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LE SIÈGE
DE
TUYEN-QUAN
I.MlMtlMRBHIE CHAlX, HUE BER'iKUF, 20, PARIS. — 2i7nO-n-«.
DE
TUYEN-QUAN
DU 24 NOVEMBRE 1884 AU 3 MAKS 1885
DICK DE LONLAY
ILLUSTRÉ DE 46 DESSINS PAR L'AUTEUR
Deuxième édition
PARIS
GARNIER FRERES, LIBRAIRES-EDITEURS
6, RUE DES SAlNTS-PËREa, 6
1889
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LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
Le litmtlver farce les barrages ds Yuoc (6 Juin IS84)>
CHAPITRE I
OCCUPATION DE TUYEN-QUAN
Srtnalion géographique de Tujen-Quan. —La première eipédi lion.
— Lca canonnitros. —Le lieutenant-colonel Ducheane, — En
Dftrcfao sur Tujea-Qusn. — Aspect de k citadelle. — L'occupa-
2 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
tion. — Le Revolver et la Mitrailleuse. — Combat du Revolver.
— Acte d'héroïsme de l'enseigne ïestu de Balaincourt. — Le
blocus de Tuyen-Quan.
Parmi les brillants faits d'armes qui ont marqué
la campagne du Tonkin, Tun est resté célèbre entre
tous. C'est la défense héroïque de Tuyen-Quan, où
une poignée de légionnaires sous les ordres du brave
commandant Dominé, se défendirent pendant do
longs mois avec une ténacité et une énergie indomp-
table qui rappelle la mémorable défense de Maza-
gran par les zéphirs du capitaine Lelièvre.
La citadelle de Tuyen-Quan, se trouve perdue
dans les montagnes du Tonkin, sur la rive droite de
la rivière Claire, à cent kilomètres environ à vol d'oi-
seau en aval de la frontière du Yun-Nam.
Après la prise de Hong-Hoa par nos troupes, en
mars 1884, il était nécessaire de refouler les
Pavillons-Noirs vers la frontière de Chine et de les
empêcher de descendre sur la rive gauche du fleuve
Rouge, où l'on signalait chaque jour de nombreuses
exactions commises par les bandes de Luh-Vinh-
Phuoc, jusqu'à hauteur de Hong-Hoa.
Dans ce but le général Millot résolut de faire
occuper Tuyen-Quan, qui, vu sa position, devait for-
mer un excellent poste avancé.
La colonne expéditionnaire se composait d'un
bataillon de la légion étrangère tiré de Hong-Hoa,
do deux compagnies de turcos, d'une batterie de 4
OCCUPATION DE TUYEN-QUAN 3
de montagne et d'un convoi de soixante jours de
vivres pour le détachement qui devait tenir garnison
à Tuyen-Quan, et.de quinze jours de vivres pour la
colonne. Celle-ci devait côtoyer la rivière, escor-
tée par les canonnières 7a Trombe j V Éclair, le Ya-
tagan, le Mousqueton, h JRevolver, la Mitrailleuse
(ces deux dernières du type des canonnières Farcy,
si connues pendant le siège de Paris).
Le lieutenant-colonel Duchesne, de la légion, a
le commandement supérieur, le lieutenant de vais-
seau Capetter, de la Trombe, celui de la flottille.
Le 25 mai, les troupes, tirées de Hong-Hoa, tra-
versaient le fleuve Rouge par une marche des plus
pénibles, dans une région boisée, profondément ra-
vinée et sous une chaleur accablante. Elles attei-
gnaient le même jour le village de Vintri, sur la
rivière Claire, où elles établissaient leur campe-
ment. Le lendemain, les tirailleurs algériens et la
flottille venant de Hanoï arrivaient au rendez-vous.
Le 27, on se met en marche, la colonne chemi-
nant par terre et ne marchant qu'aux heures où la
chaleur est supportable. La flottille l'escorte et
l'on s'arrête à Yen-Doa.
Le 28, le général Millot arrive à Hanoï pour
prendre en personne la direction des opérations, et
amène avec lui une troisième compagnie de tirail-
leurs algériens
" Ce jour-là, l'étape est dure, la route si difficile
4 LE SIÈGE DE 1 UYEN-QUAN
que l'artillerie de montagne, traînée par les coolies,
ne peut suivre et qu'on est obligé de rembarquer
sur la flottille.
Le lendemain la route est encore plus péniblo ;
les sentiers se rétrécissent, une végétation exubé-
rante masque toute vue ; pour continuer sur Tuyen-
Quan par terre, il eût fallu imposer au soldat dos
fatigues inutiles ; le général en chef embarqua la
colonne sur la flottille et la débarqua en deux fois
à Phu-Dian-Hung, à quinze kilomètres de Tuyen-
Quan , point où la rivière Claire se divise en deu x
bras.
Le 31 , la concentration des troupes est terminée
et Ton reprend la marche sur Tuyen-Quan.
Le 1°^ juin, au point du jour, on arrive en vue
de la citadelle; c'est un vaste carré commandant
une plaine en forme de cuvette, admirable position
militaire, qui domine la vallée de la rivière Clairn.
Les canonniers ouvrent le feu sur l'ouvrage ; ce-
lui-ci ne répond pas. Quelques groupes de Pavil-
lons-Noirs manœuvrent sur les montagnes et sem-
blent battre en retraite.
La flottille jette ses embarcations en avant avec
ses compagnies de débarquement, afin d'enlever
la forteresse, mais l'avant-garde de la colonn(3
rivalise d'ardeur avec les marins, pousse dans la
direction de la citadelle, et un soldat de la légion
étrangère y plante le drapeau français.
OCCUPATION DE TUYEN-QUAN 5
La forteresse était évacuée, les magasins vidés.
On n'y trouva que quelques mauvais canons de
petit calibre. ij;
L'opération était terminée : le lendemin 2 juin,
le général Millot rentrait à Hanoï avec la colonne,
laissant deux compagnies de la légion pour tenir
garnison dans la citadelle conquise, ainsi que les
deux canonnières le Revolver et la Mitrailleuse, com-
mandées par MM. Testu de Balaincourt et Senès,
tous deux enseignes de vaisseau.
Ces canonnières, type Farcy, et qui ont plus de
quinze années d'existence, avaient été débarquées
par le Bayard dans la baie d'Allong et armées par
lui en avril 1884.
L'équipage de chaque canonnière était de quinze
hommes.
L'armement se composait d'une pièce de 14 à
l'avant avec affût à masque en tôle, et d'un hotch-
kiss installé à l'arrière sur les appartements du
capitaine.
Ces deux petits bateaux rendirent de très grands
et très signalés services dans la rivière Claire.
Dans les premiers temps de l'occupation de
Tuyen-Quan, ils en firent vingt-deux fois le voyage
aller et retour, naviguant dans un cours d'eau
berné de récifs et de bancs de sable mouvants sur
icfcjquels ils s'échouaient fréquemment.
Pendant quatre mois, les bandes de Luh-Vinh-
6 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
Phuoc laissèrent la petite garnison de Tuyen-Quan
dans le repos le plus complet.
Au commencement d'octobre, le vieux chef, ren-
forcé par les réguliers du Yun-Nam , vient à la tête
de 4,000 hommes cerner la citadelle.
Du 13 octobre au 16 novembre, les Chinois atta-
quèrent la place vingt-quatre fois sans succès.
Une des deux canonnières, le Revolver, se décida
à franchir la passe de Yuoc, à dix kilomètres au
sud de Tuyen-Quan, où les Chinois, profitant d'un
rapide dangereux, s'étaient formidablement retran-
chés.
En cet endroit le lit de la rivière Claire est
obstrué de rochers : les Chinois ont, en outre,
coulé de vieilles jonques qui forment deux barrages.
La rive droite élève à pic ses pentes broussail-
leuses où sont étagées plusieurs lignes de tranchées
et quatre forts presque cachés dans les arbres, et
que surmontent de nombreux drapeaux noirs.
Dans les massifs de palétuviers et de bambous de
la rive gauche, est installée une batterie de quatre
pièces battant la rivière dans la direction des
jonques coulées.
Malgré ces nombreux obstacles , la vaillante
canonnière n'hésite pas et se lance à toute vapeur.
A sa vue, les ouvrages ennemis s'enflamment à
moins de vingt mètres de distance : balles et
boulets viennent fouetter l'eau de la rivière ou
OCCUPATION DE TUYEN-QUAN 7
frapper les parois métalliques du Revolver, qui,
brisant avec son éperon les vieilles jonques et
emporté par la force du courant, franchit le bar-
rage, après avoir été criblé de projectiles.
Malheureusement sur quinze hommes d'équipage
treize sont tués ou blessés.
Le capitaine, M. Testu de Balaiucourt, doit
prendre la roue du gouvernail. Là, exposé à dé-
couvert aux projectiles de l'ennemi, cet intrépide
officier reçoit cinq grosses balles de fusil de rem-
part et quatre balles de Winchester. Ces der-
nières restent dans les chairs.
Quoique criblé de blessures, il a encore la force
de faire cinq heures de barre et de mettre son
navire hors de l'atteinte des Chinois. En récompense
de sa brillante conduite, M. Testu de Balaincourt
fut décoré et nommé lieutenant de vaisseau.
C'est le premier engagement sur la rivière
Claire.
Le 16 novembre, le lieutenant-colonel Duchesne
quitte Hong-Hoa avec la légion étrangère et Fin-
fanterie de marine, afin de débloquer la garnison
de Tuyen-Quan, et remonte la rivière Claire dans
des jonques.
I Le 18, les troupes débarquent à Hoa-Moc, et
bivouaquent sur la terre humide, à quelques pas
des Chinois.
Le 19, le lieutenant-colonel Duchesne prend le
8 LE SIËGE DE TUYEN-QUAN
contact de l'ennemi, culbute Pavillons-Noirs et
Impériaux, et, poursuivant l'armée d'invasion, la
refoule dans la région des forêts et des montagnes.
Le même jour, à dix heures du soir, notre co-
lonne entre dans la citadelle et la ravitaille abon-
damment-
BàlUutvitli«ed«VieUI
(?-.
CHAPITRE n
L INVESTISSEMENT
I) tlaratiOD de l'tlat de siège. — Composition de la garnison de
J'ujen-Quan. — Munitions et approvisionnements de la place. —
La légion élrangère. — Le commandant Dominé. — Le eiladelle.
— Le grand mamelon. — Lea deux pagodes. — Logements des
olllciers. — Les magasins. — Lo viliâge annomile. — La rivière
Claire. — La rallée. — Pagode Iransl'orméc en ehapelle. — Vea-
Iruciion des barrages. — Premier engagement. — CoDcenlraiion
des forces ennemies. — Ravitaillement de la citadelle, — Rccon-
e de la compagnie Moulina;.
Le 23 novembre, après trois jours de repos, la
colonce Duchesne quitte Tujen-Quan.
Les Cliinois se rapprochent aussitôt et viennent
rOuccuper luurs anciennes posidons.
10 LE SIÈGE DE TUYEN-QDAN
Le 24 novembre, la place est déclarée en état
de siège, selon le règlement, parce que l'ennemi
est à moins de dix kilomètres de la citadelle.
La garnison de Tuyen-Quan se compose de :
Deux compagnies de la légion : 8 officiers^
390 hommes.
Artillerie de marine (1"^® section de la 2* batte-
rie bis) : 1 officier, 31 hommes.
Génie (4® régiment) : 8 hommes.
Infirmiers (15® section) : 3 hommes.
Ouvriers d'administration (15® section) : 3 hom-
mes.
Tirailleurs tonkinois (i^^ régiment, 8* compa-
gnie) : 2 officiers, 162 hommes.
Munitions. — Pour les 2 canons de 4 rayés de
montagne : 212 obus ordinaires, 92 à balles, 52
boîtes à mitraille.
Pour les 2 canons de 50 millimètres : 178 obus
à balles ; 200 obus ordinaires.
Pour les 2 hotchkiss : 1,526 obus ordinaires ;
200 boîtes à mitraille.
266,112 cartouches d'infanterie, modèle 1874,
outre les cartouches portées par les hommes.
Outils. — 27 pioches, 40 pelles, 4 haches. La
légion n'a malheureusement pas d'outils de cam-
pagne.
Vivres. — Les vivres, en comptant par jours
pour l'eflFectif de la garnison, comprennent : bis-
^INVESTISSEMENT 11
cuit (16 jours), farine (101 jours), vin (119 jours),
tafia (128 jours), café (118 jours), thé (124 jours),
sucre (118 jours) conserves de bœuf (107 jours),
lard salé (39 jours), fayots (39 jours), légumes
secs (39 jours), sardines à Thuile (23 jours), riz
(ration française, 60 jours), riz (ration indigène,
60 jours), fromage (1/2 jour), sel (119 jours),
25 bœufs.
Comme on le voit, ce sont des soldats de la
légion étrangère qui composaient la majeure partie
de la garnison.
Tout le monde connaît ce corps d'élite qui,
composé de volontaires de tous pays, Alsaciens-
Lorrains, Belges, Suisses, Polonais, Italiens, etc,
rappelle les anciennes bandes des lansquenets et
des Suisses des grandes compagnies.
Formée en Algérie sous le règne de Louis-Phi-
lippe, la légion étrangère acquiert bientôt ses
lettres de naturalisation dans l'armée française
par ses brillants faits d'armes.
En Crimée, les légionnaires sont les héros des
furieux combats de nuit livrés dans le grand cime-
tière de Sébastopol, et repoussant les assauts fu-
rieux tentés par les troupes russes contre la gorge
de Malakoff.
En 1857, dans la grande Kabylie, les zouaves du
2« régiment viennent se faire décimer inutilement
devant les barricades dlchérident; une troupe
IS LE SltlGE DE TUYEH-QUAH
d'élite s'avance alors : à ses longues eapotes som-
bres, à son allure calme et disciplinée de vieux
reîtres, on reconnaît la légion étrangère. Elle
marche, impassible et au pas, sans répondre on
coup de feu, sous la grêle des balles kabyles
qui la déciment. Arrivée à vingt pas de l'ennemi,
elle fait halte, déctuirge ses
fusils, et d'un seul bond en-
lève la barricade.
À la bataille de Magenta,
les deux régiments étran-
gers enlèvent avec le con-
cours du 2"" zouaves le vil-
^ lage de ce nom, et décident
\ dusuccès de la journée.
SoWalïdelaléËion étraoEère , „ ,. .
A Camarone, au Mexique,
une compagnie de la légion se signale par une
lutte héroïque qui rappelle les plus beaux temps
de la Grèce et de Rome.
Cette poignée de héros, forte de 60 hommes,
sous les ordres du capitaine Danjou, des lieutenants
Eandet et Vilain, est cernée dans une hacienda
(auberge) par plusieurs milliers de guérilleros.
Refusant tout quartier, les légionnaires sont
exterminés jusqu'au dernier, après avoir tué
dans une lutte acharnée cinq cents douze Mexi-
cains.
Pendant la campagne de France, à l'attaque
LTOVESTISSEMENT 13
d'Orléans par les Allemands, en octobre 1870^ la
légion étrangère se couvre de gloire en défendant
le faubourg des Aydes, sous les ordres du com-
mandant Arago, qui est frappé à mort par une
baUe bavaroise.
Quelques mots maintenant sur le jeune officier
que la belle défense de Tuyen-Quan a rendu à jamais
populaire et qui s'y est conduit en héros.
Le commandant Dominé, qui tffmmandait la
place de Tuyen-Quan, a trente-sept ans. Il est né
le 22 juillet 1848, à Vitry-le-François. Ses pa-
rents, bien que peu aisés, lui firent faire de bonnes
études au collège de la ville, et après avoir con-
quis son diplôme de bachelier es sciences, il
entra à Saint-Cyr en 1866. Ce jeune homme, qui
comptait déjà dans sa famille plusieurs officiers
distingués, brûlait du désir de marcher sur leurs
traces.
Sorti de l'école en 1868, il part pour rejoindre à
Oran le 2® régiment de zouaves, et presque aussi-
tôt est envoyé dans le Sud-Oranais sous les ordres
du général de Wimpff'en.
Au combat d'Aïn-Chaïr, il se fait admirer de tous
par sa bravoure et sa froide intrépidité. Une balle
lui traverse le biceps du bras droit.
— Ce n'est rien, dit-il.
Et il va se faire panser, puis retourne sur le
champ de bataille, le bras en écharpe. Cet acte
14 L£ SIÈGE DE TUTEN-QUAN
d'impassibilité et de conrage lui yaat d'être cité à
Tordre du jour et décoré.
C'est débuter brillamment dans la carrière des
armes. Il est le plus jeune légionnaire de l'armée
française.
o
En 1870, il fait partie du 2"* régiment de marche
de zouaves, qu'on vient de reconstituer, et qui a à
sa tête le commandant Logerot, aujourd'hui chef
du 8® corps à Bourges.
Devant Orléans, ses soldats déployés en tirailleurs
et très rapprochés des Prussiens les apostrophent
à la façon des héros d'Homère et dans le style fami-
lier à ceux de M Zola.
— A la baïonnette ! leur crie Dominé. Et comme
il lève son sabre, une balle lui fracasse le coude; il
est encore atteint au bras droit.
On transporte le malheureux officier à l'ambu-
lance, où les chirurgiens veulent lui faire l'ampu-
tation.
^ Ma carrière serait. brisée, dit-il, j'aime mieux
mourir. Et il refuse. Malgré cette blessure effroya-
ble, son énergique constitution reprend le dessus,
et, au moment de l'armistice, il revient au milieu
des siens, à Vitry.
Mais l'inaction lui pèse : bientôt il retourne,
malade encore , en Kabylie , pour prendre
part à la répression de la révolte; sa faiblesse
est telle que les hommes de sa compagnie doi-
L'INVESTISSEMENT 15
vent le soutenir lorsqu'on a un monticule à
gravir.
Cependant, la plaie du bras n'arrivait pas à se
cicatriser, il devenait évident qu'elle recelait un
corps étranger.
Il fut, a raconté M. de Beauvoir à qui nous
empruntons ces détails biographiques, opéré à
Paris, par le docteur Richet.
Après une guérison rapide, le lieutenant Dominé
put revenir au 2® zouaves, où il fut nommé capi-
taine en 1873.
Deux ans après, lors de la re vision des cadres,
il entra à l'École de guerre et y passa les années
4877 et 1878.
On renvoya ensuite au 74® de ligne, et, en 1881,
il se trouvait capitaine d'état-major au 8® corps
d'armée.
L'année suivante, il faisait partie de Tétat-major
du 19® corps, sous les ordres du général Saussier,
un Champenois comme lui, et prenait part à Toccu-
pation du M'Zab comme sous-chef d'état-major du
général Latour-d'Auvergne.
A la fin 'de 1883, le capitaine Dominé partait sur
sa demande, pour le Tonkin, avec le 2® bataillon
d'Afrique. Sa nomination de commandant lui parvint
au mois de juillet 1884.
C'est en cette qualité que ce brave officier a
pu accomplir le brillant fait d'armes de Tuyen-
16 LE SIÈGE DE TUYENQUAN
Quan, qui lui a valu les épaulettes de lieutenant-
colonel, et a mis son nom à côté des Rivière, des
Garnier, et de tous ces illustres enfants de la
France qui ont porté haut et ferme le drapeau na-
tional.
Un trait qui peindra le caractère du comman-
dant Dominé : il a pu, avec les seules économies
faites sur sa solde, doter sa sœur et lui acheter un
petit magasm de mercerie à Eurville, où elle s'est
mariée récemment.
Nous avons fait connaître le chef et la garnison
de Tuyen-Quan, décrivons maintenant le réduit ou
ces cinq cents héros ont pu tenir tête à plus de dix
mille Chinois.
Cette citadelle est petite, carrée, ses remparts
peu élevés; elle a quatre portes, ayant chacune son
bastion en demi-lune à l'extérieur et surmontée d'un
mirador où se tient le poste de garde. Elle renferme
plusieurs baraques, une mare et un grand mame-
lon en terre en forme de pain de sucre qui parait
Tœuvre de la nature, et qui remplace pour Tuyeu-
Quan la tour traditionnelle des citadelles du
Tonkin.
On gravit ce mamelon par un escalier de cent
quatre-vingt-treize petites marches usées et par
un chemin tournant.
Sur le sommet sont bâtis deux pagodes et un
vaste magasin à riz, occupés par Tétat-maior.
L'INVESTISSEMENT 17
Le commandant Dominé habite une pagode et
l'interprète l'autre.
Le magasin est divisé en six pièces principales :
le bureau de la place, la salle à manger, un magasin
pour les munitions de Tartillerie, les logements du
capitaine adjudant-major, du docteur et du pasteur
^oisset, aumônier militaire attaché à la légion
étrangère.
Ces chambres sont séparées par des murs en
briques et en terre qui n'arrivent pas jusqu'au toit
ou par des cloisons en planches, en nattes ou en
bambous. C'est si peu confortable que le capitaine
adjudant-major a jugé prudent de faire dresser sa
tente dans sa chambre pour mieux abriter son
lit.
Du haut de ce mamelon, poste naturel de l'artil-
lerie, on a une vue magnifique sur les environs,
jusqu'à plus de cinq ou six kilomètres, où les Chi-
nois sont retranchés dans la forêt.
Les Annamites qui n'ont pas pris la fuite et qui
n'ont pas été égorgés par les pirates avant l'entrée
des Français, sont agglomérés dans leurs cognas,
en dehors des limites de la garnison, à une portée
de fusil en aval de la citadelle. Ce village, ré-
cemment construit à l'ombre de nos canons, est
garanti d'un côté par la rivière et des autres
par une haie en bambous, un mur en terre et un
abatis.
18 LE SliGE DE TUYEN-QUAN
Par suite de la baisse des eaux, les canonnières
no peuvent pas remonter la rivière Claire ; la
Mitrailleuse reste bloquée à Tabri du canon de la
place.
Les Chinois occupent les déâlés des environs;
chaque jour on entend des coups de fusil qui ser-
vent probablement de signaux, et de temps ea.
temps on les voit s'avancer dans la plaine avec
leurs pavillons, et fuir au moindre coup de feu de
nos avant-postes.
Le courrier est porté, irrégulièrement, deux ou
trois fois par semaine, par un Annamite, qui se
cache dans les bois, ou qui se glisse doucement
durant la nuit dans son panier, sous la berge de
la rivière. Plusieurs de ces piétons ne sont jamais
revenus.
On manquait surtout de tabac, ce qui est une
grande privation pour les soldats, mais, comme on
vient de le voir, les vivres et les munitions étaient
on abondance ; les soldats étaient pleins de santé,
de force et de courage.
La vallée est des plus pittoresques avec ses forêts
de lataniers ; du matin au soir, des oiseaux d'es-
pèces variées, prodiguent leurs chansons; des
bandes nombreuses de sangliers viennent boire sur
la rive opposée de la rivière, en face de la citadelle ;
dans les broussailles qui entourent les remparts
abondent des poules sauvages auxquelles nos trou-
L'INVESTISSEMENT 19
piers font une chasse des plus actives ; le tigre fait
quelquefois entendre son cri dans la forêt; les Anna-
mites prétendent même que dans la montagne, à
vingt-cinq kilomètres de Tuyen-Quan, se trouvent
beaucoup d'éléphants.
A cinquante mètres environ, en amont de la cita-
delle de Tuyen-Quan, en dedans du rayon de cent
mètres qu'il est défendu de franchir sans escorte
armée, se trouve une vaste pagode qui a dû
être fort belle dans sa première splendeur. C'est
là que le pasteur Boisset réunit les nombreux
soldats protestants de la légion pour le culte
public.
On arrive à cet édifice par une cour inculte,
jadis fermée par un portail dont il ne reste plus que
deux colonnes ayant chacune son pan de mur en
mauvais état.
Deux arbres immenses, verts pendant toute Tan-
née, comme la nature l'est en général dans ce pays,
sont placés au pied du grand escalier de la porte
d'entrée.
Le toit fut percé par les boulets pendant le bom-
bardement de la citadelle.
L'intérieur comprend deux pièces dépourvues de
statues de Bouddha.
La première, la plus vaste et la mieux éclairée,
encore intéressante par ses inscriptions et ses
colonnes laquées, est transformée en chapelle. Elle
1) LE SIÈGE DE TUYEN-QDAN
est garnie de bancs de bois pour le public; une
espèce d'autel est maçonné avec des briques et de
la terre.
Là où jadis les indigènes fléchissaient le genou
devant leurs idoles, retentissent maintenant les
prières et les cantiques de nos soldats.
- 24 novembre. — Aujourd'hui le siège com-
mence.
Sur rinvitation du colonel Duchesne, un détache-
ment est envoyé à six heures et demie du matin à
Yuoc pour détruire le barrage reconstruit sur îa
rivière Claire par les Pavillons-Noirs, après le pas-
sage du Revolver.
L'opération ne réussit quà moitié. La jonque
coulée en travers de la rivière, n'est que déplacée,
mais elle ne peut être enlevée.
Le détachement rentre à quatre heures du soir à
Tuyen-Quan. En arrivant à hauteur de Yuoc, il
. rencontre un groupe de quinze Chinois armés de
fusils sur lequel l'avant-garde de la compagnie do
la légion fait feu et qui s'enfuit aussitôt dans la
direction de Phu-an-Binh.
25 novembre. — Une reconnaissance d*un
peloton de la légion est envoyée, dans l'après-midi,
aux villages de Yla et de Tuong-Mou; quinze tirail-
leurs tonkinois sont adjoints à cette reconnais-
sance; elle a pour mission de s'assurer que les habi-
tants ne reconstruisent pas les cagnous qui ont été
'\."
L'INVESTISSEMENT 21
inondées par la colonne Duchesne, de protéger la
récolte de riz et veiller à ce qu'il soit rapporté du
côté de la citadelle.
D'après le rapport de la reconnaissance, les Pa-
villons-Noirs ne sont pas revenus à leurs anciens
postes de Tuong-Mou.
26 novembre. — Rien à signaler.
27 novembre. — Le commandant Domino
reçoit de Phu-Doan avis que 10,000 Pavillons-Noirs
s.nt à Thuan-Quan.
2,000 Pavillons-Noirs sont à Phu-an-Binh et
i .000 aux environs de Phu-Doan.
28 novembre. — Rien à signaler.
29 et 30 novembre. — Reconnaissance d'un
peloton de la légion et de 15 tirailleurs tonkinois
à Dong-Yen et à Yla; même mission que la recon-
naissance du 25.
1er décembre. — Les espions de Dong-Yen .
foiit connaître que dans la matinée, 200 Pavillons-
Noirs sont passés à ce village, se rendant dans la
direction de Phu-an-3inh. Le soir, ils signalent
l'arrivée à Dong-Yen de 800 Pavillons-Noirs venus
de Ung-Di par Yla, comme les précédents.
2 décembre. — Une reconnaissance composée
d'une compagnie de la légion et de 20 tirailleurs
t-.nkinois est envoyée à six heures du matin à Dong-
Yen. Elle n'y trouve plus les Pavillons-Noirs, si-
22 LE SIEGE DE TUYEN-QUAN
gnalés la veille, lesquels se sont repliés en arriéré
de Yla^ à l'entrée des forêts.
Dans l'après-midi, une dépêche du commandant
Bougnié, de l'infanterie de marine, annonce Tarri-
vée d'un convoi de deux mois de vivres pour la gar-
nison, convoi qu'il est chargé d'escorter avec une com-
pagnie d'infanterie demarineetla canonnièrerj&c/atr.
Il fait connaître que le convoi sur jonques et
sampans a dû s'arrêter- à quatre kilomètres au-
dessous de Yuoc, V Éclair n'ayant pu le remorquer
plus haut à cause de la haïsse des eaux.
Il demande en même temps qu'une compagnie de
la légion soit envoyée au mouillage en question pour
prendre 33 bœufs que VÉclair a amenés à son bord
et pour protéger le passage devant Yuoc des
jonques et des sampans, qui seront dirigés libre-
ment sur Tuyen-Quan.
3 décembre. — La compagnie de la légion qui
devait aller à Yla pour reconnaître la position des
Pavillons-Noirs est, conformément à l'invitation
du commandant Bougnié, dirigée sur Yuoc.
En arrivant à un tournant du chemin dans la
forêt, cette compagnie,, sous les ordres du capitaine
Moulinay, est accueillie par plusieurs coups de feu
partant d'une position primitivement fortifiée et
dont les défenses ont été détruites par la compagnie
envoyée le 25 novembre à Yuoc pour la destruction
du barrage.
L'INVESTISSEMEOT 23
Cette position couvre la naissance d'un chemin
qui mène à Phuan-Binh. Aucun homme n'est at-
teint par ces coups de feu qui passent tous au-
dessus de la compagnie.
Cette compagnie atteint le mouillage de VÉclair
et le soir à quatre heures et demie, elle rentre à
Tuyen-Quan sans incident, ramenant les 33 bœufs.
Sous sa protection, les sampans et les jonques ont
pu franchir le passage dangereux de Yuoc.
Dans la matinée, une quarantaine de Pavillons-
Noirs, drapeaux en tête et avec accompagnement
de trompettes, viennent faire une démonstration
jusqu'à deux kilomètres environ de la citadelle.
4 décembre. — A une heure du matin arri-
vent les sampans ; les jonques ont dû s'arrêter au
coude de la rivière Claire, à quatre kilomètres en-
viron de Tuyen-Quan, ne pouvant rementer le cou-
rant. Dans la journée on décharge les sampans
qui, une fois vides, retournent aux jonques pour
prendre une partie de leur chargement.
Le commandant Bougnié fait connaître que VÉclair
est allé à Phu-Doan et qu'elle reviendra le lende-
main au même mouillage avec 33 autres bœufs.
5 décembre. — Les grosses jonques allégées,
parviennent à Tuyen-Quan et sont déchargées dans
la journée.
Des ordres sont donnés dans la journée, pour
qu'une compagnie de la légion, aille le lendemain
2i LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
chercher les bœufs. Ordre est également donné aux
70 hommes d'infanterie de marine qui ont escorté
les jonques, de repartir le lendemain matin sur ces
mêmes embarcations.
6 décembre. — Les émissaires envoyés à Yuoc
ayant fait connaître la veille dans la soirée, qu'un
groupe de Chinois est établi au tournant, où a déjà
été assaillie la compagnie Moulinay, la compagnie
de la légion chargée d'aller chercher les bœufs
au lieu de prendre la voie de terre, s'embarque sur
les jonques avec l'infanterie de marine, ce qui lui
permet d'éviter le passage en question. Elle a ordre
de débarquer avant le point où les Chinois ont
établi leur premier retranchement, et à partir de
ce moment, de se rendre par voie de terre jusqu'au
mouillage de VÉçlair^ flanquant ainsi les jonques
sur lesquelles doit rester l'infanterie de marine.
A
Légionnaire, tenue du Tonkla.
EinbuiCBde ds légloaasïrei el dellrailleurslankloois
CHAPITRE III
COUBATS EXTÉniEDRS
Reconnaissance de Yla. — Prise d'un factionnaire cliinois. ~ Con<
Btruclion d'un blockhaus. — BcconnaisBances de Yen. — Recon-
■taissancw chinoises. — Embuscade de la Grande Haie. — Arrivée
d'un convoi. — Combat do Dong-Yen. — A la baïonnette. —
Déserteurs et priaonniera chinois. — Le village annamite. —
Armement dea coolies. — Les forces ennemies. — Les dra-
peaux blancs do Lab-Vinb-Phnoc. — Embuscades du Mamelon-
Fleuri.
7 décembre. — Des renseignements apportés
la veille par des espions ont fait connaître que les
Chinois sont revenus en grand nombre au point où
le chemin de Ung-Di pénètre dans les forêts.
Une reconnaissance, composée d'une compagnie
de la légion et de 30 tirailleurs tonkinois, est
26 LE SIÈGE DE TUYENQUAN
envoyée de ce côté pour déterminer les positions
occupées par l'ennemi.
La reconnaissance, partie à cinq heures du ma-
tin, arrive au point du jour à Yla, bouscule les
avant-postes chinois établis à la lisière de ce vil-
lage, du côté de Tuyen-Quan, et gagne la lisière
extérieure des bois en arrière de Yla. Elle aperçoit
sur les hauteurs boisées entre lesquelles s'engage
le chemin de Ung-Di, deux ouvrages en construc-
tion.
Les Chinois ou Pavillons-Noirs se sont déployés
sur ces hauteurs et occupent le mamelon sur lequel
s'élève le fortin imparfaitement détruit dans la jour-
née du 20 novembre. La reconnaissance entend en
même temps de grands cris sur sa droite ; ces cris
partent d'un rideau de bois qui précède un ravin
presque infranchissable.
Le capitaine Moulinay, qui commande la recon-
naissance, estime à 500 hommes environ le nombre
de Chinois qu'ilavus sur les hauteurs. Conformément
aux instructions reçues, la reconnaissance ne s'en-
gage pas ; elle revient à la citadelle, où elle est de
retour à neuf heures du matin.
Dans la journée on aperçoit une grande ligne de
fumée du côté du ravin, d'où la reconnaissance a
entendu partir des cris. Le soir, des espions, en-
voyés de ce côté, viennent rendre compte que 7 à
800 Pavillons-Noirs sont derrière le ravin et qu'ils
COMBATS EXTÉRIEURS 27
y installent un campement. Les Chinois établis sur
la hauteur sont, disent-ils, des réguliers du Yun-
Nam.
8 décembre. — Rien à signaler.
9 décembre. — Une patrouille de 30 tirailleurs
tonkinois, commandée par le sergent-major de
Bergues, envoyée dans la journée du côté de Yla,
parvient à s'approcher, sans être vue, d'un petit
poste chinois et s'empare d'une sentinelle. Les ren-
seignements fournis par le prisonnier confirment
ceux qui ont été donnés par les espions.
10 décembre. — Rien à signaler.
11 décembre. — Commencement de la con-
struction d'un blockhaus pour 20 hommes, sur un
mamelon situé à 300 mètres de la citadelle, en avant
du secteur S.-O. De ce mamelon et d'autres plus
éloignés, on a des vues dans l'intérieur de la cita-
delle.
La construction de ce blockhaus a. pour but de
tenir la hauteur la plus rapprochée de la place et
par ses feux d'empêcher l'adversaire de s'établir
sur les hauteurs voisines.
Une reconnaissance, composée de 30 tirailleurs
tonkinois et de 20 légionnaires, sous les ordres de
M. le lieutenant GouUet, des tirailleurs tonkinois,
est envoyée du côté du village de Yen. Elle a pour
mission de s'approcher du ravin derrière lequel on
a déjà constaté la présence des Pavillons-Noirs
28 LE SIÈGE DE TLTEN-QUAN
et de chercher à déterminer l'extrémité de leur
ligne.
La reconnaissance, après avoir dépasse Yen,
s'avance jusque près du ravin par un chemin qui le
traverse. Mais l'approche de la reconnaissance est
signalée par un petit poste, qui fait feu ; de grands
cris se font entendre derrière le chemin.
Conformément aux instructions reçues, la recon-
naissance pour ne pas s'engager, retourne sur ses
pas. Par cette opération, on a obtenu le résultat
de savoir que la ligne des Pavillons-Noirs s'étend
à droite et à gauche de la direction principale par
laquelle ils peuvent être abordés.
12 décembre. — Rien à signaler.
13 décembre. — A deux heures de l'après-
midi, un groupe d'une quarantaine de Chinois, diri-
gés j)ar deux chefs à cheval, s'avance en ordre
dispersé sur le terrain qui s'étend entre le village
de Yla et la ligne de mamelons ci-dessus, à propos
de la construction du blockhaus.
La reconnaissance chinoise se déployé en tirail-
leurs, marche sur le blockhaus et s'en approche
à 12 ou 1500 mètres.
Deux patrouilles sont envoyées pour essayer de
lui couper la retraite ; la première, composée de 20
légionnaires, prend par le chemin de Yen et sutt
la ligne des hauteurs ; l'autre formée de 20 tirail-
leurs tonkinois, se porte vers la droite des Chinois
COMBATS EXTÉRIEURS 20
pour la déborder en profitant pour se dissimuler
d'une longue haie très touffue et très épaisse, qui
coupe le terrain à peu près à égale distance entre
Tuyen-Quan et Yla.
Les Chinois s'aperçoivent à temps de ces mou-
vements et battent en retraite. Pendant toute
cette opération, ils restent en ordre dispersé et
aucune occasion ne se présente de leur envoyer un
projectile d'artillerie.
14 décembre. — Rien à signaler.
15 décembre. — Achèvement de la construc-
tiondublockhaus, quiestoccupé le soir même. 70 hom-
mes de la légion ont été employés journellement
à ce travail qui n'a pas demandé plus de six jours.
16 décembre. — Deux déserteurs chinois,
appartenant à l'armée régulière viennent se rendre
à la citadelle. Leurs renseignements confirment les
rapports précédents au sujet de la présence de 1,500
Chinois réguliers ouPavillons-Noirs autour de Tuyen-
Quan. Ces deux Chinois appartiennent à un renfort
de 500 hommes arrivé récemment de Lao-Kaï.
A onze heures du matin, les Chinois dirigent sur
le blockhaus une reconnaissance semblable à celle
de la veille ; cette reconnaisance est repoussée par
la garnison du blockhaus qui tire à 600 mètres.
Aucun des Chinois n'est atteint.
17 décembre. — A six heures et demie, une
reconnaissance, composée de 30 tirailleurs tonki
30 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAJS
nois et de 20 légionnaires, sous les ordres du lieu-
tenant GouUet, des tirailleurs tonkinois, va de
nouveau dans la direction de Yen ; elle a pour
mission de chercher un chemin plus rapproché de
la rivière Claire que celui suivi le 11 décembre,
chemin qui permettrait peut-être de gagner la gauche
des campements chinois.
La reconnaissance ne trouve que des sentiers
qui se perdent avant d'arriver à hauteur de Yen.
Des renseignements obtenus le même jour par
des espions font connaître que les campements
ennemis s'étendent jusqu'à la rivière Claire.
L'ennemi, ayant envoyé, deux jours de suite, une
reconnaissance vers le blockhaus, une embuscade,
composée de 30 tirailleurs tonkinois sous les ordres
du sergent-major de Bergues, est envoyée à dix
heures du matin, derrière la grande haie, qui
coupe la plaine entre Tuyen-Quan et Yla; l'embus-
cade est à peine installée qu'un groupe de 200 ré-
guliers chinois, en kéos noirs surchargés de carac-
tères rouges, débouche de Yla, marchant sur le
blockhaus.
Ce groupe, déployé en tirailleurs, est précédé,
à 200 mètres, de deux éclaireurs suivant le chemin
de Yla à Tuyen-Quan. L'embuscade les laisse ap-
procher et les tue à bout portant. Le gros de la
reconnaissance chinoise continuant à avancer,
les tirailleurs tonkinois se replient et regagnent
COMBATS EXTÉRIEURS 31
Tuyen-Quan, en suivant la haie jusqu'au point où
elle est occupée par le chemin de Dong-Yen. Les
Chinois, d'ailleurs, ne dépassent par cette haie, et
font demi-tour quelques minutes après l'avoir atteinte .
18 décembre. — Une nouvelle embuscade,
composée de 20 tirailleurs tonkinois et d'un peloton
de la légion, sous le commandement du sous-lieute-
nant Proye, est renvoyée, à neuf heures du matin,
derrière la haie.
A dix heures, les Chinois débouchent encore de
Yla, au nombre d'une cinquantaine. Ils font quelques
centaines de mètres dans la direction de la haie ;
mais soit qu'ils aient éventé l'embuscade, soit pour
tout autre motif, on les voit subitement prendre
le pas de course pour rentrer à Yla.
A deux heures de l'après-midi, arrivée de quatre
jonques chargées de vivres, pour porter à six mois
l'approvisionnement de la place.
Le convoi est escorté par un détachement d'in-
fanterie de marine. Le commandant Bougnié, qui
commande le poste de Phu-Doan, est venu à Yuoc
avec deux compagnies pour protéger le passage
du convoi à ce point dangereux, à l'aller et au
retour.
19 décembre. — Départ à neuf heures du
matin des jonques et de l'escorte.
20 décembre. — Rien à signaler.
21 décembre. — Les rapports des espions
32 LE SIEGE DE TUYEN-QUAN
ont signalé la présence de 4 ,300 à 1 ,600 Chinois
autour de Tuyen-Quan. Pour contrôler ce rensei-
gnemeat, le commandant Dominé fait faire, dans la
matinée du 21, une reconnaissance offensive qu'il
, dirige vers Dong-Yen, c'est-à-dire sur le chemin de
Phu-an-Binh.
Cette reconnaissance, sous les ordres du capitaius
Cattelin, de la légion étrangère, se compose de :
une compagnie de la légion; une pièce de 4 appro-
visionnée à 30 coups ; 30 tirailleurs tonkinois ; un
détachement d'ambulance.
À sept heures du matin, la reconnaissance part
dans la direction qui lui a été indiquée. Le brouillard
est très in-
tense, et le ca-
pitaine Catte-
i lin arrête son
■^ détachement à
' 500 mètres de
Dong-Yen,
■- pour attendre
- qu'il se soit
Réguliers du Kouang-St. ,. . ,
dissipé.
A neuf heures et demie, le brouillard disparaît,
le capitaine Cattelin aperçoit alors deux fortins sur
la gauche et en arrière de Dong-Yen, et les prend
comme point de direction en laissant Dong-Yen sur
sa droite.
COMBATS EXTÉRIEURS 33
Conformément aux instructions qu'il a reçues, il
fait prendre position à un peloton à la lisière d'un
petit bois , et avec l'autre il forme trois fortes
patrouilles, qui s'avancent sur un même front, sui-
vant la direction du chemin de Phu-an-Binh, lequel
passe tout près des fortins.
; Après avoir fait 5 ou 600 mètres, la ligne de
patrouilles tombe sur un petit poste chinois qui
s'enfuit immédiatement. Le petit poste est pour-
suivi , mais après avoir fait quelques pas, les pa-
trouilles sont accueillies par un feu très vif partant
d'une tranchée, qui barre la route à 200 mètres
environ de l'emplacement du petit .poste.
En deux bonds la' ligne de patrouilles déployée
atteint le retranchement et en chasse les défen-
seurs à la baïonnette. Les Chinois tentent un retour
offensif pour reprendre leurs morts et leurs blessés,
mais ils sont repoussés par les feux de salve des
légionnaires.
A ce moment les assaillants se trouvent pris en
flanc par les feux d'un des fortins. Les tirailleurs
tonkinois qui sont à la droite de la légion font face
à ces fortins et, par leurs feux, en chassent les
défenseurs.
Pour soutenir la ligne d'attaque, le capitaine
Cattelin a fait avancer une des deux sections du
repli, laquelle se trouve alors à 400 mètres du
retranchement.
34 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAIS
L'ennemi, en s'enfuyant, a montré ses forces ; le
capitaine Cattelin estime, que, tant dans la tranchée
que dans les fortins, il y a environ 500 Chinois.
Le but de Tentreprise étant atteint de ce côté,
le signal de la retraite est donné; le moment est
d'ailleurs favorable, l'ennemi étant alors en fuite
sur la route de Phu-au-Binh.
Le feu, durant cette action, a été très vif ; cette
intensité de la fusillade à laquelle se mêlaient les
coups de la pièce de 4, protégeant le retour de la
ligne d'attaque, a eu une conséquence très favorable,
au point &e vue du but cherché.
Tous les Chii\ois, établis autour de la place, sor-
tirent de leurs campements, et du haut de la cita-
délie nous les vîmes se déployer sous nos yeux;
leurs groupes couvraient la plaine à 4 kilomètres
environ de la place et ils étaient certainement
plus de mille. Toute cette foule prenait ensemble
la direction de Yla pour se jeter sur les derrières
de la reconnaissance.
Le nombre des munitions consommées dans cet
engagement est de 15,000 cartouches infanterie,
24 obus de 4, 75 obus Hotchkiss.
Les pertes de Tennemi dans cette affairé sont
estimées au moins à 150 hommes. Les nôtres sont
de 9 hommes blessés.
22 décembre. — Rien à signaler.
23 décembre. — Les rapports des espions
COMBATS EXTÉRIEURS 35
font connaître qu'à la suite de Taffaire du 21, Luh-
Vinh-Phuoc est venu lui-même avec un renfort ch
500 Pavillons-Noirs.
24 décembre. — Une patrouille d'Annamites-
fournie par le nouveau village de Tuyen-Quan,
s'empare d'un Pavillon-Noir. Les rapports des
espions, au sujet de l'arrivée de Luh-Vinh-Phuoc,
sont confirmés par ce prisonnier.
25 décembre. — Rien à signaler.
26 décembre. — Un Chinois régulier est pris
sur le chemin de Dong-Yen par une patrouille de la
légion étrangère.
Ce prisonnier donne les renseignements suivants :
3,200 Chinois sont réunis autour do Tuyen-Quan,
à savoir 2.000 Pavillons-Noirs et 1,200 réguliers
do Kouang-Si.
Les 1,200 réguliers sont stationnés dans les for-
tins de Dong-Yen; les Pavillons-Noirs occupent
les retranchements de Truong-Mou et les campe-
ments en arrière du grand ravin qui, de Truong-
Mou, va à la rivière Claire.
A Thuan-Quan se trouvent 5,000 réguliers de
Yun-Nam, et la route de Tuyen-Quan à Phu-an-
Binh est jalonnée par des postes dans lesquelles se
trouvent encore un millier de Pavillons-Noirs.
27 et 28 décembre. — Rien à signaler.
29 décembre. — Le villaiçe construit pour
recevoir tous les Annamites ^ui sont réfugiés sous
36 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
la citadelle est terminé, et les indigènes vont s'y
installer. Sauf la place qui regarde la citadelle, ce
village est entouré d'un mur en terre, haut de
deux mètres et épais de cinquante centimètres.
Les 80 coolies employés aux travaux de la place
sont organisés en milice pour la défense du village.
Ils forment 4 sections commandées chacune par ur
caï.
La milice est commandée par le mandarin
Nguyen don Bâh , auquel les indigènes donnent le
titre de capitaine annamite. Ce mandarin, qui
paraît peu flatté de l'honneur qui lui est fait, a
pour le seconder dans son commandement, le doï
des coolies, Hang van Hinh, du village de Yen, qui
est un homme énergique et sachant se faire obéir.
C'est d'ailleurs à ce doï qu'est due la construc-
tion du village, le tong-doï, qui est vieux et malade,
opposant une inertie absolue à tous les ordres qui
lui sont donnés.
L'armement des coolies consiste en lances de
bambou appointées ; le capitaine annamite a un
fusil à répétition et un pistolet : le doï a un fusil
à piston.
30 décembre. — Rien à signaler.
. 31 décembre. — A onze heures du matin,
un groupe de 500 Chinois, venant des directions
Truong-Mou et Yen, marche sur le blockhaus en
ordre de combat. Des drapeaux blancs, drapeaux
COMBATS EXTÉRIEURS 37
pôrsonnels de Luh-Vinh-Phuo«, d'après les rensei-
gnements donnés par les deux prisonniers, sont
portés en avant de la ligne de tirailleurs. Arrivés à
4,500 mètres environ du blockhaus, les Chinois
s'arrêtent et font demi-tour presque aussitôt
après.
1er janvier. — Des espions font connaître que
Lnh-Vinh-Phuoc est retourné à Phu-an-Binh avec
un groupe d'environ 4,500 Pavillons-Noirs. La dé-
monstration de la veille a sans doute eu pour but
de donner le change sur le mouvement exécuté par
le chef des Pavillons-Noirs.
A huit heures du soir le village est attaqué par
un groupe de Chinois qui vient se butter contre les
défenses dont le village est entouré.
2 janvier. — Une embuscade est tendue le
soir au groupe de pagodes situé au sud-est du vil-
lage, mais les Chinois ne reviennent pas.
3 janvier. — Une deuxième embuscade est
tendue le soir à la petite pagode située sur le che-
min de Dong-Yen. Les Chinois ne se présentent
pas plus que la veille.
4 janvier. — Depuis plusieurs jours, les Chi-
nois ont pris Thabitude d'envoyer, à onze heures du
matin, quelques groupes sur la ligne de mamelons
dirigée suivant le chemin de Yen. Une embuscade
de trente légionnaires est placée, à dix heures du
38 LE SIÈGE DE TUYEM-QUAN
matin, sur le plus éloigné de ces mamelons, dit
« Mamelon fleuri ».
Un premier groupe de huit Chinois se dirige sur
■ CG point à l'heure habituelle ; derrière lui un groupe
plus fort s'est embusqué dans la broussaille à l'ex-
trémité de la grande ligne de bois et de broussailles,
dite « Grande haie >. Le groupe d'éclaireurs arrive
à 400 mètres de l'embuscade, qui est alors éventée,
et la patrouille chinoise se retire ensuite sur
Truong-Mou, d'où elle est venue.
5 janvier. — Rien à signaler.
6 janvier. — Rien à signaler.
7 janvier. — La face du village qui regarde
la citadelle n'était protégée que par une haie à
claire-voie, pour empêcher les Chinois qui auraient
pris le village de se servir contre nous d'un mur
mis en état de défense. Un grand abatis est fait
pour empêcher l'adversaire d'aborder cette face.
8 et 9 janvier. — Rien à signaler.
LM cmUm IjTu^ea'Quu.
.^\ n ■ r r") -:^.
CHAPITRE iV
ATTAQUES DD BL0CKHAD8
rremière attaque du blockhaus. — Renforts chinoU. — TnTailleara
enuemû. — Poite en palanques. — Le tam-tam. -~ Tir de notre
arlLIIerie et des holchkiss. — Départ d'un piébin. — Camp et
nniformea chinois. — Attaque de nuit. ~- Incendie du village
annamite. — Danger couru par le pasteur Bolsset. — Feu de la
Mitrailleuse. — Attaque du blockliaus par trois colonnes. — Le
sergent Leber. — Uu adroit tireur. — Le capitaine de Borelli. —
Perles des Chinois.
10 janvier. — Dans la nuit du 9 au 40, à
deux heures du matin, le blockhaus est attaqué par
un groupe de Chinois venus par le chemin de Yen.
40 LE SIÈGE Dii TUYEN-QUAN
Le sergent qui commande le poste du blockhaus les
laisse approcher jusqu'à 50 mètres et commence le
feu sur eux. Quelques décharges suffisent pour
mettre les Chinois en fuite. Le plus grand nombre
se retire sur le troisième des mamelons qui jalon-
nent la route de Yen.
De ce mamelon, il tire sur le blockhaus à 250
mètres et sur la citadelle à 600 mètres. Quelques
Chinois, perdus sans doute, au lieu de reprendre le
chemin de Yen, descendent vers la citadelle. Ils
sont accueillis par une salve du poste de la demi-
lune sud et s'enfuient par les marais.
Un groupe de Chinois est venu aussi par un
second chemin de Yen, chemin qui traverse un
mouvement de terrain assez prononcé au nord du
premier.
De l'extrémité de ce mouvement de terrain, le
groupe en question tire à 400 mètres sur la cita-
delle et ses balles viennent siffler au-dessous des
remparts ou s'enfoncent dans la terre du mamelon
central.
Le feu des deux groupes ne dure guère plus d'un
quart d'heure après la déroute des assaillants du
blockhaus et le restant de la nuit s'écoule tran-
quillement.
Au matin, au réveil, on voit l'ennemi qui se
retire dans la plaine. Tout est calme. Sur le ter-
rain où les Chinois se sont avancés pour l'attaque
i
ATTAQUES DU BLOCKHAUS 41
du blockhaus, on trouve un fusil à tabatière, plu-
sieurs armes blanches, des sacs de poudre ou
pétards et un millier de cartouches.
Dans l'après-midi, la reconnaissance qui a été
envoyéo sur le deuxième chemin de Yen (chemin
nord), s'empare de deux chevaux.
Du 11 au 15 janvier. — Rien à signaler.
16 janvier. — Depuis trois jours une pa-
trouille chinoise d'une quinzaine d'hommes vient
régulièrement chaque jour, vers dix heures du
matin, de Dong-Yen jusqu'à la « Grande haie »
(au point où celle-ci est coupée par la route de
Dong-Yen). Une embuscade de trente hommes,
commandée par le sous-lieutenant Proye, de la
légion étrangère, est envoyée sur le chemin de
Dong-Yen, au-delà de la « Grande haie ». Elle s'y
rend par la communication défilée.
Arrivé au point indiqué, le commandement de
détachement entend sur sa gauche et en arrière
de lui le mouvement d'un groupe assez considé-
rable. Il se retire alors par le chemin déjà par-
couru pour l'aller et se trouve suivi par une cin-
quantaine de Chinois qui ne l'aperçoivent pas.
Parvenu à un arroyo, qui lui sert de couvert, il
arrête et embusque sa troupe qui laisse approcher
les trois Chinois éclaireurs du groupe et les tue à
bout portant. Les Chinois se déploient alors et
viennent prendre position sur l'arroyo.
42 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
Le détachement, qui a reçu pour consigne de ne
pas s'engager, se retire par la communication
défilée sans être inquiété, les Chinois ne continuant
pas leur poursuite.
17 janvier. — Depuis quelques jours on aper-
çoit de grandes fumées dans le village de Yla. Les
espions envoyés en reconnaissance rapportent qu'un
renfort de 1,500 hommes est arrivé aux Chinois de
Phu-an-Binh et que ces 1,500 hommes s'installent
aux villages de Yla et Yen.
18 janvier. — Rien à signaler.
19 janvier. — A huit heures du matin, un
groupe d'environ 200 Chinois, venant de Yen par la
route sud, avance vers le blockhaus et s'en appro-
che à 300 mètres, une partie en suivant la ligne
des mamelons et le reste en passant par les sentiers
de la plaine.
La ligne déployée des Chinois ouvre le feu sur
le blockhaus et sur le mamelon de la citadelle.
Ils se retirent vers onze heures du matin et à 2,000
mètres de la citadelle, sur la route sud de Yen. Ils
démasquent un poste retranché à la lisière d'un
bois.
Ce poste a une avancée au mamelon du Gros-
Arbre-Vert; quatre coups de hotchkiss sont tirés
sur le poste, mais ils restent sans résultat, quoique
tous à bonne distance, à cause de l'abri du retran-
chement, lequel paraît très enterré.
ATTAQUES DU BLOCKHAUS 43
A quatre henres et demie du soir, on aperçoit
uoe longue colonne de 600 hommes qui traverse la
plaine à 4,000 mètres environ de la citadelle, se
rendant de Yen à Yla,
20 janvier. — Même manœuvre des Chinois
contre le blockhaus et à la même heure; ils se
replient vers midi sur le poste retranché de Yen,
après avoir essuyé quelques coups de hotchkiss.
A trois heures de l'après-midi uoe seconde
colonne de 600 hommes se rend de Yen à Yla.
Deux coups de 80 sont tirés sur elle, au mpment
où elle entre dans le village de Yla. Quoique ces
coups paraissent bien porter, la colonne continue
son mouvement sans se débander.
Dans l'après-midi, on découvre sur le chemin
nord de Yen, au milieu des arbres, un poste retran-
ché en palanques ; ce poste paraît être à la hauteur
du Gros-Arbre-Vert, c'est-à-dire à 1,500 mètres
environ du mamelon de la citadelle.
44 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
21 janvier. — A huit heures du matin, des
groupes très nombreux, mais faibles et disséminép-,
se dirigent de Yla vers la grande ligne de bois qui
partage la plaine entre Yla et la citadelle. Le
nombre des Chinois venus de Yla est d'environ 500.
De grands feux s'allument vers dix heures siir
toute la Ugne des bois, il y a lieu de penser que
les Chinois travaillent à une tranchée; mais, à
cause du masque des arbres, il n'est pas possible
d'en fixer la position.
D'ailleurs l'épaisseur du bois ne permettrait pas
de repérer la distance avec le canon et, par consé-
quent, il n'est pas possible sans une consommation
exagérée de munitions, de retarder ce travail au
moyen de l'artillerie.
Le soir, quelques groupes seulement de Chinois
rentrent à Yla, ce qui indique que la grande ligne
des bois reste occupée. Quelques coups de hotchkiss
sont tirés sur les groupes qui rentrent à Yla et
s'éparpillent aussitôt.
22 janvier. — Pendant la nuit on a entendu
le tam-tam des petits postes chinois sur toute la
ligne des bois et jusqu'aux portes de la route nord
de Yen.
De nombreux travailleurs arrivent encore de Ya
dans la matinée, vers la grande ligne des bois,
mais ils sont éparpillés. Dans le but du ralentir le
travail que les Chinois ont certainement entrepris
ATTAQUES DU BLOCKHAUS 45
sur cette ligne, on tire quelques coups de hotchkiss
sur les ennemis qui se rendent au travail, mais on
ne parvient pas à arrêter leur mouvement.
Dans la journée ceux-ci mettent le feu à la
grande haie, qui est au-delà du blockhaus. On
croit qu'ils veulent se retrancher par là pour nous
attaquer sérieusement plus tard.
Le soir, on tire encore quelques coups de
hotchkiss sur les travailleurs qui se groupent pour
rentrer à Yla.
23 janvier. — Depuis quelques jours il fait
froid. Nous avons à peu près la température qui
existe en France au mois de mai, 12° à 16°, mais
nous sommes tellement sensibles, après les mau-
vaises chaleurs de Tété, que nous avons besoin de
nous couvrir.
. Les travailleurs reviennent ^encore de Yla à la
ligne .des bois, et il en vient encore un plus grand
nombre de Dong-Yen. Ces derniers passent par le
village de Ya-Ho, où ils se chargent de branches
d'arbres, de fascines et de bottes de paille. Durant
toute la journée, la plaine est parsemée de petits
groupes do travailleurs par cinq ou six, entre Ya-
Ho et la ligne des bois.
On essaye encore d'arrêter ces allées et venues
des travailleurs au moyen du hotchkiss, mais sans
résultat; on ne tire d'ailleurs que très peu.
Dans la matinée, la lig.ie des Chinois, qui pro-
i6 LE SIÈGE DE TUYEJN-QUAN
tège le travail, ouvre le feu contre le blockhaus
de la lisière des bois ; ce feu est appuyé par le tir
d'une batterie de 4 fusils de rempart braqués dans
la haie, auxquels on ne répond pas.
Il ne se passe presque pas de nuit sans que nous
entendions des coups de fusil. Même dans la jour-
née on tire quelquefois sur le mamelon de la cita-
delle. Le commandant d'armes a fait partir un
piéton hier soir. Passera-t-il à Yuoc? Depuis douze
jours nous n'avons eu qu'un courrier local, et depuis
le 8 courant, il ne nous est rien arrivé de
France.
24 janvier. — Le travail des Chinois sem-
ble s'arrêter. La ligne qui occupe la lisière des
bois tiraille comme la veille ; divers projectiles
tombent sur le mamelon de la citadelle ; la batterie
de rempart tire 38 coups sur le blockhaus. Un
seul coup atteint cet ouvrage sans l'entamer.
Il n'est pas facile de répondre à l'ennemi, car il
est toujours caché dans les brousailles ou derrière
les talus des rizières. Cependant quelques coups
de hotchkiss et un coup de 80 sont tirés sur plu-
sieurs groupes qui, dans l'après-midi, circulent
entre la ligne des bois et Yla.
25 janvier. — Dans la nuit, les fils du Céleste-
Empire nous envoient encore des balles; c'est lo
siège en règle maintenant !
Le travail, suspendu la veille, reprend avec plus
■ ATTàgUES DD BLOCKHAUS 47
d'activité. Plus d'un millier d'hommes do corvées
vont et viennent toute la journée entre Ya-Ho et
la ligne des bois. Les Chlooia auraient-ils l'inten-
tion d'attaquer la place pied à pied?
Poui" arrêter le travail, on tire de la place
41 coups de hotchkiss et quelques coupa de 80 ;
plusieurs coups heureux mettent hors de combat
UDQ douzaine de Chinois ; mais le travail n'en con-
tinue pas moins. Dans la journée on aperçoit sur
la route de Phu-an-Binh, à 5 kilomètres de la
place, un camp d'une soixantaine de tentes.
A la longue vue, on distingue les différents uni-
formes des Chinois; les uns ont un vêtement noir
orné de bleu, les autres un vêtement noir avec
bordure rouge, d'autres un vêtement gris-fer; un
certain nombre portent un costume tout rouge
d'autres un costume bleu de ciel; enfin, un groupe
48 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
porte une sorte de blouse bleu-foncé ; ces derniers
sont sans doute des Pavillons-Noirs.
D'après les renseignements qu'a pu se procurer
le Tong-Doï, le nombre des Chinois réunis autour
de Tuyen-Quan est de 5,000, et Luh-Vinh-Phuoc,
avec 2,000 Pavillons-Noirs, occupé le défilé de
Yuoc.
26 janvier. — Vers une heure du matin, trois
ou quatre coups de fusil des Chinois sont tirés sur le
rempart: les sentinelles les signalent; puis tout
rentre dans le silence.
A cinq heures et demie une vive fusillade se fait
entendre, plusieurs escouades répondent. Le village
annamite est subitement incendié. Les cris déchi-
rants des habitants arrivent jusqu'à nous ; ces mal-
heureux se réfugient sous les murs de la citadelle
et sur la rive droite de la rivière à l'abri du canton-
nement des tirailleurs tonkinois. L'approche des
Chinois n'a pas été signalée. par les habitants du
village.
Les coups de feu deviennent de plus en plus
nourris. Le piquet prend les postes de combat. Les
balles sifflent partout.
L'ennemi sonne de la corne sous la face opposée
en amont de la citadelle. L'avant-garde delà colonne
chinoise, embusquée dans les broussailles et derrière
le talus des rizières, a incendié les maisons et simulé
une fausse attaque pour tromper notre attention et
ATTAQUES DU BLOCKHAUS 49
permettre au héros de la troupe de nous faire subir
do nombreuses pertes et peut-être de prendre la
citadelle.
En voulant descendre du mamelon, pour se rendre
àTambulance, le pasteur Boisset franchit directe-
ment, dans rherbe mouillée par la rosée, la pente
rapide du monticule. L'ennemi l'aperçoit et dirige
sur lui une grêle de balles, qui heureusement ne
l'atteignent pas, et le brave aumônier arrive enfin
sain et sauf à l'ambulance, où les projectiles pieu-
vent dans la cour et la cuisine.
Les Chinois, sortant alors du village, s'avancent
jusqu'au mamelon de la pagode démolie, dite Pagode
de la compagnie chinoise. Ils essuient alors le feu
des tirailleurs tonkinois et se replient dans le village.
Une partie s'établit dans les rochers qui sont
au pied de la berge de la rive droite à la hauteur
du village et de là tirent sur la Mitrailleuse. Cette
canonnière prend alors son poste de combat au mi-
lieu de la rivière, et de concert avec plusieurs tirail-
leurs tonkinois, répond au feu dirigé sur elle.
Plusieurs de ses servants sont blessés, mais très
légèrement.
Le piquet de la garde de la citadelle se porte
alors au rempart, qui se trouve garni par une com-
pagnie sur tout le pourtour. Les balles sifflent tou-
jours, mais aucun homme n'est blessé derrière les
gabions.
50 LE SIÈ ÎE DE TUYEN-QUAN
Un quart d'heure environ après l'at'aque tentée
contre le baraquement des Tonkinois, deux attaques
se dessinent, l'une contre la haie nord de la cita-
delle et l'autre contre le blockhaus.
Du côté de la face nord, les Chinois, ayant fait
un grand mouvement tournant, s'avancent défilés
par les berges de la rive droite de la rivière Claire,
le long de la grève découverte par suite de la
baisse des eaux. La colonne venue de ce côté est
estimée à un millier d'hommes par le capitaine de
la Mitrailleuse^ qui, vu sa position, peut la décou-
vrir tout entière.
A 100 mètres environ de la citadelle, la tête de
colonne quitte le bord de la rivière pour gagner le
chemin. Elle est accueillie par les feux de la face
nord.
En même temps la Mitrailleuse tire à mitraille
sur la partie de la colonne qui n'a pas encore quitté
le bas de la berge.
Ces deux feux combinés produisent un effet fou-
droyant; la colonne chinoise se rompt aussitôt :
ceux qui se trouvent sur le chemin cherchent un
abri derrière tous les obstacles du terrain.
Les pièces de 4 du mamelon tirent sur ces abris,
et, lorsque les Chinois les quittent pour se retirer
un à un, ils se trouvent en butte au feu des tireurs
de position, choisis parmi les meilleurs de la légion,
qui occupent le mamelon.
ATTAQUES DU BLOCKHAUS 51
Contre le blockhaus, trois colonnes sont dirigées
simultanément : la première venant de la grande
pagode, la deuxième de la direction de Yla et la
troisième de la direction de Yen par la ligne des
mamelons.
Chacune de ces colonnes est forte de trois
cents hommes environ.
Le poste du bockhaus, 48 hommes commandés
par le sergent Leber de la légion, les tient toutes
trois à distance.
Les deux premières se retirent au bout d'une
demi-heure; mais la troisième, qui a pris position
sur le mamelon à 200 mètres du blockhaus, y
reste jusqu'à dix heures du matin, et de là tire sur
cet ouvrage et la citadelle.
La face ouest de la citadelle, en flanquant le
blockhaus, a contribué à la retraite rapide des
deux premières colonnes. L'artillerie, du haut du
mamelon de la citadelle, a tiré avec des hotchkiss
sur toutes les colonnes chinoises.
Du côté de la face sud, les Chinois profitant du
terrain couvert, s'étabUssent derrière la digue qui re-
lie la grande pagode au fleuve et au village annamite.
Ils y exécutent immédiatement une tranchée et leur
ligne d'investissement se trouve de ce côté n'être
plus qu'à 550 mètres du cantonnement des tirailleurs
tonkinois.
Notre artillerie tire trois obus dans la pagode du
^^juei
52 LE SIEGE DE TUYEN-QUAIS
culte convertie en église par le pasteur Boisset et
où les Chinois se sont réfugiés.
Les projectiles traversent la toiture et éclatent
avec un bruit sourd dans l'intérieur. Tous se sau-
vent par toutes les ouvertures ; les balles de
nos tireurs en abattent quelques-uns, qui se déta-
chent en points noirs sur le talus gazonné de la
digue.
Le capitaine de Borelli, de la légion étrangère,
a pris le fusil d'un soldat et fait avec une rare
adresse le coup de feu contre les Chinois. Officier
démissionnaire, il s'est rengagé dans la légion étran-
gère, où il a rapidement reconquis ses anciens
grades.
Le capitaine de Borelli, en tirant sur un Chinois
qui emmène une buffiesse, abat celle-ci. Cet
animal est étendu dans la rizière derrière la
pagode, et son petit, resté vivant, tette de temps
en temps, se couche ou tourne autour de sa
mère.
Le nombre des morts de l'ennemi, dans cette
journée, ne peut être apprécié d'une façon exacte.
On a vu emporter des Chinois de toutes parts.
Nous devons en avoir tué plus d'une centaine ; une
reconnaissance poussée dans l'après-midi, en avant
de la face nord, trouve sur le terrain cinq cadavres
et un pavillon ; de nombreuses taches de sang mar-
ent la ligne de retraite
ATTAQUES DU BLOCKHAUS 53
De notre côté nous avons eu deux blessés appar-
tenant tous deux au poste du blockhaus : le caporal
Eummer, de la légioa, légèrement atteint, et un
tirailleur tonkinois, qui a eu une partie de la figure
emportée.
Pendant tout le restant de la journée, les Chinois,
de leur nouvelle ligne d'investissement, cachés dans
les broussailles et le village qu'ils ont complètement
pillé, ne cessent de tirer sur les tirailleurs tonki-
nois et sur la citadelle, dans laquelle les projectiles
tombent de toutes parts.
Le travail des Chinois ne se ralentit pas de toute
l'après-midi; des fascines et des branches d'arbres
sont apportées sur la ligne d'investissement. 11 n'y
a plus à en douter, c'est une attaque pied à pied
qui se prépare. De notre côté nous complétons le
travail de défilement des communications et du
bub-Vinh-Pbuoc sus ïvaat-poileg cUaoli,
Lt gnnat inncbM cblnolM.
ÉVACUATION DU BLOCKHAUS
Lea fusils de rempart chinoia. — Nouvelle atlaque du blockhaus.
Feui de nuit. — La tranchée chinoise. — Nos tireurs de position
Adresse des tirailleurs ennemis, — Sept cents Chinois abattus par
Tingt-ciuij Français. — Travanx intérieurs. — Le mannequin des
tirailleurs tonkinois. — Buses des Chinois. — Prise de chevaux.
— Enterrement du légionnaire Taube. — Triple attaque du
blockhaus. — flyacualion du blockbaus. — Arrivée des Chinois.
€n heureui obus. — Combat d'artillerie. — Un feu d'enfer. —
Bombardement du blockhaus. — Trait de courage du tirailleur
Gia. ~~ Intrépidité des Tonkinois. — Activité des travaux chinois.
— Les Pavillons-Noirs au blockliaus. — Conlinuation du bom~
bardement.
27 janvier. — Pendant la nuit du 26 au 27,
et pendant toute la journée du 27, les Chinois con-
tinuent le bombardement de la citadelle avec leurs
fusils de rempart, au nombre de dis.
ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 55
Au milieu de la nuit une attaque de vive force est
tentée contre le cantonnement des tirailleurs tonki-
nois ; les Chinois se lancent en poussant de grands
cris sur la face sud de leur baraquement, mais ils
sont repoussés parles feux croisés des Tonkinois et
des postes de la face sud de la citadelle.
Peu après, une attaque est dirigée contre le
blockhaus ; cette attaque est également repoussée.
La veille, au soir, de grands feux ont été allumés
par les Chinois dans la grande pagode et dans la pa-
gode de la route de Yuoc ; les pièces de 80 millimètres
ont été pointées avant la tombée de la nuit sur ces
deux points; à cinq heures du matin, un obus à balles
est envoyé dans chacune des deux pagodes, que les
Chinois abandonnent en poussant de grands cris.
Pendant la journée, il n'est répondu au bom-
bardement que par le feu de quelques tireurs de
position; ces derniers prennent pour objectif les
travailleurs ennemis qui se montrent à découvert
sur la ligne retranchée que les Chinois construisent
entre la grande pagode et la lisière sud du village
annamite (distance de tir, 700 et 750 mètres) ; ce
feu des tireurs de position est très efficace, et dans
le courant de la journée on constate l'enlèvement de
huit hommes mis hors de combat.
Ces tireurs de position, au^nombre de 25, choisis
parmi les plus habiles, ont eu pour mission, pendant
toute la durée du siège, de tirer sur les rôdeurs
56 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
ennemis que Ton apercevait dans un rayon de 800
métrés ; on pariait sur ces coups et l'on a compté
sept cents réguliers ou Pavillons-Noirs tués de cette
façon.
Comme nous, d'ailleurs, les Chinois ont des tireurs
de position, placés en arrière du village annamite^
qui, par leur feu, rendent impraticable pour les
hommes à découvert la face sud du mamelon, ainsi
que la partie de la citadelle comprise enlre le pied
du mamelon et les faces sud des baraques de la 2*
compagnie de la légion.
Les murs de clôture en briques faits précédem-
ment autour des baraques de la 2® compagnie pour
garantir les hommes contre le froid, sont maintenant
do la plus grande utilité contre les balles; mais leur
résistance est à peine suffisante contre les projec-
tiles des fusils de rempart, et des gabions sont pré-
parés pour le revêtement intérieur des baraques.
De nouveaux parades et de nouvelles traverses sont
faits sur le rempart.
Dans la journée du 27, le légionnaire Taube, de
la 2° compagnie, est blessé mortellement d'une balle
en pleine poitrine, pendant qu'il travaille à la tra-
verse ouest du cantonnement de sa compagnie.
28 janvier. — Ce matin, au point du jour, on
aperçoit partant du point appelé « Saillaiit de la
haie », un boyau de communication qui s'avancQ
vers le blockhaus.
ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 57
Plusieurs coups de hotchkiss sont envoyés sur la
tête de sape ; le travail semble d'ailleurs interrompu
dans la journée.
Il faut s'attendre à ne plus pouvoir conserver le
blockhaus ; aussi les travaux intérieurs de défilement
sont-ils très activement poussés. La 1^® compagnie
de la légion construit une traverse coupant le che-
min qui mène de la porte d'entrée à son cantonne-
ment: cette traverse, élevée [à l'entrée du cantonne-
ment, le garantit contre les coups venant du sud.
La 2^ compagnie place ses gabions autour des
murs du baraquement; elle continue également à
travailler à la grande traverse. Le service du génie,
au moyen de 60 hommes de corvée de la légion,
continue le cheminement de file dans la rampe du
mamelon.
Toute la nuit du 27 au 28 et toute la journée du
28, les Chinois envoient, dans le cantonnement des
Tonkinois et sur la citadelle, une grêle de balles.
Leurs fusils de remparts tirent sans cesse avec une
violente explosion et lancent des biscaïens de
diverses grosseurs, dont la moyenne ressemble à
un œuf de poule supposé rond, et qui, heureuse-
ment, n'atteignent personne.
Les tirailleurs tonkinois ont fabriqué Un manne-
quin qu'ils ont affublé d'un vieux costume de
tirailleur et placé en vedette sur le toit d'une pa-
gode. Pour mieux tromper l'ennemi, de temps en
6» LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
temps, un lintap (soldat) va tirer un coup de fusil
derrière lui.
Les Cbinois ouvrent aussitôt un feu d'enfer sur
le mannequin et le criblent de balles. Pour entre-
tenir leur illusion, les Tonkinois s'amusent à faire
dégringoler parfois le mannequin au moyen d'une
corde, puis le relèvent, et le feu des Chinois recom-
mence de plus belle.
C'est une rouerie du pays, car les Chinois ont
aussi leur mannequin dans un arbre et ce n'est
qu'après l'avoir visé plusieurs fois que nous nous en
apercevons. Ils s'enveloppent également dans des
nattes pour ne pas être soupçonnés.
L'ennemi a reçu aujourd'hui des munitions et des
vivres. Deux de ces chevaux, après avoir été dé-
chargés, sont venus vers nous par le village.
Quelques tirailleurs tonkinois, qui se sont approchés
en rampant, en ont pris un et tué l'autre.
ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 59
C'est une bien petite compensation pour les
buffles et les diverses provisions que les Chinois
ont pris aux malheureux villageois annamites, qui
n'ont plus rien à manger et ne savent où s'abri-
ter.
Dans la soirée a lieu l'enterrement du légionnaire
Taube, décédé des suites de sa blessure. Le lieutenant
de sa compagnie vient à l'ambulance pour lui dire
adieu. La section du défunt, en armes, lui rend les
honneurs.
Le cortège funèbre, le pasteur Boisset en tête,
suit jusqu'à la porte les défilés, qui longent les murs
de la citadelle, puis se cache encore autant que
possible en dehors des remparts.
Le cimetière étant trop éloigné, la tombe a été
creusée derrière la pagode du culte, maintenant
en démolition. Après la cérémonie, les hommes
reviennent promptement et prudemment en conser-
vant les distances de 5 mètres entre chaque per-
sonne.
29 janvier. — La nuit dernière, surtout à
partir de minuit, et aujourd'hui toute la journée,
canonnade du camp ennemi.
Au matin le blockhaus agite un mouchoir blanc
pour attirer notre attention. Pensant qu'il y a un
blessé, on fait relever le poste, et le sergent André,
de la légion, qui était de garde au blockhaus du
28 au 29, rend compte eue les Chinois font des
60 LE StÈGB DE tUYEN-QL'AN
travaux de sape, probablement pour faire sauter ce
réduit.
Les ennemis ont commencé, du côté opposé i la
citadelle, un ouvrage en forme de Y, défilé de tous
les côtés où nous pourrions l'atteindre et qui n'est
plus qu'à une centaine de mètres du blockhaus.
Us briseront probablement leurs lignes de façon à
entourer celui-ci en arrivant dessus.
Un sapeur du génie, nommé Edme est en-
voyé au poste du blockhaus. Â midi, le sergent
Dumont, qui a pris le matin la garde du block-
haus, fait connsdtre que le travail de sape con*
tinue.
 deux heures de Taprès-midi, ce sous-officier
tente une sortie contre la tête de sape; mais les
hommes qu'il envoie sont accueillis par un feu
assez nourri partant d'une parallèle que les Chinois
ont eu soin d'étabUr perpendiculairement au che-
minement, à 200 mètres du blockhaus ; la petite
troupe de sortie rentre dans l'ouvrage.
A quatre heures du soir, le capitaine Gattelin, de
la légion étrangère, est envoyé au blockhaus pour
reconnaître l'état d'avancement des travaux de
l'adversaire, il constate que la tête de sape est à
moins de 100 mètres de l'ouvrage.
Dans ces conditions, le blockhaus peut encore ,
tenir toute la nuit et peut-être une partie de la
journée du lendemain. Il importe de retarder le
ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 61
plus possible son évacuation, car les travaux de
défilement de la citadelle ne sont pas encore ter-
minés. Le bombardement continue.
30 janvier. — La nuit dernière, des coups de
fusil de rempart se font entendre vers minuit. A
une heure du matin une fusillade nourrie est diri-
gée sur le blockhaus. Les Chinois poussent des cris
féroces, et par trois fois se jettent sur cet ou-
vrage.
Le blockhaus les reçoit par plusieurs feux de
salve que le capitaine adjudant-major fait répéter
par les sections de garde à la citadelle, en sorte
que l'ennemi, pris sur trois faces entre deux feux,
juge prudent de se retirer.
Dans un de ces assauts, le légionnaire Claës est
blessé à la tête.
Au point du jour, le blockhaus fait les signaux
conventionnels de détresse. Le sergent Bobillot,
lîhef du service du génie, s'y rend aussitôt.
A son retour, il fait connaître que le chemine-
ment de l'adversaire est parvenu au pied même du
mamelon du blockhaus, que les travaux avancent
très vite sans qu'on puisse les arrêter à cause des
positions, et que dans sept ou huit heures la tête de
sape sera arrivée sur la ligne de communication du
blockhaus à la citadelle.
Le fortin est condamné. Afin que le blockhaus
puisse être évacué sans combat, ordre est donné
4
62 LE SIÈGE DE ÏUYEN-QUAN
au poste da cet ouvrage de rentrer à la citadelle à
dix heures ; en même temps une corvée armée va
chercher les munitions.
Ce premier mouvement s'exécute à l'heure pres-
crite ; sur le mamelon de la citadelle, toute l'artil-
lerie et un groupe de tireurs de position se tiennent
prêts, en cas de besoin, à protéger le retour du
poste à la citadelle, et ensuite à profiter du moment
où l'adversaire pénétrera dans le blockhaus pour
le couvrir de feux.
Un quart d'heure environ après l'évacuation de
l'ouvrage, quelques Chinois se montrent, portant à
l'épaule des drapeaux qu'ils se proposent, sans
doute, d'arborer sur cette position; l'un d'eux,
s'enhardissant et n'entendant plus de bruit, vient
regarder par un des créneaux, et entre ensuite dans
le blockhaus, suivi bientôt de plusieurs autres ré-
guliers.
Un obus de 80 millimètres est alors lancé sur*
l'ouvrage, dont il traverse le premier mur et où il
éclate en faisant voler un nuage de gravier.
Les Chinois qui ont pénétré dans cet ouvrage
ne reparaissent pas; ils ont dû être atteints par les
éclats du projectile. De toute la journée aucun
Chinois n'ose entrer dans ce lieu dangereux.
Dans leurs parallèles et des mamelons qui jalon-
nent le chemin sud de Yen, les Chinois ouvrent
alors sur la citadelle un feu excessivement vif, qui
ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 63
dure de dix heures et demie du matin à quatre
heures du soir.
On peut estimer sans exagération à plus de
30,000 le nombre de cartouches qu'ils ont brûlées
dans cette journée. De notre côté les tireurs de po-
sition seuls répondent; une pièce de 4 et une de 80
placent aussi plusieurs coups heureux sur les co-
lonnes de renforts qui arrivent, au son de la corne,
de Yla et de Don-Yen, dans le camp des Chinois;
on aperçoit des convois de blessés ou de morts qui
regagnent ces villages.
Nous croyons avoir atteint une centaine d'indi-
vidus. De notre côté, malgré la pluie de plomb qui
tombe sur la citadelle, nous n'avons qu'un artilleur,
le nommé Forât, légèrement blessé à la joue.
Malheureusement, dans la matinée, deux légion-
naires sont blessés pendant le travail, les nommés
Francey et Solberstein.
Dans la soirée même, le légionnaire Francey
meurt des suites de sa blessure. Nos pertes de la
journée s'élèvent donc de un tué et trois blessés.
Plusieurs Annamites prennent la fuite avec les
buffles qui leur restent, ce qui fait supposer que les
Chinois ont répandu le bruit de leur triomphe
certain.
31 janvier. — Malgré le bombardement inces-
sant, on travaille toute la nuit aux travaux de
défilement, qu'on est obligé de suspendre en partie
64 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
pendant le jour, à cause de l'intensité du feu de
Tennemi.
Le lendemain, au jour, le feu des Chinois devient
lent et irrégulier; ils s'occupent de leurs travaux.
On constate qu'ils ont établi une tranchée sur le
mamelon du blockhaus.
Cette tranchée est reliée à la grande pagode par
une autre, commencée la veille, et qui forme un
deuxième cheminement sur le blockhaus.
Le commandant Dominé fait tirer quelques obus
sur ces ouvrages, situés à environ 500 mètres de
la citadelle. Les Chinois ont pris possession de tous
les mamelons qui nous environnent, et quelques-uns
ont passé sur la rive opposée de la rivière Claire.
Dans la journée, vers deux heures, un biscaïen
traverse la porte de la cagna du pasteur Boisset et
brise plusieurs briques contre son lit de camp.
Heureusement, cet aumônier est sorti en ce mo-
ment pour assister à l'enterrement du légionnaire
Francey, qui est inhumé dans la demi-lune à droite
de la porte de la citadelle. Là, l'ennemi ne peut
voir le cortège funèbre, qui arrive en cet endroit
en se défilant dans les fossés qui longent les rem-
parts.
Dans la nuit du 30 au 31 , à huit heures du soir,
250 Chinois environ viennent en avant-garde dans
le ravin de la citadelle afin d'attaquer le canton-
nement des tirailleurs tonkinois,
ÉVACUATION DU BLOCKHAUb 65
Ce cantonnement qui forme un petit fort tout
criblé de balles, est situé en dehors des remparts,
le long de la rivière Claire.
Les factionnaires donnent Talarme. Les tirail-
leurs courent aux armes et font plusieurs feux de
salve. A 50 mètres des palissades, deux Chinois
tombent sur la route : les autres prennent la fuite,
abandonnant, contre leur habitude, les cadavres
de leurs camarades ainsi que deux échelles en
bambou.
Au jour, quelques tirailleurs vont chercher les
échelles, mais n'osent avancer jusqu'au cadavre
d'un de ces Chinois étendu plus loin. Quant à l'autre
mort, il a dû être enlevé pendant lanuit par les siens.
Voyant cela, un caporal indigène des tirail-
leurs tonkinois, du nom de Gia, sort seul avec son
fusil, et va tranquillement dépouiller le corps du
Chinois, s'occupant peu de la grêle de balles que
font pleuvoir autour de lui les défenseurs des tran-
chées ennemies; il déshabille le mort, lui enlève
ses armes, lui coupe sa tresse de cheveux et rentre
tranquillement au cantonnement.
Ses camarades indigènes, les Tonkinois, sont
émerveillés de tant d'audace et de sang-froid, un
tel exemple est bien fait pour aguerrir nos auxi-
liaires. Comme ce caporal est très estimé de ses
chefs et très aimé de ses camarades, il est vive-
ment félicité par les uns et les autres.
66 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAK
Ajoutons, du reste, lue tous ces tirailleurs ton-
kinois se battent admirablement pendant toute la
durée du siège. Dès qu'ils se sentent soutenus, ils
font preuve d'une intrépidité extraordinaire ; ils ne
craignent pas la mort, mais comme tous les boud-
dhistes, ils redoutent de tomber morts ou vivants en-
tre les mains des Chinois, qui décapitent les ca-
davres.
1er février. — Pendant la nuit dernière, bom-
bardement des Chinois
pour détourner notre
attention, pendant qu'ils
continuent leurs retran-
chements. Denotre côté,
le travail est repris le
31 au soir, à la tombée
de la nuit.
Au matin, on constate
que les Chinois n'ont
pas mis moins d'activité
que nous dans leur tra-
vail. Ils ont poussé leurs
tranchées jusqu'à 250
Pavillon noir. mètrcs du mirador sud.
Les brèches de notre ancien blockhaus sont rebou-
chées et deux pavillons noirs flottent sur ce fortin.
Notre artillerie lui dira un mot dès qu'elle le
saura sérieusement réoccupé.
ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 67
L'ennemi arbore dix drapeaux de diverses cou-
leurs tout près de nos remparts, et à partir de huit
heures du matin, la citadelle est en butte à un feu
concentrique, qui dure toute la journée avec une
grande intensité, particulièrement de la ligne de
mamelons situés sur la face ouest, sur lesquels les
Chinois ont élevé des retranchements crénelés.
De la pagode du mamelon déboisé, ils tirent sur
la face nord, et de la rive gauche du fleuve, ils
battent la porte d'entrée de la citadelle et la Mi-
trailleuse. Les tireurs de la rive gauche sont déta-
chés des postes qui sont établis sur cette rive en
aval de la place, depuis le 28 janvier.
Les balles pleuvent comme grêle dans l'intérieur
de la citadelle, surtout autour de l'ambulance et
obligent ceux des malades et des blessés qui ont
l'habitude de se promener, à ne pas sortir. Dans la
journée nous avons un tirailleur tonkinois blessé.
2 février. — Les Chinois continuent leurs tra-
vaux et leur bombardement toute la nuit et toute
la journée; dans cette même nuit, ils envoient
contre les tirailleurs tonkinois un groupe qui laisse
un mort et un blessé sur le terrain.
Continuation du bombardement. Les officiers de
la 2° compagnie de la légion sont forcés d'évacuer
leur baraque, criblée par les projectiles de l'ennemi,
le nombre des cartouches tirées par les Chinois, dans
une période de vingt-quatre heures, peut 4tx<è
66 LE srËGE DE TUYBf-QDAN
estimé à 8,000; celui des projectiles de fusils de
rempart, à 300.
Nos tireurs de position brûlent par jour environ
1,000 cartouches; ils mettent journellement en
moyenne 10 hommes hors de combat; les effets de
l'artillerie contre les ouvrages qu'élève l'adversaire
sont presque nuls; aussi le tir de l'artillerie, d'une
manière générale, n'est employé que contre les
groupes qui se présentent à portée; quelquefois,
cependant, il est employé contre les batteries de
l'adversaire, lorsqu'il devient nécessaire de faire
taire son feu pour protéger l'exécution d'un travail.
Le cheminement des Chinois s'avance rapide-
ment; le 2, au matin, il atteint l'éperon en avant
de la porte sud. Une parallèle est établie par
eux sur la ligne du mamelon, situé à ^0 ou 100 mè-
tres de la face ouest de la citadelle.
Tirillleur laokioali.
Tranchas du lailUnt nord-oucit.
CHAPITRE VI
BOMBARDEMENT ET TRAVAUX DE IIIINE9
Signnui avec des lan 1er np9. — Mort du lonkiooisGia. — SestumS-
raiJles. — Combats da nuits. — Altoque de la baie de bambous
et de la muraille de la citadelle. — De>lnicIion des traiei'Sci
chinoiaes. — Construciion do mâchicoulis mobiles pour nos fac-
tionnaires. — Drapeju péché. — Ouverture d'uoe batterie clii-
noîse. — Sommations rcjelées. — Bombardement du mamelon.
— Travaai de miaet et cotilre-minca. — Belle conduite des sa-
70 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
peurs da génie. — Ordres donnés en cas d^explosions. — Attaque
du saillant nord-ouest. — Combat de mine. — Inondation de la
galerie chinoise.
On prétend que Luh-Vinh-Phuoc est à Yuoc.
Quoi qu'il en soit, on voit le soir des lanternes
échelonnées sur le bord de la rivière Claire qui
servent à faire des signaux dans cette direction.
Dans la journée, le caporal Gia, des tirailleurs
tonkinois, a la tête traversée par une balle alors
qu'il regarde par un créneau. Transporté en râlant
à l'ambulance, il y meurt le soir même.
Ce brave soldat venait pour sa bonne conduite
et son acte de courage du 34 janvier, d'être l'ob-
jet d'une proposition pour la médaille milïtaire. En
dépit des difficultés occasionnées par l'ensevelisse-
ment, les Tonkinois lui font de splendides funé-
railles : sa tombe est couverte de fleurs , de feuil-
lages, et, pour honorer sa mémoire, nos officiers
accompagnent à sa dernière demeure le caporal
annamite, mort au champ d'honneur.
3 février. — Dans la nuit du 2 au 3, à trois
heures un quart, les Chinois ouvrent un feu géné«
rai de leurs lignes de tranchées ; ils font quelques
pas en dehors de leur abri pour marcher contre
les Tonkinois, et contre les faces sud et ouest de
la citadelle; mais le feu de la garde et du piquet
qui couchent sur les remparts, les fait immédiate-
ment rentrer dans la tranchée. A quatre heures,
tout est fini.
BOMBARDEMENT ET TRAVAUX DE MINES 71
Continuation du bombardement. Vers dix heures
du matin, le tirailleur tonkinois Phan-Dang-Chinh
est atteint mortellement.
Il est très difficile dans la journée de marcher
dans les tranchées à cause de la boue produite par
la pluie fine qui est tombée par intervalles.
On affirme, qu'un Annamite, en se cachant dans
les bois, a réussi à porter à Phu-Duong la nouvelle
du siège de Tuyen-Quan. Le cas échéant, Tétat-major
général à Hanoï doit en être informé aujourd'hui.
Toutefois, on croit que les opérations de Lang-
Son mettront le général commandant en chef dans
Timpossibilité d'envoyer immédiatement ici une
colonne.
4 février. — La nuit dernière a été plus calme
que les précédentes. Les Chinois ont très peu tiré ;
ils doivent être, comme nous, très fatigués à la suite
de leurs travaux.
Dans la journée le bombardement reprend avec
l'intensité habituelle ; cependant le tir des fusils de
rempart est moins nourri; quelques-uns de ceux-ci
lancent des projectiles cylindriques.
Pendant la nuit de 3 au 4 les Chinois ont amé-
lioré leurs travaux, qui avancent jusqu'à 30 mètres
de la citadelle.
Nos tireurs de position les atteignent difficile-
ment, car ils travaillent à couvert. Toutefois, ils
en pourront déboucher de ces boyaux que Tun après
72 L£ SIÈGE DE TUYEN-QUAR
l'autre, et la garde seule pourra les arrêter un peu
au commencement. Ils ont fait sur leur ligne de
tranchées en avant de la face ouest un amas con-
sidérable de fascines et de bottes de paille. Us
semblent avoir abandonné leur première idée d'at-
taquer par la face sud et chercher à envelopper
les saillants sud-ouest et nord-ouest ainsi que la
demi-lune ouest.
5 février. — Dans la nuit du 4 au 5, un groupe
de Chinois s'avance encore du côté des tirailleurs
tonkinois ; il est repoussé et laisse un cadavre sur
e terrain. Dans cette nuit, les Chinois lancent
une tranchée jusqu'au saillant sud-ouest de la tra-
vée, c'est-à-dire jusqu'à 25 mètres du saillant sud-
ouest de la citadelle.
Dans la journée du 5, les tireurs de position
mettent hors du combat dix-huit Chinois que l'on
voit enlever.
Comme d'habitude, le bombardement dure nuit
et jour. Le nombre des Chinois de la rive gauche
augmente. Leur tir est très gênant pour les tirail-
leurs tonkinois et pour la Mitrailleuse.
Dans le courant de la journée, deux légionnaires
sont blessés légèrement sur le rempart où ils sont
en faction, les nommés Simon, de la l*"® compa-
gnie, et Sylvestre, de la 2® compagnie.
Les tirailleurs tonkinois rapportent qu'un Chi-
nois e'est approché de leur cantonnement en di-
BOMBARDiiMENT ET TRAVAUX DE MINES "3
sant : — Combien êtes-vous donc pour ne pas
évacuer?
Cette question, si elle est exacte, laisse suppo-
ser qu'ils croient nous avoir fait beaucoup du mal.
Le total de nos pertes, heureusement, depuis le
commencement du siège, ne s'élève qu'à quatre
morts et environ quinze blessés. Aussi prend-on
mille précautions. On ne reconnaît plus la cita-
delle, tellement elle a été bouleversée.
6 février — Dans la soirée du 5, à la tombée
de la nuit, les Chinois viennent faire un trou en
terre contre notre haie de bambous, c'est-à-dire à
30 mètres du mur de la citadelle ; ce trou corres-
pond à peu près au milieu de la demi-face sud de
la face ouest.
L'obscurité empêche de distinguer les travail-
leurs et le genre de travail qui est fait; on tire
cependant du mur, mais sans résultat appréciable.
L'adversaire, profitant de l'épaisseur de la nuit,
arrive à toucher nos murs et essaye de percer un
trou sous l'un des saillants et sous l'une des portes;
il parvient même à apposer des madriers contre
la muraille de manière à former une sorte de
toit.
Lorsque la lune se lève, on aperçoit ce travail,
qui est détruit au moyen d'un long crochet par le
sergent du génie.
Au point du jour, on remarque que, du trou
74 LE SIÈGE DE TUYEN-QDAN
creusé, Tadversaire a cheminé le long de la haie
vers le sud sur uue longueur de 25 mètres, et que
là, il a percé, comme au premier point, la haie
de bambous.
Dans la journée le génie rebouche les deux trous
pratiqués dans le mur.
Pour empêcher toute nouvelle tentative directe
de l'adversaire contre la muraille, le nombre des
sentinelles de demi-faces est augmenté d'une (soit
au total quatre sentinelles se partageant la surveil-
lance sur un front de 150 mètres).
Chacune de ces sentinelles est munie d'un mâ-
chicoulis mobile qu'elle doit placer sur le mur au-
dessus du point où Tennemi tenterait de venir
travailler, de manière à pouvoir tirer à l'abri sur
les travailleurs. En outre, des petites fascines
imprégnées d'alcool sont préparées pour éclairer le
pied du mur.
Dans la matinée du 6, l'adversaire, partant du
trou signale plus haut, chemine perpendiculaire-
mont sur ie mur en se couvrant en tête par un
masque de iascines qu'il fait avancer au fur et à
mesure de sou tra\ail. Il arrive ainsi jusqu'à égal dis-
tance de la haie de bambous et du mur.
Là, il plante un drapeau.
Voulant s'emparer de ce trophée, le lieutenanx
Gœury, de la 1" compagnie de la légion, imagine
do faire organiser une immense perche avec des
BOMBARDEKEWT ET TRAVAUX DE MINES 75
bambous et des cordes. A rextrémité de cette perche
se trouve un nœud coulant.
Vers six heurea du soir, le caporal Kramer et
plusieurs légionnaires de cette compagnie manœu-
vrant cette perche, posent délicatement le nœud
coulant sur le drapeau planté dans le sol et le
tirent à eux en dedans des remparts-
files ses tioDipcnéa & l'ambulsac*.
L'ennemi s'aperçoit de cet enlèvement; deux
Chinois sortent du retranchement et s'accrochent
à la hampe de l'étendard pour le retenir, pendant
que leurs camarades tirent sur les créneaux; mais
quelques tireurs, embusqués dans le mirador,
abattent aussitôt les deux ennemis, et le drapeau
disparait par-dessus la muraille aux applaudisse-
ments de DOS soldats.
Dans l'après-midi, l'adversaire établit une batte-
rie de quatre fusils de rempart sur la rive gauche,
au sommet du piton qui domine la pagode blanche,
à 1,400 mètres de la citadelle. Le tir de ces fusils
76 LE SIÈGE DE TUYEN-QQAN
ne produit aucun eflFet, les coups oi ant tous trop
courts.
Le bombardement de la citadelle continue ; il est
particulièrement vif de huit heures à dix heures
du matin et de quatre heures à six heures du soir.
Nos tireurs de position tirent toujours avec le
même succès, mais les Chinois, qui se découvrent,
deviennent de plus en plus rares. Notre artillerie a
l'occasion de placer quelques bons coups de hotch-
kiss contre des groupes de travailleurs.
Dans cette journée trois légionnaires sont blessés:
Sylvestre, Popp et Geber.
7 février. — Dans la soirée du 7, les mâchi-
coulis mobiles sont installés et le pied du mur éclairé
toutes les demi-heures, sur la face ouest.
On ne constate durant cette nuit aucune tentative
directe de l'adversaire contre la muraille, bien
qu'à différentes reprises des coups de feu et des
cris retentissent dans le camp ennemi. On entend
même une personne parlant français nous crier des
insultes grossières.
Au point du jour, on constate que l'ennemi a
complété et amélioré ses communications.
En arrière du mamelon de la compagnie chinoise,
il a élevé une batterie de fusils et de canons de
rempart.
Dans la matinée, la batterie de fusils de rempart
qui, la veille, était placée sur le piton de la rive
BOMBARDEMENT ET TRAVAUX DE MINES 11
gauche, descend au pied de cette hauteur; de sa
nouvelle position, elle ne produit pas plus d'eflFet,
que de l'ancienne : elle est d'ailleurs contre-battue
par les hotchkiss de la Mitrailleuse,
A midi, les Chinois démasquent sur le mamelon
du blockhaus une batterie composée de deux ca-
nons de rempart, d'une vieille pièce d'assez fort
calibre et d'une pièce de 4, qui lance notre obus
ordinaire et notre obus à balles.
Notre 80 milimètres et les tireurs de position
font taire la pièce de 4, qui est d'ailleurs mal
installée dans une embrasure trop ouverte et dont
tous les projectiles éclatent en l'air.
Nous continuons les travaux de défilement qui
ont été commencés la veille. Le travail se pour-
suit jour et nuit, le nombre des travailleurs étant
basé sur celui des outils, qui ne restent jamais un
moment inactifs.
Dans cette journée, un légionnaire, le nommé
Fuhrmann, est tué sur le mamelon.
Dans la soirée, le sergent Dumont apporte au
commandant Dominé quatre piquets de bambou,
contenant chacun une lettre de l'adversaire. Le
commandant, sans les ouvrir, les fait jeter dédai-
gneusement, par-dessus le rempart, dans le ravin
d'où on les a lancées.
8 février. — Au point du jour on constate
que l'adversaire a exécuté un deuxième chemine-
7i LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
iqent perpendiculaire au mur et à 15 mètres d'ëloî-
gnement du premier.
Dans raprès-midi , on s'aperçoit qu'il se forme un
amas de terre, s'accroissant peu à peu, aux extré-
mités des deux cheminements ; il y a tout lieu de
penser que l'adversaire chemine alors en galerie
souterraine vers le mur.
A partir de ce moment, le sergent du génie
Bobillot fait écouter constamment pour déterminer
la direction que suivent le deux galeries.
Pendant la nuit , l'adversaire a construit une
sorte de casemate pour sa pièce de 4 ; à dix heures
et demie du matin, il lance deux obus à balles, dont
l'un va éclater au-delà du fleuve, mais dont le
second enlève une partie de la toiture de la pagode
occupée par l'interprète sur le mamelon.
Au moment du déjeuner de Tétat-major, un bis-
caïen perce le toit juste au-dessus de la table et
envoie de la terre ainsi que de petits morceaux de
briques dans les assiettes.
Notre pièce de 80 millimètres est impuissante à
détruire la casemate, mais comme celle-ci est très
large, les tireurs de position empêchent les artil-
leurs ennemis de remettre la pièce en batterie.
A la nuit tombante, cependant, les Chinois en-
voient encore un obus de 4 qui n'éclate pas et
qui va tomber au-delà de la citadelle.
Dans cette journée nous avons encore deux blés-
BOMBARDEMENT ET TRAVAUX DE MINES 7Q
ses, les nommés Devogel et le sergent Dordaki, de
la légion.
9 février. — Dans la nuit du 8 au 9, les Chi-
nois organisent une large place d'armes au point cù
le boyau qui va au saillant sud-ouest de la haie
se détache de la parallèle ; ils élargissent égale-
ment ce boyau ; de plus, ils ont amorcé un
deuxième boyau en zigzag meuant de la place
d'armes en question à la deuxième galerie souter-
raine.
Le sergent du génie Bobillot a reconnu le point
vers lequel se dirige la deuxième galerie souter-
raine, qui est plus avancée que la première; au
point du jour, il fait commencer deux contre-gale-
ries, de manière à entraver le point où aboutira le
travail du mineur adverse; ces contre-galeries, ont
pour but de servir d'évents à la mine, de réduire
considérablement son action ; le soir, les contre-
galeries sont presque arrivées , en descendant de
55 centimètres par mètre, jusqu'au mur.
Dans ce siège la conduite de nos sapeurs du génie
est admirable. Ils sont seulement une poignée,
huit hommes apartenant à la 2® compagnie du
3® bataillon du 4® régiment du génie. Ce sont: le
sergent Bobillot, le caporal Cacheux, le? sapeurs
Raymond, Edme, Couzir, Dominique, VMèm*> et
Blanc.
Avec un outillage presque nul, le serg^r-t Bobi)^/»t
80 LE -,::GE DE TUYEN-QUAN
a fait exécuter un ouvrage de campagne à 400
mètres de la place, a fait co: ''actionner plus
de sixmille gabions pour paradosser les ." ces en-
filées et prises à revers et a construit un retran-
chement.
La place n'a pas de poudre de mine ; on n'hésite
pas cependant à se porter à la rencontre des
mineurs chinois, et on prépare des gargousses d'ar-
tillerie pour leur donner un .{..mouflet. *
Le 9 février, vers quatre her 'es de l'après-midi,
on entend le travail d'un second mineur dans la
première galerie souterraine ; le sergent du génie
estime qu'il est encore à sept ou huit mètres du
mur.
On entend également tout le jour un bruit de
pioche en arrière du mamelon du saillant nord-ouest.
10 février. — Pendant la nuit, on n'a tiré,
comme d'habitude, que des coups de fusil toutes les
deux ou trois minutes.
Le mineur ennemi de la galerie de droite gagne
du terrain. Au point du jour on commence deux
contre-mines pour aller à lui.
Ce moyen est le seul, que nous puissions essayer
contre lui; dans les conditions où nous nous trou-
vons, une sortie ne pourrait réussir ; ca effet, l'en-
nemi a construit des abris pour tireurs, et ces abris
sont protégées par notre haie de bambous elle-
même.
BOMBARDEMENT ET TRAVAUX DE MINES 81
Pour aller à lui, dous n'avons qu'une porte de
sortie, et il faudrait défiler, à l'aller comme au
retour, sous le feu de ces retranchements suivant
qu'on irait à lui par uq côté où par l'autre.
Dans la journée, le bombardement continue ; il
est particulièrement vif vers midi et nous recevons
une quinzaine de bombes explosibles, des obus à
balles et des fusées qui sont plutôt un projectile
qu'un agent incendiaire. Plusieurs de ces projec-
tiles éclatent dans la citadelle. La congay (femme) de
l'interprète est blessée.
Les ordres donnés la veille pom: le cas d'explo-
sion d'une mine sont maintenus ; il est recommandé
à l'artillerie du mamelon de tirer sur les groupes et
de dédaigner de répondre pendant l'assaut au tir de
l'artillerie ennemie.
Le génie reçoit l'ordre d'accumuler gabions,
sacs à terre, branches d'arbres ou bambous auprès
des points sur lesquels l'adversaire dirige ses deux
galeries souterraines.
Le moment où les réserves générales devront
s'élancer pour couronner les brèches sera celui où
les Chinois eux-mêmes se porteront à l'assaut ;
le moment sera indiqué par la sonnerie de la
charge.
Les travaux, exécutés par nous dans la nuit du
9 au 40 et dans la journée 'du 10^ sont banquette et
revêtement en clayonnage de la traverse de la
82 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
2® compagnie, amélioration des défilements du ma-
melon.
La traverse intérieure de la 2® compagnie est
aménagée définitivement ; il y a lieu de se préoccu-
per du cas où l'adversaire ferail sauter .par la mine
100 à 150 mètres de la muraille; il serait alors,
avec Teffectif di^onible, impossible de garnir la
brèche.
En vue de cette éventualité, la traverse forme-
rait une partie du retranchement intérieur, par
lequel le commandant Dominé prend le parti de
couper en deux la citadelle.
Depuis quelques jours déjà, devant la nécessité
où nous pouvons nous trouver d'avoir à défendre
la place pied à pied, un mois de vivres de toute
espèce sont montés au mamelon pendant la nuit par
les coolies.
11 février. — Dans la nuit du 10 au 11, quel-
ques Chinois se glissent jusqu'au pied du mur du
saillant nord-ouest et cherchent au moyen de grap-
pins, à renverser les gabions et les planches qui
surélèvent le parapet de ce saillant, et qui y for-
ment un masque contre les coups pouvant venir du
petit mamelon. En repoussant cette tentative, le
lieutenant Gœury et le légionnaire Alberti sont
légèrement blessés.
L'ennemi continue ses travaux de mine. A huit
mres et demie du matin il travaillait dans la
^^^
BOMBARDEMENT ET TRAVAUX. DE MINES S3
galerie n" 2, eo même temps que nous dans la gale-
rie correspondante ; le légionnaire Maury donne à
ce moment un coup de piocha qui crève la paroi qui
le sépare du mineur ennemi ; celui-ci, qui est sur
ses gardes, fait une décharge de revolver et blesse
Maury au pied.
Coinbsl eDlre mineurs Iraotais ci chinois.
Le trou est bouché au moyen de sacs à terre et
une petite palissade est faite pour reconstituer un
En même temps, le sergent du génie Bobillot
cherche à inonder la galerie de l'adversaire, qui
est au-dessous de la nôtre et qui a été creusée en
s'approfondissant.
Ce procédé semble réussir ; car, en jetant de la
terre dans la partie en sape découverte, on entend
un clapotis d'eau. Cependant quelques moments
après on entend travailler de nouveau en face do
lu contre-galerie de gauche.
n LE SIÈGE DE TUÏEN-QDAN
Continuation du bombardement. — Un à«s obus
lancés aujourd'hui par l'ennemi vient éclater dans
la cagna du commandant Dominé, au moment où,
heureusement, celui-ci est sorti.
Les fusées passent toutes par-dessus la cita-
delle. Il n'en est pas de même des balles: le lé-
gionnaire Pasche est atteint au pied par un coup de
feu. ^ .
Continuation des travaux de la veille. Ordre
est donné de faire des sacs à terre avec les toiles
de tentes que la légion a en magasin.
Il est arrivé la nuit dernière un Annamite qui
prétend venir de Sontaj. 11 annonce à l'interprète
que Lang-Son est à nous depuis quatorze jours et
qu'il y a actuellement 3,000 soldats français à
Sontay. Le commandant le met à la porte -sans
l'interroger, car cet indigène ne possède aucun
uandat écrit. Qui sait même si ce n'est pas un
( spion ?
Ballcric cbinoiao caseiiuldo.
La première eiplosloi
CHAPITRE VU
LES DEUX PREMIERS ASSAUTS
La première etploaion. — Assaut repoussé. — Nouvelles mines
ennemies. — Deuiième eiplosion. — Aux armcj i — La charge.
— Prise d'un drapeau. — Les fusées incendiaires. — Conatruc-
tion d'un retranebemenl rapide. — Nos pertes. — Actede cou-
rage dn caporal Beulin. — Les fêtes du nouvel an chinois. —
Alertes de nuit. — Sortie des tirailleurs tonkinois. — Sortie sui-
tes tranchées chinoises. — Mort du sergent Beulin. — Bombar-
dement du mamelon. — Mort du caiiilaine Din et de l'inler~
prête. — Blessure du sergent Bobitlot. — Sa mort.
12 février. — Ce matin, à cinq heures et
demie, un peu avant le ré?eï!, une forte détona-
tion, suivie d'une fusillade très nourrie, ébranle les
remparts.
86 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
Toute la garnison prend les armes pour se ren-
dre aux postes de combat ; les Chinois, rassemblés
dans la grande place d'armes, vis-à-vis la face
ouest, poussent de grands cris et se portent vers
le lieu de l'explosion.
C'est la mine de la galerie n° 2 qui vient de
sauter; mais, grâce aux contre -galeries qui
forment évents, la mine a soulevé une masse
de terre et fait affaisser un peu le mur, qui n'a
été que crevé, mais il n'y a pas de brèche prati-
cable.
Les Chinois, qui marchent en tête de la colonne
d'assaut, sont pris de front par la colonne de
réserve générale, qui s'est portée au* lieu de l'ex-
plosion, et de flanc par les fusils et les hotchkiss
de la demi-lune ouest.
Une trentaine sont tués sur place, les survivants
rentrent précipitamment dans la communication
défilée et l'action se continue par un tir rapide et
précipité, que les Chinois exécutent de leur parallèle
la plus avancée et parle tir de leur artillerie placée
au mamelon du blockhaus.
Dans la matinée le mur s'affaissant, on relie les
deux extrémités delà partie restée solide au moyen
d'une palanque. '
Vers huit heures du matin, on s'aperçoit que
l'ennemi a cheminé souterrainement vers le saillant
sud-ouest et qu'il est déjà presque au mur.
LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 87
Une contre-galerie est immédiatement com-
mencée, mais il est à craindre qu'on n'arrive trop
tard.
Le soir, les ordres des jours précédents sont
maintenus pour le cas où Tennemi ferait sauter
pendant la nuit la mine de la galerie n** 1 et celle
du saillant.
En même temps qu*à cinq heures et demie du
matin l'ennemi tentait Tassant de la citadelle, il
faisait une attaque de vive force contre les tirail-
leurs tonkinois; cette attaque a été repoussée
comme Tautre.
Trois légionnaires blessés dans cette journée :
Stutter, Nœrden et Rœssle.
13 février. — La nuit du 12 au 13, nos tra-
vailleurs étaient occupés à creuser la contre-galerie
du saillant et les deux contre-galeries correspon-
dant à la galerie n** 1. A 3 heures 15 du matin une
explosion sourde ébranle la citadelle ; le cri : « Aux
armes ! » est répété, et chacun se tient prêt à exé-
cuter les ordres donnés la veille.
C'est le saillant sud-ouest qui vient de sauter ; le
mur d'escarpe , renversé sur une longueur de
15 mètres, est tombé dans le fossé et le parapet en
terre est détruit; la brèche existe, mais elle pré-
sente àjson centre un entonnoir qui la rend diffici-
lement praticable.
Le rempart sud est éclairé par nos feux et par
88 LE SIËGE DE TUTEN-QOÀM
ceux de l'eDDemi. Les balles sifflent d'une façon
extraordinaire ; le canon tonne; les fusées incen-
diaires sillonnent l'espace. On entend alors les Chi-
nois pousser de grands cris de victoire à proximité
de la brèche.
Le capitaine Moulinay, de la 3" compagnie, fait
alors sonner la charge et conduit à la brèche sa
section de réserve générale.
Le mouvement des Chinois est arrêté aussitôt;
le porle-drapeau, qui marchait en tête, tombe sur
la brèche, et les autres rentrent dans la place d'ar-
mes défilée. A deux reprises, ils tentent encore
d'atteindre la brèche, mais ces deux tentatives sont
repoussées comme la première.
L'obsturito esc complète ; les travailleurs (1™
LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 80
section) arrivent avec les outils et un retranche-
ment rapide est exécuté immédiatement un peu un
arrière du bord de l'entonnoir.
L'action est continuée pendant le reste de la nuit
par un feu très intense de nos adversaires ; de notre
côté, nous tirons très peu; au point du jour, l'artil-
lerie envoie quelques coups de hotchkiss et de
80 millimètres sur des groupes qu'elle aperçoit.
A six heures et demie, le feu de l'ennemi se
calme et le service habituel est repris.
Les pertes de la journée sont toutes subies par la
légion ; elles sont de 5 hommes tués, les nommés
Acker, Alberts, Hoffmann, Waisemann et Schel-
baum, et 6 blessés.
Le cadavre du soldat Schelbaum avait été lancé
par l'explosion dé la mine jusqu'à quelques pas des
retranchements chinois.
Il nous aurait coûté de voir ce mort, que nos
feux de rempart leur avaient caché pendant le jour,
tomber entre les mains des ennemis, qui ne man-
queraient pas, selon leurs ignobles habitudes, de lui
faire subir les plus cruels outrages.
A la tombée de la nuit, le caporal Beulin, de la
2^ compagnie, avec trois hommes de bonne volonté,
les légionnaires Bailinger, HindinschittetSteimann,
va chercher le cadavre.
Pour cet acte de courage, le caporal Beulin est
nommé sergent et les trois hommes qui l'ont accom-
90 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
pagné sont nommés de première classe. Ils sont
cités tous quatre à Tordre de la place.
' 14 février. — Dans la nuit du 43 au 14, de
huit heures et demie du soir à trois heures du
matin, les Chinois ne cessent de tirer des feux de
salve sur la face est de la citadelle ; on estime à
3,000 le nombre des cartouches qu'ils ont pu brûler.
Par moments ils mêlent leurs cris aux sons de
leurs cornes et trompettes, et on distingue très
bien la voix de leurs chefs ajouter avec plus de
force que les autres : Mao (vite) ! Maolen (très vite) !
Nos soldats, dont divers pelotons, alternative-
ment, couchent toujours sur les remparts, sont aux
postes de combat, mais ne tirent pas beaucoup.
Nous traversons les fêtes du nouvel an des Chinois
et ils veulent, le jour principal, déjeuner dans la
citadelle. Mais nous les attendons avec courage et
avec confiance en nos armes.
Au matin, on s'aperçoit qu'ils ont nivelé l'amas
de terre tombé au pied du parapet par suite de
l'explosion de la mine du saillant ; ils ont apporté
également une grande quantité de branches d'ar-
bres au point où son cheminement perce la haie de
bambous.
Dans la journée, nous avons un légionnaire tué el
trois autres blessés ; parmi ces derniers, le capo-
ral Galemberti.
Les travaux exécutés sont : aux tirailleurs ton-
LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 91
kinoîs, des chemins couverts ; à la citadelle, conti-
nuation du retranchement de la brèche sud-ouest et
de la tranchée qui relie la grande rampe à la tra-
verse de la 2® compagnie.
A la tombée de la nuit, une section de 30 tirail-
leurs tonkinois, sous les ordres du lieutenant Goullet,
profitant de l'état d'ivresse probable dans laquelle
sont les Chinois un jour de fête, fait une sortie.
. Cette petite troupe pénètre audacieusement jus-
qu'au dernier retranchement que l'ennemi construit
en arrière du mamelon de la pagode de la com-
pagnie chinoise, tue sur place deux des Chinois
qui la défendent, disperse les autres en leur faisant
subir des pertes et enlève sept des vingt drapeaux
qui flottent depuis plusieurs jours à 80 mètres en-
viron de son cantonnement.
Le commandant Dominé cite à l'ordre de la place
cette troupe courageuse et les excellents officiers
qui ont su la former ainsi.
15 février. — Dans la nuit, l'adversaire élève
un blockhaus en palanques en face de la brèche du
saillant : il apporte des palanques et des bottes de
paille en face de la demi-lune ouest, à une petite
distance de la haie de bambous.
Les Chinois couvrent la grande communication
qui mène au saillant sud-ouest de la haie de bam-
bous.
Dans la matinée, on essaye de démolir, avec des
92 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
; projectiles de 80 millimètres, uq point de cette
communication; on tire cinq obus qui ne produisent
aucun effet, quoique bien dirigés ; sur l'avis de
Tofficier commandant Tartillerie, l'expérience n'est
pas poussée plus loin.
^ Vers midi, les Pavillons-Noirs, campés aux forts
de la rive droite, viennent faire une démonstration
contre les Tonkinois ; ils se retirent devant le feu
des Tonkinois et devant celui de l'artillerie du ma-
melon et de la Mitrailleme.
Dans la journée, on s'aperçoit que l'ennemi re-
commence à travailler à la galerie n® 1, celle où il
n'y a pas eu d'explosion de mine ; une contre-galerie
est ouverte sur la face ouest à 25 mètres au sud de
la demi-lune; cette contre-galerie a pour but d'ar-
rêter un cheminement qui se faisait le long de notre
mur intérieurement vers le versant de la demi-lune
ouest.
16 février. — Dans la nuit du 14 au 15, les
Chinois ont creusé un trou vis-à-vis le milieu de la
demi-face reliant le saillant sud-ouest à la demi-
lune sud. Ce trou est à 25 mètres environ de la
haie de bambous; il est relié à cette haie par un
boyau de communication à peine commencé, et, au
point où ce boyau rejoint la haie, un autre trou a
été fait.
Ce travail n'est pas relié encore à l'ensemble
des retranchements, et il se trouve isolé.
LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 93
Pour profiter de cette circonstance, une petite
sortie est organisée contre les défenseurs peu nom-
breux des deux trous en question; l'occasion est
d'autant plus favorable, qu'il n'y a que peu de
chemin à faire pour les attendre.
Le sergent Beulin, jaloux de donner le baptême
du feu à ses nouveaux galons, se présente pour
accomplir cette sortie avec vingt hommes de bonne
volonté, divisés en trois groupes : le premier
groupe se portera sur le trou le plus éloigné ; le
deuxième groupe, vers le trou de la haie; ils y
arriveront en même temps, tueront à la baïonnette,
si c'est possible, les Chinois, qui s'y trouvent et re-
viendront immédiatement par une ouverture que le
troisième groupe aura faite dans la haie.
Le 46 février, ce détachement sort un peu avant
le jour; le deuxième groupe se précipite sur le trou
de la haie, surprend et tue les cinq mineurs chinois
qui s'y trouvent et bouche le trou de la mine.
Malheureusement le premier groupe se trompe
de direction: il arrive trop tard à l'autre trou
dont les défenseurs, prévenus par le bruit de
l'autre attaque, sont sur leurs gardes; ce défaut
de simultanéité dans les deux attaques coûte 4 lé-
gionnaires tués et 1 blessé, atteints tous les cinq par
le même fusil de rempart, tiré par le même Chi-
nois et braqué au même créneau ; le détachement
rentre sans plus tarder par l'ouverture pratiquée
9* LE SIÈGE DE TtïEW QLAN
dans la haie et rapporte les morts et le blessa. Un
groupe de la 2' compagnie protège l'opération du
rempart ; le sergent Kiévet qui commaode le groupa
est atteint d'un biscaïen qui lui fracasse la cuisse.
Dans la journée du 16, 2 légionnaires sont
17 février. — La nuit dernière a été assez
calme : les Chinois en ont profité pour accumuler
des palanques au saillant sud-ouest. Sn arrière du
petit fortin qu'ils y ont construit, ils élèvent une
sorte d'abri casemate en bois, terre et bottes de
paille ; le petit fortin en palanques semble être le
point de départ d'une double galerie souterraine
embrassant la brèche ; d'ailleurs, dans l'après-midi
du 16, ou a vu apporter des planches et des madriers,
LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 95
et, pendant la nuit, on a entendu, à côté du fortin,
le bruit d'un travail sur de la planche ; il y donc lieu
de penser que les Chinois font un coffrage.
Pendant cette même nuit et pendant le jour, on
entend encore la reprise du travail à la galerie n*^ 1
de la face ouest. Si Ton considère la distance qui sé-
pare les deux mines extrêmes, on peut en conclure
que Tintention de l'adversaire est de faire sauter
150 mètres de muraille.
C'est cette prévision qui a donné l'idé.e de conti-
nuer un retranchement intérieur. Le tracé de ce re-
tranchement part de la demi-lune sud, qui sera
comme une avancée (le sommet de la porte devant
être organisé en blockhaus) ; il suit la grande tra-
verse de la 2® compagnie, gagne par une rampe
défilée un retranchement déjà construit à mi-côté
du mamelon qui est également relié par une rampe
défilée et aménagée défensivement à la demi-lune
nord, que nous conservons dans le retranchement
intérieur.
L adversaire ayant repris le travail à la galerie
n* 1 de la face ouest, il est devenu nécessaire pour
nous d'élargir les deux contre-galeries qui ont été
commencées en ce point et de les réunir entre elles
afin d'obtenir une diminution dans les effets que
produira l'explosion de la mine.
Des coolies sont employés à ce travail; dans la
matinée les tireurs chinois établis au mamelon du
1)6 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
saillant nord-ouest, tirent de leurs obus sur les
travailleurs des contre-galeries.
L'artillerie du mamelon envoie quelques obus
de 80 qui démolissent en partie l'abri et qui font
taire leur feu.
Une heure après environ, vers neuf heures et
demie, les Chinois démasquent au mamelon du
blockhaus une batterie de deux pièces de 4, de
trois obus de 12 et de deux mortiers de 22 centi-
mètres, et commencent contre notre mamelon un
bombardement qui se prolonge pendant plus de deux
heures; toutes les habitations du mamelon sont
traversées plusieurs fois et Tintèrprète est tué
par un éclat d'obus.
Des effets produits par ce bombardement, il
ressort clairement, étant donnée la position de la
batterie ennemie, que le cantonnement seul de la
i'^ compagnie est encore habitable.
L'ambulance, l'artillerie et le génie qui sont allés
s'y loger, n'ont donc pas à changer de place. Quant
à la 2* compagnie, elle ne peut rester où elle est;
comme ses postes de nuit rapprochés de la face
ouest sont abrités par l'obstacle du parapet, ordre
est donné à la 2® compagnie d'adopter pour le
jour et la nuit les emplacements habituels de nuit.
Pour les artilleurs du mamelon, le poste et les
officiers de Tétat-major, des trous sont creusés dans
la grande cour de la pagode. Les tirailleurs tonki-
LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 97
nois exécutent également de profondes tranchées et
profitent de la terre qui en provient pour renforcer
leur parapet.
Dans la matinée, le capitaine Dia, commandant
la compagnie des tirailleurs tonkiaeis, qui, d un
emplacement de sentinelle, reconnaît les travaux de
l'ennemi, est tué d'une balle au front. ^
Le lieutenant Goullet prend le commandement
des tirailleurs tonkinois; le sous-lieutenant Hérold,
de la légion, est détaché le jour même aux tirail-
leurs tonkinois.
La France perd dans le capitaine Dia, un brave
et vaillant défenseur, un officier énergique et dévoué.
L'inhumation a lieu à cinq heures et demie du soir.
Une députation de tous les corps et de toutes les
compagnies est envoyée. Les officiers, à l'exception
de ceux qui sont de garde, sont présents.
17 février. — Les Chinois ont accumulé les
matériaux (palanques, bottes de paille) entre la
haie de bambous en face la demi-lune; ils ont con-
struit un petit fortin contre cette haie; il y. a lieu
de s'attendre encore à les voir diriger une galerie
souterraine contre la demi-lune ouest.
Du côté des tirailleurs tonkinois les Chinois com-
mencent à cheminer. Pendant la nuit on a très
pej^ntendu de travail souterrain.
Grâce aux mesures de précaution prises, aucun
homme n'est atteint; le matériel seul souffre; dans
98 LE SIEGE DE TUYEN-QUAS
la matinée un obus de 12 éclate au-dessus du grand
magasin; ses éclats défoncent un tonneau de vin
qui se vide complètement et percent deux autres
fûts dontle contenu va être distribué incessamment.
Parmi les éclats ramassés, l'un porte: J. Wores,
et l'autre : Fra.nce. Seraient-ce bien là les projec*
tiles et les pièces vendus par M. Dupuis au Tice*
roi du Yun-Nam?
Un soldat est tué en faction.
■on du sargent Boblllot.
A six heures et demie du matin, le sergent
Bobillot, chef du service du génie, est blessé griè-
vement en faisant une ronde sur la brèche et a
deux vertèbres cassées.
Ce brave sous-officier, qui a rendu les plus
grands services, est transporté à l'ambulance, oii
le commandant Dominé vient le visiter.
Cet ofÛcitr, qui lui a ïu risquer vingt fois sa
LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 99
vie, lui demande s'il profère être nommé sous-
lieutenant plutôt que d'être porté pour la croix.
Bien qu'il ne soit pas riche, il aime mieux la croix,
faisant passer Thonneur avant le grade ; mais, hélas i
le pauvre garçon ne peut jouir de cette distinction
si bien gagnée ; quelques jours après la levée du siège
de Tuyen-Quan, il meurt des suites de sa blessure
à l'hôpital de Hanoï, où il a été transporté.
Jules Bobillot, né en 1860 à Paris, avait fait de
brillantes études au lycée Charlemagne. Il se des-
tinait d'abord à la littérature et était remarqua-
blement doué. Il a écrit plusieurs romans et pièces
de théâtre. A vingt ans il s'étaic engagé au 4® ré-
giment du génie.
Dans la journée du 18, on achève de recouvrir
avec des sacs de farine, de riz et de légumes toutes
les barriques de tafia et de vin déposées dans le
grand magasin du mamelon.
19 février. — Toute la nuit, Tennemi fait une
fusillade très nourrie, accompagnée de grands cris
et de sons de corne et de trompette ; on entend
très peu son travail souterrain.
Au point du jour, on s'aperçoit que les trous
creusés en avant de la face sud ont été reliés par
un boyau de communication à la grande tranchée
couverte.
Continuation du bombardement, qui, jusqu'à
présent, se fait assez régul'èrement dans le milieu
%
JOO LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
de la journée. L'artillerie ennemie est contre-battue
par la nôtre qui lui impose silence.
20 février. — Dans la soirée du 19, les Chi-
nois exécutent sur la citadelle un bombardement
qui dure quarante-cinq minutes.
A ce bombardement prennent part les fusils en
avant de la face ouest et des demi-faces adjacentes
sud et nord, les canons de rempart, les canons de
4 et de 12 c. et les mortiers.
Tout ce bruit a sans doute pour but d'empêcher
d'entendre leur travail, car le lendemain matin on
s'aperçoit que de fortes palissades ont été plantées
en avant de celles existant déjà au saillant sud-
ouest et à la demi-lune ouest.
Les munitions ne paraissent plus en sûreté dans
le magasin du mamelon; plusieurs petits dépôts
sont installés dans les communications défilées.
21 février. — Le 20 au soir, les Chinois exé-
cutent encore un bombardement de la citadelle ;
ils ont casemate leurs pièces et les ont changées
de place sur le mamelon du blockhaus.
La pagode du commandant n'est plus abritée;
un obus de 4 traverse le mirador de la porte sud (
et blesse légèrement un des hommes de garde.
Dans la nuit du 20 au 21 , l'ennemi perfectionne
son retranchement sur le mamelon qui domine à
50 mètres la partie sud de la face ouest ; il y or-
ganise des crénaux couverts, d'où il plonge à l'in-
LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 101
térieur de la citadelle à 20 mètres en arrière de
la face ; à sept heures du matin, un légionnaire de
garde à la porte sud est atteint d'une balle venant
de ce mamelon.
Notre artillerie cherche à renverser ce retran-
chement ; mais comme il est mal vu du mamelon
de la citadelle, elle n'y parvient qu en partie.
A quatre heures de l'après-midi, le caporal du
génie Cacheux, qui a remplacé le sergent Bobillot
comme chef de sœ^vice, rend compte que l'ennemi
travaille activement à une galerie dirigée sur la
droite de la brèche du saillant ouest et qu'il faut
s'attendre pour le lendemain à une 'explosion de
mine, celle de la droite de la brèche ou celle de la
galerie n** 4.
Le commandant du poste renouvelle alors les re-
commandations déjà faites et insiste surtout sur ce
point qu'il ne faut pas couronner la brèche immé-
diatement après l'explosion de la mine, mais que
notre mouvement en avant doit correspondre à un
mouvement semblable de l'adversaire.
Ce mouvement sera annoncé par des sentinelieu
qu'il faudra placer sur la brèche pendant que U
troupe restera en arrière, en position d'attente.
Fusde iacendiaire chinoise
ASSAUTS KVinux
One ruse infernale des Chinois. — Trois eiploaions successive*. —
Destruction de Ja compagnie Houiinay. — Bi-Ûlés vifs. — £d
Bïunl. — Combat corps â corps. — Fuite des Chinois. — Faasse
attaque de l'ennemi. — Nos pertes. — Uorl du capitaine Uouli-
ASSAUTS FURIEUX 103
noy. — Enterrement des victimes. — Attaque de nuit. — Belle
défense du sergent-major Husbaud et du sergent Thévenet. —
Fuite des Chinois. — Prise de trois drapeaux. — Un contre cent.
— Une situation critique. — Vaincre ou mourir. — Sommations
repoussées. — Jactance de l'ennemi. — Gaieté des assiégés ;
22 février. — Le 21, à huit heures du soir,
les Chinois recommencent le bombardement de la
citadelle et particulièrement du mamelon où trois
hommes de garde sont légèrement atteints par les
éclats d'un obus de 12.
Le 22, à six heures un quart du matin, les
Chinois rassemblés dans la place d'armes et dans
la tranchée couverte poussent de grands cris. En
prévision d'une explosion prochaine, le capitaine
Cattelin, commandant le détachement de la légion,
fait descendre du parapet les factionnaires du
saillant ouest.
En'effet, quelques moments après la mine de
la droite de la brèche annoncée la veille par le ca-
poral du génie, saute.
Comme l'ordre en a été donné, la demi-section
chargée de couronner la brèche, se dispose en
arrière dans une position d'attente; mais tout à
coup les cris des Chinois se font entendre à faible
distance et un drapeau chinois paraît sur la
brèche.
Le capitaine Moulinay, emporté par son ardeur,
entraîne la demi-section et garnit la brèche, les
travailleurs suivent aussitôt.
104 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
Devant ce mouvement, les Chinois qui sont
sortis de la trauchée, y rentrent vivement.
Cette retraite cache un piège tendu avec un art
infernal.
Le capitaine Moulinay n'est pas sur la brèche
depuis quelques minutes, que tout à coup, un bruit,
pareil à un coup de tonnerre, se fait entendre;
tous les soldats engagés sur le couronnement
sentent la terre trembler et voient la muraille se
mouvoir.
En même temps, la lumière disparait, l'atmo-
sphère cesse d'être respirable, on avale du feu, on
se sent étreint, enveloppé, frappé tout à la fois.
Les uns croient s'enfoncer dans un abîme ; les autres
croient être lancés dans les nuages. Tous voudraient
crier, car tous souffrent, mais aucun n'a de
voix. ^
Enfin le jour reparaît; peu à peu l'air rentre
dans les poitrines et chacun commence à com-
prendre que quelque mine vient d'éclater.
Mais avant le jour, avec la respiration, la con-
science de la douleur est revenue.
Les soldats s'e regardent les uns les autres, ils
s'épouvantent de ne plus se voir. La fumée a
disparu. Quelques-uns ont de larges sillons sur le
corps, leurs vêtements sont brûlés; d'autres sont
dépouillés de Tépiderme. Ce sont des écorchés qui
marchent, qui hurlent, qui délirent. Ceux qui ont
ASSAUTS FURIEUX U5
le moins soufiFert, ont les mains et le visage brûlés
Voici ce qui est arrivé.
C'est une deuxième mine creusée à l'autre extr^
mité de la brèche déjà ouverte, qui a pu être établie
sans que nos sapeurs s'en soient aperçus, grâc»*:
probablement à un terrain déjà ameubli par ïe»
explosions précédentes.
Cette deuxième explosion dirigée en partie sur
le terrain bouleversé par la première, a enseveli
tous ces hommes comme dans un soupirail d'enfer.
Tous les soldats engagés sur la brèche sont
atteints par le feu ; quelques-uns sont immédiate-
ment asphyxiés, d'autre sont mutilés et tombent
sur place. Enfin quelques-uns peuvent se retirer.
Une quarantaine d'hommes gisent au milieu des
décombres ; douze tués et une vingtaine de blessés,
dont le capitaine Moulinay et le sous-lieutenant
Vincent, tous appartenant à la légion.
Le premier sapeur mineur Edme a sauté en fai-
sant couronner la brèche et est dangereusement
contusionné.
Il y a là un moment de confusion terrible, un
moment de vertige où tout a tremblé, sol et mu-
raille.
Les Chinois profitent de ce moment. Ils revien-
nent à la charge, s' élançant comme à la curée,
déchargeant leurs fusils au hasard sur cette brèche
pleine d'hommes, de fumée, de terreur et de cris.
106 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
Puis, leurs fusils déchargée, ils se jettent à corps
perdu sur ces malheureux pour les achever à
Tarme blanche.
Mais rien ne peut émouvoir les hommes de la
légion
Une commotion spontanée, électrique, irrésis-
tible, frappe tous les cœurs du même coup.
Le cri : « En avant ! » s'élance de toutes les
bouches.
Le commandant Dominé ordonne aux clairons
de sonner la charge. Suivi d'une section de la
2** compagnie, ce vaillant officier s'élance à son
tour dans l'ejEfroyable voie où gisent les débris de
la demi-section du capitaine Moulinay et garde les
deux ouvertures faites au saillant.
Cette section n'est pas plutôt en place qu'une
troisième mine fait explosion : celle de la galerie
nM.
Sans le moindre trouble, une demi-section de la
réserve générale (i*"® compagnie), se dispose en
arrière de la troisième ouverture.
A ce moment l'ennemi fait une tentative d'assaut
général. Avertis par les sentinelles, les groupes
disposés en arrière des brèches s'élancent; les
légionnaires, possédés par la fièvre du combat,
arrivent en un clin-d'œil sur la terre meuble du
rempart, tuent tous les Chinois qui se présentent
pour monter à l'assaut, et rebouchent avec des
ASSAUTS priRIEUX 107
gabions et de la terre cette immense ouverture
qui a dû coûter tant de travail et environ 1,500 kil.
de poudre à l'ennemi.
Poursuivis par notre feu meurtrier, les CMnois
qui ont quitté la tranchée, la regagnent précipi-
tamment laissant leurs morts sur le terrain.
Cette tentative repoussée , nous nous reportons
en arrière; les sentinelles seules sont laissées sur
les brèches.
Le travail est alors entamé simuUanément sur les
trois brèches qui, au bout de deux heures, sont
déjà couronnées d'un retranchement provisoire.
Pendant l'explosion des mines de la face ouest,
l'ennemi a fait une démonstration contre la face
nord; en même temps, un fort groupe s'est glissé
108 LE SIÈGE I>E TUYEN-QDAIN
sur lo pied de la berge du fleuve et a cherché à
atteindre la haie de bambous..
De la demi-lune nord, la 1'® compagnie disperse
par ses feux les groupes qui s'avancent directement
contre la face nord. Cette compagnie contribue
ensuite avec Tartillerie du mamelon à éteindre les
feux des tireurs du petit mamelon du saillant nord-
ouest, feux qui sont excessivement gênants pour
nos travailleurs.
Quant au groupe venu par la grève, il est dis-
persé par le canon de la Mitrailleuse^ qui a été
prendre son poste au milieu de la rivière Claire.
Dans la journée, on travaille activement à amé-
liorer les retranchements des brèches.
Cinq malheureux légionnaires sont restés sous
les décombres de la mine ; deux sont retrouvés.
Le capitaine Moulinay meurt à l'ambulance dans
la journée des suites de sa blessure. Le sous-lieute-
nant Vincent et la plupart des sous -officiers et
soldats atteints par l'explosion, sont sous l'in-
fluence de leur traitement et très abattus.
La \^ compagnie de la légion fait creuser deux
fosses dans l'intérieur de la citadelle : une pour le
capitaine ; l'autre, plus grande, commune pour dix
soldats.
La cérémonie funèbre se fait dans une cogna
où ont été déposés les cadavres, puis on se défile,
en se baissant dans les tranchées, jusqu'au coin
ASSAUTS FURIEUX 109
qui est devenu notre cinquième et dernier cime-
tière
Les assistants se blottissent contre le rempart
pour ne pas être vus. Les corps, enveloppés dans
des nattes, sont placés à la suite les uns des
autres.
Le vénérable pasteur Boisset récite alors sous
les balles les dernières prières au bord de ces fosses,
Snleireineul des t
et chacun, après avoir dit adieu à ses camarades,
se sépare avec la pensée que quelques secondes
plus tard il les rejoindra peut-être.
23 février. — Dans la journée du 23, on
améliore les retranchements des brèches, mais on
n'a pas le temps de constituer partout l'obstacle.
Vers midi ua obus de IS éclate dans la cogna du
commandant Dominé. Les officiers de l'état-m^or
jugent prudent de ne plus y demeurer ; ils s'in-
110 LE SIEGE DE TUYEN-QUAN
stallent pour prendre leur repas dans un trou dont
on voulait premièrement faire une citerne.
Un tirailleur tonkinois est tué. Les trois corps
des légionnaires ensevelis hier sous la mine sont
retrouvés et inhumés avec un autre soldat mort à
Tambulance des suites de sa blessure.
24 février. — La nuit dernière a été très
pénible. Dans la soirée du 23, on remarque un
grand mouvement de troupes chinoises dans les
tranchées qui avoisiuent le saillant sud-ouest.
Vers neuf heures du soir, rartillerie chinoise
ouvre le feu, et à partir de dix heures et demie,
une fusillade très vive part des positions chinoises
autour du saillant nord-ouest ; ils allument un
grand feu dans cette direction, et renouvellent
fréquemment leur fusillade aûn d'attirer l'attention
de ce côté.
Vers quatre heures du matin, tout se tait ; les
étoiles scintillent dans le ciel d'or et dans les camps
chinois, où les feux des bivouacs montent ça et là
en fumées droites, l'on ne perçoit plus que les
longs et bruyants appels des gongs et le cri pareil
des sentinelles.
A quatre heures trois quarts, à la faveur de
l'obscurité, un groupe assez fort de Chinois réussit
à se rassembler, sans être vu ni entendu, au pied
des retranchements des brèches dont les obstacles
ne sont pas encore terminés. Se présentant à la fois
ASSAUTS FURIEUX [\[
sur un développement de crête d'une trentaine de
mètres, ils parviennent à percer cette ligne en
quatre points.
Le sergent-major Husbaud, de la 2® compagnie
de la légion qui commande le piquet (trois escoua-
• des) aperçoit tout à coup de grandes ombres silen-
cieuses qui rôdent dans les pierres ébranlées du
rempart.
Ce brave sous-officier n'a que le temps d'appeler
une escouade et de donner l'alarme, puis il se rue
vers l'ennemi : mais il chancelle aussitôt, atteint en
pleine poitrine.
Il tombe sur ses genoux, se relève : « A moi, la
légion ! » crie-t-il dans un appel désespéré, puis il
retombe.
L'escouade Fa entendu et se lancé très brave-
ment contre les Chinois, mais, accablée sous le
nombre, est forcée de reculer.
En même temps, le sergent Thévenet, qui, en
1881, a déjà été blessé dans le Sud-Oranais, où il
a été décoré de la médaille militaire, cherche à for-
mer les deux autres escouades pour les porter sur
la brèche ; mais il est également atteint par un coup
de feu, et les trois escouades restent derrière leur
abri d'où elles engagent avec les Chinois une fusil-
lade de pied ferme.
Le capitaine Cattelin arrive à ce moment sur le
terrain de la lutte, avec la section de réserve gêné-
111 LE SIËGB DE TUIEN-UUAN
ralo de la 3" compagaie ; il fût sonner la charge et
pousse droit aux brèches à la baïonnette.
Les Chinois s'enfuient précipitamment; quatre
d'entre eux restent dans la citadelle avec trois
grands drapeaux, des fusils, des sacs de poudre et
des coup-coups ; trois autres sont tués sur la brèche)
d'autres encore sont tués dans le fossé.
prlsB de trois drapeaux su pied de Is grande brëcha (I* février.
Cette action terminée, les postes habituels sont
repris. Outre les deux sous-ofâciers, deux légion*
naires ont été également blessés.
Dans la journée, les coolies font une palissade de
bambous en arrière des retranchements des brèches
pour rendre ces retranchements iofranchissar-
blés.
D'après les observations faites par le caporal du
génie, l'ennemi travaille à cinq galeries de mine :
deux embrassant la brèche prolongée da BaîUaut
ASSAUTS FURIKU A 113
sud-ouest ; une sur la face sud, entre la demi-lune
sud et le saillant sud-ouest ; une quatrième à côté
de celle qui a sauté derrière sur la face ouest ;.
enfin une cinquième à la demi-lune ouest.
La défense de l'héroïque garnison atteint son
paroxysme. Un contre cent : une lutte pied à pied
contre une armée aguerrie, résolue à tout sacca-
ger, à tout massacrer.
Les secours arriveront-ils à temps?
Avant que les suprêmes cartouches soient brû-
lées, que les derniers défenseurs- aient succombé
sur la brèche ouverte, entendra-t-on enfin les
sourds appels du canon se rapprochant d'heure en
heure ?
Verra-t-on les vareuses bleues apparaître à Tho-
rizon dans un tumulte de sonneries et de fusil-
lades?
On ne dort plus, on se fusille presque à bout
portant la nuit et le jour. Le fossé est comblé de
cadavres chinois que dépècent des vols d'oiseaux
de proie.
i Les officiers, se mettant dans le rang comme
leurs soldats, ramassent les fusils tombés des mains
des blessés.
} Les jours s'écoulent, mais nul ne faiblit, ne songe
à abaisser la loque tricolore déchiquetée qui claque
au vent sur la brèche.
On a prévu l'époque où, faute de vivres ou faute
! 14 LE STÈGE DE TUYEN-QUAN
de secours, la place succombera : le mamelon inté-
rieur doit servir de dernier refuge, et là, après
- avoir brûlé sa dernière cartouche, Théroïque gar-
nison a résolu de se faire sauter.
A deux reprises, Luh-Vinh-Phuoc a sommé le
commandant Dominé de rendre la place ; il lui a
même ojBFert de le laisser passer avec armes et
bagages, tant est grand son désir d'occuper Tuyen-
Quan. On répond par des volées de mitrailles à ces
propositions insolentes des Pavillons-Noirs.
Des parallèles*qui touchent au mur, les assaillants
intorpeUent nos braves soldats. Une nuit, on entend
très distinctement ces mots, à la suite d'un assaut
qui a été repoussé :
— Ce n'est pas aujourd'hui, mais à coup sûr
c'est pour demain !
Tout cela est dit en bon français.
Les Chinois se donnent aussi des noms d'officiers
français restés célèbres ; un soldat entend les chefs
ennemis s'appeler « Coronnat, Rivière ».
Le péril imminent n'a pas banni la gaieté ; le
moral de la garnison n'est pas afi'ecté un seul
instant.
Un clairon de la légion, au coup de langue bril-
lant, fait tous les soirs le tour du fossé intérieur
et sonne pendant sa promenade un pot-pourri de nos'
airs nationaux.
Si le commandant Dominé déploie une énergie
ASSAUTS FUBtEUX 115
au-dessus de tout éloge, s'il montre nne grande
science militaire, il faut convenir que les Chinois,
dirigés par des Européens, ont assiégé avec mé-
thode, selon les principes de Vanban.
CHAPITRE IX
LA DÉLIVRANCE
Noueelle explosion. — Assani repoussé. — OrganUsiiondela brèche.
— Arritée de dépêches. — Joie de la garnison. — Qualrc mines.
— As'^ul désespéré. — Combat aiir la brèche. — Lés volonlaires
(lu Yun-Nam, — Trois heures de lutte corps t corps. — Retraite
de l'ennemi, ses peKcs. — Approclie de la coionne de secours.
— Ses [usées. — Fuite des Chinois. — Évacuation des tranchées.
— Chinois enfumés, — Le clairon français. — Arrivée de la
colonne, — La délivrance. — L'ordre du jour du général Brière
do risle.
25 février. — Les Chinois nous oDt encore
ménagé pour ce matin un triste réveil en cani-
LA DÉLIVnANCE 117
pagne. A quatre heures quarante-cinq du matin, le
factionnaire du saillant signale un rassemblement
d'ennemis dans le grand chemin couvert.
Quelques moments après, la mine préparée par
les Chinois, à gauche du saillant sud-ouest, saute.
Elle prolonge la brèche déjà constante d'une dizaine
de mètres.
Comme Tordre en a été donné, le piquet se dis-
pose en arrière de cette brèche et les travailleurs
attendent formés plus en arrière.
La section de réserve générale de la 1'® compa-
gnie se forme à droite du piquet.
Au moment même où ce mouvement s'exécute,
les Chinois donnent l'assaut à la brèche de droite
de la face ouest; déjà ils ont atteint la crête et
leurs feux plongent dans l'intérieur de la cita-
delle ; cette attaque est vivement repoussée par la
section de réserve générale de la 2® compagnie ;
les Chinois sont rejetés dans le fossé où ils sont
fusillés pai* les défenseurs de la demi-lune ouest.
25 cadavres de réguliers sont étendus au pied de la
brèche, et il. est à supposer que plusieurs ont suc-
combé dans les tranchées.
De notre côté nous n'avons eu que 4 tués et cinq
blessés.
Le caporal Blanc, chef du génie, a été blcsài5
de deux balles à l'œil et à la tête.
Ce sont des pertes d'autant plus sensibles qu'^j
118 LE SIÈGE DE TLYEN-ObAIt
nous est impossible de les remplacer ; notre effec-
tif diminue chaque jour, mais enfin une mine,
à côté de la large brèche qui existe déjà, aurait pu
nous faire un mal bien plus grand que celui-ci.
Après l'assaut, on attend encore une demi-heure,
et lorsqu'il est constaté que l'adversaire a aban-
donné les tranchées, l'ordre est donné par le com-
mandant Domino de commencer le travail d'orga-
uisation de la brèche.
Dans la journée même, ce travail est terminé et
un obstacle est reconstitué; mais il n'y a plus de
flanquement, et l'adversaire peut se rassembler
sans être vu au pied des brèches.
La construction du retranchement intérieur est
reprise dans l'après-midi.
Comme la veille, ordre est donné de ne pas
laisser de sentinelles fixes sur les points où il peut
LA DÉLIVRANCE 119
se produire une explosion de mine; ces sentinelles
doivent être placées au pied du parapet, monter de
temps en temps sur la banquette et tirer.
Et maintenant, une bonne nouvelle :
Un Annamite arrivé ce matin, au moment où
l'action tire à sa an, apporte plusieurs lettres au
commandant Dominé, qui fait lire aussitôt l'ordre du
jour suivant :
« Lang-Son, 13 février, 1 h. du soir.
» Drapeau national a été hissé midi sur citadelle Lang-Son.
Rivière traversée. Ki-Lua occupé. Armée chinoise en déroute dès
la nuit dernière après chaud combat à huit kilomètres en avant de
la place. Répondre à cette nouvelle et informer postes voisins non
pourvus de ligne télégraphique. Envoie confirmation par note cir-
culaire.
» Brière de lIsle.
» Le commandant du poste porte également à la connaissance
des troupes de la garnison qu'une colonne composée de la première
brigade tout entière remonte la rivière Claire pour venir à Tuyen
Quan. Cette nouvelle lui est annoncée à la date du 23 février par
le commandant du poste de Phu-Duang. »
L'heureux message se répand dans la citadelle
comme une traînée de poudre.
Les soldats ont tous repris courage : s'il faut
frapper un grand coup, chaque homme en vaudra
deux.
A l'ambulance toutes les figures sont réjouies,
l'un des blessés, qui a eu la langue paralysée par
120 LE SIÈGK DE TUYEN-QUAN
la mine, il y a deux jours, se lève sur son grabat
pour exprimer sa joie par des signes.
Ahl comme nous les comprenons ces braves et
obscures victimes du devoir et de Thonneur.
Avec une bonne santé et un fusil dans les
mains, on conserve toujours Fespoir -de se sauver;
accolés sur le mamelon, pour mettre les choses
au pire, nous résisterions pendant quelque temps
dans les tranchées, puis, à bout de ressources, nous
pourrions essayer de percer, baïonnette au canon,
le cercle de l'ennemi : quelques-uns passeraient.
Pour les malades et blessés, à cette extrémité,
il n'y aurait plus d'espoir. Les Chinois leur tran-
cheraient la tête avec leur coup-coups, et jetteraient
les cadavres à la rivière après les avoir odieuse-
ment mutilés.
Il faut tenir ferme plus que jamais.
Les quatre mines qui se préparent, la tranchée
qui avance toujours dii côté des tirailleurs tonki-
nois, et nos propres canons qui tonnent sans relâche,
disent que l'heure de la délivrance n'a pas encore
sonné.
26 février. — La nuit du 25 au 26 se passe
assez tranquillement, nos travailleurs continuent
l'organisation du retranchement intérieur.
A deux heures du matin, l'on entend dans les
tranchées chinoises, un petit bruit de sonnettes; des
lumières qui circulent dans ces tranchées, semblent
LA DÉLlVRAiNCE 121
indiquer un rassemblement ; quelques moments après
une fusillade assez vive s'ouvre contre la face sud,
mais elle est de courte durée.
Ce matin, tout le monde s'attend à entendre sau-
ter une mine : rien ne bouge. On suppose, au con-
traire, que les Chinois, instruits par leurs espions
de l'arrivée de la colonne de secours, commencent
à prendre la fuite :
1® Sur plus de vingt pavillons qu'il y avait en aval
des tirailleurs tonkinois et du côté du blockhaus,
il n'en reste plus qu'une douzaine;
2® Depuis huit heures du matin, l'ennemi n'entre-
tient plus qu'un tir lent de fusils et de canons de
rempart ; on pense que les grandes bouches à feu
ont été portées à Yuoc pour résister à notre co-
lonne ;
3® Les travaux des Chinois avancent toujours,
mais moins vite qu'auparavant.
Cependant leurs tireurs de position nous touchent
encore un homme aujourd'hui dans la tranchée du
mamelon.
Deux blessés de ces derniers jours meurent à
l'ambulance.
Travail exécuté : organisation du retranchement
intérieur.
27 février. — Toute la nuit du 26 au 27, les
factionnaires de l'ennemi ne cessent de tirailler,' un
canon de rempart installé en face de la brèche du
122 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
saillant sud-ouest, lance de la ferraille mélangée de
pierres.
L'ennemi continue ses galeries de mine et chemine
sous terre, comme les taupes, avec une ténacité
incroyable : toutefois son travail semble peu avan-
cer; il gagne une vingtaine de mètres en sape
contre les tirailleurs tonkinois.
Dans la journée il remonte son canon de 4, et
plusieurs projectiles de cette pièce atteignent le
mamelon de la citadelle, son feu est éteint par
notre artillerie.
28 février. — Dès le 27 au soir, à la tombée
de la nuit, les travailleurs sont occupés à faire un
petit retranchement intérieur, vis-à-vis de la brèche
du milieu de la demi-face sud de la face ouest. Ce
retranchement a pour but d'abriter des feux du
mamelon Brûlé et du mamelon du nord-ouest, le
groupe chargé de surveiller les brèches pouvant se
produire sur cette demi-face.
Le retranchement est relié par une communica-
tion défilée avec l'abri du piquet de la 2"' compa-
gnie.
Tout ce travail est exécuté sous la direction du
premier sapeur-mineur Védème, chef du génie, qui
a dirigé les derniers travaux de défense.
Dès dix heures du soir, le bombardement par la
pièce de 4 commence; depuis le commencement du
siège, c'est la première fois que les Chinois tirent
LA DELIVRANCE 123
le canon pendant la nuit. Évidemment ils préparent
nn assaut désespéré; nous attendons' avec con-
fiance.
A onze heures et demie du soir, une forte déto-
nation se fait entendre ; c'est la mine du milieu de
la face sud qui saute ; elle fait une brèche de dix
mètres et lance à soixante mètres de distance, des
masses énormes de maçonnerie et de terre.
Une fusillade des plus nourries suit immédiate-
ment Texplosion.
Les Chinois se sont massés en grand nombre au
pied des brèches des 12, 43, 22 et 25 février. Dès
que la mine a sauté, ils s'élancent à l'assaut avec
furie, en poussant des hurlements effroyables.
Le sous-lieutenant Proye, qui commande le piquet
(3 escouades de la deuxième compagnie), le lance
aux brèches de gauche (2® brèche du 22 février,
brèche du 22 et arrondissement du saillant).
Le capitaine Cattelin qui arrive en ce moment de
Tancien baraquement de l'artillerie, avec une demi-
section de la réserve générale de la 2® compagnie,
la lance contre les brèches de droite (brèche du
42 février, 1'* et 3« brèches du 22 février).
• L'autre demi-section de la réserve générale de la
2"° compagnie arrive à la porte sud avec le lieute-
nant Naert.
Une escouade de cette demi-section, va renfor-
cer le piquet à l'arrondissement du saillant, où le
121 LE SIÈGE DE TUYHN-OUAN
combat est particulièrement vif; l'autre escouade
est employée à surveiller la brèche qui vient de
se produire sur la face sud; les Chinois n'ont, du
reste, probablement fait sauter une mine de ce côté
que pour nous y attirer, car ils ne cherchent pas à
donner l'assaut par la nouvelle brèche et tous leurs
efforts se réunissent contre les anciennes.
Pendant près de trente minutes, le combat se
maintient à bout portant sur les brèches, les com-
battants n'étant séparés que par la palissade de
bambous, dont elles sont couronnées.
Nos soldats ont à repousser là de rudes adver-
saires.
Dans cette armée du Yun-Nam, il y a un corps
choisi dont les hommes ont fait le serment de ne
jamais reculer — ils sont marqués d'une croix
rouge au front. Ce sont ceux qui forment les têtes
de colonnes d'assaut.
Ces volontaires essayent de planter succes-
sivement sur la palissade des brèches, trois
drapeaux qui sont aussitôt enlevés par nos légion-
naires.
Plusieurs fois ils essayent d'escalader cet obstacle ,
mais ils sont rejetés à coups de baïonnette de
l'autre côté, où ils se font obstensiblement fusiller
sur place. Ils finissent cependant par quitter le
sommet des brèches pour se mettre à l'abri dans
l'angle mort des entonnoirs. De là, ils lancent des
LA DrilVRAN'^E 125
pétards et des sachets de poudre à la figure àcn
défenseurs.
Quelques moments après, ils renouvellent leur
attaque^ culbutés encore une fois au pied des
brèches par notre feu, ils ne se découragent pas,
et pendant une heure et demie, ils ne cessent de
tenter deux nouveaux assauts.
Pendant plus de trois heures, les légionnaires^
cachés derrière la palissade et les gabions, leur
envoient des feux de salve à bout portant, en même
temps que notre artillerie les mitraille du haut du
mamelon.
Tandis que ces attaques furieuses sont dirigées
sur notre saillant sud-ouest, une démonstration est
faite contre la face nord, et une autre contre les
tirailleurs tonkinois; ces deux tentatives sont re-
poussées par les fractions de troupe attachées à la
défense de ces points et grâce aussi au feu de l'ar-
tillerie du mamelon.
La lutte se termine vers trois heures du matin,
les Chinois battent en retraite. Le terrain est jon-
ché de leurs cadavres.
On en compte plus de vingt étendus dans un
entonnoir du terrain, sur une seule brèche soixante-
dix morts avec leurs armes, tous marqués au
front de la croix rouge des volontaires du Yun-
Nam.
A partir de trois heures du matin, les travail-
126 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
leurs élèvent un retranchement rapide avec paJîssade
en bambous sur la nouvelle brèche.
Le piquet du saillant, renforcé d'une den?i-sec-
tion, assure le service de garde dans cette partie de
l'enceinte et les autres troupes rentrent au canton-
nement.
La journée est employée par les travailleurs à
améliorer et à réparer les retranchements des
brèches.
L'afiFaire du 28 février nous coûte 3 tués et
9 blessés, parmi lesquels le sous-lieutenant Proye
de la 1*"® compagnie.
La colonne qui vient à notre secours nous a
envoyé deux piétons annamites, — comment ont-ils
pu passer?... avec une lettre datée du 25 courant,
pour nous annoncer qu'elle nous arrivera ce soir.
Si l'action à Yuoc se prolonge plus qu'on ne le
croit, elle lancera des fusées pour nous indiquer la
direction qu'elle suit et nous avertir qu'elle sera ici
demain matin. Le même courrier annonce la nomi-
nation du sergent-major Camps au grade de sous-
lieutenant.
A huit heures du soir, la colonne annonce son
approche par des fusées qui sont très bien vues de
la citadelle et saluées par les hourrahs de la gar-
nison.
1er mars. — Nuit et journée assez calmes,
l'artillerie de l'adversaire ne se fait plus entendre,
LA DÉLIVRANCE «7
bien qnMl ait refait les embrasures détruites par
notre canon de 80 millimètres.
Un emplacement de batterie a été préparé contre
les Tonkinois ; cette batterie est dans une situation
telle qu'elle ne peut être contrebattue par notre
artillerie du mamelon.
Le cheminement des Chinois contre les tirailleurs
tonkinois continue ; outre la sapé qui suit la route
et se dirige sur la face sud du cantonnement, ils en
ont ouvert une seconde qui s'avance contre la face
ouest.
Retranchements chinois.
Nous avons vainement attendu la colonne hier et
aujourd'hui. A sept heures et à neuf heures du matin,
des fusées rouges sont aperçues dans la direction
des gorges de Yuoc.
Les Chinois tirent beaucoup pendant toute la
journée. Malgré nos travaux de défense et les pré-
cautions prises, ils blessent encore deux hommes.
128 LK SïhGE DE TUYEN-QUAN
Dans la nuit le brave sergent de la légion Thé-
venet, meurt des suites de sa blessure.
2 mars. — Fusillade entretenue nuit et jour ;
aucun incident important à Tuyen-Quan. Toute
Taprès-midi, on entend la canonnade et la fusil-
lade dans la direction de Yuoc, à une distance de
six à huit kilomètres.
Une communication défilée est établie entre la
citadelle et les tirailleurs tonkinois. Dans la soirée,
l'ordonnance du pasteur Boisset est très griève-
ment blessée près de son maître.
3 mars. — Une fusillade assez vive est dirigée
toute la nuit contre la citadelle ; vers quatre heures
du matin^ cette fusillade, qui était destinée à mas-
quer la retraite des Chinois, cesse complète-
ment.
La canonnade que Ton a entendue la veille du
côté de Yuoc, annonçant l'approche de la colonne
qui vient débloquer Tuyen-Quan ,il y a lieu de sup-
poser que les Chinois se sont retirés pendant la nuit :
une patrouille do Tonkinois est envoyée au retran-
chement le plus avancé qu'elle trouve évacué.
Le premier mouvement de terrain en avant de la
face sud est alors occupé par une section de tirail-
leurs tonkinois, et une section de légionnaires est
appelée pour former réserve.
De ce premier mouvement de terrain, une pa-
trouille est envoyée au village qui est égalemeut
LA DÉL VRANGE 129
trouvé abandonné; un poste de tirailleurs tonki-
nois est établi sur la rivière sud du village.
En même temps, pour nous prolonger sur la face
ouest, une demi-section de Tonkinois, commandée
par le sergent André de la légion, gagne le saillant
sud-ouest par une des tranchées de l'adversaire;
elle trouve au saillant quelques Chinois qui sont
tués; de là, elle se porte sur le mamelon Brûlé
qu'elle occupe.
Dans une chambre souterraine se sont retirés
quelques Chinois qui se défendent en désespérés.
En voulant y pénétrer directement, les Tonkinois
ont un homme tué et un blessé.
La section de la légion, qui forme réserve, arrive
aussitôt, conduite par le capitaine de Borelli, com-
mandant de la compagnie à laquelle appartient
cette section; un des légionnaires voulant aller
droit aux Chinois est tué.
Le capitaine de Borelli fait alors boucher la sortie
et tous les créneaux de la casemate avec de la
paille humide et fait ensuite enfoncer la toiture.
On parvient ainsi à atteindre cinq Chinois qui
meurent les armes à la main, sans vouloir se
rendre.
Nos soldats sortent de la citadelle.
Quel spectacle!
Environ 50 à 60 mètres d'ouverture au rem-
part ; de nombreux gabions renversés ; des boyaui
130 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
couverts arrivant de toutes parts du côté de l'en-
nemi; des cowp-coups^ et des fusils de divers
modèles semés ça et là; des outils oubliés pêle-
mêle; vingt-six cadavres sont encore entassés à
demi-nus, au fond de Tun des trous en entonnoir
produits par la mine.
Ailleurs, des mamelons couronnés par des tran-
chées, la plaine sillonnée par des chemins couverts,
des matériaux énormes amoncelés avec une in-
croyable opiniâtreté.
Vers dix heures du matin, passent successive-
ment, à 3,500 mètres de la place, deux colonnes
chinoises se rendant de Dong-Yen à Yla, la pre-
mière forte environ d'un millier d'hommes et la
deuxième de 600. Plusieurs coups de 80 millimètres
forcent ces colonnes à rompre leur ordre de
marche.
Vers deux heures de l'après-midi nous entendons
le clairon français sonner la marche des turcos
dans les broussailles qui sont en aval de l'emplace-
ment du village annamite.
Bientôt apparaissent les vestes bleu clair à galons
jaunes de ces braves Africains et les vareuses
sombres de Tinfanterie de marine.
Un hourrah enthousiaste s'élève du rempart où
la garnison agite triomphalement ses armes et ses
coiffures.
Des officiers qui voient la guerre depuis long-
LA DÉLIVRANCE 131
. temps, laissent couler sur leurs joues fatiguées de
grosses larmes de bonheur.
Bientôt les deux troupes se joignent, les rangs
sont confondus, on s'embrasse, on se serre la main.
Les clairons sonnent aux champs, les troupes
présentent les armes.
Le général Brière de Tlsle et le colonel Giovani-
nelli viennent d'entrer dans la citadelle et donnent
l'accolade à l'héroïque commandant Dominé.
Rien n'est plus éloquent que les sept brèches de
l'enceinte, ces cinq autres mines, dont deux sont
déjà bourrées, le tiers de notre effectif hors de
combat, ces nombreuses tombes fraîchement re-
couvertes !...
Nos libérateurs ne peuvent en croire leurs yeux.
Ceux qui ont précédemment habité la citadelle,
ne la reconnaissent plus. On évalue à huit kilo-
mètres de longueur les tranchées faites par les
Chinois.
La garnison a été réduite à 420 hommes. Ses
pertes s'élèvent à 33 tués dont 2 officiers : les capi-
taines Dia des tirailleurs tonkinois et Moulinay de
la légion, et à 76 blessés, dont 4 officiers, le capi-
taine Naërt, le lieutenant Gœury, les sous-lieutenants
Vincent et Proye, tous les quatre de la légion.
A côté des troupes de la garnison, mentionnons
pour sa brillante conduite, la Mitrailleuse^ com
mandée par l'enseigne de vaisseau Senès, et qui
13i LE tlÈGE :)i: TUYEN-QUAN
prêta le plus puissant concours au commandant
Dominé pendant ce siège mémorable.
L'officier et les quinze hommes d'équipage furent
tous plus ou moins blessés pendant le siège. Pour
sa part, M. Senès reçut une balle dans le mollet et
un éclat d'obus dans le flanc.
La canonnière elle-même courut les plus grands
dangers, manœuvrant constamment pour éviter les
brûlots que lui lançaient les Chinois. Un jour, une
grande fusée incendiaire tomba sur sa paillote et
y communiqua un commencement d'incendie rapi-
dement étouffé. Une autre fois une bombe faillit
faire sauter la Mitrailleuse y et tomba tout près d'elle
dans la rivière Claire. M. Senès fut décoré et
nommé lieutenant de vaisseau.
Le commandant Dominé, dont le nom mérite de
figurer en lettres d'or dans l'histoire de cette
guerre , est nommé lieutenant-colonel ; tous ses
soldats en sont fiers ; tous ils ont noblement rempli
leur devoir , comme l'atteste l'ordre général du
commandant en chef:
Officiers, sous-officiers, soldats et marins de la garnison
de Tuyen-Quan,
Sous le commandement d'un chef héroïque, le chef de bataillon
Dominé, vous avez terni tète pendant trente-six jours, au nombre
de six cents, à une armée, dans une bicoque dominée de toute.>
parts.
Vous avez repoussé victorieusement sept assauts.
Un tiers de votre effectif q\ presque tous vos officiers ont été
L\ D£UV11,1.\CE 133
brûlés par les Diiaes ou froppés par les balles el lés obus chinois,
mais loB cailavres de l'enaemi junchent encore les trois brécbes
qu'il u vainemeot faites ua corps de place.
Aujourd'hui, vous faites l'admira lion des bravea troupes qui vous
ODt dégagés au prii de tant de fatigues et de sang versé. Oemaio,
vous serez acc'am(s par la France eatiéie.
Vous tous aussi, vous pourrez dire avec orgueil:
< J'étais de la garnison de lujeii-Quan ; j'étais sur la canonnière
la Mitrailleuse, i
Au quartier général i) Tuyen^Quan, le 3 mars 18%.
BaiiBE lu l'Isli
Auaqoe des relranchâmuili ctÙDois t Yi
CHAPITBE X
COUBATS DE YUOC
La lii'igads Giovanlnelll. — Son chef. — Départ de Lang-Son- —
Par le brouillord. — Les pontonniers. ~ Traînards chinois. —
Les montagnes de marbre. — Le champ <)e balailte de Bac-Lé.
Tombes violées, — Chemins iraprniicables. — Arrivée A Lang-
Kep. — A HaLoi. — La colonne de Maussion- — Concentration
COMBATS DE YUOC 135
ib 1 1 ( olonne de secours à Bâc-Hat. — En marche sur Tuyen-
(J :pn. — Difficultés de la marche. — Retards de la flottille. —
Les retranchements chinois. — Attaque des tirailleurs tonkinois.
— Combat des 2 et 3 mars. -- Pertes énormes. — Une nuit ter-
rible. — Un suprême effort. — Attaque des turcos. — Une
demi-compagnie détruite par une mine. — Retraite de Luh-Yinh-
l'huoc. — Officiers tués et blessés. — Audace d'un prisonnioi
chinois. — Nos canonnières traînées par les marins. — Pertes df
l'infanterie de marine.
Au : cours de la période des opérations contre
Laiig-Son, les nouvelles reçues de Tuyen-Quan
montraient cette place de plus en plus pressée par
le corps de siège de Tarmée du Yun-Nam. Les tra-
vaux d'approche étaient poussés avec une précision
et une méthode que Ton étrit loin d'attendre de la
part d'une armée chinoise.
La garnison, trop faible pour faire des sorties,
ne pouvait qu'opposer une résistance pied à pied
aux attaques du corps de place que préparaient
des brèches faites à la mine.
Ces brèches avaient, il est vrai, été toujours
couronnées par les solides troupes du commandant
Dominé et les assauts vigoureusement repoussés ;
mais les pertes journalières affaiblissaient d'une
manière constante la petite garnison, et il y avait
lieu de se hâter de la dégager.
En arrivant à Lang-Son, le général Brière de
risle reçut des nouvelles trop graves de Tuyen-
Quan pour différer plus longtemps de débloquer
cette place.
•1
136 LE SIEGE DE TUYEiN-QUAN
Dès le 15 février, il décide de laisser dans cette
ville la ^ brigade (général de Négrier), de partir
aussitôt le lendemain avec la \^ brigade (colonel
Giovaninelli), sans pouvoir accorder à ces dernières
troupes le repos mérité.
Cette brigade était ainsi composée :
Infanterie de marine (lieutenant-colonel Chau-
mont). Bataillon Lambinet, bataillon Mahias :
Tirailleurs algériens (lieutenant-colonel Letellier).
Bataillon de Mibielle, bataillon Comoy ;
Tirailleurs tonkinois, bataillon Tonnot;
Artillerie : Batterie 4 bis (80 millimètres portée) ;
Ropperh, batterie 5 bis (80 millimètres portée),
Péricaud; batterie 3 bis (4 R. M. traînée), Rous-
sel.
Plus des sections d*ambulance, du génie, des
pontonniers et de la télégraphie optique.
Le commandant de cette brigade, le colonel Gio-
vaninelli, qui devait recevoir plus tard les étoiles
de génér4 de brigade, en récompense de sa con-
duite héroïque lors de la prise de Lang-Son, est un
de nos officiers les plus distingués.
M. Giovaninelli est né à Castello-de-Rostino ,
(Corse), le 5 septembre 1837; il est entré à l'école
de Saint-Cyr en 1855. Sous-lieutenant à la légion
étrangère le 8 octobre 1857, il a fait successive-
ment les campagnes d'Afrique, d'Italie, du Mexi-
que, et en 1870, s'évadant de Metz le jour de la
1
COMBATS DE YCOC 137
reddition, il combattait une semaine après dans le
nord, et ensuite à Paris.
Blessé plusieurs fois, cité à Tordre du jour de
l'armée, il a été nommé chevalier, puis officier de
la Légion d'honneur, et il a acquis devant Tennemi
tous ses grades jusqu'à celui de chef de bataillon.
Il est colonel du 22 août 1880.
Le général Brière de Flsle quitte Lang-Son avec
la brigade Giovaninelli le 16 février, à huit heures
du matin.
Cette colonne doit suivre la route mandarine par
Cut, Than-Moï, Bac-Lé, le Kep et rentrer à Hanoï
d'où elle remontera aussitôt dans la direction de
Tuyen-Quan.
Le brouillard qui accompagne les troupes depuis
Vanvi est plus intense que jamais, le terrain est aussi
glissant que dans les pays de verglas; mais le soldat
est heureux de prendre le chemin du retour, une
fois le devoir accompli !
Cette premièreétapeostextrêmement dure ;'on tra-
verse, de dix à deux heures, sept fois Teau ; on rentre
ensuite dans la région des rampes et des pentes où
les paliers brillent par leur absence.
A quatre heures du soir, on a fait 16 kilomètres ;
il faut s'arrêter, car la nuit vient, et l'empla-
cement est propice pour un bivouac en temps
de guerre.
Cette nuit est pénible pour tout le monde ; il n'a
8.
138 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
cessé de pleuvoir et les troupes se remettent en
marche au petit jour, mouillées et couvertes de
boue.
Les pontonniers sont toujours ^n tête, sapant,
piochant, pratiquant à la hâte des escaliers dans
les pentes trop raides. Les auxiliaires tonkinois cap-
turent dans un petit hameau six réguliers.
A tout instant, notre avant-garde tire des coups
de feu; les naamelons sont pleins de traînards qui
flanquent peut-être des partis chinois.
Du reste, si on en juge par les défroques dont la
route est couverte, par les amas de cendres encore
chaudes, Tennemi a dû passer par ici depuis peu.
Le tir de notre avant-garde a porté; on compte
une centaine de cadavres au fur et à mesure de la
marche.
M. Pierron, lieutenant du service topographique,
qui va sans relâche, sa boussole et son carnet à la
main, signale, avant Cut, la ligne du partage des
eaux.
Espérons que le nombre d'arroyos va diminuer ;
nous avons traversé onze fois Teau depuis le départ
du bivouac.
La vallée s'élargit ; nous arrivons près de Than-
Moï, à peu près à la hauteur de Dong-Son, dont nous
reconnaissons les crêtes sur notre gauche.
Des rochers à pic se dressent sur notre droite.
Ce *îontles montagnes de marbre, chaîne immense,
COMBATS DIC YUUC 139
peuplée de daims et de tigres, couverte d'arbres
* qui tiennent sur ses flancs par un miracle d'équi-
libre.
La grand'halte a lieu dans un site des plus
pittoresques ; on croirait voiries cailloux de la baie
d'AUong faisant face aux forêts jurassiques du
Déo-Van.
Les villages sont moins rares ; voici un groupe
de notables qui viennent exprimer au commandant
en chef leur satisfaction d'être débarrassés des
Chinois; ils apportent à Tétat-major des provisions
d'œufs et de poulets. Qje n'ont-ils aussi du pain,
5[ui remplacerait avantageusement le biscuit rebelle
^ue nous savourons depuis Chu.
Les formidables ouvrages amoncelés par l'ennemi
dans les défilés devenus légendaires de Bac-Lé,
apparaissent après Than-Moï, où nous cantonnons
dans la nuit du 17.
La route est barrée et coupée, les pontonniers
accomplissent des tours de force pour permettre
à Tartillerie et au convoi de passer.
Les difficultés sont telles qu'il faut s'arrêter et
que les chasseurs d'Afrique sont chargés de recon-
naître la route le plus loin possible. Ils reviennent
bientôt, car, à une distance de deux kilomètres du
point où nous nous trouvons, l'ennemi a abattu les
arbres et les a jetés sur le passage.
La journée est exténuante pour le lieutenant
110 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN
Rémusat et ses pontonniers, mais ils ne se ménagent
pas et la colonne peut continuer sa marche.
Nous voici devant Hao-Lac, le champ de bataille
du 22 juin 1884.
Les bandits ont violé les tombes, sans doute
pour décapiter nos morts. L'émotion est profonde ;
nous nous découvrons et les compagnies défilent
silencieusement au port d*armes.
Les montagnes de marbre vont se perdre dans
l'ouest; il n'y a plus de retranchements dans les
gorges traversées.
Les traces chinoises cessent ; l'ennemi a quitté,
en cet endroit, la route mandarine.
Nous pouvons visiter à notre aise les forts
casemates pris à revers. Si les Chinois n'avaient
pas tiré trop tôt en juin 1884, s'ils avaient permis
au colonel Dugenne de s'engager plus avant, pas
un homme n'eût pu s'échapper.
Les anciens combattants de Bac-Lé, qui font
partie de la colonne, vantent, à ce propos, les quali-
tés militaires et l'énergie du colonel Dugenne, qui
a su rallier sa troupe sous un feu meurtrier. Ils
désignent à leurs compagnons le mamelon sur lequel
le lieutenant Bailly avait installé son poste d'op-
tique, à 2Ô mètres à peine des Chinois.
De Bac-Lé àCao-Son, il y a 13 kilomètres ; mais
la route, assez large en certains endroits traverse
des marais ou le passage praticable devient très
COMBATS DE YUOC 14Î
étroit; les hommes enfoncent dans la vase jus-
qu'aux genoux.
Un cavalier, qui s'est trop écarté de l'itinéraire
tracé par les éclaireurs, tombe dans un trou de
2 mètres, d'où on le retire à grande peine.
I Dans la saison des eaux, cette route mandarine
sera impraticable si on ne construit des ponts,
entreprise facilitée par la quantité de bois de haute
futaie qui se trouve à portée de la main.
L'état-major devance la colonne. En arrivant à
Cao-Son, le 19 février, nous trouvons une route
splendide que des certaines d'Annamites continuent
tout près de Song-Thuong.
De nombreux travaux ont été faits à Lang-Kep
depuis la fin de 1884, sous la direction du colonel
Godard, commandant d'armée de ce poste.
Le fort établi sur un mamelon, que Ton a dû dé-
fricher, est un bijou ; tout y est propre, bien rangé.
Il y a un cercle pour les officiers, des jeux pour
les soldats, sans compter que la position est impor-
tante, car on peut circuler dans un rayon de 16 kilo-
mètres sous la protection du canon.
Un monument, auquel on met la dernière main,
a été élevé, à 500 mètres du fort, à la mémoire
des braves tombés en octobre, après la prise de ce
village.
Au Kep, on apprend avec une vive satisfaction
que le digne aumônier militaire, l'abbé Gibert,
^
142 LE SIÈGE DE TUicii-yJAN
dont le dévouement a été au-dessus de tout éloge,
vient d'être nommé chevalier de la Légion d'hon-
neur.
Du Kep par Phu-Lang-Thuong, la colonne arrive
à Dap-Cau où elle passe la nuit, et de là se remet
en route pour Hanoï, où elle arrive en face de la
concession le 22 au soir.
Déjà, dès le 17 février, le colonel commandant
supérieur du Delta, ne croyant pas à un aussi
prompt retour de la l"*' brigade, a constitué une
petite colonne qui, sous les ordres du lieutenant-
colonel de Maussion, comprend deux compagnies
de tirailleurs algériens, une compagnie de la légion
étrangère, deux compagnies et demie de tirailleurs
tonkinois, quatre pièces de 4 R. M., traînées par
des coolies ; troupes tirées des garnisons de Hanoï,
Hong-Hoa et Sontay.
Les canonnières déposent à Bac-Hat cette sorte
d'avant-garde, qui fait deux longues étapes.
Le 24 février, le colonel de Maussion se trouvant
à Phu-Doan, apprend que les assiégants ont tenté
dans la nuit du 21 au 22 février un assaut terrible,
qui a été heureusement repoussé.
La première brigade est partie aussitôt de Hanoï
et se concentre les 23 et 24 février à Bac-Hat,
organise son parc et son convoi, dont les transports
doivent s'effectuer exclusivement par jonques et
sampans.
COMBATS DE YUOC 143
A cette même date, le général Brière de l'Isle^
le colonel Borgnis-Desbordes et tout Tétat-major
s'embarquent sur VÉclair, suivi par les canonnières
Henri-Itivière, Berthe-de-ViUerSy Moulun et Trombe,
qui emportent les dernières troupes.
Toute la colonne réunie à Bac-Hat se met en
route par terre sur Phu-Doan ; la flottille, malgré
l'état stationnaire des eaux de la rivière toujours
très basses, reçoit Tordre de tenter l'impossible
pour se maintenir à la hauteur de la colonne et
arriver avec elle devant l'ennemi.
Celui-ci, fortement retranché à Hoa-Moc, en
aval de Yuoc, aurait été alors sérieusement menacé
par les canonnières qu'il ne s'attendait point à voir
venir jusqu'à lui.
Dans sa marche, la colonne remonte la rive
droite de la rivière Claire.
Traversant un pays très couvert, coupé de ravins
à pentes à pic, la route ne présente là où elle existe
qu'un mauvais sentier de piétons qu'il y a lieu de
transformer pour le passage de nos mulets ; bien
plus, elle cesse brusquement de Cham à Phu-
Doan, et la brigade doit la construire, en employant
même parfois la dynamite; des éperons boisés et
rocheuxse dirigent perpendiculairement àla rivière,
qu'ils surplombent, et ne permettent aucune
recherche de tracé par la berge.
Cette solution de continuité est connue ; la colonne
144 LE SIÈGE DE TUYEJN-QUAN
d'occupation de Tuyen-Quan (juin 1884), la colonne
Duchesne (novembre 1884), la garnison envoyée à
Phu-Doan (décembre 1884), ont dû, pour franchir
cette partie du parcours, s'embarquer de Ciiam à
Phu-Doan ; ce procédé nous est interdit, et par
l'eflfectif de la colonne et par la situation des eaux,
qui ne peuvent laisser espérer le passage des ca-
nonnières qu'à condition qu'elles soient complète- j
ment allégées.
Enfin, le 27, la colonne est à Phu-Doan. Rejointe
par ses jonques et sampans, elle se ravitaille en
vivres, traverse le Song-Chaï le 28, et se met en
marche vers Tuyen-Quan.
Quant à la flottille, les efi'orts de ses équipages
ne peuvent lui permettre, de se maintenir à la
hauteur de la colonne, ses échouages nombreux,
par des fonds où les canonnières doivent parfois
être traînées à force de bras, lui donnent déjà un
retard de douze heures sur les troupes.
Cette région boisée, accidentée, est des plus fa-
vorables à la défense.
Les Chinois, qui remuent la terre avec une faci-
lité incroyable, se sont surpassés. A huit kilomètres
de Tuyen-Quan, depuis Yuoc, de formidables
retranchements casemates sont appuyés par des
tranchées établies le long de la rivière Claire avec
fossés de deux mètres de profondeur.
En avant, dans les hautes herbes, sur une étendue
COMBATS DE YUOC 145
d'un kilomètre carré, des bambous taillés en pointe,
habilement dissimulés et se confondant avec la ver-
dure, déchirent cruellement les jambes de nos
soldats.
Le 2 mars, vers dix heures du matin, Tavant-
garde de la colonne Giovaninelli détache des tirail-
leurs tonkinois pour déblayer le terrain.
On sent la présence d'un ennemi invisible. Luh-
Vinh-Phuoc ne commet pas les fautes des généraux
chinois à Noui-Bop et ailleurs ; pas un pavillon en
vue, pas une tente, une tranquillité parfaite ; on
pourait se croire dans un pays abandonné.
C'est le calme lourd, précurseur des oura-
gans.
En effets les Tonkinois, qui s'avancent dans les
hautes herbes, essuient une décharge à bout por-
tant ; ils sont tombés sur un ouvrage occupé par
les Pavillons-Noirs, qui se précipitent aussitôt pour
décapiter les blessés ; un tirailleur de la compagnie
Garnier, qui n'a pas été atteint, est pris, ligoté et
amené devant Luh-Vinh-Phuoc, entouré de plus
de trois cents officiers.
Ayant réussi à s'échapper quelques heures plus
tard , il donne lui-même ces détails à Tétat-
raajor.
Aux questions posées par le vieux chef de parti-
sans, ce Tonkinois a répondu que les Français sont
venus au nombre de dix mille, qu'ils ont des canons
9
»G LE SIÈGE DE TUYEN-QDAN
portés par des chevaux, et qu'ils sont résolns à
débloquer Tuyen-Quan cofite que co6te.
Entre temps, Dotre infanterie prend ses positions
de combat.
Il faut cette fois attaquer do front, et l'on peut
dire que les journées des 2 et 3 mars, à Yuoc, ont
été les plus meurtrières de toutes nos lattes au
Toukin.
Le 2 au soir, deux attaques successives sont de-
meurées sans résultat; l'infanterie de marine a déjà
15 officiers et 250 hommes tués ou blesses. Le ba-
taillon Mahias se trouve en première ligne.
COMBATS DE YUOC 147
La nuit est terrible ; on est arrêté à deux cents
mètres de Tennemi, dans une obscurité complète, au
milieu des hautes herbes, sous la jiuie ; les Chinois
tirent sans relâche. Il est impossible d'allumer des
feux, et le docteur Masse frotte de temps à autre
une allumette pour rajuster les pansements de seô
64 blessés au milieu des morts et des mou-
rants.
Le capitaine Bourguignon a la mâchoire fra-
cassée.
On entend distinctement les ordres donnés dans
le camp ennemi.
Un sergent d'infanterie de marine, qui s'est égaré
dans le brouillard, a la tête coupé.
D faut vaincre à tout prix et délivrer Tuyen-
Quan.
Nos pertes sont énormes, mais jamais troupes
n'ont été plus admirables dans leur entrain et leur
énergie au feu.
On peut se demander si jamais des compagnies
ayant laissé dans la soirée leurs officiers et une
moitié de leur effectif sur le terrain pour conqué-
rir une position, ont repris d'elles-mêmes, le lende-
main, le mouvement en avant contre des ouvrages
qu'il fallait emporter d'assaut. Tel est Cependant le
spectacle qu'offrent les bataillons de notre brigade]
le 3 mars au matin.
Au petit jour, un suprême effort est tenté : « mar-
ItS LB SIKGE DE TDYEH-QDA»
souins i> et turcos s'élancent sur les lignes ennemies
avec une furie telle qu'ils arrivent dans les retraa-
chements chinois, malgré les fougasses et les mines
qui éclatent sous leurs pas.
Dans cet assaut final, une mine éclatant met
hors de combat quarante de nos braves Algériens
dans une aeale compagaie.
Uioe 6dHl*Dl au miJleu detlurcos () msts).
Les travaux élevés par les Pavillons-Noirs scmt
formidables. Des lignes brisées de parallèles s'éten-
dent sur une longueur de 8 kilomètres jusqu'à la
citadelle de Tuyen-Quan : daos les redoutes, de
longs tujaux en bambous, traversant les meur-
trières, permettent aux Chinois d'exécuter des feux
croisés, dans une direction habilement choisie, de
COMBATS DE YUOC 149
telle sorte que le terrain est battu sur tous les
points accessibles.
En dehors de leurs sapes, de leurs mines, les
Célestes ont rétabli des batteries de 4, d'obusîers
de 22 et de fusils de rempart.
On évalue à 15,000 environ le nombre des Chi-
nois bien postés, bien armés, soutenus par l'armée
régulière de Yun-Nam, que la première brigade a
dû déloger de Yuoc et des ouvrages du Hoa-
Moc.
Les cadavres chinois laissés dans les redoutes
prouvent que nos artilleurs et nos fantassins ont
bien travaillé. Dans les tranchées, nos hommes
marchent sur un lit de douilles de cuivre et de balles
de plomb entassées sur une épaisseur de plus d'un
mètre.
A deux heures, Tuyen-Quan est débloqué, mais
au prix de quels sacrifices. Nous avons 6 officiers
et 70 hommes tués ; 21 officiers et 387 hommes
blessés.
Dans les morts: le capitaine Tailland, les lieute-
nants de TEstoile, Moissenet, le sous-lieutenant
Brun ; parmi les blessés, les capitaines Bourgui-
gnon (mort le 12 mars à Hanoï), Chanu, (décédé),
Salle ; les lieutenants Lagarde, Moudon, Verzeau,
Chenagon, Bellier, de Garge; les sous- lieutenants
Le Heiget et Guénin, tous de l'infanterie de ma-
rine.
9.
150 LE SIÈGE DE TUTEN-QUAN
Les tirailleurs algériens ont au nombre de leurs
morts : le capitaine Rollandes et le lieutenant Em-
barck, et parmi leurs blessés, les capitaines Valet,
Chirouze ; les lieutenants Mohamed-ben-Mehmed,
Mohamet-ben-Embarck , Mehemed-ben-Mohamed,
Guignabaudet, les sous-lieutonants Pejre (décédé le
9 mars à Hanoï), Roug et Pierri.
M. Donnât, sous-lieutenant aux tirailleurs tonki-
nois, est également blessé.
Les pertes des Chinois sont énormes : ces gens-
là ont fait preuve d'une ténacité et d'une résolution
extraordinaires.
Un prisonnier fait par nos Tonkinois, a su trom-
per la surveillance de ses gardiens, au point qu'il
avait tendu à Thomme qui l'attachait, au lieu de son
pied, un bas rempli de sable ! Dans la nuit, il se
débarrasse de ses vêtements, prend dans le poste
où il est enfermé deux fusils, qu'il passe en ban-
doulière et s'élance dehors avec une audace
inouïe.
On le rattrape pourtant, et on lui demande dans
quel but il a pris les fusils. U répond que c'est pour
bien établir auprès de ses chefs, qu'il comptait
rejoindre, qu'il a été notre prisonnier, et pour
qu'on ne le soupçonnât pas de s'être caché au mo-
ment du combat.
Il est temps de parler des canonnières, leBerthe-
#
de-Villers, le Moulun, le Henri-Rivière, V Eclair et la
COMBATS DE YDOC 151
Trombe^ dont le rôle a été des plus pénibles et qui
>nt surmonté des obstacles indescriptibles.
Le 28 février, la flottille était à Phu-Doan;
,' Éclair, portant le pavillon du général en chef,
Duvrait la marche, les autres la suivaient, et le
Berthe-de-Villers remorquait en outre un immense
chaland, le CuorCam^ qui devait servir, pensait-on,
à faire passer l'artillerie.
Bientôt V Éclair toucha ; à partir de ce moment,
ce fut une navigation dont on ne peut avoir aucune
idée.
Des échouages tous les quarts d'heure, des passes
dont la plupart ont juste la largeur des canon-
nières ; des bancs variables avec tous les dangers
que présentent les roches dont la rivière Claire est
couverte.
Ah ! la belle voie navigable qu'ont découverte là
les premiers explorateurs du TonkinI
Aussières brisées, nécessité de culer sur les
ancres à tout moment ; tout arrive à la fois et les
équipages sont sur les dents.
Le Henri-Rivière reste échoué 53 heures !
Entre temps on entend la fusillade : officiers et
matelots pleurent de rage de ne pouvoir prendre
part au combat ; la lutte qu'ils soutiennent est
aussi pénible, mais plus ingrate.
Que trois canonnières seulement arrivent en
temps opportun devant les positions chinoises ; elles
152 LE SIÈGE DE TOTEN-QUAN
en tourneraient la gauche, et l'action de leur
puissante artillerie économiserait le sang français
dans une proportion qu'on ne peut supputer sans
un serrement de cœur.
Enfin, par des efforts inouïs, surhumains, le
Uerthe-de-Villers, remorquant toujours son fameux
chaland, arrive devant Tuyen-Quan, le 4 mars, à
9 heures du matin, à la stupéfaction de tous. Le
commandant Plazen a traîné son bateau sur les
galets depuis Yuoc.
Le Moulun arrive ensuite; puis successivement
la Trombe^ VÉclair, et le Henri-Rmère.
Le commandant en chef avait déjà chaudement
félicité M. Plazen ; il cita toutes les canonnières à
Tordre.
Seul, le Beriherde-Villers rentra le 17 mars à
Hanoï, intact et sans autres avaries que des cor-
dages brisés.
Après les combats des 2 et 3 mars, Luh-Vinh-
Phuoc rallia son armée à Tuan-Quan, près du
premier rapide du fleuve Rouge. Déjà, le 4 mars,
le FranciS'Garnier avait canonné les fuyards vers
Già-Du (au-dessus de Hong-Hoa) et leur avait fait
subir des pertes sérieuses.
Mais la brigade Giovaninelli ne put poursuivre
les Chinois dans cette nouvelle position : nos troupes
étaient fatiguées par ces marches héroïques, les
bataillons réduits par ces combats meurtriers;
COMBATS DE YUOC fM
ainsi le bataillon Mahias de l'iEifanterie de marine,
qui avait quitté Hanoï, le â6 décembre, avec 600
hommes et 19 officiers, ne comptait plus que 307
hommes et 6 officiers après les assauts de Ha-
Moc.
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