,EVUE
ENCYGLOPEDIQtJE ;
ANALYSE RAISONNEE
DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES
DANS LA LITTLE ATUKE, LES SCIENCES ET LES AWTS;
PAR UIYE REUNION
DE MEUBBES DE L'lKSTmrt ET DVl'TftE? HOBBIES BE IETTHE6.
A PARIS,
AU BUREAU DE LA REVUE EISCYCLOrEDlQUE,
Kt bliez SLD1LLOT, unn.unE, iU de lodW, >° 3o;
ARTHUSBEUTRAXD, aciiH\tTBn;i.in.B, n« z3.
AVRIL 1830.
MSMOBMHtaMBSai
NOMS
DES COLLABORATEURS
ET DES CORRESPONDANS, FRANCOIS ET STRANGERS.
i« Pour Jes Sciences physiques et mathematiques et les y/rfs industrials:
MM. Bailly de Merlibux, Casaskca , de Madrid; Cn. Duns, Girabd,
Navier, de l'lnstitut ; J. J. Baude, Dubbuhfaut, H. DissaEd, Fmibv,
Feamcobur, Ab. Co.ndinbt; D. Laborer , de Londres; A. Michblot,
be Montgeht, Mobeau DE Jon»Es; QuErKLKi, dc Bruxelles; T. Richard;
Wabdbm, des itats-Unis d'Amerique, etc.
a" Pour les Sciences naturetles : MM. Floubbhs, Gkoffboy Saibt-Huaibe,
de l'lnstitut; BoRYDBSAmT-VincEHT, correspondantde l'lnstitut; Mathibu
Bonafoos, de Turin; B. Gaili.on, de Dieppe; Isidore Geoffeoy Saikt-
IIilaire, Hoot, etc.
5° Pour les Sciences medicates : MM. DAMtaoit,G.-T. Dom, FossATr,
Gasc;Gebsom, deHambourg; db Kibgshoff, d'Anvers ; Loyssh; Ri-
coilot fils , d'Amiens, etc.
4° Pour les Sciences phitosopliiques'et morales, politiques, gcographiques
et historiques : MM. M. A. Jcluek , de Paris, Fondateur-Directcur de la
Revue Encyclopidique; Abth. Bbughot,Ad. Blahqbi ; Alex, de la Bohdb ,
Jomard, de l'lnst. ; M. Avejibl, Barbis du Bocagb fits, Benjamin Coks-
TAHT, Ch. COMTB, DBPPINC , Dl'FAO, DuHOYEB, GuiGNIACT, A. JaLBERT,
J. Labocderib, Lanjuinais, P. Lami, Isidore Lebruii, Lbsubub-Meblin,
Massias, Albkrt-Moht£moht, Edsebe Salvebte, J.-B. Say; Sjmokde db
Sismosdi, de Geneve; Wabhkoekig, de Liege, etc.; Dupin aine;
Bsbvulb, Bouchehe-Leebb, Gn. Renoeaed, Taillahdibe, avecats, Vi-
baorbe, du Perou, etc.
5° Pour la Litteralure franchise et itrangire, la Bibliographic, I'Archeo-
logic et les Beaux-Arts : MM. Ahdrieox , Amauby-Doval, Embbic David,
Lemfrcieb, de Segue,. de l'lnstitut; Andribcx , de Limoges ; Mme Bt-Sw»
Belloc; MM. Bubrouf fils, Chautet; Gkiabihi , de Va?sovie; P.-A.
Coupis , Fb. Degeobce, Dubbbsah; Ed. Gauttieb-d'Arc ; Ph. Golb^bt,
oorrespondant de l'lnstitut; Leon Halevy , IIbkbices, E. Hbbbau,
Augusts Jullieh fils, Bfbnabd Jullieh; Kalvos, de Zante ; Adbibw-
Lafasgk, J. V. Leclbec, A. Mahul, Moaglave; Mohraed, de Lau-
sanne; G. Pagakel,II. Patih, Amselme Petbtih, Pokgksville, db Rbif-
fehserc ; db Stassart, dc Bruxelles ; Fa. Salfi, Schhitzleb,. Ssavar,
be Svcnr; LjtoKTsiEssii, P. F.Tissot, Viguibe, Yillejiate, etc,
REVUE
ENCYCLOPEDIQUE.
TYP0GRAPH1E DE MARCELLIN-LEGRAND , PLASSAN ET C
BUB Oil PBT1T-VACGIBABD , 5° l5.
PARIS. — 1MPR1MERIE DE PLASSAN ET O
niB OB VAUG1RABD, N" l5.
REVUE
ENCYCLOPEDIQUE,
OB
ANALSYE RAISONNEE
DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQU.4BLES
PANS LES SCIENCES, LES ARTS INDTFSTRIELS, LA L1TTERATTTRE
ET LES BEAITX-ARTS ;
PAR UNE REUNION
DE MEMBRES DE L'INSTITUT,
ET D'AUTRES HOMMES DE LETTRES.
TOME XLVI.
AU BUREAU CENTRAL DE LA REVUE ENCYCLOr^DIQUE,
ST CHEZ SEDILLOT, LIBRAIRE, RUE DE l'oDEON , N° 5o„
AVRIL-JUIN l830.
« Toutes les sciences sont les rameaux d'tine m£me tige. »
Bacon.
«L'art n 'est autre chose que le contr6le et le registre des meillemes pro-
ductions... A contrdler les productions (et les actions) d'un chacun, il
6'engendre envie des bonnes et meprisdesmauvaiscs. »
Montaigne.
" Les belles-lettres et les sciences, bien etudiees et bien comprises, sont
des instrumens universels de raison, de vei lu, de bonheur. »
REVUE
ENCYCLOPfiDIQUE.
OU
ANALYSES ET ANNONCES RA1SONN&ES
DES PRODUCTIONS LES PLUS REM ARQUA3LES
DANS LA L1TTERATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS.
I. MEMOIKES, NOTICES,
LETTRES ET MELANGES.
CONSIDERATIONS sur les MOLLUSQUES,
ET EN PARTICUL1ER
SUR LES CEPHALOPODES;
Par M. le Baron CUVIER.
(Lu & 1'Academie des Sciences, le 23 fevrier i83o.)
Les mollusques, en general, mais plus particulierement les
cephalopodes, ont une organisation plus riche, et ou Ton trouve
plus de visceres analogues a ceux des classes superieures que
dans les autres animaux sans vertebres. lis ont un cerveau,
souvent des yeux, qui dans les cephalopodes sont plus com-
pliques encore que dans aucun v ertebre; quelquefois des oreil-
ti CONSIDERATIONS
les, des glandes salivaires, des estomacs multiplies, un foie tres-
considcrable, do la bile, une circulation complete et double,
pourvued'oreillettes, de ventricules, en uii mot, de puissantes
impulsions tres-vigoureuses ; des sens distincts, des organes
males et femelles trcs-compliques, et d'ou sortent des 03ut's
dans lesquels le foetus et les mojens d'alimentation sont dis-
poses eomme dans beaucoup de vertebres.
Ces differens fails resultaient deja des observations de Redi,
de Swammerdam, de Monro et de Scarpa , observations que
j'ai fort elendues, appuyees de preparations nombreuses, et
dont je me suis prevalu, il y a mainlenant trente-cinq ans,
pour etablir que des animaux aussi richement pourvus d'or-
ganes ne pouvaient pas rester confondus, comme ils 1'etaicnt
avant moi, avec les polypes et autres zoophytes dans une seule
classe, mais qu'ils devaient en etre distingues et reportes a un
plus haut degre de l'echelle, idee qui me parait aujourd'hui
adoptee d'unc manierc ou d'une autre par l'universalite des
naturalistes.
Cepeudant jcine suis bien garde de dire que cette organisa-
tion, approchante, pour l'abondance et la diversite de ses par-
ties, de celle des animaux vertebres, fut composee de me me,
ni fdt arrangee snr le meme plan ; au eontraire, j'ai toujtHirs
soutenu que le plan qui jusqu'a un certain point est commun
aux vertebres ne se continue pas chez les mollusques, et,
quant a la composition, je n'ai jamais admis que Ton put
raisonnablement la dire une, meme en ne laprenant que dans
une seule classe, a plus forte raison dans des classes differen-
tes. Tout nouvellement encore, dans le premier volume de
mon Histoire des poissons, j'ai exprime mon sentiment a ce
sujet, sans doute avec le ton modere que les sciences rccla-
ment et avec la politesse qui appartient a tout homme bien
eleT'e, mais cependant d'une maniere assez claire, assez posi-
tive pour que personne n'ait pu s'y meprendre. La question
est sous les yeux des naturalistes avec ses preuves ; e'est a
eux qu'il appartient de la juger, et je me serais abstcnn ,
romnie je m'en abstiens depui's tlix ans, d'en entretenir l'A-
SUR LES MOLLUSQUES. 7
cadcmie, si une circonstance dont elle a ete temoin ne 111c
eontraignait de renoncer a une resolution que me dielaient le
desir d'employer plus utilement mon terns aux progres dc
la science, et la persuasion que c'est par une connaissance
plus approtbndie des laits *plutot que par des dissertations
polerniques que la verite en histoire naturelle est assuree de
se faire jour.
Deux jeunes et ingenieux obseryateurs, examinant la ma-
niere dont les visceres des cephalopodes sont places mutuel-
lement, out eu la pensee qu'on retrouverait peut-etre entre
ces visceres un arrangement semblable a celui qu'on leur con-
nait dans les vertcbres, si l'on se representait le cephalopode
comrne un vertebre dont le tronc serait replie sur lui-meme
en arriere a la hauteur du nombril, de facon que le bassin
revienne vers la nuque; et un de nos savans confreres, saisis-
sant avidemment celte vue nouvelle, a annonce qu'elle re-
fute completement tout ee que j'avais dit sur la distance qui
separe les mollusques des vertebres ; allant meme beaucoup
plus loin que les auteurs du Memoire, il en a conclu que la
roologie n'a eu jusqu'a present aucune base solide; qu'elle
n'a ete qu'un edifice construit sur le sable, et que sa seule
base, desormais indestructible, est un certain principe qu'il
appellc d' unite de composition, et dont il assure pouvoir faire
une application universelle.
Je vais examiner la question dans son rapport particulier
avec les mollusques; dans une suite d'autres Memoires je la
traiterai relativement aux autres animaux; j'espere le faire
avec la mOme urbanite dont notre savant confrere a use en-
vers moi ; et, comme les ecrits qu'il a diriges depuis dix ans
contre ma maniere de voir n'ont jamais altere en rien Pamitie
que je lui porte, j'espere qu'il en sera de meme de ceux par
lesquclsmaintenant je vaissticcessivement defcndre mesidees.
Mais, dans toutc discussion scientilique, la premiere chose
a faire est do bien definir les expressions que Ton emploie ;
sans cette precaution Pesprit s'egare promptement ; prenant
les memes mots dans un sens, a un endroit du raisonnement,
9 CONSIDERATIONS
el dans un seas different, a nn autre cndruit, on fail oe que le-
legiciens appelleoi des syllogismes u quatre tcrmes, «jui sunt
les pins trompeurs des sophismes ; que si, dans l'cxpose de ces
numes raisonneinens , an lieu du langage simple, des mots
propres, rigourcusement exiges dans les sciences, on emploie
des metaphorcs et des figures de rhetoriquc , be danger
est bicn plus grand encore; on croit se tircr d'un embarras
par un trope, rcpondrca une objection par une paronomase, et,
en se dctournant ainsi de sa route direete,on s'enfonce promp-
temenl dansun labyrinlhe sans issue ; mais, j'endemande par-
don a l'Acadcmie, je vois que je me perds moi-meme dan-
le langage que je repousse, et je m'empresse de revenir a ce-
lui que je continuerai de parler dans le reste de ce Mcmoire.
Commencons done par nous entendre sur ces grands mots
<r untie de composition et d 'unite de plan. La composition d'une
ebose signifie, du moins dans le langage ordinaire, les partit Ss
dans lesquelles cette cbose consiste, donl ellc se compose ; el
Ie/?/rm signifie l'arrHtigement que ces parlies garden! entre cites.
Ainsi, pour me servir d'un exemple trivial, mais qui i end bieu
les idees, la composition d' une maison, e'est le nonibrc d'appar-
temens on de cliainbres qui s'y trouvent, et son plan , c'esl
la disposition reciproque de ces appartemens et de ces cbam-
bres. Si deux maisons conlcnaient cbacune vm vestibule, une
antiehambre, une chambre a toucher, un salon et une sallc
a manner, on dirait que leur composition est la meme; et, si
ces pieces etaient au meme etage , arrangees dans le
meme ordre , si Ton passait de I'une dans l'autre de lu
meme maniere, on dirait aussi que leur plan est le mhnc.
Mais, si leur ordre etait different; si, de plain-pied dans une
des maisons, elles etaient placees dans l'autre par etages suc-
cessifs, on dirait qu'avec une composition semblable Des
maisons sont construites sur des plans differens. Ainsi la com-
position d'un animal se determine par les organes qu'il pos-
sede, et son plan par la position relative de ces organes on
ce que notre savant confrere appelle leur connexion.
\iais qu'est-oe que C unite lie plan.vX surtniit I' unite tie emu-
SUB LJSs MOLLl SQUES. !(
position, qui doit servif dcsurmais de base nouvello a la zeolo-
•>ie ? Yoila Ce que personnc tie nous a encore dit claircuienl,
et cependant c'est la-dessus qu'il faut d'abord fixer scs idccs.
Unargumentateur de mauvaise foi prendrait ces mols dans
leur sens naturel, dans le sens qu'ils ont en francais ct dans
toutes les langues; il prctendrait qu'ils signifient que tons les
animaua: se composcnt des memes organes arranges de la menu:
maniere, et, parlant de la, il aurait bienlot pulverise le pre-
lendu principe.
Mais ce n'est pas moi qui supposerai que les naluralistes,
ineme les plus vulgaires, aient pu employer ces mots unite
de composition, unite de plan, dans leur sens ordinaire, dans lc
sens (Yidentite.
Aucun d'eux n'oserait soutenir nne minute que le polype
et l'homme aient dans ce sens une composition une, tm plan
un. Cela saute aux yeux. Unite ne signifie done pas, pour les
naturalistes dont nous parlons, idenliic ; il n'est pas pris dans
son acception nalurelle, mais on lui donne un sens detourne
pour signifier rcssembtance, analogie. Ainsi , quand on dit qu'il
y a entre l'homme et la baleine unite de composition, on ne
veut pas dire que la baleine ait toutes les parties de l'homme;
car les cuisses, les jambes, les pieds lui manquent, mail seu-
leinent qu'elle en a le plus grand nombre. C'est une expres-
sion du genre de celles que les grammairiens appellent cm-
pkatiques ; unite de composition ne signifie ici que tres-grandt
ressemldance de composition.
Dememe, quand on dit qu'il y a unite de composition entre
l'homme et la couleuvre, la couleuvre, qui n'a point d'exlre-
inite anterieure, et dont les posterieures se reduisent a de le-
gers vestiges, on veut dire settlement qu'il y a entre eux une
ceriaine rcssembtance dc composition, mais deja moindrc qu'en-
tre l'homme et la baleine.
II est evident qu'il y aurait contradiction tbrmelle clans les
termes a appcler une, on idrniiqttc, une composition qui, de
l'aveu memc de ceux qtii emploicnl ces mots, change d'un
jicnte a l'autre.
io CONSIDERATIONS
Ce que jc (lis de la composition s'appliquc aussi an plan .
nous croirioQS faire injure a ces naturalistes, si nous preten-
dious que par ces mots unite de plan ils enlendcnl autre chose
que rcssernblance plus ou moins granite de plan. Sans cela il
suffirait d'buvrir devant eux un oiseau et un poisson pour lcs
re filler a l'instant.
Or, ces termes extraordinaircs une foisdefinisainsi, une fois
dcpouilles de ce nuagc mysterieux dont les enveloppe le vague
de Icurs acceptions, ou le sens detourne dans lcquel on en
use, Ton arrive a un rcsultat bien inattendu sans doutc, car il
est directement conlraire ace qui a ete mis en avant.
C'est que loin de fournir des bases nouvelles a la zoologie,
des bases inconnucs a tons les hommes plus ou moins habiles
qui l'ont cultivee jusqu'a present , restreiuts dans des liniitcs
convenables, ils Torment au contraire une des bases les plus
essentielles sur lesquelles la zoologie repose depuis son ori-
gine, une des principales sur lesquelles Aristote, son crea-
teur, l'a placee, base que tons les zoologistes dignes de ce
noin out cherehe a elargir, et a I'affermissement de laquelle
tous les efforts de l'anatomie sont consacres.
Ainsi, cbaque jour Ton peut decouvrir dans un animal une
partic que Ton n'y connaissait pas, et qui fait saisir quclquc
analogie de plus entre cet animal et ceux de genres ou de
classes differens. II peut en ctre de meme de connexions, de
rapports nouvellement apercus ; les travaux anxquels on se
livre a cet effet nu'iitcnt tous noseloges; c'est par eux que la
zoologie agrandira ses bases ; mais que Ton se garde de croire
qu'ils l'en i'eront sortir.
Si j'avais a citer des exemples de ces travaux dignes de
toute notre estime , c'est parmi ceux de notre savant confrere
M. Geoffroy que je les choisirais ; lorsque , par exemple,
il a reconnu qu'en comparant la tete d'un ft tus de mannni-
Icre a celle d'un reptile ou d'un oviparc en general on re-
marquail des rapports dans le nombre et l'arrangement des
pieces qui nc s'apcrcevaient point dans les tetes adulles.
lorsqu'il a prouve que l'os appele Carre, dans les oiseaux.
SUK LES MOLLUSQUES. n
est 1'analoguc de I'os de la cuisse dans les foetus de mammi-
feres, il a fait des decouvertes tres-reelles, tres-imporlantcs,
auxquelles j'ai ete le premier a rendre pleine justice, lors
du rapport que j'ai eu occasion d'en faire a l'Acadcmie.
Ce sont des traits de plus qu'il a ajoutes a ces ressemblances
de divers degres qui existent entre la composition des diffe-
rens animaux ; mais il n'a fait qu'ajouter aux bases anciennes
et connues de la zoologie; il ne les a nullement changees; il
n'a nullement prouve ni l'unite, ni l'identite de cette compo-
sition, ni rien enfin qui puisse fournir un nouveau principe :
entre quelque analogie de plus dans certains animaux et la
generalisation de 1'assertion que la composition de tous les
animaux est une la distance est aussi grande , et c'est tout
dire , qu'entre l'homme et la monade.
Ainsi, nous savons tous, et depuis bien Iong-tems, que les
cetaces out aux cotes de l'anus deux petitsos qui sont ce que
nous appelons des vestiges de leur bassin. II y a done la , et
nous le disons depuis des siecles, une ressemblance , et une
ressemblance legere de composition; mais aucun raisonne-
ment ne nous persuadera qu'il y ait unite de composition,
lorsque ce vestige de bassin ne porte aucun des autres os de
l'extremite posterieure. *
En un mot, si par unite de composition on entend identity,
ondit une chose contraireau plus simple temoignage des sens ;
si par la on entend ressemblance , analogie , on dit une chose
vraie dans certaines limites, mais aussi vieille dans son prin-
cipe que la zoologie elle-meme , et a laquelle les decouvertes
les plus recentes n'ont fait qu'ajouter dans certains cas des
traits plus ou moins importans, sans rien alterer dans sa na-
ture.
Mais en reelamant pour nous, pour nos predecesseurs , un
principe qui n'a rien de nouveau nous nous gardons bien, et
c'est en quoi nous diffcrons essentiellement des nnturalistes que
nous combattons, nous nous gardons bien de le regarder comme
principe unique : au contraire , ce n'estqu'un principe subor-
donne a un autre bien plus eleve et bien plus fecund, a celui des
is CONSIDERATIONS
conditions d'cxisteuoe, de la convenance des parlies, de leiu
coordination pour Le role que 1'amuial doit jouer dans la
nature; voila lo vrai principe philosophique d'ou decoulent
la possibility tic certaines ressemblances, L'ioapossibilite dc
i citaint's aulrcs ; voila lc principe rationncl d'ou celui des
analogies de plan ct de composition sc deduit, et dans lcqucl
en meme tcins il trouvc ccs liniites que Ton vent mccon-
naitrc.
Mais telle observation nic menerait trop luin ; je la repren-
drai dans un autre moment; je reviens a moil sujet. Tout ce
(pie jc viens de dire sur le plan et la composition etant pose,
el jc le repete, cela est convenu et pose depuis Aristote ,
depuis deux mille deux cents ans, les naturalistes n'ont autre
(hose a faire, ct ils nc font en eflet pas autre chose que d'exa-
miner jusqu'ou s'etend cettc ressemblance , dans quels cas el
snr quels points die s'arrete, ct s'il y a des etres on elle se
reduise a si pen de chose que l'on puissc dire qu'elle y finil
lout-a-fait. C'est l'ohjet d'une science speciale, que Ton
iionunc ranatomic comparee, mais qui est loin d'etre une
science modernc, car son auteur est aussi Aristote.
Dans la nouvelle edition de mes Lecons d'anatomie compa-
ree que je prepare, excite par le desir de reduire a de justes
homes ce qui a etc dit vaguement sur ce sujet, je considere-
rai hcaucoup les animaux sous ce point de vue; j'aurai soin
d'y profiler de toutes les decouvertes recentes qui elablissenl
des analogies nouvelles, mais j'aurai un soin non nioins grand
de marquer les limites de ces analogies , et de prevenir contre
les conclusions trop generates que l'on voudrait en tirer.
Je prendrai la Iiberte de soumettre de tems en lems quel-
ques chapitres de ce travail a l'Academie ; mais aujourd'hui
jelui demande la permission de lui offrir seulement quelques
considerations sur leseephalopodes, sujet que je suis fort hcu-
rcux d'avoirvu choisir par notrc savanl confrere, car il n'en
est aucun on l'on puisse voir plus clairement ce que les prin-
i apes en discussion ont de juste, et ce qu'ils ont de vague et
d'exa&ere.
SDR LES MOI.LllSQUES. iS
Supposez, nous a-t-il dil, qu'un animal vertebre se re-
plie a Pendroit du nombril en rapprochant les deux parlies de
son cpinc du dos , coinme certains bateleurs, sa I etc sera vers
ses pieds, et son bassin derriere sa nuque ; alors tous ses vis-
ceres seront places inutueliement comme dans les cephalo-
podes; et, dansceux-ci, ilsle seront comme dans les vertebres,
ainsi ployes. Cettepartie, qu'a cause dc sa couleur brune vous
nppclicz le dos, repondra a la moitie anterieure du ventre; 1"
loud du sac repondra a la region ombilicale; ce que vous ap-
pelicz le devant du sac sera la moitie posterieure ou inferieure
du ventre; cctte machoire plus saillante que vous preniez
pour Tin ferieure sera la superieure ; tout rentrera dans Por-
dre; unite de plan, unite de composition, tout sera de-
mo nt re.
Je dirai d'abord que je ne connais aucun naturaliste assez
ignorant pour croire que le dos se determine par sa couleur
foncee, ou meme par sa position, lors des mouvemens de
1'animal ; ils savent tous que le blaireau a le ventre noir et le
dosblanc; qu'une infinite d'autres animaux, surtout parmi
les insectes, sont dans le meme cas; ils savent qu'-ine infinite
de poissons nagent sur le cote ou le dos en bas , et le ventre
en haut.
Mais ils ont, pour reconnaitre le dos, un caractere plus
certain : e'est la position du cerveau; dans tous les animaux
qui en ont un il est en dessus , et Poesophage et le canal in-
testinal sont en dessous; notre savant confrere lui-meme Pa-
vait fait remarquer dans un de ses anciens Memoires; e'est la
pour nous, comme pour lui, le vrai criterium, et non pas one
puerile remarque sur les couleurs.
Partant de la, j'ai pris d'une part un animal vertebre ; je
l"ai ploye comme on le demandait, le bassin vers la nuque ;
j'ai enleve tous les tegumens, d'un cote, pour bien montrer
en situation ses parties interieures ; d'autre part, j'ai pris un
poulpe; je Pai place a cote de Panimal vertebre, dans la po-
sition indiquee, et je me suis rendu compte de la situation
respective de ses organes.
i.» CONSIDERATIONS
Los ebauches tres-grossierea que jc mcts sous los yeux dc
I'Academie pourront faire saisir lcs details comparatifs ou je
vais enlrer, aux persoaiies qui n'ont jamais observe ccs
animaux par clles-memes.
Dans ees csquisses, le systeme nerveux est colore en jaunc,
l'arteriel en rouge, le veineux en bleu, le canal intestinal en
bran, le l'oie en vert, les organes genitaux en blanc; les or-
ganes respiraloires sont blancs, piquetes de rouge.
II est vrai que, dans cette position, la machoire la plus sail-
lante du poulpe repond a la machoire superieure du mammi-
fere ; mais, pour en conclure que c'est la machoire superieure
du poulpe, il faudrait que le cerveau ffit place vers l'enton-
noir, comme il Test dans le mammifere vers la nuque. Or,
c'cst tout le contraire , le cerveau du poulpe est vers la face
opposee a l'entonnoir.
Voila deja un terrible prejuge contre l'idce que l'entonnoir
est un bassin replie contre la nuque.
Mais continuous.
Pour que ce cote sur lequel se replie l'entonnoir ffit le cfite
de la nuqu^, il faudrait encore que l'oesophage passat cntrele
coteet le foie, comme on le voit dans le mammifere ; mais
c'est encore tout le contraire; il passe du cote oppose, du
rule que nous appelons dorsal.
Pour qu'il y eut analogie dans la position du coeur et de 1'or-
gane respiratoire, il faudrait qu'il ffit, comme on le voit dans
Ic mammifere, au-dessus du diaphragme, du foie ct de l'esto-
mac;ce qui le porterait du cote que nous appelons dorsal,
mais que l'hypothese appelle ventral.
C'est tout le contraire : les branchies ct le cceur sont plus
loin de la tele que le foie et l'estomac, et au-dessus de cettc
pai lie que Ton a voulu appeler diaphragme, et ou l'on a mumc
i herche a voir des piliers analogues au psoas, piliers qui ne
sont autres que les muscles de l'entonnoir, deja decrits dans
mon Memoirc sur les poulpes.
Pour(pi'iljr cut analogic dans la position des gros vaisseaux,
il faudrait que la principale veine et la principale arterc mar-
SHR LES MOLLLSQUES. i5
chassent ensemble lc long du mcrae cote on serait le ccrveau.
Cela est vrai pour l'artere, dans le sens ou nous prenons les
visceres du poulpe ; mais e'est tout le contraire pour la veine;
elle marche prccisement du cote oppose ; en cela elle se con-
formcrait aux vues des nouveaux auteurs; mais on ne pent
regarder la veine comme un regulateur preferable au cerveau,
a l'artere, a l'cesophage, au foie et aux branchies; la situation
opposee ou elle se trouve est seulement une preuve plus pal-
pable qu'il ne peut pas y avoir identite de plan.
Pour qu'il y eut analogie dans la position des organes de la
generation, il faudrait qu'ils fussent dans la partie repliee sur
la nuque , et adosses a la portion de ce repli qui reviendrait
sur la partie dite dorsale par les auteurs.
C'est tout le contraire , ils sont dans le fond de la bourse ;
immediatement enveloppcs parle sac; dans la partie qui, dans
1'hypothese, repondrait au ventre et meme au nombril.
Pour qu'il y eCit analogie dans Tissue des organes genitaux,
il faudrait que leurs orifices fussent voisins de l'anus, soit en
avant comme dans les mammiferes, soit a ses cotes comme
dans les poissons.
Point du tout, dans les femelles du moins, il en est tout au-
trement : les oviductus s'ouvrent fort loin de l'anus, et pres
des branchies.
Je ne parlerai pas des reins , ni de la vessie, qui n'existent
pas dans les cephalopodes, ou que Ton ne croit dii moins re -
trouver dans le tissu spongieux qui communique avec les
veines que par une hypothese sans preuves.
Voila des demonstrations plus amples, plus abondantes qu'il
ne faut , pour, montrer que le probleme de l'analogie de plan
entre les cephalopodes et les vertebres n'est pas encore rescdu.
En voila en meme terns assez pour prouver:
i° Que le cdte brun, qui est celui du cerveau, est le cdte
dorsal;
2° Que la mandibule la plus saillante du bee, celle qui
embrasae l'autre, repond a la mAchoire inferieure.
On en a une preuve de plus dans la position de la langue,
,(i CONSIDERATIONS
qui ert But oetto mandibute, el dans BeBe dy pharynx, qui est
sous rautrc.
.">' Ou'il serait plus facile d'ctablir quclque analogic de si-
tuation, an supposant 1'animal ploye en sens inverse de celui
de I'hvpotlicse ; car alors le cerveau, 1c foie, l'cesophage, les
esterases, la grande artere, resteraient dans la memo position
respective que dan? les vertebres; mais les occurs, la vcine ,
les branchies, les organes de la generation seraient toujours
autrement disposes, et le probleme ne serait pas encore
rcsolu.
.!<• vais plus loin : je dis qu'il est impossible qu'il le soit eu
entier.
Les cceurs et les branchies, ces organes si importans, tou-
jours en rapport avec l'cesophage dans les vertebfes, en sonl
ioi a une grande distance , et sans aucune connexion.
II en resulte necessairement une toute autre direction dans
les vaisseaux.
En effet, la grande veine est d'un cote oppose a la grande
artere.
Au lieu d'une veine unique entrant dans une oreillette uni-
que, la veine ici se parlage en deux, pour donner dans deux
ra'urs bianchiaux, qui font l'office du cceur branchial unique
des poissons.
Le cceur aortique qui manque aux poissons est ici prononce
coranie dans les animaux a sang chaud, mais il est entierement
separe et meme assez eloigne des coeurs branchiaux.
L'aorte, qui, dans les vertebres, nait toujours dans la poi-
trine, soit dessus l'cesophage, comme dans les poissons, soit en
le contournant, comme dans les animaux a sang chaud , nait
ici dans le fond du sac , au point le plus oppose a l'ceso-
phage ; en sorle que ses rameaux les plus eloignes, qui, dans
les vertebres, sont ceux de l'extremite postcrieure, sont ici
precisement ceux de la tete.
Or, comme le plan d'un animal depend essentiellement de
la distribution des vaisseaux qui portent a ses organes la nu-
trition el la vie, on pcut d priori soulenir que riderttite de
SUR LES JUOLLUSQUES. 17
plan des cephalopodes et des vertebres ne se demontrera ja-
mais que tres-partiellemenl.
Un autre element generatcur du plan des animaux, plus
essentiel peut-etre encore que leurs vaisseaux, c'est leur sys-
teme ncrveux. ' '
Or, comment vcut-on qu'il y ait ici la moindre analogic?
Le cerveau est enferme dans une cavite de l'anneau carlila-
gineux, qui sert de base aux tentacules; il fournit en avant les
nerfs de la masse buccale, puis une expansion qui occupe le
cote de l'anneau cartilagineux, et donne les nerfs des grands
tentacules. De la base de cetle expansion nait le filet qui se
renfle pour Former lenonne ganglion de l'ceil ; une autre
branche se renfle un pen plus loin en un ganglion, d'ou les
nerfs du sac partent en rayonnant; une troisieme, jointe a sa
correspondante , descend dans I 'abdomen, et se distribue aux
visceres ; un petit filet va a l'oreille. #
II n'y a pas la moindre trace d'une moelle epiniere, ni de
ces nombreuses paires de nerfs qui en sortent si reguliercment
dans les vertebres : aussi n'y a-t-il ni epine du dos, ni aucune
des paires de membres ou des paires de cotes qui s'y rat-
tachent.
Ce qui a fait illusion aux jeunes auteurs du Memoire, c'est
la position de l'oreille du cote de l'anneau cartilagineux op-
pose au cerveau. Comme dans les vertebres l'oreille est vers
1'arriere de la tete, ils ont cru qu'elle marquait la nuque; mais
l'oreille, dans les vertebres, n'est pas seulement a 1'arriere de
la tete : elle est aussi sous cette arriere,sous le cerveau ; dans
le poulpe elle est placee de meme, puisque cette partie de
l'anneau est l'inferieure : seulement, les deux oreilles, au lieu
de rester simplement aux cotes de l'cesophage, descendent
plus bas, et Pembrassent en dessous ; mais c'est toujours
en dessous qu'elles sont.
Cc que je viens de dire du systeme nerveux me ramene
a la composition des cephalopodes. Ils ont done, comme nous
l'avons dit , un cerveau enferme dans une cavite a part, des
t. xtvi. avbil i83o. u
iK CONSIDERATIONS
yeux, des oreilles, un bee forme de deux mandibules, une
langue, des glandes salivaires, tin oesophage , un gesier, un
second estoinac. un canal intestinal, un foie, des branchies,
del cceurs, des arteres, des veines, des nerfs, des organes des
deux sexes j ovaires, testicules, oviductus, epididimes, verge,
toutes choses qui leuf sont communes avec certains verte-
brcs, mais tout cela autreiuent dispose, presque toujours au-
Irement organise.
Rn meme terns ils manquent de tousles osdu crane, de tous
( cux de la face, de vraics machoires, de dents, de tousles os de
I'appareil hyoi'dien et de I'appareil brancbial, de toutes les ver-
tebres, de tous les os des extremites, des cotes, du sternum,
des muscles adherens a toutes ces parties, de la moelle epi-
niere, de tous les nerfs qui en sortent, du pancreas, des reins<
de la vessie.
En meme terns encore, ils out beaucoup de parties donl il
n'y a nulle trace dans les vertebres; un appareil niusculairc
tout different, et approprie a leur forme si extraordinaire ; sou-
^ eat une coquille d'une structure singulierement remarquable,
et dont aucun vertebre n'offre le moindre ve9tige ; un organc
excrementitiel, qui produit cette liqueur noire, connue sous
le nom d'encre de seiche ou de sepia; un appareil spongieux
ou glanduleux, qui communique directement avec leurs veines
par une foule d'orifices.
Ces tentacules memes, que Ton a voulu comparer aux bar-
billons des poissons, ne leur ressemblent ni par l'organisation,
ni paries connexions.
Leur complication est prodigieuse ; des nerfs renfles d'es-
pace en espace en nombreux ganglions, fournissant d'innom-
brables filets, des vaisseaux tres-prononces divises aussi en
innombrables rameaux les parcourent et les animent. Des
ventouses d'une structure admirable leur fournissent une ar-
murc d'un genre unique. Enfin, le principal barbillon des
poissons n'est qu'un prolongement de leur os maxillaire, et
les tentacules des ccphalopodes nc sont pas meme attaches
SLR LES MOLLUSQUES. ,})
au bee qui, sans representor absolument les machoires , en
remplit cependant les functions.
Je le demande maintenant : comment avecces nombreuses,
ces enormes differences, en moins d'un cote, en plus de
l'autre, pourrait-on dire qn'il y a entre les cephalopodes et
les vertebres identitede composition , unite de composition , sans
detourner les mots de la langue de leur sens le plus mani-
feste ?
Jeramenetous ces faits a leur veritable expression, en disant
que les cephalopodes out plusieurs organes qui leur sont
communs avec les vertebres, et qui remplissent chez eux des
fonctions semblables ; mais que ces organes sont autrement
disposes entre eux, souvent construits d'une autre maniere ;
qu'ils y sont accompagnes de plusieurs autres organes que les
vertebres n'ont pas, tandis que ces derniers en ont aussi de
leur cote plusieurs qui manquent aux cephalopodes.
J'avoue qu'en disant cela, je nc dis autre chose que ce qu'onl
dit beaucoup d'autres avant moi; mais, si je n'ai pas le merite
delanouveaute, je me flalledu moins d'avoircelui de la verite
et de la justesse, et celui de ne point enibrouiller 1'esprit des
commencans, par des expressions noa definies qui semblent,
dans le vague qui les enveloppe , presenter un sens profond,
mais qui, analysees de pres, ou sont enlierement contraires
aux faits, ou ne signifient que ce que Ton a dit de lous les
terns avec plus ou moins de detail dans l'application.
Dans mes communications suivantes, j'examinerai plusieurs
autres principes , plusieurs autres lois annoncees par divers
naturalistes; mais, pour que ces lectures ris se bornent pas a
des questions metaphysiques, j'aurai soin qu'elles se rat-
tachent toujours, comme telle d'aujourd'hui, a quelques de-
terminations de faits dont la science puisse tirer un parti phis
solide que de ces oiseuses generalites.
Nota. Le ,M»';moire qui precede, et que sou illustre auteur a bien voulii.
ous communiquer, a paru devoii intcresser vivement uos lectcurs par
ao OBSERVATIONS
lea liaules consideration* pliilosnpliiqiics qui s'y tiouvcnt exposecs. II a
donne lieu a une discussion Ircs-animcc enlrc deux savans qui onl egale-
ment dca droits a 1'eslime publique cl 4 la reconnaissance de tout les
amis des sciences. II ne saurait entrer dans Ic plan do notre Recueil de
reprodnire dans Ions ses details one discussion poremeril scientifiquc et
leclinique; niais nous avons cm juste et convenable de placer iniine-
diateiuent a la suite du Mcmoirede M. Cuvier le precis de la repliquc
laile par M. Gcoflroy-Saint-IIilaire (que nous nous lionorons de compter
parmi nos collaborateurs), afin que la vue generate qui preside a ses ob-
servations puisse etre appreciee.
N. d. R.
Observations sur tc Memuirc, precedent , par M. Geoffroy-
Saint-Hilaire.
i\I. Geoflroy- Saint -Hilaire a repliquc a pcu pros en ces
te lines :
«J'avais cru epuisee la susceptibilite que M. le secretaire
perpetuel, baron Cuvier, avait montree dans la dcrniere seance.
Cbacun ici , et moi plus particulierement, nous avions cru
IM. Cuvier ramene par ma concession faite avec tout l'abandon
d'une franche amitie. Malheureusement il n'en est rien. Le
uuage cleve entre nous n'est done point dissipe : e'est la pour
moi n n juste sujet d'aflliction et de regrets. Mais, d'ailleurs,
je ne puis me defendre d'une certaine satisfaction, quand je
vois mon savant confrere aborder enfin de graves ques-
tions que chacun de nous a jusqu'a present comprises diffe-
remment , et sur lesquellcs il me parait utile que nous nous
expliquions.
» Je ne suis point prepare pour traiter, ex abrupto , loutes
les questions qui viennent d'etre soulevees, et je me conten-
lerai aujourd'lnii de presenter brievement quelques rcmarques
prcliminaires :
a 1°. J'applaudis a la demarche de M. Cu\ ier, laquelle tend
SIJH LE MEMOIRE PRECEDENT. 21
a ramener les jours brillans tie l'ancienne Academie des scien-
ces , ou tous les sujets eleves de nos connaissances etaient
reproduits successivement et eclaires par vine discussion ap-
profondie.
« 20. Sur le fond de Pargunreritatfon , je n'abuserai pas
long-lems aujourd'bui de la patience de l'Academie. J'y aper-
cois deux cbosesdislinctes, deux questions; l'une, qui concerne
deux jcunes savans qu'il m'avait paru utile d'encouragcr, el
l'autrc, qui me regarde personncllement.
» Premlcrement : MM. Laurencet et Meyranx auraient-ils
devance de beaucoup I'heure propice pour ramener les mol-
lusques aux faits generaux de la science? Par leur idee nou-
velle et ingenieuse, comprennent-ils mieux, en effet, que leurs
devanciers, doivent-ils i'aire mieux comprendre l'organisation
de ces animaux? Ce soin les regarde, et je leur laisse toute
cette responsabilite, c'est-a-dire, tous les devoirs, les dangers,
mais aussi la gloire d'unc rcplique a produire. Quant a moi,
je les ai loues setilement d'etre entires courageusement dans
une nouvelle voic de rechercbes , d'avoir demande a une
comparaison approfondie des organismes de nouveaux rap-
ports.
» C'etait justice, et je m'applaudis de la leur avoir faite
bonne et eclatante : car je crois toujour* qu'il y a du merite
dans leur vue piincipale. Satis le moindre doute, il y a en de.
ma part vive preoccupation d'esprit, mais non entrainemcnt
et legcrete.Les considerations dont je ne puis memo a present
medegager sont que de grands et important organcs existent
aussi-bien cliez les mollusques que cbez les poissons, qu'on
leur y donne le me me nom, pane qu'ils y alTeclent des for-
mes seinl)lab!es et y remplissent des fonctions identiques. Que
plusieurs renseignemens, non encore donnes par le progres
des etudes pbilosopbiques, manquant toujours, ces points de
ressemblance n'en sont pas moins des rapports averes. Or, que
conduce d'eux el ayec eux ? C'est , je ne me defends pas de le
dire par pressenliment. dome decider lout-a^fai'l d priori, c'est
que ces organes scmblables ne pcuvent so rencontrer chez les
■22 OBSERV. Sim LE MKM. PRECEDENT.
mollusques dans un contrc-sens manifesto les uns a regard des
autres, pour y donner le spectacle d'un autre sysleme de
composition animalc, pour produire ce resullat, impossible
suivant moi , d'unc harmonic parfaite, quant aux fonctions,
causae par un desordrfi dans Passociation d'organes dont la
structure ellc-mcme ne s'ecarte en rien des regies de forma-
tion. J'ai done dit, dans moil Happort, et je persevere dans
cette opinion, que je vois plus de chances pour la probability
qu'un jour les mollusques seront ramenes dans une niesurc
quelconque a l'unite de composition, qu'en faveur de la con-
clusion qu'on n'y reussira jamais.
<■ Deuicicmemcnt : L 'argumentation attaque dircctcment lc
fond de ma doctrine, les questions de l'unite de composition
organique. Ne serait-ce effeetivement , comine cette attaque
le donne a entendre, qu'une de ces fausses doctrines, produit
fucheux de propositions illusoires, de chimeres pretendues
philosophiques, tclles que Tabus dans l'emploi des bonnes
choses en fait si souvent eclore? Ccci me concerne unique-*
ment, et j'en prendrai personnel lenient soin. On sait que e'est
le reve heureux on malheurcux de ma vie scientifique. La ont
about] toutes mes recherches, les travaux de quarante annees
entrepris avec courage et poursuivis avec perseverance. Voila
ce qu'il sera.it regrettable d'avoir fait sans fruit. Mais je n'en
suis pas encore redu.it a ce point. Les paroles que je viens
d*ouir n'ont en rien ebraule ma conviction. C'est lout ce que
je puis me permettre de dire en ce moment. Je defendrai ce
qui est propre a ma doctrine autrement que par cette allega-
tion, et je le fcrai par un Memoire, que je me flatte d'apporler
incessamment. »
Nota. La Revue Encyclopediquc, qui s'etait empressee de publier les
idees de M. Geoffrov-Saint-Hilaihe, a salisfait a un sentiment de jus-
tice, en faisant aussi connaitre les doctrines contraires de M. le baron
Cuvieh.
M. ledocteur Paiiset a present 6 (voy. Rev. Enc, t. in, pag. 32 (juillel
1819), l'expose des principes generaux et des doctrines de M. (Sebflroy,
M. Flourcns a insure depuis, dans le meme Reciieil ( t. v, page 219,
I'evrier 1820), un article doni le dernier paragraphs contient eelic
DE REGIME PEMTENTIAIRE. a3
conclusion : o La marclie philosophique imprimee desormais a celte
science (['analomie comparative) en rendra facile one application directe
et rigoureuse , et M. Geoffrey lui aura acquis tous les genres de perfec-
tion, car il I'aura generalisee et popularisee » .
Enfin, M. Frederic Guvicr (t. xvi, p. 246, fevrier 1820) a aussi insiste
sur la nouveaute et l'utilite des idees de la Philosophic analomique. Aujour-
d'hui, que se realise!) t des evenemens qu'il previt des 1820, et dont il s'ef
forcait des-lors d'adoncir l'amertume par des consolations et des consi-
derations elevees, M. Frederic Cuvier se trouve avoir vraiment fait en-
tendre des paroles prophetiques.
Cette polemiqne entre M. le baron Cuvier et M. Geoffroy-Saint-Hi-
laire a ete contiouee, tous les lundis du mois de mars, devant I'Aca-
deroie des sciences; uiais celui-ci l'a terminee, leoavril, par uneanuonce
sous forme de prospectus. « Continuer davantage notre ltitte passionncc,
a dit M. Geoffroy, ce serait amener plutot le decri de la science que le
triomphe de la veiite. Cependant on aurait dit a tort que quelques con-
cessions, evitant la confusion de termes mal definis, resoudratent plu-
sienrs questions. On se trompe en cela, continue M. Geoffroy dans son
prospectus distribue a ses confreres; il y a au fond des cboses tin fait
grand, essentiel, vraiment fondamental, dormant tine ame a l'liistoire na-
turelle, et appelant des-lors les generaliles de cette science a devenir la
premiere des pbilosophies. »
M. Geoffroy-Saint Hilaire publiera, par Iiviaispr.s, tonics les questions
soulevees et controversies dans le sein de 1'Academie. La premiere li-
vraison est sous presse, et paraitra prochainement cbez MM. Pichon et
Didier, quai des Augustins, n" 4/-
DE L'EMPRISONNEMENT SOLITAIRE
AUX ETATS-UN1S (1).
( Solitary confincmen t. )
L'einprisoniienient solitaire a souleve entre les publicises
de l'Ainerique et de l'Europe meme ttne polemiqne vive et
(1) Cet article est extrait de la conclusion generate de 1'ouvrage de
M. Charles Lucas sur le Syslimc penitcntiaire en Europe et aux Elals-
I'nis. Cette conclusion, annoncce dans le second volume qui \ient de
paraitre, est sous presse pour ehc publiee dans quelques jmjis.
a4 DU REGIME PENITENTIAIRE.
animee dans laqucllc on noussemblc avoir bcaucoup exagerir
de part ct d'atitre les bons commc les manvais cffets de ce
svsli me Ce qui a fail aussi anx partisans de cot empri-
sonnement solitaire, comme a scs adversaires, franehir les
bornos du vrii . e'est que les uns et les autres n'ont point
adniisunc distinction essentielle entre l'empi isonnement soli-
taire considere comme punitioi; disciplinaire et comme cba-
tinient juridique. Des lors, le tort des nns a ete d'etendre a
l'usagc disciplinaire de cet emprisonnement les dangers uni-
quement attaches a son emploi juridique, et celui des autres
d'etendre a son emploi juridique l'efflcacile exclnsivement
reservce a son usage disciplinaire. D'un cote, en effet, les de-
fenseurs dc i'emprisonnement solitaire, ainsi que nous le
verrons, le presentment comme un chatiment qui, parson eifi-
cacite universelle, resout a lui seul le probleme du systeme
peniter.tiairc et doit en etre la base. D'un autre cote ses ad-
versaires gcneraliscnt egalcment leurs graves reproches et
leurs violentes recriminations. William Roscoe, de Liverpool,
un des criminalistes les plus eclaires de 1'Angleterre, mais
aussi l'un des adversaires les plus decides de I'emprisonne-
ment solitaire, s'exprime ainsi (1) : « Ce mode de chatiment,
le plus inbumain que la cruaute d'un tyran ait jamais invente,
est une atteinle p'ortee a la destination de notre nature, une
violation direcle des premiers principes du christianismc. » Et
plus loin il dit, en parlant du eondamne ainsi detenu : «Qu'il
epuisera tons les genres d'infortune, el qu'il terminer a ses
joins dans une accumulation de souffrances que la nature
humaine ne pent supporter. »M. Roscoe cite, a 1'appui de son
opinion, celle du general Lafayette qui declare q a' adopter ce
systeme <t emprisonnement, e'est /'aire rcrirrc ct rcmettrc envi-
gueur tecode inluiinain d'un siccte d' ignorance ct de barlxwie (2).
Le langage de la defense et de 1'attaque offre dc part et d'autre
(1) Roscok, stir la Discipline ponitcntiaire. Londres, 1S2-; pag. ?4 ct 26.
(7.) Lcllrc <lu general Lafayette, cilec dans la brochure dc Roscoe ,
page 5 1.
DU REGIME PENITENTlAIPvE. a5
un sens trop general et trop etenduqui presupposerait a I'em-
prisonnement solitaire an plus haul degre cette egalite d'in-
fluence qui est la vertu qui lui manque precisement le plus.
Avant meme d'interroger les faits que nous laisserons bientot
parler, il suffit, a ce qu'il nous semble, de jeter les yeux sur
la nature humaine et les conditions sociales pour y apercevoir
des differences de caractere et de position qui font nccessaire-
ment de la solitude un chatiinent tres-inegal. Etpour s'en tenir
uniquenient a ce point de vuc sous lequel Pioscoe et Lafayette
ont envisage I'emprisonnement solitaire, c'est-a-dire son in-
fluence sur l'espril on le moral des detenus, toutes ces nuances si
tranehecsde constitution, d'education,d'habitudes, demceurs,
qui modifient si differemment la scnsibilite morale , ne laissent
pas assurement tons les homines egalement accessibles a la
honte, au remords, et a toutes ces souffrances morales qui
sont subordonnees a tant d'antecedens d'organisation liu-
maine et "de position sociale. Sans doute l'homme doue par
la nature de cette scnsibilite active qui s'est ensuite develop-
pee par toute la puissance de l'education, cet homme vivant
seul dans sa cellule solitaire avec ses pensees, ses reflexions
et ses remords, eprouverait des tortures morales auxquelles
la douleur materielle ne saurait etre comparee. Mais est-ce
parmi ces bommes d'une education recherchee que se recrute
la population des prisons, et faul-il prendre la son point de
depart pour juger de l'infiuence de I'emprisonnement solitaire
sur la masse des condamnes ? Cette masse est-elle donee d'une
sensibilite bien exquise et d'une conscience bien active ? « Cette
population des prisons se compose, en general, observent avec
justesse les redacteurs du Code penal de Pensylvanie, d'hom-
mes dontle sens moral est emousse parunelongue habitude du
vice, a qui il arrive rarement de se retracer les doux souvenirs
des relations domcstiques, et qui regardent une laborieuse in-
dustrie, sous toutes les formes, comme le plus dur des cha-
timcns. »Delivre de toute occupation iudustrielJe, le detenu,
s'il est d'un esprit luurd et apathrque conime il s'en rencontre
taut dans ces classes iguorautcs et nii-'iables qui peuplent les
•iG DU REGIME PENITIvNTIAIRE.
prisons, oe sera gin're moraleinenl affecte de cclte oisivete
accompagnee de .solitude. On ue peut concevoir, en effet, com-
bien de circonstanccs tide choses les plusinsignifiantes feront
naitre pour lui des occasions de distraction et d'amusenient
mt'ine. Ajoutcz-y rinnucncc de l'babitude, cet agent tout
puissant pour le mal comme pour Ie bien ; et vous senlirez
qu'un pared esprit sera bientot familiarise avec la inonotonic
de la solitude.
Si le detenu, au contraire, est un de cesespritsactifs et en-
treprenans qui se rencoutrent malheureusement dans la car-
riere du vice comme dans toutes les autres, son imagination,
non preoccupee par quelque travail industriel, s'attachera a
combiner quelques plans d'occupation future et de procbaine
evasion. « Pendant tout le tems de mon emprisonnement dans
le donjon solitaire d'Olmutz, nous dit le general Lafayette (i),
toutes mes pensees se portaient sur un seul objet, et ma tete
etait remplie de plans tendant a revolulionner 1' Europe. »
Et il ajoute, en faisant allusion ausysteme d'emprisonnement
solitaire que Ton se proposait de mettre en pratique dans la
uouvelle prison pres de Philadelphie : « Je crois que le voleur
i'era de meme, et il rentrera dans lasociete la tete remplie de
plans qu'une occasion si favorable lui aura permis d'ima-
giner. »
Rien n'est done plus faux que de generaliser 1'influenre de
Pemprisonnement solitaire comme impression morale sur
Pesprit des condamnes, etd'en fairc ainsi un theme de decla-
mations pour ou contre ce systeme. On pourrait cependaul
admettre un cas exceptionnel peut-etre. II est, en efl'et, des
impressions qui tiennent moins aux degres divers de la civi-
lisation qu'aux inspirations communes de la nature, et qui dtss
lors doivent agir sur tous les hommes avee un certain
caractere de generalite. C'est ainsi que les directeurs du
penitentiaire de la Virginie declarent , dans leur rappoi'l
a la legislature de decembre 1825, « que depuis que la
(i) Lelli'c dirja ctlee.
DU REGIME PENITENTIAIRE. 27
facuite de faire grace a etc enlevee au pouvoir execulif, il n'y
a pas d'exemple qu'un convict, condainne a vie, ait survecu
a Pattaquc d'une maladie. Cette attaque a cte fatale dans tous
les cas. » C'est que Pcsperance n'est point line conquete de
la civilisation, mais un don de la divinite, une condition de.
notre existence, un besoin de notre nature, et qu'il n'est ainsi
aucun homme, quel qu'il soit, qui puisse echapper aux lour-
mens du desespoir. Eh bien, nous croyons qu'il faut en dire
autant de la souffrance des remords que certains crimes sou-
leventdans l'ame humaine! Si les acquisitions et les habitudes
de Peducation mettent autant de distance parnii les hommes,
et modifient d'une maniere si differente leur sensibilite, du
moins il est des notions primitives dans l'intelligence et le
sentiment desquels tous les hommes se rapprochent et s'ac-
cordent dans quelque condition sociale qu'ils soient nes. Or ,
il est des crimes qui revoltent tellement ces notions et ces
sentimens de convenance, qu'il n'est pas d'ame humaine,
apres le moment de l'effervescence de la passion, qui n'en
soit profondement et cruellement troublee, et qui, des lors,
ne soit epouvantee de se trouver dans la solitude, en face de
ses reflexions et de ses remords. C'est pour les grands crimes,
en eflVt, que la solitude devient une peine morale terrible
pour tous, et pire pour Passassin que la mort meme. Mais en
dehors de cette sphere, dans tous les autres cas ou l'ame hu-
maine n'a pas ete assez ebranlee pour absorber toule Patten-
lion du coupable dans la pensee de son crime et en faire Pidee
fixe de sa solitude, il ne faut croire a PefTicacite du solitary
confinement que dans son einploi purement disciplinaire, ainsi
que le prouve Pexpose de son histoire et de ses effets dans les
penilenciers des Etats-Unis.
Charles Lvcas,
■=®^^c=
II. ANALYSES D'OUVRAGES.
SCIENCES PHYSIQUES ET INATURELLES.
STATISTIQUE.
kipport sur les institutions de bienfa1sance du royaiuue
(des Pays-Bas); 1827 (1).
Kapport svr l'etat TtES ecoles scperievres, moyennes ET PRl-
MAIRES; 1827 (2).
Nous avons insure dans ce rccueil (voy. Rev. Enc, t. xxxvi,
deecmbre 1827, p. 5ofi ) un article sur le mouvement de la
population dans le royaume des Pays-Bas. Les documens sta-
tistiques que nous offrons lei peavent etre considercs eomme
y faisant suite : nous les avons extraits des deux Rapports que
le ministre de Pinterieur presente annuellement aux Etats-
generaux sur l'etat de Pinstruction el sur les institutions de
l>ienfaisance, et nous y ajoutons quelques aulres details que
uou- avons cu Poccasiou de recueillir a des sources tres-au-
tlientiques (5).
Comme notre premier article fait connaitre Petendue et la
population des provinces pour 1824, nous croyons d'aulanl
plus inutile de repeter ces documens que l'on s'occupe d'un
nouveau denombrcment de In population, et que les opera-
(1) Braxelles, 1829; Weisseobruch, imprimeur <lu roi. In-8".
(2) Bruxellrs, 1S29; Weissenbnicli. ln-8".
(3) Reeherehes statistiques sur le royatuuc des Pays-lias, pur A. Qik-
tf.let, pour faire suilr aux Itccliarhcs sur la population, etc. Bruxclles,
1S29; Tarlier. In-S".
SCIENCES PHYSIQUES. 29
lions du cadastre ne sonl pas encore entierement achevees.
Des que ces deux operations importantes seront terminees,
nous nous empresserons d'en faire connaitre les resultats.
Nous nous bornerons a dire, pour le moment, que l'etendue
du royaume est evaluce a 6, 198, 107 hectares, dont 4,653,656
cultives, 1,283,765 incultes, 25, 751 batis, et 255,oo/ for-
mant des chemins et canaux.
D'apres les comptes rendus au roi, les depenses et les re-
cettes ont presente les valeurs suivantes, depuis l'organisation
du royaume jusqu'en 1827.
Exercices.
Depenses (1).
Recetles.
1816
116.774,402 ft.
i4o,o23,658fl,
1817
1 1 1,877,561
83, 4i6,654
1818
94,825,409
83,075,521
1819
92,361,408
80,933,971
1820
85,o3o,664
8o,472v34
1821
91,454,256
89, 3i 1,721
1822
gi,423,Co6
85,272,108
1820
93,922,428
96,150,985
1824
101,878,147
81,009,677
1S25
106,177,979
95,954,765
1826
112,116,749
io4,542,4i3
Or, en calculant la valeur moyenne des recettes pour la pe-
riode decennale qui a precede l'annee 1827, et, en la com-
parant a la population, on trouve qu'un individu payait une
valeur moyenne qui s'elevait a 14 florins 48 cents , valeur
qu'il faut augmenter de'42 cents, si Ton tient compte des re-
venus provinciaux.
Si nous passons maintenant a ce qui concerne Pinstruction,
nous observerons qu'elle comprend trois degres differens.
Les depenses faites pour V instruction primaire proviennent
soit du tresor de l'Etat, soit des fonds provinciaux, soit des
caisses communales; ces sommes ont ete respectivement de
516,361,92 fl. ; de 96,707,25 fl. , et de 1,006,501,07 fl.
(1) 10,(100 florins des Pays-Has font 21,164 f'r. 02 c.
5o SCIENCES PHYSIQUES.
Lc tableau suivant indiquc les sonimes partiellcs qui out cti-
I'tuiniies par les differences provinces; nous y avons joint le
nombrc des eleves qui frequentaient les ecoles primnires et
0t les colleges , d'apres les rapports des annces antericures.
FO.\l>9 KLKVES fc'l.TES
-tvns des caisscs des exoles dans
ociaux. coniniunales. primaiies. les college
Provinces.
Brabant septentrional 2,5oofl. 54,i9;fl. ^7,978 420
Brabant meridional 10,000 90,681 43,54i 779
Limbourg 3,5oo 53,33i 23,754 78a
Cucldre io,4o4 6i,383 33,i55 172
Liege 6,000 19,42a 25,533 634
FUnulrc orientate 8,800 34,234 55,872 274
Flandre occidental 5,ooo 50,669 57,122 256
Hainaut 4'000 60,762 60,437 1,263
Hollande septcntrionale. . . . 12,317 161, 5gj 4S,o48 221
Hollande meridionale io,o45 u4,8i6 50,175 225
Zeiandc 1 ,^91 55,268 ij,2of> 37
Namur 7)875 55, 206 22,978 455
jlnvers 2,000 36,761 3i,4oi 5^o
Utrecht 11,800 36,197 i5,66'6 119
Prise 200 55,826 26,933 121
Oiierysset 875 26,291 25,872 n5
Groningue » >4v27 21, 588 84
Drenthe » io,i55 8,899 2t>
Luxembourg » 55,178 34,904 5o5
Totaux 96,707 1,006, 5oi 633,859 7,o58
Quant aux eleves qui se trouvaienl dans les six universites
au 1" novembre 1827, et qui etaient inscrits sur les listes des
differentes facultcs ; en voici le tableau :
UNIVERSITES. rliltnsnpliir
Tlieologif. flinil. Medecine. Sciences. etLeU.es. Totiix.
Leydc i58 191 62 10 167 588 (1)
Utrecht 169 95 21 45 16S 498
(1) Dans le nonibre des eleves en medecine sont compris 22 jeunes
gens qui suivent en nienie lems les coins de cctte faculte et les coins
perparatoire*.
SCIENCES PHYSIQUES. Si
Groningue 92 68 29 i4 84 287
Louvain » i58 70 83 3;3 678(1)
Liege » «85 89 78 i54 5o6
Gand. » 207 i65 11 21 4°4 (2)
En comparant a la population le nonlbre des enfans qui
frequentent les e'cbles primaires, on trouve que nous en-
voyons aiix ecoles 100 enfans par 947 habitans. Sur 3,938
communes, il en restait neanmoins encore 684 sans ecoles,
en 1826. Le nouveau rapport annonce des ameliorations nom-
breuses a cet egard. Parmi les ameliorations qu'a recues
1'enseignenient, nous ne devons pas omettre de citer aussi la
creation d'un grand nombre de cours publics pour l'enseigne-
ment des sciences et particulierement de la mecanique indus-
trielle. II s'est organise egalement di verses institutions parlicu-
lieres pour l'industrie et le commerce. Depuis quelque tems
le gouvernement avait reuni plusieurs commissions pour
revoir les reglemens des universites et de l'enseigiiement en
general, et pour lui indiquer les changemens et les ameliora-
tions dont ils etaient susceptibles. Ces commissions ont pre-
sente leurs rapports, et un projet de loi sur Pinstruction est
sounds en ce moment a la discussion des Etats-generaux.
Les institutions de bienfaisance dans le royaume des Pays-
Bas sont peut-etre plus nombreuses que partout ailleurs; on
peut les classer sous trois litres differens ; savoir :
i° Les institutions qui accordent des secours ; — 20 les ins-
titutions qui ont pour but de diminuer le nombre des pau-
vres; — 5° les institutions qui tendent a prevenir l'indigence.
Les institutions qui accordent des secours sont ou locales ou
pour tout le royaume; voici les nombres relatifs aux pre-
mieres :
(1) Dans ce nombre sont compris 269 eleves du college philosophiquc.
(2) Dans le nombre des eleves en droit et en m6decine sont compris
'Tux qui se preparaient pour ces elu<les.
oi SCIENCES PHYSIQUES.
INKTITCTIOIVS
Pour secours Pour distribution De clini-ih-
a domicile. d'alimcns. materneUe. Hospicef.
Nombrcdes institutions.. 5,64o 47 6 7*4
Iiulii iitus secourus 755,621 ? i>557 4'w48
Frais d'administration... ;iG,63i (1. 2,23ill. 1 4,686 11. g5 i,5lS fl.
Secours de toutc cspicc... 4i99o,363 102,2111 » 3,2<)6,483
Rcvenus des proprietes... 3,017,670 886 1,578 2,931,024
Sou.icriptions ct dons. . .. » 76,oS5 9,3g2 »
Collcctcs 1,295,096 i,94G 4 > 9 46 '5797
Subsides des communes. . 1,464, |o3 24,S4S 3, 600 808,775
Subsides des provinces ou
dcl'Etat 5,270 » » 82,652
Sur 1,000 habitant des Pays-Bas, on en compte 122 a 120
qui recoivent des secours a domicile ; et pres de la moitie se
trouveut dans les villes. Les charges et frais d'administration
reviennent par individu a (1. o,g5, les secours a 6,(Jo.
Les societes qui distribuent des alimens et du chauffage
pendant l'hiver comptent 8,976 souscripteurset ont distribue
1,692,147 portions de sotipe, 22,847 livres de pain, 4^9 me-
sures de pommes de terre, etc.
Les six institutions de charite maternelle sont etablies a
Verviers, Gand, Harlem, Rotterdam, Leyde et Groningue.
Surles4i?74Siudividus secourus dans les hospices, 58,827
apparlenaient aux villes. Cette population se composait de
7,449 malades, i5,ooa vieillards el infirmes, et de 19,197
cnt'ans. Les charges et frais d'administration reviennent par
individu a 22,79 u-> ^es na's d'entretien et de nourriture a
78,96, en tout 101,75.
II existe aussi cinq societes qui ont fourni des secours u
2,460 pauvres honteux pour la valeur de io,3io 11.
Quant aux institutions pour tout le royaume, elks secom-
posent principalement de l'ho.spice militaire de Leyde et de
l'hospice de Messine ouvert aux lilies des militaires devenus
invalides ou moils au service de l'Etat. Ce dernier etablisse-
SCIENCES PHYSIQUES. 33
mcnt renferme 140 individus el a depense 21,200 fl. Le9 pre-
miers out secoui'H 2,178 individus au moyen de io8,3o2 fl.
Le tableau suivant presente des renseigncmens plus parli-
cuiiers relativement aux hospices et aux individus sccourus a
domicile pendant l'annee 1827.
SECOt/RS A DOMICILE.
PrOVIIVCFS. Indhfidua secourua. Drpensos. Population. Ilepenscs.
fJrabant septentrional 22,873 245,52gfl. fio6 72,002 fl.
Jlrabant meridional 113,690 392,795 kfi\Q 53?.,6o5
Limbourg 42,039 168,261 l,4ao no,oiS
Gueldre 20,575 254,289 1,275 181,799
Liege 55,648 1fi44.11 1,29s iG5,494
Flandre orient ale 72,148 385,187 3, 062 5n9,4on
Flandre occidcnlalo S4,6oo 3g7,'66 2,208 248,16,5
ILiinaut 104,220 539,375 3,646 28/f,8iS
lloUandc scptentrionalc. . . . S3,626 €81 ,4*4 7»854 778,738
Hollands meridionalc 44,5o9 1,009,801 4i3o4 555, 507
Zelandc 8,960 ?4U>323 699 QO,a44
Nanutr 25,642 48,iS2 1,263 87,820
Anvcrs 22>777 256, Si5 4>i3S 391,285
Utrecht 14,966 246,457 976 i46,354
Frise 19,467 4<)7,97i 'v5'9 i35,954
Overysscl. 7,065 ii2,oi3 789 8S,g2i
Groningue 8,345 214,758 i,5g2 1 59,765
Drcntlie 2,o4o 56, 157 161 8,68 1
Luxembourg . ■ a,45i 17,56S 292 20, 543
Totacx 755,621 5,706,895 4'v4S 4>a48,oo5
Lcs institutions dc bienfaisance dc seconde cspece, e'est-
a dire, cclles qui ont pour but de diminuer le nombre des pauvrex,
pcuvent etre classees de la maniere suivante :
nature DR9 INSTITUTIONS. Nomine. Iiidiv. secourus. Depenscp.
Ecolcsordinairesspecialespotirlcs pauvrcs. 16?. 56,g5o 257,88311.
oil t'on admet lcs patnres. 3,782 88,987 i55,i-i
graluilcs 2 5 1 26,555 ?
E coles dc Iravait 5o a , 5 1 4 2.5,287
t. xi/vi. Avait i85o. 3
:,, SCIENCES PHYSIQUES.
Alelkrsdc charile ->a 6,Sfio Brs8,&$
Depots dcmcndicilc 7 »■>[)& 2o4,(i>)S
Colonics dt : bknfuisancc 1.1 8,i4° i,5i6,4i5
Elabiissemens pour les sourds-muets. . . 4 »49 42»°9?
pour les aveitglcs l 4o i2,io3
Sur 5G,q5o eufansqui se trouvent dans les ecoles speciales
pour les pauvres, 5i,956appartiennent aux villes. Les ecoles
on les enfans ties pauvres sont instruits gratuitement, en
communaute avee d'autres enfans, se trouvent, pour la phi-
part, dans les communes rurales. Les ecoles gratuites se di-
visent en ecoles hebdomadaircs, dominicales et gardienues.
Les enfans sont admis dans ces dernieres au-dessous do
1'age de six ans.
Dans les ecoles de travail, on rt'admet que des fdles. Ces
etablissemens se trouvent dans le Brabant septentrional , la
Gueldre, les deux Flandres, la Zclande et An vers.
Les ateliers dc charile ne se trouvent pas non plus dans
toutes les provinces; ils sont administres par des commissions
ou des directeurs.
Sur les onze colonics des socictcs de bienfaisance, cinq
diles libres, contienuent 54 > habilans. Les six aulres sont com-
posees de sept etablissemens pour des orphelins, des enfans
trouves ou abandonnes et des meudians, de 63 balimens auxi-
liaircs et de 45 grandes fermes avec leurs dependanccs. La
population se compose de 3,485 individus vivaot en I'amille,
2,076 orphelins ou enfans trouves et abandonnes, et de 2,5;9
mendians.
Les etablissemens pour les sourds-muets se trouvent a
Gand, Liege et Groningue; 1'clablissement pour les aveu-
gles est a Amsterdam.
II faut rapporter encore aux institutions precedentes la So-
cietc pour I' amelioration morale des detenus, qui comple 5,oj2
membrcs et dont les soins s'etendent a phis de Goo detenus.
Ils ont domic lieu a une depensc de 5,8 13 fl. Ses reyenus
s'ilevenl a plus de 17,000 fl.
SCIENCES PHYSIQUES. 55
Enfin les institutions tie bicnfaisance de troisiemc espece,
qui tendent d prevenir I'indigencc, sont les suivantcs :
ixstitttioxs. Noinbm Indiv. secourue. Dispenses.
Ncnts-de-piclecommunanx luS 128,570 7,417,354"-
— — affcrmes ~i 5,656 ?
Caisses dc sccours muluels 443 69,025 287,914
— de pensions de veuves 26 i3,ooo 225,000
— d'epargncs 53 10,882 1,047,890
Les Monts-de-Piete diriges pour le cotnpte des communes
ou des institutions dc bienfaisance jut recti 2,216,755 gages
•en 1827; 2,01 1,772 gages ont ete retires, et 120,609 ont ^
vendus. Les memes noinbres ont etc respectivement, pour les
Monts-dc-Piete affermes, 877,593, 668, 002, et 4«,-So.
Les caisses dc secours mutuels, pour les cas dc maladies
ot pour eouvrir les dais d'enterrement, comptent conimune-
ment 15,724 individus qui recoivent des secours pour ivnc
valeur moyenne de 1 8,5 1 fl, parindividu, et la depense pour
les participans est de 4, J 7 A-
Les caisses des pensions pour ks veuves et les orphelins
sont plus particulierement etablies dans les provinces septen-
trionales; malbeureusement les documens qu'on possede ne
sont pas satisfaisans.
Les eapitaux des caisses d'epargnemonleht a2,5i2,i67fl.,
ce qui donne i66,56fl. par individu.
An total, d'apresles conclusions du rapport, les institutions
de bienfaisance sont au nomine de 1 1 ,4^|0, non compris la
sociele pour 1'amelioration des detenus , et les caisses des
pensions pour les veuves et les orphelins. Le nombre des in-
dividus qui parlicipent auxbienfaits de ces institutions est de
i,2i4,o55,etl'ensemble des depensess'eleve a 1 2,821,559 A*
Or, si Ton considere que la population, en 1827, etait de
6, 16b', 854 allies, il resulterail de ce qui precede que, dans le
royaume des Pays-Bas, un habitant sur cinq reroit des se-
cours. La grandeur de ce rapport tient sans doute a ce qu'il
est beaucoup d'individus qui recoivent des secours dc iliffe-
36 SCIENCES PHYSIQUES.
rentes natures, ct qui Ggurcnt ainsi plnsieurs lois dans lc total.
Nous torminerons cot aperpu statistique par quelqucs ren-
seigncmens sur lc n ombre des crimes ct des debts qui ont ou
lieu dans les Pays-Das pendant l'annce 1826. lis pcuvcut
inspiror d'autant plus d'inlcrel qu'ils ont cle recueillis et
classes de la meme manicre que les documens pour la France,
auxquels on pourra les comparer plus facilcmeut.
Crimes conlre les personnes.
haturk des crimes. Accusations. Accuses. Acquitles.
Crimes ct delils poliliqucs a • >
Rebellion a3 6S 26
Contravention aux loit sanitaircs .... » » »
Evasion dcs detenus . . 3 3 »
Faux temoignage ct subornation 12 17 a
Assassinat 10 i3 3
Empoisonnemcnt > • „
Parricide- a a a
Meurlre 17 24 7
Coups ct blcssurcs 76 1 23 26
Coups envers ascendant 22 21 4
Arrestations arbitraires » ■ >
Menaces sous conditions 5 5 2
Mendicite avee violence 1 1 >
Bigamie 2 2 >
Avorlcment • » „
Infanticide . a 2 ■
Crimes conlre en fans, enlevement et de-
tourncment de mincurs a > ,
f'iol ct attentat a la pudcur i3 16 2
Viol sur des en fans au-dessous de 1 5 ans. 8 9 1
Totacx 19J 3i>4 73
Crimes conlre les proprieles.
hahjrb des CRIMES. Accusations. Accuses. Acquitles.
Concussion et corruption 4 q a
Souslraction de deniers publics 10 10 a
Jncendie d'edi/iecs 8 11 4
SCIENCES PHYSIQUES. 3?
//Kcm/i'c d'autrcs objcts » » •
Destruction, degradation dc proprivtcs. .3 8 6
Fau.ise-monnalc 7 > l 2
Conlrefacon de sccaux, marteatix,cte. a 2 »
Faux par supposition de personncs. ... 4 5 1
Faux en ecrit tire dc commerce 8 la »
Autres faux* ^7 4° ,2
lianqueroute fraudulausc i4 '4 2
Vols dans les egllses 4 5 i-
Vols stir les clwmlns publics 8 9 a
Vols domesllqtics l85 198 »4
Autres vols 5a8 744 9l
Extorslon dc tettres de change, obliga-
tions, etc » » »
Soustraclion ct suppression de titres et
actcs 2 a »
Bris de sccl/es » • ■
Importation dc marchandises proltibecs.. 2 5"
Totaux 826 i,o85 i5o
Quant aux tribunnux corrcctionncls , lc nombre des accu-
sations a ete de 22,489 pendant l'anncc 1826, ct le nomltrc
des accuses £0,894, SUI' lesquels 6,G66 ont ete acquittes. On
a conipte aussi i3,4G8 accuses en simple police ct 2,858 ac-
quittes.
Des nonibres que nous venons de citer ct des autres docu-
mens que nous arons recueillis dans nos Recherches statisiuju.es
sur Icroyaume des Pays-Bus, on deduit ces consequences:
i". En 182G, on comptait, dans les Pays-Bas, un accuse aux
cours d'assiscs sur 4»383 habitans; et en France, l accuse sur
4,i5i habitans; on comptait aussi devant les tribunaux cor-
rectionncls 1 prevenu suraoo habitans dans lepremier royaunie,
et 1 sur 198 dans le second.
2°. Devant les cours d'assises, sur 100 accuses, 1G seulc-
ment ont etc acquittes chez nous, et 35 en France comme en
Anglelerre. Ainsi, la repression est la rheine dans ces deux
dernicrs royaumes, si dill'crens par les lois ct par les interns ;
mais le jury y cxistc, tandis qu'il a tie aboli chez nous.
sqniNCES physiques.
5". Devant les Irtbunaux corrcctionnelsj la repression a etc
en Frame comnic chcz nous : sur 100 prcvenus, 16 out tic
acquiltes : il en est rlc nume pour les tribunal)* dc -imple
police, sur 100 prcvenus, 14 seulcment onl etc acquiltes.
Ainsi, sur 100 accuses devant les trilninaux crimincls, correc-
tiuuncls 011 de simple police, 14 a 16 out etc acquiltes quand
ils onl cu affaire a des juges, et 55 quand ils out cu affaire a
un jury.
4°. Le jury ct les juges s'accordent sur ce point qu'ils out
acquitte comparativement plus d'aocuscs dc crimes conti e les
personnes que d'accusesde crimes contrc les proprieles.ciimi ix
pour tempererla severitc des lois, qui, souvent, reslenl sans
effet par un exces de rigueur.
A. OuETELET.
ART MILITA1RK
Campasne pes Francais en Aelemacne; anisee 1S00 (Moreau,.
general en chef) : par le colonel de cavalerie marquis de
Carriok-Nisas, charge des travaux liistoriques speciaux du
depot general de la guerre (1).
OBSERVATION GENfilULE.
On a public, dans le Moniteur du 14 fevrier dernier, una
Rapport fait a V Academic des sciences par le lieutenant-gene-
ral, premier inspecteur-gerieral du genie, vicomte Rocniat,
relatifa I'ouvrage du colonel Carrion-jSisas intitule : Essai
sur rflisloire gincralcdel' At Imililaire. Cc rapport lies-elendu,
tres-lumineux. el qui pa rait nc rien omeltre, tant sur les fails
principalis de ccttc histoire memc que sur les vues et les in-
(i)Paris, 1829; Ch. Pi(|«et,ingenieur-geographe ordinaire du B,ol, etc.,
quai dc Conli, n° 1-. In-4° de 4^3 pages, accompagnc dc 8 planches.
( Extrait du tome v du Manorial du depot de la guerre, rOccniiucnt mis en
vcnto.)
SCIENCES PHYSIQUES. %
ten lions dc celui qui l'a ccritc, aniumce, a la fin, comme eo-
rollaire dc ce grand travail, un autre ouvrage du meme au-
teur, intitule : Campagne des Franrais en Allemagne, en 1800,
que l'Academie des sciences avait renvoye au meme rappor-
teur, niais qui, elant moins dogmatique ct scientifique, n'ap-
pelait pas au meme degre, ou, du moins, avec les memes
titres, l'attention de l'Academie.
Cette relation de la campagne des Franrais en Allemagne,
dans l'annee 1800, est l'ouvrage dont nous allons presenter
l'analyse a nos lectcurs.
L'honorable rapporteur de l'Academie des sciences indique
ce dernier travail comme tine application des principes con-
tenus et developpes dans le premier. II pense que M. Carrion-
Nisas a voulu offrir unc campagne-modele , et celui-ci ne se
defend point de cette intention; il l'enonce meme Tranche-
meat, au debut de son ouvrage.
Deux ecoles se sont t'ormees au milieu ou , si Fon veut, en
depit de l'experience de trente ans de guerre. Une de ces
deux ecoles, et e'est celle a la lete de laquelle on pcut placer
les Romains dans l'antiquite, dans les terns modernes Frede-
ric II, et, a une epoque plus recente, Moreau : cette ecole,
disons-nous, s'aide prudemment de toutes les experiences,
marche avec melhode, craint les poinles, selon l'exprcssion
de Frederic, prcvoit la defaite et la mauvaise fortune, dont
Home ne s'est jamais laisse aeeabler; elle lui prepare des
compensations ct des remedes; elle organise surtout la de-
fensive, el fait peu de cas des conquetcs qu'on ne peut pas
aiscment conserve!-.
L'autre ecolc semble envahir pour envabir, conqucrir pour
conqucrir; elle organise l'agression sur les plus vastes plans,
n'ose pas envisager ou dedaigue de prcvoir la defaite, tie
prepare ricn pour la reparer, el y succombe sans espoir et
sans ictour, pour peu que la mauvaise fortune soit opinialre.
Alexandre, moil sans avoir eu le terns d'etre malheureux,
est !c hrillant et dangereux modele que cette ecole s'est pro-
pose dans tous les terns, dont les Tamcrlan, les Gcngiskan
4o SCIENCES PHYSIQUES.
out etc les sanglantus parodies, ci Bonaparte, au milieu de la
civilisation modcrne, un imitalcur pleia de genie, mais ega-
lcment funcstc a sa palric, a I'arl ct a lui-meme.
Le colonel Carrion-Nisas, lortemcnt irappc do la difference
entre les deux systemes, et nun inoins prevent; en faveur de
Yecole defensive, a evidcniment ccrit, depuis la paix, dans
Je but constant d'eloi^ner ses concitoyens et les generations
futures de Yecole conqucrante, et de les ramener a l'eeole ro-
maiue, a celle de Turenne et de Frederic. Son premier ou-
vragc, intitule : de I'Orgaiusation de la Force armee, clait.
en quelque sorte, ce que sont, an barreau, ces rapides con-
elusions dont 1'enonce precede la plaidoirie et les details de
la discussion : e'etait 1c projet d'une institution militaire,
defensive et administrative. L'autcur, des lors, deplorait ct
relevait les inconveniens de l'eeole conquerante, qui, trop
souvent, surlout dans ces derniers terns, laissa en arriere
toute tradition, toute pratique d' administration.
Dans sonseeond ouvragc, 1'auleur appcllea lui l'cxporiencc
et les Tails, depuis l'orrgine de l'art, e'est-a-dire depuis l'ori-
yine des societes jusqu'a nos jours, pour moulicr combicn Ic
sysleme conquerant a toujours amene de catastrophes aux
conquerans anciens, et aux conquerans modernes, ct a nos
rois, imprudeus cuvahisseurs de l'ltalie ct de l'Espagne;
eombieu le sysleme de la defensive, comme base, et de la
conquele successive et assuree, a produit d'heureux resultats,
et a Home (Luis les teins anciens, et a la France dans les terns
modernes, depuis que nos rois eurent renonce a leuis prelen-
lions au-dela des Alpes, et qu'ils s'appliquerent a s'avaneer
pas a pas jusqu'a nos fronlieres, telles que la nature nous les
a donnees, que Cesar les a apercues avec genie, fixees avec
precision, et que nous avons si malheureusemeut oulre-
passees.
Celie intention du grand travail de M. Carrion-ISisas n'a
pas echappe aux lecleurs judicieux, capables de s'oceuper,
en connaissance de cause et avec quelques vues, de la malicru
qui y est traitec. Toulclbis, et toujours penelre de la meme
SCIENCES PIIYSIQIES. 4f
conviction dc la vcrite ct de 1'ulililo de ses apcrcus, cet ecri-
vain, a qui son emploi d'historiographe du depot dc la guerre
donnait bcaucoup dc facilite pour celte nouvcllc composition,
a voulu presenter one demonstration, line preuvc plus posi-
tive, plus precise dc la verite de son systeme, en I'appliquant
aune narration complete, detaillce et raisonncc de notrc cam-
pagne d'Allemagne en 1800.
II a, d'abord, rasscmble ct rectifie les faits, indique les
comparaisons qui se sont naturcllement presentees, et deduit
ensuitc toutes les consequences qui pouvaient etre favorablcs
a ses maximes, sans oinettre les observations de ses adver-
saires, ct sans negliger d'y repondre et de mettre le lectcur
dans le cas de decider en connaissance de cause.
C'est ce dernier, curicux et important travail qui a ele
insere dans le dernier Memorial du depot dc la guerre, et dont
un bommc du metier va entretenir nos lecteurs.
Le 5e volume du Memorial du depdt de la guerre est en
grande partie rempli par la campagne qui fait l'objet de cclle
analyse.
Cet ecrit a deja fixe 1'attention des militaires, des bommes
d'Elat ct des savans. Plusieurs ouvrages periodiques, francais
ct ctraugers, en ont rendu comptc. L'attcntion memc dont il
est l'objet, nous dispense d'en pailer aussi longitement que
nousleferions, si cette attention avail besoin d'etre provoqucc.
Resumer les materiaux epars de cette brillante campagne,
dont on a si diversemenl parle, ct en former l'cnsemble d'un
travail raisonne, n'etait une tache ni courte, ni facile : cllc a
memc, pendant quelque terns, failli etre impossible.
On assure (ct Ton en pourrait infercr quelque chose de cer-
tains passages dc ['introduction ) qu'une partie des pa-piers
de cette campagne a long-tems-manque a la collection qu'on a
du faire, avanl d'en entreprendrc l'histoire. Ces papicrs, dit-
on, se trouvaienl au greffc du tribunal on Alurcau flit trad 11 if,
en i8o5, parmi tons les antics pa piers qui avaienl etc saisis
cbez tui etportes, a lout hasard, comme pouVant servir a la
4a SCIENCES PHYSIQUES.
prticednreqai avail I'air de s'instruire el d'etre dcstinec a se
prolnnger pendant lorig-tenw.
Cettc ctrconstance cxpliqucrait comment les pieces justifi-
eatives nppartenant a cette partie tie la campagne tie 1800 qui
cut lieu cu Allemagne tiiTient un caractere incontestable tic
sineerite et d'int6grtt6 ; mi n'v Iruuvc aucunc ties mutilations,
ties transpositions, ties alterations tie tout genre qu'ont eprou-
vees tanl d'aulres relations ct tant il'autrcs documens hfstOri-
ques, et partieuliercment comme on a pu le voir dans lc
volume precedent du Memorial (pages 269 et suivantcs) les
papiers rclatifs a la partie de cette campagne de 1800 qui a
eu l'ltalic pour theatre. Ainsi, ii faudrait nous feliciter d'une
circonstanee qui a pu retarder le travail du narrateur, lui dc-
robcr long-teins ties materia ux necessaircs, mais qui en double
aujourd'lini 1'interet. L'opinion pourra enfiri etre fixee sii'r les
evenemens de cette memorable campagne.
On a conteste a Morcau lc merile de plusicurs de ses eom-
binaisons strategiqucs dans les ban les operations de l'armec
du Rhin ; on a regarde sa mothode lente, tlit-on, et trop mr-
thodique, comme contraire aux nouvclles maximes introduites
dans la grande guerre.
M. tie Nisas ne sc borne pas a rendre justice au general
Moreau sous les rapports militaires. Apres avoir decrit, avec
une concision reniarquablc, les cvenemens dc cette savanlc
campagne, il n'hesite pas a rolbir comme un modele qu'il
sera desormais plus convenable d'imiter que les canipagncs
i'uites dans le systemc contraire.
La relation tic la campagne de l'armec du Rhin, en 18(10,
so divise en deux parties : campagne d'eteet campagne d'/iivrr.
Chaque partie est subdivide en cinq chapitres. Des pieces
juslificalives, ti'unc tres-grande importance pour l'histoirc,
tcrminent chaque partie.
[/Introduction rend compte des motifs qui out porte I'tcii-
vain a cboisir pour lexle eettc campagne plulol qu'aucune
autre de la revolution, et fait euanaitre les ressources el les
eecours de tout genre qu'il a bus a sa disposition.
SCIENCES PHYSIQUES. ^3
Premiere partie. Campagne d'rlc. — Apn's lin expose ra-
pide du caractire parliculicr do l'epoque el des cvencmens
qui voiil suivre, Pauteur cnumerc les fails dc la campagne
d'ele, dcpuis Ie passage du Rhin par l'armce francaisc
(28 ami) jusqu'a l'armislice de Parsdorff, du i5 pullet. II
iiidiquc la position et les forces respeclives des deux armees
au moment des hostilites.
La premiere periode offre une suite de combats presque
journaliers, tous forlement soutenus par reunemi, mais favo-
rables a nos armees, qui poussent les Autrichiens, du Itliin
surle Danube, du lac de Constance au camp retranche d'Ulm.
A cclte epoque (10 mai), l'armce du Ubin est affaiblie par
un detachemcnt dc 20,000 homines qui avail recti l'ordre du
gouvernement de passer en Italic. Cctte circonstancc oblige
Ie general en chef a ralenlir ses operations, a les modifier et
a les continuer sur un nouveau plan.
Pendant eerie seconde periode de la campagne d'ele, Mo-
reau cherche a tromper son adversaire par des manoeuvres,
a 1'affaiblir par des combats partiels et des affaires dc postes,
toujours si favorables aux soldats francais, a le detacher cn-
fin de sa base d'Ulm, et du camp formidable ou il se re-
tranche.
« lei, dit M. de Nisas, change de nouveau la scene, et se
termine la deuxieme partie de la campagne d'ele. La troi-
siemc periode va s'ouvrir, et portera, comme chacune des
deuxautrcs, sa nuance particuliere. Une lutte, d'environ cinq
semaines de combats consecutifs, va recommencer; mais, au
lieu de la variete d'altaques deslinees a tromper l'enncmi, a
faliguer sa resistance et a l'ebranler; enfin, sur la base defen-
sive qu'il a choisie, Poffensivc va prendre nne tendance pro-
noncec, reccvoir et imprimer une impulsion plus ouveile-
ment franche et determinee. »
La troisieme periode commence, en effet, par un mou Ye-
meni offensif et general sur toute la ligne d'operation de I'ar-
nice francaisc. Les jonrnccs des 18 el 19 join sou', siguajees
par les \ iiloires reparatives remportecs a Hochstedt. Ellcs
ft SCIENCES PHYSIQUES.
assurcnt, avec 1'ocoupation do plusicurs points imporlans, ta
communication de l'armce du lUiin avee celle d'ltalie, victo-
rieuse a Marengo.
L'armisticc de Parsdorff, du i5 juillct, pcrmet aux trou-
pes de prendre un rcpos cherement achete.
Lc second chapitre rcvient sur les cvencmens raconles dans
lc precedent ; la discussion succcde a la narration : il est con*
sacre a 1'cxamcn du plan suivi par Morcau pour rouvertnre
de la campagne d'ete, et de celui que lc gouvernement voti-
lait fa ire adopter a ce general. L'auteur fait connaitre, par
uiie Icttre que lui adresse le general Dessolles (pieces justifi-
catives, n° l\), les projets qu'avait concus le premier consul,
en opposition au plan adopte par le general en chef de l'ar-
mce du Rhin, et le motif du premier disscntiment survenu
cntre Morcau et Bonaparte. Ce chapitre est traite d'une nia-
nicre himineuse, sous le triple rapport de la science, de l'in-
tcrct historique et de la verile.
Une discussion particulicre et approfondic de la premiere
pcriode de la campagne d'ete, depuis le passage du lthin jus-
qu'au depart du detachement qui se mit en marche, le 10 mai,
pour se rendre en Italic, fait l'objet du troisicme chapitre,
aussi interessant par les renseignemens qu'il conlicnl que par
les pieces justificatives dont il s'appuie.
Dans le chapitre quatre, l'auteur porte ses reflexions sur la
sccondc pcriode de la campagne d'ete, depuis le 10 mai, epo-
que du depart du detachement, jusqu'au 10 juin, ou com-
mence lc grand moiiYcment dc Morcau, pour detacher Kiay
de sa position d'Ulm. II est particulicrcment rcmarquahlc par
la discussion rapidc des operations des deux armces oppost'es,
("t par l'analyse des faulcs commises par le general aulri-
chien, fautes dont sait hahilemcnt profiler lc general fran-
cais.
Le chapitre cinq conlient les observations dc l'auteur sur
la troisicme et dcrnicre pcriode de la campagne d'ete, com-
prcnant la relraite dc Kray et la vivc poursuite dc Morcau,
depuis lc 10 juin jusqu'au 1 5 juillct, date dc rarmistice de
SCIENCES PHYSIQUES. 45
Pai'sdorff. II sc lerminc par des reflexions sur cet armistice et
sa j rolongation jusqu'au 20 scptembre.
On remarque, pages 79 ct 80, les paragraphes suivans :
« Sans doute, il s'cn fallait de beaucoup que les deux ar-
nices fussent dans un etat egal de fatigue et d'epuiscment ;
mais l'armee franpaise, bien que soutenue par ses succcs
journaliers, commencait a sentir la fatigue de ses marches
contumelies, et l'epuisemcnt du pays qu'elle laissait derriere
elle. C'etait aussi pour elle une circonstance importante, et
dont elle pouvait etre affectee d'une maniere facheuse au
premier et au moindre echec, que l'idee de continuer la
guerre, seule, exposee a avoir sur les bras, d'un moment a
1 autre, tout ce que 1'armistice d'llalie pourrait laisser de
forces, momentanement dispouibles, au cabinet de Vienne,
pour renforcer son armee d'AHemagne.
» Toutefois, s'il avait ete raisonnable de prevoir la rupture
de 1'armistice d'Allemagne, quand il cut lieu coneurremment
aveccelui d'ltalie, le premier pouvait sembler plus favorable
a Kray qu'a Moreau; mais la reprise d'armes etait si invrai-
semblable, et, malgre les subsides d'Angleteire, la paix defi-
nitive etait si necessaire a 1'Autriche que son plenipotentiairc
a Paris n'hesita pas a la signer; qu'apres avoir desavoue sa si-
gnature l'empereur Francois , ayant vu par lui-meme l'etat
de son armee, acbeta, par les plus importantes concessions,
la prolongation de 1'armistioe ; que ce ne fut enfin qu'apres
son rctour a Vienne, et par l'effet des plus puissantes in-
fluences, que 1'armistice fut remplace pard'imprudentes hos-
tilites de la part de PAutriche, au lieu de l'etre par la paix
qu'on attendait. »
Seconde partie. Campagne d'hiver. — Ici commence l'cx-
pose sommaire des fails, depuis la reprise des hostilitcs, a la
fin de novembre 1800, jusqu'a 1'armistice de Stcyer, signe le
25 decembre suivant.
Moreau a change d'adversaire. Kray, general habile, mais
peu favorise par le conseil auliquc, est remplace par un jeunc
arcbiduc (l'archiduc Jean), cntoure d'un ctat-major en qui
Vienne a la plus grande confiance.
4G SCIENCES NIVSIQIKS.
I'm ehanip plus vasle, des combinaisons d'une plus grand c
porlee VOnl signaler cclle campagnc d'hiver.
l.'e-pace tic terns designe par l'auteur commc la premiere
periode de la campagnc d'hiver est employe, du cute des
Autricliiciis, a Un grand mouvcinent excentrique; de noire
cole, an contraire, a unc reconnaissance gencralc, suivie d'uu
momvement de concentration : cette periode est oniric, la sc-
conde ne 1'estgiicre moins ; niaisson importance est immense,
pni.-qu'elle contient l'lmmortelle journec de llohenlinden.
Avec la (roNicmc, commence la marchc retrograde de I'cn-
nemi, naguere si presomplucux, et qui nc s'arretcra plus
qn'aux portcs de Yicnne. Cette capitale est sauvee par l'ar-
inislicc de Stc\'er, du 25 decembrc, qui terniinc la campagnc
ct la guerre.
Avant d'entrer dans les details de ces trois periodes, e'est
ici le lieu de placer unc remarquo qui justilic pleinemcut
cette autre observation, souvent ramenee par 1'autcur, que la
lcuommee de l'armcc du llltin, en 1800, a etc long-tcins
etouffec a plai.Mr.
Etl'ectivement, quand on lit les Memoires historiqucs sur lc
consulat et l'empire, qui, dans ces dcrniers terns, out obtenu
ct mcrile !c plus de vogue, ceuxde M. Fauvelct-Bouricnne,
on y voit, tome iv, page 2Z48, avec quelle joie et quel senti-
ment de rimporlance de TaHaire de llohenlinden Bonaparte,
alors premier consul, en recut la nouvelle. Jusquc-la, nolle
rcniarque a i'airc; mais croirait-on qiic l'editcurqui annote le
teste do M. liourienne fait dire a Moreau, la vcillc dc la ba-
taille, qu'il battra lc lendemain M. de Kmy? M. de Kray,
comnic nous venous de le rappeler, n'etait plus depute six
inois vis-a-vis de Moreau ; e'etait 1'archiduc Jean qui comman-
dail l'armee. D'oii peut venir une parcille fan to qui ne serait
pas concevablc sans doute dans M. Bourienne, mais qui ne
Test guere plus dans son annolateur, si ce n'est dc la cause
signalce par M. Carrion-Nisas ? Est-il un homme de lettrcs,
memc des plus frivolcs, qui, dans le recit, par exemple , des
campagncs dc Bonaparle en Italic, coni'ondit les epoqucs ou
SCIENCES PHYSIQUES. tf
'Bonaparte avail en tele Beatilien on Provera, Wornufer on
Alvinzy? Ces evcnemcns, ces noms sont trop cor.nus; on :i
Irop consacre les moindrcs eireonstances qui s'y rappoilenl,
poor qn'il soit possible de les conibndre. Mais void un liomim:
de lettrcs qui ecrit que M. dc Kray, (lends du commande-
ment de Tarmee autricliicnne, le i5juiilet, en est encore le
general le 3 novembre suivant. C'est comme si 1'on mcttait,
en tete de Bonaparte, "Wurmscr a Millesimo ; Beanlieu a
Mantoue. Le fait singulier que nous relcvons ne" pouvait
passer inapereu : il constate combien etait utile la publica-
tion de l'ouvrage que nous analysons, et combien les (ails
claicnt oublies.
Le chapitre second est intitule : Reflexions sur la premiere
periods de la campagns d'hiver, contenant le court cspace depuis
la reprise des liostilites jusqu'd la journee d'Amp(ing.
Ces reflexions tendent a faire connailre le principe de toutes
les fautes qui ont ete commises par les Autriehiens, et l'in-
lluence qu'elles out exercee sur les operations ulterieures.
L'auteur y combat les doctrines modernes de la guerre d'in-
vasion. Son but a ete d'etablir un point de comparaison entre
celle guerre, et la guerre methodique et classique dont l'ex-
perience a souvent conteste les avantages.
Nous avons deja, clans la 48" livraison du Journal des Scien-
ces militaires, rapproche des opinions de M. de Nisas l'opi-
nion si imposante de M. le niarecbal Gouvion Saint-Cyr. Le
rapprocbement que nous allons faire ici, sur la question des
deux guerres n'aura peut-etre pas moins d'interet. Voici
d'abord une partie de ce que dit dans le clmpitre deux de la
seconde periode l'auteur de la campagne de 1800 (1).
Ceux qui se reposent trop exclusivement sur ccrtai-
nes demonstrations mathcmaliqups nc negligent-ils pas une
l'oule d'obscrvations, de eireonstances morales et materielles.
(1) Page 285.
.',8 SCIENCES PHYSIQUES.
doiit sc composcnt, en Iris-grando parlie, ^experience do.
toutes Lea professions, L'art do eenduire lea Gnoses humaincs
ct la soeiete ellc-meme? Ccs hommcs, trop prcoccupee tlo
^importance do qiiclqucs notions positives, do quclqucs don-
noes dc terns et d'espacc, feraient la guerre en Espagne,
comme en Italic ; en Italic, conime en Allemagnc. lis la
feraient centre un Etat despotique, conime ils la fcraicnt
conlre une ripuLlique ; chez un pcuple divise en factions,
comme chez une nation unanimc; chez des sauvagcs, comme
chez des homines civilises ; a un cnncmi habile, comme a un
incpte adversaire; au nord, comme au midi; l'hiver, comme
Pete ; dans les montagnes, comme dans les plaines; dans un
desert, comme dans une region cultivee ct fertile.
» Dc la, d'infinics aberrations, de honteux meeomptes, dont
oncstdeeoncerte, mais dont ramour-propre ne s'avoue jamais
la veritable cause, laquelle consistc en ce que Ton s'est or-
gucillcuscment persuade qu'on avait tout provu, tandis qu'il
faudrait, par une disposition d'esprit contraire, se conscrvcr
pret a pourvoir a tout. »
Voici le jugoment du savant marechal sur la cause premiere
dc ces erreurs (1) : « On sait qu'il s'est forme, parmi les mili-
taircs, une especc de coterie, si j'ose me servir de cettc ex-
pression, qui croit avoir decouvert des principes nouveaux
de Tart de la guerre, dont ils essaient de faire une science qui
aurait des regies fixes et certaines, propres a tous les cas.
» Le prince Charles est re garde comme un des createurs
de ce systemc qu'il definit la science de la guerre. En tote dc
sa relation de sa campagne de 1796 on en voit le devcloppe-
ment. Un ecrivain militaire changer qui a servi en Franc e
avait deja prcconise quelquc chose de scmblablc, et, si Ton
en croit ses disciples, il aurait perfcclionne ce systeme : qnoi
qu'il en soil, e'est lui qui l'a importe chez nous. II forme la
base d'un ouvragc destine a donncr dos lecons aux futurs go-
(1) Memoircs sur les campngncs des armies da llhin ct dc Pdun ct Mo-
selle dc ijQtjutqu'd In paix de Campo-Formio. Tunic in, p. 61.
SCIENCES PHYSIQUES. 49
neraux en chef, et qui doit leur apprendre a gagncr les batail-
lcs. et a diriger la guerre par une methode autrement sure que
celle que les generaux avaient employee jusqu'a ce jour.
Cepcndant, on veul bicn reconnaitre que les grands capitatn.es
dout l'Europe admire encore les hauls fails, sans avoir eu le
bnnheur de decouvrir la strategie, ont neanmoins, quand ils
ont reussi, agi conformement a ses principes. »
II est impossible de se rapprocher plus que ne l'ont fait
ces deux ecrivains.
Le troisieme chapitre, le plus important de 1'ouvrage par
sa matiere, est consacre aux details, et surtout aux details
contestcs de la grande journee de Hohenlinden, et des opera-
tions qui l'ont immediatcment precedee.
Voici comment Pauteur en rend compte. ( Nous ne transcri-
vons que les principuux details. )
« L'armee autrichienne a ete formee , pour 1'attaque du
3 decembre, en quatre divisions ou colonnes principales. A
droite, Kienmayer a quitte Landshut pour revenir a Dorfen,
et recoit l'ordre de debouchcr, avec 12 bataillons et 18 esca-
drons, par Lendorf. A la tete d'une colonne, de force a peu-
pres cgale, Baillet-Latourdoit marcher, par Isen etVeyer, sur
la plaine de Preysendorf. Le general lliesch conduira une
semblable colonne, deslinee a se porter sur Albaching, Saint-
Christophe, et, selon reveiiemenl, a s'avancer sur Ansing ou
Ebersberg.
» Mais ce n'est a aucune de ces trois colonnes qu'est reserve
l'honneur ou le poids principal de la journee. C'est a une qua-
trieme, beaucoup plus forte, a la tete de laquelle marche l'ar-
chiduc Jean, et qui s'avance par la grande route de Haag a
Munich.
» Richepanse doit marcher, le 5, des la pointe du jour,
d'Ebersberg sur Mattenpcet par Saint-Christophe ; Decaen doit
le suivre, et etre a son tour reinplace a Ebersberg par Mont-
richard.
» L'objel de ce mouvement est de se porter sur le flanc
T.' xt.\ I AVR1T. l8?)r). 4
5o SCIENCES PHYSIQUES.
gaurhe de la colonne cefltrale des Autrichiens, qui marcbe sur
la chanssee, entre Haag et Hohenlinden, pour la couper ou
pour tomber sur ses derrieres, si deja elle etait engagee d«'
toute sa longueur dan? le defile.
» Ainsi, tandis que 1'ennemi manceuvrera an loin sur noire
gauche, nous manceuvrcrons au plus pres contre la sienne, en
mgme terns que sur son centre.
» Place avec son etat-major au milieu de la petite plaine de
Hohenlinden, derriere une batterie qui devient le point de
mire de toute l'artillerie autrichienne, Moreau calcule que le
general Richepanse a eu le terns d'arriver a son importante
destination; il lui tarde d'en recevoir l'avis, quand la neige
epaisse, qui tombait depuis plusieurs heures, cesse tout a coup,
et l'atmosphere eclaircie lui permet d'observer au loin, dans
les rangs ennemis, cette incertitude, ce flottement, aspect
caractcristique d'une troupe inopineinent attaquee sur ses der-
rieres et menacee dans sa retraite : ce fut le soleil d'Hohen-
linden.
» Moreau, jugeant alors le moment arrive, donne le signal
de Vattaque ; elle est executee par Ney etGrouchy, qui livalisent
d'ardeur. Grouchy est oblige a un mouvement etendu ; INey,
qui atteint immediatement 1'ennemi, lui fait 1,000 prisonniers,
et s'empare de 10 pieces de canon.
» Moreau ne s'etait point trompe ; Richepanse, parti, en
effet , avant le jour, comme son ordre le portait , marchant a
travers mille obstacles, dont l'epaisseur de la neige et la diffi-
culte des chemins ne sont pas les moindres, venait d'arriver;
mais sa tete de colonne seulement etait sur le point dc
Mattenpoet, qui lui avait ete designe dans ses instructions.
» Richepanse, en arrivant sur ce point avec une troupe si
reduite, a trouve la colonne centrale autrichienne qui mar-
rhait sur la chanssee deja enfoncee ou plutot engou/frre tout
ontiere dans ce long defile. »
Le detail des mouvemens seconda'res, les eftbrts des gene-
SCIENCES PHYSIQUES. 5i
rnux Legrand, Bastoul el Bonnet, pour soutcnirl'attaque prin-
cipale, terminent cette rapide description.
Voici les observations de l'auteur sur quelques details de
cette journee que les historiens out consideree diversemenl.
« L'intention de I'ordre donne a Richepanse etait evi-
demment triple, et triplement judicieuse et prevoyante; car,
de troischoses I'une : on a l'arrivee du detachemenl francais
I'ennemi ne serait pas encore engage dans le defile, on il y au-
rait comprornis seulement une partie de sa colonne, on elle y
serait aventuree dans toute sa longueur; ce troisieme pas,
coinmc le moins probable , etait expresseunent enonce dans
I'ordre ; c'etait la plus grande faute que put faire I'ennemi :
il la fit, et fut ecrase : de toute maniere, il aurait ete, aver
grand avantage pour nous, et pour le succes general de la
journee, ou arrete en tete, ou harcele en flanc, ou charge en
queue. Dans toutes les hypotheses, le general Decaen se
trouvait a portee de seconder Richepanse. Le premier, en el-
fet, devait empecher et empechaque I'ennemi, en avancant
en force par la chaussee de Wasserbourg, ne put prevenir,
troubler ou neutraliser la manoeuvre, ou decisive, ou, dans
tous les cas tres-importante, qui devait avoir lieu sur la chaus-
see de Muhldorff.
»Ona vu, dans l'expose desl'aits, avec quelle precision ces
ordres s'executerent, ces prevoyances s'accomplirent.
»Que l'histoire juge done, en dernier ressort, si ('opinion
qui perce dans les conjectures de Jomini n'est pas pleine-
ment justifiee par ces pieces qu'il ne connaissait pas ; si le ge-
neral Dumas, constant interprete de ce qui est juste et vrai,
s'est ecarte d'une stricte exactitude, en ecrivant que cette me-
morable bataille a ete gagne'e par I' execution la plus rigoureuse,
la plus litte'rale du plan premidite. Exemple, ajoute-t-il avec
raison, rare dans les fastes militaires.
»Danscet episode decisif de cette grande journee, le gene-
ral en chef n'avait garde d'etouffer, sous le merite de sa pro-
pie pensee, le merite d'execution , aussi judicieuse que vi-
goureuse, qui devait faire tant d'honneur aux generau*
Sb sciences physiques.
Decaen et Richepansc; o'etail l'csprit de Morcau el tie cette
armee que cliacun lit a ses cainaradcs et A Bes snbordonnes
leur entierc et loyaie pari de gloire. »
Cliapilre iv. « Le passage (In Rhin avail ete accompagnil de
?rres et savantes manoeuvres (dit [M. de TNisas. an commen-
cement dc cc cliapilre) ; celui du Danube, precede et suivi
d'une multilnde de combats, qnclques-uns tres-importans.
Ions plains d'art et d'habilete. Le passage de I'lnn dependit
d'une grande bataille. Apres cetle journee dc Hohenlinden,
I'armee autrichienne, mutilee en lous sens et frappee an
coeur, se baltit encore pendant quelque terns, par un reste
d'inipulsion et d'honneur, mais avec peu d'espoir en elle-
meme. »
Les observations qui suivent, sur la troisiemc periode de
,la campagne d'hiver sont ecrites dans le meme esprit qui
preside a l'ensemble de 1'ouvrage. Les fails plus nombreux,
les details moins conlestes, doivent etre lus dans le tcxte et
dans les pieces justificatives.
l)n resume clair et succinct de tons les faits exposes dans
les chapitres precedens; des considerations generates sur les
operations et les mouvemens qui ont eu lieu depuis l'ouver-
ture de la campagne, jusqu'a la bataille dc Hohenlinden, for-
ment le chapitre v, et terminent eel important travail. Nos
observations parliculieres ne sauraicnt rien ajnuler a l'interet
puissant qu'il presente. II nous suflira de dire, avec Pauteur,
que cette campagne, telle qu'ellc a etc conduile par Moreau , a
conduit aux grands resultats de pacification generate qui de-
vaient en etre le but, d'une maniere beaucoup plus sure qu'il
n'aurait ete possible d'y parvenir, en suivant le plan que le gou-
vernemenl consulaire voulait faire pre'valuir.
Cette vcrite parait demonlree, et celte assertion, toule se-
vere qu'ellc est, ne scmble point porter atleinte a rimpartia-
lite que le general Yaudoncourt a signalee dans l'historien
de iMorean, et dont il a fait un juste snjet d'eloge (1). Tou-
tefois, il nous a semble que, sans deroger precisement a cetle
(l) Journal des sciences mildaircs, /{<-f livraison, pages i \!\ a l 26.
SCIENCES PHYSIQUES. 53
impartiable Jans les choses, le narrateur de la campagne de
1800 goulait quelqucfois un secret plaisir a trouvcr a Bona-
parte quelqnes torts enters Moreau.
Cependant, nous convenons avec plaisir que, hors dans les
notes que nous avon.s indiquees et qui s'appliquent a un long
fragment des Memoires de Sainte- Helene, nous n'avons
trouve dans tout le travail de M. de Nisas sur la campagne
de 1800, aucun passage 011 Pauteur ne s'efforcc de lenir une
equitable et consciencieuse balance -entre les deux rivaux.
Quant a la critique gene-rale qu'il fait de I'ecole de guerre de
Napoleon (pages 520 et 52i), c'est une question qui appar-
tenait a tout le monde. Nous n'hesitons point a inviter le lec-
teur a juger, par lui-meme, comment M. de Nisas l'a traitee
dans ces deux derniers cbapitres. Nous avons deja indique en
sa faveur de graves autorites, nous recommanderons, en fi-
nissant, la lecture d'une piece courte, mais remarquable, par
on finit egalement la seconde serie des pieces justificatives,
C'est une lettre du general Dumouriez au general Custine,
ecrite le 29 uovembre 1792, dans laquelle cet bomme d'Etat,
ce mililaire d'une rare sagacile, prevoit le cas ou nous eten-
drions imprudemment 110s conquctes , 011 nous incorporerions des
allies ou nourcaux sit jets dans les cadres de noire armee , et, le
cas eclicant, prcdit ce qui adviendrait, et ce qui est cil'ective-
ment advenu, taut il est vrai qu'il y a des idces sur lesquelles
tons lesesprits jusleset sages sont unanimes, et des apparen-
<es qui enlrainent loujours, avec le meme et trop deplorable
succes, les espiits ardens el inefleobis.
Sicari), officier d'elat-maior.
SCIENCES MORALES ET POL1T1QUES.
MAiNUKL DE l'hISTOIRE DE LA l'HILOSOPHIE de Tensemann.
traduit de l'allemand par M. Cousin (i).
Depuis les terns les plus recules de l'antiquite grecque, jus-
que vers le milieu du vie siecle avant J.-C, les hommes qui,
pousses par ce desir de savoir naturel a l'humanite cherche-
rent a penetrer la raison des ehoses, furent appeles les sages,
o'i lofoi. Le mouvement des astres et leur essence, la terre
et son origine, les animaux qui l'habitent, les vegetaux qui la
decorent, l'air qui l'environne, le feu qui la vivifie, les elemens
qui la composent ; l'iulelligence et ses facultes ; puis, les nora-
bres, la morale, la politique, etc.;... chacun de ces sages em-
brassait a peu pies tout dans ses meditations. Cependant il ne
pouvait tout analyser; il se contenlait done de quelques de-
compositions qu'il avail faites sur un point quelconque, et il
itendait cette explication a tout le reste, ou niait Pexistence
de ce qu'elle paraissait ne pas pouvoir cxpliquer. Pylhagore,
ne en 584 avant J.-C. , signala , le premier, les imperfections
Je cette sagesse ; il declara que la meditation des penseurs ne
devait pas s'appeler science, toyix, ma is recherche de la science,
<t>t).o<7o^('a ; et c'est ainsi que fut cree le nora de philosophic.
Pythagore, imitant ses de\anciers, voulut aussi tout com-
prendre dans ses recherches, et il aboutit comme eux a une
analyse sur un seul point, et a une hypothese sur le reste.
L'objet qu'il decomposa, et qu'il voulut etendre a l'explication
de l'Univers , fut le nombre. Les ecoles qui suecederent a celle
vi) Paiis, 1829; Sautclct, Pichon et Didier. 1 v, !. in-S"; prix, i5 IV.
SCIENCES MORALES ET POLITIQUES. 55
de l'ylhagore, jusqu'au moyen age, conserverent plus ou
nioins celte tendance a une explication universelle ; et le mo!
de philosophie continua de signifier : recherche de la science en
toute chose, contenant en resultat quelques analyses partielles,
et des conclusions generates. Sous Charlemagne, le nom de
philosophie disparait, et fait place aux titres des sept cu-ts libe-
raax , qui sont : la grammaire , la rhetorique, la dialectique,
l'arilhmetique, la geometrie, l'astronomie etla musique. Apses
la mort de ce prince, on voit reparaitre le mot de philosophie;
mais il a perdu sa vaste signification , et il n'exprime plus
guere que les moyens d'arriver a la theologie par les lumieres de
la raison. Cette philosophie se divise en logique, metaphysique
et morale. La morale n'est que l'exposition des dogmes moraux
de 1'Eglise , exposition qu'on cherche a rendre scientifique ;
quant au mot de metaphysique, en voici J'origine. Lorsque Sylla
revint d'Athenes, il en rapporta lesmanuscrils d'Aristote,qii'ii
remit entre les mains d'Andronicus de Rhodes. Celui-<i,
ayant trouve,apres les livres intitules : t« yvctxi, les choses
natureltes , cinq livres qui n'avaient point de titre particulier,
voulut en marquer la place , el les designa par ces mots : ri
psTa Tiz tpvGivM : livres faisant suite aux choses physiques. Or ,
ces livres traitaient de nos idees, d'etre en general , de possible,
de cause, etc.... Ces idees, et surtout des speculations sur Dieu
et ses attributs, sur les espiits inferieurs et sur l'ame. en taut
que substance immaterielle , coniposent ce qu'on appelle la
metaphysiquc, dans la philosophie scolastique. Quant a la logi-
que, elle cherche, d'apres Arislote, a faire l'inventaire de toutes
les idees, a les classer, a en expliquer l'origine, et elle poussc
jusqu'a une subtilite minutieuse et frivole la theorie du raisoti-
nement et de l'argumentation.
Vers la fin du xvie siecle, le mot de philosophie reprend son
antique signification. Les recherches physiques, trop long-tems
negligees par les philosophes, ont retrouve faveur aupres
deux. L'objet de la philosophie est triple, dit Bacon : elle com-
prend Dieu, la nature et Vhomme. Quand Pythagore avait
subslitue le nom ile philosophie a la science mensongere de ses
56 SCIENCES MORALES
prfedtfeoeesetUrs, il a\ait constats mi grand progres cle ('esprit
humain, en montranl que les penseurs n'ctaient plus dupes de
leurs speculations, et que, s'ils nc lenaicnl pas la verite, ils ne
eroyaient plus la lenir, «l sa\ aienl au moins Ieur ignoranee. 11
restait a faire un second pas : e'etait de prendre la route quide-
vait faire sortie dc ces tencbres reconnues. Telle fut la gloirc de
Bacon et de Descartes. L'un et l'autre proclamcrent que, pour
arriver a la science , il fallait observer avec soin, e'est-a-dire
analyser re qu'on voulait connnitre, et s'interdire toute con-
clusion hypolhtlique ou fondec seulement sur une autorite.
L'un appliqua principalement sa methode a la nature physi-
que, et l'autre a 1'enlendement humain. C'est de leur siecle
que date la division sericuse et durable des diffcrentes etudes.
Elle ne pouvait avoir lieu plus lot, car l'esprit humain, avant
d'aborder l'etude des details, veut avoir une connaissance
vague de 1'ensemble. Toutefois, ces deux philosophes l'urent
plutot les organes que les auteurs de cette revolution. On vit
alors des hommes se consacrer specialement a l'observation
exacle et palientc d'une petite portion de cet ensemble, qu'un
seul individu voulait saisir autrefois tout entier. La philosophic
signifiait done encore la recherche de la science en toute chose,
inais on s'etait partage les diverses parties de cette immense
recherche. Jusque vers la fin du xvme siecle, on ladivise assez
generalement en logique, meiaphysique, morale et physique ; ou
bienencore, enphilosophie naturelte comprenantla derniere des
divisions precedent es, et en philosophic morale ct intcllectuelle, ou
simplement philosophic, comprenant les trois autres divisions.
On sait quelles sont de nos jours les nombreuses branches de
la philosophic naturclle. La philosophic morale et intcllec-
tuelle, ou la philosophic pure, est soumise aussi a de nouvclles
subdivisions : ellerenferme : 1" psychologic, g* logique,^ morale,
4° esthetique, 5" mctaphysiqucou ontologie. Quant a la cosmologic,
ou ce qu'on appelle en Allcmagnc la philosophic dc la nature, cette
branche ne contient que les generalilcs des sciences physiques,
et consequemment elle rent re dans leur domaine. L'aucicnnc
philosophic avail note, soil dans sa logique, soil dans sa nicta-
ET POLITIQUES. 5?
physique, quelques-unes des iacultes de l'esprit 011 des functions
intellect uelles. On les etudie maintenant en detail; on J joint
pfiisleurs iacultes dont les anciens ne s'etaient pas oecupes, et
c'est ce qui forme la psychologie. Ainsi, la psychologie traite,
entre autres chose?, de sa propre base on dc la connaissanee
que l'esprit acquiert de lui-nieme ; dc la connaissanee par les
organes materiels, de lamemoire, do l'abslraction, des Iacultes
d'analyse et de generalisation , de la sensibilite 011 des plaisirs
etdespeines, de la volonte, etc Elle s'becupede distingueret
de classer toutes les notion-: elementaires, et par consequent
de poser les fondemens de chaque science ; mais elle ne suit
aucune science dans ses complications. Par exemple , la psy-
chologie constate la nature et l'origine de notre notion denombre;
etelle abandonne aux mat hematiqu.es le soin de suivrele nombre
dans toutes ses combinaisons. Apres avoir decrit la maniere
dont nous acquerons la connaissanee d'une qnalite de la ma-
tiere, elle s'arrete et laisse a la physique le devoir d'exposer le
jeu de toutes les proprieties materielles. Quand elle a montre
en nous cet instinct nature! qu'on appelle croyance an temoi-
gnage des homines , et qu'elle en a indique les conditions
principals, son role est fini ; le reste devient la tache de la
critique liisiorique. Elle n'a point d'autre genre de rapport avec
les etudes qui sont encore appelees, comme elle, du nom com-
mun de philosophic. Ainsi, elle constate notre notion de justice,
de droit , de devoir; elle la separe de tout ce qui doit en etre
separe ; mais la facon dont cette notion s'applique a tous les
details de la societe humaine, la subdivision des droits et des
devoirs fait l'objet d'une autre science, qu'on appelle la morale.
Ainsi encore , la psychologie cherche a caracteriseHa nature de
notre notion du beau; mais les developpemens dont cette notion
est susceptible composent cette branche qu'on etudieprincipale-
ment en Allemagne sous le nomtVesthe'tique. II en est de meme
pour les notions de cause, de substance, iVunite, de neccssile, etc. . .
La psychologie montre en quoi clles different des notions sen-
sibles; mais Texamen approfondi de ces notions ( ce qui for-
piait chez les anciens scolastiques Vonlologie 011 la meiaphysiquc
58 SCIENCES MORALES
gem rale ) esl scparc de la psychologic et confie a d'aulres mains.
On y fait rentier la llicodicec ou la theologie naturclle. Quant
a la togique , 91 Ton entend par ce mot une simple theorie du
raisonncment, on doit la comprendre dans la psycliologie ; si,
au contraire, on designc par la ['exposition complete de toutes
les causes de nos erreurs et les moyens d'y remedier, on ne
doit pas encore la separer de la psycliologie, sur laquelle il faut
Tappuyer de tous points, mais on pent la culliver comme une
seconde partie, qui est a la psychologic ce que la palhologie et la
therapcutique sont a V anatomic et a la physiologic.
Ainsi : l" psj'chologie, 2° logiquc, 5° morale, 4" esthetique,
5" ontologie ; lelles sont les subdivisions que renferme aujour-
d'hul le nom du philosophic iniellectuelle et morale, ou simple-
ment de philosophic
De toutes ces parties, e'est la psychologic qui a fail le plus
de progres, e"t qui est la plus cultivee de nos jours. Elle
n'a. comme on l'a vu, d'autres rapports avec les etudes tjui
sont comprises , comme elle, sous le nom de philosophic, que
de leur fournir leur point de depart; et e'est ce qu'elle fait
pour toutes les autres etudes. Si la morale n'est pas en-
core arrivee a l'etat rigoureux et exact des mathc malic/ ues f
la psycliologie n'en est pas cause ; ou bien, si on l'accuse du
retard de la morale , il faut lui savoir gre des progres de la
geometrie, car sa relation avec Tune et l'autre science est ab-
solument de la meme nature. Si Ton redoute Vontologie ou la
metaphysique , qu'on ait tort ou raison , cette repugnance ne
regarde en rien la psycliologie, qui est tout-a-fait distinctc des
speculations sur la substance et la cause, et dont les progres ne
sont lies en rien avec la marche de cette autre partie de la
philosophie.
Cependant on conteste la legitimite de la psycliologie, et
Ton dit que l'esprit humain peut acquerir la connaissance de
toutes choses, excepte celle de ses actes. Examinons cette
question.
II est de fait que nous connaissons certains phenomenes
qu'on appelle resistance, etendue, forme, temperature, poids.
mouvement, couleur, son, odeur, saveur. et que nous les rap-
ET POLITIQUES. 59
portons a un principe qui n'est pas nous, et que nous appelons
mature. Mais il est de fait aussi que nous connaissons d'autres
phenomenes, que nous nommons perception, jugement, songe.
souvenir, espoir, crainte . raisonnement, etc , et que
nous les rapportons a un principe que nous appelons nous-
meines , ou esprit. Les premiers phenomenes, ou les corps,
nous sont connus par l'intermediaire d'autres corps que
nous appelons nos organes ; les seconds nous sont connus
sans cet intermediate , mais ne nous paraissent pas moins
certains. Qnand je veux, je sais que je veux; ce n'est ui
1'oeil, ni la main qui me le fait savoir, mais je le sais. Qunnd
je promets, je sais que je m'engage; je sais, de plus, que j'ai
ou que je n'ai pas Fintention de tenir ma promesse. A chaque
instant du jour, on m'interroge sur ce genre de phenomenes
que je rapporte a moi, et que je connais, je ne sais comment,
maisdontje ne puis nier la connaissance. Comprenez-vous?
me dit-on; vous souvenez-vous ? aimez-vous? esperez-vous?
Moi-meme j'interroge les autres sur les phenomenes de leur
esprit, donl je leur suppose la connaissance, parce que je con-
nais ceux du mien; et je leur demanile, a mon tour, s'ils ont
reflechi, s'ils ont oublie, s'ils ontdoute, s'ils ont craint. Des An-
glais s'entretenaient de la mortde Charles I". C'est la premiere
fois, dit I'un d'eux, qu'une nation met son roi en jugement. —
Combien valait le denier romain ? reprend un autre. On
s'etonne de la question, el on lui en demande la cause. II se
recueille un instant, et dit que la condamnation de Charles par
les Anglais lui avait rappele celle de Jesus-Christ par les Juifs ;
que ce souvenir avait, a son tour, ainene celui de la vente qui
fut faite du Seigneur au prix de vingt-quatre deniers romains,
et qu'il avait desire savoir la valeur de cette monuaie. Voila
done un homme qui a connu une serie assez longue des actes
de son esprit, puisqu'il les retrouve dans sa memoire, et qu'il
peut les raconter. Connaitre les actes de son esprit, les re-
i hercher attentivement dans sa memoire, en observer les rap-
ports de similitude et de succession, voila ce qu'on appelle
.^'observer soi-jiiT'ine , et c'est la tout le secret de la psjoho
loi-ie.
(k) SCIENCES MORALES
l.oekc nous (lit que le souvenir est rendu plus facile: i°par 1'cin-
ploidehitleiUkmaumomiMildcracquisitiondelacoiinaissanec,
qu'on vial retenir; 2" par Fcw-amcn reiterc de l'ol)jet de cctk'.
connaissance ; 5" par le plaisir 011 la peine qui en onl aceom-
pagne ['acquisition ; 4° l)i,r ' 'exereiee simullane tie plusiciirs
sens sur un memc objet. S'il ne s'est pas trompc, il a done
observe comment proecdait son esprit, et, si nous reconnais-
sonsqirila retrace les fails lelsqu'ils se passent, nous observons
ilonc comment procede le noire.
Instruit de ces phenomenes dont jc me reconnais coinnie
lescul piincipe, un instinct me pousse a leur associer des ges-
tes et des sons, et e'est ce qui compose le langage. Lc memc
instinct me fait comprendre que, chez les autres, les gestes et
les sons expriment des phenomenes du'meme genre. Lors-
que je vois sur la scene des personnages s'adresser des ges-
tes. et que je les entends former des paroles, il n'y a la pour
mes yeux que des mouvemens, et que des sons pour mes
oreilles ; cependant, je comprends que ces personnages rai-
sonnenl , qu'ils esperent , qu'ils out de la haine, de l'ambi-
tion, de l'amour. Ainsi, a ces phenomenes materiels qui
frappent mes organes j'en associe d'autres qui echappent a
mes sens et qui sont purement intellectnels. Mais 011 en ai-je
puise l'idee? ou, si ce n'est en moi-meme ? En effel, pronon-
cez lenomd'amouraux oreilles de 1'enfant , ce ne sera pour lui
qu'une emission de voix. II eu est de memedu mot raisonne-
ment pour ehaenn de nous jusqu'a l'age de trois ou qualrc
ans et peut-etre jusqu'a un age plus recule. II faut que nous
iiyons raisonne avant que ce teruie nous presente un sens ; afin
qua des gestes et des sons deviennent pour moi signes ou ex-
pressions de scntimens et de pensces , il faut que j'aie connu en
moi ces pensees et ces sentimens. Done mon esprit connait
les phenomenes qui lui sont propres.
Ouand on avancc que l'esprit se percoil lui-meme, on ne
"vcut pas dire qu'il se contemplc dans sa nature ou dans sa
substance, mais, lout siniplcmcnl , que cliaeun de nous con-
nait sa propre pensee avant de 1'exprimer en paroles ou en
ET POLITIQUES. Gi
signesdepensee.On vous annonce que tel psychologtie a de-
termine telle loi tie l'enlendement humain ; vous repondez
que vous en doulez ; or, vous avezconnu votre doute, avant
de me le dire, on sans cela vous ne me l'auriez pas dit. Mais
comment le principe qui doute peut-il connaitre qu'il doute?
L'organe observe et l'organe observateur elant lemenie, com-
ment l'observation peut-elle avoir lieu ? Je n'en sais rien.
Vous connaissez que vous doutez commie on connait qu'on
doute; voila tout ce que j'ai a vous repondre. On a suppose
que rhomme pouvait observer ses passions, parce que les
organes qui en sont le siege se trouvent en ce cas distincts
des organes qui observent : mais si cela est vrai , la difficult*'-
n'est que cliangcc ou reculee. En effct, de deux choses l'une :
ou l'organe observe ne communique pas avec l'organe obser-
vateur, et, alors, cxpliquez comment unorgane materiel pent
percevoir ce qui se passe chez l'autre sans qu'il y ait action
du premier sur le second; ou bien l'organe observe agit sur
l'organe observateur, et alors celui-ci ne pereoit encore que
cetle action exereee sur lui, et il s'observe lui-meme. D'ail-
leurs est-on bien sfir de (aire une separation exactc eutre les
phenumenes moraux ou les passions, et les pheuomenes in-
tellcctuels ou les pensees ; et, si Ton etait un peu pousse sin-
ce point, ne serait-on pas expose a nous accorder plus qu'on
ne pense ? Par exemple on reconnaitrait peut-elre que l'es-
poir est un phenomene qui nous est atteste par la conscience :
eb bien! l'espoir est un desir mele d'un jugement de proba-
bilite. II y a done la du moral et de l'intellectuel , et il est
evident que notre conscience saisit a la ibis les deux elemens
de ce fait complexe, ou, en d'autres termes, que dans ce cas
je percois en moi un jugement tout aussi-bien qu'un sen-
timent.
De ce qu'on ne se rend pas compte d'un fait qui exisle, ce
n'est pas une raison pour en nier l'existence. Ou bien on toinbe
dans le paralogisme que l'ecole appelle ignorantia rei. Ainsi
Zenon niait le moitvement parte qu'il ne pouvait le compren-
dre; ainsi Berkeley niait la maliere, parce qu'il ne pouvait la
6a SCIENCES MORALES
roocilier avec sa doctrine sur les idees. Ainsi, fautc do con-
cevoir comment l'esprit connail ses actes, vous nicz l'exis-
lence, non pas sculcmcut de la conscience, muis de la peosee
memc ; car, enfin, si vons ne savez point que vous pensez,
personne n'a pu vous 1'apprendre ; dans les discours vous
n'cntcndez que des sons , dans les edits vous ne voyez que
de pelites figures, et Ic mot de pensce est pour vous vide de
seng.
Quelques personnes s'imaginent que l'ctude des fond ion*
intellectuelles ne peut consister que dans la determination des
conditions organiques dont elles dependent, e'est-a-dire dans
la description des protuberances et des depressions du cer-
veau. Or, la cranioscopie ne montre que le rapport du cervean
a la function intellectuelle , mais la fonction intellectuelle ne
se connait pas par la contemplation du cervean. Ainsi, le doc-
teur Gall a cru remarquer une coincidence ordinaire entre la
preeminence de telle partie du cerveau et ce qu'il appelle
1'inslinct de la propriete. II connaissait done l'instinct de la
propriete, avant de savoir dans quelle portion de 1'appareil
cerebral il en placerait l'organe. Nous en dirons autant de ce
qu'il nomme la sagacite comparative, et de toutes les autres
fonctions intellectuelles dont il a tente d'assigner le siege. Ou
bien les mots propriete et comparaison ne signifiaient rien pour
le docteur Gall, ou bien il savait les idees qu'il y attachait,
e'est-a-dire qu'il connaissait les actes intellectuels queces mots
representent, et cette connaissance il ne l'avait pas acquise
par le scalpel, ni par les yeux, ni par les mains, mais par le
procede que Bossuet appelle la connaissance de soi-meme, e'est-
a-dire de la facon dont chacun de nous connait sa pensee. II
n'y a de phrenologie possible qu'a la condition d'une psycho-
togie bien faite; et chez le dogteur Gall la psychologie a pre-
cede la cranioscopie ; et il n'en pouvait etre autrement. On
voit done qu'il est possible de fairc une psychologie sans le
secours de la physiologie ; on ignorera seulement alors le rap-
port des fonctions intellectuelles avec l'etat du cerveau, e'est-
a-dire le rapport du moral et du pbysique , mais on pourra
ET P0L1TIQUES. 6S
connaitre tres-exactement en elle-meme la marche des ta-
cultes intellectuelles, les caracteres tie resemblance ou de
difference que presentent les actes de l'esprit, leur rapport
de succession, en un mot tout le moral et tout l'intellectuel
de l'homme. Lisez les ouvrages du philosophe Ileid, que pu-
blie en ce moment M. Jouffroy, vous y trouverez une psy-
chologie beaucoup plus complete, beaucoup plus methodique,
et beaucoup mieux exprimee que celle qui sert de point de
depart a la phrenologie du docteur Gall et de ses succes-
seurs.
Le seul moyen, dit-on encore , de mettre en evidence les
lois logiques de l'esprit humain, c'est de considerer les resul-
tats de l'activite intellectuelle ; d'examiner les procedes reel-
lement employes par l'esprit pour obtenir les diverses con-
naissances exactes qu'il a deja acquises ; en un mot, de regarder
toutes les theories scientifiques comme de grands faits logiques.
On veut dire qu'il faut prendre connaissance des jugemens et
des raisonnemens par lesquels les savans ont construit leurs
sciences. Or, oii prendra-l-on cette connaissance ? Apparem-
ment dans les discours et les ecrits de ces savans; mais, nous
l'avons deja dit, les ecrits et les discours ne sont que des signes
de pensee, etilsne vous apprendront rien si vous n'avez conuu
par une autre voie ce que c'est que la pensee. J'ai jugi, nous
dira tel savant, qu'il fallait classer les animaux par les organes
les plus importans des fonctions animates. Juger, est-ce la un
fait materiel que vous puissiez voir ou entendre ? n'est-ce que
['assemblage de ces deux syllabes/a et gcr? Classer, c'est-a-
dire comparer, chercher des ressemblances et des differences :
si vous savez ce que c'est que comparer, que chercher, vous
l'avez appris par l'examen de 1'acte intellectuel en lui-meme,
et sans le secours de la parole ni de la plume, ou bien vous ne
comprendrez jamais ces mots.
II est tres-vrai que l'examen attentif du langage est d'un
grand secours pour la psychologic L'esprit opere avec une
extreme rapidite, et ilproduit souvent plusieurs actes differens
a la fois; il a une conscience obscure de ces actes pendant
G4 SCIENCES MORALES
qu'ils s'acconiplissent : mais, si, des qu'ils sont accomplis, il
ne les recherche pas altcntivement dans sa mcmoirc, comme
nous I'avons \n fair* u cet Anglais dans IVxcmple que nous
BVons cite, bientol il nc pourra pins les y rclrouver, ct ces
acles scront pour lui comme s'ils n'avaient jamais tie. Pious
nc pouvons pas ranicncr ainsi a .haque instant notre reflexion
sur ce (pie nous venons de faire, afin d'obtenir la connaissanec
distincte de re que nous avons fait. De plus, si cepouvoirnous
etail donne, il nous faudrait encore, pour faire la science de
l'esprit humain, la puissance de rctenir tous les resultats que
nous aurions obtenus, afin d'examiner en quoi ils se ressem-
bleut ou different, et comment ils se succedent. Ces deux fa-
cultes nous etant refusees , il est done fort heureux qu'un
instinct nalurel ait porte Phomme a revetir ses idees de pa-
roles. II note ainsi ses pensees une a une pendant qu'il en a
conscience, et si l'ecrituie vient au secours de la parole, voila
un moyend'enregistrerun grand nonibre d'idees, qu'on estsfir
de retrouver sans avoir besoin d'en charger sa memoire. Le
langagedevicnt done ainsi pour la psycbologiece que I'algebre
est pour la geometric : e'est une puissante mnemonique. Par
I'examen dn langage, le psychologne arrive a des decouvertes
qu'il n'aurait jamais lailes sans cet appui. Mais, encore uoc
fois, dememe que leslettres A, IJ, C, nesont point un triangle,
et ne l'exprinient dans une demonstration que pour ceux qui
v-onnaissent deja celte figure, de irn'me le mot croire ou lout
autre n'cxpriine un acte inlellectuel que pour celui qui a pris
ailleurs connais sauce de cet acte.
Mais, de plus, comme les signcs qui composent la langue
vulgaire ne sont point de l'invention du psychologuc, et que
tout le monde les emploie chaque jour , le psychologne s'en
scrt pour faire rcmarquer 1'existence et les differ ens caracteres
de tel ou tel acte de l'esprit a ceux qui u'oul pas ['habitude de
reflechir sur leurs operations intellectuelles, et qui, par con-
sequent, les oublient sitfit qu'ils les out nominees. II semble
etonuant qu'au moment ou I'on vient de nommer un acte de
<on esprit on en perde aussitot la memoir e; e'est cependant ce
ET POLITIQUE*. 05
qui arrive Ions les jours. Ainsi , dans des ouvrages oil I'on
avancc que nous ne pouvons connaitre nos propres actes inlel-
lecluels, on Irouvc des phrases telles que celles-ci : J'obeis d
tine nccessite togique Je crois avoir decouvert — Fairc une
abstraction.... Se livrer d une meditation serieuse.... Avoir une
opinion exagcree dc ses propres forces Nourrir des esperances
chimeriques..-. Concevoir des idees exagerees de l'importance de
l'homme. .. . Eclaircir une notion.... Les idees gouvernent et
boulcversent le monde Tout le mecanisme social repose, en
dernier resultat, sur des opinions Notre activite intellectuelle
est suflisamment excitee par le pur espoir de dccouvrir les his des
plie nomines.... I ne trop grande attention donne'e aux details cm-
peche d'apercevoir I' ensemble. Les deux dernieres phrases sonl
surtout remarquables en oe qif elles contiennent deux lois de
I'esprithumain, marquees, depuis long-tems, par presquetous
les psychologues. Maintenant, nous demanderonsaFauteurde
ces phrases comment il sait ce que c'est qu'une abstraction,
une meditation sdrieuse , une opinion, une notion claire ; com-
ment, si son esprit ne s'observe pas lui-meme et n'a point
connaissance de ses actes, il peut parler iYidees et dire qu'elles
gouvernent le monde, etc Les signes du langage nousser-
vent done ici a ramener un esprit preocCupe par d'autres
inatieres, et a lui faire reconnaitre que l'intelligence est donee
de conscience, ce qu'il avait oublie apres I'avoir constate lui-
meme par la parole.
C'est ainsi que tous les sceptiques ont etc pris par leurs ae-
" lions on par leur langage. Onse fait un syslemequi nous force
a rejeter une partie de la connaissance humaine, et Ton est
bien resolu de tcnir ferme jusqu'a la liu ; mais on n'est pas
tellement en garde contre l'evidence qu'elle ne se gli.sse quel-
quefois dans la place. Bentham nie 1'existence de toute con-
ception d'obligation morale ; mais on trouve dans ses ecrits
plusieurs passages , ou le mot devoir est employe avec tons
les caracteres que lui reconnaissent les moralistes de I'ecolc
opposee. Pyrrhon revoque en doute 1'cxistonce des corps ex-
tcrieurs, et l'on est oblige de le detourner des precipices;
T- XLVI. AVRIL lS3o. 5
00 SCIEUC.BS MORALES
ni.'iis mi j on r il s'emporte coiiiiT son cuisinier. kI le poursuif
jusqu'.i la place publiquc, la broche on main.
Ld pretention dc certaihe secle philosoplnque esl de tout
reduire dans noire esprit a la eonnaissance par les organes
e\l< ricurs. Kn consequence, ainsi que Diderot l'a dit sans le
prnmcr. il n'v a point d'objot lie eonnaissance qui ne soil
susceptible d'unc representation sensible , e'est-a-dire qui ne soil
l-Uh des phenomenes materiels qui I'rappent nos sens. Or,
nous demandons qu'on donne line representation sensible a
une necessiie togique, a une decourerte, a line abstraction, a nnc
meditation, a une opinion, a une espcrance, a V attention, etc
Fjs iodine secte explique tout en medecine ipar Virritation; or,
nous demandons encore si 1' irritation est le dur ou lemon, le
(hand on k l'roid, le rouge on lebleu , le doux on l'amer, etc...
II I'aut qu'elle soil quelqu'une de ees choses pour tonibcr sous
lessens; le terme (Virritation n'a d'aeception propre qu'en
ptyclwlogie ; nous savons parl'aitemcnt bien ce cpie e'est qu'uu
esprit irriie , et nous le savons par la conscience; hors dc 1-J,
re mot n'est plus employe que methaphoriquement : e'est
ainsi qu'on dit : des (lots irriles , une blessure irritee , un 01-
gane irrite. Je sais qu'on vent designer, par le mot ^irrita-
tion , la cause inconnue d'une augmentation de sensibilite et
d'action dans un organe; maisd'abord raugmentation de sen-
sibilite n'est pas percue par rinslrument du cbirurgien , mais
par l'esprit du malade ; ce qui renlre encore dans la psycho-
logic car e'est celui qui sou lire qui se connait soufl'rant ; de
plus, il est singulier qu'un des ennemis les plus declares de la
psychologic, pour designer le principe sur lequel repose tout
son systeme medical, se soit servi justemenl (rune melaphoie
psychologique. II est evident que Virritation n'est pas sus-
ceptible d'une representation physique, ou bien elle sera telle
rouleur, telle odeur, telle resistance, etc... Alois, prenez le
nom de ce phennincne materiel . et laisse/.-l.i le mot d'irrita-
lieill.
Mais < e oc sunt pag seulcmeui les termes ile la psycholo-
gic , c.Vst-,'i-dire les signcs des connaissances acqnises par la
ET POLITIQUES. G;
consciencc, qu'on voit employes par ceux dont la pretention
est de tout reduire a la connaissance par les sens exterieurs;
^ils seserventaussi des mots de la pure ontologie, de cette me-
laphysique generate avec laquelle la psychologie ne doit pas
etre plus conlbndue qu'avec les matliematiques. lis devraient
bannir de leur langage tout ce qui rappelle ces conceptions de
cause, de possible , de necessaire et de contingent , etc., que la
metaphysique distingue des notions purement sensrbles, et
qui, en effet, ne sont pas snsceptibles de representation phy-
sique. Mais ils nous parlent de la tendance consianie de toutes
les molecules les lines vers les autres; or, l'oeil voit le mou-
vcment, il ne voit pas la tendance; ce mot suppose dans les
elemens materiels une force, une aptitude, line virlualite, etres
melaphysiques, ou verites rationnelles, qui ne tombent ni
sous les sens exterieurs, ni meme sous la conscience, mais
qui sont du dornaine de l'evidence rationnelle, comme les
axioines matliematiques. Ils nous parlent de lois invariables ;
ils devraient se contenter de parler de phenomenes qui n'ont
pas encore varie , car autrement ils concluent du passe a l'a-
venir, ce qui depasse encore les sens et la conscience; ils an-
ticipent sur 1'idee de necessity qui leur est interdite, car les
sens voient que telle chose est , et non qu'elle doit toujours
fetre. II ne faut point parler de gravitation, mais de chute des
(Dips, car on pourrait croire que, par gravitation, vous en-
tendez la cause de leur chute, ou leur tendanre a lomber, et la
chute seule est sensible. Enfin, il taut rayer le mot d' excitation,
qui est en physiologie ce que Virritation est en pathologie ;
ce mot suppose une action exercee par le corps etranger sur
Porgane, et en consequence un rapport de cause et d' effet ; or,
le rapport de cause et d'effet est de la metaphy.-ique; les sens
exterieurs ne montrent que des rapports de contiguite, ou de
ressemblance et de difference materielle, etc., etc...
Sans doute, la physique, voulant se borner a constater les
ressemblances et les differences des phenomenes sensibles et
leur ordre de succession, a en raison de ne plus chercher a
penetrerla nature inlime des etres, a appiofondir la notion de
08 SCIENCES MORALES
substance, a decouvrir les causes finales, eh... M :i t -^ elle h'a
j)ii so separer tou l-;'i-fait , com me on l'a vu, des conceptions
metaphysiques; c'est que ces conceptions font parlie de lYs-
pfil htimain, el qu'il est fort difficile de les chasser enticre-
ment. Les verites ralionnelles ne sont pas moins positives que
l<'s phenomenes matericls; seulement elles sont d'unc nature
diffcrcnte ; quand on veut ne s'occuper que des phenomenes
physiques , on fait bien d'ecarter les verites ralionnelles, si
Ton pent y parvenir, parte qu'on melerait des facts qui ne se
ressemblent pas; mais, si on les ecarte , on rte les aneantil
pblbt pour tela, et il n'en faut pas nier l'existence : d'autres
esprits se plairont a les niediler, car, les verites qu'on appelle
exclusivement metaphysiques, ont autanl de realitc que les ve-
rites lnathematiques, et Ton pent comprendre les unes et les
autres sous le nom commun de verites rationnelles. Tel esprit
s'est distingue a l'Eoole Polyteehnique par la faeilite avec la-
quelle il comprenait le ealcul differentiel et integral qui, s'il
eiit pris connaissancc des travaux de Leibnitz autre part que
dans les on clit des causeurs de philosophic serait pcut-elre
maintenant absorbe dans ses meditations sur la substance, la
cause et la nature intime des etres ; et, s'il meprisait alors la
psychologie, cc ne serait plus en raison de la parenlc qu'on lui
suppose avec 1'ontologie, mais bien plutot parcc qu'elle lui
paraitrart, comme les sciences physiques, oeciipec a noter de
purs phenomenes, a saisir des rapports de lessemblance, de
difference et de succession , sans penetrer dans l'essence des
choses, et il ne verrait dans les psychologies que des gens
rpii passent leur vie ;'i ramasser des coquilles et a chercher en
quoi se ressemblent on ne se ressemblent pas les ('irons.
Les phenomenes sensibles, les actes de noire esprit et les
verites ralionnelles, voila Irois ordres distincts. Pour les bien
eludier, il est a souhaiter qu'on les separe : on n'y est cepen-
dant pas encore toul-a-fait parvenu. II faut dire meme que,
si la physique renonee un jour a concevoir la relation de cause
et d'effet dans les rapports de eontiguite on de succession,
que ndOs monlrent les sens, elle sera plus homogene , mais
ET P0LITIQUE3 69
offrira beaucoup nioins d'inleret, et perdra I'avantage qui l'e-
leve aujourcrbiii au-dessus do la mineralogie ou de la conchi-
liologie. Quoi qn'il en soit, les trois ordres que nous avons
inumeres sont reels et positifs tous les trois : le premier est
l'objet des organes exterieurs ou de la perception materielle,
ou de V observation physique ; le second, de la connaissance de
soi-mSme ou de la conscience, ou encore, de V observation
psyclwlogique ; et le troisieme est l'objet de la raison. Si ceux
qui s'occupent du premier ordre veulent prouver la non-exis-
tence des deux autres, il faut qu'ils fussent rejeter une partie
considerable des mots de la langue qui servent a exprimer ces
deux giandes sections. Hume a deja tente de proscrire tous
les termes qui expriment les verites ralionnelles. Selon lui, il
ne faut plus prononcer les mots de substance , cause, devoir,
justice necessite, etc... , parce que, comme il le demontre fort
bien, ni les sens exterieurs , ni la conscience , n'atteigncnt les
objets representes par ces mots. Vous devez l'aire la nieme
tentative contre tous les termes qui expriment la connaissance
que l'esprit acquiert de sa propre niarche; il faut que vous
supprimiez les mots les plus ordinaires du langage jusqu'a
ceux-ci : s'occuper, negligcr, facile, difficile, etc... Enfiu, pour
ne pas nous repcler ni trop multiplier les exemples , il faut
rayer les mots je et moi, car, que veulent-ils dire, s'ils ne sont
pas le signe d'une intelligence qui a conscience d'elle-meme?
Mais non, il vaut mieux reconnaitre que les pbenomenes
materiels ne sont pas les seuls po?itifs ; epie les pbenomenes
intellectuels, pour etre connus autrement, n'ensont pas inoins
connus, et n'en out pas moins une existence reelle ; el que, si
les psycbologues ne sc bornent plus a examiner un cote de
l'esprit et a deviner ou a nier le reste, comme I'ont fait long-
tems les physiciens pour les pbenomenes pbysiques , la psy-
cbologie deviendra aussi a son tour une science positive. Tel
est le but auquel tendent de nos jours les efforts de plusieuis
hommes pleins de lumieres.
llcmarquons Toi'drc dans lequel se sont formees les sciences
d'observation soit physique soil psycholo^ique : ce sont les
?o SCiliNCUS MORALES
phenomenes les plus frappans, tcls epic Ifes inuuvcniens des
aslres qui out ete d'abord observes et decritsavec exactitude;
ensuite sont venus les phenomenes physiques proprement
dits , moins frappans que les premiers, nioins isoles les nns
ties autres, moins separes ties phenomenes d'un autre genre ;
puis, les phenomenes ehimiques et les phenomenes physio-
logiques, moins sensibles encore, et plus entrelaces les tins
dans les autres. On reconnait deja comme possible la psy-
chologic des passions, qui ne tombe point sous les organes
materiels, mais sous la conscience, et qui fait partie de I' obser-
vation da mot. On accordera bienlot la psychologie de l'intcl-
ligence. Cet ordre etait necessaire : il est de la nature des fail*
intellectuels de moins attirer notre attention que les faits phy-
siques, et, comme les premiers s'exercent presque toujours si-
multancmeiit, et sont presque inseparables les tins des autres,
Pobservation en est beaucoup plus difficile. La psychologic de
1'intelligence devait done etre la derniere venue des sciences
d'observation. La premiere, ou l'astronomie, ne date que de
Copernic, ou d'un peu plus de deux siecles, la physique,
d'un siecle et demi, la chimie, d'un demi-siecle, et la physio-
logic vient de naitre. On se plaint des systemes et des contra-
dictions des psychologues ; mais ils travaillent encore a l'insu
les uns des autres ; ils n'ont point d'academie on ils puisscnt
reunir leurs lumieres, se redresser mutuellement, et convenir
d'une langue commune. Sans 1' Academic des sciences, ou Ton
verifie en commun les propositions de chaque experinienta-
teur, les ouvrages de physique et de chimie presenteraient les
memes divergences que celles qu'on reproche aux livres de
psychologie. Chaque jour tel savant ne fait-il pas condamner
les resultats qu'un autre croyait avoir obtenus. Quand ceux
qui s'occupent des memes objets de recherche n'ont point de
communication entrc eux, nc s'exposent-ils pas aussi a par-
ler de la meme chose sous des noms difterens? Si Ton y re-
garde dc pies, on s'apcrcoit qu'unc grantlc partie des debuts
entre les psychologues roule sur les mots, bicn plus que siu
lc fond des choses.
i:r i»omtiqles. ;i
Sans iloute la psychologic a etc long-tems obslruee d'hy-
potheses; toutes les sciences out eu cc nialheur, ct elles n'en .
soot pas encore aussi bien delivrees que le croient les savans.
Mais, an milieu de ces conjectures, il se trouve un grand
nombre d'observations reelles qu'on pent recueillir avce tVuit.
On convient que l'astrologie et I'alchimie avaient amassc une
lougue serie d'exptriences qui ont servi plus tard de f'onde-
nient mix premieres theories positives. D'ailleurs, lhistoire
de la psychologic nous mo.'itre que, plus nous nous rapp'ro-
chons de nos terns, plus le nombre des speculateurs diminue,
plus celui des observateurs augmente.
En resume : a chaque instant, nous parlous des actes de
notre esprit, au moment ou nous les prenons, pour ainsi dire,
sur !e l'ait ; nous les connaissons done, qooique nous ne sa-
chions pas comment pent s'operercette connaissance; s'iln'cn
etait ainsi, nous ne parlerions pas, carle langage n'est que
l'expression de la pensee , et un drame represente sur la scene
ne nous oftVirait qu'une serie de sons et de mouvemens in-
<oni|>renensibles. Le rapporl du pbysique etdu moral, on du
cerveau et de l'intelligence , prcsente une question tort inte-
ressante ; mais les deux termes de ce rapport s'observent par
des procedes differens; la connaissance de Pun n'est pas celle
de I'aulre , et la psychologic doit preceder la craniologie.
L'examen du langage est un moyen tres-fecond de decouvertes
pour le psychologue, parte que les mots fixent d'une maniere
durable le souvenir de phenomenes passagers, et qu'ils sunt
Palgebre de la psychologic lis servenl meme a prendre les
physiciens cxclusifs en flagrant delit de psychologie et menu'
de metaphysique ou d'onlologie. II taut done avouer que la
connaissance de soi-meme est possible, et qu'on pent arriver
par la psychologic, et par elle seule, a determiner les lois de
I'esprit humain. Sans aller plus loin, recueillons les plus im-
portant des Tails intellectuels que nous avons eu ['occasion de
nominer dans cet article sculemenl. On vena que nous les
ronnaissons directemenl, ct sans avoir besoin du secours de
la craninlojj-ie, nj des son- < | n i torment le langage. L'espril
72 SCIENCES MORALES
avoas-nous dit, commit des phenomcnes, ids que la durcte,
la forme, la couleur, etc., qn'il rapporte a un principe dis-
tinct de lui-meme, appele matiere, c'est la perception mate-
rielle; il concoit des relations de cause et d'efl'et; il compare
les objets de ses connaissances ; il se represente des figures ,
dcs sons, des conleurs qui n'ont point dc rcalite exterieure :
c'est ce qu'on appclle les songes; il s'en represente d 'a litres
qui n'out eu d'existence que dans le passe : c'est ce qu'on ap-
pelle les souvenirs; la mcmoire est aidec par ['attention, par
Inexperience reiteree, par l'exercice simultane de plusieurs
sens, par le plaisir ct la peine; l'intelligence concoit des ne-
cessites logiques; elle peut considerer a part une partie d'un
objet, sans faire attention aux autres, c'est l'abstraction ; les
recbercbes de differens genres lui sont plus ou moins faciles
ou agreables : c'est-a-dirc quele plaisir ou la peine iutervien-
nentdans rexerciee de l'intelligence ; une meditation serieuse
lui fait deeouvrir la verite; en d'autres termes, l'attention ou
rintervention de la volonle dans la connaissanee augmenlc
1'energie decelle-ci; enfin, l'attention est exclusive; quand
elle s'attache aux details , elle nous fait perdre l'ensemble, et
reciproquement, etc... , etc...
Voila, en pen de mots, des observations sur l'esprit, en
aussi grand n ombre que celles qu'on a recueillies snr l'elec-
tricite ou le gaz hydrogene , et qui n'ont pas moins d'evi-
dence. Etendez ces observations, approfondissez la marehe
de In perception materielle, de la conception rationnelle , de
la comparaison, du reve, de la memoire , de l'abstraction, de
l'attention, joignez-y 1'ctude d'une foule de facultes que nous
n'avons pas eu l'occasion de nommer (car, pour le dire en
passant, 1'activite de l'inlelligence humaine n'est pas eonte-
nue tout entiere dans les procedes employes par l'esprit dcs
savans pour construire leurs sciences; nous avons ineme.eitc
plusieurs actes intcllectucls qui ne rentrent point dans la lo-
gique il'une theorie scientifique) , et alors vousaurez une psy-
chologic, c'cst-a-dire une hisloire naturelle de l'esprit laite
par lui-meme, et qui aura probablement aulant d'iulcrcH
ET POLITIQLES. . 7.1
pour nous que I'histoire naturelle du singe ou de la torlue.
Ainsi done, en meme terns que je percois des formes, des
mouvemens, des couleurs, et que je les rapportc a un prin-
cipe qui n'est point moi, et que j'appclle matiere , je connais
des jugemens, des conceptions, des souvenirs, etc... , et je les
rapporte a un principe que j'appclle moi, ou esprit. Pourquoi
cela? je n'en sais rien; niais cela est, et il n'.en peut etre au-
trement. La premiere connaissance s'exerce a l'aide d'organes
materiels, la seconde sans leur secours ; nous appellerons la
premiere observation de la matiere ou observation physique;
et la seconde, observation de moi, ou conscience. Car il taut
abandonner les termes d'observation exterieure et d'obsena-
tion interieure, qui sont des figures prises des corps solides,
et qui font croire aux gens de mauvaise volontc, qu'on attri-
bue a l'esprit un dedans et un dehors, et que (.'observation
interieure va les introduire dans une espece de chambre ob-
scure, dans laquelle ils verront une personne, ou an moins
ses oreiites (1). Ne disons point non plus que l'esprit voit ou
sent ses actes; car, voir est emprunte de 1'exercice de la vue
physique , et il emporle avec lui l'idee d'une couleur quel-
conque : de sorte que, quand vous dites que l'esprit voit ses
jugemens, les physiciens croient probablement que vous par-
lez de quelque chose de bleu ou de jaune, et ils affirment
qu'ils ne voient rien de pared. II est des gens, dit Bacon, qui
viennent a l'observation de l'esprit, encore tout echauffes des
operations de la forge , el qui apportent , dans cette operation
delicate, la suie et la fumee du fourneau. De meme, sentir ne
s'emploie ordinairement que lorsqu'on est averti de la partie
du corps par laquelle nous arrive une connaissance, ou un
plaisir, ou une peine. Comme la connaissance des actes de
l'esprit n'est pas accompagnee de ce phtnomene, il ne taut
pas se servir de I'expression qui le rappellc. Si Ton avance
que l'esprit suit ou connait ses actes, je pense qu'aucun hoinnie
(1) J'ai souveut cherche la conscience, dit le ducteui Bioussais, niais
je declare que je n'en ai jamais vu les on illcs.
;4 SCIENCES HORACES
dc boa sens ne pourra contest* r cclle proposition. Les OiOtSttt-
roir et lunnaitre n'ont qujun sons intellectuel , it est impos-
sible (le les representor par line image ph\siquc.
Les homines coiinaisscnt les aries de len r esj>rit an moinenl
nn ees aelos s'aecuinplNsent ; niais ils les connaisscnl vaguc-
ment, et les oublicnt aussitol ; ils sont tons dans la position on
anrait etc i'A ny,!ais dont nous avons parle, si on ne l'avait
force a faire nn retonr snr lui-ineme , et a chercher par la
memoire cc qn'avait fait son esprit. Hamencr sonvenl ainsi sa
reflexion snr soi-meme , interroger la langne et les eerits des
hommes ponr tronver toutes les nuances et Unites les faces de
la pensce, deerire tons les actes intelleetucls (pi'on observe,
en marquer les ressemblances , les differences, et I'ordre de
succession qui fait presumer entre eux le rapport de cause et
d'effet, tel est l'emploi de la psychologie.
Comme nous l'avons deja dit an milieu des hypotheses qui
out ete multipliees par les anciens philosophes, il se rencontre
un grand nombre d'observations partielles , remplies de ve-
rite. L'histoire de la philosophic offrc done une lecture dont
on pent esperer d'abondantes lumieres.
D'apresles definitions que nons avons donnees an coniinen-
cement de cet article, l'histoire de la philosophic jusqu'au
xvie siocle dc notre ere est l'histoire de toutes les sciences.
Depuis celle epoque. clle n'est plus que l'histoire des etudes
qui sont restees comprises sous le noin de philosophic, savoir:
la psychologie, la logique , la morale, I'esthetique et l'onto-
logie.
Le Manuel dc l'histoire de la philosophic, par Tennemann, ne
contient ipie des renseignemens extremenient abrcges sur le
fond des doctrines ; maris nulle part on ne saurait trouver une
indication plus complete de toutes les sources a consulter,
pour approfondir chaque point de l'histoire philosophique.
Tennemann fait connaitre non-seulement les ouvrages qui con-
lienncnl les textes originaux, mais encore tons les commen-
lateurs et tons les historiens dc chaque philosophe et de cha-
que question philosophique. On trouvcra de plus, dans son
IvT POUTIQUES. ;5
Manuel, des vugs geuerales sur l'ensemble de I'll isto ire tic la
raison humaine. II nc reconnait point de peuple primitif en
philosophic; a ses yeux elle se developpe d'elle-mSme sur
chaque territoire, mais non pas an meme degrc chez tons
les peuples. Ce sont les Grecs qui se distinguent le plus entre
toutes les nations de Pantiquite pour le mouvement pniloso-
phique, et meme pour le mouvement psychologique , car
e'est ehez eux qu'est proclame Paxiome : T'j6)6i ctskutov.
Cependant, Pauteur fait d'abord une revue des opinions reli-
gieuses et philosophiques des peuples orientaux. II divise en-
suile I'histoire de la philosophic en trots grandes epoques : la
premiere renferme la philosophic grecque et romaine, et ilia
definit : Le mouvement Libre de la raison vers la science, mais sans
la connaissance de la melhode scientific] ue ; la seconde embrasse
le moyen age , et e'est le mouvement de la raison vers la science ,
mais sous le joug de Cautorite et de la diatecti(/ue ; enfin , la troi-
sieme comprend la philosophic moderne, et e'est Vindipeo-
dance de la raison , et son mouvement vers la connaissance des
choses, avec la conscience de la vraie melhode. II termiue par
cette conclusion. « Ces nombreux essais doivent .-outenir
Pcsperance de voir tot ou tardla raison arriver enfin a la con-
naissance de soi-meme, determiner la sphere qui Iui appar-
tient, developper de plus en plus la vraie methode philoso-
phique, et s'instruire, par Pexperience du passe, a eviter les
ecueils on elle a souvent echoue. Un terns viendra on les dif-
ferentes manieres de philosopher, qui aujourd'hui semblent
n'etre que des aberrations , seront reconnues comme les con-
ditions necessaires de la vraie culture de la raison et de la ve-
ritable science. »
Ad'jlpke Garnier.
rVWWMVW W\fW\
:(i SCIENCES MGJtiWES
The British empire in 1828, etc. — L'empirk de la Grande-
Bretagne, en 1828; par le Rev. J. Goldsmith (1).
Cet ouvrage est une sorle d'Encyclopedie abregee tie lYm-
pire britaimique. II embrasse la geographic, la statistique, les
finances, les lois, les mceurs, etc. La redaction en est fort sim-
ple ; mais elle se compose tout entiere de documens positifs
et d'elemens autbentiqu.es. Le chapitre qui contient le Tableau
abrege de C organisation politique de la Grande-Brctagne nous
a paru particulicrcnient digue d'attention. Les personnes qui
n'ontpas fait une etude speciale de la constitution et du gou-
vernement britanuique se forment generalement des idees
confuses et incompletes de ('organisation de ce pays. Cepen-
dant, l'habitude, devenue generale dans presque toute I'Eu-
rope, de lire quotidiennement les papicrs publics, rend neces-
saire depopulariser des notions distinctes a cet egard. L'analyse
de la portion principale de l'ouvrage du reverend Goldsmith
reunira, dans un tableau concis, les maximes publiques et les
institutions fondamentales du gouvernement britanuique. Ge
tableau pourrait facilement etre plus developpe ; mais nous ne
craignons pas d'aflirmer que rien d'essentiel n'y est omis, et
que tout ce qu'il contient est exact.
Le gouvernement britanuique se compose : i°du Hoi, en
qui reside le pouvoir execulif*; 20 de la Cliambre des lords,
composee des pairs et des eveques ; 5° de la Chambre des com-
munes , dont les membres sont elus (du moins par supposi-
tion) pour representer le peuple, soit par les francs-leiianciers
( free- holders ) , ou possesseurs des terres, des comtcs du
royaume (2) , soit par les francs-tcnanciers de maisons (house-
holders) , des villesetbourgs considerables. (Un certain noiribre
de villes, auxquellesleuraccroisseinent depopulation etd'acti-
(1) Londres, Sir Richard Phillips. 1 vol. iu-12.
(•2) Par une ancienne fiction du droit l'eodal, 1c Roi est cense le suze-
rain de toutes les terres du royaume, el les proprietaires des terres soul
reuses les tenir de lui en lie J".
ET POLITIQUES. 77
vile coinmerciale et induslriellc a donne tine grande impoi-
tancc, ne sont point representees dans le parlement. L'esprit
de la constitution et une justice rigoureuso exigent une
proniple reforme a cet egard.)
Le Roi est I'organe dela loi, le chef de l'Eglise, lc directeur
des forces pul)liques, le dispensateur des honnenrs (fontain
of honour) , et l'intermediaire des communications avec les
nations etrangeres.
La couronne d'Angleterre est hereditaire, en vertu de la loi
commune et de l'ancienne coulume. Mais la doctrine du
droit divin n'cst point admise pour cela , non pins que cello
de l'indefeclibilite du trone, puisque la succession a la cou-
ronne pent constitutionnellement etre limitee ou changee par
1111 at te du parlement. C'est precisement a tin acte de cette
nature que la famille acluellement regnantc doit son accession
au trone.
A la ceremonie de son couronnement, le Roi prend , sous
serment, les engagemens suivans : « De gouverner confor-
memcnt aux statuts du parlement, aux lois et coutumes du
royaume; — de preter main-forte a la loi et a la justice, pour
l'execution des jugemens; — de maintenir de lout son pou-
voir les lois divines, la vraie profession de l'iivangile et la re-
ligion protestante reformee, etablie par la loi. »
Le Roi est considere, par la loi, comme incapable de faire
mal : la responsabilite de toute mesure in juste ou illegale, de-
meurant uniquenient a la cbargede scsministres. II convoque
le Parlement et pent I'ajourner, le proroger ou le dissoudre ,
suivant son plaisir. II pent refuser son consentement a toute
loi proposee; il nomme son conseil prive et les grands ofli-
cicrs de l'Etat; il a aussi le pouvoir de faire grace aux crimi-
nels. Si la prerogative du Roi etait envisagee isolement, son
autorite pourrait paraitre exceder les limites d'une monarchic
teniperee; mais , d'un autre cote, ne jouissant presque d'au-
t;ttn revenu, sans le consentement du peuple, expritnc par ses
icjucsentans, le Roi se trouve, pour ce fait, dans mi elat reel
de dependanoe. Le commandenient des amities et 1'equipe-
78 SCIENCES MORALES
meat des duties lail purtie de sa prerogative ; mais, sans le
com ours dii Parlement,, il ne saurait pour voir a k'ur entre-
lien. II dislribuc les places etles emplois ; inais, sansle Parle-
ment, il ne peut leur attribuer aueun salairc. II pcul declarer
la guerre; mais, saus le ParJcmenl . il niaiique des moyens
de la soutenir. Le Roi est investi du droit cxclusif de convo-
quer le parlement ; mais la loi lui impose le devoir tie l'assein-
hler , au moins une fois tons les trois ans , et la neeessite It*
contraint a l'assembler aunuellement. le Roi est le chefde
PEglise; mais il ne pent alterer la religion etablie , ni obliger
qui que ce soit a rendre compte de ses opinions religieuses. I!
ne peut professer la religion catholique proscrite expresse-
ment par la loi; le prince qui prot'esserait cette religion est
declare incapable d'heriter de la couronne on de la posseder a
aucun litre. Le Roi est le premier magistral; mais il ne peut
rien changer aux maximes et aux usages consacrespar la loi et
par la coulume; il ne peut influencer, dans aucuncas, la de-
i -ision des causes pendantes entre ses sujets. II ne peut creer
aucun nouvel office, incompatible avec la constitution, on
prejudiciable a ses peuples. Bien que la poursuite des creances
se i'asse en son nom, il nepeut l'intcrdire a quicon([ue se porte
plaignant. Le Roi a le privilege de battre monnaie; mais il ne
peut en alterer la valeur. 11 peut faire grace aux criminels.
mais non les exempter de payer les reparations legales aux
parlies lesecs. La loi dispose que , dans le cas de meurtre, la
veuve de 1'homicide n'a pas seulement le droit de poursuivre
le meurtrier; mais, en outre, que, dans ce cas, le pardon du
Roi ne peut avoir lieu. Le pouvoir militaire du Roi n'est pas
non plus absolu , depuis qu'il a ete declare par le bill des
droits ( it>8c-) que l'armee ne peut exisler lcgalement sans le
consentement du Parlement. Le Roi nepeut jamais elre traduit
persounelleuienl devant aucun juge ; mais, s'il commfet un
abus de pouvoir, ou bien un aclc evidemment contraire au
bien public, le Parlement pent intenter une poursuite conlre
ceux qui ont etc les instrumens mi les conseillers dc 1'aclc iu-
eriniine , e| le pardon du Roi ne pent profiter aux delinquans.
ET P0LIT1QI Us. 79
Les nombrcuses ct importantes restrictions de la prerogative
royalc, auxquellcs il convienl d'ajouter l'independance des
juges, etablie sous le regne actuel, et aussi la souveraine li-
lx -rle el irresponsabilitc de. la parole dans le Parlement, assu-
rers par le hill des droits, oll'rent la plupartdes garanties qu'un
esprit judicieux pent desirer.
i.e 1 1 < * i a (in revenu special, appele Us te civile , sur lequel
sont payes les officiers de samaison, les grands olficiers de
l'Etal, les jugcsetles officiers employes a l'administration de
la jnstiee.
Le Roiaponr devise ces mots franeais : Dieu et mon droit.
Les lions qui supportent ses armes furent adoptes originai-
rement par Henri II, qui les emprunta a l'ecusson de sa mere.
La fleurde lys fut adoptee par Edouard III, lorsqu'il preten-
dit a la couronne de France. La harpe est irlandaise; le char-
don, ecossais. La rose blanche provient de la maison d'York;
la rose rouge, de la maison de Laneastre. Sur le ruhan de la
jarretiere est inserite cette devise en franeais : « Honni soil
qui mat y pense. »
La constitution du Parlement remonte a l'au 121 5. Dans la
grande Charte octroyee par le roi Jean, ce prince promet«de
eonvoquer tons les archeveques, eveques, lords et grands ba-
rons personnellement ; et tous les autres principaux tenan-
ciers, par l'intermediaire des sheriffs et baillis, dans l'espace
de quarante jours, pour regler les subventions et impots qui
seront necessaires. » Les actes les plus anciens qui existent,
pour eonvoquer en parlement les chevaliers, ciloyens el bour-
geois, sont de la 49' aunee du regne d'Heuri III (1266).
Le Parlement est assemble par un rescrit [writ) royal. II se
compose duiloi et des trois Etats du royaume. Les lords spiri-
tuels et les lolMs temporels siegent cnsendjle dans une meme
chambre; tandis que les Communes deliberent et votent dans
une autre ehambre separee. Originairement , les lords et les
communes s'assemblaient dans une meme chambre; mai>.
depuis plusieurs siecles, lis out pris I'habitude de sieger dio-
des chambres distinctes.
vSo SCIENCES MORALES
Los lords spirit ucls sont deux archevequcs , vingt-quatrc
eveques d'Angleterre et du pays de (Jalles, el qnaire e-vdiqaes
elus par 1'Irlande.
Les lords lemporels sont les duos , marquis, comtes, \ i-
eomtes et barons qui siegent par leur propre droit, et ccux it
qui ce droit est con fere par election; nntamment 16 pairs,
qui representent la noblesse d'Ecosse, et 28 pairs, qui repre-
sented la noblesse d'Irlande. Le n ombre despairs estaujour-
d'hui d'environ 400. En outre, les juges d'Angleterre siegent
a la cbambre des pairs, en vertu d'nn maadat royal qui lcur
donne droit d'assistance. Les maitres en cbancellcrie y siegent
aussi, en vertu du droit de leur office. Le proeureur (attorney)
du Koi, le solliciteur- general et 1111 conseiller verse dans la
science des lois siegent dans certaines occasions pour don-
ner leur avis; inais nul, s'il n'est pair, n'est adinis a voter sur
aucunc question.
Les pairs ont plusieurs privileges; ils sont les conseillers
bereditairesdu Koi ; ils ne peuvent etre arretes hors les cas de
trahison, felon ie ou violation de la paix publique. Ils ne peu-
vent etre juges que par un jury de pairs, boruiis pourtant, en
certains cas, tels que ceux de libelle , parjure , sedition et con-
spiration, pour lesquels ils sont juges par un jury ordinaire.
En leur absence du Parlement, les pairs peuvent voter par
procurati >a. La chambre des lords est aussi la plus haute colli-
de judicature du royaume; et, dans tons les cas d'erreur, on
peut interjeter appel devant elle du jugement des coins infe-
rieiires.
La chambre des communes se compose de 658 chevaliers et
bourgeois. Les chevaliers sont les representans des comtes;
les citoyens et bourgeois sont les representans des villes et
bourgs. L'Angleterre elit 5i5 membres de la chambre des
communes; l'Ecosse , l\5; 1'Irlande , 100. Ils sont elus en
vertu d'un resent du Roi, adresse aux sheriffs et baillis, sa-
voir : les chevaliers, dans les comtes, par la majorite des pos-
sesseurs d'un franc fief de (\o shellings de revenu annuel an
inoins, et les citoyens el bourgeois, par les fibres posscsxui s
ET I'OLITIQUES. 81
Be maisons des villes ou bourgs. La qualite d'electeur, dans
les villes, bourgs et ports, s'acquiert suivant certaines condi-
tions qui varient avec les localises ; tantot, en raison des cir-
constances qui existaient a l'epoquc on remonte l'origine de
l'election; tantot, d'apres la continue immemoriale, ou
bien suivant les decisions de la chambre des communes, ou
meme de ses comites, constitutes pur le statut connu sous la
designation de Grenville-act. Dans certaines Villes, les francs-
tenanciers seuls ont le droit de vote; dans d'autres, ce droit
est reserve a la corporation ( corps municipal) de la cite ; ail—
leurs . les electeurs sont les bourgeois etablis, on meme la
masse de la population, sans autre condition requise que celle
de la residence.
L'election se fail sur la place publique, devant le peuplc
assemble. Elle est presidee par le maire ou le bailli, qui re-
coit et verifle, seance tenante, ou d'apres la notoriete publi-
que, les tittes de l'electeur. Celui-ci pretc serment sur Its
saints Evangiles. On dresse uri echafaud, uomme hustings,
s\ir lequel les candidats montent et parlent au peuple, pour
exposer leurs principes et leurs titres. lis ont eu soin aupara-
vant d'aller, de maison en maison , solliciter les suffrages. C'est
ce qu'on appelle faire le canvass. Sur la demande des amis du
candidat, le magistrat propose son election a l'assemblee,
par main levee. Si l'assemblee est unanime, ou que la majo-
rite .soit evidente, l'election est proclamee. Mais si quelqu'un
reclame, on procede au vote individuel [poll). Chaque elec-
teur monte sur les hustings, et prononce sou vote a haute voix.
Le magistrat en tient note. Le poll reste ouvert durant dix
jours ; mais le chiffre des votes est proclame chaque soir, a
la fin des seances : {'election a lieu a la pluralite des votes
emis.
Les universites d'Oxford et de Cambridge ont le privilege
d'elire chacune un membre de la chambre des communes.
On appelle, dans le langage ordinaire, bourgs-pourris les
bourgs qui ont conserve le droit d'elire un membre de la
chambre des communes, tandis que la totalise des propiietes
T. XI.VI. AVRIL l83o. G
S... SCIENCES MORALES
qui donnent droit de vote 'est tombcc en la possession, mi
sous ('influence hereditaire d'unc famillc. Les deux grands
partis politiques qui se partagent l'Anglcterre, les democratcs
(ivighs) et les aristoerates (toiys), disposcnt, dans one propor-
tion a pen pres egale, des bourgs - pourris. lis y trouvent l'a-
vantage de t'aire arriver a la chambre des communes les homines
a taJens qui ont succombe dans les elections pnpulaircs. Ce-
lui qui acceptel'election d'un bourg-pourri contracte l'engagc-
ment d'bonneur de voter pour le parti de son patron. Si I'elu
du bourg-pourri vient a tomber en dissentiment avec son pa-
tron sur une question capitale, la coutumc est qu'il resigne
son siege an Parlement.
Lorsqu'un membre du Parlement est regulierement tin, il
ne peut perdre son siege pour aucun motif qu'au bout du
terns fixe par la loi.
Les principaux privileges des membres de la chambre des
communes sont raffranchisscment de loute arrestalion duiant
la session, et quarante jours apres la prorogation, et quaranle
jours avant la convocation de Passemblee.
Le privilege special et le droit exclusif de la chambre des
communes est 1 'initiative en matierc de toutc loi Gnanciere,
La chambre des communes a aussi le droit d'insliluer une en-
quele generate pour accuser les ministres coupables, les juges
partiaux, et generalement tons les officiers de la couronnc.
Lorsqu'un membre veut introduite une nouvelle loi , ou
mi acte quelconque du Parlement, il se leve et demande
la permission d'en presenter la redaction ecrite [bill). S'il en
obtient la permission, le bill est L'objet de deux lectures, se-
parees par quelque intervalle; puis, il est renvoyc a unco-
mite, qui l'amende et le complete. Le president le remel
ensuite sous les yeux de la chambre , afin qu'elle en prenne
connaissance dans son etat definitif. Enfin, on en dresse la
copie authentique, qui est lue pour la troisieme fois, et sur
laquelle on vote. Le vole s'opere par la division des membres,
qui sont comptes un a un par deux membres delegues par
chacun des deux cotes de la chambre.
ET POUTIQUES. 83
Quand nn bill est passe a la chambre des communes, il est
poite a l'autre chambre, pour obtenir son approbation avec
les memes lonnalites. Si la cbambre des lords le rejette, on
n'y donne aucuue suite; si elle y fait quelques amendemens,
ils sont portes a la chambre des communes, poury Otic ap-
prouves. Dans ces occasions , il est d'usage que cliaque cham-
bre depute un certain nombre de membres, afin dc parvenir
a se concilier. L'assentiment royal donne au bill lui imprime
le caraetere de loi. Get assentiment est donne ordinairement
par commission. Mais, lorsque le Roi vienl passer un bill
«n personne, il revet son habit royal, sa eouronne , et siege
sur son tronc, dans la chambre des pairs. Lorsque le Roi a pris
seance, il mande venirlcs communes. L'orateur {speaker) , on
president, snivi de la chambre, apporte les bills financiers';
les a utres bills sont laisses eu la possession de la chambre des
lords. Lorsque le Roi donne son approbation a un bill d'inte-
ret public, il 1'exprime par cetle formide, en langue francaise :
« Le Roi le veut. » Si le bill concerne un interct prive, la for-
mule est celle-ci : « Soil fait comme il est desire. » Si le Roi re-
fuse sa sanction, il dil : « Le Roi s'en avisera. » La sanction du
Roi pour un bill financier s'exprime par cette formule : « Le
Roi remercie ses loyaux sujets, accepte leur benevolence, et ainsi le
veut. » Toutes ces formules sont consacrees en langue fran-
caise, telles que nous venons de les rapporter textuellement.
L'usage est que ceux qui s'opposent a un bill n'en de-
niandent point le rejet, mais seulement rajournement de la
lecture a six mots. Les membres des chambres parlent de
leur place, et ne lisent point de discours ecrits. Ils adressent
la parole, non a Tassemblee, mais au president [speaker). La
cbambre des communes elit son president pour la durce de la
septennalite. C'est le president qui forme les lisles des mem-
bres destines a composer les commissions. II les choisit dans
les deux cotes de la chambre, en ayant soin de conserver, a
la majorite de I'asscmblee , lorsqu'elle est distincte, la pre-
ponderance dans les commissions. On ne forme une commis-
sion, pour l'oxainen d'un bill, qu'apres la sjecbnde lecture. On
84 SCIENCES MORALES
forme egalement des commissions pour divers objcls qui
exigent one cnqucle. Les seances des deux chambres sont le-
galemcnt secretes; la publicite est de tolerance et d'usage ;
mais cet usage est aujourd'hui aussi puissant que la loi. Nean-
moins, pour obeir a la loi, au moment du vote, la cbambrc si'
forme en comite general, et les galeries sont evacuees par le
public — Le president est charge du soin de rappeler a l'or-
dre l'orateur qui s'en ccarte. La cliambre pent ordonner,
suivunt les occurrences, tant a l'egard de ses membres qu'a
l'egard des etrangers, qu'il lui soil fait des excuses publiques,
on encore que le coupable garde prison. Un clerc on grelller
•est attache a la chambre pour la redaction de ses proces-ver-
lraux et la garde de ses archives. — La chambre des pairs est
presidee par le lord chancelier ; il siege sur un sac de laine ,
regarde comnie l'embleme de la preeminence des grands
possesseurs de terres et de troupeaux.
Le Roi nomme son conseil prive, dont voici les attributions :
i° conseiller le roi, pour son honneur et le bien public;
2° soutenir et defendre tout ce qui a ete resolu en conseil. De
cette derniere condition resulte la solidarite des membres du
conseil. Le conseil prive a le droit de s'enquerir de loute of-
fense contre le gouverncment , et de remettre les offenseurs
sous garde publique, pour que leur proces leur soit fait de-
vant les cours de justice. Mais il faut remarquer que la juri-
diction du conseil prive est purement d'enquete , et non de
repression , et que les personnes emprisonnees par lui ont
droit de reclamer leur liberte, en vertu de 1'acte d' habeas
corpus.
Le conseil du cabinet est un couiite du conseil prive, et se
compose ordinairement des onze officiers de l'Etat, dont les
designations suivent : Le lord chancelier; — le lord presi-
dent ; — le lord du sceau prive; — le chancelier de 1'echi-
quier; ■ — le premier lord de la tresorerie, premier ministrc;
— le secretaire pour les affaires etrangeres; — le secretaire
pour le departement de l'interieur; — le secretaire pour le
departcment de la guerre; — le premier lord de 1'amiraute ;
ET I'OLJITQUKS. 85
|e president d-u bureau du controle, pour les affaires de
rindc.
Les minislres inlioduisent dans les deux chambres du I'ar-
lemcnl toulcs les affaires qui dependent de la couronne ; ils
exposent le tableau des besoins publics , et demandent les
sommes neeessaires, afin d'y pourvoir. Ils sont aussi charges
des depenses publiques, qui doivent etre faites et soldees ,
conformement a la loi, sous la responsabilite de chacun d'eux.
Les grands officiers de la couronne sont au nombre de
uenf :
i°. Le lord grand-mailre-d'holel. II etait anciennement
vice-roi d'Angleterre ; aujourd'hui, la charge est purement
de ceremonial. Elle est temporaire, o'est-a-dire conferee pour
line eirconstance speciale, par exemple, pour le couronne-
menl du Roi.
2". Le lord grand-chancelier. Son office comprend la garde
du grand sceau, el les jugemens des causes d'equite, ainsi
que la nomination de tons les juges de paix du royaume; en-
lin, il est le tuleur des orphelins et des alienes.
5°. Le lord grand-tresorier a l'adiiimistration et la compla-
bilite de tout le revenu du royaume. Son office est lenu en
commission par cinq lords commissaires de la tresorerie. Le
premier lord de la tresorerie est repute chef du cabinet mi-
nisleriel. Le salaire de son einploi eslde4»ooo liv. sterlings
(environ 100,000 1'r.) ; celui des aulres commissaires est fixe
a 1,600 liv. sterlings pour chacun (environ 40^000 fr.)
l\". Le lord president du conseil prive. II expose les affaires
dans les assemblies du conseil, et en fait ensuite le rapport
a u Roi.
5°. Le lord du sceau prive. II expedie les chartres d'octroi
et concession du Roi.
6". Le lord grand-chambellan. II a la surintendance du |>a
lais royal et du palais du Parlement.
7". Le comte mareehal. Ii a la surintendance des ecoies mi-
litaires. Get office est lenu par le due de Norfolk ; et comim,
re pair est calholiqne, oxerce par son depute.
K6 SCIENCES MORALES
8°. Le lord grand-constable : son office est icmporairc.
9". Le lord grand-amiral. 11 a ^administration de tonic-
les afl'aires de la marine; ret office est tenu, en commission,
par sept lords de Pamiraute.
Le Roi contere des rangs et des titres, snivant son plaisir.
D'apres tin etat dresse il y a dix ans , la pairie anglaise com-
prenait a(3 dues, parmi lesquels G dn sang royal, qualifies
dues royaux; 17 marquis; 100 comtes; 18 vicomtes et 97 ba-
rons ; sans compter les pairs mincurs et les pairs eatholiques
qui n'ontpas siege jusqifen 1829, faute par eux de preter le
serment legal qui est contraire a leur foi. L'Ecosse a 70 pairs ,
reprcsentes au Parlement par 1G d'entre eux; I'lrlande «5o.
reprcsentes par 28.
Les autres titres sont ceux debaronnet et de chevalier. On
compte environ 5oo baronnels anglais; 200 chevaliers-ba-
ronnets eeossaiset environ 100 baronnets irlandais : ces titres
sont heredilaircs. II y a 25 chevaliers de la Jarretiere et en-
viron 400 chevaliers du Bain : en 1 81 5 , ces derniers ont etc
di vises en trois classes par le Prince-regent, aujourd'hui re-
gnant; savoir : les chevaliers du Chardon , les chevaliers de
Saint-Patrice et les chevaliers Bacheliers. La premiere classe
de Pordre du Bain comprend les chevaliers Grand-Croix ; elle
est fixee au nombre de 72, sur lesquels 12 peuvent elre choi-
sis, quoique l'ordre soit militaire, parmi les sujets britanniques
qui remplisserit des emplois civils 011 diplomatiques. Les mili-
taircs de cette premiere classe ajoutent a la decoration de Pordre
une branche de laurier, qui entoure un ecu, avec cette ins-
cription saxonne : « Icli Dine » . Aucun militaire n'est eligible a
cette classe de Pordre , s'il n'a le grade de major-general des
armees de terre on de contre-amiral des armees de mer. Tons
les princes dusang royal, ayant commission d'oflicier-general
dans t'armce de lerre, on de chef d'escadre dans Parmec na-
vale, sont ajoutes au nombre des chevaliers de cede classe.
— La secoude classe comprend les chevaliers-commandeurs ;
ils onl la preseancc sur les chevaliers Bacheliers , et jouissenl
d'ailleurs des memes droits el privileges que les chevaliers de
I'.T POLITIQUES. S;
la premiere clause. Lois de l'institulionde la classe, le n Om-
bre l'u I fixe a iKo, outre 10 olliriers etrangcrs ayant commis-
sion (In roi d'Anglclerre ; uiaislenombre des menibres de cello
classe pent s'aceroitre , en cas de guerre ou par des actions
d'cclat. Pour etre eligible a cette seconde classe, il laut avoir
le rang de lieutenant-colonel dans l'armee de terre ou de
capilaine de vaisseau dans l'armee de mer. Les chevaliers-
commandeurs n'ont point leurs amies supportees par une
branche de laurier; mais ils les enlourent du ruban rouge et
de la decoration appropriee a leur classe. En outre, personne
ne pent arriver a la premiere classe de I'ordre, avant d'avoir
passe par la seconde La troisieme classe , dite des cheva-
liers-bacheliers , se recrute parmi les officiers commissionnes
au service de terre ou de mer de S. M. Britannique : ceux qui
la composent ont preseance sur les ecuyers {esquires). Pour
qu'un oflicier soit eleve a celte classe, il fa ut qu'il ait oblenu
one medaille ou une distinction honoriGque, ou qu'il ait ete
mentionue expressement dans les depeches oflieielles inserecs
dans la Gazette de Londres, comnie s'etant distingue par quel-
que action contre les ennemis du pays. Les chevaliers de la
troisieme classe du Bain ont ie privilege de porter une deco-
ration qui leur est particuliere, suspendue, par nn ruban
rouge, a la boutonniere.
Sir, est la qualification aujourd'hui usitee a l'egard des che-
valiers et baronnets : anciennement elle n'etait accordce
qu'aux pairs. En adressant la parole aux lords, on les qualifie
vos .seigneuries. On donne le tilrc de lord, nieme aux fils aincs
des pairs, non par droit, mais par courtoisie. Les menibres
des Communes sont qualifies honorables ; et les menibres du
conseil prive tr its -honorables. — La noblesse de province est
connue sous la designation de gentry. Les deputes de celte
classe, qui sont pour la plupart elus par les bourgs et les pe-
tiles villes des comtes, sont connus dans la Chambre des com-
munes, sous la designation de country-gentlemen. Ils n'appar-
tieiincntcommunemenl aaucuii parti politique, soit whig, soit
lory; mais la pliuarl du lenis, ils appuient le gouverncmciit
88 SCIENCES MORALES
— B&quine ( eduyer) est iin litre sans consequence, que s'ajp-
proprienl assezlegeremcnt lespersonnesqui ont une education
et tics tnosurs Liberates.
La seconde conr du royaume (la haute-cour du Parlement
ayant la preeminence) est la cour de Chancellerie. Son insti-
tution a hour but de mitiger la rigueur de la loi , de bonnaJtre
des causes qui coneernent les mineurs et les alienes; enfin ,
de rendie justice dans les cas de fraude, violation de depot
et autres de nature analogue. Le lord grand-chancelier (en
son absence, le vice-chancelier ou le maitre des roles) est
le juge unique de cetle cour, et prononce d'apres les prece-
dens et l'equite. Le maitre des roles est le chef de douze mai-
tres en chancellerie. II a la garde des registres , jugemens,
sentences et decrets de la Chancellerie. II assiste le lord-chan-
celier lorsqu'il est present ; il le supplee comme son depute,
lorsqu'il est absent. Ln vice-chancelier a ete institue recent
ment : son rang ne vient qu'immediatement apres le maitre
des roles. II a le pouvoir d'entendre et de juger toutes les cau-
ses dependantes de la cour de Chancellerie; mais ses deci-
sions, aussi-bien que celles du maitre des roles, sont soumises
a la revision du lord-chancelier.
Le Banc du Roi, etant le tribunal supreme de la loi com-
mune, est place en pouvoir et en honneur immediatement
apres la cour de Chancellerie. Sa juridietion s'etend sur tout
le royaume; elle embrasse toutes les causes que la loi declare
relatives a la pais du Roi. Le Banc du Roi est aussi la cour d'ap-
pel des doors inl'erieures; la, ressortissent encore les causes
de dettcs, par line fiction de la loi ; parce que e'est ce tribunal
qui delivre des rescrits d' habeas corpus aux persono.es indu-
ment emprisonnces. Le president de cette cour a le titre de
lord-chef de la justice, el les trois autres juges dont elle se
compose sont appeles puisne justices.
La cour des Plaids-Communs est le tribunal special des ac-
tions reelles, e'est-a-dire, des actions qui coneernent la pro-
priety du franc-fief, de sujel a sujet, fondeesur la loi commune
et le statu! commun. Cetle cour delivre aussi des mandats
ET P0LIT1QUES. ty
^habeas corpus. Les juges sont an nonibre do qualre, dont le
premier est qualifie lord chef de la justice du Plaid-Com-
mun ; les autres sont qualifies puisne judges.
La tour de l'Echiquier connait de toutes les causes relatives
au revenu public, sur lesquellcs elle prononce, eonforme-
ment a la loi et a Pequile. Elle se compose de qnatre juges
qui ont le titre de barons de l'Echiquier : le premier d'entre
eux a le titre de lord-chief -bar on.
Les douze juges qui composent les trois preeedentes cours *
(Kings- Bench, Commons-Pleas, Exchequer) vont en tournee
(circuit) dans le royaume, douze fois dans l'annee, pour ad-
minister la justice. En outre, des cours locales sont tenues
tous les trois mois, pour les comtes, cites et villes ayanl cor-
poration. On appelle leurs sessions, sessions de comte ou ses-
sions quartenaires. On y juge les affaires de rixes et de me-
nus debts. PourLondres etle comte de Middlesex qui embrasse
une portion de la capitale, on tient huit sessions. Cette cour
est designee sous le nom (Void Bailey : elle se compose de trois
des grands-juges, du lord niaire de Londres et du grefiier de
la ville (Recorder).
II y a, dans chaque comte de P Angle lerre , mi sheriff ou
depute du Roi qui execute les ordres du roi et les rescrits le-
gaux qui lui sont adresses; qui fait arreter et retenir en pri-
son les delinquans, qui les amine devant les juges, qui pro-
cure l'execution des sentences judiciaires, tant civiles que
criminelles, et qui, aux assises, pourvoit a la protection des
juges. Outre le sheriff, chaque comte a son lord-lieutenant
qui presentc les juges de paix a la nomination du lord-chan-
celier, nouime les ofliciers de la milice, et remplil le role de
chef des pouvoirs militaires du comte.
Immediatement au-dessous du sheriff, sont places, dans la
hierarchie de chaque comte, des juges de paix, commission-
lies par le Roi. Leur office est de faire executer les lois qui
concernent les routes, lesmendians, les vagabonds, les rixes,
les mutineries, les actes de felonic, etc.; enfin, d'interroger
et de remetlrc sous la main du sheriff, pour etre juges, tous
«,h SCIENCES MORALES
ceufe qui enfreigneht les lots. Leafs fonctions sont gratuite*.
ausst-bieriqne ctelles des slieritfsetl'Ords-'lieutenausj et m&ttie,
en certains cas, obligatoires, sons peine d'atucndc.
Pour voillcr a ec quo mil no soil this a niorl , par violence.
deux mi truis magistrals, nommes Coroners, sont clus p;ir
les ffancsJteriaflciers d* cnaque cointe , a Collet do convoqner
iiu jury compose de douzc personnes dn voisinage, loutes les
fpis qu'il y a lieu de constater une mort subite et violente et
d'en rechcrcher les causes. Ce jury est appele jury du Co-
roner.
Les conites se divisent par cantons, on centuries. Chaquc
centime a son haul -constable , et chaquc paroisse son con-
stable, dont 1'office est d'assister lc haut-constable', de main-
tenir la paix, d'arretor et detenir ceux qui ia troublont, jusqu'a
ce qu'ils puissenl etre amenes devant iin juge de paix; (Fcxc-
cuter les mandats des magistrats et des cours de justice, avee
1'autorite; en cas de resistance, de reclamer l'assistance de la
force publique, sans prejudice des penalitcs legates. En outre,
chaquc paroisse a les officio's publics suivans : — rinspceteur
des pauvres , elu annuelleinent par et panni les principaux
tenanciers des maisons de la paroisse, sous la presidence des
deux juges de paix les plus voisins ; son office est de percevoir
des habitansde 1 aparoisse, en proportion du taux dc location
des maisons, l'impot destine a la sustcntation des pauvres de
la paroisse {taxe des pauvres) qui sont incapables de travailler ;
il est aussi charge de fournir du travail a ceux qui , etant ca-
pables de travailler, ne trouvent pas de l'emploi. — Les gardiens
de l'eglise, on marguilliers (cliurck ivardcns). — Les inspec-
tcurs des grandes routes, charges de veiller a la conservation
et a la reparation des routes qui traversent le territoire de la
paroisse, depuis une barricre jusqu'a I'autre. lis sont eommu-
iicment an nombre de deux par paroisse, choisis par les prin-
cipaux habilans, sous 1'approbalion ties deux juges de paix les
plus voisins.
'Pontes les cites, et ineine plusieurs bourgs, onl une cor-
poration indcpendanle , par la quelle ils sont gouvcrnes, con-
ET POU JIOUES. ;,.
forincmcnl a line charte octroyee par Ic Hoi, avcc juridictioii
sur clles-niemes, pour juger en toutc matiere civile ou crimi-
nellc. L'appeldes causes civiles est porte auxeours s'iperieures
qui siegent a Londres ; les causes eriminelles capitales sont
seulcs portees aux pages des assises. Lc gouvernement des
cites et des bourgs varie, suivant leurs charlcs. Les cites out
n n main!, des aldermen el des bourgeois, qui constituent la
corporation de la ville et torment la cour de justice do la cite.
Les bourgs ont, les uns, un maire , les autres, deux baillis,
lesqucls, durant leur magistrature, exercent la justice de paix
dela localite. Quelques cites ont le titre de coinles, ot choisis-
9feW elles-mcmes leur sheriff* Anciennemont et do droit, le
peuple des villes et bourgs clisait les meinbres de la corpora-
tion : les corporations qui ont conserve ce mode d'eleclion
soul appelees corporations ouvertes ; mais plusieurs charles de
Charles II ont enleve lc droit d'eleclion au people, pour le
transporter aux corporations elles-memcs, qui se complement
en pourvoyant aux vacances qui surviennent dans leur sein.
Ces corporations, appelees closes, sont generalemenl impopu-
laires.
Plusieurs sorties de lois sont en vigueur en Angleterre :
i°. La loi civile , basee sur les lois municipales de r Empire
romain , redigees en code par l'empereur Justinien, vers
l'an 533, augmentee de plusieurs autres constitutions emanees
de cet empereur et de ses successeurs. — s°. La loicanonique,
qui est la collection des lois ecclesiastiques. — 3°. La loi com-
mune, qui est 1'ancienne loi saxonne. — 4°- Le statut legal. On
entond par ccttc expression generique, les lois sanctionnoes par
le Hoi, apres avoir ete voices par les deux chambres du parle-
ment. II y a quatre cours dans lesquelles 1'applicatioTa de la
loi civile et de la loi canonique est admise, lorsqu'clle no so
trouvepascontrairea la loi commune olau statut legal. Ces cours
sont la cour ecclesiastique, la cour mililaire, les cours d'ami-
rautc, cl'les coins des deux univcrsiles [Oxford et Cambridge).
La liberie individuclle des nationaux anglais est t'orlemoul
e\ religieuscmenl protegee par les lois du pays : nul dcnlrc
,,j SCIENCES MORALES
rux no pent Ctre arrele, QU rctenu cu prison, que par 1'auto-
i iic d'un juge de paix, et sur la deposition, par serinem, d'unc
mi ilc plusieurs personnes: on encore pour dettes, en vertu
du couunaudement , revetu de certaines I'ormalites , d'unc
cour competente. Lorsqu'un jndividu est arrcte pour nn acte
criniinel, l'oflicier qui I'arrete est tenu , par l'acte d' habeas
corpus, sous les peines les plus severes, de delivrerau prison-
nier ou a son agent, six hcuresapresqu'ilcna fait lademande.
une eopie du mandat d'emprisonnement , afin que nul ne
puisse etre emprisonne par malveillanee, par vengeance, on
laisse dans l'ignorance des charges elevees contre lui. Si celte
copie est refusee, sur la plainle qui en est faite parecrit et sous
sermenl, le lord-chancelier ou l'un des douze grands-juges du
royaume, declare le cas caulionable; ou bien , sur la denon-
ciation par serment du refus de la copie. le lord-chancelier ou
le juge peut decerner un rescrit d' 'habeas corpus, en vertu du-
quel le prisonnier est immediatement amene dcvantlui, et
obtient, de droit, sa liberie provisoire, moyennant caution.
Lorsqu'un horarae est accuse d'un debt, avant qu'il puisse
etre traduit en jugement, les charges qui le concernenl doi-
vent etre examinees, une premiere fois, par un grand jury de
vingt-trois personnes; douze desquelles, an moins, doivent sc
trouver d'avis qu'il y a lieu de decerner un acte d'actusation
(/><'// of indictment) ; et, dans ce cas, le proces public a lieu
devant douze pairs de Paccuse. Les pouvoirs du grand jury,
ou jury d'accusation, exerces avec circonspection et vigilance,
sont certainement l'une des plus fortes garanlies de la liberie
individuelle, comme l'une des meillcurcs sureles qui puissenl
etre donnees a l'accuse.
Le petit jury, compose de douze individus , prete serment
« de juger bien et veridiquement , et de prononcer, entre le
Roi et le prisonnier qui coinparait a la bane , une decision
conforme aux temoignages qui seront portes. » Apres avoir
eqtendu ces temoignages, la defense du prisonnier, et ie texle
de la loi de la bouche du juge, les douze jures doivent expri-
mer ohacun leur opinion individuelle. et se rencontrer lous
ET POLITIQUES. 90
unanimcs pour I'apquittement ou la condamnation du prison-
rtier. Les jutes doivent etre impartiaux et independans; c'est
pourquoi ils sont tous recusables par l'accuse. lis doivent
chercher les motifs de leur decision (verdict), dans leur con-
viction in time, basee sur des temoignages clairs et positit's.
Tons les crimes capitaux sont classes, en Angleterre, sons
les deux rubriques de Irahison et felonie. La trahison consiste
a coniploter, conspirer, 011 marcher, les armes a la main, contre
le souverain; ou, enfin, a contrefaire la monnaie. Sous la
denomination de lelonie, sont compris les meurtres, vols,
faux, mutilations, blessures, eft'ractions, etc. Ces crimes sont
punis de la pendaison : les meurtriers sont executes, vingt-
quatre heures apres leur sentence. L'Angleterre est peut-etre
le seul pays ou le vol soit puni, par la loi , aussi severement
que le meurtre; et cependant, c'est peut-etre le pays oh lc
vol est le plus frequent : nouvelle preuve que la severite des
lois n'est pas toujours le meilleur moyen de repression des
crimes. Au reste, la peine des individus coupables de vol est
ordinairement commute en la deportation a la Nouvelle-Hol-
lande, a vie ou a terns. Le faux temoignage est puni de l'em-
prisonnement, avec amende. Les escroqneries , filouteries et
petits larcins sont punis du fouet et de l'amende. La calomnie
par la voie de la presse , l'usage de faux poids ou mesures ,
l'accaparement des denrees sur les marches publics, les actes
qui portent atteinte a lapaix publique, sont punis de l'aniende
ou de l'emprisonnement, et quelquefois de tous deux a la fois.
Les lois concernant la chasse sont tres-oppressives, en Angle-
terre : elles prodiguent l'amende et l'emprisonnement. En
1818, ces lois out amene douze cents personnes dans les pri-
sons publiques.
Pour completer le tableau des libertes et" privileges de la
nation britannique , il convient d'ajouter : i" que tout Anglais
jouit du droit constitutionnel d'adresser, soit individuelle-
ment, soit collectivement, des petitions au Hoi et aux deux
chambres du Parlement, tant pour obtenir le redressement de
94 SCIENCES MORALES
ses propros grid's on de ceux d'autrui , que pour proposer
l'adoption d'uiw loi nonvclle ou ramendemenl dc la legisla-
tion cxi.-tantc ; 2° que tout Anglais jouit aussi, en vertu de la
constitution, du droit de dire publiquemcnl, d'ecrirc ct d'im-
primer ee qu'il croit la verite , sur toute question d'interel
public ; droits qui sont consideres comme la plus eflicace ga-
rantie de la bonne conduite des bommes publics et de la re-
pression des abus de pouvoir, et qui, par ce motif, sont
places sous 1'egide iudependante du jugement par jury.
N. D. Les principaux actes constitutionncls de I'Anglcterre
sont an noinbre de six, savoir : i°. La grande charte des liber-
ies. 2°. La charte des forets. 5". La petition da droit ( i juin
1628). l\". Uncle d' habeas corpus. 5°. Le bill des droits (1689).
6°. h'acte of settlement (d'elabli.sscment) pour la limitation da
pouroir de la coaronnc, et pour consolider les droits et les liberies
dcssujets,pi\$s(:\es i2eet i5eannees duregnedc Guillaumelll.
A. Maiutl.
<WVWVWWV\
Essais sfR l'histoire de l'esprit ntiMAiN dans l'antiqiute, par
M. Rio. professeur d'histoireau college de Louis-le-Grand :
t. 1 et n (1).
L'etude du developpement intellectuel des peuples au-
ciensn'a fait eclorc en France jusqu'a present que des esquis-
ses imparfaites. Des vues etroites et inesquines ont domine
cette partie de la critique litterairc ; on s'est borne a relever
1'harraonie imitative d'un vers, a noter la cadence d'une pe-
riode, 011 tout au plus Thabile ordonnance d'une piece de
theatre ; on n'a point envisage l'antiquite face a face clans
(1) Paris, iSjo; Hachette, rue Piene-Sarrazin, 11° 12, et Alex. Mes-
iiier, plac«- de la Bourse. ■>. vol. in-8" de 5oo el .^oo pages ; prix, 1 5 fr.
j$T POLITIQIES. .p
son ensemble, dans sa marche progressive, dans ses rapports
avec le monde moderne : en un mot, on a fait des cours de
litterature et point d'histoire philosophi(pie.
C'est pourtant un magnifique spectacle que celui dc cette
civilisation, dont Ies produitsont traverse les siecles sans rien
perdre de leur fraicheur ni de leur eclat, et sont restes les
types immuables do grandiose et du beau dans les arts d'ima-
ginalion. L'Orient est une terre de prodiges, parsemee dc
monumens qui semblent le legs d'une race plus grande
que la notre; et.ces proportions colossales se retrouvent dans
chacune de ses ceuvrcs, dans ses poemes, dans ses intermi-
nables epopees on tout se mele et se confond, religion, his-
to'ne el philosophie. La Grece est, a vrai dire, la fleur de l'in-
telligence humaine: peuple heureusement doue du ciel, ou le
sentiment du beau fut, non pas le privilege de quelques
homines , mais l'inslinct de tons, qui donna au monde ses
deux plus grands genies peut-etre, Homere et Aristote, et a
laisse comme souvenirs de son passage Plliade et le Parthe-
non. Quant a Rome, nous ne la placerions qu'au second rang,
sa litterature n'etantguere qu'une contre-facon plus ou moins
ingenieuse de la litterature grecque ; elle merite cependant
d'altirer l'attention, parte qu'apres la conquetede rUnivers,
elle resume les autres litteralures ; elle les recueille dejavieil-
lies et fanees ; elle les associe a sa decadence, a sa mort,
pour renaitre plus tard avec elle sous Tinspiration feconde
du christianisme.
L'imagination de M. Rio parait avoir ete vivement saisie
de ce spectacle, en meme terns que sa raison etait frappee de
rinsuffisance des travaux anterieurs; il a compris que, dans
la vie intellectuelle des peuples anciens, il y avait autre chose
a etudier que des monumens el des livres , et que ces ouvra-
ges etaient nes sous l'influence de lois constantes qu'il im-
portait de decouvrir et de determiner. /Vlors, s'emparant d'un
mot sublime de Pascal, il a entrepris de considerer toute la
suite des hommes, pendant taut dc siecles, comme un menu:
homme qui subsiste toujours, el qui apprendcontinuellemenl.
§6 SCIENCES MORALES
II a rcsolu d'embrasser tout l'esprit antique, et cssaye de re-
traccr scs buns el ses mauvais jours, sa marche logique, et
son declin cgalcment rationnel.
MaisTceuvre ctait diffictle, et le sentier rude ct mal fiaye.
Deux conditions sont indispensables pour une bonne his-
toire de 1'intclligence humaine : d'abord la conuaissance com-
plete des fails, non-seulement litteraires, mais politique^ ct
religieux : car l'esprit d'une epoque se netrouve dans une
constitution ou dans un systeme tbeologique, aussi-bien que
dans un dramc ou une epopee ; puis une raison superieure,
capable d'une analyse exacte et d'une syntbese puissante, un
esprit de la trempe des Bossuet, des Vico, des Montesquieu.
Or, dans l'etat actuel de nos etudes sur l'antiquile, qui pour-
rait satis faire a la premiere de ces conditions? D'une part,
I'Orient, qui fut si long-tems pour nous une enigme indechif-
frable, commence a peine a s'eclairer d'une lumiere nouvelle,
et le voile qui le derobait a nos yeux, n'est qu'a denii souleve.
D'autre part, la Grece et Rome n'ont pas ete explorees a
fond ; leurs sciences ont ete negligees comme indignes de la
science moderne : leur mytbologie a ete expliquee a la legere,
ou transformee en un systeme astronomique; l'influence de
leurs institutions sur la litterature et les arts, mal determinee.
On ne peut done croire que I'crudilion d'un seul homnie suf-
fise a combler toutes ces lacunes. Quant a la seconde condi-
tion, qui oserait se flatter de la remplir? ce n'est pas moins
que le genie, ce regard rapide et sur qui saisit les faits dans
leurs details a la foisetdans leur unite, et, planantsur lemonde,
le voit d'en baut et le juge.
L'oeuvre tentee par M. Rio nous semble done aujourd'hui
tout-a-fait impossible : car les eleinens materiels d'un tel tra-
vail ne sont pas rassemblcs, et le genie s'egarerait lui-meme
en voulant y suppleer. Aussi, M. Rio, malgre son talent in-
contestable, a recule devai.it son entreprise; et, apres avoir
annonce une histoire de l'esprit bumain dans I'antiquite, il a
reduit sa laebe a un eloquent resume de l'bistoire litteraire el
seientifique de l'ancieunc Gpece.
ET POUTIQUES. c£
T,a civilisation, selon la definition dc M. Rio, se compose
<!c trois elemens : l'element intellectuel, l'element moral ct
l'element materiel. De ces trois elemens I'auteiir rctranche
tout d'abord les deux dernieis : l'element moral, parcc qu'il
demeure stationnairc, attendu que l'homme n'a jamais eu que
le memo nombrc de moyens pour combaltre ses passions ou
pour les empechcr de nail re : l'element materiel, parce qu'il
•enlantc le luxe, et, par suite, la corruption et les grandes ine-
galites sociales qui tuent les nations.
Resle done l'element intellectuel, qui se developpe sous la
double influence de la religion et de I'Etat; « mais, quant a
4a religion, dit HI. llio, elle ne serait susceptible de perfec-
tionnement qu'autant qu'elle serait Pouvrage de l'homme :
elle ne doit done pas figurer dons le tableau de ses progres in-
tcllcctuels a cote de la poesie, des sciences et des arts » . 1,'E-
lat ne se perfectionne pas non plus suivont les memes lois que
la litterature, « et les epoques oi'i I'esprit humain a jetele plus
d'crlat ne sont pas celles ou 1'ordre social a recu la plus beu-
reusc organisation. »M. Rio s'abstient done egalementde de-
terminer d'une maniere precise Taction des institutions poli-
liquesou religieuses surlemouvement intellectuel des nations.
Si de telies restrictions simplifient beaucoup ce vaste ta-
bleau, elles lui utent d'ailleurs une parlie de son interet. Nous
(ne pouvons admettre que I'esprit d'une epoque se rellete dans
■sa litterature plus que dans sa religion, ses moeurset son indus-
trie : ce n'est done point 1'bistoire d'un seul de ces elemens,
mais celle de tons, qui compose l'histoire lotale de Pintelli-
gence humaine. Que la religion, la politique, la mora'ite des
peoples, soient ou non progressives, qu'elles marcbent d'un
pas egal ou qu'elles aient un sort divers; pen importe : le fait
u conslater c'esl que toutes ces choses ne sont pas stalionnai-
rcs; et cela justement prete un caractere dramatiquc a l'his-
toirc de I'esprit humain. On se plait a voir ['intelligence des
nations anciennes nnitre et grandir a l'ombre tutclaire de la
religion; puis, parvenue a Page viril, elle se degage (]c<
liens qui lui scmblont trop pesans. et cherche son apnni
T. XXVI. AVIUT. l8"0. <J
30 SCIENCES MtXRALI'S
dans la sagesse tics lois, la raisbb et la morale philosophiqac .
bientut, empoclee par une passion d-indepuadaace loujom-
erois-anlo. cllc derange riinrmonio des lois, el l>rise Ic jnugdo
la morale cdmose elle avail briae cclui do la religion :c'est
sa decrepitude* tMillc accnlens de lieux et de durce, mille cif-
constauecs dwerses \ lemient varier ce spectacle : mais il n'cst
corbplet qu'a la condition que lonles ces varices s'y repro-
duisent. Sans cela, vous n'aurez sons lc litre iFliistoirc gene-
rale qu'une monographic plus on moins etendue, nnc appre-
ciation de telle on telle brauche des produiis de l'espril hu-
main. Ainsi, i\l. Kin, a force de reduire son snjet, l'-a rcnfermc
dans un cadre de ce genre, et s'est borne finalement a pre-
senter line analyse philosophise des creations principales de
l'art et de la science thcorique chea les Grecs.
L'Orient a ponrtant attire son attention : mais, pen t'ami-
lier avec les langues et les anliquites de l'Asic, il n'a pn don-
ner que des extrails emprunles anx travanx recemmcnt pu-
blics en France et en Angleterre. Nous en excepterons un
morceau remarqnablo sur la poesie hebraique , el quelques
pages curieuses et originales sur les epopees indiennes. Le
resle de eclte premiere partie est suffisant pour les gens du
inoiule, mais doit paraitre faible anx erudits.
La Grcce, voila rcellcmcrit tout le snjet de M. Rio; el id-
les la carriere ainsi rclrecic est encore vaste et glorieuse a
pareourir. Depuis les poetes religieux qui se pcrdeot dans la
unit des tcms jusqu'aux derniers Ptoltmees, depuis ces con-
structions cyclopeennes qui font encore l'etonnement des
voyageurs jusqu'au temple de .lupilcr Olympien, le genie grec
a realise lout ce qu'il a elc donne a l'espiit humain de conce-
voir; et, soit qu'il aitalteint leslimilesde la perfection, comme
dans les beaux-arts, soit qu'il nit seulcment aplani la route,
comme dans les sciences d'observation, il a jete partoul sur
son passage des torrens de lumierc, et laisse une trace iueffa-
eablc. Quelque chose de mysterieux et d'inconnu preside a sa
naissance; a peine degage des langes de son bcrceau el des
lien* etroils de la mylhologie orientale, il se manifeste par
ET POLITICOES. 99
vrtic merveille, 1'epope.e Homcrique; il est deja complcl et
d'une beaute parfaite, comme Mincrvo sortie tout armee dli
cerveau de Jupiter.
Son developpement et son education, pour ainsi dire, se.
sontdonc fa its dans le silence entrel'arrivce des colonies etran-
geres *t la conquete des Heraclides, qui suivit la guerre de
Troie. Mais, danscette civilisation si brillante ets'iharmonietisr,
ne faudrait-il pas distinguer les fruits indigenes du sol, et ce
fjtii vint d'ailleurs, de la Thrace ou del'Egypte? ne faudrait-il
pas examiner sous quelle influence se modifierent les tradi-
tions de FOrient, la doctrine orpliique avec ses orgies et ses
ceremonies barbares, tesarts del'Egypte, leur grandeur uni-
forme et leur monotonia symbolique ? Gar le polytheisme, et,
par suite, les arts de la Grece sontnes de tout cela, et certes
l'elfet est assez beau pour qu'ou se donne la peine d'en rc-
chercher la cause.
M. Rio ne s'est pas arrete sur les premiers terns de la Grece :
il a montre rapidement qu'elle n'etait pas le berceau de tontes
les connaissances humaines, et que Fart avail mavche en
Orient; mais il n'a pas essaye. de determiner ce qu'elle avait
cree, ce qu'elle avait emprunte aux nations plus vieilles, ni
quelle transformation elle avait fait subir aux mythes adoptees
par elle comme objets de cuke, 011 comme simples clemcns
de poesie. M. Rio n'est pas remonte plus haut qu'Homere, et
pour lui tout, en Grece , date de l'lliade.
Cette lacune, dansunlivreremarquable abeaucoup d'egards,
tient surtout a ce que Fauteur n'a pas fait entrer dans son
cadre l'hisloire de Fordre social et surtout celle do la religion.
Les revolutions survenues dans le culte expliquent, en effet,
les revolutions survenues dans Fart. En Grece, tout artiste
s'inspirait de la religion nationalc : les monumens public's
etaient des temples; les representations theatralcs elles-me-
mes, de pieuscs solennites. A mesure done que les mytlies
obscures et terribles de FOrient se revfitaient des formes gra-
cienses et poetiques du polytheisme grec, Fart cessait la vaine
tentative de reprodtiire I' image des forces secretes de la na-
,00 senders morales
tun;, et s'wteyaU a la contemplation du beau absolu. F re-
liant pour base celte assimilalion conslanle cnlrc les ukui-
veuiens religieux el intellectuels, on pom-rail snjvre pas a
na< les progrcs de lolle on telle brancbedes beaux-a;js, de la
sculpture, par cxcmple. On verrait ainsi les colonies do Thrarc
ct d'J^gjrpte introduire en Grcce lenr fetiebismc ct lcur cos-
mogonie barbares. G'est lc tcms ou l'art surcharge les figures
des dieux d'altribnls bizarres, symboles d'nne mysltrieuse
puissance : ou bien, s'il les considere commc de simples abs-
tractions, comme 1'elre en soi, il en fail alors ccs statues de
picrxe brule que Ton voyait a Pharcs en Achai'e, celle Venus
de Papbos, ce Cupidon de Thespis, blocs iufonncs doul parle
Pausauias. Mais bientot, soit que les castes sacerdotales etran-
geres (i) aicnt etc vaincues dans une lulte a main armee,
soil que le genie grec, a vide a la fois de liberie ct dcpoisic,
ait graduellemenjt re forme cesmyllics farouches, le culte des
personnificalioi.s cosinogoniques cede a celui de dieux aclifs
fails a I'image de l'homme ou de heros divinises. Alors vicnt
Dedale, ou plulol I'ecole d'arlisles designee sous ce nom gc-
ncrique, et ceux-l.i commencerent a oler aux statues des
dieux leur cachet primilif d'immobililc, et a aniincr la pierrc,
lc bois et l'i voire. Enlin, aprcs de longs debats donl rbisloire
n'a pas garde le souvenir, les puissances de la nature sont
velegnees dans un mondc a part ou la veneration publiquc ne
les suit plus; Salurne, le Ciel, Helios, disparaisscnt devanl
les splendeurs de l'Olympc, Jupiter, Apollon, etc. : laTerre
est representee a Athenes, dans une attitude suppliantc, de-
mandant la pluie au maitre des dieux ; Homcrc complete cctte
revolution, etdevientrorganede la religion beroiquede la Gre-
ce. Or, rcmarqu.His-le bien, Phidias est ne d'llomere, ete'est
dansl'Iliade qu'ila trouve le module de son Jupiter Olympien.
Nous ne pousscrons pas plus loin l'examen de ccs synchro-
nismes, qui, appliques a d'autres parlies de la liltcralurc et
(i) Voir I'ouviage sui- la Religion, par M. Bwjomin OOK^PiKt. vol. tt
et m.
ET POLrilOUKS. loi
des arts, doiineraicnl probaMeritetTl nil soiftblabflc resullak
N>OUS avo!)S seulemenl voulu constalcr que replication des
revolutions Htleraircs do la Grece doil se trouvcr ilaus I'his-
hrfre tie scs revolutions religicases, et, puisqwc ces dcrui. res
ne nous sont pas toul-a-l'ait ineonuties , il faut suivre aver,
soin ce fil precicux qui nous guidera dans lc labyriulhc des
antiquiles belleniques. Mallicureusement ce rapport n'a pas
I'rappe M. Rio : il a neglige 1'etude des terns primitifs, sous
prelexle que la critique ne les avait pas suflisamment degages
de leurs tenebres; d'ou il suit qu'il n'a pas indique comranit
la Grece se liait a l'Orient, et n'a pas meme suffisammcnl
rcleve la veritable importance de l'cpopce Homerique, qui lui
sort dc point de depart. Homere n'est pas un accident isol.':
dans l'liistoire de la Grece; pour apprccier sa grandeur, il ne
faut le scparer ni du mouveincnt inlellectuel qui a precede
ct prepare sa venue, ni des siecles qui l'ont suivie. Homere
rcprcsenle toute line cpoque de la civilisation grecque, el la
phis curieuse peut-elrc ; celle ou le genie national a Iriom-
plie definilivement des importations elrangeres, les a repous-
sees ou modiiiees victorieusement ; celle oil, libre de ses en-
Ira ves, il s'elance, pletn de vie et de jeunesse, dans la carrieic.
que mil peuple apres lui ne parcourra si complete et si belle.
II est le monument de telle revolution, et l'etat social de son
lems a passe lout enlicr duns ses vers. II est theologien, plii-
losophe et roi; son regard, quiperce les profondeurs de I'O-
lympc, s'altaclie cgalemenl aux details d'un sacrifice , a la
disposition d'une arince, a la manoeuvre d'un vaisseau : il
cpuisfe le cercle entier des idces et des connaissances de sou
terns. Homere est specialement le poele de la Grece, et non,
comme dil M. Rio, celui de I'luunanitc : ce n'est pas I'homnir,
dans le sens abstrait de ce mot, qui est le sujet de ses chants ;
e'est le Grcc : la Giice s'y reproduit sous loutes ses formes
avec ses defairts el ses qualilcs, sans dissimulation nipi-cran-
rion oraloiie, idle (jue le lems ct sa riche nature Tavaict
faite. Coiisidcre souscepoiui de vue, Homere apparait, no;'.-
sculcmcut comme lc createur de 1'epopce, mais comme lc
102 SCIENCES M01ULES
resume ilc tout lc passu de son pays, el le pivot, pour ainsi
dire, sur lequel tourne la plus brillantc civilisation qui I'm
jamais : et c'esl cette universalite, sans doute, qui, f rap pant
de stupefaction la critique inoderue, l'oblige a se demandcr
sil'IIiadc etl'Odysscesont reellemcnt l'oeuvre d'un seul bom-
nie, s'il ne I'andrait pas les altribuer, comine le Romancero
espagnol el les Niebelungen de l'Allemagnc, a une generation
entierc de poetes; car, dans nos siecles d'aualyse, nous ne
comprcnons guire ces gcnies des premiers ages, synthetiques
et complete, a qui une sorte de revelation divine semble
avoir dit tous les secrets de riiunianile.
Nous pensons done que, pour assigner a Homer e le rang
qui lui apparticnt, il faut l'etudicr dans ses rapports avec Is*
socicte qu'il a deerite et le long mouvement intellectuel dont
il est le produit. M. Rio n'a pas suivi cette marcbe et nous ne
lui renouvellerons pas nos reprocbes a ce sujet : mieux vaul
rendre justice a ses travaux sur le sieclc dc Pericles, a sou
appreciation des principalis bistoriens de la Grcce, a 1'exacli-
tudc serupuleuse avec laquclle il a essaye de determiner les-
progres des sciences natu relies. Nous nous permeltrons ce-
pendanl encore une legem critique : M. Rio a adopte l'opinion
de Guillaume Scblegel sur les beaux-arts; il croit, comme
lui, que l'ccole de Phidias est le type de la perfection, parco
qu'clle cut tou jours pour but d'idealiser la nature humaine, et
que la decadence de la sculpture commence avec Lysippe, qui
rcduisit l'art a n'etre que 1'imitatipn licit le de cette meme na-
ture. Cette tbeorie, pour etre unanimcmenl admise, aurait be-
soin de quelques deveioppemens que M. Rio s'est abstenu de
donner, et generalement ses assertions sur les causes de la
decadence de Tart, bien qu'elles soient pcut-etrc jusles an
fond, semblent paradoxals, 1'aute d'etre appuyees de preuves
sullisantes.
Ensommc, la premiere parlie de l'ouvrage de M. Rio, oon-
sacree a rendre comple de la marche ascendantc dc ('intelli-
gence chez les decs, est de beaucoup la plus faible; la sc-
conde, oii se deroule lc tableau du declin progressifdes Icttres,
ET POLITTQIES. ro5
dvs ; i r t s el mC'ine des sciences, oe mcrile piesque quo flea
eloges.
L'autctir a cte surtout domine par colic idee, qu'une loi
constants preside a Fhistoire de l'intellfigence chez les nations.
L'imagination, compagnc de la jeunesse, vient colorer de ses
rians prestiges Ietirs premiers pas dans la carriere : clle regno
d'abord sans rivale, decroil, puis s'eteint, et Fobservation
prend sa place. Mors la poesie est rejetee, la science en bon-
netir; mais cette ardenr scientifiquc s'use bientot clle-memc.
On se lasse de Fobservation; on voudrait revenir a la poesie :
I'i inspiration est morte : tout s'efface et di-sparait a !a fois, let-
Ires, beaux-arts et sciences; et le peuple qui a passe par ces
revolutions a accompli sa destinee. Ainsi, chcz les Grecs,
nous voyons l'imagination regnerensouveraine jusqu'au terns
d'Alexandre, se faner insensiblement et languir, depnis le.
jour on Aristole, repondnnt aiix vceux de son sieele, a pro-
claim- que, hors de Fobservation, il n'y a que tenebres et
\ agues reveries. Elle luttc un instant, et se debat contre I'in-
vasion de Fempirisme, mais sans sueces. Les beaux-arts des-
cendant de la sphere ideale on Phidias les avait places, et
observent exclusivement a leur tour. La poesie est descrip-
tive, didactiquc, on s'abaisse a louer non plus les dieux, les
heros el les vainqueurs aux jeux olympiques, mais les courli-
sanncs couronnees d'Alexandrie ou d'Aulioehe, et les misera-
bles souverains qui se sont partage les depouilles d'Alexan-
dre. L 'eloquence n'est plus line puissance; e'est un metier
qui fait vivrc ics rheteurs. L'histoire est devenue une Seclie
chronique, un amas de lourdes dissertations sans ehaleur hi
entbousiasme, et Polybe n'est qu'une exception honorable
qui confume la regie. La philosophic craint si fort de s'egarrr
avec Platon, dans les profondeurs de Fontologic , qu'elle se
borne a reconnaitre les fails do rtionde materiel, se refuse ;i
toutc consequence qui la menerail au dela, se renferme flans
le seepliei.-ine, dans la negation absolue meme de Dieu. La
melhode d'Aiistole , poussee jusqu'a ses derniers lermes . a
enlraine son eeole dans eette route; et, certos, il landrail li
deploi-er Comme un inaljieur sans Compensation , si elle n'a-
io'i SCIENCES MOIULES
tail pas dole la Grece <lc laseulc gluire qui lui manquai, celle-
des sciences natiirelles.
« Homcre el A lis tote, (lit M. Rio, out term, l'un apres
I'autre, le sceptre inlcllectuel tie la Greee. Le regno d'llomerc
a dine 6:>o ans, ct les chefs-d'oeuvre des pocles et des artistes
(liscul asscz si cc regno fut gloricux. Mais , commc son em-
pire ne s'cxen/ait que sur les imaginations, il a du dccliucr
a\cc oetle facultc que nous avous vue s'eleindro pen a pen
dans la periode qui snivit Alexandre. Celle ere memorable
dans l'liisloire de Tespi it lininain pourrait s'appelcr I'avejier
ineut d'Aristole, qui preside alors a son lour pendant tiois
siecles a ladestinee inlellectuellc de la Crete. 11 semblait quo
la Providence speciale qui veillait sur celte intere-sanie con-
tree n'eftl pas perniis que ces deux soieils vinssent I'eclairer a
la fois, et qu'en les scparant par uu interva!!e de six sieelcs
ellc out voulu laisser a I' im agination, le terns d'accomplir sou
reuvre sous les auspices de l'un, avaut que 1' observation com-
mencHt la siennc sous les auspices de i'aulre. »•
Ce passage resume *d'm:e maniere briilante I'influence
exercce par ces deux genius; et c'esl uoe idee Iictueiisc que
d' avoir personnific sous ces deux noms tonics les globes de la
Greee. En cfl'et, si Homcre est le plus admirable des pocles,
Aristote est peut-elre l'inteiligence la plus vaste et la phis
prot'ondo tpii art cmbrasse l'etude de la nature, el nul u';.. fait
t'airea la science un pas aussi grand quehii. De meme que Iqus
les arts s'etaient inspires d'Homerc, de meme toute science
Tint d'Aristote; il jetait dans le mondc , en se jouant, des
trailcs de politique et de critique lilteraire, texte de medita-
tions infmies ; inais en meme terns, de son axiome phiiosophi-
que, de la necessile de ^observation decoulaient comme d'une
source intarissablc la physiologic , la zoologie, la botani-
que, etc.. etc. ; d'autres, sans doute, out agrandi le domaine
de la science ct achevc l'cdilice : Aristote en avail pose les
fondemens si I'ermcs ct si solides que toule la I'lireur da^ bar-
bares du Nurd, se ruant sur I'Eurnpe, ne put les dispcrser, ct
que celle large base Milllt an devcloppemcnt de deux mniiw-
mens inlellecluels egalement complcts et origiuaux, aux
EX POLITIQUES. io5
sciences de la irece et a l'eiudilion du moycn Sge.
Nous dcvons rendre cetfe justice a M. Rio, qu'il a parjuitc-
ment apprecie l'immensile des travaux d'Aristole et la fecon-
dile de son prineipe. Les cbapitres consacres a l'liistohc des
sciences naturelles sont entitlement neul's et dn plus vif inte-
rct; les decouvertes du philosoplie de Stagyre et de son ccole
y sont babilement analysees; et y raiment, quand on rcQe-
cbit au merite de ces efforts, on excuse presque le niailre et
les disciples d'avoir vouhi proscrire le culte de rimaginaiiou,
et rcservcr des faeultes si puissantes pour ouvrir une nouvclle
carriere a rhumanile. Cependant, au milieu de cet elan subit
vers la science, de celte investigation curieuse des secrets de
la nature, un fait remarquabie a frappe M. Rio. Lors memo
qu'ils sc defendaient, pour ainsi dire, par les armes du rai-
sonnement, contre tout i clour a la poetic, el se livraient a
^observation la plus minutieuse du monde materiel, lei
Grccs, nourris de Sophocle et d'Homere, ne pouvaicnt se
garder des encliantemens, ou , si Ton vent, des prejuges de
leur enfance, et restaicnt encore, a leur insu, homines d'arl et
d'imagination. En vain ils s'epuisaient a reconnaitre les organes
e t les liabi t udes des animau x, a compter la boric usemenlle noni-
bre de leurs plantes nnlionales, a etudierles pbenomencs de
la nutrition, de la reproduction, etc., etc. ; il ieur falJait encore
des fables et de merveilleux recils; il fa 11 ait que les rpssignfds
qui faisaient leurs oids pies du lombcau d'Oiphee eussenl la
voix plus barmonieuse et plus pure, et qu'une bande d'oi-
seaux iuconnus vint tons les ans balayer et anoser le lom-
beau de Mcmnon. Pausanias racontait que la lave del'Elna,
poursuivant deux jeunes gens qui portaient dans leur fuite
leur pere et leur mere, s'etait sepaiee pour leur laisser un
passage ; Theopbrasle, en cnumerant les vegetans de la Grece,
s'arrctait avec amour sur les fleurs dites curonalrcs, parce
qu'elles eutiaient dans la composition des couronncs. « Pour
les Crecs, dit M. Rio, la furcur de Phedre el le descspoir
d'Ajax elaicnl graves sur les feu i Iks du myrle el sur la lienp
de l'liyacinllie. L'lu'-licryse , dont on se courouuail dans les
t'estins, ctail ai;.iji appelee du nom de la nyinpbe qui I'avaU
rofl SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.
iiicillic pour In premiere Fois. La1 lycbnide, qui ciait plus belle
en Chypre ct a Cythere que partoul ailleurs, etail nee de I'eau
< mi Venus s'etait baignce en sorlant des bras de Vulcain. La
flour dont Ariadne s'elail fait une cor.ronne porlait le nom do
Tbesce, et rappelait les iiifortunes de cette princesse, de
meme (pie la violetle rappdart celles de Proserpine. » Ainsi,.
ce peuple d'arlisles embcllissait des tresors de son imagina-
tion ses premiers pas dans le sentier de la science; il scmblail
so reprendre avec deliccs a ses douces fictions, et n'ecbanger
scs illusions contre la realite qu'avec dotileur et regret.
Mais ces derniers jours de poesie passerent vite , ct plus les
vieux souvenirs de religion et de patriotisme s'effacercnt, plus
la degradation morale s'appesantit sur les masses, plus Fobser*
vation sechc et aride pril la place de toule autre etude; puis
on se lassa de l'observalion comme du restc : on so borna a
eommenter peniblement les travaux des disciples d'Arislote,
et alois la destinee de la Grece fut accomplie ; son terns etait
fait, sa mission terminee, et, certes, jamais nation n'en rem-
plit une plus belle et plus glorieuse. Rome allait lui succeder,
sans la remplacer : car, Rome guerriere et triompbantc, put
bicn ravir a la Grece ses statues, ses tableaux, ses monumens,
mais non pas son genie, flcur amoureuse de son beau sol, et
se fanant sous d'autres cieux.
Le tableau de la litterature romainc ne saurait ncanmoius
manquerd'interet : nous avons (lit pourquoi : e'est, d'ailleurs,
le complement necessairc de Fcntreprise de M. Rio; et le
progres sensible (pie nous avons remarque du i" au 2"" vo-
lume de son ouvrage, nous porte a croire qu'il s'en lirera aveo
lionrre ur. Nous lui rccommandons surlout deux choses : clu-
dier les antiquiles et les institutions du peuplC-roi , puiscr
aux sources et se defier des lumieres d'autrui. Qu'il suivc al-
teiitfvement cette marehe, et il aura la gloirc de donncr a la
France, sinon une bistoirc complete dc Fesprit humain dans
I'antiquite, an nioins un essai curieux sur ce grand sujet qu'il
a compris le premier d'une maniere large et philaiophique.
Alpli. D'Herbelot.
LITTERATUHE.
L'Immortalite de l'ame, ou les Qttatre ages religietuc, poirae
en iv chants, par M. de Norvins (i).
L'immortalile tie I'Siue est une opinion a laquelle on a pru
devoir, dans presque tous les tenis, attacher une haute im-
portance. Elle a sa premiere source dans lc sentiment le plus
Ail'du coeur humaiu, l'ainour de la vie. Le moyen de la per-
pctucr indefmiment a loujours trouve des partisans nom-
breux. Les philosopher meme qui n'ont vu qu'une ingenicuse
hypoihese dans cctte noble croyanee, l'ont adoptee comme
une garantie de la eonduite des homrnes; mais, si des sages
en ont tire parti dans l'mteret de la morale, il fa u t convenir
que des fourbes l'ont quelqucfois exploitive a leur profit. Sou-
vent ils ont desenchante le monde, en annoncaut le bonheur
d'une autre vie. Mais ici, comme dans toule chose, 1'abus est
a cote do bien. Les philosophes et les poetes de tous les terns
el de tous les lieux ont monlre ce qu'il y avail d'heureux el de
consolant dans ce systeme. Quclques-uns ont manifests des
craintes sur les abus qu'il pourrait enfauter. En effel, la su-
pcrslition, qui corrompt ee qu'ellc touchc, a souvent pro-
lane les objels les plus sublimes.
Le sysleme de l'immorlalile de l'ilme ne remonte pas, dans
l'Occidcnt, a une Ircs-haute antiquite. Pherecide le Syrieu
l'ut, dit-on, le premier qui apprit aux Grecs que l'ame existail
de loute elcrnilc, etdevait exrster a jamais. Pythagore accre-
dila ce sysleme, qui l'ut adople par Thalcs, Anaxagore, l)io-
1) Paris, iSoo; Firruiu-Didol. Un vol. iu-S" ; [>iix, 7 IV.
refl LITTUR.VTUUE.
gene, Platoa, etc. Otto eroyance insptra d'abord le pFus
grand enthousiasme. Hegcsias l'cnseigua a Gyrene, el une
paitic doses nombrcux disciples s'enlreluerent, afni d'afl'ran-
tliir leu i- ame do sa prison terrestrc : Cleombrote, d'Ambra-
cic, se precipila du bout d'unc tour. Celte inanio du suicide
s'empara do beaucoup d'esprits faibles; sesprogres furent si
efl'cayans que Ptolemee Philadelphe defendit d'enseigner une
doctrine qui tendait a depehpter scs Etats. L'cntbousiasiue
n'appartient qa'a la nouveaule. Ce systeme reparut, ct lo
clonic mil un contrcpoids a la premiere effervescence. Dicear-
que nia ('existence do l'ame1, en soutenant qu'ellc n'est qu'une
configuration d'ou resulte le sentiment. Scion Thales, c'ost
une nature de soi-meme en mouvoment; scion Platon, c'ost
nne essence qui se ment : c'ost (in nombre, dit Xcnocrato;
c'ost une entelechie, dit Aristole. Pythagore on fait une har-
monic ; Possidonius, une idee ; Ilippocrale, un esprit subtil rc-
pandu par tout le corps; Heraclidc de Pont, une lumicre; Ile-
raclite, une etincclle dc l'essence des etoiles : on voit que
chaque philosophe la cree a sa maniere. Simonide, Hippo-
crate, Gallion, Pline, les deux Seneque, les Epicuricns, Its
Sadduecens, chez les Juifs, la croyaient mortello; les sto'i-
ciens lui accordaicnt une trcs-Ionguc existence (aprcs la se-
paration du corps); mais ils lui assignaicnt uti termo. L?rtpi-
nion de la mortal! te do Panic paraissait si indifferente cboz
les domains que Cesar I'avouait en ploin senat; CicerOH,
dans quelques-u:is de ses ouvragos pbilosopliiques ; Seneque
la proolamait sur le theatre. Epicure condamnait Paine a mo
point survivrc an corps; Lucrece immorlalisa los raisonnc-
mens de son mailrc, dans son admirable chant do la nature
de l'ame. En fin , depuis les pbilosophos el les pocles do la
Civic et do Rome, jusqu'aux ecrivains du xvni' siccle, tout a
etc dit sur l'ossence do oe principo do vie.
En composanl un poemc sur l'immorlalile de Paine, M. do
Norvins aborde un champ des long-tcms nioissonnc ; mais
il a sij lui rendre une nnuvclle l'eeoodite, a force d'art el
LlTTJtoATURE. 109
de talent. II se montrc a la fois neuf comme jihilnsnpho, ot
original comme poctc. Son plan est Taste, mais simple. Qua-
trc chants sont consacrcs aux quatrc religions principals qui
out regne sur le mondc : la religion primitive ou uatiirclle ;
le culle mythologique ; la religion des barbares du nord ;
puis, la religion chretienne. Cbaque chant, amene par, uno
espece d'ordre chronologique, se compose d'un prologue,
d'un episode et d'un epilogue, en sorte que chaque parlie de
l'ouvrage off re un tout complet. Le prologue prepare a l'epi -
sode qui caracterise l'epoque, et ['epilogue indique le result at
de Taction episodique comme une liaison a l'epoque qui suc-
cede. Cet ordre de composition est sans modele; il semble-
rait devoir produire une trop grande uniformile. Mais, comme
les episodes etablissent une opposition sav;miment combinee,
le poeme offre de l'interet et de la variele. L'autcur ne craint
pas de bitter quelquefois avec les plus grands poetes : il re-
trace ainsi, apres Milton, l'origine du premier homme :
Dieu tilt : 1'homme etait ne; sur la splendour des cieux,
Par un instinct superbe, il attache ses yeux.
Mais du IrGne de Bieu I'eclatact luininaire
L'eblouit; son regard retombe sur la terre :
Les concerts des oiseaux, le doux encens des fleurs,
Des panipres savoureux les brillantes couleurs,
Des rapides zephirs les suaves baleines,
Murinurant dans les bois ou sillonnant les plaines,
Et les sombres berceaux du bocage natal,
Tout enivre ses sens. Au limpide cristal
D'une source paisible, Uiie forme inconnue
L'enchante... e'est lui-meme... il se trouble a sa vne.
11 se louche, et son corps tressaillc sous ses doigts.
Ce qu'il voit, il le nomine, et le son de sa voix,
Qui dans Fair relentit, l'agite el l'inquiete :
11 bherche cette voix que 1'echo lui r6pete.
La nuit vicnt, et la nuit est un songe d'amour;
Dans un reve annoncee, aux piemieis feux du jour,
mo MTTERATURE.
Pne image tie I'homme en se< bins so reveille,
Ei de I'liviiit'ii In terre aconnu In uaeivedfle !
I/boinme a connti I'anioui et Dieu tut satisfait.
l/homme naissant esl roi : rhtnnmc heureux est paifaiti
Ivic clc son bonlleur, et tier de son empire,
11 moiilre sn COmpagnfe a loill cc qui respire.
Soudain a cet aspect, par mille et mille echos
Les airs, l«s mon Is, les bois, Irs plaines et les eanx
Du noin de letir nionarque a 1'cnvi retentisscnt ;
A son heureux destin les niondes applaudissent,
Et lui, courbant la lete, invoquant leur auteur,
Roi cree, sc soumct a son roi createur.
Ailleurs, l'auteur peinl Orphee arrachant son Eurydiee aux
enters. La comparaison, non nioins redoutable avec Virgile
et son admirable interprets, n'eflVaie point M. dc Noryins, et
le lectenr applaudit a sa hardiesse. Le poete, sfir de sa force,
s'est fraye les routes les plus didiciles; il.les parcourt d'un
pas hardi, et souvent l'obstacle ajoute a 1'eclat de son succes.
Le poeme de 1'Immortalite de l'fune est consacre an triom-
phe d'une philosophic utile an bonheur des bommes : I'au-
teur embrasse son systeme, au moras autatit par sentiment
rpie par conviction, etilsetrouve ainsidansla position la plus
favorable au poete. II ne dogmatise pas connne un croyant
aveugle ; il ne raisonne pas en mctaphysicien tranchant; il
s'abandonne a ses inspirations, et ses raisonncmens sontdes
images. Le poeme dont M. de Norvins donne aujourd'hui tine
nouvellc edition parol a uoe epqque ou la Iitleralure et la
philosophic trouvaient encore des juges dans les premiers ta-
lens. Les ecrivains les plus eelebres s'empresserent alors de
signaler au public celte belle production. Parmi ces arbilres
de 1'art, on remarquele litterateur dont Peloquencepatriotique
inspira le gout des arts a une jeunesse avide de recueillir les
lecons du successeur que Delille s'elait choisi lui-meme ; lc
penseur spirituel et profond qui, distingue par des succ.es
nombreux, a honore son pays en se montrant a la fois his-
torien, poete, diplomatc et guerrier, et le celebre ecrivain qui,
UTTER ATU RE. ill
rival hcurcuxcle Steele et d'Addisson, a ouvert une route mm
velle aux moralistes francais, a recueilli de nnmbreuscs pal-
mes sur la scene, et a perfcctionne le drame lyrique, en al-
liant la grace et le naturcl du cbanlre d'Armide a I'eclat et a
la force tie uos grands maitres.
Le pot- me tie &L tie Norvins reparait avec tie norabreuses
ameliorations. Couime tons les talens pnissans, il s'est monlre
pour lui-mcme plus severe que le public, et il n'a vu dans
son succes que 1' obligation de perfectionner un ouvrage
applaudi. Nous en fclieilons l'auteur, en l'engageant a perse-
verer dans sa courageuse resolution. Son poeme est destine
a survivre a notre epoque; il doit y travailler constamment.
Plusieurs passages appellent encore son attention ; on y ren-
contre ties vers faibles et des passages dont I'erilurmnu'fe nuit
an veritable eclat. M. tie Norvins, en revelant ce qu'il pou-
vait faire, a prouve a quel point il lui est permis tie s'elever
encore. Un poeme n'est jamais terminc, tant que l'auteur
conserve son talent. On demandait au Tasse comment il etait
parvenu a donner a sa Jerusalem un si haut degre de perfec-
tion : en y songeant sans cesse, repondit le grand poete.
Les lecteurs du poeme tie lTmmortalile de l'ame remar-
quentavec un vifinterct, que ce bel ouvrage poetique est du
a la plume qui a retrace Tunc de nos grandes epoques bistori-
ques. Dans cette composition l'auteur se montre fierd'appar-
tenir a la grande nation dont il peint si eloquemment les
bautes destinees ; il parle de notre gloire avec le pieux respect
d'un fils qui vient sur le lombeau de sa mere cbercber ties
consolations, en rappellant ses vertus et ses nialbeurs.
A une epoque oii la politique et la Hyalite ties coteries n'au-
raient point absorbe I'attention generate, le poeme tie M. tie
Norvins eutproduit une sensation tres-vive; toutes les bou-
ches de la renommee se sentient ouvertes pour proclamer son
apparition. Les succes purement litteraircs sont aujourd'bui
restreints dans d'etroites limites; mais les arbitres tie Part se-
ront loujours assez nombreux.dans la pati ie des Racine et des
lis LITTKEIATIRE.
^"t»ltnire, pour assurer lo trioniphe durable do tout onvrage
que la raison, le gout et le talent aitront marque de !eur cm-
prcintc.
Le discours pivliminairc et surtout les notes sont exticme-
ment remarquables : elles attcstent les eonnaissanees profon-
des et varices de M. de Norvins. La science, la philosopliie
rt le merit e de l'ecrivain se trouvent licureusement minis
dans cc beau travail.
OEvvres posthumes d'A. E. Gaulmier, preccdees d'une Notice
sur sa vie ( i ) .
Dans l'etat actuel de la litterature, il y a peu d'espoir de
celebrite pour le poete qui he sail pas mcttre en mouvement
les coteries et les journaux. Se faire un grand nombre de pro-
neurs bien aniens, bien aveugles, lei doit el re desormais le
precepte fondaincntal de toutes les poctiques. Est-il surpre-
nant que Eoilean, qui n'en dit pas un mot, soit aujourd'bui si
decrie? Formez-vous done d'abord une troupe compacte d'ad-
mirateurs bruyans et devoues. Le public ne tardera pas a Be
mcttre a la suite; e'est 1'unique moyen de 1'emouvoir, el il
est infaillible. Qu'importe apres cela que le jugemcnl des con-
naisseurs vous soit favorable ou contraire? C'cst un point in-
different pour la vogue des ouvrages, pourlessuecesd'argcnt,
qui sont maintenant les verilablcs sueces d'estime.
Le poete dont nous annoncons les ceuvres posthumes n'en-
tendait rien a ces hautes combinaisons litteraircs. Confine a
llourges, on il rcmplissait le laborieuxcmploi de professcur de
rhetorique, il altendait sa reputation de son talent ; aussi a-t-il
(i) Paiis, 1800; Delaunay. 5 vol, in-iS d'enviion 290 pages; prix,
6 fr.
LITTfrlATURE. n3
vecu, est-il niort ignore, et, comine il le dit lui-mcme avee
nne spirituelle ingenuite :
Nul imprimeur, accueillant ma misere,
Dans les profits ne m'admit de moitie.
L'ecrit modeste, en mon nom public,
Pour le public fut toujours un mystere.
Si quelquefois un complaisant libraire
Sur sa boutique etala, par pitie,
Ou mon epitre ou mon cbant funeraire,
Toujours, pour moi loyal depositaire,
II me rendjt le tresor confie".
Puisqu'il s'agit ici d'un ecrivain pour qui la renommee fnl
avare de ses faveurs, essayons de faire connaitre a la ibis
Phomme et le poete.
Antoni Gaulmier, ne a Saint-Amand (Cher), en 1795, avait
une de ees ames qui ne trouvent dans la vie positive rien qui
reponde aux exigences de leur imagination et de leur sensi-
hilite. Des Page de dix-sept ans, un amour aussi ardent que
vertueuxs'empare de son existence. Celle qu'il aime n'est pas
seulement pour lui la plus belle des femmcs; c'est une divinild
qui preside a toutes ses actions :
Elle ouvre, autour de moi sans cesse voltigeant,
Mon cceur au malbeureux, ma main a l'indigent,
Fait entrer le pardon dans mon ame offensee,
Epure mon langage et jusqu'a ma pensee.
II n'ose pas meme lui faire l'a veil de satendresse.
II t'eut dit son amour, s'il t'avait nioins aimee,
luiecrivait-il plus de douze ansapres, quand des long-temsle
mariage avait mis obstacle a son bonheur. Invinciblement
arrete par cet obstacle, Gaulmier trouva dans le sentiment du
devoir la force de vaincre sa passion ; mais ce sacrifice porta
a sa sante et meme a sa raison une atteinte pro fond e ; et,
chose singuliere! tandis que dans les drames et les romans
nous voyons toujours les amansmalheureux regarder la mort
T. XLVI. AVRIL l83o. 8
,,/, UTTERATURE.
, oinme UO asylc ouvert a leurs peine*, c'est la erainte de la
mort qui devint pour Gaulmier la source de mille tourmcn?
imaginaires. Vaiueinent il cherche dans le travail un remede
au trouble quil'agite; voue d'aburd a [instruction publique,
il la quitte pour l't-Uide de la medecine; mais ses sens se re-
volted au spectacle d'une dissectiotJ ; il passe alors de l'Ecole
de medecine a I'Ecolede droit, qu'il ahaudonne bientot pour
entrer dans un seminaire. Remede impuissantl
L'amour opiniatre avec inoi s'y cacba;
L'ennui m'y confmail, I'e.inui men arracha.
PbursuiVi jus«iu'au pied des autcls par les agitations d'un
coenrdontil avail cru« que Dieuseul pouvait remplir la vaste
solitude ., Gaulmier se decide a retourner au sein de sa fa-
mine- il rentre dans ['instruction publique, etla poesie, aidee
d'un nouvel amour, le reeoncilie momenlanement avec la v.e.
Mais son ancienne passion nc tarde pas a se rammer :
Sous la loi d'une amante
J 'ovals cm pour jamais fixer ma vie en ante;
Hods brtilions d'ecbanger nos serpens solennels,
Et l'Hymen souriait a nos vceux mutuels:
Tn paras, jc te vis, et je devins parjure;
Je sentis d'un regard se r'oimir ma blessure ,
F,t I'amoureux serment d'une conslante foi
Fut commence pour elle , et s'acbeva pour toi.
Un voyage aupays on il avail passe son adolescence ne fit
que raviver ce sentiment :
De mes doux souvenirs interrogeant la trace,
J'ai visite les lieux, j'ai reconnula place
Oil je la vis errer, oil je la vis s'asseoir;
Je cms a chaque pas et l'enlend.e, et la voir.
Ces lieux semblaient avoir, dans leur Ddele enceinte,
Garde de tous ses pas I'ineHacable empre.nle.
Oui, quelque cbose encor de ses traits, de sa voix,
\olligeait sur les fleurs, murmurait dans les bois;
Je ne sais quel parfum, pur et divin comme elle,
Le rephir complaisant m'apportait sur son a.le.
LITTERATURE Mf>
Le terns pendant lequel Gaulmier avait demands a ['amour
meme ie soulagement des peines de l'amour fut la pcriode la
plus lieureuse de sa trop courte existence. Vers cette cpoque
(1821), et tandisqu'il etait professeur an college de Nevers, il
remporta, par une ode sur le devoumentde Muleslicrbes, le prix
de poesie decerne par PAcademie franraise. II est assez rare
de voir un auteur inconnu venir du fond de la province re-
cevoir a Paris la pal me academique. Par malheur, l'ode sur
Malesherbes est peut-etre la plus faible de toutes les compo-
sitions de Gaulmier; ce n'en fut pas moins celle dont il re-
cueillit le fruit le plus doux. 0 Ah! si cet instant des plus vives
sensations du bonheur m'a coute cher, ecrivait-il a sa mere
en lui rendant compte de la seance oii son triomphe fut pro-
clame, je suis prel a en acheteivle retour au meme prix. De
telles jouissances ne peuvent se payer. Ainsi je suis voue pour
la vie a la litterature. » Homme naif, plein de veneration pour
l'Academie, et de foi dans les lauriers qu'elle aconsatres!
En poeme sur le devoumenl des medecins francais et des sceurs
deSainte-Camille, d Barcclonne, ne lui valut, I'annee suivante,
qu'une mention honorable; ce poeme est pourtant bien su-
perieur a l'ode. Gaulmier a sort but fait preuve d'un grand
talent dans la peinture de qes vertueuses soeurs :
Simples Giles! quel noin, quel litre, quel suffrage,
Couronneront jamais leur modeste courage?
Les ruis niOmes, les rois voudraient-ils l'essayer ?
L'homme peut les benir, Dieu seul peut les payer.
Habiiantes dn ciel sur la terre cxilees,
Aux humaines douleurs viclimes immolees,
Le malheur est 1'ubjet de leur culte divin ;
Consoler et souflYir, voila tout leur destin.
Emules de celui que leur priere adore,
Leur patrie est aux lieux oil l'homrue les implore ;
Partout leur vasle amour etend ses doux liens,
Et tous les nialheureux sont leurs concitoyens.
Anges d'liumanite, d'amour, de bienfaisance,
Rien n'a pu de leur zele epuiser la Constance.
La mort vole, et partout les trouve sur ses pas.
Iri, leuis soins pipiix out same du trepas
n6 LIITEKATUUE.
Le vicillaid cxpiiant. que sa (illc abandon nc ;
La, dans la co-ur llehi, que la nuil environne,
Leur voix harmonieusc a du divin sejour
Fait descendre nn rayon de l'etemel amour.
Le malheureux espere en lenr douce parole;
Lllcs savent des mols dont le charme console.
Dieu veille stir leurs jours, de lenr seln genereux
Ecarte du fleau le sou Ale dangcreux !
Ccins-les de Ion amour, couvre-les de tes ailes;
Que tes saints escadrons se pressent aulcur d'ellis;
Couionne d'un air pur leur front religieux :
II n'est pas terns encor de leur ouvrir les cieux.
Ces vers, inspires par une ame tendre et rcligieuse, sunt
dignes de rester dans la memoire de tous ceux qui sont aen-
sibles au double charme de la poesie et de la vertu.
Le poeme sur l' abolition de la traite des Ni'gres, envoye a tin
autre concours, obtint aussi una mention honorable. Mais la
muse de Gaulmier n'attendait pas les commnndesacademiqucs
pour preter sa voix a la cause de 1'humanite. Toutes les fois
qu'un evenement important venait exciter la sympathie des
amis de cette noble cause, sa lyre resonnait comme d'elle-
meme. Ainsi, l'expulsjon de Manuel de la chainbre des depu-
tes, la mort du general Foy, la prise de Missolonghi, l'ele-
vation de M. Royer-Collard a la presidence, ont ete tour a
tour le sujet de ses chants. Detachons un fragment de son oile
sur le general Foy, qu'il faudrait pouvoir c iter ici lout en-
tiere :
Talens, dons imiuortels, tresors dignes d'envie,
Que l'liomme avec orgueil s'efl'orce de nourrir.
C'est vous seuls qui donnez quelque pi ix ft la vie,
Et c'est vous qui faites mourir.
Votre charme nous perd, votre ardeur nous devoi e :
C'est 1'errante clarte par qui le voyageur,
Credule, va cherchcr le danger qu'il ignore;
C'est le divin flambeau qui leconde la lleur,
L'embellit et la decolorc.
LI TT Ell ATI) UK. i i;
Aiusi de ton genie a rayon ne la flanime;
Aiusi lu niourus consume
Par ce feu divin qu'en ton Sine
Le ciel meme avait allume.
Que dis-je f n'es-tu plus qu'unc froide poussieie,
Un vain debris dormant dans la nuil du trepast
Non, non, en vain le sort a borne ta carriere;
Quelque cbose de toi te survit ici-bas.
A la place oil tonna ta parole immortelle,
Ton souvenir religieux
De la mort avide et cruelle
S'elevera victorieux.
La France, qui gemit de sa perte nouvelle,
Dans son sein genereux, de sanglots oppiesse,
Recueillera ton ame, et tu n'as pas cesse
De vivre, de penser, de eombaltre pour elle.
Et toi, qui sur sa toinbe as purte tes douleurt.,
Tu n'as pas tout perdu, pieiise et noble France,
Quand pour tes citoycns il te rcsle des pleurs.
Sur ce menie tombeau que lu couvies de fleurs,
line palnie a la main, vois s'asseoir l'esperance.
Enteuds de notre deuil la cousulanle voix ;
Par ce que nous pieuions juge ce que nous somrms.
Tant que la Grece bonora les grands homines ,
La Grece eul des heros pour defendre ses lois.
Les premiers vers semblcnt tine allusion prophetique a la
mort prematuree du poete. Les derniers sont une haute ef
fructueuse lecon, qu'il adresse a ses concitoyens.
Mate l'amour de la liberte, qui se confbndait dans son ante
avec runiour de la verlu, etait pour fiaulmier une source de
chagrins amers. « Force par les rigueurs de la fortune de
meltre tous ses soins a conserver sa place de professeur, il se
voyait avec douleur contraint de devorer son indignation en
silence, expose a mille degoQts, a mille inquietudes, toutes
les Ibis que, cedant aux mouvemens secrets de sa con-
science, il laissait echapper des sentimens qu'il ue pouvait
plus contenir. Cette lutte entre le besoin de communiqiier MBS
ponsees et l'inipi''iiiu>e necessite de se taire , est une des can-
n8 LITTER ATUREi
>c» qui onl lc plus attriste et par suite abrege sou existence. »
Ajoiiions qu'en impnsant silence a ses opinions, il sacrifiait
aussi les esperances de sa gloire.
La haute idee qu'il avail concue de la dignite et des devoirs
du poete est exprimee avec tine elegante energie dans son
epitre a M. C. Delarigne; c'est la. noble indcpendance dont il
a fait preuve qui est surtout l'objet des eloges que Gaulmicr
lui adresse. Saint, s'ecrie-t-il :
Saint! toi, qui, du haut des celestes sommets,
A la faveur des cours ne descend i« jamais;
Qui, toiljours respectant ton sacre caractere,
N'as pas vendu ta gloire aux grandeurs de la terre,
Et ne profanes pas, aux pieds de teur autel,
Pour des honneurs d'un jour un talent irumorlel !
En s'associant dans cette epitre a tous les sentimens gene-
reux dont I'auteur des Messeniennes a ete I'interprete, Gaul-
miers'est constamment elevc a la hauteur du talent auquel il
rendait hommage.
Cependant des chagrins de plusieurs natures ne cessaient
de l'accabler. Afflige d'une obscurite pour laquclle il ne se
sentait point fait, il voyait avec douleur naitre cbaque jour
des renommees poetiques fondces sur la bizarrerie et sur la
deraison. Les progres du mauvais gout lui causaient une afflic-
tion serieuse. Bientot la mort d'un pere tendretnent cheri Cut
suivie de la perte du modique palrimoine de sa mere. Rien
de plus genereux et de plus touchant que la leltre qu'il ecrivit
a celle-ci, pour la consoler de ce dernier eveneinent. Taut
de malbeurs, en meme terns qu'ils alteraient sa sante, lui firent
geolir plus vivement le besoin d'a.ignientcr ses rcssources. II
s'eflbrcadoncd'elever un dernier regard vers la lortune et vers
la gloire. L' Academic franca ise venaitde mettre au concoursle
sujet de I' invention dc I'imprim&rie. Gauhnier se Malta qu'un
nouveau prix, en attirant sur lui ['attention de I'autorite,
pourrait lui fa ire oblenir une place d'inspecteur de l'Univcr-
site, qui lui permettrait de venira Paris completer ses etudes
LlTTJilUTUUE. »iy
et peut-etre illustrer son nom. II consacra le peu de forces
qui lui restaienta cette derniere lutte; et, lorsqu'il appril que
son ouvrage n'avait pas meme obtenu une mention, son esprit,
frappe 4 mort dans sa derniere esperance, acheva de briser
la fragile enveloppe qu'il consumait depuis long-tems. L'a-
mour-propre d'un autre se serait revolte contre cet arret;
Gaulmier ne s'en prit qu'a lui-memc , et il ne put supporter
l'idce de l'avoir merite. Ainsi une vive susceptibilite est in-
separable du talent meme le plus modeste, et l'effet en est ici
d'autant plus douloureux que l'ouvrage condamne a l'ou'di
par 1'Academie semblait digne d'un meilleur sort.
La muse de Gaulmier, quoique naturellement portee au
genre elegiaque, savait prendre babilement tous les tons;
plusieurs de ses pieces sont animees d'une douce et muli-
cieuse gaile : tellcs sont : YEpUrc <l M. Cyprien A not , sur la
lecture faite, dans une societe de Paris, d'une tragedie qu'ils
avaient composec ensemble, VEpitre d Mme P**, sur le bonheur
d'etre grand' 'mere , 1' Anniversaire diipoete. Mais c'est surtout
dans l'expression de la douleur qu'excelle son talent. La me-
lancolie, qui, chcz tant d'autres ecrivains , n'est qu'un mas-
que impose par la mode, etait chez Gaulmier une disposition
naturellc que la fortune n'avait rien fait pour corriger. On s'en
apercoit a l'attachante verite qui regne dans toutes les com-
positions que ce sentiment lui a inspirees. Parmi ces compo-
sitions , nous citerons surtout : La jeune Mere mouranic, la
premiere Communion, les Souvenirs du Poete. la Mort d'un
jeune Erolier, la Tempete, le Porte an iombeau de sonpere. La,
Gaulmier parvient sans peine a nous atlendrir, soit qu'il de-
plore ses proprcs malheurs, soit qu'il mOlc le souvenir de ses
souffranres aux plaintes qu'il accorde a d'autres infortunes.
ou au tableau de la nature en deuil. Ainsi, dans le Lendemain
d'un Jour d'orage, qui ne sympathise avec sa tristesse , lors-
qu'apres avoir peint le changement magi(|uc produit dans le
spectacle de I'univers! par I'apparjliou d'nij < iel serein i!
s'ecrie :
lie LITTKRATIIU:.
Et moi, FaiBle jouct do sort,
Vogaatil sur des iners infideles,
Et par des tempetes nouvelles
Toujours ecarte loin du port,
Je vois stir ma triste jeunesse
Les nuages grossir sans cesse;
A peine un rayon palissant
Quelquel'ois traverse en passant
De mes ombres la nuit epaisse,
Et du dcstin presque toujours
La course inegale et volage
Fait succeder un soir d'orage
Au matin de mes plus beaux piurs.
On reconnait partout, dans les vers de Gaulmier, cette ha-
bitude de Iraduire la pensee en sentimens et en images qui
caracterise le poete. Danssa vie et dans ses ecrits, iloffre des
rapports frappans avec le grand lyrique italien , Petrarque.
C'est, avec moins d'elevation et d'eclat, mais avec plus de
elarte et de naturel , la meme tendresse d'ame et la meme
chastete de sentimens. Les passages que nous avons rappor-
tes pourraient deja tburnir des rapprochemens assez nom-
breux; nous citerons encore les deux premieres strophes d'un
morceau charmant, intitule : Reverie.
A travers les vallons, sur la mouvante arene,
Le Cher roule ses flots des f'eux du jour brillans.
Inconstant comnie lui, mon regard se promene
Le long de ses bords verdoyans.
Du haut de ce sommet qui de loin les domine,
Au cliant de la cigale, au souffle des zephirs,
Je vais cherchant partout de colline en colline
La trace de mes souvenirs.
Certes, il n'y-a aucune apparence que Gaulmier, en com-
posant ce morceau, dont les sentimens sont tout individuels .
ait songe a la fameuse canzone :
Di pcnsier in pensier, di monte in monte, etc.
Et pourtant on nc peul lire l'un. sans se rappelei 1'aulre.
LITTERATUUE. 121
Si Gaulmier avait publie lui-meine ses poesies, il eut sans
doute fait disparaitre quelques longueurs , quelques images
devenues communes, quelques allusions banales a une my-
thologie usee. Malgre ces taches legeres, son recueil procurera
de donees jouissances a tous ceux qui sont encore sensibles
au charme des vers. II est precede d'une notice biographique,
ou Gaulmier est peint avec une verite touchante, et qui laisse
deviner a tout moment la plume d'un tendre frere. Le troi-
sieme volume contient la traduction en vers des elegies de
Tibulle, avec le lexte en regard. Nous ne pouvons examiner
ici cet ouvrage, qui exigerait a lui seul un long article. Obli-
ges de l'apprecier en peu de mots, nous dirons que dans son
etat d'imperfection il prouve encore que peu de poetes
ctaient aussi propres que Gaulmier a reussir dans cette dif-
ficile entreprise.
iii. bulletin bibliographique.
uvrks Strangers (o.
AMERIQUE SEPTEINTRIONALE.
ETATS-UNIS.
i. . — * First, second, third and fourth annual Reports of Ihe
Prison discipline Society . — Les quatre premiers rapports de Ja
Societe pour la discipline des Prisons. Boston, 1826-27-28-29.
In-8".
L'ilkistre philanthrope Howard avail developpe , avant la
fin du dernier sie.cle , quelques-uns des principes fondamen-
tanx du systime pinitentinire , dans ?es ecrits snr les prisons
Mais ce systeme, qui blessait beaucoup de prejuges et d'inte-
rets puissans*, n'a obtenu un commencement d'escecution que
dans les premieres annees de ce siccle ; et les Etats-Unis ont
eul'honneur de servirde modele au monde entier snr ce point
enmme snr tant d'autres. La Societe pour la discipline des Pri-
sons, dont nous avons recu les quatre premiers rapports, se
propose prineipalement povir hut d'encourager I'applicatiou
du systeme penitentiaire , et d'ameliorer en general Petal des
prisons publiques.
Cette Societe s'est organisee a Boston, an milieu de l'an-
nee 1825. Elle s'est occupee d'abord a rassemhler nn grand
nomhre de fails snr les maisons de detention et de correc-
tion des Etats-Unis ; et, apres avoir acquis des connaissances
locales snr les principales prisons de cette con tree, elle a pu-
blic son premier rapport au mo is de juin i8'iG. (ietle publi-
cation a obtenu un tel succcs qu'on en a fait quatre editions
^i) Nous indiquous par un aslcrisquc (") , place a c6te <lti litre de
chaque oiivrage, ceux des livrrs Strangers ou IVancais qui paraisseot
iliftiies (rime attention particulie.re , el nous en rendrons quclquefuic
cuVnptu dans la isction drs Analyfcs.
ETATS-UMS. is3
consccutives, et plus lie soixantemille exemplaires des quatre
rapports que nous annoncons out etc repandus en Ameriquc
et en Europe. — Nous nous bornerons a presenter une ana-
lyse rapid e des interessans travaux de cette Societe.
Le premier rapport developpe les principes et les fails qui
lui paraissent meriter une attention speciale : 1". La construc-
tion des prisons ; il taut, pour qu'un edifice de ce genre reu-
nisse toutes les conditions voulucs par la legislation et par la
philanthropic que Ton y trouve a la Ibis surete conlre l'eva-
sion des prisonniers-, reclusion solitaire pendant la mi it,
moyens faciles de surveillance, appareils ventilateurs, lu-
miere suffisante dans les cellules, proprete, endroits conve-
nables pour l'instruction et pour le cas de maladie. 2°. Lois et
reglemens. Sous ce titre est compris tout ce qui concerne hi
classification des prisonniers, riiabillement, la nourriture, les
divers modes de repression el dc chatiment, le gouvernement
inlerieur. 5". Augmentation dunombrc des criminels. II est sa-
tisfaisant de reconnaitre que le nombre des detenus est loin
d'avoir augmente dans le mcrne rapport que la population;
d'ou il resulle que le systeme penitentiaire, bien qu'il n'ait
pas rcpondu a toules les esperances qu'il avait excitees, a
neanmoins produit une amelioration manifeste et palpable.
Les homines de couleur composent une grande partie des de-
tenus. Dans certains Etats de l'Union, Oli i!s no torment qu'un
54mt' de la population, ils fournissent ponrtant le tiers ou le
quart des criminels. Une autre cause qui contribue puissam-
inenta augmenter la quanlite des crimes, e'est que, dans plu-
sieurs maisons penitentiaires, les detenus sont places la nuit
dans la meme chanibre, an nombre de dix, quinze, on meme
vingt individiis. II faut aussi remarquer que 1'argent qui cir-
cule dans les prisons par le produit du travail que font les de-
tenus, au dela de leur tache journaliere, y engemlre beaueoup
de vices, et que trop souvent ces honmies depraves trouvent
des inslrmnens faciles dans les employes suballernes, qui se
laissent corrompre, parce qu'ils recoivent un salaire trop ino-
dique. [\n. Quels soul les reniedes conlre les incomeniens da sys-
teme penitentiaire ? Avant tout, ainsi que le prouve une multi-
tude, d'exemples, rien n'est plus important, dans une pareille
institution, ipie le caractere de la personne qui est chargee de-
la direction immediate. Dans la Hudson penitentiaire :1c New-
Hampshire, les depenses surpassaienl, en 1 8 1 S . les revenu?
de4?'-s35 dollars (environ 22,8(19 IV.). Mais, depuis qu'un 11011-
veau direct eur a etc place a la tele tie eeitc maison, les rere-
nus ont. au coutrairc . surpasse les depenses de 6,5o5 dollars
iu4 LIYIIKS tiTHAMlEltS.
(04,047 li.). « Et cede prodigieuse difference, ajoutc le nip-
port, doit etre surtoutattribuee an caractcre du chef. »(p.56).
Un bon directeur est unc source d'avantages noil moins pre-
cieux pour tout ce qui rcgarde I'ordre et la proprele de la pri-
son, ainsi que ['amelioration morale el intellectuelle des de-
tenus.
Les recettes de la Societe, pendant la premiere annee de
son existence, out etc de 1,229 dollars (0,G36 t'r.) ; ses depenses
out cousiste principalement dans le trnilement d'un secre-
taire, charge de parcourir les Ltats de l'Union poury recueil-
lir des faits exacts sur I'etat des prisons.
Le deuxieme rapport, public en 1827, entre dans des details
dentins sur les tacheux effets qui resultent de la mauvaise
eonduite des employes subalternes, et sur la difliculte de
trouver des homines propres a remplir cette charge. II s'oc-
cupe ensuite des depenses oceasiouces par les maisons peni-
lentiaires, et il prouve, par des fails nombreux, que ces eta-
blissemens, qui d'abord avaient exige des frais considerables,
commencent a oblenir du travail des prisonniers un revenu,
non-seulement egal, mais superieur a leurs besoins. Nous
avons deja parle , sous ce rapport, de la prison de New-
Hampshire. Celle de L'Btaf de Massachusetts a presente, du-
rant les trois dernieres annees, un benefice total de 20,000 dol-
lars (108,000 fr.) , toutes les depenses de la maison elant
payees. II est remarquablc, cependant, que plusieurs autres
prisons donnent des resullats precisement opposes, bicn que
Ton ne puisse assigner aucune cause positive a de telles diffe-
rences. On doit deplorerque toutes les maisohs penitentiaires
n'aient pas encore pris des mesures pour empecher les com-
munications clandestines entre les criminels. II importc que
chaque detenu soit seul, particulierement pendant la nuit ,
afin d'eviter ces apprentissages de corruption et ces turpi-
tudes qui ont lieu entre les vieux criminels et les jeunes, quand
ils passent ensemble plusieurs lieures sans etre soumis a au-
cune surveillance. On a decouvert qu'il se f'aisait de faux bil-
lets de banque jusque dans l'irrterieur des maisons peniten-
tiaires , et que beaucoup de jeunes gens s'etaient rendus
COupables de recidives, parce qu'ils avaient appris l'art funeste
du crime dans ces ecoles de depravation. Les citoyens phi-
lanthropes doivent done prendre en serieuse consideration
retablissenient des maisons de refuge pour les jeunes criminels.
On denuunle aussi que les alieue? soient places dans des mai-
,-ons parliculieres ; car leur presence dans les prisons occa-
sione des inconveniens de divert genres , outre quelle est un
manque d'humanite envers ceiix qui sont atteints d'ulienatiou
ih'ATS-UNIS. .:.;>
mentale. La morlalite varie, dans lestliverses prisons, de deux
a vingl-dnq individus sui' cent, dans le COUPS d'nne annee.
La vieille prison de Pldladelphie ( old county prison ) est celle
qui cure la plus grau.de mortalite relative , tandis que la pri-
son de Maine, elablie depuis trois ans, et on il se trouve habi-
tuellement cinquante detenus, n'en a pas perdu un seul pour
cause naturelle de mort.
Apres avoir expose tous ces faits, le rapport presents,
comme principaux remedes : i" le choix de bons employes,
qui aient a la Ibis une conduite reguliere , des sentimens reli-
gieux, de l'activite, une omTversation decente, de la bienveil-
lance pour les prisonniers ; 2° un genre de travail qui produise
a I'etablissement et aux detenus un benefice suffisant; 5° la
reclusion solitaire pendant la nuit ; 4° une occupation con-
stante pendant le jour ; 5° une surveillance active jour et nuit,
ainsi que d'autres moyens de police interieure, pour empe-
cher toute mauvaise communication entre les prisonniers ;
6° des mesures qui tendent a leur donner simultanement une
education religieuse, morale et intellectuelle; j° l'examen des
causes du crime, telles que l'intemperance, la con'trefacon des
billets de banque , l'abrutissement des homines de couleur,
et la recherche des mesures necessaires pour prevenir ces
causes.
Le rapport est termine par une statistique des prisons des
Ltats-Unis. La recette de la Societe a ete, pendant cette
deuxieme annee, de 2,43q dollars (15,170 ft.)
Le troisieme rapport (juin 1828) conlient des reponses cir-
constanciees a plusieurs questions, dont voici les principales :
i°. Qu'a-t-on fait pour empecher toute mauvaise communication
entre les prisonniers"? Lorsque la Societe a commence ses ope-
rations, plus de 2,5oo criminels etaient renfermes dans moins
de 2i5 chambres, c'est-a-dire qu'ily avait plus de 10 detenus
par chambre. Maintenant , on a construit des cellules pour
chaque detenu dans les prisons de Maine, de Massachusetts ,
de Connecticut , et Ton espere qu'avant peu d'annees le sys-
teme de la reclusion solitaire pendant la nuit aura part out
prevalu. 20. Qu'a-t-on fait pour donner aux prisonniers une
instruction convenable ? Des allocations de fonds ont ete accor-
dees par les legislatures de divers Eta ts, pour salarier des cha-
pclains dans les prisons. On a aussi etabli, dans quelques mai-
sons penitentiaires, des ecoles du dimanche et des lectures
regulieres de la Bible. 5" Qu'a-t-on fait pour diminuer les dis-
penses courantes des prisons? Plusieurs maisons ont trouve,
dans de nouvelles mesures interieures, les moyens de subve-
nira leurs depenses, et meme de presenter un benefice. On a
ia(i LIVRES ETRANCERS.
<lit souvenl que l'econtoaie ci ('amelioration morale. des pri-
sonniers soul deux principes opposes dans lc gouvernement
d'une prison ; niaislcs Tails etahlissent , an contra ire, que lcs
prisons on le moral est le pins devcloppe sont aussi eelles
qui supplccnl le mieux a lenrs depenses. l\" Que, faut-il at-
tcndre de la nourelle prison de Philadelphia? Pour comprendrc
]<■> details que nous allons donner a ce snjet, on doit savoir
que cette prison a ete construite d'aprcs un nouveau prime rpe,
qui consiste a imposer aux detenus la reclusion solitaire abso-
lue, jour et nuit , sans aucun travail. Ce mode de discipline a
provoque de nombreuses reclamations dans les Etats-Unis.
On a dit que la surveillance serait moins exacte , qu'il serait
impossible aux gardiens de connaitre les maladies subiles des
detenus, et qu'il se presenlerail de grandes dillicullcs pour
leur instruction. D'ailleurs, cette reclusion absolue sans tra-
vail est regardee comme line barbaric conlraire a tous les
sentimens d'humanite . et qui pent devenir fatale a un grand
nombre de detenus. Le rapport cite deux lettres de l'hono-
rable general Lafayette; l'nne eciilc, en i8a5, a un philan-
thrope anglais, dans laquelle il fait observer que Ton pourrait
eviter les grands inconveniens du systeme de la prison de
Philadelphie , en construisant des cellules solitaires pour scparcr
les detenus pendant la nuit, et en multipliant les chambres de
travail en commun, de maniere a reduirc le nombre des prison-
niers rcnfennt's dans c/mque charnbre d ce qu'il elait, lorsque la
population de la prison itait mains considerable. L'autre lettre,
dati'e de scplcmbrc 1826, conlient le passage suivant : « Le
peuple de Pensylvanie croit que la reclusion solitaire est un
nouveau systeme, une decouverte recente ; mais non, ce n'est
que le ritablisscment du sysleme de la Bastille. L'Etat de Pen-
sylvanie , qui a donne an monde l'exemple de l'humanite , et
donl le Code pliilanthropique a servi de modele a toute l'Eu-
rope, est mainlenant sur le point de proclamer l'incflicacite
de son systeme , et de ressusciter le Code inhumain du siecle
le plus barbare et le moins eclaire. Je desire que mes amis de
Pensylvanie considerent l'effet qu'a produil ce systeme sur
les pauvres prisonnicrs de la Bastille. Je me rendis sur les
lieux, le lendemaki de la demolition, et je trouyai que tous
les prisonniers avaient eu l'csprit derange par leur reclusion
solitaire, a l'exception d'un seul. 11 avail ete prisonnier vingt-
cinq ans, et on le relacha pendant que le peuple demolissait la
Bastille. II regarda d'abord autour de lui aver une espece dc
stupeur, car il n'avait vu personne durant ce long espace de
terns; et, avant la nuit du meme jour, il eprouva de idles emo-
tions qu'il devint completeinent maniaquc; il u'en esl ja-
ETATS-UNIS. 127
mais revenu depuis lors (p. [\0, 4 '•)• * Nous ajouterons, d'a-
pres le qualrieme rapport, que ees observations du general
La Fayette, appuyees par celles ile plusieurs citoyens eclaires
<les Etats-Unis, n'ont pas etc sans resullat. La legislature de
Pensylvanie vient d'ordonner que lc travail soil introduit dans
chaque cellule, et que Ton suspende en outre la construction
de l'cdiuee, jusqu'a ce que Ton ail fait l'experience de ce nou-
veau mode de systeme penilentiaire (i). 5". Quels sont les rap-
ports et Les differences qui existent cntre le systeme des prisons en
Europe el cclui des Etats-Unis? On ri'a point adopte aux Etats-
Unis le tread-mill (inoulin a marcher) , generalement employe
en Angleleire. M. Liviingston en donne pour raison que le
tread-mill est plus nuisibie que favorable a la sanle, altendu
qu'il n'exerce que Taction musculaire des jainbes; qu'iJ n'ap-
prend au detenu rien de ce qui pent lui servir hors de prison:
qu'il n'emploie pas suffisamment les facultes bumaines; en-
nn, que cetle punition est inegale , puisqu'un homme robuste
peut faire sans peine ce qui est une veritable tortuie pour nne
constitution faible. Une autre difference bien remarquablc ,
e'est que les detenus des Etats-Unis gagnent relativement huit
fois plus par leurtravail que ceux delaGrande-Bietague. Ainsi,
999 prisonniers americains ont gague, en 1827, 81,979 dol-
lards \{\'\i,6c>6 fr.) , tandis que 5,699 prisonniers anglais n'ont
gagne que 8,867 ''v- sterl. (221,675 fr.) Quant aux rapports
des deux systemes, ils sont tres-nombreux, puisque l'un et
l'autre sont fondes sur les memes principes, et tendent au
meme but. — La Societe a recti, pendant cette troisieme an-
nee, 2,444 J0"31'8 (i3, 197 fr.)
Le qualrieme rapport (juin 1829) contient beaucoup de par-
ticularity interessantes sur les prisons des Etats-Unis; nous
regrettons que les homes de cct article nous empechent d'en
donner des ex trails. Ce qui a parlieulieremenl flxe notre at-
tention , e'est une notice detaillee sur les lois penales des di-
vers Etatsde l'Union. En les comparant cntre elles, il en re-
sulte que la peine de mort y est tres-inegalement reparlic.
Cetle peine ne se trouve pas du tout dans lc Code de M. Li-
vingston, pour la Louisiane. Dans la legislation de Pensylvanie,
clle n'est prononcee que contre le meurtre au premier degre ;
dans celle de New-Hampshire, on y a joint la trahison. Dans
d'autres Elals, au contraire, par exemple dans ceux de Mary-
land, de Massachusetts, de Virginie, la peine de mort est inlli-
gee pour plus de vingt cas differens, commc viol d'un enfant
(1) Voyez cl-dessus, p. a5, les reflexions He M. Charles Lucas sur le
Syslime penitenliaire.
128 LIVHES ft'HVAMGERS.
au-dessous de dix ans, duel , rapl, vol a main armee, ou par
effraction, inoendie, complot d'une personnc libre avec de.s
esrlaves, etc. , etc. II en est de meme de lout le systeme de
pcnalite ; il differe presque aussi eomplclement d'un Etat de
ITnion a I'autre que de Test a l'ouest de I'Europc. — Le rap-
port examine ensuite les different genres d'influence que la
Soc.icte pour la discipline des prisons pent cxercer, tels que ceux
d'introduire d'utiles changemens dans la legislation penale ,
de montrer les rapports qui existent entre la construction des
prisons et le moral des prisonniers, de faire connaitre le prix
du travail, non-seulement comme moyen de subvenir aux
depenses, mais comme mobile de vertu; de faire apprecier
I'importance d'une vigilance conlinuelle du gouvernement sur
les prisons, etc.
Les recettes de la Societe nnt monte, en 1829, a 5,53 1 dol-
lars (19,067 fr.)
L'etendue de cette analyse nous dispense d'y joindre au-
cune reflexion. INos lecteurs sauront apprecier les travaux de
la Societe pour la discipline des prisons, et ils trouveront des mo-
tifs d'encouragement pour les associations du meme genre
qui existent en Europe. G. de F.
2. — * Resolutions submitted in the House of representatives of
the Congress of the United-States, etc. — Resolutions soumises
a la Chambre des representans du Congres des Etats-Unis,
declarantl'inconslitutionnalitede facte passe le i4juillet 1798,
appele communement la loi de sedition, et demandant le
remboursement des amendes qui ont pu etre payees aux
cours de district, par les personnes declarees coupables
en vertu de cet acte. Rapports de la Chambre des represen-
tans : deuxieme Congres, deuxieme session. Charleston,
1829; Miller.
II s'agit ici du principe vital de tout gouvernement consti-
lutionnel, de la base de tout progres, de toute securite du-
rable pour la liberte civile, la philosophic et les lettres, en
un mot de la liberie de la presse , source de lumiere et de
constantes ameliorations. De notre terns le pouvoir de cette
voix immense qui organise , concentre et fortifie l'opinion ,
s'est accru au point d'etre a lui seul un moyen de gouverner :
mais le despotisme est impossible la ou toutes les opinions ont
cours, entrent librement dans l'arene, se combattent, se ba-
lancenl, s'entre-detruisentrune l'aulre, ou du moius ne laissent
subsister que le bien de chaque systeme, le depouillant de ses
sophismes et de ses consequences dangereuses.Encela git l'ex-
cellence de cette liberte qui fait que la presse n'est et ne pen I
etre ni deniorratique , ni exclusivemenl monaichique , el
ETATSrUNIS. iao
quo, demcurant la meme pour tons, elle ne fait qu'encoura-
gerla lutte ou la verite doit pre valoir. II estvrai que les gens ti-
mides voient des dangers a cette lutte. Pour eeux qui sont lie
bonne foi, il n'en existe pas, car cliaque abus de la prcsse, s'il
peut y avoir abus, enfante, pour ainsi dire, sa reaction. Les
peuples, jaloux de leurs droits, savent ce que vaut cette ga-
rantie, et y veiilent avec amour, mais non avec la douloureuse
anxiete de ceux qui craignent sans cesse de se la voir enlever.
L'acte de sedition, con tee lequel s'eleve la reclamation que
nous annoncons, est ainsi concu : «Toute personne qui eeriia,
imprimera ou publiera un ecrit faux, scandaleux ou malicieux
contre le gouvernement des Etats-Unis ou le president des
Etats, avec intention de diilamer ledit gouvernement ou l'une
ou Pautre Chambre du Congres, ou ledit president, de les
amener a mepris , ou d'exciter contre eux la haine du
peuple ; d eveiller des seditions, ou d'encourager a des asso-
ciations illegales pour s'opposer ou resister a une loi des Etals-
Unis , ou a un acte du president ayant pour but 1 'execution de
cette me me loi et lait en vertu des pouvoirs dont il est investi
par la constitution, ou pour aider et seconder les desseins hos-
tile* d'une nation elrangere contre les Etats-Unis, lcur peuple
ou leur gouvernement ; cette personne, jugee devant une cour
des Etats, sera punissable d'une amende u'excedant pas deux
mille dollars , et d un emprisonnement de deux ans au plus.»
La derniere clause porte que les personnes poursuivies en
vertu de cette loi seront admises a rendre temoignage de la
recite , afin que le jury puisse determiner la loi et le lait; et
que la duree de Tacte lui-meme sera limileeau 5 mars 1801. »
Cette loi t'ut passee en 1798, epoque oii la revolution 1'ran-
caise epouvantait le monde , et ou Ton atlribuait ses teiribles
convulsions a l'extreme licence des discussions populaires.
Bien qu'il Cut excusable a un gouvernement si jeune encore et
aussi peu assis que celui des nouveaux Etats d'Amerique de
prendre iacilement l'alarme, cet acte ful une des principa-
les fautes de son debut. Graces a son peu de duree, a l'etat
de calme du pays, et a la moderation des peines qui ne i'u-
rent jamais ou tres-rarement appliquees dans leur etendue,
il eut peu d'action , et n'amena, par consequent, aucune
suite t'uneste. Cependant, 1' opinion publiqne, qui, des l'ori-
gine, l'avait declare inconstitutionnel, y revient aujourd'hui,
et vent une retractation assez t'ormclle pour qu'c.i ne puisse
jamais s'en prevaloir comme precedent. Elle reclame de plus
le remboursement des amendes payees, et une sortc de reha-
bilitation pour quiconque a ele altciiilpai une loi injuste, et
T. XLVI. AVUIL l85(
9
i3o livrgs etrangeks.
qui etait clle-mcme unc violation de la constitution. A l'ob-
jec.tion qu'on lui fait que rcvcnir sur les coiulaninalions pas-
sees sera it encourage*' des appels a la legislation contre le pou-
voir judieiairc , file repond que loin de voir en cela uti nial,
clle y voit mi bien, ear e'est an corps existant dans la consti-
tution, et par ellc, qu'il appartient de porter remede a tout
ce qui pent altercr on miner la loi fondamenlale ; ct le blame
i!h Congrcs, s'exercant sur lui-meme pour la reparation d'un
tort ou d'une injustice, ne pent ni l'abaisser, ni l'avilir.
11 est probable que cctle question debattue a la Cliambre des
Elats, y sera resolue affirmativement. Les developpemens en
seront curieux a suivre, snrlout par l'experieoce qu'ils sup-
posent dans le champ de cette politique pratique a laquelle
l'Amerique a du jusqu'ici sa prosperite.
5. — * /Inter Khan and other poems. — Amer Khan, et au-
tres poemes, oeuvres de Lucretia Maria Davidson, morte a
Platsburgb, Btat de New -York, le 37 aout 182a, agee de
16 ans oiue mois ; recueillies et publiees par Samuel F. 1$.
Morf. New-York, 1829.
II n'est peut-etre pas d'age on les sensations poetiques
soient plus nombreuses ct plus varices que dans l'enfance.
Raremcnt approfondies, elles se succedent avee une etonnante
rapid it-e. Quede promesses de bnnheuret de joie apportent tin
l>eau soleil d'etc, le son des cloches, le retour du dimanche !
Sans souvenir de la veille, sur le seuil d'une vie qu'il ne con-
nait pas, I'enfant est toutentier a ce qu'il eprouve surl'heure;
il ne meditc pas, il n'analyse pas, il est beureux par instinct ,
eomme l'oiseau qui cbante et se berce sous la feuillee. Toute
la creation lui fait fete : la vue d'une flcur le jette dans des
ravissemens , la brise le caresse, les eaux on il se mire lui
sourient : s'il s'arreteetregarde a ses pieds, ily voit etales une
foule de tresors, car il n'a pas appris a se faire difficile : un
caillou,un coqnillage trouves dans le gravicr lui sontcboses
precieuses et belles. Puis, dans la prairie, e'est encore un
monde a sa portee ; tant de sortes d'berbes, de fleurs de for-
mes et de coulcurs sidelicates qu'elles scmblent devoir ecbap-
per a des yeux moins penetrans; et les insectes qui se nieu-
vent sous ces ombrages nains, et qu'il se plait a decouvrir. Et
a mesure que le cercle s'elargit, que naissent les besoins d'i-
maginalion , combien de brillanles reveries, de palais d'or et
d'argent apparaissent et s'effacent an milieu des images ! Des
croyances confuses et pleinesdc cbarme remplissent I'amcqui
s'essaie, parfois des lerrems indefmies, puis des pensees reli-
gieuses melees aux formes imposantes du culte, an parfum de
ETATS-UNIS. iji
1'eiicens, aux chants doux et graves de la priere . an jour
sombre et mystcrieux qui rcgne dans l'eglise. Et qu'nn ne
croie pas que l'enfant, devenu homnie, eree la poesic de tou-
les ces impressions par ses souvenirs ; non, il l'a sentie et sa-
vource d'abord; elle a parle hant a son ame, a ses sens;
mais comme le sauvage qui se balance dans sa pirogue sur un
lac tranquille, comme le paysan de nos chaumieres qui s'as-
sied a sa porte pour respirer l'air pur d'un beau jour, qui a
pour horloge le soleil , et cultive de ses mains le champ qu'il
a seme, le verger dont il a plante tons les arbres, il ne sait
pas se rendre compte de ses jouissances et de leurs causes :
il s'y livre, voila tout. S'il etait possible de priver, d'isoler
l'enfanl de cette poesic qu'il tire de ehaque objet, il mourrait
comme une abeillc sevree du sue des fleurs; comme le paysan
qui,enleve de son village et iransplante dans les villes, lau-
guit et meurt du mat du pays, (les sensations poetiques de
I'enlanee sont si rcelles f|u'elles etendent leur inlluence
sur la moiliede notre vie : e'est a cette source pure et fraiche
qu'il nous faut revenir pour retrouver cette intensite de joie
que nous n'eprouvons plus qu'a de si rares intervallcs. Jeune,
1'anie se suffit a ellc-meme; elle n'a pas besoin de parler de
ce qu'elle sent. II n'y a pas trop de son activile pour aimer et
connaitre; et ce n'est que plus tard, lorsqu'elle se degoQte
des plaisirs simples et faciles, qu'elle appelle la sympatbie a
son aide. Mais, si la voix lui etait dorinee, a l'hcure de son
premier essor, si elle trouvait des mots pour rendre ses vifs
tressaillemens, ses decouverles, ses conquetes, on entendrait
des chants purs et melodieux, des chants planant entre le
ciel et la lerre, souvenirs du chocur des anges et des concerts
humains. iMaisle passe n';ipparlient pas a l'oublieuseenfance,
et que sait-elle de Pavenir? Cependant, e'est la qu'a presque
toujours puise le poete precoce dont nous annoncons les oeu-
vres. II y a quelque chose de triste a cette experience antici-
pee, a cette preoccupation de peines qui ne sont pas encore
venues. Le genie de Maria Davidson (car elle en avait) firt
melancolique des son debut. Tout enfant, elle se plaisaitaux
sensations reveuses, a la musique qui fait pleurer. On eftt
dit une ame deja 1'ormee, et non plus grandissante, enfermee
dans ce l'aible corps qu'elle consumait. Ses compositions ont
un accent original , surtout celle on elle peint l'espece de
trouble, devertige ou la jetait la promessed'une recompense;
Finipuissance que prodnisaient en elle Iesmoyens d'excitalion
dont en I'entourait imprudenirnent. « La muse s'enfuit! dit-
elle; ni prieres, ni menaces ne la peuvent retenir Je ive
i5i LIVRE8 ETKANdEKS.
puis que barbouiller dtl papier, ni'impatienlcr el plcurcr !
et pourlant , olle revicnt, e! me tourmente, et me tenle d'e-
crire ; et, lorsque je lc lais, elle se prend a rire, et me laiile,
car il n'y a lins (Tharmonie clans la rime, pas de sens dans le
vers Oh, par pitic ! amis, qui voulez que j'eciiv'e, dtez rle
devanl mes ycux vos recompenses et vos dons, car la muse
est jalouse et me vent tonte a elle! »Cerlc. Oela est plein de
i;race, et d'un enfantillagc mele de. profondeur qui louche et
qui etonnc.
Les aspirations de cette jeune fille vers l'elude etaienl si
ardentesqu'ellc s'ecriaitun jour :« Oh, que de chosesa appren-
dre! Si je pouvais les embrasser el les contenir loutes a la
fois! «Maria etait nee de parens pauvres, et elle cut de bonne
heure le spectacle des privations et des soucis qu'entraine
une gene excessive. Si Ton en cr'oit son editeur, elle composa
a neufans, et meme plulot; a treize ans, elle avait fail mi
poi'iue intitule, Bodri , dont il ne reste qu'un chant. En iS'i'i-
tin etranger ayant In quelques-uns de ses vers, voulut lui
procurer tous les avantages d'une education soignee, et la
fit entrer a ses frais dans un des meilleurs pensionnatsd'Ame-
rique. Son esprit y redoubla d'activite et d'cfl'orts : « Je suis si
heureuse, ecrivait-elle a sa mere, que je tremble sans cesse
que quelque chose d'imprevu ne vienne deranger ou inter-
rompre mon bonheur! 11 y a tant de plaisir a savoir! »Et
dans une autre lettre : « N'esperez pas trop en moi , car je ne
suis pas capable de beaucoup. 3'etudie, je tiavaille, mais je
crainsdene pouvoirrealiser les espeiances qu'on a concues. »
Sa sante, deja faible, ne tarda pas a s'alterer tout-a-fait. Cette
jeune ame se remplit de presscntimens de, mort, mais dou\
et poetiques, sans melange d'effroi. C'elait counne le retour
d'un exile a la patrie celeste. « Petite etoile scintillante, jc te
sens m'attirer a toi ; diamant qui brilles au bandeau bleu dtl
ciel, comme je volerai vers toi, quand mon ame prisonniere
sera libre ! »
Une terreur s'empara d'elle dans ses derniers instans. Elle
craignait de perdre la raison, et I'exaltation surnaturelle ot'i
elle avait vecu justifiait trop ses craintes. « Jc sens mon ccr-
veau bouillonner, puis se glacer tout a coup! »disait-cl!e.
^ee a Platsburgh, le 27 septembre 1808, elle mourut le •>.;•
iioflt 1825, comme elle allait avoir dix-sept ans. Elle laisse
deux cent soixante-huit pieces de vers, parmi lesquelles se
trouvent cinq poemc^de plusieurschauts : de plus, troisesquis-
ses de romans , une tragedie, et beaucoup de lettres dont il
est regrettable qu'on n'ait paspvdjlieun plus grand nombre. A
ETATS-UNJS. — GRAIN DEliRETAGNE. i33
en juger d'apres les exlraits qu'en donne 1'editeur, ellesetaienl
naives el peignaient avec fidelite le developpement de ce ta-
lent precoce. L. Sw.-Belloc.
EUROPE.
GKAINDE-BRETAGNE.
4. — The modern Traveller. — Le Voyageur niodernc.
description geographique , historique el topographique des
differentes euntrees du globe ; dedie au foi par l'editeur J 0-
siah Cokdeh. Londrcs, lftoo; James Duncan. 5o vol. in- 12.
Cette publication commenoee depnis deux ans se terminc a
une epoquc favorable. Nous sommes dans le sieele des voya-
ges : depuis qn'une longue paix a permis les communications
entre les peuples, le tresor des connaissanees a double en Eu-
rope. On a pu rectifier les erreurs, en appeler des conjectu-
res aux fails. L'Amcrique, dont nous ne conuaissions bien
(|u'une portion du nord, et mal quelques points isoles dans
le gud, s'est revelec lout a coup, avec ses repnbliques nais-
santes, et ses cm ieuses experiences dans le grand art de la le-
gislation. L'Asiecst devenue le theatre des triomphes progres-
sifs de la civilisation, et de decouvertes eternities : on a
exploit; les richesses de son antique litterature, de ces vieu.v
terns bisloriqnes, auxquels remoutent les origines de tant de
peuples et de si nombreuses croyances. La Russie a pris une
attitude nouvelle, et favorise des voyages de sciences et de
decouvertes.
Enfin, la Tunpiie, dont les mystcres de gouvernement,
de religion, de mreurs avaient si long- terns defie on
lean a distance la curiosite des Euiopeeus, est devenue
accessible aux reclierches et aux observations parliculiere-.
Partout le terns de recueilliresl venu, el la moisson attend les
ouvriers. II y a dix ans que, dans 1111 pared ouvragc, il cut fallu
admettre encore beaucqup de conjectures, d'hypotheses dou-
leuses; et si , a parti'r d'aujourd'hui, on attendait encore dix
ans, il y aurait a craindre que les traits particuliers aux
gi andes nations, s'efl'acant par le contact et les relations mul-
tiplies de people a people, on ne retrouvat presque plus
de ce caraetcred'originalite, source de tant d'interet et de re-
velations import antes.
L'editeur du Voyageur moderne s'est occupe avec un soin
remarquable de tout ce qui avait rapport aux clublisseniens
britanniques dans l'Inde, eta L'histoire des Aincriques du noi d
el du sud On doit lui en savoir d'autanl plus de gre, qlie les
i34 LIVRES ETRANGERS.
materiaux, tjuoique notnbreux, sont on inexacls ou indiges-
tcs. In des plus grands pcrfcctionnemens de l'ouvrage est ia
multiplicity des renvois anx sources et anx documens Cfrigi-
nanx. Cette precaution, trop negligee jusqu'ici dans les En-
cyclopedies, Dictionnaires, etc., t'acilite singulicrcment les
etudes speciales, et offre dc grands avantages a quiconque
lit pour s'instrnire. Les divisions adoptees des 1'originc per-
meltent anssi de se procurer separcment tout ce qui eoiuerne
un royaume, sa physionomie politique, historique, son as-
pect, etc. C'est nne compilation faite habilemenl, d'apres un
plan bien entendn, et oont des details originaux et savans
completcnt 1'enscmble.
5. — * Travels in various parts ofPevi. — Voyages en diflc-
rentes parlies du Perou , y compris un sejourd'un an an Po-
tose ; par Edmond Temple. Londres, i85o; Colburn et Isen-
tley. 2 vol. in-8".
Que de reves dores les noms du Perou, el surlout du Po-
tose n'ont-ils pas evoques! Quel ambilieux, quel avare, ne
s'est transports en imagination dans cet Eldorado pave d'or;
sur cette montagne on un Indien poursuivant un lama se pril
a un arbuste dont les racines cedercnt, et mirent a nu dans
le sol une cnormemasse d'argenl? Ce mont inculte, d'un brun
rougcalre, qui s'elcve en forme de cone, presqueentierement
depouille de vegelation, an milieu d'un pays sterile on crois-
sent a peine quelques rares gazons, quelques arbrisscaux
chetifs, a en des attraits assez puissans pour atlirer a sa base
des homines de presque tons les points du globe. On y a
bati une ville qui contenait jadis plus de cent mille habitant
et qui est encore aujourd'bui le rendez-vous des specnlaleurs,
et des hommes a projets qui s'obstinent a croire que deux
cent cinquanle ans de travaux laborieux n'ont pas epuise les
richesses eachees du Potosc. Notre voyageur est de ccs der-
niers. Enrole parmi les membres aetil's de l'associalion l'on-
dee en Angleterre, vers iSaS, sous le nom de la compagnie
des mines du Potose, de la Paz et du Perou, il Cut attache, en
qualite de secretaire, a I'expedition de Buenos-Ayres. Cnmiiie
toute entreprise qui veut s'accrediter, celle-ci debuln magnifi-
quement. II n'etait question que des tresors immenscs qu'on
allait decouvrir, et le conseil des directeurs arrela que les
employes partiraient de Londres dans une voilure des plus
elegantes et liree par quatre chevaux. Arrive a Falmoulh. on
devait mfme embarquer i'equipage, charge dc reprcscnler di-
gnement la compagnie dans I'Amcriquc du sud. Mallieureu
senient la natui e du pays s'npposa a eetle parade de charlata-
(iUANDK-IWlKTAr.NE. ijj
nisme, et il fallul ebeminer sur les plus bumbles montures a
travers les Pampas jusqu'au Perou. A mesure que SI. Tem-
ple approcbait du terme de son voyage, les commodites, et
inume les ohoses les plus neccssaires a la vie, seoiblaient deve-
nir de plus en plusrarcs. Comme le roi Midas, il payait clier le
inanit'iiieiit de Tor, ou ce qui est encore pis, Vesperanrc d'en
nianier beaucoup un jour. Lorsque epuise de fatigue, il altei-
gnit avec sa mule la niaison de poste situee a l'entrec de la
villc do Potose, il n'y put trouvcr ni appartement , ni lit, ni
rafraiebissement d'aucun genre; et il I'ut oblige d'avoir re-
cours a ses lettres d'introduetion pour obtenir un diner, qui
se lit long-tenis attend re, et qu'il devora en bomme aflame.
Plus lard il trouva inoyen de se mouter line maison, et d'y
faire arriver a grands frais de quoi se nourrir. Mais le climal
qui reunit presque en tout terns les ehaiigemens des qualre
saisons, le froid percant du matin, le vent aigu qui regne
jusqu'a midi, puis, de raidi a trois heures, I'insupporlable ar-
deur du soleil, lui livra de si rudes assauts qu'il fa j Hit suc-
comber a une dyssenlerie violente. II se relablissait , et coni-
mencait a prendre gout a sa situation : il expediait tons les
jours a ses directeurs des lettres pleincs de brillantes descrip-
tions, non-seulement de i'etat acluel des mines, mais des
operations admirables qu'il y avait a faire pour l'avenir, quaiid
il apprit que Tageul de la compagnie, a Buenos-Ayres, avait
refuse de payer, et qn'en Anglelerre, les appels pour de nnu-
veaux fonds etaient de venus impossibles, les directeurs
n'ayant meme pu solder la premiere ecbeance des interets
des actions. Cette nouvelle jcta le pauvre employe dans un
grand decouragemcnl. Mais comme il etait surtout done d'un
caractere conliant, et dispose avoir le bon cote des cboses dp
ce monde, il s'en ruleva bien vite; et resolut de profiler de
sou voyage, et d'en faire profiler le public. Dans cette inten-
tion, il vit le plus possible de cboses cu rift uses, prit des no-
tqs, rassembla des materiaux, et le resultat de sa mesa ven-
ture est un livre inleressant, plein d'observations impartiales
et tres-ainusanles par la manierc vive dont elle sont presen-
tees ; il y a aussi nnmbre de fails sur les mceurs du people,
ses coutumes, le caractere national qu'il peint sous des cou-
ieurs beaucoup plus f.ivorables qu'on ne l'a fait jusqu'ici. II
ne vent pas non plus abandonner ses visions de richesse*, el
se contente d'ajourner un plan d'exploitalion qu'il croit pro-
prc a metlre au jour ties Iresois an moins aussi considerables
que ceux qo'on a d«ju tires <lu i'crou. Mais M. Temple at
une imagination si active, une disposition d'espril si lieu-
iM L1VRLS ETUANCKRS.
reuse , qu'il est permis de rie pas adopter tonics ses conolu*
.-ions, sin tout en pareilles maticres. Ce qui est nioinsdouteux,
c'est que son livre plajra, interesaera et sera hi gencralcment.
L. Sw-B.
0. —Natural theology, etc.. — Tlieologie naturelle oil cssais
sur ['existence de Dicu el de la providence, sur I'iminati ria-
Hte de 1'ame et de untie etat fulur; par le rev. Alex. Cbom-
bie. Lnndrcs, 1H29; R. Hunter. 2 vol. in- 8" de xxiu-(Jo4,
et 6/ja P-
Le docteur Crumble est depuis long-lems connu d'une ma-
nure fort avantageuse dans la litterature de son pays par di-
verse* publications philosopliiques el philologiqjies. Des Fan-
nee 1 7<)3 ? il avait donne un traile etcmlu sur la Necessile ,
auqnel, a l'imitation de Hume et de Reid , il s'est contente
d'altaclier le titre d'essai. Ses livres de grammaire et d'etymo-
lo^ic sont reputes classiques en Anglcterrc. Le dernier de ses
ouvrages se fail reniarqucr par cctle tendance pratique et eel
empirisnie rationnel qui caracterisent 1'Ecole ceossaise. Du
reste, l'auteur s'en est tenu mix idees les plus accreditees.
Clarke, Hume, Hartley, Cudworlli, etc., voila les aulciirs sur
lesquels il s'appuie et qu'il combat habiliiellement, et s'il s'est
attache a refuter Spinosa , c'est sans s'occuper des argumens
de Jacobi, de Heydenreich, ni des autre* metaphysiciens «
leurs compatrioles, car il parait avoir pen de sympatliie pour
la reveuse Allemagne. An reste, la Tlieologie naturelle rappelle
souvent, pour les vues com me pour le style, Fenelon demon-
trant l'existenco de Dieu : line extreme lucidite., Part d'nnir
l'imagmation a la logique , un sentiment religicux prot'ond
et vrai , telles sont les qualites qui en recommandent suitout
la lecture. He Reiffenbebg.
n, — Memoirs of the life and times of Daniel De Fue, etc.
— Memoires de la vie el de l'epoque de Daniel de Foe, conte-
nant une revue de ses ccrits et de ses opinions sur plusieurs
sujets important, civils on ccclesiastiques; par WatterWn-i
SON'. Londres, i83o; Hurst. 3 vol. in-8".
L'histoire de t'anteur de Robinson Crusoe n'est peut-etre
pns means interessante que le plus connu de ses ouvrages.
M. Wilson donne a ses compatrioles des elrennes qui seront
bien recues, surtout dans ce moment on la pressc pcriodiquc
excrcc par ses critiques un pouvoir (|ue la poliliipie niciiie est
souvent force de reconnailre. On sera curie ux de passer en re-
vue'les ccrits satiriqucs d'un ecrivain original et plein de
\erve. el I'on fcra plus d'un rap[)rocliement cntre notre tcnis
ct I'cnoiinc 00 ces ccrits t'urenl publics. TS'ous gagnerons
GRAIN DE-BRET AG NE. iZj
quclque chose a ce parallele : on y vena les progres de la
liberie politique et religieuse, et d'autres ameliorations so-
ciales; mais on sera force d'avouer que notre litterature n'a
point suivi cettc marchc progressive. Un ouvrage qui nous
fait faire ccs observations sur nous-memes ne pent etre sans
nierite , ni sans utilite : ces Meuioires passeront sur le conti-
nent et seront las par les curieux, consultes par les erudits,
mis a profit pour l'histoire litteraire moderne, lorsqu'on s'oc-
cupera de niettre scs annates en ordre, non pour un seal pays,
ce qui ne suflit point, mais de maniere a ofl'rir l'histoire com-
plete de celte division des connaissances humaines, histoire
non nioins instructive q-ie celle des evenemens politiques.
N.
8. — * The Adventures of Hatim-Tai — Les A ventures de
Hatim -Tai , roman traduit du persan par Duncan Forbes.
Imprime pour le Comite des finds de Traductions orientates.
Londres. i85o; J. Murray. In-4° de 214 pages.
Nous avons deja eu occasion dc signaler les services que
rend a la litterature le Comite de Traductions des langues de
rOrient. Cette Societe n'est point de cedes qui s'assemblent
pour deliberer, puis laissent passer des annees entre les pro-
jets et l'execulion. A peine fondee, ellc a produit : voila le
huitienie ouvrage sorti'de ses presses, depnis un an au plus ;
et Tiiiterel et la variete de seschoix ont prouve qu'elle vise a
un siicces populaire, et qu'elle l'obliendra. Elle a deja fait
d'heurcuses excursions en histoire, dans les arts et dans la
pocsie. Cette ibis, il s'agit d'une ocuvre Unite d'imagination ,
fanlaslique pendant des contes arabes, specimen du mer-
veilleux, qui, pendant des siecles, a berce les esprits ardens el
reveurs des conlrees d'Asie. Hatim, le heros du livre , etait
un chef arahe qui vivail au vie siecle de l'ere chretienne, et
dorit'le nom est passe en proverbe comme symbols de bra-
voure et de generosite. Un auteur arabe du \iic siecle dit
de lui :« Hatim fut genereux, brave, sage el puissant :
quand il combajtait , il etait sur de vaincre ; qnand il pillait,
personne n'eCit oselui disputef le butin; quand on lui deman-
dait, il donnail ; s'i! decochail une fleche, elle allait droit au
but; et lorsqu'il faisait des captil's, il lcur rendait la liberie. »
Ses aventures se divisent en sept parties, ou episodes dc la vie
du guorrier, qui, chacune , sont marquees par sept exploit^
des pins perilleux.
II n'y a ricn de precisement neuf clans re coute, et les \k~
gendes arabes nous onl deja familiarises avec les mervcilles
qu'il renferme; c< pendant, p'esl mi pas de pins dans ce do-
i38 LIVRES ETRANGERS.
niaine si vasle tic ['imagination, el la Sex iele a fait sagemeut
d'accueillir cet essai qui, par la siinplicite de son style et ses
formes populaircs, est dignc de figurer parmi ses travaux plus
graves.
q. — * Cloudesley : a Talc. — Clomlesley , eoiile ; par l'au-
tenrde Caleb Williams. Loutlres, i!C>o ; Colburu. 3 vol. in-8".
Nets le commencement tlu siecle dernier, tine cause fill
long-tems pendanlc devant line des eours d'Irlandc, ct l'on
en trouvera les details consignes dans un des volumes du
Stale Trials. Le sujet en litige elait une pairie, avec ses de-
pendances en terres et proprietes de toute espece ; le rccla-
mant, jcunehomine pauvre, uial eleve, et en apparence d'une
naissance commune, se nominait James Annesley, et l'on ne
doute plus aujonrd'liui qu'il n'eut des droits reels aux lion-
nenrs auxquels il pretendait. Enleve par un oncle, lorsqu'il
etait encore enfant, ce dernier le tint cache, jusqu'a ce qu'il
pflt le faire passer a la Aiiginie, on il le fit vendre comme
esclave. II fut decouvert dans cetle miserable situation par un
ollicier anglais qui le ramena dans son pays natal, et l'enga-
gea a se porter accusateur de son oncle, alors en possession
de tons ses biens. L'liistoirc de ce pauvre jeune homme etait
des plus louchantes, et sudisait seule pour ctablirla justice de
sa cause, mais la loi, toujours si facile a interpreter, I'ournit
le pretexle d'une diversion dont le coupable, desespcrant de
sa defense, s'empressa de profiler. Par one circonslance sin-
guliere, James Annesley se trouvait avoir etc cause de la
mort d'un individu, ct certaines parliculariles lui prelaienl ,
aux ycux de la loi, un caractere d'homicide, on du moins de
complicile. Son oncle l'accusa alors a son tour, et renuia ciel
et tene pour le convaincre de meurlre, mais sans succes; car
les nmivelles revelations qu'amenrrent les debals placerenl
dans lout leur jour les motifs d'interct qui le poussaient a
perdre son neveu. Le proccs durait encore, lorsque Annesley
mourn!, laissant son infamc parent possesscur legitime de sa
fortune.
Cetle cause, qui rappelle relic du jeune couite de Solar,
eleve de l'abbe de l'Epce, et qui scmbleiait aussi avoir fourni
a Walter Scott quebpies-uns des incidens de Guy iVanncring,
n'a pas etc adoplee tout enlierc par 31. Godwin. II ne lui a
emprunte qu'un fait pour sen ir de base a son roman : l'enle-
vement du jeune beiitier qui separe un anibilieux des litres et
des richesses qu'il couvoite. L'auleur de Caleb Williams n'a
besoin que d'un pelit uoinbrc de situations oi'i il puissc Imi-
gucment analyser les inoincnicns du cu'iir liumain : ses vivo
GUANDE-BRLTAGNL. ify
lenlalions, ses terretirs , sea remords. II excelle a decrire une
passion : il la prend a I'origine, remonle a ses causes secretes;
c'est d'abord un atome qui s'agite pour vivie; puis, a peine
visible, il grossit rapidement, absorbe Ies pensees, les desirs,
se precipite an but a travers niilie obstacles , l'atleint, alors
que, dans I'ame, il n'y a plus puissance de jouir. Nous assis-
tons ensuiie an desenchantement, au degout de ces biens si
ardemment souhaites, si chercmcnt payes. Les nuances et les
progres des sen time na constituent le principal mcrite de cet
ouvrage. L'histoire est niaigre, et le plan pen de chose. L'au-
teur n'y a cherche qu'un ca Ire a ses observations melaphy-
siques, parl'ois profondes, souvent minulieuses, allouriiies,
et surchargces de Imp de details. Un oncle succonibe a la
tentation de faire dispnraitre le fds que son 1'rere aine lui a
confie en monrant ; ce n'estpasi ependant un mediant homme,
mais un elre l'aible , accessible a des idees d'auibition; tort
jeune, il s'est vu dedaigne par ses parens : tons les soins ,
toutes les affections etaient pour Theiitier du nom; l'injustice
de la loi, qui le condamnait a l'inferiorite en naissant,a etede
bonne he lire comprise et commenteeparlui. Les domestiques,
auxquels il a etc confie, lui out mis au cceur des germes de
haine et d'ainertume. Les railleries, les predictions de cet ave-
nir obscur et nul, dont la pensee le poursuit, ne lui ont point
cte epargnees. Son frere tombe tnahule , et il espere sa moil ;
mais quand le danger augmente , quand il voit sa maigreur,
ses joues pales, lorsqu'il l'enlend lui adresser des paroles de
tendresse et d'adieu, son cceur se fond au dedans de lui ; et
cache dans un coin, il prie ardemment le ciel de lui rendre le
eompagnon de ses jeux, l'enl'ant inoffensif qui n'a jamais
abuse de la parlialile de ses parens, de son precepteur, pour
lui causer un moment de peine on d'bumilialiou. (dependant,
ce meme hommc, tente plus tard, ne rcsiste pas : il confie son
neven Julien a un agent lidele , qui 1'eleve en secret. Tuute
Tediicalioii de renf'aiit , le developpemeut de son caractere ,
desesfacultes, sont suivis pas a pas, ainsi que Patlachcmentqui
se forme danslecccur de Cloudesley, qui, de compiice de lord
Dan vers, devient l'ami le plus veritable et le plus devoue dii
jeune homme. Les incidens de la fin sont romanesques, con-
fus, et ne meritent pas qu'on s'y arrete. L'mlcrcl et In curio-
site ne sont pas non plus aus-d soutcnus dans ce livrc (pie
dans Caleb \V illiams. II aurait plutot du rapport avec Mav.dc-
ville, roman du meme auteur, ou il a disseque la haine avec
une penible perseverance. Les qualitcs ct les del'auts des tlvnx
ouvrages rout les meines : profondeur d'analvsc el puissance
i^o LITRES ETMA1NGEKS.
dYxprossion : hardiesse do thoorie, et habilole a dciouler les
plus secrets replis de la conscience humaine; ma is, aussi, fa-
tigue et soulfrance d'une elude poussee trop loin.
On pent encore reprochcr a M. Godwin d'aVoir vonln t'aiie
trois volumes, lorsque denx eussent sulli ; il en est resulte des
longueurs et d'cterncls recits loui-a-fait en debaw de I'aciion.
L. Sav.-Belloc
Oar rages p6rwdiqu.es,
to. — * The Oriental quarterly Review. — Revue trimes-
Irielle Orientate. Premier cahier : Janvier, i85o. Londres;
Hurst, Chame. In-8'' de 2S4 pages; prix, 6 shcllings.
Le but de cetle nouvelle publication est de traitor de tons
les intcrcts qui se debattent en Orient, d'eclaircir lea ques-
tions relatives a ces contrees par tous le-; documens cxistans,
tant anciens que nonvcaiix, enlin, e'e s'occuper speeiale-
inent des mceurs et de la lilterature des peoples d'Asie. Co
premier cahier s'onvre par un historiquc curienx de l'origine,
de la marche, des progrcs, des intrigues et de l'iuiluence de
la celcbre compagnie des lodes, dont la dissolution possible
cveille tant d'esperances d'une part, el tant d'ell'roi de I'autre
dans les partisans de la liberie du commerce, et dans les hom-
mes interesses a dclcndre le monopole. Puis, vienl un article
sur la situation de l'avcnir probable de I'eglise grccquc ou
oriental©; one Revue d'un ouvrage do Iknvditch, publie en
1824, sur lesdecouvcrtes des Portugais dans l'inlerieur d'An-
gola et de Mozambique; une analyse de voyages rocens dans
rOrient; el de ceux de Burckardi dansl'Arabie : unmemnire
interessant sur I'etat actuel do ['infanticide dans I'lnde ; des
rochorches surlesantiquites russcs, particulierement surcelles
d'origine asiatique, etc.
A mesure que la suite de ce recueil permettra d'en mieux
j tiger l'espril et le caractere, nous le ferons connaitre soit
par des cxtraits, soit par des analyses. On assure (pie M. Buc-
kingham en est l'editeur, et e'est une garanlie de la maniere
habile et conscietuieusc dont il sera conduit.
L. Sw.-Bei.i.oc.
• 1. ■ — * The Foreign literary Gazette* etr. — Gazette do la
lilterature etrangere, et resume hebdomadaire de la litleralure,
des sciences et desarts ilu continent. Londres, 1800. In-4" a
irois coloanes.
Cetle leuille, foudee parlesprinoipa'tx i'ibr aires de laGrandc-
I'u clagiie. et redigee par une elite d'ecrivains anglais ct el ran-
gerSj esl destince li multiplier au- Ichors les rapports litlvraires
GRANDE-BRETAGNE. — RUSSIE. 141
et scientifiquesde l'Angleterre. Prendre la fleur de cliaque su-
jet, parler de science de maniere a etre compris des moins
instructs, etre frivolc sans deplaire anx esprits graves et soli-
des, viser, comme condition premiere, a la variete, tel est le
but anquel paraissent tendre les ellbrts des redacteurs. Cbaquc
numero, parfaitement imprime sur beau papier, pourrait, ainsi
que la Gazette Litteraire de Paris, former 11 n petit volume,
s'il etait reduit aux proportions ordinaires. Voici les princi-
paux articles qui out paru en Janvier : voyage de Caillie a Tini-
buctoo; l'Histoire de 1'Empire ottoman, par le baron J. de
Hammer; la Cour el la Ville sous les regnes de Louis XIV,
de Louis XV et de Louis XVI, parF. Barriere; l'Enfant a deux
tetes; Voyage du baron de Humboldt en Siberie ; Le bandit
Gasparoni; Conies inedits ; les iMille etunc Nuits, traduits par
iM. Trcbutien ; les Memoires inedits du baron de Grimm ; les
Contes Fantastiquesd'Hofl'mann; la Flore de Java, par iM. Blu-
mi' ; I'lnfluencede l'Autricbc sur l'Allemagne et l'Europe, par
J. F. Schneller; Portrait des habitans du royaume des Pays-
Bas, etc. Ajoutez a cela des vers francais avec la traduction
anglaisc, et quantite d'annonccs, d'anecdotes et bulletins dt^
Societes savantes. La France tient jusqu'ici, dans ce pano-
rama, la place la plus considerable. De Reiffesberg.
RUSSIE.
12. — > Hisioire de Russie, par Karamzine. T. xii. Saint-
Petersbourg, 1829; impr. de N. Gretcb. In-8" de 33o pag. de
texte et 245 pag. de notes.
Ce volume, ouvrage poslhume de 1'illuslre bistorien, a etc
public par les soins de i\I. Dm. Blocdof, sur un manuscrit
que son auteur et;iit sur le point de livrer a 1'impression. Ka-
ramzine I'avait sounds a rempereur Alexandre, et il a etc
trouve apres le deces de ce monarque a Taganrog : <i Ce fut,
dit l'editeur, la derniere lecture de rempereur. » Le manu-
scrit fut rendu au celebre liistorien a nne epoque on les ra-
vages d'une maladie mortelle le conduisaient lui-menie au
lombeau ; mais les souffrances n'altcrerent en rien le beau
genie de Karamzine , qui, jusqu'a son dernier moment, n'a
cesse de s'occuper de cet important travail; et nous savons
de bonne source que, bien que ce volume ait paru plus d'un
an apres la mort de I'auteur, les editeurs n'y ont apporle au-
cun changemeut.
Le i ?,e volume de VHistoire de Russie contient une periode
qui s'etend depuis I'annee 1O06 jusqu'a I'nnnee 1611, epoque
>/iu litres i:tiian(;f,iis.
.1 laqucllc la Russie Out en proic a Indies les horreurs dc.s gucrrcs
civil.' et eliangcre, ravagce, d'uii cole, par les I'olonais, d'un
autre, par le general suedoisdc Lagardie. el troifhlee inicrieu-
rcment par I'apparition successive de plusieurs fairs Dmitri,
cpoque oi'i regno rinl'urhmc bsar BasileChouiski, dont la niort
plongea la Kussie dans unc anarchie ct dans des mallicuis san-
nouibic. Da milieu de ccs troubles s'eleverent, enfm , deux
honinies a jamais eelebres, Minine et Pojarsky, dont le cou-
rage el le de\ "oument vinrent sauver la patrie et 1'arraclicr au
joug de i'clranger.
11 est a rcgrctter que Karamzine ait etc. enleve aux lettres
et a la Russie avant d'avoir acheve eelte belle et grande ('im-
position histoiiquc, on qu'il ne l'ait pas eonduite, an nioins,
jusqu'u l'epoque de l'avenement au trone de la famille Roma-
nof ( i6i5), qui regne encore anjourd'hui. Lne autre plume
pourra bien tenter de le faire : cela meme est u desirtr, et il i'audra
eneourager par totis les moyens celui qui se scntira la force
d'entreprendre cette tache difficile; mais ce ne sera plus la
plume de Karamzine.
i5. • — Podrajaniia Koranou, etc. — Imitations du Coran,
par A. Rottchef. Moscou, 1828; impr. d'Auguste Semen.
In- 16 de 29 pag.
14. — T.sevnitsa, etc. — La Flute ; poesies de A. Redkine.
Moscou, 1828; impr. de S. Selivanofsky. In-iG de 40 pag.
i5. — K'Eraston , etc. — A Erastc ; satire contre les
joucurs, par J. Velikopolski, avec cette epigraphe d'Horace :
Ut jugulent homines surgunt de nocte lationes,
tit tc ipsum .serves nbn expergisceris.
Moscou, 1828; impr. d'Auguste Semen. In~4° de 24 pages,
avec une gravure representanl le portrait d'un joueur, et im
frontispice, 011 titrc, grave.
Les douze pieces qui conq>osent le premier des trois recueils
dont nous venous de transcrirc les litres sont le debut d'un
jeiineauteur, qui n'a pas crainl d'entrerdanslalice on Alexandre
Pouscbkine s'est deja distingue (1) , et qui se l'ait lire encore
avec interet apres ce maitre de la lyre. II possede bieu sa
langue et tOUS les secrets dc la versification russe, et sait ine-
langer avec art les couleursque demands lesujet de ses chants.
Ses premiers pas onl ete si heureiix (pie, de toutes parts, les
critiques russes lui ont erie d'abandonner les imitations pour
(1) Le recueil de poesies d'A. Pouschkine , arfrtbnce dans la Iter. Enc.
(t. xxxi, p. /io(>, et t. xxxiv, p. \'\c\) contienl neuf imilalions du Coian.
RUSSIK. M3
se livrer tout ontier a sa verve, et deter ton pays de creations
originates. Le conseil est bort sans doute, mais vent etre suivi
avee prudence ; sans doute, il fan* consulter son proprc genie,
obeir a ses inspirations et etre soi enfin, si Ton veut vivre dans
la posterite ; mais on ne deroge point et l'on n'enchaine point
sonindependanceei sonavenirlittcrairespours'essayer, comme
ohjet d'etude, a imiter ce que les siecles ont consacre comme
modele. Or, le Goran « passe encore aujourd'hui pour le livre
le plus elegant et le plus sublime qui ait ete ecrit en arabe, »
malgre l'opinion de Voltaire, qui dit, dans son Diclionnaire
pliilosopldqae , que « e'est line rapsodie sans liaison, sans or-
dre et sans art, » et les imitations d'Alexandre Pouscbkine et
de M. Rottchef nous paraissent faites pour achever de donner
gain de cause an premier de ces deux jugemens.
Le second des recueils aunonces en tete de cet article ne
contient gucre egalement f|ue des imitations. Thomas Moore.
Lamartine, Parny, Byron, Hafiz et quelques autres poetcs per-
sans et arabes ont etc mis a contribution par M. Redkine, qui
a bien aussi fait a ses compatriotes quelques emprunts dont il
ne parle point, entre autres, ce nous semble, au gracieux Ba-
tiouscbkof, leqnel a trace pour les Russes les regies de la
poesie legere, et a laisse lui-meme en ce genre des modeles
parfaits. Le morceau qui nous a semble, du reste, meriter la
prel'erence dans ce petit recueil, on Ton aime a suivre les pre-
mieres impressions d'un jeune poete , rendues en vers legers
et agreables, est une imitation de la piece de ML. de Lamar-
tine, intitulce : le Papl/lon ( Nouvetles Meditations; in-8°,
1825, p. 36). Dans les vers adresses a Marie, que rauteur
pivscnte comme originaux, on du moins dont il ne rapporte
la premiere idee a personne , nous avons trouve des lieux
communs d'assez mauvais gout, et dont nous l'invitons a se
preserver : ce sont les conseils qu'il lui donne pour l'engager
a profiter de ses jcunes annees et a tes consacrer «aux vives
jonissances de I'amour. » Ces conseils interesses ont passe de
mode avec les progres de la poesie, on plutot de la morale, et
les femmes seulement y ont perdu quelques fadeurs, on quel-
ques impertinences, qui ne devaient pas laisser que de lesem-
barrasser quelquefois.
Quant au sujet traite par M. Velikopolsky, on pent dire
qu'il est entierement dans les mceors russes, dont la passion
pourle jeu est un des caracteres les plus distinctifs, que nous
avons reprocbe a 1'auteur de VEnnite en Russie d'avoir omis
dans se? tableaux ( Rer. Erie, t. xlii, aoftt 1829, p. 47° )•
!.',» MVRKS BTft AUGERS.
Plusieurs critique pusses', en pariaot de cctte production
( ewtre autres, V Atlunce, fevrier 1828, p. 90, et le Courtlier de
Moscou* n" /( de la meme annee, p. 4/^1 •> 01U M&mfe le choix
d« ce sujct. en disant que la satire ne doit lancer ses trails que
eontre lcs erreurs . lies laiblesses ct les ridicules <lc hi societe,
et non eontre les vices, qui sorit justiciable des Lois plutot
que de la poesic. On peilt opposcr a ce jugcmcnl lYxomple de
Juvenal, chez les Remains, dont La verve et l'indignalion
eontre les mceurs de son terns out rendu sans doulc plus de
sen ices reels a la morale que Imileau n'en a rendu die/, nous
cnaltaquantde pauvres auteurs, qui n'avaienl pas rccu (Jit c'ui
f influence accrete. Le vice que combat ML; Yelikopolsky avec
taut de courage n'est pas plus justiciable des Iribunaux en
llussie qu'ailleurs. II n'y existe point, il est vrai, d'ecoles pu-
bliques, de repaires ouverts, coninie chez nous, a tous les ci-
loyens, sous la sauvegarde et sous la protection des lois ct du
gouverncment ; une disposition du code russe defend meme
le jeu dans les maisons des parlieuliers on tout inspecteur,
dit-on , est libre d'entrer el de saisir les carles et l'argcnt des
jmieurs qu'il surprendrait en flagrant debt. Mais il n'y a
guere d'exemple que cette ordonnance de police soit execu-
tee par des agens qui sortt places assez has dans l'opinion ct
assez pen respectes en Russie pour courir le risque d'etre jetes
par les fenetres s'ils osaient se presenter dansles cercles de la
noblesse, et meme de la haute bourgeoisie, pour exercer leur
mandat.
C'est done une action aussi utile que courageuse, une action
honorable enfin, que la publication de l'epitre on de la satire
de 1U. Yelikopolsky. Nous voudrions pouvoir dire aussi que
c'est une bonne ceuvre poetique ; mais 1'exeeulion, sous ce
rapport, n'a guere repondu a I'intention , et l'auteur est bien
loin du satirique Milonof, mort si jeune encore, que la Russie
regretlera long-terns, et auquel. du reste, M. Yelikopolsky
rend un digne et juste hommage a la p. 1 1 de son poeme. II
a cependant rencontre quelquefois des mouvemens hcureux ;
qnelquefois on pent dire aussi de lui, comme de Martial : fecit
indignatio rersum; l'indignalion ou le coeur le rend quelquefois
poete, entre autrcs, dans le tableau qu'il fait (p. 10) de l'ordre
et du travail oppose a celui du jeu, ct dans ces vers on il s'e-
crie, en parlant d'un vieillard bonteusement livre a la passion
du jeu (p. 12) :
Qu'il est tiiste de voir le vice en chevenx blancs
Demander le respect pnur sea deporlemens !
RUSSIE. — ALLKMAGNE. 145
Nous joignons noire voix a celle du Tclcgraplie de Moscou
( n" 4 de 1828, p. 558 ) pour IVliciter l'aiiteur de sa bonne ac-
tion, pins rare encore que les beaux vers ; et nous souhaitons,
plus que nous n'osons l'esperer, a la verite, que la lecture de
sou poeme opere quelque conversion parmi les joueurs et quel-
que amelioration dans les moeurs d'une nation que tant de
peoples sont interesses a voir grandir en civilisation a mesure
qu'elle augmente en etendue et en puissance.
Edme Hereatj.
16. — Rim." pastor alt. — Poesies pastorales d'Agliaja Anas-
silide. Moscou, 1825 ; impr. de Semen.
Les petites pieces, rime , qui component ce rccueil, sont
ecrites avec esprit et grace, niais on y trouve quelques expres-
sions communes ; le style est neglige en quelques endroits, et,
pour tout dire en un mot, elles nous paraissent l'ouvrage d'un
ecrivain peu exerce. L'auteur, qui prend le 110m pastoral
d'Agliaja Anassilide, est peut-etre une dame russe, et, a cc
titre, elle aurait droit abeaucoup d'indulgence. Au reste, nous
basardons cette conjecture sans fondement, car rien ne nous
Tindique dans cet opuscule, qui est ecrit d'un bout a Tautre
en fort bon italien. Qnoi qu'il en soit, si ce petit volume est
d'une etrangere, e'est un heuieuxessaidansla langue duTasse,
et nous en f'eliciterions d'autant plus l'auteur; s'il est d'une
Italienne, faisant actuellement sa residence en Russie, nous
l'engagerions a se souvenir delte aure Toscane, et a exprimer
avec plus de force et moins de negligence les sentiniens de-
licats et tendres qui animent la plupart de ses jolies Canzoni.
Sa main parait pen sCire, et sa touche n'est pas assez ferme.
Elle rappelle un peu trop Savioli, qu'elle parait avoir parti -
culierenient eludie. A tout prendre, e'est un agreable recueil,
oO brillent surlout ces pensees ingenicuses et delicates, et ces
mots du coeur qui sont si naturellement le partage des femmes.
R.
ALLEMAGNE.
17. - — * Berliner astronomisches 'ahrbuch fur i85o, etc. —
Annuaire astronomique de Berlin pour i83o; publie, avec
l'approbation de YAcademie royale des sciences, par M. J. F.
Encke, astronome royal, secretaire de 1'Academie des sciences
pour la classe mathematique. Berlin, i83o. Grand in-8" de
5o8 pages, avec une planche.
Pendant cinquante-quatre ans, le celebre Bode a publie,
d'npres ses propres calculs, un Almanaeh astronomique, qui,
T. XLVJ. AVRIL l85o. JO
i4<3 L1VRES ETKANGERS.
durant cclle longue aerie d'annces, a etc le senl ouvragc dc
ce genre que possedat r\llemagnc. Mais, vers les dernieres
annees . la redaction n'en etait plus aussi soignee, ni aussi
exacte ; el, d'ailleurs, les immcnses progrcs de l'astronomie
semblaienl cxiger des ameliorations dans les mclhodes de
calcul qui, qnarante ans anparavant, avaient pu paraitre suffi-
santes. C'estd'aprescette dernicre consideration (pic >1. Schu-
macher calculuses tables astiononiiques auxiliaires, dont il con-
tinua la publication pendant plusicurs annees, jusqu'a la mort
de Bode. — Aujourd'liui , M. Encke , successeur de Bode a
I'Observatoire de Berlin, depuis 1826, s'est accorde avec
il. Schumacher, pour completer et perfectionner son An-
niiairc d'apres le plan des tables auxiliaires qui cessent de
paraitre. M. Encke est connu de tons les astronomes par la
decouverte qu'il lit, en 1819, de l'identite des cometes de
1819, i8o5 et 179&; et plus encore par ses recherches pro-
Ibndcs et extremenient elendues sur leurs orbites, dont le
resultat general a etc l'liypotlicse d'uu milieu resistant dans
l'espace du ciel; resultat qui, paries predictions du rctour de
la comele en i8a5 et 1828, s'est confirme d'une maniere si
cclalante. On a lieu d'attendre d'un savant aussi distingue
quelque chose d'excellent, et a la verite cet Almanach est a
present peut-etre le plus complet et le plus exact de tons ceux
qui existent. Les caiculs , tant pour le soleil et la bine que pour
lesplanetes, y sont etendusnon-seulement jusqu'auxsecondes,
mais encore mix dixiemes de seconde ; au lieu (pie Bode n'a-
vait don oe pour les planetes que les minutes. Le terns vrai et
le terns moyen, dans la table du soleil, et leslieuxapparens des
etoiles fixes sont meme donnes en centiemes de seconde.
« Tons les lieux, dit ftl. Encke, sont deduits immediatement
des tables, sans negliger aucune correction quelconque, et ils
sont inditjues tels que les tables les donnaicnt. En des prin-
cipaux objets de ces epbemeiides sera atteint, si elles peuvent
ipargner aux astronomes les cakuls immediats des tables, qui
leur content tant de terns. » Le contenu des epbemerides est
classe de la maniere suivanle : 1". Le soleil et la lane, demois
en inois ; le soleil [ 2 pages) ; une determination pour chaque
jour; la lune (4 pages); deux determinations par jour, a 0 h.
et a 1 2 h. — 2". Les planetes; chaque planete, pour elle-meme;
les (janciennes, d'une meme maniere, sa voir : leurs lieux helio-
centriques et geocentriques , pour Mercure et Venus, de 2 en
2 jours, et pour le midi ; pour les autres, de 4 en 4 jours, et
pour le minuit. Pour les 4 nouvelles planetes ou asterokles,
les lieux geocenlriques sont donnes seulement de 4 en 4 joins ;
ALLEMAGNE. i47
niais il y est ajoute unc ephemeride de leur cours apparent,
durant un mois de 1'opposltion, de jour en jour, avec les loga-
ri-thmes de leur distance du soleil. — Viennent encore les
cphemerides pour les snlellUes de Jupiter en 17 pages, avec
leurs tables auxiliaires ; — lout cela remplace les representa-
tions figuralives, qu'on donnait joisqu'ici, etqui, agreables
peut-etre pour les amateurs, n'etaient d'aucun usage pour les
calculs. \ient enfin une table de la position et de-la grandeur
apparente de 1'anneau de Saturne en une page. — 3". Lieux
appurens (les etoiles princi pules. Ce sorrt les 45 etoiles de M. Besset,
dont l'ascension droite et la declinaison sont donnees de dix en
dix jours, c online nous l'avons deja dit, jusqu'aux centiemes
de seconde. — l\°. Plu'nomcnes et observations en 36 pages,
savoir : eclipses du soleil et de la lune ; constellations des pla-
netes; etoiles dans le parallele de la lune et occultations d'e-
toiles par la lune (plus de 120), parmi lesquelles une seule
d'une planete, savoir de Venus, le 14 octobre. Les lieux de
I'inimersion et de l'emersion sont donnes en degres de la peri-
pherie de la lune, de sorte que le point le plus boreal de la
lune forme le zero, et que de-la on compte par Test, le sud,
l'ouest et jusqu'au re tour an nord. Suivent les tables auxi-
liaires pour calculer le plus exactement ces occultations. — -
Outre ces parties essentielles de l'Annuairc, il y a encore un
Supplement compose de cinq divers traites astronomiques.
Bode avait coulume de donner, comme supplement, une
ample recolte de nouvelles astronomiques, fruits de sa vaste
correspondance 011 de ses lectures. M. Encke s'est aceorde
avec M. Schumacher pour lui laisser ces nouvelles d'ailleurs
si interessantes, afin qu'il les fit inscrer dans ses Bulletins
astronomiques, dont le cadre lui permet d'en donner un plus
grand n ombre, de meme que le mode de ses publications lui
offre Favantage d'une distribution rapide. Nous termine-
rons en disant que 1'execution typographique de cet An-
nuaire a etc faite avec un grand soin. H. D*.
18 — * Idcen iiber die Politik, den Verkehr und den Handel
der vornehmsten V biker der alien Welt, etc. — Idees sur la po-
litique et le commerce des peuples les plus cclebres de l'anti-
qaite; par le conseiller de cour, chevalier Heeren. Goettin-
gue, 1828-1829; Vandenhock et Kuprecht.
Ceux des ouvrages de Heeren qui out jusqu'ici ete traduits
en francais appartiennenl certaipement a la classe la plus utile
des travaux historiques; mais les recherches de ce savant, qui
ont excite en Allemagne l'interet le plus vif, sont precisement
celles qui sont le moins connues de la France. On avait cepen-
i48 LIVUES ETRANGERS
(hint traduil les Irft'es .stir la politique, etc. , il y a plus de vingt
ans deja , ma 13 sur une edition qui n'elait encore (|ue le pre-
mier essai des forces de cet esprit penetrant et aclif, landis
que I'edition nonvelle, que nous annoncons, est I'ouvrage le
plus rcmarquahle de rhomnie qui occifpe peut-elre dc noire
tems la premiere place parmi les invesligateurs de l'his-
loire (i ).
Ileeren n'est point de cos philosophes qui ne considcreni
les laits que pour en demontrer la necrssite ; il n'est point de
ees celecliques qui ehoisissent, parmi les laits, ceux-la seuls
qui peuvenl amnser le leeteur; et loin de lui etait aussi I'iu-
tention de faire de l'histoire une science auxiliaire de la poli-
tique : et cependant ses on v rages out une utilite reelle pour
les publicisles et les homines d'Etat; ils offrent une lecture
plus atlrayante que celle de la plupart des ecrits historiques
composes par ses savans eompatriotes ; et enfin on reconnail
dans les fails , tels qu'ils sont presenles par lui, une sorte de
necessite on tin mains d'ordre naturel. On pent aiusi expliquer
ces resultats. Heeren, comme on dirait dans sa patrie , ecrit
l'histoire pragmaliqucmcnt : c/est dire qu'il recherche les causes
qui onl produit tels effets, tclles consequences; il cherche a
remplir les lacunes que I'ohservateur superficiel apercoit dans
l'histoire dn monde, non par des phrases ingenieuses et spiri-
tuelles, mais par des investigations scru pule uses; mais, la on
Ton voit avec chute la suite necessaire ties causes et de leurs
effets, l'ordrc des laits parait naturel; leur recit et leur repre-
sentation dcvienncntveritables, et l'histoire racontee avec verite
n'est-elle pas la source tie la saiue et bonne politique ? C'est
le hut on Heeren est parvenu a force d'eludes et de talent.
Heeren, le veteran ties etudes historiques en Allemagne, et,
depuis une longuc suite d'annees, Pun ties professeurs dont les
leeons soul le plus suivies et le plus aimees a I'Universite
de Goeltingue, a loujours considere l'histoire sous le point de
vue suivant : il s'est attache adiscerner les idees qui out guide,
non pas les princes settlement, mais les nations entieres et les
Etats dans tous leurs actes, et qui les ont laits tels qu'ils nous
apparaissent dans l'histoire. \ cette vue elevee des choses il a
joint une etude approfondie des notions geographiques : Bur-
ckardt, l'un des plus grands \oyageurs des tems modernes,
(i) On publie dans ce moment une nouvelle traduction de l'ouvrage
deHeeieu (voy. ci-apres, an Bulletin bibliographique de France, la sec-
tion des Scirmcs morales et politique*) qui nous lournira l'occasion d'en
parlci avec quelqnrs developpemens et quelques critiques.
AtLEMAGNE. 1 4«)
elait son eleve. L'accord do toutes ces etudes, l'histoire, la
geographie et enfin les sciences politiqucs, a produit l'ouvrage
que nous annoncons.
Deux volumes sont consacres a VAfrique : il n'a certai-
uement paru en Europe, depuis quarante ans, aucun ecrit de
quclque imporlancc sur l'Afrique et ses diverses parties, stir
leur histoire, leurs antiquites, etc., que Heeren n'ait consulte
et utilise. Un coinpilateur ordinaire, a I'aide des tresors que.
possede sur ce snjet la Bibliotheque de Goettingue, aurail pu
entasser volumes sur volumes : mais Heeren possede I art
d'extraire de tons les faits connus, quelque nombreux, quel-
que contradictoires qu'ils puissent etre, un petit cercle d'idees
simples et nettes. Les idces, simplifiees de cette sorte , sont
celles qui deviennent principalement utiles pour la science :
chacun les comprencl, et les plus savans s'etonnent de la saga-
cite qui les a precisees. Aussi , de meme que 1'auteur a puise a
toutes les sources, son livre deviendra , a son tour, une source
ou tons devront puiser.
Carthage, l'Ethiopie, etc. , l'Egypte surtout, n'onl jamais
ete representees dans un meme ensemble avec autant de pro-
fondeur ct d'agrement a la fois que dans cet ouvrage. Les
castes anciennes et les causes de leur existence, la politique
egyptienne et les causes qui ont amenc la chute de sa domina-
tion, les arts de ce pays, qui, le cedant en grace et en elegance
a ceux de la Grace, les surpassercnt, sous certains rapports, en-
grandeur et en majeste, et, du resle, plus anciens que ceux-ci,
sont retraces avec autant de penetration etde soins que les rap-
ports geographiques et les relations commerciales de cette
contree dans les terns antiques ct modernes. Les ecrits de Gau,
de Champollion, de Cailliaud, sont surtout cites avec eloge.
Les voyages d'Uannon et les voyages plus modernes sont com-
pares et se completent reciproquement; l'ouvrage de Heeren
devitnt ainsi, pour chaque voyageur qui se propose d'explorer
l'interieur encore presquc inconnu de cette vaste presqu'ile,
aussi essentiel qu'il est agreable et instructif pour tout lecteur
eclaire.
U A see est traitee, dans plusieurs volumes, avec le meme
succes : ici, les sources historiques et geographiques appor-
taient a 1'auteur des materiaux encore plus nombreux et plus
riches; mais ici, comme pour l'Afrique, il ne s'est pas con-
lente de red ire ce qui etait connu deja. L'Inde surtout et sa
litterature lui ont procure l'occasion de developper beaucoup
d'idees neuves et excellenles.
En Enropr. Heeren ne va pas an dela de la Grece: et il se-
i5o LI \KHS ETKA.NGiiKS.
rait a desircr que d'aulres savans, prenaat ges travaux pour
module, voulussent 6'occuper des autrespays d'apr^s un plan
semhlable. VHistoire anclenne, V Hist aire des systemes poUtiqu.es
de I' Europe, dues au meme autcur, donoent a eel egard des
indications fori utiles. Heercn lui-meme s'est, dans les der-
nfers terns, youe plutot a l'hisioirc moderne et particuliere-
nuni a lliisiiiiic d'AIlemagne; et, de concert avcoungeographc
distingue , M. Lckert , il pnblie un ouvrage don t nous anions
bientol occasion de parler. 5.
ig. — * Abriss der romisclun Antiquitaten. — Esquisse des
antiquitcs roinaines; par Frederic Creuzer. Deuxieme edition,
revue et augmentee. Leipzig et Darmstadt, 1829. ln-8".
Ce livre que nous avous fait connaitre, a l'epoque on il pu-
rut pour la premiere fois , doit etre considere comme un re-
pertoire complet de tout cc qui peut servir a la connaissaucc
de Home, de sa constitution, de ses magistrals et de scs usa-
ges. On y a transcrit beaucoup de passages d'auteurs anciens;
on y a indique tons les travaux des modernes avec leurs re-
sultals. L'illustre professeur de Heidelberg avait eu recoursa
la collaboration de Rl. Bcehr ; il lui devait , disait-il, tout le
cliapitre sur la topographie de Rome, celui qui a pour olijet
la vie privee des Romains ; enfm, celui ou il est question de
feur etat militaire. Dans la preface de la seconde edition, l'au-
teur se plaint que Ton ait pris pour assertions emises par lui,
les indications, et meme les questions qu'il a reunies dans ce
cadre si etroit ; il nous promet de develppper ses vues dans
une serie de dissertations particulieres. Ce modeste erudit a,
cette fois encore , demandc des subsides a d'autres savans; ce
sont MM, Dirksen, de Rcenigsberg, et Birnbaum, professeur a
Lou vain; les observations de ce dernier composent un clia-
pitre particulier. Quant a M. ba-br, ^inseparable compagnon
des travaux de M. Creuzer, il a beaucoup enrichi cette nou-
velle edition de ses remarques; enfm , Pindex a ete refondu
par les soins de M. Bruihmen. Nous regrettons de ne pas voir
donner suite a un projet de traduction de cet excellent livre;
on assure que M. Derome, auquel on doit deja les Moires du
Palais , avait concu l'idce de transporter aussi dans notre lit-
terature les Antiquitcs romaines , de M. Creuzcr. S'il reprend
ce projel , s'il persiste dans ['execution de cette belle entre-
prise, nous pensons qu'il en cbangera le litre, qui, en France,
peut induire en erreur sur le sujet du livre; car il n'y est pas
du tout question de monumens , ni d'objets materiels. L'ori-
gine de Rome, sa topographie, les esclaves, le mariage, la
repartition du people, le senat, les cornices, les magistrals de
\LLK\1AG,NE. i5i
la villc el (It: la province , les d ignites de l'empire d'Orienl el
d'Occident, les repas, les funerailles , etc. , etc., tels sont les
sujets trailes, on plutot indiques dans ce volume; car, sur
ehaeun d'cux on rencontre le sonnnaire dc tout ce qu'il faut
lire pour l'etudier. On peut joindre a ce beau travail celui que
M. Ba>hr a public snr la litterature romainc , et il sera facile
de se procurer, a 1 aide de ces livres, nne bibliotheque com-
plete sur chaque point de droit public, de science ou de poe-
sie, et de consulter, pour s'eclairer, tout ce qu'ont ecrita cet
egard les anciens et les modernes. L'illuslre professeur a done
rendu un nouveau service aux bonnes etudes, en perfection-
nant une production d'un aussi grand me rite.
P. DE GoLBERY.
20. ■ — * Die dltesten Nac/irichten von den Bewohnern des linken
Rheinufers, von Math. Simon. — Notions de la plus haute anti-
quite sur les habitans de la rive gauche dn Rhin, par Mathieu
Simon, membre de la Societe des Antiquaires de France. Co-
logne, 1829; Dumont Schauberg. In-8 .
M. Simon est deja connu par- un ouvrage qu'il a publie a
Coblcntz, en 1810 et 18 1 1, sous le titre de Manuel des conseil-
lers de prefecture* en deux volumes, et dont le Moniteur et la
Bibliotheque du Barreau out rendu, dans le terns, un compte
avantageux. II a aussi publie, en allcmand, dans les annees
1822 et 1824, deux volumes d' Annates du pays sitae sur la
rive gauclie du Rhin, dont plusieurs historians allemands et
beaucoup de journaux ont fait Peloge. Le roi de Prusse lui fit
remetlre, a cette occasion, une medaille d'or.
Les Notices que nous annoncons aujourd'hui out obtenu le
meme accueil du roi : il a bien voulu accepter la dedicace de
l'oiivrage entier, qui sera publie par parties separees, et qui
embrassera les 4°° ans pendant lesquels les Gaulois furent
places sous la domination des Ro mains, Le premier volume
qui vient de paraitre contient : i° un traite sur la castramela-
lion et la discipline militaire des Ilomains; 20 la vie de Jules
Cesar, proconsul de la Gaule cisalpine et de la province gau-
loise transalpine; 5" l'histoire des guerres faites par Cesar, et
par suite desquelles loute la rive gauche du Rhin a etc sou-
mise a la puissance des Romains ; 4° one notice sur les anciens
Germains et une description du eours du Rhin , d'apres des
observations faites du tcms de Cesar.
Un cahier de planches, executees avec soin, est joint a cet
ouvrage : elles representent les camps des Romains, leurs cos-
tumes militaires, el quelques monumens decouverts a Bonn et
■ \ Vetera. Une carte geographiquc indique quelles etaient les
i5a LIVRES tiTRANGERS.
frontiercs de la Gaulc indepeudante sur les bords (hi 11 In n .
L'auleur a place, en tete ile son ouvrage, au lieu d'une pre-
face ordinaire, le recit (extrait de son journal) d'un voyage
qu'il a fait dans la province du Bas-Rhin , pour visiter des
ruines romaincs qui s'y trouvent encore : entre autres, celles
de Worringen ( Buruncum ) ; de Dormagcn ( Durnomaguni );
de Zons (Sunnium) ; de Geldub (Gelduba) ; de Vetera, (.Ale-
ves, Ncuss ct les environs, et le chateau de Dyck, qui est le
monument de ce genre le plus considerable du pays. La des-
cription qu'il en donne, ce qu'il dit de ses anciens niaitres, et
le sejour qu'y fait la princesse Constance de Salm , a qui ses
ouvrages ont acquis en Allemagne comme en France unc juste
celcbrite, ont fourni plusieurs pages interessantes.
L'auteur a transmis cet ouvrage a la Societe des Antiqutdrcs
ile Paris. Ln des membres les plus distinguesde cette Societe
s'est charge d'en fairc le rapport (1). S*.
21. — Russland in der neuesten Zeit. — La llussie dans les
derniers terns; par E. Pabel. Dresde, 1800; Arnold. In-8°.
De terns en terns , quelques voyageurs mecontens se char-
gent de detromper le public sur les tableaux flatteurs de la
llussie, et de lui montrerje revers de la inedaille; M. Pabel
est de ce nombre. Son jugement sur cet empire n'est pas
favorable ; il est probable que son ouvrage ne passera pas a la
douane litlei aire de la Russie, quoiquel'enipereur Nicolas y soit
beaucoup lone. Dans le premier chapitrc, ou l'auteur parle de
I'administration publique, il fait voir le grand changement
qui s'etait opere dans l'empereur Alexandre pendant les der-
niers terns de sa vie. La jeunesse de ce prince fut charmante ;
c'etaientdes traits sans nombre degenerosite,d'humaniteetde
justice. Les sciences etaient encouragees, les lumiercs propa-
gecs. Tout a coup la mefiance s'empare de I'ame d'Alexandre;
la police secrete, la censure, sont appelees au secours de la
monarchic; I'espionnage est organise dans toutes les classes.
Les universites deviennent suspectes, et la Russie craint pres-
que autant que 1'Aiitriche les progres des lumiercs. Le se-
cond chapilre traite des diverses classes de la societe. Selon
l'auteur le system* prohibitif aeheve de miner le commerce
de la Russie. On trompe le gouvernement de la maniere la
plus dehonlee. Les fonts sont mal administrates, parce qu'on
donne les places d'inspecteurs a d'anciens officiers qui n'out
(1) Los person nes qui desireront s'insciiie pour !a conlinualion de ret
ouviagc derront s"adresser, a Cologne , ft la librairie de Dnniout Sebau-
beig, et, a Paris, cbec Trent t el et Wurti.
ALLEN AGNE. 1 53
aucune idee de hi science forcstierc. Les routes sont mal en-
tretenues: on tie repare guere que celles que doit parcourir lc
souverain. Les abus les plus scandaleux regnent dans i'admi-
nistration des hopilanx. On a employe plus de vingt ans a la
redaction du code commence sous Catherine II, et continue
sous Paul I"; quand tout a ete fini , 1'empereur Alexandre a
refuse de le sanctionner, pretendant que c'etaientdes reves de
gens de bien. II parait pourtant que 1'empereur Nicolas a
fait reprendre ce sujet. Selon N. Pabel, la corruption des
fonctionnaires de la justice en Uussie surpasse toute croyanee.
II par're d'autres abus qui se commettent dans le recrutement;
l'armee russe, selon lui , compte inaintenant 1,406,000 hom-
ines divises en deux armees et en neuf corps ; la cavalcrie
seule a 200,000 hommcs. Quelquefois onseiait tente decroire
que ce petit ouvrage a ete ecrit pour flatter 1'empereur Nico-
las aux depens de son frere et predecesseur. C'est ainsi que
1'auteur presente comme une mesure pen raisonnable les ef-
forts que fit Alexandre pour affranchir les serfs de son empire.
Assurement, si Alexandre a bien merile de sa nation et de
son siecle, c'est pour avoir travaille avec zele a cet affran-
chissement, sans lequel la Russie restera toujours barbare
dans l'Europe civilisee. N. Pabel pretend que les paysans out
ete peu satisfaits de leur liberte. Cela se peut; en d'autres
pays aussi la servitude etait tcllenient entree dans les habi-
tudes des paysans que les premiers rayons de la liberte of-
fenserent la vue des serfs au lieu de les ravir. En Danemark,
les paysans affranchis par Bernstorff s'ecri^retif douloureuse-
inent qu'ils seraient malheureux, parce que personne ne vou-
drait plus les nourrir, et ils suppliaient qu'on les laissiit dans la
servitude. Cela n'a pas empeche les memes paysans de recon-
naitre ensuite le bienfaitde l'affranehissement, et d'etre beau-
coup plus heureux qu'ils ne I'etaient lorsqu'ils etaient nourris
et loges par leurs seigneurs.
22. — Thomas Moras aus den Quellcn bearbeitet. — Thomas
Norus, biographie redigee d'apres des materiaux uuthcnli-
ques, par G. Thorn. IUdhart. Nuremberg, 1829; Campe.
In-8".
La vie du chancelier d'Angleterre sous Henri VIII est un
des episodes les plus interessans de ce rcgne. N. Rudhart,
professeurau lycee de Bamherg, en a fait le sujet d'un ou-
vrage assez ctendu. Deja Sharon Turner, dans l'histoire du
rcgne de Henri VIII, qu'il a publiec icccmincnt, a discute
et expose les principales circonstances dc la vie du chancelier,
et N. Rudhart aurait pu y puiser des vues nouvelles et des
ij'i LI V RES ETRANGERS.
tii i t s pen connus. Le professcurallemand a fait an reste beau •
coup ile recherches, el <>n voit par la lisle bibliograpbjque
jointc a la biographic, qu'il a consul ti' iin grand nombre d'au-
torilcs. M. Rudhart examine anssi les travanx litleraires du
Morns, et fait l'analyse de sa fameuse Utopie.
23. ■ — Hans Holbein (In- jungef'e. — Jean Holbein le jeune ;
par (Jlricli Hegner. Berlin, 1827; Reimer. In-8" de 072 p ,
avec le portrait de Holbein.
Piusieurs villes d'Allcmagne se disputent I'honneur d'avoir
donne naissanceanpeintre Holbein, qui parait etrene en 1498 ;
sa famille s'etait etablie en Suisse; c'est la qn'on trouve aussi
Holbeindanssa jennesse. Les trouble- de la Suisse nuisirentaux
arts, el Holbein, muni de reeommandalions d'Erasme, prit la
resolution dechereber fortune en Angleterre. Ilyarrivaen i52(>,
trouva un aceueil favorable aupres de Thomas Moms , ami d'E-
rasme, obtint la faveurdu roi Henri VIII, peignit piusieurs pcr-
sonnages de la cour de ee prince inconstant, fut charge de
piusieurs missions sur le continent, on il niourut de la peste
en 1 55^. Sa vie est peu remarquable, ma is ses Iravaux le sunt
da vantage. Aussi son biographe a-t-ii consacre une grande
partie de son ouvrage a l'examende ces chefs-d'oeuvre. M. He-
gner revendique pour Holbein piusieurs ouvrages qui Iui out
ete contestes, par exemple, les tableaux de la Passion, qui se
trouvent a la bibliotheqtte de Bfde, et qn'on a lithographies
reeemment dans eette ville; le portrait de Sforze, a la galerie
de Dresde , qn'on a attiibue a Leonard de "t Vinci. L'auteur
compte parmi les beaux ouvrages de Holbein un tableau de
famille, qui se trouve egalement a la galerie de Dresde, et
qui represente l'echevinde Bale, Jacob Meier, peint par Hol-
bein en 1529, lorsqu'il. etait sur le point de retourner en An-
gleterre. II sollicita aupres des echevins de Bale une pension
pour sa femmeet ses enfans qu'il laissait en Suisse. La biblio-
tbeque de B.lle posscde de Holbein un grand nombre de beaux
dessins, provenant de la collection de Fesch. M. Hegner est
amene ensuite a discuter l'authenlieite des gravures de hols
representant la danse des morts, et attributes a "Holbein. II
parait <pie l'invention de la fameuse danse des moils esttres-
ancienne. Un couvent de religieuses, a Bale, possedait un ta-
bleau de ce genre, portant la date de i3ia. Holbein lit un ta-
bleau semblable; il en existe de vieilles gravures sur bois,
dont le dessin annonce un artiste consomme. Le mono-
gramme HL qu'on y trouve parait conlirmer l'opinion que
Holbein en est l'auteur. (les gravures out etc rcinipriinees
piusieurs fois : les edition- les plus counties sont de I'au 1 538.
ALLEMAGNE. 1 55
C'est aussi l'epoque oii Holbein se livra avec le plus d'acti-
vite a la peinture, ct pd il devaitlui rester pcu de terns pour
graver sur bois. Cependanl, les gravures trahissent, comme
nous venous de dire, uhe main tres-exercce, et M. Hegner,
sans oser decider si elles sont de Holbein, n'est pas elnigne
de les attribuer a ce peintrc habile. L'auteur fait voir an
teste que le veritable monogramme adopte par Holbein pour
ses ouvrages etait HH. D-G.
2jj. — * Mosaik : Heinric/i des Vierten erste Liebe. — Mosai-
que : Les premieres amours de Henri IV ; poeme en trois
chants; par\V. de Normann. Constance, 1828 ; Wallis.
L'auteur est de bonne foi : il n'annonee pas une epopee qui
ait pour sujet unique les premieres amours de Henri IV, il nous
promet avant tout un ouvrage compose d'une foule d'elemens
poeliques, et dans leqnel le premier sentiment lendredu plus
aimable des rois tiendra la place principale 011 formera le pre-
mier episode. Ce poeme, dans le rhythme des epopees italien-
nes, ressemble, par sa coutexlure et le charme qu'il en recoit, u
un deces romans pleinsde I'esprit le plus original etle plusca-
pricieuxque 1'Allemagnc doit a la plume de son admirable Jean-
Paul. Dans cessortes d'ouvrages, la narration tie sert ordinaire-
ment quede vehicule, je dirai presque de pretexte aux reflexions
et aux digressions dont il plait a l'auteur de 1'entremeler.
Souvent ee n'est que par une transition aussi brusque que
hasardeuse qu'il se replace aupres d'un heros long -terns ne-
glige, dont les lecterns lui reprocberaienl I'oubli, s'il ne sa-
vait pas les gagner par le charme et l'interet des episodes
auxquels il sacrifie le personnage principal, qu'on pourrait
appeler le heros titittaire de son ouvrage. Si tout detour dans
lequel un guide vous entraiue a besoin d'excuse , et si tout
episode n'est an fond qu'un delour qu'il faut se faire pardon-
ner, combien le poete ne doit-il pas craindre de fatiguer par
deshors -d'oeuvre ['attention qu'un instant apres il sera dans le
cas dereclamer encore une l'ois en faveur dumeme heros qu'il
avail delaissc ! Ici se presenle un ecueil qui est la pierre de
touche du veritable talent, et IM.de Normann a su vaincre la
plus grande difficnlte de ce genre essentiellement romantique.
Assez temeraire pour ne consacrer qu'une l'aible partie du
premier chant a son heros, l'rancais par excellence, et pour y
placer, il est vrai , par un artifice des plus admits , une revue
du nord de I'Allemagne, M. de Aormann arme, des le com-
mencement, toutes les severites de la critique contte lui. Ilcotn-
mence lesecondcliant parse reprocher a lui-nienie le desordre
bizarre de son ouvrage, el il essaie de s'en justifier. II sulhsait
ij6 L1VRES ETRANGERS.
pent etred'invoquersimplement lc litre ingenicuxqu'iladonnc
a ce poeme, niais les meilhures raisons qu'il pouvait alleguer
se trouvent sans doutc dans les vers plein d'une gaile aussi
gracicuse que poetique, ou il convient de son erreur volon-
taire. II ne tarde pas phis long-tenis a nous (aire connaitre la
touchante Fleurette. Son portrait est trace avec le pinceau de-
licat du poete, qui, pour un moment, a pris la place du
peintrc.
Charles IX , dont Catherine a jugc a propos de promc-
ner momentanement ailleurs ([ue dans la capitate lesdegouts
et les ennuis, vient au chateau de Nerac,dans le pays de
Beam, visiter la reine Jeanne, mere du jeune Henri. De tous
les divertissemens qui lui sont offerts le roi choisit l'exerciee
du tir. Ce monar(|ue perce de sa fleche I'orange qui sert de
but; ma is au milieu de son petit triomphe et desapplaudissc-
mens cxageres des courtisans, Henri, n'obeissaut encore qu'a
une ambition enfantine, s'empare de Pare. II remplace I'o-
range par une rose qu'il a enleveedu sein d'une jeune lille qui se
trouve parmi les speetateurs. La rose est frappee et tombe.
II est vainqueur, et il entend au meme moment un cri qui
lui fait lourner les )eux vers celle qui, il n'y a qu'un instant,
etait paree de cetle meme fleur, et dont il parait avoir deja
perce le coeur. — Le troisieme chant appartient aux adieux
et aux derniers sermens des amans, a la douleurct a la mort
de Fleurette, a l'inconstance et au lepentir de Henri. Ce re-
cit est cntremele de passages souvent personnels a I'auteur,
sans nuirc cependant a l'ensemble de I'ouvrage. Tous ces re-
tours sur lui-meme, ou plutol sur le sort commun des mor-
tels, sont empreints d'une melancolie qui se repand jusque
sur les idees les plus riantes du poete. C'est grace a cette
teinte virgilietme que I'auteur a su conserver Fharmonie dans
un poeme oil 1'unite parait si souvent compromise. Nous nous
abstenons de toule citation liree d'un ouvrage si digne d'e-
tre lu, et nous nous bornerons a exprimer le desir que les lec-
teurs qui ne font que tout effleurer puissent tomber sur ce ta-
bleau magnifique de toules les splendeurs et de tous les deuils de
Home qui commence le troisieme chant. — M. <le iNormanua
employe d'une maniere particuliere le rbythme emprunte par
les Allemands aux Italiens. II enjambe souvent d'une stance
sur l'autrc, et observe rarement les differens repos que la re-
gie etablil dans ces sortes de vers. Toutcfois , cette licence
prete singulitrement a une variete de ton et de loumure que
la marche solennelle de la stance allemande inlei dit au poele
trop fidele observaleur dc sa loi rigoureusc. M**.
SUISSE. 1 57
SUISSE.
»5, — * Description topograpliique de la chaleUenie du Val-
dc-Travers. Neuchatel, i83o; A. Borel-Borel. In-8" de
91 pages.
Sous le point de vue de l'histoire comme sous celui de la
statistique, cette monographic merite d'etre etudiee avec au-
tant d'attention que l'auteur a mis de conscience a la compo-
ser. Llle renferme des faits curieux sur les tetns feodaux et les
institutions qu'ils ont leguees a des tenis pins modemes.
Mais elle offre surtout un grand interet par l'expose fidele et
impartial de l'etat actuel de l'administration, des mceurs, de
l'industrie , du commerce et de l'agrieullure. Celle-ci a ete
traitee avec predilection et connaissance de cause. La descrip-
tion du Val-de-Travers, placee dans les bibliotheques popu-
laires et dans les mains des agriculteurs fonrnirait sans
doute de nouvelles idees pratiques a beaucoup d'habitans de
la campagne non moins interesses que les autres citoyens a
ce que les lumieres se propagent.
Les vues generates sur l'industrie nous paraissent pleines
de sagesse; l'anteur desire que l'esprit d'industrie se rattache
autant que possible a l'agriculture. Un fait qu'il cite prouve
qu'ils ne s'excluent pas reciproquement. « L'industrie et les
arts sont geoeralenient associes aux travaux de l'agricidture
dans notre pays, surtout au Val-de-Travers ; ce i'ait refute
l'opiniondu celebreeconomiste Adam Smith, qui pretend que
ces deux etats sont incompatibles, et que Pexercice de I'un
exclut necessairement celui de l'autre. II n'est pas rare chez
nous de voir un bon agriculteur Gire en meme tems habile
horloger. Quelquefois les memes hommes exercent alteruati-
venient les branches d'industrie qui paraissent les plus etran-
geres et les plus opposees ; j'ai ouidire que beaucoup de ma-
cons el de tailleurs de pierre de Buttes, lorsqu'ils reveuaient
chezeuxau commencement de l'hiver, apres leur tournee
annuelle chez FEtranger, se mettaient a faire de la dentelle, et
que plusieurs y excellaient. >>
Les capitaux produits par l'industrie du Val-de-Travers
pourraient, comme exemple, devenirun salutaire encourage-
ment pour d'autres contrees. « Le village seul de Fleurier
fournit a I'Ltranger environ seize mille montres tant en or
qu'en argent. Les ouvrages qui sortent de ses ateliers reunis-
senl la solidile au bon gout. Peut-etre ne nous tromperions-
nous pas en portanta 800,000 francs le produit total de cette
i58 LIVRES KTU ANGERS.
Industrie, sur lesquels il faut prelever la valour dc Tor, del'ar-
gent, les mouvemens bruts, les fouruitures qu'on tire du
dehors, et le travail tie plus do deux cents ouvriers que l'hor-
logerie occupe au Val-de-Travers. 1,'cxcedant constitue les
profits. Deux a Ht res branches d'industrie sont connues de-
puis long-tems au Val-de-Travers : l'une, est la reeoltc qui
se fait chaque annee de plantes vulneraires et dc simples pour
le the suisse; l'autre est la fabrication de Pextrait d'absinthe
renomme par sa bonne qualite, et des liqueurs fines; elle a
pris one grande extension a Couveteta Motiers; I'exportation
al'Etranger peut etre maintenant evaluee a i5o,ooo bouteilies
par an. ■ — La seule culture des plantes destinces a la fabrica-
tion del'exlrail d'absinthe produil], dans la paroisse de Couvet,
nn revenu annuel dc i5o a 200 louis; quelques particuliers
retirent jusqu'a 20 louis de la portion de jardin ou de clos
qu'ils consacrent a cette culture. Cependant, les simples cul-
tives dans le Val-de-Travers ne sullisent point encore a cette
fabrication, et Ton en lire beaueoup du Valais et d'autres
lieux eleves de la Suisse. Tous les efforts tentes en France
pour y acclimaler ces plantes ont ete inutiles ; elles y dege-
nerent bientot, surtout dans le midi ; en sorle qu'il sera diffi-
cile de nous enlever cette branche d'industrie. 11 n'est pas
facile d'evaluer avec quelque exactitude la quantite d'extrait
d'absinthe et des autres liqueurs qui s'exportent annuelle-
ment. On peut juger de 1'extension qu'a prise cette industrie,
qui date de loin dans le Val-de-Travers, par la fabrication d'une
seule maison de commerce. Elle s'eleve a 4°j000 bou-
teilles par an. »
Dn vice deplorable conl rebalance chez une grande parlie
des habkans les bienfaits de l'espril industriel,4 e'est Yivrogne-
rie. « Soil que la multiplicity des cabarets presente une occa-
sion toujours procbaine dc seduction, soit qu'un penchant
irresistible entraine a la boisson , il n'est que trop vrai qu'on
y fait un usage immodere du vin et des liqueurs; e'est une
source feconde et toujours renaissante de vices, de desordre
et dc misere; qu'on recherche la cause de la plupart des dif-
licullcs devant les tribunaux, qu'on demande aux administra-
teurs des secours de charite qui sont ceux qui y ont le plus
IVequemment recours, ils ferout la meme reponse, et s'accor-
deront a dire que presque tous les desordies ont ieurs prin-
cipes dans la frequcntalion des cabaiets. Ces desordres sont
presque inconnus dans les lieux ecartes ; aussi n'est-cc plus
guere que la que Ton trouve encore quelque trace des
anciennes moeurs : les habitans isoles des montagnes ne con-
SUISSE. i59
riaissent pas les exces dont l'exemple est si frequent dans les
Villages; de leur maniere de vivre differente resulte anssi nne
maniere de penser et de sentir qui ne Test pas moins et qui
leur fait infiniment d'honneur; ils craignent plus que les autres
une paurrete qui les humilierait, et ee n'est qu'a la derniere
extremite qu'ils se decident a solliciter des secours. » .
Plein de franchise, comme on le voit, l'autcur n'a pas fait
le panegyrique du pays, mais sa description. II expose les de-
fauts de 1 industrie aussi-bien que les vices moraux, et necraint
pas d'attaquer les prejuges et les routines surannecs de ses
concitoyens.
L'administration communale, a laquelle appartient une si
grande part dans la prosperite on le malaise d'urj pays, a aussi
fixe les regards de l'anteur. « La communaute de Couvet est
assez nombreuse pour avoir, outre ses assemblies generales
et periodiques, un conseil compose de vingt-quatre membies
et quelques corps particuliers d'administration qui lui rendent
compte de l'autofite qu'elle leurconfie. Sa chambre decharite
est bien administree; tout s'y passe avec ordre, et ses deli-
berations justifient ordinairement la sagesse des principes sur
lesquels cet etablissement est fonde. Un autre eloge que ine-
rite cette communaute, e'est le soiu particulier qu'elle prend
de la jeunesse ; elle a senti depuis long-terns la necesMte d'une
bonne education, tant pour le bonheur de I'Etat que pour la
prosperite des families. Des inspecteurs sont nommes pour
surveiller la conduite et l'instruction des jeunes gens, et ils
remplissent leurs interessanles functions avec une suite et un
zele digues de la reconnaissance publique. Le recent recoit
une partie de sa pension de la ville de Neufchalel.
En 1765, la communaute de Couvet admit, au n ombre de
ses membres, Rousseau, qui, en recevant ses leltres de com-
munier concues en ternies tres-obligeans, fitcetle rej>onse re-
marquable a ceux qui les lui presenterent : « Qu'il se tenait
plus libre sujet d'un roi juste et plus honore d'etre membre
d'une communaute ouregnaient la veritable egalite et la Con-
corde que citoyen d'une republique on teslois n'etaient qu'un
mot et la liberte un leurre. » II est dit dans oes lettres que la
deliberation fut unanime au suffrage de cent vingt-cinq voix.
Quoique la procedure criminelte soit soumise au secret le
plus absolu, « les jugemens, quand il s'agit de la peine capi-
tate, ont lieu en plein air, dans le village de Motiers, en forme
de jugemens publics; et les sentences ainsirendues sont sans
appel, sauf la grace du souverain. »
Les co7inistnires, institution qui applique au principe moral
iliu LIVRES ETRANGERS,
un ordre dc choses etabli pour les actes cxtcrieurs, sonmet
la moralite a un tarif d'amcndes, et iaculque la religion par
voie de punition, subsistent encore dans le Yal-de-Travers.
« La chatellenie de Val-de-Travers est divisee, pour le spii i-
tuel, en quatre paroisses, celles de blotters et Boveresse, de
Couvet,deFleurier,desButteset Sainl-Sulpice;chncuned'cllcs
a un pastcur et un consistoire administratif qui veillent an
niaintien de la religion et des bonnes moeurs, et qui, dans les
cas graves, renvoieut les pecheurs scandaleux et refractaires
devant le grand consistoire seigneurial etahh desl'annee 1507.
II siege a IMotiers aux epoques des quatre fetes religieuses de
I'annee, preside par le chatelain, et compose des pasleurs du
Val-de-Travers et de ceux de la juridiction des Verrieres. Le
chatelain nomme des assesseurs lai'ques qui doivent etre en
nombre au moins egal a celui des assesseurs ecclesiastiques.
Ce tribunal de moeurs peut condamner sans appel a des
amencles de dix-huit a quarante batz (3 a G fr.) et a quelques
jours de prison, saut' toutel'ois le recours au gouvernement.
— II parait qu'auciennement sa competence etait plus eten-
due : on a meme dans le xvne siecle l'exemple d'un cas o\\ il
condamna a mort une femine pour fait de sorcellerie. »
Ce qui agit sur le moral des hommes bien mieux que cette
confusion d'un pouvoir civil etdu perfectionnement religieux,
ce sont dc bons pasteurs, simples, instruits, pieux, attaches
de cceur a leurs ouailles, qu'ils ameliorent parce qu'ilslesai-
nient. Tel fut, a l'epcque de la reformation, maitre Thomas
Petitpierre . cure des liuttes et de Saint-Sulpice. « Vonlant
rester attache a ses paroissiens, il prit le parti de se refor-
mer avec eux, se maria, devint pere d'une nombreuse fa-
millc, et continua, pendant trente-deux ans, a edifier le trou-
peau qu'il avail conduit comme cure pendant quarante-trois
ans. » S. D. (Extrait du NouveUiste Vaudois.)
1TALIE.
26. — La vita di Cola di Rienzo, etc. — La vie de Colas ue
Rienzo, revue sur une meilleure lecon, par Ze/irino Re. Forli,
1828-1829; Bordandini. 2 vol. in-8".
Par qui cet ouvrage a-t-il etc ecrit ? e'est un point de cri-
tique encore fort obscur malgre les recherthes des savans qui
s'en sont occupes. Quelques-uns l'ont attribue a Thomas For-
tifiocca, notaire du senat romain : mais cette opinion est re-
futee victoricusement par plusieurs passages du livre ou il
est question de cet homme en termes dont il ne pent s'etre
ITALIE. 161
servi en parlant de lui-meme. Mais quel qu'en soit l'auteur,
on ne pent s'empecher d'y trouver plusieiirs sortes de merites *
fort remarquables. Perlicari 11 'a fait que lui rcndre justice eti
louant la chute, la concision nervcuse, la simplicile toule
antique du style ct dc la composition generale. Mais ces pre-
cieuses qualites elaient perdues pour la plupart des lecteurs
actuels, car l'histoire est ecrite dans l'idiome romain de
l'epoque de Rienzo ; il fallait done la reudre intelligible, la
Iraduire prcsque enlierement en italien moderne : e'est ce
qu'a fait M. Re, en conservant toutefois autant que possible
la coulcur dc 1' original. Nous devons dire qu'il a tres-bien
reussi. L'histoire de ce singulier chef de parti conserve un
assez vif parfum de passion contemporaine, et on aime a le
voir peindre par un horn me qui a senti le pouvoir de sa parole
et de ses talcns, car ce chef populaire etait non-seulement
une tete ardente et active, mais encore unhomme savant tout
plein de l'anti quite, qui etudiait assidfiment et goutait aveo
enthousiasme les auteurs classiques: Seneque, Ciceron, Tite-
Live, Cesar; qui parcourait chaque jour les environs de Rome
pour decouvrir sur des monumens mines, sur des debris de
colonnes et de piedestaux quelques mots echappes a ce vieux
monde romain qu'il voulait ressusciter et recomposer avec
une populace italienne.
M. Re a enrichi cette edition de beaucoup de notes utiles
et savantes, et de tres-bonnes observations philologiques.
27. — *Istoria delta vita e delle operedi Rafaello Sanzio, etc.
— Histoire de la vie et des ouvrages de Raphael Sanzio
d'Urbin, par M. Quatremere de Quincy; traduite en italien,
corrigee et augmentee par Fr. Lokghena. Milan, 1829; Fran-
cesco Sonzogno. In-4" et in-8° avec xxm tableaux el un fac
simile.
Cet ouvrage, publie en France en 1820, n'y produisit pas
une grande sensation : il fit beaucoup de bruit en Italie, 011
on lui a trouve plusieurs merites qui nous avaient echappe,
et on 1'on aime singulierement cette critique ininutieuse et
savante sur les plus petites circonstances de la vie des homines
celebres qu'elle a vus naitre. II devint un sujet dc contro-
verse parmi les erudits et les artistes. Un homme de gout et
d'instruclion a voulu rendre populaires les disputes dont Ra-
phael etait l'objet, et il a traduit l'ouvrage de M. Quatrcmere
de Quincy. Mais il n'a pas livre au public une version simple-
rinent exacte et complete : il a joint au texte une foule de noles,
de critiques, de documens qui donnent a son travail beaucoup
de prix et d'interet. C'est une biographic sans lacune du plus
t. xlvi. avril 1800. 11
iGu LIVRFS ETRANGERS.
grand des peintres modcrnes, et, en outre, unrecueil tres-cu-
rieux de renscignemens sur les progres des arts dans ce mo-
ment unique on ils faisaicnt a chaque heure un pas immense,
et produisaient chaqne jour un monument immortel. Les Ita-
liens doivenl a M. Longhena beaucoup de reconnaissance : il
a dignement servi ieur orgueil national. Les artistes dc
toutes les nations ne lui en doivent pas moins.
28. — Per I'inaugurazione, etc. — -Scene lyriqtte pour l'inau-
guration de buste de Vincent Monti, par le chevalier Andre
Maffei. Milan, 1829; Giacome Pirola. In-8\
La solennite qui a fait naitre ces vers avait, dans son objet,
quelquc chose de toucbant el de grave. II s'agissait d'inaugurer
le buste du grand poete qu'a perdu naguere I'ltalie, dans la
salle des seances de P Academic pliilodramatiquc de Milan.
M. Maffei nes'est point montre indigne de celebrer cette triste
fete, et si sa poesie manque un peu de l'onction qui semblait
convenable, ellen'est depourvue ni de force, ni d'eclat. Ilfaut
avoueraussiquele defautqu'on pourrait luireprocbertrouvcen
grande partie son excuse dans la disposition meme de la fete,
dont le plan nousparait tres-mal et tres-froidement concu. —
Apres la representation de YAristodctnc de Monti, le theatre
avait ete metamorphose en temple de I'eternite; le buste du
poete, place au-dessous de ceux d'Homere et de Dante, etait
d'abord complimente par une troupe de genies, puis par la
deesse du lieu, I'eternite, parle xvni'siecle, le xixe siecle, etc.
— Coneoit-on quelque chose de plus glacial que ces person-
niticalions allegoriques! Quoi! I'ltalie perd son plus grand
poete, Milan, un de ses plus justes titres d'orgueil. une com-
pagnie litteraire, son plus bel ornement, et en meme terns un
homme du plus aimable caractere, et, quand il s'agit d'expri-
mer tant de douleurs et de regrets, on ne trouve rien de mieux
qu'une parade mytbologique, meme en ayant sous sa main
un poete comme M Maffei et une artiste comme Mmc Pasla !
— Qu'on nous permette de passer d'un exemple particulier a
un fait general : cette manie des Italiens pour la mytbologie
grecque, cette passion de litteralure classique, qui leur fait
presque oublier aujourd'hui leurs grands poetes du siecle de
la renaissance, cet enthousiasme de vieux textes, d'inscrip-
tions, de medailles ; cet eloignement pour les sujets presens,
pour le momle tel qu'il est, pour une litterature plus'vraie,
tout cela ne donnerait-il pas a penser que cet enthousiasme
pour les arts dont on fait honneur aux peoples du midj n'esl
pas si sincere et si profond qu'il le parait, que tout cet en-
thousiasme ne vient point du cceur? Certes, le regime politi-
ITALIE. 1 63
que qui pese Suf les divers peuples dc l'ltalie e.-t pour beau-
coup dans celtetimidite qui n'ose aborder les fails, les passions,
le monde moderne, mais il n'en est pas la cause unique. —
Un petit livre nous arrive d'Alleinagne, d'unclimat froid, d'une
sociele grave, savante, formalisle; c'est un roman, ce sont
quelques lettres d'un jeune homme qui reve : c'est Weriher,
c'est tout un siecle, toute une generation peinte en quelques
pages. — Trente ans plus tard, unjeune lord anglais, plein de
mepris pour le metier d'ecrivain, retrace, au milieu de ses
voyages de dandy, toutce qu'un bouleversemcnt inou'i a jete
dans le monde d'idees, de passions, de sentimens nouveaux;
cette lassitude profonde, cet amour d'un repos qui ennuie,
d'une incredulite qui effraie. On n'en peut douter, c'est
la l'expression d'un sentiment profond, d'une ame passion-
nee. Que faisait l'ltalie pendant ce terns-la ? Elle avait ses
poetes aussi. L'un, possede d'une passion delirante pour la
liberte romaioe, l'exagere dans ses tragedies, emploie un talent
de bronze et de feu a dessiner surla scene, avec des propor-
tions colossales, ces personnages du forum que l'histoire a
deja faits trop grands; marquis piemontais, il outre son role
de citoyen romain. — Mais, un bean jour, il se trouve face a
face avec la realite et s'enfuit effraye : le Spartiate a peur de
la liberte francaise ! Voila ce que fut Alfieri. Ce n'est pas ici
le moment de rappeler combien l'auteur de la Basvigliana fut
petit et faible devant la verite, lui qui peignait si poetique-
ment les fictions antiques. — Un troisieme, mort aussi depuis
peu de terns, ne fut guere plus ecrivain populaire. Qu'est-ce
que c'est qu'une poesie qui ne s'adresse qu'aux savans ! —
Ainsi , excepte un petit et bel ouvrage tPUgo Foscolo , plus
goCite peut-etre par les etrangers que par les Italiens eux-
memes, toute leur litterature depuis un siecle tourne labo-
rieusement autour de l'antiquite, se fatigue a commenter leurs
grands poetes du moyen age, a refaire avec leurs ouvrages
et par un placage de vieux mots, de locutions orthodoxes, de
tournures consacrees, une Iangue qui se perd faute d'un ge-
nie qui s'en empare et l'adapte aux choses de ce tems. Us sont
si loin des faits que plusieurs dc leurs grandes reputations
modernes, comme celle de Perticari, sont fondees sur la
grammaire clans son sens le -plus restreint, sur la science des
mots. — On peut remarquer l'inilucnce de cet etat de choses
sur la position sociale des homines de lettres en Italie. Par-
tout des corporations, des societes, des academies ; il n'est
pas un petit bourg qui n'ait la sienne; pas tin tailleur de pier-
res, pas un rimailleur. pas un maitre d'eeolc qui ne soil
164 LIVRES ETRANGERS.
mcnibrc de dix on douze de ccs ridicules congregations : le
plus illuslre est celui qui a recti le plus de diplomes, et tout
stranger qui sait lire, et soutenir en mauvais latin une con-
versation de deux minutes, revient d'un voyage en Italic
avee ses nialles plcines dc cette sortc de parchemins. La tout
est classe, chaque homme porte son etiquette, ct les docteurs
y sont aussi n ombre ux que les marquis et les comtes, qui
pourtant n'y manquent pas. Mais aussi point de gloires popu-
pulaircs, point de reputations nationales, ricn qui ressemble
a Byron, qui n'etait peut-ette pas bachelier, on a notre Be-
ranger, qui n'est pas de l'Aeademie. Si Ton a parle en Italie
dc renovation litteraire, on a pris la question dans sa parlie la
plus materielle et la moins etenduc : on en a fait une ques-
tion de dialecles et d'amour-proprc national. Nulle pensee
haute et vaste dans ceux qui s'en sont occupes ; pas une theo-
rie, pourou contre, qui s'appnie sur des bases larges et phi-
losophiques, des disputes au lieu de discussions, des injures a
la place des raisonnemens.
Que faut-il done pour que l'ltalic reprenne une vie litte-
raire caracterisee et indepeudanlc? Quels evenemens pour-
raient favoriser cette seconde renaissance, plus difficile que la
premiere, car on tire rriieux parti d'un pcuple barbare que
d'unpeuple blase ?... Nous n'avons pas besoin de ledire, cha-
cun l'a devine.
29. — Maria Stuarda, etc. — Marie Stuart, tragedie de
Schiller, traduite par M. Andre Maffei. Milan, 1829; les
cditeurs des Annales universelles.
30. — Maria Stuarda, etc. ■ — Marie Stuart, tragedie de
Schiller, traduite par Edvige de Battisti, de Saint-Georges.
Verone, 1829; Libanti.
Ce qu'on appelle le romantisme s'est introduit en Italie par
la frontiere d'Allemagne. Les Anglais semblent n'avoir ete
que pour pen de cbose dans les modifications que la littera-
ture de ce pays a subies. Le roman historique recreepar Man-
zoni est le seul emprunt qu'elle ait fait aux ecrivains de la
Grande -Bretagne : les Allemands ont trouve bien plus tot de
la sympathie et des imitateurs plus nombreux. Aussi, cst-ce
sur eux que porte le ressentimejit des Italiens qui voient avec
chagrin la litlerature de leur pajric prendre une route nou-
relle et des couleurs differentes. Goethe et Scbiller sont, aux
yeux de ces defenseurs des lettrcs ortbodoxes, les represen-
tans du mauvais principe, et, en cette qualite, recoivent leurs
maledictions quotidiennes. Nous ne pretendons pas qu'ils
aient tort : il est clair que 1 Italie sera le dernier pays ou la
ITALIE. i65
liberie de Part pourra s'introduire : chaque tentative d'inno-
vation trouvera une opposition inflexible et puissante dans ces
innombrables academies qni la couvrent, dans cette critique
minntieuse et grammatical qui en sort, dans la disposition
generate des esputs, amoureux de systemes qui ont produit
toute la gloire litteraire de l'ltalie. Les Italiens ont encore,
comme nation, unc imagination toute mythologiqueet n'abor-
dcnt les tails modernes qu'aveo repugnance, a moms qu'ils
ne touchent aux dogmes Chretiens. Ainsi, quoique beaucoup
d'ouvrages dramatiques aient ete traduits avec assez de succes
des langues etrangeres, ou regnrderait cependant comme une
tentative tres-dangereuse de les reprcsenter sur an theare
italien. L'une des tragedies dont nous annoncons la publica-
tion, celle de M. Mallei, a ete jouee a Venise, et la tolerance
avec laquelle elle a ete ecoutee jusqu'au bout a excite beau-
coup d'etonnement. 11 faudra du terns et de grands change-
meas dans les moeurs, et peut-Stre dans l'etat politique des
Italiens, pour que le silence de l'auditoire soit remplace par
les applaudissemens. — Du reste, ces deux traductions nous
semblent tres-remarquables : si nous avions a nous prononcer
sur leur meritc comparatif, peut-etre donnerions-nous la pre-
ference an travail de M. Maffei, dont lc style est ferine, ele-
gant, flexible et souvent tres-passionne. La traduction de
Mm° de Battisti lui assigne aussi une fort belle place dans la
litterature italienne.
3i. — * Fulco c/ella Rupr, o la guerra di Musso, etc. — Falco
de la Roche, nouvelle historique par G. B. Bazzom, auteur
du Clidteau de Trezzo. Milan, 1829; Stella et fils.
Nousavons annonce, il y a pen de terns, le premier ouvrage
de M. Bazzom, lc Chateau de Trezzo (voy. Rev. Enc, t. xlv,
p. 678). En voici un nouveau qui temoigne de la fecondite
de ce jeune ecrivain : les eloges qu'ils meritent tons deux
prouvent que cette fecondite n'est point malheureuse. — Les
evenemens historiques auxquels il a mele sa fable apparlien-
nent au commencement du xvi" siccle, a cette epoque de
guerres intestines provoquees par les passions de mille pelits
souverains presque independans, oi'i tout chateau etait un
centre d'operations mililaires, ou plulot un repaire de bri-
gandage. Nous ne deroulerons point ici tout le fil de l'intri-
gue lice par M. Bazzoni; quoique cette intrigue ne soit pas
tres-compliquec, cc serait une tache fatigante et sans profit :
nous dirons seulement que ce livre est reiiKirquable par des
beautes de phisicurs genres. II y a dans le talent de 1 auteur
un progrcs evident depuis le Chateau dc Trezzo : lc seul repro-
ifi6 LI VltUS ETRANGFRS.
che qui puisse §tre adresse a Fun et Fautre roxnan, c'est la
froideur de La passion principale, ici I'amour de Gabriel et de
Puna : il nous soluble que M. Jlaz/.oni avait, clans son beau et
brillant style, ties couleurs plus fortes et plus ardentes a jeter
sue cet amour ne au sein de Forage, nourri au milieu de*
guerres, brise dans une dernier* et cpouvautablc catastrophe,
Nous lui conseilloas aussi de supprimer ou de relbndre en-
tierement une assez longue introduction, ou abondent des
plaisanteries un pen usees sur un sujet encore plus vieux : le
mariage ct les maris-daiulins. Peut-Otre enlin s'est-il trop at-
tache a des peintures accessoires, auxquelles on ne peut, il
est vrai, donner trop de louanges. II excelle a reproduire les
scenes de la nature que l'borizon des montagnes rend si bi il-
lanlcs de contiasles sous le ciel de l'ltalie ; il sait faire passer
dans Fame du lecteur tous les sentimens, el jusqu'aux moin-
drcs sensations qu'elles font eprouver a celui qui les contem-
ple ; il est peintre, il est poete. iNous pourrions citer une foule
de scenes de ce genre qui prouvent un talent supericur : cette
soiree, par exemple, ou Orsala et Rina, penchees sur Fabime
du lac, attendent avec anxiete Falco, leurepoux et lour pere,
uont la barque lutte contre une affreuse tempete; ou celle
dans laquclle Fauteur nous monlre Grampo, le pirate, etendu
sur son lit de mort, et sa vieille mere, assise a cote de ce cada-
vre, et le contemplant de longues heures dans uneeffroyable
immobility ; ou enfin celle de la mort de Gabriel. II y a
dans toutes ces scenes un pro fond sentiment de poesie et une
grandc habitude de style : s'il nous etait possible de faire pas-
ser dans une traduction les beautes de ce style, nous ne re-
sisterions pas au desir d'en reproduire quelques fragmens.
Mats, du reste, le public pourra bicntot decider si nos eloges
sont merites, car on assure qu'une traduction de Falco est
deja commencee et ne tardera pas a paraitre.
PAYS-BAS.
o-j.. — * Verhandelingen , etc. — lYlemoires de R. G. Kiese-
wetter et F. J. Fetis, couronnes et publics par la quatrieme
classe de FInstitut royal des Pays-Bas. Amsterdam, 1829;
Muller. 1 vol. in-4" de iv-120, ?5 et 58 pages.
Dans le courant de Pannee 1824, FInstitut des Pays-Bas
proposa cette question : Quels ont ete les merites des Beiges dans la
musique, principaletnent aux xiv", xv° et xvi" si teles, et quelle in-
fluence les artistes cits Pays-Bas qui ont sejonrne en Italie ont-ils
cxercee sur les cedes de musique qui se sont formccs pcuapres ctttc
PAYS-BAS. 167
epoque en Italie? II ne recut de reponse qu'en 1828; niais il
n'avait point perdu pour attendre : les deux Meinoires en-
voyes uu concours traitent la question de la maniere la plu?
satisfaisante : l'un, en alIemand,parM. Kiesf.wetter, direcleur
de la chancellerie du conseil aulique de guerre a Yienne, obtint
la mcdaille d'or ; al'autre, redige en francais, par M. -Fetis,
professeur de contre-point et d'harmonie an Conservatoire de
Paris, fut adjugee la medaille d'argent. M. Kiesewetter a eu
1'avantagc de consulter les ecrits de son concurrent, de s'aider
de ses lumieres, et l'on voit avec plaisir qu'il invoque sou-
vent son temoignage. Du reste, son travail ne parait pas ici
dans l'etat primitif, mais apres avoir subi certaines modifica-
tions desirees par la classe. Le tableau de nos artistes y est
beaucoup plus complct que dans le Memoire francais. L'in-
fluence qu'ils ont exercee en Italic y e^t aussi mieux exposee.
Enfin, cequ'on ne trouve que la, ce sontdes details curieux sur
les incunabula de la typographic inusicale 011 de la musique
notee, avec un choix de morceaux en partie inedits et propres
a caracteriser les mailres des differentes epoques. La disser-
tation dc M. Fetis n'en est pas moins trcs-ioteressantc; il y fait
prcuve de goCit et d'erudition. La liste curieuse de livres hoi-
landaisrclatifs a la musique, qu'il a placee a la fin, prouve qu'il
n'a rien neglige pourposseder convenablement sa matiere. En
somme, les deux Memoires se completent l'un par Pautre, et
attestent que la Bclgique a ete le glorieux berceau du bel art
qui a fait plus tard la renommee des Gretry et desGossec, et que
cultive aujourd'hui, avec tant de succes, l'un de ses enfans,
1>I. Fetis lui-meme. — An moment on nous ecrivons cette
note, les journaux nous apprennent que, le 17 mars, on a re-
presente, au grand theatre d' Amsterdam, le premier grand
opera dont la musique ait ete composee par un habitant de
cette ville ; il est intitule : Numa Pompilius, second roi de Rome;
et le compositeur est M. Fodor, membre de la quatrieme classe
de l'lnslitut. de Reiffenberg.
Outrages periodiqucs.
T)5. — * Journal d' agriculture, d'economie rurale et des manu-
factures du royaume des Pays-Bas , 011 Recueil periodique de tout
ce que l'agriculture, les sciences et les arts qui s'y rapportent
offrent de plus utile et de plus interessant; public sous la di-
rection de la Societeagricole de Bruxcllcs. Bruxelles, i83o; au
hureau du Journal, rue des Sablons, n° 28. Paris; Raynal,
rue Pavee Saint- Andre-des-Arts, n" i3.
168 LIVRES ETIIANGERS.
Lescaliiersdc Janvier et dele vrierdecet utile recueil, que QOUS
avons souvent reconunande a nos leeteurs ( voy. Rev. Enc. ,
t. xuv, p. 72 1 ), contiennent des observations sur les avantages
qu'ofl'riraient la culture desbetteraves et la fabrication du Sucre
dans les Pays-Bag. Comme le sucre colonial est moins eher
dans Ce pays qu'cn France, ce Memoire est un nouvel en-
couragement pour nos cultivateurs de bctteraves et nos l'a-
bricans de sucre; les speculations qui reussiraient dans les
Pays-Baa ne peuvent manquer de succes sur notre sol. Dans
un autre Memoire, M. Bron indique les moyens de mettre en
valeur les terrains incultes dans les Ardennes, et Ton pense
bien que les plantations d'arbres n'y sont pas oubliees, et que
le meleze est au nombre des arbres qui sont recommandes
specialenient. Lorsqu'ii semble qu'en France quelques agro-
nomes tendent a decourager la culture de cet arbre, il n'est
pas inutile de jeter un coup d'ceil au dehors, el d'examiner ce
que Ton pense des choses que nous serions tentes d'aban-
donner. Ce qui est utile et praticablc dans les landes des Ar-
dennes ne le sera pas moins en Bretagne, dans la Sologne, et
dans les conlrees situees entre l'Adour et la Garonne. Espe-
rons que le meleze ne sera point exile de nos plaines, tandis
que plusieurs autres parties du continent s'empressent de l'ac-
cueillir.
34. — * Bibliothique des lnstituteurs; Journal de l'instructiou
moyennc et priinaire dans les provinces wallonnes. Mons,
1800; imprimerie de Hoyois.
Ce journal, redige specialementpour une partie du royauuie
des Pays-Bas, semble n'etre point destine a une circulation
tres-etendue : cependant, il merite d'etre recherche hors des
limites que les redacteurs lui ont assignees. Les matieres d'un
interet general que contient chaque cahier sont choisies avec
discernement, exposees avec clarte , etpiesque toujours re-
commandees par des circonstances dont les Pays-Bas n'eprou-
vent pas plus 'brtement I'influence que notre patrie , et
peut-etre tout le reste de 1' Europe. Quelquet'ois, cependant,
il s'y glisse des articles que, selon nous, Von n'aurait pas du
inserer : tel est, par exemple, dans le cahier de Janvier i83o,
celui ou 1'on expose l'origine (supposee) de quelques pro-
verbes Irancais. Outre que ces explications ne peuvent avoir
aucune garantie de leur exactitude , elles ont l'iuconveuient
plus grave d'etre peu satisl'aisantes , et encore moins utiles;
elles sont done hors de place dans un recueil 00 tout doit etre
mis a profit, soit par les instituteurs, soit par les eleves. F.
35, — *]$ouveUcs Archives historiques des Pays-Bas, ou lie-
PAYS-BAS. i(i()
ctieil pour la geographie, !a statistique et l'histoire civile,
militaire, religieuse, politique et litterairc de ce royaume;
pnblie par le baron de Reiffenberg; liv. 1 - 4- BraxeUes,
1829-1830; Dc Mat. In-8°de 248 pages.
Ccs Archives sont une espece de portcfeuille ou les per-
sonnes instruites peuvent dt. poser leurs observations et le rc-
sultat de leurs etudes sur l'bistoire des Pays-Bas considcrce
dans sa plus vaste etendue. Des Memoires sur des points dif-
ficiles ou pen eonnus, des anecdotes interessantes , des pieces
inedites donnees en entier, ou parextrail, des Notices bio-
graphiques, meme de simples remarques de bibliographic;
tout peut y entier. On y joint une indication desecrits impri-
mes soil en Belgique, soit a l'Etranger, ainsi que des articles
de journaux qui se rapportent a l'objet que l'editeur se pro-
pose. Dans les quatre premieres livraisons, nous signalerons
desrechercb.es sur l'etat politique des juifs dans les Pays-Bas,
principalement pendant lemoyen age . M. de Reiffenberg n'a pas
encore ete an deladu xnie siecle. Un Mcmoire sur les comtes
de Lou vain est tire des papiers de M. le chanoine Erkst, qui a
coopere d'une maniere si active a Y Art de verifier Les dates,
dans lequel il a insere une foule d'articles que n'indique point
M. Queraed dans sa France lilteraire. Deux fragmens inedits
des annees 108G et 1 108 peuvent servira l'histoirede laScan-
dinavie, et attireront l'attention des savans. Ceux-ci verront
surtoutavec interct les Annales de l'abbaye de Rolduc, ecri-
tes au milieu du xne siecle, et qui etaient egalement ignorees.
Le texte en est un pen corrompu ; on l'a copie fidelement sur
le seul manuscrit dont on ait pu disposer. Au reste, quelques
notes sont promises, et rcdrcsseront les plus importantes er-
rcurs. D'autres pieces sont relatives a la sorcellerie et au re-
gne de Jeanl", due de Brabant, et de Charles IV, einpereur
d'Allemagne. Une des subdivisions des Archives est consacree
aux traditions populaires, idee heureiise, et dont les arts d'i-
magination peuvent proliter. 1>I. de Reiffenl)erg propose, dans
la quatrfeme livraison, des reunions periodiques pour les an-
ti qua ires et les historiens, a l'instar de celles des naturalistes.
« La session, dit-il, serait terminee par un pclerimtge aux
lieux dignes des regards de tels voyageurs, pelerinage qui
s'executerait sous la conduile des archeologucs du pays. Quel
plaisir de reconnaitre les traces des ;Normands avec les PIu-
qnel et les Prevost, d'aller a Vaucluse dans la compagnie do>
Fortia , d'exhumer , avec les Raynounrd , les Thierry, le*
Daunou,\e$ Cape/igue, lesChampollion , les Buchon, les Dep-
ping , les Roquefort, les Le Gtay, les souvenirs de la vieille
i;o LIVRES ETRANGERS.— LIVRES FRANCA1S.
France ; d'cntcndre Mai evoquant la poussiere classique de
Rome; de snivre les Hulmann , les Savigny, les Heeren, les
ISiebuhr, les Diimgc, les Bilchler, les Pertz, les Maltbice, les
Srhlosser, les Grimm, les Ebert , les Bochmer, dans les lieux
ou combattaient Armenius et Goetz a la main de fer ; de visi-
ter les tombes scandinaves, sur les pas des Rafn et des Abra-
hamson. et d'avoir un Walter Scoit pour cicerone dans la poli-
tique Ecosse! » P.
LIVRES FRANCAIS.
Sciences physiques el nature/les.
5(3. — ■ * Elcmens de philosophic naturelte, renfertnaui un
grand nombre de developpcmeus neufs et d'applications
usuelles et pratiques, etc. ; par Neil Arnott, tiaduits de l'an-
glais sur la quatrieme edition, et enrichis de notes et d' additions
mathi'inatiques , par T. Richard. Tome II. Mecanique des
Ihiides. Paris, i83o ; Auseliu. In-8° de 4y-J pages, avec quatre
planches gravees; prix, 6 fr.
Les elemens de philosophic naturelle de Neil Arnolt soul
populaires dans la Grande -Bretagne, parce qu'ils mettent la
mecanique et la physique a la portee des gens du moude, el
donnent l'explication de la plupart des phenomenes qui se pas-
sent chaque jour sous les yeux detous. Quatre editions succes-
sives de cet ouvrage, puhlices en peu d'annees, prouventle cas
qu'on en fait en ce pays. Cest done une entreprise digne d'e-
loges de le faire connaitre aux lecteurs francais qui sauront
l'apprecier. Nous avons deja rendu cempte du premier vo-
lume, qui traite de la mecanique des corps solides (voy. Rev.
Enc. , t. xtin, p. 700) ; celui que nous annoncons r en fer me
un sujet plus difficile et plus etendu ; les fluides ont surtout
acquis de nos jours une importance capitale dans l'induslrie,
et l'emploi de la vapeur, comme force motrice, centuple ses
ressources. L'auteur pose d'abord les bases de l'hydrosta-
tique , explique ensuite les effets despompes, des syphons ,
des aerostats, des machines a vapeur, des gazometres et de
l'aeoustique ; il termine par I'applicalion de ces principes au
mecanisme dela vie desanimaux. La traduction est correcte et
redigeeavccclarte. Cet ouvrage merite a tous egardsd'obtenir,
en France, un accueil aussi favorable que celui qu'il a recu
en Angletenc.
37. — * Traite de la lumiere, par J. F. W. Hersciiel, presi-
sident de la Societe ostronomiqitc de Londres ; traduil de Pan-
SCIENCES PHYSIQUES. 171
glais, avec notes, par MM. P. F. Verhulst, docleur cs-
•ciences , et A. Quetelet, directeur de l'observatoire de
Bruxelles. Paris, i85o; Malher et C'e. 2 volumes in-8° de
200 et 3oo pages, avec des planches gra\ees ; prix, 9 1'r.
Le savant W. Herschel a compose le traite d'optique que
nous annoncons, pour l'Encyclopedie lnctropolitaine, publiee
en Angleterre : c'est l'ouvi'age le plus complet qui ait encore
ete ecrit sur cette importante branche de la physique. Le
1" vol. donne les bases de la science, explique les lois de la
reflexion de la luniiere, celles de la refraction, la theorie des
miroii's et des Ientilles, etc. Le a* vol. expose les phenomeues
de la dispersion, de l'achromatisme, des anneauxcolores, etc.
Nous reviendrons sur cette production remarquable, lorsque
la traduction sera eiitierement publiee.
58. — * Archives des de'eourertes et des inventions nouve/tes
faites duns les sciences, les arts et les manufactures, taut en
Prance que dans les pays etrangers pendant l'annee 1829;
avec 1'indicalion succincte des prineipaux produits de l'indus-
trie franeaise etc. Paris, i85o; Treuttel et Wiirtz. In-8" de
58o pages; prix, 7 fr.
Les editeurs continuent avec perseverance leur enlreprise.
et, depuis vingt ans, ils publient chaque annee un volume 011
l'on trouve 1'expose rapide de toutes les inventions faites dans
l'annee precedente, ainsi que de tous les progres recens des
arts et des sciences. Le volume que nous annoncons est digne
de ceux qui l'ont precede, et merite d'etre accueilli avec in-
tei et. L'auleur passe en revue les diverses branches des con-
naissances humaines, et indique tout ce qui s'y est fait de
plus remarquable ; il cite les ouvrages ou Ton trouve des de-
tails plus etendus, sur chacun des sujets qu'il ne peut analy-
ser que tres-succinctenient. Les sciences sont divisees en
quatre parties : I'histoire nalurelle, la physique et la chimie,
la medecine et les mathcmaliques ; les arts comprennent cinq
sections : les beaux-arts, les arts mecaniques, les arts chimiques,
les arts economiques et fagriculture. On y trouve ensuite
les titles des 35g brevets d'invention pris dans l'annee 1829.
Le volume est termine par la Iistc des prix decernes ou pro-
poses par l'Academie des sciences, la Societe d'agriculture.
celle de Mulbausen, la Societe d'encouragement, etc. L'ou-
vrage est ecrit avec methode et clarte, et laisserait pen a de-
sirer si l'on y trouvait des figures explicatives des machines
el des appareils, qu'il est bien difficile de comprendre a la simple
lecture de leur description et des effets produits.
Francoetr.
i;2 LIVHES FH ANGUS.
So. — Resolution du problime de la quadrature du cercte pur
lis principes de la geometric, par J. B. Cheval, iincien geome-
tre du cadastre du departemenl de la Manche. Paris, 1829;
Bacbclier. In- 12 dc 5G pages, avec une planchc.
Depuis que I'Academie des sciences a pris la resolution de
repousser lesdecouvertessemblablesacelleque Rl. Cheval croit
avoir laite, les inventenrs s'adrcssent dircctcmenl an debon-
naire public, qui n e repousse rien, el anx redacteurs dc recneils
periodiques condamnes a tout lire. Nous avons done hi cet
opuscule, et nous declarons formellemcnt a l'auteur que sa
prctendue resolution est fausse, et que ^approximation qu'il
dounc est moins exacte que celles dont oil fait usage, et qui
sufliscnt a toules les applications. II demandera sans doute
qu'on lui prouve son erreur; eomme cette discussion ne serait
d'aucune utilite pour le public, nous nous en abstiemlrons
d'autant plus volontiers que lamclhode d'exposition adoptee
par M. Cheval est tres-ennuyeuse, qu'il insisle longuement
sur cc dont il ne s'agit point, et laisse de cote ce qui resou-
drait la question. F.
4o. ■ — - * Essai sur les moyens de conduire, d' clever et dc distri-
huer les eau.r, par M. Genieys, ingenieur au corps royal des
Ponts el Chaussees. Paris, 1829; Carilian-Goeury, quai des
Augustins, n° 4'- I»-4° de XL-275 pages, avec un cahier de
5o planches gravees; prix, 12 fr.
M. Genicys est attache au service de la distribution des eaux
dans Paris : I'ouvrage que nous annoncons est le res ul tat des
reebercb.es et des etudes auxquelles il s'est livre pour remplir
les fonetions de sa charge ; il a reuni dans un seul volume le
tableau com pie t des connaissances que Ton possede aujour-
d'hui sur le mouvement des eaux, soit dans des canaux de-
couvcrls, soit dans des conduits fermes, et la description
des moyens que I'on peut employer pour operer dans une
ville une distribution d'eau. La publication d'un pared livre
par un ingenieur distingue, qui connail parfaitement le sujet
qu'il traite, est un veritable service rendu a la science et a
I'industrie.
M. Gcnieys, dans une introduction historique, presentc la
description des principaux ouvrages hydrauliqnes executes
par les Romains. Ce people, qui nous a laisse taut de inouu-
mens de sa civilisation, n'avail rien neglige pour embellir sa
superbe cite par la presence constante d'une grande quantite
d'eau. « La longueur totale des aqueducs employes a la distri-
bution des eaux dans I'ancienhe Home, dit M. Genieys, etait
de 43 myriainetrcs, qui rcpondcnl a 107 lieues dc postc ; les
SCIENCES PHYSIQUES. i;5
trois quarts de cettc longueur elaient en conduits souterrains
voutes, et pour le surplus hors deterre; link lieues etaient en
arcades qui avaient jusqu'a 32 metres de hauteur; le volume
d'cau fourni parces aqueducs elait de 785,000 metre? cubes
en 24 heures. »
Aujourd'hui encore, les fontaines de Rome sunt nn objet
d'admiration , nioins par la belle ordonnance de l'architecture
et par les ornemens de la sculpture que par les torrens d'eau
qu'elles repandent. La t'ontaine Pauline depense journellement
56,ooo metres cubes d'eau, et celle de la place Saint-Pierre,
au Vatican, composee d'une simple coupe elevee sur 1111
piedouchc, en depense 6,000, tandis que la gerbe du Palais-
Royal, que nous admirons a Paris, 11 e jette, par jour, que
1,700 metres cubes d'eau.
Dans les terns modernes, 1'Italie perdit la supcriorke emi-
nente qu'elle avait eue jusqiralors sur tons les peuples dans
la construction des monumens pour la conduite des eaux; et,
sous Louis XIV, la France se placa au-dessus de 1'Italie, non-
sculement par les immenses travaux executes a Versailles
pour 1'embellissement de cette residence royale, maissurtoul
par les recherches et les experiences sur le mouvement des
eaux fakes par des savans francais.
Malgre nos connaissances dans cette branche des sciences
ph_ysico-mathematiques, peude nos villes possedent des sys-
temes de distribution d'eau, et Londres, Glascow, Edimbourg,
Philadelphie, sont, a cet egard, plus avanc4es que Paris,
notre capitale n'aura cependant bientot plus a leur envier un
si grand avantage : 80,000 metres cubes d'eau, amenes par le
canal de l'Ourcq, vont etre consacres journellement a I'eni-
bellissement des places et des promenades de Paris, a l'arro-
sement de ses rues etau lavage desesegouts; 40,000 au I res me-
tres cubes, tires cbaque jour de la Seine et eleves par des ma-
chines a vapeur, seront portes par des conduits en fonte de fer
dans des reservoirs places dans chaque maison d'habilation,
;'i differentes hauteurs, suivant le desir des proprietaires.
A cette introduction historique, placee en tete du livre de
M. Genieys, succede un vocabulaire qui donne une explication
detaillee de tous les termes de science ou de metier employes
dans lecoursdel'ouvrage. L'auteurentreensuiteenmatiere; il
divise son travail en trois sections : dans la premiere, il deve-
loppe la theorie generale du mouvement des eaux courantes,
fondee sur les belles experiences des Bossut, des Dubuat, el
des Prony ; dans la seconde, il donne la description des pom-
pcs et des machines a vapeur que Ton peut employer pour
i;4 LIVRES FRAN CASS.
elever des eaux au-dessusdc leur niveau naturel; dans la troi-
sieme section enfin, il traitc la question dc la distribution des
eaux qui comprend tons les details necessaircs a la confection
et ;\ l'assemblage des tuyaux de conduite, ainsi qu'a lY-tablis-
sement des lbntaines publiques et des reservoirs places dans
les maisons particulieres.
II nous est difficile de suivre M. Genieys dans l'exposition
des formules de I'hydrodynamique, on dans la description des
procedes de l'art du fontainier : qu'il nous snfllse de dire que
Ton reconnait en lui un ingenieur qui joint a la connaissance
de la theoric ^experience de la pratique. 5o planches, gravees
avec un soin et avec un luxe, partieuliers, accompagnent cet
ouvrage, qui sera consulte avec: fruit partous ceux qui s'occu-
pent de l'art de conduire et d'elever des eaux. Ad. J.
4i. — Economie industrielle; par C L. Bergery, ancien
eleve de l'Ecole Polytechnique, membrc de l'Academie royale
de Metz, etc. Tome 11 ; Economie du fabricant, premiere partie.
Metz, i83o; Mmo Thiel. In-12 de 2/J8 pages; prix, 2 fr.
Ce petit ouvrage, equivalent a un gros volume, est le pre-
cis du cours d'economie industrielle fait aux ouvriers messins
par M. Bergery. Nous n'entrerons aujourd'hui dans aucun
detail sur les doctrines, les dissertations, k-s calculs et les pre-
ceptes du professeur; lorsque son travail sera termine, il sera
indispensable de le considerer dans son ensemble, afin que
Ton apprecie encore mieuxles services qu'il ne peut manquer
de rendre en repandant parmi nos fabricans des connais-
sances dont plusieurs d'entre euxsont encore trop depourvus.
Nous ne pouvons cependant nous abstenir de placer ici une
remarque qui n'echappera point a tout lecteur attentif : en
jetant les yeux sur la table des matieres de ce petit livre, on
y reconnait, au premier coup-d'ceil, l'esprit d'ordre quia pre-
side a la disposition de toutes les parties, a la composition
des moindres details; on est persuade que le livre est bien fait,
on le lit pour confirmer ce jugement, et plus on avance, plus
on est satisfait.
4a. — La Mai.ion de campagne, par Mme Aglai Adanson,
membre des Societes d'horticulture et d'agronomie pratique
de Paris , etc. Troisicme edition , revue et beaucoup augmen-
tee. Paris, i85o ; Audot. 2 vol. in-12 de 585-455 pag. ; prix,
7 fr. et 9 fr. 5o c. par la poste.
L'editeur de cette troisieme edition l'a fait preceder de l'avis
suivant : « L'interet avec lequel j'ai vu accueillir les deux pre-
mieres editions de cet ouvrage m'a engage a orner sa troisieme
du portrait de Pauteur, fdle du savant Adanson; mais je n'ai
SCIENCES PHYSIQUES. ip5
pu me procurer qu'une peinture faite il y a vingt ans, et sur
laquelle je n'ai voulu permettre aucun changement, crainte dc
nuire a la ressemblance. » On lni saiira gre aussi d'avoir con-
serve Yavis de la seconde edition , dans lequel M°" Adanson.
repondant a un malin critique, declare qu'elle se fait honneur
de savoir faire usage de la beclie et de la casserole aussi-bien que
de la plume , et que, «si elle etait assez heureuse pour faire
gofiter a 1'auteur de Particle du journal dont elle parle un plat
de sa facon, il n'aurait plus le courage de la railler, et que sa
malice se changerait en eloges. » A ce prix, qui ne serait tente
d'essayer quelque peu de raillerie bienveillante, car aucune
autre ne peut venir a la pensee d'un critique raisonnable,
quand meme il se bornerail a examiner l'ouvrage sans s'oc-
cuper de I'auteur. Examinons done, et, si nous decouvrons
quelque place on la malice puisse se glisser, nous ne eherche-
rons point a la reprimer, car elle n'abusera point de cette con-
descfindance.
C'est d'une Maison tie campagne qu'il est question , et non
d'une maison rustique. Quelques Anglais out la pretention de
donner Papparencc d'une chaumiere a une habitation deli-
cieuse; Wme Adanson vent que chaque chose s'annonce pour
ce qu'elle est reellement, que tout soit bon, convenable, a sa
place, au dedans comme a l'exterieur. C'est pour les maitresses
de maisons de campagne qu'elle a ecrit , mais son livre in-
spirera sans doute a quelques habitantes des villes le gout de
la vie champetrc et des jouissances qu'elle procure, toutes
solides et substantielles. Les excellens conseils que l'on trouve
ici sur l'ameublement de la maison de campagne arrivent en
foule a Particle de la cuisine, et en Men plus petit nombre lors-
qu'il est question du salon de compagnie. Mais faut-il croire
a une observation qui termine ce que 1'auleur a ecrit sur cette
piece, qui merite bien aussi que Pintelligcnce et le bon gofit
prennent soin de Parranger et de Porner ? Nous allons la tran-
scrire litteralement, car elle provoque une discussion.
« J'ai omis de vous parler de Peclairage, et je n'ai qu'un
mot a vous dire sur cet article : c'est que 1'usage des lampes,
de quelque nature qu'elles soient, detruit en peu de terns la
vue. » Ainsi, Part des Quinquet, des Lebon et autres promo-
leurs des nouveaux modes d'eciairage, adoptes aujourd'hui
dans les deux mondes, serait un present funeste que la science
aurait fait aux hommes ! L'arret prononce par M°" Adanson
n'est pas sans appel ; on continuera l'essai ; les physiciens et
les medecins prononceronl en dernier ressort , dans quelques
eiei-lcs peul-etre, car la cause ne peut etre instruite qu'avec
i76 LKVRES FRANCAIS.
lenteur, ct le tcms est un des temoins qu'il faut intcrroger.
Apirs avoir pourvu a tout ce que doit renfenner,une oiaison
d'habitation a In campagne, I'auteur pense u ce qui I'entoure,
el ne s'etend pas moins sur ce qui eoncerne la basse-eour et
ses dependances, sur la demeure des onimaux domestiques,
que snr celle des proprietnires. Le rucher n'est pas oublic, non
plus que le vivier et I'etang. Les soius d'economie domestique
tienncnt aussi la place qui leur apparlicut legitimement. Arrc-
tous-uous UQ moment a la liste ties litres qu'il est utile ft' avoir
d la campagne : elle est bien eourle cetle liste, et, sans exclure
aucun des ouv rages qu'elle iudique, il en est plusieurs qu'on
devrait leur assoeier , si meme ils ue meritent point de leur
rtre pre feres. A la campagne, quand nieme on lirait pen, rien
n'est plus agreablc, plus utile qu'une bibliotbeque bien meu-
blee.
INous ne dirons rien de la Pttite Cuisiniere de la maison de
campagne , avouant notre gnorance sur ce point, et profitanl
des admirables produils du savoir gastronomique , de meme
que le vulgaire jouit de tons les biens de la nature, sans y rien
comprendre.
lin Petit Diclionnaire de recettcs , de notions ct d'ulililes di-
rerses teimine le premier volume. A la quatrieme edition de
cet ouvrage, I'auteur fera bien d'en retrancher ce recueil, dont
1'utilite n'est rien mo ins que certain e, et dont ('influence peul
avoir de graves inconveniens. Rien de plus jmposant que le
laconisme des recettes infaillibles pour guerir les maladies les
plus graves : « Un verre moitie eau et moitie buile d'olive.
repete plusieurs iours de suite, guerit radicalemeut les fievres
malignes. '» Une assertion aussi positive ne permet aucun
doute. On applique la recette, et, si les malades meurent, ce
n'est pas a l'cflicacite du reniede que Ton impute ce t'acbeux
resultat.
Le second volume ne provoque point d'observations aussi
severe* que celles dont nous n'avons pu nous abstcuir, an
sujet du Petit Dictionnaire . et de l'abus que Ton peul faire
des receltes de medecine qu'il renferme. L'autcur s'occupe
exclusivement du jardinage, et ses precej)les sont ceux des
maitres de l'art; on peut les suivre avec confiance. Au reste,
nous aurons occasion de revenir sur cet ouvrage interessant
dont la carriere n'est point terminee, qui est susceptible de
modifications progressives dans quelques- ones de ses par-
ties, tandis que d'autres sont (ixees pour un long espace de
terns. Les reimpressions nous montrenl ces ouvrages aux di-
verses epoques de leur developpement , analogues a celles de
SCIENCES PHYSIQUES. i77
l'hommc enire la vigueur de la jeunesse encore inexercee, et
la force dirigce par ['experience et le savoir qui appartiennent
a la maturilc, el la cai acterisent. F.
45. — * C Unique medicate, oil Clwixd' observations recueillies
a I'liopital de la Cltaritt '•■ , par (i. Akdral. Deuxiime edition.
T. 1 et 11. Paris, iSag; Gabon. 2 vol. in-8°; prix, i5 fr.
Lcs systemes passent vite en medecine, et les ouvrages dans
lesquels ils sonl developpes, quclque talent, du reste, qu'on y
remarque, quelque brillant qu'ait ete leur succes lots de leur
apparition, tombent bientot dans l'oubli le plus complet , a
moins qu'une nouvellelheorie ne vienne exhumer leurserreurs
pour les combattre, et faire ressortir par la davantage leme-
rite de ce qu'elle avance. Mais qu'un observateur judicieux
et attentif nous communique le resullat de ses travaux, ex-
pose a nos yeux les la its tels que la nature les produit, qu'il
rapproche ceux de ces fails qui ont du rapport entre eux, qu'il
en tire des consequences, qu'il nous montre enfin comment les
nouvelles verites qu'il annonce viennent eclairer les resullals
anciens, repandant egalemcnt la lumiere sur ceux qui sont
faux pour les detruire , et sur ceux qui sont vrais pour leiir
donner plus de force et d'eclat, alors le succes ne peut etre
doutcux, et il sera durable. La premiere edition de Pouvrage
que nous annoncons a paru ilya quelques annees, et l'accueil
favorable qu'elle a recudu public, la promptitude aveclaquelle
elle a ete epuisee , prouvent ce que nous venons de dire.
M. Andral a cru devoir faire quelques changemens pour la
seconde ; il a distribue les faits dans un autre ordre ; quel-
ques-unes des reflexions qui servaient de commentaires a ces
faits ont ete modifiees, et de nouvelles observations ont ete
ajoutees. Les deux premiers volumes seulement ont paru;
ils conliennent les maladies nombreuses des organes tbora-
cbiques, les affections du cceur, des gros vaisseaux et de
leurs enveloppcs, des brooches, du parenchyme pulmonaiie
et des plevres : on ne trouve point la, comme dans la plupart
des livres de medecine, pour chaque maladie, une longue liste
de causes piedisposantes et efficientes , une description plus
011 moins detaillee d'une foule de symptomes souvent sans
rapports entre eux, un signalement d'une espece d'etre auquel
on doniie un nom, et qu'un jeune medecin ne reconnaitra ja-
mais lorsqu'il viendra an lit d'ua malade. M. Andral nedecrit
point une maladie, il nous montre des malades, chacun avec
les differences que l'age, le sexe, la susceptibilite particuliere,
le* < poques plus on moins avancees de 1'invasion du mal doi-
vent apporter dans la maladie. Son recueil d'observalions est
T. XLVl. AVRIL l8jO. 12
i7S LIVRES FUANCATS.
mi vasle hopilal, on, ivmiis-anl, les uns a cot£ des autre*, Ions
les maux qui se resseniblciit , pour qn'il soil facile de saisir
lours rapports, il nous fait assister a ses visites jour par jour,
prend soin de (aire ressortir les phenomenes les plus impor-
tans qui peuvent nous eonduire a la connaissance do I'aflfec-
tion inlericure, n'accorde que pen d'attention aux signcs moins
^eitains qui pourraienl distraire notre vue, nous Bait apprcoier
les chaugemens journaliers qu'apporle la nature on rjni soul
dus aux remedes , ot enfin nous fait constater la precision
de notre diagnostic, on par la guerison, ou par 1'ouverture dies
cadavres, si le mal a etc au-dessus de toutes les res-
sources. Lorsque ML Laennec se servit, pour explorer les
affections de poitrine, da sthetoseope, plusieurs medecins,
qui, jusque-la, avaient traite leurs malades sans le secours do
cet instrument, le regard ere nt comme inutile et ne voulureni
point s'en servir; depuis, tout ce que le sthetoseope ne reve-
lait pas a l'oieille du praticien ne devaitpas exisler, et tons les
autres symptomcs indiquassent -ils d'une maniere ceitainc
une affection du coeur ou des poumons, si le sthetoseope ne di-
sait rien, la maladie etait nice. M. Andral, sans deprecier la
methode de l'auscultation, l'une des plus ingcnieuses deeou-
verles de la medecine, nous montre un grand nombre de cas
ou, sans Pexistence des autres sigues, elle n'aurait pu nous re-
veler des affections graves du coeur, pas plus qu'elle no pout
souvent deeouvrir seule Pexistence d'une inflammation aiguo
du poumon ou meme des tubercules developpes dans eel or-
gane : d'a litres fois, si 1'on s'en rapportait uniquement aux
signes que pent fournir cette methode d'exploration , nous
pourrions croire a la presence d'affeetions qui n'existent reell< •-
ment pas : par cette sage reserve, l'auscultation sera rendue
plus utile et d'une application plus pratique, en n'cxagerant
pas ses avantages, et en indiquant avoc precision ce qu'on
peul attendre de son secours. Une des parties les plus impoi -
tantcs du travail de M. Andral est celle on il traite de la forma-
tion et de la nature des tubercules pulmonaires, question
grave et jusqu'ici restee indecise. II considere le tubcrcule
comme une matiere secretee, et, comparant ce produit avec
le produit de toute autre secretion, il examine le precede que
doit employer la nature, et il pense que ce phenomene doit
elre precede d'une congestion sanguine plus ou moins forte,
mais constanle, accordant, comme on le voit, un role asses
important a l'inflammation,tout enavouant cependant qu'uire
predisposition partieuliere etait neeessaire pour la formation
do la matiere tuberculeuse. Ces idces nous paraissent d'une
SCIENCES PHYSIQUES. i79
justesse parfaile, et scinblent me me concilier deux opinions
lout-a-fait opposees, celle qui voit dans la phlisie un resul-
tat constant de rinflammation, et l'niitre qui cousidere cefete
inflammation commc ton jours et coinplelement etrangere a
la formation des tubercules pulmonaires. Les signes fournis
par l'auscultation, par la toux, la voix, les craehats, la respi-
ration, sont appreeies avec soin et discutes avec rigueur; il
est impossible de trouver des donnees plus justes sur tout ce
que pent apporter de lumieres 1'inspectiondes matieresexpec-
torees, et le parti qu'on en peut lirer pour distinguer entrc
elleslcs diverses affectionsdes differens organes contenus dans
la poitrine. — Nous rendrons compte des autres volumes,
aussitot qu'ils paraitront.
44. — *Traite de la peritonite puerperale, par A.-C. Baude-
locque ; onvrage couronne par la Societe royale de Medecine de
Bordeaux. Paris, i85o; Gabon. In-8° ; prix, 6 fr. 5o c.
La peritonite puerperale, 011 fievre grave des nouvelles
arcouchees, est, de toutes les maladies auxquelles les
femmes sont sujettes, une ' des plus frequentes, des plus
promptement mortelles, et peut-etre celle ou , ce qu'on ap-
pelle la nature conservatrice (c'est-a-dire, l'organisation ) ,
trouve le moins souvent de ces ressources inattendues, dont
nous ne eonnaissons ni I'origine, ni l'essence. — On peutajou-
ter que peu de maladies ont ete 1'objet d'autant de travaux
depnis un demi-siecle surtout, travaux entrepris par les me-
decins les plus distingues, et cependant rien de certain, rien
de bien precis sur la peritonite puerperale et son traitement ,
ne resscrtait de leur ensemble; et ceux qui, n'ajant pn l'ob-
server assez frequemment par eux-menies, etaient reduits a
suppleer a leur inexperience par les ouvrages des auteurs, y
rencontraient les contradictions les plus decourageantes. Un
livre done nvanquait, qui vint, non pas proposer de nouvelles
theories , conseiller des remedes nouveaux, pas meme ap-
porter de nouvelles observations, tons ces materiauxexistaient
deja, et en grand nombre; mais qui, dans un judicieux et im-
partial examen, put eclairer les diverses doctrines, en grou-
pant, autourde chacune d'elles, les fails qui servent a les ap-
puyer, pour en deduire ensuite des verites pratitpies qui
doivent seules etre le but et le complement de toutes les re-
eherches medicales. M. Baudelocque a entrepris cette tacbe ,
et il s'en est acquitte avec succes. Sa premiere recompense a
ete le suffrage d une academie savante, et la gloire de I'em-
porter sin- beaucoup de conenrrens; mais le plus desirable
prix de son travail est, sans mil doule, le bien qu'il aura fait.
i8o LIVRES FllANCAIS.
en donnant un bon traite pratique qui fixe enfin sur <los bases
ocrlaines lesidees jusque-la vacillantes d'un grand nombre tie
medecins. — Dans un recueil de la nature de la Hirnc Ency-
clopediqne, nous ne pouvons pas nous fivrer a de grands de-
tails tl'nnalyse sue mi livre de medicine, comme nuns le
voiuli ions laire. et comme le merite I'ouvrage de M. Baude-
locque. .Mais, uependant, nous expuserons quelqnes-unes de
ses vues les plus iinportantes.
Pendant long-terns, tonics les maladies des femmes en
couches furent considerees comme produites par l'alteralion
des humeurs que le melange du lail corrompait : aussi les me-
thodes de traitement, haseessur ces preoccupations, necher-
nherent, a cette epoque, qu'a rendre la purete primitive aux
humeurs, en les dehvrantdu melange qu'clles avaient subi,
par tics purgatil's. des vomitil's, des dim-cliques cl a litres re-
medes appeleS anti-lailcux. Les emissions sanguines ctaicnt
proscrites. — La mortaliteetail eflrayantc, el les malhcureuses
qui suecombaient, la plupart du terns, n'etaient point celles
dontrabattement, lamaigrcur, ['alteration prof-node (\ca traits,
el tousles autres symptomes qui aun.onc.ent ordiuuir-ement la
depravation des liumeuis devaient (aire craindre davantage
line issue luncste a la roa lathe. Sod\cnl, an conlraire, les
viclimes ctaicnt des femmes jeuncs, fortes, accoutumees a un
regime de vie nourrissant, et chez lesqucllcs le sang, an lien
d'etre languissant et vide, paraissail plutol done de trop de
vie. II clait evident que le mode de trailcmcnt n'etait pas
bon pour tons les eas, si memo dans plusicurs il n'etait pas
nuisiblc. — La doctrine de I'inflainmatioQ conmienca son
regno , et toutes les Sevres puerperales l'urent des inllamma-
lions du pcriloinc, qui nc devaient coder qu'a la melbode
anli-phlogistiquc: les saignees, les sangsues, les delayaus fu-
rent les seuls remedesmis en usage : la maladie fut-elle nioins
mcurtriere ? Malhenreuscmenl nun; et*, telle 1'ois, on Irappait
la moit'.' Les maladcs qui pciissaicnl en plus grand nombre
n'etaient point celles que la vigueur de l'age et de la consti-
tution , qii'une nonri ilure sneculenle . que pen de sang perdu
pendant I'accouobenient, qu'une couche dillicile el laborieuse
semblaienl devoir disposer aux desordres inllammatoircs les
plus dangereux : la morl emporlait les I'aibles, celles que la
mauvaise nourriture, I 'habitat ion dans dc> licux luunides. une
diarrhee abondaale, une excessive perle de sang auraient du
preserver de la plus legere inflammation. Le resultat prouvc
si ceitc metliode exclusive etait meilleure que l'autre. Cha-
ciine avait des sneers qu'elle vaniaii . parce qu'il est impos-
SCIENCES PHYSIQUES. 181
sible (|u'une theorie se t'onde, si elle 11'a quelque verite qui la
soutienne; 011 se taisait sur les revers, et en medecine, tou-
jours se taire esl nienlir. Maig c'est le propre des doctrines
exclusives d'aveugler l'esprh. D'autres medecins envisagerent
la peritonite puerpftrale oomme une maladie specilique, et
enaployerent pour la combat t re divers med teamen s qui, pour
leur avoir re us si dans quelques cas, furent preconisespar eux,
comme les seuls remedes a cette cruelle affection : de-la la
vogue des preparations niercuriellcs, etc., que beaucoup de
praticiens emploient encore avec l.i coniiauce la ]>lus i 1 i i mi—
tec. — M. Baudelocque, sans proscrirc entitlement aucunc
de ces mcthodes curatives, chcrche a determiner les cas dans
lesquels elles peuvent etre utiles, et c'est d'apres la difference
des causes qui produisent la maladie qu'il se decide a em-
ployer tel mode de traitement plutot que tel autre. La partie
de son ouvrage on il s'occupe de l'etiologie de la maladie y
est traitee avec unc grande superiorite; lout ce qui a etc dit
avant lui y est examine avec une justesse digue de tout eloge ;
et c'est apres avoir discute toutes les opinions qu'il conclut
par cette proposition : que, de toutes les causes qui peuvent
developper la peritonite, la plus puissante est la viciation de
1'aii almospberique : de cette verite l'auleur deduit les pre-
ceptes les plus sages pour 1'hygienc des tcnunes en couclie ; il
deniontre combitn est funeste la reunion d'un grand nombre
de inalades dans une meme salle, le defaut d'air et la malpro-
prete , conditions anxquelk's est due la grande morlalite qui
regne dans les peritonites epidemiques. — Selon lui, deux
grandes divisions peuvent etre clablies : les tievres puerpe-
rales sporadiques, on par cause interne; on les observe chess
les leninies jeunes et fortes, cliez lesquelles l'accoii' .■hemenl a
etc difficile, qui out recti uncoup; etalors il assigne, pour ces
cas, le traitement anti-phlogislique dans loute son clendiie. —
Lorsque ['affection est epidemique on par cause externe, el
qu'elle s'est developpcc sous linlluence des circonslances dool
nousavons parte plusbaut, chez des 1'emmes laibles, dans unc
saison bumide, a la suite de chagrins, etc. Al. Baudelocque n«
voit plus une inilammation IVanche du periloiuc , et alors il a
recoups a divers a gens therapeutiques, auxquels il allribuc des
siicccs prodigieux ; c'est ainsi qu'il deniontre que toutes les
mcthodes de traitement peuvent avoir leur application. — On
ue saurait trop l'aire de rcinciviiuens a 1'auteur pour avoir si
liien eclairci 1111 des points les plus obscurs de la science, et
fail cesser I'iticertitude qui rcgnait sur une maladie aussi
crave. J -a. L,
i&i LI \ RES FRANCA1S.
45. — * Redmrehts sur le traitetne/it du earner, par la com-
pression melhoiUque simple on. combinee, el suf I'histoire gene-
rale (lc la nieme maladie, suivics de notes : 1° sur Les forces ct
la dynamelrie vitales; a" sur I' inflammation el I'e'tai febrile;
par J. C. A. Recamier, medecin do l'Holel-Dieu de Paris,
professeur de medecine au college royal de France, prol'es-
seurde clinique medicate a la facullo de medecine, etc., etc.
Paris, 1829; Gabon. 2 vol. in-8° de 600 p. chaque; prix,
i5 francs,
Enthousiasine pour des moyens therapeutiques nou-
veaux, tonfiance dans ses procedes, audace dans leur execu-
tion, ibeories medicales prcsqu'iniiitelligibles, a force d'ima-
gination, de subtilite ft d'cleudue dans les apercus ; tels sont
les traits du earactere medical de M. Recamier, et nous les
avons retrouves dans son dernier ouv rage. Celui-ci est divise
en deux parlies : l'une chirurgicale, d'experience et de Tails;
l'aulre, medico- physiologique, abstraite, et purement specu-
lative. La premiere est destinee a rappcler l'usage de la mc-
tliode de la compression dans le traiteineut du cancer, et a
decrirc 1111 nouveau moded'ablation de l'uterus. La nietliode
de la compression, employee en Angleterre par lesdocteurs
Young et Pearson, avail ete condamnce par S. Cooper, et C h.
Bell; MM. Brescliet et Fergus avaient iniprime, dansle. Nou-
veau Dictionnairede medecine, que Ton devait renoncer a tout
essai de compression dans le traitement du cancer : cepen-
dant les resultats obtenus par M. Recamier semblent iufirmer
cette opinion, et sont propies a rendre quelque faveur a cetle
methode. Ce professeur rapporte que sur cent malades qui
se sont presenteesalui pour etretraitees d'afiedions caneereu-
ses, seize ont paru tout-a-fait incurables, trente ont ete com-
plctement gueries, par la seule compression, six par cc der-
nier moyen, combine a la cauterisation par le nitrate de
mcrcure; chez les douze autres inalades, la maladie a coni-
pletement resiste ; le succes ne serait done pas douleux,
uiais la maniere d'etablir la compression est le point le plus
important, e'est la raison premiere de loule reussite, el I'ex-
IrCine adresse de M. Recamier doit etre comptee parmi les
causes de son heureuse pratique. M. Recamier a cle plus loin,
il a concu et execute une operation, effrayante de hardiesse.
en enlevant la totalite de l'uterus ; il fallail ouvrir la cavite du
bas-ventre, porter I'instrumeut tranchaut dans la piofondei.r
du bassin, et detruire des adherences souveul inliiaes; ce qui
exposait a deciliter la vessie ou le rectum. Ccs dillicultes on)
ete vaincuo's. et le succes a couronne lanl d'efforts. Mais on
SCIENCES PHYSIQUES. i85
comprendra toute la gravite de cettc operation, en apprenant
que, sur cinq fails connus, quatre onl ete malheureux, et
que M. Dupuytren, qui certes n'esi pas un operate Or limide,
n'a pas voulu l'eiitreprendre avant qiie l'expcrience ait pro-
nonce sur sa valeur.
La seconde partie, presentee sous la simple designation de
notes, comprend quelques I'ragmens du systeme medical de
l'auteur, et donne l'idee sommaire d'un travail anthropologi-
que, qui paraitra prochainemeut , et qui traitera des lois fon-
damentales, des phenomenes physiques, physiologiques, el
psyehologiques de l'homme, et de leur rapport dans Petal
normal et anormal. Des neologismes frequeus, des rappro-
cheruens ingenieux mais subtils, des deductions nombreuses
et obscurcies par trop de details rendent penible l'etude de
ce travail, et exigent une force d'altention et de memoire
dont peu de lecteurs sont capables. Toutes les fonctions
sont classees sous la denomination de sens, et ceux-ci sont
ilistiugues en lalens et en sensibles; si vous relranchez de
ees derniers le sens de reaction motile ou kinesimctrique, vous
relrouverez, sous des noms nouveaux, la division des pheno-
menes vitaux, que Bichat a exposee d'une maniere si claire
et si brillante dans son ouvrage sur la vie et la mort. Mais, pour
bien compreudre les ideesmedicales de l'auteur, nous pen-
sons qu'il faut attendre la prochaine publication de son traite
anlhropologique; car il est difficile de saisir parfaitement un
systeme que Ton ne peut juger que sur des fragmens ineom-
plets et isoles. C. S.
46. — * Voyage de lacorxelte /' Astrolabe, execute par ordre
d 11 Roi, pendant les annees 1826-1827-1828-1829, sods le
eunimandement de M. Jules Dlmont d'Luville, capitaine de
\aisseau. Histoire du voyage. T. 1. Paris, i83o; J. Tastu, rue
de Vaugirard, n° "16. Grand in-8", papier supesfiu de exu el
527 p., aveo vignettes et planches litliographiees ; piix, 1 ,'| tV .
Cette expedition, qui a deja tant excite l'atlention dumonde
savant, a du d'abord soumettre a l'administration supeiieuie
de la marine etauxdifferentes sections de V Academic des scien-
ces ses journaux, ses decouvertes, sa cargaison toute scienli-
fique, et attendre la decision du Roi, qui vient d'ordonnei
l'impression de toutes ses parlies. Elles sont au nombre de
cinq : i" Histoire du voyage, metereologie, magnetisme, tem-
perature de lamer, etc. ; 2° Botanique; 3" Zoologie ; L\" Enlo-
molugie; 5° Hydrograpltie. L'ouvrage entier se coinposi ra de
14 volumes et de plusieurs alias. Deja le tome premier de
I' Histoire du voyage a pafu, et.cette partie sera tmpritnee oh
184 LIVRES FRANC A1S.
lierement pour la fin dc I'annee i83i, avec cinq grandes car-
tes et un atlas de -i^o p~Umch.es.
Avant V Astrolabe, lcs circumnavigateurs out mis de longs
delais a la publication tie leurs relations : dix annees no pa-
raissent pas avoir suffi a quelques-uns. M. Dumont d'Urville
ne refail point ses journaux; il raconte ce qu'il a execute, ■ I < ■ -
convert on rcotilie : il ne modilie pas lcs observations aux-
queiles il s'cst livre dans I' Oceanic, d'aprcs les bibliotheques
et le-s opinions systematiqnes de Paris : restant, an milieu dc
la capital*:, voyage ur ct inarin, il ccrit avec les scules in-
spirations de s.ni esprit, qui est nourri de fortes etudes, ottou-
jours dans I'interet des progres de la navigation, de la geo-
graphic et des autrcs sciences qui s'y ratlachent. Co zele si
louable, qii'ont partage constamment les collaborateurs de
M. d'Urville, s'accroit chez eux tons par les decouragcniens
memos qu'on leur a fait eprouver. Nous rendrons comptc
prochainement, dans un article d'analyse, du premier volume
de la relation qui offre surtout un precis historique, le plus
uuthentique qu'on ait, sur les colonies anglo-auslraliennes.
Isidore Lebiun.
4 j. — * [tincraire descriptifdc la France, ou Geographic com-
plete, liisloriqueet pittoresquede ceroyaume, parordre de ro ules ;
par M. Vaysse de Villiers , ancien inspecteur des posies^ —
Route de Paris a Toulouse; premiere parlie. Paris, i85o;
Jules Renouard. In-8° de 288 pages avec carte ; prix, 5 fr.
Le gout des voyages est devenu hcaucoup plus vif el plus
general parmi nous, depuis environ quinzeans. E litre les mo-
tifs qu'on en pent assignor, il (hut citer, surtout, nos rapports
continuels avec cette foule d'etrangers, qui affluent aujour-
d'hui sur presquelous les points tie notre territoire ; la facilite
et la promptitude des communications; les progres tou-
jours croissans tie 1'iuduslrie, devant qui s'effacent les distan-
ces; enfin, ce besoin insatiable d'activite qui, delournc de
son ancienne direction, reclame maintenant ties alimcns nou-
veaux. Aussi voyons-nous parailre incessammenl des Iliac*
retires, ties Descriptions rouliercs, etc, a l'usagedes voyagours.
surtout pour ce qui se rapporte a la France. Et, en ollcl, si
nous altaclions quelque importance a connaitre ce qu'offrent
de reinarquable les contrees etrangeres, nuns devons surloul
elutlier avec zele et amour notre beau pays, interessant sous
taut de rapports divers , meme pour cenx qui ne SO at
point Francais; mais les yeux d'un observaleur instruit
et attentif peuvent faire encore bien des decouvertes euricu-
scs.il ne faut pas oublierque lesvolcansd'Auvergne, les mo-
SCIENCES PHYSIQUES. i8;>
numens si etrangenient remarquables dc la Bretagne, les tru-
ces d'animaux inconnus decouvertes dans Ics cafrieres dc
iMonlmai tie, atix porles meme tic la capitate, eta tent com-
pletement ignores il y a moins d'un sieele ; et qu'il y a, dans
plusienrs de nos tleparlemens, des cantons bcaueoup moins
conuus des voyageurs que Ics bords du Nil et eeux de la
Neva ; et peut-elre non moins digues d'atlirer leiir euriositc.
On concoit done qn'un Itineraiie descriplif de la France,
redige avec soin et conscience, serait tin onvrage tres-pre-
cieux et fait pour inleresser vivement tonles les classes de
lecteurs. iMais un pared travail exige une reunion de con-
naissances qu'il est rare de lencontrer dans tine meme pei-
sonne, et surtout, la condition, si difficile a remplir, d'avoir
tout vu par soi-meme, ou tin moins, dc n'admettrc que ee
qui est attesle par des autorites recommandaljles, qu'on au-
rait encore soin de controler l'unc par 1'aiitrc. Aussi, parmi
les livres de ce genre, y en a-t-il bien pen qui mei itent quel-
que corrfiance. Les mis indiqeent, comme encore cxistans,
et bien conserves, des edifices doiit il ne restc pas le moindre
vestige; d'autres mentiennent, comme riche et fertile, tine
coritree qni ne produit que des bruyeres, ou attribuent a un
pays des personnages et des fails bistoriques, bien connus
poor appartenir a un autre. Les exeniples ne nous manque-
raientpas, assurement, si nous jugious apropos d'en citer
quelques-uns,
II nc taut po'urtant pas cbriclure decelte dilTicultc de faire
un bon Itincraire de la France, comme de tout autre pays,
que crl heureux pheriias est encore a trourer. Le volume que
nous anhoncons n'est que la suite d'un travail long et con-
scieneieux, commence depuis quinze ans, qui embrasse non-
seulement toule la France actuelle, mais encore Ics coutrees
qui y etaient naguere reunies. Celte impnrlante collection est
bien connne du public, et le suffrage unaniine ties voyageurs
fraica's el etrangcrs a prouve suffisammenl sou nicrile et i e-
eompensesonutilitc. L'antcur, M. Vayssede Villiers, inspcclcur
ties posies retraite, s'est tronve parla nature meme tie si s an—
tie lines fonclions, plus a porlee que personne tie remplir la
principale ties conditions que nous exigions tout a I'lieure ;
celle tie tout voir et <lc lout observer par soi-meme. Outre
ce genre tie merile, qui sulliiail pour Ini assurer la prefe-
rence, il a fail preuve d'un rare talent d'observalioii , d'uue
vaste memoire, d une instruction solide et variee, el surtout,
d'une exactitude de description donl il esl difficile de se fairs
une juste idee, line critique severe rcprendrait a peine, dan-
i80 LURES FilANCAlS.
.-on tra\ai!, queiques souvenirs personnels Irop detuilles, des
dissertations un pen tongues, et des anecdotes Irop etendues
pour ce genre d'ouvrage, et qui grossissept [e volume sane
aecessite. Mais ces laches legeres, qu'il sera facile de faire
disparaitrc dans uue prochaine edition, n'otent rien an me-
rile de Tcnseinble ; et Ton ne pent qu'inviter I'auteur a pour-
suivre, avec lc meme zele, une collection importante, qui
foimera, comrae il s'en tlatle avec raison, une veritable
geographic de la France, par ordre de routes, la plus com-
plete et la plus instructive qui ait encore ele publiee.
Le volume que nous aunoncons aujourd'hui se rapporte
aux communications de Paris a Toulouse, et comprend les
deux routes passant par Orleans, Limoges et Montauban, et
par Clermont, llhodez et Albv.
En s'occupant de la premiere, I'auteur, partanl d'Orleans,
deja decrit dans un precedent volume, signale, avec son
exactitude accoutumee le chateau de la source du Loiret,
(iu il retrouve les souvenirs de Voltaire et de Bolingbroke ;
Chaleauroux, patrie du general Bertrand ; Yalencay, celebre
par des souvenirs si divers; enfin , Limoges, dont l'impor-
tance, coinine chef-lieu de departement et commc ville in-
dustrieuse et commercante, meritait un peu plus de details.
L'auteur continue sa route par Pierre-Bufliere et Lzerche,
et visile, pres de cette derniere ville, le celebre haras de
Pompadour, on il lui arriva , dit-il , une aventure assez plai-
sante, mais qu'il raconte beaucoup trop longuement. II s'ar-
retea Brives, et, apres une courte description de cette petite
ville et de sadelicieuse vallee, ilrappelle les homines si diver-
sement remarquables qu'elle a vus naitre, parmi lesquclsil ne
pouvait oublier le trop fameux Dubois, 1'infortune. marechal
Jiruue, et M. de Martignac, celebre avocat du barieau de
Bordeaux, pere du depute de ce nom, qui honora un trop
court ministere par un beau talent uni a beaucoup de
moderation et d'inlentions genereuses. Plus loin se presente
Cahors, patrie de Marot, et Montauban, l'une des plus jolies
villes du Midi , d'ou Ton arrive enfin a Toulouse.
Sur la seconde route, l'auteur nous fait traverser successi-
vemciit la ville de Saint-Flour, les montagnes du Gantal, et
Chaudeseigues, on , par un procede itigenieux , les eaux.de
(ilusieurs sources minerales sunt employees au chauffage des
babitans. Entre dans le departement de l'Aveyrou, il deciit
avec une complaisance qu'expliqucnt, mais que ne justiiient
peut-etie pas -es souvenirs personnels, les abords de Uhodez.
la ville elle memo, et les sites roinantiques des vallees qui
SCIENCES PHYSIQUES. 187
l'envirouneut ; plus loin sc presente Alby, patrie tin inalhou-
reux La Peyrouse, dont on fa Die la calhedraleet les prome-
nades, et d'01'1 Ton arrive cnfin a Toulouse.
La description spcciale de cette ville impoi tante tennine le
volume, et l'auteur n'y a pas oublie, connne on le deviue.
les souvenirs de Clemence Isaurc, et de la belle Paule, le ca-
nal desdeuxmers, les nombreux debris d'antiquites romaines,
el les meurlres deplorables de Duranti, deCalas, et du gene-
ral Raniel. En un mot, rien n'a ete omis dans ce volume,
non plus que dans les precedens, de tout ce qui pouvoit en
rendre la lecture uiiie et attrayante pour les voyageurs.
La secondc parlie des routes de Paris a Toulouse est sous
presse, et ne tardera pas a parailre. Y. Z.
48. — * Atlas gi'ograpliiquc, ecclesiastiqae et drpartemenlal
de la France, par dioceses, a 1'echelle de jy/5^5 , on environ
1 ligne pour /joo toises; dresse par Charles, geographe.
Paris, 1^29 et 1 85o ; Charles, rue de Sevres, n" 48 ; 80 plan-
ches; piix, 140 l'rancs (voy. Rev. Enc., seplembre 1829,
p. 706).
Celte representation chrorographique de la France, par di-
visions departementaleset dioeesaines, se continue avecrapi-
dite, et son succes est assure. Depuis l'annonce que nous
avons faite des vingt premieres cartes, vingt autres ont ete
publiees, elles donnent les dioceses de Nantes, de Blois, de
Chartrcs, de Beauvais, de IMontpellier, de Soissons, de Poi-
tiers, d'Agen, d'Autun, deChalons, d'Evreux, de LaRochelle,
d'Amiens, de Besancon, de Carcassonne, d' Arras, de Tarbes,
d'Aire, de A'erdun et de Troyes, qui comprennent lesdcpar-
temens de la Loire-Inferieure, de Loii-et-Cher, d'Eure-el-
Loir, de l'Oise, de l'Herault, de l'Aisne, des Deux-Sevres et
de la Vienne, de Lot-et- Garonne, de Saone-et-Loire, de la
Maine, de l'Eure, de la Charente-Iuferieure, de la Somnie,
de la Haute-Saone et du Doubs, de 1'Aude, du Pas-de- Calais,
des Haules-Pyrenees, des Landcs, de la Meuse et de 1'Aube,
Ces cartes, dressees avec soin, ont ete revues, avant leur pu-
blication, au secretariat de-chaque eveche. Sueur-Merlin.
49.—** Dictlonnaire topographique, lustoriqae et statistique du
departement de la Sart/te, suivi de la biographie et de la bil/lin-
grapluc du Maine; par J. -11. Pesche , membre ou correspoii-
dant des Societes des antiquaires et linneenncs de France, de
Normandie, de medecine, d'agriculture de la Saithe, dep"har-
macie de Paris, 1 o-i5e livraisons. Le Mans, 1829-1800 ; I'au
teur, rue Saint-Jacques, n" 10; Paris, Lance, rue Croix-dcs-
Pelits-Champs. 4 cahiers in-8" do 96 pages chacun; prix dc
la livraison. 1 IV. 5o c.
i88 LIVRFS FRANCAIS.
I,c Maine, (|u'iiiic armee iVAnlerci quitla, il y a environ
a,5oo ;ms. pour s'eiablir en Italic, on elle fouda Bresse et Ve-
ronu, auquel les Remains cotnmanderent pendant piusieurs
sieoles (voy. Rev. Enc. , I. xi.iv, p. 772 e( siiiv.); le Maine,
<|ui I'n 1 successivement le theatre des ravages des Nonnands
el dcs Anglais, des guerres de la Icodalite et tie religion , nie-
ritait en outre, par la sagesse de sa jurisprudence, par ses
mrcurs et son Industrie , d'avoir des historiens*, et Ms ne lui
out pas manque. Mais lenrs outrages , deja anciens ct rares ,
difl'us comme des chroniques, especes d'annales ecclesiiasti-
qnes et mililaircs, pretent hop a la critique pour n'elre ]>as
delaisses; excepte Pasqiiier, qui sera toujour- une autorite
respectable, aussi-bien qu'uri inodele de naivete. Deja il avail
paru nn Diclionnaire du Maine , par l'nbbc Le Paigne , 011-
vrage estimable, mais ancien. M. i'esche . profitant des rc-
sherches tie ses devanciers , commence son Diclionnaire par
nn resume qui, parfois, apparlient plulot a I'liisloire generate
de France, qu'a 1'histoire speciale de sa province; Fauleur y
ajoute la chronologic dcs cveques du Mans, plus curieilse,
mais moins intcressanle epic la chronologic des comics do
Maine; car, :-i la premiere conlient des notices SUf des pre-
lats canonises, llcne d'Anjon el quelqucs aulres princes lio-
norent la deuxieme qui linit a Louis Will , dernier comte
apanage. On trouve a la suite la liste des depute-;, deputsi355
jusqu'aux dernieres elections, et celie des prcl'cts. La memo
exactitude se remarque dans la partie biographique et biblio-
graphique qui comprend piusieurs de hos contemporains.
11 Pant que Fancied regime et le jesuilisme eomplcnt encore
nn grand nomlire de partisans dans la Sarthe, pnisque Tautenr
est rcduil a un silence absolu , me me quant aux m « urs dcs
nobles ct du clerge sous la 26 race (1). « Nous ne, pom 1 ions
pas, dit-il, copier aujourd'hni les historiens les plus limores,
sans fire accuse d'esprit de parti 011 d'exageration. Un mot
sciilemenl I'cra connaitre la condition desserfa : elle etait pirc
que celle des animaux domestiqucs. » dependant M. Pesche
cite un grand nombrc de Tails curiciix, tons authenliqucs, cl
qui expliquent les usages, les alms ct les malheurs de»chaque
(P. Premium' les gens simples et ignorans contra les superstitions si
vivaces encore dans les campagnes, critiquer la BOnl'ection dcs I isles «lii
jury cl d'anlics sides administrates, soul cboscs qui suffiscnl pour s'atti-
rcr le ressentiinent de certains abbes el de certains prefets. M. I'csChe
• n <>i nnexemple. II vie til d'etre oblige <!c suppiimer V Album Gcnoman,
journal dtmt la Revue Eneyclapediquc a fail plusieurs lois un eloge ineiite.
SCIENCES PHYSIQUES. 189
cpoquc, y compris la notie. — • Hildebert, eveque du Mans,
pourse juslilier do Sacculation d'avoir trempe dans l'heresie
de son maitrc, le celehre Berenger, inventa la Fete-Dicu, (|iii
I'nl adoptee succeasivemeni dans tonle la chrclicnte. — Le
Maine etait l'nnc des provinces on Ton parlait le francais le
plus pur, le mojns barbate, qnand mi moine manceau iit re-
presenter dans son abba ye de Saint- ALbin, en Angleterre, des
especcs de tragedies pienses, bien anterieurement anx mjs-
tercs, qui nc commencerent a etre eonnusqu'en 1 098. — Dans
le xiv" siecle et line partic duxv', les Anglais poiterent pour la
secorrde Ibis la guerre en France. Pendant 80 ans, le Maine
n'ent pas tin bourg, nn canton qui ne fut le theatre de quelque
combat. On sait que ee fut en traversant la lbrct du Mans,
que Charles M s'imagina etre arrete par un fantome, et qu'il
perdit la raison. • — Ambroise de Lore est place dans l'hisloire
bien apres Dunois, La Hire, etc. , parce que ee heros, qui les
egala en valcur, eonibattil seulement dans le Maine. Vers I'an-
nee i/|3o, il s'avanca avec une troupe d'elite jusqu'a Caen, le
jour nienie de la (bice Saint-Michel, et il en rainena 0,000 pri-
sqnniers, anglais pour la plupart, ayant renvoye, sans rancon,
1111 niillierde vieillards, de leinmes, d'enlansetdepretres. — Les
Manceaux se dislinguerent dans le xvi1' siecle, par une ener-
gie que peut-etre ils n'auiaient plus a present. Un grand nom-
bre enibiasserent la relbrme ; les habitans de la canipagne ,
par 1'espoir d'etre exeinptes des dimes, premices, oblations;
les autres, dans l'attente de la vente des biens du clerge, on
a cause de ['abolition des jeunes, de la confession, du celibat
monacal. Mais un eveque, a la tete de gens d'armes qui n'e-
laient que des brigands, saecagea unepartie du Maine ; el, de
nos jours encore, cctte belle province a le plus soufferl de la
guerre civ ile.
Les avantages et les defaults de l'ordre alphabetique sonl
bien apprecjes; niais il parait surlout ne point convenir a la
topographic et a l'hisloire d'un deparlement , principalement
a la stalistique qui est devenue une science exacte. En I'adop-
laut, les repetitions sont inevitables, le style manque de
variete ; en place de descriptions animees, on ne saisit que
des details, et le lecteur s'egare parmi des localites qui n'onl
pour 1 11 i d'autre lien enlre elles que Ieurs initiates. Aussi,
e'est parce que la stalistique de la Sarlhe a pris la forme de
dictionnaire que le plan en parait un pen trop vasle; et il a
lalln le talent el les couuaissances diverses de l'auleur pour
racheter ces defauts. M. Pesche ecrit principalement pour la
population de la Sarlhe, bien que son ouvrage merite d'etre
190 LIVKfiS I I\\m: US.
reclifcrche par cenx qui font de noire histoire ane etude up
profondie. Krndil, antiquaiic, gcologue, vraiment statisticien,
M. Pesche determine d'abord pour chaqne canton et pour
rfhaque commune, I'etymologie tin noni, la position relalive-
ment aux villcs on bourgs, el les distances legates, la popula-
tion et ses variations depuis an moins 3o ans; suivenl deux
petits articles sur l'histoire ccclesiastique et l'histoirc feodale ,
un apcreu de la geologic des qnalites ou accidens dii terri-
toire: puis la division des terres, les genres de culture, le
commerce, soit agricole, soit Industrie!, les routes et chemins ;
enfin, les monumens ou les habitations remarquahles. Ainsi ,
deux on trois pages suffisent a la description d'un village.
L'administralion n'a pas pu priver 1'auteur des documens
qu'elle seule pos«ede : en outre, il a parcouru les moindres
hameaux, consulte contradictofrement les principaux habi-
tans, et ce n'est pas sa faute quand il signale les ret us qu'il a
eprouves de la part de quelqucs maires et cures. Lorsqu'un
bon regime municipal sera enfin etabli en France, le Diction-
naire statistique, qui pent servir trescdicacement a 1'organi-
ser dans la Snrthe, eelairera aussi les conseils municipaux sur-
lesinterels rcciproques de leurs communes. — -Les nouvelles
livraisons jusllfient de plus en plus les eloges que V Academic
des sciences^ fait des premieres, ainsi que la decision de M. l'in-
tendant de la Waisou du roi d'enenvoyer des exemplaires au\
principales bibKotheqo.es, et le succes croissant de cet ou-
vrage qui se continue avec activite , et dont I'edition sera
presque epuisee aussitot qu'achevee. Isidore Le Brtn.
Sciences religieuses, morales, politiques et historiques.
5o. — * Sainte Bible de Fence, en latin et en francais, avec
des notes litteraires, critiques el historiques, des prefaces et des
dissertations tirees du commentaire de dom Calmet, abbe de
Sinones, dej'abbe de Fence, et des autres auteurs les plus ce-
lebres, pour laciliter l'intelligence de l'Ecriture sainte; enri-
cbie de figures et de cartes geographiques ; Cinquiemc edition,
soigneusement revue et augmentee d'un grand nombre de
notes par M. Dbach, rabbin convert!, et enricbie de noitrclles
dissertations. Ouvrage dedie au roi. T. xm, xv et xvi. Paris,
i85o; Mequignon-Havard, rue des Saints-Peres, n° 10. 3 vol.
in-8"; prix du volume, 7 IV.
Nous suivrons la meme marche que nousavons suivie jus-
qu'ici, en rendant compte de cette imporlante publi< ation,
dont les livraisons se succedent regulieicmcnt, el ne laisspnl
SCIENCES MORALES. K)i
rien a dcsirer sous le rapport typographique. — On trouve,
dans le xme vohunc une preface generate sur les prophctes,
une dissertation sur les prophctes, unc preface sur Isai'e, unc
dissertation sur les G5 ans dont il est parle dans la prophetic
duchapitre <j d'Isai'e, une dissertation sur ces paroles d'Isai'e:
Une Vierge concerra, 'enfant eru un fds, et rons I'appcllevez Em-
manuel ; une dissertation sur la prophetic du chapitre xvm
d'Isai'e, une dissertation sur la beaute de Jesus-Christ, et le
livre d'Isai'e. Apres la lecture de ces savantes dissertations, on
n'est gufere plus avance qu'avant d« les lire. On a vu le pour
el lc centre, et on ne pent se decider a prendre un parti.
On trouve dans le xve \ olume : 1° une preface sur Ezeehiel :
2° dissertation sur les trois cents quatre-vingt-dix ans dont il
est parle dans la prophetic du chapitre iv; 5° dissertation sur
le retour des dix trihus; 4° dissertation sur Gog et Magogs
dont il est parle dans les chapitrcs xxxviu et xxxix; 5" disser-
tation sur la coudee hebrai'que, pourservira ['intelligence du
texte duchapitre xl, versets5 et suivans. Le livre d'Ezeehiel.
et un supplement aux notes des ehapitres xlv et xlvui, sur
les dimensions du terrain destine aux pretres, aux levites el
au prince. Ce supplement est bien peu de chose. Les disserta-
tions sont toutes marquees a u coin de l'erudilion; mais les
conclusions en sont rarement claires et decisives.
On trouve enfin dans lexvie volume : i° preface sur Daniel;
2° dissertation sur la metamorphose de Nabuchodonosor;
3° dissertation sur les quatre empires marques dans les eha-
pitres ii et vu; 4° avertissement sur la dissertation suivante;
5° dissertation sur les septante semaines ; 6° Daniel ; 70 remar-
ques sur les prophctes; 8° remarques sur Isai'e, Jeremie, Ba-
ruch, Ezeehiel et Daniel. Profusion de recherches, paroimonie
de jugement, e'est le refrain que Ton est oblige de ripeter a
la fin des dissertations de chaque volume. On aurait tort nean-
moins de croire que e'est peine perdue de les lire; si leurs
auteurs ne prouvent pas toujours ce qu'ils ont eu l'intention
de prouver, ils eelaircissent du moins quelques questions par
occasion, et d'ailleurs ils fournissent des materiaux abondans
dont on peut tirer parti en y mettant de la methode et du bon
sens. Ils ont amasse, a grands frais, ce que d'autres disposent
et coordonnent quand il leur plait. J. L.
5i. — *Recueil general rtcs anciennes his franpaises, depute 1'an
420 jusqu'a la revolution de 1789, par MM. Isambf.rt, Decrvsy
et Taillandier. T. xvn, xvm et xix (i4mai i645amai ifi8€).
Paris, 1829; Belin- 1 eprienr. 2 vol. in-8°; prix de chaque
vol.. 7 fr. (voy. Rev. Eve., t. \nv, p. 4-r>0-)
i.,- LIVRES FRANCALS.
Cos trois volumes enmpronnent le regne de Louis \1Y jus-
qu'en i(><v(>. La legislation dc cette epoque meritait d'obtenir,
dans I'utile collection commeneee par AIM. [satnbert, Jour-
dan et \\enet, el contiuuee par MM. Decrusfy el Taillandier,
line place elciidue ; car die u regie une funic de matiercs Jonl
plusieurs sunt regies par elle, encore aujourd'hui. Une publi-
cation de cette nature est pen susceptible d'etre apprccico dans
le pen de ligncs t lo 1 1 1 le Bulletin bil/liographigun dc la Revue
doit permottre de disposer pour cbacun des numbrcux ouvra-
ges (|ii"il aniiouce. Nous ne pouvons que nous bonier, quant
a present, a signaler an public, ainsi que nous 1'avons deja
fait, la grande utiiite de ce eonseiencieux travail, destine a
mettre a la portee d'un grand rrombre de bibliolheques le re-
cueil, essentiel a connailre, de nos ancienues lois francaises.
5a. — * La legislation civile Commercial 'e et crimimlle de la
France, ou comincntaire et complement des codes franeais;
par M. le baron Locre. T. xvi el xvu. Paris, 1829; Trent tel
et \\ tirtz. 2 vol. in-8"; prix dc chaquc volume, 7 l'r. pour les
souscripleurs ; 9 l'r. pour les non-souscriptcurs (voy. liev.
Enc, t. xxxii, p. 468; t. xxxviii, p. 177; etc )
Le seizieme volume de cet ouvrage complete le code civil,
et acheve I'histoire de la discussion de ce code, le plus impor-
tant et le meilleur de ceux que nous possedons. Une table
analytique et raisonnee des seize volumes le lermine. M. Lu-
cre a place a la fin de ce volume, sous le titre de conclusion du
comment aire et du complement du code n'n/, un morceauqu'il au-
rai t duconsiderablemcnt abreger, et dont le but principal parait
etrede repondrea quelques critiques d'un article de journal. Le
ton de cette polemique est d'une acrete <|ue lesleetcursne trou-
vent pas ordinairement de bon gout. Sans doute il est dur
pour uu auteur de n'elre pas compris par la critique; mais
ses explications ne doivent pas degencrer en Ian gage de fac-
tum; et lui-mcmc a son tour ne doit pas s'exposerau reprocbe
de n'avoir pas compris son critique. M Lucre se plaint aussi
avec beaucoup d'amertunie des empruuts qu'il declare lui
avoir etc Tails par M. Fenet, auteur d'un ouvrage rival du
sien, et qui est intitule : Recueil eomplet des Iravaux prepara-
loires du. code civil. Au milieu meine de cette tongue et beau-
coup trop tongue polemique on irouve de nouveaux et
utiles details sur le mode de redaction des proces-vcrbaux du
Conseil-d'l^tat. L'auteur demonire fort pertinemment qu'un
pi'oces- verbal dune discussion, dont la forme a presque tou-
jours etc telle d'une conference, ne pent donnerque la sub-
stance des discours; c'esl la sa justification centre le repro-
SCIENCES MORALES. 190
chequi lui est adresse dans les Memoires de T/iibaudeau, d'avoir
fait perdre en grande partie anx discours du premier consul
la liberie, la bardiesse de la pensee, l'originalite et la force
de I'expression. M. Locre convientavec bonne foi de laveritc
du reproche, et l'emploie meme comme refutation d'un pre-
juge <pji a eu cours, et qui lui attribuait une grande partici-
pation aux discours du premier consul. II cite a ce sujet uir
mot de Louis XVIII qui , mecontent d'un travail qu'il avail
commande, s'ecriait :« Comme ces gens -la me font parler!
Ce n'est pas ainsi que Locre faisait parler Bonaparte ; il lui
donnait encore plus d'esprit qu'il n'en avait. »M. Locre fait
preuve d'esprit en meme terns que de justice, en s'elevant
contre 1'erreur de ce propos. Ses proces-verbaux, qui d'ail-
leurs ont ete nevus par chacune des personnes dont les opi-
nions y sont analysees, n'en demeurent pas moins un monu-
ment precieux, dont la publication merile a son auteur la
reconnaissance du public, et qu'il a judicieusement dispose
dans son ouvrage avec la methode necessaire pour les appro-
prier a la destination qu'il leur donne de commentaire de nos
codes.
L'ouvrage aura 25 volumes. Quatre, dont l'un a paru, doi-
vent etre eonsacres an code de commerce. Nous rendrons
compte du dix-septieme volume, relalif a ce code, lorsque
nous parlerons des livraisons suivanles. Ch. Renouard.
55. — * Du systime pinitcntiaire en Europe et aux Etats-
Vnis , ouvrage dedie aux cha'mbres, precede d'une petition
qui leur est adressee, orne de plusieurs plans de prisons et
tableaux statistiques, et suivi d'une conclusion generate et d'une
secondc /Ktitio?i aux cliambres ; par M. C liar les Ltjcas, avocat a
la cour royale de Paris, membre corrcspondant de la Societe
des prisons de Philadelphie, auleur de l'ouvrage sur le sys-
teme penal et la peine de mort, couronne a Geneve et a Pa-
ris. T. Hi Paris, i85o; Timolbee Debay, rue des Beaux-Arts,
n° 9, et rue livienne, n° 2 bis. In-8"; prix , 7 fr. 5o cent, et
i5 fr. les 2 vol.
Le second volume sera incessamment suivi de la publica-
tion de la conclusion generale (voy. ci-dessus, p. 25), qui
tcrmine et complete l'ouvrage, avec la seconde petition de
I'anteur aux cbambres, pour reclamer de nouveau l'adop-
tion en France du systemepenitentiaire en faveurduquel elles
se sont deja prononcees. L'un de nos collaborateurs devant
rendre compte de cet ouvrage, nous nous bornerons a en
indiqucr ici seulement le but et le plan.
Dans le premier volume, M. Lucas nousavait montre 1'bis-
r. smvi. wnir, iS5o. »5
ig/i LITRES FRANC AIS.
tofcfe thSorique du systeme penitentiaire en Europe et aux
Etats-TJnis. II a senti que, dans I'intcret de lareformeau succes
de laqitelle ils'est voue, il fallait, acute des principes, expbser
les fails, surtout dans nn siecle commc lc notre, qui ne pro-
rede que par la methodc d'obstrvation. Dans ce second vo-
lume, il nous retrace done Vhistoire pratique du systeme peni-
tentiaire, travail qui exigeait sans doute une foule de docu-
mcns et de recherches, niais travail necessaire, que l'autcur
devait avoir le courage d'entreprendreet d'executer, s'il vou-
lait serieusement convaincre son pays de l'utilite de la re-
forme qu'il proposait. Ce second volume comprend deux
parties : la premiere, relative au systeme penitentiaire aux
Etats-Unis, divise son hisloire en trois epoques. D'abord son
origine et ses succes primitifsa Philadelpbie, puis, 1'epoque
de sa decadence, depuis 1800 environ jusqu'a 1819, cnfin,
1'epoque de sa restauration , ou l'auteur nous montre dans la
pratique des resultats si decisifs sur la regeneration morale
des condamnes.
Dans la seconde partie, relative a l'Europe, M. Lucas re-
trace l'origine du systeme penitentiaire dans les Pays-Bas,
des 1772; puis, des Pays-Bas, il revient avec Howard en
Angleterre. dont le parlement porte , £ur la petition de ce
genereux philanthrope, le premier bill d'adoption du systeme
penitentiaire. De l'Angleterre, l'auteur suit le systeme peni-
tentiaire en Irlande, en Ecosse, en Suisse, seuls pays de
l'Europe ou il se soit encore introduit jusqu'ici.
54- — Lettre sur les duels judiciaires dans le nord de la
France. Valenciennes, 1829; imprimerie de A. Prignet.In-8°
de 16 pages.
Cet opuscule, dont l'auteur est le savant M. Le Glat, est
adresse a M. Fougeroux de Campignculles. Le point histori-
que quiy est traite est d'une haute importance. Les duels ju-
diciaires sont un des plus intimes elemens du moyen fige et
l'une des plus precieuses revelations qui nous aient etc faites
par l'histoire sur les mceurs des races franque et germaine.
M. Le day a donne, enquelques pages, une r.ouvelle preuve
de cette erudition sagace et judicieuse que chacun lui connait.
Nous nous permettrons cependant de trouver trop absolue
cette assertion : « Le clerge ne voulut jamais de la preuve par
le combat. » Bien que plusieurs eveques aient ecrit contra
celte loi, et parmi eux Agobar, de Lyon, et Avitus, de Vienne,
il n'en est pas moins certain qu'elle fat acceptte par le clerge
de beaucoup de contrees, et que des eveques en consacrerent
souvent parleur presence ['application solennelle.
55. — Discours prononce a t'ouverture des conferences de la
SCIENCES MORALES. jg5
bibliol/ie jue des avocats, le s" decembre i8'2(), par M. Dipin
aine, batonnicrde lordre; imprime aux fraisde 1'ordre. Paris.
18395 Everat. In-8" de 20 pages.
Ce disco urs, ecrit pour une asscmblec solennelle-, ne sort
pas du genre adopte pour les ceremonies analogues. M. Dujsin
y donne d'excellens conseils aux jeunes avocals, leur cite les
modeles qu'ils doivent imiter, leur indique les sources aux-
quelles ils doivent recourir, leur rappelle en un mot beau-
coup de choses qu'ils ne devraient jamais oublier. !\Iais il n'y
a rien dans tout cela d'absolument nonveau, ni de tres-rcmar-
quable, et 31. Dupiu est tin de ces generaux qu'ilnefaut pas
louer pour une vicloire d'escarmbuche.
5G. — * De la politique et da commerce des pcuple.i de I'anti-
qaite ; par A.-H.-L. ISeeben, professeur d'bistoire a l'Lniver-
site de Guetlingue , membre associe de I'lnstitut de France
(Academie dcs inscriptions et belles-lettres) , etc. , etc. ; traduit
de l'allemand sur la quatrieme el dernicre edition, enricbie de
cartes, de plans et de tiotes inedites de I'autear, par W. Sicrai.
T. 1. Paris, 1800; Firinin Didot. In-8° de xxxj-55;"> pages,
avec une carte; prix, de cbaque volume, 8 fr. ; l'ouvrage en-
tier formera 8 volumes.
Cet ouvrage est le fruit des recherches erudites et pleines
de sagacite d'un des bommes les plus dislingues dont s'honore
aujourd'hui l'Allemagne ; il avait des droits incontestables aux
honneurs d'une bonne traduction, et il merite ['attention de
tous les amis des fortes etudes historiques : nous lui consa-
crerons incessamment un article dans noire section des Ana-
lyses. Z.
57. — * Histoire des Francaisdes divers Btatsaaxcinq dernier s
siccles , parMoNTEiL. xvc siecle. Paris, i83o; Janet et Colelle,
rue !::ainl-Andre-des Arcs, a" 55. 2 vol. in -8° de 5oo et
56(5 pages; prix, 14 fr.
M. Monteila entrepris, sur l'bistoire de France, un travail
qui merite les plus grands eloges. II a rccueilli dans les diar-
ies et les cbroniques tous les monumens qui peuvent jeter
quelque jour sur la vie interieure de nos peres, leursproee-
des industi iels ou agricoles , leur administration, leur etat so-
cial. La difficulte d'un tel travail etait de presenter ces (aits
d'une maniere interessante pour la masse des lecteurs, sans
toutefois eciiie un roman , et s'ecarter de la slricle veiite bis-
torique. M. Monteil avait babilement concilie ces deux choses
dans sa premiere livraison (xiv* siecle) : a-t-il aussi-bien
reussi dans la seconde, nous ne le pensons pas.
II -oppose qu'au xv" siecle , dans la grande salle de Ptfotel-
de-Ville de Troves. s'eleye un soil' relic question : Quel est
196 LIVIIES FKANCAIS.
des divers etals le plus mallicureux ? Aussitot le pauvre, puis
le cullivateui' de se plaindre de leurs miseres, et de commen-
cer un long recit qui, d'ailleurs, est plein des details les plus
preeieux sur lent* situation respeetive a cette epoque. La dis-
pute continue, et chaque profession vient tour a tour chaque
soir oll'rir le tableau des peines et des embarras qui Passie-
gent. Comme il n'y a pas de juges possibles a ce proces , il
n'a pasde conclusion; et la 5oe histoire se termine comme la
premiere.
On voit, au premier abord, combien cette forme est mala-
droitement choisie. File ramene a tout instant des formulcs
monotones et fatigantes, des declamations exagerees. II est
presque ridicule, en effet, de voir l'bomme d'eglise ou le
riche chatelain se prelendre plus malheureux que le mendiant
ou le valet de ferine; et l'emploi de ce cadre oblige HI. Mota-
teil de reconrir a de veritables subtilites, pour donner a que!-
ques-uns de ces interlocuteurs le moyen de paraitre dans la
singuliere lice qu'il a ouverte.
A part ce defaut de composition, les chapitres de M. Mon-
teil, pris individuellement, sont des tresors inepuisables d'c-
rudition et de consciencieuses recherches. Quelques-uns ren-
ferment sur le moyen age des revelations toutes nouvelle* .
auxquelles on ne pent refuser sa confiance, puisqu'clles s'ap-
puient sur des textes et des monumens originaux soigneuse-
ment relates a la fin de Pouvrage. C'est un commentaire
indispensable aux bistoires politiques de la France : c'est en
meme terns un inappreciable service rendu aux auteurs dra-
matiques et aux romanciers qui, armes du livre de M. Mon-
teil, pourront faire sans peine de la couloir locale.
Nous donnerons incessamment une analyse detaillee des
deux premieres livraisons de cet important ouvrage. A. D.
58. — * Memo ires complets el aidlientiques du due de Saint-
Simon, sur le siecle de Louis XI V et la rrgence; publies pour
la premiere fois sur le manuscrit original entierement ecrit de
la main de Pauteur, par M. le marquis de Saint-Simon, pair
de France, etc., etc. Tom. xix et xx. Paris, i85o; A. Sautelel
et comp. 2 vol. in-8° de 4po et 486 pages; prix, 7 fr. (voy.
Rev. Enc, t. xliii, p. 627, et t. xliv, p. 463).
Ces deux volumes terminent cette importante publication qui
sera completee, vers la fin de mai , par la Table des maticrcs
des M /'moires de Saint-Simon. « Cette Table sera dressee , an-
noncent les editeurs, dans I'ordre alpbabetiquc des noms pro-
pres, par les s'oins de M. Delbare , auleur des Tables de la
collection des Me'rttoires sur I'histoire de France, publiee par
SCIENCES MORALES. 197
M. Foucault. Ce sera 1111 veritable dictionnaire biograpluque
et historique du siecle de Louis XIV et du terns de la regence.
Par la, les rechercb.es seront rendues faciles dans cette vaste
histoire, et chacun pourra y trouver, sans etre oblige de feuil-
leter plusieurs volumes, le nora propre qui l'interesse ou le
fait qui se rapporte a une etude speciale. »
5g. — ISouvelles conjectures sur I' emplacement du champ de
bataille ou Cesar defil I'armee des Nerviens , par A. Le Clay,
membre de la Societe d' emulation de Cambrai, correspondant
de la Societe royale des Antiquites de France, etc. Cambrai,
1800; A. Furez. In-8° de 20 pag.
Cette dissertation , extraile des Memoires de la Societe d'e-
mulalion de Cambrai, a ete tiree a 5o exemplaires seulement,
en faveur de ceux qui aiment ces minutieuses disputes sur un
point obscur d'erudition. M. Le Glay est bien connu des amis
de cette science d 'initiation, si Ton peut parlerainsi, qui de-
daigne les triomphesbruyans, lesapplaudissemensnombreux,
et ue recherche que le suffrage de quelqueshomm.es laborieux,
de jour en jour plus rares. Nous n'avons pas besoin de dire a
ceux-la ce que renferme la petite brochure qui est sous nos
yeux : ils la connaissent et preparent peut-etre deja leurs re-
pliques. ■ — Ueux mots sufflront aux profanes : M. Le Glay de-
montre, en s'appuyant sur des temoignages qui nous parais-
sent assez solides, i° que la defaite des Nerviens par Cesar a
eu lieu sur les bords de l'Escaut, et non pres de la Sambre,
comme on 1'avail pense jusqu'a present; a" que I'espace de
terrain compris entre Bonavis et Vaucelles (l'ancienne abbaye
fondee par Saint-Bernard et Hugues d'Oisy) presente toutes
les circpnstances indiquees par Cesar au second livre de ses
commentaires, et, par consequent , pourrait bien etre l'em-
placement de ce champ de bataille. — Cette dissertation est
dediee par l'auteur a M. le colonel Pascal-Lacroix, agronome
eclaire, et savant antiquaire qui habite tout aupres du lieu
designe par M . Le Glay comme ayant etc le theatre de la defaite
des Nerviens.
60. — Notice sur la vie de A. G. J. Gautier , par M. Dupin
aine, batonnier de l'ordre des avocats. Paris, 1829; Gustave
Pissin. ln-8° de xxfi pages.
A mbroise-Georges-J oseph Gautier naquit a Chevreuse, le !\
avril 1776. Apresdetres-bonnes etudes aux colleges deSainte-
Barbe et de Navarre , il revint cbez son pere , dont il sut , tout
jeune encore, sauver la vie par une demarche courageuse
aupres du comite de sur ete gencrale, faite au moment le plus
borrible du regne de la terreur conventionnelle. Apres cette
if)* LtVRES FRAiNCAlS.
epoque desastrcuse, il se devoua an barren a et devhrt I'un
ilc- avocats h-s plus distingues de celui de Paris Ce qui le (it
sin-tout remarquer pendant sa tongue carriere, c'etail one
profonde connaissance du droit ct une logique claire et serree-.
Une infirmite 1'obligea , vers la fin de sa vie, a so bonier aux
travaux de cabinet. Cost alors qu'il acbeva un ourrage fort
estimable dont Rf. Dwpin annonceta publication I'aite par ses
soins : les Etudes de jurisprudence commerciale. (Pissin , place
du Palais-de-Justice , n° i.Tn-8'1.) Z.
til . — * A a Roi ct aux Chambrcs sur les rerilables causes de
la rupture avec Alger, et sur C expedition qui se prepare; par
Alexandre dc Laborde, depute de la Seine. Paris, i85o;
Truchy, boulevard des Italiens. In-8" de vi-iio-lx pages;
prix , 5 fr.
M. de Laborde est du nombre de ces fideles et courageux
mandataires de la nation qui, dans une libre et respectueuse
adresse , out fait rcteutir aux oreilles du prince les alarmes
et les voeux du pays. Comme ses collegucs, il se preparait
a defendre de nouveau les liberies, les droits, les plus chers
interets de la France; il se preparait, surtout, a eombattre
l'expedition d'Alger, si lemerairement entreprise par nos mi-
nfstres. Rejete de la tribune, ('honorable depute s'est retire
avec respect devant I'exercice de la prerogative royale ; mais
il n'abandonne pas ses adversaires, et, presse par un religieux
devoir, il les appelle sur un autre terrain.
L'auteur souleve ici plusieurs questions, dont la premiere
de toutes, qu'il rcsoutnegalivement, eonsiste a savoir sil'expe-
dition est juste dans son origine. Le fond de la querelle repose
sur une creance de quatorze millions, reduite a sept par le
gouvernemenf francais. Le dey avail droit a une partie de cetle
somme, parte que les grains fournis par la maison Bacri et
Busenach, d'Alger, sortaient des greniers de la regence; en
accedant a la transaction qui liquidait cetle creance, le dey
eroyait recevoir sa part ; mais il s'en trouva frustre par des
jugemens anxquels il n'eut pas meme la facultc d'inlervenir
comme creancier. On pent juger de son luimeur contre notre
consul avec lequel il avail cru traiter de bonne foi , et qu'il
soupconna, sans doute a tort, de l'avoir indignement trompe.
D'autres griefs augmenterent ses mauvaiscs dispositions avec
d'autant plus de raison, qu'une lettre qu'il avail ecrite au roi
de France, pour obtenir justice, etait restee, pendant trois
mois, sans aucunereponse. Comment concevoirqu'on ait pu te-
nir une pareille conduite avec le dey, an risque d'enflammer
:0n mecontenlemcnt. et d'exposer notre commerce a des pertes
SCIENCES MORALES. 199
considerables par suite de ces resolutions de colere qui eclatent
si sou vent dans les Consetls des puissances barbaresques?
Maissurtout comment expliquer la mauvaise politique de lais-
ser aupres du dey ce consul contre lequel il nourrissait les plus
lacheuses preventions et une baiue qui se trahissait a tout mo-
ment ? Du moins, il faut l'avouer, les ministres n'avaient nul
inoyen de deviner a quel point le representant de la France,
a Alger, pourrait s'oublier et comprometlre son caractere.
Laissons i\l. de Laborde raconter une faute, une aberration,
un emportement presque inoui's, dans un agent diplomati-
que. «Ce fat alors qu'a l'oecasion d'une ceremonie, le consul
se presenta devant lui pour sollicker sa protection en faveur
d'un batiment romain qui venait d'entrer dans le port. Com-
ment, repondit le dey, tu viens toujours me tourmenter pour
des objels qui ne regardent pas la France, et ton gouverne-
ment ne daigne pas repondre a la leltre que je lui ai ecrite
pour ce qui nie regarde. Mon maitre, repliqua le consul
en plein divan, n'a pas de reponse a faire a un homme cocaine
toi. A ces mots, le dey ne se possede plus; il se leve, et
IVappe avec son eventail de plume le consul Deval. Hussein
avait eu tort sans doute; il le sentit; et craignant que le con-
sul ne profilat de cetle occasion pour provoquer une rupture,
il s'empressa de prevenir les Franeais qui se trouvaient a Al-
ger, que sou intention n'avait ete nullement d insuller la
France, ou de \ouloir entrer en guerre avec elle ; pour preuve
de la sincerite de cette protestation, il les invila a rester pai-
siblement dans Alger oil il les protegerait, ainsique tout ce qui
pouvait regarder la France, avec la plus grande affection : il
leur fit meme demander acte de cette notification.!) M. de
Laborde resume en pen de mots sa pensee sur la guerre d'Al-
ger : «lc dey reclame, on le vole; il se plaint, on l'insulte; il
se facte, on le tue. » J'adhere a cette opinion, si energiquement
exprimec; mais au no in de riionneur national, je m'empresse
d'ajouter que le gouvernement n'a contribue en rien a de-
pouiller le dey, et que celui-ci n'a ete frustre de sa part legi-
time dans la liquidation que par une coalition d'interets prives
qui se sont seuls presentes devant nos tribunaux sous les aus-
pices d'une action legale, sous la garantie des formes legales.
Seulement un ministre at lentil' a conserver les relations entre la
regence et nous , a proteger un prince avec lequel nous etion?
dans des rapports de paix et de bonne amitie, aurait veillc
aux interets du dey, en l'avertissant de la necessite de faire
defendre sesdroitsdevaat la justice a cote des autres creanciers
de la maison Bacri et Busenach qui avaient forme oppositional!
200 L1VRES FRANCAIS.
tresor a la delivrance tic la sorame de sept millions. Certes,
c'ctait la pour nos ministres un devoir que leur prescrivaient
cgalement rhonneur do la couronne, celui de la France, et
la securite de notre commerce. A cct cgard, et snr d'antres
points beaucoup plus importans encore, la coinmision d'en-
quete que demande M. de Lahonle serail de la plus haute
utilite , puisqu'elle aurait pour resullat infaillible on de pre-
venir la guerre, on de prouver que la raison, la justice et la
politique pendent cetlc guerre cvidcmmcnl indispensable.
Mais, que la guerre soil juste on non, nous pouvions la
conjurer. Un ministere sage nYut pas laisse le consul Deval
dans un poste ou sa seule presence etait tin obstacle an main-
tien de la paix; un ministere vigilant et sense se fat empresse
de reponrlre an dey et de faire droit a ses justessujets de plain-
tes; un ministere habile, profitant des dispositions si hante-
ment manifestoes par Hussein, apres un outrage qui n'etait
toutei'ois (pie la represaille d'une insulte, aurait trouve moyen
d'obtenir des satisfactions sullisantes, et d'eviter une rupture
inipolitique ainsi qu'une guerre deplorable, meme dansle cas
d'un succes.
Bonaparte n'emmena que 5o,ooo hommes pour la con-
quete de l'l^gypte ; M. Bourmont en a demande 53,ooo pour
la seule conquete d'Alger. Frappe de la grandeur de nos pre-
paratit's, qu'il a raison de trouver exageres, rendant d'ailleurs
la plus eclatantc justice a l'experience et a 1'habilete , enmme
au devoflment de nos officiers de terre et de mer, M. de La-
horde ne douterait pas un moment de la reussite de l'expe-
dition, si elle ne lui paraissait pas entreprise avec une impru-
dente precipitation. Nous ne suivronspas les developpemens
d'une opinion qui s'appuie sup la connaissance des saisons, de
lamer, des vents, de lous les obstacles qui peuvent survenir
de ce cote ; sur l'opportunite du terns favorable a l'entre-
prise ; sur Passiette des lieux, sur les dillicultes de I'abordage,
sur la puissance et la facilite des moyens de defense. Mais
nous osons assurer que l'ensemble des observations de l'au-
teurmerite une serieuse attention. Cependant , et malgre la
force des mesures qu'il expose, malgre le poids des autorites
qu'il atleste, nous ne saurions dissimuler que des marins ce-
lebres et experimentes, des officiers d'une haute distinction
regardent le triomphe de nos armes comme infaillible.
Suivant ^ux, Alger ne saurait eviter de tomber entre nos
mains. Admettons cette derniere opinion; (die flattc l'orgueil
national , et nous promet quelque gloire pour j'rix du sang de
SCIENCES MORALES. 201
nos compatriotes, qui, suivant la judicieuse pensee do l'ecri-
vain, pourrait etre verse pour une meilleure cause.
Mais c'est ici que Fimprobateur de la conduile des miuistres
a sur eux un incontestable avantage, et les reduit au silence
devant l'invincible et accablante verite. Mailres d' Alger, il
nous faudra l'evacuer; il nous faudra delruire et quitter ces
ramparts qui nous auront coiite des depenscs enornies, peul-
8tre ties pertes considerables d'hommes ; nous serous reduits
a la honte d'abandonner, par ordre de 1'etranger, une ville
qui, entre nos mains, deviendrait bientot un second Gibraltar,
inattaquable dejadu cote de la mer, et facile a fortifier sur les
autres points, de maniere a lc rendre presque iuiprenable. Le
gouvernement anglais, dont la vieille baine pour la France ne
.-'est pas affaiblie un moment, et dont la jalouse politique
brule de nous termer toutes les sources de prosperite, ne
veut pas que nous acquerrions une station sure en Afrique ,
011 nous pourrions fonder par degre une puissante colonic
Voil.'i pourquoi le gouvernement a exige de nous la promesse
d'evacuer la ville apresl'avoirdelruite. Cependant, cette meme
puissance occupe Gibraltar , Malte et les iles Ioniennes, et
convoke la Grece, ou une pnrtie de ses ports. De quel droit
vient-elle nous interdire unabri, un point de ralliemeut dont
nous avons besoin dans cette Mediterranee, qu'on appelait ja-
dis mareGallicum, la mer Gauloise, et qu'a la honte des puis-
sances qui occupent toutes ses rives, on pourrait nonuner au-
jourd'huila mer britannique ? Certes, de pareilles pretentions
' doivent faire bouillir le sang dans toutes les veines d'un Fran-
cais. Toutefois, ces etranges pretentions d'un cote, de ('autre,
cette souniission de notre politique au veto de l'Angleterre, ce
sacrifice de nos interets a ceux de notre plus ancienne enne-
mie , ne sont pas les seules causes qui doivent nous faire de-
plorer l'expedition d'Alger, ct nous faire gemir , meme de
notre succes; l'expedition, meme heureuse, n'aura pas atteint
son but; trois mois apres notre depart de la cote d'Afrique,
les brigandages des pirates sortis des ports de Bugie et d'O-
ran recommenceront avec plus de fureur que jamais, et le
commerce europeen tout entier nous accusera de ses nou-
vcaux malbeurs. Voila, au resume, les resultats d'une expe-
dition que M. de Laborde attaque avec tant de force et de
raison comme injuste, dangereuse, prematuree, infructueuse,
et par consequent condamnable a tons egards.
II est un dernier rapport, celui de la legalite sur lequel nous
devrions examiner la guerre d'Alger; mais l'auteur n'ayant
qu'eflleure cette question grave qui demanderait une discus-
203 LITRES FRANCAIS.
sion severe, nous n'essaierons pas ici de I'aborder et de I'ap-
profoodir-
(j'j. — * Alger. Tableau du royaume, de la title d' Alger et de
ses environs, de ses forces de terrc et de mer , etc. , precede d'une
introduction kistorique stir les differcntes expeditions d'Alger,
depuis Charles-Quint jusqu'a nos jours ; par Menaudot, ancien
oflicicr de la garde du consul de France a Alger. Paris, i83o;
IMongie. ln-8° de 182 pages, avee cartes, vue, portraits et
costumes de ses habitans ; prix, 7 francs.
On devait s'attendre a ce que l'expedition qui se prepare
donnerait naissance a une foulc de productions coniposeesavec
des lambeaux pris dans divers ouvrages, et denues de toute
revelation nouvelle sur le pays qu'ils ont la pretention de faire
connaitre. II ne Taut confondre, avec ces productions cphe-
meres, ni un ouvrage important et recommandable, comme
celui dont nous venous deparler, ni le recit consciencieux d'un
voyageur eclaire, qui, tel qne Renaudot, a passe de longues
anneesde savie dans le royaume d'Alger. La position olbcielle
de ce militaire bii offrait, pour tout voir et tout examiner a
loisir, des moyens inter dits a beaucoup d'autres observateurs,
aussi curieux, mais moins bien places que lui. II en a profit*
non-seulement avec une sagacite rare, avec une attention
extreme, mais encore avec cette patience inl'aligable, avec
cetle prudence de tousles momens, dont on trouveun si admi-
rable exemple dans la conduite du jeune Caillie, pendant le
cours de son voyage et de son sejour a Tombouctou, au mi-
lieu d'un peuplc jaloux, soupconneux et pleiu d'aversion pour
le nom cbretien. Aussi, nous le declarons, sans crainte d'etre
dementis par nos lecteurs, nulle part on ne trouvesur Algei,
sur ses habitans, sur les di verses populations de la contree, sur
loins mceurs, leurs habitudes et leurs usages, sur les moyens
de defense de la ville, sur les batteries du port et de la rade,
sur les forces doterre et de mer, des details plus circonstancies
et plus complets que dans le voyage de Renaudot. Amusanl,
comme un roman, et vrai comme une bistoire, ce volume
merite de devenir le vade-mecum de lous les oiliciers de l'ex-
pedition, avec d'aulant plus de raison qu'il est precede d'une
introduction ecrile d'un sy!e pleiu de clialeur et de force, ou
I'on relrouve le recit des entrepris.es dirigees conlre Alger,
depuis Charles-Quint jusqu'a nos jours. P.-F. T.
63. — Bistoire d'Alger et du bombandement de cette ville, en
1816. Paris, )85o; Piltan. In-8" de xn-366 pages; prix. 6fr.
6/j. — Alger : esquisse topographique et historique du
SCIENCES MORALES. 2o3
royaume et de la ville; par A. iVl. Perrot. Troisiima edition.
Paris, i8jo; Ladvocat. In-8° de q4 pages; prix, 5 Fr.
G"). — Souvenirs d'u n officier franrais, prison/tier en Barbarie
pendant les annees 1811, 1812, i8i3 et 181/f : Situation ci-
vile et mill ta i re de ce pays, mceurs, gouvernement, armee,
positions militaires, productions indigenes, climat, moyensde
s'en rendre maitre et de s'y niaintenir, plan d'attaque, de
eonquete etde colonisation, projet d'organisation d'une armee
d'expedilion, strategic nouvelle et scule praticable pour as-
surer le sucees de cette entreprise; ouvrage indispensable
aux militaires de tons grades et de toutes amies qui l'erout
partie de I'armee d'expedition d' Alger; par M. Contremou-
lins, P. M. , de Nantes, capitaine en conge illimite Paris,
i85o; Anselin, Delaunay et chez 1'auteur, boulevard de la
Madeleine, n° a5. Iu-8° de x-44 pages, avec une planclic ;
prix, 1 fr. 5o cent.
66. — * Memo ire pour les liommcs de couleur-C'inquieme partie;
an nee 1828. Paris, 1829; impr. de Duverger, rue de Veriienil,
n° 4- In-8° de 272 pages, avec une table chronologique et
analvtiquc des pieces contenues dans les cinq parties 1824 —
1828.
Voici bien certainement une des collections les plus digues
de fixer 1,'attention des amis de Phumanite, des homnies qui
desirent de voir leurs semblables, sans distinction dc races,
participer a tons les bienfaits de la sociabilite. La cinquieme
partie que j'ai sous les yeux contient des documens d'un baut
inleret. Elle presente d'abord cette honteuse affaire des hom-
ines de couleur 011 Ton voit un ministre de la justice prolonger,
pendant vingt-un mois , 1'injuste detention de citoyens esti-
mables par une violation manifeste de la loi; puis, echapper
ensuite a tons les de'gres de juridiclion par des declarations
successives d'incompetence; suivent les discussions de la ses-
sion de 1828 , relatives au regime colonial , a ses monstrueux
alms en ce qui concerne les esclaves et les homnies de couleur.
CMielqttes proces, portes, daus ces derniers terns, devant les
tribunaux des colonies, terminent le recueilpour I'armee 1828.
Le plus remarquable est celui d'une epouvantable fern me qui
prenait plaisir a torturer ses esclaves, et les faisait trapper elle-
memesous ses yeux jusqu'a ce que le sangrttissetdt. Unesclave
mort deux heures apres le chatiment, un autre trouve sans ali-
mens et expirant dans un cachot, une jeune fille frappee ati
sein d'un coup de couteau, voila des crimes qui, pour n'avok
pu etre afYirmes par des blancs, n'ont etc punis. dans la per-
Sonne de cette miserable dame Marlet. que de /mis anuria di
20| LIVRES FRANCAIS.
htinnisscment et de I' interdiction <le posscder disorniais des ex-
claves. Ce n'cst pas sana un di-gout profond qu'on rappelle de
lels fails ; mais o'est un devoir qu'il est necessaire de s'inapo-
-( r ; lail'opinion publique en France n'est peut-etre pas sssez
frappee de tous les abus qui resultent de l'cxisteuce de I'escla-
vage. Puisse la lecture decesdocumens, auxqucls M. Hissette,
1'une des victiiues <le M. de Peyronnet, a ajoute des notes in-
structives et fudicieuses, amener plus promptement un tel
resnltat ! Presquepai-lout, de nos jours, on s'occupeactivenient
del'estiaction de 1'esclavage ; notre pays serait-illeseulou des
pn iMcupa lions politique*, qui doi vent a ussiexister ailleurs,em-
pecheraient de songer a effacer endn une iniquitc qui nous a
ete leguee par les deux siecles precedents, et dont nos ncveux
rougiront un jour pour nous? P. A. D —
Littcralure.
tij. — * Aax artistes. — Du passe et de Cavenir des Beaux-
Arts (Doctrine de Saint-Simon). Paris, i83o; Alex. Mes-
nier. In-8" de 84 pages.
Voici une production nouvelle de l'ecole de Saint-Simon ,
clonl ii a etc fait mention plus d'une fois dans la Revue, et
celle-ci n'est certainement pas une des moms remarquables.
Peut-etre ceux qui la liront de sang-froid, et sans eprouver
ce sentiment d'exaltation mystique, qui forme le cachet de
l'ecole, trouveront-ils que Pauteur, malgre Fexcellence de sa
logique, et le rare talent avec lequel il sait la developper, se
laisse parfois entrainer a des hypotheses peu d'accord avec
l'observalion exactedes choses. Peut-etre diront-ils, que ccr-
taincs explications donnees par lui, en s'appuyant sur son idee
favorite, sont plus ingenieuses encore que solides, et qu'en-
fin , comme presque tous ceux qui arrivent avec un systeme
arrete, il s'efforce, a tout prix, de rattacher au sien tousles
faits qu'il rapporle, dussent-ils meme sortir un pen I'roisses
de l'examen metaphysique qu'il leur fait subir. Mais, en
meme terns, aucun des lecteurs de cet ouvrage, et il nous
parait destine a en trouvcr beaucoup malgre son pen d'eten-
due, ne pourra s'empecher de rendre justice au merite Ires-
notable du style, souvent hardi, plein d'images, loujours fa-
cile, de bon gout et d'une clarte parfaite ; a l'clevation et a la
noblesse des pensees, et a ce sentiment religieux dont 1'au-
teur, coinnie ses condisciples, est profondement pcnelre, et
qui donnc a cette production une physionomie toute particu-
liere. Une courte analyse va juslifier a la fois nos cloges et
nos critiques.
LITERATURE. ao5
L'auteur, jetant tin coup d'oeil sur l'etat acluel tie la so-
ciete, est frappe de cette impression vague tie souffrance et
de satiete qui se fait remarqucrdans lcs arts ; et, sous ce nom,
il comprend, avec son maitre Saint-Simon, 1'eloquence et la
poesie elle-meme. II chercbe les moyens de faire cesser cet
etatdecboses, etveut remonterd'abord aux causes d'une telle
decadence. C'est ici que nous devons expliquer, avant tout,
ce que l'auteur a appele les epoquez organiqttesou religieuses,
et les epoques critiques ou Wincredulite. Les premieres sont
celles ou regne une foi vive, un attachement sincere aux dog-
mes d'une religion nouvelle et regeneree; terns ou les arts et
la poesie sont empreints d'un caractere de sublimite, que fait
ressortir mieux encore une nuance de grossii'rete et de bar-
baric. Mais, lorsque la foi s'est affaiblie, que la civilisation
s'avance, que les moeurs s'adoucissent et se corrompent , 1'e-
poqne organique disparait, et Ton voit cnmmeneer les terns
critiques ou tout est mis en question, on. le genie fait place k
l'clegance,et l'imagination au raisonnemcnt. L'auteur trouve
deux exemples meniorablesde la periode organique, dans les
premiers siccles dn paganisme, ou parurent Homere, Hesiode,
et qutdques illustres contempoiains ; et dans ceux du christia-
nisme, ou i'eloquence des peres de l'eglise grecque et latine
jeta un si vif eclat au milieu des tenebres ou se perdaient les
lettres pai'cnnes. De meme, les siccles polices et corrompus
de Rome et d'Atbenes, les terns d'incredulite qui oat succede
chez nous a la reforine de Luther, offrent des exemples des
epoques critiques ou irreligieuses.
L'auteur, apres des developpemens pleins de chaleur etde
conviction, conclut de tout ce qu'ila observe, qu'un seul
agent pourrait ranimer encore parmi nous le flambeau des arts
pret a s'eteindre : c'est le sentiment religious qui, partout,
s'allume et s'affaiblit avec eux. II faut done que les artistes
s'efforcent, pourleur intent meme, de rechaufl'er la foi; c'est
le but special de l'ecole de Saint-Simon, et le vceu le plus
ardent de l'auteur. C'est aussi, en terminant son livre par
l'expression de ce vocu, que son style s'eleve et s'anime jus*-
qu'au ton de renthousiasme ; et le sentiment qui l'inspire est
si vrai, si estimable d'ailleurs, meme dans ce qu'il pourrait
avoir d'exagere, qu'il n'entrera dans la pensee de personne
d'y altacber la plus legere ombre de ridicule. On pourra seu-
lement demander a l'auteur, en souhaitant aussi vivemenl
que lui-meme cet age d'or des arts et de l'liumanite qu'il
nous predit, quand el comment il arrivera , et quels moyens
lui el ses arrlens condisciples se proposent d'employer, pour
n<.6 LIYRES FK-VNCAIS.
hater cette revolution si hcurcuse, qn'il se plait a nous re-
presentor commeaussi prncbaino que aecessaire.
Le vague que nous avons deja .-ignale dans cet optiscule
se presente encore dans plusieurs autres passages. L'auteur,
qui prolonge, saus intervalle, sa periode organique chretienne
jusqu'a ['apparition tin Dante, c'est-a-dire pendant uu cspace
dc plus de douze siecles, nc voudrait passoutcnir, sans doule,
que durant un si long iritervalle, la lot ait tOU jours ete aussi
\ive, aussi sincere ; que lcs arts et les letlres aicnt toujours
produit des chefs-d'oeuvre. On n'adinettra pas davaotage ses
idees sur Farchitecture gothique, qui ne reinonte qu'aux dcr-
niers sicclcs de celte periode, ni sur lc poemc du Dante qui,
suivant lcs divisions nicmes de l'auteur, apparlient reclle-
ment au commcncenient de la pcriode critique. On peut en
dire autant, et mieux encore, de Vinci, de Raphael, de Rli-
chel-Ange, et de cetle nombreuse et brillante l'aniille d'ar-
tistes et de poctes, illustration du grandseizieme Steele, comme
l'appellent les Italiens, qui fut en Europe i'age de la renais-
sance des arts. Or, cet age est precisement celui de la refor-
mation, et ainsi, d'apres les idees de l'auteur, l'age de la pe-
riode critique ou irreligieuse.
Nous tennincrons cette analyse par une citation prise au
hasard, propre a donner une idee du style de l'auteur et de
l'esprit qui a dicte son travail. « Le polytheisnie nous a legue,
dans les debris des constructions cyclopeennes, qui out sur-
vecu a tant de revolutions, une idee des formes colossales
qu'il leur avait imprimees; le moyen age est encore debout
devant nous, dans ces vastes eglises, aux tours et aux flecbcs
elancees, qui offrent le double spectacle de la grandeur dans
le plan general et de la profusion dans les details.... Nous
reconnaissons sans peine , dans les temples constants sous
l'empire du paganisme, la representation fidele de cette reli-
gion, qui, touchant pen le cceur, et parlant davanlage aux
sens, honorait la divinite paruu magnifique deploiemcnt de
forces : Atlas ou Hercule soutenant la voOte du ciel, est l'em-
blemede cette architecture. Et , a la vuede ces edifices gothi-
ques, dont ['architecture bardie semble emporter jusqu'au
ciel nos regards, nos vceux et nos esperances, pouvons-nous
nous defendre d'une sorte de sainte ardeur ? Ne ressentons-
nous pas une emotion de tristesse religieuse en visitant leur
enceinte, ou le jour qui penetre sous des voutes profoitdes, a
travers des vitraux colores, invite au lecueillement , et dont
le silence ne semble pouvoir elre lompu . sans profanation,
que par des paroles graves et sacrees? " \ . L.
LITTERATURE. '.07
68. — De f Imitation the'dtrqte, d propot du romantisme;
avee cette epigraphe : Iiiacos intra muros peccatur el exlra.
Paris, i83o; Henri Feret. In- 18 de \l\o pages; prix, 2 IV.
L'etat maladif tie notre litterature occupe lous les ecrivains ;
I'auteur de la brochure que nous annoncons a voulu, com me
un autre, proposer ses remedes. L'epigraphe qu'il a choisie
indique assez l'esprit de son livre. Malheureusement ce livre,
• malgre quelques idees justes et quelques apercus ingenieux,
n'est ni assez proibnd pour etre instructif, ni assez bien ecrit
pour etre attachant. L'auteur, un pen trop prodigue de di-
visions et de subdivisions abstraites, dit pourtant quelque
part qu'il n'ira pas« s'alambiquer l'esprit dans la distillation
de ces quintessences » . Je lui demande la permission de pro-
fiter de cetexemple.
6g. — * La divine Comedicdc Dante Alighicri, traduite en vers
francais par M. Antoni Deschamps ( vingl chants); ornee de
lithographies representant VEnfer, le Purgatoire et le Paradis.
Paris 1829; Ch. Gosselin, U. Canel et Levavasseur. Un vol.
in-8° de lxiv et 244 Png<?s; prix, 7 fr. 5o centimes.
Le traducteur nous avertit que, pour rendre le style du
Dante, il n'a point choisi cette langue courthanesque qui serait
deplacee, meme dans une traduction de Virgile.« Locutions
dantesques, repetitions de formes, expressions latines, nous
avons, dit-il, tout reproduit scrupuleusement; commc en fai-
sant une traduction de 1'IIiade, nous aurions respecte les epi-
thetessacramentelleset ces belles manicresde direhomeriques
qui donnent tant de caractere an style. Done, toutes les foi-;
que notre traduction paraitrainexacte, ce ne sera point systeme,
mais impuissance ; car nous nesommespusde ceuxqui croicnt
avoir le droit de changer et de mutiler les grands auteurs qu'ils
traduisent. Quand, par hasard, Dante est obscur, nousn'avon-
pas craint de l'etre comme lui, preferant toujours le tour et la
concision poetiques a la paraphrase prosaique. En un mot,,
nous n'avons jamais transporte le commentaire dans le texte,
et nous nous sommes livre en toute conliance a notre poelc,
marchant quand il marche, nous arretant quand il s'airete, et
le suivant pas a pas, comme lui-meme suivait Virgile dans son
fatal voyage. »
Ce systeme de traduction serait fort bon, si, en francais, il
etait praticable. Malheureusement le conlrairc u'e^t pas dou-
teux pourquiconque a uneconnaissance approfondiedes deux
langues, et particulierement de celle que le Dante a parlee.
Choisissons, pour rendre la demonstration plus frappante, un
passage justement celebre :
•2o8 L1VKES FKANCAIS.
Conic un poco ili raggio si fu messo
Nell' orribile carcere, end' io scorsi
Per quatlro visi il mio aspetto stQSSOt
Ainbe lc mani per dolor mi niorsi,
Ed ei, credendo chc' 1 I'essi per voglia
Di maiiicai , di subito Ievorsi,
Dicendo : Padre, assai ci fia men doglia
Se tu mangi di noi ; tu ne vestisti
Queslc miseic carni, e lii le spoglia.
La premiere impression que produit ce moreeau est celle
d'une nature terrible, exposee dans toute son energique nudite.
Et pourtantcette nature n'a rien de vulgaire, lien deprosai'que.
Loin de la, ee langage , en meme terns qu'il est l'expression
naive des sensations d Lgolin et de ses enlims, a quelque cliose
de sublime, d'inspire, de surhumain, dont le lectenr a d'abord
quelque peine a se rendre compte. Mais, s'il parvient a exa-
miner froidement cecbcf-d'ceuvre, il s'apercoit bientot que le
cbarme de cette double impression, a la fois simple et poeli-
que, tient aux nombreuses alterations que le poete a eu le
droit d'imposer a son idiome.
Examinons versa vers, et, pour ainsidire, mot a motleslyle
de ce passage, etnous venous combien il s'eloigne du langage
ordinaire : Si fu messo, latinisme elegant, pour si fu introdotto,
ambe pour amhedue, ei pour eglino, fessi pour facessi, manicar
pour mangiar, lerorsi pour levaronsi, fia pour sard, doglia pour
dolore. Combien de modifications, qui toutes ontpoureffet de
dormer au style plus devivacite, de noblesse, d'enthousiasme !
Ce n'est qu'apres nous avoir ainsi depayses du monde de la
prose, que le poete laisse ecbapper ce prosaisme terrible : se
tu mungi di noi ; encore le releve-t-il aussitot par ce beau la-
tinisme : tu nevestisti queste misere carni, et, au lieu d'employer
la forme usuelle de Pimperatif : spogtiale, a Paidc d'une con-
jonction insolite devant ce mode et suivie d'une heureuse
inversion, e tu le spoglia, il donne a ce dernier trait une grace,
un abandon, une melancolie indefinissables. C'est ainsi que le
poete, dans un idiome qui est comme une cire molle entre ses
mains , petit descendre aux plus prosa'iques details, sans que
le melange du trivial et du plat vienne alterer Punion du na-
iurel et du sublime.
Meltons maintenant sous les yeux du lecteur la traduction
franraise de ce meme passage :
Je ne repondis lien re jour, la nuit siiivanlc,
Jnsqn'a ce qu'eclairant ce tableau d'epouvantc
L1TTERATL11E. aog
Dn rayon de lumiere entrat dans la prison :
Alois je ne fus plus maitre de ma iaison,
Quand jc vis ma paleur sur leurs quatre visages;
Mes larmes ne pouvant se frayer de passages,
Je me mordis les mains de douleur, a la fin,
Et mes enfans croyant, eux, que c'etait de faini,
Se lcverent ensemble en s'eciiant : O pere,
Ne fais done pas ainsi, cela nous desespere;
Tiens, tiens, nous voila, pere; il nous sera plus douz,
Si tu veux a manger, que tu manges de nous ;
Reprends-nous cette chair que tu nous as donntie.
Jen'insisterai point sur les longueurs et sur lesautresdefauts
de cette version. II en est un qui les domine tous : e'est l'absence
des prestiges de P original, c'esl la simplicite prosaique. Ce de-
faut, qui se fait generalement sentir dans la traduction du
Dante, est la consequence inevitable du systeme du traducteur.
Le francais, n'admeltant point ces modifications materiellcs
des mots et des tours qui font de l'italien une langue double,
partagee entre la poesie et la prose, est reduit, dans une
lutte corps a corps, a mettre ses formes prosaiques en parallele
avec les formes poetiques de l'italien. Toute traduction litterale
d'un poite italien est done impossible en francais; celle qui se
fera lire avec plaisir ne pourra jamais etre qu'une imitation ;
car il faudra necessairement que le traducteur supplee, par des
equivalens quelconques, a tout ce que les mots perdent de
valeur poetique en passant d'une langue dans l'autre. Ces
observations ne m'empecbent point de reconnaitre le merite
des efforts de M. A. Deschamps. Vivement epris de son mo-
dele, il a quelquefois reussi, au dela de toute esperance, a
reproduire ses beautes. Je citerai, conime un exemple remar-
quable de la difficulte heureusement vaincue, la traduction de
la metamorpbose du serpent en bomme et de l'bommeen ser-
pent, au 25me chant de l'Enfer. £nfm, s'il ne fait pas toujours
gouter le genie du Dante, il fait du moins tres-bien sentir sa
maniere. Wais, en poursuivant 1'entreprise hasardeuse dont le
volume public n'est qu'un essai, je l'engage a se defier du
systeme qu'il a adopte; ce systeme, a bien dire, n'est pas le
sien; e'est celui d'une ecole poetique qui meconnait evidem-
ment le genie et les ressources de noire langue. Ennemie
declaree de toute regie, cette ecole proscrit la cesure et af-
fecte l'enjambement. Voici maintenant que M. A. Deschamps
joint a ces licences cede de l'hiatus. On le voit, la re forme
fait des progres : qu'elle se debarrasse encore de la rime, et
il sera possible de s'entendre. Cn.
t. xtvi. avril i83o. 14
7i.) LIVRES FRANC US
70. — Camille on le Patriotisme, tragedie en cinq actes el
en vers; par M. Frdd. Gaii.eron. Falaise, i83o; Paris, Lance,
rue Croix-des-Petits-Cbamps , n" 5o. In-8° de 5r> pages;
prix. T> IV.
71. — Le chateau de Falaise , poenie , par Alplwnse Le Fla-
guais. Caen, 1800; Chalopin. In-80dc 18 pages.
La tragedie a tant de fois ranime des eveucmcns grecs el
romains que le public ne vent plus que des faits einpruntes a
l'hisloire nouvelle , et le lucatic franca is renvoie pour admi-
rer Camille a Tite Liveet a Plutarque. Aussi M. Galleron n'as-
pire pas a obtenir un sneces sur la seine, mais a etre In,
prineipalemcnt par ses amis. II etail bien jeunc quand il com-
posa sa tragedie, dont ilconl'esse lui-meme qnelques defauts.
En effet elle en rcnlernie de plus d'une sorte : 1111c intrigue
presque vide, des scenes qui ralentissent Taction, un dialo-
gue trnp raisonnableet pas assez raisonne. Le patriotisme aussi,
generalement i'roid, est moins une passion qu'un sentiment.
Brcnnus est autant Scylbe que Gaulois : auciin incident qui
iutroduise dans Taction au moins quelques-uns de ses compa-
gnons : toujours des Romains 011 des Romanies. On voudrait
que le caractere aventureux d'une armcc barbare mais gau-
loise fut presents en contraste avec Tesprit belliqueux et
deja un peu civilise du peuplc de Rome. Cependant, cette
piece ne blcsse ni le gout, ni Tart, ni la langue; la versilira-
tion en est assez elegante, et on la lit avec quelque iuterci.
L'arrondissement de Falaise, 011 M. Galleronexerce les fonc-
tions de substitut , lui est redevable d'une bonne slalistique
en 4 vol. in-8°.
Get arrondissement, tout luslorique, possede de nombreu-
ses antiquitcs celtiques, gallo-romaines et du moyen age,
que Ton eommenee a explorer: c'est un de ces monumens,
le plus rcmarquable pent etre , qui vient d'inspirer assez heu-
reusement un jeune poete. M. Le Flaguais le reconnait lui-
meme : sa muse melancolique a cliantc: assez long-tems en
ballades et en melodies les douleurs de la vie ; et quoique, I'awe
accablec d' 'an poids d'emedions, il ait vu sur les mines du cha-
leau de Falaise de jaunes ravenelles melanl leaps odorans sou-
pirs auxparfums enivrans des plus beaux souvenirs , de roman-
tique il redevicnl classique. Son nouvcau poenie ne prome
pas line conversion encore bien decidee ; c'esl peul-etre <■<■
qui contfibue a lui procurer un a^se/. grand nombre de lec-
teurs, qui ne peuvent lui conteslei •Tenlenle de noire versili-
ration. Les poetes, ce me semble, s'aslreigneui trop ;i sun re
la chroriodocie. lis exciteraienl miens Tinierei en remontant, a
LITTERATURE. an
leavers le cours ties siecles, des evenemens modernes jus-
qu'aux epoques reculees. Cet ordre est analytique puisqu'il
conduit du connu a 1'inconnu ; rationnel, car il s'aide de ce qui
existe pour faire appreoier ce qui a cesse d'etre ; poetique, parce
qu'il saisit l'esprit et l'imagination d'images et de reflexions
profondes. Ainsi ce cadavre de chateau semblerait se ranimer,
et progressivement recouvrer son antique gloire : nous y ver-
rions Henri IV montant a l'assaut, puis Duuois contraignant
Talbot a capituler : heureux d'un emploi modeste apres la
chute du trone de Constantinople, des Paleologues se trans-
mettraient le commandement de celte forteresse, oil les pre-
eeda, mais captif, l'infortune Arthur, si cher aux romanciers ;
enfin apparaitrail le berceaudu batard qui legitima son origine
par ses exploits, et sa conquete de I'Angleterre par des insti-
tutions que huit siecles n'ont pu detruire. M. Le Flaguais fait
raconter par un trouvere la passion du due Robert pour la jou-
vencelle Arlete; mais cette ballade n'est pas digne delagrande
renommee qui , dans tous les ages , accompagnera leur fils
Guillaume. Les terns modernes ont produit des amours non
moins epiques que celles qui furent tant celebrees dans l'an-
tiquite. L'Europe efit-clle echappe au despotisme oriental sans
la victoire de Charles M artel, heros que le mont Jupille, pres
Liege , \ it naitre des amours de Pepin et de la belle gauloise
Alpalde? Isidore Le Brun.
72. — Esquisses in females, par Potydore Bocnin. Marseille,
marsi83o ; Anfonce, Cainoin ; Paris, Denain, Lecointe. In- 18
de 06 pages ; prix, 1 t'r.
Voila la troisieme i'ois que nous avons a rendre compte des
productions de M. Polydore Bounin , et toujours avec espe-
rance. La premiere fois qu'un poete se presente au public, la
critique le prend comme il se donne ; mais au second recueil,
elle sait deja ce qu'elle a droit de lui demander. Elle aime a
suivre, dans 1'enchainement de ses inspirations successives ,
les mysterieuses transformations d'un talent dont elle a ac-
cueilli les promesses naissantes. Seduils par les gracieuses
images de M. Bounin, nous demandions a cette poesie fraiche
et harmonieuse une pensee plus forte et plus nourrie, et deja
\eSermentde Vipoase etait venu nous apprendre que la vigueur
n'etait pas etrangere a cette niuse du midi dont nous aimions
la mollesse. Les Esquitses infernates ajouteront-elles quelque
chose a notre conviction ? Nous attendrons, pour analyser ce
premier poeme, que nous recevions de Marseille la publica-
tion des trois autres qui doivent le suivre. Aujourd'hui, nous
laisserons le poete parler en prose a noire place : « Jeunes
212 LIVRES FRANC AIS.
gens, notre patrie est belle, n'est-ce pas ? aussi belle peut-etre
que des pays (lores a nos yeux tie scduisans prestiges. Eli bien !
des lors, pourquoi la delaisser, pourqiioi la fuir, quand le coeiir
vous dit quelque chose? Pourquoi vous arrachcr d'une terre
ou la Providence vous placa peut-etre comuie unc barmonie,
comme des plantes quelquefois plus brillantes ailleurs, mais
plus fraiches, plus cmpreiutes de leurs graces natives? Est-ce
la gloire qui vous attire la-haut, dans la capitale ? Est-ce la
fortune, habile enchanteresse ? Si c'est la gloire, je vous ex-
cuse : on a pu, jusqu'ici, ne la croire attachec qu'aux ovations
parisiennes ; si c'est la fortune, je le concois sans doute, niais
je vous plains. Loin de moi, toutefois , la pensee de blamcr
personnel Paris, en ce moment, possede une foule de gloires
que lui a deputees noire province : admirons-les sans ran-
cune, soyons-en fiers, mais avouons qu'elles seraient ici a leur
place naturelle, a leur vraie place.
»Restons done chez nous, jeunes gens, restons chez nous;
et si la gloire de reussir nous echappe , ayons celle d'avoir
ose. »
J'aime ce eri contre la centralisation, arrache a un ceeur de
pocte par Pamour du sol natal. A. de L.
r;3. — * La retigiease de Monza, episode du xvnc siecle,
faisant suite aux Fiances de Manzoni (par M. Jean Rosini), et
traduit de l'italien sur la fiuitieme edition; par Jean Cohen.
Paris, i83o; H. Fournier jeune, rue de Seine, n" i^-
5 vol. in- 12, formant ensemble n55 pages; "prix, i5 fr.
Nous avons annonce, lors de sa publication en Italie, le
roman de Rosini (voy. Rev. Enc.,t. xliii, page 427) quia
obtcnu dans son pays un succes brillant : il merifait
d'etre traduit, quoiqu'il ait surtout un interet local; car le
but de l'auteur aete, comme nous I'avons deja remarque, de
faire ressortir la gloire de l'ltalie au xviie siecle en opposition
avec l'effrayant tableau qu'a trace M. Manzoni dans ses Fian-
ces. Il a rempli cette tache en homme de talent et d'inst ruc-
tion ; et les deux parlies de son livre, la parlie romanesque
qui continue le recit des coupables amours de Gertrude et
d'Egidio, dont les nomsetles premieres a ventures sont connus
de tous les amis de la litterature italienne; et la parlie eru-
dite, ou 1'auteur nous fait passer en revue tous les homines
illuslres de l'cpoque, sont egalement bien traitees, quoique
leur melange ne produise pas un ensemble Irtteraire bien
rt'gulier.
r-^. — * Philippine de Flandrc, ou les prisonniers du Louvre ,
roman historique beige; parM. H.-G. 3Ioke, auteur du Gueiur
LITT^RATURE. 3i3
(/enter, du Gueux dcs bois , etc. Paris, i85o; Charles Gosse-
lin. 4 vol- in- '2, forinant ensemble xjv-g25 pages; prix,
12 fr.
C'cst une heureuse idee, quoi qu'on en puisse dire, que
d'avoir ouvert, dans le roman, un nouveau debouche aux
eludes historiques, et d'avoir rapproche les erudits, par cet
ingenieux expedient, de la classe frivole qui ne veut lire que
pour s'amuser. La medioerite a du s'emparer du roman his-
torique, comme de toute autre invention du genie, pour ta-
ther de Pexploiter a son profit; mais il ne faut pas que ses
malencontreux essais nuisent aux efforts des hommes dislin-
gues qui s'essaient apres elle dans cette difficile carriere. On
peut, je crois, classer les imitateurs de "Walter Scott en deux
grandcs divisions, qui se partagent, parparts a peu presegales,
les qualites qui, reunies, forment I'apanage de ce grand ecri-
vain. Les uns se font remarquer surtout par les dons de l'ima-
gination; les autres sont, avant tout, antiquaires et savans :
les premiers pourraient sans doute reussir egalement dans
d'autres genres de litterature; pour les seconds, le roman
historique semble avoir ete decouvert tout expres, afin de
leur procurer des succes plus populaires que ceux qui sont
d'ordinaire le sort des erudites compilations de chroniques et
de manuscrits vieillis. 31. Moke nous parait appartenir, de
preference, a cette seconde classe ; non pas que ses produc-
tions manquenl totalement de cette vie poetique qui seule
peut assurer le succes des oeuvres litteraires; mais leur ca-
ractere dominant nous semble etre la fHlelite historique.
— M. Moke s'occupe, depuis long-tems, de la composition
d'un ouvrage serieux et difficile , V Histoire des Pays-Bos. Les
recherches que necessite cette entreprise lui ont fourni des
documens et des idees qui lui ont paru de nature a rehabiliter
la gloire de sa patrie ; il a pense que la forme du roman leur
donnerait a la fois plus de relief et une circulation plus eten-
due. C'est dans cette intention qu'il avail deja puljlie deux
romans, annonces tour a tour dans ce rccueil (voy. Rev. Enc,
t. xxxvi, p. 419? et t. xl, p. 74^). Aujourd'hui, il s'efforce de
retracer quelques scenes de ces vieilles luttes entre la France,
alors toute feodale, et la Flandre , on predominait le principe
democratique, qui se terminerent par la bataille de Courtray.
Philippine de Flandre, et son amour pour un jeune chevalier
normand forment comme le noyau de faction, autour duquel
1'auteur a groupe la description du Louvre et de la captivite
du malheureux comtc Guy de Flandre, le recit anime du
tournoi ccbbre pour les fiancailles d'Isabelle de France et An
ai4 LTVRES FRANCAIS.
prince de Galles, les portraits de Phuippe-1«-Bel et de Jeanne
tie Navarre, les tableaux d'Tnlerieur pris clans la ville ct la
bourgeoisie de Bruges, etc., etc. Ces differentesesquissrs sont
tracees avec talenl , et pourront contribuer a faire apprecier
une epoqne iinportante de l'histoire de Flandre.
^5. — Samuel Bernard et Jacques Borgarelly, histoire du
terns deLouis XIV ; parM. Rey-Dussueil. Paris, i85o; (,h.
Gosselin. l\ vol. in-ia formant ensemble gi4 pag. ; prix, 1 2 1'r.
M. Rey-Dussueil semble avoir adoptc le projet d'ecrirc
une serie de chroniques marseillaises et provenpales : nous
avons deja vudelui la ConfnrieduSaint-Esprit, 011 Ton a loue
quelques descriptions locales, et des esquisses de moeurs et de
caracteres qui seniblaient promettre a 1'auteur une place en
deborsdecettefoule obscure de fabricans de romans, histori-
ques et autres, dont les produits n'ont d'antres debouches que
les cabinets de lecture, et d'antres admirateurs que les des-
oeuvres de boutique 011 d'antichambre. Cette nouvelle his—
toire du tems de Louis XIV se rattache encore a la ville natale
de 1'auteur par son heros Jacques Borgarelly, fils cadet d'une
famille de la bonne bourgeoisie de Marseille, que les injus-
tices du droit d'ainesse ont amene au milieu des intrigues
et des corruptions de Paris avec sa franchise et sa fierte me-
ridionales. Mais ce caractere principal n'est pas trace avec
assez de vigueuret deneltete; et, disons-Ie, 1'enseinble du Io-
nian n'annonce point un progres bien sensible dans le talent
de 1'auteur. L'intrigue en est faible, languissanle et decou-
sue ; il y a moins de vivacite et toujours un peu de preten-
tion dans le style, qui surtout dans les recits et les dialogues
manque souvent du natnrel et de la simplicite que reclame nt
ces deux genres ; puis, les details ne sont pas bicn profonde-
ment penetres de la couleur hislorique. Le portrait de
Louis XIV surtout nous a paru I eaucoup trop flatte, aujour-
d'hui que la critique moderne et des publications reccntes
out tanl soit peu dissipe cette aureole de grandeur et dc ma-
jeste dont on s'etait plu a entourer sa royale figure. En re-
vanche, on rencoiilia aussi dans cct ouvrage des descriptions
brillantes et anilines, et quelques scenes qui ne sont pas ren-
dues sans verite pi sans chaleur. lilies rappellent les spiriluels
et premiers essais de Pauteur, qui parurent, dans le Mcrcure
ile France, sous le titre de : La marquise de Chaves, et que
M. Gosselin a cu I'heureuse idee de faire iniprimer a la fin du
quatrioine volume dc Samuel Bernard.
76. — Un mariage du grand monde, traduit de l'anglais dc
Miss l>.v 1 1 1. 11 . par Madame ***. traducteur de Marguerite,
LITTEHATURE. 2i5
Lindsay, etc. Paris i>s5o; Barbczat. L\ vol. in-12, i'ormant
ensemble 780 pages; prix, 12 it.
L'action cle ce r.iman est extreuiemcnl simple : lord FHz-
Henri, pour cmpecher la mine du comte d'Arlingford, son
peie, est reduit a epouser Emmeline, la lille du banquier
Benson, a laquelle sa main est engagee depuis Ieur premiere
enlance. II a, pendant ses voyages sur le continent, con-
tracts une liaison d'amour avec une I'emme belle et pleine
d'attraits, mais dont ie coeur et les moeurs sont egalement
corrompus. Fitz-Henri promet a cettecoupable maitressie, qui
est deja, de son cote, parjureauxsermens pretes a un epoux,
de ne point lui etre iufidele, malgre les liens nouveaux qui
vont l'unir a Emmeline. Une longue absence lui a fait perdre
de vue complitement celle-ci , et il est loin de soupconner
de quelles aimables vertus et de quelles seduisantes qua-
lites est douee sa jeune fiancee. Un tete-a-tete prolonge,
dans son chateau, les lui revele ; et peu a peu elles efl'acent
de son coeur les traces de sa premiere et funeste passion.
Mais, trop i'aible pour resister aux souffrances du long com-
bat que se livrent en lui sou amour toujours croissant pour
Emmeline, les craintes de ne point le voir partage, el les re-
mords que lui cause la conscience de ses torts envers elle, il
succombe, an moment ou, libre des (diaiues de ladj Florence,
il apprend qu'il est tendrement aime. II n'y a que peu 011 point
d'incidens etrangers a cette donnee principale; la societe des
deux epoux se borne a un petit nombre de personnages, et
ceux-ci ne sont esquisses que tres-legercinent quoique avec
verite : cependant l'interet est soutenu constamment, sans
exciter, il est vrai, une bien vive attention, par la grace natu-
relle des details et par les agremens d'un style simple et de
bon gout. Sans doute l'auteur anglais doit des remerciniens
a sa liaductrice, dont les succes anleiieurs dansce genre sout
one garantie sulfisante du merite de sa nouvelle publication.
a.
77. — Clolildc, esquisses de 1S22, recueillies et publiees
par le comte Gaspard de Pons. Paris, i85o; Gosselin, rue
Saint-Germaiii-des-Pit's, n° 9, et Urbain Cane!,. rue Jean-
.lacques -Rousseau, 11" iG. 2 vol. in- 18 de !().», et 254 Pages ;
prix, G t'r.
Clotilde est une jeune et belle personne, qui, maiiec a un
genlilhommcde province, bien nulet bienorgucilleux.s'eprenil
d'un ollicier de la garde, Alberic d'Harville. La duchesse de
IJagiieux, sa rivale, de conceit avec son mari, M. de Kou\ teres,
parvient a lui persuader qu'clle est trahie, qu'Alberic nc laiiiHj
uiG LIVRLS FRANC ALS.
pas, et veut la seduire. Elle s'empoisonne : Alberto, present a
cet horrible evenement, par suite d'une avenlure qu'on lira
tlans le roman, rencontre M. de Rouviercs, l'insultc, le pro-
voque dans ''exaltation de sa doulcur, et lui donne rendez-
vous pour le lendcmain. M. de Rouviercs lire lc premier el
manque son coup : sa vie est entre les mains d'Alberic qui se
bride la cervelle pour ne pas survivre a son amante.
Le recit de ce duel est vif, anime, attendrissant meme.
Nous clterons encore comme un morceau reinarquable le bal
chez la duchesse d'Havrincourl, ou la beaute el le triomphe
de Clotilde desesperent M" de Bagneux, et la poussent aux
dernieres extremites. Kn general, ily a du talent et de Pinteret
dans ce livre : le caractere de Paul d'Harville, frere nature!
d'Alberic, est plein de noblesse et de dignite, et son langagc
severe offre d'heureux contrastes avec la ibugue de son mal-
heureux frere. — La lecture de ce roman fort court pent fa ire
passer quelques heures agreables, et, ;'r lout prendre, il nous
a semble superieur a la plupart des productions de ce genre
dont nous sommes inondes. A. D.
Beaux- Arts.
-•8. ■ — Les vrais clcmcns du dessin, enscigncs en seize lepons,
par J. P. Yo'i'art. Paris, 1829 ; Audot. In-4° de 68 pages et
une planche lithographiee; prix, 2 fr.
L'auteur ramene Tart qu'il professe au dessin de trois for-
mes primordiales, le cube, le cylindre et la sphere. Jusque-
la il ne propose rien de neuf, puisque des long-tems on a eta-
bli les principes du dessin sur le cercle, l'ellipse et le cane.
Mais M. Voi'art ombre sur-le-champ les-trois corps, et pense
que l'eleve qui aura passablement accompli cctte Iftche
pourra, sans autre travail preparaloire, passer au dessin de la
bosse. II est permis de douter que cetle marche conduise
promptement au resultat, et que Part du dessin soit rendu
facile par cette melhode. Le dialogue entre un pere et son
fils, qui fait la maliere de Pouvrage entier, n'est pas nun plus
u-ie forme bien heureuse pour developper clairement vine
tbeoric. Au reste, nous devons dire que la dedicace de cet
ouvrage ayant ete acceptee par ftl Gerard, probabfement ce
e-elebre peintre en porle un jugement favorable, et ce temoi-
gnage doit nous mettre en garde contre l'opinion que nous
nous en sommes formee.
79. — * Men Portefeuitle , par P. Lacour. Bordeaux, 1828 ;
lithographie dr Lege. In-folio de io5fe utiles.
BEAUX-ARTS. 217
« Ces esquisses, dont jc nc fais liter que cinquanle exem-
plaires, formeront un reeueil compose de plusieurs volumes.
L'hommage que j'en fais a quelques amis et aim pelit n om-
bre d'amateurs distingues est la seule publicite que je lui
donne. »Toutetbis, cette collection, qui anrait merite une plus
grande circulation, est remarquable a plusieurs litres. Pre-
mierement, elle renferme une foule de dessins gracieux ou cu-
rieux, que tout amateur serait jaloux d'esquisser au trait dans
son porlefeuille. On distingue surtout parmi eux un lias-re-
lief compose et dessine par M. Lacour, pour la salle des An-
tiques du Musee de Bordeaux, et qui nous semble reproduire
avec une grande superiorite les beautes de la sculpture grec-
que. Ce bas-relief represente la peititure, la sculpture et I'ar-
chileclurc ; rien d'affecle dans le dessin; des lignes pleines,
des contours larges, des formes nourries, et cependant bril-
lantes de grace et d'elegance. Beaucoup de dessins, tires du
pave de la cathedrale de Sienne et des fiesques des loges du
Vatican, peuvent fournir aussi de jobs sujets au trait. — Un
second merite du porlefeuille de M. Lacour s'adresse aux
savans. Les antiquaires parcourront avec plaisir ses dessins
de mines, ses facsimile descriptions", et les observalions qui
les accompagnent. Quelque hasardee que puisse paraitre son
opinion sur les sujets profanes et quelquefois licencieux qu'on
rencontre dans des monumens cbretiens,et qu'on attribue
aux terns et au culte du paganisme, nous pensons qu'elle me-
rite d'etre prise en consideration , et discutee jar les gens
competens : car il apporte, a l'appui, des raisous qui nous
paraissent assez bien fondees. ■ — Enfin, ce I'ortefeuille te-
moignera des progres que la litbograpbie fait dans les villes
de departemens, et fait bonneur aux presses de M. Lege; je
ne sais s'il aura it pu etre mieux execute a Paris meme.
Du reste , lous les dessins de ce volume n'ont pas etc
reproduits par la pierre lithographique : plusieurs jobs paysa-
ges ont ete graves a 1'eau-forte par M. Lacour lui-meme.
— L'auteur promet une suite a cet album : si, lorsqu'il rem-
plira sa promesse, il veut bien nous ranger encore dans l'unc
des deux classes d'hommes qu'il jugc digues de posseder lc
fruit de ses travaux d'affection , nous ne manquerons pas de
commettre, au profit de nos lecteurs, une nouvelle indiscre-
tion. Z.
80. — * Architecture moderne de la Sicile; ou Reeueil des plus
beaux monumens religieux et des edifices publics et particu-
liers les plus rcmarquables des principales villes de la Sicite ,
mesures et dessines par J. HittorffcI L. Zanth , architectps,
•ii 8 LIVRES FRANCAIS.
Paris, 1 82G- 1 8.~>u ; Jules Renouard. Dix-huit livraisons, For-
mat grand in-folio, contenanl chaeune quatre planches gru-
vees an trait. Un texts eaplicati f et kistari(]U0$er& remis, gratis,
aux souscripteurs. Prix de la livraison, 5 francs snr papier
colomhier tin; 10 IV. sur colomhier velin, on papier <le 1 1 o I -
lande, proprc an lavis.
81. — * Architecture antique dc la Sicile; 011 Rccucil lies
phis interessaus monumens d'architeeture des villes et des
lienx les plus remarquahles de La Sicile ancienne , mesures et
dessines par les memes. Paris, 1826-1S30; Jules Renouard
Trente livraisons, format grand in-folio, eomposees chacuue
de six planches, dont plusieurs sont eoloriees. Un volume de
texte sera remis, gratis, aux souscripteurs, a la fin de I'ou-
vrage. Prix de la livraison, 10 fr. sur papier colomhier fin;
20 fr. sur colomhier velin ; 25 fr. sur colomhier velin, avec
planches sur papier de Chine.
J'ai deja signale plusieurs ibis (voyezt. xxxiu, p. 828, et
t. xxxvi, p. 201) ces deux importans ouvrages a ['attention du
lecteur ; maintenant , la collection consacree a C architecture
moderne est arrivec presqu'a sa fin; en effet , les dix-huit li-
vraisons annoncees out paru ; mais quelques planches, au dela
du nomhre d'ahord fixe, etant necessaires pour completer le
hut que M. Hittorff s'est propose, et, cet artiste etant anime
hien plus par l'amour de la science que par un inleret mer-
cantile, ces planches seront remises gratis aux souscripteurs ,
avec le texte particulier a l'architecture moderne.
Depuis mon dernier article, il n'a paru que deux livraisons
(les5e et6e) de Parchitecture antique; les auteurs out voulu
faire jouir le public, leplus promptement possible, de l'une
des deux collections annoncees, et ils ont consaere presque
tout leur terns a l'architecture moderne; a present ils vont
donner les memes soins a l'architecture antique, et ce dernier
recueil se compleiera avec toutc la rapidile que pcrmettent
les rechcrchcs qu'il exige, el la surveillance ties graveurs; car
e'est surtout ici qu'il faut dire : Sat citd qui sat bene.
Les cinquiemc et sixiemc livraisons sont consacrees a deux
temples situes, I'un dans I'Acropolis. el I'autre sur la colline
orientale de Selinonte; M. Hittorff en donne les plans, les
elevations, les coupes, ainsi que les restatirations. Ces res-
taurations nesonl pas le fruit dune imagination qui cree ; ce
ne sonl pas, comme il arrive trop souvent, des variations sur
un theme donne; e'est le travail d'uu esprit juste, allcnli!',
eclairc, qui arrive dn connu a rinconnu avec Unite la cir-
• on.-pection que la vcril ible science inspire.
BEAUX-ARTS. 219
.le Pai deja dil, et je le repete avec plaisir : ces deux collec-
tions, justement appreciecs de tous le? artistes, et que j'exa-
minerai avec un nouveau soin lorsque le texte de chacune
d'ellcs aura paru, font eonnaitre, avec tons les details neces-
saires et une exactitude fort remarquable, les monumens an-
ciens et modernes d'un pays occupe ou soumis, tour a tour,
par lesGrecs, les Carthaginois, les llomains, les Arabes, et les
Normands, qui y ont puise les principes et lesmodelesde l'ar-
chitecture dile gothu/ne. Cette derniere circonstance , encore
peu connue, dont M. Gauttier d'Arc, l'un de nos collabora-
teurs, aujourd'bui vice-consul en Grece, se propose de pu-
blier les preuves, dans son histoire de la conquele de la Si-
cile paries INormands, detruirait de fond en cotnble le systeme
adopte par ML Boisseree, qui pense que Parchitecture gothi-
que a pris naissance sur les bords du Rhin, et que la cathe-
drale de Cologne en est le type : aussi ce sera pour rnoi un
sujet d'examen et de discussion, lorsque les deux collections
que j'annonce seronl parvenues a leur terine, et que j'aurai
sous les yeux l'ensemble des travaux de M. Hittorff. Ce ne
sera pas, an surplus, la seule question importance d'bistoire
de 1'art pour laquelle ces travaux auiont fourni des niateriaux,
ou dont ils ont auront provoque 1'exanien.
82. — * Collection de portraits des Francois celebres par tears
actions ou leurs ccrits. graves par les meilleurs artistes franca is
et anglais, d'apres des oiiginaux aulbentiques, et accompagncs
de notions biogfaphiques. Premiere serie : Uttcrature. Paris ,
1828 et 1829; Lamy-Denozan, et Firmin Didot pere et 61s.
L'bonime est pour lui-jneme un sujet eontinuel d'exameu,
d'etude et de curiosite. Voyez avec quel empressement la
foule se precipite sur les pas des homines qui occupent la re-
nominee, ou qui ont obtenu une celebrite quelconque ! Cba-
cun recbercbe avec avidite, dans leurs trails, dans Pexpressiou
de leur figure, un rapport entre leur ame, ou leur esprit, et
leur pbysionomie. A une epoqne ou , coinme pendant notre
revolution , des hommes sortis des derniers rangs de la 90-
ciete, sont parvenus a s'euiparer du pouvoir, on examine cu-
rieusement leurs traits, Pexpressiou de leur visage, leurs habi-
tudes de corps, pour tacher d'y decouvrir les indices des
grandes qualites ou des grands defauts qu'ils ont montres.
Depuis quelques annees on a publie un assez grand n ombre
d'iconograj>bies ; plusieurs ont ele executees avec soin, mais
aucune n'offre Pinterel de celle que j'annonce. En ellet, ce ne
sont pas les person nages eclebres d'une seule cjtoque de notre
bistoire dont les editeurs ont voulu reproduire les portraits:
a a.. LI VMS m \> CMS.
ce soul Unites les cclebrites qu'ils out reunies, el qu'ils mellcnt
sous les yeux du public. Cepcndant, pour conserver un cer-
tain ordre, el parce qu'il est des classes, des professions qui
s'attaehent, de preference, a telle ou telle nature de celebri-
tes , ils out divise leur collection, qui se composera d'environ
deux cents portraits en cinq series, savoir: 1° les litterateurs;
■?." les homines d'Etat et les jurisconsultes; 5° les rois et les
guerriers ; 4" les savans; 5° les artistes.
La premiere serie, cellcdes litterateurs, composee de douze
livraisons, contenanl, en tout, cinquanle portraits, est ter-
minee ; chaque portrait est accompagne d'une courte notice
imprimee en caractcrcs microscopiques, et cependant tres-
lisibles; quoique courtes, ces notices sont substanlielles et
lontiennent tout ce qu'il est important de connaitre sur cha-
(|ue personnage. Le prix de cette collection est remarquable-
ment modique ; en effet, chaque livraison coiiteS fr. 5o c. sur
papier velin ; l\ fr. 5o c. epreuves sur papier de Chine ; et 6 fr.
avec les epreuves avant la lettre, egalement sur papier de
Chine. — Pour expliquer cette modicite de prix, il taut dire
que toutes les planches sont gravees sur acier; ce qui permet
den tirer un nomhre beaucoup plus considerable que celui
que Ton pourrait oblenir de planches en cuivre.
II n'y a pas un seul portrait faible dans la suite deja pu-
bliee, et plusieurs sont de veritables chefs-d'oeuvre dus au
burin de MM. Hopwood, Fry et Scriven. Au merite d'une
execution rcmarquable, il en est plusieurs qui joignent un
autre ioteret : celui d'etre publics pour la premiere ibis; lels
sont ceux de Rabelais, de Marguerite de Navarre et de Bran-
tome, trouves dans un manuscrit inedit de la bihliotheque du
roi, qui contient en outre unc trcntaine d'auties personnages
(•(•lebres des xV et xvie siecles, et qui trouveront leur place
dans la serie suivanle.
Avec de semblables conditions de succes, il est impossible
que la collection que j'annonce ne soit pas rechcrchee avec
remprcssement qu'elle merile. P. A.
85. — Principes des ccritures en caractires ordinaires et ca^
racteres moulds, appliques aux plans et cartes, dans lesquels on
fait connaitre les proportions et les dispositions des ccritures
dans les plans, etc. ; par F. C. IN. Marie, professeur de ma-
thematiqucs et de topographie, ancien employe aux bureaux
topographiques du cadastre el du depot de la guerre. Paris,
l83o; Goeury;Giroux, Bachelicr, etc. In-4°de 56 pages, avec
10 planches gravees en taille-doucc. oflYant divers modelcs.
d'ecriturc; prix, l fr. 5o cent.
BEAUX-ARTS. — OUVllAGES PERIODIQUES. afti
Cet ouvrage est un resume des principes d'ecriturte, specie
lenient applique au trace des plans ct cartes geographiqucs :
il n'est pas susceptible d'analyse. L'auteur, ayant present^
son livre a l'Universite et a ['administration des ponts-et-
chaussees,aobtenu deux rapports favorables, Pun deM.TiiL-
lefer , inspecteur de I' Academic de Paris, l'aulre de M. Val-
lot, ingenieur en chef et professeur a l'ecole des ponts-el-
chaussees: M. de Proxy a joint aussi son approbation aux
precedentes. De pareils temoignages suffisent pour recom-
mandercet utile ouvrage. Francoeur.
Our rages periodiques.
84- ■ — * Revue de Provence. Marseille, i85o; Feissat aine.
Ce recueil parait une fois par niois par livraison d'environ 4
feuilles. Prix d'alionnement, a Marseille, 20 fr. par an; 12 fr.
pour six mois ; 2 fr. de plus par semestre pour Paris et les de-
partemens; 4 fr. pour I'Etranger.
C'est avec un empressement reel que nous saisissons touted
les occasions de signaler l'extension que prennent, dans les
departcniens, la presse politique et la presse litteraire: si
nous voyons, grace a 1'une, sc former et s'accroitre journel-
lement, en France, un excellent esprit public et se prdpager
la veritable intelligence des interets generaux; l'autre, pour
agir dans un sphere moins grave, n'en rend pas moins de nota-
bles services en mtiltipliant les moyens qu'ont les provinces
de parliciper a ce grand mouvement des esprits qui agile
notre epoquc. Sans doute, il pourra souvent arriver que ces
journaux litteraires qu'on commence a publier dans quelques-
unesde 110s grandes villes servirontde tribune a la mediocrite;
mais en est-il autrement an sein meme de cette capitale,
foyer principal de la civilisation et des lumieres, et les medio-
crites parisiennes en sonl-elles moins des mediocrites? Offrir
aux ecrivains en tout genre les moyens de se faire cannaitre,
c'est multiplier, pour le talent veritable, les chances de
succes, c'est creer une emulation qui ne saurait demeurer ini-
productive et sterile, c'est enfin affranehir la pensee du joug
de la centralisation litteraire, plus facile a secouer que celuide
la centralisation administrative. On ne saurait done trop encou-
rager les efforts tentes pour seconder l'accomplissement de ce
fait , dont le resultat doit etre une plus egale diffusion de
['instruction et des lumieres sur les divers points de noire
beau pays.
Sous ce rapport, la Revue de Provence, nouveau recueil
litteraire qui parait niensuellcment a Marseille, n'a droit qu'a
J2a LIV11ES FRANCAIS.
ties eloges que justifiera sans doutc la suite de cette pu-
blication. Le second numero (celui de fevrier), que nous
avons sous les ycux, renl'erme quelqucs pieces agreahles de
littcralure , en tctc dcsquellcs il faut placer un morceau
d'etude critique sur Beaimiarchais (1), par M. Paul David.
Tout en rcndant justice an peintre de Figaro, I'auteur a su
presenter sous un jour assez neuf des critiques d'enseniblc et
de detail qui denotent un esprit judicieux et fin : il a senti
que, pour bien apprecier Beaumarcbais, il fallait le considerer
sous un double point de vue, celui du terns oii il a ecrit et
celui de l'epoque a laquelle nous vivons : cette distinction lui
a fourni maticrea quelquesdeveloppemens ingenieux, revetus
d'un style facile et correct a la fois.
Dans un cadre plus serieux, M. Toulouzan a offert un re-
sume interessant de ses rechercbes statistiques et areheologi-
ques sur la determination de la valeur exacte du mille romain.
Cet article , dont le resultat est important sous le rapport
scientifique, est extrait d'un Memoire, In par I'auteur, a l'ln-
stitut de France. Academie royale. des inscriptions et belles-
lettres, le jour meme des funerailles de M. Barbie du Bo-
cage.
Uhistoire de Marseille, que public en ce moment M. Au-
gustin Fabue, est an nouvel exemple du gout qui se mani-
feste de plus en plus en Fiance pour les travaux historiques.
Ainsi appliquees a 1'etude speciale de certaines provinces, de
cerlaines villes et des evenemcus dont elles ont ele le theatre,
ces rechercbes ne sauraient qu'etre extrememcnt utiles, puis*
que , independamment du nouvcau jour qu'elles repandronl
sur les terns Dial connus de notre bistoire, elles contribiteront
a faire inieux apprecier, dans leur ensemble, tous les elemens
de prosper! te publique que renl'erme isolemeni cbaque par tie
du royaume. Sous ce double rapport, l'histoire de Marseille,
Tune des plus anciennes, ties plus populeuses et des plus ri-
ches cites de la France, nous parait devoir Glre un des ecrits
les plus propres aconcourir a ce but si eminemment national.
Si nous devons en croire les eloges donnes par la Revue de
Provence aux deux premieres livraisonsdel'ouvrage de Mb. Au-
guslin Fabre , on pent esperer qu'il s'acquiltera dignenienl de
la tachc qu'il s'est imposee.
Le seul morceau de poesic que renl'erme le second numero
(]i\ recueil que nous annoncons est un fragment des Esquia&ei
(i) Lu ;'i l'AtheD^ede Marseille, le 19 cW'cembte 1829.
OUVRAGES PEIUODIQUES. 2a3
in females de M. Polydore Bounin (voy. ci-dessus, p. 211);
re fragment, dans Icquel pourtant se reconnaissent une cer-
tairie verve et unecertaine vigueur de colons, est trop incom-
plet et trop court pour qu'on puisse en tirer aucun pro-
nojtic relativementa I'avenir poetique reserve a nosproviuces
meridionales : mais n'avons-nous pas deja, pour garans de cet
avenir, et les succes oblenus, dans la satire politique et dans
l'epopeecontemporaine, par deux jeunesautenrs dontlesnoms
sont devenus inseparables, et la fondalion , a Marseille, d'un
Athenec clont l'ouverture recente a ete signaleepar lesbrillans
debuts de presquetous les professcurs auxquels les chahes ont
ete confiees? N!est-ce pas la plus qu'il n'en (hut pour nousas-
surer que la Provence n'oublie pas qu'elle f'utlapatrie desTrou-
badoursetlebcrceau de notre premiere poesie ualionale? D-s.
85. — Baissez la tete , pauvue Jacques! Journal de Sainte-
Pelagie et des maisonsde detention pour dettes. Paris, i85o. —
Ce journal parait tous les dimancbes. Une partic du benefice
est consacree a soulager les detenus pour dettes les plus ne-
cessiteux. Prix de l'abonnement, a Paris, G fr. par trinieslre,
12 fr. pour 6 mois, 24 fr. par an ; pour les deparlemens, 1 fr.
5o c. de plus par trimestre.
Don Quicbotte naquit dans la prison on Cervantes ful en-
ferme quelque terns; la Bastille fut la premiere palrie de la
Henriade; de nos jours, on a pourvu a ce que la prison de
Sainte-Pelagie ne manquat point d'ecrivains. — Des disposi-
tions legales, plus tracassieres que prevoyantes, dictees par
1111 esprit de rancune dont le legislateur devrait s'affranchir,
punissent de remprisonnement des delits tres-dilllciles a ca-
racteriser, meme avec toutes les lumieres d'une raison forti-
fiee par l'exercice, et munie de tous les secours du savoir; et
trop souvent elles sont appliquees par des passions politiques.
L'apparilion de ce journal est un des traits qui ne doivent pas
etre omis dans la peinture de notre etat social ; s'il vient a
cesser un jour, par la dispaiilion des causes qui I'ont fait aai-
tre, le bien-etre dont nous jouirons alors sera plus que l'equi-
valeut de la perte d'une production litteraire tres-digne de
l'attention des homines de bien et de goQt. Ce journal etant
deja a la scconde annee de son existence, une tres-grande par-
tie du public a pu le juger : si quelqucs-uns des lecterns de
notre Revue ne le conuaissaient pas encore , nous leur dirons
avec confiance qu'ils trouveront dans pawore Jacques un
bomme laisonnable, un hon eompagnon, un hommc d'e6prit et
de tact, qui sail observer toutes les convenances, et qui se
constitue Ic defenseur et le consolateur d'une classe d'hommea
.•>.", LIVRES EN LANGUES ETRANGERES.
malheureuse, et souvenl victime dc la meehancete ow de I in-
justice. N.
8G. — The London Express and Paris Advertiser. — L'Expres
de Londres, et feuille d'avis dc Paris. Feuillc quolidienne.
Paris, i8jo; on s'abonne an bureau, rue Feydeau, n° 3, Prix
d'nn nuniero, 10 sous.
Le but de cette feuille est dc donner aux liabitans de Paris
les nouvellcs d'Angleterre, chaque jour immedialcment apres
l'arrivee dn courrier, et plusieurs beures avant les autrcs
journaux; puis, de transmeltrc immediatement aux Anglais,
comme echange , loutes les nouvelles qui se soul repandues,
chez nous, apres la publication des feuilles du matin. Le bul-
letin des deux bourses de Paris et de Londres en forme une
partie essentielle , qui est redigee avec soin et exactitude.
Aussi YEapres de Londres pourra-t-il rendre quelques services
an commerce des deux pays, tout en salisfaisant avec plus de
celerite la curiosite des nouvellistessur les deux cotes dudetroit.
Litres en tongues Hr anger es , imprimis en France.
87. — * Colleeiio selecta SS. Ecclesice Patrum, etc. — Collec-
tion choisie des Peres de l'Eglise, comprenant leurs meilleurs
ouvrages moraux, apologetiques et oratoires; par M. Cail-
lau, pretre des missions de Fiance, plusieurs aitres pretres
francais, et M. M. N. S. Guillon, auteur de la Bibliotheque
choisie des Peres grecs et latins; t. xxi, xxn, xxm et xxiv. Paris,
i83o; Mequignon-Havard, et Poilleux. 4 vol. in-8°. II pa-
rail chaque mois une livraison de 2 vol., dont le prix est de
i/j fr. (voy., pour les livraisons precedentes, Rev. Enc., t.
xni, p. 782 ; t. xuii, p. 4&4> et t- xlvj P- '99 et P- 728)-
L'editeur dc cette belle collection tient plus qu'il n'avait
promts ; car les souscripteurs ne devraient recevoir que deux
volumes par mois, et les livraisons se succedent maintenant
beaucoup plus rapidement. Voici en pen de mots ce que con-
tiennent celles qui viennent de paraitre : t. xxi , le traite, en
dix livres , d'Eusebe de Cesaree , demons t ratio evangelica , tra-
duit par Donat de Vcrone ; t. xxn et xxm le commentairc du
meme Pere sur les psaumes; t. xxiv , les livres intitules :
Commentaria in Hesaiam ; fragmenta varia de diver sis circa
scripturam responsis; Canones evangetici, et le discoura pour
la dedicace dc 1'eglise de Tyr, le pancgyrique de Constan-
tin. — II nous semble que l'editeur a donne trop de place aux
o?uvres d'Eusebe quelque importantes qu'elles soicnt : il y a
LIVRES EN LANGUES ETRANGERES. sa5
surtout dans les commentaires sur les psaumcs beaucoup de
chores qui auraient pu etre abregees, sinon supprimees en-
tic re ment. A. P.
88. — * OEttvrcs completes d>' Ciccron, traduction nouvelle avcc
le tcxte latin en regard. T. n. Paris, 1829 - 1800; C. L. F.
Panckoucke, edileur. In-8"; prix, 7 IV. le volume.
Celte nouvellc edition lalinc et fra 11 raise de Ciceron
fait partie de la belle collection des classiques latins, publiee,
sous les auspices du daupbiu de France, par M. Panckoucke.
Nous avons deja entretenu nos lecleurs de 1'ensemble de cette
grand* entreprise litteraire (voy. Rev. Enc. t. xliv, p. 776);
nous leur devons aujourd'hui quelques mots sur le Ciccron
donl le second volume vient de parailre.
C'est le propre des traductions de se perfeclionner en se
multipliant; cette multiplication est aussi une necessite, lors-
qu'il s'agit d'un auleur ancien qui, a l'etendue de ses ouvrages,
ajoute le merite d'embrasser une grande diversile de suiets,
interessant a la Ibis I'bistoire de son terns, la litterature classi-
que des modcrnes, la morale etla philosophic. Tel est Ciceron;
il tient une des premieres places p.irmi ceux des ecrivains de
l'aiitiqnilc quiontlaissele plus d'excellens precepteset d'excel-
lens exemples a noire civilisation : c'est un modele de science
et de gout, pour la litterature francaiseparliculierement; pour
notre barreau, qui s'eclaire cts'iiislruitasesimmortelsdiscoors;
pour nos etudes philos.ophiques, puisque celles de Ciceron
sont comme le resume de toutes les doctrines prodtu'tes par
lessieclesanterieurs. On s'explique done sans peine l'empresse-
ment universel pour les ecrits de ce grand homme, le uombre
infmi de leurs editions completes on partielles, celui des tra-
vaux varies dont ilsont etele sujet constant parmiles critiques,
depuis la renaissance des lellres et dans un siecle comme le
notre, qui, au desir de tout savoir, unit I'avantagc d'etre bien
prepare a apprendre , et enfln 1'accueil honorable fait aux
diverses collections des ouvrages de Ciceron publics depuis
quelques annees.
La marche progressive des connaissances s'etend simulta-
nement sur les anciens et sur les modcrnes : a rnesure que
nous compreuons mieux les terns actuels, nous apercevons
aussi des fails inconnus jusquc-la et des idees en quelque sarle
nonvelles dans les terns anciens. Ces sortes de decouvertes
sont l'ouvrage des homines supericurs; mais on ne sanrail les
mettre trop tot dans le domainc common de ['intelligence : la
philosophic des anciens est mieux connue aujourd'hui qn'elle
t. xlvi. A\Rir. i83o, 1")
•J3() LIVRES K\ LANGUES BTRANGERES,
ne I'rlait, il v a un siicle ; on traduiradonc micux aussi en mi
idinme moderne les ecrils philosophiques de Ciceron.
(?est pour prendre possession des travaux anlcrieurs so*
Ciceron, et pour y ajouter ceux qui n'ont pas encore He mis a
la portee de tons, qii'on entreprend une nonvelle Iradiiclion
des QEuvres completes dc ret ecrivain celcbre, avec 1c texte en
regard. L'editeur de celle collection a sollicite et ohlcnu le
conconrsde plusieurs litterateurs justement honores de l'estime
publique, et il croit aussi ajouter quelqne chose aux services
qu'il a deja rendus aux lettres et aux arts, en excitant ces
ecrivains renommes a terminer et a reprodnire des ouvrn^es
dontnotre litterature aurait peut-etre etc privee sans ces solli-
citations. Aussi peut-on assurer que, pour cette edition des
OEucres completes de Ciceron, en latin et en francais, la traduction
francaise sera reellement nouvelle, et se recommandera par des
noms auxquels le public francais ne demande d'autres garan-
ties que leurs precedens travaux et leur propre reputation (1).
Nous pouvons done recommander tres-particulieremenl
cette nouvelle et complete collection des ouvrages del'illustre
orateur romain, aux gens de gotit et aux gens du moude; a
ceux qui se plaisent a 1'etude de. ces eternels modeles de l'elo-
quence latinc, comme aux personnes qui cherchent dans les
ecritsde Ciceron I'histoire de son terns, qui est celle d'une des
epoques les plusmemorables de I'histoire ancicnne. C. F.
8q. — Facole in prosa ed in verso, di Celestino Galli. —
Fables en pro^e et en vers, par Celestin Galli; dediees a
M. G. Juva; livre premier. Paris, 1829; Bobee et Hingray.
In-8° de 59 pages; prix, 1 IV.
On ne cesse de repeler aux poetes qu'il n'est plus possible
de faire des fables; et les poetes pourtant ne se lassent pas
d'en faire qui sont accueillies avec une indifference toujour*
(1) Nous pouvons indiquer ici quelquesunes des traduclions nouvelles
deja tres-avancees : De la Nature des dieux : Les Tuseulancs : M. Matter,
piofesseur d'lustoiie a l'Acadcmic dc Strasbourg, auteur de VHistoirc de
I'Ecole d' Atexandrie et des licelierehcs sue les gnostiqu.es, ouviages cou-
ronnes par I'lnstitul. Des [Situs el ties tnauoe : M. Slieveiiarl, professem
de rbetorique a l'Acadeinie de Strasbourg, traductcur et comnuotaleui
d'Horace. Dc la I'icillessc: ilc I'Amilic : M. Pierrot, prol'esseur de rbe-
torique an college royal de Louis-le-Grand, et professeur suppleaot d'e
ioquenee franchise a la Facnlte des letlrcs de Paris. La Republiqm ', Les
Lois; De Claris Oratoribus ; Brutus, elc. : M. dc Golbcry, correspondanl
de l'lnstitut, uiembie de plusieurs sorielo cavantrs, finncaises el etiau-
gpws, editeur de Tibulle, ete. , etc.
LTVRES EN LANGLES ETRANGERES. 22?
croissante. Slats re n'est pas pour nous, Francais, seulement.
pour nous quiavous en La Fontaine, que ce genre est use : il
l'est egalement pour toutes les lilleratures vieilles et Leg lan-
gues qu'une civilisation compliquee a surchargees de figures
ct rle mitaphores. Ainsi, les Italiens sont aussi fades que les
Francais sous cedeguisement fane, quoique leurs Academies et
leur etat politifjue tendent a le conserver encore long-tems en
honneur. — Nous ne pouvons done donner a M. Galli que
des eloges bien restraints : nous le louerons de Tharmonie, de
la grace, de la correction de son style, puisqu'il nous est im-
possible de louer la nouveaute, la force de sa pensee. ■ — Ce
premier livre contient vingt fables, dix en vers et autant en
prose. — La dedieace est pleine de sentimens de famille fort
louables ; mais la preface ne renferme , a ce qu'il nous sensi-
ble, rien de nouvean sur le sujet qu'elle traite : la fable en
general.
JV. NOUVELLES SGIENTIFIQUES
ET IJTT^RAIRES.
AMKIUQUE SEPTENTRIONAL!!.
liTATS-UNIS.
Socie'tcs de Temperance formies aux Etats-Unis. ■ — La
Societe centrale amerieairie de Temperance, dontle siege est a
New- York, public, depuis le mois de mai 1829, sous le tilre
de Journal d'Humaniti, une feuille hebdomadaire dont I'objei
special est de faire connaitrc scs progres. Elle a deux agens
generaux, 31. Hewit et M. le docteur Edwards : dix antics
personncsont etc, adivcrsesepoques, employees parellcs pour
voyager dans divers districts et y faire connaitrc ['existence
et le but de la Societe qui se propose uniqucment de delruire
le vice de I'ivrognerie.
La Societe compte deja 1,002 socictes auxiliaires, ainsi re-
parties dans les divers Etats :
Caroline du Nord i5
Caroline du Slid 10
Georgie i4
Alabama 8
Ohio 3o
Kentucky , 9
Maine 02
New-Hampshire t\G
Vermont 56
lthode-Island 3
Connecticut i33
New- York 3oo
New-Jersey 21
Massachusets 1G0,
Fensylvanie 53
Delaware 1
Maryland 6
Virginie 5 •>.
Tennessee.
Missis.sipi 4
Illinois 1
Missouri 1
Michigan 3
Ces societes se composent dc personncs des deux sexes qui
s'engagent a s'abslenir entitlement de 1'usage du vin : leur
nombre s'cleve deja a plus de. 100,000. On pent considerer
ces socictes comme preparant tine veritable rel'orme, et on en
comprendra la necessile, ?i Ton considere qu'il n'est aucun
ETATS-UNIS.— AMERIQLE MERIDIONALS. a^9
pays, sans en excepter l'Angletcrrc, on la passion du vin suit
aussi repandue, nienie dans les classes superieures. Ou asx
sure que plus tie 700 ivrognes ont renonce an vin, dans le
eourant de 1'annee 1829. La Sociele medicale dm (Connecticut
songe a fonder, pour les personnes adonnees a la boisson, un
hospice ui'i clles serai ent traitees dans les formes; un seul in-
dividu a ofl'ertdesouscrire pour 5oopiastrcs (environ 2,5oo IV.)
pour cet objet. La Soeielc se louc beaucoup du zele de plu-
sieurs medecins qui out public des edits sur les dangers de
I'inlemperance pour la saute; elle reconnail aussi le zele
des jurisconsultes qui ont etabli, par les registrcs des prisons,
les rapports qui existent entre ce vice et les debts que la loi
atteint. On commence a sc prononeer, aux Etats-Lnis, con-
tre l'usagc de distribuer des liqueurs aux elections publi-
ques; beaucoup de personnes ont resolu de ne pas voter en
t'aveur des personnes qui le feraient. Pres de cinquante dis-
tilleries ont cesse de travailler, a cause de la diminution dans
la consommation des liqueurs; on re marque dans beaucoup
de villes une diminution du quart, et dans quelques-unes des
neuf dixiemes dans les rentes; 4°o detaillans ont ferme leurs
boutiques. Le nonibre des distilleries aux Etats-Lnis est ova-
Jue a 10,000, et celui des marchands de liqueurs a 40,000.
Plusieurs societes de temperance sesont aussi formees
paimi les liibus indiennes ; il y en a dans le Ilaut et le Bas-
Canada, dans la Nouvelle-Ecosse etdansle Nouveau-Bruns-
vick; si nous sommesbien in formes, il en existc aussi quelques-
unes, donl l'inlluence est beaucoup plus bornee, en Angle-
terre, en Irlandc, en Ecosse.
AMEUIQLE MERLDI0N.1LE.
Expose sommaire des progres qu'a faits la repibuque de
Colombie, dcpuis 1822, t'poqttetle la publication de sa constitution
parte congres de Bogota, justfii'en 1827, oucette constitution fut
abolie. — L'expose que nous allons tracer, d'apres des infor-
mations exacles el des documens authentiques, fera connaitre
les progres qu'a fails en pen de terns 1'un des nouveaux Etats
de rAmerique du sud , sons 1'influcnce des institutions libe-
rales. Si Ton considere que la Colombie a soutenu pendant
long-lems une guerre desostreuse, dans laquelle ont peri un
grand nonibre de ses citoyens les plus eclaires et les plus ener-
giques (1), et qui a devorcd'iinmcnscs [essoinees particulierc»
(1) Sut tiois millions d'liabitaris, j»l us de cent aiille person oes onl etc
hooissormees dans ia guerre dr I'independance.
a3o .4ME1UQII-: VIE HI DION ALIi.
et publiqucs; si Ton observe qu'un pcuplc, degrade par la plus
abrulissante servitude et par un regime colonial monslrueux,
s'est eleve pea a peu au rang d'une uation indcpendante, gou-
vernee par des lois en harmonic avec l'esprit du siecle ; si Ton
tient compte des divisions que la politique du gouvernement
espagnol a su exciter entre les differcntes classes des habitans,
blancs, mulatres, imliens ou indigenes, on vena que le nou-
veau gouvernement colombien a cte force de lutter contre des
obstacles presque insurmontables^ pour attcindre le point de
perfect ionnement social dont il a reussi settlement a se rap-
procher. C'est un spectacle digne d'admiration que celui d'un
peuple qui, sans troupes regulieres, sans generaux, sansarmes,
sans experience de la guerre, sans autres ressources finan-
i iieres que des dons patriotiques et des emprunts, a pit tenir
en echec et expulser du territoire une armee espagnole bien
urgaiiisee. et dont les triomphes recens en Europe, dans la
guerre de rindependancc des Espagnols contre Napoleon, lui
inspiraient le sentiment de sa superiorfte, et semblaient lui ga-
rantir d'avance une longue suite de victoires.
Mais, ce qui est plus surprenant encore, c'est la revolution
morale* qui s'est operee dans la republique, au milieu de la
lutte du nouvel ordre de choses, contre 1 ignorance, les pre-
juges, les interets locaux, les anciennes habitudes, les diilicultcs
de communications entre des villes separees par de grandes
distances, et contre d'autres obstacles multiplies qui s'oppo*
saient au triomphe des institutions nouvelles. La Colombie,
sans legislateurs, sans hommes d'Etat, fit des pas si rapides
dans la carriere de l'independauce et d'une sage liberie, qu'elle
attira l'attention et fixa sur elle l'interet et les vceux des amis
de l'humanite dans tons les pays.
Cet expose fera connaitre quels furent les ellbrts des divers
fonctionnaires en faveur de leur pays, et les elans du patrio-
tisme pour developper ses moyens de prospcrite. On pourra
juger a quel degreilaurait pu atteiudre, si de fatales discordes
n'avaient pas trouble 1'ordre public, renverse les institutions,
et arrete la marche des affaires.
En 1822, a l'epoqne de la publication de la constitution, au-
cune puissance etrangere n'avait recounu l'independance de la
Colombie. Ce ne fut que peu de tenia apres que les Elats-Uni<
de l'Amerique du Nord se dceiderent acetle demarche, et con-
clurent un traitede paix, d'amitie et de commerce avec la nou-
velle republique; I'Angleterreen litautaut, en i8a5. liientot la
Colombie con tracta. avec les nouveauxEtats americains, une al-
liance ollensiveet defensive; rempereurduBiesilieriitdelauu-
AMEKIQLE MEKIDIONALE. rfi
niere accuiitumce entre les nations, nn plenipolentiaire acere-
tlite aupres de In t par le gouvernenient colombien. Les rois de
Fiance et ties Pays-Bas, nommerentdesconsuls-generaux, d'a-
pres les regies du droit dcs gens ; la Bavierc envoya un consul
a la Guayra. La Prusse, la Suede, le Danemark, la confede-
ration helvctique et les villes anseatiques firent des ouvertures
pour etablir leurs relations commercials dans l'Amerique du
sud. La cour de Home expedia des bulles aux eveques que lui
present a le gouvernenient colombien pour remplir les sieges
\acans ; enfin le cabinet de Madrid, pretant l'oreille aux
suggestions de& puissances les plus respectables, et considerant
l'ordre et la tranquiilitc qui regnaient dans la Colombie et le
Mexique, donnait deja quelques esperances de reconciliation
avec les nouveaux Etats americains.
Les progres furent encore plus frappaiis- Jans 1'admiriistralion
interieure du pays : ['education etl'instructionpubh'que furent
les objetsqui atlirerent suricut l'attention etles soins du gou-
vernenient. L'enseignemenl mutuel, d'abord meconnu, tut
repaiidu dans presque toute la republique, parl'etablissement
de trois ecoles normales, a Bogota, Caracas et Quito. Non-
seulcment le gouvernenient reforms les colleges de Bogota,
Caracas, Quito, Popayan, Santa-Martha, Panama et Merida,
mais il i'onda encore les nouveaux colleges de Caly, Ybague,
Antioquia, Boyaca, San-Gil, Pamplona. Giiayana, Giianare
et Cuiuana, reorgauisa le college de Mompox, et etablit des
maisons d'edueation a Pasto, Buga, Onda, Veles, Valencia,
Socorro , Tocuyo et Casanare. Un nouvcau plan d'etudes
re inplapa I'ancien regime colonial, et presida a 1'etablissement
de l'universite centrale de Bogota et des universites departe-
mentales de Boyaca, de Popayan et de Carlhagvne, outre qu'on
retablit celles de Caracas et de Quito. La bibliotheque natio-
nale, amelioree et considerablement augmentee , possede
actucllement 14,000 volumes. La botaniqne, la cbimie et la
mineralogie son t ensciguecs au 31 usee d'hisloire naturelle.
line Academic nalionale comple parmi ses membres les citoyens
les plus dislingues parleur savoir el par leurs talens. Ln conseil
snperieur ( Proio-medicato, ) est charge de l'enseignemenl
des sciences medicales; une Acadcmie d'nrocats remplit les
niemes fonctions par rapport a la jurisprudence, et repand les
connaissances qu'exige la profession d'liomaie de loi.
Afin d'encournger 1'agriculture, le gouvernenie;,t accorda
des exemptions et des privileges pour de nouvelles plantations
le cacao, d'indigo, de cafe, de Cannes a gucre. Trois million?
(Parpens de terres incultes furent reserves pour de laborieoa
a3a AMHRIQUE MEUID10NALE.
colons etrangers qui viendraiedt les defrieber. Deux cantons
commencaient a se penpler, lorsque la discorde vint desoler
cette cobtree. — Les rivieressont, poor la rcpublique, lesvotes
de communication les plus importantes; leur navigation eul
aussi des encouragemens ; des privileges I'm cut accorded a
ceux qui la perfeetiomieraient, et des bateaux a vajicur par*
comment la Magdcleine, l'Orenoque, l'Apure, le Z>ulia. Des
lois speciales, pour favoriser la confection des routes, eurent
surtout pour but de fairc ouvrir uue communication entre
Buonaventura, sur la mer da Sud, et Caly, entre la Guayra et
Caracas, ainsi que d'autres voies dont le besoin se faisait sen-
tir. On assura des rev en us aux villes, afin de les mettre en clat
de veiller a la securite des cf toy ens, d'entreprendre les travaux
que rcclamcraient la salubrite, le service public et 1'avantage
de tons les habitans, et meme des embellissemens (|ui sont
aussi un besoin pour les noinbreuses reunions d'hnmmes;
toutes les entreprises utiles furent convenablement secondees.
Ces mesures, qui ajoutaient cbaque an nee quelques amelio-
rations a celles tie l'annee preccdente, qui rectiliaient ou
pcrfeetionnaient I'etat du pays, qui eloignaient le nial, intro-
duisaient le bien, donnerent a la republique un aspect d'ordre
interieurtres-satisfaisant, et propre a (aire concevoirde grandes
esperahces. La presse jonit d'une liberie sans liinites, meme
au milieu des circonstances graves qui obligerent a investir le
gouvernement de pouvoirs extraordinaires. Les sessions du
congres eurent lieu, aux epoque&fixees par la constitution, Ses
deliberations furent parfaitement libres, independaules : lors
des epoques d'elections, le peuple exerca la plenitude de ses
droits elcctoraux. Le pouvoir exeeutif n'exercait aucune in-
fluence sur les tribunaux, mais il s'attacbail a procurer les
mbyens d'expedier les affaires, a lever les obstacles qui rallen-
tissaient Taction de la justice et fatiguaient les citoyens obliges
de recourira ses organes; les tribunaux furent multiplies dans
les departemens, et des juges de paix furent etablis dans les
cantons. Le Code de Procedure criminclle et le Code Penal
etaient deja perfeetionncs, au point qu'une chamfare les sanc-
tiouna en 1826. Les personnes et les propiietes etaienl res-
peetees et les droits des citoyens garantis; l'ordre et la
tranquillite regnaient, quoiquel'on cut a supporter les maux
d'une guerre prolongee, et a vaincre les difficultes de I'etablis-
sement d'un regime entierement nouvcau.
Le gouvernement de la Coloinbie obtint moins de succes
dans ses vues pour ameliorer les flnances ; mais on ne sera
point surpris qu'il ait fait quelques essais dispendieux, puis-
A.ME1UQUE MEIUDIONALE. 2.13
que, menie dans Fancien continent, il est si difficile fParrivei'
a mi bon systeme de revenus publics. Ce travail, dont les
homines les plus experimentes ue s'acquittent qufcvec (ant de
peine, nedevait-il pas etie au-dessus des forces d'lioninies
uouvcaux qui n'avaient eu ni les occasion-;, i,i le terns de
s'instruire sur des matieres aussi conipliquecs. Une ancieiine
colonic de l'Espagne etait peul-etrc, de tontes les contrees dn
moudc, la moins bien preparee pour un systeme de finances
conl'orme aux principes de 1'economie politique : on avait a
latter contre les habitudes, l'edueation, les dilKieulles qui de-
pendent de la figure du terrain et de la situation des lieux, de
''ignorance des habitans; obstacles contre lesquels les mesures
generates nepeuvent rien, qu'il faut atlaquer en detail, et, pour
ainsi dire, corps a corps. Lorsque le gouvernement constitu-
lionnel bit etabli, en 1821, celui qu'il reunplaeait lui legua nne
dette considerable au-dedans et au-dehors; il 1'allut pourvoir
aux moyens de la liquider. de lui donner des hypolheques.
d'assurer 1'amortissement, d'acquitter les interels, sans eritra-
ver les operations pour affranehir le pays, et chasser l'ennemi
coinuiun. On devait aux elrangers le prix des fournitnres
d'armes, de munitions et d'habillemcnt, i'aites depuis i8i(i
jusqu'en 1820 ; les employes civils et l'armee reclamaicnt un
immense arriere, de 1819a 1821. Les fournitnres faites a l'ar-
mee, depuis 1810, n'avaient pas ete acquittees, non plus que
celles que fit le commerce etranger, en vertu d'un contra t
passe en 182a, sans que le gouvernement en eiit connaissance.
A ce fardeau si accablant venaient sc joindre lesbesoins impe-
rieux du moment : il fallait faire marcher le gouvernement et
continuer la guerre contre les Espagnols. Outre la consomma-
tion ordinaire en armes, munitions, habillemens, etc., il fallait
former des depots, afin de preparer les moyens de delivrer les
provinces meridionales, de rep rend re Puerto-Cabello, et de
chasser l'ennemi de iMaracaybo. Les ressources inferieures ne
pouvaient sulhre a tontes ces depenses egalement indispen-
sables ; le gouvernement se determina done a imiter l'exemple
donne par plusieurs autres nations, dans des circonstanccs
moins urgentes; il fit un emprtint de vingt millions de pesos
( 100 millions de bancs). La rquiblique colonibienne n'a pas
eu le bonheur d'achever 1'oeuvre de son affranchissenient poli-
tique, sans s'iniposer les liens d'une dette : mais qu'on se rap*-
pelle quelle etait sa position en 1820 et 1824, el qu'on disc
comment elle aurait pu faire face a tontes ses obligations, sans
lesecoursd'unemprunl? jNoussommesintimementconvaincus
de la necessite 011 Ton etait d'en venir a ce parti , surtout en
a34 AMEIUOUE M EitlDIONAKE.
cousideranl que l'un des principaux objets dont le gouvernc-
inent Colombian s'occupait alors etait Pailranchissement du
Perou.
Alin d'assurer le paiement des interets de la dette nationale,
et son amortissement graduel, le gouvernement etablit une
commission de credit public, et une caisse destinee specialement
anx recettes affectees a 1'acquittenient des obligations de PEtal
euverssescreanciers. On s'occupait en meme terns des moycns
d'augmenler les divcrses branches de revenus publics ; on en-
courageait les cultures de tabac, et les divers produits de Pagri-
culture dans quelques departemens ; la fabrication des mon-
naies etait amelioree; le papier timbre etait regularise, ainsi
que les douanes et les octrois ; des lois proleclrices excitaient
l'esprit d'association et d'entreprise, les recberches et Pexploi-
tation des mines d'or et d'argent ; en un mot , on iinprimait
le mouvement a toutes les ressources du pays ; mais ces pre-
miers actes d'un gouvernement nouveau n'etaient cjue des
essais que le terns aurait perfection Des, ou qu'on aurait aban-
doning pour suivre une meilleure direction. On ne pouvait
arriver au but sans parcouiir l'intervalle quienseparait, etsans
faire, pendant ce long trajet, quelques ecarts, quelques chutes
dont on se releverait, d'apres les lecons de Pcxperience. Quatre
ans ne pouvaient suflire pour donner a !a Colombie un bon
systeme de finances, y inettre les recettes au niveau des dis-
penses, satisfaire les creanciers de PEtat, preparer de futures
ameliorations pour les citoyens et pour la chose publique. Ce
que nous avonsdit fait voir avec evidence qu'en finance, comme
dans ce qui concerne les autres parties de l'administration que
nousavons parcourues, les lois de la Colombie sont une appli-
cation des plus saines doctrines de Peconomie politique ; que,
dans ce pays, les legislateurs et les depositaires du pouvoir
executif eurent les intentions les plus droites, les vues les plus
liherales et l'esprit d'ordre qui est une des qualites les plus
recommandables des homines d'Elat.
Passons maintenanl aux affaires de la marine et de la guerre :
nous y verrons autant de choses a loner, le meme amour de la
patrie et de la liberte civique, la meme rectitude d'iutention.
L'armee colombienne, quisupportait depuis long-tems tout le
poids de la guerre, meritait bien que le gouvernement consti-
tutionnel lui consacrat une partie notable de son terns et de
ses soins. II fallait sc hater de liquider et de payer Parriere de
la.-olde, organiser les corps, reglercequi concerne les retraites,
les conges, I'avancement et le recrutement; les lois et les 01-
donnances stir tous ces points furent conformed a l'esprit de
AMEUIQLE MERIBlONAiE. 235
la constitution. reorganisation des tiibunaux niilitaires et let
lois qu'ils devaient appliquer manifesterent encore plus clai-
rement les vues et lesprineipes de conduiledugouvernemenl ;
il sut conserve!' aux soldats tous les droits des citoyens, sans
relacher les liens de la discipline.
Suivant les docuinens founds par le ministre de la marine,
cette partie des forces de la republique a exige ties depenses
considerables ; mais l'administration pensa qu'une esca'dre
etait seule en etat de s'opposer aux entreprises de la flotte es-
pagnole, de contenir I'ennemi qui, de son repaire de la Ha-
vane, ne cessait de menacer les cotes de la Colombie, et de
la battre, en quelque lieu qu'elle la rencontrat. L'ne loi pour-
vut a la formation des equipages, sans nuire au recrutemcnl
de l'armee de terre ; une autre organisa le service des magasins
et des arsenaux de la marine ; une troisieme Gxa la solde et
les traitemens : des ordonnauces et des instructions adminis-
tratives etablirent l'ordre et l'uniformile dans le service. On
Ibnda deux ecoles de navigation, l'une a Guayaquil et l'aulie a
Carthagene. Deux ecoles de pilotage, l'une a Puerto Cabello et
1'autre a Maracaybo, furent des foyers pour la propagation des
eonnaissancesneeessairesaux navigateurs du commerce aussi
bien qu'a ceux de l'Etat.
Le cadre etroit dans lequel il a fallu renfermercelte esquisse,
ne comportait pas plus de developpemens; mais nos lecteurs
y trouveront certainemenl tout ce qu'il faut pour apprecier
lii premiere administration constitutionnelle qui fut ehargec
des destinees de la Colombie. On conviendra que cette admi-
nistration ne fut point au-dessous des devoirs qui lui elaient
imposes , qu'elle ne trompa point la conflance de ceux qui
l'avaient mise a la tete de la republique. Elle etablit une con-
stitution, fit respecter les loisj niit de Tordre dans les affaires
publiques , prepara des moyens d'education et d'insti'uction ,
encouragea 1'industrie nationale, la civilisation des tribus in-
digenes encore errantes, commenca la restauration des finance-i
et I'exploitation des ricbesses territoriales, organisa l'armee,
fit des lois protectrices de toutcs les entreprises utiles , soit
aux citoyens, soit a la republique. Elle pourvut a la defense de
l'Etat, acquit des amis, des partisans, des allies pamii les gou-
vernemens etrangers. Tels furent les resultats de ce regime
constitutionuel, et on les obtinl au milieu d'nne guerre achar-
nee, de defiances, d'oppositions, d'obstacles de toute espece.
1'uisque des resistances aussi fortes ne purent arreier une
marcbe encore nial affermie, lout fait presagerdes siicces <;i-
core plus importans; la tcne de la ColombiCj encore vierge,
u'(i A.UEIUQl E. — EUROPE,
etonncra un jour le monde par sou heureuse i'eeondilo, par les
sources de prosperite qui sont prates a y repandre leurs bien-
faits. La civilisation y operera bientot une revolution morale
tics plus surprenantes, et il sera prouvc, par des fails innm-
testables, que les institutions liberates sunt le meilleur.moyen
tie faire germcr, developper et f'ruclilier les semences tin bien
social, du bonheur de l'humanite.
EUROPE.
GRANDE-BRETAGNE.
Londres. — Reintegration des juifs dans tears droits de ci-
toyens / Riforme parlementaire, etc. — Bien que nous n'ayons
pas coutunie d'entrctcnir nos lecterns des discussions politi-
ques de la Grande-Bretagne, cependant nous croyons devoir
signaler, pendant la suspension momentanee des travaux du
parlement, trois importantes motions proposees lors des dcr-
nieres seances. La premiere est I'ali'rancbissemenl des juifs,
bautement reclame a la cbambre des communes (le 21 f e -
vrier), et dont nous avons parle, a propos de la brochure de
M. il. Goldsmid (voir Rev. Enc, t. xlv; mars i83o, p. G5i).
La seconde est la re forme parlementaire, qui eompte aujour-
d'hui parmises soutiens quelques-uns des principaux chefs du
parti tory, tant il est dans la nature des cboses, et surtout
du gouvernemenlrepresentatif, de rallier pen a pen les esprils
a I'ordre et a la veritable justice. On ne demande pas moins
qu'un changement du systeme electoral, et des reductions
dans l'eglisc anglicane. Bref, M. Peel a presente un bill len-
daht a reduire le nombre des cas on le crime de faux etait
puni de mort. Toules ces questions out cte plutot soulevees
qu'approfondies , et elles sont loin d'etre resolucs ; cello
meme des juifs, quia semble presque emportee, aura encore
de rudes assauts a soutenir a la cbambre des pairs, et a celle
des communes : mais elle n'en marque pas moins un progres
fort important dans Tcsprit public, el ainsi (|iie celle de re-
mancipation catbolique, si long -terns debattuc el conlestee,
elle aura aussi son jour de trioinpbe.
Reclamations de lady Byron et de ses amis, contre les fails avari-
ces par ftl. Moore. — La publication du premier volume \\\-[\
des Menioires de lord Byron (1), par M. Moore, a snuleve en
Angleterre toutes les baines qui avaient poursuivi le poclo
(1) Traduits en fianrais par Mm* Louise Sw. Bklloc. Paiis , i83o;
Alexandre Mesnicr, place de la Bourse. 2 vol. in-8" ; pi'ix, i5 IV.
GRANDE-BKKTAGNE. 25;
pendant sa vie. En vain le biographc s'elail-il efforce d'adou-
cirles expressions, de menageries amours-propres, dene par-
ley a propos de la separation, que de griefs bbscurs et douteux ;
en vainavait-il acccptepourson heros une large partde blame,
et meme de torls; ce n'elait point assez. Lady Byron, sous
pretexte de justifier la memoire de sa mere, du tort fort
excusable d'avoir etc plus cxigeante et plus alarmee pour le
l)onbeur de sa fi'lle que celle-ei ne l'etait elle-meme, et d'a-
voir, par sollicitudc maternelle, contribue a la separer de
son mari , vient reveiller line foule de soupcons, et de ladies
calomnies. Elle n'articule aueun fait, elle ne specific anemic
accusation, faisant ainsi tout supposer. Etrange piete filiale.
que celle qui fait fouler aux pieds les cendres d'un grand
bomme, et qui, sans pitie, lui alienea jamais le cceur de sa
fille! Que penser, d'aprcs cela, del'education donnee a ectte
derniere ? Le poele n'avait-il pas raisonlorsque, dans son exil,
il s'ecriait, apres une si tendre et si touchante preoccupation
de son enfant : « La /mine te sera emeignce comme un devoir, et
pourlant, je sais que tum'aimeras : bien que mon nom te soit
defenduconime un talisman charge de desolation, couimc un
lien brise — , etc. »
Ce que lord Byron a desire ct reclame bautement , lors des
cuisans chagrins qui le chasserent d'Angleterre, onnele luiac-
corde pas, meme apres sa mort : on persiste a l'accuser sans
citerun fait. En se renfermant dans ce silence perfide, lady
Byron et ses amis laissent planer, sur la memoire de celui qui
devait leur etrecher et sacre a tantde litres, unmystcrc d'ini-
quite effrayant. Etcomment ne pas s'en indigner, en serappe-
lant l'ame noble et genereuse d'oi'i sont sorties tant de brfdan-
tes inspirations ? La vie et la mort du poete plaident bien haut
contre ses detracteurs. M. Campbell s'est range dernierement
parnii eux : il a ecrit, dans le journal dont il est cditcui-, le.
New Monthly Magazine, un long article oi'i, de meme que
lady Byron (et quoi qu'il en dise, en son nom), il renouvelle
de vagues imputations sans preuves et sans details. Ine
dame a pris aussi parti : tous deux out nomme Mme Leigh,
la soeurde lord Byron, et son amie la plus chere. Ne viendra-
t-elle pas en avant? ne parlcra-t-elle pas a son tour? Laissera-
t-elle calomnier son frere, sans prendre sa defense? jusqu'ici.
elle ne s'est pas encore prononcee. De son cote, M. Moore,
dans I'impuissance de retracter ce qu'il a dit, fera-t-il justice
complete? il a certainement en main des pieces imporlantes.
et des notes propres a eft'rayer les ennemis de Byron :esperons
qu'il les donnera sans restriction , el qu'il replacera ainsi la
question dans son veritable jour.
«38 El 110*%
i>ftiSTOi.. — Werner, trti^edie tie lord livnoN , representee sto-
le theatre c/e celte rille. — Cest a Macrcady qu'on doit cette
innovation. Ce eclcbre tragedien, dont on a pu appreeier a
Paris le jeu energiquc et prol'ond, a dans la capitale de I'An-
glelerre des ennemis puissans. De laches jalousies peut-etre,
et les terrenrs d'un talent qui n'est pins que 1'onibrc de lui-
incnic, lui ont-elles valu les honneurs de eette persecution?
Quoi qu'il en soit, les journaux l'ont assez maltraile pour qu'il
se soit degofite de leur donner prise a s'acliarner sur lui. II
est alle jouer en province; et il a eu a Bristol l'heureuse idee
de monter une tragedie de Byron on il a, dit-on, cree le pre-
mier role (Werner), comine il a fait de ceux de Virginius et
de Guillaume Tell qui ne sont joues que par lui. Quelques
coupures laites avec disccrnement ont abrege l'oeuvre sans lui
nuire, et la piece a eu le plus grand succes. L. Sw. B.
ALEEMAGNE.
Goettingve. — Fondation d'unc bourse en favcar des etudians
en mrdecine. — A 1'occasion de la celebration du jubile semi-
seculaire du celebre docteur Blxjmeisbach , il a ete fonde une
bourse a l'effet, d'apres les statuts de fondalion, de faire faire
un voyage scientifique a un jeune etudiant en medecine dis-
tingue par ses talens et sa conduite, et auquel il sera compte,
pour les frais de ce voyage, une somme de 600 rixdales en
or, ou environ 2,5oo fr., toutes les fois que les interets du
capital de fondn lion se seront accumules et eleves j usqu'a cette
somme. M. Blumenbach s'est reserve le droit de conferer lui-
memc cette bourse, tant qu'il vivrait, et e'est cette annee
qu'elle doit etre donnee pour la premiere fois. Elle remplira
un double but, puisqu'elle donnera lieu a un voyage dont les
rcsultats pourront contribuer aux progres des sciences medi-
cales et naturelles, et qu'elle sera en meme tems un encoura-
gement accorde an talent.
ArTRiCHE. — Recherche des antiquites nalionales. — II
vient d'etre rendu une ordonnancc imperialc qui enjoint
aux autorites, dans toute l'etendue de la monarchic autri-
chienne de donner la plus grande attention aux inscriptions
anciennes qui se trouvent sur les murs de batimens, sur les
grandes routes ou partout ailleurs, de les transporter, si faire
se peul, dans les musees provinciaux, ou biende les faire en-
cadrer dans les murs exterieurs des egliscs; mais surtout d'en
adresser des copies, aussi exactes que possible, au conserva-
teur-g^neral (W musees, pour qu'il en soit ainsi forme un
ALLEMAGNE. — SUISSE. a.";)
corpus inscription am imperii anstriaci. — C'est M. Ant. nr
Steijsbuchei,, conservateur-gcne-ral et direcleur du musee im-
perial des antiques, qui, l)ien digne de la confiance de son mo-
narque , dirige res recherches et leur donne de l'activite;
rj'est a lui qu'on doit le bel ordre qui regne dans ce musee, et
les acquisitions nombieuses clout il l'enrichit journellement.
On trouve aussi, dans les numeros l\5 et 46 des Annates de lit-
terature de Vienne de 1829, qui continuent de paraitre, redi-
gees maintenant par le sous-bibliothecaire Kopitoer, deux ar-
ticles sortis de la plume de M. de Steinbuchel dans lesquels
ildetailleet explique, d'une maniere critique, 1 25 inscriptions
latines et grecques de l'interieur de la monarchic
Jh. de LrcESAT.
Hambovrg. — On a public dernierement, ici, une traduction
en vers allemands de t'dpttre de M""" la princesse Constance de
Salm sur I' Esprit du Steele. Cet ou vrage, inspire par une haute
philosophic, n'a pas mains de succes en Allemagnc qu'en
France (voy. Rev. Enc, t. xxxvm, p. g4-)
SUISSE.
Lausanne et Geneve. — Conrs de liiterature, pro [esse dans ces
deux titles, par M. Monnard. — Nous avons fait connaitrc
l'arret duConseild'Etatdu canton deVaud, qui, pour un simple
delit de presse, auquel M. Monnard etait d'ailleurs presque
etranger, interdit a celui-ci l'cxercice de ses lonclions acade-
miques pendant une annee. Cet acte devait exciter, en favour
del'ecrivain qu'il frappait aussi rudement, une vive sympathie
parmi les amis des liberies publiques. Aussi, 1'annonce du
cours de litterature auquel M. Monnard se decida bientot a
consacrei' ses loisirs forces, fut accueillie avec un interet d'au-
tant plus prononce, que le talent bien reconnu du professeur
promettait d'ailleurs un enseignement nou«ri d'idees neuves
et elevecs. Quelques amis lui avaient offert de faire circuler a
l'avance des listes de souscription ; mais il refusa cetfe offre,
ne roulant pas avoir un auditoire qui put paraitre reuni a
force de sollicitationsindividuellcs. Cependant, lorsqu'il ouvrit
son cours, au mois denovembre 1829, 16'osouscripteursassis-
tcrent a la premiere seance : api cs quelques lecons, il y en eu*
200, etce nombrcalla toujoursen auj-mentant, a tel point que
dans ce dernier mois, la salle, quoiquo suflisanle pour plusdc
220 personnes, ne contenait plustous les auditeurs dont plu-
sieuri etaient venus tout expres des difl'erentes parties du
?4o EUROPE.
canton (1). D'un autre o6te$ a peine l'annoncc cut-elle parti
dans les feuillcs publiqoes de Lausanne, que des homines dc
lettres de Geneve vinreat chez iM. iWonnard lui demander de
repeter simultancmeni les niemes lecons dans leur ville. La
cltose paint d'aftord impraticable; mais file fut exec u tee, ce-
pendant. 6i) s'arrangeant de telle suite que les deux lecons de
chaque semaine furent donnees a Geneve, a deux jours consc-
culil's, le metered: el le jeudi. Ce fut an niois de decembre
qu'eutlicul'ouverturcdcce second cours, qui dura quatremois,
tanclis (pie le premier fut terminc en cinq niois seulement. Du
reste, le prolcsscur I'ut, dans les deux villes, egaleinent encou-
rage ct applaudi. A Lausanne, lors de la derniere lecon, on
avail place mie couronne de laurier au-dessus de son siege,
et, sur sa table, des vers et des fleurs : ces hommages volon-
taires offerls de toutes parts a l'liomme de merite persecute,
furent, pourlui, sans doute unc douce recompense de ses
vertus civiques et de ses honorables travaux.
Quant an cours menie, il a eu pour objet l'histoire de la
litterature fiancaise pendant le xvm" siecle. line introduction
sur I'histoire de la langue a presente, dans le tableau de ses
phases diverses et de ses developpcmcns successifs, la niarche
des idces, du gout et de la litterature en France, depuis l'epo-
que de la domination romaine jusqil'a la fin du regne de
Louis XIV. Le xvin' siecle ouvre le jour des funerailles de ce
roi. Dans Iesscenespopulairesquicelcbrent raffraiichissemcnt
de la France d'une autorite onereuse, le professeur a vu le
prelude de la revolution qui allail s'operer pendant. lesiecle,et
dont la crise finale ne lot violente que parce que la revolution
elle-meme fi.it contrarice par des gens qui ne la coniprenaienl
pas. II a suivi toutes les parlies du grand mouvement
philosophique et politique du siecle, el ses developpemens
purement lilleraires. Le cours a eu trois parlies. Dans la pre-
miere, M. Monnarda parle, a commencer par Massillon, des
ecrivains qui se trouvent sur les conlins des deux siecles, par-
ticipant aux traditions de l'un, et, a quelques exceptions pres,
deja places sous I'iniluence de celui qui commence. Laseconde
parlie a compris les grands ecrivains et les ecoles qui ont le
plus concouru au mouvement des csprits. Montesquieu, A ol-
tairc, lesencyclopedisles, les economisles, l'eeoledeCondillac,
(i) Lausanne n'a pas 11,000 liabilans, el, a Geneve, dont la popula-
tion eat considerable; le public se partage entrc les coins riombreux qu'y
dunuenl des boinnn s dtstinzues dans ionics les sciences.
SUISSE. 24 1
J. -J. Rousseau et Button Dans la troisieme parlie, le prores-
seura traite des ccrivains secondaires de la mcme epoque; de
ceux qui ont precede immediatement la revolution et y onl
participe par opposition ou parsympalhie; enfin, de l'eloquence
pendant la revolution etudiee dans ses diverscs phases. II a
terrnine ce vaste tableau an 18 brumaire. « Le jour ou mi chef
militaire, a la tete de ses soldats, concul l'idt'-e de chasser de
Porangorie de Saint-Cloud une assemblee legislative, la mis-
sion du xvin8 siecle se tronve ternunee. La sagesse sociale ful
deplacee; elle allait resider pour quelque terns dans la poinle
des bai'onnettes. »
Nous terminerons cet article par des citations de deux jour-
naux suisses, qui font bien apprecier, a la fois, la synipathie
qui s'est partout attachee aux lecons de M", Monnard. el lies
qualites distinctives de son talent.
« L'empiessement . dit la Gazette de Lausanne ( du 27 now
1829,) avec lequel le public lausannois se rend au cours de
M. le professeur Monnard, augmente a chaque leeon , et le
vif plaisir que ses auditeurs trouvent a l'entendre est une nou-
velle preuve des talens solides et brillans de noire compa-
triote. II serait difficile de reunir aux fruits de longues et con-
sciencieuses etudes, plus d'eteodue dans les vues generales,
plus de justesse dans les jugemens, de grace dans les details,
de chaleur dans les sentimens, et surtout de moralite et d'a-
tnour du bien et du vrai. M. Monnard s'est montre jusqu'u
present habile critique, philosophe sage et profond, orateur elo-
queut, et, cequi vaut inienx encore, pleinde zelepourla grande
cause du christianisme a laquelle il raltache celle de la civili-
sation , de la liberie de la pensee humaine, et du bonheur
individuel. Les circonstances particulicres dans lesquclles
M. Monnard se trouve, cethiver, tournenta I'avanlagedu pu-
blic , dont il ne pent s'occuper lorsque les lecons academiques
remplissent son tems ; aussi nous leur devons des jouissances
intellectuelles auxquelles nous ne sommes point accoutumes,
et nous osons assurer qu'il se mele autant de surprise que de
satisfaction dans le plaisir qu'un grand nombre des auditeurs
eprouve. II est des choses qu'on n'ose attendre et qu'on est
heureux de recevoir d'un compatriote. »
LeJournal de Geneve (duieravril 1800) s'cxprime ainsi : dlier,
a deux hemes, au milieu d'applaudissemens repetes, M. Char-
les Monnard, de Lausanne, a terrnine son cours de litterature
francaise, commence le 8 decembre. Le plaisir, l'interet, l'ad-
miration excites par le savant professeur vaudois, ne se sont
pas afifaiblis un seul instant; ses auditeurs sont unanimes a
T. XI.VI. avrii. i85o. 16
u'42 EUROPE. — FRANCE.
reconnailrc la varicte et la solidite de ses connaissances, la
profbndeur ile ses vues, L'independance de ses opinions, la
purete de son accent, la facilite et 1c eliarmc de son improvi-
sation- Son enseignement est nourri, sub>tanii<l . pbilosophi-
qne, fort de choses, et sobre de mots : sa maniere est celle
d'uu penseur. Une critique severe et minulicu.se reprochera
peut-etre a M. iMonnard d'avoir quelquefois aceorde trpp de
place a des ecrivains trop mediocres, d'avoir jelc en avant
quelqucs pointcs, quelques saillies a effet , qui paraissent plu-
■tol prcniedilees qu'eehappees a la rapidilc. tin debit; enfin, de
n'avoir pas ete constamnsent heureuxdanslechoixde ses cita-
tions ; maisees laches legcres ne pen vent obscurcir l'eclat d'un
cours de 04 seances, dans lequel l'habile professeur s'esl tou-
jours soutenu a la meme hauteur, et a deploye autant de cha-
leur et d'nbondance dans les dernieres lecons que dans les
premieres. Jamais cours de liiterarure donne a Geneve n'y a
cause plus de veritable satisfaction, et n'a en plus de sou-
scripteurs. Ce cours I'era epoque dans notre ville. Notre stu-
dieuse jcunesse y aura puise d'utiles directions, qui porteronl
tot on lard leurs fruits. Des relations plus intimes auront ete
formces entre les cantons de Vaud et de Geneve ; el un bom-
mage public aura ele rendu a un citoyen distingue., vietitue,
pour ses opinions etsaconduile libera les, d'unacte ad minis! nil if
arbitrable. »
FRANCE.
DEPARTEMENS.
Yannes (Morhiluui). — Lecons publiques pour Ccnseigncmcnt
tics sciences nature It es. — Les sciences naturelles qui, depuis la
suppression des ecoles centrales, il y plus de u5annees, avaicnt
entierement cesse d'etre enseignees dans le deparlement du
Morbihan, ont enfin trouve de digues interprcles parini les
membres do XaSociiU Poly mat ique, fdrmee a Vannes, en 1826.
Desl'annee dernicre, MM. Ulutel pour la zoologie, Mauricet
et Richard pour la bolanique, et Galles pour la mineralo-
gie, avaient ouvert des cours dans lesquels ils ont developpe
tout ce que ces sciences ofl'rent d'ulile el d'atlrayant ; aussi
leurs lecons ont-clles etc fort exactement suivies, non-seule-
ment par les jeunes gens qui se livrent a l'etude avec toule
l'ardeur de leur age, mais encore par les persomies les plus
respectables et les plus instruiles qui sont venues ajouter de
nonvelles connaissances a toutes celles que deja cites po>se-
DKPAUTEMENS. — PARIS. 243
daient. Ccs cours, suspendus pendant la mauvaise saison ,
viennent d'etre rou verts : de nombreuses courses dans les
environs, familiarisent les elevesavec les productions du de-
partement, que 1'on continue a classer avec soin dans le
museum forme par la Societe Polymalique. Z.
— Chemin de fer de la Loire. (Voy. Rev. Enc, sur ce che-
min, t. xlii, p. jSg). — Dans le rapport sur la situation gene-
rale des travaux de celle grande entreprise, presente a l'as-
semblee des aelionnaires, le i5 decembre 1829, M. deGobal,
secretaire de la compagnie, resuma aiusi le compte qu'il ve-
nait de rendre : « Messieurs les directeurs des travaux
paraissent ne pas craindre de trop s'avancer, en affirmant que,
dans deux ans et demi, la ligne tout entiere pourra etre 011-
verte et livree a la circulation des chariots : tout dependra
des fonds en terns opportun. II serait inutile de chercher a
vous demontrer tous les avantages qui doivent resultcr de
cette acceleration dans les travaux , tant sous le rapport des
economies dans la confection, et les interets descapitaux, que
sous celui d'une anticipation des produits, qui permettra d'of-
frir a MM. les actionnaires desdividendes plus prochains. Vos
efforts, qui out ete couronnes d'un premier succes, prouvent
assez que vous avez senti loule 1 'importance de cette mesure.
Nous pouvons compter qu'avant la fin de l'annee nous au-
rons 5oo actions (sur 1000) liberees, dont le produit, reuni
a celui des dixiemes qui seront successivemcnt percus sur le
produit des actions, s'elevera, a la fin de la troisieme annee,
a la somme de 5,5oo,ooo fr, Vous voyez que, pour terminer
le chemin de fer en trois ans, il s'en faudrait de 1 ,5oo,ooo fr.
que vous n'eussiez atteint les 5,ooo,ooo juges necessaires
pour Fenticre confection du chemin. II serait done a desirer
rpie la liberation des Goo actions, autorisees par delilieration
de l'assemblee generate, pCit s'effectuer dans le delai de trois
annees; cet expose demonlre la convenance et la necessite
de cette mesure. »
Tout annonce que les travaux seront conduits avec une ac-
tivite soulenvie, et que le succes de cette entreprise, aussi
profitable pour le public que pour les entrepreneurs, decideia
d'autres compagnies a de pareilles constructions, dont les
nombreux avantages ne pourront plus etre contestes.
PARTS.
TNSTlTtT. ACADEMIE DES SCIENCES. Moi<t d" X\ ni L lS.")ci.
— Sn:rur du 5. — M. Cauchy presente un Memoire sur la.
a44 FRANCE.
propagation du son dans un corps elastique, et sur le mnmc-
ment de la lumiere. — M. Dcpin fait un rapport verbal Un-
favorable sur l'ouvrage de M. le baron de Morogces, concer-
nant les droits sur les (fifties. — M. Cttvier lit la continuation de
ses considerations sur l'os hyoide.
— Du la avril. — l\J. le docteur Jules Gtjerin adresse unc
lettre sur la decouverte de la salicine, substance extraite dc
l'ecorce du saule (sali.r alba). « Lorsque M. Leroux^ pharma-
cien a Vitry-le-Francais , eut communique a l'Academie la
decouverte qu'il avait faife de la salicine, quelques personnes
en reveudiquerent l'bonneur pour M. Bucbner, cbimisle allc-
mand. F.e Memoire de ce savant, qui vient d'etre publie dans
le Journal de Pharmacie , prouve, de la maniere la plus evi-
dente, que les deux substances ne sont pas les meines, et qu'il
v n autant de difference entre la salicine de M. Bucbner el
celle de M. Leroux, qu'entre l'extrait de quinquina et la qui-
nine. La salicine a ete employee avec beaucoup de succes a
la Charite, pour la guerison des fievres intermiltentes. —
M. Delessert communique deux lettres qu'il a recues d'E-
cosse. La premiere est relative a un nouvel arbre donnant un
loit bon a boire. M. de Humboldt avait decouvert , dans la
province de Venezuela, l'arbre si curieux. appele arbre a lait
ou a vache [paid de vaca) , qui est de la famille des urticees, el
qui fournit un tres-bon lait. Depuis, M. Lockart , direc-
teur du jardin botanique de la Trinite, en a trouve plusieurs
individus dans la province de Caracas, dont le lait servait aux
habitans. II en a ete rappoite plusieurs piedsen Europe, par
M. Fanning, directeur du jardin de Caracas. M. James Smii/i
a trouve recemment, sur les bonis du fleuve Dem£rary, un
arbre appele lna-hya par les naturels, et qui fournit un
lait tres-gras, plus epais que celui de la vache, sans amer-
tume, mais settlement un peu visqueux. — La seconde com-
munication de M. Delessert est relative a la germination de la
plante dioique, connue depuis long-tems sous le nom de ne-
penthes, et si remarquable par les urnes qui, placees a l'ex-
tremite de scs feuilles, se remplissent d'eau potable, et se
ferment par une opercule. Lne plante femelle ayant ete
rapprochee d'un individu male qui se trouvait a Edimbourg,
on a obtenu des graines qui sont venues a matuiite, cl qui,
semees, ont donne plusieurs petites plantes. M. le docteur
JVallich, directeur du jardin de Calcutta, vient d'envoyer a
M. Delessert une nouvelle espece de cette plante , dont les
urnes sont spheriques. — La compagnie des Indes vient de
mettre a la disposition de M. Wallich les belles et noml)ieuses
PARIS. »45
collections 1 assemblies a grands fraispardesbotanisles qu'elle
avait envoyes dans l'lnde et dans les contrees voisines; elle a
charge ce savant d'envoyer des doubles aux botanistes de
France et tie plusieurs autres conlrees. — M. Arago commu-
nique unelettre de M. J. Dumas, sur une variete de sel gemme
qui provient de la mine de Wieliczka, en Pologne, et qui lui a
ete donnee par II. Boue. On a observe dans ce se! la propriete
tres-remarquable de decrepiter, quand on le met dans l'eau,
et, a mestire qu'il se dissout dans le liquide. La dissolution
est accompagnee d'un degagement de gaz ties-sensible; des
bullesplus volumineuses s'en ecbappent, amesure que le frag-
ment eprouve des froissemcns un peu forts; ils le sont assei
pour faire vibrer le verre dans lequel on fait l'experience.
Ce sel doit la faculte de decrepiter a un gaz tres- fortemenl
condense qu'il contient, quoiqu'il n'olfie pas de cavites ap-
preciates a l'oeil. L'experience faite dans une obscurite par-
take ademontie qu'il n'y a pas de lumiereproduite au moment
de la decrepitation; le gaz qui se degage est de 1'hydro-
gene, que M. Dumas croit un peu carbonne, et qui s'enflamme,
des qu'il est melange avec de l'air et en contact avec un corps
enfiamme. Ce degagement de gaz pourra servir a expliquer
des acciilens arrives"phisieurs fois dans les mines de sel gemme,
et dont on ne connaissait pas bien la cause. Certaines por-
tions du sel sont nebuleuses, tandisque d'autres sont transpa-
rentes. Ces nebulosites indiquent l'existence de cavites tres-
petites, probablement remplies de gaz. Un fragment nebuleux,
dissout dans l'eau, a donne en effet plus de gaz qu'un frag-
ment de meme volume, aussi transparent que du crista!, qui,
cependant, en a degage une certaine quantite. Ce nouveau
fait, rajrporle par M. Dumas, montre combien a ete frequent,
dans le cours desaccidens geologiqnes, le pbenomene auquel
est due celteaccuniulation de gazdansdes ca viles de substances
mineiales, et combien out ete varices les malieres sur les-
quelles il s'est exerce. M. Dumas essaie de reproduire un sel
factice decrepitunt par l'eau comme le sel naturel. — M. La-
treille lit une note inlitulce : Eclaircissemens sur quelques pas-
sages d'auteuis anciciis , relatifs d des vers d soie, ou aux insectes
qui y sont designcs, sous ks noms de bombyx et de vers. 11 pense
(pic ce sont des versions inexactes empruntees aux Egypliens,
auxlndiens et aux Tbibi'tains. Sur une observation de Si. Hu-
zard, M. Laticille annonce qu'il s'occupe d'un vaste travail
sur les bombyx, dans lequel il decrira un ver a soie d'Anie-
rique, vivant en socicte, et dont l'industrie pourrait tirer parti.
— M. Cauchy lit un Memoirc sur l'integration d'urie ceitaine
•i'jti FRANCE.
classc des equations aux differences partielles, et sur lis j»!i< -
nonienes dont telle integration sort a fafre cutinaitre les lois..
— H. FLOitntNS lit mi iMenioire du plus haul inlerfit SHr le
mecanisme dc la respiration chez les poissons, Nousalldns en
donner un extrait, tlcgage aulant qti'i! sera possible des details
anatcmiques. & Des qii'il a ete demontrc que ce u'cst pas l'eau
(pie les poissons respirent , mais sculement Pair contend dafls
l'eau j il a ele naturel dc so demander quel elait done le role
quo jotiait l'eau clans la respiration ties poissons. Or, l'eau ne
pcut avoir, dans ee phenomene, que Irois genres d'action : ou
une action ehiniique, et je ne m'en occupe point ici ; ou une
action physique, comme , par exemple, de prevenir le desse-
chement des branchies, genre d'action dont on a beaucoup
trop exagere Petendue; ou une action mecanique; ot o'est pre*
cisement ce genre d'action, assez pen connu jusqu'ici, qui est
le principal. Ainsi, quels sont les divers ressorts du mecanisme
de la respiration du poisson, et ju.-qu'a quel point Peau est-
elle neccssairca Paccomplissement tie ce mecanisme? Co sont
la les questions ;'t la determination desquelles ont ele consa-
crees ces experiences. L'appareil respiratoire de la plupart des
poissons se compose , comuie celui ties autres animaux verle-
bres, de deux appareils distincts : un appareil exterieur ot un
appareil interieur. L'appareil exterieur comprend les deux
nulchoires, l'arcado palatine, 1'hyo'itle, les opercules , les
rayons et la membrane branchiestege; l'appareil interieur se
compose de qualre p-tires tie branchies , porteos sur quatro
pairos d'arcs. Chatpie branchie se compose tie deux I'euillets :
cbaque feuillet d'un rang de lames ou ('ranges, libres a leur
sommot et rounies a leur base ; ot ce sonl ces lames, ces (ran-
ges, t os l'euilles, ces branchies, en un mot, qui sont 1'organc
respiratoire memo ou les poumons des poissons. Si Ton exa-
mine un poisson qui respire dans l'eau , on distingue bienlot
les deux mouvemens principaux qui constituent la respira-
tion. Dans Pun, loutes les parties de l'appareil s'elargissertt et
se di latent : l'eau entre par la boucbe, ot o'est Pinspiration ;
dans Paulre, toules ces parlies se resserrenl , se rapproehenr,
se relreeissenl; l'eau, pressee tie toutes parts, sort parl'ou-
verture ties oulos , et c'est'l' expiration. Tons ces monvemens
ne sont qu'un moyen qui a pour but le tlovoloppomont des
branchies ou dc l'organe respiratoire lui-niemc. La determi-
nation tlu mode solon loquol so developpent les branchies
etant le point imporlant, et le point jusqu'ici neglige tlu me-
canisme respiratoire , o'est tie celle determination quo j'ai du
m'occuper d'abord. Or, si Pon examine un poisson qui res-
PARIS, 24-
pipe dans l'ean libreiuent et regulierenient , 011 voit ses hran-
chies et toules leurs patties se devclopper ct se resserrcr tour
a tour. Pour mirux suivie dans tons ces details ce mccanisnic
du mouvement des branchies , j'ai successivement enleve sue
plusieurs lanches et plusieurs earpes, sort l'opercule d 1111 senl
cote, soit les deux opercules ; et , comme ces ablations n'ont
pas empeche ces poissons de survivre dnrant plusieurs jours ,
j'ai pu rcpeter et varier, avee tout le soin convenable, ces
observations. Ainsi, apres avoir determine les divers genres
de mouvemens propres a cliacune des parties, j'ai determine
l'ordre que ces mouvemens observent entre eux. J'en ai con-
clu que le mecanisine respiratoire des poissons se compose de
deux mecanismes dislincts, celui de 1'appareil cxlcrieur et cc-
lui de 1'appareil interieur. Voyons maintenant quels soot les
ressorts par lesquels ces deux mecanismes operent, soit
dans l'air, soit dans l'ean, ct jusqu'a quel point l'un el i'aulre
operent dans l'un ou l'autre de ces deux milieux. Si Hon
examine on poisson qui respire dans 1'eau , toutes les parlies
de 1'appareil interieur se meuvcnl dans nn certain ordrc. Si on
met ce poisson dans l'air, toules ces parties se meuvent avec
une encrgie et line violence qu'elles n'avaient pas dans l'ean.
Cepeudaul, ce poisson dans l'air mcurl bienlol par asphyxie ;
ainsi done, ni le mouvement de ces parties, ni ^'intervention
de l'air, ne suflisent a i'aceoniplissemciit de la respiration.
Si l'on examine ce qui se passe dans les branchies, on voit ces
branchies el toutes leurs parties, quand le poisson respire dans
l'ean , se mouvoir dans 1111 ordre reguiier d'eeartement et de
rapprochement. Mais, si l'on met le poisson dans l'air, ses
branchies cessent aussitot de se mouvoir. L'ean joue done 1111
role constant et determine dans le meeauisme de la respira-
tion des poissons. Cest l'ean qui cearte les branchies el les
mainlient dans nn certain ccartemenl donne; ct c'esl le mou-
vement aetif de 1'appareil, qui, joint a 1'intervenlion de 1'eau,
les meut et porte leur ecarlcment an plus haut degre. Deux
ressorts distincts delermincnt done le developpenient de l'or-
gane respiratoire ties poissons; l'un, les mouvemens aetil's de
1'appareil ; l'autre, rintervenlion de 1'eau uecessairc pour iso-
ler les parlies de l'organe branchial, pour les mainti'iiir dans
an etat d'cquilibre. et dimiuuer ainsi la qiianlite de force inus-
culaire qu'il efit lallu depenser pour leur mouvement. Dans
l'air, prive de eelte iulervenlion , 1'aninial n'a plus la force ni
d'isolcr ni de mouvoir ces parlies. Si. en laissant le poisson
dans 1'eau, on entrave le developpenient des branchies, 1'ani-
mal meurt comme dans Pair. Cest ce qui a lieu quand on lie
v4* FRANCK.
les opercules, de maniere a ne leur pcrmeltre aucun mauve-
nient. Le but tin developpement tie lout organe respiratoire
est do presenter le sang a I'air sur une plus grande surface. Le
poisson n'est asphyxie dans l'air, que parte qu'au lieu de pre-
senter a Pair les trente-deux surfaces ties feuillets developpes
par I'Vau , il ne lui presente plus que les quatre surfaces des
deux faisceaux solides que torment alors les branchies. En re-
duisant pen a pen, soit par ligature, soit par ablation, le nom-
bre <les surfaces developpees- dans l'air, on parvient a reduire
la respiration a etre aussi imparfaite dans 1'eau que dans l'air.
On voit done : i° que dans les poissons, comme dans tons les
vertebi es aeriens, le but definitif de tout le mecanisme respi-
ratoire est le developpement de I'organe respiratoire memc ;
2° que, dans les poissons, le developpement de ces organes ou
des branchies ne peut etre open'; que par l'intcrvenlion tie
l'eau; 5U que, quelque eneigiques qtie se maintiennent les
mouveincns tlu re*te de I'appareil dans l'air, ces mnuvemens
n'y produisent pas cc developpement; 4" et que ccst parte
que ce developpement n'est pas produit dans l'air, que I'ani-
mal nieurt par asphyxie. »
— Seance da 19 avril. — M. Deleau adresse a PAcademie
OB Memoire ayantpour litre : extraitd'un ouvrage inedit inti-
tule : Traitement des maladies de loreille moyenne quiengendrent
la surditc. « Lorsque j'ai eu rhonneur de vous presenter les
resultats de mes premiers essais sur le traitement ties sonrds-
muets, dit 1'auteur dans sa lellre d'envoi, j'etais loin encore
d'avoir fixe mon choix sur le precede operatoire qui etail le
plus propre a leur rendre l'ouie. La perforation tie la mem-
brane tlu tympan , les douches d'eau portees dans Poreille
moyenne , mes tentatives snr l'emploi des douches d'air,
m'avaient bien demontre qu'il existe beaucoup de sourds-
muets susceptibles d'acquerir la faculte d'entendre; mais ces
faits isoles ctaient encore insuflisans pour me faire adopter
defmitivemeiit une methods speeiale de traitement : une
theorie experimentale nc presidait pas encore, il y a trois ans,
aux- cures que je recherchais avec taut d'avidile. Vous avez
entourage mes efforts, vous m'aver. aide dans les sacrifices
que j'etais oblige tie faire, pour me procurer des sujets d'ob-
servations, el cctle theorie a etc trouvee; M. Savart vous l'a
exposee dans son rapport du i5 decembre 1&2Q. Je ne vous
avais demande que trois sourds-muets pensionnaires, et tr«is
ans pour les inslruire; vous m'avcB ilonne quatre eleveset ac-
cortle quatre ans, alin que je pusse faire une suite d'expe-
liem-es qui se ratlachent loiil a la fois a la chirurgie, an per-
I'ARlS. a/jc)
ltt'tiotinement des sens, et a l'etude d'unc langue. Nous
sommes arrives a la fin de la troisieme annee, il est terns de
Vous rendrC un compte exact de mes travaux; je ne pourrai
m'en acquitter d'une maniere satisfaisante que duns I'annee
qui nous reste encore a parcourir. Ce delai ne vous paraitra
peut-etre pas trop long, quand vous saurez que je ne me suis
pas borne a instruire mes eleves dans l'art deparler, maisqueje
me suis etendu sur un terrain plus vaste, qui a ete fertile en
resultats. Deja je vous ai fait connaitre, dans mon traite sur
les douches d'air, le procede chirurgical que j'ai definitive-
ment adopte pour le traitement des sourds-muets susceplibles
de guerison. Fondee sur les fonctions de l'oreille, en rapport
avec la sensibilite organique et acoustique, ayant pour agent
actif un corps sans lequel I'oui'e ne peut s'exercer, cette me-
thode rationnelle de traitement ne pouvait manquer d'avoir
des succes ; vous en connaitrez une partie en jetant les yeux
sur le recueil d'observations que j'ai l'honneurde vous adres-
ser. Je joins a ces premiers faits un examen de questions im-
portantes, qui ont rapport au traitement des sourds-muets, a
['education auditive et a l'etude du langage parle ; cette no-
tice servira d'introduction a 1'histoire de mes eleves. La phy-
siulogie du langage a ete aussi l'objet de mes recherches.
Dans le tems j'ai prouve qu'on pouvait parler sans larynx; je
suis pret a vous developper la theorie complete de cet art,
qui jusqu'ace jour a ete vainement cherchee. Apres bien des
essais, j'ai trouve une nouvelle metliode pour apprendre a
lire aux sourds -mucts. Yous jugerez de son utilite et de ses
resultats pratiques compares a ceux des methodes connues.
L'etude que j'ai faite de la prononciation m'a conduit a encor-
liger les vices. Je vous ai hi sur le begaiement un tiwfte qui
doit etre l'objet d'uu rapport de MM. Dumeril et Magendie ;
je vous ai fait connaitre une nouvelle dactyologie syllabique,
fondee sur les organes de la parole, dont elle est une peinture
e-xacle. Entin, il me reste encore a soumettre a votre examen
les Memoires dont voici les titres et que je me propose de pu-
blieren i85o : r TS oucelles recherches sur les elemens de laparole,
pour servir d'introduction d l'art deparler; i" Histoire des sourds-
muets qui ont ete confies au D' Delt-au par ('Academic des scien-
ces ; 5° Quelle est la meitleure viithode pour ynesurer I'ouie, et
pour reconnaitre si cette fonction est suffisamment developpee pour
apprendre a parler? 4° Nouvelle metliode de lecture fondee sur
la. connaissance exacle des clhnens de la parole. — M. E. Robert
annonce que le Dc Paris et lui viennent de recueillir, dans
la sablonniere du Gros-Oaillou . une defense d'elephant, do
•. >..')o FHAWCH.
o, 1 8 centimetres de circonfcrence a la base, ct de 0,44 cen-
timetres de longueur. Ce fossile se trouve tres-rarement duns
cette partie du terrain de transport. MM. Hubert et Paris
sunt parvenus a reslituer prcsque complelcmenl l'cxlremite
de la dent.- — L'Acadcmic precede an scrutfri pour 1'election
d'un associc ctranger, en remplacement de iM. Young. Sur
45 volans, M. Blumenbach rciniit 07 suffrages. II est declare
elu. Les autres voix se sont rcparties sur MM. QErstedt, Ro-
bert Brown s Bccssel et Jacobi. — M. Dupelit-T/iouars fait 1111
rapport verbal sur la Notice imprimee de M. His, relative
qux orangers, et qui renferme des Tails qui, s'ils etaient bien
constates, seraient de nature a changer les idees recues, non-
sculement sur ces arbres en particulier, mais sur le sysleme
vegetal tout entier. La longueur de ce rapport force L' Acade-
mic a reniettre la fin de cette lecture a la seance suivante. ■ —
M. Coqucbert-Montbret, fait un rapport verbal sur le voyage
de M. Caii.lie a Teinboctou. La Revue Encyclopedique doit
donner line analyse de ce voyage, et nous nous bomerons a
dire que ['honorable rapporteur s'est attache surtout a veuger
le Yovngcur francais des invectives du journal angiaisle Quar-
terly Reiiew.
— Du 26 avril. — On lit une lellre de M. J. Dumas, a qui
Ton doit deja quclques decouvertes en cbiniie. «Kn parcou-
rant un des Memoires de M. Liebig, je me suis apercu qu'il
s'est occupe de l'examen des pbenomenes que le cblore el I'a-
cide acelique produisent l'un sur 1'autie. Iln'a vu rien departi-
coiier dans cette reaction. Je 1'avais ctndire de im»n cdte, et elle
sert en quclque sortc de base a uh Menioire que je sournettrai
bienlot an jngement de I' Academic Quandon expose l'acide
acelique cri.-tallisable a 1' action du cblore sec el en exces, on
obticnt un compose nouveau , blanc , cristallise en lames
rbomboi'dales, solubles dans I'eau, d'une saveur excessiyc-
nient caustique, etc. Je fais eonnaitre dans toon Vtemoire les
moyens de 1'avoir pur, ses proprictcs, sa composition et ses
rapports avec les nombreux produils qui se rattachenl a l'acide
acelique, dont j'ai eu pour but d'eclairer la nature reelle, en
me livrant a ces rechercbes. »M. Gambakt, directeur de I'ob-
servaloire de Marseille, ecrit de cette ville que le J.\ avril, a
4" du matin, quand le jour commencait deja a se former,
il a apercu une comete dans la tele du petit r/iccal. Les progres
de 1'aurore ne lui out point permis de proceder a la determi-
nation precise d'une position, ct il a eu senlement le terns de
prendre les deux coordonncesau cercle equatorial, ce qui lui a
donne, 4'1 ; . FascensiondPoite d'euviron at* <)'". 8", el la decli-
PARIS. a5 1
naison tie 8° 5j'. Celte comete a deja line queue qui paraissait
avoir ~ degre, mais qui sans doute s'etend en realite davaniage.
— M. Arago annonce que dans la nuitdu 25 an 2(J, M. Nicolet
a apercu la comete dont il s'agit, enlre la constellation rlu
Dauphin et celle du Pegase.— L'Academie procede ;'t Telec-
tion d'un membre correspondant , en remplacement tie
M. Soemmering , deeede. Sur 5i votans, M. Lean Dufour, de
Saint-Sever, obtient 45 suffrages; M. Quay, a Rochefort, l\;
M. Duvernois, 2. M. Leon Dufour est proclame membre cor-
respondantde la section d'anatomie it tie zoologie. — MM. Des-
fontaines et H . de Cassini font nn rapport sur nn manuscrit
intitule : Planles da mont Sinai, recueillies par M. Leon de la
Borde, nominees, classees et deeriles par 31. Delile , corres-
pondant. «M. Leon de la Borde, qui n'est pas botanisle, mais
qui, fidele a ties traditions de fainille, s'interesse a toutes les
branches ties connaissances humaines, a recueilli sur le cele-
bre mont Sinai 011 dans le desert qui 1'environne, pies tie 80
plantes qu'il a rapportees en France avec les autres richesses
scientifiques, fruit de son interessant voyage. Ces plantes, il
a du nalurelleinent les confier aux savanles investigations du
botaniste qui avait si bien eludie la vegetation d'une conlree
voisine de telle oii s'cleve le mont Sinai, et non moinscelebre;
le travail de M. Delile sur ces plantes est ce qu'il devait
etre, sorlant des mains d'un botaniste aussi exact et aussi
instruit. »• — M. Geo/froy-Saitit-IIilaire aioute que ce ne sont
pas seulement ties plantes que M. De la Borde a rapportees
du mont Sinai, mais de plus nn animal fort remarquable qui
manquait au Museum : e'est le Daman Israel (HyraxSyria-
cus). — M. Desfov.taines fait lit] rapport verbal sur une tlore
etrangere dont les planles onl ete recueillies, en 1826, par
M. Delcotjr, professeur tie botaniquc a Dresde. M. le rappor-
teur loue 1'exaclitude avec laquelle 1'auteur a reproduit, dans
leurs plus minutieux details et avec leurs couleurs nature Hes,
les planles qu'il a decrites dans son ouvrage. M. le rapporteur
lui donne ties encouragement, et ['engage a conlinuer un
recueil qui sera d'un grand interel pour les botanistes. ■ —
M. Bald, irlandais, fait hommage a l'Academie d'un modele
en relief de Pile Clare, situe a l'entrce tie Clew-Bay, sur la
cote occidental*; d'lilande; ce modele est conslruit a l'e-
chelle tie 7^777? et d'apres tics carles a l'echelie tie — tttt- L'ile
Clare a environ 5 milles anglais (1 lieue \) de longueur, et 2 {
milles (presil'une lieue) de largeur. — M. Dumerii fait un se-
cond rapport verbal sur une monographic de M. Charpentier,
relative al'hydrocephalcaiguedesenfans. L'autcur n'apresenti'
aucun nouveau moyeu medical pour la gucrison de cette mala-
a5a FHA1NCE.
die; niais il ;i expose avec uietbode les moyens les plus ra-
tionnels a mettre en usage. — M. Puissant fait un rapport
verbal sur un Traite d'astronomie pratique de M. Francoeur,
dont la Revue Encycloj>edique rendra compte inccssamment.
■ — MM. Berthier et Serullas font un rapport sur le Memoire
de M. Sobbeiran, concernant les arseniures d*hydrogene.
<«Le Memoire de M. Soubeiran, dit en terminant M. le rap-
porteur, presenle l'histoire des arseniures d'bydrogene plu9
exactement et plus compieteuient qu'on ne l'a eue jusqu'ici,
par suite den rectifications qu'il a faites et des additions re-
tttafqliables qui lui sontpropres; nous pensons en consequence
que ce travail merite l'approbation de 1 Aeademieetl'insertion
dans le recueil des savans etrangers. » ( Approuve). — M. Sb-
rxjilas lit une note sur la combinaison de l'acide iodique avec
les alcalis vegetaux. II resulte de ses experiences : i°que la
morpbine seule exerce une action decomposante sur l'acide
iodique, dont elle separe abondamment de l'iode, caractere
qui est propre adistinguercettebasedesaulres alcoloi'des; 2°la
quinine, la cbinchorine, la trychine, saturent parfaitement
l'acide iodique, en produisant des combinaisons salines tres-
bien cristallisees. M. Serullas signale ces nouveaux composes,
Ot l'iode est associe aux bases vegetales, comme pouvant
trouver des applications dans l'art de gucrir. — M. Dupetit
Thouars termine la lecture de son rapport verbal sur une no-
tice de M. His relative aux orangers. A. Michelot.
— Acadcmie francaise. — Seance publique pour la reception de
M. deLAMARTiNE (jeudi i"avril i83o). - — Depuis long-tems,
les solennites academiques n'avaient attire un concours aussi
nombreux de spectateurs. Trois heures avant le commence-
ment de la seance, les portes s'etaient ouvertes devanl les plus
impatiens, et, plus d'une heure avant, la foule qui se pres-
sait a l'entree de la salle, beaucoup trop etroile pour une
telle affluence, avail force deux ou trois fois une garde, plus
nombreuse quede coutume, qui en defendait les portes. Sans
vouloir rien oter au merite du poete celebre qu'bonorait un
si vif empressement , nous croyons pouvoir avancer que le
desir de le voir et de 1'entendre ne l'avait pas seul excite. Pour
la premiere fois, l'apologie d'une lillerature nouvelle allait
("lie prononcee sous les voflles de l'ancien palais Mazarin : la
guerre, tant de fois elevee entre les classiques et les roman-
Itques, se reproduisait sur un nouveau cbamp de bataille; ou
plulot, la vicloire ne semblait deja plus indecise, puisque l'uu
dcs apotres de cette croyance nouvelle venait sieger en trioin-
pbateur au sein de I'Academie. Mais on ne pouvait s empe-
cher, en memc terns, de remarquer a quel point les chocs
PARIS. a55
etaient changees, et combien nous avions fait de chemin de-
pute dix ans. Le poete des Meditations, a qui, des son debut,
et au .milieu de tant d'acclamations, on avait reproehe si
vivementlanouveaute, et, si Ton peut hasardcrce mot, Velran-
gete de son style, n'est aujourd'hui, pour la tourbe des nova-
teurs, qu'un poete incotore et sans audace. Les exaltes de la
nouvelle eglise Iitteraire en feraient presque un classique; et,
tandis que 1' Academic franchise, dans sa prudente solliciludc
pour I'honneur de la langue dont le depot lui est confie, pense
peut-etre avoir fait cette fois un acte de temerite, les adinira-
teurs de bonne foi de Christine et d'Hcrnaiu la noinment timide
et pusillanime, et appellent, de tons leurs voeux, des choix bien
autrement signifieatifs.
M. le baron Cuvier, remplissant les fonctionsde directeur,
ayant annonce que la seance etait ouverte, M. de Lamartine a
pris la parole et a pronome , d'une voix ferme et sonore , le
disco urs remarquable dont nous allons essayer de presenter
l'analyse.
Apres les remercimens et les politesses d'usage, I'orateur,
accordant un juste tribut de regrets a la memoire d'une mere,
enlevee recemment a sa tendresse d'une maniere si subite et si
douloureuse, a passe, a l'aide d'une transition ingenieuse,
a l'eloge de son honorable predecesseur, M. le comte Darit. «I1
parut, a-t-il dit, a Tune de ces raresepoques oii la societe n'est
rien, ou l'homme est tout; epoques funestes au monde, glo-
rieuses pour I'individu ! Terns d'orages qui fortifient le coeur,
quand il n'en est pas brise ; tempetes civiles qui elevent
l'homme, quand elles ne l'engloutisscnt pas! On ignorait
alors que les pennies ne sc regenerent pas par des theories ,
mais par la vertu ou par la mort, et la hache sanglante des
revolutions n'avait pas ete pesee dans les calculs de l'espe-
rance. »
L'orateur, apres avoir trace un juste eloge du caractere et
des talens de son devancier, et raconte qu'il expia , par dix
mois de captivite, son noble refus de servirle crime, rappcllc
l'expression du chef du gouvernement imperial, « qui a si bien
connu les hommes, et qui, dans sa brutale energie, accordait
;\ M. Darn les qualites du bceufet du lion. » II loue son ardeur
infatigable pour le travail en meme terns que sa severe probite,
et, apres avoir cite Vhistoire de Venisc, celle de Brctagne, l«
poeme encore medit surVastronomie, la traduction completed' Ho-
race, un grand nombre d'epitres, de poesies legires et de discours
academiques, il ajoute : « Tels etaient les loisirs de M. Dam. »
En parlanl d'Horace, le nouvel academicien a porte, de ce
poete, un jugement qui a paru trop severe. « Ce devait etrc,
•>..V| FUANOK.
a-l-il ilit, le litre dc l'epoque; Ies lyrans out loujotirs aime
les pot'tcs de cette ecole; ce n'est pas pour cux que s'elevent
Irs cchafauds tic Roucher el d' Andre Ghcnicr, epic Syracuse
a ties canities, et Florence des exils ! lis chantent, cnuronnes
dc roses, dans les banquets des mail res du monde et dans Ies
saturnales populaires. Due syinpatliie secrete Ies attache a
toules les tyrannies ; car ccs poctcs trompent les hoinmes,
tandis que les sophistcs les corrompent et que les lyrans les
enchainent. »
Au sujet de l'histoiic de lirctagne , Toraleur a regrette que
M. Dam n'eiil pas etudie avec plus de soin cette contrcc, si
riche de monumens et de vieux souvenirs. II aurait vouhi
aussi qu'il nc se tut pas arrete precisement a l'epoque de nos
troubles civils, et qu'il eut peint « cette population simple et
devouee, chez qui la religion et la royaute , n'ayant pu avoir
leur Salauiine, peuvent montrer, du moins, leurs Thcrmo-
pyles. »
M. de Lamartine remarque, plus loin, que ce fut M. Dam
qui, dans cette menie enceinte, repondit comme direcleur a
M. le due de Montmorency; et, a l'aide de cette transition, i!
place ici un juste eloge des nobles et toncbantes qualiles de
ce dernier. II a rappele que ce fut a Iui-meme que cet homme
de bien adressa les derniers mots que sa main defaillanle ait
traces, et s'est montre, avec raison , fier d'un tel souvenir et
d'une si honorable amilie.
L'eloge des princes de la ibmille royal e , et surtout du
roi , a succede a celui de Rl. de Montmorency. Plus loin,
nousavons remarque ceux de plusieursacademiciens illuslres,
a cote desquels M. de Lamartine venait de prendre j>lace. Ces
portraits, ingenieusement traces, et dont Ies applaudissemens
souvent repetes par le public ont atteste la ressemblance,
etuient ceux tie MM. Laine, Roycr-Collard, Villemain, Ciivier
et Chateaubriand.
Enfm , l'orateur, jetant un coup d'oeil rapide sur le xvme
siecle qui, selon lui, n'a pas encore de nom, et qui a ete
comble, tour a tour, de taut delouangeset tie maledictions, lui
compare, avec un sentiment d'orgueil, que la generation pre-
sente semble toute tlisposee a partager, le siecle tlonl nousavons
v u l'aurore. Ici , prenant en quelquc soite un ton prophelique,
lenouvel elu a proclame les triomphes futurs tie cette jeunesse
ardente et studieuse, murie avant Page par taut d'evenemens
quj se sont presses autour d'elle; puis, sans laire trop ouverte-
lement l'apologie de la reformation litteraire, il a vanle Ies
coryphees dc la nouvelle ecole, et presente leurs succes pas-
ses comme gages de plus grands succes a venir , regarilant
PARIS. 255
il'ailleurs comme tres-probable que 1'Academie s'empresse-
rait bien tot, sans acception de doctrine, dc leur ouvrir sos
p orles.
Ce discours a ete termine par line profession de foi remar-
qnable sur la presse , que l'orateur regarde « comme un nou-
veau sens donne a l'humanite dans sa vieillesse pour la eon-
soleretla rajeunir» : malgre les nombreux abus qu'elle a faits
nailre, il ne pense pas qu'on pulsse refuser d'en reiuercier la
providence, ni lui rejeter son bienfait.
Te! a etc, a pen pres , ['ensemble de ce discours remar-
quable, souvent interrompu par des applaudissemens unani-
racs, qui a revele dans son autenr un lalent d'oraleur que
le public ne lui connaissait pas encore, et qui ne manque pas,
comme on a pu voir, d'une cerlaine analogieavec son talenl
de poete. Le style a lout I'eclat qui convient a une composi-
tion de ce genre, et il serail aise d'en faire disparaitre des
alliances de mots bizarros, des antitheses forcees et preten-
tieuses, et quelques autres taches , qui semblent parfois un
tribut paye an gout de la nouvelle eeolc.
M. le baron Cuvier a rcpondu a M. de Lamartine; et peut-
etre, malgre la supcriorite de son merite et I'universalite si
bien connue de ses connaissances, notre illuslre naturaliste
n'etait-il pas le plus capable de bien remplir une pareille
tathe. Nous irons meme jusqu'a supposer que, par la nature
de ses travaux et le genre de son style, Si. Cuvier ne doit pas
eprouver une bien vive sympathie pour les Meditations pocti-
ques. Aussi, sa reppnse, ecrite d'ailleurs avec une elegante
purete, et dictceparle sentiment le plus parfait des convenances
dc tout genie, mais on ne dominait pas une conviction
puissante, a-t-elle paru un pen pale, a cote dc la brillanfe et
chajfureuse composition de M. de Lamartine. On y a pourtanl
remarque un portrait de M. Daru, plus anime, plus equita-
ble surtout, sous quelques rapports , que celui qu'avait trace
le recipiendaire, et une heurcuse et delicate comparaison
entre ce dernier et bird Byron, qui a, comme on sait, inspire
a l'auteur des Meditations , les plus beaux vers, peut-etre, qui
soient sortis de sa plume.
iM.le directeura termine, en exprimant le vceu que le jeune
successeur de M. Daru se decidat quelque jour a remplir les
lacunes, assez etranges en effet, qu'on remarque dans ses der-
iiK-res compositions; I'iuvitant a ne pas oublier, au milieu de
ses travaux diplomatiques, que le poete, ret instrument du
grand concert de (a creation, a aussi des devoirs a remplir di-
vers la socit'te dont il fait le cbanne (cette derniere phrasi-
faisait, dit-on, allusion a la nomination, deja annoncee» do
■jf.i; FRANCE.
M. de Lamartine a l'ambassade deGrece). Enfm, repondant
a la pensee plus encore qu'aux paroles du reripiendaire, M. le
dirccteur a declare que l'Acadeniie s'empresserait d'ouvrir ses
portes a tous les ecrivains (|ui, sans offender la ?-aison ill la
langue , feraieut faire a la litterature quelques pas nouveaux,
ainsi que l'avait si heureusement tente M. de Lamartine.
Pour terminer cette seance , M. Lebutjn a lu ties vers tut lq
beaute du del d'Athenes, et une Ode snr an voyage au man/
Liakoura ( l'ancien Parnasse). On a applaudi , dans cette der-
niere piece, quelques vers heureux et un style toujours cor-
rect et facile. Quelques personnes n'ont pu s'empecher de re-
rnarquer que ces souvenirs , tout classiques , du Parnasse et
des muses paiennes, faisaient un contraste singulier avec les
doctrines romantiqlies qui respirent dans le discours, non
moins que dans les poesies , du nouvel academicien. Y. Z.
— \1 Academic francaise, dans sa seance du 20, avril, a elu,
a la place vacante par la mort de M. de Lally-Tollendal,
M. de Pongerville, l'un de nos collaborateurs, dontle talent
s'est revele par un succes qui rappelle celui des Georgiques
de Delille. La traduction de Lucrece, l'ouvrage peut-etre le
plus durable qu'ait produit noire epoque, a etendn le do-
maine de notre langue philosophique et enrichi notre poesie
d'une multitude de tours et d'images qui donnent a cette pro-
duction l'empreinte d'une veritable originalite. Le public lit-
teraire avait marque la place de M. de Pongerville a I'Acade-
mie francaise, des le moment ou parut sa belle traduction,
qui n'est pas son seul litre aux honorablcs suffrages qu'il a
obtenus. — Un incident remarquable a signale cette election,
pour laquelle l'Academie s'etait reunie, des le 22 avril, sans
pouvoir obtenir aucun resultat, malgre plusieurs tours de
scrutin successifs : elle fut done obligee de consacrer une se-
conde seance a cette operation, ce qui, je crois, n'avait pas
encore eu lieu. Les principaux concurrens de M. de Ponger-
ville etaient MM. Ancelot, Cousin et Scribe.
Union encyclopedia ue pour la propagation des connaissances
utiles. — Une association vient de s'organiser, a Paris, sous la
direction et par les soins de M. Bailly de Merlieitx; elle se
propose de faire composer, et de repandre par toute la France,
des Traites elementaires bien faits , sur chacune des branches
des connaissances humaines. Une Societe de meme nature, ef
qui se propose le meme but, existe en Angleterre depuis trois
ans et a deja obtenu de beaux resullats. Nous allons dou-
ner quelques details sur 1' organisation de VUninn rncy-
PARIS. 257
clopcdiquc, dont le directeur est dejA connu par d'ulilcs pu-
blications, ctcntre nnivcsynvY Encyloprdic portative, dont nous
avons annonce les livraisons successives, et a laquelle Y Union
encylopedique doit dormer des developpemens nouveaux et
etendus. Un Conscil de perfeclionnemcnt , compose de soixante
Membres-Assistanset de cent-vingt Membrcs-Auxiliaires, sera
choisi parmi les homines les plus celebres par leur savoir dans
tous les genres. Le Tableau de tons les ouvrages qui doivent
composer cette Bibliotbeque universelle, comprend trois se-
ries, les Sciences, Leltres et Beaux-Arts, les Arts industriels,
Manufactures et Metiers, l'Histoire, la Geographie et les
Voyages. Un Rccueil mensuel, sous le litre de Memorial En-
cyclopcdique , destine a enregistrer les progres journaliers de
cbaque branche des connaissances, sert de supplement el de
suite necessaire a la collection, qui deviendra par la une ve-
ritable Encyclopedie progressive. Eh fin, le Mode de souscriplion,
tout-a-1'ait neuf , assure, mais aux premiers souscripteurs seu-
lcment : i° l'avantage de ne payer les volumes que 2 fr. an
lieu de 5 fr. 5o c. ; 2" les trois-quarts dans les benefices de
l'entreprise, benefices qui peuvent etre tels que, si les ouvra-
ges, publics par la Societe, obtiennent seulement un succes
six fois moindre que ceux qu'a publics la Societe anglaise, ces
souscripteurs auront gratis une Bibliollirque en 000 volumes
avec un Recueil periodique, et, en outre, un reveuu annuel
de 100 fr. Nous ne pouvons entrer dans plus de details sur
cette vaste entreprise, dont le prospectus lui-meme est un
grand ouvrage ; nous ajouterons seulement que le but princi-
pal de la Societe etant de repandre partout des connaissances
positives , le nombre des souscriptions admissibles a etc fixe,
pour chaque ville et pour cbaque deparlement, en raison de
la population (1).
Ecole prcparaioire d' agriculture reunie d I' institution de
M. Dupras, rue du Faubourg - Saint- Honorc , n" 98. —
(1) Conditions de la souscriplion. Celte Bibliolbique universelle des con-
naissances bumaines se compose de trois series, chacunc de 100 volumes,
format grand in-3?, dont 5o ont paru, ou de 100 livraisons, format grand
in-8°, dont oj sont publiees; piix, pour les souscripteurs ayanl part
dans les benefices, 2 fr. le vulume ou la livraison ; pour les souscripteurs
Don actionnaires, 3 fr. ; par irailes scpares, 3 fr. 5o c. le volume; abon-
nement au Memorial encyclcpediquc, pour les actionnaires, 6 fr. par an-
nec ; pour les autres peisonnes, 10 IV. — Pour rtceVoir frane deport, par
la I'ostc, il fant ajputer 25 cent, par volume ou livraison. — Les letlM \s,
demandes et souscriptions doivent etre adi essees (franco) aux IUhkwx
du direction dk l'Union Enc yci.OPEdiquk, rue du Jat fliiiet, n" 8, a f'aiis.
T. XLV1. AVRIL l85o. 1 7
j58 FRANCE.
Les sciences agronoiniqucs vont avoir a Paris unc institution
digue d'etre comparee a celle que les arts industriels ont si
lieureusement acquise. Esperons que celle-ci obticndra .
romme la premiere, le succt-s que tout semble lui pro-
ineltre.
L 'experience a deja prouve 1'importance des ccoles prepa-
ratoires pour les services publics, l'industrie, le commerce et
les beaux-arts. L'agriculture, cette source premiere de nos ri-
chesses, ne pouvait rester etiangerc a ce besoin general d'ins-
truction speciale. M. Blanq, ancien eleve de l'Ecole Polytech-
nique, apres s'etre livre pendant plusienrs aunees a I'etude
de 1'borticulture, de l'agriculture et des arts accessoires, a
eompris combien il serait utile d'elever au niveau des autrea
branches de l'industrie humaine cette agriculture qui a peut-
etre, plus que d'autrcs sciences, l'avantage d'ouvrir des de-
bouches nouveaux et durables aux generations qui s'elevent.
Pour donner aux families toutes les garanties desirables,
apres avoir fait choix d'une institution honorablement connue
oii les eleves sont soumis a une surveillance qu'une longue
pratique peut seule assurer, le fondateur de l'ecole prepara-
toire d'agriculture s'est environnc des lumieies de professeurs
speciaux.
Les dessins topographique et descriptif, l'arpentage et le
lever des plans, seront enseignes par M. Gavard, ingeuieur
geographe, ancien eleve de l'Ecole Polytechnique, et inven-
teur d'instrumens propres a i'aciliter divers genres de dessins.
Les notions generales de physique, de chimie, de meteorolo-
gie seront donnees par M. Despretz, repetiteur a l'Ecole Poly-
technique, ancien capitaine d'artillerie, et l'un des redacteurs
du Journal da genie civil. Les principes de la reproduction,
de la vegetation et du perfectionnement des plantes seront
developpes par M. Oscar Leclerc-Thouin, de laSociete royale
et centrale d'agriculture, de celle d'horticulture, ex-pro-
fesseur suppleant au jardin du Roi pour le cours de son oncle,
Andre Thoui'n, dont il a public les oeuvres.
Arts accessoires. — M. Hizard fib, de la Societe royale
et centrale d'agriculture, collaborateur des Annates itagricul-
ture, donnera aux eleves les elemens de la connaissance des
animaux utiles a la nouriiture, au vetement et au service de
1'homme en societe. — M. Dubrhnfatjt, auteur de plusienrs
ouvrages speciaux, et fondateur du journal V A griculteur ma-
nufactm-ier, fera quelques lecons theoriques sur la fabrication
du sucre de betterave, la fei ulation, la distillation, etc. Enfin,
M. de Valcofrt aine. I'ami et qnelqnefois l'aide de MM. dt
PARIS. d5§
Dombaslc et Bella, a promis aussi a M. Blanq le seconrs tie sa
grande experience.
La science agricole s'appuyant sur un ensemble de connais-
sances varices, on sent la necessite que le directeur assiste
aux divers cours, afin de conserver l'unile si necessaire dans
ce nouveau genre d'enseignement, afin de donner a ces cours
tons les developpemens theoriques et pratiques dont ils sont
susceptible*, et surtout afin de faire apprecier leur liaison
avec l'agriculture.
Pour bien faire comprendre cette idee d'ensemble, pour
bien etablir cette liaison des sciences et des arts avec l'agri-
culture, M. Blan([ penetrera bien les eleves d'idees-meres,
telles que celle-ci : qu'une exploitation rurale n'est autre
cbose qu'une fabrique dont le directeur met a profit lous les
agens naturels et artificiels dont il pent disposer pour pro-
duire des objets utiles a la societe. De-la ressort la necessite
d'une comptabilite commerciale et des economies rurale et
industrielle, qui, elles-memes, exigent des connaissances en
arithmelique, en geoinetrie, en arpentage, en arcbitecture,
en mecanique et en bistoire naturelle.
En assistant a cbaque lecon des professeurs, le directeur
pourra s'assurer de l'attention qu'y apportent les eleves. II
en interrogera inimediatement un ouplusieurs, pris au hasard,
et parviendra ainsi a connaitre la capacite de cbaque eleve ;
c'est alors que, par des conversations familieres, il arrivera
a faire saisir par les intelligences les plus paresseuses ce qui
aura pu leur echapper pendant le cours des lecons generales.
Kn un mot, sa mission speciale sera celle d'un fFeily (1) des
classes aisees de la societe.
Perfectionnemenl dans la fabrication du chocolat. — La mai-
son qui avait acquis le plus de reputation en ce genre vient
d'anieliorer encore cette branche d'industrie. MM. Debauvk
et Gallais, ex-pharmaeiens et fabricans de chocolats du roi,
rue des Saints-Pires, n° 2(i, out etabli dans leurs laboratoi-
res une machine qui offre, outre l'avantage d'une trituration
parfaite, celui de ne pas presenter l'emploi du fer comme
moyen de broiement; ce qui fait que le cacao conserve toute
la finesse de son arome et lonte Pexcellence de ses proprietes.
La maison de MM. Debauve et Gallais est connue depuis long-
lems par Pinvention du cbocolat analeptique ou reparateur
au salep de Perse, et du cbocolat adoucissant au lait d'amande.
Le premier est un des alimens les plus convenables aux per-
(i) Nom du <li:PCteur <\c PEcole <tcs jiauvrrs de HofWil ("Suisse .
a6o FRANCE.
sonncs affaiblies, qui ont besoin de trouver sons up petit vo-
lume line nourriture abondante, de facile digestion, et non
moins agreable que resiaurante ; le qhocolat au lait d'amandc
convicnt pins specialeincnt aux pcrsonnes qui sonffrent dc la
poilrinc, et dans les convalescences dcs gastrites; I'usage de
cc dernier oflVc L'avantage de jouir des proprietes precieuses
du cacao, sans avoir a redouter son action stimulante.
Cltroniquc des theatres pendant le mois Wavril 1800. — Qua-
torze premieres representations out eu lieu, dcpuisle icr avril,
sur les diflerens theatres de Paris, a l'cxclusion toutefois de
I' Academie dc musique et du Thcdtre-F rancais, qui n'ont pas,
du reste, la pretention dc rivaliser d'activile avec leurs con-
currens d'un ordre inferleur. — VOpera-Comique a donne, le
•ib avril, Danilowa, opera en 3 actcs, par MM. Vial et Paul
Ihu'ORT, musique de M. Adolphe Adam. Cette piece a obtenu
uit honorable succes. Le poemc offre des situations interes-
sautes, un denoument imprevu et satisfaisant ; mais on pent
Ini reprocher de la lenteur et quelquefois du vide dans Pac-
tion; quant a la partition, ouyrage d'un jeune compositeur
plein d'beureuses dispositions, mais qui ne s'etait encore es-
saye que dans des productions moins importaules , on y
trouve des chants gracleux, un orchestre souvent brillant et
spiriluel el plusieurs morceaux pleins d'effet et decoloris;
mais on pourrait peut-etre desirer de plus frequentes traces
d'inspiration, plus d'elan et de verve, des idees plus neuves
et plus individuelles. — UOdcon, apres avoir eprouve un
nouvel echec a la premiere representation de VEcole du Pau-
vre, comedie en 5 actes et en prose, par MM. Brunswick et
Maillakt (17 avril) , dont l'idce premiere ne manquait point
de verite, mais dont l'cxecution denote I'inexperieoce des
auteurs, est parvenu a faire accueillir (le 5o avril) par le public
line comedie en 5 actes et en prose : Ma Femme et ma Place,
par MM. Bayard et Gustave de Wahia. Cette comedie est unc
fort jolie piece; il y a des peintures de mauirs et de carac-
lere, un pen vieilles de fond, mais ravivees par'des details
piquans et un coloris assez frais; Taction n'est ni bien origi-
nate, ni bien fortement nonce ; mais elle est rapidc et gaie ; le
dialogue roule Irop souvent sur des plaisanleries un peu uni-
Fonnes, et theme un pen usees sur ['administration et sur
la situation equivoque du mari. mais elites sent si vives et si
vpiriiuelles, qu'elle's ont tenu continuellement en haleine I'at-
lention des spectateurs; des applaudissemens de bon aloi, et,
PAI1IS. b#*
tc qui vaul encore mieux, le lire qui n'a cesse de cotirir dang
Fassemblee , out constate un succes qui n'a pas etc uu seul
instant iucertaiu, et qui attirera du monde a I'Odeon, ou I'bn
altendait depuis long-lenis uue comedie qui vinl rompre, sin-
ce theatre, la mauvaise chance de la muse coniique. Nous
avons dit, lorsque nous avons rendu coinpte de la piece de
M. C. Bonjour, le Protecleur et le Mari, ce qu'il faudrail, selon
nous, de hardiessc pour traiter dans le vii'un pared sujet; les
deux jeunes auteurs ne l'ont point essaye, et il ne faut pas leur
deinander une peinture large et grandiose, quand ils n'ont
voulu tracer qu'une esqnisse. Les inconveniens de solliciler
une place, quand on est le mari d'une jolie lemmc qui sollicile
de moitie, se bornent ici pour le mari a quelques inquietudes
dont il est bientut debarrasse, parce que sa lemme est aussi
vertueuse que belle: on pent amuser quelques iuslans par le
developpement d'une pareille idee, et c'est cc qu'ont fait avec
un vrai talent MM. Bayard et Guslave de Wailly; mais nous
atlendons encore le poete invenleuret vigoureux qui trouvera
dans ce sujet la donnee profonde, le coniique de Moliere. —
he theatre de Madame a donue , le 1" avril, le Couckev de la
Mariee, vaudeville en 2 actes, par M. Felix, ou Ton a remar-
que quelques situations piquantes et neuves, au milieu d'un
fond commun et rebattu ; puis, Philippe, comedie-vaudeville
en 1 acte, par MM. Scbibe, Melesvili.e et Bayard. On a re-
proche de 1'invraisemblance aux donnees principales de ce
drame, qui sont, du resle, empruntees a Frederic, Ionian de
M. Fievee ; mais on y a admire un art infini dans l'encliaine-
nient des scenes; des situations patheliques, rendues souvent
avec un profond sentiment de passion ; des caracteres vigou-
reusement traces; un dialogue adapte au sujet, energicpie
sans declamation lorsque la circonstance le couiporte, seme
de mots heureux et de spirituellcs saillies, entache toutelbis
de terns a autre de mauvais gofit et d'affcctation ; enfin, le jeu
des acteurs et surtout de Gonticr, qui est admirable dans le
role principal. C'est encore un triomphe a joindre a la liste
deja si longue des succes de M. Scribe et de ses collaborateurs
les plus habituels. — Aux Varieies, trois chutes encore : la
Mariee d I'encan, tableau villageois en 1 acte, par MAI. Duclos
et Felix (5 avril); le Bal de CAvoue ou les Quadrilles hislo-
riques, comedie-vaudeville en 1 actes, par MM. Duflos et
Leon (16 avril); le Voyage en Suisse , vaudeville en 1 acte,
renoii'vele de Patrat (29 avril). — Aux Nouveautes , Belle et
Bossuc , ou le Medecin orthopediste , vaudeville en a actQS
( 7 avril ) ; et IcMari au.r neuf i cnuncs . vaudeville en 1 act**
■i(Si FllANtfi.
( i3 avril) , qui incident tout an plus d'fitre cites; et Rafael,
piece en 3 actes, melee dcchanls, par M. Tiieaulon (aGavril),
lenlalive nialheureii.se dans le genre frcnctique el horrible ,
qui aura de la peine a sc naturalise!- hois de sa sphere indi-
gene , les theatres du boulevard. — Le IkiOtre de la Porte-
Saint-Martin a , denouveau, essaye avec bonheur de trans-
porter sur noire scene line des compositions les plus poctiqucs
de Shakespeare. Shylocl;, !nclodramecn3actes, par JIM. Dulac
et Allard, a paru le i" avril, et, malgro un dialogue comniun
el diffus, declamatoire jusqu'au ridicule, malgre qui'lqiics
iiialadresses des auteurs qui out lausse quelquelbis la concep-
tion originale en voulant l'adapter aux habitudes et aux exi-
gences de notre theatre, a excite d'unanimes applaudisscniens.
— L' ' Ambiga-Comiqae a entrepris de donner une parodie de
la Christine de M. Dumas, sous le litre de Cliaitlot, Surenc et
Charenlon ( 26 avril ), qui n'a point reussi : et la Gaitc a monte
une piece en 2 actes, les Demoiselles ( 1'4 avril), dont le comi-
que n'a pas etc du go fit de l'auditoire. — Nous ne termincrons
pas cettc revue, sans annoncer l'ouverture d'un theatre alle-
mand , on Ton se propose de representer successivement les
chefs-d'oeuvre de l'ecole musicale d'Allemagne. On y a vu
deja, depuis le 16 avril, le Freyschuiz, de "Weber, Faust, de
Sfohr, le Sacrifice interrompu , de AVinter , et Bibiana, de
M. Pixis. Nous reparlerons de eelte entreprise qui merite, a
tons egards, d'etre encouragee, et de l'effet qu'elle aura pro-
duit.
Beaux -arts. — Peinture en mosalquc ; Etablissement de
mosaique monumcnlale de M. Barberi , rite des Tourneltcs,
n" 32, d Paris. — L'art de la peinture en mosaique , cultive
avec succes par les anciens, neglige, comme tons les autres,
dans la barbarie du moyen age, repaint avec eclat en Italie,
vers la fin du xve siecle. De beaux ouvrages furent faits alors
dans l'eglise de Saint-Marc, a Veuise. Au commencement du
xvine siecle , des mosa'iques Tort remarquables aussi furent
composees pour la coupole de Saint-Pierre de Rome. Napo-
leon, qui avait deja encourage cet art, en faisant copier en
mosaique le tableau tie la Gene de Leonard de Vinci qui se
trouve a Milan , fonda a Paris une ecole dont la direction fut
conliee a M. Beixoni : nous n'oserions pas avancer que cet
etablissemenl a ete de pen d'ulilile ; mais il est certain que ce
qu'il a produil en eleves el en liuvaux est gcncralemcnt pen
COnnu. — Cclui dont nous entretenons aujourd'hui nos lee-
PARIS. -jdT)
leurs a ete i'onde et soulcnu par les soins et aux irais (I'imi
simple particulier, M. Barbed, eleve d'Aguatti, et qui a tra-
vaille long-tems en Italie, aupres du prince Eugene Beauhar-
nais, qui lui fit executer plusieurs tableaux. Depuis, il s'est
constamment oceupe de son art; il a fait pour l'empereur de
Llussie plusieurs beaux ouvrages, notamment le portrait de
l'empereur Alexandre et up tal)leau representaut le Triomphe
de I Amour , qui se trouve aujourd'hui au Musee de Saint-
Pctersbourg. M. Barberiaenrichi 1'artqu'il cultive de plusieurs
perfeclionnemens notables. Le principal est d'employer des
matiercs vilrifiables donl il modifie la forme a volonte, par le
moyen du chalumeau. Jusqu'ici, on avait taille les materiaux
an marteau, et ils conservaient une forme cubique qui donnait
iles difficultes et une grande monotonie a 1'execution des des-
igns. Ce procede offre un autre avantage tics-important : il
iburnit la possibilite de laisser a certaines teinlcs des tableaux
la transparence qu'elles ontsur la toile. Du reste, M. Barberi
nest point un de ces artistes qui s'arretent et se reposent, fati-
gues de leurs efforts, des qu'ils ont fait un pas dans la carriere :
il espere pousserplus loin le perfectionnement dont Part de la
mosai'que est susceptible, et il ne craint pas de s'adresser aux
sciences physiques pour en obtenir les secours qu'il peut en
attendre. — L'alelier de l\l. Barberi sera visite, avec interet et
avec fruit, par les artistes et par les curieux, qu'il admet
volonliers a juger scs ouvrages. iNousy avons vu, avec beau-
coup de satisfaction , de nombreux travaux, bien propres a
exciter I'admiration des personnes qui connaissent les im-
menses difficultes de la mosai'que, et notamment une lete de
Silcne, de grandeur naturelle, un portrait de V 'empcreur Alexan-
dre , d'apres M. Gerard; des poissons , des quadrupcdes , des
oiseaux , des fleurs , etc. ■ — On aime a voir la capitale de la
Trance, veritable chef- lieu du monde civilise, s'embellir
chaque jour par les tributs que viennent lui payer des etran-
gers de tous les pays, savans, artistes, simples amateurs du
beau et des arts, dont le nombre serait beaucoup plus conside-
rable et ajouterait a l'aisance et a la prospcrite de noire pa trie,
sans les malheureuses passions politiques, aveugles et intole-
rantes, qui nous ont empeche, depuis plusieurs annees,de
rcconnaitre les nouveaux tlats de l'Amerique du sud, et qui
offrent des symptomes affligeans de disaccord entre les cou-
seillers de la couronne et la nation, svmptomes qui eloignent
de notre sol hospitalier beaucoup de branches d'industrie et
beaucoup de families ilisposees a s'y etablir. N.
— Carporama. — Les savans, leg navigateurs. eiifiu, le
uG4 I'll A N G E. — N EC IK) I AH'. I E.
public sont admis a present a examiner le Carporamct, ou
Collection des plantcs el fruits lie I'Inde , par 1'cu Kobillaro
d'Argentelle, qui, tie 1802 a i8ii(J, employa vingt-quatre
annccs a les modeler ligc par tigc, feuillc par feu i lie : travail
unique, d'une solidite a tonle cpreuve, et dont les precedes
sont deja perdus. La Rente Encyclopedic/ tie (voy. t. xnn,
p. 5i5) a insere 1111 precis du rapport fait a V Academic des
sciences, par MiW. Desfontaines , Labillardiire ct Cass in i sur
«cette collection de 1 13 plantcs representees tie grandeur natu-
relle, avec une perfection telle qu'clle pent faire illusion aux
yeux du botaniste le plus exerce. » An moment on ellc allait
etre embarquee pour l'Europe,les liabilans tie i'llc-tle-Franre
solliciterent en foule la favour de 1' admirer une dcrniere fois.
Ces beaux ouvrages tie 1\1. d'Argcntelle sont pour nous d'un
bien autre prix : ils nous procurent la eonnaissance parfaite des
productions les plus intercssantes que la nature ait proiliguees
avec taut de richessc entrc les tropitpies, el tpie jusqu'ici nous
ne pouvions apprecior que d'apres des dessins et des gravures
plus 011 moins exacts, line visile an Carporama promet une
instruction precise a la jcunesse : e'est surtoutpour les artistes,
fatigues de reproduire inccssamment nos plantcs et nos fruits
d'Europe, qu'ily auraproiita etudier, d'apres nature, le port des
raineaux, les formes si varices et les teintes si delicates de ces
vegelaux extraortlinaires; le cocolier gigautcsque etla pomme
tie Cythere, le sagoutier et la grenadille, l'arbre a pin, le ca-
caoyer, le nmscadier, le pamplenioussier, etc. Les amis tics
sciences et des arts doivenl desirer que le Carporama, qui est
momentanement expose rue Grange-lkilclicrc, n" 2, reslc a la
France, et qu'il soil acquis par le goiivernenient pour ac-
croitre les ricbesses du Musee maritime. Mais cet etablisscmcnt
national, quand sera-l-il livre a la curiosite et aux etudes du
public? hid. L — n.
NECUOLOGIE.
Angleterre.- — Georges Tierney, membre du parlement. —
Ne a Gilbraltar, le 20 mars, 17G1, Tierney etait fds d'un ne-
gociant anglais, qui le fit clever an college d'Eton ; il prit en-
suite scs tlegres a Cambridge. II se destinait au barreau, mais
la inort de trois freres. le laissant scul heritier dela fortune de
son perc, lui permit d'aspirer aux honneurs tie la carriere par-
lementaire. En 1788, sous lc ministere de Pitt, il publia uneerit
avec lc litre iVEssai sur la situation recllc de la Cornpagnic, des
ludcs comparcc d ses droits et d scs privileges; ccttc question
NFXROLOGIK. jG5
qui s'agitait alors aux Chambres etait d'une haute importance,
et soulevait une foule clc passions et d'interets : le ministers
avait pris 1'infliative , lorsque cette brochure vint donner un
dementi formel a toutes les assertions failes par Pitt sur Petal
et les ressources de la Compagnie. Des lor?, les croyances po-
litiques de Tierney furent connues, et il se trouva neecssaire-
ment faire partie do l'opposilion. Arrive a la Chambre, apres
deux tentatives malheureuses, il vint prendre place, en 1796,
dans le parti oppose a Pitt, aux Burkisies , et a tons les de-
tracteurs de la revolution francaise. II 1'ut de Ires bonne foi
dans la cause qu'il avait embrassee, et ne se laissa ebranler
ni par les sophismes de ses adversaires, ni par les crises qui,
plus d'une fois, amenerent des defections parmi les partisans
de la republique an parte merit anglais. Ennemi acharne dfi
Pitt, il s'attaquait indislinctement a tous ses actes, le harce-
lait, le raillait sans pit ie , avec une ironic demi-serieuse ,
demi-legere, qui mettait souvent en defaut l'imposante logi-
que du ministre. Moins brillant que Fox, il etait plus fecond
en argumens : comme Burke 011 "Wyndham , il ne plongeait
pas dans les profondeurs du savoir, ou dans les raflinemens
de la metaphysique , il n'avait pas les promples reparlies de
Sheridan, mais ses saillies, plus apres el plus vehementes, sai-
sissaient plus fortement l'auditoire. Peu verse dans la pratique
des affaires, il lui arrivait souvent de se laisser emporter sur
un terrain qu'il ne connaissait pas a fond , comme en matieres
de finances ou d'cconomie : c'etait la que Pitt reprenait tons
ses avantages, et le battait a outrance. Cette guerre passa des
mots aux choses, car le ministre, ayant une Ibis accuse l'ora-
teur, a propos d'une motion que ce dernier combattait et qui
avait pour but la levee de dix mille marins destines a defen-
dre l'lrlande d'une invasion, d'avoir parte non-seulement en
republicain, mais en ennemi de PAngleterre, Tierney de-
manda qu'il fut rappele a l'ordre. Loin de vouloir se retracler,
l'autrc insista, et il s'en suivit unduel, ou tous deux firent
feu deux fois et se manquerent. M. Pitt termina le different ,
en tirant en Pair son troisieme coup. Lors de la session de
1798 a 1799, Tierney fit une motion pour la paix , et ne cessa
de combattre le systeme de coalition et de subsides payes par
I'Angleterre aux puissances en guerre avec la France. Sons le
consulat, il esperait encore en la liberie. II prit part a ['admi-
nistration, en 1802, lorsque M. Addingtondevintministre, mais
pourpeu de terns ; il fut de nouveau employe par Fox, et apres
la mort de cc dernier recomnicii'/a a faire de l'opposilion po-
•j6() NlfcCllOLOlilE.
litique au parlement, mais seulemenl a propos des inlerels
cxclusifs de l'Angleterre.
Sa reputation d'orateur lui vient surtout des debats calibres
auxqucls il prit part a cote de Fox, de Burke, de >\ yndliani,
de Sheridan* et de laportee des questions qui se traitaient alors.
Sa politique, euunemment consciencieuse, lui douuaille droit
dout il usait si habilemeut de decouvrir et d'exposer dans au-
trui tout motif egoi'ste ou mereenairc. Ses discours avaienl de
I 'abandon, et parlicipaient d'une eauserie spirit uelle et mor-
dante, mais jamais vulgaire. Commc homnie prive, il elait
adore de sa famille et d'un nombreux eercle d'amis. Jamais,
ii ue rapporta dans son interieur les ennuis de sa vie publique :
et bien que desappoinle dans quelques-unes de ses espcranees
generates et personnelles, il ne montra jamais ni ainertume,
ni degout des homines. II avait le coeur naturellement tendre
et bienveillant. II est moil, age de 69 ans; c'elait le dernier
homme inarquant de cette opposition celebre, si riche en ta-
lens, enforce et en jeunesse, quidefendit la revolution fran-
caise au parlement anglais contre le ministere le plus fort
qu'ait eu la Grande-Bretagne. L. S. B.
France. — Yacjquelin (Louis-Nicolas) naquit a Hebertot,
bourgdu dcpartemenl du Calvados. Le hasard, qui conlribue
quelquefois si puissamment a la reputation des hommes, ne fit
rien pourlui. Nede parens pauvres et obscurs,il dutt<>utason
travail eta son infatigable perseverance, et il offre peut-etre,
dans 1'histoire des sciences, Pexeniple le plus remarquable
des dilficulles qu'un homme peut avoir a vaincre dans celle
carriere deja si difficile. — A l'age de 14 ans, il fut oblige
d'entrer, en qualite de garcon de peine, dans la pharmacie de
M. Mezaise, a llouen. C'est-Ia, qu'au milieu de travaux durs
et fatigans, il sut derober quelques instans a son sommeil,
pour se livrer a l'elude, et qu'excite plutot que dccourage par
les entraves qu'il rencontrait , il acquit, a 1'aide des iaibles
nioyens qu'il possedait , les elemcns de cette science dont il
i lait appele a reculer un jour les bornes. — Apres avoir passe
deux ans dans cette pharmacie, il vint a Paris, 011 il enlra
ehez M. Sagel. Ses occupations moins multipliees lui per-
mirent alors de consacrer plus de terns a l'etude; mais il s'y
livra avec trop pen de reserve, et sa sante s'affaiblit bieulot; il
tomba malade, et fut transports a l'H6tel-Dieu. A peine rela-
blijilentra dans l'officine de M. Cheradame, en qualite dV7< re.
Fourcroy venait souventcbezce dernier, quietait son parent, et
qui lui parla avec intcret du jeime homme studieux qu'il
avait alors pour eleve. Fourcroy fut frappe de 1'ardcur du
NECKOLOGIE. u6;
jeune Vauquelin pour les travaux chimiques, et le prit a son
service aux appointeinens de trois cents francs. Des la fin de
la premiere annee, le jeune homme recut une montre, cadeaa
de son nouveau patron, qui voulutainsi reconnaitre son zele ;
nous rapportons cette circonstance , quoique peu iniportante
en elle-meme, parce qu'elle fit une impression profonde sur
l'esprit de Vauquelin, et qu'elle rcdoubla (he/, lui 1'amour de
l'etude. — Des lors sa situation devint plus hcureuse ; il sut
s'attirer la bienveillance de tous les amis de Foureroy.
Mmc Bailly, qui demeurait avec Foureroy, le prit en affec-
tion. En quittant cette maison, on il avait trouve une autre
famille. il gera pendant deux ans la pharmacie de M. Goupil,
et enfin lui succeda.
Le reste de la vie de cc celebre chimiste est trop connu,
pour qu'il soit necessaire d'entrer dans quelques details a cet
egard. Si nous l'avons suivi pas a pas clans sa jeunesse, e'est
que ses commencemens furent penibles , et qu'on apprecie
mieux la force d'ame qui l'a aide a les surmonler.
Ses propres travaux le firent bientot connaitre, et il devint
successivement inspecteur des mines, membre de l'ancienne
Academie des sciences, membre de l'lnslitut, chevalier des
ordres royaux de la Legion-d'Honneur et de Saint-Michel ,
professcur administrateur an Museum d'histoire naturelle,
professeur a l'Ecole royale de pharmacie , inspecteur-general
de la Monnaie, professeur honoraire de la faculte de medecine
et du college royal de France , membre de la Societe royale
de Londres et de plusieurs autres Societes savantes, etc. , et,
enfin, depute du Calvados.
Le nom de Vauquelin se trouve a toules les pages d'un traite
de chimie; en effet, il n'est aucune partie de la science qu'il
n'ait exploree, et sur laquelle ses travaux n'aient jete un grand
jour. Son genie observateur savait faire jaillir la lumiere des
sujets les plus obscurs, et rendre importantes les choses en
apparence les plus insigniliantes. C'est ainsi que son analyse
du foie de raie, son memoire sur la respiration des insectes et
des vers, son analyse des excremens de poule, celle du
.■■perme, etc., offrent des resultats qui se iient aux questions
les plus interessantes de la physiologic
Si, du domaine de la chimie animale, nous entrons dans
celui de la chimie vegetale, nous trouvons encore ses travaux
remplis de faits interessans et nouveaux, et qui ont depuis etc
mis a profit par tous les savans qui s'en sont occupes. — Con-
IciiUins-nous d'indiquer 1'aoalyse <la lamariyi. celle du salsoba
soda, qui, calcines avec la potasse. donnenl du bleu de I'russc
aliS M'iCllOLOCIK.
avcc los sels ile lor. Son mcinoire sur Paction do I'acide sulfu-
riquo, sur los inaticrcs vegetates ct animalcs, avcc scs obscr-
\alions sur la formation do l'clhcr ; son itn'moirc sur one
maladic do la seve des vegetaux, fort important pour la phy-
siologic, etc. , etc.
Mais c'est surlout dans la chimie miuerale quo los travaux
do Vauquelin sont nombreux; on lui doit la decouverte du
chrome et do la glucine, uno met h ode notnelle d'analyse du
feretde l'acier, danslaqucllo ilsignale l'inconvenicnt dol'acide
sulfuriquepour rcconnaitrc la presence ducarbone dans l'acier,
le moyen de separer le phosphate de for dans l'analyse de
l'acier, etc. , travail fort remarquable, et qui, encore aujour-
d'hui, sulfiraitpour fairc la reputation d'un chimislc; l'analyse
de l'alun, qui a dissipe lo prejuge qui existait sur les aluns do
llouieet d'Angleterre ; l'analyse d'un grand nombredo pierres,
derubis,del'enieraude,deraigue-niarine,dugrenatblane,etc. ;
le manuel de l'essayeur, on memoire sur la coupollalion,
l'essaidessalpetres, un memoire sur les comhinaisonsdu soufre
avec les nietaux; un travail sur la baryte et hi strontiane qu'il
sort du rang des terros pour les classer parmi les alcalis; un
memoire sur la solubilite du scl marin dans les dissolutions de
sols neutres, et sur les phenomencs qui en resultent, travail
rempli de fails interessans pour l'histoire des sels, ct un grand
nonihre d'autres memohes dont la simple enumeration serait
trop longue. H. £>•
Vauquelin a laisse nnc SUc qu'il a instituee heriliere do ea
fortune; cependant les antics niembres de sa famille ont eu
part a ses bienfaits.
— Levavassecr, que la mort vient do frapper dans la force
de l'age et du talent, naquit a Breteuil, en septembre 1774?
d'une famille des long-tems honoree dans la riiagistrature. II
fut a la fois honime de lettres, agrononic savant, et adminis-
trateur distingue. L'aurorc de la revolution eclaira sa jeu-
nesse : il parlicipa do ses vceux au trioniphe do sa cause sacree,
lui offrit son courage eivique, et lorsque la France, succom-
bant sous le fardoau do scs triomphes, passa du despotisme
de la gloiro a l'anarchic contre-revolulionnaire, Levavasseur
se montra noblenient parmi les fonctionnaircs restes fhteies
a I'honneur national. Loug-loms niemhre Juconseil general de
l'Obe, il doploya dans des circonslanccs oragcuses la fermete
de l'homme do bien. Devenu mairo do Breteuil il acquit de
nouvcaux droits a restiine dc ses concitoyens. Juste envers
tons, il fut inaccosililo a hi Seduction do? prejuges rcnais-
saus ; cuncmi do I'liypocri ie. il n'ecoula que la voix dc s.i
NUCUOLOGIE. 209
conscience; nc meconnut point notre veritable gloire, et rue
proslitua jamais I'eloge aux oppressciirs de la patric ; aussi
Levayasseur obtint-il I'honneur de la disgrace a line epoque
on le pouvoir affect ait d'oublier les droits acquis, et de sacri-
fier Pniteret de tons au privilege de qnelqnes-nns.
Ce digne eitoyen, rendu a la vie privee, employa ses utiles
connaissances an perfectionneinent de I'agriculture. Quand
les detracteurs de nos institutions se plaisaient a mepriser la
main qui conduit la charrue, Levavasseur croyait s'ennoblir
en la dirigeant lui-memc. Souvent il cut l'honneur d'associer
ses travaux a ceux de son illustre compatriote, le vertucux
Laroehefoueault. Ses ameliorations agricoles n'avaient pour
hut que l'irtteret general; souvent il fit a ses depens des expe-
riences dont le puljlic seul recueillit les fruits.
L'indigence et le malheur n'ont. apercu son opulence que
pour la benir. La bienfaisance lui elait si naturelle, qu'il lai-
sait de bonnes actions, comme il fit depuis de bons vers, sans
y attacbcr la moindre importance. Une simplicite tranche,
une veritable candeur scmblaient derober son merite et ses
vertus a ses propies yeux. Cct homme rare l'ut opulent sans
faste, fonctionnaire sans intrigue, philantropc sans preten-
tion, poete sans vanite.
Long-tems livre a d'impoitantes fonctions puhliques, a de
savans travaux agricoles, Levavasseur ne se livra que par in-
lervaile a l'elude des lettres. 11 nc cedait que comme invo-
lontairement a sa vocation poetique. II ne parut done que
1'ort tard dans une carriere ou la nature l'entrainait presque
malgre lui. II concut le hardi projet de tiaduire en vers la
plus ancienne des productions poetiques : le livre de Job,
assemblage de meditations metaphysiques et religieuses, de
controverses du doute et de la t'oi. Sa traduction parut en
182,5. Le traducteur de Job obtint un succes d'autant plus
llatteur, qu'jl n'avait recherche le patronage d'aucune secle
lilleraire. Le seul eclat du talent foira I'attention du public
leltre a porter ses regards sur le travail d'un ecrivain qui.
.1 son debut, offrait la reproduction brillante d'une ceuvre
creec par le genie poetique a une epoque anterieure a tous les
terns connus, qui, peul etre composee dans une langue en-
lierement oubliee, n'est parvenue jusqn'a nous qu'a travers
differens idiomes. On trouvc avec surprise, dans la version
nouvelle, l'empreinle d'un rare talent qui nous rendait l'heii-
reux melange d'images nai'ves el de penst'es profondes. On
y repiarque, surtout, la franchise du doute a cote de I'en-
thousiasme de I'illusion de ccs premiers Ages 011 Tesprit hu-
main eprouvc a la fois le besoin de entire et le desir de s'eclai-
270 MiCltOLOG Hi-
rer. On sul grt an Iradiu'tcur d'avoir cnriehi notre lit tt'-rattirc
en puisant aux sources de ces beautcs natives qui n'etaient
guere connucs que par des especes do traductions deguisees,
et des iniitalions que quelques poctes de notre epoque out
publiees sans en reveler I'origine.
Levavasseur etait done d'une tranquille modcstie, d'une
insouciance timide qui avaient contribuc autant que ses tra-
vaux agrieoles et administratis a retarder son apparition dans
la republique des lettres. Apres avoir hesite long-tems a
rendre le public arbitre de son talent, lc hazard le decida.
Dans HI) de ses frequens voyages a Paris, il s'adressa a un
homme dc lettres qui venait d'obtenirdessucces dans un genre
analogue a ses travaux poetiqucs. Cet ecrivain eut le bonheur
d'apprecier le premier toutletalent de Levavasseur. IU'excita
vivement a se faire connaitre, lui donna quelques avis aux-
quels le traducteur de Job se soumit avec eette resignation
(•(iiirigeuse qui n'apparlient qu'au vrai merite ; enfin, il lui
epargna les desagreiucns que 1'ecrivain ignore rencontre tou-
jours a son debut.
Levavasseur, dont le nom etait absolument inconnu dans
la litterature, fut range tout a coup parmi les ecrivains qui
honorent notre epoque. II jouit de son succes en homme qui
n'a jamais place son bonheur que dans l'estime des autres.
iMais conservant sa candeur an milieu des applaudissemens,
il semblait etonne de les meriter. Plusieurs societes savantes
s'empresserent de l'adniettre dans leur sein ; la Societe Philo-
technique, eritre autres, lui accorda le litre de correspondant.
Levavasseur vit dans son succes l'obligation de perfec-
tionner son ouvrage. Dep'uis cinq ans ses efforts tendaient a
ce but; il y touchait quand la mort le frappa. Cet ecrivain
distingue, enleve an milieu de sa carriere, doit exciter de vifs
regrets.
Cet evenement afiligeant pour tous les amis des lettres, fut
une calainite pour le pays, on , pendant vingt-cinq ans Leva-
vasseur avait exerce la salutaire influence de ses lumieres et
de son zele patriotiqiie ; on sa genereuse sollicitude adoucit
le sort de tant d'inl'ortunes. Les habitans de la ville de Bre-
teuil et des villages voisins attesterent par leur consterna-
tion l'etendue de la perte qu'ils eprouvaient. lis cesserenl
leurs travaux pendant trois jours, et, simultanement rcunis
aux enfans de leur l)ienl'aiteur, pour lui rendre les derniers
devoirs , ils semblaient ne former qu'une scule famille qui
venait , avec le pieux respect de la reconnaissance, apporter sa
douleur snr le tombeau d'un pert. IT.
TABLE DES ARTICLES
CONTENUS
DANS LE CAHIER D'AVRIL i83o.
1. MEMOIRES, NOTICES ET MELANGES.
Page.
1. Considerations sur les mollusques et en particulier sur les
oephalopodes Cuvier. ft
•2. Observations sur lc Memoire precedent
, . . Geoffroy-Saint-Hilaire. ho
3. De l'cmprisonnement solitaire aux Etats-Uuis. CAar/es Lucas. 2 3
II. ANALYSES D'OUVRAGES.
4- Rapport sur les institutions de bienfaisance du royaume des
Pays-Bas. — Rapport sur l'elat des ecoles superieures ,
1110yenu.es et priuiaires A. Quetelet, 28
ft. Campagne des Francais en Alleniagne en 1800. . . Sicard. 38
G. Manuel de l'hisloire de la pliilosophie de Tennemann, tra-
duit de l'allemand par Victor Cousin.. . Adolplie Gamier. 54
7. L empire de la Grande-Bretagne, en 1828, par J. Goldsmith
(ouvrage auglais) A.M. 7ft
8. Essai sur llustoire de I esprit liumain dans l'antiquite, par
Mw Rio Alphonse d' Her helot. 9 4
9. L'iiumorlalite de lame, poeme, parM. de Norvins. . . A- 107
10. OEuvrcs posthumes d'A. E. Gaulmier 0. 11a
III. BULLETIN B1BLI0GRAPHIQUE.
Annoncesde 89 ouvrages, franfais etetrangers.
Amerkjue septentrionale. — Etats-Unis, 5 12a
Europe. — Grande-Bretagne, 8, dont 2 ouvrages periodiques. . 100
— Russie, 5 1 4 1
— Allemagne, 8 i45
— Suisse, 1 i57
— - Italic, 6 160
— Pays-Bas , l\, dont 3 ouvrages periodiques 16G
France, 54, savoir : Sciences physiques et natureltes, i4 • . • • 170
— Sciences religieuscs, morales, politiques et historiques , 17. . . 190
— Literature , 11 204
■ — Beaux-arts ,6 2i(i
aja TABLE 1»CS ARTICLES.
— Ouvrages p&riodiques , 5 221
— Livres en languea I'trangeres , imprimis en France , 3 . . . . 224
I V. NOU VELLES SCIENT1FIQUES ET LITTERAIRES.
Amkriquf. sEPTENTniosAi.E. — Etats-Unis : Socielcs de tempe-
rance .... 228
Ameriqi;e mkrimonale. — Expose sommaire des progres qua
faits la republiquc de t'.olombie depuis 1822 229
EUROPE.
( ;ram»b-Bretagke. — Londres .■Reintegration des Juifs dans leurs
droits de citoyens ; Rcforme parlemenLaire. Reclamations
die lady Byron el de ses amis contre les fails avanees par
M. Moore. — Bristol. rVerner, tragedic de Byron, represen-
tee sur le theatre de celte -ville a36
Ali.emag\e. — Gailingiic : Fondation d'une bourse en faveur
des (''Indians en medecine. — Autriche : Recherche des an-
tiquites nalionales. — Uambourg : Traduction d'un 011-
\rage de Mu" la princcssc de Salm 208
Suisse. — Lausanne el Geneve : Cours de liiterature professe dans
ees deux villes par M. Monnard 269
France. — Departcmcns : Valines (Morbihan) : Leeons publi-
qucs pour les sciences ualurelles. — Chemin de fer de la
Loire .2/^2
Paris. — Institut : Academic des sciences : Seances du mois
d'avril 1800; Academic francaise : Seance publique pom-
la reception de M. de Lamartine ; Nomination de M. de
Pongerville a la place laissee vacanle par M. deLally-Tol-
lendal. — Union encyclopedique pour la propagation des
coniiaissances utiles. ■ — ■ Ecole prcparatoire d'agricullure.
— Perfeetionnemenl dans la fabrication du chocolat. —
Chronique des theatres pendant le mois d'avril 1800. —
Beaux-avis : Peinlurc en mosaique : Ktablissemcnl de
mosaique monumentale de M. Barberi ■; Carporama. . . . 24~>
PsiicROLOGIE.
rfn'gleterfe :■ Tierney. — France : Vanquelin; Lerarvasseur . . . 264
REVUE
ENCYCLOrtiDIQUE,
on
ANALYSES ET ANNONCES RAlSONlNtES
DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUASLES
DANS LA LITTltRATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS.
I. MEMOIRES, NOTICES,
LETTRES ET MELANGES.
DE
L'EXPfeDITION CONTRE ALGER (i).
L'expedition contre Alger, qui se prepare dans les ports de
France, a donne lieu a un grand nombre de publications des-
(1) On peut consulter, sur Alger, les ouvrages dont les titres suivent:
l. Alger. — - Tableau du royaume, de la ville d' Alger, et de scs envi-
rons ; ctat de son commerce, de scs forces de lerre et de mcr ; description des
mceurs et des usages du pays : precede d'une Introduction liisloriquc sur
les differenles expeditions d' Alger, depuis Charles-Quint jusqu'a nos jours,
avec carle, vuc, portraits et costumes de seshabitans; par M. Renaudot,
ancien oflicier de la garde du consul de France a Alger. Paris, i83o ;
P. Mongie, boulevard des Italiens, n° 10. In-8" de 182 pages; prix, 7 fr.
%. Hisloirc d' Alger et du bombardement de cette ville, en 1816; des-
T. XI.VI. MAI l83o. l8
374 1>E L'EXPEDITION
tinees a satisfaire la juste curiositc- de ceux qui dcvront j
prendre part, ou en personne, on par leurs enfans, leurs
amis et leurs compatibles. Nous avons eberchc u nous pro-
curer le plus grand nombrc que nous avons pu de ces ecrits
de circonstance ; mais d'autres paraitront sans doute encore,
pendant que ces pages seront sous la piesse, d'autres tandis
qu'clles circulerontdeja ; ctpeul-etrc, entrc toutcs ces brochu-
res, ne s'en trouvera-t-il aucune qui reponde pleinement a
ce que le public pouvait demander ; tout au moins, celles
dont les litres sc trouvent dans la Note ci-dessus laissent en-
core beaucoup a desirer.
La premiere, par M. Renaudot , est celle qui, pro-
bablement, donnera le plus de satisfaction. L'auteur, appele
par ses fonctions d'officier de la garde du consul de France,
a resider dans le pays, et a en comiaitre les habitans, parle
criplion de ce royauuic et des revolutions qui y sont arrivees, de la ville
d'Alger et de ses fortifications, de ses fortes de terrc et de mer, mceurs et
costumes des habitans, des Mores, des Arabes, des Juifs, des chretiens;
de ses lois, de son commerce et de son revenu, etc., avec une carte du
royaume, et une vue lilhographiee de la ville d'Alger, de ses fortifica-
tions et de sa rade. Paiis, 1800; Piltan, libraiie, rue des Saints-Peres,
n° 5i. I11-80 de 366 pages; prix, 6 fir.
3. Souvenirs a" tin officicr f'ratnais, prisonnier en Barbarie, pendant les
annees 181 1, 1812, i8i3 et 1814, etc., etc., par M. Copitbemoumivs, P. M.
de Nantes, capitaine en conge illimite. Anselin, libraiie, rue Dauphine,
n» 9. In-8° de 44 Pagt,s > P,1X» ' f''- So c.
4. Alger, esquisse topograpliique et hislorir/uc du royaume et de la ville :
accompagne d'une carte generate du royaume, et d'un plan du port,
par A. M. Perhot, membre de plusieurs socieles savantes. Paris, iS3o;
Ladvocat, libraiie, Palais-Boyal. ln-8" de <^4 pages; prix, 3 fir.
5. Au Hoi et qux Chambres, stir tcs veritable? causes de la rupture avec
Alger, et sur I'expcdilion qui sc prepare, par Alex, de Laborde, depute
de la Seine. Paris, i83o ; Trucby, librairc, boulevard des Italiens, n" 18.
1 vol. in-8° de 170 pages; prix, 3 fr.
6. Carle de la regence d'Alger, et d'une partic du bassin de la Mediter-
ranee, donnant le rapport qui cxiste entre la Fiance et les Etats barba-
resques, par A. H. DurouB. Paris, i83o; Charles Simoneau, rue de Is
Paix, n° 6.
CONTRE ALGER. 2;5
(In nioins de ce qu'il a vu, et ses passions meuie, sa haine
contre les Turcs, lcs Maures, les Jirifs, son degoiit ponr les
manieres, le climaf, les productions, les fruits meme du
pays, ses remarques galantes sur les femmes Maures et le9
juives, ont un grand caractere dc verite. D 'autre part, les
prejuges el la partialilc de 1'auteur s« manifestent presque a
chaqtic page; et, tout en lui tenant compte de beaucoup de
renseigneniens utiles, on en cherche en vain beaucoup d'au-
tres, qu'il aunonee, qu'il indique et qu'il ne donne pas.
La seconde brochure n'esl que le resultat d'une speculation
dc libraire. Apres avoir fait choix d'une description d' Alger,
publiee en Angleterre an commencement du siecle passe, par
quelque homme attache an consulat anglais, I'editeur en a
relranchc le nom et la date , et il y a ajoute la relation de l'ex-
pedition de lord Exmouth, pour lui donner une apparenee
plus moderne; il y a joint aussi une preface, des reflexions
prctendues philosophiques, et des resumes presque toujours
en contradiction avec le corps de l'ouvrage. Cependaut, on
trouve quelquefois dans cet ecrit des choses curieuses et ins-
tructives ; mais, faute de connaitre on celui qui parle, on le
leins dont il parle, on ne sait quelle foi on doit lui accorder.
La troisieme brochure est \Qtllu\ge Souvenirs; sonauteur ce-
pendant semble ne s'etre souvenu de rien , ou ne savoir rien
nous raconter de ce qu'il a du voir pendant sa captivite en
Barbaric An lieu de faits, il nous donne ses speculations sur
1'armure et l'accoutrement qui lui paraissent convenir aux
soldats qu'on enverra faire la guerre sur la cote d'Afrique.
La quatrieme est une courte compilation, faite par un
homme accoutume a ecrire, et acconipagnee de bonnes car-
tes ;mais elle ne nous apprend rien que ce que 1'auteur a
trouve dans des livres deja connus.
La cinquieme est empreinte du talent et du patriotisme de
Phonorable depute qui l'a publiee ; elle contient plusieurs ren-
seigneniens precieux sur les rapports diplomatiques de la
France avec Alger; mais il faut y chercher bien plus des su-
jcts d'investigation quant a la conduite du ministere , pout-
■i^G DE ^EXPEDITION
t'tre des motifs d'accusation contre lni , qu'unc description
statistiquc ou une histoirc du pays que les Franrais vont
stttaquer.
Ce n'est point de ccs questions de1 controverse parlemcnraire
que nous desirons nous occuper aujourd'hui. II est possible
que Ie" dey d'Alger ait ete vole par les sieurs Bacri et Buse-
nach, ses agens, et que des hommes qui avaient en France
acres aupres du pouvoir aient (avorisc cette voleric pour y
prendre leur part. II est possible que la condiihcdu consul de
France, a Alger, n'ait pas ete exempte de reproches : dans ee
cas, nous esperons qu'unc discussion approfondie devant les
Cbambres portcra la lumiere sur toutcs les Irautlcs, sur toDa
les mystcres d'iniquite, et que les coupablcs, s'il y en a, n'e-
rhapperont point au chatiment qu'ils meritent. On peut croire
encore que la guerre entreprise aujourd'bui a ete regardee
par le ministere, bien moins comme necessaire pour venger
uneinsulte, que comme utile pour enivrer la nation d'un
pen de fumee militaire , et qu'il s'est propose de vaincrc dans
les champs d'Alger, non les pirates, mais les electeurs qui re-
crutent les rangs de l'opposition. Dans ce cas, nous ne dou-
tons point qu'uncalcul si l'rivoie et si miserable nesoit trompe:
car les electeurs recommanderont a leurs deputes d'exigcr
nn compte severe de Pargent et du sang de la France. St le
ministere a sacrifie a ce petit calcul parlementaire les vraies
convenances de la patric, s'il a precipite ses operations, en
1-es reglant non d'apres le climat , non selon une juste econo-
mic, mais sur les chances electorales, un compte plus severe
encore lui sera demands, ou de la nonchalance avec laquelle,
pendant trois ans, on a neglige de sc mettre en etat d'agir
efficacement , ou de la precipitation ruineuse qui a preside
aux derniers armemens , afiri de pouvoir commencer la cam-
pagne trois mois seulement apres l'avoir resolue. S'il est
vrai que des marches scandaleux, obtenus a l'aide de pots de
vin de plusieurs millions, couvrent des voleries eflroyables, ce
sera encore aux Cbambres a faire justice. Ce sera a elles a de-
ployer toule leur severite . si , par les consequences d'une
COiNTKE ALGER. 27;
ignorance presomptueuse, 1'expedition manquait de succes;
»i la jeunossc de France perissait sur les mers ou sur le»
sables d'Afrique, victime de l'ineptie du ministere. Mais tou-
tes ces craintes, fondees sur des conjectures ou des bruit*
populaires, ne nous presentent poiut encore assez de realite,
pour que nous nous permettions de les examiner.
C'est a une question plus haute, plus generale, que nous
voulons nous attacher, a une question que seinblent obscurcir
et I'esprit de parti, et la juste defiance que le ministere ins-
pire Nous eroyons fermement, et nous voulons etablir que
la guerre d'Alger, consideree abstraitement , faite en terns
opportun, el ponrsuivie jusqu'au but qu'elle doit naturelle-
ment atteindre, est une guerre juste, qu'elle est honorable,
qu'elle est utile a la France, et que, de toutes les conquetes
que la nation peut desirer, aucune ne lui serait plus avanta-
geuse que celle des rivages si rapproches de la Barbaric.
To us les voyageurs qui ont vu Alger, tous les ecrits qui ont
ele publics sur cette regence, nous la rep resen tent egalement
com me la plus grande association formee pour le brigandage
qui ait jamais existe sur la terre. Depuis l'an i5i6, oil le cor-
saireHoruch , Aruch, ou Aroudj Barberousse, introduit a Al-
ger par le roi maure de cette contree Selim, Eutemy, fit perir
son bienlaitcur. et s' em para de son trone, la souveraincte a
toujours appartenu a la bande de brigands formee par ce pre-
mier corsaire, organisee par son frere etson successeurllaria-
den , el recrulee an loin dans le Levant , de maniere a se
uiaintenir toujours au nombre d'environ douze mille hom-
ines. Ces Turcs levantins, associes pour le crime, et choi-
sis parmi les hoinmes que les tribunaux poursuivent, et que
la sociele rejette, soul tcllemenl odicUfe a leurs compalriotes,
qu'il est sans exemple qu'uue seule lemtne torque se soit
jamais abaissee jusqu'a epouser un algerien. Cependant, cha-
cun de ces bandits, dts qu'il est enrole dans la milice d'Alger,
sc fait riommer cfl'cndi. ou monseigneur; il se regards Domme
ayanl part a la souverainete : c'est pour lui, c'est pour assu-
rer sa paic , croissante d'annee en annee , que les pirates d'Al-
27« DE L'EXP EDITION
ger vont en course sur la mer, el (|ue les beys , suivis de leur
petite armec, levent des contributions sur la terre : il moiitc
par anciennete successivement en grade, jusqu'aux plus
hauts emplois de la inilice; et , si la pcilidie ou la violence
des factions le l'avorise, il s'assied sur lc trdne electifdu (ley.
Mais nul ne pent entrer dans la milice df Vigor, s'il n'esl Turc
levaulin , ou renegat Chretien ; e'est la lc litre dc noblesse que
Barbcrousse inventa en imitation de l'ordre de Malic. Qui-
conque est ne dans les Etats sur lesquels domine la milice
d' Alger, est exclu a jamais de cette milice; ni Maure, ni
Arabe, ni Berebere, ni Juif ne pent s'y faire admettre; les en-
fans des effendis de la milice, qu'on designe sous le nom de
Kouloglis, ceux des beys, ceux du dey lui-nicmc en sont ex-
clus a jamais ; rien ne peut effacer en eux la tacbe d'avoir recu
le jour d'une femme maure, ou esclave (i).
Le chef que ces brigands elisent entre eux pour les com-
mander, et qu'ils nommenl leur dey, ne s'eleve jamais an
trone que sur le cadavre de son predecesscur poignarde. Cha-
que election est precedee et suiyie de plusieurs massacres. Le
ppetendant couronne ne laisse vivre aucun de ses compeli-
teurs, et, s'il ne perit pas lui-meme des le premier jour de
son regne, ii fait tomber aussitot les tetes de tous ses rivaux.
Au reste, e'est une dignity laborieuse que celle a laquellc il
parvient a cc prix. Ses eamarades, qui l'ont cleve au-dessus
d'eux pour maiutenir la discipline, pour terminer leurs que-
relles et pour rendrc la justice, lui laissent a peine un mo-
ment de repos. Des le lever du soleil, tons les jours de la se-
maine, excepte le jeudi et le vendredi , il est assis sur une
peau de lion, dans la salle du Divan, occupe d'abord des af-
faires d'Etat, avec j-es^i nisi res qui l'entourenl, puis, de ju-
ger et de faire executer ses sentences. II remp4it ces dernie-
res fonctions sans respect pour la vie humaine, sans modera-
tion dans les supplices et dans les amendes, mais aussi sana
(l) Tout declined Alger, et ilsemblc q;ie li milice SOUVeraioe lie rumple,
plus aujomiriiui que six ou sept LB ill e homines.
CONTRE ALGEU. *79
delais, sans fiais, et avec nne impartiality grossiere, qu'on
trouve de meme assez ordinairement chez un capitaine de vo-
leurs, chez unchefde Bohemians, chez le commandant d'un
vaisseau de pirates, qui, coiiune le dey d'Alger, gnuvernent
des societes foraiees pour etre en guerre avec toute societe
humaine.
Le brigandage d'Alger pese egalement sur les mers el sur
les terres. La mi lice souverainc d'Alger, ou les douze milie
Turcs an nom desquels le dey d'Alger regne, ne connaissent
aucune Industrie; ils nesont associes que pour depouilier les
faibles et pour part a ger leurs depouilles. La piraterie est con-
sideree comme la premiere source des revenus de l'Etat. Le
tresor public reclame la moitie francbe du produit de tons les
vaisseaux captures, la moitie du chargement, et la moitie de
la valeur des bommes, qui sorit vendus a I'eiican au marche
public, apres qu'on les a fait courir, sautcr, porter quelque
fardeau devant les acheteurs, qu'on a explore tous leurs de-
tains corporels, sans respect pour le sexe ni l'age. Ces esclaves
sont nourris ensuite au bagne, avec trois pains noirsd'une de-
mi-livre cbacun, par jour, et un pen d'olives au vinaigre; ils
doivent gagnerleur vie par le travail, a moins qu'ils ne soient
retires du bagne pour partager les honteuses faveurs de leurs
maitres. II y a assez babiluellenient a Alger treize cents es-
claves chreliens dans les bagnes, sept cents chez les particu-
Iiers.
Au terns de la haute puissance des Algeriens, sous les deux
Barbcrousse, et leurs premiers successeurs, quand leur marine
I'emportait sur toutes celles de l'Europe, ils exercaient la pi-
raterie indistinctement contre toutes les nations chretien-
116*; mars ils n'ont cesse de deebeoir par les consequences na-
turelles de leur genre de vie elde leurs crimes ; leur marine ne
se compose plus que de douze a quinze batimens porta nt en-
semble environ deux cents canons. Des lors ils ont eonsen-
li a se lier par des traites. a respecter les puissances les plus
redou tables, moyerinant des preseos aunuels qu'ils exigent
d'elles ; niais ils ne font auciin traite avec celles qu'ils ne re-
380 DE L'EXPEDITION
doutcnt pas; cm bien sans provocation, sans offense, ils de-
clarent la guerre, au Pape, aux petits Elats d'llalie, aux villes
ansealiqucs ; non qu'ils aient a se plaindre d'aucun tort qu'on
leur ait fait, mais parce que leur tresor est vide et qu'ils veu-
lent le remplir. Ces forbans sont en dehors du droit des na-
tions ; ce sont eux qui l'ont voulu, cc sont eux qui ont considcre
comme un motif sullisant dc guerre, de dire a un autre peu-
ple :« Nous voulons yos biens, pour les partager, vos per-
sonnes, pour etre nos esclaves. » Ils out ainsi rendu legitime
toule guerre qu 'on leur ft ra, sous la seule condition de la leur
declarer. Ils se plaignent aujourd'hui de ce que le consul
francais a pris sous sa protection des sujets romains ; car la
France s'etait soumise, par des traitcs conGrmcs pour la der-
niere fois le 29 mars 1790, a la condition honteuseo de ne
point preter son pavilion, et de ne point proteger les na vires
des puissances etrangeres qui pourraient etre en guerre avec
la regence d'Alger (Laborde, p. 26). »3Iais cettc regence
n'a eu d'autre motif, d'autre pretexte pour declarer la guerre
au Pape, que le desir de piller ses sujets ; ce motif est sulli-
sant pour lui declarer la guerre a elle-meme.
Le brigandage de la mili.ee turquc d' Alger s'etend stir
tous les pays situes entre les royaumes de Marojc et de Tunis,
la Mediterranee et le grand desert d'Afrique. Ce pays est dc-
signe sous le nom de royaume d'Alger, quoiqu'il soit habile
par u\\ grand nombre de peuplcs independans, annuellemcnl
pillespar les Algeriens, mais qui se defendentcontreeux aussi-
bien qu'ils pcuvent. M. Perrotdonne a ce royaume 220 lieucs
de cotes, el i5ode profondeur: M. Renaudot compte 21 5 lieues
de cotes, 180 pour largeur moyenne du sud au nord ; enfin,
la carte dc Dufour, 2o5 lieues sur 140, et 19,000 lieuescarrees
desupeificie. be moins elevede ces calculs donne uoe elendue
au moins egale a telle de i'ltalie, avec un ( limat et un sol
superieurs encore a ceux de celte belle peninsule, en sorte
que la contree qui porte le nom de royaume d'Alger pour-
rait nourrir deux fois plus d'habitans que I'ltalie; elle lesnour-
ris^ait en diet, soil lorsque la province d' A friquectait la plus ri-
CONTKE ALGER. »8i
che etlaplusheureuse entre les provinces romaines, soitlorsque
l'empirc des khalifes la renclit pour laseconde fois a la civili-
sation, y fonda de nombreuses universites arabes , et en fit le
siege de la litterature, des sciences et des arts, a l'epoqueou
toute l'Europe croupissait dans l'ignorance et la barbaric
Cependant, tel a etc le poids accablant de la tyrannie que la
milice d'Alger exerce siir ce royaunie, qu'elle en a reduit la
population a deux millions et demi d'habitans, debris des an-
ciens peuples bercberes, maures, arabes, moresques d'Es-
pagne, et juifs. La scule regie de gouvernement que con-
naisse la regence d'Alger, e'est de prendre aux malheureux
habilans tout ce qui peut leur etre enlcve. Les Kouloglis,
enfans des Turcs, qui babitent les villes, avec quelques restes
des Maures asserviset degeneres, et les Juifs, obtiennent seuls
unesorte de protection et de justice, dans un rayon peu
etendu, autour de ces villes, on se trouvent leurs cultures et
leurs jardins. Les villes, autrefois nombreuses et ilorissantes,
n'ont plus ni Industrie, ni commerce, ni manufactures; leur
population diuiiuue rapidemeat, et la plupart tombent en
mines. Les campagnes plus cloignecs sont cultivees par des
Bercberes et des Maures, qui ne s'y monlrent que pendant la
saison des travaux, mais qui se refugient dans les deserts on
dans les montagnes, aussitot qu'ils out terminelesrecoltes, dont
ils empoitent one paitie avec eux, et dont ils enfouissent le
rcste en terre ; tandis que, chaque annee, les trois beys d'O-
ran, de Titerie, et de Constanline, lieulenans du dey, par-
tent a la tele de trois corps d'armee turque, pour lever sur
ces peuples la contribution annuelle, on plutot pour leui- ar-
racher de vive force tout ce qui est susceptible d'etre em-
poite. On pretend qu'autour d'Alger, et a trois lieues de rayon
on peut compter jusqu'a di.v ou douze mille jardins on mai-
sons de campagne ; la on voit lutler la fertilite admirable du sol
avec l'incurie et I'inhabilcte du cultivateur. qui a laisse dege-
nerer tous les fruits de la terre. Des qu'ou a depasse ces bor-
nes, et la banlieue desaulres grandes villes, la terre u'a plus
de propiietaire, et le pays plus de gouvernement. Le premier-
•jS'2 OE L'EXPEDITION
occupant cnscmence les champs qu'il ne pnurra rocolter que
par surprise, on s'enl'uyant avec le butin qu'il derobe a la tcrre,
eomme s'il l'enlevait a l'ennemi.
Dans Qfctte guerre pour lever les contributions, qui se
renouvelle chaque annee, dans celle lulle entre le. brigandage
et la barbaric, l'bonime a soull'erl plus encore dans sa nature
morale que dans son induslrie ; le plus bontcux des gouver-
ncmeos a prodnit des I'ruils digues de Iui. La milicc. souve-
raine, quoiqu'elle soil Ec-cuinc de la nation lurque, est encore
la partic la nioins meprisable de la population d'Alger. Au
milieu de ses vices et de sa leroeite, elle a conserve de la dis-
cipline el de la valeur, et Ic pouvoir lui a inspire line cerlaine
(lignite dans les manicres; niais toutes les nations sujetles out
degenere d'une maniore efl'rayante. Les Kouloglis, enfans des
Turcs, d.ont Henaudot porle le nombic a i5o,ooo, et qce
la politique de letirs peres exclut de 1'arnice et de loute part
au gouvcrnement, s'abandonncnt a tous les vices et a la mol-
lesse la plus efl'eminee; les Maures, les liercbercs, les Mo-
resques d'Espagnc, desarmes par leurs oppresseurs, et toujour*
tremblans devant cux, n'ont rien conserve du courage de leurs
ancehes. lis out oublie egalement et l'art de la guerre, et les
lettres dans lesquellcs ils brillerent et qu'i'.s rendirent a I'Eu-
rope, et les manufactures qui laisaient ['admiration de nos
ai'eux, et ragriculture, dans laquelle, a Grenade eta Valence,
ils avaicnt montre leur immense superiorite. Sans eesse deci-
mes par leurs lyrans , qui voyaient, dans burs talens, leur
richesse, leur credit, des motifs de les craindre, ils na repre-
sentent plus que la populace de l'ancienne nation ties Maures,
a laquelle on a 6le toutes les soperiotitete Sociales qui faisaient
son lustre. Ceux qui vivenl dans les villes soul lombes dans la
crapule et l'esclavage; ceux qui cultivent les campagnes, et
qui se refugierat dans les montagnes el les deserts a I'approcbe
des Turcs, sont descendus auplus has degre de la vie sauvage.
Les Juifs, enlin, repousses, meprises par tonics les autrcs
classes de la population, places dans l'crbclie sociale au-des-
sous desesclaves, et ne pouvanl bo ire aux fonlaines publiques
CONTRE ALGER. b85
qu'apres que le dornier dcs esclaves y a bu, sonl accables sous
l'insulle et l'injiistice, ])lus qu'ils ne ic i'urent jamais au moyen
age par 1'Europe inloleranle.
Quelle gloire pom- la Frnnce, quel bonheur pour l'humanile,
qu'une expedition deslineea I'aire cesser ce scandale de Pordre
social, a empecher un chef de brigands de prendre rang- plus
long-tenis parmi les souverains; Line societe formee pour le
crime, de dominer plus long-terns sur vine nation et sur une
vaste contree ! Quelle gloire pour la France, apres avoir I'endu
la liberte a 1'Amerique, et donne ainsi une seconde naissance
aux nations-modeles qui commencent a s'elever au dela de
l'Atlantique, apres avoir soustrait la Giece au glaive sangui-
naire qui menacait la tete de tons les Hellenes, de ramener la
civilisation dans la patrie de Saint-Auguslin, de la planter sur
un sol on elle prosperera rapidement, oi'i elle s'etendra, et
qu'ellc couvrira bientot tout entier! Car tout ce magnifique
pays qui s'etend du Zabara a la Mediterranee , et de l'Atlan-
tique aux rives du Mil, tout ce pays, le plus riche , le plus
prospere, le plus tranquille de l'empire romain, ce pays cou-
vert de cites florissantes, d'oi'i quatre cents eveques se rendaient
encore, au ive siecle , aux conciles d'AfVique; ce pays renai-
trait au bonheur, a la richesse, a I'industrie, aux sciences et
a la vertu, si les Francais -y portaient l'ordre et la liberie.
Mais quoi, dira-t-on, encore une entreprise chevaleresqne ?
Et e'est toujours la France qui se met en avant, qui sacrifie
son sang, scs tresors, pour le bien commun de rhnmanite !
«Que de vceux ne forme-t-on pas depuis des siecles, dit 31 . do
Laborde, pour que les puissances de la rhretiente se reunis-
sent, se concertent, dans le but de detruire ces repaires de
brigands, qui entravent les coiriinunications, paralysenl le
commerce, et occupent sans profit un sol fertile.... Mais, s'il
eut ete desirable de hater ce moment par le concours de tou-
tesles puissances de l'Europe, quelle folie ne serait-cc pas a
une d'clles de rentreprendre seule, et de se I'aire ainsi le
champion du genre humain (p. /|'|-'|5) » . Gertes, je me per-
niettrai, dans cede occasion . de tliflerer completemeut d'opi-
»«/, DE L'EXP£D1TI0K
nion avec M. de Laborde. Je i'ais des voeux pour que les
puissances de la chretiente n'entreprennent jamais rien en
coinuiun; j'ai pen de confiance dans la magnanimite des re-
solutions que pourrait prendre eel auguste senat de rois ; j'en
ai moins encore dans le conceit , le zele et l'habiletc qu'il
inetlrait a les execuler. L'interGt direct pour les nations,
comme I'inleret personnel pour les iodividus , l'emportera
toujours sur celui des compagnies et des coalitions, toutes les
fois qu'on aura besoin d'accord,de suite, d'activite et d'intel-
ligeuce.
Je dis l'interet, parce que e'est dV.n grand interct qu'il s'a-
git pour la France; il s'agit, en eftet , du plus grand benefice
qu'on puisse altendre d'une guerre, d'une conquete en mi'mo
tenis et d'une colonie : l'une et ('autre les plus riches, les
plus avantageuses qui aient ete offertes a l'ambition des hoin-
mes. II s'agit de la conquete d'une region presque egale en
etendue a l'Espagnc, situee sous le meme eiel, presque a la
meme latitude, avec la meme abondance de belles eaux, les
metnes productions, avec line fertilite de sol bien superieure,
el sans les vents glaccs, si t'unestes a la Caslille ; il s'agit de
la conquete d'un pays qui, comme I'Espagae, n'a reellemcnt
de voisins que la France; car il n'a de l'ronlieres a garder
contre aucun ennomi. Le royaume d'Alger n'est separe de
Toulon que par cent trenle-cinq licues de nier, qu'une flotte
i'rancbira en huit jours, des vaisseaux man-hands en trois
jours, des vaisseaux de guerre en trente -six he u res, des ba-
teaux a vapour en vingt-quatre he u res. Cette mer reunit les
Elats, tandis que les hautes chaines des Pyrenees les separent.
Ce sunt les centres d'activite commcrciale, et inlelligente ,
Toulon cm Marseille, et Alger, qui sont voisins , tandis que Ic
voisinage de Roses et de Perpignan est sans importance.
Le royaume d'Alger ne sera pas sculement unc conquete ;
ce sera unc colonie, ce sera un pays ncul', sur lequel le sur-
plus de la population et de l'aclivile I'ranraises pourront se
repandre. Souvent dans des ealruls cconoiniques on a evalue
|cs colonies Tort an dcla do leur importance ; on a represeulr
COM'RE AfcGER. a85
Saint-Dominguc. pnr exemplc , qui ne valait pas le dixieme
tic ce que peut valoir Alger, comme elant la source des ri-
chesses de I'ancicnnc France. iMais , en comhattant cette er-
renr. d'autres ont aussi trop rabaisse la valenr des colonies.
Les vieilles nations de I'Europe, tout comme celles de l'anti-
quite, out besoin dc debouches ou elles puissent verser lout
I'excedant de population et de vie que cree en elles la civili-
sation. Sans doute la France est assez etendue et assez t'ertile
pour pouvoir nourrir deux fois plus d'habitans, employer
deux Ibis plus de capitaux qu'elle n'en a ; mais la propriete
est enchainee dans l'ordre actuel, la proportion entre les pro-
duits et les besoins est reconnue, et ne saurait se changer sans
soullYance. L'amclioration progressive de la France s'opcre ,
mais avec une ccrtaine lenteur, qu'il ne faut ni esperer, ni
mcme desirer de voir changer, sous peine d'eprouver les per-
turbations dc toutes les existences qu'eprouve avijourd'bui
l'Angleterre. La France pourra employer un jour chez elle
les talens, les capitaux qui surabondent; mais c'est nn fait
qu'elle ne les emploie pas aujourd'hui, qu'elle les repousse,
et qu'il en rcsulte un malaise universel dans l'etat social. C'est
un fait que chaquc generation amene des milliers dc jeunes
gens, deja inities dans les arts, dans le calcul, dans ['intelli-
gence des affaires, qui demmdent de l'occupation , et qui
n'en trouvent point , parce que toutes les carrieres sont rem-
plies; c'est un fait que toutes les places que peut donner le
gouvernement, que. toutes celles que peut donner le com-
merce sont recherchees avec avidite; qu'il y a dans les pro-
fessions savantes plus d'aspirans, que le harreau , que la fa-
culte de mcdecine , que l'enseignement et que la presse n'en
peuvent employer au service du public. C'est encore un fait
que les manufactures, l'agriculture et le commerce ne re-
compensent qu'imparfaitement 1'activite qu'on y emploie ;
que la vcnte de tons les produits ou bruts ou ouvres est diffi-
cile, que les marchandises, en prenant ce mot dans l'accep-
tion la plus large, depassentles besoins du marche, ou la ca-
paritc des achetenrs ; qu'cnfin les capitaux surabondent, en
28G I)E L'KXl'KDITION
sorte quo l'Elat, inalgrc la ('rise politique on nous nous Irou-
vons, inalgrc los clonics qu'on clove sur la volation du budget,
Irnuvcrait u oniprunter a quatre pour cent , et que les negu-
cians , les inannt'acturicrs , les proprictaires de lerre emprun-
leraieni a plus bas prix encore, s'ils oll'raient d'egales so-
re les.
Toute cettc masse dc taiens, de connaissances , d'activitc et
de capilaux que produit la France avec surabondance , de-
inande impericusement de l'emploi ; tile le demaude pour le
repos de la France ; car, taut d'aetivite non employee est
une cause pciinanente de (roubles : elle le demande pour la
prosperity future de la France ; car il laut, pour quo la France
soit progressive, qu'elle puisse , a mesure qu'elle se deve-
loppe, appeler de nouvcaux lalens et de nouveaux capitauxa
son service ; et il faut , pour cola , que la creation de taiens et
de capitaux surabondans nc soit pas decouragoe.
Cbacun des grands Etats de PEnrope, la France seule ex-
ceptee, a nn debouclie pour les hommes actii's qu'il prodnit
avec surabondance. L'Angleterre a devant elle l'lnde, l'Aus-
tralasie, la pointe d'AIViqne, le Canada et merae les Etats-
Fnis; la Kussie a toute la Siberie, et ses couquetes sur la Tur-
qnie et la Perse; i'Autricbe a des pays neufs dans ses pro-
vinces esclavonnes, des pays asservis en Italic, et une part
probable an demembrement de la Turquie. L'Espagnc, le
Portugal, tant qu'ils out eu de la vie, ont eu des debouches
en Amerique, et pourraient en avoir encore, malgro l'inde-
pendance dc leurs colonies. La France seule se sent a l'etroit,
resserree dans des frontieres qui nc peuvent s'etendre. Faut-il
done qu'elle soit laissee en arriere par toiUes ses rivalcs !
On a suppose qu'une alliance avec la Itiissie aurait pu (aire
regagner a la France quelques districts, ou, si 1'on veut, quel-
ques departemens sur le lUiin (i) : changement dans la limite
des Etats, qui aurait probablement allume une guerre gene-
rale en Europe. Je ne sais trop oe que la Fiance aurait gagne
tt) Ouvrtee f'f M. db LxrioBDR, p. iv.
CONTRE ALGER. 287
en puissance, si elle avait detacbe quelques lambcanx do la
Prusse rhenane; sfirement, du moins, elle n'aurait rien gagne
en activite industrielle , elle n'aurait ouvert aucun einploi
nouveau aux capitaux qui affluent a la Bourse , faute d'etre
appeles ailleurs , aux capacities de cetle jeunesse si indus-
trieuse, si active, si instruile, qui demande avec tantd'instancc
du travail. Que PAfrique lui soit ouveite , au contraire ; qu'a
deux 011 trois journees des cote's de France, un pays immense,
dont les ncuf dixiemes sont sans proprietaires, un pays qui
offre au choix les plus beaux climats de la Provence, de l'l-
talie et de l'Espagne, ainsi que les climats et le ciel des An-
tilles, appelle l'industrie francaisc; et elle s'y transportera avec
empressement, elle creera en pen d'annees rabondance, la
securile et le bonheur. L'Afrique a surtout besoin d'hommes
qui pensent au profit de l'industrie el d'hommes qui la g<i-
rantissent. Elle appellera de preference tous ceux qui sau-
ront lui creer des ressources nouvelles et ameliorer les an -
cienues, tous ceux qui sauront se mettre en rapport avec des
peoples barbares, et leur communiquer de premiers elemens
de civilisation, tous ceux qui pourront s'employer a admi-
nistrer, a fonder l'ordre public et a le garantir; tous ceux, en-
fin, qui lui porteront les arts, les metiers, l'industrie qui ont
besoin, pour se developper, des progres des sciences et d'une
civilisation avancee ; quant a la force materielle , quant aux
bras qui executent, on les trouvera dans le pays. Si les Eran-
eais arrivent en amis, en protecteurs , en liberateurs, s'ils
viennent pour aider les Maures , non pour les opprimer, s'ils
leur rendent la seeurile, l'egalite devant la loi, le respect pour
la vie et le bonheur de tout ce qui porte 1'effigie humaine, ils
retrouveront en eux ces induslrieuxcultivateurs, ces homines
patiens, intelligens, actifs, qui couvrirent des merveilles de
ragriculture moresque les territoiresde Grenade etde Valence ;
ils trouveront dans les Juifs, dont plus de cinquante mille sont
repandus dans le royaume, cette aptitude au commerce, cette
promptitude de calcul, cette connaissance de tous les marches
do 1'Afrique, qui en feront des agens admits et habiles de ton-
a88 DE L'EXPEDITION
tes lcs entrepriscs commcrciales, des colporteurs ct des de-
taiHaas actifs, des voyageure patiens, sobres ct infaligables,
pour communiquer avec lcs peoples barbarcs du desert, ou
avec les tribus opprimees <le Maroc et de Tunis.
Sans doute, pour obtenir ces immenses avantages, il ne
Taut pas bonibardcr Alger; mais, au contraire, delivrer cette
capilale du joug qui l'accable : il nc faut pas raser une yille
qui conticnl plus dc cent mille babitans, et en jeter les forti-
fications dans la mer, mais an contraire cpargner les Maures
en accahlant leurs oppresseurs, sauver les fortifications, les
rcparer, les completer du cote de la terrc, pour les rend re
aussi bonnes qu'clles le sont du cote de la mer. II ne faut pas
fairfi la guerre aux snjets d'Alger, mais au contraire les sepa-
rer de leurs maitres, rechercher leur alliance, dissiper leurs
prejuges, triompber de leur avcuglement, et commencerpar
leur faire du bien malgre eux; car Pexperience seule peut
leur apprendre que le plus grand bienfait que puisse leur ac-
corder la France, e'est de les conquerir, pour les gouverner
ensuite par des lois egalcs. II ne faut pas venger Tbonneur
dela couronne sur la milice torque ; car jamais il n'a dependu
d'unc association de brigands d'attenter a l'honneur de pcr-
sonne ; mais il faut exterminer celle association, et , si l'on
epargne les personnes, tuer du moins le corps politique des
forbans, aneantir un gouvernement qui ne differe des bandes
de voleurs de la Sabine qu'en ce qu'il comprend un plus
grand nonibre de malfaileurs.
Parmi les projets qu'on suppose au ministere, quant a cette
guerre d'Alger, il y en a dont 1'absurdite ne le cede qu'a la
cruaute. On a dit, par exemple, qu'on detruirait une grande
capitalc, innoccnte des crimes de la milice turque, et deja
trop malheureusc de ce qu'on Pa laissee si long-tems sous la
domination de ces brigands etrangers; ou bien on a dit qu'on
leverait sur elle une telle contribution de guerre qu'elle paie-
rait tous les frais de Pexpedition ; qu'ensuite on evacuerait
Alger. Ne parlons pas de Pinjustice, de la cruaute d'egorger,
nu de cbasser dans les deserts, et de faire perir tie misere,
CONTRE ALfiER. 280
en lni enlevanl sa derniere ressouree, toule la population pai-
sible d'uiie grande villc; n'cst-il pas evident qu'on ne laissc-
rait a la parlie active de cette population d'autre ressource
que la piraterie et le brigandage; que, meme eiil-on delruit
la milice turque, les Maures seraient pousses par la miserc
et par le desir de la vengeance a armer en course de toutes les
rades de l'Afrique, 01: des ports de Bonne, de Bugie, de Tennis
et d'Oran. On a annonce la fondation d'nnOrdrc de chevale-
rie pour gouverner l'AIVique, comme si Ton ne savait pas que
les chevaliers peuvent etre bons pour comballre, non pour
fonder ou gouverner les empires; que ccux de Malte, par
leur orgueil et leur intolerance, se sont toujours fait des en-
nemis des peuples qui leur ctaient soumis; que, racrnies
dans toute l'Europe parmi la plus brave noblesse, et riches
de tant de couimanderies, la valenr qu'ils ont deploycc, les
tresors qu'il ont prodigues, pour defendre et perdre successi-
vement la Palestine, Rhodes et Malte, auraient suffi pour
eonquerir et gouverner l'empire ottoman, si le bon sens des
homines d'Etat, la paternitc d'unc administration inlelligcnle,
avaient seconde la bravoure des chevaliers. On devrait se rap-
peler aussi que l'Ordrc de Malte fut lc modele que Iloruc
Barbcroussc chercha a imiter, et que la piraterie d'Alger fut,
a ses yeux, aux yeux des musulmans, une guerre sacree con-
tre les inCdeles, et une copie assez exacte de la guerre sacree
des chevaliers de Saint-Jean contre lesTurcs.
Alger doit etre la conquetc et la colonie de la France; et
certes, pour vaincre, pour exlermincr douze mille fnrbans,
sans racines dans le pays qu'ils oppriment, la France n'a pas
besoin d'alliance, 011 de secours etrangers. Mais j'enlends
dire : l'Angleterre ne le pcrmcttra pas. Je m'etonne qu'un
Francais puisse repeter ces paroles, que son sang ne bouil-
lonnc pas d'indignation, a l'idee que l'Angleterre permettra
011 ne permettra pas quelque chose a la France agissant
dans son droit. Mais enfin, puisqu'on a employe cc iangagc,
t xlvi. mai 1800. 19
2r,o I)F L'EXP EDITION
~i jc npondrai que l'Anglctcrre pcrmeltra a la France la con-
quisle d'Alger; car elle n'a ni le droit, ni te pouvoir, ni l'in-
Inrt ile KempC-cher.
Le droit. On a fait l'hotincur a la regence d' Alger de la
rcgarder comme un gouvcrnement : des-lors, il y a guerre
cnlre deux royaumes independans, celui dc France et celui
d'Alger; le second est en paix avee 1'Anglctcrre, riaais n'a ja-
mais eu d'alliancc avec elle, jamais l'Angletcrrc n'a garanli
sa constitution, son independance, ou ses frontieres. La
guerre a cu On prctexte legitime, el tel que toutes les nations
l'admettcnt dans leur droit public, savoir une insultc grave
au rcprcsenlant de la puissance qui a declare la guerre. Quant
mix premieres causes de la qucrclle, quant aux recrimina-
tions, il n'y a entre les deux puissances belligerantes d'autrcs
juges que le sort des amies et la volonte de Dieu. La France
n'a pu s'engager par avance a nc point faire dc conqueles
dans one guerre legitime; ce serait une promesse sans cxem-
ple dans le droit public dc 1'Europe ; et jamais la France, on
l'Autriche, ou laRnssie, ne se sont aventurees a endemander
one semblable aux Anglais, a dire qu'clles ne permcttraient
pas a l'Angleterrc la conquete de la Cafrcrie, ou celle de ['em-
pire des Birmans, dont cettc puissance s'est tout reeemment
approprie quelques provinces.
Le potjvoir. Je concois que, si l'Anglelerre contractnit une
alliance avec Alger avant le depart de l'expedition, et dcclarail
la guerre a la France, elle pourrait rendre fort difficile et fort
basardeuxle passage d'une grande floltc, quand meme celle-ci
n'aurait qu'un trajet de huit jours a faire, dans une mer ou-
verlc, a une immense distance des ports anglais : je laisse ;'i
juger a ceux qui out pu apprecier la condnite du ministerc
anglais, en faveur du sultan que le roi d'Angleterre avail ap-
pele son plus ancicn allie, Pardeur de ses vceux, ses demons-
trations equivoques, et sa crainte de se compromeltre, s'il y a
aucune chance a ce que I'Angleterre declare aujourd'liui d'a-
vance la guerre a la France pour protcger le dey d'Alger.
CONTRE ALGER. 291
Mais, lc debarquement unc i'ois cffectue, et la villc d'Alger
souiuise, il n'est plus an pouvoir do l'Angleterrc d'cntravcr la
France dans ses operations. Je crois, plus que personne, que
les colonies lointaines dcs Indes ou des Antilles ne convien-
ncnt point a la France, puissance continentalc, qui s'aflaiblit
en voulant dispuler Pempirc des mers. Ses flottes , dans unc
tongue navigation , ne pcuvent eviter d'etre rencontrees par
les llottes anglaises; leur defaite entraine la chute des colo-
nies, surtout de celles qui sont insulaires, qui sont affaiblies par
une population d'esclaves, et qui comptent sur la metropole
pour leur subsistance. La France ne tient la Martinique, la
Guadeloupe, l'ile de Bourbon, que sous le bon plaisir des An-
glais; aussi est-il facheux pour elle d'y accumuler de nou-
vcaux capitaux, de donncr ainsi de nouveaux gages a ses
rivaux. Mais une colonic conimc Alger, protegee par les rc-
doutables fortiGcations et l'arlillerie formidable qu'au dire de
plusieurs les Francais ne pourront pasconquerir; une colonic
dout la cote inhospitaliere est visitee par de si terribles tem-
pctes, une colonic continentalc qu'on ne pent point lourner,
point prendre par derricre, une colonie dans un pays fertile
en grains, abondant de tous les fruits de la terre, et qui serait
dix ans separe de la metropole sans eprouver un besoin ; une
telle colonie ne peut etre ni conquise, ni detruite paries flottes
anglaises, d'autaat plus qu'elle ne tardera pas a etre defendue
par deux millions et deini de sujets ; car les Francais ont, par
dessus toutes les autres nations, le talent de se faire aimer des
pcuplcs barbarcs et de sympathiser avec eux; its l'avaient
prouvc autrefois an Canada, commc plus recemment en Egyptc,
et ils peuvent apporter aux Maures im si grand bien, ils pen-
vent faire cesser pour cux une oppression si cpouvantable, que
peudetems doit leur suffire pour gagner les cceurs de tous les
Africains. Quand une telle colonic est une fois fondec sur ccs
principes du bien de tous, (pie la France entend micux qu'>aiv-
i-iine autre nation, il est do sa nature de graiulir et de se fortifier
sansccsse. La France, maitressc d'Alger, s'avancera plus rapi-
292 I>E L'liXPfiUITION
dement encore vera I'cmpiic africairi que l'Anglelcrre vers
relui de l'Inde, la llussie vers celui du nord de l'Asie; et il est
dans 1'interet dcl'Europc que Ses progres soient, encffel, pro-
portionnes a reux de ces deux colosses. Trois ans d'expe-
rience ont montre le pen de succes que doit allendrc une
escadre qui cntieprendnut le blocus d'Alger. Qn'on juge quel
serait son resullat, si c'etait mtc armee francaise et non la mi-
lice d'Alger qui se defendit dans ses murs, si c'etait la fiottc
britannique qui, arrivaut de Plymouth, apres une navigation
de 54o lieues marines, trouvat pour ennemis les deux rivages
de la Meditcrranee, tandis que des cnsbarcations, parlies de
Marseille on de Toulon, n'auraient que 1 35 lieues a faire pour
trompcr sa vigilance.
L'iNTERLr. On repete qu'il est trop contraire aux iuterets de
1'Angleterre que la France ait une colonic en Afrique pour
qti'elle puisse Ic souffrir; et cependant je ne vois pas qu'on
ait une seule tbis indique en quoi ces iuterets consistent. On
a dit que 1'Angleterre, jalouse de la marine des petites puis-
sances de la Meditcrranee, de celle surtout des Genois, qui
pouvaient faire le cabotage a meilleur marehc qu'elle , avait
vii avcc plaisir la pirateric des iJarbaresques ruincr cetle ma-
rine, et re ml re les vaisseaux italiens moins surs pour le
transport des marehandises. Cela est possible; mais c'est 1111
intcrel si petit, si honteux, qu'on n'ose le produireau grand
jour, qu'aucun Anglais nc I'avoue, et que 1'Angleterre rougi-
rail de faire la guene a la France, pour 1'empecher de de-
truire la piraterie des Algericns. On a compare l'cxpedition
d'Alger a celle d'Fgypte ; mais ce!le-ci fut enlreprise tandis
(pie 1'Angleterre etait en guerre avcc la France et allicc aver
la Turquie: d'aillcurs, le vrai motif de sa jalousie, c'est que
la France s'ouvrait par l'Fgyple une route plus courte vers
I'liide, qu'elle ne dissimulait pas que son but etait d'attaquer
dans celt e conlrce I'cmpire brilannique, et que meme, en n'el-
lec t want pas ecprojet, la civilisation de PKgypte aurait appele
dans cct entrepot, par la mcr Rouge et la Mcdilen-anee, Iccom-
CONTRE ALGEK. 39I
mercc dc I'lnde, ct aurait fait aux Anglais eelte concurrence
qu'on est eonvenu de regarder connne un dommage com-
mercial. Mais le royaume d'Algcr lie menace par aucunc de
ses fronticres aucunc possession anglaise, aucun allie de I' An-
gleterre ; il ne fail rivalite a aucun de ses marches; et le com-
merce nouveau qu'il ouvrirait en France avec l'AIVique cen-
trale, le commerce immense qu'il ferait lui-memc de ses
propres produits, quand il serait rendu a l'industrie et a la
prosperite, augmcnlerait les relations commercials de I'An-
gleterre, loin de les diminuer. On a dit encore que l'Angle-
terre ne souffrirait point que la conquete d'Algcr coinpronnl
son empire but la Medilcrranee. L'Angleterre attache, en
effet, un grand prix au commerce qu'elle fait avec laTurquie,
la nier Noire et les cotes d'ltalie ; elle a done voulu que ses
fiottes pussent toujours le proteger sur la Medilerranec ,
qu'elles y fussent toujours rcdoutables, qu'en cas de guerre
ses vaisseaux y trouvassent des asiles assures; qu'eulin les
parlies plus etroites de cctte mer fussent plus parlieulie-
rement soumises a son inspection. Par des depenses trcs-consi-
derablcs, elle s'est assure la fortcrcsse de Gilbraltar, qui lui
garautit tout au moins une entree toujours librc dans cetle
met, par le detroit qui porte son nom. Elle s'est encore
altribue la possession dc Maltc, nieme au risque, pour l'ob-
tenir, de se faire accuser de manque de foi, parce que Malic
etait un point d'inspection et de garde, sur la mer, compara-
tivement elroite, qui separe la Sicile de I'Afrique. Nelson re-
connut l'importance de ces deux points, lorsqu'il voulut iu-
tercepler l'expedition d'Egypte. II senlit ineme la neccssile
d'en obtenir un troisieme dans les mers de Grece , 011 la flotle
de Bonaparte s'ctait derobec a ses rechcrehes. Aussi l'Anglc-
terre a-t-elle ambitionne la protection des sept iles Ionicnnes,
d'ou elle veille sur la Grece et sur l'Adiiatique, landis que
1'insolencc de ses a gens y a fait detester sou anionic peut-etre
bienfaisailtc. Mais la possession d'Algcr rfajoulcrail pour elle
aucunc garanlie a ccllc chaine dc posies qu'cllc rcgardc comuie
•i94 DE L'EXPIiDITION
iniportans; par cc molif, eMo ne donna point a lord Exnionlli
1'ordre de CODfJuorir cetlc ville, mats de la bruler. D'anlrc
pari, Algol1, aux mains dcs Franeais, ne diminuerait en ricn la
domination quo scs iloltcs s'arrogent sur la Mcditcrrance. Al-
ger ne ponrrait servir a la France do point d'allaquc, ni con-
Ire Gibraltar, ni contrc 3Ialtc, ni coatee Corlbu , ct n'empc-
cherait point l'escadre brilannique de croiscr librement dans
la haute mcr. En cas de guerre cntre la France ct l'Angle-
tcrrc, la cote d'AIger scrait enncmie pour l'Anglctcrre, comma
la cole de Provence; mais jamais l'Anglctcrre n'a compte sur
l'amitie dcs Algerians j ou n'en a fait usage. L'Anglctcrre ne
ponrrait intcrrompre la communication entre la France et sa
colonic, non point parce que la cote d'Afriquc scrait hoslilepour
clle , mais parce qu'en tout terns la nature l'a rendue dangc-
rcuse , et qu'clle ne peut deja point y fairc slalionner ses
vaisscaux. Enfin, l'occupation de Genes, de Livourne ou de
Civita Vccchia par les Franeais, serait bien plus contraire.
aux inlerets militaires ou commcrciaux dc l'Anglelerre que
colic d'AIger.
Rcste nn seid motif de mccontcntemcnt, la jalousie. La
eonquete d'AIger et l'aJministralion prospcre de cc beau
pays ranimeraient en France lc commerce, l'industrie ctl'es-
prit d'entrcprise. Les manufactures franeaises travaillcraient
bienlot avee UO renouvcllcnicnt d'ardeur pour cos noiivcaux
sujots, pour dcs sujets dont lc nombro, la ricbessc ct les bc-
soins s'accroitraient rapidement. La Franco tirorait d'AIger
tous les produils que peuvent donner les climals de Fltalie ct
dc l'Espagnc, joints a tous ccux dcs tropiqucs , joints a tons
ceux du commerce dcs caravancs d'Afrique; et 1'cchangc ou-
tre les marchandiscs dcs deux cotes, scparces par une naviga-
tion de treis jours, scrait si prompt et si sur que la guerre ma-
ritime elic-memc no. ponrrait pas I'iutcrrompre. La Franco
prosporcrait ; mais d'abord osl-il bien sur que l'Anglctcrre on
resscnlil line si basse jalousie '.' Est-il bien sur qu'cllo no vit
pas, co que quelqucs-uns de scs minislrcs, M. Buskisson
CONTRE ALGEIt. 2,,.-,
nitre aulres, nc cesscnt ile proelamcr, qn'iui pays commer-
cant s'enrichit par la prosperity des peoples avec lcsqucls il
commerce , que la civilisalion d'Algcr ct les fruits qu'ni rc-
cucilleraicnt les Franeais tourneraient indircctement an profit
dc l'Angleterre? Est-il bien sQr que, jalouse comme telle
puissance se monlre aujourd'liui de la Russie, elle rcdoulat
un accroissemcnl de puissance de la France, sans lequcl
celle-ci ne pourrait servir a l'aulre de contrepoids? Est-il
bien sur qu'au moment 011 le minislere anglais recherche 1'al-
liance de la France il osat avouer qu'il s'«qq)Ose a tout ce qui
lournerait au profit des Franeais? S'il professait de tels senti-
mens, comment pourrait-il compter sur Palliance qu'il de-
sire?
Dans tons les cas, jamais, nous le croyons, un minislere
franeais n'au rait la bassesse de flatter la jalousie des ennemis
de la France. Deja cette France peut demander a son minis-
lere un comptc severe d'une guerre cntreprise sans l'assenti-
ment national, etdont les preparalifs, imprudemment preci-
pites, lui causeront peul-clre beaucoup de cbarges inulilcs.
Mais ses accusations seraient accablantes, si la vicloirc sur
laquelle elle a droit de compter demeurait infructueuse ; si la
conqnele qu'elle acbelcra de ses tresors et de son sang etail
bassernent sacrifice a la jalousie dc l'Angleterre; si l'honncur
national aussi-hien que la prosperity du pays elaient com-
promis par la vicloire, plus encore que par la defailc. La
France doit veiller, elle veille, a ce que la guerre cntreprise
Centre des forbaus ne soit pas tournec contre leurs innocen-
tes victimes; a ce que les drapeaux franeais soient un objel
dc tcrrcur pour le dey et ses brigands, mais de confiance el
d'esperance pour les Maures ; a ce que le pays 011 elle porte
ses amies soit menage, comme un pays dont elle se reserve
la propriete; a ce que Ic soldat nc detruise pas pour detruire,
ne tue pas pour tuer, mais qu'il epargne, pour la France, les
homines qui deviendronl ses freres, les choses qui fonderont
nvce leur prosperite cellc de son pays; a ce qu'enfin la
:uf> DE [.'EXPEDITION GONTIVE ALGER.
guerre qui ravage s<»it sans ccsse modem- par I'espril deeon-
qucto t|tfl veul fonder, rcslauror, vivilier pour 1'avciiir. Tclie
cSI la tache , la vraic tficlie quo la France impose ;i son minis-
tcro, en lui laissant encore, quoiquc sans confiancc en lui,
disposer de son sang et de ses trosors. Malheur a lui, s'il la
ncgligeait, au niepris des intercls de la patrie et de ceux de
rhuinanile !
J. C. L. de Sismondi.
1830. a
LIBRAIRIE DE SEDILLOT,
EDITEUR-COMMISSIONNAIRE,
Rue de 1 Od£on , N 30 , a Paris.
LIVRES DE FONDS.
REVUE ENCYCLOPEDIQUE ,
ANALYSE RAISONNEE
DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUAELES DANS LA LITTERATURE, LES
SCIENCES ET LES ARTS ;
Par une reunion de membres de l'lnstitut et d'autres hommes
de lettres ; publiee par livraisons mensuelles , de quatorze
feuilles d'impression chacune.
Onze anne'es He succes progressifs ont constate l'litilite' Je la Revue En-
cyclopedique. Fondee a une epoque ou les journaux e'taient prcsque ex—
i-lusivcmcnt consaeres aux debats journalicrs d'une politique inquiete ,
elle vint , la premiere en France , repondre aux voeux des hommes
e'claires , en naturalisant chez nous l'imilation de ces recueils ce'lebres
de 1'Angleterre et de l'Allemagne oil sont ttaite'es les hautes questions de
la litterature et de la philosophie, et ou les productions les plus remar-
quables sont aualysc'es par des e'crivains judicieux.
La Revue Encyclopedujue comprend quatre grandes divisions :
I. Memoires et Notices.
(*)
II. Analtses d'owrages , divisees en trots classes : i° Sciences
physiques et naturellcs et arts industricls ; 2° Sciences morales,
politiques et historiques ; 3° Litleraturc et Beaux- Arts.
III. Bulletin bibliographique, contenant des annonc.es raison-
. nees d'un grand nombre d'oiivragcs nouoeaux , classes par
pays , et dans chaque pays par ordre de. sciences.
IV. NoCVELLES SCIENTIFIQUES , INDCSTRIELLES ET LITTER-AIRES.
Trois cahiers forment un volume d'environ 700 ou 800 pages
ct au-dela. Chaque volume , comprenant un trimestrc , est suivi
d'une Table alphabetique ct analytiquc des matieres , lellement
disposee qu'on peut rapprocher et comparer a volonte , soit
I'e'tat des sciences et des elemens de la civilisation dans chaque
nation , soit les nations elles-memes , sous les differens rapports
sous lesquels on a cu l'occasion de les considerer.
La collection des donze cahitvs de chaque annce forme une
sorte d' ' Annuaire^scientifique , industriel ct litteraire ( en 4 forts
vol. in-8° ) , tout-a-fait independant des annees qui precedent
et de celles qui suivent.
Par semestre, par anne'e.
Pour Paris 26 fr. ^6 h.
Pour les departemens 3o 53
Pour l'etranger 34 60
LE PIRATE,
RECUEIL DES MEILLEURS ARTICLES
PUBLIES DANS LES JOURNAUX FRANCOIS ET ETHANGERS.
Li/terature. — Sciences. — Beaux-Arts. — Industrie. — Thc'd-
tres. — Cours publics. — Tribiuiaux. — Modes.
Le Pirate paratt chaque dimanche , depuis le ier septemhre
1829, par numero de quatre feuilles in-4", grand papier vehn
( 3 )
<TAnnonay satine. Le prix , d'un tiers au-dessous de celuidc tous
les journaux du meme genre , est de 36 fr. pour un an , 20 fr.
pour six mois, 12 fr. pour Irois mois. Chaque trimestre forme
un volume dont la pagination est suivie et qui est termine par
•une table des matieres. Le gout qui preside au choix des arti-
cles du Pirate , son luxe typographique et la commodite du
format en font un recueil precieux pour les bibliotluques.
On ajoute 1 fr. par trimestre pour le recevoir franco dans les
departemens.
PUBLICATIONS NOUVEIXES.
ANNUAIRE DU BUDGET,
DICTIONNAIRE ANNUEL
i° Des depenses generates de l'etat et des depenses particulieres
dans chaque ministere ; 20 des recettes de l'etat ; 3° des trai-
temens de tous les employes civils , militaires et ecclesiasti—
ques indiques dans les developpemens du budget ; 4° de toute
la partie substanlielle des discussions de la cbambre des de-
putes , a la suite de chaque article de depense ou de recette ;
precede ou suivi des totaux des budgets depuis i8i5. — Des
listes de MM. les deputes, i° par ordre alphabetique des
noms, avec indication des departemens qu'ils representent et
de leur place a la chambre ; i° par ordre des departemens
qui les ont nommes. — Des deux lois du budget. — Eufin
d'une table alphabetique et generale des matieres avec les
noms des deputes qui ont pris part a la discussion et renvois
a leur discours ; par M. Roch. Un fort vol. in-8°, divise en
deux tomes, i83o. Prix i5 fr.
(4)
Extra it (lu Monilnu, dn i5 wars i83o.
L' Annuaire du Budget est lc scul livre a la porlc'c du public oil Ton
trouvc dotaillc'es les de'penses et les recettes de l'e'lat ; ces depenses ct ces
recettes y sont range'es par ordre alphabe'lique, dc telle sorte , que quel
qu~ soit l'obiet sur lequel on veuille avoir des renseignemens, il suffit
de cbercher un mot, comme on lc fait dans le Dictionnairc de l'Aca-
de'mie.
Le texte , a chaque article, est accompagnc du incilleur commentaire
qu'on put lui donner; e'est le rapprochement de tous les argumens em-
ploye's pour ou contre * la chambre , de tous les documens histoiiqucs
ou statistiques fournis soit par les ministrcs et les commissaircs du roi ,
soit par les de'putc's. Le me'rite de ce dernier travail devait consister dans
une sage concision , dans la pre'fe'rence continucllement accordee a un
raisonnement sur une pe'riode, et surtout dans une constante impartia-
lite' ; M. Roch a su appre'eier toutes ces conditions et les a remplies.
Les avanlages que la possession de cet ouvrage peut procurer sont fa-
ciles a saisir. Sa forme alphabe'tique en fail le manuel indispensable de
MM. les niembr.es des deux chambres. II ne sera pas moins utile aux
grandes administrations, non-seulement parce que les de'tails de leur
personnel et de leur materiel y sont rclate's, mais encore parce qu'elles
peuvent y chercher quelles attaques ont e'te dirige'es contre elles a tort
ou a raison , sur quelles parties elles ont porte et comment on les a de'-
fendues.
Get ouvrage, qui me'rite dc devenir populaire, offrira lc moyen de
suivre avee fruit la discussion de cbaque section du budget; hors des
sessions il scrvira a expliquer la plupart des mesures du gouvernement et
des ordonnanccs royalcs, puisqu'un grand nombre de'rivent deS dispo-
sitions des deux lois de finances; enfin, la connaissance des faits, l'ap-
pri5ciation immediate de l'emploi de leurs fonds par les contribuables,
seront aupres d'eux les ele'mens de conviction les plus puissans , et dont
les de'positaires de la fortune publique auront le plus a se fe'liciter.
Extra.it des Debats , du I'SfeWier i83o.
L' Annuaire du Budget est un excellent livre. Sur quelque haute ques-
tion de finances, d'ad ministration, de politique exle'rieure ou inte'rieurc
que vous avez besoin dc renseignemens et de lumiercs , vous les trouvez
la, la re'ponse a cote de ('objection , la solution a cote <lu probleme. Et
(5 )
cc qui est dignc de rcmarque , e'est que ces discours, faits pour la tri-
bune , prononce's en seance publique , gagnent pour la plupart a c tre relus ,
me'thodiquement range's, commc ils le sont dans 1' Annuaire , par ordre
alphabetique ^
L1 Annuaire justifie complctement le mot de M. Laffitte , qui convenait
que jamais le budget n'avait e'te scrute avec plus de soin , dans son en-
semble et ses de'tails, que pendant la session derniere. Les hautes ques-
tions de politique y ont e'te traite'es comme elles devaient 1'etre , avec
nrotondcur , avec science. II suffit de rappeler les discours de M. de Cor-
menin et de M. Dupin aine , sur ['organisation du conseil d'e'tat et l'ina-
movibilite' du comite du contentieux, les discussions sur les Suisses , sur les
cardinaux , sur les droits de la chambre en maticre de traite's de paix,
sur les juges audileurs et l'enseigncment du pcuple. Tout ce qui touche
au commerce et a l'industrie , a l'agriculture , a la prosperite et a l'encou-
ragement des lettres et de's arts , a e'te examine avec un soin scrupuleux ,
cbacun apportant le tribut de ses lumieres; en un mot, je nc crois pas
qu'on put re'unir un ensemble plus complet , plus satisfaisant de docu-
mens sur l'e'tat de l'administration de notrc pays et sur les ameliorations
dont est susceptible notre systcme politique et financier
II est fort a de'sirer que ce recueil devienne populaire. Nous voudrions
le voir entre les mains de tous ceux qui prennent quelque interet a la
cbose publique. Le rcfus du budget n'est qu'une mesure de haute poli-
tique , ne'eessaire parfois , mais rare, l/examen et le vote du budget sont
des affaires de tous les ans. Sachons bien ce que e'est que ce budget. En
l'e'tudiant avec conscience, nous apprendrons deux choses e'galement im-
portanles , quoique fort ignorees : quelles sont les economics a fa ire ,
quelles sont les charges a supporter sans murmure.
DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATE
FRANCAIS,
ou Analyse et resultat des dispositions legislatives et reglemen-
taires , publiees ou non sur loutes les matieres d'interet public
el d'administration ; par Bouehene-Ltfer , avocat.
Premiere livraison, tome II : Ministeres de la justice et de
(6)
l'inte'rieur, i83o. I fort vol. in-&\ Prix 7 fr. 5o c.
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distinctes, formcra environ 12 vol. ou livraisons in— 8°.
Chaque volume se vendra separement.
SCIENCES OCCULTES,
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ESSAI SUR LA MAGIE, LES PRODIGES ET LES MIRACLES;
Par Eusebe Salverte , i83o. 2 vol. in-8°. Prix i4 fr.
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Ouvrage dans lequel sont discutees plusieurs questions relatives
aux fonctions du systeme nerveux en general ; par J. P. Gamar
docteur en medecine , chirurgien en chef et premier profes-
seur a l'hopital militaire d'instruction du Val-de-Grace. 1 vol.
in-8", 1 83o. Prix 7 fr.
OEUVRES
DE LA PRINCESSE DE SALM.
4 vol. in-18, sur grand papier velin satine , orne de son por-
trait , 1 83o. (Sous prcsse.) Prix ] 4 fr.
La princesse tie Salin a public en 181 1 unc premiere c'Jition dc scs
(7 )
poesies, et unc secondc <n 1817. Scs oeuvres, qu'elle fail parahre a»i-
jourd'hui , rovnprennent tout ce qui formait res deux editions, plus ce
qu'elle a publie depuis , et une grande quantite de pieces ine'ditej.
SCENES POPULAIRES
EN IRLANDE,
Recueillics par Mm" S. L. Sw. B... et A. de M. 1 vol. in-8
i83o. Prix 7 fr. 5o
LES MAC-CARTY,
ou qu'est-cb
QUE LES GENS COMME IL FAUT?
Traduit de Tanglais par Larast, i83o. 4 vol: in-12. .. 12 fr.
Cet ouvrage, qui a oltenu le plus Lrillant succes aux Etats-Unis , de-
vait etre reproduit dans notre languc ; c'est un livre de bon ton et en
mime tcms un livre de famille ; lcs jcuncs personnes n'y puiscront que
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COURS DE MUSIQUE,
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tn vol. in-S° oblong, elegamment cartonne , i83o.. .. i5 fr.
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te!;r, dont la nie'tboclc so rapproclie de celle de Jacotot par sa simplicite' ,
•1 »u ren4ce I'eiude dc la musiquc A la fois facile et agre'ublc, en substi-
f8.|
luant a des exercices ordinaircment Pastidieux, lcs plus jolis airs dc nos
grands compositeurs.
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etrangers , avec l'etat de leurs cours respeclifs depuis l'ori-
gine. — Sur les affaires qui se traitent a la bourse de Paris.
— Marches au comptant et a terme ; marches fermes , libres
ou a prime , reports et differentes manieres de speculer. —
Sur le mecanisnie du change : arbitrages , regie conjointe , etc. ;
un apercu de la bourse de Londres et sur les fonds publics
en Angleterre. — Des tableaux d' evaluations en francs , des
obligation* d'Espagnc et des certificats Falconnet ; de l'inleret
de l'argent place en 5 en 3 pour 0/o aux differens cours de la
rente , et des regies generales pour tous calculs relatifs aux
effets publics. — L'etat des finances de toutes les puissances
du globe, et la liste de MM. les Agens de change pres la
bourse de Paris , etc. Nouvelle edition , revue et augmentee
de tables d'interet compose pour l'amortissement et pour l'ac-
croissement des capitaux , etc. ; par Lamst. i volume in-i8,
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(9)
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a. Sciences naturelles et geologic 26 3o 5o 35
3. Sciences me'dicales , etc '11 25 5o 20,
4. Sciences agricoles, e'eonomiques, etc. l5 17 5o 20
5. Sciences technologiques 18 21 » 24
6. Sciences geographiques , e'eonomi—
publiques , voyages 22 25 5o 29
7. Sciences historiques, antiquite's , phi-
lologie '. 18 21 » 24
8. Sciences militaircs ia i4 » i&
Totaux 148 172 5o 197
Prix des 7 premieres sections prises en-
semble 120 i4a 5o i65
Prix du Bulletin complel i32 i56 5o 181
REVUE BRITANNIQUE, ou Choix d'Articles traduits des meil-
leurs ecrits periodiques dela Grande-Bretagne ; par MM. Saul-
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Par semestre, par anne'e.
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Pour les departemens ". . . . 3o 56
Pour Tetranger 33 •. 62
( to)
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recueils annuels de la Grande - Bretagne ; ouvrage orne de
douze belles gravures anglaises , et publie par les editeurs de
la Revue Britanniquc , pour lui servir de complement, i83o.
i vol. in-8°. Prix i5 fr.
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SEURS D' ALEXANDRE ; par MM. Cayx et Poirson. i vol.
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vasion des Barbares jusqu'a la prise de Constantinople par
les Turcs Ottomans; par M. Des Micbcls. i vol. in-8°. 5 fr.
PRECIS DE L'HISTOIRE MODERNE; par M. Michelet.
i vol. in-8° 4 fr- 5o c.
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par MM. Poirson et Cayx , professeurs aux colleges royaux
de Henri IV et de Charlemagne i fr. 25. c.
HISTOIRE ANCIENNE , par Ch. Du Rosoir, professeur d'his-
toire au college royal de Louis-le-Grand , professeur sup-
pleant a la Faculte desLettres. Tome Icr, contenant l'histoire
des Juifs , des Egyptiens , des Assyriens , des Babyloniens ,
des Medes , des Lydiens , des Perses el des Grecs , jusqu au
regne de Dnrrius, fds d'Hystaspes. i vol. in-8°. . 7 fr. 5o c.
HISTOIRE ROMAINE, depuis la fondation de Rome jusqu'a
retablissement de l'empire ; par Augusle Poirson , professeur
d'histoirc au college royal de Henri IV ; ouvrage adopte par
le conseil royal de l'instruction publique pour l'enseignement
de l'histoire romaine dans les colleges royaux ct particuliers
de France. Tomes I et II. 2 vol. in-8° i4 fr-
Le tome Iroi'sieme et dernier est sous presse.
HISTOIRE DES EMPEREURS; par M. Cayx. (Sous presse.)
HISTOIRE GENERATE DU MOYEN AGE; parC.-O. Des
( II )
Michels , professeur au college royal de Henri IV. Tome IOTr
contenant le demembrement de l'empire romain par les Bar-
bares du Nord et les Musulmans , l'etablissement de la reli-
gion chretienne et du mahometisme , et la formation d'un
nouvel ordre social, i vol. in-8° 7 fr.
La suite est sous presse.
ABREGE DE L'HISTOIRE generale des tems mo-
DERNES , depuis la prise de Constantinople par les Turcs ,
en i453, jusqu'a la fin de la guerre d'Amerique en 1783;
par M. Ragon , professeur d'histoire au college royal de Bour-
bon. 2e edition. 2 vol. in-8° i5 fr.
TABLEAU chronologique de l'bistoire moderne, depuis la prise
de Constantinople par les Turcs , jusqu'a la revolution fran-
chise, 1453-1789 ; par M. Miehelet. 1 vol. in-8°. 5 fr. 5o c.
TABLES SYNCHRONIQUES ,' a l'usage des cours d'histoire
ancienne et moderne dans les colleges royaux ; par un profes-
seur d'histoire 3 fr.
TABLEAU CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE ANCIENNE
ET MODERNE, depuis la creation du monde jusqu'en juil-
let 1820, avec la chronologie des decouvertes , inventions,
institutions , progres de la civilisation , des homines celcbres ,
des savans , des poetes , des artisans, etc. ; par H. Somer-
hausen. 2 feuilles nom-de— Jesus 6 fr.
IDEES SUR LA POLITIQUE ET LE COMMERCE DES
PEUPLES DE L'ANTIQUITE ; par Heeren , traduit par
M. Suckau , d'apres le consentement de l'auteur, et avec des
additions et corrections.
Les 3 premiers volumes traitent de l'Asie , les 4e et 5e de l'A-
frique , les derniers de la Grece et de l'Europe. 8 vol. in-8°. Deux
volumes sont en vente.
Prix de chaque volume n fr.
MANUEL DE L'HISTOIRE ANCIENNE ; par M. Heeren ,
traduit de l'allcmand par M. Thurot ; 2' edition , revue et aug-
( M)
mentee par 1'auteur. i volume in-8° de plus do 5oo pages.
Prix 8 fr.
RECUEIL D'OBSERVATIONS GEODESIQUES , ASTRONO-
MIQUES ET PHYSIQUES , executees par ordre du Bureau
des Longitudes de France , en Espagne , en France , en An-
gleterre et en Ecosse , pour determiner la variation de la pe-
santeur et des dcgrcs terrestrcs , sur le prolongement du rac-
ridren de Paris , faisant suite au troisieme volume de la Base
du systeme metrique ; par Biot et Arago , membres de l'Aca-
demie des Sciences et du Bureau des Longitudes de France,
r vol. in-4°, avec fig. , 1821 21 fr.
OBSERVATIONS ASTRONOMIQUES faites a l'Observatoire
royal de Paris , publiees par le Bureau des Longitudes. In-f",
1 825 , tome I" 5o fr.
CONNAISSANCE DES TEMS , a l'usage des astronomes et des
navigateurs , pour les annees 1829 et i83o. Prix de chaque
annee avec additions 6 fr.
Et sans additions 4 fr-
On peut se procurer la collection complete , ou des annees se—
parees de cet ouvrage, depuis 1760 jusqu'a ce jour.
ANNUAIRE PRESENTE AU ROI par le Bureau des Longi-
tudes. In-18 1 fr.
Cet ouvrage parait tous les ans. ,
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TIQUE ; par Delambre. 3 v. in-4°, avec 29 pi., i8i4- 60 fr.
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D'ASTRONOMIE theorique et pratique donnees au College
de Fiance. 1 vol. in-8°, 2e edition , revue , corrigee et aug-
mentee par M. Mathieu , membre de l'lnstitut et du Bureau
des Longitudes. (Sous presse.)
HISTOIRE DE L'ASTRONOMIE ANCIENNE. 2 vol. in-4%
avec 17 plancbes , 1817 4° fr-
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HISTOIRE DE L'ASTRONOMIE DU MOYEN AGE. i vol.
in— 4", 1819, avec 17 planches en taille-douee 2.5 fr.
HISTOIRE DE L'ASTRONOMIE MODERNE; par Delambre.
2 vol. in-4°, avec 17 planches ,1821 5o fr.
HISTOIRE DE L'ASTRONOMIE DU XVIIL SIECLE;par
Delambre , publiee par M. Mathieu , membre de l'lnstitut et
du Bureau des Longitudes. In-4°, avec planches , 1826. 36 fr.
TRAITE DE MECANIQUE CELESTE ; par le marquis de
Laplace. 5 vol. in— 4", 1798 a 1825.
Le quatrieme volume de cet ouvrage , qui contient de plus la
Theorie de Faction capillaire et un Supplement faisant suite au
deuxiemelwre de la Mecanique celeste, se vend separement 21 fr.
Chaque Supplement, separement 3 fr. 5o c.
MECANIQUE CELESTE , tome V. In-4" , avec supplement .
1825 et 1827 29 fr.
EXPOSITION DU SYSTEME DU MONDE; par Lapface ,
5C edit., revue et augmentee par l'auteur. In-4", 1824, avec
portrait 1 5 fr.
THEORIE ANALYTIQUE DES PROBABILITES ; par La-
place. 1 vol. in-4", 3e edit. , 1820 27 fr. 5o c.
Quatrieme Supplement a la Theorie des Probabilites , 1825 ;
separement 2 fr. 5o c.
ESSAI PHILOSOPHIQUE SUR LES PROBABILITES ; par
Laplace, 5e edit'., revixe et augmentee, in-8°, 1825.. 4 ^r-
PRECIS DE L^HISTOIRE DE L'ASTRONOMIE ; par La-
place. 1 vol. in— 8°, 1821 3 fr.
TRAITE DE MECANIQUE ; par M. le baron Poisson , membre
de l'lnstitut , etc. 2 vol. in-8°, avec 8 pi., 181 1. . . . 12 fr.
LECONS DE MECANIQUE ANALYTIQUE , dounees a l'E-
cole Polytechnique ; par Prony , membre de l'lnstitut. 2 vol.
in-4", J8i5 3o fr.
Mecanique philosophique , 1 vol. in-4° 12 fr.
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COLLECTION DES MEMOIRES RELATIFS A LA REVO-
LUTION D'ANGLETERRE , aceompagnee de notices et
d'eclaircissemens historiques , par M. Guizot. 25 vol. in-8°.
Prix dc chaque volume 6 fr.
Cette Collection est uinsi composee.
HlSTOlRE DU LONG PARLEMENT , convoque par Charles I" en i64o;
par Th. May. i vol.
Memoires de sir Philippe Warwick, i vol.
Memoires de John Price, suivi des Memoires de Herbert et Ber-
kley. 1 vol.
Memoires de Ludlow. 3 vol.
Memoires de Hollis , Hustington et de Fairfax, i vol.
Memoires de mistress Hutchinson, i vol.
Proces de Charles I'r, Eikone, Basilike, Apologie attribute a
Charles Ier, Memoires de Charles II. i vol.
Memoires de lord Clarendon. 4 vol.
Journal de H. Clarendon, i vol.
HlSTOlRE DE MON TEMS , par Burnet. 4 vol.
Memoires de Jacques II. 4 vol.
Memoires de sir John Beresby, Memoires du duc de Buckin-
gham, i vol.
HlSTOlRE DE LA REVOLUTION D'ANGLETERRE , suivie
de 1'Histoire de la restauration ; par Guizot. 5 vol. in-8°.
Prix de chaque volume 7 fr.
DE LA RELIGION, consideree dans sa source, ses formes et
ses developpemens ; par M. Benjamin Constant. 4 volumes
in-8°. Paris, 1827 et 1828 3o fr.
LETTRES DE FAMILLE SUR L'EDUCATION; par madame
Guizot. Ouvragc couronne par l'Academie dans sa seance du
3 1 aoiit 1827, comme le plus utile aux mceurs. 2 vol. in-8".
Nouvelle edition , Paris , 1828. Prix . . 1 4 fr.
CONSEILS DE MORALE , on Essai sur le monde , les moeurs ,
la litterature et les questions les plus intcrcssante^ de l'etat
( »5)
social et de la morale ; par madame Guizot. Ouvrage inedit ,
precede d'une notice et public par M. Guizot. 2 vol. in-8°.
Paris , 1 828. Prix 1 4 fr •
OEUVRES DE M. DESTUTT DE TRACY, pair de France
et membre de l'lnstitut , nouvelle et jolie edition. 6 forts vol.
in-18. Prix 20 fr.
Chaque partie se vend separement , savoir :
Ideologie proprement dite. 1 vol. in-18. Prix 3 fr.
Grammaire Raisonnee. 1 vol. in-18 , . . . 3 fr.
Logiqde suivie de plusieurs ouvrages relatifs a l'instruction pu-
blique , la plupart inedits. 2 vol. in-18 <j fr.
Traite d'Economie politique , ou Traite de la volonte et de ses
effets , augmente du premier cbapitre de la morale. 1 volume
in-18 3 fr. 5o c.
Commentaire sdr l'Esprit des Lois de Montesquieu , suivi
d'un memoire sur cctte question : Quels sont les moyens de
fonder la morale d'un peuple? 1 fort vol. in-18. . 3 fr. 5o c.
ESSAI POLITIQUE SUR LE ROYAUME DE LA NOU-
VELLE-ESPAGNE ; par M. le baron A. de Humboldt;
2e edit. 4 vol. in-8°, avec un atlas geograpbique et physique ,
compose de 20 planches grand in-folio. Prix 166 fr.
Les 4 V°L sans 1' atlas 36 fr.
L'atlas separement i5o fr.
DU PERFECTIONNEMENT MORAL , ou de l'Education de
soi-meme ; par M. le baron Degerando , membre de l'lnstitut ;
2e edit. 2 vol. in-8° 1 4 fr.
L' Academic franchise , dans sa seance du a5 aout i8^5, a de'eerne a
cet ouvrage le prix annuel fonde'par M. de Monlyon , pour le livre le
plus utile aus moeurs.
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FRANCE , au dix-neuvieme siecle ; par M. Ph. Damiron ,
elevc de l'ancienne Ecole Normale , professeur agrege de phi-
( '<> )
losophic au college royal tie Bourbon; 2C edit, i vol. in-8°..
Prix 7 fr.
OEUVRES DRAMATIQUES DE J. W. GOETHE , traduites
de l'allemand ; precedees d'une notice biographique et litte—
raire , par Albert Strapfer; 2e edition. 4 vol. in-8°, papier
satine. Prix de chaque volume 3 fr. 5o c.
OEUVRES COMPLETES DE THOMAS REID , cbef de l'ecole
ecossaise , publiees par M. Th. Jouffroy, avec des fragmens
de M. Royer-Collard el une introduction de l'editeur. L'ou-
vrage aura six volumes.
Le prix de chaque livraison de deux volumes est de. . i4 fr.
PROVERBES DRAMATIQUES, par Theodore Leclercq; cin-
quieme edition. 6 vol. in— 8°, dont un inedit, sur papier su-
perfin des Vosges , satine 3t) fr.
Le sixieme volume a ete imprime separement pour completer
les premieres editions. Prix 7 fr.
Les memes , sur papier jesus velin satine , 7 vol. in-18 , dont
uu inedit 28 fr.
Le volume inedit se vend separement 4 fr-
HISTOIRE DE LA CONQUETE DE L'ANGLETERRE PAR
LES NORMANDS ; par Aug. Thierry; 20 edition , augmentee
et enrichie de quatre cartes geographiques. 4 v. in-8°. 28 fr.
On joint a cet ouvrage huit dessins lithographies representant
la fameuse tapisserie de Bayeux. Prix 6 fr.
LETTRES SURL'HISTOIRE DE FRANCE; par Aug.
Thierry, auteur de l'Histoire de la Conquete de l'Angleterre.
Prix 7 fr- 5o c-
HISTOIRE DES GAULOIS ; par Afiiedee Thierry. 3 volumes
in-8" 2I fr-
DE L'EDUCATION PROGRESSIVE ; par madame Necker de
Saussure (premiere partie). 1 vol. in-8". Prix 7 fr.
TRAITE DE LEGISLATION , ou Exposition des lois generales
Miivant lesquellcs les peuples prosperent, deperissent 011 res-
( '7 )
tenl stationnaires ; par Charles Conitc , avocat a la tour royalc
de Paris, professeur de droit a l'academie de Lausanne, au-
teur da Censeur europeen. 4 vol. in-8°. Prix 32 fr.
HISTOIRE DE LA CONTRE-REYOLUTION EN ANGLE-
TERRE SOUS CHARLES II ET JACQUES II , par Ar-
mand Carrel, i vol. in-8°. Prix 7 fr.
FRAGMENS PHILOSOPHIQUES; par V. Cousin, i vol. in-8".
Prix 7 fr. 5o c.
PHYSIOLOGIE DU GOUT , ou Meditations de Gastronomic
transcendantc ; ouvrage dedie aux gastronomes parisieus , par
un professeur; 2e edit. 2 vol. in-8°. Prix ... i^ fr.
ESSAI SUR L'HISTOIRE GENERALE BU CHRISTIA-
NISME ; par Charles Coquerel ; 2e edit. In-8°. Prix. . 6 fr.
HISTOIRE DU SOULEVEMENT DES PAYS-BAS , sous Phi-
lippe II , roi d'Espagne ; traduite del'allcmand de F. Schiller,
par M. Ie marquis de Chatcaugiron. i vol. in-8°. ... 12 fr.
OEUVRES INEDITES DE PAUL-LOUIS COURRIER. 2 vol.
in-8°. Prix .* .' i 1 4 fr.
MELANGES DE MORALE , D'ECONOMIE ET DE POLI-
TIQUE , extraits des ouvrages de Benjamin Franklin , et pre-
cedes d'une notice sur sa vie ; par A. Ch. Rcnourd ; 2e edit.
2 vol. in-18, ornes d'un portrait et d'un facsimile . . 5 fr.
MEMOIRES SUR LA VIE DE BENJAMIN FRANKLIN ,
ecrits par lui-meme , traduction nouvelle , ornee de deux por-
traits. 2 vol. in— 18. Prix 6 fr.
PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE , tra-
duits de la Science Nouvelle de J.— B. Yico, precedes d'un
discours sur le systeme et la vie de rauteur ; par M. Mi-
chelct , professeur d'histoire au college de Sainte-Barbe. 1 fort
vol. in-S". Prix j ff.
OEUYRES COMPLETES DE BEAUMARCHAIS , pYeccdfc'es
d'une notice biographique et lilter.iire ; nouvelle edition. G vol.
in-8°. Prix 33 fr.
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LETTRES SUR LES REVOLUTIONS DU GLOBE; par A.
Borlrand , doctcur de la faculte de medecine dc Paris , ancien
clcvc de l'Ecolc Poly technique. 3° edition , considerablemcnt
augmented, i vol. in-8°. Prix 4 fr.
HISTOIRE CONSTLTUTIONNELLE DE L'ANGLETERRE;
par Hallam, tradtiction revue et publico par M. Guizot. 5 vol.
in— 8°. Prix de chaquc volume 7 fr.
L'EUROPE AU MOYEN AGE , traduit de 1'anglais de H. Hal-
lam , par MM. Dudouit et Burghers. 4 v. in-8°. Prix. . 28 fr.
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familiere qui montre de quelle faeon les richesses sont pro-
duces , distributes et consommees dans la societe ; avec des
notes en faveur des personnes qui veulent approfondir da-
vantage les principes de cette science ; 3e edition , revue par
l'auteur, etenrichie de nouveaux developpemcns ; par Jean-
Baptiste Say, auteur du Traite d'Economie politique. 1 vol.
in— 12, broche. Prix 2 fr. 5o c.
traite d'Economie politique ; par j.-b. Say. 3 vol.
in-8°. Prix 18 fr.
COURS COMPLET D'ECONOMIE POLITIQUE PRATIQUE ;
par J.-B. Say. 6 vol. in-8°. Prix de chaquc vol. 6 fr. 5o c.
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collaborateurs , MM. Dclestrc-Poirson , Delavignc , Mcles-
ville, Dupin, Mazeres , Moreau , Imbert, Varner, Saintinc,
Brazier, Francis, de Courcy, Justin, Brulay, Saint-Laurent
et Saint-Georges. 8 vol. in-8n.
Le prix de chaquc volume , contenant huit ou dix pieces , ou
45o pages environ , imprime sur tres-bcau papier fin satine ,
est de 7 fr.
OEUVRES COMPLETES DE MIRABEAU, precede^ d'uuc
notice; par M. Merilhou, avocat. 9 vol. in-8". Prix. 63 fr.
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HUMAINE ; par feu le comte de Lacepedc. 2 volumes in-8°.
Prix 1 2 f r .
HISTOIRE ROMAINE DE M. B. G. NIEBDHR ; iraduit de
l'allemand sur la 3e edit. , par M. P. A. de Golbery, con-
seillcr a la cour royale de Colmar, correspondant de l'Institut
(Academie des inscriptions et belles-lettres), etc. 2 volumes
fo-fc , i5 fr.
HISTOIRE U1VIVERSELLE DE L'ANTIQUITE ; par Fr.
Chret. Schlosser, eonseiller intime et professeur a l'universite
de Heidelberg, traduit de l'allemand, par M. P. A. de Gol-
bery, eonseiller a la cour royale de Colmar, cbevalier dc la
legion d'honneur ; correspondant de l'Institut (Academie des
inscriptions et belles-lettres ) , etc. 3 vol. in-8° 21 fr.
HISTOIRE CRITIQUE DU GNOSTICISME , et de son in-
fluence sur les sectes religieuses et philosophiques des six
premiers siecles de l'ere chretienne ; par M. J. Matter. Ou-
vrage couronne par l'Academie des inscriptions, et belles-let-
tres. 2 vol. in-8°, avec un cahier de planches lithographiecs.
Prix 18 fr.
IDEES SUR LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE DE L'HU-
MANITE , par Herder; ouvrage traduit de l'allemand, et
precede d'une introduction ; par Edgar Quinet. 3 volumes
in-8° 21 fr.
OEUVRES COMPLETES DE DESCARTES , publics par
Victor Cousin , professeur-suppleant de philosophic moderne
a la faculty des lettres de l'Academie de Paris , maitre de con-
ferences a l'ancienne Ecole Normale. 1 1 vol. in-8°, avee 44
planches go fr.
M. Cousin doit encore publier, pour completer cct ouvrage, un Dis-
cours sur la philosophic carte'sienne ; cc volume sera orne' d'un trcs-
bcau portrait de Drscarlcs.
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glais sur la quatricmc edition , par M. JouflVoy, c.ncicn cli've
dc l'Ecolo Normalc , ct maitrc dc conferences a la nieme
ccole , avcc mi diseours prcliminaire du Iraducteur. i volume
iu-8'. Prix. 6 fr.
DUGALD STEWART. Essais philosophiqucs sur les systemes
dc Locke, Berkeley, Priestley, Home -Took, traduits de
l'anglais par M. Cli. Hurct. i vol. in-8'\ Prix 6 fr.
OEUVRES COMPLETES DE M. LE VICOMTE DE CHA-
TEAUBRIAND , pair de France , membre de I'Academie
franchise , ornees d'un portrait d'apres Girodet. 28 volumes
in— 8*, imprimes sur carre fin des Yosgcs. Prix de cnaque vo-
lume 7 fr. 5o c.
HISTOIRE DES DUCS DE BOURGOGNE de la maison de
Valois, 1 334 — T 477 » Par M. ^e Barante , 4e edition. i3 vol.
in-8°. Prix 84 fr.
TABLEAU DE LA LITTERATURE au dix-huitieme sicclc ;
])ar M. dc Barante, pair de France, 4" edit. 1 vol. imprime
sur papier superfin. Prix 7. '
Par la poste 8 fr.
DES COMMUNES ET DE L'ARISTOCRATIE ; par M. de
Barante. 1 vol. in-8°. Prix 6 ir.
Par la poste 6 fr. 5o c.
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lemain. 3 vol. iu-8" ou 6. vol. in— 18 , papier fin satine, ornes
de dix portraits et d'une carte. Prix 27 fr.
BIOGRAPIIIE UNIVERSELLE ancienue et moderne , 011 His-
loire publique et privee de tous les homines qui se sont fait
remarquer par leurs ecrits , leurs actions , leurs talcns, etc. ;
par une societe d'hommes dc lettres. 5a vol. iu-8", sur papier
carre fin l\ 1 o fr.
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in-8° et alias. Prix Go fr.
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STAEL, publices par son fils ; precedees d'unc notice sur le
caracttre et les ecrits de madame de Stael , par madame
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HISTOIRE DE LA POLQGNE , avant et sous le roi Jean Sc-
bieski ; par N.-A. de Salvandy. 3 vol. in-8° 21 fr.
MANUEL HISTORIQUE du systeme politique des etats de
l'Europe et de leurs colonies , deptu's la decouverte des deux
Indes ; par M. Heeren ; traduit de l'allemand sur la 3e edit.
2 vol. in— 8°. Prix br 10 fr.
OEUVRES COMPLETES DE ROLLTN , nouvelle edition , ac-
compagnee d'observations et d'eclaircissemens bistoriques ; par
M. Letronne. 3o vol. in-8° avec atlas. Prix 192 fr.
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72 fr.; le Traite des Etudes, 4 v., 24 fr.; et l'Histoire Romaine,
1 3 vol., 78 fr. : l'atlas coute 12 fr.
HISTOIRE DES EMPEREURS ; par Crevier. 9 vol. in-8° et
atlas. Prix 54 fr.
Lc meme ouvrage, papier velin superfin 108 fr.
Cette edition fait suite aux OEuvres de Rollin , revues par
M. Letronne.
HISTOIRE DE LA REVOLUTION FRANgAISE ; par Tbiers.
10 vol. in-8°. Paris , 1829. Prix 70 fr.
HISTOIRE DE LA REVOLUTION FRANgAISE, depuis
1789 jusqu'en 1814 ; par Mignet. 2 vol. in-8° etune plancbe
reprcsentant la constitution de Sieyes. 4e edit. Prix. . . i4 fr.
HISTOIRE DE LA REPUBLIQUE DE VENISE; par M. P.
Dam, de l'Academie Francaise ; 2e edit. 8 gros vol. in-8°,
avec carles. Prix , br 68 fr.
Le meme ouvrage , 3C edit., 8 gros vol. in-18, grand raisin ,
avec carles. Prix • 36 fr.
HISTOIRE DE BRETAGNE ; par Darn , de l'Academie Fran-
( «■ )
Caite. 3 vol. in-8''. Paris , 1827. Prix 18 f 1 .
Papier velin 36 fr.
NOTIONS STATISTIQUES SUR LA LIBRA1RIE FRAN-
CAISE ; par M. 1c comte Darn. 1 vol. in-4°. Paris, 1827.
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HISTOIRE LITTER AIRE D'lTALIE ; par Gingucne, a* edit.
g vol. in-8". Prix 63 fr.
HISTOIRE DES REPUBL1QUES ITALIENNES ; par M. Si-
monde de Sismondi. 16 vol. in-8°, nouv. edit. Prix. 1 12 fr.
HISTOIRE DES FRANCAIS; par M. Simonde de Sismondi.
12 vol. out deja paru. Prix g3 fr.
HISTOIRE DES CUOISADES ; par M. Michaud , memhre de
l'Academic Francaise ; 4° edit. 8 vol. in-8°. Prix. ... 64 fr.
HISTOIRE D'ESP AGNE , depuis sa premiere periode jusefu'a
la fin de l'annce 1809 ; par John Bigland, trad, de l'anglais.
Ouvrai^e revu et continue jusqu'a Pannee 1 81 4 ; par le eomtc
Mathicu Dumas. 3 vol. in— 8", avec uue grande carte ct unc
notice gcographique ; par Bory de St. -Vincent. Prix.. 20 fr.
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DE FRANCE , depuis la fondatiou dc la monarcliie francaise
jusipi'au trciziemc siccle ; par M. Guizot. 3i volumes in-8".
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HISTOIRE DES EXPEDITIONS MARITIMES DES NOR-
M \NDS EN FRANCE ; par M. Depping. 2 vol. in-8". 12 fr.
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LES CHANGEMENS DANS LE REGNE ANIMAL ; par
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h° lS, les comptes rendtis de leurstravaux et les programmes des prix
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li: — Dulati et
C«; - ei Warts'; — |
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Milan, Qiegler; Yismara ; Cucca.
I c Uoux.
, eel fi!s.
el ; — Marotta et
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' on don.
. Jourdau; —
A. L
Palcrrr" donne et Md-
Pelcrsbourg, F. Bellizard et Cil; —
GiaelV; — Plucbart.
Rome, de Kobiaois ; — Merl
Sittttgarl et Tubinguc, Cotta.
Turin, Bocca.
f'arsoiie, Glurksberg.
ricv.nc, old ; —
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DC TLAsJAN ET Cr", f.lE OZ VAI'CIBAUD. tf
Tome II. — 1 83o.
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EWCYCLOPEDIQCE ;
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PAR L'XE REUNION
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A PARIS,
AU BUREAU DE LA REVUE ENCYCLOPED1QUE,
Et chez SEDILLOT. lIeba.ibe, bee »e Looiox, k° 3o;
ARTIIUSBERTRAND, bub HAurEMum.i.B, n« »3.
MAI 1830.
NOMS
DES GOLLABORATEURS
ET DES CQliRESPOflDANS, FRANgAIS ET ETRANGERS.
l" Pour le9 Sciences physiques et mathematujues et les Arts mdustrkls:
MM. Bailly de MBEUBtn, Casabeca, de Madrid; Ch. DoriB, Gihahd,
Navies, de l'lnstitut ; J. J. Bauds, Dubrobfaut, H. Dussabd, Fwhby,
Fbabcg*cr, Ad. Gobdirbi ; D. Lardrbr, de Londres; A. Micbelot,
de Mortgery, Moheao de Jorbss; QoKtEtET, de Bruxelles; T. Richabd;
Warden , dcs Jiltats-'Unis d'Amerique, etc.
a<> Pour les Sciences naturelles : MM. Fiodrrns, Gkoffroy Sairt-Hilaibb,
de l'lnstitut; BorydbSairt-'V lHCEiiT, con e&pondantde l'lnstitut; Mathibu
Bobafous, de Turin; B. Gaillok, de Dieppe; Isidore Gsoffboy SairT'
Hilaibb, Huot, etc.
3° Pour les Sciences medicates : MM. Damiron,G.-T. Dwb, Feaa*»,
Gasc; Gersok., de HambGFurg ; ©b Kircxhoff, d'Anvers; Loys»s; Ei-
cotLOT fils, d'Amiens, etc.
4° Pour les Sciences pliilosophiquet -et morales, politique*, giograpkiqua
et historiques : MM. M. A. Jullibr, de Paris, Fondateur-Directeur de la
Revue Encyclopidique; Ahth. Bbugrot, Ad. Blarqci; Alex, de la Bobdb,
Jomard, de l'lnst. ; M. Avkrex, Barbie do Bocage fils, Bebjauir Cons-
tabt,Ch. Cohte, Dbpping, Dufau, Duboybr, Gcigriaut, A. Jalbebt,
J. L*»ouBMrE, LAirrcnrAis, P. LaUi, Isidore Lreror, Lesoeur-Mbblir,
Magmas, Albbbt-Mortbmort, Eusebb Salvbbtb, J.-B. Say; Simordb db
Sismordi , de Geneve; Warr&cerig, de Liege, etc.; Dupih aine;
B Seville, Bolxhbhe-Lbfbb, Parbrt-Real, Ch. Rbbouard, Taillahdieb,
avocats, Vidaurrb, du Perou, etc.
5" Pour la Ltiterature francaise et itrangere, la Bibliographic, VAreheo-
logie et les Beaux-Arts : MM. Ahdhibbx , Amaury-Dbval, Emkeic David,
Lkuercier, dbSeguh, de l'lnstitut; Ardrieux, de Limoges; M""1 L.-Sw.
Belloc; MM. BuaBOOF fils , Chauvet; Chiaribi , de Varsovie; P.-A.
Goupib , Fb. Degeobge, Dumbrsar; Eo. Gaottier-d'Arc ; Ph. Golbkby,
correspondaut de l'lnstitut; Leqh Halbvy, Hebricbs, E. Herbal-,
AufiusTE Jollier fils , Bebraid Jolurr; Kalvos, de Zante ; Adribb-
Lafasce, J. V. Leclerc, A. Mahul, Mobclavb; Mobxard, de Lau-
sanne ; C. Pagabbl,H. Patib, Arselub Pbtktib, Pobgervilui, db Rbif-
vbbbbrg; dk Stassart, de Bruxelles; Fb. Sacti, Scr-rttzlsr, SaaVAit
si Sbcry; LbobTbhsss, P. F.Tissot, "Vic dub, Ysmm, etc.
*07
STATISTIQUE DES MALADIES PESTILENTIELLES ;
RAPPORT
Au Ccnscil superlcur de sante
Sur
LES IRRUPTIONS ET LES PROGUES DES MALADIES PESTILENTTELLES,
Pendant I'annec 1829 (1).
J'ai Pbonneur de rend re comple au Conseil des resullals
qu'offrent les documens o.Ticiels qui lui out etc communi-
ques, et qui font connaitre les irruptions et les progres des
maladies pestilentielles, pendant I'annec 1829.
L'insuihVauce de ces documens, a quclques -egards, m'a
force de rccourir a plusieurs autres sources d'information,
dont j'ai obtenu des renseignemcns egalement authentiqucs.
I.
La Peste, favorisee par les occurrences de la guerre
■d'Orient, s'est propagee, en 1829, sur plusieurs points du
littoral de la mer Noire. Elle exislait, au mois de jui'let, a
Varna, dans les environs d'Ode&sa, et a bord de plusieurs
vaisseaux de l'escadre russe. Elle penetra memc dans la ville
d'Odessa ; mais des mesures severes bornercnt bientut se$
(1) Cc Rapport, fait reccmment au Conseil supericur de sar.te du
ruyaumc, par M. Moreau de Joknks, l'un de scs me nib res, contient line
seiie de faits incdits dont la connaissance est puisee aux sources offi-
cielles, ou acquise par des documens authentiqucs. II est a regielter que
ies rapports precedens n'aient pas etc publics; ils fourniraient sur eelte
importance matierc des indications positives cl d'ntiles maleiiaux.
'9*
*$8 STATISTIQUE
ravages, et nc (ardcreni pas a Its arreter. Toutefois, une se-
condc invasion cut lieu, six semaines apros Ic terme do la
premiere, el -rendit de nonvcaux efforts necessaires pour on
etouffer le germc. "Vers la fin d'aodt, la peste so manifesta a
Sevastopol , qui est le grand arsenal maritime de la llussie,
dans la mor Noire. Elle Cut communiquee aux liabitans, par
leurs relations avec les vaisseaux dc guerre, qui en etaient
infeclcs. L'existence de la contagion fut d'abord vivement
contestee, et beaucoup de medecins se rangerent parmi les
incredulcs ; niais les progres du mal dissiperent tous les dou-
tes. Denx cordons de troupes furent formes autour de la
ville, ct empecberent la maladie de sc repandre dans l'inte-
rieur de la Crimee.
On se rappelle que, l'annee passee, tout l'equipage d'une
barque de Cepbalonie ayant etc attaque par la peste, a la
suite d'une communication avec un vaisseau turc, il fut sou-
mis, par tfn medeoin anglais des Iles-Ioniennes a un trai-
tement mercuriel, pfincipalement a des frictions, et qu'il nc
perit aucun des homines, qui, par l'effet de ce reniede, eprou-
verentune forte salivation. On devait, cette annee, confirmer
le sneces de ce traitement par de nouvellcs epreuves; mais
nous n'avons pas etc informes s'il avait ete employe avec le
memo bonheur.
II.
Le Cholera pesi'dentiel, qui, depuis douze ans, n'a pas c'css6
dexercer, dans toutes les contrees de l'Asic, les ravages
les plus meurtriers, semble avoir borne, en i8ag, I'etendue
ct la puissance de ses effets. II n'en avait pas etc ainsi l'an-
nec precedente. Des- le mois d'avril, ce terrible fleau parut au
Beneale; il attaqua avec violence les garnisons anglaises ct
les liabitans de Calcutta, Cawnpore et Cbittatong. II s'avanea,
de village en village, a l'orient de la premiere de ces villes,
et pendant quinze jours, surtout, il causa une grande morta-
lile. Au mois de juin, il se rcpandit dans la presidence de
Bombay, a I'autre cxtrcmile dela peninsule indienne; ct, au
DES MALADIES PESTILENTIELLES. 299
mois d'octobre, il atteignit la ville de Madras ct ses environs.
On croit que ce fut par les relations commcrcialcs de la tote dc
Coromandel avec Borneo qu'il fut introduit dans cette ile a
fa fin de l'automne. Toute la garnison hollandaise de Pon-
tiana en fut attaquee; et le resident, qui eut le bonheur de
lui echappcr, fut la seule personne qui se trouvat en elat
d'administrer aux autres quelques remedes.
Toutefois, ce fut dans les environs de Calcutta qu'eut lieu
la plus granile mortalite. Des villages entiers furent depeu^
pies, et, dans la ville, il perit, en huit hemes de maladie, pin-
sieurs fonctionnaires publics, et beaucoup d'habitans des
premieres classes de la societe. D'apres le tcmoignage du
Dr Michelson, il y eut des ma'ades qui expirerent, deux hcu-
rcs seulement apres les premiers symptomes.
On eut'recours, dans cette irruption, comme dans les prc-
cedentes, au laudanum, a 1'etber, a ropium-.et au calome-
las a grandes doses. A Madras, le fait suivant a ete public
sous l'autorile du gouvernement. Un Europeen, age dc 54
ans, ay an I senli les premieres attcinles du cholera, sc init
dans un bain chaud, et prit du laudanum, non par gouttes,
mais a pleinescuillerees a cafe. On estime qu'il en avala 400
gouttes dans la nuit. A quatre heures, les douleurs avaient
cesse ; mais la chaleur naturelle ne revint pas avant sept
heures. Le tetanos n'eut point lieu, et le malade ne perdit ni le
pouvoir de parler, ni celui de se mouvoir. II echappa a la
mort.
On n'est pas plus d'accord aujourd'hui, dans l'lnde, sur les
causes du cholera que lors de sa premiere irruption, en 1817.
A Calcutta, on l'a attribue, en 1828, a l'extreme quantite des
pluies, et a Bombay, a la duree de In secheresse. A bord de
YAbercrombie-Robinson, navire de la Compagnie des Indes,
parti de cette derniere ville, lorsqu'elle en etait infectee, on
cnaccusa rhumiditederair; et,en consequence, an lieu de re-
couiir a tons les moyens de ventilation, on ferma soigneuse-
ment les sabords. En deux jours, la maladie devint generate ;
en cinq jours, 38 homines en furent alteiuts; 24 en mourn-
3oo STATISTIQUE
rent, dont 0 en inoins de .six hcurcs, ct i5 dans les donze
heurcs qui suivirent les premiers symptomcs. Tous les
moyens medicaux furent employes sans succes, et les forces
vilalcs semblcrent compIAtement dctruitcs des le premier
instant perceptible dc l'invasion. Cependant, aucun des olfi-
tiers nc fut altcint de la maladie, sans doutc parce qu'ils vi-
vaient separes dn rcste de l'equipagc.
II est dignc de rcmarque que, lorsque Bombay fut assailli
par le cholera, Sir John Malcolm, gouverneur de cettc ville,
et dont la haute capacite est bicn connue, s'occupa siir-le-
chump de chercher dans les districts noiivellcmcnt habilcs,
et ecartes des communications commerciales, quelquc monta-
gne oil Ton put former un asile pour les troupes et un hos-
pice pour les convalescent.
A une immense distance du littoral de l'lndc, le cholera
oriental s'est frayc un ehemin, pour la seconds fois, jusqu'uux
front ieres de l'Europe. On se souvient qu'en 1825 il parut a
Astrakhan, et parmi les equipages de la flotte russe de la mer
Caspienne. En 1828, vers la fin dc l'automne, il a telate a
Orenbourg, ville situee a la limite de la Russie d'Europe et
de celle d'Asie, et qui est le centre du commerce de ccs vastcs-
regions. Son irruption, commo celle qui ravagea Astrakhan,
a eu lieu apres l'arrivec des caravanes Tenant des pays de la
Haute-Asie, dont les communications avec l'lndoustan sont
frcquentes et multiplies. La maladie, que le froid dc 1'liivcr
rigourcux de ce climat semblait devoir eteintlre complctc-
ment, a reparu des que la saison s'est adoucie, et un rapport
officiel fait connaitrc qu'elle exerce de grands ravages dans
plusieurs lieux ties provinces orientates; mais le gouverne-
ment russe, la considcrant conime propagec par contagion,
a pris des mesures dout on pcut espercr un plein succes.
HI.
La Fiiicre jaune a etendu ses irruptions, en 1829, aim
moins grand nonibre dc lieux qu'il u'arrive ordiuairement eu
Amerique.
DES MALADIES PESTILENT1ELLES. 5oi
A la Martinique, Pirruption de 1828 conlinuapartiellement
pendant 1'hiver, inalgre l'abaissenjent de la temperature ; et,
au mois de mars, elle altaqua encore plusieurs militaircs rccem-
ment arrives. Mais, bientot, elle eessa, ct elle n'a reparu, ni a
la Martinique, ni a la Guadeloupe, dans tout le cours de 1829.
Une cbaleur extreniement l'orte, et l'huuiidite qui resulle de
Pevaporalion qu'elle produti, n'ont pu mettre fin a cetle
intermittence remarquable , nonobslant la puissance qu'on
leur attribue.
Les grandes Antilles n'ont pas partage cet avantage. La
fievre jaune existait au Port-Uoyal de la Jamai'que des le
mois d'avril. Dans les dix premiers jours de mai , elle fit
perir 5o marins de l'equipage du vaisscau anglais le Magnifi-
(jue. En juillet, elle regnait a bord des navires du commerce,
en rade de la Havane, ct les hopitaux contenaient un grand
nombre de malheureux qui en etaient attaques.
Cepcndant, a la meme epoque, File de Porto-Rico, qui
n'est separee de Cuba que par un ctroit canal, et qui est sou-
mise a Paction du meme clinial et d'agens physiques de la plus
parfaite identite, continuait d'etre cxempte de la maladie. Le
medecin espagnol Oller, qui est Pun des praticiens les plus
experimentes de la colonie, declare, dans un Memoire com-
munique au conseil, que e'est l'exlreme vigilance des mesures
adoptees par le premier magistral de Porto-llico qui explique
comment la fievre jaune. apportee dans cetle ile, s'est eleintc
aussitot, et pourquoi cette maladie ne reparait point annuellc-
ment, tandis qu'a la Havane il ne se passe point d'annee sans
qu'elle y fasse de nombreuses victimes. Le docteur Oiler
aflirme que cette maladie a constamment un caractere conla-
gieux. Dom Emiglio de Ant;q, autre pralicien eclaire de
Porto-Rico, exprime, de la maniere la plus positive, la memo
opinion. II affirme, dans un Memoire transmis oflicicllement
au Conseil, qu'avant que la colonie cut des relations commer-
cials avec les Etats-Enis, la fievre jaune n'etait point connue
dans cette ile; et que, le pen de fois qu'elle y a regnc, son
apparition a coincide avec I'iirrivee de navires americains, ve-
nant des lieux qu'elle rava grail.
5oa STATISTIQUE DES MALADIES I'ESTILENTIELLES
Ccst pour avoir repousse les importantes lecons que don-
nent ccs fails qu'un affreux desastre est vcim flapper In
population de la Nouvelle-Orleans. Cetle ville, communiquant
sans aueune precaution avec les ports des Antilles infcclcs
de la fievre jaune, ses relations journalicres avec la Ilavane
ont produit, au mois d'aoCit, une imporlation de cette mala-
die, qui a cause les plus terribles ravages. Des son apparition,
la violence de ce fleau fut si grande qu'il faisaitperir inevita-
blemcnt presque tons ceux qu'il attcignait. II enleva, pendant
six semaines, 2D a 5o pcrsonnes par jour dans la ville, et dans
les campagnes, a proportion. En avis public fut donne a tous
les etrangers et aux habitans qui n'etaient pas acclimates de
se derober a la mort par une prompte fuite.
Tel est le funeste rcsultat du systemc adopte a la Nouvelle-
Orleans de ne prendre aueune mesure pour conserve!- la sante
publique que les journaux americains eux-memes affirment
que, pai l'effet des irruptions de la fievre jaune, la population
de cette ville est renouvelee trois fois en dix ans. Les vitlcs
populeuses du littoral des Etats-Unis, sur PAtlantiquc, sont,
au contrairc, prcservees, depuis long-tems, par de sages dis-
positions, de cette grande calamile qui, autrefois, en repa-
raissant presque chaque annee, suspcndail leur commerce,
dcciinail lours habitans, et arretait l'essor de leur pros-
peri I e.
A. MoREAU DE JoNNES..
Extraits d'un Mcmoire intitule : Recherches sur les progress
COMPARES DES REVENUS PRIVES ET DES REVENUS PUBLICS DE LA.
France et de la Grajsde-Bretagne, depuis le xvic sicclc jus-
q u'd nos jours ; lu a I' 'Academic des sciences par M. Charhs
Dipin.
Si 1' Academic des sciences n'avait pas forme dans son sein
une commission de slalisliqitc, les recherches qui sont la mature
REVENUS DE LA FRANCE ET DE L'ANCLETERRE. 3o3
de co Memoire n'auraient peut-Stre jamais excrce nos geo-
mclres, ni profile des secoursqu'elles pen vent tirer des hautes
mathematiques. Et si le digue Montiiyon n'avait pas fonde
un prix de stalistiquc a decerner par 1' Academic, il estdou-
teux que ce corps savant cut accorde a cette science nouvelle
les soins dont son jeune Age ne peut r.ncore se passer, et qu'il
1'eQt mise sur la voie qui peut la conduire lc plus surementet
le plus tut a sa maturite. Tels sontles effets d'une pensee sage
et profondo, d'une action patriotique et d'une judicieuse di-
vision dn travail ! Le terns on nous recueilleron.s les fruits des
connaissances que M. Dupin s'attache a repandre est peut-
etre encore fort eloigne; mais, puisque l'un des fideles depo-
sitaires des interets nationaux se livre paisiblement a des tra-
vaux dont notre patrie ne profiterait que dans un terns de
prosperite croissante, il conserve Pespoir d'un avenir plus
heureux et plus rapproche de nous. Ne repoussons point la
consolante securite dont il nous donne l'exemple : nous en
avons besoin pour suivre ses raisonnemens et ses calculs avec
l'attenlion qu'ils meritent.
Depuis le xvi'' siecle jusqu'au xix% la richesse des deux
nations aujourd'hui les plus opulcntcs de l'Europe s'est-
clle accrue au hasard, et sans regies assignables? s'est-
elle, au contraire, devcloppee suivant un ordre, avec un de-
gre de Vitesse que le culcul puisse apprecicr? Tel est l'objet
des rechercbes suivantes, dont la nature et les consequences
n'interessent pas moins les citoyens que le gouvernement :
elles indiquent aux particuliers la mesure deleurs charges, a
1'administration , la mesure de ses rcssources; elles permet-
tent d'evaluer distinctement la partie constante et la panic
variable qu'on peut remarquer dans les progres de la richesse
de tout un peuple; elles conduisent, pour 1'epoquc presente
et pour les annees qui vont suivre, a determiner tres-approxi-
mativement la puissance d'accroissement dc cette richesse;
elles ofl'rent, par consequent, les moyens d'eclairer et de
guidcrles operations d'economie parliculierc et publiquc, en
calculant pour un terns specific, tel que les dix annees qui
:„j DES UEVKMS PRIVGS ET PUBLICS
s'ecoulefbnt de i85o a i8.';o, les rcsultats egalemcnt neccs-
saircs, egalemcnt demontres, d'tin progres opcre clans les
economics du tresor dc l'Elal, dans les resources de la pro-
duction nalionale et clans 1c hien-flrc des habitans.
Si, depuis ic xvic sieelc jusqu'a nos jours, des obser-
vations bicn f'aitcs avaicnt recueilli les donnees statistiques
les pins cssentielles snr Ic nombrc des hommes, snr cckn des
totes de chaque race d'animaux domcsliques, sur les produc-
tions les plus importantes du sol ct des cultures, sur la valeur
de ccs productions comparalivcmcnt au prix du travail et a
la valeur de I'argenf, rien neserait plus facile, aujourd'hui,
que de rctrouver la marche irreguliere ou reglee qu'a suivie
le progres des forces productives dc la France et de la Grande-
Bretagnc. Malheureusement , il s'en faut de beaucoup que
nous soyons aussi riches en bonnes observations sur les ele-
mens esscntiels dc la richesse nalionale. Ces elemens, incom-
plcts memo pour lc terns oii nous vivons, deviennent plus
rares et plus imparfaits, a mesure que nous remontons vers
des terns plus recules. Ainsi le degre d'approximalion qu'on
pent esperer d'atteindre, en calculant la richesse de la France,
devient moins precis, et les limites qui lc renferment s'ecar-
tcnt dc plus en plus, a mesure qu'on s'cloignc de notre epo-
que. On Terra neanmoins qu'en prenant pour guide la loi dc
continuite qui regit les devcloppemcns dc l'ordre social, aussi
bien que la marche de l'ordre physique, on pent s'elever a
des resultals beaucoup plus satisfaisans qu'il nc semblait pos-
sible de le faire par des rechcrchcs de ce genre.
En considerant attentivement l'ctat social chez un peuple
civilise, on remarque, d'une part, des causes generates dc
regularite, de conservation, de progres; de l'autre, une foulc
de causes pcrturbatrices. Plusieurs de ccs dernieres sont pu-
rement physiques, tt tiennent aux intemperics des saisons,
aux maladies, aux disettes, aux surabondanccs de produits
nutritifs; d'aulrcs apparticnr.cnt aux passions des hommes,
a la vidlcnce, a 1'injustice, a I'arbilraire, au vol, a la fraude,
DE LA FRANCE ET DE LA GRANDE-BRETAGNE. 5o5
a Tignorance, aux erreurs, en un rnot, aux folies de toutes
sortes, et aux attentats delinis on non par les lois.
Chez lcs peoples en decadence, les causes perturbatrices
l'emporteut sur les causes de conservation et de production;
la societe s'appauvrit et se desorganise. Ces peuples des-
cendent ainsi graduelleuient, jusqu'a ce qu'ils devienneiit la
proie de quelque nation plus puissante et niieux constitute.
A travers les vicissitudes de combats et de malheurs dont
l'imagination s'epouvanlc, la Fiance et la Grande-Bretagne
se sont avancees, depuis trois siecles, dans la voie du perfec-
tionneinent social, avec plus de regularise qu'en aucun autre
terns dont Fliistoire ait conserve le souvenir. Avant d'exposer
la marche qu'a suivie ce peiTectionnement, il convient de re-
monter aux principales sources de la richesse nationale : tel
est l'objet de ce Memoire.
Si chaque habitant d'un pays , de la France, par exemple,
indiquait la totalite de ses revenus dans une annee, soit qu'ils
provinssent de son travail ou du fruit de ses capitaux, la
sonnne de tous ces revenus serait ce que nous appellerions
la richesse annuelle de la France.
Pour apprecier la Constance, et en quelque sorte la stabitite
de la richesse annuelie d'un peup'ie, il i'aut etudier la variation
possible des clemens dont elle est composce : c'est une etude
premiere et t'ondamentale pour toutes les questions statisti-
ques qu'on veut soumettre au calcul.
Consideions d'abord la richesse d'une contree qui jouit
delapaix et d'institutions stables, premiers biens d'un peuple.
Dans un tel pays, au bout d'un terns pen considerable, il
s'etablit une proportion, un equilibre entre les prix des di-
vers objets convenables a l'homme, selon leur agreinent ou
leur ulilite. Pour arriver a cet etat il'equilibre, tantot le ven-
deur reduira les prix, afin d'accroitre la quantite de ses ven-
tes ; tantot il augmentera les prix, sauf a laisser diminuer la
quantite des objets vendus : il continuera de la sorte, aussi
long-tems qn'il vena croitre son produit definitif. Pardegres,
le mouvement de hausse des prix deviendra moins rapide
T. XLVI. MAI l83o. 20
3n(> DES UEVKJSliS PRIVIES ET PUBLICS
les variations tres-pelites, et Ie produit total sensiblement
slationnairc ; ce point scpare la progression des richesses de
l(Mir rclrogradation ; e'est le tcrnic anqucl lc vendcur s'effor-
cera de niaintenir les prix. *
Ainsi, les prix de chaquc espece d'objet tendent sans cesse
vers une cerlaine limite autour de iaquelle ils se balaneent
en sens conlraire de !a quantite d'objets vendus; desorte que
le produit total des venles, pour cbaque espece d'objets, va-
rie bcaucoup moins que les deux Clemens dont ce produit se
compose. Supposons mainlenanl que les objels a vendrc
existent par millions; qu'ils soient dissembles en beaucoup
de lieux, enlre des mains independantes ; les millions de
marches qui scront conclus dans une annee presentcront
une valeur totale qui s'ecartera pen du prix moyen fixe par
l'avantage mutuel desvendeurs et des aclieteurs. La theorie
des probabilities apprend a calcuier de combien le produit to-
tal, on la richesse annuelle, peut s'ecarter du maximum indi-
quant la limite naturcllc de cette richesse.
Lorsque l'etat social procure a un pays une richesse crois-
sante, on peut determiner le degre d'accroissement de cette
richesse pour l'intervalle d'une annee; si Ton opere sur une
longue periode, on peut obtenir un accroissement moyen,
convenablement deduit, qui oflre un degre d'approximation
croissant avec le nombre d'aunees. Afin de connaitre l'exac-
tilude que Ton peut esperer d'atleindre dans cette recherche,
il faut examiner en premier lieu la plus grande somme d'ine-
galites que puissent presenter les richesses annuelles d'un
pays. En France, par exemple, il faut placer au premier rang
les richesses agricoles et les plus importans de leurs produits,
ceux des cireales.
L'homnie peut bicn restreindre jusqu'a un certain terme
sa consommation de cereales : dans une saison l'atale, il peut
donner a sa famille une ration de pain plus ou moins re-
duite, ainsi que le fait un capitaine de navire, lorsqu'il ne lui
resle que peu de vivres, et qu'il est eloigne dc tout rivage :
mais cette reduction a des homes tres-rapprochee3, el plutot
que de la subir au dela d'un certain terme, chacun se resout
DE LA FRANCE FT DE LA GRANDE-BRETAGNE. 307
a des sacrifices de plus en plus penibles. On en jugera par les
observations suivantes qu'on doit a Gregory-King, et qu'a
publiees Davenant, habile adminislrateur, tres-verse dans
l'etude de I'arithmetique politique.
En procedant par dixiemc de diminution des recoltes et
d'accroissement du prix des bles, on arrive aux resullats sui-
vans : pour un dixieme de deficit, 5 de rencherissement ;
pour 2, 8; pour 5, 16; pour [±, 28; pour5, 45. Ainsi, lorsque
la quantite des cereales est diminuee de raoitie, leur prix est
plus que quadruple.
Au xvie siecle et aux deux suivans, on voyait frequem-
ment de grandes variations dans le prix de ces substances aK-
mentaires. Dans un intervalle de deux ou trois ans, ces prix
quintuplaient et retombaicnt ensuite au plus bas degre. Des
famines extremes resultaient de cesinegalites; de grandes mor-
talites en etaient la consequence ordinaire. Grace aux progres
de l'agriculture et du commerce, a la multiplication des routes
et des canaux, au perfeclionnement des moyens de transport et
d'approvisionnement; gruoe surtout a la paix, a la securite,
a la liberte dont jouit le cultivateur, ces extremes disparates
dans le prix des cereales ne se font plus remarquer. Ainsi, de-
puis trenle ans, les prix n'ont pas varie de cinq dixiemes au-
dessus ou au-dessous du prix moyen, ce qui n'indique pas la
variation d'un septieme dans la quantite de bles annuellement
consommes, de plus ou de moins que la quantite moyennc
necessaire aux besoins de la population.
Nous avons cherche quels rapports entre les prix et les
quantites consommees peuvent salisfaire aux observations de
Gregory-King; nous avons trouve qu'ils sont donnes par une
equation du troisieme degre. Nous avons employe cette equa-
tion pour determiner, d'apres le prix moyen des cereales en
France, depuis 1801 jusqu'a 1829, le prix total des ventes, et
par consequent la richesse produite par les cereales consacrees
a la nourrilure de l'homme.
Le prix moyen de cette consommation, pour la population
francaise , est evalue par approximation a i,6oo millions
3o8 DES REVENUS PRIVES ET PUBLICS
de francs. Voici qu'elles ont ete les plus granges differences
des ventcs effect uees, companies a ce prix moyen, dans les
annecs les plus remarquables par l'abondance ou la disctte,
depuis le commencement de ce siecle jusqu'en 1800.
Annecs de plus grande abondnnce. 1804 : le prix lotal des
ventes a diminue de 219 millions 204 mille francs, ou, apeu
pres, un huitieme du prix moyen. — 1824 : diminution de
i52 millions 256 mille francs ; un onziemc du prix moyen.
Annies de plus grande diseite. 1812 : augmentation du prix
total des ventes de cereales, 270 millions 202 mille francs,
sixieme partie du prix moyen. — 1817 : augmentation du
prix total , 5g5 millions 554 mille francs, presque le quart
du prix moyen.
Ces inegalites, considerees en elles-memes, meritent beau-
coup d'attention : mais, quant a leur influence sur le revenu
general du royaume, elles sont d'une faible importance,
comme on va le voir.
Annies de plus granite abandonee. En 1804, l'abaissement
du prix de la vente des cereales ne produisit, -sur le total des
revenus prives des Francais, qu'une diminution de trois et
demi pour cent : en 1824? celte diminution ne fut que de
deux pour cent.
Annies de plus grande diseite. En 1812, le revenu total des
Francais fut augmente de quatre pour cent, et, en 1817, de
cinq et demi pour cent.
Ainsi, parmi toutes les sources de revenus agricoles, la
partie la plus imporlante et la plus lucrative des produils de
premiere necessite ne presente pas, daus les annees d'exlreme
abondance, une diminution superieure a trois et demi pour
cent sur la tolalite des revenus prives; et, dans les annees
d'extreme disetle, I'augmentationde ces revenus n'excede pas
cinq et demi pour cent.
Un second Memoire demontrera comment les autres con-
sommations, soil pour les subsistances, soit pour le logement ;
le vetement, I'ameublement, etc., s'accroissent quand la de-
ptnse des cereales diminue, et comment ces autres depenses
DE LA FRANCE ET DK LA CRTAfiDE-BRETAGNE. 5o<)
vont diminuant, lorsquecelle dea cereales augmente. Ainsi, les
faibles inegalites que nous venous de signaler, an sujet des
cereales dans la succession des revenus nuntiels de la popu-
lation francaise, sout coutrebalancees par les aulres genres
de productions et de consummations. Ge premier apercu
nous montre deja par quelles compensations, malgre de tres-
grandes anomalies dans le prix de certuines especes de pro-
ductions et de consommations , le revenu de tout un peuplc
n'eprouve en passant d'une annee a l'autre, que des varia-
tions tres-inl'erieures a celles qu'on pourrait imaginer d'apres
un exainen superflciel.
La loi mathemalique qui fixe la correlation du prix des
grains et des quantites consommees permet d'evaluer nume-
riquement les benefices assures atix producleurs de cereales
par la loi politique relative aux prix que les hies doiventat-
teindre avant qu'on permette au commerce d'en exporter ou
d'en importer. Les memes considerations donnent egalement
la mesure des avantages resultant de I'approvisionnement des
reserves, qui, par leurs achats, souiageut Ic producteur dans
ic terns de surabondance, ct, par leurs rentes, vienncnt au
secours du consomuialcur quand la diselte commence a frap-
perla population.
^caM*
II. ANALYSES D'OUVRAGES.
SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES.
Journal d'on voyage a Temboctoc et a Jenne , dans lfAfrique
centrale, precede d 'Observations failes che: les Maures Brak-
nas, les Natous etd'autres peuphs ; pendant les annees 1824,
i8a5, 1826, 1827 eti8aS ; par 2tc/ie Caillie; a vec une carte
itineraire et des remarques geographiques, par M. Jomard,
membre de l'lnslitut (1).
Parmi tons les voyageurs qu'un ardent desirde gloire a con-
duits dans l'interieur de I'Afrique, il en est peu qui puissent
rivaliser de courage et de perseverance avec M. Caillie. De-
vore de la passion des voyages, il forma presque des l'enfance
ledessein d'explorerce mysterieux continent etcette vilie de
Temboctou, si celebre parmi les Europeens, pour n'avoir ete
visitee par aucund'eux. A peine age de seize ans, il faisait voile
vers I'Afrique, sur la gabarre la Loire, compagne de La Me-
duse, dont elle evita lenaufrage. II parvint, apres de longs ef-
forts, a s'adjoindre, comme volontaiie, a l'expedition du ma-
jor Gray. Nous avons rendu comple decette entreprise mal-
heureuse dans notre cabier du mois dc juin 1827 (voy. Rev.
Enc, t. xxxiv, p. 62a). Toutefois, la relation succincte qu'en
donne M. Caillie con tient de nouveaux details propresa mieux
faire apprecier les perils qui l'accompagnerenl, et lesfautesqui
en compromirent Ie succes. Suivant lui, les expeditions pres-
(1) Paiis, jS.io; Mongie aine, ct A.Bertrand. 3 vol. in-8" de 4«4 &
4"5 pages ; pi i», "c fr.
SCIENCES PHYSIQUES. 3n
que infructueuses de Gray, de Peddie, de Campbell et de
Tuckey ont coute\\ l'Angleterre la somme enoimedc i8mil-
lions de francs.
llevenu a la cote, notre'voyageur, que rien ne pouvait de-
courager, obtint de M. le baron Roger, gouverneur du Sene-
gal, quelques marchandises pour aller vivre chez les Maures
Braknas, dans le dessein d'apprendre^leur langue et de s'i-
nitier aux pratiques de leur culte , qu'il feignit de vouloir adop-
ter.
Ce people nomade habite entre'le desert et la rivedroite du
Senegal. II se compose de cinq castes distinctes : les fiassancs
ou guerriers, les marabouts ou pretres, les zenagues ou serfs,
les tararines, mulatres nes du concubinage des Maures avec les
negresses et, enfin, les negres esclaves. Les hassanes sontbel-
liqueux, mais inluimains et rapaces; cette caste opprime et
depouille toutes lesautres, particulierement celle des zenagues,
qui est dans sa dependance. Les marabouts sont moinsciuels,
mais non pas moins avides que les liassanes ; ce que ceux-ei ar-
rachent aux zenagues par la violence, les marabouts l'extor-
quentpar la menace du feueternel. Un de leurs preceptes fa-
voris est qu'un marabout doit toujours reccvoir et ne jamais
donner. M. Caillie s'est vainement efforcc de decouvrir l'ori-
gine des zenagues et comment ils ont cte reduits a payer tri-
but a d'aulres Maures. A ses questions sur ce sujet, on repon-
dait toujours que Dieu le voulaitainsi, parce que e'etaient des
infideles qui faisaient rarement le salam. Le sort des zenagues
est tres-malheureux. Cependant, lorsqu'ils sont trop cruelle-
ment opprimes par leur maitre, ils ont l'espoir d'en cbanger.
II leur soffit pour cela de trouver un autre hassane endormi,
et de lui couper une oreille, ou bien de tuerson eheval. Des
ce moment le coupable devient serf de 1'offense, ct l'ancien
maitre perd tous ces droits. Mais, si le zenague se laisse pre-
venir dans ce dessein , il est fouetle, depouille, chasse, et ne
trouve plus ni asile ni pitie. Malgre cet etat d'oppression, les
zenagues sont en possession du peu d'arts qui existent chez les
Braknas; ils travaillent le cuir et les metaux avec plus d'ha-
3ia SCIENCES PHYSIQUES.
bileteque ne lc ferait supposer PextrQme imperfection de lcurs
instrument, qn'ils ne peuvent snustraire a I'aviiliic des hassa-
ne.squ'en les confiant a hi garde des marabouts, Ces trots clas-
ses reiproduisent assez fidelement l'organisatibn socialede uo-
tre moyen age, et pcul-clre nn jour les zinagues, a la ibis
induslrieux tl guerriers, el d'ailleurs plus iiomlueux que Ieurs
mailres, finiiont-ils, comnie notre tiers-etat, par obleuir ou
arracber Ieur afiVancliissement.
Les nations maurcs s'eloignent du Senegal dans les pre-
miers jours d'aout, pour cviter les inondalions, le niauvais air
et les moustiques. Elles vont camper sur la lisiere du desert,
altirees par un climat sain et des p;1tu rages abondans. Au
mois de mars, epoque ou les eaux sont rcnlrees dans leur lit,
les Braknas se rapprochent du fleuve, dont les zenrigues et
les esclavcs sont venus des novembre ensemencer les bords
au profit des hassanes et des marabouts. Leur prineipale cul-
ture consiste en mil, qu'ils plantent sans donner aucune pre-
paration a la terre; et leur plus grande fatigue est ensuite
de chasser le jour les oiseaux, et la nuit les pores-epics, les
gazelles et les sangliers, ennemis obstines de leurs moissons.
Cbaque cbamp estlimitc; maiscette appropriation du sol n'est
sans doute que passagere, 1'inondation ne permcltant guere
qu'elle sub-iste d'unc annee a l'autre. Pendant tout le terns
que les Braknas passent loin dii Senegal, ils ne vivent pres-
que que de lait. Ln jour, M. Caillie, surpris par la t'aim dans
la tente de leur roi, se voyant presenter du lait dans nne cale-
basse , se permit de dire qu'il mangerait bicn quelque chose
avant de boire. Ces paroles exciterent un lire general, et le
roi lui assura qu'il ne prenait pas lui-meme d'autre nounitiire.
Cette sobriete forcee se concilie a mcrveiile avec le jefine du
ramadan, que ces peuples observent dans toute sa rigueur,
jusqu'ase priverde boire une goutte d'eau avant le couclier du
soleil. On com/oil lout ce qu'eul a souffrirM. Caillie, oblige par
son role de neophyte de se con former strictement aces auste-
rites.
Les tentes des Braknas sont faites avec des tissus de poil de
SCIENCES PHYSIQUES. 5i5
mouton; car le mouton, dans cette partie de PAfrique, estcou-
vert de poil an lieu de laine. Lesdiverses castes campent tou-
jours separcment. (/instruction des cnfans est confiee aux
marabouts et renfermee tout entiere dans le Coran, que les
garcons apprennent par coeur. L'education des fdles est plus
negligee; la partie esscntielle consiste dans l'ohligation de
boire une enorme quantile de lait, destinee a leur procurer
rembonpoint qui, aux yeux de ces peuples, est la beaule su-
preme. Le soin de faire avaler ce lait aux jeunes fdles est con-
fie a des esclaves noires qui, autorisees a toutes les rigueurs,
se vengent sur ces pauvres enl'ans de la brutalite de leurs mai-
tres. « J'ai vu, clitM. Caillie, demalheureuses petiles fdles pleu-
rer, se rouler par terre, meme rejetcr le laitqu'elles venaient
de prendre; ni leurs cris, ni leurs souffrances n'arretaient la
cruelle esclave, qui les frappait, les pincait jusqu'au sang, et
les lourmentait de mille manieres pour les obliger de prendre
la quantite de laitqu'elle jugeait convenable. »
JNous remarquerons, comme un dementi donne aux pre-
tendues lois du climat, que la polygamie n'est point en usage
chez les Braknas. Leurs femmes nesouftVenl meme pas qu'ils
aient des concubines, et leur roi n'a qu'une epouse comme
ses sujets. Les Mauresses out beaucoup d'empire sur leurs
epoux; M. Caillieva jusqu'a dire que leur ascendant surpasse
celui des Francaises; ce qui etonne d'autant plus chez un peu-
ple a demi-sauvage , que les Braknas sont d'un caractere
I'roid. Le voyageur n'en a jamais vu s'embrasser; 1'amant
pose la main sur la boucbe de sa maitresse et la porte a la
sienne, donnanl ainsi au baiser un intermediaire. Le pere de
famille qui revient de voyage ne recoit dans sa tente que de
froides demonstrations de respect. Enfin, les Maures ne s'afTli-
gent de la mortde personne, et ils trouveraient inauvaisqu'on
pleurut ceux qui ne sont plus, dans la persuasion que leurs
ames sont au ciel. Mais, ces bommes, si peu sensibles aux af-
fections morales, le sont beaucoup aux douleurs physiques, et,
sujets a peu de maladies, ils se desolent comme des enfans
pour les moindres souffrances. Les Maures se donnent mutuel-
3i4 SCIENCES PHYSIQUES.
lenient l'bospitalite ; maisils ne meritent pas pourcela le nom
d'hospitaliers; rien ne leur la i t autaut de peine qued'aperce-
voir des ziafis (voyageurs). Ce n'est pas par bumanito qu'ils
les recoiycnt, mais parcrainte, surtout quand ce sont des has-
sanesqui, s'ils etaient mal rccns, ne manqueraient pas depil-
ler leurs holes. Ilsaccordenl rarement l'liospitalite aux voya-
geurs negres, cette race, disent-ils, n'etant bonne qu'aproduire
des esclaves. Lorsqu'ils sont en guerre entre eux, les Maures
ne font pas de prisonniers : les ennemis tornbes en leur pou-
voir sont mis a mort sur-le-champ.
Le principal et presque le seul commerce des Braknas con-
siste dans la gomme qu'ils recueillent sur un acacia qui croit
isolement dans les parties elevees du desert. Ce commerce est
entre les mains des marabouts ; eux seuls transportent la gomme
aux escales du Senegal, oii les Europeens viennent en faire
la traite ; la facilite avec laquelle ceux-ci se soumettent aux
tributs les plus humilians, l'esprit de concurrence qui les
anime, et le prix souvent exagereauquel ils paient la gomme.
ont persuade aux Maures qu'elle nous est absolument indis-
pensable; aussi, au moindre differcnd qui s'eleve, leurs chefs
suspendent la traite, et ils obtiennentpar-hi tout ce qu'ils veu-
lent. C'est ainsi que, domine par la soif de l'or, l'liomme ci-
vilise s'abaisse souvent au-dessous du sauvage.
Revenu a Saint-Louis, notrevoyageur n'y trouva point les
secours sur lesquels il avail compte. C'est a ses propres frais, -
r|u'apres les contrarietes les plus vives, il entrepril de pene-
trer dans le continent africain. Muni de marcbandises pour
une somme de pres de deux mille l'rancs, fruit de ses econo-
mies, il part de Sierra-Leone pour Kakondy, sur le rio Nu-
nez, le 22 mars 1827. La, il persuade aux habitans que, ne
en Egypte de parens arabes, il a ete dans soncnfance emmene
par les troupes de noire expedition; que son maitre, apres
l'avoir conduit au Senegal, l'a aflranchi pour prix de ses ser-
vices, et que, libre maintenant, il veutretourner dans son pays
et rentrer dans la religion du propbete.
Les bords du rio Nunez sont habitcs par les Nalous et les
SCIENCES PHYSIQUES. 5i5
Landamas, negres paresseux et sans Industrie, qui cuitivent
fortmalunetcrre fertile. Ces peuples, encore idolatres, depen-
dent du fonta Dhialon ( pays Dhialon), et paient trilnit a l'al-
mami de Timbo. La polygamic la plus illimitee regne
parmi cux; les femmes , mariees ou plutot vendues par
leurs parens, n'y rcspectent pas toujours la foi conjugate.
Mais l'epoux trompe s'en dedommageenvendantaux negriers
le seducleur qui, d'apres les lois, devient son esclave. La
femme se determine ordinairement a le reveler, pour echap-
per a la colore du simo, peisonnage mysterieux, qui est le
chef d'une societe secrete assez semblable au pourrak du Ti-
manni et au mo umbo- jo umbo d'autres contrees africaines. Les
inities se tiennent dans les bois avec le simo, qui ne se mon-
tre jamais que sous les deguisemens les plus propres a exciter
1'effroi. La . ces hommes travestis de mille manieres vivent
deslributs qu'ils imposent aux populations voisines, maltrai-
tant cruellement ceux qui penetrent dans leurs retraites, et
surtout les femmes. Ne pourrait-on pas voir dans ces institu-
tions binaries rorigine de ces satyres, de ces egipans, de ces
cynocephales, et de tant d'autres habilans monstrueux, que
les anciens attribuaient a l'Afrique?
M. Caillie quille Kakond}r, accompagne de quelques mar-
chands mandingues, auxquels un negociant francais l'avait
recommande, et ce n'est pas sans un secret frisson qu'il salue
en passant les tombeaux du major Peddie et de ses infortunes
compagnons. Triomphant de ces sinistres presages, it pour-
suit sa route a Test , a travers les Elatsde Palmamy de Timbo,
vastes contrees qui dependent du fouta Dhialon, et dont la po-
pulation se compose de Mandingues voyageurs et marchands,
de Foulahs, conquerans et gouvernans du pays, et de Dhia-
lonkes, ses anciens possesseurs, qui, restes idolatres, ont dfl
se retirer dans les montagnes, ou devenir tributaires des Fou-
lahs. Ce peuple cuivre est destine a jouer un grand rote en
Afiique. Repandu dans lout le nord dn Soudan, it y a deja
fondc plusieursEtals. C'est a la fuis la race la plus intclligente
et la plus brave de ces regions, sans peut-etre excepter les
3i6 SCIENCES PHYSIQUES.
Maures. Aussi, les Foolnbs.se regardcnt-ils comnie les blancs
d'Afriquc. Persuades que les Chretiens veulent s'emparer des
mines d'or dc I'inlcrieur, ils ne negligent rien pour lenr en
fernier les cbemins; en re neon t rant M. Caillie, ils s'ecriaient :
« Un blanc qui va dans Test! les grands du f'outa n'en savent
cerlainement rien ; ear ils s'y opposeraient. »Cupides et vio-
lens dans leurs rapports avec les etrangers, les Foulahs sont
hospilaliers et genereux envers leurs conipatriotes ; ('amour
de la patrie est unc de leurs passions. Notre voyageum'a point
vu demendians parmi eux. Leurs vetemens sont tres-propres.
Chaque village a une ecole publique pour les enfans; les clas-
ses se tiennent en plein air, soir et matin, a la clarted'un grand
ieu; 1'instruclion consists a savoir bien lire lecoran. Les Fou-
lahs peuvent avoir jusqu'a quatre femmes ; mais les pauvres
n'en out que deux. Les femmes foulahs sont vives, gaies, jo-
lies ettres-respeetueuses envers leurs maris, qui paraissent les
trailer avec douceur. A mesure que M. Caillie avance dans
1'interieur, il trouve des habitans plus intelligens et plus in-
dustrieux. Ce fait, remarque par lous les voyageurs, senible
deposercontre le principe de la libertc illimilee du commerce ;
car, on ne peut douterque ce ne soit reimportation habituelle
des produits denosarls qui ait detruit 1'induslrie chez les peu-
ples du littoral africain. Le premier pays traverse par notre
voyageur se nomme l'lrnanke. Ses bons habitans eurent d'a-
bord quelque peine a le prendre pour un Maure. Mais , des
que sonhistoireleur fut contee, les cadeaux, accompagnes de
temoignages de respect et d'interet, arriverent dc toutes parts
au compatriote du prophete.
II oblint a peu pres le meme accueil dans le Fouta Dhialon,
qu'il traversa ensuite, en passant a gue le Bafing non loin de sa
source, etleTankisso, qui va se perdre dans le Dliioliba, apres
avoir baigne le pays de Boure, celebre par ses mines d'or. S'il
etait vrai, comtne les negres I'ont dit a M. Caillie, que lc Tan-
kisso sortit du Bafing, cette riviere etublirait une communi-
cation entre le Senegal et le Dbioliba, comnie en Amerique le
Cassiquiare entre l'Orenoque et la riviere des Amazoncs. C'est
SCIENCES PHYSIQUES. 3i7
line singularity geographique qui merite d'etre verifiee. A son
arrivee it Camhaya, village de son guide, M. Caillie i'ut
temnin d'une scene qui conlraste avec les moeurs des Braknas,
non moins qu'avec les notros. « Je voyais, dit-il , ces bons
negres embrasser Icurs petits en fans, s'informer de leur sante,
et de celle de leurs connaissances ; les femmes aussi parais-
saient satisl'aites du retour de leurs maris; mais elles ne se
livrerent pas a cette joie naive et sincere, qu'on voit en Eu-
rope a I'arrivce d'un chet'de famille. En abordant leurs maris,
elles avaient l'air timide et posaient un genou en terreen signe
de salutation. » Les esclavcs, dans cette parlie de l'Afrique,
habitent des villages particuliers noinmes ouronde. M. Caillie
les a vus travaillant tout nus sous un soleil brdlant. «La pre-
sence de leur maitre les intimide, et la crainte des punitions
Jail avancer l'ouvrage; mais ils se dedomuiagent en son ab-
sence. » Ces esclaves ont deux jours dans la semaine pour
cultiver le cbamp consacre a leur subsislance. Sounds a des
maitres qui ont peu de besoins et dont ils ne diflcrent ni
par la couleur, ni par l'education, ils sont, on ne pent trop le
redire, beaucoup moins malbeureux que ceux de nos colonies.
Quoiqu'ils n'aient pour instruinens d'agriculture qu'une petite
piocbe et une faucille fabriquees dans le pays, ils cullivent la
terre beaucoup mieux que les negres de la cole. Pendant le
sejour de M. Caillie a Cambaya, un courrier de Timbo apporta
une circulaire annoncant la deposition de l'almamy regnant
otl'avenemeiit de son competiteur. La lecture publique de cet
ecrit, faile par le chef du village, Tut immedialement suivie
d'une priere solennelle pour le nouveau souverain, comme on
l'eutpu voirenEurope. Le voyageurassistaaussiala construc-
tion d'un pout sur le Tankisso. Tous lesbabilans de Cambaya,
penetres de la necessite de ce pont, se mirent a l'ouvrage en
chanlant ; ce fut pour eux une partie de plaisir. Le pont, ter-
mine en peu de jours, eut de l\o a 45 pas de long sur 6a 7
pieds de large. 11 etait soutenu a la ibis par des piquets phn-
tes au milieu du ruisseau et par les arbres inclines sur ses rives ;
de l'aveu des constructetirs , ce dernier appui etait necessaire
3i8 SCIENCES PHYSIQUES.
pour qu'il put rcsister au courant ; M. Caillie a trouve sur sa
route d'antrcs ponts a pen prcs scmblables , dont quclques-
uns elaienl conslruits aver plus d'art et de soin.
Au sortir du Foula Dhialon, les moutagnes s'abaissent.
Notre voyageur, apres avoir prisuu nouveau guide, entredans
le Baleya, pays uui et fertile, habite par de? Dhialonkes sou-
mis a la loi du piophete, dont ils nc sont pas pourtanl tres-zeles
sectateurs. Au village de Couroussa, dans le pays d'Amana, il
apercoit pour la premiere fois le Dbioliba. Le lleuve vient la
du S.-O., et se dirige ensuite a l'est. Son courant au mois de
juin, epoque oil les pluies ont deja commence, clait d'environ
trois milles a l'beure, et sa profondeur, de huit a neuf pieds;
il commence a deborder en juillet. La population d'Amana
est, en grande partie , idolatre. Ce sont de bonnes gens qui
viventpaisiblementdesproduils del'agriculture etde la peche.
Leur chef est en possession de louer des pirogues aux cara-
vanes qui traversent le fleuve. M. Caillie a vu quatre de ces
pirogues employees loute une matinee a passer plus de trois
cents personnes, avec plusieurs anes charges. Arrive a Kan-
kan, chef-lieu d« pays de ce nom, notrepretendu Maure subit,
devant les anciens de la ville, un interrogatoiieen forme, dont
il se tira heureusement. L'assemblee decida qu'il continuerait
sa route vers Test, mais par le Ouassoulo, etnon par le Boure,
avec lequel leKankan etait en guerre; cette decision fut pu-
bliee le lendemain par un crieur. La ville de Kankan a environ
six mille ames ; les rues en sont larges et propres ; les habitans
sont aussi d'une grande proprete chez eux, et ils portent tou-
jours du linge blanc. Le pays est gouverne par un conseil de
vieillards, dont les assemblees sont graves et decentes. II est
fertile et bien cultive ; les comestibles y abondent. Le marche
de Kankan est fourni de marchandises d'Europe, telles que fu-
sils, poudre, indiennes, ambre, coiail, quincaillcries. Lesmar-
chands ont de petites balances auxquelles les graines d'un arbre
servent de poids; ces poids, suivant M. Caillie, sont aussi
jusles que les notres, ce dont il est permis de douter. Les ha-
bitans de Kankan sont tous musulmans. Le voyageur assista
SCIENCES PHYSIQUES. 3i9
chez eux a la fete du Salam, celebree avec une solennite ;\ la
fois bizarre et imposante. Un demele qu'il eut avec son guide,
au sujet du vol de quelques marchandiscs, l'obligea de recourir
a la justice du pays; lcs details de ce proees prouvent que la
civilisation des negrcs musulmans est plus avancee qu'on ne
le suppose. Le peuple du Ouassoulo, moins propre que celui
du Kankan, senible pourtant plus laboricux. « Je voyais, dit
M. Caillie, beaucoup u'ouvriers repandus dans la campagne,
qui piochaient la terre et la remuaient aussi-bien que nos
viguerons. Ce ne sont plus les negres esclaves des Mandin-
gues, qui ne font que retouroer la superficie du sol; ce sont
de vrais laboureurs, qui travaillerit pour avoir une belle et
abondante recolle. Je fus elonne de tvouver dans l'interieur
de PAfrique L'agriGultOre a un tel degre d'avancement. Leurs
champs sont aussi-bien soignes que les notres.» Les habitans
du Ouassoulo sont de la race des Foulabs ; toutefois, ce peuple
doux, humain, tolerant, hospitalier, n'a aucune religion appa-
rente. Tel est a peu pres aussi le peuple Bambara , dont
W. Caillie traverse ensuilc !e vaste territoire. La parlic du
Bambara qu'il a parcourue ne depend pas du roi de Sego. Au
milieu de la population indigene, qui a jusqu'ici repousse l'is-
lamisme, sont disscmines des villages de Mandingues maho-
metans , qu'elle laisse professer en paix leur culte. Le sol du
Bambara est fertile, quoique sablonneux ; il est tres-decouvert,
l'agriculture n'y ayant epargne que quelques arbres a fruit,
parmi lesquels il faut surtout compter le ce ou arbre u beurre.
Les Bambaras manquent d'industrie et voyagent peu, dans la
crainte d'etre faits esclaves. Leurs alimens sont grossiers ; ils
engraissent les chiens pour les manger, et devorent jusqu'aux
reptiles. Le commerce du pays est dans les mains des Man-
dingues et des Serracolets, nom qui, suivant M. Caillie, in-
dique une corporation de marchands, et non pas une nation.
Les transports se font d'une maniere incommode et couleuse :
les commerpans, reunis en caravanes, portent leurs marchan-
dises sur la tete; il en est peu qui aient des anes. Les frais de
nourrilure et les peages absorbent presque tout le beneGce.
3*0 SCIENCES PHYSIQUES.
Le plus grand trafie consist* dans les noix de colats qu'ils vont
cbercber an sud, pour allcr les echanger a Jenne ct a Sansa ti-
ding contre du sel ct des merchandises curopeennes.
M- Caillie, deja nialade, arrive a Time, joli village oil les
Maudingues ct les Bambaras, separes par do simple inur, vi-
vent en bonne intelligence, malgre la diversile de religion.
Retcnu d'abord par tine plaie an pied, il croyait elre an mo-
ment de parlir, lorsqu'il se vit atteint du SCOrbut. La pein-
tnre qu'il fait de son etat est dechirante. « Mon palais Cut en-
tierement depouille; une partie des os se delacberent et
tomberent; mes dents semblaient ne plus tenir dans leurs
alveoles; mes soufl'rances etaient affreuses; je craignis que
mon cerveau ne fut attaque par la force des douleurs que je
ressentais dans le crane ; je fus plus de quinzc jours sans trou-
ver un instant de sommeil. Pour mettre le comble a mes
maux, la plaie de mon pied se rouvrit, et je voyais s'evanouir
tout espoir de partlr. Que Ton s'imagine ma situation! Seul,
dans l'interieur d'un pays sauvage, couche sur la terre hu-
mide, n'ayant d'autre oreiller que le sac de cuir qui contenait
mon bagage, sans medicaniens, sans personne pour me soi-
gnerque labonne vieille mere qui, deux Ibis, par jour, in'ap-
portait un pen d'eau de riz qu'ellc me forcait de boire ; car
je ne pouvais rien manger; je devins bientot un veritable
squelette; enfin, j'elais dans un etat si cruel, que je finis par
inspirer de la pitie meme a ceux qui etaient le moins disposes
a me plaindre. » Dans cette situation, qui aurait fait perdre
courage a tout autre, M. Caillie ne renonca pas un inslantau
dessein d'aller a Temhoctou. Apfes cinq mois de souffrances,
sa sante cominenea a se relablir, et il put se remellre en
route. Avant de quitter Time, il nous lait des Jlandingues un
portrait assez pen flattenr. « lis sont, dit-il , vindicatil's, cu-
rieux, envieux, menleurs, importuns, avides, ignorans, su-
perstilieux. » Pourtanl il avoue qu'on ne peut pas precise-
ment les appeler voleurs, puis(|u'ils ne se volent pas entre
eux. II nous apprend que les habilans de Time laissent leurs
ncoltes dans les cbamps sous la garde d'un morceau de pa-
SCIENCES PHYSIQUES. 52i
pier ecrit, talisman qui suffit pour ecarter les larrons; et il
ajoute que le meurtre, rare chez les Bambaras, est inconnu
parmi les Mandingues. Mais, autant notre voyageur a vu de
gaite franche et naive chez les Bambaras et les autres idol/i-
tres, autant les moeurs des Mahometans lui ont paru tristeset
monotones ; il est meme a remarquer que, malgre son exle-
rieur musulman, il trouva chez les premiers plus de sympa-
thie et de secours que chez les autres.
A partir de Time, sa route, jusque-la dirigee a Test, se de-
tournc vers le nord-est et vers le nord. Les pays qu'il a deja
parcourus paraissent n'avoir aucune monnaie ; mais, dans la
partie septentrionale du Bambara, les coquillages nommes
cauris commencent d'avoir cours.
M. Caillie evalue le cauri a un demi-centime, evaluation
superieure a celle de Clapperton, qui voyageait, il est vrai,
dans d'autres contrees. A Tangrera, ville fort commercante,
M. Caillie vit des mendians pour la premiere fois depuis son
depart de la cote. Ainsi partout les ressources semblent fairc
naitre les besoins. II trouva aussi dans le haut Bambara une
institution pareille a celle du Simo. Les hommes qui en font
partie, appeles lous, sortent des bois pendant la nuit, et cou-
rent dans les villages en poussant de grands cris. A leur ap-
proche, tous les habitans, a l'exceplion des inities, se renfer-
ment dans leurs cases. M. Caillie a vu un de ces lous, la tete
couverte d'un haillon, le corps entoure de sonnettes, parcou-
rir un village, suivi d'enfans accoutres de la meme maniere et
poussant des hurlemens affreux. II existe entre ces hommes
et nos anciens loups-garous, tels qu'on en voyait encore en
Provence avant la revolution, un rapport que la ressemblance
des noms rend encore plus singulier. En approchant du Dhio-
liba, on remarque un changement dans l'aspect du pays : leg
habitans sont mieuxvetus, les marches mieux approvisionnes,
les cultures mieux soignees ; on voit en meme terns les ca-
banes en paille remplacees par des cases en terre , puis celles-
ci par des maisonsen briques cuites au soleil. Mais ce progres
apparent de la civilisation est aceompagne d'un inconvenient
T. xlvi. mai i85o. '2 1
322 SCIENCES PHYSIQUES.
asscz grave : les Negres ignorant 1' usage dcs cheminces el
ayant continue de fa ire du feu en toulcs saisons, la fumte,
qui ne trouve point d'issue a travels la terre on la brique,
rend ccs dcrniercs demeures inbabitables pour 1111 Europeen.
C'est a (Jalia, no'n loin dc Jenne, que M. Caillie ntteignit,
pour la scconde Ibis, les bonds du grand fleuve. Jenne, situee
dans une ile luarecageusc, mais cultivee, a environ deux nrilles
et demi de lour; elle est cntourec d'un mar en terre eleve
de dix pieds et qui a plusieurs portcs. Les rues ne sont pas
alignees ; niais elles sont asscz larges, propres, et ombragees
de quelques arbres. Les maisons ont un rcz-de-cbaussee et
un premier etage, surmonte de tcrrasses, le tout grossiere-
ment construit en terre oil en briques; elles prennent jour
sur des cours interieures. On 11V trouve aucun meuble; les
babitans, malgre rbumidite du pays, coucbent par terre sur
des nattes ou des peaux de bceuf. On voit a Jenne une grande
mosquee en4erre, dominec par deux tours; cet edifiee, pres-
quc abandonne, est toujours entoure de mendians. La ville
n'ayant point d'auberges, les etrangers, qui y abondent, sont
loges ehezles parliculiers, et paient leurloyer en marchandi-
ses. La population de Jenne, cntierement mahometane, est
un melange de Foulabs , de Bambaras, de Mandingues et dc
Waures. M. Caillie Tevalue a 8 ou l'-o mille Ames (i). Cctte
population est industricuse : on y voit des tailleurs, des cor-
donniers, des maeons, des forgerons, des porte-foix, des em-
balleurs. Les babitans se nourrissent bien et sont bien vetus ;
les esclaves memes ne vont pas sans chaussare."{( Je vis avec
plaisir, dit M. Caillie, que dans ce pays on pouvait porter un
moucboir de poche sans etrc ridicule. Les habilans s'en ser-
vent, aulicu que, surtoulela route que je venais de parcou-
i ir, il cut etc dangereux d'en foire usage. »
(i) M. Caillie, dans toutes les villes qu'il a yisitues, n'a vu que dc
faibles populations; au eontraire, Denliam et Clapperton cilent, dans le
Bornou et le Haoussa, bcaucoup de villes de 3o a 4° mille Ames. Je suis
porte h croirc que le premier attenue ce que les antics cxagerent.
SCIENCES PHYSIQUES. M
Jenne fait maintenant partic d'un royaiime fonde par Ics
Foulahs ct qui a pour chef Sego-Ahmadou, frere du roi de
Massina. Ce musulman fannliquc, tronvant que Jenne ctait
un lieu trop bruyant pour ses habitudes religicuses, s'est re-
tire dans une ville qu'ii a fondee surla rive droile du fleuve,
sous le nom de El-Lamdou-LUlald (a la louange de Dieu).
II y a institue des ecoles publiques on tous les enfans vont
etudier gratis, Sego-Ahmadou fait maintenant la guerre aux
Bambaras de SegOj dans l'cspoir de les contraindre a em-
brasser l'islamisme ; mais il a affaire u un pcuple belliqueux,
qui lui oppose une vive resistance. Cette guerre impoliti-
que, en interrompant les communications de Jenne avec le
Haut-Dhioliba, fait le plus grand tort a son commerce, qui,
neanmoins, est encore assez actif. Les Maures, etablis dans
cette ville, recoivent de leurs correspondans k Temboctou
des marchandises d'Europe, la plupart de fabrique anglaise,
des fusils francais, tres-estimes en Aftique, et dusel en plan-
ches tire du desert; ils leurs expedient en echange les produits
du Soudan, de l'or, de l'ivoire, du miel, de la cire et des co-
mestibles. On fabrique a Jenne beaucoup de bougies, et l'u-
sage en est tres-repandu dans cette ville et a Temboctou.
Les Maures tirent l'or du Boure et du pays de Kong. Ils font
aussi la traite des esclaves , qu'ils envoient dans le Maroc et
dans les regences barbaresques.
Les Maures de Jenne comblercnt de soins M. Caillie, ct
le defrayerent de toute depense; mais, en vrais speculateurs,
ils se firentvendre a vil prix ses marchandises. Vn diner, qui
lui fut donne par un cherif, fera connaitre les moeurs et le
luxe du pays. Notre voyageur y eut pour commensaux sept
autres Maures et un marchand negre. Les convives s'etant
assis autour d'une petite table ronde dont les pieds avaient
trois pouces de bant, un esclave leur servit, dans un plat
d'etain, un enorme morceau de mouton cuit a l'etuvee, et
placa a cote d'eux une corbeille pleine dc petits pains de fro-
ment, que M. Caillie trouva delieieux. « Nous mimes tous,
dit-il, la main au plat, mais avec une sorte de polilcsse. La
3a4 SCIENCES PHYSIQUES.
conversation lut assez gaie; mais les pauvres chretiens en fi-
rent tousles IYais»(i). Apres le diner, le thefutservi dans de
petites lasses de porcelaine. Le the" et le sucre ne se voient, a
Jenne, que chez les riches.
M. Caillie parlit de Jenne, le 25 mars 1828, dans une pi-
rogue de 12 ou i5 tonncaux. Mais, arrive sur le grand bras
du fleuve, il passa sur une barque qui en contenait environ 60.
Ces barques ont de 90 a 100 pieds de long sur 14 de large au
milieu, et 6 ou 7 de profondeur. Leur equipage se compose
de 16 ou 18 mariniers, deux timoniers et un patron. Elles
sont construites en planches cousues avec des cordes. On les
calfate avec de la paille pilee et melee de vase, et Ton couvre
ensuiteles coutures de paille fraiche. Des tringles placees in-
terieurement, de distance en distance, maintiennent cette
frele construction. Le pont est compose d'un treillage en bois
mince, qui s'eleve en berceau fort au dessus des bords. Les
Negres, ignorant l'usage de la pompe, laissent au milieu du
navire un espacelibre ou sont places deuxhommes sans cesse
occupes a jeter l'eau qui fdtre par les coutures. Ces barques
n'ont pas de voiles, et ne peuvent naviguer que par des terns
calmes. Elks emploient, suivant l'occasion, la perche, la
rame on la cordelle ; une perche tient lieu de gouvernail. Les
mariniers du fleuve sont tons csclaves, et il y a meme quel-
ques patrons qui apparliennent a cette classe. On ne leur con-
fie pas moins, outre des marchandises considerables, le trans-
port d'autres esclaves, qu'ils ont soin de tenir enchaines.
Dans une rclache que fit la barque de M. Caillie, ces malhcu-
reux, qu'on avail momentanement debarrasses de leurs fers,
s'etant mis a danser sur le rivage, des Foulahs, etablis aux en-
virons, s'offenserent de cette liberie prise pendant le ramadan;
c'etait, disaient-ils, se jouer de la religion, et, en reparation
du scandale, ilsexigeaient une amende de 5,ooo cauris (25 fr.).
(1) Les Maures, trts-adroits a prendre les mets avec les doigts, s'im-
patientaient souvent contre M. Caillie, et maudissaient les cLuetiens,
qui ne lui avaient pas hiOidc apprit a manger decemment.
SCIENCES PHYSIQUES. 325
Mais le patron parvint a transiger avec eux pour cinq coups
de corde donnes a chaque esclave ; ce qui ne les empecha pas
de recommencer a danser apres le depart des Foulahs. Notre
voyageur, entoured'une petite flotlille, fit, dans le majestueux
lac Debo (Dibbi), une entree solennelle, les equipages tirant
des coups de fusil, et criant : Salami Salami Tant les grands
spectacles de la nature ont d'empire sur tous les homines !
Apres avoir traverse ce lac, qui s'etend a l'ouest a perte de
vue, M. Cailliecontinua de descendre le fleuve, qui coule len-
teuient versle nord a travers les pays de Banan et de Diriman,
immenses plaines decouvertes et marecageuses, qu'habitent
des negres mahometans d'un naturel assez farouche, ct ou des
tribus nomades de pasteurs foulahs viennent chercher des
paturages. Le port de Sa, entre le lac et Temboctou, est le
rendez-vous des barques qui naviguent vers cette ville; la, elles
se reunissent en flottille sous les ordres du patron le plus ancien,
qui prend le titre d'amirou. Cette precaution est necessaire pour
imposeraux Touariks, autrement dits Sourgous, qui habitent
ces contrees, et qui, a titre de droit de passe, mettent a con-
tribution les navigateurs. Les Touariks, sernblablesauxMaures
par la couleur, n'en different, quant an costume, que par une
bande de toile de coton nominee falara , qui leur enveloppe
la tete, et ne laisse voir que lebout de leur nez. Ce peuple n'a
point d'armes a feu, et il a peur du bruit de la poudre. II n'en
est pas moins la terreur de ses voisins; les Foulahs seuls ont
su s'affranchir de ce joug honteux.
La flottille, reunie au port de Sa, offril au voyageur quelque
chose d'imposant qu'il ne s'attendait pas a trouver dans l'intc-
rieur de l'Afrique. Le mouvement qui regnait de toutes parts
lui faisait croire qu'il etait dans un port marchand d'Europe.
Mais les hippopotames et les caimans, qui elevent leur tete
au dessus du fleuve , rappellent bientot la pensee vers l'Afri-
que. La flottille ayanteteassaillie par les Touariks, onfitcacher
M. Caillie au fond de la barque, a cause de l'idee exagcree
qu'ont ces hommes de la richesse des Maures ; a sa vue , leurs
pretentions n'auraient point eu de homes. Le Dhioliba se di-
3aG SCIENCES PHYSIQUES.
yjs<j on plusieurs bras; le plus septentrional, qui est trcs-
etroit, tourne vers l'cst, et parail la ire ensuile un coudc an
sud-cst. Au noi'd cle ce coude est situc Ic village de Cabra ,,
bati 9Ur une eminence au pied de laquvlle conduit un canal,
ou petit bras, nbslrue par des herbes. Cabra n'a pas plus de
],ooo a 1,200 babitans, tons occupes d'un commerce actif,
mais exposes aux rapines des Touariks. Parli de Cabra a trois
heures et demie , M. Cuillie arriva a Temboctou au moment
oOi le soleil toucbait a l'borizon. Laissons ici parler lc voya^
gcur : « En entrant dans cette tile mystcricuse , objet des
recbercbes des nalions.civilisees de l'Europe, je 1'us saisi d'un
sentiment inexprimable de satisfaction; je n'avais jamais
eprou ve une sensation pareille, el ma joie ylait extreme ; mais
il fallut en comprimer les elans. Ce fut au sein de Dieu que
j'en conliai les transports!.... Rcvenu de moil cntbousiasme,
je trouvai que le spectacle que j'avais sous les yeux tie re-
pondait pas a mon attente ; je m'etais fait de la grandeur et
de la ricbesse de cette ville une tout autre idee : elle n'ofl're,
au premier aspect, qu'un anias de maisons en terre mal. con-
struilcs ; dans toutes les directions, ou ne voit que des plaines
immenses de sable mouvant, d'un blanc tirant sur le jaune et
de la plus grande aridile. Le ciel a 1'borizon est d'un rauge pale;
tout est triste dans la nature ; le plus grand silence y regne ; on
n'entend pas le chant d'un seul oiseau. Cepcndant, il y a je ne
sais quoi d'imposant a voir une grande ville elcvee au milieu
des sables; et Ton admire les efforts qu'ont cu a faire ses fon-
dateurs. » M. Caillie tut recu d'une manic re toute palernelle
par le Maure Sidi Abdallabi, auquel le cberif de Jenne l'avait
recommande. « A Temboctou , continue-t-ril , les nu,its son.t
aussi cbaudes que les jours. Le 21 avid au matin, j'allai saluer
mon bole, qui m'accueillit avec bonte ; ensuite j'allai me pro-
mener dans la ville, pour rexaminer; je ne la trouvai ni aussi
grande, ni aussi peuplec que je m'y etais allendu ; son com-
merce est bien moius considerable (pie ne le public la rcnom-
ruee ; on n'y voit pas, comme a Jenne, ce grand concours
d'etraugers venaut de toutes les parlies du Soudan : je ne
SCIENCES PHYSIQUES. 3a7
veucootrai dans les rues de Temboctou que les chameaux qui
arrivaient de Cabra, charges des marchandises apporlees par
la flottille ; quelques reunions d'habitans assis par terre sur
des natles, i'aisant la conversation; et beaucoup de Mauies
couches devant four po-rte, dormant a l' ombre* En un mot',
tout rcspirail la plus grande tristesse. » La ville de Temboctou
a etc sans doule beaucoup plus florissante ; elle fut long-tems
le canal necessaire du commerce entrc l'Europe et les vasles
contrces qu'arrose le Dhioliba. Mais, depuis que les Europeens
out ctabli des comptoirs sur la cote et sur les rivieres de Gui-
nee, l'introduction de leurs marchandises a travel's le Sahara
soutient avec peine cette concurrence (1). La guerre des Fou-
lahs avec les Bambaras a porte a Temboctou un coup non
moins. sensible, en lui fermant le riche debouche de Boure el
de Stsgo., Enfin , la stagnation du commerce de Temboctou
lient, encore ad'autres causes, si, comme Sidi Abdallahi l'a
dit a M. Caillie : « il n'existe aucun rapport ni communication
par eau de Temboctou avec le Haoussa, et la navigation du
ilcu.e s'anete a Cabra. » Serait-ce que le bras sur lequel
Cabra est silue n*est plus navigable an dessous de cette ville ?
Mais comment les negocians de Temboctou n'ont~ils pas
oberche a descendre quelque autre bras, pour repandre leurs
marchandises dans le Haoussa, le Yaouri, le Boussa, pays
lerliles et commercans 2 Sont-ils arretes par des obstacles na-
turcls, on par la ferocite de quelque peuplade riveraine ? Quels
que soient ces obstacles, la navigation de Mungo-Park, depuis
Sansanding jusqu'a Boussa, semble indiquer qu'ils ne sont
pas insurmontables.
Quoique Temboctou ait moins d'importance qu'on nc l'a-
vait suppose, les details transmis par M. Caillie n'en seront
pas moins lus avec un vif interet. Batie en forme de triangle,
cette ville peut avoir trois milles de tour. Elle est ouverte de
(i) Kile devicndrait bicn plus redout able, si, conimc le propose
M. Caillie, les Europeens pouvaient f'aire un etablissement a Bammakuu.
sur le Uaut-UUioliba.
3a8 SCIENCES PHYSIQUES.
toules parts, ct n'a pas, suivant M. Caillie, plus de douze mille
habitans, qui tirent de Jenne lous leu rs moyens de subsistance.
Si lcs ilottilles elaient arretces par les Touariks, elle serait en
proie a la plus affreuse disette. Les maisons de Temboctou
n'ont qu'un rez-de-ehaussee ; elles sont construites en briques
rondes sechees au soleil. Les rues sont propres et assez larges.
On y voit sept mosquees, dont la plus grande, qui est aussi la
plus belle, estprcsqueen mines. Les babitans sont des negres
de la nation Kissour. Leur cbef, nomme Osman, homme tres-
simple dans ses habitudes, est a la fois souverain et marchand.
Le pouvoir est hereditaire dans sa famille. U ne percoit au-
cun tribut, et n'a point d'administration. Ce peuple a peu
de contestations, et, lorsqu'il s'en eleve, les parties se rendent
aupres du souverain, qui assemble le conseil des anciens entie-
rement compose de noirs. Les Maures vont resider pendant
quelques annees a Temboctou et a Jenne, comme les blancs
aux colonies , dans l'espoir d'y faire fortune; mais , malgre
l'influenceque leur donnent leursrichesses, ilssont justiciables
des autoriles du pays. Les Maures de Temboctou recoivent en
consignation des marchandisesd'Adiar, Tafilet, Tripoli, Tunis,
Alger, qu'ils expedient a Jenne et ailleurs ; on depose aussi a
Temboctou le sel du desert, et le commerce de ce produit,
rare et precieux dans l'interieur du Soudan, est une richesse
qu'on ne peut lui ravir. Les esclaves sont traites avec douceur
dans cetle ville, qu'ils quiltent toujours avec regret, lorsqu'on
les exporte dans les paysbarbaresques. « J'ai vu, ditM. Caillie,
plusieurs esclaves, quoique ne se connaissant pas, se faire des
adieux touchans ; la conformite de leur condition excite cntre
eux un sentiment de sympalhie et d'interet mutucl ; ils se font
reciproquement des recommandations de bonne conduite. » Les
moeurs de Temboctou ressemblentbeaucoup a cellesde Jenne.
Dans 1'une etl'autre ville, les femmes ne sont point voilees;
elles sortent libremcnt. Ces femmes se percent le nez, comme
les notres se percent les oreilles ; celles qui n'ont pas le moyen
d'ymettre un anneau le remplacent par un morceau de soie.
Les habitans de Temboctou couchent sur des nattes ou des
SCIENCES PHYSIQUES. 529
peaux de boeuf soutenucs par qualre piquets fiches en terre;
quelques personnes out meine des matelas en coton. Le clinial
elant tres-chaud et le bois Ires-rare, on no fait point habiluel-
lementdu feu, comme dans le Soudan. Lespauvres n'ont pour
combustible que la fiente de chameau. L'eau se vend sur le
marche a raison d'un cturi le demi-litre.
Nous ne dissimulerons point iciquecette peinture de Tem-
boctou ne ressemble guere a la description que Leon l'A-
fricain nous en a laissee. Plusieurs traits des deux relations
sont meme dans une opposition frappantc. Ainsi, suivant
Leon, le roi de Temboctou a un palais bati par un habile ar-
chitecte de Grenade; il a une cour brillanle, trois mille ca-
valiers, et des fantassins sans nombre. Les femmes sont voi-
lees, etc. Mais, outre les changemens que trois sieclcs ont dCi
produire dans la mobile Afrique, 1'exaetitude de Leon a ete,
je crois, beaucoup trop vantee. N'a-t-il pas pretendu que le
fleuve coulait de Temboctou vers Jenne? Le fait contraire est
maintenant horsde doute. On doit en general se defier de l'es-
prit tout poetique des Maures, et ne pas oublier que
Le peuplu aiabe est un penple conleur.
Mais 31. Caillie a trouve dans le Quarterly Review un con-
tradicleur bieij autrement acharne que le vieux auteurmaure.
Un article, copieusement assaisonne de sarcames et d'invec-
tives, a rendu compte de son Voyage dans le numero du mois
de mars. Comme ces invectives et ces sarcasmes ne prouvent
rien que la furibonde antipathie du redacteur pour tout ce
qui est francais, nous n'avons garde d'entrer dans celte igno-
ble lice. Quant aux fails qu'il oppose a la narration de M. Cail-
lie , d'apres les lettres du major Laing, ou les renseignemens
fournis au gouvernement anglais par les personnes envoyees
sur ses traces, prives des documens necessaires pour les dis-
cuter, nous ne pouvons qu'ajouter un petit nombre de re-
marques aux notes judicieuscs deja publiees par le Moniteur,
en reponse a la diatribe anglaise.' — Nous avons vu que M. Cail-
lie a desip-ne Osman comme Ic chef liereditairc de Temboctou.
55o SCIENCES PHYSIQUES.
Lc Quaiterly Review assure au conti aire , d'apres lc lemoi-
guage imposanl d'un donicstiquc negro envoye sur les licux,
qu'Osman n'est que le lieutenant du sultan Labo, prince Fcl-
latab, conquerant du pays. Et quand cola serait, une parcille
erreur serait-elle done si aceablanle pour le voyageur 1'ran-
pais? II existe cntre les ivjcils de Clappcrton et de Lander
une contradiction toute semblable au sujet du Youriba; l'un
veut que la souvcrainete y soit hcreditaire; l'aulre, la dit
elective. Qui done s'est fait une aruie de cette contradiction
pour attaquer leur sinceritc? En lisant le recit d'une excur-
sion en Alrique, tout leeteur sense doit sc rappelcr que le
voyageur comprend a peine quelques mots des idiomes des
pays qu'il parcourt, qu'il n'a aucune idee de leurs moeurs et
de leurs institutions, que sou vent il s'en iuforme auprcs
d'individus absolunient ignares, qu'enfin sa laague n'a pas
toujours les mots nccessaires pour traduire leurs reponses.
On voit a combien de bevues de tels rapports sont inevila-
blement sujets; et Ton peut croire qu'un leeteur afrieain trou-
verait a s'egayer dans les rccits de nos voyagcurs les mieux
instruits. — Le redacteur du Quarterly Review s'ctonne que
M. Caillien'aitevaluequ'adouze milleh abitans la population de
Temboctou, que les rapportsplus moderes portent a cent mille.
« Un ecrivain arabe d'un caractere inattaque (unassailed)
dit que Temboctou est la plus grande ville que Dieu ait creco.
Lc major Lainga trouve qu'elle repondait a toute son attente,
exceptc quant d I'ctendue, qu'U estime d quatre milk s dc c'u confe-
rence, espace qui, si les edifices sont serres (if fully built
upon), peut trcs-bien contcnirle noinbrc d'habitans gcniTalo-
ment assigne a Temboctou. » En verite? Cent mille habilans ,
dans une circonfcrence de quatre millcs! e'est pres de trenle-
liuit mille habitans par mille carre, et Paris n'en offre au
plus que vingt-cinq mille. A qui done fera-t-on croire
que, dans un pays ou les maisons sont si basses, une ville qui
a pour s'etendre tout le desert renferme une population plus
agglomeroe que cellc de Paris? Si Laing domic a Temboctou
quatre millcs dc tour et M. Caillie trois millcs, ces voyagcurs
SCIENCES PHYSIQUES. 35 1
sunt a pen pros d'aecord sur la scule chose dont ilsaientpu
juger, l'etenduc dc la ville. — Dans un autre endroit, le
critique essaie de mettre M. Caillie en opposition avec lui-
meme. Nous avons cite le passage ou cclui-ci rapporle
que Sidi Abdallahi lui a dit que la navigation du fleuve
s'arrete a Cabra; le critique continue : «ln another passage lie
says, Sidi Abdallahi informed him that Haoussa was only a
twenty days' passage fromTimbiictoo , descending the river, and
leLOimrmnded a small canoe in preference of a large vessel, as llic
passage by it might be made in twelve days (torn, n, p. 555) » .
Or, voici la phrase franrai>e, qui se trouve a la page 555, ct
non555. « Mon hote m'a assure que Haoussa n'est situe qu'a
one vingtaine de jours de Temboctou en descendant le
fleuve; mais dans une petite pirogue on peut laire ce trajet
en douze, ct atteindre ensuite rapidement l'embouehure du
fleuve, surtout s'il va se perdre dans l'Ocean. » 11 est clair que
le premier membre de cette phrase appartient seul a Sidi Ab-
dallahi, et Ton pout de plusieuvs manieres le concilier avee
son assertion precedente, tandis que dans le second mem-
bre, le critique a cree lui-meme la contradiction, en transfor-
niant une conjecture du voyageur en un conseil d' Abdallahi.
II semble que le chagrin de voir un Francais revenu de Temboc-
tou ait derange l'esprit de ce critique, homine d'ailleurs instruit .
Ici , il veut que les Fellatahs soient aussi blancsque les Fran-
cais; la, il pretend que notre voyageur, entre en Al'rique par
le sud de la Scnegajubie et revenu par Tanger, est rctourne
au rivnge meme (to the very spot) d'ou il etait parti ; plus loin
il tourne en ridicule ML Caillie pour avoir dit que les Arabes
se diligent dans le desert par I'observalion des etoiles. Nous
lui opposerons le temoignage d'un autre voyageur qu'il en
croirapeut-etre, attendu qu'il n'est pasnecn Erance : « Lacon-
naissance des astres est, commeon s'en doule, le point fonda-
meiital de eel art (celui de parcourir les deserts); ils en cun-
servent avec soin les priucipales notions, qn'ils se transmet-
IvMil de pcre en fils. Quant aux proccdes de l'enseignemenl,
it > -out peu compliques; le seuil de leurs cabancscst leur (Air-
33a SCIENCES PHYSIQUES.
scrvatoire; lours telescopes sont Icurs regards percans, qu'ils
pen vent promener a I'aise sur 1'immcnse pavilion qui se deroule
sans tddienu dessus de leurs tetes. Qu'unEuropcen ailleassis-
ter aux seances pastorales de ces academies du desert ; l'objet
en vaut la peine. II verra l'ancien du village indiquer a l'as-
semblee, de la voix et du geste, Ics diverses constellations ; il
I'enlcndra decrire les cercles et les ellipses des planetes, de-
nombrer les ctoiles fixes, les nommer par leurs noras classi-
ques, quoique alteres par la langueel les traditions, et desi-
gner par leur moyen les routes inapercues sur les plaincs
unies du desert, mais tracees dans le firmament. II entendra
ensuite les jeunes gens repeter avec recueillement les lecons
du vieillard; il verra meme de petits ctres tout nus, assis sur
les genoux de leurs meres, lever leurs mains en fan lines vers
le ciel, et balbutier les noms des guides futurs de leurs loin-
tains voyages. » ( Pacho, Voyage dans la Marmarique et la Cy-
renai'que, p. 276.) Et si ce tableau est vrai des Arabes de l'oa-
sis d'Audjelab, qui vont aussi a Temboctou, il doit l'etre ega-
lement des autres habitans du desert. C'en est assez, je pense,
pour prouver que le critique anglais n'est pas infaillible. Ajou-
tons que la sincerite de M. Caillie ne paraitra suspecte a au-
cun Iecteur non prevent! ; la candeur et la bonne foi sont em-
preintes dans toutes les pages de son recit.
Malgre les instances de Sidi Abdallabi pour le retenir a Tem-
boctou, M. Caillie, apres avoir sejourne dans cette ville seu-
lement treize jours, la quilla le 4 mai 1828, avec une caret-
vane qui faisait route vers le Tafilet. De nouvelles souffrances
l'attendaient dans la traversee du Sahara, pendant laquelle il
eut a lutter a la fois avec les rigueurs de la nature et avec la
barbarie des hommes. Un trait general semble caracteriser
l'Africain de toutes les races ; e'est l'habitude d'agir d'apres
l'impression du moment. Ainsi, chez ces peuples enfans, l'e-
tranger est souvent, pour les memes individus, et a peu d'in-
tervalle, un objet d'insulte et de pitic. L'exterieur musulman
adopte parM. Caillie, seul moyen de penetrer dans la plu-
part des contrees qu'il a parcourues, ne le meltait qu'incom-
SCIENCES PHYSIQUES. 353
pletement a Pabri de ces caprices cruels. Ce costume avait
de plus l'inconvenient de lui interdire toute observation as-
tronomique , et ce n'est qu'au prix de perils nombreux et de
precautions infinies qu'il a pu tracer et conserver les notes
informes qui ont seryi de matcriaux a son recit.
Si maintenant, apres avoir rendu justice au courage sur-
humain et a la rare intelligence dont il a fait preuve, nous
examinons son voyage sous le rapport des progres qu'il a fait
faire a la science, nous croirons en donner une idee assez
exacte en disant que l'l'mportance de ses resultats consiste
moins dans des decouvertes nouvellcs, que dans la certitude
et la clarte qu'il a repandues sur ce que nous ne savions que
par les rapports vagues et contradictoires des habitans du pays.
Ainsi , le cours du Dhioliba de Jenne a Cabra, la navigation
etablie sur ce fleuve, et le commerce de Temboctou avec Jen-
ne, etaientdeJH connus de l'Europe; miis l'importance de ces
villes, les peuplades diverses qui habitent les bords du fleuve,
les particularites relatives a sa navigation, et une multitude
d'autrcs details transmis par M. Caillie, transforment en con-
naissances positives des renseignemens confus, inexacts, et
auxquels le doute etait attache. Parmi les notions nouvelles
que M. Caillie a recueillies on doit citer celle de la riviere
Tankisso et de son passage par le Boure, l'existence de plu-
sieurs villes commercanles, Kankan,Time, Tangrera, celle de
la ville d'El - Araouan, dans le desert, nom qui sur nos car-
tes ne designait qu'un puits, tandis que Tafilet, pris jusqu'ici
pour une ville, estlenomd'une vallee ; enfin, le cours vers le
nord du grand fleuve d'Afrique, depuis Jenne jusqu'a Cabra.
D'apres cette direction du fleuve, d'accord avec l'ombre d'un
style, observee par M. Caillie A Temboctou, M. Jomard, dans
la carte itineraire qu'il a jointe au Voyage, a cru devoir repor-
ter la position de cette ville pres du 180 de latitude nord, et
du G° de longitude a I'ouest de Paris. II sera prudent, toute-
fois, d'attendre pour adopter definitivement cette position
qu'elle ait pu etre confirmee par quelque observation astrono-
mique.
Je devrais parler ici des Remarques et reclierches "eogra-
334 SCIENCES PHYSIQUES.
pliir/ues dont M. Jomard a enrichi cette publication. Mais quo
pout-rait ajoutcr moil suffrage a la confiance quo son noia
est en possession d'inspircr a 1'Europe savante? Je nc sau-
rais pourtant laisscr echapper l'oceasion dc remcrcier ce
docte ecrivain de l'indulgcncc avec laquelle il a liien voulu
parler d'une notice dans laquelle j'ai essaye de resoudre le
probleme toujours subsistant dc rembouchure du Dhioliba
(voy. Rev. Enc, 1829; t. iv, p. 5) (1).
CnAUVET.
(1) M. Jomard me permettra de lui soumettre ic! line objection con-
trc l'hypolhese qu'il a reproduitc de l'ecoulcinent d'un bras du Dhioliba
dans le Tchad par l'Yeou. La hauteur flu Tchad a ele observee ; elle est
de pres de 3oo pieds au dessus du niveau de la iner. Celle de Temboc-
ton, d'apres des calculs tres-plausibles de M. Jomard lui meaie, est de
a3o a 260 pieds. N'y a-t-il pas dans ces deux hauteurs un obstacle invin-
cible a ce qu'un bras quelconque du Dhioliba, continuant son cours a
I'est, s'ecoule dans le Tchad f
SCIENCES MORALES ETPOLITIQUES.
Tableau de la constitution politique de la monarchie fran-
chise selon la Ciiarte, ou Resume du droit public des Fran-
pais, accompagnc du texle des lois fondamentales, et de
documens auihentiques ; par A. Mahul (i).
On a souvent reproche aux Francais leur complete igno-
rance de Ieurs droits politiques, et non sans raison. Les
memes hommes, si instruits en matiere civile, semblent a
peine se douler qu'il cxiste d'autres droits qui sont cependant
aujonrd'liui la base et la garantie de tous les autres. Cette dis-
position des csprits ticnt surtout a l'etat ou se trouvait le pays
quand la revolution arriva. A cette cpoque, le mot ineme de
constitution etait un mot vide de sens, il n'exprimait rien ;
car la constitution alors n' etait qu'une maniere d'etre vague,
incertaine, depourvuc de tout principe fixe et d'aucune idee
arretee ; c'etait le res ul tat incoherent de la foule des evene-
mens divers que le cours des siecles avait amenes. Dans une
pareille situation, le gouvernement, sans regie precise, ne pou-
vait pas etre I'objet d'une etude speciale, parce qu'il etait im-
possible d'invoquer une loi sans cesse variable, et qui n'avait
pas d'expression ecrite.
Un tel etat de choses admis, on concoit comment les cs-
prits durent naturellement se refugier dans le sein des juris-
prudences particuliercs, unique protection reservee a la pro-
priete et a la vie des citoyens. Aussi , dans les deux derniers
(i) Paris , iS3o ; Desauges, run Jacob , n" 5. In-8" de it et 744 pag1 1
prix, 10 fr.
5."G SCIENCES MORALES
sieclcs qui ont precede la revolution, n'etail-il pas rare tie
voir, clans les pays de coulume surtout, tie simples particu-
liers en savoir autant que Icurs avocats, et pouvoir les din-
ger dans les nombrcux detours de la procedure. C'est sur une
erudition de ce genre qu'est fonde le comique de I'une ties
meilleures scenes des I'laideurs de Racine, el Ton n'est point
surpris d'entendre un valet, dans Moliere, debilersans hesi-
ter tous les termes tie la chicane la plus raflinee. Les poetes
ne faisaient qu'exprimer les mceurs.
Cependant, les choses n'en ont pas toujours etc ainsi parmi
nous. II fut un terns on le droit public etait pour tous une
affaire de haute importance, dont on s'enquerait avec soin;
et qnand les communes deLaon, de Saint-Quentin, deYeze-
lai stipulaieut leurs droits avec l'eveque ou le seigneur, les
traites qui fixaient les ihterets des parlies etaient de veritables
constitutions d'Etat conmiises a la vigilance du plus mince
bourgeois pour en faire executer les clauses. Mais qu'ar-
riva-t-il? c'est que presque toujours l'autorite royale inter-
vint dans les debats; de sorte qu'apres bien des querelles,
du sang repandu, et du courage depense en pure perle, les
communes, s'apercevant, d'un cote, qu'elles ne pouvaient
lutter contre le roi et le seigneur reunis , d'un autre cote,
qu'elles avaient moins de desavantage en adoptant l'inter-
venlion d'un tiers, consentirent a laisser fixer leurs droits
par les decisions de la couronne, et s'accoutumerent peu a
peu a lui abandonner le soin de toutes les afl'uircs publiques.
Elles preferaient l'autorite d'un mailre eloigne a celle d'un
maitre qui pesait incessament sur elles par un despotisme de
details, le pire de tous ; et Ton vit, sans peine, s'accroitre la
puissance du trone, parce qu'elle affaiblissait d'aulant la ty-
rannie si justement abhorree des grands seigneurs feodaux.
Voila comment s'explique ce desinteressement absolu pour
les choses generales, devenu par le laps du terns un des
traits dominans du caractere national. Quand, par suite de
l'accroissement des richesses, de la diffusion des lumieres, et
des progres de la civilisation qui en sontla suite, une grande
ET P0LITIQUE3. 337
devolution eclala dans l'organisalion sociale de la France,
relte revolution eveilla d'abord toute l'encrgie dc I'opiuiou
puldique; mars ces premiers efforts, ces elans gencreux fu-
rent accompagnes de tant de seeousses violcntes, de tant
d'evenemens funestes, que chacun, apres la toumiente, sc
scntit epris d'un phis grand amour du repos qu'auparavant,
et fut heureux, comme autrefois, d'abandonner au pouvoir
Jes interets de l'Etat ct le maniement des affaires.
Ce fut done an souvenir recent et douloureux des maux
■que nous avions soufferls que Napoleon dut la puissance sans
borncs dont il abusa si etrangement, mais qui servit aussi, ii
faut bien le dire, a regularise!' l'ordre de choses fondc par la
revolution. Jusqu'a lui, tout n'avait ele que trouble et con-
fusion; jusqu'a lui, le gouvcrncment n'etait qu'une arenc
ouverte oii les parlis se devoraient; jusqu'a lui, on doutait
encore que la societe nouvelle put s'organiser. Le premier, il
raffermit le terrain surlequel devait s'elever unc autre consti-
tution sociale : il crea le droit civil; et ce droit, il le basa sur
l'affrancbissement de la terre, sur la libre division des pro-
prietes, fait immense, fait capital qui renferme en lui seul la
revolution lout entiere, e'est-a-dire tout le cliangement ;
car, cbez les peoples sedentaires, la societe ne repose que
sur la propriete du sol; le mecanisme social ne rcsulte que de
la faculte plus ou moins restreinle de posseder et d'aliener.
lly a cent ans, la possession etait circonscritc dans un nom-
bre determine de families, et 1'alienation des biens presque
impossible; aujourd'hui, la possession et 1'alienation sont
accordees a tous, sous I'empire d'unc loi commune, qui n'ad-
met ni privilege, ni speciality (l) ; done, la revolution est
operee sans retour.
Qu'on ne s'j trompe pas, lout est la. Les conqnetes de Bo-
naparte out disparu avec le conquerant, mais le Code civil
est reste; il est reste, parce qu'il a implante dans nos babi-
(i) Les majorats nc sont qu'une exception ; or, 1'exception ne detruit
pa-s la regie, elle la confume.
T. XLVI. MAI l83o. 23
538 SCIENCES MORALES
tudcs journalicrcs, dans lea inlcrcls <le la vie privec, la liltre
possession de la terre, accordee a tons sans distinction; il en
a fail {'existence meme de notre soeiete, d'une soeiete qui ne
pent subsister qVa ee prix, el qui cependant ne peut pas
perir.
Toute force se brisera contre cc fait inevitable et consacre
de la propriete. On ne refait pas, suivant son caprice, un
etat social; mais on pent le gener dans ses tleveloppemens,
retarder ses consequences bienl'aisantes, arreler, pour un
terns, ses effcls salutaires, ajourncr les institutions qu'il re-
clame; et ce mal est grand, Ires-grand : il compromet la (li-
gnite du pays an dehors, il empeehe nne foule d'ameliorations
a 1'interieur; il paralyse le commerce, qui a besoin d'aveniret
de stability ; il accoutume les homines a ne considerer le pou-
voir que comme \i\\ ennemi dont on se meiie, tandis qu'il ne
devrait etre qu'un guide eclaire qu'on aime a suivre, un pro-
tecteur sur lequel on s'appuie.
Si telle est notre situation actuelle, ce n'est pas ce que
nous examinons; nous ne faisons point ici de la politique
speciale, nous n'entrons point dans la polemique de circon-
stance;nous cherchons seulement, apres avoir bien deter-
mine le point fonclamental de la civilisation nouvelle, a de-
couvrir quels sunt les meilleurs moyens, non de la sauver,
elle est indestructible, mais de hater son entier developpe-
nient. Or, ces moyens ne dependent que de nous ; et les lois
constitutionnelles, voila les elemens qui sont donnes a tous
pour coordonner l'ensemble de nos inslitu'ions, formees au
sein des orages, pour les fixer d'une maniere invariable, et
rendre impuissantes les atlaques dont elles sont Pobjet.
Quandle legislateura exprime la veritable situation du pays,
sa mission est tcrminee } e'est ensuite au pays lui-meme ,
e'est-a-dire aux individus qui le composent, qu'il appartienl
de completer 1'ouviage. Ccst a tous les citoyens d'entrer
dans l'inlimite de la legislation politique, de se penetrer de
son genie, de leconder I'oeuvre, et de substituei- a la let Ire
morte I'espril qui vivifie. Depuis qninze ans, nous avons fait
ET POLITIQUES. 35o
eri France quelques progres en ce genre; mais il nous reste
encore bcaueoup a faire. Nous avons encore a vaincre d'an-
ciens prejuges, a faconner nos habitudes a la constitution qui
nous regit, a bien connaitre enfin l'importance de nos devoirs
et de nos droits. L'etude ici n'est plus le partage seul des gens
du metier, elle est le devoir de tous. Comme aux terns an-
ciens, e'est a tous les membres de la commune de veiller sur
l'expression littcrale du conlrat pour en maintenir les con-
ditions.
Honncur a ceux qui favorisent ces etudes ! honneur aux
ecrivains graves et consciencieux qui nous aident dans ces
instructions indispensables! Ce n'est qu'a ce prix qu'un meil-
leuravenirnous est reserve; car il ne suflitpasque notrepro-
priete ne puissc nous etre enlevee : il faut encore que nous
en jouissions avec pleine securite, et sans contestation.
L'ouvrage auquel est consacre cet article a etc conc.u dans
ces vues utiles et elevees. Le but de l'auteur est de nous ini-
tier dans tous les secrets de la loi; d'en developper les raisons,
d'en I'aire sentir la portce ; ce sont des dissertations sur la
matiere qu'on peut comparer aux lumineux exposes des mo-
tifs qui eclairerent rimposante discussion du Conseil-d'Etat,
quand il redigea le Code civil.
D'abord, M. Mahul nous donnc le texte meme de la Charte,
base et principe de l'ouvragc, objet special de la discussion ;
puis il rcprend tous les articles de cetle loi fondamentale,
et les commente successivement avecune franchise d'opinions,
une lucidite de jugement qui ne fait pas moins d'honneur a
la netlele de son caractere qu'a l'exactitude de son esprit et
a l'excellence de ses vues. La point de vaines declamations,
point d'appel aux ^passions; nulle insistance de parti; dans
son livre, tout est raison et science.
Voici, du reste, comment l'auteur procede dans l'examen
de chaquc article en parlii ulier : le principe etant pose par la
loi, l'auteur, d'abord, nous fait connaitre l'hisloire meme et la
fortune variable de ce principe dans la legislation francaise ;
de la il arrive a son etat actuel garanti par notre constitution;
34o SCIENCES MORALES
alors, iU'examine en lui-m€me, tvnite les diverse9 questions qlji
s'y rattacbent, ct termine en donnant, sous la forme <lc pie-
ees justificative*, 1c texte des lots' qui en assurcnt 1'cxeculion.
Pour mettie le lectcur mieux a mC'inc de c iiriprendrc lels
avantages de rette ma re lie pbilosopbiquc, nous prendrons un
exemple dans l'un des ehapilres de l'ouvrage, dans celui qui
traite de la liberie indiriduelle. L'auteur montrc d'abord com-
bien, avant la revolution, cette precieusc liberie fut presquc
toujours sacrifice aux caprices de l'arbitraire. H retrace les in*
fames abus des lettres de eacbet, qui, meme alors, dit-il,
e'taient bica plutdt des actes de violence fjue des actcs legaux.
Aussi, voyons-nous que les cahiers des senechaussees et des
baillages furent unanimessur ce point. Toutes les constitu-
tions qui depuis lors furent donnees consacrerent Ic droit.
Si, dans le cours de nos troubles, il fut souvent foule aux
pieds par la force et la Violence, le principe n'en rcsla pas
moins constate, et tout principe admis amene, tot ou lard, ses
consequences. Elles n'unt commence a se developper, quoi-
que bien imparfaitement sans doutc, que depuis la restaura-
tion, ct leur garantie est exprimee, soit dans les articles
77-82 de la constitution dv l'an xiii, soit dans le Code crimi-
ncl, cbap. 3 du litre vm. Le texte, qui est renvoye aux pie-
ces justiiicatives, est fort babilement commente dans le corns
des observations; el, pour mieux eclairer le point de la dis-
cussion, l'auteur compare aux precautions de la loi francaise
cclles que consacre en Anglelerrc le fameux ante de Yhabcas
corpas.W result e des judicieuses reflexions de M. Mabul que
la legislation protectrice de la liberte des citoyens laisse en-
core cbez nous beaucoup a desircr; que cette legislation,
formee au moment ou la tempete elait a peine apaisee , s'oc-
cupc ben plus de fournir line arme au pouv oir qu'unc sauve-
garde a l'individu. Mais il en resulle aussi que la surveillance
des Cbambres, la publicilc des discussions, la liberie de la
presse, les maximes de la magisliature et les regies que
s'est tracees l'adminislration tendent , du moins dans la pra-
tique, a diminuer les abus, jusqu'a ce qu'enfin une the-jiie
ET POLITIQUES. 34,
foile, expriuice par des Iois precises, les fasse dispaBaitue
cnlierement, et nous aecordent une protection suflisaute.
Dans la seeonde section de ce cl.apitre, M. Mabul traile
des passeports qui se lient si immcdia lenient a la libre vo-
lume de rhoinmo. L'auleur souticnt avec raison que le passe-
port, si on l'exige, estde droit cominun sans exainen preala-
ble; car toulc niesure preventive, est hors de nos lois. II
observe, avec non inoins de raison, que la legislation des pas-
seports, toute formee des lois rcvolutionnaires, met le cilojen
comme Nlmnger d la merci du caprice dci fan lionnairesa d-
inimstralifs. Toutcs les reflexions qu'il fait a ce sujet sont
pleines de sens, d'equite, et meritent d'etre inurement exa-
minees par le legistaleur, pour qu'eafiu il y fasse droit.
J'auraig desire que, dans celte section, M. Mahul eflt exa-
mine jusqu'a quel point il etait legal, sous l'cmpire de la
Cl.arte, d'exigcr un imppt de tons ceux qui deinandent uu
passeport. Ce qu'il y a de sur, e'est qu'en faisant de la dcli-
vrance des passeports une niesure fiscalc, non-seulemenl on
niuliiplie les alius, mais on.Ics rend plus diiliciles a detruire.
L'auleur finit ce chapitre par de tres-bonnes considerations
sur I' extradition el le droit d'asite, droit que semlile autoriscr
le texte meine de notre Corle civil. Dans cette troisieme sec-
tion, comme en toute occasion, M.. Mahul embrassc avec
vivacite le parti dumalhcur, et reclame noblement en favour
de l'humanite. Tout le nionde, an fond, est d'accord sur celte
doctrine; l'espiit de parti peut seul l'obscurcir ou la con-
teslei
Telle est la melbode large ct complete de l'auleur. C'est
ainsi qu'il traite toutes les gran. les questions du droit public
des F rancais : l'cgalite devant la loi, la liberie de la prcsser
(die des cubes, 1'organisation des trois pou.voirs dans leurs
limiles respectives; l'organisation de l'armee, celle de l'or-
dre judiciaire, etc., etc., elc. Sur cbacun de cos objets
M. Mal.ulelablit des disseiialiuns qui font connaitrc rinten-
lion .('■(■lie de la loi, el qui toutes out une dimension propor-
lioniiee a I'i.nporlance du sujet. Le litre iv, relalif a la Cbam-
3:,a SCIENCES MORALES
bre dcs deputes dcs deparlcmens, comprend, a lui seul, i(>/|
pages; ncuf sections sont consacrees a l'examen des droits
electoraux, et les pieces justificatives de cc titre iv renfer-
nient le rccueil complet de tontes les lois sur cette matierc,
suivies do regleinent de la Chambre des deputes. Enfin, pom-
completer l'ensemble des documens officiels, I'autcur, a l'oc-
casion du budget annuel de l'Etat, presente le tableau de
l'etat financier en 1789, le tableau dcs budgets de 1S10 et
i8ag, et le tableau comparatif de tous les budgets, depuis
1801 jusqu'a 1829.
Ces pieces authenticates sont d'autant plus precieuscs
qu'elles se trouvent ici reunies a un commentairc judicienx,
et que, certainement , si elles n'elaienl pas ainsi rassemblees
sous les yeux , on ne se livi-erait pas aux rechercbes neces-
saires pour se les procurer. Aussi, je ne doute pas qu'inde-
pendamment du merite intrinseque de l'ouvrage cet avantage
materiel d'un repertoire de jurisprudence politique sur dcs
points si inleressans ne finisse par assurer a cc livre un succes
populaire : il n'a besoin que d'etre connu.
C'est a cela que doivent travailler les journaux, seuls et
veritables organes de la publieite. Mais nous-memes nous
n'aurions qu'imparfaitement rempli notre tache, si nous nous
bornions a presenter IVisemble du travail de M. Mahul; nous
devons aussi a nos lectcurs de leur la ire connailrc sa maniere
d'exposer les doctrines, son style, sa redaction propre, toules
parties si essentielles, et qui nous initient si bien dans la pensce
intime de l'auteur. Mais, en ce cas, nous ne connaissons
qu'une bonne critique, c'est do titer. Dans le nombrc des pas-
sages qui s'offrcnt a notre cboix nous piendrons de prefe-
rence celui qui a rapport a Particle i/j de la Charle , section
intilulee : Du pouroir dictatorial et des coups d'Etat :
« On a quelquefois singtdierement interprete, soit a la tri-
bune, soit dans les ecrits politiques, les derniers mots de l'ar-
ticle 14 de la Cbarte, qui attribuent au roi le droit dc faire les
reglemens et ordonnances necessaircs pour la suretcde CEtat:
on a voulu y voir le droit de frapper des coups d'Etat. de re-
ET POLSTIOIKS. 5 ,r.
prendre, an bcsoin, le pouvoir absolu, en un moi, la tiiotature.
(Idle interpretation fausse est , nous nc craignons pas de
le dire, subversive de la Charte tout enlieic. Si elle est admise
dans notre droit public, il n'y a plus rien de solide dans noire
constitution ; il n'y a plus de libertc morale, ni pour les legis-
lateurs, ni pour les magistrals, ni pour les citoyens. Tout est
remis en question pour l'avenir; et il faudrait nous hater de
redemander l'ancienne constitution de la monarchie, on sur-
vivraient du moins quelques libertes irrefragables. Mais il
n'en est point ainsi. La nation francaise est proprietaire legi-
time et incommutable de certaiues libertes : la Cbarle les a
reconnues avec solennite; elle en a regie sagement l'cxercice.
La trahison seule et le parjure pourraient les usurper in omen -
tanement sur elle; et bientot clles verraicnt tarir la source de
Pimpot, s'il avait cesse d'etre libiement vote par les elus des
departemens; et bientot les juges depositaircs de la justice
du roi, refuseraient de punir la resistance legitime aux prol'a-
iiateurs de son nom sacre.
» Sans doutc, il pent se presenter des circonstances exlra-
urdinaircs ou l'Etat, tombe comme en dissolution, soit par
l'anarchie, soit par l'oppression, demande qu'unc main forte
s'empare desrenes du gouvernement pour le replacer sur des
bases nouvelles : e'est le jour des revolutions. Quelques hom-
mes de genie furent places, a des sieclcs de distance, sur la
route du terns, pour remplir ces grandes et pcrilleuses mis-
sions. Les circonstances alors les secondent ; les peuples vien-
nent se rangerautourd'eux; I'opiuion publique les protege, le
succes les justifie , et la posterite , a laquelle les vaincus en
appellent, absout, en dernier ressort, Paudacieux vainqueur.
Hors ces grandes et rares circonstances, la tentative d'un coup
d'Ltat n'est plus qu'une conspiration, a moins que ce nc soil
une intrigue, e'est-a-direde la petitesse unie a de la mecban-
cctc. Si cependant cclle conspiration , ou cetle intrigue, est
louronnec de quclque succes, cc succes, pour petit qu'il soit,
n'est que passager; mais il sullit a user la constitution eontre
laquelle il a ele obtenu : il sullit qiiclquefois pour appeler une
34 i SCIENCES MORALES
autre revolution qui relahlissc la stability et l'ordre, comme
un violent orage ramene la serenite sousihi ciclobscurci. Ceci
n'est point une thcorie; c'est l'histoire du 18 fruotidor et cello
du 18 brumaire.
0 D'ailleurs, quel interet pent jamais exist er pour le trone
dans le rcnversement des lois sue lesquelles il s'appuie, et d'oii
il lire sa force et sa splendeur? Le trone peut-il ctrc scpare
de la nation ? Et a qui n-pparticnt-il de meconnaitre la voix de
la nation, dans I'expression legale et solcnnelle des Chambrcs
qu'elle a pour organes?
» Desormais, il est aise de comprendre que la legitimate des
coups d'Elat ne peut se trouver dans la loi ecrite. La loi ion-,
dauicnlale pourrait bien indiquer les formes pour s'amcliorer
ou pour se conserver; mais elle ne saurait consacrer les
niojens de se detruire elle-meme ; car le suicide legislalii* ne
serait pas moms inconsequent et absurde que le suicide phy-
sique. Mais, a defaut de la raison et du bon sens, le texte de
la Charle viendrait cette fois a notrc appui. Qu'on jette les
yeux sur 1'article 14 : cct article enumcre les attributions di-
verses du pouvoir royal et executif; et , a moins d'y voir la
destruction en Here de la Charle, il est impossible d'y trouver
autre chose que cette enumeration (1). Ilcmarquez que, par
sa construction grammatical, il place sur la memclignc , et,
dans la meme categoric , les oidonnances neccssaires pour
l'execution des lois et celles que peut rendre ncces^aires la
sQrete de l'Etat; actes de nature a peu pies analogue, et d'un
rang en quelque sorte secondaire, du moins relativement aux
prerogatives magnifiques que les termcs piecedens de 1'article
attribuent, dans une proportion gradueUement descendante,
au pouvoir du roi. Est-ce d'ailleurs subrepticement, et comme
(1) L 'article i4 tie la Charle parait avoir ete redige d'apres l'art. 1 44
de la constitution de l'an 111, concu en ces termes : « Le directoire pour-
vnit, d'apres le* lois, a la surele exlerieuie de la republique; il pent la ire
des proclamations conformes aux lois, pour lour execution , il dispose de
la force armeCj Clc. »
ET POLITIQUES. 345
pour terminer unc phrase, que sc serait glissee dans la Chartc
rinvesliliuc de la puissance dictaturiale ? Et, si cllc avaitdu y
parailre, n'aurait-clle pas etc l'objct d'unc disposition precise
et solennelle ? Mais non , la dicta lure ne sc proclame point
d'avance; clle nc s'ecrit point; et, le jour 011 elle est appelee
par la necessite, elle apparait spontanement, et se juslilie A
peine par le succes (1). ;>
Qu'on nous pardonne cede longue citation, elle etaft n<s-
cessaire pour justifier notre jugement, et prouver la sincerity
de nos eloges. JMaintenant, nous le savons, si Ton voulait inci-
denter sur les details, il serait aise do trouvcr maticre a con-
trover se ; chaque esprit a ses nuances; mais il faut surtout
considerer ici lc point de vue general et l'ensemblc du travail.
Or, sous ce rapport essentiel, ii ne nous resle qu'un mot a dire,
parce qu'il resume toule notre opinion, e'estquece livre, non-
seulement est l'oeiivre d'un homme instruit, d'un esprit juste*
d'un ecrivain exerce, mais, ce qui vaut mieux encore, e'est
rccuvre d'un bon citoyen.
D- M.
ftrwwrwvwwwt
Histoire UNivERSELLEDE l'antiquite ; par FrM. C/irct. Scxilos-
ser, professcur d I'Unirersite de Heidelberg ; traduite de 1'al-
lemand par P. A. de Golbery, conseiller a la cour royale dc
Colmar, etc. (2)
Je voudrais qu'une des Academies savantes de l'Europe,
(1) « Quel que soit notre respect pour la liberte ties opinions, nous nc
pouvons nous defendie He penser que ceux qui, par une fausse inter-
pretation de I'art. i4 de la Cliarte, soutiennent qu'une simple ordon-
nance royale, rendue sur ^allegation de la surete de l'Etat, pent deioger
a la Cliarte el aux lois, se rendent coupables du delit prevu par l'art. 4
de la loi du 17 inai :8iy, qui punit les allaqucs formcllcs conlre t'anlo-
r*tt conslilutiotinette du Hoi et des (.'liambres. »
(Note de 1'Auteur de l'ouvrage. )
(2) Paris, 1S2S; Leviault. 3 vol. ir.-S"; jirix, 21 IV. -
j.',i) SCIENCES MORALES
qui proposcnt quelqu«jfb!s des questions oiseuses et pen inle-
ressantes, promit un prix a l'auieur du meillcur plan d'urie
histoire univcrsclle. Quel sujet pourrait etrc plus important,
et offrir aux concurrehs une phis belle occasion de develop-
per a la Ibis Cine vaste erudition, une haute philosophic et
une brillantc imagination! Quel livre serait en memo terns
aussi utile clans ['instruction publiquc qu'une histoire univer-
selle tracee d'apres un bon plan, et exec u tee avee talent! A
mesurcque les annates des peuples scdcroulent sous nos yeux,
grace aux recherches des savans, que leurs monumens sont
reproduits, et que les traces de leur existence et de leurs rela-
tions se multiplient aux regards des investigateurs de l'anti-
quite, on sent da vantage le besoin d'enchainer les faits de
l'histoire, de lier lesevenemens, d'embrasser, s'il est possible,
d'un coup d'ceil la marche du genre huinain dans les ages
passes.
Ce tableau a etc souvent tente ; mais la plupart des ecri-
vainsqui l'ontessaye out succoinbe sous la tache. Lesunsont
travailleencompilateurs : d'autresont manque de philosophic,
et n'ont vu, ou voulu voir, que ce qui s'accordait avec leurs
opinions, leurs croyances, ou leur esprit de parti. Anquetil et
d'autres honneles aulcurs ont tache de parler un peu de cha-
que peuple, en consultant de bonnes sources ; ils ont mis ces
notices a cote les unes des autres; et voila leur histoire uui-
versellc faite. Les discours de ttossuet sont l'ouvrage d'un
hommc de genie ; personne n'a esquissc les epoques histori-
ques en trails plus rapides, et avec plus d'energie ; mais il
scniblc que eel ouvrage n'a etc compose que pour demontrer
a un jeune prince la necessite et 1'antiquile de la domination
du saccrdocc sur les peuples et meme sur les rois. L'histoire
profane, les traditions religieuses, la legendc, tout concourl
a unmenie but; e'est pour cela aussi que les Juii's, qui n'oc-
cupent qu'une bien petite place dans l'histoire generate de
rantiquite, sont places par Bossiiet sur le premier plan , et
que les evenenicnsy sont releves, nou d'apres leur importance
historique ou phifosophique, mais d'apres cello que le clerge
v atlachail du tems <le Bossuet.
ET POLITIQUES 54;
L'histoire miiverselle de M. Schlosser est tout I'pppose des
discours de 1'eveque dc Meaux; il semble que le professeur
de Heidelberg ait pris le coutre-pied du precepteur du Dau-
phin. Bossuct regarde la Genese comme un ouvrage histori-
que, et fonde sur elie son resume de l'histoire des terns pri-
mitif's. Les miracles entrent dans son recit comme des faits
notoires; le peuple juif joueun plus grand role que les Grecs
et les Romains. II parle a peine de la Chine et de l'lnde; il ou-
blie quelquefois sa tache d'observaleur pour monter en chaire,
etpiecher son eleve avec toute la vehemence et toute l'onc-
tion de son admirable talent. M. Schlosser, au contraire, ecarle
les traditions sacrees des peuples, ets'en tienta l'histoire pro-
fane ; ce n'est point par Adam et Eve que commence son histoire
univeiselle, parce que les historiens profanes n'en disent rien;
il oe croit meme pas qu'uh seul couple ait cte la souche du
genre humain, « attendu que plusieurs naturalisles trouvent
trop de differences entre les diverses races pour pouvoir ad-
mettrequ'ellesdescendent loutesd'uneseule.»Cesontlesnalu-
ralistes, gens pen consideres du terns de Bossuet, que Schlos-
ser interroge pour connailre l'etat primilif du globe. Le nou-
vel historieu n'accorde qu'une trcs- petite place aux Juifs;
mais, en revanche, il s'etend beaucoup sur les belles institu-
tions des Grecs. II entre mele ses recits de nombreuses re-
flexions ; mais ce sont des considerations d'un genre philoso-
phiquc telles que les inspire I'esprit du siecle, et telles que
les ainie le public actuel. Point de legende, point de tradition
theologique dans I'abrege de Schlosser, tout est positif et pro-
fane : e'est l'ouvrage d'un professeur d'une de ces universiles
allemandcs on Ton pense et ou Ton enseigne librement.
Cependant, examinons cet ouvrage de plus pies, et voyons
comment I'auteur s'est acquitte de la tache qu'il s'etait propo-
see. II fautsavoird'abordquelapailie traduite par M. Golbery
ne coniprend que l'histoire universelle de l'antiquite; encore
laul-il prendre le mot antiquite dans le sens le plus strict ; car
I'auteur s'arrete aux derniers successeurs d' Alexandre, etl'his-
loicc roinainc n'est pas comprise dans cette partie. Cest done,
348 SCIENCES MORALES
a proprcmenl purler, I'histolre de l'untiquite la plus render
que nous Jonnc le traducteur do Schloss«r; et nous n'avons
a nous occupor que de cclle-ci.
L'autuur prend l'histoire ancienne dc plus haut qu'aucun
autre hislorien ; car il commence par les terns ou il n'y avait
pas d'hommes sur le globe, et on, par consequent,, il n'y
avait pas encore d'hisloire. Ce sont dcs fails geotogiques, des
notions sur lesosscmcns fossiles, les terrains primitifs, secon-
daires et d'alluvions, etc., qui forme nt le debut de son ou-
trage. D'abordcet expose, pris fa et la dans les ouvrages des
geologues, n'est pas complet; ensuite, il ne parait nullcment
necessaire de commcncer Fhistoire de t'antiquite par uneepo-
queou il n'y avait pas d'bistoire, et ou il n'y avait pas d'etres
numains. Ces details seraient a leur place, s'il s'agissait de
faire l'histoire du globe que nous babitons. Mais peut-etre
ne serait-il pas sans interct de rapprocher les fables que les
divers peuples de l'anliquile ont inventees au sujet des pre-
miers homines et du premier etat de la terre.
Je crois egalemcnt que M. Schlosser aurait pu se dispenser
d'entrer dans des recherehes sur les races et dans la question
de sayoir si la terre a ete peuplee parune seule espece, ou
s'il y a eu simultanoment plusicurs especes ou races sur di-
vers points du globe. L'auteur rapporte les opinions dc quclr
ques naturalistes et physiologistes sur la diversite des races, et
il est dc l'avis de ceux qui pensent qu'il a du y avoir, des l'o-
rigine, plusicurs especes d'etres humains, altendu qu'il y a
des differences physiologiques trop marquees entre les races
pour qu'clles puissent provenir d'une seule et meme espece.
Si M. Schlosser avait voulu rapporter a cet cgard toutes les
opinions dcs naturalistes, dont les uns admettent quinzc es-
peces, et les autres quatre on cinq, il aurait ete entraine loin
de son sujet; etce qu'il en dit ne peut etre complet, ni par
consequent salisfaisant. Je crois done que l'auteur aurait
niieux fait de laisscr encore cet objet de cote, comma etarit
ctranger a son but, qui n'est autre que de resumcr 1'histoiro
des priiuipaux peuples de l'anliquite.
Les nations resscmblcnt aux Individus. Dans un ffffe
ET POLITIQUES. 549
avance on ne se souvient plus do son premier age, et Ton n*a
qu'uDC itlt'c conTuse ties jours dc l'cnfance. De nieme Ies na-
tions, ne se souvenant jamais dc leur origine quand leur his-
toire commence a s'ccrire, n'ont que des fables on de vagues
traditions sur leurs commencemens. On pent rapporter ces
traditions; mais je crois que l'hisloire universelle ne com-
mence que la ou les historiens anciens commencent a s'ap-
puycr sur quelques documcns certains.
C'est chez les Cliinois et les Indiens que M. Schlossertrouve
ties documens tie cette espece ; aussi est-ce par ces peuples
qu'il ouvre son histoire universelle. On sait neanmoins pen de
chose de leur antiquite,quoique leurs historiens lesfassent re-
monter tres-haut; quel<]ues pages ont sufli a l'autcur pour re-
tracer les fails historiques de chacune des deux nations. En
general, M. Schlosser, dont l'esprit parait preferer les re-
flexions philosophiques a la simple narration, est Ires-court
sur les evenemens publics qui constituent ce qu'on appclle
proprement Thistoiie ; mais il s'etend beaucoup sur les insti-
tutions des peuples, sur leurmaniere de se gouverner, sur leur
lilteralure et sur leur culte. On ne peut blamer Pauteor d'e-
tre entre dans ces details inslruclifs et interessans; mais peut-
clre ne fallait-il pas expedier si rapidement les evenemens
publics dansun ouvrage annonce comme une histoire univer-
selle. ,
Apres les Cliinois et les Hindous, 1'auteur fait paraitre sur
la scene l'empire de la Bactriane , Babylone et l'Egypte. Ce
dernier pays lui inspire des reflexions judicieuses sur l'insta-
bilite de la prosperite des peuples. « On est beaucoup plus
frappe encore, dit-il , tie la fragilite ties grandeurs humaines,
depuis que les travaux des Francais etdes Anglais out fait con-
naitre les admirables restes de la civilisation egyptienne et ties
ouvrages que les Greeset les Pvomainsy ont ajoutes. Qu'est de-
venue cette splendeur ? Elle a passe chez des peuples qui
comprcnnent l'esprit de leur sieclc, comme les anciens Egyp-
tlcns avaient saisi celui des terns primilifs. » Cependant, au
lieu de dtrouler les ancicnnes annales de ce people , et de nous
faire connaitre, au moins, la succession des prineipales dynas-
35o SCIENCES MORALES
ties. l'auteur se rontente tie purler des monumens, des castes,
de l'indnstrie et des arts cliez les Egyplicns, ct d'efflcurcr son
sujet au lieu de lc trailer a fond. Bossuet, tout sommaire qu'il
est, trouvepourtant inoyen de n'omettre aucun fait histonque
essentiel. M. Schlosser fait bien mieux connaitrc l'etat moral
et intellectuel de chaque peuple et de chaque epoque; mais
l'liisloire est trop peu developpee par lui; a peine est-e!Ie
nieme resumee. Ce qui est encore a l'a vantage de Bossuet,
e'est que cc grand ecrivain cite pour chaque. fait son autoritc
an has de la page : M. Schlosser se contcnlc de citer , de loin a
loin, avec une sobriete d'autant plus etonnante que les savans
allemands pechent ordinairement par le defaut contrairc.
L'auteur arrive ensuitc aux terns ou florissaient les Pheni-
ciens et les Juifs, et ou s'etablit l'enipirc des Perses et des
ftledes. L'histoire des Juifs est degagee ici de tout le mcrveil-
leux qu'elle a dans les annales de ce peuple ; 1'auteur juge en
philosophc les institutions de Moi'sc. Use hate d'anivcr aux
Grecs, qui sont, a ce qu'il pa rait, son peuple dc predilection,
car il lui a reserve les deux tiers de son histoire universelle de
l'antiquite. C'est qu'en Grece il est sur son terrain : la philo-
Iogie allemande a fourni tant de beaux travaux sur 1'histoire et
les institutions de la Grece, et 1'histoire de ce peuple occupe
tantde place dans les etudes des univcrsites d'Allcmagnc , qu'il
n'est pas etonnant qu'un professeur de Heidelberg Irouve
presque toute l'anti(juite chez les Grecs, et abonde en rensei-
gneniens et en reflexions sur ce peuple. Celte partie est aussi
rnieux pourvue de citations, et l'erudition de l'auteur y trouvc
moyen de briller. II semblerait que le reste de 1'ouvTage n'est
la que pour servir d'introduction a 1'histoire de la Grece, ct
que l'auteur n'a traite rapidement les terns precedens que pour
arriver a son sujet principal. On peut nieme dire que 1'histoire
de la Grece est la seule partie qui soit exposee avec soin , ct
conime ellc doit l'etre, et que lc restc a ete sacrifie a cetle ex-
position. M. Schlosser dira peut-elre qu'il a renvoye ses lec-
teurs a Touvrage de Heeren sur les peuples de L'antiquite;
niais cela ne le dispensait pas de bien remplir le cadre qu'il
s'etait trace, et qu'il annonce dans le litre.
ET POLITIQUES. 35 1
Loin (le se trainer sur les traces d'autres auteurs, M. Scblos-
ser juge et presente les fails d'apres les resultats de ses propres
recherches; aussi rectifie-t-il beaneonp de fails erronement
presentes , et il contredit sonvent des autenrs d'unc grande
reputation qui ont pu se tromper pour n'avoir pas compare
toutes les donnees que nous four nit Fantiquite sur un evene-
ment ou sur un personnage hislorique. II juge, par excmple,
au sujet de Fhistorien anglais Mitford, auteur d'une histoirees-
timcede la Grece, que cet auteur eerivait dans le dessein de de-
nigrer tons les gouvernemens populaires, el de louer tons les
tyrans;(i) « et il pcnseque Fabbe Barlhelemy partait de princi-
pestoutdiffcrens ; cequi senihlerait fairecroire que I'auleur du
Voyage d'Anacluasis favorisait beaucoup le regime pop u (aire;
je ne crois pas que la lecture de son onvrage justifie celte
opinion. Quant a Mitford, M. Scblosser parait avoir raison ,
en ce que l'auteur anglais a voulu rebabililer la memoire de
quclques rois de Fantiquite qu'il a cm sans doute nial juges;
les principes poliliques entraient peut-etre pour peu de chose
dans ces paradoxes, ou , si Fon veut, dans cetle maniere de
voir et de juger. M. Scblosser, apres avoir indique les divers
Stats qui se formerentenGrcce^et ceuxquelesGrecs formerent
au dehors de leur palrie, arrive a l'opoque brillante ou Athenes
devint une des villcs les plus illustres du monde, et un des
foyers de la civilisation des peuples. Ici , nous trouvons les
guerres racontees en detail, les institutions et les lois des Grecs
expliquees d'une maniere lumineuse, les pei'sonnages qui ont
joue un role dans les grands evenemens, juges d'apres les fails
etd'apreslcs autorites anciennes. Deplus, M. Scblosser ajoute,
pour chaque epoque, comme dans le premier volume, des
eclaircissemens sur Fetat politique, civil et intellectuel. Les
poetes, les historiens, les philosophes, les orateurs de chaque
epoque sout apprecies par un homme qui les a profondement
etudies, el qui est au fait des recherches des savans modcmes.
(i) M. Neelc , dans son ouvragc : Romance of history (Londies i8sft) ,
blflme egalement Mitford de n'avoir juge les anciens qu'avec la preven-
tion de l'esprit aristocralique.
7>52 SCIENCES MORALES
Je vais citor un passage pour donner une idee de la manure
dont I'auteur prcscnle et apprecie les fails. II s'agit de Petal
de la ville d'Athenes a 1'epoque oi'i Pericles fascinait les ycux
par l'eelat de son gouverncment, ct on Alcibiade corrompait
les niocurs par ses vices brillans.
«Tandis que I'esprit de parti ct la soif de la domination
perdaient une parlie dcs Atheniens, le luxe et les richcsses
influaient sur les autres; enfin 1'accroissement du n ombre des
esclavcs bouleversa les rapports sociaux. Quelle preponde-
rance ne donnait point a Nicias la propriete de mille esclaves!
Combien Alcibiade ne s'cleva-t-il pas an dessTis de I'Atbe-
nien des premiers terns, lui dont les afl'rancbls pouvaient
jouer un role dans l'Etat? Au terns dont nous parlous, il l'al-
lut que le plus grand nombre des citoyens renoricat aux pro-
fessions; elles demeurerent abandonnees aux esclaves. On
vivait alors de la solde militaire et du droit de presence, et
Ton atlendait, pour s'cnrichir, leparlage d'un Etat etranger.
Cimon avail deja commence a gro'ssir le patrimoine des ci-
toyens par le'pillagc et les distributions ; Pericles alia beau-
coup plus loin, ainsi que leprouvent les exemples de l'Eubee,
de Samos et de Naxos. On se rappelle quel fut pendant la
guerre du Peloponese le sort de Melos et de Lesbos. La vi-
lete des prix, comparee aux moyens d'acquerir une existence,
laissait aux Atheniens la faeulte de se livrer aux arts, au
theatre, aux enlreliens pbilosophiques, et a toute espece de
divertissement intellectuel, sans que leurs affaires en souffris-
sent de prejudice... Jusque bien avant dans la guerre du Pe-
loponese, le particulicr vivait en general fort modestement ;
mais Pericles, pour la seule construction des Propylees, puisa
dans le tresor pres de 2J millions, et 5 a 4 millions sorlirent
de la bourse des citoyens pour les vases sacres ; enfin 40 la-
lens d'or furent employes a la statue de Minerve. Sur la place
publiquc, dans les boutiques, sous les portiques, on Ton se
rassemblait, comme aujourd'hui dans les cafes, on s'cntrele-
nait des arts, et sur v!ngt citoyens il y en avait bien trois que
leur position sociale mettait dans le cas de s'en occuper. II
ET POLITIQUES. 555
en etait de meme de la science de la parole et de celle de la
poesie, de la dialectique et de la grammairc. Chacun pou-
vait etre appele a rendre compte des affaires les plus difficiles
et les plus embrouillees ; chacun entendaitprononcer lesdis-
cours les plus eloquens : la place publique, les affaires jour-
nalieres, les tribunaux suffisaient a 1 'etude. II n'etait pas be-
soin de langne etrangere, ni d'autres connaissances que celles
qui se liaient a la vie commune de l'Athenien. II ne faut
done pas s'etonner que l'on eut la pretention de bien juger
les arts, la poesie, 1'eloqucnee. »
L'examen que M. Schlosser fait des ceuvres des principaux
poetes, orateurs et historiens de la Grece, est plein d'instruc-
tion et d'apercus interessans. En s'oecupant de Tanalyse
des tragedies d'Eschyle et de Sophocle, il est amene a tracer
un parallele entre ces deux grands poetes. « Dans Sophocle,
dit-il, e'est le siecle de Pericles et sa tendance vers les arts;
il ne conserve de vestiges ni de l'aristocratie d'Eschyle ni de
l'antique monarchic Quand il introduit sur le theatre un
maitre unique, e'est un tyran selon les idees grecques, ou
bien e'est un executeur de la volonte du peuple ou de la no-
blesse patricienne. DansEschyle, la religion est grande et ter-
rible ; clans Sophocle, elle garde un caractere d'amenile etde
serenite, meme la oii il est question des Eumenides. Dans
Eschyle, les femmes sont etrangeres al'Etat et aux entreprises
importantes; dans Sophocle, elles soutiennentle rule que leur
avaient donne Aspasie et d'autres courtisanes Le peuple
et la ville paraissent chez eux sous un jour tout different.
Dans Eschyle, I'Elat est compose de vieillards, de patriciens,
de pretres; dans Sophocle, e'est un public confus d'Athe-
niens dont la vanite recherche toutes les occasions de s'ap-
plaudir lui-meme. Les objets d'effroi el d'horreur s'eloignent
de la scene; car ils seraicnt desagreables a ce peuple trop de-
licat : il faut done qu'au lieu d'effrayer Sophocle atten-
drisse, etc. »
L'histoire de la domination des rois de Macedoine et des
eonquetes d' Alexandre oecupe, avec raison , une place consi-
T xlvi. mai i85o. 25
354 SCIENCES MORALES
derable dans cette hisloire uuiversclle. L'auleur examine ju-
dicieusement, et toujours a I'aide des temoignages des an-
ciens, ['influence que le plus grand conquerant de I'anliquitc
exerea sur le^sort des peuples, aiusi que sur la civilisation.
Acute du portrait d' Alexandre 1'auteur place celui de l'esprit
le plus vastedc la meme epoque et de I'anliquitc entiere, de
eet AristOte quieut la globe d'etre le preceptcur d'Alexandre.
« Si Ton exeepte les londateurs de religious, dit M. Sehlosser,
nul honmie n'a exerceuueplusgrande influence sur rinunanite
tout entiere qu'Aristote. INon-.-eulement il a domic des lois a
rOecident et a la religion chrelienne, mais il a gouverne l'O-
rient et rislamisnic; enfin, il a rcagi sur toutes les branches
des connaissances humaines. Sou esprit etait degage des ega-
remens de ['imagination, ses i'aeultes exquises s'appliquaient
seulement aux choses rcelles et possibles; aussi l'universalite
de son genie speculatif n'avait-elle pas echappe au createur
de la nouvelle p\iissance macedonienne ; il le donna pour
gouverneur a son Ills.... AristOte et Alexandre embrassaienl
tons deux l'univers dans leurs conceptions, tous deux vou-
laient le soumettre et en changer la lace. Le destin se declara
pour AristOte : quant a Alexandre, il ne put accomplir son
plan. Avant d'atteindre le Gange. le roi tout-puissant t'ut ar-
rete par l'opiniatrete de ses soldats, et l'Occident fut preserve
de ses conquetes par sa mort. Aristote, par ses recherches
historiques et philosophiques, voulut coordonner et diriger
toutes les connaissances humaines. II transmit a ses succes-
seurs tout ce (pie la Grece florissante avait conquis dans le
domaine des sciences et de la civilisation; mais il appartenait
aux terns modernes, et, pour certaines choses, aux dernicrs
terns seuleinenl, d'accroitre et de rectifier ses observations,
ou meme de les bien comprendre et de les bien expliquer. »
M. Sehlosser expose ensuile l'histoire des successeurs
d'Alexandre et celle des dynasties grecques en Syric et en
Egypte. II s'arrete a Ptolomee IV, Philopator, enajoutant un
tableau de l'ecole d'Alexandrie a celte epoque ou la domina-
tion romaine allait aneantir la dynastic des Grces. el les effacer
du nombre des peoples independans.
ET POLITIQUES. 355
M. Golbery a rendu service a la litterature philologique en
France, en traduisant un ouvrage qui rachete de grands de-
fauts par des parties traitees habilement et avec un profond
savoir. Le principal uieriledu traducteurest une fldelite scru-
puleuse a reproduire la pensee de l'auteur, et a ne rien
omettre de ses developpemens. Des personnes, qui tiennent
beaucoup a la forme, prefereraienl que le traducteur fut
restemoins fidelea l'original, eteuttraduit avec plus deliberte
et d'aisance. D'autres lui sauront gre de s'etre astreint a cette
exactitude, qui n'est pas commune dans les traductions. S'il
faut nous prononcer entre les deux opinions, nous sommes
d'avis que, dans un ouvrage d'instruction, il faut fidelement
reproduire le fond, et ne rien omettre des raisonnemens et
des fails, mais que, pour le reste, il est permisau traducteur
de consulter autant le gout de la nation pour laquelle on tra-
duit que celui de Fauteur que Ton vent reproduire.
n— c
LITERATURE POLONAISE.
PoEZYE AdAMA MlCKlEWICZA (l).
Poesies A'Adam Mickiewicz, traduites du polonais , par
MM. F. Miaskowski et G. Fblgence (-i).
Depuis long-tems le nom de Mickiewicz (5) etait popu-
laire dans tout le nord del'Europe; ct cepcndant aucune
de ses compositions n'avait passe le Rhin. Tandis que la
France accueille avec empressemenl les moiudres produc-
tions eclmppees a la plume des ecrivains celebres de l'Allc—
magne ou de rAngleterre, elle ignorait jusqu'a l'existence
d'un poetc qui va de pair avec les plus brillans genies de ce
siecle, et qui reunit dans ses vers a un eclat d'images tout
oriental 1'enthousiasme reveur et la sensibilite profonde de
POccident. Get injuste ouhli vient enfin de cesser : une tra-
duction elegante et fidele revele a la France Mickiewicz, et
nous pouvons proclatner, a noire tour, que 1'Europc compte
un grand poele de plus.
G'est, peut-etie, un beau don du ciel pour up jeune
homme qui garde au cceur une etincelle du feu sacre, qu'une
vie inquiete et orageuse. Au milieu de noire civilisation re-
guliere et monotone, de la pompe de nos salons et de
nos spectacles, de nos joies de ceremonig, je ne sais quel
voile d'uniformite s'etend sur la vie entiere : {'exaltation ,
(1) Paris, 1828 ; J . Uarbezal ct C'1' , rue des Beaux-Arts, n° 6 ; Geneve,
in cine maison. 3 vol. in-S° de 206-216 et 17S pages, avec le portrait de
l'auleur ; piix, i5 fr.
(2) Paris, i85o; Sedillot. Grand in-8° de 80 pages, avec le portrait dc
J'auteur ; piix, 3 fr. j5 c.
(3) On pro nonce Mitikevitch.
LITTER ATU RE. 35 5
traitee de folie, se refroidit vite ; on se raidit conti-e l'enthou-
siasme, chose etrange en effet, et de mauvais ton ; les ames ,
conimc les corps, s'assujcttissent aux gouts, anx bienscances,
etsemettent, pour ainsidire, an regime intellectuel dn pins
grand nombre. Mais, snpposez que le hasard, arrachant nn
jenne poete aux douceurs de la vie commune, le jette dansun
monde a part; qu'une passion violente, I'emportant ties sa
jeunesse, ait trouble son ame en y laissant une trace pro-
fonde; que, plus tard, une grave douleur l'ait dec-hire , une
de ces douleurs qui font saigner un coeur d'homme sans l'hu-
milier, et le forcer a rougir; alors cotnme il secouera les liens
facticesdont 1'aurail enchaine la societe! comme l'aigle preiv
dra son vol libre et superbe a travers l'espace! comme le ge-
nie se developpera dans sa grandeur et sa magnificence na-
tives! Tel fut le sort d'Adam Mickiewicz.
Ne vers 1798, en Lithuanie, dans la Pologne russe , iMic-
kiewiez est fils d'un avocat sans fortune. II commenca ses
etudes a Novogrodek , se rendit ensuite an gymnase de
AVilna; puis, en 181 5, suivit, dans celte ville, les corn's de
i'Universite. II etait alors un des eleves les plus distin-
gues du savant historien, M. Lelewel, etcultivait avec sueees
les litteratures grecque et latine, dont il posscde une con-
naissancc approfondie.
Un amour malbeureuxpour une jeufle fille de son voisinage
vint troublcr ces occupations paisibles : raconter cet episode
de sa vie n'est point de notrc sujet. II est dans le cceur des
abiines qu'un ceil curieux ne doit jamais penelrer, des pfeines
ameres et secretes qu'il faut respecter et taire. Ce qu'il im-
porle de savoir , e'est que L'inegaNte des fortunes mit un
obstacle invincible a l'union des deux amans, et que le sou-
venir de ces beaux jours d'esperances et de douces illusions
n'a jamais cesse de poursuivre Mickiewicz, et d'ajouter quel-
que chose de plus cuisant encore a toutes ses douleurs.
Cependant, son genie poetique s'etait eveille ; sa maitrcs-c
et son pays inspirerent ses premiers vers. II traduisit d'abcrd
des ballades allcinandes, puis traita des sujets nationaux ou
558 L1TTERATURK.
de fantaisie, et publia enfin, en 1822, un volume do poesies.
Ce recueil, qui contenait, autre aulres pieces, Grazyna et les
Aleux, fit sensation en Pologne. Pleiu do bcautes nouvelles
et originates, de recits nail's et d'eclatantes images, il contras-
tait vivement avecl'allure sententieusc, froidc et guindee que
la Pologne avait empruntee recemment a la litteralure fran-
caise du xvin6 siecle. Les partisans exclusifs de cette littera-
ture attaquerent Mickiewicz, ct ce dernier fut quelquefois
oblige d'abandonner la poesie pour la polemique, et de des-
cendre dans I'arene, arme de vehementes et spirituelles pre-
faces. A pen pres a la uieme epoque, il composait une ode
celebre parmi la jeunesse polonaise, et qui se lie plus intime-
ment encore a l'histoire de sa vie.
C'etait le tem6 ou l'esprit de liberte, qui avait remue I'Eu-
rope, s'eteignait de toutes parts, comprime par la ruse 011 par
la violence : le despotisme ebranle se redressait plus terrible,
et les constitutions s'ecroulaient , coinine trente ans aupara-
vant les trones. Indigne de ce spectacle, et de ce qu'il appe-
lait la lachete de l'age mur, Mickiewicz, dans sa genereuse
douleur, s'adressa auxjeunes gens, leur confiant la tache de
relever l'autel de la liberie , et il composa I'Ode a la Jeunesse,
qui fut couronnee par Y association des elites de CUniversite de
TVilna. II est permis de croire que cette composition fut un
des titles de Mickiewicz a la baine du gouvernement russe :
aussi, lorsqu'une mesure brutale vint frapper l'Universite de
Wilna, l'auteur de l'Ode a la Jeunesse ne fut pas oublie.
Ici commence, pour Mickiewicz, une longue serie de per-
secutions. A" sein de l'Universite de "VN ilna, un simple etu-
diant , Tho?nas Zam(i), avait forme une Societe litteraire
et scientilique, dans le but d'eutretenir l'esprit national ct les
habitudes morales, sans lesquelles le patriot is me meme degenerc-
rait en passion aveugle ct facile d rebuter. Cette association prit
le nom de Societe des freres rayonnans , ainsi nominee , parce
(1) Voir, dans la Bingraphie nnivcrsellc et portative des Contentporains.
par M. Boisjoslin, erliteur, Particle Thomas Zan.
LITERATURE. 35t)
que les etiulians I'urenl partages en sept classes, qui tirerent
leurs noms des sept rayons de La lumicro celeste : Mickiewicz
i*ul mis au nomine de< vingt philemathes, ou surveillansde I'a.--
sociation; et deja celte ideo de Thomas Zan promeltait a la
Pologne les plus beaux resullats, quand une denunciation
clandestine obligca la Societe de se dissoudre, en 1822. L'im-
prudence d'un jeunc etudiant attira bientot, sue les membres
disperses, une nouvclle persecution. En septembre 1820.
Thomas Zan fut arrete, jete en prison avec une foule de ses
caniarades , soumis a une euquete rigoureuse , pendant la-
quelle il deploya la plus heroique. fcrmcte. Mais il fut con-
vaincu d'avoir voulu propager I 'insensee nalionalitc polonaise ,
etenferme dans la forteresse d'Orembourg ; dcptiis, il n'a pas
reparu dans son pays. Quatre professenrs furent destitutes,
entre autres le savant Lelewel ; dix philomai lies condamnes au
bannissement perpetuel, et parmi enx Mickiewicz. Un grand
nombre d'etudians, deportes dans les regimens russes, out ,
clepuis , trouve la mort loin de leurs families et de leurs amis .
sous les rein parts de Silistric et de Warna.
Quanta Mickiewicz, on I'envoya a Odessa, et, durant son
sejour en Crimee, il composa des sonnets, dans lesquels il
retrace les merveilles de la nature d'Orient et les secrets sen-
timens de son time, avec une chaleur et tin eclat de poesie
dont les Tiistes d'Ovide n'approcberent jamais. Bientot le
gouvernement russe tleeouvrit. par sa correspondance . qu'jl
trouvait tolerable cc lieu d'exil. On le fit tout de suite partir pour
Moscou, et, la il fut place sous la surveillance de la police,
et atlacbe a la personne du prince Galitzin, gouverneur mili-
laire de cette province. Mais celte rigueur devint, pour Mic-
kiewicz, la source d'un adoucisscment inattendu a ses maux.
Le prince Galitzin fut emu de son sort ; nappe de son talent,
il tint a houneur de sc faire tin ami du grand poete, et le con-
iluisil a Saint-Pelersbourg. 011 Mickiewicz publia une edition
<le ses oeuvresj el ful aecueilli avec enthousiasme par cctlc
panic tie Tarislocratic moscovile qui, hop I'aible on (top in-
diffcrente pour secouerle joug, murmure ueannioins en secret
centre sa pesanteur. Mais sans doute lYiiqueiic de la pour? «'t
5Gu UTTUHATUIU:.
lcs exigences de hi police tmperiale convenaient pen a I'func
independante ilc Mickiewicz; il obtint, par le credit de ses ad-
miraleurs, la permission de quitter la Kussie, souslacondition
expresse de nc pas rentier en Lithuanie. II vint alors en Alle-
magne, passa quelque terns prcs de Goethe, a Weimar, et s'y
lia d'unc amitie solidc avec noire i [lustre slatuaire David. II
parcourj aujourd'hui l'ltalie, levant a ses forets natales, a son
bleuISiemcn , et projelant, pour distrairc ses ennuis, 1111 voyage
en Orient.
Ces revers de la fortune et ces violens oarages de l'ame
out developpe cliez le poele polonais mi Sentiment prolond
do melancolie. Patriole ardent el devouc, ses peines person-
nelles se sonl accrues encore de cell 68 de son pays : et parmi
les spectacles delicieux de la nature du midi, les fontaines de
Bakc:ysarai, et les ruisseauj; murtnttrant sur la molle urine, il
redit sans cesse, avec line expression dechirante de tristesse
et de regret, ce mot sidoux d' amour qui ria pas d'egal stir la
terre, si ce n'est tc mot de palrie; et ce melange de passion re-
\euse et d'eblouissantes couleurs prele un cliarme irresisti-
ble a ses vers. Xandis qu'il erre parmi les palais dclabres des
khans de Crimee, et parcourt ces galcries et ces vestibules que
batayail jadis le front des Baclias, on bien, qu'emporte par
son clieval il wit les furls, les vallons et les rochcrs coaler uses
pieds lour d lour, et /Hspnrailrc, scmblables au.r flots de la mer,
on aime a \ oir comnu. il se reprend avec delices au souve-
nir de la terre ualale, comme il s'ecrie, pleio d'une emotion
\ raie :
« 0 Lithuanie! le bruit de Us florets resonnait plus dou-
ccment a mon oreille que le chant des rossignols de Baulare
el des jeuncs filles du Salhire, et je loulais avec plus de joie
lcs Idiiilrieres que les muriers de rubis et les ananas d'or. »
La se revele l'ame tool entiere; et cette grave et poignant.;
douleur qui n'est pas seulement un simple degout du monde,
uue habitude de l'esprit, une exaltation passagere, mais qui a
-.(•> racifles an fond du coaur, sYtourdil un inslanl sans pouvoir
jamai- a'epuiser, et, toujours geesente , i it et se deccle miis
chaque pen^'e d:i poelc. Cette melanrolie. caractcrc disliuclil'
LITTER ATURlv 30 1
dc son genie, est d'ailleurs empreinle stir la figure COitlttife
dans les poemes tie MirkicAviez ; et qui vena le br-mzc oil
iM. David a modele les traits de son ami ne s'etonnera pas
que celui dont il eonlemple Pimage ait fait les Ai'eux, les
Sonnets de Crimec et Wallenrod.
Mickiewicz n'est pas seulemcnt un habile et grand artiste .
c'est un artiste inspire, done du talent d'improviser, comme
de eelui d'ecrire. Qu'il se trouve an milieu de ses amis; que
le son du piano, le refrain d'une chanson nationale reveille
son sentiment poetique , il demande un sujet, et verse sur cc
theme de hasard tons les tresors de sa riche imagination. Un
soir, en 1827, il etait a Saint-Petersbourg (1) , avec quelques
compatriotes , chez ML Adam Rzewuski : e'elait la veille de
Noel et Tanriiversaire de sa naissance. II Aenait d'improviser
quelques vers, lorsqu'exalte par les transports de ses amis, emu
paries souvenirs de la Pologne quelui rappelait le cercle reuni
devant ses yeux, il demande tout a roup un sujet de tragedie
emprunte a I'histoire nationale. On se presse aulour de lui,
on se consulte : une voix prononce le nom de Samuel Zbo-
nnvski (■?.) ; Mickiewicz accepte, et sort un instant. On attend
son retour dans le silence : chacun cherehe a rassembler dans
sa memoire les evenemens, les personnages qui pouvaient
figurer dans celte tragedie. Mais le poete rentre, et son drame
est pret. L'imagination l'a transporte dans la Pologne du
xvie siecle : d'admirables accens jaillissent de son ame ; fac-
tion marche, se developpe, se lie, et deja il avait declamc
plusieurs centaines de vers, lorsqu'au milieu d'un discours de
reproclies que Zamoyski adressait a Samuel, ses forces Vahah-
donnent, il chancelle, et tombe evanoui sur un siege. Des
hirmes d'emotion, des cris d'enthousiasmc eehappent a I'as-
semblce cnlicrc : on environne le poete, et quelques-uns de
(i) Extrait d'une Lcltrc ecrite par it ti lemoin oculaire.
(a'j lTn des plus mauvais citoyeus de la Pologne, qui la remplil de trou-
Imcs el d'inlrigues, au tenis de Henri III. — I.c sujet du drame etnit fa
liitle de ce lactirux avec I'i'lusUe Familledes ZarrnOAiki.
36a UTTKHATURE.
nous, dil I'auteur de la letire, restent comme petrifies, Irs
yeux fixes Mir Pobjct de tears adorations Ce fut la un beau
jour pour Mickicwicz, un de ces jours qui font supporter bien
des mois de souffrance, el rappellent encore que la vie est
belle, et, malgre les deceptions de la fortune, ne laisse pas
que d'avoir ses enchantemens.
Tel est lc poele que MM. Fulgence et Miaskowski cn-
treprenncnt de naturalise!- parmi nous : avant de parler de ses
ouvrages, nous avons du parler de sa vie, de ses disgraces,
des tempetes qui 1'ont troublee. Dans les siecles oii la poesie est
l'expression et, pour ainsi dire , 1'bymne de la societe entiere,
1'echo de la voix commune et l'imagc des secrets sentimens de
tous, le nom et la vie du poete peuvent et doivent meme res-
ter ignores. Qui a ecrit ITliade ou le Romancero ?peu imporle ;
et pourquoi vouloir atttacber un nom d'auteur a ces cbants?
II ne leur faut qu'une date. Mais , dans nos terns ou la poesie
est, conime les homines, toutc personnclle et individuelle, ou
il n'y a pas d'unite dans Part plus que dans la societe, le poele
n'a de valeur qu'a la cendition d'etre original. Ses idees et ses
emotions propres revivent toules dans ses cbants : et a qui ne
connait pas l'homme , I'eeiivain ne presente qu'une enigme
indechiflrable. Connnent sentir et juger Chihle-Harold. Man-
fred et Lara, sans les Memoires, les confidences de lord Byron?
II en est de meme pour Mickiewicz ; et le meilleur commen-
taire de ses livres , e'est son bistoire.
Deux passions, l'amour et le patriolisme ont inspire les \ers
de MickieAvicz , conime elles ont renipli sa vie. Au matin de
sa jcunesse, lorsque l'avenir se peignait a ses yeux de rianles
couleurs, et que, fier de son talent, il avait encore confiance
en la fortune, il fit des vers d'amour, et cornposa le poeme des
Aleax. Plus lard, quand ces illusions disparurent et qu'a leur
place de trisles realiles vinrent l'assieger de toules parts, il
seniblc qu'il ait ressenli plus vivement les maux de la Po-
logne , conime si ses peines avaient ramene natnrellemenl
ses regards sur celles du pays. De ces deux sentimens
est resullc unc poesie plus energique, plus nervcuse^ les
LITTEUATURE. j(>5
Sonnets de Crimee et Wallenrod. Que si vous supposez relic
poesie du coeur cmbcllie de tout I 'eel at de 1'imagination, parfife
d'un luxe d'images, altcrnativement suaves et gigantesques,
vous aurez line idee du genie de Mickiewicz, et vous com-
prendrez faeilement eombien un tel poete doit etre chei' au
pays qui Pa vu naitrc.
Le debut de Mickiewicz dans la carriere liltcraire fut bril-
lanl ; et, depuis, sa gloire n'a pas cesse de giandir. II publia
d'abord des Ballades el les poemes de Grazyna et des Aieux.
De tous ses ouvrages Grazyna sera le nioins goute des lec-
teurs franca is ; car son merite principal console dans une
fidelite scrupuleuse a reproduire les formes elegantes et la
purete de la langue polonaise an xvie siecle : e'est un sujet
tire des anciennes Annales lithuaniennes. Litawor, i'un des
princes de ce pays, vient de conclure un traite avec l'Ordre
teutonique pour depouiller ses freres. Sa feinme Grazyna
Papprend : elle envoie secrelement au grand-maitre un mes-
sager muni de faux ordres du prince et charge de rompre le
traite. Les chevaliers, irrites de ce manque defoi, attaquentle
chateau de Litawor. II elait nuit ; Litiwor dormait : Grazyna
prend ses amies, court aux remparts, et meurt en combat-
tant. Mais, au bruit de la bataille, Lilavvor s'est eveille : la vuc
de sa femme expirante exalte son courage ; il fait un horrible
carnage des Croises : puis, vainqueur, se precipite dans les
flammes du bfi( her qui vient de consumer les restes de Grazyna.
Parmi les Ballades, les unes sont traduites de l'allcmand ;
les autres, originates, sont consacrees a reproduire en vers
simples el nail's des conies populaires et des traditions lilliua-
nieunes. Car Mickiewicz est, avant tout, un poete national; el,
dans les Aieux, drame plulot que pocme, et drame de passion,
apparaissent encore de vieilles coutumes locales et des super-
stitions de paysans.
La scene est en Lithuanie. Un usage, qui rcmonle au terns
du paganisme, veut que, le jour des marts, on evoque les
ames du purgaloire pour leur offrir quelque adoucissement a
leursmaux, des privies, ou meme des dons mater jels,du pain.
564 LITTEilATURE.
<les fruits el dii hit, Ccs cert'-mnnics, qui, comme toutes les
Petes ilu moyen &ge, dmmaieiit naissance a dcs orgies, furent
proscrites par l'Egliso. fttafs l(>s naysans, fideles a leurs tradi-
tions, vont encore celebrer Ic jour des aieux an fond dcs bois
et dans les chapelles en mines. Une solennite de cc genre
a fourni a Mickiewicz le snjet d'nn poemc, dont deux parties
senlenient ont parn. 11 suppose que la foule est rassemblee
dans un temple a demi-delruit ; \\n magicien, sorte de pontife
populaire, eonvoque autour de lui les ombres : elles apparais-
sent a sa voix, puis s'eloignent : une senlc est restce, malgre
gfes evocations et ses menaces, et s'attache opiniatrement aux
pas d'une jcune CiWe.
A la nuit tombee, utt vieux p ret re fait reciter aux enfans
qu'il instruit les priercs de 1'Eglise. Un inconnu demande l'hos-
pitalite : il est vein d'une facon bizarre, et parle un langage
plus bizarre encore. Ilraconteen termes obscurs une triste his-
toire d'amour. Mais, au milieu de ce terrible et singulier dia-
logue, le pretre et le voyageursereconnaissent : c'est Gustave,
son eleve cheri : il est devant ses yeux, mais pour y mourir,
et . apres avoir embrasse son maitre, il se frappe d'un poignard
qu'il tenait cache sous son manteau , et il expire sans qu'au-
cun sccours humain puisse le sauver.
Or, Gustave estcette ombre qui troublait la fetedes aieux :
de\ ore d'une passion violente, ce jeune homme a mis fin a sa
\ie, et Dieu l'a condamnc a errer chaque annee un mois sur la
lerre pour revoir la demeure de celle qu'il a tant aimee , et
consommer de nouveau son crime parmi d'horribies angoisses.
Ce sujet l'antastique, etquisemble une h'-gende d'un vieux mo-
nastere , Mickiewicz l'a pare de tons lescharmes de la pocsie :
la dernicre partie surtout, avec ses inventions bizarres et ses con-
templations mystiques, est pourtant un chef-d'oeuvre de grace
el de sensibilite profonde. Nous citerons un passage on Mic-
kiewicz, sous le nom de Gusiave, retrace les impressions et les
senlimens desa jeunesse. II s'adresse au pretre : « Epris des il-
lusion- que m'ollraient mes songes. degoute du cours mono-
»one d(s choses d'ici -has. ct dedaiKuant les etic- d'une nature
LITTER ATU RE. 365
rulgairc, je cherchais , j'appelais cette divine amantc qui
n'exista jamais sous le soleil , cette amantc qu'un souflle d'en-
thousiasme avait fait nailre sur les vagues mobiles de l'imagi-
nation, et que le desir avait embellie a souhait de mille fleurs.
Mais, dans ces terns glaces, il n'y a point d'ideal : a travers
le present, j'ai pris mon vol vers Ytigc d'or ; je deployais mes
ailes dans le ciel des poetes; je poursuivais, j'errais, sans me
lasser de ma course. Enfin, apres de longs voyages dans ces
oonlrecs lointaines, je retoinbe, et j'allais me precipiter dans
le torrent des infames voluptes. Je m'arrC-te un instant : je jette
encore un regard autotir de moi ; je l'ai trouvee enfin cette
amie. je l'ai trouvee pres de moi : je l'ai trouvee pour la per-
dre a jamais. »Nous n'ajouterons qu'un mot; tel fut reiiihou-
siasme quisaisit la jeunesse polonaise, a l'apparitiondes Aicux,
quel'exemple deGustavefut, dit-on.contagieuxpourplusieurs.
Werther sen! avait exerce cet empire sur les ames; influence
deplorable, sans doutc, mais qui It'moigne pourtant de la
puissance et de l'inspiration tin poete.
Vers le meme terns, Mickiewicz composait VOdea la Jeu-
nesse, bymnede patriotisme et d'espoir, on se mele. a un pro-
fond degout de l'indifference contemporaine, une foivive dans
l'avenir de la liberie. II y a dans cette piece des strophes qui
dechirent le cceur, quand on songe que cette noble jeunesse de
"Wilna , pour les avoir repetees dans ses promenades et ses
entretiensdu soir, pour les avoir commentees par ses actions,
a subi la persecution, le bannissement et les fers. MickieAvicz
exhortait ses amis a 1'union : lis l'ont payee cher cette union ;
et vraiment ils elaient propbetiquesces beaux vers du pocte :
« Courage, jeunes amis, quoique le chemin soit rude et glis-
sant, que la violence et la lachete nous en dispulent Pen-
tree, etc. »
Voici cette ode traduite avec une scrupuleuse exactitiule.
« Sans ame et sans coeur, pareils a des squelettes, voila les
peoples! Jeunesse! prete-moi des ailes! que je m'env.tle au
dessus dece monde decrepit, dans la region des illusions ce-
lestes, la on l'enthousiasme enfante des miracles, inonde la
366 LITTKRATURE.
tunc dc flours nouvelles, et embellit l'esperance d'images do-
rees.
» Que celui que l'fige a fletri courbant vers la terre son front
sillonne, que celui-la s'enferme dans le cercle que decrivent
ses debiles yeux.
»Mais toi, jeunessc, vole au-dessusde l'horizon, et de ton
ceil aussi peccant que le solcil penetre d'une cxtremito a l'au-
tre tous les espaccs de l'humanile.
»Regarde la-bas, oil un brouillard etcrnel obscurcit cette
masse inondee d'un torrent de basscsses : e'est la terre. Vols
oonime sur ccs eaux livides surnage un reptile dans son en-
veloppe hideusc, navire, pilote et gouvernail a la fois, poursui-
vant d'autres reptiles plus petitsquelui ; tantot il s'elance a la
surface des eaux,tantot plonge au fond : il ne songe pas aux
tempetes, ni les tempetes a lui; mais, tout a coup, il se brise
en eclats contre un rescif : nul ne savait sa vie, nul ne sait sa
mort. Cest 1'egoi'sme.
»0 jeunesse! le nectar de la vie ne m'est doux qu'alors
que je vide la coupe avec d'autres; la joie ne saurait abreuver
les coeurs, si des liens sacres ne viennent les unir. Union ! jeu-
nes amis, union ! Le bonheur commuiL, voila notre but. Foils
de notre alliance, eclaires par l'enthousiasme, union ! jeun<^
amis !
»Heureux memecelui-la qui, enlraine par un noble delhv,
succombe dans la carriere ! Son corps est un echelon de plus
vers le temple de la gloire.
» Union! jeunes amis! quoique lc chemin soit rude etglis-
sant ; que la violence et la lachete nous en disputent l'entrec :
la violence, qu'elle soil repoussee par la violence : la lachete,
apprenons a la terrasser des l'enfance.
i) Celui qui, enfant au berceau, brise la tetede l'hydre, jeune
homme etouffera les centaures, arrachera des viclimes aux en-
ters, et ira cueillir des lauriers au ciel.
» Penetre on lavue ne penetre pas; brise ce que la raison ne
brise pas! O jeunesse! ta vilesse est relic de 1'aigle; Its bras
soul rommc la foudre.
LITTERATURE. 367
» Allons, joignons nos bras; ceignons de cette chaine indis-
soluble la sphere du monde. Concentrons nos pensees en un
seul foyer, en un seul foyer nos umes.
»Sors de tes fondemens, vieil univers! que nous te pous-
sions, vers des routes nouvelles, et , debarrasse de Ion
ecorce pourrie, tu vas rappeler les jours fleuris du printems.
»Comme dans l'empire du chaos et de la nuit, trouble par
le choc confus des elemens, un mot sortit de la bouche de
Dieu, et Ton vit le monde rouler sur son axe, les vents souf-
fler, les ondes couler , et le ciel se parsemer d'etoiles : ainsi
dans les regions de l'humanite il regne une nuit profoude. Les
passions luttent encore ; mais la jeunesse brule d'un feu crea-
teur, d'oii sortira le monde tout anime : l'amour lui soufflera
la vie, et l'amitie Taffermira sur une base eternelle.
» Soudain vont disparaitre et la couche de glace qui resserre
lescoaurs, et les prejuges qui obscurcissent la lumiere. Salut,
aurore de la liberie ! presage d'un soleil libera teur! »
Entre l'Ode a la Jeunesse et les sonnets de Crimee il y a
une transition naturelle, Cex'U. Relegue a Odessa, comme pa-
triote polonais, Mickiewicz parcourut la Crimee, les mines de
ces villes jadis fiorissantes, et les monumens devastes oii triom
phait l'orgueil de ses khans : il visita surtout ses vallees, ses
paysages enrichis de toutes les splendours de l'Orient, et il
consacra les souvenirs de son voyage dans dix-huit sonnets,
etincelans de beautes poetiques, et oii se peignent admirable-
ment les alternatives de plaisir el de douleur qu'excitaient en
son ame tantot les merveilles de la nature, tantot le souvenir
de son pays et de son amour. Ainsi , parmi les ruines du cha-
teau de Balaklawa, il ecrivait ce Sonnet :
Raines da chdteaa de, Balaklawa (1).
« Ces chateaux, reduits en d'innombrables decombres, t'em-
(1) Surle golfe dc ce nom s'elevent les mines d'un chateau bali par des
Grecs de Milet, et dont les Genois fiient plus laid une foiteresse sous le
nom de Cembalo.
308 LITTERATUKE.
bellissuient ct Ic gardaienl , 0 Migrate Crimcc ! Aujourd'hui ils
berissout les rocbers commc dcs cranes do gcans : les reptiles
les habitcnt, on des homines pijres que Les reptiles.
» Kscaladons la lourellc ; je chcrche les traces des armoirics :
voila line inscription, peut-etre le nom d'un heros, terrcurdes
arniees, qui dort dans l'oubli , cnvcloppe comme un vcr des
feuilles do la vigne sauvage.
»Ici lc Grec ciselait dans les murs les orneniens attiquos :
ici l'ltalien imposait des fers aux Mongols : la le pclerin de
la Mecqne murmurait un pieux namaz.
» A present, lcsvaulours planent autour des tombeaux avec
leurs ailes noires, semblables a ces drapeaux de deuil qui,
dans unc ville depeuplee par la pesle, flottent eternellement
au liaut des bastions. »
Puis, quand fatigue de ces excursions, et rassasie de spec-
tacles, il rentrait en lui-meme, et songeait a son exil, aux
compagnons de sa jeunesse, au sol qui l'avait nourri, a tous
ces details encbanteurs clont se compose Thlee de patrie,
alors il oubliait l'Orient, et scs delices et, ses fleurs; el, s'a-
drcssant au Niemen (1) :
« O INiemen! fleuve qui m'as vu nailre! on sont tes eaux
que je puisai jadis dans mes debiles mains, et qui, plus lard,
me portaient vers quelque asile sauvage , cbercbant du repos
pour mon coeur agite ?
»C'est la queLaure, contemplant avec orgueil 1'ombre de
ses charmes, se plaisait a tresser scs cbeveux, ct a parer sa
tete de fleurs : e'est la que, jeune enthousiaste, je troublais,
du torrent de mes larmcs, son image qui se dessiuait sur le
sein de l'onde argenlee.
»0 Niemen! 6 fleuve qui m'as vu nailre! on sonl tes eaux
d'autrefois, et avec elles rant de bonbeur, tant d'esperances?
on est-elle .clle aimablc gaile de mes jours d'enfance?
»Et cette inquietude plus aimable encore de la jeunesse
(i) Ce sonnet, qui ne fait pas partie de ceux de Ciiniee, senible pour-
tant avoir tic compose a la memc cpoqur.
LITTEIUTURE. 369
oragouse? Oii est ma Laure, ou sont mes amis? Tout est
passe; pourquoi mes larmes ne passent-elles jamais? »
Nous avons reuni ces deux sonnets, parce qu'ils expriment
lieureusement la double inspiration qui a produit tous les
poemes de Miekiewicz : 1'enlhousiasme pour les bcautes de la
nature et la mclancolie sicgeant toujours au fond du coeur.
Parfois, c'est la poesie exterieure, et, potJPainsi dire, ['Orient
qui domine; parfois, c'est la reverie et la peinlure quelque
pen inetapby.-ique des tourniens de l'ume; mais ces deux sen-
timens se mclent et se confondent sans cesse : et dans leur
alliance est le charme et la veritable unite du poete.
Des ouvrages de Miekiewicz, Konrad IV allcnrod est cehii
qui represent* le mieux ce double caractere de son talent. II
etait difficile de rencontrer un plus beau sujet de poeme,
diflicile encore de le trailer avcc plus d'art et d'originalile ;
et ce livre, comme Marmion 011 Lara, unit l'interet du romau
a l'eclat de la poesie. Wallenrod est un Litbuanien qui , an
milieu d'unc lulle sanglanle entre ses concitoyens el 1'Ordre
teutonique, voyant la cause nationale desesperee, va, sous un
nom suppose, s'illustrer dans les armees cbretiennes de l'Es-
pagne , puis entre clans I'Ordre , conquiert, a force d'exploits ,
la dignile de grand-maitre , et , vengeant alors son pays., va
perdre au siege de 'NVilna la gloire et l'avenir des chevaliers.
De retour a Marienbourg, il est eondamae par le tribunal se-
cret, et meurl, ainsi que la solitaire Aldona, que des liens in-
connus de tous attacbaient a son sort. Voici le passage ou
Wallenrod, scion l'usage des juges secrets, apprerid sa con-
damnation. 4
« Alf (nom litbuanien de IV alter) en-ait sur les rives
du lac, sans but, sans pensee, sans desir. Id 1'attire
un desert; la, une montagne neigeuse; il Inmve quelque
soulagcment, quelque fatigue, dans ces aspects sauvages et
dans la rapidite de sa course. II se sent mal a l'aise, etouffant
au milieu de ces brumes d'biver. II jetle son manteau, son
armure; il arracbe ses habits; il depouille son sein de tout,
bors du chagrin. II etait matin, quartd il vint pros des rem-
t. xlvi. mai iS5o. v-4
3-o UTTERATURE.
parts ilt: la villc. II apercoit cmiimc nnc ombre, s'ain te , ob-
serve : l'ombre lourne autour dc lui, glisse sur la ncigc, ct
se nerd dans Ics fosses; on n'enleiul que lc cri malhcur!
malhcurl malhcur! A ccs mots , Alf s'eveille , s'ctonne , re-
flechit mi instant. 11 a tout eompris. — II lire son cpec , se
rctourne tie tons coles, epic d'uti exit inrjuiel ; mais rieo a
Thorizon; seulcme<M, a travers les gucrels, la heige route en
lourbillons; le vent du nord sifllc. II rcgardc la rive, s'ar-
relc emu, puis, d'un pas lent et chancelantj il rclournc vcrs
la tour d'Aldona. »
Certes, il y a quelque chose de vraiment myslciieu\ et
d'inallendu dans cctlc signification d'en arret de moil.
JVaUcnrod , comme la plupnrt des poemes de Mickiewicz,
if est pas sculement one oenvre dc l'esprit, e'est encore un aclc
de patriotisme ct un souvenir du pays. II y a du rapport
enlre la condition des Lilhuaniens opprimes par les Crosses
ct cclle de la Pologne soumisc au dcspolisme. njoscovile. Ce
rapprochement a frappe le poete. Sans doule, lorsqu'il re-
muail les vieillcs gloires de sa tcrrc natale, ct demandait un he-
ros aux chroniques du moyen age, scs regards se sont oatu-
rellcment arretes sur des malheurs scmhlables a ccux de son
lems; ct, quand il a montre 'NYallcnrod conlcmplant avec un
affieux sourire les desastres des Allcmands, il a songe peul-
elre qu'un jour viendrait on la Ilussie paicrait a son tour les
maux de la Polcgnc. D'ailleurs, fidelc a la veritc et a l'exac-
litudc historique, il s'est garde de transporter les idecs et les
passions de notre cpoquc dans le mondc du xiV sieclc; el,
lors meme qu'il s'inspirait du triste spectacle qui se dcroule
sous scs yeux, il revetait encore son tableau dc coulcurs an-
tiques, ct reslait peintre curieux des coulumcs, des croyances
et des superstitions de l'anciennc Lilhuanic. A notre avis,
e'est la un des plus grands nieriles du poeme dc IV allvnrnd
qu'il soit le produit d'une emotion toute conlcmporainc ct
toute vivanle sans que ricn trahisse l'allusion ; qu'il louche',
comme un interet prcssant cl actucl, ct charme, comme un
souvenir des (cms-passes. Aussi, nous n'hcsilerons pas a pre-
LITTERATERE. 3;i
ferer W 'altenratl au Farts (i), otfVrage d'une composition plus
rercnte, et que les admirateurs (!c 31ickit; wiez placent volon-
ticrs an premier rang. Ce poeme, die die a un comtc "Wcnecs-
las Uzewuski , seigneur polonais, qui. nprrs dc longs voyages
en Orient, cut la singuliere idee d'adopter les moeurs et la
manierc de vivrc des Arabcs ; ce poeifle, dontlcnom meme
est oriental, decrit avec un rare honhcur d'expression les sen-
sations diverses qui agitcnl i'limo d'un cavalier arabe courant.
an hasard a travers 1'inimcnsite dti desert. Mar. , quelles que
soient la richesse de cette eclatanle poesie, et la magnificence
dc ces vers on le Paris', menace par l'ouragan , apercoit der-
riere des monticules de sable les os blanchis d'une caravane ,
on peut se lasser de ce torrent d'images : on aimera toujours
la poesie des sounds et dc IVallcnrod, celte poesie d'emotion
et de sentiment , la seule vraie, la seule qui reveille uae vive
sympatbie, parce qu'elle part du cceur.
Ce ret our perpetuel aux traditions d'une gloire decline,
cette tendresse filiale pour une patrie qui ne vit plus que dc
souvenirs, ont rendu bien cher aux Polonais le nom de Mic-
kic^vicz, et ils n'ont jamais cesse de lui prodiguer des
temoignages d'un sincere attacbement. En 1828, la com-
tesse Ostrowska fit publier a Paris , sous la direction de
M. L. Cbodzk.0, une edition complete des oeuvres de Mickie-
■nicz : e'etait le premier livre polonais imprime en France ,
et le prix de l'edition fut oflert, dans son integritc, an poete.
En meme terns, les patrioles de la principaute de Posnanie,
voulant bonorer le genie dc Mickiewicz , el ivparer, autant
qu'il ciait en eux, les injuslcs persecutions dont il etait vic-
timc, publierent dans la meme intention, a Posen , une edi-
tion de scs oeuvres. Anjourd'hui. M. ."Uiaskow.-ki rend encore
nn eclalant hommage au poete national, en le faisant coh-
naitrca la France. Aide d'un collaborateuf habile, M. G. Fri.-
cesce, il a su rendre tonics les hardiesscs de l'original , sans
briscr ['harmonic, et sans altcrcr la purcte et la precision dc
Farts, le chevalier cbez lc= Aral es.
372 litterature.
notrc langue. Son travail sera sans doute couronne d'un ple'm
succes, et la France, dont riiospitalite accueille tontes les
gloircs, comme toutes les inforlunes, placera Mickiewkz an
nouibre des ecrivains les plus distingues dont s'honore le
xixe siecle (1).
L'auteur de IV allcnrod s'eleve, en effet, au dessus du vul-
gaire despoites, et son nom, comme eel ni de Byron, de Beran-
ger, de Lamarline , de qnelqnes antrcs encore forces a hitler
contre des preventions contempoi'aines, est nn de ces noms
qui surnageronl dans l'avenir. Plus jenne que la plnpart de
ces homines superieurs , Mickiewicz n'a pu atleindre encore
son complet developpement, et donner tonle samesure rl'exa-
geration dn coloris et ('affectation do la sensibilitc deparent
quelqnefois ses plus belles pieces; mais ces delauls disparai-
tront avec le tcins, surtout s'il se derobe de plus en plus a
rinfluence de Goethe et de l'Allemagne, dont l'esprit semblait
avoir" dicte son premier recueil. 11 paraitrait aujourd'lini se
rapprocher plutot de lord Byron, quoiqu'une parlie de TVal-
lenrod et le Faris soient des conceptions tout-a-l'ait originates.
Mais limitation de t'Angleterre est moins dangereuse pour
Miekiewicz que celle de l'Allemagne. Porte naturellement a la
reverie, et a cette sorte de mysticisme philosophique common
au-dela du Rhin, le poete, sur les pas de l'ecole allemaude,
pouvait se perdre par I'abus du fantastique et la vague et per-
petuelle contemplation du monde inlellectuel. L'eludc de
Byron le ramenera neccssairement a celle de iaviercelle, sans
(1) Nous ne pouvons nous empecher de payer iciun juste Iribut d'eloges
au patriolisme des jeunes Polonais relentis a Paris par l'amuur de la
science. Tandis que M. Leonard Chodzro eleve mi monument durable a
la renonimee des legions polonaises , et que M. Miaskowski traduit Mic-
kievvicz , MM. Sowinski , Olkszczynski IVeres ajoutent aux-autres globes
de leur pays celle des beaux-arts ; M. M. Podczaszynski se livre a de savan-
tes reeberches sur la litterature des aneiens peuplesslaves ; M. Pbzycodzki
traduit Bentham ; tous , en unmot, d'un consentement unanime, con-
sacrent Ieurs efforts ft preparer ft leur maibeureux pays tine vie et une
pmspeiite nouvelles.
UTTERATURE. 577>
lui ravir ce qu'il y a tie gracieux et tie touchant dans sa douce
et triste imagination. Quand on a fait les Aieux, il y aurait
peril a se nourrir de Weriher : car, peu a peu, on pousserait
la sensibilite jusqu'a la demence : mais on pent lire et relire
Manfred ou Lara : avec une telle time, on ne copiera jamais
Dom Juan.
Alphonse d'Herbelot.
L'Astronomie, poeme en six chants, par P. Daru, d« I'Academit
franc aise (1).
Un double Iribut d'eloges a deja ete paye , dans le sein de
FAcademie francaise, a la memoire de M. Daru. Le plus il-
lustre de nos natu-ralistes , le jeune et celebre auteur des Me-
ditations poctiques, ont successivement retrace, avec des
formes et des couleurs differentes , la probite severe , I'in-
croyable activite de l'adininistrateur et de l'homme d'Etat, les
talens et la fecondite de l'ecrivain, les vertus privees et le
noble patriotisme du pair de France. Ces eloges, proferes par
deux bouches si eloquentes devant l'elite de la capitale, ont
deja retenti loin de nous; et, comme pour les mieux motiver
et ajouter a nos regrets, le pieux heritier des vertus et du nom
de M. Daru publiait, precisement le me me jour, le poeme de
V Astronomic, que son illustre pere s'elait efforce de relire et
de retoucber encore dans ses derniers momens.
Nous n'avons pas le dessein d'ajouter a de tels eloges, que
nous ne pourrions meme qu'affaiblir en les repetant; nous ne
devons d'ailleurs considerer ici, dans M. Daru, ni le ministre,
nil'oraleur, ni lepair; il ne sera pour nous que Fauteurd'un
poeme honorablemcnt connu avant d'etre publie, et auquel
on avait deja promis, peut-etre avec un peu de hate, une ce-
lebrite assez rare de nos jours pour ce genre de productions.
(1) Pari*, iS5o ; Finnic) Didot. I11-80 de x-5oo pages ; prix, 7 t'r.
:>;4 ijttlratukt.
Avant u'cxamiucr cct ouvrage, nous no pouvons, toutel'uii.
nous empccher dc dire quelqucs mots de la manicre dont il a
etc compose, lis fourniront unc nouvellc preuve do cello
mervcilleusc aptitude an tiavail, do ceiie encr;-ie de volonte.
dont pen d'hommes ont etc doucs au meme degro que Tole-
rant et infaligable traducleur d'Horace.
31. Darn avail hi, au mois d'aviil 1825, a une seance an-
mielle de l'lnstitut, un discours en vers sur les facultis de
I'liommc, 011 se faisaicnt remarquer, surtout, dc beaux vers
sur les progres de l'astronoinie. Le eclebre Laplace, qui avail
assiste a la seance, vint, des premiers, 1'cliciter l'auteur, et
l'engagea inslammeni a composer uri poeme special sur le
meme sujet, en lui promettant d'aillcurs ses conseils. M. Darn
saisit avidemment celteidec; et, aprfes qualre annces d'etudes
penibles et multipliees, ii se scnlit en ctat de commcnccr sa
redautable entreprise. Au mois d'aviil 1827, il recita a l'Aca-
«lemie quelques fragmehs des deux premiers chants deja ter-
minus. L'ouvrage tnlier Telait lui-meme, et n'avait plus be-
soin que d'etre retouche dons ses details a Tepoque ou une
mort prematuree vint cnlever l'auteur a sa famillc, aux lut-
tres, et a dt-nouibreux ct vrais amis.
En ouvraut ce livre , et avant meme d'avoir pris connais-
sanee du plan que s'clait trace M. Darn, une premiere re-
flexion nous est venue, et el!c se prescutcia cerlaincmcnt a
l'espritdeplusd'unlecteur. Le moment est-il bien chofsi pour
une telle publication, et nc sommes-nous pas deja loin du
terns ou Ton faisait cbaque jour des pocincs didacliqucs sur
les oiscaux, sur les fleurs, sur les jardins, sur Part dc la table,
enfiri, sur la chimie meme et sur les sciences les phis anii-
poeliqucs, si Ton pent ainsi parlor? II scmblc, a voir le mou-
vement qui cntraine noire littcrature, que plus d'un sieele
s'est ecoule depuis la publication de ces ouvrages, dont nous
nOUs garffbriSj d'aillcurs, deconlesier le merilc. Nous sommes
plus lohi encore d'approuvcr les etranges ecarts ou la poesie
s'emporte aujourd'hui, pcut-ctre (ct Ton serait tonic de le
eroire, A la lecture de ccrtaincs compositions) pour monlrcr
UITiSllATURE. 3:;»
comment il jic Caul pas faire , et pour dcgonter a jamais de
tiuit ce qui est faux, absurde ct barbare. Mais tout ccrivain n'a
pn prendre la plume qu'avee lu desir et l'cspoir d'etre hi, el
mi pde«i€ tlnlai-lique , veritable anachronismc par le terns on
nous vivons, risque beaucoup de demcurer sans lecteurs. Vol-
taire se plaignait deja que ses eontcmporains ne voulaicnt
pins lire de vers serieux : que dirait-il done aujourd'hui?
Voila pour la forme et le genre du poeme. Si de la nous
passons au sujet meme, nous ne pouvons nous empechcr de
le trouver encore plus malhcureiisement cboisi. Si Boileau a
1 1 it ([ue la pocsie pouvait lout peindre, ce n'est pas sans doute
uii motif pour tout essayer; ct Dclillc lui-meine, trop vanle
de sou terns, mais trop deprecie aujourd'hui, a coniplcteincnt
cchoue , quand il a voulu , dans le plus mediocre de ses poe-
mes, inctlrc en rimes la physique et la chimie modernes. Vol-
taire, qu'il taut loujours citer, et dont !e gout elait si pur.
tenia, le premier, avee un brillant succes, d'embellir de tout
le cbarme de la plus haute poesie les grands phenomenes de
la physique, generate, de l'aslrononiie ct meme de l'opliquc.
Son epitre a Mmc du Chfltelet est un chef-d'oeuvre en ce genre,
ct Ton peul remarquer que la ponipe et l'elegance du style n'y
iilenl rien a l'cxaelitude singuliere des descriptions. Mais Vol-
taire, s'il cut veeu de nos jours, se serait bien garde, inalgre
son talent prodigicux, ou a cause de ce talent meme, de mel-
ire en vers, comme I'auteur des Trots Rcgnes, les br&lans alca-
tis ct les picjuans acides , et bien moins encore ces vases au
grots ventre, au long bee, au cou tors , que nous appelons , en
simple prose, des cornues. II n'efit pas essaye davantage, du
iiMiius nous le croyons, de peindre les phenomenes compli-
qii'es de la nutation, de la refraction, de la precession des
equinoxes, et ces details a rides de forme, de densite el de po-
sition , qui soul la base des plus simples nolious de l'aslrono-
niie, el s'y reproduisenl a ehaquc instant; en un mot, s'il
nous est peruiis de developper ici noire idee, nous perisons
qu'il y a dans les sciences, el surtoill dans eclles qui s'occu-
pent de l'elude dc la nature, one serie de faits gencraux qui ,
374 LITTJillATURE.
dc tout tems. out Crappc les \eux les iiioins exerces, et dont
les causes soul an moins soupconnees des intelligences les plus
communes. Le porle peut, sans crainte, s'emparer de ces
t'aits, les embellir me me c!c tout le prestige de son talent, sfir
d'etre entendu des lecteurs vulgaires, et de ii'iMiv pas dedai-
gne de ceux qui savent quelque chose de plus. Mais la s'ar-
rete, suivant nous, le domaine, dejii assez vasle, de la poesie.
Malheur m<me a I'homine d'un grand talent qui voudrailpo-
nclrcr plus 1 o i ii ! Le nioindre des dangers (|iii le nieuaecnt est
de perilre un tems precicux et des efforts dont il aurait pu
fa ire un meilleur usage ; et, expose lout a la I'ois a se montrer
sec et prosai'que, s'il veut lout dire, inexact et ineomplet, s'il
s'arrcle a la superiicie, il lui anivera souvent de se briser
conde ce double ecueil.
Ces graves dilficulles, que l'edileur lui-meme aindiqures,
dans une preface ecritc avec beaucoup de soiu et de gout,
n'avaient pas effraye l'heureux traducteur d'Horaee ; et il faut
avoucr que l'alblcle, souvent vainqueur, toujours iulrepide ,
qui avail pu soutenir une pareille lutle, devait plus qu'aucun
aulre pretendre a ce nouveau succes, que ses diflicultes memes
remlaient plus allrayant. Mais ce n'esl pas tout encore. Comme
s'il eut craint de profaner, par des ornemens vulgaires, l'aus
tere majeste de son sujet , il s'est prive d'un genre d'artifice
que les poetes didactiques ne manquent guere d'employer
dans leurs compositions, pour en deguiscr mieux l'aridile. Le
pocme de I'Astronnmie ne contient aucun episode proprement
dit, et, cerles, ce ne peut etre que parce que l'auteur s'etait
decide d'avance a les repousser; car plusieurs suiels assez
heureux se presentaient, pourains'i dire, d'eux-memes. C'est
done un pocme purement didaclique, dont le sujet se rattache
aux plus hautes speculations de la geometrie (e'est-a-dire a
tout ce qu'il y a de plus antipatbique a la poesie), et, par des-
sus tout cela, un pocme sans episode que M. Dam a offert
aux lecteurs de noire epoque. Une entrepiisc si bardie sera-
t-elle couronnee d'un brillant succes? On pourra en juger jus
qu'a un certain point par l'analyse suivante.
LITTtiRATURE. 077
Apres une courle invocation, lc poete (nous uvons presque
dit le professeur) expose quelques Tails generaux sur lc sys-
teme du monde, sur la formation presumee des planetes, sur
la vitesse de la lumiere et les divers rayons qui la component.
On remarque deja, dans ce premier chant, et on le verra
mieux encore par la suite, combien les matieres sur lesquelles
I'auteur va s'cxercer, et dont quelques-unes n'avaient pas etc
traiiees avant lui , sont rcbelles a la poesie ; quant a celles qui
s'y preterit avec moins de desavantage , elles rappellent trop
bien I'epilre, deja citee, a Mme du Chatelet, et les memes phe-
nomencs, par exemple , sont tout autrement decrits dans ces
vers de Voltaire :
II decouvre a mes yeux, par une main savante,
De 1'aslre des saisuns la robe elincelante;
L'emeraude, l'azur, le pourpre, le rubis,
Sont l'immorlel tissu dont brillent ses babits.
Cliacun de ses rayons, dans sa substance pure,
Porte en soi les couleurs dont le peint la nature;
Et, confondus ensemble, ils eclairent nus yeux,
Us animent le monde, ils emplisseut les cieux.
Et dans ceux-ci, de M. Darn :
Messagers de la flamme, ou piives de chaleur,
Ghacun des sept rayons apporte une coulcur.
Taut qu'ils restent unis, ils brillent sans rien peindre,
Tout est blanc •" tout est noir, s'ils viennent a s'eteindre.
Que Tangle du ciislal les separe et les brise,
La palette se couvre, et je vols, 6 surprise!
Le poui pre, Toran^e, Tam6lhyste, l'azur,
Le vert, ami de l'oeil, le sapbir et l'or pur, etc.
Plus loin , on reconnait assezbien le pheuomene de la re-
fraction :
Les effets des rayons sont un autre miracle :
En approcbant des corps, un invincible obstacle
Les force a rejaillir dans on angle pareil
A. celui qu'ils furmaient en tonibant du soleil.
Ceux-ci sont irprmsses et ceux-la sont recus, etc.
: 7s LITERATURE
II j a plus de bonheur. el line reutaruuablti precision,
l hi- ['indication du gnomon etde la clepsydre :
L'oinbre tiaco, en tombant, la marche du soleil.
Dans lc passage droit qii'oflre un vase inlidele
L'eau marque, en s'ecoulant, i'bcuie qui Cuit coninie elle.
Ailleurs, 1' usage dc la bdussole, des montrcs marines e| du
Inch pour determiner la position d'un vaisseau on pleine mer,
so trouve indique, ma is d'une maniac a pen pros inintelli-
gible pour lo comnnin des lecteurs, et Ires -incomplete pour
ooux qui savent exactement de quoi il s'agit. Co premier chant
est terrain* par un assez beau morceau sue l'astrologio, et sui
le culte symbolique rendu au soleil chez tous les peoples de la
terre. Id, on il nc s'agit plus de cos malheurcux details tech-
niques, destruclcurs de touie poesie , l'auteur so sent plus a
l'aise; on voit qu'il a depose un instant ses enlraves, et aver,
sa liberie reparaissent 1'clegao.ce et rharmonie qui lui sunt
propres.
Le second chant ofTre surtout ce genre tie merile, ct par
une cause toute semblable; l'auteur se reportc a I'expedition
ct an retour des Argonaiiies, et represcnte, en Ires-beaux vers,
Orphee , assis a la poupe du navife Argo , chantant a la priere
de ses companions, les principales constellations et lout I'cn-
scmble de la sphere celeste connue <les ancieris. On pourra
trouvcr, a la verile , le divin fils de Calliope bien savaul ,
lorsqu'il expose, les connaissaiues fles pieties d'Osiris et des
Brachmanes, sur la division de l'annee, les equinoxes, les
solstices, etc.
Urie heureuse transition anienc Orphee a chanter les grands
homines que la reconnaissance du monde a places parmi les
constellations :
o Un jonr, reconnalssans de vos nobles tiavaux
El pleins du iouveair da heros de Colebos,
I, is mortels placeront, dans ce ciel qui m 'inspire,
Le vaigseau q.ui nous porle, el vos noius) el ma hie. »
LITTER AT IKE. ^79
Ainsi disait Orphec, el ses accord* savans
Allaicnt mourir an loin sur les ailes des vests-.
Am phi trite pretait tine o 1 « i 1 1 < ■ attentive,
El deja', retirant lour cla'rte1 Fugitive,
Ces astrcs, que chantail son lulli harmonieux,
Acbevaieut Icntcmcnt lcur route dans les cieux.
Noustrouvons, ilansle 3e chant, les divers systemes celestes
imagines par les Grecs, r.explieation ties eclipses donnco par
Thales; les voyages dc Pythagore, les . travaux do f'yllieas. de
Platon, d'Aristote. et surtout cenx de l'ecole d'Alexandrie ;
terns on rastronomie antique commence a meriter le nom de
science, et on s'illustrerent successivement Euclide, Eratos-
thene, Archimede, Ilipparqne et Ptolemee. L'aulenr n'a pas
oublie 1'incendie de la bibliotheque d'Alexandrie , evenement
si memorable, et sur lequel il reste encore tant de doutes (1).
Une brillante description dn Pheuix, ou I'on retrouve lc poetc
tout entier, se mele, dans ce chant, a des details bien arides
sur lc cycle de Meton, sur la cause des eclipses, et sur la
sphere de Ptolemee ; details que I'aut'eur no pouvait sans doute
eviter, mais que bien surcment la poesie osait aborder ici
pour la premiere fois.
Les progres rapidesdel'astronomje dans les terns modernes ,
et les grandes deeouvertes geographiques du xve et du xvi° siecle
qui sy raltachent d'une maniere si intime, donnentun interet
plus vifau 4e chant. Ensuite viennent les systemes de Coperr
nic, de Ticho-Brahe, les belles lois de Kepler, Galilee , Des-
cartes, Cassiui et I'iuimiortel Newton, dont le plus mnguiliqiic
eloge e^l eertainement celui qii'en a fait Voltaire , dans ces
beaux vers de l'epitre deja eitoe :
Confidcns du Tirs-IIai.it, substances ctcrnc ;1I< ■:< ,
Qui brulez de ses feux, qui couvrez de vos ailes
Le frdnc ou votre maitre est assis parmi vous,
Parlez! du grand Newton n'eticz-vous point jaloux ?
;i) Voycz, a cesujrl, une dissertation tris ciiricusc <!<■ M. Auguis, dans
les j\la,ioircs dc la Sociele -Jls JtMiquaitesi t/autcur y fail femarquci que ,
38o LITTEKAlTRi:.
Les lois de la gravitation universelle sont aussi, il faut en-
core l'avouer, tout autrcment exprimees dans un autre pas-
sage de cette meme epitre que dans ces vers de M. Daru :
Soumis atix memes lois, doues d'une puissance
Qui s'accroit par leur masse, et peril par la distance,
Les astres voyagcurs dans les plaiues du ciel,
Exercent l'un sur l'auti e un effort muluel.
C'est la que, produisant 1'equiltbre COromuD ,
Pesans de tous cotes ils ne tombent d'aucun.
L'auteur s'arrete au 5e chant, comme pour regarder der-
riere lui , et jeter un vaste coup d'oeil sur les decouvertes ac-
cumulces pendant les siecles qu'ilvientde parcourir. II expose
le veritable sysleme planelaire, les mouvemens propres du
solcil, son volume, ses taches, sa densite, sa distance de la
terre, etc. II traite ensuite des onze autres planeles (eny corn-
prenant Ceres, Pallas, Junon et Vesta, decouvertes au com-
mencement de ce siccle), et presente, de meme, les proprie-
tes physiques et astronomiques de chacune d'elles. Est-il
besoin de faire remarquer, encore une fois, ce que de seni-
blables details ont d'anti-poetique, et ne doit-on pas plnindre
sincerement un homme d'un talent reel, condamue, par le
vice du sujetqu'il s'esl impose, a ramener onze fois, et presque
dans les memes termes, les notions de densite, de distance,
de volume d'autant de planetes? On concoit trop bieii ce qui
a dO resulter d'une telle gene; et, pour le inieux faire voir, il
nous suffira de citer ces vers qui se rapportent au soleil :
Dites-nous son pouvoir et sa vitesse immense.
Son axef — Cent dix fois le noire. — Sa distance?
— Ce meme axe, compte douze mille et cent fois.
— ■ Son 01 bite? — Une ellipse. — Et sa force, son poids ?
d'apns I'opinion commune, on a du chauffer les bains d'Alcxandrie avec
des mamsciits traces sur papyrus ou sur parchemin, assez peu propres a
un tel usage, ct cela, a l'epoque de l'annee oil ils avaient le moins be-
soin d'etre chauffes, surtoul sous un tel climat.
LITTERATURE. 38 1
i — Trois cent mille leviers, puissans comme la terre,
Ne l'ebranleraient pas au centre de la sphere.
— Sa grandeur, son volume? — elc.
Hfltons-nous d'ajoutcr qu'a la suite tie pareils vers, et
comme par expiation, se trouve placee une tres-belle invoca-
tion au soleil, ou le poete reprend tous ses avantages.
Enfin, le dernier chant se rapporte uniquemeril a la terre
et a la lime. La determination de la figure de notre globe,
les voyages et le devodment de la Condamine, de Maupcr-
tuis et de leurs compagnons, de Cliappe, de Lacaille et des
savans modernes ne pouvaieiU y el re oublies. Ensuite vient
la bine avec ses taches , son e lie t sur les marees ; puis la me-
sure de l'arc du meridien, trace d'abord de Dunkerque a Bar-
celone, les comctes, les nebuleuses, et l'epilogne qui termine
le poeme. Nous avons remarque, un pen avant la fin de ce
chant, le morceau suivant, qui nous a paru digne d'etre
cite :
Dans ces lieux souterrains oil. par de durs travaux,
L 'avarice pnursuit les sets on Its melaux,
II est des malhemvux dunit la f'aible paupiere
IN'a jamais du soleil entrevu la lumiere.
Kes dans les profondeurs des antres tenebreux,
Jamais un jour serein ne se leva pour eux;
lis n'en connaissent point la fraicbeur ravissante,
Ni d'une belle unit la pompe eblouissanle.
Mais four d'autrcs morlels, leur dit-on, un ciol pur
Brille, et la nuit ievet son ecliarpe d';izur,
Resplendit de sapliirs et de rubis sans nombre;
Et, tandis qu'enl'ouis dans voire asile sombre
'Vous n'avez sous les yeux que les tiistes clartes
Des flambeaux rcsineux aux f'oiels em p run tea,
lis ont, pom se guider, un soleil, des etoiles,
Des cieux, dont 1'ocil humain pent ecarter les voiles,
Des arts qu'ils ont crees, dont les sceours puissans
Rapprochent l'univers de leurs debiles sens.
Ces leux, qui vont roulant sous des voutes profondes,
Ces feux sont des soleils, ces soleils sont des mondes,
Ces mondes ont des lois. Comme a de tels rccits
Les pales habitans de ces antres noircis
38a LITTBRATl HE.
Brtkleront ded6trnbe noe injiutc bari-ief«!
Pourront-ils s'clancrr jusques ;'i la lumifcre?
Qui les (It'livrcra de Kin obscurite?
Tel est l'liumnic aspirant apres la veiile;
C'est an join' qui, pour lui, sYn-indra sans renailio
Qu'a ses ycux dcssilles die di.it apnaraitie,,
Quelle fera briller son unmortel flambeag :
Latuihiere l'altend sur lc senii du tombcau.
Cc morceau acbevc de monlrcr cc que nous avohs deja
(lit, que ce n'est ccrtainemcut pas lc talent poetique qui a
manque ici a M. Daru. Son slvle est, en general, plein tie
force ct menie d'elegance, ct nous aurions pu citcr beaucoup
trautrcs passages, on il s'est eleVe a toute la hauteur tic son
sujet. Du reste, clans cctte graiule et laborieusc composition.
nulle decouVefte importa'nte n'a ete omisc, nul fait essentiel
n'est reste sans explication. II est d'autant plus equitable de
rendre justice ace genre demcrite du pocme qu'il a souvent
coiitc bien cher a son auteur, ct que celui-ci semblerait mume
n'en avoir pas ambilionnc d'autrc. II disait souvent, a ce que
rapporte Pediteur : o Mon livrc n'aura peul-clrc pas beaucoup
d'attrait pourle public, mais, du moins, il est orlbodoxe, il
necontient pas d'heresie. »Fersonnc, assuremerit , tie voudra
lui refuser cette gloirc ; mais cst-elle un assez digue prix de
tant de veilles, et est-cc done pour cela sculement qu'on est
poete ?
Y. Z.
III. BULLETIN BIBLIOGRAPITIQUE.
litres Strangers (t).
AMEUIQUE SEPTENTJtIONALE.
ETATS-UNIS.
i)o. — * Mccaniqne celeste, by the marquis de Lapl ace pro-
of France, etc. — Mccaniqne celeste, par lc marquis de La-
place, pair de France, etc. ; tradnite et commentee par Na-
thaniel Nowditch , de la Sociele royale de Ldndres, dc celles
i^Edimbourg et de Dublin, dc la Socieic philosophic/ ucde Pliila-
delphic, dc V Academic runericaine des Sciences ct des /iris, clc.
Tonic i". Boston, 1S29; Milliard, Gray, Lilllc ct V. ilkins.
In-4° (le 7GG pages.
Cclte traduction dc rouvragcleplusremarquable qui ail ete
pulilic dep 11 is Ion g--lcmssurles sciences mathematiques etas iio-
nomiqucs ne doit pas etre considcrce seulement comme 1111 bom-
mage rendu a la memoire dc 1'illustrc geometrc que la France
a perdu : nous y voyons une preuve incontestable des prQ-
gres <pie les malhematiqucs out (aits mix Etats-Unis, contree
que nous sommes habitues a regardcr comme sterile pour les
sciences purement speculatives. Si loutcs les divisions des
connaissanccs humaincs y sont cultivees avec aulant de sul-
ci's que celle-ci, l'instruction rellucra vers son origins, ct I •
coueliant repandra sa lumiere sur l'Oricnt, menace dc devenir
plus obscur de jour en jour, s'il est abandonne au\ parti-
sans des tencbres dont il eprouve depuis long-lems lc fata!
pouvoir. Comme le second volume de cctle traduction doit
paraitre dans lc COUrs de cette annee, nous nous rcsenon-
(1) Nous indiquoris par >ni a.st(r,i isquc (") , place a role du litre de
clia([uc ouvtagc, ccn\ des livrcs e.lrangeis ou iVanrais <pii paraissenl
tyignea d'une attention pai liculiere, et npus en rendrons <Ju;elquefois
ccniptc dans la section des Analyses,
384 LTATS-UNIS.
tie rend re rumple de l'un et de l'autre en meme lenis, ee qui
nous imposera de nomelles etudes matlicmaliques ; car l'in-
fatigable traducteur a plus que double I'eWndire de I'ongmal,
en y ajoutant ses notes el ses commentaires, qui sffront plus
particulierement I'objet de noire attention.
Lc litre de Mccanir/ae celeste parait cpnsaere niaintenant
dans toules les langues qui ne sunt pas elrangeres aux scien-
ces. Les anciens nous avaient donne I'eiemple de ce respect
pour le titre de quelque ouvrage d'une grande importance; il
etait bon de le renouveler, et on ne pouvaii L'appliquer plus
cony enablement. Z.
cji. — The christian Almanac for New-York, etc. — L'Alma-
nach chretien des Stats de New- York, Connecticut et New-
Jersey. New-York, i83o.
Les almanachs ont pen d importance pour l'liomme super-
ficiel; ils en ont beaucoup pouicelui qui observe et qui refle-
cliit. Le people, surtout dans les pays on rcgne le catholi-
cisine , n'u guere d'autie nourriture inlellectuelle que les
almanachs. S'ils sont remplis d'idces ridicules, de faux pre-
sages, de reveries astrologiques , ils coulribuent puissamment
a perverlir le jivgement du peuple , on du nioins a le mainle-
nii- dans ses prcjuges. Mais, si an conlraire les lecleurs peu
instruits trouvent dans ccs petits ouvrages, dont ils font leur
unique inanuel, des avis utiles, des maximes de vertu, de
sages conseils sur l'agricullure et sur les arts mecaniipics, ils
ne larderont pas a les mettre a profit; et les almanachs ren- ;
dront ainsi aux dernieres classes de la societe le meme ser-
vice que rendent les journaux aux classes inlermediaires. On
commence a comprendre gvncralcment combien il impoitc
de purgerles li vies do peuple de tout l'alliagc impur des tcms
de barbaric. Due Societe rcligieusc publie a Paris, depuis
quelques annees, tin excellent almanach, sous le titre de :
Almanack des hons councils ; et nous sommes heureux de pou-
voir aniioiicer 'qu'il s'en est vendu , eclte annee, plus de
20,000 exemplaires. La Suisse vient aussi de fa ire parailre un
trcs-bon ouvrage de ce genre, qiu a obtenu beaucoup de suc-
ces. L1 'Almanach chretien de New-York, qui nous a etc envoye,
se distingue par le choix et 1'utilite des malcriaux qui le eom-
poscnt. On y remarque un grand nombre de preccptes mo-
niiix presentrs sous la forme encrgique et concise de prorcrbes,
entre autres quelques maximes de ce venerable Franklin, qui
savait si bien I'art difficile de parler an peuple. On y trouvera
aussl des eonseils adresses aux jcunes fermiers, des anecdotes
instructives et des details statistiques sur les Ktats-Unis. II est
AMERIQUE SEPTENTRIONALE. t 385
impossible de rien extraire d'un pareil livre ; nous nous bor-
nerons a le recommander, comme un modele a suivre, aux
[XTSonnes qui s'occupent de ces interessantes publications po-
pulaircs.
C)2. • — *The fifth Report of the American Sunday School
Union, etc. — Cinquieme rapport de la Societe americaine
du dimanchc. Philadelphie, 1827. In-8°.
Les ecoles du dimanche sont l'une des creations les plus
Tastes et les plus utiles de la philantropie religieuse. Les pre-
mieres institutions de ce genre ne remontent guere au dela
d'une treatable d'annees, et durant ce court intervalle , elles
se sont propagees dans toutes les provinces et les colonies de
la Grande-Bretagne, dans l'Amerique du Nord, en Allemagne.
en France, dans les Pays-Bas , en un mot, dans la plupart des
contrees ou il existe des eglises protestantes. Un calcul qui a
cte fait recemment, et dont nous n'avons pas lieu de contes-
ter l'exactitude, evalue le nombre des en fans qui recoivent
maintenant l'instruction dans les ecoles du dimancbe, a tin
million cinq cent soixante-sept mille! Quel puissant levier entre
les mains des bienfaitcurs de l'humanite, qui regardent avec
raison la propagation des lumieres comme la meilleure garan-
tie de I'ordre social et du bonbeur individuel ! Les ecoles du
dimanche parviendront peul-etre a resoudre un probleme .
dont on avait inntilement cbercbe la solution : celui de savoir
comment it est possible (Cinspirer aux classes infcrieures le desir
et le besoin de s'eclairer. Et elles atteindront ce but par un seul
fait, c'est qu'elles rattachent l'instruction du peuple a ses
croyances religieuses.
Le rapport, qui nous inspire ces reflexions, renferme pin-
si e u r s details interessans sur les ecoles du dimanche, dans les
Elats-Unis. Le nombre des enfans qui les frequentent est de
349,202, tandis qu'il n'etait, en 1828, que de 25q,()56 : ce qui
fait, pour une seule annee, une augmentation de 89,546 eco-
liers. Le nombre des instituteurs et moniteurs de ces ecoles
s'eleve a 52,663 individus, qui remplissent gratuiteinent leurs
functions. « Nous demandons, dit a ce sujet le rapport, la per-
mission de soumettre une remarque imporlante aux homines
eclaires de notre pa}rs.La Societe des ecoles compte 56,2f>5 in-
stituteurs, et il s'en trouve parmi eux un grand nombre, tant
homines que femmes , dont aucun salaire n'aurait pu acheter
les services. IMais , en evaluant ce salaire a trenle-trois crn-
tiemes de dollars (1 fir. 78 c.) , taux qui avait ete d'abord fixe ,
lorsqtie les moniteurs etaient paycs, la sonune totale de la de-
pcnse monterail a 9o5,<>97 dollars (IV. 4*880,000) !» — Voila
r. xi.\ 1. mai i83o. a5
r,8<; 1:1 \i\si\is.
ce que produit la charilc, quand eile est unie a de profondes
convictions religieuses; el aous devous ajouter, voila ce que
ne produira jamais cette pbilantropie bavarde, qui fail des
discours, et ae fait pas (Tactions. Pour remuer lesmas9es,
pour rallaehera un intent ilc bienl'aisance cinquante inillc in-
dividus, il taut autre chose que des phrases de rhctcur.
La meme Societe s'occupe aussi de differenles publica-
tions, qui out toutes pour but de conlribuer a L' instruction de
la jeuneSse. I.e nombre des volumes qu'clle a publies depuis
lc mois de mai 1828 jusqu'a la meme epoque, en 1829, s'e-
levc an tola! enorme de 877,990 exempiaires. Les volumes
de ces ouvrages ont etc repartis de la maniere suivante :
i°. Ouvrages pour les Bibliotheques des Ecoles du Di-
manche 447',l0° volumes.
2". A litres publications . telles que Bi-
bles, Teslamens, I ivies de questions, Ga-
techisnies, (^antiques sacres, etc. . . . 207,74° " " " "
">". Exempiaires du fff«#as«i pom' les Di-
recteurs des Ecoles du Dirrianche 50. 280 <> » » >>
4". Excmplaire de YAvu ' de la jeune.sse. . 167,000 » » » »
Total. . . 878,020 volumes.
Depuis son origine, la Societe a public 6,098.899 volumes,
doiit la plupart ont etc. places dans les bibliotheques popu-
lates des Etats-lJnis. Laseule bibliotheqiic populaire de New-
York conticnt 75,853 volumes : d'ou Ton doit conclure que
les classes du peuple, dans L'Ameriqiie septenlriouale . pos-
sedent des moyens d'instruction plus etendus que les savans
el les academies dans beaucoup de pays de l'Europe. Que de
serieiises reflexions dans des chiffres tels que ceux-la!
La recette de la Societe des ecoles du dimanche a etc, pendant
l'annee 1828, de 75,884 dollars (409,780 fr.). Cetle somme.
composee de dons individucls, est aussi forte que celle qui
est allouee dans le budget du gouvernement francais a l'ins-
trnclion pr'unaiie. G< de F.
MEXIQUE.
93. — * Regixlro official del gobierno de los Estados Mi xicanos,
— Hegistreoflieicl des Elats-Unis du Mexique. Mexico, i85o;
prix de la souscription, 12 reaux par mois a Mexico, el au-de-
horSj 17 reaux, franc deport.
MEXIQUE. 7>'>
Ge journal quotidien est encore a son debut, ayant paru,
pftur la premiere fois, le 20 Janvier de eette annee. A quelques
egards, e'est le Moniteurmexirain, quoiqu'il difi'ere en plusieuts
points essentieis de notre ■Vioniteur francais. Premierement, il
u'equivaut gnere, quant a 1'elendue, qu'a la moitie ile noire
journal officiel; et, en general, ee qu'il eontient est beaucoup
moinsennuyeuxqueles dnuze interminablcs colonnesde notre
feuille que peut-elre aucun lecteur n'a jamais eu le courage de
lire d'uu bout a l'autre. Autre difference encore plus essen-
tielle : dans le Moniteur mexicain , le gouvernenicnt a con-
stamment beaucoup dechoses a communiquer auxgouvernes;
les affaires publiques y sont trailces publiquement. Loin de
craindre 011 de mepriser I'opiuioii des citoyens, on s'attache
a la connaiire, afin de s'y conforjfter^ lorsqu'elle est jusie et
profitable aux interets comnnms. et de la redresser, lorsqu'eu
pent deeouvrir les causes qui lout faussee, et lui (aire prendre
une nieilleure direction. Id, dans notre ancien monde, nous
sonmies traites plus lestement; le pen que 1'on daigne nous
reveler nous intercsse si pen, qu'autant vaudrait nous laisser
tout ignorer. Obeissance et argent, voila tout ce qu'on vent
de nous, en attendant qu'on nous impose de plus ('obligation
de nous laire, et . par la suite, une complete servitude poli-
tique, projets Curtesies qui prepare nt pour les generations
futures une revolution plus epouvantable que celie dont on
vent foire disparaitre les derniers vestiges. Pen nous importe
aujounl'bui de savoir les noms des homines revetus du pou-
voir; el c'esl a pen pres tout ce que le Moniteur veut bien
nous apprendre : le Registre mexicain entre dans le detail des
operations du gouvernement , rend compte de 1'emploi des
revenus de I'Etat, etc. On pense bien que, de terns en terns,
les huit colonnes de la feuille quotidienne tie lui suffisent
point, el qu'un supplement est uecessaire.
II est a desirer que ce journal se rcpande en Europe, qu'il
tombe entre les mains de ceux de nos publicistes qui joigneul
nn haul savoir a des vues genereuses, guidees par une forte
raison. Qu'on parle en France du Mexique ; qu'on en parle
apresdeprofondes meditations, avec 1'interet que doit inspirer
y\n pays sur lequel reposent de si gramies esperances ! Que
Ton s'occupe aussi de nos affaires an Mexique et qu'on noiw
disc de fortes verites ; *i nous n'avons pas le courage d'en pro-
filer, elles ne seront pas perdues pour tout le monde. Ces
communications entre les peoples sont un acheminement vers
la plus utile de toutes les institutions bumaines, si jamais ellc
de\ient praticable, institution tpie l'Amerique aconcue la pre-
588 LIVRES ETRANGERS.
mure pour toute I'etendue tic ce continent, et qui, franchissanl
les oaers , pourrait reunir en un seul congres les delegues de
tout le miMidc civilise. Nous apprenons, par ce Registre, qu'un
article sur le Mexiqne, insere clans un journal tie PhiladelpbSe,
a fait une forte impression a Mexico : en effet, les passions qui
agitent trop souvent les republiqucs doivent etre plus dispo-
ses a econter ties ctrangers que des compatriotes; et, si elles
n'obscurcisscnt pas tout-a-fait la raison, ce sera par les con-
seils d'un etranger qu'elles seront le plus surement ramenees
aux sentimens de Taniour tie la patrie, du devoir, de la vertu.
En ce moment, le Mexiqne offrc an monde un spectacle plus
penible qu'inquietant; les maux qui retardcnt les progres tie
eette republique n'attaquent point les sources de la vie; ce
sont les douleurs poignantes d'un honime robusje sounds a
une torture momentanee. Notre situation parait plus calme ;
les causes tie nos souffrances sont si compliquees, si an-
ciennes , et leur action si continue, qu'il nous reste a peine
asset de force pour nous plaindre.
Dans la partie non oflit ielle tie ce journal, on remarque un
bon eboix de nouvelles etrangeres et des dissertations judi-
cieuses sur des sujets politiques ou moraux. Dans le pays on
l'onecritainsi. les ecrivains ont apprecie la porlee deslecteurs
sur lesqucls its peuvent compter : ainsi, lorsque les passions
politiques cesseront d'agilcr la republique mexicaine, la nation
se montrera prete pour toutes les ameliorations qui font au-
jourd'hui la prosperite de ses voisins au nord. Nous suivrons
ses progres avec attention, en consultant frequemmenl le
Registre mcxicain. N.
EUROPE.
GRANDE-BRETA'JNE.
c\l\. ■ — * EncycLopcdia Britannica. — Encyclopedic Brilanni-
que. Septihne edition, danslaquelle seront incorpores les suppli-
mens des premieres editions, enrichie d'une nouvelle st'-rie,
de gravities sur acier; publiee par le professeur Napier. T. i;
premiere livraison. Edimbourg, i85o; Black.
On sail que les premiers savans tie la Grande-Brelagne ont
contribue a la redaction de ce livre, et que cbacun d'eux a
fourni sa pari ;'i re vaste depot des conriaissances actjielles et
GIUN DE-BRET AGiNE. 3,H<,
des decouvertes les plus reeentes. Le succes immense de I'ou-
vrage, les nombreuses reimpressions qui en out fete faites, el
par dessus tout, le rare merite des articles, I'ont classe tout-
a-fait a part. Mais la multiplicity des travaux, le terns neces-
saire pour completer l'oeuvre , ont necessite l'addition de
supplemens, qu'on reimprimeaujourd'hui dansle corpsmeme
du livre. La dissertation sur l'histoire des sciences, si remar-
queeetsi digne de l'etre, reparaitraen tetede la nouvelle edi-
tion. La dissertation sur l'histoire de la metaphysique, de la
philosophic, etc., par leu leprofesseur Stewart, en richiedeplu-
sieurs corrections et d'augmentations faites d'apres unmanus-
crit posthume de l'aiiteur, sera suivie d'un Memoirede sirJ«-
mes Mackintosh, sur l'histoire de la philosophic aux xvne et
xviue siecles, epoque que Stewart n'a pas eu le terns de com-
pleter. Enfin, la dissertation sur l'histoire des sciences physi-
ques et mathematiques, commencee par le doeteur Playfair,
a ele continuce depuis le xvine sieele jusqu'a nos jours, par
le professeur Leslie. Le litre dc YEncyclopedie Britannique est
a lui seulun eloge. Cette edition, publice par livraisons men-
suelles, se composera de vingl volumes in-4", d'un prix mo-
dere, quoique le papier, les caracteres et les gravures soient
fort superieurs a ceux des premieres reimpressions.
g5. — * Notices of Brasil in 1828 and 1829. — Notes sur le
Bresil en 1828 et 1829; par le reverend II. "Walsh, auteur
d'unvoyage a Constantinople, etc., etc. Londres, i83o; Wes-
tley et Davis. 2 vol. in-8".
C'est en qualite de chapelain que M. Walsh accompagna au
bresil lord Strangford, ambassadeur d'Angleterr'e : il cut de
frequentes occasions de voir de pres l'empereur don Pedro,
qui, d'apres les details donnes sur son interieur, semble vi-
vre plus eu simple particulier qu'en roi. II est fort adroit, et
s'exerce atoutessortes de metiers : mais il affectionne de pre-
ference l'ebenisterie etla inenuiserie. Toujours-lepremierleve
dans son palais, il en parcourt les fardins et les appartemens,
•n tirant des coups de fusil comme signaux de reveil, et afin
quepersonne ne dorme apres lui. II est sohie et regulier dans
sa maniere de vivre. II a la figure commune, et ses manieres
aiusi (|ue son langage decelent le peu de soius(|u'on a donnes a
son education. Cependant, il ne manque pas de moyens natu-
rcls; il parle assez bien le francais, et fort imparfaitement
I'anglais. Ses depenses particulieres sont reglees avec uue
grandeeconomie. ei il oe dedaignepasde verifier lui-mf-me les
BOinptes de sa maison. II a meme plusieurs eutrcprisc* pour
.\o LIV1USS ETRAN6E&S.
(aire ff.uctifier les funds que lni allouent les chambres, el qui
nc s'elcvcnt qu'a 200,000 reis pour lui, et 12,000 pour sea en
tans. II loue des paturages, et fail vendre publiquement par
tea enclaves une partie dc la recolte de ses terres. II s'est fail
mi nitrite de son economic pres de l'asseniblee constituante,
a laqnclle il dit dans son premier discours : « Won pcrc depen-
sait par an qualre millions, jc n'en depense pas un. Je vcu\ vi-
vre en simple parliculier, et economise!* la bourse de I'Etat
c omnie la mienne : je me bornerai done pour mes depenscs
partieulieres a 1 10,000 reis. »Malgrc, cette moderation et cct
accord apparent avee la forme du gouvernenicnt represcnta-
tif, on lc soupconne dc nc pas voir avec plaisir les progres
dc la democratic, qu'il a d'abord eneouragce par petir de loiu-
licr dans l'anarcbie qui dcsolc les autrcs Elats dc l'Amerique du
sud. Quelques gens qui se pretendent bien in formes vont menu:
jusqu'a dire, qu'il n'attend qu'un moment favorable, pourse de-
li, rer tout-a-fait des entraves qu'il a miscs a son pouvoir, et
que deja, deux Ibis, il a tentede secouer. Sa popularite, a recu
no echec lors de la mortde l'imperatrice, qu'a tort on a raison.
ou a gencralement aitribuee au chagrin qu'elle ressentait d'une
intrigue dc l'empereur avee une des dames du palais, crece par
lui marquise dc Santos, etdont il rcconnut la fdle sous lc tide de
duchesse dc Goyas. II cxigea de l'imperatrice qu'elle \ isitat et
repUt publiquement cette maitresse : non- settlement die n"\
\ oulut pas cousentir, mais e'le eut avee lui a ce sujet une ex-
plication tres-vive, a la suite de laqnclle elle tomba nialadc.
Elle etait in: einte depuis pen , et la maladic prit lout de
suite un caractcre alarmant. l.e people l'aimait, ct les prie-
res, les voeux, les processions nc furent point cpargnes. Elle
mourut le 10 decembiv 1826, a I'agc de 29 ans dix nlols et
dix-ncuf jours, aprcs avoir fait de to uchans adieus isescnfans.
E'ainee, dona Maria, reine de Portugal, etait la scule qui (fit en
age de eomprendie la jierle qu'elle laisail ; et Ton dit qu'elle
s'en montra profondemcui affligte. i.e tleuil I'm general; on
fit a l'iniperaii ice des obseques d'une magnificence jusque-la
inconmi'' au 5'resil. Elle etait (rune figure agrcablo, el d'uu
nature] affable et oienvcillanl. Kile avail adopte les eujilumcs
du pays, el s'o< icupait de ses enfans en mere lendrc el eclai-
ree. Elle parlait el ccrixail bien le franeais el I'espagnol: et
jc tut une de ses lettres a son beau-pcrc, Dom Juan, qui decida
ce dernier h reconnoitre 1'indepeudance du pays : car ilavaaK
beaucoup d'afleclion pour elle, et unv grande foi en ses lumit-
vcs. C'etait la premiire imperatrice du Nouveau-iWonde; el si
GRANDE-BKEIAGAE. 5gi
elie ent veeu, il est probable qu'clle cut exerce ui:e influence
salu taire snrles mceurs et la conduite des Bresiliennes. Elle a
laisse cinq en fans, dont quatre lilies ct un garcon, Dom Pedro
d' Alcantara, heritier presomptif du trone. Elle avait un autre
Ills, dom.loao Carlos, qui est inort victimedes troubles de 1822.
Les violences des troupes auxiliaires portugaises qui se por-
taient a toutes sortes d'exces, brisant les fenetres, iusultanl
les babitans, deciderent Temperem1 a cnvoyer sa femme et
toute sa famille, de Rio a Santa-Cruz, residence royale, eloi-
gnce de dix-sept lieues : on partit precipitammenl dans un
moment d'alarme , par une unit t'roide et pluvieuse qui tut
suivied'un jourtres-cbaud. L'enfantprit la fievre, et soecousba
au bout de pen de terns.
Rl. Walsh donne fort au long- le recit d'une emeute des Ir-
landais emigres a Rio; ainsi que des particularities curiewses
et neuves sui l'espril constitutionnel du Bresil, et sur le niou-
vemenl de la presse. Comme ce dernier point est surtout d'ua
interel general, nous nous y arreterons de preference. « En
1828, il s'imprimait i35 recueils periodiques dans toute la Pe-
ninsule; la part du Bresil etait de 25, savoir : 1.5 a Rio, 3 a
Bahia, et le* autres a Pernambnue, .1 Saint-Paul, a Saint-Joan
del Rey, et a Villa Rica. Voici lestitres de ceux de Rio : Impe-
rii* do Brazil ; 'c'est l'organe 'hi gouvernement, et il sort des
presses de l'impriinerie imperiale : le Diario de Bio-Janeiro ,
et le Journal do Commercio, s'hnpriment tous deux sur vilain
papier, et en nssez mauvais caracteres, bien que la vogue en
soit giande, a cause des nombieux avcrtissemens qu'ils ren-
ferment; on y joint parlbis mie l'euille detacbee, intitulee C'or-
isspondaucc, et qr,i se conipose d'attaques contre certains indi-
tldus, el des plus singuliers li belles qu'on puisse imaginer.
l.'editeur qui imprime et met en circulation ces injures u'csl
passif d'aucune peine, puurvu quMl ne se refuse pas <i impii-
nieret a publicr de me me la repliquede I'offense, Cette guerre
Bte mills et de personnalites moment odieuscs fait les delices
et I'amnsement lilteraire de tousles babitans de Rio. Des le
maiin , mi les voit s'assembler par groupes devant leurs por-
ted, on dans leurs boutiques pour jouir en common de la lec-
ture du journal, surtout de la partie scandaleuse. II arrive
soment <pje l'indisidu attaque est au nombre des audileurs,
mm* il ne pense jamais a se venger aulrement que par une re-
pliquc encore plus a pre. Cette cone.-pnridaiice met en saillie
deslraits remarquables tin lar.icierc national. D'apros le uode
con titutionnel, un affrancbi ne peul etre eleciem : el pnui
3»a L1VIIES ETRANGERS.
s'assurer le privilege d'eleetion, auque) ils attachent un grand
prix, les Bresiliens fournisseat parfois les plus etranges cei ii-
jicats. Un colonel, Joachim Franciscos , briguait cet hon-
neur, lorsqu'un fabricant de chandelles , Manuel de Sou /.a
Silva s'opposa a ce qu'il 1'obtint. sous prclexle qu'il n'clait pas
ne libre. 11 s'ensuivit une plaisanlc dispute, toujours conti-
nues par la voie fles journaux, et le colonel produisit en fin un
certilicat attestant qu'il etait lib illegiiune de Francisca das
(Ihugas, mulatresse libre, non mariee, batarde, nee d'un pcre
inconnii; ct d'un domestique de la maison du reverend Joa-
quini. Cette piece , loule humble qu'elle etait , clablil les droit*
du colonel , et il n'hesita pas a la publier pour se faire decla-
rer eleeteur. Apres les trois journaux que nous avons cites, et
qui sont quotidiens , il y a encore : i° PAnalkia; 2° /' Au-
rora fluminens ; 5° c" Astree ; 4° le Courrier dec Bresll, ecrit en
t'raneais. paraissant trois fois la semaine; 5° le Rio Herald (an-
glais) hebdomadaire; 6° le Malagueita } 7* le D carlo dos Dc-
pitlados; 8"le DiariodoSenado;o{'\cDesperlador Constilutionale;
\(j"\g Ccnsur Brazilico; i r VEspclho Diumanlino; les unsnien-
suels , les autres publics irregulierement; i2°le Propagador,
mi annales de medecine, de zoologie et de botanique, recueil
annuel. Detoutecetteliste, le Malaguetia, qui tire son nom du
poivre le plus chaud et le plus mordant qu'on reeolteen Ame-
rique, est le seul qui merite une mention particuliere, taut a
cause du talent avec lequel il estredige, que pour la viru-
lence des attaques qu'ils se permet conlre le gouvernement
et les gens en place. II est en guerre ouverte avec I'Imperlo
do Brazil; et, lorsque la famille d'Andrada etait au faite des
bonneurs et du pouvoir, il la poursuivit avec une violence
telle, qu'on ne put s'empecber d'attribuer a une vengeance
particuliere la tentative d'assassinat qui fut fake a cette epo-
que sur la personne de l'editeurdu journal. II fut grievement
blesse, et n'echappa qu'a graud'peine; il accusa, non-seule-
ment les Andradas, mais Pempereur, d'etre ses assassins, et
il en donnait pour preuve un mouchoir tombe dans le com-
bat, et qui portait les initiales de ses ennemis. Ceux-ci nie-
rent de la f'acon la plus forte, allerent meme le visiter tan-
dis que ses blessuresle retenaient au lit ; et aueunfait n'ayant
etc prouve contre eux, ils ne fureut point mis en cause. »
Nous avons assezfait connaitre cet ouvrage pour donner la
enriosite de le lire en entier, et nous y renverrons le Lecteufr
pour les observations de moeurs, el les traits generaux du
pays et du peuple.
GRAN DE-BRET AdrNE. 5o3
96. — Bertha's visit to her uncle in England. — Visile de
Bertha a son oncle en Angleterre. Londres, 1829; Murray.
3 vol. in-8".
Miss Edgeworth a dit, avec sa justesse accoutumee, qu'on
pouvait bien conduire un enfant aux sources du savoir, mais
qu'on ne pouvait le contraindre a y puiser s'il n'en eprouvait
le besoin et I'envie; aussi s'est-e!le appliquee a cultiver avant
tout rintelligence, et a lui donner le gout d'aller a la decou-
verte, et de s'enrichir partout de choses neuves Elle met les
jeunesesprits sur la voie de l'instruclion, et les laisse avancer
seuls, sans les charger d'unbagage inutile demots et de tomm-
ies. L'etude preparee aveccet art, et faite en liberie, acquiert
un charme infini , et devient une calme et innoeeiite passion
dont les jouissanees n'ont point de homes, car chaque jour les
renouvelle. Pour les enfans qui sont en marcbe, et dont l'es-
prit actif reclame de nouveaux alimens, la Visit e de Bertha
sera une mine precieuse, on lour curiosite trouvera sans cesse
de quoi se satisfaire ; mais pour les aulres, ce seront tettres
closes dont il ne tireront ni plaisir, ni utilile. II taut avoir en-
viede connaitre, ctde connaitre a fond, pour aimer cctte lec-
ture 1111 peu grave.
Quelqnes details religieux fort remarquables, nun's en de-
hors de nos mceurs et de notre religion , nous semblent de na-
ture a ne pouvoir se traduire; cependant, on annouceeommc
devant paraitre incessamment une traduction dece livre. L'o-
riginal est d'une femme.
97. — * The present state of infanticide in India. — De Pelat
acluel de l'infanticide dans lTnde ; tire des papiers soumis au
parlcment a ce sujet, en join 1824, et en juillet 1828, sur les-
quels on appelle de nouveau 1'atlention de ['honorable Com-
pagnie des Indes orientales, et des amis de la religion etde l'hu-
inanite; par J. Peggs, missionnaire a Cultack, a Orissa, au-
teur du Cri des Sutties d la Grande-Bretagne, etc. Londres,
i85o; Pecley. In-8°.
II est des crimes devant lesquels la pensce s'epouvante, et
qu'elle ne peut se resoudrc a considerer que par le sentiment
d'un devoir a remplir, et d'un grand bien a I'aire : de ce nom-
bre est l'infanticide , si commun dans les Grandes-Indes, en
depit des tentatives faites de loin en loin pour Pabolir. Un ou-
vrage publie par Moor, en 1811, un autre qui par ut en i8i5.
sur la possibilite de I'abolition du menrtre des enfans femelles d
(ju:erat, cnPm, les mesures adoptees par le marquis de \\cl-
lesley pour prevenir la destruction des enfans a Sangur, on!
Sgi LIVRliS ETftAiNGEfifc.
ciniii iinic .1 repandre on Anglcterre lacroyaueequecesodieux
sacrifices o'existaienl plus II nVn esl rien cependanl : cello
continue se continue encore publiquernent, et sur une im-
mense ctendue dc pays. Elle proud sou origine tanlot dans
d'absurdes superstitions religieuses, lautot dans un sentiment
d'orgueiJ hiimilie; car. pour un lndou, avoir une fille qui no
so marie pas est un dcslionneur afl'reux. Le reverend dortour
IV 'a rd, autour d'un savant Apercu de t'/ustoire,dc la liUcraliin
it ill' la inytliologiedes / ndoits, rapporleque los habitans d'Orissa.
ct do la par tie orieuialc ilu Bengale, offrent souvent leurs en fan a
u la deesse (Junga, el lui consacreni leur premier no, afin d'ap-
polcr scs benedictions sur le rosle do la l'aniillo. lis elevenl la
vietime jusqu'a ragedequalrc ouoinq ans, puis, a certain jour,
la meucnt baigner dans la riviere, et I'encouragcul as'a\ancer
<le plus en plus, jusqu'acequ'elle soitentraince par lecourant,
.t inoins que quelque charitable etrangerne la retire de I'eau,
< t no 1'adople. An nord du Bengale, il existe un autre usage
encore plus revollant. Si un enfant refuse le sein de sa mere,
et tombe en languciir, on en conclut qui! est sous I'mfluenoe
tie quelque malin esprit., on le met dans un bcrceau, et on le
suspend a unarbre, on ilest ordiuairemont devore par les four-
mis el par les oiscaux de proie. S'il survil trois jours a cello
horrible e-preuve^ la mere le reprend, et recommence a I'allai-
ter : ma is cc cas est fort rare, Un missionnaire anglais saliva
line fois une de cos nialheureuses creatures, qui elail lomlice
de sou berceau, et qu'un jackal emportait. Passant plus tard
;mi inciiie lieu, avec. un VQyageur, il trouva dans une cor-
i tide le sijiielette d'un enfant entieremciiL depouille par les
fourmig. (Ihaque coutree a sa legendepour juatifier riufanii-
tide, et la foi dans 'es traditions est telle, (pie la mere consent
prcsque toujonrs adevenir le bourreandesnnpropre nouriU-
son. Quclquefois ello I'etouffe aussitoi qu'il vieut de naiire,
on le Iait.se mourir, fautede soinsetde propretc. Quelque eina
tiueeque soil celt con til me, die est si fort contro nature, el
latrocite en est si e\idcnte, qu'iJ y a tout lieu de crone qu'il
nr I'audrait a b< oompagnie des Lndes qu'une voJonte ferine
pourla fa ire disparailre ciilierciucnl. Dcja ['abolition dts Suttees
ou sacrifices des veuves indie noes, pronoocee par le conseil
.ous la presidence <iu gouverneur-general, le/jdecembre der-
ner, a prouYe que les pr£jugps pppulaires n'etaient pas si re-
doutables qu'on se I'imaginail , el que le terns etail venu, 0,u
il u'etait plus pennis de tolerer de pareils exces d'ignorance
el de cruauie. en se retranchant ilerriere <^' vaines craintes
^'insurrection. Les relations ile plus en plus elonrlues a . cc les
GRANDE-liRETAGTNE. %5
Europeens, lc zile des missionnaires, la demonstration que
rien dans lenrs propres lois on Shastras n'autorise cette barha -
lie, oot deja commence aebranler les Indous, et il a sulli d'un
re jr lenient condamnant a Pamende et a la pri.-on quit onque
preleiait les mains on tolererait le sacrifice, nieme volontaire.
d'une veuve, pour calmer le zele des plusfervens. Que la Com-
pazine agisse de mfme pour ['infanticide, qu'elle menace ile
sa colore et de sa justice les parens assez denatures pour im-
moler leurs propres eufans, et avant dix ans, il n'y aura pins
d'exemple d'un pared crime. Si cette riche et puissante So-
cictc, menaceeaujonrd'hui dans ses privileges et son existence.
desire s'assurer encore de longues anoees, et consolider son
empire, e!lc ne le peut qu'cn appelant les peuplades qu'elle
gouverne aux bicnfaits d'une emancipation qui doit arrivcr
lot on tard, mais qui la soutiendra on I'engloutira, scion qu'elle
trouvera en elle un allie, ou un emiemi.
98. — * The i": ooni of Derorgoil. — La sentence do Devor-
g"il, melodrame ; el Archindrane, on la tragMie d' Ayrshire ,
par sir Waiter Scott, cdimbourg, i85o; Cadell. Londros.
Simpkiu et Marshall. In-8" de 55j pages.
Comment se i'ait-il que I'homme qui s'est montre si drama-
tique dans ses romans. 9i habile a faire agir et parler ses per-
sonnages, qui a fait passer sons nosyeux une suite de tableaux
liiouvaii.-, ait toujours echone dans les compositions qu il des-
tine an theatre? Le cadre lui semble-t- il trop etroit pour les
nuances qu'il aimc a y introduire ? Est-ce la profondeur de
passion qui lui manque, et qu'il cherche a remplacer par l'exa-
geration dans la situation el dans les caractercs? Je ['ignore;
mais, a en juger par I'executioo, sa theorie dramatifjue doit
elre defectueuse. II semble qu'il precede en sens inverse de sa
maniere accoulumee : tout l'cchafauiiage . tons les ressoi Is de
rintrigue que, d'habitude, il dissimule, el qui ne sont pour
lui que des moyens pour faire saillir un trait de earactere-,
viennent ici surle premier plan; Tout se dessine avec erudite.
6e sont de grands crimes, de grands remords, de giandes pu-
nition-, escortes de tout le bagage du decorateur, forets,
t'.'iiHi re, or age , puissances surnalurc lies ; depuis le fantome
>anglaiit jiwpi'aux hobgoblins OU larla.lels qui imitent sans
but les lia\aux el les ainuscmeus des hommes, et dont la
gaite a quelque chose de crenx et de faux : Walter Scott en-
io!e lout pour (aire de I'effet, sans parvonir a produire une
seide impression de plaisir 011 de terreur : o'esl que lui-meinc
m ii rien senti; il *'ost mis a I'oeuvre peiir faire un* pie <
3(,G LITRES Ef RANGERS,
qu'on put donnerau benefice de Terry, acteur qu'il aimait .
a l'Adclphi, theatre de Londres. II a fouillc, mm dans se&
souvenirs, mais dans I'inimense magasin du fatras melodrama-
liquc, el il en a retire les premiers materiaux qui 1 u i sont tom-
hessousla main, secontenlantde les coudre ensemble lantbien
que mal : puis, de loin en loin, son imagination s'est leveil-
lec, et quelques lueurs ile verve sont venues eclairer ce chaos ;
tcuiuin loute la partie I vriqne du dialogue entre la jeune Kath-
leen et son amourenx, deguises en lulins pour efl'rayer et
tourmenter GuM Crammer; la il y a de la gaite et d'amusantes
bouffonncries. Mais, pour nn pcu d'inspiralinn, que de rem-
plissage et de lieux communs ! Somme loute, la sentence de
Devorgoil est tout au moins insignifiante, et ne meriteraitpas
qu'on en parlat, sans 1'importanee du nom qui s'y raltachc.
II n'en est pas de meme de la tragedie qui vient apres, el qui
me semble fort superieure a Halidon lull, et a la Maison d' As-
pen , publico dans le Keepsake dc cette annec.
In jeune bomme, nomine Quentin Blanc, devient, malgre
lui, confident d'un assassinat commisseeretenieut par le lord
Archindrane , qui, redoulanl son tcmoignage, 1'cnvoie re-
joindre nn regiment de troupes auxiliaires a la guerre des
Pays-Bas. II obtient son conge, et revient dans son pays na-
tal au moment oi'i sa presence est plus que jamais dangereiise
au seigneur dont il est le complice involontaire. Les ennemis
de ce dernier apprcnnent le retour de Quentin, et se mettent
a sa piste pour s'en saisir et le forcer a parlcr; landis que le
lord , decide a un nouveau crime pour cacber l'ancien, le fait
cnlever ct assassiner. Le meurtre s'cxecute pendant la nuit .
a bord d'une barque, mais a peine le corps a-t-il etc jete a la
nier, qu'en depit des precautions prises pour le faire aller au
fond, il s'elevc a moitie hors de l'eau ; et, droit, porle par la
vague, il semble, a la pale clarte de la tunc, poursuivre ses
meurlriers. En vain, its redoublent d'efforts, en vain la bar-
que s'eloigne, le cadavre la suit au rivage, ct si un coup de
ramc le fait un moment disparaitre, il s'eleve de nouveau ,
toujours plus proche. Egare de terreur, l'assassin blas-
pheme haut, ct Philippe, fils de lord Archindrane, le poi-
gnarde, et le jette a sa victime comme un sanglant hdlocauste,
s'attendant presque a se voir haute par les deux fantomes.
Cette cir Constance rappelle un fait semblable , arrive a
bord d'un vaisseau anglais, et donne comme authentique par
un officier de marine , qui a public ses aventures il y a un an ;
il est probable que , frappe de ce que cette apparition avail
GRAN DE-BRET ACNE. ."97
d'imposant et de dramatiquc, sir Walter Scolt s'en sera em-
pare pour en faire la conclusion de son drame ; car e'est
la presence du cadavre qui depose contre le coupable, et fait
decouvrir toute 1'enormile de son crime. Bien que les situa-
tions soient encore forcees. et quelques pcrsonnages hors de
nature, cependant, il y a ca et la des nuances de naturel et de
vie que de grands ecrivains ne desavoueraient pas. La joie du
jeune homnie , son bonheur a revoir sa patrie , ses sensations
de bien etre et de jeunesse qui triomphent de tons les dan-
gers, de tous les chagrins, qui le font reposer en paix sous le
toil de l'homme qui s'est charge de l'assassiner, ont beaucoup
de fraicheur et de charine ; et remettent en memoire le relour
de Bertram aux lieux d'on il avait ete enleve tout enfant, et
cetle chaine de souvenirs vagues si delicieusement renouee
dans le heros de Guy Manner ing : de pareilles reminiscences
sont bien permises au poete qui, le premier, a cree cette si-
t nation ravissante.
99. — Walter Colyton : a tale of 1688. — Walter Coy-
ton : conte de 1688; par l'auteur de Brambletye-House , etc.
Londres, 1 85o ; Colburn. 5 vol. in-8" ; prix, 1 livre 1 1 shelling*,
C penccs.
100. — The Game of Life. — ■ Le jeu de la vie; par Leitck
Ritchie. Londres, i85o; Bull. 2 vol. in-8"; prix, 18 shel-
lings.
De nombreuses traductions ont deja fait connaitre aux lec-
teurs francaisMe talent de M. Smith. De tous les admirateurs
et continuateurs de Walter Scott, e'est leplusconsciencieux. II
ne se hasardesurun terrain qu'apres l'avoir bien examine; il en
connait a fond les moindres Iocalites. Plus antiquairc que ro-
mancier, il se pique d'une grande exactitude dans les descrip-
tions, les mceurset les continues du temsqu'ilchoisit ; ilya pour
ainsi dire, de I'originalite dans le materiel de ses livres. Chaque
scene, prise au hasard ressemble a l'interieur d'un cabinet go-
thiqueplein decuriosiles du moyen agesoigneusement conser-
vees. Ici, e'est une armure, la, un bijou, plus loin tine admira-
ble ciselure du travail le plus precieux, tout amuse Pesprit,
tout fait appel aux yeux ; mais si , fatigue d'avoir taut regarde,
on en vient a chercher des homines, du mouvement, de la vie.
alors le charme disparait, vous vous trouvez seu! au milieu
de debris poudi'eux, et votre imagination reclame autre chose.
L'auteur des Cavaliers, de W alter Colyton prepare admira-
blement son theatre, mais ne sait point creer d'acteurs, ou
.-)<)« LIVftES ifrllANGKItS.
-il en met en scene iis u'oni ni pby innomie, ni verite ; oe sont
des emprunts Tails j ses predecessewrs , el qui, des les pre-
miers mots-, trabisscni une preoccupation maladroke et 3an-
gereuse ; e'eet ainsi qu'un des prineipaux personnagej de eeiic
deruierc production rappelle ['inimitable Jean:iie Deans de la
prison d'Edimbourg, son voyage a Londres, et jusqu'a sa pre-
seotation a la reine. Cette fois . ce n'est qu'une favorite qu'il
s'agit d'attendrir en faveur dn heros, condamne a morl par
• iii conseil dc guerre pour avoir frapp e un offijpier superieur.
La mailresse du Cpupable se deguise en ho nunc . et parvient
jusqu'a la celebre Catherine Sejdley, comtes'se de Dorches-
ter, car Faction se passe sous le regne de Jacques II , et les
bases historiques sur lesquelles elle s'appuie soni I'rmpopula-
rite croissante du roi, les Irahisons ile ses courtisans, l'inva-
sion du prince d'Orangc et ['abdication : foods beaucoup trop
lourd et trop vaste pour la toile d'araignee lissee en dessus.
Les premiers ouv rages de 31. Smith promeltaient mieux que
cela ; psut-etre ent-il du se bonier a de com les scenes deta-
chers on. il efit mis en saillie les homines et les choses du lems
passe avec la conleur qui l'avait frappe dans les vieilles chro-
niques, I'envie de creerdes aventures, de leurdonner un fi! .
mi but. ['aromplclcnicnt d.'.-t.iurn'-de sa vocation. Evidemmcnt
preoccupe des objets exlerieurs, il a fait des romans pour clas-
ser ct utiliser ses reeherches, el Pintrigue ct les personnages
tie sont venus qu'en second, et taut bien que mal. Ce sont
surtout les conversations (jue rendenl insupportables leur man-
vais gout et 1'absence totale de naturel.
M. Kitehie s'est du moins preserve de la mariie de laire
<lu golhique, ou de l'histoirc-roman , et il faul Ten loner avanl
lout, car par ie lems qui court ce n'est point sa vocation qu'nn
auteor consul te, mais la vogue du jour : de hi ce deluge de
detestables memoires, d'insipides romans, a lilies fastuenx,
ii pretentions gigantesques , dont on assomme le public. lei,
rien de plus ordinaire que lc sujet, uii jeune hoinme sans
amis , mais bien ne , se voit force a visiter Londres , et a cher-
cher dans cette immense capitale une existence; il n'a d'atltde
appui que dix louis dans sa poche, qui sont bien vite man-
ges. II eopie des actes judieiaires, recueille ou fabriquc des
iiniivelles pour les journaux , eerie dans des magazine;;; ( nlin,
u'ayaut pour viue (pie son esprit, le met a contribution de
cent facons, et tantot heureux, tantot miserable, traverse led
scenes les plus varices . et assistc, dans nne ruelle de Londres
ou sur une de ses places . a tous les eontrasles dechirans ou
eomiques que peul offrir I'jnterieur d'une grande \ille. C'est
GRANDE-RRET^GNE. — RUSSIE. :.).)
im panorama que l'auleur a vouki derouler a (ravers de- sen-
sations individuelles, inais , il a plutot reusM a les multiplier
qu'a les approfondir. 11 n'y a <le calme nulle part, les tails,
les choses, les geos se pressent , sc hcurtent, entravent mn-
tuellement leur marehe. Jamais, eomme dans la nature, noe
sensation, aulour de laqnelle toutes les autres se groupenl el
cedent, ne domine seule. C'est un entassement d'images, dc
bruits qui ne disent rien a I'ame, et la fatiguenl an lieu de
I'enioin oir. Puis, la encore, on chercherait vainement une pen-
see nenve, une vueproiondeet intime de cette existence vague,
sans dignite, sansconsistanee, a laquelle les vices del'edueatiuu.
de la societe et tant d'autres causes contiamuent de nos jours
une foule de jeunesgens II y a ponrtant la de trisles et impor-
tantes verites a soulever, desplaies a sonder eta guerir, s'ilesl
possible. Mais ce qui manque depuis long-tems a ax ouvrages
anglais, c'est un haut sentiment moral , la preoccupation
que la litterature est une mission; ilsenont fait un amusement
des yeux et de 1'esprit : aussi decline-t-elle rapidement, et
devient-elle de jour en jour plus pale et plus enervee. C'est
un arbre sans scve , a longs et languissans rameaux, dont les
fruits n'ont plus de saveur. L. Sw -Belloc.
RUSSIE.
ioi. — Ottomanskaya Imperia, etc. — L'Empire ottoman,
on Examen approfondi de la Turquie d'Europe, dans son etat
acluel, sous les rapports physique, geographique , stalistique
et politique, emprunte, en grande partie, a la Geographic uni-
verselle de Malte-Brun, et complete par les documens les plus
reeens dus aux meilleurs ecrivains sur ce sujet. Moscou,
1828 ; imj rimerie de S. Selivanovsky. In-8" de 1V-J28 pag.
102. — Noveirliia istoritclieskia , etc. — Nouvelles counais
sances historiques, politiqucs, statistiques et geographique*
sur l'empire turc, empruntee- aux meilleurs voyages et aux
sources les plus cert lines, avec up supplement sur les moeurs
et toutumes de cet empire, sous la forme de nouvelles, d'anec -
dotes el d'entreliens. Moscou, 1828. 2 vol. in-8° de 25i el
241 pages, avec gravures; le premier, de 1'imprimerie de
PUniversite, et le second, de celle de Selivanovsky.
,io3. — Vsgliad na evropdiskouiou Tourtsiou, etc. — Coup-
d'oeil sur la Turquie europeenne et sur les environs de Con-
stantinople, sous le double rapport topographique et militahc,
avec les principles dispositions legislatives de l'empire otto-
ion LIVRES STRANGERS,
man. Ouvragc compose, d'apres [es ccrivains changers les
plus recens et les plus digues de foi, par lc capitaine d'etat-?
major general Laihjensky, et dejlie au comte Dubitch. Saint-
Petersbourg, 1828; imprimerie de Charles Kray. In-8° de
167 pages, avec une carte de la Turquie d'Europe ct une
autre des environs de Constantinople; prix 6 roubles, a la
librairie d'AIexis Svetnikof.
io/f- — Ninrcltnee Sostoianit, etc. — De l'Etat actuel des
prim ipautcs turques, la Moldavie et la Valachie, et de la pro-
vince russe, la Bessarabie; avec la description historique et
statistique de ces pays, des mceurs, des coutumes et de la vie
interieure de leurs habitans , la liste des bospodars qui ont
gouverne jusqu'a present la Moldavie et la Valachie, el l'ex-
plication des divers rangs et grades, tant civils que mililaires,
et des fonctions qui s'y rattachent; par Ignuce Iacovekka.
Saint-Petersbourg, 1828; imprimerie d' Alexandre Smirdine.
In-8° de 11-295-11 pages, avec une carte de ces trois pro-
vinces.
Les relations que la proxiuiite, une ancienne rivalite d'in-
terets, des conquetes recentes et des tentatives plus recentcs
encore pour accroitre , ou rlu moins pour consolider ces con-
quetes, en pro fi tant de 1'insurrection des Grecs, ont etablies
entre la Russie et la Turquie, doivent faire recherchcr avec
soin tons les documens statistiques et historiques que la pre-
miere de ces puissances publie sur la situation de l'autre ; mais
sont en meme terns une raison peut-etre pour qu'on s'attacbe
a discuter la valeur de ces documens et qu'on eelaire du flam-
beau de la critique des renseignemens que leurs auteurs peu-
veril avoir interSt a presenter sous 1111 jour favorable a certaines
vues particulicres. Nous avions done songe a reunir dans une
meme analyse l'examen des qnatre ouvrages dont nous venous
dedonner les tit res en tetedecet article et qui ont parutousquatre
dans la meme annec ; malheureusement, ces ouvrages nous
sont parvenus unpeu tard pour avoir, auxyeuxde nos lecteurs,
tout 1'attrait de la nouveaute, et nous risquerions, en differant
d'enrendrecompte, d'arriver dans un moment peu opportun,
quoique la question qui se debal en cc moment entre la Rus-
sie, ou, si Ton veut, entre la Grcce et la Turquie, soit encore
loin d'etic resolue. Nous aurons sans doute l'occasion d'y
revenir et de developper nos vues a cet egard ; aujourd'hui ,
nous nous contentons de presenter une idee succinite de ces
ouvrages d'apres l'impression qu'une premiere lecture rapide
nous a laissec, et en meme terns d'apres cellc que les critiques
cusses enx-memes semblent en avoir recue.
RUSSIE 401
Commencons par rcmarquer, en passant, que notre attente
n'a pas etc enlierement remplie a I'egard de ccs ouvrages. Ne
nous elantpas assez arretes an litre dc chacnn d'eux (que nous
avons piis la precaution dc Iransciiie en detail pour eviter
que les lecteurs tombent dans la meme preoccupation), nous
pensions que nous allions etre initics a d'importantes recher-
clies et a de nouvelles lumieres dues a 1'esprit d'investigation
et de critique, et nous n' avons guere trouve, dans les trois
premiers du moins, que des compilations, assez completes du
reste, maisdont lesauteurs eux-memes, al'exccption des deux
derniers, ont neglige de se nommer, faisant assez voir par-la
que leur travail etait, a leurs propres yeux, plulot line affaire
de circonstance et de speculation que le rcsuilat d'une deter-
mination cclairee et d'une etude consciencieuse de leur sujet.
Non pa's que nous voulions blainer en eux le lounble dessein
de cbercher a servir les interets et les exigences du moment
par la publication d'ouvrages qui peuvent, jusqu'a un certain
point, etre regard es comme des guides siirs et des manuels
indispensables a tons ceux qui s'occupent des evenemens qui
se passent ai:x licux dont ces auteurs nous offrent la descrip-
tion ; mais nous croyons indispensable, surtout a line epoque
ou les travaux scientifiques et litter aires tendent trop de tous
cotes a devenirde pures speculations, de bien etablir la diffe-
rence qui existe entre de simples compilations et des recher-
ches proi'ondes et consciencieuses , faites pour apporler de
nouvelles lumieres a la science.
II semble, en effet, qu'on devrait s'attendre a un travail neuf
et original de la part d'ecrivains russes sur des contrees que
leur position doit les mettre a portee de niieux etudier, et par
consequent demieux juger que nous; et cependant le premier
des quatre ouvrages que nous avons inscrits en tete de cet ar-
ticle n'est, commc son titre l'annonce, qu'une compilation
d'un ecrivain etranger qui, malgre les services incontestables
qu'il a rendus a la science et la juste estime dont jouissent ses
travaux en Europe, ne doit pas etre cru aveuglement sur
parole, surtout quand il s'agit de choses ou il a pu etre in-
duit lui-meme en erreur par l'autorite de ses devanciers, ou
qu'il n'a pu voir et par consequent juger avec ses propres lu-
mieres. Or, les reprocbes qu'on a pu, avec raison , adresser a
la Geographic universelle de Malte-Brun pour les parties qui
concernent plus specialement la Russie, etaient un avertisse-
ment pour ne pas prendre comme certains et non sujets A
contestation des fails et des renseignemens statistiques rap-
portes sur la foi d'autrui, et pour lesquels peut-etre l'autorite
t. xivi. mai i83o. 96
',(.<- LIVRES ETRANGERS.
rleHasselrtdeM.de Hammer, cites ausM dans le li\ re que nou«
annomons. n'esl pasnonpliisentu irement condiiantc. Tout ce
qui paraii appartenir en propre. a I'editeur dans oette publica-
tinn, c'est I'avertissement de deux pages qui est en tfcle du
volume, el qui temoigne du moins de ses bonnes intentions
et de son esprit eclaire. La premiere phrase surtout, ou il
parlc des sucres obtenus par les afmes de ses compatrioles
ilans line cause qu'il regarde connne coninnine « a tons les
fils dc l'Eglise grecque, combattanl pour I'affrnnchissement de
la patrie», nous parait en ineme teins l'expression do senti-
ment general que ceite cause a su eveiller cliez les Rosses el
mi exemple de cetje sage tolerance qui tend tons les joins, de
phis en plus, a eclairer le gouvernement d'un pays on la ma-
nifestation de la \ elite ccsse a ses yenx d'etre dangereusc.
Le second de ccs ouvrages , qui eompiend deux volumes,
est traits on ne pen tplus severement par VAbeille du Norrt
(n° i i/| de 1828) ; elle assure qu'il ne repond nullemcnt a son
titrc, et rpie c'est 11110 compilation d'anciens et de nouveaux
articles de journaux , I'aite sans elioix et sans aurun esprit do
critique, ou Ton trouve des (aides a cote de reaseignemens
historiques, et de purcs niaiseries meiees a des details teclini-
ques de geographic et de statistique. Le premier document
que nous offre cette compilation, et qui a pour titrc : Examen
chronologique de fhistoire des sultan-: trues, est une traduction
fort mal faite d'une parlie do V Art d? verifier les dales. Plu-
sieurs auteurs grecs, allemands, Irani ais, etc., parmi lesquels
figure encore Malte-Brun, out etc mis a contribution par les
edileurs, mais avec si pen de soin et tant de precipitation que
leurs jugemens Se croisent, se conlredisent, sans que Ton ait
cm nccessaire seulement de le (aire remarqucr. En nn mot,
cct ouvrage n'est, aux yeux des rcdactcurs de VAbeille da Nord,
que nous avons trouves rarement aussi severes, et dont nous
n'avons, d'ailleurs, aucim sujet de suspecter ici la bonne foi,
qu'un veritable livre de pacotilie , commc on en voit beau-
coup trop aujourd'hui dans le commerce de la librairic.
Ce journal traite un peu micux (voy. n" 70 de 1828) l'ou-
vrage de M. Ladijensky, dans lequel ii a CPU reconnaitre, du
reste, de nombreux et lYeqiicns emprunts fails a celui du co-
lonel franoais Denis dc Juchereau. 11 In i trouve presque toutes
les qualitcs opposees aux defauts qu'il reproche plus tard aux
deux volumes dont nous venous d'entretenir nos lecteurs, et
rejettc le petit noinbre de fautes qu'il y a remarquees sur la
precipitation avec laquclle 1'impression a etc I'aite, pour re-
pondrc a remprcsscment d'un public avide de renseignemens
RUSSIE. — DANEMARK. 4<£
sur tin peuple pour lequel sa vieille haine s'est ranimee a la
flannnc de ['insurrection grecque. Le Telcgraphe de Moscou
(n° 10, mai 1828) ne lui est pas tout-a-fait aussi favorable,
et il cntre meme a son sujet, et en commenrant son article,
dans des reflexions generates qui se rapprochent de celles que
nous avons consignees nous-meme en tete de cclui-ci, etou il
deplore le peu de soin avec lequel sont fails la plupart des ou-
vrages destines a repondre a iin besom du moment, el la trop
grande creance que leurs auteurs trouvent aupres du public;
mais il se hate cependantd'ajouter que celui de M. Ladijensky ,
malgre tout ce qu'il laisse a desirer, ne doit pas etre confondu
avec ces honteuses speculations pour lesquelles la critique de-
vrait reserver toutes ses rigueurs.
Nous consacreronsun article special a 1'ouvrage de M. Iaco-
venka , qui nous a paru plus neuf , plus original que les
precedens. et sur lequel nous croyons, par consequent, neces-
saire d'arreter un peu plus long-tems l'attention de nos lec-
terns. Edme Hereati,
DANEMARK.
io5. — A grammar of the Danish, etc. — Grammaire de
la langue danoise, accompagnee d'un recueil de morceauxde
litterature en prose et en vers, a l'usage des Anglais, par
M. Erasmus Rask , professeur d'histoire litteraire , et biblio-
thecaire a l'llniversite. Copenbague, i83o; Brummer. In-8°
de xn-iSi pages.
Dans un terns 011 la civilisation scmble rapprocher de plus
en plus les nations, comuie pour n'en faire qu'une seule et
meme fauiille tendant au meme but , on applaudit a l'appa-
lition de cbaque moyen propre a resserrer les liens litteraires
qui doivent les reunir. M. Rask a , sous ce rapport, bien me-
rite de ses contemporains. Peu de savans ont public autant
de grammairesque lui, peu degrammairesoffrent une reunion
de qualites aussi estimables que celles dont il a enricbi la littera-
ture danoise. La simplicite clans la melhode, la clartedansl'ex-
position, etl'exactitude dans les details sont en general les traits
distinctifs de ses ouvrages. La grammaire que nous annoncons
ne le cede en rien a ses publications anterieures ; il y adopte
le meme systeme qu'il a suivi dans ses grammaires auglo-
saxonne et islandaise; comme dans ses autres grammaires,
on y trouve aussi un traite fort instructif sur la formation des
mots qui, pour l'etude comparative des langues, est d'une si
404 livres etrangers.
grande importance. — Dans les details de cet ouvrage , il
y a pourtant quelques endroits oil nous ne sommes pas d'ac-
cord avec lui. Nous en citerons ici quelques exemples : pour
faire connaitre la prononciation de la voyelle 6 il cite les deux
vnots francais cceur et isuf, mais la voyelle de ccs deux mots
se prononce differemment. En disant, p. 17, que les mots
danois termines en let qui sont empruntcs d'une langue etran-
gere sont du masculin , il cite com me exception le mot
unicenitet qui est du genre neutre. II pourrait aj outer ici
le mot f/icuttet qui est aussi neutre , mais ce sont do petites
taches qui disparaisscnt au milieu de tout ce qu'il y a d'excel-
lent dans cet ouvrage.
La grammaire est suivie d'un recueil de morceaux de litte-
rature danoise. Quoique ces morceaux ne soient pas sans in-
teret, nous aurions voulu en rencontrer quelques autres peut-
etre plus dignes de cette distinction; nous regrettons surtout
de n'y pas trouver les noms des auteurs danois les plus cele-
bres ; enfin nous ne croyons pas qu'il soit convcnable d'offrir
auxcommencans des morceaux d'un style antique, quelqu'en
soit d'ailleurs le merite. II ne parail pas que l'auteur ait
voulu, par ce choix, offrir a ses lecteurs un echantillon ou,
pourainsi dire, un avant-gout des beautes de la litterature de
son pays : toutefois il remedie lui-meme a cette omission, en
renvoyant au recueil des plus beaux morceaux de cette litte-
rature qu'a publies M. Rahbek.
Le style anglais de M. Rask, selon l'avis des connais-
seurs, merite des eloges. II nous prouve de la maniere la plus
evidente sa capacite pour remplir la tache qu'il s'est imposec;
cette grammaire lui vaut aussi l'honneur d'avoir enrichi la lit-
terature de son pays du premier ouvrage systematique dans
ce genre. S. B.
ALLEMAGNE.
106. — *Monumenla Germaniee historica. — Monumenshistori-
ques de la Germanic. T*n. Hanovre, iS5o. In-t'oliode84opag.
Ce second volume renferme une collection de documens
historiques tres-precicux. On sait que lc premier comprenait
lesv'et vie siecles ; celui-ci va jusqu'au xnr. II donne d'abord
une vie de saint Gall, ecrite au vmc siecle ; ce n'est pas celle
qui est connue pour etre de Wielfried Strabon. Celle -ci est
la source de tout ce que Ton a ecrit sur saint Gall. Elle est
suivie de beaucoup d'autres traites sur ce saint, etd'un cata-
ALLEMAGNE. 4o5
logue des abbes ilu monastere qui commence par saint Otmar,
le premier qui se soit attache a la regie de saint Benoit ; sespre-
decesseurs suivaient celle de saint Cnlumban. Vers le milieu
du ix' siecle, un moine de Saint-Gall, appele Rappert, entrc-
prit d'ecrire l'histoire du convent ; on public ici son travail.
Parmi les annales nous citerons cedes de saint Amand, d'apres
un manuscrit de la bibliotheque de Gand, ecrit au ixe on
au xe siecle; celles de saint Bavon, imprimees d'apres un ma-
nuscrit du xive siecle apparlenant a la meme bibliotheque ;
celles de saint Maximin de Treves; puis la chronique de saint
Martin de Cologne, que ['on decouvrit dans unpalimpseste de
la bibliotheque de "\Valraff. Viennent ensuile les annales de
Xanten, redigees par un moine de cette ville, et les annales de
Fulde. D'autres contiennent encore la curieuse relation d'un
tournois qui a eu lieu a Mayence , en 1480.
Du reste, ce recueil ne nous interesse pas moins que les
Allemands, parce que M. Perz, qui en est 1'editeur, a revu
les annales de Limoges, et les a publiees d'apres le manuscrit
primitit' trace, ii la fin du ixe siecle, dans le monastere de Saint-
Marlial. — Le Chronicon Aqiulaneum, qui s'etend de 83o a
1020, avait deja ete public parLabbe et Martene : il a subi une
pareille revision. Nous avons encore remarque un autre litre
curieux : Chronica de sex tctutibus Mundi; puis un traite sur
les eveques de iMetz, par Paul "Warnefried. M. Perz a omis ,
toutefois, le recit des miracles de saint Clement. II n'y a pas
moins de details sur le monastere de Saint-Vendrille, et ce
que d'Aehery avait publie se trouve soigncuscment corrige. —
Nous citerons anssi les Return Francortnn genealogice deja
imprimees par Duchesne et Bouquet , niais revues sur un ma-
nuscrit de saint Gall. Ces genealogies nous imporlent beau-
coup, ainsi que le breriarium regain Francorum. — On a
imprime anssi dans ce volume un poeme sur Charlemagne, ac-
compagne d'une dissertation pourpmuver qu'il n'est pas d'AI-
cuin , mais d'Angilbert; puis la vie de cet empereur par Egin-
hard ; enfih fa eelebre histoire laissee pas Nithard, qui prit part
au\ demeles de Louis-le-Debonnaire avec ses enfans. Nous
sonunes forces de nous arretcr, croyani que nos indications
suffisent pour faire comprendre de quelle ressource sera ce
recueil pour tons ceux qui veulent bien connaitre le moyen
age.
107. — * Universal historischc UebersichtderGeschichteder alte 11
JVett. — Coup d'neil general sur l'histoire de l'ancien monde ;
par M. Christ. Schlosser.T. ii : 1™ et 1' parlie : t. iv : 1" par-
tie. Franct'ort sur le Mcin, i85o. In-8n.
4oG Livni.s Grangers.
L'auteur do cet article a donne unc traduction de la premier*
moitie de cet ouvrage. el I'accueil qu'il a repu en France, nous
permet d'annoncer que le public en possedera bientot la con-
tinuation (toy. ci-dessus, p. 345 fanalyse de cet ouvrage).
Nous allons prealablement la faire connaitre. L'auteur y parle
d'abord des successeursd1 Alexandre el de I'efat politique etlit-
teraire du monde sous leurregne. Cette partie adeja pan, en
francais, le traducteur ayant juge a propos de constituent! eu
ouvrage separe tout ce qui a precede la domination romaine.
On pense bien qu'au sujct dcs peoples italiqucs. M. Schlos-
ser a beaucoup profile de* savantes investigations de Niejmhr.
L'exislenee de l'Histoire de Rome, puhliee par 1'illustre au-
teur, 1'a engage a abregcr beaucoup ses recits sur les epoques
qu'il a approfondies. La premiere partie du second volume at-
teinl la fin de la premiere guerre punique. La niarche de
Rl. Schlosser est moins rapide, quand il arrive a 1'epoque des
Gracques, quand il nous parle de ^Iarius, de Sylla, de China
et des revolutions qui agiterenl Rome. L'histoiredescmpereurs
est traitee avec beaucoup d'etemlue, sin tout en ce qui con-
cerne la politique iutcrieure et 1'administration. Le terme que
M. Schlosser se propose est la chute de l'empire d'Occident:
il ne veut point aborder le moyen age. Ce qui fail surtout le
merite de ce livre, e'est qu'il n'est ecrit dans Tesprit d'aueun
systeme, d'aucune secte ; il n'est point dicte par une opinion
de cireonslance, 1'amour du vrai l'a seul inspire. Pendant qua-
ranle ans de sa vie, l'auteur s'est uniquement voue a I'etude de
l'anliquilc. En vain d'amcrcs et malveillautes critiques ont
cherehe a le decourager, a le priver de la seule recompense
que se propose le veritable homme de leltrcs, M. Schlosser y
oppose une juste indifference. II n'en retrace pas avec moins
de fidelite le tableau des diverses epoques, ses apercus litte-
raires n'en sont pas moins recherches. Content de presenter
les fails sous le point de vue le plus philosophique, il pent
dedaigner des chicanes de details, qui, fussent-elles fondees en
quelques points , noleraienl rien a I'harmonie de 1'ensemble
ni a la belle disposition de son histoire. La premiere partie du
r>" tome s'anete a Trajan. Le public allemand attend avec
impatience les deux deruiers volume.-.
108. — : Georgius Syncellus et JS'wcplioriis C. P. — Georges
le Syncelle et Nicephore de Constantinople; edition de Din-
dorf. Bonn, i83o. a vol. ln-8".
Ces deux volumes font partie de la belle coliection des his-
loriens de Byzance qui s'avance avec beaucoup de rapiditc.
sous les auspices de M. iNiebvhr, et par les soins d'excellens
philologues, ven le terme qu'elle rloit atteindre. Syncelle n'e-
ALJLEMAGNE. 4o;
lail pas 1'un des auteurs ie^ moins importans; il a ete conlie a
la revision de M. Dindohf, que ses tea vaux out rendu juslement
celebre. Dans une courte preface, il nous apprend qu'il a fait
usage de deux manuscrits de la bibiioiiicque de Paris. L'uu a
servi de base a la premiere edition, telle que publia a Paris,
en i65-', !e pere Goar, l'autre a ete indique aux savans par
les Letties parisiennes de Bredow, et M. Dindorl'cn aurait
lire im plus grand secours si ce manuscrit n'etait afflige de
nombreuses lacunes aux endroits les plus importans. II re-
prend le pere Goar au sujet de la maniere irrespecleuse dont
il traite Sealiger; mais n'y a-l-il pas tin peu de severite aussi
dans le jugement que M. Dindorf porte surle pere Goar qu'il,
appelle mediocri homo docirina, artis critical facilitate nulla,
negligentia incrcdibili. On n'en a pas moins reimpiime ici son
canon chronologique, scs animadversions, et jusqu'a son in-
dex. On a bien lait sans doule, mais si ce pere de 1'Oratoire
n'efit ete qu'un si mince erudil, il n'y avait pas lieu de lui ac-
qofder les honneurs dune compression. On doit a M. Dindorf
la justice de dire qu'il a signale les conjectures et les lecons du
pire Goar et les lecons quelquefois hasardees de ce savant.
Quant a lui. il a marque des letties A et B, celles qu'il doit a la
nouvelle collection des manuscrits de Paris. La reimpression
du Syncelle n'est pas un des moindr.es services rendus a la
science de l'liisloire par les savans qui s'occupent de repro-
duce les Byzantinss On sait de quelle importance est la ehro-
DOgraphie,pour laconnaissancedes dynasties d'Egypte. Quant
a JNicephore, cet airhcveque de Constantinople n'a donne
qii'uue chronographia rompendiaria, qu'un abrcge , dans lcquel
ont ete intercales des fails poslerieuts a son epoque : aussi le
pere Petau cherchait-il a ce tableau chronologique un auteur
plus recent ; on a reproduit ici la dissertation du pere Goar, qui
combat vietorieusement cette opinion. En/in, nous ne vou-
lons pas oublier de parler du traite de Bredow sur le Syn-
celle : on Pa place a la tele du second volume.
ioi). — Gesanmu Ite Sckriflen. — Recueil des ceuvres de Louis
BoF.KNE.Yol.i-'.ii. Hambourg, 182;); Hoffmann. P. deGouuliu.
ftlalgre sept volumes d'oeuvres, M. Bcerne est un ecriyain
encore ignore hors des limites tie l'Allemagne. Cependant il
merile d'etre oonnn a cause de la tournure originale de son es-
piil. Boerne est un Israelite, vivanl d'une maniere tres-inde-
peudante ; et n'ayaBt, Jain mi pays ou tout le monde a des
litres, que le simple degre de docteur, que les universites ac-
cordent tres-facilement, et que portent lousceuxqui n'onl pas
d'autres tides. Encore, ne parait-il pas que I\l. Bcerne se pare
de ce nom insignifiant. Cet auleui est du nombrc desecrivaim
4o8 L1VKES feTRANGEUS.
alleinandsqui ont cru dc bonne foi, pendant qnelque lenis, que
levir pays etait appele a jouir des bienfaits de la liberie de la
presse. En 1818, lorsque lea petits Etats d'Allemngue oserent
lever la main pesante de la censure, en depit de 1'Autriche ,
M. Bcerne (Hun journal in tit die : DielVaagc, la Balance, on il
signalait franehement les abus, etexposait avecvcrile la situa-
tion de ['Allemagne. Ce journal tut an nombre dcsrecueils les
plus francs et les plus redoulables pour le pouvoir absolu,
parte que l'auteur y maniait avec adresse l'armc de l'ironie et
du sarcasme, qui mine quelquefois les projets les mieux tra-
mes dans le silence et l'obscurite. On sail que les dectcts ou
conventions de Carlsbad ne tarderent pas a enlever aux jour-
naux allemandsla liberie dont ilsavaient joui tin moment. Les
journalistes independans virent . qu'ils n'avaient d'autre parti a
prendre que de deposer la plume. La plupart sc flattaient que
l'esclavage lie la presse ne durerait que peu de terns: mais il
continue encore, quoique mitige et modifie dans plusieurs pe-
tits Etats de la confederation. M. Bcerne vint en France, et
nous l'avonsvu quelquc terns babitcr l'ermitagede J.-J. Rous-
seau, dans la vallee de Montmorency. Etant retourne ensuite
en Allemagne, il continua de fournir des articles non poli-
tiques, mais pleins de sarcasrnes , aux journaux les moins
esclaves. Ses oeuvres ne se composent guerequede morceaux
ecrits pour les journaux. Ayant eu occasion de comparer la
nation allemande avec d'autres grandes nations, l'auteur pa-
rait trouver dans Papatbie de ses compatriotcs une des prin-
cipals causes de 1'etat de servitude dans lequel on s'efforce de
les tenir. De la ses remarqa.es ironiques sur le caractere alle-
mand qui se repetenljusqu'a saliele dans ses ecrits, et qui, toutes
spirituelles qu'elles sout, ne laissent pourtant pas d'exciter un
peu la bile des Allemands. On dirait que l'auteur est un enne-
mi ardent de la nation ; cependant, il est evident qu'ilnc bait
que lesdefauts qui empechent 1' Allemagne d'etre libre. Cette
pauvre Allemagne, avec ses trente-huit souverains, sa divi-
sion invariable en caste noble et caste roto-fiere , ses res-
tes de feodalite et de gothicisme , a eertainement beaucoup
a sereprocher de n'etre jamais parvenue a cette unite de gou-
verncinent et de nation , a Iaquelle sont arrives les autres peu-
ples d'Europe, depuis le moyen age, et a elre restee avec tant
de princes et si peu de pouvoir reel. Cependant, combien de
traits louables ne se deploient pas a cote de cette insouciance?
et quelle energie n'a-t-elle pas revelec dans quelques circons-
tances importantes? II faudrait lui tenir compte de ses quali-
tes en la pageant. C'est ce quene fait guere M. Boerne dans ses
sarcasrnes qui, aureate, ont le but patriotique de reveiller
ALLEMAGMv 4oy
1'AUemagne de sa lelhargie apparente. Les deux premiers vo-
lumes des ceuvres de Boerne contiennent des articles de spec-
tacles particulierement sur le theatre de Francfort ; les deux
volumes suivans sont remplis de morceaux poliliques qui,
dans les journaux, avaicntete en partie mutiles par lacensure.
Dans le cinquieme volume, l'auteur donne ses observations
sur les moeurs parisiennes et sur le mouvement de la littera-
ture dans cette capitate. Dansces observations, l'auteur traite
quelquefois les Fraucais avec aussi peu de management que
ses compatriotes ; cependant, on ytrouve aussi des reflexions
fines, ct des tableaux piquans qui tourncnt de terns en terns a
la caricature. Les deux derniers volumes contiennent des me-
langes qui ne sont pas tous egalement bons; on y remarque
tropque l'auteur vise a l'effet, et veuta toute force etre mor-
dant. En general un choix plus severe aurait mieux servi la
reputation de l'auteur.
no. — Die Pappenlieimer , historisch-romantisches Gemalde.
— Les Pappenbeim, tableau historique et romantique du tems
de la guerre de trente ans ; par A. de Tromutz. Dresde et Leip-
zig, 1829; Arnold. 4 vol. in-12.
Les romans a la "Walter Scott continuent de se multiplier en
Allemagne. L'epoque de la guerre de trente ans, ou tant d'in-
terets seculiers et religieux etaient en jeu, est excellente pour
les romanciers. C'est la aussi que M. de Tromlitz a pris son
heros. Pappenheim, general noble et catholique, qui assiege
Magdebourg, inspire de 1'affection a la fille d'un bailli, devoue
a la cause des protestans, la deshonore, la meprise, manque
d'etre empoisonne par elle, et meurt apres s'etre repenti
d'avoir fletri I'innocence de cette heroine qui, du reste, prend
des resolutions desesperees. Ce qu'il y a peut-etre de meilleur
dans cc roman , ce sont les tableaux guerriers, les scenes de
camp, les luttes entre le catholicisme et le protestantisme sur
le champ de bataille. D — c.
Outrages Periodiques.
111. — * Zeitschvifl filr Rechtswisscnscliaft. — Journal criti-
que de jurisprudence et de legislation etrangere ; public par
MiM. Mittermaikr et Zaccharij:; t. 11, cab. 1 — ^8. Heidel-
berg, 1 B3o.
Des articles reiteres ont signale l'importance de ce recueil :
le cahier que nous annoncons aujourd'bui n'a pas moins d'iu-
teret. S'agit-il de legislation anglaise? on y rencontre unedis-
410 LIVRES ETRANGERS.
cussioq sur les actesdu parlement, en matiere de banqueroute.
des remarques sur le droit de prdpriete fonciere, uue Notice
sur les dispositions relatives auxdelits de la presse; eulin, des
vucs sur les vices de ['administration de la justice a la chan-
cellerie. S'ag\jt-il de lois a etablir? qu'qp Use les beaux arti-
cles de ML Mittcrmaier sur les projets de eode criminel pour
les l'ays-Bas ; eulin , nous pouvons y Irouver sur nos propres
affaires des articles digues de la plus scrieuse attention ; ear
M. Foelix a examine dans ce cahier les detains de notre sys-
terae hypothecate, et M. Devaux s'est livre ;i une savante ct
ingenieusc discussion sur le duel. Pour assurer la bonte d'un
sysleme hypothecate, il fa ut quele capilalislc puisse connailre
exactement I'etatactuel de la fortune de son dehiteur ; il faut que
legage ne puisselui etresoustrait, sans leconooursdesa volon-
tc. Et e'est prccisement ('absence deces deux garanties qui nous
afllige. ML Foelix fait remarquer que nous n'avons pas meme
desinoyens certains pour savoir si I'emprunteur est rcellement
proprietaire de rinuneuble, la transcription n'ayant pas lieu
clans tons les cas, ct laissant en dehors les vices du litre du ven-
deur. Les charges dont mi bien a pu etre greve sont impos-
sibles a decouvrir; la fraude est aisee, et ici on cite l'excniple
d'un dehiteur qui engagea deux fois les memes immeubles,
pretendant qu'ils ne l'etaient pas, et appuyant ce mensonge en
ne fournissanta chaque creancier que deux de sesquatre abon-
tissans, tandis qu'il avail presente an premier 1'indicalion des
deux autres. Les actions resolutoires, les reductions pour sur-
venance d'enfans, les hypotheques independantes d'inscrip-
tion, sont au tantde picges clans lesquelspeut lomber le crean-
cier. M. Foelix se plaint surtout de ce que les registres ne
contienncnt que les noms des proprietaires, au lieu d'etre ap-
pliques aux biens eux-memes, en sorte qu'il est impossible de
savoir si ces biens sont greves du chef d'un autre proprietaire;
d'ou resulte la necessite de se procurer les noms de tons ceux
qui onl possede depuis dix on vingt ans, ou meme depuis
t rente-, quand il n'y a pas eu transcription. Les actes notaries
peuvent etre entaches de nullite, ne valoir que comnie actes
•sousseing-prive, et ne point autoriserd'inscriplions : les borde-
reauxeux-memessontsuietsabcaucoupde nullites. Rien n'em-
peche le dehiteur de dcteriorcr le gage, soil en consentant des
servitudes, soil en faisant des coupes. Les omissions commi-
ses par le conservaleur, dans les extraits qu'il delivre, la diffi-
culte de negocier les creances, les frais et les delais des expro-
priations, enfin, lesfraudesqui peuvent se conimettre clans les
ordres, sont autant devices auxquels il faut remedier. M. Foe-
AJLLEMAGNE. 4,1
lix nous promet lur ces divers points des vues que nous
attendons avec impatience, car il a I' erudition et la sagacitene-
eessaires pour bien discuter ces graves questions. Passonsa L'ar-
ticle sur lo duel, il commence par le narre du fait qui a si fort
exerce la jurisprudence des cours. Le projet de loi estanalyse,
ainsi que la discussion qui s'en est sui vie a la chambre des pairs;
on indique quelques ecrita publics a cetle occasion ; enfin, l'au-
teur aborde lui-meme le fond de la question. Lorsqu'un fail
existe depuis des siecles, lorsque des citoyens paisibles, des
homines d'honneur avouent qu'eux-meincs obeiraient a l'opi-
nion qui l'etablit, il faut bien que ce fait et cette opinion ne
soient pas les eil'cts d'un simple prejuge. II est des actions qui
echappent a la prevoyance des lois. De menie qu'on ne pent
recompenser tout ce qui est bien, on ne peut punir tout pe
qui est mal. La societe n'a done pas pourvu a toute espece de
vengeance, nee d'une offense particuliere. D'ailleurs, il est des
actions que Ton ne porterait pas a la counaissance des tribu-
naux pour en obtenir la reparation. Traliirait-on le secret de
la foi conjugate blessee? celui de I'atteinte portee a la purete
du lit virginal? et , cependant, n'yaura-t-il aucune reparation
pour des fautes qui attaquent la societe dans sa base?Tandis
qu'elle protege minutieusement tous les pas de l'homme dans
la vie physique, la plus noble paitie de notre elre restera-t-elle
sans defense? Le duel seul pent resoudre la question; il nous
vient de^ antiques races germaines; el, pour sa justification,
deux conditions seules sont exigees : i° te danger reciproque ;
2° la publicite et ia loyaute. On refute apres cette deduction
les argumens qu'on pourrait tirer de ce qu'on a dit conlre le
suicide, on de l'immoralite de la peine de mort, pour pros 'i
crire le duel. La seconde question (jue se propose l'auteur est
celle de savoir, s'il est possible d'empecber ie duel par des lois.
Ce ne sont plus des theories, ce sont des fails qu'il rapporte.
La Ckataigneraie, favoride Henri II , peril en duel, ce fut I'oc-
casion de la premiere ordonnance con tie les combats singu-
Hers; et, dans moins de dix ans, on compta plus de dixmille
victimes du duel; plus de huit mille perirent sous CharlesI.Y
et Henri III , malgre lcurs scveres dispositions, et bien que le
concile de Trente eut j)iit soin de declarer que e'etait un tour
du diable pour s'emparer des aines par la mort violente des
corps. Henri IV adoucit les rigueurs de scs predecesseurs, et
Ton se battit moins; enfin, quand Richelieu fit revivre les
anciennes peincs, on aocourut de toute la France a Paris pour
se battre sous ses fenelres. Aujourd'hui, qu'il ineurt moins
d'individus par suite du duel , que le hasard n'en fait flapper
4.a livues Strangers.
par la foudre, pourquoi porter line loi centre le duel? II n'y a
plus de batailleurs de profession, et l'Europe en est a jamais
purgce. Dans unc troisieme partie, M. Devaux prouve que la
loi nou voile n'est pas propre a atteindre le but qu'on se pro-
pose. D'abord, il n'y a point de definition generate ; le duel est
restreint a deux cspeces d'armes; en second lieu, il peche et
par la nature des peines, et par la procedure qui precederait
leur application. Mieux vaudrait se contenter de declarer que
le duel est pcrmis, et que la deloyaute seule occasionera des
poursuites, a raison du crime de meurtre ou de blessures. Cet
article est plein de vues ingenieuses et d'apercus justes ; nous
n'avons pu les indiquer que tres-sommairement. Ceux de nos
lecteurs qui voudront le lire en francais, le trouveront dans le
cahier de fevrier de la Revue Germanique, dans lequel il a ete
traduit.
i ia. — * Archiv fur Geschichte. — Archives d'histoire et de
litterature. publiees par Schlosser et Bercht. T. i. Francfort-
sur-le-Mein, i83o. In-8°.
Voici un nouveau recueil periodique dont le but est d'em-
brasser la science historique dans toutes ses branches, de rece-
voir dans ses cahiers les dissertations que beaucoup de savans
laissaient ignorees dans leurs poi tefeuilles, et de publier enfin
des analyses d'ouv rages importans. II n'est pas besoin de dire
que les juges sont competens : quandon a nomme les auteurs
de ce recueil, ou a rappele par cela meme les tilres incontes-
tables qu'ils ont al'estime de l'Europe savante. Jetons main-
tenant un coup-d'reil sur ce premier cahier. On y trouve,
d'abord, un morceau intitule : La Fitte et la Femme d'un mi-
nistre de la revolution; il y est question de j\lrac de Stael et
de M"" Roland. Mous ferons connaitre celte production de
M. Schlosser avec plus de details, quand la traduction qu'on
imprime dans ce moment aura ete publice; en attendant, nous
avertirons nos lecteurs que l'auteur se propose de donner line
seconde edition de son histoire du xvuT sieclc , et de publier
prealablement plusieurs morceaux de ce genre. Celui-ci est
plein desagacite, de vues profondes et ingenieuses. M. Schlos-
ser a encore iourni a ce cahier des lettres sur le Dante ; un
article sur l'histoire de la Suisse, par Meyer; un apercu sur
l'etat des corps enseignans, des professeurs et des eleves an
tems de Julien ; des recherehes sur les sources auxquclles out
puise les historiens latins des derniers tems; enfin, un article
sur l'histoire des Ominayades en Espagne. — Quant a
M. Bercht, il a enrichi ce cahier d'un morceau fort etenclu
sur le proces de Fouquel, et de l'examen de trois ouvrages
ALLEMAGNE. 4i5
de M. Bignon ; enfin, il y a joint des remarques sur Heeren.
Quant a present, nous nous bornerons a communiquer a nos
lecleurs quelques indications sur l'un des morceaux de ce
journal liistorique ; celui qui concerne les historiens latins, et
les ressources que leur ofl'iaient les docuniens publics de
Rome. 51. Schlosser fait remarquer que, des les tenls les plus
anciens, le grand-pretre tenait note des evenemens les plus
importans, et que le tableau qui les rappelait etait afliche pu-
bliquenient. C'etait bien la un journal officiel, dont chaciin
pouvait prendre des copies. Les lettres devinrent, dans la
suite, un moyen de publication et presqu'unesortede gazette.
11 y avait, au terns de Ciceron, des gens qui, moyennant sa-
laire, se chargeaient de tenir les absens au courant des affaires
de l'Etat. Beaucoup de lettres ecrites a un ami l'etaient, en
effet, pour toutes les notabilites de la province oii il se trouvait
et dans laquelle on les faisait circuler. II en est de meme des
epilres des apotres ecrites conformement a cet usage. Cesar
voulut que les actesdu senatet ceux)du peuple fussent publies
jour par jour. Dodwell etReinesius nous ont conserve des frag-
mens de ces journaux,qui remontent jusqu'a la guerre contre
Persee. On y lit la relation d'un jugement, puis celle d'une
querelle de cabaret, des details sur vine espece de faillite. De
tout cela il resulte que, des lors , les moyens de publication
etaient fort multiplies. 51. Schlosser prouve que Cesar pensait
a propager, par tous les moyens possibles, la connaissance des
affaires publiques, et qu'en effet il songeait a une sorte de
monarchiepresqueconslitulionnelle; mais Auguste, plusporte
au despotisme, revoqua ces decrets, et les journaux furent re-
duits a la condition des petites affiches. Les acta publico, dcttrna,
urbana etaient fort recherches. On les lisait dans les provinces,
aux armees, mais non pas toujours sans danger; des lors, le
gouvernement avait sesdelateurs, et Ton accusait d'opposition
tout ce qu'il y avait d'honorables citoyens en butte a la haine
des favoris des empereurs. On faisait aussi des recueils d'anec-
dotes scandaleuses dans le genre des Memoires de Chapelle et
Bachaumont. Les Grecs ordinairement s'en chargeaient. De
la vient que les derniers historiens citent ordinairement des
aulorites grecques. Ces collections etaient souvent de meil-
leures sources que les bulletins officiels des armees, ou la
flatterie attribuait aux empereurs des exploits mensongers.
M. Schlosser rapporte en ce genre des faits fort curieux : les
details qu'il donn e sur Torganisation des archives ne sont pas
moins interessans. Ph. de Golbery,
414 LIVUES ETRANGERS.
ITALIE.
n3. — *Bibliotcca agraria, etc. — Bibliotheque agraire on
Recueil d'instructions choisies sur 1'agricultufe. t. xii. Du
nuirier et des vers dsoie : instruction redigee par M. J. Mohetti
et M. C. CnioLiM. Milan, 1829; Stella ct fils. In-16 tie xvn
et 551) pages.
Nous avons annonre dans le terns la publication du pre-
mier volume decette utile collection (voy. Rev. Enc. t. xxxiii,
p. 5 12). Depuis lors elle s'est augmentee d'un grand nombre
tie volumes qui ont completement repondu a ce que faisait
esperer le premier, Lnouvrage dece genre manque en France,
011 I'agricufture n'est peut-etre si reculee que parcc que nous
n'avons point de bons livres elementaires. Le Calendrier du
bon cultivate ur, et les Annates de Rovltle , par M. de Dom-
basle , sont presque !es seuls qui puissent fitre lus avec fruit
par la masse des agriculteurs, et encore y aurait-il beaucoup
de cboses a retrancber et d'autres a ajouter, car les traites
elementaires d'agriculture doivent surtout etre concis, com-
plets et clairs. II serait tres-utile que des hommes de pratique,
aides par des gens instruits dans les sciences, sereunissent afin
depublier une suite d'ouvrages oiil'onrattacberait, auxprinci-
pes fondanicntaux de l'agriculture et de 1'economie domestique
rurale, toules les decouvertes et les inventions nouvelles, tous
les perfectionnemens obtenus. Les connaissances agricoles se
repandent beureusement tous les jours, les etablissemens-
modeles se multiplient, et il est probable que la collection
dont nous parlous obtientlrait un grand succes. — On en pent
juger par 1'utilite veritable qu'un traite pared a celui de
MM. Morelti et Chiolini aurait dans beaucoup de departe-
mens francais on la culture du murier et la production de la
soie est arretee par le defaut de bons renseignemens. Nous
avons vu nous-memc, dans le departement de l'Ain , et dans
plusieurs parties du Dauphine, des entreprises considerables
echouer parce qu'on n'avait pas des guides sfirs, et qu'on crai-
gnait la depense qu'il aurait lallu i'aire pour se procurer au
loin des chefs d'atelier et des ouvriers instruits et experimen-
tes : un manuel pratique aurait pare a tous les inconveniens
et appris une i'oide de ces choses toutes simples, qu'il n'est
pas i'acile de trouver lorsqu'on n'est pas deja penetre tie la
matiere. — Les deux auteurs italiens traitent en detail ce qui
regarde la culture du murier, ils decrivent les diverses espe-
ces, leur influence sur la soie des vers qui s'en nourrissent, la
ITALIE. 4,5
maniere d'elever ces animaux, le choix du local ou on les
place , la disposition des tahlcttes oti on les expose, les ma-
ladies auxquelles ils sont sujets; les outils et ustensiles neces-
saircs a tout etablissement de cette nature, etc., etc. Ils ont
fait un tres-bon ouvrage sur 1111 sujet important pourlenr pa-
trie, qui trouve, dans la production de la soie, une de ses
principalis sources de revenus.
1 14. — Viaggio di Terra Santa, etc. — Voyage a la Terre-
Sainte, divise en chapitres selon l'ordre des matieres, par le
docteur Santino Daldini, cure de Saltrio. Milan, 1829; Motta.
In- 12 dc 168 pages.
M. Daldini partit de Rovellasca, dans le diocese de Come,
au mois d'avril 1 8 1 4 • H passa par Eivourne, Zante, Spezia,
Micoui, Tine, Rhodes, Alexandrie d'Egypte, Tyr et Ptole-
mai's. Arrive a Nazareth^ il s'y arreta et celebra la messe au
lieu meme 011 s'accomplit ie mystere de I'Annonciation. II
visita ensuite les lieuxcelebresdes environs : le Thabor, Cana,
Tiberiade, le Jourdain; puis Saint-Jean d' Acre, Jaffa, et enfin
Jerusalem, ou il entra le 14 decembre 1814. Ily'trodra la
pesle, et nous devons le croire lorsqu'il raconte qu'il prodi-
gua ses soins evangeliques dans cette triste circonstaiice, oi'i
ils etaient fort necessaires, puisque les moines dominicnins,
chez lesquels il etait loge, montraient, selon lui , beaucoup
moins de zele que de crainte. Betbleem attira aussi ses pas ,
et apres avoir parcouru tous les lieux que consacrent les tra-
ditions ehretiennes, il quitta Jerusalem le 5o decembre i8i4-
II revint par Jaffa, Damiette, Rosette et Alexandrie. De cette
derniere ville, il partit pour Candie : mais une lempete le
rejeta sur la cote d'Egypte. II se remit bientot en mer, et ne
fut cette fois guere plus heureux, car, arrive a la hauteur de
I'ile de Sardaigne. le navire qui le portait fut capture par un
corsaire de Tripoli, qui fit du pauvre pelerin un miserable
esclave. Sa captivite dura trois mois, et prit fin par l'entre-
mise du consul anglais. Enfin il arriva a Livourne au com-
mencement d'aoiit i8i5, se rendit a Rome, obtint plusieurs
audiences du pape, auquel il remit, comme tous ceux qui
reviennent de la Terre-Saiote, les plaintes des moines qui
I'habitent et qui sollicitent des secours temporels du pere
spirituel des fideles, et rentra sain et sauf a Come.
On voit que ce voyage est uniquenient religieux, et qu'il
n'avait aucun but scientifique ou historique. La simplicite de
la narration de M. Daldini, son style inexperimente, sa facon
superficielle de juger les moeurs et le caractere des peuples
/,i6 livkes ltr angers.
chcz lesquels il passe, montrent que e'est la probablemcut
son premier et son dernier essai comme ecrivain, qu'il n'a
point fait ce long pelerinage pour en tirer parti litterairement,
ct qu'il nc l'a entrcpiis que pour salisfaire a un sentiment
purement rcligieux, qui est en debors du domaine de la cri-
tique ; du rcste e'est une satisfaction qu'il s'est donnee a ses
piopres frais , et qui n'a lien coute qu'a lui. Nous avons des
pelerins qui n'ontpas autant de desinteressement, ct qui voya-
gent avec inoins de simplicite. P.
1 15. ■ — // Viaggio. — Le Voyage, poeme de CalUroc Scbe-
zia (nom que porte Mrae Ce'cile de Luna Folliero, comme
membre de 1' 'Academic Pontaniana.de Naples). Naples, i83o;
imprimerie franeaise. In-8° de 80 pages.
Le poeme que nous annoncons a etc inspire a Mme de Luna
par la reconnaissance; elle l'adresse, comme un bommage de
ce sentiment, a Ms1' le due et a Mme la ducbesse d'Orleans. Ce
petit poeme a pour sujet le voyage que Pauteur fit, il y a
quelques aunees, de Naples a Paris, et il se divise en six
chants, composes de tercels (tcrzine). Lesverssont empreints
d'une douce melancolie, et plcins de ces tendres epanchemens
de coeur d'une jeune femme, qui ne manquent jamais de faire
impression sur les times sensibles. Nous y avons remarque de
belles et nobles pensees, et des images vives et gracieuses. Les
plus beaux passages de ce poeme se trouvent dans le 2C chant,
qui contient la description d'une tempete sur mer ; dans la der-
niere partie du 5", o\\ Mme de Luna exprime son admiration et
son amour filial pour le venerable 51. Charles Pougens ; et en-
fin, dans le 6% dont le sujet est la premiere entrevue qu'elle
eut avec Mme la duchesse d'Orleans.
Le style est naturel et correct, a tres-peu d'exceptions pres.
La versification, toujours elegante, harmonieuse, rappelle la
maniere des poetes classiques de l'ltalie.
Cependant, nous devons nous etonner que Mme de Luna, qui
est Ttalienne , et qui , eertes , n'a pas l'oreille moins delicate
que ses compatriotes, en general, ait pu faire. un eloge sincere
de nos orgues de Barbarie ( voy. la Note a du 6e chant ) , et
nous doutons fort qu'un veritable amateur de musique veuille
y souscrire.
Nous recommandons ce volume a tous ceux qui aiment la
poesie italienne, et nous sommes persuades qu'ils conserve-
ront, long-tems encore apres l'avoir lu, les douces emotions
qu'il leur aura fait eprouver. M.
ufi. — / Prigionieri di P'mighettone , etc. — Les prison-
ITALIE. 4i7
diers de PizzigheUone, roman historique du xvi* siecle; pur
I'auteur de Sibilla Odaleta et dc la Fiancee tigurienne. Milan,
1829; Stella et Qls.
Nousavons annonce il y a peu de terns les deux premiers
ouvrages de I'auteur anonyme de ce nouveau roman histori-
que, et nous avons du faire une part a I'eloge, une autre au
blame ( voy. Rev. Enc, t. xlv, p. 678). Aujourd'hui I'eloge
sera plus complet et la critique moins severe sans cesser d'etre
juste. L'auteur a fait des proxies evidens; il parait vouloir
partager avec M. Manzoni et I'auteur de Falco de la Hoche
le sceptre du roman historique en Italic Nous l'encouragerons
de toutes nos forces. L'llalie possede a cet egard d'immenses
ressources. Son histoire, morcelee comme son territoire, per-
met dinteresser plus vivement l'amour-propre de nation et
de cite; ses longues et sanglantes querelles intestines meltent
a la disposition de l'ecrivain des passions ardentes et drama-
tiques, cnfin les invasions etrangeres qui sent venues tant dc
fois engraisser ses plaines du sang de la France, de l'Espagne,
de 1'Allemagne, de la Suisse, tons ces fleaux qui sont pour
le philosophe un continuel sujet d'amiction, sont pour le ro-
mancier d'inepuisables sources de pathetique, de tableaux
piquans, d'intrigues attachantes, de peripeties terribles et
d'emotions toujours nouvelles. — L'auteur des Prisonniers de
Pizzig/iettone n'a pas employe toutes les ressources que l'his-
toire de son pays mettait a sa disposition, mais il a use de quel-
ques-unes avec habilete. L'epoque qu'il a choisie est celle de
la captivite de notre imprudent Francois I", et il s'est attache
surtout a bieri peindre, au milieu du peuple dont ils se dispu-
taient la conquele, ce roi, ses courtisans, ses chevaliers et
ses heureux adversaires, lesEspagnols. Plusieurs traits de son
tableau ne manquent pas de verite; cependant nous devons
dire qu'il nous serable n'avoir pas ele c'ompletement exact
dans le portrait qu'il a fait de ce roi que 1'histoire a flatte et
flalte encore mieux que ne I'aurait pu faire le plus plat de
ses valets, et qui etait tout simplemenl un egoi'ste volup-
tueux, spirituel et dur. Je ne dis rien de sa bravoure : e'etait
un meuble de son metier, et un vetement que portait dans cc
tcms-la tout bomme convert d'un casque de fer et muni d'une
bonne Lime de Milan. Du resle, les etrangers saisissent diffi-
cilement et rendent plus difficilement encore ce qu'il y a dans
nos moeurs et nos maniercsd'essentielleinent francais, et je ne
connais guere que Walter Scott qui ait su donner a des hom-
ines et a des evenemens de notre histoire la physionomie
que nous leur prttons nous-memes par tradition.
t. xlvi. mai i83o. 2"
4i8 LIVRES STRANGERS
PAYS-BAS.
i i y, — *Jiri:e i/ow den we'mig bekenden zuidelyken Moluku/ten
Archipel. etc. — Voyage dansl'Archipel meridional des iMoluc-
qdeset lc longde la c6te du sud-ouest, encore tout-a-fait in-
connuo, de la jNouvelle-Guince, parM. D. U. Kolff jcune,
lieutenant de marine, etc. Amsterdam, 1828. Iu-8° de 5g8 p.
Los iles Molticques meridionales, ainsi que les iles elites
d'Aroe et de Tenimber. etc. , ont ete toujours des possessions
fort interessantes pour le commerce des epieeries, qui s'y trou-
venl en si grande abondance. Ces iles etaient autrefois siuon
sujettes, an moins tributaires des Hollaiulais. Ceux-ci, apres
avoir retire les postcs qu'ils y avaient etablis , ne les avaient
pas visitees, depuis de longues annees, lorsque M. Kolfl'recut,
en 182"), la mission de les explorer. II a parfaitement alteint
le but de son voyage en rcnouant avec les indigenes les rela-
tions d'amitie et de bonne intelligence qui avaient ete inter-
rompues si long-tems. Partout il trouvait le plus grand respect
pour le gouvernement bollandais, ou la Compagnie, comme
ces gens-la aiment a le nommer meme actuellement.
En 1826, le meme ofiicier visita la cote sud-ouest de la
Nouvelle-Guinoe, terre jusqu'ici prcsque incomme, inhabi-
ted ou peuplee d'habitans qui sont encore an dernier degre de
civilisation; il offre encore le recit do ce voyage en nous
presentant de fort interessans details sur ces regions loin-
taines.
1 18. — De Mcnscli beschouwd in zijhen aanleg, etc. ■ — L'hom-
xne considere comme etre pensant, moral et sensible, afin
de developper les piincipes de toute connaissance qui lui est
possible, en rapport avec sa vraie destination, par M. J. -J. Le
Hoy. Delft, 1827. In-8" de xiv et 522 pages.
La philosophic de Kant, dite critique', avait trouve vers la
fin du xvnT sfeclede nombrcnx disciples en Hollande. M. Le
Roy est du nombre de ceux qui en sont actuellement encore
les plus chauds partisans. L'ouvrage que nous annoncons en
est une nouvclle preuvc, puisqu'il ne contient qu'une expo-
sition de la philosophie de Kant, quelquefois rectifiee et ani-
plifiee. La distinction de Kant, en philosophie critique, prati-
que el philosophie du jugement , screproduit surle titrememe
de l'ouvrage, car e'est l'homme intellectuel et pensant,
1'hommc moral et agissant, enfin l'homme sensible aux affec-
tions du beau, du vrai , etc. , et l'homme raisonuant et ju-
fijeant , qui torment les sujets des trois principalcs sections
du livre entier. La seconde partie, celle ou Ton traite de
PAYS-HAS. 4i9
I'homme moral, merile surtout les plus grands eloges. X.X.
i jg. — De I' emancipation de I'enscigncmcnt primaire clans le
royainne des Pays-Bas. Mons, sans date; typographic de
Hoyois-Derely. In-8" de 29 pages.
La question de la liberte de 1'enseigncment a etc singulie-
rernenl posee et debattue dans les Pays-Bas. D'un cote les
liberaux, c'est-a-dire les amis des lumieres, plaidant pour la
prohibition; de I'autre les indices de Rome, pour la liberte.
Cela s'est fait par le hasard d'unc de ces positions coniradic-
toires que les partis sont souvent conlraints d'acceptcr, parce
que les partis manquent de bonne foi. Pour nous, qui croyons
a cet inebranlable axioine, que la verite et la justice sont tou-
jours la plus sure voiepour arriver au bien , meme materiel,
nous n'hesitons pas, dans cette ciiconstanee conime dans
toute autre, a prendre parti pour le droit contre le fait acluel.
Que les jesnites abuseut de la liberie d'enseignement dans les
Pays-Bas, e'est un malheur sans doute; mais ce serait un
malheur bien plus grand que d'acceptcr, a propos d'une po-
emique ephemere, nn principe oppressifet subversifdes lois
d'equile naturelle. Dieu nous garde d'avoir la vue si courte
quede sacrifier, au profit des passions d'un jour, les regies qui
doiventbientut et pour toujouisiegncr surlemonde ! Quelque
specieux(|uesoient les argumens de I'autcurde la brochure qui
est sous nos yeux, quelque forte que soit la formule qui les
resume et qu'il a prise pour epigraphe : Eo:perientia optima
magisira, nous ne cro}rons pas qu'il soit. necessaire de les
combattrc : cette nature depreuves n'est pas admissible dans
l'espece : avant de ohereher a etablir le fait, il fallait exami-
ner le droit. C'est ce que l'auteur n'a point fait; sans doute,
parce qu'il passe lui-ineme condamnation a cet egard, quant
a la these qu'il soulient. S'il y attache pcu d'importance,
nous sommes encore en opposition complete avec lui : car,
pour nous, tout est la : le reste est une affaire de statist
tique. A. P.
120. — De Engelsolie Armen, etc. — Les pauvres Anglais et
la SocieU de Bien fat sance des Pays~Bas ; traduit de Panglais.
Amsterdam, i85o; Evven Garlman. In-8" de 57 pages.
Ce livre est une traduction d'un article qui, sous le litre de :
The Anti-paupersystem and home colonies, a etc place dans le
Quarterly Review pour novembre 1829. II conlient de justes
plaintes sur les mesures qu'on pr end en Angleterre pour lesou-
lagementdespauYres, el recouimandel'exemple de la Societe
de Bienfaisance des Pays-Bas, a laquelle on doit la fonda-
tion des celebres colonies agricoles. Sans doute, les Beiges
4ap LIVRES STRANGERS,
eprouveront mi vif sentiment de satisfaction, en voyantscsins
titutions patriotiqaeB e) bienfaisnntcs pmposccsconmiemodele
an penple qui se distingue le plus aujourd'bui par le nomine
et la Defection des associations philanlhropiques.
iai. — V erhandeling over hei Sewerken ran de geschietUnis
der Netln-landen , etc. — Traite sur la maniere d'ecrire I'his-
toire ties Pays-Bas, par ML. J. Scheltema. Harlem, 1829;
Loosjes. ln-8" de \i et 77 pages.
On sait qu'apres le deces de M. Stuart, historiographe dn
royanme, S. M. le roi de* Pays-lias, par decret du 25 dc-
cembre irisfj, a ouvert nu concours en invitant tons les savans
du rovaiunc a lui presenter leurs idees sur la meillcure ma-
niere de traitcr 1'liistoire des Pays-Bas. Quarante auleurs mil
repondu a l'appel. Cinq Memoires out ete juges dignes d'une
distinction honorable par la commission qui avait ete nominee
pour en juger. In des cinq est eelui dont nuns annoncons la
publication. Sans doute M. Schellema, si favorablement connu
par plusieurs ecrits relatifs a I'histoire de sa pa trie, elait un
de ceux dont 0:1 pouvait se flatter de recevoir une solution
satisfaisante de la question proposee.
La maniere de traiter I'histoire des Pays-Bas'peul etre mise
en question surtout sous le rapport de la difliculte.de reunir.
dans nn seul tout, I'histoire des Pays-Bas meridionaux avec
celle des provinces septentrionales pendant la peri ode de 1 58 1
jusqu'a i8i5. En verile , ce n'etait pas tin pays, e'etaient deux
parties tout-a-1'ait dislincles, 1'une sujette d'une puissance
etrangere, I'Espagne on l'Aulrichc, I'autre independante et
jouissant d'un rang distingue parnii les puissances de l'Hu-
rope. C'est pour cela aussi que M. Scheltema conseille de ne
pas chercher a rassemhler en'un corps des matieres si dispa-
rates. II vent qu'on traite I'histoire de ees terns separenient.
Les observations que l'auteur acomnnmiquecssurles devoirs
du t'ulur hislorien des Pays -Bas meritent une serieuse atten-
tion. Le gouvernement commence de plus en plus a livrer au
public les source.-, intcressantes de notre histoire. Les archi-
ves del'Etat, des provinces, des villes, des communes s'ou-
vrent pour tons ceux qui, dans un but scLentiflque, desirent
y i'aire des recherches. On use dona esperer que I'histoire des
Pays-Bas poUrra enfin etre fraitee d'une maniere digne de I'im-
porlance du so jet.
Nous espcrons que les auleurs des aulres quatre Memoires,
dont la mention honorable a ete laile, se dccideronl aussi a pu-
biier leurs ecrits.
122. — Recherches sur la tongue nationale de la majeure par-
PAYS-BAS. — LIVRES FRANC AIS. 421
lie du royaume des Pays-Bus, par M. le baron vanWkstreenen
van Tiellandt. La Have, i83o. In-8".
L'auteur, connu comme savant hibliograpbe, cherche a
demontrer : 1° que la langue neerlandaise ou flainande a ete,
depuis des tenis bien recules, la langue du gouvernemeni en
Belgkiue ; a'qu'elle a etc la langue de la litterature beige; oes
deux theses sontdeveloppcesaumoycn de do mb reuses citations
de lois et de coutumes anciennes ecrites enflamand ;de livres
flamandspublies dans les xv% xvie et xvn° siecles, de beancoup
<le productions des anciennes chambres de rhclorique, etc.
Les Maerlandt, lesKelu, les vanVeltnem etaulresont loujours
ecrit en flamand. L'auteur avoue que, sous la maison de Bour-
gognc , le fraucais deviut la langue de la cour, mais il sou-
lient que la langue flamande ou neerlandaise est toujours
restee la langue du peuple.
Des rechercb.es interessantes de M.Willems, d'Anyers, consi-
gnees dans son Memoire sur la litterature des provinces meridio
nales, confirnienl lesresullats oblenus parM. vanWestreenen.
On ne saurait qu'applaudir a desrecbercbes qui ser Vent surtout
aetendrelaennnaissaneede I'aneienne litterature beige. X X.
LIVRES ERANCAIS.
Sciences physiques et nature lies.
1 23. — * Memoire BUT la famille des ombelliferes, par M. Aug,
Pyr. de Cajndolle, niembre du conseil souverain de Geneve,
professeur, etc. Paris, 1S29; Treutlel et Wiirtz. Iu-4" de
8/| pages, avec 19 planches gravees en taille-douce ; prix, 3fr.
Ce Memoire fait suite a la collection des travaux que l'au-
teur publie successi vement pour servir a I'histoire du regue
vegetal; il est le cinquieme de cette collection, et traite des
ombelliferes. Les plantes qui composent cette famille out des
rapports si multiplies, qu'il n'^n existe pas de plus nalurelle, et
dont I'etude presentea la t'ois plus de dillieulles. lit, quoiqu'en
prenant deux plantes de cette famille aux extremites opposees
de la chaine, on trouved'enormes differences de composition;
cependant, comme on rencontre toutes les nuances qui con-
duisent de l'une a I 'autre par degres insensibles, il scmble
(pie loutes ces plantes ne forme nt qu'un genre tres-nombreux
•■il especes, oii les coupes qu'on y fait sont artificielles, seule-
ment pour en faciliter I'etude.
(i'est au travail de Cusson qu'il taut remonter pour prendre
one idee exacte de la composition des ombelliferes; depuis.
4-2i LIVRES FKANCAIS.
Hoffmann, Goertner, Sprengel, Lagasca, out perfection^ cc
tmvail ; uaais receminent M. Koch a public (1824), dans les
Rienioircs de la Societe des curioux de la nature , une disser-
tation ties- savante qui sert de base an Memoire de M De
Candolle. M. Kocli a remarque que c'est a tort qu'on regarde
Ie fruit des onibcllifcres comme forme de deux carpelles (que
Linnee appelail graines nues) et de deux styles; ce n'estque
par nn avortement regulier ct constant que les choses sont
ainsi reduites; car, dins la nature reeile* ilexiste cinq carpelles
et cinq styles. Ces carpelles se fondent, savoir : trois ensemble
du cote extern* de I'ombelle , el deux du cole inlerne ; il ne
reste que deux styles touroes, l'nn en dehors, 1'autre en de-
dans; Pun des carpelles porlc trois cotes, l'aulre deux.
Telles sont les distinctions qui servent de base au savant
auteur pour distribuer methodiquement les ombellil'ercs; il
ne nous est pas possible d'exposer ici avec detail sa theorie.
Linnee ne connaissait que 199 especes classees en 4a genres,
tandisque M. De Candolle classe 980 especes en 148 genres, ct
entre dans tons les developpemensneeessairespour fairc con-
cevoir l'ulilite des distinctions qu'il croit devoir adopter. Dix-
neuf planches servent a eclaircir les idees presentees dans le
texte. Ce travail est digue du savant auteur du Sysle?na et du
Prodronms : c'est aux botanistes verses dans l'elude de la na-
ture qu'il convient d'apprecier jusqu'a quel point on doit
compliquer Petude des vegetaux, en faisant reposer leur clas-
sification sur des observations aussi delicates que difficiles a
saisir. Francoeur.
!24. . — * Biclionnaire de mrdecine ct de chirurgie pratiques ;
par MM. Andral, Begin, Btandin, Bouillaud. Bondier, Cru-
veilhicr, Cullerier , Devcrgie (Alph. ), Dugcs , Dupuytren,
Foville, -Guibourt, Jolly, Lallemand, Londe, Magcndie, Ruticr,
Rayer, Roche-Sanson. Paris, 1829-1800 ; Gabon, Mequignon-
Marvis, Bailliere et Crochard, editeurs. II y aura i5 vol. in-8°
de 55o a 600 pages; prix de chaque volume, 7 IV. Le 4° vol.
est en vente.
Les principaux articles de ce quatriemc volume sont Phis*
toire medicale et chirurgicalc du cancer, en 1 15 pages; les ar-
ticles briilure,cnlcuh,blennorrhagie, i'ormant chacun 5o pages.
M. Londf. a egalenient consacre 3o pages a nous apprendre,
au mot boisxon, les differences des eaux de pluie, de riviere,
de source, etc. ; la maniere do (aire le vin, le cidre et la biere ;
il n'a pas oublie les proprietes du cafe, qui nous seront rap-
pelees un pen plus loin par ftl. Ratier , et Ton ne pouvait
leur accorder moins de 5 pages; on pent done assurer que le
SCIENCES PHYSIQUES. ^25
cinquicme volume ne terminer;! pas la lettre C. Cetlc enlre-
prise confirme, comme on voir, la justesse de celte verfte
devenue proverbiale, qu'il est diflicile de sortir de l'A, 15, C.
Cependant , si les souscripteurs consenlent a payer quelques
volumes de plus, ils pourront encore posseder un bon ou-
vrage; sinon, ils auront un Dictionnaire longuemcnt com-
mence, et plus rapidement fini.
1 25. — * Atlas historic/ ne et bibliographiquede la medecine, com-
pose de tableaux sur l'bistoire de l'anatomie, de la physiolo-
gic de l'hygiene, de la medecine, de la chirurgie et de l'obs-
tctrique, etc.; par Casimir Broussais, docteur en medecine,
professeur agrege a lafaeultede medecine de Paris , etc., etc.
Paris, 1829; Alllc Delaunay. Grand in-4" de 48 p. ; prix, i5 fr.
M. Chouland avail public a Leipzig,en 1822, douze tableaux
sur les difterentes branches de la medecine et sur sa biblio-
graphic M. Casimir Broussais a etendu ce travail ; en s'en em-
parant, il ne s'est pas borne a citer des litres d'ouvrages, mais
il s'est efforce de car a denser en quelques mots le systeme et
les opinions de chaque auleur, pour faire ressortir l'enchai-
nement des decouvertes, et la progression de la science. Des
modeles existaient deja dans ce genre ; V Alias hislorique dc
M. Las Cases , V Atlas ethnographique da globe, parM. lialbi ,
Y Alias de la lilteralure des arts et des sciences, dont plusieurs
tableaux out dejarccu en Allemagne leshonneursde la traduc-
tion , out demonlre 1'iitilite de ces tables synoptiques. M. C.
Broussais a done suivi une carriere dejatracee ; il a consacre
six tableaux hisloriques e! bibliographiques aux branches les
plus importantes des sciences medicales : Vandtomie, la physio-
logic, Yhygicne,\amedccine,h\ chirurgie etVobsletrique : en ou-
tre quelquestables supplemenlaires, dont 1'une ofJfre, dans uq
ordre physiologique, I'epoque de la fondation des principales
universites, ecoles de medecine, et academics; etune autre, b
nomenclature des divers journaux francais et etrangers.
Chacun des six tableaux comprend deux parties distinctes: la
la premiere bibliographiq.ue, danslaquelle sonl ranges, paror-
drealphabetique, les noms de tous lessavans qui onlcontribue
aux progresd'une des branches de la medecine, ouqniont ecrit
sur I'histoire de cette science; on trouve , a la suite dechaque
nom, la date de lanaissanceetcellede la moil de 1'auteuj, ainsi
que les litres dc sesouvrages.Ona blame ce mode disposition,
Euais bien a toil, selon nous; on aprelendu que l'exposition
chronologique adoptee par le docteur Chouland elait pre-
ferable. Mais, oil elait 1'avanlage? Celui de lire ccllc longur-
Uste d'auteurs dans leur ordre de succession ne coinpeasajj
4*4 LITRES FRANCAIS.
pas l'cxtreme difliculte et In lenteur des recherches, si Ton
etait curieux cle consulter I'ouvrage de tel on tel auteur;
car, dans les sciences, on ne coinpte pns par anm'es, mais
par homines ; ce sont ceux-ci qui niarquent les epoques
rema rqunbles et fonclent les dates de toute science , et
des sieclcs entiers peuvent s'ecouler , Bans laisser de traces ni
de souvenirs. En ontre, l'ordre chronologique est etabli dans
la sccondc partie, ce qui complete la tutalite ties rensei-
gncnuns , la premiere partie n'elant, pour ainsi dire, qu'une
indication pour ariiver a la seconde. Celle-ci offre un carnc-
tere different selon qu'elle embrasse les branches hyi otheli-
ques ou certaines de Part de gucrir; pour la physiologie etla
medecine, elle retrace leur histoire, en indiquant les revolu-
tions successives qtti les ont conduites jusqu'a nous, et en ex-
posant leurs decouvertes les pins importantes. Le tableau
medical est diviseen periodes formees arbitraircmeiit pai I'au-
teur, et comprenant un intervalle plus ou moins etendu, se-
lon l'abondance des maleriaux founds par l'histoire des terns
les plus recules, ou selon la richesse re elle de tel ou tel siecle
pour les terns modernes. Sept periodes sont ainsi fixees. La
premiere, depuis les terns indetcrmines jusqu'a Hippocrate;
la deuxieme, depuis ce grand homme jusqu'a Galien; elle est
de 58o ans; la troisieme, de Galien a Paracelse f 1 5^6) ; laqua-
trieme, dece fougueux alchimiste jusqu'a Sauvages (ao5ans);
la cinquicme, de celui-ci a Brown (49.1ns); la sixieme, de
Brown a Broussais (56 ans); la Sep ti feme de Broussais a uos
jours. L'on voit. d'apies cet apercu , toute 1'iniportance
queM. Broussais attache auxtems modernes; plus il serappro-
che de nos jours, plus il resserre ses periodes, parce que les
sciences, comiue les terns, presententun horizon immense; or,
les objets eloignes ne s'apercoivent que par groupes, tandis
que les plus proches s'offrent a nous distincts dans tous leurs
details.
Quelques mots sur chaque periode| donnent uue indication
sommaire de sa tendance et des systemes qui predominent,
puis, l'on trouve dans les colonnes suivantes, disposees hori-
zontalement, la liste chronologique des auteurs, ranges par
nation, et juges par la seule exposition sommaire de leurs doc-
trines.
Cette partie du travail de M. Broussais est la plus attaqua-
ble, parce qu'elle est la plus arbitraire , et qu'on ne peut ju-
ger un auteur parune seule ligne d'analyse; dans son ensem-
ble, elle nous montre la medecine, d'abord theologique, se
uiodelnnt ensuitc sur les ('coles pbilosophiques prcdoniinaii-
SCIENCES PHYSIQUES. 4a5
les, restant humorale depuis Galien jusqu'au xvn* siecle,
epoque ou clle offire un grand mouvenicnt. qui rcmet l'obser-
vation e-n honneur, renverse rhumorisme, localise les mala-
dies, etdcveloppe la doctrine de l'irritation. Ce coop d'ceil im-
mense, qui rappelle tout les terns et toutes les gloires, n'est
etranger a aucun penseur; on y retrouve la maiche habituelle
de I'esprit humain avec ses oscillations et ses progres, et ime
preuve de sa perfectibility indefinie. Si Ton pent reprochera ce
tableau l'absence de quelques idees vraies et saillantes an mi-
lieu des systemes qui amcnirent celui de l'irritation, dont
I'honneur appartient a notre siecle, on est bien plus e tonne du
silence volonlaire de I'auteur, sur les travaux qui ont mar-
que nosquinze dernieres annees; c'est une lacune qui frappe
d autantplus, qu'elle nous touche immediatement, et il y avait
mieux a faire qu'a se borner a enumerer des noma. La diffi-
culte etait grande, epineuse, peut-etre plus pour M. Broussais
que pour tout autre, mais son devoir d'historien lui com-
mandait de la surmonter.
Les tableaux consacres a I'anatomie et a la chirurgie offrent
l'exactitudeet la precision des sciences de Fails; plus de theories
oud'hypotheses, mais desdecouvertes, des methodeset des pro-
cedesutiles. La partie anatomique pent etre jugeecomplele, et
il en serait de meme de la partie chirurgicale, si l'epoque de
Desault jusqu'a nos jours avait ete traitee ; mais la lacune que
nous avons observee dans la partie medieale se rencontre en-
core ici : 1'amputation coxo-femorale de M. Larrey, la litho-
tritie de M. Ciriale, et tant d'autres heureuses innovations,
sont passees sous silence ; et, chose assez remarquable, I'auteur
cite les travaiKX des etrangers ; il parle des instrumens litho-
tripteurs de Gruituisen, tandis que tout le monde sait que ce
chirurgien n 'avait fait que jeter cette idee dans une note de
journal, sans lui donner aucune application, et il indique les tra-
vaux de Vacca-Beritnghieri sur la taille recto-vesicale, sans en
avoir rapporte la decouvertea YL. Sanson, auquel on I'attribue
generalement , quoiqu'on trouve dans Haller qu'un nomme
Vegeliul a publie ce precede.
Tel est 1' Atlas de Ml. C. Broussais : malgre quelques im-
perfections, c'est un ouvrage neuf en France, et dont l'expe-
rience prouvera l'utilite ; il est destine a repandre le goCit d'une
saine erudition, en en facilitant l'etude. C. S.
126. — * Eornmen des doctrines medicates et des systemes dc
nosolngie, precede de Propositions renfermant la substance de la
medecine physiologique ; par F. J. V. Brobssais. Troisieme edi-
/jaG UMiKS FUANGAIS.
tion. Paris t i83o; M"c Delaunay. 3 vol. in-8" ilc cxix-/(8.>,
591, 6a3 pages; prix, u5 IV.
II y aura mi quatrierue volume.
Nous rendrons compte de cet important ouvrage.
127 — *Des himorrholdes, ou Traits analytique detoutesles
affections hemorrhoidales ; par A. -J. de Momeciie, inedecia
<le la facultede Paris. DcuxUme edition. Paris, iX3o; M"c De-
launav. In-8" de 35o pages; prix, 7 IV.
L'accueil favorable que le public a fait a la premiere edition
de cet ouvrage est venu confirm er le jugemeut des medecins
les plus eclaires; une naethode parfaite, une diction pure, el
degagee de cette multitude deternoes scientifiques qui nc ser-
vent souvent qu'a dissjmuler l'ignorance, des details infinis,
mis a la portee de toutes les intelligences, ont rendu ce livre
precieux pour tous les homines atleints d'afl'ections hemor-
rhoidales; et Ton pent dire, sans crainle d'etre accuse d'exa-
geration, que e'est le traite le plus complet et le plus satisfai-
sant que la science possede surce sujet. M.de Montegre, dont
I'humanite pleure encore la perte, avait une penetration trop
\ive, un talent irop genereux pourne pas comprendre les re-
formes salulaires introduites dans la medecins ; aussi a-t-il ral-
tache l'aflfection hemonhoi'dale a la doctrine de l'irritalioi), et
\\ a su y ajouter des vues nouvelles puisees dans la plus saine
physiologic Un tel ouvrage ne peut elre. trop consult?, et il
oll're le double a vanl age d'etre a-la-fois savant et populaire.
128. ■ — *Traiie des plaits de tete et de t'enctplialite, principa-
lement de cellequi leur est consecutive ; ouvrage dans leqUel
sont discutees plusieurs questions relatives aux fonetions du
systeme nerveux en general; par M.J. P. Gama, chirurgien en
chef, premier professeur a l'hopital militairc d'inslruction du
Val-de-Grace. Paris, 1800; Sedillot, rue de 1'Odeon, n° 7>o.
In-8° de 5oo p.; prix, 7 fr.
Appele depuis long-tems aux premieres places dc la chirur-
gie militairc, M, Gama a eu 1'occasion d'observer des millier?
de faits, de comparer el de juger les methodes de traitement
employees par sesconfreres et leschirurgiens etrangers. Fixe
depuis cinq ans a Paris, et a la tete d'un grand hopilal , il a
continue ses recherches, verifieses opinions, el il a fail scrvir
lesprogres de la medecine a ceuxde la chirurgie, car ces deux
sciences doivent sesuivre et s'cclaircr multiellemenl. Malheu-
reusement cette verite est encore Irop souvent mcconnue. La
partie physiologique dc l'ouvragc offredes remaVques inleres-
.santes sur descas dc paralysic de poitrine, causeepardesapo-
SCIENCES 1'HVSiQlES. (yi7
plexics cerebrates, les sympathies nerveuses, les fonctions des
lobes cerebraux antericurs, et celles de la cinquieme paire;
maisces fails, reunis dans la theoric generate de Vunitii du sys-
timenerveux, ne s'y lienlpasparfaitement; car,quepeut-oncom-
prendre par unite du systcmc nerveux, si sa structure etses fonc-
tions offrent de arables differences; cela est tellement avere,
que M. Gama lui-mcme localise ['intelligence dans la partie
anterieure de la tele, et qu'il a demontre que la perte de la
parole resullait rarement des obstacles mecaniques, presentes
par lesorganes de la prononciation. Si ce moid' unite exprime
seulement que le systemc nerveux est partout continu, qu'il
offre une portion centralc on arrivent toutes les impressions,
qu'ebranlent les sympathies, ce n'est plus qu'unterme general
et abstrait , qui comprend une t'oule d'actions speciales et dis-
tinctes, dememe que dans l'unite de la vie se concent rent tou-
tes les fonctions qui l'entretiennent et la constituent.
Dans la partie chirurgicale sont traitees toutes les questions
importantcs, les plaies superficielles et profondes, les fractu-
res et leurs complications, telles que les paralysies, la com-
pression, les epancliemens, et les transformations qu'ils su-
bissent. La valeur reelledc I' operation du trepan est savamment
discutee, et beaucoup restreinte; cnfin, l'inflammationdu ccr-
veau et de ses dependences est eludiee avec tous les details
que comporte sa gravite : c'est ici que se revelent tous les
avantages de la doctrine de ['irritation, qui sont d'autant moins
contestable* pour les plaies de tete, que les causes sont exter-
nes, et que I'inflammation est ordinairement degagee de toule
influence etrangcre a la lesion. Aussi , l'auteur, qui neglige de
faire valoir ses propres titres a la reconnaissance, rapporle-t-
il ses succesalamedecine physiologique. — Nous ne pouvons
mieux faire connaitre la portee et l'utilite des regies de traite-
ment proposees par M. Gama, qu'en rapportant ses propres
conclusions, qui etablissent : i" que la reunion immediate de
tputes les plaies du crane, sans en excepter celles qui sont
compliquees de lesions inlcrieures , est indispensable pour
prevenir une trop forte inflammation du cerveau, et rendre la
guerison rapide; 2" que les saignees locales permanentes doi-
vent elreaussilotapresmiscsen usage, et prefereessoitaux eva-
cuations sanguines veiueuses, soit mix applications de sang-
sues, plus abondantes, el reiterees a de certains intervalles,
parce que les premieres agissent avec une aclivite continue,
que ne sauraient presenter les autres, et qn'elles donnent a
I'encephale le terns de se raflermir et de rep rimer son irrila-
tation, sansqn'aucune reaction puisse s'y Opener; 3* que Ir in-
4a8 LIVRES KRVNCAIS.
panne doit etre pratique que pour (a ciliterl' extraction des frag-
mens osseuac enfonces vers lecerveau, on des corps etrangers
accessibles aux instrumens apres la perforation do crane; 4" que
les revulsifs, ordinaireinent inutiles lorsque lc iraitement
local est bien dirige , sent souvem nuisibles, et ne peuvent
etre employes quequand L'irrilatiot) cerebrate commence a de-
croitrc ; 5° que le (Void est d'une application difficile et dange-
rcuse dans beaucoup de eas ;6° enlin, que les alimens ne doi-
vent pas etre refuses pendant trop long-lems aux gujets ntteints
de plaies de tete, lorsque les organes digestifs soul sains. » —
En resume, cc traite estun ouvrage consciencieux et utile.
c. s.
129. — De la destruction mecanique de la pierre dans laiiessie,
ou considerations nouvelles sur lalilhotritie; par J. J. A. Rical.
Paris, 1800; Gabon. In-8°de 89 pag., a vce planches; prix, a fr.
Ce Me moire, In a l'Institut lc 10 aout et le 14 decembre
1829, expose, d'une inaniere claire et precise, tout ce qui a ete
fait jusqu'a present pourcette branche de lachirurgie, les ins-
trumens cpie l'auteura inventes y sont decrits, et leurs avan-
tages expliques de facon a ne pas laisser douter de leur supe-
riorite dans la plupart des cas. J — s.
i5o. — * Collection des rapports generous- sur les travaux du
Conseil de salubrite de la rille de Paris et du de'parternent de la
Seine, executes depuis 1802 jusqu'en 1826 ; publiee sous les aus-
pices du prefet de police, par i\l. V. de Moleon. T. i". Paris,
iS5o ; an bureau du Recueil industriel, rue Godot-de-Mau-
roy, n° 2. et Bachelier. In-8° de xliii et 4«4 pages; prix,
7 fr.
C'est une idee bonne et heureuse que d'avoir commence a
reunir dans un meme ouvrage tous les travaux sanitaires et
hygieniques projetes ou executes dans les divers Etats de
l'Europe, en les considerant sous le rapport des applications
qu'on en pent faire, ou qu'on en a faites, a la salubrite publi-
que, soit dans les villes ou dans les campagnes ; soit dans les
grands ctablissemens, tels que les lazarets, les hopitaux, les
prisons ; soit enlin dans les manufactures, les ateliers, les habi-
tations particulieres.
« Une telle collection', grossie par le terns, devierulra une
sorte de Code on l'hygiene publique trouvera resolues toutes
les questions qui l'inleressent ; et l'industrie incertaine, des
reponses toutes faites aux questions qui l'embarrassent. » (Ex-
trail du Rapport du Conseil de Salubrite de la villi de Piiri.s .
annee 1821. )
M. de Moleon. dirccleur du Recueil induslrieL el auieur dc
SCIENCES PHYSIQUES. 429
plusieurs ouvrages sur l'industrie, la statistique et 1'economic
politique, l'un des anciens elevesde cette Bcole Polytechnique
qui a deja produit tan* d'hommes utiles dans tons les genres,
va rendre 1111 nouveau et veritable service a la civilisation, en
publiant la collection dont nous annoncons le premier vo-
lume.
Line table alphabetique des malieres traitees dans les divers
paragraphes des rapports du Conseil de salubrite permet de
recherclier et de trouver, avec une grande t'acilite, tous les
objels inliniment varies dont traite celte collection, et sur les-
quels on peut desirer ties renseignemens.
L 'importance de 1'ouvrage de M. de Sloleon, que voudront
se procurer et consuiter tous les prefets, tous les maires et tous
les hommes qui s intcressent vivement a la chose publique,
nous a determines a en Conner l'examen a l'un de nos colla-
borateurs, medecin inslruit et philanthrope , qui en rendra
compte a nos lecteurs. N.
i5i. — ■ Socicte royale et centrate d' agriculture : Rapport
de Rl. le vicomte Hericart de Thury, sur le concours ouvert
pour le percemrnt des putts fores , d t'effet d'obtenir des eaux
jaillissantes apptirables aux besoins de V agriculture. ( Seance
publique du 18 avril 1800.) Paris, i8"jo; Mmc' Huzard. In-8"
de 64 pages, avec 2 planches.
Le rapport de M. deThury est precede de l'explicalion des
deux planches destinees a mettre en quelque sorle sous les
yeux des lecteurs les causes de tous les phenomenes des puits
fores. Cette explication est liree d'un ouvrage intitule : Con-
siderations gcologif/ues et physiques sur la the'orie des puits fores,
ou fontaines artificielles, iniprime en 1829, chez Firmin Didot.
Cette matiere est aujourd'hui suffisamment eclaircie, et l'im-
Baensite des nouvelles ressources dont l'agricnlture pourra
disposer pour les irrigations ne peut manquer d'etendre les
speculations agricoles, de rendre produclives des teiics qui
semblaient condamnees a une eternelle sterilite, de dissemi-
ner avec moins d'inegalite les coltivateurs sur le sol, en leur
procurant en abondance, au point qu'ils auront choisi pour
leur habitation, l'element dont ils ne pevivent se passer. L'ex-
ploitalion des eaux soulerraines , ouverte maintenant a tout
le monde, et qui heureusement n'est pas encore une conquete
du monopole, quoique moins imporlante que celle des me-
taux et du combustible 1'ossile, a le tres-grand avantage
de se renouveler par une circulation permanente, au lieu
que les mines s'epuiseront inevitablement, aucune cause
connue ne tendant a rcproduire les amas precieux que nous
45o LIVRES FRANCAIS.
Iraosportons journcllement a la surface pour Ics appro-
prier a not re usage, Ics repandre partout ct fairc disparaitre
lours fragmens reduits a uue extreme division. Continuous
cependant a consomrner largemenC du charbon de terre :
c'estun moyen dc restituera la vegetation 1'un des principes
ilont ello a le plus besoin. En lui prodiguant I'eau avec la
mrme liberalite, quelque generation, encore loin do nous, aura
peut-etre de nouveau sous ses yeux un rogue vegetal gigan-
tesqixe, tcl que fut celui quo lc monde fossile nous revele.
Encourageons do tout notre pouvoir les divers emplois , la
plus grande consummation possible de charbon do terre, mul-
tiplions les puits lores, arrosons toute la terre, a fin qu'elle sc
revete dc sa plus belle parure, et qu'elle nous prodiguc ses
fruits; mais, dans rinteret des generations futures, ne prodi-
guons point les metaux.
La Societe centrale d'agriculture, bien convaincne de I'im-
portancede ce moyen d'irrigation qu'on pent appliquerpresque
en tout lieu, a propose trois pi ix qu'elle distribucra dans sa
seance publique dc i85o; ces prix seront de 3,ooo IV..
2,000 fr. et 1,000 l'r. Les concurrens devront I'airc connaitre,
par un protes- verbal : 1° le site et la profondeur des puits;
2° le volume d'eati qu'ils donncnt en 24 heures; 3" la tempe-
rature ile l'eau dans I'interieur des puits. lis joindrout un
proces-vetbal des tones oil pierres traversees par la sonde, la
note de l'epaisseur des couches et les memoircs de la depense
du sondage. lis feront constaler par les aulorilcs locales, les
ingenicurs des mines on des ponts et chaussees, les Societes
savantes, s'il y en a dans le departement, les l'aits enonces
dans les proces-verbaux.
Un concours pared, ouvert en 1828, a communique par-
tout un mouvement donl on a deja vu de grands efi'ets : des
travaux trcs-utiles ont etc. l'aits en France ; l'attention de l'Eu-
rope a etc f'ortement exeitee ; partout on se prepare a profi-
ler de cetle ressource des arts agricoles. Mais tout n'ctaitpas
encore assez prepare pour que toutes les conditions du pro-
gramme fusscnt remplies ; la Societe s'est done decidec, con-
formement a l'avis de ses commissaires, a proroger le con-
cours, ajournant lc grand prix dc 5, 000 fr. jusqu'a ce nouveau
terme. Quant mix deux autres prix, celui de 2,000 IV. a ete
partage cntre MM. Fi.achat freres , ingenieurs civils, et
M. Mr lot, mecanicien a hpinay, pros Saint-Uenis. Le troi-
sieme prix, de 1,000 fr. , a etc divise entrc deux concurrens ,
comme le second, eldeccrne a MM. Fhaisse, dc Perpignan, et
Poitevin, de Tracy -lc- Mont . pros Compiegne. Entin, une.
SCIENCES PHYSIQUES 43 1
grnnde medaille d'or a ete decernee, a titre d'encourngemcnt,
a M. Farel, de iMontpellier.
Nous croyons devoir transcrire en entier le resume tres-
eourt de iM. deThury. « II resulte detout ee que nous venons
d'exposer : i°que votre appel a ete entendu ; que, de tons
cotes, on s'esl empresse d'y rcpondre, et que Part de percer
des puils artesiens, ou fontaines arlifn ielles, qui semblait
anciennement etre un privilege exclusif pour les pays de
formation crayeuse de nos departemens du Nord, est main-
tenant intrbduit , ou plutot generalement repandu partout;
2°. Que de nombreuses associations se sont formees pour
en etablir sur tons les points de la France, et qu'en ce mo-
ment diverses compagnies percent des puits deja tres-pro-
fonds, et dont le succes nous parait infaillible; 3". Que
les cinq candidats dont nous avons fait conn ait re les tra-
vaux ont satist'ait a plusieurs conditions du programme ,
mais en laissant cependant beaucoup a desirer sous le rapport
de certaines difficultes que, jusqu'a ce jour, aucun d'eux n'est
encore parvenu a vaincre ou a surmonter, telles que rentier
percemcnt du calcaire jurassique , celui des marnes et argiles
irisees, celui de la grande masse de craie ; enfin, celui des
grandes depositions de sable coulant qui se trouvent entre
certaines formations lerliaires , et qui ont fait abandonner un
grand n ombre de puits deja tres-prolbnds ; 4°-Qlie? jusqu'a
ce que les sondeurs soient parvenus a surmonter ces difficul-
tes, il restera toujours de 1 incertitude sur le succes des puits
fores dans les pays qui ontpreciscmenl le plus besoind'eau. »
N.
1 3?.. — * Notice hisiorique sur le pro jet d' Line distribution gene-
rale d'eau, d domicile, dans Paris, el Expose des details y relatifs,
recueillis dans di/fcrentes villes da royaume uni, votamment d
Londres ; par C. F. Mallet, ingeniear en chef de premiere classe
an corps royal des ponts et chaussees, etc. Paris, i85o; Carilian-
Gorury. In-4" de 82 pages, avec un tableau et un plan de la
disposition des tuyait.r de cotiduite duns Paris ; prix, 5 fr.
M. Mallet a fait deux voyages en Angleterre, a I'effet d'y
observer les moyens employes dans ce pays pour dislribuer
l'eau dans les grandes villes. Charge d'abord d'une mission
speciale pour cet objet, il ne put sojourner assez long-tcms
dans la Grande-Bretagne pour y p router, autant qu'il le desirait,
de 1'instruction que les plus habiles ingenieurs anglais s'em-
pressaient de mettre a sa portee; apres avoir satisfait aux de-
voirs qui lui etaient imposes, il passa la Manche une seconde
fois, ft yisita plus a loisir les grands etablissemens de distri-
45a • LIYRES FltANCAIS.
bution des eaux. 11 etait alors mieux dispose pour celte etude,
muni 3'une suffisante connaissance do la langue anglaise,
ayant diseule d'avancc, el sous divers aspects, les questions a
rcsoudrc el les divers ul>jets de ses recberches. Son premier
voyage avail eii Lieu en lS-j./j : l'annce precedente M. le pre-
fct dc la Seine avail aussi visile I'Angleterre pour le meine
objel : mais il ne s'agissait encore que de se decider sur foffre
que faisait alors unc compagnie anglaise de se charger de la
distribution des eaux a domicile, dans Paris. Le resultat du
voyage de M. de Chabrol ne repoudit pas tout-a-fait aux vues
des speculateurs anglais; lc priucipe de la concurrence fut
consacre, et ce fut alors que M. Mallet recut I'ordre d'aller
recueillir sur les lieuxles inforniations necessaires pour i'aire
un projet complet de distribution des eaux, et le presenter aux
entrepreneurs, avec le cahior des charges, line sorte d'avant-
projet preccda ce grand ouvrage; revenu en France, vers la
fin de novembre 1824, notre ingenieur prescnla sa premiere
ebauche, an mois de mars 1826 ; etau mois d'aofit de lameme
ann.ee , il l'ut charge de la redaction du projet defied tif qui fut
terminc an commencement de ievrier 1826. i Ce projet portail
a 22 millions la depense du systeme de distribution generate
des eaux de 1'Ourcq, tant pour le service public que pour celui
des particulicrs; il se composait d'un Memoirc instructif, du
clevis general des travaux a (aire, d'un bordereau de prix de
toule especc, d'un detail estimatii'et de 54 feuilles de dessins
ou plans dont un presentail, sur une grande echelle, la dispo-
sition generate du systeme et de Lous les tuyaux places dans
chacune des rues de Paris. »
Ce projet, examine d'abord par une commission, diseule
ensuite dans le Conseil des ponts et ehaussces, donna lieu a
diverses observations, et enfin a une proposition qui cbangeait
une des donnces essenlielles, et, par consequent, modiliait les
moyens d'excculion ; avanl de s'arreter aaucune des modifi-
cations proposees, le Conseil voulut se rendre. compte des
depenses qu'.eUes entraineraient; M. Mallet l'ut encore charge
de I'aire res nouveaux calculs. II s'agissait de I'aire contribuer
a la to is la Seine et I'Ourcq a la distribution que I'on voulait
I'aire. On proposait trois syslemes difi'erens pour arriver a ce
resultat; notre ingenieur presente dans un tableau l'estima-
tion des depenses de chacun. Le plus economiquc scrait celui
qui conserve) ait, pour les eaux de I'Ourcq, le systeme actuel,
« en invitani M. G iuabd a terminer le projet dont il a- ait pose les
bases dans l'ouvrage qu'il a public en 1810, projet dont 1'exe-
cution est deja tres-avancee, et il landrail qu'on appliquat lc
SCIENCES PHYSIQUES. /,">
Syslcme Doureau, seulemenl au houveau gome tic dislribu-
'<ion. <• L'atilorite des rbill'rcs ne donna ooiirtant pas la prioritc
;'i ('fertc proposition; on prefera i'niHi'oriiiile des systemes de
distribution pour les cauX des deux rivieres. Le savant ct volu-
fiiiiteux travail deM. Mallet fnt adfcsseaM. le p relet de la Seine
"pai'M. lc dirccteur-general des pontsct chaussces; puis com-
munique an Conseil municipal de Paris, qui noinnia anssi sa
commission d'examen. Enfin, il fnt arretc que Ton distribne-
ra it les eaux de POurcq suivant lc projet de M. Girard, et que
l'on se bornerait a clever 2,000 ponces d'eau de Seine, pour les
distribucr suivant le nonveau systcme. Ainsi, les vues d'eco-
nonrie prcvalurcnt dans lc Conseil municipal. Au mois d'avril
i82'8, M. Mallet recut l'ordre de faire le projet definitif
ij'apres les nouvellcs donnccs. En meme terns, I'administra-
tion rcpandit dans le public le caliier des conditions proposces
nux capitalistes qui voudraicnt sc rendre adjudicataires de
I'entreprise, aYec invitation de faire connaitre leurs observa-
tions. «Lc i5 juillct suivant, ime commission prise dans lc scin
du Conseil municipal, et aupres dc laqiicllc nous fumes ap-
pcles, M. Girard ct moi , commenra l'exanicn des observa-
tions envoyees, el la discussion des objections presentees qui
devait preceder le caliier des charges. Mais dejii nous avions
commence l'etude du projet, d'apres nos proprcs idecs, et il
ctait trace sur le papier, lorsque la commission, apres avoir
discutc lc programme, arrcta eclui auqucl nous aurions a
nous conformcr, ct deeida, entre alitfes choses, que nous
utiliscrions les trois etablissemens que la ville possedait sur
le bord de la Seine, deux au-dessous dc Paris et un au-dessus,
et que la ville fournirait sur la rivedroite, vers la Rapce, l'em-
placemcnt d'un quatrieme ctablisscment. C'est sur cc pro-
gramme que nous avons compose notre troisieme projet qui,
joint a eclui'qui avail etc dcinande a M. Girard pour les eaux
de l'Ourcq, devait etrc propose aux spcculateurs comme prc-
sentant les elemens de leurs ealeuls, ct devenir, pour l'admi-
nistration, la base fondamentale d'un contrat dans Icquel clle
avail 1111 si grand inleiet. »
La platiche jointe a cctte notice prescnte l'enscmlile de ce
projet, lc troisieme que l'auteur avait rcdigc, ct qui fnt ap-
prouve par la commission du conseil municipal, apres un cxa-
men qui occupa plusicurs seances. Le nouveau caliier des
charges ctait alors au ministcre dc l'interieur el donna lieu a
quclqucs communications cntre cc minislere et la commission
du conseil municipal; lc Conseil d'Elatprit enfin pari ;\ cede
longue serie de discussions et d'examens; il fit quelques legi -
t. xlvi. mai iS5o. " 28
tfj LIVHES FllANCAIS.
res modification?, et apres quelques autres epreuvas, le cahier
des charges fut livre an public, au moU d'aout 1829. «U prc-
sente dofinitivement labasedu contratpourl'importanle entre-
prise offcrtc a 4a speculation, ct nous osons 1'espercr aux vues
philanlropiqiies des capitalistes. lis n'oublieront point, sans
doute qu'ils sont charges de pourvoir a l'un des premiers be-
soins de la capitate du monde. besoin aussi grand qu'il a ete
jusqu'ici inrompleleincnt satisl'ait, malgre la constante solli-
citude des magistrals de la ville. »
L'histoire de ce projet confirme de plus en plus ce que Ton
ne peut ignorer, depuis que Ton execute de grands travaux
publics. Pour concevoir et preparer ces travaux, il faut des
connaissances approfondies et l'habilete de I'artiste ou de
Pingenieur : pour faire adopter un grand projet, il faut des
facultes d'un autre ordre; les obstacles moraux sont plus
didiciles a surmonter que tous ceux qui ne tiennent qu'a la
nature, etaux limites des ressourcesque les arts et les sciences
peuvent procurer.
Le reste de celte Notice est consacre a Pexposition des faits
relatifs a la distribution des eaux, recueillis par l'auteur dans
le cours de ses deux voyages en Angleterre. 11 visita sueces-
sivement, et dans le plus grand detail, les nombrcux etablis-
semens qui repandent, dans tous les quartiers de Londres,
des eaux beaucoup plus abondantes que celles dont jouiront
les babitans de Paris, lorsque le projet dont il s'ag t ici aura
recu son enliere execution. Ajoutons qu'au moyen des pre-
cautions que prennent les compagnies chargecs de ces dis-
tributions, les eaux qu'elles fournissent sont d'une admirable
limpidite et d'une saveur irreprochable : M. Mallet etail fort
satisfait de l'eau que recevait la maison ou il logeait a Lon-
dres, etcependant, il appritque l'etablissement allait changer
sa prise d'eau et conslruire un filtre , ce qui devait entrainer
une depense de pies de deux millions. Dans une conversation
avee le directeur de cet etablissement, comme il exprimait
son etonnement cju'une compagnie put se resoudre a un
aussi grand sacrifice qui lui semblait tout-a-fait inutile, il recut
cette laconique reponse : Ceau. doit etre comme la femme de Ce-
sar. A Paris, on est moins scrupuleux.
Nous regrcttons de ne pouvoir suivre Pauteur dans les
nombreux details ou il entre sur les filtres, leurs dimensions
et leurs produits, sur les differentcs formes de robinets, sur
les prises d'eau, les conduites, les reservoirs, la distribution
ii differentes hauteurs etc. : M. Mallet a depose une grande
partie de ces connaissances dans le Bulletin Universel, et dan»
SCIENCES PHYSIQUES. 435
le Journal du Genie civil, recueils periodiques oil les deve-
loppemens que ces notions exigent sont a la place qui leur
convient.
En quittant Londres, l'auteur va continuer ses observations
a Manchester, a Liverpool, et successivement a Glasgow*
Greenock et Edimbourg. Cbemin faisant, il observe tout ce
qui pent interesser uu ingenieur sur celte terre elassique dc
Tindustrie, et fait une ample provision dc connaissances qui
lui fournirbnt sans doute la maliere d'un no uvea u Memoire ;
il nous le fait csperer. Son attention s'est dirigee« sur les
constructions de divers genres, pouts, ports de mer, edifices
publics, e gouts ; enfin sur les cheinins de fer frails ways], ob-
jct qui, plus que jamais, occupe nos voisins, et n'est pas loin
d'operer cbez nous une revolution dans les divers moyens
de communication qui ont etc en usage jurqu'a ce jour. » Au
sujet des chemins de fer, M. Mallet recommande l'ouvrage
que MM. Coste et Perdokket ont p.ublie sur ces importances
constructions (voy. Rev.Enc, t. xlv, p. G87). On remarque
frequemment, en lisant celte Notice, que l'auteur est trop mo-
deste pour nc pas etre impartial, trop eclairs pour que ses ju-
gemens ne soient pas conformes a l'equile. F.
1 33. — * A sir onomie pratique ; usage et composition de la
Connaissance des terns; ouvrage destine aux astronomes , aux
marins ct aux ingenieurs; par L. B. Francoecr, professeur
dc la Faculte des Sciences de Paris. Paris, i83o ; Bachelier.
In-8" de 5oo pages avec des planches gravees en taille douce ;
prix, 7 fr. 5o c.
M. Francceur, encourage par le succes de ses traitesde ma-
thematiques pures et appliquees, et penetre de l'ulilite d'un
ouvrage specialement consacre a I'application raisonnee des
formules et des ephemerides aux problemes d'astronomie
usuelle, vient de rendre un service a la science, par une pro-
duction dont je vais rendre compte et indiquer le plan.
Une introduction est destinee a rappeler les formules tri-
gonomelri(|ues servant a resoudre la pi u part des problemes
d'astronomie pratique ; a faire connaitre quelques particula-
rites sur les etoiles, et a indiquer les moyens d'abreger cer-
taincs operations numeriques, etc.
La premiere parlie de l'ouvrage supplee au laconisme du
texte de la Connaissance des terns , pour ce qui a rapport a la
signification et a l'usage des nombres qu'elle conticnt. On y
remarque le calcul de la refraction par les tables de ce livre et
par les tables, plus commodes, (bailees sur I'cuiploi des logn-
rithmes; des notions precises sur la formation d'un catalogue
$6 LIVRKS FRANGAIS.
d'etoites; sur l;i determination des ascensions droiies cl decli-
nirisons apparcntes, cl le calcul de roMiquitc de IWIipiiqne,
en ayant egard a la nutation Inni-solairc ; sur la melbode
d'inrerpolalion appliqnee aux lieux lunaires, el sur la figure
da globe terrestre. Enfin cett-e premiere panic est terininee
par line theorie complete des parallaxes et par <lcs cxcmplcs
niinicriques propres a guider, dans tons lescas, le ealcula-
teur, pour passer du lien vrai ile la luae ail lien apparent, on
veciproqucment.
La secondc parlie a ponr objet Ies theories ct les solutions
tVun grand nomine de problemes d'astronomie. Kile est prin-
cipalcment mligce en faveur des ingenicurs qui . ne I'aisanl
qn'aceidcnlellement des applications de eelte science, de-M-
reni savoir titer des observations celestes les rcsullats utiles a
la navigation et a la geographic. Le premierparagraphc est re-
lalifa la mesurc du terns et a la conversion des di verses dorees
les uncs par les autres. M. r'rancoeiir iudiquc comment on y
parvient a 1'aide de la Connaissaiue tics terns, on an moyen des
tables generates qu'H a calculees d'aprcs une fornmte de la
Mceanique celeste, assujettie aux elemens nuuieriques les
i>lus recens. 11 expliquc la nianiere de determiner Theme so-
laire, vraie ou moyenne, du passage d'un astre an mcridicn ;
il donne les types de calculs relatifs a ce passage; expose la
mclhode la plus sCire pour determiner la deviation d'une lu-
nette meiidicnne, et proeede a la recherche du terns ahsolu
par les angles boraires, soil que l'aslre ait ete observe avec un
instrument donnant les angles simples de hauteur, soit qu'H
l'ait ete aveclecercle rcpeiileur; enfin il enseigne a regler un
chronomctre par des hauteurs corrcspoudunles ct en fait
connaitre lous les usages.
Ce savant professeur passe ensuite a la determination de la
latitude geogiaphiquc par des passages meridieas, des hau-
teurs circomnieridicimes, des digressions de la polaire, ct par
plusieurs autres procedes usites en nier. 11 expose dillercnlcs
mclhodcs plus ou moins exacles pour obtenir les longitudes
terrcstrcs : par cxemp.c, far les chronometres, les leux, les
distances de la lime au soleil ou aux etoiles, les culminalions
comparees de la lime et d'un astre, les eclipses et les oc< ulta-
tions. Des exemples varies el hien choisis mettent le caleula-
teur le moins exerce a nieme de suivre, sans crainte de ja-
mais s'egarcr, la marche des operations nuuieriques les plus
compliquees, et de parvenir a des resultats rigoureux, si seh
propres observations, ou celles qu'il emprunlc, meritenl une
cntiere confiance.
SCIENCES PHYSIQUES. $3?
M. Francoeiir s'atfbcbe aussi a dormer les calculs il'ii lever,
dueoueher et tie Pamp lituHe ties astics, de I'azininih d'im
olijel tcrrestre, de la dectinaison de l'aiguille aimantec. Enfin
ii Iraite des marees avec un soin particulier, d'apres la thcorin
de D. Bernou'tlli, pour trouvei Theme de la pleine mer, cl
d'aprcs eclle de Laplace,- pour cal cilleries hauteurs des marees
sysigies; en sorle que toutes les circonslances de ce grand
pheuomene sont predites exactcment, eomme dans la Con-
naissance des Lcms, ei ' L'Annuaire du bureau des longitudes.
La troisieme ct dcrniere partie a rapport a la composition
et a I'u sage des tables astronomiqiies : eltecomprend d'abOrd
la formation des tables du soleil', cl un precis des iinportaiis
tray an x de M. Bessel, rclalifs a la determination de la longi-
tude moyer.ne de cet astro au commencement de ce siecle. On
y trouve ensuite le caleul d'un lieu complet du soleil, eu
ay ant sculemeut egard , pour abreger, aux prm'cipales pei ■-
turhatinns planetaires ; d'ou il suit que la longitude vraie, de-
duiledes tables de Dclambre, esl ici rcproduile a un trcs-pclit
h on lb re de secondes pics.
L'auteur expliqne cgalemcnt la formation des tables de la
lune, en s'arretant aux nombics et aux formulas que noire
savant confrere, M. Damoiseau, a employees pour la con-
struction de ses exccllenles tallies ; mais en negligeant les ter-
mes fort petits. 11 expose en outre les principes qui servent
de base a la formation des tables des planetes, et eutre, a cet
egard, dans des explications qui aidenl a la parfaite intelli-
gence du caleul des licux geocentiiques de Venus et de Mars,
depouillcs toutcfois des terines dependans des perturba-
tions.
Toutes ces theories importantes, qu'aucun ouvrage elemen-
taire n'avait encore donnees d'une manicrc anssi dclaillec el
aussi salisfaisanle, sont suivies de remarques generates sur la
determination des constantes qui entrent dans les formulas
astrononiiques, deduilcs de la theorie de I'atlraction, ct de
1'explicalion Ires-circonstauciee de la melbode dc noire illus -
tre confrere, RI. Legendre, pour combiner des equations de
condition de la maniere la plus avantageuse : sans omeltrc
cependant la melhode de Tobie Mayer, dont la pluparf des
astronomes font encore usage, lorsque le nomlire des equa-
tions de condition est considerable.
M. Francfcur, continuant de remplir le cadre tres-etendu
qu'il s'est trace, et de douuer d'otiles^developpemeus a la
troisieme panic de son Uranographie, fait voir comment les
astronomes determinant I'obliquite dc Peclfplique aux cpn-
438 LIVRES FRANCAIS.
ques des solstices cti!es equinoxes; ilexplique tant los formu-
las de precession, de nutation et d'abcrration, que la con-
struction des tables parliculieres relatives aces deux dcrnicrs
pbenomenes ; enfin il resume ce qu'il a ditconcornant la for-
mation et I'usage des dix-scpt tables qui lermincnt I'ouvrage,
lesquclles sdnt d'autant plus precieuses, dans les voyages
scicnliliqucs, qu'elies servhaicut, a defautde la Connaissance
des terns, a reproduire exactemenl, pour une cpoque qucl-
conque, tous les clcmens lies calculs astronomiqucs.
Telles sont les principales malieres qui cntrent dans la
composition de cet ouvrage, et qui, par la maniere dont elles
sont Indices et coordonnces enlre elles, se prcscnlcnt avec
I'attrait de1 la nouveaute. Redigees, comme elles lc sont, avec
toute la clarte desirable, et reunies ainsi en corps de doctrine,
elles ne peuvent manquer d'atteindre completement le but
que l'auteur s'est propose (1). Puissant.
i54. ' — * Journal de Voyage ^Moresque atilour da tnonde ,
execute sur la corvette la Coquille , commandec par M. L.-J.
Duperrey, pendant les annces 1822-1826; parR.-P. Lesson.
T. 1 ; liv. 1. Paris, 1800; Amable Gobin et compagnie. In-8°;
prix, 5 fr. 5o c.
M. Lesson nous donne ici le commencement d'une relation
inleressante du voyage autour du monde qu'il a fait avec
l'expedition confiee au commandement du capitaine Duper-
rey. La premiere livraison, ornce de plusieurs gravures, con-
tient la relation du trajet de la France au Bresil, et de la aux
iles Malouines, sur lesquelles M. Lesson donne beaucoup de
details. Nous ne doutons pas que cette relation, sur laquelle
nous reviendrons lorsque la publication en sera plus avancee,
ne soit lue avec beaucoup d'interet par tous les amateurs de la
geograpbie el des voyages. D — c.
1 55. — Vue el Plan de la vitle d' Alger ; Carte de la pro-
vince d'Alger et d'une par tie des provinces de Mascara et de
Titteri, lircedcrAtlasmanuscritdcM. J. G. Barbie du Bocage.
Paris, 1800; Knccht, Rocby, Piquet, Trcultel et AVi'iitz.
1 feuille Jesus; prix, 2 fr. 5o c.
Cette feuille presente nn panorama de la cote et des mon-
tagnes Mluecs autour d'Alger, et donne, en outre, le plan de la
ville, de ses monumens et de ses fortifications, ainsi que la
(l)Nousavons cm ne pouvoir mieux faire connaltrc I'excellent ouvrage
de INI. Franca-nr qu'en tiansci ivant ici le rapport presente a V Academic
des sciences, dans la seance du 26 avrit i83o, par l'honorable nienibre
qui a bicn voulu nuns It eouunuuiquer.
SCIENCES PHYSIQUES. 'po,
carte de la province d' Alger et d'une partie de celles du sud et
du ponent. Au Las de la vue de la ville et des montagnes qui
l'environnent , on a ajoute le non; de chaque point principal,
en sorte qu'on pourra reconnaitre , d'une maniere generate,
sur celte representation orographique, les positions strategi-
ques dc l'armee, soit au moyen dc ces indications, soit par
des rapprocliemens qu'il sera facile de faire; c'est an burin de
M. Roux, deja bien connu , que Ton doit cette belle gravure
sur pierre.
Le plan d'Algcr a d'autant plus d'interet, qu'il est en rap-
port avec la vue et qu'il offie une infinite de details, notam-
ment 1'emplacement de plusieurs edifices qui etaient restes
inconnus jusqu'ici; il pent donner, compare ainsi avec le
relief, Pidee de l'aspect admirable de cette ville : Alger est a
mi-cote, s'eleve en amphitheatre, et ses maisons, peintes en
blanc, se detachent sur un fond de verdure nuance des plus
riches couleurs; mais le charme se dissipe en mettant pied a
terre et en entrant dans la ville oil Ton circule au milieu de
rues etroites, sales et sombres.
La carte, dressee sur une echelle de 2 pouces 5 lignes pour
6 lieues de 25 au degre , est un fragment d'une carte sur la
meme echelle de loute la Barbarie occidentale : elle presente
une etendue de 10 a i5 lieues autour de la ville. C'est la partie
de la Regence qui va devenir le theatre de la guerre. Riche de
details importans, cette carte permettra de suivre bien autre-
ment encore l'expedition et le mouvement des troupes assie-
geantes pendant toute la campagne. Ces deux derniers mor-
ceaux de topographic ont ete graves par M. LATRENTavec un
soin qui merite des eloges. La vue, la carle et le plan, detaches
d'un ouvrage manuscrit de M. Barbie du Bocage sur l'histoire
et la gcographie de la Regence, sont accompagnes d'un texte
descriptif trcs-succinct, qui traite de la cote, des montagnes,
de la ville et des provinces d'Alger, des bourgs, forteresses,
batteries; des mceurs des Maures, des Juifs, des Chretiens,
des Arabes et des Turcs ; des etablissemens publics, monu-
mens, antiquiles, du gouvernement, des forces de terre, des
monnaies et du calendrier algerien.
Ce tableau, dedie a tons les officiers de l'armee de terre et
de mer, pent etre fort utile, non-seulement aux personnes qui
font partie de l'expedition, mais encore a loutes celles qui
prennent interet a cette guerre. Suei'r Merlin.
• 56. — Annuaire statistique du dcpartement de la Fienne,
pour l'annee i83o. Poitiers, i83o; Sanrin freres. In-18 de
169 pages; prix, 1 fr. 5o c.
44« LIVKKS FRAN^AIS.
Nous, aimons a recommander les publications do ce genre
lorsqn'elles parviennent a notre connaissance , ct dopnis long-
tems nous avons signal* loir utilile. Ce qui convient surtout
aux annuahes stalistiques, ce sont des la its; leur mission spe-
ciale est dc reunir tous coux qui couceruent les Iocalites aux-
c|i:cllcs ils appartiennenl; et leur principal nicrite doit consisr
tcr dans l'exactitudc des donnees qu'ils apportent en tiibuta la
science. Dansl'Annuaire dela Vienne, les fails' recueillis nesont
pas encore tros nombreux, mais ils paraissdit bien cboisis.
Outre les nomenclatures dc noms propres , qui forment sim-
plement iioe sorle de succu.rsaje de I'Alnianach royal, on y re-
marquc dix cbapitres consaeres a la statisliq-ue proprement
elite : description physique, meteoro!o»ie, eaux, forets, pouts
et cbaussees, mines, agriculture, induslrie, population, fi-
nances. Nous y avons trouve les evaluations suivantes :
L'elendue ter.iiloriale est, en supciGcie, de 354 lieues carrees, oil
699,200 he aies,
Dont, en terres enseniencees. . . .. . . . 59/100 on 4'2,5^S hectares.
— En vignes 4/ioo on 27,968
— En pi airies , . . . 4/'°oou 27,1,68
— En bois 5/ 100 ou 54,960
— En terres ineultes 24/100 ou 167,8^18
„, En butiniens, cjuis, routes et eaux. 4'Joo ou 27,968
Total ..... 699,200 hectares.
La population est, suivantrctat ollicieldressr d'aprcsl'ordon-
nancedu 1 5 mars 1827, de 267,670 Ames; ce qui donnerait,
par lieue carree , 7J6 funes 25/177. Comme onje voit, le de-
parte men I de la Vicnnc ne ligurerait point parmi les premiers,
sur une liste on les departcmens seraient classes d'apres leur
population proportioniiellc 011 bien d'apres l'aclivite et les do-
veloppemens de leur industrie agricole.
toy. — Manuel complct du tcneiir dc Hires, ou Tart de tenir
les livres en peu de leeons par des moyens prompts et fail-
les; rcnlermant uri Cours de teii'ue des livres d partie simple ct
d pnrtie double 3 unc nouvelle methode pour les tenjr a partie
double an moyen u'un seul registre, et les diverscs maniercs
d/ciublir les comptes courans avec ou sans nombres rouges,
de cal.culer les epoqucs communes, les interets, les cscomp-
tes, etc. ; oiiyrage a I'aide duqtiel on pent apprendre sans
maitre; par M. Trkmer*, professeur dc comptabilite enm-
mcrciale. Paris i t85o; Koret. Ia-i8.de 325 pag.; piix, 5 IV.
SCIENCES MORALES. 44 \
Sciences religieuses, morales, poliliques et historiqucs.
i38. * Sainte-Iiible <!e Fence, en latin et en francais, avec-
des notes Uttcraires, critiques et historiqties, des prefaces et des
dissertations , tiroes dnromnienlaire de don Calmet, abbe de
Scnones, de l'abbc de Fence, et des autres auteurs les plus ce-
ll bres, pour faciliter ^Intelligence de I'Ecriture-Sainte ; enri-
chie de figures et de carles geogrftpbiques. C'tnquiiine edition,
soigncuscment revue, etaugmentee d'un grand nomhredc no-
tes, par M. Drach , rabbin converti. et enriehie de nouretles
dissertations. Oiivrage dedie ail roi T. xiv et xxn. Pari-, i85o;
Mequignon-Havard , rue des Saints-Peres, n° 10. 2 vol. in-S";
prix du volume, 7 fr.
Cette livraison se distingue par tons lesavanlages qui on* fait
remarquer les precedents. Le tome xiv renferme une preface
sur Jcrcniie, une dissertation sur les Rechabites, liommes d 'une
vie eweinpUiire, eCitne abstinence rigoareUse, d' une granrtc retraite,
d'un desinteressement presque en tier; les propbeties deJeremio,
une preface sur les lamentations de Jeromie, am stijet de la
prise de Jerusalem paries Chaldccns ; les lamentations, la plus
sublime deselegiesquel'on connaisse ; une preface sur Baruch;
le livre de ce prophete, et une dissertation sur la mine de
Babylune, par M.de Sainte-Ckoix. Pour dunner une idee pre-
cise de celte dissertation, nous citerons le passage suivant.
« Tons les propbetes ont cte doues d'uno foriect vivo imagi-
nation, qualile essentielle du poete : e'est par e!!c qu'ils frap-
petit ['esprit et meuvent le cc&ur. La grandeur de leurs idces,
fa hardiesse de leur style, la force de leurs expressions, la ri-
chesse de leurs comparisons, l'abondance de toutes leurs fi-
gures nous ravissent en admiration, on font sur rios sens une
impression profonde et incffaoable. Parmi eux, Isai'e estle pre-
mier; el ses cerits surpasscnt de beaucoup les chefs-d'oeuvre
de l'antiqui'lc. Que ne lui doit pas Ilaciue dans ses beaux
cboeurs d'Estherel d'Athalie? et peut-eireque, sans lui, lemer-
veilleux de Milton ne serait qu'extravagance. L 'esprit de Dieu
a pu scul elever si liaut les propbetes ; et leur sublimite est en
enx une prcuvc d'inspiration : le flambeau de leur genie a etc
alluine aux rayons de la divinite qui les ecluirent ; et, de la
oonnaissance de ses altributs, ils empruntent toute leur force:
il ne leur etait done pas difficile d'etre grands philosopbcs. Que
de salutaires lecons n'aJrcsscrent-ils pas aux peuples el aux
rois? lis menacaicnt sans ccsse les riches cl les puissans, ceux
qui dt'pouillcnt la veuve et I'orphelin de leurs heritages, les
44^ LIVRES FRANCAIS.
impies qui insultent a la patience tin Seigneur, les juge»
iniques, surtout ces faux sages, organe du mensonge , qui,
suivant Isai'o, donncnt au vice le nomdc la vertu, et a lavertu
le nom du vice; qui, abusant do ['empire qu'ils out sur les
esprit, leur font prendre lestenebres pour la lumicre, etla lu-
miere pour lestenebres. Ce langage n'est pascelui dc 1'orgueil
liypoi rite et interesse; il apparlient exclusivement a la vcrile
franche et courageuse; les prophetes l'eurent tail jours pour
guide; et leur morale Cut anssi pure que la source dont elle
emanail. Envoyesde Dicu , ils portaient la parole en son nom,
on ecrivaient, sous sa dictee, sur des table If es qui etaient en-
suite exposces en public. Ils etaient done de veritables ora-
teurs, et memhres esscntiels de la theocratic. Jamais l'elo-
quence t'u t-elle si vehemente; jamais eut-elle a u taut d'elevation?
Leur voix semble encore retentir a nos oreilles. »
Dans le xxu* volume sont contenues sept epilres de saint
Paul, une preface generate, des prefaces partieulieres, des
dissertations sur le salut des gentils, sur les effets de la cir-
concision, sur le peche originel, sur le mariage des infideles,
sur le bapteme pour les morts, sur le combat de saint Paul a
Ephese, sur la resurrection des moils, et sur Cephas. Ilporte
en tete une table chronologique des epitres de saint Paul.
J. L.
159. — * Meditations religieuses, en forme dediscours, pour
toules les epoques. circonstances et situations de la vie do-
mestique et civile, traduites par MM. Moknaud et Gence,
d'apres l'ouvrage allemand , intitule : Slunden </er Andacht.
Tom. 1; premiere partie, on n08 1 a xn. Paris, i85o; Treut-
tel et Wurta; Strasbourg, Londres et Bruxelles, meme mai-
son. In-8° de 58o pages; prix, 5 fr.
Ces Meditations ont ete publicesd'abord en Allemagncsous
la forme d'un rccueil religieux periodique. L'auteur, dont le
nom e-t inconnu, mais qu'on presume elre un pretre catho-
lique plein de tolerance et de philosophic, a rassemble ces
feuilles eparses qui avaient obtenu un grand succes dans sa
patric, et en a forme un livre que MM. Monnard et Gence ont
traduit en franrais. On doit les remercier d'avoir entrepris ce
travail, car nous ne possedons rien encore qui se rapproche
de celte maniere a la fois philosophique el familiere de con-
siderer et d'appliquer les dogmes religieux. Chez nous les
livres religieux sont en general beaucoup trop mystiques.
Lorsqu'ils s'adressent a des esprits ou incertains quant a la foi,
o\\ tiedes quant a la pratique, ils ne produisent aucun effet ;
lorsqu'ils tombent sous les yeux de gens dont 1'esprit est ar-
SCIENCES MORALES. 443
dent el ('imagination facile a emouvoir, ils peuvent les exalter
a un point dangereux et leur faire negliger tout ce qa'il y a
de positif et d'actuel dans la vie; en un mot, ils provoquent
toujours ou l'extase on 1'lnlarite. Tout cela est hois du vrai
et du ben. Nous pensons que nous ne sommes plus au tenis
ou Ton pouvait, sans peril, eneourager tonics ces minuties
de la vie devote, ces consecrations de femmes et de jeunes
gens a tel ou tel saint, a tel ou lei mysttre; loutes ces petites
pratiques qui constituent a elles seules une existence hors de
{'existence reclle. Aujoui'd'hui , il convicnt d'appliquer ce qui
reste de croyances aux fails materiels, au lieu de le dissiper
en niaiseries ridicules; il convient de ne pas faire deux parts
des devoirs de l'homme ici-bas , et de fondre en un soul code
la morale et la religion. L'ouvragc dout nous annoncons la
publication serait tres-proprc a arnener ce resullat ; malheu-
reusement il trouvera deux obstacles a operer ie bien : pre-
mierement il ne pent pas devenir populaire , el secondement,
beaucoup de pretres chretien- , non-seulement ne cberche-
ront pas a le repandre, mais encore s'opposeront de loul leur
pouvoir a sa diffusion. On sent qu'il nous est impossible d'a-
nalyser un pared livre : ce n'est d'ailleurs ici qu'une premiere
parlie qu'on ne peut apprecier completemcnt sans connaitre
1'ensemble. Cependant nous pouvons dire que les Meditations
qu'elle renferme nous semblent parfaitement pensees et sen-
ties, et que Ie st\le des traducteurs est d'une clarte, d'une
elegance simple el correcte qu'on Irouve rarement dans les
livres de piete. A. P.
iqo. — * Essaisur la science et sar la fol pliilosopliique , par
Frederic Akcillon, de 1' A cademic royale ties Sciences de Berlin;
avec cette epigraphe : Ao; po; -xov c-w, donnez-moi un point
d'appui. Paris, 1800; Gide fils, rue Saint-Mare-Feydeau ,
n° 20. In-8° de a;5 pages ; prix, 6 fr., et 7 fr. par la poste.
On reconnait en philosophie trois genres de certitude di-
recte ou immediate qui correspondent aux trois genres d'evi-
dence suivans : i° ('evidence de conscience ou de sens in time ;
'2° l'evidence de perception ou des sens exterieurs; 5° I'evi-
dence raiionnelle, on de raison intuitive, qu'il ne faut pas
confondre avec l'evidence de raison deductive ou de raison-
neinent, laquelle cngendre notre certitude indirccle ou me-
diate.
Ces trois genres de certitude different par leur objet : le
premier me fait connaitre ma pensee , ma sensibilite, ma li-
berte ; le second, le monde materiel; le troisieme, des veri-
tes immuables, telles que I'eternitt' du tern*. ['infinite de I'es-
/,.',4 MVKliS t'UANCUS.
pace, la necessity d'une cause a ton tee qui commence d'exister,
1'univcrsalile des axiomes dc geomelrie et des axiomes de-
morale.
Ma pensee, ma scnsibilile, ma volonlc on ma libcrte, e'est
moi. Le mondc materiel , ee nVst pasmoi; le terns. I'espare ,
la loi morale, ee rt'est ni moi, ni le mondc materiel. Le moi
et le monde physique pen vent perir; le mondc de la raison
intiiilive est imperissable.
Les ebjets que ces trois divisions comprennent nous sont
connus direclement, par la lumiere qui leur est propre, sans
qu'une classe emprunte sou evidence d'aueune des deux an-
tics. L'cxistence de ma pensee n'est pas prouvee par l'exis-
tenee de tel ou tel arbre, ni 1'existenee de cet arbre par
I'exrstence de ma pensee, pas plus que ['existence de I'esnat c
intini par 1'existence de nva pensee ou de 1'arbre.
Je sais que je pense, et je lc sais de science certaine , sans
que je puisse appuyer cette science stir d'a litre I'ondcmcnl
qu'elle-uicme. Je sais qu'independauiment de ma pensee il est
im mondc que j'appellc materiel , dont ('existence est conlin-
gente, e'est-a-dire, dont je puis coneevoir le commencement
et la (in; do reste 1'existence dc ce mondc no m'est aussi de-
moulree que par ellc-memc. Enfin , je sais d'une manicre tout
aussi directe, que d'autres objets sont impcrissabics, comme lo
tcnis, l'espace, la cause premiere. Pour parler la langue pbi-
losopbique, je sais quMndependcninient du moi, ilestun »on-
moi contingent , et un non-moi necessaire. Voila tout ce qu'il
nous est accorde de savoir ; ces trois mondes et les analyses
qii'cm en peut faire component lc do-ma ine de la science.
Mais independamment de la science, noos avons aussi en
nous une laculte qu'on appelle la foi. Je sais qu'une lige de
from en t est sortie, 1'an passe, d'un grain lombe en-terre; je
crois que celle aimee un autre grain seme gcrmcra et produira
son epi. 11 n'y a plus ici certitude, mais simple croyanee ou
foi. Je suis certain de ce que je vois ou dc ce que j'ai vu; quaint
je dis : je verrai, je ne fa is plus que crnire. De meme je sais
qu'apres avoir re garde allenlivemcnl les traits d'un liomme, je
me les suis rappeles en son absence , je crois qu'a regard d'un
autre bomme , ma memoirc agifa comme elle a fait poor ce-
lui-ei. J'ai done une croyanee a la slabilile, et ;'i la gencralilc
des pbeaomenes que m'a reveles I'experienre soil interne soil
extcrne, e'est-a-diic. la conscience el la perception. La science
du present et du passe engendre la foi a Tavenir; la con-
naissance dun fail particuliur oceasione uuc croyanee a un
fail general. Comme nos trois genres de certitude, cette fvi ou
SCIENCES MORALES. 445
croyance est un principe; cllc n'a pas d'autrc fondement logi-
que qu'elle-meme.
II est un second genre de foi que nous devons encore nolcr.
L'enfant s'abandonne an temoignage et a 1'autorile de ceux
qui renlourent, par pur inslinct et sans raisonnement. Ce
qu'il croit sur le dire d'autrui surpasse de beaueoup ce qu'il
sail par sa propre experience , et par sa propre raison intuitive
on deductive. Dans l'age mur, nous pouvons relenir notrc foi ,
et ne l'accorder qu'apres avoir examine si le temoin n'est pas
trompcur ou trompe. Les raisonnemens qui torment cet exa-
men s'appuient sur la croyance a la stabilite et a la general ite
des phenomenes que nous manil'este la conscience ou la per-
ceplion. Mais bien souvent nous negligeons tous ces calculi,
el 1'inslinct de foi au temoignage ou a laulorite nous empoilc.
Ce que nous admettons ainsi n'est pas pour nous une science ,
jnais une croyance.
Ainsi, en resume, nous avons trois genres de certitude on
de science, et deux genres de croyance ou de foi. La joie qui
m'agite, la pierre qui roule, le lems qui nc s'arrete pas, voila
des objels de science ; le soleil de demuin, les victoir.es de Gee
sar, voila des objets de foi.
Telle est l'acception dans laquelle nous aimerions a voir
prendre les mots de science el de foi en philosophic On aura it
ainsi l'avanlage de nc point s'eearter de la langue vulgaire,
et d'enumerer seulement les fails qu'ellc exprime par savoir
el croire , lorsqu'elle emptoie ces termes dans un sens non
figure. II est clair, en effet , que les mots : je crois d mon cr.is-
lence , signifient dans le sens propre : je sais que fexis'.c;
et que les mots : je sais que le soleil se levera clcmain , veulcnt
dire sans figure et sans hyperbole : je crois que le soleil se levcra
drmain.
M. Aneillon nc donnc pas aux termes science et foi la signi-
fication que nous venous de leur assigner; essayons de (aire
cemprendre celle qu'il leur attache. I.a conscience ne me rend
pas seulement certain des modifications de ma pensec; clle
m'attcste encore l: existence d'un mot suostantiel auquel appar-
tiennent ces modifications. De memo la perception niatei iellc
ne me donne pas un arbre comine une pure apparence, mais
comme un elre reel, auquel appartient la forme qui m'appa-
rait. Ainsi encore la raison immediate ou intuitive (que nuns
distinguons du raisonnement parce qu'elle nous fournit des
(onnaissances qui ne sunt deduites logiquemenl d'aucune
autre), la raison immediate me fait concevoir la realite d'une
cause pour tout pheuonicne qui commence d'exister, et m;
»ne donne pas cette cause pour une pure idee de mon esprit.
4'iG LIVHES FRANCA1S.
Eh bicn . la certitude que j'ai do I' existence rc'elle, ou sttbstan-
tielle du inoi , du monde materiel , et des objcts saisis par la
raison intuithe. c'esl Id be que M. Ancillon appelle la foi ' pld-
losophique ; et la eonnaissanee clc ec qui esi pure modification
(rune substance; comme telle peine on lei plaisir, telle cou-
lcur on telle forme, voila ce qn'il appcllc la science philnso-
phiqtie. Dans ec langage, nous avons foi a I'existenre reelle
ties (hoses, mais nous en satons les qualiles, les pheno-
menes,
Comme tout ccrivain qui s'ecarto de la languc nsnelle ,
M. Ancillon no pent s'empecher d'y relomhor quelquefois.
Ainsi, apres avoir dit que les plienomenes composent senls
notre science, il laisse SOiivent glisser des phrases semblables
a celle-ci : la science se rapporte anx existences, e'est-a-dire
aux realiti's.
Nons pensons done que, dans l'interet de la phiiosophie,
il landrail se gardcr de donncr anx mots usuels de la languc
une acceplion differentc de cclle qn'ils out dans la bonche de
tout le monde. On s'expose sans cola, a denx inennv eniens :
le premier e'est de ne pas elre facilement compiis; le second ,
e'est de rendre quelquefois soi-meme a ces termes lenr sens
ordinaire et legitime, et d'emplo\ er ainsi les memes expres-
sions dans denx acceptions differentes.
Dn reste, sons le voile d'nn language qui paraitra peut-etre
obscnr et pen rigonreux, M. Ancillon traite avec profondeur
l'nne des questions les pins cpineuses de la phiiosophie, et
l'on tromera dans son livre, surtoutau dernier chapitre , in-
titule : De notre besoin de I'infini , des pages pleines de verve
el de poesie. Adolphe Garmer.
i4i- — Essai Idstoriqtte stir la legislation polonaise, civile et
criminelle,jiisqtCaa lems des Jugellons, depuis I'annee 980 jus-
qu'en il\do\ par t/c«c/«'H( Lelewei.. Paris, i83o; Aime Andre.
In- 8° de 85 pages.
Ce pelit Essai sur l'ancienne legislation polonaise a l'a-
vanlage de nous presenter le tableau de choscs (bit pea con-
nues parmi nous. M. Meyer, en effet, n'a rien dit des lois qui
regissaient I'anlique Slavonie. dans son important ouvrage sur
les Instiittiions jinlicittircs de l'Europe, et nous ne pensons pas
qn'il existe aucun livre francais moderne dans lequel on puisse
prendre meme une simple notion de cette legislation. L'Essai
de M. Lelewei comblera-t-il cette lacune ? II taudrait resoudre
cette question negativement si l'on comptait y trouver on ou-
vrage complel sur cette matiere ; mais, si on le prend pourcc
qu'il est, e'est-a-dire pour une simple esquisse, on saura tou-
jours gre a l'auteur d'avoir voulu nous initier dans la conuais-
SCIENCES MORALES. 447
sance de 1'nncienne constitution politique et judiciaire de sa
patrie. Rl. Lelewel partage 1'epoque dont il a entrepris de
retracer l'histoire (93o-i43o) en cinq periodes de centannees
chacnne. Dans la premiere, il nous niontre les lois nationales
se confondant ct se melant avec les lois canoniques. Dans la
seconde, il fait connailre 1'influenee du chrislianisme sur la
legislation slave ; les proprietes parliculieres acquierent plus
d'etendue, la cruaute (les supplices s'adoucit. De i i5o a 1200,
deux circonstances amenent la deterioration de la loi natio-
nale; ces circonstances sont la donation des privileges aux
proprietaires ( jure lueredltario ) et le droit de principaule
[jure dttcati). Pendant la quatrieme periode (i2Jo-i53o), la
loi allemande se repand ; la loi nationale est a son declin,
inais le desir de la remettre en vigueur commence a se ma-
ni fester. Enfin, sous la cinquieme periode ( i53o-i45o), nous
assistons a la reslauration de la legislation nationale, par les
efforts de Kasimir-le-Grand. C'est ici que s'arrete le recit de
M. Lelewel. Nous eussions desire que ce recit cut eu plus
d'etendue. L'auteur pa rait affectionner beaucoup les idees
generates, fort en vogue aujourd'hui, mais qui offrent, suivant
nous, le double inconvenient d'etre presque toujours syste-
matiques, et de presenter moins d'ihstruction reelle qu'un
ouvn.ge dans lequel on se contente d'exposer le detail des fails
puises dans les sources. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons
que repeter que, dans la penurie ou nous etions relativemcnt
a l'histoire judiciaire de I'ancienne Pologne, la publication de
l'Essai de M. Lelewel est nn veritable service rendu a la
science. A. T.
142. — * De la contrainte par corps , consideree sous les rap-
ports de la morale, de la religion, du droit nature! el du droit
civil, et dans I'interet de l'humanite en general ; par J. L. Cri-
velli, avocat a la Cour royale de Paris. Paris, 1800; Gustave
Pissin, place du Palais-de-3ustice. In-8" de 172 pages; prix,
Aft.
Le tilre de cet ouvrage ne donnerait qu'une idee imparfaite
de son contenu. Sans doute l'auteur s'y eleve avec force, et
avec une sorte de passion, c out re le principe assureinent er-
rone de la contrainte par corps; mais une grande parlie, la
plus grande parlie meme de son travail est consacree a indi-
quer les ameliorations dont, sous ce rapport, notre legislation
scrait susceptible. Et, ici nous adresserons a l'auteur un re-
proclie qui pourra d'abord sembler contradictoire avec le pre-
mier, mais qui ne fera que completer et mieux expliquer no-
tre pensee; c'est de pa rait re ceder en quelque jorle le terrain
448 LIVRES FRANC AIS
sur lcqnel il s'anuoncait coinmc venant combat (re chaiule-
mont, et a outrance, et d'admellre hop facilement la neces-
sity d'une Institution contrc laquelle il vicnt do so prononcer.
La conlraiute par corps pout elie envisagee de tiois inanit-
ies : on cominc peine, lorsque, par excnijilc, die est prODOa-
cec contie le slellionat (operation qui cousistc a vendrc ou hy-
polhequer tin immcuble dont on u'est point proprielairc, ou
a dissiimder la totalitc ou parlie des charges dont il est greve);
et alors, le mode, ropportunile de son application to U cheat
aux questions d'organisation et de legislation ciiniinelle et pe-
nale ; ou eomme gar-antic des obligations qn'elle caulionne,
ctsous ce rapport, elle u'est el ne pout etre qu'inulilc on im-
morale; ou bien, enfin, connne cnnlrainic et nwyen violent
d'execution a employer conlre nn debilcur aise, mais de mau-
vaise foi, et son existence, sa necessite comme reniede, accn-
sent dans ce cas le vice de nos lois civiles on politiqnes : les
uncs pen habiles a prevenir ou a dejoucr la 1'raude ; les aulrcs
partiales en faveur de tel ou tel genre de propriete deja trop
facile a sonstrai; e anx legitimes exigences des creanciers. Sous
le premier et snrtout -sous le second point dc vue . Touvra^c
de M. Crivelli ne laisse guere a desirer; mais le dernier as-
pect est beaucoup trop neglige. An resume, re livre doiine.
one assez haute idee du merite et de la maniere d'eorire de
I'auteur, pour (aire desirer qu'il entreprenne un traile solide
et complet de la matiere. Nous lui recommanderons alors de
pousser jusqu'an bout ses rccbcrcbcs legislatives, et dc join-
die a son travail l'expose et la discussion de ce qui conecrne
l'exercice de la conlrainle par corps en matiere fiscalc (com-
me, par exemple , pour droits de douanes) et en matiere cii-
niinelle et correctionnelle, e'est-a-dire, pour le recouvre-
ment des frais de justice et des anieiules. Tel qu'il est, cc
volume sera lu avec plaisir et avec profit, surtont par les le-
gislateurs qui, sans doute, nc tardcront pas a etre de nouveau
appeles a coordonner, et a regularise!' noire legislation posi-
tive sur la contrainte par corps, si loulel'ois cette institulion
doit etre conservec. Boichene Lefeu, sJttcit.
1^5. — Traile de la legislation de.s theatres, ou expose com-
plet et metbodiquc des lois et de la jurisprudence rclalhement
aux theatres et spectacles publics, par M. Vivien, avocat a la
Cour royale , et Jl. Edmond Blanc , avocat au conseil du roi
et a la Cour de cassation. Paris, i85o; Brissot-Thivars, rue
de l'Abbaye, nf i4; Wra' Charles Bechet, Quai des Angus-
tins, )i" 5(). In-8" de 4^>o pages; prix , 6 fr. 5o c.
Lorsque l'empire, s'adjugeant par droil de conqu.Ote les
SCIENCES MORALES. 449
prerogatives de la vieille monarchic, fit main basse sur la plu*
part des liberies publiques , il n'eut rien de plus presse que de
confisquer, a son profit, la liberte des theatres, reconnue par
l'Assemblee nationale , et mille fois outragee pendant nos dis-
cordes ci viles. L'exercice de rindustrie theatrale fut entrave par
les restrictions les plus ridicules, et soumis a tous les caprices
du pouvoir. On nc s'imagincrait pas qu'encore aujourd'hui ,
dans les villes de province, I'autorite municipale a le droit
d'intervenir dans la composition de la troupe, d'exiger que de
nouveauxsujetssoient engages, d'ordonner que telle piece nou-
velle sera montee, etc., etc.
Quelle que soit Pabsurdite de cette legislation , il faut l'ac-
cepter comme un fait, et, dans un ouvragc destine a devenir
le guide respectit' de l'administration et des personnes atta-
chees aux theatres, il faut expliquer les lois et non les eom-
battre; il faut mettre en relief tous leurs vices par le simple
expose de leurs prescriptions incompatibles et jncoherentes.
On trouvera done dans 1'ouvrage de MM. Blanc et Vivien pen
de discussions theoriques sur le merite des decrets divers qui
regissentles theatres : mais en revanche ces decrets sont par-
faitement analyses ; les decisions judiciaires ou administrati-
ves sur les questions importantes sont relatees avec soin, et,
bien que l'arbilraire le plus absolu regne dans cette matiere,
les difficultes qui peuvent resulter d'une pareille incertitude
sont generalement prevues et aplanies.
Ce traite est done, avant tout, un ouvrage utile et prati-
que : cependant ii est precede de considerations sur la liberte
des theatres qui nous ont paru concilier habilemcnt les droits
individuels descitoyensetceuxdugouvernement. MM. Blanc
et Vivien pensent que les theatres doivent etre libres : «car
l'artdramatique, considere soit comme l'exercice d'un talent,
soit comme l'objet d'une speculation, est le developpement
d'une faculte de 1'homme : or, l'exercice de chacune de nos
facultes entrainant quelques alms, il n'en est pas une qui ne
put etre enchainee au meme litre que l'industrie theatrale, et
la liberte de 1'homme tomberait alors tout entiere dans le do-
maine des gouvernemens. » Mais le maintien de l'ordre public
exige aussi des garanties. L'existence d'une censure theatrale
parait done necessaire aux auteurs, pourvu que cette censure
recoive une organisation legale et constitutionnelle, et qu'elle
soit confiee a un corps independant. Cette partie du livre de
MM. Blanc et Vivien nous a paru remarquable, et dictee par
un esprit de moderation et de sagesse dont le pouvoir devrait
bien profiter.
T. XLVI. MAI l800. 2(J
45o LIVRES FRANCAIS.
En resume, cet ouvrage, le seul complet que nous posse-
sions sur cette matiere, merite de faire autorite en jurispru-
dence. Le prcdeccsseur de M. de Peyronnct en avait lui-meme
senti l'imporlance, et en avait pris un grand noinbre d'exero-
plaires pour les bibliotheques del departemens. A. D.
i44- — * I't'Ui't sar I'aaroissement de population dans
tcs lies britanniques , par Sir Francis d'Ivernois. Geneve ,
1800; impiimerie de la Bibliolheque universelle. In-8° de
44 pages.
Parmi les nonibreuses questions qui excitent aujourd'hui
les debats des economistes, un fait s'eleve ([iii les domine
toutcs : e'est l'accroissement constant de la population chez
les nations civilisees. Ce fait, auquel il est impossible d'assi-
gner un tcrme et des limites, ce fait, qui renferme tout l'a-
venir de nos societes, a ete envisage de deux manieres abso-
lunient opposees par des ecrivains justenient lenommes ;
ceux-ci , prelendanl que la production suit toujours la popu-
lation, voient dans le noinbre croissant des hoinmes un gage
de securile et de honheur; ceux-la, soulenant an contraire
que Paugmentation des produits necessaires a la vie est plus
lente que celle des hommes , et que la premiere doit finir par
trouver des bornes, nous predisent de sinistres deslinees.
M. d'Ivernois se range ouverlcment de ce dernier parti, qui
reconnait pour chef le celebre Rlalthus; mais il elablit tine
distinction importance entre les deux manieres dont peut s'o-
perer l'accroissement de la population, savoir : la diminution
du nombre des deces et l'augnienlation de celui des naissan-
ces. Dans la premiere hypothese, puisque les homines meu-
rent moins, on en doit generalement conclure qu'ils jouissent
tie plus de bien-etre; nous disons generalement ; car il est des
causes particulieres dont M. d'Ivernois n'a point parle, et qui
peuvent diminuer la morlalitc, sans qu'il y ait accroissement
de bien-etre; par exemple, la decouverte de la vaccine. Dans
la seconde hypothese, celle ou ['augmentation propoition-
nellc des naissances est seulc cause des pro gres de la popula-
tion, et ou, par consequent, elle est accompagnee d'une mor-
tality slationnaire ou memc croissante, il est probable que la
condition de l'espece humaine s'aggrave de plus en plus. Car
de tristes observations out prouve que, plus les hommes sont
miserables , plus ila ont de penchant a donner le jour a d'au-
tres hommes. Suivant ces principes, M. d'Ivernois voit, dans
le mouvement retrograde ou progressif de la mortalite pro-
portionnelle, la mesure du bien-etre des peuples; et il re-
grette avec raison que les documens necessaires pour consta-
SCIENCES MORALES. 45,
tcrles fluctuations qu'elleeprouve manquentencoredansbcau-
conp dc pays, et particulit'rement en Irlande. Quant a l'An-
gleterre, 1'auleur, adnplantdescalculsd'apreslesquels, de 1801
a 1821, la morlalitc a diminue.dans ce pays, dans la propor-
tion de^- a ■£*, sembleun pen embarrass? de coneilier ce fait
avec Li detresse generale de la classe bu mere, et il s'en tire
en disant qu'il cioit decouvrir les causes d'un etat de choses
si nouveau dans Ie contours furluit de deux evenemens : l'ac-
croissenient de la population et celui des machines qui rem-
placent Ie travail de l'homme. Mais il craint, non sans motif,
que le decroissement de la morlalile n'ait cesse depuis 1821
(sans parler de 1'emigratioq qui, en Angleterre, supplee la
morl) ; il semble, en effet, evident que, si ^'augmentation du
nombre des hummes par la diminution de celui des dcr.es est
en elle-meme un bien, elle doit conduire tot ou lard a cet
autre etat de choses, oil ('augmentation n'a plus lieu que par
les naissances. L'auleur, apres nous avoir donne des details
interessans sur Geneve et sur la Suisse, trouve pa'rmi nous,
dans des laits remarquables , la confirmation de ses idees. II
rapprocbe, parexemple, le mouvrment de la population dans
l'uu de DOS departemeus les plus riches, le Calvados, avec ce
meme mouvement dans l'un de nos dtparlemens les plus
pauvres, Ie Finistere :
1826. Calvados. Fin
ISTtBE.
Naissances 1 sur 45,61 1 sur 22,3i
D' ct'S- 1 sur 47,02 i sur 29,80
Accrnissement annuel i/i5i8 i/3q
Periode du doublement io54 ans. 62 ans.
D'ou il conclut que le Calvados, ayant trouve dans son ai-
sance le moyen de conserver un plus grand nombre de ses
nouveau -nes, en met mom* an monde, tandis que les habi-
tans du Finistere s'epuisent a entretenir des enl'ans, dont la
moitic peut etre considered comme des enl'ans perdus. A ce
propos, M. d'lvernois ne peut s'empeihcr de souriie de la
sollicitude de M. le baron Dupin, qui, apres avoir remarque
que la papulation s'accrcit en France plus lentement que dans
les autres Elats, « fait un appel au pattidtisme energique des
Francais, pourqu'ils se tirent du plus has (\egre d'une echelle
q^ui fournit, suivant lui, l'indice cerlain de la prosperite des
Etats» ; M. d'lvernois oppose, a ('assertion du savant depute,
que, depuis Ieurs nouvelles institutions, h vie des Francais
s'est prolongec de 28 a 50 ans , cette autre assertion , qu'il
45a LIVRES FKANCAIS.
dit resulter des calculs du bureau des longitudes , que, de-
puis 1817, le rapport des deces s'est accru chez nous de 1 sur
/|o a 1 sur 39 -5. Or, j'ouvre l'Annuaire dn bureau des longi-
tudes pour iH3o, et j'y lis, page 100, que la vie moyenne, qui,
suivant Duvillard, etait avant la revolution de 28 ans \, est
portee aujourd'hui a 5i ans \. En verile, la statistiquc n'est
encore qu'un sable inouvant. ISous nous sommes clendus sur
la brochure de M. d'lvernois, parce que, sous un mince vo-
lume, elle resume beaucoup de theories d'une haute impor-
tance, et que les observations les plus graves y sont presen-
tees sous des formes piquantes ct sous un jour nouveau. On
ne peut nier que la distinction etablie par l'auteur cntre l'ac-
croissement de population, qui a pour cause le progres des
naissances, et celle qui resulte de la diminution des deces, ne
soit feconde en deductions du plus haut interct ; on ne peut
nier que 1'augmentation de la mortalite proportionnelle ne
soit pour les societes un indice alarrnant. Mais, la ou cet in-
dice exisle, quels moyens employer pour detruire ou pour at-
tenuer le mal? C'est ici la partie faible de la brochure de
M. d'lvernois, qui, a la verite, parait devoir etre suivie de
plusieurs auties lettres sur le meme sujet. II ne propose ici
point d'autre moyen que de recommander aux pauvres de
s'abstenir du mariage, tant qu'ils se sentent hois d'etat de
nourrir et d'elcver des enfans. Cette recommandation, je le
crains, ne serait guere plus etficace que le projet iVinfibula-
lion du docteur "Weinhold. On sait d'ailleurs que, dans les
classes pauvres, surtout, la procreation des enfans n'est pas
toujours precedee des ceremonies du mariage. Un moyen
plus sur se presente pour ralentir le progres qu'on redoute,
et il resulte des fails memes invoques par iM. d'lvernois, c'est
de donner au peuple de l'instruclion et de l'aisance. Un poete
coniique a dit :
On ne saurait avoir tous les dons a la fois :
Messieurs les grands esprits, d'ailleurs tres-estimables,
Out fort peu de talent pour creer leurs scmblables.
Cette plaisanterie recele peut-etre un fait important : l'in-
slruction, en developpant l'organe de la pensec, diminue
sans doute la force et 1'activite des autres organes, el rend
ainsi moins imperieux I'inslinct de la reproduction. Elle eleve
d'ailleurs la dignite morale de l'homme, et, reunie a l'aisance,
preoccupe les parens de la crainte salulaiie de voir un trop
ijtand nombre de nouveau -venus prendre part aux rcssour-
SCIENCES MORALES. 453
ces dc la famille. Ainsi done en Europe, I'lnstruction popu-
lairc, loin d'etre une source de dangers, est an conlraire un
moyen de salul; ainsi, la loi qui etablit le partage egal des
successions, au lieu de favoriser l'aceroissement demesure dc
la population, tend au contraire a le contcnir dans de justcs
bornes ; et la France doit probablenient a cette loi d'etre,
parmi les grands Etats, celui ou cet accroissement est le
moins rapide. Mais, aux moyens que nous venons d'indiqucr,
il serait bon de joindre une exploitation mieux entendue de
chaque territoire. II faudrait aussi que les nations euro-
peennes dirigeassent vers les pays fertiles et non civilises,
non pas des troupes d'aventuriers sans ressources, mais des
colonies pourvues de moyens d'exislence, et conduites par
des chefs habiles; et, poureviter, non-seulement les jalousies
nationales, mais encore les charges que les colonies et les
metropoles s'imposent reciproquement, il faudrait qu'aussitot
constitutes ces colonics fussent destinees a une prompte in-
dependance. Tels furent les elablissemens que formerent les
Pheniciens et les Grecs a une epoque de leur civilisation qui
a plus d'un rapport avec la noire. Ch.
i45. — * Memorial portatif de chronologic, d'histoire indus-
trielle , d'economie politique, de biographie, etc.; contenant :
i° les dates des evenemens et des faits les plus remarquablcs
de l'hisloire generale, consideree specialement sous les rap-
ports religieux, politique, scientifique et litteraire; — 2° des
details etendus sur l'origine et la succession des inventions ou
procedes les plus generalement employes dans les diverses
branches d'industrie ; de nombreux renseignemens sur les
traditions, superstitions, cultes et croyances, mceurs, usages,
costumes, theatres, etablissemens scientifiques, industriels et
d'hiimanite, des principales nations du monde ; — 3° des par-
ticularities historiques sur Ics phtnomencs les plus extraordi-
naires arrives clans tousles pays, comme les chutes d'acrolithes,
les apparitions de cometes, les longevites, les pestes, cpidemies, ma-
ladies contagieuses, etc. ; — 4° un grand nombre de faits statist!—
ques , philanlhropiques , econoiniques de toute nature; des
tableaux presentant la puissance comparative des principaux
Etats, leur population, leursdelles, leursrevenus, leursarmees
et leur marine; le nombre et la nature des condanmalions
prononcees par les tribunaux IVancais; la population, la mor-
talite moyenne, et la depense des hopitaux et hospices civils ;
enfin , des releves de divers genres, speciaux aux villes dc
Paris, Londres, etc. ; — 5" plusieurs actes politiques impor-
tans, publies depuis le xve sieclc jusqu'a nos jours; — 6° une
454 LIVllES FRANCAIS.
tal>Ie biographique, dormant les dates des naissances et de la
mort d'un grand nombre de personnages celcbres dans la
politique, les sciences, les lettres et les arts; — 7°enfin, une
table alphabetiqne Ires-detaillee de toutes les malieres conte-
niies dans I'ouvragc. Noutette edition* revue, carrigee et con-
sidcrablement augmented. oe et 4e pai lies. Paris, r8">o; Ver-
dure, quai des Augustins, n° i5. a vol. in-ia, accompagnes
d'nn atlas pour les grands tableaux ; piix, la IV.
La publication des 3'et 4* 'parties deeel o.ivrage, egalement
curie u x, utile et instruclif, que ndus avons annon'ce avee soin
lors de sa premiere apparition, ofl're un tableau pliiloso])bi(iue
des progris successifs de I'industrie humaine. L'auteur (\l. le
comte de Laibespin) a su resumer avec talent I'liistoire de la
civilisation, telle que I'ont I'aile les sciences rmtbemuliques,
physiques, industrielles. Ce litre est one Revue Encyclopedic/ ue
abregce, qui fait connailre et apprecier toutes les pacifiques et
IherveflleuYes conquetes de I'esprit hnmain.
146. — * Hisloire du commerce entre le Levant et I' Europe,
depuis les croisades jusqn'a la fondation des colonies d'Arne-
rique ; par G. B. Depping; ouvrage qui a ete eouronne, en
1828, par 1' Academic royale des Inscriptions et Delles-Lettres.
Paris, i83o; Imprirherie royale; Treuttel et Wiirtz. 2 vol.
in-8° de viii-54/i et S^5 pages; prix, 12 fr.
Nous rendrons nn compte detailie de cet ouvrage qui est dfi
aux conscien* ieuses rerberches d'un de nos eriidits les plus
savans et les plus laborieux.
x^n. — * Les Polonais en Italie , Tableau bistorique , chro-
nologique et grograpbique des travaux des Polonais en Italie
pour la regeneration de leur pa trie; dedie a M. lecomte Titus
Dzialynski, par Leonard Chodzko. Paris, r85o; J. Barbezatct
Renouard. Feuille syrioptrque; prix, 4 fr.
M. Ltonard Cbodzko, auteur de V Histoire des legions polo-
naises sous la rrpublie/ue, occupe deja une place dislmguee
parmi les ecrivains contemporains. Fort de renseigneniens
Iaboriensement poises aux sources les plus autbentiques , et
done d'un esprit consciencieux et independant , il reunit les
qualiies necessaires pour le genre de travail auquel il consa-
cre ses veilles. L 'ouvrage que nous annonoons ici est un re-
sume rapidc de I'lusto'ire des legions polonaises en Italie, de-
puis leur formation jusqn'a leur dispersion. (Voy. iiev. Enc,
t. xLiv,p 1 02.). I alouxdeconserver les nomsdeses compatibles
qui se sont illustrcs pendant cette memorable eampagne. il
donne une lisle nominative des ofliciers supri ieurs et infc-
Weurs, niorls 011 blesses en Italic, etaequille aiusi un tribut du
SCIENCES MORALES. — LITTERATURE. 455
reconnaissance natiooale envers ces representans vivans d'une
patrie opprimee et prcsque aneantie. — Lapartie inferieuredes
deux colonnes lateralcs est terminee par une proclamation da
general Dombrowski aux Polonais, datee de Milan en 1797, et
par un ordre du jour a l'armee francaise, qui fait connailrc
l'eclalante victoire des trois cents Polonais commandes par le
general Kniaziewicz remportee sur cinq millc Napolitains,
presde Magliano, dans les Etats romains.
La carte d'ltalie, 011 se trouvenl traces tous les mouvemens
des Polonais, a etetres-biengravee par M. £mr/n Oleszczynski;
et lc Tableau entier est dedie au comte polonais Dzialynski,
1'un de ces citoyens qui ne respirent que pour la gloire de
leur patrie.
Le Tableau des Polonais en Ilalie a ete concu sur un plan
analogue a celui de 1' Atlas de Lesage, dont il parait destine a
devenir 1'un des accessoires indispensables. Z.
Litlerature.
1^8. — * Grammaire generate. Pltilosopluede la langnc fran-
calse; par B. J. Paris, i85o; Sedillot. In-8"; prix, 3 fr.
Amesure que le xvme siecle s'eloigne de nous, cliaque jour
nous fait admirer davantage la bardiesse des ecrivains qui fi-
rent sa gloire, et leur perseverance a saper dans leurs fonde-
mens lesvieux abus, et a porter partout le flambeau de la phi-
losophic La grammaire, qui, jusqu'acette epoquc, n'avait etc
qu'une science de mots, iirie serie de rudimens qbscurs, qu'une
suite de dissertations vides de sens ( exctpte quelquefois dans
les eslimables ouvrages des solitaires de Port-RojMl), devient,
chez Dumaisais et Beauzee , le fond d'excellens traites, ou la
me ta physique du langage se presente avec une clarle et une
netlete jusqu'alors inconnues; la grammaire pent des ce mo-
ment etre ctudiec par les homines raisonnables et instruits.
Sur les traces de ceshabiles ecrivains, qui seulsont, comme
Ton dit, fait ecole, se pressent divers grammairiens, dont
quelques-uns ne sont pas indignes d'atteniion , rnais qui ge-
neralemenl out donne pen d'impiilsion ; aujourd'hui, envoici
venir un qui remue jusque dans ses fondations le vieux etgo-
thiqiie edifice dont Dumarsais et Beauzee avaienteutrepris et
aVance la demolition. M. B. J., deja connu par un petit 011-
vrage remarquable sur les conjugaisons francaises (1), publie
(i)Obscri'ations stir les conj ttgaisons franfaiscs. l'aiis, 1824; Sedillot. In-S°.
45G LIVRES FRANC AIS.
le commencement d'un livre qui nous semble devoir faireepoque
jparmi les oeuvres gramma ticalosde not re sioclc. L'auteurappelle
sticbiologie, ou science desclcmens, la pari ie la plusessentielle
rle I't'ludc des Iangues, celle qui a pour hut de comprendre
les autres hommes et dc s'en f'aire entendre. II divise cette
science en quatre parlies: i°la granunalologie, comprenant la
lecture, l'ecritureet la prononciation ; 2°la ptosdologicou etude
des desinences; 5° Yctymologie ou etude des mots dans leurs
families; 4° la pltrascologie ou syntaxc, etude des phrases.
L'auteur ne s'occupe, quant a present , que des deux premie-
res parties; la premiere lui offre l'occasion de remarquer que
la prononciation et I'orthographe sont beaucoup plus d'actord
qu'on ne le croit communemenl, et que les principes cxpli-
quent tout d'line maniere generale : e'est done a etablir ces
principes qu'il s'applique. Apres avoir defini ["accent tonique,
la quantite, les sons elementaires de la voix humaine, I'auteur
presente le tableau Acs e'lemensde la parole, et fait l'application
de ses idees a la prononciation dc la langue francaise.
Dans la seconde partie ou ptoscologie, il s'occupe d'abord de
la classification des mots, et ne craint pas de soulever centre
lui toute la foule des grammairiens en n'encomptantque trois
sortes : les noms, les verbes, les Ugatifs. II examine d'abord les
noms, qu'il divise en nonv*, substaniifs, adjectifs, et pronoms ;
nous recommandons la theorie qu'il donne des noms abstracts,
simples ou composes ; on est tout surpris, apres l'avoir lue, de
s'ttre mepris si long-lems sur la vraie nature de ces mots,
dont il avait phi a la tourbe des grammairiens de f'aire des ad-
verbes, des prepositions, des conjonclions : ce qu'il dit de
Vadjeclif ' metaphysique , ou article, n'est pas moins curienx;
mais, ce qui doit surtout attirer l'atlenlion , e'est la portion dc
l'ouvrage qui concerne le verbe; cette maticre est traitee avec
une grande superiorile, et le tableau des conjugaisons francal-
scs, qui ne forme pas plus d'unc demi-page , nous semble ne
rien laisser a desirer. Quand M. 15. J. passe aux prepositions,
il les reduit tout d'abord a dix-sept; chez lui, les conjonclions ne
sont plus qu'au nombre deonze ; enfin, il semble qu'il premie
a tache de braver les anathemes des Irois quarts et demi des
grammairiens dont, romme il dit quelque part, la reputation
n'est fondee que sur ces'distinclions longueset Tides de sens,
que leur ignorance a etablie au grand detriment des pauvres
enfans qui doivent apprendre leurs regies.
Nous ne pouvonsqu'engager EVM . B. J. a continuer ses tra-
vaux sur la grammairc, et a rendre de plus en plus cette
science accessible a la jeunesse : l'ouvrage qu'il vient de pu-
LITTERATURE. 45-
blier annonce un jugement excellent, et les nombrcux exem-
ples qu'il cite prouvenl assez son erudition; c'est en persis-
tant ademander lareforme de tons ces vieux et absurdcs alms
qu'il justifiera pleinement l'epigraphede son premier ouvrage:
Non fumum ex fulgore, sed ex fumo dare lucent.
J. Adrien-Lafasge.
i/jc). i — Rhetorique classique a C usage des aspirans au grade de
baclielier-es-letlres , par Ferreol Perrard, avocat a la Cour
royale de Paris. Deuxieme edition. Paris, i85o ; Papinot. In-i 2
de xii et 227 pages; prix, a fr. 5o cent.
Nous n'avons rien a direde particular sur ce cours de rhe-
torique; il est,comme tous les autres, un extrait d'autres ex-
traits, remontant toujours par des extractions successives jus-
qu'au livre de Quintilien, de V Institution de Vorateur.
L'auteur l'a divise en vingt numcros ou chapitres, sous cha-
cun desquelsse trouvent plusieurs questions avec les reponses
qu'il y faut faire. Nous avons deja dit , dans ce recueil, ce
qu'il faut pen^er decette melhode d'etudepar questions et par
reponses, qu'elle est bonne dans les catechismes, et partout
ou 1'on ne vent pas parler a la raison, mais seulement a la foi
ou a la routine ; toutefois, nous ne pouvons blamer ici 1'em-
ploi de cette methode ; elle repond parfaitement a l'usage au-
quel on la destine; il faut savoir, en effet, que les examens
universitairesse font aujourd'hui en tirant d'une urne la ques-
tion ecrite, a laquelle l'aspirant est trop beureux d'avoir uric
reponse prete.
Une telle mesure, jugee necessaire aujourd'hui, en dit plus,
ce me semble , contre l'Universite que les attaques nombreu-
ses dont elle a etesi souvent l'objet. B. J.
i5o. — * De, C Histoire de la pnesie ; Discours prononce a
YAthenee de Marseille, pour l'ouverture du cours de littera-
ture, le 1 2 mars 1800; par M. J. J. Ampere. Marseille, i83o;
typographic de Feissat aine et Demonchy. In-8" de 5 1 pages.
Un long fragment de ce discours a deja paru dans la Re-
vue de Provence , recueil litteraire imprime a Marseille
(voycz ci-dessus, page 221.) Mais l'ceuvre tout entiere
meritait bien I'impression ; car on y trouve non - seule-
ment un style correct , elegant et colore, mais encore les
traces d'un tr<s-grand savoir et des pensees neuves et fortes.
Apres avoir passe en revue tout ce que demanderait d'etudes
une bonne histoire de la poesie, apres avoir dit quelles qua-
lilcs particulieres devrait posseder celui qui cntreprendrait de
traiter ce beau sujet, M. Ampere a examine, l'un apres I'autre,
les elemens qui doivent sen ir a cette histoire, en ctrc coinme
458 LI V RES FKA1NQAIS.
les bases, et raster tonjours prescns a I'esprit de l'historien :
les iiioiuimens litteraires eux-meim*, les travanx critiques
auxqucls ils <»nt donne lieu, les caraelcrcs physiologiqnes des
peuples, la nature des contrees qu'ils h iliilent, la langue qu'ils
parlent, les moeurs, les arts, la religion, les sciences, le gnu-
vernement, entin la philosophic, qui, toujour* et par-tout, se
charge ilc resumer, pourainsi dire, les epoqueset les nations.
— Le jeune professeur a annonce qrr'il s'occuperait surlout,
dans son cours, de l'histoire de la pocsic du Nord, dont tons
les amis des lettres savcnt qu'il a fait une etude approl'ondie;
mais il a ajoute que ee corns lui-meme ne forme qu'une partie
d'un ouvrage immense auquel il a deja coTsacrc beaucoup de
veilles lahorieuses : VUisloire unircrselle de la poesie. — On
doit souhailer que M. Ampere accomplisse son vaste projet;'
et ,* s'il ne taut pour tela qu'rm grand amour du travail, un
esprit etendu etvigoureux, une plume facile, pure, eloquente
an besoin , et une time ardente et genereuse , nous aurons
bientot un ouvrage qui manque a notre lillerature, et peul-etre
a toutes les autres. N.
i5i. ■ — * Cours de litteralure francaise ; par M. Villemain,
membre de 1' Academic francaise, professeur a la Faculte des
lettres de Paris. Tableau de lu lilterature da moyen age en Fran-
ce, en Italie, en Espagne et en Angleterre. Lecons do cours de
i£3o. T. 1. Paris, 1800; Pichon et Didier, Quai des Angus-
tins, n° 47- In-8" de xv-4:t> pages; prix, 9 fr.
Apres avoir apprccie, avcc une rare impartiable et une,
saga cite exquise, les deux derniers scales de la [itterature
europeenne, JM. Villemain aborde aujourd'hui le moyen
age. La tache est rude et penible : ear le moyen age, c'est
une civilisation tout enliere et une civilisation mal con-
nue, mal comprise, et dont les mouvemens, eulaches d'une
rouille de barbaric , eflaroru bent la delieatesse du gout
moderne. Nous aurons a examiner cans un prochain ar-
ticle, si M. Villemain n'esl pas resle quelquefois au -dessous
de cette tache, s'il n'a pas portr plus d'un jugement hasarde,
s'appuyant snr une etude un pen legcre des ecrivains origi-
naux. Mais bien que nous differions d avis sur quelques points
avec ftl. Villemain, nous ne pouvons nous empecher de ren-
(\re des a present justice a la sagacite hahituelle de ses vues,
a l'admirable eclat de son style, a toutes cesqualites, en uninot,
qui font de lui I'.'ud des plus Indians oraleurset des plus inge-
nieuxcritiquesde notre tems. Nous attendronsle second volume
pourrendreun eompte detailledc cet imporlantouvrage. A. D.
j 52. — Lcttrc d M. Victor Hi go , par M. Charles Faro ,
LITTER ATUIE. 459
suivie d'un Projel de tharte romantique. Paris, i83o; Landois
et Bigot. In-8° de 6u pages; prix, i t'r. 5o c.
L'energie des impressions est, chez presque tons les hom-
ines, en raison de la nouveaute (\e» objets. II est sans doutw
quclques espiitssupcrieurs (pii, appreciani lescho.ses en elles-
uicines , sunt d'antant pins epris dn beau qu'ils en ont pins
souvent goute les channes ; ma is il n'en est pas ainsi des mas-
ses; lebeau uoeu d'tilet sur elles, s'il n'est pas en meine teins
nouveau ; de la, chez tons les peoples qui ont conserve les
nionumens de leurs aits, 1'altcralion necessaire du prineipe
qui leur doune la vie. Fouillez dans les tombeaux del'antique
Egypte , et, plus vous avancei ez vers les Ptolemees. plus vous
verrcz le gout se corronipre; les Grecs, les Uomains ont piar-
couru la meme periode; rien ne pent nous dispenser de la
subir. De la le roinantisme, qui n'est pas autre chose que l'al-
teralion (malhcureuscincut inevitable) do prineipe du beau.
Cette alteration pent avoir lieu de mille manures diverses;
car le beau est comine un centre unique d'ou part un nombre
infini de li-mesdivergentes; et voila ce qui rend le romanlisme
indefinissable. Le romantisme est un etre negatif : e'est ce qui
n'est pas purement beau. Cependant, anus et eunemis s'eftbr-
cenl de donner \\i\ corps a ce lanlome. Dernierement encore,
le chet des rovn antiques ea a mis an jour une definition toute
nouvelle. "Le romantisme, a-1-ildit, n'est que le libtralisme en
litter.ilure. »> Or, croyez, apres cela, a I'egalite des intelligen-
ces ! Gel axioine, convert pour moi des lenebres les plus pro-
tbndes, a ete un trait de lumicre pour l'auleurde la brochure
que j'annonce. «0 luniineux rap- rochement, s'ecrie t-il, d'oOl
la verile jaillit brillante et viclorieuse! Cette revolution de
1789, par qui nous sonmies tons legalement egaux cette
revolution s'opere niaiutenant dans le doinaine de l'esprit....
et de nieme que nous avons vu naitre et se develnpper, parmi
les premiers bienfaits de cette grande crise sociale , la petite
propriete fonciere, nous voyons eclore aujourd'hui la petite
propriety tittei aire. Et dequel droit, en effet, un hommeaurait-il
plus de genie que d'autres? Pourquoi soufl'rir que quelques
reputations, grandies a travers les siecles, dominent a perpe-
tuitu la repnblique des Icltres? Ce mot de republique, si jus-
tement employe ici , n'indique-t-il pas qu'une parl'aite egalite
doit regner enlre tons les membresqui la composentPQu'onse
rappelle ce fier republican! abaltant dans son jardin les tetes
de pavots qui depassaient les aulres, et Ton en conclura avec
juslessc que Ilacinc et d'autres aristocrates litleraires sont trap
grands de la tele , comine dit D. Carlos en pa riant du due de
/|()o LIVRES FRANCAIS.
Lutzelbourg dans voire admirable drame iVHcmani. » Cotic
citation donnera unc idee de l'ironie spirituelle et mordante
qui nnime la lelire d M. V. Hugo. Mais a die pro , dirait mi
ilalicn? Pour que le ridicule put tuer le romantisme, il i'au-
drait que le principe du beau fut encore assez lecond pour
enl'anler des chefs-d'oeuvre q\ii excitassent la surprise ct 1'ad-
lniration publique; et c'est ce dont il est permis de douter.
Ch.
i 53. * OEuvres de Voltaire, avec prefaces, avertissemens „
notes, etc., par M. Becchot. 8* livraison. Paris. i83o; Le-
fevre, rue de l'Eperon, n° 6. Imprimerie de F. Didot. L'ou-
vragc complct formera 70 volumes in-8°, qui paraissent par
livraisons de 5 vol. , de deux en deux mois ; a5 vol. ont paru :
prix du vol. , 4 fr. 5o c.
Cette 8° livraison de l'edilion la plus complete et la plus
soignee qui ait encore paru des OEuvres de Voltaire se com-
pose du tome 1" du Theatre, de YHistoire de Bussie, et du t. 11
des Melanges (tomes xi, xxv etxxxvm des OEuvres completes).
Les pieces contenues dans le 1" volume du Theatre sont
OEilipe, les fragmens d'Artemire, Mariamne, lTndiscret, la
fete de Belebat, Brutus, et les Originaux, ainsi que les va-
riances; les lettrcs sur OEdipe, le discours sur la tragedie a
milord Bolingbrocke, etc. Le tome 11 des Melanges renferme
les elemens de la philosophic de Newton, un Mcmoire inedit
de Voltaire , et un autre sur la satire, la vie de Moliere, le
discours de reception a l'Academie francaise, etc., etc., etc.
II serait snperflu de reproduire ici les eloges merites que
Ton a deja faits de cette belle edition, lors de la publication
des premieres livraisons. Contentons-nous de dire que celle-
ci n'est nullement infericure aux precedentes, et que cette
edition, par la beaute du papier et des caracteres, ainsi que
par le soin avec lequel les volumes sont composes et les notes
redigees par le savant et lahorieux edileur, continue de meri-
ter les suffrages du public.
1 54. — * OEuvres completes de M. le vicomtc de Chateaubriand.
pair de France, membre de TAcademie francaise. T. vn , x
et xi. Le Genie du Cltristianisme, t. vn, les Natchez, t. 1 et II.
Paris, i85o; Fayolle, rue du Rempart-Sainl-Honore. 3 vol.
in-12, d'environ 4°o pages chacun ; prix de chaque volume,
5 fr. 5o c. , pour les souscripteurs aux oeuvres completes ; 4 fr-
pour les non-souscripteurs. (Voyez, pour les livraisons pre-
cedeutes, Rev. Enc, t. xlv, p. 712. )
Celte livraison de l'edilion de M. le marquis de Fortia con-
tient : 1° les critiques et les jugcniens ecrits par plusieurs
homines distingues dans differens journaux. sm- !c Genie du
LITTERATMIE. 461
Christianisine, lors de la publication des diverscs editions de
cet ouvrage celebre, et les deux prefaces qui les accompagne-
rent; 2°les deux premiers volumes des Natchez, composition
bien belle de style, mais a laquelle les romans de Cooper ont
fait un tort immense sous le rapport de la verite des choses
et des couleurs. — -Nous devons a l'editeur, pour cette Iivrai-
son, les mfnies eloges que pour les precedentes; seulement ,
nous lui signalerons une assez grande negligence dans la cor-
rection des epreuves : quoique en general les fautes d'impres-
sion que nous avons remarquees ne denaturent point le sens
de l'auteur, elles sont cependant facheuses dans un livre qui,
par la magnificence du style, est destine a passer souvent el a
rester long-terns sous les yeux de ceux qui le possederont.
i55. — * OEuvres de P.-E. Lemontey, de l'Academie fran-
chise; edition revue et preparee par l'auteur. Paris, 1829;
A. Sautelet; Brissot-Thivars. 5 vol. in-8° de xxiv-425, 43 1>
598, 364 et 448 pages ; prix, 35 fr.
Nous rendrons conipte incessamment des OEuvres de Le-
montey, dans notre section des analyses. Nous nous bornerons
arappeler ici ((uels sont les ouvrages du spirituel academicien,
recueillis paries edileurs. — Le premier volume se compose,
apres une notice sur Lemontey, dc Raison, Fotie, petit cours de
morale mis d la portee des vieux enfans. — Dans le second vo-
lume, ontrouve: 1° les Obsertal ears de laFemme; 20 la Nourri-
ture d'un prince, ou le danger des coutumes etrangeres; 3° le
Pccheur du Danube ; 4° Traite des coups et de leur application aux
divers usages de la vie ; 5° le jardiuier de Samos, ou le pere du
senat ; 6" Par allele moral et physiologiquede laDanse, du Chant
etduDcssin; ip° PEnfant de C Europe, ou le diner desLiberaux a
Paris, en 1 8 14- Le tome hi comprend les eloges de Morellet ,
Vicq-d'Azyr, Fabry Peyresc et Jacques Cook; les notices sur
Marguerite de Galois, reine de Navarre , Francois de Lorraine ,
due de Guise, surnomme le Balafre, Jeanne d'Albret, reine de
Navarre, mere de Henri IV, Gaspard de Coligny , amiral de
France, De Thou, lustorien, le cardinal deRetz, la duchesse
dc Longueville, 31 mc de Lafayette, Mmc Deshoulieres, Chaulieu,
Adrienne Lecouvreur, Helvetius, et M"e Clairon.- — Les articles
inedils , extraits des /h'emoires de Dangeau, avec les notes d'un
anonyme , fonnent le quatrieme volume; etlecinquiemecon-
tient : 1° VEssai sur rdtablissement monarchique de Louis XIV ,
et sur les alterations qu'il eprouva pendant la vie dc ce prince,
&\ecles pieces justificatives, parmi lesquelles se font surtoul re-
marquer les Memoircs du cumte Jean de Coligny, et la notice
sur Colbert ; puis : 20 de la peste de Marseille etde la Provence,
pendant les annecs 1720 et 1721; 50 Etude litte'raire sur la
/,6a LIVRES FRANCAIS.
partis historique du roman dc Paul et Firginie ; l\" de la Preci-
sion considn-ce dans le Style, les Langues et la Pantomime (i) ;
5" des Bods efj'els de la Caisse d' Epargne el de Prevoyance ;
G° Essai stir la LitUr attire et la /, an que russes.
■ ."><>. — * OEuvres de M Ballanche. T. i, contenant Anll-
gonr,V Ifomme sans nom, Elcgic, Eragmens. Paris, i83o; .1. Bar-
bezat, rue des Beaux-Arts, n"6; meme mai.-on , a Geneve.
Grand in-8° de plus de 5oo pages; prix, 9 fr- L'ouvrage aura
g volumes.
Nous reviendrons sur cette importante et curieuse collec-
tion.
157.' — * EIHade, traduction aouvelle en vers franca is,
precedee d'un h'.ssai sur /' Epopee liomirique , par A. Bignan.
Paris, 1829; Bclin-Mandar, rue Saint-Andre-dcs-Arts, n" 55.
2 vol. in-8u; prix, i5 IV.
Une fulelite rigoureuse, tel est le systeme de traduction que
M. Bignan a suivi, com me il le dit lui-nume dans sa pre-
face. Traduisant sur le texte, et nun d'apres une autre traduc-
tion , il a tacbe de ne jamais ni raccourcir, ni allonger son
modele , et de se rapprocher de la simplicite grecque, sans
trop s'eloigner de l'elegance qu'exige la poesie francaise.
Aulant que la nature de notre langue le lui a permis, il a
rendu ces epitbctes, pour ainsi dire, sacramentelles, qui pei-
gnent avec taut de verite tout ce qu'embrasse la vue du
poete, et qui caracterisent si specialement les pays, les heros
et les dieux. Une bonne traduction en vers de I'lliade peut
exercer maintenant une salutaire influence : quelle que soit la
direction nouvelle de notre litterature, nos muses etudieront
toujours avec fruit les sublimes monumens de celte vieille
poesie grecque, si vraie, si originate et si populaire. Poete
primitif, poete national, Horn ere est a lui sen I toute la mytho-
logie, toute 1'histoire de I'ancienne Grece, et son genie, qui a
domine tout le moride antique, regne encore sur toutes les
litteratures modernes. N.
i58. — Poesies d'une femme. Paris, i83o; Ch. Gosselin.
In-8" de i3t pages; prix, 5 fr. 5o c.
Le plus grand eloge qu'on puisse faire de ce recueil, c'est
qu'il est digne de son titre. Ce sont bien la en eflet les Poesies
d' une femme. D'abord un anonyme modeste et pudique, qui
derobe I'auteur a s.es triompbes et ne permet pas de le classer
parmi les gens de letti es. Ensuite une grace simple et negligee
(1) Ce morceau et les notices sur Colbert, Chaulieu, Helvetius et
Mlle Clairon ont paru dans la Revue Encyclopedique, qui s'honorait <W
compter M. Lbmostey an nombre de ses collaborateurs.
LITTERATURE. 463
qui ne vise jamais a l'effet, et semble plulut le redouter. Enfin
Pexpression naive, Panalyse delicate de sentimens qu'il ap-
partient plus particulierement a l'autre sexe de ressentir et
d'exprimer. M"e Delphine Gay a petit-fire plus d'elegance et
d'eclat ; >lme Desbordes Valmore, plus de passion ; M°" Tastu,
plus d'imagination et de pensee : niais aupres de ce triumvi-
rat dc nut re Parnasse feminin se place sans trop de desavan-
tage le poete ineonnu a qui nous devons ces pieces pleines de
cliarme. J'en veux citer une, pour donner une idee des autres,
bien qu'elle puisse perdre quelque chose a en etre ainsi de-
tachee. Une poe.-ie toute ecbappee du coeur, sans souci des
regies de Part, de la critique, du sueces, qui parle pour elle-
meme comme si elle ne devait point avoir d'auditeurs, une
telle poesie ne se fait qu'imparfaiiement connaitre par frag-
mens, par echantillon, elle plait surtoul dans son ensemble ;
citons pourtant pour justifier, pour achever nos cloges.
Le Depart.
II est vrai, ce depart mon creur le desirait;
Mais aujuurd'hui je tremble.... est ce done un caprice,
Et dois-tu me grander de mon trouble secret?
Partii! a ce moment tout devient sacrifice;
Tous les objels alors obtiennent un regret.
Je parcours le jaidin, chaque arbie, chaque allee,
Ker;oivent un adieu de la pauvre exilee.
Tout me parait plus beau, tant mes yens sonf charmes.
J'ai i pgi et an soleil qui pourpre ma croisee,
Et qui vient au matin sur mes rideaus fermes
Dessiner le jasmin, tout couvcit de rosee
Et giimpant en lesions le^erement formes.
Dans ma memoire ainsi tunt se grave et demeure;
Et la table oil le soil j'ecris a mon ami,
El le grand fauteuil vert oil j'y pense a toute heure,
Oil, qtiand il ne vient pas, je m'appuie et jc pleure;
Et ce coin que le jom n'eclaire qu'a demi,
Oil pour lui senl a Dieu j'adresse mes piieres;
Et le long corridor oil resonnent ses pas ;
Jusqu'au mur de la cour, donl je compte les pierres,
Repetant que demain je ne les verrai pas!
Que veux-tu? e'est folie, et tu m'en vois honteuse.
J'esperais du plaisir. ... l'esperance est menteuse,
Je ne m'y fiiai plus.... En quitlant ces beaux lieux,
Temoins de mon amour, de ma joie innocente,
J'ai peur de les revoir les larmes dans les yeux ;
11 n'est pas de malheur que mon coeur ne pressente !
Mon espiit, tu le sais, facile a s'emouvoir,
Inquiet el trouble, jamais ne se repose:
Pour l'etre fait ainsi le bonheur se compose
De mille riens, helas ! qn'on ne saurait prevoir ;
4&4 LIVRES FIUNCAIS.
Je suis ce qui m'entoure t'l rarement moi-nifime.
Laisse-moi done trembler loin de tous ceux que j'aime.
Ici, cc que je vois seinble nie proteger:
Sur ce banc qu'un lilas pare etvicnt onibrager,
J'ai pleure qaelquefois; la, mon Srae blcssce
Souvent a promene son unique pensee;
Partout le souvenir nie cbarnie et nie remplit,
Et pour inoi du pasae le present s'einbellit.
Ces arbres, ces bosquets et ces boutons qui naissent,
Tous ces objets enCn, je crois qu'ils nie connaissent.
Partir! qui me promet que tu nie rcverras ?
Ab ! sait-on I'avenir?... je ne part ii ai pasl
Peul-etre en ces lieux chers a nies jeunes annecs,
Je reviendiais un jour le caur desenchante,
Voyant a nu la vie, et retrouvant I'anees
Ces fleurs et ma beaute.
H. P.
lSg. — Fables anciennes et modernes , francaises et etran-
grrcs, dont La Fontaine a trade le sajct; littoialcmcnt extraites
de pres dc quatre coats ouvrages anterieurs au xvtn' siecle ;
par J. L. Prel et J. F. M. Giullaiime. Paris, 1829; Lance.
Specimen de 86 pages in-8" ; prix, 2 fr.
La Fontaine n'a pu echapper ni a ces annotatenrs qui ca-
lomnient leur auteur en Ini imp ut ant des personnalites, ni a
ces critiques audacieux qui pretendent corriger l'ceuvre du
geuie , ni me me aux commenlaleurs qui expliquent le plus
souvent ce qui n'a pas besoin d'etre explique. Nous citerons
seulement I'oratorien Valette, qui arrangea, sur de petits airs
ct vaudevilles, des fables choisies du bonkomme : a quoi une
religieuse d'Orleans ajouta des chansons morales et des em-
blemes. Lin ridicule encore plus ineffa cable s'est attache a la pu-
blication faite, en 1808, par M. Lebrtin, ex-president, prevot
ct juge royal, qui a reduit les fables de La Fontaine a la simple
narration. Par un exces contraire de veneration pour le grand
poete, l>1. le president Tribert, parce qu'il occupait sa maison
a Cbaleau-Thierry, a compose un recueil de fables, imprime
en 1818; mais on n'ya point reconnu ['influence de la localite.
On doit remaiquer que e'est de nos jours que le fabuliste a etc
le plus souvent reimprime. La premiere edition de ses oeuvres
dale de 1G68 ; pendant les trenle etquelques anuees suivantes,
on en publia cinq autres seulement; lc xviu" siecle en pro-
duisit dix ; anenne edition nouvelle ne fut impiimce dc 1789
a 1796; mais decelte epoquejusqu'en 1800, il en parut quatre.
On connait plus de vingt-cinq editions des fables et des autres
poesies de La Fontaine, donnccs de 1801 a 1823. L'histoire
de sa vie par M. "NValckenaer, quoique ecrile avec une pro-
LITTER ATURE. 465
lixite extreme, est trcs-curieuse; plus lard, M. Robert a cbcr-
che a l'apprecier par l'examen de ses ceuvres seulement; et
M. Prcl a consacre toutes ses etudes litteraires a un travail
semblable. Mais il n'a pu encore publier qu'un specimen de «a
collection de 2,775 fables.
Autant on apportait autrefois de soin a suivrc scrupulcu-
sement dans Ies ecrivains les idees et les images qu'ils s'etaient
reciproquement empruntees, autant on neglige a present de
recbercber cette fdiation du genie. Des rheteurs, il est vrai,
abuserent de ces rapprocbeinens : jaloux d'etaler un vaste
savoir, ils exhumerent de l'oubli d'insipides imitations faites
par de mauvais ecrivains, on, dans leur etroite conception, ils
presenterent, comme des plagiats, des inspirations bien dis-
tinctes. La Fontaine a presque toujours emprnnte a autrui les
sujets de ses fables : on n'en compte guere que huit qui soient
de son invention ; et cependant, bien superieur a tons ses dc-
vanciers, il est un modele desesperant meme pour ceux qui,
comme M. Arnault, ont pu innover dans ce genre de pocsie.
RIM. Prel et Guillaume presentent, avec metbode et d'une
maniere bien plus complete que ne l'a fait M. Robert, l'indi-
cation desfabulisles grecs, latins, francais, itolicn*>, cspagnols,
allemands, anglais, hollandais et orientaux. Ils rapportent le
texte de cbacun d'eux, et ils citent, en outre, les editions de
leurs ceuvres, qu'on ne se procurerait pas meme dans les plus
gra rules bibliotheques : ces auteurs sont places suivant l'ordre
chronologique, et non par serie de nation. Ainsi, le specimen
indique Fan 1 544 comme la date du conte des quarante Vezirs.
Mais il est incontestable que les Asiatiques sont les inventeurs
de l'apologue, et que les sujets de la plupart des fables imitees
par les Grecs et les Latins appartiennent a l'lnde primitive et
a la litterature de la Cbine ; d'ailleurs, l'origine des Mille et
une Nuits est d' autant plus incertaine qu'un savant Orienta-
liste vient encore d'essayer, sans succes, de la determiner
(voy. Rev. Enc, t. xliu, p. 467 et suiv. — Journ. des Voyages,
novembre 1829). La fable du Meunier, son Fits et CAne forme,
avec les citations qui s'y rapportent, au noinbre de a3, presque
la totalite de cette brocbure.
Nous savons que deux litterateurs connus, MM. Noel et
Le Railly, ont compose, en 4 volumes, un ouvrage sur les
fabulistes cbez toutes les nations. Ce beau travail manque aux
diverses litteratures modernes; mais differentes circonstances
en ont retarde la publication. Ce sort est commun au manu-
scrit de M. Prcl, qui formerait aussi f\ volumes. En vain il a
demande a le soumettre a des exatninateurs pour (pie 1'im-
T. xlvi. mai i85o. Zo
466 LIVRLS FRANC AIS.
piimeiic royalc lc fit paraitrc. Le budget cslavnrc, mais sett-
lement pom It's Utiles ct les sciences. Faute aussi de speciality
dans les defenses , les foibles encouragement qu'il accorde
sont ravis par ['intrigue a des talens modestes. II est a desirer,
dans riult '-ret de la saine liltcrature, que quclquc libiairc en-
Ireprenne 1'impression de cet ouvrage, qui, du reste, est sus-
ceptible d'amelioratioo. Isidore Le 15run.
160. — fVUIichn Mcistcr, par Goethe, traduil de l'allemand
par Theodere Thoisenel. Paris , 1829; Jules Lefevre. 4 vol.
in-12 de 240, 2i5, 189, 218 pages; prix, 12 IV.
Peut-fetre le tradueteur de ce roman eelebre a-t-il en tort
de ne point lui conserve!1 son litre : Les annccs d'apprentissage
de JVilliclm Mcister, qui, bien qu'un peu vague el un pen
obscur, exprime cependant l'idee la plus generate a laquelle
puisse se rapporter la composition contuse et incoherenle de
Goethe. A travels la uiulliplicile de scenes et d'acteurs, dont
clle est coinmc encombree, on distingue, en effet, un sujel
principal qui s'en detachc, e'est ['education morale d'un jeune
enthousiaste que ['experience de la nature reelle et du monde
degage par degres de ses illusions d'enfant et d'artiste. U y a
de tout dans ce livre, qu'onpeutbeaucoupcritiquer, mais qu'il
1'aut aussi beaucoup admirer. II n'est personne, je crois, qu'il
ne rcbute par la trivialite ennuyeuse, on lc fantastique pueril
de certains tableaux, de certains pcrsonnages. Mais il n'est
personne aussi qui ne doive se plaire a la peinture de cette
societe de tons rangs reuuie par le gout de f'independance et
des arts ; a ces scenes de la vie comique, inferieures, je pensc,
a celles qu'en ont retraces, chez nous, Scarron et Lesage, mais
qui s'en distinguent par un caractere etranger, d'un effettreS.-
piquant. Les coulisses de l'Allemagne ne sont pas plus chasles
que les notres, mais, s'il en faut croire ce livre, le deregle-
ment y est mele de je ne sais quelle candeur passionnec qui
le releve un peu. Les comediennes que rencontre JVUIulm
ont de plus que les amies de Gil-Bias des affections involon-
taires et vraies. Marianne surtout est une de ces figures plei-
nes de charme dont les ceuvrcs de Goethe offrent comme une
galerie; elle y brille a cote des Claire, des Charlotte, des
Marguerite. On connait le personnnge singulier de Migntm ,
par la belle analyse de M.me de Stael, et l'lieureuse imitation
qu'en a faite "Waller Scott dans sa Fenella. C'esl la beaute sail-
lanle de ce roman, comme roman. Car, a vrai dire, la parlie
romanesque n'y est que secondairc; c'esl un cadre on Gcellic
a renfermc d'admirables dissertations d'arl el de morale, d'ad-
mirables morccaux de pocsie. Toutcs ces aventures, tous ces
LITTERATURE. 46;
personnages ue sont la que pour provoqucr l'auleur, et lui
servir de compere. II est lui-merae le premier, ou plutot le
seul acteur de son drame. Peut-etre, comme l'a dil ingenieu-
sement Mmc de Stael, n'eOt-il pas dCi interposer de tiers entre
ses lecteursetlui. Sa belle analyse de l'Hamlet ne perdraitricn
certainement a n'etre qu'un morceau de critique, et elle pa-
rait bien au-dessus de l'auditoire qui l'ecoute. TVilhelm Mecs-
ter , public en 1795, avail ete deja reproduit dans notre lan-
gue. En i8o3, il en parut line traduction francaise a Coblenlz;
depuis on en a fait une imitation sous le titre &' Alfred. Ces
essais, oublies aujouid'hui, ne donnent que plus de prix a la
version elegante de M. Tbousenel. Le nouveau traducteur a
particulierement rendu, avec assez de bonheur, quelques
beaux vers de Gcetbe, entre autrcs ses stances celebres sur l'I-
talie. C'est un avantage qu'il a sur la plupart de nos tradnc-
teurs d'allemand et d'anglais, dont la prose vaut mieux que
les vers, bien qu'elle ne vaille pas touj ours grand' chose. H. P.
161. — Les Cardeurs, ou Patriotisme et Vengeance, roman
irlandais ; par M. Crowe ; traduit de l'anglais, par M. H. J. B.
Defauconpret. Paris, i83o; Charles Gosselin. 5 vol. in-12,
de 200 pages chacun ; prix, 9 fr.
162. — Le Ccnnemara, ou une election en Irlande, roman
irlandais, par letneme; traduit de l'anglais, par le mime. Pa-
ris, 1800; Charles Gosselin. 1 vol. in-12 de 195 pages; prix,
3 francs.
Ces deux ouvrages forment la sixieme livraison des romans
irlandais publies par M. Gosselin ; c'est une collection inte-
ressante, dont nous avons plus d'une fois fait apprecier le
merite (voy. Rev. Enc, t. xliv, p. 488). M. Banim, patriote
fervent et eclaire, en avait fait tons les frais jusqu'ici ; aujour-
d'hui, un nouvcl ecrivain est presente au public francais. Le
premier nous avait paru reunir plus d'une qualite eminente :
ses digressions, bien ou mal amenees, sur la situation morale
et politique de l'lrlande , ont eclairci , pour ses lecteurs, la
plupart des questions importantes auxquelles donne lieu le
sort de ce pays; les caracteres qu'il a introduits dans ses ro-
mans sont presque toujours dessines avec une verite qui de-
cele un observateur profond; enfin, il sait retracer avec force
les effets de la passion. M. Crowe ne nous parait pas avoir
beaucoup de ressemblance avec son devancier. II y a dans sa
maniere de voir et de representer les choses nioins d'illusion
et de poesie. Pour lui, l'lrlande n'est point celte ile enchantee,
cetteveiteEiin, que des pocles, peut-e!re trop prevenus, ont
si souvent chantee ; et, c'est libre de lout scrupulc, qu'il de.
pouille ses habitans de cet ideal de palriotisme energique et
<jC8 LIVRES 111 AN C A IS.
de verve spiriluelle auquel nous mil habitues les romans tic
Banim, de l;ul\ Morgan, etc. line sorte* de pessimisms mii-
qiieur inspire ions les recits qu'il fail de leure conspirations,
de leurs emeutes contre I'oppressioB anglaise; mais ce n'est
certes point parsytapathie pour eelle^cij car ses partisans n'ob-
tiennent pas grace devant son inexorable pinceau. Ainsi, dans
les Car dears , Arthur Dillon se laisse d'abord altera l'entliou-
siasme patriotique qui s'accorde si bienavectous les sentimens
de son jeune Sge; puis, la lache cruaute, I'egoismegrossicrdes
seditieux subalterncs parmi lesquels il se trouve quelquetems
compromis, viennentdissipersesrevesd'independance, sesflat-
teuses esperances de liberte, et lui rendent de plus en plus cher
le bonheur tranquil'le de la vie privee. Mais, en opposition an
mailre d'ecole 0' llourke, pour qui les troubles populaires ne
sont qu'un uioyen d'ainbition personnelle, a cote des ignobles
conspirateurs, dont les crimes ne sont rachetespar aucun devofi-
ment, par aucune generosite, viennent se placer un lord Cast-
letown-Belville, un reverend Crostwhaile, que l'impulsion des
bas interets a reunis dans les rangs des oppresseurs. — Le Con-
nemara est une sorte de caricature vive et gaie, chargee avec
esprit, inais dont on regrelle dc ne pas comprendre entiere-
ment le sens; quelques notes auraient pu expliquer les al-
lusions qu'elle doit renfermer, et nous apprendre ce que
nous devons croire des merveilleux recits de l'auteur sur le
roi Mac Loughlin et sa monarchic sauvage. Du reste , l'es-
prit de M. Crowe nous a paru plus a l'aisc dans ce second
ouvrage, dont le fonds et la forme lui appartiennent en pro-
pre, tandis que la conception et l'execution des Cardeurs rap-
pellent jusqu'a un certain point la maniere de M. Banim.
i65. — Guy-Eder , on la Ligue en Basse-Bretagne ; par
Hippotyte Bonnelier. Paris, 1800; Tetot freres, rue Croix-
des-Pelits-Champs, n° 55. 5 vol. in-12 de 200 a 25o pages;
prix, 1 o fr.
« En i58g, un jeune gentilhomme brcton, age de quinze
ans, s'echappe du college de Boncourt, troque avec des Juifs
sa robe de chambre et ses livres dc classe contre un poignard
et une epee, et part seul, a pied, pour Orleans, on se trouvait
alors le due de Mayenne. Des brigands arretent et devalisent
le jeune aventurier. 11 rcvient au college, s'en echappe encore
bientot apres, et, cette fois, se dirige sans obstacle vers la
BasseJ3retagne, ou le due de Mercoeur soutcnait le parti de la
Ligue. Peude mois apres, l'enl'ant de quinze ans commande a
trois mille homines; et son nom , qui est devenu un cri de
guerre, fait verser le sang, allumer des incendies, miner les
villes de Cornouailles... — La ligue s'eteiat : il disparait un
LTfTERATURE. V,fi0
instant dc la scene, pour y reparaitre, trois ans apres, fausse-
inent accuse dans la conspiration de Biron... — Ce jeune
gcntilhomme , cet aventurier, ce devastateur de la Cor-
nouailles, c'cst Guy Eder de Beaumanoir de Lavardin, baron
de Fontenelle. » Tel est le theme du nouveau roman dc
M. Bonnelier, tel qu'il l'indique lui-meme dans sa preface :
sur cctte courte donnee historique, il a reconstruct, pour ainsi
dire, toute la vie du ligueur breton. Son livre est done moins
un roman historique qu'une sorte de biographic, embellie de
developpemens pittoresques et de scenes dramatiques, dans
le genre que Walter Scott a mis a la mode, et qui forme du
rcste un ensemble assezanime. Le style, on Ton apercoit bien
ca et la quelque nuance de recherche et d'afl'ectation , est en
general agreable et de bon gout, a.
164. — Conies et nouveltes, par M. Merville. Deuxieme edi-
tion. Paris, i83o; Gagniard. 5 vol. in-12; prix, 12 fr.
De ces trois volumes, les deux premiers seuls sont a leur
scconde edition. lis ont paru pour la premiere fois en 1829, et
ont deja ete annonces dans ce recueil. [Rev. Enc, t. xli,
p. 55o. ) lis contenaient six nouvelles : Le Panicr d'argente-
rie, les Oubliettes, I'lndustriel, La Renaudie, Err ear de nom et
I' Adulterc. Celui que Pauteur a joint a cette nouvelle edition
en renferme trois autre? : La C lianoinesse de Remiremont , ou
CAnneau de la morte, Prosper el le Managed' an escroc.
M. Merville, dont la reputation comme auteur drama-
tique a commence d'une manicre brillante par la Famille
Glinet, et auquel nous somnies redevables de plusieurs autres
jolies comedies, telles que les Qualre Ages ( voj. Rev. Enc. ,
torn, xv, p. 421 et6oo), et la Premiere Affaire (torn, xxxv,
p. 81 1 ) , a porte le meme talent d'observalion dans ses Nou-
■ velles, que Ton pent regarder commo autant d'esquisses dra-
matiques, auxquelles il ne manque que le dialogue. Deja quel-
ques-unes d'entre elles ont ete transporters sur la scene avec
succes; le volume qu'il nous offre aujourd'hui obtiendra cer-
tainementle meme accueil, et pourra fournirdes idces heureu-
ses a plus d'un de ses confreres; nous ne doutons pas qu'avec
un pen d'art, par exemple, on ne parvienne, sans beaucoup de
peine, a faire du Mariage d'un escroc, un petit tableau de
moeurs agreable, mais qui serait peut-etre plus vrai que vrai-
scmblable. E. H.
iG5. — * La France littcraire , ou Dictionnaire bibliogra-
phique des savans, historiens, gens delettresde la France, etc.,
par J.-M. Qierard. Paris, i85o; F. Didot. 5 vol. in-8° dc
600 pages an moins, sur 1 colonnes. Chaque volume, public
4?o LIVRES FRANC AIS
'cu deux livraisons; prixde chaque livraison, 7 francs 5o c.
Nous avons annonce cet important ouvrage presque a son
debut, ( voy. Rev. Enc. , t. xxxvn , page 533). Maiutenant,
qu'il est parvenu a sa 6" livraison, et a la fin de la lcttrc G ,
nous croyons juste de le rappeler an souvenir du public. An
point oii il sc trouve, il est certain que l'ouvrage se terminera
bienlot; car ce qui a deja paru forme environ la moilic de la
totalite du travail. L'exeeution continue d'etre soignee et
conscicncieuse. L'ulilite en est cbaque jour reconnue par les
libraires, les gens de lettres et lesbommes de cabinet. Aucunli-
vre du 111 erne genre, depuis les grands travaux des Bcnedictins,
ne merita mieux l'estime et les encouragemens des bommes
eclaires. X.
Beaux-Arts.
166. — * Voyage pitloresque au Bresil, par Maurice Rugen-
das. Paris, 1827-1830; Engelmann et comp. a Paris, a
Mulhouse et aLondres; les principaux libraires de France etde
Petranger. Vingt livraisons divisecs en quatre parties; savoir :
vues et paysages ; costumes et portraits des Negres et des In-
diens ; mceurs et usages des Indiens et des Europeens ; moeurs
et usages des Negres. Le prix de chaque livraison, composee de
cinq planches grand in-folio, lithographiees par les artistes les
plus habiles, et d'environ deux feuilles de texte, est de 12 fr.,
epreuves sur papier blanc; et de i5 fr., epreuves sur papier
de Chine.
La nature est si grande, si riche, si variee, qu'il est facile
de concevoir que l'etude de ses productions suffise a Pactivite
de Pesprit le plus studieux. Buffon, jeune encore, fait un
voyage en Italic. Si les monumens cloves par le peuple-roi ;
si les chefs-d'oeuvre qui enrichissent la patrie des arts n'absor-
bent pas toute sa pensee , ne sont pas I'objet unique de son
admiration, du mo ins il leur accordera un juste hommage ?
Loin de la : il ne voit que la nature, il n'est occupe que de
ses aspects et de sa magnificence. Qu'eut-il done eprouve s'il
avait etc transports dans une foret vierge du Bresil, au mi-
lieu d'un luxe et d'uri desordre de vegetation qui depassent
tout ce que ['imagination peut inventer ? C'est , en efl'et, un
spectacle bien extraordinaire et bien imposant, dont on a pu se
former une idee, d'abord, par celte vue d'une foiet vierge
que M. Ie comte de Clarac a fait graver a son retour du Bre-
sil; ensuite, par le tableau qui a ete expose au Louvre, et
dans lequel M. Taunay avait represcnte l'habitation qu'il s'e-
tait fait cons truire pres de llio-.Ianciro, dans un lieu sauvage
et enchanteur tout a la fois.
BEAUX-ARTS. 47,
L'ouvrageque j'annonce est destine a faire connaitre, d'une
maniere complete, I'imnicnse etendue du Bresil que M. Hu-
gendas a parcouru dans lous les sens. II a employe plusieurs
annccs a faire ce voyage, et il en a rapporle une grande quan-
tity de dessins aussi remarquables par le talent d'execulion
que Ton y trou ve , que par une extreme fldelite , la premiere ,
peul-elre, de toules les qualites d'un peintre-voyageur. Mais,
re n'etait pas assez de representer les lieux; il i'allait aussi en
(aire connaitre les habilans; ce n'etait pas la partie la moins
interessante du voyage. M. Rugendas la bien senti, et Ton
voit, par la division indiquec de l'ouvrage, qu'il n'a rien laissc
a desirer a ce sujet.
Trois populations bien differcntes foulent le sol du Bresil.
Les indigenes, divises en plusieurs tribus, parcourent les pro-
teinics solitudes des forets; le peintre nous les montre pour-
suivant le jaguar, le tigre de l'Amerique mcridionale ; ou ,
retires dans leur retraite ignoree, se livrant a des soins do-
mestiques. Ici, ils passent un torrent sur nn pont forme de
Kanes qui embrassent les arbres des deux rives; la, ils exe-
cutent leur dansc mililaire a laquelle les femmes et les enfans
prennent part ; ailleurs, on les voit ensevelissant un des leurs.
Tour a tour en guerre et en paix avec les Europeens , ils ac-
cueillcnt les voyageurs, ou se defendent contre une attaque
imprevue.
Transporte de I'Afrique pour fertiliser le sol qu'il arrose de
ses sueurs, et qui fait la ricbesse de son maitre , le Negre doit
a un interet bien entendu des soins proprcs a lui faire suppor-
ter les travaux dont il est charge; mais, il est place sous le
I'ouet du surveillant, et le maitre reprime, par des chatimens
corporcls, l'iniliscipline et la paresse. C'est l'esclavage enfin.
Place de droit, par une intelligence plus dcveloppee,
comnie il l'cst de fait, au-dessus des deux autres classes,
l'Europeen a du se soumettre aux besoins du ciimat qu'il ha-
bite; ce n'est plus l'Europe, e'est un monde tout nouveau.
M. Rugendas a joint a ses planches un tcxle plein d'interet.
Ce qu'il ne pouvait pas representer, il Pa decrit; ainsi les
planches et le texte s'expliquenl l'un par l'aulre, et se com-
pletent muluellement.
Les neuf livraisons qui out deja paru out oblepu I'approba-
tion unanime des savans et.des artistes ; c'est, sans contredit ,
un des owrages les plus interessans qui aient etc publics de-
puisla paix. P. A.
167. — * Chants polonnis, nationalize et poput aires avec a/xom-
pagnement de piano ou harpe, lextet et notices; publics par
4^3 LIVRES F1UNCAIS.
Albert Sowikski, el traduits en francais parG. I-'ulcence et J.
de Fremont. iw livraison. Paris, i83o; Petit, rue Vivienne,
n° 18. Un cahier in-folio, orne d'une vignette par M. W. Oles-
cztnski; il y aura 2 livraisons qui couteront ensemble, 3o fr.
In \if iuttirt s'attache au recueil tic M.. Sovinski : «La
musique polonaise, heritiere 0*0 cos vieux chants slaves qui
menaient nos ancfitres a I'eglise, a la guerre, a la danse, est,
comme le dh l'auteur, une tics plus anciennes de l'liurupc (1).
Aussi, cette collection, slcurieuse sousle rapport scienlifique
et musical, n'estpas non plus sans importance pour Thistoire,
a laqucllc aucun monument, aucun debris des terns passes
ne doit rester indifferent. — M. Sow inski a tail preceder cette
premiere livraisond'unecourteintroduction, oii ils'altachesur-
tout a faire connaitre les quatre genres distincls auxquels ap-
partiennent presque tous les chants polonais :
« 1°. La Polonaise, dont tous les compositeurs out tant de
fois adopte la coupe, est encore le rhythme favori de nos com-
patriotes; en general on la joue avee un mouvement trop ra-
pide, qui la defigure, tandis qu'elle doit etre lente, et rendue
dans un style large et melancoliquc. Quelquefois elle accom-
pagne une danse fort singuliere, qui consiste en marches gra-
ves et nobles, et on figment les personnes de tout age. C'est
dans la grande Pologne que s'est conservec la vraie maniere
d'executer la Polonaise.
»2°. La Dumka, aujourd'hui partout repandue,est originahe
del'Ukraine polonaise; c'est a tort qu'on 1'a confondue avec
des airs russes, elle n'a point de rapport avec eux. Les Dumka
ont toujours une melodic triste et douce, adaptee a des pa-
roles simples, souvent en patois d'Ukraine, de Pologne et de
Yolhynic ; on entend le soir, dans la campagne, les jeunes filles
chanter les Dumka devant leurs chaumieres, ou bien sur la li-
siere des hois en promenant les enfans ; c'est alors qu'elles ont
leur veritable accent dans toute sa naivete; c'est alors que la
mort de Gregoire, les adieux du Kozak, la Voisine, les Ljlas
attristent jusqu'aux larmes.
(1) Peu de nations mantrcraicnt aujourd'hui un chant intact du
xe siecle, comme celui de saint Adalbert; I'liymne Boga Hodrica , de
saint Woycicch , archeveque de Gnesne, fait au xc siecle, note au
xv, s'est conserve parmi le peuple a Dombrowa, sur laVarta, dansl'e-
{jlise de Gnesne, oil tous les ans on le cbante a l'anniversaii e de la mort
du saint archeveque. Ce chant a paru en Pologne, dans les chants histori-
ques de Nienucwicz ; en Angleterre, dans les Essais de M. Bowring ; en
Fiance, dans la Revue musicale, publiee par M. Fetis, et dans les chant*
populaires de G. Fulgcnce.
BEAUX-ARTS. 473
«5°. Le Mazurek, dont lc noni vieot tie la Mazowie, est Pair
dedanselepluscaracterise du pays; e'est le modeledctousnos
airs nouveaux; on distingue cepeudant aiscment ces demiers
des anciens, a leur coupe moins originate et moins chantante.
II y a deux genres de Mazurcks : les tins, dont la premiere
partic est to uj ours en minetir et la deuxieme en majeur sont
i'aits pour elre chantes. ct , comme on dit en polonais, pour
etre ecoutes; les aulres servent a une danse dont les figures
sont des passes et des conduites multiplies ; son mouvenient
est a -J et cepeudant moins rapide que la valse.
« C\°. Le Krakowiak semille d'esprit et de gaile ; son noni in-
diipie son origine ; il fait les delices des salons et surtout des
chaumieres. Les Krakowiens le dansent avec beaucoup de
mouvement et d'expression , tout en chantant des paroles de
circonstanee dont i Is raultiplient les couplets, et que souvent
ils improvisent. Ces paroles out une allure un peu libre qui
rappelle merveilleusement les chansons semi-grivoises de la
Fiance ; d'autres se rallachent aux epoques glorieuses de l'his-
toire, aux souvenirs doux et tristes qu'elle nous rappelle, et
sont une fidele expression do caractere et des mceurs de la
nation.
«Ces quatre sortes de chants, quelqucs Sielanka, quelques
danses cosaques sont le fond dont se compose toutelamusique
populaire de la Pologne. »
La premiere livraison , qui a paru deja, contient des mo-
deles dans tous ces genres differens, et donne une premiere
idee du caractere general de la musique polonaise. On y re-
trouve des ballades melancoliques et presque sauvages, de
gaies et vives chansonnettes, puis des chants guerriers et his-
toriques qui ont un accent plus severe et plus male; tous ce-
pendant trahissent leur origine populaire, par la simplicite des
motifs , ct parce que ceux-ci offrent d'inacheve et d'inrom-
plet; mais ces melodies, encore vagues et indecises, qui frap-
pent l'imaginalion du peuple et de l'enfance, et qui laissent des
souvenirs ineffacablcs, ne sont nullemenl depourvues de char-
mc et d'expression, et plusieurs compositeurs habiles out prou-
ves tout le parti qu'on en pouvait tirerenlesdeveloppantet en
les regularisant, pour ainsi dire. Weber, enlre autres, s'est em-
pare d'une des Dumka que renfermc la collectioo.de 11. Sowins-
ki, et l'a introduite, ce mc seml)Ie, dans son FreySchiitz , dont
elle n'estpas un desmoindres orucmens. Nous citerons encore,
parmilesmorceauxremarquables contenus dans la premiere li-
vraison , le Mazurek de Dombrowski et la polonaise de Kos-
ciuszko, qui rappellent deux noms bicu chers a leur pa trie. Eu
i;.i LIVRES FRANQAIS.
general le choix de ces (hauls esl fail avec gofit; cl M. So-
winski. donl lc lalent distingue est apprecie par tousles amis
i!c Mm art. s*est donnd beaucoup de soins pour (pic tous
les accessoires concourussent an bon effet de I' ensemble.
Nous ne terminerons pas cet article, sans mentionner la foKe
vignette ou M. Olesczynski a groupe, avec esprit ef scnii-
ment, les costumes les plus caracterisques de sa pairie antour
d'une statue de la Pologne , qu'ombrage un saide, tiistc eni-
blcmc de ses malheurs. I.
Memoir es et Rapports de Societes sarantes.
1O8. — * Seance publique de la Sociele d' agriculture, commerce,
sciences et arts du departement de la Marne, tcnue a Chalons
le 9 septcmbre 1829. Chalons, 1829; Boniez-Lambert, inipri-
nieiir de l'Ecole royale d'arts et metiers. In-8° de 98 pag.
M. Garinet, maire de Chalons et president de la Sociele, a
on vert la seance par un disco urs sur les progres de I'agrrcul-
ture dans le departement de la Marne. Cet ecrit, remarquable
par la clarte de l'exposition, par l'ordre des f'aits et la sagesse
des vues, merite encore plus d'estime, en raison de ce qu'il
I'm prononcc dans une occasion solennclle, sous le ininistere
actuel. II fallait du courage civique pour s'exprimer ainsi, au
sujet de la vente des domaines du clerge,'et des effets qu'elle
a produits : « ces proprietes, en general nial cultivees, preci-
sement parce qu'elles avaient trop d'etendue, sont, a l'exeep-
tion des forets, tombees, par leur division, dans les mains
d'une foule de petits proprielaires tellement nombreux qu'il
ne reste presquc plusde proletaires dans nos campagnes. C'est
ainsi que les petites proprietes se sont mullipliees ; l'egalite de
parlage dans les successions en augmente le n ombre, au point
que la majorite de la France est interessee au bon ordre.
L'histoire recueillera colte epoque commc ayant enfante des
prodiges en I'aveur dc l'agriculture et de la prosperite des
campagnes; mais les requisitions et les conscriptions en out
contrarie le mouvement : c'esl la restauration qui lui a donnc
une impulsion nouvellc, en consacranl les completes de la
revolution. Depuis l'etablissement de laCharte, l'aequereur de
domaines nalionaux a etc en pariaite securite; le clerge est
dole par ie tresor; Immigration a eu son indemnite; les habi-
lans des campagnes aehelent des terrcs et les paient ; ils sont
mieux loges , mieux veins, et plus civilises — En resume.
l'agriculture du departement de la Marne compte cinq epoques
principales : les ameliorations flu regne de Henri IV. Tetahlis-
MEMOIRES ET RAPPORTS. ,',;.>
scment dcs grands chemins, la suppression des corvecs, 1'abo-
lition do la dime et des droits feodaux, la division desproprieies,
et la publication de la Cliarle constitulionnelle. »
M. le doctcur Prix, secretaire de la Soeiete, a rendu compte
des travaux de 1829. On y remarque l'heureuse idee d'ouvrir
un conconrs entre les communes d'un meme departement
pour le mcillenr entretien des chemins vicinaux, et d'exciter
leur emulation par des eloges publiqucment deccrnes, et des
medailles qui en perpetueiit le souvenir. En 1829, vingt-deux
communes out pi is part a ce concours; treize ont ete jugecs
dignes de la medaille; et huit, d'une mention honorable. Ce
n'est certainement pas dans ce cas que le stimulant de l'emu-
lation peut avoir quelque inconvenient.
Une Notice biographique sur I'estimahle docteur Chamorin,
ancien maire de Chalons, etc., par M. Prin, expriine la recon-
naissance et les regrets publics envois un citoyendevoue.cou-
ragcux, dont la vie presque toutcntiere l'ut consacree a faire le
plus de bien qu'il fut possible an plus grand nombre de ses
concitoyens, dont la fermete et les vcrtus obtinrent les hom-
mages des armees qui avaicnt envahi la France, et, par ces
hommages memos, devinrent suspectes au parti qui domine
aujourd'hui, et menace notre patrie de plus grands maux que
l'invasion elrangere n'en eut causes.
Quoique, d'apres son litre, la Soeiete de la Marne scmble
elrangere a la lilteralure, elle ne la neglige point, et lui donne
une place dans ses travaux et dans les rapports de ses com-
missions, fails aux seances publiques: acelle de 1829, M. l'abbe
Hubert, chanoine honoraire de l'eglise de Saint-Denis, etc., a
lu une ode a la Divinite, d'une poesie sage, reguliere, ce qui
ne suffit point pour une composition lyrique dont le sujet est
aussi sublime-. Plus d'un lecteur pensera aussi que cette ode
est trop longue , et que 1'enthousiasme ne peut soutenir
l'epreuve de trente strophes de quatre alexandrins : Horace
n'alla jamais jusqu'a la nioitie d'un chant aussi prolonge, si
ce n'est dans ses imprecations contre Canidia, piece qui n'est
pas la meilleure de ses ceuvres. Mais tel est le gout de quel-
ques versificateurs modernes. lis vculent suppleer par le
noinbre des vers au merite de la poesie; plus l'ode se rel'roi-
dira, plus on y prodiguera les strophes, sans refleehir que cette
multitude de I'aibles impressions ne peut jamais prod u ire
I efl'et d'un sentiment prol'ond, subit, exprime av> c one ener-
gii|ue precision. Au resle, dans les travaux de la Soeiete de a
31arne,, la poesie semble reserve' e pour rornement des seances
I7<> LIVRES FRANCAIS.
pubiiques; ['agriculture, Ics sciences, 1'indusirie el les arts
>ont ['occupation habituelle de ses membres, et le public pro-
file du bon emploi qu'ils ibnt ainsi de leur terns et de leuis
eonnaissanees. F.
Ouvrages periodiques.
1 6.Q. — * Annates de la Socicleroyale des sciences, belles-lettres
ct arts d'Orh'ans. Orleans, i85o ; cbcz M. Pelletier, se-
cretaire-general de la Soeiete. Prix de Pabonnement, pour
a volumes ( 12 muneros ) , 1a IV. pour la Fiance, i5 fr. pour
I'etranger.
Le tome x ile cet important Rccueil eontienl un Memoir*;
de M. Berthereau de la Giraudiere, stir les semis et les plan-
tations d'arbres verts, 011 d'uliles verites sont exposecs avec
1'autorite de I' experience ; l'auteur insiste sur la nccessitc de
reboiser nos montagnes,. d'y rctablir les belles forets qui les
revetirent autrefois, et de reserver les plaines pour 1'agricul-
ture, en protcgeant ses produits par des plantations inulti-
pliees d'arbres disposes avec art pour le double but d'embellir
le paysage , et d'offrir un abri contre l'impetuositc des vents.
Mais quelques erreurs se sont glissees panni ces verites, et
proliteraient infailliblcment de cette association pour se faire
accreditor. II u' est pas exact, par exemple, de dire que le
meleze ne reussit point en plaine ; les arbres de cette efipece
qui servent a la construction des vaisseaux de guerre, en
Russie, viennent de plaines tres-basses, ce qui n'empecbe
point qu'ils ne rivalisenl en grandeur avec ceux des Alpes.
Quant an non-succes des semis de melezes en grand , on de-
\ait s'y attendre, d'apres les observations du venerable
Malesherbes; il avail si bien dcerit la faiblesse de renfance
de cet arbre, qu'on est surpris d'apprendre que l'on n'a pas
pris les precautions qu'il indique, et dont aucune ne pent
etrc negligee impunement. Mais, quand le meleze a echappe
aux dangers qui le menacaient pendant ses premieres annees,
il devient plus fort que ses voisins, s'empare du sol, el me-
lite, dans les Alpes, le nom A' arbre intolerant, que Malesherbes
lui a donne. Dans les forets de la Russie, il ne manifeste point
ce caractere; car il vit paisiblement au milieu des pins, des
sapins et des bouleaux ; il est meme tellement dissemble
parmi ces arbres, qu'il est ties-rare de trouver des groupes de
quelques melezes reunis sans aucune interposition. Si done
on vent multiplier clans nos plaines eel arbre que des qualilcs
OUVRAGES PEKIODIQIJES. /l7y
si precieuscs recommandcnt aux soins des proprietaires en
etat de l'etablir dans leurs domaines, c'est dans les bois cju'il
fan t le semer; quels que soient les voisins dont ie patronage
aura preserve sonenfance, s'il parvient a la jeunesse, il s'ele-
vera biehtdt au-dessus de la foret , et dominera ses anciens
protecteurs.
Remarquons, au sujet de eel arbre, une singularity qu'il
presente en Ecosse, si toutefois on doit une entiere eonfiance
a des documens affectes , peut-etre, de quelque erreur typo-
graphique. Dans l'ouvrage de M. Barloav, sur la resistance
des bois, traduit en franeais par M. Foirier, ingenieur des
ponts et ehaussees, le meleze est indique conime le plus leger
des bois employes dans les constructions, tandis que celui des
Alpes et de Russie est aussi pesant que Forme , et beaucoup
plus qu'aucune sorte de pin on de sapin. Ce meleze d'Ecosse
diuercrait-il effectivement de celui du continent europeen ?
La pesanteur specifique indiquee dans les tableaux d'expe-
riences e.-t-elle exacte, bien mesuree ou correctement ecrite?
Cette question merite bien qu'on l'examine ; car, suivant
M. Barlow, le meleze ne serait pas senlement Ie plus leger des
bois de construction, mais encore le plus faible, a quelque
usage qu'on l'emploie ; celui dii continent est loin de justifier
cette mauvaise reputation. On aura done a faire de nouvelles
recherch.es sur cet arbre, et a verifier une partie de celles
qu'on a laites, avant de s'occuper des moyens de le multiplier
partout ou il peut reussir.
170. — * Annates des mines, ou Recueil de Memoires sur Sex-
ploitation des mines et sur les sciences qui s'y rapportent,
redigees par le Conscil general des mines; publiees sous l'au-
torisation du conseiller d'Etat, directeur-general des ponts et
ehaussees et des mines. 2e serie. Paris, 1829; Londres et
Strasbourg; Treuttel et YYiirtz. — Ces Annates paraissent de
deux mois en deux mois, par cahier de 10 feuilles au moins.
On y joint les tableaux, cartes et planches necessaires a l'in-
telligence du texte ; prix de la souscription annuelle, 20 fr. a
Paris : 24 fr. pour les departemens.
On serait satisfait de ce recueil, quand meme tous lescahicrs
ne seraicntpas aussi pleins quela4e livraison de 1829, on Ton
ne trouve cependant que sept articles, mais tous instruclifs,
soit que Ton y decrive les travaux metallurgiques de l'Angle-
lerre, soit que les connaissances acquises chez nos voisins
soient appliquees au perfeetionnement de noire propre iudus-
trie. MM. Coste et Perdosnet y out depose leurs observations
4;K LIVRES FRANCAIS.
sur le travail des mines d'etain et dc cuivre en Cornouaillcs ,
et sur le travail dc la fonts et du for en Angleterre, ainsi que
sur les fouraeaux de cementation pour la conversion du fer
en acier, tels qu'ils sonl elablisa Scheflield, dans le Yorkshire.
M. Robin, directeurde la fouderie dc Yizille, y rend coniple
des essais dc Putllage de la fontc de fer executes pour la pre-
miere tots' dans cette usine. — M. Moisson DcsRocnES , inge-
nieur des mines, propose line maniere de traitcr directement
le mineral de fer, e'est -a -dire sans le conveilir prealable-
ment en fontc. Cc mode dc trailement aurait pour result at .
ilit M. Desroches , que, pour obtenirla meme quantite dc fer
forge, on economiserait le quart dc la mine employee acluel-
lement, et les deux tiers dc la liouillc (pie Ton consomme. II
calcule que, dans un ctablissement que Ton pourrait former
dans le departcment de l'Aveyron,au Monastcre, pies Rhodez,
lc quintal metrique dc fer dc tout echantillon ne couterait pas
19 francs. Yoil.'i de magniliques annonccs, failcs par un hommc
dont le sa voir est bien connu, juge competent en metallurgies
il est done a desirer que des experiences soient faites en France ;
car si la France ne prend pas l'initiative , il est probable que
I' Angleterre ne negligera point des vues qui semblcnl si profit-
tables a son Industrie ; et, dans le cas 011 ces proccdes auraient
le sueces annonce par M. Desroches , nous serions encore une
fois dans le cas d'imporler chez nous , comme anglais , des
proccdes dont l'origine franeaise ne pent etre contestee.
Les Annates des mines sont un de nos mcilleurs recueils pe-
riodiques; les etrangers le recherebent, ct n'en prolitent pas
moins que nous; tel est I'honorable caractcre des bons 011-
vrages.
171. — "Bulletin de la Societe de geographic ; par MM. Bar-
bie DU BOCAGE, BlANCHl, BONNE , SuEUR-MERLIN , WARDEN Ct
aulres membres de la Societe, gcographes , voyageurs, el
homines de leltrcs francais et etrangers. Recueil mensuel.
Paris, i85o; Arthus Berfrand. Prix de l'abonnement (pour
ceux qui ne sont pas membres de la Societe) , 12 fr. par an,
a Paris, i5fr. dans les departeniens; 18 fr. a l'etranger
172. — *hcvue des deux Mondcs : journal des voyages, de I'ad-
tninisiration, des mceurs, etc., cliez les diffcrens peoples du globe.
ou Archives geographic/ ues et historic] ues du xixe Steele; par une
Societe de savans, de voyageurs et de litterateurs francais et
etrangers. Au bureau de la Revue, rue Bellechasse, n°. i4;
Arthus Bertrand. Prix de la souscription : a Paris, 16 fr. poui
(i mois, 5o fr. pour 1'annee; dansles departeniens, 17 fr. 5o c.
— 55 fr ; a 1'etranger, 19 fr. — 36 fr.
OIJV RAGES PEIUODIQUES. 47:)
>Tous avons rapproche ees deux recueils, en raisori des afli-
nites qu'ils ont nccessairemcnt , quoiquc leur hut ne soit pas
tout-a-fait le meme : le premier, devoue spccialement mix
sciences geographiques, considere avant tout la terrc , sa des -
cripliou, lcs decouvertes que l'on pent y faire encore, etc. ; le
second observe les hommes et lcs peuples , et sera toujour*
egalement occupe dans tous lcs terns , meme lorsque le pre-
mier aura cesse d'exisler, I'autc d'alimens, car les connais-
sances geographiques ont des limites que l'homme peut at-
teindre. La Sociele de geographic devra subsister dans tons
les terns, pour observer les changemens qii'eprouvera la sur-
face du globe, soit par des agcns naturels, soit par les travaux
des homines ; mais , tot ou tard, arrivera l'epoque on ses bul-
letins deviendront tres-rares, et ne pourront donner lieu a
nne publication periodique. Aujourd'hui, nous sommes en-
core eloigncs de cette disette : l'ancien et le nouveau monde
offriront long-tems encore anx voyageurs des occasions d'au-
dacieuses cntreprises, de decouvertes qui seront le prix de la
patience et du courage. La recherche du tombeau de La Pey-
rouse, 1'exploration de l'intericur de FAiVique, les monts gi-
ganlesques de 1'Asie, le nord de l'Amerique, etc. , voila plus
qu'il ne faut pour remplir, pendant un grand nombre d'an-
nees, 48 feuilles d'impressions annuellement , en n'inserant
que des notices pleines d'inleret, ou tres-importantes pour la
science, telles que lcs rcdacteurs du Bulletin savent tres-bicn
les choisir. Parmi les travaux de la Societe de geographic, la
publication de ce Bulletin n'csl pas moins digne qu'aucun
autre de la reconnaissance du monde savant.
La Revue des deux Mondes, reunie maintenant an Journal
des Voyages, est un recueil plus volumineux, et renfermant
des objets encore plus clivers; les curieux y trouveront ce qui
leur convient, aussi-bieu que les savans. Les redacteurs out
adopte, pour leurs materiaux, les trois divisions suivantes :
i° archives geographiques; 1" archives liistoriques ; 3° varietcsel
nouvelles; celle-ci est snivie iTannonces bibliogra.phiqu.es , donl
quelques articles nous ont l'ait apprehender que les inlerets des
lecteurs n'y f'ussent subordonncs a ceux ties ecrivains. La
Revue Encyclopedique s'impose le devoir de la plus scrupuleuse
impartiality ; et si elle deviail quelque pen d'un sender aussi
etroit, ce serait du cote des lecteurs qu'ellc regretterait le
moins de s'etre jctee. F.
,So LIVRES EN IANGUES ETRANGERES.
Litres en tongues etrangires , imprimis en France.
i-5. — * Co/leclio selecta S. S. Ecclesia patrum, etc. — Col-
lection choisie des peres de I'Eglise, comprenant leurs meil-
leiirs ouvrages moraux, apologetiques ef oratoires; par
M. Caillav, pretre des missions de France, ptusieurs autre*
prilres ftancais, et M. iM. N. S. Gvili.on, auteur de la Biblio'
lliee/itr choisie des pires grecs el latins • t. xxvi et xxvn. Paris,
i83o; MequignOn-Havard, et Poillcux. 2 vol. in-8°. II parait
chaqne mois nne livraison de deux vol. dont le prix est do.
14 fr. (voy. Rev. Erie., t. xlv, p. 199, et p. 729, etc.)
Cette livraison contient, i° trois Notices sur saint Jnles,
pape, sur Osius de Cordoue, et sur saint Ililaire, eveque;
2°les anivres choisies de ce dernier, c'est-;\-dire son Trade
de la Trinite, son Hire de la foi des Orientaux, son c'pitre d sa
fille Abra (ouyrage qui Ini a ete dispute); ses deux litres d
Constance Auguste,son livre conlre eel empercur, le livreron-
tre les Ariens. on conlre Auxence de Milan; quinze fragmens
historiques, et son traite sur les psaumes. Nous devonsa cette
livraison les memes eloges qn'anx precedentes. Si nousavions
qnelques reproches a laire a L'editeur, ce serait sur un point
qui lni meriterapeut-etre la reconnaissance des amis des bel-
les-lettres. 11 noussemblequ'onaurait pn retrancher plusieurs
parties des oeuvres de saint Hilaire, qui n'ont guere d'impor-
tance religieuse, et qui nesont reinarquables que par la haute
eloquence qui y brille. A. P.
i>-4. — * Cor pus juris civilis Academicum parisiense ; in quo
Justiniani instil utiones, digesta sive paiulecta, codex, autben-
tica seu novella constitutions , et edicta coinprehcnduntur ;
prseterea Leonis et aliorum imperatorum novella constitutio-
nes, canones sanctorum et apostolorum ac feudorum libri ; huic
editioni , cum optimis quibusque collatse, nove accesserunt ,
sub tilulo juris ante justinianei, U Ipianifragmcnta libri rcgu-
larum singular is, Pauti sententiarum libri v, breviora veterum
jurisconsullorum fragmenta, ac Gaii institulionum commenta-
riia it ; denique leges similes seque invicem illustrantes, con-
trarise, abrogate, breviter notis indicanlur. — Corps du droit
civil, etc., publiepar C. M. Gausset, avocat a la Com- royale.
Paris, i85o; Janet et Cotelle. In-4°; prix, 24 fr.
Cne nouvelle edition du corps de droit romain est une en-
treprise qui merite d'etre fort encouragee. Celle-ci forme ra un
volume in-4"de i,4oopages environ, divise et public en douze
IMPRIHES KN FRANCE. 481
li vraisons, du prix de deux l'r. chacjiic, ou 24 fr. pour l'ouvrage
complet. Ellesort des presses de M. Duverger; elle estimpri-
mee surdeux colonnes, en caracteres neul's, ettres-lisibles; le
papiereu est fort beau. On annonce qu'il paraitra une livraison
par mois. La premiere, qui a paru, se compose de 14 feuilles,
et comprend le droit anterieur a Justinien. M. Galisset, qui
donne ses soins a cette edition, est connu par la publication
d'un recueil complet des lois f'rancaises, depuis 1789. Nous
nous bornons, pour aujourd'liui, a t'aire connaitre le materiel
de cette utile entreprise, sur laquellc nous aurons plus d'une
ibis occasion de-revenir. Puisque nous en sommes a parler
de (.'execution materielle, nous dirons que l'editeur, dans les
rares citations grecques qu'il al'occaiosn dedonner, a tort, ce
me semble, d'imprimer ces passages sans esprils ni accens. Si
nous faisons cette minulieuse remarque, e'est dans le desir
qu'on ne laisse pas cette irregularite se perpetuer dans les li-
vraisons subsequentes.
C. R., avocat.
r. xiv 1. MAI 18 JO.
|\. MHVELLES SC1ENT1FJQUES
ET UTTtiRAIRES.
AMERIQUE SEPTENTRIONALE.
ETATS-UNIS.
Extrait tCinie lettre adrcssee de New- York, du. a5 arril 1 83o,
a M. Ji'lhen, de Paris, fondateur tie la Revue Encyclopedia ue.
o Plusieursdevosecrivainspolitiques d'Europe out paru
croire qu'ilserait utile d'appcleiTaltenlioiulescitoyons ties Eta ts-
W nis sui- la tendance deleurgouvernemenl,ctdelesleniren garde
contreles envahissemens du pouvoir militaire. Quoique la no-
minal ion du President act nclsenible just ifierces apprehensions,
elles ne sont point fondees, et nous ne voyons rien ici qui
menace notre liberie. II esf bien vra.i que , dans quelques-uns
de ses actes, le nouveau cabinet a manque de discernement
et d'habilete, que sa politique suit quelquefois une mauvaise
direction ; qu'il a confie ties missions diploniatiques impor-
tantes a des hommes tres-honorables sans doute, mais , qui,
ne sacbant point la langue des pays oii ils sont envoyes, s'y
trouvent quelquefois fort embarrasses de leur role ; mais, en
general, l'administration n'a change ni ses principes, ni sa
marche. Soixante-quinze millions de la dette publique ac-
quires cette annee nous donnent l'esperance qu'en moins de
quatre ans nous n'aurons plus de creanciers. Ce qnel'on pour-
rait blamer dans notre gouvernement , ce serait peut-etre un
zele excessif pour les reformes, zele dont beaucoup de per-
sonnes ressentent les effets : mais la nation s'en trouve bien ,
voila l'essentiel. La situation de notre pays est, generalement,
tres-satisfaisante : toutes les industries se developpent au dela
de nos esperances, quoique les manufactures eprouvent une
stagnation et un embarras momentanes. La religion, la mo-
rale, ('education , tous ccs grands interets sociaux obtiennent
['attention qu'ils meritent, et la population entiere nous offrc
ETATS-UMS. 465
le beau spectacle de l'onlre social, de 1'aisauce et du bonhcur
qui en sont le prix. Vous savez que Voltaire a dit : le travail
cloigne de nous trois grands mau.v; le vice, le besoin et I' ennui.
» Dans les circonstances actuelles , il me semble que le de-
voir d'un bon citoyen est d'employer ses forces et son activile
dans le sens de I'esprit public et du mouvcment general , puis-
qu'on ne s'ecarte pas de la bonne voie, et qu'il serait inoppor-
tun de sonner le tocsin d'alarme, tache toujour* penible, el
malheureusement quelqueibis necessaire. Je connais trop
bien votre sincere pbilantropie et l'interet que vous prenez a
la prosperile de ma patrie pour n'etre pas certain que vous
aurez plus de plaisir a recevoir les bonnes nouvelles que je
viensdevoustransmettre, qu'a lire les plus belles dissertations
sur les moyeus d'eviter des maux que nous redoutions , il est
vrai, lorsque nous pouvions causer ensemble, a Paris, mais
qui, tres-heureusetnent, n'avaient aucune realite » E.
Re forme des lois criminelles. — Les lecteurs de la Revue En-
cyclopcdique ont pu voir, dans notre T. xliv, p. 214, un ex-
trait d'une lettre qui m'etait adressee par M. Edouard Livings-
ton,, et 00. il m'annoncait que son Code criminel pour la
Louisiane serait sans doute discute dans la session qui devait
avoir lieu au commencement de cette annee. Uue nouvelle
lettre que je viens de recevoir, en date du 5 fevrier i85o,
conlient les details suivans : « Notre Assemblee legislative ne
s'est pas encore occupee de mon Code de la Louisiane, et je
brains que sa translation a un median t petit village n'en re-
tarde encore l'examen. En attendant, je presenterai au Con-
gres, dans le cours du mois prochain, le Code pour les Etats-
lJnis,dontje vous aienvoye unexemplaire.il y a ici des prejuges
a vaincre, comme dans les a u Ires pays; mais je ne desespere
pas d'y parvenir. Vous recevrez le detail des discussions
aussitot qu'elles auront lieu. »
On voit, par cette lettre de 11. Livingston, que la discus-
sion de son Code penal pour la Louisiane est encore ajour-
nee ; mais que celle qui doit avoir lieu dans le sein du con-
gres des Etats-Unis, pour l'examen de son Code criminel fede-
ral, est probablement ou verte en ce moment. Lorsque cette dis-
cussion me sera parvenue, jem'empresseraid'en faire connaitre
les principauxresultatsaux lecteurs decerecueil ; jedois toute-
fois relevcr immedialement une erreur grave contenue dans
les feuilles publiques qui ont annonce les circonstances dont
\e viens de parler. On a dit que M. Livingston prononpait l'a-
holition de la peine de mort dans son Code criminel, destine
anx Etats-Unis. II y a ici confusion manifeste. Cet habile jn-
^84 fiTATSrUNIS.— AMEJUQl E MlilRIDIONALE.
risroiisiilu* , dans son projel de Code penal pour la Louisiane,
eo a banni la peine capilale, et il est evident qu'en effel sou
opinion personnelle est coritraire a ce chaliment (i). Mais,
dans Ir Code criminel qu'il a ete charge do preparer pour la
juridiction federate des Etats-Unis , la peine de moil ne se.
trouve pas abrogee, quoique elle soil restreinte dans des cas
extrfenaemem rarcs, et le celebre legislateur fait connaftre,
dans le Rapport qui precede son projet, les motifs qui I'onl
oblige a la eonscn er. A. Ta\llat<dier.
AMERIQLE MEBIDION ALE.
Colombie. — Coup d'tvil rapide stir la comitate du general
Bolivar, ct appreciation impartiale des accusations dirigies contre
/„/. — La Revue Amcricaine de New-York (the north-american
Review) a public , dans le mois dc janyier de eclte annee, un
Tableau Itistorique dc la Colombie, d'autanl plus interessant et
d'autant phis exact, qu'il parait trace d'apres les documens
les plus authentiques ct les fails les miens averies. Corame a
I'histoire de la Colombie se lie intimcnicnt cclle dc la con-
duite politique du president Bolivar, le tableau dorit nous
parlous offre un certain nombre dc traits peu favorablcs au
caraclere et au desinteressemenl de I'hbmme qui, pendant un
si long espace dc terns, s'est concilie les veeux les plus sincere*
des amis de la libertc amcricaine. Ce n'est pas d'aujourd'hui
que la conduite dc Bolivar a paru au moins equivoque, sinon
tout.a-l'ait contraire aux liberies dc son pays. Des cciivains
fort connus dans le monde politique I'o'n't atlaquec; d'aulres
l'ont defendue ; et cette controverse a laisse dans I'esprit des
lecteurs des motifs suffisans dc doute. II est affligeant que la
conduite du libcrateur de la Colombie ait pu inspirer des de-
fiances et des craintes a ceux qui desirent, comme nous, que
le peuplc americain jouisse d'inslitutions en harmonic avec
les progres de I'esprit humain, protectrices des droits natu-
rcls, et capable s de faire le bonbeur de ccs regions tortiinccs.
On pent conclure du Tableau dc la Revue amcricaine, ct des
derniers evencmens qui ont en lieu dans la Colombie : 1" que
lc president Bolivar a eommis, en lSiti el en 1837, one faute
grave, en ne soutenant pas avec ferine I e la constitution dc
Cucuta , en vcrtu de laquelle il eta it president de la republi-
(1) Nous feions connaitre, dans an de nos prochains caliinrs, la partie
<lu nouveau Kappott de M. Livingston qui coriceine cet important
sujet.
if
i
AMKUIQIE MERIDIONALS. ,s i
que, ct en proposanl qu'an avancAl la convocation de la con-
vention d'Ocana;
a". Qu'il n'y a pas cu necessity imperieuse, en 1828,
d'abolir formellement la constitution:, et de !ui substilner un
gouvernement dictatorial, contre lequel furcnt ensuite dirr-
gees plusieurs attaques iosurrectiortnelles.
La premiere question nous pa rait fortrlaire. En septembre
1826, Bolivar quitta le I'eiou poor revenir dans la Golombie ,
dejaagitee par ('insurrection de Valence du 00 avril, qui me-
nacait de romprc l'union et de renverser le systeme cons tit u-
lionnel. Bolivar etait president de la Golombie , nomine par
le meine congres qui avait deerete la constitution, et devant
lequel il avait jure librcment, et spontanemeut , tie l'obsei-
ver, de la maintcnir et de la defendre. Plusieurs 1'ois il rcnou-
vela , a la nation colombienne, le serment d'etre fidele a see
institutions, de les conserver intactes, de leur sacrifier sa for-
tune, sa vie et son honneur. Avecde telles garanties, il etait.
jusle que le gouvernement de Bogota, et les departemens fi-
deles aux lois fondamentales , atlendissent avec confiance
I'aniyee du president, a qui son caraGtere public et ses pro-
messes imposaient le devoir de soutenir le pacte colombien.
en rcprimant les revolutions, tant pour satisfaire a I' opinion
nationalc oulragee dans ses lois et dans son gouvernement,
que pour preserver la republique de bouleversemeiis ulte-
L'ieurs. Bolivar n'etait ni mediate ur, ni conciliateur; entrc
les partis qui agilaienl la Coiombie; un tel role ne pouvait
convenir au chef de l'Etat, qui avait des devoirs precis a rem-
plir, et des regies fixes a suivre. Nous voulons bien que sa
profession de t'oi politique fut consignee dans la constitution
bolivienne, comme le dit d'ollirc, et ensonnom, son secre-
taire a la municipalile de Guayaquil; nous admeltons qu'il
criit de bonne foi que ce contrat etait preferable a celiii de
Gucula, ct proprc a faire indubitablement le bonheur de sa
patrie. Mais ce n'etait pas au president a decider, d'apres son
opinion personnellc, des lois constilutionnelles qui pouvaient
etre les plus utiles au peuplc colombien. Sa mission etait de
soutenir une constitution qui coniptait six annees de regnc ,
qui I'avait lui-meine revetu de Pautorite supreme, et qui sc
voyait mise en peril par la rebellion de quelqucs bonimes a
qui la loi demandait coiuple de leur conduite. Au*si, des que
Bolivar annonca dans sa proclamation du mois dc septembre,
datee de Guayaquil, qu'il venaitserrer dans ses bras les amis
de la justice et ses cuncmis, les innocens el les coppables, il
ne fut pas possible de douter que les lois constilutionneUes dc
*4
486 AMJSRIQUE MEKI DION ALE
la rcpubliquc no restassent Outragees , que leurs plus fermes
soutiens nc Invent disgracies, etque la victoiic n'appartint a
ceuz qui les avaient mutiloes.
En passant de Guayaquil a Popayan, Bolivar confirma les
oraintes qu'il avail fait naitre; cftf, biten qu'a la vcrite il ait re-
fuse le litre de dicta teur, dont les municipalites de Guayaquil,
do Cuenca et de Quito lui 1'aisaient liommage, en consequence
de la commission dont il avait investi Leocadio Guzman avant
de quitter Lima [North umerican Review , p. 77), ilexerca,
dans toute sa plenitude, l'autorite dictatorial , sans avoir
egard a celle du gouvernement etabli. L'un de ses actes les
plus notables , et les plus reprehensibles dans cette occa-
sion , est d'avoir tire de prison , et retabli dans leurs em-
plois, trois ofiiciers qui avaient ete condamnes par la cour
martiale, conformement aux lois existantes. Cette atteinte
a l'independance du pouvoir judiciaire ne saurait etre excu-
see a notre avis ; car tout le monde sait que la die tat u re a pour
but et pour objet de sauver l'Etat du peril ou il se trouve ;
et, en admettant que la Colorable couriit les plus grands clan-
gers, il nous est difficile de croire que son salut dependit de la
revocation d'un arret emane d'un tribunal competent, et le
premier de tons dans l'orclre judiciaire.
A la meme epoque, la conduile de Bolivar a Venezuela est
connue de tout le monde. Apres Tanmislie de Puerto-Cabello,
dont nous ne conteslons pas l'opportunite , les auteurs et les
fauteurs de 1'insurrection deValence furent recompenses avec
profusion par des grades militaires, par des emplois, des de-
corations ( 1), des eloges et des faveurs. Les amis de la consti-
tution furent dedaigncs , et menie reprimandes, pour avoir
mis obstacle aux progres de rinsurrection contre les lois fon-
damcntales de l'Etat et contre le gouvernement national.
Voila justement le tort grave que Ton pent reprocber a Boli-
var. Des l'instant on il crut qu'il etait de son devoir ou de sa
politique de caresser les fauteurs de la revolution nonvelle, en
leur dispensant des faveurs, en cedant a leurs vceux pour la
convocation anticipee de la convention, il sanctionna implici-
tement lechangement de system*, et laissa pour l'avenir une
grande breche ouverle au mepris de son pouvoir , aux atta-
ques contre son autorite, et a la severe improbation de sa
conduite. Les journaux de Bogota sont remplis des felicita-
tions que Bolivar adressait a l'armee et aux municipalites qui
(1) Elks consislaier.t en mrdaille^ pnrlant lVKigie dc Boliva
i
AMERIQLE MEK1DIONALE. 487
avuient proclamc la dictnturc, avec plusou moins d'eneigie et
de resolution, lis etaient remplis de Penumeration des recom-
penses qu'il distribuait a ses amis et a ses partisans, et ils au-
raienl du Petre aussi des destitutions qui frappaient les pa-
triotes amis de la constitution. Chacun des actes du president
fut une blessure niortelle faite a 1'ordre constitutionnel , une
mine preparee pour fa ire sauter loul autre systeme qui vien-
drait a s'utablii*. Quand on accordait non-seulemeut aux All-
ies et aux cites, mais encore aux corps militaires, le droit de
discuter, dans des assemblies illegales, Putilite et Popporlu-
nite d'une constitution, d'exiger, avec menaces et par des
voies de fait, son abolition 011 sa re forme, comment a-t-on pu
esperer que ces doctrines et cette experience ne seraient pas
toujours preserves a 1'imaginalion d'bommesdontPobeissauic
n'est ni inspiree par un sentiment de conviction, ni eelairce
par la connaissance des luis?
Venezuela vient de se declarer contre l'union centrale ei
contre Pautorite de Bolivar; comment peut-on ne pas lui en
reconnaitre le droit, puisque auparavant on avait accordii a
Guayaquil, a Cuenca, a Quito, a Cartbagi'ne , a Maracaibo .
celui de se declarer contre la constitution de Cucula et contre
le gouvernement national? Tel est Pinconvenient qui resulle
de deliberations precipitees , ou Ton s'ccarte du veritable in-
teret commun. Les doctrines de Bolivar dans les discussions
politiques de 1826 et 1827, lorsqu'il s'agissait de savoir si la
constitution de Cucuta devait etre ou n'etre pas maintenue ,
si elles n'ont pas introduit l'anarchie, out au moins dispose les
esprits a s'agiter frequemment, en pri^ant la Colombie des
a vantages inappreeiables d'un regime fixe et permanent. L'his-
loire des actes et des petitions menacantes et irrespectucuses,
adresses a la convention par l'armee et par quelques municipa-
lity , pent maintenant servir de texte a ceux qui se sont decla-
res contrel'autorite de Bolivar. Ces actes, qui rapellentles terns
malheureuxdesmilicespretoriennes, furent accueillis favora-
blement par le president de la Colombie, et lui servirent a pro-
clamerque son pouvoirillimite emanait de la volonte du peu-
ple, de ce meme peuple qui, aujourd'bui, dans les provinces de
Venezuela, exige le contraire de ce qu'il parait qu'on lui fit exi
ger, lorsdela convention d'Ocana. Les fruits amers que Bolivar
recueille maintenant cbez cette population, qui semblait Pavoir
proclanieleseulhomme capable de la gouverner, sont dus aux
semenccs anarcliiques qu'il jeta en 1827 et en 1828 pour ar-
river a la dktalure. Exemple douloureux, qui doit apprendre
aux chefs futursdes Etats nouvcaux de PAnierique a contcmr
488 AMI.IUOlK MERIDIONAL!.
dans de justes bornes les passions exaltees, en forpant les na-
tions a respecter leurs lois fnndamcntalcs, a nc pas y porter at-
teinte, excepte lorsqu'une neeessitc imperieose I'exige, mats
toujours on employant les voies legales, et sans s'eearter ja-
mais des formes conservatriees qu'elles out ellcs-momcs
prescriles d'avanGe.
La seconde consequence est encore plus cvidenle. Bolivar
fut elovc a la diclalurc on 1828, dans la supposition que, la
Colombie etant en proie a l'anarchie , ct prole a etre niorce-
lee par la guerre, soit inlcrieurc, soit exterieure, il nerestait
d'antres moyens de salut que d'abolir la constitution ct do
creer un dictate ur. Si tel avait ete lc veritable etat de ee pays,
nous excuscrions la mesure extraordinaire qui priva les Co-
lombiens de leurs lois et de leurs garanlies; mais les papiers
publics et les informations que nous a Tons prises nous ont suf-
fisamment eclaires sur cette matierc (voy. ci-dessus p. 229)
I' expose sommaire des progres qu'a fails la Colombie, sous I'in-
fluence des institutions liberates, depuis Cannee 1822, ipoque
(Is la publication de sa constitution par le eon'gris de Cu.eu.ia,
jusqu'en 1827, ott cette constitution fut abolie.) En 1828, per-
sonne, dans les provinces colombiennes , n'etait en insurrec-
tion conlre le gouvcrnement ; tous les citoyens obeissaient au
president de la republique; car, si Carlhagenc et Cumana
avaient ete exposees a one insurrection momentanee, l'ordre
etait parfaitement retabli an mois de juin. Venezuela etait
revenue a 1'etat de calme dont clle jonissait, avant le mouve-
inent de 1826; et cela sans qu'il eut ete neccssairc d'abolir la
constitution. II est certain que la convention d'Ocaiia avait du
sa dissolution a des intrigues et a des menees dont quelques
personnes accusent Bolivar lui-meme, et que la constitution
de Cucuta n'avait pu etre reformee; mais il est certain aussi
que la dissolution de la Convention ne laissait pas l'Etat dans
1'anarcbie, parce que la Ioi qui avait convoque cette Assem-
bler avait declare exprossement que la constitution de Cucuta
serait en vigueur jhsqu'd ce qu'elte fit reformee. ]\'ayant subi
aucune modification, elle etait done encore dans toute sa
force, et reclamait l'obeissance de tous les Colombiens. La
Colombie n'etait point livrcc a 1'anarcbie, parce qu'il ne sau-
rait y avoir anarch ie la ou il existe des lois conuues et ob-
servers, et des autorites respectees.
La convocation prematures de la convention est, a nos
ycux, unc des fautes graves de Bolivar. En favorisant cette
anticipation de I'epoque fixee par la constitution, il von-
Inl sans doute eomplaire a ceux qui en avaient manifests le
AMEMQIE MERIDIONALS. 489
dcsir; mais il ne vit pas mi feignit de ne point voir que cette
manifestation a \ nil en lieu par des moyens que les lois reprou-
vaient , ct qu'elle etait en opposition avoc le gouvernemenl :
en un mot, qn'on attaquait vigoureusement le systemc pour
le deiruire. Des que les peuplcs se virent appuyes par lc pre-
sident, ils durent croire qu'ils avaicnt agi avec justice, et
qu'ils avaient le droit d'employer a I'avenir de pareils moyens
illegaux, et de s'affrahchir de l'oneissance due au gouverne-
ment, quel qu'il fat. II serait arrive prceisement tout le con-
traire , si Bolivar, se reunissant au vice-president de la Co-
lombie , eut soulenu la constitution , reprimande ceux
qui lui avaient porte atteinte, et differc la convocation jus-
qu'au terns fixe par la loi fondamentale de I'Etat. Les liommes
qui avaient abandonee unc fois les voies legales ne se seraicnt
pas fourvoyes dans line autre occasion, si le president leni-
ent d'abord fait entendre qu'ils avaient manque a Ieurs devoirs,
et qu'ils meritaient le ebathncnl reserve aux ini'racteurs des
lois. Alors, les masses auraient etc plus en garde contre la se-
duction; il eut ete moins facile de les amener, par des voies
inconstitutionncllcs , a troubler l'ordre legal ; et les agitatcurs
se seraient Irouves sans appui. Alors, lc gouvernement ct la
nation auraient eomptc sur un regime stable, sujet seuleinent
a ces variations que conseillent le ferns el Pexperience, mais
qui ne peuveiU s'optrer par la violence et par le relachement
des liens de l'ordre public. Sans nul doute , si Ton s'etait con-
duit d'apres ces principes. Bolivar n'aurait pas ete dictateur;
mais, en revancbe, la Colombic ne serait pas exposee. comme
elle Test, a des troubles frequens qui nuisent a la pros-
perity intcricure de I'Etat, et a sa consideration au-de-
hors. Cette republique n'aurait pas offert au monde lc scan-
dale d'un pays qui se laisse impuncment arracber scs lois ,
quisacrifie ses droits, scs garanties, son bonneur a un entbou-
siasmc cxagere etaune reconnaissance imprudente. File n'au-
rait pas en a plcurerles victimes sacrifices pendant la duree de
la dictalure; nos oreilles n'auraient pas etc frappees du projet
d'assassiner le liberateur, en haine de son autorite , jugee ty-
rannique; enfin , Bolivar aurait conserve intacte la belle re-
putation que lui out acquise les services qu'il a rendus a 1'in-
dependancc. II aurait etc gloricuxpourle liberateur de joindre,
a l'eclat de sesbauts fails militaires, le litre de magistral desin-
teresse, de fidele sujet de la loi. Peut-etre il est encore terns
pour lui demeritcretd'obtenir cette recompense.Sisaconduitc
a venir pent effacer les fausses demarches on il s'esl laisse en-
trainer depuis pen de (ems, s'il laisse aux Colombicns la li-
4go AMERIQIE. — EIROPL.
berte tie se constituer, s'il soulicnt lidelement leura instil m-
lions, s'il rcprimc l'lntcrvention audacieuse ct illegale de la
force armcedans les discussions politiqucs ; s'il protege lous les
eiloyens sans distinction d'opinions, et en eouvrant d'un juste
etsalutaire oubli les agitations passees; il ne lui sera pas dif-
ficile de rcmonler an rang eleve que lui assignent ses talens,
sa Constance et son patriotisme. Une condnite tranche et loyale
desarmera ses ennexnis , et lui rendra la confiance de eeux (|ui
l'ont regardc comme le destrucleur de leurs liberies. Le be-
soin de la paix, de I'imion, d'un gouvernement impartial,
subordonne auxlois politiques , ne se fait nulle part sentir plus
vivemenl que dansun Elat nouvcau qui se presente au mondc,
avee la force de conservcr son independence et d'embrasscr
les priheipes d'une sage libertc.
EUROPE.
GRANDE-BRETAGNE.
Londres. — Projet (Tun Cimetiere National. — Une des choses
qui frappenl le plus un ctranger, quand ilparcourt les \ astes rues
ile Londres , ses larges trottoirs , ses places ou squares pkmles
d'arbres, e'est de reucontrer de distance en distance des cime-
tiere.*, entassesau centre de la ville, au milieu du bruit, des cris
tin peuple, duroulement des voitures. On s'etonne que Le lieu
soit si etrangement choisi sous le double rapport de lasalubrilc
et du respect du auxmorls. On est choque devoir ces asilcs d'un
repos si long et si solcnnel, convertisen une arene onsedebat-
tent millc interets vulgaires. C'cst tanlot un passage ouvcrt
au,\ pietons, comme celui qui entoure "Westminster, ou tantot,
comme a Saint-Paul, le rendez-vous des oisifs ct des cau-
seurs, tandis que tout autour de la mince barricade de bois
■joir tourbillonne une foule affairce qui s'agite et blaspheme.
C'est afin d'evitcr ce fatigaut contraste et d'assainir la ville ,
qu'on a coneu le projet de fonder hors de la capitale , a Prim-
rose Hill, dans un site de i5o acres de tcrre, un cimetiere di-
vise en trois regions de tombeaux. La plus haute serait ornee
de temples, de chapellcs, de mausolces de divers styles, eu-
toures d'une double rangee de porliquesa jour, egalement rem-
plis de pierres tumulaires. La seconde ct la troisicme seraient
plantets d'arbres, de lleurs, sur le inodele du cimetiere du
Pere-la-Chaise. On cberchc a ras embler des funds pour uiet-
tre a execution le plan de IN. Goodwin, architect*', qui a b.-ili
plusieurs egliscset d'autres mo nu mens nationaux. Oncalcule
GRANDE-B11ETAGNE — RLSSIE. 4gi
qu'il faudrait une soninie de 4fio^ooo livres sterling, divisec
en iG,ooo actions de 20 livres chacune. Oncraintquelesobsta-
'k'S ne viennent du clerge qui preleve des droits de sepulture
considerables, et qui ne s'en demettra pas facilement. Cepen-
dant, l'interet public reclame hautement cette re forme ; la
necessite d'enterrer annuellement 5o,ooo cadavres dans les
cimetieres places an centre des quartiers les plus populeux de
la ville ne peut manquer d'y developper des germes de ma-
ladic et de mort.
RESSIE.
Kertch. — Noitrellesdccouvcrles d'antiquitcs. — Nous avons
deja plusieurs fois entretenu nos lecteurs desdecouvertes pre-
cieuses d'antiquitcs faites dans la Crimee,par M. de Blaram-
berg, directeur des M usees d'antiquites Habits a Odessa et A Kertch
(voy., entre autres articles, Rev. Enc.,t. xix, p .725 ; et t. xxvi,
p. 4<P)- Nous empruntons aujourd'bui au Journal de Saint-
Petersboarg quelques details sur de nouvelles decouvertes,
non moins interessanles, faites pres de Kertch , au commen-
cement de 1'annee derniere.
« Des ouvriers, travaillant a extraire 1'argiledans une fosse
pres de cette ville, decouvrirent, au niois de mars 1829,
5 tombes antiques, au-dessus desquelles etaient deposees io
petites statues en tene cuite, avec six vases de la meme ma-
tiere (dont un de la forme la plus elegante), et une quanlite
de petits objets en nacre de perle, en ivoire et en verre, appar-
tenant a des ornemens de feuime. Lesobjelsen metal, decou-
verts dans la meme fouille, etaient entitlement ronges par le
terns, et se brisaient au moindre effort.
»Les statues, qui sont plus 011 moins endommagees, repre-
sented toutes des figures de femmes, dont 6 sont drapees, et
n'offrent aucun attribut qui puisse faire reconnaitre quelles
divinites elles represented. Les quatre autres, formant une
sorte de groupe, off rent Venus et l'Amour. La plus re-
manpiable de ces pieces, celle qui en meme terns est la moins
endommagee, represente la deesse de Cythere , assise Mir un
rocber que couvre en partie u.ie belle draperie ; a cote de la
deesse s'eleve, sur le rocber, un Terme, surmonte de la tete
de Serapis, avec le modiits ; et-mt pied du Terme se trouve
1'enfant de Venus, dehout et dans une altitude des plus gra-
cieuses. Au bas du rocber, on voit deux Amours, monies, I'un
sur un dauphin, l'autre sur un rygnc. Cette composition est
irun linn style, el il ne lui manque que I'avant-bras tie Veuus
et la tete de l'Amour. C'esl a M. Digbt, architccle de la qua-
,,,. EUROPE.
rantaine de Kerlcb, el a M. Tomasini, negotiant d'Odessa, que
nous sommes rede vab les de la conservation deces objete, qui
Mini incessamenl orner le Aiusee de K.ertch.
nQuelques savans s'etaient pr< nces conlre I'authenlicite
des Dionutnens paleographiques. portanl I'ere dn Bospbore,
uaiquemeot a cause de la rarete decesexemples. I a fragment
description sur marbre, decouvert dernierement a kerlcb,
prouve (|uc la science des antiquites ue doit point souffrir de
semblables exclusions. On lit sur ee marbre, tres-dis'tincte-
inenl : 0. q. 1*. E. T. E. I., qui esl Fan 499 ^c ' (l(' l'" B°S-
pbore, ao3 ans apres J.-C. A eette epoque, Caracalla etait
niaitre de Rome, et Sanr ornate IV (clout on connaitdes ine-
daillcsavec la nieme date) regnait dans le Bosphore; Malbcu-
reusement , on ne lit sur le marbre presque rien que la dale,
et lesdernieres lettresdu nomd'un niois macedonien, peut-etre
panemys.
» — Le Musee des aniiquitcs de la nieme villc \ienl de faire
unenouvelle acquisition. M. Poumehtsoff, capitaine (jfss&ouf)
des cosaques de la mer Moire, domicilii; a Temruk, district de
Tainane, a fait don au Musee, d'un marbre avec one ancienue
inscription grecque, qui contieut une consecration on oblation
a llercule, et qui date du terns du roi Perisade, filsde Sparto-
rus. ftlalheurcusemenl, la partie i\i\ marbre sur laquelle etait
le commencement de ['inscription est cassee et perdue. Voici
la partie qui s'est conservee.et dont les letlres soht tres-bclles
el tres-dislinctes :
. . . AAOT TOY SHAPTOKOT
. . . TIMOrENOT
. . . ATIIN EniKPATOT
. . . IKPATIIZ KPHTINHN
. . . IIPAKAEI
Le roi Perisade , fils de Sparlocus , donl l'bistnirc ne fait
pas mention, et qui ne nous est connu que depuis pen par
une inscription semblable, qui a ete trouvee a Kerlcb, il v a
quelqucs annees, et traasportee ensuite a Theodosie, regnail
surle Bosphore, apres l'an 284 avanl J.-C, epoque a laquelle
mourut Spartocus IV, d'apres Diodore de Sicile.
»Ku creusant tin fosse, autour#de ['emplacement du jardin
public <pie Ton forme actuellemenl a kerlcb, on a trouve, a
la prol'ondeur d'une arcbine et demic, deux luvaux d'argile,
qui, scion toutes les appareoces, out appartenu a nil ancien
KliSSlK. — SUEDE. ia3
aqueduc tine. Ces tuyaux conduisaicut l'eau des environs du
Mont-d'Or s.ur une distance dc irois on quatre ver.-tcs, ail jar-
din du pacha, dont il ne reste plus de trace aujourd'hui, mais
dont, par tradition , on connait la situation a une *erste dc la
ville. »
SUEDEi
Sthockiiolm. — Aca.dimie des sciences : Nominations de mem
brts res id arts el etrangers ; Musee d'hUtoire naturelle. — Dans sa
seance du 20 Janvier i85o, celte Academieaprocedeal'eleclioo
dc plosieurs membres residanset etrangers. Elle a nomine, pour
la section d'erudition generate, M. le conite Gustave de LowSn-
hielm, cnvoye extraordinaire et ministre plenipotentiaire a la
coin- de France; pour la section des sciences economiques,
31. A. de Hartmansdorff, conseiller de la chancellerie ; pour
la section de medecine , MM. Jean Israel Erstrom, medecin
du roi, et Pierrc-Gustave Cederschjold, professeur; pour
la section de zoologie el de botanique, M. le baron Axel Gus-
tave Gvlletskrook, mareehal de la cour, et MM. Pierre-Fre-
(Atic'Waiilberg, professeur, et T.-U. Erstrom, prevot; elle a
choisi , comme associes etrangers, dans la section de chimie
et de mineralogie, M. Duloing, professeur a I'Ecole Polytech-
nique de Paris, et M. Henri Rose, professeur de 1'Universite
de Berlin; et dans la section de mathematiques , M. le baron
Fourier, secretaire de la section mathemalique de I'Academie
des sciences de Paris. \
L'Academie des sciences vieut de faire 1'acqnisition d'un
des plus beaux hotels de Stockholm, poury etablir le Musee
d'hisloire naturelle, dont les collections y sont maintenant
mises en ordre. Le batiment est assez vaste pour le logeinent
de tous les officiers de I'Academie. M. Mosander , suppleant
du professeur Berzelius, est le conservaleur des collections
mineralogiques et geognostiques ; M. le professeur WiKSTHoat,
auteur d'une monographie du genre Daphne , et de plusieurs
Memoires in seres dans les Annates de I' Academic , est charge
des collections de botanique ; et enfin, M. le professeur Nils-
son, des collections de zoologie. Ce dernier, connu par ses
ouvrages, intitules : Omitologiasuecica. et Manuel des chasseurs
el ties zoologistes , etc. , a public des planches nouvelles pour
sa Fauna suecica, et annoncc la prochaine publication d'un
grand travail sur les poissons suedois.
A cademic sucdoisc. — M. Samuel (J rub be, professeur al'l niver-
site d'Upsal, a etc nomine, le 25 Janvier i83o, en reinplacc-
mentde feu M. de Leopold, lncmbre de I'Academie sucdoisc,
4«)i EUROPE.
qui, comme I' Academic frnncnisc , est specialcmcnt cdrtsacree
a la litteralure, a la poesie et a la languc du pay". B — M.
ALLEMAGNE.
DOCUMENS RELAT1FS A LA STATISTIQUE MORALE
DE LA MO IS ARCH IE PRUSSIENNE.
Nous devons la communication de ces documens a M. Adrien
IV \ mi. qui les doit lui-meme en grande partie a l'obligeance dc
M. le conseiller Hofmann, directeur da. Bureau stntistique de
la monarchic prussienne, dc MM. les barons Alexandre et Guil-
laume de Humboldt et de JV1. le professeur Schubert; le reste
a etc puise dans 1'ouvrage de M. Julius stir les Prisons (roy.
Rev. Enc.,t. xliv. pag. 66), et (\&ns]a Stntistique de laMonare/uc
prussienne , par M. le baron de Zedlitz. Ces documens font
partie du Tableau physique, moral et politique des cinq parties du
monde , dont M. Balbi s'occupe depuis tres-long-tems, et qui
doit paraitre, dans lc courant de l'annee procbainc.
I. Etendve.
Classification des provinces d'aprcs
leur etendue.
Millcs carres
Provinces (i). allemands.
1. Prusse ij'^D
2. Silesie 7J3
3. Braudebourg .... 723
4. Pomeranie 56j
5. Posen 538
6. Provinces rbenanes. 48°
7. Saxc 455
.S. Westphalie 364
Total
5,o4 1
II. Population.
a . Classification ties provinces d'apris
tear population absoluc, en 1827.
Nombbe
Provinces. d'habitans.
i. Silesie 2,33?.,ooo
2. Provinces rhenanes. 2,1 5 1,000
3. Prusse 2,o3o,ooo
4. Braudebourg. . . . 1, 525, 000
5. Saxe 1,378,000
6. Westphalie 1,200,000
7. Posen 1,067,000
S. Pomeranie 86^,000
Tot
i2,535,ooo
(1) Depuis quelques annees, la monarchic prussienne est divisee en
huit provinces, subdivisees en a5 gouverncuiens, 011 rcgences. Le canton
de Neufchatel, quoique dependant du roi de Prusse, fait partie do la
Confederation suisse , et n'est point compris dan^ es'catculs des docu-
mens qui vont suivie.
ALttMAGNE.
495
Spite dv IIe Tableau.
b. Classification des provinces d' a pros
lair population relative, en 1S27.
Provinces. Nombre d'babilans.
par mille carre allemand.
1. Provinces rhenanes. 4i412
2. Westphalie 3,254
3. Silesie 5,i 12
4- Saxe 3,992
5. Brandebourg 2,o45
6. Poseu 1,933
7. Prusse '7700
8. Pomeranie 1 ,55 1
III. NoMBRE DKS MAISONS.
a. Classification des provinces d'aprcs
le nombre des maisons partial -
Hires cxislantes en 1827.
Maisons
Provinces. particnliferes.
1. Silesie 335,275
2. Provinces rhenanes . . 3 10, -65
3. Prusse orient, etoccid. 2i5,5o6
4- Saxe 197,199
5. Brandebourg 1 67,453
6. Westphalie 166,007
7. Posen 107,886
8. Pomeranie 93,47!
Total.
59i,85i
Scite dc IIIe Tableau.
Classification des provinces d'aprcs
le yiombre des maisons particu-
lieres contenucs dans cliaqtic milte
carrc d' A llcmagnc.
Nombre
Provinces. de maisons
par mille cant- allem.
Provinces rhenanes . . 6o3
Silesie 4^5
Westphalie 45a
Saxe 43o
Brandebourg 221
Posen 200
Pomeranie i65
Prusse 81
IV. Classification des provinces d'a-
prcs le nombre de leurs villes.
Nombre
Provinces. de villes.
1. Posen 148
2. Saxe 145
5. Brandebourg i4i
4- Silesie i5S
5. Provinces rhenanes. . i32
6. Westphalie i3o
7- Prusse 120
8. Pomeranie 72
TOTAI '<027
( La suite an Cahier prochain. )
Leipzig. — A ccroissement da commerce de la librairie. —
Si de l'accroissement du nombre des imprimeries et des librai-
ries on petit inlerer quelque preuve de l'accroissement et des
progres de la civilisalion, des sciences et des arts, l'Allemagne
peut se glorifier d'avoir fait, sous ce rapport, de grands pro-
gres, car elle a vu presque quadrupler le nombre de ses li-
brairies, dans l'espace de cinquante ans. En 1780, on ne
comptait, dans toute l'etendue de l'Allemagne, que 223 mai-
,()<; EUROPE.
sons de librairie, et il en existe maiutenant 827! Dans tous
les cas, ce fait prouve un 1 res-grand accroissement du gout
pour la lecture, ne fut-ce muuic que pour celle des roniaiis.
ITALIE.
Venise. — AntiquiUs expliquies par le \Y Labds. — M. le
D' Labus, de Milan', vicnl de publrcr une suite d'observa-
tions fort curieuses (1) sur quelques inscriptions latinos re-
eennnent dtcouvertes a \ cnise on aux environs, et particu-
liercment stir 1111 autel antique qui a ete trouve, I'annce dcr-
niere, lors d'une restauratiun faite a I'autel de 1'ancicnnc cba-
pelle du baptistere de la basiliquc de Saint -Marc. En levant,
a cello occasion, la precieuse table de granit oriental qui
forme ee que Ton appelle encore en Italic, d'apres l'usage de
la primitive Eglise, la Mensa 011 table sacree, on reconnut
qu'clle posait sur un autel antique, dedie au soleil, ainsi qu'il
rosulle de ['inscription, gravee en tres-beaux earaoteres ro-
mains, que voici :
SOLI
S AC R
Q. BAIENVS
PROCVLVS
PATER
NO MI M VS.
Les explications que donne M. le Dr Labus, au sujet de ce
monument et de linscription qui s'y lit, ont principalement
pour objet de faire connaitre le cutte auquel a servi cet autel,
et le titr'e en vertu duquel il a ete erige. C'est ainsi qu'il cta-
blit, par une foule de rapprochemens puises dans les inscrip-
tions antiques du meme age, que Ic monument en question
tut consacrc au cube du soleil, renouvele en Occident do celui
du dieu persan Mithra, et que ce fut un des ministres de ce
culte, qualifie pater minimus, on, comme l'interprete M. lc
Dr Labus, pcre legitime, pire consacrc, qui erigea ce monu-
ment d'une des superstitions orientales quidisputerent le plus
long-tems et le plus opiniatrement lc terrain an christianisme
naissant. M. Labus fait remarquer que l'expression nomimus,
tout-a-fait inconnue jusqu'ici des lexicographes latins, n'est
que le mot grec Aouipos latinise, suhant un usage dont les
inscriptions dumeme age offrent une foule d'exemples, et
{1) Milan; imprimerie de Perrota. 1 11-8" d'une detni-feuille.
ITALIE. — PAYS-BAS. /$}
ftWe cette expression repond a cellos de pater et de sabratas
'que fournissent en partieulier plusieurs inscriptions miluria-
ques. M. le l)r Labus aurait pn aj outer que lc titre qui pa-rait
avoir ete le plus eminent clans cette bierarcbie mithriaque, celui
de pater sacrorum, qui se lit sur beaucoup d'inscriptions des
li" et in0 siecles (1), est probablement le meme qui est ex-
prime, sur notre autel, par les mots paler nomimus, attends
que la qualification latinede /?a£<?r sacrorum ne saurait etre ren-
due en grec d'une manierc plus precise et plus exacte, que
par Jlv.-mp Noptpwv, mots qui se retrouvent presquc idenlique-
ment, sous une i'orme latine, dans ceux de pater nomimus.
M. le Dr Labus eclaircit, du reste, avec l'abondance et la
surete d'erudition qui lui sont proprcs, toutes los notions qui
se raltacbent an monument dont il s'agil; et suivant son usage
il s'en sert pour cxpliquer plusieurs particulates curieuses
qu'offrent des inscriptions inedites, provenantde la meme con-
tree, qu'il public a cette occasion. II est cependant une ob-
servation assez importanle qu'a negligee HI. le Dr Labus, et
qne je me permeltrai de faire a son del'aut, sur cet emploi de
fflonumeBs profanes au sein de la primitive Eglise. Ce fait,
si curieux en lui-meme , et dont l'autel en question, servant
d'appui a la niensa, on table sacree, d'un baptisterc cbretien,
fournit une application si positive, semblait mer iter d'etre .si-
gnals a ('attention publique. Mais il est vrai que ce n'est
guere qu'en France, oii l'instruction archeologique est en-
core si p«u repandue, qu'il pourrait etre nccessaire d'en faire
Vobjet d'une remarque, tandis qu'en Italie, et suit out allome,
on les exemples du meme fait se rencontrent a chaque pas et
sont familiers a tout le monde, il est a peu pies inutile de
s'arreter a une pareille observation ; et e'est sans doute parce
que iM. le Dr Labus rcgardait cette notion comme trop vul-
gaire, qu'il n'a pas cru devoir en faire meme une simple men-
tion. R. R.
PAYS-BAS.
Emancipation des Juifs. — Effet remarquable de leu'r reha-
bilitation en Hi llande.< — De 1780 a 1806, la population d' Ams-
terdam se coniposait de neuf dixiemes de chretiens , et d'un
dixieme de Juifs. Ces derniers etaient exclus de toute pro-
(1) Voyez, entieautres monumens de celte epoqi:c,l'inscription durc-
Cueil de Grutcr, p. xxviii, n° 2, et celle des Monum. Mailcian, t. 111,
p. 107.
T. XLV1. MAI l830. 52
4o8 EUROPE — PAYS-HAS. — FRANCE,
fession liberate, charge de confiance ou place honorable. Les
criminels elaient nlors dans la proportion d'nn ncuvieruc stir
1c total de la communautc. En i Soli, les Juifa oblinrent un
soulagement partiel, et la population reslant la tneme, Ic
nombrc dcs criminels diminua jusqu'en 1811, ct ne forma
plus qu'un treizienie. En 1811, ils furent compleleioent
emancipes, ct, dans lcs cinq annces qui sun irenl, los criminels
do crojance juive n'claient plus que dans la proportion d'un
vingtieme au total de tons les oondanines bollaudaisde touted
religions. 15.
Deyenter. — Celebration du jubile de PA l/tntt'e. — Le 1G fie-
vrier ou a celebre dans cette villele second jubile de l'Alhcncc,
qui y est etabli depuis L'annee iG3o. M. lc profcsseur van
Ecr. a prononce, pour cclte occasion, un disco urs dans lequel
il a parcouru les principaux evenemcns qui se ratlachent a cet
elablisscment si intcressant pour l'instruction publique. II y a
cinq siccles deja qu'on trouvait a De venter une ecole sous le
nom de Fratrcs vitec communis, qui eternisa le nom du celebre
GccstGroete, ct ou le grand Erasme a puise le commence-
ment de son instruction. Dans les troubles de la guerre ayec
l'Espagne, a la fin du xvi6 siecle, cet etablissement avait peri
tout-a-fait; cc n'est qu'en iG3o qu'il fut releve, par les soins
surlout du profcsseur llcvius. Cet etablissenicnt, qui est sou-
tenu enti erement aux frais de la villc, a found un nombrc
considerable de savans distingues a la patric. — M. le profes-
seur Bosseha a fait, lc inf-mc jour, lecture d'un poeme com-
pose en l'honncur dc la fete. XX.
FRANCE.
PARIS.
Isstititt. — Academic des Sciences. — ■Stances du mois de uai
i83o.
Du 3 Mai. — M. Julia deFomenelle adrcssc une note surun
fossile bumain trouve dans un traversin, pies dcs raartres de
Vcyro. Cette note est renvoyeca la commission chargeedc ren-
dre compte des objets du meme genre recueillis par MM. Mar-
cel dc Serres, Tounial, Ckrisiolet autres. — IL Arago presente
quclques eclats d'un gros clienc frappc dc la foudre, qui lui
out etc rcmis par M. le ddc de Cuactres. Lc premier, long
d'environ 5 pieds, est fendu en latles de 2 ou 3 lignes d'epais-
scur ct dc 8 ou 10 lignes dc largeur. L'autre, -long de i •- Oil
i5 lignes, est divise en une multitude de fragmens longitudi-
naux, dc maniere qu'il ressemble a un balai. 11. Arago cite a
PARIS. 403
•. - v- 1 1 o occasion deux cas on de vieuz chevrons de cjiarpehtc
out efe divises do la memo manierc. Lavoisier, qui fit sur lo
dexrifer un rapport a I'A'cadfenaie des Sciences, rapporte qu'une
piece de hois de la charpente fut fendue en rragmens lotigittj-
dinaux si menus ct si nombreux, qu'elle reprcsentait parfai-
tement une hotte d'ailumettes. Ces observations, faites sur du
hois sec, doivent l'aire rejeler une explication qui ne s'appli-
querait qu'au hois vivant, et qui supposerait que le fluide
elcctrique descend le long des vaisscaux qui contiennent la
seve. - — 31. Be-cqi'ep.el lit un Memoire sur an procede electro-
chimique pour retiree le manganese et !e plomh des disso-
lutions dans lesquclles ils se trouvent. — M. Coquefrert-Mont-
bret fail an rapport sur un Memoire allemand de M. Eclouard
Petri, relatif aux moyens de douhlcr la production de la laine
chez les inoutons. « Dans l'cspece du mo u ton, dit M. Petri ,
les sues nourriciers se fepartissent nalurcllcmcnt enire la
chair, la graisse el la laine. Par des tonics freqnenles, faites
quand ranimal est encore tres-jeune, on peut determiner Ces
sues a se porter en plus grande abondance vers la pcau, pour
y produire plus de hrins de laine. » M. Petri assure avoir
applique cette llieorie avee beaacoup de succes, et annonce
que col to nielhode augmenlc ia finesse en memo terns que la'
quanlile de la laine. Colic amelioration peut se transmettie
par la generation, el Ton peui transformer ainsides iroupeaux
entfers en bStes a laine tres-fine, si Ton cmploie toujours a Ia
reproduction les individus les plus amoliores, et si Ton ob-
serve, d'ailleurs, dans le choix des alimens et dans les aulrcs
soins tout ce qu'exige une bonne direction. Au surplus, le
succes complet d'une experience aussi prolongee est encore
une esperahce, aux yeux meme de M. Petri. — M. Bureau de
la Malle lit un Memoire sur le dcvcloppeincnl des facultes
mtellectaelles des animaux. « L'autcur a eherche. a se rendre
compte de Pinfluenee que ['education peut avoir sur les taCul-
tes intelleetuelles des animaux vivant en sOciete. Les chieris
lui pa'raissent prendre en general les defauts de lours maihvs.
Le cbien d'un boucher, d'nn eeorcheur, devien't iiardi et fe-
io;e; cehii d'une femme sensible et delicate est limine et
oruinlif. Ils resscntent plus vivement la douleur, cornme
I'homme Iui-m6me a mesure qu'il est plus civilise. Aiosi, le
ehien jette des cris percans, quand on lui marche sur iapattc,
tandis que le loop, le renard, etc., se laissenl lucr sans donner
aucun signc de schsibilite physique. M. de la Malle ne eroit
point avee Aristole que les aniniaux ne soient pas cnpablcs de
reminiscences, niavec Buffon qu'ils soienl demies de la facrilte
5oo FRANCE.
i]c comparer ct tie jugcr. II cite un grand nombre de fails a
l'appui de son opinion, cl il accorde aux animanx, i° nn
instinct aveuglc : ilen trouve la prcuvcdans l'liahitudc qu'oitt
les chiens de se rouler avec line cspece de furcur sur les de-
bris d'animaux qu'ils rencontrent ; il pease que c'est uik
manure d'exprimer letir dcgout pour ces objets; 2" line la-
culte d'imitation : M. de la Malle raoonte Fhistoire d'un chieo
eleve avec un dial, qui l'ut son mailre en tout, et dont il finit
par prendre l'instinet et les habitudes; 5° une volonte inlelli-
genle et la faculle de comparer et de juger. Lorsque I'autenr
habitait le Louvre, il y a plus de trcnte ans, il avait sous Jes
yeux des eperviers qui elaicnl venus se rel'ugier dans ce bail-
ment, et qui se laissaient facilement observer. On les voyait
donner a leurs petits les plus singulieres lecons. Ainsi, quand
le ptre et la mere revenaient de la ehasse avec un oiseau on
nne souris, ils faisaient un cri particulier pour les prevcnir ; les
petits vcnaient alorsvoler au milieu de la cour, I'epervier lsi-
cliait sa proie, de manicre que le petit put la saisir au passage ;
s'il la manquait, le pcre se precipitait rapidement el la rallra-
pait toujours avant qu'elle eQt louche lerre. Lorsque le petit
etail bien habitue a cctle epreuve, on lui lachait sa proie vi-
vante, ct son education etait finie, quand il reussissait a s'en
emparcr Facile ment. M. de la ftlalle cite encore l'exemple de
deuxchiens qui s'enlendaient parlailemenl pourchasser ; pen-
dant que l'un battait le hois, I'autre saisissait le gibier au pas-
sage. M. de la Malle, elant parvenu a contrel'aiie, avec une
rare exactitude, les differens animanx, il excite leurs passions
avec la plus grande lacilite. C'est ainsi qu'ayant imite, en ren-
trant chez lui, les cris de chiens qui se battent, le sien, qui
l'aimait beaucoup, sortit a l'instant et lui mordit les jambes.
Les autres especes montrent souvent une intelligence non
moins fine. On voit a Brives-la-Gaillarde des cochonsqui sui-
vent leurs maitrcsses par la ville , qui les accompagnent a la
promenade, et vont avec dies jusqu'a leur chambre. Ces co-
chons, vraiment civilises, donnent des marques detendresse
et de plaisir quand on les caresse. — Nous ne continuerons
pas l'analyse de ce Memoire; nous croyons en avoir assezdit
pour inspirer le desir de lire en cnlier le travail de M. Dureau
de la Malle, qui, sans doute, sera bienlot livre a rimpression.
— Da 10 mat. — M. Beltrami adresse de nouveaux ma-
nuscrits du Mexique , orncs de figures et de hicroglyphes. lis
sont renvoyes a la commission mixte qui a ete chargee d'exa-
tniner un manuscril envoye precedenuncnt par le memc sa-
vant. — M. le tloclvur Emmanuel Rousseau adresse une letlre
PARIS. 5oi
;\ taquelle sunt joints de nouveaux documcns sur la propriH&
fAbrifuge du hoax ■ — M. Cattchy presente 1'extrait d'une Iecou
faite au college de France, sur V integration des equations aux
differences partielles , line aires ct d cor/ficiens const ans, dans les-
fjuelles toutes les dcrivecs de la variable principal e sont de mime
ordre. — MM. Gay-Lussac et Magcndie font un rapport sur le
Memoire de M. Lerotx, pharmacien a Vitry-le-Francais, re-
lalif a Y analyse cltimique de t'ccorcedu saule, et sur la decouverte
<Cun principe imwediat propre d supplier le sulfate de kinine. « II
ne s'agissait de rien moins, dit M. Magendie , que de savoir s'il
exisle dans 1'un de nos vegetaux indigenes un principe qui
puisse tenir lieu des alcalis que l'industrie extrait mainlcnant
des ecorses de kinkina : M. Leroux, sachant que le saide avait
ete employe plus d'une fois avec avantage comme ainer et fe-
l)iifuge, a voulu savoir si les ecorces sans valeur, qui sont
detachees de l'osicr, avant de le me tire en ceuvre, ne contien-
draient pas quelquc substance analogue a la kinine ou a la cin-
chonine, et bientot il envoya, d'abord al'un de nous, et en-
suite al'Academie, deux produits extraits de 1'ecoree du saule
helix. L'un qu'il nommait salicine, et qu'il regardait alors
comme one base salifiable vegetale de l'autre qu'il appelait
sulfate de salicine ; et ces deux substances, M. Leroux les an-
noncait comme devant posseder le pouvoir febrifuge. Le Me-
moire preserrtait aussi deux parties, l'une chimique et l'autre
clinique. M. Leroux, etant venu a Paris dans le mois de juillet ,
a reconnu, avec nous, que la substance qu'il extrait de l'e-
corce du saule, sous le nom de salicine, n'est pas un alcali
vegetal. M. Leroux avait deja verifie que son pretendu sulfate
de salicine n'existe pas; ce que vos commissaires ont verifie.
La salicine pure se presente sous la forme de cristaux blancs,
tres-tenus, et nacres, elle est ties-soluble dans l'eau et dans
Palcool , mais non dans Tether. Sa saveur est des plus amercs,
etrappelle l'arome de 1'ecorcedu saide.» — « Relativement a la
vertu febrifuge de la kinine , l'un de nous s'est assure par des
essais, commences des le mois de juin de 1'annee derniere, sur
des fievres intermittentes a dififerens types, que la salicine est
un agent febrifuge suffisant pour arrelcr les fievres d'acccs,
sans en porter la dose tres-haut. Votrc rapporteur a vu des
fievres coupees du jour au lendemain par trois doses de sali-
cine de six grains cbaque. Bcaucoup de medecins donnent le
sulfate de kinine a doses aussi el meme plus elevces. La sai;-
cinea etc I'objei d'experienres faites a la CharileparM. Miqucl,
a I'Hotel-Dieu, par MM. Hussan el Bally. Pliisieurs medecins
nous ont adrcssc an certain nomine d'observations od le pou-
f>02 FRANCE.
voir anti-febrile dela salicine no petit 6tre revoque on doute. »
M. Leroux a done decouverl dans I'ecorce du saule hdlix un
principe cristallisable, (|ui jouit incontestablement de la pro-
priety febrifuge a un degre qui se rapproche do cchii que pos-
sedelc sulfate de kinine, ct cette decouverte est sans con tr edit
I'une <h-* plus importances qu'on ail faites depuis plusieurs an-
nees en therapeutique. — MM. Cux'wr, dc Prony et S atari font
un rapport surle Memoirede M. Beknati, Felatifau mecaniqne
dc la voir lunnainc dans le chant. «L'objet principal de eel ecrit
est de faire connaitie la pari que preod dan.-; les modulations
de la voix un organe aux fonclions duquel, sous ce rapport,
les pbysiologistes ont donne assez peu d'atlention. C'est le
voile du palais ou plulnt lc detroil du gosier, focrae dans lo
haut par ce voile du palais, sur les roles paries piliers et en
dessous par la base de la langue. » Nous ne suivrons pas l'il-
luslre rapporteur (M. Cuvier) dans la sayante analyse qu'U
fait destraya.ux de M . Bennati, el nous nous contenterons d'en
• iter les conclusions. «"fll. Bennati est parvenu a secreerun
organe qui marque jusqu'a trois octaves. II indique, dans son
jit-moire, les precautious que Ton d< it prendre a eet egard
pour rinstruclien des jeunes gens destines a la musique vo-
eale, precautions pari., sune des pi jncipaies esl d'in-
lerrompre les exercices a I'epoque dc la nine. M. Bennati cou-
clut son Memoire par cette proposition : que re ne sent pas
les sculs muscles du larynx qui servent a modulcr les sons,
mais encore ceux de l'os hyo'i'dc , ceux dc la langue el cpux
Oai voile du palais, sans lesquels on ne pourraitatteindre a Ions
les degres de modulations necessaires pour le chant; d'ou il
resulte que 1' organe de la voix est un instrument sui generis,
un instrument inimitable par Part, parce que la malicrc dc son
mecanisme n'est pas a notre disposition , et que nous no con-
cevons pas meme comment il s'approprie a I'espece de sono-
rite qu'il produit. Ceresultat, sans etre eniiorement neuf pour
la science, nous parait avoir etc appuye, par M. Bennati, de
pr6UT.es et d'observations nouvelles, ct avoir acquis sous sa
plume Tin developpemcnt qui fixera davanlage I'allention des
pbysiologistes. En consequence nous avons i'honneur de pro,-
poser a 1'Acadcmic dc temoigner sa satisfaction a I'aulcur.i)
( \pprouve.)
— Da 17 mai. — M. le president annonce a l'Academie la
pcrtc qu'elle vient de faire de SI. Fourier, secretaire perper
tuel pour les sciences matbemaliques, membre tie l'A< adcinie
i'rancaise, el l'un des savans les plus illustres de noire t-po-
•\nv. — M. Cavcuy annonce qu'il est parvenu a dejuire Ux,
PARIS. . 5o3
lltcoric generate du mouremcnt de la lumiire des equations qu'il
a d'onnees dans ses e.rercices mat himatiq lies', et qui represen-
lenl le mouTenient interieur d'un corps dont l'elasticite n'cst
pas la meme dans tons lcs sons. En partant de ces equations,
et d'une i'ormule qu'il a etablie dans ses lecons au college de
France, il a pu determiner facilement la surface de l'onde lu-
niineuse dans un crislal a un axe ou a deux axes optiques.
Cetle surface, couptc par lcs plans coordonnes, offre les
mt'ines sections que celle de Fresnel, pourvu qu'on admette,
conmie l'analyse conduit a le penser, que les ondes lutni-
neuses, en cela semblablc? aux ondes sonores, cessent de pou-
voir etre percucs, lorsqu'cllcs se propagent avec des vitcsses
qui depassent cerlaincs limites. Cette supposition s'accorde
avec lcs experiences des pbysiciens , en vertu desquelles les
rapports entre les vitcsses des divers rayons dans la topaze et
les unties cristaux a un sen] axe, on ;'i deux axes optiques, dif-
ferent Ires-peu de 1'unile, et pent servir a rendre raison de la
difference qui exisle entre lcs corps Iransparens et les corps
opaques. — MM. Sylvesire et Flourens font un rapport stir la
methode d'enseignement primaire a I' 'usage des avengles et des
sourds-muets,' par M. Charles Barbier. « Vos, commissaires
vous proponent, dit en terminant le rapporteur, qu'il soit ecrit
a 1'auteur une lellre ostensible de felicitation, sur ^extension
qu'il se propose de donner a ses utiles travaux, et qui lui ex-
prime l'interet avec lequel l'Academie verrait que des expe-
riences sur l'application de sa methode a l'enseignement pri-
maire fussent faites avec soin , et notamment qu'elles fusseut
repetees dans 1'instilution des sourds-muets. » (Approuve.)
• — Duil\ mm.' — MM. Legendre, Poisson,Lacroix, Gay-Lus-
sac, Dulong et Arago sont nommes au scrutin membres dela
commission qui doit presenter les candidats pour la place de
secretaire perpetuel, vaenntc par la mort de M. Fourier. —
M. Caichy fait connaitre a l'Academie la suite de ses travaux
sur l'application du calcul au mouvement des ondes lumincsi-
ses. — ■ M. Dupetit-Tiiouars lit un Memoire sur ['education
des sourds-muets.
— Du 3i mat. — M. A. Ciievalt.ver annonce que son pro-
cede de blanchiment des edifices, par 1 'acid e hydrochlorique
etendu d'eau, a etc employe avec succes 1° pour la face dc la
niaison dc M. Froi lef'ond de IMIisIc, rue Saint-Florentin, n" 9;
•2"sim- lcs facades exterieirresetinterieures du Palais-Bourbon.
— M. Caught prcsente deux Mcmoires ; le premier, sur la
theorie des nombres; !c deuxicme, ayanl pour titrc : Determi-
nation des racines primitives dans latheorie des nombres, I'ournit
5o4 FRANCE.
im moycn general pour calculer directcmcnt ces racines. Le
meme membre depose un Memoire sur la theorie de la lu-
mierc. — MM. LatreiUe, Dmneril et Cutter font un rapport sur
un Memoire de M. Milne Edwards, conceruant une disposi-
tion partictiliere de l'appareil branchial clicz quelques crusta-
ces. « Si la classification dcs mollusques ct de plusicurs autres
animaux sans vcitcbrescstmaintenant assise sur des bases na-
turelles el invariablcs , c'est le resultat des prineipcs intro-
dnits dans la melluule par M. Cuvier, ceux d'employcr pour
premiers carae teres les prinripaux organes de la vitalilc, dont
ceux de la respiration font esscntiellement partie. »Nous ne
suivrons pas le savant rapporteur dans I'analyse du travail dc
M. Edwards, ct nous contcnterons de citcr ses conclusions.
« Ces recberclies, dit M. LatreiUe, etanl de nature a peri'ec-
tionner la methode, nous ont paru justificr de plus en plus
l'estime que s'est deja acquise l'auteur par d'autres travaux
sur des animaux de la memo classe ; nous somnies done d'a-
vis que l'Acadcmie doit les accucillir lavorablement, et l'cn-
courager a les poiusuivre. » (Approuve.) — MM. LatreiUe et
Cuvier font un rapport sur le travail de M. Milse Edwards,
rclatii'a ['organisation de la bouchechez les crustaccs suceurs.
« En supposant, dit M. LatreiUe, que l'auteur du Memoire
n'ait pas altt int lebut qu'il s'est propose, celui de ramenerau
meme type ['organisation de labouche des crustaccs pourvus
de niachoires, et celle dcs animaux de la meme classe munis
d'un syphon, on qui sont suceurs, il n'en aura pas nloins ac-
quis des droits a l'estime et a la reconnaissance des naturalis-
tes, par cela seul qu'il nous a l'ait connaitre un mode d'orga-
ni sat ion ignore jusqu'a ce jour. Nous ne pensons pas qu'il ait
donne a ces paroles, uniformite decomposition } loule 1'exten-
sion que queiqtics zoologistes leur atlribuent, puisqu'il admet,
suivant les circonstances, la creation de nouveaux organes.
Personne n'a jamais contesle que la nature ne modifie ceux
qu'elle vent approprier a d'autres usages et a d'autres t'onc-
tions. Qui , par exemple, n'a pas rcmarque combien different
les mAchoires d'un niammil'cre carnassier, de celles d'un ta-
nianoir, d'un l'ounnilier? lebec d'un oiseau de proie, de celui
d'un colibri? mais ici on pent suivre ces modifications. II
n'en est pas de meme d'autres organes dissemblahles, quaut
uux formes et aux usages, et cependant reconnus pour appar-
teoir au meme type. Nous citerons lesailes des oiseaux, ct les
iuigeoires des poissons. On ne pent assigner sous ce rapport
aucun moyen de liaison entre ces classes ct celles qui leur sont
liinilropbes. On passe brusquement des uncs aux autres. Coi>
PARIS. 5o5
jidcrcs sous le point de vue do I'organe manducateur, les divers
ordres de laclassedcseruslaceset de relies desarachnidesetdes
iuscctes sont aussi incoherent. On nous pane de transformations
de mandibulesetde machoires en des sorlesde lanccttes on de
lames delices, faisant partie d'unsucoir. Mais comment prou-
Ter ces metamorphoses, sans nous montrer qu'on arrive par
nuances insensihles d'un mode d'organisation a I'autre ?
Qu'on nous indique des inseclcs broyeurs ou pourvus de ma-
choires, qui nous conduisent a des hemipteres, insectes su-
ceurs? II exisle enire cet ordre et les autres un hiatus qu'on
ne saurait combler. On sent que pour le jeu de certains orga-
Oes, ct vu l'espace qu'ils peuvent occuper, leur situation co-
relatrice doit Sire a pen pres identique ; mais, autre chose est
de dire que les organes sont toujours les memes, maissimple-
ment modifies. Nous ne pensons pas que M. Edwards atta-
che au mot transformation un sens rigoureux. »M. Lalreille
donne ensuite une analyse dctaillce du Memoire, et conclut
ainsi. « Nousdevons toutefois savoir gre a M. Edwards de nous
avoir donne une description aussi complete du cruslace qui
a etc l'objet de son Memoire, et nous pensons qu'il merite a
cet egard les eloges de l'Academie. (Approuve.) »— - M. Poin-
sot lit un Memoire tres-etendu sur la theorie et de la determi-
nation de I'cqncdeurdu systeme so (aire. — On nomine au scrutin :
i° correspondant de la section de botanique, M. TVallich ,
directeur du jardin botanique de Calcutta; 2° correspondant
de la section de zoologie, M. Qioy, medecin-naturaliste a
Uochel'ort. — La commission chargee de presenter des can-
didal* pour la place de secretaire perpetuel des sciences ma-
themuliques designe MM. Arago, Puissart, et Becquerel.
L'eleclion aura lieu a la seance prochaine. — Une autre com-
mission, chargee de deccrner le prix fonde par M. de Mon-
tyon, pour celui qui aura rendu un art ou un metier moins
insalubre ou moins dangereux, fait son rapport. Sur sa propo-
sition , l'Academie arrele qu'un prix de Unit mille francs sera
decerne a M. Aldini, inventeur des moyens pour preserver les
ppmpicrs de C action de la flammcdam les incendies, moyens dont
la liexne Enryclopcdique a l'ait connaitre les succes a ses lec-
terns (voy. t. xliv, p. 2465 5'iSet 53o.) A. Michelot.
— L' Academic des Inscriptions et Belles-Leilrcs a nomme,
dans la seance du 7 mai, aux six places vacantes dans son sein.
Les candidals elaient au nombre de 34- Ceux qui out obtenu
la majorite des suffrages sont, 1° M. TiiruoT, prol'csseur au
college de France, aulcur d'unc hisloire de la philosophic, ct
Ir.iducteurde la politique etdc la morale d'Aristote; a"Mi. Cuam-
5o6 FRANCE.
puluon le jeune, counu par ses deeoiiverles dans I'eeriture
bieroglyphique el par sob recent voyage en Kgypte;3'M.THiEB-
U-. . auleur del'Histoire des conquetcs des Normands, el des
1 etlres sur Phisloire de France; V~ ML Lajard, auleur-d'un
ouvrage sur Ic culte de Milhra ; 5" M. Am&die Jacbert, autcur
il'mi voyage en Anncnie el eri Terse, d'une gramniaire tur-
que, etc.; 0° M. Mionnet, conservateur des medailles de la
Bibliotheque du Hoi , auleur d'un tres,-grand ouvrage sur les
medailles grecques, romaines, etc. Les autres voix des 3o aca-
de.niciens presens a la seance ont ete distributes entre
MSI. Cousin, Charles Nodier, Depping, etc., etc. M. Cousin
a oblenu, dans plusieurs des scrutiny,, jusqu'a il\ voix
sur 3o.
Societe centrals d' agriculture. — Seance publiqne annuelle
du ib avril i83o. — Le mini-sire de I'ipterieur presidail celte
seance, cl l'a ouvcrle par un disco ins approprie a celte solen-
i tile; . — Apres le comple rendu des Iravaux dc la Societe
pendant l'annee 1829, fait par M, CnALLAN, vice-secretaire,
M. IUricart de Tiu'rv a lu mi Memoire sur le concours pour
le percement de puits fores suivunt la uoethode artesienne, a
rell'et d'obtenir des eaux jaillissantes applicables aux besoins
de ragriculture. II a montre avec quelle rapidile cette utile
application dc la sonde du miueur a l'art du Ibntainier s'esl
repandue, non-seulement en France, mais dans tons les pays
de TEurope. Le programme, public pour le concours par la
Societe d'agricullurc, a ete traduit dans presque toules les
langues etradgeres, en cspagnol, en ilalien, en hollandais, en
russe, en arabe , etc.; des associations se sont lbrmees sur
beaucoup de points pour l'acquisilion des sondes artcsiennes,
el i'on pourrait titer chez nous plus de vingt departemens qui
font t'aire aujourdliui, a leursfrais, des puits tores'. M. de
Thury nomine un assez grand nombre de particuliers qui out
entrepris d'importans travaux en cc genre : il regretlc que
beaucoup d'entre eux se soient abstenus de concourir pour les
prix proposes, dont les deux derniers seuls out ete distri-
bute (Toy. ci-dcs.<u.i , p. {\d<o , le comple rendu detaille du
rapport dc M. Hericart de Thury. — La Societe cnleud en-
suite la lecture de plusieurs rapports, etdistribue des encoura-
gemens a des Memoircs sur differentos questions d'economie
ruralc, parmi lcsquelsona distingue celui deM. Demoussy, vc-
PARIS. 5o7
i.rinairc aBrives, sur la Cecite des chevaux, la traduction de la
Philosophic de In statiatit/ae de. Me 'chlor Giojn, par Jl . Blanrfiard,
do (lap ; enfin , un manuel pratique prop re a guider !es habitans
des campagnes et lcs ouvriers dans Ics constructions rusti-
qncs, par M. deFontenay, de Thors ( Aude). — M. Henri,
directeur de la phavmacie ccntrale, a fait un rapport sur !es
Mcmoires envoyes pour le concours Ouvert par la Societe sur
un suiet fort important : l'emploi qn'on pent (aire do toutes
!'.s parlies du corps des animajjx morts : les crins, les poils,
la laiiie, -a corne, les sabots, les ergots, la peau, la graisse, ies
os, la chair musculaire, les tendons, le sang, les boyaux, etc.
Sept Memoires out eta presentes. Le premier prix a ete ac-
eorde a eclui de M. Payen, mais a la condition que ce ehfmiste
le redigerait sens la forme d'une instruction claire et simple a
la portec des brfbitans des campagnes. Line medaille d'or a ete.
decernee a un autre Menloire de M. Hav'dliers , veterinaire a
Alencon; enfin, un Momoire de M. Limoiisin^Lamotfte a ob-
tenu line mention honorable. — La seance a etc terminee par
la lecture de plusieurs rapports relatifs a des erocouragemens
siccordes, soit pour des plantations considerables faites sur des
terrains arides ; soit pour des ameliorations oblenues flans les
precedes de culture. Les prix proposes pour le concours de
i83i sont lcs suivanS : i° pour r.n manuel pratique, etc., icv et
ac prix, ,1,500 fr. ; 20 pour le meilleur Memoire sur la cecite
des chevaux, i,5oo fr. ; 5° pour la construction d'une ma-
chine a battre et a vanner le b!e, 1" et 2" prix, 3,5oo fr. ;
/j" pour le percement de putts artesiens, 5, 000 fr. ; 5" pour la
culture di! pavot, dit ceillette, i.ooo fr. — La Societe propose,
en outre, pour iSS'i , trots prix de 3, 000, 2,000 el 5oo fr.,
mii seronl deccmes a ceux qui auron't seme, dans les departe-
mens meridionaux, la plus grande etendue de terrain en
( hone-liege , et un autre prix do 1,000 fr. pour le meilleur
Meinoire qui decidera si la maladie du pied des betes bovines
et ovines, connue sous le noni de crapaud on pieHin, est ou non
eontagieuse.
S oriel c francaise de staiistii/ue unherselle (1) : Seance du 20
tUtril iSjo. — La Societe a arrete qu'il sera ouvert un con-
(1) Cetle Sociele, dppt nous avons deja fait connaitre la creation ct
lcs premiers travaux (voy. I!a>. Hue, t. xi.v, p. 769), se compose
inaintcnaiit dc pros de 600 membres, ct paiait devoir piendieun grand
deyeloppeiu'ent duns leus Its pays.
5o8 FttANCiS.
tours, ct decerne desprix pour I'ouvrage suivant : statistic b
i'.i i.mi.maikk de la France. — Conditions da Programme. L'au-
tcur de relic compilation comprendra, dans une serie su Hi—
saote de tableaux el dans 200 pages nil environ de tcxte : —
L'ciat lopographique des S6 departemens de la France, sous
les rapports hydrograpbiqnes, meteorologiques, geoiogiques
ct niudicaux;' — Les productions nalurelles des trois rogues,
dans chaque deparlemenl, et letirs consommatious ; — La
population, les naissances, manages et deces, et leur reparti-
tion dans les divers sexes; 1'elat des enfaus legitimes et natu-
rels ; ages, religions, conditions et cmplois (les institutions
charitables, hospices et hopitaux) ; — Les lois de la mortalile
et lours anomalies principales ; — L'agricullure et ses diverges
branches (le prix de la main-d'eeuvre dans chaque dfipartement) ;
— L'industrie ouvriere, mecaniquc et manufacturicre; les
usines, leurs moleurs nalurels et artificicls; — Le commerce
imerieur et exterieur et sea agens (les transports et la naviga-
tion) ; les signes et moyens d'ecbange ; — Les etats d'impor-
tation et d'exportation des cinq dernieres annees au moins;
• — Les consommations de toute nature des objets manufac-
tures;— L'ctat scientifiquc de la France; l'instruction generale
de cbaque de-partemeut; l'instruction des divers ages et sexes
elementaire et progressive; l'instruction des diverses profes-
sions, physique et intcllectuelle ; l'instruction morale; — La
litteraturc; ses moyens de publication, {'impression et la li-
brairie; les institutions litteraires et scientifiques ; — Les
beaux-arts; les institutions qui les protegent et les encoura-
gent; — Lc gouvernement ; ses formes, ses pouvoirs publics
et administratifs;- — La religion ; les cultes et leurs ministres;
—-Les cours et tribunaux, et leur action repressive, preven-
tive, ou de simple vigilance; la police ; la legislation; la cri-
minalitc, suivant les ages, les sexes, les localites, les profes-
sions et les debts anterieurs (les prisons et les bagnes) ; — Les
revenus de l'etat, sa dette, ses depenses; les budgets de 1814
a 1802 inclusivement ; — Les armecs de lerre et de mer,
leurs forces; la diplomatic; — Les employes des administra-
tions publiques.
Ces tableaux pourront etre generaux 011 particuliers, et
doiventelre term! ties par 1111 tableau de recapitulation gene-
rale.
Tous les tableaux doivent etre dresses, et le texte rcdigc,
sur les documens les plus recens. Les auteurs sont tenus de
Ics indiqucr.
D'apres cet enonce, ce travail pourrait paraitre exceder Ics
PARIS. 5oq
limiles du terns accords par le programme, on celles flos lu-
mieres, quelque etenducs qu'elles soient, des personncs ap-
pelees ace concours; on serait dans I'erretir. La Societe no
demande qu'unc compilation, faite avec critique et sagacite,
de matcriaux qui, en grande partie, existent deja. Kile desire
encourager la publication d'une Statistique generale de la
France, dans une forme elementaire.
Les ouvrages seront remis, avant le icr juillet i87>2, au Se-
cretariat-general de la Societe, place Vendome, n" 'il\. II en
sera delivre an reeepisse, qui portera le numero et le jour de
la remise, et la devise portee sur le Memoire. La devise sera
rcpclee sur l'enveloppe cachetce, qui renfermera le nom de
l'auteur et celte me me devise.
La Societe, a son asscmblee mensuelle de juillet, nommera
un jury charge de l'examen et du jugement des Memoires
qui auronl concouru.
Avant la fin de decembre i8j2, le nom de l'auteur et la
Revise du Memoire ou des Memoires qui auront cemporte
des prix seront proclames ; et les prix et les accessits, s'il y a
lieu, seront decernes dans l'assemblee annuelle de la Societe,
en fevrier i855.
Le premier prix sera de la valeur de . . . . 3,ooo francs ;
Le second de 2,000
Le troisieme de • . 1,000
La Societe pourra decerner deux accessits, qui seront des
medailles d'or de 4oo et de 5oo francs.
Quand la Societe fera imprimer ce Manuel, il en sera de-
livre 5oo exemplaires a l'auteur qui aura remporte le pre-
mier prix.
La Societe se reserve de prendre, dans les Memoires qui
auront remporte les deux autres prix et les accessits, les fails
statistiqucs ouhlies dans le premier et qui lui paraitraient
propres a completer le manuel qu'elle fera imprimer; et
alors elle repartira les exemplaires delivres gratis, dans une
juste proportion enlre les auteurs.
Les Memoires de ceux qui n'auront pas remporte de prix
seront remis. aux porteurs des recepisses.
La Societe se reserve egalement de decerner des prix on
des medailles d'encouragement pour l'etude speciale de quel-
ques parties de la Statistique ou pour des statistiques parii-
culieres de departement.
Pour exlrait conforme,
Le Secretaire general de la Societe, de Montveraiv.
5 io FRANCE.
Publication prochaine.~- Uisioire scientifique et militnirc cfo
I' expedition francaise m Egyple, precedee iTunr Introduction
presentanl le tableau de L'Egypte ancienneel modorno. de-
puisles Pharaonsjusqu'aux successcurs d' AK-Bey ; el suivie du
lcrii des eveaemens siirveuus en ce pays depuis Io depart des
Franeais et sous 1c rogue do Moliammcd-Ali. — «Cequi die-
tingue d'abord la campagne d'Egypte et do. Syrie, disenl Irs
auteurs decel ouvragc dans leur prospectus , e'est son unite,
qui en fait, pour ainsi dire, un episode a part, entierement
detache des autres gucrrcs de la revolution. Ce qui eh rcievc
ensuite le plus ['importance aux ye-ux des amis do la patrie et
des arts, e'est son double but scientifique et mililaire, rap-
port complexe souslequel neanmoins olio d'a point encore etc
eovisagee dans \\\\ memo ouvrage. L'histoire generate et com-
plete de l'expedhion d'Egypte restart done encore a faire. Noas
axons oso PentrepsewLre ; et, la considerant dans tout son en-
semble, meler aux exploits de nos soldais les oonquetes de
nos savans. >> M. X. B. Saintine, qui s'est charge do la direc-
tion de l'cntrcprise , parait n'avoir neglige aucun moyen pour
se procurer des material! k convenables; et deja il pent ciler,
par mi les homines qui l'aideront de leur participation, soit
comrae redacteurs, soit comme possessours de documens cu-
rieux, beaucoup de noins bonorablcs, enlre autres : MM. le
general BcUiard, Pory de Saint-Vincent , d'Aure, comma s-
saire-ordonnateur en chef de I'armee d'Orient; Desgt
medecin en chef de ('expedition; Dulertre, premier dessina-^
teur attache a l'expedilion; Geo{froy-Saj:t-IIi!nirc, pore et fits;
general Gourgaud; M. J. Juliim, <!c Paris; Larrcy , chirm—
gi'en en chef de l'expedilion; Merer!, directeur de l'impiime-
ric du Kaire; Parseral dc Grandmaison, Poussielgue, adminis-
trateur-general dos finances on bgypte; le general II
Redoute". — L'ouvrage entior fornaera 12 volumes iu-8°, avee
un Atlas in-4" oblong, contestant plus do 900 sujets. Chaquo
volume se oomposcra de cinq livraisons, qui paraitront tons
les vingt jours, a compter du 5imai i85o. Prix de chaque
livraison, atlas compris , 5 IV. On sonscrit, sans rieh payer
d'avance, chez Gagniard, Quai Voltaire, n° i5, et Donain,
rue Vivienue, n° lG.
Reclamations. — Regie generate , en fait de critique liltr-
raive, — La Revue Enayclopedique n'est point dansl'usagc d'ad-1
meltre les reclamations particulieres quo lui adtessent qucl-
quefois dos auteurs dont rajnour-propre, plus on moms
PARIS. 5,i
susceptible et irascible, les porlc'a s'inscrire conire les oxa-
rhens critiques auxquels leurs ouvrages out donne lieu. Car
la stride obligation d'inserer des reclamations de ce genre
n'est imposee par la loi et par les convenances, qu'autant que
la personne meme des auteurs, et leur caraclere ou leur re-
putation auraienl pu gtre attaqnes , mais jamais lorsque la cri-
tique s'est renfennee dans de justes bornes, eut-elle oieinc
ete severe ou mal fondee; sans quoi, toute critique lilteraire
deviendrait absolument impossible. Aujo'urd'hui, neanmoins,
nous admettrons, par exception, deux lettres de deux eerivains
trcs-bonorables, dont l'un est etranger, et qui out cru voir,
dans les articles publics sur leurs ouvrages, des assertions laus-
ses, des interpretations pen fidcles de leurs opinions, ou des
inexactitudes qu'il leur a paru necessaire de rectifier.
Lettre de M. Beltrami a M. Jullien, de Paris, au sujel (!u
comnle rendu (parM. D-g.) de son ouvrage intitule : Lc
que. — Paris, 28 mat 1800. — "Monsieur, jevousprie d'in-
serer le plus lot possible dans voire estimable Recueil ma re-
clamation, tendant a rectifier quelques erreurs, graves selon
moi, ecbappees a cclui de vos coHaborateurs qui a rendu
compte de mon Mexiqiie dans votre cabier de Mars (t. x,\v.
pag. G95-G99). — M. D-G s'est tiompe, en disant que jc me
suis rembarque a Vera-Cruz. S'il m'avait bieri lu , il n'aiirait
pas depouille mon ouvrage d'une grande quanlile de cboses
remarquables que je passe en revue, depuisVera-Cruz jusqu'a
Alvarado, veritable point de mon depart, indique a la fin de
mon second volume.
II n'est point exact de dire qu'«n capitaine Hall nous a
eclaircs sur la situation actuelle du Mexique: ni qiCon posscde
maintenant d Paris (ou ailleurs) beaucoup de dessins de mo-
numens mexlcains, de ceux du moins que mon ouvrage montrc
a la science et a la curiosile : les uns etaient entierement i 1-
connus; les autres laussemenl representes. Quand on vcu't
deprecier par des comparaisons, i! taut specifier. Lesgenerali-
tes sont toujours evasives ou insidieuses, et ne servent so
qu'a surprendre I'ignorance ou la bonne foi du lecteur.
L'lustitut lui-meme a deja donne un dementi a cetie asser-
lion , par le soin qu'il a piis de s'occuper de ceux de ces mo-
numens, que j'ai eu l'bonneur de soumeltre a son exauien ;
et j'en ai d'autres que, cerles, il ne Irouvra pas indignes de
son attention.
Je ii'admetspointq'u'onpuisse encore elre incredule de bonne
foi sur la realite de ma decouverte des sources de la riviere San-
glante el. du Mississipi. Le terns et les America ins, Hies juges
5ia FRANCE.
couopel'etts et iuexorables, out parte; les journaux ct Ics aii-
torites d'Amerique m'ont honore de leurs suffrages et de leurs
felicitations; et les homines qui avaicnt lo plus d inlcrOt a l'at-
taqucr, ceux qui ont teute iuutilcmcut avant inoi celte ehtre-
prise, se sont tus, se taiscnt encore, et se tairont toujours
devant 1' evidence, evidence, que voiiis avez vous-memo rc-
connuc en ces termes (voy. Rev. Enc, t. xxix, p. 4^9) :
« L'immensile de I'entreprise de I'auteur, comparee a la pe-
titesse de son volume, 1'crait naitre quclquc sou'pcon, si
M. Beltrami ne monlrait point dons tout son livre tine sinccrile
dont Ics circonstances au milieu desquelles it a ivrit semblent Sire
garans. >• Et plus loin : «Cet intrcpide voyageitr parcourt actuel-
lement le Mexiquc, abandonnant a sa destince le premier produit
de ses courses lointaines, et preparanl sans doute un second vo-
lume, non moins inleressant que le premier. » Vous ajouliez, en
terminant : « // etait difficile de reunir dans un sent volume plus
de choscs curieusis , plus d'inte'ret et mime d' instruction. » — Le
Scott-Times disait aussi : ulmprimer sa decouverte en presence
du lieros meme de la piece, le M ississipi , en presence de la
jalousie la plus vice, sans mettre [comme tant d' attires voya-
geurs) C Ocean enire sa plume et le theatre de ses exploits , e'est
clonner tine grande prettve d'une noble assurance et de la vcrite
de ses assertions. » — En vain objeclerait-on , pour accreditef
des doutes SUf cette decouverte, que I'auteur se trouvtdt isole
et sans protection. die volonte forte, courageuse, iriebranla-
ble, petit conduire tres-loin ; plusieurs volontes divergentes
s'entrechqquent et echouent. La jalousie et de plus grands
besoins divisent, ancient, repoussent les expeditions. Un
homme isole n'inspire d'ailleurs de crainte a pcrsonne ; et dans
les expeditions, au contraire, on pcut voir des maitres, des
conquerans, et souvent on les egorge, oil bien on leschasse. —
Avec le raisonncinent qu'on voudrait opposei', que deviendrait
le Timboctou de M. Caillie? Que dirait-on du pi ix quelaSo-
ciete geographique lui a decerne , des honneurs, des pensions
etdes suffrages qu'il a recusdu gouvernement et de la France ?
Certes, M. Caillie n'etait pas inoins isole et sans protection
dans son entreprise que jc ne 1'elais dans la mienne, dont j'ai
neanmoins laissc partout des traces et des temoins , que les
Americains n'ont pas manque d'interroger.
«Quant a l'assertion que I'auteur est un elrangcr, qui a
cfierche un asile en France, elle me parait blesser les conve-
nances aulant que la vcrite. Je suis en France, comme j'ai
ete et puis etre partout ailleurs; libre d'allcr et venir, quand
bon me semble : comme un homme , qui est ct qui a etc , par-
tout et toujours, sans crainte et sans rcproche....
PARIS. 5i3
» Pour vous, monsieur, vous regretteres vivement, j'en
suis sur, qu'on n'ait point rendu justice a un etranger esti-
mable, qui, aprcs tant d'efforts et de sacrifices, vient offrir
le peu qu'il sait sur des pays et sur des pcuples lointains,
extraoi'dinaircs , encore inconnus ou mal connus; si jen'ai pu
meriter I'approbation de votre collaborateur, comme j'ai ob-
lenu eelle dont m'ont honore l'lnstitnt et divers journaux
( notamment , la Revue Britanniquc, la Revue tie Paris , cello
des deuxMondes , lc Mercure, la Gazette Utteraire, le Moniteur,
le Messager des Cliambrcs , la Quotidienne , YEclio Franeais ,
le Corsaire, le C orres pond ant , etc., etc.), au moins avais-jc
droit d'atlendre plus de circonspection et un examen plus ap-
profondi du critique qui me citait a son tribunal, et qui m'a
eondamne, presque sans m 'entendre, ou plutot sans me lire.»
J'ai l'honneur, clc. J. -C. Beltrami.
■ — Reponsec/cM. D — g. — Jel'elicite M. Beltrami des eloges
qu'il a recus dans le grand nombre de journaux dont il rap-
pellc les titles, et je regrette de ne pouvoir souscrire aux
memes eloges sans de grandes restrictions. Pour composer
uu bon ouvrage sur le Mexique, il n'aurait pas fallu noycr des
remarques interessantes dans beaucoup de digressions oi-
seuses, et qu'un gout severe ne saurait approuver. 31a reponse
a sa reclamation sera courte :
i°. II est vrai que cc n'est pas a Vera -Cruz, mais a quel-
ques lieues de la, que s'est embarque M. Beltrami. Je ne pou-
xais pas le suivre dans toutes ses excursions, et je n'ai point
depouitle son ouvrage des choses remarquables que je n'ai pu
qu'indiquer, sans les reproduire.
2°. L'auteur ne veut pas que le capitaine Basite Hall nous
ait eclaires sur la situation actuelle du Mexique. Pour n.oi, je
persiste dans mon opinion fovorable sur cet ouvrage, que
j'ose recommander a M. Beltrami comme line relation con-
cise el remplie d'in!eret
3°. Selon l'auteur, i! n'y a, ni a Paris, nt ailleur?, beaucoup
de dessins de monumens mexicains. C'est un fait materiel ,
facile a verifier, savoir : a Paris, a la Bibliotheque du roi, chez
M. de Latour Allard et C'e , etc., a Berlin, ou il existe de
fort beaux dessins de monumens mexicains, et a Londres ,
chez Lord***, qui possede une collection extremement riche
en ce genre. Le Musee mexicain de M. Bullock a ete long-
tems ouvert, dans cette derniere capitale.
4°. M. Beltrami ne veut pas qu'on puisse etre incredule an
sujet de la realite de la decouverte des sources du Mississippi,
Cependant, il ne peut'empecher qu'il n'v ait eu, et qu'il n'v
ait encore des incredules sur ce point.
t. xlvi. mai i83o. 55
5i4 FRANCE.
5°. M. Beltrami se trouve blesse, parce que j'ai dit qu'il est
\onu pbercher un asile en Franco. II n'a suremcnt pas bien
suisi le sons do I'ex'pression quo j'ai employee. 11 parlo beau-
roup, dans son ouvrage, do ses perseduteurs , de scs enncmis.
des medium qui lo tonrnientaient dans sa palrie ; j'avais cru
quo c'elail pour fuir ccs michaxii qu'il s'etait retire on France ;
si je me suis tronipe, inon orrour n'a rien d'offensant pour lui.
Parmi les etrangers qui sont venus chercher un asile en
France, il y a plusieure hommes d'honneur ot do merite que
lour patrie regrctle vivement, que la France est heureuse et
(lore d'aceucillir sur son sol hospitaller, et pour lesquels elle
aiine a remplaoer leur patrie absence. M. Beltrami est au
noinbre de ces Francais d'adoption dont nous honorons le
caractere, dont nous plaiguons les malheurs, dont nous ap-
precions les travaux. Mais la verite et la conscience ont leurs
droits sacres, qui ne pcrmettent pas do dissimuler le jugement
que Ton porte d'un onvrage dont on rend coniple au public.
On peut trouvor et signaler des del'auts dans l'ouvrage, sans
que l'estiine duo a l'auteur et a ses qualites personnelles soil
en rien alteree.
6°. Enfin, iM . Beltrami pent se rassurer sur l'effet do Tar-
ticle qu'il signale dans la Revue Encyclopcdique. Ce qui coin-
promet le credit d'nn recueil poriodique, ce n'est pas vine
critique impartialc et mesuroo des ouvragcs, mais bien phi-
tot l'abus des eloges de complaisance, et de ce qu'on a inge-
nieusement appole la camaraderie littdraire : notre Revue a piis
le plus grand soin d'eviter cot ocueil, et de conserver lou-
jours, dans les jugemens qu'elle porte sur les ouvrages, un
caraclore d'indopendance et de moderation qui n'a peut-elre
pas ete l'une des moindres causes du grand sucees, constate
par douze annees d'exislence, qu'elle a obtenu generalement.
— Extrait d'une letlre adressee a M. le Directeur de la
Revue Encyclopcdique. — Celui de vos collaborateursqui, dans
le cahier de MASS, do votre estimable Recueil (page 700 ) , a
mentionne mon petit traite : Des Melhodes en general, et de la
Methode Jacotot en particulier, outre qu'il n'eu a pas fait con-
naitre reellement l'esprit et le but, a comniis une erreur grave
contre laquelle il est de mon devoir de reclamer. On lit, dans
une note : « M. Case se declare contre les etudes littoraires et
grammalicales; il voudrait qu'on y subslituat des connais-
sances plus materielles, plus sensibles, etc. » Si M. le redac-
teur out dit que je proscrivais les etudes litteraires et gram-
malicales pour les enfans, il efll exprime ma pensee ; mais, on
presentant cotle proscription d'une maniere gonerale, non-
PARIS. 5i5
seutement il a denature ma doctrine, mais encore il m'a ex-
pose a paraitre absurde a vos lecteurs. Dans nn autre ouvrage,
a l'analysc duquel M. le redacteur renvoie d'ailleurs (voy.
Rev. Enc, t. xuv, p. 5 >g ) , en tracant un plan d'etudes, j'ai
fait une large part aux etudes litteraires ; mais stirtout je leur
ai donne une base plus solide, plus rationnelle que celle de
l'Universite, et je les ai placees dans un tems plus favorable
a leurs progres.
Agreez, monsieur, etc. Gasc.
Chroniqtje des theatres, pendant le mois de mai i83o. —
Treize pieces de genres divers ont vu le jour, depuis un mois,
sur les differens theatres de Paris : nous allons rappeler brie-
vement leurs titres, et le sort qu'elles ont eprouve. — L'A-
cademie royale de MusiQTiE prepare avec lenteur, et avec une
sorte de prudcnte dignite, les ouvrages qu'elle offre, a de ra-
resintervalles, al'admirationdu public ; aussi s'entretenait-on
depuis long-tems de Manon Lescaut, ballet -pantomime en
troisactes,de MM. Aumer, pour le poinie, Haley y, pour la mu-
sique, etCiCERi, pour les decorations, qui n'a ete represente
que le5mai dernier, line intrigue penibleet mal nouee n'a pu
racheter les inconveniens du sujet, qui , adapte avec un admi-
rable talent aux formes du roman par l'abbe Prevost, n'etail
guere de nature a se plier aux exigences de la scene, et sur-
toutaux developpemens exterieurs que necessite le genre du
ballet-pantomime. Toutei'ois, cet ouvrage a obtenu un succes
de curiosite, du surtoutaux costumes dessines par M. Dupon-
chel, qui a ressuscite, avec talent, toutes les pompes et lous
les ridicules de l'opera du xvme siecle. — LcTheatre-Francais
a donne, le 8 mai, un nouvel ouvrage de M. Ancelot, intitule :
XJn an, on Le Manage d' amour, drame en troisactes. Ainsi que le
titrelelaissedeviner, cesontlessuiteset les tristes consequences
d'une mesalliance que l'auteur a voulu mettre en scene; mais
il a manque l'effet qu'il voulait produire, en pretant a l'un de
ses personnages principaux, a la jeune fille que le comte
de Lesseville a elevee au rang de son epouse, des gau-
cheries trop niaises, qui, destinces a faire ressortir le sens de
la lecon, tombent, au conlraire, tout-a-fait a cole du but; et,
tandis que l'auteur a voulu prouver qu'il tie faut pas epouser
une grisette,sa piece pro\ive seulement qu'il ne faut pas epou-
ser une sotte. Du reste, elleest dialoguee avec esprit et natu-
rel, et contientd.es situations touchantes et des roles biencon-
cus. — On a vu, a VOdeon, le il\ mai, le Vieux Mart, comedie
en troisactes et en vers, par M. Delavim.e. Apres le VieuxCi->
;.i<i FRANCE.
libataire, tie Collin d'llarlevillc , l'auteur semble avoir voulii
monlrerun autre Dubriagc, place ontre une vieille gouvernantc
clone jciinc femme, donl ilse 1'aitlc tyran, de peur de deve
nir son esclave, comme il l'a ete, de sa servanlc. L'extremc
faiblessc de ce ^ ieillard pour son aneiennc mailresse, ct son
extreme durete poursa jcune femme, dont le caraclere dnux
et tiniiile conha-lc avec I'.espril acarialre el impcricux de la
vieille Mrar Clement, voila la donnce donl l'auteur a cssaye
de tirer tons scs effets drauiatirpies. Malheureusement, cettc
donnce ne fournil pas une seule situation comique. Le carac-
lere du vieux niari est faux d'un bout a 1'autre; sa conduite
avec sa femme n'csl pas celle d'un bornme qbi s'est fail nn
systeme de fermcte conjugale, niais plutot celle d'un extra-
vagant et d'un bourru , prive du sentiment des plus simples
convenances. Leroledc la jeune femme, conlinuellemenl pa^-
sif, est plus penible qu'interessant. II n'ya, dans cetle piece.
que le personnage d'une fdlc de M°"" Clement et de son mai-
Ire, jeune personne d'un caraclere naif, qui rappelle le talent
dont M. Delaville a fait prcuve dans d'autres ouvrages. Le
style offre aussi quelqucs traits spirituels ; mais ilestbieu dif-
ficile de broder un dialogue comique sur une piece dont la
conception manque a la ibis d'aclion et de carat teres. — L'O-
pera-Comiqde \ient de nous rendre ractrice passionnee et
dramatique qui avait contribue nagucre si puissamment an
succes du Theatre anglais ctabli pendant quelques mois a Pa-
ris. Pour inlroduire miss Smituson au milieu des acteurs or-
din aires de ce theatre, pourmeler la languc qu'elle parle seule
au dialogue francais, il fallait necessairement faire une piece
nouvelle; et, dans V J aberge d'Auray (opera en un acte, par
MM. FtLGENCEet Henry, musique deMM. HEROLDet Caraffa,
qui a etc represents le 1 1 mai), lesauteursn'ont eu autre chose
en vue que d'arranger quelques situations oii le talent de la
tragedienne put se developper avec energie. Toutefois, lem
pelit acte est. agence avec art, l'interet y est habilement me-
nage, et les situations se sont bien prelees a ('admirable ta-
lent de l'actrice. Elle a etc dechirante ; ct, quoiqu'cllc parlal
anglais, e'est elle a coup sCir que les spectateurs ontle mieux
comprise : il est impossible d'exprimer les angoisses de la
crainte et les tourmens tlu desespoir avec une plus effrayante
verite. — Attendre et courir, opera comique en un acte, faiblc
et commun sous tons les rapports, de MM. Filgcnce et Hr.x-
ry, pour les paroles, Halevy ct Drijoltz, pour la musique,
a ete represents sans succes, sur le meme theatre, le 27 mai.
— Au Vaudeville, a paru, le 7 mai, le Dernier jour de Deuil,
PARIS. 517
vaudeville en un acle, par MM. Varez et Desvergiers : e'esl
un essai malheureux, sans beaucuup d'esprit et de verve
dans le dialogue et dans les couplets, qui n'a pas obtenu
grande attention de la part du public. En revanche, MmeGni-
goire, ou le Cabaret de la Poinme du Pin, vaudeville en deux
actes, par MM. Chirles et Dupeuty, inspire par une chanson
de Beranger, a reussi, grace a plusieurs tableaux amusans ct
a des scenes tort gaies. — Les Varieties ont vu tomber succes-
sivement : les Trois Couchees, coniedie-vaudewlle en trois re-
lais, par MM. Henri et Roche (i 1 mai),et leQuai-aux-Fleur.s,
tableau en un acte, mele de couplets (a5 mai). — Le Theatre
de la Porte-Saint-Martin a donne, le 7 mai, le Bigame, ou
Toinelte et Stephanie, melodrame en trois actes , dont I'idee
premiere promettait un succes, qui a ete coinpromis par
des details de mauvais gout, par des scenes de placage, inu-
tiles et par consequent nuisibles, et par un style faux et tour-
ruente. — Dans le Courent de Tonnington, ou la Pensionnaire
anglaise, melodrame en trois actes ( represents an theatre
de la Gaite, le 12 mai), de MM. Viclor Ducange et Anicet,
ouvrage qui est evidemment un reflet tragique de la Fille
d'Honneur, de M. Alexandre Duval, etde 1'Orange de Malte,
de Fabre d'Eglantine, on a remarque quelques tableaux
gracieux dc l'interieur d'un couvent, un second acte vif et
nourri, et un denoQment qui est peut-etre un peu use au
theatre. — Nous n'avons plus qu'a mentionner les Secondes
Amours, comedie lout-a-fait mediocre, representee le 24 mai,
a l'AMfiiGU-CoMiQtJE, et le Deluge, drame historique, avec des
chceurs, par M. Augustin Hwoi. (26 mai), auquel des effcts
dc decoration neut's et brillans assurent une grandc vogue au
Ciroi e-Olympique.
L'Otera allemand, qui, grace a l'intelligence et a raclivitc
de M. Laurent, est venu remplacer momentanement, chez
nous, l'Opcra italien,a obtenu beaucoup de succes. II nous a
monlre des pieces deja appreciees parmi nous, d'autres qui
nous etaient a peu pres inconnues. Le Frejscltutz, de Merer,
et le Fic/elio de Beethowen sont celles qui ont eu le plus de
vogue. Tout le monde a vu le Freyschutz, dont Robin des Bois
nous avait deja donne une idee. Quant au Fidelio, e'est un
opera dont le canevas, assez mai tissu, a ete emprunle a un
ancien opera tVancais intitule, Leonore, etqui, s'il n'est 11 i bien
raisonnablement imagine, ni bien ingenicusement conduit,
est du moins dispose avec bonheur pour fournir des efl'ets au
musicien; et le genie de Beethowen en a lire un parti admira-
ble. Sans analyser en detail celte belle partition , BOUS lemai
5i8 FRANCE.
querons settlement, que le second acte surtout offre des si-
tuations tin plus grand pathetique. L'air dc Florestan, le trio
et le quatuor qui vicnnent ensuite, oft'rent des beautcs du pre-
mier ordrc, et attestent la force du genie drainatique duce-
lebre compositeur. Le final est un morceau plein d'origina-
lite, etpeut soutenir la comparaison avcc ce que Ton connait
de plusremarquable en ce genre.
Les operas alleniands sont joues avec assez d'ensemble ;
mais nous ne parlcrons, dans le peu d'espace dont nous pou-
toiis disposer, que des deux principaux. M. Haitzinger est un
acteur passable et un excellent cbanteur ; sa voix de tenor est
fort belle, mais peut-etre n'en menage-t-il pas assez la puis-
sance; avec un peu plus d'art, on n'aurait rien a lui repro-
cher. II est extrcmement goute du public francais, et il me-
rite de l'etre. M1"* Scliroeder - Derrient est douee d'nn organe
etendu et sonore ; a la plus belle qualile de son elle joint l'ac-
centleplus dramatique; et son jcu n'est pas moins pathetique
que son chant. Les choeurs aussi sont tres-bons, et remarqua-
bles surtout par cette justesse et ce sentiment d'harmonie
nalurels aux AUemands. Cette troupe n'a rien neglige pour
reussir parmi nous; elle a meme apporte, a grands frais, quel-
ques-unes des decorations necessaires a la mise en scene de
ses operas ; le public lui tient compte des efforts qu'elle a Baits
pour lui plaire, et le theatre allemand attire la foule.
Beaux-Arts. — Nlorama : Abbaye de J Vest minster. — Dio-
rama : Vue de Paris ; Unc scene du Deluge. — La difference
essentielle des deux procedes consiste en ce que, dans le Neo-
rama, le spectateur est place de maniere a voir tout autour de
lui, cousequeuunent a embrasser l'enscmble de l'edilice au
milieu duquel il est transport^ ; tandis que, dans le Diorama,
il n'apercoil que ce qui est devant lui. Ces deux moyens out
un interct qui leur est propre, sans doule ; cependant , je per-
siste a penser que le Neorama a des ressources plus etendues,
et qu'il peul satisfaire plus completement la curiosite.
Les foudaleurs dece dernier etablissement viennent de met-
tre sous les ycux Cm public Yinterieur de I'eglise de /' Abbaye de
Westminster* undes plus celtbres edifices gothiques qui exis-
tent. Fondce au commencement du vn1 siecle, par Sebert, roi
des Saxons de Test, cette eglise tombait en ruines, lorsqu'elle
l'ut reedifiee sur un plan plus vasle et plus riche, dansle cour*
du xi" siecle, par Edouaicl-lc-Confesseur, qui y fut enterre.
Depuis. presque tons les r< is d'Anglelerre 1'ont eml)ellie on
PARIS. 5i0
veparee, et c'est a Georges III que Ton doit la restauration
complete , terniinee il y a moins de vingt ans, de la chapelle
d'Henri VII.
Le caractere general de 1'arehitecture de cette eglise est
d'une extreme elegance; mais, ce qui fait naitre un interet
peut-etre plus grand que lavuedel'eglisememe, c'est le grand
nombre de tombeaux eleves dans le chceur a toutes les cele-
brites de I'Angleterre. La, le poete, le guerrier, le prince re-
posent dans un mfme asilc. A la verite, ces monumens de
toule espece detruiscnt un peu l'harmonie de 1'ensemble ; mais
ils elevent la pensee, ilsrapprochent les terns et les rangs; et,
lorsque chaque souverain vient, a son avenement au Irene, se
faire couronner dans cette eglise, il semble que Pelite de tou-
tes les generations de I'Angleterre assiste a cette ceremonie
pour lui rappeler que la gloire de la palrie*doit etre le but de
ses actions. C'est dans la chapelle d'Edouard-le-Confesseur
cpie Ton conserve les fauteuils qui ont servi a chaque couron-
nement ; le siege le plus ancien est une simple pierre, sur la-
quelle on couronnait les rois d'Ecossc, etqui, d'apres une tra-
dition ridicule, dont on a conserve le souvenir, aurait servi
d'oreillcr a Jacob.
On doit savoir gre a MSI. Alaux d'avoir mis sons nos yeux
un edifice aussi remarquable a tous egards ; quant a l'execu-
tion, elle est telle qu'on pouvait l'attendre de peintres habiles
qui n'ont employe leur talent que pour arriver au but qu'ils
seproposaient : celui d'une extreme fidelite. L'interieur de l'e-
glise de l'abbaye de "Westminster ne frappe pas ^imagination
comme celui de Saint- Pierre de Home; c'est une autre ar-
chitecture; c'est un autre ciel, eonsequemment une lumiere
diflerente; eesont memed'autres souvenirs. Cependant, jecrois
que les auteursde ce nouvel ouvrage ont plus approche de la
perfection que dans le premier; c'est-a-rlire que Pon s'aper-
coit moins que l'on est devant un tableau. C'est le plus bel
eloge que l'on puisse faire d'une production de cette nature.
Au Diorama, on voit, tour a loin-, le commencement du De-
luge et une vac dc Paris. Le premier de ces deux tableaux est
tout-a-fait fantastique; rien ne peuten donner une idee, si ce
n'est le spectacle que l'on a sous les yeux, lorsque, en gravis-
santde bautes montagnes, on traverse la region des images, et
c'est peut-etre une circonstanee de cette nature qui a inspire
a M. Daguerue le tableau dont je parle. Au fait, il m'a rap-
pele involontairement ce que j'avais eprouve lorsque, sur le
sommct dcs Alpes, au niois de join, je me suis trouve au mi-
lieu memed'un orage. Le second tableau, une vue de Paris, du
5»o FRANCE.
menie auteur, est uu inagnilique paysage, dont les premiers
plans sont tres-brillans, et les foods, 011 Ton apcrooit la som-
mite des principaux edifices de Paris, tout— a-l'ait vaporeux.
Ainsi, c'est une vue de Paris qui ne donne l'idee, ni de l'as-
siette.ni de l'etendue de cette ville; seulement onvoital'ho-
rizon des mouumens qui annuncent le voisinage d'une tres-
grandc ville. Le point de vue est pris de Montniartre. Si le
spectateur, qui ne connaitrait pas la capitale de la France,
n'avait pas, apres avoir vu cet ouvrage, une idee juste de la
ville que Ton a voulu mettre sous ses yeux, au moins il con-
serverait le souvenir d'un beau tableau, execute d'une ma-
niere brillante et large. Jo crois, au reste, que les moyens pro-
pres au Diorama sont impuissans pour att,eindre le but que
M. Daguerre s'est propose. Pourdonner une idee juste d'une
grande ville, il faut placer le spectateur sur le sommetde l'un
des principaux edifices; c'est ce que laisait M. Prevost dans
ses panoramas.
Des deux autres petits tableaux, actuellement exposes au
Diorama, l'un, une rue pariielle de Saint-Germain - I' A uxer-
rois, est bien ; l'autre, une vue pride sous les voutes du Colysie,
est tres-bien. II semble, pour me servir d'une expression po-
pulate, mais trcs-juste, que Ton va marcher dans le tableau.
P. A.
— Musee Diocletien. — Galerie du colonel Bernardini ( rue
Neuve-des-MatJturins , n° 1 , an coin de la rue de la Cliaitsse'e-
d'Antin). — Nous avons annonce deja (voy. Rev. Enc. ,
t. xtiv, decembre i<Sag, pag. 8i4) cette belle collection, de
plus de 700 tableaux, Cornice avec un soin particurier, qui
presente un grand nomine de cbefs-d'oeuvre des premiers
maitres de Part, et beaucoup d'ouvrages remarquables des
diflerentes Ecolcs italiennes et des Ecoles bollandaise et fla-
mande, espagnole, francaise, allemande, etc. , ainsi que plu-
sieurs tableaux de genre, dessins, manuscrits, gravures an-
ciennes et autres objets de curiosite. Tous les amateurs et
tons les amis des arts voudront visiter ce bel elablissement,
dispose avec l'elegancedu gofit 1'rancais, et, sous quelques rap-
ports, avec une sorte de taste asiatique, dans sept salons, atte-
nant a un jardin qui i'ait partic du i>Iusee, et qui ofl're un lien
agreablede reposet de reunion. On pent s'y procurer une Notice
delaillee. sur ce Musee, etsur quelques circonstances relatives
a la vie tres-aventureuse et agitec du colonel etranger, de-
venu francais d'adoption , qui a employe quinze annees de
voyages, de recbercbes dilliciles et dispendieuses pour le
londer. — Le prix d'entree est fixe a di.v francs par porsonnc ;
Qnelque elevee que cette retribution puisse paraitre, on ne la
PARIS. — NECROLOGUE 3a i
trouvcra point disproportionnce avec la beaute tin Musee Dio-
iliticn, a\ec les sacrifices considerables qu'il a exiges, etavec
les enormes capitaux qu'iJ represente. Plusieurs eonnaisseurs
eclaires , qui ont ete admis a visiter cette collection avant
qu'elle fut ouverte au public, en ont porte le meme jugement.
NECROLOGIE.
Norwege. — Le comte de Platen, ex-gouverneur general
ile Nonvege, nc, dans Pile de Rtigen, au mois de mai 1768,
vient de mourir a Christiania, dans le mois de Janvier dernier,
age d'cnviron 65 ans. Sa mort a excite d'universels regrets,
et sa memoire merite d'etre consaeree dans un ouvrage perio-
dique , qui hen ore egalement to us les hommes distingues,
quelle que soit leur patrie , qui ont contribue utilement et
activeuient aux progres de la civilisation. Le comte de Platen,
ills du baron Bernard de Platen, qui etait gouverneur-general
en Pomeranic, s'etait destine, fort jeune encore, au service de
uier; et, depute sa i^c jusqu'a sa 20° annee, il avait voyage
dans presque toutes les parties du monde, d'abord sur des
navires marcbands, et ensuite sur des batiuiens de guerre sue-
dois. C'est a son genie, a ses lumieres, a sa perseverante
activite que 1'on doit l'execution du projet, forme depuis des
siecles, de faire communiquer la mer du Nord avec la Bal-
tique. II etait directeur- general de la grande entreprise du
canal de Gotlia, qui fait l'admiration de l'Europe el la gloire de
la Suede. Les actionnaires de ce canal ont donne pour succes-
seur a M. de Platen, dans cette imporlante direction, le baron
de Sparre, general commandant le corps du genie. Les Etats
ont fait les foods necessaires a l'achevement des travaux, et
l'on espere qu'ils seront termines dans trois ans. N.
Dakemark. — Frederic Muster , eveque de Zelande, pro-
fesseur et docteur en theologie, grand'eroix de l'Ordre de
Danebrog, vient demourirsubitement,le vendredi-saint 9 a vril,
(Pun coup d'apoplexie foudroyante. Ne, a Gotha, en Allema-
gne, le 14 octobre 1760, il vint en Danemark, a Page de
quatre ans, lorsque son pere, Balt/iasar Munter, fut nomme
pretre a l'eglise de Saint-Pierre de Copenbague. Deux voya-
ges en Europe, qu'il cntreprit dans sa jeuncsse, lui fournirent
I'oecasion de former des relations etendnes, et qu'il conserva
pendant toute sa vie, avec les hommes les plus savans de son
epoque. En France, il etait lie d'amitie avec MM. Lanjuinais,
pair de France, et Gregoire, ancien eveque de Blois, et il en-
tretenait une correspondance interessante avec l'ltalie . pat
5aa NriCROLOGIE.
l'intermediaire de M«* Capece Latro, aucicn archeveque de
Tarente, et de Tamburini, le plus cclebrc des theologiens de
sou pays. A une vastc erudition, surtout dans l'lustoire de
l'tglise et dans la science des antiquilcs, Munter joignait cette
douceur de caractere qui captive Eous les coeure. Aussi sa
perle a cause de prol'onds regrets parmi ses compatriotes. II
tut nomine professeura I'tlni versite de Copenhague, en 1788,
ct en 1808, le roi le designa pour l'eveche du diocese de Ze-
lande. Apres avoir passe par les di lie reus degres de l'Ordre de
Dancbrog, il tut deeore de la grand'eroix, en 1817.
Les ccrits publics par Munter, en danois, en latin et en al-
leuiand , sunt tres-nombreux ; nous indiquons ici les princi-
paux : i° Notice curieuse sur les traductions en vers de I'A-
pocalypse danslesdi verses languesde I'Europe ; des Memoires,
des Dissertations et des Recherches; i" sur les Inscriptions
antiques de Babylone, etsur celles des anciensFtrusques, etc. ;
5° sur les anciennes inscriptions grecques et latines qui eclair-
cissent l'histoire du christian isnie, et jcllcnt un nouveau jour
sur l'authenticite des livres saints et des monumens Chre-
tiens; 4" sur les Ordres de chevalerie du Nord; 5" sur 1'Fvan-
gile apocryphe de Nicodemc; 6° sur la guerre des Juil's sous
les empereurs Trajan et Adrien ; 7" sur lTnlroduclion du
christiauisnie dans le Nord; 8" la Biographic de saint Aus-
chaire, eveque de Hambourg, apolre du Seplentrion; 9° la
Biographie du pape Lucius I"; io° des Fragmcns d'une an-
cienne version latine, anterteure a saint Jerome, des pro-
phetes Jeremie, Ezcchiel, Daniel et Usee; 11° une edition
nouvclle de Firmicus Moternus; 12° la doctrine des Monza-
nistes ; i5°, enfin, Primordia Ecclesice africancc, volume in-4"
de plus de 5oo pages, public en 1829, et Tune des dernieres
productions de l'auteur. — A Rome, Munter avait retrouve les
reglcmens de l'Ordre des Templiers, et public un volume en
allemand sur ce sujet ; mais la regie clle-meme n'a pas en-
core etc imprimee. II l'a communiquce an grand -mait re des
Templiers de Paris, dont la Societc conserve un manuscrit
grec de 1'Evangile de saint Jean, qui a etc l'objet d'une disser-
tation latine de Munter. On trouve, sur ce sujet, des details
etendus dans la nouvelle edition de V H is loir e des Sectes reli-
gieuses, par M. Gregoire, ancicn eveque de Blois. 15. G.
Suisse. — Soleure. ■ — Notre concitoyen Jean Zeltnbb ,
membredu Grand-Conseil, et ancicn ambassadeur de la con-
federation Suisse en France, dont l'hospitalite gene reuse offrit
pendant quinze ans un asilean celebre patriote polonais Kos-
ziuszko. dont les bailliaces italiens admircrcnt le desintercsse-
NECROLOGIE. 5a3
ment, pendant tout le terns qu'il y exerca des fonctions or-
dinairement tres-lueratives , et dont les vertus ptihliques et
privees ne se dementirenl pas uu seul instant, a etc enleve
depuis peu a sa famille et a sa patrie. Sa memoire sera
conservee honorablement parnii nous. En annoncant cette
perte douloureuse, le Nouvelliste Vaudois fail cette observa-
tion :« Zeltner eut de commun avec les plus grands politi-
ques de FAngleterre d'aimer avec passion les literatures
anciennes. II fut toujours exempt de cet orgueil de noblesse
qui caracterise les petits esprits, et ne flit jamais courtisan. »
Pays-Bas. — Ciirtet, Dr medecin , professeur et Fun des
fondateurs de 1'Ecole de medecine a Bruxelles, mort dans
cette ville , le ig avril i85o, a la suite d'une longue maladie,
et au moment ou sa famille et ses amis le consideraient comine
entierement retabli. Cette perte a ete vivement sentie par les
habitans de Bruxelles, qui n'estimaient pas moins le beau ca-
ractere que les profondes connaissances et la rare habilete du
docteur Curtet. Sa jeunesse avait ete livree aux etudes et aux
travaux les plus penibles. Une maladie cruellc, dont il fut at-
teint sous les murs de Nimegue, le (it renoncer au service des
armees. Iletablit son domicile a Bruxelles, ou il fut, pendant
long-tems, directeur en cbef des bopitaux. Les fatigues qu'il
eprouva, apres la bataillede Waterloo, occasionerent untypbus
dont il ne fut jamais completetnent gueri. Les ressources de
son art et des precautions extremes ont pu prolonger sa vie,
mais ne pouvaient relever une constitution usee par des tra-
vaux excessifs. M. Curtet etait ne dans les montagno>s de la
Savoie, et a l'esprit actif et vigoureux qui distingue ses com-
patriotes, il joignait cette probitc severe qui leur amerite une
si belle et si universelle reputation. M. Curtet n'etait Sge que
de 67 ans. N.
Frakce. — Gohier [Louis Jerome) , ex-ministre de la jus-
tice, ex-president du directoire executif, mort a Paris, le 29
mai i83o, age de 85 ans (1). La Fiance vient de perdre un
ami pur et courageux des liberies publiques; la societe , un
bomme-modele dans les hautes dignites et dans Fexercice du
pouvoir, comme dans le commerce de la vie et dans le lover
(1) Ce discours devait «'tre iirononce sur la toml)e de M. Gohier, aprfcs
d'autres discours, hommage de liaute eslintc et de vive afl'ection que plu-
sieurs amis de ce verttieux citoyep se sunt empresses de payer a sa me
moire. Nous citerons entre antres celni de M. Bkhxabd, de Heiines, avo-
cat distingue, dont le beau taleut a deja servi, dans plusieurs Occasions,
la cause de la liberte.
5p4 MU'.HOLOGIK.
domesliquc. Cinquante — cin«| an> so soul ecoules dcpuis
qu'a l'ocia.sioii d'un nouwau regno Louis-Jerome Goliier pu-
blia, sous lo litre do Couronncmcnl d'nn Hoi, un petit drame
ingenieux, ou, quand tout etait llattcriu pour le trone, il
ci'o) ait le scrvir micux par dc sages, mais tres-souvenl in utiles
coiiscils.
Lebarreau de Ilennes le comptait parmi scs principalis ora-
tcurs, lorsque la Bretagne donna le premier signal de ce mou-
vement d'emaneipation qui devait etonner ct changer le
niondc. II entra dans cc inouveinent rapidc avec un coura-
gcux enthousiasmc, vcrtu dcs ames fortes, el l'ut un des pre-
miers acteurs de ce drame si grand, si long et si terrible .
dont le denoument a etc cnfin la consecration irrevocable des
libertes nationales.
Appele a la seconde legislature, president du premier tri-
bunal dc la republiquc francaise, ministre de la justice, mem-
bre du Directoire, la vie publique de Gohier l'ut souvent un
exemple, et toujours undevoument. Dernier president du Di-
rectoire, ilosaseul resister a l'homme, prodige des terns mo-
dernes, qui devait briser loules les resistances; et cet acte de
courage l'ut, peut-etre, laderniere grande vertu qui so montra
debout sur le tombeaudela republiquc. Chei'de l'fitat, Gohier
s'occupa des interets publics, et negligea les siens : il sortit
pauvre des dignites ou tant d'autres n'aspirent que pour clever
avec eux leur fortune. Deja c'etait un eloge au terns de Cin-
cinnatus : dc nos jours, c'est un de ces rares exemples donnes
au monde, et qu'il faut admirer. Line espece d'exil en Hol-
lande, avec le litre de consul-general, l'ut le chatiment il'im
noble caraclere ; mais ce qui semblait humilier I'ancien direc-
leur a la nouvelle cour des Tuileries le lit grandir dans l'es-
lime des homines. Desccndu des hauteurs du pou voir, il ren-
tra dans les rangs des citojens avec une conscience sans
leproche, avec des mains purcs, et une reputation de probite
que la calomnie n'a ose atteindre , et devant laquellc toutes
les passions, soulevees dans de longs orages, out garde lc si-
lence.
Simple dans ses habitudes, eleve dans ses sentimens, il vecut
en sage dans le doux commerce de sa famille, des lettres et
de l'amitie : car, pour lui, vivre, c etait aimer; pour un, loute
l'existence etait ramour du pays, etait sa famille, ses amis,
le bicn a faire, les services a rendre , la culture des lettres, et
I'atlrait pour les arts. 11 voulut s'associer a tous les actes ge-
nereux, et son nom est inscrit sur toutes les listes de souscrip-
tiousciviqucs. Lorsqu'un avocat celebre, que la France comple
NECIlOL(X;il«. 5-25
parmi les plus eloqucns defenseurs ties liberies nationales,
vint, naguerc, a Paris, dcfendre la memou'e de La Chalotais,
on Vit , avec attendrissemenl, <-elni qui avait porte le mantean
directorial, reprendre la robe d'avocat, se reunirau barreau de.
la capitale, et paraitre dans Ic sanctuaire de la justice, on ,
pendant la defense d'un grand inagistrat, lachenient calom-
nie, sa seule presence etait 1111 tcmoignage , et l'emotion de
ses traits l'eloquenlc apologie de celui qui avait ete son guide
et son ami. La veneration publiquc reposait sur ses cbeveux
blancs : il comniandait le respect, il iuspirait l'amitie. Heu-
reux d'aimer et d'etre aime, il achcvait son chemin dans la
vie, avec les jouissances du coeur , les plaisirs de l'esprit, el
des 1 eves de gloire et de bonheur pour sa patrie.
II s'est peint dans les Mcmoires qu'il a publics sur les der-
niers terns du Directoire ( voy. Rev. Enc, t. xxii, p. ^oo,');
et tous les partis y ont reconnu l'homme de bien. 11 preparait
un travail plus considerable, les Memoires de toute sa vie;
desirons que ce dernier ouvrage ne S'.it pas perdu pour ses
contemporains et pour la posterity : car, e'est a de tels hom-
ines qu'il appartient d'ecrire ce qu'ils ont vu , ce qu'ils ont
fait. La verite se monlre alors dans l'histoire sans reticences
et sans laid, et l'histoire est seulement alors le gr;md moui-
teur des peuples et des rois.
Quelques doux loisirs dans la vie de Gohieretaient occupes
par la culture des fleurs : il composait, dansces derniers terns,
un poeme sur les quatre ages : octogenaire, il chantait 1'en-
fance dans des vers pleins d'esprit et de sentimens, de natu-
re!, de grace et de fraicheur : on cut dit des fleurs du prin-
tems epanouies dans les champs de l'hiver. C'etait un homme
des terns anciens, qui avait traverse presque tout un siecle,
sans rien perdre de cette bonte native que les passions alte-
rent; rien de cette franchise que le commerce des hommes
rend une vertu si difficile; rien de cette sensibilite douce etpro-
fonde que l'agedetruit. Quatre-vingt cinq hiversn'avaient glace
ni son esprit, ni son cceur. II s'exaltait encore pour tout ce qui
etait bien, pour tout ce qui etait grand; il avait de l'enthou-
siasme et des vceux pour son pays; il avait des larmes pour
Pinfortune, de l'indignation contre le crime, une Constance
dans l'amitie a toute epreuve, un facile entrainement vers tons
ceux qui honoraient , par leurs talens, les lettres ou les arts.
La Fiance gardera toujours la memoire d'un de ses meil-
leurs citoyens, que la niort a respecte si long-tems, et jus-
qn'.i ce jour funeste, comme pour montrer a ceux qui depen-
dent les libertes publiques un modelc vivant de courage et de
526 NlfcllOLOGIE.
vertu, commc pour donna- a rcux «[n i calomnient les vieux
citoyens des terns dc la repubtique nn dementi vivant, et
pour leur apprendre que, dans ces terns difliciles, vecurent
des hommes forts et moderes, ardens et genereux, devoues
pour la patrie et pour riiumanite. Cette tombc ne sera point
muette : elle aura son eloquence; ct 1c nom de Gohier suffira
pour rappcler un grand exemple et de grands souvenirs.
VlLLENAVE.
Vers, SnprovisSs stir la tombc de M. Gohier.
L'un des plus vicux debris des jeunes republiques,
Et, dans les terns nouveaux, 1'noiame des terns antiques,
Gohier mourant disait, en son dernier emoi :
Mon pays est encor plus malade que moi (1).
(Historique.)
VlLLENAVE fits.
(1) En recueillant ici la derniere penste d'un bon citoyen, qui, sur boo
lit- de niort, s'occupait encore uniquement des inlerels de sa patrie,
nous devons cependant faire reniarquer combien cette pcnsee, inspirce
par un sentiment profond des malheurs publics, manque de vetile. La
France, qui a survecu a de longues et ci uclles agitations, qui a ^te occu-
pee par les Anglais, qui, apres avoir porle elle-meme dans une partie dc
1 Europe ses amies victorieuses et souvent I'induence bienfaisante de ses
mreurs et dc ses lois, a vu son lerritoiie envabi deux fois, en moins de
deux annees, par la coalition europeenne, et s'est relev^e avec glo'tre
apres tant de malheurs : la France, noble espoir des nations civilisees,
toujours forte ct vivace par son esprit national, par son courage, par la
bonte de ses institutions, par l'union de ses meilleurs citoyens et de ceux
qui eomprennent le mieux ses interets et ses besoins , sortira bientot
triomphante de la crise nouvelle que des passions iniprudentes , de
vieilles et incorrigibles pretentions ont suscitee.
M. A. J.
TABLE DES ARTICLES
CONTENTS
DANS LE GAHIER DE MAI i85o.
1. MEMOIRES, NOTICES ET MELANGES.
Pages.
1. De l'expe^lition contre Alger. . . . J. C. L. dc Sismondi. 267
•>.. Rapport sur les irruptions et les progres des maladies pesti-
lentielles, pendant Tannee 1829. . . . Moreau de Jonnes. 297
3. Reclierches sur les produits compares des revenus privets et
publics de la France et de la Grande-Bretagne 5o2
II. ANALYSES D'OUVRAGES.
4. Journal dun voyage a Temboctou et a Jennd, par M. R6ne
Caillie Cltauvet. 5 10
5. Tableau dc la constitution politique de la monarchic fran-
caise selon la Charte, par A. M;>hul D. M. 553
6. llistoire universelle de l'antiquite, par Schlosser, traduite
de I'allemand par P. de Golbery D — g. 345
7. Poesies d'Adam Mickievicz , traduites en francais par
MM. Miaskowski et Fulgeuce Alph. d'Herbelot. 55fi
8. L'Astronomic, poeme. par M. Daru Y . Z. o~7>
III. BULLETIN B1BLI0GRAPHIQUE.
Annonces de 85 ouvr ages, francais etetrangers.
Amerique SEPTEivTiiioNAT.E. — Etats-Utiis, 5 583
— Mexiquc, 1 outrage periodique 586
Europe. — Grande-Bretagne, 7 • • • 388
— Russie , 4 ^99
— Danemark, 1 4^3
— ALlemagne, 7, dont 2 outrages periodiques 4°4
— Italie, 4 4J4
— Pays-Bas ,6 4 ' 8
Fbance , 52, savoir : Sciences physiques et naiurelles , i5. . . . [\<>.i
— Sciences religieuses, morales, politi.ques et historiques , 10. . . 441
— Littirature, 18 455
— Beaux-arts, 2 4?°
5a8 TABLE HE.- AUTlCiES.
— Mimoires et Rapports de sociitis savarites, 1 t\~\
— Ouvrages periodiques , l\ 47G
— Litres en iangu.es Mrangeres , imprimis en France , 2 . . . . 4^*>
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRKS.
AsiERlQUE SEPTENTRIONALE. ElalS- UlltS ! Exlia'lt d 11110 lollfe
adressee do New-York a M. Jullien clc Paris. — Ho forme dee
lois criminelles 4$2
Ameriqoe meriiuonale. — Colombie : Coup d'oeil rapide sur la
conduito du general Bolivar, et appreciation impartiale des
accusations dirigees coatro lui 4^4
EUROPE.
Granpe-Bretagne. — Londres .-Projol dun cimetiere national. . 4o°
Rissie. — Kertch i Kouvelles decouvertes d'antiquiWs 4|)>
— Suede. — Stockholm : Academic des sciences : dominations
de membres residaus et etrangers ; Musee d'liisloire natu-
relle. ■ — Acadomie suedoise 4$|3
Aleemagne. — Documons rclatil's a la statisliquo morale de la
nionarcliio piussieiinc. — Leipzig : Accroissomont du com-
merce do la librairio 4(j4
Italie. — Pcnise : An tiquites expliquees par le Dr Labus. , . . 490'
Pats-Bas. — Emancipation dos Juifs : EITcts remaiquables de
leur rehabilitation on Hollando. — Deeenter : Celebration
du jubile de rAthonoe 497
France. — Paris : lnstitut : Acadomie dos Sciences : Seances du
3 au 5i mai ; Acadomie dos inscriptions : Election de six
membres. — Societe ccnlrale dagriculture : Seance publique
annuelle. — Society franeaise de statistique univcrselle :
Prix proposes. ■ — Publication prochaine d'une liistoire
scientifique et militairederexpedition franeaise en Egypte.
— Reclamations de MM. Beltrami et. Gasc. — Clironique
des theatres pendant le mois de mai. — Beaux-Arts : 1V0
rama : Abbaye de Westminster. Diorama : Vue de Paris,
une scene du deluge. Alusee Diocletien '. . /|<|<S
Necrologie.
Plorwege : Platen. — Dancmark : Munter. — Suisse : Zeltner.
— Pajs-Bas : Curtet. — France : Collier , . . . 5a 1
TABLE DECENNALE
REVUE ENCYCLOPEDIQUE,
Repertoire general des motiercs contenucs dons les
QUARANTE PREMIERS VOLUMES dc C€ Becucil (df. 1819 A
1898 INGLES. )
yto$fcct\x$.
La direction do la Revue Encyclopediqie s'etait propose
tie publier, apres chaque periode de cinq annees, la Table ge-
nerate et raisonnee des matieres contenues dansce Rccueil.
La ire serie, de 1819 a i8'i3 inclus., qui comprenait vingl
volumes, etait depuis long-tems terminee, et prete a etre li-
vree a I'impression. Les faits, notions, inventions, decouver-
tes, etc., y sont classes, sous l'indication generale des con-
trees et des sciences auxquelles ils appartiennent, de manure
que le lecleurle moins exerce puisse facilement comparer
entre elles, soit les differentes nations et leurs litteratures,
soit les diverses branches des sciences et des arts, retrouver
exactement ce qui appartient a chatune d'elles, et apprecier
leurs progres, ou leur decadence.
Les ouvrages analyses ou an notices dans la Kevie sont cites
( » )
dans noire table, soit soqs le&differens litres des mutinies aux-
quclles ils sc rapportent, soit aux noms des auteurs, cdilcurs,
savans ct artistes dont la Revue a mentionne les ouvrages, les
inventions on les travaux.
Enfin , les rcdacteurs, les collaborateiirs ct les correspon-
dans qui ont insere des Me moires, ou des Analyses danscc ile-
cueil, en trouveront Vindication complete u l'article qui les
concerne.
La a" serie, de 1824 a 1828 inctus , comprenant les vingt
derniers volumes, a etc excculcc dans le ineme ordre et sur le
memeplan. Mais, conune, si elle elait publiee separement, elle
presenterait la repetition obligee des memes indications gene-
rales pour la plupart des articles ouverts dans la premiere
serie, nous avons pense qu'ily aurail un grand avantage, pour
les souscripteurs, a reunir ces deux tables quia que 11 uales, et a
les fondre eu une seule qui deviendrait decennale. Ainsi, un
grand nombre d'artictes qui, fraction nes, ne presenteraientquc
pen d'iuteret, en offriront beaucoup par la reunion de tou-
tes les notions on observations dont leur ensemble se compose.
IVune part, il y aura economic, sous le rapport du materiel;
d'autre part, les souscripteurs, pouvant embrasser d'un coup
d'ceil, sur chaque maliere, un espace de dix annees, auront
sous la main le tableau complet de la statistique morale, phi-
losophique, srientifique, litteraire et industriclle, tant de la
France que de tons les pays de l'Europe, et tel qu'il resultera
des Memoires et Notices, des Analyses et des Comptes rendus,
et des auties. Articles inseres dans les quarante volumes qui,
jusqu'au 1" Janvier 1829, torment la collection complete de
la Revue Enryclopedique.
Cette Table decennale, indispensable pour ceux des abon-
nes de notre Recueil qui en ont conserve la collection, ne sera
pas moins utile a tous les amis des lettres, qui, sans avoir la
Revue Enryclopedique, voudronl la consulter, etse tenir au cou-
rant de la marche et des progres des connaissances humaines
et des nations comparees, depuis 1819 jusqu'a 1829. Elle for-
mera deux volumes, susceptibles d'etre relies en un seul, et
d'environ mille pages d' impression en tout, sur deux colonnes,
meme format que celui de la Revue. Le prix en est et demeu-
rera fixe a i5 fr. pour Paris.
Nous engageoas ceux de nos abonnes qui ont deja temoi-
gnc le desir de souscrire, ainsi que ceux qui ne 1'ont pas en-
(5)
core fail, a nous faire parvenir leur demande en regie, sans
avance tie fonds, dans le plus court delai possible, afiu que nous
puissions arreter, d'une maniere definitive, lenombre d'exeni-
plaires qu'il sera necessaire de faire tirer. On ne paiera qu'au
moment de l'expedition de la table decennale , dont l'impres-
sion aura lieu, aussitot que nous aurons reuni unnombre suf-
fisant de souscripteurs pour couvrir nos avances.
Nota. Les personncs qui voudront souscrire sont priees
d'adresser, dansle plus court delai, franc deport, a la Direc-
tion de la Revue Encyclopedique, rued'Enfer-Saint-Michel,
n° 18, 1'engagcment signe par elles, dont le modele est ci-
apres :
Je soussigne,
demeurant a =
declare souscrire pour exemplaire de la Table
iilce.-vn ale de la Bcvue Encyclopedique, ou Repertoire general des matiires
contenues dans les quaranto premiers volumes de ce Recueil (de 1819 a
1828 inctus.), devant former deux volumes in-8°, en tout d'environ
mille pages d'impression , a raison de quinze fr. pour I'ouvrage entier,
livre a Paris, au Bureau d'abonnemenl de la Revue, hue de t.'ODKOi»,
n° 3o; ladile somme payable en recevant I'ouvrage.
A le i83o.
(4
Education : IMan d'education
dresse pour le roi de Rome et les
autrcs princes du sang, sons l'in-
«poctiou personnelle de I'empe-
ieur Napoleon , publie a Lundres,
VI, 610; VIII, 578. — Extraits
des ouvrages des auteurs les plus
estimes qui out ecrit sur l'educa-
tion, VII, lSg. — Principes d'e-
ducation intcllcctuelle , morale et
physique, 1S8. — Le monde des
Emilcs, on l'education sociale,
55s. — Education premiere, 011
maniere de diriger les enfans, con-
sideree sous le rapport de leurs ca-
racteres futurs, 3j5. — Traite d'e-
ducation publique et privee dans
une monarcbie constitutionnelle,
5gi. — Education des pauvres, a
Lausanne, 616. — Systeme d'edu-
cation britannique , par Dufief,
VIII, n5. — Sur l'education des
classes inferieures en Angleterre et
dans quelqucs antres pays, a44- —
Extraits sur l'education , tires des
meilleurs auteurs , en Angleterre ,
5/19. — De la premiere education , ou
de la direction des enfans, relative*
men t a leur caractere futur, IX , 1 58.
— Projet de bill en Angleterre,
pour l'education des pauvres, 54p.
— Expose du systeme d'education
piimaiie suivi en Suisse, en Alle-
magne ct en Hollandc, XI, 162. —
Des instituts d'Hofwyl, consideres
plus particulierement sous les rap-
ports qui doivent occuper la pen-
see des hommes d'Etat, 49^. —
Question sur la garantie que l'edu-
cation publique doit offrir a l'Etat
ct aux parens, XII, 222. — Coup
d'ceil sur l'education, par Gautier-
Sausin, XIII, 4^3. — Plans pour
['education et Instruction liberale
des jeunes gens reunis en grand
nombre, ecrits en anglais, XV, 320.
— Essais sur les principes elemen-
taires de l'education, par Spur-
zheim, XVI, i56". — Discours du
P. Gerard sur la necessity de cnlti
ver l'intelligence des enl'ans, 1 84-
— Expose analytique des metlm
des de rat be GauWler, par Jussieu,
353. — Preceptes d'education, pat
L. Ronneschi, X.VI1I, 157. — E»
s»i sur l'histoirc du developpemeul
moral et industriel de I'honime,
6i3. — Esquisse du systeme d'edu-
cation suivi a New-Lanark, XVI 1 1,
5; XXV, 119; XXVI, 83i. — l)e
la melliode employee, il y a qualie
siecles, a Mantoue , par Vict. de
Feltre, XIX, a3i. — De I'hcu-
reuse influence d'une education
perfectionnee dans tons les pays,
XX, 121. — Le livie des peres el
meres, pendant la premiere edu-
cation de leuis enl'ans, 176. — L'in-
stitut domestique de Liederskron,
a Erlangen, XXI, 375. — Prin-
cipes, conseils et questions sur
l'education et ('instruction de In
jeunesse, par F. Delbrnck, XXI,
619. — Itistitut d'education pesta-
lozzienne a Riquewihr (Haul
Rhin), XXII, 419. — Considera-
tions sut les causes de l'education
sccondaire, par Renouard, XXI V,
45o, — Observations sur celle que
1'on donne au peuple, par Rrou-
gham, XXV, 727. — Essai sur l'e-
ducation des femmes, par Mme de
Remusat, 776. — Essai d'educa-
tion nationale, par La Chalolais,
XXVI, 519. — Le conservaleur de
I'enfance et de la jeunesse, 809. —
Lettressurl'education, par Rom. in,
85o. — Manuel des jeunes meres,
par Leger, XXII, 186. — Essai sur
l'education, publie a Rruxellcspar
L. de R.... 476. — Autre, pbysico-
moral, par Paselti, XXVI 1 1, iS-!.
— De ['education des indigens
dans les colonies des Pays - Ras,
XXX, 570. — Essai sur celle des
femmes, par Mme de Remusat,
766. — Statistique de celle de la
Haute-Ecosse en 1826, 3i, o^g. —
Lettres de famille sur l'education
domestique, par M"IC Guizot , 335.
LL II, III I.ILU
AuX ACADEMES ET AUX SOCIKTBS SAVAXTES de tOUS leg pays.
Lcs Acadbmibs eflcs Socaetks savaut**** »'<rriuirtf htbuqoe, franchises
et eh-angeres , soirt invitees a fake parventr exa clement , francs de port,
an Directeur de la Jteixie Encyclopedia ue, aim d'Exfbr -saint- MicHEt,
m' 18, les camptes rendu* de leurs travauxet les programmes desprix
qu'elles proposent , afin que la Revue puisse lcs fairc connaitre le plus
promptement possible a scs Jectems.
AUX EDITEURS D'OUVRAGES ET AUX LIBRAIRE3.
MM. les Editeurs d'ourrages periodiques, francais et etrangers, qui
desireraient ecbanger leurs recueils avec le notre, peuvent compter sue
le bon accueil que nous ferons 4 leurs propositions d'eorxaoge , et sur une
prompte annance, dans la Revue, des publications de ce genre et <ks
autre* ouvrages , nouvellenieut publics . qu'ils uous auront adresses.
AuX EDITEURS DES RECUEILS PERIODIQUES, ES ANGLETEBRE.
MM. les Editeurs des Recneib periodiques publics en' Angleterre sont
pries de faire rcmettre leurs numeros a M. Kolandi , a Londres , n° 20,
Bemers-street , Oxford -street , qui leur transmettra , ehaque mois, en
echange, los cahiers de la llvvue Encyclopediquc, pour laquelle on peut
aussi souscrire chez lui , soit pour l'annee courante , sort pour se procurer
kas collections des annees auteiieurei , de 1819 a 1&J9 jnclustvement.
AUX LIBRAIBEi ET AUX £DiTEURS D'oUV&AGEg, MMJJ&tg&t
ET EH 1TAXIE.
M. Zmr.fcs, librahc a Leipzig, et M. G. Piatti, libraire 4 Floreaee ,
«mt diargos deTecevuirot de nous faire parvenir les ouwages publics ea
Allemagne et en Itatie , que MM. les libraires, les editeur* et les aufceors
deeireront ratre aaooocer dans la Revue Er.cyclopedique.
Tom les ocrrsges aononces dans Ja Jiewe se tTi>u7£ttt &ki
Siniuor, LitBj.ua, xu£ de 1'Odeon, n* 3o,
S0USCRIPT10N.
La Bavttc Erieyclopcdique pa Wit mensucllemcit, depuh Janvier 1819,
parcatuers.de 12 a rj fettiUcs'd'i'nipressJon; Troiscahiers formenl tmvo-
lumu, termiue par une Table analytiquc et alphabetiquc des matidres.
Chaqnc annee est Lndepcndantc des annces precedentes, et c-QYe unc
sorte d Annuairc scienlijiquc ct litterairc, en 4 volumes in-S°.
Prix de t'Abonnemcnt.
A Paris. 4G fr. pour un an ; 26 fr. pour six inois.
Dans les departemcns. 53 00
A 1'ctraDgcr 60 34
En Anglelene 7 5 42
A purlir du 1" Janvier ou du i« juillet.
Le montant dc la snuscription , envoye par la poste, doit ftrc adresse
d'avance, fba.ic db port, ainsi quit la corresportdance , au Direcleur dc
la Revue Encyctoptidique, rue d' 'Enfcr-Saint-Michct , n" 18. G'esl a la meme
adresse qu'ou devra envoy ev les oftvrages de tout genre et les gravities
qu'on voudra lake aunonccr, ainsi que les articles dont 011 desirera lln-
sertion.
On souscrit aussi a Paris, chez ks libruires ci-apres:
TaKOTTBr. et Wubtz, rue dc Bourbon, n° 17;
Ghahlbs Bschbt, quai des Augustiiis, n° 55 ;
Rer et Ghayieh, quai des Augustins, n° 55 ;
A la Gaiebik pb Bossakgk perc , rue Richelieu, u« 60;
Boret, rue Haulefeuille, n° 12 ;
J. Rexocakd, rue de Tournon, n° 6.
On souscrit aussi chez tous les Directenrs des postes, ct chez les prin-
cipaux Libraires, dans les departemens, et dans les colonies.
LiBRiiRES chez lesguels on souscrit dans les pays etrangers.
Amsterdam, Delacbaux.
Anvers, Ancelle.
Arau (Suisse), Sauerlander.
Berlin, Schlesinger.
Berne, Clias; — Bourgdorfer.
Breslau, Kcygel.
BrucceUei , Bujardin -Sailly ; —
Dcmat ; — Horgnies-Benie ; —
Librairie parisience, i'raneaisc et
ctrangere. * ■
Florence, Piatti; — Vieusscux.
Fiuncfort - sur - Mcin, Jugel.
Hand, Yamicnkerckoven fils.
Ocnive, Cherbuliei; — Barbczat
et Delaine.
La Have, les frercs Langenhuyscn.
Lausanne, Fischer.
Leipzig, Brockbaus; — G.Zirges.
Liege, Dcsoer; — Colardin.
Lisbonne, Paul Martial.
Londres, V. Rolandi; — Dulau et
O ; — Treuttcl ct W'urtz; —
Bossange,Bartliez,LovvcllciC
Madrid, Dennee; — Peres.
Manheim , Artaria ct Fontaine.
Milan, Gicgler; Vismara ; Bocca.
Mont, Le Boux.
Moscou, Gautier; — Riss pereetfils.
Naples , Borel ; — Marotta et
Wanspandock.
New-York (Btats-Unis), Foreign
and classical bookstore; — Bu-
rard et Mondon.
Ayi in cllc - Orleans , Jourdan; —
A. L. Boismare.
Palerme (Sicile), Pedonne et Ma-
ra tori ; — Bti'iif (Gh.).
Pctersbourg, F. Bellizard et C'S—
Graeil'; — Pluchart.
Rome, de Bomanis ; — Merle.
Stuttgart et Tubinguc, Gotta.
Turin, Bocca.
Varsovic, Glucksberg.
Vimne (Autriche), Ger'old ; —
Schaumbourg ; — Scliaibaclier,
JMFRIMERIE DE fLhAShS ET C'% HTE DE VACI
ANALYSE RAISONNEE
DES PRODUCTIONS LES PLUS REMARQUABLES
DANS LA LITTERATURE, LES SCIENCES ET LBS ARTS}
PAR UJWB REUMON
BE MBWBRES DE L'iRSTHXT ET d'aTJTRES HOHMES DE LETTRE6.
A PARIS,
AtJ BUREAU DE LA REVUE ENCYCLOPliDIQUE,
Et chez SEDILLOT, libraibe, rcb de l'odeoh, «t° 3o;
ARTHUS BERTRAN&, ebb hmjibfsvhui , n« >3.
JWN 1830.
NOMS
DES COLLABORATEURS
ET DES CORRESPOKDANS, FRAA'GAIS ET ETRANGERS.
J" Pour les Sciences physiques et maihematiques et les Arts indtislriets:
MM. Bailly dk Mbrueix, Casasbca, de Madrid; Ch. Unix, Giraed,
Natikb, de l'lnstitut ; J. J. Babdb, Dibrchfal't, H. Dussabd, Fb«ey,
Fbascoblb, Ad. Gondinbt; D. Lardher, dc Londres; A. Micbelot,
be Mobtceby, Moheao db Jorkks; Quktelet, de Bruxclles; ,T. Richard;
Warden, des Fjats-TJnis d'Amerique, etc.
a» Pourlcs Sciences naturctlcs : MM. Flouhkks, Geoff boy Saiht-Hilajbb,
de l'lnstitut; Buby de Saist-Vijicbkt, conespondantde l'lnstitut; Mathiru
Bohafoos, de Turin; B. Gailloh, de Dieppe; Isidobb Geoi froy Sajnte-
HlLAIBE, HuOT, etC.
3° Pour les, Sciences medicates : MM. Dashboji,G.-T. Dojjj , Fossati,
Gasc; Gersoj* , deHambourg; de Kihckhoff, d'Anvers ; Loysss; Ri-
collot ills, d* Amiens, etc.
4° Pour les Sciences phitosopluques et morales, politiques, geographique*
ct historiques : MM. M. A. Jillies , de Paris , Fondateur-Directeur de la
Revue Encyctopidique; Arth. Bblt.not, Ad. Blahqdi; Alex, de la Bobde,
Jouahd, de l'lnst. ; M. Ave^el, Babbie do Bocagb Ills, Bekjaatik Cons-
taut, Cn. Gomtb , Depfikc , Dlfau, Dlnoyer, Ciigmadt, A. Jalbebt,
J. Labouderib, Laichjisajs, P. Lami, Isidore Lebrlk, Lesuefr-Mebli:?,
Massias, Albert-Mowtkmoht, Ei/skbe Salvbbte, J. -15. Say; Siuokdb de
Sismokdi, de Geneve; Wabneoehig , de Liege, etc.; Dupin nine;
Beevillb, Boccbenb-Lbfsb, Pareht-Rbal, Ch. Reaoijard, Taillakdieb,
avocats, Vidalrbe, du Perou, etc.
5° Pour la Litteraiure franraise ct e-lrangere, la Bibliographic, VArckeo-
logic et les Beaux-Arts : MM. Andb>eux, Ajiacby-Doval, Emkric David,
Lemeecier, de Segue, de l'lnstitut; Alloc; Andrtei'X, de Limoges;
Ma* L.-Sw. Belloc; MM. Blbkouf Cls, Chauvet; Chiabiki, de Varso-
vic; P. -A. Coopis , Fb. Degbobgb, Dumbbsah; Ed. Gaottibr-d'Arc ;
Ph. Golbbbt, correspondant de l'lnstitut; Leon Halevy , Henrichs,
E. IIkbbab, Al'Gdste Jdllibic fils, Bbbkabd Julliek; Kalvos, de Zante;
Adbies-Lapahcb , J. V. Leclerc, A. Mahil. Mokglavb ; Mohxard, de
Lausanne; C. Pagakil^ H. Patih, Aksblmb Petetin, Porcerville, de
RsiFrEHEEBG ; de Stassaht, dc Bruxellcs; Fa. Salfi, Schnitzler, Se»-
vaj» dbSuchy; LeohThiesss, P. F. Tissot, "VicuiEn, Vjllbsate, etc.
REVUE
ENCYCLOrEDIQUE.
ou
ANALYSES ET ANNONCES RAISONN^ES
«ES PRODUCTIONS LES PLUS EEMAHQCABLES
DANS LA LITTERATURE, LES SCIENCES ET LES ARTS.
L MEMORIES, NOTICES,
LETTRES ET MELANGES.
DE L'ABOLITION GRADUELLE DE L'ESCLAVAGE
DANS LES COLONIES ETROPEENNES,
Et notamment dans les colonics francaises ,
Considerie d la fois dans I'intevet des esclaves^ des maitres, des
colonies et dos Metropoles.
PREMIER ARTICLE.
L'histoire de cette question est I'hisloire
de toutes les questions de justice et d'hiima-
nite. Quand elles ont ele proposees, elles out
rencontre tin nombie considerable d'oppt-
sans; et, lorsque leurs effetsont eti bien con-
nus, elles ont oblenu rassentiment universel.
(Philips, Discours a la Chambre des Com-
munes, session de 1S26.)
Le nouveau tribut que nous venons offrir a cette contro-
verse vive et animce dont l'esclavage colonial est depiiis
T. XLVl. Jf«N i83o. 54
55o DE L' ABOLITION GRADUBLLE
long -tems l'objet en Europe n'est ni base Stir les TRcmc*
princMoeS) ni traite d'apres la meme mcibode que la plupart
des edits qui I'ont precede. Le sujet s'est presente a nos re-
gards sous un aspect que nous oserions presque dire nouvcau.
En effet, nous ccartant cntiirement du mode d'examen qui
consiste a envisager l'esclavage d'une manicrc generate et
speculative, a rechcrchcr la nature ct 1c fondement dc cetle
institution sociale (s'il est permis de lui donner ce litre), a
faire connaitre les modifications qu'eile a subies chcz tous les
peuples, nous nous sommes bornes a considerer exclusivcment
l'esclavage colonial, a en ofl'rir un tableau tout subslantiel, tout
compose de faits posi til's et concluans, ct d'ou resultat la ne-
cessite pressante de l'abolir. Nous avons concentre tous nos
efforts sur le systcmc considers dans ses effets actuels ; nous
I' avons tourne dans tous les sens, examine sous toutesles faces;
nous avons puise en lui des armes pour le combattre , et fait
en sorte qu'il portut lui-meme son propre arret de condam-
nation. En unmot, on s'etait surtout efforee de presenter
l'esclavage des noirs comme contraire a tous les droits ; nous
avons fait voir qu'il est contraire a tous les intercls. On avait
reussi a prouver qu'il est criminel ; nous avons demontre qu'il
est absurde. Ce travail se trouve par la suflisamment carac-
terise.
Peu de mots suffiront pour en devclopper le plan. II sem-
blait qu'avant de prononcer , et pour pouvoir prononcer en
connaissance de cause sur le regime de l'esclavage, il fallait,
d'abord, constater ce qu'est actuellement ce regime. Dans ce
but, nous avons commence par offrir un resume fidele et im-
partial de l'etat oil se trouve aujourd'hui la population agri-
cole de nos colonies, soit d'apres la loi faite pour ellc , soil
d'apres Vusage qui en differe si frequemment.
La constitution actuelle de l'esclavage etant ainsi suffisam-
ment connne et averee, nous avons successivement examine
ses resultats sous tous les rapports possibles et conclu dc ret
cxamen 1'imperieuse necessite del'aliolir; et, comme il est
arrive quelquefois qu'en accordant cetle necessite on alleguait
DE L'LSCL/VVAGE. 55i
tine imfposgibilite materielle tiree <le la nature memc des chose?,
nous avons fait voir que ce n'est la qu'une croyance erronee,
qu'un prejoge qui cede a nn examen approfondi. Enfin , ju-
geant qu'il ne suffisait pas d'avoir prouve que 1'esclavage doit
etre delimit, mais qu'il fallait montrcr comment il pent 1'clre,
nous avons termiue en indiquant la marche qui nous parait
devoir etre adoptee pour consommer cetle grande revolution,
sans s'ecartcr du respect du a la propriete privee , sans
coinpromettre le maintien dc la paix publique dans les co-
lonics.
Le travail s'est trouve ainsi divise en trois parties, dans les-
quelles on ctablit succcssivement :
i" Quelle est la condition actuellc des esclaves d'apres la loi
el I'usage des colonies;
2° Qu'il resulle de la condition acluelle de 1'esclavage colo-
nial qu'il est necessaire de l'abohx, et que cette abolition pent
sc concilier avec l'existenec des colonies;
5° Quels sont les rnoyens a prendre pour opercr l'abolilion
graducile de 1'esclavage.
La composition de ce Memoire a exigc plus de peines et dc
soins qu'onne pourrait le croire, a cause du grand nombre dc
sources ou il a lallu en puiscr les materiaux. Nous avons la-
che de le rendre aussi complet que possible. Au surplus, e'est
une pensee plus baute que le desir de meriler d'honorables
suffrages qui a excite notre zele et soutenu nos efforts; l'es-
poir que peut-etre il pourrait concourir a faire adopter une
utile et glorieuse re forme, que tout au moins il donnerait, dans
un lieu ou dans un autre, l'idce d'un bienfait auquel on ne
songeait pas, qu'il pourrait en resulter des ameliorations dans
le sort de quclqucs malheureuscs creatures d'une contree loin-
taine; cette pensee a efface toutes les autres ; elle nous emeut
encore profondement : e'est assez dire que nous avons eu bien
plus en vuc, dans ce travail, une bonne action qu'un bon ou-
vraae!
DE L'ABOLITION GIUDUELLE
PREMIERE 1'ARTIE.
Condition des enclaves iCapres la loi et C usage des colonies.
§ I". Dans les colonics francaises. — La legislation coloniale,
en malierc d'esclavagc , a encore pour base fondamcnlale
dans nos etablissemcns l'ordonnancc celebre dc i(i85, contre-
signee Colbert, et connue sous le titre de Code noir (i). La
condition des esclaves s'y trouvc ainsi reglee :
Les mailrcs doivent i'aire instrnire leurs esclaves dans les
principes du christianisme, et leur pcrmettre dc prendre part
aux exercices religieux; tout travail doit cesser, depuis I'heure
dc minuit du samedi jusqu'au minuit suivant.
Lc concubinage avec uneesclave est interclit, sous peine d'a-
mende ; les enfans cjui en sont issus ne peuvenl etre afl'rancbis
que par l'union du pcre avec sa concubine, laquelle, en ce cas,
vsl tenue aft'rancbie, et ses enfans liljres el legitimes. L'enfant
suit toujours la condition de sa mere.
Les esclaves ne peuvent sc marier, sans la permission dc
leurs maitrcs; mais ceux-ci ne peuvent les marier contre Icin-
gs.
La quanlile de nourriture et l'espece des vetemens que les
maitres doivent a leurs esclaves sont fixes. II est del'endu dc so
dclivrer de ce soin, en accordant aux esclaves certain jour de la
semaine pour travaillcr a leurcompte. Encasd'int'raction de la
part des mailres ou de traitemens barbares et inbumains, les es-
claves ont droit de recoursaupres du procurcur-general, lequel
est tenu de poursuivre.
Les maitres peuvent encbainer leurs esclaves, et les faire
battre de cordes ou de verges , mais non leur faire dormer la
torture ou les mutiler dans urt de leurs memhres, sous peine de
confiscation dudit esclave.
(i) Morcau de Saint-Merry. Lois el Constitutions des Colonics. In -4",
ton), I.
DE LESCLAYAGE. 533
Les esclavcs malades ovi infiimes reslcnt a la charge de leurs
natures. Ilest ordonnc a tout possesseur d'csclaves de les gou-
"verner cu bon pert* de famille.
Les esclavcs ne pen vent rien posseder, ni fairc aucune dis-
position quelconque; ils sont meublcs, et leur condition est
generalement reglee conime cellc des autres objets mobi-
liaires. Ils ne peuvent etre admis conime arbitres, ni comme
lenioins. Observons, quant au temoignage, qu'il fut reconnu
postcrieurcment, que la plupart des debts coinmis dans les ha-
bitations resteraient iinpunis, si Ton appliquait rigourcusc-
ment le principe ; le temoignage des esclavcs fut done admis ;
mais en aiicun cas centre leurs ma'dres. Cette regie a ete gene-
ralement suivie dansnos colonies; la Gourde cassation l'a for*
mellcmeut consacree en 1828.
Les esclavcs ne peuvent intenler aucune action en justice,
lis sont juges d' apres les formes et par les magistrals ordi-
naircs; ils jouissent du droit d'appel au conscil souvcrain;
ee droit fut dans la suite rest rein t aux cas de mort ou dejarrcls
eoupesr
L'esdave qui a fiappe son maitre ou quelqu'un des siens
avec contusion et effusion de sang , an visage, sera puni tie
mort. La meme peine pout egalemeut lui etre infligce, suivant
les cas, pour violences covers des personnes fibres.
Nous reviendrons ailleurs sur les dispositions relatives aux
affranchissemens.
A cctte loi nous devons ajouter l'oidonnance porlec, un
Steele apres, par Louis XYI, en 1784, et qui contient plusieurs
dispositions en faveur des eselaves.
Get acte, apres avoir micux specific les heures de rcpos
accordees aux esclavcs, les jours de fetes et dimanches, statue
qu'il sera alloue a ebacuu d'eux un petit terrain qu'ils cultive-
ront dans leurs loisirs, et dont les produits tourneront entie-
lement a leur aisance personnelle.
II doit etre, en outre, ctabli sur les habitations des terrains
suflisans en vivres, ainsi qu'un hopital acre et raeuble de lit-
pour les malades et les iufirmes.
531 DE L'ABOLITION GRADliKLLK
II est defendu de laisscr coucher les eselaves par tcrrc.
Les femmes enceintes et les nourriccs ne seront assujclties
qu'a un travail modcre : les meres de six enfans soul cxemples
d'un jour de travail par scmainc, pour la premiere annee; de
deux pour la deuxienic, et ainsi de suite-, jusqu'a ce qu'cllcs
soienl exomptes de toute espece de travail.
Le nonibre des coups do fouct infliges commc chalimcnl est
limile a cinquante.
Les procurer,:* ou eoonornes des habilalions peuvent tire,
snivant les cas, revoques de ktirs fonclions, condanmes a des
amondes, memo A la peine de inort.
L'annee suivante, sur quelques representations des colons,
une nouvelle ordonnance enjoignit aux eselaves de porter
respect et obeissancc aux personues p; eposees sur cux, commc
a leurs mailres menies; mais tout en spocifiant qu'il ne I'allait
qualifier d'insubordination les justes ptaintes des eselaves tou-
e'nani la now riture, les traitcmens abusifs.
Ainsi se trouva (ixec la condition legale des eselaves; la
revolution vinl changer cet ordre dc choses. L'esclavage Cut
Jtboli dans tonics nos colonies par la Convention nationale ;
mais le gouvernement consuiaire se hala d'annuler cet acte de
la -Convention, et la loi du 5o prairial an X y rclablit tout sur
le pied de 1789. La rcstauraiion n'ayant point abroge cette
b>i, il en resulte que l'esclavage exi.sle a present dans les colo-
nies francaises, tel qu'il a etc eonstitue par les acles dc
Louis XIV, Louis XV et Louis XVI ; dcsorleque, pour ce qui
concerne les eselaves, notre revolution pent absolumcnt etre
consideree coinme non avennc (1).
On peut ranger dans deux classes les dispositions legisla-
tives que nous venous d'enumerer. I.es unes sont des mesures
de protection en t'aveur des eselaves, lesautres sont des mesures
de rigueur destinees a garantir centre eux la securite des plan-
(1) II est mrme a reniaiquer que les ordonnances cle Louis XVI, lie
ijf>{ Ct 17S5, no sn:il pas inseiees dans le Code ofliriel de la Martinique;
Ce qui pionve qn'elles ne sont point eonsideieej comma elan! acluello
men I en vigneur dan? les Antilles fcancaises.
DE L'ESCLAVACE. 555
tcurs. Or, lout prouve que, dans la pratique, si les dcrnicres
ont conslamment ete executees avec le soin leplus scrupulcux,
tt quelquclbis meme iniquement outrepassees, les premieres,
au conlraire, ont, dans tons les terns, ete presque toujours
mises en oubli, oa violees avec impudeur.
En 1788, MALOUETreconnaissait (1) que les ordonnances et
les lois qui protegeaient les esclaves etaicnt tombces en desue-
tude, et que tout etait d peu pres d la discretion du maitre. Un
ecrit plus recent, que recommande hautement la position de
son nuteur (2), porte : « quanta l'article du Code noir quipres-
crit de donner aux esclaves deux rechanges par an , il n'y
a pcut-etre pas deux habitations, dans toules les colonies, oi'i
telle sage loi ait ete suivie. » II en rcsulte qu'ils sont presque
nus. En outre* ilsn'ontpour la plupart ni lits, ni matelas, etc.;
et e'est par suite de l'liumidite du solsur lcquel ils coucheut
qu'im Iris-grand nnmbre mctiient de la poilrine, dans un pays
oi'i jamais les blaucs ne sont poitrinaires (p. iG5). II peril un
grand nonibre d'enf'ans, parte que, la nuit, ils coucbent tins
sur la icrre, et qu'on ne leur donnc jamais rien, ni pour les vetir,
ni pour les nourrir. Dans les hopilaux les plus renonimes , les
Noirs malades ne sont couches que sur des (its de camp ; ficu-
reux s'its ont une ntd/e en jonc pour se couvrir ! Lc maitre n'est
pas moius l'arbitre absolu de la nourriture; ellc depend enlie-
rcment de la quanlite de terrains qu'il a consacrec aux vivres
et de la reussile de ccs plantations. L'esclave ne recoil, la
plupart du terns, que quelques palates et un pea d'eau; el, si, la
nuit, la faim le force a aller marronncr quelques subsistances,
il est taille (fuuette), le leudemain. « Que de fois j'ai vu, a
rinstantdu dejeuner, des Noirs nc pas avoir une palate, et rester
sans manger ( p. 204 )! Quant aux chalimcns, ils ont pu
quelquelbis ft re pontes jusqu'a cinq cents coups de fouet distri-
bute par deux commandeurs a la fois, et souvent recommen-
. (1) Memoire sur les Colonics, pag. 5G.
(2) Dei Colonics, cl parliculieremcnl dc Saint-Doininguo, par 1«.' colonel
Malemmxt, aiicic!) colon. Tails, 1S1J.
556 DE L'ABOLITION GRADUELLE
cos le lendemain (p. 17/1). » Co chatiment peut etrc infligo A
tout propos. <iJ- aivu plutsieurs fois, dit I'aulcurd'uneciitrecem-'
incut public , <|ui a passe vingl ans dans nos diverges colo-
nics (1), un Noirbatlu jnsqu'an sang pour- avoir casse tin verr*
011 mat lave' une assictte. J'ai enlendii les cris d'nn mallicureux
sounds pendant plusicurs jours an supplicc du fouct, parce
qu'il avait oubiic d' arrow les radis de son maitre (p. 5i5). »
L'autew aflinne qnc les ordonnanees de Louis XIV et de
Louis XVI sunt, en ce qui concerne les traiteniens, enticre-
mcut dedaignees, et que chacun.chatic ses esclaycs, sans avoir
d'autre limile que sa volonle.
L'espece el la duree du travail sont fixees au gre du maitre, du
gerant, ou meine du commandeur ; ce travail est presque tou-
jours excessif et susceptible d'epuisef les forces des travail-
leurs. Un ancien colon de Saint- Domiiigue, du rcste parti-
san zelede l'esclavage, fait Paveu que e'est la piincipale cause
tie la mortalite parini les esclaves (2). « J'ai souvent gemi-,
dit-ii (p. 3j7), de la grandeur du travail dans les sucreries.
Dans les terns de la roulaison, les esclaves ont a peine quel-
qnes minutes de repos ; les ouvriers des moulins et ceux de
la sucrerie y sont attaches vingt-quatre futures de suite : ceux
iini sont aux champs viennent les retayerd mimdl. Tons y pas-
sent tonr a lour; et, quand i'atelicr n'est pas nomhreux, il y
i'acU revenir, un jour sur trois. Ainsi, la rouiaison s'effecluant,
sans discoatinuer, du lundi au samedia minuil, l'esclave passe
Iiuit jours dans- un travail force, sans dormir (p. 378).
»Les femmes travailient quelquofois jusqu'a la veille de
l'accouchement; et, quant au repos du dimanclie, il est en-
tierement loisible au maitre d'en priver ses esclaves, et de les
Cairo travailler, ce jour-la, si bon Lui semble (5). »
(1) Precis lii.slorif/tie de hi Traitc cl de t'Eschtvagc , par M. Mfi-
hknas, ex-employe an Senegal en qnalile d'agricultcur-botaniste. In-8",
18,6.
(2) M. Babrv-Saint-Vekant. — Des Colonics moderncs sons hi Zone
torride, etc. 1 vol. in-8", 1S02. »
(7)) MOHENAS, p. J~~>.
DE L'ESCLAVAGE. 5r>7
Dans un lei etat de choscs, il nc faut pas demander ce que
pent elre ^instruction religicuse. La pFupait des esclaves sont
baptises; mais lcur croyance ne consisle qu'en nne bonteuse
superstition. Malottet (i) avouequ'ils« n'ont aucune idee de
la religion, et qu'ilsy indent loutes les extravagances descul-
tes idolatres. On ne pr end nil e terns, ni la peine de les instruire;
et lenr vie, si penible d'ailleurs, se passe dans cet abrutisse-
ment pitoyable. Temoins des dereglcraens des pretres, etc. »
Ce temoignage est continue par celui d'ecrivains plus re-
cens (2) qui alTirment que« le plus grand nombrc des esclaves
ue sont reellcment Chretiens que de noni. »
Un libertinage sans l'rein est le seul dedommagement laisse
aux esclaves pour prix de 1'etat d'abrulissement dans lequei
on les main tient. Les manages sont rares parnii eux. Les mai-
tres, loin de les favoriser, y mettent obstacle , sous pretcxte
qu'ils ne disposent plus de, leurs personncs, ni de celles de
fours enfans avec autant de facilite, quand ils sont unis eritre
eux par ce lien sacre. « La disposition du Code noir, dit un
eciivain, apologistc modere de l'esclavage , qui defend aux
maitres d'abuser de leurs negresses n' a jamais cle" executee, et
elten,apu I' elre (5). »
Quanta ('administration de la justice, relativement aux es-
claves, on a ecrit qu'elie n'est qtCun abus scandaleux de C ar-
bitrable le plusreroltant (4); on peut consulter, pour s'en con-
vaincre, les collections qui presentent les arrets des diver-
ses cours coloniales jusqu'a ces derniers terns. La on voit des
esclaves condamnes a etrc pendus et Strangles pour propos se-
dilieux, 011 Lien pour avoir porte la main sur un Idanc ; et, d'une
autre part, des maitres punis d'une amende en sucre, et de
(1) Mcnioires sur les Colonics. T. iv, p. 545.
(s) Malenfant, p. 227, etc.
(T>) IliLLiAHD- D'AuBiiBTEiiL. Considerations sur la Coiunic do SniiU-Uu-
minguc. T. 1, p. 67.
(4) Mohehas, p. a4o.
5$8 DE L'ABOMTION GilADUELLE
quelqucs jours de prison, pour avoir fait peril" sous 1c fouef,,
mi lue a coups dc fusil lours esclavcs (i).
Un ancle du grand-juge, du g fcvrier 1804, nous fail con-
nailreque, jusqu'i ccttc cpoquc, un scul jugc pouvalt pronon-
cer sue la vie des esclavcs. Co n'est que depuis 1827 (pie la
publicite des debuts a etc introduile dans les Antilles, el que
Fesclave accuse a un defenseur; mais il est encore privc du
recours en cassation.
Tel est l'esclavage dans les colonies francaiscs. Toutefois,
il fan I l'avouer, lesmoeurs adouoics presquc parloul ont, dans
un grand nombre de cas partieuliers, ameliore le regime qui
\ient d'etre decrit, ct multiplie le nombre des mailres hu-
mains, sans qu'il faille pourtant s'en rapporter a cct egard
aux temoignages interesscs des colons et a eeux des orateurs
qu'ils ont cboisis pour defenseurs dans nos assemblies. En
oulre, on doit segan.'er, quand il s'agit des colonies, de pren-
dre une idee absolue du regime qui est en vigueur. Comme
tout y est livre a l'arbitrairc, il en rcsulte que les fails pcuvent
sou vent n'avoir qu'une importance locale et momenlanee.Ce
qui est cxactement vrai pour telle colonic ne Test pas jus-
qu'au meme degre dans la colonic voisine. Souvent, il sullit
du clioix d'un gouvcrneur qui sait metlre I'lunnanile a Cordre
da jour, pour voir le sysleme rapidement modifie. Ces obser-
vations, que nous dictc l'impartialite severe dont nous nous
gomnies fait une loi, ne sauraicnl, au surplus, infirmcr les as-
scrlions qui precedent, ct qui etablissent bicn reellement, en
point de droit, cumme en point de fait , la condilion dans la-
qucllc ce xixe siccic,dont nous sommes tiers, a, jusqu'a
present, iaissc les esclavcs de nos colonies.
§ II. Dans les colonies anglalses. — La legislation des cla-
hlisseuicns britanniques en maliere d'esclavnge se compose
de la loi consolidec de la Jamai'que, de 1817; des actes iVamc-
tiuration voles par les aulres iles, dans les annees subscqucn-
les, et drs ordres en conse.il portes par le gouverncnienl pour
(1) Muheai' de Sai.m-iMe:ihy. — IsAMisEnx. Lois cl Ordonnanccs, etc.
DE L'ESCLAVAGE. 53c>
qtielques colonics qui no jouissent pas ties formes representa-
tives. (Trinite, Sainle-Lnric, Dcmcrari). Nous avons, dansnn
precedent travail (voy. Rev. Enc, t. xlv, fevrier i83o, p. 25g)
piesente l'cxposc des fails qui ont successivement am eric ccs
divers actes; nousallons seulement ici en rappeler la substance.
La loi de la Jamai'que impose aux maitres l'obligalion de
Cairo instruire leurs esclaves dans les prinsipes de la foi chre-
lienne ; de leur accorder un jour surquinze pour la culture de
leurs terrains a vivres; de leur donner un habillement. conve-
nable, une ibis dans l'annee. Le travail du dimanche est in-
lerdit; une exemption de taxe est accordee aux mailres chez
lesquels la population esclavese serait accrue; il est defendu
d'abandonncr des esclaves, devenus vieux ou infii'mes ; le meur-
tre d'un esclave peut etre puni de mort; ct les traitemens
cruels, d'une amende ou de la prison ; le maitre peut, en ce
dernier cas, el. re declare incapable de po;seder des esclaves;
le nombre des coups de fouet infliges pour punitions dans le
scin des babilalions ne peut pasdepasser trenle-neuf ; le mai-
tre ou gerant doit etre present ; l'usage des colliers ou chaincs
est aboli ; enfin, l'institution protectrice du jury est introduitc
dans les procedures criminelles intentees contre les esclaves.
Les actes d'amelioralion des autres iles sont en general mode-
less sur eclui-ci. Quant aux ordres enconseil , ils instituent un
lung'tstiat protecleur des esclaves, auquel ces derniers ont recours
en tftute circonstanee, et qui surveille l'execution des dispo-
sitions de la loi en ce qui les concerne, l'usage du fouet est
interdit aux surveillans, comme signe d'autorile; dans les
c'lalimcns , le nombre des coups est restreint a vingt - cinq ;
un tel cbatiment ne pent etre inllige qu'en presence d'une
personne libre; tons chatimens corporels sont sevcrcment
interdits d I'egard des femmes ; chaque habitation doit de-
sotmais avoir un regislre sur lequel seront insorits lous les
cbaiimens infliges; 1'esclave qui veut se marier en obtient
I'antorisatioD du magistrat, sur le refus nun motive de son
mail re. Dans les venlcs d'esclavcs, on ne peut plus separer le
man de la femme, n't les en fans au-dessous de seize cms de leurs
S/jo DE L'AROLITION GKAMJELLE
parens. L'csclavc a la libre disposition de son pccule, <i pmt
inlenlcr en justice toule aotion afln dc fa ire respecter sa
prop rib te ; il a lc droit de (aire accepter a son maitre le juste
prix de sa pcrsonnc, et de se raeheter ainsi, de menie que 1'uii
des >iens; enfin, il peut fitre entendu comme temoin en cer-
tains cas , et en produisant un certificat d'instruclion reli-
gieuse.
Tellessont les bases du systeme l£gal introduij dans lescta-
blisscmensbritanniques pour regler la condition des esclaves :
nous laissons au lectcur a le rapprocher de eclui qui regit
nos colonjes.
Etablissons maintenunt la condition des esclaves sous l'in-
flnence de ce systeme legal. En 182.5, un rapport, imprime
par ordre dc la Cbauibre des Communes (1), et qui etait le
resulfat d.es recherches de deux commissaires nommes par
elle pour visiter les colonies, portait que les esclaves sont
actueliement traites en general avec la plus grande douceur.
Les dispositions cruellcs que coiitiennent encore lesloisne sont
jamais mises a execution ; elles repugnent tout-a-fait aux sen-
timens des habitans humains et eclaires qui constituent main-
tenant, dans les principales iles, une mnjorite considerable, et
toujour* croissanle. Pendant environ \ingt ans qu'ont dure
lenrs rccheicbes, il n'ont entendu citer qu'un trcs-pctit nom-
bre de traits de creaute envers des esclaves. Dans leurs fre-
quens voyages an travers des iles, ils ne virent presque jamais
le I'ouet 011 le baton servir entre les mains des surveillans des
travaux, antremciit que comme signe d'autorite. Ils ont re-
connn une disposition generalc a etablir des ccoles pour pre-
parer les esclaves a rccevoir de nouveaux adoucissetrrens a
ieur condition ; en.'in, il leur pa rait que le pririeipe ffamdtio*
ration gradncllr du systeme d'eselavage a etc partout framlic-
incnt adiuis.
^0 First Report of Commissianncrs on civil and criminal Justice, in llie
West Indies, ordered liy the lluuse of Commons to be printed, 5 July,
• 8a5.
1)15 L'ESCLAVAGE. 5.',i
En 1823, M. IkiiRE, membre de L'assemblee legislative de
la Jamaique, prononca, an sujet des nonvclles mesures propo-
sees par le gouvcrnement, un discours qui peut servir a con-
stater la situation desesclaves dans cette ilc. L'oratcur affirme
que toules les dispositions protectrices de la loi consolidee
sont religieusement observees; que tous les debts commis en-
vers cette partie de la population sont sevcrement reprimes;
que les manages sont puissamment encourages, et de jour
en jour plus nombreux; que les esclaves jouissentde la blue
ct pleine disposition de leur pecute, lequel serai t quelquefois
une fortune pour un villageols du royaume-uni ; que le desir de
favoriser l'instruction religieuse parmi cette partie de la popu-
lation impose a l'ile un fardeau de 10,000 liv. slerl. par an :
il est loin,au surplus, de regarder le Code des esclaves conime
parfait, et il admet qu'il est susceptible de recevoir du terns
des ameliorations (1).
En 1824, l'assemblee de la meme ile etablit, comme un
point de lait, dans son rapport sur les troubles dont l'ile avait
ete momentanement le tbeatre, quaucun des esclaves qui
avaient pris part aux complots n'avait allegue pour sa justifi-
cation la cruaute ou l'exigence de son maitre.
L'accroissement des valeurs possudees par la population es-
clave est un fait qui atteste suffisamment scs progres vers les
■babitudes d'ordre, d'economie et de sociabilite. Le montant
de cette propriete s'est eleve, dans ces dernieres anhees, a la
somme d'un million sterling, pour la seulc ile de la Jamai-
que, et a 2,5oo,ooo liv., pour la totalite de la population es-
clave des Antilles anglaiscs, portee a 700,000 individus (2).
II arrive quelquefois qu'un planteur, presse parses creanciers,
a recours a ses esclaves, qui lui pretent lout ou partie de la
somme dont il a besoin.
On trouve aussi une prcuve de la moderation des travaux
(1) Proceeding/: of the honourable House of Assembly of Jamaica. In-S°,
1S2S.
(2) Tlic royal Gazelle of Jamaica. 1S26, n" i3
fi/fJ DE L'ABOLITION GRAEUJELLE
en general dans cettc observation que la sUpeVitfritd minie-
lique des famines, qui se faisatl romarqucr parnii la popula-
tion csclave, contrairement a unc des donnees do stalistique
les mieux etablies, ct qui resultait des travaux excessifs qu'on
cxigcait desbommes, a etc a pen pres eflacee ; en 1818, la po-
pulation noire de la Jamaique exalt portee a 545,252 indivi-
dus; ct, dans ee total, le nombrc des femmes n'cxeedait que
de 74 sculemcnt celui des honnncs (1).
Quant a rinstruclionrcligieusc, on a deja obtcnu d'heuroux
rcsultats de 1'institution des deux eveques de la Jamaique' ct
dclaBarbade. Le clerge inferieur est plus surveillu el mieux
dii ige Yersl'accomplissemenlde ses devoirs. L'eveque dela Bar-
bade debuta, en 1825, dans sa mission apostoliquc, par unc
visite dans loutes les parties de son diocese maritime. Le rap-
port qu'il fit, apres unc inspection detaillee, I'ut satisfaisant ;
il trouva parlout les planteurs entierement disposes a contri-
buer a tous Ics frais que pourrait cntrainer l'ereetion d'eta-
blissemens nouveaux. Ce meme pcrsonnage avait attenlivc-
ment suivi dcsecoles etablies par lui-meme a la Rarbade pour
les enfansnoirs, ct il rendait temoignagea leur docilile, a leur
aptitude; il croyait qu'on pourrait bientot se servir de ces
memes enfans pour communiqucr quelque instruction a des
negres adultes (2).
11 existc, depuis quelques annees, a la Jamaique, lirfe Sociili
pour provoquer laconrersionet ['instruction religieuse desesclaves.
Cettc Societe se raltaebe a une autre association du meme
genre formee a Londres. Un document public en avril 1826,
par le comite de la Societe, pour la paroisse de Saint-Tbomas,
elablit que, pendant 1'annee 1824? environs 70 chapelains ct
catecbistes ont ete employes par ellc pour porter rinstruc-
tion parmi les Noirs, dans les iles d'Anligoa, Montf'errat ,
Sainl-Christopbe, Nevis, Barbade, la Jamaique, ainsi qu'a
(1) The Jamaica Almanack for llicycar 1S18, p. 117.
(?) Quarterly Review, 1825.
DE L'ESCLAYAGE. 545
Dcrnerara, ct qu'unesomme de 5,335 liv. sterl. a etc consa-
crec a cette destination.
De pareils comites existent dans d'aulrcs ilcs. One lellre
adressee a Talent colonial des ilcs Bahama, en Anglcterre,
par les dix commissaires de correspomlance (1), pent servir
a fixer la position des esclaves dans ccs ilcs. Suivant les com-
missaires, la non separation des families dans les ventcs d'es-
claves, la libre disposition de lenr ptcule, la fixation d'uneta-
clie, qui reduit la duree de leur travail a sept heures environ,
sont des usages universellement consacres (p-. 12). Les escla-
ves soiit diriges comme des ouvriers ordinaires, et le l'ouet
ou la simple baguette que tienl le surveillant n'esl qu'un si-
gnedc son autorile (p. 17). Les disposilions^des actes relalifs
a l'entretien, a la nourriture, etc., sont religieuscment cxecu-
tees, ct il est facile, en observant les esclaves dans les plan-
tations, de reconnaitre qu'ils n'ont point a se plaindresousces
divers rapports (p. 18). L'inslruction religieuse a fait des
progres sensibles dans ccs dcrnieres annees, comme le con-
statent les rapports de la Societe ^vesleyenne. Parini les pre-
dicans autorises dans ces iles , quatre sont noirs (trois bap-
tistes et tin anglican ; il est pen d'esi laves qui ne professenl le
christianisine; les maitres favorisent raccomplissement des
devoirs religieux (p. 19). Quant aux manages, ils sont c'ga-
lement secondes par les maitres; et, si la religion nelesconsacre
pastoujours, e'est que les pretres de I'Kglised'Angleterrc peu-
vent seuls lcssolenniser, et qu'il n'y en a que deux pour cette co-
lonic, composee d'une chaine de 70 ilcs qui s'etendent dans
une longueur d'envircn cinq cents milles. Le memc inconve-
nient a lieu al'egard des Blancs fibres; mais, que cette consc-
cralionait lieu ou non, on rcmarque, en general, a l'ayaritage
du progres des habitudes morales parmi la race noire, que le
contrat est rarement violc, et qu'il n'est guere dissout que par
la mort (p. 20). Les commissaires enfin declarent fonnclle-
ment que les chatimens infliges aux esclaves, pour les fautes
(1) .In official letter, etc. Nassau New- Providence. ln-8°, jSao.
5/|4 DE LABOMTIO.N GIUDUELLE
ct debts qu'ils commellent, sont doux ot nioderes, si on los
compare a ceux qui sunt encourus pour les mcuiesactcs, d'a*
pres la loi crimineUe d'Angleterre.
En iSao, uo rapport fait a Passcmblee do Pile de Tabago
ctablil que le dccroissemcut annuel de la population noire de
cetle ile s'affaiblit de jour en jour, et que la diffusion ct l'aug-
mcnlation de la proprietc parmi les Noirs, dont Petat est gc-
ueralement ameliore sous le rapport de leurs demeures, de
leurs terrains, de leurs vetemens et de lour nourriture, la di-
uiinution des pratiques de magie, Paffaiblissement des cbati-
mens, l'abandon total des travauxde nuitdans les habitations;
constituent, suivant l'opiuion du comite, un proxies aussi
reel et aussi rapide que le comporle la nature de cetle popu-
lation noire qui consiste en partie en Africaios impoites.
En i8^5, le gouverueur de la Dominique, eerivant au mi-
nistre alhrmait que les cselaves etaient geiicralement bien
traites et satisfails, ct qu'ils n'avaient que bien rarciuent a sc
plaindre de leurs maitres (1). Quelques mois apres, le gou-
verneur de la Grenade, ouvrant le session legislative, se feli-
citait d'avoir a dinger une ile oii l'on avail deja tant fait en la-
veur des cselaves, et oii Ton sc prometlait de faire plus en-
core dans un avenir pen eloigne. Vers la meme epoquc, les
regislres des chatimens de I'ile de la Trinite ayant etc produits
au parlcment , sur une masse de 556 propiietes presenlant
5,gi5 esclaves on ne trouvait pas quelquefois, dans un es-
pace de trois mois, un seul chatiment inscrit. Enfin, nous
avons sous les yeux les proces-\erbaux de diverses proce-
dures suivies en 1824? c'ans la meme ile, contre des esclaves,
desquels il resulte que, confoimemcnt a l'ordre en conseil,
le protecteur des esclaves y assiste; qu'il interroge lui-meme
les temoins a charge, apres qu'ils Pont ete par le procureur-
gcneral, etc. (2). II nous serait facile de multiplier les lemoi-
gnages de ce genre.
(1) The royal Gazette . 1826,11° 1S.
(a) The Trinidad-G uardian. Mai 182C.
DE L'ESCLAVAGE. 545
Faut-il croire neanmoins a toute Fetendue du Lien annonce
par les documens que nous venons de citer? Faut-il admettre
comme generalement adoptes les adoucissemens du sort des
Noirs sounds au joug britannique, et adherer a ce que les
planteurs repetent si souvent, que leurs esclaves cherissent
pres(jue le sort qu'on leur a fait? Non, certes, telle n'est pas
notre pensee. II est de la nature de l'esclavage que le maitre
puisse toujours facilement rendre nuls pour ses esclaves les
bienfaits d'un ordre legal, meme admirable ; et, apres tout, ce-
lui-ci ne Test point encore. Si les moeurs se sont en genera!
adoucies, comme dans toutes les autres colonies, il n'en est
pas moins vrai que la personne du Noir est, la comme ailleurs,
dans nne foule de cas, tout-a-fait a la merci du colon; que,
laaussi, son sort depend trop souvent des habitudes morales,
de la situation des affaires de ce colon, surtout du choix qu'il
a fait des mandataires de son autorite, etc. II estcertainement
permis de douter de cette felicite si vantee, quand on voitles
gazettes d€s iles couvertes de signalemens d'esclaves deser-
teurs, et quand on croit devoir porter contre la desertion des
peines tres-severes. Les lois protegcnt les esclaves ; mais on
est force deconvenir qu'elles peuvent etre eludees, et tout de-
montre qu'elles le sont quelquefois. II est bien reconnu sur-
tout que l'exclusion du temoignage des esclaves contre leurs
niaitres sert a laisser dans l'ombre une foule d'actes auxquels
ilssontenbutte. En 1825, un me mbrede I'assemblee legislative
de la Jamaique, M. Rennals, rapporteur etdefenseur d'un pro-
jet de bill pour l'admission du temoignage des esclaves, cita
divers faits rapportes par lespersonnes que le comite avait in-
terrogees, et relatifs a des proces 011 des Blancs libres mani-
festement reconnus coupables avaient echappe au chdtiment, pur-
ee qu'il n'y avait eu pour temoins que des esclaves. Enfin, un
colon , ami sincere de Phumanite, et qui nous a vivement ex-
cites a la publication de cet ecrit, nousavouait tout recemmenl
que, dans File qu'il habite (l'une de celles que regit un ordre.
enconseil), ilya encore une foule d'abusmonslrueux surles-
t. xlvi. juin i85o. 35
546 DE L'ABOLITION GRADUELLE
quels les magistrate sont obliges de feigner les ycux, et d'in-
fractions faites aux lois avec une entitle impunite.
II est done bien demoutre que tout n'est pas fait encore
dans les colonies anglaises en faveur des esclaves, bien qu'une
amelioration notable dans le systcmc doive etrc regardec
eomme un fait constant.
§ III. Dans les colonies des autres nations et Etats des deux
Amcriques. — Les colons espagnols, comnie pour effacer les
cruautes dont Ieurs pcres se rendirent coupablcs dans le JNou-
veau-Mondc envers les indigenes, se sont depuis long-tcnis
signales, entre tous les planteurs curopcens, par la douceur
de leur conduite a l'egard des esclaves uoirs qui y sont venus
remplacer cette population eteinte. La legislation de leurs co-
lonies est, en ce qui toucbe l'esclavage, basee sur des prin-
cipes plus humains et plus equitables, et elle est aussi moins
frequemment violce on mise en oubli que dans la plupart des
autres possessions coloniales.
Cette legislation, formee des cedules successivement por-
tees par les rois, et des actes des gouverneurs , qualifie en
general debt, 1'efTusion du sang dans les cbatimens.
L'esclave a la libre disposition de sa propriete; s'il a de
justes motifs de plainte contre son inaitre , le magistrat peut
contraindre ce dernier a le vendre pour le prix d'acbat ; s'il
a perdu de sa valeur par Page ou par quelque inlirmite, le
magistrat faitl'estimation. II a, du resle, toule facilite pour se
racheter, en payant a son maitre son juste prix; il est admis a
porter temoignage en plusicurscas.
C'esl aux colonies espagnoles que le gouvernement britan-
nique a emprunte Futile institution du protecteur des esclaves.
L'instruction religieuse est la, comme on pense, un point im-
portant. Les mariages sont encourages. Au surplus, un fail
decisif en faveur de la condition des esclaves sous la domina-
tion espagnole, e'est que, dans les iles memes ou ils etaient
comparativement plus nombreuxque dans les autres Antilles,
il n'y a jamais eu de revoke contre les Blancs.
Les republiques qui ont remplace sur le continent les colo-
DE L'ESCLAVAGE. 54;
tiies espagnoles ont aboli 1'esclavage et adopte, pour en
amener l' extinction definitive, des mesures sur lesquelles nous
reviendrons ailleurs.
Au Bresil, le regime legal de l'esclavage est a peu pres le
meme que dans les possessions espagnoles. En general, le
travail est taxe; et, au-dela de la tache que le maitre a droit
d'exiger, l'esclave travaille pour son compte. Cette besogne
est calculee pour chaque sernaine, de maniere a ce qu'elle
puisse etie faite en quatre ou cinq jours. Neanmoins, malgre
les adoucissemens apportes a la condition des esclaves , la
corruption et la misere, ou cette population est ordinairement
plongee, font que les deces surpassent de beaucoup les nais-
sances dans plusieurs parties de l'empire, et qu'il n'y a jusqu'a
present que la traite qui ait pu retablir l'equilibre (1).
Dans les colonies du Danemark, nation a qui appartient la
gloire d'avoir la premiere aboli la traite, et notamment dans
l'ile de Sainte-Croix, les Noirs sont generalement traitesavec
humanite. La population est la en progres, et ce fait comprend
tous les auti'es (a).
Long-tems les Hollandais purent etre consideres, a l'egard
de leurs esclaves, comme les plus impitoyables des maitres ;
vers la fin du dernier siecle, ils n'avaient encore rien fait pour
eux. Nul reglement ne limitait le travail, non plus que les cba-
timens; le meurtre seul etaitpuni d'une amende; les esclaves
etaient presque mis et a peine nourris (3).
De nos jours, le changement qui s'est effectue partout dans
les mceurs a amene d'heureuses ameliorations dans le sort
des esclaves de ces colonies. Eclaires par ces terribles insur-
rections qui ont jete dans les forets 5o,ooo esciaves, les co-
lons bollandais ont adopte d'autres principes. Un observateur
(1) M. de Humboldt. T. v, p. 142. — Alphonse de Beauchamps. His-
ioire du Bresil. T. m, p. 5o4. — Maw. Voyages dans I'lntericur du Bresil.
T. ii. — Balbi. Essai sur le Nouveau-Monde; Revue Encyclopedii/ur, iS^S
T. ii, p. 5C7.
(2) MdREJiAS, p. 1 l5.
'3) Stedman. Voyage a Surinam, 179?. — Mitorni, etc
548 DE L'ABOUTION GRADUELLE
impartial, deja cite (i), nous apprend que leurs esclaves sont
maintenant traites avcc humanite.
Tcrminons par ces anciennes colonies anglaises qui i'or-
mcnt actuellement un Etat sur lequel reposent les plus hautes
csperanccs dc In civilisation americaine. Lcs Iois conccrnant
L'esclavage v etaient . avant leur glorieuse revolution, a peu
pres les memcs que ccllcs qui regissaicnt les a litres posses-
sions britanniques. Mais les mceurs avaient , plus prompte-
ment que dans les lies, heureusemcnt modifie la condition
generate des esclaves. Depuis 1'aiTrancbissement , l'esclavage
a cte entiereinent aboli dans plusieurs Etats, et consideiable-
mentameliore dans ceux oii il subsisle encore.
Dans les Etats du nord, tels que Maryland, Delaware, etc.,
ou les esclaves sont peu nombreux, ils sont generalement
mieux traites que dans le midi de l'Union. On precede contre
eux en justice d'apres la meme loi que contre les Blancs , et
l'institution du jury est admise dans les procedures ou ils sont
impliqucs. Dans Delaware, lc maitre est puni d'arnende pour
■violence, et de mort pour le meurtre envers la personne de
son esclave. La legislature de Maryland a statue qu'on ne
pourrait faire cultiver par cbaque esclave plus de 600 plants
de tabac.
Les lois de la Caroline du sud relalivement a l'esclavage
dataient de 1740; clles etaient fort cruelles , et subsistaient
encore, dans les dernieres annees du siecle, epoque ou le ver-
tueux Larocbefoucaud-Liancourt visitait cet Etat. Depuis,
diverses mesures out ete prises par le gouvernement en fa-
veur des esclaves. Un temoignage autbentique prouve com-
bien de telles mesures etaient urgentes. En 1816, le grand
jury de Cbarlestown signala les bomicides sur la personne
desNoirs, comme devenus fort commtms dans la ville depuis
quelque tems. « Lesmaitres et les maitresses, disent les mem-
bres de ce jury, exevpant sur leurs esclaves un pouvoir illimitr,
et se livrant aux exces de leurs passions cruelles; ils les ac-
(1) Mai km am. p. ij4-
DE L'ESCLAVAGE. 5/,9
cablent de traitemens barbares, les traitent plus mat que des
biles de somme , et rendent la ville et l'Etat I'opprobre du
monde civilise. »
Une loi a d'abord augmente l'amende portee contre le
meurlre d'un esclave, et y a ajoute l'emprisonnement ; une
autre, plus recente , a enfin reconnu que le maitre qui tue
son esclave peut etre poursuivi comme meurtrier.
En Georgie et en Virginie, la loi ancienne, un peu moins
rigoureuse que dans la Caroline du sud, a pareillement subi
de noinbreuses modifications. Maintenant, quiconque tue ou
estropie un esclave est puni, comme s'il eflt agi envers un
Blanc (1).
Dans ceuxdes Etats nouveaux on Pesclavage existe,ilesten
general etabli sur des bases conformes a l'humanite. Les deux
constitutions du Kentucky et du Mississipi statuent que l'as-
semblee generate portera toutes les lois necessaires pour obli-
ger les proprietaires d'esclaves a les trailer avec humanite, a
pourvoir a leurs besoins et a leurs vetemens , a s'abstenir
de tous chatiuiens barbares , etc.
« Dans les poursuiles contre des esclaves pour trahison,
l'enquete par un jury ne sera pas exigee; mais la marche de
ces poursuites sera reglee par une loi , sans que cependant
Tassemblee-generale puisse priver les esclaves du droit d'etre
juges impartialement par un petit jury (2). »
Diverges mesures ont ete prises subsequemment , en vertu
de ces dispositions constitulionnelies , pour assurer une pro-
tection efiicace aux esclaves.
Un grand avantage, commun a la presque totalite des es-
claves des Etats-Unis, e'est que la loi civile actuelle les re-
connait immeubles, et qu'ils sont, en cette qualite , attaches
(1) Warden. Description des Etats-Unis. Paris, 1820. — Larochefou-
caud-Liancourt. Voyages aux Etats-Unis, 1795-1797. — De Chastellttx,
id. , 1781-1783, etc.
(a) Constitutions ct Lois fondamentales des Pcuplcs de /'Europe et de
V Amirifjue, par MM. Dufau, Dovercier ct Guadet. T. vi, p. 5j et i54-
55o DE L ■'ABOLITION GRADUELLE
a la terre , ct transmissibles settlement commc toute autre
propriete immobiliaire (i).
Nous avons expose avec une enticre impartiality la con-
dition des esclaves, telle que l'ont faite la loi et l'usage des
colonies. Resumant les points principaux dont il a etc ques-
tion dans cette premiere partie, nous obtenons les resultats
suivans :
i°. Quant a ce qui concerns la nourriture, le logement, les
vetemens et les soins donnes aux malades, aux enfans, etc.,
les esclaves sont, a peu pres partout, sous ccs diver* rapports,
plus bumainement traites qn'autrefois, mais a des degres bien
differens, suivant la diversite des circonstances qui peuvent
modifier la situation des maitres.
2°. L'usage de taxer le travail, de maniere a ce qu'il reste a
l'esolave un nombre divers de jours dans la semaine ou il lui
est loisible de travailler pour son compte, n'est etabli que
dans un petit nombre de colonies ou de possessions.
5°. La duree du travail de jour ct de nuit, les heures de re-
pos que necessitent le sexe, l'age , les forces ou les situations
diverses des individus sont a peu pres partout, de fait, sinon
de droit, laissees a la volonte du maitre ; il n'y a d'exception
a cette regie qu'en faveur des femmes enceintes.
4°. L'instruction reelle clans les principes de la foi chre-
tienne, comme base de la societe moderne , est negligee et
presque nulle dans beaucoup d'etablissemens, ou la plupart
des esclaves sont encore livres a l'idolatrie ou a la supersti-
tion.
5°. L'institution du manage est peu eneouragee dans quel-
ques colonies; elle n'est en usage ordinaire que dans les colo-
nies espagnoles.
6". La vente des individus d'une meme famille n'est probi-
bee, sous quelques restrictions, que dans cerlaines colo-
nies.
(i) Warden. T. hi, p. 488.
DE L'ESCLAVAGE. 53 1
•p'. L'emploi du fouet comme chatiment domestique et
legal est consacre partout; mais 1' usage a rendu cet emploi
plus rare. Presque partout , le nombre des coups est limite ;
le fouet ne pent plus etre signe dautorite, ou stimulant du
travail, et il est prohibe a l'egard des femmes, dans quelques
colonies anglaises seulement.
8°. L'usage des registrcs des chutimens dans les habita-
tions n'existe que dans un petit nombre de colonies an-
glaises.
9°. L'institution d'un magistrat en litre, protecteur des es-
tlaves , est bornee a quelques colonies anglaises et espa-
gnoles.
io°. Le droit de propriete et de Libre disposition de tout ce
qui peut entrer dans le pecule , sous l'autorite du maitre, et
d'une facon plus ou moins restreinte, est universellement
consacre.
n°. Le droit d'intenter personnellement toute action ci-
vile contre un Blanc n'est reconnu que dans quelques colo-
nies.
12°. La faculte de changer de maitre, sur motifs vala-
bles , et d'apres decision des magistrate, est reconnue seu-
lement dans les colonies espagnoles et an Bresil.
i3°. Le droit de defense personnelle contre les Blancs
n'est explicitement reconnu nullepart; l'esclave est severe-
ment puni dans quelques colonies pour l'avoir exerce.
i4°. Le meurtre ou la mutilation contre la personne d'un
esclave ne sont encore punis que d'une amende ou du ban-
nissement dans quelques colonics.
i5°. Les esclaves accuses sont presque partout juges d'a-
pres des formes et par des tribunaux exceptionnels. II y a
partout pour eux des lois penales particulieres d'une extreme
rigueur.
i6°. Enfin , leur temoignage est repousse en justice contre
leurs maitres, dans la presque totalite des etablissemens colo-
niaux, et dans quelques- uns seulement contre les Blancs en
general.
55 » NOTICE
Voila ce qu'est l'esclavagc colonial; dans la seconde partie
de ce travail, nous ferons ressortir les consequences natu-
relles et necessaires de l'etat de choses que nous venons de
constater.
P. A. Dufau.
•NWWVMVWWX
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Sur M. le baron Fourier,
Secretaire perpetuel de CAcademie des Sciences, et membrs
de I' Academic francaise (1).
Les sciences viennent de perdre, dans la personne de
M. Fotjrier, un geometre et un physicien du premier ordre ;
les lettres, un ecrivain d'un talent superieur; la France, un
des hommes qui Font ulilement servie dans de hauts emplois,
ou qui l'ont le plus honoree par leurs travaux et leurs decou-
vertes.
Ce n'est point son eloge qu'on se propose de faire ici ;
cette tache, cet honneur plutot, ne peut appartenir qu'a ceux
de ses confreres qui marchent sur ses traces; seuls ils sont
dignes d'apprecier son genie. On desire seulement, dans cette
Notice, donner des details purement biographiques; et ceux
qui vont etre presentes, recueillis dans la conversation meme
de rillustre defunt, dans celle de ses amis, dans la lecture de
ses ouvrages, et dans les pieces imprimees et manuscrites
qu'il avait bien voulu confier, recevront encore un interet
puissant du sujet meme auxquels ils s'appliquent et de leur
grande exactitude..
Jean-Baptiste-Joseph Fourier, ne a Auxerre, le 21 mars
1768, etait issu d'une famille originaire de Lorraine. Son
(1) Cette Notice, sauf quelques changeinens et additions, est celle que
I'auteur a fournie a la Jliographie itniversctle et portative des Contempo-
rains, dont il est maintenant dirccteur.
SUR M. LE BARON FOURIER. 557.
grand-oncle, Pierre Fourier, relbrnialeur et general de l'Or-
dre des chanoines reguliers, honora le clerge par de grandes
verlus, et institua une congregation de femines, ajoutant aux
trois voeux des religieuses nn quatrieme voeu, qui n'est pas le
moins respectable, et qui certainement est le plus utile, celui
d'enseigner gratuitement les enfans des pauvres. Plusieurs
maisons de cet Ordre ont ete conservees en France, et notam-
nient dans la capitale. M. Fourier fut place fort jeune a l'e-
cole inilitaire d'Auxerre. Une grande intelligence se deve-
loppa chei lui de tres-bonne heure; il fit toutes ses classes
avec une rapidite surprenante , et en avait acheve le cours
a l'flge de treize ans. C'est alors qu'il commenca a se livrer
avec ardeur a 1'etude des mathematiques. Cette etude ne lui
fit cependant pas negliger la culture des lettres; il y trouvait
du charme, et scmblait pressentir que la litterature aussi de-
vait etre pour lui un moyen d'illustration. A peine age de dix-
huit ans, il avait deja fait plusieurs decouvertes mathemati-
ques impoi tantes ; elles sont consignees dans un Memoire ou
d'excellens juges retrouverent le genie precoce de Pascal. On
le nomma, vers cette epoque, professeurde mathematiques a
l'ecole militaire ou il avait ete eleve. Peu d'annees apres, lors-
qu'on institua a Paris VEcole normale, M. Fourier y fut en-
voye , par son departement, comme un des professeurs les
plus capal)les de cultiver la partie philosophique des scien-
ces. On reconnut bientot la necessite de diviser l'auditoire en
plusieurs sections destinees a des entretiens scientifiques
entre les eleves, et M. Fourier futchoisi pour etre un des di-
rectcurs de ces conferences. Plus tard, VEcole centrale des
Tracaux publics, nominee depuis Ecole Polyleclinique, fut or-
ganisee sur des bases fixes ; Lagrange et Monge desi-
gnerent M. Fourier pour etre un des professeurs de cette
institution, que l'Europe a tant enviee a la France, et ou les
sciences etaient alors enseignees par ceux-memes qui en
avaient recule les limites. L'elocution facile et elegante du
jeune professeur, l'urbanite de ses manieres, l'intcret qu'il
savait repandre sur la science par les idees profondes dont il
554 NOTICE
enrichidsait sea lecons, et par la raaniere pliilosophique tlont
il les presentait, le iirent generalement cherir et respecter des
uteres.
Cetait l'epoque on Ton meditait en silence l'ulilc et glo-
ricusc conquetc de l'ligyplc.'Le grand liomnie qui devait
dinger celte memorable expedition voulul que la guerre de-
vint un moyeo de civilisation pom- les pays conquis, et la
Commission d'Egyple fntorganisee. Les connaissanees varices,
les lalens de M. Fourier, l'avaient fait apprecier du gouver-
nemenl; on le mil an nombre des savans qui devaient accom-
pagnerle general Bonaparte, et on le chargea en menie terns
de proposer les eleves de l'Ecole Polytechnique qu'il conve-
nait de leur adjoindre. M. le comte de Chabrol, aujourd'hui
prefet du departement de la Seine, fut un des eleves designes.
Cette circonstance n'a peut-etre pas ete sans inlluence sur la
carriere de ce savantadministrateur; s'ilenetait ainsi, cc serait
un litre que M. Fourier anrait acquis, long-tems d'avance, a
la reconnaissance de la ville de Paris. La vie litteraire de
M. Fourier est liee intimement a cette expedition loinlaine,
dont le but etait alors inconnu, et qui devint uneepoque a ja-
mais eelebre pour les sciences et les arts, comme elle fut un
brillant episode de gloire pour nos armes. Apres la soumis-
sion du Kaire, Vlvstiltit d'Egypte fut cree ; M. Fourier s'y
trouva compris. L'experienee ayant fait connaitre la necessite
d'etablir dans les Societes savantcs des secretaires perpetuels,
on proceda a celte nomination, et toutes les voix designe-
rent M. Fourier. Plusieurs fois il presenta d'importans Me-
moires a cct Inslitut. Bientot des soins poliliques vinrent se
meler aux travaux du savant; M. Fourier, juslemcnt appre-
cie, fut choisi pour etre le commissaire de l'armee franeaise
aupres d'un divan forme des principaux Llemasde la ville du
Kaire et des provinces, apres que la prudentc severite du ge-
neral en chef cut calnie 1'humeur inquiete des revokes de la
capitale. Bonaparte n'avait rien neglige pour entretenir des
relations utiles et familieres avec les habitans, et cct art de
'.'omuumiqiicr avec les hommes, que M. Fourier possedait a
un haul degre, le rend ait en effet tres-propre a etablir l'union
SLR 31. LE BARON FOURIER. 555
entre ['administration civile et Farmee. Lc general en chef
pailit alors pour aller rompre la frame immense qui s'our-
disfeoit contre lui en Syiie. 31. Fourier fut retenu au Kaire.
Pendant Pabsence du chef supreme, le pouvoir de l'admi-
nislrateur s'accrut encore, et, comme l'a remarque 31. Ville-
main, le secretaire perpetuel d'une academic se trouva pres-
quc le gouverncur d'une moitic de PEgypte. Plus tard, l'ad-
ministration d« la justice fut aussi confiee a 31. Fourier; on
fit alors les malheurs de la guerre alleges par le bienfail des
lois.
Bonaparte, en quitlant l'armee pour revenir en Fiance,
avail laisse, avec la prevoyance la plus attentive, tous les or-
dres necessaires pour favoriser les nobles excursions que le
zelc des savans francais devait tenter de nouveau dans la
Haute-Egypte. II avail divise ces ardens explorateurs en deux
sections, et avait senti la necessite de nommer un chef dans
chacune d'elles. 31. Fourier se trouva designe pour etre l'un
de ces chefs. Jusquc-la, les savans francais n'avaient pu que
rarcment s'avancer dans les provinces meridionales de l'E-
gypte. La victoire leur ayant ouvert cette contree, ils visite-
rent plus Iibrement les ruines magnifiques de Thebes, et
chacun d'eux prit part a ces decouvertes, que Ton pouvait
direconquises surl'ennemi, puisque, selon l'expression meme
de 31. Fourier, elles avaient lieu dans des courses perilleuses
oii le geometre, l'artiste, l'cleve de Buffon, calculaient les
grandeurs, dessitiaient les monumens, observaient la nature
a la favour d'une victoire, ou dans 1'intervalle de deux com-
bats, lis remonterent le cours du Ml et visiterent Tile, mys-
terieuse d'Elephantine. C'est dans ce voyage celebre que
31. Fourier recueillit sur lelieu meme ces impressions si vives
dont ses recits se sont animes plus tard. Si son zele fut sur-
passes, ce ne put etre que par celui de l'intatigable Denon :
niais, en general, nul n'a concouru plus efficacemenl que lui
a la composition du grand ouvrage sur l'ligypte.
H n'en menait pas moins de front les h'autes fonctions qu'fl
i\ait dans Parmee : lorsque M'orad, craignanl le depart des
556 NOTICE
Francais, oil'rit de traitor avec Richer, par l'entremise dc son
cpousc, la belle Scilty Nefirah, que cc Bey avail enlcvec u
Aly, ce fut M. Fourier qui conclut le traite avec cette femme
celebre ; alliance qui amena une pacification desiree, mais
qui dura trop peu. Ce fut encore lui dont l'herolque arniee
d'Egypte emprunta la voix pour exprimer ses regrets, lorsquc
le Per d'un assassin fanatique eut frappe le malheureux Rleber.
M. Fourier, du haut d'un bastion, celebra dignemenr, en
presence de toute l'armee, le vainqueur de Maastricht et
d'Heliopolis. Quand il fit entendre ces mots : « Je vous prends
a temoin, intrepide cavalcrie, qui accourfites pour le sauver
sur les bauteurs de Coralm, » l'armee se troubla en agitant
ses etendards, et l'orateur, partageant la douleur commune,
s'arreta, interrompu par le bruit des armes ct le fremisse-
ment de tant de soldats en pleuis. Peu de mois apres cette
triste solennite, on apprit au Raire Ic destin du genereux
Desaix, recemment parti d'Egypte. L'orateur de l'armee
d'Orient eut encore a celebrer la memoire de ce grand capi-
taine au lieu meme oii il avait honore les restes de Kleber ;
et, cette fois encore, son eloquence s'eleva a la hauteur de
son sujet.
Retenu en Egypte jusqu'au terme de I'expedition, M. Fou-
rier revit enfin la France avec le petit nombre de savans et
de guerriers echappes a cette expedition aventureuse. D'une
conquete si bardie, de tant de combats et de gloire, il restait
les travaux de la science, la carte du pays, la copie des mo-
numens; il ctait au moins a desirer qu'on ne laissat perdre
aucun de ces signes precieux de notre passage en Egypte.
Mais il etait a craindre que chaque savant en particulier ne
voulQt faire usage separement de cc qu'il avait recueilli, et
que l'ensemble des resultats ne fut ainsi morcele. M. Fourier,
interpelle par le premier consul sur ce que Ton disait de la
grandeur et de la magnificence des portefeuilles rapport*
d'Orient, profita de cette circonstance pour appeler sa sollici-
tude sur ce sujet. II fut arrele que toutes ces richesscs sc-
raient reunies, et que l'ouvrage sur l'Egypte serait public aux
SUR M. LE BARON FOURIER. -557
frais du gouvernement. Les savans auxquels ce soin fut
commis designerent, par un suffrage unanime, M. Fourier,
pour tracer le frontispice du temple qu'ils allaient elever a la
gloire des sciences et de la patrie.
Le premier consul voulut recompenser un homme qui,
sans solliciter aucune distinction, avait rendu d'aussi emi-
nens services; il ecrivit a Berthollet, le 18 pluviose an 10,
pour savoir si la prefecture du departement de l'lsere pour-
rait etre agreable a M. Fourier. Ce savant fut en effet nomme
prefet de Grenoble, le 2 Janvier 1-802. II fut aussi compris
dans la Legion -d'Honneur, aussitot qu'elle fut creee , et
nomme baron avec dotation, en 1808. Pendant les quatorze
annees de son administration, elle ne parut pas souffrir des
distractions de la science ; elle en profita me me : de grands
travaux publics furent acheves; le dessechement des marais
de Bourgoin, qui infectaient plus de quarante communes, fut
execute, et cette vaste et salutaire entreprise, si souvent et
si inutilemcnt tentee, fut terminee par l'influence d'une ad-
ministration active, pleine de sagesse et de fermete.
Au milieu de soins administratifs aussi imporlans, ftl. Foti-
rier parvint cependant a accomplir la tacbe difficile qui lui
avait ete confiee. Ce fut pendant les huit premieres annees de
son sejour a Grenoble qu'il ecrivit ce discours qui sert de
preface bistorique au grand ouvrage sur l'Egypte; exposition
eloquente, rapide et bien ordonnee, ecrite, selon Texpression
de JM. de Fontanes, avec les graces d'Athenes et la sagesse
de l'Egypte, et ou sont minis a grands traits les evenemens de
l'histoire, les observations de la science, les vues de la poli-
tique. C'est dans ce discours, regarde comme un des beaux
monumens de la langue francaise, que l'auteur, invoquant a
la fois l'autorite des Ages et les speculations du genie, a re-
pandu de vives lumieres sur les entreprises que pourrait
essayer l'Europe pour civiliser l'Orient, et que Ton rencontre
quelques-une9 de ces hautes pensees auxquelles recemment
encore Pillustre ecrivain pretait une elevation et une energie
nouvelles.
f>5S NOTICE
L'Institut dc Franco ayant propose, en 180G, line question
d'une dilfieultr egale a son importance, cellc de determiner
les lois de la propagation de la chaleur dans les corps solides,
M. Fourier erea, pour resoudre ce probleme, en l'agrandis-
sant encore, des melhodes enlierement nouvclles; il les veri-
iia par des experiences extremement curieuses, fades avec les
instrumens les plus precis dont on eCtt encore fait usage, et
donna, en 1807, une solution complete de la question pro-
posee. Elle oblint le prix, et placa I'auleur au rang de ccs
homines rares qui savent prouver, quelque illustrcs qu'aicnt
ete leurs predecesseurs, que le genie peut toujours fljouter a
la science. En 1811, M. Fourier remit a lTnslitut un second
Memoire sur le meme sujet : ces denx ecrits ont forme le
corps du grand ouvrage qu'il a public plus tard.
En 18 1 5, lorsque l'empereur Napoleon debarqua en France
et s'avanca vers Grenoble, M. Fourier, sur un avis du prefet
du Var, flt publier, le 5 mars, une proclamation pourmain-
tenir l'ordre, et faire respecter le gouvernement du roi et la
Charte constitutionnelle. II sortit de la ville a l'arrivee du
vainqueur; mais Napoleon le fit ramener dans Grenoble. Dans
cette circonstance difficile, M. Fourier etait expose a un dan-
ger imminent ; il en fut preserve par 1'affection des habitans
e,t par la politique habile de l'empereur, auquel il fut pre-
sents au milieu d'un immense eoncours de monde, et qui le
nomma, le 12 mars, a la prefecture du departement du
Rhone. Les principaux babitans de Lyon, qui connaissaient
tout le bien qu'on pouvait attendre de cct habile magistrat
dans des conjonctures aussi critiques, desiraient vivement
que ces fonctions lui fussent confiees, et qu'il les acceptat :
M. Fourier etait alors dans l'impossibilite de les refuser;
mais les principes de justice et de moderation qui ont tou-
jours regie sa conduite ne lui permirent pas de conserve!-
cette place. II se refusa par ecrit aux mesures qu'un ministre
exigeait de lui, et il fut revoque par decret du 12 mai sui-
vant. Napoleon lui dit plus tard qu'il avait compris sa con-
duite, ct qu'il I'approuvait.
SUR M. LE BARON FOURIER. 559
Rendu a lui-meme, le celebrc gcometre vint hahitcr Paris.
En 1816, il hit, a l'Academie des sciences, un Memoire Bur
les vibrations des surfaces elastiques, qui contenait plusieurs
integrates encore inconnues d'equations appartcnant a des
questions dynamiques'. La meme annee, cette academic l'ap-
pela dans son sein ; mais Louis XVIII, iuduit en erreur sur la
conduite politique de ce savant, refusa de lui accorder sa
sanction royale. Cependant, en 1817, les suffrages s'etant
reunis une seconde fois en sa favour, le Roi, apres un exa-
men attenlif de tous les faits, approuva l'election. Peu de
terns apres , M. Fourier fut choisi pour secretaire perpetuel
de l'Academie, conjointement avec son illustre confrere, M. le
baron Cuvier. Enfin, la Societe royale de Londres, et d'aulres
academics etrangeres voulurent aussi partager 1'honneur de
le compter parmi leurs membres.
En 1820, M. Fourier ajouta a ses decouvertes la solution
d'une question extremement compliquee ; elle consiste a for-
mer les equations differentielles qui exprkoent la distribution
de la chaleurdans les liquides en mouvemcnt, lorsque tomes
les molecules sont deplacees par des forces quelconques,
combinees avec les changemens de temperature. Ces equa-
tions appartiennent a l'hydrodynamique generate, et Ton
doit a leur auleur d'avoir complete cette brancbe de la me-
canique analytique.
Ce fut en 1822 que ce grand geometre livra au monde sa-
vant son admirable traite intitule : Theorie analytique de la
Chaleur. Le discours preliminaire, et en parliculier un passage
de ce discours qui nous a surtout frappes et qui peut-etre n'a
pas ete assez rernarque, suffirait seul pourmettre HI. Fourier
au nombre des geometres philosopbes auxqucls il appartieut
d'arracher a la nature quelques-uns de ses secrets les plus ca-
ches. Jusqu'a lui, les effets de cet element universel etaient
restes en dehors des theories mecaniques. Les lois constantes
qui en reglent la distribution etaient encore inconnues ; on
avail recueilli des observations precieuses; mais on ne eon-
naissait ainsi que des resultats partiels, et non la rbmonslia-
5()o NOTICE
lion mathemalique des lois qui les comprennent tous. L'il-
luslre aulcur est parvenu a les dccouvrir et a lcs renfermer
dans les formules d'une haute analyse, en sorte que desormais
(cite theorie formeia unc des branches les plus importantes
de la physique generale. Scs priacipes sont deduits, commc
ceux de la mecanique rationnelle, d'un ties-petit nombre de
fails primonliaux, dont les geometres ne considerent point la
cause, mais qu'ils admettent comme resullats des observa-
tions communes ct confirmees par toutes les experiences.
Les principaux resultats de cette theorie sont, comme on
I'a deja dit en partie, les equations diff< rentielles du mouve-
ment de la chaleur dans les corps solides on liquides, et l'e-
quation generale qui se rapporte a la surface. Ces equations,
comme celles qui expriment les vibrations des corps sonores
ou les dernieres oscillations des liquides, apparliennent a une
des branches de la science du calcul le plus recemment de-
con vertes, ctqu'il importait beaucoup dc perfectionner. Apres
avoir etabli ces equations differentielles, il fallait en obtenir
les integrates; ce qui consiste a passer d'une expression com-
mune a une solution propre assujettic a toutes les conditions
donnees. Cette recherche difficile exigeait une analyse spe-
ciale que M. Fourier a crcee, et qui est fondee sur des theo-
remes nouveaux dont nous ne pourrions ici faire connaitre
la nature. II suffira de dire que la methode qui en derive ne
laisse rien de vague et d'indetermine dans les solutions;
qu'elle les conduit jusqu'aux dernieres applications numeri-
ques, condition necessaire de toute recherche, et sanslaquelle
on n'arriverait qu'a des transformations inutiles. II est digne
de remarque que ces meme- theoremes s'appliquent a des
questions d'analyse generale et de dynamique dont on desirait
depuis long-tems la solution. On pent facilement juger de
quelle importance doit etre cette theorie toute nouvelle,
pour lcs sciences physiques et pourl'economie civile, et quelle
peut etre son heureuse influence sur les progres des arts qui
exigent l'emploi et la distribution du feu. En general, et c'est
ici un des caracteres de son genie, M. Fourier, dans toutes
SI 11 M. LE BARON FOLRIiifi. 5<ii
ses recherches, se proposait toujours d'en dedujre de nou-
veaux a vantages pour la societe civile; bien different en cela
de ces geornetres qui consacrent trop souvent des facultes in-
tellectuclles fort remarquables a des questions vagues et u
des calculs sans issue.
La theorie de la cbaleur a aussi une relation necessaire avcc
re systeme du monde ; un ordre de phenomenes tres-impor-
tans s'accomplit, dans ce systeme, par suite des Iois qui
regissent sa distribution : il serait impossible de rappeler ici
tous les resultats inatlendus auxquels M. Fourier est parvenu
a ce sujet; il suffira d'indiquer quelques-unes des hautes
questions dont il a pu, aide de ses nouvelles theories, donner
une solution complete.
Pourquoi les temperatures terrestres cessent-elles d'etre
variables a une profondeur si petite par rapport au rayon du
globe ? Quel terns a du s'ecoulcr pour que les climats pusscnt
acquerir les temperatures diverses qu'ils conservent aujour-
d'hui; el quelles causes peuvent faire varier maintenant leur
cbaleur moyenne? A quel caractere pourrail-on reconnaitre
que le globe terrestre n'a pas entierement perdu sa cbaleur
propre ; et quelles sont les Iois exactes de la deperdition ?
Independamment des deux sources de cbaleur pour notre
globe : 1'une, fondamentale et primitive; l'autre, due a la
presence du soleil ; n'y a-t-il point une cause plus univer-
selle, qui determine la temperature du ciel dans la parlie de
1'espace qu'occupe maintenant le systeme solaire?Dans celle
question entierement neuve, quelles sont les consequences
d'une theorie exacte ? Comment pourra-t-on determiner cette
valeur constante de la temperature de Cespace, et en deduire
celle qui convient a chaque planete ? Si Ton ajoute a ces
questions principales celles qui dependent des propriety's de la
chaleur rayonnante et plusieurs autres encore non moins im-
portantes, on se formera une idee de 1'ensemble des admira-
bles conceptions de cet homme de genie, et Ton pourra en-
trevoir les donnees qu'il a fournies a l'esprit de l'homme
T. XLVI. Iuin i<S5o. 36
56s NOTICE
au-rlela memc dc la spline, dcja si vaste, de loutes les scien-
ces positives.
La solution de ces problemes, qui demandait nnc tete dont
la puissance rappclal les Newton, les Lagrange, les Laplace,
nous a fail connaitre que la temperature desespaecsplanetaires,
dans notre sysleme solaire, etait de 4o degres au-dessous de
zero du ihermomctre de Reaumur , la meme a pen pres que
celle qui regne aux poles dc la terre , aussi delerminee par
suite de la theorie de M. Fourier. On a pu comprendre alors
pournuoi la temperature que nous eprouvons sur notre globe
reste contenue entre de certaines limites, et comment ilse fait
que le froid et la chaleur ne deviennent pas tour a tour d'une
intensite terrible pour tout ce qui vit, lors du passage du jour
a la nuit et de la nuit au jour, ainsi que dans les variations
qu'tprouve la distance de la terre au soleil pendant sa revolu-
tion. On a su aussi que la masse incandescente qui forme
l'interieur du globe doit se trouver a environ vingt lieues au-
dessous de sa surface, et que la chaleur qui en emane ne peut
plus exercer aucune influence sur la temperature terrestre.
Alors a disparu pour jamais cesysteme du refroidissement de
la surface de notre globe auquel la presence du feu central
pretait une apparence de verito. Le calcul a tout rectifie, jus-
qu'aux erreurs du genie ; et ces enormes planetes, situees aux
confins de notre systeme solaire, et ou Buffon placait une
chaleur qui devait les rendre des milliers de siecles inaccessi-
bles aux especes vivantes, n'ont plus aujourd'hui d'autre tem-
perature que celle des espaces planetaires, 4© degres au-des-
sous de zero.
M. Fourier ayant calcule d'apres quelle loi s'operait le re-
Xroidissement du globe, originairement dans un etat d'incan-
descence, et combien il avait fallu de siecles pour I'amener a
l'etat actnel, on sent combien cette question acquiert d'inte-
ret sous le point de vue cosmologique. Nous laissons au lec-
teur a pressentir quelles peuvent etre, sous ce rapport , les
consequences de cette decouvcrtc.
Dans ces dernieres annees, nous avons vu M. Fourier s'oc-
SUR M. LE BARON FOURIER. 563
vuper d'experiences tres-interessantes sur la transmission de
•la chalcur a travers des corps de substances diverses; quel-
ques-uns des resultats furent contbrmes a ce que l'habik' phy-
sicien avait soupconne ; entrc autres, que la quantite de cha-
leur qui traverse plusieurs lames de differentes malieres
superposees varie selon l'ordre de superposition, les cir-
constances exterieures restant les memes. Ainsi, en placaut
une feuille de cuivre entre la peau et du drap , on facilite la
transmission ; entre du drap et du drap, on ne la change pas;
et , entre du drap el du marbre , on la ralentit.
Pour faire ces experiences, M. Fourier avait imagine un
thermometre tres-ingenieux, et d'une senstbilite remarqua-
ble, appele par lui thermomMre de contact. Cet instrument,
peu connu, merite l'attention des physiciens. Une suite nom-
breuse d'observalions bien faites, du genre de celles dont
nous venons de parler, pourrait avoir de tres-heureux resul-
tats pour 1'industrie ; M. Fourier en parlait aussi comme
pouvant etre fort utile a l'hygiene.
II a encore perfectionne plusieurs points importans du cal-
cul des probabilites; on sait tout ce qu'on peut attendre d'u-
tile de son travail sur les Resultats moyens et sur les Erreurs des
Mesures. Dans un beau travail sur la resolution generale des
equations, cette matiere a ete traitee par notre grand geo-
metre d'une maniere entierement neuve. Enfin, on trouvera
sans doute dans ses papiers des reflexions aussi curieuses que
philosophiques sur les points epineux de l'algebre elementaire
et sur la theorie des paralleles.
On a peine a comprendre comment , au milieu de medita-
tions si profondes, il est possible de se livrer a des travaux
qui exigent le genie des lettres aussi-bien que celui des scien-
ces. M. Fourier offrait souvent la preuve de la possibilite de
ce double effort; et c'etait toujours avec une admirable sou-
plesse de talent qu'il Pexecutait. Les beaux eloges qu'il a pro-
nonces, comme organe de PAcademie des Sciences, l'ont
place a cote de Fontenelle, de Condorcet et de Vicq-d'Azyr.
Au«si ingenieux que le premier, mais avec plus tie simplicity.
564 NOTICE
il s'eleve, comme Condorcet, par la gencralite des idees et
I'univcrsalUc des connaissances, et se rapprochc du dernirr
par rharmonie , 1'elegance et les mouvemcns animes du
9lyle.
En 1827, 1' Academic francaisc voulut acquitterla dette dc
la litterature envers ce savant illnstre ; et, le 1 7 avril, tous les
suffrages le dcmanderent a l'Academie des Sciences. La meme
annee, apres la moil dc Laplace, M. Fourier lui succeda dans
le Conseil de perfcctionnement de I'Ecole Poly technique , et , en
1828, apres la chute du ministere de Villcle , ii tut nomme
membre de la Commission chargee d'eclairer le gouvernemenl
sur la distribution des encouragemens accordes aux scien-
ces, auxlettres et aux beaux-arts, et eusuite president de la
Commission de statistique, etablie au ministere de la marine
et des colonies. II avait refuse du nouvcau ministere la place
de directeur-general de la librairie , dans laquelle il aurait pu
faire tanl de bien : c'etait la seule raison qui lui faisait regret-
ter que ses occupations el sa sante ne lui eussent pas permis
d'accepter.
C'est au milieu de lant de travaux, de meditations et de de-
voirs remplis avec une rigide exactitude, que M. Fourier
trouvait le terns de rcpondre a tout, de donner des preuves
de l'amitie la plus cordiale a ses confreres , d'accueillir el
d'encourager toutes les personnes qui lui etaient adressees.
Rien n'egalait le charine de sa conversation, a la fois gaie ,
spirituelle et pleine de grace. Ces qualites si estimables, et
la bonte qu'il apportait dans ses relations sociales, lui alti-
raient autant d'auns que son genie lui faisait d'admirateurs.
II etait, depuis plusieurs annees, atleint d'une angine ner-
veuse ; cette inGrmite , aggravee recemment par une chute,
l'a enleve presquc subitement , le i(i mai dernier, dans la
soixante-troisieme annee de son age. Les savans s'empresse-
ront de caracteriser ce qu'il a fait pour le progres des scien-
ces, qui lui doivent des calculs profonds, des theories neuves,
des lois demontrees, et des decouvertes qui rendront son nom
immortel. Ses obscques ont etc celebrees, le 18 mai, dans
SLR M. LE BARON FOURIER. 565
Keglise de Saint-Jacques-du-Haut-Pas. A cette solennile dou-
lonreuse cnt assiste de nombreuses deputations de l'lnstitut
et de l'Ecolc Pulytechnique ; les membres de sa famille, dont
la douleur profonde se faisait remarqiier; les amis les plus
in times de M. Fourier, et un grand nombre d'academiciens ,
de savans, d'hommes de leltres, et de perscnnes que la recon-
naissance ou les regrets avaient reunies, et presque confon-
dues, autour du cercueil de l'illustre academicien, de l'excel-
lent parent, de l'homme de bien, ami des libertes publiques
de son pays. — Le poele etaittenu par MM. Geoffroy-Salnl-
Hllaire et Bonlemps Beaupre , de l'Academie des Sciences;
Feletz, directeur de l'Academie rrancaise, et Sylvestre de Sacy,
de l'Academie des inscriptions. Le convoi s'est dirige sur le
eimetiere*de l'Est. Plusieurs discours ont ete prononces sur la
tombe, par M. Sylvestre, par M. Cutler , et par MM. Feletz,
Girard et Jomard. — Voici la liste des principaux ecrits de
M. Fourier :
i°. Memolres sur la Statique, contenant la demonstration
du principe des vitesses virtuelles et la theorie des mo-
mens, imprime dans le tome n, du Journal de I'Ecole Poly-
technique s 1798.
20. Memoir e sur la Resolution generate des Equations alge-
brlques : presente a VInstitut d'Egypte.
3°. Discours prctimlnalre , servant de Preface hlslorique a la
Description de I' Egypte. Paris, 1810. t vol. gr. in-f°.
4°. Rapport sur les Etabllssemens appeles Tontines. Pa-
ris, 1821. In-4°.
5°. Theorie analytlque de la Chaleur. Paris, 1822. In-4°.
6°. Plusieurs Rapports sur les Progres des Sciences mathe-
matiques. Paris, 1822 a 1829.
70. Eloge hlstorique de sir William Herschel. Paris, 1824.
In-4°.
8°. Eloge de Delambre. Paris, 1825. In-4°.
90. Deux Memolres sur la Theorie du Mouvement de la Cha-
leur dans les Corps solutes ; inseres. dans les tomes iv et v des
Memolres de I'Jnstitnt, annees 1S24 et a6.
MM NOTICE SUR M. LE BARON FOURIER
i o*. Notice historique sur la Vie et tes Ouvrages de Breguttt
Paris, 1826. In-4".
n", Mimoire sur les Temperatures du Globe terrestre et deb
Espaces plane" taires. Paris, 1827. In-4".
1 a". Memoires sur la Distinction des Racines imaginaires, et
sur I' Application des Thcorimes d' Analyse algcbrique aux Equa-
tions transcendantes qui dependent de la Thcorie de la Chaleur
(toni, vn des Mem. de I'Inst. , 1827.)
i5°. Eloge historique de M . Charles.
»49. Mimoire sur la Theorie analytique de la Chaleur (t. vm,
On attribue encore k M. Fourier des Recherches statistiques
iitr la Ville dc Paris, publites d'apres les ordresde M. de Cha-
brols pret'et de la Seine. II a f'ourni quelques article's de geo-
metres celebres a la Biographie universelle ; Us sont signes.
Am Z
VlElLB BE BOISJOSLM,
=*J^jjr3*»3- «— -
II. ANALYSES DOUVRAGES.
SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES.
Theorie analvtique du systeme Dti monde, par M. G. DE
Pontecovlant, ancien eleve de VEcole Poly technique, Capi-
taine au corps royal d'etat-major (i).
2V. B. Une excellente analyse de cet ouvrage a paru dans le
recueil trimestriel anglais intitule : The foreign Quarterly Re-
view. Nous allons reproduire cet article, aussi exactement que
peuvent le perrnettre le plan et le but de notre Revue, et l'e-
tendue qu'il nous est possible de donner a cbacune de nos
insertions : c'est un hommage que nous nous plaisons a ren-
dre a l'une des Revues anglaises les plus dignes d'estime par le
choix des sujets qu'elle traite, par la sagacite des discussions,
la justesse et l'impartialite des jugemens.
C'est dans l'histoire des sciences mathematiques que Ton voit
le plus clairement coinbien la marcbe des connaissances hu-
maiues est lenle, comment les verites ne se revelent quepeu
apeu, meme au genie, et ne brillent de tout leur eclat qu'a-
presuu terns plus oumoinslong, qu'apres une suite dedecou-
vertes. Depuislc plus simple theoremedegeometrie jusqu'aux
plus hautes conceptions de la theorie des forces centrales, onre-
connait presque partout l'empreinte des efforts successifs des
invenleurs; on a commence par entrevoir les lois generales
de la nature; peu a peu, les notions vagues et confuses qu'on
(1) Paris, 1829; Bachelier. a vol. iu-8° de 556-5o4 pages; prix ,
18 fr.
568 SCIENCES PHYSIQUES,
s'en clait form&es out acquis plus de precision ; mate cc n'est
qu'aprcs de tongues ct pcnibles recbercbes qu'on est parvenu
a saisir la forme simple, a constatcr l'universalite d'applica-
lion qui caracterise ceslois.
Mais, quciles que soient l'imporlance et les difficultes des
investigations suceessives par lesquelles une decouverte est
romplctee, la globe en apparticnt presquc cxclusivenient a
celui qui ouvrit la carriere. Cetle disposition de l'esprit hu-
main pent etrc justifiec ; il est bien rare que la premiere ma-
nifestation d'une verite grande et feconde soit due a une in-
telligence ordinaire ; au lieu que, pour aller tres-loin sur une
route ouvertc et sulfisamment eclairee, les forces du genie ne
sont pas indispensables. « V arignon nous gencralisera ceta«,
disait 1'un des Bernoulli; mot encore plus profond que plai-
sant et malicieux. En effel, combien d'bommes se montrent
capables d'etendre, de simplifier, de perfectionner une decou-
verle qu'ils n'auraient pu fairc? On ne refuscra pourtant pas
une assez baute estime aux savans labotieux qui mettent la
science a la portee du plus grand nombrc, ou qui la rendent
plus usuelle ; leur place est marquee parmi les bienfaitenrs dc
1'humanite; ils eclairent les arts, ils en creent de nouveaux,
ils fortificnt la raison , extirpent deserreurs, consolident de
plus en plus le pouvoir dc la verite. Le genie avait defricbe et
seme, ils ont soigne les cultures, fourniaux jeunes plantesles
sues nourriciers qui les ont amenees jusqu'a la fructification;
un aussi grand service est bien digne de toute notre recon-
naissance.
L'astronomie physique ne remonte verilablement que jus-
qu'au xvii* siecle, epoque de prodiges en tout ce qui est du
ressort de ('intelligence bumaine. La decouverte de l'atlrac-
tion universelle conduisit Newton a la connaissancc de tous
les mouvemens des corps celestes et des lois auxquelles ils
sont assujettis. Depuis celte admirable epoque, le developpc-
ment des effets de 1'attraction sur les planetes n'a point cesse
d'occuper les plus grands geometres, et les principes de New-
ton ont forme la base d'un vaste edifice, auqucl notre siecle a
SCIENCES PHYSIQUES. 56t>
eu la gloire de mcltrc la derniere main. Malheureusement .
cet edifice est un temple dont mil profane ne pent approcher;
a 1'exception d'un tres -petit nombre d'inilies, tous les autres
humains en sont exclus. La connaissance du systeme du
monde ne se propage pas antrement que celle des dogmes de
la foi ; presque tons sont reduils a croire sur la parole de ceux
qui ont pu voir. Mais comment pent -on sc faire introduire
dans le sanctuaire , et jouir de la vue de toutes les merveilles
qu'il renferme? 11 faut se livrer a de longnes et profondes
etudes, se i'amiliariser avec les instrumens des sciences exac-
tes, avec les melhodes de calcul et l'usage des signes qu'elles
emploient. Des cbarlatans de savoir pretendent que Ton pout
eviter toutes ces fatigues, et proposent d'inlroduire, par une
voie plus courte et plus facile, aupres de ces verites sublimes
que l'analyse malbematique se plait, disent-ils, a couvrir de
ses tenebres ; ils trompent lenrs trop confians auditeurs, et ne
les eclairent que de fausses Incurs, ne leur montrent que des
images incorrectcs et meconnaissables , au lieu de repandrc
une lumiere vive et pure sur les formes reelles des objets. Lfe-
criture algebrique est certainement la plus logique et la plus
precise de celles qui offrent leur secours au raisonnement, et
il n'est pas aussi difficile qu'on se l'imagine deparvenir a com-
prendre tout ce qu'elle exprime tres-bien, et que le discours
ordinaire ne traduirait qu'imparfaitement. Les traites dits po-
pulaires, si multiplies aujourd'hui, s'accordent tous u proscrire
l'algebre et ses signes ; quel effet pcuvent-ils operer , sinon
d'abaisser l'instruction moyenne au-dessous du niveau qu'elle
eCit alteint si Ton eut donnc aux gens du monde une idee
moins retrecie de la portee de leur intelligence? On ne refu-
sera point a ces traites le merite bien reel de dirigcr les esprit s
vers des objets digues de leur attention; mais on n'accordera
jamais qu'ils puissent reveler le mecanisms de l'univers aux
intelligences capables de le comprendrc.
Mais, pour cenx memes qui abordentl'astronomie physique
avec une suflisante provision de connaissance d'analysc nia-
thematique, I'etude de cclte science n'est pas exempt* de dit-
57o SCIENCES PHYSIQUES.
licultes, qui proviennent principalement dc la diversile ties
inclhodcs s 1 1 i \ i e s par les geometres qui lui ont consacre leurs
veilles. Comme ehaque question Cut traitee isolement, et par
des rechcrclu s analyliques appropriees au sujet, lcs solutions
parricuKeres auxquelles on ctait parvenu ne preparcrcnt point
les voles pour arrivcr a d'aulres resultats ; I'edifiee s'elevait et
sc consolidait, quoique cbacun de ses niateriaux eut etc fa-
conne, sans que Ton pi it soin de le raccorder avec les parties
adjaeentes. Ce defaut de vues concertees, ce dcsordre dans les
investigations, etaient inevitables; car telle est la marche du
genie ; et il n'etait reserve qu'aux plus eminentes facultes de
rontinuer Foeuvre de Newton. D'Alembert enrichit la dyna-
mique de son principe . theoreme si general qu'il renferme
toule une science dans son simple enonce. Jean Bernouilli
lournit son contingent par la decou verte du Principe des Fitesses
rirtuclles. Lagrange reunit ces deux sources d'expressions ana-
lytiques , et il en deduit celles du mouveuient d'un systeme
dc corps agissant les uns sur les autres suivant une loi quel-
conque. Laplace entrait alors dans la carriere , et cominencail
,i pii parer des niateriaux pour sa Mecanique celeste , le plus
taste des monumens eriges a la science, et qui a manifesto
plus qu'aucun autre l'immense pouvoir de Fanalysc mathema-
tique-
Mais une instruction placee aussi haul n'etait accessible
qu'a ceux qui, sachant deja beaucoup, nc manquaient point
de tems pour de profondes etudes. En cherchant les moyens
d'v atleindre plus facilement, onvoit d'abord querien nepeul
^uppleer aux connaissances preparatoires ; quant au travail
tilterieur, il semble qu'on le rendrait plus court et moins pe-
nible, si Fon profitait de toutes les ressources que Fanalyse
[)ossede actuellement, et si Fon parvenait a mettre plus d'u-
nil'ormite dans les metbodes. Tel est le service qu'un jeune
geometre s'est propose dc rendre a ses compagnons d'etudes
matbematiqucs et qu'ils lui devronl en effet, comme on pent
sYn convaincre en parcourant Fouvragc dc M. de Pontccou-
lant.
SCIENCES PHYSIQUES, 57]
L'auteur tie YEssai sur tes Perturbations des Cometes, Me-
moiro eouronin: par 1' Academic des Sciences, qui avait rcmis
trois fois inutilenient ce sujet au concours, semblait designe
d'avance pour servir de guide a tous ceux qui auraient l'am-
bition de s'elever jusqu'a la Mecanique citesie. Quoiqu'il sou-
mette a de nouveaux procedes analytiques les questions trai-
tees dans cet ouvrage, il a cru devoir se conformer, en
general, au plan suivi par 1'illustre auteur.
Le premier livre de la Thcorie analytiquc du Syslime duMonde
est consacre a l'exposition sommaire des lois generates de
1'equilibre et du uiouveinent, et aux formules qui les expri-
rnent. Centre 1' usage qui semble s'etablir aujourd'hui , l'au-
teur ne s'attacbe point a rendre difficile ce qui n'eCit point em-
barrasse, a introduire une complication qui ne serait point
dans les choses, a obscurcir les notions les plus simples et les
plus claires; au contraire, tout ce premier livre est d'une lu-
cidite que Ton cherchera sans doute a egaler, lorsque la mode
actuelle n'exercera plus son empire, lorsque Ton debarrassera
Kentree de la carriere des epines dont on l'obslrue , et qui ne
devraient se faire sentir que dans les haules regions de la
science.
Los formules etablies dans le premier livre sont appliquce>
au systeme planelaire. Consideree sous cet aspect general,
l'astronomie physique presente trois problemes a resoudre :
i° determiner les orbites des planetes autour du soleil; 2°cal-
cnler le mouvenient de rotation de ces corps autour de Lews
axes; 5" soumctlre egalement au calcul leurs figures, que 1 'at-
traction modifie, aussi-bien que leurs mouvemens. Le pre-
mier prohleme a etc* resolu plus completement que les deux
.nitres, parce que ceux-ci n'admettent aucune simplification ,
rt que les observations ne fournissent que peu 011 point de
donnees pour l'application des formules analytiques. Notre
planete est la seule dont nousayonspu, jusqu'a present, de-
terminer la figure et le mouvement de rotation autour de son
nxe.
Les methodes tie calcul que Ton doit au genie do Lagrange
5ya SCIENCES PHYSIQUES.
-mi! I.i plus precieuse acquisition quo les sciences mathema-
tiqucs aienl faite depuis Newton : elles ont eclaire plusieura
points de la mecanique celeste , et particulierement la theoiie
des perturbations planetaires. Ccs ingenicux artifices d'ana-
lyse simplifient le calcul des differentes forces qui agissent
sur un systeme de corps, el presentent les rcsultats sous nne
forme qui laisse apcrcevoir facilemcnt lenrs relations rau-
tuelles. Notre auteur ne manque pas de les employer partout
oil ils sont applicables ; et c'est ainsi que son traitc est devenu
court et facile a lire, sans cesser d'etre complet.
Dans l'etat actuul de l'astronomie physique, l'attention des
geometrcs et des astronomcs doit se dinger principalemcnt
vers la theoiie des cometes. Ce sera par l'etude de ces corps
cpie nous pourrons penetrer plus intimement les mysteres de
la constitution dc l'univers. Malheureusement, on ne peut les
observer que pendant leur courte apparition, dans une tres-
pelite partie de leur orbite ; leur masse est done encore in-
connue , ainsi que la force qui les retient dans leur orbite ,
malgre l'attraction solaire. C'est aux geometres qu'il est re-
serve de tracer cette orbite, d'en achever le contour d'aprcs le
petit nombre dc points que l'observation a pu determiner sur
un arc d'une tris-petite etendue. Parmi les methodes propo-
sees pour resoudre cette question, on distingue celle de Lam-
bert, plus elegante que correcte, celles de Laplace et de La-
grange; c'est cette derniere que M. de Pontecoulant a suivie
en la modifiant pour la rendre plus facilement applicable ; et,
a cet egard, il a tres-bien reussi : parmi toutcs les manieres
de proceder a ces calculs, celle de notre auteur est la mieux
a dap tee aux besoins de la pratique. Cependant, il serail utile,
et meme indispensable, clans certains cas, de recourir a la
methode de Laplace : cette consideration a decide HI. de
Pontecoulant a exposer cette methode dans une note placee a
la fin dn second volume, et, selon son usage, il la simplifie et
la rend plus commode qu'elle ne paraitra , si on l'etudie dans
la Mecanique cHestc.
Les perturbations que les cometes eprouvenl dans leur
SCIENCES PHYSIQUES. 5-5
mouveuient sont beaucoup plus considerables et plus diffi-
ciles a determiner que celles des planetes. En effet, a la dis-
tance prodigieuse ou les cometes parviennent en s'eloignant
du soleil, l'attraction decetastre devient extremement faible,
et les forces pcrturbatriees doivent agir avec plus d'eoergie.
L 'analyse meme ne possede encore que de laborieux moyens
d'approximation pour evaluer les effels de ces forces, et il est
des cas, dit notre auteur, ou la patience du calculateur doit
suppleer a ('imperfection des melhodes de calcul. Parmi les
cometes qui parcourent les espaccs celestes, on en compte au
moins cent trente donl notre systeme planetaire repoit de terns
en terns la visite, ou qui n'cn sortent point. L'bistoire de L'as-
tronomie conservera soigneusement toutce qui est relatif a la
comete de Halley, que Ton n'a pas revue depuis i?5<); les
travaux dont elle fut l'objet, et surtout ceux de Clairaut, qui,
apres des recherches d'une longueur prodigieuse, parvint a
fixer l'epoque du retour de cette comete avec plus de preci-
sion que Halley n'avait pu le faire : le geometre francais ne
se trompa que d'un mois sur une periode d'environ 76 ans, et
il efitcertainemen! poussel'approximation beaucoup plus loin,
s'il avail introduit dans ses calculs une valeur plus exacte de
la masse de Saturate, et l'attraction d'Uranus, dont i'existence
etait encore ignoree de son terns. La comete de Halley nous
fera une nouvelle visite en i835; et cet bote, impatiemment
altendu, fixera, pendant toute la duree de son apparition, les
regards du monde astronomique. La difference entre l'obser-
vation et les resultats du calcul donnera une idee plus exacte
de la nature de ce corps celeste ; sa masse sera mieux connue ;
on pourra decider si les fluides repandus dans les espaces ce-
lestes lui opposent quelque resistance. On comparera aussi ses
apparences physiques a celles dont on a conserve le souvenir,
ce qui peut donner quelques lumieres sur la constitution de
ces sortes de corps, apprendre si le volume ou la densite des
vapeurs dont ils paraissent formes subit quelques change-
mens, quelque diminution sensible. M. de Pontecoulant ap-
5-, SCIENCES PHYSIQUES,
plique a celto comete seg Ibrmules pour le calcul des pertur-
bations, el il parvient a ce resultat !
— Passage au perihelie, le 5i octobrc i835.
— Demi grand axe de l'orbite, 17,98355 ibis la distance
moyenne dc la terre a\i soleil, on environ Ooo millions de
lieues.
— Rapport do 1'excenlricilc an demi grand axe, 0,967453.
— Inclinaisnu de l'orbite par rapport a l'ccliplique, i7°46'5o".
L'lionnenr d'avoir decouvert line seeonde comete periodi-
qne appartient a M. Encke, de Gotha. Les observations decet
astronome, jointes acelles de MM. Aragoct Olbers, prouverent
que celte habitante de notre systeme planetaire avait accom-
pli quatre revolutions, de i8o5 a 1819, et que, par consequent,
sa periode etait a pen pres de trois ans et trois mois. Cette im-
portante decouverte nniltiplie nos moyensd'ajouter beaucoup
de fails curieux a ceux qui sont deja connus sur les cometes,
et de composer peu a pen la theorie des corps de cette espece.
L'action des planetes sur la comete d'Encke est si puissante
que le passageau perihelie, en 1823, futretardede neufjours.
Invisible en Europe, ce petit corps celeste, destine a nousap-
prendre tant de choses, tut observe a Paramatta (Nouvelle-
Hollande) : multiplionsles observatoiresetlesastronomes, afin
de ne rienperdre dece que l'univers astronomique peut nous
reveler. Tot ou tard , ces connaissances, qui semblent etran-
geres a la destination de l'homme sur la terre, se coordonne-
ront avec les autres, et prouveront que l'instruction sur le sys-
teme du monde a quelque part dans le perfectionnement
moral de l'homme.
Depuis 1822, les deux passages de la comete de Encke au
perihelie se sont accordes avec les resultats du calcul, sur-
tolit le dernier. Pour expliquer les retards anterieurs a 1819,
Encke ressuscila l'hypothese d'un milieu resistant : les obser-
vations ulterieures apprcndront s'il faut l'admeltre ou la reje-
ter definitivement. Jusqu'a present , dit notre auteur, l'exis-
tence d'un tel milieu n'est point indiquee par les principalis
phenomenes de 1'astronomie physique.
SCIENCES PHYSIQUES. 5?5
Entre les rares apparitions de la comete de Halley et des
frequens retours de celle d'Encke vient se placer la co-
mete de Biela, dont la periode est de six annees, huit a neuf
mois. Les variations de l'orbite qu'elle parcourt actuellemenl
out etc calculees par M. Damoiseau ; en mai i85i , elle pas-
sera tres-pres de Jupiter, et sera soumise, pendant qnelque
terns, a Taction de cette planele. M. de Pontecoulant deter-
mine, par ses methodes du calcul des perturbations, le grand
axe de son orbite, son excentricite, et son inclinaison sur l'e-
cliptique, dont la variation, depuis 182G, sera d'environ 20':
mais celle du plan de cettt: orbite avec celni de l'orbite ter-
restre aura retrograde d'environ 5° i3'45".
Tandis que les geomelres s'attachent a resoudre toutes les
questions relatives an mouvement des cometes, les physiciens
diligent leurs recherches vers les phenomenes qui peuvent
nous donner quelques notions de la nature et de la constitu-
tion de ces corps. En attendant qu'on puisse arrivera des con-
naissances sur cet objet, d'une si haute importance pour I'as-
tronomie physique, on est reduit a des conjectures, et on nc
les epargne point. Les cometes sont-elles des corps perma-
nens, indestructibles, comme les planetes; ou sont-elles tormees
accidentellement aux depensdes fluides repandus dans les es-
paces celestes, comme les nuages dans notre atmosphere?
C'est a une posterite bien reculee qu'il est reserve de repon-
dre a cette question, non par des hypotheses, mais par des
faits bien constates. Si quelque comete, en passant tres-pres
du soleil, etait vaporisee en partie, elle eprouverait peut-ctre
une perte qui ne serait point reparee, et qui, se renouvelant
aux autres passages pres du soleil , amenerait la destruction
totale de ce corps celeste, dont l'existence n'aurait ete qu'e-
phemere en comparaison de l'immortalite des planetes. Et ,
si la comete qui aurait eprouve quelque diminution au peri-'
helie attirait ensuite a elle , vers l'extremite opposee de son
orbite, quelque matiere qu'elle aurait trouvee sur son passage^
elle se maintiendrait , et pourrait durer toujours, quoique des-
tructible par sa nature. Newton ne leur accordait pas cette fa-
5^6 SCIENCES PHYSIQUES.
tulte; il pcnsait que ces corps, si legcrs on raispn de lour vo-
lume, eprouvaient dans lour marche, par la resistance du
niilieu qu'ils travcrsaicnl , un ralonlisscmcnt qui devait les
fixer en fin dans la sphere d'atlractinn du soleil , et les pceci-
piter vers cet astre, dont ils accroitraient ainsi la masse, et re-
pareraientles pertes qu'il failcnntinuullcmcut par 1'emission do
la lumiere. Ainsi, dans ['organisation de I'univers, la destina-
tion des cometes serait de servir d'aliment aux foyers qui
echauffent, eclairent ct vivifient les syslenies planelaires. Cette
hypothese n'est pas ibrmcliement contredile par la decou-
verte de deux cometes a courte periode ; eependant , elle ne
parait plus aussi plausible, surtout depuis que les physiciens
eommencent a douter que la lumiere soit une emanation du
soleil. Quoi qu'il en soit, les deux corps celestes dont il s'a-
git seront observes avec assiduite a chacune dc leurs appari-
tions; on notera soigneusement les modifications de lcurmou-
vement, de leur volume, de leur apparence; leurs frequens
retours dpnnerout lenioycn, non-seulement de multiplier les
observations, mais en memc terns de les rendre plus precises et
plus digues de confiance. On sait deja que la masse de ces co-
metes est exlremement petite, qu'elles ne peuvent exercer une
action sensible sur les planetes, qu'elles ne derangent point
l'orbite terrestre, nun plus que son mouvemenl de rotation;
en un mot, qu'elles eprouvent de grandes perturbations, et
n'en causent point que nos instrumens puissent nous faire
apercevoir.
Les seules cometes visibles sont cedes qui traversent l'es-
pace renferme par l'orbite terrestre. Si Ton suppose que ces
corps abondent egalement dans toutes les regions du ciel, on
devra conclure qu'il n'y en a pas moins de 25o,ooo qui s'ap-
prochent du soleil a une distance moindre que celle d'Uranus.
Apres Pexpositiondes lois du mouvement de translation des
corps celestes, M. de Ponlecoulant passe a celle du mouve-
ment de rotation, matiere plus difficile, et qu'il traite avec
une habilete tres-remarquable : nous serions tente d'ajouter
qu'il surmonte avec bonhcar toutes les difficultes qui depen-
SCIENCES PHYSIQUES. 5;7
dent tie l'expression analytique. Avec le secours des metho-
des de Lagrange, et des lumieres qu'il tire des travaux ante-
rieurs de M. Poisson sur le meme snjet, il renferme dans les
inemes formules les effets de ('attraction sur le mouvement
de rotation des planetes, et les derangemens qu'elles cprou-
vent dans leur orhite par I'action de la meme force. En effet,
puisqu'il n'y a qu'une seule cause et une seule loi , l'ex-
pression de l'effet ne peut varier que parce qui particularise
la question dont on s'occupe : ici l'analjse se montre telle
qu'elle est en effet , la langue la plus correcte que le raisonne-
ment ait faite pour sou usage, et la plus propre a seconder ses
operations sur les choses qn'elle peut exprimer.
Les planetes qui composent notresysteme solaire, exercant
leur attraction les unes sur les autres, modifient de deux ma-
nieres le mouvement de rotation de chacune: ou elles occasio-
nent un deplacement de l'axe de rotation, par rapport a la
planete meme, ou seulement un cliangement de la direction
de cetaxe dans lesespaces celestes. D'Alembert fut le premier
qui donna line theorie complete de ce mouvement de Tare
terrestre, au moyen duquel Bradley avait explique le pheno-
mene de la nutation ; le geometre franeais determina la forme
de l'ellipse que l'astronome anglais avait supposee decriteen
vertu de ce mouvement. Mais il est evident que cette maniere
d'envisager la question n'est pas assez generale, car l'axe ter-
restre peut changer a la foisde situation par rapport aux etoi-
les fixes et dans l'interieur de la terre; cette variation serait lu
plus importante pour nous, car elle ferait balancer, a la sur-
face de la terre, la position des poles et de I'equateur, et, par
consequent, les latitudes et tout ce qui en derive; ainsi l'e-
quilibre des mers ne serait pas constant, etc. II est vrai que,
jusqu'a present, les observations n'ont fait connaitre aucun
cliangement de cette sorte-; mais il n'y a pas long-tems que les
astronomes out a leur disposition des inslrumens propres a faire
apercevoir ces variations presque insensibles, et a lessoumet-
tre a la mesure. D'ailleurs, quelle quesoit la perfection deces
inslrumens, et l'espacede terns embrasse par les observations,
t. xi.vr. ji'in i85o. 37
>8 SC1KTSCKS PHYSIQUES.
ilrpent,exi8terdes mouveoiensd'une telle lentcurque la tbeo-
rie ail sonic le pouvorr do les reveler; ainsi, par exemplc, lee
inegalilcs scculaires du inouvemenl dos equinoxes, produites
par I'ftttractioil dos planctes, affect en t la duree de Fannec tro-
piqne; cependantj quoiquo ce inouvemenl ail ete eonslam-
ment accelere depuis lo loins d'llipparque, I'annee tropique
n'a dimimie que «ie 8 a <)" dans un inlorvallo de plus dcvingl
Modes. L'obscrvalion directe no saurait allcindrc ces differen-
ces inlininionl pelites; I'analyso viont a son aide. Laplace a dc-
inontro le premier quo la position dos axes terrestres peut
etre regardee comme pormanente, par rapport a la surface de
la lone : (.'analyse do M. I'oisson aconfnmc ocltc decouverle ;
i\l . do Ponloeoulant I'a miso a la portee do tous los lecfeurs
en elat (\i~ losondro nn problcmc ordinaire ilc mecanique.
La terrc el la lone sont los souls corps celestes qui rendenl
sensible ^attraction muluellequeles planetes exorcont los nnes
sur los autres. Snr la lerro, oolte action so manil'cslo par los
pbenomenes do la precession dos equinoxes, do la nutation el
de la diminution de I'obliqiiite de l'ecliptique; sur la luno, ellc
produit lc carieux ofi'et que Ton nomine Vibration , snjot traile
par Lagrange avoc (ant do profondeur et do succcs.
On doit a Dominique Cassiui la connaissancc dc doux parli-
eularitcs tres-rcmarquables du mouvoment de rotation de la
lune ; cet illuslre astronomo constala que l'axe dc rotation do
notrc satellite est toujouis egalement incline sur le plandel'c-
eliptiquo, el que co memo plan est coupe suivant une niome
li"iio par l'orbito el par I'cquatcur lunairo. Lagrange demon-
tra quo le second fait est une consequence neeessaire du pre-
mier, et que, si lc mouvement n'avait point commence en sa-
tislaisant a cos conditions, -on si qiielqnc cause deraiigcait la
position actnolle, rallraclion do la tone I'amencrait on la rela-
blirait; en un mol, que la luno esl dans un otat CCequilibrc
stable.
Cos travaux a\ aionl place la llieorie dc la luno boaucoup Iroji
haul pour qu'il nc lul point difficile de continue? a I'eloveren-
»-ore. On n'aiiem!. pyuria completer, quedesolwterTatiofls el des
SCIENCES PHYSIQUES. 579
donnees qui mcttent en ctat de determiner la figure de ce sa-
tellite avec plus de precision qu'on ne l'a fait jusqu'ici.
L'appli'.ation des formules generalesau calcul desincgalites
du mouvcmcnt de rotation de la lune cause par Taction du so-
leil et de la terre (celle des autres planetes est tout-a-fait in-
sensible) est plus laborieuse que celle dont la terre serait I'ob-
jet : il faut y introduire l'obliquite de Tequateur lunaire, par
rapport a l'axe instantane de rotation , et la position variable
des poles. Au reste, les precedes du calcul sont les memes que
lorsqn'il s'agit des mouvemens de la terre, et les resuhats que
Ton obticnt sont parfaitement analogues. On y remarquc la
demonstration analytique de Tuniformite du mouvement de
rotation de la lune, demonstration qui, suivanl loutcs Iespro-
babilites, doit s'etendre a toutes les planetes et a leurs satel-
lites. En effet, quelles qu'aient cte les causes qui affecterent le
mouvement de ces corps a son originc, il nc pent y avoir au-
jourd'hui d'autres resultatsque ceux des forces permancntes,
dont Taction ne cesse jamais, telles que (^attraction univer-
selle.
Quoiquc Taction du soleil affecte d'unc maniere sensible le
mouvement de la lune dans son orbite, cet astre est sans in-
fluence appreciable sur le mouvement de rotation. On deduit
aussi de la theorie ce fait surprenant, quoiquc tres-iincien-
nement connu, c'est que la lune ne nous montre que Tun de
ses hemispheres, et que Taulre ne sera jamais visible pour nous.
Ainsi les inegalites seculaires du mouvement de revolution
de la terre sont transmises au mouvement de rotation de la
lune, et les faitsastronomiques les plus remarquables, parfai-
temenl d'accord avec la theorie, devienncntautant dc prcuves
en faveur des doctrines de Newton.
Apres Texposition des divers mouvemens des corps celes-
tes, Tauteur aborde les questions relatives a leur forme. Ici,
des obstacles, quel'analyse mathematique ne pouvait surmon-
ter, ont ralenli la marche de la theorie ; quoiquc les recher-
chcs des geometres aient eu le meme succes, elqu'aucune ap-
plication des mathcmatiques A la physique n'ait conduit a des
58o SCIENCES PHYSIQUES.
decouvertee analytiques plus bnportantes, a des tommies plus
elegantes et plus tecondes en ivsultats, on se trouvait dans
l'impossibilite d'en fairc usage sans iotroduire quelque suppo-
sition purement arbitrairesur 1'etat primitifdes corps que Ton
uonsiderait. Si oes corps avaient commence par etre solides,
les geomctres scraienl dispenses de toute investigation , et les
obsei vateurs seraient charges seuls de recueillir ce qu'il nous
serait possible d'apprendrc sur la forme et les dimensions de
res rochere circulant dans les edpaces celestes; mais, s'il est
question d'une masse lluide en toutou en parlie, elledoit pren-
dre une forme propre a mamtenir I'equilibi'c entre les forces
dont elle eprouve faction. La question devient exlremement
compliquec. si la masse n'est pas entitlement fluide, si elle
est composee d'elemcns de densites diilerentes ; dans ce cas,
lien ne pent dispenser de quelque hypo these sur la position
initiale de ces molecules heterogenes. Dans les recherches re-
latives aux planetes, on a evite tous ces embarras en suppo-
posanl que ces corps furent autrefois dans l'etat de fluidite, ei
que leurs molecules agissent les unes sur les autres conforme-
ment a la loi de la gravitation universelle , en raison inverse
du carre de la distance.
La theorie de ('attraction des spheroides ne se borne pas aux
applications dont la figure des planetes est l'objet ; elle s'etend
a plusieursautres questions physico-mathematiques, telles que
les problemes d'hydrodynamique, aux theories de l'electricite
et du magnetisme, et, en general, a tous lescas ou l'onconsi-
dere Taction des forces molcculaires emanees d'un centre.
C'est a Laplace que Ton doit cette precieuse acquisition de
l'analyse mathemalique, ainsi que ses resultats les plus inte-
ressans : mais en la considerant uni([uement comme methode
aualylique, on doit dire que M. Yvory l'a perfectionnee , et
que, par une heureuseapplication du theoremede Maclaurin,
il a surmonte des difficultes qui avaient arrete tous les geo-
metres qui s'etaient oeeupes de ce meme sujetapres d'Alem-
hert.
Newton avail fail plus qu'oifvrir la voie a ces recherches :
SCIENCES PHYSIQUES. 58i
dans son livre des Principes, il avail demontre qu'uii point
materiel renferme dans one sphere ereuse y est partout en
equilihrc, ctque cette merae sphere agit sur un point quelcon-
que de l'espaee exterieur, avec une force egale a eelle de sa
masse reunie an centre. Si done les corps celestes etaient ri-
goureusement spheriques, aucune cause ne tendrait a changer
leur forme : mais notre planete est legerement aplatie dans le
sens de son axe ; quelle pent etre l'influence de cette confor-
mation, uon pas au dehors, sur les autres planetes, mais a la
surface de la terre et sur les couches inlerieures? iNotre globe
est-il parvenu a l'etat de stabilite, ou de nouvelles revolutions
physiques le menaceraient-elles encore? L'auteur de la Meca-
nique celeste nous a rassure en prouvant, par une savante ana-
lyse, que les spheroi'des pcu eloignes de la figure spherique
agissenl cxactement comme des spheres qui les egaleraient en
masse et en volume. La legitimite de ses preuves a etc con-
testee ; ce qui a donne lieu aquelques debats entre M M. Yvory
et Poisson. 31. de Pontecoulant demontre aussi cette propriete
des spheroides en s'ecartant quclque peu de la direction suivie
par Laplace; mais il arrive au meine but, guide par les memes
raisonnemens fondes sur les memes principes : au fond, les
deux demonstrations ne peuvent etre considerees comme es-
senliellement differentes. II reste encore quelques obscurites,
quelqucs points conlestcs dans cette partie de la theorie ma-
themaliquc du systeme du monde : les geonaetres comptenl
sur M. Yvory pour la perfeclionner avec l'habilete dont il a
deja donne tant de preuves.
En appliquant ces formules gencrales au cas d'unc masse
fluidc homogene douee d'un mouvement de rotation, noire
auteur arrive d'une maniere tres-elegante a ce theoreine de
Legendre : Si le mouvement est renferme entre certaines limiies.
deux figures differentes de la masse fluids peuvent satisfaire au.r
conditions de I'cquilibre. Cepeudanl une force unique ne peul
recllemenl produiie qu'une seule forme do la masse qui re-
coil son action ; lorsque le raisonncmenl el I 'analyse malhe-
matiquc semblent n'dtre point d'accord, il fant examiner
58a SCIENCES PHYSIQUES.
scrupulcuscmeut 1'im et I'autio , jusqu'a ce que la contradic-
tion ait totaletnent dispart] ; et, presqne toujour*, c'est ('analyse
qui a raisou.
Toiitcs ces recherchea prennenl un nouveau degre d'interct,
lorsqu'ellcs out pour ohjet la figure dc la terre, et la compa-
rison tic ce qu'elle est a ee qu'clle tlcvrait ctre d'aprcs les lois
tie la gravitation. Heureusement, plusieurs niethodes viennent
s'offrir a la fois pour rcsoudre ce problcme ; chaeune tics con-
sequences qui dtrivent dc la 6gure de la terre et dc cclle de
l'atmospbere qui l'environne pent fournir ties rcsultats qui
servent a rcmontcr jusqu'a la cause qui les a produits. On a
commence par des mesures acluelles d'arcs de mcridicns ct de
parallcles; on a observe les variations de la pesanteur en plu-
sieurs lieux, etc. Ces diverges operations, quidcvaient sevcri-
flcr l'une par l'autre, n'ont pas offert la concordance a laquelle
on s'attendait : les mesures prises a l'cquateur ctaient inconei-
liables avec cclles du meridicn sous le eenle polairc ; mais ces
dernicres n'etaicnt point corrccles, eomme on s'en est assure
depuis. Newton avait deduit du phenomtne de la precession
des equinoxes que l'aplatissement de la terre ne pouvait exce-
der la deux cent trentieme partie du diametre de I'equa-
teur ; lesmesurcs prises au Perou, aucapdeBonne-Esptrance,
en Italic, en France et en Laponie ne donneraient qu'environ
un trois cent quaranle-cinquieme ; mais, en n'cmployant que
les mesures de Tare entre Dunkerquc et IMont-Jouy, on aurait
pourresultat l'inadmissible aplatissement tie pies il'nn cent
quarante-cinquiemc. On est fonde a soupconner que ties causes
inconnues et purement locales out fait devicr le fil a plonib, et
par consequent cause des crreurs dans Pobservation des lati-
tudes. Ces deviations dependent, comme on le suit, ties inega-
lites asscz visibles a la surface de la terre, et qu'on decouvre
dans la densite des combes supcrficielles. On pent done repro-
cher aux operations gcodesiques ces causes d'incerlitudes que
1'on ne peut ni reconnailre ni eviler, et, de plus, lee longs et
peniblcs travaux qu'cllcs imposcnt. On a done cu recours aux
observations dc I'intcnsite de la pesanteur a rliiBferentes lali-
SCIENCES PHYSIQUES. j*j
ludes , et, comme los variations dc cette mice affactent la
viics>c tin peadule a secoudes, c'est par la mesure de cette
\ ilesse qu'oo olitient colic dc la pesanteur. Les operations de-
vicnncnl promptes, iacilcs, toujours a la portcc de ccux qui
vetilent les entrepreudre, ct peuvent fit re multipliees a l'in-
fini; dc plus, les resullats no so ressentenl plus dc l'influeucc
des causes locales. En cmployant les observations laites an
Peroii, au Petit-C.oavc (Saint-Doaiinguc) , a Paris, a .Saint-
Pclersbourg et en Laponie, Bl, dc Pontecoulant trouvc, pom
raplalisscment de la terre, un trois cent quarante-deuxicuie.
valour ti jieu pre* egale a cello qui resulte des closures geode-
Mqiies; inais ellc est iul'erieure a cede qui resulterait des ob-
servations failes et reeueillies avec beauconp de soin , depuis
(piclques annces. Celle-ci saccorde d'uuc maniere tres-remar-
quable avee les calculs dc Laplace, qui, d'apres los mouvemens
de la lunc , allribuc a la terre un aplatissemenl d'un trois cent
sixieme, et qui prouvc, dc plus, que la precession des equi-
noxes et la nutation do 1'axe terrcstre sunt precisement ce qui
aurait lieu si la terre clait un sphcroule de revolution. En effet,
a nicsure que Ton a multiplie les observations, on s'est assure.
de plus vn plus, quo les meridiens soul des ellipses semblables
ct que les tres-lcgercs differences que Ton pout y anercevii
ne tiennent qu'a des causes locales et accidcntelles.
Mous n'avons pu fa ire qu'une tns-succincte analyse de co
que l'auleur a ronfernie ilans ses doux volumes. Pour com-
pleter son ouvrage, il faudrait qiril y ajoutat la theorie des
satellites, celle des marees, des refractions, dc tout ce qui
compose 1c domainc do l'astronomie pjiysiquej esperons quo
iVl. de Pontecoulant en coniposcra un troisieme volume. Lo
travail qu'il a si beurcuscment execute est plus propre qu'au-
cun autre a repandre les connaissanccs aslronomiques en les
rendanl plus accessibles , sans rion diminuer de la grandeur
qui attire vers olios los osprils capables d'apprecicr lour su-
blime boaule. Les dccou\ cries los plus iinportantcs ne devien
nonl rcellemenl utiles, non plus (pie los aulrcs rj chesses dc
quelquo nature qu'elles soieal . que lorsqu'elles sortent do la
584 SCIENCES PHYSIQUES.
mystorieus* obscurity oil quelques livres les retenaient loin
des regards vulgaires, el qu'elles occopent le rang qui leur ap-
partient, dans I'ensemble des connaissances humaines.
Ed terminant I'examen do cct important ouvrage, jolons un
coup d'eeil s 1 1 r I'etal des sciences uratbematiques dans notre
p.n s. (i comparons ce que l'on fait ici en leur faveur aux soins
qu'on leur prodigue sur le continent. On ne pent eontester
que l'immortel auteur de la decouverte de la gravitation uni-
verselle n'avait point en de successour dans sa patrie, et que
tout cc que ses doctrines out acquis dans l'espacc d'un siecle
apparlient exclusivement a des geomctres du continent. Nos
astronomes out a peine quitte leur ohservatoire ; ils ont tola-
lement neglige la tbeorie, uniquement livres a la pratique. On
citera, sans doute, quelques rares exceptions a celte remarque
si generate qu'on pourrait la considered coinme unc regie :
mais il n'en est pas nioins certain que, depuis Newton, l'ana-
lyse matheinaiique, appliquee a 1'astronomie, n'a fait, en A.n-
gleterre, aucun progrcs reniarquable. Depuis Flamstead, nous
nous sommes livres avec ardenr et succes a 1'astronomie pra-
tique, et jamais a aucune epoqne clle ne fut aussi bien cultivee
qu'elle lest maintenant dans la Grande- Bretagne. Throng-
ton a porte les instrumens astrouomiqnes a un degre de
perfection bien rapproche du terme ou l'industrie bumaine
sera forcee de s'arreter (1). Munis des meilleurs telescopes
que l'on ail jamais construits, nos observateurs ont porte leurs
investigations bors des limites du systeme solaire, parcouru
l'immensite de l'espace interpose entre les divers systemes qui
composent l'Univers. Unc Socield astronomique est fondee; son
existence est, a la fois, line preuve et unc garantie de l'interet
que l'on prend aux travaux des astronomes observateurs, et
de Futile direction qui sera donnee au zele de notre nation
(i) L'auteur de eel article parait oablier cc que l'on a fail depuis
quelques annees a Munich el a Copenbague. I/Anglelene est p'eul-ctie
menacee de perdre la supeiioiile, qu'elle avail acqiiisc dans la fabrication
des instrumens destines a la culture des sciences.
SCIENCES PHYSIQUES. 585
pour les progres de cette parlie des connaissanees humaines.
Esperons que la theorie sera tiree de l'abandon ou elle est
tombee, et qu'on deplore meme en lisant les Memoires dela
Societe astronomique : on n'y trouve qu'un petit nombre d'ar-
ticles oi'i l'analyse matbematiquc soit appliquee a la loi gene-
rale de I'Univers; et, dans ce nombre, Irs Memoires les plus
remarquables ontete envoyes par des associes etrangcrs. C'est
vainementque lesmenibres les plus eclaires et les plus influens
de la Societe en expriment le regret; rien ne pent decider nos
geometres a consacrer a l'astrononiie pbysique nne parlie de
leur terns et de leurs travaux. Les medailles etles encourage-
mens ordinaires n'ont rien produit, et ne pouvaient effective-
ment obtenir aucun suoces, parce que nos astronomes sont,
pour la plupart, encore trop etrangers aux hautes mathemati-
ques. On convient que la tbeorie ne pent se passer de bonnes
observations qui procurent a l'analyse les donnees sans les-
quelles tons ses calculs seraient inuliles : mais la science ne se
perfectionnerait point, si elle n'etait cnltivee que comme un
art mecanique, n'exigeant que des yeux, de la patience et de
l'adresse. II est peut-etre utile de maintenir la division du tra-
vail, de ne point faire passer de l'etude aux operations ma-
nuelles, et de ces operations aux meditations du cabinet : cette
opinion sera fortifiee. par Thistoire de l'astrononiie pratique, ;
on a remarque que les observateurs les plus celebres, cenx
dont les travaux ont eu la meilleure part aux progres de la
science, se sont bornes aux observations, laissant a d'autres le
soin de perlectionner la tbeorie. Les connaissances necessaires
pour arriver a ce pei fectionnement exigent de longues et pro-
fondes eludes, une force d'attention dont peu d'hommes sont
capables; il est bien plus aise d'apprendre a manoeuvrer un
telescope, et a calculer d'apres une formule; l'astronomie
pratique est une occupation facile, amusante; cesattraits man-
quent totalement auxbautesmatbematiques ; ellesnecomplent
point, parmi ceux qui les cullivent, de simples amateurs.
L'etude des lnatbematiqucs ne sera point abandonnec en
Angleterre; elle y conservera Eonjonrs assez de faveur pour
am sciences physiques.
que lcs connaissanccs aelucllcment rcpandiics nc icltogradcnt
point : caais les institutions publiques nc font pas asscz, pour
dies ; on no s 'attache point a former des geomdrcs capable-*
de faife le nu'ilk'iu' emploi des excellcntcs doniiccs fournies
par les observations. L'cnscignement des hautes rnalhcinali-
qucs est confine dans l'Univei'site de Cambridge ! Mais nos
ingenieurs civils et militaires, lcs olliciers dc node armec et
de notrc marine sont-ils a portcc dc frequenter cette Univer-
site, et d'y terminer lc cours dc leurs etudes? II nous faudrait
une Ecole Polytechniquc, commc celle dc France, oti lcs
jeuncs gens que la nature a prepares pour l'etude des nialhe-
matiqucs, ayanl deja fait preuve de cettc aptitude, et munis
des connaissanccs que Ton pent aequerir dans nos ccolcs ac-
tuclles, seraient conlics a de savans professcurs, et diriges
vers lcs services publics. L'ouvragc dont nous venous dc
rendre compte est une demonstration convaincante de la
grande ulilite de cettc institution, dont aucune de cedes que
nous avons aujourd'hui nc pcut nous tenir lieu. Un jcune ca-
pitaine d'elat-major consacre ses loisirs aux theories les plus
abstraitcs et les plus dilliciles dc l'analyse et de la niccanique ;
il traitc, en se jouant, des sujets qui ont absorbs toute I'atten-
tion des maitres dc la science : phenomene des plus remar-
quablcs, qui ue sc montre que rarement en quelqtic lieu que
ce soit, et jamais chez nous OU nulle cause n'esl capable de
lc manifester. Qu'un jcune odicier anglais soil proprc aux
etudes dont M. de Pontecoulant a si bien profile , ce sera
presquc en pure pcrte ; il nc trouvera dans aucune de nos
ccolcs I'instruclion prclimiuaire qu'il lui faudrait pour sc
mettrc en etat dc marcher scul dans la carriere. Nous n'a-
vons point senti combien la haute instruction mathematiquc
et la rectitude qu'elles donnent aux csprits sonl nccessaires
dans l'cxercice des diverses fonclions publiques. Le fonction-
naire qui en est bien pourvu pourra cerlainement rcmplirscs
devoirs avec plus de disccrnement qu'un hommc moins in-
-liuil ; ct, dc plus. ccs connaissanccs scront appreciees, en-
eouragees; dies se propageroot cnlin. si le gouxcrncmcnl ,
SCIENCES PHYSIQUES. . 587
convaincu de la puissanle influence qu'elles peuvcnt exerccr
sur ^administration, ccsse un jour de les negliger. On n'im-
posera point au clerge ['obligation d'etre tres-instruit en ma-
thematiques; des succes dans celtc division des sciences ne
seront pas un litre pour arriver a Pepiscopa't : mais les ser-
vices publics , militaires ou civils, sur mer ou sur terre, les
arts les plus utiles et les plus capables d'aecroitre la puissance
nationale ne prosperent point sans le secours des mathcma-
tiques, et, de tems en terns, ils out besoin de tout le savoir
des geometres. Comment ne pas voir avec surprise et chagrin
que nous soyons, a cet egard, aussi en arriere par rapport au
continent, que nous n'ayons encore adopte qu'une si petite
partie des importantes ameliorations que l'enseignement des
mathematiques a recues partout ailleurs ! Chez nos voisins, la
geometric a pris une forme toule nouvelle; ici, elle est a pen
pres comme au tems de Ptolemec. La trigonometric enseignec
dans nos ecoles n'a point profite des travaux d'Euler, de La-
grange, de Legendre ; nos traites des sections coniques sont,
a tous egards, au-dessous dc ce qu'Apollonius nous a trans-
mis. Quant a la geometrie descriptive, qui est eminemment
celle des services publics et des arts, nous ne la considerons
pas encore comme une division speciale de l'enseignement.
Sur le continent, elle est introduile dans toutes les ecoles mi-
litaires , et consideree comme une partie essentielle de I'in-
struction mathematique des officiers.
L'Ecole Polytechnique de France n'existe que depuis une
trentaine d'annees , et Ton sent aujonrd'hui les heureux effets
de l'impulsion qu'elle a donnee aux sciences. A quelques ex-
ceptions pres, l'entree dans cette ecole etait une admission
dans l'un des services publics dontelle etait la pepiniere com-
mune. On n'y entrait qu'apres de severes examens, et a cette
epoque, on ne connaissait point, en France, d'aulres distinc-
tions que celles des talens et du merite. L'instilution pouvait
done choisir ses eleves dans toutc la jeunesse francaise; les
concurrens (taient nombrenx . quellcs que fussent les condi-
tions qifo:i leur imposait, qiielquc ('-(endue que l'ondonnatau
588 SCIENCES PHYSIQUES.
programme des connaissances exigees. Suivant les maximes
d'alors, on voulait que les jenncs gens instruils mix I'rais de
l'Flat devinssenl utiles a la chose puhlique ; cette pensee, et
les reponses du candidal, dirigeaient seules le choix de l'exa-
minateur. Une ecole qui comptait parioi ses piofesseurs La-
grange, Monge, Berthollet et d'autres savaus dont la Fiance
s'honore aujourd'hui, ne pouvait manquer de sucees ; ellc rc-
pondit aux esperances que Ton avait coneues. On en \it soi-
tir, dans 1'espace de trente ans , presque tons les Francais qui
se soot illustres par les sciences. Cetle admirable institution
n'a pu, sans doule, se soustraire a toutes les actions polili-
ques, ni conserver lous les avantages de son organisation pri-
mitive; ma is it lui reste encore assez de sa jcune vigueur pour
exercer une sahilaire influence sur ^instruction , sur les pro-
gres des sciences, et ce qui est encore plus precieux, sur l'e-
ducation Rationale ( 1).
Si des habitudes el des prejuges interuisent a l'AngleletTe
de fonder des etablissemens analogues a l'Ecole Polytechnique
de France, on ne repoussera pas, au moins, les ameliorations
praticables, et il y en a plusieurs d'un ties-grand prix. II s'a-
(i) Cet eloge de l'Ecole Polytechnique ne trouvera point de contra.-
dicteurs en France : mais, pour apprccier les services qu'ellc pent conti-
nue!' a nous rendrc, il faut porter nos regards sur I'ensemblc des etablis-
semens d'inslruclion puhlique, sur les metfabdes et les objels d'enseigne-
ment, sur les lois qui doivenl lediriger, l'etendre on le reslreindre. Nous
ignorons encore ce qu'il nous serait possible de faire, avec mi systemc
d'instiuclion puhlique moins vicieux que celui dont l'einpire a dole la
restauration , et que Ton n'a point ameliore. On est convaincu aujour-
d'hui qu'il lui faut plus de liberie; que l'emulation devrait ttre excilee
entre les departemens et les cites pupuleuses; que les connaissances
usuellcs reclamcnt une bonne partiedu terns prodigue a l'eludc du grec
et du latin. Quand nous aurons une solution satisfaisanlc des queslions
relatives a I'inslrnclion generate, i) sera facile de resoudre celles qui
concernenl les ecoles speciales, et de regler leurs attributions. Perdons,
s'il est possible , la mauvaise habitude de travailler en inarqueterie ,
quoique nous ne puissioos ignorer qu'une bonne administralion est
d'une seule peusee, d'une geulc piece. IN. dl K.
SCIENCES PHYSIQUES. 589
girait, nous ne pouvons le dissimuler, dc surmonler avaul
tout l'attachement aux vieux usages, non moins opihifitre
dans nos ecoles que dans les cantons les plus recedes de la
Grande-Bretagne. Quelque parti que Ton prenne, on n'aura
point fait assez, si nos cours publics ne mettent point les
eleves au niveau des connaissances neeessa'ires pour lire avec
fruit les meilleurs ouvrages sur les sciences ou les arts aux-
quels ils voudront se consacrer. Puisque leur instruction spe-
ciale ne commence qu'a leur sortie de nos ecoles, qu'ils
soient au moins conduits par leurs livres et leurs professeurs
jnsqu'a I' entree de leur carriers, et munis de tout ce qu'il faut
pour la parcourir avec succes. Si Ton s'obstine a suivre 1'an-
cienne methode, parce qu'elle est ancienne, les jeunes gens
studieux seront dispenses de toute reconnaissance envers
leurs instituteurs ; s'ils ouvrent un ouvrage etranger, pour y
chercher une instruction que les savans anglais n'ont pas mis
a leur porlee , ils eprouvent un facheux desappointement, et
s'arretent sou vent a la premiere page, faute de savoir assez d'al-
gebre; ils s'apercoivent, mais bientard, qu'il faut recommen-
cer leur instruction. Cette mesaventure n'arrive que trop sou-
vent a ceux de nos jeunes gens les plus dignes d'etre encoura-
ges; les elemens d'Euclidc qu'on leur a mis entre les mains,
et le Traite des Sections conlc/ues, tel qu'il est dans nos ecoles,
ne les ont point mis en etat de lire une seule page de Poisson,
de Fourier , de Dupin , etc. , pas plus que nos methodes de
calcul n'ont pu les exercer a faire usage des quipos peruviens,
ou du swan-pan des Chinois. On ne doit point etre surpris que
nos ecoles publiques produisent si peu d'hommes remarqua-
bles dans les sciences mathcmatiques , puisque les elemens
qu'on y enseigne sont aussi prodigieusement en arriere de
1'etat actuel de la science.
SCIENCES MORALES ET POL1TIQUES.
DE l'eNTENDEJIENT ET DE LA UAISON. INTRODUCTION A l'eTUDE
de la philosophy; par J.-F. Thurot, professeur an College
royal de France. Avec cetle epigraphe : Dicam enim ncc
men, ncceain fjuibus, si vera non fuerint, non vinci me malhn,
quam vlncere. Cicer. , Aeadem. , lib. u , cap. 4 (')•
L'observation exacle des phenomenes de la nature a fait
laire de si grands progres a toutcs les sciences qu'on s'ac-
corde mainlenanl a la considerer comme le seal moycu d'ac-
querir de veritables connaissanccs. Les homines qui se livrent
a l'etude de la philosophic, ct qui sont le plus divises dans
lours opinions, conviennent, comme les autrcs, que, pour
connaitrc un objet quelconquc, il n'y a pas d'autre moyen
que de Pobserver avec soin. Tons assurent que, dans leurs
recherches, ils suivent la meme methodc , et qu'ils nc don-
nent pour certain que ce qu'ils out decouverl, apres avoir
long- terns observe.
Cependant, aussitot que les philosophes arrivent a l'expo-
sition de leurs idees, ils cessent d'etre d'accord. Non-seule-
ment ils nc conviennent plus des memes fails , mais ils nc
s'accordent pas meme sur le langage. Les theories on les
systemes qu'ils ferment de part et d'autre different telleinent
par le fond des idees el par les expressions que ce qui pour
les uns est evident doit necessairement etre inintelligible ou
(i) Paiis. i<S3o; Aime Anchr, quai Malaquais, n° l3. 2 vol. in-8° •,
SCIENCES MORALES ET POLITIQUES. 5gi
faux pour les aulres. Nous nc concevons point, par exemple,
qu'un hommc habitue aux ecrits de Locke, de Condillac, dc
Tracy, de la Romiguierc, puisse rien eomprendre aux ecrits
de l'ecole philosophique donl M. Cousin est le i'ondateur.
Mais, d'un autre cote, nous ne conccvons pas mieux qu'un
hommc qui comprend ou croil eomprendre les ecrivains de
cetteecole trouve inlclligibles les ouvrages des premiers. De
part et d'autre cependanl ou pretend eludier les memes
objcls, el fa ire usage de la meme methode.
Nous n'avons pas besoin de prouver que les ecrivains qui
out marche sur les traces de Bacon et de Locke ont admis
('observation des (aits conime seul moyen d'acquerir des
connaissances reelles : e'est une verite que personne n'a con-
lestee. Leurs adversaires pourraient leur reprocher, toutfu
plus, d'avoir mal observe, ou d'avoir neglige 1'obscrvation
de certains phenomenes. lis nc sauraient leur reprocher,
avee quelque apparence dc raison , d'avoir voulu s'in-
struire autrement qu'en soumettant les faits a un examen
scrupuleux.
D'un autre cote, si Ton reprochait a ceux-ci d'avoir voulu
s'instruirc autrement que par Pobservation des fails et par des
inductions lirees des faits observes, il leur scrait facile de
trouver dans leurs ecrits la preuve qu'ils ont recommande la
methode d'observation comme la seule propre a conduirc a
la decouverte de la verite. M. Cousin, par exemple, nous
apprend, dans la preface qui precede ses Fragmens p/iiloso-
pluqucs , publics en 1826, que e'est avec son secours qu'ila
fait scs plus grandes decouvertes. « La methode d'observa-
tion, dit-il, est bonne en elle-meme. Elle nous est donnee
par l'esprit du terns, qui lui-meme est l'ceuvre de l'esprit ge-
neral du monde. Nous n'avons foi qu'd elle, nous ne pouvons
rien que par elle, et pourtant en Angleterre et en France, elle
n'a pu jusqu'ici que delruire ou ne rien fonder. Parmi nous,
son seul ouvrage en philosophic est le systeme de la sensa-
tion transibrmee. A qui le tort? Aux liommes , non d la me-
thode. La methode est irreprochable : elle suffit toujours ; muis
..i)j SCIENCES MORALES
/'/ faut Cappliquer selon son esprit. II ne faut qu' observer ; 77iais
il faut observer tout (i). ■>
En recommandant la metbode d'obscrvation, M. Cousin n'a
pas entendu donner tin sterile precepte ; il a tente d'en fa ire
rapplication , du mo ins il nous l'assure. « Plus que jamais
iidele a la metbode psycbologique, dit-il, au lieu de sortir de
I' observation , je m'y enfoncai davantage , et c'est par I' observa-
tion que, dans l'intimite de la conscience eta un degre on
Rant n'avait pas penetre , sous la relativite el la subjeclivite
apparente des principes necessaires , j'atleignis et demelai le
fail instantane, niais reel, de l'aperception spontanee de la
verite, aperception qui , ne se reflechissant point elle-iiK'nic,
passe inapeicue dans les profondeurs de la conscience , mais
y est la base veritable de ce qui, plus tard, sous une forme
logique et entre les mains de la reflexion , devient une con-
ception necessaire. Toute subjectivite, avec toute reflectivite,
expire dans la spontaneity de la reflexion. »
Dn autre ecrivain de la meme ecole, 31. Tk. Joufmoy, re-
connait que les immenses progres des sciences naturelles ne
peuvent etre attribues qu'a un beureux emploi de la metbode
d'observation. II admet que cette metbode est la seule a l'aide
de laquelle on puisse former les sciences pbilosophiques ; seu-
lement, il pense qu'il est des faits qui sortent de 1'ordre des
fails sensibles, et qu'il faut observer autrement que les faits
des sciences naturelles. « Nous admettons pleinement avec
Bacon, dit-il, que tout ce que nous pouvons connaitre de la
realite se reduit d des faits que nous observons et a des induc-
tions tirees de ces faits sur la partie de ia realite qui echappe
a notre observation. Nous ajouterons meme, pour etre plus
complets, que nous tironsces inductions au moyen d'un certain
nombre de verites on axiomes primilifs qui nous revelent ce
que nous ne voyons pas dans ce que nous voyons , et sans les-
quels nous n'irions jamais au dela des faits observes. Nous
sommes si convaincus de la verite de cette doctrine que nous
(i) Fragment phiiosoph. , pag. vui.
ET l'OLITIQl KS. 5r>5
nc I'ad meltons pas parcc qu'elle est dc Bacon, grtais unique-
mciit parce qu'elle represente ellc-meme an fait incontestable
dc ('intelligence humainc (1).
Biffin, M. Damiron, que M. Cousin considere comme an
des plus distingucs de ses disciples , nous apprend que son
maitre a adopte la methodc suivie par tous les hommes veri-
ta!)!ement instruits. Suivant lui, l'opim'on de M. Cousin sur
la methodc n'a rien dc parliculier : e'est celle da monde savant,
a quclqa.es exceptions pris ; et le disciple est d'aceord sur ce
point avee 1c mnitre. II declare posidvemcut que la senle ma-
niere de faire de la philosophic eM la mclhode d 'observation.
C'est aujourWhai s ajoule-t-il, Co pinion la plus generate dans
le monde savant. II concoit cependant one methodc diffe-
renle, mais il tie la concoit que chez les hommes qui par-
lent au nom de la revelation, e'est-u-dire chez les theolo-
giens (aj.
Ainsi, voihi deux classes d'ecrivains, ou, si Ton veut, de
philosophes, qui adoptent la meme methode, qui l'nppliqucnt
al'etude des memes objels, et qui arrivent a des resultats en-
ticrement opposes.
Les ecrivains de la nouvelle ecole, que nous pouvons con-
siderer comme les romantiques de la philosophic, traitenl les
philosophes des deux derniers siecles a pen pres comme les
romantiques litteraires traitent nos pocles et paitlculicrement
nos ecrivains dramatiques. lis assurent que, depuis Locke
jusqu'u M. de Tracy inclusivement, les philosophes, et parti-
culnrcmcnt ceux que la France a produils dans le cours du
xviu0 siecle, n'ont debile que des crreurs. Suivant eux, leurs
ouvrages ont cu et peuvent avoir encore les consequences les
plus i'unestes pour le genre humain. Leurs opinions, au con-
traire, si nous nous en rapportons a eux, ne tendent quau
(1) Voyez la preface de la tradnclii n ties Esquisscs dc Philosophic mo-
rulo de Dugt.il Stewart, par M. Th. Joujfbov.
(2) Essai sur t'Hisloircd^ la Philosophic en France, au xix" siLclb. T. u ,
p. 24!-.
T. Xi.VI. JTJ1B I 83o. 58
5g ,
SCIENCES MORALES
I »*■ i feclionnemcnt des uttocurs, et deja, si I'on en croil ceux qui
les professent, elles oni produrl loute la liberie doni la Franca
jouit aujourd'hui (i).
Los ndv ersairesdesphilosophes romaniiqucslcur I'oni, a leur
tour, des rcproches qui ne sont gucre moins graves : ils pro-
lendcut que lours ecrits soul inintelligibles on absurdes lis les
accuscnt do reprnduire les reveries du Bas-Empire et du nioven
aye, et disent qu'ils leiaieul reculer la raison buniaine de
plusieui'S siocles, si la raison luunaine pouvail, en ell'el , rc-
trograder. Ils leur reprochent surlout d'affecter tine insul-
tantesupcriorile sur les grands ecrivains qui les out precedes,
el qu'ils prelendent avoir delrones, et les defient de eilcr tin
fait dont ils puissenl s'atlribuer la deeouverle. Enfin, ils assu-
rent que les nouvcaux mailrcs de philosophic, non-seuleme.nl
n'ontpas fait faire un seul pas a une science quelle qu'ellesoit,
mais que leurs travaux n'ont pas eu d'autres rosullals que
d'obscurcir l'inlelligence de tous les jeunes gens qui out suivi
leurs leeons, et de leur inspirer une incurable vanile (2).
Serions- nous obliges, pour expliquer ['opposition qui
cxistc enlre les deux ecoles, d'admettre que les homines nc
{1) Voyez les Lemons de Philosophic de M. Cousin, et YEssai sur I'His-
loiic dc la Philosophic de M. Damiron.
(2) 11 est bien vrai que les philosophes de la nouvclle ecole ont prc-
tendu qu'ils en avaient fini avec le xvmc siccle, cumnie le xvme sieclc en
avait fini avec le nioyeii age, et qu'a 1'exemple de Saint- Simon ils ont
accuse les grands ecrivains de cetle epoque d'avoir tout detruit et de
n 'avoir lien su fonder; mais, s'ils se sont atlribuc la gloire d'avoir a ja-
mais ruine ces deslrucleuis, ils n'ont pas pieteudu qu'ils avaient eux-
inemcs fonde quclque chose. M. JoufFioy dit, an contraire, qu'il cioil que
les sciences philosopbiques ne meritent point le lilre de sciences, parce
qu'elles sont encore livrees a cet esprit de systeme auquel echappent a
peine les sciences n aim el les. M. Damiron se demande quelle sera la
Iheorie de son ecole, et il repond : II serait difficile dc le dire parce one CBS
ciiosES sokt a haithk; mais si ccs clioses ne sonl pas encore (en 1828), du
moins dies sc priparcnl, s'clabonnt et sc font prcssenlir. T. 1, p. i5S. —
Voila done une ecole qui depuis quinzc ans an moins est en travail, el
qui n'a pa encore accoucber.
ET POLITIQUES. 5r,5
sont pas Ions doueS des menies organes, et que les tins pos-
sedent, pour decouvrir la verite, un sensdont les autres so:.t
prives ? Si rien ne coustate ou ne fait supposer unc difference
d'organisalion, ne devons-noiispasconclurequcl'aceordsur la
methode ou sur l'objct auquel on l'appliquc est plus apparent
que reel? C'est en effet ce qui arrive : quand des deux cotes
on nous parle d'observation, on ne s'entend que sur un mot.
Quel est le sens qu'attachent a ces mots : methode d'obser-
vation, les disciples de Bacon, de Locke, de Condillac? lis
pensent que, pour eludier un phenomene quel qu'il soit, il
l'aut employer, a ['observer les organes dont la nature nous a
doues; il faut eludier I'objel nicme qu'on veut connaitrc, et
non pas un autre.
Mais est-ce la ce que la pbilosophie pretendue eclectique
entend par methode d'observation? nullement. Les ecrivains
de celle ecole posent d'abord en principe que tout est dans
tout (1). La eunnaissance de celte maxime ne saurait etre le
rcsultat de l'observation; car, pour y fire arrive par cetle
voic, il faudrait avoir observe toutes cboses, et n'avoir laisse
aiicune decouverte a t'aire. A moins de posseder la science
universelle, nul ne peut done affirmer avec certitude que tout
est dans tout, sans le secours de la revelation. Voilu done la
methode d'observation, telle que les savans la conpoivent et
rappliquent, repoussee avant d'avoir fait le premier pas dans
la science.
La nouvelle ecole ayant admis comme une incontestable
verile que tout est dans (out, il lui suffit d'etudier quelque ob-
jet que cc soit pour acquerir la science qu'clle desire posse-
der. Elle parviendrait a determiner la conformation d'un
aigle en observant un limacon; et fcrait sorlir un traite de
morale de l'observation d'un triangle. Tout etant dans tout,
il n'est rien qui ne soit dans 1'bomnie : aussi la nouvelle
(1) M. Cousin, Ccurs d'Hislcirc de la Philosophic de iS2S.
'u}6 SCIENCES MORALES
icole nous declare-t-elle en termes posilifs que Yhommc est
tin unircrs en abrege" (1).
Celui qui veut eludicr l'hnmmo, par Ic procode quo nous
designons par les mols 'mithode (f observation, est oblige d'ob-
servcr chacunc des parlies qu'il veut connaftre. II facit qu'fl
applique les divcrscs facultes dont la nature l'a done a ctu-
dier son organisation physique, ses passions, scs mccurs, son
intelligence, ses lois, son histoire.
Mais celte observation n'est pas necessairc snivant la nou-
velle eeolc : il suffit de savoir (aire usage de V analyse psycho-
togique. Par cos deux mots 1'ecole entend « ['observation lente,
patiente, minutieuse des faits caches dans la nature humaine,
a Vaide de la conscience (2). » La psychologic s'acquiert done eri
se repliant sur soi-meme, en s'isolant des ohjets exlcrieurs,
et, comme on dit, en s'ecoutant penser.
Tout etant dans tout et l'homme etant par consequent un
univers en abrege, que sera la psychologie, cetle science qu'on
acquiert en regardant en soi-meme avec les yeux de l'esprit?
« Elle est, dit le chef de 1'ecole nouvclle, la science universefle
concentric La psychologie conlienl el reflechit tout, et cc qui
est de Dieu, et ce qui est du monde, sous t' angle precis et de-
termine de la conscience; tout y est a l'etroit, mais lout y
est (3). »
II n'est done pas necessairc, pour aequerir la science uni-
versellc, d'observer chacun des objets dont les sciences s'oc-
eupent; il suffit de s'isoler du monde exterieur, de renlrer
en soi-meme, et de considcrer attentivement ce qui se trouve
cache sous Tangle precis et determine de la conscience.
Les ccrivains de cetle ecole donnent a ce procede le nom
de mithode- a" observation, et ils en sont Inert les maitres; inais,
dans leur bouche, ces mols n'ont certainement pas Ic mfine
sens qu'ils ont quand ils sont employes par les savans. Si
(1) Court d' His loirede la Philosophic de 1S2S; 5° Ie^on, p. ">4-
(■>) Ibid., f Ic^on, p. 6. — (3) Ibid., 5" le^nn, p. 7>/\.
1ST i'OLITIQLES 5<)7
les nicuibres de l'Acadeniie ties sciences ou tic 1'Acadcmie
des inscriptions n'avaienl jamais regarde que sous I'aaglc pre -
cis ot determine de leur conscience, nous doulons qu'ils
eussent fait 1'aire de grands progres aux divcrses branches des
connaissanccs humaincs. Nous avons quelque peine a com-
piendie comment un hommc parviendrait en procedant ainsi
a connaitre la geographic, la geologie, la botanique, l'lus-
loirc, l'arahc, le grec ou le chinois.
L'ohjet de ces rcmarqucs n'est, ni de faire la critique des
procedes scicntifiqucs de la nouvelle ecole, ni de pronvcr
(ju'elle ne sait rien observer : nous voulons (aire voir scule-
incnt que ce qu'elle nomme methede £ observation n'a rien de
commun avec les procedes que les naluralistcs et un grand
nombrc dc philosophes designent par les memes mots. Cos
deux procedes ne se ressemblent en aucune maniere; el ?i,
pour parvenir a la verile, il n'y a qu'une voie, il est fort a
oraindre qu'on ne s'egare do part ou d'autrc.
Les philosophes eclectiques reconnaissent eux-memes que
leur millwde d' observation n'a rien de commun avec le pro-
cede que les savans designent par ces mots. Apres avoir fait
I'eloge de eclte melhode quand its en parlent d'une maniere
general e, ils la declarcnt, en effet, inapplicable quand ils la
concoivent telle qu'on 1'emploie dans les sciences ; ils asso-
rt nt posilivemcnt qu'elle ne pent conduire a aucun grand re-
sultat. La raison qu'ils en donncnt est que, si Ton voulait
toujours en faire usage, il faudrait se livrcr a des travaux sans
fin ; ii n'y aurait pas moyen, discnt-ils, de connaitre un sys-
teme et de le declarer bon ou mauvais, avaut de l'avoic ci.ii-
die ; on ne ponrrait faire des classifications, distinguer ties
epoques, avant d'avoir observe Its objets qu'on se propose de
classer (i).
Ainsi, quand ils emprunlent a I'ecole scicntifique la methode
(1) Voyez la 4C lecon l'u fours d'Hisloirc dc la Philosophic, p. ia-l4. —
Vnyiz aussi dans YEssai sur I'Histoire. do la Philosophic de M. Daaiiion,
le chapitre dans lequel i'autcur Lraite do la science dc I'inobstrvable.
"h,M 6€TENC£S MORALES
d' observation , ils nc Ini emprunlent rcellcmcnt que deux
mots : ils n'adoplcnt auctin de ses procedes. Faul-il done
s'etonncr si les deux ecoles lie pcuvent se coinprcndre mu-
tuellemenr, et si elles amvent a des resullats qui n'ont rien
deromuuin? Lea pretentions, le langage, et nous pourrions
meme dire les habitudes des deux ecoles, correspondent au
reste parfaitement aux procedes qtfclles cmploient.
On rcproche a la premiere de trailer avec mepris les grands
eerivains que l'Anglelcrre et la Fiance out produits pendant
Te dernier siecle; on les accuse de manquer dc modestie.
Mais un pen d'orgucil n'est-il pas pcrmis a celui qui pcul ac-
queriir la science uiiivcrscllc en reposant douccment sur son
oreiller? La philosophic romanlique ne donne-t-elle pas l'ex-
plication de Ionics choses? Et des hommes aux yeux desquels
il n'est rien d'inexplicable ne participcnt-ils pas aux preroga-
tives de la divinite (1) ?
Les disciples de Bacon, de Locke, de Condillac, accusent
leurs adversaires d'etre inintelligihles. Mais comment des
hommes qui ne voient que des yeux de la tele, et qui ne
tavent entendre que par leurs oreilles, pourraient-ils com-
p rend re des hommes qui apprennent tout sans rien regarder,
in sans rien ecoutcr? I'eut-il y avoir quclque chose de com-
mun, soil dans leurs idees, soil dans leur langage! N'est-il
pas ridicule, par exemple, que les coiidillaciens ou les sensua-
lities , comme on les a elegainment appelcs, aient la preten-
tion d'entendre ccux-ci, quand ils disent au genre luimain : « II
(1) La philosophic, dll M. Colsin, est la tamicre de Ionics les lumicres^
I'auioritc de loules les atiloritis (Cours d'Histoire de la Pbilosoplne, l" le-
con, p. 59, 1S2S). La philosophic est rinlettigcncc absottic, l'^xplicatioic
absolue de toctf.s choses, ibid., p. 29. Le savant professeur entend pai ler
ici do sa pbilosopbie, et non de la pbilosopbie des scnstiatistes. Ceux-ci,
routine il le dit ties-Men dans tine autre partio de ses leeons, ne sont que
des moilies d'homities, landis .jne lui et ses disciples sont des liommes tout
cnliers. Aussi n'appai tienl-il pas a tine moilie d'hommc do defin'u- 1'in-
fini, de donner I'oxplioation absolue de toutes clioses, et de faire, par
('observation, la science de I'inobservabie.
ET BOUTIQUES. 50g
y a thins la raison humaine deux elemens etleur rapport, cYsi -
a-dirc trois ('lemcns, trois ulecs. Cos trois blocs ne soul pas
un produit arbitrable dc la raison humaine; loin de la, dans
leur triplicate et dans lour unite, elles constituent le fond
meme de cclle raison ; elles y apparaissent pour la gouverner,
conune la raison apparait dans l'hommc pour le gouverner.
Ce <|ui ctaitvrai dans la raison humainement considerec, sub-
sist* dans la raison considerec en soi ; ce qui faisait le foods de
la raison eternelle, c'est-a-dire une triplieile qui se resoul en
unite, et une unite qui se developpe en triplieile. L'unile de
eetle triplieile est seulc reelle , et en meme terns eelte unite
peri rait tout entitle dans un seul des trois elemens qui lui
sont neccssaircs ; ils ont done tons la meme valeur logiquc, et
constituent une unite indecomposable (i). »
Ce passage el une multitude d'autrcs que nous pourrions
rappoi tor, et qui ne sont ni moins clairs ni moins profonds,
prouvent inconleslablemenl queles deux ecoles, qui different
dans la methode qn'elles emploient, different aussi dans lo
langagc. II y a sans doule dans les deux langues des mots
commons a 1'une et a l'autre; mais ces mots n'ont pas la
meme signification. Nous ne devons pas clre etonnes si I'ecOle
scientifique ne voit que tencbres la ou d'aulres sont frapp es
d'une admirable lucidite.
Ayanl olabli que les deux ecoles entre lesquelles la philo-
sophic se divisedc nos jours different par la methode, par les
resullats qu'elles en obliennent, par les idecs ct par le lan-
gagc, nous devons arriver a l'ouvragc qui fait le sujet dc cet
article.
I.'auleur admet, comme tons les aulrcs, qu'il n'y a qu'une
bonne mclhodo, celle qui consist 6 dans L'art d'observer. Mais
attache-t-il a ces mols le sens qu'on lui donne dans les scien-
ces, ou celui que lui altribue la philosophic eel ectique? Les
chefs dc cetle philosophic lc compterout-ils an nombre de
burs scctalcurs , ou le relogueront - ils paruii les condillaciens
(i)Cours cPUisloirodc fa Philosophies S" le?on, p. i5.
6of> SCIENCES MORALES
<t les sciisualistcs? Cettc question est grove dans Ic terns ou
nous vivons : car, si les premiers promettent la gloirc a cetfx
qui se pfacent sous leur baitnicre, iis nienaccnl lie I'ouhli lout
honmie qui s'en ('•carlo.
M. Thurot a parfaitement compris ot determine lc; dan-
gers auxquels on s'expose qunnd on combat, on seulemeot
quand on n'adopte pas certains sy>lcines. « Ceux qui out unc
fois adople unc opinion oo un systemc en ce genre, dit-il,
s'y attaches! avec lant d'opiuntretc qu'iis eprouvent loujours
quelque peine, on mftme unc sorte de colore, a l' occasion de
tout ce qui conlrarie leur theorie. favorite. Plusieurs d'entre
t ux out recours, pour la [aire triompher, a deux moyens qui
out en effet quelque SQCfJs aupres de la multitude, et qui
semblent se preler 1'ua a l'autre un mutuel appui, naais qui,
pourtant, ne font rien a la question. Le premier, e'est de "par-
ler avec une grande admiration d'eux-memes , de leurs doc-
trines, on de celles qui s'en approchent In plus. Lc second,
e'est de s'exprimer, au contraire, avec un dedain presque
voisin du nicpris sur les opinions opposees, d'employer memo
pour les designer des termes qui tendent a les l'aire regarder
comaic iminorales. »
Cetie consideration n'a point empGche M. Thurot de re-
nheix'her et d'exposerla veiite, en snivantla methods exclu-
sivement admise aujourd'hui dans les sciences. L'auteur.
apres avoir determine lc sens general du mot philosophic,
fiit voir que la philosophic, commc science particuK&re , n'est
que I'etude de soi-nicmc, c*csl-a-dire de i'honime et de ses
i'aciiilcs. II observe qu'en rcflechissant sur ce q l'il est parvenu
a snvoir jusqu'ii present, chaque homme pout se convaincre
que tout ce qu'il a acquis de connaissauces rcelles , positives
et vcritablement utiles, consiste principalcmcut dans l'obscr-
valion exacte et attentive de la manic re dont se succedent les
divers ordrfes de fails on d'evenemens que nous oifrc sans
cesse lc spectacle de la nature et de la societe. Quand unc Ibis,
dit-il, celte succession a etc reconnue et invariablenient con-
statee, la science relative a I'espece partiouliere de fails que
ET POLITIQUES. 601
Ton considcre existe, et sc trouve fondce sur sa veritable
base;
M. Thurot trouve, dans l'histoire des sciences, la demon-
stration de ectte vcrite; il la fait remarquee particulicrement
dans L'histoire ds l'astronomte et de la ehiniie. « II me serait
gaos doHrte facile, ajoute-t-il , d'appliquer dcs reflexions du
m'me genre a presque tontes les autres branches de la con-
naissapce humaine : a la physique, a la medceine et meme
aus sciences morales et politiques, et Ton devine d'avance
qu'on serait conduit au name resultat. II est done evident que
io;iie science reelle, tontc connaissancc positive, nc consisle-
qn'en des series plus 011 moins elendues c« faits soigneuse-
ment observes, dont l'ordre el la succession out etc constates
par des experiences nombreuses el diverses, qui nous mettent
a meme de prevoir, dans bicn des cas, avec certitude, ce qui
doit .-uivre de telles 011 telles circonstances donnees ou con-
nues; circonstances qui nesont clles-memes que des faits, de
la realite desquels nous sommes assures, soit immediatement,
soil d'une maniere indirecte. »
('.'est done reellement la methode d'observation usitce dans
les sciences que HI. Tburot applique a 1'ctiidc de In philosophic.
Le pfocede dont il fait usage n'a done men de commun avec
cette ecole reveuse quicroit arriver a la science universellc en
gommeillant. Son langage est loujours clair, precis, elegant;
lei, en un mot, qu'il doit etre dans un ouvragc verilablement
scientifique.
L'auteura d'abord divise le sujetdont il s*occape en deux
grandes parlies, ain>i que l'indiqne le litre de son ouvragc; il
Iraile de rentendement dans la premiere, et de la raison dans
la secoade.
II a suhdivise la premiere parlie en trois sections : dans la
premiere, il traitede la connaissance; dans la seconde, de la
science ; ctde la vo'onte, dans la troisieme.Ilexposcdanslapre-
Biien les faits les plus generaux qui constituent tout acte en
x rtu duquel nousconnaissons un objet qucleonque. II deter-
mine ensuite ce qu'il fuut entendre par les mots sensation, per-
6oa SCIENCES MORALES
ceptivn, intuition, impression , sentiment, conscienee. La valour
deccs mots etant determinee, il examine successivement leg
moyens que la nature nous a donnes d'acquerir ccrtaincs con-
naissanccs. II traite du lonelier, et des perceptions acquises qui
so 1 1 1 le resultatde cc sen*, du gout, de l'odorat, dc l'oule, dc la
viic.Enfin, il s'occupe des perceptions acquises par la vue, et
des representations qu'elles fournissscnt a la menioire, des sen-
timens, de l'inslinct ct de ('habitude, del'orgauisaiion.
Dans la seconde section, cede qui est relative a la science,
M. Thurot s'occupe d'abord dc ['abstraction ctdu langage; il
traite ensuite des notions et des conceptions, de la preposi-
tion et de ses diverges cspeces, de la grammaire generate, on
de la maniere de signifier des mots, en fin de la melaphysique
et dc la signification de plusieurs lernies employes par Ies me-
laphysiciens.
L'auteur traite dans la troisiemc section de la volonte dans-
l'etrc done des facnlles de connailre et de savoir; des senli-
mens et des passions; de la sympalhie, consideree conime
cause des senlimens moraux, et des passions qui naissent de
cette source ; de la faculle de perception morale, et des notions
qu'elle fournit a I'entendemcnt; du sentiment religieux el dc
son influence sur la vertu ct le bonhcur; enfin de l'influence
de la legislation , ou du mode d'existence des societes polili-
ques, sur la vertu et le bonhcur.
La seconde parlie del'ouvrage, bien moins clendue que la
premiere, traite de la raison, dc la verite, des caractercs do
la verite, des moyens par lesquels ils so manifcslent a noire
esprit, et des effets qu'ils y produiscnt; de la methodc et des
moyens que l'cspiit liuniain pent employer duns la recherche
de la verite; en fin, du raisonncment.
On voil, par cct expose, que M. Thurnt a traite des pheno-
tnenes qui sont l'ohjet de son ouvrage, dans 1'ordre le plus na-
ture!, el que, par consequent , toutes ses idees s'enchainent.
Condillac, dans plusieurs dc ses ouvrages, clait lomlie dans
une crreurque j-es ennemis lui out ainercmcnl reprochee, et
qui a etc la cause dc prcsque toutes les accusations dont il a
ET POLITIQUES. Co3
cte l'objct. II avait considere tons les pbenomenes de l'en-
fendement ct dc la raison commi; un fait unique diversement
modifie ; ayant un esprit done d'une grande puissance de de-
duction, il avait tache de tout ramener a un principe unique.
M. Thurot n'est pas tombe dans cette erreur : il a tres bien
compris que les pbenomenes divers qui sont I'objet d'une
science ne derivent pas toujours et necessairement d'un fait
primitif et unique, ou que, s'ils en derivent, il ne nous est
pas toujours donne de decouvrir ce fait on d'apercevoir com-
ment il se lie a tous les autres. Aussi s'est-il borne a decrire
ccux qui rentrent dans la science dont il s'occupe, sanspre-
tendre, avec Condillac, que ces pbenomenes ne sont que la
transformation d'un fait unique. On fait transforms n'est pas le
ni'rac fait; e'estun fait nouveau ; ce n'est que par une espece
d'al:us du Ian gage qu'on pent dire le contraire.
Les sujets que M. Thurot a traites sont trop nombreux et
trip varies pour qu'il nous soit possible de donner ici uno
idee exactc et complete de son ouvrage. Nous nous bornerons
a parler de la partie qui pcut le micux le fa ire apprecier, de
la partie qui se rapporte a la morale.
II y a deux manieres dc juger une tbeorie : I'une est de la
considerer en elle-mcme; l'aulrc d'exnminer les resultats aux-
quelselle conduit dans la pratique. La premiere eon vicnt peut-
fitre plus que la seconde aux csprits speculates; mais la se-
conde est la plus expeditive et pcut-etre aussi la plus sure.
Kous sommes dans un siecle d'ailleurs ou Ton veut arriver a
des resultats positifs : on ne s'engage point dans une route
difficile si on ne sait pas ou elle mine. C'cst done par les ve-
rites pratiques de M. Thurot que nous devons faire juger de
sa tbeorie.
Nous voudiions qu'il nous ful possible de reproduire ici
toute la parlie dans laquellc l'auteur s'occupe de morale; no
pouvant tout citcr, nous en donncrons nnc analyse rapidc, et
nous rapporterons quelqucs pages pour justifier notrc juge-
ment.
La partie de son ouvrage dans laquellc M. Thurot expose
6o4 SCIENCES MORALES
parliculiorcmcnt les jdu'nomencs moraux est relic ou il traile
(I • la volonle. L'auteur fait connailre d 'a Lord ['influence de la
nature sociale dc rbomme ct dn langage sur la volonte, etles
facultes et lea opera tious (|iie la voloute embrasse on suppose*
II Iraitc ainsi de 1'altenlion , de la memoire, de la liaison ou
association flies idees, de I'exercice ct de la culture de la me-
moire, de 1'iniagination, ct dcs effels quelle produit sin- la
conduite ordinaire ue la vie.
L'imagi nation est celle de nos facultes a laquellc la lillera-
ture el ia philosophic rouiantiqucs de nos jours donncut la
preponderance; nous pouvons nieine dire qu'ellc est la scule
qu'elles adrnettent. Rcponssant 1'observation Icntcet lahorieuse
dcs fails, n'admcltant aucune des regies que la raison , le terns,
I'experience ont consacrees, le roniantisme litteraire ou phi-
losophiquc pretend tout connaitre et lout faire par le scul
secours de I'imngination, Part dramaliquc, la morale, les lois,
et meme I'liisloirc des evenemens et des systemes philosophic
ques de 1'antiquite. M. Thurot nc meconnait point les a vanta-
ges qu'on peul retirer de cette faculte, quand elle est dirigee
par ii;i jugement sur ; mais il reconnait aussi que, chez la plupart
dcs homines, die esl nn prineipe d'erreurs plusoumoins dan-
gcreuses. et quelquefois des plus deplorables egaiemens.
<i Sollidtee, coraine toutes nos autres facultes, par le be-
soin que nous cprouvons sans ccsse de nous souslrairc aux
impressions penibics, ou d'en eprouver d'agreablcs, dil-il,
noire imagination est trop sou vent occupce a salisfaire les plus
vulgaiies de ces besoins, les plus grossiers de ces appetite.
Los memos causes, qui out fait naitre en nous des associations
d iiecs fausses, incompletes ou vicieuses, de quelque inaniere
que ce soit, determinentsouvent, a leur occasion, un travail
de i'imagination qui, loin de les rectifier, de les cpurer, ne
fail qii'augmeuter le vice ou le danger; et de la vieut 1c mal
ou 'elle produit si ficquemment.
» Ainsi, egaiee ou seduite par la paresse, par la vanite, par
nn vain desir de globe, ou par d'autres passions non moins
puWibles, elle affectionne de preference, dans les arts, ces
ET POLITIQUE:*. 6o5
eombinaisons faciles et mesquines auxquellcs lc faux goflt
d'une mnllitude ignorante ne manque guere cl'ri; plainlir ; dans
lei sciences, ces theories plus brillanlcs que solides qui, apres
avoir fascine pendant quelqties mo mens les esprits superfieiels
s'evanouissent bientot sans retour, et ne laissent a leurauteur
que mepris ct que ridicule; dans la science des mceurs enfin,
ces sophismes honleux qui lendent a degradcr la verlu, qui
vont jusqu'a justifier ou mcnie a preconiser les attentats les
plus odicux. •>
Parmi les causes qui detcrminent ou constituent la volonte,
les sentimens el les passions tiennent un rang fort considera-
ble; aussi M. Thurot a-l-il Iraite ce sujet avec un soin parli-
culier. Apres avoir expose la nature et les effets generaux des
sentimens, et les avoir divises en plusieurs classes, il est re-
monte a la cause qui produit les sentimens moraux ; il l'a trou-
vce dans la sympalhic, et il a vu dans la sympathie morale
I'origine du sentiment de l'humanile, de 1'egalitc, du rcmords
de la conscience.
31. Thurot considere la sympathie sous deux points de vue,
scion qu'on Peprouve pour les autres, ou qu'on cherche a la
leur inspirer pour soi-mem*. II donne le nom de sentimens
sympaihiqu.es a oelle qu'on eprouve pour autrui, et il designc
sous lc nom de sentimens personnels le desir d'etre l'objet
de la sympathie des autres. II expose ensuite quels sont les
effels de la predominance ties sentimens sympaibiqucs sur les
sentimens personnels, et quelles sont les passions qu'on pent
rapporter a cette cause. Les sentimens syinpathiques, reliitive-
ment a certaines personnes, deviennent des sentimens person-
nels rclativemcnt a d'autres, si l'on y sacrifie des inlercts plus
legitimes que la raison devrait faire preferer, commc sont,
dans certains cas, ceux de la famille, ceux du corps dont ou
est membre, ou ceux de la patrie.
«Toules les fois que nous Iransgressons cetle loi dc la rai-
son, dit M. Thurot , nous sommes averlis d'abord par respire
de malaise que nous fait eprouver la sympathie que nuns ne
pouvons jamais entiercment etouffer dans nos cceurs, et qui
(Jo6 SCIENCES MOilALES
y clove la voix en favour de coux qui auraicnt a SC-uflrir do
la preference in juste qui nous determine. En second liou ,
nous en sonimos averlis aus.si par la pensce que nous serons
blames, ha'is ou mi-prises, par toule personne qui, u'ayaut
aucun inlcret direct ou indirect dans noire couduito, nc sera
iufluencee quo par los sentimens los plus naturels et les plus
conformes a la plus stride justice. Or, e'est la precisement ce
qui constitue cette opposilion de la sympalhic a ellc-meme
dont j'ai parle tout a 1'heure. Elle pent done avoir lieu ou sc
manifester a tous les divers degres de nos sentimens sympa-
thiques, et des lors nous sommes autorises a les considcrer
coinme des sentimens personnels, par opposition a ceux d'unc
sympathie plus etenduc ou plus legitime. C'est cet effot con-
stant du nude d'action de la sympaihio sur un esprit eclaire
et sur un coeur genereux que noire illustre Fenelon exprimait
par ces belles paroles : Je pre fere ma famille a moi, ma patrie
d ma famille, et le genre hamain a ma patrie. »
Ayant expose quels sont les etTels de la predominance des
sentimens sympathiques sur los sentimens personnels, ettraite
du sentiment de la justice et de celui de I'honneur, M. Thu-
rot passe a I'examen dos diets do la predominance des senti-
mens personnels sur les sentimens sympathiques. II recherche
quellcs sont les passions qui naissent de cette source, cc qui
lc conduit a traitor du desir inimodore des richessos, de l'au-
torile ou du pouvoir, de la consideration , de la renommee ou
de la gloire. II passe ensuite en revue d'autres passions qui
ont la meme origine, tclles que 1'orgueil, la vanite, I'hypo-
crisie.
Toutcs les actions honorables et vertucuses naissent de la
predominance des sentimens verilahlement sympathiques; de
meme toutes les actions honteuses ou vicieuses naissent de la
preponderance des sentimens personnels. C'est one veritc que
M. Thurot demontre avoc une clarto qui ne laissc rieh a desi-
rcr; nous ne croyons pas qu'il soil necessaire de rapporter los
preuves qu'il en donne. INous croyons lairc plus do plaisir a
nos ledcurs, en reproduisant quolqucs-unes de ses observa-
tions sur 1'amour immodore du pouvoir.
ET POLTTIQL'ES. C07
«Remarquons, dit-il , que ['influence predominant el ton-
jours aclive des sentiniens physiques 011 organiques, est en-
core une des causes les plus eflicaces de 1'amour iminoderc du
pouvoir, du eulte presque universel qu'obtient la puissance,
soit malerielle, soit spirituellc. En efi'et, les individus qui se
consaerent a la propagation et a la defense de certaines idees
puiement speculalives auront beau' s'imposer a eux-memes,
comrae des lois inviolables de leur profession, le niepris des
riehesses, le rcnoncement aux plaisirs, aux pompes et aux
grandeurs de la tcrre ; ils auront beau faire vceu de pauvrete,
d'liumanilc et de continence, du moment oii ils seront par-
venus a disposer de la force publique, pour appuycr et defen-
dre leurs dogmes abstrails, ils deviendront iniailliblement les
plus avides, les plus orgueilleux et les plus incontinens des
faommes. Car il serail tout-a-fait contraire a la nature des cho-
ses c[iie, pouvant disposer des volontes, des riehesses, et sou-
vent nieme des personnes d'un grand nombre de leurs scmbki-
hles, el pouvant en abuser impunement, ils ne fussent pas sans
cesse tenles de le faire. La meme cause qui aura conlribue a
elablir leur domination tendra done incessamment a I'accroi-
tre, car ils auront pour soutiens, outre le grand nombre des
hommes sincerement persuades, tons ceux qui espercroiit de
profiter directement ou indirectement des avantages que le
pouvoir donne a ses partisans. Ainsi la resistance de ceux que
cememe pouvoir ii rite ou indigne sera paralysee par la craintc
de tout le mal qu'il peut faire a ses adversaires, qu'il ne man-
que jamais de trailer en ennemis.
» On pourrait croire assez generalement que la passion ex-
cessive du pouvoir, ou l'ambition, est le propre des anics ele-
leveeset des cceurs magnanimes : il me scmble, au contraire,
qu'clle caracterise presque toujours les hommes qui n'ont au-
cune veritable dignile, el dont le coeur n'csl susceptible d'au-
cun sentiment genereux. Les plus vils csclaves, les plus la-
ches suppots de la tyrannie, sont precisement ceux qui c.on-
voitent avec le plus d'ardeur toutes les occasions de s'clevcr
au-dessus de leurs cgaux, ou de leurs superieurs en talens et
608 SCIENCES MORALES
en muitc reel; cc sont loujoursceux qui excrcenl aVec Ic ptilS
d'insolence et d'inhnmanite I'anioi ile qui leuresl confifee, quel'
que precaire ou chetive qii'eHe soil. Sous uu moharquc inl'a-
tue de la chimcre du pouvoir absolu, ou sous un usurp:! leur
que la reunion de (aeultes personnelles extraordinaire*, et le
concours de circonstances encore plusrares, auronl place Oil
rang supreme, voyez loutes Its ambit ions subalter'nes s"em-
presser, s'agiter de toutes parts pdtir enflummer et assouvir
cetle soif dedoniinalionqui 1c devore, lui vendre aqui mienx
mieux les droits Ies plus sacres des sujets, lui immoler leura
garanlics les plus procieuses, afin d'obtenir en rctour de leu*
servile devoCmicnl quelques parcelles de cet or qu'il enleve
violemnient aux citoyens ou aux nations etrangeres, quelques
delegations de cettc puissance sans frein et sans limites qu'ils
s'efforccnt de remetlre on ses mains. Voyez enfin cette foule
innombrable d'agens de la tyrannie, dans Ions les rangs et dans
toutes les conditions, employer la calomnie, le mensonge, la
delation , l'inlrigue, la basse fialterie cttous lesinoyens les plus
honteux, pour se supplanter les uns les aulres, pour aniver
aux places, aux honneurs, aux dignites ; et demandez-vous
si ceux qui sont ainsi parvenus a s'approchcr le pins pres dtl
supreme dispensateur de ccs pretendus biens sont capaulcd
de lui suggerer des pensecs nobles et genereuresPSi lci-niGme
est capable de concevoir dc telles pensees, lorsqu'il sent a
chaque instant le besoin de s'entourer de pnreils auxiliaires'.'
Cemeluons done quele desk immodere du pouvoir, et toutes les
actions ou determinations qui en sont la suite, est, plus encore
que l'amour excessif des richesscs, l'indice de la plus etroile
personnalite, d'un egoi'sme qui lend incessamment a ctoiifl'er
lous lessenlimens de parti, d'honneur et d'bumanite. »
Nous ne pousserons pas plus loin cettc analyse; nous
croyons en avoir assez dit pour donner une idee du sujel de
Touvragc de M. Thurol , de la metbode que l'auteur a suivic,
et des resullats auxquels il est arrive.
Nous pensons qu'il nc saurait manquer de produire un ef-
fet salutaire, au milieu des divisions qui ont eclate dans lt»a
ET P0L1TIQUES. 6 >9
Seienccsmorales, et dans les k-ttrcs, et nous considerons comme
tin devoir d'cn recominander la hectare anx jeunes gens qui
se livrent a I'cludede la philosophic, et aux hommes qui exer-
cent quelque influence sur I'educatioh.
VWVJWVWVW
JhsroiRE de la legislation, par M. he Marquis de Pastoset,
rice- president de laChainbredes Pairs (i), et viembre de I'ln-
siititt royal de France, Academic franchise et Acadcmie des
inscriptions et belles-lettres, etc. T. vm et ix (2).
Chez des pcuples, comme ceux de la Grece, dont la reli-
gion elait, pourainsi dire, materielle, les traditions, Phistoire
ct la legislation devaient etre necessaircment melees de no-
tions mylhologiques. A chaque instant, les decrets de ces
mille divinitcs interviennent dans les affaires puhliques et pri-
vees, et I'historien qui cherche a penetrer dans ce dedale se
trouve bien souvent arrete dans ses investigations, sans pou-
voir renouer le fil qui le conduisait. Les ecrivainsde ces peu-
ples, aulieu del'eclairer, ne font que redoubler l'obscurite qui
Penvironne. Homere, Hcrodote, Pausanias, Plutarque, lui ra-
content naivement des faits miraculeux auxquels ils ne cher-
chent pas meme a donner des causes humaines. Si done on
ccrit l'histoire, soit de la legislation, soit de Part militaire,
soit des beaux-arts, il faut ecrire en meme terns l'histoire de
la religion, qui atoujours eu une influence plus ou moins
prononcee sur chacun des evenemens remarquables des na-
tions de l'anliquite en general, et des peuplcs de la Grece en
particulier. Cette observation s'etend sans doule aussi aux
(1) On sail que l'auteur est devenu depuis Chancelier de France.
(s) Paris, 1S28; Treuttel et Wiirlz, rue de Bourbon. 2 vol. in-8";
prix, 14 fr.
T. XLVI. JI'IN l83o. 59
610 SCIENCES MORALES
peuples modorncs; mais lcs interventions divines y sonl phi*
rares, ct bcaucoup moins materieiles.
La neeessite que je viens de constatcr a ete parfailcment
sentie par M. de Pastoret, et lc plan qu'il a adopte est admi-
rable d'ordie et de simplicite, qualites si es«entielles dans des
ouvrages de cette nature. Le vmc volume et une partie du
ix% Ies derniers publics, sont divis&s en autant de cbapitres
que la Grtce renfermait de peuplades. Ce sont autant de ca-
dres bien proportionnes qui presentent l'enscmble le plus
complet et le plus judi^ieux dc cc que l'antiquite nous a
transmis sur la legislation de la Hellade. Chacun de ces
cbapitres se subdivise en plusieurs sections ; la premiere ex-
pose succinctcment I'historique de la legislation de cbaque
peuple, et sert conime d'introduction aux suivantes, ou Ton
passe en revue les lois civiles et criminelles, les institutions
religieuses et commerciales : ces dernieres sont celles sur les-
quelles nous avons le plus de details. Cette disposition per-
met d'etudier sans distraction le caraetere legislatif de cbaque
liltat de la Grece, d'etablir ensuite des paralleles et des rap-
prochemens piquans avec ce qui s'est passe a la naissance de
nos societes actuelles. Apres avoir etudie la marcbe de l'es-
prit humain dans la civilisation des Grecs, il sera curieux dc
l'observer sous un autre ciel, developpant avec des elemens
differens notre civilisation moderne. On s'etonnera de voir
reparaitre, apres tant de siecles, le meme esprit dans cer-
taines dispositions legislatives; laloi du talion, par excmple,
et les compositions pecuniaires; car, an terns d'Eschyle ,
comme ausiecle de Charlemagne, le meurtre etait puni par
le meurtre; celui qui frappait etait frappe lui-meme. L'oracle
de Delpbes forca Hercule, coupable du meurtre d'Ipbitus, de
se laisser vcndre comme esclave pour trois annees, et le pro-
duit de la vente dedommagea le pere de la perte de son fds.
Une disposition analogue se retrouve dans les Capitulaires.
Le droit d'asile dans les temples rappelle celui qui fut etabli
dans les eglises, et qui, a la bonte de Ntalie, existe encore
dans certaines parlies du territoire romain.
ET PpLITIQUES. (in
Les lems pi'imitifs de laGrece offreat une histoire presque
uniforme chez tous les peuples qui la composaient; ses pre-
miers rois, tous fils de Neptune, c'est-a-dire, chefs de colonies
etrangeres qui arrivaient par la mer, paraissent avoir ete par-
tout assez absolus. Persee, petit-fils d'Acrisius, qui Fonda
l'assemblee des amphictyons, echange sa souverainete contre
celle de Megapenthe, qui regnait sur Mycenes, et cela sans
aucune intervention des peuples ainsi ncgocies. Plus tard, lors-
que les Heraclides conquirent l'Argolide, on voit les chefs de
l'armee victorieuse tirer au sort les trois lots qu'ils avaienl
formes pour le partage du pays. Cependant, comme, de tons
lespouvoirs humains, lepouvoir absolu d'un seul est celui qui
s'use le plus vite par ses propres exces, les peuples grecjs
s'en lasserent bientot, et, par un clan presque unanime, se
sonleverent pour secouer le joug, et pour adopter le gouver-
nement republican!. II leur fallut neanmoins combattre encore
pour la liberte ; souvcnt ils furenl heureux dans leurs efforts ;
d'aulresfois, ilsfurentvaineus et dominespar des tyrans; mais
jamais ils ne resterent dans un long esclavage, sans tenter d'en
sortir : on ne voit chez eux aucune tyrannie de longue duree.
Ce ne fut qu'a l'epoque ou la democratie se consolida en
Grece que la legislation y prit une forme definitive et inva-
riable; on vit alors s'etablir les corps politiques. Chez les Ar-
giens, le pouvoir se parlageait entre le senat, les quatre-vingts
et les artynes. II serait impossible de determiner aujourd'hui
d'une maniere precise quelles etaient leurs attributions res-
pectives ; il parait cependant que les artynes exercaient quel-
quefoisl'autorite judiciaire, ou du moins qu'ils etaient charges
d'instruire les proces. Les affaires commerciales etaient portees
devant le peuple. La lapidation, la confiscation et la question,
que le credit des idees philanthropiques a bannies de nos codes,
etaient en usage : on regardait le talion comme la loi fonda-
mentale. Dans des terns moins recules, lorsque la civilisation
eut fait quelques progres, on admit les compositions pecu-
niaires, toutes les fois qu'elles etaient agreees par la famille du
mort ou de I'offense. L'ostracisiiie , cette mesure si iniuste,
Bia SCIENCES MORALES
niais rassuranle pour un peuple jaloux, ciail elaMi a Argos,
aussi-bfet) <|u'a Atlit'iifs, qnoiqu'il y soit reste moins eclclue.
« Lcs Argicns, tlil ML de Pastoret, n'curcnt point d'Aristide a
proscrire. »
Si Ton devait croirc aux reputations des pcuples, snrtout
'lorsqu'elles leur sont faites par des peoples eontemporains el
rivaux, les Argiens auraienl cu a un hant degre tons les vices
de l'intempcrance , niais ils etaient renommes pour leurs
verlus hospital! eres. Un fait digne d 'attention dans l'histoircde
1'Argolide, e'est qn'Agamemnon cxercait sur lcs diflcrens
Etats qui la cemposaient une sortc de supn'malie. Les recils
d'Homere lc prouvent claircinent. Jusqu'nu s'elpndait ce
pmivoir, et quelle en avait etc la source? II serait difficile de le
dire.
La monarchic, la democratic et en fin la tyrannic se succe-
dercnt aussi a Sicyone ; des orages popnlaires, les eruautes des
usurpatcurs, les violences des factions, troublaicnl chaque jour
CM petit Etal, quand parut un de ces hoinmcs qui donnent
rimmortalite a leur pays; Aratus rendit a Sicyone lc calmc
avec la liberte. « O grand hommc , (lit Ciceron , que ifclicz-
vous Romain ! » L'histoire de Sicyone nous est assez ennnue ;
nnis fort pcu de renseigneniens nous soot parvenus sur sa
legislation civile et criminelle. Le voisinage de Corinthc nc
permit pas a Sicyone de sc livrer an commerce ; mais la pa-
trie d'Apelles devait etre distinguee dans les arts; son ecole
de peinturc, si juslement eelcbre, t'lait une des insliliilions de
PEtat.
Corinthe, si Ton considcre sa position geographique, anrail
ditdevenir l'arbitre de la Gri.ce. Placet- au centre de l'lsllune,
elle pouvait, par terre, en perniettre on en defendre l'enlree
a son gre; par mer, lous les vaisseaux arrivaient nalurellc-
ment dans son port. Corinthc devint une vil'le necessairc-
ment maritime etcommercantc; la navigation giecque lui dut
de grands progres ; elle cut memc une forte marine, aussi ses
gucrres furenl-ellcs plus maritimes que tcrrilorialcs. Lcs jcux
istlimiqucs relablis parTlicsce conlribucrcnt egrilemenl a re-
ET I'OLMIOUES. fii3
gandre dans sua scin le luxe et l'altondance. En up mot, Co-
i;i»itho ileviut le marche general de la Greee. Un peuplc aclif
cl commcrcant doit rcdoiitcr plus qu'un autre les suites fa-
cheuses de iVisivcle ; les Corinlhiens ne tarderent pas a iu-
troduire chcz cux une loi que Solon avail apportec d'figypte,
et i|iii obligcait tous les habitans a declarer, chaque annee, quels
etaient leurs moycns de subsistance. I.es dcpcnses d'un ci-
Loyen ctaient-elles si fortes qu'elles appelassent I'atlentioii
pul)li([iie, on le sommuit de rendre coinpte de ses biens : sa
fortune etait-clle rcconnue suffisante, on le Iaissait libre d'en
faire I' usage qu'il voudroit : ne suffisait-elle pas a ses dcpcn-
ses, on lui ordonnait de vivre avec plus d'eeonomie, et une
anienile lui etait imposce s'il n'obcissait pas. Uu homme sans
aucun bien vivait-il avec magnificence, on le livrait a la jus-
tice. IWajs que peuvent les mcilleures lois sompluaires con-
Ire lcsenvahissemens du luxe et de 1'opulcnce ? Coriiitbe n'en
dcvint pas moins le receptacle des plus sales debauches, an
point que lesGrccs, pour caraclcriscr lYxces de la prostitution,
se servirent de 1'expressiou KorjvjQic/."siv. En cffet, la prosti-
tution y etait non-seulenienl lolerce, mais meme honoree ;
ellc n 'etait pas settlement un vice public, c'clait une institution
dcl'Etal et de la religion. Les courlisancs etaient les pretres-
scs de Venus : dans les solenniles qui signalaicnt les fetes do
cette deesse, elles avaient le premier rang Lc nombre de ces
singulieres pretresscs dcvint considerable. C'ctait un acte de
oiete d'en consacrer une on plusicurs a ce culte immoral;
plus de mille jeunes lilies furent ainsi donnees pour I'aceom-
plisscment de voeux religieux, et« c'cst de ce seminaire, dil
Montesquieu, que sont sorties ces beaules celebres dont Athe-
nee a ose ecrirc l'bistoire. »
En parlant de l'Arcadie, M, de Pastorct dit (p. i53) : « La
position de son lerritoire et les gouts de ses habitans sem-
blaicnt devoir les culrainer pen vers la guerre. »Je me per-
metlrai de faire observer an noble pair que la plupart des peo-
ples pasteurs out clcconqucrans; ce qui nesemblepas etre son
opinion; jc ne domic la niieiinc qu'avcc timiditc, lorsqu'clie
6i4 SCIENCES MORALES
esl en opposition aveccelle d'un savant telque M. dc Pustoret,e*
je me contenterai d'indiquer »u ouvrage dont l'autcur, qui pa-
rait fibre de mon avis, expose el developpe cetle opinion avcc
talent. C'est la Politique des Nations de M. de T hkis. La civi-
lisation des Arcadiens eutcela de remarquable qu'ellc fut in-
digene ; ils pouvaient se vanter avec plus de raison que les
Alheniens d'etre fits de la tore. Pclasgus, un de leurs rois,
fut eelui qui Ieur enseigna ;i vivre en societe. II est fort pro-
bable qu'ils furent divises en tribus, mais on ne sait quel en
etait le nombre, ni quelle place elles occupaient dans l'Etat.
Le conseil des dix-mille, dont l'existence est constatee, laisse
aussi beaucoup de doutes sur ses droits et ses attributions;
quelques ecrivains out pense qu'il etait souverain, et jugeait en
dernier ressort.
Le gonyernement de Mantinee avail un caraclere unique
dans Phistoire de l'anfiqufte; e'etait absolumcnt et entitlement
le gouvernement representatif. Les magistrals etaient elus,
non par l'assemblee generate, mais par des citoyens designes
pour elite en son nom. Entre le peupleet l'elu etaient aussi des
elections intermediaires. Certes, voila qui reduit a peu les
loufiiiges donnees par Mmo de Stael aux siecles moderaes, pour
la decouverte de ce systeme. Cependant, il taut avouerque le
gouvernement de Mantinee avait un element de moins que les
monarchies constitulionnelles , ou que cet element n'y exis-
tait que d'une maniere incomplete.
L'usage de sacrifier des victimes humaines dura long-tems
en Arcadie ; el, quand il cessa, on y substituaune coutume au
moins bizarre; on fusligeait des femmes, a certains jours,
devant l'autel du dieu vainqueur de l'lndc. La peine de mort
v etait frequemment prononeee, et Ton serait vraiment tente
de croire que quelque Dracon avait passe par-la. Je suis la-
che que cela s'accorde si peu avec les cboses mcrveilleuses
que les poetes out dftes sur la douceur des niceurs de l'Arca-
die, dont ils ont fait un veritable Eden mythologiquc ; mai.-
les faits sont irrecusabtes.
Les solennites d'Olympie devaieht donher aux Eleens un
ET POLITIQUE. 6i5
caractere tout particulier. Leur territoire, cousacre a Jupiter,
les metlait a l'abri des invasions et des violences des peuples
voisins. Aussi jouissaient-ils d'une paix rare men t troublee, ou
qui ne le fut que par les guerres intestines. Nous ne connais-
sons rien dans les terns modernes qn'on puisse comparer
a ce concours immense, a ces victoires en champ clos, ou as-
sistait une grande partie de la Grece. Les jeux olympiques
suflisent pour caracteriser toule l'antiquite. Ce n'etait pas
seulement une lutte d'homme a homme pour un prix deter-
mine : c'etait une fete religieuse pendant laquelle toutes les
guerres cessaient; le vainqueur faisait rejaillir sur sa patrie
une partie de la gloire qu'il acqucrait, et une seule victoire a
Olympie etait un titre suffisanl a l'immortalite. M. de Pastoret
donne des details fort etendus et tres-interessans sur les regies
observees dans ces jeux. On pourrait dire que la legislation
des Lleens se bornait presque a ces reglemens.
Aristote range parmi les oligarchies le gouvernement qui
succeda en Elide a la royaute. Un senat, compose de go per-
sonnes, gouvernait seul; encore ce nombre fut-il reduit. Les
senateurs etaient perpetuels. II parait qu'on exigeait l'impro-
visation dans les deliberations. Thucydide rappelle un traite
qui designe encore d'autres magistratures, les demiurges, les
tresoriers et les six cents. Des tribunaux, etablis dans chaque
bourgade, evitaientaux habitans l'embarras des deplacemens,
et Polybe amrme que le gouvernement veillait soigneusement
a ce que la justice y fut rendue d'une maniere imparliale. Ou
ignore si et a qui on appelait des decisions de ces tribunaux.
Une loi civile prevenait l'alienalion des biens palrimoniaux
qui aurait pu avoir des suites graves dans un pays dont l'agri-
culture faisait la richesse principale.
Aprts les premieres revolutions politiques, l'histoire semble
oublicr l'Achaie pendant plusieurs siecles. Son systeme d'ad-
ministration, qui nous est inconnu, est neanmoins cite par Stra-
bon , comme etabli sur des bases excellentes. Le souvenir de
la ligue que les Acheens fonderent , les noras d'Aratus et de
PhUopocmen ne periront point. Nous voudrions pouvoir re-
tiiG SCIENCES MORALES
produire ici les belles pages do M. de Pastoret sur cette fede-
ration eelebre , dont on eonnait mallienreiiscmcnt Imp pen
l'organisation inlcrieure, mais que Pulybc assure avoir etc un
modclc parfait d'egalile politique. Ce (pie fit la ligue aeheenne
domic un grand poids a son assertion. EUe montre ce qu'au-
rait etc la Grecc, si des divisions intericures n'eusscnt pas fa-
vorise les ennemis do debors, el si sa turbulence politique cut
etc moderee par la crai.ntcdcs Elats plus pubsans qui l'etii
louraient.
Nous nc savons que peu de chose de la legislation de Me-
garc; ses habilans avaient line reputation universelle de cu~
pidile et de mauvaise foi : un oracle l'avait en quelque sorte-
confirmee; mais, ce qui en est un temoignage bien plus
grave, e'est la loi rendue a Athenes, et qui defendait, sous,
peine de la vie, a aucun, Megaricn d'aborder sur les cotes dc-
l'Attique. Une disposition non nioins singulicre de la 'legisla-
tion d'Egine Qontraignit les etrangers a payer un droit en.
abordant sur son territoire; cette continue, qui eta it aussi sui-
vie a Delphes, est analogue aux pcages des terns feodaux ct jX
noire impot des passeports. Pendant la rivalite qui s'elablit
cnlre Egiiie et Athenes pour 1'enipire de la mer, les Albc-
niens defendirent, sous peine de mort, a aucun de leurs conci-
toyens de descendre dans cette ile : on peut juger, par cette
loi, de l'animosite qui regnait cntre les deux peuples. Platon,.
qui avait aborde forcement a Eginc pendant son esclavage ,.
tut mis en jugement a son retour a Athenes. Les Eginetes,
jouerent un role brillant a la balaille de Salamine, et la Grecc
entiere leur decerna l'honneur de la journee. Une marine-
aussi bonne suppose l'habitude de la mer, et Egine, en effet,,
faisait deja un commerce considerable au xe siecle, avantl'ere
chietienne.
La Beotie ful le theatre de ces scenes sanglantes tant de fois
reproduites par les poetcs. Elles annoncent des moeurs dures
ct barbares. Ce que nous connaissons de la legislation crimi-
BftHl des Beoticns conlirmc cette induction. La peine de mort
ctait accompagnee de mille rallincmcns crucls ; et e'est ici Ic
ET POLITICOES. fii7
lieu de rentlre graces a la civilisation moderne qui nous a deli-
vres do ces horreurs si communes dans l'anliquito ct an
Uioycn age. La peine de mort , an moins inutile dans une so-
ciele possedant une morale religieuse pour prevenir le
crime , ct une force publique suffisante pour retenir dans des
inaisons de correction ou dans des lieux de deportation ceux
desesmembres qui lui sont devenus dangereux, perd cbaque
}our de ses partisans, ct l'avenir verra, nous l'esperons, dispa-
railre cette peine odieuse de nos Codes, comme nous en avons
vu disparaitre deja la torture, line punition singuliere etait in-
fligee aux debiteurs insolvables : ils etaient places assis., au
milieu de la place publique de Thebes, avec uu panier d'osier
sur la tete. Le pere du poete Euripide subit cette peine. (Nie.
de Damas, p. 5o2.) La Beotie etait l'asile de tous ceux qui
avaient ete condamnes dans les autres Etats de la Grece ; il
parait que ceux-ci ne I'accordaient que dans le cas.de crimes
involontaires. Une loi, analogue a celle qui cxistait < n Elide et
en Etolie, gaiantissait la conservation des patrimoines; et
ftl. de Pastoret relcve ici l'erreur de Montesquieu , qui atlri-
bue cette loi aux Atbeniens. Une autre loi excluait des ("one-
tions de la magislra lure les citoyeus qui n'auraient pas aban-
dpnne le commerce depuis au moins dix ans. M. de Pastoret
pense que cette loi ne s'appliquait qu'a ceux qui faisaient un
commerce de detail, L'usage voulait , en Beotie , que les lilies
appoilassent une dot a leurs maris.; cette coutume n'etait pas
generate en Grece , puisque nous voyons Danaiis faire publier
qn'il accepterait , meme sans aucun present de leur part , les
maris qui s'offriraienl pour ses filles, auxquelles personne n'e-
tait fort empresse de s'allier, apres le sort qu'elles avaient fait
subir a leurs premiers epoux. II est assez, singulier que les
Beotiens civilises par Cadmus fussent tellejjient resles au-des-
sous des autres peuples grecs que leur ignorance etait provcr-
kiale cbez leurs voisins. « II etait assez inslruil pour un Beo-
tien,. » ecril Cornelius Nepos, en parlant d'Epaminondas.
Les Etats pa it ie Is qui composaient l'Elolie se njuuissurnt
jjMi; deputation dans une diile generate ou Ton dLJcutait le-.
r,,8 SCIENCES MORALES
interets du pays. Lea magistrats y etaient annucls. Nouscon-
naissons le strata ge et lcs apoclcles, le grammatisse ou grc flier
(!c 1'Etat, et le general de la cavalcrie, qui devait avoir une
graride influence dans un pays ou cette arme etait si renommee.
Le strat^ge etait a la fois lc general en chefet le president
de la confederation etolienne. L'assemblee generate delcguait.
en se separant, a quelques-uns de ses membres la decision
iles objets d'un ordre inferieur qui pourraient sc presenter
dans l'inlervalle du terns ou elle n'etait pas reunie; c'etaient
lesapocletes ouelus. D'autres tbnctionnaires, les polemarques,
avaient la garde de la ville pendant le jour, et, pendant la
unit, le soin d'en fermer les portes, et d'en garder les clefs.
Les Etoliens avaient long-tems cxerce le brigandage. Cc
genre de vie etait aussi celui des Acarnaniens, leurs voisins,
dont Polybe loue cependant beaucoup les vertus morales, et la
fidelite a accomplir leurs promesses. (Hist, iv, § 3o.)
En Epire, la royaute, d'abord unique, puis divisee, subsista
sans beaucoup de vicissitudes. «Lameme race, dit M. de Pas-
toret en parlant des peoples de l'Epire, les gouverna pendant
neuf siecles. La duree dc ce gouvernement, dans des pays ou
les republiques etaient si multipliees, est un garant de sa dou-
ceur et de sa bonte. Un serment mutuel, a chaque avene-
ment, resserrait le lien du prince et dessujets : le prince jurait
de gouverner selon les lois ; les sujets de maintenir la royaute
conformement aux lois aussi. » Cette circonstance remar-
quable de l'bistoire politique de la Grece doit nous trapper
u'autant plus qu'elle a plus de rapports avec notre genre de
gouvernement actuel. Qui de nous, en lisant les lignes prece-
dentes, ne se transporte en idee vers l'antique basilique de
Reims, en ees jours solennels ou nos rois echangent avee
leurs sujets des sermens d'amour et de fidelite ?
Je n'ai pas besoin de rappeler l'oracle de Dodone, si fameux
parlefanatisme de ses prfitres et leurs barbares austerites. Tout
le monde connait les leeits des pretres sur ces chenes myste-
rieux dorit le fruit les nourrissait, et dont le fremissement
) eniplissait les profanes d'une terreur religieuse. Je parle des
ET P0L1T1OUES. G19
prfitres; mais on sait que les oracles etaient rendus par une
pretresse, et M. tie Pastoret presentc des reflexions fort juste;-
sur les motifs qui faisaient choisir des femmes pour remplir
a Delphes et a Dodone le role d'inspirees. Malheureusement
les poetes, en s'occupant des fables mylhologiques, n'ont rien
dit de- la legislation de 1'Epire. L'histoire presente seule-
ment l'exemple d'une repudiation; mais on ne peut en con-
clnre que celte coutume on cette loi fut generate, car l'epoux
elait un roi, et Ton sait que les rois ont toujoursjoui de quel-
ques privileges sur cet article.
Nous n'avons pas non plus des notions bien precises 11 i
bien etendues sur les lois qui regissaient les Thessaliens.
Lear histoire est une serie de revokes el de tyrannies cruelles,
jusqu'a ce que les Macedoniens y etablissent babilement leur
domination. M. de Pastoret s'etonne, avec raison, que des
ecrivains aient compare les esclaves tbessaliens aux hilotes de
Sparte : ils etaient beaucoup plus buniainement traites; on
les cbargeait generalement de ('agriculture, etGrotiusappelle
meme leur esclavage une servitude imparfaite. C'etait un crime
en Thessalie de tuer une cigogne. Aristote donne le motif de
cette loi singuliere : un grand nombre de serpens desolaient
la contree ; des cigognes la purgerent de ces reptiles, et les
Thessaliens honorereut par la suite l'animal qui leur avait
rendu un si grand service. '
Des doutes se sont eleves sur la nature de la monarchie ma-
cedonienne; les uns, et parmi eux Bossuet, l'appellent abso-
lue. D'autres, connne Grotius, pensent que le pouvoir royal
etait soumis a des lois nationales, a une constitution. La pre-
miere de ces opinions parait la plus probable : on voit Phi-
lippe et Alexandre juger en personne et en dernier ressort les
alfaires de leurs sujets. Je ne parle pas de ces jugemens mili-
taires ou ils agissaient comme generaux et a la tele d'une ar-
mee , quoi(]u'ils puissent indiqucr jusqu'a certain point l'in-
fluence de l'aulorile royale sur l'espril des Macedoniens.
Cependanl Quinte-Curce dit que les crimes capitaux etaient
juges. en temps de paix, par le peuplc. et en terns dc guerre
*;,o SCIENCES MOIULES
par I ariuec ; le roi avail droit do grace. II cite Ic strata gcmc
float sc servirent les officiors d'Alcxandre pom- calmer le cha-
grin qu'il eprouvail d'avoir lue Clilus : ils lirciU re i id re par
I'aniu e mi dccret qui dcclarait GlituS coupablc, ct Ic condain-
nail a mort. Quoi qu'il en suit, legouverncmen-t, cntoure d'une
grandc ponipe, etait cvidemmenl an nomhro dc ccux qu'ou-
nomine gouverncmcns mililmvcs. L'armcc etait soldce, cc
cj n i est aussi l'indiee d'un pouvoir central tres-actif ct tres-
oteiidu. 1'hilippc prcpara les doslinccs d'Alcxandre, cl lui ou-
vril le chemin de l'Asie ; il crea lc -commerce et la marine de
la Macedoine. On a demande oii Philippe prenait ccs armes
tl'argent doni 1'oracle lui avait ordonne de se scrvir? Un fail
pent I'expliquer : e'est la possession de Thasos, dont Philippe
s'empara apres avoir vaincu les Illyriens. Thasos renfermait,
nne mine d*or Dual cxploitee : il porta sur cet ohjet l'activito
ct la vigilance qui lui etaient habiluelles, ct bientot cclle mine
lui t'ournit annuellement mille lalcns, e'est-a-dire lc double
du rcvenu d'Alhencs. La polygamic n'avait pas etc, chez les
Macedoniens, uncas penc/ahle, car on en trouvc des cxemples,
non-seulement pour les rois, mais encore dans les manages
qu'Alexandre fit contractor, en Asie, a ses ollicicrs, pour la
plupai t deja maries dans leur pays. Avant Alexandre aussi, un
homine qui aurait cpouse une captive aurait fait tin outrage
a;ix moaurs nationales. L'armee sc purifiait avant et apres les
bataillos; elle se purilia apres la mort d'Alcxandre. Cctte pu-
rification n'ctait sans doute qu'une ceremonie religieuse pro-
pre aux Macedoniens dont les annates oflYe-nl en general beau-
coup plus d'aliment a la curiositc que celles des L.tats de
l'Dubcc, de Corcyre, dc Zanle, d'llhaque et de (Jcphalonie,
dont l'organisation politique et legislative estheaucoup moins
connuc.
C'e>t a regret, mais pressc par I'espace , que je me vois
force de passer sous silence de nombreuses pages du livrc de
M. dc I'aslorel, pourarriver a l'cndroitou rautcurs'oceiipodcs
pcuplcs de lTonic. L'oligarchic etait le gouvcrucmenl inle-
rieur dc la plupart des villes de cc pays, quaiul Alexandre,
ET POLITICOES. C21
apres la prise d'Epliesc, y relablil la democratic. Plus tard
enfin l'lonie tomba sons la puissance romaine jusqu'a ce que
Pompee lui rendit 1111 instant scs lois et sa liberie. Malgiv leurs
malbeurs politiqucs, ces cites dcvinrcnl riches ct puissantes
par le commerce ; ce I'urent Its l'boceens qui, les premiers des
Grecs, firent de longs voyages, et reconnurcnt la mer Adriali-
que, la merTyrrbenienne ct les coles d'Espagne : l'une de nos
\illes les plus opulentes, Marseille, fut i'ondee par eux,
<:t Ton sail quclles richesses elaient celles d'Ephese, dont le
temple a acquis une si grande et si singulierc cclebi ite. 11 faut
Tcmarqucr que le commerce parail avoir produit un eft'et ton-
jours semblable sur les peuples anciens, celui de corrompre
les moeurs. L'lonie etait rcnommee pour ses courtisanes , et
e'est de la que sortirent prcsque toutes celles qui devinrenl la-
meuses en Grece. Ceci et d'autres observations analogues sur
Jes peuples modernes me portent a croire que ie commerce
d'echange et de fabrication a toujours Ie mf-mc resullal :
lous les grands comptoirs me paraissent avoir etc des foyers de
corruption. Le commerce d'lonie etait certainement regie par
un Code : nous n'en connaissons que de faibles parties, €t
dies dorment a entendre que la piraterie n'etait pas enliere-
menl etrangere a ce negoce. C'est par cette voie que les Ioniens
se procuraient ce grand noinbre d'csclaves qu'ils allaient ven-
dre a toutes les nations. « L'lonie vous amenait des esclaves,»
dit Ezccbiel aux Tyriens.
La Cappadoce fournissait aussi beaucoup d'esclaves, comme
le prouvent de nombreux passages des ecrivains anciens. Mais
sa legislation nous est moins bien connue que telle de la Ga-
latie, qui sc composait de trois pcuplades, et etait divisee en
douze tctrarchics qui avaient en commun un conseil de trois
cents personnes. C'etait un conseil national qui nommait aux
cmplois de l'armee, etexercait l'autorite judicia'ue en maliere
criminelle. Les autres causes etaient porlees devant les telrar-
ques ct les juges.
La Forme du gouvernement des Lyciens a cte l'objet de beau-
coup d'eloges soit cbcz les anciens, soil chcz les modernes. La,
ii,,,, SCIENCES MORALES
nous rctrouvons encore unc SOEte de gouvernement represen-
talif. Vingt-trois cites composaient la confederation. L'assem-
blee des deputes se tcnail dans la villc qu'ils choisissaient. Le
nombre des \oix n'etait pas egal pour chaque ville : les plus
considerables en avaient trois, d'autres deux, d'autres une
seulenient ; elles contribuaient aux depenses publiques dans
la proportion du nombrc dc leurs deputes. Certaincs condi-
tions, telles que 1'agc , un domicile reconnu, un cens paye,
etaient cxigees poutTelcelion. Les magistrate etaient nommes
par l'assemblec. On choisissait d'abord le lyciarque ou chef de
I'Elat, etensuitc les administrateurs ct les juges. Montesquieu,
qui nomme ce gouvernement unc republique federative, parait
l'avoir considere plutot dans les rapports avec les Etats etran-
gers et sous les rapports d'une cite a une autre que dans l'eco-
nomie interieure de ^administration politique. Je ne puis, du
reste, partager l'opinion de Bodin el telle de M. de Pastoret,
qui rangent un tel gouvernement parmi les oligarcbies. Je
pense bien plutot, avec Sainte-Croix, qu'on doit le regarder
comme une democratie pure et simple, et je ne vois pas ce
qu'il pent avoir de commun avec le gouvernement oligarcbi ■•
que. Nicolas de Damas dit que les Lyciens condamnaient a la
servitude le citoyen convaincu de vol. Chez ce peuple les en-
fans portaient le nom et prenaient l'etat civil de leurs meres.
Les filles heritaient des biens, nonles Gls.
II ne me reste que bien peu de place pour m'occuper avec
M. de Pastoret de la legislation des Perses, a laquelle ila consa-
cre la dernierepartie du neuvieme volume de son bel ouvrage.
Plusieurs ecrivains, evidemment animes de l'amour du para-
doxe, ont voulu fairede la monarchie persanne une monarchic
temperee. lis font remonter ordinairement cette forme de
gouvernement au regne de Darius, fds d'Hystaspe, etpreten-
dent qu'alors naquit une aristocratic dont les membres for-
maient un conseil sans Passentiment duquel le roi ne pouvait
agir. L'histoire refute en mille endroits cette singuliere asser-
tion, et M. de Pastoret a savamment reuni une masse de
preuves qui la laissent sans nul fondement. Helvetius, a qui
ET POLITIQUES. 623
il arrivait souvent d'accommoder l'histoire a son gout parti-
culier, pretend que des philosophes etaient charges d'inaugurer
!e prince, et lui clisaient le jour de soncouronnement : «Sache,
6 roi, que ton autorite cessera d'etre legitime le jour que lu
cesseras de rendre les Perses heureux. » II aflirme , avec
toute la gravito possible, ce fait, qui n'a jamais existe que dans
son imagination. Quels etaient ces philosophes, et qui leur
donnait la liberte de parler avec celle hauteur a des rois qui
faisaient mourir dans d 'horribles supplices un courlisan asscz,
audacieux pour les contredire?
D'autres ont avance que les ordres du roi etaient a la verite
absolus et supremes, mais qu'une fois donnes ils avaient force
de loi, et que lui-meme ne pouvail les revoquer. II s'ensui-
vrait que le souverain n'avait pas le droit de grace. L'histoire
repond a cette opinion : e'est par Pusage de ce droit que Cre-
sus echappa a la mort qui le menacait de si pies. Elle rap-
porte un autre exemple : un juge avaitprevarique; il est con-
damne a La mort; mais le roi, reoonnaissant de ses services,
commue sa peine, et le sauve du supplice. Xenophon est sans
doute cause de toutes ces erreurs ; il a denature la verite dans
son roman de la Cyropedie, et Platon n'est peut-etre pas non
plus exempt de tout ceproche, quoiqu'il soit facile de voir que
l'un et l'autre cherchaient plutot a montrer ce qui aurait dfi
etre qu'a decrire ce quietait (1). La monarchic des Perses ejtait
despotique dans la signification la plus absolue de ce mot. Du
souverain seul emanait la loi, revocable a sa volonle. II etait
considere, non comme l'image de Dieu, mais comme un Dieu,
et l'on ne se presentait pas devant lui sans Vadorcr. Le ser-
ment rapporte parGrolius, et qui avail lieu a l'avenement du
roi, appartient a l'histoire des Medes, non a celie des Perses.
Le roi pouvait, et e'est la le signe le plus incontestable d'un
gouvernement absolu, deleguer sa toute-puissance. Le livre
d'Esther nous offre l'exemple d'une de ces delegations de pou-
voir. n Pais de ce peuple ce que lu voudras, » dit Assuerus a son
(i) Non ad historic^ fidem script us sed ad effigiem jtisti imperii.
C-u'i SCIENCES MORALES
I'avori; il fcui BOnfie lc sceau royal , qui s'appliquail a tons \v
derrets. Ricnlot Esther, a son tour, oblient l'orihe cPrui mas-
sacre epouvantahlr. Parysalis se sert aussi de son ascouilaiit
sur son Ills pour hii arriichoi' le droit royal do vie el de niort,
afin de faire pcrir dansd'hnrrildcstonrmensun honimcqui lui
tivait dcplu. Les acles que je viens de rapporter, ct mille au-
tre^ que jc pourrais filer, suflisent pour dotmer une idee de cc
que devaient etre en Perse les lois criminclles. Dans les pro-
\inces,les Satrapesavaient, comnie lc chef du gouverncment,
le droit de vie et de mort. Des tribunaux etaient institucs ;
mais par qui et comment les juges otaicnt-ils nommes ? Je
ne saurais le dire, quoiqu'il fut important de le savoir pour
connaitre jusqu'aquel point lenrs arrets pouvaicnt etre iude-
pendans. Des peines terribles etaient portees contre ceux qui
sc seraient laisse corrompre ; on les faisait mourir dans les
supplices, on les ecorchait ensuitc, et letfr peau servait a rc-
couvrir le siege oii devait s'asseoir leur sneccsseur. Je ne sui-
vrai pas M. de Pastoret dans l'enumeration de tons les supplices
en usage chez cepeuple, dont Xenophon nous presentc un si
seduisant tableau : l'iinagination repugne a se nourrir de ces
horreurs : les auges, les cendres, la mutilation , le erucifie-
ment, rinhumationvivante, mille autre ralfinemensdc ciuaulc
qui prouvent jusqu'ou peuvent aller le dclire de la tyrannic
ct l'avilissemcnt des nations. Jc mc contenterai dc remarquer
que la loi punissait de mort les attentats a la pudeur ct le crime
de faussc monnaie. II y a lieu de s'etonner et de s'auTiger qu'un
chatiment aussi disproportionne ait ete si anciennement et si
universellemcnt applique pour ce dernier delit.
Voila une analyse bien incomplete saus doute du bel ouvrage
de M. dePastorel; mais il n'est point facile d'analyscr un livre
lellcment rempli de faits et de choses qu'il n'est lui-memc
qu'une maguifique analyse de la partic la plus epineusc perit-
etrc et la plus obscure dc l'liistoire des peuples anciens. Le
lcctcurs'ctonneia, commemoi, qu'onailpu trailer une mature
aussi serieuse, jc dirai prcsquc aussi aridc, avec un style rc-
maiquable par son elegance aulant que par son extreme purctc.
ET POLITIQUES. t]25
M. de Pastoret a prouve en cela que sa place est egalement
bien marquee, en sa double qualite d'erudit profond et d'ecri-
vain habile, a PAcademie des Inscriptions et a l'Academie
Alexandre Le Noble.
■fro « o »*<fW e—gnaa •j^^j.jfn
Principes d'organisation industjueile, par J. J. Fazy (i)
Un auteur, anime de bonnes intentions, et possedant assez
bien les doctrines de l'econoniie politique moderr.e, dans un
ouvrage publie depuis pen, en meme terns qu'il convient des
progres apparens de Finstruction generale et de la prosperity
pubhque, se plaint aniereinent du pen de fruit reel que les
classes productives de la societe recueillent de ces proves
Cetteremarque est juste, el merile attention. Tandis que 1'ad-
ministration se vante des accroissemens de notre population
il resulte des documens recueillis dans toute l'Europe par
M. Jacob (2) que depuis la paix generale la France est de
totis les Etats du continent celui dont la population a fait pro-
porlionnellement le mains de progres, etque e'est celui ou l'on
se plaint le plusgeneralement des souffrances de l'agriculture
des arts et du commerce. C'est un fait a la connaissance de
tout le monde que, malgre les places nombreuses dans
Fordre mdilaire et l'ordre civil que distribue tous les ans la
faveur, les jeunes gens, a mesure qu'ils parviennent a Page
d'embrasser une profession, ne rcussissent pas, sans les plus
grandes diilicultes, a utilizer leur bonne volonte et leurs ta-
lens. L'Angleterre a diminue ses depenses annuelles de plus
de deux cent millions; elle a rembourse une bonne partie de
(1) Paris, 1800; Mather et O. In-S<> de 204 pages ; prix, 6 fr.
(■) Envoye par le Comite d'enquelc d'Anglelerre pour constater la
production et le prix des bles sur le continent.
T. XLYI. IVI.N l83o. /,_
40
G->6 SCIENCES MORALES
<sa dette ; ct nous, en mmne terns que noire territoire s'esl
trouve eonsidirablement diminuc , nous avons augmentc la
somme de nos contributions, ct triple notre dette.
II est certain qu'au fond de tout cela il se trouve un vice,
une nialadic socialc que tout bon citoyen doit s'eflbrcer de
gucrir. Ce viccest-il dans la nalurejnyincible des choses ? est-il
dans nos institutions? Par quels moycns peuvent-ellcs etre
reformecs ? On ne saurait nier que ces questions ne soicnt d'un
haut interet; mais on ne saurait pretendre a les rcsoudre, si
Ton ne joint a une grande experience un jugement solide et
une parfaile connaissance de l'economie politique.
C'est bien aussi sue celte science (qui n'est autre qu'unc
experience raisonndc) que l'auteur du livre que nous annoncons
pretend s'appuycr, Iorsqu'il signale les causes et le remede du
mal qui nous tourmenle. On ne peut lui refuser ^intelligence
des bons principes ; mais en possede-t-il l'ensemble et la liai-
son P Beaucoup de ses assertions sont inconlcstables ; niais le
sont-elles loutesPIl se fonde sur de grandes verites ; mais
n'invoque-l-il pas aussi de grandes erreurs ? Lorsqu'il se plaint
des entraves que nous imposent nos lois fiseales , nos mono-
poles, notre administration de la justice et notre administra-
tion civile, il a malbeureusement trop raison ; mais, quand il
vent que ce soient des administrations cleliberantes qui appre-
cient les facultes des liommes ct la valeitr des choses (p. i45),
certes il est coupable d'un grand outrage envers l'economie
politique. Nulie valeur intrinseque ne peut resulter que du de-
gre de satisfaction attache a 1' usage des divers produits; et le
seid moyend'apprecier celte satisfaction est le prix, librement
consenti , que les consommateurs mettent a chacun de ces
produits. Les facultes des homines, comnie leurs capilaux,
sont une partie de leurs proprietes, et o'est y porter de graves
atteintes que de vouloirles faire appieeier par des administra-
tions, quelque spontanees, quelque libres qu'elles soient. Si
on les apprecie au-dessous de leur valeur, au-dessous du prix
courant, on fail tort an proprietaire ; si on les apprecie au-
dessus, on favorise la dilapidation des capilaux, on fait tort
ET POLITIQUES. 629
u la production, car on favorise la destruction, soit aux depen*
de cclui qui a cru produire , soit aux depens de ceux qui vien-
nent a son secours.
31. Fazy s'esl empare d'un principe dont la demonstration,
quoique des plus importantes, n'est pas tres-ancienne, et dont
il n'a nulle part cite l'origine (1) ; c'est qu'en realite on n'a*
chelte des produits qu'avec d'autres produils, et par consequent
que c'est la production qui favorise la production; et il en tire
une consecpience exagerte et fausse. II affirme que la produc-
tion n'a point de bornes, non plus que les richesses ; et que , si
1'on ne produit pas indefiniment, c'est uniquemeut par la faute
de notre organisation sociale. II oublie ce qui constitue la pro-
duction. Pour qn'une raarchandi.se merite d'etre appelee un
produit, il ne suffit pas qu'elle soit le fruit de l'industrie', il faut
encore que sa valeur echangeable egale ses frais de produc-
tion. Si, en consommant une valeur egale a 10 fr. de matieres
premieres, de main-d'ceuvre, etc., vous ne parvenez a creer
qu'un objet dont il soit impossible d'obtenir au dela de 9 fr.,
ou toute autre valeur equivalente a 9 fr., vous ne creez nas de
la valeur, vous en detruisez, puisqu'il y avait auparavant dans
le monde une valeur de 10 fr. que vous avez changee en une
valeur de 9 fr.
L'auteur, en posant en fait que la production n'a point de
bornes, admet comme verite une assertion entierement
fausse. La creation d'un objet de consommation exige des sa-
crifices : elle exige l'emploi d'un capital, d'un travail, qui ont
une valeur. Du moment que la salisfection qui peut resulter
du produit n'est pas equivalente a I'avance qu'on a faite, on
ne peut plus la produire. S'il faut que je mette quatre semai-
nes pour creer des valeurs qui ne peuvent pourvoir a ma sub-
sistance que pendant trois semaines, je mourrai pendant la
quatrieme, a moins que je ne vive de la charite publique,
(1) Voyer le Trailc d' Economic politique, Jiv. i, ch. i5 ; et ]r Court com '
plet d' Economic politique, 5e paitic, cli. i 4 5.
6a8 SCIENCES MORALES
c'est-a-dire, sur des valours reelles mais produites par d'au-
tres que par moi.
En posant en fait que la production o'a point de bornes,
rauteui' ffvance done un fait qui a'est pas. La production est
bornee lorsque les moyens de produire arrivent au point de
se trom er plus chers que les produils qui pern ent en resulter.
C'est une grande erreur de croire que dea associations in-
duslrielles, et des moyens de credit, puissent soutenir la
valeur d'une inarchandise qui ne se vend pas, quand il n'j a
pas dans celte marchandise me me une qualite qui en cleve le
prix au niveau de ses frais de production. Tout prix force est
un abus paye par quelqu'un.
L'anteur s'imagine que des banques de circulation qui re-
pandent des billets ayant corns de monnaie peuvent reme-
dier a tout; et veritablenient des banques qui ne seraient pas
privilegiees comme Test la Banque de France, des banques
qui pourraient venir au secours de 1'induslrie proprement
dite, et dans lesquelles on trouvcrait des especcs de eompa-
gnies d'assurance qui, sans s'exposer a des pertes superieures
a leurs gains, repareraient quelquefois les malheurs impre-
vus, seraient fort utiles au commerce en general. Mais il ne
faut pas croire que des escomptes et des billets , en supposant
qu'ils jouissent de la plus haute confiance, puissent tenir lieu
de capitaux. lis ne peuvent remplacer que l'agent de la cir-
culation, et ne peuvent conserver leur valeur que lorsque
leur somme n'excede pas la somme habituellement necessaire
pour les echanges. Las escomptes sont occasionnellement
tres-uliles ; mais il vaut encore mieux que les industriels
aient assez de capitaux a eux pour n'avoir pas recours aux
escomptes.
Tels sont les principes dont il nous semble qu'il n'est pas
permis de s'ecarler, lorsqu'on propose un plan d'Oganisation
irulustriclle. M. Fazy nous permettra encore de lui faire ob-
server que ces mots organisation industrielle ne presentent
point d'idte nette. On n'organise pas plus l'itulustrie qu'on
n'organise les arts et les sciences. Ces choses se forment, se
ET P0L1TIQUES. Gag
pcrfectionnent selon le gout et les talens des homines. Toul
ce qu'on a droit d'attendre d'un gouvernement ^claire, c'est
qu'il fasse des loi.% qu'il cree des institutions favorables a l'in-
dustrie, mais non qu'il organise C Industrie.
Ce qui la favorise en general, ce sont les mesures qui alle-
gent les ffaiS de production qu'augmcntent, an contraire, les
charges de l'Etat et les sotlisesde l'administration. Tandis que
les procedes de 1'agricuhure, des manufactures et du com-
merce, deviennentplusexpeditifs et moins chers, grace au ge-
nie des particuliers, on perfectionne aussi l'art de tirer de
l'argent des peuples au profit des fonctionnaires publics,
des gens a places et a pensions, des flalteurs, des trai-
tans et des pieties. Les iriipots sont des frais ajoutes aux frais
indispensables de la production, et d'ou il resulte que la ma-
jeure partie de la population se Irouve privee d'un grand
nombre de produits et de beaucoup deperfectionnemensdont
elle pourrait jouir s'ils n'etaient portes a un prix qu'elle ne pent
atteindre. Sans compter qu'un gouvernement qui vent gou-
verner tout multiplie les obstacles, au lieu de les aplanir.
L'argent des contributions,^ qui pourrait en totalite etre em-
ploye a faire du bien a la nation, sert beaucoup trop souvent
a lui faire du mal. Comment justifier aux yeux de la raison
des guerrescomme celle de Russie, en 1812, celles d'Espagne,
en 1808 eten 1820? Outre le sang qu'elles font repandre, et
les devastations qui en sont les suites, elles nous font de-
tester et mepriser des etrangers, et ir'aboutissent on definitive
qu'a engraisser des fournisseurs et des favoris. Oi'i nous mine
cet etablissement sacerdotal quiengraisse deschanoines et des
prelats ? a repandre des mandemens incendiaii es, a favoriser
des missionnaires dont les predications publiques el les con-
fessions secretes abrulissent l'esprit des peuples. La multi-
tude des paperasses qui encombrent nos administrations n'a
d'autre effet que d'attirer au centre du gouvernement des de-
terminations qui devraient etre laissees au bon sens des locali-
tes. On eleve des colonnes et des monumens expiatoires, et
Ton u'eclaire pas nns rues. Avec la dixieme partie dc ce que
<53o SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.
eofttcunc carnpagnc onrcndiail navigable la Enire, qui, tantot
pitrce qu'cllf? a trop d'eau, tantot parte qu'ellc en a trop pen,
n'esl pas praticable durantles deux tiers de l'annee. On niet-
trait ainsi en relation ['orient nvec I'occident de la France.
Mais on parait ignorer que la facilite dcs communications,
en baissant les frais de toutc espece de production, est un des
principaux elemens de la richesse des peuples; et la Bourgo-
gne nieurt de faim en mfine terns que la Brutagne ne peut
pas vend re ses decrees.
Quand les lumicrcs seront plus generalement repandues,
quand les intcrfits nationaux auront de veritables interpretes,
determines a refuser la substance de l'Etat a ceux qui font sa
honle et son malbeur, alors la nation francaise jouira de
toute l'elendue de ses ressources et des biens qui, en bonne
justice, ne dcvraient appartenir qu'a l'intelligencc ct a l'acti-
fite vrainicnt utiles.
J. B. S.
LiTTERATURE.
HlSTOIRE DE LA LITTERATURE ANCIENNE ET MODERNE, par Frederic
Schlegel, traduite de l'allemand par William Duckett(i).
Frederic Schlegel, poete et philosophe distingue, est sur-
tout celebre en Allemagne pour avoir imprime une vie et une
direction nouvelles a la critique litteraire. II fit ses premieres
amies dans quelques recueils periodiques; entreautres, dans
VAthenceum, redige de concert avec son frere Auguste Guil-
laume. II etait alors protestant comnie lui." Bientot Frederic
se convertit solennellement au catholicisme, a Cologne : de la
il se rendit a Paris, puis aVienne, oA il accepta de M. de
Metternich une place a la* chancellerie, et le titre de membre
libre de l'Universite de cette ville. Ses cours dans cette Acadd-
mie , pleins d'apercus feconds et ingenieux sur le moyen
age, acheverent sa reputation d'habile critique. D'ailleurs, soit
independance d'esprit, soit simplement indolence, il montra
pen d'empressement a pn-ter l'appui de son talent aux vues
politiques de Mj» de Metternich, et II etait a peu pres tombe
dans la disgrace de ce personnage, quand la mort le surprit
en Janvier 1829 a Dresde, oii il venait de coinmencer un
cours de philosophic
Le zele religieux qui animait F. Schlegel, dans les derniers
Jems de sa vie, tient a un motif trop noble et trop honorable,
pour le passer sous silence. Penetre du desir de voir les na-
tions de l'Europe unies dans une fraternite commune d'opi-
(1) Paris, 1829; Balliraore, rue de Seine-Saint-Germain, n" 48. 2 vol.
tn-8" ile plus de juo pages; prix, 14 fr.
<tfa LITTERATURE.
nions, de vceux et de sentimens, Schlegel pensait que la con-
dition necessaire de cette alliance ctait l' unite de religion;
or, lei est Petal d'anarchie 011 le rejet absolu du prin-
cipe de Fautorite a conduit le proteslantisrae que Schle-
gel regardait f'Eglise reformee connne incapable d'accomplir
cetle haute mission du xix' siecle. So regards se tourncrent
done vers le eatholicjsme , vaste cerclc dont les rayon? abou-
tissent a un meme centre, association forte et compacte, qui a
son chef visible, sa loi, sa hierarchic II embrassa le catholi-
cisme avec amour, comme une esperance et an gage pour
1'avenir, coinnie une doctrine vraiment universelle , et qui
d online a la fois la litterature, l'art et la philosophic. Enthou-
siaste du moyen age, parce qu'il y vo)rait triompher cette
puissante unite, il classa les litteratures diverses, non d'apres
leur merite, comme produit de l'art, mais d'apres le carac-
lere plus on moins prononce de leur tendance religieuse.
Puis, a mesure que son esprit s'enfoncait dans le domaine des
abstractions theologiques , il introduisait le mysticisme dans
la critique; ainsi, lorsque son sujet Famenait a parler de la
Bible, il proclamait incompletes et insuffisantes Fintcrpreta-
tion du sens Htteral et celle meme de I'esprit des litres saints.
II lui fallait une troisieme interpretation plus elevc'e que les pre-
cedentes, I' interpretation qui a pour base le sens mystique cache,
tequct, avec ou sans figure , repose sur le mystere de I' dine et de
son union avec Dieu. « Et dans cette connaissance selon fame ,
ajoute-t-il, parvenue a sa clarte la plus complete, on pent dire
avec raison que e'est le verbe eternel de Famour qui se com-
prend et s'entend lui-meme. » Celle sorte iVillnminisme se re-
produit a diverses reprises dans Fouvrage de F. Schlegel, et
repand quelquefois de Fobscurite sur sa critique hahituclle-
ment profonde et judicieuse; nous avons du signaler des Fa-
bord cette disposition d'esprit, parce qu'elle marque d'une
emprcinle propre et individuelle VHistoircde la Littirature, et
fait toute son originalite, ses defauts, aussi-bien que son nit-
rite.
Le plan de F. Schlegel n'est pas plus conforme que son
LITTER ATUT.E. 633
principe de critique a la manhe suivie jusqu'a present. Lais-
sant de cute les litteratures de l'Asie, il choisit la Grece pour
point de depart, et revient ensuite a I'Oiient, lorsqn'il nous
inontre, an terns des Anlonins, les arts de la Grece fecondes
et un instant renouveles par le melange des traditions in-
diennes, bebrai'ques et pcrsanncs. Dans la civilisation grec-
que, ce fait l'a surtout frappe« que le developpement intel-
lectuel y est tout-a-fait libre et independent, aussi-bien des
entraves d'une constitution sacerdotale decidant tout en
Orient que d'un but politique, que Ton apercoit partoul cbez
les Romains ; la science apparait pour la premiere fois comme
une puissance isolee et se suffisant a elle-meme; spectacle
auquel on n'a depuis jamais rien vu de semblable. »
Rome est fdle de la Grece, et telle fut sa fidelite a suivre
les traces de sa mere qu'elle sacrifia a cet esprit d'imitation
ses antiquitcs nationales et patriotiques. Cette adoption d'une
litterature etrangere par le pcuple le plus superbe et le plus
fier qui ait existe s'explique naturel'ement. Aprea la con-
quite de PItalie meridionale et de la Sicile , lorsque la Grece
se revela aux legions romaines, sa langue dominait dans tout
le monde civilise : on lisait Homere au fond de l'Asie, et les
Cartbaginois redigeaient en grec leurs voj'ages de decouver-
tes. C'etait le lien universel entre les pcuples, et les Romains
ne purent se soustraire a cet empire de 1'inlelligence. lis vi-
rent dans la langue des Grecs un instrument utile, et l'accueil-
lirent : bientot cette litterature etalant devant eux tous ses
charmes, ils 1'aimerent comme art, I'etudierent, la copierent
sou vent, sans que leur civilisation put jamais dement ir cette
origine.
La carriere parcourue par la litterature romaine fut bril-
lante, mais courte : M. Schlegel la resscrre entre le consulat
de Ciceron et la mort de Trajan, e'est-a-dire dans un espace
de 180 ans. Kile s'eleint presque avec Tacite , jusqu'au mo-
ment oule christianisme lui donnera une impulsion nouvelle.
Mais avec Adrieu commencait un mouvement intellectuel
d'une espece singuliere, et dont l'influencc. a peine entrcvue
03', LITTER \ IT RE.
jusqu'a nos jours, appellc encore des investigations (ungues
it m Houses. La litterature grecque renaissait jeune et vivace,
avec d'autrcs inspirations, un autre but, une autre philoso-
phic Lasse de la mythologie homerique, et rcjetanl ses vieil-
les croyances, elle avait paru mourir avec les dogmes rians
dont s'etait embellie sa poesie. Maintenant elle rompait le si-
lence, et, communiquant par Alexandrie avec tout le monde
oriental, lui empruntait ses opinions, sa cosmogonie, sa foi
dans les esprits supeiieurs et sa tendance extatiquc. Sans
doute, eelte source de creations etait moins pure et moins
lieureuse que la premiere; elle avait pourtant sa puissance,
son energie , elle fecondait l'art et la philosophic , et les es-
prits etaient fortement remues par cette seconde manifesta-
tion du genie grec. Cette renaissance d'une litterature qui
semblait avoir accompli sa destinee porlait un double carac-
tere. D'une part, Lucien, Sextus Empiricus et les sceptiques
continuaient a battre en ruines la mythologie pa'ienne, et se
raillaient des superstitions qui la remplacaienf, de ['autre, il
s'elevait en Grece, et surtout en Egypte, de nombreuses sec-
tes philosophiques, plus ou moins attachees aux systemes
spiritualistes de Pythagore el de Platon , mais outrant cette
disposition religieuse et la poussant jusqu'a l'extase ; pleines
d'un besoin de foi qu'elles ne pouvaient satisfairc, sombres et
mysterieuses dans leurs dogmes et leur langagc. Telle fut l'e-
cole appelee d'Alexandrie, ecole dont il est impossible de
comprendre les travaux, si on ne la decompose en ses bran-
ches diverses, puisqu'elle fournit an christianisme naissant ses
plus eloquens defenseurs, en meme terns que ses plus achar-
nes adversaires.
M. Schlegel indique avec une rare sagacite comment la
doctrine de Platon s'alliait nalurellement avec le mysticisme
alexandrin. Platon, en admettant les idees innees et une sorte
de revelation individuelle des perfections de la Divinite, avait
par cela meme reconnu qu'il cxistait, pour l'homme , une
source de verite surnaturelle , et independante de l'exercice
de sa raison. « C'etait , selon lui, un souvenir obscur tl'imc
LITTERATURE. C35
existence primitive infiniincnt plus delieieuse et plus spiri-
tuelle que cclle de ce mondc » ; e'etait un sentiment vague,
indetermine, qui ne se resumait pas en un systeme complct.
Les successeurs de Platon allerent plus loin; parlant de ce
principe que la raison n'ctait pas pour I'hommc le seul
moyen de connaitre, ils cherchcrent cette science nouvelle et
superieure dans les idees et le:- traditions de l'Orient, qui
toules, dit M. Schlegel, reposaient plus ou moiiis sur ce
meme principe. Or, dans ces traditions se confondaient le
mysticisme le plus extravagant, le culte des esprits malfai-
sans, la magie, les I'olies cabalistiques. Ainsi le platonisme,
grossi d'un alliage impur, s'eeartait chaque jour de sa beaute
primitive, et devenait la souche de plusieurs sectes diverses
dans leur but et Ieur enseignement, et que M. Schlegel a
faussement reunies sous lenom geuerique de neo-platonisme.
Trois grandes divisions dominent la philosopbie de ce terns ;
et elles sont d'autant plus importantes qu'a la naissance du
christianisme leurs partisans se rangerent sous des bannieres
opposees : ce sont Peclectisme, le neo-platonisme propremenl
dit, et le syncretisme.
L'eclectisme, tentative imparfaite de concilier les principes
divergens de la philosophic grecque, tut enseigne par Pota-
mon d'Alexandrie, et ne parut qu'un instant. Sa tendance
semble pourtant avoir frappe quelques Peres de l'Eglise, et
Lactance laisse entendre que le christianisme n'est qu'une es-
pece d'eclectisme parvenu a sa purete la plus absolue.
Le neo-platonisme, que professercnt Plutarque et Apulee,
n'etait qu'un faux eclectisme, un compromis entre le plato-
nisme, quelques ressouvenirs de Pythagore, de Moise meme,
et des emprunts faits an culte oriental des esprits superieurs.
Toute autre etait encore la direction du syncretisme.
Cette secte , qui joua un grand role an commencement de
notre ere, parait avoir du ses premiers developpemens a un
chretien, Ammonius Saccophore. Ammonius voulait unir Ic
rationalisme des Grecs au supcrnaturalisme des Chretiens. II
enseignait uue philosophic basee sur celle de Platen, mais ou
63C LITTERATURE.
semdluient quelques principes d'Aristote, beaucoup de tradi-
tions chretiennes . el quclques-unes orientales. Plotin s'em-
para de eel enscign'emenl, en lit un cysteine, et y introduisit
a un plus haul degfe legoQtdes sciences occultes del'Egypte et
de la Perse. Sou principe rcligieux (1) etait I'inluition imme-
diate de la yerite , au moyen de la contemplation; son prin-
cipe moral reposait sur unc affinite primitive de noire ante
avee la Divinite : an milieu des tenebres et des distractions
de la vie, cette union s'affaiblissait, et le moyen de regenerer
notre etre, e'etait encore la conlemplalion du beau et du
monde intellectuel.
II y avait la matiere a bien des extravagances : les succes-
seurs de Plotin entrereut hardiment dans cette voie , et se li-
vrerent a toules les folies de Pastrologie et du polytheisme
oriental. Le thaumaturge, Apollonius de Tyane, espece de
pythagoricien voyageur, remplissant les villes de son charla-
tanisme, et trainant apreslui une multitude abusee, ne fit que
reduire en actions et professer sur les treteaux les enseigne-
mens secrets du syncretisme. Porphyre , qui publia les En-
neades de Plotin, Jamblique et leurs disciples, zeles enthou-
siastes de la sagesse des pretres egyptiens, sectateurs des
cosmogonies les plus incompatibles, des dicux les plus oppo-
ses, trouvercnt dans leur polytheisme place pour toutes les
religions, a l'exception de telle du Christ, lis s'eleverent avec
fureur contre la foi nouvelle , l'attaquerent dans leurs cents,
et lui susciterent ses persecutions. Rome, devouee a cette
doctrine, Rome, avec ses monstrueux Cesars, pliant le genou
devant Serapis et toutes les idoles de l'Orienl, se baigna dans
le sang des martyrs. Julicn lui-meme, malgre l'inconteslable
superiorite de ses lumiercs, fit profession de syncretisme. II
fut le heros de cette philosophic; et l'admiration que lui onl
(1) La Tiinite ou Triadede Plolin se composait de l'etre absolu et un,
de ^intelligence sortie de cette unite et occupee sans cesse a la contem-
pler, de' Tame sortie' de I'inlelligence el n'etaut qu'unc pensee. (Voir
Matter, llift. de I'Ecofe d' Alexandrle.)
LITERATURE. 63;
vouce plusicurs ecrivains du dernier siecle doit paraitre inex-
plicable a qui sait combien de pratiques superstitieuses et
d'absurdes croyances troublaienl I'esprit de ce grand guer-
rier.
Le syncrelisme fat done l'adversnire Ie plus obstine de la
predication evangelique ; mais dans les rangs des eelectiqiics
et des neo-platunieiens le christianisme trouva d'eloquens
apologistes; Origcne lui-meme, toujours prcoccupe d'une in-
vincible croyance a la transmigration des Times et a d'autres
theories orientates , appartenait visiblement a cette secte phi-
losopbique. Quant aux ecrivains de l'eeole Ammonio-Ploti-
nienne, ils succomberent sous le coup qui frappa Julien;
poursuivis a leur tour par le lessen timent des empereurs, ils
alierent chercber un asile en Perse, y disparurent, et le chris-
tianisme triompha en Orient.
En Occident, sa tache avait etc bien plus facile : la, point
d'ecole de philosophic a combattre; et les autels des dieux de
l'Olympc s'ecroulerent d'eux-memes, le jour oii la main des
empereurs cessa de les soutenir : point de litterature rivale:
car la langue latine, relevee et renouvelee a son tour, fut, a
proprement parler, la langue du christianisme, I'instrument
de ses conquetes, le lien moral par lequel il tenait le monde
sous sa loi. De plus, des populations neuves et vierges vinrent,
dans tout l'enthousiasme d'une conviction naive, se proster-
ner aux pieds de la croix; et, quand les premieres terreurs de
Pinvasion furent passees, l'Eglise put s'applaudir et se glori-
fier dans ses jours de fete de ce que Dieu lui-mane avait guide da
fond du Nord cette foule de neophytes , de ce qu'il avait fail luire
devanteuxsa lumiered travers les obscuritcs du desert, et les avait
conduits, comme par la ?nain, d la fonlaine d'eaux vices, a la
source de toute redemption.
En eflet,deux elemensont forme le moyen age en Occident,
le christianisme et le genie du Nord; de la viennent sa litte-
rature, sa poesie; et si cette civilisation a parfois subi d'autres
influences, elles furent passageres, laisserent peu de traces, ou
*c confondirent avec les deux grands principes que nous ve-
638 LITTER ATOIIK.
nons ilc signaler. Lc moyen age est done pour M. Schlegel
l'objet d'une etude de predilection et d'une admiration pro-
fonde : car, a cette cpoque, {'unite catholique vivific la societe
entiere : file inspire la litlerature, se mSle a toute chose, se
decide dans les productions les plus frivoles en apparence, et
j usque dans les romans dc chevalerie.
L'iiciilure-Sainle et les doctrines chrelicnnes, voila done,
d'apres F. Schlegel, le londement naturel de toute poesie
vraiment moderne : « non pas , dit-il , que le chrislianismc ,
con«idere en lui-mcmc et pour lui-meme, puisse etre un ob-
jet de poesie » ; mais son influence doit etre sensible partout.
A l'appui de cette distinction, M. Schlegel- cite deux exempies
Frappans, la poesie chevalcresqne do moyen age et la divine
eomedie <lu Dante. L'epopee chevalercsque, avec sa mylho-
logie du Nord, sesrecits merveillcux, sa 1'oi vive et ses gene-
reux paladins, est partout empreinte de ('esprit germanique,
modifie seulement par les croyances chretiennes : c'esl la son
charme et sa grace inllnie. Lc Dante, malgre la puissance de
son genie, n'a pu reus.-ir a unir/a poesie et le ckristianisme dans
une harmonic parfaitr, ;« car les mys teres se refusent a toute
exposition, comme formant un sujet trop eleve , et presen-
tant un but qui ne saurait etre alleint. »
La forme exterieure de l'inspiration cliretienne et son vete-
ment, pour ainsi dire, dans la litteralure du moyen age, sera
done l'anlique tradition du Nord. Cette tradition , dont le mo-
nument le plus precieuxest YEdda islandaise, a quelques rap-
ports avec la philosophic cliretienne : serieuse, melancolique,
pleine de developpemens magnifiques sur la nature inlime de
i'homme et ses soufl'rances morales, ellese marie heureusement
avec la tristesse, la (lignite, la tendresse chaste el grave, qui
respirent dans les ecritures. Sans doule les Barhares, quand
ils envahircnt le monde romain , y porterent ft lew suite cette
richc poesie, qu'ils redisaient sous la tente, le matin desbatail-
les et au sein de leurs forets natales : mais lesNormands laravi-
verent, alors que, parcourantrOceansurleurslongues barques,
ill allerent chanter leurs chants de guerre dans les ahbayes
LITTEIIATURE. 63g
de France et d'Angleterre, dans les castels et les cglises fie
Sicile et d'ltalie ; peuple singulier el vraiment heroiqne, oil
chacunetait a la fois poete elguerrier, qui remplit 1'Europe et
l'Asie du bruit de ses amies, fonda, comme en se jouant, des
principautes et des royaumes ; et, pour delassenient de ses
travaux militaires, fit don an nionde moderne d'une source
inepuisable d'art et de poesie !
De cos deux elemens est sortie la poesie moderne ; car, d'a-
pres M. Schlegel , les contes et les mythologies de l'Orient au-
raient eu peu d'influence sur sa formation : encore cet hon-
neiir reviendrait-il presque uniquement a la poesie persanne.
A I'appui de cette opinion, nous verrons la litlerature espa-
gnole, si long-tems representee comme fiile de l'Arabie, se
developper avec tout l'eclat d'une inspiration naive et inde-
pendante, et ne rcvetir ses recitsdes couleurs orientales qu'a-
pres la prise de Grenade.
La poesie moderne se subdivide nalurellement en deuxgran-
des epoques. Nous appellerions volonliers la premiere 1'ere
des trouveres, des troubadours, etc., soit que ses poesies res-
tent anonymes comme celles de i'Espagne et de l'Allemagne,
soit qu'elles se rattacbcnt a quelques noras de menestrels ou
d'bommes d'armes, comme celles de la Provence. Laseconde,
plus cultivec, plus savante, commence a ('apparition de la
litlerature classique italienne. Ce fut un beau moment dans
Phistoire du monde que ce besoin de poesie, cet elan d'ima-
gination et d'enthousiasme qui saisit toule PEuropc au terns
des croisades, alors que l'Allemagne se pi it a rajeunir ses
bymnes de ba failles ; la Provence, a remplir la France et PI-
talie de ses sirventes et de ses chants d'amour; la France du
nord, a compter finement les diets el [diets des chevaliers',
et que I'Espagne fit son epopee, en combattant les Maures.
La Provence vive et spiriluellene put assujeltir son genie aux
longs developpemens, a la forme laborieuse de 1'epopee ou
meme du roman chevaleresque:elle eutdes satyres, des chan-
sons, quelques nouvelles. Mais ailleurs de vieux souvenirs
de gloire nationale , une tendance religieuse prononcee, unc
640 MTTlUATUKE.
disposition d'oprit plus grave el plus patienle, fircnt naitrc
ccs nobles et touchantes histoires ou sc refietcnt si bien la
vie, les emotions, les croyapces iln moyen age.
Sans pai ler i< i du romancero espagnol, dont le caractere est
tout individuel, ct que nous menlioniieronsplus tard, nous dis-
tinguerons, eoninie M. Schlegel, trois cercles de tables et d'his-
toires qui out servi de sujet aux mils epiques du moyen ugs:
ce sont les traditions des guerres d'Attila, type dc la grande
composition appelee chant des Niebclungen; les guerres de
Charlemagne, ct les aventuics du roi breton Artus et dc la
Table-Ronde.
Bien que lepoeme des IN iebelungenparaissc avoir recu, vers le
xiirsiecle, sa forme definitive, il u'estevidemment qu'un sou-
venir et un resume d'anciennes ballades nationales. 11 raconte
les exploits et la ruine d'une peuplade bourguignonne appe-
lee les Niebelungs, qui suivait la fortune d'Attila ; et, succom-
bant a des discord es intestines, disparut, sans que l'hisloire
en ait garde la memoire. Celle periode d'invasion et de com-
bats a inspire quelques autres poemes allemands, d'une date
pareillement aneienne; ellc sujet des Niebelungense retrouve
dans les litteratures hongroise et scandinave. D'ailleurs, on
chcrcherait vainement dans ces compositions une image lidelc
des vieilles mceurs de ia race germanique. On ctait pen cu-
rieux au moyen age de verite et d'exaciitude bistorique; et
touslessiecles se revetaient nalurellement, dans l'iniaginalion
de 1'ecrivain, dc la forme el des couleursde son siccle. itvez-
vous vu dans une des salles du Musee roval une suite de
peintures empruntees a la Bible, ou Davidet ses c/tevaticrs pa-
raissent avec aimurcs de fcr, ecus blasonnes et panaches flot-
tans ; ou les fantassins, babilles a la mode des bandes suisses,
dans les guerres d'ltalie, formeut d'epais carris garni s d'ar-
quebusiers et tout herisses de hallebardes. L'artistc a trans-
port^ en Judee jusqu'aux moindres details du costume de son
terns : ainsi firent tous les poetes du moyen age.
Ces anacbronismes sont sensibles dans les romans de Char-
lemagne, so jets franrais, qui nous sont mieux connus, ct dont
LITTER ATURE. 641
nous pouvons apprecier le caractcre. Beaucoup do ces re-
cits, dus a dcs poeles uorniands , respircnt mi dcdain su-
pcrbc dii grand cmpercur. Dans les troisromans-sur Ogier-le-
Danois et sa famillc, composes a lacour dc Guillaume-le-Con-
qucrant, Charlemagne joue le role d'nn prince incptc, indolent,
sans autorile dans son royaume , et gouverne par ses douzc
pairs : on volt que l'auteur avait present a l'esprit le souve-
nir de Charles-le-Chauve, en parlatit de son illuslre alcul. A11
terns dcs crolsades, et sous la plume des poeles francals, Char-
lemagne subit une autre metamorphose; on fit de ce poli-
tique consomme 11 n paladin, nn croise, presquo un eoureur
d'aventwes; on lui allribua vagucineut les fameuses eampa-
gnes de Char les-M artel contre les Sarrazins; son histoire,deja
si merveilleuse, on 1'enrichitdccontesarabesou persans, crea-
tions bouffonnesou t'antastiques, fruits de imagination orien-
tale : ce fut le cachet et le charme de Huon de Bordeaux,
de Guerin dc Rlonlglave, Tables pleines de verve et de gaile,
on Charlemagne a repris son rang de heros, mais 011 le roi des
lees, Oberon , tientle sceptre, plus puissant parses prestiges
que 1'cmpereur par sa redoutable epee.
Quelles que soient l'elcgance et la variete des poemes de
Charlemagne, nous leur prefererons encore ceux d'Arlus el
de laTable-Ronde. On sail le fondement de ce cerclc d'epopeest
e'etait la recherche du S' Graal, la coupe dont le Christ sYlai'
servi le jour de laCene, et que Joseph d'Ariinalhic, d'apres la
tradition, avait portee enGrande-Brclagne. Pourconquerirce
precieux tresor, une condition etait nicessalre : il fallail avoir
cfiiirement garde flair dc virginity et ce triomphe etait reserve
ii un chevalier de la Tablc-Rondc, Parceval-le-Gallois : e'est
ainsi queeelte legendc, presque monastique, selieauxproues-
ses des compagnons du roi Artus, Un dcs plus beaux episo-
des de cettc longue hisloire est le roman de Tristan-de-Leo-
nais. On ne pent s'imaginer quelle grace nai'vo, quelle delica-
lesse de sentiment respire dans laiuour du chevalier pour la
reine Iseult. Denuedes ressources de la feerie, qui ne fut in-
troduite que lard dans les romans de la Table-Ronde, el appa-
t. xlvi. jihn ib'5o. ;'i 1
(i,j MTTERATUR&
r lit pour la premiere Ibis dans Isai'c-le-Tristc, cc livrc porte
unc tcintc douce etmclaneoliquc, qui emeu i I'ame'vivenientetla
repose iles scenes de combats et dc carnages, si frequcntcs
dans leg compositions du mo yen ;1gc. La mort dc Tristan, vic-
timc d'nnc deplorable meprise, et le desespoir dc son amie,
qui lc trouve expiranl, quand ellc vicnlle guerir, peuvent al-
ler de pair avec les creations les plus pathctiques de l'art mo-
derne; ct, ccrtcs, nous connaissons plusd'une epopee recenle
on contemporaine, que nous donncrions tout enticrc, de
grand cocur, pour quelques pages eebappees a la plume bar-
bare du pauvrc et obscur romancier.
Nous venons d'esquisser les sujets principaux dont s'est
nourrie la litterature de TEurope centrale des sa premiere
manifestation : il nous reste a indiquer un autre cercle de
poesies egalcment riches ct abondantes, et de plus parfaite-
ment individuelles et originales : nous voulons parler des ro-
mances cspagnoles.
Les romances espagnoles, et specialenrent le poeme du Cid
Cainpeador (1), n'ont aucun rapport avec les romances
maures, que Ton a sans cesse voulu confondre avec elles,
pour en induire un rapport constant de filiation entre la litte-
rature espagnole et celle des Arabes. Klles sont Seres ct su-
perbes comme un cavalier castillan, chevaleresqueset pie uses,
sans ornemens affectes, et d'un admirable laconisme. Nous
nc pretendons pas ici etablir un parallels regulier entre lc ro-
iv.ancero ct tout autre grand produit de l'csprit hnmain. Mais,
a notre avis, le poeme du Cid n'est guere au-dessous de l'l-
liade. Rodrigue vaut bicn Acbille ; sans doute il est beau dc
voir les Troycns vainqneurs s'eloigner des vaisseaux grecs, a
la seule vue du fils de Pelee ; mais quel spectacle nous dffrent
les romances! (Vest le lendemain de la mort du Cid : Chi-
menc est assiegec dans Valence; Alvar Fancz plic avec ses
compactions : la ville est menacec. Tout a coup, la portc
s'ouvre, et voila que le Cid parait, a cbeval , convert de son
(1) Ami des camps, siirnom du Cid.
11TTKRATURE. G43
armure, soutenu par deux ecuyers : les barbares, le regardant
venir, hesitant et fuicnt : sa cendrc les a vaincus, et, mort,
lc Cid est encore plus terrible que toute une artnee.
Nous aimerions a nous arreter sur ces details, sur les autres
epopees du romanccro, la touchante histoire dcs sept cnfans
de Lara, etce Mndarra le butard, qui venge le vieux Goncalo
Gustos, et se fait reconnaitre pour son fds. Nous montrerions
Bernard de Carpio, pret a combattre Roland, lui confiant,
par un sublime message, le soin de son pere et de sa mere,
s'il est tue dans la balaille; nous dirions sa querelle avec
Alplionse-le-Chaste et ses admirals prieres pres du catafal-
que de son pere. Nous prisons au moins rpa'il est impossible
<Je sentir et d'anprccier la litterature cpagnole sans la connais-
sance dc ces poesies; qu'etrangcrcs au luxe metaphoriquu
des fictions orientales, et d'une simplicite parfaite, elles sont
a la fois un precieux monument historique et le plus beau
fleuron de la couronne poetique du moyen age.
Plus tard, apres la prise de Grenade, quand les Maures en-
trerent de gre ou de force dans la societe espagnole, leur
tendance byperbolique et leur style brillante fircnt invasion
jusqu'u un certain point dans la litterature des vainqueurs, et
les tragedies de Calderon en seront pour nous la preuve vi-
vante. Mais, neanmoins, l'Espagne gnrda toujours sa vieillc
devotion au calholicisme etaux traditions chevaleresques, et
seulement en modifia quelque peu l'expression. C'est ce ca-
racleje distinct et immuable qui l'a soustraite a l'imitation de
I'antiquite classique, lui a donne un rang a part dans la litte-
rature europeenne, et est devenu, de la part de plusieurs cri-
tiques modernes, et surtout de F. Sehlegel, l'objet d'une
admiration exclusive et exageree. Au terns de la renaissance,
quand s'ouvrit la seconde ere de la poesie moderne, et qu'u
l'inspiration naive et spontanee succedtrent les produits d'un
entliousiasme calcule et savant, l'Espagne varia peu : autetir
d'clle, l'esprit chevaleresque s'ctcignait cliaque jour; en Alle-
magnc, par Taction du pouvoir et bientot par les dispute-:
theologiques; en Italie et en France, ou il n'avait jamais jete
G44 LITTER ATT HE.
de profondes rr.cincs, p;ir l'affeclalion a reproiluirc unique-
mcnt la forme antique, de telle sorte que Home redevenait
presque paienne a force d'admirer Ilomerc et Virgite. Mais
Lope et surtout Caldcron n'ont renie ni levir foi, ni lenr his-
toire : ilssont restcs Espagnolset Chretiens. Aussi,M. F. Schle-
gel, lorsqu'il compare les diverscs lillcralures dramatiqucs de
l'fiurope, nc balance pas a assignor la premiere place a Cal-
dcron.
Quelle que soit notre eslime pour ce sentiment cmpreiiil
dans la poesie espagnole, nous ne p ouvons partagcr Popinion
dcF. Schlcgcl,et les motifs sur lesquels il s'appuie nous semi-
blent faibles et errones. « Le but de l'art drnmatiqne, dit-il,
n'est pas seutement d'exposer l'enigme de l'existence, mais
aussi d'en donner l'explication. » En meme teins qu'il retrace
le tableau de la vie et des souffrances de l'homme, il doit fairc
ressorlir de cc tableau l'idee d'une rue nouvelle et d'une glorifi-
■cation spirituelle, prix de ccs mimes souffrances. Voila done 1c
mysticisme religieux donne comme base essentiellc de Tart.
Or, ce cachet clirctien, celte couleur celeste, F. Schlegel la re-
trouve, a son plus haut degre, dans les drames de Calderon,
specialement dans PAdoration de la Croix et le prince Con-
stant: « C'est le dernier relentissement du inoyen Age catho-
lique, c'est la que cette renaissance et cette glorification chre-
lienne de l'imagination, qui caracterisent en general son esprit
et sa poesie, ont atteint leur apogee. >»
Ce principe de critique nous parait vicieux et radicalement
faux. Autre chose, en effet, est l'art considere en lui-meme,
autre chose, l'esprit qui le domine. On peut soutenir que
l'inspiration chretienne est la plus ftconde, meme pour le
drame; mais non pas que le but de l'art soit l'edification des
peuples, I' explication picuse de la vie; qu'il soit comme unc
sorte de commentairc a des instructions religieuses. L'art est
une manifestation de l'inlelligen'ce qui a son cercle, son but a
part, sa direction propre, et n'a pas besoin d'emprunter Imilcs
ceschosesau culle ou a la politique. II fut en Orient unc simple
decoration des temples, un ornemeril des ceremonies. Aussi,
LITTfiUATURE. 64>
n'y parvint-il jamais a la perfection. En Giece, fibre et inde-
pendant de toute entravc, etudie, admire pour lui-memc, il sc
deploya dans sa purctu , dans sa magnificence complete. Ce
seal rapprochement suffit pour renverser lc principe de F.
Schlegel : car il nc tendrait a rien moins qu'a cmbarrasser 1'art
des memos chaines qui le liaient en Orient.
Le but de 1'art dramatique est d'clevcr, de rcmuer les times,
tantot par des creations ideales, tantot par 1'exacte imitation
de la nature; d'interesser enfin ; et malheureuscmcnt ce puis-
sant inlcrctqu'il doit exciter manque souventdansCalderon. Si
nous prosentions ['analyse de ce Prince constant que F. Schlegel
tient pour an chef-d'oeuvre, nous donnerions unc triste ideede-
Lvi sagacile de critique. Sans doutc, 1'enthousiasmc rcligieux
dc don Fernand dc Portugal est trace a grands traits, et louche
parfois an sublime : niais sa piete memc est verbeuse et fati-
gante, et les autres personnages, depuis le roi de Fez jusqu'a
1'inevitable gracioso, soul faibles et sans coulcur. Le dramc,
commc presque tons cenx de Cahleron, est mal conduit; le
denoument, inhabile, precipite, sans aucnne liaison neces-
gairc avec l'action principale. Dans Louis Perez de Galice, on
rencontre unc admirable scene; celle ou Louis arrache an
jiige de Salvaticrra les pieces de l'enquele dirigee contre lui.
D'a Hires drauies offrent d'eclalantes beautes perdues dans un
.mias de scenes incoherentes, de descriptions hors de propos,
d'ambitieuses metapTiores. Mais les caraclercs soul presque
toujours monotones el exageres, la verite hisloriquc nolle, les
situations amenees sans art. F. Schlegel semble nietlre Cal-
dcron au-dessus de Shakespeare : quarii a nous, il nous parait
qu'ily a plus de genie dans la seule creation de Macbeth ou
d'lago que dans lontes les tragedies <h\ poete espagnol.
L 'admiration exclusive dc M. Schlegel pour le Canioens ,
qu il appelle le /joetc herolque ro in antique par excellence, et la
preference qu'il duune a sod epopee sur celle du Tasse, bien
qu'elle s'explique plus naturellement, aurait besoin d'etre
appuyee sur des raisons meilleures. Fu general, el quel que
^•oit lc wcrile dc sea observations sur la liltcraUuc ilalicuuc ,
«#j LITTER ATURE.
la parlie dc son oUYrage qui embragse la sccondc ere dfe l;<
poesic moderne est inferieure a 968 beaux dcvcloppeincns sur
l'cpopee chevaleresquc ; ct ce fait lieut, sans doule, a ee que,.
• out entier a ses ideas rcligicuses, il a laisse dans son tableau
line part Irop ctroite a l'ait, a Yeslhcliqtte proprement dite.
Si nous quillons la poesic du moyen age, sujet l'avori de
M. Schlegel) pour nous occuper de la pbilosapbie, seule
tranche des connaissances buniaines qui ait ensuite attire se-
lieusement ses regards, nous trouverons ses considerations
incompletes, sans nouveaute ni profondeur. Quel que S idecs
ingenieuses sur le Platonisme au moyen age, one explication
assez obscure du mysticisme de Jacques Beebme ne sauraient
tenir lieu de 1'abscnee absolue d'indications precises sur la phi-
losophic scolasliquc. 11 eut etc curicux pourtant d'introduire
le lecteur au sein des universiles ou des ecoles savantes fon-.
dies dans les monasteres, de nous monlrer cette foule avide
dc science, qui, d'un bout de la France a ('autre, s'altachait
aux pas d'un Abeilard ou d'un saint Bernard, et ces ecoliers de
trente ans qui, assis dans les cloilres sur leurs bottes de paillc,
discutaient les questions les plus, abstrailes de l'ontologie , a
I'aide de quelques phrases d'Aristote el de centons des peres
de IT'lglisc. M. Schlegel a neglige ce spectacle, passe legere-
ment suv ces qucrelles d'ecolesqui avaicnt lew retcnlisseincnt
au dehors, donne a peine quelques mots d'eloges aux mys-
ti(|iies religieux de i'Allemagne, et il se hate d'arriver a la
re forme.
Bien que zele partisan de i'imite eatholique, M. Schlegel a
dignenienl apprccie Luther et mesure la hauteur de son genie.
II pensc, d'ailleurs, que la reformation n'a pas etc la premiere,
ni la seule cause dc cette independance d'esprit qui se mani-
festo a la fin du xvnc et dans le xvme siccles, et qu'en un mot,
elle n'a pas mis dans le monde, comme on l'a repete si sou-
vent, la liberie in.tellectuelle. Mais cette liberte cxislait-elle
di'ja, ou fut-elle developpee poster ienrement et par d'aulrcs
causes : ('est une question que M. Schlegel ne chcrche pas a
rcsoudre, et a laquelle repondent tous les monumens de In
iilterature de cc terns.
LITT&iATURE. ().',7
Disons-le haulcmcul : la reforme n'a pas dote FEurope de
Fesprit d'examen et d'independanue : seulcmcut ello a fixe,
pour ui) infant, ce qui n'elait qu'unc vague tendance, lui a
donne unc direction religieuse, ct l'a rcnfcrme dans le ecrele
des disputes theologiques. Avant Luther, ct dcpuis le milieu
t|u xvc sieele, une sorte d'insurrection sourdc et tacite contre
I'oHinipotence du Catholicisms so preparait par toutc FEu-
rope ; et les novateurs allaicnt plus loin que ne fit jamais la
reforme; carils s'attaquaient a toutes choses, dognies, culte et
morale, et mettaient en question jusqu'a Dieu. Dans une re-
vue de celte classe d'ecrivains apparaitraient d'abord Ponla-
iius, qui composait, au xt' sit-cle, des dialogues contre les
pretres ; Ange Politien, favori des Medicis, et qui, charge d'hon-
neurs ecclesiastiques, de prieures et de canonicals, rcganlait
comnie perdus les momens jadis passes d reciter son breviaire.
Maehiavel tentait de substituer a F organisation toute catho-
lique des Etats et de la vie sociale, une politique moiulainc,
fondee seulcment sur la ruse et la violence. Pierre Bembo ,
amant de Lucrece Borgia , auteur des vers les plus licencieux,
prelre a qui Fracastor dediait son poeme de Syphilis , recevait
le chapeau de cardinal, aux applaudissemens des cours sa-
vantes de I' Italic Leon X lui-nieme, amateur passionne de la
chasse et des plaisirs, ne goutait, dans les ceremonies de FE-
glise, que leurs pompes et leur magnificence. Enfm, Erasme,
dans son dialogue appele Puerpera, ecrivait ces singulieres
paroles :« 11 y a grand peril pour la dime et Fa U to rite des
pretres, la diguile des iheologiens, la majeste des moines : la
confession menace mine, ct aussi les vceux ; les hrefs de Home
perdent credit; FEucharislie est en danger : sans doute, voici
venir FAnte-Christ. »A quoi nn autre iuterlocuteur de re-
pondre : « Ce qui parait aux hommes d'une si haute impor-
tance n'est peut-elre rien aux yeux de Dieu. »
Ce mouvement, anterieur a Luther, resta independant de
la reforme protestante, et se conlinua au sein meme du ca-
tholicisme. Rabelais, qui en est en France Fexprcssion la plus
Sdcle, se riail de Fun et de Fautre culte, appclait Calvin de-
6^8 LITTERATURE.
ntoniaqtte et imposteur tie Genive, et s'inquictait mcme asses
peu lies horribles persecutions qui I'rappaicnt les novaleurs.
Montaigne, ( sprit de la mOmc trcmpe, quofque moths cyniqne
et moins dere^le, fut, on le sail, partisan de la conronne, dans
sa lutte contre les protcstans de France. Cclte conduitc des
deux ecrivains les plus hardis de ec sicclc montreassez qu'ils
ne devaient pas a la re forme lcnr pliilosopliie et leur liberti-
nagc d'esprit, comme on disaitan tems de Bossuet.
Que (it done Luther, et quelle f'ut sa mission? Luther se sai-
sit de ce desir d'independance vague et irresolu qui tourmen-
tiit toutes les tctes, et lui donna un hut, une direction a la
I'cis dogmatique et rellgieuse. II lui ouvrit une carriere ou il
pat se deployer avec apparence de liberte, sans toutefois en
sortir. De plus, il y cut, en.tre Luther et les philosophes de
France et d'ltalie, cetle grande difference, que les uns etaient
de simples pensenrs, que lui f'ut un homine de main et d'ac-
t'on. Tandis que Politien, Laurent de Medicis et leurs amis,
errans sur les bords de l'Arno et dans les jardins enchantes de
Florence, au milieu des voluptes d'une civilisation delicate,
s'elaient contentes de rire finement, et en gensde bonne com-
paguie , des superstitions du vulgaire, Luther, avec son lan-
gage grossier, niais enthousiaste, avec son latin barbare et ses
argnmens plus harhares eneore, Luther, debout sous les ar-
ceaux d'une calhedrale gothique, allait pr&chant sa doctrine
aux bourgeois de la Saxe et aux etudians deWittcmbcrg; il
remnait les masses populaires, soulevait des questions vivan-
t;s el f'amilieres a tous : il s'exaltait , s'emportait, tour a tour
grave philosophe et I'ougueux sec ta ire : aussi les autres firent-
fls de-: livres, et lui une revolution.
Ainsi, l'esprit d'examen ne vient pas de la rel'orme; ilia
precede, elce grand nusivcinenl n'en est qu'une application
rcslreinte-. Luther et ses premiers disciples, apres avoir pose
hardlment le prineipe de la liberie absulue dans l'drdre
mtellectuel, recurrent devant ses consequences : Calvin i'on-
damna aux flamuies Servel; des persecutions violenles s'cle-
\erent en Ilollande et ailleurs conlre les homines qui, pre-
LTTTERATURE. 649
nnnl au serieux ces professions d'iudcpcndanoc, essayererit dc
faire schisme au sein du schisme meme ; et, dans ces inconse-
quences, il n'ya rien qui nous doive elonner. Toute religion
positive est incompatible avec la libcrteabsolue d'examen :
elle ne saurait vivre que de foi, et par cela memo qu'elle ad-
met des dogmes et des mysteres, elle contredit implicitement
le principe de l'independance; car, du jour on elle reconnai-
trait a ses sectateurs le droit individuel de suivre ou de rejeter
sos enseignemens , elle ne serait plus une religion , mais une
philosophic.
L'independance intellcctuclle ne recut done son entier de-
veloppemcnt que dans les diverses ecoles purement philoso-
phiques, etrangeres a toute theologie , soit catholique, soit
piotestante. Descartes, bien qu 'attache au dogme de la reve-
lation chretienne, avait peut-etre involonlaircment donne le
signal. Une fois entree dans cctte voie, la philosophic mareha
vite, et ce n'est pas en France qu'il est besoin de rappeler ce
qu'elle tenia, ce qu'elle accoinplit meme au xvm° sieele. Que
celte philosophic soit blamee, que ses chefs soient vivement
combaltus par M. Schlegel, nous Ic concevons facilement, et
nous-meiiie sommes loin d'en partager toutcs les doctrines.
Mais il nous parait que le critique allemand a totalement
meconuu deux des plus beaux genies de notre nation ,
Descartes et Pascal. En general, il fait peu de cas de toute
philosophic qui n'est pas exclusivement religieusc et mys-
tique, et qui, sortant du cercle trace par les livres saints,
fherche ailleurs l'explication du monde et dc la destinee de
• I'liomme. Kant, malgre sa tendance spiritualiste , est 1'objet
dc graves censures, et M. Schlegel convient a peine , par une
sorte de concession a l'admiration de toute I'Allemagne, que
sa philosophic n'a pas He precisemfnt nuisible d la maniire de pen-
ser et a la foi. II reserve ses eloges et sa sympathie pour les
eerlvainscatholiques de France ou d'AHemagne. Saint-Martin,
Ronald, La Mcnnais d'une part, Novalis et Stollnrg de l'au-
tre, apparaissent a L'imagination de M. Schlegel, conune les
precurseurs d'unc revolution complete daus l'ordre intcllcc-
65o LMTEHATURK.
tucl, les auteurs d'une philosophic nouvelle dcvant qui dut-
venl disparaitre lcs fonnules vides des terns passes. En mi
mot , la philosophic qu'il dcmande, el donl il croit eutrevoir
('apparition dans l'avenir, c'est celle qui, s'abjurant elle-
mf'ine, hunulierait la raison de 1'homme devant I'autorite de
I'Eglise, et ne rccomvaitrait pour principe et poor axiome
que la parole evangeliquc. Cetle disposition d'esprit eclale
pareillemcnt dans ('appreciation dcs poetes de rAllcmagnc
moderne : sans doule M. Schlegel ne peut refuser ses eloges
aux conceptions de Goethe et de Schiller ; mais il semhle cga-
ler a ce dernier le poete Werner « qui, dit-il, transporta plus
complcteiuent dans ses tableaux dramatiques, les mysleres du
sentiment et de la ibi. »Et en efl'et, Werner, esprit exalte,
sombre, se laissant aller a tous les caprices de la reverie, a
plus que persoune introduit le mysticisme dans l'art drama-
lique, et sa piece de Luther, etincelante de sublimes bcautcs,
est jusqu'ici l'expression la plus fidele de ce systeme qui, sur.
la scene eomme ailleurs, tend a considerer rhouimc dans ses
rapports intimes et caches avec la Divinite.
Ainsi, le zele religieux, l'exaltation presque clauslrale que
nous signalions an commencement de cet article, ont suivi et
dhige M. Schlegel dans lout le cours de son ouvrage, et don-
nentparf'oisa ses opinions uneapparcnccdepartialite. Pourtant
il nous semblc que ce dcl'aut n'est guere du ressortdc la cri-
tique : il tient de trop pros aux convictions, a la conscience
meme de 1'ecrivain, sanctuaire impenetrable a des censures
purement litteraires. De meme done que nous ne reproche-
rons jamais au grand Bossuet de n'avoir yu dans l'histoire du
mondeqec 1'accomplisseincnt des desseins arreles de Dicu, de
meme nous ne reprocherons pas a M. Schlegel d'avoir em-
prcint chaque page de son livre de ses preoccupations d'ecri-
vaiu catholique ; d'autant plus que ses croyances ne l'empe-
client pas de rendre justice a ses adversaires, et d'apprecier
dignement leur talent. Sur ce point noire lachc devait sc bor-
ner a prevenir le leclcur, et nous l'avons accomplie. Ce que
nous ne pouvonsexcuser chez M. Schlegel, c'est sa methodc
LITTERATURE. 65k
vicieuse, le desordre et l'incohcrence de certains chapitres, le
defaut de clarte, rendu pins sensible par l'incorrection l're-
cjuenle de la traduction. Mais les amis de la litterature du
uioycn age seront aisement portes a l'lndulgence, qnand ils
liront les pages oii l\l. Scldegel a decrit le mouvemcnt intel-
lectuel de ce terns. Son enthousiasme de fervent catholique ,
loin d'Stre un obstacle a cette etude, la servait au contraire ,
puisque cette disposition d'espritle mettaiten harmotiie avec
la civilisation qu'il voulait retraccr. Aussi cette parlie est-elle
lemarquable par une veritable protbndeur de pensee , unc in-
telligence parfaite des monumens de la litterature et de l'art.
Et en effet, pour interroger avec succes nos vieilles Annalcs,
i! faut se depouiller un instant du scepticisme et de la raison
I'roide de notre epoque, s'associer aux impressions nai'ves des
acteurs de ces grands drames qui saisissent et enchantent l'i-
magination, se plaire aux recits de guerres , de tournois et de
pas-d'armes, ne pas sourire au jargon barbare de saint Tho-
mas-d'Aquin, aux excommunications de Gregoire VII : et ce-
lui-la ne comprendra jamais bien la poesie du nioyen age,
qui a entendu sans emotion les hymnes de l'Eglise, les proses
des morts dans une catbedrale gothique, et contcmple froide-
ment les ruines des manoirs el des abbayes, les tours a demi
ecroulees de Juniieges et les murailles noircies de Tancor-
\i.Ue.
A tph. D'Herbelot.
hi. bulletin b1bl10graph1que.
livres Strangers (i).
AMtittlQUE SEPTENTRIONALE.
ETATS-UNIS.
l ^5. — * REPORT,ete. — Rapport fait auCongrcs, par HI. Cam
BitELENS, au no m dc la Commission dn commerce. Imprimc par
yrdre tin Congres. In-8" do G/j pages.
« La Commission du commerce, a laquelle avaicnt ele rcn-
voyes :
i". La partte tin message du president, relative au com-
merce des Etats-Unis avec les nations etrangeres, a la re-
forme des lois repressives do la contrebande, a Felablissemcut
de mag-asms publics ;
2". Divers Mcmoires, rcpresentant la situation fa eh c use de
noire commerce , et demandant I'allocation d'un rabais sur
les cordages, et sur les autres articles manufactures avec des
matcrianx etrangcrs ;
3". Deux resolutions de la Chambre, savoir:
De fairc des recherches et un rapport sur I'effct que nos
dcrnieres lois de recedes ont produil snr noire commerce
avec les nations etrangeres; et
De fairc des recherches el un rapport stir la situation pas-
see, et sur Fetal present de noire navigation; et de proposer
les mesures necessaires pour Fagrandissemenl de noire ma-
rine commcrciale; »
A soumis a la Chambre le Rapport que nous annoncons i • - i
et qui est lellcment rempli de fails et de calculs du plus
(i) Nous indiqunns par vm asterisque ('), place a cOtfi du litre de
chaquc ouvragc, eeus des livres etiangers ou francais qui paraissenl
djgnes d'une attention parliculiere , ct nous en rcadrons quelquefois
cutnptc dans la section des Analyses,
ETATS-UNIS. 653
haul ihtcret, que !c seul moyen d'en rendre un compte exact
serai t de le traduire presque tout enlier. C'est arec un veri-
table regret que nous nous voyons forces dc n'en donner
qu'une analyse suocinete, et ccitaiuement Port incomplete.
« Jusqu'au mois de decembre 1807, Ies Elats-Unis d'Ame-
rique jouirent d'une prosperite toujours croissante, parce que
le gouvernement avail jusque-la favori.se la navigation, non
pour satisfaire des interets prives, mais dans le Iju!, bien plus
general el bien plus vaste, de former une marine marchande,
d'orgarrlser nne ecole de marins qui couterait pen a l'Etat, ct
qui, en cas de guerre, lui rendrait les plus grands services,
Mais, a l'epoquc signalee plus liaut, les outrages des deux
grandes puissances belligerantes amenerent tine serie de res-
trictions et d'entraves au commerce, qui causere-U la guerre
de 1812, et finirent, avec elle, en 181 5. 11 semblait alors que
la prosperite diit renaitre avec la perspective d'une longue
paix; le tarif de 1816 detruisit ces flatteuses cspcrances, ct
fut le commencement d'une longue suite d'errcurs qui ont
enfanle le resultat que la guerre et toutes ses consequences
n'avaient pu produire. » Nous avons essaye, dit I'auteur, de
resister, par des decrets, a la tendance salutaire et naturelle
de notre industrie vers le commerce et vers l'agriculture.
Nous avons sacrifie le commerce, la navigation et les capi-
taux de la Nouvelle- Angleterre , pour developpcr la rivalite
des manufactures, pour embarrasser, pour miner nos auciens
et industrieux artisans. Nous avons, a cbaque session , jete le
commerce dans un tel etat d'agitalion, que la valeur de la pro-
priete ne pouvait etre determinee positivement qu'apres I'a-
journement du congres; et e'est la ce que nous avons appele
encourager et proteger notre industrie. Nous avons di-sipe
plusieurs millions de nos anciens benefices commereiaux, en
laisant d'absurdes experiences pour augmenter la richesse
nationale. En chercbant, par deslois, a nous rendre plus io-
dependans des autres nations, nous avons sappe les fondc-
mens de cette puissance navalc, qui seule peut nous proteger
contre une invasion etrangere. »
Par le systeme des prohibitions ct des droits execssifs, on
a voulu favoriser l'accroissement des manufactures ; le resul-
tat contraire a cu lieu, parce qu'on a employe trop de capitaux
a ce genre d'industrie, et que le prix des produits baissant de
jour en jour, ces capitaux ont diminue de valeur dans la
meme proportion. Aussi les manufactures n'ont-elles aujour-
d'hui que le tiers dc la valeur qu'elles avaient en 181") : pane
que les malieres premieres out etc taxees, souvent au-dessus
f,5'j ETATS-OIS.
du prix d'achat, quelqucfois m&nc au-dcssus de celui u6J
produits manufactures; et parce que l'introdiw lion IVaudu-
leuse des marchandises surtaxees a ete organises en systemc ,
de manicre a dejouer tous les efforts du gouvernement pour
la prevenir.
Par l'cxagtralion des t arils, on a cru ralcntir lc mouvement
d'euiigration vers l'ouest, de la population americaine : on n'a
fait que I'accelcrcr. En void la preuve, du moins pour cer-
taines parlies des Etats-Lnis. De J 790 a 1800, l'aiigmenta-
tion de la population, dans la JNouvellc-Angletcrre, a ete de
226,006 ; uepuis 1800 jusqu'a 1810 (les restrictions commer-
tiales ayant commence en 1807), I'accroissemcnt a etc de
23g,S83;de 1810 a 1820, il n'a plus ete que de i88,i54;et,
de 1820 a 1828, de i52,6i6 seulenient.
On a etc induit en erreur par le desir, naturel sans doute ,
mais aveugle, de rivaliser avec les manufactures de laYieille-
Anglclerre. LI 11c telle rivalite est impossible entre mi pays dont
['agriculture est le premier besoin et la principale ressource,
et un Etat dont la population, concentree dans un espace
etroit, a, depuis long-teins et par degres, cede a rindustrie
manufaeturiere les bras que la culture du sol ne pouvait oc-
cuper. En effet, en 1801 , epoque oii l'Angleterre fabriquait
moins qu'a present, on y comptait 1,718,289 agriculteurs, et
i,843,35i artisans ou manufacturers. L'Ameriquc est loin de
se trouver dans des conditions pareilles.
Le rapporteur de la Commission entre ensuite dans quel-
ques details relatifs a diverses branches de commerce, aux
laines, aux fers , aux cordages ; et partout il etaldit, en cliif-
fres, l'avantage que donnc aux etrangers, surles Amerieains,
l'exageralion des droits sur les matieres brutes. Par exemple,
de 1819 a 1823, pendant un espace de cinq ans , Timporta-
tion des cordages et cables fut de 2,198,129 lb.; elle a etc
de 7,002,764 lb., dans les cinq annees qui ont suivi 1824 . a
cause des droits excessifs imposes sur le chanvre. Ce genre de
commerce est lout-a-fait transports a la Russie , et perdu
pour les Etats-Unis. La manufacture de Bostog, qui, en 1826,
avail fabriquc 4^° tonneaux (milliers) de cordages, n'en a
produit que 5o5, en 1827; 236 en 1828, et 147 en 1829.
D'un autre cote, il est parti de Saint -Pctersbourg, pour les
Etats-Unis', en 1828, sur 66 navires, 5,5i2,320 lb. de cor-
dages, dont 2,164,096 lb. , seulenient, sont cntres par les
douancs. Line des plus tristes consequences de cct etat dc
choscs, e'est que PAmerique donnc, par le fait, une prime de
LTATS-UN1S. 65S
liv. i.,665,8g (i) achaque navire de5( o tonneaux, construit et
gree en Aftgleterre; et que les armateurs americains font par-
tir leurs vaisseaux a demi equipcs, et exponent la vie de tears
marins pour se procurer, au dehors, des voiles et des corda-
ges que les larifs rendenl ti-op eouleux dans l'interieur.
Le pire est que les droits imposes sur les etoffcs de laines
grossieres, surlesel, surlesucregris, surletheellecafe,sontles
plus exageres de tons, et tomberit precisement sur les classes
les nioins aisees de la nation, et surtout sur 1'agriculteur.
La navigation sur les cotes par ait avoir acquis un plus grand
developpeinent ; ma is cette apparence est illusoire, et depend,
i" de ['extension du territoire americain; a" d'uue naviga-
tion, par la vapeur, de 40,197 tonneaux, employee piincipa-
lement sur les lacs, sur le ftlississipi, le Missouri et I'Ohio;
3" du commerce avec la Louisiane et avec la Floride ; 4" en-
fin , de ['estimation fatisse d'un tonnage , dont une partie est
pnrement nominale. Le fait est que la marine amuricaine a
decline, puisqu'elle ne s'est pas elevee dans la proportion que
semhlaienl hii promettre l'accroissement du territoire, et les
nouveaux debouches ouverts au commerce. La navigation
sur les cotes est certainement d'un million de tonneaux au-
dessous du point qu'elle anrait du atteindre.
• Comparons, ajoute M. Cambreleng, notre navigation
commerciale exlerieure avec celle de I'Angleterre, clepuis
1789 jusqu'a 1807, espace de terns pendant lequel la Grande-
Bretagne adopta le systeme des prohibitions, et nous celui de
la liberte du commerce. Dans le cours de ces dix-huit annees,
le tonnage de I'Angleterre descendit de i,5o7,G56 tonneaux
a i,424,io5; le notre monta rapideuient , de 127,029 ton-
neaux a 1,089,^76. Au contraire, le systeme continental,
adopte par les puissances de PEurope, les mit toutes dans un
etat de gene, tandis que I'Angleterre etendait son commerce;
el, en i8i5, son tonnage s'elevait a 2,088,029 tonneaux. A
partirde 1807, son importation et son exportation, qui pen-
dant les quatie annees preeedentes, elaient restees stalionnai-
res, la premiere a 28 ou 5o millions de livres sterling, la se-
conde a 54 millions sterling, s'elcvcrent, dans les quatre
annees qui suivirent, l'une a 4' millions, I'autre a ^5 ou 5o
millions sterling. Les mauvais effets de son propre systeme
furent neutralises par les restrictions que s'imposaient les na-
tions voisines, et elle dfit a leurs efforts un nouvel accroissc-
ment de richesse ct de puissance. »
(1) i,6G5 dollars S9 cents, environ 9,029 francs 12 centimes.
056 lViATS-lNIS.
Depuis la I'm dc la guerre, en i8i5, la France a eprouvu
des ameliorations considerables dans son commerce exlerieur.
Son importation s'fest eleveej tic 190,000,000 de francs, u
453,Ooo,ooo; son exportation, dc 397,000,000 a 5i 1,000,000.
Le commerce russc, cnlravc par les prohibitions, est loin
d'avoir augmente dans le meme rapport.
Le commerce des Elats-Unis est reste an moins stationnaire,
sons rinfluence des mesnres prohibilivcs ; tandis que eclui de
I'Amerique septenlrionale est monte, dc 88,24" lonneaux a
400,841. Ainsi la Nouvclle-Ecossc, seule, a employe, en
1828, pour son commerce :
Avec FAnglelerre 27,162 tonncaux.
Avec les Indcs-Occidentales 37,714 id.
Avec les Etats-Unis i6,o58 id.
Avec le Bresil i,54o '"'•
Avec 1'Europe, moins l'Angleterre . . . 1,638 id.
Sur les cotes 58,924 id.
Total. . . i33,o45 tonncaux.
Tel est l'Etat de prosperity de cetle petite ile, dont la po-
pulation ne s'eleve pas au-dessus de 1 25, 000 habitans.
«La population des provinces de I'Amcrique du iNord etait,
Qn 1808, de 4o9,4*2 liabitans, en 1825 tie Sjj/pJ. La po-
pulation de toute la Nouvellc-Anglelerrc, suivaut les recen-
semens faits en 1800, en 1810 ct en 1820, etait, dans I'annee
1806, a pen pres dc 1,075,000, et, da ns I'annee 1825, de
i,75o,ooo. Aiusi, en 19 ans, la population dc la Nouvclic-
Angleterre s'est accrue seulcmcnt de 27 p. cent, et cellc des
colonies anglaises de 1 i3 p. cent.
»L'exporlalion des colonies est devenuc quadruple, l'im-
portation s'est elevee dc 4 millions a 10 ; tandis (|ue noire ex-
portation et notre importation sont encore, en 1828, cc
qu'clles etaient en 1807, epoque de la premiere interrup-
tion de notre commerce exterieur. Cetle enorme difference
s'expliquera facilemcnt si Ton reflechit que, depuis lors, notre
commerce a etc entrave par les tarifs exageres, tandis que ec-
lui des colonies avec l'Angleterre a etc libre jusqu'a present."
Nous n'avons pu suivre le rapporteur de la commission
dans one foule de details Hon moins curieux queposilil's, ct qui
inleressent, non-seulement les Americains , mais encore tou-
tes les autres nations, dont le commerce est, pour ainsi dire,
passe en revue. Nous regrcttons surtout dc ne pouyoirmcttfc
ETATS-LMS. Gf>7
sous les yeux de nos lecteurs une serie de tableaux stalistiques
qui ont pour objet : i° l'etat comparatif des avantages dont
jouissent les manufactures anglaises, au detriment desameri-
eaines, a cause des droits qui frappent 1'introduction des ma-
tieres brutes; 2° les avantages comparatifs du commerce an-
glais et du commerce americain, pour la construction et le
greement des vaisseaux; 3° l'etat comparatif du tonnage ame-
ricain employe au commerce exterieur, de 1789 a 1807, et
de 1 8 1 5 a 1829; 4° l'etat du tonnage americain et du tonnage
anglais actuellement employe; 5" celui de la reduction des
tarifs dans la Grande-Bretagne, et de leuraugmentation dans
les Etats-Unis; 6°celui du tonnage de vaisseaux, soit anglais,
soit etrangers, entres dans les ports d'Angleterre, venant de
I'exterieur, du ior Janvier 1-8 14 au 5i decembre 1828; 70 l'e-
tat du commerce maritime de l'Angleterre, depuis la paix,
avec ses colonies de l'Amerique du nord, avec celles siluees
au sud du 55e degre de latitude, avec les Indes occidenta-
ls, etc. ; 8" l'etat comparatif des droits d'entree, percus sur
les marchandises etrangeres, dans l'Amerique septentrionale
et dans les Elats-Unis; 9°laquantite deeafe introduite en A11-
gleterre, pour la consommation interieure, depuis 1789 jus-
qu'a 1828, les taxes diverses sur cette marchandise, et leur
produit annuel; io° l'etat de I'exportation des grains, de l'A-
merique en France, conformement au traite de 1787 ; 1 1° la
quantite de soie, tant brute que travaillee, introduite en An-
gleterre , de 1814 a 1828; i2"enfin, l'etat de ['exportation
des produits manufactures de l'Angleterre , dans 1'Inde et dans
tous les pays situes a Test du cap de Bonne-Esperance (y com-
pris la Chine), a l'exception de la Nouvelle-Galles du sud.
L'on voit ou nous entrainerait l'exposition des faits qui resul-
tent de ces divers tableaux, et les de veloppemcns indispensables
pour en faciliter 1'application. Nous nous bornerons done a
consigner ici les vceux de la commission du commerce , et les
moyens qu'elle propose pour faire cesser les graves inconve-
niens que subissent en ce moment les Etats-Unis.
«Nous devons adopter des mesures promptes pour sauver
notre commerce maritime. Le parti le plus sage est de sup-
primer les taxes sur le chanvre, sur le fer et sur les toiles a voi-
les... II faut abolir les droits de tonnage, et reduire les impots
sur la construction des navires, allouer un rabais equivalent
au droit impose sur les materiaux, etc... Notre politique doit
changer, et ne plus immoler l'interet general a des interets
prives. Imitonsla sage ambition del'AngleteiTe, qui ne sacrific
t. xlvi. jmn i83o. [\1
t).,S L1VRES ETRANGIRS.
jamais In gluiro et la puissance nationales a des considerations
d'agrancUsBement personnel*, et qui ne pennet a aucun avai>-
ta"e particulicr d'cutrer en lutte avec l'accroiss merit de sa
marine... »
«I1 est a desirer que le commerce soil libre enlre les na-
tions de I'Europe et cellos de l'Amerique. Aucun people n'est
plus interesse que nous a ce que toutes les entraves soient bri-
sees, a ce que toutes les restrictions soient abolies... Le nieil-
leurinoven de pauverrir a ce but serait d'erablk mutuellcment
un maximum de taxe, sous lequel les produits d'un pays se-
raient librement cxportes dans tons les autres; ou , en d'au-
tres termes, de souscrire une convention reciproque et for-
melle de ne jamais lever de taxes prohibitive*. Un tel projet
trouverait sans doutebien des contradicteurs, comme le traite
de i -- 13 enlre 1'Angleterre et la France en trouva dans le
••ouvernemeiitdu Portugal. Mais, si les nations pnissantes dou-
uaient Fexcinple, les autres seraient bientot entrainees. >>
«'i'elles etaient a peu pres les doctrines de M. Pitt et celles
de M. Jefferson en i;c)5. Les intentions aussi bienveillantes
que sages de ces deux hommes d'Etat oat etc rendues infroc-
tueoses par la guerre qui a succcde a la revolution franoaise,
et qui a suspendu la marche de la reforme commerciale....
Aujoord'hoi que la paix est rendue aux nations, votre com-
mission vous propose de renouveler, en la modifianl comrne
il convient a noire etat acluel, la politique commerciale qui
s'appuyait, avantla guerre, stir de si respectables autorites....
Une t'oule de considerations nous engagent a lenler an moins
l'experience. Le caractere liberal de nos inslitutions, la forme
de notre gouvernement , la vaste elendue de notre territoire,
la variete et la surabondance de ses productions, I'imperieuse
Mtcessite d'etendre notre navigation, de renouveler notre ma-
rine marchande, etc., tout plaide en faveur dune politique
siessentielleauperfectionnementdcs institutions liberalcs, qui
font l'orgueil et le bonheur de notre siecle. »
En consequence, la commission propose de soumettre a la
Chambie, dans le cours de la presente session, les mesures
suivantes :
Un bill re giant les appointemens des douaniers.
Un auiendement aux lois qui reglent la perception deS re-
venus publics.
Vn bill fixantune allocation pour 1'etablissement et l'entre-
tien de magasins et dTcntrepots publics.
Un bill qui alloue un rabais equivalent an droit impose sur
les materiaux qui servent a la construction des oavir.es.
ETATS-UNIS. — M i:\IQlli. 65g
Ln bill accordant un rabais sur les cordages, quand ils sonl
exportes.
Un bill abolissant les droits de tonnage.
Un bill qui I'avorise l'exlension de noire commerce avec les
notions ctrangeres. ChjUkbetrow.
M EX I QUE.
1 76. — *Memoriade laSccrelaria de Esludoydcl Dcsj acko, etc.
— Memciredu Secretariat d'Elal et des Depeches des relations
interieures el exterieures, In par le secretaire d'Elat de celte
branclie d'administration a la Cbambre des deputes, le 12 fe-
vrier i85o, etlelendemain a la seance du senat mexicain. Mexi-
co, i83o. Petit in-folio de46 pages, avec plusiems tableaux el
des pieces justificatives.
L'homme d'Etat qui a redige ce Meinoire (don Lucas Ala-
man) ne parle de lni-meme qu'a la derniere page , el n'en dit
que peu de mots; mais c'est assez pour faire apprecier son
caractere. Citons celte peroraison, avant de parcoufir l'ex-
pose de la situation actuelle du Mexique.
« Dans le tableau que je viens de meltre sous vos yeux,
rien n'est cxagere, ni dissimule; evitant avec soin les opinions
extremes, je me suis defic de rami propre jugement, et j'ai
laisse parler les faits : ils ne sont que trop certains, trop evi-
dens; et, s'il en etait quelques-unsdont on put douter encore,
je les appuierais par de nombreux temoignages. Comme fonc-
tionnaire public, et comme homme de bien et d'honneur, je
vous ai represente notre nation et nos affaires telles que je
lesaivues : a queique opinion politiquequ'appartiennentceux
qui liront ce Memoire, tons conviendront en eux-memes que
j'ai dit vrai.
»Lesmauxde la republique sont tres-graves; mais enfin
nousn'y succomberons point ; nous aureus le tems et la force
d'y appliquer les remedes convenables, pourvu que nous ne
perdions pas un moment , et que nous entrepienions avec
courage uue guerison radicale, au lieu de nous borner a des
palliatifs. II est indispensable d'y proceder avec ordre et re~
gularite, de donner les memes soins, et en meine tems, a
toutes les parlies de 1'administralion. Sans la surete des per-
sonnes et des propi ietes, point de societe ; sans representans
elus par les citoyens , point de liberie; sans tine force pu-
blique organisee pour maintenir le boa ordre et 1'union, et
qui ne puisse jamais etre to'.unee centre les droits des citoyens,
une nation ne pourrait subsister. Ces trois ulem'cns sont ega-
lement necessaires a l'existence d'un gouvernement regulier,
660 Li v hks Strangers.
quelque forme qu'on lai donne. Vous avez cntre vos mains
les plus diets inteivis dc la nation ; vos resolutions vont de-
cider de sa consideration et de son credit au dehors, de son
bien-etre au dedans, de son existence. J'etais charge de faire
conuaitre sa veritable situation , j'ai rcmpli ce devoir : que le
con ares applique anx maux que j'ai signalcs des rcmedcs
prompts, efficaces; la nation a mis son espoir dans la sagesse
de ses representans : elle leur confie son avenir, et leur de-
mande la conservation des moyens de prospcrile qu'elle tient
des liberalites de la nature. »
Le Mcmoire de don L. Alainan traite d'abord des relations
de la republiquc niexicaine avec les autres Etats de l'Amcri-
que et avec l'Europe. La grande question de la reconnaissance
des nouvelles repuldiques americaines est a pen pres resolue:
soit que la rigueur des formalites diplomatiques ait un peu
cede, soit que des interets d'un autre ordre sesoient fail ecou-
ter il ne reste plus qu'un petit nombre d'Etats chreliens qui
n'ont pas encore etabli des relations de paix et de commerce
avec le Mexique. Le Bresil est de ce nombre, sans qu'il y ait
lieu de s'en etonner; la paix ne peutetre troublec entre deux
Etats qui n'ont ni la volonte, ni les moyens de se faire la
guerre, et les relations commerciales doivent etre exlreme-
ment rares entre deux pays qui n'ont presque rien a echanger
entre eux. Mais ce qui surprend et afflige, c'est que les nou-
velles republiques out presque suspendu leurs relations^ rnu-
tuelles. Depuis le cap Horn jusqu'aux frontieres des Etats-
Lnis, les discordes civiles ont etc plus funestes quo ne le
furent en aucun terns les amies de 1'Espagne. La lecture de ce
Memoire fournitd'autressujets d'adliction etd'inquietude; car
la situation du Mexique est a peu pres celle de tous les nou-
veaux Etats americains.
En exposant la situation interieure de la rtpublique, 1'au-
teur du filemoire est 1'orce de rappeler ce douloureux souve-
nir des evenemens de la tin de 1828, et d'en suivre les con-
sequences, en 1829. Quelques Etats se detachent de la con-
federation ; d'autres s'appretent ales imiter ; des reunions
armees se forment sur divers points : l'Etat est menace d'une
dissolution generale. « Tels sont les resultats de plusieurscau-
ses dont Taction s'est prolongee, qui ont uni leur puissance,
0(i qui ont succede l'une & T'autre; il en est quelques-unes
qui meritent une attention plus speciale ; ce sont les Societes
secretes, le systeine electoral, l'abus du droit de petition, les
vices de l'organisation des milices locales et la licence de la
presse. »Don L. Alaman fait de graves reprochesaux Societes
MEXIQliE. 661
secretes; et en effet leur existence nepeutguere etre justifiee,
si la nation est veritablement litre. II parait que les elections
ne sont pas encore soumises a des lois fixes dans les divers
Etats du Mexiqne; et cependant il n'y a point de constitution
ni de gouvernement populairequi nereposent essentiellement
surunbonsysleme electoral. La nomination d'un president vient
de mettre la republique en peril : chaque reelection peut etre
aussi orageuse ; il y a done dans la constitution un vice qu'il
faut se hater de fairedisparaitre; loin que lastabilite des lois en
eprouve aucune atteinte, cette reforme est au contraire le
seul moyen de consolidercc que 1'on aura conserve.
On reproche au droit tie petition d'etre devenu Tune des ar-
mes des Societes secretes pour attaquer le gouvernement,
troubler l'ordre, et profiter, selon leursvues, de 1'agitation
qu'elles ont causee. Mais les pretendus petitionnaires mexi-
cains, qui viennent en armes deposer leur requele, et pro-
cedent immediatemerit a ['execution de ce qu'ils ontdemande,
ne sont pas des agens de Societes secretes, et ne meritent pas
non plus de porter le titre qu'ils se donnent; ce sont des re-
belles dont le gouvernement , s'il etail en etat de faire execu-
ter les lois, aurait bientot debarrasse les citoyens paisibles.
II ne s'agit pas de limiter le droit de petition, qui tres-cer-
tainement n'autorise point les attentats contre l'autorite pu-
blique, ni le brigandage, ni l'assassinat. Dans l'etat deplorable
011 ces exces ont reduit la republique, e'est d'un gouverne-
ment fort, e'est d'union entre les bons citoyens pour secon-
der ce gouvernement, que Ton doit sentir le besoin; e'est la
ce que la patrie reclame, ce qui. doit etre le but de tons les
efforts. L'audace des perturbateurs vient echouer contre une
masse imposante de citoyens amis de l'ordre et decides a le
faire observer; et le droit de petition rentre dans ses limites,
sans que l'on se soit occupe de l'y ramener. « Heureusenient
l'immense majorite de la nation voit ces desordres avec hor-
reur ; son bon sens et sa moderation arretent bientot les
progres de la contagion : mais nous avons des hommes tou-
jours prets a servir lesambitieuxou les brouillons qui veulent
entreprendre un bouleversement. La freqnente repetition de
ces changemens, operes par la force, demoralise les peuples,
altere les notions de propriete et de soumission aux lois, de-
truit la confiance, et avec elle tons les moyens de prosperite
publique. II faut qu'une main puissante combatte ces calami-
tes, qui, si elles se prolongeaienl, ameneraient la guerre civile,
et entraineraient la mine de la patrie. »
Les details que donne ce Memoire sur les milices locales
66a LIVRES STRANGERS.
da Mcxique font voir que ('organisation de la force publique
\ est encore trcs-vicieuse, et decide en meme terns on prin-
cipe de faiblesse dans le gouvernement central. Les Etuis (V-
deres sont, par rapport a cc gouvernement, a pen pres dans
la meme position que les grands vassaux par rapport a leur
suzerain dans les beaux terns de la fcodalile : eliacun pent
mettre nnc armec sur pied , se eoneertcr avec ses voisins, sans
(pie I autorite cenlrale en ait connaissance. Ainsi le lien fede-
ral est sans force, toujours prel a rompre; telle est la cause
ties desastrcs que Guatemala vient d'eprouvcr. II ne suffit pas
a In republique d'adopler une bonne organisation de sa force
publique; il faut revoir l'ensemble des institutions, consoli-
der et perfectionner la base de ('edifice national. Une verite,
une pensee profonde, qui pourraient contribucr a ccs indis-
pensables constructions, seraient, pour les nouvelles republi-
ques, d'un bien plus grand prix que l'etablissement des rela-
tions amicales avec les grandes puissances de l'Europe : si le
ver rongeur est dans leur sein, si elles portent en elles-memes
des causes de destruction, que leur imporle un eclat passa-
ger? Est-ce de ccs jouissancesde l'amour-propre qu'elles dc-
vraient s'occuper?
Ce qu'on lit dans cc Memoire sur la liberie de la presse
pouvait suffire pour eclairer le Congres mexicain, mais n'ap-
prend pas aux lecteurs curopeens tout ce dont ils auraient
besoin pour juger a quel degre de licence cette liberte est
par-venue dans le Mcxique, de quels abus elle dut elre la
source. Partout ou la presse libre a excite quelques reclama-
tions, les plaintes ont etc redigces a peu pres de la meme ma-
niere; et ccpendant on ne pent pas affirmer qu'elles furent
egalemcnt fondees. Esperons qu'en Amerique aussi-bien qu'en
Europe on senlira les inconveniens et les dangers du remede,
el qu'on fiuira par supporter le mal.
Ce que Ton a vu precedemment dispose a toutcequelereste
du Memoire nous apprend sur les passeports, sur le defaut de
donnees stalistkpies relatives aux ressonrees naliouales, aux
ilivers elemens de la prosperitc publiquc. On n'est point sur-
pris qu'une colonic francaise, prete a s'embarquer pour aller
se fixer a Goazacoaleo, n'ait pas ose braver les dangers d'une
guerre civile, lorsque les evenemensde 1828 furent connus en
Europe. On ne s'etonncra pas meme que de frequentes epi-
demics viennent moissonner les generations naissantes, lors-
que la population qui subsiste par le travail est plongee dans la
misere, imprevoyante, adonnee a 1'ivrognerie, etc. ; un gou-
vcrnemenl sage et I'education peuvenl remedieraoes maui:
MEXIQUK. 663
aiais il eu est d'autres contre lesquels les societes humaines onl
peu de pouvoir; tellcs sont, par exemple, les secheresses
opiniatres qui desoleiit quelquefois les provinces mexicaines.
L'Universite et les colleges sont resles a peu pres dans le ftiemc
etat (pie sous le gouvernement tie la metropole. On a cree un
Instilut national; il ne se reunit point. Sans parconrir dan-;
toute son elendue ce tableau des ealamites d'une nation ,
voyons-y quelques trails qui font honneur au caraclere na-
tional. Lops de la derniere invasion, les relations commerciales
ne f u rent ni intcrrompues, ni derangees ; tout sc passa comme
si aueun soldat ennemi n'efit dcbarque sur le territoire mexi-
cain. C'esi ainsi que, lorsqu'Arinibal etait campe aux portes de
Rome, le terrain qu'il occupait fut vendu aussi clier qu'il l'cfil
ete si la republique romaine avait joui de la paix la plus pro-
f'onde. Les deux rtpubliques out manifesto une egale confiance
dans leurs destinees; les jeuncs nations du Nouveau-Monde
ont sans doute l'ambition de durer plus long-tems que l'an-
cienne Rome , et de ne jamais aliener leur liberte ; qu'elles
fassent done tout ce qui est encore en leur pouvoir, et qu'elles
ne se trompent point sur les moyens d'assurer leurs bautes
destinees.
Nous nous plaisons a traduire quelques passages de ce Me-
moire : terminons par celui-ci, oii la generosile mexicaine se
manifeste par ses oeuvres.
« Les maladies propres a nos cotes si malsaincs ont cause,
celte annce, de grands ravages, parce que lc nombre de ceux
qu'elles pouvaient atteinilre a ete considerablemcnt augment e.
L'expu!:-ion des Espagnols, {'expedition tentee par 1'ancienDe
metropole et le zele des defenseurs de la patrie ont accumule
sur ces plages les victimes des exhalaisons morlelles. Toules
ont ete secourues avec une toucbante sollieitude, au milieu
des besoins qu'on epiouvait et de Pexcessive incommodite
des pluies dans les plaines de Tampico. La marehe retrograde
des troupes dans I'intcrieur y a porte la contagion dont plu-
sieurs soldats etaient atteints; la junle de sante a pris la pre-
caution de fa ire bruler les vetemens des morts, et meme ceux
des malades. »
Un Memoire tel que celui-ci contient plus de materia ux
pour l'histoire qu'on ne pourrait en rassembler si Ton com-
pulsait lous les journaux publics dans le meme espace de
terns. Y.
664 LIVRES STRANGERS,
EUROPE.
GRAIN DE-BRETAGNE.
177. — * Family-Library : The Lives of the most eminent
British Painters, Sculptors and Architects. — Bihliothequc de
tami'lle, publiee par Menu ay. T. iv et x : Vies des I'eintres,
Sculpteurs, Architectes les plus eminens de la Grande-Breta-
gne, far Allan Cunningham. Londres, i83o; John Murray.
3 vol. de 55o u 4<>o pages chacun, ornes de 12 gravures.
«Ce n'est pas sans une juste defiance de moi , dit M. Cun-
ningham, que j'entreprends cet ouvrage : je n'ai point oublic
la reuiarque salirique de mon compalriote « quand se re'sou-
dra-t-on a ecrire stir ce que Con comprend? » II laut savoir gre
al'auteur de cette timidite si rare parmi ceux qui semelentde
pailer des arts an public. Jamais jugemenspluserronesnel'urent
prononces avec plus d'aplomb que par cette foule de preten-
dus connaisseurs qui egarent le gout au lieu de 1'eclairer. lis
tranchentetdecidentsansappel. Elrangersaunart, auxlongues
etudes necessaires pour I'acquerir, a ses meditations, a ses
emotions intimes, ils se constituent juges de ce qu'ils out a
peine regarde , et d\in trait de plume annulent le fruit d'un
an de travail et de toute une vie d'observation. Cette in-
supportable fatuite n'existe pasici. C'est plutot l'histoire pcr-
sonnelle des peintresqu'une appreciation deleurs oeuvres. Deja
connu comme poete, commc edileur de vieilles ballades,
M. Cunningham sent et comprend a merveille la poesie des
faits, le genie d'instinct ; aussi excelle-t-il a peindre les bizar-
reries, les originalites de quiconque a so se frayer scul une
route. De plus, il a ete long-tems l'ami et le compagnon du
plus celebre sculpteur moderne de l'Angleterre, de Chantrey,
et il s'est essaye, tant bien que mal , a marcher sur ses traces.
Enfin il a connu les revers, leshauts et les has de ce monde ; il
sait combien il est penible et difficile de lutlercontrclesorl;et,
quoique sorti glorieusement du combat , il a toute sympathie
pour ceux qui ont succombe. Son premier volume contient un
rapide apercu de l'histoire de la peinlure pendant le moyen
age, et alors qu'elle ne fut qu'une imitation penible et dou-
teuse des etrangers, de Holbein, de More, de Mytcns, de
Rubens, de Vandyck, etc. ; pour lui , le premier peintre na-
tional est Hogarth, qui transporta dans son art toute la verve
et tout le mordant de la satire. Son geste, toujours juste , mats
parfois un peu force, tient de la comedie : il exprime nette-
uicnt la peosce . et la met en saillic de la far on la plus evi-
GRANDK-BRETAGNE. 665
dentc. On dirait unc ccrilure \ive, spirituelle, apte a nomincr
loute chose, et dont chaque caractere porte unc idee a I'es-
prit. C'est tantot le Regnier, tantot le Moliere de la peinlure;
car, s'il a accentue fortcment certains traits, les nuances ne iui
echappentpas. Sacouleurseprete merveilleusement aussi aux
impressions qu'il veut donner. Dans certains tableaux, elle a
un aspect blafard et terne ; dans d'autres, elle est vigoureuse,
sombre et d'un myslere effrayant, en barmonie avec la scene
qui se passe. La vie de Hogarth occupe environ cent pages
tres-animees du premier volume de M. Cunningham, ensuite
vient celle de sir Josue Reynolds, beaucoup moins bien com-
prise, et ecrite avec froideur; puis celles desdeux fondateurs
de l'ecole de paysage anglais, Wilson et Gainsborough, ri-
ches en anecdotes spirituellement contees. A mesure qu'il se
rapprocbe de notre terns, et qu'il traile des artistes conteni-
porains, l'ouvrage prend plus d'interet. Les details sur Barry,
qui, apres avoir etudie cinq ans a Rome, s'ecriait, a la veille
de rcpartir pour l'Angleterre : « Oh ! que je serais heuieux si je
pouvais, en retournant dans ma palrie, trouver quelque coin
oii je pusse vivre en paix au milieu de mes etudes, de nus
livres, de mes platies, oit je pusse avoir des modeles vivans,
le pain, la soupe, et de quoi me couvrir ! Avec quel repos je
travaillerais, sans souci de ce que deviendrait mon oeuvre, et
pour me contenter seulement ! mais, quand je pense a ce que
je suis, et a ce que je deviendrai a Londres, oi'j il me faudra
payer un loyer, chercher de riches patrons, et des gens qui
m'emploient, je me sens saisi d'horreur!»
Fuseli, le plus ambitieux des peintres anglais, qui n'aspi-
rait a rien moins qu'a devenir le rival de JMichel-Ange, et qui,
dans sa soif de distinction, prenait chacun de ses efforts pour
une reussite , est juge par M. Cunningham avec une grande
partialite. Cependant ce n'etait pas un homme de genie; il y a
dans la plupart de ses compositions une extravagance, une
pretention a la force et a l'originalite, qui decelent plus de fa-
tigue que d'inspiration. II court sans cesse apres le grandiose
et le poetique, et sa confiance en Iui-meme lui donne une
certaine audace qui, pies du public, Iui tient lieu de talent. II
est juste aussi de reconnaitre que l'habitude qu'il avait prise
de tourner ses figures avec hardiesse, le nombre de ses pro-
ductions ( il a laisse pres de huit cents dessins) , enfin la faei-
lite avec laquelle il retracait les scenes qui avaient frappe son
imagination dans ses lectures, justifiaientsa reputation. Ilavait
de l'cspril , et le tours qu'il fit a l'Academie fut goute , bien
qu'abondant en sophismes et en vues fausses sur l'art : il n'ai-
«>uti LUKES ETRANGERS.
mait el ne comprenait la nature que traduite dans les lines; el,
au lieu de tirer ses inspirations de ce qu'il voyait , c'ctait lou-
jours dans son imagination qu'il cherchait tin ideal introuva-
ble : de la ses ecarts nionslrueux et sa faussetc presque conti-
nuelle, qui, moins fatigante dans ses dessins, devient iu.suppoi -
tabic dans ses tableaux : aussi ses partisans abandonnent-ils ses
peintures a la critique. Parnii les compositions serieuses que
sir Thomas Lawrence possedait de lui il y en a quelques-unes
reellemcnt remarqnables. Ileerivait comme il peignait . d'un
style elabore, etvisant a reflet. II a fait tout un volume d'apho-
lisnies sur l'art , dont les uns sont ingenieux, les autres ex-
Iravagans. II commenca line histoirc de lapeinture, encore
incdite, quis'arrele a Miehel-Ange. C'etait un esprit actif, i'e-
cond, mais gate par l'affectation.
De tons les person nages qui figment dans la derniere
partie de la galerie de M. Cunningham le plus curieux et
le plus attrayant pour la gencralitc des lecteurs est, sans
conlredit, le pauvre Blake, visionnaire, si jamais il en fut,
et qui, comme Ilofl'mann, s'cnloura toute sa vie des crea-
tions d'un cerveau echauffe. II appril a graver de bonne
heure; mais, comme pour sc dedommager du terns qu'il etait
oblige de dormer a cet art froid et fatigant, il se livrait a la
fin de la journee a toules les fantaisies de son imagination.
II oubliait enlicrement 1c present pour ne vivre que du passe.
Done d'une grande puissance d'abstraction , il se retirait au
bprd de la nier pour y converser avec Ilomere. Moisc, "V irgilo,
le Dante", Milton, qu'il croyait fermement avoir connus jadis.
llalfiimait queccsgeniesluiapparaissaient, et venaient peupler
sa solitude ; et, lorsqu'on I'injrefrogeait sur leur aspect, il re-
pondait : « Ce sont toules des ombres plerheg de majcste, grisa-
tres mais lumineuses, et depassant dc beaucoup la taille ordi-
naire des hommes. » Sa l'emme , qui lui clait fort devouec ,
parlagcait son enlhousiasme, et l'aceom^agna souvent dans
ccs et ranges enlrevues, on elle avoue qu'elle ne vit et n'en-
1 lendit rien , bien qu'elle persisle a croirc (jue son inari voyait
et enlcndait. Dans l'espiit revenr de Blake les moindres ob-
jets prenaient une apparence sumaturelle. Une I'ois, ildemnnda
a une dame si jamais elle avait vu les funerailles d'une fee?Et
il conta que, la veille, se promenant dans son jardin, par un
terns calme et doux, ct alors que pas un souffle d'air n'agilait
les branches et les fleurs, il avait entendu un son harmonicuxet
bas, sanspouvoir definir d'ou il venait. «Enfin , continua-t-il,
jc vis se mouvoir une large fcuille de rose, dessous je distin-
guai une procession de petites creatures de la grosseur et de
la forme de saiiterc'lcs vertes el grises : elles portairnt un corps
GRANDE^BRETAGM". (i(i;
etentlu sur la feui.le, qu'elles enterrerent en ehanlanl ; puis
elles disparurent : c'ctaient les obseqnes d'unc fee. » On serait
tente <Je ne voir dans ce recit qu'une reverie poelique de Far-
tiste, si Blake n'avait donne Ijicn d'aulrcs prcuves tic la tena-
city de ses singulieres preoccupations. II prelendait pouvoir
evoquer a son gre les morts les plus illustres, et leg faisait
poser pour faire leur portrait d'apres nature. Le terns le plus
propice pour ces visitations etait, tlisait-il, depuis neuf lieu-
res du soir jusqu'a cinq heures du matin. II attendait, les yeux
fixes daus le vague, et tenant son crayon, que le modcle pa-
rut; puis tout a coup il se nicttait a dessiner avee ardeur.
comme si reellement il avail vu quelque chose. Un de ses
confreres le pria de lui faire aiusi un portrait du celebre he-
ros de FLeosse, sir "William "Wallace. Blake y conscntit, et, a
l'heure dite, attendit son modcle, l'ceil elincelant de joie; car
il admirait parliculierement ce grand homme. «Enfin le voila,
s'ecria-t-il; je le vois, la, la ! quel air noble ! Donnez-moi mes
crayons.» Au bout d'un peu de terns, ilinterrompit son travail :
«Je ne puis pas continuer, dit-il, EdouardI"est venusemettre
entre lui et moi. » «C'est fort heureux, reprit son ami, tar. j'ai
aussi envie du portrait du roi » . Blake prit une autre feuille de
papier, et y retraca les traits du descendant des Plantagenets.
Les oeuvres de Blake se ressentent, comme Ton peut l'ima-
giner, de cette singuliere direction. Ce sont des compositions
de la plus etrange bizarrerie, souvent inintelligibles, et ce-
pendant empreintes de poesie. II en grava plusieurs, tie petite
dimension, d'apres un procede qu'il avait invente. Nous reu-
voyons a Touvrage memc pour plus de details sur ses oeuvres
et sur sa vie. II mourut, le 12 aout 1828, sans que son exal-
tation se fut dementie un seul instant. L. Sw.-Belloc.
178. — * The Library of inter taining knowledge : TkeNew-
Zecdanders. — Bibliotheque des cennaissances agreables. Les
habitans de la Nouvelle-Zelande. Londres, )8jo; Charles
Knight, Pall-Mall-East. In- 1.2 de t\it\ p., avec 46 gravures en
bois, et une petite carle de la ISouvelle-Zelande.
Nous avons deja faitconnaitre le but et le plan de la Soc'ute
formee a Londres pour la propagation de toute.s les connaissanrcs
humaines (voy. Rev. Etic, t. xxxv, p. 488). Le volume qu'clle
vient de publier sur la Nouvelle-Zelantle et sur ses habitans
lient a la Ibis aux deux grandes divisions de nos connaissan-
ces; l'instruclion qu'il nous ofl're n'est pas moins mile qu'a-
greable. On y trouve la substance d'un tres-grand n ombre tie
\ illumes qui out ete mis a contribution, ct qui, remontant jus-
qu'au milieu duxvii'siecle, nous font nrriverj usque vers la fin de
668 LIVRES ETRANGERS.
1827 : on ne pouvait dcmandcrde plus recentes informations
sur une con tree aussi lointaine. Cet ouvrage tient plus que
son litre ne proinef, la description du pays n'est pas separee
de celle de ses habitans, et la curiosite du naturaliste est sa-
tisfaite, aussi-bien que celle du philosophe moraliste, obser-
vateurdes phenomenesque presenters lcst'acultesdel'homme,
suivant les degres d'instruction et de civilisation que les cir-
constances out amenes. Pour ceux qui se plaisent aux reeits
d'aventures singulieres , ce livre vient tres-a-propos; car il
COO tient la narration de John Rutherford, matelot anglais, de
54 ans au plus, et qui a fait un long sejour parnii les Zelan-
dais, on il (tail devenn chef d'une penplade. Revenu en An-
glctcrreau commencement de 1828, il excita doublement l'at-
tenlion par sa personne ctpar son journal. La singularity du
tatouage qui couvrait son visage et plusieurs parties de son
corps n'enipeche pas qu'on ne reconnaisse dans son portrait,
qu'on voit dans cet ouvrage, le type des belles formes anglaises.
Ayant reussi a s'echapper, apres dix annees de captivite, il
vint a Otai'ti, et devint repoux'd'une belle de ce pays, Tem-
mena jusqu'au port Jackson, ou il prit conge d'elle et de ses
amis, en 1827, avec promesse de revenir au bout de deux
ans : il voulait revoir sa patrie. Quoique son journal ait fourni
la niatiere d'une grande partie de ce livre, les redacteurs ont
fait aussi beaucoup d'emprunts au journal de M. ftlarsden,
qui visila la Nouvelle-Zelande en 1820, et a celui ducapitaine
Cruise, de la meme epoquc. On lira aussi avec interet l'his-
toire de Shonghie, Zelandais qui eut la curiosite de voir la
Grande-Brctagne, et surlout celle de Topai-Copa , dont ce li-
vre conlient aussi le portrait. Un sejour de deux ans en An-
gleterre n'avait point adouci le caractere de Shonghie, Tun
des plusferocescannibales dont l'histoire des penples barbares
ait fait mention. En general, les moeurs des Zelandais sont
atroces. Ce livre est lermine par des observations sur la vie
sauvage comparee a celle de Fhomme civilise, et sur les
moyens d'etablir 1'ordre social parmi ces peuplades, les plus
barbares qu'il y ait sur la terre. II y a tout lieu de croire que
ccs derniers chapitresfurent ecrits par un missionnaire anglais
nu americain; en donnant de justes eloges a la douce phi-
lanthropic, al'esprit de l'Evangile, que I'ecrivain a manifeste,
on ne pent s'empecherde faire des vceux pour que ses conscils
ne prevalent point, que l'Europe fasse la conquete de la
Nouvelle-Zelande, et subslitue une racemoins inbumaineaux
iiabilansacluels, au lieu de les amener par degres a ne plus
^'entre-devorer. a ne plus massacrer les equipages pour s'em-
GRANDE-B11ETAGNE. 66g
parer des navires, a pratiquer l'hospitalite, non par caprice,
mais comme un devoir impose par la morale. Avant qu'on put
obtenir ce resultat, combien d'Europeens et d'indigenes ser-
viraient aux horribles festins de ces betes feroces ? la pitie
meme doit ctre dirigee par la raison, et s'occuper des victi-
mes, avant de s'etendre jusqu'nux bourreaux. F.
179. — * Travels hi Kamschatka and Siberia. — Voyage an
Kamschatka et en Siberie, avec la relation d'un sejour en
Chine , \>a.v Pierre Dobell, conseiller a la cour de S. M. l'em-
pereur de Russie. Londres, 1800; Column. 2 vol. in- 12.
La premiere visite de ce voyageuru la Chine date de 1798,
mais depuis il sejourna sept a huit ans a Canton et a Macao,
et alia meme une fois jusqu'a Pekin. Bien qu'il mette une
grande reserve dans ses communications sur ce pays, c'estce-
pendant lapartie la plusneuveetla plus attrayantedeson livre.
II s'enfaut, selon lui , que les forces militaires de l'empire
s'elevent, comme on l'a dit, a plus d'un million d'hommes; ou
du moins jamais armeeaussi nombreuse ne fut plus mal orga-
nisee, et plus ignorante dans l'art de la guerre. L'interventton
des troupes est nulle lors des insurrections qui eclatent dans
les provinces, et qui naissent presque toujours des querelles
de quelques families puissantes. Le gouverneur se contente,
en pareilscas, d'assistera la melee, et, apres Tissue, rachete an
parti victorieux un certain nombre de prisonniers, qu'il en-
voic a Pekin , les qualiQant du noni de rebelles, ou dont il fait
couper la tete, comme justice plus expeditive. II existe en
Chine une secte tres- formidable qui s'intitule fraternite ce-
leste, et qui, si Ton en croit les bruits publics, exerce une
grande influence, et compte parmi ses membres plusieurs per-
sonnages puissans, bien qu'elle se recrute en grande partie
parmi les vagabonds, les joueurs, et tout ce qui forme la lie
de la societe. Elle a pour but le renversement de la dynaslie
tatare.
On ne peul nier que les arts mecaniques ne soient pousses
a un haut degre de perfectionnement en Chine ; mais ce per-
feclionnement est moins le resultat d'un progres scientilique
que de l'experience lente et laborieuse des siecles ecoules. La
maniere dont les Chinois fabriquent les soieries, le lustre qu'ils
leur donnent, 1'eclatet la duree des couleurs, l'emportent sur
les notres, mais ce n'est point grace a des procedes secrets ou
particuliers. M. Dobell, qui assista a la teinture de diverses
etoffes, ne vit pas employer d'autres mordans que les plus con-
nus, et les plus en usage en Angleterre. Le brillant des cou-
leurs tient a une pratique exercee de l'application des mordans,
C,:,, LIVRES ETRANGERS.
••i ;, certames influences du climat : parexemple, on teini, et on
met srchcrlcs soiea an moment 01^ regno le rent du nord^qu'on
nomine pak fung, depuis lo fm de septembre jusqu'au com-
mcncemenl d'ostobre. Ce vent a dos efl'ets si remarquables.
et se fail scnlir si vile, que, s'il commence a soufllerdans la
unit, lorsque lesporteset les fenetres sont fermees, i'extcdmc
secheresse de I'air penetre partout; les meubles et les plan-
oherscraquentavecun bruit pared a 1'explosion d'un pislolet.
Si les planches ont ete posees en etc, par un tems humide,
ellesse lVndent, et s'onvrcnt d'un ponce an moins. Le pak fung
est aussi trcs-favorablc a I'emballage des marchandises, et les
Chinois rattendent avec impatience pour embarquer le the,
les soieries, et en general tout ce qu'ils exponent : ils preten-
dent qu'il detruit et absorbe complelement tout germe d'hu-
midite, etque les soies tcintes, qui ont ete secheesa cevent, se
piquent 011 se tachent rarenient, outre qu'elles conservent jus-
qu'a la fm la meme vivaeite de couleur. « Ce peuple est onrlin
a toute especede sensualites ; il aime les images indecentes et
les ecrits fibres, et no se fait nul scrupule de pousser l'amour
du plaisir jusqu'a un exees criminel. Les representations tliea-
trales sont souvent d'uue grossierete choquante, quoique les
femmesy assislent, et paraisscnt y prendre un vif plaisir. »En
general, dans les amuscmens comme dans les occupations gra-
ves, dansleur formidaire de politesse, on la forme remplace le
fond, ilya,chez lesCliinois, un melange de niaiserie, de licence
et de gravite, qui denote Hne civilisation vieillie et maladive. On
diraitque tout s'est efface derriere ce terne et insipide vernis,
et que la pensee et Tame se sont enfuies pour faire place aux
convenances et aux sotles regies de l'etiquette. Void entre
beaucoup d'autres one de leurs traditions caracteristiques sur
1'originedes lettres en Europe : « Un Chinois qui avait accou-
tumc de se promener en lisant s'enfonca unc fois dans un
boisou il s'arreta pour se reposer. Jl mit son livre prcsde lui,
et s'endormit. Un pen apres il s'eveilla, retourna chez lui, el
oublia le volume, qui resta la plusieurs annecs, lombant en
poussicre, a l'exception de vingt-quatre caracteres, qu'une
pierre recouvrait. Un singe retrouva ce lambeau, et, ne pou-
vant le lire, le porta aux Europeens, qui en firent la base de
leur pauvre et chelif langage. »
M. Dobell donne aussi de eurieuses parlicularites sur la Si-
bcric et le Kamschatka. Ce dernier pays se depeuple de jour
en jour, et pourtant le sol y est productif, susceptible de cul-
ture; et, < omme position, il avoisine les contrees les plus ri-
ches et les plus populeuses du globe. I isulTii de dix a donze
<:HANoi:-miKTA<;Ni:. 671
jours (le trarersee pour aborder anx ilcs du Japon : trente ou
qiiarault; jours pour se rendre aux iles Sandwich, a Macao,
aux Philippines; et de deux mois au plus, pour atteindre la
cote nord-ouest de l'Amerique. L. Sw.-B.
■ 80. — * On financial Reform, etc. — De la Reforme des Fi-
nances, par Henry Parkell, membre du parlement. Londres,
i85o; Murray. In- 12 de 5oo pages.
Les connaissanccs economiques sont loin d'etre generale-
ment repandues dans le parlement d'Angieterre. La, comine
ailleurs, les anciens prejuges de la balance du commerce ont
de protbndes racioes qui ne cederont qu'a Taction du tems. II
faut que les generations se succedent, et que de jeunes es-
prit*, plus diverts aux inspirations de la raisori, adoptent pour
regie de conduite des principes fondes sur des lumieres plus
sGres, sur une etude plus rigoureuse de la nature des choses.
L'ouvrage que nous annoncons ici est le fruit des dernier*
progres de l'economie politique. Sonauteur fait partie dc cette
minorite eclairee du parlement britannique dont l'influence
augmente tous les jours, et aux efforts de laquelle l'Angleterre
doit deja un assez bon nombre de bonnes lois, plus de liberie
conmierciale et une diminution notable dans les depenses pu-
bliques et le montant de la dette. II est triste que nous augmcn-
tions la notre a mesnre que celle de nos voisins diminue !
«Quand on considere, dit l'auteur (page 74)? a'un co*e 'es
avantages (|ue toutes les nalions auraient trouvcs si Ton avait
laisse les manufactures el le commerce suivre leur cours na-
ture!, c'est-a-dire si Ton avait laisse les nations se pourvoir de
ce qui leur convenait au meilleur marche ; et quand on con-
sidere de l'aulre cole les guerres et les frais occasioned par
le systeme qui a pourbut deproteger I'industrie par des droits,
on ne peut eviter cette conclusion que les homines d'Etat qui
ont invente ce systeme, et ceux qui le souliennent encore,
sont les plus grands ennemis du genre humain et de la civi-
lisation. »
Comme dans cet ouvrage les bons principes de l'economie
politique marcbent toujours appuyessur des fails, ils s'y pre-
sentent avec une force irresistible; et les nombreux tableaux
reunis par M. Henry Parnell le rendent exlreniement preeieux
a toutes les personnes qui s'occupent de ces matieres. Les
economistes francais qui veulent se tenir au courant des fi-
nances, des bonnes mesures prises par l'Angleterre dans ces
qninze dernieres apnees, et aussi des sottises de quelques-
uns de ses homines d'etat, trouveront ici une ample matiere
a lent* speculations. J. B. S.
(>;?. LIVRES ETRANGERS.
181. — * Memoir of the Life and public Services of sir Thomas
Stamford Raffles , etc. — Memoires sur la Vie et les Services
publics de sir Thom. Stamford \\. v ffi.es , cx-gouvcrncur de
Java en 181 1-1816, et de Bencoolen ct ses dependances, en
1817-1824; suivis de details sur le commerce et les ressour-
ces de l'archipel oriental. Londrcs, i83o; Murray. In-4° de
820 pages, public par la veuve de sir Thomas Rallies.
182. — *T/ie Li fe of 'Major-general sirThomas Munro. — Yiedu
major-general sir Thomas Munro, Baronnet, ex-gouverneur
de Madras; avec des extraits de sa correspondance et de ses
papiers ; par le reverend George. Gleig. Londres, i85o; Col-
bnrn et Bentley. 2 vol. in-8°.
Ces deux homines, qui ne durent qu'a leurs talens le rang
eleve auquel ils parvinrent, avaient de singuliers rapports de
gofitset de caractcre. Egalement doues d'une iirae energique,
d'une volonle forte et independante, d'un esprit ohservateur,
il fallait a leurs facultes nn champ vaslc, des creations a i'aire,
nn pays neuf, et surtout il leur lallait etre a uneassez grande
distance de 1'autorite superieure pourqu'ils pussent se (igurer
parfois agir seuls et pour leur propre convpte. Places imine-
diatement sous la main de la compagnie des Indes, ils n'eussent
etc que des agens dociles et secondaires , tandis que, loin
d'elle, ils purent agir avec liberie, et d'apres leurs propres
observations sur la contree et ses habitans. Sir Thomas Raffles
alia memc si loin qu'il inspira de la jalousie, sinon de la me-
fiance aceuxmrmesqui jugeaient indispensable de l'employer.
II prit heaucoup sur lui ; a Java, il vendit les terres de la Com-
pagnie sans la consnlter ; il introduisit des reformes, et adopta
desmesuresquitendaient peut-etre plusaaflermir la puissance
britanniquc que celle de la Compagnie. Ses mesures politi-
ques a Sumatra lui attirerent la censure des directeurs, par-
ticulierement l'emancipation des esclaves, ainsi que l'etablis-
sement d'une station pour 1'abolition del'esclavage, actes qu'il
fit sans autorisation, et qui etaient direcleinent contraires anx
interets qu'il etaitcharge de soutenir. Mais il ctaittrop enthou-
siaste des theories dubien public, trop zele pour la justice, il
avail lecoeur trop chaud, et la tete trop 1'orte pour se resigner
au role de suballerne, surtout dans une sphere eloignee de
quinze mille milles du siege du pouvoir. Puis sa carriere
avait ete plus administrative que militaire; il echappait a celle
subordination despotique, sous laquelle Munro s'etaitde bonne
heure accoutume a plier. Aprcs avoir aid<* a la reduction de
Java, en 1809, '1 ml charge de toule l'administration de cette
ilc. dont il a donne la meillcure histoirc qui existe. lnl'atiga-
G R A N D E-B R ET A GN E. f >7 3
ble Jans ses recherche.-, il ne faissa euhftpper auciuie occasion
d'etudier le pays, ses res'sources", ses productions, et de ga-
gncr la confiance des naturels. II fit beaucoup de hien, mais
la Compagnie, qui tient pins a honneur de se faire craindre
qu'aimer, lni snt peu de gre de tant d'innovalions salutaires,
et lni (it quitter Java ponr Bencoolen. Sa sante etait alors si
delabree, qn'avant de se rendre on ses nouvelles fonclions
l'appelaient, il vint faire 1111 voyage en Europe, dans Pete de
1 8 16. II avail a coeur de se disculper auxycux de la Compa-
gnie, et d'exposer an grand jonr tonte son administration.
Mais il ne renssit point pies dn conseil. Cependant, on voulut
bien luiaceorder le merite.de ses bonnes intentions, mais sans
approuver aiieune de ses mesures. Malade, el degoute de ces
injustices, il fit une tournee sur le continent, el ne consentit
u repartir pour les Indesqu'au bout do plusieurs annees. II ar-
riva a Bencoolen, dans Pile de Sumatra, d'ou il ecrivait : « Ce
lieu est, sans contredit, le plus miserable que j'aie jamais vu,
Je ne puis vous donner une idee de la desolation qui m'en-
vironne. Un gonvernement detestable, une foulc d'obstacles
qui tiennent aux localites, enfln, des tremblemens de terre
repetes, out si bien fait, que nous n'avons pas, a la Iettre, oi'i
reposer nos teles, ni de quoi satisfaire a la (aim. Les routes
sont impraticables : les senders fiayes dans la ville, couverts
de ronces etde mauvaises herbes; la maison destinee an 5011-
Arerneur est un repairc de chiens affames, de chats-fouins, de
corbeaux, etc. » Plus tard, en penetrant dans I'interieur, il y
trouva la population tellcment miserable, et le pays si inculte,
qu'il sedecida a y camper pour surveillerlui-meme lestravaux
qu'il avait ordonnes, entre autres le defrichement des parlies
de la foret qui servaientd'asile a une quantite innombrable de
betes feroces. Un villageois lui dil que son pere et son grand-
pere avaienl ete emportes par de^ tigres, et il y avait a peine
une famille qui n'eut perdu ainsi quelques-nns de ses mem-
bres. « Les habitans semblaient pre>quc resignes a la perspec-
tive de ce genre de mort, et ne prenaient que peu on point de
precautions pour s'en garantir; ils croient a la transmigration
des ames , et appellent ces animaux leurs drnes ou grands-
peres. Sur les bords d'une des rivieres de la cote, plus de cent
personnesavaient ete devorees par les tigres 1'annee d'avant :
quand il s'en presente un a l'entree d'un village, on s'em-
j resse de Iui placer sur son passage du riz et des fruits, dans
1'espoir qu'il se con>enlera de I'offrande, et passera outre sans
faire de mal aux homines. Dememe,pour la petite-verole, des
«[u'elle se manifeste dans une maison , on y porte toute espece
t. xr.vi. ivi^ i85o. 4"
g:, livres Strangers.
do presens, a(in d'apaiser le mauvais esprit. » En general, les
Indiens neluttent pascontre lemalhcur; ils l'acceplent comme
necessite, et mettent dans leur resignation buaucoup phis de
Constance el de force qn'il n'en faudrait pour preveuir ou
repousser le mal. C'est, du reste, nne race inoffensive, sobrc,
passionnement attachee a ses antiques coutumes, et capable
d'energie pour conseryer, mais jamais pourdefendre. Bencoo-
len, quoique l'nn dcs premiers etablissemens de la Compa-
gnie, etait devenn avec le terns, le Botany-Bay de l'lnde. On y
deportait chaque annee nn certain nombre de criminels. Le
principal revenn dn gonvernement consistait en impots sur
les jeux et le combat des coqs. Le pays produisait du poivre
assez abondammenl ; mais le systcme de tra\ aux forces qu'on
avait adopte pour la culture etait si radicalement vicieux, que
le produit de la rccollese maintenait fort au-dessous des frais.
Nolle part sir Thomas Raffles n'eut trouve plus de maux a
combattre, plus d'utiles re formes a faire. II se mit a l'ceuvre
de toute sa puissance, emancipa les esclaves, abolit les cor-
vees, introdiiisit un nouveau plan de gouvernement, et seren-
dit si populaire parmi les naturels, qu'un vieuxchef, etantvenu
de fort loin pour le voir, lui sauta au cou'et le quittaen pleu-
rant comme un enfant. Cette epoque fut, sans contredit, la
plus heureuse de sa vie : il jouissait du bien qu'il avait fait a
un peuple reconnaissant , et il avait pres de lui sa femme et
sa famille. Mais, son bonheur dura pen; snr quatre enfans,
il n'en put sauver qu'un des ravages du climat : encore fallut-
il se resoudre a s'en separer, et a l'envoyer en Angleterre. La
sante de lady Raffles declinait rapidement : en 1823, il obtint
la permission de partir, et s'embarqua sur le vaisseau La Re-
nommee, qui devait le ramener dans sa patrie. Ils etaient a peu
de distance de la terre lorqu'un violent incendie e data a bord.
Le gouverneur et sa femme furent sauves, non sans peine;
mais le premier y perdit ses papiers, ses dessins, toutes ses
notes, ses observations, les matcriaux rassembles a grands frais
pour une bistoire complete et detaillee, non-sculement
de Sumatra, mais de Borneo, et de toutes les iles remarqua-
bles de ces mers. D'immenses collections d'objets d'histoire
naturelle, des cartes, des dictionnaires, des recherches ma-
nuscrites sur les langues d'Orieat, furent enleves aux scien-
ces par cette catastrophe; et celui qui avait passe sa vie a ac-
querir ces tresors, et pour qui la perle etait irreparable, en
parle avec une resignation extraordinaire- dans une letlre da-
tec de 1824,011 il raconte ce desastre, et qui fut publiee dans
lesjournaux anglais, peu de temsapres reveneinent. II remit
GRANDE-BRET AGiNE. 6;5
ii la voile, et arriva en Angleterre an mois d'aout. Quoiqu'il
n'eQt que 4^ ans, le climat ties Indes, ses rudes travaux, et
son infatigable activite, avaient triomphe d'une constitution
originairement tres-robu?te. il n'eut plus que de courts inter-
venes de bien-etre, dont il profita encore pour fonder la so-
ciete et les jardins zoologiques, l'undes etablissemens les plus
utiles et les plus curicux de Londres. Sa veuve a reuni plu-
sieursdes papiersqu'il a laisses, et une grande partiede sacor-
respondance dans le volume que nous annoucons : comnie
elle ne l'a pa? quitte, elle a pu y joindre des details interessans
sur le pays qu'ils out habite ensemble, et snr son administra-
tion. Peut-etreeut-il ete mieux dedonnerii ces Memoires une
forme plus populaire, et d'en mettre le prix a la portee de
presque toutes les classes de lecteurs.
La vie de sir ftlunro a surtout rapport aux guerres soute-
nues par la Compagnie et aux traites qui en furent la suite;
il debuta d'abord, comme enseigne, dans la campagne contre
Hyder-Ali, de 1780 a 1784- Promu au grade de lieute-
nant, en 1786, il se fortifia dans l'etude du persan et de
l'indou. En 1790, lors de Parmement du celebre Tippoo,
«t de sa premiere declaration de guerre a la Compagnie,
M. Munro prit part aux bostilites, et assista meme a la
cbute de Bangalore. En 1792, il passa de Parmee a l'admi-
nistration, ayantete nomme assistant du capitaine R«ad, an
departement des revenus, et charge particulierement du dis-
trict de Baramahl. Plus tard, il fut envoye a Canara pour re-
gularisercette nouvelle possession, que la seconde guerre con-
tre Tippoo avait assuree a la Compagnie. II fut ainsi grand
organisateur de la plupart des nouveaux territoires conquis,
et il y deploya une severite plus militaire que civile. Son de-
voOment aceux qui l'employaient retrecit souvent sa justice;
cependant on ne peut lui reprocher d'actes de cruaute : c'e-
lait un administrateur selon le cceur desdirecteurs du conseil,
et un habile homme de guerre. L'expedition contre les Mah-
rattes lui valut le rang de colonel , de general de brigade, et
enfin, de major-general. Bien qu'il fut revenu en Angleterre,
en 1819, avec la ferme intention de ne plus relourner dans
lTnde, et de se reposer de ses fatigues, sa nomination a l'em-
ploi de gouverneur de Madras ranima son ambition, et il
trouva la force de repartir. La guerre des Birmans fut pour
lui une nouvelle occasion de se signaler. On reconnut ses ser-
vices en Ic nommant baronnet ; et Ton assure, que lors du rap-
pel de lord Amherst, on le designa pour succeder au gouver-
neur-general. Ce fut dans Pete de 1827, qu'allant visiter ua
ti;(> LIVRES gtrangers.
lien i i ) l'i ■ - 1 1- du cholera-morbus, il succomba ace thai terrible,
rlont il ressentit les premiere's attcintesaneufheuresdumatin,
et dont il mo unit ;'i neuf hcurcs du soir lc metne jour.
"Oc meiiie que sir Thomas Raffles, il avait conserve de fpais
souvenirs d'enfance, et de profondes affections de famillc, qui
reposent l'amc et repandentdu charme sur unc vie, d'ailleurs
si constaniment et si peniblement oecupce.
L. Sw.-Belloc.
RUSSIE.
i85. — Lettrc r/cTtJTTJNDJU-oGLOu-MousTAFA-AGA , veritable
philosophe turc, a M. Thadde'e Bitlgaiupje , redacteur de Y A-
beille da Nord ' ; traduite du russe et publiee avec mi savant
commentaire , par Koutloik-Fouladi (pscudonyme) , ci-dc-
vant ambassadeur de la cour de Boukhara a Khiva (l'aucienne
Germanie) (1), actuellement marchand d'abricots confits de
Samarcande , et litterateur. Sainl-Petersbourg, 1828; imp.
de N. Gretsch. Broch. in-8° de j5 p.
Cette letlre, dont 1' original, en langue russe, a paru vers la
fin de 1827, dans V Abellte da Nord, journal dirige a Saint-Pe-
tersbourg par MM. Gretsch et Boulgarine, et dont une pre-
miere traduction, autre que telle que nous annoncous ici , a
etc publiee a Moscou, dans le Bulletin da Nord, recueil fran-
cais , presque enticrement redige par M. Lecoiute de Laveau
(cah. de levrier et de mars 1828) , a fait beaucoup de bruit en
llussie, et a ete un sujet de scandale pour les orientalistes de
tous les pays. Elle est de M. Senkovsky, auteur d'un Supple-
ment a I' Histoire generate des Huns, des Turcs et des Mogols, qui
a ete l'objet d'une critique severe de la part dc M. de Ham-
mer, dans les Annates de Lilterature, de Viennc (J ' ahrb'ucher der
Litcratur, xxxix band). L'autenr censure prend a son tour sa
revanche, en relevant sans pitie une foule d'eneurs que, se-
lon lui , M. de Hammer aurait commises, dans son ouvrage
sur les Originesr asses (2). Le ton de plaisanterie, quelquefois
(1) L'analogie entre Kliiva et l'ancienne Germanic, qui est donnee ici
cominf unc plaisanleiie, parait avoir etc presentee comme serieuse par
M. de Hammer, qui, dit t'autewr de cette lettre (p. 43) « nesedoutant
pas que Kliiva, ou l'aucienne Ourgucnc/j, s'appelle en arabe Djordjanii,
au lieu de ce mot, a hi Djurmania, el a proclame solenneileincnt la de-
couverte de la pa trie primitive des Alleniands. »
(2) Sir les Uridines ritsscs, Extraits de manuseiits orientaux, adresses
a M. le comte A. de Itointmzo/f, chancelier de I'empire de Russie, dans
une suite de lettres, depute 1'an 1816 jusqu'a l'an 1S25, par M. J. df
Hammer. 1 vol. in-4°. Saint-Petershourg, 1827. Se trouvc a Paris, chex
Dondey-Dupi e ; prix, 9 fr.
RUSSIE. r,;;
assez heureuse, qui regne d'un bout a ['autre dans coitc let -
tre, ne doit pas etre une raison pour nous dc la passer sous
silence, ou de la Iraiter legcrement. II y a un cote serieux,
tres-serieux dans cette polemique ; elle prouvcrait, si M, Seu-
kovsky a raison, et si toutes ses critiques sont bien fondees ,
qu'avec un nom celebre on peut abuser de la confiance des
lecteurs, et leur donner pour dc la science les resultats d'une
etude fort peu consciencieuse, ou du moins fort peu echirec ;
ou , si les critiques de 31. Senkovsky sont injustes, que les
petites jalousies et les petites rivalites etouflfent trop souvent
tout sentiment de justice et de veritechez eetix qui cultivent
les sciences, dont le but general devrait etre avant tout la re-
chercbe de la verite.
Nous passerons rapidemenl sur les^vingt premieres pages
de la lettre de 31. Senkovsky, consacrees a etablir 1'origine et
l'liistoire du philosop/ie lure dont il a pris le nom, et a racon-
ter comment, de marchand de (abac a Jaffa, il est devenu
marchand de savon a Saint-Petersbourg. L'an 1206 de la fuite
du prophete, dit-il, le pacha, ayant besoin d"argent, lit ramas-
ser, dans le desert, une provision d'alcali, par les Bedouins,
avec lequel il fit fabriquer une enorme quanlile de savon,
qu'il distribua ensuite aux plus riches habitans de ia province,
avec Tordre d'en verser le montant, sans dclai, dans sa caisse.
« Du nombre de ces derniers, ajoule-t-il. fut aussi mon pere,
a qui Ton envoya i4>ooo rattles (livres) de cette utile sub-
stance, pour laquelie il dut payer sur-le-ehamp 10,000 abod-
mcdfda (piastres fortes d'Espagne). »CeIui-ci ayant voulit faire
de tres-humbles remontranccs an pacha, son I'lquile donna
aussitol l'ordre de 1'etrangler. Le tils, auquel on ue laissa dc
toute la succession de son pere, que les i/|?ooo rattles de sa-
von, prit le parti de venir les vendre en Russie. Nous n'avons
cite ce passage, que pour avoir occasion de signaler tin nou-
vel exemple de la tolerance de la censure russe, qui a permis
a l'auteur d'imprinier la remarque suivante (p. 8) :«Plusieurs
de nos pachas font un commerce a peu pres semblable, et Ton
m'a dit qu'il y a quelque part une contree , oil ies seigneurs
partagent absolument, de la meme nianiere , Teau-de-vie a
leurs serfs. » Or, cette remarque s'appli(|tie bien directement
a la Russie , ou le gouvernement s'est reserve le monopole de
l'eau-de-vie de grains, Jontie peuple fait un usage si frequent
et si funcste, et dont la vente est afferinee tous les an? par !a
couronuc, dans chaque province, au plus offrant et dernier
encherisseiir.
Veiiant a l'objet dc sa critique . 31. Senkovsky dit posiljvc-
«;8 LIVRES ETRA1NGERS.
mcnt, (p. 21), que :« Prcsque chaque ligne des traductions
de M. dc Hammer (de l'arabe, du persun et du turc) est
remplie d'erreurs, d'inexactitudes etde meprises si graves et
souvent si risibles, qu'elles sortent de la categorie des incor-
rcclions pour lesquelles un auteur peut reclamcr et obtenir
l'indulgence de ses lecteurs benevoles. » Entre autres erreurs
qu'il releve , nous eitcrons le mot arabe ikhtiar, qui signifie,
selon M. Senkovsky, libre arbitre, volonte , opinion, et dont
M. de Hammer (p. i3, des Origines russes ,) a fait un nom
propre d'homme; lc mot mounfeshian (qui va en s'elargis-
sant) , dont il a fait un peuple, les Mounfcslias. C'est ainsi ,
ajoute le critique, qu'on voit figurer dans l'ouvrage de M. de
Hammer, les Tamlessans, les Andjars, les Schefnans , les
Bourghaz , les Esroussiyds , les Ssafers , les Ssakars , les
Aslians, les Gharans, les Kholeks , les Mouharikas , les Bir-
kcts, etc. , tons peuples d'origine grammatical, et nes sous la
plume de M. de Hammer. » Plus loin (p. 3o) , nous trouvons
quele celebre orientaliste de Vienne a ecrit (p. 44) ? que« lej
Turcs sont un peuple nombreux , et que leurs especes sont
sans nombre ; que les uns demeurent dans les deserts et dans
les plaines, et les autres monlent sar des cbam'enux. n « On lit
dans le lexte persan, dit M. Senkovsky : Der djebtd niscliinind,
c'est-a-dire lis siegent (ou ils demeurent) dans les montagnes;
mais le savant orientaliste a mal demele le mot djcbal, monta-
gnes, et il y a substitue djimdl, cbameaux, et, par ce cbange-
nient d'une seule lettre, cela signifie en effet que les uns liabi-
tent Us plaines, et les autres siegent (ou demeurent) dans les
ehaineaux.nPlus loin, enfin (p. 54), le critique rapporte ce
passage, traduit par M. de Hammer (p. 38, art. des Russes) :
« Leurs maisons sont de bois ; on y porte du lin et du Kundus
(nom d'une berbe). Ils out de grandesvilles, ou ilyadeflierbey
du Hadnik, des cours. » Et, au lieu, de cela, il y a dans l'origi-
nal, dit M. Senkovsky :« Leurs maisons sont en bois. C'est
de tear pays qu'on nous app^rte du lin et des peaux de castor.
Leurs grandes villes sont Kidw ( Kiovie, 011 Kief) , Tchernig
(Tchernigof), Kharka (Kbarkof) , etc. Ainsi, nous avons vu
tout a l'heure que M. de Hammer avait piis des noms com-
muns pour des noms propresde peuples; maintenant,il prend
des noms de villes pour des noms communs. » « Le livre,
ajoute le critique, est traduit presque en entier de la meme
maniere , et il serait impossible d'y trouvcr trois Iignes de
suite qui puissent soutenir un examen. »Aprescela, fiez-vou»
aux tresors d'une erudition dont les possesseurs seraient en-
coi« pbif rare.« et pbu dis<emine5 que ne le sont le? orienta-
RUSSIE 679
listes de l'Europe (1). Tant qu'ils s'entendront pour exploiter
notre credulite, nous pourrons estimer leurs enseignemens a
Pegal de Tor le plus pur; qu'un motif de haine ou de jalousie
les divise, nous n'aurons plus que de la fausse monnaie.
Mais le point le plus important de Pouvragede M. de Ham-
mer, c'est celui ou il cherche a prouver Porigine asiatique et
turque des Russes et des Slaves, puisque c'est la l'ohjet avoue
de son travail. Que devient ce travail, s'il est prouve qu'il
s'est trompe a cet egard, comuie nous venons de voir qu'il Pa
fait dans les exemples que nous avons deja cites d'apres son
critique? Or, selon M. Senkovsky (p. 12), la plus grande
preuve sur laquelle M. de Hammer fonde son opinion a cet
egard serait un verset du Goran, « dans lequel il est parle, dit-il,
deje ne sais quels Asshab-ar-Ras, expression qui signifie litte-
ralement les gens de Ras. Les uns, poursuit-il, ont assure
que ar-Rass etait jadis le nom d'un lieu en Arable; d'autres,
plus savans, ou peut-etre plus ignorans, ont cru y voir Pap-
pellation du fleuve Arras ou Araxe ; mais personne n'avait en-
core imagine qu' A sshab-ar-Ras put designer les Russes. » —
« Pour etablir l'extraction asiatique et turque des Russes et des
Slaves, dit plus loin M. Senkovsky (p. ^5), M. de Hammer
fait des rapprochemens tout-a-fait ingenieux. II ne doute pas
que les Sacae, dont parle Herodote ne soient les memes que les
Slaves, nommes en arabe Sakaiib. Or, vous savez, ajoute-t-il,
que Sakaiib est un plurielarabedu mot Saklab, forme par cor-
ruption d'un terme grec Sklab, Sklar, ou St/ilav, pour Slav.
II faut avouer que la ressemblance des mots Sac et Slav est
parfaite. » Passant aux Russes (p. 49)? le critique rapporte le
passage de Pecrivain arabe JMessoudi, sur lequel M. de Ham-
mer, dit-il, « fonde tout son systeme de Porigine asiatique de
cette nation scandinave. »I1 met en regard la traduction de
Porientaliste de Vienne, et la sienne, entre lesquelles on re-
marque les plus grandes differences. Arrive (p. 5/j), a Pen-
droit oil Pauteur arabe montre« la posterite d'Aabour (fds de
Souveid, fds de Japhet, fils de Noe) , apres avoir passe le
fleuve de Balkh (ou POxus), se dirigeant, pour la plus grande
partie, vers la Chine, et s'y dispersant dans les differentes
(1) On peut consulter a ce sujet dans le Bulletin des Sciences hisloriques
et de Pliilologic (cahier d'aviil i83o. p. ^0.5) nn article curieux, ou l'auteur
met en regard plusieurs motsfranraisavec la traduction wolofe, ouolofe,
ghiolofe, ou yolofe, de deux auleurs qui ont ecrit sur colte langue,
MM. Dard et Roger, sans qu'il y ait la moindre analogie entre eux, du
moins dans cetle partie de leur vocabulaire.
68o I.I MILS STRANGERS.
contrees qu'elle Bnil par peuplcrj »M. Senkovsky ajoulc :
ii C'esl de cetle branche que descendentlesKhouttels, indige-
nes (In Rhouttclan, les Ourmitans, les habitans de la ville
d'Ousrouschnd, et les Sogdiens, etablis cntre Samarcande el
Boukbara; o Phrase quo M. do Hammer traduit ainsi , de son
c6te : « De leur nombre sonl ccux qui habitent le Khatlan, les
Romessan, les Esroussiyes (Russes) et les Ssafcr (Ssakar?)
qui demeurent entre Samarcande et Boukbara. »
« Voifd vos Russes d'Asie ! s'ecrie le critique. C'est le nom
de la fameuse ville d'Ourqusckne, si celebre par sa oavcrne de
selammoniaque, etappelee plus tafd Ouratepe^qaeM. de Ham-
mer lit Esroussiye ; et, prcnant ensuite cetle Esroussyejtour la
Russie, il vous fait voir elairement, que les Russes jouaient
mi rule important en Asie, aux bords du Sir-Deria, bien
avant les terns historiques. » — « Allons, ajoute 31. Senkovsky,
hosch gueldiniz! sefa gueldiniz! Embrassez-vous, bons vieux
voisins, les Russes de la Grande-Bukbai ie avec les braves AI-
lemands de Khiva (voy. la note premiere ti-dessus) ! Vqus
devez cultiver votre anciennc ami tie, foridee si solidement
sur deux fautes d'orthographe ! »
Nous avions pense, jusqu'a ce jour, avec M. Senkovsky
(p. 5g), et d'apres tous les bons autcurs, « que les Slaves ap-
partiennent essentiellement a la race europeenne, qu'ils ne
figment qu'une des quatre brandies de la grande famille oc-
cidental, dont les trois aulres sont les Germains, les Greco-
latins et les Gaulois ; que toutcs ces branches parlent aussi des
langucs qui viennent d'une source commune, mais qui fer-
ment en meme terns un contraste parfait et presque systema-
tique avec les idiomes d'Asie, non-seulement par rapport a la
structure des mots et des syllabes, mais encore quant a la
maniere d'artieuler lessons, al'emploi des organes, au genie
particulier de ces idiomes, et jusqu'a I'ordredans lequel ilsre-
produisent les idees; que cette famille occidcptale se distin-
gue de plus detoutes les autres races humaines par des signes
caracteristiques, naturelset ineffaoables,descheveux blonds et
des yeux bleus. »Nous ajouterons, avec le critique de M. de
Hammer, « qu'elle a fort bien pu venir de l'Asie, avant 011 aprcs
la formation des nations asialiques que nous connaissons au-
jourd'hui; »mais, « comme on ne sail ni quand ni comment
elle est arrivee en Occident, »nous pensons aussi que,« il est
plus raisonnable de ne pas en parler, »que « Ton ne lei a jamais
de l'histoire avec de l'etymologic et des hypotheses, »et nous
croyons, enfin, que M. Senkovsky a demontre jusqu'a Fevi-
dence,quecellesde M. de Hammer sont, sinon deuueesdetoute
RUSSIE. — ALLEMAGNE. 681
espece tie fondemenl raisonnable, au moins exlrememcnt ha-
sardees.
IN ous e'en eonelurons pas, avec M. Senkovsky, que tons
lesouvages du celebre et fecond orientaliste de Yienne ne me-
ritent pas plus do rreance que celui-ci; mais nous en tirerons
cette nouvelle preuve, qu'il ne faut pas prendre a la letire
toutes les opinions et toutes les assertions de nos philologues
et de nos etymologistes, et que ees deux sciences, la derniere
surtout, sont au moins aussi conjecturales que Test encore
malheureusement celle de la medecine, malgre toutes les de-
couvertes et toutes les nouvelles doctrines de nos modernes
Halle (1). E. H.
ALLEMAGNE.
184. ■ — * Phi tipp Melancht/ion's JFerke, etc. — Choix dea
oeqvres de Philippe Melanchthon, publie par le Dr F. A.
Koethe. irc et 2e parties. Leipzig, 1829$ Brockhaus. In-8°.
K L'un d'eux, assis a la droite du president, etait d'une sta-
ture peu apparente : son oeil etait habituellement baisse avec
l'expression de la modeslie, presque de la timidite ; mais,
Iorsqu'il 1'elevail, on y voyait briller un feu qui decelait a la
fois la penetration et l'imagination. Son spurire avail quel-
quefois une nuance d'ironie, mais sans mechancete aucune :
tout chez lui annoncait la bienveillance : ses maniercs di-
saient qu'il etait toujours pret a apprendre des autres, mais
son Ian gage prouvait qu'il etait ne pour enscigner. C'elail.
sans contredit, l'esprit le plus cultive de l'assemblec, et il
occupait un des premiers rangs comme savant ainsi que
comme reformatcur. Aimant a parler sans elre indiscret, in-
dulgent sans faiblesse, plein de sagacite sans siibtilite, enjoue
sans etourderie, erudit sans orgueil; grand par son intelli-
gence, plus encore par son activite, grand surtout par la
crainte de Dieu : ce ne pouvait etre que Philippe Meknch-
thon. »
Ce portrait (2) , qui fait faire si bien connaissance avec
l'homme, fait aussi connaitre parfaitement le caractere de ses
ouvrages. Une moderation qui n'exclut pas la fermete, une
erudition qui n'exclut pas la finesse d'esprit et les ornemens
du style, voila ce qu'on j rencontre toujours : ils sont, d'ail-
(1) Nous pailerons dc la reponso de M. de Hammer dans nctie pio-
chaio cahier.
(2) Ilestextrail d'un morceau du docteurCox, in sere dans uu lecucil
anglais : The Iris, a literary and religious offering.
68a LIVRES STRANGERS,
leurs, un monument historique duns lequel on peut etudier
micnx que partout, peut-etre, les debuts religieux de son
epoquc. La plus ancienne edition de Melanchthon est celle de
1 56 1 ; la plus complete, dit-on, eelle de 1601, publiee a Wir-
temberg par son gendre, Gaspard Peuccr , en 4 vol. in-folio.
Les collections de ses ceuvres latines sont encore assez nom-
breases , mais il n'y en a aucune de ses divers eci its en langue
allemande. — L'edition que fait paraitre en ce moment le
libraire Brockhaus ne sera point complete, mais composee
d'un choix destine a 1' usage general des protcstans; elle aura
six parties (cent feuillcsd'impression), necodtera que athalers
8 gros ( environ 8 fr. 5o c. ) , et se joindra naturellcment au
Choix des ceuvres de Luther, public a Gotha par le libraire
Perthes. — Cette publication acquiert. en ce moment un nou-
veau degre d'interet par la solennite du Jubije evangclique
qui a dO etre celebree le 25 juin dernier , anniversaire de la
presentation a l'empereur Charles -Quint de la Confession
d' ' Augsbourg. H. C.
i85. — * Grundsatze der Civil- und Criminal -Gesetzge-
bung, etc. — Traite de Legislation civile et penale, par Jeremin
Bentham, traduit en allemand sur la seconde edition, et aug-
ments d'une introduction et de notes, par Frederic-Edouard
Benecke. Berlin, i83o; Amelang. a forts vol. in-8°.
II nous a toujours paru fort singulier que les ouvrages de
Bentham, jouissant depuis trente ans environ d'une si grarxle
popularite en Angleterre, en France, et surtout dans le Nou-
veau- Monde , soient restes jusqu'ici presque entierement
inconnus des Allemands, qui, d'ordinaire, s'emparent si promp-
tement des publications remarquables des autres pays. Ben-
tham, il est vrai, est cite quelquefois dans les ouvrages alle-
mands; mais, en general, ces empunts sont meles a une foule
d'autres citations, tirees d'ouvrages bien inferieurs a ceux de
Bentham, et paraissent n'avoir pas ete puises a la source
meme. Sans doute cette espece d'oubli, ourAllemagnealaisse
l'illustre auteur du Traite de Legislation, provient principale-
ment de la faveur accordec a certaines doctrines fantastiques
qui ont usurpc, dans ce pays, la place de la saine philosophic,
et qui ont fait tant de bruit en France, depuis quelques an-
nees, quoiqu'en effet elles n'y soient connues que de bien peu
de personncs : car ces doctrines ne s'accordent guere avec les
recherches positives et fondees sur l'experience du publiciste
anglais. Mais on peut aussi signaler en Allemagne d'autres
directions philosophiques que celle de cette ecole mystique
aujourd'hui a la mode; et, comme l'a fort bien rcmarqtie la
ALLEMAGNE. 683
Revue germanique (i) , « on disait naguere la philosophic fran-
paise, on dit encore la philosophic ccossaise, mais il n'y a pas
de philosophic allemande ; rAllemagne est maintenant l'asile
et la patrie de tous les systemes passes et presens.»On devait
done s'attendre a rintroduction, en Allemagne , des idees de
Bentham, par un des savans qui suivent une direction ana-
logue a la sienne. M. Benecke s'est charge de cette tache, et
a, le premier, entrepris une traduction du Traite de Legisla-
tion civile et penale. M. Benecke est connu par la maniere
originale dont il base la philosophic sur l'analyse des faits de
la conscience. II a expose son systeme dans un assez grand
nombre d'eerits philosophiques, et principalenient dans ses
Esquisses psycliciogiques. II etait nature! qu'un ccrivain aussi
independant ne se bornat pas a donner une simple traduction
de l'ouvrage dc Bentham ; et, en effet, il y a ajoute deux cents
pages environ d'introduction et de notes, dans lesquelles il
s'occupe, d'un cote, d'eclaircir la doctrine de Bentham et de
l'elever a la hauteur d'une veritable theorie, et, del'autre, a
exposer ses propres principes philosophiques, en taut qu'ils
peuvent servir a approfondir les grandes questions traitees
par Bentham , principes qu'il s'est formes independamment
de ce dernier, et qui s'accordent pourtant sans conlrainte avec
les idees principales de 1'ecrivain anglais. — On trouve, dans
le second volume, des notices biographiques sur Bentham et
Dumont, dont Benecke a puise les imteriaux dans les articles
que plusieurs journaux anglais et francais out publics sur ces
deux hommes celebres. — Quant au style de cette traduc-
tion, il est clair, facile et adapte au genie et aux formes de la
langue allemande ; et Ton y retrouve partout cette netlete et
cette precision qui distinguent tousles ecrits philosophiques
de M. Benecke. Z.
1 86. — Zur Gcfckichtc Friedrick JVilhclm'sI undFricdrichs II ,
Kccnige von Preussen. — Pieces pour servir a l'histoire de
Frederic Guillaume I" et Frederic II, rois de Prusse; publiees
par le D' Cramer. Hambourg, 1829; Hoffmann et Campe.
In-8° de i83 pages.
Les Memoires de la princesse de Baireuth, sceur de Frede-
ric II, nous avaient deja inities dans les secrets de menage du
plus bizarre des rois, de ce Frederic Guillaume I", qui ne con-
naissait rien de plus satisfaisant pour le cceur d'un roi , que
l'aspect d'un regiment d'hommes de six pieds, bien exerce, et
qui poussait dans son palais l'esprit d'economie ou d'avarice,
(ij Janvier 1820-
<i84 LIVIUSS STRANGERS,
jusqu'a refuser le necessaire a sa famille, souveot reduitc u
tinier le sort du moindre menage bourgeois. Les pieces ii-
rees de I'obscurite par le Dr Cramer, et provenant, dit-ou, de
la succession d'uu des precepteurs de Frederic II, s'accor-
dent parfaitement avec les Mcmoires de la princesse de Prusse,
et motlent la bizarrerie du pere du grand Frederic dans mi
plus grand jour : c'est-la , a pen pres , lout leur merite. La
deuxieme piece est intitulce :« Comment nion (ils aine, Fre-
deric, fera ses etudes a Wusterbausen. » C'est une instruction
eerite par le roi. On y lit : « Le dimanclie, il (le prince royal)
se levera a 7 hemes; des qu'il aura mis ses pantouiles, il s'a-
genouillera devant le lit, pour adresser une courte priere a
Dieu, mais assez haut, pour que ceux qui sont dans la cham-
l)io pnissent l'entendre. Des que cela sera fait, il s'habillcra
vite, se lavera proprement, fera sa queue, et se poudrera ;
l'habillement et la priere n'occupcront pas plus d'un quarl-
d'heure; il sera alors 7 beures el 1111 quart. II dejetinera en-
suite en 7 minutes. Apres cela ses domestiques et Duhan (le
gouverneur) entreront, pour reciter tous a genoux la grande
priere, etc. » A l'cgard de l'enseignement , le roi avail mis en
marge du plan d'etudes qui lui avait ete propose : .« L'histoire
des Grecs et des Romains doit etre supprimce, elle n'est
bonne a rien. »Le pauvre prince royal eut bien de la peine a
salisl'aire aux exigences de son auguste pere. II lui adressa ,
en i7'.'.8, une humble lettre,, afin de savoir pourquoi il reua-
sissait si peu a contentcr le roi. Celui-ci lui repondit :« C'est
parce que vous etes entete, parce que vous n'aimez pas voire
pere; en second lieu, vous savez bien que je n'aime pas uu
drole (kerl) effemine, qui n'a pas d'inclinalions humaines,
qui montre de l'embarras, qui ne se distingue ni a {'equitation
ni au tir, qui est malpropre , qui frise ses cheveux comme uu
fat, et qui, millc fois rcprimandc, ne se corngc point; qui, de
plus, a une fierte ridicule, ne parle a personne, n'est ni po-
pulate ni affable, fait des grimaces et n'obeit jamais a ma
volonle, que lorsqu'on le force. Voila ma rcponse. Signe ,
Frederic Guillaume. »Ce nieme roi disait, dans ('instruction
donnoe aux gouverneurs de son fils :« Le principal soin des
deux instituleurs devra etre d'inculquer a mon fils I 'am our de
1'ctat militaire, et de lui (aire sentir que, puisque rien au
monde ne saurait faire a un prince autant d'honiicur que Te-
pee, il serait meprise dans le monde, s'il ne Taimail pas avanl
tout, et n'y cherchait sa seule gloire. » II parait que cette in-
struction flit suivie a la lettre, et que les instituleurs reussi-
rent assez bien ;i ijjspircr a Frederic II I'amour de fepie. I ne
ALLEMAGNE tfg;
autre piece de ce rccucil mel en tumiere Ic despolisme de
Frederic Guillaume I", relativement au cultc. En lutherien
zele, ce roi avait fort a cceur debannir du culte tout ce qui
pouvait rappe'ler les rites de l'Eglise catliolique. En conse-
quence, il proscrivil avec line rigueur presque fanatique, ou
plutot avec son despotisnie militaire de coutume, les surplis,
les cierges, les psaumes latins, etc. , a la grande desolation
des pasteurs et des paroissiens, habitues, depuis Ieur enfance,
a ces coutumes. Heureusement son fils rendit, dans la suite,
la liberte au culte, sans toulel'ois abolir entierement les ordres
arbitrages de son pere. La piece la plus curieuse du rccucil
est, ace qu'il nous parait, l'ordonnance par laquelle Frederic
Guillaiiiiie appela le comte de Stein a la vice-presidence de
l'Academie des sciences. Void le contenu de cette piece, dont
le style allemand est extrtnieaient bizarre. « Le roi enjoint au
nouveau vice-president de bien observer les conjonctions des
aslres, et de voir s'il n'y aurait pas dans le firmament un con-
cours de cometes qui pourraient meltre la terre en danger. En
pared cas, le vice-president devra en conferer avec ses colle-
gues, afin d'avber aux moyens cle remedier aux desordres qui
pourront avoir lieu; de plus, il est enjoint au vice-president
de veiller a ce que les loups-garous, les dragons volans, les
nains des montagnes, les feux follets et d'autres etres nuisi-
bles , dont 1'incredulitc vent nier l'existence, ne fassent
pas de mal ; comme ils aiment a sejoumer dans les marais, les
lacs, les fosses, les landes, le vice-president fera tout ce qu'il
pourra, afin d'extirper des etres aussi malfaisans. II lui sera
alloue 7 ecus pour chaquc monstre qu'il livrera, mort ou vif. »
Voila les occupations d'un vice-president de l'Academie de
Berlin, en ljSa, a l'epoque ou Fontenelle etait secretaire de
l'Academie des sciences de Paris ! Quelle enorme distance
entre les superstitions grossieres de Frederic Guillaume I", et
l'esprit philosophique de son fils Frederic II!
187. ■ — Rio de Janeiro wie es ist. • — La ville de Rio-Janeiro
telle qu'elle est. Ouvrage devant servir a l'histoire du jour ct
des mceurs de la capitale du Bresil ; par C. Schlichthorst.
Hanovre, 1829; Hahn. In-8°.
M. Schlichthorst fut au nombre de ces Allemands qui, du
vivant de la derniere imperatrice, se firent enroler pour le
service bresilien par l'agent que le Bresil entretenait ;i Ham-
bourg. En arrivant a Hambourg, l'auteur trouva cet agent
entoure d'une petite cour qui se composait d'un bohemien ,
tailleur de crista!, d'un ancien maitre de danse, se faisant
appeler prince Ypsilanti, et de quelques artisans mines:
686 LIVRES LTRANGERS.
M. Schlichthorst cut honte tic se livrer a cct agent ; cependant
voyant d'honnetcs Allcmands s'engager aussi, il prit courage,
et s'embarqua pour chercher fortune au Bresil. II pense que
ce trafic d'ames pour Ic nouveau monde n'est pas precisement
un mal pour 1'Allemagne , attendu que e'est un moyen de la
debarasser des mauvais sujets, en sorle que la politique est
intcressce a favoriser de pareilles expeditions. Au mois d'avril
i825 lc batiment de transport cntra dans le port de Rio-Ja-
neiro. L'auteur fut presente avec les autres inililaircs alle-
mands a I'einpereur et a I'imperatrice dans l'arsenal de la
marine. Don Pedro parut a M. Schlichthorst un bel homme.
roulant des yeux vifs, et montrant en riant de belles dents.
L'imperatrice courte et grosse, portait des bottes de dragons
avec des eperons en argent, un pantalon bleu et une tunique.
Le costume parait grotesque, mais nous le traduisons fidele-
ment. Le beau climat, la richesse de la vegetation, I'abon-
dance en poissons promettaient a l'auteur un sejour agreable;
mais il n'etait pas destine a en jouir. Une de ses premieres
aventures tut un duel , suivie d'une blessure a la jambe qui le
forca de garder le lit pendant un mois, et lui laissa une suite
de douleurs. La seconde mesaventure fut sa nomination a un
grade de simple lieutenant. M. Scblicbthorst, degoute du Bre-
sil, alia Irouver I'imperatrice, sa compalriote, pour obtenir d'elle
les moyens de retourner dans sa patrie. On lui repondit qu'on
etait bien dispose pour les Allemands, mais qu'on n'avait ni
argent ni influence. Notre auteur eut le bonheur de sauverla
vie a une jeune Creole, qu'une fusee mal dirigee, pendant un
feu d'artifice, manqua de faire perir. Suivie de ses femmes
esclaves, elie se fit accompagner chez elle par son liberateur.
On croit que l'auteur va comnaencer un reman, mais le ro-
manesque disparait bientnt. La jeune Creole est la favorite
d'un muletier, ainsi que l'atteste une petite fille, fruit de leur
union. L'auteur ne raconte cette aventure que pour nous ap-
prendre qu'au Bresil les enfans naturels jouissent d'autant de
droits ( il dit meme de plus de droits) que les enfans legiti-
mes, ce qui n'est pas vraisemblable. M. Schlicbthorst parle
avec cbaleur des belles soirees sous ce climat parfume, de l'a-
rome des fleurs, du luxe que deploient les dames dans les
grandes societes, de l'amour du plaisir qui anime les habi-
tans de ce beau pays; mais il ne cache pas le cote laid, l'esprit
vindicatif des indigenes a qui, dit-il, la piqure de millions
d'insectes envenime le sang; le sort affreux des Negres qui,
dans leur desespoir, prennent quelquefois la resolution de ne
manger que de la terre pour deperir lentement, et a qui lei
ALLEMAGNE. 687
mattres mettent des muselieres pour les en empecher, etc.
Ne voulant plus elre lieutenant brcsilien , l'auteur obtint onfin
son conge, et l'imperalrice lui remit une assignation de 200
milreis sur son tresorier. Celui-ci parla de l'epuisement de
la caisse imperiale et de l'obligation d'attendre; M. Schlicht-
horst donna quittance de 200 milreis , il en recul i5o ; un ami
lui fournit ce qui lui manquait pour retourner en Allemagne.
II y a dans ce petit ouvrage, du reste important, quelques
eclaircissemens a tirer pour l'liisloire de la cour de Bresil. On
lit avec quelque interet le tableau des mceurs du pays, quoi-
qu'on sache que les couleurs tracees a la bate ne peuvent pas
avoir une justesse rigoureuse.
188. — Johannes JVit genannt von Doring. Frag?nente aus
meinem Lehen and meiner Zcit. — Jean "Wit, dit Doering; Frag-
mens relatifs a ma Yie et a mon Tems. Vol. 1". Leipzig, i83o
In-8°.
Depuis cinq ou six ans, Jean Wit, dit Doering, entretient le
public de ses a ventures, et raconte tantot d'une maniere, tan-
tot d'une autre, comment apres avoir ete demagogue, et
poursuivi par la police de divers Etats, il a enfin abjure ses
erreurs, et est devenu un bomme tout-a-fait respectable. En
Allemagne on n'a pas su encore quelle opinion se former sur
cet individu qui revele les mysteres de pretendues societes
secretes, mais qui, en nieme tems, deconvre aussi des se-
crets de police. Dans quelques journaux on a emis l'opinion
que M. Jean Wit a bien pu etre un emissaire des gouverne-
mens absolus pour surprendre les projets des homniesinfluens
du parti independant ; mais on ne voit pas pourquoi alors
onaurait jete cet emissaire partout en prison. II faudrait qu'un
emissaire fut bien vil pour se laisser maltraiter ainsi par in-
teret. D'autres ont pense que Jean Wit a une envie demesuree
de jouer un role dans le monde, ou de faire croire qu'il en a
joue un, et que ses revelations, moitie vraies, moilie fausses,
sont le fruit de cette avidite d'une renommee quelconque.
Ceux-ci pourraientbien avoir raison. Dans son nouvel ouvrage,
l'auteur nous donne une S' ou 4e edition du recit de ses de-
meles avec les-societes secretes et avec les polices du Piemont,
de PAulriche, etc. En outre, il se vante d'avoir surpris les se-
crets des demagogues de France, d'Allemagne, d'ltalie, il s'ac-
cuse d'avoir ete leur complice , et repete 1'hisloire de sa con-
version operee a force de prisons et de mauvais traitemens.
On ne voit pas que les gouvernemens d'Allemagne fassent
bcaucoup de cas de ses revelations; cependant quelqiies-uns
d'entre eux ne sont peut-etre pas faches des efforts que fait
iiSS LIVAES KTRANGERS.
.lean W i i pour faire croire que lea hommes indeuendans fer-
ment des complots centre la sOrete dea Eta is. Si Jean "Wit no
parlait qn? de Iciir police, il y a probablement long-lem*
qu'ils auraient prohibe sea revelations*
180. — Liedcr von Ber anger , nacli dem franzosischen ire a
ubersctzt. — Chansons de Beranger , traduites lidelemcnl du
franeais en allcmand, par Philippine Engelhard, nee Gatte-
rbs, Gassel, 1800; Bolun. In- 12.
L'csprit lyrique de Beranger ne paraissait guere susceptible
d'etre traduit dans tine langue etrangere. line dame allemande
apourtant lentecette entreprisc difficile, et, eomme elle nous
apprend qu'elle est agec, I'elounement redouble. Je ne sais,
au reste, si Beranger sera satisfait de son tradudeur. .Madame
Philippine Engelhard nous avertit dans sa preface fleuric
qu'elle considerc la poesie du chansonnier franeais comrae an
charmanl enfant qui se plait a sc rouler dans la poussiere, ct
qu'il faut nettoyer et peigner d'abord avant de pouvoir le pre-
senter a la bonne compagnie. Par consequent eettc dame a
oris soin de layer et de peigner le joli enfant avant de le pre-
senter au public. Jc laisse a penser ce que sont devenues les
chansons de Beranger par suite des soins par trop mater-
nels de madanie Philippine Engelhard. D-g.
SUISSE.
Canton de Vaud.
igo. — Eccamen de ce qui a precede, occasione et suivi les
Petitions adrcssees au Grand-Conseil du Canton de Vaud, dans
sa session de 1829, pour un changement a sa Constitution ; ct Ob-
servations sur quelques autres objets qui intircssent ce canton;
pat Henri Monod, Conseiller-d'Elat/et ancien Landammann.
Lausanne, 18S0.
ini. — Memoire historique sur la Constitution du l\ aout
1814? onec unapercudes autres Constitutions qui out rcgi le Can-
ton de Vaud dc puis 1798, cons'uUrees essentiellement sous krap-
poi-l du systeme electoral; presente par le Conseil-d'Etat au
Grand-Conseil , dans la session de i83o. Lausanne, i85o;
impiimerie des frcres Blanchard. In-8° de 100 pages.
iga. - — Rapport du Conseil-d'Etat au Grand-Conseil du
Canton dc J' ami, sur le projei de decret iendant dapporter quel-
ques cbongem. n i au sysietHe electoral ctabli dans la Constitution;
presente dans la session de 1800. Lausanne, i83o; imprhne-
rie des freres Blanchard. Tn-8" de 44 pages*
SUISSE. 6S9
im, — Rapport tie la Commission da Graml-Conseil sur
U Piiijcl dc Detrei, tie. Lausinne, >85o ; impiiincriu tic lii-
giiQU nine. In - 8" do 53 pages.
I.c canton de Vand, no dc la revolution helvt'Miquc, suivit
les destiuecs d<! la republiquc unitairc jusqu'aii moment ou !o
media teur dc In Suisse ion da la confederation nouvcllc sur les
debris de I'ancienne, et du gouverncment central qui I'avait
remplacee. Des 19 cantons organises par Facte de mediation,
H n'y en eut point qui put se ieliciter a plus juste litre que le
canton de Vaud d'avoir recu tine conslitution approprjee u scs
besoins, a 1'esprit de ses habitans et au devcloppement pro-
gressif J'institutions liberales. Aussi, quoiquc d'originc el ran-
ge re, cette charle fut rccue avec enthousiasme, non-sculc-
ment comme sanction dc I'emaneipalion vaudoise, mais aussi
comme garaniie dc lout l'avenir de la liberie. Lc jeune can-
ton vecut beurcux et prit ties forces durant onze belles annoes.
Dans une fete rationale, instituoc a l'occasion de la premiere
seance du Grand-Conseil, il celcbrait annucllement son bon-
heur politique et l'acte fondamcnlal qui le lui assurait. Lors-
quc survint la eonlrc-revolulion de i8i5et 1814, la Suisse
resscntit les conlre-coups dc la commotion europeemie. L:t
necessite, dcessc puissante, comme s'exprime tin poctc(CAL-
limaque), la necessite, pcrsoiinifiec dans la Sainl --Alliance, fit
peser sur nos petilcs pcuplades, betirctises par la liberie, un
joug qu'.tvaieut appclo de tons leurs vorux les vieilies arislo-
craties. Les nouyeaux cantons payerent lour independance
du prix dc quelques institutions republiraines ; ct a cette epo-
que classiqtie tic, la legitimite, oil cxigea que la liberie ellc-
meme sc legiliuiiU par des sacrifices. Apres bicn ties pour-
parlers avec les niinistres des puissances, le Grarid-Conseil tin
canton de Vaud rcmplaca de sa propre autorile, qui n'avait
pour sanclion que {'inspiration elracg.'ro, unc constitution
chore au people, par la constitution plus arislocralique du
4 aout 18 i/i- L'histoirc de cos deux lois fondaiuentsles et tic
colles qui les out preeedces, suitout I'liistoirc fort detaiilee dp
la chartc de 1814 et tics negociations dont ellc futle but et le
tcrme, font la matiere du Memoive lustorit/nc dont nousavons
place le litre sous le n° 191. Ce travail oilb -iel, fait par unt:
plume habile sur la correspontlancc diplomatique ct sur d'au-
tresdocumens inedits, n'olfrepasseulcmenl un intcrct cantonal
et Suisse : e'est une partic integrante dc Phistoire dc l'Europe
en i8i4<i une monographic empreinte dc tout l'espiit dc
1'epoque. Malhcureuscment cet ouvragc, ainsi quo les n°" igp
ct 193, compose climprimc pour la session iv< cnlc tin Graml-
T. XLVI. JOIN l85o. 44
69o u\ u ks Strangers.
Conseil ct a 1' usage presque exclusif de ses membres, ne se
trouve point dans Ie commerce dc la librairie ; inais il sera
sans doute reimprime dans une de ces collections historiqucs,
moounvens des terns passes el honneur du ndtre.
La partle de la' constitution dc iSh." qui recul I'atteinte la
plus forte fnt le systhne elccUral. Au lieu de nominations
faites uniquement par les assemblees electorales, avfcc on sans
['intervention du sort, on enrichit Ie systeme des elections de
deux rouages aristobratiques ; un seul tiers du Grand-Confeeil
fut nomme par le peuple ; un second tiers par le Grand-Con-
seil lui-menie, sur une quadruple liste de candidats pr6sentes
par les assemblees electorales ; enfin, un tiers un pen plus
faible par la commission electorate, composce du Conseil-
d'Etat ou pouvoir executif, du tribunal d'appel, supreme
Courde justice, et de 40 membres du Grand-Conseil tir&5 an
sort. La duree des functions legislatives fut portee de cinq a
douze ans. On sail depnis long-terns a quoi tendent les elec-
tions d'un corps qui se recrule en grande partie lui-meme.
I ne majorite compacte, guide e par quelqnes cbefs, fut ['ine-
vitable resultat de la reforme contre-revolutionnaire. La bro-
chure (n° 189) de M. l'ancien landammann Monod conlient, a
ce sujet, des revelations fort interessantes.
Sous la nouvelle constitution, comme sous I'ancienne, le
canton continua dc flcurir; la partie materielle dc I'adminis-
tralion et 1'instruction publique suivirent cette ligne de pro-
gres et d'amelioration que Ton s'etait traccc ; les finances
prospererent , car jamais ombre de soupcon ne s'est elevee
contre l'integrile des magistrals vaudois; ct, quelle qu'ait ete
leur couleur politique, ils se sont toujours presentes au tri-
bunal de I'opinion les mains pures. Mais, a cole de ces pro-
gres matei'iels et du developpement que prenaient les ecoles
primaires et 1'instruction supericuic, la vie civique sembla
s'eteindre. La rarete des elections, la faible proportion a la-
quelle se trouva reduite la veritable representation nationale,
la realisation des consequences du systeme electoral, favora-
ble a celle des aristocraties qui sut s'en emparer la premiere,
tout cela produisit du decouragement et de {'indifference pour
la vie republicaine. Ces dispositions eurent pour organe le
silence, alors que la voix du bonheur national eut ete de mau-
rais exemple pour l'Europe, et que la jouissancc pleine de la
liberie eut ete jugee seditieuse. Cependant, le calme exterieur
couwait un sentiment de malaise. On se le confiait a l'o-
reille, parte que la taeiturnile etait devenue de mode, soit
qu'on la trouvat conforme au nouveau systeme constitution-
SUISSE. Gijt
nel, soit qu'on en eCit pris l'habitude au milieu des espions
etrangers, a qui la publicite a depuis enleve lcs profits en ne
leur laissant que l'ignominie.
La publicite, presque insignifiante pour nos affaires inle-
rieures, ctcndit son domaine, en 18114, par la creation du
Nouveltiste vaudois , journal semi-hebdomadaire, consacn':
principalement aux Lnterets de la Suisse et a ceux du canton
de Vaud en particulier. II habitua pen a pcu lcs citoyens a
s'occuper davantage de la chose publique et a penser tout
haut. Un article insere dans ce journal, le 10 mars 1826, ren-
fermait une epigramme par trop vive contre une parlie des
foiiclionnaires publics et des legislateurs. Unmembre du Con-
seil-d'Eiat repondit dans la feuille suivante. Sa reponse fit
eclore un petit essaim d'antagonistes; la guerre sur la ques-
tion electorate se trouva commencee ; elle devait se conti-
nuer jusqu'a ce qu'elle eut amene un resultat de fait, une
solution en action. L'opinion generale, ma is tacite, devint
1'opinion publique; elle avoua pour ses organes les publi-
cistes qui oserenten appeler a sa sanction, parce qu'ils con-
naissaient les besoins du pays et les sentimens de lcurs conci-
toyens. Les faits out prouve depuis que ces hommes n'en
imposaient pas sur le caractere de la mission qu'ils avaient
choisic.
Sur ces entrefaites , un verlueux citoyen, le general Frede-
ric Cesar de la Harpe, soutien constant de la liberte de son
pays, qui lui doit plus qu'a tout autre l'origine et la conserva-
tion de son independance , fit, dans le Grand-Conseil, le
6 mai 1826, une motion iudividuelle , pour faire disparaitre
les lacunes et corriger les vices de la constitution. Sans egard
pour l'auteur de la proposition, sans respect pour le regle-
ment, la motion fut ecartee avant toute discussion. Deux an-
necs apres, M. Samuel Clavel, ancien membre du tribunal
d'appel, demanda, par forme de. motion, qu'il l'Cit apporte ,
par les moyens qui paraitraient reguliers et legaux, au mode
d'election de la representation nationale, quelques change-
mens qui paraissaient geneialement desires, tcls que l'intro-
duction du sort et d'une representation plus directe. Discutee
dans deux seances consecutives, cette motion fut rejetee, a la
majorite de 117 voix contre 3g. A cette occasion, un premier
et imparfait essai de publicite complete des debats legislatifs
fut tente dans le Nouvelliste vaudois.
La resolution, bizarrement redigee, que I'assemblee legisla-
tive prit alors, annoncait de la persistance dans le refus qu'elle
prononcait. Cela donna du ton a l'opinion publique. L'anuee
89* LIMIT'S ETftAfiGKRS.
suivante, 27 petitions, rrvft ucs de plus dc .'|,nuo signatures,
demandcrent an Grand-Couseil, dans les Icimcs les plus ron-
venableSj do rouloir bien aviser a mic amelioration du sys->
teme electoral ; un tiers des Hgnataires demanda t\nltttant
tout, on staluat legalcmeul 1111 mode dc revision. Cos petitions
donnorcnt lien a uttC discussion pTolotjgeE daas den* seances
conseeutives . I'nne de sept henres , l'antrc de hnil et demie ;
la relation en romplil 1 '\o pages ih-$°, peiil oarai Here (1 '). INnir
resnltat materiel tie la discussion, la resolution de Fannee
procedenlc I'nt confirmee , a line majorite i!c 87 roiii conlre r>.r).
Lc resnltat moral flit lout autre : ectte det'aite apparente de-
vinl lc signal de la victoiro de 1'opinion puhliquc. La mani-
festation dc eelle opinion, et le senl fait tfeS petitions produf-
sirenl unc impression profondc siir lc Consril-d'lilal ; M. lc
landammann Monod, memhre du Consoil-d'Klal , ailirinc ,
dans sa brochure, que eelle impression lut« dc la peur, on uti
sentiment dc erainte qui nc laisse pas d'avoir quelqne analo-
gic avee la pcur. » Jc laisse aux acleurs lc soin dc reveler to
qui se passa derricrc les coulisses.
Un mois aprcs la cloture de la session, lc Conseil-d'Etat
nomma unc commission dans son sein, pour projcler des
changemens a la constitution. Cost tout ec que Ton appril ;
le secret le plus rigourcux 1'ut observe. Quelque terns avant
la session dc 1800, unc premiere revelation se iii dans un
journal d'un autre canton, qui annonea le Mcmoiir, hhtorique
(n° igi),commc un elier-d'ocuvrcdiplomati([ue. Par malheur
pour la diplomatic vaudoisc, son trompctte se tromail etrc le,
Courrier fribourgcois, eirconstance qui revelait du jesuitisme.
Cettc ceuvre, plus estimable que l'annonec nc la faisait suppo-
scr, demeura inconnuc jusqu'aux premiers jours du mois de
mai dernier; alors, an commencement de la session du Grand*
Conseil, on la remit a ses membres, avec le projet dc chan-
gemens a la constitution, et le Rapport (n° 19-1) qui laccum-
pagnait.
La eirconstance du secret si bien garde, rapprorhee de la
hale aveclaquellc out demande a procedcr el les nicinbres du
Conseil-d'Ltatcl la majorite legislative, qui, jusqii'alors, avaienl
repousse loute idee dc changciiicnt , nc saurail eehapper a
1'attcntion des hommes habitues a observer el a reflefchir; Le
projet dc decret prescnte par le Conseil-d'L'tal a etc disculc, il
est vrai , dans cinq longues seances, aveccalme, generalc-
(1) Session de 1859 du Grand-'Cvnseil dll Canlon lit Fault. Lausanne,
1829; Fisrher. 1 vol. in 8" dc 477 pages.
SI iSSK. 6<j3
Hie ut avec iiii'Miie; pi|is,.adople sans mollification , a la ma-
jority ilc 1 34 voix (<>iii 1 c 20. La minorite, composec des cle-
inciis les plus lielerogcncs el les moins unis, ademande,a pen
pros unaiiimcment , plus de lenteur el tie eirconspection dans
nne ocuvre aussi importante, afin que Popiuion publique put
clre consull.ee 9 et le rejuoclie de precipitation evile. La frac-
tion dcinocratique de cette minorite , a hupielle je mc fais 1111
lionneur d'avoir apparlenu, a demande, en outre , toutefois
avec quelqucs divergences individuellcs : 1° one loi prealable
de forme sur la manierc de procedcr d.lns 1111 < liangenient a la
constitution; 2° le rejcl de Particle , qui altribue au Grand-
Conscil la faeulte de nonnncr dix-huil de ses mcmlires; 5" la
sanclinn de la conslilulion nouvelle par les assemblies cleclo-
rales, Je nc sais si je liasardc ti op en porlaut 1111 jugement dans
one cause 011 j'ai etc parlic; mais il mc scnible que ccs trois
points out etc sou ten us avec plus de force de logique que les
theses conlraircs n'out etc defenducs dans les dcbals et dans
le Rapport dc la Commission, indique sous le n" iq5.
Quoi qu'il en soil, la constitution de 181 !\ a ele recllemenl
corrigce , a quelqucs cgards ; mais on a laisse subsister, dans
les changemens nif-mes, des gertnes viciaix qui, lot 011 laid,
par la force des choscs, deviendront des germes de malaise.
Les corrections reelles sont les suivanles : i° le ecus electoral
a ele bajsse , el les colleges elcctoranx ouvcrls a un bcaucoup
plus grand nombre de ciloyens. 20 Tonics les elections, a
Pexceplion dc 18, seiont failcs par le peupie, avec ou sans
Pinlervenlion du sort. 5° La dun' e des functions legislatives est
rcduile de 12 ansa 6. 4" Les elections, plusdirecles et de moi-
lie pins frequences, permellrout mix eleclcurs d'excrccr leurs
droits a des cpoques plus rapprocbees, el les engageront a les
exercer avec plus de soin. 5" Dans la suile, si quclquc cliange-
llient se fait a la constitution, il devra elre saiielionnc par les
assemblies eleclorales. Les vices du changement operc con-
sisient, suivanl moi , dans les points que voici : i° On a pro-
cede, avec precipitation, malgre les circonstances les plus fa-
vorables pour procedcr avec le calmc de la sagesse el avec la
eirconspection digne de la bonne foi ; on a refuse dc statucr
d'avance 1111 mode de revision , et d'aborder de front la ques-
tion du pouvoir consliluant. 2" Les dix-huit nominations que
lc Grand-Conseil s'est reserve dc faire seronl incvilablcmcnl
unc mine d'intrigues exploilee au profit du pouvoir executif.
5° Jusqu'a present, la duree dc lbnclions des nicnibies du
Grand-Conseil el du Gonseil-d'Ltalavajl loujours eleia mime;
desormais, les membres du Gonseil-d'Etal rcsleronl en charge
G.)i LIVRES ETR ANGERS
don/c ans, et les legislateurs six ans : par la possibility d'une
reelection continuelle, et par [es dix-nuit nominations dont
nous Tenons de parlcr, on a enlevc aux electeurs l'inflnence
meme la plus eloigned sur la composition du Conseil-d'Etat ;
te people sera tcnu do subir a vie les administrateurs (pi'il ju-
gcrait le moins digues de sa confiance. 4" Le refus de rehouTe-
ler mtegralement la Chambre actuelle, pour metlre fin a une
organisation fletrie par l'opinion publique, par les orateurs
du Grand-Conscil, et par le Rapport meme du Conseil-d'Etat
(n° «9'j), a ete aggrave eneore par une loi transitoire qui, du
moins, aurait dft etre tin compromis entre l'ancien systeme
electoral ct le nouveau, tandis qu'elle n'est qu'un moyen de
conserver l'ancien dans le cadre du nouveau, et de transmettre
a la Chambre a venir les fun est es traditions du passe. 5" La
sanction de la reforme constitutionnellc par les assemblies
electorales, reconnue necessatre pour l'avenir, a ete eludce
pour le present, an mepris de la logique, et au detriment de
la force morale de la constitution. 6° II est vrai qu'un article
de la nouvelle charte , clairement commente par le Rapport
du Conseil-d'Etat ^n" 1 92). par lc Ilapporl de la Commission du
Grand-Conscil (n° 190), et par queiques orateurs de lamajorite
legislative, annonce , dans une loi de forme, de vigoureuses
garanties contrc tout changement futur, et n'en donne au-
cunc pour les ameliorations lentes et successives que le tems
pourra faire juger convenables. 70 Enfin, je crains que, par
un antecedent que les generations futures deploreront, le
Grand-Conseil ne se soit laisse depouillcr par le conseil d'Etat
de l'inilialive en matiere de changement a la constitution.
Les hommes qui, apres avoir opiniatrement repousse toute
idee de reforme constitutionnelle, viennent de faire accepter
prccipitainmcnt celle qui leur convenait, ont fait un calcul
habile, non point pour la gloire de leur palriotisme, mais
pour un interet present et epbemere. Quinze jours de reflexion
de la part du public eusscnt suffi pour qu'il comprit et re-
poussat les perils caches sous une premiere apparence. Le
pays aurait etc reduit a deplorer le mecompte du pouvoir
executif rcntre dans ses limites naturelles : au lieu de cela, si
Ton ecoute le vceu de queiques petitionnaires reconnaissans,
le pays sera reduit a feter annuellement une nouvelle exten-
sion de ce pouvoir, ct l'inamovibilile de fait de sesmembrcs>
C. Monnard.
IT A LI E. 695
ITALIE.
iq^. — * Statistica agrarca delta. Val-di-Cliiana, etc. —
Statistique agraire de la province de Val-di -Chiana , par Giu-
seppe Giuli, professeur d'histoire naturelle a 1'Universite de
Sienne. Tom. 1". Pise, 1828; imprimerie de Nicolo Capurro.
In-8° de 270 pages, avec une carte topographique du cours
de la Chiana.
Quoique nous n'ayons encore que le premier volume de cet
ouvrage, nous ne voulons point differer de lui rendre la jus-
tice qu'il merite. L'auteur est bien pourvu des connaissances
generates et locales qu'exigeait le sujet qu'il a traite : pro-
prietaire d'un domaine dans le pays qu'il decrit, il y a re-
cueilli, pendant 18 ans, des observations surle climat, le sol
et ses productions, la geologie, l'histoire physique et indus-
trielle, en un mot, sur tons les elemens de la statistique qu'il
a redigee. De plus, il avait compte sur les secours de tousles
amis des connaissances utiles , et il ne s'etait point trompe :
on s'est empresse de lui fournir des faits inleressans, des ob-
servalions qu'il n'avait point ete a portee de faire, des Iumie-
res encore peu rcpandues, et qui ne serajent peut-etre pas
arrivees jusqu'a lui. Avec des materiaux aussi abondans et
choisis avec tant de soin, il ne pouvait faire qu'un bon ou-
vrage. Ajoutons que le sujet repondait fort bien aux soins qui
lui etaient prodigues, etdevenaitrtellementplusdigned'atten-
tion a mesure qu'il etait plus etudie. La geographie physique
de cetle partie de la Toscane a des traits remarquables qu'on
ne rencontre que tres-rarement a la surface de la terre; une
vallee de plus de vingt lieues de longueur, aboutissant a deux
fleuvcs entre lesquels elle partage ses eaux; de grands travaux
de dessecheinent et d'assainissement operes avec succes ; de
vastes marais convertis en terres cultivables, l'homme eta-
blissant sa demeure dans ces lieux memes qui repandirent
autrefois a une grande distance leurs exhalaisons mortelles :
voila des objets dignes d'etre connus et medites, de puissans
encouragemens pour entreprendre dans les contrees mareca-
geuses ces travoux qui out produit de si bons effets entre le
Tibre et l'Arno. Nous en avons meme a peu de distauce de
Paris; des marais empestent 1'air que respireut quebpies-unes
de nos garnisons, et causent annuellement des pertes d'hom-
mes que Ton eQt evitees, soit en renoncant a ces postes si mal-
sains et sans importance militaire, soit en procurant I'ecou-
lement des eaux stagnantes qui rendent ces lieux si dangereux
69G LIVRF.S ETRAJ!fGERS.
pourtoute la population qui \ scjourne, ou qui en approclie
dc trop pres. On sail que bit, die est la lerre classique des
sciences hydrauliques, et quoique ues sciences soient aetuclle-
incnl rcpandues partoul, dies ne 68 plai.-eut pas nioins ;iux
lic.!\ dc leur origine ; les ingenieurs iialicns d'aujourd'hui out
cu soin tie los y ronscrvcr.
La preface de M. Ginli est une introduction qu'il faut lire :
t'ovteur y expose la piineipalcs divisions de son ouvrage, et
i'ait une courte analyse de chacune. «J'ai dislribue en cinq
livres Ionics les malicrcs que j'avais a trailer. Le premier con-
tient l'histoire des revolutions physiques donl on rctrouve les
traces dans 1c pays que je decris; j'y expose I'etat du ciel, le
climat, les niclcores, les proprietcs des eaux, de l'air, etc.
Lc second livre entrc, pour charpie commune, dans quclques
details topographiques, gcologiques, el de statislique agricole
et iudustrielle ; j'y joins i\n sommaire de l'histoire civile de la
commune... Lelroisieme livre expose cc qui appaiiicnt speeia-
lement a i"adminislralion agricole , a scs ressources, aux ani-
niaux qu'elle cmploic , a sa legislation — Les precedes do
culture el les manipulations de quclqucs-uns de ses produits
serorit l'objct du quatricmc livre.... Lnfin , le cinquicme qui
csl une sorte d'cpi!ogue exposera les rcsullais, et sera pre-
cede dc tableaux sytaoptiqo.es de la population, du nombre
des bestiaux.... On verra done que mon but a etc de (aire
connaitre lc terrain stir lequel nos cullivaleurs exerivnt leur
indestrie, les precedes locaux, et les succes qui soul le fruit
ues travaux et des sucurs de l'homme des champs, il faut que
toulcs ccs cboscs soient bicn connues, aQn que les autres na-
tions puissent juger de ce qui est a leur convenance et de ce
qu'clles pourront executcr avec succes. «
Le premier volume ne renl'crme que les deux premiers li-
vres ; et, commc on !'a hi, l'autcur debute par la geographic
el la gcolog':e du Y'al-di-Chiana, eonsideree dans son ensem-
ble. 11 n'a pas de peine a prouver (pie toule cetle conlrce Cut
couverle autrefois par les eaux dc la mer ; outre les bancs de
pierre calcaire < oquillicre, on Iror.vc en abundance des nauti-
les, des ammonites, etc., (Tune belle conservation; on a trouve,
prc:,d'Art'Z7.o, una macliuire de baleine enfouie sous une cou-
cbe C.i galels. Ala rigueur, les temoignages des bistoriens ne
astivent rien aj Outer a la ceriitude qui re suite decesmonumens
de Taiic'ieiine nature ; mais l'histoire pent t'ournir quclques lu-^
nncves sue l'cpoque t'e ces boulcvcrscmens donl la date est
t( 'alement perdu:-. Quclques passages de St tab on scmblcnt
;.uJiqi!Cr qu'unc branche de I'Anio U.mbait autrefois dan6 h
ITALIi;. 0cj7
Tibre, el qu'elle s'est dessechee a mesurc que la branche di-
rigce vers la mer a creuse son lit, rccule scs bords, ct rccn
mi plus grand volume d'eau : I'art ai!a peut-etre la nature
duos ce travail, comnic on l'a vu dans d'autres coutrees, a
lies epoques plus rapprochees do nous.
Les travaux pour le dessecliement de la vallee de la Cbiana
ne eommencerent qu'au xix^ siccle , el alors, cetle vallee etait
partout marecageuse. On commenia par l'aire ecouler vers
l'Arno les eaux du territoire d'Arczzo. Les Medieis continue-
rent ces ameliorations jusqu'aux environs de Monte Puleiano,
par divers precedes qui sont exposes dans ce livre; mais cc
hit sous le regno du grand-due Leopold I" que 1'on obtint
enlin lesrcsultats les plus importans; et,qu'en employanl avee
babilete les moyens de dessecliement et d'atterrissement , on
parvinl a stibslituer une vaste etendue d'excellentes terres a
des marais nou-seulement inu tiles, mais tres-pcriiicicux. La
province allait reeueillir les fruits de cette longue perseve-
rance dans la voie d'une sage administration, lorsquc les com-
motions politiques en Europe exigerent d'autres soins : la
Cbiana Cut a pen prcs onbliee jusqu'en 1814. Lnfin, apres tin
iiivellcment general de la vallee, les pcntes ont ete reglees
pour que les eaux de la riviere ne soicnt stagnantes nulle
part, el les altcrrisscmcns soul diriges de maniere que le sol
so consolide el so. dessecbe autanl qu'il le laut, et dans le lems
le plus court. C'est a M. le chevalier Fossombroni qu'on est
redevable de ces dispositions qui ache ver ont de procurer a ce
pays tout le bien qui pent resulter d'une lieureuse application
des sciences bydrauliques.
Ce bien n'est pas encore entierement ofotenu , quoique les
ameliorations soienl immenses; le fond de la vallee expose
encore les babitans a des fievres intermit tcntes et a des dys-
senteries qu'on atlribue an Iron! bumidc des nuits. Les eaux
y sont presque parlout cbargees de sels calcaires , en sorte que
1'on est oblige de recourir aux cilernes. M. Giuli recommande
l'usag<: des flitres de cbarbon qu'il a deja fait connaitre dans
la 2C edition de son traite de Clrimie cconomique , et sur lcs-
quels il donne ici des details pratiques, afin de les mettre a la
portee de tout le monde, et de faire apprecier le peu de do-
pense et d'embarras qu'ils entrainent.
Le second livre est beaucoup plus etendu que le premier,
ct il devait l'elre , en raison des details dans lesquels 1'auteur
est entre sur chaque commune de la province de Val-di-Cbiaua.
I'our cliacune, il decrft Ic lerriloirc, non-seiilcmcnl a la nu-
698 LIVRES ETRANGERS.
niere dcs agronomes, mais suivant les methodes dc la topo-
graphie et de la geologic; vient ensuite la statistique civile et
ucclesiastique , puis celle ties arts et manufactures, et enfin un
smnmaire historique. II faiit remarquer que les communes ,
sous lo gouremement actuel fie la Toscane, sont a peu pres
I'equivaletit de boa cantons.
Le mouTement dc la population, dans la commune d'A-
rezzo, confirme une observation falte en France sur les efl'ets
dc la centralisation du gouvernemcnf. Le grand-due Leo-
pold I", dont la Toscane benit encore la memoire, s'etait at-
tache a la ire reilucr vers les campagnes les citadins dont le
nombre cOmmencait a surcharger les villes, el il avait reussi :
la population d' \rezzo croissait, mais lentement, et celle de
son territoire allait beaucoup plus vile. Depuis que les formes
du gouvernement de Napoleon ont etc introduites en Toscane
et a peu pres conservees depuis la restanralion, Arezzo est de-
venu cbef-lieu dune province, et croit a vue d'ceil, aux de-
pens de scs environs ; l'ordrc etabli par Leopold est change
en sens contrairc.
Quant an nombre dcs ecclesiastiques , la France differe en-
core beaucoup de I' Italic Dans la petite province dont il
s'agit . on compte 4^veches et 6 collegiales sur une surface
qui n'est pas la moitie d'un departement francais, et dont la
population est au-dessous dc 110,000 habitaus. La ville de
Monte Pulciano a un eveque, un seminaire, deux com ens
d'hommes et deux de femmes, outre l'eglise de Saint-Blaise
qui pent etrc considerce comme une collegiate. La population
de tout le diocese est au-dessous de 10,000 habitans, et la ville
n'en a pas 2,5oo. L'elendue territoriale de I'eveche equivaut,
tout au plus, aux deux tiers de celle du departement dela Seine.
La statistique de la commune de Cartona, autre cveche,
merite l'altention des lecteurs par les details geologiques dans
lesquels ML. Giuli est entre, par la description des murs de cette
ville, monument des anciennes constructions etrusques, et
par une discussion sur la camptfgne d'Annibal coutre le pre-
somptueux et malhabile Flamiuius. Les militaircsy remar<|ue-
ront quelqnes crrcurs dans lesquelles l'auteur est peut-etre
tombe; il pense qu'Annihal na pu employer deux ou trois
journees a traverser un inarais de six a sept lieuesde largeur, ou
que son arniee anrait tellement souffert dans ce passage qu'elle
se fut exposee a une destruction totale : il n'en est pas ainsi,
etle general carthaginois ne l'ignorait point.
M. Giuli regrelte de n'avoir pu donne'r une notice plus
ITALIE. (in;,
etendue et plus complete des homines eelebres nes dans la
province qu'il deceit. Sa nomenclature n'est ccpendant pas
sterile : il cite quinze noins historiques apparlenans a la ville
d'Arezzo, ct pour ceux dont il ne parle point, il rcnvoie aux
Stanze d'Angeluecie. Comme naturaliste, notrc auteur ne pou-
vait oublier Coesalpin qui, le premier, fit line classification
methodique desplantes, nilledi, naturaliste, medccin et poete,
chantre du \ in de Monte Pulciano, qu'il proclame sans hesiter
il te d'ogni vino. Les communes ruralcs meme fburnisscnt
aiissi leur contingent d'hommes eelebres dans les amies, 1'E-
glise, les lettres, les sciences.
Lorsque nous aurons sous les yeux tonte cette statistique,
nous serous probablement dans le crfs de revenir encore sur ce
premier volume, au sujet de Ve'pilogue que I'auteur nous a
promis. Le resume d'un bon ouvrage est coinme la cle de la
voule qui consolide l'edifice, et permet qu'on puisse le voir
debarrasse de l'echafaudage qui servit a la construction. F.
iq5. — * Edizione complela di tutte IcOpere di s. Francesco
be Salles. — Edition complete des OEuvres de saint Francois
de Salles. Brescia, i8y.g; Pasini. 5 vol. in-16. L'ouvrage en-
tier en formcra douze.
Francois de Salles a obtenu. dans l'Eglise catholique, une
reputation superieure a son mci ite ; et beaucoup de gens du
monde, qui ne connaissent ni ses livres, ni sa vie, le placent
aussi tres-haut dans leur estimc et j)iesque a cote de saint
Vincent de Paule. D'ou pent venir cette erreur generale? Une
etude exacte de cet hommc celebre le fait decouvrir facile-
ment. C'est qu'avec un esprit mediocre et porle a un mysti-
cisme assez retreci, il possedait une ame toute pleine d'amour
et de devoument et que le monde paie avec largesse, et sou-
vent sans discernemenl, cette ardeur de sacrifice dont profile
le grand noinbre. On n'aurait publje aucun de ses livres que
sa reputation n'en serait pcut-elre pas moins belle. Le dio-
cese oi'i il passa toute sa vie est encore ricbe des traditions
de ses bonnes ceuvres, son nom y est populaire : il n'est pas
une des maisons oi'i il demanda 1'bospitaUte dans ses courses
apostoliqucs, qui ne conserve precieusement le souvenir de ce
glorieux evenement. Dans l'esprit des simples babilans du
Faucigny, le bon eveque est aussi le savant ct eloquent ecri-
vain. De la, je pense, est venue la premiere reputation li t to —
raire de saint Francois ; mais dans ce pays, et surtout au terns
ou il vivait, tout homme faisant des livres et parlant latin au-
rait acquis la meme renommee. Ainsi, cc sont les vertus du
«ainl, bien plus que ses lalcns, qui meritent nos hommages :
-oo LlVRES Strangers.
oar il eiait place dans des cu-constances difficilcs. Possede
coiume il I'elait do Papdeur du proselytisme, il lui fatlnt une?
grande mansuetude pour no commetlre auquo ;icle d'intole-
ranee s'ar les protcslans dont les crrcurs environnaicnt ses
oiiailles, sur les Gencvois eux-memes, qui, autrefois faisaient
pai lie do son iruupeau, qui etaient devenus le noyau do la Pie-
forme, el suriesquels il possedait un droit, an moins nomi-
nal, dc priueipautc seculiere". Quant a ses oeuvres, si quelques
parties, ou respire une c ha rile chrclicnne qu'on ne pout hop
recotnmander, meritaient d'etre reproduces et popularisees,
i! en est d'aulres cpi'il serai t tres-bon de siipprimer-. Cost au-
jourd'liui le terns moins que jamais dc rcimprimcr ces entrc-
tiens mystiques avee P Idiot ce, res exaltations d'amour ue
Dieu, ccllc uieluphysique inintelligiblc qu'il dislribuait avec
profusion a sa bicn-aimee Frntifoisc de Cltanlal, et aux an-
tics brcbis ehoisies qu'il croyait conduire dans le ohemin do
la perfection chrelienne. Par ces motifs, une edition choisie
des outrages du saint evequc nous auiait paru etre plus utile
a la religion que l'edition complete, commcnccc par M. Pa-
sini.
19G. — *Nuovo Galaleo di Melchiorrc Gioja, etc. — Nouvcau
Galatee, par Mrichior Gjoja, corrige de nouveau et augmente
de pensecs sur la civilite, la pratique du monde et autres su-
jcts semblables, a Pusage de la jeunesse. Milan, i83o; Visaj.
line science qui, chez nous, est releguee dans qtielques
manvais livres d'eoole, ctque nous reputons ne pouvoir s'ap-
prendre que par la pratique, une science, en effet, qui ne
pent s'enoncer en preceptes puisque ces preoeptcs devraient
etre aussi nombroux que les diverses circonstauccs de la vie,
la science du mon le, a etc en Italic l'objet dime multitude de
trailes soil's de la plume des mcilleurs ecrivains. Serait-ce
par hasard, que ceftfl science nous est inconnue? II faudrait
pOur l'ailirmer donner un dementi a PEurOpe cnlicre qui
nous a fait a cot egard une reputation inattaquable. Ainsi les
et rangers veulont suppleer par l'ctude a pe tact dclicat et in-
fallible qu'un jeune homme acquierl chez nous six mois
iiprfes sa sortie du college, qnand il a le bonheur de tombcr
tout d'abord an milieu de ce que nous appelons la bonne-
rompngnic. Du reste, tons les ecrivains etrangers no se bor-
nent pas a donner un traite de civilite et dc manieies : its ral-
laelicnt sonvent lour sujet a des doctrines dc morale ou a des
theories pbilosopbiquos. el e'est suit out sons ce rapport qu'ils
soul digues d'altention. Le livre doni nous venous do trans-
onic lc litre, par exemplc, est PoutragC d'unhominceclcbrc.
ITALIE. 70 .
que l'ltalio a perdu depuis pen, d'unc tfitfi forte ct savanie
qui, malgre qnelques erreurs notables, a Iaisse de profoudes
traces dans les divers champs de la science. Aussi qnitle-t-il
a tout instant son I'rivole sujet pour se jeter, a la grande satis-
faction des lccteurs, sur des objels plus intereasans, dont il
sail tirer grand parti. Les Pensees, dont cetlc nouvelle edition
est enrichie, sonttirees pour la plupart dc La Bruycre, et n'en
valent pas moins pour cela.
197. — Elogio del Caralierc Giov. Alesmndro Brambilla. • —
Eloge d' Alexandre Brambilla, hi, le 5 novembre i8'.«f), a I'ou-
verture solennelle des etudes de I'universite dc Pavie, par le
docteur C. A. Uicom, professeur de physiologic, etc. Pavie,
1800 ; Bizzoni.
Alexandre Brambilla naquit, en 1728, a Saint-Zcnon, pros
de Pavie. II ctudia d'abord la chirurgie sous Baretta et Gra-
zioli, puis deviut chirurgien dans les armees aulrichicnnes.
Son savoir, sa sollicitude attentive a remplir ses devoirs, son
habilete pratique le fire nt en fin remarquer dans cct cmploi
infericur qu'il occupa pres de cinq ans : il fnt nomme sue-*
ccssivement chirurgien-major de regiment, chirurgien en chef
de la garde imperiale noble, et chirurgien de I'empereur
Joseph II, encore mineur. II etait digne de ccs faveurs. Le
jeune prince aupres duquel Marie -Therese l'avait place ne vit
pas en lui un simple oflicier de palais : i! en fit son ami, 1111
de ses conseillers intimes, etne permit pas qu'il lequittat dans
tout le cours de ses voyages. Brambilla trouva, danscclte
derniere circonstance, l'occasion de connaitre ct dc cousuher
avec fruit les plus celcbrcs chirurgiens el medecins de ce terns.
II sut mettre leurs conseils a profit ct ameliora bcaucoup le
systeme sanitaire suivi dans les armees de ['empire. 11 cher-
cha a attirer en Autrichc les jeuncs gens qui promcllaient le
plus de talent, et qui rcpandirent ensuite par mi la masse des
chirurgiens les connaissances qu'ils avaicnt acquises dans line
academic centrale. Bramhilla n'oublia point sa patricct s'em-
pressa dc rendre utile pour elle le credit dont il jouissait.
L'universite dc Pavie prit par ses soins un lustre nouveau, et
il l'enrichit de bcaucoup d'instrumens de chirurgie el d'objels
d'hisloire nalurelle. Joseph II etant moil, son chirurgien se
trouva en hntle a des altaques sourdes qui le portcrent a se
demettre de ses emplois ct a quitter la cour. II revint a Pavie,
qu'il quitla lorsquc les mouvemens poiiliques comnienccrcnt
aagiter 1'Italie. II se mit en route pour l'Allemagnc : mais il
ne put achever son voyage et futatlcint, a Padonc, d'unc ma-
ladie qui prit en quelques jours un caraciere morlel. — Telle
j-cfc LIVRES KTRAftGERS.
fut la vie (le I'lioinmc que M. RigOni avait a loner. La tache
do l'orateur etait facile, et il s'en est bien acquilte en faisant
ressortir tout a la fois les lalens et les belles qualites privees
de Brambilla.
u)S. — * Trnxalic iCEuripitlc, etc. — Tragedie d'Euripide,
traduites par Fitia: Beixotti. Milan , 1829; Stella et (lis.
ln-N".
M. Bellotli a deja public la traduction dc deux grands tra-
giques grccs, Escbyle ct Sophocle : cclle que ao.us annojicoas
couronne (Jignement la tache immense qu'il s' etait imposee.
II ne lui rcsterait plus maintenant qti'a traduire ce qui nous
est parvenu d' Aristophanes pour avoir aeheve une carriere
litteraire que pen d'homuies auraicnt ose entreprendre. On
concevra toutc ('importance de ses travaux si Ton songe que
jusqu'a present l'ltalie uc posscdait presque aucune bonne
traduction, meme parlielle, de la littcraturc dramalique de la
Grece, et qu'il lui en a donnc une complete et reniarquable par
de rares qualites de style et de fidelite. M. Bellolti s'est servi
pour rendre ses originaux de vers elegans et corrects, et e'est
un avantagc dont nous ne pourrions jamais jouir en France
pour les ecriTamsde I'antiquite, a moins qu'un poete comme
Andre Chenier ne consacrat sa vie ace penible travail. Mais
quand aurons-nous un autre Chenier? Et, si nous l'avions,
ne serait-ce pas une profanation que d'asservir un pared genie
a se trainer sur les pensees d'autrui ?
PAYS-BAS.
1 cjg. — * Dettxieme rccuell de Tableaux, publie par la Commis-
sion generate de Statistic/ ue (1). La Haye, imprimcrie de l'Etat.
In-8°.
Nousavonsdejaannonce (Voy. ci-dessus, cahierd'AVRiL i83o,
p. 28) le premier recueildesdocumens statisliques publie par la
Commission creec aupres du ministere de 1'interieur. II avait
particulieremcnt pour objet tout ce qui se rattache a la popu-
lation, aux naissances, aux deces , aux manages, etc. Le
volume qui vicnt de paraitre renferme de nouveaux docu-
mens sur le meme sujet ; il comprend, en outre, des recher-
ches intcressantes sur diffcrentes parties de I'industrie natio-
nale, dont nous nous bornerons, pour le moment, a indiquer
(1) La Commission de statistique, attachee au ministere de I'interieur,
se compose des administrateurs de ce ministere et de M. le rei'erendairc
Shuts comme secretaire.
PAYS-HAS. ;oj
les principales, parce que nous nous reservons tie puiser suc-
cessivement dans ce recueil, et dans tous ceux que t'era parai-
tre le gouvernement, les donnces qui pourront le plus inle-
resser les lecteurs de la Revue. Differens tableaux statisliques
sur le niouvement d'entrec, de sortie et de transit, surla na-
vigation et les peches, sur les houillcres, etsur I'etat numeri-
que des betes a cornes, ties chevaux et des moutons, lournis-
sent ties renseignemens qui manquaient generalement encore
pour le royaume. Sous le titre rniteorologie , on donnc deux
dessins representant lescourbesdes temperatures, pendant tlix
annres, a Malints et a Zrwanenburg, entre Harlem et Amster-
dam; peut-etre trouvera-t-on que ces dessins, sans autre in-
dication et sansrenseignemens sur les instrtimens qui ont servi
aiix observations, presentent moins d'interet a la science. Les
tableaux sur I'etat ties vaccinations et sur ('administration tie
la justice contiennent ties documens plus satislaisans ; les der-
niers particulierement doivent I'ournir ties resultats utiles, si
on les compare a ceux que Ton public annuellement en France.
Les Pays-Bas, a quelques exceptions pres, sont encore sous
i'influence ties memes lois que ce dernier royaume; il devient
done tres-interessant d' examiner et tie comparer les crimes et
les debts sur lesquels les tribunaux ont eu a prononcer des
deux parts. En publiant mes Recherches statisliques sur le
Royaume des Pays-Ras, oil se trouvent, .je crois, les premiers
documens que l'onait publics, chez nous, sur ('administration
de la justice, j'ai deja eu l'occasion d'etablir des rapproche-
mens semblables, et tie faire voir toute I'utilite que Ton peut
en retirer. Les tableaux que je presentais etaient pour 1826;
ceux de la Commission sont pour 1827, et peuvent etre con-
sidered conime faisant suite aux miens. Le peu tie mots que
nous venons de dire sur la nouvelle publication de la Commis-
sion de statistique suffira deja sans doute pour en faire appre-
eierl'importance; « fitlele au principe qu'elle a adopte, elle se
borne a ne presenter que des duffies 011 des tableaux authen-
tiques, sans chereher a etablir aucun systeme, et en s'abste-
nant d'entrer dans le domaine des theories. » Cetle sage reserve
a aussi ete suivieen France dans la publication des Recherches
statistiques sur Paris, et dans les documens sur t' administration
de la justice, qui sont des modeles dans ce genre.
A. Quetelet.
200. — Lettres sur la Liberie de la Religion, et sur les Thco-
democrates,ou les Jesuilesmodernes. Amsterdam, 1829; Diede-
richs freres. In-8° de 1 26 pag.
Cette brochure est dirigee contre le parti catholiquc des
po& UVKI-S 1'TilANGFJlS.
Pays-Has. Le jm*jvb etant un soiiverain cleeiif, I'mitcur reoi-e*
sente la dour do iiome, non comttie u«e monarch ie the.icra-
tique, mais cominc une tlico-denmcralic. De la lc pom dc
ilido-dcmncrates qn'il donne aux jcsuilcs. Cestcn vcrtu de leur
esprit dcniocratique , si l'ou en croil eel ouvragc, que les
jesuites onl conspire contro les rois, el qu'lls sont lee enneniis
fle toutes les monarchies constitulionncilcs ou non conslitu-
tionnelles. Voila, sans doute, un aspect nouvcau sous 1 equal
fin nous peint les jesuites, et nous no sonimes pas aceoulumcs
n les maudire comme amis de l'egalilc et de la libeite. Mais
l'auteur lui-meme ne prend pas ce rcproche au sciieux : bion
tpie le tilre de sa brochure semble indiquer que le rcpublica-
nisnie des jesuites est le principal argument qu'il Icur oppose,
ce motif n'est que subsidiairc et n'occupe guere qu'unc demi-
pagc. Tout lc rcste est consacre a devolopper les perils qu'rn-
traine dans l'lilat une mi lice devoute a un souvoiain etrangor,
et surtout it dcveloppcr les croyances ahsurdes flont I'auldur
accuse la doctrine catholique. 11 ne vcut point que les eallmli-
ques obtieunent la liberie de la prcssc, ni la libeite do I'on-
scignement, et a ce sujet il s'emportc en injures coulir ie
parlement d'Angleterrc, qui a ordonne l'emancipalion ties
catholiques, el contra les liberaux de France et des Pays-Bas
qui out soulenu cette mesure.
L'intolerance eranscliquc (car e'est la religion evangeliqne
qui est en Hollande la religion de l'lilat) n'est ni plus eelairee,
ni pins retenue, ni de mcilicuro f»i, ni de meilleur ton
que 1'intolerance callwtiquc. Le sty le et les raisonncmens do
cette brochure nc different en lien des discoius flu plus fou-
gueux de nos missionnaiics, ou flu plus ignorant cure d'Es-
pagne. Ainsi toute religion dominante, e'est-a-flire appuyee
par le bras seculicr, incline vers la persecution, et ce,mal est
prcsque inevitable : en effel, si les dcposilaires flu pouvoir
sont serieusement convaincus flc la fettle fle leurs croyances,
comment n'auront-ils pas de repugnance pour ecus qu'ils rc-
gjrdent eomnie les enncmis de leur foi ? Sans doute , le
nioyen de Iranchcr la difficulte scrait de rctircr l'assisianee de
la force publiquc a toute opinion qui se renferme flans les
limiles fle la conscience individuellc, et de ne rendre obliga-
toirc que 1'accomplissemcnt des devoirs sociaux. Des que dans
un pays il n'y a plus comnmnaute fl'opinions religieuses ,
l'unite de I'Etat nc repose plus sur la religion , mais sur la
morale sociaie, et lc tcxtc de la loi ne doit pas mentir a
ce fait. Bfe genez les cultes divers que dans les pratiques et
les maximes qui pcuvent The contiaires aux devoirs so-
PAYS-BAS 7o5
ciaux; pour tout le reste , laissez-les libres : voila ce que
doit faire aujourd'hui tout gouvernement. JMais cc principe
est plus facile a proclamer qu'a pratiquer. Comme chacun
etablit une relation iulinie entre sa morale ct sa religion, le
souverain, que ce suit un hnrame ou une assemblee, inclinera
toujours a meltre une pai tie tie sa religion dans la morale so-
ciale, et a etendre sur la premiere 1' obligation qui n'apparlient
qu'a la seconde.
11 en sera ainsi jusqu'a ce qu'on ait etabli la morale sociale
sur des bases qui lui soient propres; c'esl-a-dire, jusqu'a ce
qu'on l'ait assise sur sa propre evidence, comme les mathe-
matiques, on du moins jusqu'a ce qu'on ne lui ait laisse d'e-
tranger que les maximes de religion generale qui se retrouvent
dans tous les cultes, comme la grammaire generale preside a
toutes leslangues particulieres.
Ce ne seront pas les Leilres sur les Theo-democraies qui aide-
ront a degager le droit social des entraves d'un culte parti-
culier. Ad.
201. — Essni historique et lopographique sur I'origine a" Sti-
vers et de ses premiers liabitans ; par M. Marshall, avocat et
arcbiviste de la ville d'Anvers. Anvers, 1829; imprimeiie de
Jouan. In-8°de vi-48 pages, avec plans et figures.
Conservateur des archives de la ville d'Anvers, homme
plein de zele et de talent, M. Marshall etait a meme, plus
que tout autre ecrivain, de faire un bon Memoire sur Porigine
d'Anvers etl'histoirede cette\ille. On doit lui savoir beaucoup
de gre d'avoir bien rempli sa tache. Sa brochifre est pleine de
choses curieuses et renferme, dans un cadre resscrre, tout ce
qu'il y a de plus interessant a connaitre rel.ilivement a cette
cite sicelebredans le monde, autrefois si riche et si florissante
par son commerce et son industrie, si illustree par tant de
grands peintres qui ont eternise l'ecole flamande. Les per-
sonnes qui aiment mieux la verite historique que des tradi-
tions fabuleuses prefereront la brochure de M. Marshall,
ecrite sans pretention, et dans le seul but de servir utilement
Phistoire, a tout ce que Ton a publie sur la ville d'Anvers.
deK.
202. — * Essai sur CHistoire de la Litter atari ne"erlandaise ,
par J. de S'Gravehwert, membre de l'Institut des Pays-
Bas, etc., dedie a S. M. le Roi des Pays-Bas. Amsterdam,
i83o; Delachaux. In-8° de vui et 23 1 pages.
Onavait trop long-tenis neglige en France les langues et les
litteraturesetrangeres;troplong-temsaussi,desprejuges anti-
sociaux, desantipathies nationalesavaientdivise les peuples, et
t. xlvi. jcin i83o. 45
;oG LIVRES KTRAfcGERS.
cxercelcur influence, nicmcsur leslinnvmes relaircs. Los pro-
gress des Fuiftiefes c\ de rtotlv.bllerfcottjnAfdnJCatJonjt)hreai'tt\reS
et plusmultiplitcs, qui sunt necs du scin krtfeme des gncrrcs, ct
qui out pris de phis grands dcvcloppcmeus dcpuis la pafac, mil
contribuc a micux (aire connaitre ct apprecicr les nations lc?
unes par les autres ; ct la Rente Encyelopcdiquc, d'apris les lc-
moighages de scs nombreux correspondans , n'a pas etc en-
titlement inutile, depuis doiuc annc.es qu'ellc cxiste , pour
amencr cct important resultat.
Aujourd'hui, les ecrivains les plus rcnommes de l'Angle-
tcrre, de l'Allcmagne, del'Ilalie, obtiennenl en France la
niemc popularile que dans lciir propre patric ; et la langiie ct
la litteraturc franchises out plus que jamais tin caraelerc d'u-
niversalite qui les rend proprcs a transporter d'un pays dans
up autre les productions scicntifiques et litt;iaircs digues
d'une tres-grandc publicite. Mais la litteraturc neerlandaise,
qui comprend les ouvrages ecrits en hollandais et en flam-
mand, et qui, d'apres son hislorien, se devcloppa speciale-
' ment vers la fin du xvi* et art commencement du xvn* sieclc.
etait encore tres-pcu connue. M. de S'Gravenwert cntrcprend
de venger cetle litteraturc d'un injtiste oubli, et ses docles et
laborieuscs rechcrches lui mcrilent la reconnaissance de ses
compatriotes et des amis de la litteraturc dans tons les pays.
Aprcs une courlc introduction, I'autcur traite suercsi-ive-
ment de l'origine de la langne neerlanda'ise (ou hollanclaise) ,
ct des diflerentes cpoqucs litleraircs f'c ccltelangue : i*dti ail*
au xv n* siecle ; 2° dans le xvn* sieclc, on la Hollande, lout
en conquerant son independance politique, eultive a la fois
avec un egal succes les sciences, les belles-lettres ct les arts ;
5° dans le xvm* sieclc, qu'il divise en trois periodesdistinctes,
de 1700 jusqu'en 1775 ; puis, jusqu'a la revolution de 1795 ;
et enfin jusqu'en i8i5, periode de la restauration qui se ral-
tache au moment actuel.
Le passage suivant donnera une idee du style ct de la ma-
niere de voir de l'auleiir : t. II n'existe point de people qui,
dans le cours de deux ou trois siecles seulement, ail produit
lant d'hommes eminens sur une population aussi restreinte
quecelledesPays-Bas, en Hollande surtout. On le doit en par-
tie aux institutions liberales des Provinccs-IJnics, alors I'ort en
avant de celles des autres peoples del'Europc, qui gcmissaicnl
prcsque tons sous le joug dii despoti^me ou de la supcr.-lition ;
maisonledoitcgalement aubon sens investigateuret solidc de
la nation, qui nc s'est jamais dementi jusqu'a nos joins. — La
litteraturc, ingenicusement appelce la pbysionomie d'un peu-
ple, n'est pas demeurec en arriere ; clle est grave ct religicusc
PAYS-IAS. — fcfVRES FRANCAIS. ;0;
comme la nation, toujours simple et souvent sublime on bar-
die, ct so distingue surtoul par un ca rude re original do medi-
tation et de patriotism** .
L'ouvrage que nous annoncons cstuntribut honorable pate
par un boa citoyen a sa patrie, et par un cerivain eclaire a la
littcrature el a la cause des lumicres. Tons les homines ai ides
.d'inslruelion aimeront a suivie un guide habile qui les con-
duit dans des routes nouvclles et dans un monde peut-elre
inconnu pour bcauconp d'entic eux, et tii's-digne d'etre clu-
die. Lc succes do cet ouvrnge doit etre europcen, oomme l'a
ete le but de 1'auteur; ct UI. de S'Gravcnwert, qui va par-
courir, ccttc annce, 1'Italie. en observateur insiruit ct ami des
arts, ne pent manquer d'y rccevoir l'accueil distingue que me-
rilc la reunion de connaissanccs elendues ct variees a des
qualites aimab'es ct solides. Nous reviendrons sur cctte his—
toirc lilloraire, pour en ofi'rir l'aualysc a nos leclewrs.
M. A. Juelien, de Paris.
Ourrages periodiques.
2o3. ■ — * Tydsc/irifU etc. — Recucil de la Socic'tc des Sciences
medicates de Hoorn. Troisiemc volume. Amsterdam, i83o;
imprimcric de Vinck. In-8° de i58 pages.
Co. recueil, rcdigc par MM. Rynbers, Van Marken et Jor-
kitswa, et dont nous avons en plus d'une ibis occasion de par-
lor avee eloge, fentermc d'excellentcs observations. Dans le
dernier volume que la Societe vicnt de publier, on trouvc
parmi un grand nombre d'analyses d'ouvrages et de notices,
une observation fort interessante, par M. Kereert, sur une o man -
msc survenne a la suite de I'accouchement ; des rcchcrchos sur
hi fistute lacrymalc, par ?d. BccnxER; une dissertation rhimiiiuc
sur les stls; une Notice surla lilhrotrilir, parL,ANDSH.R00N, etc.
DSK.
LIVRES FRANCAIS.
Sciences physiques et naturetles.
2oZj.- — * Principes de Philosophic :oologique, discules en mars
1800. par iM. Geoffroy-Saint-Hilaire. Paris, 1800; Pichon
et Didier, (juai des Augustins, n°47 ; Rousseau, rue de Riche-
lieu, n" io5. ln-8°de 22G pages; prix, !\ t'r. 5o cent.
La discussion sur le principe desdiversitcs awima'cs toujours
ramenoes a dc communes conditionsd'oiganisalionnous a parn
avoir uu tol caractore dc grandeur ct d'ulilile philosophiqnc
?08 L1VR1S FRANCAIS.
que nous nous sommes empresses d'cn offrir quelques parties
a nos lecterns. Nous avons insere dans ce recueil (voy. ci-des-
sus, cahicr d'dvrit iiSTto. p. 5 el p. 20) le premier Memoirede
M. Georges Cimer, et line replique de IM. Geoffroy-Saint-
Hilaire, etablissant les points de controverse discutea devant
l'Vc. identic. Ce dernier a fail connaitre qn'il prcparail nn ou-
Tragc dans lequel les memos questions seraient reproduces
avectouslesdeveloppcmensconvenables. Get miYrage vientde
paraitre, et ne pent manqnor d'inspirer on vif interel ; il tie
s'agit de rien moius que de savoir si la philosophic zoologi-
que, telle que l'a finite A r is tote, telle que Font contirmee les
travaux de vingt-deux siecles ; telle enfin que iM.Cuvier lui-
meme l'a consacree par des travaux ad mi rabies ; si eette phi-
losophic, demontree insufTistnteet incomplete, cedent la place
aux doctrines recemment inlrodiiites en Allemagne par plu-
sieurs savans celebrcs, et en France par M. GcoflYoy-Snint-
Hilaire. Quand les discussions scienliuques ne roulent quesur
des travaux de detail, elles demeurent renfeimees dans I 'en-
ceinte des Academies et des Societes savantes; mais, quand
elles portent sur les plus hautes generaliles de toute une
science ; quand elles sont engagees et soutenues par deshum-
mes dont le nom est europeen, alors la curiosite puhlique s'e-
veille et s'y attache. Toutes les sciences sont par contre coup
mises en cause, et ont un interest majeur a lent- resultat. La
controverse elevee entre M. Guvier et M. GcofiYoy-Sainl-Hi-
laire ofTre ces carac teres ; le public ne saurait y rester indiffe-
rent. Les questions en litige sont telles qu'independ.unnient
de leur inleret scientifique elles sont de nature a s'emparer
fprtement de toutes les intelligences, pour lesquelles le spec-
tacle de la nature animee est une source feeonde d'emotions
poetiques, philosophiqueset religieuses. Or, il n'y a pas d'ame,
quelque pett cnltiveeet bien organisee, qui n'en eprouve sou-
vent de semblables.
Ges nouvelles idees de philosophic n'etaient encore con-
nucs et debattues que dans les regions les plus elevees de la
science: c'est depuis trente ans environ qu'elles se sont in-
troduites en Allemagne par les travaux de Kielmayer, Oken,
Spix, Tiedernann, Meckel, Cams, Bojanus etc., et aussi par
les speculations de CEcole de la Nature; un France, paries ecrits
de M. Geoffroy- Saint- Hilaire et par nos communications
avec FAIlemagne : elles doivent aujonrd'hui a la dernicre dis-
cussion academique d'etre presentcment repandues parmi tou-
tes les classes de lecteurs.
Le livre que nous annonpons ajouterait beaucoup plus a ces
SCIENCES PHYSIQUES. ;o9
vesultats dernierement produits par la presse periodique, s'il
avait ete destine par son auteur a une grande circulation;
mais il parait qu'il a etc pris des mesures pour qu'il n'en fut
pas ainsi. L'auteur, ayanl vouiu subordonner les inte.retsde la
science aux egards et aux relations d'amitie qui l'unissent a
M. Cuvier, n'a desire donner a son livre qu'une demi-publi-
cite. L'ouvrage est tire a un tres-pelit nombre d'exemplaites,
et ne doit pas etre reimprime.
Quand de nouvelles idees entrentavec eclat dans la pensee
publique, on desire en connailre l'inventeur, ou le premier
promoteur. Les questions de priorite sont toujours diflici-
les a resoudre. Les nouveaux principes de philosophic zoolo-
gique ne seraient-ils que propages d'AUemagne en France?
Auquel de ces deux pays en doit-on attribuer I'honneur? Que
des discussions publiques s'elevent sur ces points de fails, on
peut considerer les choses elles-memes comme appreciees et
jugees dans ce qu'elles ont de fondamental.
J. 31. de Saint-Ange, D. M.
N. B. Les d^veloppemens qui suivent, et que nous avions demandes
a l'auteur luinitme pour bien pieciser l'etat de la question, nous parais-
sent devoir la reproduce avec une nouvelle lumiere, et satisferont, sans
doute, les lecteurs meme elrangers a la question scientifique pioprement
dite qui voudront s'en faiie une idee netle, et la bien compiendre.
Connaitre avec exactitude et les rapports et les differences
des materiaux constituans des systetnes organiques chez les
animauxesl le probleme comme lebutdel'analomiecomparee.
Mais quelles melhodes y serontemployees, quelsprocedessont
preferables? Car, devra-t-on s'en tenir a ce qui fut pratique
de tout terns, a ce qu'on distingue aujourd'hui sous le nom
de doctrine aristoleliquc? ou faudra-t-il admetlre en concur-
rence et par preference le service de la Thcoriedes Analogues?
Ces derniers et nouveaux moyens d'etude ameneraient-ils
une utile renovation de la facede la science? M. Georges Cuvier
ne partage point cette opinion de son confrere : il n'a nulle
raison de rien changer a ce qu'il a pratique jusqu'a ce jour;
or , c'est en presence de cette redoulable opposition que
M. Geoffroy-Saint-Hilaire a propose sa Theorie dcs Analogues,
qu'il donne comme un procede nouveau et comme un guide
assure, procurant au moment meme les inspirations et les re-
velations desirables, et portant a des recherches instantane-
mcnt scientifiques.
Voila ou est le nceud de la controverse qui s'est elevee der-
nierement au sein de l'Academie des sciences.
LIVUES FRANC AIS.
La doctrine arhtotdique n'cst et no. pent elrc invoquce quo
dam- des cas ties- simples : die n'a gucro idee tics rapports
que fl'une manide instinctive : lea homines de la science nut
lino sagacito (|iii les a cnlraincs In' s -suim-nt au dela; on ne
parte ici queue la doe-trine olle-meine, que desconseils qu'elle
pent inspirei'. Kt, cnieflol, comma moyen, die ne vapas bcau-
COHp an dola dc ce (|iii est acquis par Ic scul lion sens po-
pulate, quand il s'agit pour ellc d'aequerir la conscience des
r: ^tiuhlances philosophiqucs des organes. L'ccil dol'homme,
l'a'il du singe, celni duboeuf, tie la grenouillc, dn serpent, elc,
e'est un ceil pour die, coniuie pour tout le monde. II ne faut
pas se denianuer, dans l'un on I'aulre cas, pourquoi : il suilit
qu'on le disc, sur un jugement prompt et instinclif.
Lebrasde I'honmne est forme parquatre troneons : l'epaulc,
le bias proprement Jit, Pavant-bras el la main. Connaisscz
toutes les hesitations de-la doctrine aristotdiquc , si die enlre-
prendde comparer, dans des animaux divers, cette quatricmo
et dernicre partie, le troncon, nomme la main chez 1 homme.
Pour qu'elle continue a considerer cclle-ci comme toujours
aiialogique dans la Serje des etres, die exige la reunion do
tous les rapports possibles; il faut qu'il lui soit donne meme
troncon, meme forme et meme fonclion. Ce troncon exisle
diez le cheval ; mais dans cette especc apparlenant a la meme
classe des mummiferes, les formes et les functions sont mi-
tres; alors il est de necessitc que la doctrine aristoteliquc as-
servisse £ cette observation pariiculiere sa pbilosopbie gfene-
rale. Un autre systeme de formation, prononce-t-dlc, a
produit cet autre troncon. Ainsi ia nature, dans plusicurs fa-
milies de mammiferes, reuoncerait au.^si vile a la voie acrou-
tumce des transitions, afin de composer, avec aussi pen de
motifs pour changer, un nouveau systeine organique !
Cependant, qu'a son toiir la theorie des analogues s'ex-
plique sur ces mfimes faits. Elle n'est point tcntie de changer
dc philosophic a chaque variation unpen considerable qu'elle
rencontre dans la serie des clres : e'est que cette theorie se
refuse expresscmcut a faii'e concourir ensemble pour aboutir
a un avis comniun les trois demens nccessaires a la docUino
arislotelique; savoir : le troncon, sa forme et sa fonction : la
theorie des analogues s'empare du troncon tout seul, dont
elle examine d'ubord toutes les conditions communes, par-
tout ou celui-ci sc trouvc , ct die n'arrive qu'en second lieu
sur les deux autres circonstances propres a 1c qualifier; sa-
voir : sa forme el scs usages.
Ainsi le cheval a une quatriem : partie au membre ante-
SCIENCES PIlfSIQUES. 711
eieiir, laqucllc devient, par consequent, facilement compa-
rable a la quatrieme parlie on a la main de l'liomme. Avec
eeltc rossource d'obscrvalion , il n 'est plus necessairc de c'or-
riger a lout lnoment la philosophic appliquable a ces faits; il
u'est pas nou plus necessairc d'admettre une nouvelle creation
d'organes pour ces cas particuliers : on s'en tient a ce qui est,
a la possibilite demontree d'une transformation des parties :
ces incuies parties peuvent changer , el changent en effet de
forme dans les di verses families ; en changcant de forme, elles
changent net essairement de function, Or, ces cas trouvent
une exposition loute simple, en meme terns queleur explica-
tion, dans la proposition suivante portee a toute sa generalite;
le dernier tronpon de I'cxtremitc anlcrieure est, chez la plupart
des inammifcres, employe diversement, devcnanl la patte du c/tien,
la gri/fe du chat, une aile chez la chauve-souris, une ramc chez le
phoque, enfin une portion de lajambe chez les ruminans.
Ainsi la doctrine aristotelique serait restremte dans 1 ap-
plication a en faire , et meme de toute inulilite : restreintc ,
puisqu'elle ne s'applique qu'aux animaux teltement voisins
qu'alors il est tout simple qu'ils rcunissent en eux les trois
sortes d'elemens pour de eommuns rapports; ce qui ne se
rencontre qu'entre les espeees de monies families : el de toute
inutililr, puisqu'elle ne se porte qu'a la connaissance d'aualo-
gies deja fournies instinctivemeut a l'esprit : effeclivemcnt ,
l'evidence porte en soi un principe de niauifcsUilion propre a
frapper egalement toutes les imaginations.
An contraire , la Thcorie de( Analogues se distingue par son
caraclcre d'une complete universalile , et par sou interven-
tion, alors que cel!e-i i est indispensablemcut reclamee.
Sou universal 'ite se manifesle dans cetle circonstancc que,
reposant sur la consideration du seul element analomiquc, la
thcorie saisil un sujet d'observation infiniment etendu : ce,t
clement resle partoul compai'al)!c, meme lorsqu'il disparait ;
car des traces indicatives de sa disparition subsistent loujours.
Ces I de cclle manicre que s'ctahlil celle universaiite de ser-
vice : ct en clll-1 la thcorie des analogues ne prcjugc point
la ci;:i tTvalion invariable des malcriaux : clle inlervient seu-
loincnt pour en faire lVppel et pour en regler le comptc.
Sou intern nlion se monlrc ans'i parfois indispensable ; e'est
q-.iand les formes des mentes parties out eprouve une si grand e
m.'lamoi pliose que les analogies, pour etrc retrouvees on dc-
moulivcs, exigent louti ;s les lumicres de la science, les pro-
cedes de la plus exqui.-c s.agacile, et les ressources de sa
propre melhude dc determination.
7,2 LIVRES FRANC AIS.
Bo definitive , la doctrine aristotelique retient dans des li-
mites reslreinlcs le principe de la ressemblance philosophique
des etres, n'en voulant qu'autant que cc principe se manifesto
aux yenx du corps, et la Thiorie des Analogues trouve a eleodre
indefiniment le champ des faits comparable*, entendant les
rechercher an dela de leur manifestation oenlaire, et usant
des veux de 1'esprit pour ponrsnivre et saisir ce que des com-
paraisons suivies opiniatrernent accordent encore de rapports.
Geoffroy-Saiist-Hilaire.
2o5. — Nouveait Manuel de I' A natomisle, etc. , par M. Ernest-
Alexandre Lauth, D.-M. , agrege en exercice, chef des tra-
■vaux anatomiques pres la Faculte de medecine. de Stras-
bourg, etc. Strasbourg, 1839; imprimerie de Levrault. In-8*
de xvi-7;6 pages; prix, 8 5o c, et 10 fr. par la poste.
L'auteurdece nouveau manuel, qu'ilnc faut pas confondre
avec tant d'autres manuels de ce genre , Start deja parvenu a
se faire connaitre de la maniere la plus avanlageuse , pai tout
ou les sciences naturelles sont cullivees, par ses interessans
travaux sur les vaisseaux lymphatiques. L'exeellent ouvrage
que nous annoncons ne reut manquer de placer M. Esnest
Lauth a cote de son digne pcre , l'un des plus savans mede-
cins de l'Europe, et que la mort a trop tot ravi aux sciences
medicates et a la Faculte de Strasbourg, qu'il a si long-tems
illustree. II serait trop long d'offiir l'analyse d'un ouvrage ana-
tomique : il s'y preterait difficilement. Nous dirons settlement
que nous avons lu avec une grande attention le manuel de
M. Lauth, et que nous le regardons comnie lc meilleur et Ic
plus convenable qui existe pour acquerir les connaissances
anatomiques. M. Lauth n'y a rien omis, et n'a dit que ce qu'il
faut savoir. II a surtout rendu 1111 grand service aux eleves et
a tous ceux qui n'ont pas le terns d'etudier l'anatomie dans
de gros volumes souvertt si diffus, et remplis de choses super-
flues, qui fatiguent 1'esprit, et empechent de saisir l'essentiel.
De Rirckhoff.
206. — * Rapport du Conseilde Salubrite de la Villc de Paris
et du Departement de la Seine. Paris, 1829; an bureau du Re-
cueil induftriet, manufacturer et des Beaux-arts , rue Godot-
de->lauroy, a* 2. In-4° de 34 pages ; prix, 3 fr.
Le conseil de salubrite est compose de 1 7 membres, savoir
MM. Adelon, Andral, Barruet, Parcet, Deyeux, Dupuylren ,
Gaul flier de Claubry , Girard, Huiard pore, Hazard fits, J.
Juge, Laharraque, LeRoux, Marc, Parent-Duchatclet , Pel-
letter, Petit, rapporteur. Les objets que le rapport embrasse
sonten tres-erand nomhre : vacheries; — falsification du
SCIENCES PHYSIQUES 7i3
lait; — fabriques de produits chimiques; — fours achaux; —
fabrication de gaz hydrogene; — dangers des vapeurs de la
braise; — comptoirs en marbre, a I'usage des niarchands de
vin; — bnanderies; — assainissement de la villc de Vincen-
nes et de la commune de Clicliy ; — charlatan isrrte ; — voie-
ries; — prisons; — suicides; — maisons de bains publics,
depots d'eaux mineralcs; — maison de sevrage; — dispen-
saires; — emploi de la fleur de soufre pour etcindre le feu des
cheminees, etc. — Cette longue nomenclature annonce deja
des travaux considerables, et atteste une surveillance tres-
aclive; mais 176 autres Rapports particuliers sur diverges fa-
briques out absoibe plus de terns que tons les objets dont le
rapporteur a fait une mention specialc. De plus, il a fallu dres-
ser le tableau de mortalite, et par consequent recueillir et
classer les fails, comparer les resultats du calcul. Arretons-
nous d'abord a ce travail du Conseil. On y observe qu'en
1828, la mortalite des femmes surpass* d'un huilieme celle
des hommes : si cbaque annee reproduisait le meme resutat,
de sorte qu'on pdt le regarder conime une consequence des
lois de la nature, conmie on sait d'ailleurs que le nombre des
naissances feminines est moindre dans nos climals que celui
des naissances de Pautre sexe, nous serions menaces devoir
disparaitre graduellement la plus belle moitie du genre hu-
main. On pent done affirmer que les observations faites a
Paris sur ce rapport entre les pertes eprouvees annuellement
par les deux sexes ne s'etendent pas a toute la France, et en-
core moins a tous les pays comparables au notre quant an
climat, aux moeurs et an degre de civilisation. Mais ce qui
ne doit pas etre omis, e'est qu'a Paris mt-me, on il parait que
les femmes ont a supporter une si grande part des maux qui
pesent sur nous depuis notre entree dans la \ ie jnsqu'a sa der-
niere limite, leur patience est moins sujette a se lasser, letir
courage plus ferme , on qu'elles savent mieux se soumeltre
a»ix dures lois de la necessile : les suicides sont beaucoup plus
rares cbez les femmes que chez les homines.
II nousserait impossible de suivre ce rapport clans toute son
elendue : il faut done nous bonier a quelques-uns des sujets
divers qu'il passe en revue ; nous tacberons de choisir ceux
qui attireraient plus specialement I'atlenlion du plus grand
nombre de nos lecteurs.
Comptoirs des marc/iands de vin. Les ordonnances qui savent
tout , et ne peuvent faillir, comme personne ne l'ignore, pres-
rrivent aux marcbands de vin de revetir d'une feuille d'etain
la table sur laquclle ils font leur distribution. Cependant.
7 14 L1V11ES FilA^CAIS.
quelqucs marchandsont voulu selever jusqu'a la magnificence
Ju niarbre : ordrc do la police d'eloigner cettc malicre dunga-
reuse, et de revenir a retain ; reclamation do l'auibitioux ma;-
chaml; le Cotlseil est pris pour juge, ct le marbre gagnu sou
procefi coutre les agens de police et con t re le metal, niai- a
condition (|u'il sera rcvclu d'un mastic qui le mule inatlaqua-
I) le par le vinaigre doat les vins dcbilcs sur les romploirs de
Paris ne snnt pas exempts. Si les marchainls voulaient porter
la magnificence nn pen plus loin, et subslituer 1c porphyre on
le grauit an marbre, i! laudrait peut-etre une nouvelle or-
cloiiiiauce pour autoriser ce changement.
Falsification du lait. Le Consoil de salubrite se borne stric-
lement a ses attributions. II n'est pas charge de surveiller la
probite des marchauds; le soin de la snnte publique lni trace
les limiles de ses inspections. Queiqu'il soil bien reconnu que
la consommalion du laitage a quadruple, et que la production
de ce liqukle n'est pas doublee a beaucoup pros, il est permis
aux vendeurs de l'ubriqucr ce que les vacbes ne foui nisscut
point, pourvu que le lait arti'ieiel u'ait rien tie mall'aisanl. I\e
verrons-nous done jamais l'industrie agricole laire pour la ca-
pitale lie !a France ce qu'elle est parvenue a meltie en prati-
que autour des principales villes de la Grande-Brelagne , y
ivpandre abondamment uu laitage pur, alimentaire , bienfai-
saut, sintoiit pour renfance? Pourquui I'aris n'a-t-il pas en-
core son Hat ley?
Dangers des mpeurs de (a braise. — Une discussion entre deux
labricans de chemiuees a donne lieu an Conseil d'emeltre son
avis sup les diets ties vttpeiirs dc la braise, qu'il regarde commc
lr; s-dangereuses. En diet dies peuvent I'etre , mai.s beau-
coup moins qu'on ne le pense ; car plus de la moitie des ha-
bilans du nord vivent, una grande partie de l'annee, an mi-
iieu de ces vapeurs, dans des cbambres bien closes, et n'y sont
point asphyxies. L'n leu de braise est cntrolenu toute la jour-
nee dans les poeios formes des Ilusses, dans les tandours des
icimnes grccqucs, travaillant gaiment autour de cc foyer
ardent place sous leur (able.
Asstunissenunt de Vincennes et de CHchy ; — Buanderies.' — ■
Le projet d'elablir aux Ternes le blanchissage par la vapour
repaud l'alarmo dans cette commune; reclamation des ha-
bitans contrc ce foyer d'infection qu'on veut leur apporter. I'u
peu plus loin, la commune de Ciichy ej&t n'eliemeril infcclt'e
par les blanchissciies sui\ant les proocdos nrdinaires: des Ira-
\aux d'assaiuisM-iueiil soul devenus indispensable*. Ain.-i lc^
j 'renditions repousfeent des perfecti'jnucmoi'.s qui sCiaicut a
SCIENCES PHYSIQUES. -i5
Li fote des moyens d'economie et de salubrile, et la routine
perpetue lesprocedes les plus \icienx, los pins nuisiblcs a la
saute de eeux qui les emploicnt. Le Couseil a suivi dans ce
cas les maximcs dont il no s'ecarte point; il a rendu justice
au blancliissagc par la vapeur, et propose des moyens de ren-
dre moins infecfes et moins dangereuscs les emanations des
mares de Clieby. Puisquc nous ne savons rien faire sans F im-
pulsion du gouvcrnemenl , et que, d'nn autre cote, le gou-
vcrnement vent lout faire, tout regler, tout dinger, ne sc-
rait-ee pas vers le perfcciionncmcnt du blauchissage qu'il
devrait imprimer sa direction? II ne s'agirait que d "imifer nos
voisins, de faire mieux a inoindres t'rais, et sans infecler nos
habitations, ce que nous faisons aujourd'hui si nial et si cbe-
rement.
Ce que nous venous de dire suflit pour faire apprccicr cc
rapport; niais, pour qu'il opere tout le bien que Ton pent at-
tendre des lumieres et de la sagesse du Conseil, il faudrait
que le public sut profiler des communications qui lui sunt
faites, qu'il prit 1'babitude de lire les edits lels que eclui-ci,
<j ue tous les esprits capables de meditation s'en occupasseni
serieusement, avec suite et perseverance : notre public n'est
pas encore parvenu a ce point de maturite.
Le Conseil tcrmine son Rapport par une reflexion generate
que nous aliens transcrire; elle provoquera sans doute aussi
les reflexions du lecleur.
n L'arbitrairc. , quelque moclcre qu'il soit dans son action,
en semant Fineerlitude , fait toujours naitre des craiutcs, et
devient par cela rafme plus dangereux pour Fordre social que
les lois les plus dures. Sous sa funcste influence, rindustrie,
qui a besoin de stabilite pour se developper, devient languis-
sante : en efl'et, des qu'elle ne pent plus compter sur l'avenir,
elle periclite ; le present ne sail rait lui suilire , car i! est dans
sa nature de se notirrir surtout d'esperanees. Aussi rien
n'est plus propre a favoriser ses progres que la conliance
qu'inspire une sage administration, toujours disposee a pro-
teger les interot3 de ses adminislres, el a u'agir qu'en obeis-
sani aux lois. »
207. — *Traite ilhneniaire dc Mineral ogie, par F.-S. Bevdant,
menibrc de FAcadcmie royal e des sciences de l'lustitut , pro-
fesseur de mineralogie a la Faculle des sciences de l'Acado-
mie de Paris, etc. Deu.iii'me edition. T. 1". Paris, i85o; Yer-
diere, quai des Aiiguslins, 11° a5. In -4° de 7J2 pages et
1 1 planches, dont 5 sonl coloriees; prix du premier vol.. 1 \ IV.
IK-s que le seco:id vohuue de cetlc nouvelle edition aura
;i6 L1VRES FRANC MS.
paru, nous nous emprcsscrons d'en rend re a nos lecteurs nu
comple detaille. Pour donner wne idee de la tache qui nous
sera imposec, citons ce qu'on lit dans la preface :«Dans la
necessite dc (aire aujourd'hui unc nouvelle cdilion, je n'ai
rien a changer aux theories que j'ai exposccs dans la pre-
miere ; j'ai settlement a ajouter les fails dont la science s'est
enrichie, el a donner sur differentea parlies des details que mes
cours m'ont fak juger necessaires. Conunc fails nouveaux, on
trouvera clans eclte edition les observations de M. Savart sur
l'etat clasliquc des maticres minerales, et les applications qui
en resultent ; les variations que j'aiieeonnues dans la pesanteur
specifique des corps suivant leurs diverses structures et les
moyens de donner a ce caractere l'importance dont il est sus-
ceplible; le resultat des reeherehes de M. Becqverel sur I'e-
leclricite par lachaleur, dont la theoric se trouve entitlement
changee; le calcul des analyses minerales, d'apres nos expe-
riences sur la maniere dont les substances se melangent, lors-
qu'elles cristallisent ensemble, etc. : comme details neces-
saires pour completer la parlie philosophiquedela mineralogie,
on reconnaitra, d'une part, beancoup d'additions dans l'etude
des formes cristallines, dans les tableaux qui presentent les
derivations reciproques des formes de chaque systeme, dans
les obliterations, dans les groupeniens, dans la partie geome-
tiique de la cristallograpbie ; de 1'autre, on trouvera des no-
tions plus elendues sur les essais chimiques devenus cle la
plus grande importance, et un expose plus regulier dt;s caiac-
teres auxquels on peut reconnaitre les diverses matieres ren-
fermecs dans un corps. Les notions geologiques, necessai-
res pour apprecicr le gisemeut des mineraux, out ete aussi
redigees de nouveau, suivant les principes qui doivent nous
dinger aujourd'hui, et presentees dans le plus grand degre
possible de generalile ; j'ai cru devoir y donner une idee ge-
nerate des experiences de M. Becquerel sur la formation et
la cristalUsation des diverses substances dans des appareils
electro-chimiques. Enfin, ayant cru devoir donner encore un
apercu de l'emploi des substances dans les arts et les usages de
la vie, j'ai tfiche de le red u ire, autant que possible, aux gene-
r addles les plus importantes. »
On comprendra sans peine que d'aussi nombreuses addi-
tions out exige un second volume, et l'auteur donne aussi un
precis de ce qu'il y renfermera. On voit que l'ouvrage de
M. Beudant sera 1'image fidele de la science mineralogique,
telle qu'elle est aujourd'hui.
308. — * Experiences faites d Lomfres pour perfectionner et
SCIENCES PHYSIQUES. 7,7
faire connaitreplus generalement I'Arl dese preserver de faction de
la flmnme; parM. le chevalier Jean Aldini. Paris, i83o; im-
primerie de Mm° Huzard. In-8° de 26 pag., avec uae planche.
Cette brochure fait suite a l'ouvrage de M. Aldini que nous
avons an nonce (voy. Rev. Erie, t. xlv, fevrier i83o, page
394), et ajoute de nouveaux fails eP de nouveaux moyens
conservateurs a ceux que I'habile el «ele physieien a deja fait
connaitre. L'artqu'il s'efibrce de repandre, avecun devofiment
bien digne d'etre couronne par le succes, a eu dans la Grande-
Brelagne le sort auquel on devait s'attendre; accneilli avec
empressement par les savans , les artistes , les philantropes ,
la nation , quelques specula teurs ont essaye de le repousser.
Le seul obstacle que M. Aldini ait eu a surnionter est l'eloi-
gnement de quelques compagnies d'assurances qui, apparem-
ment, trouvent plus commode de n'avoir a s'occuper que des
choses et nullcment des personnes. M. Aldini pense lout au-
trement : «Le mobile qui a constamment soulenu mon cou-
rage dans le coins de mes recherches, auquel je dois mon
activite, qui m'a fait sortir de mon pays, supporter les fati-
gues et les embarras de mes voyages, e'est le vif desir de pou-
voir me dire un jour que je suis parvenu a sauver quelques-
uns de mes semblables de la mort la plus cruelle. Voila ce qui
me fait souhaiter si ardemment de voir mettre mes procedes a
execution dans les lieux les plus menaces par les incendies.
J'ai maintenant l'intime conviction que j'ai fait tout ce qui
etait en mon pouvoir pour rendre ce service a mes conlem-
porains; j'ai communique sans reserve la forme 'et les dimen-
sions de mes appareils, et toutes les connaissances que j'ai pu
acquerir sur les moyens de secoinir les incendies : il m'est
done permis de croire que j'ai rempli la tacbe qui m'etait
devolue. »
Une lettre de M. le professeur Birkbeeck, inseree dans celle
brochure, pourra servir a comparer cntre elles, rclativemcnt
aux incendies, les deux plus grandes capilales de I'Europe,
et il semble que Londres ne gagnera ricn a ce parallele. « Dans
les nombreux incendies qui out eu lieu reeemment, il est
heureusement arriv e que pen de personnes ont peri. Je dis lieu-
reusement , parce qu'il ne parail pas qu'on ait fait les moindres
efforts ni les moindres preparatifs pour eviter de si tristes ac-
cidens, dans le cas ou ils seseraient presenles...Il aeteprouve
que, l'un dans l'autre, un incendie a lieu, tous les jours de
1'annee , dans cette grande capitale. II est certain qu'au mois
de Janvier dernier on en a eu plus de trente, dont quatorze
les dix premiers jours du mois et un au moins, par chacun
:,8 LIVRES FllANCAIS.
des dcrniers jours. Le moissuivant n'a pas etc moins effrayant :
deux grands edifices destines anx diverlissemcns pulilics -oni
ete rcduits en ociulres, presquc des lo commencement de I'iu-
cendie. »
Tout scmble se disposer pour rarcompiissement des veoux
philanthropiqutisde M. Aldini, et la circulation europeenne de,
son ouvrage; les gouverncmens out manifesle l'inlcret qu'ils
y prennent, les Societcs savantes propagent la connaissancc
de cc nouvel art, et favoriseront ses progres : mais les espe-
rances de 1'auleur reposont sur cenx qui sont charges specia-
lement des secours conlre les incendies. «Si, commc j'ose
l'csperer, I'humanite recneillc un jour les fruits de mes ton-
gues et perseverantes rccherches , ce sera principalement aux
chefs des pompiers des difterentes nations que j'en serai rede-
vahlc; car, sans lcur honnc volonte, les connaissances que jc
m'efforcc de repandre seraicnt confinees dans mes ouvrages,
et dans la mernoirc de quelques hommes qui ne sont pas dans
le cas d'en faire l'applicalion. »>
Quand monic les rccherches dc M. Aldini n'auraient pas
ete couronne.es par un succes non contcste, les intentions de
cct ami dc I'humanite sont trop louables pour qu'on ne s'em-
prcsse point de le seconder; il pent compter sur la coopera-
tion de tous ecus qui auront vu ses experiences, on lu ses
ouvrages. ">
o0y. — * Guide duChauffeur el da Proprietaire de Machines d
rapeur, oil Essai sur t'cialdissemcnt, la conduite ci I'cvArctirn
des Machines a vapeur, et principalement de cclles ditcs de IV coif,
a moyenne pression ; precede dc I'rincipcs pratiques sur la
Construction des Foumeaux, suivi d' Observations sur I'Utiiete
comparative des principau.r systiwes de Machines d vapeur, et dc
quelques motcurs; par MM. Guouvelle et Jatjnez, ingenieurs
civils. Paris, 1800; Malher. In-8" orne dc 10 planches; prix,
9 ff'
Dans l'interessante Notice sur Irs Explosions de Machines d
rapcur epic M. Akago a puhliee dans VJnnuairc du Bureau des
Longitudes, ce savant signal* I'ignorance et l'inaltenlion des
conducteurs de ces machines comme une des causes qui peu-
vent donner lieu a des accidens fnnestes. Indiqucr aux pro-
prictaircs, et a cenx qu'ils emploicnt, les mcyeus de prevenir
ces malhenrs scrait un assez grand service rendu a l'in-
dustricpourrecommanderlelivrcdc MM.Grouvelle ct.Tauiiez ;
mais le ( iuidc du Chauffeur fcra p!:is encore pour les fabrieans.
On y trouvc exposccs avee les details les plus miiiulieux
toutcs les precautions a prendre, non-seulcmcnt dans La enn-
duite des machines a vapeur de differens systemes, mais cn~
SCIENCES PHYSIQUES. 7it,
core thins leur pose. Lcs deux auteurs s'oceupent cux-menios
depuis long-lems do la fabrication (ic res machines et tie tout
ec qui s'y rapporte, ainsi que tin montage cles ateliers; ainsi
les instructions qn'ils donnent me'ritcut la plus grande con-
fiance.
Cet ouvrage est divise en qualre parlies : la premiere traile
de tout ce qui est relaiifaux chaudieres ct a lours fourneaux ;
vienncnt ensuite les diverses especes de combustibles et la
coniparaison de leur effet calorilique, les accidens qui pcu-
vent arrivcr aux chaudieres, Its soupapes de siircle, le mana-
inclre, les flotteurs. Dans la seconde partie, les auteurs s'occu-
pent des accidens que pent cprouver chacune des pieces des
machines, et indiquent les moyens de les reconnaitre et d'y
remedier. La troisieme partie expose les soins geueraux
qu'exigent les machines a vapeur; on y trouve des details tres-
inslructifs sur les mastics, les communications de mouve-
ment, la conduile des machines a vapeur et leur pose. Enfin,
dans la quatrieme partie, inlitolec : Ckoi.r et achat des /machines
d vapeur, les auteurs ont reuni des considerations sur les di-
vers systenies de ces machines, et sur leur coniparaison avec
les autres moteurs; ils donnent des eonseils sur la maniere
de traiter avec les rnecanieiens, soumetlent au calcul la force
des machines, font des ohservations sur les ordonnances et
instruclions relatives a leur emploi. Celle dernierc panic ren-
fcmie peut-etre des notions dont 1'utilite n'esl pas hicn scntic;
mais quelques superfluiies sont un moindre inconvenient que
I'omission des choses essenticlles. Un Appendice contient di-
vers ol)jeis qui auiaient pu trouver leur place dans le corps
de 1'ouvrage; mais il laut observer qu'une composition telle
que celle de MM. Grouvelle et Jaunez est un assemblage de
pieces dcslinees a scrvir isolement, dont chacune doit elre
traitee commc si clle etait seulc, quniqu'elle ail des relations
avec les autres. j»insi e'etait moins de 1'cnsenible qu'il fall ait
s'occuper que du perfcclionnement de chacune de ces pieces.
Tel a etc le hut des auteurs, et nous devons dire qu'ils 1'onl
altcini. A. F.
21 o. — * Hisloirc generate des Voyages, on Nouvellc Col/rciion
des Relations de Voyages par terre et par mcr, mise en ordre et
coinplelee jusqu'a nos jours, par C- A. "Wai.kenaer, membro
de rinslitut. T. xvni. Paris, i83o ; Lcf-ebvre. In-8 de/jSS p. ;
prix du vol. , 7 f. (Voy. Rev. Enc. , t. xlv, p. 148.)
Ce volume ren ferine la continuation du voyage dans la
partie de l'oues't et du nord de la colonic du cap do Befwe-fo-
perance, de M. Liihtcnsleiii, en 180/4, ot donnc des details de
7»o LIVKES FRANCAIS.
celui dn general Jansscnsiihi riviere des Hippopotnmes : pui.°,
il traite de I'excursion de M. Lichtcnstein a Zwellendam ct
aux environs, ot de son autre voyage (ait en i8o5 dans les
pays des Bosrhmans. des Koranas et des Betzouanas. Des
observations particulicres sur la limile dn pays des Cafres,
snr leur caractere et leur maniere de vivre, et snr les Bos-
rhmans, les Betzouanas et les Koranas, ajoutent encore a
l'interet des descriptions generates de ce voyagenr natura-
liste. Celle inoitie (In volume est conipletcc par nn cxtrait du
vocabulaire de l'auleur, traitanl des dialectes des Betzouanas
et des Hottentots. L'autre partie du volume est consacree :
i°aux deux missions des t'reres Moraves chez les Hottentots,
de i^5() jusqu'a 1801 , lesquelles ont ete interrompues pen-
dant qiiarante-huit ans. Ces missions sont celles du vertueux
Georges Schmidt, que Ton considei ait conimc un digue enfant
de Dieu et des trois t'reres Henri Marsiveld de Guuda , Jean
Daniel Schwinn d'Erbac/t , ct Jean C/ir. Ktilnel de Herrn/uil ;
2° aux voyages dn reverend J. Campbell, dans l'interieur de
lacolonie, a Guadendalet a Bethelstlorp, en 1812 et i8i5, a
Graaf-Reynett, a Lattakou el dans le pays des Griquas et des
Namaquas, en 1 8 13 et j8 i4- Le volume conlient en outre
les observations de cet inspecteur des Missions, sur les moeurs
et habitudes des Boutcbouanas, des Vanketzens, la descrip-
tion de la ville de Lattakou et des pays au dela des lieux con-
nus des Griquas qui accunipagnent les missionnaires, etc. ,
ainsi que des notices sur les pays des grandes Numaques ct
des Damaras, et des observations sur les Boscbimans. Le vo-
lume enfin est lermine par des vocabulaires bouschouana,
namaqna, cal're, hottentot, etc.
La partie du voyage de M. Lichlenstein est due a la plume
de M. Deppikg, et le commencement des voyages des mis-
sionnaires au savant travail de M. Eyries.
La collection des voyages dc M. AValkenaer, dont nous ve-
nens de (aire une analyse succincte du xvnic volume, sera ac-
compagnee d'un atlas special nccessaire pour L'intel ligen.ee du
texte. Trois cartes de cet atlas sont publiees : la premiere a
pour titre : La Sine gamble et la cdte occidentals d'A frique ,
depuis le cap Blanc jnsqu'au cap Sainte- Anne; la seconde est
intitulec : Gitinec entre Sierra Leone et le passage de la ligne, et
la troisieme, Congo, Angola et Benguella. Leur redaction , dit
M. Walkenaer, a ete confiec a M. Dufouk, qui, jeune encore,
promet a la France nn bon geograpbe de plus, par ce desir de
perfection qui I'anime dans tout ce qu'il execute.
Nous consacrerons un article a ces cartes, lors de la pro-
SCIENCES PHYSIQUES SCIENCES MORALES, yu
diaine publication de celle du sud de I' Afrique , qui doit pa-
raitre avec le xixe volume de ce grand ouvrage.
Sueur Merlin.
211. — * Annuaire du Departement de la Sarlhe pour i83o.
Le Mans; Monnover. In-12 de Sao pages ; prix, 1 fr. 5o c.
II serait trop tard pour {"aire mention d'un Annuaire de
1800, si celui de la Sarthe ne contenail point des materiaux
propres a des constructions durables, des fails statistiques et
historiques. Due grande parlie de ce volume est un Essai sur
la Staiistique de I' Arrondissement communal de La Fliclte. Cette
inleressantc description sera coutinuee dans 1'Annuaire de
1801 ; et, en procedant ainsi, la slatistique du departement
de la Sarlhe se trouvera tout enliere dans cet Annuaire, et
recevra chaqiie annee les corrections et les diverges modifica-
tions donl elle aura besoiu. C'est ainsi qu'il couvient de trai-
ler ces parties de nos connaissances en partie mobiles, et
dont les elemens plus durables tiennent on a la nature, ou aux
institutions qui ne doiveul point etre invariables, mais tendre
sans cesse vers leur perfectionnement par une marche lente
et graduee. Les aunuaiies sent tres-propres a recevoir le de-
pot de ces documens dont l'liistoire profitera d'autant plusai-
semenlet avec plus de surete qu'ils seront tolijours bien com-
plets, bien connus, appropries auxlieux el auxcirconstances.
Les amateurs de l'ancien ordre de clioses trouveront clans
les documens historiques recueillis par M. Catjvin, auteur
de cet Essai, plus d'un sujet de regrets, en comparant ce qui
fut autrefois a ce qui est aujourd'hui. lis feront sans doute
des voeux fervens pour voir renaitre en France le beau terns
011 l'abbe d'Evron (riche abbaye de bencdiclins) nommait,
en qualite de baron, a treute-cinq cures et a seize prieures,
avait ses officiers de justice, etc.
II y a huit colleges dans le departement de la Sarthe ; deux
sont en pleine activite, deux autres semblcnt commencer, et
quatre n'ont d'autre fonctionnaire que le chef. II n'est pas
question d'enseignement mutuel : esperons que les annuaires
prochains en feront mention. F.
Sciences religieuses, morales, politiques et historiques.
212. — *Des Usurpations sacerdotates, on du clerge en oppo-
sition avec les principes actuelsde lasociele, et du besoinde ra-
menei le culte catholique a la rt ligion primitive; precede du recit
de la mission du P. Farina a Ajaccio ; par l'abbe Cerati. Paris,
i83o;MmeV*CharIes-Beehet. In-S^e i84pag. ; prix.3 fr. 5oc.
T. XLVI. J«1H lS3o. 4^>
7ai LIVR8S FKANCUS.
L'ouvrage de M. l'abbe Cerati presente quelque degre d'uti-
lite, dans les circonstances on nous nous trouvons. L'auteur
s'cst attache ademonlrcr dans le premicrchapilrc : i° Que, si
les pretres, les prelats et les papes veulent conscrvcr Finnic
de I'Eglise, les pretres, les prelats ct les papes sont dans la ne-
cessite d'adopter sans restriction l.i religion que prerhaient
les apotres, et d'abdiquer tonic espece d'influence sur les af-
faires tempoiellts ; — 2° Que lespretreset les prelats se trouve-
ront menaces dans leur existence spiriluelle meme, s'ils persis-
tent a refuser d'etre citoyens et nationaux ; — 5" Que si le clerge
vise encore a la conquete de son ancicnne puissance, il creera
des revolutions nouvelles, des guerres civiles, et succombera
dans la lutte; — 4° Q"e> si les ministres du culte persistent a
se montrer intolerans ; s'ils pretended t etablir des distinctions
inusitees dans les temples; s'ils manquent de douceur et de
charite envers les fideles; s'ils rejettent des sacremens, selon
leur bon plaisir, des malheureux qu'ils devraicnt plaindre, le
peuple les detestera, et fuira une religion qui ne pardonne
pas.
Dansle second chapitre, il examine les projetsdu parti-prS-
tre, et trouve sur ses vues secretes et sa tendance des choses
nouvelles a dire, meme apres M. de Montlosier , dont il
semble parfois s'ecarter.
II s'eleve avecbeaucoup de force et de raison dans son troi-
sieme chapitre, contre le retablissement des Ordres religieux
parmi nous, et principalement des jesuites.
Le chapitre quatre, consacre a signaler l'excessive multi-
plication des pretres depuis la restauration, renferme des do -
cumens et des avis precieux. M. l'abbe Cerati croit , et beau-
coup de personnes croient avec lui, que le nombre des pieties
est trop considerable, qu'on Its retient trop dans les villes,
au lieu de les envoyer dans les campagnes qui manquent de
pasteurs; que les ordinations se font avec si pen de soin, oti
avec tant de bonne volonte, qu'en general les nouveaux pretres
sont cites pour leur ignorance. M. Frayssinous en a fail I'aveu.
Le chapitre cinq, intitule : de l: education auamains du clerge,
contient des idees ti es-saines, et peut-etre aussi quelques pa-
radoxes. C'est le jugement qu'on peut porter en general sur
l'ouvrage entier, qui, d'ailleurs, ne se distingue nulleinent
par la purete et l'elcgance du style.
II y aurait de l'injuslice a ne pas declarer que, tout en stig-
matisant les abus qui deshonorent la religion catholique ,
M. l'abbe Cerati montre le plus grand respect pourelle. Quel-
ques lignes suffiront pour le prouver.
SCIENCES MORALES. ?»5
« Toucher a la religion, c'cst toucher a la pai tie la plus vi-
f.ale de la societe ; le derangement le plus leger peut causer
des convulsions violentes; quand on ne porterait que le trou-
ble dans quelques consciences, ce serait deja un crime assez
grave : la seule idee d'un pareil malheur aurait sum pour m'ef-
frayer —
» La religion est un sentiment si profond et si naturel que
jamais on ne pouria le detruire dans l'homme,a moins qu'une
education anti-sociale, ou une longue habitude du crime, ne
l'ait pervei ti et entierement denature. »
2i3. — Le vrai Messie, ou PAncien et le Nouveau-Testa-
mens examines d'apres les principes de la langue de la na-
ture: par G. OEgger, ancien premier vicaire de la calhedrale
de Paris; avec celte epigraphe : Ln pen de pliilosophie eloi-
gne du c/trislianisme ; beaucoup de philosophic y ramenc.
Paris, 1829; Felix Loquin. In-12.
C'est une singuliere position que celle d'un journalisfe :
il se voit souven-t oblige, presque dans le me me instant, de
passer d'un extreme a l'autre. Apres avoir rendu conipte de
Pouvrage de M. Pabbu Cernti, qui, craignant de toucher a
la religion , semble ne se decider qu'avcc peine a signaler les
abus sous lesquels la discipline de I'Eglise est enscvelie, nous
voicimaintenant con train Is de parlerdu vraiMessiede M. I'abbe
OEgger, qui porte hardiment la eognee dans l'essence memo
du christianisme, dans le symbole des apotres.
La langue de la nature est l'idee dominante de Pouvrage de
HI. OEgger. Cette langue consiste a remonter en esprit au
dela de toules les langues de convenlion, et a ne voir, dans les
livres saints ni de Ylirbreu, ni du grec , ni du latin, etc. , mais
uniqueinent des embleines naturels, des symboles, des liierogly-
phes , tels qu'on a du les employer pour exprimer les idees de
melaphysique et de morale, avant qu'on eul tree les mots con-
ventionnels correspondant a ces idees. En eludiant ce que les
auteurs allemands out appele la symbolique ; en se rappelant
quelle a du etre la nature du langage hieroglypliique dans les
anciens pieties egyptiens; en examinant, en outre, les carac-
teres du phenomene de Ve.rlase m»derne , et en comparant le
toutavec les images prophetiques et les paraboles de PEvangile,
on trouve que la plupart des livres que l'antii|iiitenousa trans-
mis comme ins pi es sont ecrits d'un bout a l'autre en images
parlantes, prices dans la nature visible; en d'autres termes, en
langue de la nature.
A Paide de cette langue de la nature, qifii a retroilvee le
premier, il donne des explications tics tirres saints qui ne s/iu-
7a4 LIVRES FRAiNCAlS.
raient , suivant lui, etre arbilraires comme celles que I'on avait
donnees jitsqu'alors. Cost dans ces explications qu'il admet la
triple essiiice dc Dieu relativement a rhomme : triplicite on
trinite que la philosophic elle-meine a recnnnue d'apres Pla-
ton, qnoique Jehovah soit unique en pcrsonne comme en lire.
Ainsi, Jehovah createur est Jesus-Christ redempteur. Lcmeme
etre ineffable, la meme personne divine est pere en taut que
createur, et fils en taut que redempteur. I,e Sainl-Esprit n'est
autre chose que l'enibleme nature! de ruction de Dieu rarliee,
en tant qu'elle est invisible comme le vent; une multiplicity
de personnes distinctt:s, meme dans sa propre essence , serait
inutile, si elle n'etait absurde, et meme sacrilege. Quant au
dogme de la transsubstantiation , il le regarde comme aussi
absurde que si Ton voulait soutenir que la parole de Dieu est
reellement du froment. II ne respecte pas davantage les autres
articles de la l'oi catholique.
Comment M. OEgger a-t-il decouvertla languede la nature,
inconnue jusqu'a lui, sans exception meme de saint Paul?
Quand il set a utile de s'expliquer on que le terns en sera venu ,
il dira le fin mol ; attendons.
L'ancien premier vicaiie de Notre-Dame se montre partout
dans son livre l'ennemides superstitions et du fanatisme : nous
ne saurions le bhlmer ; mais par quel merveilleux changement
le plus ardent propagateurde la confrerie de ]Notre-Dame-dcs-
sept-douleurs nous dit-il maintenant que Jesus ne pouvait etre
appele qu' improprement fils de Marie, et que ceci devrait don-
ner a penser a ceux qui ne craigneut pas d'elever des autels
a cette creature, qui, lout inleressante qu'elle puisse etre, ne
devrait jamais, sous aucun rapport, etre assimilee au Crea-
teur, et qui serait evidemment elle-meme la premiere a ren-
verser ces autels, s'il lui etait donnc de revenir sur la lerre?
C'est im secret que nous saurons peut-etre un jour. J. L.
214. — Observations morales, critiques et potitiqucs, par
Adricn Destailleir. Deuxihne edition. Paris, i83o; Pillet.
In-8° de 384 pages ; prix, 6 IV.
Cet ouvrage est un recueil de Pensees detachees sur la mo-
rale, la religion, la politique et la litterature. Nous aurions
desire que 1'auteur pi it la peine dc lier entre elles ses re-
flexions, et s'efforcat de nous donner un livre au lieu de
phrases decousues. Qu'apres la mort d'un grand homme ses
heriliers recherchent avidement jusqu'aux moindres traces de
sa plume, et donnent au public les materiaux des ouvrages
qu'il se proposait de publier, on acceptera ce present avec
teconnaissance, mais en regrettant toutefois la main qui au-
SCIENCES MORALES. 7*5
rait donne de la suite a ces pensees eparses, de l'harmonie a
ces debris disco rdans. C'est ainsi qu'a ete recu le recueil des
Pensees de Pascal. Mais, que de son vivant un auteur publie
les notes dont ses cartons doivent avoir seuls la confidence,
c'est ce qu'on ne sait comment excuser. Tant que I'architecte
se port* bien, pourquoi appeHe-t-il le public a contempler
ses pierres sur le chantier? Qu'il acheve sa maison, et nous
irons la voir. Les ouvrages de LaBruyere, Larochefoucault et
Vauvenargues se recommandent par le merite du style et la
finesse des apercus; mais les deux derniers surtout sont de-
poui'Yus de methode. Ce del'aut n'est pas ce qu'il est bon
d'imiter. M. Destailleur parait croire que ce qui s'oppose aux
prr.gres de la morale, comme science, c'est la prevention
qu'on eprouve contre ceux qui prennent la plume, apres les
ecrivains que nous avons nommes. II n'y a de savoir, que
quand il y a classification et rigoureux encbainement des
parties ; le desordre des idees est le premier ennemi de touts
science.
Un ouvrage du genre de celui-ci se derobe a toute analyse.
Laissaut de cote les observations de l'auteur que nous ne re-
gardons pas comme fondoes et dont la refutation nous deman-
derait trop de place, nous nous bornerons a citer les trois
suivantes qui nous ont paru justes et bien presentees. — « Les
homines different bien plus par la maniere de sentir que
par la maniere de penser. C'est ce qui produit l'obstination
dans les discussions. S'il ne s'agissait que de combattre des
raisonnemens, on parviendrait plutot a s'entendre ; mais
comment changer des sentimens, reformer des gouts? La diffi-
culte n'est pas de convaincre, c'est de persuader. Parvenez a
concilier les interets, il vous restera peu de chose a (aire pour
accorder les esprits. » — «Les femmes jugent toujours bien
des choses de sentiment ; les hommes n'en jugent bien que
lorsqu'ils sont amoureux.» — « L'utilite des lettres n'est
pas moins bien constatee. Rousseau cite les Spartiates, qui
n'ont laisse que la memoire de leurs grandes actions. .. et So-
crale, qui, dedaignant de fairedes livres, n'a laisse que la me-
moire de sa verlu. Mais celte memoire, ces exemples, com-
ment nous auraient-ils ete transmis, si 1'bistoire n'avait pris
soin de les recueillir? Socrate nous scrait-il bien connu
sans Platon et Xenophoo, qui nous ont conserve sa morale ?
La pbilosophie qui pense ne passe a la posterite que par la
philosophic qui ecrit. » Ad.
2 i 5. — Rapport sur f'etat des etablissemens df Instruction et
(/'education de CEglise reformce du Dcpartement de (a Seine, au
yiG LIVRES FilANCAIS.
5i decembre 1829. Paris, i85o; librairieprotestante tie F. Ser-
ver. In- 1 2 de 37 pages, avec deux tableaux.
On rend compte, clans ec Rapport, du nonibre d'eleves des
deux sexes qui suivent les diverges ecoles specialcment des-
tinees aux enfans protestans; de I'etat desrecettes et depenses
deceselablissemens; d esdiflc rentes con naissanccselcmenta ires
qu'on chcrelie a procurer aux eleves; des progresqu'ilsy font ;
des instructions que doivcnt leurdonner les pasleurs; etc. Le
nomine des garcons qui frcquentent l'ecolc d'enseignement
mutuel eta-it, an 5i decembre 1829, de 78. A la nienie epo-
que, celui des filles s'elevait a 7,1 ; le pensionnat de demoisel-
les comptait 3o eleves. Les ecoles du diinanche, a l'Oratoire
et au temple dc la rue Saint-Antoine, etaient frequentees, la
premiere, par i(io enfans des deux sexes, la seconde, par 70;
enfin les ecoles de Rl. Fontaine, de M. Buc/de et de M" Lang
rccoivent 1 34 eleves, garcons et filles.
Ce Rapport , qui doit inleresser surtout les families pro~
leslanles, et tons les amis de l'instruction prima ire, est ter-
mine par une liste des membres du Comile de surveillance
des divers etablissemens d'education de l'Lglise reform.ee. On
y remarqueavec interet lesnomsde bea ucoupde dames recom-
mandables et bienfaisantes, qui ont consenti a surveiller l'e-
cole des filles.
216. — Rapport sur la Caisse d'Epargnes et de Prevoyance (de
Paris), par M. Navier, de l'Academie des Sciences. Paris,
1800; F. Didot. In-4° de 52 pages.
21 . — -Rapport piesente par M. Portal, premier Vice-
President du Conseil des directeurs de la Caisse d'epargnes (de
Bordeaux) a I'assemblee generate des fondateurs. (Seance du
25 avril 1829. ) Bordeaux, 1829; Andre Brassier. In-4° de
12 pages.
M. Benjamin Delessert, president et 1'un des fondateurs de
Tetablissenienl d'une caisse d'epargnes et de prevoyance a
Paris, ayant communique a l'Academie des Sciences le compte
des operations de cette caisse, M. Navier fut charge de faire
tin rapport sur cette intcressante communication. Le compte
rendu par IM. Portal est un acte d'administration, renonvele
chaque annee, et reduit, par consequent, a ce qu'exige la
eomptabilite ; les c luff res en remplissent presque toutes les
pages. Le rapporteur signale une influence remarquable de la
prosperite du credit public et de la hausse des fonds sur les
etablissemens tels que les caisses d'epargnes; ils peuvent
souffrir, voir augmenter lcurs embarras, par cela mfrae que
SCIENCES MORALES. 727
Ton regarde comme un indice de la felicite publique. Le rap-
porteur explique tres-elairernent ce mysterieux rcsultat.
Le rapport de M. Navier est un Memoire sur la caisse d'e-
pargnesde Paris, et sur ces etablissemens en general. En depil
de la reserve de 1'auteur, qui ne parait pas avoir destine cet
ecrit a une grande publicite, il sera it a desirer qu'il pfit cir-
culer partout; il ferait du bien , meine an milieu des circon-
statices actuelles, on le bien devient si difficile a faire. Apres
une courte bistoire de la caisse d'epargnes de Paris, M. Navier
rappelle la memoire du predecesseur de M. Delessert a la
presidence de cet etablisseinent. « Le due de Laroehefoucauld
a conserve jusqu'a sa mort la presidence de la caisse d'epar-
gnes: cette fonction n'etait point donnee par le ministcre. II
sera desormais impossible de parler de cet homme venerable,
sans faire naitre en meme terns deux souvenirs bien opposes:
celui d'une vie consacree a l'exercice de toutes les vertus ;
celui d'une mort que l'implacable esprit de parti s'est vaine-
mentefforce de fletrirparde laches outrages. » — Lerapporteur
entre dans quelques details sur les ameliorations progressives
de la caisse et de son influence sur la classe laborieuse. « Les
resultats qui viennent d'etre exposes supposent que beaucoup
de bien avait ete fait ; il est impossible de ne pas donner quel-
que part dans la reconnaissance qui lui est due a 1'auteur d'un
ecrit qui ne sera point oublie, les Trois Visites de M. Bruno ;
ouvrage ingenieux du a la plume de Lemontey, et que Ton
croirait ecrit par Franklin. »
Tout ce Memoire meriterail d'etre transcrit, si les limitos
de notrc lecueil nous le permettaient ; mais nous sommes re-
duils a un petit nombre de citations; voici comment M. Navier
lermine son Memoire.
c Les beaux -arts et les sciences sont cuitives avee ardeur.
lis ont donne a la France une globe qui est desormais impe-
rissable, malgre les erreurs passageres dans lesquelles le goQl
du public se laisserait entrainer; mais les progres de l'esprit
humain dans cette carriere brillante ne doivent pas etre le
seul but de nos eftorts. II ne s'agit pas seulement d'augmenter
les jouissances intellecluelles du petit nombre des hommes
qui peuvent les gofiter, et que la fortune a deja combles de
ses dons. II s'agit, pour tout homme qui a un coeur, de rendre
meilleure la condition de la masse du peuple, et surlout d'e-
levcr ses scntimens et son caractere. Ce n'est pas en repandant
sans discernement des aumones que Ton pent y parvenir. Le
meilleur usage que des hommes riches puissent faire aujour-
d'hui de leur fortune consiste a fonder des etablissemen«
;a» LIVRES FRANCAIS.
destines a propager ('instruction, ou des institutions telles que
la caisse d'epargnes, qui tendent a developper le sentiment
de la prevoyance, et a rlunuer an peuple les inoyens lie la
nicltre en pratique. Cel etablissement nous parait altester le
discernement non moins que la bienl'aisance de ses fondateurs,
et meriter an plus liaut degre 1'estime el la reconnaissance
publiques. » ]\.
218. — * Histoire du Droit romain an moyen age, par F.-C.
de Savigny , traduitc de Pallemand par Charles Gfenoux,
docteur en droit. Premiere livraison. Paris, i83o; Alexandre
Mesnicr, Place de la Bourse. 2 vol. in-S°; prix, du volume,
8 fr. ; il y aura 4 volumes.
La grande reputation que M. de Savigny s'est acquise en
Europe, comme jurisconsulte, nous f'aisait vivement desirer
nne traduction f'rancaise de scs ouvrages. La plupart des
hommes qui parmi nous s'occupent de la science du droit
sont en efl'et elrangers a la langue allcmande ; de sorle qu'ils
ne connaissaient les ecrits de ce rclebre jurisconsulte que
par les extraits qu'en avaient publics quelques journaux de
jurisprudence. Grace a la traduclionque nous donne M. Gue-
noux, ils pourront a Favenir juger par eux-memes le plus im-
portant des ouvrages de M. de Savigny, et profiter des im-
menses recherches de ce savant ecrivain.
L'etude de Fhistoire a pris parmi nous line activite qu'elle
n'avait jamais eue, et la branche la plus importante de celte
science est incontestablenient celle qui s'occupe des lois ou
des institutions. Quel que soit le mepris que quelques ecri-
vains affectent pour Futilite, il est incontestable que la ten-
dance generate des esprits les porte vers les recherches utiles.
Si Fon aspire a connaitre le passe, e'est pour y trouver des
lecons pour I'avenir : on veut savoir quelle est la marclie que
la civilisation a suivie, afin de ne pas s'egarer dans la route
qu'on est appele a parcourir. Les theoriciens eux-memes ne
peuvent se flatter aujourd'hui d'inspirer quelque confiance ,
d'obtenirquelque credit, qu'autant qu'ils ont uneconnaissance
positive de Fetat reel de la societe, et des diverses causes qui
Font produit. C'est dans Fhistoire de la civilisation que les
nations peuvent chercher des regies sures pour Favenir : or,
il faut convenir que Finfluence lies domains et de leurs lois
sur les divers peuples de FEurope est une des parties les plus
considerables de celte bistoire.Tout bomme qui possede quel-
que connaissance du droit romain, et qui a quelques no-
tions des lois auxqiielles la plupart des nations europeennes
oheisseoU ne pent s'empecher de reconnaitre la filiation.
L 'histoire de M. de Saviffny sera done favorablement aecueil-
SCIENCES MORALES. 729
lie par plusieurs classes de lecteurs : elle sera recherchee par
les hommes qui se livrent a l'etude de l'histoire, par ceux qui
cult i vent la science du droit, et mcmc par ceux qui s'occupent
de theories legislatives.
Les deux volumes que nous annoncons ne torment (pie la
moitie de I'ouvrage : les deux qui restent a publier ne se le-
ront probablemeul pas long-terns attcndre. L'ouvrage se di-
\ise en deux grandes parlies : la premiere est relative aux
terns anterieuis a la fondation de l'eeole de Bolognc , vers
l'an 1100; la seconde, aux terns posterieurs. Les deux vo-
lumes qui \iennent de paraitre torment la premiere partie,
et sont ainsi divises : le premier contient les generalites ; le
second , les details.
Le savant auteur traite, dans le premier volume, des sour-
ces du droit au vc siecle; de l'organisation judiciaire des Re-
mains pendant cetle epoque , en Italic, et dans les provinces ;
des sources du droit dans les uouveaux Etals germaniques;
de l'organisation judiciaire des Gennains ; de l'organisation
judiciaire des Homains, depuis la domination des Germains;
enfin, de 1'eoseignement du droit au v" siecle.
Dans le second volume, M. de Savigny traite du droit ro-
main dans les royaumes de Bourgogne , des Visigoths et des
Francs, en Angleterre, dans le royaume des Ostrogoths, en
Italie sous la domination grecque, en Italic sous le pape et
rempereur, dans le royaume des Lombards; le dernier cha-
pitre est consacre au droit romain conserve par le clerge. Ce
volume est lermine par 1111 appeiidice qui contient les matieres
suivantes : i° glose sur les Institutes; 20 Petri Petri excep-
tiones legitm romanarum ; 3U table des passages du droit ro-
main d'aprcs l'ordre des sources du moyen age , citees dans
roitviagc d'apres l'ordre des sources du droit romain.
On concoit qu'il ne nous est pas possible de donner, dans
ce bulletin, une idee des immenses et consciencieuses re-
cherches auxquelles I'auteur s'est livre pour composer celte
bistoire. Aussi nous bornerons-nous a dire, quant a present,
qu'elle justilie completement la reputation dont M. de Savi-
gny jouissait en France, avant que son ouvrage y put etre ge-
neralement apprecie. On a pu voir, par Vindication des cha-
pitres, (jue I'ouvrage est ecrit avee mcthode ; nous devons
ajouter que la traduction fait bonneur a la plume de M. Gue-
noux, par 1'elegance et la clarte qui distinguent son style.
L'ouvrage, imprime sur beau papier, est sorti des presses de
51. Founder : e'est assez dire qu'il est imprime avec soin.
M. de Savigny, outre son Histoire du Droit romain an
yZo L1VRES FRANC AIS.
moyen age , a publie tin Traiti' dc la Possession, qui a acquis
une grande eelebrile , surtout en Allemagne. Un savant pro-
fesseur de Louvain,~M. Warhkobnig, nous en a donnc quel-
ques extraits dans un recueil de jurisprudence qui sc pul)lic
a Paris (la Themis) ; mais nous sommes encore a en desirer
la traduction. Esperons qu'apres avoir reproduit dans notre
languc l'histoire du droit romain au moyen age, M. Guenoux
nous donncra aussi le Traitc de la Possession. Ch. C
219. — * Jurisprudence generate dn Royaumeou Repertoire
melhodique de la Legislation el de la Jurisprudence modernes;
par ML Dalloz. Tome ixc. Paris, i85o; au bureau de la Juris-
prudence generate, rue Hautefeuille, n° [\. Cet ouvrage aura
12 volumes in— 4°, divises en a\ livraisons, contenant cha-
cune la matiere d'environ 5 vol. in-8° ordinaircs; prix de la
livraison, 1 0 f'r.
Voici un des plus vastes et des plus utiles ouvrages qui , de-
puis long-teins, aient enrichi la science du droit. HI. Dalloz
s'est charge, depuis plusieurs annees, de continuer le Journal
des Audiences, connu sous le nora de Journal de Denevers.
Oblige de donner une nouvelle edition de ce recueil depuis
l'origine de la Cour de cassation jusqu'a i8'j5, M. Dalloz a
pense qu'une simple reimpression ne suffirait pas aux besoins
de la science, ni a ceux de la pratique journaliere. II a forme
la tres-difficile entreprise de classer tous les arrets d'apres
l'ordre des matieres. Ce travail etait immense ; non-seulement
M. Dalloz s'en est tire avec bonbeur, mais meme son plan
s'est agrandi et amcliore par l'execution. Au lieu de se borner
a reimprimer tous les arrets relalifs a une matiere, il y a joint
un resume doctrinal, en sorte que son ouvrage est devenu un
recueil de traites speciaux, appuye par des autorites de juris-
prudence pliisconiplelesquedansaucunaiitrerecueil. Le 9° vo-
lume, dont la seconde livraison vient de paraitre, comprend
les mots huissiers, liypotluques et privileges, impot , incendie,
instruction cr'uninclle, instruction par rcrit, interdiction, inter-
rogatoire stir fails et articles, intervention, jeu, jeu de bourse,
jitgemenl, liberie individuelle, liberie provisoire , lois, loterie ,
lounge, mandat, manufactures. Six livraisons reslent a paraitre;
on annonce qu'elles seront publiees avant le 1" Janvier pro-
chain. Nous reviendrons sur cette publication si remarquable,
qui assure a son auleur un rang Ires-distinguc parmi les juris-
consultes; mais nous voulons, des a present, remercier
M. Dalloz d'un autre genra de merite. Les livraisons qu'il
public maintenant sont doubles des premieres; et le public
recoit, san> augmentation deprix, deux fois plus que les pro-
spectus ne lui promettaient. La Revue Encychpcdiquc , habi-
SCIENCES MORALES. ;3i
tuee a faire a ses lecteurs les memes sacrifices, aimera toujour!*
u saisir les occasions de signaler les auteurs et les editeurs qui
mettront un aussi honorable scrupule a depasser kurs enga-
gemens. C. l\., Avocat.
220. • — Traite ilem*ntairc de la Procedure civile, par M. L.
F. Atger. Paris, 1828; Pichon etDidier. 2 vol. in-8"; prix, 10 t'r.
Montesquieu avail remarque, dans les Lettres persannes,
que le droit roniain, adopte par les Francais, par inconslance
pour Icurs lois anciennes, avait introduit des forma.'ites dont
l'exces etait la lioiste de la raison humaine. II avait demande
si la forme s'estrenduc plus pernicieuse lorsqu'elle est entree
dans la jurisprudence, on lorsqu'elle s'est logee dans la inede-
cine; si elle a fait plus de ravage sous la robe d'un juriscon-
sulte que sous le large chapeau d'un medecin ; et si, dans 1'une,
elle a plus mine de gens qu'elle n'en a tue dans 1'autre? Mais
l'auleur de VEsprit des Lois etaliHt que, dans les rcpubliques,
il faut pour le moins autantde formaliti's que dans les monar-
chies. Files augmentent dans Tun et 1'autre gouvernement,
ajoute-t-il, en raison ducas que Ton y fait de rhonneur, de la
fortune, de la vie, de la liberie des citoyens.
Cette critique et ce jugement de Montesquieu sont ration-
nels, chacun a leur place. II resulte de cette diversite d'opi-
nions, qui ne sont pas contradicloires, que, si Ton pent plai-
sanier sur l'abus des formes, et meme s'en plaindre, il faut
reconnaitre qu'elles ont leurs necessites; et, tantqu'elles sub-
sislenl, et qu'il y a des officiers ministeriels institues pour les
appliquer, il importe de les etudier. Que si les ennemis des
forinaliles de justice citaicnt la C our de cassation etle Conseil-
a'Eiat pour exalter la simplicite de la procedure qui y est
suivie, il faudrait leur faire observer quecesCours supremes
ne sont pas des juridictions ordinaires, mais des magislratu-
res d'exce})lions. A la Cour de cassation, les arrets intervien-
nent sur des procedures achevees, et cette Cour ne connait ,
relativement a la procedure, que des jugemens dans lesquels
les formes out ete violees. Le Conseil-d'Etat ne rendaussides
decisions dans les affaires privees que sur les malieres re-
put ees administrative?.
Tout ce qu'il est done raisonnable despcrer, e'est que la
procedure, dans les juridictions ordinaires du royaume, sera
encore abregee et simplifiee. C'est ici 1'occasion de rappeler
la proposition faite par Adrien Duporl, soutenue par Cha-
broud et Bai'n'ive, et reproduite depuis par Cambaceres , pour
etablir le jury au civil comme au criminel ; mais cette insti-
tution, dans laquelle l'Angleterre et les Flats -Luis de l'Ame-
riqne voienl le palladium de leur liberie civile et politique, fut
702 LIVRES FRANC AIS.
ajournee indefiniment par deux de nos assemblies nationales,
comme incompatibles avec nos habitudes, nos preventions, et
peut-etre aussi avcc l'ioteret d'une classe imp oombreuse
d'hommcs de loi el de justice. C'est ainsi que la procedure
nicme a tin cole philosophiquej eh 1'examinatft dans ses rap-
ports aver la nature et le principe du gouvernement 3 avec le
droit politique et ci\ il , comme aussi dans ['influence que peu*
vent avoir sur elle le cliniat. les moeurs et la religion.
Les premiers traitcs on la procedure I'ut enseignee ont ele
appeles styles. L'ancien style du parlement Cut ecrit en latin.
INous avons eu, depuis, \enouveau style da Parlement, l'ancien
et le nouveau style da C/uilclet, les styles particuliers. Mais cea
styles nouveauxetaienlreslcs loujours anciens par leurbarbare
idiome.
Eniin, Pigeau parut, et, comme Malherbe l'avait fait pour
la poesie , il mit soudainen i'uite les Ronsard et les Dubartas
du palais. La procedure civile publice en 1789 par 31. Pigeau,
avocat au parlement, decede professeur de la faculte de droit
de Paris, fit dans toutes les juridiclions du royaume une re-
volution qui Cut complete, bien que les praticiens de routine
netrouvassenlpasl\auteiirassez/bnnfl/M/tf,parcelaqu'ilavaitsu
raisonuer 1'instruction des affaires, et ecrire avec methode, clar-
te, correction, nous oserions dire, avec interet,sur unenialiere
aussi ingrate que la procedure. Son ouvrage etait devenu
classique au barreau, et il suffisait a tons les besoins de la
theorie et de la pratique, lorsque notre procedure fut changee
et reunie en un Code, dont l'ensembleesl un avantage incon-
testable, mais que nous croyons d'ailleurs defectueux et fort
infciieur dans son execution au Code civil, dont il depend.
Depuis lors, M. Pigeau a modifie lui-metne son traite, sous le
litre de la Procedure civile des tribunaux de France, mais ces
raccommodemens n\i\\tiit laissedes lacunes e! des imperfections
que les notes de M. Crivelli ont du combler et corriger dans
une edition posterieure. Cependant, d'autres Iraites, entiere-
ment composes sur le Code nouveau, ont ete publics. Le
Cours de procedure civile, par M. Berriat- Saint - Pri.r , et
V analyse redsonne'e sur le Code de procedure et les loisde la pro-
cedure civile, par IU. Carre, doivent etre dislingues.
M. Au^er nous pa rait appele a prendre un rang honorable
apres ces jurisconsultes, dontil reconnait que les ouvrages lui
ont etc d'un grand secours, mais a Tautorite desquels il ren-
voie peut-etre trop frequemment.
Le Traite de M. Auger est entitlement didactique. II con-
sent : i° les regies de la competence des juridictions civiles.
et des ofliciers qui y sont attaches; 1" les elemens de la pro-
SCIENCES MORALES. 733
cedure civile avec dcs definitions tirees des meillours coin-
mentaires du Code ; 5° des notes nombreuses, dans lesquelles
on donne l'explication de la loi par ses motifs et des exem-
ples, et la solution de toutes les difficultes que son texte pre-
sente, et des questions de procedure les plus iniportantcs, d'a-
pres les auteurs et les decisions judiciaires.
L'auteur remarque justement que la plupart des ouvrages
qui ont paru jusqu'a ce jour sur la procedure ne conviennent
pas a tous ceux qui se livrent a 1'etude de cette science : les
uns ne sontdeslines qu'aux jeunes gens qui, avant d'approfon-
dir cette partie du droit, sont obliges d'en acquerir des notions
generales ; les autres ne sont a la portee que de ceux qui ont
deja une certaine instruction. M. Auger a done pense qu'un
livre qui pourrait C-tre utile a ces deux sorles de personnes
serait favorablement accueilli du public, et il declare avoir eu
principalementen vue les jeunes praticiens.
Le second volumeest destine aux procedures diverscs, et l'au-
teur ne s'est pas seulement occupe de toutes les procedures
speciales comprises dans la seconde partie du Code ; il a eru
devoir Iraiter en outre des procedures qui se trouvent dans le
Code civil, et il a rapporle les articles de ce dernier Code, de
maniere a reunir toutes les regies d'une meme procedure; ce
qui distingue cet on v rage de tous les autres commentaires.
Enfin les regies de la procedure a observer devaut les tri-
bunaux de commerce et de paix sont exposees dans les notes du
premier volume, de sorte que Ton voit, d'un seul coup d'neil,
les ressemblances on les differences de ces regies avec celles
de la procedure ordinaire.
II nous reste a desirer que M. Auger, pour rendre son ou-
vrage encore plus utile, le complete par un recueil de formu-
les propres a meltre en action les principes qu'il a demontres.
Et, commee'est surtout dans les formulesque les vices du lan-
gage judiciaire se sont perpttues, nous ne sauriosis trop re-
commander a l'auteur de rendre les siennesclaireset concises,
et de les purger, le plus possible, de ternies barbares et inin-
telligibles. Parent-Real.
221. — Lettre de M. H. Devaux, ancien depute du Cher,
a 1151. les elecleurs , sur le vote de 1'adresse du 16 mars i85o.
Bonrges, i83o; iniprimerie de Mmc Vc Souchoir, In-8" de 22
pages.
222. — Essai sur (a liberie de suffrage dcs fonclionnairm pu-
blics amovibles, par le, meme. Bourges, 1800; meme imprime-
rie. In-8° de 11 pages, dont la derniere est numerotee 201.
•J23. — Lettre d'un Electeur du Cher aux autres Elect eurs
?3/| FilVIUES I-iANCAlS.
(sans nom d'auteur). Bourges, i83o; meme imprimeric.
In-8° do 1 7> pages.
224- — Disrours $ur I' Adresse, par M. Gaetan de Larochb-
foi'cauld, depute ilu Cher; session do i83o. Paris, i83o;
imprimerie de Henry? roe (iit-le-Cceur, n°8. In-S°de 7 pag.
Nous reunissous hi qua tic brochures sorties du meme de-
partement, et qui donncnl line idee exacle el sullisante de la
crise actuelle, laquelle y est saincmcnt appreciee. Et, bien qn'il
n'entre pas dans les habitudes de la Revue Ency dope digue dc
s'imniiscer dans la politique de circonsiances, cependant,
lorsque ces circonslances sont graves, lorsqu'il se represente
dans 1111 debat , encore vivant, des questions de l'imporlance
de celles qui s'agitent en ce moment, des questions qui tou-
tbent aux racines, et peuvent conduire a la vie ou a la niort
du systeme representatif, e'est-a-dire, du meilleur mode de
gouvernement connu jusqu'a present, nous en occuper est un
droit que nous n'enlendons point abdiquer, une obligation que
nous devons a nos lecteurs de remplir.
Rien, an restc, ne saurait rendre notre lathe a cet egard
plus agreablc et plus facile que d'avoir a rendre compte d'une
broi hure dc M. Devai'x , dont la dialectique serrce et
pressantc, ct le style hardi et piquant, out ete depuis long-
tems remarqties par les personnes habituees a suivre
et a etudier les discussions parleincntaires. L'ceuvre de cha-
cun de ses deux amis du Cher, 1'un, M. le comte Hippo-
lyie Jaibekt, citoyen plein de patriotisme et de talent; l'au-
lre,heritierd'un beau zele et d'un beau nom, n'est pas nonplus
depourvue du merite co nv enable an but que se proposait l'e-
crivain, ou l'oraleur.
Dans sa letlre aux electeurs, M. Devaux commence par po-
ser nettement la question que ceux-ci ont a resoudre ; autcur
de l'adresse qu'il s'est appropriee par son vote, il se presenile
le front haut devant ses Junes. La forme de l'adresse etait-
elle , comme l'ont pretendu des puhlicistes dont il serait per-
mis jusqu'a un certain point de suspecter la bonne foi , outra-
geante pour le monarque ; ses coups devaient-ils meme porier
aussi haut? Tel ne pouvait pas etre son objet, telles n'etaient
pas assurcment les intentions de ses auteuiN. On a fait grand
bruit, a cette occasion, d'atleinte portee a la prerogative royale.
Qu'il nous soil permis de nous arreter un moment a cette ques-
tion la plus fondamentale ; car le reste de la querelle , s'il
etait sincere, ne serait que pure chicane de mots et que jeu
d'enfans.
(Vest d'abord un ptrange service que rendent a la rnyaute
SCIENCES MORALES. ?&5
ses courtisans que tie pretendre qu'elle a ses droits isoles,
independans, en opposition avec ceux de la nation. Nousavions
pense jusqu'a present que la royaute etait une charge publique
dont I'objet etait le gouvernemevit et Icbonheurde la nation.
Que si Ton voulait qu'elle futaussi une institution divine, mys-
terieuse dans son essence commedans son origine, nous y con-
5cntions,pourvu qu'elle nesortit pas sous cette forme des regions
superieuresotiFon dit qu'elle s'est foruiee, et qu'elle consentit
du moins a s'humaniser un peu dans ('application. Les constitu-
tions, au reste, sont decemonde, et nous en avons vu fabriquer
assez dans ces dcrniers terns pour croire qu'elles ne nous tom-
bent pasd'en haut, et pour savoir menie comment dies se font.
Or nous vivons aujourd'hui sous l'empire d'une constitution et
d'une constitution ecrite. Les droits de la royaute ne peuveat
('one plus etre absolus, mais relatifs, et l'exercice de ces droits
ne saurait aller jusqu'a troubler l'liarmonie et deranger I'equi-
Jibre de la constitution. Leroiesl libre, nousdit-on, de choisir
ses ministres. Libre quant aux choix des personnes , oui assu-
rement; mais, quant au choix du systeme ou il lesprend, on
pent soutenir qu'il n'est libre que jusqu'a un certain point; car
la Chamhre aussi est libre de repoussertel ou tel systeme par
tous les moyens que la Charte ecrite a mis entre ses mains.
La question actuelle se reduit done a ce point : sont-ce des
homines, est-ce un systeme, qu'a pretendu rejeter la Cham-
b\e, et que repousse la nation? La reponse a cetle question
n'est pas douteuse, et voici comment s'explique M. Devaux :
((Lesnomsrepresentenlsouvent plus que des individus, ils peu-
ventetreaussil'expressiond'unsysteinepolitiquequi a loujours
en la puissance, depuis la restauration, d'inqui'eter les esprits.
Ce n'est pas un systeme cache dans la metaphysique des theo-
ries insensibles aux masses, mais un systeme materialise par
ses actes, qui a combaltu par les armes, paries conspirations,
par toutes les influences dont il a pu disposer au dedans et
au dehors de la France, tous les interets populairesde 1789 a
1829, sans vouloir se reposer dans la Charte, contre laquelle
il protesta des son origine, et qu'il assiege sans cesse par des
commentaires insidieux destines a fairc conlisquer a son profit
l'oeuvre de la sagesse de Louis XVIII. Ce systeme, odieux a la
nation sous le litre de contre-revolution, s'est vanle des son
apparition au pouvoir d'arreter le cours de nos ameliorations
sociales promises par les deux precedens discours de la cou-
ronne, a l'ouverture des sessions de 1828 et de 1829. II s'est
proclame provisoirement stationnaire, le visage tourne vers
h» passe, avec l'anarchique ambition de commander, memo mi-
?56 LIVUES FRANC AIS.
litairemcnt an besom-, un mouyement retrograde a un grand
peuple qui inaichait victorieux, dcpuis quarante ans, a la con-
qucte de toutes les riehesses de la civilisation progressive » .
Mais, est-ce d'ailleurs sinccrcmcnt que le ministere se vantait
de n'a voir encore rien fait et de ne vouloir rien (aire ? Qucsigni-
fiait done son apparition? Ses membrcs venaicnt-ils exploiter
a leur profit personnel et contrairement a leurs opinions et a
leurs antecedent une forme de gouveruement qui a pourprjn-
cipe el pour base I'interet general? Y aurail-il rien de plus
abject qu'un pareil calcul et qu'une telle resignation ? Non, Ic
ministere du 8 aout n'ctait pas, quoiqu'il en puisse dire, un
ministere faineant. Convainrue de eclte verite flagrante, la
Chambre pouvait-elle refouler en elle-meme ou dissimulcr
sa conviction ? M. Devaux demontre quelle cut etc la perfidie,
et quel ettfit le danger d'une pareille conduite. Ccuxqui pen-
sent que ['opposition an ministere ne devait se manifester que
par des actcs ne se sont assurement pas rendu pompte de 1'in-
convenance,et je dirais memedel'odieux d'une telle dissimula-
tion, lis ooblicnt de plus que parmi les lois sur lesquellcs la
Chambre devait elre appelce a dclibercr il en est une, loi de
confiance et de nccessite tout a la fois, que la Chambre etait
maitressc de refuser, qu'elle ne pouvait pas ne pas refuser, et
dont la non-adoption pouvait jeler pour un moment la per-
turbation dans les finances et dans 1'Kfat. C'etait done pour la
Chambre un devoir d'avertir d'avance la couronne de ses dis-
positions a cet egard; e'est encore ce que demontre parfaite-
ment M. Devaux.
Mais, dit-on, si, malgre le resultat d'eleotions confnrmes a
la pensce de la Chambre, le roi persjste dans son choix! Nous
ne voulons pas cioirc a une pareille supposition , car elle
manque aux conditions essentielles du gouveruement repre-
sentatif, sous lequel nousvivons. La Chambre, interrogi e par
le discours du trone ; les electeurs, inlerroges par la dissolu-
tion, ne pouvaient mentir a leur conscience ; ils out accompli
la loi de leur nature et de leur existence. Declarer qu'on ne
saurait marcher avec la Chambre, telle que les elections nou-
velles 1'auront faite, ce serait, chose impossible, eontrairea la
penseememe qu'a donnee laCbarte, et a la pensee de la main-
tenir; ce serait proclamer une incompatibilite cruellc. Mais la
royaute est hois de ce debat. La royaute restcra ce qu'elle
doit etre : juge supreme du ministere qu'elle cree el qu'elle
brise a volonte; protectrice des interets de la nation, qu'on nc
brise pas. Non, la royaute n'est pas en cause. Eh! qu'arrive-
t-il done ici qui n'ait pas etc prevu par la constitution? Un
SCIENCES MORALES. +>5j
disscntimcnt onlrc le ministore et Ics deux Cbamlres. Mais
n'est-ee pas pr£cisem£oii ptynl'de tellcs circonstancos que nous
est donncc noire forme de gouvcrnement? Cerlcs, si Paccovd
devait toujour.'; regner cntre le pays et le minislerc; si le r'of,
{oujours suflisammont inslruit par scs agens , ne pouvait von-
loir ct la ire que ce qui est communement desire, a quoi lion
eel appareil fie deux Chambres? A quoi bon la prcsse ? a quoi
l)on les elections? II n'y aurait qu'a se laisser condnire mol-
lenient. La sagessc de Louis XVIII, et probableinent aussi son
experience, en ont fait juger nulrcmcnt. Jc sais que beaucoup
de gens ne voient, on du moins ail'ectcnt de ne voir, dans la
Cbarte, qu'nnc concession de pure forme, et , dans scs dispo-
sitions reglemenlaires, qu'un certain mode assez compliant'
d'exercice du pouvoir supreme, substilue a la simplirid: du
mode ancien. Les Cliambres, suivant eux, doivenl voter fi-
bre mcnl l'acceptation de toules les lois qn'on leur prijsenTc, ct
notamment du budget ; mais leur liberie ne va pas in. qu'a la
non-acceptation. Les ccrivains sont libres de manifester leurs
opinions', pourvu que ces opinions ne deplaiscnt point aux mi-
nislrcs ou a lours agens. Enfin, les clecleurs sont libres de se
rendre aux elections, memo sans passeports, a la condiliou
qu'ils voteront pour les Candidate ministericls. 3Iais la France
no saurait etre dupe d'une seml)lable deri.-ion. Les a"6tenrs
nieiiie d'un pared syslemo ne sont pas non plus dupes de eelte
interpretation. Et le genre de liberie qu'ils nous proposerit a,
jusqu'a present, ete reserve dans 1'applicalion aux seuls fonc-
tionnaires publics amovibles. Ceci nous conduit a la secondc
question trailec par iM. Dcvai x.
Celle-ci n'exige pas les memos developpemens. M. Dovaux
!a traite sous le point de vuc moral, avec sa supcrioritc aceou-
tumee. L'bonneur, la conscience des fonclionnaires publics
ferontccrtaincmenl justice d'un pared dogmc de serviiilc. Non,
tons ne doivent point leur position an ministere aetucl; il y
en a dont la situation est due a des eludes ct a des travaux an-
terieurs mrme.a la vocation proncnceC de ccs mini-lies pour
1'cxercice de si haiits empiois. Les eniplois ne sont pai tons
le prix de la sollicilalion el de la bassesse. II y en a de legili-
mement acquis, et les tilulaires de ccux-ci ne doivent Hen ;i
leurs Excellences actucllcs. Le cb; f-dVcuvrc de la loyaule oi.
du raisonnement serait de poser la limilc qui separe les ezn-
plois-professions de ccux qui ne soul que le rcsullat de la fa*
veur minislcrielie. An surplus, relict inevitable de cello snric
de degradation morale infligee aux fonclionnaires piubHcsserh,
il faul 1'csperer, d'mspirer aux ieunes g. us. pour l'avcnir. le
t. xlvi. juiN 1 83o. 4?
p56 L1VRES FRANCAIS.
gout ilcs professions independantes ct honor ables, idles qu*'
les professions agricoles on industrielles , de preference a ce-
lni d'un elat qui , en dehors de certains cadres el de eertaioea
limilcs, n'en est pas un, fet de nous debarrasser par conse-
quent de celte nuee de frclons, inoccupes et parasites, qui
prenncnt part, sans aucune utilite produitc, a la distribution
d-vi milliard annuel : e'est du moins ce que nous souliaitons.
La Iettre dc iM. le comic Jaubert est une exhortation plcine
de raison el de franchise a ses colleguesclecteurs. Le discours
de M. de Larochelbuoauld est une reponse faite a son insu,ct par
avance auxcalomnies de ceux qui meconnaissent, sans doutc
sansespoir de sueces, les sentimenset les intentions des vo-
tans dc la memorable adresse. Nous citerons ici, en terminant,
la peroraison de M. Jaubert : « Encore une ibis, que desirons-
nous? L*egalite ou l'inegalite devanl la loi ? la liberte d'indus-
tiie ou les corporations; la liberie religieuse ou les jesuites
( pridominans)? La liberte individueUe ou les cours prevo-
tales ? la liberte de la press* ou la censure? des conseils muni-
cipaux que nous elisions, ou des conseils municipaux choisis
par le prefct? un budget qui diminue, ou un budget qui aug-
mente? En un mot, Pancien regime, ou les interets nouveaux ;
un gouvernement ou nous soyons quelque chose, ou un gou-
vernement ou nous ne soyons rien? Nous sommes maitres de
choisir. » Cette voix, non denude d'eloquence, a etc entendue ,
et MM. Devauxel de Larochefoucauld ont etereelus.
1$. L. , Avocat.
2^5. — * Tableau de la Potogne ancienneet modeme, public.
en un volume, par Malte-Brun : Nouvclle edition enliercnie-nt
re fondue, augmenteeet orneede cartes ; par Leonard Ciiodzko.
Paris, i83o; Aime Andre, quai Maluquais, n° i3. 2 vol. in-8*
de vij-5i2 et 556 pages; prix, i5 fr.
II est pen de pays en Europe qui soient aussi mal connus
que la Pologne ; et pourlant ce royaume, aujourd'hui decbu
de sa splendeur, et foule aux pieds par ses ennemis, disputa ,
au xvie siecle, la palme des sciences a 1'Italie, devint plus
tard le rempart de la chretiente contre les Ottomans, ct, na-
guere encore, donna au monde l'admirable spectacle d'une
nation fidele a ses allies au milieu des plus aflYcux revers , et
jusqu'a leur derniere bataiile. M. L. Chodzko , auteur dc
YHistoire des Legions polonaises, et que son talent aussi-bicn
que son zele placent au premier rang parmi les patriotes po-
lonais, vicnt d entreprendre la tuche honorable dc dissiper ces
tenebres, et d'appelcr sur son pays 1'attentiou de 1'Europe.
Au travail ineomplet, publie en 1807 par Malte-Brun, il a
SCIENCES MORALES. 7.-9
substitue un tableau de la Pologne, envisagee a la fois sons les
rapports statistiques , hisloriques ft litteraires; ot, aide dc
quelques jcunes et habilesconcitoyens, il est parvenu a ele-
ver un veritable monument national.
Le tableau de la Pologne se divise en quatre parties dis-
tirlctes; il comprend : i° une statistique generale du pays et
une description historique et geographique de chaque pala-
tinat ; a" un precis de l'histoire nationale, continutie jus-
qu'en i85o ; 5" un essai sur l'ancienne legislation polonaise ;
4° des fragmens sur l'ancienne litterature du pays, precedes
d'une introduction.
M. Chodzko s'est charge spccialement de la statistique et
de la geo graph ie ; et il a compiis dans son plan , non-seu-
lenient le royaume actuel, mais toutes les provinces qui out
dcpcndu ou releve a diverses epoques de cette glorieuse cou-
ronnc : la Lithuanie, la Livonie, la Courlande, la Gallicie ,
l'Ukraine, la Valachie, la ftloldavie, etc., etc. Dans cette
premiere partie, nousavons surlout distingue un chapitre sur
l'etat des Juit's en Pologne, rempli de details du plus haut in-
teret, et des considerations enlierement nouvelles sur la ma-
rine polonaise dans la mer Baltiqne, le commerce de Dantzig
et la langue lithuanienne. Ne pouvant relator ici les calculsde
M. Chodzko, nous nous contenlerons de reproduire la con-
clusion de son ouvrage :
« En recapitulant , dit-il, cette statistique actuelle des an-
ciennes pro\ inces polonaises, et comptant :
i°. Pour l'ancienne Prusse-Polonaise. . 800,000 habit.
2°. Pour Ie grand- duche de Posen. . . 980,000
5°. Pour le royaume de Gallicie ^j000?00*}
4°. Pour la republique de Cracovie. . . 110,000
5°. Pour le royaume de Pologne. . . . 5, 700, 000
6°. Pour la Polognc-Russe 8,800,000
7°. Pour la Courlande 600,000
Nous trouvons dans son ensemble une population de dix-
huit millions neuf cent quatre-vingt-dix milk habilans. Enfin ,
en comptant les 200,000 Lithuaniens et 280,000 Polonais ha-
bitant la Pi usse-Orientale (vassale de la Pologne, depuis i525
jusqu'en 1657), dont la capitale est Kuenigsberg, nous anions
la to table de 19,470,000 habitans. Si nous voulionsy ajouler
un accroissement putatif de six annees, nous trbirverioris,
pour 1'annee 1829, la population absolue de vingt millions
d'habitans, et pcut-etre au dela pour tout l'ancien territolre
de la Pologne. »
74o LIVRES FRANC AIS.
l)e res calculs nous lircrons und seule consequence. En
i8i5, la Russic s'est vantee, a In face dc PBttrdpe, de rctahiir
le royaiinic dc Polognc, dc Ic rclcver a l'abri dc sa haute pro-
lection. Eh bien! malgre ccilc parade dc magnanimile, cllc
rclient tou jours sons son sceptre rnssc les belles provinces
lillr.ianiennes, livric; a des commissions inquisiloiialcs ; cllc
travaillc sans cc^se ay ctcindrc le sentiment de Fmsensde na-
lionalite polonaise, a y comprimer toulc fibre manifestation
de l'esprit public. Voila la gencrosile dont elle a use cavers
la Pologne!
Le precis hislorique qui compose la dcuxieme partic , due
a UB jennc ct courageux publiciste, renferme un resume com-
plet de I'ilisloirc Rationale, redigc d'apres les documens les
plus authentiqucs ; il presented en outre, un tableau \il' ct
anime des efforts des palriotes polonais pour inaintenir leur
indcpcndancc sous Kosciuszko, pour la rcconqnerirsous Uom-
browski et Ponialowski ; ct il retrace avee impartiable hcou-
duite du gouveinemcnt russe depuis i8i5. La troisicme par-
lie , empruntce par M. Chodzko a son mailrc et ami,
M. Lelewel, famiiiarisera le lecteur avee une legislation cu-
rieuse et ignorce. (Voy. ci-dessus, p. (\\Q>, l'annonce du tra-
vail de M. Lelewel. ) Enfm, la quatrieme est une veritable re-
velation sur l'ancicnne Iittcrature polonaise.
L'auteur de ce travail, M. Michel Podczasztnski, ancien
rcdacteur du journal de Varsovic, s'csl livre, depuis plusieurs
annees, a des recherches laboiieuses sur la Iittcrature de la
Yieille-Pologne. II en public aujourd'bui plusieurs fragmens
qui, bien qu'ecrits a la hate, pourronl fa ire juger dc I'impOr-
iance et de la nouveaute de son couvre. Dans une savanle in-
troduction, il parcourt les Ages divers de la literature, les
progics intcllcctuels dc son pays, sagloireala fin duxVsieble,
sa decadence au xvnc. Puis, abordant chaquc ccrivain celebre
Pun aprcs l'autre, il donne sa biographic cxacte, la listc de scs
travaux, un bref apercu du caraetere de son talent. Nous for-
mons des vceux sineercs pour que M. Podczasz.ynski, aehe-
-vant des etudes si heureuscment commenctes, reslitue a
son pays la part de gloire litlerairc qu'il merite, ouvre a la
critique moderne un champ a peine defriche , et montre a
l'Europe sous son aspect scienlifique le chef et le maitrc des
pcuples slaves.
En resume, le Tableau de M. Chodzko est le seul livre i'ran-
cais qui puisse faire vraiment connaitre la Pologne : a cc litre,
nous le rccommaudons a tous les amis de cc malhcurcux
SCIENCES MORALES. 7/,i
royaume, i\ tons ceux qui appellent dc lcurs plus aniens desirs
lc jour'de son retablissement , et apprecieat les hautes vert us
civ iles el guerricres, lc patriotisms et le devofiment a la bonne
rieille cause dcs nations. — Irmcta fides. . . .
226. — * Ili.stoire du Congrcs de Vienne, par Fauteur de VHis-
loire de la Diplomatic francaisc. Paris, 1 829 ; Trcuttel etW ihtz.
5 vol. in-8° de cxxvi-J26, 520 et 452 pages; prix, 18 fr.
Dcs Irois volumes que nous annoneons la moitie a peine
est consacree mix deliberations du congrcs de Vienne. Le reste
se compose dcs nombreuses pieces officielles emanees de cctte
assemblce, et d'une introduction 00 les principes et les hom-
ines dc la revolution franraise sont impitoyablcmcnt immolcs
aux doctrines politiques de M. de Jletlei nicli.
31. de Flassan parait saisi d'une adniiralion profon.de pout-
la diplomatic moderne et pour le congrcs de Vienne en parti-
culier :« Cost, dit-il, un ouvrage immortcl, et les peoples
reeonnaissans, a mesure qu'ils le connaitiont davantage, ap-
prccieront micux les biehfaits qui en sont decoules. » Nous
aimons a croire que, dans la pensee memo de 1'autfur, cetle
regie admet quelques exceptions, et qu'ii pcrniet a la Pologne
et a I'ltalie dc nourrir pour leurs maitres un autre sentiment
que la reconnaissance. C'cst, en verite, faire outrage au Ijou
sens public et aux souffiances dcs peuples que de s'ecricr dc
sang-froid :« Au congrcs de Vienne, les plenipotenliaires rc-
flclaient la magnaniniile et !a noblesse d'auic des monarqucs
allies; et cc fureat les plus pures impulsions qui conduisircnt
aux diverses resolutions. » Nous n'admetirons jamais qu'clle
suit pine de tons reproches eelle reunion de vainqueurs
qui, denombrant com me de \i!s troupeaux les citoyuvs d'E-
tais Libres, s'adjugcrciH a chacun un certain nombre iWhncs,
consomme rent Passer? issement de la Pologne, imposercnt lc
joug autrichieii a la bcile Italic, vouluienl puiiir lc roi de
Saxe <!c sa fidelite aunialbeur, cl spolierenl audacieiiscmenl
les foibles au profit des furls.
Cependaot, quelle que soit notie opinion persor.nelle stir
les priiicipes dc 51. de Flassan. sa hainc des idi.es liberates,
son dedain pour Napoleon, qu'il traasforme en un genera! du
second ordie, infericura tons ses rivaux, nous 11c pouvons
mecoamillre 1' importance et lc one rite de son travail. II a
rendu un compile exact ct scrupuLeiix de loutes les negocia-
tions, notes et conlre-noles aur lesquelles repose Fed ifice po-
litique fondc par les :-omcrair.s, et defendu par Castlercagh
ct M. de Meilcrnicii ; et son si \ic , raiemcnt elegant, est au
moins d'une clarte narfailc. A<j milieu dc cc conllit de delibc-
742 LIV11KS FKANCAIS.
rations, on voitavcc plaisir la France, toute saignante encore
de scs blessures, protester en l'aveur de la Pologne, et arrachcr
la Saxe a la rapacite de la Prusse nnie a h> ftussie. Si e'etait nn
acte de politigucj.c'.etatt aussi nn acte de courage; etlcs notes
des plenipotentiaircs franca is stir oette question sont un mo-
dele d'adresse et de fermcle tout a la fais.
Debaroassee d'un luxe de reflexions communes et de ridi-
cules diatribes. contre la revolution et son fils couronne , This*
toire du congres de Yienne pouira faciliter I'etudc de nos
quinze dernieres annees; et, a ce litre, nousdevons la recom-
mandcr a tons les amis dc la science politique, a totis les es-
prits curieux de counaitre a fond la restauration universelle
de 181 5. A. D.
227. — * Histoire de la Chute de VEmplre'de Napoleon, par
E. Labaune. Paris, 1820; Anselin et Pochard. 2 vol. in-8%
avec plans et cartes; prix, 12 fiv
2 ■> 8. — * Histoire mi U lair e des Francais par Campagnes. —
Onzicme livraison : Histoire de la Campagne de 1810, par M. de
ISoRviNs. Paris, i85o; Gagniard, Quai Voltaire, n° i5.. 2 vol.
in- 1 8 avec cartes et portraits; prix, 7 fr. 5o c.
II semble qu'apres taut de discussions passionnees, d'exa-
giialions dans les deux sens, le moment est enfin venu de
juger, comme pourra le faire la poslerite elle-meme, l'homme
le plus extraordinaire de notre epoquc. Le terns, le plus in-
faillible de tons les modcrateurs, a deja calme les passions;
la voix de la verite pent se faire entendre, et nous sommes
hcureusement aussi loin des declamations frcnetiques du M.o-
nileur secret et du Cabinet de Saint-Cloud, que des adorations
pcrpctuelles du Memorial deSainte-Hclcne. En blamunt las ex-
ces d'uno ambition que la conquete de l'Europc enliere edt
a peine sattsfaite , on pent sans crainte aujourd'hui hono-
ver un genie superieur et une illustre infortune; et on com-
mence a comprendre que, pour I'honneur meme de la France,
il ne convicnt pas de trop abaisser celui qui la gouverna pen-
dant quatorze ans, et qui lui fit faire do si grandes choses.
Rieu ne nous semble plus propre a etablir a cet egard une
opinion raisonnee et impartiale que l'examen comparatif des
ouv rages que Ton publie sans cesse pour et contre, et dont
le nonibrc n'a pas encore fatigue 1'insatiable curiosite des lec-
teurs. Tel est le motif qui nous engage a rcunir, dans un meme
article, deux histoires des dernieres annees de l'empire, com-
posees d'ailleurs a deux epoques differentes, et dans un esprit
piesque diametralcment oppose. En elTet, si Ton en excepte
ces sentimcus d'horreur pour la (rahison . de duulcur et de
SCIENCES MORALES. ;.',:.
compassion pour les maux de la patiie, qui duivent sc retro'u-
ver uii fond de toules les ames gent-reuses, il serait diflieilc de
rencontrer deux relations des memes faits plus dissemblables.
La seconde, dans l'ordre de date, publiee par M. de Nor.-
vins, est heaucoup moins considerable que l'autre, et n'em-
hrasse qu'une partie des desastres qui accompagnerent la
chute de Napoleon ; elle appartient , comme on le voit par le
titre, a une collection interessante, deja parvenue a sa on-
zieme livratson. Le peu d'etendue accorde a chaque campa-
gne, le pri-x modiqne du livre, et le format qu'on a choisi, mon-
t rent assez qu'on a voulu mettre celle collection a la portee de
tons les lecleurs, particulicremcnt des inilitaires. M. de Nor-
vins, deja connu par des productions d'un autre ordre, et
surtout par Phistoire la plus complete qu'on ait encore donnee
de Napoleon, se trouvait on ne peul mieux prepare a un
travail de- ce genre, et l'on doit regrclter qu'il n'ait pu lui
donner plus de developpemens.
Apres un precis rapide dc l'etat oil se tronvaicnt la France
et nos armees par suite de la deplorable catastrophe de Mos-
cou , l'auteur s'empare de son sujet , et raconte avec une
clarte et un ordre renxarquables, un style toujours pur et sou-
vent clcve, les grands evenemens de la cainpagne, non moins
desastreuse de i8i5. II peint de vives coulcurs ces premiers
succes, si chcrement achetes, de Lutzen, de Bautzen et de
Wurlschen, cri la fortune trompeuse sembla pour la dernierc
t'ois souiire a nos amies. Mais bientot de npuveaux orages
se fonnent contre nous dans le Nord. L'Europe, soulevee
tout inline contre un scul peuple, ne se croit pas encore
assez forte pour le vaincre. Des intrigues tenebrcuscs, dont le
terns a deja de voile une partie, de secretes violations des traitcs.
enfin des defections deeidecs, plus honteuses encore, arrachent
de nos rangs des allies j usque-la fidelcs, et qui auraicnt pu
tlu moins se retircr loyalemcnt ailleurs que sur les champs
de bataille. Apres de vains efforts pour reprendre {"offensive,
apres avoir vu trois fois le chemin de la Haute-Allemagnc
ferme a ses lieutenans par les deroutcs de Grossburen, de
Kulm et de la Katzbach, Napoleon, vainqueur au sanglant
combat dc Dresde, tente de nouveau la fortune dans les phi i-
nes de Leipzig. La succouibe en partie cetlc armee nouvellc,
creee comme par enchantcmenl depuis la deroute de Moscou :
l'homicur seul de nos amies pcut encore etrc same ; et , apres
avoir ecrase les b.ivarois a Hanau, I'cmpereur passe le Khin
qu'il ne doit plus revnir, poursuivi par les trois armees con-
fcilerce* qui pourt.int n'osent franchir encore cctle limite re-
?44 LIVHES FUAKgAIS.
ii(iiiUili!o du grand empire. En mcme terns, Ic tcrriloire etait
nivahi vers les Pyrenees; le Ills adnplil" do Napoleon lutlait
avec peine, en Ilalie, contre les amies aulriehienncs el contre
relics nieincs d'nn prince franrais ctabli an prix de not re sang
sin- le Irone. des Dcux-Siciles. (Merles, c'esl tin spectacle aussi
imposanl que pcnible (pie cc tableau d'nn pruple, deja ac-
eable par vingl-cinq ans de combats ct de vicloircs, lutlant
seiil contre toulc l'Europe, ne ecdant qu'apres des efforts
inouls, el plutot vaiucu par la Irahisou que par les amies!
Tel est le drame memorable retrace avec un vrai talent par
M. lie Norvins, mais ou doiaine, comme nous l'avons deja
hiisse entrcvoir, un vif seiUimeiit de partialitc pour le heros.
Sans doule tout homme d'bonneur ne peut que s'indigncr au
souvenir de ces trahisons successives de peuplesou d'indivLdus
.-auslesquelles la chute del'enipire n'eiit etc ni aussi prompte,
ni peut-elre aussi certaine. Mais, a qui faut-il atlribucr la
cause premiere de. tant de desastres, sinon a 1'aaibition insa-
tiable do Napoleon? Qui done avait ete reveillcr dans letirs
deserts les hordes du Nord , et leur rapprendre le chemin si
long-lcms oublie des belles regions du Midi? Qui les a ame-
iiees, pour ainsi dire, par la main , jusquc sous les murs d'une
capilale qui, depui? tant de siecles, n'avait pas vu la t'umee
ties camps ennemis? Nous avons aussi remarque avec peine
la maniere dont l'auleur rappelle la memorable adres>e du
cor; s lcgislalif, au mois de "decern bre 1810. II y avait sans
cioule du courage, et memo quelquc danger, a parlcr ainsi au
vaiuqucur de l'Europe, encore si terrible malgre sa dei'aite;
el cc premier cri de liberie, apres quatorze ans d'esclavage,
ceite altitude genereuse d'nn des premiers corps de I'Etat, si
long-tems degrade par de serviles adresscs, mcrilaicnt line
autre cpithete que celle de seditieua;, employe par M. de
Norvins^
L'ouvrage de M. Labaim:!!, d'une date bcaucoap plus an-
ticline , el plus considerable par son format , embrusse aussi
tin plus griiud nombre d'annees, puisqu'ii commence, comme
le precedent, avec hi cauipague de L11l7.cn ct de Leipzig, et ne
s'arrele qu'apres la catastrophe de 1 8 1 4. L'auleur ctait deja
connu par une relation de la canipagne de Moseou, qui parut ,
pen apres la rcstauration, ei i'til aceucillie avec cmprcsscmcnt.
On coneoit sans peine que , Icmoin et acleur dans ccttc luile
terrible, il ait conserve un vit' sentiment d'indignation conlre
J'auteurdc i;int de niati.x.Cetle prevention domino dans tout son
ouvrage, d'ailleurs Ires-cstimablc, el I'a cntraine, aussi mailgrc
lui, dans plus d'une errtfur, /.. i'.!:-i. e;; r;-!;nrni:t ocg ne{jf& ia-
SCIENCES MORALES. ^5
tions i'allacieuses ou peut-etrc uqe cgale mauvaisc foi condui-
sail les .deux parlies, tons les torts que M. dc Nor V ins rcproebe
cwlii-ivement aux puissances alliees, M. Labaume les allribue
tie mcme a Napoleon. II parait supposer line veritable sympa-
ihie pour la France ct un desir sincere du bonheur dcspeuples
aux cabinets qui avaient eigne jadis le traite de Pilnilz, ct
parlage la Pologne. II est pcrniis assurement de ne pas pcu-
Ser a\ec lui que «les nations etrangercs ne voulurent, pour
pi.ix de noire delivrance, qu'abjurcr dans nos bras ces senli-
mens de. haine et de discorde qu'un genie anti-social lui avail
suggeres.». II y a loin de ces nobles peilsees a la violation des
capitulations de Dresde et de Danlzig, et aux ravages dont
nos provinces du nord et de l'est garderont long-tems le sou-
venir.
Mais, quelle que soit l'opinion parlieuliere dc Tauleur,
qui , d'ailleurs, ecrivait sous l'influence de 1'indignation sou-
levee dans beaucoup d'ames gencreuscs par les lerribles con-
sequences des failles de Napoleon, on doit avouer aussi qu'il
se nioulre exact et scxupuleux bistorien, toules les Ibis qu'il
s'cta! lit une difference evideute entie cc (pi'il pense et ce
qu'il doit dire. Ainsi il c aracterisc coiivcnablemcnt les nego-
cia'ions secretes de l'Autrichc avec les puissances alliees, an
moment menic ou elle s'etail portce medial rice cnlre les deux
parties, et semblait n'avoir d'aulre inleret que de lout pacifier-;
les demonstrations du cabinet de Berlin, apres la retraile du
general Torek; et le traite, plus extraordinaire encore, par
lequel 1'Angleterre , constantc dans sa liaine et dans ses pro-
jets, vint a bout de detacher de la cause de Napoleon son
inalbcureux et imprudent beau-l'icre. L'auteur rend justice
ailleuis an noble cataclere du prince Eugene, sous les ordres
duquql il avait deja fait la cumpague de Woscou, et au de-
voOment si genereux et si inutile des braves et loyaux Polo-
nais el de leur digue chef. Son sly'c est, en general, clair,
precis, el convenabic au sujet. II s'anime dans le reiil de quel-
qucs c\enemcns dc premier ordie, et nous cilerons, conimc
des morceaux lies-remaiquables, le rccit de la bataille de
IjM/.cu, la moil du due de Frioul, la deroulc de \ittoria, et
surlmil la deplorable catastrophe de Leipzig-. II y a aussi dc
rinleret, mais de cet intcrct pcniblc el douloureux qy'iospi're
I'agoriie d'unc grande nation luttant contre une fataiile qui
doit s'accompiir , dans le rccit, d'ailleurs tres-hien trace, de
la eairrpagne de i8i.'|, OU le genie de Napoleon iappela, pen-
dant quciquesmois, les beaux jours de I'arsuee d'llalie, el ori
il rcmporla nnalre victoires en tix jours contre une ai'mec
r/,fJ L1VRES FllANCAIS.
triple tie la sicnnc. On trouvc, a la fin du memo volume,
des details curicux sur les cvcnemcns peu connus qui accom-
pagnerent la chute de la domination framaise en Italic, et sur
les horreurs commises a Milan par le peuple mutirie. L'ou-
vrage est accompagnc de plans et de cartes, leves ct dessines
avee beaucoup de soin par l'auteur lui-nieme , et qui font par-
laitement comprendre la niarche des armees, et les grander
combinaisons stratcgiques auxquelles ils se rapportent.
220. — * Souvenirs de la Moire, rccueillis pendant le scjour
des Franeais dans le Peloponcse ; par J. Manclaht. Paris,
i85o; Igouettc, rue de Savoie, n° 12. In-8° vm-^i 1 pages;
prix, 7 IV.
C'est un episode, jusqu'i,cisans exemple dans noire histoire,
et peut-ctre mime danscclle de toutes les aulres nations civi-
lisees, que cette expedition de Moree, campagne prcsquc
toute diplomatique, espece de promenade militaire, qui pour-
tan t a coflte cher a notre valeureuse armee, et oil il a etc verse,
conmie on l'a dit, beaucoup plus cCencre que de sang (1). Etions-
110 us alors en guerre a veele sultan, souverain passablementdes-
potique dcsGrecsde l'a Moree, et qui ne pouvait les rcgarder
que conime des esclaves revolles que nous venions aider a
brisei leurs chaines ? Non, sans doute, puisque noire ainbas-
sadcur n'avait pasquitte le palais de France, et continuaitd'e-
clianger des notes amicales avec les ministres de sa hautesse.
Elions-nous en paix avec Mahmoud? Bien moins encore; a
moius qu'on ne veuille prendre pour un tcmeignage d'al-
liance et de bonne amitie d'aller a main armee s'emparer des
places fortes d'un pays qui iui apparlenait, et en chasser les
troupes envoyecs par 1'un do ses vassaux. Telle etait la bi-
zarrerie de autre situation politique envers la Porte que le
general en chef se fclicile dans unede ses depeches de ce que
le general Tiburie Sebastiaui avait eu la moderation dc retenir
ses troupes devanl Coron, et de les cmpOcherde faire feu sur
les Turcs ; puree que la guerre cut alors commence cittre eux et
nous. IS'c I'etait-elle done pas reellement par le seul fait de
noire dtbaiquement sur le sol de la Moree?
Quoi qu'il en soit, cette expedition, en t re prise dans des vuejv
si nobles et si geuereuses, fera untternelhonneur a la France; le
bien reel qu'elle a produit doit consoler nos braves du peu de
globe qu'il leur a ele pcrmis d'y acquirir. Parmi les relations qui
(1) Vnypz la jolic chsnFon, di'jii conime, composite par un scrgCDt-ma-
jui dc t'aiuicc, que I'aultur a cu sum dc tapporler, p. a i4-
SCIENCES MORALES. ;47
on out dcjaetepnblices, etqui toutcsonl etc accueillies avec uu
cmpressement justifie par lesujctmemc, noussigualeronscellc
de ftl. Mangeart. Cet ecrivain n'appartenait pas a 1'armce ;
niais, dans cette croisade nouvellc, aussi scientifique et plii-
lantropique que militaire, on tons les arts de la civilisation
ctaient representes, on n'avait pas oublie la redaction d'un
journal en langue du pays, qui, sous le tit re deGourrier d'O-
rient, devait rendre un compte fidele de toutce qui interesse-
rait l'armee,et reporter deses nouvelles en France. M. le colo-
nel Kaybaud, connu lui-meme par des Memoires interessans
sur les premieres campagnes des Hellenes, apportait ce nou-
\eau bienf'ait au pays pour lequel il avail verse son sang;
W. Mangeart figurait parmi les employes de ces etablissemens
nouveaux, et c'est surtout pendant son scjour a Patias et ses
excursions dans les autres places de la peninsule, qu'il a re-
cueilli les observations consignees dans son journal. Cequ'on
remarque surtout dans cette relation, d'ailleurs peu etendue,
et qui n'embrasse qu'un petit nombre de 1'aits curieux, c'est
la bonne t'oi qui l'a constamment dictee. Ainsi, des le com-
mencement, l'auteur peint avec naivete le desappointement
qu'il oprouva lorsqu'au lieu decesberosdela Greceregenerec,
qu'il venait admirer sur les mines I'umantes de leur patrie, il
ne vit d'abord qu'un ramas despeeulateurs avides, pa riant plu-
tot italien que grec, race trcs-peu heroique, mais fort empres-
see de s'cnrichir aux depens du procbain, et qui ne voyait
dans l'expedition liberatriee qu'une occasion de l'a ire de nou-
velles dupes. II tut de meuie fort etonne, et tout autre I'eut
etc conune lui, de voir avec quel empressement, au depart
des Egypliens, la plupart des filles et des iemmes moreotes ,
cnlevecs parceux-ci, renoncaientau sol natal pour suivre leurs
nouveaux mailres. Mais, lorsqne , admis dans l'intcrieur des
families veritablement grecques, tristes debris du carnage tie
Missolonghi , l'auteur a pu etudier de pres cette nation tant
calomniee, on aimea voiravecquellci baleur, quelle intimecon-
viclion il peint leurs vertus domestiques , leur amour ardent
de la patrie, et surtout leur vive reconnaissance envers ces
Francais genereux qui leur apportaient avec la liberie tons les
arts de la civilisation. Les lecteurs de notre pays verront en-
core avec un juste sentiment d'orgueil 1'beureuse revolution
operee en si pen de jours clans les villes occupoes par nos
troupes, et surtout a Palras: uneville nouvelle sortait, comme
par enchancement, des mines degoutantes de Fancienne. On
y remarquaildcju des magasins rtmplis de toutes sorles d'ob
?.',8 LIVRES F11ANCAI5.
jels de consommalion et de luxe, d'elcgantes bouliques, et
suFtout des cafes etdes billards. que lours proprieiairesavaioni
grand soiu de designer par des nonis frauoais. Parmalheur, la
civilisation, avec see bienfaiis, avait aussi apporie ses vices,
et l'auteur cntre a cet cgard dans des details que le plus le-
ger senlim«Trt des convenances aura it du lui fa ire supprimer.
ISmisappellcrons settlement l'aitenlion des lecteurs stir les ta-
Mcaux inleressans des mcctirs inoreot"s, sur les horribles de-
vastations exercees par les Ttires ; la totichante bicnfaisaiice de
nos guerriers envers les victimes d'une contagion que lcur
W'le senl venait d'arrctcr, la visile au camp d'Hualiim, la re-
vuede l'armec a laquclle assista ccchef de Barbarcs, et les loi-
sirs de la qnarautaine, excitcrout egalemcnt un vif interct.
Nous n'avons pas encore parle du style de cet ouvragc, en
general clair et facile, mais surcharge d'invocations, de figu-
res, et surlout d'allusions niythologiqucs. Celles-ci du moins
peuvent se justilier en partie par les inspirations que 1'aulcur
devait recevoir surcette terre toute classique; mais, en jetant
les yeux sur notre littorature acluelle, il aurait du compren-
drc que nous n'avons jamais etc plus loin des souvenirs du
pagauisme et des dieux de L'lliade et de 1'Odyssee. Y. Z.
25o. • — * Scenes popuhiires en Irlande, par 31. Shiel; re-
cm sillies et traduites de l'anglais par mesdaiues L. Sw.-B. el
A de 31. Paris, iS.jo; Sedillot, rue de l'Odeon, n° 5o. In-fc>*
de 5^9 pages; prix, 7 I'r. 5o c.
Ces scenes, dont le Globe avait deja pubiie quelqucs frag-
mens, out principalement pour sujet les mouvemens politi-
que* qui ciretit lieu en Irlande, quelque terns avant et iniinc-
dialcmcnt arpres I'cniancipalion. Elles peuvent ctre regardees
comme 1111c hisloire complete de c« t le graade mesure, liis-
loire dramaticjiie, biillante, pleine de chaleur et de passion.
Lear aulcur, 31. Shiel, a joue lui-nieme un rule dans les seines
qu'H raconte. el ses paroles out d'autaiit plusde poids et d'iu-
teivl qu'i! avail avec les antics acteurs des relations person-1-
relies propres a ies lui fa ire hien connaitre et bien jugeiS
I/ouvrage est precede de quelqucs reflexions sur l'histoire de
l'iilande avant I'epoque 00 cominencent \m Seines populaire.t.
Nous ignorons si ces reflexions sont dues a la plume de
31. Shiel ou a celle des Iraductrices , mais elles nousscmblenl
fori remarquahles, ct ncus en conseillons la lecture a tons ecus
qui voudront savoir tons les details de la rtaissance el des
aCles, en un mot, l'histoire complete de ['association calholi-
1111 ■.'. corporation unique dans les auuaies de FEurope. Yoici,
du icste, la table des principalis chapitres de ce livre : Assises
SCIENCES MORALES. r40
de Clonmcl : c'est le recit tin jugement des assassins de
M. Chathviik, vielhne d'une haine populaire. — Des Associa-
tions des catlioliijues et de tears principnux chefs. On com/oit,
sans que nous lc disions, tout ce que ce chapitre, cent par tin
homme place comme l'etait M. Sliicl, doit presenter d'interet
et destruction. — O'Conntl : le portrait tie cet homme ex-
traordinaire est trace avec un art admirable et unc rare vi-
gueur de pinceau. — Election de Clare.' — Les Meetings de
Londres. — O'Connel au par lenient. — Promenade d Clare. —
Dernicres elections de Clare. — Nous regretlons de ne pou-
voir entrer dans de plus grands developpcmens au sujet d'un
ouvrage qui merite ['attention sous plusieurs rapports et qui
est, quant a la forme, d'un genre tout-a-fait ncufjusqu'u
present. A. P.
25 1. *— Vies de plusieurs personnages celibres des terns an-
ciens et mo d ernes ; par C. A. Walckenaer, meuibre de l'ln-
stitut. Laon, i83o; typographic de i\lel!eville. Paris, chez
M. Bailly, a la bibliotheque tie la ville. 2 vol. in-8°, de 3^6
et 442 pag.
Un savant qui , comme M. Walckenaer, s'est livre a des etu-
des et a des rechercb.es de genres divers a du necessairement
porter son attention sur la vie et les travauxd'un grand 110111-
bre de savans qui l'ont precede, et sur d'autres personnages
qui tcnaient plus on moius aux objets de ses recherches. De la
cctte foule de notices quel'auteur a etc a mOme de rassembler,
et qui forment line galerie biograrhique assez etendue, et
surtout tres-variee. Quclr|ues-unes tie ces notices sent tres-
courlcs, et rcssemblent a des notes bonnes a consullcr; beau-
coup d'autres conlicnncnt des articles biographiqucs com-
plcts, et exposent avec beaucoup d'interet la vie privee et
publique, et ia serie des travaux lillcraires 011 scicntiliques des
personnages. Cette foule de notices est classee par livrcs et
sections; ainsi, dans les deux premiers livres, M. Walckenaer
met en scene des personnages historiques, de^ savans et des
litterateurs de l'anliquite; les deux autres livres, plus consi-
derables, traitent des homines marqnans des lenis modernes,
en indiquant par des subdivisions la classe des voyageurs,
celle des naturalistes, celle des litterateurs, etc. On rctrouvc
la tous les gouts de l'auteur et les objets de ses travaux. La
galerie des voyageurs est nombrcuse , comme on devait I'at-
tendre d'un biographc qui tient en niemc terns un rang emi-
nent dans la geographic. Les notices sur La Fontaine et sur le
president Henault rappellcnt au lecteur les editions tres-esli-
meesque M. Walckenaer adonnee? de leurs ouvragt s. Beau-
-5o LIVRES FRANC AIS.
coup de notices, parmi cellos qui sonl rassembloes dansocs deux
volumes, ont deja ete imprime.es ailleurs, notammcnt dans la
Biograplde unirerselle ; mais l'auteur les a revues el augincn-
tees, on corrigees en partie. La Notice surLa Fontaine se trouvc
a la tete du travail de M. Walckenaer snr ce poete, et a ete
imprimec plnsieurs fois dans di Verses editions des eenvres de
La Fontaine ; son biograpbe a revu cette notice, et il exprime
le desir qn'elle reste telle qu'il l'a redigee dcfinitivement , et
qu'elle soit rcimprimee ainsi, et non autrement. File n'a qne
le dcl'aut d'etre trop concise; la notice de Maucroix, ami de
La Fontaine, est plus etendue que la sienne. 31. Walckenaer
aura pense que les details silt la vie de La Fontaine se trou-
vent partout, et qu'il n'en est pas de meme du cbanoine de
Reims qui fut l'ami intime du bonhomme, et qui lit aussi de
bons vers. \ la notice sur Maucroix en succede une sur le maii
de cette M°"de la Sabliere, qui cut aussi Pamitie de La Fontaine
comme celle de Larochefoucauld. On a beaucoup de rensei-
gnemens sur cette femme spii ituclle ; mais le man a ete pres-
que coinpletement Qublie par les biograpb.es. M. Walckenaer
y a supplee par une notice cuiieuse, dont les details sont pui-
ses en partie dans des manuscrits provenant de ia famille.
La Sabliere meritait cet honneur; il etait renomme pour sa
facilite a tourner un madrigal; ses impromptus ont ete impri-
mes ; ct il n'est pas inutile de dire que M. Walckenaer a ete
le premier qui en ait donne une edition correctc. On pourrait
citer beaucoup d'autres notices curieuses de ce recueil, qu'ou
lit avec plaisir, quoique tout n'y soit pas egalemeut important.
La derniere section occupe le lecteur de quelques ecrivains
anglais. Dans la section des voyageurs, nous signalons les no-
tices sur Marco-Polo, Zuccbelli, Psalmanazar. Une note im-
primee en tete de l'ouvrage avertit le public qu'on n'a tire les
vies des personnages celebres qu'a 3oo exemplaires, dont 200
seulcment sont entres dans le commerce de la librairic. Peut-
etre les bibliophiles rechercberont-ils dans la suite avec em-
pressement ces deux volumes, sortis des presses de Laon qui ne
l'ournissent pas souvent de pareils ouvrages. D-g.
Litterature.
101. — * Dictionnaire universel de la Langue francalse, avec
le latin et les Homologies, extrait comparalif, concordance,
critique et supplement de ses dictionnaires, Manuel encyclo-
pediquc, et de grannnairc, iYorlliographe ,, devieux Ian gage, de
ncologie, conteaant : 1" l'analyse, la comparaison et la critique
LITTERATURE. 75i
des Irois editions du Diclionnaire de l' Academic , de ceux de
Furetieres,Trceoux, Ferraud, Gattel, frailly, etc. ; lcurs no-
menclatures , l'extrait de leurs definitions, les deceptions , les
locutions nobles, familieres on provcrbiales usilees; les pro-
verbes et la concordance grammatical , ou regime des mats ;
l'indication de lenr emploi selon l'usage ct les styles noble,
poelique, figure, familier, populaire, marotique, epistolaire ;
et la prononciation figuree; 2# les varianles de definitions ,
d'acceptions, d'orlhographe de ces dictionnaires ; 5" les mots an-
ciens ou nouvcaux, les definitions, les acceptions et les alliances
de mots, omis par ces dictionnaires et recueillis dans les eeri-
vains francais les plus estimes; 4° ies Icrmes propres aux
sciences, arts, manufactures, metiers, etc., et les definitions
extraites de leurs dictionnaires ou traites particuliers; 5° les
mots du xieux langage necessaires pour 1'intelligence des an-
ciens auteurs et celle de La Fonlaine, etc., depuis J. de
Meun; 6° les mots crcis par la neologie et te neologistne, pour
1'intelligence des auteurs nouveaux et des journaux, etc. , qui
les emploient ; j" les etymologies grecques , latincs, arabes ,
celtiques, etc. , etc. ; 8° Pextrait et la critique des nouvcaux
dictionnaires; 90 de nouveaux exemples de pbrases formant
une collection de maximes et de pensees des meilleurs au-
teurs; suivis, io° de dictionnaires : i° des synonymes, 20 des
difficultcs de la lo.n«ue , resolues par les bons grammairiens .
3° des rimes , 4° des liomonymes , 5" des paronymes ; 1 1 ° de
traites : i" de versification , 2* des tropes , 5" de poncluation,
4° des conjugaisons, 5° de prononciation ; 1 2' de vocabulaires :
1° de myt/totogie, avec 1'etymologie grccque, 2° des pirson-
nages remarquablcs , 3° de geographic ancienne et moderne , se-
lon la nouvelle division, avecle latin ; i3° d'un abrege degram-
maire en tableau; \(\* d'une nomenclature complete d'bistoire
naturelle, suivant la derniere classification : ouvrageclassiquc,
adopte pour les bibliolheques et les distributions de prix dans
les colleges, et pouvant tenir lieu de tous les diclionnaires ,
par Pierre-Claude- Victoire Boiste, ancien avocat, homme de
lettres. Pan-Lexique: Septieme edition, revue, corrigce et aug-
mentee : i° de I'extrait du supplement au diclionnaire de I'A-
eademie; 1" d'un grand nombre de mots, de locutions et
d'acceptions nouvelles; 5° de nouvelles maximes et penst'es
donnant des exemples de phrases; imprimee, avec des carac-
tcres fondus cxpres, par M. Firmin Didot. Paris , 1H39; Ver-
diere , quai des Auguslins. In-4° de xix-724 el 210 pages;
prix, 27 fr. et 5o fr. relie.
Le succes et le merite de ce diclionnaire , fruit de vingi-
:52 LIVR1S IT.ANCAIS.
cinq annees W un travail astidu , et qui it-unit qnatante-hiiit ob-
j,is particttlicrs d'uli/ile, indiques dans son litre, out ete con-
statcs par aacs^rie d'editions qifobtientnaremfentcelte sorte
d'ouvragcs. C'csl tres-ccrlaincment le plus romplct quo
nous ayons eu jusrpi'a present; et, jusqu'a ce que 1' Academic
fraivaise ait achcve son intenninal)le travail Mir noire lan-
gue, c'est le scul auquel on puisse recourir avec une cntierc
cdiilianee. II renfernie nn exlrait comparalif de tous les attires
dictionnuires , et Ton y trouve a la fois leur concordance gene-
rale, leur critique et leur supplement. Qnelqncs parties, il est
vrai, pourraient elre modifiees on ameliorees; nous n'approu-
vons point, par exemple, cette distinction tranchee enlrc le
style nolile et le style familier, qiri pent souvent disparaitrc
sous la plume d'un ccrivain habile; mais ce sont des taches
legeres dans un cadre aussi immense ; et, d'ailleurs, bcaucoup
de lecteurs seront d'un avis different du notrc.
Le Diclionnaire de M. Boiste , ouvrage immense et inap-
preciable, est une veritable Encyclopedic de notre langue, et
un manuel egalement necessaire aux savans, aux MWerfftCurs
ctaux gens du monde, puisqu'il offrc, suivant les expressions
de I'autcur, « la collection de tous bs mots re|>resentans d'tine
idee dans la langue francaise. » — «Lc premier livre d'une na-
tion, ditVoLNEY, est le Dictionnairc de sa langne. » N.
253. — * La Conversion d'un Homanliqne , Manuscrit de
Jacques Delorme, public par M. A. Jay, sum de deux Lcllres
stir la Litterature du Siecle, et d'un Essui stir /' Eloquence poli-
tique en France. Paris, i83o. Moutardier. Tn-8"; prix, 7 (V.
S'il ne s'agissait, duns la qucrclle (|iii emeut aujotird'hni
tonte la litterature, que de defend re eerlaincs reputations rmi-
sacrees par le terns, atlaque'es sans md menagement par des
reputations naissantes qui semblent vouloir s'elever sur les
mines de toutes les autres , ce ne serait pas trop la peine de
prendre la plume. En effet, de quels sccours out besom des
homines qui ontconquis leur reputation par des ouvrages qtii
resteronl? Effacera-t-on des lastcs du theatre ie nom do spi-
rilnel autcur des Etourttis, et d'un volume de contes phih> so-
phiques, on l'esprit assaisonne le hon sens d'une inanicre si
pifpiante? Pieard , qu'on pent appeler un dcmi-Molierc, n'a-
t-il pas marque a jamais sa place parmi les pnetes comiqucs?
Otera-t-on a M. Alex. Duval I'art de composer un drame, et
le talent d'amuser et d'intcresser les spectatcurs, aVienne et
a Saint-Pelcrsbourg, commc a Paris? L'aul<Mir de taut d'a-
greables peintures de meetirs, de Sjlla, de Id Feslale, ne rrsle-
l-il pas en possession de loulc sa reputation d'houmic d'espi it
LITERATURE. 753
et d'ecrivain distingue? Que redoute M. £tienne de ceux qui
vondraient rabaisser son talent? apres avoir reussi sur les
trois scenes, produit une excellente comedie de mceurs, et re-
trouve en quelque sorte la plume de Voltaire pour la polemi-
que politique, il n'a rien a craindre ni du present ni de l'ave-
nir. M. Lemercicr, dontcertaines gens n'imitent que les fautes,
qui est createur, et dont on suit la trace en cherchant a le faire
oublier par un silence rempli d'un injuste dedain, ne laissera-
t-il pas de lui un durable souvenir? Delille est - il mort tout
entier sous les coups que lui ont portcs une foule d'ingrats
disciples , copistes perpetuels du maitre qu'ils desavouent et
voudraienteusevelirau milieu de sa gloire? Et Casimlr Delavi-
gne, objetdetantde colereetpresquedehaine de la part de cer-
tains seides du parti ; Casimir Bonjour, dont les ouvrages sont
en possession legitime des suffrages publics et de Pestime des
connaisseurs? II nous serait facile d'ajouter d'autres celebri-
tes a cette liste, et de convaincre d'injustice les coryphees de
la nouvelle ecole, si Ton peut donner ce nom a une reunion
de jeunes gens qui n'ont encore aucune autorite ; qui surtout,
jusqu'a present, ne promettent pas de laisser des lecons dans
des exemples. II nous serait plus facile encore d'opposer les
ouvrages de Racine et de Voltaire , comme un bouclicr forge
par des mains divines, aux ridicules insultes de leurs estran-
ges adversaires. Laissons-donc de cote des interets de gloire
personnelle qui sont en surete; abandonnons la cause des
homines pour ne penser qu'a celle des principes eternels de la
raison et du goCit.
C'est leur defense que M. Jay prend en main dans sa Con-
version (Tun Romantique. Sans doute il aurait du choisir une
forme plus neuve; sans doute on lui reprochera d'avoir battu
d'avance celui qu'il vent perdre, en ne lui pretant que de trop
faibles armes pour le combat. On dira encore, avec raison,
qu'il aurait du rendre plus vraisemblable la metamorphose de
son heros, dont la conversion devrait etrefilee avec art comme
une reconnaissance au theatre; mais, ces objections une fois
admises, on se trouve contraint d'avouer que l'auteur fait
bonne guerre a la secte Iitteraire qu'il combat. II attaque d'a-
bord avec force la pretention qu'elle affecte a Poriginalite.
Dans cette partie de sa polemique, il montre le genie de
M. Hugo humblement a la suite du genie de ce Saint-Amand
que les vers de Boilcau ont immortalise. Et , chose fucheuse !
il y a dans telles strophes du second un sentiment poetique et
une harmonie que Ton cherche en vain dans les strophes cor-
respondantes de son imitateur. Ee Catichemar, pour Iequel le
t. xlvi. juin i85o. 48
754 LIVRES FRANCAIS
maitre et l'eleve semblent lultcr ensemble, fail encore micux
sentir la ressemblancc des deux maniercs; l'une et l'autre sont
de niauvais gout ; mais Saint- Amand ne se plait pas a offenser
la raisondu lecteur, com me cela arrive quelquefois a son suc-
ecsscur. II faut du bon sens, mime dans la fantasmagorie.
iM. Alfred ile Vigny entre a son tour en parallele avec l'auteur
du Moist? sauvc ; il s'en tire un peu moins mal que son chef,
mais non pas sans quelque notable dommage ; car son origi-
nalile est evidemment convaincue de plagiat.
L'auteur re vient a M. Hugo, commeau capitaine de lanou-
velle armee litteraire, au heros des chevaliers du genre, et le
poursuil dans son ceuvre de predilection, le drame de Crom-
wel, autre imitation pretentieuse, que Ton nous donne pour
une creation : la, il faut l'avouer, M. Jay triomphe de son ad-
vcrsaire avec des amies de la meilleuretrempe ; mais aussi la
victoire est facile; car leschoses etrangesque M. Hugo atrou-
vees, en se martelant lecerveau, donnent ici beau jeu a la cri-
tique :il cite, entre tant d'autres de la meme famille, les vers
suivans, que l'emule de Ronsard met dans la bouche de l'e-
legant Rochester et de l'eloquent Cromwel.
H. Certe, elle a les os sees, a faite un tres-bon feu!...
Ca. Poui quoi ne pas parler tout de suite, mon cher,
Puisqu'il vous reste encor du penchant pour la chair;
R. Chair! une peau coll6e a des os f'aits en duegne !
Et plus loin :
It Ma belle! un vieux spectre a damnerl
Un corps a rebuter les behes carnassieres!
Une figure a faire avorter les sorcieres!
Pourquoi faut-il qu'un homme neavec un vrai talent, avec
un talent plein de force et d'une haute porlee, qu'un poete
qui, apres avoir eu de si belles inspirations dans le genre su-
blime, sait trouver quelquefois des chants pleins de grace et
de melodie, puisse descendre a de pareilles choses ? Pour-
quoi des jeunes gens heureusement doues par la nature se
plaisent-ils a travestir ainsi la scene, la langue et leur muse?
M. Jay ne s'attache pas uniquement a la critique de detail;
il defend aussi les interets de l'art et de la verite sous leur
rapport le plus eleve.« Si Cromwel n'eflt etc qu'une espece
de Gilles fanatique, lei que M. Hugo l'a represenle, serait-il
parvenu au supreme pouvoir? Son genie efit-il dompte les fac-
tions fremissantes autour de lui? Les rois, ses conlemporains
et ses flatteurs, se fussent-ils prosternes devant sa fortune?
LITTERATURE. :55
La coiir siiperbe de Louis XIV eut-elle porte le deuil de sa
mort? II fautdonc avoiier qu'en s'attachant presque exclusi-
vement aux petitesses de sa vie privee, au ridicule de son ca-
ractere, meme en supposant la peinture vraie, M. Victor Hugo
n'a fait connaitre qu'imparfaitement, M. Jay aurait dQ dire
n'a fait que defigurer etabaisser indignement ce puissant per-
sonnage,qui domina sur l'Europe, comme sur 1'Angleterre ;
qui, parle fameuxacte de navigation, prepare la preponderan-
ce maritime de son pays. Cromwel convert du sang royal, isole,
au faite de la puissance, devait eprouver des inquietudes; son
sommeiletait probablement moins paisiblequeceluide l'inno-
cence : mais il ya loin de ces perturbations morales a lacrainte
puerile des spectres que M.Hugo luiprete : Cromwel redoutait
plus le poignard des assassins que les apparitions nocturnes dc
Charles I". II ne fallaitpas fairedu vainqueur de Naseby et de
"Worcester tin poltron et un niais. »Yoila le ton que peut-etre
M. Jay aurait du prendre plus souvent pour se tenir a la hau-
teur de son sujet ; mais, parune consequence de l'air solennel,
quitouche a la pedanterie, et court le risque de causer quelque
ennui, il est tombe parfois dans la caricature; temoin l'apo-
theose de Ronsard, ou pourtaotla plaisanterie ne manque ni de
justesse, ni de sel. Je tremble aussi que Pauteur n'aitdonne un
peu trop de simplesse et de niaiserie a son Jacques Delorme,
inconvenient moins grave a laverite que s'il s'agissait du grand
CromVel; mais il eGt ete bien d'accorder plus d'esprit au
jeune Polyeucte du romantisme, qui abjure ses erreurs, et
se convertit a la religion du vrai.
M. Jay a parfaitement saisi le cote faible de la cause des
romantiques, en m on trail t les defauts graves qu'ils vont cher-
cher dans Shakespeare pour les offrir a notre admiration, de-
pouilles du charme des beautes qui les accompagnent et leur
servent de voile dans les scenes de PEschyle et du Dante an-
glais; on ne peut qu'applaudir aussi a la juste appreciation
d'un si grand genie; l'auteur parle comme un homme qui a
une connaissance parfaite de la langue et dss ouvrages de
Shakespeare. J'aurais voulu qu'il entrat plus avant dans l'exa-
men de cemodeledangereuxet sublime, chez, lequel nos jeunes
ecrivains negligent ou ne voientpas tantde choses vraies, bien
observees, saisies au fond du coeurhumain, tant de caracteres
si habilement traces , des personnages de formes si variees et
qui seraient neufs encore sur notre theatre; enfin , des idees
d'une autre famille que celles des Grecs et des Romains, et
dues a un autre genre de civilisation. M. Jay etait sur la voie
d'une si belle discussion; il s'est arrete trop tot. Encore un
75(i LIVttES FllANCAIS.
scni[iiile. Pounjuoi le jutlicieux cerivain n'a-t-il mele aucune
reflexion critique a scs beaux portraits de Corncille, dc Racine
ct dc Voltaire? II s'exposait a compromeltre sa reputation de
juge, ou a encourir le rcproche de partialitc, en n'avouant pas,
avec toule la franchise de sa conscience lkteraire, ce qui man-
que aces grands inaitres, etce que noire theatre tragique laisse
a desirer. Des le commencement de la revolution, le relour
des esprits a la nature et a la verite fit aperccvoir aux moins
clairvoyans que notre trayedie etait montee sur des echasses,
et qu'il convenait de Ten faire descendre pour la rapprocher
davantage de tout le monde. Cette reflexion et les hesoins d'un
changement qu'elle annoneait, comme suspendus pendant la
periode de I'empire , reparaitrait aujourd'hui avec plus de
force; la masse des citoyens, en se nourrissant du pain de la
raison et de la liberie , demande un theatre toujours noble et
pourtant plus populaire, des heros qui soient des homines, des
actions plus susceptibles d'un interet general, un autre ordre
de sentimens , et enfin un langage qui represcnte mieux la
parole veritable des differens personnages. En se mettant ainsi
d'accord avec le siecle, et au niveau de 1'opinion, i\I. Jay, an
lieu de nuire a sa cause, n'aurait donne que plus d'autorite a
sa defense des principes de I'art de composer et d'ecrire.
Mais
La critique est aisee, et l'art est difficile.
Ce vers-proverbe nous avertit de ne pas affaiblir, par trop d'exi-
gence, les louanges que nous accordons avec plaisir a l'auteur
de la Conversion d'un Romanlique. I'.-F. T.
a34^ — * Bibliothcque latine-franpai.se, publtee par C. L. F.
Panckoucke. OEuvres de C. C. Tacite, traduites parC. L. F.
Panckobcke. Histoires : T. 1. Paris, i83o; Panckoucke.
In-8° de 45S pages ; prix, 7 fr.
M. Panckoucke vient de donner au public le premier vo-
lume de sa traduction de Tacite : nous ne doutons pas du
succes de cet o'uvrage , car l'auteur a fait de louables efforts
pour acquerir la parfaite intelligence de son modele et de
l'anliquite romaine en general. Apres avoir rassemble autour
de lui toutes les editions et toutes les versions de Tacite, tous
les livres oii Ton a juge ou commente ce grand historien, apres
s'en etre approprie le genie, autant qu'il etait en lui, par une
lecture repetee et approfondie, M. Panckoucke a voulu faire
plus, et il est alle reconnaitre, l'un apres l'autre, les theatres
divers ou s'est accompli le long dramc de l'histoirc des pre-
L1TTERATURE. 75;
niiers empereurs. Da pied des Alpes au load de la Calabre, il
a parcouru l'ltalie, Tacite a la main, el a eherchc des lumie-
res jusqu'au milieu des mines souterraines de Pompeii et
d'Herculanum. II s'est ensuite transporte sous un autre del,
sous le ciel froid de la brumeuse Caledonie, poury retrouver
ce qui peut avoir surveeu des temoiguages de la domination
romaine. Sans doute I'empreinte en est moins visible que sur
le sol de l'ltalie, et peu de chose y resle qui rappelle aujour-
d'hui les conquctes d'Agricola; mais ce n'en est pas moins un
grand secours que l'etude des lieux pour bien comprendre les
evenemens qui s'y sont passes; et il taut lelieiler M. Panc-
koucke de celte conscience de traducteur qui l'a porte a en-
treprendre de semblables voyages pour perfectionner son
ceuvre : nous ne pouvons que l'annoncer aujourd'hui; nous
nous livrerons plus tard a un examen dctaille de cette traduc-
tion remarquable.
255. — * OEuvres completes de M. le vicomte de Chateau-
briand , pair de Fiance , membre de l'Academie francaise.
T. vm, xii et xin. Voyage en Amerique, t. i et n; les Natchez,
t. in; Genie du Christianisme , t. vm. Paris, 1800; Founder
jeune. 5 vol. 10-12 de 54i, 4^9 et 4/8 pages; prix, 5 fr.
5o c. le vol. pour les souscripteurs aux OEuvres completes,
et 4 fr. pour les non-souscripteurs. (Voy., pour les livraisons
precedentes, cl-dessus, p. 460).
Nous ne pouvons que repeter ici les eloges que nous avons
donnes a cette belle edition en annoncant les precedentes
livraisons. Ces trois volumes nouveaux sont enrichis uc beau-
coup de notes et d'extraits de journaux qui contiennent les cri-
tiques 1'aites a diverses epoques des ouvrages de M. de Cha-
teaubriand.
256. — * Harmonics poetiques et religieuses, par Alphonse de
Lamartine. Paris, 1S00; Ch. Gosselin. 2 vol. in- 8" de 542 et
556 pages, ornes de vignettes gravees sur bois par Pon et,
d'apres les dessins d' Alfred et Tony Johannot ; prix, 16 IV.
M. de Lamartine \ient de rompre un long silence en aug-
mentant le recueil de ses oeuvres de deux volumes nouveaux
que les admirateurs des Meditations poetiques et tous les amis de
la belle poesie attendaient avec impatience. Nous nous bor-
nons aujourd'hui a signaler leur publication, en prometlant .:
nos lecteurs d'en parler avec les details qu'ils lOinportent dans
on prochain article d'analyse. Z.
25^. — Poesies romaines, par M. Jules de Saint-Felix.
Paris, i83o ; Delaunay, Palais - Royal , peristyle Valois,
n" 182 et 1 83- In-8" de x- 1 7 4 pages; prix, 5 IV.
758 L1VKES FRANC AIS.
Tandis que la loule de nos ccrivains, seduitc par quelqucs
cxemples heureux, se precipite vers le moycn ;1ge, l'exploite,
le retourne en tons sens, el dedaigne ce qui n'est pas varlet9
ou pages, castels on moustiers, on aime a voir un jeunc
poete se tenir a l'ecart, et, pen soucicux tie ce mouvement,
redire encore les souvenirs deslems antiques, Home payenne,
sa gloire et sa magnificence. C'est fa ire a la Ibis preuve d'ori-
ginalite et de discernement : car, bien que le nom de Rome
ait niille fois retenti dans nos poemes et sur nos theatres, ce
sujet est encore ncuf pour l'art, si on veut le revetir, non plus
d'une forme empruntec et convenue, mais de ses couleurs
propres et veritables, si Ton vent nous introduire reellement
au sein de la Rome des empereurs, dans ces magnifiques pa-
lais plus vastes que des villes et pares des depouilles de l'uni-
vers, au milieu de ces fetes splendides, de ce luxe, et, il faut
le dire, de cette corruption presque fabuleuse. M. de Saint-
Felix a tente de nous familiariser avec cette civilisation
etrange, preparee par sept siecles de eonquetes, et que le
monde ne reverra plus. Sans avoir completeinent reussi a la
retraccr sous ses aspects divers, il a saisi et habilement cs-
quisse quelqucs figures romaines de la decadence. Nous cite-
rons, entre autres pieces : Les Deux Romes, le Reveit (Can
Empereur, Pollion, et les Souvenirs rC A ssyrie, commedes com-
positions egalement empreintes dc verite bistorique et de
poesie.
La maniere de M. de Saint-Felix est elegante et pure;
mais il Manque souvent d'energie; et, quand il lui faut pein-
dre Neron ou Caligula, il a reconrs a des inspirations etran-
geres : temoin Neron au Cirque, evidemment caique sur cette
piece ou M. V. Hugo a montre 1'aine du tyran s'epanouis-
sant a la vue des flammes quiconsument Rome. M. de Saint-
Felix traite avec plus de succes les sujets gracieux : nous en
donnerons pour exemple les vers suivans. Un jevine consul
romain repond a sa caplive d'Assyrie, qui lui reprochait de ne
pas raimer :
Alors, sur mes genoux picnant la jeunc fille,
Je lui disais : Voila que ta paupieie brille
Comuie une peile buoai.de aux calices des fleurs;
Voila que sur ton sein ruissellent de longs pleurs,
Et pourquoi? T'ai-je pas entre tes scours choisie,
Enfant au front vermeil, emeraude d'Asie ?
Va, je t'ameneiai dans ma Home, et uies dieux
Seront les liens, et nioi ton epoux gloiieux.
Laisse-moi terminei cetle gueirc lointaine,
Ciagner le grand trioraplie ft la poiic romaiiie,
LITTKKATUKH. 75,,
Pour qii'iui jour avec toi le peuple me voyant
Disc : n Cost lc consul arrive d'Orient ;
Et celle que voila, si blanche et si paree,
Marchant a ses cotes, son epouse aduree. »
Alors, je sentirai des battemens de coeur
Car celtc voix du people enivre le vainquenr
Tu ne le coneois pas, loi, ma belle barbarc,
Qui fais tout ton oigueil du collier qui te pare;
Toi, qui, dans Tor d'un vase on dans 1'eau du cristal,
Mirerais, tout un jour, Ion front oriental,
Et qui donnerais tout, en te voyant si belle ,
Legions, chars d'airain, prisonniers, roi rebelle,
Triomphes de consul, le pcuple et le senat,
Plutot que de fancr ton beau sein d'incarnat.
Ces vers, pleins de charme et de naturel, ont en memo
terns l'interet d'une exacte peinture de moeurs. Nous nous
empressons d'ajouter qu'il s'en trouve bcaucoup de sembla-
bles dans le recueil de M. de Saint-Felix, et que celte publi-
cation lui assure un rang distingue parmi nos jeunes poetes.
A. D.
258. — Chansons de Felix Becker, de Reims, ouvrier me-
nuisier a Merit (Oise), Paris, i83o; Lemoine, place Yendome,
n' a4; Royten y, Palais-Royal, galerieValois, n° 1 85. Le recueil
sc composera de douze livraisons, pour lesquelles le prix de
souscription est fixe a 9 fr.
Ce n'est pas chose nouvelle en France qu'un menuisier-
poete : tout le mondc connait ce Maitre- Adam, de Nevers ,
qui, le premier, conquit pour son rabot unc part de renom-
mec poetique. Aujourd'hui, il est moins permis de s'etonner
d'une pareille apparition dans les classes on l'instruction se
repand heureusement de plus en plus tous les jours; et cer-
tainement le chansonnier de Meru n'est pas le seul tnaintenant
qui partage son terns entre les dufs travaux de l'atelier et les
douces inspirations de la Muse. Mais nous ignorerons proba-
bletnent toujoursles joyeux refrains de plus d'un chansonnier
villageois qui porte toute son ambition a raviver la gaite d'une
noce de campagne ou a s'entendre proclamer le roi du cabaret,
tandisqu'unecirconstance parliculicre vientd'arracher al'obs-
curite, ou languissent encore la plupart de ses confreres en A-
poIIon,rautcurdu recueil que nous avous a faireconnaitre, Felix
Becker, cedantaux instances de ses admiratcurs campagnards,
avait chante publiquement le Siege du Parades, dans quelques
couplets oil le tribunal de Senlis a cru voir un outrage a la
religion de l'Etat. Un emprisonnement de quelques mois et
une amende considerable furcnt juges necessaires pour com-
76o LIVRES F1UNCAIS.
penser ce debt inoffensif , et le menuisier de Mem subit au-
jourd'hui la peine que la police correctionnelle de Paris a deja
imposeeplusd'unefois a un autre chansonnier plus celebre et
par consequent plus coupable. Du reste, Becker, comme
Beranger, rencontra de Iasympathie chezses concitoyens; une
souscription Cut ouverte pour l'aider a satisfaire a ['amende
prononcee contre lui, qu'un ricbe proprietaire du departement
de l'Oise obtint, du reste, l'avantage de payer seul pour tous.
Depuis, l'interet public s'etant attache au poete malheureux,
ses amis l'ont determine a fa ire imprimer ses chansons, et la
critique a ete appelee a les juger. II serait injuste dc les sou-
mettre a cette analyse minulieuse qui decompose chaque
strophe et chaque vers pour en examiner avec severite toutes
les parties, toutes les expressions; on ne doit pas s'altcndre a
trouver dans les compositions legeres echappees a la muse du
pauvre menuisier cette purete de style et de versification,
cette elevation d'idees et d'images, cette perfection de Part et
de la poesie, qu'un moderne Anacreon a introduites dans un
genre abandonne jusqu'a lui a toute l'insouciance de la gaite
bachique, a toute la negligence de cette verve passagere et
hative qui se dissipe avec les fumees du vin. Toutet'ois, dans
des chansons que Beranger a lui-meme accueillies avec fa-
reur, on doit s'attendre a rencontrer des traces de la vocation
reellement poetique de I'auteur. II y a, en effet, apres des stro-
phes communes et mediocres, des pieces qui ont de la chaleur
et de la vie, qui se font remarquer par des traits heureux et
quelques vers inspires. Nous citerons seulement quelques cou-
plets de la chanson intitulee, VEspoir du Retour :
Dame Themis me force a la retraite,
Allons, mon luth, pretez-moi vos accords;
Et, je le sens, de ma muse indiscrete
Le leu sacre rechauffe Jes transports.
Dans ma prison venez, 6 chastes Giles!
Puisquc le sort me traite en malotru ;
Pendant lliiver nous serons sous les grilles,
Mais le printems nous attend a Meru.
Au gai reveil de la helle nature,
Doux rossignol, chanlez a mon retour,
Que nos accens, avec sa voix si pure,
Aillent frapper les echos d'alentour.
Filles de Flore, de fleurettes gentilles
Parez les champs, Zephire a reparu.
Pendant l'hiver nous serons sous les grilles,
Mais le printems nous attend a Meru.
UTTERATURE. 7G1
Pauvres outils, a vous souvent je pense,
Loug-lems oisifs, vous vous laissez roniUei ;
Chers insttumens de mon humble existence,
A mon retour je vous f'erai briller.
Mon alelier vaut bien, savantes (illes,
Le cabinet d'un docte malotru.
Pendant l'hiver nous seions sous les grilles,
Mais le printems nous attend a Meru.
I.
23g. — * NouvelleBivliotheque univeiselle des Romans pour la
ville et la campagne ; composee d'un choix des meilleurs ro-
mans francais et elrangers, anciens et modernes, imprimee
par Rignoux sur papier velin satine, avec des caracteres gra-
ves et fundus expres. Une livraison ou volume, format in- 18,
de 200 a 5oo pages, avec une jolie gravure en taille-douce en
tete de chaque roman, et du prix de ?5 c. , parait tous les
samedis. Premiire se'rie. J. J. Rotsseat : Julie, ou la Nouvelle
Helolse ; Paris, 1829; Rignoux. 6 vol.
Tout le monde connait la Bibliotheque universelle des Ro-
mans, donl le marquis de Pauliny, de la famille des Voyer-
d'Argenson, mort en i;-S7,membre de l'Academie francaise,
rassembla les premiers materiaux; moiiument precieux eleve
a ce genre de litterature et tres-utile aux gens de lettres qui
veulent puiser aux sources memes; immense collection, dont
la plus grantle partie , qu'on ne lit plus, pourrail etrc d'une
grande res-ource pour les commentateurs, imitateurs, rhabil-
leurs, qui manquent de genie ou d'imagination, et qui vonl a
la quetede 1'esprit d'autrui. Le xix" siecle,qui a vu prendre an
roman une direction toute particuliere, meritait bien aussi d'a-
voir sa bibliotbeque, et M. Rignoux, aux presses duquel nous
sommes deja redevables de tant de belles editions, s'est charge
de la lui donner. II a choisi pour cela le format le plus com-
mode, a fait fondre expres des caracteres tres-lisibles; et le
papier qu'il emploie acbeve de faire de sa collection, que son
prix met a la portee de la petite propiiete, une edition de luxe
qui ne deparerait pas nos plus belles bibliotheques. Yoila pour
la partie materielle. Quant au choix des ouvrages qui doivent
entrer dans cette collection, tout annonce«g|u'il sera fait avec
gout et discernement ; redheuiTapartageeen</e«xsfWe.'i, Tune
pour les romans francais, I'autre pour les romans etrangers; et
dans chacune il montre l'intention d'opposer aux meilleurs
ouvrages que nous a legues le siecle precedent ceux que l'e-
poque actuelle pent leguer, a son tour, avec orgucil aux terns
qui viendront. Nous avons sous les yeux la liste des princi-
paux auteurs qui doivent entrer dans cette collection, et nous
762 LIVRKS FRANCAIS.
y avons rctrouvc des noms avec lcsquels nos lecteurs aime-
ront a renouer connaissance , ct d'autres peut-elre qui leur
sont pen counus, quoiqu'ils aicut des droits a leur atlenliou.
Mais il en est aussi que nous avons vainement cherches, tels
queceuxde Betnardin-dc-Saint-Picrre, de M"" Collin, deGen-
lis, de Staelj etc., dont les oeuvres nc sont pas encore tombces
dans le domaiae public, et pour lesquels l'editcur aura, sans
doute, a prendre des arrangemens pecuniaires, conime il l'a
deja fait pour les romans de Picard , dont nous trouvons
l'annoncc dans sa collection. Esperons que le public, par des
encouragemens bienmerites, mettrapromptement M. Rignoux
a menie de completer cette liste, et d'elever ainsi aux lettres
et a Part typographique un monument qui nous obtiendra
grace un jour pour toutes les sottises litteraires qu'aura pro-
duites notre siecle.
L'editeur ne pouvait mieux on vrir sa seric de romans francais
que par la NourclleHeloise, ou, conime l'a ditChenier dans son
Tableaude la Littcrature francaise : <■ Si Rousseau n'egala point
l'auteur de Clarisse dans la composition generale et dans la
peinture des caracteres, il lui futbien superieur pour la richesse
des details, pour l'eloquence du style, comme aussi pour celle
des passions <> ; « conqsosition, ajoute un autre ecrivain ( Bail ,
Etudes litteraires des Classiques francais , t. n, p. 55 ) , moitie
galante, moitie philosopbique , qui semble bien moins un ro-
man qu'un cadre dans lequel l'auteur eloquent d'Emile donne
canitre a son imagination vive et paradoxale. » On sait a
combien d'eloges et a combicn de critiques a survecu cet ou-
vrage, traite avec tant d'injustice par La Harpe, sans doute a
cause de Voltaire ; mais ceux qui veulent tout analyser et tout
juger feront bien de lire ce qu'en a dit j\l. Musset-Patbay dans
son Histoire de la Vie ct des Outrages de J . J. Rousseau (t. n,
p. 555-36 i ) : lui seul nous semble s'etre bien place pour ap-
precier convenablement l'auteur et son ouvrage. Quant a ceux
qui ne veulent que se livrer a leurs emotions, el ce sont les
plus heureux, ils relirout le roman lui-meme, et ne s'etonne-
ront certainement pas du succes immense qu'il oblint a son
apparition (i), el qu'il a merite de conserver.
Nous anuonceAns, dans un prochain article , la 2C seiie,
(i) L'abbt-, ou plutdt I'avocat Brizartl, rapportc que « l<:s librairos nc
pouvaicnt suffire aux demandes de tuutes les classes de la sOciete. On
iuuait I'ouvrage a tanl par jour, on pat lieute (usage qui a pris sans dcnilc
naissance alms); et , dans les premiers terns inemc de sa vogue , on exi-
geaitdouze sous par volume, en n'accordant que soixante minutes pom
le lire. »
LITTER A.TURE. 7C>5
celle des romans Grangers, qui s'ouvre par les ceuvres de sir
Walter Scott, dont 14 volumes sont deja publies.
Edrne Hereau.
2^0. — Tremaine ou l'Homme blase. Paris, iS3o; Barbe-
zat. 4 vol. in-12; prix, 1.9 fr.
On pourrait appeler cet ouvrage un roman religieux, quoi-
que l'auteur proteste qu'il n'a pas eii I'intention d'ecrire un ro-
man. 1 — Tremaine est un homine d'une grande naissance, d'un
caractere distingue, d'un esprit tres-cultive; sa fortune est con-
siderable, ct il a obtenu dans les affaires politiques unebrillantc
reputation. Cependant, degoute du monde et de lui-meme, il
vientchercherauseindela retraite le bonbeur qu'i! n'a putrou-
ver au milieu des scenes bruyantes et agitees de sa vie passee.
Pres de sa maison de campagnc habite un ecclesiastique nomme
Evelyn, avec lequel il a bientot renouvele une anciennne liai-
son, interrompue depuis plusieurs annees. Tremaine devient
amoureux de la fille d'Evelyn, qui le paie de retoiir. Mais les
opinions religieuses des deux amans sont entierement diffe-
rentes; Tremaine, comme on nous l'apprend, est livre au
scepticisme,tandis que la fille du pasteur, sincerement pieusc,
plutot quedc trahir cequ'elle appelle les scrupules de sa con-
science, en epousant un homme dont les principes sont oppo-
ses aux siens, se resout a faire son propre malheur et celui de
son amant. Celui-ci, nepouvant vaincre la resistance opinia-
tre de sa jeune amie, se convertit, apres avoir eu avec Evelyn
de longues discussions, dont le recit detaille occupe peut-elie
une trop grande place dans l'ouvrage. Lasimplicitede 1'action,
laverite des sentimens, exempts de I'exageration commune aux
romans en general, la peinturc fidele des classes auxquellcs
apparliennent les principaux personnages, quelques scenes de
societe tracees avec talent et naturel , meritent nos cloges.
24 '• — Le Cardinal de Ricliclieu, Chronique tiree de l'His-
toire de France ; par M. G. P. R. James ; traduite de l'anglais
par l'auteur d'Olesia ou la Pologne , etc. Paris i85o; Charles
Gosselin. 4 vol. in-12, formant ensemble xxiv-giG pages;
prix, 1 2 fr.
Le Roman bistorique s'est deja approprie ces personnages
de Louis XIII, de Richelieu, de Cinq-mars, de Thou, que
M. James reproduit aujourd'hui avec moins de bonbeur, il
faut l'avouer, que '1. Alfred de Vigny. Toutefois, le snjet,
s'il est le me me dans les deux ouvrages quant a la donnee
principalc, e'est-a-dire la conspiration de l'elile des nobles
franrais contre le pouvoir oppressif dc Richelieu, differc quant
au point de vuc sous lequel il est presente. M. dc Vigny s'e-
7«4 LIVRES FRANCAIS.
tait attache a Cinq-Mars, pour lc suivre Jepuis sa sortie du
chateau paternel, a travers ses premiers essais de la vie de
cour et de guerre, jusqu'au jour de sa haute faveur, jusqu'au
moment dc sa deplorable mort ; Cinq-Mars et sa triste des-
tine* avail forme le noeud de sa composition : M. James a
choisi un herds plus obscur. Chez lui , e'est un comte de Ble-
nau, que la faveur d'Anne d'Autriche rend suspect au terrrible
Richelieu , qui n'echappe a une premiere persecution dirigee
contre lui que pour retomber dans les fers de son implacable
ennemi, comme soupeonne, quoiquecompletement innocent,
d'avoirconnu les projets de Cinq-Mars, et qui, enfin echappe
au supplice qu'on lui a prepare, recouvre apres la mort du
cardinal une heureuse liberte et la main de celle qu'il aime. II
n'y a pas dans tout cela de scenes rendues avec un grand ta-
lent d'exposition , ni de caracteres dont le relief soit bien sail-
lant et bien prononce ; mais I'ensemble amuse, sans emouvoir
fortement.
24a. — La. Mort de Coligny , ou la Nuit de Saint-Bartfie-
lemy, 1 572. Scenes historiques. Paris, i85o ; H. Fournier, rue
de Seine, n* 14. In-8° de 525 pages; prix, 7 fr. 5o c.
M. Vilct, auteur des Barricades, des Etals de Blois et de la
Mort dc Henri III , a, je crois le premier, mis a la mode les
scenes historiques, dont, apres lui, des ecrivains, plus ou mains
distingues, plus ou moins mediocres, se sont hates d'aller pui-
ser les sujets dans toutes les pages de nos annales. Je ne sais
si les ecrits de ce genre sont de bons materiaux pour Pensei-
gnement de l'histoire; mais, comme ouvrages d'art et de
litterature , ils me paraissent le plus souvent fort incomplcts.
Ce ne sont, en effet, que des ebauches batardes , tenant a la
ibis du roman et du drame, ou l'artiste a bien jete ca et la
quelques figures indecises, quclques couleurs isolees el lian-
chantes, mais qui sont privees, par leur nature, de cette har-
monie de Pensemble, de ce fiifi exquis des details, sans lesquels
il n'est point de chefs-d'ceiivre.Toutefois,sirauteur a bien etu-
die l'epoque, ses moeurs et ses personnages, son livre poiina
avoir encore quelque utilite et quelque agrement; mais il ne
doit jamais se ilatter d'excitcr, avec ses scenes decousues, avec
sesesquisses hatives. cet interet puissant etcomplctauqueU'art
doit preparer, par un habile enchainement de loutes les parties,
des impressions graduees et loujours soutenues. L'auteur de
la Mort de Coligny semblc s'etre pen soucie de faire une ceuvre
littcraire ; il a neglige tons les artifices, toules les recherchfi.s
de Part. Apres avoir reuni une masse considerable de docu-
mens surla Sainl-Barthelemy, il a cheichc, pour les presenter
LITTERATURE. —BEAUX-ARTS. 7C5
au lccleur, une forme rnoins rebutante que celle d'une disser-
tation hislorique; la narration par dialogues, que le gofit du
jour aconsacree, lui a paru la plus simple et la plus con vena-
ble. Suivant scrupuleusement l'ordre chronologique des jours
et des heures, il a done relate d'abord la premiere tentative
d'assassinat contre Coligny, puis la visite de Charles IX a l'a-
miral, les preparatifs du massacre general des protestans, la
Saint-Barthelemy et ses horribles pompes, puis quelques in-
cidens postericurs. Le tout est entremele de notes, de citations,
que le dialogue complete et commente, et qui annoncent un
examen studieux du sujet, mais qui alourdissent prodigieuse-
ment la marche de l'ouvrage, dont le genre nous parait exiger
surtout de la vivacite et de la precision. I.
Beaux- Arts.
245. — Principes de Miniature, methode pour les personnes
qui veulent peindre seules; par Mme Gustal-Laederich, eleve
de M. Augustin, peintre du roi; ouvrage accompagne d'une
tete dessinee par l'auteur et gravee par Reveil. Paris, 1829;
Alp. Giroux et C'e., rue du Coq-Saint-Honore, n0?; l'auteur,
rue Beaujolais, n° 11, et Audot, libraire, rue des Macons-
Sorbonne, n" 1 1. In-8° de 46 pages; prix, 4 fr»
Si 1'on ote de cette brochure l'epitre dedicatoire, l'intro-
duction et la table, il ne restera quepeu de pages, dont toutes
encore ne sont pas consacrees a la demonstration. L'auteur
se tait sur la physiognomonie et sur certains preceptes dont
l'observation peut aider a obtenir la ressemblance, ses lecons
ne se rapportent qu'a la composition des teintes. Nous avons
vu avec surprise, au n* g, une teinte rougeatre aiosi nommee :
teinte pour les reflets. Nous ferons observer a cet egard qu'il
ne peut y avoir de teinte geuerale pour les reflets, que cette
teinte n'est que la teinte affaiblie des objets qui refletent. Ne
nous monlrons cependant pas trop severes, l'auteur est une
dame artiste; sachons lui gre des efforts qu'elle a faits pour
jeter du jour sur une partie de la peinture qu'il est difficile
de decrire, sur le melange des couleurs, et sur !e moyen
d'obtenir telle ou telle teinte determinee : cet art, il est vrai,
ne peut s'acquerir parfaitement que par la pratique; mais
l'ouvrage que nous annoncons pourra epargner a l'eleve des
tentatives et des essais, et le conduireplus tot a des resultats
avantageux. OE.
^44- — Memoire sur la Cliasse de saint Taurin, d'Erreua\ par
-66 LIVRES FRANCAIS.
Auguste le Prevost, mcmbre de plusieurs Socictes savantes,
irancaises ct ctrangeres. Caen, 1829.
L'importance qu'on altachait aux tombcaux des saints fut
unc des principales causes dc prosperite pour l'orfevrerie du
moycn age; ct l'auteur dc ce Memoire ne met point en doute
que nos ouvricrs n'aient cntretenu de frcqucns rapports avec
les artistes de Byzance et d'ltalie. Toutefois, les produits dc
leur travail sont, en grande partie, derobes a 1'histoire de Part,
car ils furent toujours pour les barbares un objet de cupidite.
Cependant les incursions des hommes du Nord occasionerent
moins de ma] encore que le fanalisme iconoclaste dc la re-
forme. Enfin, la revolution porta sur tous les points du terri-
toire sa devorante activite. Les ravages ont ele pousses si loin,
que la Normandie ne possede plus en ce genre que la chasse
de saint Taurin. C'est la premiere fois qu'un antiquaire lui
consacre quelque attention ; M. Le Prevost lui-meme croyait
qu'elle n'cxistait plus; le basard la lui lit apercevoir dans l'c-
glise de l'antique abbaye elevee sur la tombe du^venerable
prelat. Le premier, saint Taurin apportala foi cbretienne chez
les Aulerci Eburovices ; du rcste , la legende qui le concerne
est apocryphe et declaree telle par les Bollandistes. Nean-
moins, c'est dans cette legende qu'il fant puiser l'explication
des bas-reliefs : aussi, M. Le Prevost la reimprime-t-il en
entier. Sans en rien copier ici, nous ferons remarquer que
M. Le Prevost y a trouve la trace d'un usage singulier, celni
de louer un ccrcueil de pierre pour y dcposer un mort, et ren-
voie,au sujetdece passage, audix-septicme canon dudeuxieme
concile de Macon, redige en 585. L'auteur pense, du rcste, et
surtout a raison de la confusion enlre saint Denis l'areopagite
et saint Denis, eveque de Paris, que cette vie de saint Taurin
n'a ete ecrite que vers le milieu du ix'siecle. Un autre raisonne-
ment non moins ingenieux amene ce resultat que lc saint ne
saurait avoir accompli sa mission qu'apres la translation du
chef-lieu des Aulerci Eburovices sur les bords dc l'lton, c'est-
a-dire apres la destruction de Mediolanum Aulercorum paries
barbares. Saint Taurin ne pent etre venu a Evreux avant
le ive siecle ; d'un autre cote , son successeur existait encore
en 461; et, de l'une a 1 'autre limite, M. Le Prevost se decide
pour les dernieres annees du ivc siecle. Ce ne fut, toutefois,
qu'a la fin du vie siecle que Ton decouvrit son tombeau , et
qu'on y batit une chapelle. On pense que, vers 660, elle fut
remplacee par un monastere ; le corps de saint Taurin fut
iransfere en Auvergne a Tapproche des barbares , puis en
Franche-Comte ; enfin, lorsquc Philippe-Augustc detruisit
BEAUX-ARTS. — MEMOIRES ET RAPP. 76;
Evrcux , scs reliques voyagerent encore ; elles ne rccurent
qu'au xme siecle la magnifique chasse qui fait 1'objet de ce
Memoiie. Les ecussons de France et de Castille decorent ce
reliquaire, qui porle pour inscription : Abbas Gilebertus fecit
me fieri. En 1269, saint Louis assista, dans l'eglise de Saint-
Taurin, au sacre de Raoul de Gros-Parney, eveque d'Evreux.
En 1 566, les reliques, For et les pierreries furent voles ; mais,
en i582, Claude de Saintes benit des chasses qui avaient etc
donnees deux ans auparavant. Ces faits, et d'autres encore,
que le defaut d'espace nous force d'omettre, sont suivis d'une
savante description appuyee de trois lithographies au simple
trait. Plus de cent trente-cinq pierres precieuses grossissaient
ce beau monument ou brillent a la fois la sculpture et I'archi-
tecture du xm" siecle. P. de Golbery.
Me'nwires et Rapports de Societes savantes.
245. — * Academic roy ale des Sciences, Belles-Letires et Arts de-
Bordeaux. — Seance publique du 16 juin 1829. Bordeaux,
1829; imprimerie de Brossier. In-8° de 25o pages, avec 8
planches lithographiees.
En 1828, l'Academie de Bordeaux fut autorisee a prendre
le titre dCAcademie royale; le discours de M. Lacocr, presi-
dent, est consacre specialement a exposer les titres de cette
Societe savante a la bienveillance du prince , les avantages
qu'elle doit en recueillir, et les devoirs imposes par cette mar-
que de faveur qu'elle a recue.
Ce rapport sur les travaux de l'Academie, depuis la der-
niere seance publique, devait embrasser un si grand nombre
d'objets divers qu'il a fallu se borner a une tres-legere es-
quisse de chacun. Ces resumes, tres-convenables pour occuper
les auditeursaune solennite academique, n'ont plus autant de
merite quand ils sont lus dans he recueillemtmt du cabinet,
parce qu'ils deviennent a peu presinutiles pour l'instruction,
but auquel doivent tendre toutes les publications faites par
les Societes savantes.
L'Academie a perdu, dans le cours de l'annee academique
de 1828 a 1829, quatre membres , MM. Lescan , Desfottr-
niel, Fitte et Bosc. Le premier fut examinateur des eleves
de la marine pendant les quatre dernieres annees de sa lon-
gue carriere;le second, administrateur habile, integre et
philanthrope, negociantayant les nobles qualites de cette pro-
fession, et non moins recommandable dans la vie privee que
dans les affaires publiques et les relations commercialcs; le
-G8 LIVRES FRANCAIS.
troisieme, professcur modcste , ecclesiastique tolerant, ve-
ritable sage ; le quatrieme est assez connu par ses travaux
agronomiques (voy. Rev. Enc, t. xl, p. 816).
M. Jocannet, poete et antiquaire, fait eonaailre plusieurs
inscriptions romaines, decouvertes a Bordeaux depuis 1 564
jusqu'en 1828, et des monumens dc l'epoque gauloise dans
le departement de la Gironde. Remontant encore plus haut,
M. BiLLiiDEL franchit les tems hisloriqucs, et nous revele
quelques pages des annalcs de l'ancienne nature vivante. L'an-
tiquaire s'attache, mais avec une sage reserve, a rajeunir les
monumens attribues a nos ancetres , a les transporter a une
epoque mieux connue , quoique environnee des tenebres du
moyen age ; le geologue se borne a l'exposition des i'aits et
a quelques observations sur le mode de formation des couches
dans lesquclles il a trouve des ossemens de palaotherium ma-
gnum. Une Table des dimensions de ces ossemens, companies
a celles de cet animal fossile, telles que M. Clvier les a
donnees, ne laisse aucun doute sur l'exactitude de la denomi-
nation imposee par M. Billaudel. Ainsi les pala?otheriums de
differentes especes partagerent long-terns avec les mastodontes
etautres especes actuellement incon-iues la possession de cette
terre, ou l'homme et les autres especes actuellement vivantes
les ont remplaces. L'ancienne vegetation fut encore plus ex-
traordinaire que les animaux de la meme epoque; les houil-
leres de la Grande-Bretagne nous ont revele l'existence de fon-
geres dont les tiges n'avaient pas moins de deux pieds de
diametre, et dont l'elevation atteignait, surpassait peut-etre
celle des plus grands arbres de nos forets.
II n'est peut-etre plus au pouvoir des antiquaires de faire
des decouvertes aussi importantes pour l'histoire de l'homme
et des nations que le sont celles des geologues pour l'histoire
de notre planete : mais les recherches que s'imposent les uns
et les autres sont egalement laborieuses, et par consequent
egalement dignes d'estime et d'encouragement. F.
2^(5. — * Precis des Travaux de la Societc royale des Lettres,
Sciences et Arts de Nancy, de 1824 « 1828. Nancy, i83o.
Depuis plusieurs annees, les Memoires de la Societc royale
des Sciences, Lettres et Arts de Nancy avaient cesse de paraitre.
Ce silence etait pour nous une cause de peine.et de surprise;
la ville de Stanislas est justement renommee. pour le patrio-
tisme, les talens, Pesprit et la courtoisie de ses habitans. On
nousaexplique que des circonstancesetrangeres avaient amene
cette interruption; et la Societe prouve aujourd'hui qu'elle
continuait de cultiver avec succes les sciences et les lettres
MEM0I11ES ET RAPPORTS. 769
auxquelles elle est consacree, en publiant le precis de ses tra-
vaux de 1824 a 1828. Dans un volume de pres de 3oo pages
in-8°, nous pareourons un grand nombre d'objels d'agricul-
ture, d'horticulture, d'histoire naturelle, de medecine et d'arl
veterinaire, de chimie, de physique, de mathematiques, de
beaux-arts, d'archeologie, d'histoire, de voyages, outre quel-
ques discoui's et quelques poesies, [/agriculture doit flcurir
dans le pays qu'babite M. Mailiieu.de Domballe. Le docteur
Louis Valentin, que les sciences ont perdu , etait un medecin
connu en Europe et en Amerique. M. Lamouroux aine a de la
reputation parmi les geologues; RJ. Soyer V'dlemet, parmi les
botanistes; M. Braconnet, parmi les cbimistes. M. PaulLau-
r-ent marche avec distinction sur les traces de son pere , l'un
de nos meilleurs peintres. M. tie Hatdat, secretaire de la So-
ciete , possede des connaissances aussi profoadcs que variees ;
le recueil contient plusieurs de ses Memoires. Nous avons lu
avec plaisir ce qu'il a ecrit sur I'origine de la Societe royale de
Nancy. Stanislas, cet auguste protecteur des lettres , voulant
rcpandre des recompenses pour faire eclore l'emulation,choi-
sitdescenseurs ; ils n'avaient pas une mission semblable acelle
qui, de nos jours, a excite de si justes plaintes en France. « Ils
devaient, dit 1'orateur, faire connaitre, chaque annee, par des
analyses exactes et raisonnees, les inventions et les ouvrages
publics par les auleurs Lorrains , et leur donner des eloges
publics , mesures sur I'utilite de leurs productions. Ainsi les
rapports sur 1'etat des sciences, justement celel res, et dont
1'invention est attribute a notre epoque , apparliennent au
philosopbe bienfaisant Les fonctions de censeurs ou juges
des prix etaient sans doute tres-honorables, et les choix du
prince offraient toutes les garanlies qu'il etait possible d'at-
tendre ; mais un tribunal dont les arrets peuvent etre casses
par le public, meconnus par les justiciables, qui devait etre
naturellement en butte a tous les traits de l'amour-propre
blesse ; un tribunal enlin qui n'avait d'autre code que des re-
gies generates sur lesquelles les arbitres en cette matiere ne
sont pas toujours d'accord, faisait peser sur les membres qui
le composaient une responsabilite tro[> pcrilleuse. La liberte
donnee aux auleurs de choisir eux-nieaies les sujets des con-
eours exige-iit. d'ailleurs des connaissances si nombreuses et
si variees qu'il etait extrememeat difficile, pour ne pas dire
impossible, de les trouver reunies dans un si petit nombre de
juges; et, en leur accordant le droit de s'adjoindre les per-
sonnes les plus propres a les eclairer dans les malieres sur les-
quelles ils n'avaient pas le savoir indispensable, c'etait creer
T. XL VI. Jt'IN i83o. 49
LITRES KilANCWS.
uiic Academic, a laquelle il tie inanquaiten rcaliie que lo nijtti
el mic organisation definitive, qui bicntot lui ful donnee par le
roi »
Montesquieu, attache a cette Academic, ecrivit a Stanislas :
« Voire Majestc voit que je ne penis aucune des occasions qui
peuvent me rapprocher d'elle : (|uand je pensfl a ses giandcs
qualites, mon admiration demande toujours de moi ce que le
respect doit me defendre. »
Fontenelle s'explique ainsi : « Je me liens aussi honore de
la grace que V. M. me fait que si l'empereur Marc Aurcle
m'eCit 3dmis dans one Academie qu'il eut pris soin d'etablir
el de former lui-meme. »
o Stanislas, dit M. de Haldat, assistait parfois aux seances
particulieres, et toujours aux seances publiques, place sur un
laiittuil un peu plus < leve, mais a la meme table qui rassem-
blait les membres de son Academic II encourageait les ora-
leurs par sa bonte et sa noble familiarite, et se plaisait surtout
a deposer entre les mains de ses sujets, vainqueurs dans les
combats litteraires qu'il avait etablis, ics dons de sa munifi-
cence inepuisable. «
Nous avons remarquc de beaux vers dans le poeme de la
Deli vrancede Nancy, et dansplusieurs conies et epilres. M. de
Cauniont. professeur de malhematiques, qui envoie, chaque
annee, plusieurs de ses eleves a l'fccole Polytechnique, a in-
sere dans ce recueil une heureuse imitation de I'anglais, inli-
liilee : la Fil/e U'Aubcrge; et un conle, le Serin , donl nous
citerons le commencement :
Qu'il serait faible l'homme isole sur la terre !
Le lierre aux longs rameaux a rnoins besoin d'appui.
Aussi, des sa n.-.issance, il Irouve pies de lui
Kt la main protectrice et le cccnr d'une mere;
L'amilie le recoit au sorlir du berceau,
Part age les plaisirs de son adolescence,
Le sourieot quand les ans amer.ent la suufiYance,
lie guide, et devant lui fait briller le flambeau
Dont la douce Incur eclaiic 1'esperance,
Qui lui sourit encore au dela du tombeau.
On voit qu'excepte le premier vers, dont failure est un peu
genee, le style de M. de Caumont offre des pensees justes el
agreables, qu'il a du nombre et de l'liarmonie. L*.
On nrag.es periodiques.
•i47- — * /-' Caiholique, Ouvrage period iqae public sous la
OUYilAGES J'LUIGDIQUKS. ;;i
direction da M. le baron cI'Eckstein. T. xvi : n" 48. Paris,
i85o; iMesnier. In-8" dc 548 pages.
Ce cahierdu Catholique forme un gros volume. II conticnt
trois traites : 1'un gur le Siva Pourana; le second sur l' At Li -
<[ue primitive; le troisieme sur la poesie epique "du moyen
age. La declaration suivante nous parait meriter d'etre rap-
portee tout entiere.
«Jetermine la qualrieme annee du Catholique , et j'inter-
ronips une communication a laquelle j'aimais a melivrer. Seul
a cette enlreprise, reduit a mes propres forces, j'ai souleve tin
poids enorme, et je l'ai roule avec effort an haul de la mon-
tagne : qu'il ne m'arrive pas comme a Sisyphe, etque ce poids
iie retoinbe pas inulilement a mes pieds!
» Youe dorenavaut a une scule etude , je comple aborder la
philosophic de r/usioire par masses d'ouvrages detaches, dont
la collection formera un vaste ensemble, j'annonce une pre-
miere paitie qui traitera des siecles lurolques chez les nations
de l'antiquite el du moyen age. Le premier volume aura pour
titre : De la Porsie epique chez les anciens Germains, et des Sie-
cles lurolques clans leurs rapports avec C histoire de {'Europe mo-
derne.
» Cet ouvrage se composera de trois volumes environ, et
sera precede d'une introduction historique a la eontiaissance
des peiifdes Germains qui ont constitue les prinoipaux empi-
res dc l'Europe moderne; les monumens de la poesie epique,
et ceux des lois et des continues des peuples du Nord y seront
largeinent analyses.
» A cette introduction succedera l'analysc historiqueet my-
tholoyique des elemens de cette antique poesie nationale. Tou-
tes les modifications qu'clle a subies, du vi' au xve siecles, y
seront niethodiqucment exposces ; puis viendia la traduc-
tion enlit re ou abregee des chants golhs et des chants francs
conserves dans les litteratures scandinavc, angio-saxonne ,
franque et laline des vn% viu", ixe et x° siecles : je donnerai
successivementles tables epiquesdela Filkina&aga etlepoeme
sur Zotharis, roi des Lombards, dont ['invention premiere re-
monte au ne siccle; puis viendront les Niebclungcn, et les poe-
mes du Litre des LJcros , analyses, eonimentcs et traduits pour
la plus grande partie avec cet amour de l'art, cet enthou-iai-me
de l'histoire de la poesie, qui font le fond de ma conviction lit—
teraire.
» Un second ouvrage est egalement tres-avance. II embras-
sera les siecles herolqnes des deux principals branches des
nations celliques. les Gaulois et les Bretons. Quant aux habi-
-:-z LIVRES FRANCAIS.
tans des Gaulcs proprement dits, ils n'ont pas conserve de tra-
ditions ni de litteralure ; mais les Irlandais en ont one des plus
riches et des plus remarquables , ahondante en poemes epi-
ques, jusqu'ici entitlement ignores on meconnus; ils ont ega-
lemenl des lois qui remontent a l'ere heroique de leur liis-
toire. Pour ce qui concerne I'Ossian ecossais, c'est un pAIe
reflet de la poesie irlandaise, dout il ne faut pas juger par
iMacpherson , qui l'a amplifie et altere dans le goflt sentimen-
tal de son epoque.
» Les Bretons n'ont d'aulres souvenirs de leur ere heroique
que la poesie chevaleresqoe , on Artus est celebre comme chef
de la Table Ronde ; le vieux fond breton y est etrangement .
mais poetiquement melamorphose. Je releverai cette poesie
de ses mines; et la double etude de l'age heroique chez les
Germains et chez les Celtes formera la meilleure introduction
a la connaissance de repoqueheroico-cbevaleresque du moyen
age, epoque a laquelle je consacrerai un ouvrage a part.
» Que mes abonnes , et tons mes lecleurs franeais et etran-
gers, a quelque opinion qu'ils appartiennent, recoivent ici le
tribut de ma reconnaissance. Homme, j'ai parle aux hom-
mes, j'ai cheri la tolerance, la liberte, rhonneur en politi-
que, comme je cheris l'ordre, la religion, la legilimite. Plus
d un de mes abonnes m'a prouve que je n'avais pas toujours
parle dans le desert, eh commencant avec moi une coires-
pondance que je regrette de n'avoir pu toujours poursuivre,
a cause de la multiplicite de mes travaux : plus d'un de mes
lecteurs m'a laisse la douce esperance d'avoir rencontre une
fune bienveillante. Qu'ils daignent m'accordcr leur attention
et leurs suffrages dans la nouvelle carriere que je vais par-
courir.
»Les ouvrages que j'ai annonces paraitront en partie dans
le cours de cette annee ; en partie, dans celui de 1'annee pro-
chaine. Je prie ceuxqui voudront s'y abonner de m'adresser
leurs leltres a mon domicile a Paris, rue de la ferme des Ma-
ihurins , n° 25.
Enron d'Eckstein.
IV. NOUVELLES SC1ENT1FIQUES
ET L1TTERAIRES.
AMERIQUE SEPTENTRIONALE.
6TATS-UNIS.
Troisiime Rapport annuel du President et des Directeurs
de la Compagnie du Cliemin de fer de Baltimore d /'Ohio. —
La route adoptee s'etend de Baltimore au moulin d'EIlicot,
sur le Patapsco, et le long de cette riviere jusqu'a la jonction
de ses deux grands affluens, septentrional et occidental, et le
long de ce dernier jusqu'a un cliemin de montagnes nomine
Pan, et lelong de la riviere Bush, affluent du Mouocasy, jus-
qu'a son embouchure dans ce dernier, et de la a l'endroit
nomme Pointe des Rochers, sur le Potomac. — La distance
de Baltimore a cette pointe de rochers est de 104 milles, mais
les detours la portent a 129. La hauteur moyenne des eleva-
tions, entre ces deux pointes, est de 886 pieds.
Dans le cours d'une annce, la route a ete confectionnee sur
un espace de 2 5 milles avec la plus grande solidile, et dispo-
ser e n tier erne nt pour recevoir les rainures. La maconnerie
solide, tant a Tinterieur qu'a Texterieur de Baltimore, est
de 56,ooo perches (de 16 [ pieds) , en passant par la vallee de
la chute de Gwynn , pour ariiver au Patapsco. La plus grande
excavation est de 79 pieds entre Baltimore et la vallee de Pa-
tapsco , distance de sept milles; les excavations torment un
total de 655,568 yards cubes (le yard est de 5 pieds) ; lachaus-
see, dans la meme distance, est de 628,629 yards cubes; to-
tal, 1 ,284,197 yards cubes.
Tons les ponts sont en pierre ; celui de la chule de Gwynn
a 3oo pieds de long, en y comprenant les culees avee une
seule arche de 80 pieds d'ouverture ct de 58 pieds d'eleva-
tion jusqu'au parapet. Le pont sur le Patapsco a 5?5 pieds de
long, 46 de hauteur, et 4 arches, dont deux de 5o pieds d'ou-
77:\ ETATS-l'MS.
verture, ci deux do 20. 11 y a beaucoup d'autres ponts de 10
a 25 pieds, tons construits tic la meme maniere , en macon-
nerie tres-solide.
Dans beaucoup d'cndroits, le long de la vallee dn Patapsco,
le chemin a etc pratique au iravers de couches tres-etenducs
de granit on de pierres caleaircs, et an rocher du Buzzard, ii
a ete creuse dans one masse de roche solide qui s'eleve a
58 pieds an-dessus du sol.
On avait estime !es frais do construction du chemin de Bal-
timore a l'Oliio a 20,000 dollars par mille , et Ton croit qu'ils
n'excederont point cette somme ; mais Its frais de la paftie
deja achevee out dcpasse de beaucoup la premiere estima-
tion, ce qui provient : 1" des frais oceasiones par la difficulty
du transport des pierres necessaires a la construction des
ponts etdes culees; 20 de I'augmentalion du prix des journees
apres ['estimation ; 5" de la rencontre de couches ctendues de
pierres dures et d'argiles compacles, la on la surface du ter-
rain n'en avait doune aucun indice; 4° de la substitution de
ponts en pierre aux ponts de bois sur les ruisseaux et sur les
chaussees qui traversent les vallees.
Les frais de ce chemin , depuis Baltimore jusqu'a la jonc-
tion de deux aflluens da Polapsco, surpassent de beaucoup
ceux de l\\ milles qui restent a executer jusqu'a la pointe du
rocher; et, lorsque Pouvrage sera (ermine jusqu'a ce lieu , on-
estime que Ton en aura fait la moitie jusqu'a la vallee du Po-
tomac, et cette partie pent elre achevee avanl la fin de Pan-
nee 1800. Ensuite, on enpourra aisement construire 5o milles
par an. (Ce chemin aura 3oo milles de longueur.)
Entre Baltimore et le Potomac (distance de 60 milles), ;i
l'exception d'une petite elevation entre ce fleuve et le Mono-
cacey, il n'y a qu'une collinc oil l'on a trouve un passage si
facile qu'elle ne donne lieu qu'a une legere augmentation de
frais.
De la Pointe des Rochers, en suivant la vallee du Potomac,
on peut le prolonger jusqu'a une distance de 180 milles aux
mines de charbon de lerre du comle d'Alleghany, et dans ce
parcours il ne sera besoin que d'un appui inebranlable. On ne
connait aucun exemple semblable, ni dansl'Amerique ni dans
aucune contree de l'Europe.
Ann de reconnaitie la maniere la plus economique de con-
struire les routes en fer, et de constater leurs avantages, les
direcleurs de la Compagnie de Baltimore avaient cnvoye une
commission d'ingenicurs, dans l'automne de 1828, pour exa-
miner les chemins de fer de la Grande-Bretagne. Elle se com-
ETATS-UNIS. — AS1E et AFRIQUE. ~r>
posait de M. Jonathan Knight, ingenieur civil, ducapitaine "Wil-
liam GiObs-Mac-Neil, ingenieur topograph©, et du lieutenant
George Whistler , qui ont parcouru tous les cheniins un pcu
importans du royaume-uni, et qui ont recu des ingenieurs
britanniques tous les renseigncmens qu'ils pouvaienl desirer.
Ces commissaires , a leur retour a Baltimore, ont fait cou-
naitre a la Compagnie, clans un Memoire elendu, tous les
avantages des chemins de fer, qu'ils re garde nt comme un
moyen prompt, certain et economique pour tous les trans-
ports.
La Compagnie termine son rapport en disant que ce che-
niiu de fer donnera a la ville de Baltimore un commerce tres-
etendu avec les vallees fertiles arrosees par le Polomac et ses
affluens; que les actionnaires ont effeclue les cinq premiers
versemens de funds montant a \i\ pour 100 du capital; el
que sur les deux versemens suivans, dus au 1" de decembre
et de Janvier derniers, ils ont avance au 12 oclobre la somme
de 5i,23o dollars.
La Compagnie a annexe a ce rapport : i° une carte du pays,
qui renferme les trois routes arpentees par son ordre; 1* le
nivellement de deux principales routes tracees par Je lieute-
nant J. Barney, de 1'armee des Etats-Unis. Warden.
Societ/i Biblique. — Dans le cours de 1829, cette Socictc
a fait imprimer >72,ooo exemplaires de la Bible en langue
Chacta, autant dans celle des Senecas, et 1 75,000 en Cherokois.
Le Phenix, journal national de ce dernier peuple, dont nous
avons deja eu occasion de parler, et qui a pour editeurun na-
turcl, in venteur des premiers earacteres ecrits piopres a ren-
die les sons de sa langue natale, annonce qu'une Societe de
la Temperance vient de se former a la Nouvellc-Echota, ca-
pitate des Cherokois.
ASIE et AFRIQUE.
Notice historique, chronologique et genealogique des princi-
paux Souverains de i'Asie et de I' Afrique septentrionate, pour
I'annee i87)o. — N. B. Ce morceau, emprunte au Journal asia-
iique de Paris par le National , journal publie a Bruxelles, qui
y aajoute quelques notes explicatives et supplementaires, nous
a paru devoir interesser nos lecteurs, auxquels nous avons
dejadonne le tableau complet des souverains des divers Ktats
de I'Eucope. (Voy !> v Enc . '■■ \im. p. ;4r0
::C> ASM et AFJUQUE.
Empire ottoman.
Cette monarchic oomprcnd la Turquie d' Europe (dont font
partie la Motdavie, la Valackie, la Bulgdrie, \i\Se?-vie et la Z?oa--
nie), YAsic-Mineure, Ies iles de Candie ct de Cliypre, une
grande partie de l'Armcnie, 1c Kurdistan, Plrack-Arabie, la
Mesopotamie, l'Ansyrie , la Syrie, la Palestine , I'Egypte et
nne grande partie de la Nubie ; nous en exceptons le nouvel
Etat grec. La surface de tons ces pays est d'environ i,oG4,ooo
milles carres, et leur population peutetre estimee a 25, 000,000
d'ames.
Sultan Mahmoud II, fils du sultan Abd'oulhamid, ne le 20
juillet 1785, et proclame a la place de son frere Moustafa IV,
detrdne le 28 juillet 1808.
Egypte : Mohammed- A li, ne a Cavala en Romelie, en 1769
(1 182 de l'hegire), (lis de Ibrahim Agha ; proclame pacha le
14 mai i8o5 a la place de Khorschid-paclia ; confirm* par le
sultan Selim III, le 1" avril 1806.
Bagdad : Daoud-pacha.
Moldavie: JcanStourdza, boyardmoldave, nomine hospodar
le 16 juillet 1822, et proclame a Yassy le it du meme mois.
Valachie : Grcgoire Gliika, nomine hospodar le 16 juillet
1822 et inaugure par le pacha de Silistrie, le 21 septembre
1822.
Vassaux de I' Empire ottoman.
Tripoli : Sidi Yousouf, Karauianli , pacha, succede en mai
1795 a son pere Ali, fils de Mohammed. On estime le nom-
bre de ses sujets a deux millions.
Tunis : Sidi Hanan, bey, succeda a Homouda- bey, le 23
mars 1824* Ses Etals ont environ 2,800,000 habitans.
Alger : Houssain, fils d'Hasan, ancien ministre de l'lnte-
rieur, succede, lei "mars 1818, au deyAli, mort de la peste.
II est age d'environ 54 ans. On compte deux millions et demi
d'habitans dans ses Etats.
Lescherifde la Mecque : Ya/ua, fils de Sourour, remplace,
le 2 novembre i8i3, son oncle,Ie scherif Ghateb, depose par
le pacha d'Egypte Mohammed Ali , et mort a Salonique en
18. 8.
Iman de CHyemen : N succede en i8i5 a Tamy, chef
de la tribu d'Asir, fait prisonnier par l'Arabe Hasan, fils de
Khaled, ailliedu pacha Mohammed Ali , et mis a mort a Cons-
tantinople en 1819. L'iman de 1'Hyemen reside a Sanaa.
ASIE et AFR1QUE. ;h?
Roi de Sennaar : Bady VII , fils de Tab), 29* roi de la race
des Foundjis, tribu partie de Finterieur de I'Afrique, et qui
vint s'elablir a Sennaar vers la fin du xvc siecle.En juin 1821,
Ismail, fils du pacha d'Egypte, le contraint de reconnailre la
suprematie du sultan Mahmoud.
Empire ds Maroc.
Dans le nord-ouest de I'Afrique, sa surface est de 100,000
milles carres, et le nombre de ses habitans est estime a
4,5oo,ooo.
Mouley- A bh-Errahman, sultan, fils aine de Mouley Hes-
cham, fils de Sidi Mohammed, succede a son oncle Mouley
Souleinam le 28 novembre 1822.
Royaume d'Abyssinie.
11 a vine etendue de i5o,ooo milles carres, avec i,5oo,ooo
habitans.
Ista Guarlou, successeur d'Ayto Egwala Siou, de la dynas-
tie de Salomon, qui regne sans interruption depuis i2(>8,
reside a Goudar; il jouit de beaucoup de consideration, mais
n'a aucun pouvoir et ne possede en revenus que ce que les
gouverneurs independans des provinces vculent bien lui ac-
corder. Ces gouverneurs sont : Selassy , le plus puissant de
tous, successeur de "Wassen Segued, chef ou Murd-Asimadd
de Sehon et d'Efat, qui a pris le title de roi; Scliam Ternben
Guebr Michael, chef de Tigre, successeur de Ras ^Veiled Se-
lassy; Gukho , successeur de Fasil, chef d'Amhara (Gojam) ;
N , fils et successeur de Helle Mariam, gouverneur de
Samen, plateau de l'Abyssinie.
Les Galla ont depuis long- terns envahi la partie meridio-
nale du pays; la tribu la plus puissante est celle des Edehow,
commandee par Liban et par Godji.
linan de Mascate.
Les Etats de ce prince sont situcs dans la partie orientale de
FArabie, et comprennent la contree qu'on appelle ordinaire-
ment le royaume d'Oman. Ses possessions ont une etendue
d'environ 5oo mille anglais le long de la cote ; la capitale est
Mascate. Le nombre des habitans ne s'eleve vraiseniblanle-
ment pas i\ plus d'un million; le revenu annuel de l'lman est
d'environ 2,5oo,ooo fr. Seid- Said succeda a son pere Sei'd ,
sultan, vers Fan 1804; il est le troisieme descendant d'Ahmed,
fils de Said, fondateur de cette puissance.
y;8 AS1E et AFRIQUE.
Perse.
55o,ooo milles carrcs, 9,000,000 d'habitans, et un revcnu
de 80,000,000 de francs.
Fctli-dli-Schalt, de la tribu turque des Kadjars, nomine
Baba-RhaD avant son avenement au trone ; fib d'Houssaien-
Rouly-Khan; he en 17O8, succinic en 1796 a son oncle Agha-
Mohammed-Khan , fondateur de la dynastic. Abbas- Mir: a ,
heriticr presomptifde la couronne, est ne en 178a.
Afghanistan.
Entre la Perse et l'lnde ; 172,000 niillcs caries, 6,5oo,ooo
habitans, et 45, 000, 000 fr. dc revenu.
La couronne est hereditaire dans la branche de la famille
des Saddouzi, qui descend d'Ahmed-Schah-Abdalli : le litre
royal est Schahi-devri-de-vran. Le monarquc Ghasnevide
Sebecteghin soumit le pays 611997; Babour conquit Gliazna
et Caboul en i5o6; les Afghans conqnirent la Perse en 177.0,
et furent soumis en 1737. Ahmed -Schab-Abdalli fut cou-
ronne a Candaharen 1747- Son fils Timour-Schahregna dcpuis
1770-1793; Zeman-Schah jusqu'eni8oo, oii il fut depose par
son frere JMahmoud qui, trois annees apres, fut ehasse parson
frere Schoudjah, qui fut expulse a son tour par Mahmoud
en 1809. Durant ces desordres IUindjet-Singh, le souverain
dc Labor, conquit Cachemir et Peschawer, 011 le filsdc Yar-
Mohammed Khan, le troisieme frere, regna sous sa tutelle :
en 1826, Mahmoud partit de Candahar, et reunit ses troupes
a ceilcs de Feth-Ali-Schah, tandis que Schoudjah etait fugitif
dans l'lnde anglaise ; les emirs duSinde se sonl emparcs d'unc
partie du pays.
Bcloutcldsian.
Au sud du pays des Afghans, avec environ 3, 000,000 d'ha-
bitans.
Mahmoud-Klian , age d'environ /J7 ans , succede a son pere
Nasir-Khan, en 1795 ; ce dernier avait soumis le Mekran vers
la fin de son regnc ; son fils l'abandonna en 1809.
Balk.
Conquis en 1826 par Mir Mourad-bey , qui en chassa Ned-
jib -Oullabkan, gouverneui pour le mi dc Caboul.
ASIK Ei AFRIQUE. — EUROPE. ::;,
Bokhara.
173,000 milles canes, 2, 5oo, 000 habitans, 12,000,000 IV.
de revenu.
Grand K/ian de Bokhara et de Samarkand : Batkar -Khan
succede a son pere Mir-Halder-Khan en i8'iG. Le regne in-
termediate de son frere Mir-Houssaln ne fut que de quatre
uiois. Gonverneur de Hisard : Seid-Atalik-bey, beau-pere de
Mir-Halder.
KJwland.
Comprenant le pays arrose par la partie superieure dn Syr-
Dari ou Sihoum.
Emir-Khan, prince de Farghanah et de Kholand.
Badakhschan.
Comprenant le pays arrose par la partie superieure de
Amou-Daria ou Oxus.
Mirza-Abd' out Ghafoul, fils de Mohammed-Schah, reside a
Faizabad, ville differente de Babakschan, et placee au sud de
celle-ci.
Kharism.
Sur l'Oxus inferieur, avec 35o,ooo habitans, en partie 110-
mades.
Bahman-Kouli-Khan succede a son pere Mobnmmed-Rahim-
Khan en 1826. Le titre de ces princes, d'origine Ouzbeke, est
Taksir-Kban ; its resident a Kbiva. -
EUROPE.
GRANDE-BRETAGNE.
Londres. — Etablissemcnt d'une Socicte gcographique. —
Une assemblee nombreuse a eu lieu a Londres, lundi 24 mai
dernier, dans la maison dite T 'hate lied- House, sous la presi-
derice de M. John Barrow. II a ete expose que, parmi les
nombreuses societes litieraires et scicntifiques etablies dans
la Metropole brilannique, il en manquait encore une, pour
completer le cercle des institutions scientifiques , dont le
seul objet serait la propagation et l'avanccment d'une des
branches les plus iinporlanles et les plus utiles des connais-
sances, la Gt'ogrcplue ; — que Ton pourrait en consequence
780 EUROPE.
former une nouvelle societe sous lc titre de Socicte gcogra-
phiquc de Londrcs ; — que l'intcret qu'excitc cette science
est universeUement senti ; que scs avantages sont de la plus
haute importance pour lc genre humain en general , et sur-r
tout pour le bien d'une nation maritime comme la Grande-
Brelagne, a cause de ses possessions etrangeres si nombreuses
et si ctendues ; — que, bien qu'il eviste une grande quantite de
docuraens geograpbiques, cependant ils sont tellement disper-
ses dans de grands livres pen accessibles, ou dans les bureaux
du gouvernemenl, ou dans la possession des particuliers,
qu'ils sont presque sans fruit pour le public.
L'objet d'une telle Socicte serait : i°De reunir, enregistrer,
choisir et imprimer, pour ['usage des uiembres et le public en
general, sous une forme economique et periodiquement , les
observations et les decouvertes nouvelles interessantes et
utiles que la Societe aurait ou pourrait avoir en sa possession;
— i" De former graduellement une bibliotheque des meil-
leurs ouvra^es de geographic, un cboix des meilleurs voya-
ges, une collection complete de cartes, depuis les terns les plus
anciens jusqu'aux productions perfectionnees des terns mo-
derucs; aussi-bien que les documens et materiaux propres a
dinger les personnes qui se proposent de visiter les contrees
etrangeres, attendu qu'il est de la plus grande utililc pour un
voyageur, avant de commencer son cntreprise, d'etre infor-
me de ce qui a ete deja fait et de ce qui manque encore a la
science ; — 5° De procurer les modeles, les instrumens que l'ex-
perience a failcounaitre pour les plus utiles etles mieux adap-
tes aux besoins d'un voyageur, afiri qu'il puisse se familiarises
d'avance avec l'usage de ces instrumens ; • — 4° De preparer
des instructions succinctes pour les voyageurs en designant
les parties qu'il est le plus desirable de faire visiter, les moyens
les plus surs et les plus praticables, les recherches les plus
essentielles( a faire, les phenomenes qu'il faut observer, les
objels d'histoire naturelle les plus interessaus a recueillir, et
enfin pour oblcnir toutes les informations tendantes a l'ex-
tension de nos connaissances geograpbiques. Et Ton doit es-
perer que les fonds de la Societe lui permettronl d'accorder
des secours pecuniaires aux voyageurs qui auront besoin de
cette assistance pour faciliter raccomplisseinent de quelque
objet de recherches particulieres ; — 5" De correspondre avec
les socictes semblables qui pourraient etre etablies dans les
differenles parties du monde, avec les elrangers occupes de
recherches geograpbiques, et avec les nationaux plus instruits
etablis dans les contrees reculees de l'empire britannique; —
GRANDE-BHKTAGNE. 781
6° D'ouvrir des communications avec les societes philosophi-
ques et b'tterairesen rapport avecl'objet lie la geographie, etc.;
— 7" Afin d'engager lespersonncs eminentes dans chaque bran-
ehe des sciences, de la litterature et des arts, et en particulier
ceux qui ont voyage par terre et par mer et tous ceux qui sunt
verses dans les connaissaiues geographiqties a devenir des
coopcrateurs utiles; — 8" II a etc observe que la ootisation an-
nuelle et le prix de l'admission devraient etre a un taux assez
modere, relativement an nombre des souscripteurs, pour que
la Societe tut en etal d'accomplir l'objet important de son
institution.
L'assemhlee a procede ensuite a la formation du comite
provisoire charge d'etablir quelques principes propres a ser-
vir de base a l'inslitution. Les membres de ce comite sont :
MM. Elphinstone, le lieutenant-general Brisbane, sir Arthur
de Capell Brooke, John Ilobhouse, R. "W. Hay, colonel Leake,
I\. Brown, capitaine Beaufort, capitaine Basil Hall, major
Keppel, Henry IVard, lieutenant-colonel Colby, Thomas Mur-
doch, commandeur Mangles, Murcluson, capitaine Franklin,
capitaine Smyth, John Barrow, Georges Greenough, comman-
deur M'Konockie.
Le comite s'etant assemble le 26 mai, les resolutions sui-
vanles ont ete adoptees :
1° La Societe sera appelee Societe geographique de Lon-
dres. — 2° Le nombre des membres ordinaires ne sera pas
limite , mais le nombre des membres bonoraires et rangers
sera fixe ulterieurement. ■ — 5° Aussitot que le nombre des
souscripteurs sera parvenu a 3oo une assemblee generate
sera convoquee pour nommer un president, deux vice-pre-
sidens, un tresorier, des secretaires et un conseil. charges
de dinger les affaires de la Societe, et pour approuver, mo-
difier et changer, s'il est necessaire, les reglemens autant
qu'il sera juge convenable pour la prosperite de l'etablisse-
ment. — 4° L'election des membres du conseil et des ofli-
ciers de la Societe sera annuelle. — 5° L'office de president
ne pourra pas etre occupe par la meme personne pendant
plus dc deux annees consecutives ; mais elle sera reeligible
apres une annee d'intervalle. • — 6° Les deux vice-presidens
seront sujets au meme reglement que le president, mais
le tresorier et les secretaires seront reeligibles. — 70 les
officiers ci-dessns mentionnes, joints a quinze autres mem-
bres, formeront le conseil, et cinq de ces quinze membres
sortiront annucllement a 1'epoque de l'election generate des
officiers. — 8" Le prix d'admission des membres sera de
ySi EUROPE.
5 liv. stert., et la souscripiion annuelle de a Iiv. slerl. : les
ileux sonuncs pourront etre compensees par le paiemoiit une
tins fail ilc ao lines sterling. — if Desdites sommes seroftt
I'lacees dads lcs foods publics pour etre employees ensuite de
In manure que la Societe ordonnera. — io° Lcs foods et
les proprietes de la Societe scront geri'-s sons les noms de
trois gardiens. — 1 1" Ces Irois gardiens seront membres sur-
luiincraircs du cooseil. • — 12" Aussitot que 5oo membres
seronj inscrits sur la lisle, une seeonde asscmblee general*
sera convoquee pour adopter les reglemens ullcrieurs qui pa-
raitrontles plus avantageux pour la conduite de la Societe.
— ion Le cooimandeur M'Konoebie est nomme secretaire
provisoire de la Societe.
Signe Arthur de Capell Brooke, president.
Suit une liste de 124 membres de la Societe geograpbique
do Londrcs, parmi lesquels on distingue, indepeudamment
des 20 membres ci-dessus designes, le capitaine Beechey,
Terrick Hamilton, W. Richard Hamilton, Alex. Mackenzie,
IV '. Marsden, lord Melville, le lieutenant-general sir Georges
Murray, le capitaine Parry, sir Rohert Peel, lord Prudlwe, le
reverend Georges Renouard, le doctbiir Richardson, sir Georges
Staunton, le due de Wellington, le due de Bedford, le lieute-
li.int Dawson, le lieutenant-general Donkin, le lieutenant-co-
lonel Carlo Doyle, etc., etc. J. *
IIUSSIE.
Publicatioade romans hisloriqu.es. — Le snecesd' Ivaii-Fijiglune
(voy. Rev. Enc. ,t. xnv, p. i36 ett. xjlv, p. Zj2(>) scmble avoir
cveilleen Rtissie une grande emulation pour ce genre de com-
position ; mais,au lieu du roman de mceurs, e'estau roman bis-
torique que Ton semble vouloir s'attacher maintenant de pre-
ference. Chaque nation vent avoir aujourd'hui son Walter
Scott, et e'est a qui dotera son pays d'une globe qui, nous le crai-
gnons bieo, ne s'acquiert pas par imitation. Deja l'auteur de
l'ouvrage que nous venous de rappeler a fait son roman bis-
torique; il est intitule, dit-on, le faux Dmitri, et a pour sujet
cette epoque si feconde de l'bistoire de Russie 011 l'anarcliie
qui s'ctait inlrodnite dans ce nialbeureux pays donna lieu a
tant de desOrdres , et fut si fatale aux mceurs et aux institu-
tions. On sait que ce ne sont ni les gens rcrtueux, ni lcs terns
de calme et de paix qui profitent le mieux au poete 011 au pein-
tre de mceurs ; [VI. Boulgaiune scmble done avoir bien cboisi la
sJetiue. Deja ce roman se traduit sous ses veux a Saint- Pe-
RUSSIE. — POLOGNE. ;8.1
tersbourg, el toul fait esperei; que nous jouirons bicntol d'une
bonne traduction francaise, clue cetle fois, non pas a M. Ferry
de Pigny, mais aim nouvcau traducteur, 81. Fleury. On assure
rnfime q'uJil pourrait bien paraitre a la fois deux ou trois tra-
ductions du faux Dmitri ; les lecleurs n'auro'nt que 1'euibarras
dn eboix.
Un autre roman historique, en 3 volumes, a paru aussi rc-
cemment a Moscou ; il a pour litre : Youri (George) Milos-
lavsky, ou les Russesen 1612; et son auteur, M. Zagoskine. est
no poete comique cslinie, qui vient, assure-t-on, dc eueilli:' de
nouvelles palmes en celte circonstance. II avait ete propose
a l'auteur de cet article d'en (aire une traduction francaise
pour la collection de M. Cb. Gosselin : raais il n'avait pas en-
core pris connaissance de l'ouvrage que deja il etait devauco
par une dame, qui vint peu de jours aprcs lui confier son ma-
nuscrit , et lui demander quelques conseils. La position do
.Jl™ Sophie C , qui est nee en Russie de parens etrangers,
y a ete en quelque sorte elevee, et y a passe plusieurs au-
nees; sa connaissance des moeurs et de la langue du pays, les
qualites de son esprit, tout lui donnait a ce travail des droits
qu'il eut ete difficile et dangereux peut-etre de lui disputer;
et l'auteur de cet article n'a voulu s'en reserver d'aulre en
cette affaire que eclui de revoir les epreuves en I'absence du
traducteur.
Ce roman, qui a pour sujet l'epoque desastreuse et glo-
ricuse a la Ibis pour la Russie ou elte parvint enfin a secouer
!e joug des Polonais, epoque qui fail 1'objct des recits de
rbistorien russeKaramzinedansle dernier volume qu'il a laisse
en mourant {coy. ci-dessus, p. i4')» paraitra bienlol en 4 vol.
in-12, a la librairie de M. Charles Gosselin, et nous nous ein-
presserons d'en rendre comple a nos lecteurs. Mais bien a pris
a M"* Sophie C de sc hater, car on nous a depuis annonee
que plusieurs Iraductenrs s'occupaienl de ce meme travail,
entre atitres M. Tbibaut, ex-precepteur des ehfans de feu Ka-
ramzinc. Nous esperons qu'elie aura fait mieux que de paraitre
la premiere dans la lice, et qu'elie s'y sera presentee avec loules
les conditions necessaires pour remporter une pleine victoirc.
Edme Hkreai'.
POLOGNE;
Etat et Progress dc la Litterature periodique. — Indication des
Journaux et des Merits periodique* publics en Pologne. — Nous
donnons ici. d*nprcs les docniftf lis les plus rerens, la popwla-
784 ElKOPK.
tion ties diverse* parties de la Pologne, telle que l'a faile la
politique moderne. en la rapprochant du nombre de jour-
naux existant daus chaquc partie :
Population.
Journaux.
Un journal
sur
I. La Pologne indepcndante : Repu-
II. La Polutjiic rttsxc.
1) Les gouverdemens de Wilna, de
Grodno, de Minsk, dc Bialyslok,
de \'i tepsk , de Mohilow, de
Wolhynie, de Podotie, de l'U-
kraioe nil deKiow, de Cour-
107,934
1 1,289,100
4,088,289
t>o,84»>a4
4,226,969
5
2
J7
1
4
21,586
5,644, 55o
1 10,000
1,984,1 24
i,o56,74a
2) Leroyaumede la Pologne russe.
Total 21,696,416 49 442;~S4
Une triste decadence, sous le rapport des lettres, se fait
surtout remarquer dans les provinces entierement enclavees
dans 1'empire moscovite. En 1820, le nouveau systeme du gou-
vernement fut adopte par l'empereur Alexandre, et l'autorite
supreme stir ces pays fut remise entre les mains du grand-due
Constantin : e'est de cette epoque que datent toutes les nou-
velles calamites des Polonais. Jusqu'alors "Wilna etait le cen-
tre des lumieres pour loute la Pologne demembree , et sur-
passait Varsovie sous le rapport litteraire ; car, n'etant point
comme elle distraite par les guerres dc Napoleon, elle pou-
vait ofl'rir un asile a tons ceux qui se vouaient aux sciences.
En J82J, il y avait dans cette ville jusqu'a dix journaux qui
se dislingtiaient par une redaction en ineme tems savanle et
eonsciencieuse : aujourd'hui on n'en compte plus que deux
qui sont assujettis a une sorte de censure militaire. — La
meme decadence distingue la Pologne prussienne, ou le nom-
bre des habitans qui pailent polonais diminue tous les jours,
landis que 1'usage de la langue allemande s'etend de plus en
plus. L'Autriche est, sous ce rapport, moins funeste aux Po-
lonais que la Prusse.
D'un autre cote, les progres sont etonnans dans les autres
parties de la Pologne; ainsi, sur la population actuelle des
provinces qui portaient jusqu'a l'annee 18 15 le nom de du-
rhe de Varsovie (la republique de Cracovic, le royaume russe
POLOGNE. 78 5
de Pologne, le tluclie de Posen et Thorn), nous signalerons
une grande difference. Cette population s'elevc a 5,5oo,ooo,
etonn'ycomptaiten 181 5 que cinq journaux, tandisqu'aujour-
d'hui le seul royaume en compte 3y, c'est~a-dire plus de sept
fois autant, et la totalite du pays l\ 3. II Taut ajouter en outre
que l'esprit des journaux actuels ne peut pas uieuie etre com-
pare a celuides ecrits publies en 1 8 1 5 ; its se sont ameliores
sous le rapport du style, oomme sous le rapport des idees ; les
journaux polonais professent les principes les plus liberaux,
et il n'en est pas un seul dont la redaction soit dirigee d'apres
les ordres du despotisme militaire 011 jesuitique, quoique
plus d'une t'ois on ait fait a Varsovie des efforts tendant a les
soumettre a cette double influence.
Nous allons maintenant indiquer biievement les 49 jour-
naux dont nous avons trace plus haut la repartition.
I. Ueptjblique de Cracovie.
i°. Rocznik Towarzystwa Naukowego, etc. — Annuaire de la
Societe litteraire, reunie a l'Universite jagellonne; il parait
chaque semestre en un volume in-8°.
a°. Rozmaitosci Naukowe. — Varietes litteraires et histori-
ques; un fort cahier in-4" parait a des epoques indetermi-
nees ; le nombre de ces cahiers s'eleve a six ou sept par an.
M. Zaluski, curateur de l'Universite jagellonne, est fonda-
teur de cet important recueil, et M. Georges Samuel Bandtkie,
professeur a la meme Universite et directeur de sa biblio-
theque, lui fournissent d'excellens articles.
3°. Gazeta Krakowska. — La Gazette de Cracovie, journal
quotidien politique.
4°. Goniec Krakowski. — Le Courrier de Cracovie, jour-
nal litteraire qui parait depuis quelques mois.
5". Dziennik ogrodniczy. — Journal d'horticulture, public-
par M. W odzicki, president de la Republique.
II. Royaume de Pologne rcsse.
Journaux publies d Varsovie.
1°. Rocznik krotewskiego towarzystwa przyiaciol nauk
warszawskiego. — Annuaire de la Societe royale des Amis
des sciences de .Varsovie; il parait un vol. in-8" par se-
mestre.
•2°. Pamientnik Naukowy, etc. — Memorial scientitique de
la Societe pour les livres elementaires ; il parait un vol. in-8°
par trimestre.
T. XLVI. Jl'IN i83o. 5o
-86 EUROPE.
5*. Syltvan. dzieniuk tesiiy, — Sylvain, journal des forets ct
deschasses; il parait un cahier par trirnestre. Le conseiller-
d'Jilat M. Louis Plater dirige la redaction dc ce recueil.
4°. Ceres, dziennik roluirzy. — Ceres, journal agronomi-
que, pat ait a des epoques indeterminees , ct forme en tout
trois mi quatre raiders par an. M. Flatt, direclcur de l'lusti-
tut agronomique a Marie-Mont, pies de Yarsovie, en est le
reda( teur principal.
5°. Sartdtfinwrzanin. — Le Sandomiricn , journal consacre
specialement a 1'histnirc de la Pologne, rcdige par M. Uiaz-
dowsri, p;i rait chaquc mois. C'est un des recueils les plus es-
timables que possede ce pays.
6°. Temi</a polska. — '1 hemis polonaise , journal de juris-
prudence, mensuel, public avec un talent ct des soins tres-
remarquabies par M. Htjbe, professeur a IMJniversile.
r°. Izys polska. — Isis polonaise j journal mensuel d'agri-
cnlture, des arts et metiers, Ires important et tres-utile. dont
M. Auloine Lelowski, maitie des requelesau Conseil-d'Etat et
commissaiie general des fabriques du royaume est le redac-
teur.
8°. Slawianin. — Le Slave, recueil mensuel consacre aux scien-
ces appliquees aux arts, dirige par M. Kitaiewski, professeur
de chimie a l'Universile.
q°. Pamientnik fizyrznyc/i, matematycinych i statystycznych
umieieninosci , z zastosowtiniem do przcmyslu. — Memorial
des sciences physiques, mathematiques et statisliques dans
leur application a I'indusliie; recueil mensuel public par
MM. Pawlowicz et Jamcri, ptofesseuflS a l'Universite. Le
choix des matieres, la redaction savante et consciencieu.se de
ce recueil, lui ont acquis une brillante reputation.
io°. Pamientnik lekarski. — Memorial medical, recueil men-
suel publie par les soins d'un des premiers medecins de Var-
sovie, M- Charles Malcz.
11°. Pamientnik H^arszavcski. — Memorial de Varsovie,
recueil mensuel consacre a la lillerature, a i'histoire, a l'eco-
nomie publique et a la philosophic M. Lach Szybma. profes-
seur de philo>ophie a l'Universite, redige ce journal, qui tient
la premiere place parmi tons ceux du meme genre : son au-
torile dans les questions litteraires est generalement recon-
nue, et sousle rapport du style comme pour le choix des su-
jets la redaction laisse fort pen a desirer.
12°. Dziennik Praw. — Bulletin des Lois, parait deux ou
trois fois par mois. Journal olliciel.
i3°. Kolumb, Dziennik Podrozy. — Colomb, journal de voya-
ges; recueil mensuel public par M. Michel Dembins&i. C'est
POLOGNE. 7«7
un excellent choix des meilleurs articles consacresaux voya-
ges et aux decouvertes qui se publient en France, en Angle-
terrc et en Allemngne Le redacleur ajoute en outre Ires-sou-
vent des articles lelalifs a la Pologne.
i4°- Dikiimeron pdlski. — Le Decameron polonais, journal
Utleraire publie par decades par 31. Jean Casimir Obdtmec.
i5". Piatt. — Piast, journal de ('agriculture et de I'cco-
nomie domeslique, publie une fois par seniaiue par
M. Radwanski. C'est un journal tres-populaire et tres-re-
paudu dans loutes les classes de la societe; il est meme lu dans
les villages souvent avec plus de cniio>ite que les journaux
politique*. Nous ne pouvons que felicitef sou edheur d'avoir
choisi un plan aussi sage et aussi utile a son pays. Pour faire
apprecier 1'imporiance et ie succes de jce recueil, il suflfit de
dire que le nombre desabonnesexcedant cehii desexemplaires
composant la premiere edition, on a etc oblige de reimpri-
mer lous les numeros.
16". Dziinnik urzendowy iV oiewodzlwa Maznwieckiego. «^-
Journal ofluieldu palatinat de Masovie. Hebdomadaire.
i;°. Pamienlnik dla plci pienkney. — Memorial pour le
beau sexe; journal de litterature, redige avec bcaucoup de
talent par 31. Gaszyn-ki. Ce recueil a Pa vantage de donner
frequemment la primeur des poesies qui sont dues aux meil-
leurs etrivains du pays.
180. Motyt. — Le I'apillon , journal de litterature et de mo-
des, publie par 31. le prince Lclfcki. Hebdomadaire.
ig°. Ziemomysl. — Journal hebdomadaire litter a ire,, histo-
rique et biographique, consace a I'usage des enfuns, el
redige par 31. Chrcc&i. Ce genre de litterature compte plu-
sieurs ouvrages excellens en Pologne ; et lc journal dont il s'a-
git ici reunit tons les merites qui lui sont propres.
20". Rczmaitosci. — Varietes litteraires, hebdomadaires, pu-
bliees connne supplement de la Gazette du Correspondant de
Varsovie.
21°. Gazeta potska. — La Gazette de Pologne, journal quo-
tidien , politique, litteraire el commercial. C'est le meilleur
des journaux polonais de ce genre; les articles litteraires, les
nouvelles diverses, s'y trouvent en abundance; et sa polemi-
quc excite vivement la cuiiosite du public.
2»°. Dzicnnik poaixzerhny. — Journal universel, non moms
important que le precedent; mais, comme il ne paraitquede-
puis quelques muis, il est moins repandu. Son plan e~t a pen
pres le meme que celui de la Gazette de Pologne, mais son
format immense a sur lui Pavantage de contenlr des articles
788 El 'HOPE.
plus longs el mieuxdeyeloppes. Le redacteur est M. Thomas
Chlendawsri , maitre tics rcquetes et conservalcur de la Bi-
bliotheque nationale.
23°. Gazela warszawska. — La Gazelle deVarsovie, la plus an-
cienne ties feuilles quotidiennes, est restee etrangere a la criti-
que litteraire. (Dependant sa redaction a etc dans tous les terns
tres-soignee, surtout sous lc rapport dulangagc que les a litres
journaux hlesscnt souvent impunement. Ce journal est sous
la direction de M. Thomas Lebrun, secretaire au Conseil-d'E-
tat.
24°. Gazeta Korrespondcnla warszawskiego. — La Gazelle
du Correspondant tie Varsovie. Journal qui a change tres-
souvent tie redacteurs, mesure quelquefois utile, souvent fu-
neste a ses succes; maintenant on y trouve parfois des arti-
cles Iitteraires d'un haut interet. Redacteur proprietaire,
M. "Wyzvnsri.
25°. Kuryer warszawski. — Le Courrier de Varsovie. Ce
journal parut d'abord en 1821, sous le format le plus petit
possible, et devint avec le tems si populaire que le nombre
de ses abonncs surpassait toutce qu'on avaitvu jusqu'alors en
Pologne. Mais avec le tems il fut force d'agrandir quelque
peu son format, demaniere qu'aujourd'hui,quoique imprime
sur une pelite feuille de papier, il contientautantde matieres
que lesautrcs journaux quotidiens. Lalitterature n'entre point
dans son plan , et les annonces la remplacent. Le redacteur
est M. Louis Dmuszewski, celebre acteur dramaliquc et I'un
des philantropes les plus zeles de son pays.
26*. Kuryer polski. — Le Courrier de la Pologne, journal
publie, depuis quelques mois , dans le format et d'apres le
plan du precedent; on y a ajoute cependanldescolonnes con-
sacrees a la titterature. II compte trois redacteurs, et tous trois
ont acquis quelque eclebrite par les persecutions dont ils ont
etc l'objet. M. Xavier Bromrowski, avocat, redacteur en chef,
fut enferme, pendant deux ans, dans la prison d'Etat, pour
avoir ete, commeetudiant, president d'une Societe patriotique
composee de sescondisciples. Le second, M. AdolpliC\caocK\,
autre l'i lis mrlitaire dans 1'armee francaise, fut enferme, a trois
on quatre reprises, dans la meme prison, pendant plus de
quatre ans en tout, parce qu'il etait suspect d'avoir envoye au
Conslitutionnel un article ou se trouve le recit des intrigues de
la dicte en 1820. Enfin , le troisieme redacteur, M. Maurice
Mochkacri, hommc tie lettres tres-distingue, fut detenu, pen-
dant plus de deux ans, pour avoir fait par tie d'une Societe
secrete dans le tems ou il etait encore ecolier dans un college.
POLOGNE. 789
Le Courrier de Pologne, paraissant sous les auspices de noms
aussi dignes d'interet, devait naturellement attirer sur lui I'at-
tention publique, dont il s'est montre digne jusqu'.i present.
On ne pent guere lui reprocher qu'un tres-grand penchant vers
lesidees allemandes, penchant qui, du reste, parait avoir dimi-
rtue depuis quelqtie terns.
27°. JViadomosci Handlowe. — Les Nouvelles du Commerce,
journal quotidien. Redacleur M. Franpois Grzymala.
28°. Dziennik dla malych dzieci. — Journal pour les petits
enfans, in-16, quotidien. IM. Stanislas Jachowicz, poete dis-
tingue, auteur d'un recueil de fables tres-naives et tres-tou-
chantes, composees uniquement pour servir de lecture aux
enfans, redige ce journal, dont la popularity est devenue si
grande qu'on peut le trouver dans presque tous les menages
de Varsovie.
Journaux des Palatinats du royaume.
Dans chacun des chefs-lieux des palatinats, ou departemens,
on publie un journal officiel dans le genre et sous le titre de ce-
lui que nous avons mentionne plus haut sous le n° 16. Ainsi
ilya :
Le journal du Palatinat de Ptock, qui se publie a Plock.
de Podlaquie, a Sielce.
■ de Lublin, a Lublin.
■ ■ — de Sandomir, a Hadom.
— de Cracovie, ■ — a Kielce.
de Kalisz, a Kalisz.
d' Augustoxv, a Lomza.
— ■ ■ de Masovie, ■ — a Varsovie.
Outre les sept journaux qui se publient dans les palatinats,
on en compte encore deux, dont l'un parait a Kalisz sous le
titre de Journal hebdomadaire de Kalisz (?) ; l'autre a Pulawy,
village du palatinat de Lublin, sous le titre de Skarbiec dla Dz'uci
( Magasin des Enfans). Ce dernier journal n'a qu'un ou deux
mois d'existence , mais le prospectus nous annonce qu'il sera
publie sur le modele de9 meilleurs recueils de ce genre exis-
tans ,n Angleterre.
III. LE GRAND-DBCHE RUSSE DE LlTHUANIE.
1° Dziennik Wtlenski. — Journal dc Wilna : recueil men-
:,jo EURO PP.
suel parnissant en gros vol'iiws in-8°. II est divise en diverses
sections, et remplace ainsi plusieurs journanx. La litteruturc,
Lbistoire, les sciences, ragri<ulture, les arts et metiers, en tor-
ment les objets prinripuux. Le redacteur en chef est SI. An-
ionic Marcinowski. Les articles, avant d'etre imprimis, doivent
die envoyes par la poste de Saint-Pctersbourg an bureau de
la censure.
2°. Km-yer Litewski — Lc Courtier de Litlmanie, journal
quotidien et politique , redige dans le ineine bureau que le
precedent, el lie renlermant que les exlrails des jouinaux de
Varsovie et de ceux de Saiut-Pclersbourg.
IV. La Polcgne prussienne.
Gazeta Poznanska. — La Gazette de Posen, I'unique journat
exislant dans toulc la Pologne prussienne.
V. La Pologne actrichienne.
i°. Czasopi.im Fiblioteki narodowcy Ossolinskich. — licrit
periodique de la Bibliotheque nationalc d'Ossolinski a Leopol,
journal bistorique el bibliographique tres important. Le prince
Henri Lubomirski dirige la redaction de ce recueil, et e'est
a ses soins qu'on doit attribuer l'importance qu'il a acquise
depuis quelque tems dans toute la Pologne.
2°. Haliczanin. — Le (Jallicien, journal litteraire et philoso-
phique, paraissant, ainsi que le precedent, adesepoquesinde-
terminees, a cause des dimcultcs d'obtenir le privilege de
l'empereur, sans lequel on ne pent publier aucun journal. Son
redacteur, M. Valentin Chlendowsu, est un horn me de beau-
coup de merite, mais le mysticisme'qui disiingue plusieurs de
ses articles a sou vent aniene uue polemique assez vive entre
ce recueil et la presse de Varsovie.
5°. Gazeta Laowska — - La Gazette de Leopol, journal poli-
tique quotidien.
4°. Hozmaitosci Lwowskie. — Les Varietes de Leopol, journal
hebdnuuulaire et litteraire, t res-Lien redige. II paraitcomme
♦upplement du journal precedent.
M. P.
ALLEMAGNE. rgi
ALLKMAGNE.
DOC U MENS RELATIFS A LA STATISTIQUE MORALE DE LA
MONARCHIE PRUSSlEiNNE.
(Voy. ci-dcsstis, p. 4g\.)
INSTRUCTION ^LEMENTAIRE ET SUPERIEURE.
a. Tableau stalisliquc des ecoles et des ecoliers en 1816, compares a leur
population respective dans la meme aimec.
Pbovincks.
Brandebourg .
Pomeianie . .
Prusse
Posen
Silesie
Saxe
Westplialie. . .
Provinces du Rhiu.
Populalion
en 1816.
1,274,456
68 1,65 1
i,454,5oo
827,388
1,946,01 3
«,»99=°95
1,074,855
1,879,585
&T3
2,S4<
2,1()6
2,977
65 1
0,282
2,61 1
1,653
Ecolie
Garcons.
74,227
07.9J6
72,558
i6,oSo
129,646
1)3,285
76,755
70,706 (*;
6S,557
52,25.!
61, 566
Ji',991
125,(95
S6,665
75,o5y
72,435
Total.
«42v84
70,198
i53,g24
27,071
254,84 i
.78,946
i49,8i»
143,141 {*:
Vn
ecolier
sur
10,000 fa.
1,130
1,000
921
037
i,3io
».49»
i,3g4
767
Total... 10, 5.17,502 18,986 570,001 500,718 1,100,719 i,o65
h. Tableau des ecoles elemcnlaires et de second degri, existantes en 1825.
Ecoles elementaires pour les deux sexes 20,887
Ecoles moyennes (d'un 01 die plus eleve).
Pour les garcons 45S
Pour les Giles 278
736
Total des ecoles consacrees a 1'instiuction publique. . 21,633
Maitres permanens dans ces ecoles 22,261
Mattresses , idem 704
22,965
Aides de maitres et de mattresses d'ecole 2,024 (**)
(*) Sans le gouvernement de Coin (Cologne), sur leqnel les donnee*
manquent.
(**) Ce nombre n'esl pas bien anthentique.
?9a EUROPE.
Dans ces ecoles furent instruits :
Ecoles elcmentaires.
Carbons 822,077
Filles 755,922
IJcoles moyennes.
Garcons 49> 1 69
Filles 37,o5o
Total des garcons 871,246
Total des filles 79»>97a
Total general pour la fin de i8j5 1,664,218
c. Tableau des etudians dans les universites de la monarchic prussienne.
A satins et Saisons
1820, hiver (1820-1821).
1825, hiver (1825-1826).
1826, hiver (1826-1827).
1827, hiver (1S27-1828).
Classification des eludians, d'apres I'eiat auquet
its se destinaient.
« .
A l'instruction
Am emplois
13 &
a
publiqne
civils et
.§•§
comme
adniinistratifs
-V
Theologiens
comme
H '"
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3,382
892
264
45o
97^
i35
667
5,452
1,674
763
577
1,607
"7
714
5,656
»,796
878
638
1,583
68
693
5,954
1,951
888
7'4
1,559
1 1 1
701
6. LlBIUIRIE.
Tableau des libraries existantes en 1826 dans les differentes villes de la
monarchic prussienne.
.When [Aix4a<ChapeUe}. 4
Arnsberg 1
Aschersleben 1
Berlin 56
Bielefeld 1
Brandenboing
Bartenstein 1 | Bonn 6
Breslau 11
Bromberg 1
Cleves »
Coblenlz 3
Cologne 8
Coeslia .' i
Cottbus a
Crefeld i
Grossen i
Custrin i
Dantzig a
Dortmund l
Diisseldorf 5
Elberfeld 4
Erfurt 5
Francfort 3
Glogau 5
Goerlitz J
Greifswald 2
Halberstadt 4
Halle 4
ALLEMAGNE
Hamm l
Hirschberg 3
Kcenigsberg 3
Liegnitz 2
Lissa i
Liibben l
Magdebourg 3
Mersebourg 2
Minden i
Muhlbaiisen 2
Munster 4
Naumbourg l
Neisse 2
Nordhausen 1
Paderboin 1
Posen 3
Potsdam 2
"9->
Prenzlow
Quedlinbourg ,
Ralbenau ....
Ratibor
Schwelm
Sorau
Stargard
Stettin
Stralsund
Thorn
Torgau
Treves
Weissenfels.. .
Wesel
Wittenberg.. .
Zeitz
Zullichau ....
7. Papeterie.
Tableau des motilins a papier et cuves easistans en 1829 dans la monarchic
prussienne.
PaeviNCBs. Moulins.
Prusse 39
Posen a4
Silesie 56
Pomeranie 4
Brandebourg 5i
Saxe So
Westphalie 5a
.Tuliers-Cleves-Berg 26
Bas-Rhin 3y
Total. . . . 329
8. Imprimerie.
Cuvbs.
63
26
63
16
52
59
78
42
35
472
Tableau offrant ('augmentation des imprimeries dans la monarchic
prussienne.
NOMBRE
NoiIBBK
NNEKS.
des imprimeries.
des presses
.8l9.
240
5i6
1822.
255
58o
l825.
180
693
7J)4 EUROPE.
9- PBESSE PEIUODIQCE.
Tableau des icrits piriodiqucs cxistan.i, d la fin de 1827, dans la monarch it
prussicnnc.
Gazettes lilti'ra'ues, dont la plus cstimee est ccllc de Halle.. .. a
Join naux politique? 3a
Revues savantes Xq
Fcuilletbns ronsucres aux belles-lettres i&
Feuilles l>< bdomadaiies (dont line en franeais et line antic en
polonais) 12g
Journiux adminislralil's 2g
Feuilles d'avis et d'annonces 26
Feuilles d'avis cl d'annonces quolidiennes sur des matieies di-
verses 6
Feuilles d'avis et d'annonces relatives au commerce et a la na-
vigation et meicuiiales i5
Total 3oo
( La suite au Calder prockuin. )
GRECE.
Situation precaire et pinible. — Dans notre cahier du mois
de mars dernier (Voy. t. xlv, pag. j/j/-/^), notis avons
insere une lettre qui avail pour objet de repousserles atta-
ques inconvenantes et calomnieuses du Courrier anglais con-
tre M. le comte Capo-d'Istria : personne a cette epoque ne
pouvait douter que le prince Leopold ne fiit le souverain de
fa Grece; ce prince avait ambitionne cetle nouvellecouronne;
il avait obtenu I'appui d'un emprunt de 60 millions. Tout sem-
blait iudiquer qu'un refus n'etait plus possible; cependant le
retard que mettait le nouveau souverain a se rendre en
Grece faisait naitre des soupconset desdoutes. On etait fomle
a presumer que quelque nouvel evenemeut politique pour-
rait changer sa resolution, 011 qu'il se repentait d'avoir ac-
cepte la lacbe difficile et perilleuse d'organiser et de dinger
la nation grecque.
La maladiedu roi d'Angleterre rapprocbait du pouvoir le
prince Leopold, et lui faisait desirer de se liberer des enga-
gemens <|ii'il avait pris.
Enfin, 1' Europe vient de sortir de son incertilmle, et le prince a
decidement renonceautrone de la Grece! Les journaux anglais
ont etc reuiplis de divers documens presences au Parlement
d'Angleterre. Le prince fonde son refus sur les nouvelles
qu'il a recues de Grece ; il dit que les Grecs, mecontens des
limites assignees au nouvel Etat, n'accepteront que forcement
GRECE 795
les limiles qui leur .sont iiiiposces; il cite, a I'appui de sa re-
noncialion, la lettre du Senat et telle de M. Capo d'Isiria.
II e>t vrai que les Grccs sc plaignaient , ft sont fondes a se
plaiudie, des limiles dans lesqnelles on vent les ivnt'e.imer;
ils represcntent qu'il sera Ires-difficile d'abandnnncr I'Acama-
nie , palrie des Rounielioles qui onl del'endu Missolon-
ghi, etc., etc.; qne les Candioles ct les Samiens nesc soumcl-
tront que par foice.et avec la repugnance la plus prononcee,
a relomber sons le joug des Tures; niais le Senat et le presi-
dent Capo d'L-tria se hnrnaient a presenter (\e^ observations
a lenr nouveau souverain ; ils ne connaissaient point alors l'ad-
hesion de la Poite an traite, ce qui semlde aujourd'bui le
rendre definilif. au moins pour le moment.
Quoi qu'il en soit, le prince a saisi ce pretexte, et il a re-
fuse. Les papiers anglais onl pris parti pourou contre le prince
Leopold; ils ont accuse M. Capo d'Istria d'avoir voulu i e-
pousser le prince; Al. Kynarda prouve, par une leltie publiee
dans le Monitcttr, qne le president desirait au contraire l'ar-
rivee du nouveau souverain, dont la presence el 1'inlerven-
tion lui paraissaienl propres a calmer les csprits et a retablir
l'ordre.
Voila la Grece rejetee dans un etat provisoire ; rien ne pou-
vait lui elre plus fatal. La renonciation du prince la prive des
secours pecuniaires dont elle avait \u\ urgent besoin , ou du
moins les fait ajourner. Toutes les lettres annoncaient que si,
dans ce moment de crise, le president ne recevait pas des
fonds pour payer la solde arrieree des troupes de 1'Acarna-
nie, il ne pouvait repondre de la tranquillite du pays : les se-
cours promis par les puissances ne pouvaient etre fournis
qu'au moyen d'un emprunl ; cet emprunt avait ele accorde
au prince Leopold. On assure que Al. Kynarda fait les plus
vives instances aupres des trois cours alliee*, pour obtenir
un versement quelconque a compte de cet emprunt projete;
n'ayanl pu 1'oblenir jusqu'a present, il a du secourir seul en-
core cette malheureuse nation, et nous avonsvu, par un ar-
ticle de Toulon, qu'il vient d'envoyer en Grece, sur un bail-
ment de l'Etat, 35o,ooo fr. de sa propre fortune Plus tard,
on ne pent en douler, les puissances devront remplacer les
efforts de ce simple particulier et conlinuer leur ouvrage, en
aidant la Grece a consolider sa nouvelle existence.
Parmi les candidal* qu'on nomme pour remplacer le prince
Leopold, les. plus connus, et ceux qui paraissent avoir quel-
ques chances, sont le prince Frederic des Pays-Bas. ou un
printt d* Prittte. On assure que les trois cours alliee* sont con-
?efi EUROPE.
venues de ne noinmer qu'un prince protestant ; le choix du
nouveau souverain se traite a Londres dans des conferences
diplomatiques : il doit y avoir unanimite de suffrages.
Plusicurs autres candidats se prescnlent; parnii eux sc
troirvent le prince Paul de JVdrtemberg, un prince de Darms-
tadt et un autre prince d' A llcmagne ; mais tout seinble indi-
quer que le choix sera fait dans une famille qui puisse, par
sa position de puissance du second ordre, donner un appui an
nouveau souverain. Les trois grandcscours semblent fatiguecs
de la tulelle qu'elles out cntreprise : elles venlent s'en dega-
ger en remettant la couronne a un prince qui puisse etre sou-
tenu financierement et militairenient par la puissance a la-
quelle il appartiendra ; car il est assez probable que la Grece
aura besoin de conserver pendant quelque terns une force
etrangere ; et la Francevoudra retirer ses troupes. Si les candi-
dats catlioliques n'avaient pas ete ecartes, un prince de Ba-
viere aurait dQ etre au premier rang. Tout semble annoncer
que la Grece s'aggrandira encore ; la reunion de l'Acarnauie
et de File de Candie sont indispensables au nouvel Etat ; Fa-
venir les lui donnera, il ne faut que de la patience et laisser
faire les evenemens.
Egixe. — Fondalion (Can Musee. [Extrait de la Gazette uni-
verselle de la Grece.) — Les amis de la Grece et les amis des
antiquites et des beaux-arts apprendront sans doule avec in-
teret la fondation d'un etablissement aussi utile qu'hono-
rable. En creusant les fondemens de la maison de refuge eta-
blie a Egine pour les orphelins, on a trouve quelques vases
anciens, dont la matiere et la forme ont fixe 1'attention des
antiquaires.
On en a trouve d'autres semblables, en travaillant aux rues
de la ville d'Egine ; et dans Femplacement du nouveau laza-
ret on a deterre un relief representant un cheval avec son
conducteur.
Telle est l'origine du Musee qui vient d'etre etabli a la
maison de refuge pour les orphelins, et qui compte mainte-
nant deux statues, deux tetes , neuf inscriptions et soixante-
sept reliefs, un decret, un grand vase de pierre avec des re-
liefs, et deux pendans d'oreilles en or.
Ces objets d'antiquites ont ete en partie recueillis par le
gouvernement, moyennant une legere retribution ; et la plu-
part sont dus a la generosite d'un certain nombre de citoycns,
dont le journal grec cite lt;s noms.
Ces honorable? patriotes, dont l'exemple aura sans doule
beaucoup d'imitateurs, doivent etre consideres comme les
GRECE. — FRAN0E. — DEPARTEMENS. 797
tbndateurs de cct elablissement, qui atteste le zele ardent des
Hellenes pour les fondations d'ulilite publique.
Ce Musee est visile tons les jours par des voyageurs et par
les membres des commissions francaises. Ceux d'entre eux
qui sont peintres copient avec soin tout ce qu'ils trouvent de
plus remarquable.
Des feuilles posterieures de la me me Gazette annoncent
que beaucoup d'autres personnes out fait don an Musee na-
tional de plusieurs objets d'antiquite, en sorte qu'on peut es-
pererquc, dans quelque terns, il sera considerablement aug-
menle. Je sais avec certitude qu'un Grec d'Athcnes ,
M. Pittak.1, occupe depuis long-tems a faire des recherches
d'antiquite dans son pays, est parvenu a former une belle
collection de differentes pieces, dont le nombre est deja de
1,600, et sur lesquelles on remarque plusieurs inscriptions,
sermens, decrets, etc. Cette belle collection particuliere pa-
rait devoir etre destinee par celui qui l'a fondee a enricbir le
Musee de sa patrie.
FRANCE.
DEPARTEMENS.
Marseille (Bouches- da-Rhone). ■ — Prix propose. — La
Societe de Statistique de Marseille avait propose uu prix
de la valeur de cinq cents francs pour etre decerne dans sa
seance publique du moisd'aout 1829. Aucun Memoire ne lui
a ete presente ; elle a cru en reconnaitre la cause dans la mul-
tiplicite des recherches que necessitaient de la part d'un seul
anteur les sujets mis en question. Elle s'est done decidee, en
couservant la valeur du prix, a supprimer la premiere par-
tie du programme et a le reduire aux questions suivantes :
i° La Statistique actuelle du Commerce et des diver ses branches
de l" Industrie de Marseille, e'est-a-dire, 1'etat de ses exporta-
tions et importations, la nature de ses relations avec l'Etran-
ger el avec Tinterieur, la situation de sa marine marchande
cpmparee a celle des autres porls de France, le nombre de
ses fabriques, le nombre des ouvriers qu'elles emploient, la
quantile des matieres premieres qu'elles consomment, et les
qualites qu'elles preferent, les debouches qui leur sunt ou-
verts, etc. ; — 2° Indiquer les moyens de perfeclionner et dc
developper le commerce et Piudustrie de Marseille. Parmi ces
moyens, l'auli'ur devra s'arrcter plus particulierement a ceux
dont Marseille pourrait etre l'objet special.
:9s France.
Les Metnoires devront ctre adresses, franc de port, avanl
le i" mars i83i, a M. An gust in 1'abbe, avocal, secretaire
perpetuel.
PARIS.
Institht. — Academic des Sciences. — Mois de join i8!>o. —
Seance du 7. — M. le eomte de Loevenhiklm, ministre de
Suede, a Paris adresse les travauxde la Commission sucdnise
chargee de c'onstater les mouvemens de la population de re
royaume, et drmandc a l'Acadeniie de vonloir bien donner a
cetle Commission les renscignemens qui seraimt propres a
perlcetior.ner srs recherches. — M. de Humboldt ad f esse mi
Memoire sur riurlinaison de l'aiguillc aimantce dans le nord
de lAsie, avec des observations corrcspondantes de variations'
horaires laitcs en difierenlcs parlies de la terre. — L'Acadeniie
precede a ['election d'un secretaire perpetuel en remplate-
ment de M. Fm RiER~Sur 44 votans, M. AragfrobCieTil 7hj suf-
frages; MM. Poinsat, Beudanl E, Puissant, Molard et Biot
cliarun un. En consequence M. Arago est proclame, sauf
{'approbation du roi, secretaire perpetuel pour les sciences
matliemaliques. — M. Poiwsot continue la lecture de son
Memoire sur t'eqnateur du systcme solaire, dans lequel il con-
treilit qui Iques-uns des principes et des formules donnes par
l'illustre autcir de la Mecanique celeste. Une discussion s'en-
gage a ce sujet enlre M. Pvisson et lui. — M. Caiichy lit un
Memoire sur la throne de la lumiere.
Du ifyjuin. — M. Poiksot lit et depose sur le bureau la
note suivante : « J'ai l'lionneur de presenter a l'Acadeniie la
ciiiqi(ihneeditionde?nonTrtiiiedeSlatique.CeUein\\Uon p resent e
plusieurs additions assei considerables; mais la plus impor-
tante consiste clans le Memoire sur l'cquateur celeste , dont
j'ai (ermine la lecture a la dernicre seance. Ces considerations
nouvelles, qui regardent, sans rontredit, ce qu'il y a de plus
general et de plus constant dans le sysleme du monde, ne pen-
vent manqucr d'exciter 1 'intcrel; et j'ai lache de les presenter
d'une mauiere si simple qu'avant pen, j'ose le dire, elles pa-
rnitront elementaiics. J'avais domic la premiere idee de cetle
theorieaumoisde mars 1828; mais, en la mettant i.i a la por-
tee des lecteuis , j'offre le meilleur nioyen de la reconnaitre
et de la verifier. Si Ton y trouve quelques difficultes ou quel-
ques objections a faire, je m'empresserai de les examiner et
d'y repondre pourvu qu'on les ecrive, afin qu'etant une fois
resolues il ne soil plus necessaire d'y revenir. 11 ne s'agit point
PARIS. rG9
ici de M. dc Laplace, a qui Ton rend toute justice; ni de ce
qn'il a pu penser an dedans de lui-meme, mais de ce qu'il a
mis dans ses ouvrages; la discussion ue.peul etre ni longue ni
difficile, parce que notre theorie est de la plus grande simp'i-
cite, et que noire nouveau plan dilfcre beaucoup du plan de-
termine par M. de Laplace; car ce o'est point une difference
d'un dix-millieme de seconde (comine un I'a fait dire, sans
doute par erreur, a I'un de nos savans confreres, mais d'envi-
ron 12 minutes sur l'iuclinaison , et de a ou 5 de^res sur la
longitude du noeud ; ce qui est ici une quantite Ires-conside-
rable.) » — M. Cai chy annonce avoir trouve les ibrinules re-
latives a la dispersion de la lumiere, et presenle un Mcmoire
sur ce sup t. — M. Heron de Ville fosse fait un rapport ver-
bal avantageux sur les ouvrages alleinands de M. Guilt.
Muller, relatifs aux inondations qui onl eu lieu sur les cotes
de la iner du Nord, le 5 ct le Zj fevrier i8a5. — Au nom d'une
commission speciale, M. Coqcebert-Montbret fait un rapport
sur les ouvrages presentes au concours de stulistique. Le prix
est decerne a M. Prvis, ancien oflicier d'artillerie et eleve de
l'Ecole Polylechnique, pour sa notice statist ique du departe-
ment de l'A in en 1828. Le rapport menlionne honora!)lcment :
i° les travaux de M. le Dr Villerme sur la staiislique humainc ;
2° la statist ique du canton de Nivillers Oise), par M. (Graves,
chef de division a la prefecture de Beauvais: la statislique
du departement des Pyrenees -Oricntales par M. Izmi. —
MM. de Prony ct Navier font un rapport sur le projet de
M. Delaporte, relatif a une nouvelle construction de.- ponts
en fer. En voici les conclusions : 1" le pout propose e>t concu
sur le piincipe connu des systemes de cbarpenle dans lesquels
on combine ensemble des pieces resistant a la compression et
d'a litres resistant a la tension; 20 les parties du pont n'clant
point clans un etat d'equilibre stable, ce genre de construc-
tion ne convient pas mieux a de tres-grandes ouvertures que
celui des ponts en fer forma fit voutequi out ete executes jus-
qu'a present; 5° en cherchant a supprimer toute aclion de
repulsion, de traction sur les culees, on est oblige d'employer
pour les arches un mode de construction beaucoup pluscofi-
teux (pie celui des ponts dont on vient de parler ou des ponts
suspendus; et l'exccs de depense qui en resulte ne peut etre
compense, a beaucoup pres, dans la plupart ties cas qui pour-
ront se presenter, par Peconomie qu'on ferait sur la construc-
tion des culees. Nous pensons en consequence que le systeme
de construction propose pour Its ponts en fer par M. Dela-
porte ne doit pas etre prefere sous le rapport de In solidite et
»oo FRANCE.
de l'economie BOX systemes qui sont aujourd'bui en usage.
(Adoptc.) — La section d'astronomie propose d'accorder pom-
cette annee la medaille fondee par M. fie Lalant/e a M. Gam-
bart, directeur de l'Obscrvatoire de Marseille, qui a apercu le
premier la nouvelle comcte, I'a observcc avec le plus grand
soin, et a determine les eletnens de la parabole. Elle pense que
la somme reservee l'au dernier pourrait servir a deux autres
medaillcs dont l'une serait donnee a M. Gambey, a qui l'Ob-
servatoire est redevable d'une magnifique lunette meridienne,
munie d'un grand cercle d'inclinaison et d'un equatorial on
Ton remarque une foule d'artifiees tres-ingenieux. L'autre
serait accordee a M. Perrelet, inventeur d'un compteur a
detente, a l'aide duquel un observateur inexperhnente peut
esperer par exemple, des son debut, de determiner Pinstant du
passage d'une etoile sous lesdifferens tils du reticule de la lu-
nette meridienne avec la precision d'un dixieme de seconde
de terns. Ces diverses propositions sont adoptees par 1' Aca-
demic
Du 21 juin. — M. Picquart, directeur de 1'etablissement de
M. le Dr Deleau pour l'education des sourds-muets qui lui
sont confies parl'Academie, adresse le certificat de l'ecclesias-
tique qui a fait faire la premiere communion a trois d'en-
treeux.Voiii ce certificat: « Je, soussigne, pretre de la paroisse
des Blancs-Manteaux, certifie que les nomnies Henri Chabot,
Alexandre Martin et Honore Trezel ont fait leur premiere
communion et recu le sacrement de confirmation dans cette
eglise, les 10 et 1 i juin i85o. Nous avons etc edifies de leur
piete, et surtout agrcablement surpris de la maniere dont ils
ont repondu orulement aux differentes questions qui leur ont
ete adressees sur le catechisme. » Signe Jacquet , pretre. —
M. Cauchy prcsente un Memoire sur la transformation et la
reduction d'une certaine classe d'integrales. — M. Navier lit
une note sur l'ouvragc intitule : Analyse des Equations deter-
miners, dont M. Fourier avait commence l'impression , etdont
les 3e 4e et 5C feuilles avaient passe en epreuves sous ses yeux.
«L'ouvrage renferme une preface, une introduction conte-
nant les prineipaux points de l'analyse algebrique qui servent
de point de depart a l'autcur; un tableau synoptique conte-
nant une exposition detaillce des matieres qui devraient for-
mer le sujet de l'ouvrage, et ou Ton voit qu'il devrait elre di-
vise en sept livres. La copie de Pexpose et des deux premiers
livres a ete trouvee en ordre, et, selon toule apparence, prete
pour l'impression; e'est la partie qui devait etre publiee en
premier lieu et separement. II y a tout lieu d'esperer que les
PARIS. 801
materiaux des derniers livres existent dans les papiers, el que
ces nouvelles recherchcs ne sont point perdues. — M. Thk-
nard lit des observations sur la lumiere qui jaillit de l'air et de
l'oxigene par la compression. — L'Academie va an scruiin
pour la nomination d'un corrcspondant dans la section de
geometrie. M. Gergonne, qui obtient 53 voix sur 5^, estpro-
clame correspondant. — MM. Geoffroy- Saint- Hilaire et
Serres font un rapport sur une fille a deux teres, nee recem-
ment en France, aux pieds des Pyrenees. Lcs conclusions sont
adoptees. — M. CArcmlitla afpartjede sonMemoire sur la Lu-
miere. — MM. de Freycinet et Roussin font un rapport sur la
nouvelle rose des vents, de M. Longeville; en voici les con-
clusions : « Si une modification peut etre desiree dans la gra-
duation des instrumens destines comme la boussole a mesurer
des distances angulaires, e'est celle qui ctablirait Ja division
decimale, a cause de la facilitequ'elle introduit dans le calcul.
Mais, si jusqu'ici on a vainement desire de voir generalise!' ce
changement, qui serait une amelioration, il n'est pas probable
qu'onobtienneplusde suceespour faire prcvaloir une methode
qui ne se recommanderait par aucun avanlage. Celle que pro-
pose M. Longeville est tout -a-fait clans cette derniere cate-
goric Elletendrait a compliquer l'enonce des resultatsdonnes
par la boussole; elle detruirait le rapport qui existe entre la
graduation de cet instrument, la division ordinaire du cercle
et celle de presque tous les autres instrumens destines a me-
surer les angles ; enfinelle contrarierait un usage depuis long-
terns adopte pour retarder plutot que pour faire prevaloir la
division decimale, seule amelioration qu'il soit vraiment desi-
rable d'introduire dans la graduation des instrumens dont il s'a-
git ici. Par ces considerations, je suis oblige de conclure que
la proposition de 31. Longeville ne me parait offrir aucune
utilile. » (Adopte.)
— Du 28 juin. - — M. Cauchy presente la suite de ses
recherches sur la dispersion de la lumiere, comprenant les lois
de ce phenomene , et d'autres rechercbes sur la propagation
des ondes planes, dont la determination se trouve liee a l'in-
tegration des equations lineaires, aux differences parlielles
dans lesquelles les diverses derivees de la variable principale
ne sont pas toutes du meme ordre. — M. Lacroix, au nom de
la commission des prix de mathematiques , composee de
MM. Poisson, Poinsot, Legendre et lui, fait le rapport sui-
vant : 1° le grand prix sur la resistance des fluides est remis a
deux ans, en faisant mention honorable de la piece n° 1 : Tau-
(eur de ce Memoire , qui s'est empressc <\o reconnaitre qu'il
r. xi.vi. jvin 1 83o. 5i
Su.i Fit A IV CK.
n'avait pu enecre satisfairc pleinenicnt a la question . a pre-
sents unc suite d'experiences tres-ingenieuses qui jioiuioul
par de nouveanx efforts conduire a des rcsultats inqiorlans ;
9.° le grand pri\ propose pourceliii dcsouvragesqui prcsenlera
rappliration la pins imporlante des theories matliematiques,
oil qui contiendrail une decouvertc analylique Ires-reinar-
quable, est partage entre la famillc dc leu M. Abel, de Cliris-
tiania, et M. Jacjki, dc Keenigsberg. — 31. Henri de Cassini,
au nom d'une commission, fait un rapport sur la seconde edi-
tion nianuscrite du Glossaire de Botanique de M. de Theis.
« La connaissance des etymologies offre surtout de I'interet
dans une science telle que la botanique, dont la nomenclature
immense el dont presque tons les termes sont significatifs ,
laisant allusion tantot a quelque caraetere de la plante, tantot
a ses proprietes vraies on pretendues, tantot enfm a diverses
circonstances historiques on fabuleuses qui s'y rattachent.
M. dc Theis a done eu une heureuse idee lorsqu'il a compose
son Glossaire de Botanique on Dictionnaire etymologique de
tons les noms et termes relatifs a cette science. Ce livre, il
est vrai, est moins un ouvrage de botanique qu'un ouvrage
d'erudition. Cependant il petit ctre utile aux botanistes et sur-
tout aux eicves presque toujours effarouehes par une nomen-
clature accablante pour la memoire et sterile pour la pensee,
lant qu'une idee ne se rattache pas a chaque mot. L'auteur
parait avoir mis beaucouji de soin a ne donner que des etymo-
logies exactes, non hasardees, et puisees aux meilleures sour-
ces. Onconcoitpourtant qu'ilpeutlui etreechappe deserreurs,
et nous-memes en avons note quelques-unes en feuilletant
rapidement les pages dc son livre. Ces critiques ne nous
empechent pas de mconnaitre que le Glossaire de M. de Theis
est un ouvrage intercssaut, utile, estimable : et nous pensons
qu'il merite ['approbation de l'Academie. » (Adppte. ) — Le
meme membre rend un compte verbal favorable des Lettrcs d
Julie sur I'Entomologie, suivies de la description methodique
de la plus grande partie des insectes de France. — M. GiRor
de Bvzareingies fils lit, pour son pere, un Memoire relatif a
Roquefort, a ses caves froides et a ragricullure des environs. ■ —
M. Arago communique deux notes : la premiere est relative a
une serie de triangles dans les goiivernemens de Wilna et de
Grodno, comprenant B" de latitude, de 52 a 6o". II annonce
aussi que la meridienne de Dorpat doit ctre prolongee. La
partie du nord sera exei nice sons lesordres de M. Struve. File
commencera a Tile de Hogland, dans le golfe de Sainl-Peters-
bourg, traversera tonte la Finlande et ira rejoindre le degre de
PAULS.
Laponie pres de Torneo. M. Slruve a deja fait un cxamen de-
taille du terrain, et ne prevoit aucun obstacle. La deu.rhme
note donne les elemens de la nouvelle eomete , calcules par
M. B. Waez, d'apres ses prop res observations.
Passage au Peribelie. Avril 9 jours, 876, terns moyen, comptc
de minuit.
Distance du Peribelie 0,9216
Longitude du Perihelie 212% 1 1\
Longitude du noeud 206°, 22'
Inclinaison 2i°,i6'
Mouvenient direct.
Ces elemens representent tous les observations a line mi-
nute pres pendant un intervalle de 38 jours : la cometo a passe
pres de la terre vers la fin dc mars; la moindre distance a du
etre d'environ ■— de telle du soleil. » A. Michelot.
r — Academie franfaise. — Seance publique du 29 jiiin, pour la
reception de M M. Philippe de Segur et de Pongerville, recem-
mentelus. — Une reunion hrillante assislait a celte solennite litte-
raire. Au moment ou les membres de l'lnstitut ontpris seance,
tous les spectateurs ont cherche parmi eux M. le comtcde Se-
gur ; tous out vivementregrette qu'unemaladie tropprolongte
lesprivat du spectacle interessant et je crois nouvenu d'un pere
accueillanl son fils dans le sanctuaire des lettres; et, lorsque
I'historien de la Campagnc de Russie, attribuant son election a
la baiilc estime dont une longue serie de services public et de
succes littcraires ont environne M. de Segur, a dit que e'e-
tail son pere que l'Academie avait de nouveau nomme en lui,
d'unanimes applaudissemens ont rendu h omnia ge a ce senti-
ment filial, qui est en meme terns untrait remaiquable ilemo-
destie. M. Philippe de Seg.ir, qui remplace a l'Academie 1'ran-
caise Mi de Levis, son oncle, a fail avec beaucor.p de conve-
nance 1'elogo des qualitcs sociales et des spirituelles produc-
tions de son predeeesseur. Le resle de son discours a ele
consacre a la discussion desnouveaux principes litteraires eta
des protestations de respect pour la langue, que Ton aime a
entendre de la bouche d'un ecrivain qui s'est distingue par la
hardiesse du style et par la nouveaute def- expressions. — Mb Ar-
nault, qui presidait la seance, apres avoir, dans sa reponse
an recipiendiaire, releve le merite de ses deux grandes com-
positions historiques ( VHistoirr de la Cnmpagne dc Hussie el
VHistoire dr. P ierre-le-Grand), s'est eleveavec force contre les
innovations basardeuses auxqiiellcs se livre la jeune ecole lit-
bo4 ihainci:.
tenure; cello iucui'sion sur les domaiucs Ju romanlisme a etc
t'requemment encourageo parl'auditoirc. — M. de Pongerville,
qui venait oecuper le lautcuil de M. de Lally-Tolendal , glis-
s ant habilement sur la derniere partie de la vie publique de
son predeeesseur, s'est attache a faire ressortir les services
qu'il avait precedemment rendus a la cause de la patrie, et
surtout les cvencmens dramatiques de sa vie privee. La part
que Voltaire a prise a la rehabilitation de la memoirc de I'in-
f or tune general Lally a offer t a 1'orateur une transition natu-
relle pour passer de I'elogc de l'liomine de genie a l'apo-
logie du siecle qui lut en quelque sorte son ouvrage. Cette
partie du discours de I\l. de Pongerville a paru lairc une vive
impression sur ses auditeurs; nous y avons remarque cette
observation anssi prol'onde que vraie, qu'au milieu des syste-
mes qui diviscnt aujourd'hui la politique et la philosophic,
ceux-la memes qui combattent les doctrines du xvnic siecle
suivent encore a lcur insu l'impulsion qu'il a donnee a l'esprit
humain. — M. de.Iouy, qui a repondu a M. de Pongerville, s'esl
inontre juste appreciateur du merite de ses ouvrages. II a rap-
pele, a propos de la traduction de Lucrece, cemotingenieuxde
Frederic sur celle des Georgiques : que c'etait l'ouvrage le
plus original qui eul paru depuis long-tems; et il a vu, dans
l'heureux talent donl M. de Pongerville a faitpreuve en natu-
ralisant parmi nous les beautes males de Lucrece et la gra-
cieuse poesie de 1'auteur des Metamorphoses, un gage assure
de son avenir litter aire. De nouveaux traits lances aux ro-
manliques avec la spirituclle malice que l'on jonnait au bon
Ermite out excite de rechef lagaitede l'Assemblee. Avouons-
le cependant, il est a regretter qu'un accord prealable entre
les orateurs n'ait pas prevcnu un retour trop frequent sur oe
sujet; il ne taut abuser de rien , pas meme de la raison. En
resume, le public a du se retirer satisfait d'une seance oii il a
vu s'asseoir a l' Academic deux ecrivains aussi honorables par
le talent que par le caractere et dont l'admission est d'un
heurcux presage pour les futures elections de ce corps.
A thence des Arts. — Prix proposes. — Dans sa seance
publique du 25 avril dernier, l'Alhenee des Arts, l'une des
Societts litteraires et scientifiques de Paris les plus an-
cienncs et les plus actives, apres des lectures interessantes
faites par plusieurs de ses membres, a propose pour sujets
desprix fondes par feu M. TcnREL, membre de PAthenee des
Arts, et qui serodt decernes a la seance annunlic de i85i, les
PARIS. 8o5
questions suivanles : i" Classe des sciences: « Definir avec
precision le veritable sens du mot civilisation; signaler les
principaux caracteres distinctifs de notre civilisation actuelle
les lacunes et les abus que Ton peut y remarquer, les moyens
de remplir ces lacunes, de combattre ces abus et de les de-
Iruire peu-a-peu ; montrer enfln comment on pourrait donner
aux progres de la civilisation, dans les differentes parties
qu'elle embrasse, une meilleure direction et une impulsion
plus rapide. » 2° Classe des lettres : « Presenter un tableau
comparatif de l'etat de la prose et de la poesie au xvie siecle,
au xvne el a l'epoque actuelle. » — 3° Classe des arts : « Quels
sontlesobjets d'arts que nous tirons des pays etrangers et que
nous ne fabriquons pas aussi-bien qu'eux, ou que nous ne fa-
briquons pas du tout ? Quels moyens aurait-on de fabriquer
ces objets?» — L'auteur du meilleur Memoire sur chacun de
«es sujets recevra une medaille de la valeur de 3oo fr. Les
Memoires devront etre adresses au secretaire-general de
l'Atheneedes Arts, a PH6tel-de-ViIle, avantle ier Janvier 1 83 1 .
Societe d'Enseignement eUmentaire : Seance publiaueannuelte
tenue le iGavril i83o. — Cette seance a ete fort brillante, et
l'on y remarquait la presence d'un grand nombre d'hommes
distingues. Les colonnes de la salle etaient decorees d'echan-
tillons d'ecriture, de dessin lineaire et de couture d'une per-
fection surprenanle pour ceux qui savaient que ces objets
etaient 1'ouvrage des ecoles elementaires de Paris, d'Amiens,
de Nancy, de Gisors, de Liancourt, d'Angers, de plusieurs
autres villes des departemens et meme de celles du Senegal.
M. (/<■ Lasteyvie presidait. M. de Gerando a lu un rapport sur
les tra vaux de la Societe, sur Pextension que sa correspondance
a prise, sur les developpemens de Penseignement mutucl en
France et dans les autres parties de I'Europe el du monde.
Trois jeunes F,thiopiens, achetes par M. DrcvetU, amenespar
lui en France et places dans rinslitution de M. Regnaud, a
Bourg-la-Reine, ont ete presentes a I'asscmblee, et semblaient
appuyer les paroles de M. de Gerando, en qualite d'ambassa-
deur d'une civilisation jeune comme eux etcomme cux pleine
d'esperances. (Voy. ci-apres un extrait du lapport de M. Jomard
surles progres de ces jeunes Etliiopiens.) M. Delacourt a rendu
compte de l'etat des ecoles gratuites du departement de la
Seine. Elles sont au nombre de vingt-huit, et recoivent environ
cinq mille eleves. Huit sont destinees aux adultes. Sur les
vingt autres, quatre sont destinees aux fdles. Les recettes se
sont elevees a 5o, 197 fr. 92 c. et les depenses '1 !\$.ioj fr.
96 c.
8oti I'UANCE.
La Societe de la morale chrclicnne, telle des uielhodes d'cn-
scigncment el celle de rcnseiguemcnl rk-meulaire $e soul reu-
nies pour fonder un pi ■ixqui sera decern*': au nieilleur Memoire
en faveur de la liberie de renseignemeut. Huit Meiuoircs onl
ete envoyes; mais la commission nominee par les trois Socie-
tes pour les examiner n'a pas cm qu'il y eul lieu a deccrner
le prix : le com/ours a ele proroge an icr Janvier i83i . M. Her-
piu a lu uu rapport snr les Memoires envoyes. >1. Renouard a
prononce ensuile un discours Ires-rcmarquable sur la liberie de
l'enseignemenl. L'orateur a ete plusieurs fois interronipu par
des applandissemens unanimes, el nous ne resisterions pas an
desir de reprodnire quelques-uns des passages qui onl le plus
frappc I'aiuliloire, si M. JAenouard n'avait deja developpe avec
etendue, dans notre recueil, scs excellentes vues sur ce sujel
important (voy. Rev. Enc, t. xl, p. i5 et 265, oetobre et no-
vembre 1828 ). — Knfin un prix a ete rends an jeune Rankojf
par le president. — Dans rinlervallequi separait chaque dis-
cours, les eieves des diverses ecoles que la Societe soulient a
Paris, et dans lesquelles la mnsique est enseignee par la me-
thode mutuelle, out execute des morceauxd'ensemble ([uionl
a la Ibis surpris et charm c l'assemblee. Plusieurs des jeunes
inuskiens onl ete remarques pour la beaute de leurs voix :
lo-us out fait honneur au professeur qui met taut de zele a re-
pandre dans le peuple un art qui peut contribuer a ameliorer
beaucoup samoralile : ceprofesseurest M Bocquillon IVilhem.
— Education des jeunes E thiopiens envoyes en France. —
Extrait d'un Rapport prcsente 1 ur ce sujet d la Societe d'En-
sciiineynent elementaire , par une Commission spcciale, cam-
posce de MM. Bally, Codtelle el Jomard. — La Commis-
sion, nominee pour suivre les progres des jeunes Ethio-
piens envoyes en France par M. Drovetti, s'est rendue
plusieurs fois a Bourg-la-Iieine , cbez M. Uegnaud , maitre
de pension, a (|ui ils out ele confies, le 27 mai 1829. Plu-
sieurs Ibis elle a fait counaitre ses observations ; inais elle
doit aujourd'hui un compte plus detaille du resultat des
soins donl ces enfans out ete l'objet. On s'est occupe de leur
intelligence, de leur etat moral et <le lenr etat physique. Le
maitre et la maitresse de la pension les coosiderenl commc
leurs propres enfans, soit en sante, soit dans les cas de ma-
kulie. La ineme sollicitude est observce a leur egard (|ue pour
les propres filsdu directeur : cesontaussi les memes attentions.
les memes enseiguemens , les memes exercices. Une telle con-
duite eleve ces inleressans orphelins a leurs propres yeux ;
elle leur fait apprecter le bienfait de la liberte et celui do Tin
PARIS. 8o7
slruction; la civilisation trouvera nn jour en (;ux do vcrita-
bles missionnaires.
Avant de parler des occupations ct du progres des jcuncs
Etbiopiens, il convient de rappeler plusieurs circonstances
qu'onpourrail avoir perdues de vue. Six jeunesesclavesetbio-
phiens ont ete genereusement racbetes de la servitude, il y a
deux ans, par M. Drovetli. consul general de Fiance en
Egypte. lis venaient de parlies Ires-reculees des pays supe-
rieurs a l'Egypte et a la Nubie. Aprcs avoir ete amenes et cn-
tretenus en Egypte , aux frais et par les soins de M . Drovetli ,
ils ont ete enibarques sur im vaisseau mareband, nourris et
habilles ; conduits a Marseille et en fin a Paris. Quelques inci-
dens de leur voyage de Marseille a Paris meritenl peut-etre
ici une mention. A Montelimart , d'apres le rapport du con-
ducteur, une populace ignorante jeta des pierres sur la voiture
qui contenait les six Etbiopiens : ces hoinmes paraissaient
scandalises de voir taut de figures noires a la ibis. A Lyon, on
eprouva aussi quelques difficultes. Quand ils arriverent a Paris,
c'etait de grand matin, une multitude de curieuxse precipila
dans la maison de la rue de Grenelle on ils etaient adresses, et
Ton ne put les en faire sorlir sans beaucoup de peine. One
Ibis delivres de cede foule imporlune, les an fans se piecipi-
lerent bors de la voiture avec vivacite, mais sans trouble ni
embarras, puis se jeterent gaiment sur le? Ibuets des cocherset
sur lout ce qu'ils trouvere-nt dans la cour, afin de se recreer et
de se delasser ainsi d'une longue route et ^uw etat de gene
penible et fatigant.
Oeux d'entre eux, en qualite d'Abyssins et de cbretiens, onl
ete recus a Saint-Lambert, dauslacommunaute dile de Saint-
Antoine. Ce sont les quatre autres que Ton a places a Bourg-
la-Reine, et dont la Societe a pris soin , dans l'esperance
qu'ils reporter ont dans 1 ur patrierinslruction qu'ils recoivenl,
et qu'ils pourront meme un jour y etablir des ecoles.
En arrivant a Paris, ces enf'ang ne savaient pas un seul mot
de francais. Les tableaux des ecoles elemenlaires furent mis
sous leiirs yeux, des leur entree dans la pension , le 27 mai
1829. La capacite relative des quatre jeunes Etbiopiens ne
tarda pas a se faire connaitre; ce qu'ils ont ete dans la pre-
miere semaine , 1'un par rapport a 1'aulre , ils le sont encore ;
les progres de tons sont reels et meme tres-remarqnables ;
mais ils reslent toujours classes dans l'ordre suivanl : Malt-
bo ub , le plus intelligent et le plus laborieux ; Mourgian, capa-
ble et aclif; Bllal , moins intelligent en general; Monrchal,
8o8 FRANCE.
un peu lent et inactif. Le dernier toutefois avait d'abord
mienx reussi que le troisieme.
C'est pour la premiere foisque des Ethiopiens, transposes en
France, etaient souuiis a des etudes suivies. On voit mainte-
nant que ces enfans ne le cedent en rien aux europeens par
les resultats. Tout le monde sentira de quel interet est cette
experience, et il est superflu d'insister sur ce point. Remar-
quons seulemenl coinbien l'usage des tableaux des eeoles a
contribue an succes. Ces enfans sont attentifs et observateurs;
leur curiosite est exeitee vivement par tout ce qui est spec-
tacle : a la promenade, dans les jardins publics, lors de
la Yisite des monumens, ils questionnent toujours. Du reste,
ils avaient, des le jour de leur arrivee, donne des preuves
d'intelligence. L'un de nous, charge du soin deles accueillir
a Paris, les conduisit en face du Louvre. A cet aspect, Mah-
boub, frappe d'admiration, s'ecria : « Le chateau est plus beau
que celui du Kaire, mais ce Nil la n'est pas si beau que le no-
tre.» — Le moral de ces jeunes enfans a attire la plus serieuse
attention. On a voulu leur faire comprendre la dignite hu-
maine, leur (aire sentir et apprecier la superiorite de la liberte
sur la condition servile el dependantc a laquelle ils etaient
condamnes, peut-ftre pour toujours. Une egalite parfaiteregne
entfe eux et leurs camarades francais, aux jeux, a table , a la
promenade et parlout. Ils n'appellent jamais le maitre et la
maitresse de la pension que par les noms de pcre et de mere.
Les deux jeunes Ethiopiens places a Saint-Lambert sont
eleves dans la religion calholique; a leur retour en Ahyssinie,
ils serviront peut-elre i\ propager cette croyance parmi leurs
compalriotes. Les eleves de Bourg-la-Reine pourront contri-
buer a repandre rinstruction primairc, et a former des eeo-
les. Instrfafts a l'aicle des tableaux elenicntaires, ils seront en
etat d'en composer de semblables en divers dialectes, et d'en
enseigner l'usage. Tel est le but d'utilite directe et immediate
le plus en rapport avec l'objet que se propose la SocieU d'e-
ducation; objet qui n'est pas restreint a la France seule, puis-
que de tout terns, et des son berceau, la Societe s'est occu-
pee de favoriser l'etablissemcnt et l'amelioration des eeoles
etrangeres.
L'Ethiopie est une contree oi^ l'amelioration qui occupe la
Societe n'a pas encore penetre. Le Cap, la Senegambie, la
Cafrerie, Madagascar, l'Egvpte et d'autres parties du littoral
de l'Afrique out des eeoles; mais rien encore n'a ete fait et
nieme n'a pu etre fait pour la Nubic et l'&hiopie superieue.
Indeperidamment de ce but philantropique, la France pour-
rait avoir un jour dans nos jeunes botes africaius des explora-
PARIS. 809
teurs precieux. lis seront instruits plus tard, nous l'esperons,
dans les elemens des mathematiques, de l'histoire naturelle ct
des connaissances medicales, et ils seront perfectionnes dans
le dessin. Ils observeront les pays interieurs, ils en reeueille-
ront les productions physiques, et ils lieront avec les naturels
des relations de tout genre dont le commerce fera son profit,
ainsi que les sciences geographiques et naturelles.
Reclamation. ■ — Lettre a Monsieur le Direct eur de la
Revue Encyclopedique. — Monsieur, la hauteur probable de
la ville de Temboctou au-dcssus du niveau de la mer, que
j'ai deduite de la navigation de M. Caille sur le grand fleuve
de l'Afrique septentrionale, n'est pas de a3o a 3rJo pieds (ainsi
que me l'a fait dire, par inadvertance, l'auteur d'une analyse
tres-bien faite de la relation del'intrepide voyageur), (voy. ci-
dessus, p. 5 io-532), mais bien de 23oa 260 metres (voy. Jour-
nal des Voyages, etc., t. hi, p. 287 et suiv.) II m'a paru neces-
saire de relever cette difference, d'oii il resulterait une absur-
dite que j'ai reprochee moi-meme a ceux qui font couler les
eaux du Dhioliba dans le Nil d'Egypte. Je saisis cette occa-
sion pour signaler un nouvel ecrit de M. le general Donrin,
faisant suite a sa Dissertation sur le Cours du Niger, sous le
titre de : Lettre a I'edileur de Quarterly Review, etc.
Je suis, etc. Jomard.
Chronique des Theatres pendant le mois de juin i85o. —
Onze ouvrages nouveaux ont ete represenlesdepuis le 1" juin.
— Le Theatre-Francais a donne, le 28 juin, Franpoise de Ri-
mini, tragedie en 5 actes, de M. Gustave Droeineau, connu
deja par le succes d'une tragedie de Rienzi, representee a
1'Odeon, il y a quelques annees. Le sujet de Franpoise de Ri-
mini, emprunte au Dante par unpoete italien, Pellico, et trans-
porte d'abord sur la scene francaise par M. Constant Berrier,
est d'une simplicite qui n'est point sans charme. Mais M. Droui-
neau, craignant sans doute de manquer de matiere, a jete, sur
un fond qui lui semblait trop mi, one foide de petits details,
sou vent oiseux, pour remplir les vides de Taction et pour la
nuancer de couleurs contemporaries. II en est resulte que la
conception generale n'est plus assez nette; elle est embarras-
see de trop d'incidens d'une mediocre importance ; et c'est
une regie certaine que tout incident qui ne contribue pis a
I'effet y nuit par cela seul.Les prieies a Dieu, les dt'lins. les
S». FRANCE.
cxageralionsdu sentiment, y sunt Iropprodigurs, H itpninJeii I
snr I'ensemhle ilu (I r;t nn- unv Icinte <le monolcinie (|iii fatigue.
Le style manque aussi quclquc "Ibis dunile; on dirait que I'au-
tenr hesite, et qu'il n'est pas tonjours sur de la couleur qu il
vent donner a sa pensce. Du resle, les defauts que nous avon-
CHI reconnaitre dans cet ouvrage ne nous out pas enipechcs
d'y remarquer de veritablesbeautes : ila qnelques conceptions
henreuses qui appartiennent en propre a I'auteur; il a de la
passion vivement sentie et des effets tragiques habilement
prepares; le style nc manque ni de clialeur, ni de naturel ;
enfin Francoisede Rimini annonee im heureux progres dans le
talent de I'auteur de Rienzi.
AI'Odeon, M. de La Marche a essaye de naturaliser le Mai •-
cliand de Venise, de Shakespeare, dans un drame en 5 actes et
en vers (5 join.) Accueillie sans nulle faveur le premier jour,
cette piece decele rinexperience de la scene; toutefois, ii y a
taut de rcssources dans la grande conception de TEschyle an-
glais qu'au milieu des imperfections 1'interet se soutient en-
core ; et, malgre de nombreux defauts, il y a de reelles
beautes dans la peinture de Shylock ; 1'iinitateur a etc:
plus d'une fois heureusement inspire, et il pent meme
revendiquer plusieurs traits qui lui appartiennent en propre,
et qui font honneur a son talent. Le style est inegal et quel-
quefois neglige; mais il a souvent du nerf, et la couleur est
bien celle du sujet. — Manon Lcscaut, roman en 6 chapitres.
par MM. Carmouche et de Cocrcy, a paru sur ce theatre le
26 juin. Par une erreur qui n'est pas nouvelle, les imitateurs
de Prevost ont cru pouvoir adapter aux formes dramatiqnes
le recit habilement developpe d'un roman ou la passion est
peinte avec une yerite si vive et si entrainante. Puis, apres
avoir choisi un pareil sujet, ils ont recule devant les difficultes
qui constituent en meme terns tout son charme; ils ont tra-
vesti les personnages, el leur ont enleve tout ce prestige d'o-
riginalile caracteristique que leromancier avait creeeavec taut
d'art et de soin. Enfin le style n'a pu sauver les defauts de la
composition; car il manque de traits et de couleurs.
Le Vaudeville a obtenu, le 18 juin, un legitime succes.
VOnbli ou (a Cliambre Ttiipiiale, vaudeville en 1 acle, par
M. Pal lin, est une de ces vives et spirituelles productions on
toutes les difficultes d'un sujet leste et scabreux sont abor-
dees avec courage el surmontees avec adresse et talent. C'est
un de ces tableaux dont le fond est passablement graveleux.
mais auxquels on pent sourire sans crainte de se compro-
mcllre. grace a ses nuances delicates et fines. — Aux Va-
PARIS. — NJ&JIOLOGIE. 811
rietes, les Brioches d la mode, comedie-vaudeville en i acte,
j>.u MM. Dumersan et Brazier, espico cte manifests clussiquc
clans la guerre liltcraire qui se lait aujourd'hui avec tant d'ar-
deiif de part et d'aulre, a triomphe, le 8 juin, d'une legere
opposition, grace a des details d'une gaite peut-ctrc un pen
burlesque, et a quantite de traits spirituels et nialins. Le 22
juin, un autre vaudeville, I'Epce, te Baton et le. Chausson, par
MM. Martin et Ferrand, n'a pas eu un sort aussi heureux,
quoiqu'on y ait remarque des esquisses de niosurs, qui, pour
representer une nature vulgaire, ne manqueut point de verve
ni de verite. — Aux Nouveautes, Une ISuit da Due de Mont-
fort, comedie en 2 actes, par MM. Frederic etARNOiaT, d'oii
la censure a relranche les minis de Charles VII et d' Agnes
Sorel, a dii son suites a la musique d'un opera de Bellini,
arrangee avec beaucoup de talent et de gout par M. Gide.
Au theatre de 1'Ambigu-Comiqie, on a donne, le 5 juin,
lea Deuo; Soitfllets, comedie en 1 acte, par MM. Saint- Amand
et Henri, que nous citonsici pour memoire seulement; puis,
le i5 juin, les Serfs polonais , melodrame en 5 actes, par
M. Lemercier, de l'Academie t'rancaise. Les affiches dn bou-
levard d.u Temple ne sont point accoutumees a porter
un noin eomme celui de l'auteur de Pinto, et Ton donne
tres-rarement aux habitues de ces theatres populates
des drames qui portent avec eux les beaux developpemens et
la hauie coinbinaison que Ton trouve dans les deux derniers
actes des Serfs polonais. On sent qu'une main habile et une
pensee philosophique out passe par la. A part un style qui
manque trop sou vent de simplicite et de naturel, des situa-
tions palhetiques el fortes, un denoument, 011 il y a pcut-etre
(pielqne exageration, mais dont Tenet est terrible, enfin le jeu
de deuxacteurs, Mmt' Dorval et Beauvalet, assurent le succes
de cet ouvrage. Le Sournois, melodrame comiquc en
2 actes, par MM. Amcet et Hippolyie, represente, le 27 juin,
sur le menie theatre, se tail remarquer par une gaite vivc el
de bon aloi, qui lait pai donner quelques longueurs et quel-
quesmauvais lazzis. • — On a siffle, a la Gaite, le 19 juin, les
Massacres, piece qui a la pretention de fa ire la satire de cer-
laiue ecole litleraire, et qui n'est qu'ennuyeuse et ridicule.
M&fiOLOGIE.
Suede. — Cliurlcs-Giullaume de Leopold, secrctaire-d'Ktat,
Commandeur de 1'Ordre de l'Ktoile polaire, un des dix-huil
de I'Acadeniie suedoise, membre de l'Academie rovale de--
8ii M&ROLOGlfc.
Sciences, de 1' Academic royale des belles-lettres, de I'his-
toirc el des anliquitcs, de I'Acalcmie musicale de Stockholm,
de l'Academic italienne de Pise, de la Societe aeademique des
arts el des sciences de Marseille, el de la Societe de litterature
scaiulinave a Copcnhague. — Leopold est ne a Stockholm , le
2 avril 170 >. Son pere , Charles- Adam Leopold etait alors
eontroleur a la douarie de cette ville ; mais il parvint a un
grade plus clove a la douane de Norkoping, et le conserva jus-
qu'i sa mort, arrivee en 1780. — Comme l'emploi de son pere
etait fort pen lucratif, le jeune Leopold nedevait pas s'alten-
dre a recevoir ['education dont il eprouvait deja le besoin et
dont il etait si capal)ie de profiler. Un hasard lieureux vint
reparerce tort de la fortune : un Franoais instruit etabli dans
la me*me ville remarqua les dispositions du jeune homme, et
forma le projet de les cultiver. Sousce maitre habile, l'eleve
parvint en peu de terns a connailre aussi-bien le. francais que
sa langtie maternclle. Cette premiere partie de son education
influa non-seulement suf ses autres etudes, mais encore sur
les evenemens de sa vie. En sortant de l'ecole de Soderko-
ping, il entra , en 1773, a l'Universite d'Upsal, od il publia
une dissertation \n\.me ;-De Origine Idearum moralium. En 1778,
il composa une ode sur la naissance du prince royal Gustave
Adolphe. Ce poeme fat pour son jeune autcuiToccasiond'une
eelebrite naissante et deja disputee, car son ode fut critiquee
par le celebre Rellgren ; Leopold se defendit avec decence et
moderation , et la contestation finit par une constante amitie
entre ces deux hommes si bien faits pour s'estimer.
Leopold etait reduit a gaguer parson travail les moyens de
continuer ses etudes et par consequent force de les interrom-
pre pendant une partie du terns qu'il aurait voulu leur consa-
crer. Gnfm , a force d'economies, il parvint a rassembler
une petite somme , qui le nut en efcat de se rendre a
l'Universite de Greifswal, oii il obtint le grade de docleur en
philosophic, en 1781, apres avoir soutenu une these sur cette
question : De Origine juste intrtxluctw proprietalts ; apres, une
autre these, dont le sujet etait : Causm cur tot veterum scripta
perierint. II fut iiomrae agrege a cette Universite. Quelques
tentatives furent faites pour fixer le. jeune savant en Pomera-
nie, et l'attacher a la Bibliotheque de la regencede Stralsund ;
maisramourdu pays natall'emporta:ilrevint en Suede en 1784,
etle savant Liden luiconfia la conservation et la surveillance de
la Bibliotheque dont il avait fait present a 1'universite d'Up-
sal. Leopold retrouva en Suede d'anciennes connaissances, et
par consequent des amis, par mi lesquels on doit citer'princi-
necrologie. «i3
palement le baron Elircnhcim , avec lequel Leopold entrolinl
une correspondance qui fut communiquee au comte dc
Creutz, ami eclairc des leltres et des sciences. Celui-ci tut
tellement frappe des talens dont le jeune bibliothecaire don-
nait tant de preuves dans ces lettres qu'il parla de lui an roi
Gustave III. Le roi fitvenir le jeune homnie a Stockholm, et
1'accueiUit avec une bienveillance particuliere : un apparte-
ment lui fut donne au chateau, et les dettes qu'il avail con-
tractees dans le terns de ses etudes furcnt acquittees.
Introduit dans une societe d'hommes de lettres, parmi
lesquels on doit nonimer Creutz, Oxenstjerna , Adlerbeth,
Schroder heim, Rosestein , Armfelt, etc. , il fut egalement bien
accueilli du monarque et de sa cour. En 1786, le roi institua
l'Academie suedoise, et nomma i5 membrcs charges d'en
choisir 5 autres pour completer le nombre de 18. Leopold fut
du nombre des 5.
En 1787, Leopold fut charge de la bibliotheque de Droth-
ningholm, et, en 1788, il devint secretaire particulier du roi;
des lors sa destinee fut intimement lice a celle du monarque,
Bientot Gustave III voulut diriger lui-meme les operations
de la guerre, mate ne tarda point a regretter la societe de sa-
vans et de gens de lettres qu'il avail laissee a Stockholm. II
donna ordre a Leopold de venir le joindre ; etle poete futalors
charge, comme les anciens Bardes, de chanter les exploits du
vainqueur 011 d'adoucir les regrets des vaincus. Ce fut a cette
epoque qu'il composa une ode sur la Vicloire de Hogland ; une
epitre en vers sur la Bataille de Uttis et sur le Combat naval de
Frcdrilishamn, etc. Au milieu du tumultc des camps, il conti-
nua sa tragedie d'Oden, representee, en 1790, au theatre de
Stockholm. Le roi ecrlvit a l'auteur a ce sujet la lettre sui-
vante, en lui envoyant une bague de prix et deux branches de
laurier, cueillies sur le tombeau de Yirgile :« L'auteur de Siri
Brahe , en presentant ses complimens a celui d'Oden , le prie
de vouloir bien lui procurer un billet de parterre pour de-
main, et lui offre ces feuilles de laurier, cueillies, ilyasixans,
sur le tombeau du plus granl poete du siecled'Auguste. Elles
se sont un peu fanees entre ses mains, mais elles reprendront
une nouvelle fraicheur lorsqu'elles seront placees sur la tetc
du poete. »
A lafin de la guerre, en 1 790, Leopold epousa M11" Sara Pe-
tronclla Eehman, fdle d'un conseiller de justice danois. Cette
dame n'etaitpas moins instruite que belle, et possedait, entre
autres, une connaissance appi ofondie de la litterature fran-
catee.
814 NtiCROLOGIE.
La mort de Gustavo III priva Leopold d'un nionarque qui
lui tonait lieu do pere, et la littcraturc nationale perdit avec
lui sou plus solide appui. — Pen apres ce tiisle evenemcnt ,
l'A«ademie suednise flit supprimee parle ministtre , et Leo-
pold s'eloigna de la eapilale jiwpi'au retahlissemcnt de l'Aca-
di - in if par le roi Gustave Adolphe IV. Le long oubli dans le-
quel le gouvernement sucdois I'avait laisse ful alors eompense
par de flatteuses distinclious. — En 1 798 , il fut nomine che-
valier de 1'Etoile polaire; en 1799, conseiller de la Chancel-
lerie ; en 1 8o5, il fut nomine membre de l'Academie des belles-
lettres, de l'hisloirc ct des antiquitos; en 1804, membre de
l'Academie des Sciences; en 1809, il fut anobli; en 1 8 1 5,
nomme commandeur de l'Eloile polaire; et, en 1818, il recut
le titrc de secretaire-d'Etat.
Les dix dernieres annees de Leopold furent bien differentes
de relies qui les avaient precedees. Les deux epoux furent frap-
pes presqu'en nieme terns de maladies qui trouble-rent le
bonhenr de leur carriere. — Apres trois annees de soulTrance,
Leopold devint aveugle, et sa fern me eprouva peut-etre une
perte encore plus douloureiise , car sa raison fut sensil)lement
alleree. Cet etat penible cessa avec sa vie, le 3 mai 1829. —
Son epoux neluisurvecut pas long-tems ; il la rejoignitle 5no-
vembre de la memo annee. — lis ne laisserent aucune pos-
terite.
Les OEuvres de Leopold sont imprimees en 5 vol. in-8";
mais il a laisse des manuscrits qui sans doute seront bientot
publics. — Parmi ses OEuvres dramatiques, Oden et Vlr°\nia
sont traduitesen francais, et se trouvent dans les Chefs-d'ceu-
vres des theatres etrangers ( t. its, ) — line medaille, frappec
pour le 70""' anniversaire de la naissance de Leopold, lui ful
presentee par des amis de la litterature, le 2 avril 1826. —
Cette medaille presente d'un cote le portrait en bustedu poete,
avec cette inscription : Pd Leopolds 70™' fddelsedog (an 70"" an-
niversaire de la naissance de Leopold); el, de l'autre , la
constellation la tyre, avec cette legende : Lyser orh vogleder
(eclaire et guide).
Dm.
TABLE DES ARTICLES
CONTEMS
DANS LE GAHIER DE JUIN i83o.
1. MftMOlRES, NOTICES ET MfiLA!NGES.
i. De 1' abolition graduellc de I'csclavage dans les colonies
europeennes P. A. Dufau. 529
•2. Notice biograpliique sur M. le baron Fourier
Vieilh de Boisjoslin. 55a
II. ANALYSES D'OUVRAGES.
7>. Theorie analytique du systeine du monde, par M. G. de
Pontecoulant 567
4. De l'entendemeut et de la raison, par. J. F. Thurot . . *. 5oo
5. Histoire de la legislation, par M. de Pastoret
Alexandre Le Noble. 609
G. Principesd'organisationindustrielle, par J. F. Fazy. J.B.S. 6a5
7. Histoire de la litterature ancienne et moderne , par Fr.
Schlcgel Alph. d'Hcrbelot. 6."io
III. BULLETIN B1BLIOGRAPHIQUE.
Annoncesde 70 outrages, franfuis el etrangcrs.
AMERIyUE SEPTENTRlOiNAJ.E. EtatS-U llis, 1 652
— Mexique, i 65g
Europe. ■ — Grande-Bretagne, 7 664
— Russia, 1 676
— Allemagne, 6 681
— Suisse, 4 688
-- Itatie, 5 6g5
- — Pays-Bas , 5, dont 1 ouvrage periodique 702
France, l\a , savoir : Sciences physiques et naturellcs, 8 707
— Sciences religieuses, morales, politiqnes et historiques, 19. . . 721
— Litterature, 11 75o
■ — Beaux-arts, 2 765
— Memoires et Rapports desocietts saoantes, 2 767
— Ouvrtiges pdriodiques , 1 770
8i(> table i>rs Aini<.r.r>.
IV. NOUVELLES SCIENT1FIQUES ET LITTERAIRES.
Amehique SErTENTiuoNALE. — Etals-Unis : Troisiemc rapport
annuel du president et des directeurs do la Compagnie du
chemin de fer de Baltimore a VOIiio. — Society biblique. . 775
Asie et Afriqoe. — Notice cbronologique et genealogique des
prii\cipaux souverains de l'Asie et de l'Af'rique septentrio-
nale, pour I'amTee 1800 775
EUROPE.
Grande-Bretagne. — Londres : Etablissement d'unc Societe geo-
graphique . , 779
RussiB. — Publication de romans bistoriques 782
Pologne. — Etat et progres de la lilterature pdriodique ; Indica-
tion des jouriiaux et des ecrils periodiques publics en Po-
loguc 780
Allemagne. ■ — Suite des documens relatifs a la statistique mo-
rale de la monarchic prussienne ; Instruction elementairc
et superieure ; 791
Grece. — Situation precaire et penible. — Egine : Fondation
cTun Musee 794
France. — Departemens : Marseille (Bouches-du-Rhone ) ; Prix
propose 797
Paris. — Inst it ut : Academie des sciences : Stances du mois
de iuin 1800: Academie francaise : Seance publique du
29 iuin pour la reception de MM. de Segur et Pongerville.
. — Athenee des arts : Prix proposes. — Societe denseigue-
ment elementairc. — Education des jeunes Elhiopicns
envoyes en France. — Reclamation de M. Jomard. —
Cbronique des tbeatres pendant le mois de juin i85o. . . 798
Necrologie.
Suede : Charles-Guillaume de Leopold 811
TABLE
ANALYTIQUE ET ALP H A B ETI Q UE
DES MATIERES
DU QUARANTE-SIXIEME VOLUME
DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE.
Avril, Mai, Jcin i85o (*).
On a reuni am quatre mnts indicalil's des qdatek gbandes divisions da
ce Recueil :
I. MEMOIRES, NOTICES ET MELANGES;
II. ANALYSES ET EXTRAITS D'OUVRAGES CIIOIS1S;
III. BULLETIN BIBLIOGRAPII1QUE;
IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET L1TTERAIRES;
lc detail it le renvoi des articles qui s'y rapportent; puis on a caraclcrise
res articles, a la suite du nom de leurs auteurs, par 1'une des quatre
abrevialions ci-apres : M. (memoires et notices) ; A. (analyses); R. (BUL-
LETIN BlIiLlOOKAPHlQCE) ; N. ( NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTER A IBES. ) La
designation C. apres les noms propres indique les collaborates s de la
.Revue, lorsqu'il s'agit des articles qu'ils out f'ournis.
An lieu de pompieqdre sous la denomination generale sciences et arts
(cpairae dans nos quatre. tables des matiires de l'annee 1S10) ('indication
des dilierenles sciences dont traite ce volume, on a crn devoir, pour rendi e
les rechercbes plus faciles, et pour mieux caracteiiser le but philosophique
de la Heine Encyclopediijuc , ouvrir un coir.ple particuliei et special, in
Litres capilates , nonseuleuient a cliacune des brancbes des eonnaissances
humaines : agriculture , a.\at, >mik , etc. ; a cbacun des elemens esscntiels
de la civilisation et des moyens piincipaux de communication eotre les
homines: academies et societes savantes, dictiokkaires, ensbignembnt
mctuel, instbuction poblique , journaux, theatres, elc. ; mais encore a
cbacun des pays dont il est fait mention dans ce Recueil ; de mauiere
qu'nn puisse lappiocber et comparer lour a tour, soit I'clat des sciences et
des clemens de la civilisation dans cliaquc pays, soit les nations elles-memes,
sous les dil'ferens rapports sous lesquels on a eu occasion de les considerer.
Abel , de Cbiistiania. L'Acade-
mie des sciences de Paris lui de-
cerne le grand prix de malhe-
matiques, S02.
(* On souscrit pour ce Recleil scientifiqie et litter aire , dont il paraitun
cahierde quaiurze feirilles d'irapre'Ssion tons les mois, auBm.EAt central d'abgn-
KEMENT , rue de l'Odeon , nu 18; clic-z Arthls Bertram), rue Hante-
feuillf, n» 28. et cliez Renouard, rue de Tournoo , n° 6". Prix de la sousrrip-
tion : a Paris, <^6 fr. pour un an; dans les deparlemens , 53 Jr.; 60 fr. dam
l'Etranger.
t. xlvi. 5a
8l8
TABLE ANAXTTIQCE
AsYsaimB, 777.
ACADEMIES. V Oy. SoClETESSAVANTKS.
Adam ( Adolphe). Voy. Daiiilnn a.
AdnosOD (M11"' Aglae). La mason
de campagne, 17 j.
Adi icn-Lalasge (J.) , C. — B., 457.
Akoamstain , 77^-
Apbiqce, 3io , 775.
A KRICULTl'RE, I 67,?. 'S-,4 l4>474»6j>5.
Alaux,peintre. L'Abbaye de West-
minster, tableau du Neorama de
Pat is , 5 18.
Aldini, invenleur des moyens pour
preserver les pompiers de "ac-
tion de la damme dans les incen-
dies. L'Academie des Sciences
de Paris lui decerne le prist de
buit mille Cranes, 5o5.
— Experiences t'aites a Londres
pour perfeclionncr Tart de se
preserver de Taction de la 11am-
me , 716.
Alger {Causes de la rupture avee).
Voy. Laborde.
— Tableau du royaume. Voy. Re-
naudot.
— (Histoired')etdu bombardement
de cette ville, en 1816, pag. 202.
— Esquisse topographique. Voy.
Perrot.
— Voy. Souvenirs d'un o dicier fran-
cais.
— (De l'expedition centre), par
J. C. L. de Sismondi , M., 275.
— ( Vue et plan et de la ville
d'), etc., par J. G. Barbie du
Bocage , 43S.
Allard. Voy. Shylock.
Allemagne, i45, 208, 4°4j 494,
681, 791.
Almanac (The christian) for New-
York, 384.
Amir Khan and other poems, by Lu-
crctia Maria Davidson, i5o.
AjlERlQUE MERIDIONALE , 22(), 484-
SPPTEIVTRIONALE, 122, 22S , 385,
482, 65a , 773.
Ampere (J. J.J. Del'Histoirede la
Poesie, Discours prononce a TA-
thince de Marseille , 4s/-
Analyses (1 1.1 d'ouvrages at/c-
mnnds : Manuel de I'liisloiie de
la philosophic de Tcnnrniann,
traduit en francais par Cousin
[Adolphe (iiirn'ur) , 5j. — His-
toire uoiverselle de Tantiqnile,
par Sclilnsser , traduite en Fran-
cais par Golbery (D.-G.), 543.
— Hisloiic de la lillcrulurc an-
cienne et moderne, par Frede-
ric Schlegel , tradnite en fran-
ca is par William Dnckett (At/>h.
d'Berbolot, 63i.
— d'ouvrages anglais : L 'empire de
la Grand e-B/etagne, en iSsS,
par lc Rev. J. Goldsmith ( A.
Mahal), 76.
— d'ouvrages belgiques-francais :
Rapport sur lis Institutions de
bienfaisance des Pays-Bas. —
Rapport sur l'etat des Ecoles su-
perieures , moyennes et piimai-
res {A. Qttetekl), 28.
— d'ouvrages frwnfdh : Campagne
des FraucaiS en Allemagne, an-
nee ) 800 , par le colonel de Car-
rion-Nisas ( iS't car (/), 38. — Essais
sur Thisloire de l'esprit bumain
dans Tantiqnile , par Bio (Al-
phonsc d'llcrbclot), [).{. — L'im-
mortalile de Tame, poeme , par
de Norvins (a), 107. — OEuvres
postliumes de Gaulmier [&)3 1 12.
— Journal d'un voyage a Tem-
bociou et a Jenne, par Rene
Caillic (Chauvet), 5 10. — Ta-
bleau dela constitution politique
de la monarchic franc aise selon
la Cbarte, par A. Mahal [D.M.),
335. — L'Astronomie , poeme*
par Darn (Y. Z.),jj?>. — Theo-
rie analylique du systeme du
monde, parj.de Pontecoulant ,
567. — De Tentendement et de
ia raison : Introduction a l'e-
tude de la philosophic, par J. F.
Thurot (*), 5go. — Histoire de
la legislation , par le marquis de
Pastoret {A. Le Noble) , 609. —
Principes d'organisation iudus-
DES MATlEREs.
ti ielle, par J.J. Fazy (J. IS. Say) ,
625.
— d'ouvrages polonah : Poesies d'A-
dani Mickievicz, traduites en
francais par Miakowski (-1 Ful-
gence {Alj>li. d'llcrbelol) , 556.
Anatosiie (Nouveau Manuel d'),
par Ernest Alexandre Lautli, 712.
Ancelot. Voy. U11 An.
Ancillon (Frederic). Eisai sur la
science et sur la foi philosophi-
que , 443-
AnJral (G.). Voy. Clinique medi-
cale.
Angleturiie. Voy. Grande-Breta-
GNE.
Anicet. Voy. Convent de Tonning-
ton.
— Joy. Sournois.
Annuaire astronomique de Berlin
pour i83o, publie par J. F. Enc-
k«, 45.
— du departement de la Sarthe ,
721.
— Stalislique du departement de
la Vienne , 459.
Antiquites. Voy. Archeologib.
— (Nouvelle decouvertes d') f'aites
pres de Kretch, 491-
— expliquees par le Dr Labus, de
Milan, 496.
— ( Recherches des) nationales en
Autriche, 2jS.
— romaines (Esquisse des), par
Frederic Creuzer, i5o.
Anvers. Voy. Marschall.
Arago. Voy. Nominations academi-
ques.
Arbre(Nouvel) donnautun lait bon
a boiie , 244-
Archeoi.ogie, i5o , 49 • ■> 492 , jG5.
Architectub-e moderne de la Si-
file, etc., par J. Hitloill' et L.
Zanth, 217.
— antique de la Sicile , par les me-
mos , 21S.
Archives des decouvertes et des in-
ventions nouvelles, etc., 171.
Argentelle (Robillard d'). Voy. Car-
porama.
8.j>
Amott (Neil). Vny. Philosophic na-
turclle.
Arnoult. Voy. Une Nuit.
Arseniures d'hydrogene. Vox. Sou-
beiran.
Art militaire, 5S , 200, 5io, 742.
Arts industries, 171 , 25r).
Ascetique. Voy. Sciences BEL10IEC-
SES.
Asie, 775.
Assainissement de Vincenncs et de
Clichy, 714.
Astkonomie, i45, 58i, 567.
— pratique; Usage et composition
de la C'oiinaissancc (/ex le»is, par
L. B. Francoeur, 4->i.
— ( L') , poeme , par I'. Daru , A.,
375.
Athenee de Deventer. Celebration
de son second jubile, iyS.
— des arts de Paris , 804.
Atlas geogiaphique , ecclesiastiquc
et departemental de la Frauce,
etc., par Charles, 187.
— historique et bLbliograpbique de
la medecine, par Casimir Brous-
sais, 423.
Atlendre etcourir, opera comique,
par Fulgence et Henryr, 5 16.
Au Boi et auxChambres, etc., par
Alex, de Laborde , 198.
Aux artistes. Voy. Beaux-Arts.
Aubergc ( L'j d'Auray , opera , pai
Fulgence et Henry, 5i6.
Auger. Voy. Procedure civile.
Aumer. Voy. Manon Lescaut.
Aventures (Les) de Hatim-Tai ,
ronian traduil du persan en an-
glais par Duncan Forbes, 137..
Aveugles, 5o5.
BL
Badakhschan, 779.
Baillie (Miss). Voy. Manage du
grand munde.
Bail lydeMerlieux. Association orga-
nises a Paris pour la propagation
des connaissances utiles , -i56.
Bal ( Le) de l'Avoue , on les Qua-
820
di illi's historiques , cuuiedie-vau-
deville, par Duilos et Leon, 261.
Bald. Module en relief de l'ile
Claie , 25i.
Balk, 778.
Ballaiiche. Gdivres , 462.
Barbarik, 198, 907 , 273, 45S.'
Barberi. Voy. Mosaique monumen-
tale.
Barbie du Bocagc (J. G.). Voy.
Alger.
Barbier (Charles;. Melhode d'en-
seigncment primaiie a 1'usage
des aveugles et des sourds~muets,
5o3.
Batlisti (M»« Edvidge de). Voy.
Marie Stuart.
Baudelocque ( A. C). Voy. Pthito-
nile puerperale.
Bayard. Voy. Ma fenime el ma
place.
— Voy. Philippe.
Bazzoni (G. Bv). Falco de la Ro-
che, nouvelle historique italien-
ne, i65.
Bfacx Arts, i54, 166, 216, 262,
518,76.5.
— ( Du passe et de l'avenir des).
Aux artistes , 204.
Becker (Felix). J'oy. Chansons.
Beethovven. Voy. Fidelio.
Belle et Bossue, on le medecin or-
thopediste, vaudeville, 261.
Belles-Lfttbes. Voy. Literature.
Belloc ( Mme Louise -Swanton) ,
C. — B., i33, i|o, 399, 667 ,
676, et les articles signes : L.
Sw.-B.
Belloti (F.). Tragedie d'Euripidc,
Belocjtchistan , 77S.
Beltrami. Voy. Reclamation.
Benecke. Voy. Bentham.
Bennati. Memoire relatif an meca-
nisme de la vuix humaine dans
le chant , 5o2.
Benlhams Grundsiilzc der Civil and
Criminal Gcsetzgeliung, iibersvtzt
von F. E. Beneche, 682.
eranger (Chansons de), tradui-
rABLK ANALYTIylE
tes en allemand pat Philipr inc
Fngelhard, 688.
Bercht. Voy, Schlosser.
Berbery (C.L. ). Voy. Economie
indusli ielle.
Berliner asironomisclus ■Jahrbuch,
i45,
Bertha's visit to her uncle in Eng-
land, 393.
BtSSA RABIE , 4-00.
Beuehnt. Voy. Voltaire.
Beudant ( F. S.). V. Mineialogie.
Bible de Vence, en latin et en l'ran-
^ais, etc., publiee par Drach ,
i3* volume , 190.
i4c et 22e volumes , 4 Ji.
Biri.iographie , 122, 583, 409, 65a.
Bibliulheque agraire, on Instruc-
tions choisies sur I'asricultlire ,
t. xii , par J. Moretti et C. Chio-
lini , 1 1 1 .
— de lamille , G64.
— des counaissances asrieables,
667.
— laline francaise, publiee ]>arC.
L. F. Panckoucke, 7S6.
— (Nouvelle) univeiselle des ro-
mans , 761.
Bigame ( Le) , ou Toinette et Ste-
phanie, melodrame, 517.
Bignan (A.). Voy. lliade.
Biographie, i36, i53, 1A4, 160, 161,
197,453,484) 552,(>G4, 672, G83,
687,749.
Blanc (Ldmond). Voy. Vivien.
Blumeubach, prolesseur a I'univer-
sitS de Coettingue, fonde line
Louise en faveur des etudians en
medecine , 208.
— Voy. Nominations acadejiiqces.
Bocrncs Ccsamtnclte Seluiften, 407.
Boisle(P.C.V.). Voy. Dictionnaire
universel.
Bokhara , 779.
Bolivar (General). Coup d'oeil ra-
pidesursa conduite, et apprecia-
tion im parti ale des accusations
dirigees contre lui , 484-
Bonnelier (Hippolyte). Voy. Guy-
Eder.
t>Ks MATIERES.
Borde (Leon dela). Voy. I'lai. Its
du motil Sinai.
BoTAIUQUE , 244 ■> 25 1 , 421-
— ^Glossairc de), par de Theis,
So 2.
Bouchene-Lefer, C. — B., 44®.
Bonlgaiine. Voy. Lettre.
— Le faux Drnilii, 782.
Bounin (Polydore). Esquisses in-
fernales ,211.
Bowdilch ( INalhaniel ). Voy. La-
place.
Braise (Danger des vapeurs de la),
Bran.billa (A ). Voy. Eloge.
Brazier, toy. Brioches.
Bresil, 4jo , 685.
— ( Notes sur le ) , par R. Walsch ,
389.
Brioches (Les) a la mode, come-
die-vaudeviile par Duuiersan et
Brazier, 81 1 .
Broussais (Casiinir). Voy. Alias his-
toiique.
— (F. J. V.). Examen des doclrt-
nes medicales el des systemesde
nosologic , 4s5.
Brunsv\ick. / oy. Ecole du pauvre.
BlILLETliN BlBLIOCIlAHIQl'E(llI) : Al-
leniagne, i45, 4o4,68i. — Dane-
mark , 40J. — Klals-Unis , 122 ,
585, 602. — Fiance, 170, 42l»
707. — Grande-Bretagne , i33,
388, 664. — Italie, 160, 4i4,
6g5. — Mexique, 5S6 , G5g. —
Pays-Bas, 166, 4 18, 702. — Rus-
sie, i4> , J99, 676. — Suisse,
107, 688.
Byron (Lady). Reclamations cou-
tre les fails avances dans les
Menioires de lord Byron , par
Moore , 2.36.
— (Lord). Voy. Werner.
C.
Caittau et Guillon. Colleclio selecta
SS. Ecctetim Patrttm , etc. »a4 i
48o.
821
Caillie (Bene). Journal d'un voyage
a Tcmhoclou el a Jenue, avec
des,rein9rqjues geographiqu.es par
Jomard , A., 5io.
Caisse d'epargnes de Paiis. Voy.
ISavier.
Voy. Portal.
Galmcbaphik , 220.
Cambreleng. Voy. Rapport.
Caniille, ou lc Patriotlsuie , tiage-
dir, par Fred. Galleron , 210.
Campagne (IJisloire de la) de iSi3,
par de Norvins, 74 v.
Gampagnes des Francajs en Alle-
magne , annee 1800, par le co-
lonel de Carrion-lMsas , A., 38.
Cancer (Traitement du). f'oy. R6-
camit r.
Candulle (Aug. Pyr. de). Memoire
sur la famille des ombellifeies,
42..
Canlon de Yaud. Petitions adres-
seesau Giand-Gonsei] de ce Can-
ton , 68S.
— Conslilulions qui, depots 1798,
ont leyi ce Canton , ibid.
— sur le projet des chaugi-niens a
apporter an systeine electoral de
ce canlon , ibid.
— lappoit de la Commission du
Grand-Cunst-il surer projet , GSq.
Cardeurs ( Les) , ou Patciotisnae et
Vengeance, rnnian illandais, par
Crowe, traduil en francais par It.
J. B. Defauconprel , 4G7.
Cardin.il ( Le ) de Kiclielieu, cliro-
nique liiee de l'liistoii e de Fian-
ce , traduil e de 1'anglais, j(>3.
Carmouche. Voy. Manon Lescaut.
Carpuiama.ou collection* des plan-
tes el fruits de 1'lnde , par feu
Robillard d'Argcntelle , 263.
Ganion-Nisas (Col.de). AW. Gam-
pagnes des Francais.
Caachy. Theurie generate du iuou-
venienl de la lumiere, r» 12.
— Tbeoi ie des nombres , 5o5.
— Formules relatives a la dispersion
de la lumiere, 799, 801.
— Transformation el reduction
H22 TAM.K
d'une certaine dasse d'iutegra-
les, Si ii i.
"Cederschjold ( Picne - Gustave ).
I'liy. Nominations ACADEMIQl ES.
Cephalopodes. Voy. Mottusques.
Cerati ( Ibbe). I'oy. Usurpations
sacerdolales.
Cliaillol, Surene el Charenton, pa-
rodie de la Christine de Dumas,
262.
Chambeyron , C. — B., 659.
Champ de balaille oil Cesar delit
les Nerviens. Voy. Le Glay.
Champollion jeime. Voy. Nomina-
tions ACADEMIQIJES.
Chansons de Felix Becker, ouvrier
menuisier, j5g.
Clianls polonais, nationaux et po-
pulaires, publics par Albert So-
winski , et traduitsen francais par
G. Fulgence et J. de Fremont,
47>-
Charles. Voy. Atlas geographique.
— Voy. Madame Gregoire.
Charpentier. Monographie relative
a 1'hydrocephale aigue des en-
fans , a5i.
Chasse de Saint-Taurin. Voy. Le
Prevost.
Chateau (Le) de Falaise, poeme,
par Alphonse le Flaguais , 210.
Chateaubriand (V. de). Voy. CEu-
vres completes.
Chauvet, C. — A., 010.
Chemin de fer de la Loire, 245.
de Baltimore a 1'Ohio, 775.
Chene frappe de la foudre, 49S.
Cheval (J. B.). Besolulion du pro-
bleme de la quadrature du cer-
cle , etc., 1-2.
ChiMIE, 250 , 252, 5oi.
Chine , 669.
Chiolini (C). Voy. Moretti.
Chiburgie, 1S2 , 4^6, 42S- Voyez
aussi Sciences medicales.
Chocnlat ( Perfeclionnernent dans
la Fabrication du), 259.
Chodzko (Leonard). Les Polonais
en Italie, /p4.
— Voy. Pologne.
ANALYTIQUF.
GtlOLEHA PESTILENTIEL, 298.
Chobogbaphib , 5 1 5.
ClIRONOI.OGIB , 453.
Ciceii. Voy. Manon Lcscaut.
Ciceron. Voy. QEuvres completes*
Ciineiitrr national (Projet d'un)
aux environs de Londres , /|oo.
Clinique medicalc, ou cboix d'ob-
sci rations recueillies a I'hopilal
de la Cliarile , par G. Amlral ,
Clotilde, esquisses de 1S22, pu-
bises par le conipte Gaspard de
Pons, 2 1 5 .
Cloitdestey, a tale, by Ihe author of
Caleb rViltiams (Godwin) , 108.
Cohen ( Jean ). La religieuse de
Mi in /a. ^12.
CoLOMBIE, 484-
— Expose sommaire des progres.
qu'a 1'aits cette republique , 229.
Commerce , 147 , 195 , 44° > 4^4-
— des Elats-Unis, 652.
— entre le Levant et 1'Europe. Voy.
Depping,
Comptoirs des marchands de vin
de Paris, ji7>.
Condcr (Jo.iiah). The modern Tra-
veller, 1 33.
Congees de Vienne (Histoire du ) ,
par Flassan , 741.
Connemara (Le), ou une election
en Irlande , roman irlandais, par
Crowe, traduit en francais par
II. J. B. Uel'auconpret , 469.
Conseil de salubrile de la ville dc
Paris. Voy. Moleon.
Constitution politique (Tableau de
la) de la monarchic fiancaise se-
Ion la Charle, par A. Maluil, A.,
355.
Contes. toy. Bomans.
— et nouvelles, par Merville, 4('9-
Contrainte par corps. Voy. Cri-
v.lli.
Contremoulins. V. Souvenirs d'un
ofheier francais.
Conversion (La) d'un Bomantique,
manuscrit de Jacques Dclorme.
publie par A. Jay, 75a.
I)ES MATIERES.
8a!»
•CorpAi juris ciiitis Academician pti-
risiense, c\c.,ed. C. M. Galisscl,
48o. :
Coucher (Le) dc la mariee, vau-
deville, par Felix, 261.
Courcy. Voy. Manon Lescaut.
Coins de litterature professe a Lau-
sanne et a Geneve par M. Mon-
naid , 23o.
— ouvert a Vannes (Morbilian)
pour lYnseignement des sciences
naturclles , 242.
— de litterature franr.aise , par Vil-
lemain , 458.
Cousin. Voy. Tennemann. 1
Couvent (Le) de Tonnington , ou
la Pensionnaire anglaise, melo-
dranie , par Victor Ducange et
Anicet, 517.
Cramer. Zitr Gcschiclrtc Fricdrich
IVilhems I und Friedrichs II, Kce-
nigc von Preusscn, 6S3.
Creuzer (Friedr.). Ahriss der riimi-
schon Antir/uiliiten, i5o.
Crivelli (J. L.). De la contrainte
par corps, consideree sous le
rapport de la morale, de la reli-
gion, etc., 44"-
Crombie's (Alex.) Natural theolo-
gy, »36.
Crowe, toy. Cardeurs.
— Voy. Connemara.
Crustaces. Voy. Milne-Edwards.
Ccjlte. Voy. Sciences beligielses.
Cunningham (Allan). The life.i of
the most eminent British Painters,
Sculptors and Architects, 664.
Curtet. Voy. N^cbologie.
Cuvier (Baron), de l'Institut , C.
— M., 5.
]).
Daguerre , peintre. Une scene du
Deluge, et une vue de Paris, ta-
bleaux du Diorama de Paris, 5 18.
Daldini (Sanlino). Viaggiodi Terra
Santa , 4i5.
Dalloz. Voy. Jurisprudence gene-
rale.
Danemark, 4o5.
Danilowa , opera, par Vial et Paul
Duport, musique d'Adolphe A-
dam , 260.
Dante Alighieri. La divine Come-
die , tiaduile en vers IVancais par
Ant. Descliamps , 207.
Daru (P.). Voy. Astronomic
Davidson (M'1' Lucretia- Maria).
Voy. Amer Klian.
Decolvertes, 171, 244-
Decrusy. Voy. Lois francaises.
Defauconpret (H. J.B.). Voy. Car-
deurs.
— Voy. Connemara.
Delaporte. Voy. Pontsenfer.
Uelaville, Voy. Vieux Mali.
Deleau. Memoire sin le traitemenl
des maladies de l'oreille , etc.,
248.
Delile. Voy. Plantes du mont Sinai'.
Deluge (Le), drain e bistorique,
avec des cboeurs, par Augustin
Hapde , 517.
Depping (G. 15.). Ilisloire du com-
merce entre le Levant et 1'Euro-
pe , 454-
Dernier jour (Le) de Deuil , vau-
deville, par Vai ez et Desvei giers,
5i7.
Descliamps (Ant.). Voy. Dante.
Description topogi apliique de la
cliatellenie du Val-de-Travers ,
,5?.
Dessin (Les vrais elemens du),
enseignes en seize lerons, par J.
P. Voiart , 216.
Deslailleur ( Adrien ). Voy. Obser-
vations morales.
Desvergiers. Voy. Dernier jour dc
Deuil.
Deux Soudlets (Les), comedie,
par Saint- Amand et Henri ,811.
Devaux (H.). Voy. Lettre.
— ■ — Voy. Liberie de suffrage.
D'Herbelot ( Alph.), C. — A. , 94 ,
556 , 65i.
Dictionnaire bibliographique des
savans, liistoriens,gens de lettres
de la France , par Querard , 4%-
8a4 iai
— demedecioe el de chimrgie pra-
tiques , 4a a.
— topngraphique, liistoi iquc et sla-
tislique (In dcparlcment de la
Sartue, par .1. H. Pescbe, 187.
— univcr.-i'l de la langtie francaise,
par P. C. V. Boiste, 7S0.
Dindorf. Voy. Georgius Svncillus.
Dior ami de Paris, 5 18.
D 1 p LU m a 1 1 B ; , 7 i 1 •
Discours pronunceii I'ouvei hire iei
conferences de la bibliotheqne
des avocats , par Dupin aine ,
>94-
Distribution dVau, a domiciledans
Paris. I'oy. Mallet.
Dobcll's Travels in Kamschatka and
Siberia, 669.
Doering. Voy. Wit.
Doctrines medicates (Exame'n des).
Voy. Broussais.
Drach. Voy. Bible de \'ence.
Droit. Voy. Jurisprudence.
— civil, 48o, 682
PENAL, 483 , GS2.
PUBLIC , 3o5.
BOM A IN, 480.
(Histoire du) au mnyen age;
par C. de Savigny, tradnite de
Pallemand par (Charles Guenoux,
728.
Di'Ouineau (Gustave). V/jy. Fran-
chise de Bimiui.
Ducange (Victor). Voy. Convent
de Tonnington. ,
Duckeli (William). Voy. Schlegel.
Duclos. Voy. Maiice a i'encan.
Duels judiciaires Voy. Le Glay.
Dut'au (P. A.),C. — M., 59«/.
Duflus. Voy. Bal (Le) de I'Avoue.
Dui'our (Leon). I oy. Nominations
ACADEMIQUKS.
Duiac. Voy. Shylock.
Dnlong. Voy. Nominations acadi!-
miques.
Duuias (J.). Lettre sur It's pbeno-
mencs que le clilore et l'acide
acetique produisent l'un sut I'au-
tre, 200.
Duuicisaii. Voy. Brioches.
NAI.YT1QUF.
Diiinont d'Urville (Jules). Voyage
de la corvette I'Astrolabe, i83.
Diipeurey ( L. J.). Voy. Lesson.
Dupeuty. Voy. Madame Gregoire.
Dupin aine. I oy. Discours.
Notice sur la vie de A. G. J.
Gautier, 107.
Dupoii (Paul). Voy. Danilowa.
Dupras. / Oy, Ecojg preparaloire.
Dureau de la Malle. Meinoiie sur
le develnppemcnt des I'acultes in-
tellectnelles des aniuiaux , 499-
Eckstein (Baron d'). Le Catholi-
que, 770.
Ecole preparatoire d agriculture
reunic a ('institution de M. Du-
pras , a Paris , 25y.
— (L') du Pauvre , coniedie , par
Brunswick et Maillant, 260.
Ecui.es de la incinaicliie prussienne,
— dans les Pavs-Bas. Voy. Bapport.
ECONOMIE DOMESTIQUE, 174.
— iNDusTBiELi.E, par G. L. Bergery,
POLITIQUE , 45o, 4' 3, 625,671.
RURAI.E , 499-
J^COSSE. VOS, GRANDB-BfiETAfiNE.
Eciituies ( Principes des) en carac-
teres oidinaires et caiactercs
moulcs, par F. C. N. Marie, 220.
Education, !i()3 , 725.
— des jeunes Elhiopiens envoyes
en Fiance, S06.
Ecvpte , 5 111.
Ekstrom (J.F.etT. U.). Voy. No-
minations ACADEM1QUES.
Elections , 70J.
El ge d'Alexandrc Brambilla , par
G. A. Bigoni ,701.
Eloquence de lachaire, 224,480.
Emancipation ( De I') de I'enseigne
inent priniaiie dans le royaume
des Pays-Bas , 4'9-
— des juil's dans les Pays-Bas, /\'jj.
Emprisonnement solitaire ( De I')
am Ktats-Unis, par Charles Lu-
cas , INI., 23.
Encke (J. F.). Voy. Annuaire as-
rnonomique.
Encvblopbdie britannique. Septie-
me edition , publiee par Napier,
388.
Engelbard (Mmc Philippine), nee
Gallerer. Voy. Beranger.
Entendement (De 1') et de la rai-
son , par J. F. Thurot , A., 5yo.
Epee (L'), 'e Baton et le Chaus-
son , vaudeville , par Martin et
Fri rand ,811.
Esclavage (Del'abolition graduelle
de I') dans les colonies europeen-
nes, P. A. Dufau , M., 529.
Esquisses inf'ernales , par Polydore
Buunin ,211.
Etats-Ukis, 23, 122, 228, 383,
4S2 , 652 , 7^5.
Ethnogbaphie, 089, 4j°> 6G7, 685.
Euripide (Tragedies d') traduites
en ilalien par Felix Bellolti, 702.
Fables anciennes et niotlernes,
franchises et elrangeres, dont La
Fontaine a traile le sujet, par J.
L.Prel et J. F. M. Guillaume,
464.
Falco delta Rape, o la guerra di
Musso, per G. It. Bazzoni, ifi5.
Farcy (Charles). Leltr« a M. Vic-
tor Hugo, 458.
Favote in prosa ed in verso, di Celes-
tino Galti, 226.
Fazy (J. J.) Voy. Organisalion in-
dustrielle.
Felix. Le Coucher de la Marice,
261.
— Mariee (La) a l'encan , 261.
Fcrrand. Voy. Epee.
Fetis (F. J.). Voy. Memoires.
Fidelio, opera allemand, par Beet-
howen ,517.
FlLVRE JAUKE , 3o().
Fi '■ nets, 3. .2, 67 1 .
DES MATlERIiS. 8a5
Flassan. / oy. Congres de Yienne.
Flourens. Memoire sur le mecanis-
me de la respiration chez les pois-
sons , 246.
Flute (La), poesies russes de A.
Redkine, 142.
Foe (Daniel de). Voy. Wilson.
Foi philosnphique. Voy. Ancillon.
Forbes (Duncan). The Adventures
of Hatim Tai , 1 3y.
Fourier (Baron). Voy. Notice bio-
graphique.
Analyse des Equations deler-
minees, 800.
France, 170, 184, 187, 195, 242.
3o2 , 555 , 42 1 , 498 , 707 , 742 ,
797-
— (La) litteraire, etc. , par J. M.
Querard, 469.
Francceur, C. — B., 171, 221, 422.
— Voy. Astronomie pratique.
Francoise de Rimini, tragedie, par
Guslave Drouineau , 809.
Frederic. Voy. Une Nuit.
Fremont (J. de). Voy. Chants po-
lonais.
Fulgence (G.). Voy. Mickiewicz.
— Voy. Chants polonais.
Fulgence. Voy. Auberge d'Auray.
— Voy. Attendre et courir.
G.
Galatee (Nouvcau). Voy. Gioja.
Galisset (C. M.). Corpus juris.
Galleron (Fred.). Voy. Camille.
Galli (C). Voy. Favole in prosa.
Gama ( J. P.). Traite des plaies de
tele et de l'encephalitc, etc., 4^6.
Gambart. L'Academie des science!
de Paris lui decerne le prix d'as-
tronomie , 800.
Gambey. La meme Academic lui
decerne une mednille , 800.
Game of life (TheJ, by Leitch Rit-
chie, 397.
Gamier ( Adolphe), C. — A., ">|.
— B.,446.
GaSC. Vov. RECLAMATION.
8»6 TABLE AN
Gaulmier (A. K.). Foy. diuvies
posrhumes.
Gautier (A. G. J.I. Foy. Dupin
aiue.
Gence. Foy. Meditations religieu-
ses.
Genieys. Kssai Bur le> moyens de
conduire , d'elevcr cl de distri-
buter les eau%, 172.
Geodesic , 8o9i
GeolIVoy-Saiiit-Hilaire , de l'lnsli-
tut, C. — M., 20. — H., 712.
— Foy. Philosophic zoologique.
Geographie, i33, 18 J, 167, 599,
4oo, 4j8 j 667 , 708, 779. Feyei
atissi Voyages.
Gcorgius Syncellus el Nicephorus C.
f>. ed. Dindorf, 4o6,
Giqja (M.). l\noro Galalco, 700.
Giuli (Giuseppe). Slalisliea agraria
Jella Fatfll-Chiana, 6y5.
Gleig (Georgo)t- The life of major-
general sir Thomas Munro, 672.
Goethe. Foy. Wilhelm Meisler.
Godwin. Foy. Cloudcslcy.
Gohier (Louis Jerome). (/oy. Ne-
cboi.oc.ie.
Golbery (P.),C — B., 181, A07,
4.3,767.
— Foy. Histoire universelle.
Goldsmith (The Rev. J.). The Bri-
tish empire in 1828, A., 76.
Grammaibe de la langue danoise ,
etc., par Erasmus Rask, ,'[o3.
— generate. Philosophic de la lan-
gue fiancaise, par B. J.. /j"<5.
Grakde-ISretagne , i35, 20G, 3o2,
588, 450,490, 664, 779-
(L'empiredelaJ, en 1S2S, par
le Rev. J. Goldsmith, A. , 76.
Gravcbe , 219.
Gbece. Sa situation precairc et pe-
nible, 79/1.
Grouvelle et Jaunez. Guide du
Chauffeur et du Proprietaire de
machines a vapeur, etc., 718.
Grubbe (Samuel). Foy. NOMINA-
TIONS ACADEMIQI'ES.
Guciioux (Charles). Foy. Droit ro-
main.
AIYTIOlir.
Guerio ' Jolcs ) adresse a l'Acadr-
inie des sciences de Paris une let-
lie Bar la decouverte de la Sali-
cine , a j j .
Gnillaume (J.F. M.). Foy. Fables.
Gaillon (M. .\. S.). /'oy. Caillau.
Gustal-Laedericb (M""'). Foy. Mi
nia I inc.
Suy-Eder, on la Ligue en Basse
Bretagne, par llippolyte Bonne-
li.i , 468.
Gyllcnkmok (Axel. Gustave. Foy.
NOMINATIONS AC \DBMIQHRS.
Harmonies poeliques et religieu-
ses, par Alphonse de Lamartine,
757.
Hartmansdorff ( A. de). Fay. No-
MINAT10NS ACADEIUIQUES.
Haitzinger. Acleur allemand, 5iS.
Harevy. Foy. Manon Lescaut.
Hapde (August in), I'oy. Deluge.
Heeren. Ideen iibet die Politik , den
Fcrluhr undden Handel der ror-
nchmstcn Father, etc., i4 ~-
— Mi-int t linage traduit en liaii
cats par W. SucJ.au , 190.
rlemorrh ides. Foy, Moulcgre.
Henger (L\). I'oy. Holbein,
Henri. Foy. Auberge d'Auray.
— Foy. (Vttendre et courir.
— Foy. Trois couche.es. ,
— Foy. Deux souHlrls.
Hereuu (Edme), C. — B. , 45,
4o3 , 765. — IS . , 7S3 , et les ar-
ticles signes e. h.
Hericart de Thury ( V.). Sur le con-
cours ouvert pom le percemeril
des puits Cores, etc., 42g > <*&&'
Ilerschel (J. F. W.). Trait.- de la
lumiere, traduit de 1'anglais par
P. F. Verhulst et A. Quelelet,
170.
llippolyte. Foy. Sournois.
Histoire , 38 , 76 , i35, i5o, l5l,
i5a, 168, 196, 197,404, 4o6j i ' 2-
DES MATIERES.
8:
4a i, 454, 67s, 687,705,746, 7-I8,
706.-
— universelle de I'ati li quite ; par
Fred. Chief. Sehlosser, traduile
de l'allemand par P. A. de Gol-
bery, A., 345.
— d'A'ger et du bombardement
decette ville, en 1816, pag., 202.
— de Russie, par Karamzine, 121"
volume , 1,4-1.
— des Pays-lias. Traile snr la ma-
nit-re de l'ecrire, par J. Schel-
teina, 42o.
— des Franeais des divers etats
aux cinq derniers siecles , par
Monteil, 195.
— ■ seientifique el mililaire de ['ex-
pedition i'rancaise en Egypte, pu-
bliee par X. 15. Saintine , 5 to.
— du Congres de Vienne , ~i\ .
— de laCbule de 1'Empire de Na-
poleon, par E. Labaume, 742.
— niilitaire des Franeais par cam-
pagn,es, 74'-*-
— ( Pieces pour servir a 1") de Fre-
deric Guillaume \" et Frederic
II, rois de Piusse, par le Dr
Ci amer, 685.
— (F.ssais sur 1' ) de I'esprit hu-
uvain dans I'anliquite, par Rio,
A., 94-
— du Droit romain an moyen age,
par Savigny , 728.
— de la legislation , par le marquis
de Pastoret , A., 609.
— ( .Manuel de I') de la philosophic,
par Tennemann , A., S'j.
— de la literature ancienne et mo-
derne, par IVederic Schlegel ,
A., 63 1..
— de la litterature neerlandaise ,
par J. de S'Gravenwerl, 705.
— generale des Voyages, par C.
A. Walkenaer, t. xvm , 719.
HlSTOIRE PCATI'RELLK , 5, 20, 5o4-
Hittoiff ( J.). Vay. Architecture.
Holbein (.lean) le jeune , par Ul-
rich Hengi-r, 1 54-
Homme (L') consider** com me
etre peasant , etc., pai ,1. .1. La
Roi, 4/8,
Hugo (Victor), t'oy. Farcy.
Hydrauliqce, 172,429,431, 5o6.
Hydrocephale des en la 11 s. Pay.
Gharpentier.
Iacorcnka. IVinechnee Sosloianie ,
etc-, 4oo.
Ichtvolocie , 246.
Iliade (L'), traduction nouvelle en
vers franeais, par A. Bignan ,
462.
Iman de Mascate, 777.
Imitation theatrale ( De 1'), a
propos du roniantisme, 207.
Imitation du Coran, en langue
russe, par A. Rottchef, 142.
Immortalite (L') del'ame, ou les
quatre ages religieux, poeme ,
par de Noryins, A., 107.
Ihimumebies en Prusse , 79^.
Isdistrie , 174 , 455 , 6a5.
Infanticide dans l'Inde. I'oyez
Peggs.
INSCRIPTIONS, 4y6 , 76S.
Institct. loy. Societies savantes.
Institutions de bienfaisance du
royaume des Pays-Bas. Voy.
Rapport.
Instbcction ( Rapport sur les ela-
blissemens d') el ({'education de.
l'Eglise re for meediidepai lenient
de la Seine , 720.
ELEUENTAIRE , So5.
PBIMA1RE , 4'9-
- pcbliqoe, 28, 791. Voy. (lUSSt
Ecoi.es , U.MVEBSIIliS , etc.
Inventions ,171.
Ihlande, 748. Foy. aus.il Grande-
Rretaoe.
Isambert. Vpy. Lois frangaisc's.
Italie, 160, 4 i4i 4yC, 6g5.
Itineraire descriptif de la Fiance,
etc., par vaysse de Villiers, 182.
Ivernois (Francis d'V Leti.re sur
8 38
I'accroisement de la populalii
dam les iles brit anmqu.es, ,{5c>.
Jacobi, de Keenigsberg. L'Acade-
mie des Sciences de Paris lui de-
cerne le grand prix de mathema-
tiqnes, 802.
Jaubert (Amedce). Voy. Nomiha-
IMNS ACIDEMIQUES.
Jaunez. Voy. Grouvelle.
.lay ( A.). Voy. Conversion d'nn
Homantique.
Jesuitismk , 703.
Jomard. Voy. Caillie.
— Voy. Reclamation.
JoURIVAUX ET ReCUBILS PKRJODIQUES.
— pnblies en Allemagnc : Zeitschrifl
fur Rcchtswisscnschaft , a Heidel-
berg, 409. — Archiv fur Geschich-
tc , a Francfort-sur-le-Mein, l\ 10.
— publics en Anglctcrre : The O-
riental quarterly Review, a Lon-
dres, 1 40. — The Foreign literary
Gazette, a Londres, i4o.
— pnblies en France: Revue de Pro-
vence, a Marseille, 221. — Bais-
scz la fete, pauvrc Jacques ! Jour-
nal de Sainte-Pelagie , a Paris,
223. — The London Express and
Paris Advertiser, i\ Paris, 224. —
Annates de la Societc royale des
sciences, belles-lettres el arts d' Or-
leans, 4j6. — Annates des mines,
& Paris, 4/7- — Bulletin dc la So-
eleti geographlque , Ji Paris, \j8.
— Revue des deux Mondcs , A Pa-
ris , 4;8. — Le Catholique, a Pa-
ris, 770.
— publics dans les Etats-Unis du
Mexique ; Reglstro official del go-
blerno de los Eslados Mexlcanos,
a Mexico , 386.
— pnblies dans les Pays-Bas : Jour-
nal d'agriculturc , d'economic ru-
lalecl des manufactures, a Bruxel-
les, 167. — Bibliolhcque des Jn-
illtulcurs, a Mons, 168. — Nou-
ALYTIQ1 i:
relies Archives histuriqucs des
Pays-Bas, a Bruxelles, 16VS. _
Recuell dc la Societc medicate de.
Iloom, 707.
— publics en Pologne : 5 dans la 1 c
publiquc de Cracovie, 7S.5. —
— 28 i Varsovic , 785. — 1 S dans
lesPalatinatsdu royauuie, 7S0. —
2 dans le grand-dm be de Lithua-
nie, 789. — i dans la Pologne
prussienne , 790. — 4 dans la Po-
logne autricliienne , 790.
Jcjifs (Reintegration des) en Angle-
terre dans leurs droits de ci-
toyens, 75G.
— Ellet remarquable de (ear reha-
bilitation en Hollande, 497-
Jullieu ( M. A.), fondateur-direc-
teur dc la Revue Encyclopediquc ,
C. — R., 707, et les articles si-
gues M. A. J.
— Voy. Lettre.
Jurisprudence, 194, 4°9> 44ji 4/iS>
73l. Voy. aussi Legislation.
— ■ generate du royaume, etc., par
Dalloz , 730.
Kaaiscuatka , 66c).
Karanizine. Voy. Histoire dc 11 11s-
sie.
Kharsim , 779.
Kholand , 779.
Kiesewelter ( R. G.). Voy. Memoi-
res.
Kirckhoff, C. — R., 71?.
Koelhe (F. A.). Philip Melunehtons
TVcrke, 681.
Kotff(D. V.), Reizc, etc., 4 18.
Labaunie (E.). Histoire de la Chute
de l'Empire de Napoleon , 742.
L'.ihorde ( Alexandre de). An Roi
et aux Chanibrcs sur les verita-
bles causes de la inplure avec
Alger, etc., 198.
DES MATIERES.
Laconp(P.). Mon Portcfewlle, 216.
F^adijcitzky. Vsgliad na evropcis-
houiou Tourtsiou , 599.
Lait ( Falsification du), 714.
Lajard. Voy. Nominations acade-
MIQEES.
La Marche (de). Voy. Marcliand
de Venise.
Lamartine (De). /^'.Nominations
ACADEMIQUES.
— Voy. Harmonies poetiques.
Langce danoise, 4f>3.
— francaise, 4^5, 700.
— hollandaise, 4?o.
Laplace (Marquis de). Mecanique
cele-4e , traduite et commentee
par Nathaniel Bowditch , 385.
Latreille. Eclaiicisseinens sur quel-
ques passages d'autenrs anciens,
relatii's a des vers & soie, etc.,
245.
Lauth (E. A.). Voy. Anatomie.
Lebtun (Isidore), C — B., 184,
I9O , 211, 466.
Le Flaguais (Alph. ). Lc chateau
de Falaise, poeme , 210.
Legislation , 191, 193.
— ( Histoire de la) , par lc marquis
de Pastoret , A., 609.
— civile , commerciale et crimi-
nelle de la France, etc. , par le
baron Locre, 192.
— ( Traite de ) civile et penale, par
Jeremie Bentham, traduit en al-
lemand par F. E. Benecke, GS2.
— polonaise. Voy. Lelewel.
— des theatres. Voy. ~\ ivien.
Le Glay. Lettre surles Duels judi-
ciaires dans le noid de la Fiance,
»9-4-
— Nouvclles conjectures sur l'em-
placement du champ de bataille
ou Cesar defit l'armee des Ner-
viens, 197.
Lelewel (Joachim). Essai histori-
que sur la legislation polonaise ,
446.
Lemontey (P. E.). OEuvres, 4.61.
Le Noble (Alexandre), C — A..
609.
•S -'■<)
Leon. Voy. Bal (Le) de I'Avoue.
Leopold ( Charles-Goillaume de).
Voy. NtfCBOLOGlE.
Le Prevost (Auguste). Metnoire
sur la Chftsse de Saint-Taurin ,
d'Evreux , 765.
Leroux. Analyse chimique de I'e-
corce du saule , 5oi.
Le Hoy (J. J.).De Menscli besdiouwd
in zijcn aanlcg , etc., 4'S.
Lesson ( R. P.). Journal du \ oyage
pittoresque autour du monde,
execute sur la corvette la Co-
quille, commandee par L. J. Du-
perrey , 438.
Lettre ( Exti ait d'une) adressee
de New-York a M. Jullien, de
Paris, 482.
de M. Edouard Livingston A
M. Taillandier an sujet du Code
criminel destine aux Etats-Lnis,
483.
— de M. H. Devaux a MM. Ies
electeurs, sur lc vote de I'adnsse
du 16 mars, 733.
— d'un Electeur du Cher aux au-
tres Electeurs , 703.
— de Tutundjy-Oglou - Mustafa -
Aga , veritable pbilosophe turc ,
;i M. Thaddee Bulgarine, etc.,
67C.
Levavassseur. Voy. Nechoi.ogie.
Liberte (Lettres sur la) de la Reli-
gion , et sur les Jesuites moder-
nes , 703.
— de suffrage (Essai sur la) des
foiic tionnaires publics amovibles,
par H. Devaux, 733.
Libbaihie ( Accroissement du cum-
merce de la) en Allemagne, 4g5.
— en Prusse , 792.
Lithogbapbie , 216 , 4j°-
Lithotritie, 4-*8-
Literature altemande , 1 55, 164 ,
239, 4°9> 4^6, 517. — ancienne-
classique, 225 , 462, 702, y56. —
— anglaise, i38, i4o, 214, 224,
3g5, 397, 467, 760. — bibliqne,
723. — bresilicnnc , 391. — des
Etals-Unis, i3o. — francaise,
85o
IO7, 1>2, 2o4 , 2O7 , 210, 21 ! ,
VI'.', 2 1 4 ) 2 1 5 , 2 21, 22J , 259 ,
:•()(>, 261, 262,375,455,457,
458, 460, 46i, 469., 264, 4G8,
469, 5i5, 5 16 , 517, 6S8 , 750,
7.12, 7^7, 75;) , 761,760,761,
770 , 8o3, Soy, 8 10, 811. — ge-
i»!e,63i. — italienne , i|5, 162,
16.4 > i65 , 207 , 212 , 226 , 4'6 ,
700 , 701 , 702. — neerlandaise ,
-c:.j. — persane, 107. — polonai-
se , 356, 47 > 5 77J- — cusse, 1 \ 2,
772.
!.n ingston (Edouard). Voy. Let-
tie.
Lone. /*<>v. Legislation civile.
Lois criniinelles (Hel'omie des) des
Etats-Unis, /|S5.
— i'rancaises ( Recueil general des
anciennes), etc., par Isambert,
Decrnsy, et Taillandier, 191.
Longeville. Nouvelle rose des vents,
S01.
Longhena (Fr. ). Voy. Quatremere
de Quincy.
Lowenhielm (Coinle Gustavede).
Voy. Nominations academiques.
Lucas (Charles), M., 23.
Voy. Systeme penitentiaire.
Lucenay (J. de) , C. — N., 239.
Lumiere ( Traitii de la). Voy. Her-
schel.
— (Mouvemenl dela). Voy. Cau-
ehy.
— (Dispersion de la). Voy. Cau-
Luna Follieio (Donna Cecilia). II
I ' iaggio, etc., 4 '6.
M.
Ma Feniine et ma Place, comedie
en prose , par liayard et Gustave
de Wailly , 260.
Machines a vapenr. Voy, Grou-
velle.
Madame Gregoire 011 le Cabaret de
la Piinimr du Pin , vaudeville
par Charles el Dtipeuty , '17.
.NAI.Y HOI E
Mallei (Andre). Seine Iviiipie pour
L'inaugueatioD du buste de \ in
cent Monti , 162.
I'oy. Marie Stnail.
Mahul (A.), C — A., 76.
— tableau de la constitution poli-
tique de Ij monarchic franijaise
selon la Charte , A., 335.
Maillanl. Voy. Ecole du pauvre.
Maison (La) de campagne, par
M"11, Aglae Adanson , 174.
Maladies pestilenliellcs (Rapport
sur Its fait au Conseil superieui
de sante, etc., par A. Moieau de
Jonnes, M., 297.
Mallet (C. F.). 'Notice hislorique
sur le projet d'une distribution
generate d'eau, a domicile, dans
Paris , 43 1.
Malle-Brun. Voy. Pologne.
Mangeart (J.). Souvenirs de la
Moree, 746.
Manou Lescaut, ballet-pantomime,
par Aumer, Halevy et Ciceri .
5i5.
roman en six chapitn s , par
Carmouche et Courcy ,810.
Manuel du teneur de livres, pai
Tremery , 44o.
Maicband (Le) de Venise , diame
en vers, d'apres Sliakespeai % ,
par de La Marcbe , 810.
Vai i ( Le) aux neul' i'emmes , vau-
deville, 261.
Mariage (Un) du grand monde,
traduit de l'anglais de Miss Bail-
lie , 214.
Marie (F. C. N.). Voy. Ecritures.
— Stuart , iragedie de Schiller, lia-
duite en italien par Andie Maf-
i'ei , 1 64 .
mtJme ouvrage traduit par
Mme Edvige de Battisti , Unci.
Mariee ( La) a 1'encan, tableau vil-
lageois , par Duclos et Felix,
261.
Mahoc , 777.
Marseball. Essai histoi'iqne et topo-
graphique sur l'nrigine d'Anvers,
71)5.
Martin. / '<>v. Epee.
Mathematiques , 172, 5oa , 798,
800 , Sol.
JA&DECutu. Foy . Sciences medicai.es.
Meditaiions religieuses, en forme
de discours, traduites de l'alle-
mand par Monnard et Gence,
44 2 •
Melanchton (Philippe). Fox. Koc-
the.
Melesville. Fox. Philippe.
Memoir of the Life timl public servi-
ces of sir Thomas Slam ford Raf-
fles, 67 2.
Memoire pour les hommes de cou-
leur. Cinquieme partie , 200.
Memoires, Notices et Melanges
(I) : Considerations sur les mol-
lusques el en parliculier sur les
eephalopodes (Cttvier), 5. — Ob-
servations sur le Memoire prece-
dent (Geoffroy-Sainl-Hilarie), 20.
— Del'empiisonnenient solitaire
aux Etats Unis (Charles Lucas),
20. — Be i'expedition eon tie A I
ger (J. C, L. de Sismondi), 2S1 .
— Rapport sur les irruptions et
les progres des maladies pesti-
lentielles, pendant I'annee 1S29
(Moreau do Jonnes), 297. — Re-
did ches sur les produits compa-
res des revenus prives et publics
de la France et de la Grande
Rretagne, par M. Charles Da-
pin, 3o2. — • De I'abolition gra-
duelle de I'esclayage dans les
colonies europeeniies (!'. A . Du-
fan), 529. — Notice biographi-
que sur le baron Fourier | Ficilh
de I'oisjosim), 552.
— et Rappokts (If Societes savan-
tes en France, 474, 767.
— de K. G-. Kiesewerter et F. J.
Fetis, couronnes et publies par
I'Instilut royal des Pays- Lias, 166,
— complets et authentiqties du due
de Saint-Simon, sur le sieole de
Louis XIV et la regencc. T. xix
et xx , 196.
— de la vie et de l'epoque de Da-
atip.iu:s. S" 1
nii'l de Foe, par Walter YV i son,
1 56.
Mcmoria de la Seerclaria di Estadb
y del Despacho, etc. , 659.
Memorial portatif de chronologic,
d'liistoiie industrielle , etc., 433.
Mei ville. Foy. Contes.
Missie (Le vrai) , ou I'Ancien el le
Nouveau - Testament examines
d'apres les prin: ipes de la Langue
et de la nature, par G. QKgffer,
Metaphysiqie , 590.
Meteorologie , 5S.J.
Mexiquk, 386 , 659.
Miaskovvski ( F.). Foy. Mickieuii z.
Michelot ( A.) , G. — N., 25?. , 5o5,
8o5.
Mickiewicz (Adam). Poesies po-
lonaises, A., 356.
— meme ouvrage traduit en fian-
eais par F. Miaskovvski el G. Ful-
gence , ibid.
Milne-Edwards. Dispositi in parti -
culiere de 1'appareil branchial
chez quelques crustac«s, 5o4>
— Organisation de la bonohe cher.
les crustaces suceurs , 5o ;.
Miluslavsky, ou les Rosses en 161a,
par Zagoskine , 78.3.
MlMiRALOGlK , 245, 477-
— (Traite elementaire <:e,i, par F.
S. Beudant , 715.
Miniature ( Principes de), mcthode
pour les personnes qui veulenl
peindre seules, par Mu"' Gustal-
Laederich , 765.
Mionrret. I ay. Nominations ic'aIik-
M1QI KS
Mtttermaier et Zachariae. Journal
critique de jurisp'rudenci
Moke (II. (i.). Foy. Philippine Ue
Flandre.
Moluavie ( Etal aetnel des p^inci-
pautes turques, la) el la Vala-
chie , et de la province 1
Bessarabie, par Ignacetlacoven-
ka , 4oo.
Moleon ( V . de). Collection des rap
poiis sin les rrarauz du Conseil
8J2
r.Mn.i analytique
de salubrity de la ville de Paris,
4a«.
Molccques , { 18.
Moiiusqucs ( Considerations sm-
les ) , et en particulier sur lis
Cephalopodes , par le baron Cu
vier, 81., 5.
— Observations sur ce Memnirc,
par Geoffroy-SaintcHilaire, 20.
Mon PorteJ'euille , par P. Lacuur,
216.
Monnaid. toy. Gours delitteraturc.
— I ox. Meditations rcligieuses.
— C. — B., 694.
Montegre (A. J. de). Des hemor-
rhoides, elc, 426.
Munteil. Voy. Hisloire des Fran-
eais.
Monti (Vincent). Voy. Mairei.
Monumcnta Gcrmanice hislorica ,
4o4-
Morale, 724.
Mureau de Jonncs (A.), G. — M.,
»97- '
Moretti c Chiolini. Bibltotcca agra-
ria, 4 '4.
Mort (La) deColigny, ou la Nuit
de Saint Barthelcmy. Scenes his-
loriqnes , -64-
Morns (Thomas), biograpbie re-
digee d'apres des materiaux au-
thentiques , par G. T. Rudhart ,
i53.
Mosaique monumentale (Elablis-
sement de) de M. Barberi , a Pa-
ris, 262.
— Les premiers amours de Henri
IV, poeme allemand , par W. de
Normann , i55.
?.lunro (Thomas). Voy. Gleig.
Mooter (Frederic). Voy. ISiicno-
LOGIE.
Miske d'antiquites de Kretcb, 492.
— d'bistoire nalurclle de Stock-
liolm , 4;-5.
— ■ Diocletien de Paris, 52o.
— (Fondation d'un) a Egine, jyG.
MusiQBB, 47> i 5i5, 5 1 7.
Napier. Encyclopedia Britannica ,
088.
Noviichia istoriicheshia , etc., .199.
Navier. Bapport sur la Gaissc d'K-
pargoes et de Prevoyance de Pa-
ris, 7-26.
Navigation , 801.
Necrologie : Georges Ticrncy ,
membre du parlemenl d'Angle-
tcrre , 264. — Louis-Nicolas Vau-
quctin, membre de la Cbambre
des deputes de Fiance, 266. —
Levavasseur, traducteur en vers
hancais du livre de Job , 26s.
— Le comte Platen, ex-gouvcr-
neui' general de IVorvege,a Chris-
tiania, 5ai, — Frederic ftlanter,
eveque de Zelande, 521. — Jean
Zcllncr, membre du Grand-Con-
seil suisse, a Soleure , 522. —
Ctirtct, professeur a l'ecole de
medecine de Bruxelles, 525. —
Louis Jerome Goliier, ex-presi-
dent du Directoire executif, a
Paris, 520. — Gharles-Guillaume
de Leopold , secretaire d'Etat , a
Stockholm , 81 1.
NiORAMA de Paris, 5j8.
Nepenthes. Germination de cette
planle, 244-
Nominations acad^miqces : Le doc-
teur B lumenbach de Gceltingue ,
associe etranger de 1' Academic
des sciences de Paris, 25o. —
Leon Dufour, de Saint-Sever,
membre correspondant de la me-
mc Academic, a5i. — DeLamar-
tine, membre dcl'Acadcmic lian-
caise, 252. — De Pongerville,
membre de la meine Academic,
256. — Comte Gnstave de Lijwcn-
hivlm , A. de Hartsmansdorff ,
Jean-Israel Ekstrom, Pierre-Gus
tave Ccderscltjbld , Axel-Cuslave
- Gylknhrooh , Pierre - Frederic
DES MAT
Wahlberg , et T. U. Ekstrom ,
meiobres de l'Aeademie des
sciences de Stockholm. Les pro-
fcsseurs Dulong, de Paris, et
Henri Hose, de Berlin, le baron
Fourier, de Paris, associes chan-
gers de la meme Academic, 493-
— Samuel Grubbe, d'Upsal ,
membrc de l'Aeademie sucdui-
se , 493. — TVallich , directeur
du jardin botanique de Calcutta,
et le Dr Qtioi , correspondans de
l'Aeademie des sciences de Pa-
ris, 5o5. — Thurot, Champollion
lejeune, Thierry, Lajard, Ame-
dee Jaubcri et Mionncl, membres
de l'Aeademie des inscriptions
et belles-lettres de Paris, 5o5. —
Arago, secretaire perpeluel de
l'Aeademie des sciences de Pa-
ris, 796.' — Gergonne, correspon-
dant de la meme Academie, 801 .
— De Segur et de PpngervUle.
Leur reception a l'Aeademie Iran-
caise, 800.
Normann (TV. von). Mosaik, etc.,
i55.
Norvins(De). J'oy. Immortalite de
l'ame.
— Voy. Campagne de iSi3.
Notice biograpliique sat le baron
Fourier , par Vieilh de Boisjos-
lin, M., 552.
Notions de la plus haute antiquitc
sur les habitans de la rive gauche
duRhin, par Math. Simon, 1 5 1 .
Nouvblle-Zelande (Les habitans de
la ) , 667.
NoiiVELLESSCIENTIFIQllESETLITTERAI-
kes (IV) : At'rique , 775. — AI-
lemagne, 208 , 494, 79 1 . — Asie,
775. — Colombie, 229, 4§4. —
Etats-Unis, 228, 4S2 , 770. —
France, 242,490, 797. — Grande-
Bretagne, 206, 490, 779. — Gre-
ce, 794. — Italie, 496. — Paris,
243, 498? 798.— Pays-Bas, 497.
— Pologue, 7S3. — Bussie, 491,
782. — Suede, 4g5. — Suisse,
"9.
T. XLTI.
853
I).
Observations morales, critiques el
politiques, par Adrien Destail-
leur, 724.
OEgger (G.). Le vrai Messie , 723.
OEuvres de Philippe Melanchton ,
GSi.
— de saint Francois de Sales. Edi-
tion complete, 699.
— de C. C. Tacite, traduitcs en
fraacais parC. L. F. Panckoucke,
756.
— de Voltaire , avec prefaces , no-
tes, etc., par Beuchot, 4C0.
— de P. E. Lemontey, 46 1.
— de Ballanche , 462.
— completes de Ciceron, traduc-
tion nouvelle avec le tcxte latin
en regard, 225.
duvicomtede Chateaubriand.
T. vn , x et xi , 460.
T. viii , xi; et xin , 757.
— diverses de Louis Bocrne, 407.
— posthumes d'A. E. Gaulmier,
A., 1 12.
Ombellif'eres (Famille des). Voy.
Candolle.
Oreille (Traitement des maladies
de 1'). Voy. Deleau.
Organisation industrielle (Piinci-
pes d'), par J. J. Fazy, A., 62.5.
Oryctographie , 7GS.
Otlomanshaya hnperfa , 599.
Oubli ( L') on la Chambre nuptiale,
vaudeville, par Paulin , 810.
Pabel (E.). Russtand in der neitcs-
ten Zeit , iSa.
Paleographie, 720.
Palestine , 4- 1 5.
Pai.ckouke (C.L. F.). Voy. Tacile.
Papeteries en Prusse, 793.
I'appcnheimer (Die) , hitloriscli-ro-
'JA
ST. | TABLE AK
mantitchcs Gcmaidc , von A. von
Tromlitz, 409.
Parent-Real, C. — B., 733.
Paris, 243,498,712, 79S.
Parnell ( Henry '). On financial He-
form , 67 1 .
Pastoret ( M.de). I'oy. Legislation.
Patrat. Le Voyage en Suisse, vau-
deville, 261.
Paulin. I'oy. Onbli.
Pauvres (Lies) Anglais et la Sociele
dc Bienfaisance des Pays-Bas ,
4'9-
Pavs-Bas, 28 , 166 , 4'8 > 497* 7»2-
Peggs (J.). The present state of in-
fanticide in India , 7>yd.
Peintere, 5iS , 52o.
Pelletier. Annates de la Societe
royale des sciences d'Orleans ,
4/6-
Peres de 1'Kglise. J oy. Caillau.
Peritonite puerperale (Traite de
la ), par A. C. Baudelocque, 179.
Perou , 1 34.
Perrard (Ferreol). toy. Rhetori-
que classique.
Perrelet. L'Academie des sciences
de Paris lui decerne une medaille,
800.
Perrot (A. M.). Alger : Esquisseto
pographique el histoiique du
royaume et de la ville, 202.
Perse , 778.
Peste , 297.
Petri (Edouard). Moyeus de dou-
bler la production de la laine
chez les moutons, 499-
Philippe, coniedie vaudeville , par
Scribe, Melesville et Bayard,
261.
Philippine de Flandre, on les Pri-
sonniers du Louvre, roman his-
toiique beige, par H. G. Moke,
212.
Prilologie, 225, 702, 756.
Philosophie, 54, 94) 4,8> 44-> J
590.
— naturelle (Flemens de) , etc.,
par Neil Arnolt, traduits de l'an-
glais par T. Richard , 170.
ALTTlyVt
— zoologique ( Principcs dc) , par
GeollVoy-Satnt-lIilaiie , 707.
Piivsiologib, 246, 499» 5o2 , 5o4-
I'iivsi^ie , 170 , 498 , 5o2 , 716.
Pierre dans la vessie. I'oy. Rigal.
Plaies de tele, f oy. Cama.
Planles du inont Sinai, recueillies
par Leon de la Borde et decrites
par Delile ,231.
Platen (Cointe de). Voy. Nkcrolo-
cie.
Poksie , 107, 112, i3o, 142, i45,
1 55, 162, 210, 211, 2 26, 373,416,
457> 464, 688, 757, 759.
DRAMATIQl'E, l64, 2O7, 210, 2.6o,
261, 262, 095, 5 io, 5 1 6, 517, 702,
S09, 8l0, 8l 1.
— ( De l'histoire de la), f'oy. Am-
pere.
Poesies de M"1- Davidson, i3o.
— d'une fenime , 46a.
— romaines, par Jules de Saint-
Felix, 757.
Poezye Adaina Mickiewicza , A.,
356.
I'oinsot. Traite de Statique. Cin-
quieme edition , 79S.
Poi.EMIQUE LITTEKA1RE , 20, 676,
73a.
Politique, 128, 198, 2o5 , 236,
275, 555, 586, 4°7> 482, 484>
639, 688, 6S9 ,753, 704, 74'-
— ( De la) et du commerce des
peoples de l'antiquite, par A.
II. L. Heeren, 147 ) ig5.
Polugme , 785.
— ( Tableau de la ) ancienne et 1110-
derne, par MalteBrum. Nou-
velle edition publiee par Leo-
nard Chodzko, 70S.
Polonais (Les) en Italie , tableau
des travaux des Polonais pour la
regeneration de leur patrie, par
Leonard Chodzko , 454-
Pongerville (De). Voy. Nominations
ACAUliMIQtES.
Pons (Gaspard de). Voy. Glotilde.
Pontecoulant ( G. de). Voy. Sys-
teme du monde.
PONTS FT CHAI'SSEES, ?./l3 , 775, 799.
Poulsen ler(Projet relatii'a one nou-
velle- construction des) , par Dc-
laporte, 799.
Population ( Accroissement de )
dans les ilcs britaniques. Voy.
Ivernois.
Portal. Bapport presente a I'As-
semblee generate des t'ondaleurs
de la caissi; d'epargnes de Bor-
deaux, -9.6.
Portraits (Collection de) des Frao-
c;ais celcbres par leurs actions ou
leurs ecrits, etc., 219.
Prei(J.L.). Toy. Fables.
Presse periodique, en Pologne,
;83.
en Prusse , 794.
Prigionien (J.) di Pizziglicttonc ,
etc., 4'6.
Prisons, 23, 122, 190.
Prix d£c ernes: par la Societe rovale
et centrale d'agricullurc de Pa-
ris, 429, 5o-. — par l'Acadeinie
des sciences de Paris , 799 , 800 ,
801.
— proposes : par la Societe royale
et centrale d'agriculture de Pa-
ris, 429, 507. — par la Societe
francaise de statistique univer-
selle , 507. — par la Societe de
statistique de Marseille, 797. —
par 1'Athenee des arts de Paris,
So4. — par les Societes reunics
de la morale chretienne, des me-
thodes d'enseignenient et del'l n-
seignement elenientaire de Paris,
S06.
Procedure civile (Traite elemen-
tairede la), par L. F. Auger, 70 1.
Prlsse , 494 j 79 >•
Puissant, C— B., 458.
Puits fores. Voy. Hericarl de
Tbury.
Puvis. L'Acadeinie des sciences de
Paris lui decernele prix de statis-
tique, 799-
Q.
Quadrature du cercle. Voy. Clie-
val.
DES MATIEREs. 835
Quai-aux-Fleurs (Le) , vaudeville,
5,7.
Quatremere de Quincy. Histoire
de la vie et des ouvrages de Ba-
pliael Sanzio d'Urbin , tiaduite.
en italien par F. Lunghena, 1G1.
Querard (J. M.). La France litte-
raire , 469-
Quelelet ( A. ), C. — A., 28. — B.,
703.
— Voy. Hcrschel.
Quoi. Voy. Nominations academi-
qces.
R.
Rafael, dratne mfile de chants, par
Theaulon , iV)i.
Raphael. Voy. Quatremere de
Quincy.
Bailies (T. S.). Voy. Memoir.,
Bapport fait au Congres des Ftats-
Unis par M. Caeibreleng, au
nom de la commission du com-
merce, 662.
— sur les institutions de bienfai-
sance des Pays-Bas , A., 2S.
— sur l'etat des ecoles superieures,
moyennes et primaires des Pays-
Bas , ibid.
— du Conseil de Salubrite de la
ville de Paris, etc., 712.
Hash's Grammar of the danisli Ian
gua^c, 4o3.
Re (Zefirirto). La vita di Cola di
Rienzo, 160.
Recamier (J. C. A.). Becberches
surle traitenient du cancel, etc.,
182.
ReCLA SI AllONS.
— de M. Beltrami au sujet du comp-
te rendu de son ouvrage sin le
Mexiquc, 5i 1.
— de M. G-asc au sujet de sonTrailr
des Melhodes, 5i \.
— de M. Jomard au sujet de la
hauteur de la ville de Tcinboc-
tou , S09.
IvHI'UI.S PKRIODIQl ES. Voy. J'U II
\ I I X .
H3(i
Redhinc (A.). Trcrnitsa. etc., i4a.
Reforme des Finances. Voy. Par-
neU.
Ueiil'enberg, C. — 15., i56, i/Ji,
.6;.
— Nouvelles Archives hisloriques
des Pays-Baa, iC8.
Religieusc ( La) de Monza, episode
du xvue siecle , par Rosini, tra-
duit de l'italicn par Jean Cohen,
21 2.
Religion. Voy. Sciences heligiel-
SES.
Renaudot. Alger. Tableau du
royaunic, de la ville d'Alger et
de ses environs, etc., 202.
Renouard (Ch.), C. — B., 190.
Report ( The fifth ) of the American
Sunday School Union, 383.
Reports of the Prison discipline So-
ciety of Boston , 122.
Resolutions submitted in the House
of representatives of the Congress
of the United States, 12S.
Revenus ( Recherches sur les pio-
grCB compares des) prives el pu-
blics de la Grande-Bretagne, M.,
002.
Rey-Dussueil. Voy. Samuel Ber-
nard.
Rhetoriqce classique a l'usage des
aspirans au grade de bachelier-
es-lettres, par Ferreol Perrard ,
45/..
Richard (T.). Voy. Philosophic na-
lurelle.
Ricnzo (Cola di). Voy. Re.
Rime pasloridi , par Agliaja Anassi-
tide, 1 45.
Rigal (J. J. A.). De la destruction
mecanique de la pierre dans la
vessie, 42$-
Rigoni (C. A.). Elogio del Cava-
licre Giov. Alessandro Erambitlit,
701-
Rio. Essai sur l'histojie de l'esprit
huniain dans l'antiquite , A., 6)4.
Rio de Janeiro wie cs isl , ion C.
Schliclilhorsl , 685.
Ritchie (Leitch). Voy. GameofLife.
ABIE AKAI/YTIQl'K
Roche. Voy. Trois couchues.
Romans , toy , i38 , 1 65 , 21 2, 21 4,
2i5, 7>c,j, 416, 466, 467, 468,
469 , 763 , "64.
— (Nouvelle Bihliolhcqne univer-
Belle des) , 761.
— historiques publies en Russie,
782.
Rose (Henri). Voy. Nominations
ACADl'iMIQl'ES.
Hose des Vents. Voy. Longeville.
Ros-ini. Voy. Religieusc (La) de
Monza.
Rottchef( A . ). PodrajaniiaKoranou,
142.
Rousseau (J. J.). Julie, ou la Nou-
velle Heloise , 761.
Rudharl (G. Th.). Thomas Moras,
etc., 1 55.
Rugendas (Maurice). Voyage pit-
toresque au Bresil , 470.
Russie, i4i, 399,491,676,782.
— (La) dans les derniers terns, par
E. Pabel, i52.
Saint- Amand, Voy. Deux soufllets.
Saint-Ange (J. M. de), C. — B. ,
7°9-
Saint- Felix (Jules). Poesies romai-
nes, 757.
Saint-Simon (Due de). Voy. Me-
moires.
Saintine (X. B.). Hisloire de 1'cx-
pedilion fraucaise en Egypte,
5io.
Salicine (Decouverle de la). Voy.
Gueriu.
Satles (S. Francesco dej. Opcrc, 699.
Salm (Mme la princesse Constance
de). Epilre sur 1'Esprit du siecle,
traduite en vers alleinands, 239.
Samuel Bernard et Jacques Borga-
rellv, hisloire des lems de Louis
XIV, par Rey-Dussueil , 214.
Sante pcbliqijk , /|2iS , 4 90 , 712.
Satire russe contre les joneuis ,
T)ES MATIERE.i.
8 3 «?
adrefiSee a Erastc , par J . \ eliko-
polsky, 142.
Savigny (F. C. de). Voy. Droit 10-
niain.
Scenes populaircs en Irlande , par
Shiel, liaduiles de l'anglais par
M-» L. Sw. B. et A. de M., 748.
Schcllcma (J.). Vcrliandcliiig over
hct bcivcrhcn van de gcschieclcnis
der Ncdcrtandcn, ^20.
Schiller. Voy. Marie Stuart.
Schlegel (Frederic). Histuire de la
litterature ancienne et modern e,
iraduite en francais par William
Ducketl , A., 63i.
Schlichthorst (C). La ville de Rio-
Janeiro , 685.
Schlosser (Fred. Chret.). Foy.llis-
toire universelle.
— Coup d'rtil general sur l'liisloire
de 1'ancien nionde, t. 11, fyoS.
— et Bercht. Archives d'bistoire et
de litterature , 412-
Schroeder-Devrient ( Mme), canta-
trice allcmande, 5i8.
SCIENCES MEDICALES, iJJ, 1/9 i 1^2,
248, 251,422, 423> 425, 426, 70-.
MORALES ET P0I.1TIQUES , 54 5 IO/J)
335 , 44 • » 5go , 721 .
— NATCRELLES ET FHYS1QUES , 28,
170 , 242, 3in , 421 , 567, 707.
REL1G1ECJSES, 1 56, 190, 22/|, 58 j,
44>» 442,48o, 6S1, 699, 721,
723, 724.
Scott (Walter). The Doom of De-
vorgoll , 39J.
Archindranc , ibid.
Scribe. Voy. Philippe.
Secondes (Les) Amours, coniedie,
5,7.
Segur (De). toy. Nominations aca-
DEMIQCES.
Sel gemme (Variete de) provenant
de la mine de Wielicka, en Po-
logne , 245.
Serfs polonais ( Les) , melodrame ,
par Lemercier, Si 1.
Serullas. Note sur la combinaison
dc l'acide iodique avee les aloa-
lis vegetaui , ■>.^>.
S'Ciavenwcrt (J. dc). Essai sur
l'histoire de la litterature neerian-
daise , 705.
Shiel. Voy. Scenes populaircs.
Shylock, melodrame, par Dulac et
Allard, 262.
SlBERIE , 66f).
Sicard , C. — A., 58.
Simon (Math.). Die iillestcn i\'arh-
riclilcn von den Bemohnorn des lin-
hen ffheinufers, 1 5 1 .
Sismondi (J.C. L. de) , C— M.,
273.
Smith. Walter Clyton , conle, 5()7.
SOCIETES SAVANTES ET d'uTIUTE Fl-
EL1QUK.
— aux Elals-l nis : Sociele pour
la discipline des Prisons de Bos-
ton , 122. — Sociele de Tempe-
rance de New-York, 208. — So-
ciete des ecoles du dimanche, dc
Philadelphia:, 585.
— en Angleicrrc : Societe gengra-
phique de Londres, 7S0.
— en Suede : Academie des scien-
ces de Stockholm , 4g5. — Aca-
demie suedoise , 495.
— dans les Pays-Bax : Socieles de
bienfaisance, 4 x 9- — Societe des
sciences medicates de Hoorn ,
707.
— en France (dans les departe-
mens) : Societe d'agriculture,
commerce, sciences, et arts de
Chalons sur Maine, 47l- — So-
ciete royale des sciences , belles-
lettres et arts d'Orleans, 476. —
Academie royale des sciences,
belles-lettres et arts dc Bordeaux,
767. — Societe royale des lettres,
sciences el arts de Nancy, 768.
— Societe de statistique de Mar-
seille, 797.
(a Paris) : Institut : Acade-
mic des sciences, 243, 49$, 79^-
— Academie fiancaise, 252, 8o5.
— Academie des inscriptions et
belles-lettres , 5o5. — Union en-
cyclopedique poui la propagation
des connaiss'ancee utiles. 25(3. —
838
Socicle royalc et contrale d'agri-
culturc, 4S9) 5o6. — Society <le
geographic, 478. — Socieie de
stalistiqnc univtM selli- , 507. —
Societe d'enseigueiiicnt clcinrn-
taire , 8o5.
Suubeiraq. Memoire mnreniant Irs
arseniures d'hydrogenc , 25a.
Sni'HDS ET III KTS , 5o3 , 8l)U.
Sournois ( Le ) , melodrame corni-
que, par Anicct et Hippolytc ,
811.
Souvenirs d'un oflicicrfrancais pri-
sonnier eu Harbarie , elc. , par
Gonlremoulins, 2o3.
— de la Morce, recueillis pendant
le sejourdes Francais dansle Pe-
loponese, par J. Mangeart, 746.
Souveiains (\oticedcs principalis)
de l'Asie et de 1'Ai'riquc , 775.
Slatique. Foy. Poinsot.
Statistiqce , 28, 187, 3o2, 45S,
5o-, 702, 721 , 77^, 797-
— (Documens relatil's a la) de la
monarchic prussienne, 4g4i 79' •
— agraiie de la province de A al-di-
Cliiana , par G. Giuli, 693.
Suckau (W.). Foy. Heeren.
Sl'EDE , 495-
Sueur-Merlin , G. — B., iS- , 43g,
721.
SllSSE , l57, 20J , 68S.
Systt'me du monde (Theoiie ana-
lytique du), par G. de Poute-
coulant , A. , 567.
— penitentiaire (Du) en Europe et
aux Etats-luis, etc., par Char-
les Lucas, 19J.
T.
Tableaux ( Deuxieme recueil de ) ,
public par la Commission gene-
rale de statistique, 702.
Tacite (QEuvres de), traduites par
C. L. F. Panckouckc , 756.
Taillandier. Foy. Luis francaises.
— €.— N., 484.
Techxolocie. Voy. Aris liVDUS-
TABLE ANALYT1QFE
Temple's (Edmond) Travels in va-
rious purls of Peru, i5j.
iiiii-iir de li v 11s. Voy. Tremcry.
Tennemann. Manuel de ITlisloiie
de la philosophic, traduit en Iran
<;ais par Cousin , A., 54.
Theatres de Paris, 2<ii>, 5i5, 809.
Theaulon. Foy. Rafael.
Theis. Glossairc de liotanique, 802.
TmiOLor.iE. Foy. Sciences rei.iciei-
— nalurelle 011 essaissurl'existence
de Dieu, etc., par Alex. Croni-
bie, 106.
Thierry. Foy. Nominations acade-
miques.
Thousenel (Theod.). V, Wilhelm
Meister.
Thurot. Foy. Nominations acadk-
miqubs.
— Voy. Entendement.
Tierney (Georges). Foy. Kecro
LOGIE.
ToPOGRAHHlE , l35, l5j, 1S7, 202,
25 1, 099 , 438, 705.
Traductions.
— en allemand : du francais , 209 ,
688.
— en anglais : du fi ancais , 583. ■ —
— du persan , 107.
— en francais : de 1'allemand , 54 ,
195, 545,44 2i 4^6, 65 1, GS2, 728.
— del'anglais, 170, 214, 4°*7, 748,
7G3. — du giec , 4G2. — de l'ita-
iien , 207 , 212. — du latin , 2 25,
756. — du polonais, 556, 4/'-
— du russe , 6j6.
— en hol/andais : de l'anglais, 4 19.
— en italicn : de l'allemand, 164.
— dufrancais, 161. — du grec,
702/
Tremaine, 011 l'Hmnme blase, 76.5.
Treniery. Manuel complet du te-
neur de livres, etc., 44°-
Trois Couchees (Les), comiidie-
vaudeville , par Heuiy et Uoclie,
5ij.
Tnmiliiz (A. de). Voy. Pappcn-
heimer.
Tl'BQtlK , 4°°-
— europeenne (Examen approfon-
die de la ) , etc. , 599.
— (Nouvelles connaissances histo-
riques , politiques , etc., de la) ,
399-
— (Coup d'ccil sur la ) , etc., par le
capitaine Ladijenky, 099.
U.
Un an, ou le Manage d'amour ,
drame, par Ancelot, 5i5.
Une Nuit du due de Montfort, co-
medie, par Frederic et Arnoult,
811.
University de la monarchic prus-
sienne , 792.
Usurpations sacerdotales (Des),
ou le clerge en opposition avec
les principes actuels de la societe,
etc., par l'abbe Cerati ,721.
V.
Valachib, 4oo.
Val-de-Travers. Voy. Description
topographique.
Varer. Voy. Dernier jour de Deuil.
Vauquelin ( Louis-Nicolas). Voy.
Necrologie.
Vaysse de Villiers. Itineraire des-
criplifde la France, 1S2.
f elikopolshy (J.). K'Eraston, etc.,
142.
Vernulst (P. P.). Voy. Herschel.
Vers a soie, 245, 4'4-
A ial. Voy. Danilowa.
Vie de sir Thom. Stamford Raffles,
672.
— de sir Thorn. Munro, par G.
Glcig, 672.
Vies desPeintres, Sculpteurs, Ar-
chitectes les plus eminens de la
Grande-Bretagne , par A. Cun-
ningham , 664.
--de plusieurs personnages celebres
des tems anciens et modernes,
parC. A. Walckenaer, 749.
VieilhdeBoisjoslin, C. — M., 55a.
Vicux Mari ( Le ) , comedie en vers,
par Delaville, 5i5.
MAT1ERES. 6S9
Villemain.Coursde lit teratuie fran-
chise , 458.
Villenave, C — N., 526.
— fils. Vers improvises sur la tomhe
de M. Gohier, 526.
Vivien et E. Blanc. Traile de la le-
gislalion des theatres, J48.
Voiart (J. P.). Voy. D.ssin.
Voltaire. Qiuvres publieespar Ben-
chot , 460.
Voyage de la corvette P Astrolabe
sous le commandement dn capi-
taine Jules Dumont d'Urville,
— dans 1'Archipel meridional des
Molucques, etc., par D. C. Kolff,
4iS.
— a Teniboctou et a Jenne, etc.,
par Rene Caillie, A. , 010.
— a la Terre-Sainte , par Santino
Daldini, 4i5.
— au Kamschatka et enSiberie, par
Pierre Dobell, 669.
— pittoresquc autour du monde,
par Lesson , 438.
— pittoresque au Bresil, par Mau-
rice Rugendas, 4/°-
— (Le), poetne italien , par M1"
Cecile de Luna Folliero , 4 16.
— (Le) en Suisse, vaudeville de
Patrat , 261.
Voyages en differentes parties du
Perou , par E. Temple, 1 34-
— (Histoire generale des) , parC.
A. Walkenaer , 719.
Voyageur (Le) moderne, descrip-
tion des differentes contrees du
globe, par Josiah Conder, i33.
W.
Wahlberg (Pierre-Frederic ). Vox.
NOMINATIONS ACADliMIQUES.
Wailly (Gustave). Voy. Ma Femme
cl ma Place.
Walkenaer (C. A.). Voy. Voyages.
— Vies de personnages celebres.
Wallich. Voy. Nominations acade-
miquks.
Walsh (R.). \oliccs of firasil , 5Sij.
84o
tabu: AMLvrioii; dks matieres.
If'n Iter Colyton , a talc, 7>i)~.
Weber. Dcr Freyschiiiz, 517.
Werner, tragedie de lord Byron,
representee surle theatre de liiis-
tol , 258.
Weslreenen van Tiellaadt (B. van).
Recherclies Bur la laDgue nalio-
nale de la majeure pa 1 tie du
royaume des Pays-Bas, 420.
VVillielm Meister, par Goethe , tra-
duil de l'nlleinand par Theodore
Thousenel , /((id.
Wilson's (Waller)' Memoirs of llic
life and times of Daniel de Foe,
j 56.
I Wit (Johannes) genannt ion Doe-
ring. Fragmente aus meinen Le
ben and meincr Zeit , 6S7.
Zaohariae. Voy. Miltermnicr.
Zagoskine. f'oy. Miloslavsky.
Zanlh (L.). Voy. Architecture.
Zeltner (Jean). Voy. Necroloc.ie.
ZOOI.OGIE, roj.
FIN DE LA TABLE DU TOME XLVI.
ERRATA DTJ TOME XLVI.
Cahier rf'AvRir.. Page 2o5, lig. 22, on I'eloqucnce, lisez : oit /'eloquence ;
p. 229", I. 5, de I'article Amerique meridionale, congres de Bogota, lisez:
congres de Cacula.
Cahier deMk\. Pag. 425> l'g- 56, Vegctiul, lisez: Vegetius ; p. 468,
1. 19, bas intcrcts, lisez : plus bus intercts ; p. 481 , 1. i5 , I'occasion, lisez :
roccasion.
Cahier de Join. Page 756, Ug. i3, reparaissail, lisez : rcparaitraienl ;
p. 759, 1. 56, qui porle toutc son ambition, lisez : qui borne toute son am-
bition.
, -rr, .,..
TABLE DECENNALE
REVUE ENCYCLOPEDIQUE.
Repertoire general des maticres contenues dans lei
QUARANTE PREMIERS VOLUMES de CC RcCllcU (de 1819 A
1S28 INCIA'S. )
yto$ycct\x$.
La direction de la Revue Encvclopudiqiie s'etait propose
do publier, apres chaque periode tie cinq annees, \nTablc ge-
nerate et raisonnee des matiires contenues dunsce Rccueil.
La re serie, de 1819 a i8'i5 inc/us., qui comprenait vingt
volumes, etait depuis long-terns terminee, et prete a etre li-
vree a L' impression. Les laits, notions, inventions, decompi-
les, etc., y sont classes, sous l'indication generale des con-
trees et des sciences auxquclles ils appartiennent, de manicre
que le lecteurle moins exerce puisse facilcment comparer
entre elles, soit les diflerentes nations et leurs litter attires,
soit les diverses branches des sciences et des arts, relrouver
exactemenl ce qui apparticnt a ( hacune d'elles, et apprecier
l-curs progres, 011 leur decadence.
Les ouvrages analyses ouannonces dans laREWE sont cites
( a )
dans noire table, soil sous lesdifferens litres des maticres aux-
(|iielles ils sc rapportcnt, soil aux DOms des autcurs, editeurs,
savans et artistes dont la Revue a mentionne les ouvrages, Led
inventions ou les travaux.
Enfin , les redacteurs, les collaborateurs et les correspmi-
dans qui ont insert': des Memoires, ou des Analyses dansce Rc-
cueil, en trouveront Vindication complete a Particle qui les
concerne.
La 2° serie, de 1824 « 1828 inclus., comprenant les vingt
derniers volumes, a etc executee dans le meme ordre et sur le
meme plan. Mais, comme, si elle etait publico separement, clle
prcsenterait la repetition obligee des memes indications gene-
rales pour la plupart des articles ouverts dans la premiere
serie, nous avons pense qu'ily auraitun grand a vantage, pour
les souscripteurs, a reunir ces deux tables q using uennales, et a
les fondre en une seule qui deviendrait decennale. Ainsi, un
grand nombre d'articles qui, fractionncs, ne presenteraient que
pen d'interet, en offriront beaucoup par la reunion de tou-
tes les notions ou observations dont leur ensemble se compose.
D'une part, il y aura economie, sous le rapport du materiel ;
d'autrepart, les souscripteurs, pouvant embrasser d'un coup
d'ceil, sur chaque matiere, un espace de dix annees, auront
sous la main le tableau complet de la statistique morale, phi-
losophique, scientifique, litteraire et industrielle, tant de la
France que de tous les pays de l'Europe, et tel qu'il resultera
des Memoires et Notices, des Analyses et des Comptes rendus,
et des autres Articles inseres dans les quarante volumes qui ,
jusqu'au 1" Janvier 1829, forment la collection complete de
la Revue Encyctopedique.
Cette Table decennale, indispensable pour ceux des abon-
nes de notre Recueil qui en ont conserve la collection, nc sera
pas moins utile a tous les amis des lettres, qui, sans avoir la
Revue Encyctopedique, voudront la consulter, etse lenir au cou-
rant de la marche et des progres des connaissances humaines
et des nations comparees, depuis 1819 jusqu'a 1829. Elle for-
mera deux volumes, susceplibles d'etre relies en un seul, el
d'environ mille pages d' 'impression en tout, sur deux colonnes.
meme format quecclui de la Revue. Le prix en est et denieu-
rera fixe a i5 IV. pour Paris.
Nous engagcons cevx de nos abonnes qui ont deja temoi-
gne le desir de souscrire, ainsi que ceux qui ne l'ont pas en-
( 3 )
core fait, a nous fairc parvenir leur demande en regie, sans
avancc'de fonds, dans le pluscourt delai possible, afin que nous
puissions arreter, d'une maniere definitive, le nomine d'exem-
plaires qu'il sera necessaire de faire tirer. On ne paiera qu'au
moment de l'expedition de la table ddccnnale , dont l'impres-
sion aura lieu, aussilot que nous auronsreuni unnombre suf-
lisant de soUscripteurs pour couvrir nos avances.
Nota. Les personncs qui voudront souscrire sont priees
d'adresser, dansle plus court delai, franc deport, a la Direc-
tion de la Revue Encyclopedique, rue d'Enfer-Saint-Michel,
n° 18, l'engagement signe par elles, dont le modele est ci-
apres :
Je soussigne,
demeuiant a =
declare souscrire pour exemplaire dc la Table
decennale dc la Revue Encyclopedique, ou Repertoire general des malidres
conlcnues darts les quaranle premiers volumes de ce Recueil (de 1819 a
1828 inclus. ) , devant former deux volumes in-8°, en tout d'environ
rnille pages d'impression , a raison de quinze fr. pour I'ouvrage cnticr,
livre a Paris, au Bureau d'abonnemeni de la Revue, rue de l'Odeon,
n" 3o; laditc sonime payable en rvecvant I'ouvrage.
le i83o.
( 4 )
Edccation : Plan d'education
dress6 pour le roi tie Rome ct les
autres princes du sang, sous I'in-
spection personnelle dc I'empe-
reur Napoleon , publitJ a Londres,
VI, 610; VIII, 5-8. — Extraits
des ouvrages dcs auteurs Les plus
cstimes qui ont ecrit BUT l'cduca-
tion, VII, 109. — Principes d'e-
ducation inlcllecluelle , morale el
physique, 18S. — Le monde des
Emiles, on l'education sociale,
552. ■ — Education premiere, 011
maniere de dinger les enfans, con-
sideree sous lc rapport de leurs ca-
racteres futurs, 3j5. — Traite d'e-
ducation publique et privee dans
une monarchic constitutionnelle,
5gi. — Education des pauvres, a
Lausanne, 616. — Systcme d'edu-
cation britannique , par Dufief,
VIII, no. — Sur l'education des
classes interieures en Anglelerre et
dans quelques antres pays, 244- —
Extraits sur l'education , tires dcs
meilleurs auteurs , en Anglelerre ,
549. — De la premiere education, ou
de la direction des enfans, relative-
ment aleur caracterefutur, IX, 108.
— Projet de bill en Angleterre,
pour l'education des pauvres, 54o.
— Expose du systcme d'education
primaire suivi en Suisse, en Alle-
magne et en Hollande, XI, 162. —
Des instituts d'llofwyl, consideres
plus particulierement sous les rap-
ports qui doivent occuper la pen-
see des homines d'Etat, 49^. —
Question sur la gaiantie que l'edu-
cation publique doit offrir a l'Etat
ct aux parens, XII, 222. — Coup
d'reil sur l'educalion, par Gaulier-
Sausin, XIII, /|23. — Plans pour
('education el Pinstruction liberate
des jeunes gens reunis en grand
nombre, ecrils en anglais, XV, 320.
— Essais sur les principes elemen-
taires de l'education, par Spur-
z.heim, XVI, i56. — Discours du
P. Gerard sur la necessitc de culti
ver rinlelligence des enfans, 184,
— Expose analyriquc des medio-
des de 1'abbe Gaultier,pai Jussicu,
353. — Preceples d'education, par
L. Bonneschi, XVIII, i3j. — Es
sai sur I'histoire du developpenicnl
moral et industriel de l'homnie,
6i3. — Esquisse du systcme d'edu
cation suivi a New-Lanark, XVI II ,
5; XXV, 119; XXVI, 83t.— De
la nielhode employee, il y a qnatre
siecles, a Mantoue, par Vict, de
Feltre, XIX, 23i. — De I'he.u-
reuse influence d'une education
perfectionnee dans tous les pays,
XX, 131. — Le livrc des peres el
meres, pendant la premiere edu-
cation de leurs enfans, 176. — L'in
stitnt domestique de Liederskron,
a Erlangen, XXI, 373. — Prin-
cipes, conseils et questions sur
l'education ct ^instruction dc la
jcunesse, par F. Delbruck, XXI,
619. — Institut d'education pesta-
lozzienne a Riquewihr ( Haut
Rhin), XXII, 419. — Considera-
tions sur les causes de l'education
secondaire, par Renouard, XXIV,
45o. — Observations sur celle que
l'on donne au people, par Brou-
gham, XXV, 727. — Essai sur l'e-
ducation des femmes, parMm,'de
Remusat, 776. — Essai d'educa
lion nalionale, par La Chalolais,
XXVI, 519. — Le conservateur de
l'enfance et de la jeunesse, 809. ■ —
Lettres sur l'education, parBonnin,
85o. — Manuel des jeunes meres,
par Leger, XXII, 186. — Essai sui
l'education, publie a BiUxellespar
L. de B.... 476- — Autre, physico-
moial, par Pasetti, XXVU1, 182.
— De l'education des indigens
dans les colonies des Pays - Bas,
XXX, 570. — Essai sur celle des
femmes, par Mme de Remusal ,
766. — Stalistique de celle de la
Haule-Ecosse en 1826,31,2.39. —
Lettres de famille sur l'education
domestique, par Mme Guizoi, 535.
1830.
DE LA LIBRAIRIE SCFENTTFIQUE-INDUSTRIELLE
DE
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DES ANNALES UE i/lNDUSTRIE FBANCAISR ET ETRANGERE.
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thematiques speciales au college de Vendome. i vol. in-8. Prix: 6 fr.
ARITHMETIQUEa l'usage des eleves de la Fleche, par Lalanne, pro-
fesseur a l'Ecole militaire. i vol. in-8. Prix : a fr. 5o c.
ARITHMETIQUE APPLIQUEE AUX SPECULATIONS COMMER-
CIALES ET INDUSTRIELLES. Sommaires des lecons puhliques
donnees a Metz par M. G.-L. Woisard , ancien eleve de l'Ecole
Polytechnique. Premiere partie, redigee et publiee par N. Berlon
professeur de mathematiques. i vol. in-8. Prix : 3 fr. 50 c[
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gociant, et membre de l'Academie de Metz. i vol. in-8. Prix :
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l'Observatoire de Bruxelles. i vol. in-ia avec pi. Prix: 4 fr. 5o c.
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CHIMIE.Traite abrege de cette science et de ses applications aux arts,
par M. Desmarest, pharmacien , ancien eleve de l'Ecole Polytech-
nique; deuxieme edition. 1 vol. in-ia, orne de pi. Prix : 4 fr- 5o c.
CMIMIQUES (Manipulations), par Faraday, professeur de chimie a
l'lnstitut royal de Londres; traduit de I'anglais par Maiseau, et
revu par M. Bussy, professeur de chimie a l'Ecole de Pharmacie de
Paris et a l'Ecole centrale des Arts et Manufactures, etc., etc.
2 volumes in-8, ornes de aoo figures. Prix : 14 fr.
GEOMETRIE appliquee a l'industrie, par C.-L. Bergery, professeur
des sciences appliquees, a Metz; deuxieme edition, adoptee par
l'Universite royale de France. 1 vol. in-8 avec 14 pi- Prix : 6 fr.
GEOMETRIE DES COURBES, appliquee a l'industrie, a l'usage des
ouvriers, par C.-L. Bergery. 1 vol. in-8 avec pi. Prix : 4 fr.
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GEOMETRIE PLANK, section eleinentaire, par N.-.T. Didier, professenr
deinaihcmatiques a lEcole centrale des Arts ct Manufactures, i vol.
in-8 avccpl. Prix: 7 fr.
GEOMETRIE DESCRIPTIVE (Elemens ile), par E. Duchesne; se-
conclc edition. 1 vol. in-8, orne d'un caliicr de 3o epiires, Prix : 5 fr.
JOURNAL DE L'ECOLE POLYTECHNIQUE , par Lagrange, La-
place, Monge, Ampere, etc. 19 cahiers en 18 vol. in-,} avec tics pi,
Prix: 1 38 IV.
LUMIERE (Traits de la), par J.-F.-W. Herschel , president de la So-
eicte aslronomique de Londres , traduil de l'anglais avec notes , par
MM. Verhulst, et A. Queiclct, a vol. in-8 avec planches gravees,
publics en quatre parlies. Prix : 18 fr.
MATHEMATIQUES (Essai sur l'Histoire generate des), par Bossut.
2 vol. in-8. Prix: 12 fr.
MEMOIRE SUR LES DEVELOPPEES DES COURBES PLANES ,
leur application a differentes considerations geometriques et a la
construction des equations algebriques transcendantes, par MM. Du-
boisayme ct Bigeou , anciens eleves dc l'Ecole Polytechnique. 1 vol.
in-4 a-eo planches. Prix : 3 fr.
METAI.LURGIE PRATIQUE, 011 Exposition detaillee des divers pro-
cedes e-nployes pour oblenir les metaux utile?, precedee de 1'essai ct
de la p eparalion des minerals, par D. F. 1 vol. in-12 , orne de 8 pi.
gravees. Prix : 4 fr- 5o c.
MINERALOGiE USUELLE, ou Exposition succincle et methodique
des mineraux , de leurs caracteres, de leurs gisemens ct de leurs ap-
plications aux arts, par M. Drapiez. 1 fort vol. in-12. Prix : 4 fr. 5o c.
PERSPECTIVE PRATIQUE , comprenant la perspective lineairc ct
aerienne, a l'usage des ouvriers, par M. Isabeau. 1 vol. in-12 , orne
den pi. Prix: 3 fr. 5o c.
PHYSIQUE (Traite eletnentaire de) ; par E. Peclet, professenr de
physique a l'Ecole preparatoire et a l'Ecole centrale des Arts et
Manufactures ; seconde edition. 2 vol. in-8, ornes de 3o pi. gravees
pnr M. Le Blanc. Prix : 18 fr.
PHYSIQUE ET CHIMIE INDUSTRIELLES , par Le Chevalier, offi-
cier d'artillerie. 1 vol. in-8 avec 5 pi. Prix : 6 fr.
TABLES DE LOGARITHMES , par Plauzoles. 1 vol. in-12; Edition
stereotype. Prix : G "'■
CHALEUR (Traite dc la) et de ses applications aux arts et manufac-
turcs, par E. Peclet, professenr de physique a l'Ecole preparatoire
et a PEcole centrale des Arts et Manufactures. 2 vol. in-8 avec un
atlas separe, compose de 27 pi. Prix : 21 fr.
ECLAIRAGE (Traite de 1'), etc., par le meme. 1 vol. in-8 orne de 10
pi. gravees. Prix : 8 fr- 5o c-
ART DE CHAUFFER, ou Traite des moyens de mettre a profit la
chaleurqui emane des appareils de chauffagc, par P. Hamon, arclu-
tecte. 1 vol. in-8, orne de pi. grav. Prix : 7 fr. 5o c.
MANUEL DE LA METALLURGIE DUFER, par Karsten; traduit
par Culinan; seconde edition. 3 vol. in-8, avec pi. Prix : 21 fr-
( 5 )
ART DU MAITRE DE FORGES, ou Traite theorique et pratique da
I1 exploitation du fer et de ses applications aux differens agcus de la
mecanique et des arts, par M. Pclouze. 2 vol. in-12, avec uu atlas se-
pare, coutenant 10 pi. gravees en taillc-douce. Prix : 10 fr.
CHIMIE DU FER, par Berzelius; traduit par le chevalier Herve.
1 vol. in-8. Prix : 3 IV. 5o c.
GUIDE DU CHAUFFEUR ET DU PROPRIETAIRE DE MACHINES
A VAPEUR , ou Essai sur letablissement, la conduite et rentretieu
des machines a vapeur, etprinoipalementdecellesdeWolfa moyenne
pression ; precede de principes pratiques sur la construction des
fourneaux, par Grouvelle et Jauuez, itigenieurs civils. 1 fort vol. in-8,
avec Atlas grave parM.Le Blanc. Prix: 9 fr.
MACHINE A VAPEUR (Histoire descriptive de la), traduite de l'an-
glais de R. Stuart, precedee d'une introduction exposant la Theorie
des ■vapeurs, suivie de la description des perfectionnemens fails en
France. 1 vol. in-12, orne de 8 pi. gravees. Prix : 4 fr- 5o c.
ESSAI SUR LES BATEAUX A VAPEUR appliques a la navigation
interieure et maritime de l'Europe, sur les Dateaux aqua-moteurs , et
particulierement sur le touage par la vapeur, ou remorque a points
fixes; aecompagne de considerations sur les transports par terre et
par eau , et sur les cheinins de fer, par Tourasse et Mellet, inge-
nieurs. 1 vol. in-4, orne de 6 pi. gravees. Prix : 10 fr.
GUIDE DU MEUNIER et du constructeur de moulins, par Olivier
Evans, avec notes et additions du professeurde mecanique a ITn-
stitut de Franklin en Pensylvanie, traduit sur !a 5e edit., et aug-
mented de la description du bel etablissement de M. Benoistde Saint-
Denis , par P.-M. Benolt , ingenieur civil , aneien eieve de l'Ecole Po-
ly technique. 1 fort vol. in-8 avec atlas. Prix : 10 fr
LE MECANICIEN ANGLAIS, ou Description raisonnee de toutes les
machines, mecaniques, decouvertes, nouvelles inventions et perfec-
tionnements appliquees aux arts industriels, par Nicholson; traduit
de l'anglais, par M... Ingenieur. 4 vol in-8. avec 100 pi. Prix : 40 fr.
MEMOIRE sur les Roues hydrauliques a aubes courbes , rnues par-
dessous , suivi d'experiences sur les effets mecaniques de ces roues,
avec une instruction pratique sur la maniere de proceder a leur
etablissement. Nouvelle edition , augmentee d'un second memoire,
par J.-V. Poncelet. 1 vol. in-4 avec planches gravees. Prix : 7 fr.
ARTDU CHARPENTIER, precede de notions sur la coupe, le desse-
cbement, la resistance et le cubage des bois, et termine par un voca-
bulaire raisonne de tous les termes employes dans la charpenterie,
par Lepage, architecte. 1 vol. in-12 , orne de 5 pi. Prix: 3 f. 75 c.
ART DE L'EBENISTE, d'apres des notes et des instructions fournies
par plusieurs des meilleurs fabricans de la capitate, et particuliere-
ment par M. Albert Albrest. 1 vol. in-12 , orne de pi. Prix: 4 »*•
CALCUL5 faits, a 1' usage des industriels en general , et specialement
des Mecaniciens , C/iarpcnttei s , Pomiucrs, Senuriers, CliauJronnicrs, Tot-
sews, etc., par Lenoir. 1 volume in-ia, renlermant un grand
nombre de tables. Prix : i I. 5o c.
(4)
INSTRUCTIONS sur la maniere de se servir de la regie a calcul, in-
struinent a I'aide duquel on peut oblenir a vue, sans plume, crayon
ni papier, sans bareme , et meme sans savoir I'aiithmetique , le re-
sullat de ioute espece de calculs, avec 21 figures; seconde edition.
i vol. in- 1 a. Prix : a fr.
MORTIERS (Trailesur l'art de faire de hons), et d'en bien dinger
1'eniploi, ouMcthode generale-pratiquepour fabriquer en tous pays
la,cl)au\, les cimens et les mortiers les meilleurs et les plus econo-
miques, par Raucourt, ingenieur des Ponls-et-Chaussees. i vol. in-8.
orne de a planches gravees. Prix : 7 f. 5o c.
SCIENCE DE L'INGENIEUR, divisee en trois parties, ou Ton traite
des chemins, des ponts , des canaux et aqueducs, par Delaislre,
ingenieur pensionne; deuxieme edition, revue et augmenlee par un
ingenieur des Ponls-et-Chaussees. 2 vol. in-4. Prix: 4o fr.
HISTOIRE DESCRIPTIVE de la filature et du tissage du Coton, ou
Description des divers procedes et machines employes jusqu'a ce
jour pour egrener, battre , carder, etirer, filer et tisser le coton,
ourdir et parer les cbaines et flamber les elolfes , traduit de 1'auglais,
ei augmenle des inventions faites en France, par M. Maiseau. r vol.
iu-8 avec un atlas separe. Prix: i5 fr.
ART DE FABRIQUER la Porcelaine , suivi d'un vocabulaire de mots
techniques, etd'un Traite de la Peinture et Dorure sur porcelaine, par
F. Baslenaire d'Audenart. 2 vol. in-12, ornes de 8 pi. Prix: g fr.
ART DE FABRIQUER la Faience recouverte d'un email opaque blanc
et colore, suivi dequelques notions sur la peinture au grand feu et a
reverbere , et d'un vocabulaire des mots techniques , par F. BastC-
naire d'Audenart. 1 vol. in-12 , orne de pi. Prix: 4 f • 5o c.
L'ART DE FABRIQUER la Faience blanche (dite terre de pipe) re-
couverte d'un email transparent, a l'instar franqais et anglais
par F. Bastenaire d'Audenart. 1 vol. in-8. avec pi. Prix: 7 fr. 5o c.
ART du Briquetier, Chaufouroier et Charbonnier, comprenant la
fabrication du vinaigrede bois, parM. Pelouze. 1 vol. in-12, orne de
4 planches gravees Prix: 4 &"■ 5o c
TRAITE D'HORLOGERIE, contenant ce qui est necessaire pour con-
naitre et regler ies pendules et les montres, par Lepaule , horloger
du roi. 1 vol. in-4 avec planches. Prix: 24 fr.
ART du Geometre Arpenteur, ou Traite de geometrie pratique, con-
tenant le lever des plans, le nivellement et le partagedes proprietes
agricoles , suivi de 1'exposition du systeme metrique, par M-. P. Guy
ancien eleve de l'Ecole Polytechnique. 1 vol. in-12, orne de 5 plan-
ches gravees. Prix : 4 fr- 5o c.
LA PRATIQUE DES LEVERS , enseignee par dessins, par B*** ,
professeur des cours industrieis de Metz. in-fol. Prix : 12 fr.
lre Partie levers du batiment.
IP Id. des machines, comprenant celui d'une machine Scierie.
IIP Id. de terrains.
CHOIX DE MODELES APPLIQUES A L'ENSElGNEMENT DU
DESSIN DES MACHINES , avec un texle explicatif, ouvrage adople
par le Conservatoire Royal des Arts et Metiers, par l'Ecole cent rale
(5)
ties Arts et Manufactures, dessine, grave et public par Le Blanc,
inembre ile la Legion d'honneur, professeur an Conservatoire,
membre de la Societe d'Encouragement , de la Societe Industrielle
de Mulhausen. Paraissant par livraison conlenant 20 a 3o pi. in-fQ
et 70 pages de texte. Prix de chaque livraison : 12 fr.
II y aura trois livraisons , la premiere est en vente.
LE GNOMONOGRAPHE UNIVERSEL, ou Methode generate pour
tracer des Cadrans soi-aires sur les surfaces de position et genera-
tion quelconque, par L. Lalanne, professeur al'Ecolemilitaire. 1 vol.
in-8. avec planches gravees. Prix : a f. 5o c.
LECONS SUR LA MANIERE DE GRAVER LA MUSIQUE, suivies
des priucipes de musique necessaires anx eleves graveurs , par
M. Richomme filsl i vol. in-8. orne de 5 p!. grav. Prix : 2 f. 5o c.
ART DU TEINTURIER , suivi de I'Art du Teinturier-Degraisseur, par
Bergues. 1 vol. in-i2. Prix: 3 fr. 5o c.
TRAITE complet des proprietes , de la preparation et de 1'emploi des
matieres tinctoriales et des couleurs, par J.-C. Leuchs . traduit de
1'allemand ; revu , pour la partie chimique, par M. E. Peclet, 2 vol.
in-8. Prix: 18 fr.
Chaque volume se vend separdment :
Premier volume, Matieres Tisctohiai.es.
Deuxieme volume, Fabrication des Couleurs.
ART DU RAFFINEUR, ou Traite theorique et pratique du raffinage
du sucre de cannes, contenant les procedes les plus nouvellement
inventes en Angleterre, parM. Chandelet. 1 vol. in-i 2, orne de plan-
ches gravees. Prix : 4 fr-
TRAITE DES FALSIFICATIONS , ou Expos6 des diverses manieres
de constater la purete des substances premieres employees en mede-
cine, dans les arts et dansl'economie domestique, par M. Desmarest,
pharmacien. 1 vol. in-t2.Prix: 4 f- 5o c.
BOTANIQUE DU DROGUISTE et du n^gociant en substances exo-
tiques, traduite de l'anglais par M. E. Pelouze. 1 vol. in-12. Prix :
4 fr. 5o c.
EPICIER DROGUISTE (Guide manuel de 1' ) , contenant , par ordre
alphabetique, les substances simples et composees, les diverses
preparations qui sont du ressort de 1'epicier , et la composition des
couleurs et des vernis , par M. Isabeau. 1 vol. in-12. Prix : 4 "•
GUIDE DU VETER1NAIRE et du Marechal ferrant pour le ferrage
des chevaux et le traitement Acs pied s malades , traduit de l'anglais
de Goodwin, medecin veterinaire des ecuries de S. M. Britannique ,
avec notes et additions de M. Berger, membre de la Legion-d'Hon-
neur, medecin veterinaire de la maison militaire du roi. 1 vol. in-12
avec planches gravees. Prix : 4 fr- 5o c.
LE CHASSEUR MEDECIN, ou Traite complet sur les Maladies des
chiens, par Francis Clater, medecin veterinaire de Newark , traduit
del'anglaissurla25e edition par MM. D.O.R. 1 vol. in-18. Prix: 2 fr.
LECONS THEORIQUES ET PRATIQUES sur la planlation, la cul-
ture et la taille des arbres a fruits et de la vigne, et plus particulic-
r«ment celle du Picker, ainsi que sur la maniere el'en former des
(6)
pepinieies ct de les grelfer; suivies dc quelques idees sur la culture
en pleine terre de YOranger et du Citrormier, au moyen d'une scire
volanle, par L. Lemoine, praticien , professeur a l'ecolc de taille
el greffe; troisiemc edition, i vol. in-18. Prix : a fr. 5o c.
ART DU JARDINIER dans la culture des arbres fruilicrs et des
plantes polageres, suivi d'une table alphabetique des noms bota-
niqucs et vulgaires des arbres ct des plantes, par A.-J. Merault.
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CULTURE RURALE (Traite de la), par Leocade Delpierre. a vol.
in-ia, avee planches gravees. Prix : 8 fr-
BOIS ET FORETS (Traite des), faisant suite au Traite de culture
rurale , par L. Delpierre. i vol. in-i8, erne de planches gravees.
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DE L'AMENAGEMENT et de l'Exploitation des forets qui appar-
tiennent aux particuliers , par Noirot, arpenteur-verificateur, etc.
i vol. in-i2.Prix : 2 fr.
REPERTOIRE POLYGLOTTE DE LA MARINE, a l'usage des i.avi-
gateurset armateurs, contenant, par ordre alphabetique, tous les
termes de la marine, leur explication raisonnee, et les methodes a
employer pour resoudre les questions A' astronomic,, de statique et de
physique, relatives a I'art de la marine; suivi de 5 vocabulaires des
termes techniques en allemand , anglais , cspagnol, italien et portugais,
par le comte de Grandpre , capitaine de vaisseau. a forts vol. in-8 de
75o pages chaque. Prix : 20 fr.
RUDIMENT DE LA COMPTAEILITE COMMERCIALE, ou Dia-
logues didacliques sur le commerce, sa comptabilite , ses regies et
ses usages, qui sont aussi ses lois, par L.-G.-P. Legret, ancien nego-
ciant; seconde edition. 1 vol. in-8. Prix : 8 fr.
MANUEL DU CR.EANCIER HYPOTHECAIRE , par Jules Zanolle,
avocat. 1 vol. in-iS. Prix : 3 fr. 5o c.
MANUEL des Proprietaires et Regisseurs des bois et forets, 011 Re-
cueil des lois et reglemens relatifs aux bois des particuliers, a la
chasse, a la peche, aux mines, carrieres , etc. — Avec des instruc-
tions et modeles rediges d'apres le Code Forestier, pour les actes de
vente des coupes, pour les declarations de volonte d'abattre pour les
echanges, bornages, partages, et cantonnement dans les forets, pour
les commissions de gardes, proces-verbaux, actes divers, par M. Noi-
rot; nouvelle edition. 1 vol. in-12. Prix: 4 fr- 5o c.
COMMENTA1RE SUR L'ORDONNANCE DE LA MARINE du mots
d'aout i68t, par R.-J. Valin ; avec des notes coordonnant 1'ordon-
iiance, le commentaiie et le Code de commerce, par V. Becane,
professeur a la Faculte de Poitiers, a vol. in-8. 16 fr.
— Id. 1 vol in-4. Prix : 16 fr.
COMMENTAIRE SUR L'ORDONNANCE DU COMMERCE du mois
de mars if>73, par Jousse; avec des notes et explications coordon-
nant l'ordonnance, le commentaire et le Code de commerce, par
V. Becane ; suivi du Traite du contrat de change, par Dupuy de la
Serra. 1 vol. in-8. Prix: 7 fr. 5o c.
COURS D'ELOQUENCE, a l'usage des jeunes avocats et dc toutes les
personnes qui se dcstinenl a parlei- en public , par M. Duraud , an-
cien procureur du roi. 2 vol. in-8. Prix : 12 fr.
(7 )
DES NOUVELLES METHODES DE LECTURES, de lorn- simplifi. a-
tion, etde leur application a I'enscignemcnt nuituel, par E.L.Dumas,
i vol. in-8. Pi ix : C, fr.
ATLAS COMMERCIAL,
Ou Exposition metbodique du droit commercial, comprcm.nt le Code
de commerce rapproche des lois , rcglemens , ordonnances , arretes
et ojiinions dcs jurisconsultes qui le complement, le modifient on
1'expliquent ; ouvrage compose de douze tableaux synoptiques sur
feuillc de jcsus cleployee; disposes et eolories de maniere a en rendre
1'etude plus facile; par Poux-Franki.in, avocat a la Cour rovale, in-
specteur des etudes etprofesscurde legislation commerciale a 1'Ecole
speciale de Commerce.
Titles Jes Tableaux qui competent I Atlas commercial.
ier Tableau. Des commercans et des auxiliaires du commerce. — II. Des
Societes. — III. De la leltrede change et des autres effets de commerce.
IV. Des navires et autres batimens demer. — V. Du Capitaine — VI. Des
Proprietaires, des At'iYeteurs el des geus de l'equipage. — VII. Du Contrat
<i la grosse et du Contrat d'assurance. — VIII. Du Delaissemenl et des
Avaries. — IX, X, XI. Des Faillileset Banqueroutes. — XII. Juridiction
commerciale. — Table generate aiphabetique des matieres conlenues dans
l'ouvrage, avec renvoi aux lettres et sux cbiffres places sur ies cotes des
Tableaux.
Prix de 1'Atlas entier 3o fr.
Prix de cbaque Tableau separement 3 fr.
CORPS DU DROIT FRANCAIS ,
Ou Recueil complet des lois, decrets, ordonnances, arretes, senatus-
<?onsulles, reglemens, avis du conseil d'Etat, publies depuis 1789
jusqu'a nos jours.
EN VENTE :
Les detjx premiers volumes, renfermant toutes les lois, decrets or-
donnances, etc., depuis 1789 jusqu'a la mort de Louis XVIII, niis
enordreet annotes par C.-M. Galisset, avocat a la Cour royale de
Paris, 2 vol. in-8. de 2,5oo pages cbaque. Prix : 120 fr.
Les collections qui renferment nos lois, decrets, etc., n'elant pas toujours
disposees suivant le meme systeme de dates, il iallait en adopter un qui fut
constant , et qui convint a toutes les epoques dc notre legislation.
On a suivi pour ce recueil l'ordre inclii|ue par la date du jour oil cbaque loi,
decret, a ele rendu , en platjant a cote, apres un tiret, la dale de sa sanction.
A la suite de chaquc loi ou decret on trouve rapportes les priucipaux arrets
qui sont intervenus sur la matiere.
Les differens gouvernemens qui ont regi la France depuis 1789 ont servi
de division naturelle a ce recueil.
(8)
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pour la continuation , a partir du regne de Charles X, au prix do
a fr. par livraison de 4 feuilles ( 64 pages).
Chaque annee sc compose de deux ou trois livraisons au plus.
( i o Livraisons sont en rente. )
La ta!)le analytique des matieres des deux premiers volumes, formant u»
volume senare, est sous presse.
FZUILLES PERIODIQUES.
ANN ALES DE L'INDUSTRIE FRANC AISE ET ETRANGERE,
H
BULLETIN DE l'eCOLE CENTRALE DES ARTS ET MANUFACTURES ,
Par MM.Peclet, Dumas, Olivier, Berard , Payen , etc., etc., etc.
CONSE1L DE REDACTION ,
LES PROFESSEURS DE l'eCOLE CENTRALE ;
M. PECLET, DIRECTEUR.
Les Annales paraissent , chaque mois , par cahier de 6 a 7 feuilles ,
j)lus 2 planches gravees par M. Le Rlanc.
Prix tie la Souscription.
Paris. Depart em. Elr anger.
XJn an 30 « « 33 « « 36 « «
Six mois 16 « « 17 50 19 ««
CORRESPONDANCE MATHEMATIQUE ET PHYSIQUE ,
Publiee par A. Quetelet , professeur a I'Athenee royal el au Musee des
Sciences etdesLettres de Bruxelles, etc.
Le redacteur s'astreint a la seule obligation de publier tous les ans
au volume in-8, d'environ 20-25 feuilles, y compris les planches ; par
livraison de 2 , 3 ou 4 feuilles.
Le prix de l'abonnement est de 19 fr.
1MPRIMERIE DE H. FOURNIER,
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ALEXANDRE MESNIER , LIBRAIRE,
PLACE DE U BOURSE.
HISTOIRE
DU
DROIT ROMAIN
AU MOYEN AGE,
PAR F. G. DE SAVIGNY;
TRADUITE DE l'aLLEMAND
Par M. CHARLES GUENOUX, doctecr en droit.
QUATRE VOLUMES IS-8°.
Lorsque nous annoncames la traduction de l'His-
toire du Droit Romain au Moyen Age, tous ceux qui
ont a coeur les progres de l'etude historique du
droit approuverent cette entreprise; mais quelques
critiques, dont le jugement est d'un grand poids,
craignirent que, dans la seconde partie, certains
details sur des auteurs et des ouvrages aujourd'hui
bien peu connus, en nuisant a la popularite de
cette belle composition, ne diminuassent son in-
fluence, et ils engagerent le traducteur a ne publier
qu'un extrait de la seconde partie.
Nous allons citer la lettre que M. de Savigny
( 2 )
repondil a ce sujet, car il nous est impossible ile
mioti v fairo connaitre r esprit do son livrc.
« En analysant la science et la pratique du droit
« modcrne, nous voyons que la plupart des prin-
« cipes et des notions qui le composent sont d'ori-
« gine romaine. Mais ces notions et ces principes
« ne nous sont pas tombes du ciel , ils nous son I
« parvenus par la tradition continuelle de six siecles
« de profonde ignorance et de sept autres siecles
« d'un travail litteraire plus ou moins heureux. Tjes
« siecles dune activite regeneree, en nous trans-
en mettant le droit romain, n'ont pas laisse de lc
« bien modifier. Tout en l'encombrant d'une masse
« de travaux inutiles, ils l'ont aussi enrichi de de-
ft couvertes judicieuses, et e'est dans cette forme
« bizarre que nous l'avons recu de leurs mains. Or
« quelle est notre situation bien entendue? Ignorer
« ce que les siecles intcrmediaires out ajoute au
« droit romain primitif est absolument impossible,
« tout ee que nous apprennent nos professeurs et
« les livres modernes en est imbu. Nous naviguons
a sur cette mer, et ce serait une illusion dangereuse
« de vouloir faire abstraction de l'element sur lcquel
« nous nous trouvons. II n'y a done que deux partis
« a prendre, ou do nous laisser dominer par cet
« element, ou de le dominer nous-memes, et de
« tourner a notre avantage les difficultes de notre
« position. Pour reussir en prenant ce second parti,
« laborieux il est vrai , mais seul raisonnable, il
« faul cbanger cette masse informc des auteurs de
( 3)
« droit en un corps organise. Cest ainsi qu'on par-
« vienl a distinguer lc bon tin mauvais, l'original
« de l'emprunte, que l'on decouvre la ramification
« et la genealogie des idees, la vie creatrice de l'es-
« prit dans une region qui d'abord ne nous presen-
« tait que confusion et degoul.
« Pour atteindre ce but il faut des recbercbes de
« plus d'un genre. Mais ces recbercbes diverses out
« une base commune, une condition indispensable,
« c'esl la connaissance des principaux docteurs, de
« leurs ouvrages et de leurs ecoles. Voila le but de
« mon ouvrage restreint cependant aux temps les
« plus obscurs, cest-a-dire auxsieclcs qu'on nomine
« le moyen age. En entreprenant cet ouvrage j'ai
« cru faire une cbose utile, et depuis les trente ans
u que je m'en occupe, ma conviction n'a pas subi
« le moindre changement. Je suis persuade que si
« la jurisprudence est deslinee a faire des progres
« solides, en reunissant les lumieres du passe a la
« meditation et a l'experience, mon ouvrage y sera
« de quelque chose.
« Neanmoins je ne me suis pas dissimule que dans
« cette carriere je rencontrerais des parties steriles
« et auxquelles l'opinion publique n'est pas favo-
« rable; mais cette reflexion, dont j'ai rendu compte
« dans l'introduction du quatrieme volume , ne de-
« vait pas me detourner d'un travail utile, et au-
« quel je me sentais une vocation particuliere. Ce
« n'est pas que j'eusse l'affectation d'etre insensible
« aux applaudissemens de mes contemporains. Nos
« travaux ne peuvent trouver un encouragement
(4)
« plus naturel et plus vivifiant que l'interet qu'y
« prennent ceux avec lesquels nous vivons. Mais
« enfin cet interest n'est pas tout , et il ne doit pas
« l'emporter sur notre conviction de ce qui est utile
« aux veritables progres de la science. Voila ma
« confession litteraire que je vous communique avec
« la raeme simplicite que je serais pret a le faire a
« tout le monde.
« Le troisiemc volume ne me parait susceptible
« d'aucun retranchement. Quant aux quatrieme et
« suivans , rien de plus facile que de les reduire , et je
« vous donnerai volontiers mes conseils la-dessus. »
Ainsi done nous donnerons une traduction litte-
rale des trois premiers volumes , avec les additions
et corrections faites par M. de Savigny lui-meme,
et un extrait des trois derniers volumes, oil, graces
aux conseils de l'auteur, nous esperons reproduire
le veritable esprit de l'original, et ne rien omettre
d'important.
CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION.
L'HISTOIRE DU DROIT ROMAIN AU MOYEN AGE, par
F. C. de Savigny, formera 4 volumes in-8° publies en Irois livraisons.
La premiere, composee Je 2 volumes, est en veute.
Prix de chaque volume 8 fr.
On souscrit, en paya.nt le dernier volume a I'avance,
CHEZ ALEXANDRE MESNIER, LIBRAIRE,
fiditeur de la Revue franc -aise,
PLACE DE LA BOURSE.
Al'X ACADEMIES ET KVX SOCIEfES SATANTES de tOUS leg pays.
Les AcADsaiEs et les Sociktks savaktes kt d'ohhij pi-dliqub , franchises
Ct etrangeres , sont invitees a faire parvenir exactement , francs de port,
act Directeur de la lievuc Encyclopedia ue, rue d'Enfeb -sai.nt- Michel,
s» lS, les comptes rendus de Icurs travaux ct les programmes des prix
qu'elles proposent, aGn que la Revue puisse lcs liairc conuaitre lc plus
pvooiplement possible a scs lccteurs.
AOX EDITEUItS d'oBYBAGES ET ASX IHSRAIRES.
MM. les Editcurs d'ouvrages periodiques, francais et etrangcrs, qui
desireraient echangcr leurs recueils avcc le riotre, peuvent compter sur
lc bon accueil que nous ferons a lenrs propositions d'echange, etsur une
prompte annonce, dans la Revue, des publications de ce genre ct des
aulrcs ouvrages, nouvclleujent publics, qu'ils nous auront adicsscs.
Al'X &DITEVRS DES RECUEILS PERIODIQUES, EN ANGLETEBRE.
MM. les Editeurs des Recueils periodiques publies en Anglcterrc sont
pries de faire remettre leurs numcros a M. Koi.asd!, a Londies, n° ao,
IJerners-street, Oxford-street, qui leur transmcttra , cfiattuc rnois, en
cchange, lcs cabiers de la Revue Encychpcdique, pour La quelle on pcut
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la Revue BncycJopptfiqiKj rue iCEltfcr-Saint-Miclicl, n" 1S. C'esl a la memo
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Key et Gravikr, quai des Augustins, n° 55;
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Rohbt, rue Ilautefeuille, n* 12;
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cipanx Libraires, dans les deparlctuens, et dans les colonics.
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Bern -, Clias ; — Bourgdorfer.
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Di-mat ; — ILirguics-Kenie ; —
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Franc fort - sur - Mein, Jngel.
(j'.tnd , Vandeqkerckoven Qls.
Geneve, Clfeibuliez; — Barbezat
et Delaine
La Ilayc, les fi cres Langenhuysen.
Lausanne, Kiscbcr.
Leipzig, Brcckhius; — G.Zirges.
Iicsoei; — Cuiardin.
Lisbannc, Paul Martin.
Lomlre.i, P. Roland) ; — Dulau et
C" ; — Treutlel et WiirU; — !
Bossange, Bai the/., Lowell el (/'. I
Madrid, Dennee; — Peres.
Manhcim , Arlaria et Fontaine.
Milan, Giegler; "Vismara ; Bocca.
Mans, Le Rou\.
Moscuu, Gautier; — Riss pereetfils.
Naples, Borel; — Marolta ct
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and classical bookstore; — Be-
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Palermo ( Sicile), Pedonne et Mo-
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