre  Neron  ou  Caligula,  il  a  reconrs  a  des  inspirations  etran- 
geres  :  temoin  Neron  au  Cirque,  evidemment  caique  sur  cette 
piece  ou  M.  V.  Hugo  a  montre  1'aine  du  tyran  s'epanouis- 
sant  a  la  vue  des  flammes  quiconsument  Rome.  M.  de  Saint- 
Felix  traite  avec  plus  de  succes  les  sujets  gracieux  :  nous  en 
donnerons  pour  exemple  les  vers  suivans.  Un  jevine  consul 
romain  repond  a  sa  caplive  d'Assyrie,  qui  lui  reprochait  de  ne 
pas  raimer  : 

Alors,  sur  mes  genoux  picnant  la  jeunc  fille, 
Je  lui  disais  :  Voila  que  ta  paupieie  brille 
Comuie  une  peile  buoai.de  aux  calices  des  fleurs; 
Voila  que  sur  ton  sein  ruissellent  de  longs  pleurs, 
Et  pourquoi?  T'ai-je  pas  entre  tes  scours  choisie, 
Enfant  au  front  vermeil,  emeraude  d'Asie  ? 
Va,  je  t'ameneiai  dans  ma  Home,  et  uies  dieux 
Seront  les  liens,  et  nioi  ton  epoux  gloiieux. 
Laisse-moi  terminei  cetle  gueirc  lointaine, 
Ciagner  le  grand  trioraplie  ft  la  poiic  romaiiie, 


LITTKKATUKH.  75,, 

Pour  qii'iui  jour  avec  toi  le  peuple  me  voyant 
Disc  :  n  Cost  lc  consul  arrive  d'Orient ; 
Et  celle  que  voila,  si  blanche  et  si  paree, 
Marchant  a  ses  cotes,  son  epouse  aduree.  » 

Alors,  je  sentirai  des  battemens  de  coeur 

Car  celtc  voix  du  people  enivre  le  vainquenr 

Tu  ne  le  coneois  pas,  loi,  ma  belle  barbarc, 
Qui  fais  tout  ton  oigueil  du  collier  qui  te  pare; 
Toi,  qui,  dans  Tor  d'un  vase  on  dans  1'eau  du  cristal, 
Mirerais,  tout  un  jour,  Ion  front  oriental, 
Et  qui  donnerais  tout,  en  te  voyant  si  belle  , 
Legions,  chars  d'airain,  prisonniers,  roi  rebelle, 
Triomphes  de  consul,  le  pcuple  et  le  senat, 
Plutot  que  de  fancr  ton  beau  sein  d'incarnat. 

Ces  vers,  pleins  de  charme  et  de  naturel,  ont  en  memo 
terns  l'interet  d'une  exacte  peinture  de  moeurs.  Nous  nous 
empressons  d'ajouter  qu'il  s'en  trouve  bcaucoup  de  sembla- 
bles  dans  le  recueil  de  M.  de  Saint-Felix,  et  que  celte  publi- 
cation lui  assure  un  rang  distingue  parmi  nos  jeunes  poetes. 

A.  D. 

258.  —  Chansons  de  Felix  Becker,  de  Reims,  ouvrier  me- 
nuisier  a  Merit  (Oise),  Paris,  i83o;  Lemoine, place Yendome, 
n'  a4;  Royten  y,  Palais-Royal,  galerieValois,  n°  1 85.  Le  recueil 
sc  composera  de  douze  livraisons,  pour  lesquelles  le  prix  de 
souscription  est  fixe  a  9  fr. 

Ce  n'est  pas  chose  nouvelle  en  France  qu'un  menuisier- 
poete  :  tout  le  mondc  connait  ce  Maitre- Adam,  de  Nevers  , 
qui,  le  premier,  conquit  pour  son  rabot  unc  part  de  renom- 
mec  poetique.  Aujourd'hui,  il  est  moins  permis  de  s'etonner 
d'une  pareille  apparition  dans  les  classes  on  l'instruction  se 
repand  heureusement  de  plus  en  plus  tous  les  jours;  et  cer- 
tainement  le  chansonnier  de  Meru  n'est  pas  le  seul  tnaintenant 
qui  partage  son  terns  entre  les  dufs  travaux  de  l'atelier  et  les 
douces  inspirations  de  la  Muse.  Mais  nous  ignorerons  proba- 
bletnent  toujoursles  joyeux  refrains  de  plus  d'un  chansonnier 
villageois  qui  porte  toute  son  ambition  a  raviver  la  gaite  d'une 
noce  de  campagne  ou  a  s'entendre  proclamer  le  roi  du  cabaret, 
tandisqu'unecirconstance  parliculicre  vientd'arracher  al'obs- 
curite,  ou  languissent  encore  la  plupart  de  ses  confreres  en  A- 
poIIon,rautcurdu  recueil  que  nous  avous  a  faireconnaitre, Felix 
Becker,  cedantaux  instances  de  ses  admiratcurs  campagnards, 
avait  chante  publiquement  le  Siege  du  Parades,  dans  quelques 
couplets  oil  le  tribunal  de  Senlis  a  cru  voir  un  outrage  a  la 
religion  de  l'Etat.  Un  emprisonnement  de  quelques  mois  et 
une  amende  considerable  furcnt  juges  necessaires  pour  com- 


76o  LIVRES  F1UNCAIS. 

penser  ce  debt  inoffensif ,  et  le  menuisier  de  Mem  subit  au- 
jourd'hui  la  peine  que  la  police  correctionnelle  de  Paris  a  deja 
imposeeplusd'unefois  a  un  autre  chansonnier  plus  celebre  et 
par  consequent  plus  coupable.  Du  reste,  Becker,  comme 
Beranger,  rencontra  de  Iasympathie  chezses  concitoyens;  une 
souscription  Cut  ouverte  pour  l'aider  a  satisfaire  a  ['amende 
prononcee  contre  lui,  qu'un  ricbe  proprietaire  du  departement 
de  l'Oise  obtint,  du  reste,  l'avantage  de  payer  seul  pour  tous. 
Depuis,  l'interet  public  s'etant  attache  au  poete  malheureux, 
ses  amis  l'ont  determine  a  fa  ire  imprimer  ses  chansons,  et  la 
critique  a  ete  appelee  a  les  juger.  II  serait  injuste  dc  les  sou- 
mettre  a  cette  analyse  minulieuse  qui  decompose  chaque 
strophe  et  chaque  vers  pour  en  examiner  avec  severite  toutes 
les  parties,  toutes  les  expressions;  on  ne  doit  pas  s'altcndre  a 
trouver  dans  les  compositions  legeres  echappees  a  la  muse  du 
pauvre  menuisier  cette  purete  de  style  et  de  versification, 
cette  elevation  d'idees  et  d'images,  cette  perfection  de  Part  et 
de  la  poesie,  qu'un  moderne  Anacreon  a  introduites  dans  un 
genre  abandonne  jusqu'a  lui  a  toute  l'insouciance  de  la  gaite 
bachique,  a  toute  la  negligence  de  cette  verve  passagere  et 
hative  qui  se  dissipe  avec  les  fumees  du  vin.  Toutet'ois,  dans 
des  chansons  que  Beranger  a  lui-meme  accueillies  avec  fa- 
reur,  on  doit  s'attendre  a  rencontrer  des  traces  de  la  vocation 
reellement  poetique  de  I'auteur.  II  y  a,  en  effet,  apres  des  stro- 
phes communes  et  mediocres,  des  pieces  qui  ont  de  la  chaleur 
et  de  la  vie,  qui  se  font  remarquer  par  des  traits  heureux  et 
quelques  vers  inspires.  Nous  citerons  seulement  quelques  cou- 
plets de  la  chanson  intitulee,  VEspoir  du  Retour  : 

Dame  Themis  me  force  a  la  retraite, 
Allons,  mon  luth,  pretez-moi  vos  accords; 
Et,  je  le  sens,  de  ma  muse  indiscrete 
Le  leu  sacre  rechauffe  Jes  transports. 
Dans  ma  prison  venez,  6  chastes  Giles! 
Puisquc  le  sort  me  traite  en  malotru  ; 
Pendant  lliiver  nous  serons  sous  les  grilles, 
Mais  le  printems  nous  attend  a  Meru. 


Au  gai  reveil  de  la  helle  nature, 
Doux  rossignol,  chanlez  a  mon  retour, 
Que  nos  accens,  avec  sa  voix  si  pure, 
Aillent  frapper  les  echos  d'alentour. 
Filles  de  Flore,  de  fleurettes  gentilles 
Parez  les  champs,  Zephire  a  reparu. 
Pendant  l'hiver  nous  serons  sous  les  grilles, 
Mais  le  printems  nous  attend  a  Meru. 


UTTERATURE.  7G1 


Pauvres  outils,  a  vous  souvent  je  pense, 
Loug-lems  oisifs,  vous  vous  laissez  roniUei ; 
Chers  insttumens  de  mon  humble  existence, 
A  mon  retour  je  vous  f'erai  briller. 
Mon  alelier  vaut  bien,  savantes  (illes, 
Le  cabinet  d'un  docte  malotru. 
Pendant  l'hiver  nous  seions  sous  les  grilles, 
Mais  le  printems  nous  attend  a  Meru. 


I. 


23g.  — *  NouvelleBivliotheque  univeiselle  des  Romans  pour  la 
ville  et  la  campagne ;  composee  d'un  choix  des  meilleurs  ro- 
mans francais  et  elrangers,  anciens  et  modernes,  imprimee 
par  Rignoux sur  papier  velin  satine,  avec  des  caracteres  gra- 
ves et  fundus  expres.  Une  livraison  ou  volume,  format  in- 18, 
de  200  a  5oo  pages,  avec  une  jolie  gravure  en  taille-douce  en 
tete  de  chaque  roman,  et  du  prix  de  ?5  c. ,  parait  tous  les 
samedis.  Premiire  se'rie.  J.  J.  Rotsseat  :  Julie,  ou  la  Nouvelle 
Helolse  ;  Paris,  1829;  Rignoux.  6  vol. 

Tout  le  monde  connait  la  Bibliotheque  universelle  des  Ro- 
mans, donl  le  marquis  de  Pauliny,  de  la  famille  des  Voyer- 
d'Argenson,  mort  en  i;-S7,membre  de  l'Academie  francaise, 
rassembla  les  premiers  materiaux;  moiiument  precieux  eleve 
a  ce  genre  de  litterature  et  tres-utile  aux  gens  de  lettres  qui 
veulent  puiser  aux  sources  memes;  immense  collection,  dont 
la  plus  grantle  partie ,  qu'on  ne  lit  plus,  pourrail  etrc  d'une 
grande  res-ource  pour  les  commentateurs,  imitateurs,  rhabil- 
leurs,  qui  manquent  de  genie  ou  d'imagination,  et  qui  vonl  a 
la  quetede  1'esprit  d'autrui.  Le  xix"  siecle,qui  a  vu  prendre  an 
roman  une  direction  toute  particuliere,  meritait  bien  aussi  d'a- 
voir  sa  bibliotbeque,  et  M.  Rignoux,  aux  presses  duquel  nous 
sommes  deja  redevables  de  tant  de  belles  editions,  s'est  charge 
de  la  lui  donner.  II  a  choisi  pour  cela  le  format  le  plus  com- 
mode, a  fait  fondre  expres  des  caracteres  tres-lisibles;  et  le 
papier  qu'il  emploie  acbeve  de  faire  de  sa  collection,  que  son 
prix  met  a  la  portee  de  la  petite  propiiete,  une  edition  de  luxe 
qui  ne  deparerait  pas  nos  plus  belles  bibliotheques.  Yoila  pour 
la  partie  materielle.  Quant  au  choix  des  ouvrages  qui  doivent 
entrer  dans  cette  collection,  tout  annonce«g|u'il  sera  fait  avec 
gout  et  discernement ;  redheuiTapartageeen</e«xsfWe.'i,  Tune 
pour  les  romans  francais,  I'autre  pour  les  romans  etrangers;  et 
dans  chacune  il  montre  l'intention  d'opposer  aux  meilleurs 
ouvrages  que  nous  a  legues  le  siecle  precedent  ceux  que  l'e- 
poque  actuelle  pent  leguer,  a  son  tour,  avec  orgucil  aux  terns 
qui  viendront.  Nous  avons  sous  les  yeux  la  liste  des  princi- 
paux  auteurs  qui  doivent  entrer  dans  cette  collection,  et  nous 


762  LIVRKS  FRANCAIS. 

y  avons  rctrouvc  des  noms  avec  lcsquels  nos  lecteurs  aime- 
ront  a  renouer  connaissance ,  ct  d'autres  peut-elre  qui  leur 
sont  pen  counus,  quoiqu'ils  aicut  des  droits  a  leur  atlenliou. 
Mais  il  en  est  aussi  que  nous  avons  vainement  cherches,  tels 
queceuxde  Betnardin-dc-Saint-Picrre,  de  M""  Collin,  deGen- 
lis,  de  Staelj  etc.,  dont  les  oeuvres  nc  sont  pas  encore  tombces 
dans  le  domaiae  public,  et  pour  lesquels  l'editcur  aura,  sans 
doute,  a  prendre  des  arrangemens  pecuniaires,  conime  il  l'a 
deja  fait  pour  les  romans  de  Picard ,  dont  nous  trouvons 
l'annoncc  dans  sa  collection.  Esperons  que  le  public,  par  des 
encouragemens  bienmerites,  mettrapromptement  M.  Rignoux 
a  menie  de  completer  cette  liste,  et  d'elever  ainsi  aux  lettres 
et  a  Part  typographique  un  monument  qui  nous  obtiendra 
grace  un  jour  pour  toutes  les  sottises  litteraires  qu'aura  pro- 
duites  notre  siecle. 

L'editeur  ne  pouvait  mieux  on vrir  sa  seric  de  romans  francais 
que  par  la  NourclleHeloise,  ou,  conime  l'a  ditChenier  dans  son 
Tableaude la  Littcrature  francaise  :  <■  Si  Rousseau  n'egala  point 
l'auteur  de  Clarisse  dans  la  composition  generale  et  dans  la 
peinture  des  caracteres,  il  lui  futbien  superieur  pour  la  richesse 
des  details,  pour  l'eloquence  du  style,  comme  aussi  pour  celle 
des  passions  <>  ;  «  conqsosition,  ajoute  un  autre  ecrivain  (  Bail , 
Etudes  litteraires  des  Classiques  francais ,  t.  n,  p.  55  ) ,  moitie 
galante,  moitie  philosopbique  ,  qui  semble  bien  moins  un  ro- 
man  qu'un  cadre  dans  lequel  l'auteur  eloquent  d'Emile  donne 
canitre  a  son  imagination  vive  et  paradoxale.  »  On  sait  a 
combien  d'eloges  et  a  combicn  de  critiques  a  survecu  cet  ou- 
vrage,  traite  avec  tant  d'injustice  par  La  Harpe,  sans  doute  a 
cause  de  Voltaire  ;  mais  ceux  qui  veulent  tout  analyser  et  tout 
juger  feront  bien  de  lire  ce  qu'en  a  dit  j\l.  Musset-Patbay  dans 
son  Histoire  de  la  Vie  ct  des  Outrages  de  J .  J.  Rousseau  (t.  n, 
p.  555-36  i  )  :  lui  seul  nous  semble  s'etre  bien  place  pour  ap- 
precier  convenablement  l'auteur  et  son  ouvrage.  Quant  a  ceux 
qui  ne  veulent  que  se  livrer  a  leurs  emotions,  el  ce  sont  les 
plus  heureux,  ils  relirout  le  roman  lui-meme,  et  ne  s'etonne- 
ront  certainement  pas  du  succes  immense  qu'il  oblint  a  son 
apparition  (i),  el  qu'il  a  merite  de  conserver. 

Nous  anuonceAns,  dans  un  prochain  article ,  la  2C  seiie, 

(i)  L'abbt-,  ou  plutdt  I'avocat  Brizartl,  rapportc  que  «  l<:s  librairos  nc 
pouvaicnt  suffire  aux  demandes  de  tuutes  les  classes  de  la  sOciete.  On 
iuuait  I'ouvrage  a  tanl  par  jour,  on  pat  lieute  (usage  qui  a  pris  sans  dcnilc 
naissance  alms);  et ,  dans  les  premiers  terns  inemc  de  sa  vogue  ,  on  exi- 
geaitdouze  sous  par  volume,  en  n'accordant  que  soixante  minutes  pom 
le  lire.  » 


LITTER  A.TURE.  7C>5 

celle  des  romans  Grangers,  qui  s'ouvre  par  les  ceuvres  de  sir 
Walter  Scott,  dont  14  volumes  sont  deja  publies. 

Edrne  Hereau. 

2^0.  —  Tremaine  ou  l'Homme  blase.  Paris,  iS3o;  Barbe- 
zat.  4  vol.  in-12;  prix,  1.9  fr. 

On  pourrait  appeler  cet  ouvrage  un  roman  religieux,  quoi- 
que  l'auteur  proteste  qu'il  n'a  pas  eii  I'intention  d'ecrire  un  ro- 
man. 1 —  Tremaine  est  un  homine  d'une  grande  naissance,  d'un 
caractere  distingue,  d'un  esprit  tres-cultive;  sa  fortune  est  con- 
siderable, ct  il  a  obtenu  dans  les  affaires  politiques  unebrillantc 
reputation.  Cependant,  degoute  du  monde  et  de  lui-meme,  il 
vientchercherauseindela  retraite  le  bonbeur  qu'i!  n'a  putrou- 
ver  au  milieu  des  scenes  bruyantes  et  agitees  de  sa  vie  passee. 
Pres  de  sa  maison  de  campagnc  habite  un  ecclesiastique  nomme 
Evelyn,  avec  lequel  il  a  bientot  renouvele  une  anciennne  liai- 
son, interrompue  depuis  plusieurs  annees.  Tremaine  devient 
amoureux  de  la  fille  d'Evelyn,  qui  le  paie  de  retoiir.  Mais  les 
opinions  religieuses  des  deux  amans  sont  entierement  diffe- 
rentes;  Tremaine,  comme  on  nous  l'apprend,  est  livre  au 
scepticisme,tandis  que  la  fille  du  pasteur,  sincerement  pieusc, 
plutot  quedc  trahir  cequ'elle  appelle  les  scrupules  de  sa  con- 
science, en  epousant  un  homme  dont  les  principes  sont  oppo- 
ses aux  siens,  se  resout  a  faire  son  propre  malheur  et  celui  de 
son  amant.  Celui-ci,  nepouvant  vaincre  la  resistance  opinia- 
tre  de  sa  jeune  amie,  se  convertit,  apres  avoir  eu  avec  Evelyn 
de  longues  discussions, dont  le  recit  detaille  occupe  peut-elie 
une  trop  grande  place  dans  l'ouvrage.  Lasimplicitede  1'action, 
laverite  des sentimens,  exempts  de  I'exageration  commune  aux 
romans  en  general,  la  peinturc  fidele  des  classes  auxquellcs 
apparliennent  les  principaux  personnages,  quelques  scenes  de 
societe  tracees  avec  talent  et  naturel ,  meritent  nos   cloges. 

24 '•  —  Le  Cardinal  de  Ricliclieu,  Chronique  tiree  de  l'His- 
toire  de  France  ;  par  M.  G.  P.  R.  James  ;  traduite  de  l'anglais 
par  l'auteur  d'Olesia  ou  la  Pologne ,  etc.  Paris  i85o;  Charles 
Gosselin.  4  vol.  in-12,  formant  ensemble  xxiv-giG  pages; 
prix,  1 2  fr. 

Le  Roman  bistorique  s'est  deja  approprie  ces  personnages 
de  Louis  XIII,  de  Richelieu,  de  Cinq-mars,  de  Thou,  que 
M.  James  reproduit  aujourd'hui  avec  moins  de  bonbeur,  il 
faut  l'avouer,  que  '1.  Alfred  de  Vigny.  Toutefois,  le  snjet, 
s'il  est  le  me  me  dans  les  deux  ouvrages  quant  a  la  donnee 
principalc,  e'est-a-dire  la  conspiration  de  l'elile  des  nobles 
franrais  contre  le  pouvoir  oppressif  dc  Richelieu,  differc  quant 
au  point  de  vuc  sous  lequel  il  est  presente.  M.  dc  Vigny  s'e- 


7«4  LIVRES  FRANCAIS. 

tait  attache  a  Cinq-Mars,  pour  lc  suivre  Jepuis  sa  sortie  du 
chateau  paternel,  a  travers  ses  premiers  essais  de  la  vie  de 
cour  et  de  guerre,  jusqu'au  jour  de  sa  haute  faveur,  jusqu'au 
moment  dc  sa  deplorable  mort ;  Cinq-Mars  et  sa  triste  des- 
tine* avail  forme  le  noeud  de  sa  composition  :  M.  James  a 
choisi  un  herds  plus  obscur.  Chez  lui ,  e'est  un  comte  de  Ble- 
nau,  que  la  faveur  d'Anne  d'Autriche  rend  suspect  au  terrrible 
Richelieu  ,  qui  n'echappe  a  une  premiere  persecution  dirigee 
contre  lui  que  pour  retomber  dans  les  fers  de  son  implacable 
ennemi,  comme  soupeonne,  quoiquecompletement  innocent, 
d'avoirconnu  les  projets  de  Cinq-Mars,  et  qui,  enfin  echappe 
au  supplice  qu'on  lui  a  prepare,  recouvre  apres  la  mort  du 
cardinal  une  heureuse  liberte  et  la  main  de  celle  qu'il  aime.  II 
n'y  a  pas  dans  tout  cela  de  scenes  rendues  avec  un  grand  ta- 
lent d'exposition ,  ni  de  caracteres  dont  le  relief  soit  bien  sail- 
lant  et  bien  prononce  ;  mais  I'ensemble  amuse,  sans  emouvoir 
fortement. 

24a.  —  La.  Mort  de  Coligny ,  ou  la  Nuit  de  Saint-Bartfie- 
lemy,  1  572.  Scenes  historiques.  Paris,  i85o  ;  H.  Fournier,  rue 
de  Seine,  n*  14.  In-8°  de  525  pages;  prix,  7  fr.  5o  c. 

M.  Vilct,  auteur  des  Barricades,  des  Etals  de  Blois  et  de  la 
Mort  dc  Henri  III ,  a,  je  crois  le  premier,  mis  a  la  mode  les 
scenes  historiques,  dont,  apres  lui,  des  ecrivains,  plus  ou  mains 
distingues,  plus  ou  moins  mediocres,  se  sont  hates  d'aller  pui- 
ser  les  sujets  dans  toutes  les  pages  de  nos  annales.  Je  ne  sais 
si  les  ecrits  de  ce  genre  sont  de  bons  materiaux  pour  Pensei- 
gnement  de  l'histoire;  mais,  comme  ouvrages  d'art  et  de 
litterature ,  ils  me  paraissent  le  plus  souvent  fort  incomplcts. 
Ce  ne  sont,  en  effet,  que  des  ebauches  batardes ,  tenant  a  la 
ibis  du  roman  et  du  drame,  ou  l'artiste  a  bien  jete  ca  et  la 
quelques  figures  indecises,  quclques  couleurs  isolees  el  lian- 
chantes,  mais  qui  sont  privees,  par  leur  nature,  de  cette  har- 
monie  de  Pensemble,  de  ce  fiifi  exquis  des  details,  sans  lesquels 
il  n'est  point  de  chefs-d'ceiivre.Toutefois,sirauteur  a  bien  etu- 
die  l'epoque,  ses  moeurs  et  ses  personnages,  son  livre  poiina 
avoir  encore  quelque  utilite  et  quelque  agrement;  mais  il  ne 
doit  jamais  se  ilatter  d'excitcr,  avec  ses  scenes  decousues,  avec 
sesesquisses  hatives.  cet  interet  puissant  etcomplctauqueU'art 
doit  preparer,  par  un  habile  enchainement  de  loutes  les  parties, 
des  impressions  graduees  et  loujours  soutenues.  L'auteur  de 
la  Mort  de  Coligny  semblc  s'etre  pen  soucie  de  faire  une  ceuvre 
littcraire ;  il  a  neglige  tons  les  artifices,  toules  les  recherchfi.s 
de  Part.  Apres  avoir  reuni  une  masse  considerable  de  docu- 
mens  surla  Sainl-Barthelemy,  il  a  cheichc,  pour  les  presenter 


LITTERATURE. —BEAUX-ARTS.  7C5 

au  lccleur,  une  forme  rnoins  rebutante  que  celle  d'une  disser- 
tation hislorique;  la  narration  par  dialogues,  que  le  gofit  du 
jour  aconsacree,  lui  a  paru  la  plus  simple  et  la  plus  con vena- 
ble.  Suivant  scrupuleusement  l'ordre  chronologique  des  jours 
et  des  heures,  il  a  done  relate  d'abord  la  premiere  tentative 
d'assassinat  contre  Coligny,  puis  la  visite  de  Charles  IX  a  l'a- 
miral,  les  preparatifs  du  massacre  general  des  protestans,  la 
Saint-Barthelemy  et  ses  horribles  pompes,  puis  quelques  in- 
cidens  postericurs.  Le  tout  est  entremele  de  notes,  de  citations, 
que  le  dialogue  complete  et  commente,  et  qui  annoncent  un 
examen  studieux  du  sujet,  mais  qui  alourdissent  prodigieuse- 
ment  la  marche  de  l'ouvrage,  dont  le  genre  nous  parait  exiger 
surtout  de  la  vivacite  et  de  la  precision.  I. 

Beaux- Arts. 

245.  — Principes  de  Miniature,  methode  pour  les  personnes 
qui  veulent  peindre  seules;  par  Mme  Gustal-Laederich,  eleve 
de  M.  Augustin,  peintre  du  roi;  ouvrage  accompagne  d'une 
tete  dessinee  par  l'auteur  et  gravee  par  Reveil.  Paris,  1829; 
Alp.  Giroux  et  C'e.,  rue  du  Coq-Saint-Honore,  n0?;  l'auteur, 
rue  Beaujolais,  n°  11,  et  Audot,  libraire,  rue  des  Macons- 
Sorbonne,  n"  1 1.  In-8°  de  46  pages;  prix,  4  fr» 

Si  1'on  ote  de  cette  brochure  l'epitre  dedicatoire,  l'intro- 
duction  et  la  table,  il  ne  restera  quepeu  de  pages,  dont  toutes 
encore  ne  sont  pas  consacrees  a  la  demonstration.  L'auteur 
se  tait  sur  la  physiognomonie  et  sur  certains  preceptes  dont 
l'observation  peut  aider  a  obtenir  la  ressemblance,  ses  lecons 
ne  se  rapportent  qu'a  la  composition  des  teintes.  Nous  avons 
vu  avec  surprise,  au  n*  g,  une  teinte  rougeatre  aiosi  nommee  : 
teinte  pour  les  reflets.  Nous  ferons  observer  a  cet  egard  qu'il 
ne  peut  y  avoir  de  teinte  geuerale  pour  les  reflets,  que  cette 
teinte  n'est  que  la  teinte  affaiblie  des  objets  qui  refletent.  Ne 
nous  monlrons  cependant  pas  trop  severes,  l'auteur  est  une 
dame  artiste;  sachons  lui  gre  des  efforts  qu'elle  a  faits  pour 
jeter  du  jour  sur  une  partie  de  la  peinture  qu'il  est  difficile 
de  decrire,  sur  le  melange  des  couleurs,  et  sur  !e  moyen 
d'obtenir  telle  ou  telle  teinte  determinee  :  cet  art,  il  est  vrai, 
ne  peut  s'acquerir  parfaitement  que  par  la  pratique;  mais 
l'ouvrage  que  nous  annoncons  pourra  epargner  a  l'eleve  des 
tentatives  et  des  essais,  et  le  conduireplus  tot  a  des  resultats 
avantageux.  OE. 

^44- — Memoire  sur  la  Cliasse  de  saint  Taurin,  d'Erreua\  par 


-66  LIVRES  FRANCAIS. 

Auguste  le  Prevost,  mcmbre  de  plusieurs  Socictes  savantes, 
irancaises  ct  ctrangeres.  Caen,  1829. 

L'importance  qu'on  altachait  aux  tombcaux  des  saints  fut 
unc  des  principales  causes  dc  prosperite  pour  l'orfevrerie  du 
moycn  age;  ct  l'auteur  dc  ce  Memoire  ne  met  point  en  doute 
que  nos  ouvricrs  n'aient  cntretenu  de  frcqucns  rapports  avec 
les  artistes  de  Byzance  et  d'ltalie.  Toutefois,  les  produits  dc 
leur  travail  sont,  en  grande  partie,  derobes  a  1'histoire  de  Part, 
car  ils  furent  toujours  pour  les  barbares  un  objet  de  cupidite. 
Cependant  les  incursions  des  hommes  du  Nord  occasionerent 
moins  de  ma]  encore  que  le  fanalisme  iconoclaste  dc  la  re- 
forme.  Enfin,  la  revolution  porta  sur  tous  les  points  du  terri- 
toire  sa  devorante  activite.  Les  ravages  ont  ele  pousses  si  loin, 
que  la  Normandie  ne  possede  plus  en  ce  genre  que  la  chasse 
de  saint  Taurin.  C'est  la  premiere  fois  qu'un  antiquaire  lui 
consacre  quelque  attention  ;  M.  Le  Prevost  lui-meme  croyait 
qu'elle  n'cxistait  plus;  le  basard  la  lui  lit  apercevoir  dans  l'c- 
glise  de  l'antique  abbaye  elevee  sur  la  tombe  du^venerable 
prelat.  Le  premier,  saint  Taurin  apportala  foi  cbretienne  chez 
les  Aulerci  Eburovices  ;  du  rcste  ,  la  legende  qui  le  concerne 
est  apocryphe  et  declaree  telle  par  les  Bollandistes.  Nean- 
moins,  c'est  dans  cette  legende  qu'il  fant  puiser  l'explication 
des  bas-reliefs  :  aussi,  M.  Le  Prevost  la  reimprime-t-il  en 
entier.  Sans  en  rien  copier  ici,  nous  ferons  remarquer  que 
M.  Le  Prevost  y  a  trouve  la  trace  d'un  usage  singulier,  celni 
de  louer  un  ccrcueil  de  pierre  pour  y  dcposer  un  mort,  et  ren- 
voie,au  sujetdece  passage,  audix-septicme  canon  dudeuxieme 
concile  de  Macon,  redige  en  585.  L'auteur  pense,  du  rcste,  et 
surtout  a  raison  de  la  confusion  enlre  saint  Denis  l'areopagite 
et  saint  Denis,  eveque  de  Paris,  que  cette  vie  de  saint  Taurin 
n'a  ete  ecrite  que  vers  le  milieu  du  ix'siecle.  Un  autre  raisonne- 
ment  non  moins  ingenieux  amene  ce  resultat  que  lc  saint  ne 
saurait  avoir  accompli  sa  mission  qu'apres  la  translation  du 
chef-lieu  des  Aulerci  Eburovices  sur  les  bords  dc  l'lton,  c'est- 
a-dire  apres  la  destruction  de  Mediolanum  Aulercorum  paries 
barbares.  Saint  Taurin  ne  pent  etre  venu  a  Evreux  avant 
le  ive  siecle  ;  d'un  autre  cote  ,  son  successeur  existait  encore 
en  461;  et,  de  l'une  a  1 'autre  limite,  M.  Le  Prevost  se  decide 
pour  les  dernieres  annees  du  ivc  siecle.  Ce  ne  fut,  toutefois, 
qu'a  la  fin  du  vie  siecle  que  Ton  decouvrit  son  tombeau  ,  et 
qu'on  y  batit  une  chapelle.  On  pense  que,  vers  660,  elle  fut 
remplacee  par  un  monastere ;  le  corps  de  saint  Taurin  fut 
iransfere  en  Auvergne  a  Tapproche  des  barbares ,  puis  en 
Franche-Comte  ;  enfin,  lorsquc  Philippe-Augustc  detruisit 


BEAUX-ARTS.  —  MEMOIRES  ET  RAPP.       76; 

Evrcux  ,  scs  reliques  voyagerent  encore ;  elles  ne  rccurent 
qu'au  xme  siecle  la  magnifique  chasse  qui  fait  1'objet  de  ce 
Memoiie.  Les  ecussons  de  France  et  de  Castille  decorent  ce 
reliquaire,  qui  porle  pour  inscription  :  Abbas  Gilebertus  fecit 
me  fieri.  En  1269,  saint  Louis  assista,  dans  l'eglise  de  Saint- 
Taurin,  au  sacre  de  Raoul  de  Gros-Parney,  eveque  d'Evreux. 
En  1 566,  les  reliques,  For  et  les  pierreries  furent  voles ;  mais, 
en  i582,  Claude  de  Saintes  benit  des  chasses  qui  avaient  etc 
donnees  deux  ans  auparavant.  Ces  faits,  et  d'autres  encore, 
que  le  defaut  d'espace  nous  force  d'omettre,  sont  suivis  d'une 
savante  description  appuyee  de  trois  lithographies  au  simple 
trait.  Plus  de  cent  trente-cinq  pierres  precieuses  grossissaient 
ce  beau  monument  ou  brillent  a  la  fois  la  sculpture  et  I'archi- 
tecture  du  xm"  siecle.  P.  de  Golbery. 

Me'nwires  et  Rapports  de  Societes  savantes. 

245.  —  *  Academic  roy  ale  des  Sciences,  Belles-Letires  et  Arts  de- 
Bordeaux. —  Seance  publique  du  16  juin  1829.  Bordeaux, 
1829;  imprimerie  de  Brossier.  In-8°  de  25o  pages,  avec  8 
planches  lithographiees. 

En  1828,  l'Academie  de  Bordeaux  fut  autorisee  a  prendre 
le  titre  dCAcademie  royale;  le  discours  de  M.  Lacocr,  presi- 
dent, est  consacre  specialement  a  exposer  les  titres  de  cette 
Societe  savante  a  la  bienveillance  du  prince ,  les  avantages 
qu'elle  doit  en  recueillir,  et  les  devoirs  imposes  par  cette  mar- 
que de  faveur  qu'elle  a  recue. 

Ce  rapport  sur  les  travaux  de  l'Academie,  depuis  la  der- 
niere  seance  publique,  devait  embrasser  un  si  grand  nombre 
d'objets  divers  qu'il  a  fallu  se  borner  a  une  tres-legere  es- 
quisse  de  chacun.  Ces  resumes,  tres-convenables  pour  occuper 
les  auditeursaune  solennite  academique,  n'ont  plus  autant  de 
merite  quand  ils  sont  lus  dans  he  recueillemtmt  du  cabinet, 
parce  qu'ils  deviennent  a  peu  presinutiles  pour  l'instruction, 
but  auquel  doivent  tendre  toutes  les  publications  faites  par 
les  Societes  savantes. 

L'Academie  a  perdu,  dans  le  cours  de  l'annee  academique 
de  1828  a  1829,  quatre  membres  ,  MM.  Lescan  ,  Desfottr- 
niel,  Fitte  et  Bosc.  Le  premier  fut  examinateur  des  eleves 
de  la  marine  pendant  les  quatre  dernieres  annees  de  sa  lon- 
gue  carriere;le  second,  administrateur  habile,  integre  et 
philanthrope,  negociantayant  les  nobles  qualites  de  cette  pro- 
fession, et  non  moins  recommandable  dans  la  vie  privee  que 
dans  les  affaires  publiques  et  les  relations  commercialcs;  le 


-G8  LIVRES  FRANCAIS. 

troisieme,  professcur  modcste  ,  ecclesiastique  tolerant,  ve- 
ritable sage ;  le  quatrieme  est  assez  connu  par  ses  travaux 
agronomiques  (voy.  Rev.  Enc,  t.  xl,  p.  816). 

M.  Jocannet,  poete  et  antiquaire,  fait  eonaailre  plusieurs 
inscriptions  romaines,  decouvertes  a  Bordeaux  depuis  1 564 
jusqu'en  1828,  et  des  monumens  dc  l'epoque  gauloise  dans 
le  departement  de  la  Gironde.  Remontant  encore  plus  haut, 
M.  BiLLiiDEL  franchit  les  tems  hisloriqucs,  et  nous  revele 
quelques  pages  des  annalcs  de  l'ancienne  nature  vivante.  L'an- 
tiquaire  s'attache,  mais  avec  une  sage  reserve,  a  rajeunir  les 
monumens  attribues  a  nos  ancetres  ,  a  les  transporter  a  une 
epoque  mieux  connue ,  quoique  environnee  des  tenebres  du 
moyen  age ;  le  geologue  se  borne  a  l'exposition  des  i'aits  et 
a  quelques  observations  sur  le  mode  de  formation  des  couches 
dans  lesquclles  il  a  trouve  des  ossemens  de  palaotherium  ma- 
gnum. Une  Table  des  dimensions  de  ces  ossemens,  companies 
a  celles  de  cet  animal  fossile,  telles  que  M.  Clvier  les  a 
donnees,  ne  laisse  aucun  doute  sur  l'exactitude  de  la  denomi- 
nation imposee  par  M.  Billaudel.  Ainsi  les  pala?otheriums  de 
differentes  especes  partagerent  long-terns  avec  les  mastodontes 
etautres  especes  actuellement  incon-iues  la  possession  de  cette 
terre,  ou  l'homme  et  les  autres  especes  actuellement  vivantes 
les  ont  remplaces.  L'ancienne  vegetation  fut  encore  plus  ex- 
traordinaire que  les  animaux  de  la  meme  epoque;  les  houil- 
leres  de  la  Grande-Bretagne  nous  ont  revele  l'existence  de  fon- 
geres  dont  les  tiges  n'avaient  pas  moins  de  deux  pieds  de 
diametre,  et  dont  l'elevation  atteignait,  surpassait  peut-etre 
celle  des  plus  grands  arbres  de  nos  forets. 

II  n'est  peut-etre  plus  au  pouvoir  des  antiquaires  de  faire 
des  decouvertes  aussi  importantes  pour  l'histoire  de  l'homme 
et  des  nations  que  le  sont  celles  des  geologues  pour  l'histoire 
de  notre  planete  :  mais  les  recherches  que  s'imposent  les  uns 
et  les  autres  sont  egalement  laborieuses,  et  par  consequent 
egalement  dignes  d'estime  et  d'encouragement.  F. 

2^(5.  —  *  Precis  des  Travaux  de  la  Societc  royale  des  Lettres, 
Sciences  et  Arts  de  Nancy,  de  1824  «  1828.  Nancy,  i83o. 

Depuis  plusieurs  annees,  les  Memoires  de  la  Societc  royale 
des  Sciences,  Lettres  et  Arts  de  Nancy  avaient  cesse  de  paraitre. 
Ce  silence  etait  pour  nous  une  cause  de  peine.et  de  surprise; 
la  ville  de  Stanislas  est  justement  renommee.  pour  le  patrio- 
tisme,  les  talens,  Pesprit  et  la  courtoisie  de  ses  habitans.  On 
nousaexplique  que  des  circonstancesetrangeres  avaient  amene 
cette  interruption;  et  la  Societe  prouve  aujourd'hui  qu'elle 
continuait  de  cultiver  avec  succes  les  sciences  et  les  lettres 


MEM0I11ES  ET  RAPPORTS.  769 

auxquelles  elle  est  consacree,  en  publiant  le  precis  de  ses  tra- 
vaux  de  1824  a  1828.  Dans  un  volume  de  pres  de  3oo  pages 
in-8°,  nous  pareourons  un  grand  nombre  d'objels  d'agricul- 
ture,  d'horticulture,  d'histoire  naturelle,  de  medecine  et  d'arl 
veterinaire,  de  chimie,  de  physique,  de  mathematiques,  de 
beaux-arts,  d'archeologie,  d'histoire,  de  voyages,  outre  quel- 
ques  discoui's  et  quelques  poesies,  [/agriculture  doit  flcurir 
dans  le  pays  qu'babite  M.  Mailiieu.de  Domballe.  Le  docteur 
Louis  Valentin,  que  les  sciences  ont  perdu  ,  etait  un  medecin 
connu  en  Europe  et  en  Amerique.  M.  Lamouroux  aine  a  de  la 
reputation  parmi  les  geologues;  RJ.  Soyer  V'dlemet,  parmi  les 
botanistes;  M.  Braconnet,  parmi  les  cbimistes.  M.  PaulLau- 
r-ent  marche  avec  distinction  sur  les  traces  de  son  pere ,  l'un 
de  nos  meilleurs  peintres.  M.  tie  Hatdat,  secretaire  de  la  So- 
ciete  ,  possede  des  connaissances  aussi  profoadcs  que  variees  ; 
le  recueil  contient  plusieurs  de  ses  Memoires.  Nous  avons  lu 
avec  plaisir  ce  qu'il  a  ecrit  sur  I'origine  de  la  Societe  royale  de 
Nancy.  Stanislas,  cet  auguste  protecteur  des  lettres  ,  voulant 
rcpandre  des  recompenses  pour  faire  eclore  l'emulation,choi- 
sitdescenseurs  ;  ils  n'avaient  pas  une  mission  semblable  acelle 
qui,  de  nos  jours,  a  excite  de  si  justes  plaintes  en  France.  «  Ils 
devaient,  dit  1'orateur,  faire  connaitre,  chaque  annee,  par  des 
analyses  exactes  et  raisonnees,  les  inventions  et  les  ouvrages 
publics  par  les  auleurs  Lorrains ,  et  leur  donner  des  eloges 
publics ,  mesures  sur  I'utilite  de  leurs  productions.  Ainsi  les 
rapports  sur  1'etat  des  sciences,  justement  celel  res,  et  dont 
1'invention  est  attribute  a  notre  epoque ,  apparliennent  au 

philosopbe  bienfaisant Les  fonctions  de  censeurs  ou  juges 

des  prix  etaient  sans  doute  tres-honorables,  et  les  choix  du 
prince  offraient  toutes  les  garanlies  qu'il  etait  possible  d'at- 
tendre  ;  mais  un  tribunal  dont  les  arrets  peuvent  etre  casses 
par  le  public,  meconnus  par  les  justiciables,  qui  devait  etre 
naturellement  en  butte  a  tous  les  traits  de  l'amour-propre 
blesse ;  un  tribunal  enlin  qui  n'avait  d'autre  code  que  des  re- 
gies generates  sur  lesquelles  les  arbitres  en  cette  matiere  ne 
sont  pas  toujours  d'accord,  faisait  peser  sur  les  membres  qui 
le  composaient  une  responsabilite  tro[>  pcrilleuse.  La  liberte 
donnee  aux  auleurs  de  choisir  eux-nieaies  les  sujets  des  con- 
eours  exige-iit.  d'ailleurs  des  connaissances  si  nombreuses  et 
si  variees  qu'il  etait  extrememeat  difficile,  pour  ne  pas  dire 
impossible,  de  les  trouver  reunies  dans  un  si  petit  nombre  de 
juges;  et,  en  leur  accordant  le  droit  de  s'adjoindre  les  per- 
sonnes  les  plus  propres  a  les  eclairer  dans  les  malieres  sur  les- 
quelles ils  n'avaient  pas  le  savoir  indispensable,  c'etait  creer 
T.   XL VI.  Jt'IN  i83o.  49 


LITRES  KilANCWS. 
uiic  Academic,  a  laquelle  il  tie  inanquaiten  rcaliie  que  lo  nijtti 
el  mic  organisation  definitive,  qui  bicntot  lui  ful  donnee  par  le 
roi » 

Montesquieu,  attache  a  cette  Academic,  ecrivit  a  Stanislas  : 
«  Voire  Majestc  voit  que  je  ne  penis  aucune  des  occasions  qui 
peuvent  me  rapprocher  d'elle  :  (|uand  je  pensfl  a  ses  giandcs 
qualites,  mon  admiration  demande  toujours  de  moi  ce  que  le 
respect  doit  me  defendre.  » 

Fontenelle  s'explique  ainsi  :  «  Je  me  liens  aussi  honore  de 
la  grace  que  V.  M.  me  fait  que  si  l'empereur  Marc  Aurcle 
m'eCit  3dmis  dans  one  Academie  qu'il  eut  pris  soin  d'etablir 
el  de  former  lui-meme.  » 

o  Stanislas,  dit  M.  de  Haldat,  assistait  parfois  aux  seances 
particulieres,  et  toujours  aux  seances  publiques,  place  sur  un 
laiittuil  un  peu  plus  <  leve,  mais  a  la  meme  table  qui  rassem- 
blait  les  membres  de  son  Academic  II  encourageait  les  ora- 
leurs  par  sa  bonte  et  sa  noble  familiarite,  et  se  plaisait  surtout 
a  deposer  entre  les  mains  de  ses  sujets,  vainqueurs  dans  les 
combats  litteraires  qu'il  avait  etablis,  ics  dons  de  sa  munifi- 
cence inepuisable.  « 

Nous  avons  remarquc  de  beaux  vers  dans  le  poeme  de  la 
Deli  vrancede  Nancy,  et  dansplusieurs  conies  et  epilres.  M.  de 
Cauniont.  professeur  de  malhematiques,  qui  envoie,  chaque 
annee,  plusieurs  de  ses  eleves  a  l'fccole  Polytechnique,  a  in- 
sere  dans  ce  recueil  une  heureuse  imitation  de  I'anglais,  inli- 
liilee  :  la  Fil/e  U'Aubcrge;  et  un  conle,  le  Serin  ,  donl  nous 
citerons  le  commencement : 

Qu'il  serait  faible  l'homme  isole  sur  la  terre  ! 

Le  lierre  aux  longs  rameaux  a  rnoins  besoin  d'appui. 

Aussi,  des  sa  n.-.issance,  il  Irouve  pies  de  lui 

Kt  la  main  protectrice  et  le  cccnr  d'une  mere; 

L'amilie  le  recoit  au  sorlir  du  berceau, 

Part  age  les  plaisirs  de  son  adolescence, 

Le  sourieot  quand  les  ans  amer.ent  la  suufiYance, 

lie  guide,  et  devant  lui  fait  briller  le  flambeau 

Dont  la  douce  Incur  eclaiic  1'esperance, 

Qui  lui  sourit  encore  au  dela  du  tombeau. 

On  voit  qu'excepte  le  premier  vers,  dont  failure  est  un  peu 
genee,  le  style  de  M.  de  Caumont  offre  des  pensees  justes  el 
agreables,  qu'il  a  du  nombre  et  de  l'liarmonie.  L*. 

On nrag.es  periodiques. 

•i47-  — *  /-'  Caiholique,  Ouvrage  period  iqae  public  sous  la 


OUYilAGES   J'LUIGDIQUKS.  ;;i 

direction  da  M.  le  baron  cI'Eckstein.  T.  xvi  :  n"  48.  Paris, 
i85o;  iMesnier.  In-8"  dc  548  pages. 

Ce  cahierdu  Catholique  forme  un  gros  volume.  II  conticnt 
trois  traites  :  1'un  gur  le  Siva  Pourana;  le  second  sur  l' At  Li  - 
<[ue  primitive;  le  troisieme  sur  la  poesie  epique "du  moyen 
age.  La  declaration  suivante  nous  parait  meriter  d'etre  rap- 
portee  tout  entiere. 

«Jetermine  la  qualrieme  annee  du  Catholique ,  et  j'inter- 
ronips  une  communication  a  laquelle  j'aimais  a  melivrer.  Seul 
a  cette  enlreprise,  reduit  a  mes  propres  forces,  j'ai  souleve  tin 
poids  enorme,  et  je  l'ai  roule  avec  effort  an  haul  de  la  mon- 
tagne  :  qu'il  ne  m'arrive  pas  comme  a  Sisyphe,  etque  ce  poids 
iie  retoinbe  pas  inulilement  a  mes  pieds! 

»  Youe  dorenavaut  a  une  scule  etude  ,  je  comple  aborder  la 
philosophic  de  r/usioire  par  masses  d'ouvrages  detaches,  dont 
la  collection  formera  un  vaste  ensemble,  j'annonce  une  pre- 
miere paitie  qui  traitera  des  siecles  lurolques  chez  les  nations 
de  l'antiquite  el  du  moyen  age.  Le  premier  volume  aura  pour 
titre  :  De  la  Porsie  epique  chez  les  anciens  Germains,  et  des  Sie- 
cles lurolques  clans  leurs  rapports  avec  C histoire  de  {'Europe  mo- 
derne. 

»  Cet  ouvrage  se  composera  de  trois  volumes  environ,  et 
sera  precede  d'une  introduction  historique  a  la  eontiaissance 
des  peiifdes  Germains  qui  ont  constitue  les  prinoipaux  empi- 
res dc  l'Europe  moderne;  les  monumens  de  la  poesie  epique, 
et  ceux  des  lois  et  des  continues  des  peuples  du  Nord  y  seront 
largeinent  analyses. 

»  A  cette  introduction  succedera  l'analysc  historiqueet  my- 
tholoyique  des  elemens  de  cette  antique  poesie  nationale.  Tou- 
tes  les  modifications  qu'clle  a  subies,  du  vi'  au  xve  siecles,  y 
seront  niethodiqucment  exposces ;  puis  viendia  la  traduc- 
tion enlit  re  ou  abregee  des  chants  golhs  et  des  chants  francs 
conserves  dans  les  litteratures  scandinavc,  angio-saxonne , 
franque  et  laline  des  vn%  viu",  ixe  et  x°  siecles  :  je  donnerai 
successivementles  tables  epiquesdela  Filkina&aga  etlepoeme 
sur  Zotharis,  roi  des  Lombards,  dont  ['invention  premiere  re- 
monte  au  ne  siccle;  puis  viendront  les  Niebclungcn,  et  les  poe- 
mes  du  Litre  des  LJcros ,  analyses,  eonimentcs  et  traduits  pour 
la  plus  grande  partie  avec  cet  amour  de  l'art,  cet  enthou-iai-me 
de  l'histoire  de  la  poesie,  qui  font  le  fond  de  ma  conviction  lit— 
teraire. 

»  Un  second  ouvrage  est  egalement  tres-avance.  II  embras- 
sera  les  siecles  herolqnes  des  deux  principals  branches  des 
nations  celliques.  les  Gaulois  et  les  Bretons.  Quant  aux  habi- 


-:-z  LIVRES  FRANCAIS. 

tans  des  Gaulcs  proprement  dits,  ils  n'ont  pas  conserve  de  tra- 
ditions ni  de  litteralure  ;  mais  les  Irlandais  en  ont  one  des  plus 
riches  et  des  plus  remarquables ,  ahondante  en  poemes  epi- 
ques,  jusqu'ici  entitlement  ignores  on  meconnus;  ils  ont  ega- 
lemenl  des  lois  qui  remontent  a  l'ere  heroique  de  leur  liis- 
toire.  Pour  ce  qui  concerne  I'Ossian  ecossais,  c'est  un  pAIe 
reflet  de  la  poesie  irlandaise,  dout  il  ne  faut  pas  juger  par 
iMacpherson  ,  qui  l'a  amplifie  et  altere  dans  le  goflt  sentimen- 
tal de  son  epoque. 

»  Les  Bretons  n'ont  d'aulres  souvenirs  de  leur  ere  heroique 
que  la  poesie  chevaleresqoe ,  on  Artus  est  celebre  comme  chef 
de  la  Table  Ronde  ;  le  vieux  fond  breton  y  est  etrangement . 
mais  poetiquement  melamorphose.  Je  releverai  cette  poesie 
de  ses  mines;  et  la  double  etude  de  l'age  heroique  chez  les 
Germains  et  chez  les  Celtes  formera  la  meilleure  introduction 
a  la  connaissance  de  repoqueheroico-cbevaleresque  du  moyen 
age,  epoque  a  laquelle  je  consacrerai  un  ouvrage  a  part. 

»  Que  mes  abonnes  ,  et  tons  mes  lecleurs  franeais  et  etran- 
gers,  a  quelque  opinion  qu'ils  appartiennent,  recoivent  ici  le 
tribut  de  ma  reconnaissance.  Homme,  j'ai  parle  aux  hom- 
mes,  j'ai  cheri  la  tolerance,  la  liberte,  rhonneur  en  politi- 
que, comme  je  cheris  l'ordre,  la  religion,  la  legilimite.  Plus 
d  un  de  mes  abonnes  m'a  prouve  que  je  n'avais  pas  toujours 
parle  dans  le  desert,  eh  commencant  avec  moi  une  coires- 
pondance  que  je  regrette  de  n'avoir  pu  toujours  poursuivre, 
a  cause  de  la  multiplicite  de  mes  travaux  :  plus  d'un  de  mes 
lecteurs  m'a  laisse  la  douce  esperance  d'avoir  rencontre  une 
fune  bienveillante.  Qu'ils  daignent  m'accordcr  leur  attention 
et  leurs  suffrages  dans  la  nouvelle  carriere  que  je  vais  par- 
courir. 

»Les  ouvrages  que  j'ai  annonces  paraitront  en  partie  dans 
le  cours  de  cette  annee  ;  en  partie,  dans  celui  de  1'annee  pro- 
chaine.  Je  prie  ceuxqui  voudront  s'y  abonner  de  m'adresser 
leurs  leltres  a  mon  domicile  a  Paris,  rue  de  la  ferme  des  Ma- 
ihurins ,  n°  25. 

Enron  d'Eckstein. 


IV.   NOUVELLES  SC1ENT1FIQUES 
ET   L1TTERAIRES. 

AMERIQUE  SEPTENTRIONALE. 

6TATS-UNIS. 


Troisiime  Rapport  annuel  du  President  et  des  Directeurs 
de  la  Compagnie  du  Cliemin  de  fer  de  Baltimore  d  /'Ohio. — 
La  route  adoptee  s'etend  de  Baltimore  au  moulin  d'EIlicot, 
sur  le  Patapsco,  et  le  long  de  cette  riviere  jusqu'a  la  jonction 
de  ses  deux  grands  affluens,  septentrional  et  occidental,  et  le 
long  de  ce  dernier  jusqu'a  un  cliemin  de  montagnes  nomine 
Pan,  et  lelong  de  la  riviere  Bush,  affluent  du  Mouocasy,  jus- 
qu'a son  embouchure  dans  ce  dernier,  et  de  la  a  l'endroit 
nomme  Pointe  des  Rochers,  sur  le  Potomac.  —  La  distance 
de  Baltimore  a  cette  pointe  de  rochers  est  de  104  milles,  mais 
les  detours  la  portent  a  129.  La  hauteur  moyenne  des  eleva- 
tions, entre  ces  deux  pointes,  est  de  886  pieds. 

Dans  le  cours  d'une  annce,  la  route  a  ete  confectionnee  sur 
un  espace  de  2 5  milles  avec  la  plus  grande  solidile,  et  dispo- 
ser e  n  tier  erne  nt  pour  recevoir  les  rainures.  La  maconnerie 
solide,  tant  a  Tinterieur  qu'a  Texterieur  de  Baltimore,  est 
de  56,ooo  perches  (de  16  [  pieds)  ,  en  passant  par  la  vallee  de 
la  chute  de  Gwynn  ,  pour  ariiver  au  Patapsco.  La  plus  grande 
excavation  est  de  79  pieds  entre  Baltimore  et  la  vallee  de  Pa- 
tapsco ,  distance  de  sept  milles;  les  excavations  torment  un 
total  de  655,568  yards  cubes  (le  yard  est  de  5  pieds)  ;  lachaus- 
see,  dans  la  meme  distance,  est  de  628,629  yards  cubes;  to- 
tal, 1 ,284,197  yards  cubes. 

Tons  les  ponts  sont  en  pierre  ;  celui  de  la  chule  de  Gwynn 
a  3oo  pieds  de  long,  en  y  comprenant  les  culees  avee  une 
seule  arche  de  80  pieds  d'ouverture  ct  de  58  pieds  d'eleva- 
tion  jusqu'au  parapet.  Le  pont  sur  le  Patapsco  a  5?5  pieds  de 
long,  46  de  hauteur,  et  4  arches,  dont  deux  de  5o  pieds  d'ou- 


77:\  ETATS-l'MS. 

verture,  ci  deux  do  20.  11  y  a  beaucoup  d'autres  ponts  de  10 
a  25  pieds,  tons  construits  tic  la  meme  maniere  ,  en  macon- 
nerie  tres-solide. 

Dans  beaucoup  d'cndroits,  le  long  de  la  vallee  dn  Patapsco, 
le  chemin  a  etc  pratique  au  iravers  de  couches  tres-etenducs 
de  granit  on  de  pierres  caleaircs,  et  an  rocher  du  Buzzard,  ii 
a  ete  creuse  dans  one  masse  de  roche  solide  qui  s'eleve  a 
58  pieds  an-dessus  du  sol. 

On  avait  estime  !es  frais  do  construction  du  chemin  de  Bal- 
timore a  l'Oliio  a  20,000  dollars  par  mille  ,  et  Ton  croit  qu'ils 
n'excederont  point  cette  somme ;  mais  Its  frais  de  la  paftie 
deja  achevee  out  dcpasse  de  beaucoup  la  premiere  estima- 
tion, ce  qui  provient  :  1"  des  frais  oceasiones  par  la  difficulty 
du  transport  des  pierres  necessaires  a  la  construction  des 
ponts  etdes  culees;  20  de  I'augmentalion  du  prix  des  journees 
apres  ['estimation  ;  5"  de  la  rencontre  de  couches  ctendues  de 
pierres  dures  et  d'argiles  compacles,  la  on  la  surface  du  ter- 
rain n'en  avait  doune  aucun  indice;  4°  de  la  substitution  de 
ponts  en  pierre  aux  ponts  de  bois  sur  les  ruisseaux  et  sur  les 
chaussees  qui  traversent  les  vallees. 

Les  frais  de  ce  chemin  ,  depuis  Baltimore  jusqu'a  la  jonc- 
tion  de  deux  aflluens  da  Polapsco,  surpassent  de  beaucoup 
ceux  de  l\\  milles  qui  restent  a  executer  jusqu'a  la  pointe  du 
rocher;  et,  lorsque  Pouvrage  sera  (ermine  jusqu'a  ce  lieu  ,  on- 
estime  que  Ton  en  aura  fait  la  moitie  jusqu'a  la  vallee  du  Po- 
tomac, et  cette  partie  pent  elre  achevee  avanl  la  fin  de  Pan- 
nee  1800.  Ensuite,  on  enpourra  aisement  construire  5o  milles 
par  an.  (Ce  chemin  aura  3oo  milles  de  longueur.) 

Entre  Baltimore  et  le  Potomac  (distance  de  60  milles),  ;i 
l'exception  d'une  petite  elevation  entre  ce  fleuve  et  le  Mono- 
cacey,  il  n'y  a  qu'une  collinc  oil  l'on  a  trouve  un  passage  si 
facile  qu'elle  ne  donne  lieu  qu'a  une  legere  augmentation  de 
frais. 

De  la  Pointe  des  Rochers,  en  suivant  la  vallee  du  Potomac, 
on  peut  le  prolonger  jusqu'a  une  distance  de  180  milles  aux 
mines  de  charbon  de  lerre  du  comle  d'Alleghany,  et  dans  ce 
parcours  il  ne  sera  besoin  que  d'un  appui  inebranlable.  On  ne 
connait  aucun  exemple  semblable,  ni  dansl'Amerique  ni  dans 
aucune  contree  de  l'Europe. 

Ann  de  reconnaitie  la  maniere  la  plus  economique  de  con- 
struire les  routes  en  fer,  et  de  constater  leurs  avantages,  les 
direcleurs  de  la  Compagnie  de  Baltimore  avaient  cnvoye  une 
commission  d'ingenicurs,  dans  l'automne  de  1828,  pour  exa- 
miner les  chemins  de  fer  de  la  Grande-Bretagne.  Elle  se  com- 


ETATS-UNIS.  —  AS1E  et  AFRIQUE.  ~r> 

posait  de  M.  Jonathan  Knight,  ingenieur  civil,  ducapitaine "Wil- 
liam GiObs-Mac-Neil,  ingenieur  topograph©,  et  du  lieutenant 
George  Whistler ,  qui  ont  parcouru  tous  les  cheniins  un  pcu 
importans  du  royaume-uni,  et  qui  ont  recu  des  ingenieurs 
britanniques  tous  les  renseigncmens  qu'ils  pouvaienl  desirer. 
Ces  commissaires ,  a  leur  retour  a  Baltimore,  ont  fait  cou- 
naitre  a  la  Compagnie,  clans  un  Memoire  elendu,  tous  les 
avantages  des  chemins  de  fer,  qu'ils  re  garde  nt  comme  un 
moyen  prompt,  certain  et  economique  pour  tous  les  trans- 
ports. 

La  Compagnie  termine  son  rapport  en  disant  que  ce  che- 
niiu  de  fer  donnera  a  la  ville  de  Baltimore  un  commerce  tres- 
etendu  avec  les  vallees  fertiles  arrosees  par  le  Polomac  et  ses 
affluens;  que  les  actionnaires  ont  effeclue  les  cinq  premiers 
versemens  de  funds  montant  a  \i\  pour  100  du  capital;  el 
que  sur  les  deux  versemens  suivans,  dus  au  1"  de  decembre 
et  de  Janvier  derniers,  ils  ont  avance  au  12  oclobre  la  somme 
de  5i,23o  dollars. 

La  Compagnie  a  annexe  a  ce  rapport :  i°  une  carte  du  pays, 
qui  renferme  les  trois  routes  arpentees  par  son  ordre;  1*  le 
nivellement  de  deux  principales  routes  tracees  par  Je  lieute- 
nant J.  Barney,  de  1'armee  des  Etats-Unis.  Warden. 

Societ/i  Biblique.  —  Dans  le  cours  de  1829,  cette  Socictc 
a  fait  imprimer  >72,ooo  exemplaires  de  la  Bible  en  langue 
Chacta,  autant  dans  celle  des  Senecas,  et  1 75,000  en  Cherokois. 
Le  Phenix,  journal  national  de  ce  dernier  peuple,  dont  nous 
avons  deja  eu  occasion  de  parler,  et  qui  a  pour  editeurun  na- 
turcl,  in  venteur  des  premiers  earacteres  ecrits  piopres  a  ren- 
die  les  sons  de  sa  langue  natale,  annonce  qu'une  Societe  de 
la  Temperance  vient  de  se  former  a  la  Nouvellc-Echota,  ca- 
pitate des  Cherokois. 

ASIE  et  AFRIQUE. 

Notice  historique,  chronologique  et  genealogique  des  princi- 
paux  Souverains  de  i'Asie  et  de  I' Afrique  septentrionate,  pour 
I'annee  i87)o. — N.  B.  Ce  morceau,  emprunte  au  Journal  asia- 
iique  de  Paris  par  le  National ,  journal  publie  a  Bruxelles,  qui 
y  aajoute  quelques  notes  explicatives  et  supplementaires,  nous 
a  paru  devoir  interesser  nos  lecteurs,  auxquels  nous  avons 
dejadonne  le  tableau  complet  des  souverains  des  divers  Ktats 
de  I'Eucope.  (Voy    !>  v   Enc  .  '■■  \im.  p.  ;4r0 


::C>  ASM  et  AFJUQUE. 

Empire  ottoman. 

Cette  monarchic  oomprcnd  la  Turquie  d' Europe  (dont  font 
partie  la  Motdavie,  la  Valackie,  la  Bulgdrie,  \i\Se?-vie  et  la  Z?oa-- 
nie),  YAsic-Mineure,  Ies  iles  de  Candie  ct  de  Cliypre,  une 
grande  partie  de  l'Armcnie,  1c  Kurdistan,  Plrack-Arabie,  la 
Mesopotamie,  l'Ansyrie ,  la  Syrie,  la  Palestine  ,  I'Egypte  et 
nne  grande  partie  de  la  Nubie  ;  nous  en  exceptons  le  nouvel 
Etat  grec.  La  surface  de  tons  ces  pays  est  d'environ  i,oG4,ooo 
milles carres, et  leur  population  peutetre  estimee  a  25, 000,000 
d'ames. 

Sultan  Mahmoud  II,  fils  du  sultan  Abd'oulhamid,  ne  le  20 
juillet  1785,  et  proclame  a  la  place  de  son  frere  Moustafa  IV, 
detrdne  le  28  juillet  1808. 

Egypte  :  Mohammed- A li,  ne  a  Cavala  en  Romelie,  en  1769 
(1 182  de  l'hegire),  (lis  de  Ibrahim  Agha  ;  proclame  pacha  le 
14  mai  i8o5  a  la  place  de  Khorschid-paclia  ;  confirm*  par  le 
sultan  Selim  III,  le  1"  avril  1806. 

Bagdad  :  Daoud-pacha. 

Moldavie:  JcanStourdza,  boyardmoldave,  nomine  hospodar 
le  16  juillet  1822,  et  proclame  a  Yassy  le  it  du  meme  mois. 

Valachie  :  Grcgoire  Gliika,  nomine  hospodar  le  16  juillet 
1822  et  inaugure  par  le  pacha  de  Silistrie,  le  21  septembre 
1822. 

Vassaux  de  I' Empire  ottoman. 

Tripoli  :  Sidi  Yousouf,  Karauianli ,  pacha,  succede  en  mai 
1795  a  son  pere  Ali,  fils  de  Mohammed.  On  estime  le  nom- 
bre  de  ses  sujets  a  deux  millions. 

Tunis  : Sidi  Hanan,  bey,  succeda  a  Homouda-  bey,  le  23 
mars  1824*  Ses  Etals  ont  environ  2,800,000  habitans. 

Alger  :  Houssain,  fils  d'Hasan,  ancien  ministre  de  l'lnte- 
rieur,  succede,  lei  "mars  1818,  au  deyAli,  mort  de  la  peste. 
II  est  age  d'environ  54  ans.  On  compte  deux  millions  et  demi 
d'habitans  dans  ses  Etats. 

Lescherifde  la  Mecque  :  Ya/ua,  fils  de  Sourour,  remplace, 
le  2  novembre  i8i3,  son  oncle,Ie  scherif  Ghateb,  depose  par 
le  pacha  d'Egypte  Mohammed  Ali ,  et  mort  a  Salonique  en 
18. 8. 

Iman  de  CHyemen  :  N succede  en  i8i5  a  Tamy,  chef 

de  la  tribu  d'Asir,  fait  prisonnier  par  l'Arabe  Hasan,  fils  de 
Khaled,  ailliedu  pacha  Mohammed  Ali ,  et  mis  a  mort  a  Cons- 
tantinople en  1819.  L'iman  de  1'Hyemen  reside  a  Sanaa. 


ASIE  et  AFR1QUE.  ;h? 

Roi  de  Sennaar  :  Bady  VII ,  fils  de  Tab),  29*  roi  de  la  race 
des  Foundjis,  tribu  partie  de  Finterieur  de  I'Afrique,  et  qui 
vint  s'elablir  a  Sennaar  vers  la  fin  du  xvc  siecle.En  juin  1821, 
Ismail,  fils  du  pacha  d'Egypte,  le  contraint  de  reconnailre  la 
suprematie  du  sultan  Mahmoud. 

Empire  ds  Maroc. 

Dans  le  nord-ouest  de  I'Afrique,  sa  surface  est  de  100,000 
milles  carres,  et  le  nombre  de  ses  habitans  est  estime  a 
4,5oo,ooo. 

Mouley- A  bh-Errahman,  sultan,  fils  aine  de  Mouley  Hes- 
cham,  fils  de  Sidi  Mohammed,  succede  a  son  oncle  Mouley 
Souleinam  le  28  novembre  1822. 

Royaume  d'Abyssinie. 

11  a  vine  etendue  de  i5o,ooo  milles  carres,  avec  i,5oo,ooo 
habitans. 

Ista  Guarlou,  successeur  d'Ayto  Egwala  Siou,  de  la  dynas- 
tie  de  Salomon,  qui  regne  sans  interruption  depuis  i2(>8, 
reside  a  Goudar;  il  jouit  de  beaucoup  de  consideration,  mais 
n'a  aucun  pouvoir  et  ne  possede  en  revenus  que  ce  que  les 
gouverneurs  independans  des  provinces  vculent  bien  lui  ac- 
corder.  Ces  gouverneurs  sont  :  Selassy ,  le  plus  puissant  de 
tous,  successeur  de  "Wassen  Segued,  chef  ou  Murd-Asimadd 
de  Sehon  et  d'Efat,  qui  a  pris  le  title  de  roi;  Scliam  Ternben 
Guebr  Michael,  chef  de  Tigre,  successeur  de  Ras  ^Veiled  Se- 
lassy; Gukho ,  successeur  de  Fasil,  chef  d'Amhara  (Gojam)  ; 

N ,  fils  et  successeur  de  Helle  Mariam,  gouverneur  de 

Samen,  plateau  de  l'Abyssinie. 

Les  Galla  ont  depuis  long- terns  envahi  la  partie  meridio- 
nale  du  pays;  la  tribu  la  plus  puissante  est  celle  des  Edehow, 
commandee  par  Liban  et  par  Godji. 

linan  de  Mascate. 

Les  Etats  de  ce  prince  sont  situcs  dans  la  partie  orientale  de 
FArabie,  et  comprennent  la  contree  qu'on  appelle  ordinaire- 
ment  le  royaume  d'Oman.  Ses  possessions  ont  une  etendue 
d'environ  5oo  mille  anglais  le  long  de  la  cote  ;  la  capitale  est 
Mascate.  Le  nombre  des  habitans  ne  s'eleve  vraiseniblanle- 
ment  pas  i\  plus  d'un  million;  le  revenu  annuel  de  l'lman  est 
d'environ  2,5oo,ooo  fr.  Seid-  Said  succeda  a  son  pere  Sei'd , 
sultan,  vers  Fan  1804;  il  est  le  troisieme  descendant  d'Ahmed, 
fils  de  Said,  fondateur  de  cette  puissance. 


y;8  AS1E  et  AFRIQUE. 

Perse. 

55o,ooo  milles  carrcs,  9,000,000  d'habitans,  et  un  revcnu 
de  80,000,000  de  francs. 

Fctli-dli-Schalt,  de  la  tribu  turque  des  Kadjars,  nomine 
Baba-RhaD  avant  son  avenement  au  trone  ;  fib  d'Houssaien- 
Rouly-Khan;  he  en  17O8,  succinic  en  1796  a  son  oncle  Agha- 
Mohammed-Khan ,  fondateur  de  la  dynastic.  Abbas- Mir: a  , 
heriticr  presomptifde  la  couronne,  est  ne  en  178a. 

Afghanistan. 

Entre  la  Perse  et  l'lnde ;  172,000  niillcs  caries,  6,5oo,ooo 
habitans,  et  45, 000, 000  fr.  dc  revenu. 

La  couronne  est  hereditaire  dans  la  branche  de  la  famille 
des  Saddouzi,  qui  descend  d'Ahmed-Schah-Abdalli  :  le  litre 
royal  est  Schahi-devri-de-vran.  Le  monarquc  Ghasnevide 
Sebecteghin  soumit  le  pays  611997;  Babour  conquit  Gliazna 
et  Caboul  en  i5o6;  les  Afghans  conqnirent  la  Perse  en  177.0, 
et  furent  soumis  en  1737.  Ahmed -Schab-Abdalli  fut  cou- 
ronne a  Candaharen  1747-  Son  fils  Timour-Schahregna  dcpuis 
1770-1793;  Zeman-Schah  jusqu'eni8oo,  oii  il  fut  depose  par 
son  frere  JMahmoud  qui,  trois  annees  apres,  fut  ehasse  parson 
frere  Schoudjah,  qui  fut  expulse  a  son  tour  par  Mahmoud 
en  1809.  Durant  ces  desordres  IUindjet-Singh,  le  souverain 
dc  Labor,  conquit  Cachemir  et  Peschawer,  011  le  filsdc  Yar- 
Mohammed  Khan,  le  troisieme  frere,  regna  sous  sa  tutelle  : 
en  1826,  Mahmoud  partit  de  Candahar,  et  reunit  ses  troupes 
a  ceilcs  de  Feth-Ali-Schah,  tandis  que  Schoudjah  etait  fugitif 
dans  l'lnde  anglaise  ;  les  emirs  duSinde  se  sonl  emparcs  d'unc 
partie  du  pays. 

Bcloutcldsian. 

Au  sud  du  pays  des  Afghans,  avec  environ  3, 000,000  d'ha- 
bitans. 

Mahmoud-Klian ,  age  d'environ  /J7  ans  ,  succede  a  son  pere 
Nasir-Khan,  en  1795  ;  ce  dernier  avait  soumis  le  Mekran  vers 
la  fin  de  son  regnc ;  son  fils  l'abandonna  en  1809. 

Balk. 

Conquis  en  1826  par  Mir  Mourad-bey ,  qui  en  chassa  Ned- 
jib -Oullabkan,  gouverneui  pour  le  mi  dc  Caboul. 


ASIK  Ei  AFRIQUE.  —  EUROPE.  ::;, 

Bokhara. 

173,000  milles  canes,  2, 5oo, 000  habitans,  12,000,000  IV. 
de  revenu. 

Grand  K/ian  de  Bokhara  et  de  Samarkand  :  Batkar -Khan 
succede  a  son  pere  Mir-Halder-Khan  en  i8'iG.  Le  regne  in- 
termediate de  son  frere  Mir-Houssaln  ne  fut  que  de  quatre 
uiois.  Gonverneur  de  Hisard  :  Seid-Atalik-bey,  beau-pere  de 
Mir-Halder. 

KJwland. 

Comprenant  le  pays  arrose  par  la  partie  superieure  dn  Syr- 
Dari  ou  Sihoum. 

Emir-Khan,  prince  de  Farghanah  et  de  Kholand. 

Badakhschan. 

Comprenant  le  pays  arrose  par  la  partie  superieure  de 
Amou-Daria  ou  Oxus. 

Mirza-Abd' out  Ghafoul,  fils  de  Mohammed-Schah,  reside  a 
Faizabad,  ville  differente  de  Babakschan,  et  placee  au  sud  de 
celle-ci. 

Kharism. 

Sur  l'Oxus  inferieur,  avec  35o,ooo  habitans,  en  partie  110- 
mades. 

Bahman-Kouli-Khan succede  a  son  pere  Mobnmmed-Rahim- 
Khan  en  1826.  Le  titre  de  ces  princes,  d'origine  Ouzbeke,  est 
Taksir-Kban  ;  its  resident  a  Kbiva.  - 

EUROPE. 

GRANDE-BRETAGNE. 

Londres.  —  Etablissemcnt  d'une  Socicte  gcographique.  — 
Une  assemblee  nombreuse  a  eu  lieu  a  Londres,  lundi  24  mai 
dernier,  dans  la  maison  dite  T 'hate lied- House,  sous  la  presi- 
derice  de  M.  John  Barrow.  II  a  ete  expose  que,  parmi  les 
nombreuses  societes  litieraires  et  scicntifiques  etablies  dans 
la  Metropole  brilannique,  il  en  manquait  encore  une,  pour 
completer  le  cercle  des  institutions  scientifiques ,  dont  le 
seul  objet  serait  la  propagation  et  l'avanccment  d'une  des 
branches  les  plus  iinporlanles  et  les  plus  utiles  des  connais- 
sances,  la  Gt'ogrcplue ;  —  que  Ton  pourrait  en  consequence 


780  EUROPE. 

former  une  nouvelle  societe  sous  lc  titre  de  Socicte  gcogra- 
phiquc  de  Londrcs  ;  —  que  l'intcret  qu'excitc  cette  science 
est  universeUement  senti  ;  que  scs  avantages  sont  de  la  plus 
haute  importance  pour  lc  genre  humain  en  general ,  et  sur-r 
tout  pour  le  bien  d'une  nation  maritime  comme  la  Grande- 
Brelagne,  a  cause  de  ses  possessions  etrangeres  si  nombreuses 
et  si  ctendues  ;  — que,  bien  qu'il  eviste  une  grande  quantite  de 
docuraens  geograpbiques,  cependant  ils  sont  tellement  disper- 
ses dans  de  grands  livres  pen  accessibles,  ou  dans  les  bureaux 
du  gouvernemenl,  ou  dans  la  possession  des  particuliers, 
qu'ils  sont  presque  sans  fruit  pour  le  public. 

L'objet  d'une  telle  Socicte  serait  :  i°De  reunir,  enregistrer, 
choisir  et  imprimer,  pour  ['usage  des  uiembres  et  le  public  en 
general,  sous  une  forme  economique  et  periodiquement ,  les 
observations  et  les  decouvertes  nouvelles  interessantes  et 
utiles  que  la  Societe  aurait  ou  pourrait  avoir  en  sa  possession; 
—  i"  De  former  graduellement  une  bibliotheque  des  meil- 
leurs  ouvra^es  de  geographic,  un  cboix  des  meilleurs  voya- 
ges, une  collection  complete  de  cartes,  depuis  les  terns  les  plus 
anciens  jusqu'aux  productions  perfectionnees  des  terns  mo- 
derucs;  aussi-bien  que  les  documens  et  materiaux  propres  a 
dinger  les  personnes  qui  se  proposent  de  visiter  les  contrees 
etrangeres,  attendu  qu'il  est  de  la  plus  grande  utililc  pour  un 
voyageur,  avant  de  commencer  son  cntreprise,  d'etre  infor- 
me  de  ce  qui  a  ete  deja  fait  et  de  ce  qui  manque  encore  a  la 
science ; — 5°  De  procurer  les  modeles,  les  instrumens  que  l'ex- 
perience  a  failcounaitre  pour  les  plus  utiles  etles  mieux  adap- 
tes  aux  besoins  d'un  voyageur,  afiri  qu'il  puisse  se  familiarises 
d'avance  avec  l'usage  de  ces  instrumens  ;  • —  4°  De  preparer 
des  instructions  succinctes  pour  les  voyageurs  en  designant 
les  parties  qu'il  est  le  plus  desirable  de  faire  visiter,  les  moyens 
les  plus  surs  et  les  plus  praticables,  les  recherches  les  plus 
essentielles(  a  faire,  les  phenomenes  qu'il  faut  observer,  les 
objels  d'histoire  naturelle  les  plus  interessaus  a  recueillir,  et 
enfin  pour  oblcnir  toutes  les  informations  tendantes  a  l'ex- 
tension  de  nos  connaissances  geograpbiques.  Et  Ton  doit  es- 
perer  que  les  fonds  de  la  Societe  lui  permettronl  d'accorder 
des  secours  pecuniaires  aux  voyageurs  qui  auront  besoin  de 
cette  assistance  pour  faciliter  raccomplisseinent  de  quelque 
objet  de  recherches  particulieres  ;  —  5"  De  correspondre  avec 
les  socictes  semblables  qui  pourraient  etre  etablies  dans  les 
differenles  parties  du  monde,  avec  les  elrangers  occupes  de 
recherches  geograpbiques,  et  avec  les  nationaux  plus  instruits 
etablis  dans  les  contrees  reculees  de  l'empire  britannique;  — 


GRANDE-BHKTAGNE.  781 

6°  D'ouvrir  des  communications  avec  les  societes  philosophi- 
ques  et  b'tterairesen  rapport  avecl'objet  lie  la  geographie,  etc.; 
— 7"  Afin  d'engager  lespersonncs  eminentes  dans  chaque  bran- 
ehe  des  sciences,  de  la  litterature  et  des  arts,  et  en  particulier 
ceux  qui  ont  voyage  par  terre  et  par  mer  et  tous  ceux  qui  sunt 
verses  dans  les  connaissaiues  geographiqties  a  devenir  des 
coopcrateurs  utiles;  —  8"  II  a  etc  observe  que  la  ootisation  an- 
nuelle  et  le  prix  de  l'admission  devraient  etre  a  un  taux  assez 
modere,  relativement  an  nombre  des  souscripteurs,  pour  que 
la  Societe  tut  en  etal  d'accomplir  l'objet  important  de  son 
institution. 

L'assemhlee  a  procede  ensuite  a  la  formation  du  comite 
provisoire  charge  d'etablir  quelques  principes  propres  a  ser- 
vir  de  base  a  l'inslitution.  Les  membres  de  ce  comite  sont  : 
MM.  Elphinstone,  le  lieutenant-general  Brisbane,  sir  Arthur 
de  Capell  Brooke,  John  Ilobhouse,  R.  "W.  Hay,  colonel  Leake, 
I\.  Brown,  capitaine  Beaufort,  capitaine  Basil  Hall,  major 
Keppel,  Henry  IVard,  lieutenant-colonel  Colby,  Thomas  Mur- 
doch, commandeur  Mangles,  Murcluson,  capitaine  Franklin, 
capitaine  Smyth,  John  Barrow,  Georges  Greenough,  comman- 
deur  M'Konockie. 

Le  comite  s'etant  assemble  le  26  mai,  les  resolutions  sui- 
vanles  ont  ete  adoptees  : 

1°  La  Societe  sera  appelee  Societe  geographique  de  Lon- 
dres.  —  2°  Le  nombre  des  membres  ordinaires  ne  sera  pas 
limite ,  mais  le  nombre  des  membres  bonoraires  et  rangers 
sera  fixe  ulterieurement.  ■ —  5°  Aussitot  que  le  nombre  des 
souscripteurs  sera  parvenu  a  3oo  une  assemblee  generate 
sera  convoquee  pour  nommer  un  president,  deux  vice-pre- 
sidens,  un  tresorier,  des  secretaires  et  un  conseil.  charges 
de  dinger  les  affaires  de  la  Societe,  et  pour  approuver,  mo- 
difier et  changer,  s'il  est  necessaire,  les  reglemens  autant 
qu'il  sera  juge  convenable  pour  la  prosperite  de  l'etablisse- 
ment.  —  4°  L'election  des  membres  du  conseil  et  des  ofli- 
ciers  de  la  Societe  sera  annuelle.  —  5°  L'office  de  president 
ne  pourra  pas  etre  occupe  par  la  meme  personne  pendant 
plus  dc  deux  annees  consecutives ;  mais  elle  sera  reeligible 
apres  une  annee  d'intervalle.  • — 6°  Les  deux  vice-presidens 
seront  sujets  au  meme  reglement  que  le  president,  mais 
le  tresorier  et  les  secretaires  seront  reeligibles.  —  70  les 
officiers  ci-dessns  mentionnes,  joints  a  quinze  autres  mem- 
bres, formeront  le  conseil,  et  cinq  de  ces  quinze  membres 
sortiront  annucllement  a  1'epoque  de  l'election  generate  des 
officiers.    —  8"   Le    prix  d'admission  des  membres  sera  de 


ySi  EUROPE. 

5  liv.  stert.,  et  la  souscripiion  annuelle  de  a  Iiv.  slerl.  :  les 
ileux  sonuncs  pourront  etre  compensees  par  le  paiemoiit  une 
tins  fail  ilc  ao  lines  sterling.  —  if  Desdites  sommes  seroftt 
I'lacees  dads  lcs  foods  publics  pour  etre  employees  ensuite  de 
In  manure  que  la  Societe  ordonnera.  —  io°  Lcs  foods  et 
les  proprietes  de  la  Societe  scront  geri'-s  sons  les  noms  de 
trois  gardiens.  —  1 1"  Ces  Irois  gardiens  seront  membres  sur- 
luiincraircs  du  cooseil.  • —  12"  Aussitot  que  5oo  membres 
seronj  inscrits  sur  la  lisle,  une  seeonde  asscmblee  general* 
sera  convoquee  pour  adopter  les  reglemens  ullcrieurs  qui  pa- 
raitrontles  plus  avantageux  pour  la  conduite  de  la  Societe. 
—  ion  Le  cooimandeur  M'Konoebie  est  nomme  secretaire 
provisoire  de  la  Societe. 

Signe  Arthur  de  Capell  Brooke,  president. 
Suit  une  liste  de  124  membres  de  la  Societe  geograpbique 
do  Londrcs,  parmi  lesquels  on  distingue,  indepeudamment 
des  20  membres  ci-dessus  designes,  le  capitaine  Beechey, 
Terrick  Hamilton,  W.  Richard  Hamilton,  Alex.  Mackenzie, 
IV '.  Marsden,  lord  Melville,  le  lieutenant-general  sir  Georges 
Murray,  le  capitaine  Parry,  sir  Rohert  Peel,  lord  Prudlwe,  le 
reverend  Georges  Renouard,  le  doctbiir  Richardson,  sir  Georges 
Staunton,  le  due  de  Wellington,  le  due  de  Bedford,  le  lieute- 
li.int  Dawson,  le  lieutenant-general  Donkin,  le  lieutenant-co- 
lonel Carlo  Doyle,  etc.,  etc.  J.  * 

IIUSSIE. 

Publicatioade  romans  hisloriqu.es. — Le  snecesd' Ivaii-Fijiglune 
(voy.  Rev.  Enc.  ,t.  xnv,  p.  i36  ett.  xjlv,  p.  Zj2(>)  scmble  avoir 
cveilleen  Rtissie  une  grande  emulation  pour  ce  genre  de  com- 
position ;  mais,au  lieu  du  roman  de  mceurs,  e'estau  roman  bis- 
torique  que  Ton  semble  vouloir  s'attacher  maintenant  de  pre- 
ference. Chaque  nation  vent  avoir  aujourd'hui  son  Walter 
Scott,  et  e'est a  qui  dotera  son  pays  d'une  globe  qui,  nous  le crai- 
gnons  bieo,  ne  s'acquiert  pas  par  imitation.  Deja  l'auteur  de 
l'ouvrage  que  nous  venous  de  rappeler  a  fait  son  roman  bis- 
torique;  il  est  intitule,  dit-on,  le  faux  Dmitri,  et  a  pour  sujet 
cette  epoque  si  feconde  de  l'bistoire  de  Russie  011  l'anarcliie 
qui  s'ctait  inlrodnite  dans  ce  nialbeureux  pays  donna  lieu  a 
tant  de  desOrdres  ,  et  fut  si  fatale  aux  mceurs  et  aux  institu- 
tions. On  sait  que  ce  ne  sont  ni  les  gens  rcrtueux,  ni  lcs  terns 
de  calme  et  de  paix  qui  profitent  le  mieux  au  poete  011  au  pein- 
tre  de  mceurs  ;  [VI.  Boulgaiune  scmble  done  avoir  bien  cboisi  la 
sJetiue.  Deja  ce  roman  se  traduit  sous  ses  veux  a  Saint-  Pe- 


RUSSIE.  —  POLOGNE.  ;8.1 

tersbourg,  el  toul  fait  esperei;  que  nous  jouirons  bicntol  d'une 
bonne  traduction  francaise,  clue  cetle  fois,  non  pas  a  M.  Ferry 
de  Pigny,  mais  aim  nouvcau  traducteur,  81.  Fleury.  On  assure 
rnfime  q'uJil  pourrait  bien  paraitre  a  la  fois  deux  ou  trois  tra- 
ductions du  faux  Dmitri ;  les  lecleurs  n'auro'nt  que  1'euibarras 
dn  eboix. 

Un  autre  roman  historique,  en  3  volumes,  a  paru  aussi  rc- 
cemment  a  Moscou ;  il  a  pour  litre  :  Youri  (George)  Milos- 
lavsky,  ou  les  Russesen  1612;  et  son  auteur,  M.  Zagoskine.  est 
no  poete  comique  cslinie,  qui  vient,  assure-t-on,  dc  eueilli:'  de 
nouvelles  palmes  en  celte  circonstance.  II  avait  ete  propose 
a  l'auteur  de  cet  article  d'en  (aire  une  traduction  francaise 
pour  la  collection  de  M.  Cb.  Gosselin  :  raais  il  n'avait  pas  en- 
core pris  connaissance  de  l'ouvrage  que  deja  il  etait  devauco 
par une  dame,  qui  vint  peu  de  jours  aprcs  lui  confier  son  ma- 
nuscrit ,  et  lui  demander  quelques  conseils.  La  position  do 

.Jl™  Sophie  C ,  qui  est  nee  en  Russie  de  parens  etrangers, 

y  a  ete  en  quelque  sorte  elevee,  et  y  a  passe  plusieurs  au- 
nees;  sa  connaissance  des  moeurs  et  de  la  langue  du  pays,  les 
qualites  de  son  esprit,  tout  lui  donnait  a  ce  travail  des  droits 
qu'il  eut  ete  difficile  et  dangereux  peut-etre  de  lui  disputer; 
et  l'auteur  de  cet  article  n'a  voulu  s'en  reserver  d'aulre  en 
cette  affaire  que  eclui  de  revoir  les  epreuves  en  I'absence  du 
traducteur. 

Ce  roman,  qui  a  pour  sujet  l'epoque  desastreuse  et  glo- 
ricuse  a  la  Ibis  pour  la  Russie  ou  elte  parvint  enfin  a  secouer 
!e  joug  des  Polonais,  epoque  qui  fail  1'objct  des  recits  de 
rbistorien  russeKaramzinedansle  dernier  volume  qu'il  a  laisse 
en  mourant  {coy.  ci-dessus,  p.  i4')»  paraitra  bienlol  en  4  vol. 
in-12,  a  la  librairie  de  M.  Charles  Gosselin,  et  nous  nous  ein- 
presserons  d'en  rendre  comple  a  nos  lecteurs.  Mais  bien  a  pris 

a  M"*  Sophie  C de  sc  hater,  car  on  nous  a  depuis  annonee 

que  plusieurs  Iraductenrs  s'occupaienl  de  ce  meme  travail, 
entre  atitres  M.  Tbibaut,  ex-precepteur  des  ehfans  de  feu  Ka- 
ramzinc.  Nous  esperons  qu'elie  aura  fait  mieux  que  de  paraitre 
la  premiere  dans  la  lice,  et  qu'elie  s'y  sera  presentee  avec  loules 
les  conditions  necessaires  pour  remporter  une  pleine  victoirc. 

Edme  Hkreai'. 

POLOGNE; 

Etat  et  Progress  dc  la  Litterature  periodique. —  Indication  des 
Journaux  et  des  Merits  periodique*  publics  en  Pologne.  —  Nous 
donnons  ici.  d*nprcs  les  docniftf  lis  les  plus  rerens,  la  popwla- 


784  ElKOPK. 

tion  ties  diverse*  parties  de  la  Pologne,  telle  que  l'a  faile  la 
politique  moderne.  en  la  rapprochant  du  nombre  de  jour- 
naux  existant  daus  chaquc  partie  : 


Population. 

Journaux. 

Un  journal 
sur 

I.  La  Pologne  indepcndante  :  Repu- 

II.  La  Polutjiic  rttsxc. 

1)  Les  gouverdemens  de  Wilna,  de 
Grodno,  de  Minsk,  dc  Bialyslok, 
de   \'i tepsk ,    de   Mohilow,    de 
Wolhynie,  de  Podotie,  de  l'U- 
kraioe   nil   deKiow,   de  Cour- 

107,934 

1 1,289,100 
4,088,289 

t>o,84»>a4 

4,226,969 

5 

2 

J7 

1 

4 

21,586 

5,644, 55o 

1 10,000 

1,984,1 24 

i,o56,74a 

2)  Leroyaumede  la  Pologne  russe. 

Total 21,696,416  49         442;~S4 


Une  triste  decadence,  sous  le  rapport  des  lettres,  se  fait 
surtout  remarquer  dans  les  provinces  entierement  enclavees 
dans  1'empire  moscovite.  En  1820,  le  nouveau  systeme  du  gou- 
vernement  fut  adopte  par  l'empereur  Alexandre,  et  l'autorite 
supreme  stir  ces  pays  fut  remise  entre  les  mains  du  grand-due 
Constantin  :  e'est  de  cette  epoque  que  datent  toutes  les  nou- 
velles  calamites  des  Polonais.  Jusqu'alors  "Wilna  etait  le  cen- 
tre des  lumieres  pour  loute  la  Pologne  demembree ,  et  sur- 
passait  Varsovie  sous  le  rapport  litteraire  ;  car,  n'etant  point 
comme  elle  distraite  par  les  guerres  dc  Napoleon,  elle  pou- 
vait  ofl'rir  un  asile  a  tons  ceux  qui  se  vouaient  aux  sciences. 
En  J82J,  il  y  avait  dans  cette  ville  jusqu'a  dix  journaux  qui 
se  dislingtiaient  par  une  redaction  en  ineme  tems  savanle  et 
eonsciencieuse  :  aujourd'hui  on  n'en  compte  plus  que  deux 
qui  sont  assujettis  a  une  sorte  de  censure  militaire.  —  La 
meme  decadence  distingue  la  Pologne  prussienne,  ou  le  nom- 
bre des  habitans  qui  pailent  polonais  diminue  tous  les  jours, 
landis  que  1'usage  de  la  langue  allemande  s'etend  de  plus  en 
plus.  L'Autriche  est,  sous  ce  rapport,  moins  funeste  aux  Po- 
lonais que  la  Prusse. 

D'un  autre  cote,  les  progres  sont  etonnans  dans  les  autres 
parties  de  la  Pologne;  ainsi,  sur  la  population  actuelle  des 
provinces  qui  portaient  jusqu'a  l'annee  18 15  le  nom  de  du- 
rhe  de  Varsovie  (la  republique  de  Cracovic,  le  royaume  russe 


POLOGNE.  78  5 

de  Pologne,  le  tluclie  de  Posen  et  Thorn),  nous  signalerons 
une  grande  difference.  Cette  population  s'elevc  a  5,5oo,ooo, 
etonn'ycomptaiten  181 5  que  cinq  journaux,  tandisqu'aujour- 
d'hui  le  seul  royaume  en  compte  3y,  c'est~a-dire  plus  de  sept 
fois  autant,  et  la  totalite  du  pays  l\ 3.  II  Taut  ajouter  en  outre 
que  l'esprit  des  journaux  actuels  ne  peut  pas  uieuie  etre com- 
pare a  celuides  ecrits  publies  en  1 8 1 5  ;  its  se  sont  ameliores 
sous  le  rapport  du  style,  oomme  sous  le  rapport  des  idees ;  les 
journaux  polonais  professent  les  principes  les  plus  liberaux, 
et  il  n'en  est  pas  un  seul  dont  la  redaction  soit  dirigee  d'apres 
les  ordres  du  despotisme  militaire  011  jesuitique,  quoique 
plus  d'une  t'ois  on  ait  fait  a  Varsovie  des  efforts  tendant  a  les 
soumettre  a  cette  double  influence. 

Nous  allons  maintenant  indiquer  biievement  les  49  jour- 
naux dont  nous  avons  trace  plus  haut  la  repartition. 

I.  Ueptjblique  de  Cracovie. 

i°.  Rocznik  Towarzystwa  Naukowego,  etc.  —  Annuaire  de  la 
Societe  litteraire,  reunie  a  l'Universite  jagellonne;  il  parait 
chaque  semestre  en  un  volume  in-8°. 

a°.  Rozmaitosci  Naukowe.  —  Varietes  litteraires  et  histori- 
ques;  un  fort  cahier  in-4"  parait  a  des epoques  indetermi- 
nees ;  le  nombre  de  ces  cahiers  s'eleve  a  six  ou  sept  par  an. 
M.  Zaluski,  curateur  de  l'Universite  jagellonne,  est  fonda- 
teur  de  cet  important  recueil,  et  M.  Georges  Samuel  Bandtkie, 
professeur  a  la  meme  Universite  et  directeur  de  sa  biblio- 
theque,  lui  fournissent  d'excellens  articles. 

3°.  Gazeta  Krakowska.  —  La  Gazette  de  Cracovie,  journal 
quotidien  politique. 

4°.  Goniec  Krakowski.  —  Le  Courrier  de  Cracovie,  jour- 
nal litteraire  qui  parait  depuis  quelques  mois. 

5".  Dziennik  ogrodniczy.  —  Journal  d'horticulture,  public- 
par  M.  W  odzicki,  president  de  la  Republique. 

II.  Royaume  de  Pologne  rcsse. 
Journaux  publies  d  Varsovie. 

1°.  Rocznik  krotewskiego  towarzystwa  przyiaciol  nauk 
warszawskiego.  —  Annuaire  de  la  Societe  royale  des  Amis 
des  sciences  de  .Varsovie;  il  parait  un  vol.  in-8"  par  se- 
mestre. 

•2°.  Pamientnik  Naukowy,  etc.  —  Memorial  scientitique  de 
la  Societe  pour  les  livres  elementaires ;  il  parait  un  vol.  in-8° 
par  trimestre. 

T.  XLVI.  Jl'IN  i83o.  5o 


-86  EUROPE. 

5*.  Syltvan.  dzieniuk  tesiiy,  —  Sylvain,  journal  des  forets  ct 
deschasses;  il  parait  un  cahier  par  trirnestre.  Le  conseiller- 
d'Jilat  M.  Louis  Plater  dirige  la  redaction  dc  ce  recueil. 

4°.  Ceres,  dziennik  roluirzy. — Ceres,  journal  agronomi- 
que,  pat  ait  a  des  epoques  indeterminees ,  ct  forme  en  tout 
trois  mi  quatre  raiders  par  an.  M.  Flatt,  direclcur  de  l'lusti- 
tut  agronomique  a  Marie-Mont,  pies  de  Yarsovie,  en  est  le 
reda(  teur  principal. 

5°.  Sartdtfinwrzanin.  —  Le  Sandomiricn ,  journal  consacre 
specialement  a  1'histnirc  de  la  Pologne,  rcdige  par  M.  Uiaz- 
dowsri,  p;i rait  chaquc  mois.  C'est  un  des  recueils  les  plus  es- 
timables  que  possede  ce  pays. 

6°.  Temi</a  polska.  — '1  hemis  polonaise  ,  journal  de  juris- 
prudence, mensuel,  public  avec  un  talent  ct  des  soins  tres- 
remarquabies  par  M.  Htjbe,  professeur  a  IMJniversile. 

r°.  Izys  polska.  —  Isis  polonaise  j  journal  mensuel  d'agri- 
cnlture,  des  arts  et  metiers,  Ires  important  et  tres-utile.  dont 
M.  Auloine  Lelowski,  maitie  des  requelesau  Conseil-d'Etat  et 
commissaiie  general  des  fabriques  du  royaume  est  le  redac- 
teur. 

8°.  Slawianin. — Le  Slave,  recueil  mensuel  consacre  aux  scien- 
ces appliquees  aux  arts,  dirige  par  M.  Kitaiewski,  professeur 
de  chimie  a  l'Universile. 

q°.  Pamientnik  fizyrznyc/i,  matematycinych  i  statystycznych 
umieieninosci ,  z  zastosowtiniem  do  przcmyslu.  —  Memorial 
des  sciences  physiques,  mathematiques  et  statisliques  dans 
leur  application  a  I'indusliie;  recueil  mensuel  public  par 
MM.  Pawlowicz  et  Jamcri,  ptofesseuflS  a  l'Universite.  Le 
choix  des  matieres,  la  redaction  savante  et  consciencieu.se  de 
ce  recueil,  lui  ont  acquis  une  brillante  reputation. 

io°.  Pamientnik lekarski.  — Memorial  medical,  recueil  men- 
suel publie  par  les  soins  d'un  des  premiers  medecins  de  Var- 
sovie,  M-  Charles  Malcz. 

11°.  Pamientnik  H^arszavcski.  —  Memorial  de  Varsovie, 
recueil  mensuel  consacre  a  la  lillerature,  a  i'histoire,  a  l'eco- 
nomie  publique  et  a  la  philosophic  M.  Lach  Szybma.  profes- 
seur de  philo>ophie  a  l'Universite,  redige  ce  journal,  qui  tient 
la  premiere  place  parmi  tons  ceux  du  meme  genre  :  son  au- 
torile  dans  les  questions  litteraires  est  generalement  recon- 
nue,  et  sousle  rapport  du  style  comme  pour  le  choix  des  su- 
jets  la  redaction  laisse  fort  pen  a  desirer. 

12°.  Dziennik  Praw. —  Bulletin  des  Lois,  parait  deux  ou 
trois  fois  par  mois.  Journal  olliciel. 

i3°.  Kolumb,  Dziennik  Podrozy. — Colomb,  journal  de  voya- 
ges; recueil  mensuel  public  par  M.   Michel  Dembins&i.  C'est 


POLOGNE.  7«7 

un  excellent  choix  des  meilleurs  articles  consacresaux  voya- 
ges et  aux  decouvertes  qui  se  publient  en  France,  en  Angle- 
terrc  et  en  Allemngne  Le  redacleur  ajoute  en  outre  Ires-sou- 
vent  des  articles  lelalifs  a  la  Pologne. 

i4°-  Dikiimeron  pdlski. —  Le  Decameron  polonais,  journal 
Utleraire  publie  par  decades  par  31.  Jean  Casimir  Obdtmec. 

i5".  Piatt.  —  Piast,  journal  de  ('agriculture  et  de  I'cco- 
nomie  domeslique,  publie  une  fois  par  seniaiue  par 
M.  Radwanski.  C'est  un  journal  tres-populaire  et  tres-re- 
paudu  dans  loutes  les  classes  de  la  societe;  il  est  meme  lu  dans 
les  villages  souvent  avec  plus  de  cniio>ite  que  les  journaux 
politique*.  Nous  ne  pouvons  que  felicitef  sou  edheur  d'avoir 
choisi  un  plan  aussi  sage  et  aussi  utile  a  son  pays.  Pour  faire 
apprecier  1'imporiance  et  ie  succes  de jce  recueil,  il  suflfit  de 
dire  que  le  nombre  desabonnesexcedant  cehii  desexemplaires 
composant  la  premiere  edition,  on  a  etc  oblige  de  reimpri- 
mer  lous  les  numeros. 

16".  Dziinnik  urzendowy  iV  oiewodzlwa  Maznwieckiego.  «^- 
Journal  ofluieldu  palatinat  de  Masovie.  Hebdomadaire. 

i;°.  Pamienlnik  dla  plci  pienkney. —  Memorial  pour  le 
beau  sexe;  journal  de  litterature,  redige  avec  bcaucoup  de 
talent  par  31.  Gaszyn-ki.  Ce  recueil  a  Pa  vantage  de  donner 
frequemment  la  primeur  des  poesies  qui  sont  dues  aux  meil- 
leurs etrivains  du  pays. 

180.  Motyt.  —  Le  I'apillon ,  journal  de  litterature  et  de  mo- 
des, publie  par  31.  le  prince  Lclfcki.  Hebdomadaire. 

ig°.  Ziemomysl.  — Journal  hebdomadaire  litter  a  ire,,  histo- 
rique  et  biographique,  consace  a  I'usage  des  enfuns,  el 
redige  par  31.  Chrcc&i.  Ce  genre  de  litterature  compte  plu- 
sieurs  ouvrages  excellens  en  Pologne  ;  et  lc  journal  dont  il  s'a- 
git  ici  reunit  tons  les  merites  qui  lui  sont  propres. 

20".  Rczmaitosci. — Varietes  litteraires,  hebdomadaires,  pu- 
bliees  connne  supplement  de  la  Gazette  du  Correspondant  de 
Varsovie. 

21°.  Gazeta  potska. —  La  Gazette  de  Pologne,  journal  quo- 
tidien ,  politique,  litteraire  el  commercial.  C'est  le  meilleur 
des  journaux  polonais  de  ce  genre;  les  articles  litteraires,  les 
nouvelles  diverses,  s'y  trouvent  en  abundance;  et  sa  polemi- 
quc  excite  vivement  la  cuiiosite  du  public. 

2»°.  Dzicnnik  poaixzerhny.  — Journal  universel,  non  moms 
important  que  le  precedent;  mais,  comme  il  ne  paraitquede- 
puis  quelques  muis,  il  est  moins  repandu.  Son  plan  e~t  a  pen 
pres  le  meme  que  celui  de  la  Gazette  de  Pologne,  mais  son 
format  immense  a  sur  lui   Pavantage  de  contenlr  des  articles 


788  El  'HOPE. 

plus  longs  el  mieuxdeyeloppes.  Le  redacteur  est  M.  Thomas 
Chlendawsri  ,  maitre  tics  rcquetes  et  conservalcur  de  la  Bi- 
bliotheque  nationale. 

23°.  Gazela  warszawska. — La  Gazelle  deVarsovie,  la  plus  an- 
cienne  ties  feuilles  quotidiennes,  est  restee  etrangere  a  la  criti- 
que litteraire.  (Dependant  sa  redaction  a  etc  dans  tous  les  terns 
tres-soignee,  surtout  sous  lc  rapport  dulangagc  que  les  a  litres 
journaux  hlesscnt  souvent  impunement.  Ce  journal  est  sous 
la  direction  de  M.  Thomas  Lebrun,  secretaire  au  Conseil-d'E- 
tat. 

24°.  Gazeta  Korrespondcnla  warszawskiego.  —  La  Gazelle 
du  Correspondant  tie  Varsovie.  Journal  qui  a  change  tres- 
souvent  tie  redacteurs,  mesure  quelquefois  utile,  souvent  fu- 
neste  a  ses  succes;  maintenant  on  y  trouve  parfois  des  arti- 
cles Iitteraires  d'un  haut  interet.  Redacteur  proprietaire, 
M.  "Wyzvnsri. 

25°.  Kuryer  warszawski.  —  Le  Courrier  de  Varsovie.  Ce 
journal  parut  d'abord  en  1821,  sous  le  format  le  plus  petit 
possible,  et  devint  avec  le  tems  si  populaire  que  le  nombre 
de  ses  abonncs  surpassait  toutce  qu'on  avaitvu  jusqu'alors  en 
Pologne.  Mais  avec  le  tems  il  fut  force  d'agrandir  quelque 
peu  son  format,  demaniere  qu'aujourd'hui,quoique  imprime 
sur  une  pelite  feuille  de  papier,  il  contientautantde  matieres 
que  lesautrcs  journaux  quotidiens.  Lalitterature  n'entre  point 
dans  son  plan ,  et  les  annonces  la  remplacent.  Le  redacteur 
est  M.  Louis  Dmuszewski,  celebre  acteur  dramaliquc  et  I'un 
des  philantropes  les  plus  zeles  de  son  pays. 

26*.  Kuryer  polski.  —  Le  Courrier  de  la  Pologne,  journal 
publie,  depuis  quelques  mois ,  dans  le  format  et  d'apres  le 
plan  du  precedent;  on  y  a  ajoute  cependanldescolonnes  con- 
sacrees  a  la  titterature.  II  compte  trois  redacteurs,  et  tous  trois 
ont  acquis  quelque  eclebrite  par  les  persecutions  dont  ils  ont 
etc  l'objet.  M.  Xavier  Bromrowski,  avocat,  redacteur  en  chef, 
fut  enferme,  pendant  deux  ans,  dans  la  prison  d'Etat,  pour 
avoir  ete,  commeetudiant,  president  d'une  Societe  patriotique 
composee  de  sescondisciples.  Le  second,  M.  AdolpliC\caocK\, 
autre l'i lis  mrlitaire  dans  1'armee  francaise,  fut  enferme,  a  trois 
on  quatre  reprises,  dans  la  meme  prison,  pendant  plus  de 
quatre  ans  en  tout,  parce  qu'il  etait  suspect  d'avoir  envoye  au 
Conslitutionnel  un  article  ou  se  trouve  le  recit  des  intrigues  de 
la  dicte  en  1820.  Enfin ,  le  troisieme  redacteur,  M.  Maurice 
Mochkacri,  hommc  tie  lettres  tres-distingue,  fut  detenu, pen- 
dant plus  de  deux  ans,  pour  avoir  fait  par  tie  d'une  Societe 
secrete  dans  le  tems  ou  il  etait  encore  ecolier  dans  un  college. 


POLOGNE.  789 

Le  Courrier  de  Pologne,  paraissant  sous  les  auspices  de  noms 
aussi  dignes  d'interet,  devait  naturellement  attirer  sur  lui  I'at- 
tention  publique,  dont  il  s'est  montre  digne  jusqu'.i  present. 
On  ne  pent  guere  lui  reprocher  qu'un  tres-grand  penchant  vers 
lesidees  allemandes,  penchant  qui,  du  reste,  parait  avoir  dimi- 
rtue  depuis  quelqtie  terns. 

27°.  JViadomosci  Handlowe. — Les  Nouvelles  du  Commerce, 
journal  quotidien.  Redacleur  M.  Franpois  Grzymala. 

28°.  Dziennik  dla  malych  dzieci.  —  Journal  pour  les  petits 
enfans,  in-16,  quotidien.  IM.  Stanislas  Jachowicz,  poete  dis- 
tingue, auteur  d'un  recueil  de  fables  tres-naives  et  tres-tou- 
chantes,  composees  uniquement  pour  servir  de  lecture  aux 
enfans,  redige  ce  journal,  dont  la  popularity  est  devenue  si 
grande  qu'on  peut  le  trouver  dans  presque  tous  les  menages 
de  Varsovie. 

Journaux  des  Palatinats  du  royaume. 

Dans  chacun  des  chefs-lieux  des  palatinats,  ou  departemens, 
on  publie  un  journal  officiel  dans  le  genre  et  sous  le  titre  de  ce- 
lui  que  nous  avons  mentionne  plus  haut  sous  le  n°  16.  Ainsi 
ilya  : 

Le  journal  du  Palatinat  de  Ptock,         qui  se  publie  a  Plock. 

de  Podlaquie, a  Sielce. 

■ de  Lublin,  a  Lublin. 

■ ■ —  de  Sandomir, a  Hadom. 

— de  Cracovie,  ■ —  a  Kielce. 

de  Kalisz,  a  Kalisz. 

d' Augustoxv, a  Lomza. 

— ■ ■ de  Masovie,  ■ —  a  Varsovie. 

Outre  les  sept  journaux  qui  se  publient  dans  les  palatinats, 
on  en  compte  encore  deux,  dont  l'un  parait  a  Kalisz  sous  le 
titre  de  Journal  hebdomadaire  de  Kalisz  (?)  ;  l'autre  a  Pulawy, 
village  du  palatinat  de  Lublin,  sous  le  titre  de  Skarbiec dla Dz'uci 
(  Magasin  des  Enfans).  Ce  dernier  journal  n'a  qu'un  ou  deux 
mois  d'existence  ,  mais  le  prospectus  nous  annonce  qu'il  sera 
publie  sur  le  modele  de9  meilleurs  recueils  de  ce  genre  exis- 
tans  ,n  Angleterre. 

III.    LE  GRAND-DBCHE  RUSSE  DE  LlTHUANIE. 

1°    Dziennik  Wtlenski.  — Journal  dc  Wilna  :  recueil  men- 


:,jo  EURO  PP. 

suel  parnissant  en  gros  vol'iiws  in-8°.  II  est  divise  en  diverses 
sections,  et  remplace  ainsi  plusieurs  journanx.  La  litteruturc, 
Lbistoire,  les  sciences,  ragri<ulture,  les  arts  et  metiers,  en  tor- 
ment les  objets  prinripuux.  Le  redacteur  en  chef  est  SI.  An- 
ionic Marcinowski.  Les  articles,  avant  d'etre  imprimis,  doivent 
die  envoyes  par  la  poste  de  Saint-Pctersbourg  an  bureau  de 
la  censure. 

2°.  Km-yer  Litewski  —  Lc  Courtier  de  Litlmanie,  journal 
quotidien  et  politique  ,  redige  dans  le  ineine  bureau  que  le 
precedent,  el  lie  renlermant  que  les  exlrails  des  jouinaux  de 
Varsovie  et  de  ceux  de  Saiut-Pclersbourg. 

IV.  La  Polcgne  prussienne. 

Gazeta  Poznanska.  —  La  Gazette  de  Posen,  I'unique  journat 
exislant  dans  toulc  la  Pologne  prussienne. 

V.  La  Pologne  actrichienne. 

i°.  Czasopi.im  Fiblioteki  narodowcy  Ossolinskich.  —  licrit 
periodique  de  la  Bibliotheque  nationalc  d'Ossolinski  a  Leopol, 
journal  bistorique  el  bibliographique  tres  important.  Le  prince 
Henri  Lubomirski  dirige  la  redaction  de  ce  recueil,  et  e'est 
a  ses  soins  qu'on  doit  attribuer  l'importance  qu'il  a  acquise 
depuis  quelque  tems  dans  toute  la  Pologne. 

2°.  Haliczanin.  —  Le  (Jallicien,  journal  litteraire  et  philoso- 
phique,  paraissant,  ainsi  que  le  precedent,  adesepoquesinde- 
terminees,  a  cause  des  dimcultcs  d'obtenir  le  privilege  de 
l'empereur,  sans  lequel  on  ne  pent  publier  aucun  journal.  Son 
redacteur,  M.  Valentin  Chlendowsu,  est  un  horn  me  de  beau- 
coup  de  merite,  mais  le  mysticisme'qui  disiingue  plusieurs  de 
ses  articles  a  sou  vent  aniene  uue  polemique  assez  vive  entre 
ce  recueil  et  la  presse  de  Varsovie. 

5°.  Gazeta  Laowska  — -  La  Gazette  de  Leopol,  journal  poli- 
tique quotidien. 

4°.  Hozmaitosci  Lwowskie.  —  Les  Varietes  de  Leopol,  journal 
hebdnuuulaire  et  litteraire,  t res-Lien  redige.  II  paraitcomme 
♦upplement  du  journal  precedent. 

M.  P. 


ALLEMAGNE.  rgi 

ALLKMAGNE. 

DOC  U  MENS  RELATIFS  A  LA  STATISTIQUE  MORALE  DE  LA 
MONARCHIE  PRUSSlEiNNE. 

(Voy.  ci-dcsstis,   p.  4g\.) 

INSTRUCTION  ^LEMENTAIRE  ET  SUPERIEURE. 

a.    Tableau  stalisliquc  des  ecoles  et  des  ecoliers  en  1816,  compares  a  leur 
population  respective  dans  la  meme  aimec. 


Pbovincks. 


Brandebourg . 
Pomeianie .  . 

Prusse 

Posen 

Silesie 

Saxe 

Westplialie. . . 

Provinces  du  Rhiu. 


Populalion 
en  1816. 


1,274,456 
68 1,65 1 

i,454,5oo 
827,388 

1,946,01 3 

«,»99=°95 
1,074,855 
1,879,585 


&T3 


2,S4< 
2,1()6 

2,977 
65 1 
0,282 
2,61 1 
1,653 


Ecolie 


Garcons. 


74,227 
07.9J6 

72,558 
i6,oSo 
129,646 

1)3,285 

76,755 

70,706  (*; 


6S,557 

52,25.! 

61, 566 

Ji',991 
125,(95 
S6,665 
75,o5y 
72,435 


Total. 


«42v84 

70,198 
i53,g24 

27,071 
254,84 i 
.78,946 
i49,8i» 

143,141  {*: 


Vn 

ecolier 


sur 

10,000  fa. 


1,130 

1,000 

921 

037 

i,3io 

».49» 
i,3g4 

767 


Total...    10, 5.17,502  18,986  570,001        500,718  1,100,719         i,o65 

h.    Tableau  des  ecoles  elemcnlaires  et  de  second  degri,  existantes  en  1825. 

Ecoles  elementaires  pour  les  deux  sexes 20,887 

Ecoles  moyennes  (d'un  01  die  plus  eleve). 

Pour  les  garcons 45S 

Pour  les  Giles 278 

736 
Total  des  ecoles  consacrees  a  1'instiuction  publique. .      21,633 

Maitres  permanens  dans  ces  ecoles 22,261 

Mattresses  ,  idem 704 


22,965 
Aides  de  maitres  et  de  mattresses  d'ecole 2,024  (**) 


(*)  Sans  le  gouvernement  de  Coin  (Cologne),  sur  leqnel  les  donnee* 
manquent. 

(**)  Ce  nombre  n'esl  pas  bien  anthentique. 


?9a  EUROPE. 

Dans  ces  ecoles  furent  instruits  : 
Ecoles  elcmentaires. 

Carbons 822,077 

Filles 755,922 

IJcoles  moyennes. 

Garcons 49> 1 69 

Filles 37,o5o 

Total  des  garcons 871,246 

Total  des  filles 79»>97a 

Total  general  pour  la  fin  de  i8j5 1,664,218 

c.    Tableau  des  etudians  dans  les  universites  de  la  monarchic  prussienne. 


A  satins  et  Saisons 


1820,  hiver  (1820-1821). 

1825,  hiver  (1825-1826). 

1826,  hiver  (1826-1827). 

1827,  hiver  (1S27-1828). 


Classification  des  eludians,  d'apres  I'eiat  auquet 
its  se  destinaient. 


«    . 

A  l'instruction 

Am  emplois 

13   & 

a 

publiqne 

civils  et 

.§•§ 

comme 

adniinistratifs 

-V 

Theologiens 

comme 

H  '" 

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"■*   re 

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13  £ 

1 3 

g  a. 

B"8 

a  -0 

s 

is 

3,382 

892 

264 

45o 

97^ 

i35 

667 

5,452 

1,674 

763 

577 

1,607 

"7 

714 

5,656 

»,796 

878 

638 

1,583 

68 

693 

5,954 

1,951 

888 

7'4 

1,559 

1 1 1 

701 

6.     LlBIUIRIE. 


Tableau  des  libraries  existantes  en  1826  dans  les  differentes  villes  de  la 
monarchic  prussienne. 


.When  [Aix4a<ChapeUe}.      4 

Arnsberg 1 

Aschersleben 1 


Berlin 56 

Bielefeld 1 

Brandenboing 


Bartenstein 1  |  Bonn 6 


Breslau 11 

Bromberg 1 

Cleves » 

Coblenlz 3 


Cologne 8 

Coeslia .' i 

Cottbus a 

Crefeld i 

Grossen i 

Custrin i 

Dantzig a 

Dortmund l 

Diisseldorf 5 

Elberfeld 4 

Erfurt 5 

Francfort 3 

Glogau 5 

Goerlitz J 

Greifswald 2 

Halberstadt 4 

Halle 4 


ALLEMAGNE 

Hamm l 

Hirschberg 3 

Kcenigsberg 3 

Liegnitz 2 

Lissa i 

Liibben l 

Magdebourg 3 

Mersebourg 2 

Minden i 

Muhlbaiisen 2 

Munster 4 

Naumbourg l 

Neisse 2 

Nordhausen 1 

Paderboin 1 

Posen 3 

Potsdam 2 


"9-> 


Prenzlow 

Quedlinbourg  , 
Ralbenau  .... 

Ratibor 

Schwelm 

Sorau  

Stargard  

Stettin 

Stralsund 

Thorn 

Torgau 

Treves 

Weissenfels..  . 

Wesel 

Wittenberg.. . 

Zeitz 

Zullichau  .... 


7.   Papeterie. 

Tableau  des  motilins  a  papier  et  cuves  easistans  en  1829  dans  la  monarchic 
prussienne. 


PaeviNCBs.  Moulins. 

Prusse 39 

Posen a4 

Silesie 56 

Pomeranie 4 

Brandebourg 5i 

Saxe So 

Westphalie 5a 

.Tuliers-Cleves-Berg 26 

Bas-Rhin 3y 

Total.  . . .    329 
8.   Imprimerie. 


Cuvbs. 

63 
26 
63 
16 

52 

59 

78 
42 
35 

472 


Tableau  offrant  ('augmentation  des  imprimeries  dans  la  monarchic 
prussienne. 


NOMBRE 

NoiIBBK 

NNEKS. 

des  imprimeries. 

des  presses 

.8l9. 

240 

5i6 

1822. 

255 

58o 

l825. 

180 

693 

7J)4  EUROPE. 

9-    PBESSE    PEIUODIQCE. 

Tableau  des  icrits  piriodiqucs  cxistan.i,  d  la  fin  de  1827,  dans  la  monarch  it 
prussicnnc. 

Gazettes  lilti'ra'ues,  dont  la  plus  cstimee  est  ccllc  de  Halle..  ..  a 

Join  naux  politique? 3a 

Revues  savantes Xq 

Fcuilletbns  ronsucres  aux  belles-lettres i& 

Feuilles  l><  bdomadaiies  (dont  line  en  franeais  et  line  antic  en 

polonais) 12g 

Journiux  adminislralil's 2g 

Feuilles  d'avis  et  d'annonces 26 

Feuilles   d'avis  cl  d'annonces  quolidiennes  sur  des  matieies  di- 

verses 6 

Feuilles  d'avis  et  d'annonces  relatives  au  commerce  et  a  la  na- 
vigation et  meicuiiales i5 

Total 3oo 

(  La  suite  au  Calder  prockuin. ) 

GRECE. 

Situation  precaire  et  pinible.  —  Dans  notre  cahier  du  mois 
de  mars  dernier  (Voy.  t.  xlv,  pag.  j/j/-/^),  notis  avons 
insere  une  lettre  qui  avail  pour  objet  de  repousserles  atta- 
ques  inconvenantes  et  calomnieuses  du  Courrier  anglais  con- 
tre  M.  le  comte  Capo-d'Istria  :  personne  a  cette  epoque  ne 
pouvait  douter  que  le  prince  Leopold  ne  fiit  le  souverain  de 
fa  Grece;  ce  prince  avait  ambitionne  cetle  nouvellecouronne; 
il  avait  obtenu  I'appui  d'un  emprunt  de  60  millions.  Tout  sem- 
blait  iudiquer  qu'un  refus  n'etait  plus  possible;  cependant  le 
retard  que  mettait  le  nouveau  souverain  a  se  rendre  en 
Grece  faisait  naitre  des  soupconset  desdoutes.  On  etait  fomle 
a  presumer  que  quelque  nouvel  evenemeut  politique  pour- 
rait  changer  sa  resolution,  011  qu'il  se  repentait  d'avoir  ac- 
cepte  la  lacbe  difficile  et  perilleuse  d'organiser  et  de  dinger 
la  nation  grecque. 

La  maladiedu  roi  d'Angleterre  rapprocbait  du  pouvoir  le 
prince  Leopold,  et  lui  faisait  desirer  de  se  liberer  des enga- 
gemens  <|ii'il  avait  pris. 

Enfin,  1'  Europe  vient  de  sortir  de  son  incertilmle,  et  le  prince  a 
decidement  renonceautrone  de  la  Grece!  Les  journaux  anglais 
ont  etc  reuiplis  de  divers  documens  presences  au  Parlement 
d'Angleterre.  Le  prince  fonde  son  refus  sur  les  nouvelles 
qu'il  a  recues  de  Grece ;  il  dit  que  les  Grecs,  mecontens  des 
limites  assignees  au  nouvel  Etat,  n'accepteront  que  forcement 


GRECE  795 

les  limiles  qui  leur  .sont  iiiiposces;  il  cite,  a  I'appui  de  sa  re- 
noncialion,  la  lettre  du  Senat  et  telle  de  M.  Capo  d'Isiria. 

II  e>t  vrai  que  les  Grccs  sc  plaignaient ,  ft  sont  fondes  a  se 
plaiudie,  des  limiles  dans  lesqnelles  on  vent  les  ivnt'e.imer; 
ils  represcntent  qu'il  sera  Ires-difficile  d'abandnnncr  I'Acama- 
nie ,  palrie  des  Rounielioles  qui  onl  del'endu  Missolon- 
ghi,  etc.,  etc.;  qne  les  Candioles  ct  les  Samiens  nesc  soumcl- 
tront  que  par  foice.et  avec  la  repugnance  la  plus  prononcee, 
a  relomber  sons  le  joug  des  Tures;  niais  le  Senat  et  le  presi- 
dent Capo  d'L-tria  se  hnrnaient  a  presenter  (\e^  observations 
a  lenr  nouveau  souverain  ;  ils  ne  connaissaient  point  alors  l'ad- 
hesion  de  la  Poite  an  traite,  ce  qui  semlde  aujourd'bui  le 
rendre  definilif.  au  moins  pour  le  moment. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  prince  a  saisi  ce  pretexte,  et  il  a  re- 
fuse. Les  papiers  anglais  onl  pris  parti  pourou  contre  le  prince 
Leopold;  ils  ont  accuse  M.  Capo  d'Istria  d'avoir  voulu  i  e- 
pousser  le  prince;  Al.  Kynarda  prouve,  par  une  leltie  publiee 
dans  le  Monitcttr,  qne  le  president  desirait  au  contraire  l'ar- 
rivee  du  nouveau  souverain,  dont  la  presence  el  1'inlerven- 
tion  lui  paraissaienl  propres  a  calmer  les  csprits  et  a  retablir 
l'ordre. 

Voila  la  Grece  rejetee  dans  un  etat  provisoire  ;  rien  ne  pou- 
vait  lui  elre  plus  fatal.  La  renonciation  du  prince  la  prive  des 
secours  pecuniaires  dont  elle  avait  \u\  urgent  besoin ,  ou  du 
moins  les  fait  ajourner.  Toutes  les  lettres  annoncaient  que  si, 
dans  ce  moment  de  crise,  le  president  ne  recevait  pas  des 
fonds  pour  payer  la  solde  arrieree  des  troupes  de  1'Acarna- 
nie,  il  ne  pouvait  repondre  de  la  tranquillite  du  pays  :  les  se- 
cours promis  par  les  puissances  ne  pouvaient  etre  fournis 
qu'au  moyen  d'un  emprunl ;  cet  emprunt  avait  ele  accorde 
au  prince  Leopold.  On  assure  que  Al.  Kynarda  fait  les  plus 
vives  instances  aupres  des  trois  cours  alliee*,  pour  obtenir 
un  versement  quelconque  a  compte  de  cet  emprunt  projete; 
n'ayanl  pu  1'oblenir  jusqu'a  present,  il  a  du  secourir  seul  en- 
core cette  malheureuse  nation,  et  nous  avonsvu,  par  un  ar- 
ticle de  Toulon,  qu'il  vient  d'envoyer  en  Grece,  sur  un  bail- 
ment de  l'Etat,  35o,ooo  fr.  de  sa  propre  fortune  Plus  tard, 
on  ne  pent  en  douler,  les  puissances  devront  remplacer  les 
efforts  de  ce  simple  particulier  et  conlinuer  leur  ouvrage,  en 
aidant  la  Grece  a  consolider  sa  nouvelle  existence. 

Parmi  les  candidal*  qu'on  nomme  pour  remplacer  le  prince 
Leopold,  les. plus  connus,  et  ceux  qui  paraissent  avoir  quel- 
ques  chances,  sont  le  prince  Frederic  des  Pays-Bas.  ou  un 
printt  d*  Prittte.  On  assure  que  les  trois  cours  alliee*  sont  con- 


?efi  EUROPE. 

venues  de  ne  noinmer  qu'un  prince  protestant ;  le  choix  du 
nouveau  souverain  se  traite  a  Londres  dans  des  conferences 
diplomatiques  :  il  doit  y  avoir  unanimite  de  suffrages. 

Plusicurs  autres  candidats  se  prescnlent;  parnii  eux  sc 
troirvent  le  prince  Paul  de  JVdrtemberg,  un  prince  de  Darms- 
tadt et  un  autre  prince  d' A  llcmagne ;  mais  tout  seinble  indi- 
quer  que  le  choix  sera  fait  dans  une  famille  qui  puisse,  par 
sa  position  de  puissance  du  second  ordre,  donner  un  appui  an 
nouveau  souverain.  Les  trois  grandcscours  semblent  fatiguecs 
de  la  tulelle  qu'elles  out  cntreprise  :  elles  venlent  s'en  dega- 
ger  en  remettant  la  couronne  a  un  prince  qui  puisse  etre  sou- 
tenu  financierement  et  militairenient  par  la  puissance  a  la- 
quelle  il  appartiendra ;  car  il  est  assez  probable  que  la  Grece 
aura  besoin  de  conserver  pendant  quelque  terns  une  force 
etrangere  ;  et  la  Francevoudra  retirer  ses  troupes.  Si  les  candi- 
dats catlioliques  n'avaient  pas  ete  ecartes,  un  prince  de  Ba- 
viere  aurait  dQ  etre  au  premier  rang.  Tout  semble  annoncer 
que  la  Grece  s'aggrandira  encore  ;  la  reunion  de  l'Acarnauie 
et  de  File  de  Candie  sont  indispensables  au  nouvel  Etat ;  Fa- 
venir  les  lui  donnera,  il  ne  faut  que  de  la  patience  et  laisser 
faire  les  evenemens. 

Egixe. —  Fondalion  (Can  Musee.  [Extrait  de  la  Gazette  uni- 
verselle  de  la  Grece.)  —  Les  amis  de  la  Grece  et  les  amis  des 
antiquites  et  des  beaux-arts  apprendront  sans  doule  avec  in- 
teret  la  fondation  d'un  etablissement  aussi  utile  qu'hono- 
rable.  En  creusant  les  fondemens  de  la  maison  de  refuge  eta- 
blie  a  Egine  pour  les  orphelins,  on  a  trouve  quelques  vases 
anciens,  dont  la  matiere  et  la  forme  ont  fixe  1'attention  des 
antiquaires. 

On  en  a  trouve  d'autres  semblables,  en  travaillant  aux  rues 
de  la  ville  d'Egine  ;  et  dans  Femplacement  du  nouveau  laza- 
ret on  a  deterre  un  relief  representant  un  cheval  avec  son 
conducteur. 

Telle  est  l'origine  du  Musee  qui  vient  d'etre  etabli  a  la 
maison  de  refuge  pour  les  orphelins,  et  qui  compte  mainte- 
nant  deux  statues,  deux  tetes ,  neuf  inscriptions  et  soixante- 
sept  reliefs,  un  decret,  un  grand  vase  de  pierre  avec  des  re- 
liefs, et  deux  pendans  d'oreilles  en  or. 

Ces  objets  d'antiquites  ont  ete  en  partie  recueillis  par  le 
gouvernement,  moyennant  une  legere  retribution  ;  et  la  plu- 
part  sont  dus  a  la  generosite  d'un  certain  nombre  de  citoycns, 
dont  le  journal  grec  cite  lt;s  noms. 

Ces  honorable?  patriotes,  dont  l'exemple  aura  sans  doule 
beaucoup  d'imitateurs,  doivent  etre  consideres  comme  les 


GRECE.  —  FRAN0E.  —  DEPARTEMENS.   797 

tbndateurs  de  cct  elablissement,  qui  atteste  le  zele  ardent  des 
Hellenes  pour  les  fondations  d'ulilite  publique. 

Ce  Musee  est  visile  tons  les  jours  par  des  voyageurs  et  par 
les  membres  des  commissions  francaises.  Ceux  d'entre  eux 
qui  sont  peintres  copient  avec  soin  tout  ce  qu'ils  trouvent  de 
plus  remarquable. 

Des  feuilles  posterieures  de  la  me  me  Gazette  annoncent 
que  beaucoup  d'autres  personnes  out  fait  don  an  Musee  na- 
tional de  plusieurs  objets  d'antiquite,  en  sorte  qu'on  peut  es- 
pererquc,  dans  quelque  terns,  il  sera  considerablement  aug- 
menle.  Je  sais  avec  certitude  qu'un  Grec  d'Athcnes  , 
M.  Pittak.1,  occupe  depuis  long-tems  a  faire  des  recherches 
d'antiquite  dans  son  pays,  est  parvenu  a  former  une  belle 
collection  de  differentes  pieces,  dont  le  nombre  est  deja  de 
1,600,  et  sur  lesquelles  on  remarque  plusieurs  inscriptions, 
sermens,  decrets,  etc.  Cette  belle  collection  particuliere  pa- 
rait  devoir  etre  destinee  par  celui  qui  l'a  fondee  a  enricbir  le 
Musee  de  sa  patrie. 

FRANCE. 

DEPARTEMENS. 

Marseille  (Bouches- da-Rhone).  ■ —  Prix  propose.  —  La 
Societe  de  Statistique  de  Marseille  avait  propose  uu  prix 
de  la  valeur  de  cinq  cents  francs  pour  etre  decerne  dans  sa 
seance  publique  du  moisd'aout  1829.  Aucun  Memoire  ne  lui 
a  ete  presente  ;  elle  a  cru  en  reconnaitre  la  cause  dans  la  mul- 
tiplicite  des  recherches  que  necessitaient  de  la  part  d'un  seul 
anteur  les  sujets  mis  en  question.  Elle  s'est  done  decidee,  en 
couservant  la  valeur  du  prix,  a  supprimer  la  premiere  par- 
tie  du  programme  et  a  le  reduire  aux  questions  suivantes  : 
i°  La  Statistique  actuelle  du  Commerce  et  des  diver ses  branches 
de  l" Industrie  de  Marseille,  e'est-a-dire,  1'etat  de  ses  exporta- 
tions  et  importations,  la  nature  de  ses  relations  avec  l'Etran- 
ger  el  avec  Tinterieur,  la  situation  de  sa  marine  marchande 
cpmparee  a  celle  des  autres  porls  de  France,  le  nombre  de 
ses  fabriques,  le  nombre  des  ouvriers  qu'elles  emploient,  la 
quantile  des  matieres  premieres  qu'elles  consomment,  et  les 
qualites  qu'elles  preferent,  les  debouches  qui  leur  sunt  ou- 
verts,  etc. ;  —  2°  Indiquer  les  moyens  de  perfeclionner  et  dc 
developper  le  commerce  et  Piudustrie  de  Marseille.  Parmi  ces 
moyens,  l'auli'ur  devra  s'arrcter  plus  particulierement  a  ceux 
dont  Marseille  pourrait  etre  l'objet  special. 


:9s  France. 

Les  Metnoires  devront  ctre  adresses,  franc  de  port,  avanl 
le  i"  mars  i83i,  a  M.  An  gust  in  1'abbe,  avocal,  secretaire 
perpetuel. 

PARIS. 

Institht.  — Academic  des  Sciences.  — Mois  de  join  i8!>o.  — 
Seance  du  7.  —  M.  le  eomte  de  Loevenhiklm,  ministre  de 
Suede,  a  Paris  adresse  les  travauxde  la  Commission  sucdnise 
chargee  de  c'onstater  les  mouvemens  de  la  population  de  re 
royaume,  et  drmandc  a  l'Acadeniie  de  vonloir  bien  donner  a 
cetle  Commission  les  renscignemens  qui  seraimt  propres  a 
perlcetior.ner  srs  recherches.  — M.  de  Humboldt  ad f esse  mi 
Memoire  sur  riurlinaison  de  l'aiguillc  aimantce  dans  le  nord 
de  lAsie,  avec  des  observations  corrcspondantes  de  variations' 
horaires  laitcs  en  difierenlcs  parlies  de  la  terre.  —  L'Acadeniie 
precede  a  ['election  d'un  secretaire  perpetuel  en  remplate- 
ment  de  M.  Fm  RiER~Sur  44  votans,  M.  AragfrobCieTil  7hj  suf- 
frages; MM.  Poinsat,  Beudanl E,  Puissant,  Molard  et  Biot 
cliarun  un.  En  consequence  M.  Arago  est  proclame,  sauf 
{'approbation  du  roi,  secretaire  perpetuel  pour  les  sciences 
matliemaliques.  —  M.  Poiwsot  continue  la  lecture  de  son 
Memoire  sur  t'eqnateur  du  systcme  solaire,  dans  lequel  il  con- 
treilit  qui  Iques-uns  des  principes  et  des  formules  donnes  par 
l'illustre  autcir  de  la  Mecanique  celeste.  Une  discussion  s'en- 
gage  a  ce  sujet  enlre  M.  Pvisson  et  lui.  —  M.  Caiichy  lit  un 
Memoire  sur  la  throne  de  la  lumiere. 

Du  ifyjuin.  —  M.  Poiksot  lit  et  depose  sur  le  bureau  la 
note  suivante  : «  J'ai  l'lionneur  de  presenter  a  l'Acadeniie  la 
ciiiqi(ihneeditionde?nonTrtiiiedeSlatique.CeUein\\Uon  p resent e 
plusieurs  additions  assei  considerables;  mais  la  plus  impor- 
tante  consiste  clans  le  Memoire  sur  l'cquateur  celeste ,  dont 
j'ai  (ermine  la  lecture  a  la  dernicre  seance.  Ces  considerations 
nouvelles,  qui  regardent,  sans  rontredit,  ce  qu'il  y  a  de  plus 
general  et  de  plus  constant  dans  le  sysleme  du  monde,  ne  pen- 
vent  manqucr  d'exciter  1  'intcrel;  et  j'ai  lache  de  les  presenter 
d'une  mauiere  si  simple  qu'avant  pen,  j'ose  le  dire,  elles  pa- 
rnitront  elementaiics.  J'avais  domic  la  premiere  idee  de  cetle 
theorieaumoisde  mars  1828;  mais,  en  la  mettant  i.i  a  la  por- 
tee  des  lecteuis ,  j'offre  le  meilleur  nioyen  de  la  reconnaitre 
et  de  la  verifier.  Si  Ton  y  trouve  quelques  difficultes  ou  quel- 
ques  objections  a  faire,  je  m'empresserai  de  les  examiner  et 
d'y  repondre  pourvu  qu'on  les  ecrive,  afin  qu'etant  une  fois 
resolues  il  ne  soil  plus  necessaire  d'y  revenir.  11  ne  s'agit  point 


PARIS.  rG9 

ici  de  M.  dc  Laplace,  a  qui  Ton  rend  toute  justice;  ni  de  ce 
qn'il  a  pu  penser  an  dedans  de  lui-meme,  mais  de  ce  qu'il  a 
mis  dans  ses  ouvrages;  la  discussion  ue.peul  etre  ni  longue  ni 
difficile,  parce  que  notre  theorie  est  de  la  plus  grande  simp'i- 
cite,  et  que  noire  nouveau  plan  dilfcre  beaucoup  du  plan  de- 
termine par  M.  de  Laplace;  car  ce  o'est  point  une  difference 
d'un  dix-millieme  de  seconde  (comine  un  I'a  fait  dire,  sans 
doute  par  erreur,  a  I'un  de  nos  savans  confreres,  mais  d'envi- 
ron  12  minutes  sur  l'iuclinaison  ,  et  de  a  ou  5  de^res  sur  la 
longitude  du  noeud ;  ce  qui  est  ici  une  quantite  Ires-conside- 
rable.) » —  M.  Cai  chy  annonce  avoir  trouve  les  ibrinules  re- 
latives a  la  dispersion  de  la  lumiere,  et  presenle  un  Mcmoire 
sur  ce  sup  t.  —  M.  Heron  de  Ville fosse  fait  un  rapport  ver- 
bal avantageux  sur  les  ouvrages  alleinands  de  M.  Guilt. 
Muller,  relatifs  aux  inondations  qui  onl  eu  lieu  sur  les  cotes 
de  la  iner  du  Nord,  le  5  ct  le  Zj  fevrier  i8a5.  — Au  nom  d'une 
commission  speciale,  M.  Coqcebert-Montbret  fait  un  rapport 
sur  les  ouvrages  presentes  au  concours  de  stulistique.  Le  prix 
est  decerne  a  M.  Prvis,  ancien  oflicier  d'artillerie  et  eleve  de 
l'Ecole  Polylechnique,  pour  sa  notice  statist ique  du  departe- 
ment  de  l'A in  en  1828.  Le  rapport  menlionne  honora!)lcment : 
i°  les  travaux  de  M.  le  Dr  Villerme  sur  la  staiislique  humainc  ; 
2°  la  statist  ique  du  canton  de  Nivillers  Oise),  par  M.  (Graves, 
chef  de  division  a  la  prefecture  de  Beauvais:  la  statislique 
du  departement  des  Pyrenees -Oricntales  par  M.  Izmi.  — 
MM.  de  Prony  ct  Navier  font  un  rapport  sur  le  projet  de 
M.  Delaporte,  relatif  a  une  nouvelle  construction  de.-  ponts 
en  fer.  En  voici  les  conclusions  :  1"  le  pout  propose  e>t  concu 
sur  le  piincipe  connu  des  systemes  de  cbarpenle  dans  lesquels 
on  combine  ensemble  des  pieces  resistant  a  la  compression  et 
d'a litres  resistant  a  la  tension;  20  les  parties  du  pont  n'clant 
point  clans  un  etat  d'equilibre  stable,  ce  genre  de  construc- 
tion ne  convient  pas  mieux  a  de  tres-grandes  ouvertures  que 
celui  des  ponts  en  fer  forma  fit  voutequi  out  ete  executes  jus- 
qu'a  present;  5°  en  cherchant  a  supprimer  toute  aclion  de 
repulsion,  de  traction  sur  les  culees,  on  est  oblige  d'employer 
pour  les  arches  un  mode  de  construction  beaucoup  pluscofi- 
teux  (pie  celui  des  ponts  dont  on  vient  de  parler  ou  des  ponts 
suspendus;  et  l'exccs  de  depense  qui  en  resulte  ne  peut  etre 
compense,  a  beaucoup  pres,  dans  la  plupart  ties  cas  qui  pour- 
ront  se  presenter,  par  Peconomie  qu'on  ferait  sur  la  construc- 
tion des  culees.  Nous  pensons  en  consequence  que  le  systeme 
de  construction  propose  pour  Its  ponts  en  fer  par  M.  Dela- 
porte ne  doit  pas  etre  prefere  sous  le  rapport  de  In  solidite  et 


»oo  FRANCE. 

de  l'economie  BOX  systemes  qui  sont  aujourd'bui  en  usage. 
(Adoptc.)  —  La  section  d'astronomie  propose  d'accorder  pom- 
cette  annee  la  medaille  fondee  par  M.  fie  Lalant/e  a  M.  Gam- 
bart,  directeur  de  l'Obscrvatoire  de  Marseille,  qui  a  apercu  le 
premier  la  nouvelle  comcte,  I'a  observcc  avec  le  plus  grand 
soin,  et  a  determine  les  eletnens  de  la  parabole.  Elle  pense  que 
la  somme  reservee  l'au  dernier  pourrait  servir  a  deux  autres 
medaillcs  dont  l'une  serait  donnee  a  M.  Gambey,  a  qui  l'Ob- 
servatoire  est  redevable  d'une  magnifique  lunette  meridienne, 
munie  d'un  grand  cercle  d'inclinaison  et  d'un  equatorial  on 
Ton  remarque  une  foule  d'artifiees  tres-ingenieux.  L'autre 
serait  accordee  a  M.  Perrelet,  inventeur  d'un  compteur  a 
detente,  a  l'aide  duquel  un  observateur  inexperhnente  peut 
esperer  par  exemple,  des  son  debut,  de  determiner  Pinstant  du 
passage  d'une  etoile  sous  lesdifferens  tils  du  reticule  de  la  lu- 
nette meridienne  avec  la  precision  d'un  dixieme  de  seconde 
de  terns.  Ces  diverses  propositions  sont  adoptees  par  1' Aca- 
demic 

Du  21  juin.  —  M.  Picquart,  directeur  de  1'etablissement  de 
M.  le  Dr  Deleau  pour  l'education  des  sourds-muets  qui  lui 
sont  confies  parl'Academie,  adresse  le  certificat  de  l'ecclesias- 
tique  qui  a  fait  faire  la  premiere  communion  a  trois  d'en- 
treeux.Voiii  ce  certificat:  «  Je,  soussigne,  pretre  de  la  paroisse 
des  Blancs-Manteaux,  certifie  que  les  nomnies  Henri  Chabot, 
Alexandre  Martin  et  Honore  Trezel  ont  fait  leur  premiere 
communion  et  recu  le  sacrement  de  confirmation  dans  cette 
eglise,  les  10  et  1  i  juin  i85o.  Nous  avons  etc  edifies  de  leur 
piete,  et  surtout  agrcablement  surpris  de  la  maniere  dont  ils 
ont  repondu  orulement  aux  differentes  questions  qui  leur  ont 
ete  adressees  sur  le  catechisme.  »  Signe  Jacquet ,  pretre.  — 
M.  Cauchy  prcsente  un  Memoire  sur  la  transformation  et  la 
reduction  d'une  certaine  classe  d'integrales.  —  M.  Navier  lit 
une  note  sur  l'ouvragc  intitule  :  Analyse  des  Equations  deter- 
miners, dont  M.  Fourier  avait  commence  l'impression  ,  etdont 
les  3e  4e  et  5C  feuilles  avaient  passe  en  epreuves  sous  ses  yeux. 
«L'ouvrage  renferme  une  preface,  une  introduction  conte- 
nant  les  prineipaux  points  de  l'analyse  algebrique  qui  servent 
de  point  de  depart  a  l'autcur;  un  tableau  synoptique  conte- 
nant  une  exposition  detaillce  des  matieres  qui  devraient  for- 
mer le  sujet  de  l'ouvrage,  et  ou  Ton  voit  qu'il  devrait  elre  di- 
vise  en  sept  livres.  La  copie  de  Pexpose  et  des  deux  premiers 
livres  a  ete  trouvee  en  ordre,  et,  selon  toule  apparence,  prete 
pour  l'impression;  e'est  la  partie  qui  devait  etre  publiee  en 
premier  lieu  et  separement.  II  y  a  tout  lieu  d'esperer  que  les 


PARIS.  801 

materiaux  des  derniers  livres  existent  dans  les  papiers,  el  que 
ces  nouvelles  recherchcs  ne  sont  point  perdues.  —  M.  Thk- 
nard  lit  des  observations  sur  la  lumiere  qui  jaillit  de  l'air  et  de 
l'oxigene  par  la  compression.  —  L'Academie  va  an  scruiin 
pour  la  nomination  d'un  corrcspondant  dans  la  section  de 
geometrie.  M.  Gergonne,  qui  obtient  53  voix  sur  5^,  estpro- 
clame  correspondant.  —  MM.  Geoffroy-  Saint- Hilaire  et 
Serres  font  un  rapport  sur  une  fille  a  deux  teres,  nee  recem- 
ment  en  France,  aux  pieds  des  Pyrenees.  Lcs  conclusions  sont 
adoptees. — M.  CArcmlitla  afpartjede  sonMemoire  sur  la  Lu- 
miere. — MM.  de  Freycinet  et  Roussin  font  un  rapport  sur  la 
nouvelle  rose  des  vents,  de  M.  Longeville;  en  voici  les  con- 
clusions :  «  Si  une  modification  peut  etre  desiree  dans  la  gra- 
duation des  instrumens  destines  comme  la  boussole  a  mesurer 
des  distances  angulaires,  e'est  celle  qui  ctablirait  Ja  division 
decimale,  a  cause  de  la  facilitequ'elle  introduit  dans  le  calcul. 
Mais,  si  jusqu'ici  on  a  vainement  desire  de  voir  generalise!'  ce 
changement,  qui  serait  une  amelioration,  il  n'est  pas  probable 
qu'onobtienneplusde  suceespour  faire  prcvaloir  une  methode 
qui  ne  se  recommanderait  par  aucun  avanlage.  Celle  que  pro- 
pose M.  Longeville  est  tout -a-fait  clans  cette  derniere  cate- 
goric Elletendrait  a  compliquer  l'enonce  des  resultatsdonnes 
par  la  boussole;  elle  detruirait  le  rapport  qui  existe  entre  la 
graduation  de  cet  instrument,  la  division  ordinaire  du  cercle 
et  celle  de  presque  tous  les  autres  instrumens  destines  a  me- 
surer les  angles  ;  enfinelle  contrarierait  un  usage  depuis  long- 
terns  adopte  pour  retarder  plutot  que  pour  faire  prevaloir  la 
division  decimale,  seule  amelioration  qu'il  soit  vraiment  desi- 
rable d'introduire  dans  la  graduation  des  instrumens  dont  il  s'a- 
git  ici.  Par  ces  considerations,  je  suis  oblige  de  conclure  que 
la  proposition  de  31.  Longeville  ne  me  parait  offrir  aucune 
utilile. »  (Adopte.) 

—  Du  28  juin.  - —  M.  Cauchy  presente  la  suite  de  ses 
recherches  sur  la  dispersion  de  la  lumiere,  comprenant  les  lois 
de  ce  phenomene ,  et  d'autres  rechercbes  sur  la  propagation 
des  ondes  planes,  dont  la  determination  se  trouve  liee  a  l'in- 
tegration  des  equations  lineaires,  aux  differences  parlielles 
dans  lesquelles  les  diverses  derivees  de  la  variable  principale 
ne  sont  pas  toutes  du  meme  ordre.  —  M.  Lacroix,  au  nom  de 
la  commission  des  prix  de  mathematiques ,  composee  de 
MM.  Poisson,  Poinsot,  Legendre  et  lui,  fait  le  rapport  sui- 
vant  :  1°  le  grand  prix  sur  la  resistance  des  fluides  est  remis  a 
deux  ans,  en  faisant  mention  honorable  de  la  piece  n°  1  :  Tau- 
(eur  de  ce  Memoire ,  qui  s'est  empressc  <\o  reconnaitre  qu'il 
r.  xi.vi.  jvin  1  83o.  5i 


Su.i  Fit  A IV  CK. 

n'avait  pu  enecre  satisfairc  pleinenicnt  a  la  question .  a  pre- 
sents unc  suite  d'experiences  tres-ingenieuses  qui  jioiuioul 
par  de  nouveanx  efforts  conduire  a  des  rcsultats  inqiorlans  ; 
9.°  le  grand  pri\  propose  pourceliii  dcsouvragesqui  prcsenlera 
rappliration  la  pins  imporlante  des  theories  matliematiques, 
oil  qui  contiendrail  une  decouvertc  analylique  Ires-reinar- 
quable,  est  partage  entre  la  famillc  dc  leu  M.  Abel,  de  Cliris- 
tiania,  et  M.  Jacjki,  dc  Keenigsberg.  —  31.  Henri  de  Cassini, 
au  nom  d'une  commission,  fait  un  rapport  sur  la  seconde  edi- 
tion nianuscrite  du  Glossaire  de  Botanique  de  M.  de  Theis. 
«  La  connaissance  des  etymologies  offre  surtout  de  I'interet 
dans  une  science  telle  que  la  botanique,  dont  la  nomenclature 
immense  el  dont  presque  tons  les  termes  sont  significatifs , 
laisant  allusion  tantot  a  quelque  caraetere  de  la  plante,  tantot 
a  ses  proprietes  vraies  on  pretendues,  tantot  enfm  a  diverses 
circonstances  historiques  on  fabuleuses  qui  s'y  rattachent. 
M.  dc  Theis  a  done  eu  une  heureuse  idee  lorsqu'il  a  compose 
son  Glossaire  de  Botanique  on  Dictionnaire  etymologique  de 
tons  les  noms  et  termes  relatifs  a  cette  science.  Ce  livre,  il 
est  vrai,  est  moins  un  ouvrage  de  botanique  qu'un  ouvrage 
d'erudition.  Cependant  il  petit  ctre  utile  aux  botanistes  et  sur- 
tout aux  eicves  presque  toujours  effarouehes  par  une  nomen- 
clature accablante  pour  la  memoire  et  sterile  pour  la  pensee, 
lant  qu'une  idee  ne  se  rattache  pas  a  chaque  mot.  L'auteur 
parait  avoir  mis  beaucouji  de  soin  a  ne  donner  que  des  etymo- 
logies exactes,  non  hasardees,  et  puisees  aux  meilleures  sour- 
ces. Onconcoitpourtant  qu'ilpeutlui  etreechappe  deserreurs, 
et  nous-memes  en  avons  note  quelques-unes  en  feuilletant 
rapidement  les  pages  dc  son  livre.  Ces  critiques  ne  nous 
empechent  pas  de  mconnaitre  que  le  Glossaire  de  M.  de  Theis 
est  un  ouvrage  intercssaut,  utile,  estimable  :  et  nous  pensons 
qu'il  merite  ['approbation  de  l'Academie.  »  (Adppte. )  —  Le 
meme  membre  rend  un  compte  verbal  favorable  des  Lettrcs  d 
Julie  sur  I'Entomologie,  suivies  de  la  description  methodique 
de  la  plus  grande  partie  des  insectes  de  France.  —  M.  GiRor 
de  Bvzareingies  fils  lit,  pour  son  pere,  un  Memoire  relatif  a 
Roquefort,  a  ses  caves  froides  et  a  ragricullure  des  environs.  ■ — 
M.  Arago  communique  deux  notes  :  la  premiere  est  relative  a 
une  serie  de  triangles  dans  les  goiivernemens  de  Wilna  et  de 
Grodno,  comprenant  B"  de  latitude,  de  52  a  6o".  II  annonce 
aussi  que  la  meridienne  de  Dorpat  doit  ctre  prolongee.  La 
partie  du  nord  sera  exei  nice  sons  lesordres  de  M.  Struve.  File 
commencera  a  Tile  de  Hogland,  dans  le  golfe  de  Sainl-Peters- 
bourg,  traversera  tonte  la  Finlande  et  ira  rejoindre  le  degre  de 


PAULS. 
Laponie  pres  de  Torneo.  M.  Slruve  a  deja  fait  un  cxamen  de- 
taille  du  terrain,  et  ne  prevoit  aucun  obstacle.   La  deu.rhme 
note  donne   les  elemens  de  la  nouvelle  eomete  ,   calcules  par 
M.  B.  Waez,  d'apres  ses  prop  res  observations. 

Passage  au  Peribelie.  Avril  9  jours,  876,  terns  moyen,  comptc 
de  minuit. 

Distance  du  Peribelie 0,9216 

Longitude  du  Perihelie 212%  1 1\ 

Longitude  du  noeud 206°, 22' 

Inclinaison 2i°,i6' 

Mouvenient  direct. 

Ces  elemens  representent  tous  les  observations  a  line  mi- 
nute pres  pendant  un  intervalle  de  38  jours  :  la  cometo  a  passe 
pres  de  la  terre  vers  la  fin  dc  mars;  la  moindre  distance  a  du 
etre  d'environ  ■—  de  telle  du  soleil.  »  A.  Michelot. 

r —  Academie  franfaise.  — Seance  publique  du  29  jiiin,  pour  la 
reception  de  M  M.  Philippe  de  Segur  et  de  Pongerville,  recem- 
mentelus. — Une  reunion  hrillante  assislait  a  celte  solennite  litte- 
raire.  Au  moment  ou  les  membres  de  l'lnstitut  ontpris  seance, 
tous  les  spectateurs  ont  cherche  parmi  eux  M.  le  comtcde  Se- 
gur  ;  tous  out  vivementregrette  qu'unemaladie  tropprolongte 
lesprivat  du  spectacle  interessant  et  je  crois  nouvenu  d'un  pere 
accueillanl  son  fils  dans  le  sanctuaire  des  lettres;  et,  lorsque 
I'historien  de  la  Campagnc  de  Russie,  attribuant  son  election  a 
la  baiilc  estime  dont  une  longue  serie  de  services  public  et  de 
succes  littcraires  ont  environne  M.  de  Segur,  a  dit  que  e'e- 
tail  son  pere  que  l'Academie  avait  de  nouveau  nomme  en  lui, 
d'unanimes  applaudissemens  ont  rendu  h omnia ge  a  ce  senti- 
ment filial,  qui  est  en  meme  terns  untrait  remaiquable  ilemo- 
destie.  M.  Philippe  de  Seg.ir,  qui remplace  a  l'Academie  1'ran- 
caise  Mi  de  Levis,  son  oncle,  a  fail  avec  beaucor.p  de  conve- 
nance  1'elogo  des  qualitcs  sociales  et  des  spirituelles  produc- 
tions de  son  predeeesseur.  Le  resle  de  son  discours  a  ele 
consacre  a  la  discussion  desnouveaux  principes  litteraires  eta 
des  protestations  de  respect  pour  la  langue,  que  Ton  aime  a 
entendre  de  la  bouche  d'un  ecrivain  qui  s'est  distingue  par  la 
hardiesse  du  style  et  par  la  nouveaute  def-  expressions. — Mb  Ar- 
nault, qui  presidait  la  seance,  apres  avoir,  dans  sa  reponse 
an  recipiendiaire,  releve  le  merite  de  ses  deux  grandes  com- 
positions historiques  (  VHistoirr  de  la  Cnmpagne  dc  Hussie  el 
VHistoire  dr.  P ierre-le-Grand),  s'est  eleveavec  force  contre  les 
innovations  basardeuses  auxqiiellcs  se  livre  la  jeune  ecole  lit- 


bo4  ihainci:. 

tenure;  cello  iucui'sion  sur  les  domaiucs  Ju  romanlisme  a  etc 
t'requemment  encourageo parl'auditoirc. — M.  de Pongerville, 
qui  venait  oecuper  le  lautcuil  de  M.  de  Lally-Tolendal ,  glis- 
s ant  habilement  sur  la  derniere  partie  de  la  vie  publique  de 
son  predeeesseur,  s'est  attache  a  faire  ressortir  les  services 
qu'il  avait  precedemment  rendus  a  la  cause  de  la  patrie,  et 
surtout  les  cvencmens  dramatiques  de  sa  vie  privee.  La  part 
que  Voltaire  a  prise  a  la  rehabilitation  de  la  memoirc  de  I'in- 
f or  tune  general  Lally  a  offer  t  a  1'orateur  une  transition  natu- 
relle  pour  passer  de  I'elogc  de  l'liomine  de  genie  a  l'apo- 
logie  du  siecle  qui  lut  en  quelque  sorte  son  ouvrage.  Cette 
partie  du  discours  de  I\l.  de  Pongerville  a  paru  lairc  une  vive 
impression  sur  ses  auditeurs;  nous  y  avons  remarque  cette 
observation  anssi  prol'onde  que  vraie,  qu'au  milieu  des  syste- 
mes  qui  diviscnt  aujourd'hui  la  politique  et  la  philosophic, 
ceux-la  memes  qui  combattent  les  doctrines  du  xvnic  siecle 
suivent  encore  a  lcur  insu  l'impulsion  qu'il  a  donnee  a  l'esprit 
humain. — M.  de.Iouy,  qui  a  repondu  a  M.  de  Pongerville,  s'esl 
inontre  juste  appreciateur  du  merite  de  ses  ouvrages.  II  a  rap- 
pele,  a  propos  de  la  traduction  de  Lucrece, cemotingenieuxde 
Frederic  sur  celle  des  Georgiques  :  que  c'etait  l'ouvrage  le 
plus  original  qui  eul  paru  depuis  long-tems;  et  il  a  vu,  dans 
l'heureux  talent  donl  M.  de  Pongerville  a  faitpreuve  en  natu- 
ralisant  parmi  nous  les  beautes  males  de  Lucrece  et  la  gra- 
cieuse  poesie  de  1'auteur  des  Metamorphoses,  un  gage  assure 
de  son  avenir  litter  aire.  De  nouveaux  traits  lances  aux  ro- 
manliques  avec  la  spirituclle  malice  que  l'on  jonnait  au  bon 
Ermite  out  excite  de  rechef  lagaitede  l'Assemblee.  Avouons- 
le  cependant,  il  est  a  regretter  qu'un  accord  prealable  entre 
les  orateurs  n'ait  pas  prevcnu  un  retour  trop  frequent  sur  oe 
sujet;  il  ne  taut  abuser  de  rien ,  pas  meme  de  la  raison.  En 
resume,  le  public  a  du  se  retirer  satisfait  d'une  seance  oii  il  a 
vu  s'asseoir  a  l' Academic  deux  ecrivains  aussi  honorables  par 
le  talent  que  par  le  caractere  et  dont  l'admission  est  d'un 
heurcux  presage  pour  les  futures  elections  de  ce  corps. 


A  thence  des  Arts.  —  Prix  proposes.  —  Dans  sa  seance 
publique  du  25  avril  dernier,  l'Alhenee  des  Arts,  l'une  des 
Societts  litteraires  et  scientifiques  de  Paris  les  plus  an- 
cienncs  et  les  plus  actives,  apres  des  lectures  interessantes 
faites  par  plusieurs  de  ses  membres,  a  propose  pour  sujets 
desprix  fondes  par  feu  M.  TcnREL,  membre  de  PAthenee  des 
Arts,  et  qui  serodt  decernes  a  la  seance  annunlic  de  i85i,  les 


PARIS.  8o5 

questions  suivanles  :  i"  Classe  des  sciences:  « Definir  avec 
precision  le  veritable  sens  du  mot  civilisation;  signaler  les 
principaux  caracteres  distinctifs  de  notre  civilisation  actuelle 
les  lacunes  et  les  abus  que  Ton  peut  y  remarquer,  les  moyens 
de  remplir  ces  lacunes,  de  combattre  ces  abus  et  de  les  de- 
Iruire  peu-a-peu  ;  montrer  enfln  comment  on  pourrait  donner 
aux  progres  de  la  civilisation,  dans  les  differentes  parties 
qu'elle  embrasse,  une  meilleure  direction  et  une  impulsion 
plus  rapide.  »  2°  Classe  des  lettres  :  «  Presenter  un  tableau 
comparatif  de  l'etat  de  la  prose  et  de  la  poesie  au  xvie  siecle, 
au  xvne  el  a  l'epoque  actuelle. »  —  3°  Classe  des  arts  :  «  Quels 
sontlesobjets  d'arts  que  nous  tirons  des  pays  etrangers  et  que 
nous  ne  fabriquons  pas  aussi-bien  qu'eux,  ou  que  nous  ne  fa- 
briquons  pas  du  tout  ?  Quels  moyens  aurait-on  de  fabriquer 
ces  objets?»  — L'auteur  du  meilleur  Memoire  sur  chacun  de 
«es  sujets  recevra  une  medaille  de  la  valeur  de  3oo  fr.  Les 
Memoires  devront  etre  adresses  au  secretaire-general  de 
l'Atheneedes  Arts,  a  PH6tel-de-ViIle,  avantle  ier  Janvier  1 83 1 . 
Societe  d'Enseignement  eUmentaire  :  Seance  publiaueannuelte 
tenue  le  iGavril  i83o.  —  Cette  seance  a  ete  fort  brillante,  et 
l'on  y  remarquait  la  presence  d'un  grand  nombre  d'hommes 
distingues.  Les  colonnes  de  la  salle  etaient  decorees  d'echan- 
tillons  d'ecriture,  de  dessin  lineaire  et  de  couture  d'une  per- 
fection surprenanle  pour  ceux  qui  savaient  que  ces  objets 
etaient  1'ouvrage  des  ecoles  elementaires  de  Paris,  d'Amiens, 
de  Nancy,  de  Gisors,  de  Liancourt,  d'Angers,  de  plusieurs 
autres  villes  des  departemens  et  meme  de  celles  du  Senegal. 
M.  (/<■  Lasteyvie  presidait.  M.  de  Gerando  a  lu  un  rapport  sur 
les  tra  vaux  de  la  Societe,  sur  Pextension  que  sa  correspondance 
a  prise,  sur  les  developpemens  de  Penseignement  mutucl  en 
France  et  dans  les  autres  parties  de  I'Europe  el  du  monde. 
Trois  jeunes  F,thiopiens,  achetes  par  M.  DrcvetU,  amenespar 
lui  en  France  et  places  dans  rinslitution  de  M.  Regnaud,  a 
Bourg-la-Reine,  ont  ete  presentes  a  I'asscmblee,  et  semblaient 
appuyer  les  paroles  de  M.  de  Gerando,  en  qualite  d'ambassa- 
deur  d'une  civilisation  jeune  comme  eux  etcomme  cux  pleine 
d'esperances.  (Voy.  ci-apres  un  extrait  du  lapport  de  M.  Jomard 
surles  progres  de  ces  jeunes  Etliiopiens.)  M.  Delacourt  a  rendu 
compte  de  l'etat  des  ecoles  gratuites  du  departement  de  la 
Seine.  Elles  sont  au  nombre  de  vingt-huit, et  recoivent  environ 
cinq  mille  eleves.  Huit  sont  destinees  aux  adultes.  Sur  les 
vingt  autres,  quatre  sont  destinees  aux  fdles.  Les  recettes  se 
sont  elevees  a  5o,  197  fr.  92  c.  et  les  depenses  '1  !\$.ioj  fr. 
96  c. 


8oti  I'UANCE. 

La  Societe  de  la  morale  chrclicnne,  telle  des  uielhodes  d'cn- 
scigncment  el  celle  de  rcnseiguemcnl  rk-meulaire  $e  soul  reu- 
nies  pour  fonder  un  pi ■ixqui  sera  decern*':  au  nieilleur  Memoire 
en  faveur  de  la  liberie  de  renseignemeut.  Huit  Meiuoircs  onl 
ete  envoyes;  mais  la  commission  nominee  par  les  trois  Socie- 
tes  pour  les  examiner  n'a  pas  cm  qu'il  y  eul  lieu  a  deccrner 
le  prix  :  le  com/ours  a  ele  proroge  an  icr  Janvier  i83i .  M.  Her- 
piu  a  lu  uu  rapport  snr  les  Memoires  envoyes.  >1.  Renouard  a 
prononce  ensuile  un  discours  Ires-rcmarquable  sur  la  liberie  de 
l'enseignemenl.  L'orateur  a  ete  plusieurs  fois  interronipu  par 
des  applandissemens  unanimes,  el  nous  ne  resisterions  pas  an 
desir  de  reprodnire  quelques-uns  des  passages  qui  onl  le  plus 
frappc  I'aiuliloire,  si  M.  JAenouard  n'avait  deja  developpe  avec 
etendue,  dans  notre  recueil,  scs  excellentes  vues  sur  ce  sujel 
important  (voy.  Rev.  Enc,  t.  xl,  p.  i5  et  265,  oetobre  et  no- 
vembre  1828  ).  —  Knfin  un  prix  a  ete  rends  an  jeune  Rankojf 
par  le  president.  —  Dans  rinlervallequi  separait  chaque  dis- 
cours,  les  eieves  des  diverses  ecoles  que  la  Societe  soulient  a 
Paris,  et  dans  lesquelles  la  mnsique  est  enseignee  par  la  me- 
thode  mutuelle,  out  execute  des  morceauxd'ensemble  ([uionl 
a  la  Ibis  surpris  et  charm  c  l'assemblee.  Plusieurs  des  jeunes 
inuskiens  onl  ete  remarques  pour  la  beaute  de  leurs  voix  : 
lo-us  out  fait  honneur  au  professeur  qui  met  taut  de  zele  a  re- 
pandre  dans  le  peuple  un  art  qui  peut  contribuer  a  ameliorer 
beaucoup  samoralile  :  ceprofesseurest  M   Bocquillon  IVilhem. 

—  Education  des  jeunes  E thiopiens  envoyes  en  France.  — 
Extrait  d'un  Rapport  prcsente  1  ur  ce  sujet  d  la  Societe  d'En- 
sciiineynent  elementaire ,  par  une  Commission  spcciale,  cam- 
posce  de  MM.  Bally,  Codtelle  el  Jomard.  —  La  Commis- 
sion, nominee  pour  suivre  les  progres  des  jeunes  Ethio- 
piens  envoyes  en  France  par  M.  Drovetti,  s'est  rendue 
plusieurs  fois  a  Bourg-la-Iieine ,  cbez  M.  Uegnaud ,  maitre 
de  pension,  a  (|ui  ils  out  ele  confies,  le  27  mai  1829.  Plu- 
sieurs Ibis  elle  a  fait  counaitre  ses  observations ;  inais  elle 
doit  aujourd'hui  un  compte  plus  detaille  du  resultat  des 
soins  donl  ces  enfans  out  ete  l'objet.  On  s'est  occupe  de  leur 
intelligence,  de  leur  etat  moral  et  <le  lenr  etat  physique.  Le 
maitre  et  la  maitresse  de  la  pension  les  coosiderenl  commc 
leurs  propres  enfans,  soit  en  sante,  soit  dans  les  cas  de  ma- 
kulie.  La  ineme  sollicitude  est  observce  a  leur  egard  (|ue  pour 
les  propres  filsdu  directeur  :  cesontaussi  les  memes  attentions. 
les  memes  enseiguemens  ,  les  memes  exercices.  Une  telle  con- 
duite  eleve  ces  inleressans  orphelins  a  leurs  propres  yeux  ; 
elle  leur  fait  apprecter  le  bienfait  de  la  liberte  et  celui  do  Tin 


PARIS.  8o7 

slruction;  la  civilisation  trouvera  nn  jour  en  (;ux  do  vcrita- 
bles  missionnaires. 

Avant  de  parler  des  occupations  ct  du  progres  des  jcuncs 
Etbiopiens,  il  convient  de  rappeler  plusieurs  circonstances 
qu'onpourrail  avoir  perdues  de  vue.  Six  jeunesesclavesetbio- 
phiens  ont  ete  genereusement  racbetes  de  la  servitude,  il  y  a 
deux  ans,  par  M.  Drovetli.  consul  general  de  Fiance  en 
Egypte.  lis  venaient  de  parlies  Ires-reculees  des  pays  supe- 
rieurs  a  l'Egypte  et  a  la  Nubie.  Aprcs  avoir  ete  amenes  et  cn- 
tretenus  en  Egypte ,  aux  frais  et  par  les  soins  de  M .  Drovetli , 
ils  ont  ete  enibarques  sur  im  vaisseau  mareband,  nourris  et 
habilles ;  conduits  a  Marseille  et  en  fin  a  Paris.  Quelques  inci- 
dens  de  leur  voyage  de  Marseille  a  Paris  meritenl  peut-etre 
ici  une  mention.  A  Montelimart ,  d'apres  le  rapport  du  con- 
ducteur,  une  populace  ignorante  jeta  des  pierres  sur  la  voiture 
qui  contenait  les  six  Etbiopiens  :  ces  hoinmes  paraissaient 
scandalises  de  voir  taut  de  figures  noires  a  la  ibis.  A  Lyon,  on 
eprouva  aussi  quelques  difficultes.  Quand  ils  arriverent  a  Paris, 
c'etait  de  grand  matin,  une  multitude  de  curieuxse  precipila 
dans  la  maison  de  la  rue  de  Grenelle  on  ils  etaient  adresses,  et 
Ton  ne  put  les  en  faire  sorlir  sans  beaucoup  de  peine.  One 
Ibis  delivres  de  cede  foule  imporlune,  les  an  fans  se  piecipi- 
lerent  bors  de  la  voiture  avec  vivacite,  mais  sans  trouble  ni 
embarras,  puis  se  jeterent  gaiment  sur  le?  Ibuets  des  cocherset 
sur  lout  ce  qu'ils  trouvere-nt  dans  la  cour,  afin  de  se  recreer  et 
de  se  delasser  ainsi  d'une  longue  route  et  ^uw  etat  de  gene 
penible  et  fatigant. 

Oeux  d'entre  eux,  en  qualite  d'Abyssins  et  de  cbretiens,  onl 
ete  recus  a  Saint-Lambert,  dauslacommunaute  dile  de  Saint- 
Antoine.  Ce  sont  les  quatre  autres  que  Ton  a  places  a  Bourg- 
la-Reine,  et  dont  la  Societe  a  pris  soin ,  dans  l'esperance 
qu'ils  reporter  ont  dans  1  ur  patrierinslruction  qu'ils  recoivenl, 
et  qu'ils  pourront  meme  un  jour  y  etablir  des  ecoles. 

En  arrivant  a  Paris,  ces  enf'ang  ne  savaient  pas  un  seul  mot 
de  francais.  Les  tableaux  des  ecoles  elemenlaires  furent  mis 
sous  leiirs  yeux,  des  leur  entree  dans  la  pension  ,  le  27  mai 
1829.  La  capacite  relative  des  quatre  jeunes  Etbiopiens  ne 
tarda  pas  a  se  faire  connaitre;  ce  qu'ils  ont  ete  dans  la  pre- 
miere semaine  ,  1'un  par  rapport  a  1'aulre  ,  ils  le  sont  encore  ; 
les  progres  de  tons  sont  reels  et  meme  tres-remarqnables ; 
mais  ils  reslent  toujours  classes  dans  l'ordre  suivanl  :  Malt- 
bo ub ,  le  plus  intelligent  et  le  plus  laborieux  ;  Mourgian,  capa- 
ble et  aclif;  Bllal ,  moins  intelligent  en  general;  Monrchal, 


8o8  FRANCE. 

un  peu   lent  et  inactif.  Le  dernier   toutefois    avait  d'abord 

mienx  reussi  que  le  troisieme. 

C'est  pour  la  premiere  foisque  des  Ethiopiens,  transposes  en 
France,  etaient  souuiis  a  des  etudes  suivies.  On  voit  mainte- 
nant  que  ces  enfans  ne  le  cedent  en  rien  aux  europeens  par 
les  resultats.  Tout  le  monde  sentira  de  quel  interet  est  cette 
experience,  et  il  est  superflu  d'insister  sur  ce  point.  Remar- 
quons  seulemenl  coinbien  l'usage  des  tableaux  des  eeoles  a 
contribue  an  succes.  Ces  enfans  sont  attentifs  et  observateurs; 
leur  curiosite  est  exeitee  vivement  par  tout  ce  qui  est  spec- 
tacle :  a  la  promenade,  dans  les  jardins  publics,  lors  de 
la  Yisite  des  monumens,  ils  questionnent  toujours.  Du  reste, 
ils  avaient,  des  le  jour  de  leur  arrivee,  donne  des  preuves 
d'intelligence.  L'un  de  nous,  charge  du  soin  deles  accueillir 
a  Paris,  les  conduisit  en  face  du  Louvre.  A  cet  aspect,  Mah- 
boub,  frappe  d'admiration,  s'ecria  :  «  Le  chateau  est  plus  beau 
que  celui  du  Kaire,  mais  ce  Nil  la  n'est  pas  si  beau  que  le  no- 
tre.»  —  Le  moral  de  ces  jeunes  enfans  a  attire  la  plus  serieuse 
attention.  On  a  voulu  leur  faire  comprendre  la  dignite  hu- 
maine,  leur  (aire  sentir  et  apprecier  la  superiorite  de  la  liberte 
sur  la  condition  servile  el  dependantc  a  laquelle  ils  etaient 
condamnes,  peut-ftre  pour  toujours.  Une  egalite  parfaiteregne 
entfe  eux  et  leurs  camarades  francais,  aux  jeux,  a  table  ,  a  la 
promenade  et  parlout.  Ils  n'appellent  jamais  le  maitre  et  la 
maitresse  de  la  pension  que  par  les  noms  de  pcre  et  de  mere. 

Les  deux  jeunes  Ethiopiens  places  a  Saint-Lambert  sont 
eleves  dans  la  religion  calholique;  a  leur  retour  en  Ahyssinie, 
ils  serviront  peut-elre  i\  propager  cette  croyance  parmi  leurs 
compalriotes.  Les  eleves  de  Bourg-la-Reine  pourront  contri- 
buer  a  repandre  rinstruction  primairc,  et  a  former  des  eeo- 
les. Instrfafts  a  l'aicle  des  tableaux  elenicntaires,  ils  seront  en 
etat  d'en  composer  de  semblables  en  divers  dialectes,  et  d'en 
enseigner  l'usage.  Tel  est  le  but  d'utilite  directe  et  immediate 
le  plus  en  rapport  avec  l'objet  que  se  propose  la  SocieU  d'e- 
ducation;  objet  qui  n'est  pas  restreint  a  la  France  seule,  puis- 
que  de  tout  terns,  et  des  son  berceau,  la  Societe  s'est  occu- 
pee  de  favoriser  l'etablissemcnt  et  l'amelioration  des  eeoles 
etrangeres. 

L'Ethiopie  est  une  contree  oi^  l'amelioration  qui  occupe  la 
Societe  n'a  pas  encore  penetre.  Le  Cap,  la  Senegambie,  la 
Cafrerie,  Madagascar,  l'Egvpte  et  d'autres  parties  du  littoral 
de  l'Afrique  out  des  eeoles;  mais  rien  encore  n'a  ete  fait  et 
nieme  n'a  pu  etre  fait  pour  la  Nubic  et  l'&hiopie  superieue. 

Indeperidamment  de  ce  but  philantropique,  la  France  pour- 
rait  avoir  un  jour  dans  nos  jeunes  botes  africaius  des  explora- 


PARIS.  809 

teurs  precieux.  lis  seront  instruits  plus  tard,  nous  l'esperons, 
dans  les  elemens  des  mathematiques,  de  l'histoire  naturelle  ct 
des  connaissances  medicales,  et  ils  seront  perfectionnes  dans 
le  dessin.  Ils  observeront  les  pays  interieurs,  ils  en  reeueille- 
ront  les  productions  physiques,  et  ils  lieront  avec  les  naturels 
des  relations  de  tout  genre  dont  le  commerce  fera  son  profit, 
ainsi  que  les  sciences  geographiques  et  naturelles. 


Reclamation.  ■ —  Lettre  a  Monsieur  le  Direct eur  de  la 
Revue  Encyclopedique.  —  Monsieur,  la  hauteur  probable  de 
la  ville  de  Temboctou  au-dcssus  du  niveau  de  la  mer,  que 
j'ai  deduite  de  la  navigation  de  M.  Caille  sur  le  grand  fleuve 
de  l'Afrique  septentrionale,  n'est  pas  de  a3o  a  3rJo  pieds  (ainsi 
que  me  l'a  fait  dire,  par  inadvertance,  l'auteur  d'une  analyse 
tres-bien  faite  de  la  relation  del'intrepide  voyageur),  (voy.  ci- 
dessus,  p.  5  io-532),  mais  bien  de  23oa  260  metres  (voy.  Jour- 
nal des  Voyages,  etc.,  t.  hi,  p.  287  et  suiv.)  II  m'a  paru  neces- 
saire  de  relever  cette  difference,  d'oii  il  resulterait  une  absur- 
dite  que  j'ai  reprochee  moi-meme  a  ceux  qui  font  couler  les 
eaux  du  Dhioliba  dans  le  Nil  d'Egypte.  Je  saisis  cette  occa- 
sion pour  signaler  un  nouvel  ecrit  de  M.  le  general  Donrin, 
faisant  suite  a  sa  Dissertation  sur  le  Cours  du  Niger,  sous  le 
titre  de  :  Lettre  a  I'edileur  de  Quarterly  Review,  etc. 
Je  suis,  etc.  Jomard. 


Chronique  des  Theatres  pendant  le  mois  de  juin  i85o.  — 
Onze  ouvrages  nouveaux  ont  ete  represenlesdepuis  le  1"  juin. 
—  Le  Theatre-Francais  a  donne,  le  28  juin,  Franpoise  de  Ri- 
mini, tragedie  en  5  actes,  de  M.  Gustave  Droeineau,  connu 
deja  par  le  succes  d'une  tragedie  de  Rienzi,  representee  a 
1'Odeon,  il  y  a  quelques  annees.  Le  sujet  de  Franpoise  de  Ri- 
mini, emprunte  au  Dante  par  unpoete  italien,  Pellico,  et  trans- 
porte  d'abord  sur  la  scene  francaise  par  M.  Constant  Berrier, 
est  d'une  simplicite  qui  n'est  point  sans  charme.  Mais  M.  Droui- 
neau,  craignant  sans  doute  de  manquer  de  matiere,  a  jete,  sur 
un  fond  qui  lui  semblait  trop  mi,  one  foide  de  petits  details, 
sou  vent  oiseux,  pour  remplir  les  vides  de  Taction  et  pour  la 
nuancer  de  couleurs  contemporaries.  II  en  est  resulte  que  la 
conception  generale  n'est  plus  assez  nette;  elle  est  embarras- 
see  de  trop  d'incidens  d'une  mediocre  importance ;  et  c'est 
une  regie  certaine  que  tout  incident  qui  ne  contribue  pis  a 
I'effet  y  nuit  par  cela  seul.Les  prieies  a  Dieu,  les  dt'lins.  les 


S».  FRANCE. 

cxageralionsdu  sentiment,  y  sunt  Iropprodigurs,  H  itpninJeii  I 
snr  I'ensemhle  ilu  (I r;t nn-  unv  Icinte  <le  monolcinie  (|iii  fatigue. 
Le  style  manque  aussi  quclquc  "Ibis  dunile;  on  dirait  que  I'au- 
tenr  hesite,  et  qu'il  n'est  pas  tonjours  sur  de  la  couleur  qu  il 
vent  donner  a  sa  pensce.  Du  resle,  les  defauts  que  nous  avon- 
CHI  reconnaitre  dans  cet  ouvrage  ne  nous  out  pas  enipechcs 
d'y  remarquer  de  veritablesbeautes  :  ila  qnelques  conceptions 
henreuses  qui  appartiennent  en  propre  a  I'auteur;  il  a  de  la 
passion  vivement  sentie  et  des  effets  tragiques  habilement 
prepares;  le  style  nc  manque  ni  de  clialeur,  ni  de  naturel ; 
enfin  Francoisede  Rimini  annonee  im  heureux  progres  dans  le 
talent  de  I'auteur  de  Rienzi. 

AI'Odeon,  M.  de  La  Marche  a  essaye  de  naturaliser  le  Mai •- 
cliand  de  Venise,  de  Shakespeare,  dans  un  drame  en  5  actes  et 
en  vers  (5  join.)  Accueillie  sans  nulle  faveur  le  premier  jour, 
cette  piece  decele  rinexperience  de  la  scene;  toutefois,  ii  y  a 
taut  de  rcssources  dans  la  grande  conception  de  TEschyle  an- 
glais qu'au  milieu  des  imperfections  1'interet  se  soutient  en- 
core ;  et,  malgre  de  nombreux  defauts,  il  y  a  de  reelles 
beautes  dans  la  peinture  de  Shylock  ;  1'iinitateur  a  etc: 
plus  d'une  fois  heureusement  inspire,  et  il  pent  meme 
revendiquer  plusieurs  traits  qui  lui  appartiennent  en  propre, 
et  qui  font  honneur  a  son  talent.  Le  style  est  inegal  et  quel- 
quefois  neglige;  mais  il  a  souvent  du  nerf,  et  la  couleur  est 
bien  celle  du  sujet.  —  Manon  Lcscaut,  roman  en  6  chapitres. 
par  MM.  Carmouche  et  de  Cocrcy,  a  paru  sur  ce  theatre  le 
26  juin.  Par  une  erreur  qui  n'est  pas  nouvelle,  les  imitateurs 
de  Prevost  ont  cru  pouvoir  adapter  aux  formes  dramatiqnes 
le  recit  habilement  developpe  d'un  roman  ou  la  passion  est 
peinte  avec  une  yerite  si  vive  et  si  entrainante.  Puis,  apres 
avoir  choisi  un  pareil  sujet,  ils  ont  recule  devant  les  difficultes 
qui  constituent  en  meme  terns  tout  son  charme;  ils  ont  tra- 
vesti  les  personnages,  el  leur  ont  enleve  tout  ce  prestige  d'o- 
riginalile  caracteristique  que  leromancier  avait  creeeavec  taut 
d'art  et  de  soin.  Enfin  le  style  n'a  pu  sauver  les  defauts  de  la 
composition;  car  il  manque  de  traits  et  de  couleurs. 

Le  Vaudeville  a  obtenu,  le  18  juin,  un  legitime  succes. 
VOnbli  ou  (a  Cliambre  Ttiipiiale,  vaudeville  en  1  acle,  par 
M.  Pal  lin,  est  une  de  ces  vives  et  spirituelles  productions  on 
toutes  les  difficultes  d'un  sujet  leste  et  scabreux  sont  abor- 
dees  avec  courage  el  surmontees  avec  adresse  et  talent.  C'est 
un  de  ces  tableaux  dont  le  fond  est  passablement  graveleux. 
mais  auxquels  on  pent  sourire  sans  crainte  de  se  compro- 
mcllre.   grace   a  ses  nuances  delicates  et  fines.  —  Aux  Va- 


PARIS.  —  NJ&JIOLOGIE.  811 

rietes,  les  Brioches  d  la  mode,  comedie-vaudeville  en  i  acte, 
j>.u  MM.  Dumersan  et  Brazier,  espico  cte  manifests  clussiquc 
clans  la  guerre  liltcraire  qui  se  lait  aujourd'hui  avec  tant  d'ar- 
deiif  de  part  et  d'aulre,  a  triomphe,  le  8  juin,  d'une  legere 
opposition,  grace  a  des  details  d'une  gaite  peut-ctrc  un  pen 
burlesque,  et  a  quantite  de  traits  spirituels  et  nialins.  Le  22 
juin,  un  autre  vaudeville,  I'Epce,  te  Baton  et  le.  Chausson,  par 
MM.  Martin  et  Ferrand,  n'a  pas  eu  un  sort  aussi  heureux, 
quoiqu'on  y  ait  remarque  des  esquisses  de  niosurs,  qui,  pour 
representer  une  nature  vulgaire,  ne  manqueut  point  de  verve 
ni  de  verite.  —  Aux  Nouveautes,  Une  ISuit  da  Due  de  Mont- 
fort,  comedie  en  2  actes,  par  MM.  Frederic  etARNOiaT,  d'oii 
la  censure  a  relranche  les  minis  de  Charles  VII  et  d' Agnes 
Sorel,  a  dii  son  suites  a  la  musique  d'un  opera  de  Bellini, 
arrangee  avec  beaucoup  de  talent  et  de  gout  par  M.  Gide. 

Au  theatre  de  1'Ambigu-Comiqie,  on  a  donne,  le  5  juin, 
lea  Deuo;  Soitfllets,  comedie  en  1  acte,  par  MM.  Saint- Amand 
et  Henri,  que  nous  citonsici  pour  memoire  seulement;  puis, 
le  i5  juin,  les  Serfs  polonais ,  melodrame  en  5  actes,  par 
M.  Lemercier,  de  l'Academie  t'rancaise.  Les  affiches  dn  bou- 
levard d.u  Temple  ne  sont  point  accoutumees  a  porter 
un  noin  eomme  celui  de  l'auteur  de  Pinto,  et  Ton  donne 
tres-rarement  aux  habitues  de  ces  theatres  populates 
des  drames  qui  portent  avec  eux  les  beaux  developpemens  et 
la  hauie  coinbinaison  que  Ton  trouve  dans  les  deux  derniers 
actes  des  Serfs  polonais.  On  sent  qu'une  main  habile  et  une 
pensee  philosophique  out  passe  par  la.  A  part  un  style  qui 
manque  trop  sou  vent  de  simplicite  et  de  naturel,  des  situa- 
tions palhetiques  el  fortes,  un  denoument,  011  il  y  a  pcut-etre 
(pielqne  exageration,  mais  dont  Tenet  est  terrible,  enfin  le  jeu 
de  deuxacteurs,  Mmt'  Dorval  et  Beauvalet,  assurent  le  succes 
de  cet  ouvrage.  Le  Sournois,  melodrame  comiquc  en 
2  actes,  par  MM.  Amcet  et  Hippolyie,  represente,  le  27  juin, 
sur  le  menie  theatre,  se  tail  remarquer  par  une  gaite  vivc  el 
de  bon  aloi,  qui  lait  pai  donner  quelques  longueurs  et  quel- 
quesmauvais  lazzis.  • — On  a  siffle,  a  la  Gaite,  le  19  juin,  les 
Massacres,  piece  qui  a  la  pretention  de  fa  ire  la  satire  de  cer- 
laiue  ecole  litleraire,  et  qui  n'est  qu'ennuyeuse  et  ridicule. 

M&fiOLOGIE. 

Suede. — Cliurlcs-Giullaume  de  Leopold,  secrctaire-d'Ktat, 
Commandeur  de  1'Ordre  de  l'Ktoile  polaire,  un  des  dix-huil 
de  I'Acadeniie   suedoise,   membre  de  l'Academie    rovale  de-- 


8ii  M&ROLOGlfc. 

Sciences,  de  1' Academic  royale  des  belles-lettres,  de  I'his- 
toirc  el  des  anliquitcs,  de  I'Acalcmie  musicale  de  Stockholm, 
de  l'Academic  italienne  de  Pise,  de  la  Societe  aeademique  des 
arts  el  des  sciences  de  Marseille,  el  de  la  Societe  de  litterature 
scaiulinave  a  Copcnhague.  —  Leopold  est  ne  a  Stockholm  ,  le 
2  avril  170  >.  Son  pere ,  Charles-  Adam  Leopold  etait  alors 
eontroleur  a  la  douarie  de  cette  ville  ;  mais  il  parvint  a  un 
grade  plus  clove  a  la  douane  de  Norkoping,  et  le  conserva  jus- 
qu'i  sa  mort,  arrivee  en  1780. —  Comme  l'emploi  de  son  pere 
etait  fort  pen  lucratif,  le  jeune  Leopold  nedevait  pas  s'alten- 
dre  a  recevoir  ['education  dont  il  eprouvait  deja  le  besoin  et 
dont  il  etait  si  capal)ie  de  profiler.  Un  hasard  lieureux  vint 
reparerce  tort  de  la  fortune  :  un  Franoais  instruit  etabli  dans 
la  me*me  ville  remarqua  les  dispositions  du  jeune  homme,  et 
forma  le  projet  de  les  cultiver.  Sousce  maitre  habile,  l'eleve 
parvint  en  peu  de  terns  a  connailre  aussi-bien  le.  francais  que 
sa  langtie  maternclle.  Cette  premiere  partie  de  son  education 
influa  non-seulement  suf  ses  autres  etudes,  mais  encore  sur 
les  evenemens  de  sa  vie.  En  sortant  de  l'ecole  de  Soderko- 
ping,  il  entra ,  en  1773,  a  l'Universite  d'Upsal,  od  il  publia 
une  dissertation \n\.me  ;-De  Origine  Idearum  moralium.  En  1778, 
il  composa  une  ode  sur  la  naissance  du  prince  royal  Gustave 
Adolphe.  Ce  poeme  fat  pour  son  jeune  autcuiToccasiond'une 
eelebrite  naissante  et  deja  disputee,  car  son  ode  fut  critiquee 
par  le  celebre  Rellgren ;  Leopold  se  defendit  avec  decence  et 
moderation  ,  et  la  contestation  finit  par  une  constante  amitie 
entre  ces  deux  hommes  si  bien  faits  pour  s'estimer. 

Leopold  etait  reduit  a  gaguer  parson  travail  les  moyens  de 
continuer  ses  etudes  et  par  consequent  force  de  les  interrom- 
pre  pendant  une  partie  du  terns  qu'il  aurait  voulu  leur  consa- 
crer.  Gnfm  ,  a  force  d'economies,  il  parvint  a  rassembler 
une  petite  somme ,  qui  le  nut  en  efcat  de  se  rendre  a 
l'Universite  de  Greifswal,  oii  il  obtint  le  grade  de  docleur  en 
philosophic,  en  1781,  apres  avoir  soutenu  une  these  sur  cette 
question  :  De  Origine  juste  intrtxluctw  proprietalts  ;  apres,  une 
autre  these,  dont  le  sujet  etait  :  Causm  cur  tot  veterum  scripta 
perierint.  II  fut  iiomrae  agrege  a  cette  Universite.  Quelques 
tentatives  furent  faites  pour  fixer  le.  jeune  savant  en  Pomera- 
nie,  et  l'attacher  a  la  Bibliotheque  de  la  regencede  Stralsund  ; 
maisramourdu  pays  natall'emporta:ilrevint  en  Suede  en  1784, 
etle  savant  Liden  luiconfia  la  conservation  et  la  surveillance  de 
la  Bibliotheque  dont  il  avait  fait  present  a  1'universite  d'Up- 
sal. Leopold  retrouva  en  Suede  d'anciennes  connaissances,  et 
par  consequent  des  amis,  par  mi  lesquels  on  doit  citer'princi- 


necrologie.  «i3 

palement  le  baron  Elircnhcim ,  avec  lequel  Leopold  entrolinl 
une  correspondance  qui  fut  communiquee  au  comte  dc 
Creutz,  ami  eclairc  des  leltres  et  des  sciences.  Celui-ci  tut 
tellement  frappe  des  talens  dont  le  jeune  bibliothecaire  don- 
nait  tant  de  preuves  dans  ces  lettres  qu'il  parla  de  lui  an  roi 
Gustave  III.  Le  roi  fitvenir  le  jeune  homnie  a  Stockholm,  et 
1'accueiUit  avec  une  bienveillance  particuliere  :  un  apparte- 
ment  lui  fut  donne  au  chateau,  et  les  dettes  qu'il  avail  con- 
tractees  dans  le  terns  de  ses  etudes  furcnt  acquittees. 

Introduit  dans  une  societe  d'hommes  de  lettres,  parmi 
lesquels  on  doit  nonimer  Creutz,  Oxenstjerna ,  Adlerbeth, 
Schroder heim,  Rosestein  ,  Armfelt,  etc. ,  il  fut  egalement  bien 
accueilli  du  monarque  et  de  sa  cour.  En  1786,  le  roi  institua 
l'Academie  suedoise,  et  nomma  i5  membrcs  charges  d'en 
choisir  5  autres  pour  completer  le  nombre  de  18.  Leopold  fut 
du  nombre  des  5. 

En  1787,  Leopold  fut  charge  de  la  bibliotheque  de  Droth- 
ningholm,  et,  en  1788,  il  devint  secretaire  particulier  du  roi; 
des  lors  sa  destinee  fut  intimement  lice  a  celle  du  monarque, 
Bientot  Gustave  III  voulut  diriger  lui-meme  les  operations 
de  la  guerre,  mate  ne  tarda  point  a  regretter  la  societe  de  sa- 
vans  et  de  gens  de  lettres  qu'il  avail  laissee  a  Stockholm.  II 
donna  ordre  a  Leopold  de  venir  le  joindre  ;  etle  poete  futalors 
charge,  comme  les  anciens  Bardes,  de  chanter  les  exploits  du 
vainqueur  011  d'adoucir  les  regrets  des  vaincus.  Ce  fut  a  cette 
epoque  qu'il  composa  une  ode  sur  la  Vicloire  de  Hogland ;  une 
epitre  en  vers  sur  la  Bataille  de  Uttis  et  sur  le  Combat  naval  de 
Frcdrilishamn,  etc.  Au  milieu  du  tumultc  des  camps,  il  conti- 
nua  sa  tragedie  d'Oden,  representee,  en  1790,  au  theatre  de 
Stockholm.  Le  roi  ecrlvit  a  l'auteur  a  ce  sujet  la  lettre  sui- 
vante,  en  lui  envoyant  une  bague  de  prix  et  deux  branches  de 
laurier,  cueillies  sur  le  tombeau  de  Yirgile  :«  L'auteur  de  Siri 
Brahe  ,  en  presentant  ses  complimens  a  celui  d'Oden  ,  le  prie 
de  vouloir  bien  lui  procurer  un  billet  de  parterre  pour  de- 
main,  et  lui  offre  ces  feuilles  de  laurier,  cueillies,  ilyasixans, 
sur  le  tombeau  du  plus  granl  poete  du  siecled'Auguste.  Elles 
se  sont  un  peu  fanees  entre  ses  mains,  mais  elles  reprendront 
une  nouvelle  fraicheur  lorsqu'elles  seront  placees  sur  la  tetc 
du  poete.  » 

A  lafin  de  la  guerre,  en  1  790,  Leopold  epousa  M11"  Sara  Pe- 
tronclla  Eehman,  fdle  d'un  conseiller  de  justice  danois.  Cette 
dame  n'etaitpas  moins  instruite  que  belle,  et  possedait,  entre 
autres,  une  connaissance  appi ofondie  de  la  litterature  fran- 
catee. 


814  NtiCROLOGIE. 

La  mort  de  Gustavo  III  priva  Leopold  d'un  nionarque  qui 
lui  tonait  lieu  do  pere,  et  la  littcraturc  nationale  perdit  avec 
lui  sou  plus  solide  appui.  —  Pen  apres  ce  tiisle  evenemcnt , 
l'A«ademie  suednise  flit  supprimee  parle  ministtre ,  et  Leo- 
pold s'eloigna  de  la  eapilale  jiwpi'au  retahlissemcnt  de  l'Aca- 
di  -  in  if  par  le  roi  Gustave  Adolphe  IV.  Le  long  oubli  dans  le- 
quel  le  gouvernement  sucdois  I'avait  laisse  ful  alors  eompense 
par  de  flatteuses  distinclious.  —  En  1 798  ,  il  fut  nomine  che- 
valier de  1'Etoile  polaire;  en  1799,  conseiller  de  la  Chancel- 
lerie  ;  en  1 8o5,  il  fut  nomine  membre  de  l'Academie  des  belles- 
lettres,  de  l'hisloirc  ct  des  antiquitos;  en  1804,  membre  de 
l'Academie  des  Sciences;  en  1809,  il  fut  anobli;  en  1 8 1 5, 
nomme  commandeur  de  l'Eloile  polaire;  et,  en  1818,  il  recut 
le  titrc  de  secretaire-d'Etat. 

Les  dix  dernieres  annees  de  Leopold  furent  bien  differentes 
de  relies  qui  les  avaient  precedees.  Les  deux  epoux  furent  frap- 
pes  presqu'en  nieme  terns  de  maladies  qui  trouble-rent  le 
bonhenr  de  leur  carriere.  —  Apres  trois  annees  de  soulTrance, 
Leopold  devint  aveugle,  et  sa  fern  me  eprouva  peut-etre  une 
perte  encore  plus  douloureiise ,  car  sa  raison  fut  sensil)lement 
alleree.  Cet  etat  penible  cessa  avec  sa  vie,  le  3  mai  1829. — 
Son  epoux  neluisurvecut  pas  long-tems  ;  il  la  rejoignitle  5no- 
vembre  de  la  memo  annee.  —  lis  ne  laisserent  aucune  pos- 
terite. 

Les  OEuvres  de  Leopold  sont  imprimees  en  5  vol.  in-8"; 
mais  il  a  laisse  des  manuscrits  qui  sans  doute  seront  bientot 
publics.  —  Parmi  ses  OEuvres  dramatiques,  Oden  et  Vlr°\nia 
sont  traduitesen  francais,  et  se  trouvent  dans  les  Chefs-d'ceu- 
vres  des  theatres  etrangers  ( t.  its, ) —  line  medaille,  frappec 
pour  le  70""'  anniversaire  de  la  naissance  de  Leopold,  lui  ful 
presentee  par  des  amis  de  la  litterature,  le  2  avril  1826.  — 
Cette  medaille  presente  d'un  cote  le  portrait  en  bustedu  poete, 
avec  cette  inscription  :  Pd  Leopolds  70™'  fddelsedog  (an  70""  an- 
niversaire de  la  naissance  de  Leopold);  el,  de  l'autre ,  la 
constellation  la  tyre,  avec  cette  legende  :  Lyser  orh  vogleder 
(eclaire  et  guide). 

Dm. 


TABLE  DES  ARTICLES 

CONTEMS 

DANS  LE  GAHIER  DE  JUIN  i83o. 


1.  MftMOlRES,  NOTICES  ET  MfiLA!NGES. 


i.  De  1' abolition  graduellc  de  I'csclavage  dans  les  colonies 
europeennes P.  A.  Dufau.    529 

•2.   Notice  biograpliique  sur  M.  le  baron  Fourier 

Vieilh  de  Boisjoslin.   55a 

II.  ANALYSES  D'OUVRAGES. 

7>.   Theorie  analytique  du  systeine  du  monde,  par  M.  G.  de 

Pontecoulant 567 

4.  De  l'entendemeut  et  de  la  raison,  par.  J.  F.  Thurot  .    .   *.  5oo 

5.  Histoire  de  la  legislation,  par  M.  de  Pastoret 

Alexandre  Le  Noble.    609 

G.   Principesd'organisationindustrielle,  par  J.  F.  Fazy.  J.B.S.   6a5 
7.   Histoire  de  la  litterature  ancienne  et  moderne  ,   par  Fr. 

Schlcgel Alph.  d'Hcrbelot.   6."io 

III.  BULLETIN  B1BLIOGRAPHIQUE. 

Annoncesde  70  outrages,  franfuis  el  etrangcrs. 

AMERIyUE     SEPTENTRlOiNAJ.E. EtatS-U llis,    1 652 

—  Mexique,  i 65g 

Europe.  ■ — Grande-Bretagne,  7 664 

—  Russia,  1 676 

—  Allemagne,  6 681 

—  Suisse,  4 688 

--  Itatie,  5 6g5 

- — Pays-Bas ,  5,  dont  1  ouvrage  periodique 702 

France,  l\a  ,  savoir  :  Sciences  physiques  et  naturellcs,  8 707 

—  Sciences  religieuses,  morales,  politiqnes  et  historiques,  19.  .    .   721 

—  Litterature,  11 75o 

■ —  Beaux-arts,  2 765 

—  Memoires  et  Rapports  desocietts  saoantes,  2 767 

—  Ouvrtiges  pdriodiques ,  1 770 


8i(>  table  i>rs  Aini<.r.r>. 

IV.  NOUVELLES  SCIENT1FIQUES  ET  LITTERAIRES. 

Amehique  SErTENTiuoNALE.  —  Etals-Unis  :  Troisiemc  rapport 
annuel  du  president  et  des  directeurs  do  la  Compagnie  du 
chemin  de  fer  de  Baltimore  a  VOIiio.  — Society  biblique.    .   775 

Asie  et  Afriqoe.  —  Notice  cbronologique  et  genealogique  des 
prii\cipaux  souverains  de  l'Asie  et  de  l'Af'rique  septentrio- 
nale,  pour  I'amTee  1800 775 

EUROPE. 

Grande-Bretagne.  —  Londres  :  Etablissement  d'unc  Societe  geo- 
graphique  .    , 779 

RussiB.  — Publication  de  romans  bistoriques 782 

Pologne.  —  Etat  et  progres  de  la  lilterature  pdriodique  ;  Indica- 
tion des  jouriiaux  et  des  ecrils  periodiques  publics  en  Po- 
loguc 780 

Allemagne.  ■ —  Suite  des  documens  relatifs  a  la  statistique  mo- 
rale de  la  monarchic  prussienne  ;  Instruction  elementairc 
et  superieure ; 791 

Grece.   —  Situation  precaire  et  penible.  —  Egine  :  Fondation 

cTun  Musee 794 

France. — Departemens  :  Marseille  (Bouches-du-Rhone )  ;  Prix 

propose 797 

Paris.  —  Inst  it  ut  :  Academie  des  sciences  :  Stances  du  mois 
de  iuin  1800:  Academie  francaise  :  Seance  publique  du 
29  iuin  pour  la  reception  de  MM.  de  Segur  et  Pongerville. 
. —  Athenee  des  arts  :  Prix  proposes.  —  Societe  denseigue- 
ment  elementairc.  —  Education  des  jeunes  Elhiopicns 
envoyes  en  France.  —  Reclamation  de  M.  Jomard.  — 
Cbronique  des  tbeatres  pendant  le  mois  de  juin  i85o.   .   .    798 

Necrologie. 

Suede  :  Charles-Guillaume  de  Leopold 811 


TABLE 

ANALYTIQUE  ET  ALP H A B ETI Q UE 

DES  MATIERES 

DU   QUARANTE-SIXIEME  VOLUME 

DE  LA  REVUE  ENCYCLOPEDIQUE. 

Avril,  Mai,  Jcin   i85o  (*). 

On  a  reuni  am  quatre  mnts  indicalil's  des  qdatek  gbandes  divisions  da 
ce  Recueil : 

I.  MEMOIRES,  NOTICES  ET  MELANGES; 

II.  ANALYSES  ET  EXTRAITS  D'OUVRAGES  CIIOIS1S; 

III.  BULLETIN  BIBLIOGRAPII1QUE; 

IV.  NOUVELLES  SCIENTIFIQUES  ET  L1TTERAIRES; 

lc  detail  it  le  renvoi  des  articles  qui  s'y  rapportent;  puis  on  a  caraclcrise 
res  articles,  a  la  suite  du  nom  de  leurs  auteurs,  par  1'une  des  quatre 
abrevialions  ci-apres  :  M.  (memoires  et  notices)  ;  A.  (analyses);  R.  (BUL- 
LETIN   BlIiLlOOKAPHlQCE)  ;    N.    ( NOUVELLES  SCIENTIFIQUES  ET  LITTER  A  IBES.  )    La 

designation  C.  apres  les  noms  propres  indique  les  collaborates  s  de  la 
.Revue,  lorsqu'il  s'agit  des  articles  qu'ils  out  f'ournis. 

An  lieu  de  pompieqdre  sous  la  denomination  generale  sciences  et  arts 
(cpairae  dans  nos  quatre.  tables  des  matiires  de  l'annee  1S10)  ('indication 
des  dilierenles  sciences  dont  traite  ce  volume,  on  a  crn  devoir,  pour  rendi  e 
les  rechercbes  plus  faciles,  et  pour  mieux  caracteiiser  le  but  philosophique 
de  la  Heine  Encyclopediijuc ,  ouvrir  un  coir.ple  particuliei  et  special,  in 
Litres  capilates ,  nonseuleuient  a  cliacune  des  brancbes  des  eonnaissances 
humaines  :  agriculture  ,  a.\at,  >mik  ,  etc. ;  a  cbacun  des  elemens  esscntiels 
de  la  civilisation  et  des  moyens  piincipaux  de  communication  eotre  les 
homines:  academies  et  societes  savantes,  dictiokkaires,  ensbignembnt 
mctuel,  instbuction  poblique  ,  journaux,  theatres,  elc.  ;  mais  encore  a 
cbacun  des  pays  dont  il  est  fait  mention  dans  ce  Recueil  ;  de  mauiere 
qu'nn  puisse  lappiocber  et  comparer  lour  a  tour,  soit  I'clat  des  sciences  et 
des  clemens  de  la  civilisation  dans  cliaquc  pays,  soit  les  nations  elles-memes, 
sous  les  dil'ferens  rapports  sous  lesquels  on  a  eu  occasion  de  les  considerer. 


Abel  ,    de   Cbiistiania.    L'Acade- 
mie  des  sciences  de  Paris  lui  de- 


cerne  le  grand   prix  de   malhe- 
matiques,  S02. 


(*  On  souscrit  pour  ce  Recleil  scientifiqie  et  litter  aire  ,  dont  il  paraitun 
cahierde  quaiurze  feirilles  d'irapre'Ssion  tons  les  mois,  auBm.EAt  central  d'abgn- 
KEMENT  ,  rue  de  l'Odeon  ,  nu  18;  clic-z  Arthls  Bertram),  rue  Hante- 
feuillf,  n»  28.  et  cliez  Renouard,  rue  de  Tournoo  ,  n°  6".  Prix  de  la  sousrrip- 
tion  :  a  Paris,  <^6  fr.  pour  un  an;  dans  les  deparlemens ,  53  Jr.;  60  fr.  dam 
l'Etranger. 

t.  xlvi.  5a 


8l8 


TABLE    ANAXTTIQCE 


AsYsaimB,  777. 

ACADEMIES.  V Oy.  SoClETESSAVANTKS. 

Adam  (  Adolphe).  Voy.  Daiiilnn  a. 
AdnosOD  (M11"'  Aglae).  La  mason 

de  campagne,  17  j. 
Adi  icn-Lalasge  (J.) ,  C.  —  B.,  457. 
Akoamstain  ,  77^- 
Apbiqce,  3io ,  775. 

A  KRICULTl'RE,  I  67,?. 'S-,4  l4>474»6j>5. 

Alaux,peintre.  L'Abbaye  de  West- 
minster, tableau  du  Neorama  de 
Pat  is  ,  5 18. 

Aldini,  invenleur  des  moyens  pour 
preserver  les  pompiers  de  "ac- 
tion de  la  damme  dans  les  incen- 
dies.  L'Academie  des  Sciences 
de  Paris  lui  decerne  le  prist  de 
buit  mille  Cranes,  5o5. 

—  Experiences  t'aites  a  Londres 
pour  perfeclionncr  Tart  de  se 
preserver  de  Taction  de  la  11am- 
me ,  716. 

Alger  {Causes  de  la  rupture avee). 
Voy.  Laborde. 

—  Tableau  du  royaume.  Voy.  Re- 
naudot. 

—  (Histoired')etdu  bombardement 
de  cette  ville,  en  1816,  pag.  202. 

—  Esquisse  topographique.  Voy. 
Perrot. 

—  Voy.  Souvenirs  d'un  o dicier  fran- 
cais. 

—  (De  l'expedition  centre),  par 
J.  C.  L.  de  Sismondi ,  M.,  275. 

—  (  Vue  et  plan  et  de  la  ville 
d'),  etc.,  par  J.  G.  Barbie  du 
Bocage ,  43S. 

Allard.  Voy.  Shylock. 

Allemagne,  i45,  208,  4°4j  494, 
681,  791. 

Almanac  (The  christian)  for  New- 
York,  384. 

Amir  Khan  and  other  poems,  by  Lu- 
crctia  Maria  Davidson,  i5o. 

AjlERlQUE   MERIDIONALE  ,    22(),  484- 
SPPTEIVTRIONALE,   122,   22S  ,   385, 

482,  65a ,  773. 
Ampere  (J.  J.J.  Del'Histoirede  la 
Poesie,  Discours  prononce  a  TA- 
thince  de  Marseille  ,  4s/- 


Analyses  (1 1.1  d'ouvrages  at/c- 
mnnds  :  Manuel  de  I'liisloiie  de 
la  philosophic  de  Tcnnrniann, 
traduit  en  francais  par  Cousin 
[Adolphe  (iiirn'ur) ,  5j.  —  His- 
toire  uoiverselle  de  Tantiqnile, 
par  Sclilnsser ,  traduite  en  Fran- 
cais par  Golbery  (D.-G.),  543. 

—  Hisloiic  de  la  lillcrulurc  an- 
cienne  et  moderne,  par  Frede- 
ric Schlegel ,  tradnite  en  fran- 
ca is  par  William  Dnckett  (At/>h. 
d'Berbolot,  63i. 

—  d'ouvrages  anglais  :  L 'empire  de 
la  Grand e-B/etagne,  en  iSsS, 
par  lc  Rev.  J.  Goldsmith  ( A. 
Mahal),  76. 

—  d'ouvrages  belgiques-francais  : 
Rapport  sur  lis  Institutions  de 
bienfaisance  des  Pays-Bas.  — 
Rapport  sur  l'etat  des  Ecoles  su- 
perieures  ,  moyennes  et  piimai- 
res  {A.  Qttetekl),  28. 

—  d'ouvrages  frwnfdh  :  Campagne 
des  FraucaiS  en  Allemagne,  an- 
nee  )  800  ,  par  le  colonel  de  Car- 
rion-Nisas  ( iS't  car  (/),  38.  —  Essais 
sur  Thisloire  de  l'esprit  bumain 
dans  Tantiqnile  ,  par  Bio  (Al- 
phonsc  d'llcrbclot),  [).{.  —  L'im- 
mortalile  de  Tame,  poeme ,  par 
de  Norvins  (a),  107.  — OEuvres 
postliumes  de  Gaulmier  [&)3  1 12. 
—  Journal  d'un  voyage  a  Tem- 
bociou  et  a  Jenne,  par  Rene 
Caillic  (Chauvet),  5 10.  —  Ta- 
bleau dela  constitution  politique 
de  la  monarchic  franc aise  selon 
la  Cbarte,  par  A.  Mahal  [D.M.), 
335.  —  L'Astronomie  ,  poeme* 
par  Darn  (Y.  Z.),jj?>.  —  Theo- 
rie  analylique  du  systeme  du 
monde,  parj.de  Pontecoulant , 
567. —  De  Tentendement  et  de 
ia  raison  :  Introduction  a  l'e- 
tude  de  la  philosophic,  par  J.  F. 
Thurot  (*),  5go.  —  Histoire  de 
la  legislation  ,  par  le  marquis  de 
Pastoret  {A.  Le  Noble) ,  609.  — 
Principes   d'organisation   iudus- 


DES    MATlEREs. 


ti  ielle,  par  J.J.  Fazy  (J.  IS.  Say) , 
625. 

—  d'ouvrages polonah :  Poesies  d'A- 
dani  Mickievicz,  traduites  en 
francais  par  Miakowski  (-1  Ful- 
gence   {Alj>li.  d'llcrbelol) ,  556. 

Anatosiie  (Nouveau   Manuel   d'), 

par  Ernest  Alexandre  Lautli,  712. 
Ancelot.  Voy.  U11  An. 
Ancillon   (Frederic).  Eisai  sur  la 

science  et  sur  la  foi  philosophi- 

que  ,  443- 
AnJral  (G.).  Voy.  Clinique  medi- 

cale. 
Angleturiie.    Voy.   Grande-Breta- 

GNE. 

Anicet.  Voy.  Convent  de  Tonning- 
ton. 

—  Joy.  Sournois. 

Annuaire  astronomique  de  Berlin 
pour  i83o,  publie  par  J.  F.  Enc- 
k«,  45. 

—  du  departement  de  la  Sarthe  , 
721. 

—  Stalislique  du  departement  de 
la  Vienne ,  459. 

Antiquites.  Voy.  Archeologib. 

—  (Nouvelle  decouvertes  d')  f'aites 
pres  de  Kretch,  491- 

—  expliquees  par  le  Dr  Labus,  de 
Milan,  496. 

—  (  Recherches  des)  nationales  en 
Autriche,  2jS. 

—  romaines  (Esquisse  des),  par 
Frederic  Creuzer,  i5o. 

Anvers.  Voy.  Marschall. 

Arago.  Voy.  Nominations  academi- 
ques. 

Arbre(Nouvel)  donnautun  lait  bon 
a  boiie ,  244- 

Archeoi.ogie,  i5o  ,  49 •  ■>  492  ,  jG5. 

Architectub-e  moderne  de  la  Si- 
file,  etc.,  par  J.  Hitloill'  et  L. 
Zanth,  217. 

—  antique  de  la  Sicile  ,  par  les  me- 
mos ,  21S. 

Archives  des  decouvertes  et  des  in- 
ventions nouvelles,  etc.,    171. 

Argentelle  (Robillard  d').  Voy.  Car- 
porama. 


8.j> 

Amott  (Neil).  Vny.  Philosophic  na- 

turclle. 
Arnoult.  Voy.  Une  Nuit. 
Arseniures  d'hydrogene.  Vox.  Sou- 

beiran. 
Art  militaire,  5S ,  200,  5io,  742. 
Arts  industries,  171  ,  25r). 
Ascetique.  Voy.  Sciences  BEL10IEC- 

SES. 

Asie,  775. 

Assainissement  de  Vincenncs  et  de 

Clichy,  714. 
Astkonomie,  i45,  58i,  567. 

—  pratique;  Usage  et  composition 
de  la  C'oiinaissancc  (/ex  le»is,  par 
L.  B.  Francoeur,  4->i. 

—  (  L') ,  poeme ,  par  I'.  Daru ,  A., 
375. 

Athenee  de  Deventer.  Celebration 
de  son  second  jubile,  iyS. 

—  des  arts  de  Paris  ,  804. 

Atlas  geogiaphique ,  ecclesiastiquc 
et  departemental  de  la  Frauce, 
etc.,  par  Charles,  187. 

—  historique  et  bLbliograpbique  de 
la  medecine,  par  Casimir  Brous- 
sais,  423. 

Atlendre  etcourir,  opera  comique, 
par  Fulgence  et  Henryr,  5 16. 

Au  Boi  et  auxChambres,  etc.,  par 
Alex,  de  Laborde ,  198. 

Aux  artistes.  Voy.  Beaux-Arts. 

Aubergc  (  L'j  d'Auray  ,  opera  ,  pai 
Fulgence  et  Henry,  5i6. 

Auger.  Voy.  Procedure  civile. 

Aumer.  Voy.  Manon  Lescaut. 

Aventures  (Les)  de  Hatim-Tai  , 
ronian  traduil  du  persan  en  an- 
glais par  Duncan  Forbes,  137.. 

Aveugles,  5o5. 


BL 


Badakhschan,  779. 

Baillie  (Miss).  Voy.  Manage  du 
grand  munde. 

Bail lydeMerlieux.  Association  orga- 
nises a  Paris  pour  la  propagation 
des  connaissances  utiles ,  -i56. 

Bal  (  Le)  de  l'Avoue ,  on  les  Qua- 


820 

di  illi's  historiques  ,  cuuiedie-vau- 

deville,  par  Duilos  et  Leon,  261. 
Bald.    Module    en    relief    de    l'ile 

Claie  ,  25i. 
Balk,  778. 

Ballaiiche.  Gdivres ,  462. 
Barbarik,  198,  907  ,  273,  45S.' 
Barberi.  Voy.  Mosaique  monumen- 

tale. 
Barbie   du    Bocagc   (J.  G.).   Voy. 

Alger. 
Barbier  (Charles;.  Melhode  d'en- 

seigncment  primaiie    a    1'usage 

des  aveugles  et  des  sourds~muets, 

5o3. 
Batlisti  (M»«  Edvidge  de).    Voy. 

Marie  Stuart. 
Baudelocque  (  A.  C).  Voy.  Pthito- 

nile  puerperale. 
Bayard.    Voy.   Ma    fenime   el   ma 

place. 

—  Voy.  Philippe. 

Bazzoni  (G.  Bv).  Falco  de  la  Ro- 
che, nouvelle  historique  italien- 
ne,  i65. 

Bfacx  Arts,  i54,  166,  216,  262, 
518,76.5. 

—  ( Du  passe  et  de  l'avenir  des). 
Aux  artistes ,  204. 

Becker  (Felix).  J'oy.  Chansons. 

Beethovven.  Voy.  Fidelio. 

Belle  et  Bossue,  on  le  medecin  or- 

thopediste,  vaudeville,  261. 
Belles-Lfttbes.  Voy.  Literature. 
Belloc    (  Mme    Louise  -Swanton) , 

C.  —  B.,  i33,   i|o,  399,  667 , 

676,   et  les   articles  signes  :  L. 

Sw.-B. 
Belloti  (F.).   Tragedie  d'Euripidc, 


Belocjtchistan  ,  77S. 
Beltrami.  Voy.  Reclamation. 
Benecke.  Voy.  Bentham. 
Bennati.  Memoire  relatif  an  meca- 

nisme  de  la  vuix  humaine  dans 

le  chant ,  5o2. 
Benlhams  Grundsiilzc  der  Civil  and 

Criminal  Gcsetzgeliung,  iibersvtzt 

von  F.  E.  Beneche,  682. 
eranger  (Chansons  de),   tradui- 


rABLK    ANALYTIylE 

tes  en  allemand  pat  Philipr  inc 
Fngelhard,  688. 

Bercht.  Voy,  Schlosser. 

Berbery  (C.L. ).  Voy.  Economie 
indusli  ielle. 

Berliner  asironomisclus  ■Jahrbuch, 
i45, 

Bertha's  visit  to  her  uncle  in  Eng- 
land,  393. 

BtSSA  RABIE  ,  4-00. 

Beuehnt.  Voy.  Voltaire. 

Beudant  (  F.  S.).  V.  Mineialogie. 

Bible  de  Vence,  en  latin  et  en  l'ran- 
^ais,  etc.,  publiee  par  Drach , 
i3*  volume ,  190. 

i4c  et  22e  volumes ,  4  Ji. 

Biri.iographie  ,  122,  583,  409,  65a. 

Bibliulheque  agraire,  on  Instruc- 
tions choisies  sur  I'asricultlire , 
t.  xii  ,  par  J.  Moretti  et  C.  Chio- 
lini ,  1  1  1 . 

—  de  lamille  ,  G64. 

—  des  counaissances  asrieables, 
667. 

—  laline  francaise,  publiee  ]>arC. 
L.  F.  Panckoucke,  7S6. 

—  (Nouvelle)  univeiselle  des  ro- 
mans  ,  761. 

Bigame  ( Le)  ,  ou  Toinette  et  Ste- 
phanie, melodrame,  517. 

Bignan  (A.).  Voy.  lliade. 

Biographie,  i36,  i53, 1A4, 160, 161, 
197,453,484)  552,(>G4,  672,  G83, 
687,749. 

Blanc  (Ldmond).  Voy.  Vivien. 

Blumeubach,  prolesseur  a  I'univer- 
sitS  de  Coettingue,  fonde  line 
Louise  en  faveur  des  etudians  en 
medecine ,  208. 

—  Voy.  Nominations  acadejiiqces. 
Bocrncs  Ccsamtnclte  Seluiften,  407. 
Boisle(P.C.V.).  Voy.  Dictionnaire 

universel. 

Bokhara  ,  779. 

Bolivar  (General).  Coup  d'oeil  ra- 
pidesursa  conduite,  et  apprecia- 
tion im  parti  ale  des  accusations 
dirigees  contre  lui ,  484- 

Bonnelier  (Hippolyte).  Voy.  Guy- 
Eder. 


t>Ks    MATIERES. 


Borde  (Leon  dela).  Voy.  I'lai.  Its 
du  motil  Sinai. 

BoTAIUQUE  ,    244  ■>   25  1  ,  421- 

—  ^Glossairc  de),  par  de  Theis, 
So  2. 

Bouchene-Lefer,  C.  —  B.,  44®. 
Bonlgaiine.  Voy.  Lettre. 

—  Le  faux   Drnilii,  782. 

Bounin  (Polydore).  Esquisses  in- 
fernales  ,211. 

Bowdilch  ( INalhaniel ).  Voy.  La- 
place. 

Braise  (Danger  des  vapeurs  de  la), 

Bran.billa  (A   ).  Voy.  Eloge. 
Brazier,  toy.  Brioches. 
Bresil,  4jo  ,  685. 

—  (  Notes  sur  le )  ,  par  R.  Walsch , 
389. 

Brioches  (Les)  a  la  mode,  come- 
die-vaudeviile  par  Duuiersan  et 
Brazier,  81 1 . 

Broussais  (Casiinir).  Voy.  Alias  his- 
toiique. 

—  (F.  J.  V.).  Examen  des  doclrt- 
nes  medicales  el  des  systemesde 
nosologic ,  4s5. 

Brunsv\ick.  /  oy.  Ecole  du  pauvre. 

BlILLETliN  BlBLIOCIlAHIQl'E(llI)   :   Al- 

leniagne,  i45,  4o4,68i. —  Dane- 
mark  ,  40J.  —  Klals-Unis ,  122  , 
585,  602. —  Fiance,  170,  42l» 
707.  —  Grande-Bretagne  ,  i33, 
388,  664.  —  Italie,  160,  4i4, 
6g5.  —  Mexique,  5S6 ,  G5g. — 
Pays-Bas,  166,  4 18,  702.  —  Rus- 
sie,  i4>  ,  J99,  676.  — Suisse, 
107,  688. 
Byron  (Lady).  Reclamations  cou- 
tre  les  fails  avances  dans  les 
Menioires  de  lord  Byron  ,  par 
Moore ,  2.36. 

—  (Lord).  Voy.  Werner. 


C. 


Caittau  et  Guillon.  Colleclio  selecta 
SS.  Ecctetim  Patrttm  ,  etc.  »a4  i 
48o. 


821 

Caillie  (Bene).  Journal  d'un  voyage 
a  Tcmhoclou  el  a  Jenue,  avec 
des,rein9rqjues  geographiqu.es  par 
Jomard ,  A.,  5io. 

Caisse  d'epargnes  de  Paiis.  Voy. 
ISavier. 

Voy.  Portal. 

Galmcbaphik  ,  220. 

Cambreleng.  Voy.  Rapport. 

Caniille,  ou  lc  Patriotlsuie ,  tiage- 
dir,  par  Fred.  Galleron  ,  210. 

Campagne  (IJisloire  de  la)  de  iSi3, 
par  de  Norvins,  74 v. 

Gampagnes  des  Francajs  en  Alle- 
magne  ,  annee  1800,  par  le  co- 
lonel de  Carrion-lMsas  ,  A.,  38. 

Cancer  (Traitement  du).  f'oy.  R6- 
camit  r. 

Candulle  (Aug.  Pyr.  de).  Memoire 
sur  la  famille  des  ombellifeies, 
42.. 

Canlon  de  Yaud.  Petitions  adres- 
seesau  Giand-Gonsei]  de  ce  Can- 
ton ,  68S. 

—  Conslilulions  qui,  depots  1798, 
ont  leyi  ce  Canton  ,  ibid. 

—  sur  le  projet  des  chaugi-niens  a 
apporter  an  systeine  electoral  de 
ce  canlon  ,  ibid. 

—  lappoit  de  la  Commission  du 
Grand-Cunst-il  surer  projet ,  GSq. 

Cardeurs  (  Les) ,  ou  Patciotisnae  et 
Vengeance,  rnnian  illandais,  par 
Crowe,  traduil  en  francais  par  It. 
J.  B.  Defauconprel ,  4G7. 

Cardin.il  (  Le  )  de  Kiclielieu,  cliro- 
nique  liiee  de  l'liistoii  e  de  Fian- 
ce ,  traduil e  de  1'anglais,  j(>3. 

Carmouche.  Voy.  Manon  Lescaut. 

Carpuiama.ou  collection* des  plan- 
tes  el  fruits  de  1'lnde  ,  par  feu 
Robillard  d'Argcntelle  ,  263. 

Ganion-Nisas  (Col.de).  AW.  Gam- 
pagnes des  Francais. 

Caachy.  Theurie  generate  du  iuou- 
venienl  de  la  lumiere,   r»  12. 

—  Tbeoi  ie  des  nombres  ,  5o5. 

—  Formules  relatives  a  la  dispersion 
de  la  lumiere,  799,  801. 

—  Transformation     el     reduction 


H22  TAM.K 

d'une  certaine  dasse  d'iutegra- 
les,  Si  ii  i. 
"Cederschjold    (  Picne  -  Gustave  ). 

I'liy.  Nominations  ACADEMIQl  ES. 

Cephalopodes.  Voy.  Mottusques. 

Cerati  (  Ibbe).  I'oy.  Usurpations 
sacerdolales. 

Cliaillol,  Surene  el  Charenton,  pa- 
rodie  de  la  Christine  de  Dumas, 
262. 

Chambeyron  ,  C.  —  B.,  659. 

Champ  de  balaille  oil  Cesar  delit 
les  Nerviens.  Voy.  Le  Glay. 

Champollion  jeime.  Voy.  Nomina- 
tions ACADEMIQIJES. 

Chansons  de  Felix  Becker,  ouvrier 
menuisier,  j5g. 

Clianls  polonais,  nationaux  et  po- 
pulaires,  publics  par  Albert  So- 
winski ,  et  traduitsen  francais  par 
G.  Fulgence  et  J.  de  Fremont, 

47>- 
Charles.  Voy.  Atlas  geographique. 

—  Voy.  Madame  Gregoire. 
Charpentier.  Monographie  relative 

a  1'hydrocephale  aigue  des  en- 
fans  ,  a5i. 
Chasse  de  Saint-Taurin.    Voy.  Le 

Prevost. 
Chateau  (Le)  de  Falaise,  poeme, 

par  Alphonse  le  Flaguais  ,  210. 
Chateaubriand  (V.  de).  Voy.  CEu- 

vres  completes. 
Chauvet,  C.  —  A.,  010. 
Chemin  de  fer  de  la  Loire,  245. 

de  Baltimore  a  1'Ohio,  775. 

Chene  frappe  de  la  foudre,  49S. 
Cheval  (J.  B.).  Besolulion  du  pro- 

bleme  de  la  quadrature  du  cer- 

cle ,  etc.,  1-2. 

ChiMIE,   250  ,  252,  5oi. 

Chine  ,  669. 

Chiolini  (C).  Voy.  Moretti. 

Chiburgie,    1S2  ,  4^6,  42S-  Voyez 

aussi  Sciences  medicales. 
Chocnlat   ( Perfeclionnernent   dans 

la  Fabrication  du),  259. 
Chodzko  (Leonard).  Les  Polonais 

en  Italie,  /p4. 

—  Voy.  Pologne. 


ANALYTIQUF. 

GtlOLEHA    PESTILENTIEL,    298. 

Chobogbaphib  ,  5 1 5. 

ClIRONOI.OGIB  ,   453. 

Ciceii.  Voy.  Manon  Lcscaut. 

Ciceron.  Voy.  QEuvres  completes* 

Ciineiitrr  national  (Projet  d'un) 
aux  environs  de  Londres  ,  /|oo. 

Clinique  medicalc,  ou  cboix  d'ob- 
sci  rations  recueillies  a  I'hopilal 
de  la  Cliarile  ,  par  G.   Amlral  , 

Clotilde,  esquisses  de  1S22,  pu- 
bises par  le  conipte  Gaspard  de 
Pons,  2 1 5 . 

Cloitdestey,  a  tale,  by  Ihe  author  of 
Caleb   rViltiams  (Godwin) ,   108. 

Cohen    ( Jean  ).   La  religieuse   de 

Mi  in /a.    ^12. 
CoLOMBIE,   484- 

—  Expose  sommaire  des  progres. 
qu'a  1'aits  cette  republique  ,  229. 

Commerce  ,  147  ,  195  ,  44°  >  4^4- 

—  des  Elats-Unis,  652. 

—  entre  le  Levant  et  1'Europe.  Voy. 
Depping, 

Comptoirs  des  marchands  de  vin 
de  Paris,  ji7>. 

Condcr  (Jo.iiah).  The  modern  Tra- 
veller, 1 33. 

Congees  de  Vienne  (Histoire  du )  , 
par  Flassan  ,  741. 

Connemara  (Le),  ou  une  election 
en  Irlande  ,  roman  irlandais,  par 
Crowe,  traduit  en  francais  par 
II.  J.  B.  Uel'auconpret ,  469. 

Conseil  de  salubrile  de  la  ville  dc 
Paris.  Voy.  Moleon. 

Constitution  politique  (Tableau  de 
la)  de  la  monarchic  fiancaise  se- 
Ion  la  Charle,  par  A.  Maluil,  A., 
355. 

Contes.  toy.  Bomans. 

—  et  nouvelles,  par  Merville,  4('9- 
Contrainte   par   corps.    Voy.    Cri- 

v.lli. 
Contremoulins.  V.  Souvenirs  d'un 

ofheier  francais. 
Conversion  (La) d'un  Bomantique, 

manuscrit  de  Jacques  Dclorme. 

publie  par  A.  Jay,  75a. 


I)ES    MATIERES. 


8a!» 


•CorpAi  juris  ciiitis  Academician  pti- 
risiense,  c\c.,ed.  C.  M.  Galisscl, 
48o.     : 

Coucher  (Le)  dc  la  mariee,  vau- 
deville, par  Felix,  261. 

Courcy.  Voy.  Manon  Lescaut. 

Coins  de  litterature  professe  a  Lau- 
sanne et  a  Geneve  par  M.  Mon- 
naid ,  23o. 

—  ouvert  a  Vannes  (Morbilian) 
pour  lYnseignement  des  sciences 
naturclles ,  242. 

—  de  litterature  franr.aise  ,  par  Vil- 
lemain  ,  458. 

Cousin.  Voy.  Tennemann.  1 

Couvent  (Le)  de  Tonnington ,  ou 
la  Pensionnaire  anglaise,  melo- 
dranie  ,  par  Victor  Ducange  et 
Anicet,  517. 

Cramer.  Zitr  Gcschiclrtc  Fricdrich 
IVilhems  I  und  Friedrichs  II,  Kce- 
nigc  von  Preusscn,  6S3. 

Creuzer  (Friedr.).  Ahriss  der  riimi- 
schon  Antir/uiliiten,  i5o. 

Crivelli  (J.  L.).  De  la  contrainte 
par  corps,  consideree  sous  le 
rapport  de  la  morale,  de  la  reli- 
gion, etc.,  44"- 

Crombie's  (Alex.)  Natural  theolo- 
gy, »36. 

Crowe,  toy.  Cardeurs. 

—  Voy.  Connemara. 

Crustaces.  Voy.  Milne-Edwards. 

Ccjlte.  Voy.  Sciences  beligielses. 

Cunningham  (Allan).  The  life.i  of 
the  most  eminent  British  Painters, 
Sculptors  and  Architects,  664. 

Curtet.  Voy.  N^cbologie. 

Cuvier  (Baron),  de  l'Institut  ,  C. 
—  M.,  5. 


]). 


Daguerre  ,  peintre.  Une  scene  du 
Deluge,  et  une  vue  de  Paris,  ta- 
bleaux du  Diorama  de  Paris,  5 18. 

Daldini  (Sanlino).  Viaggiodi  Terra 
Santa ,  4i5. 

Dalloz.  Voy.  Jurisprudence  gene- 
rale. 


Danemark,  4o5. 

Danilowa  ,  opera,  par  Vial  et  Paul 
Duport,   musique  d'Adolphe  A- 
dam ,  260. 
Dante  Alighieri.   La  divine  Come- 
die  ,  tiaduile  en  vers  IVancais  par 
Ant.  Descliamps  ,  207. 
Daru  (P.).  Voy.  Astronomic 
Davidson    (M'1'  Lucretia- Maria). 

Voy.  Amer  Klian. 
Decolvertes,   171,  244- 
Decrusy.  Voy.  Lois  francaises. 
Defauconpret  (H.  J.B.).  Voy. Car- 

deurs. 
—  Voy.  Connemara. 
Delaporte.  Voy.  Pontsenfer. 
Uelaville,  Voy.  Vieux  Mali. 
Deleau.  Memoire  sin  le  traitemenl 
des    maladies  de  l'oreille  ,   etc., 
248. 
Delile.  Voy.  Plantes  du  mont  Sinai'. 
Deluge   (Le),    drain  e  bistorique, 
avec  des  cboeurs,  par  Augustin 
Hapde  ,  517. 
Depping  (G.  15.).  Ilisloire  du  com- 
merce entre  le  Levant  et  1'Euro- 
pe  ,  454- 
Dernier  jour  (Le)  de  Deuil  ,  vau- 
deville, par  Vai  ez  et  Desvei  giers, 
5i7. 
Descliamps  (Ant.).  Voy.  Dante. 
Description     topogi  apliique  de   la 
cliatellenie  du   Val-de-Travers , 
,5?. 
Dessin    (Les  vrais   elemens    du), 
enseignes  en  seize  lerons,  par  J. 
P.  Voiart ,  216. 
Deslailleur  ( Adrien ).  Voy.  Obser- 
vations morales. 
Desvergiers.   Voy.  Dernier  jour  dc 

Deuil. 
Deux    Soudlets   (Les),    comedie, 
par  Saint- Amand  et  Henri  ,811. 
Devaux  (H.).  Voy.  Lettre. 
—  ■ —  Voy.  Liberie  de  suffrage. 
D'Herbelot  (  Alph.),  C.  —  A. ,  94  , 

556 ,  65i. 
Dictionnaire   bibliographique  des 
savans,  liistoriens,gens  de  lettres 
de  la  France  ,  par  Querard  ,  4%- 


8a4  iai 

—  demedecioe  el  de  chimrgie  pra- 
tiques ,  4a  a. 

—  topngraphique,  liistoi  iquc  et  sla- 
tislique    (In    dcparlcment    de    la 

Sartue,  par  .1.  H.  Pescbe,  187. 

—  univcr.-i'l  de  la  langtie  francaise, 
par  P.  C.  V.  Boiste,  7S0. 

Dindorf.  Voy.  Georgius  Svncillus. 
Dior  ami  de  Paris,  5 18. 
D 1  p  LU  m  a  1 1 B ; ,  7  i  1  • 

Discours  pronunceii  I'ouvei  hire  iei 
conferences  de  la  bibliotheqne 

des   avocats  ,    par   Dupin   aine  , 

>94- 
Distribution  dVau,  a  domiciledans 

Paris.  I'oy.  Mallet. 
Dobcll's  Travels  in  Kamschatka  and 

Siberia,  669. 
Doering.  Voy.  Wit. 
Doctrines  medicates  (Exame'n  des). 

Voy.  Broussais. 
Drach.  Voy.  Bible  de  \'ence. 
Droit.  Voy.  Jurisprudence. 

—  civil,  48o,  682 

PENAL,    483  ,    GS2. 

PUBLIC  ,  3o5. 

BOM  A  IN,  480. 

(Histoire  du)  au  mnyen  age; 

par  C.  de  Savigny,  tradnite  de 
Pallemand  par  (Charles  Guenoux, 
728. 

Di'Ouineau  (Gustave).  V/jy.  Fran- 
chise de  Bimiui. 

Ducange  (Victor).  Voy.  Convent 
de  Tonnington.  , 

Duckeli  (William).  Voy.  Schlegel. 

Duclos.    Voy.    Maiice  a  i'encan. 

Duels  judiciaires  Voy.  Le  Glay. 

Dut'au  (P.  A.),C.  — M.,  59«/. 

Duflus.  Voy.  Bal  (Le)  de  I'Avoue. 

Dui'our  (Leon).  I  oy.  Nominations 

ACADEMIQUKS. 

Duiac.  Voy.  Shylock. 

Dnlong.   Voy.   Nominations   acadi!- 

miques. 
Duuias  (J.).  Lettre  sur  It's  pbeno- 

mencs  que   le  clilore  et    l'acide 

acetique  produisent  l'un  sut  I'au- 

tre,  200. 
Duuicisaii.  Voy.  Brioches. 


NAI.YT1QUF. 

Diiinont  d'Urville  (Jules).  Voyage 
de  la  corvette  I'Astrolabe,  i83. 

Diipeurey  (  L.  J.).  Voy.  Lesson. 

Dupeuty.  Voy.  Madame  Gregoire. 

Dupin  aine.  I  oy.  Discours. 

Notice  sur  la  vie  de  A.  G.  J. 

Gautier,  107. 

Dupoii  (Paul).  Voy.  Danilowa. 

Dupras.  /  Oy,  Ecojg  preparaloire. 

Dureau  de  la  Malle.  Meinoiie  sur 
le  develnppemcnt  des  I'acultes  in- 
tellectnelles  des  aniuiaux  ,  499- 


Eckstein  (Baron  d').  Le  Catholi- 
que,  770. 

Ecole  preparatoire  d  agriculture 
reunic  a  ('institution  de  M.  Du- 
pras ,  a  Paris  ,  25y. 

—  (L')  du  Pauvre  ,  coniedie ,  par 
Brunswick  et  Maillant,  260. 

Ecui.es  de  la  incinaicliie  prussienne, 

—  dans  les  Pavs-Bas.  Voy.  Bapport. 

ECONOMIE    DOMESTIQUE,    174. 

—  iNDusTBiELi.E,  par  G.  L.  Bergery, 

POLITIQUE  ,   45o,     4'  3,    625,671. 

RURAI.E  ,  499- 

J^COSSE.    VOS,    GRANDB-BfiETAfiNE. 

Eciituies  (  Principes  des)  en  carac- 
teres  oidinaires  et  caiactercs 
moulcs,  par  F.  C.  N.  Marie,  220. 

Education,  !i()3 ,  725. 

—  des  jeunes  Elhiopiens  envoyes 
en  Fiance,  S06. 

Ecvpte  ,  5 111. 

Ekstrom  (J.F.etT.  U.).  Voy.  No- 
minations ACADEM1QUES. 

Elections  ,  70J. 

El  ge  d'Alexandrc  Brambilla  ,  par 
G.  A.  Bigoni  ,701. 

Eloquence  de  lachaire,  224,480. 

Emancipation  (  De  I')  de  I'enseigne 
inent  priniaiie  dans  le  royaume 
des  Pays-Bas ,  4'9- 

—  des  juil's  dans  les  Pays-Bas,  /\'jj. 


Emprisonnement  solitaire  ( De  I') 
am  Ktats-Unis,  par  Charles  Lu- 
cas ,  INI.,   23. 

Encke  (J.  F.).  Voy.  Annuaire  as- 

rnonomique. 
Encvblopbdie  britannique.  Septie- 

me  edition  ,  publiee  par  Napier, 

388. 
Engelbard  (Mmc  Philippine),  nee 

Gallerer.  Voy.  Beranger. 
Entendement  (De  1')  et  de  la  rai- 

son ,  par  J.  F.  Thurot ,  A.,  5yo. 
Epee  (L'),  'e  Baton  et  le  Chaus- 

son  ,   vaudeville ,  par  Martin  et 

Fri  rand  ,811. 
Esclavage  (Del'abolition  graduelle 

de  I')  dans  les  colonies  europeen- 

nes,  P.  A.  Dufau  ,  M.,  529. 
Esquisses  inf'ernales  ,  par  Polydore 

Buunin  ,211. 
Etats-Ukis,   23,   122,    228,   383, 

4S2  ,  652  ,  7^5. 
Ethnogbaphie,  089,  4j°>  6G7,  685. 
Euripide  (Tragedies  d')  traduites 

en  ilalien  par  Felix  Bellolti,  702. 


Fables  anciennes  et  niotlernes, 
franchises  et  elrangeres,  dont  La 
Fontaine  a  traile  le  sujet,  par  J. 
L.Prel  et  J.  F.  M.  Guillaume, 

464. 

Falco  delta  Rape,  o  la  guerra  di 
Musso,  per  G.  It.  Bazzoni,  ifi5. 

Farcy  (Charles).  Leltr«  a  M.  Vic- 
tor Hugo,  458. 

Favote  in  prosa  ed  in  verso,  di  Celes- 
tino  Galti,  226. 

Fazy  (J.  J.)  Voy.  Organisalion  in- 
dustrielle. 

Felix.  Le  Coucher  de  la  Marice, 
261. 

—  Mariee  (La)  a  l'encan  ,  261. 

Fcrrand.  Voy.  Epee. 

Fetis  (F.  J.).  Voy.  Memoires. 

Fidelio,  opera  allemand,  par  Beet- 
howen  ,517. 

FlLVRE  JAUKE  ,  3o(). 

Fi  '■  nets,  3. .2,  67  1 . 


DES    MATlERIiS.  8a5 

Flassan.  /  oy.  Congres  de  Yienne. 
Flourens.  Memoire  sur  le  mecanis- 

me  de  la  respiration  chez  les  pois- 

sons ,  246. 
Flute  (La),   poesies  russes  de  A. 

Redkine,  142. 
Foe  (Daniel  de).  Voy.  Wilson. 
Foi  philosnphique.   Voy.  Ancillon. 
Forbes  (Duncan).   The  Adventures 

of  Hatim  Tai ,   1 3y. 
Fourier  (Baron).  Voy.  Notice  bio- 

graphique. 
Analyse  des  Equations  deler- 

minees,  800. 
France,  170,  184,  187,  195,  242. 

3o2  ,  555  ,  42 1 ,  498 ,  707  ,  742  , 

797- 

—  (La)  litteraire,  etc. ,  par  J.  M. 
Querard,  469. 

Francceur,  C.  —  B.,  171,  221,  422. 

—  Voy.  Astronomie  pratique. 
Francoise  de  Rimini,  tragedie,  par 

Guslave  Drouineau  ,  809. 
Frederic.  Voy.  Une  Nuit. 
Fremont  (J.  de).  Voy.  Chants  po- 

lonais. 
Fulgence  (G.).  Voy.  Mickiewicz. 

—  Voy.  Chants  polonais. 
Fulgence.  Voy.  Auberge  d'Auray. 

—  Voy.  Attendre  et  courir. 


G. 

Galatee  (Nouvcau).  Voy.  Gioja. 

Galisset  (C.  M.).  Corpus  juris. 

Galleron  (Fred.).  Voy.  Camille. 

Galli  (C).  Voy.  Favole  in  prosa. 

Gama  ( J.  P.).  Traite  des  plaies  de 
tele  et  de  l'encephalitc,  etc.,  4^6. 

Gambart.  L'Academie  des  science! 
de  Paris  lui  decerne  le  prix  d'as- 
tronomie ,  800. 

Gambey.  La  meme  Academic  lui 
decerne  une  mednille  ,  800. 

Game  of  life  (TheJ,  by  Leitch  Rit- 
chie, 397. 

Gamier   (  Adolphe),  C.  —  A.,  ">|. 

—  B.,446. 

GaSC.    Vov.     RECLAMATION. 


8»6  TABLE    AN 

Gaulmier  (A.  K.).  Foy.  diuvies 
posrhumes. 

Gautier  (A.  G.  J.I.  Foy.  Dupin 
aiue. 

Gence.  Foy.  Meditations  religieu- 
ses. 

Genieys.  Kssai  Bur  le>  moyens  de 
conduire ,  d'elevcr  cl  de  distri- 
buter les  eau%,  172. 

Geodesic  ,  8o9i 

GeolIVoy-Saiiit-Hilaire  ,  de  l'lnsli- 
tut,  C.  —  M.,  20.  —  H.,  712. 

—  Foy.  Philosophic  zoologique. 
Geographie,  i33,  18  J,   167,  599, 

4oo,  4j8  j  667  ,  708,  779.  Feyei 

atissi  Voyages. 
Gcorgius  Syncellus  el  Nicephorus  C. 

f>.  ed.  Dindorf,  4o6, 
Giqja  (M.).  l\noro  Galalco,  700. 
Giuli  (Giuseppe).  Slalisliea  agraria 

Jella  Fatfll-Chiana,  6y5. 
Gleig  (Georgo)t-  The  life  of  major- 
general  sir  Thomas  Munro,  672. 
Goethe.  Foy.  Wilhelm  Meisler. 
Godwin.  Foy.  Cloudcslcy. 
Gohier  (Louis  Jerome).  (/oy.  Ne- 

cboi.oc.ie. 
Golbery  (P.),C  —  B.,  181,  A07, 

4.3,767. 

—  Foy.  Histoire  universelle. 
Goldsmith  (The  Rev.  J.).   The  Bri- 
tish empire  in  1828,  A.,  76. 

Grammaibe  de  la  langue  danoise , 
etc.,  par  Erasmus  Rask,  ,'[o3. 

—  generate.  Philosophic  de  la  lan- 
gue fiancaise,  par  B.  J..  /j"<5. 

Grakde-ISretagne  ,  i35,  20G,  3o2, 
588,  450,490,  664,  779- 

(L'empiredelaJ,  en  1S2S,  par 

le  Rev.  J.  Goldsmith,  A. ,  76. 

Gravcbe  ,  219. 

Gbece.  Sa  situation  precairc  et  pe- 
nible,  79/1. 

Grouvelle  et  Jaunez.  Guide  du 
Chauffeur  et  du  Proprietaire  de 
machines  a  vapeur,  etc.,  718. 

Grubbe  (Samuel).  Foy.  NOMINA- 
TIONS ACADEMIQI'ES. 

Guciioux  (Charles).  Foy.  Droit  ro- 
main. 


AIYTIOlir. 

Guerio  '  Jolcs )  adresse  a  l'Acadr- 
inie  des  sciences  de  Paris  une  let- 
lie  Bar  la  decouverte  de  la  Sali- 
cine ,  a  j  j . 

Gnillaume  (J.F.  M.).  Foy.  Fables. 

Gaillon  (M.  .\.  S.).  /'oy.  Caillau. 

Gustal-Laedericb  (M""').  Foy.  Mi 
nia  I  inc. 

Suy-Eder,  on  la  Ligue  en  Basse 
Bretagne,  par  llippolyte  Bonne- 
li.i  ,  468. 

Gyllcnkmok  (Axel.  Gustave.   Foy. 

NOMINATIONS    AC  \DBMIQHRS. 


Harmonies  poeliques  et  religieu- 
ses,  par  Alphonse  de  Lamartine, 
757. 

Hartmansdorff  ( A.  de).   Fay.  No- 

MINAT10NS    ACADEIUIQUES. 

Haitzinger.  Acleur  allemand,  5iS. 

Harevy.  Foy.  Manon  Lescaut. 

Hapde  (August in),   I'oy.  Deluge. 

Heeren.  Ideen  iibet  die  Politik  ,  den 
Fcrluhr  undden  Handel  der  ror- 
nchmstcn  Father,  etc.,  i4 ~- 

—  Mi-int  t  linage  traduit  en  liaii 
cats  par  W.  SucJ.au  ,  190. 

rlemorrh  ides.  Foy,  Moulcgre. 
Henger  (L\).  I'oy.  Holbein, 
Henri.  Foy.  Auberge  d'Auray. 

—  Foy.  (Vttendre  et  courir. 

—  Foy.  Trois  couche.es. , 

—  Foy.  Deux  souHlrls. 

Hereuu  (Edme),  C.  —  B. ,  45, 
4o3  ,  765.  —  IS . ,  7S3  ,  et  les  ar- 
ticles signes  e.  h. 

Hericart  de  Thury  (  V.).  Sur  le  con- 
cours  ouvert  pom  le  percemeril 
des  puits  Cores,  etc.,  42g  >  <*&&' 

Ilerschel  (J.  F.  W.).  Trait.-  de  la 
lumiere,  traduit  de  1'anglais  par 
P.  F.  Verhulst  et  A.  Quelelet, 
170. 

llippolyte.  Foy.  Sournois. 

Histoire  ,  38  ,  76  ,  i35,  i5o,  l5l, 
i5a,  168,  196,  197,404,  4o6j  i  ' 2- 


DES    MATIERES. 


8: 


4a  i, 454, 67s, 687,705,746,  7-I8, 
706.- 

—  universelle  de  I'ati li quite ;  par 
Fred.  Chief.  Sehlosser,  traduile 
de  l'allemand  par  P.  A.  de  Gol- 
bery,  A.,  345. 

—  d'A'ger  et  du  bombardement 
decette  ville,  en  1816,  pag.,  202. 

—  de  Russie,  par  Karamzine,  121" 
volume  ,  1,4-1. 

—  des  Pays-lias.  Traile  snr  la  ma- 
nit-re  de  l'ecrire,  par  J.  Schel- 
teina,  42o. 

—  des  Franeais  des  divers  etats 
aux  cinq  derniers  siecles ,  par 
Monteil,  195. 

— ■  seientifique  el  mililaire  de  ['ex- 
pedition i'rancaise  en  Egypte,  pu- 
bliee  par  X.  15.  Saintine  ,  5  to. 

—  du  Congres  de  Vienne  ,  ~i\ . 

—  de  laCbule  de  1'Empire  de  Na- 
poleon, par  E.  Labaume,  742. 

—  niilitaire  des  Franeais  par  cam- 
pagn,es,  74'-*- 

—  ( Pieces  pour  servir  a  1")  de  Fre- 
deric Guillaume  \"  et  Frederic 
II,  rois  de  Piusse,  par  le  Dr 
Ci  amer,  685. 

—  (F.ssais  sur  1' )  de  I'esprit  hu- 
uvain  dans  I'anliquite,  par  Rio, 
A.,  94- 

—  du  Droit romain  an  moyen  age, 
par  Savigny ,  728. 

—  de  la  legislation  ,  par  le  marquis 
de  Pastoret  ,  A.,  609. 

—  ( .Manuel  de  I')  de  la  philosophic, 
par  Tennemann  ,  A.,  S'j. 

—  de  la  literature  ancienne  et  mo- 
derne,  par  IVederic  Schlegel  , 
A.,  63 1.. 

—  de  la  litterature  neerlandaise  , 
par  J.  de  S'Gravenwerl,  705. 

—  generale  des  Voyages,  par  C. 
A.  Walkenaer,  t.  xvm  ,  719. 

HlSTOIRE  PCATI'RELLK  ,   5,  20,  5o4- 

Hittoiff  (  J.).  Vay.  Architecture. 
Holbein  (.lean)   le  jeune  ,  par  Ul- 

rich  Hengi-r,  1 54- 
Homme    (L')    consider**    com  me 


etre  peasant  ,  etc.,  pai  ,1.  .1.  La 

Roi,  4/8, 
Hugo  (Victor),  t'oy.  Farcy. 
Hydrauliqce,  172,429,431,  5o6. 
Hydrocephale    des    en  la  11  s.     Pay. 

Gharpentier. 


Iacorcnka.     IVinechnee    Sosloianie , 

etc-,  4oo. 
Ichtvolocie  ,  246. 
Iliade  (L'),  traduction  nouvelle  en 

vers  franeais,   par    A.   Bignan  , 

462. 
Iman  de  Mascate,  777. 
Imitation    theatrale    (  De    1'),     a 

propos  du  roniantisme,  207. 
Imitation    du    Coran,    en    langue 

russe,  par  A.  Rottchef,  142. 
Immortalite  (L')  del'ame,  ou  les 

quatre  ages   religieux,   poeme , 

par  de  Noryins,  A.,  107. 
Ihimumebies  en  Prusse ,  79^. 
Isdistrie  ,  174  ,  455  ,  6a5. 
Infanticide     dans     l'Inde.     I'oyez 

Peggs. 

INSCRIPTIONS,    4y6  ,    76S. 

Institct.    loy.   Societies  savantes. 
Institutions    de     bienfaisance     du 

royaume     des     Pays-Bas.     Voy. 

Rapport. 
Instbcction  (  Rapport  sur  les  ela- 

blissemens  d')  el  ({'education  de. 

l'Eglise  re  for  meediidepai  lenient 

de  la  Seine  ,  720. 

ELEUENTAIRE  ,    So5. 

PBIMA1RE  ,  4'9- 

-  pcbliqoe,    28,    791.    Voy.    (lUSSt 
Ecoi.es  ,    U.MVEBSIIliS  ,  etc. 

Inventions  ,171. 

Ihlande,  748.   Foy.  aus.il  Grande- 

Rretaoe. 
Isambert.  Vpy.  Lois  frangaisc's. 
Italie,  160,  4  i4i  4yC,  6g5. 
Itineraire  descriptif  de  la  Fiance, 

etc.,  par  vaysse  de  Villiers,  182. 
Ivernois  (Francis  d'V    Leti.re  sur 


8  38 


I'accroisement  de  la  populalii 
dam  les  iles  brit  anmqu.es,  ,{5c>. 


Jacobi,  de  Keenigsberg.  L'Acade- 
mie  des  Sciences  de  Paris  lui  de- 
cerne  le  grand  prix  de  mathema- 
tiqnes,  802. 

Jaubert  (Amedce).  Voy.  Nomiha- 

IMNS    ACIDEMIQUES. 

Jaunez.  Voy.  Grouvelle. 

.lay    ( A.).    Voy.    Conversion    d'nn 

Homantique. 
Jesuitismk  ,  703. 
Jomard.  Voy.  Caillie. 

—  Voy.  Reclamation. 

JoURIVAUX   ET   ReCUBILS    PKRJODIQUES. 

—  pnblies  en  Allemagnc :  Zeitschrifl 
fur  Rcchtswisscnschaft ,  a  Heidel- 
berg, 409.  —  Archiv  fur  Geschich- 
tc ,  a  Francfort-sur-le-Mein,  l\  10. 

—  publics  en  Anglctcrre  :  The  O- 
riental  quarterly  Review,  a  Lon- 
dres,  1 40.  —  The  Foreign  literary 
Gazette,  a  Londres,   i4o. 

—  pnblies  en  France:  Revue  de  Pro- 
vence, a  Marseille,  221. —  Bais- 
scz  la  fete,  pauvrc  Jacques !  Jour- 
nal de  Sainte-Pelagie ,  a  Paris, 
223.  —  The  London  Express  and 
Paris  Advertiser,  i\  Paris,  224. — 
Annates  de  la  Societc  royale  des 
sciences,  belles-lettres  el  arts  d' Or- 
leans, 4j6.  —  Annates  des  mines, 
&  Paris,  4/7-  —  Bulletin  dc  la  So- 
eleti  geographlque ,  Ji  Paris,  \j8. 
—  Revue  des  deux  Mondcs ,  A  Pa- 
ris ,  4;8.  —  Le  Catholique,  a  Pa- 
ris, 770. 

—  publics  dans  les  Etats-Unis  du 
Mexique  ;  Reglstro  official  del  go- 
blerno  de  los  Eslados  Mexlcanos, 
a  Mexico ,  386. 

—  pnblies  dans  les  Pays-Bas  :  Jour- 
nal d'agriculturc ,  d'economic  ru- 
lalecl  des  manufactures,  a  Bruxel- 
les,  167.  —  Bibliolhcque  des  Jn- 
illtulcurs,  a  Mons,   168.  —  Nou- 


ALYTIQ1  i: 

relies     Archives     histuriqucs     des 

Pays-Bas,  a  Bruxelles,  16VS.  _ 
Recuell  dc  la  Societc  medicate  de. 
Iloom,   707. 

—  publics  en  Pologne  :  5  dans  la  1  c 
publiquc  de  Cracovie,  7S.5. — 
—  28  i  Varsovic ,  785.  — 1  S  dans 
lesPalatinatsdu  royauuie,  7S0. — 
2  dans  le  grand-dm  be  de  Lithua- 
nie,  789.  —  i  dans  la  Pologne 
prussienne  ,  790.  —  4  dans  la  Po- 
logne autricliienne  ,  790. 

Jcjifs  (Reintegration  des)  en  Angle- 
terre dans  leurs  droits  de  ci- 
toyens,  75G. 

—  Ellet  remarquable  de  (ear  reha- 
bilitation en  Hollande,  497- 

Jullieu  ( M.  A.),  fondateur-direc- 
teur  dc  la  Revue  Encyclopediquc , 
C.  — R.,  707,  et  les  articles  si- 

gues  M.  A.  J. 

—  Voy.  Lettre. 
Jurisprudence,  194,  4°9>  44ji  4/iS> 

73l.  Voy.  aussi  Legislation. 
— ■  generate  du  royaume,  etc.,  par 
Dalloz  ,  730. 


Kaaiscuatka  ,  66c). 

Karanizine.  Voy.  Histoire  dc   11 11s- 

sie. 
Kharsim  ,  779. 
Kholand  ,  779. 
Kiesewelter  (  R.  G.).  Voy.  Memoi- 

res. 
Kirckhoff,  C.  — R.,  71?. 
Koelhe  (F.  A.).  Philip  Melunehtons 

TVcrke,  681. 
Kotff(D.  V.),  Reizc,  etc.,  4 18. 


Labaunie  (E.).  Histoire  de  la  Chute 
de  l'Empire  de  Napoleon  ,  742. 

L'.ihorde  (  Alexandre  de).  An  Roi 
et  aux  Chanibrcs  sur  les  verita- 
bles  causes  de  la  inplure  avec 
Alger,  etc.,  198. 


DES     MATIERES. 


Laconp(P.).  Mon  Portcfewlle,  216. 
F^adijcitzky.     Vsgliad    na     evropcis- 

houiou  Tourtsiou ,  599. 
Lait  (  Falsification  du),  714. 
Lajard.   Voy.  Nominations  acade- 

MIQEES. 

La  Marche    (de).   Voy.  Marcliand 

de  Venise. 
Lamartine  (De).  /^'.Nominations 

ACADEMIQUES. 

—  Voy.  Harmonies  poetiques. 
Langce  danoise,  4f>3. 

—  francaise,  4^5,  700. 

—  hollandaise,  4?o. 

Laplace  (Marquis  de).  Mecanique 
cele-4e  ,  traduite  et  commentee 
par  Nathaniel  Bowditch  ,  385. 

Latreille.  Eclaiicisseinens  sur  quel- 
ques  passages  d'autenrs  anciens, 
relatii's  a  des  vers  &  soie,  etc., 
245. 

Lauth  (E.  A.).   Voy.  Anatomie. 

Lebtun  (Isidore),  C — B.,   184, 

I9O  ,  211,  466. 

Le  Flaguais   (Alph. ).  Lc  chateau 

de  Falaise,  poeme  ,  210. 
Legislation  ,  191,  193. 

—  (  Histoire  de  la) ,  par  lc  marquis 
de  Pastoret ,  A.,  609. 

—  civile ,  commerciale  et  crimi- 
nelle  de  la  France,  etc. ,  par  le 
baron  Locre,   192. 

—  ( Traite  de )  civile  et  penale,  par 
Jeremie  Bentham,  traduit  en  al- 
lemand  par  F.  E.  Benecke,  GS2. 

—  polonaise.  Voy.  Lelewel. 

—  des  theatres.  Voy.  ~\  ivien. 

Le  Glay.  Lettre  surles  Duels  judi- 
ciaires  dans  le  noid  de  la  Fiance, 

»9-4- 

—  Nouvclles  conjectures  sur  l'em- 
placement  du  champ  de  bataille 
ou  Cesar  defit  l'armee  des  Ner- 
viens,  197. 

Lelewel  (Joachim).  Essai  histori- 
que  sur  la  legislation   polonaise  , 

446. 

Lemontey  (P.  E.).  OEuvres,  4.61. 
Le  Noble   (Alexandre),  C  —  A.. 
609. 


•S -'■<) 

Leon.  Voy.  Bal  (Le)  de  I'Avoue. 
Leopold  ( Charles-Goillaume  de). 

Voy.  NtfCBOLOGlE. 

Le  Prevost    (Auguste).   Metnoire 

sur  la  Chftsse  de  Saint-Taurin , 

d'Evreux  ,  765. 
Leroux.  Analyse  chimique  de  I'e- 

corce  du  saule ,  5oi. 
Le  Hoy  (J.  J.).De  Menscli  besdiouwd 

in  zijcn  aanlcg ,  etc.,  4'S. 
Lesson  (  R.  P.).  Journal  du  \  oyage 

pittoresque   autour   du   monde, 

execute  sur  la  corvette   la   Co- 

quille,  commandee  par  L.  J.  Du- 

perrey ,  438. 
Lettre   (  Exti  ait   d'une)   adressee 

de  New-York   a  M.  Jullien,  de 

Paris,  482. 
de  M.  Edouard  Livingston  A 

M.  Taillandier  an  sujet  du  Code 

criminel  destine  aux  Etats-Lnis, 

483. 

—  de  M.  H.  Devaux  a  MM.  Ies 
electeurs,  sur  lc  vote  de  I'adnsse 
du  16  mars,  733. 

—  d'un  Electeur  du  Cher  aux  au- 
tres  Electeurs ,  703. 

—  de  Tutundjy-Oglou  -  Mustafa  - 
Aga  ,  veritable  pbilosophe  turc  , 
;i  M.  Thaddee  Bulgarine,  etc., 
67C. 

Levavassseur.  Voy.  Nechoi.ogie. 

Liberte  (Lettres  sur  la)  de  la  Reli- 
gion ,  et  sur  les  Jesuites  moder- 
nes ,  703. 

—  de  suffrage  (Essai  sur  la)  des 
foiic tionnaires  publics  amovibles, 
par  H.  Devaux,  733. 

Libbaihie  (  Accroissement  du  cum- 
merce  de  la)  en  Allemagne,  4g5. 

—  en  Prusse ,  792. 
Lithogbapbie  ,  216  ,  4j°- 
Lithotritie,  4-*8- 
Literature  altemande  ,  1 55,  164  , 

239,  4°9>  4^6,  517. — ancienne- 
classique,  225  ,  462,  702,  y56.  — 
—  anglaise,  i38,  i4o,  214,  224, 
3g5,  397,  467,  760.  —  bibliqne, 
723.  —  bresilicnnc  ,  391.  —  des 
Etals-Unis,    i3o.   —  francaise, 


85o 


IO7,  1>2,  2o4 ,  2O7  ,  210,  21  !  , 
VI'.',  2 1  4  )  2  1  5  ,  2  21,  22J  ,  259  , 
:•()(>,    261,    262,375,455,457, 

458,  460,  46i,  469.,  264,  4G8, 
469,  5i5,  5 16 ,  517,  6S8  ,  750, 
7.12,  7^7,  75;) ,  761,760,761, 
770  ,  8o3,  Soy,  8 10,  811.  —  ge- 
i»!e,63i. —  italienne  ,  i|5,  162, 
16.4  >  i65  ,  207  ,  212  ,  226  ,  4'6  , 
700  ,  701  ,  702.  —  neerlandaise  , 
-c:.j.  — persane,  107.  — polonai- 
se ,  356,  47  >  5  77J-  —  cusse,  1  \  2, 
772. 

!.n  ingston  (Edouard).  Voy.  Let- 
tie. 

Lone.  /*<>v.  Legislation  civile. 

Lois  criniinelles  (Hel'omie  des)  des 
Etats-Unis,  /|S5. 

—  i'rancaises  (  Recueil  general  des 
anciennes),  etc.,  par  Isambert, 
Decrnsy,  et  Taillandier,  191. 

Longeville.  Nouvelle  rose  des  vents, 

S01. 
Longhena  (Fr. ).  Voy.  Quatremere 

de  Quincy. 
Lowenhielm   (Coinle  Gustavede). 

Voy.  Nominations  academiques. 
Lucas  (Charles),  M.,  23. 

Voy.  Systeme  penitentiaire. 

Lucenay  (J.  de) ,  C.  —  N.,  239. 
Lumiere  (  Traitii  de  la).  Voy.  Her- 

schel. 

—  (Mouvemenl  dela).  Voy.  Cau- 
ehy. 

—  (Dispersion  de  la).    Voy.  Cau- 

Luna  Follieio  (Donna  Cecilia).  II 
I '  iaggio,  etc.,  4 '6. 

M. 

Ma  Feniine  et  ma  Place,  comedie 
en  prose  ,  par  liayard  et  Gustave 
de  Wailly ,  260. 

Machines  a  vapenr.  Voy,  Grou- 
velle. 

Madame  Gregoire  011  le  Cabaret  de 
la  Piinimr  du  Pin  ,  vaudeville 
par  Charles  el  Dtipeuty  ,    '17. 


.NAI.Y  HOI  E 

Mallei  (Andre).  Seine  Iviiipie  pour 
L'inaugueatioD  du  buste  de  \  in 
cent  Monti ,  162. 

I'oy.  Marie  Stnail. 

Mahul  (A.),  C  — A.,  76. 

—  tableau  de  la  constitution  poli- 
tique de  Ij  monarchic  franijaise 
selon  la  Charte  ,  A.,  335. 

Maillanl.  Voy.  Ecole  du  pauvre. 

Maison  (La)  de  campagne,  par 
M"11,  Aglae  Adanson  ,  174. 

Maladies  pestilenliellcs  (Rapport 
sur  Its  fait  au  Conseil  superieui 
de  sante,  etc.,  par  A.  Moieau  de 
Jonnes,  M.,  297. 

Mallet  (C.  F.). 'Notice  hislorique 
sur  le  projet  d'une  distribution 
generate  d'eau,  a  domicile,  dans 
Paris  ,  43 1. 

Malle-Brun.  Voy.  Pologne. 

Mangeart  (J.).  Souvenirs  de  la 
Moree,  746. 

Manou  Lescaut,  ballet-pantomime, 
par  Aumer,  Halevy  et  Ciceri . 
5i5. 

roman  en  six  chapitn  s  ,  par 

Carmouche  et  Courcy  ,810. 

Manuel  du  teneur  de  livres,  pai 
Tremery ,  44o. 

Maicband  (Le)  de  Venise ,  diame 
en  vers,  d'apres  Sliakespeai  %  , 
par  de  La  Marcbe  ,  810. 

Vai  i  (  Le)  aux  neul'  i'emmes  ,  vau- 
deville, 261. 

Mariage  (Un)  du  grand  monde, 
traduit  de  l'anglais  de  Miss  Bail- 
lie  ,  214. 

Marie  (F.  C.  N.).   Voy.  Ecritures. 

—  Stuart ,  iragedie  de  Schiller,  lia- 
duite  en  italien  par  Andie  Maf- 
i'ei ,  1 64 . 

mtJme   ouvrage  traduit   par 

Mme  Edvige  de  Battisti ,  Unci. 
Mariee  (  La)  a  1'encan,  tableau  vil- 

lageois  ,    par   Duclos    et     Felix, 

261. 
Mahoc  ,  777. 
Marseball.  Essai  histoi'iqne  et  topo- 

graphique  sur  l'nrigine  d'Anvers, 

71)5. 


Martin.  /  '<>v.  Epee. 

Mathematiques  ,  172,  5oa ,  798, 
800  ,  Sol. 

JA&DECutu.  Foy .  Sciences  medicai.es. 

Meditaiions  religieuses,  en  forme 
de  discours,  traduites  de  l'alle- 
mand    par  Monnard  et   Gence, 

44  2  • 

Melanchton  (Philippe).  Fox.  Koc- 
the. 

Melesville.  Fox.   Philippe. 

Memoir  of  the  Life  timl  public  servi- 
ces of  sir  Thomas  Slam  ford  Raf- 
fles, 67  2. 

Memoire  pour  les  hommes  de  cou- 
leur.  Cinquieme  partie  ,  200. 

Memoires,  Notices  et  Melanges 
(I)  :  Considerations  sur  les  mol- 
lusques  el  en  parliculier  sur  les 
eephalopodes  (Cttvier),  5.  —  Ob- 
servations sur  le  Memoire  prece- 
dent (Geoffroy-Sainl-Hilarie),  20. 

—  Del'empiisonnenient  solitaire 
aux  Etats  Unis  (Charles  Lucas), 
20.  —  Be  i'expedition  eon  tie  A I 
ger  (J.  C,  L.  de  Sismondi),  2S1 . 

—  Rapport  sur  les  irruptions  et 
les  progres  des  maladies  pesti- 
lentielles,  pendant  I'annee  1S29 
(Moreau  do  Jonnes),  297.  —  Re- 
did ches  sur  les  produits  compa- 
res des  revenus  prives  et  publics 
de  la  France  et  de  la  Grande 
Rretagne,  par  M.  Charles  Da- 
pin,  3o2.  — •  De  I'abolition  gra- 
duelle  de  I'esclayage  dans  les 
colonies  europeeniies  (!'.  A .  Du- 
fan),  529.  — Notice  biographi- 
que  sur  le  baron  Fourier  |  Ficilh 
de  I'oisjosim),  552. 

—  et  Rappokts  (If  Societes  savan- 
tes  en  France,  474,  767. 

—  de  K.  G-.  Kiesewerter  et  F.  J. 
Fetis,  couronnes  et  publies  par 
I'Instilut  royal  des  Pays- Lias,  166, 

—  complets  et  authentiqties  du  due 
de  Saint-Simon,  sur  le  sieole  de 
Louis  XIV  et  la  regencc.  T.  xix 
et  xx  ,  196. 

—  de  la  vie  et  de  l'epoque  de   Da- 


atip.iu:s.  S"  1 

nii'l  de  Foe,  par  Walter  YV  i  son, 

1 56. 
Mcmoria  de  la  Seerclaria  di  Estadb 

y  del  Despacho,  etc.  ,  659. 
Memorial  portatif  de  chronologic, 

d'liistoiie  industrielle  ,  etc.,  433. 
Mei  ville.  Foy.  Contes. 
Missie  (Le  vrai)  ,  ou  I'Ancien  el  le 

Nouveau  -  Testament    examines 

d'apres  les  prin:  ipes  de  la  Langue 

et  de  la  nature,  par  G.  QKgffer, 


Metaphysiqie  ,  590. 

Meteorologie  ,  5S.J. 

Mexiquk,  386  ,  659. 

Miaskovvski  (  F.).  Foy.  Mickieuii  z. 

Michelot  (  A.) ,  G.  —  N.,  25?. ,  5o5, 
8o5. 

Mickiewicz  (Adam).  Poesies  po- 
lonaises, A.,  356. 

—  meme  ouvrage  traduit  en  fian- 
eais  par  F.  Miaskovvski  el  G.  Ful- 
gence ,  ibid. 

Milne-Edwards.  Dispositi  in  parti - 
culiere  de  1'appareil  branchial 
chez  quelques  crustac«s,  5o4> 

—  Organisation  de  la  bonohe  cher. 
les  crustaces  suceurs  ,  5o  ;. 

Miluslavsky,  ou  les  Rosses  en  161a, 
par  Zagoskine ,  78.3. 

MlMiRALOGlK  ,    245,    477- 

—  (Traite  elementaire  <:e,i,  par  F. 
S.  Beudant ,  715. 

Miniature  (  Principes  de),  mcthode 
pour  les  personnes  qui  veulenl 
peindre  seules,  par  Mu"'  Gustal- 
Laederich ,  765. 

Mionrret.  I  ay.  Nominations  ic'aIik- 

M1QI  KS 

Mtttermaier  et  Zachariae.  Journal 
critique  de  jurisp'rudenci 

Moke  (II.  (i.).  Foy.  Philippine  Ue 
Flandre. 

Moluavie  (  Etal  aetnel  des  p^inci- 
pautes  turques,  la)  el  la  Vala- 
chie ,  et  de  la  province  1 
Bessarabie,  par  Ignacetlacoven- 
ka  ,  4oo. 

Moleon  (  V  .  de).  Collection  des  rap 
poiis  sin  les  rrarauz  du  Conseil 


8J2 


r.Mn.i    analytique 


de  salubrity  de  la  ville  de  Paris, 
4a«. 

Molccques  ,  { 18. 

Moiiusqucs  (  Considerations  sm- 
les ) ,  et  en  particulier  sur  lis 
Cephalopodes ,  par  le  baron  Cu 
vier,  81.,  5. 

—  Observations   sur   ce    Memnirc, 

par  Geoffroy-SaintcHilaire,  20. 

Mon  PorteJ'euille ,  par  P.   Lacuur, 

216. 
Monnaid.  toy.  Gours  delitteraturc. 

—  I  ox.  Meditations  rcligieuses. 

—  C.  —  B.,  694. 

Montegre  (A.  J.  de).  Des  hemor- 

rhoides,  elc,  426. 
Munteil.   Voy.  Hisloire  des   Fran- 

eais. 
Monti  (Vincent).  Voy.  Mairei. 
Monumcnta     Gcrmanice    hislorica , 

4o4- 

Morale,  724. 

Mureau  de  Jonncs  (A.),  G. — M., 

»97- ' 

Moretti  c  Chiolini.  Bibltotcca  agra- 
ria,  4 '4. 

Mort  (La)  deColigny,  ou  la  Nuit 
de  Saint  Barthelcmy.  Scenes  his- 
loriqnes ,  -64- 

Morns  (Thomas),  biograpbie  re- 
digee  d'apres  des  materiaux  au- 
thentiques ,  par  G.  T.  Rudhart , 
i53. 

Mosaique  monumentale  (Elablis- 
sement  de)  de  M.  Barberi ,  a  Pa- 
ris, 262. 

—  Les  premiers  amours  de  Henri 
IV,  poeme  allemand ,  par  W.  de 
Normann  ,  i55. 

?.lunro  (Thomas).  Voy.  Gleig. 
Mooter   (Frederic).   Voy.   ISiicno- 

LOGIE. 

Miske  d'antiquites  de  Kretcb,  492. 

—  d'bistoire  nalurclle  de  Stock- 
liolm  ,  4;-5. 

— ■  Diocletien  de  Paris,  52o. 

—  (Fondation  d'un)  a  Egine,  jyG. 
MusiQBB,  47>  i  5i5,  5 1 7. 


Napier.    Encyclopedia    Britannica , 

088. 

Noviichia  istoriicheshia ,  etc.,  .199. 

Navier.  Bapport  sur  la  Gaissc  d'K- 
pargoes  et  de  Prevoyance  de  Pa- 
ris, 7-26. 

Navigation  ,  801. 

Necrologie  :  Georges  Ticrncy , 
membre  du  parlemenl  d'Angle- 
tcrre  ,  264.  —  Louis-Nicolas  Vau- 
quctin,  membre  de  la  Cbambre 
des  deputes  de  Fiance,  266.  — 
Levavasseur,  traducteur  en  vers 
hancais  du  livre  de  Job  ,  26s. 
—  Le  comte  Platen,  ex-gouvcr- 
neui'  general  de  IVorvege,a  Chris- 
tiania,  5ai,  —  Frederic  ftlanter, 
eveque  de  Zelande,  521.  —  Jean 
Zcllncr,  membre  du  Grand-Con- 
seil  suisse,  a  Soleure ,  522.  — 
Ctirtct,  professeur  a  l'ecole  de 
medecine  de  Bruxelles,  525. — 
Louis  Jerome  Goliier,  ex-presi- 
dent du  Directoire  executif,  a 
Paris,  520.  —  Gharles-Guillaume 
de  Leopold ,  secretaire  d'Etat ,  a 
Stockholm  ,  81  1. 

NiORAMA  de  Paris,  5j8. 

Nepenthes.  Germination  de  cette 
planle,  244- 

Nominations  acad^miqces  :  Le  doc- 
teur  B lumenbach  de  Gceltingue  , 
associe  etranger  de  1' Academic 
des  sciences  de  Paris,  25o.  — 
Leon  Dufour,  de  Saint-Sever, 
membre  correspondant  de  la  me- 
mc  Academic,  a5i.  — DeLamar- 
tine,  membre  dcl'Acadcmic  lian- 
caise,  252.  —  De  Pongerville, 
membre  de  la  meine  Academic, 
256.  —  Comte  Gnstave  de  Lijwcn- 
hivlm  ,  A.  de  Hartsmansdorff , 
Jean-Israel  Ekstrom,  Pierre-Gus 
tave  Ccderscltjbld ,   Axel-Cuslave 

-    Gylknhrooh  ,     Pierre  -  Frederic 


DES    MAT 

Wahlberg ,  et  T.  U.  Ekstrom  , 
meiobres  de  l'Aeademie  des 
sciences  de  Stockholm.  Les  pro- 
fcsseurs  Dulong,  de  Paris,  et 
Henri  Hose,  de  Berlin,  le  baron 
Fourier,  de  Paris,  associes  chan- 
gers de  la  meme  Academic, 493- 

—  Samuel  Grubbe,  d'Upsal , 
membrc  de  l'Aeademie  sucdui- 
se  ,  493.  —  TVallich  ,  directeur 
du  jardin  botanique  de  Calcutta, 
et  le  Dr  Qtioi ,  correspondans  de 
l'Aeademie  des  sciences  de  Pa- 
ris, 5o5. —  Thurot,  Champollion 
lejeune,  Thierry,  Lajard,  Ame- 
dee  Jaubcri  et  Mionncl,  membres 
de  l'Aeademie  des  inscriptions 
et  belles-lettres  de  Paris,  5o5.  — 
Arago,  secretaire  perpeluel  de 
l'Aeademie  des  sciences  de  Pa- 
ris, 796.'  —  Gergonne,  correspon- 
dant  de  la  meme  Academie,  801 . 

—  De  Segur  et  de  PpngervUle. 
Leur  reception  a  l'Aeademie  Iran- 
caise,  800. 

Normann  (TV.  von).  Mosaik,  etc., 

i55. 
Norvins(De).  J'oy.  Immortalite  de 

l'ame. 
—  Voy.  Campagne  de  iSi3. 
Notice  biograpliique  sat  le  baron 

Fourier ,  par  Vieilh  de  Boisjos- 

lin,  M.,  552. 
Notions  de  la  plus  haute  antiquitc 

sur  les  habitans  de  la  rive  gauche 

duRhin,  par  Math.  Simon,  1 5 1 . 
Nouvblle-Zelande  (Les  habitans  de 

la ) ,  667. 

NoiiVELLESSCIENTIFIQllESETLITTERAI- 

kes  (IV)  :  At'rique  ,  775.  —  AI- 
lemagne,  208 ,  494,  79 1 .  —  Asie, 
775. — Colombie,  229,  4§4.  — 
Etats-Unis,  228,  4S2  ,  770. — 
France,  242,490,  797. —  Grande- 
Bretagne,  206,  490,  779. —  Gre- 
ce,  794.  —  Italie,  496.  —  Paris, 
243,  498?  798.—  Pays-Bas,  497. 

—  Pologue,  7S3.  —  Bussie,  491, 
782.  —  Suede,  4g5.  —  Suisse, 
"9. 

T.   XLTI. 


853 


I). 


Observations  morales,  critiques  el 
politiques,  par  Adrien  Destail- 
leur,  724. 

OEgger  (G.).  Le  vrai  Messie ,  723. 

OEuvres  de  Philippe  Melanchton  , 
GSi. 

—  de  saint  Francois  de  Sales.  Edi- 
tion complete,  699. 

—  de  C.  C.  Tacite,  traduitcs  en 
fraacais  parC.  L.  F.  Panckoucke, 
756. 

—  de  Voltaire  ,  avec  prefaces ,  no- 
tes, etc.,  par  Beuchot,  4C0. 

—  de  P.  E.  Lemontey,  46 1. 

—  de  Ballanche  ,  462. 

—  completes  de  Ciceron,  traduc- 
tion nouvelle  avec  le  tcxte  latin 
en  regard,  225. 

duvicomtede  Chateaubriand. 

T.  vn  ,  x  et  xi ,  460. 
T.  viii  ,  xi;  et  xin ,  757. 

—  diverses  de  Louis  Bocrne,  407. 

—  posthumes  d'A.  E.  Gaulmier, 
A.,  1 12. 

Ombellif'eres  (Famille  des).    Voy. 

Candolle. 
Oreille  (Traitement  des  maladies 

de  1').  Voy.  Deleau. 
Organisation   industrielle  (Piinci- 

pes  d'),  par  J.  J.  Fazy,  A.,  62.5. 
Oryctographie  ,  7GS. 
Otlomanshaya  hnperfa ,  599. 
Oubli  (  L')  on  la  Chambre  nuptiale, 

vaudeville,  par  Paulin  ,  810. 


Pabel  (E.).  Russtand  in  der  neitcs- 

ten  Zeit ,   iSa. 
Paleographie,  720. 
Palestine  ,  4- 1 5. 

Pai.ckouke  (C.L.  F.).  Voy.  Tacile. 
Papeteries  en  Prusse,  793. 
I'appcnheimer  (Die) ,  hitloriscli-ro- 


'JA 


ST.  |  TABLE    AK 

mantitchcs  Gcmaidc ,  von  A.  von 
Tromlitz,  409. 

Parent-Real,  C.  —  B.,  733. 

Paris,  243,498,712,  79S. 

Parnell  (  Henry ').  On  financial  He- 
form  ,   67 1 . 

Pastoret  (  M.de).  I'oy.  Legislation. 

Patrat.  Le  Voyage  en  Suisse,  vau- 
deville, 261. 

Paulin.  I'oy.  Onbli. 

Pauvres  (Lies)  Anglais  et  la  Sociele 
dc  Bienfaisance  des  Pays-Bas , 
4'9- 

Pavs-Bas,  28  ,  166  ,  4'8  >  497*  7»2- 

Peggs  (J.).  The  present  state  of  in- 
fanticide in  India ,  7>yd. 

Peintere,  5iS  ,  52o. 

Pelletier.  Annates  de  la  Societe 
royale   des   sciences   d'Orleans , 

4/6- 
Peres  de  1'Kglise.  J  oy.  Caillau. 
Peritonite   puerperale    (Traite  de 

la  ),  par  A.  C.  Baudelocque,  179. 
Perou  ,  1 34. 
Perrard    (Ferreol).   toy.   Rhetori- 

que  classique. 
Perrelet.  L'Academie  des  sciences 

de  Paris  lui  decerne  une  medaille, 

800. 
Perrot  (A.  M.).  Alger  :  Esquisseto 

pographique    el     histoiique    du 

royaume  et  de  la  ville,  202. 
Perse  ,  778. 
Peste  ,  297. 
Petri  (Edouard).  Moyeus  de  dou- 

bler   la    production    de  la   laine 

chez  les  moutons,  499- 
Philippe,  coniedie  vaudeville  ,  par 

Scribe,   Melesville    et    Bayard, 

261. 
Philippine  de  Flandre,  on  les  Pri- 

sonniers  du  Louvre,  roman  his- 
toiique beige,  par  H.  G.  Moke, 

212. 
Prilologie,  225,  702,  756. 
Philosophie,    54,   94)  4,8>  44->  J 

590. 
—  naturelle  (Flemens  de) ,  etc., 

par  Neil  Arnolt,  traduits  de  l'an- 

glais  par  T.  Richard  ,  170. 


ALTTlyVt 

—  zoologique  (  Principcs  dc)  ,  par 
GeollVoy-Satnt-lIilaiie  ,  707. 

Piivsiologib,  246,  499»  5o2  ,  5o4- 
I'iivsi^ie  ,  170 ,  498 ,  5o2 ,  716. 
Pierre  dans  la  vessie.  I'oy.  Rigal. 
Plaies  de  tele,  f  oy.  Cama. 
Planles  du  inont  Sinai,  recueillies 

par  Leon  de  la  Borde  et  decrites 

par  Delile  ,231. 
Platen  (Cointe  de).  Voy.  Nkcrolo- 

cie. 
Poksie  ,  107,  112,  i3o,   142,  i45, 

1 55,  162, 210, 211, 2  26, 373,416, 

457>  464,  688,  757,  759. 

DRAMATIQl'E,    l64,    2O7,   210,  2.6o, 

261,  262,  095,  5  io,  5 1 6,  517,  702, 

S09,  8l0,  8l  1. 

—  (  De  l'histoire  de  la),  f'oy.  Am- 
pere. 

Poesies  de  M"1-  Davidson,  i3o. 

—  d'une  fenime  ,  46a. 

—  romaines,  par  Jules  de  Saint- 
Felix,  757. 

Poezye   Adaina    Mickiewicza ,    A., 

356. 
I'oinsot.   Traite  de  Statique.  Cin- 

quieme  edition  ,  79S. 

Poi.EMIQUE     LITTEKA1RE  ,       20,      676, 

73a. 

Politique,  128,  198,  2o5 ,  236, 
275,  555,  586,  4°7>  482,  484> 
639,  688,  6S9  ,753,  704,  74'- 

—  ( De  la)  et  du  commerce  des 
peoples  de  l'antiquite,  par  A. 
II.  L.  Heeren,  147  )  ig5. 

Polugme  ,  785. 

—  ( Tableau  de  la  )  ancienne  et  1110- 
derne,  par  MalteBrum.  Nou- 
velle  edition  publiee  par  Leo- 
nard Chodzko,  70S. 

Polonais  (Les)  en  Italie  ,  tableau 
des  travaux  des  Polonais  pour  la 
regeneration  de  leur  patrie,  par 
Leonard  Chodzko  ,  454- 

Pongerville  (De).  Voy.  Nominations 

ACAUliMIQtES. 

Pons  (Gaspard  de).  Voy.  Glotilde. 
Pontecoulant    ( G.  de).  Voy.  Sys- 
teme  du  monde. 

PONTS  FT  CHAI'SSEES,    ?./l3  ,    775,  799. 


Poulsen  ler(Projet  relatii'a  one  nou- 
velle- construction  des)  ,  par  Dc- 
laporte,  799. 
Population    (  Accroissement    de  ) 
dans   les   ilcs    britaniques.    Voy. 
Ivernois. 
Portal.    Bapport    presente   a    I'As- 
semblee  generate  des  t'ondaleurs 
de  la  caissi;  d'epargnes  de  Bor- 
deaux, -9.6. 
Portraits  (Collection  de)  des  Frao- 
c;ais  celcbres  par  leurs  actions  ou 
leurs  ecrits,  etc.,  219. 
Prei(J.L.).  Toy.  Fables. 
Presse    periodique,    en    Pologne, 
;83. 

en  Prusse  ,  794. 

Prigionien   (J.)  di    Pizziglicttonc , 

etc.,  4'6. 
Prisons,  23,  122,  190. 
Prix  d£c ernes:  par  la  Societe  rovale 
et  centrale  d'agricullurc  de  Pa- 
ris, 429,  5o-.  —  par  l'Acadeinie 
des  sciences  de  Paris ,  799  ,  800 , 
801. 
—  proposes  :  par  la  Societe  royale 
et  centrale  d'agriculture  de  Pa- 
ris, 429,  507.  —  par  la   Societe 
francaise  de  statistique    univer- 
selle  ,  507.  —  par  la  Societe  de 
statistique  de  Marseille,  797. — 
par  1'Athenee  des  arts  de  Paris, 
So4.  —  par  les  Societes  reunics 
de  la  morale  chretienne,  des  me- 
thodes  d'enseignenient  et  del'l  n- 
seignement  elenientaire  de  Paris, 
S06. 
Procedure  civile  (Traite   elemen- 
tairede  la),  par  L.  F.  Auger,  70  1. 
Prlsse  ,  494  j  79  >• 
Puissant,  C—  B.,  458. 
Puits    fores.      Voy.      Hericarl     de 

Tbury. 
Puvis.  L'Acadeinie  des  sciences  de 
Paris  lui  decernele  prix  de  statis- 
tique, 799- 

Q. 

Quadrature  du  cercle.  Voy.  Clie- 
val. 


DES    MATIEREs.  835 

Quai-aux-Fleurs  (Le)  ,  vaudeville, 

5,7. 
Quatremere    de  Quincy.    Histoire 

de  la  vie  et  des  ouvrages  de  Ba- 

pliael   Sanzio  d'Urbin  ,   tiaduite. 

en  italien  par  F.  Lunghena,  1G1. 
Querard  (J.  M.).  La  France  litte- 

raire  ,  469- 
Quelelet  (  A. ),  C.  —  A.,  28.  —  B., 

703. 
—  Voy.  Hcrschel. 
Quoi.   Voy.   Nominations  academi- 

qces. 


R. 

Rafael,  dratne  mfile  de  chants,  par 
Theaulon  ,  iV)i. 

Raphael.  Voy.  Quatremere  de 
Quincy. 

Bailies  (T.  S.).  Voy.  Memoir., 

Bapport  fait  au  Congres  des  Ftats- 
Unis  par  M.  Caeibreleng,  au 
nom  de  la  commission  du  com- 
merce, 662. 

—  sur  les  institutions  de  bienfai- 
sance  des  Pays-Bas  ,  A.,  2S. 

—  sur  l'etat  des  ecoles  superieures, 
moyennes  et  primaires  des  Pays- 
Bas  ,  ibid. 

—  du  Conseil  de  Salubrite  de  la 
ville  de  Paris,  etc.,  712. 

Hash's  Grammar  of  the  danisli  Ian 

gua^c,  4o3. 
Re  (Zefirirto).   La  vita   di  Cola   di 

Rienzo,  160. 
Recamier  (J.  C.   A.).  Becberches 

surle  traitenient  du  cancel,  etc., 

182. 

ReCLA  SI  AllONS. 

—  de  M.  Beltrami  au  sujet  du  comp- 
te  rendu  de  son  ouvrage  sin  le 
Mexiquc,  5i  1. 

—  de  M.  G-asc  au  sujet  de  sonTrailr 
des  Melhodes,  5i \. 

—  de  M.  Jomard  au  sujet  de  la 
hauteur  de  la  ville  de  Tcinboc- 
tou ,  S09. 

IvHI'UI.S  PKRIODIQl  ES.  Voy.  J'U  II 
\  I  I  X  . 


H3(i 


Redhinc  (A.).  Trcrnitsa.  etc.,  i4a. 
Reforme  des  Finances.  Voy.  Par- 
neU. 

Ueiil'enberg,   C.  —  15.,   i56,    i/Ji, 

.6;. 
—  Nouvelles    Archives   hisloriques 

des  Pays-Baa,  iC8. 
Religieusc  (  La)  de  Monza,  episode 

du  xvue  siecle  ,  par  Rosini,  tra- 

duit  de  l'italicn  par  Jean  Cohen, 

21  2. 

Religion.   Voy.  Sciences  heligiel- 

SES. 

Renaudot.  Alger.  Tableau  du 
royaunic,  de  la  ville  d'Alger  et 
de  ses  environs,  etc.,  202. 

Renouard   (Ch.),  C. — B.,  190. 

Report  (  The  fifth )  of  the  American 
Sunday  School  Union,  383. 

Reports  of  the  Prison  discipline  So- 
ciety of Boston ,  122. 

Resolutions  submitted  in  the  House 
of  representatives  of  the  Congress 
of  the  United  States,   12S. 

Revenus  ( Recherches  sur  les  pio- 
grCB  compares  des)  prives  el  pu- 
blics de  la  Grande-Bretagne,  M., 
002. 

Rey-Dussueil.  Voy.  Samuel  Ber- 
nard. 

Rhetoriqce  classique  a  l'usage  des 
aspirans  au  grade  de  bachelier- 
es-lettres,  par   Ferreol  Perrard  , 

45/.. 
Richard  (T.).  Voy.  Philosophic  na- 

lurelle. 
Ricnzo  (Cola  di).  Voy.  Re. 
Rime  pasloridi ,  par  Agliaja  Anassi- 

tide,  1 45. 
Rigal  (J.  J.  A.).  De  la  destruction 

mecanique  de  la  pierre  dans  la 

vessie,  42$- 
Rigoni   (C.  A.).  Elogio  del  Cava- 

licre  Giov.  Alessandro  Erambitlit, 

701- 
Rio.  Essai  sur  l'histojie  de  l'esprit 

huniain  dans  l'antiquite  ,  A.,  6)4. 
Rio  de  Janeiro   wie  cs    isl ,    ion  C. 

Schliclilhorsl ,  685. 
Ritchie  (Leitch).  Voy.  GameofLife. 


ABIE    AKAI/YTIQl'K 

Roche.  Voy.  Trois  couchues. 
Romans  ,  toy ,  i38  ,  1 65  ,  21  2,  21 4, 

2i5,  7>c,j,  416,  466,  467,  468, 

469 ,  763  ,  "64. 

—  (Nouvelle  Bihliolhcqne  univer- 
Belle  des) ,  761. 

—  historiques  publies  en  Russie, 
782. 

Rose    (Henri).    Voy.    Nominations 

ACADl'iMIQl'ES. 

Hose  des  Vents.  Voy.  Longeville. 

Ros-ini.  Voy.  Religieusc  (La)  de 
Monza. 

Rottchef(  A . ).  PodrajaniiaKoranou, 
142. 

Rousseau  (J.  J.).  Julie,  ou  la  Nou- 
velle Heloise ,  761. 

Rudharl  (G.  Th.).  Thomas  Moras, 
etc.,  1 55. 

Rugendas  (Maurice).  Voyage  pit- 
toresque  au  Bresil ,  470. 

Russie,  i4i,   399,491,676,782. 

—  (La)  dans  les  derniers  terns,  par 
E.  Pabel,  i52. 


Saint- Amand,  Voy.  Deux  soufllets. 
Saint-Ange  (J.  M.  de),  C.  —  B. , 

7°9- 
Saint- Felix  (Jules).  Poesies  romai- 

nes,  757. 
Saint-Simon   (Due  de).   Voy.  Me- 

moires. 
Saintine  (X.  B.).  Hisloire  de  1'cx- 

pedilion    fraucaise   en    Egypte, 

5io. 
Salicine  (Decouverle  de  la).  Voy. 

Gueriu. 
Satles  (S.  Francesco  dej.  Opcrc,  699. 
Salm  (Mme  la  princesse  Constance 

de).  Epilre sur  1'Esprit  du  siecle, 

traduite  en  vers  alleinands,  239. 
Samuel  Bernard  et  Jacques  Borga- 

rellv,  hisloire  des  lems  de  Louis 

XIV,  par  Rey-Dussueil ,  214. 
Sante  pcbliqijk  ,  /|2iS  ,  4 90  ,  712. 
Satire    russe    contre   les    joneuis , 


T)ES    MATIERE.i. 


8  3 «? 


adrefiSee  a  Erastc ,  par  J  .  \  eliko- 
polsky,  142. 

Savigny  (F.  C.  de).  Voy.  Droit  10- 
niain. 

Scenes  populaircs  en  Irlande  ,  par 
Shiel,  liaduiles  de  l'anglais  par 
M-»  L.  Sw.  B.  et  A.  de  M.,  748. 

Schcllcma  (J.).  Vcrliandcliiig  over 
hct  bcivcrhcn  van  de  gcschieclcnis 
der  Ncdcrtandcn,  ^20. 

Schiller.  Voy.  Marie  Stuart. 

Schlegel  (Frederic).  Histuire  de  la 
litterature  ancienne  et  modern e, 
iraduite  en  francais  par  William 
Ducketl ,  A.,  63i. 

Schlichthorst  (C).  La  ville  de  Rio- 
Janeiro  ,  685. 

Schlosser  (Fred.  Chret.).  Foy.llis- 
toire  universelle. 

—  Coup  d'rtil  general  sur  l'liisloire 
de  1'ancien  nionde,  t.  11,  fyoS. 

—  et  Bercht.  Archives  d'bistoire  et 
de  litterature ,  412- 

Schroeder-Devrient  (  Mme),  canta- 
trice  allcmande,  5i8. 

SCIENCES  MEDICALES,  iJJ,    1/9  i   1^2, 

248,  251,422, 423>  425, 426, 70-. 

MORALES   ET  P0I.1TIQUES  ,    54  5    IO/J) 

335  ,  44 • »  5go ,  721 . 

—  NATCRELLES      ET     FHYS1QUES  ,     28, 

170 ,  242,  3in  ,  421 ,  567,  707. 

REL1G1ECJSES,    1  56,    190,    22/|,   58  j, 

44>»  442,48o,  6S1,  699,  721, 

723,  724. 
Scott  (Walter).  The  Doom  of  De- 

vorgoll ,  39J. 

Archindranc ,  ibid. 

Scribe.  Voy.  Philippe. 

Secondes  (Les)  Amours,  coniedie, 

5,7. 
Segur  (De).  toy.  Nominations  aca- 

DEMIQCES. 

Sel  gemme  (Variete  de)  provenant 

de  la  mine  de  Wielicka,  en  Po- 

logne ,  245. 
Serfs  polonais  (  Les) ,  melodrame  , 

par  Lemercier,  Si  1. 
Serullas.  Note  sur  la  combinaison 

dc  l'acide  iodique  avee  les  aloa- 

lis  vegetaui ,  ■>.^>. 


S'Ciavenwcrt  (J.  dc).  Essai  sur 
l'histoire  de  la  litterature  neerian- 
daise ,  705. 

Shiel.  Voy.  Scenes  populaircs. 
Shylock,  melodrame,  par  Dulac  et 
Allard,  262. 

SlBERIE  ,    66f). 

Sicard  ,  C.  —  A.,  58. 

Simon  (Math.).   Die  iillestcn  i\'arh- 

riclilcn  von  den  Bemohnorn  des  lin- 

hen  ffheinufers,  1 5 1 . 
Sismondi  (J.C.  L.  de) ,  C— M., 

273. 
Smith.  Walter  Clyton  ,  conle,  5()7. 

SOCIETES  SAVANTES  ET  d'uTIUTE  Fl- 
EL1QUK. 

—  aux  Elals-l  nis  :  Sociele  pour 
la  discipline  des  Prisons  de  Bos- 
ton ,  122.  — Sociele  de  Tempe- 
rance de  New-York,  208.  —  So- 
ciete des  ecoles  du  dimanche,  dc 
Philadelphia:,  585. 

—  en  Angleicrrc  :  Societe  gengra- 
phique  de  Londres,  7S0. 

—  en  Suede  :  Academie  des  scien- 
ces de  Stockholm  ,  4g5.  —  Aca- 
demie suedoise  ,  495. 

—  dans  les  Pays-Bax  :  Socieles  de 
bienfaisance,  4 x 9-  —  Societe  des 
sciences  medicates  de  Hoorn , 
707. 

—  en  France  (dans  les  departe- 
mens)  :  Societe  d'agriculture, 
commerce,  sciences,  et  arts  de 
Chalons  sur  Maine,  47l-  —  So- 
ciete royale  des  sciences  ,  belles- 
lettres  et  arts  d'Orleans,  476. — 
Academie  royale  des  sciences, 
belles-lettres  et  arts  dc  Bordeaux, 
767.  —  Societe  royale  des  lettres, 
sciences  el  arts  de  Nancy,  768. 

—  Societe  de  statistique  de  Mar- 
seille,  797. 

(a  Paris)  :  Institut  :  Acade- 
mic des  sciences,  243,  49$,  79^- 

—  Academie fiancaise,  252,  8o5. 

—  Academie  des  inscriptions  et 
belles-lettres  ,  5o5.  —  Union  en- 
cyclopedique  poui  la  propagation 
des  connaiss'ancee  utiles.  25(3. — 


838 


Socicle  royalc  et  contrale  d'agri- 
culturc,  4S9)  5o6.  —  Society  <le 
geographic,  478.  —  Socieie  de 
stalistiqnc  univtM selli- ,  507.  — 
Societe  d'enseigueiiicnt  clcinrn- 
taire  ,  8o5. 
Suubeiraq.  Memoire  mnreniant  Irs 
arseniures  d'hydrogenc ,  25a. 

Sni'HDS    ET    III  KTS  ,    5o3 ,   8l)U. 

Sournois  (  Le  ) ,  melodrame  corni- 

que,  par   Anicct  et   Hippolytc , 

811. 
Souvenirs  d'un  oflicicrfrancais  pri- 

sonnier  eu   Harbarie  ,   elc. ,   par 

Gonlremoulins,  2o3. 

—  de  la  Morce,  recueillis  pendant 
le  sejourdes  Francais  dansle  Pe- 
loponese,  par  J.  Mangeart,  746. 

Souveiains  (\oticedcs  principalis) 
de  l'Asie  et  de  1'Ai'riquc  ,  775. 

Slatique.  Foy.  Poinsot. 

Statistiqce  ,  28,  187,  3o2,  45S, 
5o-,  702,  721  ,  77^,  797- 

—  (Documens  relatil's  a  la)  de  la 
monarchic  prussienne,  4g4i  79' • 

—  agraiie  de  la  province  de  A  al-di- 
Cliiana  ,  par  G.  Giuli,  693. 

Suckau  (W.).  Foy.  Heeren. 

Sl'EDE  ,  495- 

Sueur-Merlin  ,  G.  —  B.,  iS-  ,  43g, 

721. 
SllSSE  ,    l57,   20J  ,  68S. 
Systt'me  du  monde  (Theoiie  ana- 

lytique  du),    par  G.    de   Poute- 

coulant ,  A. ,  567. 

—  penitentiaire  (Du)  en  Europe  et 
aux  Etats-luis,  etc.,  par  Char- 
les Lucas,  19J. 

T. 

Tableaux  (  Deuxieme  recueil  de  ) , 
public  par  la  Commission  gene- 
rale  de  statistique,  702. 

Tacite  (QEuvres  de),  traduites  par 
C.  L.  F.  Panckouckc  ,  756. 

Taillandier.  Foy.  Luis  francaises. 

—  €.— N.,  484. 
Techxolocie.     Voy.     Aris     liVDUS- 


TABLE    ANALYT1QFE 

Temple's  (Edmond)  Travels  in  va- 
rious purls  of  Peru,   i5j. 

iiiii-iir  de  li v  11s.  Voy.  Tremcry. 

Tennemann.  Manuel  de  ITlisloiie 
de  la  philosophic,  traduit  en  Iran 
<;ais  par  Cousin  ,  A.,  54. 

Theatres  de  Paris,  2<ii>,  5i5,  809. 

Theaulon.  Foy.  Rafael. 

Theis.  Glossairc  de  liotanique,  802. 

TmiOLor.iE.  Foy.  Sciences  rei.iciei- 


—  nalurelle  011  essaissurl'existence 
de  Dieu,  etc.,  par  Alex.  Croni- 
bie,    106. 

Thierry.  Foy.  Nominations  acade- 

miques. 
Thousenel   (Theod.).   V,  Wilhelm 

Meister. 
Thurot.    Foy.   Nominations   acadk- 

miqubs. 

—  Voy.  Entendement. 

Tierney    (Georges).    Foy.    Kecro 

LOGIE. 
ToPOGRAHHlE  ,   l35,    l5j,    1S7,   202, 

25  1,  099  ,  438,  705. 
Traductions. 

—  en  allemand  :  du  francais  ,  209  , 
688. 

—  en  anglais  :  du  fi  ancais  ,  583.  ■ — 

—  du  persan  ,  107. 

—  en  francais  :  de  1'allemand  ,  54  , 
195, 545,44 2i  4^6,  65 1, GS2, 728. 

—  del'anglais,  170,  214,  4°*7,  748, 
7G3.  —  du  giec  ,  4G2.  —  de  l'ita- 
iien  ,  207  ,  212.  —  du  latin  ,  2  25, 
756.  —  du  polonais,   556,  4/'- 

—  du  russe  ,  6j6. 

—  en  hol/andais  :  de  l'anglais,  4 19. 

—  en  italicn  :  de  l'allemand,  164. 

—  dufrancais,  161.  — du  grec, 
702/ 

Tremaine,  011  l'Hmnme  blase,  76.5. 
Treniery.   Manuel  complet  du  te- 

neur  de  livres,  etc.,  44°- 
Trois  Couchees   (Les),    comiidie- 

vaudeville  ,  par  Heuiy  et  Uoclie, 

5ij. 
Tnmiliiz  (A.  de).   Voy.   Pappcn- 

heimer. 

Tl'BQtlK  ,    4°°- 


—  europeenne  (Examen  approfon- 
die  de  la  ) ,  etc. ,  599. 

—  (Nouvelles  connaissances  histo- 
riques  ,  politiques  ,  etc.,  de  la)  , 

399- 

—  (Coup  d'ccil  sur  la  ) ,  etc.,  par  le 
capitaine  Ladijenky,  099. 

U. 


Un  an,  ou  le  Manage  d'amour , 
drame,  par  Ancelot,  5i5. 

Une  Nuit  du  due  de  Montfort,  co- 
medie,  par  Frederic  et  Arnoult, 
811. 

University  de  la  monarchic  prus- 
sienne ,  792. 

Usurpations  sacerdotales  (Des), 
ou  le  clerge  en  opposition  avec 
les  principes  actuels  de  la  societe, 
etc.,  par  l'abbe  Cerati  ,721. 

V. 

Valachib,  4oo. 

Val-de-Travers.  Voy.  Description 
topographique. 

Varer.  Voy.  Dernier  jour  de  Deuil. 

Vauquelin  (  Louis-Nicolas).  Voy. 
Necrologie. 

Vaysse  de  Villiers.  Itineraire  des- 
criplifde  la  France,   1S2. 

f  elikopolshy  (J.).  K'Eraston,  etc., 
142. 

Vernulst  (P.  P.).  Voy.  Herschel. 

Vers  a  soie,  245,  4'4- 

A  ial.  Voy.  Danilowa. 

Vie  de  sir  Thom.  Stamford  Raffles, 
672. 

—  de  sir  Thorn.  Munro,  par  G. 
Glcig,  672. 

Vies  desPeintres,  Sculpteurs,  Ar- 
chitectes  les  plus  eminens  de  la 
Grande-Bretagne ,  par  A.  Cun- 
ningham ,  664. 

--de  plusieurs  personnages  celebres 
des  tems  anciens  et  modernes, 
parC.  A.  Walckenaer,  749. 

VieilhdeBoisjoslin,  C. —  M.,  55a. 

Vicux  Mari  ( Le ) ,  comedie  en  vers, 
par  Delaville,  5i5. 


MAT1ERES.  6S9 

Villemain.Coursde  lit teratuie  fran- 
chise ,  458. 

Villenave,  C  —  N.,  526. 

—  fils.  Vers  improvises  sur  la  tomhe 
de  M.  Gohier,  526. 

Vivien  et  E.  Blanc.  Traile  de  la  le- 
gislalion  des  theatres,  J48. 

Voiart  (J.  P.).  Voy.  D.ssin. 

Voltaire.  Qiuvres  publieespar  Ben- 
chot ,  460. 

Voyage  de  la  corvette  P Astrolabe 
sous  le  commandement  dn  capi- 
taine   Jules    Dumont  d'Urville, 


—  dans  1'Archipel  meridional  des 
Molucques,  etc.,  par  D.  C.  Kolff, 
4iS. 

—  a  Teniboctou  et  a  Jenne,  etc., 
par  Rene  Caillie,  A.  ,  010. 

—  a  la  Terre-Sainte ,  par  Santino 
Daldini,  4i5. 

—  au  Kamschatka  et  enSiberie,  par 
Pierre  Dobell,  669. 

—  pittoresquc  autour  du  monde, 
par  Lesson  ,  438. 

—  pittoresque  au  Bresil,  par  Mau- 
rice Rugendas,  4/°- 

—  (Le),  poetne  italien  ,  par  M1" 
Cecile  de  Luna  Folliero  ,  4 16. 

—  (Le)  en  Suisse,  vaudeville  de 
Patrat ,  261. 

Voyages  en  differentes  parties  du 
Perou  ,  par  E.  Temple,  1 34- 

—  (Histoire  generale  des)  ,  parC. 
A.  Walkenaer ,  719. 

Voyageur  (Le)  moderne,  descrip- 
tion des  differentes  contrees  du 
globe,  par  Josiah  Conder,  i33. 

W. 

Wahlberg  (Pierre-Frederic  ).  Vox. 

NOMINATIONS    ACADliMIQUES. 

Wailly  (Gustave).  Voy.  Ma  Femme 

cl  ma  Place. 
Walkenaer  (C.  A.).  Voy.  Voyages. 

—  Vies  de  personnages  celebres. 
Wallich.   Voy.  Nominations  acade- 

miquks. 
Walsh  (R.).  \oliccs  of  firasil ,  5Sij. 


84o 


tabu:  AMLvrioii;  dks   matieres. 


If'n Iter  Colyton  ,  a  talc,  7>i)~. 
Weber.  Dcr  Freyschiiiz,  517. 
Werner,  tragedie  de  lord  Byron, 

representee  surle  theatre  de  liiis- 

tol ,  258. 
Weslreenen  van  Tiellaadt  (B.  van). 

Recherclies  Bur  la  laDgue  nalio- 

nale    de    la    majeure    pa  1  tie    du 

royaume  des  Pays-Bas,  420. 
VVillielm  Meister,  par  Goethe  ,  tra- 

duil  de  l'nlleinand  par  Theodore 

Thousenel  ,  /((id. 
Wilson's   (Waller)'  Memoirs  of  llic 

life  and  times  of  Daniel  de   Foe, 

j  56. 


I  Wit  (Johannes)  genannt  ion  Doe- 
ring.  Fragmente  aus  meinen  Le 
ben  and  meincr  Zeit ,  6S7. 


Zaohariae.  Voy.  Miltermnicr. 
Zagoskine.  f'oy.  Miloslavsky. 
Zanlh  (L.).  Voy.  Architecture. 
Zeltner  (Jean).  Voy.  Necroloc.ie. 

ZOOI.OGIE,    roj. 


FIN     DE     LA    TABLE    DU    TOME    XLVI. 


ERRATA    DTJ    TOME    XLVI. 

Cahier  rf'AvRir..  Page  2o5,  lig.  22,  on  I'eloqucnce,  lisez  :  oit  /'eloquence ; 
p.  229",  I.  5,  de  I'article  Amerique  meridionale,  congres  de  Bogota,  lisez: 
congres  de  Cacula. 

Cahier  deMk\.  Pag.  425>  l'g-  56,  Vegctiul,  lisez:  Vegetius ;  p.  468, 
1.  19,  bas  intcrcts,  lisez  :  plus  bus  intercts  ;  p.  481 ,  1.  i5  ,  I'occasion,  lisez  : 
roccasion. 

Cahier  de  Join.  Page  756,  Ug.  i3,  reparaissail,  lisez  :  rcparaitraienl  ; 
p.  759,  1.  56,  qui  porle  toutc  son  ambition,  lisez  :  qui  borne  toute  son  am- 
bition. 


,       -rr,    .,.. 


TABLE  DECENNALE 


REVUE  ENCYCLOPEDIQUE. 


Repertoire    general    des   maticres    contenues     dans    lei 

QUARANTE    PREMIERS    VOLUMES    de    CC  RcCllcU   (de   1819  A 
1S28  INCIA'S.  ) 


yto$ycct\x$. 


La  direction  de  la  Revue  Encvclopudiqiie  s'etait  propose 
do  publier,  apres  chaque  periode  tie  cinq  annees,  \nTablc  ge- 
nerate et  raisonnee  des  matiires  contenues  dunsce  Rccueil. 

La  re  serie,  de  1819  a  i8'i5  inc/us.,  qui  comprenait  vingt 
volumes,  etait  depuis  long-terns  terminee,  et  prete  a  etre  li- 
vree  a  L' impression.  Les  laits,  notions,  inventions,  decompi- 
les, etc.,  y  sont  classes,  sous  l'indication  generale  des  con- 
trees  et  des  sciences  auxquclles  ils  appartiennent,  de  manicre 
que  le  lecteurle  moins  exerce  puisse  facilcment  comparer 
entre  elles,  soit  les  diflerentes  nations  et  leurs  litter  attires, 
soit  les  diverses  branches  des  sciences  et  des  arts,  relrouver 
exactemenl  ce  qui  apparticnt  a  ( hacune  d'elles,  et  apprecier 
l-curs  progres,  011  leur  decadence. 

Les  ouvrages  analyses  ouannonces  dans  laREWE  sont  cites 


(  a  ) 
dans  noire  table,  soil  sous  lesdifferens  litres  des  maticres  aux- 
(|iielles  ils  sc  rapportcnt,  soil  aux  DOms  des  autcurs,  editeurs, 
savans  et  artistes  dont  la  Revue  a  mentionne  les  ouvrages,  Led 
inventions  ou  les  travaux. 

Enfin ,  les  redacteurs,  les  collaborateurs  et  les  correspmi- 
dans  qui  ont  insert':  des  Memoires,  ou  des  Analyses  dansce  Rc- 
cueil,  en  trouveront  Vindication  complete  a  Particle  qui  les 
concerne. 

La  2°  serie,  de  1824  «  1828  inclus.,  comprenant  les  vingt 
derniers  volumes,  a  etc  executee  dans  le  meme  ordre  et  sur  le 
meme  plan.  Mais,  comme,  si  elle  etait  publico  separement,  clle 
prcsenterait  la  repetition  obligee  des  memes  indications  gene- 
rales  pour  la  plupart  des  articles  ouverts  dans  la  premiere 
serie,  nous  avons  pense  qu'ily  auraitun  grand  a  vantage,  pour 
les  souscripteurs,  a  reunir  ces  deux  tables  q using uennales,  et  a 
les  fondre  en  une  seule  qui  deviendrait  decennale.  Ainsi,  un 
grand  nombre  d'articles  qui,  fractionncs,  ne  presenteraient  que 
pen  d'interet,  en  offriront  beaucoup  par  la  reunion  de  tou- 
tes  les  notions  ou  observations  dont  leur  ensemble  se  compose. 
D'une  part,  il  y  aura  economie,  sous  le  rapport  du  materiel ; 
d'autrepart,  les  souscripteurs,  pouvant  embrasser  d'un  coup 
d'ceil,  sur  chaque  matiere,  un  espace  de  dix  annees,  auront 
sous  la  main  le  tableau  complet  de  la  statistique  morale,  phi- 
losophique,  scientifique,  litteraire  et  industrielle,  tant  de  la 
France  que  de  tous  les  pays  de  l'Europe,  et  tel  qu'il  resultera 
des  Memoires  et  Notices,  des  Analyses  et  des  Comptes  rendus, 
et  des  autres  Articles  inseres  dans  les  quarante  volumes  qui , 
jusqu'au  1"  Janvier  1829,  forment  la  collection  complete  de 
la  Revue  Encyctopedique. 

Cette  Table  decennale,  indispensable  pour  ceux  des  abon- 
nes  de  notre  Recueil  qui  en  ont  conserve  la  collection,  nc  sera 
pas  moins  utile  a  tous  les  amis  des  lettres,  qui,  sans  avoir  la 
Revue  Encyctopedique,  voudront  la  consulter,  etse  lenir  au  cou- 
rant  de  la  marche  et  des  progres  des  connaissances  humaines 
et  des  nations  comparees,  depuis  1819  jusqu'a  1829.  Elle  for- 
mera  deux  volumes,  susceplibles  d'etre  relies  en  un  seul,  el 
d'environ  mille  pages  d' 'impression  en  tout,  sur  deux  colonnes. 
meme  format  quecclui  de  la  Revue.  Le  prix  en  est  et  denieu- 
rera  fixe  a  i5  IV.  pour  Paris. 

Nous  engagcons  cevx  de  nos  abonnes  qui  ont  deja  temoi- 
gne  le  desir  de  souscrire,  ainsi  que  ceux  qui  ne  l'ont  pas  en- 


(  3  ) 
core  fait,  a  nous  fairc  parvenir  leur  demande  en  regie,  sans 
avancc'de  fonds,  dans  le  pluscourt  delai  possible,  afin  que  nous 
puissions  arreter,  d'une  maniere  definitive,  le  nomine  d'exem- 
plaires  qu'il  sera  necessaire  de  faire  tirer.  On  ne  paiera  qu'au 
moment  de  l'expedition  de  la  table  ddccnnale ,  dont  l'impres- 
sion  aura  lieu,  aussilot  que  nous  auronsreuni  unnombre  suf- 
lisant  de  soUscripteurs  pour  couvrir  nos  avances. 

Nota.  Les  personncs  qui  voudront  souscrire  sont  priees 
d'adresser,  dansle  plus  court  delai,  franc  deport,  a  la  Direc- 
tion de  la  Revue  Encyclopedique,  rue  d'Enfer-Saint-Michel, 
n°  18,  l'engagement  signe  par  elles,  dont  le  modele  est  ci- 
apres  : 


Je  soussigne, 
demeuiant  a  = 


declare  souscrire  pour  exemplaire    dc  la  Table 

decennale  dc  la  Revue  Encyclopedique,  ou  Repertoire  general  des  malidres 
conlcnues  darts  les  quaranle  premiers  volumes  de  ce  Recueil  (de  1819  a 
1828  inclus. ) ,  devant  former  deux  volumes  in-8°,  en  tout  d'environ 
rnille  pages  d'impression  ,  a  raison  de  quinze  fr.  pour  I'ouvrage  cnticr, 
livre  a  Paris,  au  Bureau  d'abonnemeni  de  la  Revue,  rue  de  l'Odeon, 
n"  3o;  laditc  sonime  payable  en  rvecvant  I'ouvrage. 


le  i83o. 


(  4  ) 


Edccation  :  Plan  d'education 
dress6  pour  le  roi  tie  Rome  ct  les 
autres  princes  du  sang,  sous  I'in- 
spection  personnelle  dc  I'empe- 
reur  Napoleon  ,  publitJ  a  Londres, 
VI,  610;  VIII,  5-8.  —  Extraits 
des  ouvrages  dcs  auteurs  Les  plus 
cstimes  qui  ont  ecrit  BUT  l'cduca- 
tion,  VII,  109.  —  Principes  d'e- 
ducation  inlcllecluelle ,  morale  el 
physique,  18S.  —  Le  monde  des 
Emiles,  on  l'education  sociale, 
552.  ■ —  Education  premiere,  011 
maniere  de  dinger  les  enfans,  con- 
sideree  sous  lc  rapport  de  leurs  ca- 
racteres  futurs,  3j5.  —  Traite  d'e- 
ducation  publique  et  privee  dans 
une  monarchic  constitutionnelle, 
5gi.  —  Education  des  pauvres,  a 
Lausanne,  616.  —  Systcme  d'edu- 
cation  britannique  ,  par  Dufief, 
VIII,  no.  — Sur  l'education  des 
classes  interieures  en  Anglelerre  et 
dans  quelques  antres  pays,  244-  — 
Extraits  sur  l'education  ,  tires  dcs 
meilleurs  auteurs  ,  en  Anglelerre  , 
549. — De  la  premiere  education,  ou 
de  la  direction  des  enfans,  relative- 
ment  aleur  caracterefutur,  IX, 108. 

—  Projet  de  bill  en  Angleterre, 
pour  l'education  des  pauvres,  54o. 

—  Expose  du  systcme  d'education 
primaire  suivi  en  Suisse,  en  Alle- 
magne  et  en  Hollande,  XI,  162.  — 
Des  instituts  d'llofwyl,  consideres 
plus  particulierement  sous  les  rap- 
ports qui  doivent  occuper  la  pen- 
see  des  homines  d'Etat,  49^.  — 
Question  sur  la  gaiantie  que  l'edu- 
cation publique  doit  offrir  a  l'Etat 
ct  aux  parens,  XII,  222.  —  Coup 
d'reil  sur  l'educalion,  par  Gaulier- 
Sausin,  XIII,  /|23.  —  Plans  pour 
('education  el  Pinstruction  liberate 
des  jeunes  gens  reunis  en  grand 
nombre,  ecrils  en  anglais,  XV,  320. 

—  Essais  sur  les  principes  elemen- 
taires  de  l'education,  par  Spur- 
z.heim,  XVI,  i56.  —  Discours  du 
P.  Gerard  sur  la  necessitc  de  culti 


ver  rinlelligence  des  enfans,   184, 

—  Expose  analyriquc  des  medio- 
des  de  1'abbe  Gaultier,pai  Jussicu, 
353.  —  Preceples  d'education,  par 
L.  Bonneschi,  XVIII,  i3j.  —  Es 
sai  sur  I'histoire  du  developpenicnl 
moral  et  industriel  de  l'homnie, 
6i3.  —  Esquisse  du  systcme  d'edu 
cation  suivi  a  New-Lanark,  XVI II , 
5;  XXV,  119;  XXVI,  83t.—  De 
la  nielhode  employee,  il  y  a  qnatre 
siecles,  a  Mantoue,  par  Vict,  de 
Feltre,  XIX,  23i.  —  De  I'he.u- 
reuse  influence  d'une  education 
perfectionnee  dans  tous  les  pays, 
XX,  131.  —  Le  livrc  des  peres  el 
meres,  pendant  la  premiere  edu- 
cation de  leurs  enfans,  176.  — L'in 
stitnt  domestique  de  Liederskron, 
a  Erlangen,  XXI,  373.  — Prin- 
cipes, conseils  et  questions  sur 
l'education  ct  ^instruction  dc  la 
jcunesse,  par  F.  Delbruck,  XXI, 
619.  —  Institut  d'education  pesta- 
lozzienne  a  Riquewihr  ( Haut 
Rhin),  XXII,  419.  —  Considera- 
tions sur  les  causes  de  l'education 
secondaire,  par  Renouard,  XXIV, 
45o.  —  Observations  sur  celle  que 
l'on  donne  au  people,  par  Brou- 
gham,  XXV,  727.  — Essai  sur  l'e- 
ducation des  femmes,  parMm,'de 
Remusat,  776.  —  Essai  d'educa 
lion  nalionale,  par  La  Chalolais, 
XXVI,  519.  —  Le  conservateur  de 
l'enfance  et  de  la  jeunesse,  809.  ■ — 
Lettres  sur  l'education,  parBonnin, 
85o.  —  Manuel  des  jeunes  meres, 
par  Leger,  XXII,  186.  —  Essai sui 
l'education,  publie  a  BiUxellespar 
L.  de  B....  476-  —  Autre,  physico- 
moial,  par  Pasetti,  XXVU1,  182. 

—  De  l'education  des  indigens 
dans  les  colonies  des  Pays  -  Bas, 
XXX,  570.  —  Essai  sur  celle  des 
femmes,  par  Mme  de  Remusal  , 
766.  —  Stalistique  de  celle  de  la 
Haule-Ecosse  en  1826,31,2.39.  — 
Lettres  de  famille  sur  l'education 
domestique,  par Mme Guizoi,  535. 


1830. 


DE  LA  LIBRAIRIE  SCFENTTFIQUE-INDUSTRIELLE 

DE 

MALHEll  ET  Cie, 

CENTRALE    DES    ARTS    ET    MA 
)K    l'industrie    FBANCAISH   1 

Ipassage  Itouprjmr. 


MBRAIAES    DE    I.  RCOLE    CENTRALE    DES    ARTS    ET    MANUFACTURES,    EDITEURS 
DES    ANNALES    UE    i/lNDUSTRIE    FBANCAISR    ET    ETRANGERE. 


ALGEBRE  (Premiere  anneed'),  par  E.  Duchesne,  professeur  de  ma- 
thematiques  speciales  au  college  de  Vendome.  i  vol.  in-8.  Prix:  6  fr. 

ARITHMETIQUEa  l'usage  des  eleves  de  la  Fleche,  par  Lalanne,  pro- 
fesseur a  l'Ecole  militaire.  i  vol.  in-8.  Prix :  a  fr.  5o  c. 

ARITHMETIQUE  APPLIQUEE  AUX  SPECULATIONS  COMMER- 
CIALES  ET  INDUSTRIELLES.  Sommaires  des  lecons  puhliques 
donnees  a  Metz  par  M.    G.-L.   Woisard ,  ancien  eleve  de  l'Ecole 
Polytechnique.  Premiere  partie,  redigee  et  publiee  par  N.  Berlon 
professeur  de  mathematiques.  i  vol.  in-8.  Prix :  3  fr.  50  c[ 

—  Seconde  partie,  lerminee  et  publiee  par  D.-M.  Woisard  jeune ,  ne- 
gociant,  et  membre   de  l'Academie  de  Metz.    i  vol.   in-8.    Prix  : 

a  fr.  5o  c. 

ASTRONOMIE  ^LEMENTAIRE,  par  A.  Quetelet,  direcleur  de 
l'Observatoire  de  Bruxelles.  i  vol.  in-ia  avec  pi.  Prix:     4  fr.  5o  c. 

CHIMIE  ( Cours  de),  par  E.  Peclet.  1  vol.  in-4  avec  pi.  Prix :       30  fr. 

CHIMIE.Traite  abrege  de  cette  science  et  de  ses  applications  aux  arts, 
par  M.  Desmarest,  pharmacien ,  ancien  eleve  de  l'Ecole  Polytech- 
nique; deuxieme  edition.  1  vol.  in-ia,  orne  de  pi.  Prix  :     4  fr-  5o  c. 

CMIMIQUES  (Manipulations),  par  Faraday,  professeur  de  chimie  a 
l'lnstitut  royal  de  Londres;  traduit  de  I'anglais  par  Maiseau,  et 
revu  par  M.  Bussy,  professeur  de  chimie  a  l'Ecole  de  Pharmacie  de 
Paris  et  a  l'Ecole  centrale  des  Arts  et  Manufactures,  etc.,  etc. 
2  volumes  in-8,  ornes  de  aoo  figures.  Prix :  14  fr. 

GEOMETRIE  appliquee  a  l'industrie,  par  C.-L.  Bergery,  professeur 
des  sciences  appliquees,  a  Metz;  deuxieme  edition,  adoptee  par 
l'Universite  royale  de  France.  1  vol.  in-8  avec  14  pi-  Prix :  6  fr. 

GEOMETRIE  DES  COURBES,  appliquee  a  l'industrie,  a  l'usage  des 
ouvriers,  par  C.-L.  Bergery.  1  vol.  in-8  avec  pi.  Prix  :  4  fr. 


( a ) 

GEOMETRIE  PLANK,  section  eleinentaire,  par  N.-.T.  Didier,  professenr 
deinaihcmatiques  a  lEcole  centrale  des  Arts  ct  Manufactures,  i  vol. 
in-8  avccpl.  Prix:  7  fr. 

GEOMETRIE  DESCRIPTIVE  (Elemens  ile),  par  E.  Duchesne;  se- 
conclc  edition.  1  vol.  in-8,  orne  d'un  caliicr  de  3o  epiires,  Prix :  5  fr. 

JOURNAL  DE  L'ECOLE  POLYTECHNIQUE ,  par  Lagrange,  La- 
place, Monge,  Ampere,  etc.  19  cahiers  en  18  vol.  in-,}  avec  tics  pi, 
Prix:  1 38  IV. 

LUMIERE  (Traits  de  la),  par  J.-F.-W.  Herschel ,  president  de  la  So- 
eicte  aslronomique  de  Londres ,  traduil  de  l'anglais  avec  notes  ,  par 
MM.  Verhulst,  et  A.  Queiclct,  a  vol.  in-8  avec  planches  gravees, 
publics  en  quatre  parlies.  Prix  :  18  fr. 

MATHEMATIQUES  (Essai  sur  l'Histoire  generate  des),  par  Bossut. 
2  vol.  in-8.  Prix:  12  fr. 

MEMOIRE  SUR  LES  DEVELOPPEES  DES  COURBES  PLANES  , 
leur  application  a  differentes  considerations  geometriques  et  a  la 
construction  des  equations  algebriques  transcendantes,  par  MM.  Du- 
boisayme  ct  Bigeou  ,  anciens  eleves  dc  l'Ecole  Polytechnique.  1  vol. 
in-4  a-eo  planches.  Prix :  3  fr. 

METAI.LURGIE  PRATIQUE,  011  Exposition  detaillee  des  divers  pro- 
cedes  e-nployes  pour  oblenir  les  metaux  utile?,  precedee  de  1'essai  ct 
de  la  p  eparalion  des  minerals,  par  D.  F.  1  vol.  in-12  ,  orne  de  8  pi. 
gravees.  Prix  :  4  fr-  5o  c. 

MINERALOGiE  USUELLE,  ou  Exposition  succincle  et  methodique 
des  mineraux ,  de  leurs  caracteres,  de  leurs  gisemens  ct  de  leurs  ap- 
plications aux  arts,  par  M.  Drapiez.  1  fort  vol.  in-12.  Prix  :  4  fr.  5o  c. 

PERSPECTIVE  PRATIQUE ,  comprenant  la  perspective  lineairc  ct 
aerienne,  a  l'usage  des  ouvriers,  par  M.  Isabeau.  1  vol.  in-12  ,  orne 
den  pi.  Prix:  3  fr.  5o  c. 

PHYSIQUE  (Traite  eletnentaire  de)  ;  par  E.  Peclet,  professenr  de 
physique  a  l'Ecole  preparatoire  et  a  l'Ecole  centrale  des  Arts  et 
Manufactures  ;  seconde  edition.  2  vol.  in-8,  ornes  de  3o  pi.  gravees 
pnr  M.  Le  Blanc.  Prix  :  18  fr. 

PHYSIQUE  ET  CHIMIE  INDUSTRIELLES  ,  par  Le  Chevalier,  offi- 
cier  d'artillerie.  1  vol.  in-8  avec  5  pi.  Prix  :  6  fr. 

TABLES  DE  LOGARITHMES  ,  par  Plauzoles.  1  vol.  in-12;  Edition 
stereotype.  Prix  :  G  "'■ 

CHALEUR  (Traite  dc  la)  et  de  ses  applications  aux  arts  et  manufac- 
turcs,  par  E.  Peclet,  professenr  de  physique  a  l'Ecole  preparatoire 
et  a  PEcole  centrale  des  Arts  et  Manufactures.  2  vol.  in-8  avec  un 
atlas  separe,  compose  de  27  pi.  Prix  :  21  fr. 

ECLAIRAGE  (Traite  de  1'),  etc.,  par  le  meme.  1  vol.  in-8  orne  de  10 
pi.  gravees.  Prix  :  8  fr-  5o  c- 

ART  DE  CHAUFFER,  ou  Traite  des  moyens  de  mettre  a  profit  la 
chaleurqui  emane  des  appareils  de  chauffagc,  par  P.  Hamon,  arclu- 
tecte.  1  vol.  in-8,  orne  de  pi.  grav.  Prix  :  7  fr.  5o  c. 

MANUEL  DE  LA  METALLURGIE  DUFER,  par  Karsten;  traduit 
par  Culinan;  seconde  edition.  3  vol.  in-8,  avec  pi.  Prix  :  21  fr- 


(  5  ) 

ART  DU  MAITRE  DE  FORGES,  ou  Traite  theorique  et  pratique  da 
I1  exploitation  du  fer  et  de  ses  applications  aux  differens  agcus  de  la 
mecanique  et  des  arts,  par  M.  Pclouze.  2  vol.  in-12,  avec  uu  atlas  se- 
pare,  coutenant  10  pi.  gravees  en  taillc-douce.  Prix  :  10  fr. 

CHIMIE  DU  FER,  par  Berzelius;  traduit  par  le  chevalier  Herve. 
1  vol.  in-8.  Prix  :  3  IV.  5o  c. 

GUIDE  DU  CHAUFFEUR  ET  DU  PROPRIETAIRE  DE  MACHINES 
A  VAPEUR ,  ou  Essai  sur  letablissement,  la  conduite  et  rentretieu 
des  machines  a  vapeur,  etprinoipalementdecellesdeWolfa  moyenne 
pression  ;  precede  de  principes  pratiques  sur  la  construction  des 
fourneaux,  par  Grouvelle  et  Jauuez,  itigenieurs  civils.  1  fort  vol.  in-8, 
avec  Atlas  grave  parM.Le  Blanc.  Prix:  9  fr. 

MACHINE  A  VAPEUR  (Histoire  descriptive  de  la),  traduite  de  l'an- 
glais  de  R.  Stuart,  precedee  d'une  introduction  exposant  la  Theorie 
des  ■vapeurs,  suivie  de  la  description  des  perfectionnemens  fails  en 
France.  1  vol.  in-12,  orne  de  8  pi.  gravees.  Prix  :  4  fr-  5o  c. 

ESSAI  SUR  LES  BATEAUX  A  VAPEUR  appliques  a  la  navigation 
interieure  et  maritime  de  l'Europe,  sur  les  Dateaux  aqua-moteurs ,  et 
particulierement  sur  le  touage  par  la  vapeur,  ou  remorque  a  points 
fixes;  aecompagne  de  considerations  sur  les  transports  par  terre  et 
par  eau  ,  et  sur  les  cheinins  de  fer,  par  Tourasse  et  Mellet,  inge- 
nieurs.  1  vol.  in-4,  orne  de  6  pi.  gravees.  Prix  :  10  fr. 

GUIDE  DU  MEUNIER  et  du  constructeur  de  moulins,  par  Olivier 
Evans,  avec  notes  et  additions  du  professeurde  mecanique  a  ITn- 
stitut  de  Franklin  en  Pensylvanie,  traduit  sur  !a  5e  edit.,  et  aug- 
mented de  la  description  du  bel  etablissement  de  M.  Benoistde  Saint- 
Denis  ,  par  P.-M.  Benolt ,  ingenieur  civil ,  aneien  eieve  de  l'Ecole  Po- 
ly technique.  1  fort  vol.  in-8  avec  atlas.  Prix  :  10  fr 

LE  MECANICIEN  ANGLAIS,  ou  Description  raisonnee  de  toutes  les 
machines,  mecaniques,  decouvertes,  nouvelles  inventions  et  perfec- 
tionnements  appliquees  aux  arts  industriels,  par  Nicholson;  traduit 
de  l'anglais,  par  M...  Ingenieur.  4  vol  in-8.  avec  100  pi.  Prix :  40  fr. 

MEMOIRE  sur  les  Roues  hydrauliques  a  aubes  courbes  ,  rnues  par- 
dessous  ,  suivi  d'experiences  sur  les  effets  mecaniques  de  ces  roues, 
avec  une  instruction  pratique  sur  la  maniere  de  proceder  a  leur 
etablissement.  Nouvelle  edition ,  augmentee  d'un  second  memoire, 
par  J.-V.  Poncelet.  1  vol.  in-4  avec  planches  gravees.  Prix  :  7  fr. 

ARTDU  CHARPENTIER,  precede  de  notions  sur  la  coupe,  le  desse- 
cbement,  la  resistance  et  le  cubage  des  bois,  et  termine  par  un  voca- 
bulaire  raisonne  de  tous  les  termes  employes  dans  la  charpenterie, 
par  Lepage,  architecte.  1  vol.  in-12  ,  orne  de  5  pi.  Prix:   3  f.  75  c. 

ART  DE  L'EBENISTE,  d'apres  des  notes  et  des  instructions  fournies 
par  plusieurs  des  meilleurs  fabricans  de  la  capitate,  et  particuliere- 
ment par  M.  Albert  Albrest.  1  vol.  in-12  ,  orne  de  pi.  Prix:        4  »*• 

CALCUL5  faits,  a  1' usage  des  industriels  en  general ,  et  specialement 
des  Mecaniciens ,  C/iarpcnttei s ,  Pomiucrs,  Senuriers,  CliauJronnicrs,  Tot- 
sews,  etc.,  par  Lenoir.  1  volume  in-ia,  renlermant  un  grand 
nombre  de  tables.  Prix  :  i  I.  5o  c. 


(4) 

INSTRUCTIONS  sur  la  maniere  de  se  servir  de  la  regie  a  calcul,  in- 
struinent  a  I'aide  duquel  on  peut  oblenir  a  vue,  sans  plume,  crayon 
ni  papier,  sans  bareme  ,  et  meme  sans  savoir  I'aiithmetique ,  le  re- 
sullat  de  ioute  espece  de  calculs,  avec  21  figures;  seconde  edition. 
i  vol.  in- 1  a.  Prix  :  a  fr. 

MORTIERS  (Trailesur  l'art  de  faire  de  hons),  et  d'en  bien  dinger 
1'eniploi,  ouMcthode  generale-pratiquepour  fabriquer  en  tous  pays 
la,cl)au\,  les  cimens  et  les  mortiers  les  meilleurs  et  les  plus  econo- 
miques,  par  Raucourt,  ingenieur  des  Ponls-et-Chaussees.  i  vol.  in-8. 
orne  de  a  planches  gravees.  Prix :  7  f.  5o  c. 

SCIENCE  DE  L'INGENIEUR,  divisee  en  trois  parties,  ou  Ton  traite 
des  chemins,  des  ponts ,  des  canaux  et  aqueducs,  par  Delaislre, 
ingenieur  pensionne;  deuxieme  edition,  revue  et  augmenlee  par  un 
ingenieur  des  Ponls-et-Chaussees.  2  vol.  in-4.  Prix:  4o  fr. 

HISTOIRE  DESCRIPTIVE  de  la  filature  et  du  tissage  du  Coton,  ou 
Description  des  divers  procedes  et  machines  employes  jusqu'a  ce 
jour  pour  egrener,  battre ,  carder,  etirer,  filer  et  tisser  le  coton, 
ourdir  et  parer  les  cbaines  et  flamber  les  elolfes  ,  traduit  de  1'auglais, 
ei  augmenle  des  inventions  faites  en  France,  par  M.  Maiseau.  r  vol. 
iu-8  avec  un  atlas  separe.  Prix:  i5  fr. 

ART  DE  FABRIQUER  la  Porcelaine ,  suivi  d'un  vocabulaire  de  mots 
techniques, etd'un  Traite  de  la  Peinture  et  Dorure  sur  porcelaine,  par 
F.  Baslenaire  d'Audenart.  2  vol.  in-12,  ornes  de  8  pi.  Prix:       g  fr. 

ART  DE  FABRIQUER  la  Faience  recouverte  d'un  email  opaque  blanc 
et  colore,  suivi  dequelques  notions  sur  la  peinture  au  grand  feu  et  a 
reverbere ,  et  d'un  vocabulaire  des  mots  techniques ,  par  F.  BastC- 
naire  d'Audenart.  1  vol.  in-12  ,  orne  de  pi.  Prix:  4  f •  5o  c. 

L'ART  DE  FABRIQUER  la  Faience  blanche  (dite  terre  de  pipe)  re- 
couverte d'un  email  transparent,  a  l'instar  franqais  et  anglais 
par  F.  Bastenaire  d'Audenart.  1  vol.  in-8.  avec  pi.  Prix:  7  fr.  5o  c. 

ART  du  Briquetier,  Chaufouroier  et  Charbonnier,  comprenant  la 
fabrication  du  vinaigrede  bois,  parM.  Pelouze.  1  vol.  in-12,  orne  de 
4  planches  gravees  Prix:  4  &"■  5o  c 

TRAITE  D'HORLOGERIE,  contenant  ce  qui  est  necessaire  pour  con- 
naitre  et  regler  ies  pendules  et  les  montres,  par  Lepaule  ,  horloger 
du  roi.  1  vol.  in-4  avec  planches.  Prix:  24  fr. 

ART  du  Geometre  Arpenteur,  ou  Traite  de  geometrie  pratique,  con- 
tenant  le  lever  des  plans,  le  nivellement  et  le  partagedes  proprietes 
agricoles  ,  suivi  de  1'exposition  du  systeme  metrique,  par  M-.  P.  Guy 
ancien  eleve  de  l'Ecole  Polytechnique.  1  vol.  in-12,  orne  de  5  plan- 
ches gravees.  Prix :  4  fr-  5o  c. 

LA  PRATIQUE  DES  LEVERS ,  enseignee  par  dessins,  par  B*** , 
professeur  des  cours  industrieis  de  Metz.  in-fol.  Prix  :  12  fr. 

lre   Partie  levers  du  batiment. 

IP  Id.         des  machines,  comprenant  celui  d'une  machine  Scierie. 

IIP         Id.         de  terrains. 

CHOIX  DE  MODELES  APPLIQUES  A  L'ENSElGNEMENT  DU 
DESSIN  DES  MACHINES  ,  avec  un  texle  explicatif,  ouvrage  adople 
par  le  Conservatoire  Royal  des  Arts  et  Metiers,  par  l'Ecole  cent  rale 


(5) 

ties  Arts  et  Manufactures,  dessine,  grave  et  public  par  Le  Blanc, 
inembre  ile  la  Legion  d'honneur,  professeur  an  Conservatoire, 
membre  de  la  Societe  d'Encouragement ,  de  la  Societe  Industrielle 
de  Mulhausen.  Paraissant  par  livraison  conlenant  20  a  3o  pi.  in-fQ 
et  70  pages  de  texte.  Prix  de  chaque  livraison  :  12  fr. 

II  y  aura  trois  livraisons ,  la  premiere  est  en  vente. 

LE  GNOMONOGRAPHE  UNIVERSEL,  ou  Methode  generate  pour 
tracer  des  Cadrans  soi-aires  sur  les  surfaces  de  position  et  genera- 
tion quelconque,  par  L.  Lalanne,  professeur  al'Ecolemilitaire.  1  vol. 
in-8.  avec  planches  gravees.  Prix  :  a  f.  5o  c. 

LECONS  SUR  LA  MANIERE  DE  GRAVER  LA  MUSIQUE,  suivies 
des  priucipes  de  musique  necessaires  anx  eleves  graveurs ,  par 
M.  Richomme  filsl  i  vol.  in-8.  orne  de   5  p!.  grav.  Prix  :  2  f.  5o  c. 

ART  DU  TEINTURIER ,  suivi  de  I'Art  du  Teinturier-Degraisseur,  par 
Bergues.  1  vol.  in-i2.  Prix:  3  fr.  5o  c. 

TRAITE  complet  des  proprietes ,  de  la  preparation  et  de  1'emploi  des 
matieres  tinctoriales  et  des  couleurs,  par  J.-C.  Leuchs .  traduit  de 
1'allemand  ;  revu  ,  pour  la  partie  chimique,  par  M.  E.  Peclet,  2  vol. 
in-8.  Prix:  18  fr. 

Chaque  volume  se  vend separdment  : 
Premier  volume,  Matieres  Tisctohiai.es. 
Deuxieme  volume,  Fabrication  des  Couleurs. 

ART  DU  RAFFINEUR,  ou  Traite  theorique  et  pratique  du  raffinage 
du  sucre  de  cannes,  contenant  les  procedes  les  plus  nouvellement 
inventes  en  Angleterre,  parM.  Chandelet.  1  vol.  in-i  2,  orne  de  plan- 
ches gravees.  Prix :  4  fr- 

TRAITE  DES  FALSIFICATIONS ,  ou  Expos6  des  diverses  manieres 
de  constater  la  purete  des  substances  premieres  employees  en  mede- 
cine,  dans  les  arts  et  dansl'economie  domestique,  par  M.  Desmarest, 
pharmacien.  1  vol.  in-t2.Prix:  4  f-  5o  c. 

BOTANIQUE  DU  DROGUISTE  et  du  n^gociant  en  substances  exo- 
tiques,  traduite  de  l'anglais  par  M.  E.  Pelouze.  1  vol.  in-12.  Prix  : 

4  fr.  5o  c. 

EPICIER  DROGUISTE  (Guide  manuel  de  1' ) ,  contenant ,  par  ordre 
alphabetique,  les  substances  simples  et  composees,  les  diverses 
preparations  qui  sont  du  ressort  de  1'epicier ,  et  la  composition  des 
couleurs  et  des  vernis ,  par  M.  Isabeau.  1  vol.  in-12.  Prix  :  4  "• 

GUIDE  DU  VETER1NAIRE  et  du  Marechal  ferrant  pour  le  ferrage 
des  chevaux  et  le  traitement  Acs  pied s  malades  ,  traduit  de  l'anglais 
de  Goodwin,  medecin  veterinaire  des  ecuries  de  S.  M.  Britannique  , 
avec  notes  et  additions  de  M.  Berger,  membre  de  la  Legion-d'Hon- 
neur,  medecin  veterinaire  de  la  maison  militaire  du  roi.  1  vol.  in-12 
avec  planches  gravees.  Prix  :  4  fr-  5o  c. 

LE  CHASSEUR  MEDECIN,  ou  Traite  complet  sur  les  Maladies  des 
chiens,  par  Francis  Clater,  medecin  veterinaire  de  Newark  ,  traduit 
del'anglaissurla25e  edition  par  MM.  D.O.R.  1  vol.  in-18.  Prix:  2  fr. 

LECONS  THEORIQUES  ET  PRATIQUES  sur  la  planlation,  la  cul- 
ture et  la  taille  des  arbres  a  fruits  et  de  la  vigne,  et  plus  particulic- 
r«ment  celle  du  Picker,  ainsi  que  sur  la  maniere  el'en  former  des 


(6) 

pepinieies  ct  de  les  grelfer;  suivies  dc  quelques  idees  sur  la  culture 
en  pleine  terre  de  YOranger  et  du  Citrormier,  au  moyen  d'une  scire 
volanle,  par  L.  Lemoine,  praticien ,  professeur  a  l'ecolc  de  taille 
el  greffe;  troisiemc  edition,  i  vol.  in-18.  Prix  :  a  fr.  5o  c. 

ART  DU  JARDINIER  dans  la  culture  des  arbres  fruilicrs  et  des 
plantes  polageres,  suivi  d'une  table  alphabetique  des  noms  bota- 
niqucs  et  vulgaires  des  arbres  ct  des  plantes,  par  A.-J.  Merault. 
i  fort  vol.  in- 1 2.  Prix  :  4  f.  5o  c. 

CULTURE  RURALE  (Traite  de  la),  par  Leocade  Delpierre.  a  vol. 
in-ia,  avee  planches  gravees.  Prix  :  8  fr- 

BOIS  ET  FORETS  (Traite  des),  faisant  suite  au  Traite  de  culture 
rurale ,  par  L.  Delpierre.  i  vol.  in-i8,  erne  de  planches  gravees. 
Pl  »*  ••  a  fr.  5o  c. 

DE  L'AMENAGEMENT  et  de  l'Exploitation  des  forets  qui  appar- 
tiennent  aux  particuliers  ,  par  Noirot,  arpenteur-verificateur,  etc. 
i  vol.  in-i2.Prix  :  2  fr. 

REPERTOIRE  POLYGLOTTE  DE  LA  MARINE,  a  l'usage  des  i.avi- 
gateurset  armateurs,  contenant,  par  ordre  alphabetique,  tous  les 
termes  de  la  marine,  leur  explication  raisonnee,  et  les  methodes  a 
employer  pour  resoudre  les  questions  A' astronomic,,  de  statique  et  de 
physique,  relatives  a  I'art  de  la  marine;  suivi  de  5  vocabulaires  des 
termes  techniques  en  allemand ,  anglais ,  cspagnol,  italien  et  portugais, 
par  le  comte  de  Grandpre  ,  capitaine  de  vaisseau.  a  forts  vol.  in-8  de 
75o  pages  chaque.  Prix  :  20  fr. 

RUDIMENT  DE  LA  COMPTAEILITE  COMMERCIALE,  ou  Dia- 
logues didacliques  sur  le  commerce,  sa  comptabilite  ,  ses  regies  et 
ses  usages,  qui  sont  aussi  ses  lois,  par  L.-G.-P.  Legret,  ancien  nego- 
ciant;  seconde  edition.  1  vol.  in-8.  Prix  :  8  fr. 

MANUEL  DU  CR.EANCIER  HYPOTHECAIRE ,  par  Jules  Zanolle, 
avocat.  1  vol.  in-iS.  Prix  :  3  fr.  5o  c. 

MANUEL  des  Proprietaires  et  Regisseurs  des  bois  et  forets,  011  Re- 
cueil  des  lois  et  reglemens  relatifs  aux  bois  des  particuliers,  a  la 
chasse,  a  la  peche,  aux  mines,  carrieres  ,  etc.  — Avec  des  instruc- 
tions et  modeles  rediges  d'apres  le  Code  Forestier,  pour  les  actes  de 
vente  des  coupes,  pour  les  declarations  de  volonte  d'abattre  pour  les 
echanges,  bornages,  partages,  et  cantonnement  dans  les  forets,  pour 
les  commissions  de  gardes,  proces-verbaux,  actes  divers,  par  M.  Noi- 
rot; nouvelle  edition.  1  vol.  in-12.  Prix:  4  fr-  5o  c. 

COMMENTA1RE  SUR  L'ORDONNANCE  DE  LA  MARINE  du  mots 
d'aout  i68t,  par  R.-J.  Valin  ;  avec  des  notes  coordonnant  1'ordon- 
iiance,  le  commentaiie  et  le  Code  de  commerce,  par  V.  Becane, 
professeur  a  la  Faculte  de  Poitiers,  a  vol.  in-8.  16  fr. 

—  Id.  1  vol  in-4.  Prix :  16  fr. 

COMMENTAIRE  SUR  L'ORDONNANCE  DU  COMMERCE  du  mois 
de  mars  if>73,  par  Jousse;  avec  des  notes  et  explications  coordon- 
nant l'ordonnance,  le  commentaire  et  le  Code  de  commerce,  par 
V.  Becane  ;  suivi  du  Traite  du  contrat  de  change,  par  Dupuy  de  la 
Serra.  1  vol.  in-8.  Prix:  7  fr.  5o  c. 

COURS  D'ELOQUENCE,  a  l'usage  des  jeunes  avocats  et  dc  toutes  les 
personnes  qui  se  dcstinenl  a  parlei-  en  public  ,  par  M.  Duraud  ,  an- 
cien procureur  du  roi.  2  vol.  in-8.  Prix  :  12  fr. 


(7  ) 

DES  NOUVELLES  METHODES  DE  LECTURES,  de  lorn-  simplifi.  a- 
tion,  etde  leur  application  a  I'enscignemcnt  nuituel,  par  E.L.Dumas, 
i  vol.  in-8.  Pi  ix  :  C,  fr. 

ATLAS  COMMERCIAL, 

Ou  Exposition  metbodique  du  droit  commercial,  comprcm.nt  le  Code 
de  commerce  rapproche  des  lois  ,  rcglemens  ,  ordonnances  ,  arretes 
et  ojiinions  dcs  jurisconsultes  qui  le  complement,  le  modifient  on 
1'expliquent ;  ouvrage  compose  de  douze  tableaux  synoptiques  sur 
feuillc  de  jcsus  cleployee;  disposes  et  eolories  de  maniere  a  en  rendre 
1'etude  plus  facile;  par  Poux-Franki.in,  avocat  a  la  Cour  rovale,  in- 
specteur  des  etudes  etprofesscurde  legislation  commerciale a  1'Ecole 
speciale  de  Commerce. 

Titles  Jes  Tableaux  qui  competent  I  Atlas  commercial. 

ier  Tableau.  Des  commercans  et  des  auxiliaires  du  commerce.  —  II.  Des 
Societes.  — III.  De  la  leltrede  change  et  des  autres  effets  de  commerce. 
IV.  Des  navires  et  autres  batimens  demer.  —  V.  Du  Capitaine  —  VI.  Des 
Proprietaires,  des  At'iYeteurs  el  des  geus  de  l'equipage.  —  VII.  Du  Contrat 
<i  la  grosse  et  du  Contrat  d'assurance.  —  VIII.  Du  Delaissemenl  et  des 
Avaries.  —  IX,  X,  XI.  Des  Faillileset  Banqueroutes.  —  XII.  Juridiction 
commerciale.  —  Table  generate  aiphabetique  des  matieres  conlenues  dans 
l'ouvrage,  avec  renvoi  aux  lettres  et  sux  cbiffres  places  sur  ies  cotes  des 
Tableaux. 

Prix  de  1'Atlas  entier 3o  fr. 

Prix  de  cbaque  Tableau  separement 3  fr. 

CORPS  DU  DROIT  FRANCAIS , 

Ou  Recueil  complet  des  lois,  decrets,  ordonnances,  arretes,  senatus- 
<?onsulles,  reglemens,  avis  du  conseil  d'Etat,  publies  depuis  1789 
jusqu'a  nos  jours. 

EN  VENTE : 

Les  detjx  premiers  volumes,  renfermant  toutes  les  lois,  decrets  or- 
donnances, etc.,  depuis  1789  jusqu'a  la  mort  de  Louis  XVIII,  niis 
enordreet  annotes  par  C.-M.  Galisset,  avocat  a  la  Cour  royale  de 
Paris,  2  vol.  in-8.  de  2,5oo  pages  cbaque.  Prix  :  120  fr. 

Les  collections  qui  renferment  nos  lois,  decrets,  etc.,  n'elant  pas  toujours 

disposees  suivant  le  meme  systeme  de  dates,  il  iallait  en  adopter  un  qui  fut 

constant ,  et  qui  convint  a  toutes  les  epoques  dc  notre  legislation. 

On  a  suivi  pour  ce  recueil  l'ordre  inclii|ue  par  la  date  du  jour  oil  cbaque  loi, 

decret,  a  ele  rendu  ,  en  platjant  a  cote,  apres  un  tiret,  la  dale  de  sa  sanction. 
A  la  suite  de  chaquc  loi  ou  decret  on  trouve  rapportes  les  priucipaux  arrets 

qui  sont  intervenus  sur  la  matiere. 

Les  differens  gouvernemens  qui  ont  regi  la  France  depuis  1789  ont  servi 

de  division  naturelle  a  ce  recueil. 


(8) 

ON    .SOLSCHIT 

pour  la  continuation ,  a  partir  du  regne  de  Charles  X,  au  prix  do 
a  fr.  par  livraison  de  4  feuilles  (  64  pages). 
Chaque  annee  sc  compose  de  deux  ou  trois  livraisons  au  plus. 
(  i  o  Livraisons  sont  en  rente. ) 

La  ta!)le  analytique  des  matieres  des  deux  premiers  volumes,  formant  u» 
volume  senare,  est  sous  presse. 


FZUILLES  PERIODIQUES. 
ANN  ALES   DE  L'INDUSTRIE   FRANC  AISE    ET  ETRANGERE, 

H 
BULLETIN   DE  l'eCOLE  CENTRALE  DES  ARTS  ET  MANUFACTURES  , 

Par  MM.Peclet,  Dumas,  Olivier,  Berard  ,  Payen  ,  etc.,  etc.,  etc. 

CONSE1L    DE    REDACTION  , 

LES    PROFESSEURS    DE    l'eCOLE    CENTRALE  ; 

M.  PECLET,  DIRECTEUR. 

Les  Annales  paraissent ,  chaque  mois  ,  par  cahier  de  6  a  7  feuilles  , 
j)lus  2  planches  gravees  par  M.  Le  Rlanc. 

Prix  tie  la  Souscription. 

Paris.  Depart  em.  Elr  anger. 

XJn  an  30  «  «  33  «  «  36  «  « 

Six  mois  16  «  «  17  50  19  «« 

CORRESPONDANCE  MATHEMATIQUE  ET   PHYSIQUE  , 

Publiee  par  A.  Quetelet ,  professeur  a  I'Athenee  royal  el  au  Musee  des 

Sciences  etdesLettres  de  Bruxelles,  etc. 

Le  redacteur  s'astreint  a  la  seule  obligation  de  publier  tous  les  ans 
au  volume  in-8,  d'environ  20-25  feuilles,  y  compris  les  planches ;  par 
livraison  de  2 ,  3  ou  4  feuilles. 

Le  prix  de  l'abonnement  est  de  19  fr. 


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HUB    DE    511M1|     »•     '4' 


ALEXANDRE  MESNIER ,  LIBRAIRE, 

PLACE    DE    U   BOURSE. 


HISTOIRE 

DU 

DROIT  ROMAIN 

AU  MOYEN  AGE, 
PAR  F.  G.  DE  SAVIGNY; 

TRADUITE     DE     l'aLLEMAND 


Par  M.   CHARLES  GUENOUX,   doctecr   en  droit. 


QUATRE  VOLUMES   IS-8°. 


Lorsque  nous  annoncames  la  traduction  de  l'His- 
toire  du  Droit  Romain  au  Moyen  Age,  tous  ceux  qui 
ont  a  coeur  les  progres  de  l'etude  historique  du 
droit  approuverent  cette  entreprise;  mais  quelques 
critiques,  dont  le  jugement  est  d'un  grand  poids, 
craignirent  que,  dans  la  seconde  partie,  certains 
details  sur  des  auteurs  et  des  ouvrages  aujourd'hui 
bien  peu  connus,  en  nuisant  a  la  popularite  de 
cette  belle  composition,  ne  diminuassent  son  in- 
fluence, et  ils  engagerent  le  traducteur  a  ne  publier 
qu'un  extrait  de  la  seconde  partie. 

Nous  allons  citer  la  lettre  que  M.   de  Savigny 


( 2 ) 

repondil  a  ce  sujet,  car  il  nous  est  impossible  ile 
mioti v  fairo  connaitre  r  esprit  do  son  livrc. 

«  En  analysant  la  science  et  la  pratique  du  droit 
«  modcrne,  nous  voyons  que  la  plupart  des  prin- 
«  cipes  et  des  notions  qui  le  composent  sont  d'ori- 
«  gine  romaine.  Mais  ces  notions  et  ces  principes 
«  ne  nous  sont  pas  tombes  du  ciel ,  ils  nous  son  I 
«  parvenus  par  la  tradition  continuelle  de  six  siecles 
«  de  profonde  ignorance  et  de  sept  autres  siecles 
«  d'un  travail  litteraire  plus  ou  moins  heureux.  Tjes 
«  siecles  dune  activite  regeneree,  en  nous  trans- 
en  mettant  le  droit  romain,  n'ont  pas  laisse  de  lc 
«  bien  modifier.  Tout  en  l'encombrant  d'une  masse 
«  de  travaux  inutiles,  ils  l'ont  aussi  enrichi  de  de- 
ft couvertes  judicieuses,  et  e'est  dans  cette  forme 
«  bizarre  que  nous  l'avons  recu  de  leurs  mains.  Or 
«  quelle  est  notre  situation  bien  entendue?  Ignorer 
«  ce  que  les  siecles  intcrmediaires  out  ajoute  au 
«  droit  romain  primitif  est  absolument  impossible, 
«  tout  ee  que  nous  apprennent  nos  professeurs  et 
«  les  livres  modernes  en  est  imbu.  Nous  naviguons 
a  sur  cette  mer,  et  ce  serait  une  illusion  dangereuse 
«  de  vouloir  faire  abstraction  de  l'element  sur  lcquel 
«  nous  nous  trouvons.  II  n'y  a  done  que  deux  partis 
«  a  prendre,  ou  do  nous  laisser  dominer  par  cet 
«  element,  ou  de  le  dominer  nous-memes,  et  de 
«  tourner  a  notre  avantage  les  difficultes  de  notre 
«  position.  Pour  reussir  en  prenant  ce  second  parti, 
«  laborieux  il  est  vrai ,  mais  seul  raisonnable,  il 
«  faul  cbanger  cette  masse  informc  des  auteurs  de 


(  3) 
«  droit  en  un  corps  organise.  Cest  ainsi  qu'on  par- 
«  vienl  a  distinguer  lc  bon  tin  mauvais,  l'original 
«  de  l'emprunte,  que  l'on  decouvre  la  ramification 
«  et  la  genealogie  des  idees,  la  vie  creatrice  de  l'es- 
«  prit  dans  une  region  qui  d'abord  ne  nous  presen- 
«  tait  que  confusion  et  degoul. 

«  Pour  atteindre  ce  but  il  faut  des  recbercbes  de 
«  plus  d'un  genre.  Mais  ces  recbercbes  diverses  out 
«  une  base  commune,  une  condition  indispensable, 
«  c'esl  la  connaissance  des  principaux  docteurs,  de 
«  leurs  ouvrages  et  de  leurs  ecoles.  Voila  le  but  de 
«  mon  ouvrage  restreint  cependant  aux  temps  les 
«  plus  obscurs,  cest-a-dire  auxsieclcs  qu'on  nomine 
«  le  moyen  age.  En  entreprenant  cet  ouvrage  j'ai 
«  cru  faire  une  cbose  utile,  et  depuis  les  trente  ans 
u  que  je  m'en  occupe,  ma  conviction  n'a  pas  subi 
«  le  moindre  changement.  Je  suis  persuade  que  si 
«  la  jurisprudence  est  deslinee  a  faire  des  progres 
«  solides,  en  reunissant  les  lumieres  du  passe  a  la 
«  meditation  et  a  l'experience,  mon  ouvrage  y  sera 
«  de  quelque  chose. 

«  Neanmoins  je  ne  me  suis  pas  dissimule  que  dans 
«  cette  carriere  je  rencontrerais  des  parties  steriles 
«  et  auxquelles  l'opinion  publique  n'est  pas  favo- 
«  rable;  mais  cette  reflexion,  dont  j'ai  rendu  compte 
«  dans  l'introduction  du  quatrieme  volume ,  ne  de- 
«  vait  pas  me  detourner  d'un  travail  utile,  et  au- 
«  quel  je  me  sentais  une  vocation  particuliere.  Ce 
«  n'est  pas  que  j'eusse  l'affectation  d'etre  insensible 
«  aux  applaudissemens  de  mes  contemporains.  Nos 
«  travaux   ne  peuvent  trouver  un  encouragement 


(4) 

«  plus  naturel  et  plus  vivifiant  que  l'interet  qu'y 
«  prennent  ceux  avec  lesquels  nous  vivons.  Mais 
«  enfin  cet  interest  n'est  pas  tout ,  et  il  ne  doit  pas 
«  l'emporter  sur  notre  conviction  de  ce  qui  est  utile 
«  aux  veritables  progres  de  la  science.  Voila  ma 
«  confession  litteraire  que  je  vous  communique  avec 
«  la  raeme  simplicite  que  je  serais  pret  a  le  faire  a 
«  tout  le  monde. 

«  Le  troisiemc  volume  ne  me  parait  susceptible 
«  d'aucun  retranchement.  Quant  aux  quatrieme  et 
«  suivans ,  rien  de  plus  facile  que  de  les  reduire ,  et  je 
«  vous  donnerai  volontiers  mes  conseils  la-dessus.  » 

Ainsi  done  nous  donnerons  une  traduction  litte- 
rale  des  trois  premiers  volumes ,  avec  les  additions 
et  corrections  faites  par  M.  de  Savigny  lui-meme, 
et  un  extrait  des  trois  derniers  volumes,  oil,  graces 
aux  conseils  de  l'auteur,  nous  esperons  reproduire 
le  veritable  esprit  de  l'original,  et  ne  rien  omettre 
d'important. 

CONDITIONS  DE  LA  SOUSCRIPTION. 

L'HISTOIRE   DU   DROIT    ROMAIN   AU  MOYEN    AGE,  par 
F.  C.  de  Savigny,  formera  4  volumes  in-8°  publies  en  Irois  livraisons. 
La  premiere,  composee  Je  2  volumes,  est  en  veute. 
Prix  de  chaque  volume 8  fr. 

On  souscrit,  en  paya.nt  le  dernier  volume  a  I'avance, 

CHEZ  ALEXANDRE  MESNIER,  LIBRAIRE, 

fiditeur  de  la  Revue  franc -aise, 

PLACE  DE    LA   BOURSE. 


Al'X  ACADEMIES  ET  KVX  SOCIEfES  SATANTES  de  tOUS  leg  pays. 

Les  AcADsaiEs  et  les  Sociktks  savaktes  kt  d'ohhij  pi-dliqub  ,  franchises 
Ct  etrangeres ,  sont  invitees  a  faire  parvenir  exactement ,  francs  de  port, 
act  Directeur  de  la  lievuc  Encyclopedia ue,  rue  d'Enfeb  -sai.nt-  Michel, 
s»  lS,  les  comptes  rendus  de  Icurs  travaux  ct  les  programmes  des  prix 
qu'elles  proposent,  aGn  que  la  Revue  puisse  lcs  liairc  conuaitre  lc  plus 
pvooiplement  possible  a  scs  lccteurs. 


AOX  EDITEUItS  d'oBYBAGES  ET  ASX  IHSRAIRES. 

MM.  les  Editcurs  d'ouvrages  periodiques,  francais  et  etrangcrs,  qui 
desireraient  echangcr  leurs  recueils  avcc  le  riotre,  peuvent  compter  sur 
lc  bon  accueil  que  nous  ferons  a  lenrs  propositions  d'echange,  etsur  une 
prompte  annonce,  dans  la  Revue,  des  publications  de  ce  genre  ct  des 
aulrcs  ouvrages,  nouvclleujent  publics,  qu'ils  nous  auront  adicsscs. 


Al'X  &DITEVRS  DES  RECUEILS  PERIODIQUES,  EN  ANGLETEBRE. 

MM.  les  Editeurs  des  Recueils  periodiques  publies  en  Anglcterrc  sont 
pries  de  faire  remettre  leurs  numcros  a  M.  Koi.asd!,  a  Londies,  n°  ao, 
IJerners-street,  Oxford-street,  qui  leur  transmcttra ,  cfiattuc  rnois,  en 
cchange,  lcs  cabiers  de  la  Revue  Encychpcdique,  pour  La  quelle  on  pcut 
aossi  souscrire  chez  lui,  soil  pour  1'annee  courante  ,  soit  pour  se  procurer 
le*  collections  des  amices  anterieures,  de  1819  a  iS2g  inchutivement. 


AcX  UBRAIBES  ET  AfX  EDITEURS  D'oUVBAGBS,  EN  AIXEMAGNE 
ET  EN  1TALIE. 

M.  ZiBcis,  librairc  a  Leipzig,  et  M.  G.  Pjatti,  libraire  a  Florence, 
sont  charges  de  recevoir  et  de  nous  faire  parvenir  lcs  ouvrages  publics  en 
AUcmagne  et  en  Italic,  que  MM.  les  Libraires,  les  edilcura  el  lcs  autcurs 
uesireraot  faire  anncucei  dans  la  Revue  Encyclopedia uc. 


T<ws  les  carnages  annonces  dans  la  Revue  se  U'juvor.l  diea 
Sbmllot,  Libbaibe,  rue  tie  I'Odeon,  n°  5o. 


IS  III 


CONDITIONS  DE  LA  SOUSCBirTION. 

La  Ucvuc  Encyclopedia  tic  parait  niensud  lenient,  depnis  Janvier  1819, 
pat  oabiers  rie  12  a  i4  feuillcs  d'invpresaiou.  T_voi*  earners  forineat  un  vo- 
lume, termine  par  unc  Tabte  anntytique  ct  alphabitii/uc  des  inatwrcs. 

Chaque  a.iiicc  i-<t  independantc  des  anijces  procedentes ,  et  offrc  unc 
sortc  d'Annuairc  scicntijii]ae  ct  liiteraire,  en  .{  volumes  in-S". 

Prix  de  V Abonnement, 

A  Paris 4*'  "'•  puui'  un  ttn  '>  2"  &•  P0Hr  s'x  mois. 

Dans  les  depar temens.  53  00 

A  I'itranger Go 

En  itegfetene ;~>  4a 

A  parlii  clu  1*'  Janvier  OU  du  1"  juillet. 

Le  montaut  do  la  souscriptiou,  envoyc  [>ar  la  poste,  doit  tMre  adretalc 
c,  rBAAC  dk  r  m,  aio«i  que  la  correspond  ancc,  an  Dircctcur  dr, 
la  Revue  BncycJopptfiqiKj  rue  iCEltfcr-Saint-Miclicl,  n"  1S.  C'esl  a  la  memo 
adresse  a  eovoyfer  les  oavrages  de  tout  genre  ct  les  griyures 

qu'ou  vijudia  t'aiie  annonccr,  ainsi  que  les  articles  dont  on  dusirera  I  in- 
sei'.ion. 

"   On  souscrit  aussi  a  Paris,  chez  les'  libraires  ci-apres: 
TnrcrrEL  et  V/cirtz,  rue  de  Bourbon,  n"  17; 
Charles  Beciiet.  qnai  des  Augnsuns,  if  55  ; 
Key  et  Gravikr,  quai  des  Augustins,  n°  55; 
A  la  Galehik  ue  Bossance  pere ,  rue  Richelieu  ,  n"  60  ; 
Rohbt,  rue  Ilautefeuille,  n*  12; 
3.  Rejocard,  rue  de  Tournon,  n°  6. 

On  souscrit  aussi  chez  tons  les  Direrteurs  drs  postes,  et  chez  les  prir 
cipanx  Libraires,  dans  les  deparlctuens,  et  dans  les  colonics. 

LiBBiiuES  chez  Icsqaels  on  souscrit  dans  les  pays  utiungers. 


Amsterdam,  Delachaux. 

1  -..  /vncelle. 
Aran  (Suisse),  Sauerlander. 
Berlin ,  Schlesinger. 
Bern  -,  Clias ;  —  Bourgdorfer. 

titj  Keygel. 
BruxetLs  ,     Dujardin  -  Sailly  ;    — 
Di-mat  ;  — ILirguics-Kenie  ;  — 
Lite  a'n  ie  parisieni.e,  fi  ancaise  et 
gin  <\ 

1,  Piatti; — Viensscnx. 
Franc  fort  -  sur  -  Mein,    Jngel. 
(j'.tnd ,  Vandeqkerckoven  Qls. 
Geneve,    Clfeibuliez;  — Barbezat 

et  Delaine 
La  Ilayc,  les  fi  cres  Langenhuysen. 
Lausanne,  Kiscbcr. 
Leipzig,  Brcckhius;  —  G.Zirges. 

Iicsoei;  — Cuiardin. 
Lisbannc,  Paul  Martin. 
Lomlre.i,  P.  Roland) ;  —  Dulau  et 
C"  ;   —  Treutlel  et  WiirU;  —  ! 
Bossange,  Bai  the/.,  Lowell  el  (/'.  I 


Madrid,  Dennee;  — Peres. 
Manhcim ,  Arlaria  et  Fontaine. 
Milan,  Giegler;  "Vismara  ;  Bocca. 
Mans,  Le  Rou\. 

Moscuu,  Gautier; — Riss  pereetfils. 
Naples,     Borel;    —   Marolta    ct 

Wauspandocfc. 
Koiv-Yorh  (Elats-Unis),    Foreign 

and  classical  bookstore;  —  Be- 

rard  et  Mondon. 
Xotirdle  -  Orleans  ,    Jourdan ;    — 

A.  L.  BolsmarC. 
Palermo  ( Sicile),  Pedonne  et  Mo- 

ratoi  i ;  —  Burnt'  (Ch.). 
Pefersbourg,  F.  Bellizard  et  C'«;— 

Graefl';—  Pluchart. 
Home,  de  Romanis.;  —  Merle. 
Stuttgart  et  Tubingue,  Cotta. 
Turin,  Bocca. 
Farsovic,  Glucksberg. 
F'icnne   (Aitricbe),   Gerold;   — 

Scbaunibourg;  — Scbalbacber. 


IMPBIMEniE  DK    PJ.ASSAK    ET   C* .    RUE    DE    VACCIRARD,    N*    ID.