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Full text of "Siege de tuyen-quan du Novembre 1884 au 3 Mars 1885"

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LE SIÈGE 



DE 



TUYEN-QUAN 



I.MlMtlMRBHIE CHAlX, HUE BER'iKUF, 20, PARIS. — 2i7nO-n-«. 



DE 

TUYEN-QUAN 

DU 24 NOVEMBRE 1884 AU 3 MAKS 1885 



DICK DE LONLAY 



ILLUSTRÉ DE 46 DESSINS PAR L'AUTEUR 
Deuxième édition 



PARIS 

GARNIER FRERES, LIBRAIRES-EDITEURS 

6, RUE DES SAlNTS-PËREa, 6 

1889 



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LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 



Le litmtlver farce les barrages ds Yuoc (6 Juin IS84)> 

CHAPITRE I 

OCCUPATION DE TUYEN-QUAN 



Srtnalion géographique de Tujen-Quan. —La première eipédi lion. 
— Lca canonnitros. —Le lieutenant-colonel Ducheane, — En 
Dftrcfao sur Tujea-Qusn. — Aspect de k citadelle. — L'occupa- 



2 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

tion. — Le Revolver et la Mitrailleuse. — Combat du Revolver. 
— Acte d'héroïsme de l'enseigne ïestu de Balaincourt. — Le 
blocus de Tuyen-Quan. 



Parmi les brillants faits d'armes qui ont marqué 
la campagne du Tonkin, Tun est resté célèbre entre 
tous. C'est la défense héroïque de Tuyen-Quan, où 
une poignée de légionnaires sous les ordres du brave 
commandant Dominé, se défendirent pendant do 
longs mois avec une ténacité et une énergie indomp- 
table qui rappelle la mémorable défense de Maza- 
gran par les zéphirs du capitaine Lelièvre. 

La citadelle de Tuyen-Quan, se trouve perdue 
dans les montagnes du Tonkin, sur la rive droite de 
la rivière Claire, à cent kilomètres environ à vol d'oi- 
seau en aval de la frontière du Yun-Nam. 

Après la prise de Hong-Hoa par nos troupes, en 
mars 1884, il était nécessaire de refouler les 
Pavillons-Noirs vers la frontière de Chine et de les 
empêcher de descendre sur la rive gauche du fleuve 
Rouge, où l'on signalait chaque jour de nombreuses 
exactions commises par les bandes de Luh-Vinh- 
Phuoc, jusqu'à hauteur de Hong-Hoa. 

Dans ce but le général Millot résolut de faire 
occuper Tuyen-Quan, qui, vu sa position, devait for- 
mer un excellent poste avancé. 

La colonne expéditionnaire se composait d'un 
bataillon de la légion étrangère tiré de Hong-Hoa, 
do deux compagnies de turcos, d'une batterie de 4 



OCCUPATION DE TUYEN-QUAN 3 

de montagne et d'un convoi de soixante jours de 
vivres pour le détachement qui devait tenir garnison 
à Tuyen-Quan, et.de quinze jours de vivres pour la 
colonne. Celle-ci devait côtoyer la rivière, escor- 
tée par les canonnières 7a Trombe j V Éclair, le Ya- 
tagan, le Mousqueton, h JRevolver, la Mitrailleuse 
(ces deux dernières du type des canonnières Farcy, 
si connues pendant le siège de Paris). 

Le lieutenant-colonel Duchesne, de la légion, a 
le commandement supérieur, le lieutenant de vais- 
seau Capetter, de la Trombe, celui de la flottille. 

Le 25 mai, les troupes, tirées de Hong-Hoa, tra- 
versaient le fleuve Rouge par une marche des plus 
pénibles, dans une région boisée, profondément ra- 
vinée et sous une chaleur accablante. Elles attei- 
gnaient le même jour le village de Vintri, sur la 
rivière Claire, où elles établissaient leur campe- 
ment. Le lendemain, les tirailleurs algériens et la 
flottille venant de Hanoï arrivaient au rendez-vous. 

Le 27, on se met en marche, la colonne chemi- 
nant par terre et ne marchant qu'aux heures où la 
chaleur est supportable. La flottille l'escorte et 
l'on s'arrête à Yen-Doa. 

Le 28, le général Millot arrive à Hanoï pour 
prendre en personne la direction des opérations, et 
amène avec lui une troisième compagnie de tirail- 
leurs algériens 
" Ce jour-là, l'étape est dure, la route si difficile 



4 LE SIÈGE DE 1 UYEN-QUAN 

que l'artillerie de montagne, traînée par les coolies, 
ne peut suivre et qu'on est obligé de rembarquer 
sur la flottille. 

Le lendemain la route est encore plus péniblo ; 
les sentiers se rétrécissent, une végétation exubé- 
rante masque toute vue ; pour continuer sur Tuyen- 
Quan par terre, il eût fallu imposer au soldat dos 
fatigues inutiles ; le général en chef embarqua la 
colonne sur la flottille et la débarqua en deux fois 
à Phu-Dian-Hung, à quinze kilomètres de Tuyen- 
Quan , point où la rivière Claire se divise en deu x 
bras. 

Le 31 , la concentration des troupes est terminée 
et Ton reprend la marche sur Tuyen-Quan. 

Le 1°^ juin, au point du jour, on arrive en vue 
de la citadelle; c'est un vaste carré commandant 
une plaine en forme de cuvette, admirable position 
militaire, qui domine la vallée de la rivière Clairn. 

Les canonniers ouvrent le feu sur l'ouvrage ; ce- 
lui-ci ne répond pas. Quelques groupes de Pavil- 
lons-Noirs manœuvrent sur les montagnes et sem- 
blent battre en retraite. 

La flottille jette ses embarcations en avant avec 
ses compagnies de débarquement, afin d'enlever 
la forteresse, mais l'avant-garde de la colonn(3 
rivalise d'ardeur avec les marins, pousse dans la 
direction de la citadelle, et un soldat de la légion 
étrangère y plante le drapeau français. 



OCCUPATION DE TUYEN-QUAN 5 

La forteresse était évacuée, les magasins vidés. 
On n'y trouva que quelques mauvais canons de 
petit calibre. ij; 

L'opération était terminée : le lendemin 2 juin, 
le général Millot rentrait à Hanoï avec la colonne, 
laissant deux compagnies de la légion pour tenir 
garnison dans la citadelle conquise, ainsi que les 
deux canonnières le Revolver et la Mitrailleuse, com- 
mandées par MM. Testu de Balaincourt et Senès, 
tous deux enseignes de vaisseau. 

Ces canonnières, type Farcy, et qui ont plus de 
quinze années d'existence, avaient été débarquées 
par le Bayard dans la baie d'Allong et armées par 
lui en avril 1884. 

L'équipage de chaque canonnière était de quinze 
hommes. 

L'armement se composait d'une pièce de 14 à 
l'avant avec affût à masque en tôle, et d'un hotch- 
kiss installé à l'arrière sur les appartements du 
capitaine. 

Ces deux petits bateaux rendirent de très grands 
et très signalés services dans la rivière Claire. 

Dans les premiers temps de l'occupation de 
Tuyen-Quan, ils en firent vingt-deux fois le voyage 
aller et retour, naviguant dans un cours d'eau 
berné de récifs et de bancs de sable mouvants sur 
icfcjquels ils s'échouaient fréquemment. 

Pendant quatre mois, les bandes de Luh-Vinh- 



6 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

Phuoc laissèrent la petite garnison de Tuyen-Quan 
dans le repos le plus complet. 

Au commencement d'octobre, le vieux chef, ren- 
forcé par les réguliers du Yun-Nam , vient à la tête 
de 4,000 hommes cerner la citadelle. 

Du 13 octobre au 16 novembre, les Chinois atta- 
quèrent la place vingt-quatre fois sans succès. 

Une des deux canonnières, le Revolver, se décida 
à franchir la passe de Yuoc, à dix kilomètres au 
sud de Tuyen-Quan, où les Chinois, profitant d'un 
rapide dangereux, s'étaient formidablement retran- 
chés. 

En cet endroit le lit de la rivière Claire est 
obstrué de rochers : les Chinois ont, en outre, 
coulé de vieilles jonques qui forment deux barrages. 

La rive droite élève à pic ses pentes broussail- 
leuses où sont étagées plusieurs lignes de tranchées 
et quatre forts presque cachés dans les arbres, et 
que surmontent de nombreux drapeaux noirs. 

Dans les massifs de palétuviers et de bambous de 
la rive gauche, est installée une batterie de quatre 
pièces battant la rivière dans la direction des 
jonques coulées. 

Malgré ces nombreux obstacles , la vaillante 
canonnière n'hésite pas et se lance à toute vapeur. 

A sa vue, les ouvrages ennemis s'enflamment à 
moins de vingt mètres de distance : balles et 
boulets viennent fouetter l'eau de la rivière ou 



OCCUPATION DE TUYEN-QUAN 7 

frapper les parois métalliques du Revolver, qui, 
brisant avec son éperon les vieilles jonques et 
emporté par la force du courant, franchit le bar- 
rage, après avoir été criblé de projectiles. 

Malheureusement sur quinze hommes d'équipage 
treize sont tués ou blessés. 

Le capitaine, M. Testu de Balaiucourt, doit 
prendre la roue du gouvernail. Là, exposé à dé- 
couvert aux projectiles de l'ennemi, cet intrépide 
officier reçoit cinq grosses balles de fusil de rem- 
part et quatre balles de Winchester. Ces der- 
nières restent dans les chairs. 

Quoique criblé de blessures, il a encore la force 
de faire cinq heures de barre et de mettre son 
navire hors de l'atteinte des Chinois. En récompense 
de sa brillante conduite, M. Testu de Balaincourt 
fut décoré et nommé lieutenant de vaisseau. 

C'est le premier engagement sur la rivière 
Claire. 

Le 16 novembre, le lieutenant-colonel Duchesne 
quitte Hong-Hoa avec la légion étrangère et Fin- 
fanterie de marine, afin de débloquer la garnison 
de Tuyen-Quan, et remonte la rivière Claire dans 
des jonques. 

I Le 18, les troupes débarquent à Hoa-Moc, et 
bivouaquent sur la terre humide, à quelques pas 
des Chinois. 

Le 19, le lieutenant-colonel Duchesne prend le 



8 LE SIËGE DE TUYEN-QUAN 

contact de l'ennemi, culbute Pavillons-Noirs et 
Impériaux, et, poursuivant l'armée d'invasion, la 
refoule dans la région des forêts et des montagnes. 
Le même jour, à dix heures du soir, notre co- 
lonne entre dans la citadelle et la ravitaille abon- 
damment- 



BàlUutvitli«ed«VieUI 



(?-. 



CHAPITRE n 



L INVESTISSEMENT 



I) tlaratiOD de l'tlat de siège. — Composition de la garnison de 
J'ujen-Quan. — Munitions et approvisionnements de la place. — 
La légion élrangère. — Le commandant Dominé. — Le eiladelle. 
— Le grand mamelon. — Lea deux pagodes. — Logements des 
olllciers. — Les magasins. — Lo viliâge annomile. — La rivière 
Claire. — La rallée. — Pagode Iransl'orméc en ehapelle. — Vea- 
Iruciion des barrages. — Premier engagement. — CoDcenlraiion 
des forces ennemies. — Ravitaillement de la citadelle, — Rccon- 
e de la compagnie Moulina;. 



Le 23 novembre, après trois jours de repos, la 
colonce Duchesne quitte Tujen-Quan. 

Les Cliinois se rapprochent aussitôt et viennent 
rOuccuper luurs anciennes posidons. 



10 LE SIÈGE DE TUYEN-QDAN 

Le 24 novembre, la place est déclarée en état 
de siège, selon le règlement, parce que l'ennemi 
est à moins de dix kilomètres de la citadelle. 

La garnison de Tuyen-Quan se compose de : 

Deux compagnies de la légion : 8 officiers^ 
390 hommes. 

Artillerie de marine (1"^® section de la 2* batte- 
rie bis) : 1 officier, 31 hommes. 

Génie (4® régiment) : 8 hommes. 

Infirmiers (15® section) : 3 hommes. 

Ouvriers d'administration (15® section) : 3 hom- 
mes. 

Tirailleurs tonkinois (i^^ régiment, 8* compa- 
gnie) : 2 officiers, 162 hommes. 

Munitions. — Pour les 2 canons de 4 rayés de 
montagne : 212 obus ordinaires, 92 à balles, 52 
boîtes à mitraille. 

Pour les 2 canons de 50 millimètres : 178 obus 
à balles ; 200 obus ordinaires. 

Pour les 2 hotchkiss : 1,526 obus ordinaires ; 
200 boîtes à mitraille. 

266,112 cartouches d'infanterie, modèle 1874, 
outre les cartouches portées par les hommes. 

Outils. — 27 pioches, 40 pelles, 4 haches. La 
légion n'a malheureusement pas d'outils de cam- 
pagne. 

Vivres. — Les vivres, en comptant par jours 
pour l'eflFectif de la garnison, comprennent : bis- 



^INVESTISSEMENT 11 

cuit (16 jours), farine (101 jours), vin (119 jours), 
tafia (128 jours), café (118 jours), thé (124 jours), 
sucre (118 jours) conserves de bœuf (107 jours), 
lard salé (39 jours), fayots (39 jours), légumes 
secs (39 jours), sardines à Thuile (23 jours), riz 
(ration française, 60 jours), riz (ration indigène, 
60 jours), fromage (1/2 jour), sel (119 jours), 
25 bœufs. 

Comme on le voit, ce sont des soldats de la 
légion étrangère qui composaient la majeure partie 
de la garnison. 

Tout le monde connaît ce corps d'élite qui, 
composé de volontaires de tous pays, Alsaciens- 
Lorrains, Belges, Suisses, Polonais, Italiens, etc, 
rappelle les anciennes bandes des lansquenets et 
des Suisses des grandes compagnies. 

Formée en Algérie sous le règne de Louis-Phi- 
lippe, la légion étrangère acquiert bientôt ses 
lettres de naturalisation dans l'armée française 
par ses brillants faits d'armes. 

En Crimée, les légionnaires sont les héros des 
furieux combats de nuit livrés dans le grand cime- 
tière de Sébastopol, et repoussant les assauts fu- 
rieux tentés par les troupes russes contre la gorge 
de Malakoff. 

En 1857, dans la grande Kabylie, les zouaves du 
2« régiment viennent se faire décimer inutilement 
devant les barricades dlchérident; une troupe 



IS LE SltlGE DE TUYEH-QUAH 

d'élite s'avance alors : à ses longues eapotes som- 
bres, à son allure calme et disciplinée de vieux 
reîtres, on reconnaît la légion étrangère. Elle 
marche, impassible et au pas, sans répondre on 
coup de feu, sous la grêle des balles kabyles 
qui la déciment. Arrivée à vingt pas de l'ennemi, 
elle fait halte, déctuirge ses 
fusils, et d'un seul bond en- 
lève la barricade. 

À la bataille de Magenta, 
les deux régiments étran- 
gers enlèvent avec le con- 
cours du 2"" zouaves le vil- 
^ lage de ce nom, et décident 

\ dusuccès de la journée. 

SoWalïdelaléËion étraoEère , „ ,. . 

A Camarone, au Mexique, 
une compagnie de la légion se signale par une 
lutte héroïque qui rappelle les plus beaux temps 
de la Grèce et de Rome. 

Cette poignée de héros, forte de 60 hommes, 
sous les ordres du capitaine Danjou, des lieutenants 
Eandet et Vilain, est cernée dans une hacienda 
(auberge) par plusieurs milliers de guérilleros. 
Refusant tout quartier, les légionnaires sont 
exterminés jusqu'au dernier, après avoir tué 
dans une lutte acharnée cinq cents douze Mexi- 
cains. 

Pendant la campagne de France, à l'attaque 



LTOVESTISSEMENT 13 

d'Orléans par les Allemands, en octobre 1870^ la 
légion étrangère se couvre de gloire en défendant 
le faubourg des Aydes, sous les ordres du com- 
mandant Arago, qui est frappé à mort par une 
baUe bavaroise. 

Quelques mots maintenant sur le jeune officier 
que la belle défense de Tuyen-Quan a rendu à jamais 
populaire et qui s'y est conduit en héros. 

Le commandant Dominé, qui tffmmandait la 
place de Tuyen-Quan, a trente-sept ans. Il est né 
le 22 juillet 1848, à Vitry-le-François. Ses pa- 
rents, bien que peu aisés, lui firent faire de bonnes 
études au collège de la ville, et après avoir con- 
quis son diplôme de bachelier es sciences, il 
entra à Saint-Cyr en 1866. Ce jeune homme, qui 
comptait déjà dans sa famille plusieurs officiers 
distingués, brûlait du désir de marcher sur leurs 
traces. 

Sorti de l'école en 1868, il part pour rejoindre à 
Oran le 2® régiment de zouaves, et presque aussi- 
tôt est envoyé dans le Sud-Oranais sous les ordres 
du général de Wimpff'en. 

Au combat d'Aïn-Chaïr, il se fait admirer de tous 
par sa bravoure et sa froide intrépidité. Une balle 
lui traverse le biceps du bras droit. 

— Ce n'est rien, dit-il. 

Et il va se faire panser, puis retourne sur le 
champ de bataille, le bras en écharpe. Cet acte 



14 L£ SIÈGE DE TUTEN-QUAN 

d'impassibilité et de conrage lui yaat d'être cité à 
Tordre du jour et décoré. 

C'est débuter brillamment dans la carrière des 
armes. Il est le plus jeune légionnaire de l'armée 
française. 

o 

En 1870, il fait partie du 2"* régiment de marche 
de zouaves, qu'on vient de reconstituer, et qui a à 
sa tête le commandant Logerot, aujourd'hui chef 
du 8® corps à Bourges. 

Devant Orléans, ses soldats déployés en tirailleurs 
et très rapprochés des Prussiens les apostrophent 
à la façon des héros d'Homère et dans le style fami- 
lier à ceux de M Zola. 

— A la baïonnette ! leur crie Dominé. Et comme 
il lève son sabre, une balle lui fracasse le coude; il 
est encore atteint au bras droit. 

On transporte le malheureux officier à l'ambu- 
lance, où les chirurgiens veulent lui faire l'ampu- 
tation. 

^ Ma carrière serait. brisée, dit-il, j'aime mieux 
mourir. Et il refuse. Malgré cette blessure effroya- 
ble, son énergique constitution reprend le dessus, 
et, au moment de l'armistice, il revient au milieu 
des siens, à Vitry. 

Mais l'inaction lui pèse : bientôt il retourne, 
malade encore , en Kabylie , pour prendre 
part à la répression de la révolte; sa faiblesse 
est telle que les hommes de sa compagnie doi- 



L'INVESTISSEMENT 15 

vent le soutenir lorsqu'on a un monticule à 
gravir. 

Cependant, la plaie du bras n'arrivait pas à se 
cicatriser, il devenait évident qu'elle recelait un 
corps étranger. 

Il fut, a raconté M. de Beauvoir à qui nous 
empruntons ces détails biographiques, opéré à 
Paris, par le docteur Richet. 

Après une guérison rapide, le lieutenant Dominé 
put revenir au 2® zouaves, où il fut nommé capi- 
taine en 1873. 

Deux ans après, lors de la re vision des cadres, 
il entra à l'École de guerre et y passa les années 
4877 et 1878. 

On renvoya ensuite au 74® de ligne, et, en 1881, 
il se trouvait capitaine d'état-major au 8® corps 
d'armée. 

L'année suivante, il faisait partie de Tétat-major 
du 19® corps, sous les ordres du général Saussier, 
un Champenois comme lui, et prenait part à Toccu- 
pation du M'Zab comme sous-chef d'état-major du 
général Latour-d'Auvergne. 

A la fin 'de 1883, le capitaine Dominé partait sur 
sa demande, pour le Tonkin, avec le 2® bataillon 
d'Afrique. Sa nomination de commandant lui parvint 
au mois de juillet 1884. 

C'est en cette qualité que ce brave officier a 
pu accomplir le brillant fait d'armes de Tuyen- 



16 LE SIÈGE DE TUYENQUAN 

Quan, qui lui a valu les épaulettes de lieutenant- 
colonel, et a mis son nom à côté des Rivière, des 
Garnier, et de tous ces illustres enfants de la 
France qui ont porté haut et ferme le drapeau na- 
tional. 

Un trait qui peindra le caractère du comman- 
dant Dominé : il a pu, avec les seules économies 
faites sur sa solde, doter sa sœur et lui acheter un 
petit magasm de mercerie à Eurville, où elle s'est 
mariée récemment. 

Nous avons fait connaître le chef et la garnison 
de Tuyen-Quan, décrivons maintenant le réduit ou 
ces cinq cents héros ont pu tenir tête à plus de dix 
mille Chinois. 

Cette citadelle est petite, carrée, ses remparts 
peu élevés; elle a quatre portes, ayant chacune son 
bastion en demi-lune à l'extérieur et surmontée d'un 
mirador où se tient le poste de garde. Elle renferme 
plusieurs baraques, une mare et un grand mame- 
lon en terre en forme de pain de sucre qui parait 
Tœuvre de la nature, et qui remplace pour Tuyeu- 
Quan la tour traditionnelle des citadelles du 
Tonkin. 

On gravit ce mamelon par un escalier de cent 
quatre-vingt-treize petites marches usées et par 
un chemin tournant. 

Sur le sommet sont bâtis deux pagodes et un 
vaste magasin à riz, occupés par Tétat-maior. 



L'INVESTISSEMENT 17 

Le commandant Dominé habite une pagode et 
l'interprète l'autre. 

Le magasin est divisé en six pièces principales : 
le bureau de la place, la salle à manger, un magasin 
pour les munitions de Tartillerie, les logements du 
capitaine adjudant-major, du docteur et du pasteur 
^oisset, aumônier militaire attaché à la légion 
étrangère. 

Ces chambres sont séparées par des murs en 
briques et en terre qui n'arrivent pas jusqu'au toit 
ou par des cloisons en planches, en nattes ou en 
bambous. C'est si peu confortable que le capitaine 
adjudant-major a jugé prudent de faire dresser sa 
tente dans sa chambre pour mieux abriter son 
lit. 

Du haut de ce mamelon, poste naturel de l'artil- 
lerie, on a une vue magnifique sur les environs, 
jusqu'à plus de cinq ou six kilomètres, où les Chi- 
nois sont retranchés dans la forêt. 

Les Annamites qui n'ont pas pris la fuite et qui 
n'ont pas été égorgés par les pirates avant l'entrée 
des Français, sont agglomérés dans leurs cognas, 
en dehors des limites de la garnison, à une portée 
de fusil en aval de la citadelle. Ce village, ré- 
cemment construit à l'ombre de nos canons, est 
garanti d'un côté par la rivière et des autres 
par une haie en bambous, un mur en terre et un 
abatis. 



18 LE SliGE DE TUYEN-QUAN 

Par suite de la baisse des eaux, les canonnières 
no peuvent pas remonter la rivière Claire ; la 
Mitrailleuse reste bloquée à Tabri du canon de la 
place. 

Les Chinois occupent les déâlés des environs; 
chaque jour on entend des coups de fusil qui ser- 
vent probablement de signaux, et de temps ea. 
temps on les voit s'avancer dans la plaine avec 
leurs pavillons, et fuir au moindre coup de feu de 
nos avant-postes. 

Le courrier est porté, irrégulièrement, deux ou 
trois fois par semaine, par un Annamite, qui se 
cache dans les bois, ou qui se glisse doucement 
durant la nuit dans son panier, sous la berge de 
la rivière. Plusieurs de ces piétons ne sont jamais 
revenus. 

On manquait surtout de tabac, ce qui est une 
grande privation pour les soldats, mais, comme on 
vient de le voir, les vivres et les munitions étaient 
on abondance ; les soldats étaient pleins de santé, 
de force et de courage. 

La vallée est des plus pittoresques avec ses forêts 
de lataniers ; du matin au soir, des oiseaux d'es- 
pèces variées, prodiguent leurs chansons; des 
bandes nombreuses de sangliers viennent boire sur 
la rive opposée de la rivière, en face de la citadelle ; 
dans les broussailles qui entourent les remparts 
abondent des poules sauvages auxquelles nos trou- 



L'INVESTISSEMENT 19 

piers font une chasse des plus actives ; le tigre fait 
quelquefois entendre son cri dans la forêt; les Anna- 
mites prétendent même que dans la montagne, à 
vingt-cinq kilomètres de Tuyen-Quan, se trouvent 
beaucoup d'éléphants. 

A cinquante mètres environ, en amont de la cita- 
delle de Tuyen-Quan, en dedans du rayon de cent 
mètres qu'il est défendu de franchir sans escorte 
armée, se trouve une vaste pagode qui a dû 
être fort belle dans sa première splendeur. C'est 
là que le pasteur Boisset réunit les nombreux 
soldats protestants de la légion pour le culte 
public. 

On arrive à cet édifice par une cour inculte, 
jadis fermée par un portail dont il ne reste plus que 
deux colonnes ayant chacune son pan de mur en 
mauvais état. 

Deux arbres immenses, verts pendant toute Tan- 
née, comme la nature l'est en général dans ce pays, 
sont placés au pied du grand escalier de la porte 
d'entrée. 

Le toit fut percé par les boulets pendant le bom- 
bardement de la citadelle. 

L'intérieur comprend deux pièces dépourvues de 
statues de Bouddha. 

La première, la plus vaste et la mieux éclairée, 
encore intéressante par ses inscriptions et ses 
colonnes laquées, est transformée en chapelle. Elle 



1) LE SIÈGE DE TUYEN-QDAN 

est garnie de bancs de bois pour le public; une 
espèce d'autel est maçonné avec des briques et de 
la terre. 

Là où jadis les indigènes fléchissaient le genou 
devant leurs idoles, retentissent maintenant les 
prières et les cantiques de nos soldats. 
- 24 novembre. — Aujourd'hui le siège com- 
mence. 

Sur rinvitation du colonel Duchesne, un détache- 
ment est envoyé à six heures et demie du matin à 
Yuoc pour détruire le barrage reconstruit sur îa 
rivière Claire par les Pavillons-Noirs, après le pas- 
sage du Revolver. 

L'opération ne réussit quà moitié. La jonque 
coulée en travers de la rivière, n'est que déplacée, 
mais elle ne peut être enlevée. 

Le détachement rentre à quatre heures du soir à 
Tuyen-Quan. En arrivant à hauteur de Yuoc, il 
. rencontre un groupe de quinze Chinois armés de 
fusils sur lequel l'avant-garde de la compagnie do 
la légion fait feu et qui s'enfuit aussitôt dans la 
direction de Phu-an-Binh. 

25 novembre. — Une reconnaissance d*un 
peloton de la légion est envoyée, dans l'après-midi, 
aux villages de Yla et de Tuong-Mou; quinze tirail- 
leurs tonkinois sont adjoints à cette reconnais- 
sance; elle a pour mission de s'assurer que les habi- 
tants ne reconstruisent pas les cagnous qui ont été 



'\." 



L'INVESTISSEMENT 21 

inondées par la colonne Duchesne, de protéger la 
récolte de riz et veiller à ce qu'il soit rapporté du 
côté de la citadelle. 

D'après le rapport de la reconnaissance, les Pa- 
villons-Noirs ne sont pas revenus à leurs anciens 
postes de Tuong-Mou. 

26 novembre. — Rien à signaler. 

27 novembre. — Le commandant Domino 
reçoit de Phu-Doan avis que 10,000 Pavillons-Noirs 
s.nt à Thuan-Quan. 

2,000 Pavillons-Noirs sont à Phu-an-Binh et 
i .000 aux environs de Phu-Doan. 

28 novembre. — Rien à signaler. 

29 et 30 novembre. — Reconnaissance d'un 
peloton de la légion et de 15 tirailleurs tonkinois 
à Dong-Yen et à Yla; même mission que la recon- 
naissance du 25. 

1er décembre. — Les espions de Dong-Yen . 
foiit connaître que dans la matinée, 200 Pavillons- 
Noirs sont passés à ce village, se rendant dans la 
direction de Phu-an-3inh. Le soir, ils signalent 
l'arrivée à Dong-Yen de 800 Pavillons-Noirs venus 
de Ung-Di par Yla, comme les précédents. 

2 décembre. — Une reconnaissance composée 
d'une compagnie de la légion et de 20 tirailleurs 
t-.nkinois est envoyée à six heures du matin à Dong- 
Yen. Elle n'y trouve plus les Pavillons-Noirs, si- 



22 LE SIEGE DE TUYEN-QUAN 

gnalés la veille, lesquels se sont repliés en arriéré 
de Yla^ à l'entrée des forêts. 

Dans l'après-midi, une dépêche du commandant 
Bougnié, de l'infanterie de marine, annonce Tarri- 
vée d'un convoi de deux mois de vivres pour la gar- 
nison, convoi qu'il est chargé d'escorter avec une com- 
pagnie d'infanterie demarineetla canonnièrerj&c/atr. 

Il fait connaître que le convoi sur jonques et 
sampans a dû s'arrêter- à quatre kilomètres au- 
dessous de Yuoc, V Éclair n'ayant pu le remorquer 
plus haut à cause de la haïsse des eaux. 

Il demande en même temps qu'une compagnie de 
la légion soit envoyée au mouillage en question pour 
prendre 33 bœufs que VÉclair a amenés à son bord 
et pour protéger le passage devant Yuoc des 
jonques et des sampans, qui seront dirigés libre- 
ment sur Tuyen-Quan. 

3 décembre. — La compagnie de la légion qui 
devait aller à Yla pour reconnaître la position des 
Pavillons-Noirs est, conformément à l'invitation 
du commandant Bougnié, dirigée sur Yuoc. 

En arrivant à un tournant du chemin dans la 
forêt, cette compagnie,, sous les ordres du capitaine 
Moulinay, est accueillie par plusieurs coups de feu 
partant d'une position primitivement fortifiée et 
dont les défenses ont été détruites par la compagnie 
envoyée le 25 novembre à Yuoc pour la destruction 
du barrage. 



L'INVESTISSEMEOT 23 

Cette position couvre la naissance d'un chemin 
qui mène à Phuan-Binh. Aucun homme n'est at- 
teint par ces coups de feu qui passent tous au- 
dessus de la compagnie. 

Cette compagnie atteint le mouillage de VÉclair 
et le soir à quatre heures et demie, elle rentre à 
Tuyen-Quan sans incident, ramenant les 33 bœufs. 
Sous sa protection, les sampans et les jonques ont 
pu franchir le passage dangereux de Yuoc. 

Dans la matinée, une quarantaine de Pavillons- 
Noirs, drapeaux en tête et avec accompagnement 
de trompettes, viennent faire une démonstration 
jusqu'à deux kilomètres environ de la citadelle. 

4 décembre. — A une heure du matin arri- 
vent les sampans ; les jonques ont dû s'arrêter au 
coude de la rivière Claire, à quatre kilomètres en- 
viron de Tuyen-Quan, ne pouvant rementer le cou- 
rant. Dans la journée on décharge les sampans 
qui, une fois vides, retournent aux jonques pour 
prendre une partie de leur chargement. 

Le commandant Bougnié fait connaître que VÉclair 
est allé à Phu-Doan et qu'elle reviendra le lende- 
main au même mouillage avec 33 autres bœufs. 

5 décembre. — Les grosses jonques allégées, 
parviennent à Tuyen-Quan et sont déchargées dans 
la journée. 

Des ordres sont donnés dans la journée, pour 
qu'une compagnie de la légion, aille le lendemain 



2i LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

chercher les bœufs. Ordre est également donné aux 
70 hommes d'infanterie de marine qui ont escorté 
les jonques, de repartir le lendemain matin sur ces 
mêmes embarcations. 

6 décembre. — Les émissaires envoyés à Yuoc 
ayant fait connaître la veille dans la soirée, qu'un 
groupe de Chinois est établi au tournant, où a déjà 
été assaillie la compagnie Moulinay, la compagnie 
de la légion chargée d'aller chercher les bœufs 
au lieu de prendre la voie de terre, s'embarque sur 
les jonques avec l'infanterie de marine, ce qui lui 
permet d'éviter le passage en question. Elle a ordre 
de débarquer avant le point où les Chinois ont 
établi leur premier retranchement, et à partir de 
ce moment, de se rendre par voie de terre jusqu'au 
mouillage de VÉçlair^ flanquant ainsi les jonques 
sur lesquelles doit rester l'infanterie de marine. 




A 



Légionnaire, tenue du Tonkla. 



EinbuiCBde ds légloaasïrei el dellrailleurslankloois 



CHAPITRE III 



COUBATS EXTÉniEDRS 



Reconnaissance de Yla. — Prise d'un factionnaire cliinois. ~ Con< 
Btruclion d'un blockhaus. — BcconnaisBances de Yen. — Recon- 
■taissancw chinoises. — Embuscade de la Grande Haie. — Arrivée 
d'un convoi. — Combat do Dong-Yen. — A la baïonnette. — 
Déserteurs et priaonniera chinois. — Le village annamite. — 
Armement dea coolies. — Les forces ennemies. — Les dra- 
peaux blancs do Lab-Vinb-Phnoc. — Embuscades du Mamelon- 
Fleuri. 



7 décembre. — Des renseignements apportés 
la veille par des espions ont fait connaître que les 
Chinois sont revenus en grand nombre au point où 
le chemin de Ung-Di pénètre dans les forêts. 

Une reconnaissance, composée d'une compagnie 
de la légion et de 30 tirailleurs tonkinois, est 



26 LE SIÈGE DE TUYENQUAN 

envoyée de ce côté pour déterminer les positions 
occupées par l'ennemi. 

La reconnaissance, partie à cinq heures du ma- 
tin, arrive au point du jour à Yla, bouscule les 
avant-postes chinois établis à la lisière de ce vil- 
lage, du côté de Tuyen-Quan, et gagne la lisière 
extérieure des bois en arrière de Yla. Elle aperçoit 
sur les hauteurs boisées entre lesquelles s'engage 
le chemin de Ung-Di, deux ouvrages en construc- 
tion. 

Les Chinois ou Pavillons-Noirs se sont déployés 
sur ces hauteurs et occupent le mamelon sur lequel 
s'élève le fortin imparfaitement détruit dans la jour- 
née du 20 novembre. La reconnaissance entend en 
même temps de grands cris sur sa droite ; ces cris 
partent d'un rideau de bois qui précède un ravin 
presque infranchissable. 

Le capitaine Moulinay, qui commande la recon- 
naissance, estime à 500 hommes environ le nombre 
de Chinois qu'ilavus sur les hauteurs. Conformément 
aux instructions reçues, la reconnaissance ne s'en- 
gage pas ; elle revient à la citadelle, où elle est de 
retour à neuf heures du matin. 

Dans la journée on aperçoit une grande ligne de 
fumée du côté du ravin, d'où la reconnaissance a 
entendu partir des cris. Le soir, des espions, en- 
voyés de ce côté, viennent rendre compte que 7 à 
800 Pavillons-Noirs sont derrière le ravin et qu'ils 



COMBATS EXTÉRIEURS 27 

y installent un campement. Les Chinois établis sur 
la hauteur sont, disent-ils, des réguliers du Yun- 
Nam. 

8 décembre. — Rien à signaler. 

9 décembre. — Une patrouille de 30 tirailleurs 
tonkinois, commandée par le sergent-major de 
Bergues, envoyée dans la journée du côté de Yla, 
parvient à s'approcher, sans être vue, d'un petit 
poste chinois et s'empare d'une sentinelle. Les ren- 
seignements fournis par le prisonnier confirment 
ceux qui ont été donnés par les espions. 

10 décembre. — Rien à signaler. 

11 décembre. — Commencement de la con- 
struction d'un blockhaus pour 20 hommes, sur un 
mamelon situé à 300 mètres de la citadelle, en avant 
du secteur S.-O. De ce mamelon et d'autres plus 
éloignés, on a des vues dans l'intérieur de la cita- 
delle. 

La construction de ce blockhaus a. pour but de 
tenir la hauteur la plus rapprochée de la place et 
par ses feux d'empêcher l'adversaire de s'établir 
sur les hauteurs voisines. 

Une reconnaissance, composée de 30 tirailleurs 
tonkinois et de 20 légionnaires, sous les ordres de 
M. le lieutenant GouUet, des tirailleurs tonkinois, 
est envoyée du côté du village de Yen. Elle a pour 
mission de s'approcher du ravin derrière lequel on 
a déjà constaté la présence des Pavillons-Noirs 



28 LE SIÈGE DE TLTEN-QUAN 

et de chercher à déterminer l'extrémité de leur 
ligne. 

La reconnaissance, après avoir dépasse Yen, 
s'avance jusque près du ravin par un chemin qui le 
traverse. Mais l'approche de la reconnaissance est 
signalée par un petit poste, qui fait feu ; de grands 
cris se font entendre derrière le chemin. 

Conformément aux instructions reçues, la recon- 
naissance pour ne pas s'engager, retourne sur ses 
pas. Par cette opération, on a obtenu le résultat 
de savoir que la ligne des Pavillons-Noirs s'étend 
à droite et à gauche de la direction principale par 
laquelle ils peuvent être abordés. 

12 décembre. — Rien à signaler. 

13 décembre. — A deux heures de l'après- 
midi, un groupe d'une quarantaine de Chinois, diri- 
gés j)ar deux chefs à cheval, s'avance en ordre 
dispersé sur le terrain qui s'étend entre le village 
de Yla et la ligne de mamelons ci-dessus, à propos 
de la construction du blockhaus. 

La reconnaissance chinoise se déployé en tirail- 
leurs, marche sur le blockhaus et s'en approche 
à 12 ou 1500 mètres. 

Deux patrouilles sont envoyées pour essayer de 
lui couper la retraite ; la première, composée de 20 
légionnaires, prend par le chemin de Yen et sutt 
la ligne des hauteurs ; l'autre formée de 20 tirail- 
leurs tonkinois, se porte vers la droite des Chinois 



COMBATS EXTÉRIEURS 20 

pour la déborder en profitant pour se dissimuler 
d'une longue haie très touffue et très épaisse, qui 
coupe le terrain à peu près à égale distance entre 
Tuyen-Quan et Yla. 

Les Chinois s'aperçoivent à temps de ces mou- 
vements et battent en retraite. Pendant toute 
cette opération, ils restent en ordre dispersé et 
aucune occasion ne se présente de leur envoyer un 
projectile d'artillerie. 

14 décembre. — Rien à signaler. 

15 décembre. — Achèvement de la construc- 
tiondublockhaus, quiestoccupé le soir même. 70 hom- 
mes de la légion ont été employés journellement 
à ce travail qui n'a pas demandé plus de six jours. 

16 décembre. — Deux déserteurs chinois, 
appartenant à l'armée régulière viennent se rendre 
à la citadelle. Leurs renseignements confirment les 
rapports précédents au sujet de la présence de 1,500 
Chinois réguliers ouPavillons-Noirs autour de Tuyen- 
Quan. Ces deux Chinois appartiennent à un renfort 
de 500 hommes arrivé récemment de Lao-Kaï. 

A onze heures du matin, les Chinois dirigent sur 
le blockhaus une reconnaissance semblable à celle 
de la veille ; cette reconnaisance est repoussée par 
la garnison du blockhaus qui tire à 600 mètres. 
Aucun des Chinois n'est atteint. 

17 décembre. — A six heures et demie, une 
reconnaissance, composée de 30 tirailleurs tonki 



30 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAJS 

nois et de 20 légionnaires, sous les ordres du lieu- 
tenant GouUet, des tirailleurs tonkinois, va de 
nouveau dans la direction de Yen ; elle a pour 
mission de chercher un chemin plus rapproché de 
la rivière Claire que celui suivi le 11 décembre, 
chemin qui permettrait peut-être de gagner la gauche 
des campements chinois. 

La reconnaissance ne trouve que des sentiers 
qui se perdent avant d'arriver à hauteur de Yen. 

Des renseignements obtenus le même jour par 
des espions font connaître que les campements 
ennemis s'étendent jusqu'à la rivière Claire. 

L'ennemi, ayant envoyé, deux jours de suite, une 
reconnaissance vers le blockhaus, une embuscade, 
composée de 30 tirailleurs tonkinois sous les ordres 
du sergent-major de Bergues, est envoyée à dix 
heures du matin, derrière la grande haie, qui 
coupe la plaine entre Tuyen-Quan et Yla; l'embus- 
cade est à peine installée qu'un groupe de 200 ré- 
guliers chinois, en kéos noirs surchargés de carac- 
tères rouges, débouche de Yla, marchant sur le 
blockhaus. 

Ce groupe, déployé en tirailleurs, est précédé, 
à 200 mètres, de deux éclaireurs suivant le chemin 
de Yla à Tuyen-Quan. L'embuscade les laisse ap- 
procher et les tue à bout portant. Le gros de la 
reconnaissance chinoise continuant à avancer, 
les tirailleurs tonkinois se replient et regagnent 



COMBATS EXTÉRIEURS 31 

Tuyen-Quan, en suivant la haie jusqu'au point où 
elle est occupée par le chemin de Dong-Yen. Les 
Chinois, d'ailleurs, ne dépassent par cette haie, et 
font demi-tour quelques minutes après l'avoir atteinte . 

18 décembre. — Une nouvelle embuscade, 
composée de 20 tirailleurs tonkinois et d'un peloton 
de la légion, sous le commandement du sous-lieute- 
nant Proye, est renvoyée, à neuf heures du matin, 
derrière la haie. 

A dix heures, les Chinois débouchent encore de 
Yla, au nombre d'une cinquantaine. Ils font quelques 
centaines de mètres dans la direction de la haie ; 
mais soit qu'ils aient éventé l'embuscade, soit pour 
tout autre motif, on les voit subitement prendre 
le pas de course pour rentrer à Yla. 

A deux heures de l'après-midi, arrivée de quatre 
jonques chargées de vivres, pour porter à six mois 
l'approvisionnement de la place. 

Le convoi est escorté par un détachement d'in- 
fanterie de marine. Le commandant Bougnié, qui 
commande le poste de Phu-Doan, est venu à Yuoc 
avec deux compagnies pour protéger le passage 
du convoi à ce point dangereux, à l'aller et au 
retour. 

19 décembre. — Départ à neuf heures du 
matin des jonques et de l'escorte. 

20 décembre. — Rien à signaler. 

21 décembre. — Les rapports des espions 



32 LE SIEGE DE TUYEN-QUAN 

ont signalé la présence de 4 ,300 à 1 ,600 Chinois 
autour de Tuyen-Quan. Pour contrôler ce rensei- 
gnemeat, le commandant Dominé fait faire, dans la 
matinée du 21, une reconnaissance offensive qu'il 
, dirige vers Dong-Yen, c'est-à-dire sur le chemin de 
Phu-an-Binh. 

Cette reconnaissance, sous les ordres du capitaius 
Cattelin, de la légion étrangère, se compose de : 
une compagnie de la légion; une pièce de 4 appro- 
visionnée à 30 coups ; 30 tirailleurs tonkinois ; un 
détachement d'ambulance. 

À sept heures du matin, la reconnaissance part 
dans la direction qui lui a été indiquée. Le brouillard 
est très in- 
tense, et le ca- 
pitaine Catte- 
i lin arrête son 
■^ détachement à 
' 500 mètres de 
Dong-Yen, 
■- pour attendre 
- qu'il se soit 

Réguliers du Kouang-St. ,. . , 

dissipé. 
A neuf heures et demie, le brouillard disparaît, 

le capitaine Cattelin aperçoit alors deux fortins sur 
la gauche et en arrière de Dong-Yen, et les prend 
comme point de direction en laissant Dong-Yen sur 
sa droite. 



COMBATS EXTÉRIEURS 33 

Conformément aux instructions qu'il a reçues, il 
fait prendre position à un peloton à la lisière d'un 
petit bois , et avec l'autre il forme trois fortes 
patrouilles, qui s'avancent sur un même front, sui- 
vant la direction du chemin de Phu-an-Binh, lequel 
passe tout près des fortins. 

; Après avoir fait 5 ou 600 mètres, la ligne de 
patrouilles tombe sur un petit poste chinois qui 
s'enfuit immédiatement. Le petit poste est pour- 
suivi , mais après avoir fait quelques pas, les pa- 
trouilles sont accueillies par un feu très vif partant 
d'une tranchée, qui barre la route à 200 mètres 
environ de l'emplacement du petit .poste. 

En deux bonds la' ligne de patrouilles déployée 
atteint le retranchement et en chasse les défen- 
seurs à la baïonnette. Les Chinois tentent un retour 
offensif pour reprendre leurs morts et leurs blessés, 
mais ils sont repoussés par les feux de salve des 
légionnaires. 

A ce moment les assaillants se trouvent pris en 
flanc par les feux d'un des fortins. Les tirailleurs 
tonkinois qui sont à la droite de la légion font face 
à ces fortins et, par leurs feux, en chassent les 
défenseurs. 

Pour soutenir la ligne d'attaque, le capitaine 
Cattelin a fait avancer une des deux sections du 
repli, laquelle se trouve alors à 400 mètres du 
retranchement. 



34 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAIS 

L'ennemi, en s'enfuyant, a montré ses forces ; le 
capitaine Cattelin estime, que, tant dans la tranchée 
que dans les fortins, il y a environ 500 Chinois. 

Le but de Tentreprise étant atteint de ce côté, 
le signal de la retraite est donné; le moment est 
d'ailleurs favorable, l'ennemi étant alors en fuite 
sur la route de Phu-au-Binh. 

Le feu, durant cette action, a été très vif ; cette 
intensité de la fusillade à laquelle se mêlaient les 
coups de la pièce de 4, protégeant le retour de la 
ligne d'attaque, a eu une conséquence très favorable, 
au point &e vue du but cherché. 

Tous les Chii\ois, établis autour de la place, sor- 
tirent de leurs campements, et du haut de la cita- 
délie nous les vîmes se déployer sous nos yeux; 
leurs groupes couvraient la plaine à 4 kilomètres 
environ de la place et ils étaient certainement 
plus de mille. Toute cette foule prenait ensemble 
la direction de Yla pour se jeter sur les derrières 
de la reconnaissance. 

Le nombre des munitions consommées dans cet 
engagement est de 15,000 cartouches infanterie, 
24 obus de 4, 75 obus Hotchkiss. 

Les pertes de Tennemi dans cette affairé sont 
estimées au moins à 150 hommes. Les nôtres sont 
de 9 hommes blessés. 

22 décembre. — Rien à signaler. 

23 décembre. — Les rapports des espions 



COMBATS EXTÉRIEURS 35 

font connaître qu'à la suite de Taffaire du 21, Luh- 
Vinh-Phuoc est venu lui-même avec un renfort ch 
500 Pavillons-Noirs. 

24 décembre. — Une patrouille d'Annamites- 
fournie par le nouveau village de Tuyen-Quan, 
s'empare d'un Pavillon-Noir. Les rapports des 
espions, au sujet de l'arrivée de Luh-Vinh-Phuoc, 
sont confirmés par ce prisonnier. 

25 décembre. — Rien à signaler. 

26 décembre. — Un Chinois régulier est pris 
sur le chemin de Dong-Yen par une patrouille de la 
légion étrangère. 

Ce prisonnier donne les renseignements suivants : 

3,200 Chinois sont réunis autour do Tuyen-Quan, 
à savoir 2.000 Pavillons-Noirs et 1,200 réguliers 
do Kouang-Si. 

Les 1,200 réguliers sont stationnés dans les for- 
tins de Dong-Yen; les Pavillons-Noirs occupent 
les retranchements de Truong-Mou et les campe- 
ments en arrière du grand ravin qui, de Truong- 
Mou, va à la rivière Claire. 

A Thuan-Quan se trouvent 5,000 réguliers de 
Yun-Nam, et la route de Tuyen-Quan à Phu-an- 
Binh est jalonnée par des postes dans lesquelles se 
trouvent encore un millier de Pavillons-Noirs. 

27 et 28 décembre. — Rien à signaler. 
29 décembre. — Le villaiçe construit pour 

recevoir tous les Annamites ^ui sont réfugiés sous 



36 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

la citadelle est terminé, et les indigènes vont s'y 
installer. Sauf la place qui regarde la citadelle, ce 
village est entouré d'un mur en terre, haut de 
deux mètres et épais de cinquante centimètres. 

Les 80 coolies employés aux travaux de la place 
sont organisés en milice pour la défense du village. 
Ils forment 4 sections commandées chacune par ur 
caï. 

La milice est commandée par le mandarin 
Nguyen don Bâh , auquel les indigènes donnent le 
titre de capitaine annamite. Ce mandarin, qui 
paraît peu flatté de l'honneur qui lui est fait, a 
pour le seconder dans son commandement, le doï 
des coolies, Hang van Hinh, du village de Yen, qui 
est un homme énergique et sachant se faire obéir. 

C'est d'ailleurs à ce doï qu'est due la construc- 
tion du village, le tong-doï, qui est vieux et malade, 
opposant une inertie absolue à tous les ordres qui 
lui sont donnés. 

L'armement des coolies consiste en lances de 
bambou appointées ; le capitaine annamite a un 
fusil à répétition et un pistolet : le doï a un fusil 
à piston. 

30 décembre. — Rien à signaler. 

. 31 décembre. — A onze heures du matin, 

un groupe de 500 Chinois, venant des directions 

Truong-Mou et Yen, marche sur le blockhaus en 

ordre de combat. Des drapeaux blancs, drapeaux 



COMBATS EXTÉRIEURS 37 

pôrsonnels de Luh-Vinh-Phuo«, d'après les rensei- 
gnements donnés par les deux prisonniers, sont 
portés en avant de la ligne de tirailleurs. Arrivés à 
4,500 mètres environ du blockhaus, les Chinois 
s'arrêtent et font demi-tour presque aussitôt 
après. 

1er janvier. — Des espions font connaître que 
Lnh-Vinh-Phuoc est retourné à Phu-an-Binh avec 
un groupe d'environ 4,500 Pavillons-Noirs. La dé- 
monstration de la veille a sans doute eu pour but 
de donner le change sur le mouvement exécuté par 
le chef des Pavillons-Noirs. 

A huit heures du soir le village est attaqué par 
un groupe de Chinois qui vient se butter contre les 
défenses dont le village est entouré. 

2 janvier. — Une embuscade est tendue le 
soir au groupe de pagodes situé au sud-est du vil- 
lage, mais les Chinois ne reviennent pas. 

3 janvier. — Une deuxième embuscade est 
tendue le soir à la petite pagode située sur le che- 
min de Dong-Yen. Les Chinois ne se présentent 
pas plus que la veille. 

4 janvier. — Depuis plusieurs jours, les Chi- 
nois ont pris Thabitude d'envoyer, à onze heures du 
matin, quelques groupes sur la ligne de mamelons 
dirigée suivant le chemin de Yen. Une embuscade 
de trente légionnaires est placée, à dix heures du 



38 LE SIÈGE DE TUYEM-QUAN 

matin, sur le plus éloigné de ces mamelons, dit 
« Mamelon fleuri ». 
Un premier groupe de huit Chinois se dirige sur 
■ CG point à l'heure habituelle ; derrière lui un groupe 
plus fort s'est embusqué dans la broussaille à l'ex- 
trémité de la grande ligne de bois et de broussailles, 
dite « Grande haie >. Le groupe d'éclaireurs arrive 
à 400 mètres de l'embuscade, qui est alors éventée, 
et la patrouille chinoise se retire ensuite sur 
Truong-Mou, d'où elle est venue. 

5 janvier. — Rien à signaler. 

6 janvier. — Rien à signaler. 

7 janvier. — La face du village qui regarde 
la citadelle n'était protégée que par une haie à 
claire-voie, pour empêcher les Chinois qui auraient 
pris le village de se servir contre nous d'un mur 
mis en état de défense. Un grand abatis est fait 
pour empêcher l'adversaire d'aborder cette face. 

8 et 9 janvier. — Rien à signaler. 



LM cmUm IjTu^ea'Quu. 



.^\ n ■ r r") -:^. 



CHAPITRE iV 

ATTAQUES DD BL0CKHAD8 



rremière attaque du blockhaus. — Renforts chinoU. — TnTailleara 
enuemû. — Poite en palanques. — Le tam-tam. -~ Tir de notre 
arlLIIerie et des holchkiss. — Départ d'un piébin. — Camp et 
nniformea chinois. — Attaque de nuit. ~- Incendie du village 
annamite. — Danger couru par le pasteur Bolsset. — Feu de la 
Mitrailleuse. — Attaque du blockliaus par trois colonnes. — Le 
sergent Leber. — Uu adroit tireur. — Le capitaine de Borelli. — 
Perles des Chinois. 



10 janvier. — Dans la nuit du 9 au 40, à 
deux heures du matin, le blockhaus est attaqué par 
un groupe de Chinois venus par le chemin de Yen. 



40 LE SIÈGE Dii TUYEN-QUAN 

Le sergent qui commande le poste du blockhaus les 
laisse approcher jusqu'à 50 mètres et commence le 
feu sur eux. Quelques décharges suffisent pour 
mettre les Chinois en fuite. Le plus grand nombre 
se retire sur le troisième des mamelons qui jalon- 
nent la route de Yen. 

De ce mamelon, il tire sur le blockhaus à 250 
mètres et sur la citadelle à 600 mètres. Quelques 
Chinois, perdus sans doute, au lieu de reprendre le 
chemin de Yen, descendent vers la citadelle. Ils 
sont accueillis par une salve du poste de la demi- 
lune sud et s'enfuient par les marais. 

Un groupe de Chinois est venu aussi par un 
second chemin de Yen, chemin qui traverse un 
mouvement de terrain assez prononcé au nord du 
premier. 

De l'extrémité de ce mouvement de terrain, le 
groupe en question tire à 400 mètres sur la cita- 
delle et ses balles viennent siffler au-dessous des 
remparts ou s'enfoncent dans la terre du mamelon 
central. 

Le feu des deux groupes ne dure guère plus d'un 
quart d'heure après la déroute des assaillants du 
blockhaus et le restant de la nuit s'écoule tran- 
quillement. 

Au matin, au réveil, on voit l'ennemi qui se 
retire dans la plaine. Tout est calme. Sur le ter- 
rain où les Chinois se sont avancés pour l'attaque 



i 



ATTAQUES DU BLOCKHAUS 41 

du blockhaus, on trouve un fusil à tabatière, plu- 
sieurs armes blanches, des sacs de poudre ou 
pétards et un millier de cartouches. 

Dans l'après-midi, la reconnaissance qui a été 
envoyéo sur le deuxième chemin de Yen (chemin 
nord), s'empare de deux chevaux. 

Du 11 au 15 janvier. — Rien à signaler. 

16 janvier. — Depuis trois jours une pa- 
trouille chinoise d'une quinzaine d'hommes vient 
régulièrement chaque jour, vers dix heures du 
matin, de Dong-Yen jusqu'à la « Grande haie » 
(au point où celle-ci est coupée par la route de 
Dong-Yen). Une embuscade de trente hommes, 
commandée par le sous-lieutenant Proye, de la 
légion étrangère, est envoyée sur le chemin de 
Dong-Yen, au-delà de la « Grande haie ». Elle s'y 
rend par la communication défilée. 

Arrivé au point indiqué, le commandement de 
détachement entend sur sa gauche et en arrière 
de lui le mouvement d'un groupe assez considé- 
rable. Il se retire alors par le chemin déjà par- 
couru pour l'aller et se trouve suivi par une cin- 
quantaine de Chinois qui ne l'aperçoivent pas. 
Parvenu à un arroyo, qui lui sert de couvert, il 
arrête et embusque sa troupe qui laisse approcher 
les trois Chinois éclaireurs du groupe et les tue à 
bout portant. Les Chinois se déploient alors et 
viennent prendre position sur l'arroyo. 



42 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

Le détachement, qui a reçu pour consigne de ne 
pas s'engager, se retire par la communication 
défilée sans être inquiété, les Chinois ne continuant 
pas leur poursuite. 

17 janvier. — Depuis quelques jours on aper- 
çoit de grandes fumées dans le village de Yla. Les 
espions envoyés en reconnaissance rapportent qu'un 
renfort de 1,500 hommes est arrivé aux Chinois de 
Phu-an-Binh et que ces 1,500 hommes s'installent 
aux villages de Yla et Yen. 

18 janvier. — Rien à signaler. 

19 janvier. — A huit heures du matin, un 
groupe d'environ 200 Chinois, venant de Yen par la 
route sud, avance vers le blockhaus et s'en appro- 
che à 300 mètres, une partie en suivant la ligne 
des mamelons et le reste en passant par les sentiers 
de la plaine. 

La ligne déployée des Chinois ouvre le feu sur 
le blockhaus et sur le mamelon de la citadelle. 
Ils se retirent vers onze heures du matin et à 2,000 
mètres de la citadelle, sur la route sud de Yen. Ils 
démasquent un poste retranché à la lisière d'un 
bois. 

Ce poste a une avancée au mamelon du Gros- 
Arbre-Vert; quatre coups de hotchkiss sont tirés 
sur le poste, mais ils restent sans résultat, quoique 
tous à bonne distance, à cause de l'abri du retran- 
chement, lequel paraît très enterré. 



ATTAQUES DU BLOCKHAUS 43 

A quatre henres et demie du soir, on aperçoit 

uoe longue colonne de 600 hommes qui traverse la 

plaine à 4,000 mètres environ de la citadelle, se 

rendant de Yen à Yla, 

20 janvier. — Même manœuvre des Chinois 
contre le blockhaus et à la même heure; ils se 
replient vers midi sur le poste retranché de Yen, 
après avoir essuyé quelques coups de hotchkiss. 

A trois heures de l'après-midi uoe seconde 
colonne de 600 hommes se rend de Yen à Yla. 
Deux coups de 80 sont tirés sur elle, au mpment 
où elle entre dans le village de Yla. Quoique ces 
coups paraissent bien porter, la colonne continue 
son mouvement sans se débander. 



Dans l'après-midi, on découvre sur le chemin 
nord de Yen, au milieu des arbres, un poste retran- 
ché en palanques ; ce poste paraît être à la hauteur 
du Gros-Arbre-Vert, c'est-à-dire à 1,500 mètres 
environ du mamelon de la citadelle. 



44 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

21 janvier. — A huit heures du matin, des 
groupes très nombreux, mais faibles et disséminép-, 
se dirigent de Yla vers la grande ligne de bois qui 
partage la plaine entre Yla et la citadelle. Le 
nombre des Chinois venus de Yla est d'environ 500. 

De grands feux s'allument vers dix heures siir 
toute la Ugne des bois, il y a lieu de penser que 
les Chinois travaillent à une tranchée; mais, à 
cause du masque des arbres, il n'est pas possible 
d'en fixer la position. 

D'ailleurs l'épaisseur du bois ne permettrait pas 
de repérer la distance avec le canon et, par consé- 
quent, il n'est pas possible sans une consommation 
exagérée de munitions, de retarder ce travail au 
moyen de l'artillerie. 

Le soir, quelques groupes seulement de Chinois 
rentrent à Yla, ce qui indique que la grande ligne 
des bois reste occupée. Quelques coups de hotchkiss 
sont tirés sur les groupes qui rentrent à Yla et 
s'éparpillent aussitôt. 

22 janvier. — Pendant la nuit on a entendu 
le tam-tam des petits postes chinois sur toute la 
ligne des bois et jusqu'aux portes de la route nord 
de Yen. 

De nombreux travailleurs arrivent encore de Ya 
dans la matinée, vers la grande ligne des bois, 
mais ils sont éparpillés. Dans le but du ralentir le 
travail que les Chinois ont certainement entrepris 



ATTAQUES DU BLOCKHAUS 45 

sur cette ligne, on tire quelques coups de hotchkiss 
sur les ennemis qui se rendent au travail, mais on 
ne parvient pas à arrêter leur mouvement. 

Dans la journée ceux-ci mettent le feu à la 
grande haie, qui est au-delà du blockhaus. On 
croit qu'ils veulent se retrancher par là pour nous 
attaquer sérieusement plus tard. 

Le soir, on tire encore quelques coups de 
hotchkiss sur les travailleurs qui se groupent pour 
rentrer à Yla. 

23 janvier. — Depuis quelques jours il fait 
froid. Nous avons à peu près la température qui 
existe en France au mois de mai, 12° à 16°, mais 
nous sommes tellement sensibles, après les mau- 
vaises chaleurs de Tété, que nous avons besoin de 
nous couvrir. 

. Les travailleurs reviennent ^encore de Yla à la 
ligne .des bois, et il en vient encore un plus grand 
nombre de Dong-Yen. Ces derniers passent par le 
village de Ya-Ho, où ils se chargent de branches 
d'arbres, de fascines et de bottes de paille. Durant 
toute la journée, la plaine est parsemée de petits 
groupes do travailleurs par cinq ou six, entre Ya- 
Ho et la ligne des bois. 

On essaye encore d'arrêter ces allées et venues 
des travailleurs au moyen du hotchkiss, mais sans 
résultat; on ne tire d'ailleurs que très peu. 

Dans la matinée, la lig.ie des Chinois, qui pro- 



i6 LE SIÈGE DE TUYEJN-QUAN 

tège le travail, ouvre le feu contre le blockhaus 
de la lisière des bois ; ce feu est appuyé par le tir 
d'une batterie de 4 fusils de rempart braqués dans 
la haie, auxquels on ne répond pas. 

Il ne se passe presque pas de nuit sans que nous 
entendions des coups de fusil. Même dans la jour- 
née on tire quelquefois sur le mamelon de la cita- 
delle. Le commandant d'armes a fait partir un 
piéton hier soir. Passera-t-il à Yuoc? Depuis douze 
jours nous n'avons eu qu'un courrier local, et depuis 
le 8 courant, il ne nous est rien arrivé de 
France. 

24 janvier. — Le travail des Chinois sem- 
ble s'arrêter. La ligne qui occupe la lisière des 
bois tiraille comme la veille ; divers projectiles 
tombent sur le mamelon de la citadelle ; la batterie 
de rempart tire 38 coups sur le blockhaus. Un 
seul coup atteint cet ouvrage sans l'entamer. 

Il n'est pas facile de répondre à l'ennemi, car il 
est toujours caché dans les brousailles ou derrière 
les talus des rizières. Cependant quelques coups 
de hotchkiss et un coup de 80 sont tirés sur plu- 
sieurs groupes qui, dans l'après-midi, circulent 
entre la ligne des bois et Yla. 

25 janvier. — Dans la nuit, les fils du Céleste- 
Empire nous envoient encore des balles; c'est lo 
siège en règle maintenant ! 

Le travail, suspendu la veille, reprend avec plus 



■ ATTàgUES DD BLOCKHAUS 47 

d'activité. Plus d'un millier d'hommes do corvées 
vont et viennent toute la journée entre Ya-Ho et 
la ligne des bois. Les Chlooia auraient-ils l'inten- 
tion d'attaquer la place pied à pied? 

Poui" arrêter le travail, on tire de la place 
41 coups de hotchkiss et quelques coupa de 80 ; 
plusieurs coups heureux mettent hors de combat 
UDQ douzaine de Chinois ; mais le travail n'en con- 



tinue pas moins. Dans la journée on aperçoit sur 
la route de Phu-an-Binh, à 5 kilomètres de la 
place, un camp d'une soixantaine de tentes. 

A la longue vue, on distingue les différents uni- 
formes des Chinois; les uns ont un vêtement noir 
orné de bleu, les autres un vêtement noir avec 
bordure rouge, d'autres un vêtement gris-fer; un 
certain nombre portent un costume tout rouge 
d'autres un costume bleu de ciel; enfin, un groupe 



48 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

porte une sorte de blouse bleu-foncé ; ces derniers 
sont sans doute des Pavillons-Noirs. 

D'après les renseignements qu'a pu se procurer 
le Tong-Doï, le nombre des Chinois réunis autour 
de Tuyen-Quan est de 5,000, et Luh-Vinh-Phuoc, 
avec 2,000 Pavillons-Noirs, occupé le défilé de 
Yuoc. 

26 janvier. — Vers une heure du matin, trois 
ou quatre coups de fusil des Chinois sont tirés sur le 
rempart: les sentinelles les signalent; puis tout 
rentre dans le silence. 

A cinq heures et demie une vive fusillade se fait 
entendre, plusieurs escouades répondent. Le village 
annamite est subitement incendié. Les cris déchi- 
rants des habitants arrivent jusqu'à nous ; ces mal- 
heureux se réfugient sous les murs de la citadelle 
et sur la rive droite de la rivière à l'abri du canton- 
nement des tirailleurs tonkinois. L'approche des 
Chinois n'a pas été signalée. par les habitants du 
village. 

Les coups de feu deviennent de plus en plus 
nourris. Le piquet prend les postes de combat. Les 
balles sifflent partout. 

L'ennemi sonne de la corne sous la face opposée 
en amont de la citadelle. L'avant-garde delà colonne 
chinoise, embusquée dans les broussailles et derrière 
le talus des rizières, a incendié les maisons et simulé 
une fausse attaque pour tromper notre attention et 




ATTAQUES DU BLOCKHAUS 49 

permettre au héros de la troupe de nous faire subir 
do nombreuses pertes et peut-être de prendre la 
citadelle. 

En voulant descendre du mamelon, pour se rendre 
àTambulance, le pasteur Boisset franchit directe- 
ment, dans rherbe mouillée par la rosée, la pente 
rapide du monticule. L'ennemi l'aperçoit et dirige 
sur lui une grêle de balles, qui heureusement ne 
l'atteignent pas, et le brave aumônier arrive enfin 
sain et sauf à l'ambulance, où les projectiles pieu- 
vent dans la cour et la cuisine. 

Les Chinois, sortant alors du village, s'avancent 
jusqu'au mamelon de la pagode démolie, dite Pagode 
de la compagnie chinoise. Ils essuient alors le feu 
des tirailleurs tonkinois et se replient dans le village. 

Une partie s'établit dans les rochers qui sont 
au pied de la berge de la rive droite à la hauteur 
du village et de là tirent sur la Mitrailleuse. Cette 
canonnière prend alors son poste de combat au mi- 
lieu de la rivière, et de concert avec plusieurs tirail- 
leurs tonkinois, répond au feu dirigé sur elle. 
Plusieurs de ses servants sont blessés, mais très 
légèrement. 

Le piquet de la garde de la citadelle se porte 
alors au rempart, qui se trouve garni par une com- 
pagnie sur tout le pourtour. Les balles sifflent tou- 
jours, mais aucun homme n'est blessé derrière les 
gabions. 



50 LE SIÈ ÎE DE TUYEN-QUAN 

Un quart d'heure environ après l'at'aque tentée 
contre le baraquement des Tonkinois, deux attaques 
se dessinent, l'une contre la haie nord de la cita- 
delle et l'autre contre le blockhaus. 

Du côté de la face nord, les Chinois, ayant fait 
un grand mouvement tournant, s'avancent défilés 
par les berges de la rive droite de la rivière Claire, 
le long de la grève découverte par suite de la 
baisse des eaux. La colonne venue de ce côté est 
estimée à un millier d'hommes par le capitaine de 
la Mitrailleuse^ qui, vu sa position, peut la décou- 
vrir tout entière. 

A 100 mètres environ de la citadelle, la tête de 
colonne quitte le bord de la rivière pour gagner le 
chemin. Elle est accueillie par les feux de la face 
nord. 

En même temps la Mitrailleuse tire à mitraille 
sur la partie de la colonne qui n'a pas encore quitté 
le bas de la berge. 

Ces deux feux combinés produisent un effet fou- 
droyant; la colonne chinoise se rompt aussitôt : 
ceux qui se trouvent sur le chemin cherchent un 
abri derrière tous les obstacles du terrain. 

Les pièces de 4 du mamelon tirent sur ces abris, 
et, lorsque les Chinois les quittent pour se retirer 
un à un, ils se trouvent en butte au feu des tireurs 
de position, choisis parmi les meilleurs de la légion, 
qui occupent le mamelon. 



ATTAQUES DU BLOCKHAUS 51 

Contre le blockhaus, trois colonnes sont dirigées 
simultanément : la première venant de la grande 
pagode, la deuxième de la direction de Yla et la 
troisième de la direction de Yen par la ligne des 
mamelons. 

Chacune de ces colonnes est forte de trois 
cents hommes environ. 

Le poste du bockhaus, 48 hommes commandés 
par le sergent Leber de la légion, les tient toutes 
trois à distance. 

Les deux premières se retirent au bout d'une 
demi-heure; mais la troisième, qui a pris position 
sur le mamelon à 200 mètres du blockhaus, y 
reste jusqu'à dix heures du matin, et de là tire sur 
cet ouvrage et la citadelle. 

La face ouest de la citadelle, en flanquant le 
blockhaus, a contribué à la retraite rapide des 
deux premières colonnes. L'artillerie, du haut du 
mamelon de la citadelle, a tiré avec des hotchkiss 
sur toutes les colonnes chinoises. 

Du côté de la face sud, les Chinois profitant du 
terrain couvert, s'étabUssent derrière la digue qui re- 
lie la grande pagode au fleuve et au village annamite. 
Ils y exécutent immédiatement une tranchée et leur 
ligne d'investissement se trouve de ce côté n'être 
plus qu'à 550 mètres du cantonnement des tirailleurs 
tonkinois. 

Notre artillerie tire trois obus dans la pagode du 



^^juei 



52 LE SIEGE DE TUYEN-QUAIS 

culte convertie en église par le pasteur Boisset et 
où les Chinois se sont réfugiés. 

Les projectiles traversent la toiture et éclatent 
avec un bruit sourd dans l'intérieur. Tous se sau- 
vent par toutes les ouvertures ; les balles de 
nos tireurs en abattent quelques-uns, qui se déta- 
chent en points noirs sur le talus gazonné de la 
digue. 

Le capitaine de Borelli, de la légion étrangère, 
a pris le fusil d'un soldat et fait avec une rare 
adresse le coup de feu contre les Chinois. Officier 
démissionnaire, il s'est rengagé dans la légion étran- 
gère, où il a rapidement reconquis ses anciens 
grades. 

Le capitaine de Borelli, en tirant sur un Chinois 
qui emmène une buffiesse, abat celle-ci. Cet 
animal est étendu dans la rizière derrière la 
pagode, et son petit, resté vivant, tette de temps 
en temps, se couche ou tourne autour de sa 
mère. 

Le nombre des morts de l'ennemi, dans cette 
journée, ne peut être apprécié d'une façon exacte. 
On a vu emporter des Chinois de toutes parts. 
Nous devons en avoir tué plus d'une centaine ; une 
reconnaissance poussée dans l'après-midi, en avant 
de la face nord, trouve sur le terrain cinq cadavres 
et un pavillon ; de nombreuses taches de sang mar- 

ent la ligne de retraite 



ATTAQUES DU BLOCKHAUS 53 

De notre côté nous avons eu deux blessés appar- 
tenant tous deux au poste du blockhaus : le caporal 
Eummer, de la légioa, légèrement atteint, et un 
tirailleur tonkinois, qui a eu une partie de la figure 
emportée. 

Pendant tout le restant de la journée, les Chinois, 
de leur nouvelle ligne d'investissement, cachés dans 
les broussailles et le village qu'ils ont complètement 
pillé, ne cessent de tirer sur les tirailleurs tonki- 
nois et sur la citadelle, dans laquelle les projectiles 
tombent de toutes parts. 

Le travail des Chinois ne se ralentit pas de toute 
l'après-midi; des fascines et des branches d'arbres 
sont apportées sur la ligne d'investissement. 11 n'y 
a plus à en douter, c'est une attaque pied à pied 
qui se prépare. De notre côté nous complétons le 
travail de défilement des communications et du 



bub-Vinh-Pbuoc sus ïvaat-poileg cUaoli, 



Lt gnnat inncbM cblnolM. 



ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 



Lea fusils de rempart chinoia. — Nouvelle atlaque du blockhaus. 
Feui de nuit. — La tranchée chinoise. — Nos tireurs de position 
Adresse des tirailleurs ennemis, — Sept cents Chinois abattus par 
Tingt-ciuij Français. — Travanx intérieurs. — Le mannequin des 
tirailleurs tonkinois. — Buses des Chinois. — Prise de chevaux. 

— Enterrement du légionnaire Taube. — Triple attaque du 
blockhaus. — flyacualion du blockbaus. — Arrivée des Chinois. 
€n heureui obus. — Combat d'artillerie. — Un feu d'enfer. — 
Bombardement du blockhaus. — Trait de courage du tirailleur 
Gia. ~~ Intrépidité des Tonkinois. — Activité des travaux chinois. 

— Les Pavillons-Noirs au blockliaus. — Conlinuation du bom~ 
bardement. 



27 janvier. — Pendant la nuit du 26 au 27, 
et pendant toute la journée du 27, les Chinois con- 
tinuent le bombardement de la citadelle avec leurs 
fusils de rempart, au nombre de dis. 



ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 55 

Au milieu de la nuit une attaque de vive force est 
tentée contre le cantonnement des tirailleurs tonki- 
nois ; les Chinois se lancent en poussant de grands 
cris sur la face sud de leur baraquement, mais ils 
sont repoussés parles feux croisés des Tonkinois et 
des postes de la face sud de la citadelle. 

Peu après, une attaque est dirigée contre le 
blockhaus ; cette attaque est également repoussée. 

La veille, au soir, de grands feux ont été allumés 
par les Chinois dans la grande pagode et dans la pa- 
gode de la route de Yuoc ; les pièces de 80 millimètres 
ont été pointées avant la tombée de la nuit sur ces 
deux points; à cinq heures du matin, un obus à balles 
est envoyé dans chacune des deux pagodes, que les 
Chinois abandonnent en poussant de grands cris. 

Pendant la journée, il n'est répondu au bom- 
bardement que par le feu de quelques tireurs de 
position; ces derniers prennent pour objectif les 
travailleurs ennemis qui se montrent à découvert 
sur la ligne retranchée que les Chinois construisent 
entre la grande pagode et la lisière sud du village 
annamite (distance de tir, 700 et 750 mètres) ; ce 
feu des tireurs de position est très efficace, et dans 
le courant de la journée on constate l'enlèvement de 
huit hommes mis hors de combat. 

Ces tireurs de position, au^nombre de 25, choisis 
parmi les plus habiles, ont eu pour mission, pendant 
toute la durée du siège, de tirer sur les rôdeurs 



56 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

ennemis que Ton apercevait dans un rayon de 800 
métrés ; on pariait sur ces coups et l'on a compté 
sept cents réguliers ou Pavillons-Noirs tués de cette 
façon. 

Comme nous, d'ailleurs, les Chinois ont des tireurs 
de position, placés en arrière du village annamite^ 
qui, par leur feu, rendent impraticable pour les 
hommes à découvert la face sud du mamelon, ainsi 
que la partie de la citadelle comprise enlre le pied 
du mamelon et les faces sud des baraques de la 2* 
compagnie de la légion. 

Les murs de clôture en briques faits précédem- 
ment autour des baraques de la 2® compagnie pour 
garantir les hommes contre le froid, sont maintenant 
do la plus grande utilité contre les balles; mais leur 
résistance est à peine suffisante contre les projec- 
tiles des fusils de rempart, et des gabions sont pré- 
parés pour le revêtement intérieur des baraques. 
De nouveaux parades et de nouvelles traverses sont 
faits sur le rempart. 

Dans la journée du 27, le légionnaire Taube, de 
la 2° compagnie, est blessé mortellement d'une balle 
en pleine poitrine, pendant qu'il travaille à la tra- 
verse ouest du cantonnement de sa compagnie. 

28 janvier. — Ce matin, au point du jour, on 
aperçoit partant du point appelé « Saillaiit de la 
haie », un boyau de communication qui s'avancQ 
vers le blockhaus. 



ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 57 

Plusieurs coups de hotchkiss sont envoyés sur la 
tête de sape ; le travail semble d'ailleurs interrompu 
dans la journée. 

Il faut s'attendre à ne plus pouvoir conserver le 
blockhaus ; aussi les travaux intérieurs de défilement 
sont-ils très activement poussés. La 1^® compagnie 
de la légion construit une traverse coupant le che- 
min qui mène de la porte d'entrée à son cantonne- 
ment: cette traverse, élevée [à l'entrée du cantonne- 
ment, le garantit contre les coups venant du sud. 

La 2^ compagnie place ses gabions autour des 
murs du baraquement; elle continue également à 
travailler à la grande traverse. Le service du génie, 
au moyen de 60 hommes de corvée de la légion, 
continue le cheminement de file dans la rampe du 
mamelon. 

Toute la nuit du 27 au 28 et toute la journée du 
28, les Chinois envoient, dans le cantonnement des 
Tonkinois et sur la citadelle, une grêle de balles. 
Leurs fusils de remparts tirent sans cesse avec une 
violente explosion et lancent des biscaïens de 
diverses grosseurs, dont la moyenne ressemble à 
un œuf de poule supposé rond, et qui, heureuse- 
ment, n'atteignent personne. 

Les tirailleurs tonkinois ont fabriqué Un manne- 
quin qu'ils ont affublé d'un vieux costume de 
tirailleur et placé en vedette sur le toit d'une pa- 
gode. Pour mieux tromper l'ennemi, de temps en 



6» LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

temps, un lintap (soldat) va tirer un coup de fusil 
derrière lui. 

Les Cbinois ouvrent aussitôt un feu d'enfer sur 
le mannequin et le criblent de balles. Pour entre- 
tenir leur illusion, les Tonkinois s'amusent à faire 
dégringoler parfois le mannequin au moyen d'une 
corde, puis le relèvent, et le feu des Chinois recom- 
mence de plus belle. 



C'est une rouerie du pays, car les Chinois ont 
aussi leur mannequin dans un arbre et ce n'est 
qu'après l'avoir visé plusieurs fois que nous nous en 
apercevons. Ils s'enveloppent également dans des 
nattes pour ne pas être soupçonnés. 

L'ennemi a reçu aujourd'hui des munitions et des 
vivres. Deux de ces chevaux, après avoir été dé- 
chargés, sont venus vers nous par le village. 
Quelques tirailleurs tonkinois, qui se sont approchés 
en rampant, en ont pris un et tué l'autre. 



ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 59 

C'est une bien petite compensation pour les 
buffles et les diverses provisions que les Chinois 
ont pris aux malheureux villageois annamites, qui 
n'ont plus rien à manger et ne savent où s'abri- 
ter. 

Dans la soirée a lieu l'enterrement du légionnaire 
Taube, décédé des suites de sa blessure. Le lieutenant 
de sa compagnie vient à l'ambulance pour lui dire 
adieu. La section du défunt, en armes, lui rend les 
honneurs. 

Le cortège funèbre, le pasteur Boisset en tête, 
suit jusqu'à la porte les défilés, qui longent les murs 
de la citadelle, puis se cache encore autant que 
possible en dehors des remparts. 

Le cimetière étant trop éloigné, la tombe a été 
creusée derrière la pagode du culte, maintenant 
en démolition. Après la cérémonie, les hommes 
reviennent promptement et prudemment en conser- 
vant les distances de 5 mètres entre chaque per- 
sonne. 

29 janvier. — La nuit dernière, surtout à 
partir de minuit, et aujourd'hui toute la journée, 
canonnade du camp ennemi. 

Au matin le blockhaus agite un mouchoir blanc 
pour attirer notre attention. Pensant qu'il y a un 
blessé, on fait relever le poste, et le sergent André, 
de la légion, qui était de garde au blockhaus du 
28 au 29, rend compte eue les Chinois font des 



60 LE StÈGB DE tUYEN-QL'AN 

travaux de sape, probablement pour faire sauter ce 
réduit. 

Les ennemis ont commencé, du côté opposé i la 
citadelle, un ouvrage en forme de Y, défilé de tous 
les côtés où nous pourrions l'atteindre et qui n'est 
plus qu'à une centaine de mètres du blockhaus. 
Us briseront probablement leurs lignes de façon à 
entourer celui-ci en arrivant dessus. 

Un sapeur du génie, nommé Edme est en- 
voyé au poste du blockhaus. Â midi, le sergent 
Dumont, qui a pris le matin la garde du block- 
haus, fait connsdtre que le travail de sape con* 
tinue. 

 deux heures de Taprès-midi, ce sous-officier 
tente une sortie contre la tête de sape; mais les 
hommes qu'il envoie sont accueillis par un feu 
assez nourri partant d'une parallèle que les Chinois 
ont eu soin d'étabUr perpendiculairement au che- 
minement, à 200 mètres du blockhaus ; la petite 
troupe de sortie rentre dans l'ouvrage. 

A quatre heures du soir, le capitaine Gattelin, de 
la légion étrangère, est envoyé au blockhaus pour 
reconnaître l'état d'avancement des travaux de 
l'adversaire, il constate que la tête de sape est à 
moins de 100 mètres de l'ouvrage. 

Dans ces conditions, le blockhaus peut encore , 
tenir toute la nuit et peut-être une partie de la 
journée du lendemain. Il importe de retarder le 



ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 61 

plus possible son évacuation, car les travaux de 
défilement de la citadelle ne sont pas encore ter- 
minés. Le bombardement continue. 

30 janvier. — La nuit dernière, des coups de 
fusil de rempart se font entendre vers minuit. A 
une heure du matin une fusillade nourrie est diri- 
gée sur le blockhaus. Les Chinois poussent des cris 
féroces, et par trois fois se jettent sur cet ou- 
vrage. 

Le blockhaus les reçoit par plusieurs feux de 
salve que le capitaine adjudant-major fait répéter 
par les sections de garde à la citadelle, en sorte 
que l'ennemi, pris sur trois faces entre deux feux, 
juge prudent de se retirer. 

Dans un de ces assauts, le légionnaire Claës est 
blessé à la tête. 

Au point du jour, le blockhaus fait les signaux 
conventionnels de détresse. Le sergent Bobillot, 
lîhef du service du génie, s'y rend aussitôt. 

A son retour, il fait connaître que le chemine- 
ment de l'adversaire est parvenu au pied même du 
mamelon du blockhaus, que les travaux avancent 
très vite sans qu'on puisse les arrêter à cause des 
positions, et que dans sept ou huit heures la tête de 
sape sera arrivée sur la ligne de communication du 
blockhaus à la citadelle. 

Le fortin est condamné. Afin que le blockhaus 
puisse être évacué sans combat, ordre est donné 

4 



62 LE SIÈGE DE ÏUYEN-QUAN 

au poste da cet ouvrage de rentrer à la citadelle à 
dix heures ; en même temps une corvée armée va 
chercher les munitions. 

Ce premier mouvement s'exécute à l'heure pres- 
crite ; sur le mamelon de la citadelle, toute l'artil- 
lerie et un groupe de tireurs de position se tiennent 
prêts, en cas de besoin, à protéger le retour du 
poste à la citadelle, et ensuite à profiter du moment 
où l'adversaire pénétrera dans le blockhaus pour 
le couvrir de feux. 

Un quart d'heure environ après l'évacuation de 
l'ouvrage, quelques Chinois se montrent, portant à 
l'épaule des drapeaux qu'ils se proposent, sans 
doute, d'arborer sur cette position; l'un d'eux, 
s'enhardissant et n'entendant plus de bruit, vient 
regarder par un des créneaux, et entre ensuite dans 
le blockhaus, suivi bientôt de plusieurs autres ré- 
guliers. 

Un obus de 80 millimètres est alors lancé sur* 
l'ouvrage, dont il traverse le premier mur et où il 
éclate en faisant voler un nuage de gravier. 

Les Chinois qui ont pénétré dans cet ouvrage 
ne reparaissent pas; ils ont dû être atteints par les 
éclats du projectile. De toute la journée aucun 
Chinois n'ose entrer dans ce lieu dangereux. 

Dans leurs parallèles et des mamelons qui jalon- 
nent le chemin sud de Yen, les Chinois ouvrent 
alors sur la citadelle un feu excessivement vif, qui 



ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 63 

dure de dix heures et demie du matin à quatre 
heures du soir. 

On peut estimer sans exagération à plus de 
30,000 le nombre de cartouches qu'ils ont brûlées 
dans cette journée. De notre côté les tireurs de po- 
sition seuls répondent; une pièce de 4 et une de 80 
placent aussi plusieurs coups heureux sur les co- 
lonnes de renforts qui arrivent, au son de la corne, 
de Yla et de Don-Yen, dans le camp des Chinois; 
on aperçoit des convois de blessés ou de morts qui 
regagnent ces villages. 

Nous croyons avoir atteint une centaine d'indi- 
vidus. De notre côté, malgré la pluie de plomb qui 
tombe sur la citadelle, nous n'avons qu'un artilleur, 
le nommé Forât, légèrement blessé à la joue. 

Malheureusement, dans la matinée, deux légion- 
naires sont blessés pendant le travail, les nommés 
Francey et Solberstein. 

Dans la soirée même, le légionnaire Francey 
meurt des suites de sa blessure. Nos pertes de la 
journée s'élèvent donc de un tué et trois blessés. 

Plusieurs Annamites prennent la fuite avec les 
buffles qui leur restent, ce qui fait supposer que les 
Chinois ont répandu le bruit de leur triomphe 
certain. 

31 janvier. — Malgré le bombardement inces- 
sant, on travaille toute la nuit aux travaux de 
défilement, qu'on est obligé de suspendre en partie 



64 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

pendant le jour, à cause de l'intensité du feu de 
Tennemi. 

Le lendemain, au jour, le feu des Chinois devient 
lent et irrégulier; ils s'occupent de leurs travaux. 
On constate qu'ils ont établi une tranchée sur le 
mamelon du blockhaus. 

Cette tranchée est reliée à la grande pagode par 
une autre, commencée la veille, et qui forme un 
deuxième cheminement sur le blockhaus. 

Le commandant Dominé fait tirer quelques obus 
sur ces ouvrages, situés à environ 500 mètres de 
la citadelle. Les Chinois ont pris possession de tous 
les mamelons qui nous environnent, et quelques-uns 
ont passé sur la rive opposée de la rivière Claire. 

Dans la journée, vers deux heures, un biscaïen 
traverse la porte de la cagna du pasteur Boisset et 
brise plusieurs briques contre son lit de camp. 

Heureusement, cet aumônier est sorti en ce mo- 
ment pour assister à l'enterrement du légionnaire 
Francey, qui est inhumé dans la demi-lune à droite 
de la porte de la citadelle. Là, l'ennemi ne peut 
voir le cortège funèbre, qui arrive en cet endroit 
en se défilant dans les fossés qui longent les rem- 
parts. 

Dans la nuit du 30 au 31 , à huit heures du soir, 
250 Chinois environ viennent en avant-garde dans 
le ravin de la citadelle afin d'attaquer le canton- 
nement des tirailleurs tonkinois, 



ÉVACUATION DU BLOCKHAUb 65 

Ce cantonnement qui forme un petit fort tout 
criblé de balles, est situé en dehors des remparts, 
le long de la rivière Claire. 

Les factionnaires donnent Talarme. Les tirail- 
leurs courent aux armes et font plusieurs feux de 
salve. A 50 mètres des palissades, deux Chinois 
tombent sur la route : les autres prennent la fuite, 
abandonnant, contre leur habitude, les cadavres 
de leurs camarades ainsi que deux échelles en 
bambou. 

Au jour, quelques tirailleurs vont chercher les 
échelles, mais n'osent avancer jusqu'au cadavre 
d'un de ces Chinois étendu plus loin. Quant à l'autre 
mort, il a dû être enlevé pendant lanuit par les siens. 

Voyant cela, un caporal indigène des tirail- 
leurs tonkinois, du nom de Gia, sort seul avec son 
fusil, et va tranquillement dépouiller le corps du 
Chinois, s'occupant peu de la grêle de balles que 
font pleuvoir autour de lui les défenseurs des tran- 
chées ennemies; il déshabille le mort, lui enlève 
ses armes, lui coupe sa tresse de cheveux et rentre 
tranquillement au cantonnement. 

Ses camarades indigènes, les Tonkinois, sont 
émerveillés de tant d'audace et de sang-froid, un 
tel exemple est bien fait pour aguerrir nos auxi- 
liaires. Comme ce caporal est très estimé de ses 
chefs et très aimé de ses camarades, il est vive- 
ment félicité par les uns et les autres. 



66 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAK 

Ajoutons, du reste, lue tous ces tirailleurs ton- 
kinois se battent admirablement pendant toute la 
durée du siège. Dès qu'ils se sentent soutenus, ils 
font preuve d'une intrépidité extraordinaire ; ils ne 
craignent pas la mort, mais comme tous les boud- 
dhistes, ils redoutent de tomber morts ou vivants en- 
tre les mains des Chinois, qui décapitent les ca- 
davres. 
1er février. — Pendant la nuit dernière, bom- 
bardement des Chinois 
pour détourner notre 
attention, pendant qu'ils 
continuent leurs retran- 
chements. Denotre côté, 
le travail est repris le 
31 au soir, à la tombée 
de la nuit. 

Au matin, on constate 
que les Chinois n'ont 
pas mis moins d'activité 
que nous dans leur tra- 
vail. Ils ont poussé leurs 
tranchées jusqu'à 250 
Pavillon noir. mètrcs du mirador sud. 

Les brèches de notre ancien blockhaus sont rebou- 
chées et deux pavillons noirs flottent sur ce fortin. 
Notre artillerie lui dira un mot dès qu'elle le 
saura sérieusement réoccupé. 




ÉVACUATION DU BLOCKHAUS 67 

L'ennemi arbore dix drapeaux de diverses cou- 
leurs tout près de nos remparts, et à partir de huit 
heures du matin, la citadelle est en butte à un feu 
concentrique, qui dure toute la journée avec une 
grande intensité, particulièrement de la ligne de 
mamelons situés sur la face ouest, sur lesquels les 
Chinois ont élevé des retranchements crénelés. 

De la pagode du mamelon déboisé, ils tirent sur 
la face nord, et de la rive gauche du fleuve, ils 
battent la porte d'entrée de la citadelle et la Mi- 
trailleuse. Les tireurs de la rive gauche sont déta- 
chés des postes qui sont établis sur cette rive en 
aval de la place, depuis le 28 janvier. 

Les balles pleuvent comme grêle dans l'intérieur 
de la citadelle, surtout autour de l'ambulance et 
obligent ceux des malades et des blessés qui ont 
l'habitude de se promener, à ne pas sortir. Dans la 
journée nous avons un tirailleur tonkinois blessé. 

2 février. — Les Chinois continuent leurs tra- 
vaux et leur bombardement toute la nuit et toute 
la journée; dans cette même nuit, ils envoient 
contre les tirailleurs tonkinois un groupe qui laisse 
un mort et un blessé sur le terrain. 

Continuation du bombardement. Les officiers de 
la 2° compagnie de la légion sont forcés d'évacuer 
leur baraque, criblée par les projectiles de l'ennemi, 
le nombre des cartouches tirées par les Chinois, dans 
une période de vingt-quatre heures, peut 4tx<è 



66 LE srËGE DE TUYBf-QDAN 

estimé à 8,000; celui des projectiles de fusils de 

rempart, à 300. 

Nos tireurs de position brûlent par jour environ 
1,000 cartouches; ils mettent journellement en 
moyenne 10 hommes hors de combat; les effets de 
l'artillerie contre les ouvrages qu'élève l'adversaire 
sont presque nuls; aussi le tir de l'artillerie, d'une 
manière générale, n'est employé que contre les 
groupes qui se présentent à portée; quelquefois, 
cependant, il est employé contre les batteries de 
l'adversaire, lorsqu'il devient nécessaire de faire 
taire son feu pour protéger l'exécution d'un travail. 

Le cheminement des Chinois s'avance rapide- 
ment; le 2, au matin, il atteint l'éperon en avant 
de la porte sud. Une parallèle est établie par 
eux sur la ligne du mamelon, situé à ^0 ou 100 mè- 
tres de la face ouest de la citadelle. 



Tirillleur laokioali. 



Tranchas du lailUnt nord-oucit. 



CHAPITRE VI 



BOMBARDEMENT ET TRAVAUX DE IIIINE9 



Signnui avec des lan 1er np9. — Mort du lonkiooisGia. — SestumS- 
raiJles. — Combats da nuits. — Altoque de la baie de bambous 
et de la muraille de la citadelle. — De>lnicIion des traiei'Sci 
chinoiaes. — Construciion do mâchicoulis mobiles pour nos fac- 
tionnaires. — Drapeju péché. — Ouverture d'uoe batterie clii- 
noîse. — Sommations rcjelées. — Bombardement du mamelon. 
— Travaai de miaet et cotilre-minca. — Belle conduite des sa- 



70 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

peurs da génie. — Ordres donnés en cas d^explosions. — Attaque 
du saillant nord-ouest. — Combat de mine. — Inondation de la 
galerie chinoise. 

On prétend que Luh-Vinh-Phuoc est à Yuoc. 
Quoi qu'il en soit, on voit le soir des lanternes 
échelonnées sur le bord de la rivière Claire qui 
servent à faire des signaux dans cette direction. 

Dans la journée, le caporal Gia, des tirailleurs 
tonkinois, a la tête traversée par une balle alors 
qu'il regarde par un créneau. Transporté en râlant 
à l'ambulance, il y meurt le soir même. 

Ce brave soldat venait pour sa bonne conduite 
et son acte de courage du 34 janvier, d'être l'ob- 
jet d'une proposition pour la médaille milïtaire. En 
dépit des difficultés occasionnées par l'ensevelisse- 
ment, les Tonkinois lui font de splendides funé- 
railles : sa tombe est couverte de fleurs , de feuil- 
lages, et, pour honorer sa mémoire, nos officiers 
accompagnent à sa dernière demeure le caporal 
annamite, mort au champ d'honneur. 

3 février. — Dans la nuit du 2 au 3, à trois 
heures un quart, les Chinois ouvrent un feu géné« 
rai de leurs lignes de tranchées ; ils font quelques 
pas en dehors de leur abri pour marcher contre 
les Tonkinois, et contre les faces sud et ouest de 
la citadelle; mais le feu de la garde et du piquet 
qui couchent sur les remparts, les fait immédiate- 
ment rentrer dans la tranchée. A quatre heures, 
tout est fini. 



BOMBARDEMENT ET TRAVAUX DE MINES 71 

Continuation du bombardement. Vers dix heures 
du matin, le tirailleur tonkinois Phan-Dang-Chinh 
est atteint mortellement. 

Il est très difficile dans la journée de marcher 
dans les tranchées à cause de la boue produite par 
la pluie fine qui est tombée par intervalles. 

On affirme, qu'un Annamite, en se cachant dans 
les bois, a réussi à porter à Phu-Duong la nouvelle 
du siège de Tuyen-Quan. Le cas échéant, Tétat-major 
général à Hanoï doit en être informé aujourd'hui. 

Toutefois, on croit que les opérations de Lang- 
Son mettront le général commandant en chef dans 
Timpossibilité d'envoyer immédiatement ici une 
colonne. 

4 février. — La nuit dernière a été plus calme 
que les précédentes. Les Chinois ont très peu tiré ; 
ils doivent être, comme nous, très fatigués à la suite 
de leurs travaux. 

Dans la journée le bombardement reprend avec 
l'intensité habituelle ; cependant le tir des fusils de 
rempart est moins nourri; quelques-uns de ceux-ci 
lancent des projectiles cylindriques. 

Pendant la nuit de 3 au 4 les Chinois ont amé- 
lioré leurs travaux, qui avancent jusqu'à 30 mètres 
de la citadelle. 

Nos tireurs de position les atteignent difficile- 
ment, car ils travaillent à couvert. Toutefois, ils 
en pourront déboucher de ces boyaux que Tun après 



72 L£ SIÈGE DE TUYEN-QUAR 

l'autre, et la garde seule pourra les arrêter un peu 
au commencement. Ils ont fait sur leur ligne de 
tranchées en avant de la face ouest un amas con- 
sidérable de fascines et de bottes de paille. Us 
semblent avoir abandonné leur première idée d'at- 
taquer par la face sud et chercher à envelopper 
les saillants sud-ouest et nord-ouest ainsi que la 
demi-lune ouest. 

5 février. — Dans la nuit du 4 au 5, un groupe 
de Chinois s'avance encore du côté des tirailleurs 
tonkinois ; il est repoussé et laisse un cadavre sur 
e terrain. Dans cette nuit, les Chinois lancent 
une tranchée jusqu'au saillant sud-ouest de la tra- 
vée, c'est-à-dire jusqu'à 25 mètres du saillant sud- 
ouest de la citadelle. 

Dans la journée du 5, les tireurs de position 
mettent hors du combat dix-huit Chinois que l'on 
voit enlever. 

Comme d'habitude, le bombardement dure nuit 
et jour. Le nombre des Chinois de la rive gauche 
augmente. Leur tir est très gênant pour les tirail- 
leurs tonkinois et pour la Mitrailleuse. 

Dans le courant de la journée, deux légionnaires 
sont blessés légèrement sur le rempart où ils sont 
en faction, les nommés Simon, de la l*"® compa- 
gnie, et Sylvestre, de la 2® compagnie. 

Les tirailleurs tonkinois rapportent qu'un Chi- 
nois e'est approché de leur cantonnement en di- 



BOMBARDiiMENT ET TRAVAUX DE MINES "3 

sant : — Combien êtes-vous donc pour ne pas 
évacuer? 

Cette question, si elle est exacte, laisse suppo- 
ser qu'ils croient nous avoir fait beaucoup du mal. 

Le total de nos pertes, heureusement, depuis le 
commencement du siège, ne s'élève qu'à quatre 
morts et environ quinze blessés. Aussi prend-on 
mille précautions. On ne reconnaît plus la cita- 
delle, tellement elle a été bouleversée. 

6 février — Dans la soirée du 5, à la tombée 
de la nuit, les Chinois viennent faire un trou en 
terre contre notre haie de bambous, c'est-à-dire à 
30 mètres du mur de la citadelle ; ce trou corres- 
pond à peu près au milieu de la demi-face sud de 
la face ouest. 

L'obscurité empêche de distinguer les travail- 
leurs et le genre de travail qui est fait; on tire 
cependant du mur, mais sans résultat appréciable. 

L'adversaire, profitant de l'épaisseur de la nuit, 
arrive à toucher nos murs et essaye de percer un 
trou sous l'un des saillants et sous l'une des portes; 
il parvient même à apposer des madriers contre 
la muraille de manière à former une sorte de 
toit. 

Lorsque la lune se lève, on aperçoit ce travail, 
qui est détruit au moyen d'un long crochet par le 
sergent du génie. 

Au point du jour, on remarque que, du trou 




74 LE SIÈGE DE TUYEN-QDAN 

creusé, Tadversaire a cheminé le long de la haie 
vers le sud sur uue longueur de 25 mètres, et que 
là, il a percé, comme au premier point, la haie 
de bambous. 

Dans la journée le génie rebouche les deux trous 
pratiqués dans le mur. 

Pour empêcher toute nouvelle tentative directe 
de l'adversaire contre la muraille, le nombre des 
sentinelles de demi-faces est augmenté d'une (soit 
au total quatre sentinelles se partageant la surveil- 
lance sur un front de 150 mètres). 

Chacune de ces sentinelles est munie d'un mâ- 
chicoulis mobile qu'elle doit placer sur le mur au- 
dessus du point où Tennemi tenterait de venir 
travailler, de manière à pouvoir tirer à l'abri sur 
les travailleurs. En outre, des petites fascines 
imprégnées d'alcool sont préparées pour éclairer le 
pied du mur. 

Dans la matinée du 6, l'adversaire, partant du 
trou signale plus haut, chemine perpendiculaire- 
mont sur ie mur en se couvrant en tête par un 
masque de iascines qu'il fait avancer au fur et à 
mesure de sou tra\ail. Il arrive ainsi jusqu'à égal dis- 
tance de la haie de bambous et du mur. 

Là, il plante un drapeau. 

Voulant s'emparer de ce trophée, le lieutenanx 
Gœury, de la 1" compagnie de la légion, imagine 
do faire organiser une immense perche avec des 



BOMBARDEKEWT ET TRAVAUX DE MINES 75 

bambous et des cordes. A rextrémité de cette perche 
se trouve un nœud coulant. 

Vers six heurea du soir, le caporal Kramer et 
plusieurs légionnaires de cette compagnie manœu- 
vrant cette perche, posent délicatement le nœud 
coulant sur le drapeau planté dans le sol et le 
tirent à eux en dedans des remparts- 



files ses tioDipcnéa & l'ambulsac*. 

L'ennemi s'aperçoit de cet enlèvement; deux 
Chinois sortent du retranchement et s'accrochent 
à la hampe de l'étendard pour le retenir, pendant 
que leurs camarades tirent sur les créneaux; mais 
quelques tireurs, embusqués dans le mirador, 
abattent aussitôt les deux ennemis, et le drapeau 
disparait par-dessus la muraille aux applaudisse- 
ments de DOS soldats. 

Dans l'après-midi, l'adversaire établit une batte- 
rie de quatre fusils de rempart sur la rive gauche, 
au sommet du piton qui domine la pagode blanche, 
à 1,400 mètres de la citadelle. Le tir de ces fusils 



76 LE SIÈGE DE TUYEN-QQAN 

ne produit aucun eflFet, les coups oi ant tous trop 
courts. 

Le bombardement de la citadelle continue ; il est 
particulièrement vif de huit heures à dix heures 
du matin et de quatre heures à six heures du soir. 

Nos tireurs de position tirent toujours avec le 
même succès, mais les Chinois, qui se découvrent, 
deviennent de plus en plus rares. Notre artillerie a 
l'occasion de placer quelques bons coups de hotch- 
kiss contre des groupes de travailleurs. 

Dans cette journée trois légionnaires sont blessés: 
Sylvestre, Popp et Geber. 

7 février. — Dans la soirée du 7, les mâchi- 
coulis mobiles sont installés et le pied du mur éclairé 
toutes les demi-heures, sur la face ouest. 

On ne constate durant cette nuit aucune tentative 
directe de l'adversaire contre la muraille, bien 
qu'à différentes reprises des coups de feu et des 
cris retentissent dans le camp ennemi. On entend 
même une personne parlant français nous crier des 
insultes grossières. 

Au point du jour, on constate que l'ennemi a 
complété et amélioré ses communications. 

En arrière du mamelon de la compagnie chinoise, 
il a élevé une batterie de fusils et de canons de 
rempart. 

Dans la matinée, la batterie de fusils de rempart 
qui, la veille, était placée sur le piton de la rive 



BOMBARDEMENT ET TRAVAUX DE MINES 11 

gauche, descend au pied de cette hauteur; de sa 
nouvelle position, elle ne produit pas plus d'eflFet, 
que de l'ancienne : elle est d'ailleurs contre-battue 
par les hotchkiss de la Mitrailleuse, 

A midi, les Chinois démasquent sur le mamelon 
du blockhaus une batterie composée de deux ca- 
nons de rempart, d'une vieille pièce d'assez fort 
calibre et d'une pièce de 4, qui lance notre obus 
ordinaire et notre obus à balles. 

Notre 80 milimètres et les tireurs de position 
font taire la pièce de 4, qui est d'ailleurs mal 
installée dans une embrasure trop ouverte et dont 
tous les projectiles éclatent en l'air. 

Nous continuons les travaux de défilement qui 
ont été commencés la veille. Le travail se pour- 
suit jour et nuit, le nombre des travailleurs étant 
basé sur celui des outils, qui ne restent jamais un 
moment inactifs. 

Dans cette journée, un légionnaire, le nommé 
Fuhrmann, est tué sur le mamelon. 

Dans la soirée, le sergent Dumont apporte au 
commandant Dominé quatre piquets de bambou, 
contenant chacun une lettre de l'adversaire. Le 
commandant, sans les ouvrir, les fait jeter dédai- 
gneusement, par-dessus le rempart, dans le ravin 
d'où on les a lancées. 

8 février. — Au point du jour on constate 
que l'adversaire a exécuté un deuxième chemine- 



7i LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

iqent perpendiculaire au mur et à 15 mètres d'ëloî- 
gnement du premier. 

Dans raprès-midi , on s'aperçoit qu'il se forme un 
amas de terre, s'accroissant peu à peu, aux extré- 
mités des deux cheminements ; il y a tout lieu de 
penser que l'adversaire chemine alors en galerie 
souterraine vers le mur. 

A partir de ce moment, le sergent du génie 
Bobillot fait écouter constamment pour déterminer 
la direction que suivent le deux galeries. 

Pendant la nuit , l'adversaire a construit une 
sorte de casemate pour sa pièce de 4 ; à dix heures 
et demie du matin, il lance deux obus à balles, dont 
l'un va éclater au-delà du fleuve, mais dont le 
second enlève une partie de la toiture de la pagode 
occupée par l'interprète sur le mamelon. 

Au moment du déjeuner de Tétat-major, un bis- 
caïen perce le toit juste au-dessus de la table et 
envoie de la terre ainsi que de petits morceaux de 
briques dans les assiettes. 

Notre pièce de 80 millimètres est impuissante à 
détruire la casemate, mais comme celle-ci est très 
large, les tireurs de position empêchent les artil- 
leurs ennemis de remettre la pièce en batterie. 

A la nuit tombante, cependant, les Chinois en- 
voient encore un obus de 4 qui n'éclate pas et 
qui va tomber au-delà de la citadelle. 

Dans cette journée nous avons encore deux blés- 



BOMBARDEMENT ET TRAVAUX DE MINES 7Q 

ses, les nommés Devogel et le sergent Dordaki, de 
la légion. 

9 février. — Dans la nuit du 8 au 9, les Chi- 
nois organisent une large place d'armes au point cù 
le boyau qui va au saillant sud-ouest de la haie 
se détache de la parallèle ; ils élargissent égale- 
ment ce boyau ; de plus, ils ont amorcé un 
deuxième boyau en zigzag meuant de la place 
d'armes en question à la deuxième galerie souter- 
raine. 

Le sergent du génie Bobillot a reconnu le point 
vers lequel se dirige la deuxième galerie souter- 
raine, qui est plus avancée que la première; au 
point du jour, il fait commencer deux contre-gale- 
ries, de manière à entraver le point où aboutira le 
travail du mineur adverse; ces contre-galeries, ont 
pour but de servir d'évents à la mine, de réduire 
considérablement son action ; le soir, les contre- 
galeries sont presque arrivées , en descendant de 
55 centimètres par mètre, jusqu'au mur. 

Dans ce siège la conduite de nos sapeurs du génie 
est admirable. Ils sont seulement une poignée, 
huit hommes apartenant à la 2® compagnie du 
3® bataillon du 4® régiment du génie. Ce sont: le 
sergent Bobillot, le caporal Cacheux, le? sapeurs 
Raymond, Edme, Couzir, Dominique, VMèm*> et 
Blanc. 

Avec un outillage presque nul, le serg^r-t Bobi)^/»t 



80 LE -,::GE DE TUYEN-QUAN 

a fait exécuter un ouvrage de campagne à 400 
mètres de la place, a fait co: ''actionner plus 
de sixmille gabions pour paradosser les ." ces en- 
filées et prises à revers et a construit un retran- 
chement. 

La place n'a pas de poudre de mine ; on n'hésite 
pas cependant à se porter à la rencontre des 
mineurs chinois, et on prépare des gargousses d'ar- 
tillerie pour leur donner un .{..mouflet. * 

Le 9 février, vers quatre her 'es de l'après-midi, 
on entend le travail d'un second mineur dans la 
première galerie souterraine ; le sergent du génie 
estime qu'il est encore à sept ou huit mètres du 
mur. 

On entend également tout le jour un bruit de 
pioche en arrière du mamelon du saillant nord-ouest. 

10 février. — Pendant la nuit, on n'a tiré, 
comme d'habitude, que des coups de fusil toutes les 
deux ou trois minutes. 

Le mineur ennemi de la galerie de droite gagne 
du terrain. Au point du jour on commence deux 
contre-mines pour aller à lui. 

Ce moyen est le seul, que nous puissions essayer 
contre lui; dans les conditions où nous nous trou- 
vons, une sortie ne pourrait réussir ; ca effet, l'en- 
nemi a construit des abris pour tireurs, et ces abris 
sont protégées par notre haie de bambous elle- 
même. 



BOMBARDEMENT ET TRAVAUX DE MINES 81 

Pour aller à lui, dous n'avons qu'une porte de 
sortie, et il faudrait défiler, à l'aller comme au 
retour, sous le feu de ces retranchements suivant 
qu'on irait à lui par uq côté où par l'autre. 

Dans la journée, le bombardement continue ; il 
est particulièrement vif vers midi et nous recevons 
une quinzaine de bombes explosibles, des obus à 
balles et des fusées qui sont plutôt un projectile 
qu'un agent incendiaire. Plusieurs de ces projec- 
tiles éclatent dans la citadelle. La congay (femme) de 
l'interprète est blessée. 

Les ordres donnés la veille pom: le cas d'explo- 
sion d'une mine sont maintenus ; il est recommandé 
à l'artillerie du mamelon de tirer sur les groupes et 
de dédaigner de répondre pendant l'assaut au tir de 
l'artillerie ennemie. 

Le génie reçoit l'ordre d'accumuler gabions, 
sacs à terre, branches d'arbres ou bambous auprès 
des points sur lesquels l'adversaire dirige ses deux 
galeries souterraines. 

Le moment où les réserves générales devront 
s'élancer pour couronner les brèches sera celui où 
les Chinois eux-mêmes se porteront à l'assaut ; 
le moment sera indiqué par la sonnerie de la 
charge. 

Les travaux, exécutés par nous dans la nuit du 
9 au 40 et dans la journée 'du 10^ sont banquette et 
revêtement en clayonnage de la traverse de la 



82 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

2® compagnie, amélioration des défilements du ma- 
melon. 

La traverse intérieure de la 2® compagnie est 
aménagée définitivement ; il y a lieu de se préoccu- 
per du cas où l'adversaire ferail sauter .par la mine 
100 à 150 mètres de la muraille; il serait alors, 
avec Teffectif di^onible, impossible de garnir la 
brèche. 

En vue de cette éventualité, la traverse forme- 
rait une partie du retranchement intérieur, par 
lequel le commandant Dominé prend le parti de 
couper en deux la citadelle. 

Depuis quelques jours déjà, devant la nécessité 
où nous pouvons nous trouver d'avoir à défendre 
la place pied à pied, un mois de vivres de toute 
espèce sont montés au mamelon pendant la nuit par 
les coolies. 

11 février. — Dans la nuit du 10 au 11, quel- 
ques Chinois se glissent jusqu'au pied du mur du 
saillant nord-ouest et cherchent au moyen de grap- 
pins, à renverser les gabions et les planches qui 
surélèvent le parapet de ce saillant, et qui y for- 
ment un masque contre les coups pouvant venir du 
petit mamelon. En repoussant cette tentative, le 
lieutenant Gœury et le légionnaire Alberti sont 
légèrement blessés. 

L'ennemi continue ses travaux de mine. A huit 

mres et demie du matin il travaillait dans la 



^^^ 



BOMBARDEMENT ET TRAVAUX. DE MINES S3 

galerie n" 2, eo même temps que nous dans la gale- 
rie correspondante ; le légionnaire Maury donne à 
ce moment un coup de piocha qui crève la paroi qui 
le sépare du mineur ennemi ; celui-ci, qui est sur 
ses gardes, fait une décharge de revolver et blesse 
Maury au pied. 



Coinbsl eDlre mineurs Iraotais ci chinois. 

Le trou est bouché au moyen de sacs à terre et 
une petite palissade est faite pour reconstituer un 



En même temps, le sergent du génie Bobillot 
cherche à inonder la galerie de l'adversaire, qui 
est au-dessous de la nôtre et qui a été creusée en 
s'approfondissant. 

Ce procédé semble réussir ; car, en jetant de la 
terre dans la partie en sape découverte, on entend 
un clapotis d'eau. Cependant quelques moments 
après on entend travailler de nouveau en face do 
lu contre-galerie de gauche. 



n LE SIÈGE DE TUÏEN-QDAN 

Continuation du bombardement. — Un à«s obus 
lancés aujourd'hui par l'ennemi vient éclater dans 
la cagna du commandant Dominé, au moment où, 
heureusement, celui-ci est sorti. 

Les fusées passent toutes par-dessus la cita- 
delle. Il n'en est pas de même des balles: le lé- 
gionnaire Pasche est atteint au pied par un coup de 
feu. ^ . 

Continuation des travaux de la veille. Ordre 
est donné de faire des sacs à terre avec les toiles 
de tentes que la légion a en magasin. 

Il est arrivé la nuit dernière un Annamite qui 
prétend venir de Sontaj. 11 annonce à l'interprète 
que Lang-Son est à nous depuis quatorze jours et 
qu'il y a actuellement 3,000 soldats français à 
Sontay. Le commandant le met à la porte -sans 
l'interroger, car cet indigène ne possède aucun 
uandat écrit. Qui sait même si ce n'est pas un 
( spion ? 



Ballcric cbinoiao caseiiuldo. 



La première eiplosloi 



CHAPITRE VU 



LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 



La première etploaion. — Assaut repoussé. — Nouvelles mines 
ennemies. — Deuiième eiplosion. — Aux armcj i — La charge. 
— Prise d'un drapeau. — Les fusées incendiaires. — Conatruc- 
tion d'un retranebemenl rapide. — Nos pertes. — Actede cou- 
rage dn caporal Beulin. — Les fêtes du nouvel an chinois. — 
Alertes de nuit. — Sortie des tirailleurs tonkinois. — Sortie sui- 
tes tranchées chinoises. — Mort du sergent Beulin. — Bombar- 
dement du mamelon. — Mort du caiiilaine Din et de l'inler~ 
prête. — Blessure du sergent Bobitlot. — Sa mort. 



12 février. — Ce matin, à cinq heures et 
demie, un peu avant le ré?eï!, une forte détona- 
tion, suivie d'une fusillade très nourrie, ébranle les 
remparts. 



86 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

Toute la garnison prend les armes pour se ren- 
dre aux postes de combat ; les Chinois, rassemblés 
dans la grande place d'armes, vis-à-vis la face 
ouest, poussent de grands cris et se portent vers 
le lieu de l'explosion. 

C'est la mine de la galerie n° 2 qui vient de 
sauter; mais, grâce aux contre -galeries qui 
forment évents, la mine a soulevé une masse 
de terre et fait affaisser un peu le mur, qui n'a 
été que crevé, mais il n'y a pas de brèche prati- 
cable. 

Les Chinois, qui marchent en tête de la colonne 
d'assaut, sont pris de front par la colonne de 
réserve générale, qui s'est portée au* lieu de l'ex- 
plosion, et de flanc par les fusils et les hotchkiss 
de la demi-lune ouest. 

Une trentaine sont tués sur place, les survivants 
rentrent précipitamment dans la communication 
défilée et l'action se continue par un tir rapide et 
précipité, que les Chinois exécutent de leur parallèle 
la plus avancée et parle tir de leur artillerie placée 
au mamelon du blockhaus. 

Dans la matinée le mur s'affaissant, on relie les 
deux extrémités delà partie restée solide au moyen 
d'une palanque. ' 

Vers huit heures du matin, on s'aperçoit que 
l'ennemi a cheminé souterrainement vers le saillant 
sud-ouest et qu'il est déjà presque au mur. 




LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 87 

Une contre-galerie est immédiatement com- 
mencée, mais il est à craindre qu'on n'arrive trop 
tard. 

Le soir, les ordres des jours précédents sont 
maintenus pour le cas où Tennemi ferait sauter 
pendant la nuit la mine de la galerie n** 1 et celle 
du saillant. 

En même temps qu*à cinq heures et demie du 
matin l'ennemi tentait Tassant de la citadelle, il 
faisait une attaque de vive force contre les tirail- 
leurs tonkinois; cette attaque a été repoussée 
comme Tautre. 

Trois légionnaires blessés dans cette journée : 
Stutter, Nœrden et Rœssle. 

13 février. — La nuit du 12 au 13, nos tra- 
vailleurs étaient occupés à creuser la contre-galerie 
du saillant et les deux contre-galeries correspon- 
dant à la galerie n** 1. A 3 heures 15 du matin une 
explosion sourde ébranle la citadelle ; le cri : « Aux 
armes ! » est répété, et chacun se tient prêt à exé- 
cuter les ordres donnés la veille. 

C'est le saillant sud-ouest qui vient de sauter ; le 
mur d'escarpe , renversé sur une longueur de 
15 mètres, est tombé dans le fossé et le parapet en 
terre est détruit; la brèche existe, mais elle pré- 
sente àjson centre un entonnoir qui la rend diffici- 
lement praticable. 

Le rempart sud est éclairé par nos feux et par 



88 LE SIËGE DE TUTEN-QOÀM 

ceux de l'eDDemi. Les balles sifflent d'une façon 
extraordinaire ; le canon tonne; les fusées incen- 
diaires sillonnent l'espace. On entend alors les Chi- 
nois pousser de grands cris de victoire à proximité 
de la brèche. 

Le capitaine Moulinay, de la 3" compagnie, fait 
alors sonner la charge et conduit à la brèche sa 
section de réserve générale. 




Le mouvement des Chinois est arrêté aussitôt; 
le porle-drapeau, qui marchait en tête, tombe sur 
la brèche, et les autres rentrent dans la place d'ar- 
mes défilée. A deux reprises, ils tentent encore 
d'atteindre la brèche, mais ces deux tentatives sont 
repoussées comme la première. 

L'obsturito esc complète ; les travailleurs (1™ 



LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 80 

section) arrivent avec les outils et un retranche- 
ment rapide est exécuté immédiatement un peu un 
arrière du bord de l'entonnoir. 

L'action est continuée pendant le reste de la nuit 
par un feu très intense de nos adversaires ; de notre 
côté, nous tirons très peu; au point du jour, l'artil- 
lerie envoie quelques coups de hotchkiss et de 
80 millimètres sur des groupes qu'elle aperçoit. 

A six heures et demie, le feu de l'ennemi se 
calme et le service habituel est repris. 

Les pertes de la journée sont toutes subies par la 
légion ; elles sont de 5 hommes tués, les nommés 
Acker, Alberts, Hoffmann, Waisemann et Schel- 
baum, et 6 blessés. 

Le cadavre du soldat Schelbaum avait été lancé 
par l'explosion dé la mine jusqu'à quelques pas des 
retranchements chinois. 

Il nous aurait coûté de voir ce mort, que nos 
feux de rempart leur avaient caché pendant le jour, 
tomber entre les mains des ennemis, qui ne man- 
queraient pas, selon leurs ignobles habitudes, de lui 
faire subir les plus cruels outrages. 

A la tombée de la nuit, le caporal Beulin, de la 
2^ compagnie, avec trois hommes de bonne volonté, 
les légionnaires Bailinger, HindinschittetSteimann, 
va chercher le cadavre. 

Pour cet acte de courage, le caporal Beulin est 
nommé sergent et les trois hommes qui l'ont accom- 



90 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

pagné sont nommés de première classe. Ils sont 
cités tous quatre à Tordre de la place. 
' 14 février. — Dans la nuit du 43 au 14, de 
huit heures et demie du soir à trois heures du 
matin, les Chinois ne cessent de tirer des feux de 
salve sur la face est de la citadelle ; on estime à 
3,000 le nombre des cartouches qu'ils ont pu brûler. 

Par moments ils mêlent leurs cris aux sons de 
leurs cornes et trompettes, et on distingue très 
bien la voix de leurs chefs ajouter avec plus de 
force que les autres : Mao (vite) ! Maolen (très vite) ! 

Nos soldats, dont divers pelotons, alternative- 
ment, couchent toujours sur les remparts, sont aux 
postes de combat, mais ne tirent pas beaucoup. 

Nous traversons les fêtes du nouvel an des Chinois 
et ils veulent, le jour principal, déjeuner dans la 
citadelle. Mais nous les attendons avec courage et 
avec confiance en nos armes. 

Au matin, on s'aperçoit qu'ils ont nivelé l'amas 
de terre tombé au pied du parapet par suite de 
l'explosion de la mine du saillant ; ils ont apporté 
également une grande quantité de branches d'ar- 
bres au point où son cheminement perce la haie de 
bambous. 

Dans la journée, nous avons un légionnaire tué el 
trois autres blessés ; parmi ces derniers, le capo- 
ral Galemberti. 

Les travaux exécutés sont : aux tirailleurs ton- 




LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 91 

kinoîs, des chemins couverts ; à la citadelle, conti- 
nuation du retranchement de la brèche sud-ouest et 
de la tranchée qui relie la grande rampe à la tra- 
verse de la 2® compagnie. 

A la tombée de la nuit, une section de 30 tirail- 
leurs tonkinois, sous les ordres du lieutenant Goullet, 
profitant de l'état d'ivresse probable dans laquelle 
sont les Chinois un jour de fête, fait une sortie. 
. Cette petite troupe pénètre audacieusement jus- 
qu'au dernier retranchement que l'ennemi construit 
en arrière du mamelon de la pagode de la com- 
pagnie chinoise, tue sur place deux des Chinois 
qui la défendent, disperse les autres en leur faisant 
subir des pertes et enlève sept des vingt drapeaux 
qui flottent depuis plusieurs jours à 80 mètres en- 
viron de son cantonnement. 

Le commandant Dominé cite à l'ordre de la place 
cette troupe courageuse et les excellents officiers 
qui ont su la former ainsi. 

15 février. — Dans la nuit, l'adversaire élève 
un blockhaus en palanques en face de la brèche du 
saillant : il apporte des palanques et des bottes de 
paille en face de la demi-lune ouest, à une petite 
distance de la haie de bambous. 

Les Chinois couvrent la grande communication 
qui mène au saillant sud-ouest de la haie de bam- 
bous. 

Dans la matinée, on essaye de démolir, avec des 



92 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

; projectiles de 80 millimètres, uq point de cette 
communication; on tire cinq obus qui ne produisent 
aucun effet, quoique bien dirigés ; sur l'avis de 
Tofficier commandant Tartillerie, l'expérience n'est 
pas poussée plus loin. 

^ Vers midi, les Pavillons-Noirs, campés aux forts 
de la rive droite, viennent faire une démonstration 
contre les Tonkinois ; ils se retirent devant le feu 
des Tonkinois et devant celui de l'artillerie du ma- 
melon et de la Mitrailleme. 

Dans la journée, on s'aperçoit que l'ennemi re- 
commence à travailler à la galerie n® 1, celle où il 
n'y a pas eu d'explosion de mine ; une contre-galerie 
est ouverte sur la face ouest à 25 mètres au sud de 
la demi-lune; cette contre-galerie a pour but d'ar- 
rêter un cheminement qui se faisait le long de notre 
mur intérieurement vers le versant de la demi-lune 
ouest. 

16 février. — Dans la nuit du 14 au 15, les 
Chinois ont creusé un trou vis-à-vis le milieu de la 
demi-face reliant le saillant sud-ouest à la demi- 
lune sud. Ce trou est à 25 mètres environ de la 
haie de bambous; il est relié à cette haie par un 
boyau de communication à peine commencé, et, au 
point où ce boyau rejoint la haie, un autre trou a 
été fait. 

Ce travail n'est pas relié encore à l'ensemble 
des retranchements, et il se trouve isolé. 



LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 93 

Pour profiter de cette circonstance, une petite 
sortie est organisée contre les défenseurs peu nom- 
breux des deux trous en question; l'occasion est 
d'autant plus favorable, qu'il n'y a que peu de 
chemin à faire pour les attendre. 

Le sergent Beulin, jaloux de donner le baptême 
du feu à ses nouveaux galons, se présente pour 
accomplir cette sortie avec vingt hommes de bonne 
volonté, divisés en trois groupes : le premier 
groupe se portera sur le trou le plus éloigné ; le 
deuxième groupe, vers le trou de la haie; ils y 
arriveront en même temps, tueront à la baïonnette, 
si c'est possible, les Chinois, qui s'y trouvent et re- 
viendront immédiatement par une ouverture que le 
troisième groupe aura faite dans la haie. 

Le 46 février, ce détachement sort un peu avant 
le jour; le deuxième groupe se précipite sur le trou 
de la haie, surprend et tue les cinq mineurs chinois 
qui s'y trouvent et bouche le trou de la mine. 

Malheureusement le premier groupe se trompe 
de direction: il arrive trop tard à l'autre trou 
dont les défenseurs, prévenus par le bruit de 
l'autre attaque, sont sur leurs gardes; ce défaut 
de simultanéité dans les deux attaques coûte 4 lé- 
gionnaires tués et 1 blessé, atteints tous les cinq par 
le même fusil de rempart, tiré par le même Chi- 
nois et braqué au même créneau ; le détachement 
rentre sans plus tarder par l'ouverture pratiquée 



9* LE SIÈGE DE TtïEW QLAN 

dans la haie et rapporte les morts et le blessa. Un 
groupe de la 2' compagnie protège l'opération du 
rempart ; le sergent Kiévet qui commaode le groupa 
est atteint d'un biscaïen qui lui fracasse la cuisse. 
Dans la journée du 16, 2 légionnaires sont 



17 février. — La nuit dernière a été assez 
calme : les Chinois en ont profité pour accumuler 
des palanques au saillant sud-ouest. Sn arrière du 
petit fortin qu'ils y ont construit, ils élèvent une 
sorte d'abri casemate en bois, terre et bottes de 
paille ; le petit fortin en palanques semble être le 
point de départ d'une double galerie souterraine 
embrassant la brèche ; d'ailleurs, dans l'après-midi 
du 16, ou a vu apporter des planches et des madriers, 



LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 95 

et, pendant la nuit, on a entendu, à côté du fortin, 
le bruit d'un travail sur de la planche ; il y donc lieu 
de penser que les Chinois font un coffrage. 

Pendant cette même nuit et pendant le jour, on 
entend encore la reprise du travail à la galerie n*^ 1 
de la face ouest. Si Ton considère la distance qui sé- 
pare les deux mines extrêmes, on peut en conclure 
que Tintention de l'adversaire est de faire sauter 
150 mètres de muraille. 

C'est cette prévision qui a donné l'idé.e de conti- 
nuer un retranchement intérieur. Le tracé de ce re- 
tranchement part de la demi-lune sud, qui sera 
comme une avancée (le sommet de la porte devant 
être organisé en blockhaus) ; il suit la grande tra- 
verse de la 2® compagnie, gagne par une rampe 
défilée un retranchement déjà construit à mi-côté 
du mamelon qui est également relié par une rampe 
défilée et aménagée défensivement à la demi-lune 
nord, que nous conservons dans le retranchement 
intérieur. 

L adversaire ayant repris le travail à la galerie 
n* 1 de la face ouest, il est devenu nécessaire pour 
nous d'élargir les deux contre-galeries qui ont été 
commencées en ce point et de les réunir entre elles 
afin d'obtenir une diminution dans les effets que 
produira l'explosion de la mine. 

Des coolies sont employés à ce travail; dans la 
matinée les tireurs chinois établis au mamelon du 



1)6 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

saillant nord-ouest, tirent de leurs obus sur les 
travailleurs des contre-galeries. 

L'artillerie du mamelon envoie quelques obus 
de 80 qui démolissent en partie l'abri et qui font 
taire leur feu. 

Une heure après environ, vers neuf heures et 
demie, les Chinois démasquent au mamelon du 
blockhaus une batterie de deux pièces de 4, de 
trois obus de 12 et de deux mortiers de 22 centi- 
mètres, et commencent contre notre mamelon un 
bombardement qui se prolonge pendant plus de deux 
heures; toutes les habitations du mamelon sont 
traversées plusieurs fois et Tintèrprète est tué 
par un éclat d'obus. 

Des effets produits par ce bombardement, il 
ressort clairement, étant donnée la position de la 
batterie ennemie, que le cantonnement seul de la 
i'^ compagnie est encore habitable. 

L'ambulance, l'artillerie et le génie qui sont allés 
s'y loger, n'ont donc pas à changer de place. Quant 
à la 2* compagnie, elle ne peut rester où elle est; 
comme ses postes de nuit rapprochés de la face 
ouest sont abrités par l'obstacle du parapet, ordre 
est donné à la 2® compagnie d'adopter pour le 
jour et la nuit les emplacements habituels de nuit. 

Pour les artilleurs du mamelon, le poste et les 
officiers de Tétat-major, des trous sont creusés dans 
la grande cour de la pagode. Les tirailleurs tonki- 



LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 97 

nois exécutent également de profondes tranchées et 
profitent de la terre qui en provient pour renforcer 
leur parapet. 

Dans la matinée, le capitaine Dia, commandant 
la compagnie des tirailleurs tonkiaeis, qui, d un 
emplacement de sentinelle, reconnaît les travaux de 
l'ennemi, est tué d'une balle au front. ^ 

Le lieutenant Goullet prend le commandement 
des tirailleurs tonkinois; le sous-lieutenant Hérold, 
de la légion, est détaché le jour même aux tirail- 
leurs tonkinois. 

La France perd dans le capitaine Dia, un brave 
et vaillant défenseur, un officier énergique et dévoué. 
L'inhumation a lieu à cinq heures et demie du soir. 
Une députation de tous les corps et de toutes les 
compagnies est envoyée. Les officiers, à l'exception 
de ceux qui sont de garde, sont présents. 

17 février. — Les Chinois ont accumulé les 
matériaux (palanques, bottes de paille) entre la 
haie de bambous en face la demi-lune; ils ont con- 
struit un petit fortin contre cette haie; il y. a lieu 
de s'attendre encore à les voir diriger une galerie 
souterraine contre la demi-lune ouest. 

Du côté des tirailleurs tonkinois les Chinois com- 
mencent à cheminer. Pendant la nuit on a très 
pej^ntendu de travail souterrain. 

Grâce aux mesures de précaution prises, aucun 
homme n'est atteint; le matériel seul souffre; dans 



98 LE SIEGE DE TUYEN-QUAS 

la matinée un obus de 12 éclate au-dessus du grand 
magasin; ses éclats défoncent un tonneau de vin 
qui se vide complètement et percent deux autres 
fûts dontle contenu va être distribué incessamment. 

Parmi les éclats ramassés, l'un porte: J. Wores, 
et l'autre : Fra.nce. Seraient-ce bien là les projec* 
tiles et les pièces vendus par M. Dupuis au Tice* 
roi du Yun-Nam? 

Un soldat est tué en faction. 



■on du sargent Boblllot. 

A six heures et demie du matin, le sergent 
Bobillot, chef du service du génie, est blessé griè- 
vement en faisant une ronde sur la brèche et a 
deux vertèbres cassées. 

Ce brave sous-officier, qui a rendu les plus 
grands services, est transporté à l'ambulance, oii 
le commandant Dominé vient le visiter. 

Cet ofÛcitr, qui lui a ïu risquer vingt fois sa 



LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 99 

vie, lui demande s'il profère être nommé sous- 
lieutenant plutôt que d'être porté pour la croix. 
Bien qu'il ne soit pas riche, il aime mieux la croix, 
faisant passer Thonneur avant le grade ; mais, hélas i 
le pauvre garçon ne peut jouir de cette distinction 
si bien gagnée ; quelques jours après la levée du siège 
de Tuyen-Quan, il meurt des suites de sa blessure 
à l'hôpital de Hanoï, où il a été transporté. 

Jules Bobillot, né en 1860 à Paris, avait fait de 
brillantes études au lycée Charlemagne. Il se des- 
tinait d'abord à la littérature et était remarqua- 
blement doué. Il a écrit plusieurs romans et pièces 
de théâtre. A vingt ans il s'étaic engagé au 4® ré- 
giment du génie. 

Dans la journée du 18, on achève de recouvrir 
avec des sacs de farine, de riz et de légumes toutes 
les barriques de tafia et de vin déposées dans le 
grand magasin du mamelon. 

19 février. — Toute la nuit, Tennemi fait une 
fusillade très nourrie, accompagnée de grands cris 
et de sons de corne et de trompette ; on entend 
très peu son travail souterrain. 

Au point du jour, on s'aperçoit que les trous 
creusés en avant de la face sud ont été reliés par 
un boyau de communication à la grande tranchée 
couverte. 

Continuation du bombardement, qui, jusqu'à 
présent, se fait assez régul'èrement dans le milieu 



% 



JOO LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

de la journée. L'artillerie ennemie est contre-battue 
par la nôtre qui lui impose silence. 

20 février. — Dans la soirée du 19, les Chi- 
nois exécutent sur la citadelle un bombardement 
qui dure quarante-cinq minutes. 

A ce bombardement prennent part les fusils en 
avant de la face ouest et des demi-faces adjacentes 
sud et nord, les canons de rempart, les canons de 
4 et de 12 c. et les mortiers. 

Tout ce bruit a sans doute pour but d'empêcher 
d'entendre leur travail, car le lendemain matin on 
s'aperçoit que de fortes palissades ont été plantées 
en avant de celles existant déjà au saillant sud- 
ouest et à la demi-lune ouest. 

Les munitions ne paraissent plus en sûreté dans 
le magasin du mamelon; plusieurs petits dépôts 
sont installés dans les communications défilées. 

21 février. — Le 20 au soir, les Chinois exé- 
cutent encore un bombardement de la citadelle ; 
ils ont casemate leurs pièces et les ont changées 
de place sur le mamelon du blockhaus. 

La pagode du commandant n'est plus abritée; 
un obus de 4 traverse le mirador de la porte sud ( 
et blesse légèrement un des hommes de garde. 

Dans la nuit du 20 au 21 , l'ennemi perfectionne 
son retranchement sur le mamelon qui domine à 
50 mètres la partie sud de la face ouest ; il y or- 
ganise des crénaux couverts, d'où il plonge à l'in- 



LES DEUX PREMIERS ASSAUTS 101 

térieur de la citadelle à 20 mètres en arrière de 
la face ; à sept heures du matin, un légionnaire de 
garde à la porte sud est atteint d'une balle venant 
de ce mamelon. 

Notre artillerie cherche à renverser ce retran- 
chement ; mais comme il est mal vu du mamelon 
de la citadelle, elle n'y parvient qu en partie. 

A quatre heures de l'après-midi, le caporal du 
génie Cacheux, qui a remplacé le sergent Bobillot 
comme chef de sœ^vice, rend compte que l'ennemi 
travaille activement à une galerie dirigée sur la 
droite de la brèche du saillant ouest et qu'il faut 
s'attendre pour le lendemain à une 'explosion de 
mine, celle de la droite de la brèche ou celle de la 
galerie n** 4. 

Le commandant du poste renouvelle alors les re- 
commandations déjà faites et insiste surtout sur ce 
point qu'il ne faut pas couronner la brèche immé- 
diatement après l'explosion de la mine, mais que 
notre mouvement en avant doit correspondre à un 
mouvement semblable de l'adversaire. 

Ce mouvement sera annoncé par des sentinelieu 
qu'il faudra placer sur la brèche pendant que U 
troupe restera en arrière, en position d'attente. 




Fusde iacendiaire chinoise 




ASSAUTS KVinux 

One ruse infernale des Chinois. — Trois eiploaions successive*. — 
Destruction de Ja compagnie Houiinay. — Bi-Ûlés vifs. — £d 
Bïunl. — Combat corps â corps. — Fuite des Chinois. — Faasse 
attaque de l'ennemi. — Nos pertes. — Uorl du capitaine Uouli- 



ASSAUTS FURIEUX 103 

noy. — Enterrement des victimes. — Attaque de nuit. — Belle 
défense du sergent-major Husbaud et du sergent Thévenet. — 
Fuite des Chinois. — Prise de trois drapeaux. — Un contre cent. 
— Une situation critique. — Vaincre ou mourir. — Sommations 
repoussées. — Jactance de l'ennemi. — Gaieté des assiégés ; 

22 février. — Le 21, à huit heures du soir, 
les Chinois recommencent le bombardement de la 
citadelle et particulièrement du mamelon où trois 
hommes de garde sont légèrement atteints par les 
éclats d'un obus de 12. 

Le 22, à six heures un quart du matin, les 
Chinois rassemblés dans la place d'armes et dans 
la tranchée couverte poussent de grands cris. En 
prévision d'une explosion prochaine, le capitaine 
Cattelin, commandant le détachement de la légion, 
fait descendre du parapet les factionnaires du 
saillant ouest. 

En'effet, quelques moments après la mine de 
la droite de la brèche annoncée la veille par le ca- 
poral du génie, saute. 

Comme l'ordre en a été donné, la demi-section 
chargée de couronner la brèche, se dispose en 
arrière dans une position d'attente; mais tout à 
coup les cris des Chinois se font entendre à faible 
distance et un drapeau chinois paraît sur la 
brèche. 

Le capitaine Moulinay, emporté par son ardeur, 
entraîne la demi-section et garnit la brèche, les 
travailleurs suivent aussitôt. 



104 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

Devant ce mouvement, les Chinois qui sont 
sortis de la trauchée, y rentrent vivement. 

Cette retraite cache un piège tendu avec un art 
infernal. 

Le capitaine Moulinay n'est pas sur la brèche 
depuis quelques minutes, que tout à coup, un bruit, 
pareil à un coup de tonnerre, se fait entendre; 
tous les soldats engagés sur le couronnement 
sentent la terre trembler et voient la muraille se 
mouvoir. 

En même temps, la lumière disparait, l'atmo- 
sphère cesse d'être respirable, on avale du feu, on 
se sent étreint, enveloppé, frappé tout à la fois. 
Les uns croient s'enfoncer dans un abîme ; les autres 
croient être lancés dans les nuages. Tous voudraient 
crier, car tous souffrent, mais aucun n'a de 
voix. ^ 

Enfin le jour reparaît; peu à peu l'air rentre 
dans les poitrines et chacun commence à com- 
prendre que quelque mine vient d'éclater. 

Mais avant le jour, avec la respiration, la con- 
science de la douleur est revenue. 

Les soldats s'e regardent les uns les autres, ils 
s'épouvantent de ne plus se voir. La fumée a 
disparu. Quelques-uns ont de larges sillons sur le 
corps, leurs vêtements sont brûlés; d'autres sont 
dépouillés de Tépiderme. Ce sont des écorchés qui 
marchent, qui hurlent, qui délirent. Ceux qui ont 



ASSAUTS FURIEUX U5 

le moins soufiFert, ont les mains et le visage brûlés 

Voici ce qui est arrivé. 

C'est une deuxième mine creusée à l'autre extr^ 
mité de la brèche déjà ouverte, qui a pu être établie 
sans que nos sapeurs s'en soient aperçus, grâc»*: 
probablement à un terrain déjà ameubli par ïe» 
explosions précédentes. 

Cette deuxième explosion dirigée en partie sur 
le terrain bouleversé par la première, a enseveli 
tous ces hommes comme dans un soupirail d'enfer. 

Tous les soldats engagés sur la brèche sont 
atteints par le feu ; quelques-uns sont immédiate- 
ment asphyxiés, d'autre sont mutilés et tombent 
sur place. Enfin quelques-uns peuvent se retirer. 

Une quarantaine d'hommes gisent au milieu des 
décombres ; douze tués et une vingtaine de blessés, 
dont le capitaine Moulinay et le sous-lieutenant 
Vincent, tous appartenant à la légion. 

Le premier sapeur mineur Edme a sauté en fai- 
sant couronner la brèche et est dangereusement 
contusionné. 

Il y a là un moment de confusion terrible, un 
moment de vertige où tout a tremblé, sol et mu- 
raille. 

Les Chinois profitent de ce moment. Ils revien- 
nent à la charge, s' élançant comme à la curée, 
déchargeant leurs fusils au hasard sur cette brèche 
pleine d'hommes, de fumée, de terreur et de cris. 



106 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

Puis, leurs fusils déchargée, ils se jettent à corps 
perdu sur ces malheureux pour les achever à 
Tarme blanche. 

Mais rien ne peut émouvoir les hommes de la 
légion 

Une commotion spontanée, électrique, irrésis- 
tible, frappe tous les cœurs du même coup. 

Le cri : « En avant ! » s'élance de toutes les 
bouches. 

Le commandant Dominé ordonne aux clairons 
de sonner la charge. Suivi d'une section de la 
2** compagnie, ce vaillant officier s'élance à son 
tour dans l'ejEfroyable voie où gisent les débris de 
la demi-section du capitaine Moulinay et garde les 
deux ouvertures faites au saillant. 

Cette section n'est pas plutôt en place qu'une 
troisième mine fait explosion : celle de la galerie 
nM. 

Sans le moindre trouble, une demi-section de la 
réserve générale (i*"® compagnie), se dispose en 
arrière de la troisième ouverture. 

A ce moment l'ennemi fait une tentative d'assaut 
général. Avertis par les sentinelles, les groupes 
disposés en arrière des brèches s'élancent; les 
légionnaires, possédés par la fièvre du combat, 
arrivent en un clin-d'œil sur la terre meuble du 
rempart, tuent tous les Chinois qui se présentent 
pour monter à l'assaut, et rebouchent avec des 



ASSAUTS priRIEUX 107 

gabions et de la terre cette immense ouverture 



qui a dû coûter tant de travail et environ 1,500 kil. 
de poudre à l'ennemi. 

Poursuivis par notre feu meurtrier, les CMnois 
qui ont quitté la tranchée, la regagnent précipi- 
tamment laissant leurs morts sur le terrain. 



Cette tentative repoussée , nous nous reportons 
en arrière; les sentinelles seules sont laissées sur 
les brèches. 

Le travail est alors entamé simuUanément sur les 
trois brèches qui, au bout de deux heures, sont 
déjà couronnées d'un retranchement provisoire. 

Pendant l'explosion des mines de la face ouest, 
l'ennemi a fait une démonstration contre la face 
nord; en même temps, un fort groupe s'est glissé 



108 LE SIÈGE I>E TUYEN-QDAIN 

sur lo pied de la berge du fleuve et a cherché à 
atteindre la haie de bambous.. 

De la demi-lune nord, la 1'® compagnie disperse 
par ses feux les groupes qui s'avancent directement 
contre la face nord. Cette compagnie contribue 
ensuite avec Tartillerie du mamelon à éteindre les 
feux des tireurs du petit mamelon du saillant nord- 
ouest, feux qui sont excessivement gênants pour 
nos travailleurs. 

Quant au groupe venu par la grève, il est dis- 
persé par le canon de la Mitrailleuse^ qui a été 
prendre son poste au milieu de la rivière Claire. 

Dans la journée, on travaille activement à amé- 
liorer les retranchements des brèches. 

Cinq malheureux légionnaires sont restés sous 
les décombres de la mine ; deux sont retrouvés. 

Le capitaine Moulinay meurt à l'ambulance dans 
la journée des suites de sa blessure. Le sous-lieute- 
nant Vincent et la plupart des sous -officiers et 
soldats atteints par l'explosion, sont sous l'in- 
fluence de leur traitement et très abattus. 

La \^ compagnie de la légion fait creuser deux 
fosses dans l'intérieur de la citadelle : une pour le 
capitaine ; l'autre, plus grande, commune pour dix 
soldats. 

La cérémonie funèbre se fait dans une cogna 
où ont été déposés les cadavres, puis on se défile, 
en se baissant dans les tranchées, jusqu'au coin 



ASSAUTS FURIEUX 109 

qui est devenu notre cinquième et dernier cime- 
tière 

Les assistants se blottissent contre le rempart 
pour ne pas être vus. Les corps, enveloppés dans 
des nattes, sont placés à la suite les uns des 
autres. 

Le vénérable pasteur Boisset récite alors sous 
les balles les dernières prières au bord de ces fosses, 



Snleireineul des t 



et chacun, après avoir dit adieu à ses camarades, 
se sépare avec la pensée que quelques secondes 
plus tard il les rejoindra peut-être. 

23 février. — Dans la journée du 23, on 
améliore les retranchements des brèches, mais on 
n'a pas le temps de constituer partout l'obstacle. 

Vers midi ua obus de IS éclate dans la cogna du 
commandant Dominé. Les officiers de l'état-m^or 
jugent prudent de ne plus y demeurer ; ils s'in- 



110 LE SIEGE DE TUYEN-QUAN 

stallent pour prendre leur repas dans un trou dont 
on voulait premièrement faire une citerne. 

Un tirailleur tonkinois est tué. Les trois corps 
des légionnaires ensevelis hier sous la mine sont 
retrouvés et inhumés avec un autre soldat mort à 
Tambulance des suites de sa blessure. 

24 février. — La nuit dernière a été très 
pénible. Dans la soirée du 23, on remarque un 
grand mouvement de troupes chinoises dans les 
tranchées qui avoisiuent le saillant sud-ouest. 

Vers neuf heures du soir, rartillerie chinoise 
ouvre le feu, et à partir de dix heures et demie, 
une fusillade très vive part des positions chinoises 
autour du saillant nord-ouest ; ils allument un 
grand feu dans cette direction, et renouvellent 
fréquemment leur fusillade aûn d'attirer l'attention 
de ce côté. 

Vers quatre heures du matin, tout se tait ; les 
étoiles scintillent dans le ciel d'or et dans les camps 
chinois, où les feux des bivouacs montent ça et là 
en fumées droites, l'on ne perçoit plus que les 
longs et bruyants appels des gongs et le cri pareil 
des sentinelles. 

A quatre heures trois quarts, à la faveur de 
l'obscurité, un groupe assez fort de Chinois réussit 
à se rassembler, sans être vu ni entendu, au pied 
des retranchements des brèches dont les obstacles 
ne sont pas encore terminés. Se présentant à la fois 



ASSAUTS FURIEUX [\[ 

sur un développement de crête d'une trentaine de 
mètres, ils parviennent à percer cette ligne en 
quatre points. 

Le sergent-major Husbaud, de la 2® compagnie 
de la légion qui commande le piquet (trois escoua- 
• des) aperçoit tout à coup de grandes ombres silen- 
cieuses qui rôdent dans les pierres ébranlées du 
rempart. 

Ce brave sous-officier n'a que le temps d'appeler 
une escouade et de donner l'alarme, puis il se rue 
vers l'ennemi : mais il chancelle aussitôt, atteint en 
pleine poitrine. 

Il tombe sur ses genoux, se relève : « A moi, la 
légion ! » crie-t-il dans un appel désespéré, puis il 
retombe. 

L'escouade Fa entendu et se lancé très brave- 
ment contre les Chinois, mais, accablée sous le 
nombre, est forcée de reculer. 

En même temps, le sergent Thévenet, qui, en 
1881, a déjà été blessé dans le Sud-Oranais, où il 
a été décoré de la médaille militaire, cherche à for- 
mer les deux autres escouades pour les porter sur 
la brèche ; mais il est également atteint par un coup 
de feu, et les trois escouades restent derrière leur 
abri d'où elles engagent avec les Chinois une fusil- 
lade de pied ferme. 

Le capitaine Cattelin arrive à ce moment sur le 
terrain de la lutte, avec la section de réserve gêné- 



111 LE SIËGB DE TUIEN-UUAN 

ralo de la 3" compagaie ; il fût sonner la charge et 

pousse droit aux brèches à la baïonnette. 

Les Chinois s'enfuient précipitamment; quatre 
d'entre eux restent dans la citadelle avec trois 
grands drapeaux, des fusils, des sacs de poudre et 
des coup-coups ; trois autres sont tués sur la brèche) 
d'autres encore sont tués dans le fossé. 



prlsB de trois drapeaux su pied de Is grande brëcha (I* février. 

Cette action terminée, les postes habituels sont 
repris. Outre les deux sous-ofâciers, deux légion* 
naires ont été également blessés. 

Dans la journée, les coolies font une palissade de 
bambous en arrière des retranchements des brèches 
pour rendre ces retranchements iofranchissar- 
blés. 

D'après les observations faites par le caporal du 
génie, l'ennemi travaille à cinq galeries de mine : 
deux embrassant la brèche prolongée da BaîUaut 



ASSAUTS FURIKU A 113 

sud-ouest ; une sur la face sud, entre la demi-lune 
sud et le saillant sud-ouest ; une quatrième à côté 
de celle qui a sauté derrière sur la face ouest ;. 
enfin une cinquième à la demi-lune ouest. 

La défense de l'héroïque garnison atteint son 
paroxysme. Un contre cent : une lutte pied à pied 
contre une armée aguerrie, résolue à tout sacca- 
ger, à tout massacrer. 

Les secours arriveront-ils à temps? 

Avant que les suprêmes cartouches soient brû- 
lées, que les derniers défenseurs- aient succombé 
sur la brèche ouverte, entendra-t-on enfin les 
sourds appels du canon se rapprochant d'heure en 
heure ? 

Verra-t-on les vareuses bleues apparaître à Tho- 
rizon dans un tumulte de sonneries et de fusil- 
lades? 

On ne dort plus, on se fusille presque à bout 
portant la nuit et le jour. Le fossé est comblé de 
cadavres chinois que dépècent des vols d'oiseaux 
de proie. 

i Les officiers, se mettant dans le rang comme 
leurs soldats, ramassent les fusils tombés des mains 
des blessés. 

} Les jours s'écoulent, mais nul ne faiblit, ne songe 
à abaisser la loque tricolore déchiquetée qui claque 
au vent sur la brèche. 

On a prévu l'époque où, faute de vivres ou faute 



! 14 LE STÈGE DE TUYEN-QUAN 

de secours, la place succombera : le mamelon inté- 
rieur doit servir de dernier refuge, et là, après 
- avoir brûlé sa dernière cartouche, Théroïque gar- 
nison a résolu de se faire sauter. 

A deux reprises, Luh-Vinh-Phuoc a sommé le 
commandant Dominé de rendre la place ; il lui a 
même ojBFert de le laisser passer avec armes et 
bagages, tant est grand son désir d'occuper Tuyen- 
Quan. On répond par des volées de mitrailles à ces 
propositions insolentes des Pavillons-Noirs. 

Des parallèles*qui touchent au mur, les assaillants 
intorpeUent nos braves soldats. Une nuit, on entend 
très distinctement ces mots, à la suite d'un assaut 
qui a été repoussé : 

— Ce n'est pas aujourd'hui, mais à coup sûr 
c'est pour demain ! 

Tout cela est dit en bon français. 

Les Chinois se donnent aussi des noms d'officiers 
français restés célèbres ; un soldat entend les chefs 
ennemis s'appeler « Coronnat, Rivière ». 

Le péril imminent n'a pas banni la gaieté ; le 
moral de la garnison n'est pas afi'ecté un seul 
instant. 

Un clairon de la légion, au coup de langue bril- 
lant, fait tous les soirs le tour du fossé intérieur 
et sonne pendant sa promenade un pot-pourri de nos' 
airs nationaux. 

Si le commandant Dominé déploie une énergie 




ASSAUTS FUBtEUX 115 

au-dessus de tout éloge, s'il montre nne grande 
science militaire, il faut convenir que les Chinois, 
dirigés par des Européens, ont assiégé avec mé- 
thode, selon les principes de Vanban. 



CHAPITRE IX 

LA DÉLIVRANCE 

Noueelle explosion. — Assani repoussé. — OrganUsiiondela brèche. 

— Arritée de dépêches. — Joie de la garnison. — Qualrc mines. 

— As'^ul désespéré. — Combat aiir la brèche. — Lés volonlaires 
(lu Yun-Nam, — Trois heures de lutte corps t corps. — Retraite 
de l'ennemi, ses peKcs. — Approclie de la coionne de secours. 

— Ses [usées. — Fuite des Chinois. — Évacuation des tranchées. 

— Chinois enfumés, — Le clairon français. — Arrivée de la 
colonne, — La délivrance. — L'ordre du jour du général Brière 
do risle. 

25 février. — Les Chinois nous oDt encore 
ménagé pour ce matin un triste réveil en cani- 



LA DÉLIVnANCE 117 

pagne. A quatre heures quarante-cinq du matin, le 
factionnaire du saillant signale un rassemblement 
d'ennemis dans le grand chemin couvert. 

Quelques moments après, la mine préparée par 
les Chinois, à gauche du saillant sud-ouest, saute. 
Elle prolonge la brèche déjà constante d'une dizaine 
de mètres. 

Comme Tordre en a été donné, le piquet se dis- 
pose en arrière de cette brèche et les travailleurs 
attendent formés plus en arrière. 

La section de réserve générale de la 1'® compa- 
gnie se forme à droite du piquet. 

Au moment même où ce mouvement s'exécute, 
les Chinois donnent l'assaut à la brèche de droite 
de la face ouest; déjà ils ont atteint la crête et 
leurs feux plongent dans l'intérieur de la cita- 
delle ; cette attaque est vivement repoussée par la 
section de réserve générale de la 2® compagnie ; 
les Chinois sont rejetés dans le fossé où ils sont 
fusillés pai* les défenseurs de la demi-lune ouest. 
25 cadavres de réguliers sont étendus au pied de la 
brèche, et il. est à supposer que plusieurs ont suc- 
combé dans les tranchées. 

De notre côté nous n'avons eu que 4 tués et cinq 
blessés. 

Le caporal Blanc, chef du génie, a été blcsài5 
de deux balles à l'œil et à la tête. 

Ce sont des pertes d'autant plus sensibles qu'^j 



118 LE SIÈGE DE TLYEN-ObAIt 

nous est impossible de les remplacer ; notre effec- 
tif diminue chaque jour, mais enfin une mine, 
à côté de la large brèche qui existe déjà, aurait pu 
nous faire un mal bien plus grand que celui-ci. 
Après l'assaut, on attend encore une demi-heure, 
et lorsqu'il est constaté que l'adversaire a aban- 
donné les tranchées, l'ordre est donné par le com- 
mandant Domino de commencer le travail d'orga- 
uisation de la brèche. 



Dans la journée même, ce travail est terminé et 
un obstacle est reconstitué; mais il n'y a plus de 
flanquement, et l'adversaire peut se rassembler 
sans être vu au pied des brèches. 

La construction du retranchement intérieur est 
reprise dans l'après-midi. 

Comme la veille, ordre est donné de ne pas 
laisser de sentinelles fixes sur les points où il peut 



LA DÉLIVRANCE 119 

se produire une explosion de mine; ces sentinelles 
doivent être placées au pied du parapet, monter de 
temps en temps sur la banquette et tirer. 
Et maintenant, une bonne nouvelle : 
Un Annamite arrivé ce matin, au moment où 
l'action tire à sa an, apporte plusieurs lettres au 
commandant Dominé, qui fait lire aussitôt l'ordre du 
jour suivant : 

« Lang-Son, 13 février, 1 h. du soir. 

» Drapeau national a été hissé midi sur citadelle Lang-Son. 
Rivière traversée. Ki-Lua occupé. Armée chinoise en déroute dès 
la nuit dernière après chaud combat à huit kilomètres en avant de 
la place. Répondre à cette nouvelle et informer postes voisins non 
pourvus de ligne télégraphique. Envoie confirmation par note cir- 
culaire. 

» Brière de lIsle. 

» Le commandant du poste porte également à la connaissance 
des troupes de la garnison qu'une colonne composée de la première 
brigade tout entière remonte la rivière Claire pour venir à Tuyen 
Quan. Cette nouvelle lui est annoncée à la date du 23 février par 
le commandant du poste de Phu-Duang. » 

L'heureux message se répand dans la citadelle 
comme une traînée de poudre. 

Les soldats ont tous repris courage : s'il faut 
frapper un grand coup, chaque homme en vaudra 
deux. 

A l'ambulance toutes les figures sont réjouies, 
l'un des blessés, qui a eu la langue paralysée par 



120 LE SIÈGK DE TUYEN-QUAN 

la mine, il y a deux jours, se lève sur son grabat 
pour exprimer sa joie par des signes. 

Ahl comme nous les comprenons ces braves et 
obscures victimes du devoir et de Thonneur. 

Avec une bonne santé et un fusil dans les 
mains, on conserve toujours Fespoir -de se sauver; 
accolés sur le mamelon, pour mettre les choses 
au pire, nous résisterions pendant quelque temps 
dans les tranchées, puis, à bout de ressources, nous 
pourrions essayer de percer, baïonnette au canon, 
le cercle de l'ennemi : quelques-uns passeraient. 

Pour les malades et blessés, à cette extrémité, 
il n'y aurait plus d'espoir. Les Chinois leur tran- 
cheraient la tête avec leur coup-coups, et jetteraient 
les cadavres à la rivière après les avoir odieuse- 
ment mutilés. 

Il faut tenir ferme plus que jamais. 

Les quatre mines qui se préparent, la tranchée 
qui avance toujours dii côté des tirailleurs tonki- 
nois, et nos propres canons qui tonnent sans relâche, 
disent que l'heure de la délivrance n'a pas encore 
sonné. 

26 février. — La nuit du 25 au 26 se passe 
assez tranquillement, nos travailleurs continuent 
l'organisation du retranchement intérieur. 

A deux heures du matin, l'on entend dans les 
tranchées chinoises, un petit bruit de sonnettes; des 
lumières qui circulent dans ces tranchées, semblent 



LA DÉLlVRAiNCE 121 

indiquer un rassemblement ; quelques moments après 
une fusillade assez vive s'ouvre contre la face sud, 
mais elle est de courte durée. 

Ce matin, tout le monde s'attend à entendre sau- 
ter une mine : rien ne bouge. On suppose, au con- 
traire, que les Chinois, instruits par leurs espions 
de l'arrivée de la colonne de secours, commencent 
à prendre la fuite : 

1® Sur plus de vingt pavillons qu'il y avait en aval 
des tirailleurs tonkinois et du côté du blockhaus, 
il n'en reste plus qu'une douzaine; 

2® Depuis huit heures du matin, l'ennemi n'entre- 
tient plus qu'un tir lent de fusils et de canons de 
rempart ; on pense que les grandes bouches à feu 
ont été portées à Yuoc pour résister à notre co- 
lonne ; 

3® Les travaux des Chinois avancent toujours, 
mais moins vite qu'auparavant. 

Cependant leurs tireurs de position nous touchent 
encore un homme aujourd'hui dans la tranchée du 
mamelon. 

Deux blessés de ces derniers jours meurent à 
l'ambulance. 

Travail exécuté : organisation du retranchement 
intérieur. 

27 février. — Toute la nuit du 26 au 27, les 
factionnaires de l'ennemi ne cessent de tirailler,' un 
canon de rempart installé en face de la brèche du 



122 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

saillant sud-ouest, lance de la ferraille mélangée de 
pierres. 

L'ennemi continue ses galeries de mine et chemine 
sous terre, comme les taupes, avec une ténacité 
incroyable : toutefois son travail semble peu avan- 
cer; il gagne une vingtaine de mètres en sape 
contre les tirailleurs tonkinois. 

Dans la journée il remonte son canon de 4, et 
plusieurs projectiles de cette pièce atteignent le 
mamelon de la citadelle, son feu est éteint par 
notre artillerie. 

28 février. — Dès le 27 au soir, à la tombée 
de la nuit, les travailleurs sont occupés à faire un 
petit retranchement intérieur, vis-à-vis de la brèche 
du milieu de la demi-face sud de la face ouest. Ce 
retranchement a pour but d'abriter des feux du 
mamelon Brûlé et du mamelon du nord-ouest, le 
groupe chargé de surveiller les brèches pouvant se 
produire sur cette demi-face. 

Le retranchement est relié par une communica- 
tion défilée avec l'abri du piquet de la 2"' compa- 
gnie. 

Tout ce travail est exécuté sous la direction du 
premier sapeur-mineur Védème, chef du génie, qui 
a dirigé les derniers travaux de défense. 

Dès dix heures du soir, le bombardement par la 
pièce de 4 commence; depuis le commencement du 
siège, c'est la première fois que les Chinois tirent 



LA DELIVRANCE 123 

le canon pendant la nuit. Évidemment ils préparent 
nn assaut désespéré; nous attendons' avec con- 
fiance. 

A onze heures et demie du soir, une forte déto- 
nation se fait entendre ; c'est la mine du milieu de 
la face sud qui saute ; elle fait une brèche de dix 
mètres et lance à soixante mètres de distance, des 
masses énormes de maçonnerie et de terre. 

Une fusillade des plus nourries suit immédiate- 
ment Texplosion. 

Les Chinois se sont massés en grand nombre au 
pied des brèches des 12, 43, 22 et 25 février. Dès 
que la mine a sauté, ils s'élancent à l'assaut avec 
furie, en poussant des hurlements effroyables. 

Le sous-lieutenant Proye, qui commande le piquet 
(3 escouades de la deuxième compagnie), le lance 
aux brèches de gauche (2® brèche du 22 février, 
brèche du 22 et arrondissement du saillant). 

Le capitaine Cattelin qui arrive en ce moment de 
Tancien baraquement de l'artillerie, avec une demi- 
section de la réserve générale de la 2® compagnie, 
la lance contre les brèches de droite (brèche du 
42 février, 1'* et 3« brèches du 22 février). 
• L'autre demi-section de la réserve générale de la 
2"° compagnie arrive à la porte sud avec le lieute- 
nant Naert. 

Une escouade de cette demi-section, va renfor- 
cer le piquet à l'arrondissement du saillant, où le 



121 LE SIÈGE DE TUYHN-OUAN 

combat est particulièrement vif; l'autre escouade 
est employée à surveiller la brèche qui vient de 
se produire sur la face sud; les Chinois n'ont, du 
reste, probablement fait sauter une mine de ce côté 
que pour nous y attirer, car ils ne cherchent pas à 
donner l'assaut par la nouvelle brèche et tous leurs 
efforts se réunissent contre les anciennes. 

Pendant près de trente minutes, le combat se 
maintient à bout portant sur les brèches, les com- 
battants n'étant séparés que par la palissade de 
bambous, dont elles sont couronnées. 

Nos soldats ont à repousser là de rudes adver- 
saires. 

Dans cette armée du Yun-Nam, il y a un corps 
choisi dont les hommes ont fait le serment de ne 
jamais reculer — ils sont marqués d'une croix 
rouge au front. Ce sont ceux qui forment les têtes 
de colonnes d'assaut. 

Ces volontaires essayent de planter succes- 
sivement sur la palissade des brèches, trois 
drapeaux qui sont aussitôt enlevés par nos légion- 
naires. 

Plusieurs fois ils essayent d'escalader cet obstacle , 
mais ils sont rejetés à coups de baïonnette de 
l'autre côté, où ils se font obstensiblement fusiller 
sur place. Ils finissent cependant par quitter le 
sommet des brèches pour se mettre à l'abri dans 
l'angle mort des entonnoirs. De là, ils lancent des 



LA DrilVRAN'^E 125 

pétards et des sachets de poudre à la figure àcn 
défenseurs. 

Quelques moments après, ils renouvellent leur 
attaque^ culbutés encore une fois au pied des 
brèches par notre feu, ils ne se découragent pas, 
et pendant une heure et demie, ils ne cessent de 
tenter deux nouveaux assauts. 

Pendant plus de trois heures, les légionnaires^ 
cachés derrière la palissade et les gabions, leur 
envoient des feux de salve à bout portant, en même 
temps que notre artillerie les mitraille du haut du 
mamelon. 

Tandis que ces attaques furieuses sont dirigées 
sur notre saillant sud-ouest, une démonstration est 
faite contre la face nord, et une autre contre les 
tirailleurs tonkinois; ces deux tentatives sont re- 
poussées par les fractions de troupe attachées à la 
défense de ces points et grâce aussi au feu de l'ar- 
tillerie du mamelon. 

La lutte se termine vers trois heures du matin, 
les Chinois battent en retraite. Le terrain est jon- 
ché de leurs cadavres. 

On en compte plus de vingt étendus dans un 
entonnoir du terrain, sur une seule brèche soixante- 
dix morts avec leurs armes, tous marqués au 
front de la croix rouge des volontaires du Yun- 
Nam. 

A partir de trois heures du matin, les travail- 



126 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

leurs élèvent un retranchement rapide avec paJîssade 
en bambous sur la nouvelle brèche. 

Le piquet du saillant, renforcé d'une den?i-sec- 
tion, assure le service de garde dans cette partie de 
l'enceinte et les autres troupes rentrent au canton- 
nement. 

La journée est employée par les travailleurs à 
améliorer et à réparer les retranchements des 
brèches. 

L'afiFaire du 28 février nous coûte 3 tués et 
9 blessés, parmi lesquels le sous-lieutenant Proye 
de la 1*"® compagnie. 

La colonne qui vient à notre secours nous a 
envoyé deux piétons annamites, — comment ont-ils 
pu passer?... avec une lettre datée du 25 courant, 
pour nous annoncer qu'elle nous arrivera ce soir. 

Si l'action à Yuoc se prolonge plus qu'on ne le 
croit, elle lancera des fusées pour nous indiquer la 
direction qu'elle suit et nous avertir qu'elle sera ici 
demain matin. Le même courrier annonce la nomi- 
nation du sergent-major Camps au grade de sous- 
lieutenant. 

A huit heures du soir, la colonne annonce son 
approche par des fusées qui sont très bien vues de 
la citadelle et saluées par les hourrahs de la gar- 
nison. 

1er mars. — Nuit et journée assez calmes, 
l'artillerie de l'adversaire ne se fait plus entendre, 



LA DÉLIVRANCE «7 

bien qnMl ait refait les embrasures détruites par 
notre canon de 80 millimètres. 

Un emplacement de batterie a été préparé contre 
les Tonkinois ; cette batterie est dans une situation 
telle qu'elle ne peut être contrebattue par notre 
artillerie du mamelon. 

Le cheminement des Chinois contre les tirailleurs 
tonkinois continue ; outre la sapé qui suit la route 
et se dirige sur la face sud du cantonnement, ils en 
ont ouvert une seconde qui s'avance contre la face 
ouest. 




Retranchements chinois. 



Nous avons vainement attendu la colonne hier et 
aujourd'hui. A sept heures et à neuf heures du matin, 
des fusées rouges sont aperçues dans la direction 
des gorges de Yuoc. 

Les Chinois tirent beaucoup pendant toute la 
journée. Malgré nos travaux de défense et les pré- 
cautions prises, ils blessent encore deux hommes. 



128 LK SïhGE DE TUYEN-QUAN 

Dans la nuit le brave sergent de la légion Thé- 
venet, meurt des suites de sa blessure. 

2 mars. — Fusillade entretenue nuit et jour ; 
aucun incident important à Tuyen-Quan. Toute 
Taprès-midi, on entend la canonnade et la fusil- 
lade dans la direction de Yuoc, à une distance de 
six à huit kilomètres. 

Une communication défilée est établie entre la 
citadelle et les tirailleurs tonkinois. Dans la soirée, 
l'ordonnance du pasteur Boisset est très griève- 
ment blessée près de son maître. 

3 mars. — Une fusillade assez vive est dirigée 
toute la nuit contre la citadelle ; vers quatre heures 
du matin^ cette fusillade, qui était destinée à mas- 
quer la retraite des Chinois, cesse complète- 
ment. 

La canonnade que Ton a entendue la veille du 
côté de Yuoc, annonçant l'approche de la colonne 
qui vient débloquer Tuyen-Quan ,il y a lieu de sup- 
poser que les Chinois se sont retirés pendant la nuit : 
une patrouille do Tonkinois est envoyée au retran- 
chement le plus avancé qu'elle trouve évacué. 

Le premier mouvement de terrain en avant de la 
face sud est alors occupé par une section de tirail- 
leurs tonkinois, et une section de légionnaires est 
appelée pour former réserve. 

De ce premier mouvement de terrain, une pa- 
trouille est envoyée au village qui est égalemeut 



LA DÉL VRANGE 129 

trouvé abandonné; un poste de tirailleurs tonki- 
nois est établi sur la rivière sud du village. 

En même temps, pour nous prolonger sur la face 
ouest, une demi-section de Tonkinois, commandée 
par le sergent André de la légion, gagne le saillant 
sud-ouest par une des tranchées de l'adversaire; 
elle trouve au saillant quelques Chinois qui sont 
tués; de là, elle se porte sur le mamelon Brûlé 
qu'elle occupe. 

Dans une chambre souterraine se sont retirés 
quelques Chinois qui se défendent en désespérés. 
En voulant y pénétrer directement, les Tonkinois 
ont un homme tué et un blessé. 

La section de la légion, qui forme réserve, arrive 
aussitôt, conduite par le capitaine de Borelli, com- 
mandant de la compagnie à laquelle appartient 
cette section; un des légionnaires voulant aller 
droit aux Chinois est tué. 

Le capitaine de Borelli fait alors boucher la sortie 
et tous les créneaux de la casemate avec de la 
paille humide et fait ensuite enfoncer la toiture. 
On parvient ainsi à atteindre cinq Chinois qui 
meurent les armes à la main, sans vouloir se 
rendre. 

Nos soldats sortent de la citadelle. 

Quel spectacle! 

Environ 50 à 60 mètres d'ouverture au rem- 
part ; de nombreux gabions renversés ; des boyaui 



130 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

couverts arrivant de toutes parts du côté de l'en- 
nemi; des cowp-coups^ et des fusils de divers 
modèles semés ça et là; des outils oubliés pêle- 
mêle; vingt-six cadavres sont encore entassés à 
demi-nus, au fond de Tun des trous en entonnoir 
produits par la mine. 

Ailleurs, des mamelons couronnés par des tran- 
chées, la plaine sillonnée par des chemins couverts, 
des matériaux énormes amoncelés avec une in- 
croyable opiniâtreté. 

Vers dix heures du matin, passent successive- 
ment, à 3,500 mètres de la place, deux colonnes 
chinoises se rendant de Dong-Yen à Yla, la pre- 
mière forte environ d'un millier d'hommes et la 
deuxième de 600. Plusieurs coups de 80 millimètres 
forcent ces colonnes à rompre leur ordre de 
marche. 

Vers deux heures de l'après-midi nous entendons 
le clairon français sonner la marche des turcos 
dans les broussailles qui sont en aval de l'emplace- 
ment du village annamite. 

Bientôt apparaissent les vestes bleu clair à galons 
jaunes de ces braves Africains et les vareuses 
sombres de Tinfanterie de marine. 

Un hourrah enthousiaste s'élève du rempart où 
la garnison agite triomphalement ses armes et ses 
coiffures. 

Des officiers qui voient la guerre depuis long- 



LA DÉLIVRANCE 131 

. temps, laissent couler sur leurs joues fatiguées de 
grosses larmes de bonheur. 

Bientôt les deux troupes se joignent, les rangs 
sont confondus, on s'embrasse, on se serre la main. 

Les clairons sonnent aux champs, les troupes 
présentent les armes. 

Le général Brière de Tlsle et le colonel Giovani- 
nelli viennent d'entrer dans la citadelle et donnent 
l'accolade à l'héroïque commandant Dominé. 

Rien n'est plus éloquent que les sept brèches de 
l'enceinte, ces cinq autres mines, dont deux sont 
déjà bourrées, le tiers de notre effectif hors de 
combat, ces nombreuses tombes fraîchement re- 
couvertes !... 

Nos libérateurs ne peuvent en croire leurs yeux. 
Ceux qui ont précédemment habité la citadelle, 
ne la reconnaissent plus. On évalue à huit kilo- 
mètres de longueur les tranchées faites par les 
Chinois. 

La garnison a été réduite à 420 hommes. Ses 
pertes s'élèvent à 33 tués dont 2 officiers : les capi- 
taines Dia des tirailleurs tonkinois et Moulinay de 
la légion, et à 76 blessés, dont 4 officiers, le capi- 
taine Naërt, le lieutenant Gœury, les sous-lieutenants 
Vincent et Proye, tous les quatre de la légion. 

A côté des troupes de la garnison, mentionnons 
pour sa brillante conduite, la Mitrailleuse^ com 
mandée par l'enseigne de vaisseau Senès, et qui 



13i LE tlÈGE :)i: TUYEN-QUAN 

prêta le plus puissant concours au commandant 
Dominé pendant ce siège mémorable. 

L'officier et les quinze hommes d'équipage furent 
tous plus ou moins blessés pendant le siège. Pour 
sa part, M. Senès reçut une balle dans le mollet et 
un éclat d'obus dans le flanc. 

La canonnière elle-même courut les plus grands 
dangers, manœuvrant constamment pour éviter les 
brûlots que lui lançaient les Chinois. Un jour, une 
grande fusée incendiaire tomba sur sa paillote et 
y communiqua un commencement d'incendie rapi- 
dement étouffé. Une autre fois une bombe faillit 
faire sauter la Mitrailleuse y et tomba tout près d'elle 
dans la rivière Claire. M. Senès fut décoré et 
nommé lieutenant de vaisseau. 

Le commandant Dominé, dont le nom mérite de 
figurer en lettres d'or dans l'histoire de cette 
guerre , est nommé lieutenant-colonel ; tous ses 
soldats en sont fiers ; tous ils ont noblement rempli 
leur devoir , comme l'atteste l'ordre général du 
commandant en chef: 

Officiers, sous-officiers, soldats et marins de la garnison 

de Tuyen-Quan, 

Sous le commandement d'un chef héroïque, le chef de bataillon 
Dominé, vous avez terni tète pendant trente-six jours, au nombre 
de six cents, à une armée, dans une bicoque dominée de toute.> 
parts. 

Vous avez repoussé victorieusement sept assauts. 

Un tiers de votre effectif q\ presque tous vos officiers ont été 



L\ D£UV11,1.\CE 133 

brûlés par les Diiaes ou froppés par les balles el lés obus chinois, 
mais loB cailavres de l'enaemi junchent encore les trois brécbes 
qu'il u vainemeot faites ua corps de place. 

Aujourd'hui, vous faites l'admira lion des bravea troupes qui vous 
ODt dégagés au prii de tant de fatigues et de sang versé. Oemaio, 
vous serez acc'am(s par la France eatiéie. 

Vous tous aussi, vous pourrez dire avec orgueil: 

< J'étais de la garnison de lujeii-Quan ; j'étais sur la canonnière 
la Mitrailleuse, i 

Au quartier général i) Tuyen^Quan, le 3 mars 18%. 

BaiiBE lu l'Isli 



Auaqoe des relranchâmuili ctÙDois t Yi 



CHAPITBE X 



COUBATS DE YUOC 



La lii'igads Giovanlnelll. — Son chef. — Départ de Lang-Son- — 
Par le brouillord. — Les pontonniers. ~ Traînards chinois. — 
Les montagnes de marbre. — Le champ <)e balailte de Bac-Lé. 
Tombes violées, — Chemins iraprniicables. — Arrivée A Lang- 
Kep. — A HaLoi. — La colonne de Maussion- — Concentration 



COMBATS DE YUOC 135 

ib 1 1 ( olonne de secours à Bâc-Hat. — En marche sur Tuyen- 
(J :pn. — Difficultés de la marche. — Retards de la flottille. — 
Les retranchements chinois. — Attaque des tirailleurs tonkinois. 
— Combat des 2 et 3 mars. -- Pertes énormes. — Une nuit ter- 
rible. — Un suprême effort. — Attaque des turcos. — Une 
demi-compagnie détruite par une mine. — Retraite de Luh-Yinh- 
l'huoc. — Officiers tués et blessés. — Audace d'un prisonnioi 
chinois. — Nos canonnières traînées par les marins. — Pertes df 
l'infanterie de marine. 



Au : cours de la période des opérations contre 
Laiig-Son, les nouvelles reçues de Tuyen-Quan 
montraient cette place de plus en plus pressée par 
le corps de siège de Tarmée du Yun-Nam. Les tra- 
vaux d'approche étaient poussés avec une précision 
et une méthode que Ton étrit loin d'attendre de la 
part d'une armée chinoise. 

La garnison, trop faible pour faire des sorties, 
ne pouvait qu'opposer une résistance pied à pied 
aux attaques du corps de place que préparaient 
des brèches faites à la mine. 

Ces brèches avaient, il est vrai, été toujours 
couronnées par les solides troupes du commandant 
Dominé et les assauts vigoureusement repoussés ; 
mais les pertes journalières affaiblissaient d'une 
manière constante la petite garnison, et il y avait 
lieu de se hâter de la dégager. 

En arrivant à Lang-Son, le général Brière de 
risle reçut des nouvelles trop graves de Tuyen- 
Quan pour différer plus longtemps de débloquer 
cette place. 



•1 



136 LE SIEGE DE TUYEiN-QUAN 

Dès le 15 février, il décide de laisser dans cette 
ville la ^ brigade (général de Négrier), de partir 
aussitôt le lendemain avec la \^ brigade (colonel 
Giovaninelli), sans pouvoir accorder à ces dernières 
troupes le repos mérité. 

Cette brigade était ainsi composée : 

Infanterie de marine (lieutenant-colonel Chau- 
mont). Bataillon Lambinet, bataillon Mahias : 

Tirailleurs algériens (lieutenant-colonel Letellier). 
Bataillon de Mibielle, bataillon Comoy ; 

Tirailleurs tonkinois, bataillon Tonnot; 

Artillerie : Batterie 4 bis (80 millimètres portée) ; 
Ropperh, batterie 5 bis (80 millimètres portée), 
Péricaud; batterie 3 bis (4 R. M. traînée), Rous- 
sel. 

Plus des sections d*ambulance, du génie, des 
pontonniers et de la télégraphie optique. 

Le commandant de cette brigade, le colonel Gio- 
vaninelli, qui devait recevoir plus tard les étoiles 
de génér4 de brigade, en récompense de sa con- 
duite héroïque lors de la prise de Lang-Son, est un 
de nos officiers les plus distingués. 

M. Giovaninelli est né à Castello-de-Rostino , 
(Corse), le 5 septembre 1837; il est entré à l'école 
de Saint-Cyr en 1855. Sous-lieutenant à la légion 
étrangère le 8 octobre 1857, il a fait successive- 
ment les campagnes d'Afrique, d'Italie, du Mexi- 
que, et en 1870, s'évadant de Metz le jour de la 



1 



COMBATS DE YCOC 137 

reddition, il combattait une semaine après dans le 
nord, et ensuite à Paris. 

Blessé plusieurs fois, cité à Tordre du jour de 
l'armée, il a été nommé chevalier, puis officier de 
la Légion d'honneur, et il a acquis devant Tennemi 
tous ses grades jusqu'à celui de chef de bataillon. 
Il est colonel du 22 août 1880. 

Le général Brière de Flsle quitte Lang-Son avec 
la brigade Giovaninelli le 16 février, à huit heures 
du matin. 

Cette colonne doit suivre la route mandarine par 
Cut, Than-Moï, Bac-Lé, le Kep et rentrer à Hanoï 
d'où elle remontera aussitôt dans la direction de 
Tuyen-Quan. 

Le brouillard qui accompagne les troupes depuis 
Vanvi est plus intense que jamais, le terrain est aussi 
glissant que dans les pays de verglas; mais le soldat 
est heureux de prendre le chemin du retour, une 
fois le devoir accompli ! 

Cette premièreétapeostextrêmement dure ;'on tra- 
verse, de dix à deux heures, sept fois Teau ; on rentre 
ensuite dans la région des rampes et des pentes où 
les paliers brillent par leur absence. 

A quatre heures du soir, on a fait 16 kilomètres ; 
il faut s'arrêter, car la nuit vient, et l'empla- 
cement est propice pour un bivouac en temps 
de guerre. 

Cette nuit est pénible pour tout le monde ; il n'a 

8. 



138 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

cessé de pleuvoir et les troupes se remettent en 
marche au petit jour, mouillées et couvertes de 
boue. 

Les pontonniers sont toujours ^n tête, sapant, 
piochant, pratiquant à la hâte des escaliers dans 
les pentes trop raides. Les auxiliaires tonkinois cap- 
turent dans un petit hameau six réguliers. 

A tout instant, notre avant-garde tire des coups 
de feu; les naamelons sont pleins de traînards qui 
flanquent peut-être des partis chinois. 

Du reste, si on en juge par les défroques dont la 
route est couverte, par les amas de cendres encore 
chaudes, Tennemi a dû passer par ici depuis peu. 
Le tir de notre avant-garde a porté; on compte 
une centaine de cadavres au fur et à mesure de la 
marche. 

M. Pierron, lieutenant du service topographique, 
qui va sans relâche, sa boussole et son carnet à la 
main, signale, avant Cut, la ligne du partage des 
eaux. 

Espérons que le nombre d'arroyos va diminuer ; 
nous avons traversé onze fois Teau depuis le départ 
du bivouac. 

La vallée s'élargit ; nous arrivons près de Than- 
Moï, à peu près à la hauteur de Dong-Son, dont nous 
reconnaissons les crêtes sur notre gauche. 

Des rochers à pic se dressent sur notre droite. 
Ce *îontles montagnes de marbre, chaîne immense, 



COMBATS DIC YUUC 139 

peuplée de daims et de tigres, couverte d'arbres 
* qui tiennent sur ses flancs par un miracle d'équi- 
libre. 

La grand'halte a lieu dans un site des plus 
pittoresques ; on croirait voiries cailloux de la baie 
d'AUong faisant face aux forêts jurassiques du 
Déo-Van. 

Les villages sont moins rares ; voici un groupe 
de notables qui viennent exprimer au commandant 
en chef leur satisfaction d'être débarrassés des 
Chinois; ils apportent à Tétat-major des provisions 
d'œufs et de poulets. Qje n'ont-ils aussi du pain, 
5[ui remplacerait avantageusement le biscuit rebelle 
^ue nous savourons depuis Chu. 

Les formidables ouvrages amoncelés par l'ennemi 
dans les défilés devenus légendaires de Bac-Lé, 
apparaissent après Than-Moï, où nous cantonnons 
dans la nuit du 17. 

La route est barrée et coupée, les pontonniers 
accomplissent des tours de force pour permettre 
à Tartillerie et au convoi de passer. 

Les difficultés sont telles qu'il faut s'arrêter et 
que les chasseurs d'Afrique sont chargés de recon- 
naître la route le plus loin possible. Ils reviennent 
bientôt, car, à une distance de deux kilomètres du 
point où nous nous trouvons, l'ennemi a abattu les 
arbres et les a jetés sur le passage. 

La journée est exténuante pour le lieutenant 



110 LE SIÈGE DE TUYEN-QUAN 

Rémusat et ses pontonniers, mais ils ne se ménagent 
pas et la colonne peut continuer sa marche. 

Nous voici devant Hao-Lac, le champ de bataille 
du 22 juin 1884. 

Les bandits ont violé les tombes, sans doute 
pour décapiter nos morts. L'émotion est profonde ; 
nous nous découvrons et les compagnies défilent 
silencieusement au port d*armes. 

Les montagnes de marbre vont se perdre dans 
l'ouest; il n'y a plus de retranchements dans les 
gorges traversées. 

Les traces chinoises cessent ; l'ennemi a quitté, 
en cet endroit, la route mandarine. 

Nous pouvons visiter à notre aise les forts 
casemates pris à revers. Si les Chinois n'avaient 
pas tiré trop tôt en juin 1884, s'ils avaient permis 
au colonel Dugenne de s'engager plus avant, pas 
un homme n'eût pu s'échapper. 

Les anciens combattants de Bac-Lé, qui font 
partie de la colonne, vantent, à ce propos, les quali- 
tés militaires et l'énergie du colonel Dugenne, qui 
a su rallier sa troupe sous un feu meurtrier. Ils 
désignent à leurs compagnons le mamelon sur lequel 
le lieutenant Bailly avait installé son poste d'op- 
tique, à 2Ô mètres à peine des Chinois. 

De Bac-Lé àCao-Son, il y a 13 kilomètres ; mais 
la route, assez large en certains endroits traverse 
des marais ou le passage praticable devient très 



COMBATS DE YUOC 14Î 

étroit; les hommes enfoncent dans la vase jus- 
qu'aux genoux. 

Un cavalier, qui s'est trop écarté de l'itinéraire 
tracé par les éclaireurs, tombe dans un trou de 
2 mètres, d'où on le retire à grande peine. 
I Dans la saison des eaux, cette route mandarine 
sera impraticable si on ne construit des ponts, 
entreprise facilitée par la quantité de bois de haute 
futaie qui se trouve à portée de la main. 

L'état-major devance la colonne. En arrivant à 
Cao-Son, le 19 février, nous trouvons une route 
splendide que des certaines d'Annamites continuent 
tout près de Song-Thuong. 

De nombreux travaux ont été faits à Lang-Kep 
depuis la fin de 1884, sous la direction du colonel 
Godard, commandant d'armée de ce poste. 

Le fort établi sur un mamelon, que Ton a dû dé- 
fricher, est un bijou ; tout y est propre, bien rangé. 
Il y a un cercle pour les officiers, des jeux pour 
les soldats, sans compter que la position est impor- 
tante, car on peut circuler dans un rayon de 16 kilo- 
mètres sous la protection du canon. 

Un monument, auquel on met la dernière main, 
a été élevé, à 500 mètres du fort, à la mémoire 
des braves tombés en octobre, après la prise de ce 
village. 

Au Kep, on apprend avec une vive satisfaction 
que le digne aumônier militaire, l'abbé Gibert, 



^ 



142 LE SIÈGE DE TUicii-yJAN 

dont le dévouement a été au-dessus de tout éloge, 
vient d'être nommé chevalier de la Légion d'hon- 
neur. 

Du Kep par Phu-Lang-Thuong, la colonne arrive 
à Dap-Cau où elle passe la nuit, et de là se remet 
en route pour Hanoï, où elle arrive en face de la 
concession le 22 au soir. 

Déjà, dès le 17 février, le colonel commandant 
supérieur du Delta, ne croyant pas à un aussi 
prompt retour de la l"*' brigade, a constitué une 
petite colonne qui, sous les ordres du lieutenant- 
colonel de Maussion, comprend deux compagnies 
de tirailleurs algériens, une compagnie de la légion 
étrangère, deux compagnies et demie de tirailleurs 
tonkinois, quatre pièces de 4 R. M., traînées par 
des coolies ; troupes tirées des garnisons de Hanoï, 
Hong-Hoa et Sontay. 

Les canonnières déposent à Bac-Hat cette sorte 
d'avant-garde, qui fait deux longues étapes. 

Le 24 février, le colonel de Maussion se trouvant 
à Phu-Doan, apprend que les assiégants ont tenté 
dans la nuit du 21 au 22 février un assaut terrible, 
qui a été heureusement repoussé. 

La première brigade est partie aussitôt de Hanoï 
et se concentre les 23 et 24 février à Bac-Hat, 
organise son parc et son convoi, dont les transports 
doivent s'effectuer exclusivement par jonques et 
sampans. 



COMBATS DE YUOC 143 

A cette même date, le général Brière de l'Isle^ 
le colonel Borgnis-Desbordes et tout Tétat-major 
s'embarquent sur VÉclair, suivi par les canonnières 
Henri-Itivière, Berthe-de-ViUerSy Moulun et Trombe, 
qui emportent les dernières troupes. 

Toute la colonne réunie à Bac-Hat se met en 
route par terre sur Phu-Doan ; la flottille, malgré 
l'état stationnaire des eaux de la rivière toujours 
très basses, reçoit Tordre de tenter l'impossible 
pour se maintenir à la hauteur de la colonne et 
arriver avec elle devant l'ennemi. 

Celui-ci, fortement retranché à Hoa-Moc, en 
aval de Yuoc, aurait été alors sérieusement menacé 
par les canonnières qu'il ne s'attendait point à voir 
venir jusqu'à lui. 

Dans sa marche, la colonne remonte la rive 
droite de la rivière Claire. 

Traversant un pays très couvert, coupé de ravins 
à pentes à pic, la route ne présente là où elle existe 
qu'un mauvais sentier de piétons qu'il y a lieu de 
transformer pour le passage de nos mulets ; bien 
plus, elle cesse brusquement de Cham à Phu- 
Doan, et la brigade doit la construire, en employant 
même parfois la dynamite; des éperons boisés et 
rocheuxse dirigent perpendiculairement àla rivière, 
qu'ils surplombent, et ne permettent aucune 
recherche de tracé par la berge. 

Cette solution de continuité est connue ; la colonne 



144 LE SIÈGE DE TUYEJN-QUAN 

d'occupation de Tuyen-Quan (juin 1884), la colonne 
Duchesne (novembre 1884), la garnison envoyée à 
Phu-Doan (décembre 1884), ont dû, pour franchir 
cette partie du parcours, s'embarquer de Ciiam à 
Phu-Doan ; ce procédé nous est interdit, et par 
l'eflfectif de la colonne et par la situation des eaux, 
qui ne peuvent laisser espérer le passage des ca- 
nonnières qu'à condition qu'elles soient complète- j 
ment allégées. 

Enfin, le 27, la colonne est à Phu-Doan. Rejointe 
par ses jonques et sampans, elle se ravitaille en 
vivres, traverse le Song-Chaï le 28, et se met en 
marche vers Tuyen-Quan. 

Quant à la flottille, les efi'orts de ses équipages 
ne peuvent lui permettre, de se maintenir à la 
hauteur de la colonne, ses échouages nombreux, 
par des fonds où les canonnières doivent parfois 
être traînées à force de bras, lui donnent déjà un 
retard de douze heures sur les troupes. 

Cette région boisée, accidentée, est des plus fa- 
vorables à la défense. 

Les Chinois, qui remuent la terre avec une faci- 
lité incroyable, se sont surpassés. A huit kilomètres 
de Tuyen-Quan, depuis Yuoc, de formidables 
retranchements casemates sont appuyés par des 
tranchées établies le long de la rivière Claire avec 
fossés de deux mètres de profondeur. 

En avant, dans les hautes herbes, sur une étendue 



COMBATS DE YUOC 145 

d'un kilomètre carré, des bambous taillés en pointe, 
habilement dissimulés et se confondant avec la ver- 
dure, déchirent cruellement les jambes de nos 
soldats. 

Le 2 mars, vers dix heures du matin, Tavant- 
garde de la colonne Giovaninelli détache des tirail- 
leurs tonkinois pour déblayer le terrain. 

On sent la présence d'un ennemi invisible. Luh- 
Vinh-Phuoc ne commet pas les fautes des généraux 
chinois à Noui-Bop et ailleurs ; pas un pavillon en 
vue, pas une tente, une tranquillité parfaite ; on 
pourait se croire dans un pays abandonné. 

C'est le calme lourd, précurseur des oura- 
gans. 

En effets les Tonkinois, qui s'avancent dans les 
hautes herbes, essuient une décharge à bout por- 
tant ; ils sont tombés sur un ouvrage occupé par 
les Pavillons-Noirs, qui se précipitent aussitôt pour 
décapiter les blessés ; un tirailleur de la compagnie 
Garnier, qui n'a pas été atteint, est pris, ligoté et 
amené devant Luh-Vinh-Phuoc, entouré de plus 
de trois cents officiers. 

Ayant réussi à s'échapper quelques heures plus 
tard , il donne lui-même ces détails à Tétat- 
raajor. 

Aux questions posées par le vieux chef de parti- 
sans, ce Tonkinois a répondu que les Français sont 
venus au nombre de dix mille, qu'ils ont des canons 

9 



»G LE SIÈGE DE TUYEN-QDAN 

portés par des chevaux, et qu'ils sont résolns à 
débloquer Tuyen-Quan cofite que co6te. 

Entre temps, Dotre infanterie prend ses positions 
de combat. 

Il faut cette fois attaquer do front, et l'on peut 
dire que les journées des 2 et 3 mars, à Yuoc, ont 
été les plus meurtrières de toutes nos lattes au 
Toukin. 



Le 2 au soir, deux attaques successives sont de- 
meurées sans résultat; l'infanterie de marine a déjà 
15 officiers et 250 hommes tués ou blesses. Le ba- 
taillon Mahias se trouve en première ligne. 



COMBATS DE YUOC 147 

La nuit est terrible ; on est arrêté à deux cents 
mètres de Tennemi, dans une obscurité complète, au 
milieu des hautes herbes, sous la jiuie ; les Chinois 
tirent sans relâche. Il est impossible d'allumer des 
feux, et le docteur Masse frotte de temps à autre 
une allumette pour rajuster les pansements de seô 
64 blessés au milieu des morts et des mou- 
rants. 

Le capitaine Bourguignon a la mâchoire fra- 
cassée. 

On entend distinctement les ordres donnés dans 
le camp ennemi. 

Un sergent d'infanterie de marine, qui s'est égaré 
dans le brouillard, a la tête coupé. 

D faut vaincre à tout prix et délivrer Tuyen- 
Quan. 

Nos pertes sont énormes, mais jamais troupes 
n'ont été plus admirables dans leur entrain et leur 
énergie au feu. 

On peut se demander si jamais des compagnies 
ayant laissé dans la soirée leurs officiers et une 
moitié de leur effectif sur le terrain pour conqué- 
rir une position, ont repris d'elles-mêmes, le lende- 
main, le mouvement en avant contre des ouvrages 
qu'il fallait emporter d'assaut. Tel est Cependant le 
spectacle qu'offrent les bataillons de notre brigade] 
le 3 mars au matin. 

Au petit jour, un suprême effort est tenté : « mar- 



ItS LB SIKGE DE TDYEH-QDA» 

souins i> et turcos s'élancent sur les lignes ennemies 
avec une furie telle qu'ils arrivent dans les retraa- 
chements chinois, malgré les fougasses et les mines 
qui éclatent sous leurs pas. 

Dans cet assaut final, une mine éclatant met 
hors de combat quarante de nos braves Algériens 
dans une aeale compagaie. 



Uioe 6dHl*Dl au miJleu detlurcos () msts). 

Les travaux élevés par les Pavillons-Noirs scmt 
formidables. Des lignes brisées de parallèles s'éten- 
dent sur une longueur de 8 kilomètres jusqu'à la 
citadelle de Tuyen-Quan : daos les redoutes, de 
longs tujaux en bambous, traversant les meur- 
trières, permettent aux Chinois d'exécuter des feux 
croisés, dans une direction habilement choisie, de 



COMBATS DE YUOC 149 

telle sorte que le terrain est battu sur tous les 
points accessibles. 

En dehors de leurs sapes, de leurs mines, les 
Célestes ont rétabli des batteries de 4, d'obusîers 
de 22 et de fusils de rempart. 

On évalue à 15,000 environ le nombre des Chi- 
nois bien postés, bien armés, soutenus par l'armée 
régulière de Yun-Nam, que la première brigade a 
dû déloger de Yuoc et des ouvrages du Hoa- 
Moc. 

Les cadavres chinois laissés dans les redoutes 
prouvent que nos artilleurs et nos fantassins ont 
bien travaillé. Dans les tranchées, nos hommes 
marchent sur un lit de douilles de cuivre et de balles 
de plomb entassées sur une épaisseur de plus d'un 
mètre. 

A deux heures, Tuyen-Quan est débloqué, mais 
au prix de quels sacrifices. Nous avons 6 officiers 
et 70 hommes tués ; 21 officiers et 387 hommes 
blessés. 

Dans les morts: le capitaine Tailland, les lieute- 
nants de TEstoile, Moissenet, le sous-lieutenant 
Brun ; parmi les blessés, les capitaines Bourgui- 
gnon (mort le 12 mars à Hanoï), Chanu, (décédé), 
Salle ; les lieutenants Lagarde, Moudon, Verzeau, 
Chenagon, Bellier, de Garge; les sous- lieutenants 
Le Heiget et Guénin, tous de l'infanterie de ma- 
rine. 

9. 



150 LE SIÈGE DE TUTEN-QUAN 

Les tirailleurs algériens ont au nombre de leurs 
morts : le capitaine Rollandes et le lieutenant Em- 
barck, et parmi leurs blessés, les capitaines Valet, 
Chirouze ; les lieutenants Mohamed-ben-Mehmed, 
Mohamet-ben-Embarck , Mehemed-ben-Mohamed, 
Guignabaudet, les sous-lieutonants Pejre (décédé le 
9 mars à Hanoï), Roug et Pierri. 

M. Donnât, sous-lieutenant aux tirailleurs tonki- 
nois, est également blessé. 

Les pertes des Chinois sont énormes : ces gens- 
là ont fait preuve d'une ténacité et d'une résolution 
extraordinaires. 

Un prisonnier fait par nos Tonkinois, a su trom- 
per la surveillance de ses gardiens, au point qu'il 
avait tendu à Thomme qui l'attachait, au lieu de son 
pied, un bas rempli de sable ! Dans la nuit, il se 
débarrasse de ses vêtements, prend dans le poste 
où il est enfermé deux fusils, qu'il passe en ban- 
doulière et s'élance dehors avec une audace 
inouïe. 

On le rattrape pourtant, et on lui demande dans 
quel but il a pris les fusils. U répond que c'est pour 
bien établir auprès de ses chefs, qu'il comptait 
rejoindre, qu'il a été notre prisonnier, et pour 
qu'on ne le soupçonnât pas de s'être caché au mo- 
ment du combat. 

Il est temps de parler des canonnières, leBerthe- 

# 

de-Villers, le Moulun, le Henri-Rivière, V Eclair et la 



COMBATS DE YDOC 151 

Trombe^ dont le rôle a été des plus pénibles et qui 
>nt surmonté des obstacles indescriptibles. 

Le 28 février, la flottille était à Phu-Doan; 
,' Éclair, portant le pavillon du général en chef, 
Duvrait la marche, les autres la suivaient, et le 
Berthe-de-Villers remorquait en outre un immense 
chaland, le CuorCam^ qui devait servir, pensait-on, 
à faire passer l'artillerie. 

Bientôt V Éclair toucha ; à partir de ce moment, 
ce fut une navigation dont on ne peut avoir aucune 
idée. 

Des échouages tous les quarts d'heure, des passes 
dont la plupart ont juste la largeur des canon- 
nières ; des bancs variables avec tous les dangers 
que présentent les roches dont la rivière Claire est 
couverte. 

Ah ! la belle voie navigable qu'ont découverte là 
les premiers explorateurs du TonkinI 

Aussières brisées, nécessité de culer sur les 
ancres à tout moment ; tout arrive à la fois et les 
équipages sont sur les dents. 

Le Henri-Rivière reste échoué 53 heures ! 

Entre temps on entend la fusillade : officiers et 
matelots pleurent de rage de ne pouvoir prendre 
part au combat ; la lutte qu'ils soutiennent est 
aussi pénible, mais plus ingrate. 

Que trois canonnières seulement arrivent en 
temps opportun devant les positions chinoises ; elles 



152 LE SIÈGE DE TOTEN-QUAN 

en tourneraient la gauche, et l'action de leur 
puissante artillerie économiserait le sang français 
dans une proportion qu'on ne peut supputer sans 
un serrement de cœur. 

Enfin, par des efforts inouïs, surhumains, le 
Uerthe-de-Villers, remorquant toujours son fameux 
chaland, arrive devant Tuyen-Quan, le 4 mars, à 
9 heures du matin, à la stupéfaction de tous. Le 
commandant Plazen a traîné son bateau sur les 
galets depuis Yuoc. 

Le Moulun arrive ensuite; puis successivement 
la Trombe^ VÉclair, et le Henri-Rmère. 

Le commandant en chef avait déjà chaudement 
félicité M. Plazen ; il cita toutes les canonnières à 
Tordre. 

Seul, le Beriherde-Villers rentra le 17 mars à 
Hanoï, intact et sans autres avaries que des cor- 
dages brisés. 

Après les combats des 2 et 3 mars, Luh-Vinh- 
Phuoc rallia son armée à Tuan-Quan, près du 
premier rapide du fleuve Rouge. Déjà, le 4 mars, 
le FranciS'Garnier avait canonné les fuyards vers 
Già-Du (au-dessus de Hong-Hoa) et leur avait fait 
subir des pertes sérieuses. 

Mais la brigade Giovaninelli ne put poursuivre 
les Chinois dans cette nouvelle position : nos troupes 
étaient fatiguées par ces marches héroïques, les 
bataillons réduits par ces combats meurtriers; 



COMBATS DE YUOC fM 

ainsi le bataillon Mahias de l'iEifanterie de marine, 
qui avait quitté Hanoï, le â6 décembre, avec 600 
hommes et 19 officiers, ne comptait plus que 307 
hommes et 6 officiers après les assauts de Ha- 
Moc. 



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