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Full text of "Souvenirs d'un voyage dans l'Inde exécuté de 1834 à 1839"

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SOUVENIRS 


d’un 

VOYAGE  DANS  L’INDE 

EXÉCUTÉ 

I)E  1834  A 1839 

PAR 

M.  ADOLPHE  DELESSERT, 


PARIS. 

FORTIN,  MASSON  et  C'e,  I LANGLOIS  et  LECLERCQ, 

1,  PLACE  DR  l’ÉCOLE-DE-MRDECINE.  | 81,  RUE  DE  LA  HARPE. 

MDCCCXLIII. 

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111101 


MEMBRE  DE  PLUSIEURS  SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

©lI'yBA©E  EïîSilÊHÏ  DE  TRENTE"  E3HQ  PLANCHES. 

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'Lsrféond ietvr 

BENJAMIN  DELESSERT, 

O»)  ION  B IR  S EME  k*  OMIT  [ITM  TT. 


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c/u  rev/iecf  âf  c/e  /a  •recOTWvacj/Zcm.ce 


c/e 


don, 


neveu. 


Adolphe  DELESSERT. 


Voulant  donner  à ma  famille  quelques  détails  sur  un 
voyage  entrepris  d’après  les  désirs  et  sous  les  auspices 
de  mon  oncle  M.  Benjamin  Delessert , je  n’ai  pas  la  pré- 
tention de  m’élever  à la  hauteur  d’un  voyageur  instruit 
et  possédant  toutes  les  connaissances  nécessaires  pour 
remplir  une  mission  profitable  à la  science.  Je  le  dé- 
clare donc,  ce  voyage,  entrepris  pour  mon  instruction 
personnelle,  ne  peut  intéresser  que  mes  parents  et  mes 
amis.  Je  compte  assez  sur  leur  indulgence  pour  leur 
adresser  ces  souvenirs,  écrits  sous  l’inspiration  du 
moment. 

Les  recherches  d’histoire  naturelle  m’ont  particuliè- 

a 


II 


rement  occupé , et  tout  ce  qui  ne  s’y  rattache  pas  ne  se 
trouve  qu’accessoirement  clans  mes  notes.  Je  ne  me  pose 
cependant  pas  en  naturaliste  habile , mais  bien  en  voya- 
geur zélé  dont  le  but  était  de  s’instruire.  J’ai  rapporté 
des  divers  pays  que  j’ai  visités  des  collections  nombreu- 
ses , composées  en  grande  partie  d’espèces  connues , il 
est  vrai , mais  rares  ; et  j’ai  été  assez  heureux  pour  dé- 
couvrir aussi  un  assez  grand  nombre  d’espèces  nouvel- 
les. Pensant  qu’il  pourrait  être  utile  de  les  publier,  j’ai 
considéré  ce  travail  comme  un  devoir,  sans  prétendre 
m’en  faire  un  mérite.  Mes  collections  se  composent  de 
mammifères , d’oiseaux , de  reptiles , de  poissons , de 
coquilles,  d’insectes,  de  plantes  et  de  minéraux.  Le 
temps  que  je  dérobais  à la  chasse  était  toujours  employé 
à en  assurer  le  succès  pour  le  lendemain  ou  à préparer 
les  victimes  de  la  veille.  J’étais  parvenu , mais  non  sans 
peine , à dresser  à ce  genre  de  travail  quatre  Indiens  que 
j’avais  pris  à mon  service,  et  qui  me  suivaient  dans 
toutes  mes  excursions.  J’étais  aussi  accompagné  de  plu- 
sieurs Indiens  armés  et  chasseurs.  Ces  dispositions 
étaient  indispensables  lorsque  je  pénétrais  dans  l’inté- 
rieur des  terres , loin  de  toute  habitation , souvent  à de 
grandes  distances  et  pour  un  temps  plus  ou  moins 
long , dans  des  forêts  remplies  d’animaux  dangereux, 
qui  nous  promettaient  d’abondantes  récoltes  si  nous 
étions  en  force  pour  les  attaquer.  Ce  genre  de  vie  me 
plaisait  beaucoup  : cette  existence  nomade  a ses  char- 
mes que  nulle  description  11e  peut  rendre  5 il  faut  être 
chasseur  et  naturaliste  pour  les  comprendre  et  les  ap- 
précier. Les  privations,  la  fatigue,  l’ardeur  du  soleil, 
rien  11e  pouvait  compenser  le  plaisir  que  me  procurait 


III 


la  possession  d’un  objet  nouveau.  Le  plus  souvent  nous 
vivions,  moi  et  ma  petite  troupe,  du  produit  de  notre 
chasse.  Mes  provisions , toujours  très-légères  à cause 
des  difficultés  du  transport  dans  un  pays  sans  routes 
tracées , consistaient  en  quelques  rations  de  riz  et  quel- 
ques bouteilles  de  vin  et  d’eau-de-vie.  J’établissais  mon 
bivac  partout  où  j’espérais  d’heureuses  rencontres , et 
je  levais  le  camp  pour  explorer  d’autres  lieux.  Les  dé- 
tails de  cette  existence  sont , je  le  répète , sans  intérêt, 
excepté  pour  ma  famille.  J’ai  dû  cependant  ne  pas  les 
passer  sous  silence. 

Je  dois  témoigner  ici  ma  reconnaissance  à mon  ami 
M.  le  docteur  Chenu,  conservateur  du  riche  musée 
conchyliologique  de  mon  oncle  : il  a bien  voulu  se 
charger  du  classement  de  mes  collections  et  m’aider  de 
ses  conseils  et  de  son  expérience  pour  la  rédaction  de 
mes  notes.  Je  dois  aussi  le  même  témoignage  à M.  Gué- 
rin-Méneville , professeur  d’histoire  naturelle  : il  a dé- 
terminé et  décrit  toutes  les  espèces  nouvelles  de  ma 
collection.  Ce  n’est  qu’après  m’étre  assuré  du  concours 
de  ces  deux  collaborateurs  que  je  me  suis  décidé  à pu- 
blier la  relation  de  mon  voyage. 


SOUVENIRS 


d’un 

VOYAGE  DANS  L’INDE. 


ÎISÆS  § âSSSî* 


PREMIÈRE  PARTIE. 

De  Paris  à Vile  de  France  et  à Vile  Bourbon. 

Parti  de  Paris  le  28  mars  1834 , avec  mon  ami 
M.  Perrottet,  qui  devait  m’accompagner  à Pondichéry, 
j’arrivai  à Nantes  dans  les  premiers  jours  d’avril.  En 
attendant  le  départ  du  trois-mâts  le  Navigateur , capi- 
taine Gauthier,  je  ne  pouvais  mieux  passer  mon  temps 
qu’à  visiter  les  environs , ni  me  préparer  de  plus  riants 
souvenirs  que  ceux  que  laissent  les  bords  de  la  Loire, 
pour  modérer  un  peu  , par  la  comparaison , l’enthou- 
siasme qu’inspirent  ordinairement  les  beautés  des  ré- 
gions tropicales.  Aussi , après  avoir  pris  le  temps  né- 
cessaire pour  mettre  mes  papiers  en  ordre  et  faire 
quelques  emplettes , je  commençai  mes  promenades.  Je 
visitai  avec  beaucoup  d’intérêt  Clisson , à six  lieues  de 
Nantes.  Cette  petite  ville , bâtie  dans  une  position  ravis- 

1 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


2 

santé,  est  aussi  remarquable  par  ses  souvenirs  histori- 
ques que  par  ses  constructions  modernes , qui  contras- 
tent singulièrement  avec  les  ruines  majestueuses  qu’on 
y voit  encore.  La  villa  Lemot,  la  Garenne,  la  villa  Va- 
lentin, ont  particulièrement  attiré  mon  attention.  Dans 
une  des  cours  de  la  villa  Valentin  on  nous  fit  remar- 
quer un  if,  connu  dans  le  pays  sous  le  nom  d’ If-anx- 
Vic limes  ; il  rappelle  un  de  ces  crimes  que  l’histoire  si- 
gnale avec  horreur  : pendant  la  guerre  vendéenne , à la 
place  de  cet  arbre  se  trouvait  un  puits  très-profond, 
dans  lequel  on  précipita  une  foule  d’infortunés,  vieil- 
lards, femmes  et  enfants  sans  défense,  qu’on  ensevelit 
vivants.  Que  n’a-t-on  enseveli  en  même  temps  le  sou- 
venir d’un  crime  aussi  atroce! 

Avant  de  rentrer  à Nantes , j’ai  visité  avec  beaucoup 
d’intérêt  une  partie  du  département  du  Morbihan,  dont 
les  habitants  offrent  quelque  ressemblance  avec  ceux  du 
canton  de  Fribourg,  autant  par  leur  costume  que  par 
leur  accent.  Je  ne  sais  si  cette  observation  est  exacte, 
mais  elle  m’a  frappé  ; et  ce  n’est  pas  sans  plaisir  que  je 
crus  reconnaître  ces  costumes,  qui  me  rappelaient  tant 
de  souvenirs  d’enfance.  Enfin  je  revins  à Nantes , déjà 
avec  une  provision  de  notes , et  je  n’avais  pas  encore 
commencé  mon  voyage.  C’est  en  songeant  aux  désastres 
des  guerres  civiles  qui  ont  désolé  le  beau  pays  que  je 
venais  de  parcourir  que  j’appris,  en  arrivant  à mon 
hôtel , qu’on  se  battait  à Paris.  Ma  première  pensée  fut 
pour  ma  famille , et  l’inquiétude  qu’une  semblable  nou- 
velle me  causait  fut  bientôt  calmée  par  celle  qui  la  sui- 
vit, et  qui  annonçait  le  rétablissement  delà  tranquillité. 
Je  fus  aussi  assez  heureux  pour  recevoir  des  lettres  de 


DANS  L’INDE. 


3 


mes  parents , et  l’une  d’elles  surtout  me  lit  le  plus  vif 
plaisir  : elle  me  rassurait  sur  la  santé  de  mon  oncle, 
que  j’avais  laissé  un  peu  malade.  Quelques  détails  sur 
les  événements  qui  venaient  d’affliger  Paris  ramenèrent 
le  calme  chez  moi  ; et  j’en  avais  besoin  , car  je  devais 
m’embarquer  le  lendemain. 

Je  partis  pour  Paimbœuf  le  23  avril , et  je  me  rendis 
de  suite  à bord  du  navire.  J’y  couchai , et  le  lende- 
main , à trois  heures  du  matin , il  leva  l’ancre.  Adieu 
donc , France  ! ce  n’est  pas  sans  un  certain  serrement 
de  cœur  que  l’on  te  perd  de  vue,  que  l’on  quitte  sa 
famille  et  ses  amis!  Adieu,  France!  peut-être  pour 
long-temps  ! 

La  brise  nous  poussa  rapidement,  et  cependant  il 
nous  fallait  attendre  la  mi -marée  pour  franchir  la 
barre  (1).  Le  capitaine  fit  allumer  pendant  la  nuit  le 
fanal  d’avertissement  pour  éviter  l’abordage  des  nom- 
breux bâtiments  qui  à cette  époque  se  trouvent  dans 
ces  parages.  Le  lendemain  nous  avions  perdu  la  côte  de 


(1)  Barre.  On  désigne  sous  ce  nom  la  vague  qui  se  roule  et  se  brise 
en  tout  temps  à l’entrée  de  certains  fleuves.  Ces  convulsions  de  la  mer 
sont  causées  par  le  gonflement  des  eaux  du  large , qui  se  choquent  contre 
celles  qui  descendent  des  rivières  et  se  réunissent  sur  une  espèce  de 
digue  sous-marine  étendue  à l’entrée  du  fleuve.  Cette  digue  est  ordi- 
nairement formée  par  un  amas  de  pierres , de  sable , de  débris  de  nau- 
frages accumulés  par  le  cours  des  eaux  du  large  et  du  fleuve , qui  s’é- 
lèvent à une  certaine  hauteur  au  point  de  jonction  des  eaux , et  servent 
de  lit  à leur  lutte  furieuse.  Lorsque  la  mer  est  basse  on  aperçoit  quel- 
quefois le  sommet  de  cette  digue , et  c’est  alors  que  la  mer  s’y  ébat  avec 
moins  de  violence  ; mais  les  navires  qui  doivent  franchir  cette  terrible 
barrière  ne  peuvent  pas  profiter  de  ces  intermittences,  puisque  l’eaü  qui 
leur  est  nécessaire  pour  flotter  par  dessus  s’est  retirée  Certaines  barres 
sont  tellement  dangereuses  à traverser,  que  la  conservation  du  navire 
et  l’existence  des  marins  qui  le  montent  sont  mises  en  question  dans  le 
rapide  intervalle  qui  se  passe  à franchir  ce  danger.  ( Dictionn . de  Ma- 
rine.) 


k 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


vue.  Pendant  plusieurs  jours  notre  marche  ne  présenta 
rien  de  particulier.  Le  28  nous  étions  déjà  à plus  de 
cent  lieues  de  Nantes. 

Pendant  la  journée  je  passais  mon  temps  en  conver- 
sations avec  le  capitaine  et  mon  ami  Perrottet  : quel- 
quefois je  préludais  à des  chasses  plus  importantes  en 
tirant  sur  les  oiseaux  ou  des  marsouins  qui  s’appro- 
chaient du  bâtiment,  mais  le  plus  souvent  sans  succès 
sur  ces  derniers  ; je  crois  cependant  en  avoir  blessé  un. 
Mes  seules  victimes  furent  des  alouettes  de  mer  (1)  et 
une  pauvre  hirondelle  commune  (2).  En  la  voyant  tom- 
ber je  me  repentis  de  n’avoir  pas  fait  taire  un  sentiment 
d’amour-propre  qu’excitait  la  présence  de  quelques  per- 
sonnes qui  se  trouvaient  sur  le  pont.  Pauvre  petite  ! 
elle  allait  probablement  en  France  revoir  la  fenêtre  hos- 
pitalière où  son  jeune  âge  respecté  ne  pouvait  lui  faire 
prévoir  une  mort  si  loin  de  terre  et  de  la  main  d’un 
voyageur  qui  lui  devait  protection,  et  aurait  pu , par  la 
pensée,  la  charger  d’un  souvenir  pour  sa  famille. 

Pour  tromper  l’ennui  de  la  traversée , nous  ne  man- 
quions aucune  occasion  ; et  les  animaux  que  nous  pou- 
vions voir,  pêcher,  harponner  ou  tirer,  faisaient  facile- 
ment diversion  à nos  habitudes,  et  devenaient  un  sujet 
de  conversation.  Pendant  le  voyage  nous  avons  vu  trois 
ou  quatre  baleines , et  nous  avons  harponné  plusieurs 
marsouins  dont  les  matelots  faisaient  sécher  la  chair 
pour  la  manger  : elle  a beaucoup  du  goût  de  celle  du 

(1)  Alouette  de  mer.  Bécasseau  Cocorli.  ( Scolopax  africana,  Gmelin; 
Tringa  subarquata,  Temminck  ; Numenius  subarquatus , Bechst.  ) — Cet 
oiseau  habile  le  littoral  des  mers  qui  baignent  l’Europe,  l’Afrique  et 
l’Amérique. 

(2)  Hirondelle  commune  ( Hirundo  rustica  de  Linné). 


DANS  L’INDE. 


5 


chevreuil.  J’ai  vainement  tiré  plusieurs  coups  de  fusil 
sur  une  tortue  de  mer  : son  écaille,  ouverte  seulement 
pour  laisser  passer  la  tête , est  assez  épaisse  pour  la 
mettre  à l’épreuve  de  la  balle.  Les  matelots  ont  pris  à la 
ligne  de  traîne  plusieurs  thons , que  nous  mangions 
avec  grand  plaisir. 

Le  10  mai  nous  étions  en  vue  de  l’ile  de  Madère.  La 
force  du  vent  nous  en  éloigna  en  fort  peu  de  temps, 
et,  rencontrant  les  vents  alizés  (1)  qui  dominent  tou- 
jours dans  ces  parages,  nous  laissâmes  successivement 
derrière  nous  les  îles  Canaries,  la  côte  du  Sénégal  et 
les  îles  du  Cap-Vert.  C’est  à la  hauteur  de  ces  derniè- 
res que  nous  vîmes  pour  la  première  fois  des  groupes 
de  poissons  volants  (2) , un  très-grand  nombre  de  mé- 
duses (3)  et  des  paille-en-queue  (4)  ou  oiseaux  des  tro- 


( I)  Vents  alizés.  On  donne  ce  nom  à des  vents  qui  régnent  entre  les 
tropiques  et  soufflent  régulièrement  de  l’est  à l’ouest.  Les  bâtiments  qui 
se  rendent  aux  colonies  en  quittant  les  ports  de  la  côte  qui  borde  l’Océan 
sur  nos  parages,  en  sont  favorisés  dans  leur  course;  mais,  pour  revenir, 
ils  sont  forcés  de  faire  un  circuit  qui  allonge  leur  route.  Les  vents  alizés 
sont  souvent  si  faibles  dans  la  zone  torride , que  les  bâtiments  s’y  trou- 
vent pris  par  le  calme;  mais,  en  revanche,  ils  ne  s’élèvent  jamais  jus- 
qu’à la  tempête.  Quand  les  navires  sont  poussés  par  ces  vents  , les  ma- 
rins disent  que  c’est  une  navigation  de  demoiselle.  ( Dictionn . de  Marine.) 

(2)  Poisson  volant  ( Exocetus  volitans , Linné,  Gmelin). — Ces  poissons 
voyagent  par  troupes  nombreuses.  Le  développement  de  leurs  nageoires 
pectorales  leur  permet  de  s’élever  au-dessus  des  flots  et  de  se  soutenir 
par  un  véritable  vol  pendant  un  temps  très-limité , sans  doute , mais 
qui  cependant  leur  permet  de  se  soutenir  pendant  quelques  minutes  et 
de  s’élever  à la  hauteur  du  pont  des  grands  navires. 

(3)  Méduses.  Animaux  rayonnés  à corps  libre  et  gélatineux,  transpa- 
rent , à formes  régulières , élégantes , et  à couleurs  variées  et  brillantes  ; 
armés,  plutôt  qu’ornés,  de  bras  plus  ou  moins  nombreux,  flexibles,  et 
qui  donnent  à ces  animaux  un  aspect  tout  particulier. 

(4)  Paille-en-queue  ( Phaeton  candidus).  Ordre  des  palmipèdes.  Oiseau 
remarquable  par  deux  brins  ou  filets  très-longs , formés  d’une  tige  pres- 
que nue,  garnie  seulement  de  très-petites  barbules,  et  fixés  au  centre 
de  la  queue , qui  est  très-courte. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


6 

piques.  Tous  les  jours  de  nouveaux  objets  attiraient 
notre  attention.  J’ai  tiré  et  blessé  un  cachalot  (4)  qui 
avait  au  moins  neuf  mètres  de  longueur,  et  nous  avons 
pu  observer  un  requin  qui  nous  suivit  de  très-près  pen- 
dant plusieurs  heures.  Un  matelot  prit  à la  ligne  une 
dorade  (2)  et  un  petit  requin. 

Nous  approchions  de  l’équateur,  et,  pour  nous  en 
prévenir,  deux  matelots  jouèrent  des  airs  de  berger  sur 
une  cornemuse  : c’était  nous  annoncer  la  fête  du  père 
La  Ligne.  A cette  époque  nous  eûmes  un  jour  de  pluie, 
et  nous  fîmes  recueillir  l’eau  du  ciel  dans  des  toiles  à 
voile  pour  prendre  un  bain  d’eau  douce.  Le  1er  juin 
nous  étions  sous  l’équateur.  La  sévérité  du  bord  fit 
place  à des  scènes  de  carnaval.  Le  bonhomme  La  Ligne 
vint  nous  faire  sa  visite  avec  toutes  les  cérémonies  d’u- 
sage. Il  y eut  aspersion  générale  : c’était  à qui  nous 
donnerait  le  baptême.  Chacun  de  nous  s’y  prêta  de 
bonne  grâce  ; mais  la  fête  n’en  fut  pas  une  pour  les 
novices.  L’eau  leur  fut  prodiguée  sous  toutes  les  formes, 
ii  y eut  un  feu  roulant  de  plaisanteries  qui  dégénéraient 
en  vexations;  et,  pour  terminer  la  journée,  on  plongea 
les  jeunes  marins  dans  une  cuve  remplie  d’eau  de  mer, 
au  moment  où  ils  ne  pouvaient  s’attendre  à cette  mys- 

(!)  Cachalot  (Physeter  sulcaius).  Mammifère  cétacé.  On  prendrait  ces 
animaux  pour  de  petites  baleines  ; ils  s’en  distinguent  cependant  à pre- 
mière vue  par  la  fréquence  des  jets  de  l’eau  qu’ils  projettent  obliquement 
en  avant  et  au  bruit  qui  accompagne  cette  projection. 

(2)  Dorade.  Fort  joli  poisson  de  la  famille  des  scombéroïdes  acantho- 
ptérygiens.  Il  peut  être  considéré  comme  un  des  plus  brillants  habitants 
de  la  mer,  dont  il  dore  la  surface.  L’éclat  de  l’or  est  mêlé  à celui  des 
pierres  précieuses,  et  frappe  les  yeux  de  mille  nuances  éblouissantes. 
Ce  poisson  est  aussi  vorace  qu’il  est  beau  et  bon.  Sa  chair  excellente 
vient  faire  heureusement  diversion  au  régime  du  bord. 


DANS  L’INDE. 


7 


tification.  Cette  dernière  scène  fut  la  plus  risible  de 
toutes,  à cause  de  la  surprise  des  'victimes.  Tout  rentra 
bientôt  dans  l’ordre.  Une  double  ration  de  vin , accor- 
dée à l’équipage , lui  fit  passer  joyeusement  la  jour- 
née. Notre  dîner  fut  aussi , ce  jour-là , splendidement 
servi  : on  nous  donna,  chose  assez  rare  sous  la  ligne, 
une  crème  fouettée  excellente , grâce  aux  deux  vaches 
que  nous  avions  à bord , et  qui  nous  ont  constamment 
fourni  de  bon  lait. 

Le  lendemain  il  n’était  plus  question  de  fête  ; la  dis- 
cipline ne  s’était  pas  ralentie  : elle  était  restée  un  jour 
à fond  de  cale  pour  reparaître  sans  atteinte.  La  brise 
nous  poussa  rapidement  devant  l’île  de  l’Ascension , et 
quelques  jours  après  devant  Sainte-Hélène,  si  féconde 
en  souvenirs. 

Sur  un  écueil  battu  par  la  vague  plaintive 
Le  nautonier  de  loin  voit  blanchir  sur  la  rive 
Un  tombeau  près  du  bord  par  les  flots  déposé. 

Le  temps  n’a  pas  encor  bruni  l’étroite  pierre  , 

Et  sous  le  vert  tissu  de  la  ronce  et  du  lierre 
On  distingue. ...  un  sceptre  brisé  ! 


Jamais  d’aucun  mortel  le  pied  qu’un  souffle  efface 
N’imprima  sur  le  sol  de  plus  profonde  trace , 

Et  ce  pied  s’est  arrêté  là  ! 

Il  est  là  ! Sous  trois  pas  un  enfant  le  mesure  ! 
Son  ombre  ne  rend  pas  même  un  léger  murmure  ; 
Le  pied  d’un  ennemi  foule  en  paix  son  cercueil  ! 
Sur  ce  front  foudroyant  le  moucheron  bourdonne, 
Et  son  ombre  n’entend  que  le  bruit  motone 
D’une  vague  contre  un  écueil  ! 


8 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Sire , vous  reviendrez  dans  votre  capitale  , 

Sans  tocsin , sans  combat , sans  lutte  et  sans  fureur 
Traîné  par  huit  chevaux  sous  l’arche  Triomphale , 
En  habit  d’empereur. 


Jamais  triomphateurs  fameux  dans  les  histoires , 
Jamais  lui-même,  après  ses  batailles-victoires , 
D’un  peuple  universel  n’obtinrent  plus  d’accueil. 
Depuis  que  de  la  mort  l’homme  est  le  tributaire 
Jamais  jusqu’à  ce  jour  les  vivants  de  la  terre 
N’ont  senti  plus  de  joie  en  voyant  un  cercueil. 


Ce  jour-là  , pour  le  voir,  nous  étions  six  cent  mille 
Six  cent  mille  vivants  pour  voir  passer  un  mort  ; 

La  vieille  Rome , même  aux  temps  de  Paul-Émile, 
N’exhalait  pas  si  haut  son  délirant  transport. 


C’était  lui  qui  planait  sur  l’Inde  et  l’Amérique , 

Du  centre  de  son  île  aux  pitons  rayonnants , 
Étendait  ses  deux  bras  sur  les  deux  continents  ; 
Exilé  de  la  terre , il  avait  pour  royaume 
L’immensité  des  mers  que  peuplait  son  fantôme. 
Sous  quelque  pavillon  que  le  navigateur 
Sillonnât  ces  parages  en  coupant  l’équateur. 
Quelque  nom  qu’il  portât  sur  la  poupe  et  l’étrave , 
Français , Russe , Espagnol , Américain , Batave , 
Anglais  même  ; sitôt  qu’aux  lueurs  du  matin 
Se  montrait  un  point  noir  à l’horizon  lointain  , 

Dès  qu’on  voyait  surgir  dans  ce  désert  humide 


DANS  L’INDE. 


9 

Du  Pharaon  français  la  grande  pyramide , 

Un  saint  recueillement , un  silence  profond 
De  l’un  à l’autre  bout  s’étendait  sur  le  pont  : 

On  croyait  voir  le  spectre , échappé  de  sa  tombe , 

Entre  l’onde  et  le  ciel  monter  comme  une  trombe  ; 
L’équipage  , saisi  d’une  froide  terreur, 

Murmurait  en  tremblant  le  nom  de  l’empereur, 

Traduisait  son  histoire  en  son  grossier  langage , 

Et  le  vaisseau  lui-même  , avec  son  lourd  tangage , 

Semblait  courber  le  front  devant  son  suzerain. 


C’en  est  fait  : votre  culte  a renversé  l’idole  ; 

L’île  qu’illuminait  son  ardente  auréole  , 
Sainte-Hélène  n’est  plus  qu’une  auberge , un  relais  , 
Tenus  sordidement  par  des  maîtres  anglais  ; 
Napoléon  n’a  plus  son  trône  maritime  ; 

Le  grand  Adamastor  est  rentré  sous  l’abîme  ; 

L’autel  reste  sans  dieu  , le  prestige  est  brisé , 

Et  le  vaste  océan  est  dépoétisé. 


10 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Tout  le  monde  connaît  les  beaux  vers  que  je  cite; 
ils  sont  bien  l’expression  des  sentiments  qu’éprouve  le 
voyageur  en  passant  devant  Sainte-Hélène.  Que  pour- 
rait-on  ajouter  aux  pensées  des  deux  poètes?  Il  y a des 
souvenirs  qu’il  serait  difficile  de  bien  rendre  en  prose, 
et  ceux  que  ce  rocher  d’exil  inspire  sont  de  ce  nombre. 

Nous  approchions  du  cap  de  Bonne-Espérance,  et 
nous  entrions  dans  la  zone  tempérée  de  l’hémisphère 
sud.  Là  notre  marche  fut  ralentie,  les  vents  furent 
très-variables.  Quelques  oiseaux  particuliers  à ces  con- 
trées vinrent  volt’ger  autour  du  bâtiment.  La  mer  était 
mauvaise  : je  ne  pus  que  les  reconnaître;  mais,  en 
nous  approchant  du  Cap,  elle  se  calma , et  je  pus  tirer 
quelques  pétrels  (1)  et  deux  albatros  (2),  que  je  tuai. 
Un  matelot  prit  à la  ligne  un  damier  du  Cap,  que  je 
m’amusai  à empailler.  Nous  aperçûmes  aussi  deux  bel- 
les baleines , à peu  de  distance  du  bord , et  un  serpent 
d’eau  d’une  grande  dimension , comme  on  en  rencon- 
tre quelquefois  dans  l’océan  Indien. 

Depuis  quelques  jours  le  froid  s’était  fait  sentir  : le 
thermomètre  marquait  treize  degrés.  Enfin  le  28  juin 
nous  doublons  le  Cap  avec  un  fort  mauvais  temps , 
nous  avons  à essuyer  un  fort  grain  ; et  un  orage  nous 

( I)  Pétrel  ( Procellaria  capensis).  De  l’ordre  des  Palmipèdes. — Ces  oi- 
seaux donnent  une  alarme  salutaire  aux  matelots  lorsque , au  milieu  du 
calme , ils  viennent  voltiger  autour  du  bâtiment  et  chercher  dans  les  agrès 
ou  sous  la  poupe  un  abri  contre  les  bourrasques , qu’ils  ont  l’instinct  de 
deviner,  et  qui  presque  toujours  ne  tardent  pas  à éclater.  Nombre  de 
fois  les  navigateurs  ont  dû  leur  salut  à ces  heureux  pronostics,  plus  sûrs 
que  tous  les  calculs  de  la  prévoyance  humaine.  (Drapiez.) 

(2)  Albatros.  Oiseaux  de  l’ordre  des  Palmipèdes.  Vulgairement  nom- 
més Moutons-du-Cap ; malgré  leur  gloutonnerie,  qui  en  fait  de  vérita- 
bles oiseaux  de  proie.  Leur  chair  est  dure  et  de  mauvais  goût. 


DANS  L’INDE. 


IL 


force  à mettre  à la  cape  (1)  sous  le  grand  hunier,  à 
l’entrée  du  canal  de  Mozambique.  Nous  eûmes  une 
nuit  affreuse , éclairée  par  de  nombreux  éclairs  ; c’était 
la  première  fois  que  nous  avions  un  si  gros  temps  de- 
puis notre  départ , au  moment  d’arriver  au  but  de  no- 
tre voyage. 

Pendant  plusieurs  jours  la  mer  fut  clapoteuse , mais 
bientôt  nous  eûmes  un  grand  calme  qui  la  rendit  unie 
comme  une  glace.  Nous  avions  dépassé  le  méridien  de 
Madagascar,  et  nous  rentrions  sous  le  tropique  du  Ca- 
pricorne. Le  vendredi  10  juillet  nous  avions  atteint  le 
méridien  de  l’ile  Bourbon  ; le  15  nous  nous  dirigions 
vers  la  pointe  nord-est  de  file  de  France,  que  la  vigie 
signala , et  le  lendemain , au  réveil , nous  apercevions 
la  côte.  Elle  était  verdoyante , se  détachait  parfaitement 
des  montagnes  du  centre  de  l’île  , et  présentait  un  coup 
d’œil  des  plus  pittoresques , surtout  après  quatre-vingt- 
un  jours  de  navigation.  Cette  journée  me  parut  très- 
longue  : la  côte  me  semblait  inabordable.  Enfin , un 
peu  avant  la  nuit,  un  pilote  vint  au-devant  de  nous,  et 
nous  annonça  la  visite  de  la  santé  (3) , qui  le  lende- 
main devait  nous  donner  libre  pratique.  Avant  de  dé- 
barquer nous  eûmes  successivement  la  visde  d’un  offi- 
cier du  Mainville,  vaisseau  anglais  en  station  ; il  s’in- 

(1)  Mettre  à la  cape.  La  cape  est  l’état  où  se  trouve  un  navire  qu’un 
gros  temps  ou  un  vent  contraire  force  de  dérober  la  majeure  partie  de 
ses  voiles  à la  tempête,  qui  les  déchirerait  et  compromettrait  le  bâti- 
ment lui-même.  Quand  la  mer  est  devenue  trop  grosse  et  le  vent  trop 
violent  pour  continuer  à faire  route , on  serre  toutes  les  voiles  excepté 
celles  sous  lesquelles  on  doit  capeyer. 

(2)  Santé.  Députation  de  la  commission  sanitaire  d’un  port  pour  aller 
le  long  d’un  bâtiment  qui  arrive  vérifier,  en  interrogeant  le  capitaine 
et  l’équipage , s’il  peut  être  librement  admis  dans  le  port  ou  s’il  doit 
être  consigné  en  quarantaine.  (Dictionn.de  Marine.) 


12 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


forma  du  nombre  des  passagers  et  de  notre  lieu  de 
départ;  la  santé  vint  ensuite,  et,  après,  la  police. 
Toutes  les  formalités  remplies , nous  quittons  le  Navi- 
gateur en  entonnant  en  chœur  : 

Adieu  , mon  beau  navire 
Aux  grands  mâts  pavoises  ! etc. 

Avec  quel  bonheur  nous  retrouvons  la  terre  ! c’est 
une  jouissance  que  l’on  n’apprécie  bien  qu’après  une 
longue  traversée.  Nous  voilà  installés  dans  un  hôtel  à 
Port-Louis , et  aussitôt  nous  nous  mettons  en  courses. 
La  première  visite  que  nous  fîmes  fut  pour  notre  cor- 
respondant, qui  nous  donna  les  meilleures  instructions 
pour  notre  séjour. 

L’ île  de  France,  nommée  d’abord  Maurice  par  les 
Hollandais,  du  nom  de  Maurice  de  Nassau,  qui  la  dé- 
couvrit en  1598,  passa  bientôt  après  sous  la  domination 
des  Français,  et  depuis  sous  celle  des  Anglais,  après 
une  capitulation  dont  la  première  condition  était  le 
maintien  des  lois  françaises.  Lorsque  les  Français  pri- 
rent possession  de  cette  île , au  dire  du  voyageur  Bau- 
din , ce  n’était  qu’une  immense  forêt  sur  un  terrain 
très-accidenté  et  coupé  par  de  hautes  montagnes.  Le 
sol  est  presque  entièrement  recouvert  d’une  espèce  de 
pierres  poreuses  et  tendres  qui  ressemblent  assez  au 
grès  gris  de  France.  Le  fer  s’y  trouve  en  assez  grande 
abondance , le  climat  est  chaud , l’air  sec  et  sain , et  le 
pays  serait  très-agréable  s’il  n’était  exposé  aux  oura- 
gans les  plus  affreux. 

L’île  a d’abord  été  cultivée  particulièrement  en  cé- 
réales, qu’on  exportait;  mais,  depuis,  la  culture  de  la 


DANS  L’INDE. 


13 


canne  à sucre  a excité  l’émulation  des  habitants , et 
c’est  le  produit  principal  de  l’ile.  Les  récoltes  ont  sou- 
vent beaucoup  à souffrir  des  sauterelles  et  des  rats  ; on 
prétend  même  que  ce  sont  ces  rongeurs  qui  ont  chassé 
les  Hollandais,  qui , depuis  ce  temps,  donnent  à cette 
île  le  nom  d’ lle-aux-Rals.  Le  blé,  le  sucre,  le  coton 
et  l’indigo,  voilà  la  richesse  du  pays.  On  y trouve 
abondamment  l’ananas,  les  oranges,  les  citrons  et  les 
bananes. 

L’ile  fournit  beaucoup  de  gibier  gros  et  petit , des 
chèvres  sauvages;  on  y trouve  des  singes,  des  perro- 
quets de  plusieurs  espèces , quelques  oiseaux  aux  ri- 
ches couleurs  et  de  très-grosses  chauves-souris , qu’on 
mange  comme  une  friandise.  Elles  sont  un  peu  plus 
grosses  qu’un  pigeon,  et,  lorsqu’elles  sont  grasses,  on 
les  préfère  au  meilleur  gibier  de  File  ; leur  graisse  sert 
à préparer  les  mets. 

Le  18  juillet  je  lis  ma  première  excursion  avec  mon 
ami  M.  Perrottet , qui  récolta  un  assez  bon  nombre  de 
plantes  tandis  que  je  le  suivais  en  chassant.  J’ai  tué 
plusieurs  oiseaux  ; je  reconnus  parmi  mes  victimes 
deux  martins  (1)  et  un  bengali  (2).  Le  lendemain  je 

(1)  Martin  ( Gracula  tristis,  Lat.  ; Pastor  tristis,  Temminck).  Ces 
oiseaux  ont  beaucoup  d’analogie  de  mœurs  avec  les  étourneaux  d’Eu- 
rope. Ils  font  une  guerre  incessante  aux  insectes.  D’un  naturel  assez  fa- 
milier, ils  se  laissent  facilement  approcher,  se  mêlent  parmi  les  trou- 
peaux et  rendent  même  service  aux  animaux  sur  lesquels  ils  s’abattent 
en  les  débarrassant  de  la  vermine  qui  les  ronge. 

(2)  Bengali  ( Fringilla  Amandava,  Bengali  piqueté,  Amandava).  Es- 
pèce de  moineau  assez  commun  à l’ile  de  France.  Dans  son  jeune  âge, 
il  est  brun  sur  la  tète  et  le  dessus  du  corps;  sa  gorge  est  blanchâtre  et 
les  parties  inférieures  sont  tantôt  de  la  même  couleur,  tantôt  d’un  jaune 
sale,  avec  les  couvertures  des  ailes  parsemées  de  points  blancs;  le  bec 
est  brun  et  les  pieds  sont  jaunâtres.  Dans  la  saison  des  amours,  le  bec, 
les  pieds,  la  tète  et  le  dessus  du  corps  sont  d’un  rouge  foncé  qui  se 


SOUVENIRS  D’UN  VOY/\GE 


14 

voulus  aller  voir  le  jardin  botanique  des  Pamplemous- 
ses. Il  est  à deux  lieues  de  Port-Lou’ s , et  Ta  route  qui 
y conduit  est  ravissante  : elle  est  bordée  de  jolies  mai- 
sons de  campagne  entourées  de  cocotiers  et  d’autres 
arbres  des  pays  intertropicaux.  Arrivés  au  Jardin- 
Royal  , nous  rencontrâmes  le  directeur,  M.  Hummann, 
qui  fut  pour  nous  d’une  obligeance  extrême , et  nous 
lit  gracieusement  les  honneurs  de  son  établissement.  Le 
jardin  a une  étendue  de  cinquante  arpents  ; il  est  très- 
bien  distribué , et  l’on  y cultive  avec  succès  plusieurs 
arbustes  de  l’Inde  et  de  Java.  Nous  allâmes  visiter  la 
sucrerie  de  l’Union  , au  Bois-Rouge.  Cet  établissement, 
dirigé  par  un  Français , M.  Chermont , est  fort  beau. 
Le  directeur  fut  notre  cicérone  : il  nous  expliqua  avec 
une  complaisance  extraordinaire  l’usage  de  toutes  les 
machines , et  nous  fit  part  d’un  perfectionnement  qu’il 
venait  d’apporter  dans  la  fabrication.  Jusque-là  on 
tirait  peu  de  parti  des  écumes  enlevées  sur  les  chau- 
dières ; souvent  même  on  les  jetait.  Pensant  qu’elles 
devaient  contenir  encore  une  assez  grande  quantité  de 
sucre , il  les  lit  placer  dans  des  sacs  de  toile  à voile; 
et , soumises  à l’action  d’un  pressoir,  elles  rendirent 
assez  de  sucre  pour  que  cette  opération  , faite  en  grand, 
vint  à donner  par  jour  cinq  cenls  livres  d’excellent 

rembrunit  sur  les  pennes  alaires  et  devient  noir  sur  les  pennes  cauda- 
les, dont  les  latérales  ont  une  bordure  blanche.  Pendant  l’hiver,  le  des- 
sus de  la  tête , les  côtés  du  cou  , le  dos  et  le  croupion  sont  bruns  et  les 
couvertures  supérieures  de  la  queue  d’un  rouge  rembruni  ; le  front , les 
joues  et  le  menton  sont  d’un  jaune  rougeâtre;  le  devant  du  cou  est  d’un 
gris  blanc;  la  poitrine,  le  ventre  et  les  ailes  sont  d’un  brun  foncé.  Les 
femelles  ont  la  faculté  assez  singulière  d’exprimer  leurs  désirs  par  un 
ramage  moins  varié  et  moins  fort  que  celui  du  mâle,  mais  assez  agréable. 
( Dictionn . d'Hist.  nat.) 


DANS  L’INDE. 


15 

sucre , que  l’on  perdait  avant  son  ingénieuse  décou- 
verte. Il  nous  dit  aussi  qu’on  évaluait,  en  moyenne 
commune,  les  exportations  de  sucre  de  60  à 80  mil- 
lions de  livres.  Nous  allâmes  encore  visiter  une  autre 
sucrerie  voisine,  mais  plus  importante  que  la  première; 
c’est  celle  de  M.  Dumée.  Pour  nous  y rendre , nous 
traversâmes  des  champs  de  cannes';  et  M.  Perrottet 
nous  fit  remarquer  que  les  terres  étaient  très-propres  à 
la  culture  de  la  canne , et  supérieures  même  aux  plan- 
tations de  la  colonie  de  Cayenne  : mais  que , malgré 
cette  supériorité , les  cannes  étaient  moins  belles  que 
dans  cette  dernière  colonie , parce  qu’on  n’a  pas  le  soin 
d’élaguer  les  touffes  poussées  qui  absorbent  en  pure 
perte  une  grande  partie  des  sucs  nourriciers  de  la 
plante.  La  sucrerie  de  M.  Dumée  est  à quatre  lieues  de 
Port-Louis.  Après  l’avoir  visitée  én  détail , nous  revîn- 
mes aux  Pamplemousses  pour  y passer  la  nuit , me 
promettant  bien  de  consacrer  toute  la  journée  du  len- 
demain à visiter  la  vallée  illustrée  par  Bernardin  de 
Saint-Pierre  : je  voulais  interroger  tous  les  lieux  té- 
moins des  plaisirs , de  la  tendresse  et  des  alarmes  de 
Paul  et  de  Virginie,  recueillir  un  dernier  souvenir  de 
leurs  chastes  amours , et  chercher  les  traces  de  leurs 
habitations.  On  m’a  montré , près  de  l’église  des  Pam- 
plemousses, la  place  où  furent  enterrés  Paul  et  V irginie 
ainsi  que  leurs  mères  ; mais  on  n’y  trouve  pas  la  moin- 
dre inscription , pas  la  plus  modeste  pierre.  Leurs  ca- 
banes sont  depuis  long-temps  détruites,  et  il  est  même 
impossible  de  dire  précisément  le  lieu  qu’elles  occu- 
paient dans  la  vallée.  Le  souvenir  qu’on  a de  ces  in- 
fortunés est  même  si  vague  que,  à part  le  rocher  qui 


16 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


domine  file  d’ Ambre , et  où  se  trouvaient  les  nom- 
breux témoins  de  la  perte  du  Saint-Géran , on  ne  peut 
pas  exploiter  la  curiosité  des  étrangers;  on  n’est  pas 
même  d’accord  sur  le  lieu  de  leur  sépulture.  Je  n’ai 
pas  été  satisfait  de  ma  promenade,  et  j’avoue  que  ce 
n’est  pas  sans  désenchantement  que  j’ai  repris  le  che- 
min de  Port-Louis.  Chemin  faisant , j’eus  l’occasion  de 
voir  faire  la  récolte  des  feuilles  du  Pandanus  odoratis- 
simus  (1),  qui  servent  à la  fabrication  des  sacs  dans 
lesquels  on  expédie  le  sucre.  Pendant  notre  marche 
nous  fûmes  un  instant  suivis  par  une  odeur  d’ail  très- 
pénétrante.  Ne  sachant  d’abord  à quoi  l’attribuer,  nous 
avancions  toujours  sur  la  route , lorsque  nous  arrivâ- 
mes à un  endroit  où  la  terre , nouvellement  remuée 
pour  réparation  du  chemin , nous  permit  de  reconnaî- 
tre que  cette  odeur  désagréable  était  produite  par  les 
racines  mises  à découvert  et  coupées  du  Mimosa  Lebbee 
et  Farnesiana. 

Enfin  nous  arrivons  à Port-Louis  après  nous  être 
bien  fatigués  sans  dédommagement.  Avant  de  quitter 
cette  ville , j’ai  voulu  visiter  quelques  établissements 
remarquables.  Ma  première  visite  fut  pour  l’Observa- 
toire. J’eus  le  plaisir  d’y  rencontrer  l’ingénieur  M.  Mor- 
ton , élève  de  Loyd  : il  était  occupé  à donner  le  résul- 
tat de  l’angle  horaire  aux  navires  pour  régler  leurs 
chronomètres  au  vrai  temps  sidéral  par  l’observation 
du  passage  d’une  étoile  au  méridien.  Parmi  les  instru- 
ments astronomiques  précieux  qu’il  nous  fît  voir,  je 
remarquai  le  cercle  du  célèbre  opticien  anglais  Trough- 


(!)  Pandanus  odoratissimus  ou  Baquois  odorant. 


DANS  L’INDE. 


17 


ton  pour  observer  les  astres  au  zénith  ; le  cercle  de  Men- 
doza pour  les  calculs  nautiques;  un  télescope  réflecteur 
qui  donne  cinq  fois  l’image  de  l’objet,  et  qui  sert  de 
lunette  murale  pour  les  observations  astronomiques. 
Mais  ce  qui  m’a  le  plus  vivement  intéressé,  c’est  le  dep- 
ing-ill,  instrument  dont  le  célèbre  capitaine  Cook 
s’est  servi  pour  calculer  la  dépression  de  l’aiguille  ai- 
mantée; le  chronomètre  qui  avait  servi  au  capitaine 
Parry  ; un  pluviomètre  (1)  ; un  thermomètre  horizontal, 
construit  de  manière  à marquer,  sans  qu’il  soit  besoin 
de  rester  en  observation , les  variations  extrêmes  de  la 
journée.  Un  peu  de  fer,  placé  dans  l’intérieur  du  tube, 
au-dessus  de  la  colonne  de  mercure , est  déposé  au  point 
où  celle  colonne  s’est  arrêtée,  et  c’est  à l’aide  de  l’ai- 
mant que  cette  parcelle  de  fer  est  ramenée  sur  le  mer- 
cure pour  l’observation  suivante. 

Après  avoir  visité  l’Observatoire,  je  me  rendis  chez 
M.  Théodore  Delisle,  qui  eut  la  bonté  de  me  faire  voir 
une  superbe  collection  de  poissons  conservés  dans  l’al- 
cool et  qu’il  envoyait  à Cuvier.  Cette  collection,  remar- 
quable sous  tous  les  rapports,  avait  été  faite  avec  tant 
de  soin  que  M.  Delisle  avait  fait  sur  papier  une  pein- 
ture exacte  de  chaque  individu  vivant  ou  sortant  de  la 
mer,  avant  de  le  confier  à l’alcool , qui  altère  beaucoup 
les  couleurs , ou , pour  mieux  dire , qui  donne  à tous 
les  poissons  qu’on  y conserve  la  même  teinte  jaunâtre. 
Je  me  félicitai  beaucoup  de  l’emploi  de  ma  journée, 

(1)  Le  pluviomètre  est  un  instrument  disposé  pour  connaître  ta  quan- 
tité de  pluie  tombée  dans  un  temps  donné.  Deux  auges  équilibrées  sont 
les  parties  importantes  de  l’instrument;  elles  se  remplissent  et  se  vident 
alternativement,  et  donnent  exactement  la  mesure  de  l’eau  tombée. 

3 


18 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


qui  se  termina  au  théâtre.  Des  acteurs  français,  nou- 
vellement arrivés,  y jouèrent  tant  bien  que  mal  la 
Muelte  de  Portici.  Mon  premier  soin  du  lendemain  fut 
de  porter  chez  un  horloger  ma  montre  à secondes , dont 
le  ressort  s’était  cassé  pendant  que  j’étais  à bord  et 
sans  cause  appréciable.  Je  parle  de  ce  fait , bien  peu  im- 
portant par  lui-même,  à cause  des  observations  que 
me  lit  faire  l’horloger.  11  me  demanda  l’époque  à la- 
quelle je  m’étais  aperçu  de  ce  petit  accident.  Mes  sou- 
venirs le  rapportèrent  à peu  près  à l’époque  des  fêtes 
du  bord  à l’occasion  du  passage  de  la  ligne.  « Je  m’at- 
tendais à cette  réponse , me  dit-il  ; on  croit  générale- 
ment que  les  métaux  ne  se  brisent  que  sous  l’influence 
d’une  basse  température;  mais  je  puis  assurer  que  la 
dilatation  produit  le  même  effet.  J’ai  reçu,  ajouta-t-il, 
plusieurs  envois  de  montres  et  de  pendules  d’Europe, 
et  dans  chaque  envoi  j’ai  trouvé  des  ressorts  cassés, 
sans  autre  cause  que  l’action  de  la  forte  chaleur.  » 
Cette  observation  , sans  doute , a dû  être  faite  par  d’au- 
tres, et  je  n’en  parle  ici  que  parce  qu’elle  m’intéressa 
beaucoup. 

Devant  m’embarquer  le  soir  même  pour  l’ile  Bour- 
bon , je  fis  mes  dispositions  de  départ  ; et , en  me  ren- 
dant à bord  du  brick  qui  nous  y conduisait,  je  voulus 
visiter  le  vaisseau  anglais  le  Mainville , de  soixante- 
quatorze  canons , commandé  par  l’amiral  Goor.  Ce  bâ- 
timent , construit  à Bombay,  est  magnifique  ; mais  on 
nous  fit  remarquer  que  le  bois  employé  à sa  construc- 
tion , bois  de  Theck , quoique  fort  beau  , ne  convient 
pas  aux  navires  de  guerre,  et  qu’il  n’est  généralement 
employé  que  pour  les  bâtiments  marchands,  parce  qu’il 


DANS  L’INDE. 


19 


éclate  au  boulet  plus  que  les  bois  qu’on  lui  préfère, 
quoique  moins  durables  et  moins  beaux. 

Enfin  me  voilà  de  nouveau  en  mer,  mais  c’est  pour 
une  courte  traversée;  car  nous  avons  à peine  quitté 
Maurice  que  nous  apercevons  l’ile  Bourbon.  Nous  avions 
à bord , comme  passager,  le  maître  de  pêche  du  balei- 
n:er  nantais  l’Alhéndis , qui  ava't  fa  t avarie  si  forte  en 
talonnant  près  des  îles  Marion,  qu’il  fut  condamné  à 
son  arrivée  à Port-Louis.  Je  me  suis  amusé  à dessiner 
sous  voiles  la  vue  de  la  côte  sud-ouest  de  l’île , à trois 
lieues  de  terre,  depuis  le  volcan  jusqu’à  Saint-Denis. 
La  côte,  quoique  moins  belle  que  celle  de  l’ile  de 
France,  est  cependant  remarquable  : elle  permet  d’a- 
percevoir d’immenses  champs  de  cannes  à sucre,  qui 
ne  cessent  qu’au  pied  des  hautes  Salazes,  montagnes 
qui  dominent  les  collines  dont  File  Bourbon  est  héris- 
sée de  tous  côtés.  C’est  surtout  depuis  la  pointe  du 
Quartier -des -Français  jusqu’à  la  Rivière -des- Pluies 
que  la  côte  est  verdoyante.  En  passant  devant  le  fort 
Sainte-Marie  nous  saluons  le  pavillon  tricolore,  hissé 
pour  les  fêtes  de  juillet,  et  avant  la  nuit  nous  mouil- 
lons en  rade  de  Saint-Denis , après  deux  jours  de  tra- 
versée, au  milieu  de  sept  navires  français  déjà  au 
mouillage.  La  visite  indispensable  de  la  santé , celle  de 
la  douane,  une  fois  faites,  nous  allâmes  nous  établir 
dans  un  hôtel. 

Notre  première  visite  fut  pour  le  jardin  botanique, 
dirigé  par  M.  Richard , ami  de  mon  compagnon  de 
voyage,  et  qui  avait  précédemment  dirigé  un  établis- 
sement du  même  genre  au  Sénégal.  Pendant  la  journée 
nous  allâmes  sur  le  Barachois  voir  mouiller  la  corvette 


20 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


de  l’État  la  Nièvre , qui  arrivait  de  Madagascar.  A bord 
de  ce  bâtiment  se  trouvait  M.  Bernier,  médecin  français 
fort  instruit , attaché  à la  direction  des  hôpitaux  de 
Bourbon  et  de  Madagascar.  11  eut  la  bonté  de  nous  don- 
ner de  grands  détails  sur  son  dernier  voyage,  nous 
parla  de  la  race  des  Ovas , des  mœurs  des  Malgaches 
et  de  la  dernière  expédition  faite  contre  eux  par  les 
Français.  Il  nous  assura  que  Madagascar,  dont  on  dit 
le  séjour  si  funeste  aux  Européens , n’est  dangereuse 
et  malsaine  que  dans  la  partie  sud-est , où  l’on  trouve 
d’immenses  marais  environnés  d’épaisses  forêts  pres- 
que impénétrables.  Mon  séjour  à Saint-Denis  fut  très- 
court  , et , grâce  aux  connaissances  de  mon  ami  M.  Per- 
rottet , on  nous  accorda  le  passage  de  Bourbon  à Pon- 
dichéry sur  la  corvette  la  Nièvre,  que  nous  avions  vue 
arriver.  Nous  allâmes  faire  notre  visite  au  commandant 
et  aux  officiers  du  bord , et  nous  apprîmes  que  le  dé- 
part était  fixé  pour  le  10  août.  Ce  bâtiment  emmenait 
à Pondichéri  deux  cents  Telingas  ou  Indiens  parias 
dont  on  était  très-mécontent  dans  la  colonie  de  Bour- 
bon : c’était  une  cargaison  de  fort  mauvaise  compagnie, 
qui  s’était  distinguée  à Saint -Denis  par  l’adresse  la 
plus  subtile  pour  voler  ; et  cet  exemple  avait  malheu- 
reusement été  suivi  avec  trop  de  succès  par  les  indigè- 
nes. . Mon  séjour  à Bourbon  fut  de  trop  courte  durée  ; 
je  le  regrette  beaucoup,  car  c’est  à peine  si  j’ai  pu  vi- 
siter Saint-Denis  et  les  environs. 

L île  Bourbon  fut  découverte  en  1545  par  un  Portu- 
gais nommé  Mascarenhas , et  on  la  désigna  long-temps 
sous  le  nom  de  Mascareigne.  D’abord  occupée  par  les 
Portugais  , elle  fut  abandonnée,  et  passa  au  pouvoir  des 


DANS  L’INDE. 


21 


Français,  qui  en  firent  un  lieu  de  déportation.  Prise 
par  les  Angla:s  le  3 décembre  1810,  elle  ne  fut  rendue 
à la  France  que  le  2 avril  1815  en  exécution  du  traité 
de  Paris. 

Saint-Denis,  chef-lieu  de  la  colonie,  est  situé  sur  le 
bord  de  la  mer  et  au  nord  de  l’île.  Cette  ville  se  com- 
pose d’un  millier  de  maisons  occupées  par  douze  mille 
habitants.  On  n’y  trouve  aucun  édifice  remarquable, 
même  parmi  les  monuments  publics.  La  plupart  des 
maisons  sont  en  bois  et  placées  chacune  au  centre 
d’un  jardin  ou  enclos  carré  dont  les  murs  alignés  for- 
ment des  rues.  On  appelle  une  habitation  ce  qu’en 
France  nous  désignons  sous  le  nom  de  ferme  quand  il 
s’y  trouve  une  petite  maison  de  maître. 

La  valeur  moyenne  d’un  esclave  est  de  1,500  francs; 
son  travail  pendant  un  an  est  estimé  à environ  500  francs  ; 
sa  nourriture,  composée  de  riz,  de  maïs  et  de  manioc, 
peut  valoir  120  francs,  et  son  habillement  15  francs. 
Les  esclaves  travaillent,  pendant  la  saison  des  récoltes 
seulement,  de  cinq  heures  du  matin  à sept  heures  du 
soir;  ils  prennent  deux  heures  pour  leurs  repas  : il  y 
a douze  heures  de  travail  régulier  pendant  deux  mois 
de  l’année  consacrés  aux  récoltes.  Quelques  maîtres 
ajoutent  à la  nourriture  de  leurs  noirs  des  légumes 
frais , de  la  viande  ou  du  poisson  salés. 

Les  grandes  habitations , qui  comptent  de  nombreux 
esclaves , ont  habituellement  une  infirmerie , qui  est 
sous  la  direction  supérieure  de  la  maîtresse  de  la  mai- 
son , qui,  il  faut  le  dire,  remplit  généralement  sa 
mission  avec  bonté,  et  cherche  à rendre  moins  pénibles 
les  douleurs  de  ces  malheureux. 


22 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Parmi  les  punitions  qu’on  leur  inflige , les  plus  dures 
sont  le  fouet  et  la  chaîne;  et  l’on  remarque  avec  plaisir 
que  le  nombre  des  maîtres  qui  maltraitent  leurs  escla- 
ves diminue  chaque  jour,  et  que,  en  attendant  l’éman- 
cipation qui  sera  l’honneur  du  siècle,  un  grand  nom- 
bre de  p’anteurs,  poussés  par  un  sentiment  d’humanité 
bien  naturel , cherchent  à améliorer  la  position  d’hom- 
mes qui  ne  sont  dégradés  que  par  l’esclavage  et  les 
mauvais  traitements  de  leurs  oppresseurs.  Chez  eux 
l’affection  et  le  dévouement  sont  des  qualités  qu’on  ne 
conteste  pas,  mais  qu’on  n’apprécie  qu’à  titre  d’in- 
stinct. Chez  eux  les  vices  dont  nous  avons  malheureu- 
sement d’aussi  nombreux  exemples  dans  les  pays  les 
plus  civilisés  , et  qui  sont  toujours  le  résultat  d’une 
dégradation  morale , trouvent  peut-être  une  excuse  dans 
l’abrutissement  qu’on  leur  impose  et  dans  la  faiblesse  de 
leur  caractère,  qui  se  plie  à une  domination  dont  ils 
pourraient  triompher  s’ils  savaient  détourner  un  instant 
l’emploi  de  leurs  forces  et  de  leur  intelligence  du  ser- 
vice de  leurs  maîtres. 

Cette  liberté  dont  nous  sommes  si  liers  est  la  source 
de  nos  progrès;  c’est  elle  qui  enfante  nos  merveilles  : 
faut-il  que  ce  soit  elle  aussi  qui  nous  donne  les  moyens 
d’enchaîner  une  partie  de  la  population  du  globe  ! 

Je  n’ai  rien  vu  de  plus  déchirant  qu’une  vente  d’es- 
claves : ils  osent  exprimer  leur  joie  s’ils  sont  achetés 
par  un  maître  connu  par  sa  bonté,  et  ils  savent  mal 
dissimuler  leur  chagrin  s’ils  deviennent  la  propriété 
d’un  homme  dur  et  méchant.  Les  liens  les  plus  chers 
sont  brisés  en  un  instant  : le  père  est  cruellement  sé- 
paré de  ses  enfants  et  de  leur  mère,  qui  a souvent  la 


DANS  L’INDE. 


23 


douleur  de  voir  disséminer  sa  petite  famille,  sa  seule 
et  unique  consolation.  Je  ne  m’arrêterai  pas  plus  long 
temps  à ces  réflexions  pénibles  ; elles  m’ont  trop  occupé 
pendant  mon  voyage , et  je  n’ai  cessé  de  faire  des  vœux 
pour  l’émancipation  de  tant  de  malheureux  dignes  d’un 
meilleur  sort.  Je  dois  ajouter  cependant  que  la  colonie 
de  hourbon  se  fait  remarquer  par  l’humanité  des  maîtres 
envers  les  noirs , et  que  ces  derniers  y sont  générale- 
ment bien  traités. 


24 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


De  l’Ue  Bourbon  à Pondichéri. 


Je  m’embarquai  le  10  août  sur  la  corvette  la  Nièvre, 
pour  me  rendre  à Pondichéri , et  le  même  soir  nous 
avions  perdu  de  vue  la  côte  de  Saint-Denis.  La  corvette, 
commandée  par  le  capitaine  Garnier,  comptait  seize  offi- 
ciers et  cent  cinquante  matelots  ou  canonniers.  De  plus, 
nous  avions  à bord  les  deux  cents Telingas.  Je  remarquai 
de  suite  la  différence  énorme  qui  existe  entre  la  tenue 
des  bâtiments  de  guerre  et  celle  des  bâtiments  de  com- 
merce. Plus  d’hésitation  dans  l’exécution  des  manœu- 
vres; silence  absolu,  la  voix  seule  de  l’officier  de  service 
se  fait  entendre.  Les  soins  de  propreté  sont  poussés 
jusqu’à  la  coquetterie,  et  la  toilette  du  bord  est  aussi 
soignée  que  celle  d’une  petite  maîtresse. 

Je  couchais  dans  la  salle  d’armes,  où  tous  les  soirs  on 
suspendait  mon  hamac;  dans  la  journée  je  me  prome- 
nais à peu  près  partout,  les  manœuvres,  les  exercices  , 
les  plus  petits  détails  du  bord  piquaient  ma  curiosité. 
Le  lendemain  du  départ,  le  capitaine  passa  une  revue 
de  tout  l’équipage;  ce  spectacle,  nouveau  pour  moi, 
m’intéressa  beaucoup. 

Après  la  revue  et  pour  éviter  les  effets  de  l’encombre- 
ment des  Telingas,  le  chirurgien-major  lit  faire  des  fumi- 
gations dans  l’ entre-pont  que  ces  Indiens  occupaient  ; 
cette  mesure  hygiénique  fut  fréquemment  employée 
pendant  la  traversée. 


DANS  L’INDE. 


25 

Chaque  jour  le  fourrier  donnait  des  leçons  de  lecture 
et  d’écriture  à quelques  matelots  et  aux  mousses  ; à 
l’avant  de  la  corvette,  d’autres  matelots  recevaient  des 
leçons  d’escrime;  'es  officiers  élaient  occupés  de  divers 
détails,  chacun  avait  son  travail  journalier;  et  moi,  le 
plus  désœuvré  de  tous,  j’avais  assez  à faire  d’observer 
chaque  partie  de  cet  ensemble  parfait.  La  traversée  ne 
présenta  rien  de  particulier  pendant  une  quinzaine  de 
jours;  mais  le 26,  peu  de  temps  après  le  réveil,  on  en- 
tendit à bord  un  cri  : Une  femme  à la  mer!  Aussitôt 
l’officier  de  quart,  par  une  manœuvre  promptement  exé- 
cutée , fit  mettre  le  navire  en  panne  (4)  ; pendant  ce 
temps  on  avait  jeté  la  bouée  de  sauvetage  (2);  une  em- 
barcation montée  par  huit  rameurs  et  commandée  par 
un  aspirant  s’éloignait  de  la  corvette  en  suivant  son  sil- 
lage. Tous  ces  soins  furent  inutiles , après  un  quart 
d’heure  de  vaines  recherches  l’embarcation  revint  sans 
avoir  aperçu  aucune  trace.  Cet  accident  nous  occupa  sé- 


(1)  Panne.  Situation  d’un  bâtiment  sous  voiles  qui  demeure  immobile, 
ou  à peu  près,  par  une  disposition  de  ses  voiles,  dont  quelques-unes 
agissent  pour  lui  imprimer  un  mouvement  en  avant , et  d’autres  tendent 
à le  faire  reculer  ; en  sorte  que,  les  effets  généraux  et  opposés  se  neu- 
tralisant, le  navire  reste  sans  mouvement,  hors  celui  de  la  dérive  que 
produisent  toujours  sur  les  corps  flottants  le  choc  des  lames  et  la  puissance 
du  vent.  ( Dictionn . de  Marine .) 

(2)  Bouée  de  sauvetage.  Petit  plancher  fait  avec  plusieurs  planches  de 
liège  chevillées  et  attachées  solidement  ensemble , de  forme  ronde  ou  ovale, 
et  surmonté  d’un  petit  mât  auquel  flotte  un  étroit  pavillon  rouge.  La 
bouée  de  sauvetage  est  toujours  à portée  d’ètre  jetée  à la  mer,  où  elle 
sert  de  point  d’appui  au  matelot  qu’un  accident  y a précipité , en  at- 
tendant les  secours  qu’on  s’empresse  de  lui  porter.  L’un  des  côtés  de 
ce  petit  plancher,  celui  opposé  au  mât , est  alourdi,  ce  qui  en  déter- 
mine la  stabilité  sur  l’eau.  Des  bouts  de  corde  pendants  garnissent  le 
pourtour  de  la  bouée,  et  offrent  au  malheureux  nageur  des  points  sai- 
sissables.  Le  pavillon  sert  à le  faire  apercevoir  de  loin.  ( Dictionn . de 
Marine.) 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


26 

ricusement.  Le  capitaine  lit  ta  re  de  suite  une  enquête; 
et  on  découvrit  que  l’Indienne  qui  avait  arrêté  !a  marche 
du  navire,  s’était  jetée  volontairement  à la  mer,  empor- 
tant par  vengeance  l’argent  de  son  mari,  avec  lequel  elle 
venait  d’avoir  une  violente  querelle. 

Le  lendemain  de  cet  accident  nous  étions  en  vue  des 
Maldives;  ces  î’es  très-basses  ne  se  distinguaient  à l’ho- 
rizon  que  par  les  arbres  élevés,  pa'miers  et  cocotiers  qui 
bordent  le  rivage;  et,  le  31,  nous  étions  devant  i’i'e  de 
Ceylan.  Le  2 septembre  nous  rencontrâmes  un  bâtiment 
de  la  croisière  anglaise  faisant  l’exercice  à feu  à l’entrée 
du  golfe  de  Benga'e;  c’était  le  premier  navire  que  nous 
rencontrions  depuis  notre  départ  de  Bourbon.  La  tempé- 
rature était  très-élevée  et  même  insupportable,  malgré 
la  brise;  nous  suivions  à cinq  lieues  de  distance  la  côte 
de  Coromandel , et  à l’aide  de  nos  longues-vues  nous  pû- 
mes apercevoir  quelques  bateaux  pêcheurs  regagnant  la 
côte.  Enfin,  le  4,  nous  nous  trouvons  en  vue  de  Pondi- 
chéri;  nous  mouillons  à neuf  heures  du  matin  après 
vingt-quatre  jours  de  traversée.  Après  les  formalités 
d’usage,  nous  gagnons  la  terre  dans  les  embarcations  de 
la  corvette.  Arrivés  à peu  de  distance  de  la  côte,  on  nous 
transborda  dans  des  schelingues  (1)  pour  franchir  la 
barre,  qui  est  trop  forte  pour  nos  chaloupes  européennes. 

( I)  Schelingue  ou  massoulah , bateau  d’une  construction  singulière  et 
dont  les  planches  ne  sont  pas  clouées.  Sa  forme  est  celle  d’une  barque 
grossière  ; le  fond  est  plat  ; il  n’a  point  de  membrures  ; les  planches  qui 
le  composent  sont  ajustées , cousues  et  doublées  avec  l’écorce  du  coco- 
tier. La  flexibilité  de  cette  embarcation  est  telle , que  les  bordages  cè- 
dent facilement  au  battement  des  vagues,  qui  perdent  ainsi  de  leur  vio- 
lence en  trouvant  moins  de  résistance.  Aussi  ces  bateaux  bravent  la 
marée,  quelque  redoutable  qu’elle  soit,  tandis  qu’une  chaloupe  euro- 
péenne n’a  jamais  pu  s’y  risquer  sans  être  aussitôt  mise  en  pièces. 


1)A\S  L’INDiï. 


Je  ne  saurais  trop  dire  combien  les  ofïieiers  de  la  Nièvre 
ont  mis  de  bienveillance  et  de  bonté  dans  leurs  relations 
avec  nous;  aussi  ce  n’est  pas  sans  regrets  que  je  les  ai 
quittés.  Dès  que  nous  fûmes  à terre,  on  débarqua  aussi 
les  Telingas;  on  les  rangea  en  bataille  sur  le  rivage  et  un 
emp'oyé  du  gouvernement  prit  leurs  noms,  qu’il  écrivit 
assez  promptement  avec  un  poinçon  de  fer  sur  une  feuille 
de  palmier;  ils  furent  dirigés  de  suite,  avec  une  escorte, 
sur  leur  pays,  à peu  de  distance  de  Pondichéri. 

Notre  débarquement  s’était  fait  au  milieu  des  cris  des 
Indiens,  et  en  mettant  pied  à terre  nous  fumes  assaillis 
par  une  foule  de  dubbahs  ou  daubachis  : ce  sont  les  gui- 
des indispensables  d’un  Européen  nouvellement  débar- 
qué sur  le  sol  indien.  J’en  pris  un  qui  me  fut  recom- 
mandé par  les  ofïieiers  de  la  corvette,  et  qui  me  pilote 
très-bien.  Pendant  plusieurs  jours,  il  m’aida  à faire  les 
emplettes  nécessaires  à mon  établissement  ; et  il  le  lit 
avec  beaucoup  d’ intelligence,  car,  indépendamment  des 
quelques  roupies  que  je  lui  donnais,  il  savait  se  faire  faire 
une  remise  par  tous  les  marchands  chez  lesquels  j’ache- 
tais quelques  objets  de  ménage.  Il  avait  tout  le  soin  de 
ma  maison,  commandait  aux  autres  domestiques,  c’étail, 
en  un  mot,  un  intendant  au  petit  pied  (1). 


( I)  Les  nombreux  emplois  d’une  maison  sont  confiés  à autant  d’indivi- 
dus différents.  Cette  répartition  n’est  pas  seulement  établie  par  le  luxe , 
mais  bien  encore  par  la  coutume  qui  a fixé  à chaque  famille  l’emploi 
ou  les  seules  fonctions  que  ses  membres  pourront  exercer.  La  religion  de 
Brama  défend  à une  partie  de  ses  sectateurs  de  toucher  à ce  qui  aj  eu 
vie , et  ordonne  à tous  de  regarder  le  bœuf  et  la  vache  comme  des  ani- 
maux sacrés  ; les  parias  seuls  sont  dispensés  de  cette  loi  par  leur  in- 
famie : aussi  est-ce  parmi  eux  que  sont  pris  les  cuisiniers,  les  cordon- 
niers , et  les  hommes  qui  remplissent  les  dernières  fonctions  de  la 
domesticité.  C’est  une  véritable  étude , pour  le  nouveau  débarqué , de 


28 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Je  fus  témoin  d’une  procession  faite  en  l’honneur  de  la 
Nativité  de  notre  Seigneur,  et  conduite  par  les  pères  jé- 
suites. Cette  fêle  toute  catholique  avait  néanmoins  un 
peu  du  caractère  des  cérémonies  du  paganisme.  Parmi 
les  assistants  on  remarquait  des  Européens  , des  créoles 
et  des  Malais.  La  procession  partit  du  bourg  d’Ariangou- 
pan,  qui  donne  son  nom  à la  fête  , et  se  rendit  à l’église 
des  Jésuites,  où  l’on  célébra  une  messe.  Tout  le  trajet 
qu’elle  parcourut  était  illuminé;  en  tête  de  la  colonne 
marchait  une  foule  d’enfants  indiens , faisant  avec  des 
tamtams  et  des  cornemuses  une  musique  vraiment  in- 
fernale; devant  eux  se  trouvaient  des  hommes  armés  de 
bâtons  au  bout  desquels  brûlaient  des  pièces  d’artifice, 
afin  d’écarter  la  foule.  Des  vases  sacrés,  des  anges  et  des 
madones  portés  en  palanquin  suivaient  la  procession.  A 
droite  et  à gauche  on  remarquait  une  escorte  de  cipayes 
de  la  garnison.  Les  Jésuites,  portant  des  bannières  et  des 
torches,  fermaient  la  marche. 

Je  fis  ma  visileau  gouverneur,  M.  de  Mélay,qui  me  re- 
çut avec  beaucoup  de  bienveillance  et  me  donna  vraiment 
des  marques  d’intérêt.  Il  me  mit  au  courant  des  usages 
indiens,  et  eut  la  bonté  de  m’instruire  longuement  de  ce 
(jue  je  devais  faire  ou  éviter  pendant  mon  séjour.  Il  ve- 


distinguer,  parmi  la  foule  de  domestiques  que  chaque  matin  il  voit 
à sa  toilette,  celui  qui  doit  lui  donner  l’objet  dont  il  a besoin  : la  vue 
seule  d’une  botte  fait  reculer  tout  ce  qui  n’est  pas  paria  ; et,  de  son  côté, 
celui-ci,  dont  le  contact  est  une  souillure,  n’osera  jamais  toucher  à une 
partie  du  yêtement  que  le  daubachi  doit  présenter.  Cependant,  malgré 
cet  inconvénient  et  ceux  qui  résultent  de  la  difficulté  de  s’entendre , le 
service  des  Indiens  est  fort  agréable.  Ils  sont  doux,  soumis,  attentifs  , 
propres  et  très-entendus  dans  la  partie  dont  ils  sont  chargés. 

Laplace. 


>? 


t* f ^ 

I r 


DANS  L’INDE. 


29 


nait  de  recevoir  la  nouvelle  de  la  rnorl  du  général  La- 
fayette  (12  septembre  1834). 

Pendant  plusieurs  jours,  j’eus  assez  à faire  de  débal- 
ler mes  effets  et  mes  instruments;  et  j’eus  le  plaisir  de 
voir  que  tout  était  arrivé  en  ordre  et  sans  la  moindre 
avarie. 

Invité  à dîner  par  M.  de  Mélay , le  14 , je  me  rendis  à 
l’hôtel  du  gouvernement;  c’est  sans  contredit  le  monu- 
ment le  plus  remarquable  de  Pondichéri.  II  n’a  qu’un 
étage  composé  d’un  corps  de  logis  et  de  deux  ailes;  la 
façade  est  décorée  de  colonnes  et  de  pilastres,  et  surmon- 
tée d’une  galerie.  Il  est  entouré  d’un  immense  jardin  en- 
touré de  grilles. 

Pendant  tout  le  dîner,  la  salle  à manger  était  aérée  par 
les  oscillations  continuelles  du  panka,  vaste  éventail  sus- 
pendu au  plafond  et  mis  en  mouvement  par  un  Indien , 
pour  modérer  les  excès  d’une  température  vraiment  in- 
supportable. 

La  ville  de  Pondichéri,  bâtie  sur  un  terrain  horizon- 
tal , perd  beaucoup  à être  vue  de  la  rade , car  alors  on 
n’aperçoit  que  les  maisons  voisines  de  la  mer  ; mais 
parcourue  à l’intérieur,  elle  laisse  voir  ce  qui  échappe 
aux  arrivants. 

On  y remarque  quelques  édifices  publics,  parmi  les- 
quels je  citerai  l’église  des  Missions  , un  vaste  bazar  et 
des  maisons  particulières  d’une  construction  élégante. 
La  ville  est  habitée  principalement  par  des  Indiens , le 
nombre  des  Européens  est  très-restreint  ; elle  est  divi- 
sée en  deux  parties  par  un  canal  qui  la  traverse  et  sur 
lequel  des  ponts  sont  jetés  en  face  des  rues  principales. 
On  y remarque  deux  quartiers  principaux  : l’un,  nommé 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


30 

Ville-Blanche,  est  à l’est  et  près  du  rivage  ; il  est. peu 
peuplé,  et  c’est  la  résidence  des  Européens;  les  maisons, 
assez  régulièrement  bâties,  sont  éloignées  l’une  de  l’au- 
tre, mais  alignées.  L’autre  quartier,  désigné  sous  le  nom 
de  Ville-Noire  ou  quartier  Hindou,  est  beaucoup  plus 
peuplé  que  le  premier  ; les  maisons  ne  sont  que  des 
cabanes  aussi  simples  que  possible , ornées  de  varan- 
gues ou  péristyles  couverts.  Leur  alignement  est  peu 
symétrique,  mais  elles  sont  d’un  aspect  agréable  et  en- 
vironnées de  grands  arbres  : elles  ressemblent  à autant 
de  fabriques  au  milieu  d’une  forêt  de  cocotiers. 

Après  avoir  pris  pendant  quelques  jours  connaissance 
de  la  ville,  je  commençai  plusieurs  excursions  aux  en- 
virons. Je  me  lis  d’abord  guider  par  deux  chasseurs  du 
pays,  armés  de  sarbacanes;  mes  premières  chasses  fu- 
rent heureuses  et  commencèrent  le  noyau  des  mes  col- 
lections. La  chaleur  me  lit  perdre  quelques  beaux  oi- 
seaux, parce  qu’à  la  lin  d’une  journée  de  chasse  ils 
étaient  déjà  assez  faisandés  pour  ne  plus  permettre  de 
les  mettre  en  peau.  Aussi  je  pris  dès  lors  le  parti  de  les 
préparer  sur  place , c’est-à-dire  de  les  mettre  en  peau 
dès  qu’ils  étaient  tués.  Ce  travail  me  lit  perdre  beaucoup 
de  temps,  mais  ne  me  découragea  cependant  pas.  Je 
tuai  plusieurs  oiseaux  que  je  reconnus  de  suite;  ils 
étaient  absolument  semblables  à ceux  que  je  rencontrais 
assez  fréquemment  sur  les  bords  du  lac  de  Genève  : ii 
n’en  fut  cependant  pas  toujours  de  même,  tout  mon 
temps  fut  dès  lors  consacré  à la  chasse.  La  plupart  des 
animaux  que  je  tuais  étaient  nouveaux  pour  moi  ; et  mes 
excursions  étaient  d’autant  plus  intéressantes,  qu’il  y 
avait  réellement  quelque  danger  à s’aventurer  dans  des 


DANS  L’INDE. 


31 


forêts  souvent  mal  habitées.  Je  rencontrai  fréquemment 
des  serpents  de  diverses  espèces,  et  je  ne  les  abordais 
pas  toujours  sans  quelque  émotion,  surtout  dans  le 
commencement  et  lorsque  je  n’étais  pas  encore  parfai- 
tement familiarisé  à ce  genre  de  chasse. 

Mes  excursions  furent  poussées  chaque  jour  un  peu 
plus  foin  , et  il  me  fut  quelquefois  impossible  de  re- 
venir coucher  à Pondichéri.  Dans  ce  cas  je  faisais  por- 
ter un  hamac  par  un  de  mes  chasseurs  , et  le  soir  je 
m’installais  dans  une  chaulterie  (1).  On  désigne  sous 
ce  nom  des  reposoirs  assez  commodes , et  qu’on  ren- 
contre sur  un  grand  nombre  de  points  dans  les  envi- 
rons de  Pondichéri.  Ce  sont  des  constructions  en  pierre 
établies  par  les  soins  d’hommes  riches,  et  dans  les- 
quelles les  voyageurs  trouvent  un  abri  pendant  le  jour 
contre  la  chaleur  ou  le  mauvais  temps , et  pendant  la 
nuit  elles  lui  offrent  un  lieu  de  repos. 

Quand  je  m’avançais  dans  le  pays  plus  loin  que  d’ha- 
bitude, j’avais  une  voiture  qui  me  suivait.  Le  premier 
accident  que  j’eus  à déplorer  arriva  à un  Indien  de  ma 
suite  : il  fut  piqué  au  pied  par  un  gros  scorpion  noir. 
Cette  piqûre  ne  fut  pas  dangereuse,  grâce  au  soin  que 
nous  primes  du  pauvre  Hindou. 

(1)  Les  Turcs  ont  des  caravansérails,  les  Hindous  ont  des  chaulte- 
ries,  espèces  d’auberges  d’institution  religieuse,  ouvertes  aux  voyageurs 
de  toutes  les  croyances  et  de  toutes  les  castes.  Ce  sont  vraiment  des  fon- 
dations charitables  et  pieuses.  Elles  sont  ordinairement  placées  au  mi- 
lieu d’un  bosquet  qui  les  ombrage,  et  près  d’une  source  ou  d’un  réser- 
voir où  le  voyageur  peut  se  désaltérer.  Elles  se  composent  toujours  de 
quelques  petites  chambres  et  d’une  galerie  extérieure  à colonnes  pour 
les  castes  réprouvées.  Quelquefois  la  prévoyance  du  fondateur  a été  jus- 
qu’à les  doter  d’une  rente  pour  qu’on  fasse  chaque  jour  des  distributions 
gratuites  de  vivres  aux  pauvres  voyageurs  qui  viennent  s’y  reposer. 
[Inde  française.) 


32  SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 

Pendant  une  de  ces  excursions  Je  hasard  me  condui- 
sit près  d’une  fabrique  de  cette  toile  bleue  qu’on  dési- 
gne dans  le  pays  sous  le  nom  de  guinée , et  qui  est  fort 
recherchée  sur  la  côte  d’Afrique , où  l’on  en  fait  chaque 
année  des  envois  considérables.  J’eus  la  curiosité  de 
visiter  l’intérieur  de  cette  fabrique,  et  je  remarquai 
que  les  ouvriers  employés  à fouler  et  à battre  les  toiles, 
à l’aide  de  gros  foulons  de  bo:s,  avaient  l’air  d’être 
très  fatigués.  Je  m’étonnais  de  voir  ces  Hindous,  d’un 
naturel  si  paresseux , se  livrer  à un  travail  aussi  rude, 
et  je  dis  au  contre-maître  qui  nous  conduisait  qu’en 
Europe  cette  opération  se  faisait  à l’aide  de  foulons 
mus  par  l’eau.  J’appris  alors  de  lui  que  ce  n’était  pas 
par  ignorance  du  procédé  qu’ils  ne  l’employaient  pas, 
mais  bien  parce  qu’après  plusieurs  essais  ordonnés 
par  le  gouvernement  et  sur  une  grande  échelle  ils 
avaient  été  obligés  d’y  renoncer,  les  résultats  obtenus 
laissant  beaucoup  à désirer  et  par  leur  qualité  et  par 
le  prix  de  façon  ; il  termina  en  nous  disant  que  les 
toiles  ainsi  fabriquées  avec  des  machines  à l’euro- 
péenne étaient  de  mauvais  teint , et  coûtaient  plus  de 
fabrication  que  celles  qu’ils  obtenaient  par  le  procédé 
indien  (J). 

En  rentrant  à Pondichéri  nous  rencontrâmes  un  ser- 
pent boa , que  nous  tuâmes  assez  facilement , et  il  fut 
de  suite  dépouillé  par  un  de  mes  chasseurs , qui  rem- 
plit sa  peau  de  sable;  à l’aide  de  ce  moyen  elle  se 

(I)  Les  manufactures  de  Rouen  ont  voulu  imiter  les  guinées  bleues: 
leurs  essais , heureux  sous  le  rapport  du  tissu  , ne  l’ont  pas  été  sous 
celui  de  la  teinture  ; et , malgré  la  différence  du  prix , les  peuplades 
d’Afrique  donnent  toujours  la  préférence  aux  toiles  de  l’Inde. 

Laplace. 


Pondichéry. 


DANS  L’INDE. 


33 


dessécha  promptement  en  conservant  la  forme  de  l’a- 
nimal. 

J’eus  bientôt  parcouru  tous  les  environs  (1)  de  Pon- 
dichéri  : mes  excursions  m’avaient  porté  dans  toutes 
les  directions;  et  j’avais  plusieurs  fois  suivi  la  côte, 
qui  partout  présente  le  même  aspect.  La  ville  n’a  pas  de 
port,  et  la  rade  est  mauvaise;  aussi , comme  je  l’ai  déjà 
dit,  le  débarquement  présente  toujours  quelque  dan- 
ger. Une  autre  difficulté  pour  la  navigation  se  rencontre 
dans  les  moussons.  On  donne  ce  nom  aux  vents  régu- 
liers qui  régnent  dans  les  mers  de  l’Inde,  et  soufflent 
alternativement  pendant  six  mois  du  sud-ouest  et  du 
nord-est.  Ils  établissent  deux  saisons  bien  distinctes  : 
l’hiver  ou  saison  des  pluies,  et  l’été  ou  saison  des  cha- 
leurs et  de  la  sécheresse. 

Les  changements  de  vents  s’annoncent  par  un  trouble 
de  l’atmosphère , et  les  animaux  eux-mêmes  y sont  très- 
sensibles.  Leur  agitation , leur  frayeur  et  leurs  cris, 
sont  un  des  signes  précurseurs  de  la  mousson.  On  s’est 
long-temps  occupé  de  rechercher  les  causes  de  ce  bou- 
leversement de  la  côte  et  du  phénomène  atmosphéri- 
que , mais  on  n’est  pas  encore  arrivé  à une  solution 
satisfaisante. 

Le  climat  de  Pondichéri  est  sain , mais  la  tempéra- 
ture y est  souvent  accablante.  La  végétation  est  extra- 
ordinaire. Les  palmiers , les  bambous , y sont  com- 
muns et  prennenl  un  accroissement  considérable;  mais 

(!)  Les  villages  hindous  sont  désignés  sous  le  nom  ù’ aidées;  ils  sont 
habituellement  entourés  de  bois  épais  et  élevés  qui  mettent  les  habita- 
tions ou  cases  à l’abri  des  vents  chauds.  L’intérieur  même  des  aidées 
est  planté  de  palmiers  et  de  cocotiers  dont  on  peint  les  tibncs  de  di- 
verses couleurs. 


SOI  Y li. MRS  DTX  VOYAGE 


3/i 

l’arbre  le  plus  remarquable  qu’on  y trouve  est  le  ba- 
nyan , qu’on  désigne  aussi  sous  le  nom  de  liguier  des 
pagodes,  parce  qu’il  est  sacré  pour  les  Hindous,  qui 
en  font  l’ornement  obligé  de  tous  les  temples  et  des 
cliaulleries.  Un  seul  de  ces  arbres  présente  un  dévelop- 
pement si  grand , qu’on  en  voit  qui  ont  plus  de  cinq 
cents  pieds  de  tour  par  l’implantation  de  leurs  bran- 
ches : chaque  branche , en  s’écartant  du  tronc , laisse 
tomber  vers  la  terre  des  rameaux  qui  y prennent  racine 
et  qui , à la  longue,  forment  une  petite  forêt  autour  du 
tronc  principal.  Le  plus  célèbre  de  ces  arbres  est  à 
Guzarate,  il  se  nomme  Cobir-Bar  ; ses  troncs  multipliés 
et  entrelacés  couvrent  un  espace  de  plus  de  deux  mille 
pieds  de  circonférence.  Le  pays  fournit  aussi  un  grand 
nombre  d’arbres  propres  aux  constructions  navales , et 
l’on  peut  dire  que  la  végétation  de  cette  partie  de  l’Inde 
est  aussi  variée  que  puissante. 

Les  animaux  que  fournit  ce  pays  sont  aussi  en  propor- 
tion de  la  force  de  la  végétation  : les  éléphants , les  rhi- 
nocéros et  les  bulbes  sont  les  géants  du  règne  animal. 
On  y trouve  quelques  singes , des  cerfs  de  plusieurs 
espèces , des  antilopes , des  tigres , des  ours , un  grand 
nombre  de  reptiles,  dont  le  plus  effrayant  est  le  boa , et 
le  plus  terrible  le  crocodile. 

Les  oiseaux  sont  en  grand  nombre , très-variés , et 
remarquables  par  fa  richesse  de  leurs  couleurs. 

Les  insectes  et  les  papillons  y sont  surtout  d’un  éclat 
éblouissant.  Le  règne  minéral  est  peu  riche  aux  envi- 
rons de  Pondichéri. 

A part  les  grands  animaux  bien  connus,  je  me  suis 
procuré  la  plupart  des  espèces  qu’on  rencontre  dans 


DANS  L’INDE. 


l’Inde;  plusieurs  espèces  nouvelles  pour  la  science 
seront  décrites  et  figurées  dans  la  seconde  partie  de  ce 
volume,  aussi  n’entrerai-je  ici  dans  aucun  détail  d’his- 
toire naturelle.  Cependant  je  ne  puis  résister  au  désir 
de  rapporter  un  trait  curieux  que  j’ai  lu  dans  un  jour- 
nal de  Calcutta,  et  qui  donne  une  idée  de  l’intelligence 
des  éléphants.  « Un  détachement  de  cipayes,  de  garde 
auprès  d’un  grand  magasin  de  riz,  fut  subitement  en- 
voyé à quelque  distance  pour  une  expédition  pressée  : 
à peine  les  soldats  furent-ils  é'oignés , qu’une  troupe 
d’éléphants  sauvages , qui  depuis  long-temps  rôdait  dans 
les  environs,  se  présenta  devant  le  magasin.  Un  éclai- 
reur était  préalablement  venu  s’assurer  si  la  place  était 
évacuée,  et,  sur  son  rapport,  le  reste  de  la  troupe 
s’était  mis  en  marche.  Deux  Indiens,  surpris  par  leur 
arrivée,  n’eurent  que  le  temps  de  monter  sur  un  ar- 
bre et  de  se  cacher  dans  le  feuillage,  d’où  ils  furent 
témoins  de  ce  que  nous  allons  raconter.  Parvenus  à 
quelques  mètres  de  l’enceinte,  en  bons  tacticiens,  les 
éléphants  firent  halte  et  procédèrent  à la  reconnais- 
sance des  lieux  : tout  se  passa  avec  ordre  et  méthode. 
Les  murs  du  magasin  étaient  en  briques,  épais  et  soli- 
des, et  l’on  ne  pouvait  pénétrer  à l’intérieur  que  par 
une  ouverture  ménagée  dans  le  toit  et  à l’aide  d’une 
échelle , chemin  peu  praticable  pour  des  éléphants.  Si 
le  magasin  eût  eu  seulement  une  porte  , toute  difficulté 
pour  s’y  introduire  eût  cessé  à l’instant  ; mais  un  mur 
de  quatre  briques  d’épaisseur  était  un  obstacle  presque 
insurmontable,  malgré  la  force  prodigieuse  et  la  saga- 
cité de  ces  animaux.  Néanmoins  ils  ne  se  laissèrent  pas 
décourager,  et  commencèrent  aussitôt  leur  attaque  eon- 


36 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


tre  un  des  angles  du  bâtiment.  Un  éléphant  mâle , d’une 
grosseur  énorme , travailla  quelque  temps  à y faire  brè- 
che , à l’aide  de  ses  immenses  défenses  ; quand  ses  for- 
ces s’épuisèrent , le  plus  grand  et  le  plus  fort  après  lui 
le  releva  ; puis  un  troisième  prit  la  place.  A force  de 
faire  jouer  les  puissants  leviers  qui  armaient  leurs  mâ- 
choires , ils  avaient  réussi  à déranger  une  brique.  La 
trouée  une  fois  commencée , d’autres  éléphants  succé- 
dèrent ; et  bientôt  ils  eurent  pratiqué  une  ouverture 
suffisante  pour  donner  passage  aux  maraudeurs  : mais 
comme  ils  ne  pouvaient  entrer  tous  à la  fois  , ils  se  di- 
visèrent en  détachements  de  trois  ou  quatre  individus. 
Quand  un  de  ces  détachements  s’était  bien  repu  , il  fai- 
sait place  à un  autre  ; de  sorte  que  les  vingt  éléphants 
qui  composaient  la  troupe  firent  ainsi  successivement 
un  repas  des  plus  copieux.  Cependant  un  de  ceux  du 
premier  détachement , resté  en  sentinelle,  fit  entendre 
un  cri  aigu  : à ce  signal  les  derniers  entrés  sortirent 
précipitamment  du  magasin  ; toute  la  troupe  se  rallia, 
partit  en  brandissant  les  trompes  en  l’air,  et  s’enfonça 
rapidement  dans  l’épaisseur  du  jongle.  Les  cipayes  re- 
venaient en  hâte , l’avis  avait  été  donné  à l’officier  que 
le  magasin  était  au  pillage  ; mais  il  arriva  trop  tard  : 
en  entrant,  il  reconnut  que  les  éléphants  avaient  dévoré 
et  détruit  presque  toutes  les  provisions.  » 

On  a tant  écrit  déjà  sur  les  mœurs  des  Hindous,  sur 
leur  religion  et  leurs  cérémonies , que  je  m’abstien- 
drais d’en  parler  si  ce  qu’on  a dit  ne  s’écartait  pas  quel- 
quefois de  la  vérité  qui  doit  présider  à toute  relation 
de  voyage.  On  est  obligé  de  croire  le  voyageur  sur  pa- 
role; mais,  il  faut  le  dire,  la  plupart  des  contradic- 


DANS  L’INDE. 


37 


lions  ou  des  exagérations  qu’on  rencontre  dans  les  des- 
criptions de  voyage  viennent  plutôt  du  caractère  de 
l’écrivain  que  de  sa  volonté  de  tromper  ses  lecteurs. 
Chacun  observe  à sa  manière , le  blâme  et  la  louange 
s’adressent  souvent  aux  mêmes  objets.  Rester  au-des- 
sous de  la  vérité,  ou  exagérer  le  bien  ou  le  mal  d’un 
fait , c’est  faire  une  appréciation  personnelle  ; ce  qui 
est  bien  pour  l’un  est  mal  pour  l’autre , et  l’on  écrit 
malheureusement  sous  l’influence  de  préventions  acqui- 
ses bonnes  ou  mauvaises.  Aussi  le  grand  défaut  de  cer- 
taines relations  est  de  donner  comme  absolument  vraies 
des  observations  incomplètes  et  par  cela  même  trop 
souvent  fausses. 

Nous  trouvons  la  preuve  de  cette  vérité  autour  de  nous, 
où  le  même  fait  est  souvent  l’objet  d’interprétations  dif- 
férentes, quoiqu’il  soit  bien  connu  et  que  nous  ayons 
tout  le  temps  de  le  bien  observer.  Qu’est-ce  donc  lors- 
que l’on  rend  compte  d’un  voyage  où  tout  ce  qui  fait 
le  sujet  de  la  relation  a frappé  notre  esprit , sans  laisser 
le  temps  de  pouvoir  rectifier  un  premier  jugement  ! 

Bien  pénétré  de  cette  vérité,  je  me  suis  toujours  délié 
de  mes  premières  impressions  ; et  j’ai  cherché  à éviter 
l’écueil  que  je  signale  en  rédigeant  mes  observations 
sur  les  mœurs , les  usages  et  la  religion  des  pays  que  je 
viens  de  visiter. 

La  côte  de  Coromandel  est  habitée,  ainsi  que  le  pays 
qui  en  dépend  , par  une  population  vouée  au  brama- 
nisme  : cependant  il  s’y  trouve  un  petit  nombre  dema- 
hométans;  mais  ces  derniers  sont  entièrement  étran- 
gers , ils  descendent  des  anciens  conquérants  de  la 
presqu’île  de  l’Inde.  Leur  caractère,  leur  taille,  et  sur- 


38 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


tout  leurs  costumes,  les  distinguent  de  suite  des  pre- 
miers. 

Les  vrais  Hindous  sont  paresseux,  doux,  assez  hos- 
pitaliers, et  par-dessus  tout  très-superstitieux.  La  tem- 
pérance est  une  de  leurs  vertus,  et  leurs  passions  cal- 
mes et  réfléchies  n’excitent  chez  eux  aucune  de  ces 
grandes  actions  qui  élèvent  l’homme.  Ils  pensent  et  ré- 
pètent souvent  qu’il  vaut  mieux  s’asseoir  que  marcher, 
être  couché  qu’assis,  dormir  que  veiller,  et  que  la  mort 
est  préférable  à tout.  Cette  maxime,  puisée  dans  leurs 
livres  sacrés,  suffirait  pour  donner  une  idée  de  l’état  des 
Hindous,  si  l’histoire  ne  venait  à l’appui  de  l’observation 
des  voyageurs.  Jamais  es  Hindous  n’ont  connu  la  gloire, 
souvent  ils  ont  plié  sous  le  joug  de  téméraires  conqué- 
rants sans  jamais  le  devenir  eux-mêmes. 

Leur  teint  est  jaune-cuivré  ; ils  sont  naturellement 
propres  sur  eux  et  dans  leurs  maisons , d’une  constitu- 
tion plutôt  faible  que  forte,  surtout  sur  les  bords  de  la 
mer.  Ils  ont  adopté  un  costume  convenable  pendant  les 
chaleurs,  mais  trop  léger  pendant  les  moussons;  aussi 
la  mort  les  décime-t-elle  à cette  époque.  Les  hommes 
sont  nubiles  de  quatorze  à quinze  ans  et  les  femmes  de 
dix  à onze  ans,  c’est  l’âge  auquel  se  font  communément 
les  mariages  ; le  climat  contribue  puissamment  à les 
vieillir,  et  à vingt  ans  les  femmes  sont  déjà  flétries  et 
vieilles. 

Leurs  croyances  religieuses  sont  très-compliquées  : 
ils  reconnaissent  dans  Para-Brama  le  Créateur  univer- 
sel , sous  les  ordres  duquel  se  trouve  le  Trimourli 
ou  Irinité,  composé  de  Brama  ou  créateur,  Wishnou 
ou  conservateur  et  Schiva  ou  destructeur.  Viennent 


DANS  L’INDE. 


39 


après  les  bons  génies  ou  déoulas , et  les  mauvais  gé- 
nies ou  deilli  qui  ont  pour  chef  Maissassour  ou  Satan. 

De  toutes  ces  puissances  célestes,  c’est  Schiva,  le  des- 
tructeur, qui  a le  plus  d’adorateurs;  puis  vient  Brama, 
qui  est  le  plus  respecté.  Cette  précaution  religieuse,  si 
opposée  à nos  croyances,  annonce  bien  un  peuple  crain- 
tif et  superstitieux. 

Wishnou  est  néanmoins  le  plus  célèbre;  il  s’est  in- 
carné, dit-on,  neuf  fois,  et  la  dixième  précédera  'a  fin 
du  monde  de  quelques  milliers  d’années.  Vient  après 
une  armée  de  divinités  de  troisième  ordre  : ce  sont 
Agni,  dieu  du  feu;  Téhandra  ou  la  lune;  Indra,  dieu 
des  météores;  Yama,  la  mort;  Pavan,  dieu  des  vents  et 
de  la  musique,  etc.,  etc. 

Les  Hindous  croient  à la  métempsycose , et  c’est  par 
suite  de  cette  croyance  qu’ils  refusent  de  manger  de  la 
viande  et  qu’i!s  ont  même  pour  certains  animaux  une 
grande  vénération.  La  métempsycose,  prise  à la  lettre,  ne 
peut  fournir  matière  à aucune  discussion;  raisonnée 
scienliliquemenl,  elle  s’appelle  équilibre  de  la  puissance 
vitale,  peut  s’expliquer  en  partie,  et  ne  s’écarte  en  rien 
des  dogmes  auxquels  nous  avons  foi.  De  même  que  les 
éléments  qui,  par  leur  équilibre,  entretiennent  l’harmo- 
nie des  mondes  en  s’opposant  merveilleusement  l’un  à 
l’autre,  de  même  le  fluide  vital,  répandu  avec  profusion 
par  la  Providence,  ne  peut  cesser  d’animer  des  êtres  et 
fait  parLie  de  cet  ensemble  parfait,  de  ce  mystère  impé- 
nétrable, marqué  au  sceau  de  Dieu,  et  que  nous  appe- 
lons la  création.  Dieu  en  plaçant  l’homme  sur  cette  terre 
avait  fixé  les  limites  de  l’empire  qu’il  lui  accordait  sur 
tous  les  animaux,  dont  il  le  distingua  d’une  manière  si 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


AO 

providentielle.  Mais  il  lui  laissa  avec  eux  des  rapports 
trop  nombreux  et  trop  palpables  pour  que  notre  orgueil 
se  refuse  à les  reconnaître.  A l’animal , il  donna  la  vie, 
l’instinct,  la  ruse,  la  force  et  le  néant;  à l’homme  la  vie, 
l’intelligence,  qui,  bien  supérieure  à l’instinct,,  le  fait 
triompher  de  a ruse  et  de  la  force,  et,  de  plus,  il  eut 
en  partage  une  âme  immatérielle,  immortelle.  Le  fluide 
vital  qui  l’anime,  le  fluide  électrique  qui  l’excite, 
ne  diffèrent  en  rien  du  fluide  vital  qui  anime  les  ani- 
maux , du  fluide  électrique  qui  les  excite.  Dieu  a 
répandu  l’un  et  l’autre  dans  des  limites  invariables. 
C’est  pour  cela  que,  prévoyant  la  multiplication  de  l’es- 
pèce humaine,- plus  forte  que  toutes  les  autres,  il  créa 
d’abord,  et  avant  que  l’homme  ait  pu  s’emparer  de  tous 
les  points  habitables  du  globe,  des  animaux  gigantes- 
ques, réservoirs  du  fluide  vital;  animaux  qui  devaient, 
par  leur  anéantissement  et  leur  destruction  complète , 
céder  la  vie  dont  ils  n’étaient  que  dépositaires  provisoi- 
res, à des  races  privilégiées  plus  nombreuses,  mais  ab- 
sorbant moins  de  fluide  vital  que  les  premières.  Nous 
ne  trouvons  que  les  traces  de  ces  géants  du  monde,  que 
le  principe  vital  abandonnait  suivant  les  besoins  pro- 
gressifs du  développement  de  l’espèce  humaine;  mais 
nous  savons  qu’ils  existaient  lorsque  la  population  du 
globe,  faible  encore,  n’envahissait  pas  et  la  vie  et 
la  matière.  Comme  tout  ce  qui  préside  à l’harmo- 
nie des  mondes  se  fait  mystérieusement  et  sans  que 
nous  puissions  nous  en  rendre  un  compte  exact,  ce 
n’est  sans  doute  que  bien  insensiblement  que  ce  prin- 
cipe vital  passe  successivement  d’un  être  à un  autre  ; 
mais  de  même  que  l’accumulation  du  fluide  électrique 


DANS  L’INDE. 


Al 

sur  un  point  ne  peut  se  faire  sans  orages  , Je  même 
F accumulation  du  principe  vital  ne  peut  se  concentrer 
sans  qu’il  paraisse  de  ces  fléaux  qui  déciment. 

Dans  le  cours  ordinaire  des  lois  de  la  nature,  un 
corps  ne  perd  la  vie  qu’en  l’abandonnant  à d’autres 
qui  s’en  emparent  de  vive  force,  ou  sur  lesquels  il  la 
répartit , l’entretient  ou  la  renouvelle.  Par  quoi  donc 
sont  animées  ces  myriades  de  vers  qui  dévorent  un  cada- 
vre en  ne  laissant  que  la  matière?  où  se  sont-ils  formés? 
où  ont-ils  pris  la  vie  éphémère  qui  ne  leur  a servi  qu’à 
l’accomplissement  d’une  loi  de  nature  ? que  devient 
après  eux  le  principe  qui  les  anima  un  jour?  Il  se  porte 
sur  d’autres  êtres  et  vivifie  successivement  et  sans  s’é- 
puiser toutes  les  créatures,  sans  laisser  reconnaître  ce'- 
les  qu’il  abandonne  et  celles  qu’il  choisit.  Le  fluide 
électrique  se  conduit-il  autrement?  est-il  moins  subtil, 
moins  pénétrant?  pouvons-nous  suivre  sa  marche?  De 
même  que  le  fluide  vital,  nous  ne  le  reconnaissons  qu’à 
ses  effets.  L’un  et  l’autre  nous  échappent  malgré  nous, 
l’un  et  l’autre  se  combinent  à nous  sans  que  notre  vo- 
lonté intervienne;  c’est,  sans  doute,  frappés  de  cette 
transmissibilité  de  la  vie  , que  quelques  philosophes 
égarés  ont  cru  pouvoir  exploiter  la  superstition  en  sou- 
mettant les  hommes  à certaines  lois  qui  promettaient 
la  honte  ou  l’espérance  à leur  vie  bonne  ou  mauvaise  ; 
c’est  le  châtiment  ou  la  récompense  promis  par  toutes 
les  religions.  Ce  dogme  a dû  être  préféré  à celui  du 
néant  par  l’homme , qui  a toujours  eu  horreur  de  la 
mort;  ce  dut  être  pour  lui  une  consolation  de  penser 
que  la  vie  n’abandonnait  son  corps  que  pour  prendre 
une  autre  forme. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


1x2 

Ipse  ego , nam  rnemini,  trojani  tempore  belli 
Penthoïdes  Euphorbus  eram.  Virgile. 

Le  dogme  de  la  métempsycose  est  le  plus  ancien  de 
l’univers;  l’on  ne  peut  s’étonner  de  le  voir  encore  ré- 
pandu dans  une  grande  partie  de  l’Inde  lorsque  la  my- 
thologie de  tous  les  peuples  le  proclame,  et  que  nos 
livres  sacrés  en  fournissent  de  nombreux  exemples,  si 
extraordinaires  qu’on  les  attribue  tous  à des  miracles. 

On  me  pardonnera  sans  doute  cette  digression , mais 
je  comprends  qu’elle  doit  être  courte;  aussi  je  termi- 
nerai en  disant  que,  par  la  volonté  de  Brama,  les  Hin- 
dous sont  divisés  en  quatre  castes  principales  : 1°  les 
li rames , voués  au  sacerdoce,  ont  été  tirés  de  la  tête 
et  particulièrement  de  la  bouche  de  Brama  ; 2°  les 
yallagas  ou  guerriers  sont  formés  de  ses  bras;  3°  les 
vaiscias  ou  agriculteurs  viennent  de  son  ventre;  4°  en- 
lin  les  soudras , artisans,  ouvriers  et  domestiques,  ont 
été  extraits  de  ses  pieds  (1).  Viennent  ensuite  deux 
castes  malheureuses  et  méprisées,  celle  des  Parias  et 
celle  des  Paulias. 

La  tribu  des  Parias  est  fort  nombreuse,  dit  l’auteur 
des  Tableaux  de  l’Inde,  elle  est  plongée  dans  l’état  de 


(I)  L’opinion  commune  sur  ces  quatre  corps  ou  castes  est  que  les 
Brames  sont  sortis  de  la  tète  de  Brama  ; et  c’est  pour  cette  raison  qu’on 
les  regarde  comme  des  hommes  privilégiés  à qui  cette  divinité  a commu- 
niqué son  esprit  et  sa  sagesse.  On  fait  naître  les  yattagas  ou  rajas 
de  ses  épa  ules,  parce  qu’ils  soutiennent  le  gouvernement  et  qu’ils  por- 
tent les  armes  pour  la  défense  de  la  patrie.  Les  vaiscias  doivent  leur 
origine  à son  ventre , parce  qu’ils  constituent  le  corps  d’état  qui  s’oc- 
cupe de  l’entretien  et  de  la  nourriture  du  corps.  Enfin , on  fait  sortir 
les  soudras  des  pieds  de  ce  dieu , voulant  marquer  par  là  tout  ce  qu’il 
y a de  pénible  dans  la  vie , parce  que  leur  caste  est  composée  d’arti- 
sans et  de  mercenaires  qui  vaquent  aux  offices  les  plus  fatigants. 


DANS  L’INDE. 


à3 

dégradation  le  plus  abject.  Le  plus  dur  esclavage  serait 
un  bienfait  en  comparaison  de  la  situation  de  ce  peu- 
ple au  milieu  des  castes  qui  l’entourent.  Toutes  ces  cas- 
tes les  considèrent,  non-seulement  comme  des  objets  de 
mépris  ici-bas , mais  encore  comme  entièrement  exclus 
de  toutes  les  joies  du  monde  à venir.  Les  humiliations 
dont  on  les  abreuve,  par  suite  de  ce  préjugé,  partout  où 
on  les  rencontre,  révoltent  l’humanité  et  passent  toute 
imagination.  On  leur  interdit  le  moindre  privilège  de 
l’homme  en  société;  on  les  ravale  à la  condition  des 
plus  vils  animaux.  Le  paria  n’a  de  communication 
qu’avec  les  seuls  individus  de  sa  caste;  et  toutes  les  fois 
que  son  ombre  effleure  seulement  un  objet  appartenant 
à un  membre  d’une  caste  supérieure,  il  en  résulte  une 
profanation.  Si  c’est  un  aliment,  il  est  jeté  à l’instant; 
si  c’est  un  meuble  fragile,  on  le  casse;  si  c’est  un  bijou 
de  prix,  on  n’en  fait  disparaître  la  souillure  qu’à  l’aide 
des  purifications  les  plus  rigoureuses. 

Le  meurtre  d’un  paria  n’a  point  de  peine  correspon- 
dante dans  la  loi;  on  se  contente  d’infliger  au  meurtrier 
une  amende,  qui  est  même  rarement  perçue  si  ce  n’est 
dans  des  cas  tout  à fait  graves.  Les  travaux  les  plus  dé- 
goûtants sont  le  partage  de  ces  êtres  abhorrés,  ce  sont 
eux  qui  relèvent  les  immondices  dans  les  villes  et  dans 
les  villages.  La  nature  malsaine  de  leurs  occupations,  et 
leur  manière  de  vivre  misérable,  les  rendent  sujets  à des 
maladies  dégoûtantes.  Ils  se  regardent  eux-mêmes  comme 
si  impurs  en  comparaison  d’un  bramine,  qu’ils  n’osent 
paraître  en  sa  présence  qu’en  se  dévouant  à une  mort 
expiatoire , ou  tout  au  moins  à quelque  supplice  équi- 
valent. Si  un  membre  d’une  autre  caste  veut  bien  des- 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


hh 

cendre  jusqu’à  adresser  la  parole  à un  paria,  celui-ci, 
pour  lui  répondre,  se  couvre  la  bouche  avec  la  main  , 
dans  la  crainte  que  son  haleine  ne  souille  l’atmosphère 
que  respire  son  interlocuteur. 

Jamais  ces  malheureux  proscrits  n’entrent  dans  un 
temple,  et  ne  prennent  part  aux  cérémonies  de  la  reli- 
gion. Ainsi,  méprisés  par  les  autres  classes,  exclus  de 
tout  commerce  avec  elles  , les  parias  sont  réduits  à une 
vie  errante  et  privés  de  toute  ressource,  puisque  c’est 
une  œuvre  méritoire  de  les  humilier,  et  un  péché  de  les 
secourir.  Plongés  dans  le  plus  profond  denûment,  ils  sont 
exposés  à périr  dans  l’épuisement  d’une  longue  agonie; 
à moins  qu’ils  ne  recourent,  pour  se  sustenter  , à des 
moyens  violents,  qui  ne  font  qu’accroître  l’horreur  qu’ils 
inspirent.  Ainsi , délaissés  et  frappés  des  stigmates  d’une 
injuste  dégradation,  souvent  ils  se  retirent  au  fond  des 
jongles,  fuyant  la  vue  des  hommes  qui  les  poursuivent 
de  si  abominables  traitements;  et  là,  ils  achèvent  leur 
misérable  vie,  réduits  à la  condition  des  brutes  , per- 
dant l’énergie  de  leurs  qualités  morales,  et  cherchant 
leur  proie  comme  des  bêtes  sauvages.  Si  la  société  est 
en  perpétuelle  hostilité  avec  eux,  ils  n’usent  que  trop 
de  représailles.  Souvent  ils  finissent  par  se  livrer  à ce 
pillage  organisé  qui  est  un  des  fléaux  de  l’Inde.  Réduits 
à ce  point,  ils  deviennent  les  plus  désespérés,  les  plus 
féroces  des  brigands  appelés  Dacoïts.  Faut-il  s’en  éton- 
ner? et  ne  doit-on  pas  quelque  indulgence  à des  mal- 
heureux que  leurs  semblables  condamnent  sans  raison 
à l’abandon  le  plus  révoltant  ? Aussi  la  vengeance  qu’ils 
tirent  de  leurs  oppresseurs  est  quelquefois  terrible  ; mais 
leurs  brigandages  sont  isolés,  le  plus  grand  nombre 


DANS  L’INDE. 


45 

(V entre  eux  se  soumet  avec  courage  aux  plus  affreuses 
privations.  On  lésa  vus,  dit-on,  se  glisser  hors  des  jon- 
gles , lorsque  les  fruits  de  la  forêt  ont  cessé  de  suffire  à 
leur  misérable  existence,  et  gagner  les  bords  du  Gange, 
où  , à la  faveur  de  la  nuit  et  à l’abri  des  regards , ils 
traînent  sur  le  rivage  les  cadavres  flottants  qu’ils  aper- 
çoivent, pour  assouvir,  dans  d’horribles  festins,  la 
rage  de  la  faim  qui  les  tourmente  et  les  exténue. 

Les  villages  parias  doivent  être  assez  éloignés  des 
villes  ou  des  habitations  du  reste  de  la  nation  pour 
qu’il  y ait  une  distance  assez  considérable,  pour  que 
le  vent  ne  communique  pas  des  influences  impures  et 
contagieuses.  Ces  villages  sont  appelés  parelchiris.  Il 
est  défendu  aux  parias  de  puiser  de  l’eau  dans  les  puits 
des  autres  castes;  ils  en  ont  de  particuliers  aux  environs 
de  leurs  demeures,  autour  desquels  ils  sont  obligés  de 
mettre  des  os  d’animaux  afin  qu’on  les  reconnaisse  et 
qu’on  les  évite. 

Le  service  des  temples  est  fait  par  les  Dévédassis  (1) 
ou  Bayadères.  La  grâce  et  la  beauté  sont  les  conditions 


(1)  Ces  créatures  dégradées  n’appartiennent  pas  à une  caste  particu- 
lière; elles  sortent  de  toutes  les  castes  inférieures  pour  y rentrer  quand 
elles  ont  perdu  leur  jeunesse  et  leur  beauté.  Les  brames,  aux  plaisirs 
desquels  ces  filles  sont  destinées , les  choisissent  dans  l’enfance  et  les 
font  élever  par  de  vieilles  bayadères  pour  les  fonctions  qu’elles  sont 
appelées  à remplir,  et  qui  ne  se  bornent  pas  au  service  de  la  pagode  : 
la  jalousie  de  leurs  maîtres  ne  peut  aller  jusqu’à  renoncer  à une  bran- 
che lucrative  de  commerce.  La  passion  des  Hindous  pour  la  danse  pas- 
sionnée, qui  n’est  permise  qu’aux  bayadères,  est  pour  les  riches  un  su- 
jet de  profusion  dont  les  prêtres  tirent  un  grand  parti.  Ces  danseuses 
paraissent  à toutes  les  fêtes  et  sont  louées  à des  prix  très-élevés  ; à 
ces  bénéfices  ostensibles  se  joignent  d’autres  profits  secrets  dont  l’autel 
réclame  encore  sa  part  : le  reste,  transformé  en  bijoux  précieux,  orne 
la  bayadère  et  lui  assure  de  nouveaux  droits  à la  générosité  de  ses  nom- 
breux adorateurs.  Laplace. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


m 

essentielles  d’admission  ; leur  talent  est  de  séduire  et 
de  charmer  : elles  ne  négligent  rien  pour  atteindre  ce 
but;  la  recherche  de  leur  costume,  l’or,  les  pierreries, 
tout  est  employé  pour  attirer  les  regards.  Le  prix  de 
leurs  faveurs  est  une  offrande  à leurs  divinités.  Lorsque 
ces  malheureuses  sont  usées  par  les  excès  de  leur  exis- 
tence déréglée,  elles  sont  renvoyées  du  temple,  et  trou- 
vent bientôt  des  maris , que  leur  vie  passée  n’éloigne 
pas;  et  lorsqu’il  arrive  qu’elles  refusent  de  rentrer  dans 
leurs  castes  , elles  sont  conservées  par  les  brames  qui 
veulent  bien  consentir  à leur  confier  les  soins  de  pro- 
preté des  lieux  sacrés. 

De  toutes  les  cérémonies  religieuses  en  usage  dans 
l’Inde,  la  plus  atroce  et  la  plus  extraordinaire  est  sans 
contredit  celle  des  funérailles  d’un  homme  puissant.  La 
veuve,  autant  par  tradition  que  par  fierté,  et  plutôt  par 
nécessité  que  par  sa  volonté,  se  fait  traîner  au  foyer  qui 
doit  la  brûler,  alin  qu’elle  ne  survive  pas  à son  mari.  Ces 
sacrifices,  que  le  fanatisme  seul  peut  propager,  s’appel- 
lent sutties  (1);  heureusement  ils  deviennent  chaque  jour 

(I  ) Cette  cérémonie  se  fait  avec  beaucoup  de  faste  ; ses  préparatifs 
varient  dans  chaque  caste.  L’usage  le  plus  commun  est  qu’aussitôt  après 
la  mort  du  mari  on  place  la  femme  devant  la  porte  de  sa  maison,  dans 
une  espèce  de  tente  ornée.  Elle  ne  mange  plus,  ne  fait  que  mâcher  du 
bétel,  et  prononce  sans  s’arrêter  le  nom  du  dieu  de  sa  secte.  La  vic- 
time est  parée  de  tous  ses  bijoux  et  de  ses  plus  beaux  habits,  comme 
si  elle  allait  se  marier.  Les  brames  l’engagent  à s’immoler,  en  l’as- 
surant qu’elle  va  jouir  d’une  félicité  sans  bornes  dans  le  paradis , où 
elle  deviendra  la  femme  de  quelque  dieu  qui  l’épousera  pour  la  récom- 
penser de  sa  vertu.  Ils  lui  promettent  que  son  nom  sera  célébré  par  toute 
la  terre  et  chanté  dans  tous  les  sacrifices.  Pour  la  disposer  à cette 
action  héroïque  ou  plutôt  insensée , à laquelle  la  loi  ne  les  oblige 
cependant  pas,  les  brames  emploient  des  breuvages  dans  lesquels 
ils  mêlent  de  l’opium  afin  d’exciter  son  imagination  et  d’obtenir 
une  obéissance  passive.  Le  fanatisme  peut  bien  la  faire  consentir  à un 


DANS  L’INDE. 


47 


plus  rares,  quoiqu’on  ne  puisse  leur  opposer  que  la  rai- 
son, et  plusieurs  castes  y ont  renoncé.  On  a cité  dans  les 
annales  maritimes  un  exemple  qui  prouve  qu’il  ne  serait 
pas  si  difficile  qu’on  le  pense,  de  faire  cesser  une  habi- 
tude aussi  barbare.  Pour  empêcher  une  jeune  veuve  de  la 
ville  de  Tirnoular,  près  de  Karikal , de  se  brûler  sur  le 
corps  de  son  mari , le  gouverneur  français  lui  a fait  pro- 
poser une  rente  de  quatre-vingts  roupies,  ce  qui  répond 
à peu  près  à deux  cents  francs  de  notre  monnaie,  et  la 
proposition  fut  acceptée.  La  veuve  s’appelait  Sarouvan- 
gatama.  Elle  adressa  au  commissaire  de  la  marine  de 
Karikal  la  réponse  suivante  ; elle  lui  a été  inspirée  par 
la  reconnaissance  sans  doute , mais  le  style  ferait  sup- 
poser qu’elle  a été  préparée  par  un  autre  que  par  elle  : 
« Je  dois  à votre  bonté  ma  nouvelle  situation,  et  à votre 
sollicitude  d’être  admise  parmi  les  personnes  qui  tien- 
nent leur  existence  du  roi.  Revenue  en  quelque  sorte  au 
monde,  il  est  naturel  que  je  vive  des  bienfaits  de  celui 
au  nom  duquel  j’y  ai  été  rappelée.  Le  devoir  impérieux 


pareil  sacrifice;  mais  il  faut  avoir  perdu  la  raison  pour  le  consom- 
mer. Pendant  qu’elle  s’avance  vers  le  théâtre  funeste  où  elle  va  termi- 
ner sa  vie,  souvent  à la  fleur  de  l’âge,  et  lorsqu’elle  arrive  à ce  lieu 
d’horreur , les  brames  ont  grand  soin  de  la  distraire  de  ses  regrets  par 
des  chants  où  l’éloge  de  son  héroïsme  est  mêlé.  Ce  concert  homicide  sou- 
tient son  courage  au  milieu  des  avant-coureurs  de  la  mort  ; le  bandeau 
de  la  superstition  couvre  ses  yeux , le  moment  fatal  approche  où  elle  va 
être  dévorée  par  les  flammes.  Alors,  d’une  voix  entrecoupée  de  sanglots, 
elle  fait  ses  adieux  à ses  parents,  qui  la  félicitent,  les  larmes  aux  yeux, 
du  bonheur  qui  l’attend  Elle  leur  distribue  ses  joyaux  et  les  embrasse 
pour  la  dernière  fois.  Après  avoir  fait  trois  tours,  selon  l’usage,  autour 
de  la  fosse  ardente,  elle  s’élance  au  milieu  des  flammes.  Aussitôt  quan- 
tité d’instruments  font  retentir  l’air  des  sons  les  plus  aigus  pour  empê- 
cher le  peuple  d’entendre  les  cris  lamentables  qu’un  aussi  horrible  sup- 
plice doit  arracher  à ces  malheureuses  victimes.  On  augmente  l’activité 
du  feu  en  y répandant  une  grande  quantité  d’huile,  et  l’héroïne  est  bien- 
tôt consumée.  Sonnerat. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


AB 

que  j’allais  remplir,  n’a  point  été  accompli;  votre  hu- 
manité et  votre  persévérance  s’y  sont  opposées.  Vous 
m’avez  entraînée,  contre  ma  volonté  et  l’usage  de  mes 
semblables,  à une  action  qui  me  procure  la  vie  heu- 
reuse et  douce  que  vous  venez  d’assurer.  Je  n’ai  pas 
sans  doute  assez  pensé  au  bonheur  de  la  vie  future,  j’ai 
cédé  à vos  insinuations  ; mais  j’espère  que  mes  prières 
me  rendront  Schiva  favorable,  et  que,  le  jour  où  je  se- 
rai à ses  pieds,  il  me  pardonnera  d’avoir  vécu  sur  cette 
terre  une  seconde  fois  bramine.  Votre  persuasion  a 
vaincu  une  résolution  que  je  croyais  inébranlable.  Je 
ne  suis  plus  ce  que  j’avais  été , et  je  ne  voudrais  pas 
changer  ce  que  je  suis.  Ma  reconnaissance  pour  vous 
sera  celle  d’une  fille  soumise;  elle  ne  finira  qu’avec  ma 
vie.  » 

Il  sera  d’autant  plus  facile  de  faire  cesser  un  abus 
aussi  cruel  qu’il  y a fort  peu  de  femmes  qui  s’y  sou- 
mettent de  bonne  grâce  , et  toute  la  ruse  des  brames  ne 
suflit  pas  pour  étouffer  les  sanglots  et  les  cris  des  victimes. 
La  cérémonie  commence  et  se  termine  par  les  chants 
des  brames  , secondés  par  le  bruit  de  certains  instru- 
ments discordants  qui  couvrent  le  mystère  de  la  rési- 
gnation des  veuves  et  n’enlèvent  pas  à d’autres  le  cou- 
rage de  s’y  soumettre;  c’est  d’ailleurs  un  supplice  au- 
quel se  rend  la  patiente  déjà  demi-morte  par  l’emploi 
de  narcotiques  puissants.  Il  est  donc  facile  de  compren- 
dre que  la  conviction  n’entre  pour  rien  dans  le  sacrifice. 

A Pondichéri  l’Européen  de  bon  ton  ne  peut  sor- 
tir qu’en  palanquin,  sans  déroger  à sa  dignité;  les 
voitures  y sont  très-rares,  mais  le  palanquin  les  rem- 
place peut-être  avec  avantage  à cause  de  la  température. 


DANS  L’INDE. 


49 

On  raconte  que  la  première  fois  que  le  gouverneur 
M.  de  Mélay,  ennuyé  d’être  porté  constamment,  parut  à 
pied  le  soir  à la  promenade , mais  suivi  de  sa  voiture 
et  des  palanquins  de  sa  société,  les  habitants  de  Pondi- 
chéri  crurent  qu’ils  étaient  menacés  d’un  grand  mal- 
heur. 

Le  palanquin  remplace  la  chaise  de  poste;  c’est  en 
palanquin  que  les  voyageurs  se  rendent  d’une  extrémité 
de  l’Inde  à l’autre,  en  franchissant  les  passages  les  plus 
difficiles.  Les  Télingas  qui  le  portent  sont  relayés  de 
distance  en  distance,  et  partout  sur  les  chemins  fré- 
quentés on  rencontre  des  individus  voués  à ce  genre 
de  service.  Un  relais  se  compose  de  douze  porteurs  et 
d’un  chef  responsable;  il  y a peu  d’exemples  de  l’abus 
que  peuvent  faire  ces  Indiens  au  milieu  d’un  pays  où 
l’on  voyage  isolé,  et  en  quelque  sorte  livré  à la  merci 
des  gens  qu’on  emploie. 

La  religion  des  Hindous  leur  défend  de  tuer  des  ani- 
maux, si  ce  n’est  comme  offrande  à la  Divinité;  et  cette 
interdiction  s’étend  même  aux  animaux  immondes. 
Mais  cette  loi  n’est  pas  généralement  observée  : quel- 
ques castes  seulement  y restent  fidèles.  Le  soin  de  leur 
conservation , la  propreté  et  même  la  sensualité  font 
quelquefois  déroger  à ce  principe;  mais,  par  com- 
pensation, il  n’est  pas  rare  de  voir  des  Hindous,  scru- 
puleux observateurs  de  la  loi , souffrir  la  faim  plutôt 
que  de  consentira  manger  de  la  viande  ou  des  aliments 
préparés  par  des  parias. 

On  raconte  qu’un  Hindou,  monté  à bord  d’un  navire 
de  la  Compagnie  pour  affaires  de  commerce,  s’y  en- 
dormit après  avoir  pris  une  trop  forte  dose  d’opium. 

7 


50 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Quand  il  se  réveilla  il  s’aperçut  que  le  vaisseau  avait  levé 
l’ancre,  et  se  trouvait  déjà  à plusieurs  lieues  au  large. 
Il  y avait  à bord  beaucoup  de  lascars  ou  matelots  indi- 
gènes ; mais,  comme  ils  étaient  tous  d’une  caste  infé- 
rieure à la  sienne,  il  dédaigna  leurs  provisions  de  route 
et  n’osa  y toucher,  les  regardant  comme  souillées  par 
leur  contact.  Le  capitaine  du  navire,  fort  indifférent 
aux  superstitions  indiennes,  refusa  de  mettre  un  canot 
à la  mer  pour  le  reconduire  au  rivage , alléguant  la  perte 
de  temps.  Le  pauvre  malheureux  n’eut  donc  plus  d’au- 
tre alternative  que  d’aller  jusqu’à  Madras  avec  le  vais- 
seau , laissant  sa  famille  dans  une  entière  ignorance  de 
ce  qu’il  était  devenu.  Quand  on  lui  eut  communiqué  la 
résolution  impitoyable  du  capitaine,  il  se  coucha  sur 
le  pont , d’un  air  sombre  et  chagrin , sans  remuer  ni 
parler,  et  resta  deux  jours  dans  cet  état,  n’ayant,  dans 
cet  intervalle,  ni  mangé  un  morceau,  ni  humecté  d’une 
goutte  d’eau  ses  lèvres  desséchées.  Le  navire  était  alors 
au  moins  à cent  lieues  de  Bombay  ; mais,  comme  il  fai- 
sait voile  pour  Madras,  il  ne  s’éloigna  guère  de  terre, 
et  suivit  la  côte  jusqu’au  cap  Comorin , en  vue  duquel 
il  arriva  le  troisième  jour,  n’étant  plus  qu’à  vingt  lieues 
du  rivage. 

Dans  l’intervalle , le  pauvre  Hindou  , frappé  d’horreur 
à l’idée  de  périr  au  milieu  d’une  race  d’hommes  souil- 
lés et  impurs  à ses  yeux,  supplia  le  capitaine  de  lui 
faire  donner  une  barre  de  bois  pour  l’aider  à gagner 
terre  avec  la  marée.  Le  point  le  plus  rapproché  était 
Mangalore;  cependant  on  en  était  encore  à seize  lieues. 
On  lit  droit  à sa  demande,  et  on  jeta  à la  mer  une 
barre  sur  laquelle  il  sauta  ; puis,  l’eau  étant  calme , il 


DANS  L’INDE. 


51 


se  conlia  au  caprice  des  flots , environné  de  requins  et 
exposé  à mille  autres  dangers.  On  ne  sut  jamais  si  ce 
malheureux  fanatique  parvint  à gagner  le  rivage  en  vie. 
Assurément  les  chances  ne  favorisaient  guère  son  en- 
treprise. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


52 


De  Pondichèri  à Pulo-Pinang , Malacca,  Singapoore, 
Batavia. 

J’avais  visité  presque  tous  les  environs  de  Pondichèri, 
et  je  me  promettais  bien  de  continuer  mes  excursions, 
lorsque  V Astrolabe  vint  mouiller  en  rade  de  Pondichèri. 
Ce  bâtiment  venait  de  Madras  et  se  rendait  à la  côte  de 
l’Est,  où  il  devait  faire  plusieurs  stations.  Le  capitaine, 
que  je  connaissais , proposa  de  me  prendre  à bord  avec 
mes  chasseurs , et  de  me  ramener  à Pondichèri  après 
m’avoir  fait  explorer  Pulo-Pinang , Malacca , Singa- 
poore et  une  partie  de  l’île  Java,  où  il  devait  s’arrêter 
assez  de  temps  pour  me  permettre  de  chasser.  J’accep- 
tai avec  reconnaissance  et  sans  hésiter  une  aussi  ai- 
mable proposition , et  mes  préparatifs  furent  bientôt 
faits. 

Nous  devions  mettre  à la  voile  dans  les  premiers 
jours  de  novembre,  et  je  dus  profiter  du  temps  qui  me 
restait  pour  emballer  avec  soin  tous  les  produits  de 
mes  chasses  précédentes  et  assurer  leur  conservation. 
Ce  travail  terminé , je  me  procurai  quelques  ouvrages 
publiés  sur  le  pays  que  j’allais  parcourir,  et  je  les  lus 
avec  beaucoup  d’intérêt. 

Le  8 je  me  rendis  à bord , et  le  lendemain  dès  le  ma- 
tin nous  faisions  voile  pour  Pulo-Pinang,  pays  nouveau 
pour  moi , et  nouvelles  espérances.  Bientôt  nous  perdî- 
mes la  côte  de  Coromandel  de  vue,  et  notre  navigation 
fut  assez  heureuse.  Dix  jours  après  nous  avions  tra- 
versé le  golfe  du  Bengale , et  nous  nous  trouvions  de- 


Presqu'île  cle  Malaeca, 


DANS  L’INDE. 


53 


vaut  les  îles  Nicobar  : nous  eûmes  alors  un  peu  de  mau- 
vais temps,  les  vents  nous  contrarièrent  pendant  quel- 
ques jours  ; et  ils  s’étaient  fait  sentir  à la  côte , car  nous 
rencontrâmes  beaucoup  de  goémons  ou  varecs. 

Enfin,  le  1er  décembre,  nous  approchions  du  détroit  de 
Malacca.  Le  capitaine  prescrivit  alors  la  plus  grande  sur- 
veillance; les  armes  furent  vérifiées  et  préparées  : nous 
avions  à redouter  l’approche  des  pirates  malais , qui  sont 
très-nombreux,  et  s’organisent  en  flottilles  pour  surpren- 
dre les  navires  pendant  la  nuit.  Nos  précautions  furent 
heureusement  inutiles,  et,  après  être  restés  quelque 
temps  en  vue  de  File  de  Pulo-Péra,  qui  n’est  qu’un  rocher 
presque  inaccessible , nous  aperçûmes  bientôt  Pulo-Pi- 
nang,  ou  île  du  Prince-de-Galles , qui  se  présentait  sous 
un  aspect  assez  agréable.  Le  6 une  élégante  pirogue  nous 
amena  un  pilote , et  nous  mouillâmes  devant  le  fort  de  la 
Ville-Georges,  au  milieu  d’un  assez  grand  nombre  de  bâti- 
ments , parmi  lesquels  on  remarquait  des  jonques  chi- 
noises, que  je  visitai  avec  plaisir.  Le  capitaine  de  V As- 
trolabe eut  la  bonté  de  m’accompagner  à bord  d’une  de 
ces  jonques , dont  le  commandant  chinois  nous  fit  gra- 
cieusement les  honneurs.  Nos  compliments  furent  échan- 
gés avec  lui  à l’aide  d’un  interprète;  et  il  ne  voulut  pas 
nous  laisser  partir  sans  nous  offrir  du  thé  à la  mode 
chinoise , c’est-à-dire  sans  sucre.  Après  cette  visite, 
nous  nous  rendîmes  à terre  pour  nous  promener  dans  la 
ville.  Nous  parcourûmes  une  longue  rue  formée  de  deux 
rangs  de  boutiques  où  paraissait  régner  la  plus  grande 
activité.  C’était  un  vrai  bazar  ; chaque  magasin  portait 
une  enseigne  en  lettres  chinoises.  Je  remarquai  une 
mosquée  pour  les  musulmans , un  temple  pour  les  Ar- 


54 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


méniens , une  église  catholique , un  temple  protestant, 
et  un  autre  temple  chinois.  D’après  un  des  derniers 
recensements  de  l’île,  la  population  était  de  37,962  ha- 
bitants dont  13,769  Malais  ou  Boughis  et  7,552  Chi- 
nois; le  reste  se  composait  de  Choulias,  Bengalis,  Ar- 
méniens et  Européens. 

Notre  séjour  à Pulo-Pinang  devait  être  fort  court; 
aussi , après  avoir  visité  les  points  les  plus  remarqua- 
bles de  la  ville , je  fis  mes  dispositions  pour  explorer 
les  environs,  qui  m’intéressaient  beaucoup  plus.  Dès 
le  lendemain  je  partis  pour  la  chasse , suivi  de  mes  deux 
Malais.  La  campagne  est  fort  belle,  on  y trouve  des 
routes  assez  bien  frayées  : la  végétation  est  riche  et  vi- 
goureuse ; on  rencontre  un  grand  nombre  de  cocotiers, 
des  aréquiers  et  des  bananiers.  Les  maisons  de  campa- 
gne ne  ressemblent  plus  à celles  de  la  ville  ; elles  sont 
construites  sur  pilotis,  sans  rez-de-chaussée,  et  l’on 
n’y  arrive  qu’à  l’aide  d’une  échelle.  Elles  ont  rarement 
deux  étages,  et,  quoique  singulières,  elles  sont  cepen- 
dant d’un  aspect  agréable. 

Je  fus  assez  heureux  pour  rencontrer  quelques  oiseaux 
que  je  tuai;  je  reconnus  qu’ils  ne  différaient  pas  des 
mêmes  espèces  que  je  m’étais  déjà  procurées  sur  la  côte 
de  Coromandel.  Après  avoir  chassé  une  partie  de  la 
matinée,  nous  fîmes  une  petite  halte  pour  déjeuner. 
Des  noix  de  cocos  firent  tous  les  frais  de  ce  repas,  qui 
me  parut  excellent.  Je  continuai  de  marcher  sans  di- 
rection arrêtée;  ne  connaissant  pas  le  pays,  je  m’avan- 
çais à l’aventure.  Je  tuai  plusieurs  oiseaux  nouveaux, 
parmi  lesquels  je  reconnus  avec  plaisir  V Edolius  puellus, 
et,  chemin  faisant,  j’avais  récolté  quelques  plantes  rcmar- 


DANS  L’INDE. 


quables.  Enfin,  lorsque  nous  eûmes  notre  charge,  il 
fallut  bon  gré  mal  gré  songer  au  retour.  Je  repris  la 
route  de  la  ville,  où  nous  attendait  un  canot  qui  nous 
ramena  à bord  de  l'Astrolabe , où  je  mis  de  suite  mes 
plantes  en  presse,  pendant  que  mes  Indiens  préparaient 
les  oiseaux. 

Le  lendemain,  le  capitaine  et  les  officiers  du  bord  se 
réunirent  à moi  pour  fairo-  une  partie  de  chasse  sur  la 
presqu’île  malaie;  mais  nous  ne  fûmes  pas  heureux, 
ou  plutôt  nous  fûmes  tout  autant  occupés  des  cu- 
riosités qu’offre  le  pays  que  de  la  recherche  des 
animaux.  Je  tuai  cependant  un  aigle  pêcheur,  des 
martins  et  des  aigrettes  blanches.  Les  marlins  se  trou- 
vent fréquemment  autour  des  troupeaux;  ils  se  posent 
sur  les  buffles,  où  ils  trouvent  de  nombreux  insectes. 
Après  une  journée  de  fatigue  sans  grand  résultat,  nous 
nous  dirigeâmes  vers  le  bâtiment,  et  il  était  temps  d’y 
arriver,  nous  avions  tous  besoin  de  repos.  Là  nous 
attendait  l’évêque  de  la  mission  de  Cochinchine  : sa 
présence  s’expliqua  par  quelques  tracasseries  éprouvées 
par  les  prêtres  catholiques. 

Peu  content  de  mes  premières  chasses,  je  voulus 
faire  une  excursion  sur  la  montagne  des  Signaux,  peu 
éloignée  de  la  côte.  Un  négociant  qui  vint  nous  voir  à 
bord  nous  avait  invités  à nous  rendre  à une  maison  de 
campagne  qu’il  y a fait  construire.  Nous  partîmes  de 
grand  matin  avec  un  canot,  et,  arrivés  à terre,  nous 
trouvâmes  des  chevaux  de  selle  qui  nous  étaient  envoyés 
par  notre  amphitryon,  M.  Rewely.  Un  petit  chemin 
mal  frayé  à travers  une  forêt  vierge  nous  conduisit  au 
pied  de  la  montagne  ; nous  entendions  de  temps  à autre 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


56 

les  cris  aigus  des  singes  et  le  chant  de  quelques  oiseaux 
qui  ne  se  firent  pas  voir.  Je  tuai  deux  singes  malgré 
leur  agilité  et  leurs  singulières  grimaces.  Enfin,  et  non 
sans  peine,  nous  arrivâmes  au  haut  de  la  montagne  où 
M.  Rewely  nous  attendait  pour  nous  conduire  à sa 
maison.  On  nous  servit  du  thé  et  quelques  gâteaux  : 
c’était  peu  pour  des  gens  affamés,  il  fallut  s’en  conten- 
ter. Après  une  bonne  nuit  et  malgré  l’ exiguïté  du  repas 
de  la  veille,  je  me  mis  en  chasse,  et  le  plaisir  que  j’eus 
dans  la  montagne  me  fit  facilement  oublier  l’abstinence 
à laquelle  l’usage  du  pays  me  condamnait.  Je  fis  une 
journée  remarquable  par  la  beauté  et  la  variété  de  mes 
victimes.  Le  soir  même,  on  proposa  pour  le  jour  sui- 
vant une  chasse  au  tigre;  c’était  ce  que  je  désirais  le 
plus  ardemment.  A la  pointe  du  jour  nous  nous  mîmes 
en  route  pour  l’île  de  Bouton-Cawanes,  où  nous  emme- 
nâmes M.  Bouchaud,  qui  allait  visiter  la  mission  chi- 
noise. Après  une  heure  de  traversée  nous  arrivâmes  à 
l’embouchure  d’un  petit  ruisseau  qui  nous  servit  de 
port,  et,  après  avoir  marché  quelque  temps,  nous 
reconnûmes  le  lieu  du  rendez-vous.  Là  se  trouvaient 
rassemblés  quelques  propriétaires  que  les  tigres  avaient 
visités  pendant  la  nuit,  et  qui  nous  racontèrent  toutes 
les  pertes  que  ces  cruels  visiteurs  leur  faisaient  faire 
chaque  jour. 

La  chasse  aux  tigres  ne  se  fait  que  la  nuit  et  dans 
le  plus  grand  silence.  Nous  montâmes,  à l’aide  d’é- 
chelles, sur  des  arbres  entre  les  branches  desquels  on 
avait  préparé  de  petites  plates-formes,  et  nous  avions 
à peu  de  distance  et  devant  nous  une  vache  qui,  atta- 
chée à un  piquet,  devait  servir  à attirer  l’ennemi.  A la 


DANS  L’INDE. 


(in  du  jour  nous  nous  mîmes  donc  à l’affût  ; mais,  comme 
cela  arrive  souvent,  les  tigres  ravageaient  un  troupeau 
voisin  pendant  que  nous  les  attendions  perchés  sur 
nos  arbres  et  n’osant  pas  même  nous  parler,  dans  la 
crainte  de  les  détourner.  La  patience  ne  nous  manqua 
pas,  nous  entendions  à peu  de  distance  le  bruit  qu’ils 
faisaient;  mais  aucun  d’eux  ne  vint  de  notre  côté,  et  il 
fallut  y renoncer  pour  ce  jour-là.  Le  lendemain,  nous 
fûmes  plus  heureux;  car  à peine  étions-nous  postés 
qu’un  tigre  vint  sauter  sur  la  malheureuse  vache,  qui 
se  défendit  peu.  Mon  chasseur  et  moi  nous  fîmes  feu  en 
même  temps,  et  le  tigre  roula  sur  l’herbe.  Revenu  de 
la  première  émotion  inévitable  en  pareille  circonstance, 
je  crus  remarquer  qu’il  n’était  que  blessé,  et  qu’il 
pourrait  bien  se  jeter  sur  nous  si  nous  descendions  de 
notre  arbre;  aussi,  par  précaution,  je  lui  envoyai  une 
balle  dans  la  tête,  et  cette  fois  nous  allâmes  à lui  sans 
crainte.  Tout  fier  de  ma  chasse,  je  rapportai  mon  tigre 
en  triomphe,  et  ce  n’est  qu’à  regret  que  je  songeai  au 
départ.  J’aurais  voulu  tuer  plusieurs  de  ces  animaux  ; 
mais  il  fallait  rentrer  à bord,  où  le  capitaine  m’atten- 
dait pour  mettre  à la  voile.  Mes  Indiens  dépouillèrent 
la  victime,  et  je  n’emportai  que  sa  tête  et  sa  peau.  Arrivé 
à bord,  je  reçus  les  compliments  de  tous  les  officiers, 
qui  regrettèrent  beaucoup  de  n’avoir  pu  m’accompa- 
gner dans  cette  excursion. 

Le  lendemain  on  leva  l’ancre  et  nous  fîmes  roule 
vers  Malacca,  où  nous  arrivâmes  le  25  décembre. 

La  ville  de  Malacca  fut  fondée  en  1252,  par  un 
prince  malais  qui  fut  chassé  de  ses  États  par  un  sou- 
verain de  Java.  Les  Portugais,  sous  Albuquerque,  s’en 


58 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


emparèrent  en  1514,  et  elle  devint  un  de  leurs  prin- 
cipaux établissements  et  la  clef  de  leur  commerce  dans 
les  mers  au  delà  de  l’Inde.  Les  Hollandais  l’attaquèrent 
en  vain  en  1505  ; ils  s’en  emparèrent  cependant  en  1641 
après  une  résistance  opiniâtre.  Les  Anglais  la  leur  enle- 
vèrent en  1795;  mais  la  colonie  de  l’île  du  Prince-de-Gal- 
les  en  diminua  beaucoup  l’importance.  A la  paix  de  4814 
ils  la  restituèrent  aux  Pays-Bas,  qui  l’ont  cédée  à l’An- 
gleterre en  1823.  La  ville  est  défendue  par  un  fort  où 
réside  le  gouverneur;  les  rues  sont  pour  la  plupart 
larges  et  belles;  il  y a une  bonne  rade  pour  les  gros 
navires.  On  exporte  de  Malacca  de  l’étain,  beaucoup 
de  poivre,  du  sagou,  des  rotins,  des  dents  d’éléphant 
et  de  la  poudre  d’or  ; les  importations  consistent  en 
opium,  soie  et  dollars.  Le  commerce  est  moins  actif 
qu’aulrefois,  dit-on;  beaucoup  de  navires  préfèrent  l’île 
du  Prince-de-Galles,  où  il  se  trouve  une  plus  grande 
variété  d’articles  à exporter. 

J’avais  des  lettres  de  recommandation  pour  M.  W. 
Leurs;  je  me  rendis  de  suite  chez  lui,  et  il  eut  la 
bonté  de  m’offrir  des  guides  pour  m’accompagner  dans 
mes  promenades  : ce  que  j’acceptai  avec  d’autant  plus 
de  plaisir  que  l’on  fait  souvent  de  fort  mauvaises  ren- 
contres, et  que  les  hommes  y sont  parfois  plus  à crain- 
dre que  les  bêtes  féroces.  Notre  séjour  à Malacca  fut  de 
peu  de  durée;  mais  mon  temps  y fut  bien  employé,  et 
mes  collections  s’y  enrichirent  beaucoup.  Je  me  fis 
conduire  dans  une  forêt  peu  éloignée  de  la  ville,  et  j’y 
tuai  plusieurs  espèces  de  singes,  des  cerfs  et  des  anti- 
lopes; c’est  là  que  je  me  procurai  un  assez  grand  nom- 
bre de  calaos  et  des  faisans  argus.  Je  fus  aussi  assez 


DANS  L’INDE. 


59 


heureux  pour  tuer  un  jeune  tigre,  quelques  sangliers 
et  deux  boas  monstrueux;  je  trouvai  encore  un  grand 
nombre  d’insectes.  Le  plaisir  d’une  chasse  aussi  pro- 
ductive ne  me  fit  pas  oublier  les  plantes,  que  je 
désignais  à un  Indien  qui  n’avait  rien  autre  chose  à 
faire  qu’à  récolter  les  objets  que  je  voulais  emporter,  et 
qui  le  faisait  avec  assez  d’intelligence.  Malheureusement 
nous  ne  pouvions  nous  arrêter  que  quelques  jours  dans 
les  endroits  qui  me  promettaient  les  plus  abondantes 
récoltes  et  les  chasses  lés  plus  heureuses.  Les  environs 
de  Malacca,  fort  beaux  et  entrecoupés  de  collines  et  de 
vallées  très-fertiles,  sont  cultivés  avec  peu  de  soin;  ils 
produisent  principalement  du  poivre. 

Le  31  décembre,  nous  nous  mimes  en  roule  pour 
Singapour,  où  nous  arrivâmes  après  deux  jours  de  mer. 
Dès  notre  arrivée,  notre  premier  soin  fut  de  visiter 
ville.  L’aspect  qu’elle  offre  le  soir  est  des  plus  curieux. 
Elle  est  éclairée  par  un  grand  nombre  de  lampes  entou- 
rées de  globes  en  papier  blanc,  sur  lesquels  sont  tracés 
des  caractères  chinois  de  diverses  couleurs.  Nous  entrâ- 
mes dans  quelques  magasins  ; les  marchands  sont  très- 
froids,  peu  engageants  : on  les  dit  fourbes  et  voleurs. 
Le  commerce  y est  plus  florissant  que  dans  les  pays 
que  nous  venions  de  voir.  Par  sa  position,  Singapour 
est  l’entrepôt  du  commerce  de  la  Chine  et  du  Bengale. 
La  ville  est  partagée  en  deux  parties  : l’une  est  la  ville 
chinoise,  l’autre  est  habitée  par  les  Européens  et  le 
gouverneur.  Pendant  que  nous  y étions,  on  fit  de 
nombreuses  processions  pour  obtenir  l’arrivage  de  plu- 
sieurs jonques  qu’on  attendait.  Singapour  n’avait  été, 
jusqu’en  1818,  qu’un  repaire  de  pirates;  les  Anglais  y 


60 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


ont  formé  depuis  un  établissement  qui  a fait  en  fort  peu 
de  temps  des  progrès  très-rapides  en  population,  en 
richesse  et  en  bien-être  : ce  qu’il  doit,  indépendamment 
de  sa  position  heureuse,  à un  commerce  libre  et  à des 
lois  justes  et  égales  pour  les  hommes  de  toutes  les 
croyances  et  de  toutes  les  couleurs. 

On  dit  aussi  que  la  prospérité  de  cet  établissement 
est  due  en  grande  partie  à sir  Stamfort-Rafïïes,  quoi- 
que la  Compagnie  anglaise  des  Indes  orientales  soit 
parvenue  à faire  supprimer  une  partie  des  lois  justes 
et  bienfaisantes  que  ce  gouverneur  avait  établies,  et 
qui  étaient  une  critique  amère  de  l’administration  de 
cette  Compagnie  dans  le  reste  de  l’Inde. 

Je  fus  invité  par  un  Danois  établi  depuis  long-temps 
à Singapour  à faire  une  partie  de  chasse  ; il  connaissait 
parfaitement  le  pays,  aussi  notre  journée  fut-elle  très- 
heureuse.  Les  jours  suivants  furent  encore  bien  occu- 
pés. Dans  une  de  mes  courses  à terre  je  rencontrai 
M.  Balcstier,  consul  américain,  qui  connaissait  MM.  De- 
lessert  de  Paris,  avec  lesquels  il  avait  été  en  relation 
pendant  quelque  temps  lorsqu’il  était  aux  États-Unis. 
Il  m’accueillit  avec  bonté  et  m’offrit  même  un  logement 
chez  lui;  il  eut  la  complaisance  de  me  faire  visiter  en 
détail  une  fabrique  de  sagou.  Le  peu  de  temps  que  je 
passai  à Singapour  enrichit  beaucoup  mes  collections. 
J’eus  aussi  l’occasion  de  voir  deux  missionnaires  fran- 
çais ; ils  pleuraient  la  mort  de  deux  autres  missionnai- 
res américains  qui,  s’obstinant  à pénétrer  dans  le  pays, 
avaient  été  tués  et  mangés  par  les  Sauvages  Baltas. 

Ce  n’est  pas  sans  danger  qu’on  explore  ces  parages  : 
les  hommes  et  les  animaux  sont,  à craindre.  Mon  ami 


DANS  L’INDE. 


(il 


M.  Perrottet  courut  les  plus  grands  dangers  près  de 
Samboangan  : emporté  par  le  désir  de  se  procurer  des 
végétaux  qui  pourraient  être  utiles  pour  les  colonies 
françaises,  il  cherchait  souvent  à s’éloigner  de  la  ville. 
« Un  jour,  me  dit-il , je  fus  extrêmement  surpris , en 
voulant  pénétrer  dans  l’intérieur  d’un  grand  bois,  du 
refus  obstiné  de  mon  guide  de  m’y  accompagner.  Il  lit 
même  toutes  sortes  d’instances  pour  m’engager  à n’y 
pas  entrer  : il  me  donna  pour  raison  qu’il  était  infesté 
de  Maures , hommes  sauvages  ne  vivant  que  dans  les 
forêts,  d’où  ils  font  souvent  des  excursions  dans  les 
villes,  où  ils  pillent  et  égorgent  tous  ceux  qui  veu- 
lent s’opposer  à leurs  coupables  desseins.  Regardant 
cette  version  comme  un  peu  exagérée,  je  n’en  fus 
guère  effrayé.  Je  n’aurais  point  changé  ma  résolution 
de  parcourir  les  bois  si  mon  guide  ne  m’eût  menacé  de 
m’abandonner.  Je  fus  donc  forcément  contraint  d’her- 
boriser seulement  aux  environs  de  la  ville.  Lorsque  je 
fus  de  retour  à Samboagan  , je  demandai  au  gouverneur 
l’explication  de  ce  conte  des  Maures  ; sa  réponse  ne  fut 
pas  plus  rassurante  que  celle  du  guide.  Il  me  raconta 
alors  que.  huit  mois  ne  s’étaient  pas  encore  écoulés  de- 
puis que  son  prédécesseur  avait  été  égorgé  dans  son  lit, 
et  que  sa  garde  avait  été  massacrée  par  les  Sauvages.  Il 
m’engagea  fortement  à faire  comme  lui , qui  ne  s’éloi- 
gnait jamais  beaucoup  de  la  ville.  Presque  tous  les 
jours,  ajouta-t-il , on  voit  dans  les  environs  des  bandes 
d’individus  cherchant  à piller  et  à incendier  la  ville. 

» De  pareils  récits  étaient  peu  faits  pour  me  donner  le 
courage  de  continuer  mes  courses  ; cependant  l’amour 
de  la  science  l’emporta  sur  celui  de  la  vie  : le  guide  que 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


62 

je  tenais  du  gouverneur  ne  voulant  plus  m’accompa- 
gner, je  m’arrangeai  avec  quelques  chasseurs  de  notre 
bord  et  nous  pénétrâmes  assez  avant  dans  le  pays. 

» Soit  que  le  bruit  de  nos  armes  à feu  ait  intimidé  les 
Sauvages , soit  que , nous  ayant  aperçus  eux-mêmes,  ils 
n’aient  pas  été  tentés  de  nous  attaquer,  nous  ne  décou- 
vrîmes aucune  trace  de  ces  Maures;  mais,  en  revanche, 
nous  fûmes  à plusieurs  reprises  poursuivis  par  des  buf- 
fles, dont  les  bois  sont  remplis.  Un  jour,  j’étais  seul, 
ayant  perdu  mes  chasseurs , absorbé  dans  mes  herbori- 
sations ; je  cueillais  des  fleurs  et  des  graines  sur  des  ar- 
brisseaux formant  un  bosquet  de  bois  assez  touffu  , lors- 
que tout  à coup  je  fus  distrait  de  mes  occupations  par 
un  bruit  sourd  qui  paraissait  approcher  : je  me  retour- 
nai promptement  et  je  vis  venir  à moi  trois  buffles 
énormes  qui  se  suivaient,  portant  le  nez  en  l’air  et 
marchant  à grands  pas;  je  me  sauvai  à toutes  jambes  et 
franchis  une  haie  servant  de  clôture  à un  champ  de  riz, 
qui  se  trouva  heureusement  assez  près  de  moi  au  mo- 
ment où  j’allais  être  atteint  par  ces  animaux.  Les  buf- 
fles , le  nez  appuyé  sur  la  palissade , me  mangeaient 
des  yeux  ; ils  finirent  probablement  par  s’ennuyer,  et 
s’en  retournèrent  quelques  minutes  après.  Ma  frayeur 
calmée  et  le  danger  passé,  je  fus  chercher  ma  boîte 
d’herborisation;  et  je  continuai  mes  recherches , non 
sans  retourner  quelquefois  la  tête  pour  regarder  si  je 
n’aurais  pas  encore  quelques  buffles  à mes  trousses.  » 

Le  22  janvier  nous  nous  rendîmes  à bord  , le  départ 
pour  l’île  Java  devant  avoir  lieu  le  même  jour.  Le  voy  age 
devait  être  de  courte  durée , mais  le  temps  fut  mauvais  ; 
à l’entrée  du  détroit  l’on  fut  obligé  de  jeter  l’ancre  dans 


DANS  L’INDE. 


63 

la  soirée.  La  nuit  était  très-obscure  ; heureusement  pour 
nous  le  temps  s’éclaircit,  et  le  capitaine  reconnut  que 
nous  avions  mouillé  à un  demi-mille  des  rescifs  de  Pan- 
Schoul.  Bientôt  après,  un  grain  nous  surprit;  et,  s’a- 
percevant que  nous  chassions  sur  nos  ancres  et  que 
nous  étions  portés  sur  les  rescifs,  où  la  mer  se  brisait 
avec  force,  l’officier  de  quart  ne  perdit  pas  une  minute  : 
il  donna  l’ordre  de  relever  l’ancre;  mais,  comme  cette 
manœuvre  se  faisait  difficilement , il  fit  prendre  le  vent 
et  couper  la  chaîne,  pour  nous  éloigner  à toutes  voiles. 
Le  mauvais  temps  augmenta , nous  perdîmes  deux  voi- 
les, et,  après  quelques  heures  de  grosse  mer,  le  jour 
commença  à paraître,  le  vent  s’affaiblit , et  nous  conti- 
nuâmes notre  route  sans  accident.  Le  27 , à la  fin  du 
jour,  nous  étions  au  mouillage  de  Batavia. 

Cette  ville  fut  fondée  sur  le  terrain  occupé  ancienne- 
ment par  la  ville  indienne  de  Jaccatra.  En  débarquant 
au  port  ou  Boom,  on  a devant  soi  l’ancienne  ville;  on 
la  traverse  en  passant  par  trois  ou  quatre  rues  assez  fré- 
quentées pendant  la  matinée,  mais  tout  à fait  désertes 
pendant  le  reste  du  temps.  Au  bout  de  l’ancien  fau- 
bourg, ou  Buiten-Niew-Poort-Straat , un  peu  plus  ha- 
bité que  le  reste , on  arrive  aux  quartiers  modernes, 
c’est-à-dire  à une  suite  de  jolies  habitations  entourées 
de  jardins , sur  les  bords  du  canal  de  Moolenvliet  et  de 
Ryswyk  , sur  une  longueur  d’environ  trois  quarts  de 
lieue.  A l’issue  de  ce  canal  on  a devant  soi  une  grande 
plaine  carrée , pareillement  entourée  de  maisons  euro- 
péennes : c’est  Weltevreden  ou  le  Quartier-Militaire;  et, 
en  prenant  à droite,  on  voit  une  autre  plaine  à peu  près 
carrée  que  l’on  nomme  le  Konings-Plein,  aussi  entourée 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


6A 

de  charmantes  maisons  particulières.  En  traversant 
Weltevreden  on  se  retrouve  sur  la  grande  route  menant 
à Builenzorg , le  long  de  laquelle  les  habitations,  d’une 
architecture  moderne , se  succèdent  de  nouveau  pen- 
dant une  bonne  lieue  et  demie,  jusqu’au  delà  du  fort 
de  Maester-Cornelis.  Si  l’on  ajoute  à cela  quelques  al- 
lées latérales  aboutissant  au  canal  ou  aux  carrés  dont 
nous  venons  de  parler,  comme  le  Prinseen-Laan , le 
chemin  de  Gounong-Sahocrie,  celui  de  Tanaaban,  on 
pourra  se  faire  une  idée  de  la  disposition  de  la  capitale 
de  Java.  Derrière  ces  différents  quartiers  européens  se 
trouvent  les  quartiers  ou  camps  des  habitants  asiatiques 
et  des  Chinois.  Le  camp  de  ces  derniers  est  hors  de 
l’enceinte  et  à l’ouest  de  l’ancienne  ville , dont  il 
formait  comme  un  vaste  faubourg  ; mais,  à la  longue,  ils 
se  sont  glissés  partout , et  on  les  voit  maintenant  établis 
de  tous  côtés,  surtout  dans  les  bazars  situés  entre  les 
quartiers  qui  viennent  d’être  cités. 

On  remarque  sur  la  place  d’armes  une  colonne  élevée 
par  les  Hollandais  en  mémoire  de  la  bataille  de  Water- 
loo ; elle  est  surmontée  d’un  lion  dont  la  griffe  semble 
arrêter  le  mouvement  d’un  monde.  L’allégorie  n’est  pas 
forcée  sans  doute,  mais  il  est  curieux  de  remarquer  que 
toutes  les  nations  veulent  être  représentées  par  le  lion  ; 
c’est  un  hochet  qu’on  rencontre  partout  en  sortant  de 
France  : aussi  l’on  pardonne  facilement  cette  fanfaron- 
nade aux  peuples  étonnés  d’avoir  battu  par  leur  force 
numérique  une  armée  habituée  à la  victoire,  on  serait 
lier  à moins! 

La  rade  de  Batavia  est  aussi  sûre  que  belle,  une  een- 
laine  de  navires  peuvent  y trouver  un  excellent  ancrage  : 


DANS  L’INDE. 


65 


ordinairement  les  grands  vaisseaux  de  l’État  mouillent 
à une  assez  grande  distance  et  dans  la  partie  nommée 
rade  extérieure,  car  elle  est  regardée  comme  infiniment 
plus  salubre  que  celle  plus  rapprochée  du  rivage. 

Quantité  de  petites  îles  entourent  et  couvrent  pour 
ainsi  dire  la  rade  de  Batavia;  la  plupart  sont  inhabitées 
maintenant,  mais  presque  toutes  avaient  été  utilisées 
autrefois  par  l’ancienne  Compagnie  des  Indes  pour  y 
placer  des  chantiers,  des  magasins,  des  hôpitaux  ou  des 
ateliers. 

On  croit  généralement  la  population  de  Batavia  plus 
considérable  qu’elle  ne  l’est  en  effet  : 3,025  Européens 
ou  descendants  d’eux,  23,108  Javanais  ou  Malais,  14,708 
Chinois,  601  Arabes  et  12,419  esclaves;  ce  qui  donne 
une  population  de  53,861  âmes , parmi  lesquelles  on 
ne  comprend  pas  la  garnison  de  Weltevreden.  La  popu- 
lation de  la  province  est  de  182,654  habitants. 

Les  Javanais  sont  généralement  bien  faits;  leur  fi- 
gure est  grave  et  fière  ; leur  costume  se  compose  d’une 
longue  chemise  à manches  courtes,  d’un  large  pantalon 
en  toile,  et  d’un  pagne  couvrant  les  épaules  et  le  cou. 
Les  chefs  seuls  portent  des  pantoufles  en  tout  temps. 
L’usage  veut  qu’un  Javanais,  môme  d’une  classe  élevée, 
se  déchausse  en  paraissant  devant  son  supérieur.  Les 
hommes  du  peuple  sont  désignés , en  général , sous  le 
nom  d ' Orangkitjiel,  et  les  habitants  des  montagnes  sous 
celui  A’ Oranggounon.  Les  Javanais,  dit  M.  de  La  Place, 
ont  un  caractère  assez  doux , obéissant , susceptible  de 
reconnaissance  et  d’attachement;  mais  ils  sont  super- 
stitieux, fanatiques,  vindicatifs  et  attachés  fortement  à 
leurs  usages. 


9 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


GG 

Les  anciennes  relations  font  souvent  mention  des 
Amokspiiwers 3 qui,  dans  leur  rage  aveugle,  dit-on, 
couraient  les  rues,  tuaient  ou  blessaient  tous  ceux 
qu’ils  rencontraient,  jusqu’à  ce  qu’on  fût  parvenu  à les 
tuer  eux-mêmes.  Ces  accidents  sont  devenus  infiniment 
plus  rares,  comme  l’assure  M.  de  Hogendorp,  depuis  la 
cessation  de  la  traite  des  esclaves.  C’étaient  le  plus  sou- 
vent des  Boujinais  et  des  Bal i nais  nouvellement  amenés 
et  vendus,  parmi  lesquels  il  s’en  trouvait  qui,  regret- 
tant leur  patrie,  des  parents,  une  amie,  une  épouse; 
d’autres  qui,  ne  pouvant  exécuter  les  ordres  qu’ils  ne 
comprenaient  pas  encore  et  craignant  le  châtiment , 
éprouvaient  un  dégoût  de  la  vie  qui  parfois  dégénérait 
en  frénésie , pendant  laquelle  ils  se  saisissaient  de  la 
première  arme  venue  pour  en  frapper  aveuglément  au- 
tour d’eux,  sachant  d’avance  qu’ils  tomberaient  à leur 
tour  et  n’auraient  pas  long  temps  à souffrir.  L’ivresse 
produite  par  l’opium  donne  quelquefois  lieu  à des  fu- 
reurs Semblables. 

Le  duel  est  extrêmement  commun  parmi  les  Javanais  ; 
pour  la  moindre  insulte,  ils  se  déchirent  à coups  de 
crit,  comme  des  tigres.  Les  enfants  mêmes  se  battent 
quelquefois  jusqu’à  la  mort.  La  jalousie  est  la  principale 
cause  de  ces  combats,  auxquels  les  Hollandais  cher- 
chent en  vain  à mettre  un  terme  ; un  regard , un  mol 
indiscret,  suffit  pour  occasionner  des  meurtres  et  en- 
gendrer des  haines  irréconciliables  qui  se  transmettent 
de  père  en  fils. 

Les  femmes,  qui  inspirent  des  passions  aussi  violen- 
tes, sont  belles  et  bien  faites  : malgré  leur  teint  très- 
brun , elles  ont  une  physionomie  fort  agréable,  à la- 


quelle  de  grands  yeux  noirs,  au  regard  doux  et  pensif, 
de  longs  cheveux  relevés  avec  grâce  derrière  la  tête, 
donnent  quelque  chose  d’ intéressant.  Leur  tournure 
paraît  aisée,  voluptueuse;  et  leur  habillement,  qui  tout 
simple  qu’il  est  ne  manque  pas  de  coquetterie,  leur 
prêle  un  nouveau  charme  : une  chemise  blanche  et  am- 
ple, qui  ne  laisse  voir  que  la  forme  d’une  gorge  conser- 
vée soigneusement,  et  dont  les  plis  sont  serrés  autour 
de  la  ceinture  par  un  pagne  qui  descend  jusqu’aux  ta- 
lons; une  pièce  d’étoffe  de  grand  prix,  qu’elles  drapent 
de  mille  manières  sur  des  épaules  couvertes  de  colliers; 
enfin  des  bras  arrondis  et  ornés  de  bracelets  , des  mains 
petites,  des  pieds  bien  proportionnés,  achèveraient  de 
faire  des  Javanaises  des  femmes  séduisantes , si  leurs 
dents  noires  et  leur  bouche , inondée  d’une  salive  rouge , 
ne  portaient,  comme  celle  des  hommes,  les  traces 
repoussantes  du  bétel  et  même  du  tabac  mâché  et 
fumé.  Leurs  qualités  morales  sont  moins  flatteuses, 
et  mon  compagnon  de  voyage  les  a tracées  très-fidèle- 
ment : « Là,  comme  ailleurs,  dit-il,  il  est  sans  doute 
d’honorables  exceptions  ; mais , en  général , l’éducation 
première  y est  extrêmement  négligée.  Les  enfants, 
entourés  dès  leur  berceau  d’une  foule  d’esclaves 
empressés  à satisfaire  leurs  moindres  fantaisies,  sont 
tellement  portés  à suivre  l’impulsion  du  climat  et  de 
leurs  désirs,  qu’avant  même  d’avoir  atteint  l’âge  de 
vingt  ans  ils  sont  plongés  dans  une  immoralité  dégoû- 
tante. Leur  caractère,  naturellement  indolent,  ne  peut 
supporter  la  gêne  d’une  élude  quelconque;  on  voit  très- 
souvent  des  jeunes  filles  de  dix-huit  ans,  appartenant 
aux  familles  les  plus  riches,  qui  ignorent  jusqu’aux 


68  SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 

éléments  de  la  plus  simple  éducation.  11  est  facile  de 
concevoir  combien  cette  ignorance,  jointe  aux  influen- 
ces perfides  du  climat,  tend  de  pièges  à leur  innocence  : 
aussi  n’est-il  pas  rare  de  les  voir  se  laisser  aller  à la 
séduction.  » 

Les  dames  de  Batavia  déploient  dans  leur  toilette  un 
luxe  prodigieux;  et,  malgré  tout  cet  éclat,  elles  sont 
loin  d’effacer  les  Européennes,  dont  elles  ne  peuvent 
égaler  l’élégante  simplicité  : elles  le  sentent  si  bien, 
que  ces  dernières  sont  pour  elles  un  objet  d’exécration, 
et  il  n’est  que  trop  commun  de  voir  les  funestes  effets 
de  leur  haine. 

La  nature,  active  dans  ces  climats,  a doué  leurs 
habitants  des  passions  les  plus  violentes  ; mais  la  jalousie 
surtout  est  chez  eux  un  foyer  toujours  ardent,  qui  laisse 
toujours  échapper  des  flammes  dévorantes  que  rien  ne 
peut  réprimer.  De  fréquents  exemples  ont  rendu  cette 
vérité  incontestable,  et  le  trait  suivant,  arrivé  à Bata- 
via, pourra  en  donner  une  idée  exacte.  Un  jeune  Malais, 
élevé  par  un  Européen,  et  devenu  depuis  son  domestique 
affidé,  avait  donné  en  plusieurs  circonstances  les  mar- 
ques les  moins  douteuses  d’un  attachement  sans  bornes 
pour  son  bienfaiteur  et  son  maître.  Celui-ci  devint 
amoureux  d’une  de  ses  esclaves,  que  son  fidèle  domes- 
tique aussi  aimait  éperdument  sans  oser  l’avouer.  Le 
soupçonneux  Malais  épia  les  démarches  de  son  maître , 
et  ne  tarda  pas  à reconnaître  qu’il  n’avait  plus  rien  à 
obtenir  de  la  jeune  esclave.  Dès  qu’il  ne  douta  plus  de 
son  malheur,  il  ne  respira  que  pour  satisfaire  une  ven- 
geance complète;  et  il  sut  tellement  contenir  les  trans- 
ports de  la  jalousie  et  de  la  rage  qui  le  dévoraient , que 


DANS  L’INDE. 


69 


les  imprudents  amants  continuèrent  leur  liaison  dans 
une  sécurité  parfaite.  Plusieurs  mois  s’étaient  écoulés 
ainsi  sans  que  le  vindicatif  Malais  eût  trouvé  une  occa- 
sion favorable  pour  mettre  à exécution  son  funeste  pro- 
jet , lorsque  son  maître  le  prévint  un  jour  qu’il  se  pro- 
posait d’aller  le  lendemain  à la  chasse  dans  les  forêts 
voisines,  et  qu’il  désirait  qu’il  l’accompagnât. 

Ils  partirent  en  effet  le  jour  indiqué.  Lorsqu’ils  fu- 
rent isolés  au  milieu  du  bois , le  Malais , chargé  des 
armes , s’arrêta  soudain , et , fixant  des  regards  furieux 
sur  son  maître,  lui  dit  avec  une  fureur  concentrée: 
« Depuis  que  j’ai  pu  marcher,  je  t’ai  toujours  suivi , sur 
terre , sur  mer,  partout  enfin  ; lu  as  eu  en  moi  le  plus 
zélé  serviteur  ; tu  m’as  été  en  plusieurs  circonstances 
redevable  de  la  vie  ; et , en  agissant  aussi  bien  envers 
toi , je  ne  pouvais  cependant  le  peindre  tout  l’excès  de 
mon  attachement.  Loin  de  trouver  en  loi  les  sentiments 
reconnaissants  sur  lesquels  je  devais  compter,  lu  m’as 
outragé  avec  la  femme  que  je  chéris , et  tu  ne  crains  pas 
de  faire  périr  de  douleur  le  compagnon  fidèle  de  tes 
dangers.  L’enfer  repose  dans  mon  cœur  ulcéré  depuis 
plusieurs  mois  ; aujourd’hui  seulement  je  trouve  l’oc- 
casion de  lui  donner  l’essor.  Tu  vas  mourir,  maître  in- 
grat et  cruel , je  vais  t’ immoler  à ma  vengeance  ; mais 
je  sens  que  je  t’aime  encore,  malgré  ta  perfidie  : aussi 
ne  pense  pas  que  je  puisse  te  survivre , mon  crit  m’aura 
bientôt  délivré  d’une  existence  que  je  ne  pourrais  plus 
supporter.  » 

Le  Malais  exécuta  sur-le-champ  sa  terrible  menace. 
C’est  lui-même  qui  raconta  ainsi  les  détails  de  cette  scène 
alïligeante  à plusieurs  montagnards  qui , en  traversant 


70 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


la  forêt,  le  trouvèrent  gisant  à côté  de  sa  victime,  et 
donnant  encore  quelques  signes  de  vie. 

Certes,  les  dames  créoles  sont  loin  d’imiter  la  froide 
cruauté  de  ce  frénétique  ; mais  la  jalousie  fait  néanmoins 
chez  elles  d’affreux  ravages.  La  vengeance  la  plus  horri- 
ble est  toujours  celle  qu’elles  préfèrent  : habiles  à pré- 
parer les  poisons,  qu  elles  rencontrent  facilement  dans 
un  grand  nombre  des  productions  du  pays,  elles  les  font 
avaler,  par  doses  calculées , aux  victimes  que  leur  cœur 
outragé  a désignées.  Beaucoup  de  personnes  meurent  à 
Batavia  d’une  maladie  du  foie  attribuée  au  climat,  et 
qu’il  serait  peut-être  plus  naturel  de  regarder  comme 
le  résultat  des  breuvages  apprêtés  par  les  séduisantes 
Malaises. 

On  voit  des  Malaises  se  marier  dès  l’âge  de  dix  ans. 
Ln  Javanais,  M.  Midelcop,  a raconté  à M.  Perrottet  tous 
les  détails  de  la  cérémonie  des  mariages;  ils  méritent 
d’être  mentionnés.  Lorsqu’un  Malais  devient  amou- 
reux d’une  Malaise,  suivant  l’usage  de  tous  les  peuples, 
il  lui  fait  la  cour;  c’est  dans  la  manière  de  s’y  prendre 
que  diffèrent  les  coutumes  des  nations  barbares  ou  civi- 
lisées. Si  la  jeune  fille  partage  les  sentiments  qu  elle  in- 
spire , le  Malais  va  trouver  le  père  de  sa  future  , lui  dé- 
clare sa  passion , et  le  supplie  de  lui  accorder  la  main 
de  sa  fille,  dont  il  possède  déjà  le  cœur.  La  réponse  du 
père  est  rarement  positive  : il  examine  d’abord  quelle  est 
la  fortune  de  celui  qui  veut  devenir  son  gendre  ; s’il  pos- 
sède une  case  pour  loger  sa  fille , et  des  champs  en- 
semencés suffisants  pour  la  nourrir.  La  loi  veut  que 
ces  conditions  soient  de  rigueur,  et  les  pères , en  géné- 
ral , ne  sont  pas  plus  exigeants  que  la  loi.  Lorsque  le 


DANS  L’INDE. 


71 


jeune  homme  a obtenu  îe  consentement  des  parents,  i! 
s’empresse  d’en  prévenir  ses  propres  parents  et  ses 
amis.  Il  est  rare  que  le  marié  ait  plus  de  seize  ou  dix- 
huit  ans.  Tous  ceux  qui  prennent  part  au  mariage  du 
côté  de  l’époux  se  réunissent  ; on  commande  des  musi- 
ciens : deux  ou  trois  joueurs  d’une  espèce  de  hautbois 
forment  le  fond  de  cet  orchestre , placé  à la  tête  du  cor- 
tège, qui  doit  parcourir  toute  la  ville.  Les  parents  du 
jeune  homme  et  leurs  amis  remplissent  des  paniers  de 
bananes  cuites,  de  biscuits  et  de  toutes  sortes  de  choses 
destinées  au  festin.  On  place  sur  la  tête  du  marié  un 
bonnet  de  carton  en  forme  de  schako  sans  visière , et 
peint  en  jaune;  tout  son  costume  se  réduit  à un  panta- 
lon. I!  monte  à cheval , et  il  a à ses  côtés  pour  écuyer  un 
barbouilleur  qui  a peint  soigneusement  en  jaune,  avant 
de  sortir,  toutes  les  parties  du  corps  non  couvertes  par 
le  pantalon,  et  qui , pendant  la  promenade,  ne  le  perd 
pas  un  seul  instant  de  vue,  et  remplace,  chemin  fai- 
sant , la  peinture  partout  où  elle  s’efface , soit  par  le 
frottement , soit  par  la  chaleur.  Ce  peintre , avec  son 
pot  de  peinture  et  son  pinceau , n’est  pas  la  partie  la 
moins  bizarre  de  cette  procession  burlesque,  composée 
ordinairement  d’une  cinquantaine  de  personnes,  hom- 
mes et  femmes  ; celles-ci  portent  chacune  un  panier  de 
vivres.  Le  cortège  , sorti  le  matin , ne  rentre  que  le 
soir,  et  ne  s’arrête  durant  la  journée  que  pour  manger 
et  se  rafraîchir.  Le  soir  venu , on  rentre  chez  îe  nouvel 
époux , où  se  trouve  servi  un  joyeux  banquet.  La  future 
n’y  assiste  pas,  attendu  qu’elle  n’est  pas  encore  ma- 
riée ; son  tour  arrive  le  lendemain  ; la  même  cérémonie 
a lieu  pour  elle;  cependant,  au  lieu  d’être  à cheval, 


72 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


elle  est  portée  en  palanquin  , et  est  dispensée  de  se  faire 
barbouiller  le  corps.  Le  cortège  de  la  mariée  se  réunit 
le  soir  à celui  de  l’époux , et  c’est  seulement  alors  qu’ils 
peuvent  se  considérer  comme  unis,  et  qu’ils  se  retirent 
dans  leur  case. 

Au  milieu  de  celte  population  douce  et  indolente  se 
trouvent  des  Malais  à demi  sauvages  qui  ne  vivent  que  de 
rapines  et  de  brigandages.  Un  jour  mon  ami  M.  Perrot- 
tet,  sorti  de  Sourabaya  pour  herboriser,  fut  tout  à coup 
arrêté  dans  un  petit  bouquet  d’arbres  par  cinq  Malais  ar- 
més chacun  d’un  crit , espèce  de  poignard.  Après  l’avoir 
fouillé  pour  le  voler,  ils  semblaient  animés  d’intentions 
encore  plus  hostiles.  Heureusement  mon  ami  portait 
dans  sa  poche  un  petit  dictionnaire  malais  , qui  lui  ser- 
vit à leur  faire  deviner  en  partie  le  but  de  ses  promena- 
des. Ils  ne  comprirent  peut-être  pas  très-bien  le  sens  de 
ses  phrases  décousues  ; mais  ils  parurent  tellement  sur- 
pris d’entendre  quelques  mots  de  leur  langue  prononcés 
à l’aide  de  son  dictionnaire , qu’après  s’être  concertés 
ensemble  ils  semblèrent  vouloir  le  rendre  à la  liberté  : 
ils  commencèrent  par  le  conduire  au  bord  d’une  rivière, 
et  voulaient  à toute  force  la  lui  faire  passer  sur  un  étroit 
bambou  qui  servait  de  pont.  Il  vit  bien  que  leur  inten- 
tion était  de  le  précipiter  dans  l’eau  une  fois  qu’il  serait 
sur  ce  faible  appui.  Mais,  pour  leur  épargner  le  plaisir 
de  rire  à ses  dépens,  il  s’y  jeta  de  lui-même,  la  tra- 
versa à la  nage,  et  ne  commença  à respirer  que  lors- 
qu’il toucha  l’autre  rive.  Ils  lui  avaient  pris  le  peu  d’ar- 
gent qu’il  portait , et  une  petite  serpette. 

Après  cette  aventure,  Perrottet,  au  lieu  de  continuer 
sa  promenade,  regagna  la  ville  à la  hâte,  et  alla  rendre 


DANS  L’INDE. 


73 


compte  aux  autorités  de  ce  qui  lui  était  arrivé.  On  lui 
promit  de  faire  des  perquisitions  à ce  sujet,  mais  il 
n’en  entendit  plus  parler  : seulement  le  gouverneur  lui 
accorda  un  guide  du  pays  pour  l’accompagner  dans  ses 
excursions,  et  il  ne  sortit  plus  sans  lui. 

Il  dut  un  jour  à son  guide  l’honneur  d’être  reçu  par 
un  tomogon  ( l’on  désigne  sous  ce  nom  les  princes  du 
pays).  « Je  trouvai,  dit-il,  ce  petit  seigneur  assis  sur  ses 
talons  et  placé  sur  une  table  de  bambou  ; mon  guide,  à 
sa  vue,  fit  comme  tous  les  naturels  du  pays,  il  se  pro- 
sterna contre  terre  à dix  ou  douze  pas  de  son  chef.  Ce- 
lui-ci, après  avoir  interrogé  mon  compagnon  de  voyage 
sur  le  motif  qui  m’amenait  dans  ses  domaines,  se  leva, 
vint  au-devant  de  moi,  et,  me  prenant  par  la  main,  il 
me  conduisit  auprès  de  la  table,  sur  laquelle  il  prenait 
du  thé;  il  en  demanda  pour  moi,  et  me  le  fit  servir  par 
son  fils.  Je  remarquai  que  sa  femme  évita  de  m’appro- 
cher. Après  le  thé,  on  apporta  deux  tasses  de  porcelaine 
dans  lesquelles  on  versa  du  café.  Pendant  que  j’en  bu- 
vais une,  l’autre  se  remplissait;  ce  qui  m’engagea  ou 
plutôt  me  força  en  quelque  sorte  à en  avaler  successive- 
ment cinq  qui  me  désaltérèrent  complètement.  Ce  café 
était  détestable  et  d’une  saleté  dégoûtante  ; je  ne  pouvais 
boire  souvent  qu’à  demi  les  tasses  qu’on  me  servait  et  je 
jetais  le  reste,  qui  contenait  la  partie  la  moins  propre. 

» Le  tomogon  essaya  à plusieurs  reprises  de  me  parler 
directement  ; mais  jamais  nous  ne  pûmes  lier  conver- 
sation : je  ne  l’entendais  nullement,  et  il  ne  comprenait 
pas  un  seul  mot  de  ce  que  je  lui  disais.  Mon  guide,  qui 
depuis  notre  arrivée  était  toujours  agenouillé  sur  une 
natte  étendue  par  terre  pour  tous  les  sujets  qui  ont 

10 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


affaire  au  souverain,  me  servait  d’interprète.  A eliaque 
parole  qu’il  adressait  au  lomogon,  il  élevait,  en  signe 
de  respect,  ses  deux  mains  jointes  jusque  devant  sa 
bouche.  Il  y avait  à peu  près  une  heure  que  j’étais  assis 
auprès  du  tomogon,  lorsque  sa  femme,  à qui  il  avait 
ordonné  de  me  préparer  à souper,  me  fit  inviter  à en- 
trer dans  la  salle  où  était  dressé  le  couvert.  Cette  salle 
était  une  cabane  close  simplement  par  des  lames  de 
bambou  entrelacées  l’une  dans  l’autre;  les  bancs  sur 
lesquels  nous  étions  assis  étaient  de  même  matière.  Je 
me  mis  à table  avec  le  tomogon  et  son  fils,  et  je  man- 
geai successivement  une  espèce  d’omelette,  du  mouton 
à moitié  cuit  cl  du  riz  en  guise  de  pain,  que  ces  Malais 
ne  connaissent  pas.  Par  une  attention  assez  délicate, 
on  m’avait  donné  une  espèce  de  fourchette;  mais, 
voyant  le  prince  et  son  héritier  présomptif  manger  avec 
les  doigts,  je  voulus,  par  réciprocité  de  bons  procédés, 
me  conformer  à leurs  usages,  et  je  me  mis  aussi  à me 
servir  assez  gauchement  de  mes  doigts. 

» Après  souper  on  me  montra  mon  lit  : c’était  un  ca- 
napé tissu  de  rotin , sur  lequel  on  avait  étendu  une 
natte  et  une  espèce  de  tapis  servant  de  couverture  ; on 
l’avait  garni  d’une  moustiquaire.  En  me  couchant,  je 
le  trouvai  couvert  de  Heurs  de  frangipane  blanche  ( Plu - 
meria  alba  ) ; mon  oreiller  même  en  était  entièrement 
garni.  L’odeur  forte  de  ces  fleurs,  quoique  agréable, 
me  donna  un  mal  de  tête  affreux,  parce  que  je  n’eus 
la  prévoyance  de  les  éloigner  que  lorsque  je  m’aperçus 
qu’elles  m’avaient  incommodé.  Ma  douleur  de  tête  et  le 
bruit  des  deux  hommes  qui  me  veillaient  m’empêchè- 
rent de  fermer  l’œil  de  toute  la  nuit.  C’est  une  habitude 


DANS  L’IN  DD. 


chez  les  Malais,  lorsqu’ils  donnent  I hospitalité  de  nuit 
à un  étranger,  surtout  à un  blanc , de  le  faire  garder 
pendant  son  sommeil  par  des  hommes  qui  chantent  pour 
l’empêcher  d’avoir  peur.  Ce  qui,  chez  nous,  n’est 
qu’un  enfantillage , est  chez  le  peuple  malais  une  cou- 
tume respectable,  puisqu’elle  prend  sa  source  dans  de 
généreuses  intentions.  » 

Notre  séjour  à Batavia  devait  être  de  courte  durée, 
et,  comme,  d’après  une  ordonnance  rigoureusement  exé- 
cutée, il  est  défendu  de  débarquer  des  armes  ou  de  la 
poudre  sans  une  autorisation  du  gouverneur,  je  me  dé- 
cidai à ne  pas  perdre  de  temps  en  sollicitations  qui  me 
promettaient  peu  de  succès  , et,  au  lieu  de  chasser,  je 
eonsacrai  mon  temps  à visiter  le  pays  et  à m’occuper 
spécialement  de  botanique.  Je  fus  reçu  à Batavia  par 
M.  Lanier  (1),  riche  négociant  français  qui  s’occupe 
beaucoup  d’histoire  naturelle,  et  particulièrement  de 
conchyliologie.  11  possède  une  fort  belle  collection.  Je 
rencontrai  chez  lui  M.  Diard,  naturaliste  aussi  courageux 
que  savant,  envoyé  dans  l’Inde  avec  Duvaucel  par  Cu- 
vier; ils  n’ont  pu  remplir  ensemble  qu’une  partie  de 
leur  mission  : Duvaucel  est  mort  pendant  l’expédition. 

Je  remarquai  chez  un  autre  négociant  une  véritable 
ménagerie , composée  des  oiseaux  les  plus  rares , et 
même  de  grands  mammifères.  Pendant  que  j’examinais 
ces  animaux  curieux,  on  vint  nous  apprendre  qu’un 
tigre,  qu’on  transportait  à bord  d’un  navire  américain, 


(I)  M.  Lanier,  arrivé  depuis  peu  à Paris,  s’est  trouvé  parmi  les  victi- 
mes du  malheureux  événement  du  8 mai,  sur  le  chemin  de  fer;  il  n’a  dû 
qu’à  sa  présence  d’esprit  d’en  être  quitte  pour  une  fracture  du  bras,  et  il 
n’a  pas  attendu  sa  guérison  complète  pour  partir  pour  Batavia. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


7ô 

avait  brisé  sa  cage  et  s’était  jeté  sur  deux  Malais,  auxquels 
il  fit  de  si  cruelles  blessures,  qu’ils  moururent  sur  la 
place.  Il  se  lança  à la  mer  et  gagna  la  terre  à la  nage  en 
si  peu  de  temps,  qu’il  fut  impossible  de  le  tuer.  C’est 
en  vain  que  peu  de  temps  après  on  se  mit  à sa  pour- 
suite , on  perdit  bientôt  ses  traces.  Ces  accidents  font 
peu  d’effet  dans  le  pays , on  y est  en  quelque  sorte  ha- 
bitué. Ainsi  le  môme  jour  un  Malais , se  baignant  à peu 
de  distance  de  la  ville,  fut  saisi  par  un  caïman , qui  ne 
put  parvenir  à l’entraîner  sous  l’eau  ; mais  la  lutte  fut 
si  longue,  que  le  malheureux  Malais,  tout  couvert  de 
blessures,  n’eut  que  la  force  d’arriver  à la  ville,  où  il 
rendit  le  dernier  soupir  après  avoir  raconté  ce  qui  ve- 
nait de  lui  arriver. 

Habitué  à marcher  sans  crainte  lorsque  j’ai  mon  fusil 
sous  le  bras,  je  l’avoue,  je  résistai  au  désir  de  m’aven- 
turer sans  moyens  de  défense  ; je  fus  réduit  à ne  faire 
que  des  promenades  et  à herboriser. 

Un  des  plus  beaux  arbres  de  Java  est  sans  contredit 
le  tamarin  ( Tamarindus  indica ),  que  les  Malais  nom- 
ment pohon  assam  (arbre  aigre);  il  s’élève  très-haut  et 
étend  ses  branches  au  loin.  On  le  cultive  de  préférence 
près  des  habitations  et  sur  le  bord  des  grands  chemins, 
parce  qu’il  fournit  un  excellent  abri  contre  les  ardeurs 
du  soleil.  Le  fruit,  qui  ne  peut  mieux  se  comparer  qu’à 
d’énormes  fèves  de  marais , contient  des  pignons  fort 
durs,  enveloppés  d’un  suc  épais  et  d’une  saveur  acide 
assez  agréable.  A Java  on  en  fait  des  confitures,  tandis 
qu’on  l’exporte  pour  l’usage  pharmaceutique. 

On  voit  assez  communément  le  Ficus  Benjamina  (wa- 
rïnguin),  c’est  l’arbre  des  tombeaux,  servant  de  retraite 


DANS  L’INDE. 


77 


à de  nombreux  oiseaux  , qui  y déposent  un  grand  nom- 
bre de  graines  mai  digérées  ; il  se  couvre  de  plantes 
grimpantes  parasites,  qui  le  parent  de  fleurs  très-variées 
et  souvent  aux  couleurs  les  plus  éclatantes. 

Le  Teclonia  grandis  (pohon  jattie)  est  l’arbre  le  plus 
précieux  de  File  par  la  qualité  durable  de  son  bois  ; il 
sert  à la  construction  des  navires  et  des  maisons.  Il  est 
important  de  construire  les  maisons  en  bois  dur  pour 
résister  aux  attaques  des  fourmis  blanches,  Termes  fata- 
lis,  qui  sont  très-communes.  Leurs  innombrables  lé- 
gions, dit  le  comte  de  Hogendorp,  circulent  sous  terre, 
descendent  sous  les  fondements  des  maisons  et  de  là 
elles  remontent  jusque  dans  les  solives  de  la  toiture  en 
perforant  et  en  faisant  des  chemins  couverts  dans  toutes 
les  poutres  et  les  boiseries  de  la  maison,  à mesure 
qu’elles  avancent.  Elles  peuvent  détruire  ainsi  en  fort 
peu  de  temps  une  habitation  de  fond  en  comble.  Une 
poutre  ou  une  planche  en  proie  à ces  petits  dévastateurs 
parait  solide  à l’œil,  tandis  que  dans  l’intérieur  elle  est 
rongée  et  percée  à l’exception  de  quelques  libres  du 
bois  qui  en  retiennent  les  parois  extérieures. 

Le  gambir  (Gulla  gambir),  Funis  uncatus  de  Rum- 
pliius  ; l’arequier,  Âreca  catechu,  en  malais  Pinang,  en 
javanais  Jambir,  à Amboine  Poua  ; lesaguier  ou  gomuti, 
Borassus  gomulus  ■ c’est  le  plus  gros  de  tous  les  pal- 
miers, une  seule  grappe  du  fruit  suffit  pour  la  charge 
d’un  homme.  L’enveloppe  de  ce  fruit  contient  un  poison 
très-énergique;  les  Javanais  s’en  servent  pour  empoi- 
sonner leurs  flèches  : aussi  les  Hollandais  appellent  le 
suc  qui  en  découle  hell  water , eau  d’enfer.  C’est  de  ce 
palmier  que  les  Chinois  retirent  le  toddy,  boisson  forte. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


78 

lis  l'ont  une  incision  à l’arbre,  et  reçoivent  dans  un 
vase  un  sue  qui  a tout  d’abord  le  goût  du  vin  sortant 
du  pressoir.  Après  deux  ou  trois  jours,  cette  liqueur  se 
trouble,  elle  devient  blanchâtre,  acide;  la  fermentation 
s’établit,  et  elle  acquiert  une  qualité  spiritueuse.  Cette 
liqueur  prend  alors  le  nom  de  vin  de  palmier;  on  l’em- 
ploie pour  la  fabrication  de  l’arrach  si  renommé  de 
Batavia.  On  en  obtient  aussi  un  sucre  cristallisé  de  cou- 
leur foncée  et  d’une  saveur  particulière  : c’est  le  seul 
dont  se  servent  les  naturels.  Le  même  arbre  fournit 
encore  une  espèce  de  lilasse  dont  on  se  sert  pour  faire 
des  cordages,  une  substance  spongieuse  qu’on  emploie 
pour  calfater  les  vaisseaux  ; enfin  on  en  retire  une  es- 
pèce de  fécule  d’un  goût  peu  agréable,  qui  ne  sert  de 
nourriture  qu’aux  pauvres.  Cet  arbre  précieux  à plus 
d’un  titre  ne  prospère  point  sur  les  côtes,  oû  le  cocotier 
croit  avec  tant  de  facilité;  il  préfère  les  lieux  élevés,  oû 
se  rencontre  un  peu  d’eau.  Le  bois  de  construction 
ne  s’obtient  pas  seulement  du  Teclonia  grandis , qui 
n’est  employé  que  par  les  gens  riches;  les  arbres  qui 
fournissent  les  bois  employés  plus  fréquemment  sont  : 
le  Liquidamber  rasamala  (rasamala)  ; le  Pinus  dammara 
(ki-bima);  le  Laurus  gemmi/lora  (hourou);  le  Laurus 
mangliet  (manglit);  les  Diplerocarpus  relusus  et  Iriner- 
vis  (palaglar  menjak),  et  plusieurs  arbres  fruitiers. 

Un  arbre  non  moins  précieux  que  ceux  que  je  viens  de 
citer  est  le  Ficus  elaslica  (pohon  karet),  dont  les  Java- 
nais retirent  une  résine  qui  sert  à faire  des  flambeaux. 

Je  parlerai  encore  du  rarach  ou  arbre  à savon,  Lau- 
rus sebifera,  Sapindits  saponaria.  Ses  fruits  fournissent 
une  substance  grasse  que  les  Javanais  emploient  pour 


DANS  L’INDE. 


79 


laver  le  linge.  Le  bananier,  Musa  paradisiaca , appelé 
pisang  par  les  Malais,  fournit  un  fruit  délicieux.  Si  on  le 
cueille  un  peu  avant  la  maturité,  quand  sa  fécule  n’est 
pas  encore  changée  en  sucre,  on  la  fait  torréfier  pour  s’en 
servir  en  guise  de  pain  ; quand  il  est  bien  mûr,  on  le 
mange  cru  : il  est  alors  très-sucré  et  fort  agréable. 

Le  bananier  ne  s’élève  point  en  arbre;  il  n’a  d’ail- 
leurs ni  bois,  ni  écorce,  et  le  tronc  consiste  en  libres 
entourées  d’enveloppes  bulbeuses  qui  se  recouvrent 
l une  l’autre.  Au  haut  de  cette  tige  sortent  des  feuilles 
longues  et  fortes,  au  centre  desquelles  paraît  une  lon- 
gue tige  autour  de  laquelle  sont  rangés  un  grand  nom- 
bre de  fruits. 

Parmi  les  autres  fruits  que  produit  f ile,  je  ne  par- 
lerai que  du  mangoustan,  Gareinia  mangoslana , nommé 
le  roi  des  fruits.  Il  est  légèrement  acide,  d’une  saveur 
extrêmement  délicate  et  très-sain;  il  a F aspect,  d’une 
grenade  mûre.  Une  écorce  brune,  dure  extérieurement, 
plus  molle  et  moins  foncée  intérieurement,  renferme 
une  pulpe  blanche  et  transparente  comme  la  neige; 
c’est  la  seule  partie  mangeable  du  fruit. 

Une  des  productions  importantes  de  Java , et  c’est 
certainement  la  plus  singulière,  est  un  nid  de  petite 
hirondelle  ( Ilirundo  Esculenla),  qui  est  extrêmement 
recherché  dans  File  et  exporté  à grands  frais  en  Chine. 
Le  nid  de  cet  oiseau , dit  un  voyageur  qui  a assisté  à 
une  récolte,  est  formé  d’une  substance  blanche  assez 
semblable  à l’écume  de  la  mer  ; il  a la  forme  d’une  moi- 
tié d’écorce  d’orange,  et  l’aspect  gélatineux.  Lorsqu’on 
le  fait  tremper  dans  l’eau,  il  s’amollit  et  se  partage  en 
libres  de  nature  mucilagineuse , d’un  goût  assez  fade. 


80 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Mon  oncle  M.  Benjamin  Delessert  en  possède  quelques 
échantillons  clans  son  musée. 

On  aura  peine  à comprendre  que  ces  nids  se  vendent 
fort  cher  et  deviennent  des  sources  de  fortune  pour 
ceux  qui  possèdent  dans  leurs  terres  des  cavernes  où 
les  hirondelles  vont  se  retirer.  On  sait  dans  le  pays  que 
M.  Michiels,  le  plus  riche  propriétaire  foncier  de  Java, 
se  fait , avec  les  nids  qu’il  récolte  dans  une  caverne  à 
Klappa-Noungal,  située  à deux  lieues  de  Java,  un  re- 
venu de  70  à 80,000  piastres.  Son  père,  il  y a environ 
quarante  ans , était  un  petit  marchand  portugais  qui 
parcourait  la  campagne  avec  un  ballot  de  marchandi- 
ses; il  découvrit  cette  caverne  jusqu’alors  inconnue, 
et  obtint  du  gouvernement,  à bas  prix , quelques  terres 
incultes  dont  la  caverne  faisait  partie.  Après  quelques 
années  il  put  acheter  toutes  les  terres  que  le  gouverne- 
ment fit  vendre  dans  les  environs , et  qui  forment  plu- 
sieurs districts.  Ce  qui  fait  rechercher  si  avidement 
ces  nids , ce  sont  les  propriétés  excitantes  et  toniques 
qu’on  leur  attribue  : on  les  sert  comme  une  friandise 
dans  des  ragoûts , des  soupes  et  des  espèces  de  pâtés. 

On  suppose  que  les  hirondelles  les  construisent  avec 
de  l’écume  de  mer,  tandis  qu’il  serait  plus  naturel  de 
croire  que  c’est  avec  des  produits  végétaux  ou  animaux 
qu’elles  les  fabriquent.  Quoi  qu’il  en  soit,  la  récolte  se 
fait  avec  assez  de  cérémonie  pour  que  j’en  dise  deux 
mots.  Les  hommes  qui  récoltent  ces  nids  précieux  des- 
cendent , à l’aide  d’échelles  de  bambou  , dans  les  ca- 
vernes. Pour  être  assuré  de  leur  fidélité , on  ne  les  y 
laisse  entrer  que  nus  ; et , avant  d’y  descendre , comme 
à leur  retour,  ils  reçoivent  la  bénédiction  de  quelques 


DANS  L’INDE. 


81 


prêtres,  qui  demeurent  pendant  l’opération  à l’entrée 
de  la  caverne  avec  les  autres  gardiens.  Il  suflit  d’observer 
avec  soin  l’époque  de  la  ponte  et  le  moment  où  les 
jeunes  oiseaux  quittent  le  nid.  On  les  laisse  tranquilles 
pendant  ce  temps  afin  de  ne  pas  effaroucher  les  hirondel- 
les, qui  abandonneraient  la  caverne.  Mais  une  partie  des 
nids  se  récolte  avant  que  les  œufs  y soient  déposés;  ces 
nids  sont  plus  blancs  et  plus  propres,  ils  deviennent  ce 
qu’on  nomme  dans  le  commerce  nids  de  première  qua- 
lité. Les  nids  de  la  seconde  et  de  la  troisième  qualité  sont 
ceux  que  l’oiseau  construit  à la  hâte  pour  remplacer  ceux 
qui  lui  ont  été  enlevés,  et  ceux  où  les  petits  ont  été  élevés  : 
bien  moins  beaux,  ils  sont  couverts  de  petites  plumes  et 
d’autres  saletés  que  l’on  ne  peut  ôter  qu’avec  bien  de  la 
peine  quand  ils  ont  été  trempés.  Ordinairement  la  pre- 
mière qualité  de  nids  d’oiseaux  se  débite  aux  ventes  pu- 
bliques tenues  à Batavia  avant  le  départ  des  jonques  ch  i- 
noises,  au  taux  de  3,000  piastres  le  picle  de  125  livres. 
Une  livre  de  16  onces  peut  contenir  environ  50  nids.  La 
seconde  qualité  est  payée  de  14  à 1,500  piastres,  et  la 
troisième  de  7 à 800. 

Dans  quelques  résidences  ces  cavernes  sont  exploitées 
pour  le  compte  du  gouvernement , et  l’on  voit  figurer 
les  nids  d’oiseaux,  dans  certains  états  d’importations  de 
l’ile  de  Java,  pour  une  somme  de  180,000  piastres. 

Le  règne  animal  n’est  pas  moins  riche  à Java  que  le 
règne  végétal.  Le  buffle  est  l’animal  domestique  le  plus 
utile  aux  Javanais,  c’est  celui  qui  leur  rend  lès  plus 
grands  services.  Le  bœuf  et  la  vache  y sont  peu  estimés. 
Les  chevaux  sont  vigoureux,  bien  établis,  mais  de  pe- 
tite taille  ; le  pays  en  fournit  peu , mais  on  en  reçoit  de 

11 


82 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Timor  el  de  Bi ma  qui  sont  très-supérieurs  à ceux  du 
pays. 

On  trouve  à Java  toute  espèce  de  gibier,  et , de  plus, 
des  tigres , des  léopards , des  rhinocéros , qui  ne  per- 
mettent de  se  livrer  aux  plaisirs  de  la  chasse  qu’avec 
beaucoup  de  réserve.  On  a observé  que  chaque  année 
deux  ou  trois  cents  Javanais  périssent  victimes  de  la 
férocité  de  ces  animaux.  Le  gouvernement  colonial, 
pour  contribuer  à la  destruction  des  tigres , paye  une 
prime  aux  habitants  qui  parviennent  à en  tuer  un.  On 
en  détruit  environ  une  centaine  par  année.  Cependant 
l’établissement  de  celte  prime  ne  suffit  pas , parce  que 
beaucoup  de  Javanais  ont  pour  le  tigre  un  respect  su- 
perstitieux : il  y a des  villages,  dans  l’intérieur,  où  les 
habitants,  au  lieu  de  se  réunir  pour  faire  la  chasse, 
préfèrent  se  cotiser  pour  faire  une  espèce  de  pension 
alimentaire  à ces  visiteurs  féroces  ; c’est-à-dire  qu’ils 
apportent  régulièrement , dans  un  endroit  où  le  tigre  a 
coutume  de  venir,  des  bêtes  mortes  ou  des  débris  de 
viande  de  bullle,  à défaut  de  toute  autre,  espérant  à ce 
prix  n’avoir  plus  rien  à craindre  pour  leurs  personnes 
ou  leur  bétail  sur  pied. 


Madras. 


j-coibchs  - Gîvusccliy, 

Églises  Ecossaise/  su  ■JfyfaÉh'as . 


DANS  L’INDE. 


83 


De  Batavia  à Pondichèri.  — Voyage  à Madras  ; 
excursion  à Pamendy  et  à Gyngy. 

Nous  étions  à bord  depuis  deux  jours,  attendant  un 
vent  favorable  pour  sortir  de  la  rade  de  Batavia;  enfin, 
le  20  février,  on  mit  à la  voile.  Nous  nous  dirigeons 
vers  le  détroit  de  la  Sonde,  et  bientôt  nous  sommes  de- 
vant la  baie  de  Bantam.  Pendant  cette  traversée  nous 
eûmes  beaucoup  à souffrir  de  la  chaleur  et  des  mous- 
tiques, dont  le  bourdonnement  est  aussi  insupportable 
que  les  piqûres  douloureuses.  11  faut  ajouter  à ce  pre- 
mier supplice  la  visite  incessante  des  Cancrelas  ou 
grosses  blattes  : je  ne  saurais  auquel  de  ces  deux  enne- 
mis accorder  la  préférence. 

Le  27,  après  un  grain  violent  de  sud-ouest,  nous 
vîmes  tomber  une  trombe  à peu  de  distance  du  navire. 
Au  mauvais  temps  succéda  un  calme  plat  qui  nous 
força  à nous  diriger  vers  le  sud  pour  rencontrer  des 
vents  convenables.  Ne  pouvant  nous  attendre  à ce 
contre-temps,  qui  prolongeait  de  beaucoup  la  durée  de 
la  traversée,  nos  provisions  s’étaient  épuisées,  l’eau 
surtout,  et  il  fut  question  de  nous  mettre  à la  ration  ; 
heureusement  les  vents  favorables  nous  furent  rendus, 
et  le  quarante-cinquième  jour,  à notre  grande  joie, 
nous  débarquions  à Pondichèri. 

Aussitôt  après  le  débarquement  je  m’empressai  de 
déballer  toutes  les  collections  que  je  rapportais,  et  j’eus 


8 h 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


la  satisfaction  de  voir  que  tout  était  dans  un  état  par- 
fait de  conservation. 

On  attendait  à Pondichéri  le  nouveau  gouverneur, 
M.  de  Saint-Simon,  venant  remplacer  M.  de  Mélay,  qui 
rentrait  en  France  après  avoir  gouverné  la  colonie  pen- 
dant six  ans. 

La  corvette  de  l’État  l’Oise,  qui  amenait  le  gouver- 
neur, avait  mis  cinq  mois  pour  arriver,  après  une 
courte  relâche  à l’île  Bourhon.  Le  1er  mai,  fête  du  roi, 
fut  un  jour  de  réjouissance  générale;  toute  la  ville  fut 
illuminée,  on  tira  un  feu  d’artifice,  et  le  gouverneur 
donna,  avant  son  départ,  un  bal  des  plus  brillants. 
Le  3 mai,  Perrottet  et  moi  nous  nous  rendîmes  sur  le 
port  pour  voir  arriver  la  corvette,  dont  le  salut  se  fai- 
sait entendre,  ainsi  que  le  canon  du  fort  qui  lui 
répondait. 

Un  grand  nombre  de  schelingues  pavoisées  portaient 
toutes  les  personnes  qui  allaient  au-devant  du  nouveau 
gouverneur. 

Sur  le  rivage,  les  cipayes  étaient  rangés  en  bataille. 
M.  de  Saint-Simon  fut  reçu  par  un  officier  supérieur 
de  la  marine  et  le  chef  de  la  police  de  Pondichéri;  il 
se  rendit  de  suite  au  Gouvernement,  où  toutes  les  au- 
torités étaient  assemblées  pour  le  recevoir.  La  réunion 
dans  les  salons  était  considérable,  mais  ne  présentait 
pas  le  même  aspect  que  le  peuple,  dont  le  costume 
varié  offrait  un  coup  d’œil  remarquable. 

Quelques  jours  après  son  arrivée,  le  gouverneur  me 
fit  l’honneur  de  venir  me  voir  et  de  visiter  mes  collec- 
tions déposées  au  Jardin  du  Roi;  elles  parurent  l’inté- 
resser beaucoup. 


DANS  L’INDE. 


85 


La  corvette  qui  avait  amené  M.  de  Saint-Simon  de- 
vait reconduire  en  France  M.  de  Mélay,  et  je  profilai 
du  départ  de  ce  bâtiment  pour  envoyer  à Paris  une 
grande  partie  des  objets  que  je  m’étais  procurés  pen- 
dant mon  voyage  avec  V Astrolabe.  Je  m’occupai  de 
suite  de  l’emballage,  et  je  ne  me  reposai  qu’ après  avoir 
vu  embarquer  mes  caisses. 

Le  48  mai,  M.  de  Mélay  s’embarqua,  emportant  les 
regrets  de  la  colonie  ; la  ville  entière  l’accompagna  à 
son  départ,  auquel  présidait  le  nouveau  gouverneur. 
Cette  journée  fut  triste,  et  le  silence  général  était  un 
témoignage  de  l’affection  qu’avait  su  s’attirer  M.  de 
Mélay.  Il  prit  congé  de  toutes  les  personnes  qu’il  con- 
naissait particulièrement,  et  les  honneurs  militaires  lui 
furent  rendus  ; le  canon  annonça  son  départ  du  rivage 
et  son  arrivée  à bord.  La  corvette  appareilla  de  suite 
et  fut  bientôt  hors  de  vue.  Nous  étions  loin  de  nous 
douter  que  quatre  jours  après  il  mourrait  subitement. 
Aussitôt  que  cette  nouvelle  fut  officiellement  connue  à 
Pondichéri,  M.  de  Saint-Simon  fit  célébrer  un  service 
funèbre  auquel  toute  la  ville  assista.  Par  la  douceur  de 
son  caractère  et  sa  bonne  administration,  M.  de  Mélay 
avait  su  aplanir  bien  des  difficultés  et  se  concilier  l’es- 
time générale. 

Mes  premières  collections  dirigées  sur  Paris,  il  fal- 
lait en  faire  de  nouvelles,  soit  en  explorant  les  mêmes 
lieux  dans  une  saison  différente,  soit  en  visitant  des 
points  plus  éloignés  de  la  ville.  Le  49,  je  partis  avec 
mes  chasseurs  pour  faire  une  excursion  à Permacoul, 
où  l’on  me  promettait  des  merveilles.  Permacoul  est  à 
vingt  milles  de  Pondichéri.  Pendant  la  marche  j’eus 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


86 

beaucoup  à souffrir  de  la  chaleur;  mais  je  tuai  un  grand 
nombre  d’oiseaux,  parmi  lesquels  je  remarquai  le  Cur- 
sorius  coromandelicus , le  Tetrao  umbellus , et  le  Paon 
sauvage.  Je  tuai  aussi  quelques  petits  mammifères.  Le 
paon  domestique  n’a  rien  perdu  de  son  état  primitif; 
car  il  est  impossible  d’établir  la  moindre  différence 
avec  ceux  que  je  parvins  à me  procurer  au  nombre  de 
huit  mâles  et  femelles.  Mes  Indiens  trouvèrent  beau- 
coup d’insectes.  Après  quelques  jours  de  chasse,  je  re- 
vins à Pondichéri  mettre  en  ordre  mes  richesses.  Je  fis, 
sans  m’éloigner  autant,  plusieurs  promenades  qui  cha- 
que jour  venaient  augmenter  mes  collections.  Je  tuai 
plusieurs  chats  sauvages,  des  corsacs  ou  renards  jaunes, 
qui  sont  assez  communs  aux  environs  de  la  ville  ; des 
chacals,  deux  hyènes,  des  blaireaux,  un  pélican,  et  un 
ibis,  Ibis  religiosus. 

Mes  excursions  furent  interrompues  par  la  fête  du 
dieu  Schiva,  qu’on  célébrait  à Villenour,  et  à laquelle 
je  voulais  assister.  Elle  dura  dix  jours  ; une  foule  im- 
mense s’y  était  rendue  pour  voir  la  statue  du  dieu  qui 
fait  sept  fois  le  tour  de  l’étang  situé  auprès  de  la  pa- 
gode. Les  brames  faisaient  tous  les  frais  de  la  fête , et 
les  bayadères  dansaient  et  formaient  des  groupes  singu- 
liers : un  de  ces  groupes  représentait  un  pigeon  blanc 
agitant  ses  ailes. 

Après  la  fête  je  partis  pour  Pondichéri  ; le  retour 
des  oiseaux  de  passage  était  commencé , et  je  comptais 
sur  de  belles  chasses.  Cet  espoir  se  réalisa,  car  je  dou- 
blai le  nombre  de  mes  oiseaux. 

On  m’avait  engagé  à me  rendre  à une  aidée  anglaise, 
connue  sous  le  nom  de  Pulci-Paléom  ; j’en  rev  ins  chargé 


DANS  L’INDE. 


87 


de  plusieurs  oiseaux  remarquables,  parmi  lesquels  se 
trouvaient  plusieurs  coqs  de  bois  et  des  vautours. 

Pour  me  reposer  un  peu  de  mes  fatigues  et  varier 
mes  plaisirs,  je  partis  pour  Madras.  Je  voulais  voir 
cette  ville , dont  j’avais  si  souvent  entendu  parler.  Ma- 
dras est  un  des  établissements  anglais , à 25  lieues  de 
Pondichéri.  La  partie  de  la  ville  qu’on  nomme  la  Ville- 
Blanche  ou  le  Fort-Saint-Georges  est  bien  fortifiée,  et 
n’est  habitée  que  par  des  Anglais.  On  y remarque  une 
grande  activité,  beaucoup  de  luxe,  mais,  je  crois,  aussi 
beaucoup  d’ennui.  Je  repartis  avec  plaisir  pour  Pondi- 
chéri , me  disposant  à faire  une  excursion  à Gyngy,  à 
80  milles  N. -O. 

Après  deux  jours  de  marche  nous  arrivâmes  à Bembé- 
Pamendy,  et  nous  étions  encore  à 20  milles  de  Gyngy. 
La  route  que  nous  suivions  est  très-accidentée,  le  sol 
est  rocailleux  et  assez  élevé.  Un  chasseur  du  pays , qui 
me  servait  de  guide , m’engagea  à m’arrêter  au  moins 
un  jour,  me  promettant  que  je  ne  regretterais  pas  mon 
temps.  Je  fis  alors  camper  ma  petite  troupe,  et  dis- 
poser ma  tente  sous  un  manguier , dont  les  feuilles 
devaient  me  garantir  de  l’action  du  soleil.  J’organisai 
une  partie  de  chasse  pour  le  lendemain , et , pour  en 
assurer  le  succès , je  fis  chercher  à l’aidée  de  Pamendy 
une  douzaine  d’indiens  qui  devaient  me  servir  de  tra- 
queurs.  J’avais  amené  de  Pondichéri  huit  tireurs,  que 
je  plaçai  convenablement  aux  points  fréquentés  par  les 
animaux  que  nous  voulions  nous  procurer , et  que  nous 
reconnûmes  facilement  aux  traces  nombreuses  et  variées 
que  l’on  voyait  sur  le  sable.  Mon  guide  ne  m’avait  pas 
trompé , car  je  parvins  à tuer  plusieurs  axis  (cerf  mou- 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


88 

clieté),  deux  sangliers , un  assez  grand  nombre  de  liè- 
vres et  des  oiseaux  de  toute  espèce.  Ce  premier  succès 
m’engagea  à séjourner  à Pamendy  ; mes  traqueurs  m’a- 
vaient mal  fouillé  plusieurs  enceintes  du  bois,  qui,  placé 
sur  des  rochers  à pie,  était  très-épais  et  presque  impéné- 
trable. Pendant  dix  jours  je  ne  cessai  de  chasser,  et  je 
fus  assez  heureux  pour  tuer  deux  ours , et  assez  de  mam- 
mifères et  d’oiseaux  pour  me  permettre  de  choisir  et 
de  préparer  ceux  qui  n’étaient  pas  trop  abîmés  par  le 
plomb. 

C’est  à regret  que  je  quittai  Pamendy  pour  me  ren- 
dre à Gyngy,  où  je  parvins  après  un  jour  de  marche. 
L’aidée  de  ce  nom  est  dominée  par  d’anciennes  forte- 
resses construites  par  des  princes  indiens  et  occupées 
depuis  par  des  troupes  françaises  11  y a environ  vingt 
ans  que  le  pays  est  passé  au  pouvoir  des  Anglais. 

Je  m’occupai  de  suite  de  l’établissement  de  mon  camp, 
et  je  lis  quelques  petites  promenades  pour  prendre  con- 
naissance des  lieux  et  me  préparer  à la  chasse.  Les  mon- 
tagnes arides  étaient  cependant  couvertes  çà  et  là  de 
petits  bouquets  de  bois. 

Je  tuai  successivement  plusieurs  axis , des  sangliers, 
des  ours , des  porcs-épics , plusieurs  écureuils  et  beau- 
coup d’oiseaux  remarquables.  Sur  les  bords  d’un  étang 
que  nous  rencontrâmes,  je  me  procurai  quelques  oi- 
seaux aquatiques  d’espèces  rares.  Nous  y aperçûmes 
aussi  des  crocodiles  qu’on  dit  y avoir  été  apportés  au- 
trefois. Je  consacrai  plusieurs  jours  à la  recherche  des 
insectes , et , ne  pouvant  prendre  le  temps  de  les  pi- 
quer, je  les  plongeais  de  suite  dans  des  llacons  remplis 
d’alcool. 


DANS  L’INDE. 


89 


Les  Indiens  chargés  de  préparer  mes  animaux  suffi- 
saient à peine  ; mon  séjour  dans  ces  montagnes  m’a 
procuré  les  plus  belles  chasses  : je  tuai  plusieurs  sin- 
ges, et,  un  jour,  je  surpris  deux  chiens  sauvages,  ou 
chennayes , Canis  primœvus  de  Hodgson,  donnant  la 
chasse,  comme  de  vrais  chiens  courants , à un  axis  que 
je  leur  pris  sans  pouvoir  les  tuer  eux-mêmes,  à mon 
grand  regret.  Ces  chiens  sont  très-rares,  et  les  habitants 
du  pays  disent  qu’ils  accompagnent  toujours  les  tigres, 
auxquels  ils  servent  d’avant-garde.  Quoi  qu’il  en  soit  de 
cette  assertion,  le  lendemain,  en  allant  voir  mes  chas- 
seurs au  filet , qui  étaient  partis  de  très-bonne  heure , 
nous  remarquâmes,  près  de  l’endroit  où  j’avais  tué 
l’axis  de  la  veille,  les"  pas  assez  nombreux  d’un  tigre  de 
forte  taille,  et,  un  peu  plus  loin , ceux  d’un  ours,  que 
nous  suivîmesassez  loin , et  avec  assez  de  persévérance 
pour  parvenir  à le  rencontrer.  L’attaque  fut  vive;  mais 
la  résistance  nous  déconcerta  d’abord  un  peu  : c’était 
une  bête  énorme,  et  sa  fureur,  excitée  par  une  pre- 
mière blessure  à la  tête,  augmenta  d’une  manière  ef- 
frayante dès  que  je  lui  eus  envoyé  à peu  de  distance 
une  balle  qui  lui  cassa  l’épaule  droite;  il  se  dressa  con- 
vulsivement, et,  se  dirigeant  sur  un  de  mes  chasseurs 
pour  l’attaquer,  il  fut  attendu  de  sang-froid,  et  reçut  à 
bout  portant  une  balle  qui,  lui  traversant  la  poitrine, 
arrêta  sa  marche  et  le  fit  tomber  sur  le  coup;  accourant 
alors  sur  lui,  nous  l’eûmes  bientôt  achevé.  Cette  prise  me 
fit  le  plus  grand  plaisir,  moins  pour  l’espèce,  que  je  pos- 
sédais déjà,  que  pour  sa  taille  vraiment  extraordinaire. 

Il  est  rare  de  rencontrer  des  tigres  dans  les  environs 
de  Gyngy , parce  que  le  gouvernement  anglais  a établi 

12 


5)0 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


une  prime  pour  leur  destruction , et  que  chaque  année 
on  tue  ceux  qui  paraissent  ou  viennent  des  environs. 

Je  me  reposai  un  jour  en  herborisant,  en  cherchant 
des  insectes,  et  je  m’amusai  à faire  un  croquis  des 
montagnes  qui  me  procuraient  tant  de  plaisir. 

Voulant  aussi  visiter  la  forteresse  de  Gyngy,  je  pris 
un  guide,  qui  m’y  conduisit  par  un  chemin  qu’il  était 
impossible  à tout  étranger  de  reconnaître.  Arrivés  au 
mur  d’enceinte,  nous  eûmes  bientôt  visité  la  place.  Je 
remarquai  sur  un  mur  de  beaux  rayons  de  miel,  au- 
tour desquels  bourdonnait  un  essaim  de  mouches;  et 
comme  je  me  disposais  à tirer  sur  un  de  ces  rayons 
pour  le  faire  tomber,  j’en  fus  détourné  par  mon  guide , 
qui  me  prévint  que  près  de  là  il  y avait  un  petit  temple 
consacré  à Schiva , et  que  ce  serait  offenser  les  Mala- 
bars qui  me  suivaient.  Je  renonçai  alors  à mon  projet, 
et  je  fis  bien  ; j’en  donnerai  la  raison  un  peu  plus  loin. 
J’appris  alors  que  des  Indiens  récoltaient  chaque  année 
le  miel , qu’on  trouve  abondamment  dans  cet  endroit  ; 
mais  que  pour  en  obtenir  l’autorisation,  ils  devaient 
faire  plusieurs  offrandes  aux  brames  et  se  soumettre  à 
certaines  cérémonies  religieuses. 

Je  ne  pus  visiter  qu’une  partie  de  la  forteresse , parce 
qu’un  pont  de  communication , détruit  depuis  plus  de 
cent  ans,  ne  nous  permit  pas  de  traverser  un  précipice 
affreux  qui  nous  séparait  d’une  partie  des  bâtiments. 
Ce  pont  fut  brûlé,  dit-on,  par  le  roi  Decing-Radjah , 
parent  du  fameux  Typo-Saïb. 

En  revenant,  je  vis,  sans  pouvoir  les  tirer,  plusieurs 
grosses  chauves-souris,  et  comme  je  témoignais  à mon 
guide  le  désir  de  m’en  procurer  quelques-unes , il  me 


DA1NS  L’IiNDE. 


DI 


conseilla  d’y  renoncer,  parce  que  ces  animaux  sont  sa- 
crés; puis  il  ajouta  qu’en  passant  près  de  Gyngy,  j’en 
verrais  bien  davantage.  Ennuyé  d’être  arrêté  à chaque 
instant  par  ces  obstacles  ridicules , nous  étions  à peu 
de  distance  d’une  aidée,  lorsque  j’aperçus  sur  un  arbre 
au  moins  quatre  cents  de  ces  animaux  suspendus  aux 
branches  par  les  ongles.  Le  désir  d’en  tuer  l’emporta 
sur  la  prudence,  et,  d’un  coup  de  fusil  tiré  d’assez 
loin,  j’en  abattis  quatre;  mais  toutes  les  autres  parti- 
rent en  faisant  entendre  des  cris  aigus.  Beaucoup  d’in- 
diens sortirent  alors  de  leurs  maisons,  et,  irrités  de 
mon  sacrilège,  ils  me  poursuivirent  en  me  lançant  des 
pierres  et  m’accablant  de  reproches.  Le  parti  le  plus 
sage,  après  cette  faute,  était  de  prendre  la  fuite,  et  je 
n’eus  pas  même  le  temps  de  la  réflexion.  Je  fus  heureux 
d’en  être  quitte  pour  la  peur  : ils  m’auraient  lapidé, 
moi  et  les  miens.  Je  me  rappellerai  long  temps  cette 
promenade,  et  chaque  fois  que  dans  ma  collection  mes 
yeux  tombaient  sur  les  malheureuses  victimes  de  mon 
audace,  je  ne  pouvais  m’empêcher  de  rire  en  songeant 
aux  dangers  que  j’avais  courus. 

Les  Indiens  sont  si  superstitieux  , qu’ils  m’auraient 
tué  pour  venger  la  mort  de  quatre  bêtes  immondes. 

Si , pendant  mon  séjour  à Gyngy,  je  fus  exposé  à des 
tribulations  de  ce  genre , on  me  rendit  aussi  des  hon- 
neurs que  je  ne  méritais  pas.  On  me  lit  médecin  malgré 
moi.  Un  des  traqueurs  que  j’avais  employés  était  depuis 
long-temps  malade,  et  je  crus  reconnaître  qu’il  était 
atteint  d’une  fièvre  intermittente  très-fréquente  dans  ces 
parages.  J’avais  une  petite  provision  de  sulfate  de  qui- 
nine pour  mon  usage , je  lui  en  lis  prendre,  et  le  troi- 


92 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


sième  jour  il  fut  guéri  ; cette  cure  miraculeuse  fut  bien- 
tôt connue  de  tous  les  habitants  malades  de  l’aidée,  qui 
vinrent  me  trouver  à mon  bivouac  pour  me  consulter. 
Tous  n’avaient  pas  la  fièvre , mais  tous  voulaient  être 
guéris,  et,  pour  ne  pas  perdre  de  la  considération  que 
je  m’étais  si  facilement  acquise , j’épuisai  toutes  les  res- 
sources de  ma  mémoire  et  toute  ma  pharmacie,  et, 
dans  la  crainte  d’avoir  augmenté  peut-être  le  mal  de 
mes  crédules  clients , dont  je  redoutais  plus  les  violen- 
ces que  les  reproches , par  prudence  je  me  disposai  à 
lever  le  camp  pour  rentrer  à Pondichéri. 

C’est  en  faisant  mes  dispositions  de  départ  que  je  me 
blessai  à la  main , ce  qui  me  força  à précipiter  encore 
mon  retour. 

J’avais  déchargé  deux  de  mes  fusils  avant  de  les  em- 
baller, je  voulais  en  garder  un  troisième  pour  faire  la 
route;  mais  j’avais  pris  le  soin  de  placer  du  papier  entre 
le  marteau  et  les  capsules,  qui  tenaient  si  fort  que  je 
n’avais  pu  les  enlever  des  cheminées.  Cette  précaution 
prise,  je  voulus  mettre  ce  même  fusil  dans  son  fourreau  de 
cuir;  il  y entra  facilement  d’abord,  de  manière  à faire 
arriver  l’ouverture  du  fourreau  jusque  sur  la  batterie. 
Rencontrant  alors  de  la  difficulté  pour  l’engager  com- 
plètement, je  voulus  forcer  sur  les  canons;  mais,  ne 
pouvant  réussira  mon  gré,  je  retirai  vivement  le  four- 
reau , qui , rencontrant  un  des  chiens , fit  partir  le  coup 
de  gauche.  Heureusement  pour  moi  je  ne  me  trouvais 
pas  dans  la  direction  de  la  charge,  et  je  fus  seulement 
blessé  à la  partie  interne  de  la  main  droite.  Pendant 
mon  séjour  à Gyngy  des  abeilles  s’étaient  engagées  dans 
le  fourreau  de  mon  fusil , et  y avaient  construit  un  nid 


DANS  L’INDE. 


93 


qui  en  bouchait  le  diamètre , et  formait  l’obstacle  à l’in- 
troduction du  canon.  Ma  blessure,  peu  douloureuse  sur 
le  moment,  ne  laissa  pas  de  m’inquiéter  lorsque  le 
sang  s’en  échappa  en  grande  abondance  et  par  jets  in- 
termittents, ce  qui  me  fit  reconnaître  qu’une  artère 
était  ouverte.  Je  ne  savais  comment  arrêter  l’hémorrha- 
gie ; plusieurs  moyens  me  furent  conseillés  par  les  In- 
diens, mais  aucun  ne  réussit.  J’imaginai  de  me  faire 
serrer  le  bras  par  une  ligature  et  de  me  couvrir  la  plaie 
de  charbon  réduit  en  poudre  très-fine.  Ce  procédé  n’ar- 
rêta pas  complètement  l’hémorrhagie;  mais  je  perdis 
peu  de  sang  à partir  de  ce  moment.  On  me  fit  un  lit 
sur  mon  chariot,  et,  après  m’être  arrangé  le  plus  com- 
modément possible,  je  partis  pour  Pondichéri. 

Un  gonflement  considérable  se  forma  ; je  savais  que 
dans  les  plaies  de  ce  genre  et  surtout  dans  une  partie 
formée  de  tendons,  de  membranes  et  de  tissus  peu  ex- 
tensibles, le  tétanos  pouvait  se  déclarer  sous  l’influence 
d’une  température  élevée;  j’étais  résigné  à tout,  et  c’est 
alors  que  je  me  trouvai  très-heureux  de  n’avoir  pas 
blessé  les  susceptibilités  de  mes  Indiens  en  tirant  sur 
les  abeilles  du  fort  de  Gyngy,  car  incontestablement  ils 
auraient  supposé  que  ma  blessure  était  une  punition 
que  m’envoyait  Schiva,  et  ils  n’auraient  pas  osé  me 
donner  leurs  soins  ni  m’aider  dans  mon  malheur,  dans 
la  crainte  de  déplaire  à Schiva  en  adoucissant  la  rigueur 
de  sa  vengeance. 

J’arrivai  à Pondichéri  sans  accident,  mais  non  sans 
douleur;  je  reçus  de  suite  les  soins  du  docteur  Trouette, 
chirurgien-major  de  la  marine.  Ma  blessure  fut  trouvée 
grave;  il  la  pansa,  et,  après  six  semaines  de  souffrances 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


94 

et  plusieurs  opérations  nécessaires  pour  retirer  les  es- 
quilles, je  fus  assez  bien  pour  commencer  à sortir. 

Je  ne  saurais  reconnaître  assez  les  bons  soins  que  le 
docteur  Trouette  me  prodigua,  et  les  attentions  de  mon 
ami  Perrottet  qui  passa  plusieurs  nuits  près  de  moi 
pour  surveiller  l’hémorrhagie  qui  reparaissait  de  temps 
à autre.  C’est  quand  on  se  trouve  isolé  de  sa  famille 
qu’on  apprécie  à leur  valeur  les  soins  d’un  ami,  et 
qu’on  peut  juger  de  son  affection. 

La  fièvre  inflammatoire,  qui  ne  m’avait  pas  quitté 
depuis  le  jour  de  mon  accident,  m’avait  beaucoup  affai- 
bli, les  chaleurs  augmentaient,  et  l’on  me  conseilla  de 
quitter  Pondichéri  pour  aller  passer  le  temps  de  ma 
convalescence  dans  un  pays  plus  tempéré.  Dans  l’ im- 
possibilité où  je  me  trouvais  de  chasser  ou  de  m’occu- 
per, je  pris  le  parti  de  m’embarquer  pour  me  rendre  à 
l’ile  Bourbon,  que  j’avais  eu  à peine  le  temps  de  visi- 
ter, et  que  je  voulais  mieux  connaître.  Le  docteur 
Trouette  approuva  mon  projet,  qui  fut  de  suite  mis  à 
exécution. 


DANS  L’INDE. 


95 


De  Pondichéri  à Vile  Bourbon. 

Je  partis  de  Pondichéri  le  14  avril  1836 , à bord  de  la 
corvette  de  guerre  l'Isère , commandée  par  le  capitaine 
Henri  de  La  Blanchetais.  Cette  traversée  n’offrit  rien  de 
particulier;  chaque  jour  on  faisait  la  manœuvre;  le 
temps,  trop  calme  pour  notre  marche,  favorisait  les 
exercices.  A la  hauteur  de  Ceylan , pendant  qu’on  fai- 
sait l’exercice  à feu,  un  matelot  tomba  à la  mer;  mais 
il  fut  sauvé  promptement , grâce  à la  bouée  qu’on  lui 
jeta. 

Un  bâtiment  américain,  faisant  voile  pour  Calcutta, 
fut  hélé  par  ordre  de  notre  capitaine  : lors  de  notre  dé- 
part de  Pondichéri , on  répandait  quelques  bruits  de 
guerre  entre  la  France  et  les  États-Unis.  Nous  rencon- 
trâmes plusieurs  navires  anglais  et  français. 

Enfin  le  26  nous  aperçûmes  le  feu  du  volcan  de  Bour- 
bon , et  le  lendemain  nous  mouillâmes  en  rade  de  Saint- 
Denis.  Ce  voyage  m’avait  fait  le  plus  grand  bien  , et  ma 
blessure  ne  me  faisait  plus  souffrir  ; je  commençais  à 
pouvoir  me  servir  de  ma  main. 

Disposé  que  j’étais  à passer  quelque  temps  dans  l’île, 
je  fis  plusieurs  excursions  ; les  premières  , sans  résul- 
tat pour  mes  collections , me  firent  connaître  le  pays, 
et  contribuèrent  promptement  à me  mettre  en  état  de 
recommencer  ma  vie  nomade. 

Je  voulus  faire  le  tour  de  l’île  en  suivant  la  côte.  Parti 


96 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


de  Saint-Denis,  à cheval,  et  suivi  d’un  seul  domesti- 
que , je  fis  un  vrai  pèlerinage  en  visitant  presque  tous 
les  saints  de  Bourbon.  Je  me  dirigeai  d’abord  sur  Saint- 
Paul  , petite  ville  qui  possède  le  meilleur  port  de  l’ile  ; 
de  là  , sans  perdre  la  côte  de  vue,  j’arrivai  à Saint-Gil- 
les, puis  à Saint-Leu  , où  l’on  récolte  d’excellent  café. 
Je  m’arrêtai  un  jour  à Saint-Louis , et , en  suivant  les 
dunes  et  passant  près  de  la  magnifique  plantation  de 
cannes  de  M.  Chabrier,  qui  n’était  autrefois  qu’un  ma- 
rais inculte,  je  me  rendis  à Saint-Pierre,  où  l’on  a la 
plus  belle  vue  possible  des  Salazes.  Après  avoir  traversé 
le  quartier  Saint-Joseph  , où  l’on  cultive  particulière- 
ment le  riz,  le  giroflier  et  le  muscadier,  je  parcourus 
la  basse  vallée  et  le  Barril. 

Je  rencontrai  alors  un  terrain  immense , connu  sous 
le  nom  de  Vieux-Brûlé;  et  c’est  pendant  la  nuit,  à la 
faveur  d’un  beau  clair  de  lune,  que  j’arrivai  à peu  de 
distance  du  volcan  , dont  nous  aperçûmes  parfaitement 
la  fumée  s’élevant  en  colonne , et  le  petit  courant  de 
lave  qui  descendait  du  cratère. 

Nous  avions  traversé  le  Bois-Blanc,  et  reconnu  le  ter- 
rain couvert  de  lichen  blanc  nommé  lichen  vulcani.  J’ar- 
rivai aux  cascades  , et  le  lendemain  je  me  rendis  à 
Sainte-Rose  et  à Saint- Benoit , et  j’arrivai  à Saint-Denis 
en  traversant  les  quartiers  Saint-André,  Sainte-Suzanne 
et  Sainte-Marie. 

L’île  Bourbon  doit  son  origine  à des  éruptions  vol- 
caniques. On  remarque  deux  cratères  principaux.  Ce- 
lui du  Gros-Morne,  éteint  depuis  long-temps,  est  situé 
au  nord,  et  celui  du  piton  de  Fournaise,  encore  en  acti- 
vité , est  au  sud-est.  Les  laves  qui  s’échappent  de  ce 


DANS  L’INDE. 


97 


dernier  ont  condamné  à la  stérilité  la  plus  complète  un 
immense  terrain , que  les  habitants  désignent  sous  le  nom 
de  Pays-Brûlé.  Le  centre  de  File  est  traversé  dans  tous  les 
sens  par  une  chaîne  de  montagnes  escarpées  qui  divisent 
le  pays  en  deux  grands  districts  naturels,  connus  sous 
les  noms  de  par  lie  du  vent  et  partie  sous  le  vent,  sub- 
divisées en  plusieurs  quartiers.  La  superficie  de  file  est 
évaluée  à 170,700  hectares;  sa  plus  grande  longueur  du 
nord  au  sud  a quatorze  lieues,  et  sa  circonférence  a près 
de  48  lieues.  Pendant  presque  toute  l’année  le  sommet 
des  plus  hautes  montagnes  est  couvert  de  neige.  La 
route  tracée  autour  de  l’île  et  sur  le  bord  de  la  mer  est 
coupée  par  un  grand  nombre  de  petites  rivières , guéa- 
bles  le  plus  souvent,  mais  se  transformant  après  la 
moindre  pluie  en  torrents  impétueux.  La  température 
est  douce,  uniforme;  le  climat  est  très-heureux,  puis- 
qu’il passe  pour  le  plus  sain  de  l’univers.  Malheureuse- 
ment ce  beau  pays  se  sent  un  peu  du  voisinage  de  l’île 
de  France,  et  les  ouragans  y exercent  aussi  de  grands 
ravages. 

Les  produits  de  file  sont  le  sucre  , le  café  , le  cacao, 
le  coton  , le  girofle  , la  muscade  , la  cannelle  , le  tabac, 
le  riz,  le  maïs,  le  froment,  les  ignames,  les  patates,  et 
les  bois  de  teinture  et  d’ébénisterie.  On  dit  que  l’intro- 
duction du  café  à Bourbon  date  de  1718  ; c’est  d’Arabie 
que  furent  tirés  les  premiers  plants  : ils  se  multiplièrent 
rapidement  dans  l’île.  Mais , en  1806 , un  violent  oura- 
gan ayant  bouleversé  une  partie  des  cafèteries  , on  sub- 
stitua en  beaucoup  d’endroits  à cette  culture  celle  de  la 
canne  à sucre  , qui  a fait  depuis  lors  des  progrès  si  con- 
sidérables que  la  colonie  a récolté  jusqu’à  18  millions 

13 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


98 

de  kilogrammes  de  sucre , tandis  que  la  récolte  du  café 
a rarement  dépassé  650,000  kilogrammes. 

Celte  colonie  a commencé  peu  de  temps  après  la  dé- 
couverte de  l’ile.  Des  Français  révoltés  , et  qu’on  exila, 
en  furent  les  premiers  colons  ; mais  la  Compagnie  des 
Indes  y envoya  des  ouvriers  sous  la  direction  d’un  chef 
habile,  et  Louis  XIY  leur  expédia  de  France  de  jeunes 
orphelins  qui  se  marièrent,  et  forma  ainsi  le  noyau  de 
la  colonie.  Elle  s’accrut  subitement  en  1673  par  l’arrivée 
des  Français  échappés  au  malheur  du  fort  Dauphin  à 
Madagascar.  La  population  actuelle  de  l’ile  est  de 
100,000  individus  dont  30,000  colons  libres , 3,000 
cultivateurs  indiens  , et  le  reste  esclaves. 

La  colonie  est  régie  par  les  codes  français,  modifiés 
et  mis  en  rapport  avec  ses  besoins. 

Après  mon  arrivée  à Saint-Denis  je  commençai  une 
collection  des  poissons  de  File,  et  je  réussis  à les  pré- 
parer assez  bien  pour  leur  conserver  leurs  formes  et 
leurs  couleurs.  Prenant  goût  à ce  genre  de  travail, 
ma  collection  fut  bientôt  nombreuse  et  m’attira  les 
éloges  de  tous  ceux  qui  la  virent. 

Je  désirai  beaucoup  visiter  une  source  thermale  sul- 
fureuse très-fréquentée , qu’on  trouve  au  pied  de  la 
montagne  des  Salazes.  Cette  source,  au  dire  de  Vau- 
quelin , est  d’une  espèce  rare  et  peut-être  unique  (4). 

(I)  On  remarque  dans  les  bouteilles  bien  bouchées  qui  la  renferment 
un  dépôt  noir  formé  de  sulfure  de  fer  et  d’un  peu  de  matière  animale. 
Le  dépôt  formé  dans  les  bouteilles  mal  bouchées , donnant  accès  à l’air , 
est  jaune-ochracé,  composé  d’hydrate  de  fer,  de  carbonate  de  chaux, 
d’un  peu  de  silice  et  de  matière  animale.  Cette  dernière  eau  contient 
des  traces  d’acide  sulfurique  que  l’on  n’observe  pas  dans  la  première. 

L’eau  de  Bourbon,  indépendamment  de  l’acide  hydrosulfurique,  paraît 
contenir  de  l’acide  carbonique  à l’état  de  combinaison  et  à l’état  de 


DANS  L’INDE.  99 

On  trouve  encore  dans  l’île  une  autre  source,  située 
au  pied  du  piton  de  Neige , dans  la  partie  appelée  la 
plaine  des  Étangs. 

J’étais  depuis  six  mois  à Bourbon,  et  ma  santé,  par 
faitement  rétablie,  me  permit  de  songer  à faire  un 
nouveau  voyage  : j’avais  depuis  long-temps  l’intention 
d’aller  au  Bengale,  et  je  fis  mes  dispositions  pour 
prendre  passage  sur  un  navire  partant  pour  Calcutta. 


liberté  ; car  l’eau  de  chaux  y produit  un  précipité  beaucoup  plus  consi- 
dérable que  les  carbonates  alcalins. 

Pour  chercher  à connaître  comment  le  fer  se  trouvait  déposé  au  fond 
des  vases  à l’état  de  sulfure  de  fer,  l’auteur  a fait  les  deux  expériences 
synthétiques  suivantes.  1°  De  la  limaille  de  fer  fut  mise  dans  un  flacon 
rempli  d’eau  saturée  d’acide  hydrosulfurique  et  agitée  pendant  vingt- 
quatre  heures  ; au  bout  de  ce  temps  la  liqueur  séparée  était  incolore , 
elle  n’était  nullement  affectée  par  l’infusion  de  noix  de  galle , et  cepen- 
dant elle  contient  du  fer,  car  elle  noircit  bientôt  par  le  contact  de  l’air. 
2°  Il  fit  dissoudre  du  fer  dans  de  l’eau  chargée  d’acide  carbonique , de 
manière  qu’il  restait  beaucoup  d’acide  carbonique  libre;  il  y ajouta  une 
dissolution  d’acide  hydrôsulfurique , et  le  mélange  exposé  a l’air  noircit 
au  bout  de  quelques  heures.  L’auteur,  d’après  ces  expériences,  explique 
l’état  dans  lequel  se  trouvait  l'eau  minérale  à sa  source , et  les  change- 
ments qu’elle  a éprouvés  dans  les  bouteilles  où  elle  a long-temps  séjourné. 

11  pense  que  le  fer  était  primitivement  dissous  par  l’acide  carbonique, 
peut-être  aussi  par  l’acide  hydrosulfurique  ; qu’une  grande  partie , sur- 
tout du  premier  acide,  s’étant  dégagée  à travers  les  pores  du  bouchon, 
l’acide  hydrosulfurique  s’est  entièrement  séparé  du  fer,  et  s’est  précipité 
avec  lui  à l’état  d’hydrosulfate  de  fer,  plutôt  qu’à  l’état  de  sulfure  de  ce 
métal.  Deux  litres  d’eau  de  Bourbon,  soumis  à l’évaporation,  ont  laissé 
un  résidu  qui  a été  en  partie  redissous  par  l’eau  distillée  : la  portion 
insoluble  pesait  190,37;  elle  était  formée  de  0,49  parties  de  carbonate 
de  chaux , de  1 4 parties  de  fer , de  24  parties  de  silice  et  d'une  petite 
quantité  de  matière  animale. 

La  portion  dissoute  par  l’eau  renfermait  1 grain  12  de  carbonate 
de  soude , mêlé  d'un  peu  de  carbonate  de  potasse,  et  quelques  atomes 
de  silice. 

L’eau  de  Bourbon  fait  exception  à toutes  les  eaux  minérales  obser- 
vées jusqu’à  présent.  M.  Pinac,  qui  a analysé  celle  de  Bagnères-Adour, 
a pensé  que  le  fer  y était  tenu  en  dissolution  par  l’intermède  de  l’hy- 
drogène sulfuré,  mais  sans  le  prouver  par  l’expérience.  (II.  Chenu,  Es- 
sai pratique  sur  les  eaux  minérales,  t.  III,  p.  130.) 


100 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


De  Mur  bon  à Cale  alla. 


Partis  le  27  novembre  sur  la  Thérence,  capitaine  Cail 
loi , nous  relâchâmes  à Maurice  pendant  deux  jours, 
et  nous  fîmes  route  sur  Calcutta.  Notre  marche  fut 
bonne , et  la  traversée  n’offrit  rien  de  particulier.  Ce- 
pendant , arrivés  à la  hauteur  de  Sumatra , nous  éprou- 
vâmes deux  secousses  violentes , comme  si  le  navire 
touchait  un  bas-fond  ; le  capitaine  n’en  fut  nullement 
inquiet , et  nous  expliqua  que  dans  ces  parages  les  trem- 
blements de  terre  se  font  sentir  à de  très-grandes  di- 
stances en  mer,  et  que  ces  secousses  pouvaient  aussi  être 
dues  à quelque  volcan  sous-marin. 

Le  23  janvier  nous  étions  au  mouillage  dans  le  Gange, 
devant  Calcutta.  Quelques  jours  après  mon  arrivée  je 
fus  invité  par  le  docteur  Wallich  à passer  quelque  temps 
à sa  maison,  qui  fait  partie  du  Garden-Reach , dont  il  est 
le  directeur. 

Calcutta , aujourd’hui  la  brillante  capitale  du  Bengale 
et  de  toutes  les  Indes  orientales  britanniques , et  une 
des  plus  belles  villes  du  monde,  n’était,  il  y a un  siè- 
cle, qu’un  assemblage  d’habitations  mal  construites, 
irrégulièrement  distribuées  au  milieu  d’un  marais  formé 
par  les  débordements  du  Gange,  habitées  cependant 
par  une  population  nombreuse , et  entourées  d’un  jon- 
gle impénétrable  , et  assez  insalubre  pour  n’être  abordé 
que  parles  malfaiteurs  et  les  bêtes  féroces , auxquels  il 


DANS  L’INDE. 


lül 


servait  de  repaire.  On  donnait  à cette  espèce  de  village 
le  nom  de  Govindpour.  Calcutta  a une  étendue  de  six 
milles  dans  sa  plus  grande  longueur  ; cette  ville  pré- 
sente à l’arrivant  un  coup  d’œil  des  plus  animés , et  elle 
est  située  sur  le  bras  occidental  de  l’Hougley,  qui  n’est 
qu’un  bras  du  Gange , mais  qui , devant  la  ville , décrit 
une  courbe , et  s’arrondit  en  forme  de  vaste  baie  connue 
sous  le  nom  de  Garden-House,  et  peut  recevoir  les  navi- 
res de  la  plus  grande  dimension. 

Calcutta  est  la  résidence  du  gouverneur  général  des 
Indes  et  le  siège  de  la  haute  cour  de  justice , qui  rend 
ses  arrêts  d’après  la  législation  anglaise.  Le  nouvel  hô- 
tel qu’habite  le  gouverneur  a été  construit,  dit-on, 
par  l’ordre  du  marquis  de  Wellesley , et  il  a coûté  un 
million  de  livres  sterling.  Sa  magnificence  extraordi- 
naire, le  goût  de  sa  distribution,  la  richesse  des  acces- 
soires le  feraient  prendre  facilement  pour  une  des  mer- 
veilles des  Mille  et  une  Nuits. 

Devant  Calcutta  l’Hougley  prend  le  nom  de  Garden- 
House,  dit  l’auteur  de  Y Inde  Pittoresque , parce  qu’il 
est  entouré  de  maisons  de  campagne  élégantes  où  se  ren- 
dent chaque  jour,  après  avoir  terminé  leurs  affaires , les 
riches  négociants  de  Calcutta.  Le  quartier  de  la  ville  où 
résident  les  Européens  offre  un  aspect  remarquable, 
qu’il  doit  aux  portiques  spacieux  et  élevés  qui  décorent 
presque  toutes  les  maisons , et  qui , supportés  par  de 
nombreux  pilastres , leur  donnent  quelque  chose  de  la 
grandeur  des  monuments  grecs.  Pour  les  étrangers  qui 
arrivent  d’Europe , les  édifices  sont  d’un  effet  impo- 
sant à cause  du  style  entièrement  neuf  de  leurs  con- 
structions, de  leurs  dimensions,  et  de  la  richesse  de 


102 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


leurs  ornements  d’architecture.  On  est  frappé  de  la  sy- 
métrie et  de  la  simplicité  de  leurs  proportions , quoique 
cette  simplicité  même  fasse  peut-être  un  contraste  trop 
tranché  avec  les  pompeuses  façades  et  les  nombreuses 
colonnes  dont  elles  sont  généralement  décorées.  L’ab- 
sence de  cheminées  est  une  singularité  qui  ne  peut 
échapper  à l’œil  d’un  Européen,  qui  associe  à l’idée  de 
grandeur  que  fait  naître  l’intérieur  de  ces  bâtiments  celle 
d’un  manque  de  commodité  intérieure  qui  s’accorde 
peu  avec  les  idées  que  nous  nous  sommes  faites  des  jouis- 
sances sociales.  Les  fenêtres  sont  grandes  et  ne  sont  pas 
garnies  de  vitres;  mais  elles  sont  toutes  fermées  par  des 
stores  destinés  à donner  accès  à l’air  sans  laisser  péné- 
trer trop  de  lumière.  Le  toit  de  toutes  les  maisons,  sans 
exception , est  en  terrasse , et  entouré  d’une  élégante 
balustrade.  L’architecture , basée  sur  les  principes  de 
l’école  italienne , est  bien  appropriée  à la  région  des  tro- 
piques, quoiqu’on  plus  d’une  occasion  le  goût  ait  été 
sacrifié  à des  caprices  vulgaires.  C’est  ainsi  que  beau- 
coup de  maisons  ont  deux  frontons , comme  si , par  la 
raison  qu’un  seul  de  ces  ornements  produit  un  effet 
agréable , il  suffisait  d’en  doubler  le  nombre  pour  ac- 
croître dans  la  même  proportion  la  magnificence  de 
l’édifice.  Après  le  palais  du  gouverneur,  le  principal 
édifice  est  l’Hôtel  de  la  Douane,  bâtiment  bas,  mais 
spacieux , élégamment  construit , et  contenant  des  ma- 
gasins aussi  vastes  que  commodes.  Dans  Choringhié,  le 
quartier  le  plus  à la  mode  de  la  ville , on  voit  une  ran- 
gée de  maisons  magnifiques  qui  se  succèdent  comme 
une  suite  de  palais , et  réalisent  presque  les  fictions  bril- 
lantes conçues  par  1 imagination  orientale.  La  plupart 


DANS  L’INDE. 


103 


sont  revêtues  de  stuc,  et  s’élèvent  au  milieu  d’une  grande 
cour  bien  ouverte  et  bien  aérée.  Rien  n’est  oublié  de 
tout  ce  que  le  luxe  le  plus  recherché  peut  inventer  pour 
obviera  la  nature  du  climat  et  en  rendre  le  séjour  déli- 
cieux. 

Si  la  ville  européenne  est  à citer  pour  sa  magnificence, 
on  ne  peut  en  dire  autant  du  quartier  des  indigènes  : 
les  maisons  y sont  d’un  aspect  misérable;  les  rues, 
étroites  et  sales,  ne  sont  pas  pavées;  les  maisons  les 
plus  vastes  ne  sont  guère  autre  chose  que  des  espèces  de 
ruches  faites  de  torchis , où  se  pressent  des  essaims  d’une 
population  hâve,  indigente  et  à demi  affamée.  Les  ma- 
ladies qui  accompagnent  constamment  la  pauvreté  et  les 
privations  qu’elle  entraîne  après  elle,  y exercent  per- 
pétuellement leurs  ravages,  et  des  milliers  de  victimes 
succombent  chaque  année  aux  maux  affreux  qui  s’ajou- 
tent ainsi  aux  tortures  du  besoin.  On  ne  peut  entrevoir 
le  moindre  avenir  d’amélioration  dans  la  position  de  ces 
êtres  malheureux  qui  vivent  agglomérés  dans  les  fau- 
bourgs de  cette  immense  métropole , et  y croupissent 
dans  une  triste  communauté  de  misères.  Au  temps  où 
le  choléra  régnait  dans  la  ville , on  dit  que  pendant  plu- 
sieurs semaines  sept  cents  individus  périssaient  journel- 
lement frappés  de  ce  terrible  fléau.  Tous  les  plaisirs  sem- 
blaient suspendus,  et  à peine  s’écoulait-il  une  heure 
sans  que  les  pleurs  et  les  regrets  donnés  aux  morts  vins- 
sent rappeler  aux  vivants  la  désolation  qui  s’étendait 
autour  d’eux. 

Le  nombre  des  habitants  de  Calcutta , tant  indigènes 
qu’européens , est  évalué  à six  cent  mille. 

J’eus  beaucoup  de  plaisir  à visiter  l’hôtel-de-ville 


10A 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


(Town  hall),  l’hôtel  des  monnaies,  le  muséum  de  la 
Société  asiatique,  le  collège  de  médecine  ( New  ïndian 
medical  college),  le  fort  William,  et  particulièrement  la 
bibliothèque,  qui  renferme  un  grand  nombre  d’ouvra- 
ges indiens. 

Invité  aux  soirées  de  lord  Aukland , gouverneur  géné- 
ral , et  à celles  de  Miss  Edens,  ses  sœurs,  je  m’y  rendis 
quelquefois.  Les  dames  sont  généralement  vêtues  avec 
plus  de  simplicité  que  de  recherche. 

Pendant  mon  séjour  à Calcutta'  je  fus  assez  heureux 
pour  voir  M.  Gaudichaud,  de  l’Institut  : ce  botaniste, 
aussi  éclairé  qu’infatigable  , était  à bord  de  la  Bonite, 
capitaine  Vaillant,  qui  vint  y faire  relâche. 

Après  avoir  bien  visité  le  pays,  j’allai  m’établir  au 
bord  du  lac  Salé  pour  faire  une  collection  de  tous  les 
poissons  de  ce  lac  et  de  ceux  du  Gange;  j’étais  encou- 
ragé dans  ces  recherches  par  les  nombreuses  décou- 
vertes qu’avait  déjà  faites  le  docteur  Cantor. 

Je  fis  pêcher  presque  tous  les  jours,  et,  après  avoir 
réuni  une  collection  nombreuse,  j’offris  mes  doubles  à 
la  Société  asiatique  de  Calcutta,  qui  me  fit  écrire  une 
lettre  de  remercîments  très-flatteuse  (1). 

(1)  MEETING  OF  THE  ASIATIC  SOCIETY. 

The  Monthly  Meeting  of  the  Asiatic  Society  last  night  was  unusually 
crowded.  The  table  was  covered  wilh  a copious  exhibition  of  stuffed 
Fish  of  the  Sait  Water  Lake,  forming  part  of  the  collection  of  M.  Deles- 
sert,  a French  naturalist,  who  has  been  denoting  his  attention  tho  that 
objec-t  since  his  arrivai  a few  months  ago. 

ASIATIC  SOCIETY  OF  BENGAL. 

To  Monsieur  Delessert. 

Sir, 

I hâve  on  the  part  of  the  Asiatic  Society , to  express  to  you  their  best 


DANS  L’INDE. 


105 


Après  avoir  bien  exploré  les  environs  de  Calcutta, 
et  rassemblé  de  nombreux  individus  de  toutes  les  espè- 
ces, je  les  emballai  pour  les  expédier  en  France  à la 
première  occasion,  et  je  me  disposai  à aller  visiter 
un  pays  peu  connu,  les  montagnes  des  Neelgheries. 
En  attendant  un  navire,  je  partis  pour  Chandernagor, 
établissement  français,  et  je  visitai  avec  intérêt  Seram- 
pore,  ou  Friedrichspagore , qui,  avec  les  îles  Nicobar 
et  Tranquebar  à la  côte  de  Coromandel,  forme  la  tota- 
lité des  établissements  danois  dans  l’Inde. 

Je  voulus  voir  aussi  Barrakpoore,  maison  de  campagne 
du  gouverneur.  On  y trouve  un  parc  considérable  dans 
lequel  on  a établi  une  ménagerie.  J’ai  remarqué  un 
assez  grand  nombre  d’animaux,  parmi  lesquels  je  cite- 
rai des  rhinocéros  et  des  tigres.  Un  de  ces  derniers, 
venant  du  Népaul,  était  remarquable  par  la  coloration 
fauve  plus  vif  de  son  pelage.  J’y  vis  des  ours  , des 
kanguroos,  des  antilopes,  des  hyènes,  des  chacals,  des 
loutres  et  des  loups,  et  un  nombre  considérable  d’oi- 
seaux de  toute  espèce  ; mais  j’y  trouvai  surtout . une 
riche  collection  de  faisans. 


thanks  for  the  gratifyng  exhibition  which  you  had  the  complaisance  to 
affert  them  at  the  Meeting  of  last  night. 

The  collection  you  hâve  made  in  to  short  a time  is  highly  creditalle  to 
your  industry  and  the  manner  in  which  the  specimens  are  set  up  reflects 
equal  crédit  on  your  skill.  Such  an  evidence  ifwhat  may  be  effected  even 
in  the  immédiate  neighbourhood  of  Calcutta  is  the  best  argument  in 
favor  of  the  success  of  your  proposed  Indian  Muséum. 

I hâve  the  honor  to  be,  Sir,  most  obedient  servant. 

J.  PRINSEPS,  secr. 


6,A  july  1837. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


106 


Voyage  aux  Neelgheries. 


Enfin,  je  partis  sur  le  navire  le  Gaillardon , touchant 
à Madras,  où  nous  arrivâmes  le  1er  septembre.  La  fré- 
gate f Arlémise,  capitaine  Laplace,  s’y  trouvait  mouil- 
lée; nous  partîmes  pour  Pondichéri , où  je  préparai 
promptement  tous  les  objets  nécessaires  à mon  expédi- 
tion dans  les  montagnes  des  Neelgheries. 

Le  8 janvier  je  me  mis  en  route  en  palanquin, 
suivi  d’un  chariot  qui  portait  mes  bagages  , et  d’un 
assez  grand  nombre  d’indiens  pour  résister  aux  atta- 
ques imprévues.  Je  pris  la  route  de  Salem,  passant 
par  Villenour.  Après  plusieurs  jours  de  marche  j’arri- 
vai à l’aidée  de  Yaklaour,  je  fis  faire  halte  d’un  jour 
pour  permettre  à mes  gens  et  à mes  bêles  de  prendre 
quelque  repos.  Le  sol  de  cette  partie  ne  diffère  pas  de 
celui  de  Pondichéri  ; mais  on  aperçoit  dans  le  lointain 
les  montagnes  Bleues  de  Gyngy,  qui  se  détachent  par- 
faitement des  Gates  de  l’est.  La  température  commen- 
çait à baisser  considérablement.  Je  passai  près  des  ai- 
dées de  Vilseparam  et  de  Tirouvanellore.  On  y voit  une 
très-belle  pagode  dont  la  partie  supérieure  est  occu- 
pée par  un  régiment  de  singes  sauvages,  logés  et  nourris 
par  la  superstition  des  brames.  Arrivé  à Ollendour , un 
de  mes  Indiens  fut  atteint  du  choléra.  Fort  embarrassé 
de  ce  contre-temps,  et  obligé  encore  de  faire  le  méde- 
cin, je  ne  sus  opposer  à ses  vomissements  que  des  po- 
tions dans  lesquelles  je  mettais  jusqu’à  quarante  goût- 


DANS  L’INDE. 


107 


les  de  laudanum,  et  je  le  fis  frictionner  vigoureusement 
pour  tacher  de  rétablir  la  transpiration  ; des  sinapismes 
aux  pieds  et  aux  mains  rappelèrent  la  chaleur,  et  cet 
accident  ne  nous  arrêta  que  fort  peu  de  temps.  Aussi- 
tôt que  mon  Indien  se  trouva  mieux,  je  le  fis  placer  sur 
la  voiture  et  nous  pûmes  continuer  notre  route. 

Nous  eûmes  à traverser  un  bois  où  je  tuai  un  nom- 
bre prodigieux  d’oiseaux,  des  singes  de  plusieurs  espè- 
ces et  des  lièvres  qui  servirent  à notre  dîner.  Nous 
arrivâmes  à Ghina-S.alem  le  jour  de  Pongol,  premier 
de  l’année  des  Tamouls. 

Les  aidées  que  nous  fûmes  obligés  de  traverser  me 
parurent  moins  misérables  que  celles  qui  sont  plus 
rapprochées  de  Pondichéri.  Nous  passâmes  devant 
Athour-Cotté,  ancien  fort  en  ruines,  reste  de  l’ancienne 
puissance  indienne. 

Enfin,  le  46  janvier,  j’arrivai  à Salem  ; je  m’établis 
au  bengalovv,  maison  destinée  aux  voyageurs.  Ces  ben- 
galows,  établis  par  le  gouvernement  anglais  de  di- 
stance en  distance  (dix  ou  douze  milles),  sont  très- 
commodes.  Ils  se  composent  de  deux  chambres  meu- 
blées, de  pièces  séparées  pour  les  domestiques  et 
d’écuries.  On  ne  doit  pas  y demeurer  plus  de  deux 
jours  : la  garde  en  est  confiée  à des  invalides  cypayes 
qui  doivent  fournir  de  l’eau  seulement.  Ils  ont  toujours 
à la  disposition  des  voyageurs  des  volailles  et  diverses 
provisions  qu’on  est  souvent  enchanté  de  trouver.  Les 
auberges  gratuites  nous  font  l’effet  de  contes  en  l’air 
dans  notre  France  civilisée  ; quoi  qu’il  en  soit,  le 
premier  arrivant  peut  en  disposer  complètement  jus- 
qu’au moment  oû,  un  second  voyageur  survenant,  il 


108 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


est  obligé  de  partager  avec  lui,  et  de  lui  céder  la 
place  à la  fin  du  second  jour.  Je  fis  à Salem  plusieurs 
visites  aux  personnes  pour  lesquelles  j’avais  des  re- 
commandations. M.  Leschenault  de  La  Tour,  natura- 
liste du  roi,  a visité  ce  pays  en  1846,  et  la  descrip- 
tion qu’il  en  fait  est  très-exacte. 

« Salem  est  le  chef-lieu  d’une  province  ; il  y a un  col- 
lecteur anglais  pour  la  perception  des  revenus,  un  juge, 
un  résident  commercial  chargé  des  achats  pour  le  compte 
de  la  Compagnie,  et  une  petite  garnison  de  cypayes 
pour  escorter  les  recettes  à Madras  et  pour  garder  les 
prisonniers  : il  n’y  a aucun  autre  Européen  que  ceux 
attachés  au  service  de  la  Compagnie;  ils  sont  au  nombre 
de  neuf  à dix. 

» Une  chose  très-remarquable  c’est  une  grande  forte- 
resse dont  les  murs  ont  environ  quarante  pieds  d’éléva- 
tion ; elle  a été  bâtie  par  les  souverains  du  pays.  On  as- 
sure qu’elle  a plus  de  deux  cents  ans  d’existence  ; et 
quoiqu’elle  soit  entièrement  construite  en  terre  battue, 
elle  n’est  cependant  que  peu  dégradée  : la  terre  a acquis 
la  dureté  de  la  pierre. 

» L’aisance  dont  jouissent  les  habitants  de  Salem  se 
fait  remarquer  dans  toutes  les  habitudes  de  la  vie  : on 
y est  mieux  vêtu  et  mieux  logé  qu’ailleurs.  La  ville  est 
mieux  bâtie  et  d’une  grande  propreté;  mais  les  habitants 
sont  tourmentés  par  un  fléau  qui  paraît  d’abord  ridi- 
cule dans  sa  cause  : ce  sont  les  singes  ( semblables  à 
ceux  dont  j’ai  parlé  plus  haut).  Us  se  multiplient  d’au- 
tant plus  que  le  meurtre  d’un  de  ces  animaux  est  rer 
gardé  comme  une  action  sacrilège;  les  maisons  en  sont 
couvertes , et , malgré  la  précaution  que  l’on  a de  gar- 


DANS  L’INDE. 


109 


nir  les  toits  d’épines,  ces  animaux,  dirigés  par  l’in- 
stinct de  destruction  qui  les  anime,  parviennent  à 
arracher  les  tuiles.  Ce  qui  les  excite  encore  à ce  désor- 
dre c’est  que  souvent  un  Indien  ira  pendant  la  nuit 
répandre  sur  le  toit  d’une  personne  dont  il  est  l’ennemi, 
quelques  poignées  de  grains  ; le  lendemain  matin , les 
singes  accourent , écartent  avec  adresse  les  épines , et 
arrachent  les  tuiles  pour  s’emparer  des  grains  qui  ont 
glissé  entre  les  jointures  : le  malheureux  propriétaire 
témoin  de  ce  dommage  jette  des  cris,  lance  des  pierres 
pour  épouvanter  les  singes,  qui  sont  aguerris  à ces  sor- 
tes d’attaques,  et  finit  par  se  consoler,  surtout  s’il  croit 
reconnaître  le  coupable , dans  l’espoir  de  lui  procurer 
bientôt  une  pareille  visite. 

» Les  singes  exercent  encore  leurs  rapines  dans  l’inté- 
rieur des  maisons  lorsqu’on  ne  les  tient  pas  bien  fer- 
mées, et  dans  les  bazars;  à la  moindre  inattention  des 
vendeurs,  ils  enlèvent  grains,  fruits  et  légumes  avec 
une  adresse  et  une  effronterie  presque  incroyables.  Si 
les  Indiens  n’étaient  pas  retenus  par  leurs  superstitions 
religieuses,  ils  se  débarrasseraient  facilement  de  ces 
hôtes  incommodes,  qui  ne  s’avisent  jamais  d’approcher 
des  maisons  et  des  jardins  des  Européens,  où  ils  se- 
raient reçus  à coups  de  fusil. 

» Ces  singes  sont  de  l’espèce  nommée  bonnet  chinois 
(cercopithecus  fournis ).  J’ai  remarqué,  mais  sans  avoir 
pu  m’assurer  si  les  retours  étaient  périodiques , que 
quelques  femelles  avaient  la  face  aussi  rouge  que  si  elle 
eût  été  frottée  de  carmin  ; j’ai  cru  cependant  m’aperce- 
voir qu’elles  étaient  dans  cet  état  pendant  le  temps  de 
la  gestation. 


110 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


» La  température  est  très-chaude  pendant  le  jour  ; mais 
les  nuits  sont  fraîches , et  il  faut  se  garantir  avec  soin. 
Le  pays  étant  entouré  de  montagnes , le  vent,  de  quel- 
que côté  qu’il  vienne,  est  toujours  vif;  il  occasionne 
des  suppressions  de  transpiration  qui  sont  suivies  de  fiè- 
vres et  de  catarrhes.  Les  étrangers  surtout  sont  souvent 
attaqués  d’une  fièvre  que  l’on  nomme  fièvre  de  Salem  : 
elle  n’est  pas  forte , et  n’a  que  deux  ou  trois  accès  ; mais, 
ce  qu’il  y a de  particulier  dans  cette  maladie , c’est 
que  les  accès  reviennent  chaque  mois , et  que  l’on  se 
débarrasse  difficilement  de  leur  retour  périodique,  même 
en  quittant  le  pays. 

» Le  sol  est  assez  fertile;  c’est  une  sorte  d’argile  rou- 
geâtre mêlée  de  sable,  qui  repose  dans  quelques  en- 
droits sur  des  rochers  schistoïdes  : il  y a peu  de  rivières. 
On  cultive  davantage  les  menus  grains,  principalement 
V holcus  sorgho  ; on  cultive  encore  le  cotonnier  annuel, 
dont  le  produit  est  employé  à la  fabrication  des  toiles , 
et  la  canne,  dont  on  retire  un  sucre  grossier. 

» Le  nerium  linclorium  ( laurier-rose  des  teinturiers  ) 
croît  naturellement  dans  les  bois  des  environs  ; avec  la 
feuille  de  cet  arbre  on  fabrique  une  espèce  d’indigo 
d’une  qualité  médiocre,  qui  sert  exclusivement  à tein- 
dre les  toiles  dans  le  pays  : hors  de  là  ce  n’est  point  un 
objet  de  commerce. 

» Les  roches  qui  constituent  les  montagnes  des  envi- 
rons de  Salem  sont  granitiques  ou  de  gneiss , elles  con- 
tiennent beaucoup  de  grenats  et  d’amphibole  ; le  fer  y 
abonde.  A environ  deux  lieues  au  S. -S. -O. , dans  la 
montagne  de  Kanliamale , il  y a une  mine  de  fer  sa- 
blonneuse, que  l’on  ramasse  dans  les  ravines;  le  fer 


DANS  L’INDE. 


111 


qui  en  provient  donne  un  excellent  acier.  Pour  conver- 
tir le  fer  en  acier,  les  ouvriers  indiens  le  mettent  par 
petites  masses  d’environ  une  livre  dans  un  creuset  en 
terre  glaise  ; la  cémentation  se  fait  en  entourant  le  mé- 
tal avec  les  trois  septièmes  de  son  poids  de  poudre  de 
l’écorce  séchée  du  cassia  auriculala  ; on  y ajoute  quel- 
ques feuilles  vertes  de  Yasclepias  gigantea,  ou  du  ja- 
Iropha  curcas ; on  lute  le  creuset,  puis  on  l’échauffe 
avec  du  charbon  de  bois  alin  d’opérer  la  fusion.  » 

Pendant  la  roule  et  à toutes  mes  haltes,  je  me  pro- 
curai beaucoup  d’échantillons  de  minéraux.  Le  pays 
est  très-riche  et  très-curieux  ; je  ne  saurais  en  donner 
une  idée  plus  exacte  qu’en  faisant  connaître  le  rapport 
qui  a été  fait  sur  mes  collections  minéralogiques  à la 
Société  géologique  de  France,  dans  sa  séance  du 
20  avril  1840. 

M.  Boué  offrit  de  ma  part  des  échantillons  de  la  chaîne 
des  Neelgheries,  à l’O.  de  Pondichéri  , et  des  environs 
de  Bombay  ; il  donna  ensuite  lecture  des  notes  suivan- 
tes, extraites  de  divers  recueils  scientiliques  de  l’Inde  : 

« M.  John  Mac-Clelland  a donné  une  note  sur  la  partie 
de  l’Assam  où  croit  le  thé.  Entre  le  Gange  et  le  Brama- 
putra  on  observe  à Jumalpore  un  district  élevé  qui  of- 
fre du  bois  fossile.  Près  du  Bramaputra  le  sol  laisse  voir 
de  l’argile  jaune  et  rouge  appelée  kanka.  Près  des  monts 
Kossiah  la  plaine  marécageuse  est  parsemée  de  petites 
éminences,  restes  d’un  ancien  talus  de  ces  montagnes. 
La  pente  de  ces  montagnes  offre  trois  étages,  le  premier 
s’élevant  à 1,500  pieds,  le  second  formant  des  escarpe- 
ments, et  le  troisième  des  sommets.  Au  haut  du  pre- 
mier étage  il  y a un  banc  de  coquilles  marines  où  l’a.u- 


112 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


leur  a découvert  25  espèces  identiques  suivant  lui  avec 
celles  du  bassin  de  Paris;  à dix  milles  plus  à l’O.,  à la 
même  hauteur,  les  coquilles  sont  groupées  par  familles. 
Les  couches  sont  sableuses  et  çà  et  là  ferrugineuses.  Les 
montagnes  au  nord  de  la  vallée  sont  composées  de  por- 
phyre, de  calcaire  grenu , de  serpentine,  de  granité  et 
de  talcschiste;  tandis  que  des  grès  tertiaires,  du  calcaire 
coquillier  et  de  la  lignite  forment  le  groupe  des  hauteurs 
au  sud,  avec  des  gneiss,  des  diorites  et  des  siénites. 
La  vallée  d’Assam  est  donc  placée  entre  deux  systèmes 
différents.  Dans  le  bas  elle  n’a  que  vingt  milles  anglais 
de  largeur,  mais  dans  le  haut  elle  a cinquante  milles. 

» A Govahatti  les  monts  Mekeer  sont  composés  de 
gneiss,  et  à Goalpara  d’amphibolite.  ANoagong  il  y a des 
talcschistes  à nodules  de  quarz  avec  un  îlot  de  granité. 

» L’Assam  supérieur  est  un  bassin  alluvial  traversé  par 
quatre  grandes  branches  du  Bramaputra,  le  Dihong , le 
Dibong,  le  Bramaputra  et  le  Subang-Shieree.  Le  dépôt 
le  plus  inférieur  du  sol  est  une  argile  jaune- rouge  qui 
est  sous  les  alluvions,  composées  de  bas  en  haut  d’ar- 
gile fine,  d’argile  sableuse  à cailloux,  de  sable  et  de 
gravier.  Sur  le  Noa-Dihing  il  y a des  couches  de  sable 
contenant  des  conifères  à trois  cents  pieds  sur  la  vallée 
et  du  même  genre  que  ceux  charriés  par  les  rivières 
Ellishme  et  Abor. 

» L’auteur  s’occupe  ensuite  des  divers  sols  sur  lesquels 
croît  le  thé,  en  particulier  à Cuju;  il  en  donne  des  ana- 
lyses, et  une  liste  des  animaux  de  l’Assam. 

» M.  le  docteur  Spilsbury  a décrit  dans  \e  Journal  asia- 
tique du  Bengale,  n°  66,  un  nouveau  gisement  d’osse- 
ments fossiles  d’éléphants  sur  les  hauteurs  près  de  Ja- 


DANS  L’INDE. 


113 


balpour  clans  la  vallée  de  Nerbouclda , ainsi  qu’à  Sa- 
gan ni  ; ils  étaient  accompagnés  d’une  tête  de  buffle. 

» M.  le  docteur  Benza  a décrit  ( Journal  de  Madras , 
1836)  les  Neelgheries,  qui  sont  un  groupe  de  montagnes 
atteignant  7,000  pieds  et  placé  entre  les  rivières  de  Bo- 
vany  et  de  Moyar,  Danikam-Cottab , Goodaloor,  le  défilé 
de  Koondah  et  Soondepettah , à la  rencontre  méridionale 
des  deux  chaînes  qui  bordent  les  deux  côtes  de  la  pé- 
ninsule de  l’Indostan.  D’après  MM.  Adolphe  Delessert 
et  Perrottet  cette  espèce  de  plate-forme  quadrangulaire 
rugueuse  est  aussi  remarquable  pour  la  géologie  que 
pour  la  botanique  quelquefois  semi-européenne , et  le 
type  particulier  des  habitants,  dont  les  figures  se  rap- 
prochent plus  de  celles  des  Bomains  que  de  celles  des 
Indous;  ils  parlent  aussi  un  langage  différent  de  celui 
de  l’Indostan. 

» Cette  chaîne  n’est  composée  que  de  roches  anciennes, 
telles  que  des  gneiss  granitoïdes , avec  quelques  îlots  de 
granités  ( monts  Koondah , Coonoor  , le  voisinage  du 
pic  de  Kudiakaa  ) , des  pegmatites  (monts  Koondah) , 
beaucoup  de  granités  siénitiques  ( entre  Kolagherry , 
la  vallée  d’Orange  et  Coonoor,  entre  Ootacamund,  Py- 
karra  et  Bungalov  ) et  des  amphibolitcs  schisteuses  en 
énormes  amas  (sur  les  affluents  supérieurs  de  la  "rivière 
de  Pykarra , sur  celles  de  Cull-Aur , à Bungalov , To- 
vany  et  Billicoul  ).  Au  milieu  de  ces  roches  il  y a des 
gîtes  en  amas  de  grenat  colophonite , entre  Nunjanaud 
et  Bungalov,  d’essonite  au  nord-ouest  d’Ootacamund  , 
de  fer  oxydulé  (Kotagherry)  et  de  fer  titanifère,  au 
sud-est  d’Ootacamund.  Des  filons  de  basalte  s’y  rencon- 
trent surtout  près  d’Ootacamund,  ainsi  qu’entre  cette 

15 


114 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


ville  et  Pykarra.  La  presque  totalité  du  plateau  est  cou- 
verte d’une  terre  smectique,  blanche,  rougeâtre  ou  grise, 
appelée  par  l’auteur  terre  de  lithomarge,  qui  paraît 
rentrer  dans  ces  dépôts  d’alluvions , que  les  géologues 
de  l’Inde  appellent  latérite.  On  y trouve  de  la  terre 
d’ombre  près  d’Ootacamund  et  beaucoup  de  fer  héma- 
tite. Ce  minerai  y abonde  surtout  à l’ouest  d’Ootaca- 
mund , entre  cette  ville  et  Nunjanaud , ainsi  que  dans 
un  point  au  nord-nord-est  des  monts  Koondah. 

» M.  Robert  Cole  a donné  la  description  la  plus  com- 
plète du  latérite  ( Journal  de  Madras , 1836),  en  résu- 
mant tout  ce  qu’on  avait  dit  à cet  égard  depuis  Bucha- 
nan jusqu’à  M.  Benza.  11  a cherché  à réfuter  l’idée  de 
M.  Conybeare , que  ce  n’était  qu’une  argile  ferrugineuse 
associée  à la  formation  trappéenne  si  abondante  dans  le 
centre  de  l’Indostan. 

» M.  Buchanan,  dans  son  Voyagé  de  Madras  à travers 
le  Mysore,  le  Canara  et  le  Malabar,  décrit  ce  dépôt 
comme  une  argile  souvent  poreuse  à minerais  de  fer  et 
dépourvue  de  restes  organiques  et  de  végétaux.  A Jajpar, 
sur  les  bords  du  Yirbhum  et  à Murshedabad,  c’est  une 
argile  qu’on  peut  couper  avec  un  canif,  qui  durcit 
quelquefois  et  qui  est  bréchoïde  à cause  des  nodules 
ferrugineux.  M.  Babington  ( Tr . Geol.  Soc.,  t.  5,  part.  2) 
a décrit  le  même  dépôt  entre  Tellicherry  et  Madras , 
comme  une  alluvion  des  montagnes  des  Gales  , compo- 
sée de  débris  décomposés  de  roches  anciennes  telles  que 
le  gneiss,  l’amphibolite.  M.  Voysey  (J.  of  the  As.  Soc., 
août  1833,  p.  400)  décrivant  les  trapps  au  nord-ouest 
de  Hyderabad,  ne  parle  que  de  roches  trappéennes  fer- 
rugineuses appelées  ironclay  par  les  Anglais,  et  signale 


DANS  L’INDE. 


115 


le  passage  de  la  waeke  à ces  dernières.  M.  Calder,  d’un 
autre  côté,  donne  le  nom  de  latérite  à un  dépôt  d’ar- 
gile ferrugineuse  qui,  suivant  lui , succède  au  trapp  au 
nord  de  Bankot  et  s’étend  jusque  dans  l’ile  de  Ceylan. 
Le  docteur  Yoysey  paraît  avoir  attribué  les  couches 
superficielles  de  latérite  à des  éruptions  boueuses  en 
connexion  avec  celles  des  basaltes  et  des  trapps. 

» MM.  Turnbull  Christie  ( Edinb . phil.  Journ.,vo\.  15) 
et  Everest  ( Glean . insc.,  mai  1831,  p.  130)  ont  reconnu 
dans  le  latérite  une  structure  agrégée  d’alluvion. 
MM.  Benza  et  Malcolmson  sont  du  même  avis  et  croient 
que  le  latérite  est  surtout  dû  au  lavage  des  roches  gra- 
nitiques, siéniliques  et  primitives  décomposées,  comme 
le  prouve  leur  nature  et  les  fragments  de  quartz  à d’au- 
tres portions  de  leurs  éléments. 

» M.  Coîe  a pris  la  même  opinion  en  examinant  le  la- 
térite qui  couvre  cinquante  milles  carrés  sur  les  hau- 
teurs appelées  Redhills , à 8 milles  au  nord-ouest  de 
Madras.  Ce  sont  de  véritables  couches  irrégulières  d’ag- 
glomérat à pâte  argileuse  ou  de  feldspath  passé  à l’état 
de  lithomarge.  Elles  passent  aussi  bien  à des  espèces  de 
grès  qu’à  des  masses  argileuses  sans  division  de  stratifi- 
cation. On  y remarque  des  fragments  de  quartz  et  de 
grès  siliceux,  outre  d’innombrables  géodes  et  morceaux 
fragmentaires  de  fer  ocreux  rouge  et  brun.  Ailleurs  il 
y signale  des  cailloux  de  granité,  de  siénite  et  de  dio- 
rite.  Il  paraît  donc  évident  que  le  latérite  n’est  qu’une 
alluvion  ancienne  sans  fossiles  ou  détritus  des  monta- 
gnes anciennes , surtout  de  celles  composées  de  roches 
feldspathiques  massives,  ce  qui  n’exclut  pas  qu’on  puisse 
avoir  raison  de  vouloir  lier  sa  formation  à des  torrents 


116 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


d’eau  qui  ont  pu  laver  la  surface  d’une  bonne  partie  de 
l’Indostan,  lors  de  la  sortie  de  ces  énormes  éruptions 
trappéennes.  Ce  fait  serait  analogue  à celui  des  alluvions 
répandues  autour  du  Vésuve,  produites  par  suite  des 
pluies  accompagnant  ou  suivant  les  éruptions.  » 

Pendant  mon  séjour  à Salem  je  fis  une  excursion  sur 
la  montagne  de  Schewroy-Hills,  suivi  de  deux  guides 
et  de  mes  Indiens.  Arrivés  à 4,000  pieds  d’élévation, 
nous  finies  halte,  et  je  trouvai  le  climat  d’Europe  ainsi 
qu’une  grande  partie  de  ses  végétaux.  On  y voit  de 
beaux  jardins  où  l’on  cultive  avec  succès  les  fruits  et 
les  légumes  de  France.  Je  voulais  y passer  quelques 
jours  pour  pouvoir  chasser;  mais  après  le  troisième 
jour  je  fus  obligé  de  revenir  parce  que  je  perdis  subi- 
tement plusieurs  de  mes  Indiens,  qui  succombèrent  en 
peu  d’heures  au  choléra  malgré  les  soins  que  je  pus 
prendre  d’eux.  En  rentrant  à Salem,  je  ne  fus  pas  peu 
surpris  de  trouver  à l’hôpital  la  moitié  des  Indiens  de 
ma  troupe  que  j’y  avais  laissés.  Heureusement  ils  fu- 
rent promptement  rétablis;  et  je  me  mis  en  route  pour 
les  Neelgheries,  où  j’arrivai  après  quelques  jours  de 
marche  en  passant  par  Madepollam.  Je  m’étais  arrêté 
pour  chasser  dans  le  bois  qui  borde  la  route  d’Ootaca- 
mund.  Ce  bois  est  entouré  d’un  jongle  de  bambous  dans 
une  étendue  de  plusieurs  milles.  J’y  tuai  beaucoup 
d’oiseaux  et  de  mammifères  (1);  c’est  aussi  dans  ce 

(1  ) Edolius  puellus , Oriolus  melanocephalus , Clauropsis  aurifrons  et 
Merops,  plusieurs  pics  nouveaux,  des  huppes,  des  coqs  de  bois,  quelques 
polyplectrons,  des  cerfs  nommés  Cadembé  en  tamoul,  des  singes  blancs , 
des  singes  des  pagodes , le  cerf-souris  ( Cervus  minutus) , le  Sciurus  ma- 
labaricus,  plusieurs  ours  des  Gates  ( Ursus  mellivorus ),  des  chèvres  sau- 
vages (Catté  adé),  des  sangliers  qui  sont  très-friands  du  fruit  du  Myr- 


DANS  L’INDE. 


117 


bois  que  je  tuai  un  gauri  ou  bœuf  sauvage  : pour  arri- 
ver jusqu’à  lui  j’ai  été  obligé  de  me  traîner  à plat  ven- 
tre dans  les  herbes  et  les  épines,  avançant  alternative- 
ment mon  corps  et  mon  fusil.  Cette  marche  peu 
avantageuse  et  très-fatigante  dura  une  demi-heure; 
enfin,  j’arrivai  au  but  de  mes  désirs  : c’était  un  petit 
buisson  qui  pouvait  masquer  les  mouvements  que  je 
devais  faire  pour  me  relever.  Toutes  ces  précautions 
étaient  indispensables  parce  que  je  ne  connais  pas 
d’animal  plus  sauvage  que  ces  bœufs;  les  yeux  et  les 
oreilles  toujours  au  guet,  le  moindre  bruit  les  fait  fuir. 
Après  m’être  relevé  sans  bruit  et  lentement,  j’étais  à 
cinquante  pas  des  bœufs  ; j’osais  à peine  respirer,  j’é- 
tais tout  couvert  de  sueur.  Je  pris  le  temps  de  les  bien 
examiner  et  de  choisir  celui  que  je  voulais  tirer.  Après 
un  quart  d’heure  d’attente,  je  me  décidai  à viser  celui 
qui  se  trouvant  le  plus  près  de  moi  m’offrait  le  mieux 
aussi  son  poitrail.  Je  tirai  mes  deux  coups  l’un  après 
l’autre,  et,  au  milieu  du  tumulte  occasionné  par  le  dé- 
part de  la  troupe,  je  vis  avec  le  plus  grand  plaisir  ma 
victime  tomber  et  se  relever  plusieurs  fois  sans  pouvoir 
se  tenir  sur  ses  jambes.  Un  instant  je  regrettai  de  n’a- 
voir pas  un  second  fusil;  mais  je  rechargeai  prompte- 
ment, sans  perdre  mon  bœuf  de  vue,  et,  sortant  de  ma 
cachette,  j’allai  droit  à lui  : il  fit  encore  quelques 
efforts  pour  se  dresser,  et,  par  prudence,  je  lui  envoyai 
à quinze  pas  une  balle  qui  lui  traversa  le  flanc,  réser- 
vant mon  second  coup  pour  le  lui  tirer  à bout  portant 


tus  candescens,  des  chacals , des  porcs-épics , des  mangoustes , des  chats 
sauvages,  un  tigre  et  deux  léopards. 


118 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


si  cela  devenait  nécessaire.  Arrivé  près  de  lui,  il  vivait 
encore;  mais  je  le  vis  bientôt  mourir  : je  courus 
aussitôt  chercher  mes  Indiens,  qui  le  dépouillèrent  de 
suite.  Nous  prîmes  les  meilleurs  quartiers  de  viande 
pour  notre  dîner  et  je  lis  traîner  le  reste  à vingt  pas 
du  buisson  qui  m’avait  servi  de  cachette,  espérant  pou- 
voir m’y  placer  encore  pour  attendre  quelque  bête  fauve 
à l’affût;  mais  le  lendemain  je  ne  trouvai  plus  que  les 
débris  épars  du  squelette.  Je  partis  pour  Kotagherry, 
où  je  devais  rester  quelque  temps;  j’y  formai  un  petit 
jardin  pour  avoir  des  légumes.  J’avais  quelques  semen- 
ces qu’on  m’avait  conseillé  d’emporter,  et  en  peu  de 
temps  j’eus  le  plaisir  de  voir  mon  jardin  en  fleurs.  Je 
restai  sept  mois  à Kotagherry,  et  j’y  fis  d’aussi  belles 
chasses  qu’à  Ootacamund;  j’y  tuai  deux  autres  bœufs  et 
plusieurs  ours  des  Gates.  Je  fis  alors  une  expédition  à 
Tullamalay,  et  à mon  retour  je  pus  manger  des  petits 
pois  de  mon  jardin. 

Tous  les  jours  je  chassais,  et,  pour  me  reposer,  je 
cherchais  des  insectes  et  des  plantes.  Un  soir  que  je 
m’étais  éloigné  plus  que  de  coutume,  je  fus  surpris  par 
la  nuit  à une  très-grande  distance  de  mon  camp;  et  je 
fus  obligé  de  me  résigner  à coucher  à la  belle  étoile,  ce 
qui  n’amusa  pas  trop  mes  gens.  Nous  nous  installâmes 
comme  nous  pûmes,  et  je  fis  allumer  un  bon  feu  pour 
éloigner  les  tigres  ; mais  vers  le  milieu  de  la  nuit  nous 
fûmes  surpris  par  un  orage  violent  qui  éteignit  notre 
feu  et  nous  mouilla  jusqu’aux  os.  Nous  n’avions  rien  à 
manger,  et  ma  petite  provision  de  rhum  était  même 
épuisée.  La  pluie  ne  cessa  pas  de  la  journée  du  lende- 
main, ce  qui  ne  nous  avait  pas  empêchés  de  nous  mettre 


DANS  L’INDE. 


119 


en  route;  et  nous  arrivâmes  au  camp  vers  midi,  dans  le 
plus  triste  état  qu’on  puisse  imaginer  : nous  étions  très- 
fatigués,  et  cependant  je  ne  pouvais  laisser  ce  que  j’avais 
tué  la  veille.  Un  jour  de  repos  lit  promptement  oublier 
cette  aventure.  Parmi  les  animaux  que  j’aurais  perdus  si 
j’avais  cédé  à la  fatigue  en  les  abandonnant  se  trouvent 
plusieurs  espèces  nouvelles  de  mammifères  et  d’oiseaux 
que  MM.  de  La  Fresnaye  et  Gervais  ont  bien  voulu 
décrire. 

Je  quittai  Kotagherry  pour  aller  m’établir  à Ootaca- 
mund,  parce  que  je  me  sentais  très-faible;  j’avais  eu 
plusieurs  fois  la  fièvre  en  séjournant  dans  les  bois. 
Tous  mes  Indiens  en  avaient  assez;  et  moi-même,  n’en 
pouvant  plus,  je  dus  aller,  dès  mon  arrivée,  consulter 
le  docteur  Birch,  en  le  priant  de  me  donner  des  soins 
qui  furent  si  efficaces  qu’en  peu  de  jours  je  me  trouvai 
rétabli. 

« Les  montagnes  des  Neelgheries,  dit  M.  Lesche- 
nault,  sont  situées  au  N. -N. -O.  de  Coimbatore;  leur 
longueur  E.  et  O.  est  d’environ  quatorze  lieues , et  leur 
largeur  N.  et  S.  varie  de  cinq  à neuf  lieues.  Je  suis 
resté  vingt  jours  sur  leur  sommet,  et  je  les  ai  parcou- 
rues dans  différentes  directions  : elles  sont  fort  élevées, 
mais  aucune  observation  n’a  encore  fixé  leur  hauteur; 
on  ne  peut  en  juger  que  par  la  température,  qui,  dans 
la  saison  la  plus  froide  ( les  mois  de  décembre  et  de 
janvier),  fait  descendre  le  mercure  pendant  la  nuit 
au-dessous  du  degré  de  congélation,  température 
bien  froide  pour  le  onzième  degré  de  latitude  où 
sont  situées  ces  montagnes.  Pendant  le  mois  de  mai, 
époque  de  mon  voyage  , le  thermomètre  de  Réau- 


120 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


mur  a varié  du  onzième  au  dix-neuvième  degré  de 
chaleur. 

» La  pente  des  montagnes,  du  côté  de  Coimbatore, 
est  fort  escarpée  : les  sentiers  étroits  pratiqués  pour  les 
communications  entre  les  habitants  de  la  plaine  et  ceux 
des  montagnes , sont  très-rapides  ; ils  ont  été  tracés 
par  les  indigènes,  qui,  ne  portant  aucune  chaussure, 
gravissent  avec  facilité  les  escarpements  les  plus  roides. 
Ces  sentiers  montent  directement  sans  presque  aucune 
sinuosité  (1),  souvent  ils  forment  avec  l’horizon  un  an- 
gle de  plus  de  45  degrés  et  rarement  au-dessous  de  30  ; 
ils  sont  en  outre  embarrassés  de  grosses  roches,  qu’il 
faut  quelquefois  gravir  en  s’aidant  avec  les  mains.  On 
se  fera  difficilement  une  idée  de  la  fatigue  que  l’on 
éprouve  pour  parvenir  jusqu’au  premier  sommet  ; je 
mis  deux  heures  et  demie  pour  y arriver,  quoique  la 
distance  ne  soit  pas  d’une  lieue  à partir  du  bas  des 
montagnes.  On  trouve  ensuite  alternativement  des  des- 
centes et  des  montées , toutes  fort  rapides , pendant 
deux  à trois  lieues,  qu’il  faut  parcourir  jusqu’au  pre- 
mier village.  La  difficulté  des  chemins  est  la  cause  que 
jusqu’à  présent  les  Européens  n’avaient  qu’une  connais- 
sance fort  imparfaite  de  ces  contrées  élevées  et  de  leurs 
habitants  (2).  Il  y a dans  cette  route,  au  milieu  des  fo- 
rêts, une  grande  quantité  de  tigres,  d’hyènes,  d’ours, 
et  beaucoup  d’éléphants  au  pied  des  montagnes. 

(1)  Depuis  cette  époque  on  a considérablement  amélioré  les  chemins 
qui  conduisent  aux  montagnes  de  Neelgheries. 

(2)  Depuis  l’époque  où  j’ai  visité  ces  montagnes  elles  sont-  bien  mieux 
connues  ; on  y a formé,  à cause  de  leur  salubrité,  des  établissements  de 
santé,  où  plusieurs  Anglais  de  la  péninsule  viennent  chaque  année  pas- 
ser la  saison  la  plus  chaude. 


DANS  L’INDE. 


-121 


Le  sommet  des  montagnes  des  Neelgheries  offre  un 
aspect  varié  et  très-pittoresque;  la  surface  est  composée 
de  plusieurs  monticules  plus  ou  moins  arrondis  ou  es- 
carpés ; ils  sont  séparés  par  des  vallons,  au  fond  des- 
quels coulent  presque  toujours  des  ruisseaux  d’une  eau 
limpide  et  murmurante  ; avec  un  peu  d’industrie , on 
pourrait  établir  de  fort  bonnes  prairies  dans  plusieurs 
endroits  de  ces  riches  vallées.  Les  flancs  des  montagnes 
présentent  tantôt  des  champs  cultivés , tantôt  des  bou- 
quets de  bois  presque  impénétrables,  à cause  des  lianes 
et  des  arbustes  épineux  que  fait  naître  abondamment 
une  vigoureuse  végétation , et  qui  enlacent  des  arbres 
quelquefois  énormes.  C’est  à regret  que  je  suis  obligé 
de  dire  que  ces  bosquets  sont  dangereux , car  ils  ser- 
vent souvent  de  retraite  aux  tigres,  aux  ours  et  aux 
chiens  sauvages,  qui  sont  communs  dans  ces  montagnes. 

» Les  habitants  sont  peu  nombreux;  ils  paraissent 
fort  doux,  ils  mènent  une  vie  heureuse  et  indépen- 
dante. Ils  sont  divisés  en  trois  tribus  : les  Burgers,  les 
Collers  et  les  Totevas ; les  derniers,  qui  habitent  les  ré- 
gions les  plus  élevées,  sont  regardés  comme  les  habi- 
tants primitifs  : ils  ne  sont  que  pasteurs,  ils  possèdent 
de  nombreux  troupeaux  de  buffles.  Les  deux  autres  tri- 
bus cultivent  la  terre  ou  exercent  des  métiers  utiles, 
tels  que  ceux  de  forgeron,  de  charpentier,  etc.,  etc. 
Les  7o Itev as  offrent  dans  leurs  usages  une  coutume  très- 
extraordinaire  , et  qui  est  bien  en  opposition  avec  les 
mœurs  orientales;  c’est  la  pluralité  légale  demaris(l): 


(1)  J’ai  depuis  observé  la  même  coutume  dans  l’intérieur  de  l’ilc  de 
Ceylan. 


16 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


122 

ordinairement  les  frères  n’ont  entre  eux  qu’une  seule 
femme  qui  accorde  ses  faveurs  selon  son  gré.  Outre  ses 
maris,  une  femme  peut  avoir  encore  un  amant  dont  les 
droits  sont  incontestés  par  les  bénévoles  époux.  Cette 
race  est  généralement  fort  belle  pour  les  formes  et  pour 
les  traits. 

« Les  villages  placés  sur  le  sommet  des  monticules  sont 
composés  d’une  petite  quantité  de  cabanes  peu  élevées 
et  d’une  apparence  misérable;  mais  elles  sont  solide- 
ment construites  en  bois,  en  terre  glaise,  et  couvertes 
de  chaume.  Celles  des  Toltevas  sont  entièrement  en  bois  ; 
il  n’y  a d’autre  ouverture  qu’une  porte  si  basse,  qu’il 
faut  s’y  glisser  à plat  ventre  pour  pouvoir  y entrer. 

» Les  champs  entourent  ordinairement  les  habita- 
tions ; il  n’y  a d’autre  bétail  que  des  bœufs  et  des  buf- 
fles , que  l’on  renferme  pendant  la  nuit  dans  des  parcs 
circulaires  en  pierre  surmontés  d’une  haie  sèche  ou 
vive,  fort  élevée,  pour  les  mettre  à l’abri  des  bêtes  fé- 
roces. Le  terrain  est  rougeâtre  ou  noirâtre,  meuble, 
profond  et  très-fertile.  Les  plantes  cultivées  sont  le  blé, 
l’orge,  les  lentilles,  le  paspale  froment,  la  cretelle  à 
épis  larges , plusieurs  espèces  de  millet,  le  pois  chiche , 
une  autre  espèce  de  pois  noir,  la  moutarde,  le  pavot 
qui  fournit  l’opium,  l’ail,  les  oignons,  etc.  L’air  y est 
pur  et  fortifiant , la  température  fraîche  et  agréable. 

» La  botanique  offre  le  plus  grand  intérêt  sur  les  mon- 
tagnes des  Neelgheries  par  la  différence  qui  existe  entre 
les  plantes  de  cette  contrée  et  celles  de  la  plaine  ; on  y 
trouve  un  très-grand  nombre  de  genres  analogues  à 
ceux  d’Europe  : tels  sont  les  vaccinium,  rhododendrum , 
fragaria , rubus , anemone,  balsamina , géranium,  mes- 


DANS  L’INDE. 


123 


pilus , planlago , rosa , salix , berberis , etc.  Cette  simi- 
litude indique  que  les  plantes  utiles  d’Europe  s’y  accli- 
materaient parfaitement  bien.  » 

La  richesse  végétale  de  ces  montagnes  devait  attirer 
mon  attention;  cependant  cette  partie  de  l’histoire  na- 
turelle ne  pouvait  être  pour  moi  qu’un  objet  tout 
à fait  secondaire  et  comme  accessoire,  ne  m’étant 
jamais  occupé  que  très -superficiellement  de  cette 
science.  D’un  autre  côté,  je  savais  que  M.  Perrottet,  mon 
compagnon  de  voyage,  s’y  livrait  exclusivement  et  avec 
beaucoup  d’ardeur.  Je  ne  me  suis  donc  adonné  avec  quel- 
que soin  à la  recherche  des  plantes  que  dans  les  contrées 
où  j’ai  voyagé  seul,  telles,  par  exemple,  que  Pulo-Pi- 
nang,  Malacca,  Balavia , etc.  J’ai  rapporté  de  ces  divers 
endroits,  notamment  de  Pulo-Pinang,  un  grand  nombre 
d’échantillons  des  nombreux  végétaux  que  j’ai  rencon- 
trés, parmi  lesquels  se  trouvaient,  d’après  le  rapport 
des  botanistes  qui  les  ont  visités,  une  foule  de  plantes 
rares,  nouvelles  ou  peu  connues.  L’une  d’elles  (rubia- 
cée  ) a été  trouvée  assez  intéressante  pour  être  décrite 
dans  le  troisième  volume  des  Icônes  selectœ  plantarum 
de  mon  oncle  Benjamin  Delessert  ( voyez  la  planche  81, 
etc.  ).  C’est  YUncaria  sclerophylla  de  Iloxburgh , dont 
aucun  échantillon  n’existait  encore  dans  les  herbiers 
d’Europe.  Je  me  suis  trouvé  ainsi  à portée  d’enrichir 
l’herbier  de  mon  oncle  d’un  grand  nombre  d’espèces 
qu’il  ne  possédait  point  encore,  ce  qui  m’a  fait  d’autant 
plus  de  plaisir  que  je  dois  à l’amitié  et  à la  bienveillance 
de  cet  excellent  oncle  l’entreprise  et  le  succès  de  mon 
voyage.  Je  voudrais  pouvoir  lui  témoigner  ici  toute  la 
gratitude  dont  mon  cœur  est  pénétré. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


124 

J’éprouve  le  regret  de  ne  pouvoir  donner  le  catalo- 
gue de  ces  plantes  intéressantes,  dont  la  plupart  n’ont 
point  encore  de  nom;  mais  je  citerai  les  diverses  con- 
trées où  je  les  ai  recueillies.  Ainsi,  à celles  déjà  indi- 
quées j’ajouterai  les  suivantes  : Montagnes-Bleues  ou 
Neelgheries,  les  environs  de  Pondichéri,  Gyngy  (mon 
tagnes  de),  Bourbon,  etc.  La  cryptogamie  que  j’ai 
rapportée  de  ce  dernier  pays  a été  vivement  appréciée 
par  M.  le  docteur  Montagne,  qui  y a trouvé  un  grand 
nombre  d’objets  nouveaux  et  tout  à fait  inédits  jusqu’à 
ce  jour,  principalement  parmi  les  Jongermons  et  les 
fougères. 

Outre  les  plantes  sèches  dont  je  viens  de  parler,  j’ai 
encore  rapporté  une  collection  de  fruits  et  de  graines 
d’arbres  de  toute  sorte;  laquelle  a fait  d’autant  plus  de 
plaisir  à mon  oncle  que  la  plupart  des  objets  dont  elle 
se  compose  ne  se  trouvaient  point  parmi  ceux  qui  font 
partie  de  son  riche  cabinet  carpologique  : 

Les  montagnes  des  Neelgheries  forment  un  énorme 
massif  extrêmement  accidenté , coupé  de  ravins , de  val- 
lées marécageuses , de  précipices  ou  gorges  profondes, 
qui , suivant  leur  étendue  ou  leur  direction , présentent 
une  végétation  entièrement  différente  de  celle  des  pla- 
teaux qui  les  environnent.  La  surface  de  ces  plateaux 
est  singulièrement  ondulée,  et  se  compose  en  général 
d’une  suite  de  monticules  ou  de  mamelons  arrondis 
dont  quelques-uns  ont  une  hauteur  de  plus  de  8,000 
pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 

La  plupart  de  ces  mamelons  sont  complètement  dé- 
pourvus de  végétation  arborescente;  une  herbe  line  et 
touffue  , d’un  vert  pâle,  les  recouvre  en  totalité,  et  leur 


DANS  L’INDE. 


125 


donne  une  physionomie  remarquable  et  toute  particu- 
lière. De  loin  en  loin  seulement  on  aperçoit  quelques 
bouquets  d’arbres  d’une  étendue  variable,  mais  généra- 
lement peu  élevés.  C’est  dans  les  gorges  et  dans  les  ra- 
vins dont  nous  avons  parlé  tout  à l’heure,  et  qui  doivent 
leur  origine  aux  chutes  d’eau  ou  aux  torrents  qui  se 
précipitent  des  plateaux  supérieurs  , que  l’on  voit  s’éle- 
ver une  végétation  vigoureuse  et  arborescente , contras- 
tant , par  sa  force  et  les  espèces  qui  la  composent , avec 
celle  des  mamelons  du  plateau. 

Qu’on  se  ligure  l’étonnement  du  botaniste  européen 
s’élevant  des  plaines  de  l’Inde  sur  la  chaîne  des  Neelghe- 
ries,  à la  vue  de  la  végétation  qui  vient  frapper  ses  re- 
gards. Dans  la  plaine  , ces  forêts  impénétrables  , com- 
posées d’arbres  dont  la  cime  s’élève  à plus  de  50  mètres 
de  hauteur  ; cette  variété  dans  les  formes , cet  éclat  et 
cette  gravité  dans  les  fleurs,  ce  mélange  de  palmiers 
élégants  et  des  espèces  colossales  de  figuiers  , de  man- 
guiers, etc.,  sur  lesquels  s’établit  la  végétation  parasite 
des  orchidées  et  des  broméliacées  épidendres  ; ces  lia- 
nes, si  variées  dans  leurs  formes,  sont  tout  à coup  rem- 
placés par  une  végétation  maigre  et  chétive , qui  fatigue 
l’œil  par  son  apparente  monotonie.  Tout  à l’heure  rien 
ne  rappelait  au  voyageur  européen  les  végétaux  de  sa 
patrie  ; aucune  espèce , je  dirais  presque  aucun  genre 
de  plantes  n’appartient  à ces  forêts  primitives  de  l’Inde 
et  à celles  de  l’Europe.  En  une  heure  de  marche  , s’il 
pouvait  perdre  le  souvenir  du  temps  et  des  lieux,  il  se 
croirait  transporté  sur  le  sommet  des  Alpes  ou  du  Jura  : 
même  forme  générale  dans  l’aspect  de  la  végétation, 
mêmes  genres,  et  espèces  presque  identiques.  Ainsi  il 


126 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


rencontre  à chaque  pas  des  renoncules , des  violettes, 
des  anémones , des  mauves,  des  millepertuis,  des  fume- 
terres,  des  potentilles,  des  gentianes,  des  andromèdes 
et  des  rhododendrons,  etc.,  etc.;  en  un  mot,  tous  les 
genres  qui,  en  Europe,  caractérisent  la  végétation  des 
hautes  chaînes  de  montagnes. 

Mais  néanmoins  si  l’aspect  général  est  le  même,  si 
les  genres  de  végétaux  sont  ainsi  communs  aux  sommets 
élevés  des  Neelgheries  et  de  nos  Alpes,  cependant  la  na- 
ture imprime  encore  un  cachet  spécial  à cette  végétation 
des  hautes  chaînes  de  l’Inde.  Ce  sont  bien  les  mêmes 
genres , mais  ce  ne  sont  pas  les  mêmes  espèces  qu’en 
nos  climats.  Ainsi,  par  exemple,  aux  Rhododendrum 
hirsutum  et  ferrugineum  qui  garnissent  les  roches  cal- 
caires des  Alpes  de  la  Suisse  et  du  Jura  , se  substitue  le 
Rhododendrum arboreum , seul  végétal  ligneux,  qui  orne 
de  ses  magnifiques  corolles  pourpres  les  mamelons  élevés 
du  plateau  des  montagnes  des  Neelgheries.  Si  nous  pre- 
nons une  famille  en  particulier,  celle  des  Orchidées,  par 
exemple , nous  verrons  que  pour  le  port , ses  espèces 
rentrent  tout  à fait  dans  les  formes  européennes.  Mais 
les  genres  Orchis , Ophris , Acer  as , etc.,  de  nos  climats, 
sont  remplacés  par  de  nombreuses  espèces  appartenant 
aux  genres  Habenaria  , Salyrium , Perislylns , qu’on 
ne  trouve  guère  que  dans  les  pays  voisins  des  tropiques. 

Comme  nous  l’avons  dit  tout  à l’heure,  M.  Perrot- 
tet  a séjourné  deux  années  sur  la  chaîne  des  Neelghe- 
ries. Le  peu  d’étendue  de  ces  montagnes  lui  a permis 
d’en  parcourir  toutes  les  parties.  Il  n’y  a pas  un  des 
mamelons  qui  s’en  élèvent,  pas  une  des  vallées  qui  la 
sillonnent,  qu’il  n’ait  visités  à toutes  les  époques  de 


DANS  L’INDE. 


127 


l’année.  Aussi  peut-on  assurer  qu’il  en  a recueilli  à peu 
près  tous  les  végétaux  qui  peuvent  y croître , et  que  la 
végétation  de  ce  groupe  de  montagnes  est  aujourd’hui 
aussi  bien  connue  que  celle  des  contrées  de  l’Europe 
qui  ont  été  le  mieux  explorées. 

M.  Perroltet,  avec  la  sagacité  qui  caractérise  le  na- 
turaliste parfaitement  au  courant  de  toutes  les  exigen- 
ces de  la  science  et  qui  peuvent  contribuer  à ses  pro- 
grès , ne  s’est  pas  borné  à recueillir  avec  soin  tous  les 
végétaux  qui  s’offraient  à sa  vue  ; mais  il  a étudié  leur 
structure  , qu’il  a reproduite,  soit  par  des  dessins  ana- 
lytiques ou  par  des  descriptions  : il  a noté  surtout 
avec  un  soin  tout  particulier  les  diverses  stations  où 
croissent  chacun  de  ces  végétaux  ; de  manière  à pouvoir 
faire  un  tableau  exact  et  complet  de  la  géographie  bo- 
tanique des  Neelgheries,  partie  si  intéressante  de  la 
science. 

La  végétation  des  Neelgheries , considérée  dans  son 
ensemble  depuis  la  partie  inférieure  de  la  chaîne  jus- 
qu’au sommet  des  mamelons  qui  la  couronnent,  peut 
se  partager  en  quatre  régions , caractérisées  chacune 
par  un  certain  nombre  de  végétaux  qui  n’appartiennent 
qu’à  elle. 

La  première , ou  la  supérieure , qu’on  peut  appeler 
la  région  alpine , est  celle  que  nous  avons  fait  connaître 
tout  à l’heure.  C’est  celle  qui  comprend  tous  les  ma- 
melons depuis  une  hauteur  de  5,000  pieds  anglais  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer  jusqu’à  8,000  pieds , hau- 
teur de  quelques-uns  des  monticules  aux  environs 
d’Ootocamund,  ville  principale  des  Neelgheries.  Elle  est 
caractérisée,  disons-nous,  par  la  présence  de  tous  ces 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


128 

végétaux  alpins,  dont  nous  donnions  tout  à l’heure  une 
énumération  succincte,  au  milieu  desquels  se  rencon- 
trent deux  ou  trois  espèces  ligneuses,  comme  le  Myrlus 
iomentosa , si  remarquable  par  l’abondance  de  ses  jolies 
fleurs  roses , auxquelles  succèdent  des  baies  également 
roses,  d’une  saveur  douce,  aigrelette  et  parfumée;  le 
Cotoneasler  of/inis,  DC.,  arbrisseau  souvent  rabougri  et 
étalé  à la  surface  du  sol , tout  couvert  de  petites  fleurs 
blanches  et  tomenleuses,  qui  le  font  reconnaître  de 
loin  ; une  jolie  Acanlhacée , probablement  nouvelle , à 
fleurs  du  bleu  de  ciel  le  plus  pur  et  qui  couvre  quel- 
quefois d’immenses  espaces  de  terrain  ; enfin  le  Rhodo- 
dendrum  arboreum , qui  forme  quelquefois  à lui  seul 
de  petites  forêts  élégantes  et  dont  on  ne  trouve  plus  un 
seul  individu  au-dessous  de  5,000  pieds. 

Cette  zone  supérieure  est  parfaitement  tranchée; 
et  elle  diffère  tellement  de  celles  qui  sont  placées  au- 
dessous  d’elle,  qu’elle  parait  n’avoir  avec  elles  aucun 
rapport. 

La  deuxième  région  forme  une  bande  d’environ 
1,000  pieds  de  hauteur,  qui  commence  à 4,000  pieds 
et  s’élève  jusqu’à  5,000.  Sa  végétation,  comme  celle  des 
deux  autres  régions  inférieures  , offre  tout  à fait  le  ca- 
ractère tropical  et  indien  ; mais  elle  se  compose  en  gé- 
néral d’arbres  peu  élevés , et  sur  le  développement  des- 
quels la  hauteur  des  lieux  exerce  une  influence  très- 
grande.  Nous  citerons  ici , comme  caractérisant  cette 
région  , des  Dombeya,  des  lléliclères , le  / alerta  indica, 
des  espèces  appartenant  aux  genres  Trichilia , Slerculia, 
Plerocarpus , Ficus , Croton . Y Arlocarpus  incisa,  etc. 

» La  troisième  région  est  surtout  caractérisée  par  la 


DANS  L’INDE. 


129 


terminaison  de  ces  magnifiques  espèces  du  beau  genre 
Anogeissus , qui  forment  de  vastes  forêts  depuis  la  base 
de  la  montagne  jusqu’à  une  hauteur  de  -4,000  pieds. 
Au-dessus  de  ce  point  on  ne  rencontre  aucun  individu 
d’une  espèce  qui , dans  les  régions  situées  immédiate- 
ment au-dessous , imprimait  par  son  abondance  un  ca- 
ractère tout  spécial  à la  végétation.  Avec  les  Anogeissus 
se  montrent  le  Gmelina  arborea , le  Cochlospermum  gos- 
sypium , des  Acacia , des  Sapindus  , des  Celastrus  sar- 
menleux,  le  Pterocarpus  marsupium , les  Grewia,  les 
Dalbergia , des  Spathodœa  et  d’autres  Bignoniacées,  etc. 

Enfin  la  dernière  région  est  celle  qui  occupe  la 
base  des  montagnes  en  s’élevant  à une  hauteur  de  deux 
et  quelquefois  trois  mille  pieds  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer.  C’est  la  végétation  tropicale  indienne  avec  tout 
son  luxe  et  son  éclat.  Ce  sont  des  forêts  impénétrables, 
composées  d’arbres  magnifiques  dont  la  cime  s’élève 
souvent  à plus  de  cinquante  mètres  de  hauteur.  Rien 
n’est  beau  comme  ces  majestueux  manguiers  chargés  à 
la  fois  de  fleurs  et  de  fruits  du  plus  beau  jaune , comme 
le  jacquier,  à feuilles  entières  et  luisantes,  sur  le  tronc 
duquel  se  développent  des  fruits  dont  quelques-uns 
pèsent  jusqu’à  vingt-cinq  et  trente  kilogrammes.  Les 
bambous  y forment  des  touffes  vraiment  gigantesques, 
et  leur  chaume  creux  et  annelé  s’élève  à la  hauteur  des 
plus  grands  arbres,  et  acquiert  une  solidité  comparable 
à celle  des  bois  les  plus  résistants. 

La  végétal  ion  de  cette  dernière  zone  se  confond 
insensiblement  à sa  base  avec  celle  des  plaines  envi- 
ronnantes. 

Nous  avons  parlé  tout  à l’heure  de  ces  ravins  pro- 

17 


130 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


fonds,  de  ces  vallées  abruptes  qui  sillonnent  les  flancs 
du  massif  des  Neelglieries , et  descendent  quelquefois 
jusque  dans  la  plaine  qui  l’environne.  Leur  végétation 
ne  ressemble  en  rien  à celle  des  plateaux  ; la  transition 
est  subite.  A peine  le  voyageur  s’est-il  engagé  dans 
l’une  de  ces  vallées,  qu’il  se  voit  tout  à coup  environné 
par  une  végétation  luxuriante , par  des  arbres  souvent 
d’une  grande  hauteur,  comme  les  Lauriers , les  Miclii- 
lia , les  Gordonia , les  Andromèdes  arborescentes , sur 
lesquels  croissent  des  Lianes  et  des  Orchidées  épiden- 
dres.  C’est  dans  l’une  de  ces  vallées,  dans  sa  partie  la 
plus  rapprochée  des  plateaux,  que  M.  Perrottet  a dé- 
couvert cette  belle  fougère  en  arbre,  à tige  bifurquée, 
dont  il  n’existait  jusqu’à  présent  aucun  exemple  dans 
la  science.  On  sait  en  effet  que  les  fougères  ligneuses 
ressemblent , pour  leur  port  et  leur  aspect  général , aux 
palmiers  et  autres  monocotylédonés  à lige  arborescente. 
Si  l’on  excepte  quelques  Dracœna  et,  parmi  les  pal- 
miers, le  Doun  ou  palmier  de  la  Thébaïde,  le  stipe 
des  monocotylédonés , comme  celui  des  fougères  , est 
parfaitement  simple  et  indivis.  Dans  l’espèce  rapportée 
par  M.  Perrottet,  il  est  parfaitement  bifurqué.  M.  Per- 
rottet a également  rapporté  et  déposé  au  Muséum  d’ His- 
toire naturelle  l’extrémité  supérieure  d’un  Cycas  bifur- 
qué, et  un  stipe  de  Lontarus  flabelliformis  divisé  en 
six  branches  partant  toutes  de  points  differents.  Ce  sont 
autant  de  faits  nouveaux  pour  la  science , et  qui  proba- 
blement pourraient  modifier  en  quelques  points  les  ex- 
plications qu’on  a jusqu’à  présent  données  du  mode  de 
développement  des  arbres  monocotylédonés.  >» 

Pendant  mon  séjour  dans  ces  montagnes  j’ai  fait  de 


DANS  L’INDE. 


131 


nombreuses  observations  météorologiques  que  j’ai  adres- 
sées à la  Société  asiatique  de  Calcutta,  et  cette  Société 
a chargé  M.  Pr inseps  de  m’adresser  ses  remercîments 
au  nom  de  l’assemblée  (1). 


(I)  ASIATIC  SOCIETY  OF  BENGAL, 

INST1T0TED  JAN.  6 1786. 

A Monsieur  Adolphe  Delessert, 


Kotagheny-Neelgheries. 

Monsieur , 

Je  suis  chargé  par  la  Société  asiatique  de  vous  remercier  pour  la 
série  des  observations  météorologiques  faites  à Madepollam  et  à Kot- 
agherry,  que  vous  avez  eu  la  complaisance  de  mettre  à sa  disposition. 


J’ai  l’honneur  d’être,  Monsieur,  votre  très-obéissant  serviteur. 


Le  10  août  1838. 


PRINSEPS,  secr. 


132 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Voyage  à la  côte  du  Malabar,  el  retour  en  France  par 
l'Égypte. 


Ce  voyage  clans  les  montagnes  m’avait  beaucoup  fati- 
gué ; cependant  je  ne  voulais  pas  rentrer  en  France  sans 
avoir  visité  la  côte  du  Malabar.  Je  partis  pour  Calicut 
en  passant  par  Paulghautcherry,  continuant  toujours  à 
chasser.  Un  jour  je  fus  poursuivi  par  quatre  éléphants, 
qui  me  firent  battre  en  retraite  un  peu  plus  vite  que  je 
ne  voulais  jusqu’à  la  lisière  du  bois  ; arrivé  sur  la 
plaine,  je  courus  encore  jusqu’à  mon  convoi  : mais  les 
éléphants  ne  me  suivirent  pas;  ils  marchèrent  long- 
temps au  bord  du  bois  dans  la  même  direction  que 
nous,  et,  rassuré  parla  crainte  qu’ils  avaient  de  s’éloi- 
gner du  jongle,  je  leur  lirai  plusieurs  coups  de  fusil, 
ainsi  que  mes  chasseurs.  Notre  feu  fut  assez  bien  nourri 
pour  les  éloigner  : nous  les  blessâmes  sans  doute,  car 
ils  ne  reparurent  plus  ; et  autant  j’en  avais  eu  peur 
quand  ils  me  donnaient  la  chasse , autant , en  ce  mo- 
ment, j’aurais  désiré  qu’ils  nous  suivissent  encore. 
Après  un  court  séjour  à Calicut , je  me  procurai  un 
pattmar,  ou  bateau  côtier,  afin  de  me  rendre  à Bombay. 
Je  touchai  à Mahé,  établissement  français,  où  je  fus  fort 
bien  reçu  par  le  gouverneur.  Je  visitai  successivement 
Telliclierry , Cannanore,  Mangaloor,  Goa,  et  enfin  j’arri- 
vai à Bombay  le  A janvier  4839. 


Gattes  de  l'Ouest. 


DANS  L’INDE. 


133 


Le  climat  de  Bombay  est  très-agréable.  Je  voulus  aller 
visiter  la  montagne  de  Mahubliswhur,  où  les  Anglais  ont 
établi  des  maisons  de  santé,  et  la  chute  d’eau  de  Gokauk, 
prèsde  Belgaum.  Pendant  mon  séjour  à Bombay,  je  vis  par- 
tir pour  le  Caboul  un  corps  de  cinq  à six  mille  hommes  de 
l’armée  anglaise.  Bombay  est  une  ville  très-commerçante, 
mal  bâtie,  à rues  étroites  et  malsaines.  J’eus  le  plaisir 
d’y  rencontrer  le  capitaine  Dussumier,  si  connu  par  les 
naturalistes  français.  Il  voulut  bien  se  charger  du  trans- 
port de  mes  collections. 

Je  me  préparai  alors  à rentrer  en  France , et  j’obtins 
passage  sur  le  bateau  à vapeur  la  Bérénice.  Je  partis  le 
25  février  1839  de  Bombay  ; le  6 mars  nous  débar- 
quions à Aden,  dont  les  Anglais  venaient  de  s’emparer. 
Le  lendemain , nous  étions  en  route  pour  Suez  ; nous 
traversons  le  détroit  de  Bab-el-Mandeb  pour  entrer  dans 
la  mer  Rouge  : nous  passâmes  devant  Moka , où  nous 
prîmes  un  pilote , et  le  1 1 mars  nous  débarquions  à Suez . 
Le  surlendemain  j’étais  au  Caire.  Sur  toute  la  route  de 
Suez  au  Caire  on  rencontre  des  tentes  qui  appartien- 
nent à la  Compagnie  anglaise , et  sont  placées  là  pour  la 
sûreté  de  la  route  et  la  commodité  des  voyageurs. 

Je  passai  un  jour  au  Caire;  de  là  je  me  rendis  à 
Alexandrie,  où  j’allai  visiter  la  flotte  et  le  palais  du  vice- 
roi.  Je  m’embarquai  sur  le  bateau  à vapeur  le  Blazer, 
partant  pour  Malte , où , après  avoir  purgé  la  quaran- 
taine , nous  débarquâmes.  Je  profitai  du  peu  de  temps 
que  j’avais  pour  aller  visiter  l’ancien  château  des  cheva- 
liers de  Malte.  Je  quittai  Malte  avec  le  paquebot  français 
le  Minas , qui  en  cinq  jours  nous  amena  à Marseille 
en  passant  devant  Messine,  Civita-Vecchia  et  Livourne, 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE  DANS  L’INDE. 


13A 

où  nous  débarquâmes  assez  de  temps  pour  aller  visiter 
Pise  et  sa  Tour  penchée. 

Je  ne  fis  pas  un  long  séjour  à Marseille  ; j’étais  trop 
impatient  de  revoir  ma  famille.  Aussi  je  me  mis  de  suite 
en  route  pour  Paris,  où  j’arrivai  le  30  avril  1839,  après 
une  absence  de  six  années , qui  cependant  se  sont  écou- 
lées bien  rapidement.  Toutes  mes  collections  sont  arri- 
vées en  bon  état,  et  elles  sont  bien  conservées.  Je  dois 
en  témoigner  toute  ma  reconnaissance  à mon  oncle , 
M.  Benjamin  Delessert,  qui  a bien  voulu  donner  les 
ordres  nécessaires  pour  en  assurer  la  conservation  jus- 
qu’à mon  arrivée , et  faire  disposer  un  local  aussi  con- 
venable que  commode  pour  en  faciliter  l’arrangement 
méthodique,  qui,  grâce  aux  soins  éclairés  de  mon  ami 
le  docteur  Chenu , s’est  fait  très-promptement. 


SECONDE  PARTIE 


SOUVENIRS  D'l!N  VOYAGE  DANS  L’INDE. 


HISTOIRE  NATURELLE. 


INTRODUCTION. 


Plusieurs  rapports  ayant  été  lus  à l’Institut  (4),  par 
MM.  de  Blainville  et  Duméril,  sur  les  nombreuses  col- 
lections rapportées  des  diverses  parties  de  l’Inde  par 
M.  Adolphe  Delessert , nous  ne  chercherons  pas  à faire 
ressortir  ici  l’importance  de  celles  qui  ont  rapport  aux 
animaux  vertébrés,  car  nos  éloges  ne  pourraient  rien 
ajouter  au  témoignage  de  ces  célèbres  académiciens. 

Nous  devons  rappeler,  cependant,  que  ce  voyageur 
zélé  a recueilli  plus  de  douze  cents  Mammifères , un 
nombre  prodigieux  d’Oiseaux,  des  Reptiles,  empaillés 
ou  conservés  dans  l’alcool,  une  collection  considérable 
de  Poissons  du  Gange,  et  une  jolie  suite  de  Poissons 
des  mers  de  l’Inde,  si  parfaitement  empaillés  et  prépa- 
rés qu’ils  conservent  toute  la  fraîcheur  de  leurs  cou- 
leurs ; des  insectes  de  tous  les  ordres , des  coquilles, 
des  minéraux  et  des  plantes.  Ces  richesses  présentent 
un  résultat  d’autant  plus  surprenant  que  quatre  années 
ont  suffi  pour  les  rassembler , et  l’on  peut  dire  que  c’est 
une  des  plus  nombreuses  collections  qui  aient  été  rap- 
portées en  France  dans  ces  derniers  temps. 

(1)  Dans  la  séance  du  31  août  1840.  Comptes-rendus  hebdomadaires 
des  séances  de  l’Académie  des  Sciences  par  MM.  les  secrétaires  perpé- 
tuels; 2e  semestre  de  1840,  t.  XI,  p.  385  à 390. 

2e  PART.  1 


INTRODUCTION. 


La  publication  des  riches  matériaux  contenus  dans 
cette  collection  aurait  nécessité  plusieurs  volumes,  si 
l’on  avait  voulu  y faire  entrer  tous  les  animaux  nou- 
veaux et  intéressants  pour  la  science.  Mais  le  plan 
adopté  pour  le  présent  ouvrage  ne  nous  a permis  de 
donner  que  ce  petit  travail,  fait  sur  la  demande  de  notre 
ami  M.  Adolphe  Delessert.  Toute  la  portion  qui  traite 
des  animaux  vertébrés  est  due  à la  plume  de  ce  voyageur, 
qui  s’est  fait  aider,  pour  la  description  des  Écureuils, 
par  M.  P.  Gervais,  et  pour  celle  de  quelques  Oiseaux, 
par  M.  de  La  Fresnaye.  Il  a bien  voulu  nous  confier  la 
partie  entomologique,  composée  ici  d’un  extrait  du  tra- 
vail que  nous  préparions  sur  les  insectes  qu’il  a recueil- 
lis. Nous  aurions  désiré  publier  un  catalogue  raisonné 
de  ses  récoltes  entomologiques,  en  donnant  le  nom  de 
toutes  les  espèces,  avec  la  description  et  la  ligure  de  cel- 
les qui  sont  nouvelles;  mais  un  pareil  travail  aurait 
exigé  beaucoup  de  temps  et  d’espace.  M.  Adolphe  De- 
lessert voulant  borner  la  relation  de  son  voyage  à un 
seul  volume , nous  avons  été  obligé  de  ne  donner,  dans 
cet  appendice,  qu’un  choix  de  quelques-unes  des  espè- 
ces les  plus  remarquables  dans  les  nombreuses  nouveau- 
tés dont  il  a enrichi  l’entomologie. 

Nous  aurions  aussi  désiré  présenter  des  généralités 
sur  la  distribution  géographique  de  ces  insectes,  comme 
quelques  naturalistes  anglais  l’ont  fait  pour  ceux 
de  l’Afrique,  de  l’Inde,  des  monts  Himalaya,  etc.; 
mais , pour  donner  quelque  chose  de  certain , il  aurait 
fallu  terminer  le  catalogue  que  nous  avions  commencé, 


INTRODUCTION. 


ce  qui  nous  a été  impossible  clans  ce  moment.  Nous 
nous  bornerons  donc  à l’aperçu  rapide  qui  suit. 

La  collection  d’insectes  recueillie  par  M.  Adolphe 
Delessert  comprend  tous  les  ordres  et  forme  un  total 
de  1048  espèces  différentes,  dont  plus  du  tiers  est  com- 
posé d’espèces  nouvelles  pour  la  science. 

Cette  collection  est  surtout  précieuse  pour  les  savants 
qui  désirent  étudier  la  distribution  géographique  des 
insectes  propres  à la  partie  de  l’Inde  parcourue  par 
M.  Adolphe  Delessert  : car  ce  voyageur  a eu  soin  de 
conserver  ses  récoltes  dans  des  boites  séparées,  afin  que 
les  localités  ne  soient  pas  confondues.  Il  a même  noté 
les  époques  de  capture  de  toutes  les  espèces , ce  qui  est 
d’un  grand  intérêt  pour  l’étude  des  moeurs  de  ces  ani- 
maux et  pour  la  connaissance  du  degré  de  température 
des  lieux  qu’il  a visités;  car  on  remarque  les  mômes 
espèces  prises  dans  la  plaine  ou  sur  le  plateau  des  Neel- 
gheries,  à 8,000  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer, 
et  qui  apparaissent  à des  époques  différentes. 

Les  insectes  du  plateau  des  Neelgheries  sont  remar- 
quables par  leur  physionomie  à la  fois  européenne  et 
indienne.  En  effet , la  majorité  rentre  dans  les  genres  de 
notre  France;  et  même  quelques-uns  n’en  peuvent  être 
distingués  spécifiquement  ( Coccinella  septem-punctata , 
Vanessa  cardai,  Polyommatus  bœticus , etc.),  tandis  que 
d’autres , pris  sur  le  penchant  de  la  montagne , appar- 
tiennent à des  genres  tout  à fait  propres  à l’Inde  ( Or - 
nilhoplera  heliacon , Sternocera  chrysis , Fulgora  Deles- 
serlii , Macronala  /lavo-maeulala , Mylabris  sydœ , etc.). 


INTRODUCTION. 


Lv 

Si  nous  examinons  les  collections  de  M.  Delessert,  en 
suivant  l’ordre  des  familles,  nous  voyons,  toujours  parmi 
celles  des  Neelgheries , que , dans  les  Carabiques , on 
remarque  une  magnifique  Cicindèle  noire  et  jaune,  pu- 
bliée par  M.  le  comte  Dejean  sous  le  nom  de  Cicindela 
auro-fasciata , et  dont  une  variété  a été  nommée  Cicin- 
dela lepida  par  M.  Gory  ( Magasin  de  zoologie,  1833, 
n°  96);  un  Scarites  nouveau,  plusieurs  Chlœnius , etc. 
Dans  les  Hydrocanthares , un  Gyrin  du  sous-genre  Ore- 
ctochilus  (T  Orectochilus  semiveslilus,  Guér. , Revue  zool.  ) 
forme  une  des  plus  grandes  espèces  de  cette  division. 

Dans  les  Sternoxes  il  y a trois  Buprestes  connus  mais 
rares;  un  superbe  Taupin  , le  Ludius  ( Campsoslernus ) 
Delesserlii,  Guér.,  Rev.  zool.),  plusieurs  autres  Taupins 
plus  petits , une  espèce  établissant  le  passage  entre  les 
Taupins  et  les  Cébrions , etc. 

Les  Malacodermes  offrent  plusieurs  Lycus  et  Telepho- 
rus  inédits,  et  un  Lampyre  dont  la  femelle  a plus  de 
sept  centimètres  de  long. 

Les  Clavicornes  offrent  le  beau  Sylphe  nommé  Oice- 
ptoma  lelraspiloto  par  Hope,  mais  publié  antérieurement 
par  M.  Delaporte  sous  le  nom  de  Silpha  formosa,  ainsi 
que  plusieurs  Histers  nouveaux. 

Dans  les  Lamellicornes  on  peut  citer  un  Aleuclms 
nouveau , sept  ou  huit  jolis  Ontophagus , plusieurs  Eu- 
chlora , une  Popilie  très-grande  ( Popilia  splendida , 
Guér.,  Rev.  zool.,  décrite  plus  tard  par  M.  Newman 
sous  le  nom  de  Popilia  regina ) , plusieurs  Mélolonthes 
des  sous-genres  Ancylonycha  et  Anisoplia,  de  belles  Cé- 


INTRODUCTION. 


loines,  le  superbe  Goliath  que  nous  avons  décrit  sous 
le  nom  de  Goliathus  Delesserlii  (Rev.  zool .),  la  femelle 
d’un  beau  Lucane  figuré  par  Olivier  ( Luc.  gazella  ) , et 
qu’on  n’avait  pas  encore  vu  en  France , et  plusieurs 
autres  espèces  non  moins  intéressantes. 

Les  Mélasomes  ont  aussi  plusieurs  espèces  nouvelles 
dans  les  genres  Platynotus , Opatrmn,  Eloma , etc. 
On  distingue  encore  une  belle  Lagrie  et  une  Cistèle  de 
grande  taille. 

Les  Rhynchophores  comprennent  aussi  plusieurs  espè- 
ces tout  à fait  nouvelles  dans  les  genres  Mecocerus , 
Episomus  , Blosyrus , Myllocerus , Astylus,  Alcides , 
JJ  y psonolus,  etc.  On  trouve  aussi  quatre  Bostriches  neufs. 

C’est  la  famille  des  Longicornes  qui  contient  les  es- 
pèces les  plus  intéressantes  : on  y remarque  un  superbe 
Pelar goder  us  inédit , ainsi  que  cinq  à six  Saperdes  dont 
plusieurs  forment  des  sous-genres  distincts  ; plusieurs 
Obrium  3 et  une  série  de  neuf  ou  dix  espèces  nouvelles 
de  Clytus. 

Les  Eupodes  ont  trois  espèces  nouvelles  de  Criocè- 
res.  Enfin  les  Cycliques  contiennent  des  Galeruques, 
des  Cassides,  des  Chrysomèles  (Chr.  Rajah,  Guér., 
Rev.  zool.),  et  plusieurs  Coccinelles  des  plus  curieuses. 

Si  nous  jetons  un  coup  d’œil  sur  les  Orthoptères, 
nous  trouverons  des  espèces  de  Blattes  nouvelles  et 
d’un  aspect  purement  indien,  à côté  du  Gryllus  capen- 
sis 3 si  voisin  de  notre  Grillon  champêtre.  11  y a aussi 
un  beau  Criquet  du  sous-genre  Phymaleus , formant  une 
espèce  très- voisine  du  Ph.  scabiosus,  Fabr. 


INTRODUCTION. 


fi 

Les  Hémiptères  ont  fourni  l’un  des  objets  les  plus 
saillants  de  la  collection  : c’est  une  superbe  Fulgore 
voisine  de  la  Fulgora  maculata  de  Stol! , à laquelle  nous 
avons  donné  le  nom  de  Fulgora  Delessertii  (Rev.  zool., 
1839,  p.  183).  Il  y a aussi  plusieurs  Pentatoines,  des  Ly- 
gées,  Membraces,  Notonectes,  etc.,  entièrement  inédits. 

De  belles  et  grandes  Libellules  représentent  l’ordre 
des  Névroptères;  on  observe  parmi  elles  plus  d’espèces 
nouvelles  que  d’espèces  déjà  décrites. 

Les  Hyménoptères  offrent  surtout  deux  abeilles  pro- 
prement dites;  l une  d’elles,  très-voisine  de  notre  Apis 
mellifica , la  remplace  dans  ces  montagnes  et  produit 
un  excellent  miel. 

C’est  dans  l’ordre  des  Lépidoptères  que  les  physio- 
nomies indiennes  et  européennes  sont  le  mieux  mar- 
quées. On  trouve  dans  la  même  boite , contenant  seu- 
lement des  objets  pris  sur  le  plateau  des  Neelgheries, 
des  Papillons  blancs  du  chou  ( du  moins  une  espèce 
très-voisine  de  celle-ci,  la  Pieris  gliciria , Cram.),  des 
Colias  palœno  de  Paris,  des  Vanessa  cardui,  Lilhosia 
pulchella,  etc.;  et,  à côté,  le  grand  Ornilhoptera  11e- 
liacon , les  Papilio  Helenus  , Severus,  lleclor , si  carac- 
téristiques, de  l’Inde. 

La  collection  recueillie  aux  environs  de  Pondichéri 
n’est  ni  moins  riche  ni  moins  instructive  , et  il  serait 
trop  long  d’énumérer  successivement  les  objets  neufs 
et  intéressants  qu’elle  contient  ; nous  nous  contenterons 
de  signaler  seulement  la  belle  Cicindela  princeps  de 
Vigors,  si  différente  de  celle  des  Neelgheries  ( Cic . au- 


INTRODUCTION. 


ro-fasciala)  ; un  grand  Taupin  vert  à élytres  rayées  de 
blanc,  que  nous  avons  dédié  à la  mémoire  de  Latreille  5 
une  jolie  Donacie  voisine  de  la  Donacio  crassipes  d’Eu- 
rope (Don.  Delessertn,  Nob.,  ïcon.  du  Règne  Animal, 
texte),  et  un  grand  nombre  d’autres  espèces  nouvelles 
dans  tous  les  ordres. 

Les  insectes  que  M.  Delesserl  s’est  procurés  sur  la 
côte  Malaye,  à Malacca,  Singapore,  Pulo-Pinang,  etc., 
offrent  aussi  des  espèces  neuves  et  très-belles.  Nous 
devons  citer,  parmi  les  Coléoptères,  un  superbe  Ortho- 
gonius  (O.  laleralis.,  Nob.),  plusieurs  Lucanes,  quel- 
ques Mélolonthides  formant  des  genres  nouveaux , des 
Calandres,  la  magnifique  Saperde  que  Latreille  a figu- 
rée dans  le  règne  animal  sous  le  nom  de  Saperda  ve- 
nosa  y etc. 

Parmi  les  Orthoptères  on  remarque  des  Phasmes 
très-grandes,  plusieurs  Manies,  une  très-belle  espèce 
du  sous-genre  Chæradodis  (Ch.  Iruncata,  Nob.),  des 
Phylloptères,  un  nouveau  genre  voisin  des  Truxales,  et 
publié  dans  ces  derniers  temps  par  M.  Westwood , sous 
le  nom  de  Sy Stella  llopei  (Arcana  Ent. , n°  1,  pl.  4 , 
fig.  3),  une  espèce  du  genre  Maslax  du  même  auteur, 
et  plusieurs  autres  espèces  nouvelles  de  grande  taille. 
Malheureusement,  et  comme  il  arrive  toujours  pour  ces 
sortes  d’insectes,  les  individus  sont  moins  bien  conser- 
vés que  les  précédents;  quelques-uns  ont  perdu  une 
partie  de  leurs  pattes,  de  leurs  antennes,  etc.,  pendant 
le  voyage,  mais  ils  n’en  sont  pas  moins  très-utiles  pour 
être  décrits  et  figurés. 


INTRODUCTION. 


8 

On  trouve  dans  les  Hémiptères  plusieurs  belles  espè- 
ces nouvelles  de  Punaises  et  de  Cigales,  diverses  Aphana 
et  Flatta  de  la  plus  grande  beauté,  que  nous  avons 
décrites  dans  le  texte  de  notre  Iconographie  du 
Règne  Animal,  et  deux  magnifiques  F ulgores,  les  Ful- 
gora  pyrrorhynchus , Donovan  , et  subocellala  , de 
nous,  dans  la  Revue  zoologique. 

Les  Lépidoptères  sont  également  riches  en  belles  es- 
pèces ; parmi  les  grands  Papillons  il  s’en  est  trouvé  plu- 
sieurs de  nouveaux  et  que  nous  décrivons  dans  cette 
notice,  ainsi  que  d’autres  Lépidoptères  inédits,  appar- 
tenant à divers  genres. 

Nous  devons  borner  là  cette  énumération  rapide,  qui 
aurait  été  trop  longue  si  nous  avions  voulu  indiquer 
tous  les  objets  neufs  et  intéressants  de  la  collection  de 
M.  Ad.  Delessert.  L’idée  que  ce  court  aperçu  en  donne 
suffira  pour  faire  apprécier  toute  son  importance  scien- 
tifique. Qu’il  nous  soit  permis  cependant,  pour  appuyer 
notre  assertion,  de  reproduire  ici  les  conclusions  du 
Rapport  de  MM.  de  Blainville  et  Duméril  : 

« Nous  avons  déjà  fait  observer  que,  pour  la  très-grande 
partie  des  objets  de  sa  collection,  M.  Adolphe  Delessert 
a soigneusement  noté  les  lieux  et  les  circonstances  dans 
lesquels  il  les  a recueillis;  nous  avons  parlé  de  ses  remar- 
ques sur  les  habitudes  du  Ratel,  et  nous  aurions  pu 
parler  également  de  celles  qu’il  a faites  sur  les  mœurs 
du  Pangolin,  animal  qui  n’est  jamais  venu  vivant  en 
Europe.  Il  paraît  cependant  que  ses  observations  ne  lui 
ont  pas  paru  assez  nouvelles  pour  en  faire  le  sujet  d’un 


INTRODUCTION. 


9 


ouvrage  à la  manière  d’Obsouville,  ce  qui  est  peut-être 
à regretter. 

» Toutefois  le  dévouement  que  M.  Adolphe  Delessert 
a montré  dans  une  entreprise  qui  a duré  cinq  à six 
ans , la  manière  sans  prétention  avec  laquelle  il  en  a 
présenté  les  résultats  à l’examen  et  à l’étude  des  zoolo- 
gistes, et  surtout  la  noble  générosité  qui  l’a  porté  à 
offrir  au  grand  dépôt  des  êtres  naturels  le  choix  des 
objets  qui  pourraient  y manquer , nous  a paru  mériter 
d’être  pris  en  grande  considération.  En  conséquence, 
nous  proposons  d’adresser  à M.  Adolphe  Delessert  des 
remerciements  pour  les  matériaux  intéressants  qu’il  a 
fournis  à la  zoologie  par  une  persévérance  courageuse 
et  une  générosité  dignes  du  nom  qu’il  porte.  » 

Si  nous  avions  eu  plus  d’espace  et  de  temps , nous 
aurions  présenté  le  dénombrement  des  richesses  scien- 
tifiques qui  ont  motivé  ces  conclusions  flatteuses;  mais 
nous  n’avons  pu  nous  occuper  que  de  la  partie  de  ces 
collections  qui  comprend  l’entomologie.  Les  insectes, 
au  nombre  de  plus  de  40,000  individus,  formaient 
1,048  espèces  différentes,  réparties  dans  les  divers  or- 
dres de  la  manière  suivante. 


DÉTAIL  PAR  LOCALITÉS. 


Des  montagnes  Neelgheries 
De  Pondichéri 
De  la  côte  Malaye 


425  espèces. 
362 
261 


Total 


1048 


2e  PART. 


10 


INTRODUCTION1. 


DÉTAIL  PAR  ORDRES. 


Aptères. 


Coléoptères. 


Orthoptères. 


Hémiptères. 


Névroptères. 


Hyménoptères. 


Lépidoptères. 


Neelgheries 
Pondichéri 
Côte  Malaye 
Total 

Neelgheries 
Ponclichéri 
Côte  Malaye 
Total 

Neelgheries. 
Pondichéri 
Côte  Malaye. 
Total 

Neelgheries 
Pondichéri 
Côte  Malaye 
Total 

Neelgheries. 
Pondichéri 
Côte  Malaye 
Total 

Neelgheries 
Pondichéri 
Côte  Malaye. 
Total 

Neelgheries 
Pondichéri 
Côte  Malaye 
Total 


12  espèces. 
9 
4 
25 

172 

186 

65 

423 

32 

39 

50 

121 

76 

73 

67 

216 

11 

9 

4 

24 

17 

21 

11 

49 

83 

20 

60 

163 


INTRODUCTION. 


Il 


Diptères. 


Neelgheries 
Pondichéri 
Côte  Malaye 
Total 


27 


22  espèces. 
5 


Cet  aperçu  des  richesses  entomologiques  du  voyage 
de  M.  Ad.  Delessert,  donne  une  idée  de  l’activité  qu’il 
a déployée  pour  obtenir  ces  résultats,  quand  on  songe 
qu’il  s’occupait  en  même  temps  de  toutes  les  branches 
de  l’histoire  naturelle,  et  qu’il  tenait  un  journal  très- 
détaillé  dans  lequel  il  a consigné  une  foule  d’observa- 
tions intéressantes  que  nous  voudrions  voir  mettre  au 
jour. 


F.-E.  Guérin-Méneville. 


SECONDE  PARTIE. 


§ i. 

ANIMAUX  VERTÉBRÉS. 

PAR  I\I.  AD.  DELESSERT. 


BOEUF  SAUVAGE  DE  L’iNDE. 

Bibos  frontaiis,  Lambert. 

(PI.  4.) 

L’animal  qui  forme  le  type  de  ce  sous-genre  est  encore  peu  connu 
en  Europe  et  n’existait  pas  dans  les  collections  de  Paris.  Il  a été  publié 
pour  la  première  fois  par  M.  Lambert,  sous  le  nom  de  B os  fronta- 
iis (1),  que  G.  Cuvier  adopte  (2),  et  décrit  et  figuré  de  nouveau  par 
Frédéric  Cuvier  (3) , sous  le  nom  de  Bos  siliietanus.  Malheureuse- 
ment la  figure  que  ce  savant  en  a donnée  paraît  avoir  été  faite  d’après 
un  dessin  peu  exact,  car  elle  ne  rend  pas  très-bien  la  bosse  élevée  que 
cet  animal  porte  sur  la  partie  antérieure  de  son  dos  ; bosse  qui  n’est 
pas  une  simple  loupe  graisseuse , comme  le  dit  M.  Lesson  (4) , mais 
qui  est  produite  par  un  très-grand  prolongement  des  apophyses  mon- 
tantes des  premières  vertèbres  dorsales. 

Dans  ces  derniers  temps,  M.  Hodgson,  gouverneur  et  résidant  à 
Catmadou,  ignorant  que  MM.  Lambert  et  Frédéric  Cuvier  avaient 
publié  ce  bœuf  sous  les  noms  de  Bos  frontaiis  et  Bos  silhetanus, 
en  a donné  une  bonne  description,  dans  les  procès-verbaux  de  la  Société 
asiatique  du  Bengale  (5) , en  proposant,  avec  raison  , d’en  former  un 

(1)  Trans  of  Lin.  Soc.,  vol.  vu,  pl.  4. 

(2)  Règne  animal,  2e  édit.,  t.  i,  p.  280. 

(3)  Hist.  nat.  de  Mamm.,  t.  iii  , 42e  liv. 

(4)  Manuel  de  Mamm.,  p.  393. 

(o)  N°  66,  juin  4837,  p.  499. 


ik 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


sous-genre  des  Bœufs,  sous  le  nom  de  Bibos , mais  en  lui  donnant 
un  troisième  nom  spécifique,  celui  de  Subhœmachaius.  Ce  nom 
ne  peut  être  conservé,  puisqu’il  est  postérieur  au  nom  de  Frontaiis; 
publié  par  Lambert.  Quoi  qu’il  en  soit,  la  description  du  savant  Anglais 
donnant  une  idée  exacte  de  l’animal  qui  nous  occupe , nous  croyons 
utile  de  la  reproduire  ici. 

« Après  des  recherches  très-pénibles  et  coûteuses,  j’ai  enfin  réussi 
à me  procurer  les  dépouilles  complètes  des  deux  sexes  du  Gauri-gau. 
Les  côtes  sont  au  nombre  de  13  paires  seulement;  le  crâne  des  deux 
sexes  est  remarquable  par  sa  grandeur  et  par  un  front  large,  surmonté 
d’une  énorme  crête  transversale  demi-cylindrique.  C’est  le  prolonge- 
ment des  vertèbres  dorsales  seulement  qui  produit  l’élévation  extraor- 
dinaire de  la  partie  antérieure  du  corps,  les  vertèbres  cervicales  n’é- 
tant nullement  prolongées.  L’élévation  s’étend  longitudinalement  de  la 
première  à la  dernière  paire  de  côtes  : elle  est  plus  brusquement  pro- 
noncée en  avant  et  s’abaisse  insensiblement  en  arrière.  La  plus  grande 
hauteur  de  la  bosse , produite  par  le  prolongement  de  ces  vertèbres , 
est  de  ïh  pouces  au-dessus  de  la  colonne  dorsale,  et  c’est  la  troisième 
vertèbre,  à partir  de  l’extrémité  antérieure,  qui  atteint  cette  hauteur. 
C’est  cette  particularité  qui  rend  l’animal  très -remarquable;  il  est 
Bœuf,  ou  classé  comme  tel,  par  le  nombre  de  ses  côtes  et  par  la  forme 
générale  de  son  crâne,  mais  il  s’en  distingue  suffisamment,  comme  un 
sous-genre  ou  type  séparé,  par  le  plus  grand  développement  du  front, 
par  la  grandeur  remarquable  de  sa  crête  frontale  et  par  la  saillie  des 
vertèbres  dorsales  ; cette  dernière  particularité  ostéologique  donne  à 
cet  animal  l’apparence  d’un  Chameau  ou  d’une  Girafe,  en  faisant 
toutefois  abstraction  de  la  tête. 

» J’appelle  ce  type  Bibos;  c’est  un  nom  qui  est  également  bon, 
soit  qu’on  suppose  qu’il  indique  un  Bœuf  d’une  grandeur  extraordi- 
naire ( comme  Bis  et  Bos  ) ou  un  animal  tenant  du  Bison  ou  du 
Bœuf  (quasi  Bi-Bos).  Vous  vous  rappelez  mes  dessins  du  crâne, 
comparés  à ceux  du  Buffle  privé  et  sauvage  et  du  Bœuf  commun  ; 
personne  ne  pourrait,  en  voyant  ces  caractères,  supposer  que  cet 
animal  est  un  Bison,  si  on  admet  l’exactitude  des  descriptions  de 
Cuvier.  Quant  à moi,  j’ai  toujours  considéré  le  Gauri-gau  comme 
un  chaînon  séparé  entre  le  Bœuf  et  le  Bison  ; mais  c’est  tout  récem- 
ment qu’en  me  procurant  des  squelettes  complets  des  deux  sexes,  j’ai 
été  à portée  de  vérifier  le  fait.  Je  ne  doute  pas  que  VU  rus  des  anciens 
(qui  ne  nous  est  connu  que  par  des  crânes  fossiles)  ne  soit  un  Bibos , 


DANS  L’INDE. 


15 


c’est-à-dire  un  animal  du  même  type  que  notre  Bœuf  sauvage  des 
forêts  vierges  et  autres  lieux  déserts.  Je  ne  pourrais  décider  si  mon 
animal  est  le  Gaurus  ou  le  Gavoœus  des  auteurs,  car  il  n’y  a point 
de  description  assez  claire  de  l’un  ou  de  l’autre  de  ces  animaux.  Quel- 
ques-uns appellent  le  Gauri-gau  Bœuf,  d’autres  Bison ; ce  qu’il 
est  en  réalité,  je  ne  le  sais  pas:  en  conséquence,  je  dois  donner  à mon 
type  un  nom  distinct,  soit  Subhœmach  aius. 

» Ainsi  donc,  le  Gauri-gau  des  forêts  élevées  est  le  Bibos  Sub- 
hœmachaius,  Nob. , et  forme  le  type  du  nouveau  sous-genre  Bibos. 
La  Société  en  aura  actuellement  une  description  très-exacte  et  minu- 
tieuse : d’un  côté  les  particularités  ostéologiques  déjà  mentionnées 
donnent  à notre  animal  un  caractère  frappant  de  nouveauté,  et  de 
l’autre  donnent  un  nouvel  intérêt  à tout  ce  que  les  anciens  nous  ont 
appris  sur  leur  Urus. 

» Les  poils  sont  aussi  fournis  et  aussi  couchés  que  ceux  du  Bœuf  ; 
seulement  ils  sont  un  peu  plus  allongés , et  frisés  sur  le  front  et  les 
cuisses.  Ses  couleurs  sont  en  général  brunes  ou  noires , ou  variées  de 
noir  et  de  blanc.  La  queue  est  très-courte  et  ne  descend  pas  jusqu’au 
jarret.  Toutes. les  particularités  de  la  structure  de  cet  animal  retom- 
bent dans  le  caractère  du  sous-genre,  et  ses  caractères  spécifiques 
peuvent  être  décrits  en  deux  mots  : Le  grand  Bibos  indien  sauvage, 
avec  les  poils  fournis  et  couchés,  d’une  couleur  noire  ou  brune,  ayant 
10  pieds  depuis  le  museau  jusqu’à  la  queue,  et  5 1/2  de  haut  aux 
épaules.  Gauri-gau  de  l’Indostan.  » 

J’ai  tué  plusieurs  individus  mâles  et  femelles  de  cette  belle  et  rare 
espèce  à Tullamaley,  dans  le  Mysore,  à 20  mille  des  Neelgheries,  pla- 
teau situé  aux  confins  du  Malabar.  J’en  ai  tué  quelques  individus  à la 
base  de  ces  mêmes  montagnes,  qui  sont  élevées  d’environ  7,800  pieds. 
On  m’a  dit  qu’on  le  trouvait  aussi  dans  le  Travancor,  où  on  le  prend 
avec  des  filets. 

Ce  Bœuf  est  très-sauvage  et  naturellement  très-hardi,  et  il  se  défend 
facilement  contre  tous  les  animaux  féroces.  On  ne  le  trouve  qu’à  la 
hauteur  de  3 à 4,000  pieds  environ  au-dessus  du  niveau  de  la  mer, 
sur  le  penchant  des  montagnes.  J’en  ai  trouvé  dans  les  montagnes  de 
Shewroy-Hill  près  de  Salem , dans  le  Garnatic  ; on  l’a  tué  aussi  près 
de  Gingée , à 60  milles  N.  -O.  de  Pondichéri,  et , d’après  le  rapport 
de  personnes  dignes  de  foi,  il  paraîtrait  qu’on  l’a  tué  fréquemment 
sur  toutes  les  Gates,  qui  s’étendent  depuis  Surate  jusqu’au  cap  Corno- 
rin.  Étant  cette  année  à 200  milles  de  Bombay,  sur  la  montagne  de 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


16 

Mahabuliswhur,  des  chasseurs  anglais  m’ont  dit  l’avoir  tué  dans  le  voi- 
sinage. Enfin,  il  paraît  qu’il  est  répandu,  en  plus  ou  moins  grande 
adondance , depuis  Surate , en  suivant  les  divers  plateaux  qui  se  trou- 
vent intermédiaires  entre  le  Népaul  et  les  Gates,  jusqu’au  Sylhet, 
district  situé  dans  le  Bengale.  On  m’a  même  assuré  que  ce  Bœuf  est 
répandu  dans  la  chaîne  des  Gates  qui  longe  la  côte  de  Coromandel. 

Les  Anglais  qui  habitent  l’Inde  donnent  au  Gauri-gau  ou  Gun- 
gli-gau  les  noms  de  Syihet-C  aile , de  Gy  ail  et  de  Byson.  Les 
habitants  du  Carnatic  et  de  Pondichéri  l’appellent,  en  langue  tamoul, 
Câte-yrme,  ou  Buffle  des  bois. 

J’ai  rapporté  plusieurs  peaux  préparées  des  deux  sexes  de  ce  bel 
animal,  ainsi  que  des  crânes,  et  j’ai  déposé  le  plus  bel  individu  dans 
les  collections  du  âluséum  de  Paris. 


CHIEN  SAUVAGE  DE  l’hYMALAYA. 

Canis  primœvus.  Hodgson. 

( PL  2.  ) 

Le  Chien  sauvage,  ou  Buànsû  des Népaulais , habite  toute  la  con- 
trée de  la  chaîne  du  bas  Hymalaya,  depuis  le  fleuve  Sutledge  à 
l’ouest,  jusqu’au  fleuve  Brahmapoutroum  ou  le  Burampoutre  à 
l’est. 

Les  caractères  de  cette  espèce  de  Chien  sauvage  sont  d’avoir  six 
molaires  seulement  à la  mâchoire  inférieure  ; son  poil  est  serré  ; les 
pieds  sont  courts  de  poil  jusqu’en  bas;  ses  oreilles  sont  assez  grandes 
et  droites.  Sa  queue  est  couverte  d’une  touffe  de  poils  raides  à son 
extrémité  ; il  est  d’une  longueur  moyenne,  d’un  roux  prononcé  sur  le 
manteau  et  jaunâtre  inférieurement. 

Le  Buànsû,  ou  Chien  sauvage  du  Népaul , dit  M.  Hodgson  ( dans 
les  Recherches  asiatiques,  volume  18,  partie  II,  page  223),  habite 
la  partie  élevée  qui  est  à une  égale  distance  des  montagnes  de  neige 
et  des  plaines,  ou,  en  d’autres  termes,  il  se  tient  dans  la  région 
moyenne  du  Népaul  ; mais  il  émigre  fréquemment  dans  les  parties  du 
sud  , et  quelquefois  dans  les  districts  du  nord.  Ses  limites  d’émigra- 
tion sont,  à l’est  et  à l’ouest,  autant  qu’il  m’a  été  possible  de  le  cou- 


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DANS  L’INDE. 


17 


naître,  Kali  et  Fista,  et,  comme  j’en  ai  été  informé  de  bonne 
source , du  Sutiedge  au  Burampoutre.  Des  Chiens  sauvages , pro- 
bablement n’offrant  aucune  différence  matérielle  avec  ceux  du  Népaul, 
sont  rencontrés  également  dans  le  Vindhya,  les  G hâtes,  les  Neei- 
g h cries , les  montagnes  de  Kay  sa,  et  finalement  dans  la  chaîne  s’é- 
tendant depuis  Mirzapour  jusqu’à  celle  d'Orixa  et  à la  côte  de 
Coromandel. 

S’il  m’était  permis  d’ajouter  quelque  chose  aux  renseignements 
pleins  de  précision  et  d’exactitude  que  donne  le  savant  M.  Hodgson, 
je  pourrais  dire  qu’ayant  habité  près  de  trois  ans  la  côte  de  Coroman- 
del, à Ponclichéri  et  ses  environs,  et  ayant  exploré  ces  contrées 
avec  soin  pour  y famé  des  collections  zoologiques , il  m’est  arrivé  fré- 
quemment d’entendre  parler  de  la  même  espèce  de  Chiens,  et  même 
d’en  voir  quelquefois  aux  diverses  chasses  ou  tracs  que  je  faisais  aux 
grands  Mammifères.  Enfin  , après  bien  de  la  peine , j’ai  fini  par  m’en 
procurer  un , tué  dans  les  environs  de  Gcngy,  à la  côte  de  Coro- 
mandel , près  des  Gates.  Là  même , il  y a quelques  années , en  jan- 
vier 1836,  j’ai  pris,  aidé  d’un  de  mes  chasseurs,  un  jeune  faon 
d'axis , ou  cerf  moucheté , qui  venait  d’être  mordu  et  chassé  par 
trois  Chiens  de  cette  espèce , lesquels  aboyaient  à peu  près  comme 
nos  Chiens  courants  d’Europe;  ce  Chien  n’est  connu  que  par  les 
chasseurs  à la  côte  de  Coromandel,  où  il  est  nommé  par  les  indigènes 
Chennayes  ou  Tamouls. 

Je  puis  ajouter  que  j’ai  rencontré  plusieurs  fois  cette  espèce  de 
Chiens  dans  les  montagnes  de  Neelghêries  en  bandes  de  trois  à quatre, 
chassant  en  plein  jour.  Jamais  je  n’ai  pu  en  tuer  d’autre  que  celui 
que  j’ai  rapporté  en  Europe  : il  figure  au  jardin  des  plantes  de  Paris 
dans  les  galei’ies  zoologiques.  Ce  Chien  sauvage  chasse  le  jour  et  la 
nuit , mais  principalement  pendant  le  jour.  Six , huit , ou  dix  réu- 
nis poursuivent  leur  victime , chassant  plutôt  par  l’odorat  à la  piste 
qu’à  vue , comme  le  lévrier.  Ils  parviennent  à obtenir  leur  proie  plu- 
tôt à force  de  persévérance  qu’en  employant  la  ruse,  ce  qui  leür  arrive 
cependant  quelquefois. 

La  proie  du  Canis  primœvus  ou  Buansû  consiste  en  lièvres , en 
Buffles  sauvages  ou  domestiques  et  en  plusieurs  espèces  de  Cerfs  ou 
d’ Antilopes.  Quelquefois  les  Buffles  qui  sont  à pâturer  dans  les  dis- 
tricts éloignés  des  habitations  deviennent  la  proie  de  cet  animal. 
Jamais  l’homme  n’a  été  attaqué  par  ce  chien. 

Le  Buansû  ne  se  terre  pas  à la  manière  du  Loup  et  du  Renard , 
2r  part.  3 


18  SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 

mais  habile  dans  les  cavités  naturelles  des  rochers,  à la  manière  des 
Chacals  du  Népaul. 


ÉCUREUIL  DE  DELESSERT. 

Sciurus  Delessertii.  Gervais. 

( PI.  3 et  4.  ) 

La  jolie  famille  de  Mammifères  à laquelle  notre  Écureuil  sert  de 
type  , est,  sans  contredit , une  des  plus  naturelles  de  l’ordre  des  Ron- 
geurs. Les  Marmottes  , intimement  liées  aux  Tamias  par  les  Spermo- 
philes et  les  Ptéromys , qu’on  pourrait  appeler  des  Marmottes  volan- 
tes , tant  certains  de  leurs  organes , et  en  particulier  leur  crâne , 
ressemblent  à ceux  dé  ces  animaux , lui  appartiennent  également. 
Tous  les  Sciuriens  ont  des  caractères  faciles  à saisir,  et  leur  tète  os- 
seuse confirme  très-bien , par  sa  forme , leur  séparation  en  un  groupe 
particulier.  L’absence  de  perforation  palatine,  la  position  des  trous 
incisifs  de  chaque  côté  du  bord  interne  des  os  de  ce  nom  , et  surtout 
la  petitesse  du  trou  sous-orbitaire  , sont  autant  de  caractères  distinc- 
tifs des  Sciuriens.  Les  Myoxus , qu’on  place  fort  souvent  dans  la 
même  catégorie  que  les  Écureuils , sont , au  contraire , un  genre  de 
Muséides,  comme  la  forme  de  leur  trou  sous-orbitaire  contribue  à le 
prouver,  et , au  contraire , les  Castors , presque  toujours  réunis  aux 
Myopotames,  etc.,  paraîtront  bien  plus  voisins  des  Sciuriens,  et,  en 
particulier,  des  Marmottes , qu’on  ne  l’admet  généralement , si , abs- 
traction faite  de  la  forme  de  leurs  molaires , en  rapport  avec  un  ré- 
gime spécial , ainsi  que  de  leurs  pattes  et  de  leur  queue  , dont  la  dis- 
position est  en  harmonie  avec  la  nature  des  lieux  qu’ils  fréquentent, 
on  étudie  leur  structure  générale  avec  plus  d’attention.  Leur  sque- 
lette, en  effet,  n’est  pas  sans  analogie  avec  celui  des  Marmottes,  et 
leur  crâne  a la  forme  générale  caractéristique  des  animaux  de  ce 
genre.  Les  Castors  sont  même  les  seuls  Rongeurs  qui  aient  le  trou 
sous-orbitaire  des  Marmottes  et  des  Écureuils  (1),  et  l’on  sait  tout  le 

(■I)  Les  Ascom ys,  quoique  assez  semblables  aux  Sciurus  , Arctomys  et  Castors 
par  la  petitesse  de  leur  trou  sous-orbitaire,  ce  qui  les  éloigne  aussi  des  Ctenomys 
et  des  Aspalomys , ainsi  que  nous  l’avons  fait  remarquer  dans  la  partie  mammalo- 
gique  du  voyage  de  la  Bonite , s’éloignent  aussi  de  tous  ces  animaux  par  la  direction 
du  canal  dont  il  s’agit  et  par  la  forme  de  leur  crâne. 


DANS  L’INDF. 


19 


parti  que  l’on  peut  tirer  des  particularités  de  ce  trou  pour  la  classifi- 
cation des  animaux  de  cet  ordre.  On  pourrait  donc  voir  dans  le  Cas- 
tor le  représentant  aquatique  de  la  tribu  des  Arctomys,  comme  dans 
le  Pterpmys,  l’animal  aérien  du  même  groupe. 

L’extérieur  des  Écureuils,  celui  des  Tamias  et  celui  des  Marmottes, 
ne  les  fait  pas  toujours  distinguer  avec  une  égale  facilité.  Il  est  des 
cas  aussi  où  les  couleurs  de  ces  animaux  n’ont  rien  de  bien  ca- 
ractéristique dans  leur  répartition  ; leur  système  dentaire  lui-même 
n’olîre  pas  d’assez  grandes  variations  pour  qu’on  y ait  constamment 
recours.  Le  nombre  des  espèces  est  cependant  fort  considérable , et 
chaque  jour  on  en  fait  connaître  de  nouvelles.  Les  dents  sont  plus  ou 
moins  tuberculeuses , assez  différentes  par  leur  couronne  , dans  les 
Marmottes  et  quelques  autres , de  ce  qu’elles  sont  chez  les  Écureuils 
proprement  dits  , leurs  tubercules  étant  plus  saillants  chez  les  pre- 
mières et  presque  en  collines  transversales , ce  que  l’usure  rend  beau- 
coup plus  manifeste.  Leur  nombre  est  généralement  de  quatre  paires 
à chacune  des  mâchoires  (1).  Dans  beaucoup  d’espèces  il  y a toutefois 
cinq  paires  de  molaires  supérieures  , et  la  nouvelle  dent  de  chaque 
côté  est  la  plus  petite  de  toutes  ; sa  place  est  avant  les  quatre  autres. 
Chez  les  Marmottes  cette  dent  est  plus  forte  que  celle  des  Écureuils, 
et , dans  ces  derniers , elle  est  souvent  si  faible  , que  divers  observa- 
teurs, F.  Cuvier  entre  autres,  et  G.  Cuvier,  la  voyant  dans  certains 
crânes  et  ne  la  retrouvant  pas  dans  d’autres  , l’ont  considérée  comme 
caduque,  et , par  conséquent,  comme  dépourvue  d’importance  réelle. 

Le  fait  est  que  cette  dent  est  aussi  fixe  que  la  première  fausse  molaire 
supérieure  des  Chauves-Souris  , appelée  également  la  caduque,  et  que 
M.  de  Blainville  nomme  dent  gemini forme , et  qu’elle  est,  dans  ses 
proportions  aussi  bien  que  dans  ses  formes,  très-bonne  à consulter 
pour  la  distinction  des  espèces.  11  ne  faudrait  pas  toutefois  exagé- 
rer sa  valeur  et  distinguer  les  Écureuils  en  deux  groupes,  suivant 
qu’ils  manquent  de  cette  dent  ou  qu’ils  en  sont  pourvus.  La  forme 
du  crâne  de  ces  animaux  donne  des  caractères  d’un  ordre  supérieur 
et  dont  Illiger,  G.  et  F.  Cuvier  se  sont  déjà  servis  avec  avantage. 

C’est  par  la  forme  du  crâne  , ainsi  que  nous  l’avons  dit  plus  haut, 


fl)  M.  Hodgson  donne  à son  Sc.  lolcrioïdes  six  molaires  à chaque  mâchoire  ; et 
comme  il  dit  à ce  sujet  que,  d’après  le  Règne  animal  de  Cuvier,  tous  les  Écureuils 
ont  huit  dents,  il  n’est  guère  possible  d’admettre  qu’il  se  soit  trompé.  Je  laisse  à 
ceux  qui  verront  le  crâne  du  Sc.  lolcrioïdes  le  soin  d'expliquer  cette  singularité. 


20  SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 

qu’on  peut  démontrer  les  rapports  qui  existent  entre  les  Marmottes  et 
les  Castors. 

Les  Ptéromys  se  lient  plus  intimement  encore  aux  Marmottes  par 
la  nature  de  leur  tête.  Une  même  affinité  a lieu  entre  les  Sciuroptères 
et  les  Tamias  ; et , parmi  les  Écureuils  proprement  dits , la  forme  du 
crâne  permet,  par  ses  variations  de  second  ordre,  la  distinction  de 
plusieurs  sous-genres. 


S I- 

1.  G.  Cuvier  a séparé  les  Guerlinguets  ou  Macroxus , à cause 
de  la  forme  de  leur  crâne  , et  son  frère  a démontré  la  justesse  de  cette 
remarque  dans  un  mémoire  spécial. 

Les  Guerlinguets  ont  le  crâne  assez  court , comme  renflé , peu 
courbé  ; leurs  dents  molaires  supérieures  sont  au  nombre  de  quatre 
paires  seulement. 

Les  autres  espèces  de  la  tribu  des  Écureuils  proprement  dits  peu- 
vent encore  donner  lieu  à des  remarques  analogues  , ainsi  : 

2.  Le  crâne  est  aplati  et  élargi  au  chanfrein , et  les  os  du  nez  sont 
courts  et  busqués  dans  les  grands  Écureuils  indiens  qu’on  a nommés 
Sciurus  malabaricus , maximus,  aureiv enter , etc.  Ces 
animaux , de  même  que  les  Guerlinguets,  manquent  de  la  dent  gem- 
miforme. 

3.  Chez  d’autres,  également  indiens,  le  crâne  est  assez  semblable, 
par  sa  cavité  cérébrale  et  son  chanfrein , à celui  des  précédents  ; mais 
sa  face  est  un  peu  plus  étroite , et  les  os  propres  du  nez  y sont  moins 
arqués  : tels  sont  les  Sc.  Rafflesii,  hippurus , flavimanus , 
griseiventer  , bilincatus  et  bivittatus.  Tous  ont  une  cinquième 
paire  de  molaires  supérieures  ; mais  ces  dents  sont  toujours  petites  et 
presque  gemmiformes. 

Le  Sciurus  bivittatus  ou  Toupaie  était  considéré  par  G.  Cuvier 
comme  un  Macroxus  ; mais  il  nous  paraît  évident  que  les  vrais  Ma- 
croxus (Sc.  œstuans,  etc.)  sont  américains , et  qu’ils  diffèrent  moins 
des  Écureuils  d’Europe  que  des  prétendus  Macroxus  indiens  dont 
nous  venons  de  parler. 

h.  Certains  Écureuils  africains  ont  aussi  une  forme  spéciale  : le 
front  plat , la  face  assez  courte , la  partie  crânienne  non  bombée , qua- 
tre paires  de  molaires  aux  deux  mâchoires.  Le  Sc.  annulatus , du 


ri.  4. 


J (L  $ . S cuiras  J?cie<PScrtii  , Servais. 
S a S.  ScixiTïLS  Ùisi^/VÛT  , Ar.  Cuviez. 


Annedouchc-'.  se 


VL.  6. 


Sciurus  aureiocnter . &. 


jDela/itn/e.  pin.v  ■ 


DANS  L’INDE. 


21 


Sénégal  | une  autre  espèce,  du  Maroc  (1);  et  le  Sc.  abyssiniens , 
Ehr. , type  du  genre  Xerus  de  ce  naturaliste,  sont  dans  ce  cas. 

5.  L’Amérique  septentrionale  a des  Écureuils  à crâne  plus  allongé, 
plus  courbé,  et  dont  les  os  du  nez  sont  un  peu  inclinés.  Ils  ont  tantôt 
quatre,  tantôt  cinq  paires  de  molaires  supérieures;  mais  la  cinquième, 
lorsqu’elle  existe  , est  fort  grêle  et  presque  aciculaire.  Le  Sc.  capi- 
stratus  et  beaucoup  d’autres  appartiennent  à cette  section. 

6.  Un  dernier  groupe  est  celui  du  Sc.  stramineus  et  de  l’Écu- 
reuil à ventre  roux , tous  deux  de  l’Amérique  intertropicale.  Leur 
front  est  un  peu  bombé  , la  courbe  de  la  face  supérieure  du  crâne  est 
brisée  à la  ligne  interoculaire  ; mais  la  forme  est  également  plus  al- 
longée et  le  chanfrein  moins  élargi  que  dans  les  Macroxus  ou  dans 
les  Écureuils  des  quatre  premiers  groupes. 


§ II- 

Il  y a aussi  des  Tamias  dans  plusieurs  parties  du  globe  ; mais  ils 
n’offrent  pas , comme  les  Écureuils , la  particularité  d’une  forme  de 
crâne , pour  ainsi  dire , propre  à chaque  pays.  Par  la  forme  étroite  et 
un  peu  arquée  de  leur  tête , par  leurs  habitudes  plus  terrestres , les 
Tamias  approchent  davantage  des  Spermophiles  ; ils  ont  aussi  les  tu- 
bercules des  dents  plus  saillants  que  chez  les  Écureuils  qui  précèdent, 
et  leur  cinquième  paire  de  dents  molaires , lorsqu’elle  existe , est  un 
peu  plus  considérable  que  celle  de  ces  animaux , ce  qui  est  un  nou- 
veau trait  de  ressemblance  entre  eux  et  les  Tamias. 

(1  ) Sciurus  Getulus.  Nous  rapportons  cette' jolie  espèce  d’Écureuil  au  Sciurus  Getu- 
lus, dont  la  connaissance  est  encore  si  incomplète.  Elle  nous  a été  communiquée  par 
M.  Parzudacki,  et  il  y en  a eu,  à la  ménagerie  du  Muséum,  deux  exemplaires 
envoyés  de  Mogador  (Maroc)  par  M.  Delaporte.  Le  Sc.  Getulus  a les  oreilles  très- 
courtes  et  sans  pinceaux;  il  est  gris-brun  légèrement  lavé  de  roussàtre  un  peu 
plus  foncé  sur  le  dos  et  gris  en  dessous.  Deux  bandes  blanchâtres  vont  de  chaque 
côté  de  l’épaule  jusqu’au  croupion , et  sont  séparées,  du  gris  des  flancs  par  une  bande 
brunâtre  comme  au  dos;  la  queue  n’est  pas  distique,  mais  un  peu  en  panache;  ses 
poils  roux  sont  annelés  de  blanchâtre  et  de  noir , mais  elle-même  ne  parait  pas 
annelée;  elle  a un  peu  de  roux-pâle  à sa  base,  et  la  face  externe  des  membres  est 
lavée  de  la  même  couleur.  La  tête  passe  au  gris  ainsi  que  le  dessous  des  yeux  et 
de  la  jotfe. 

Cet  Ecureuil  tient  du  Fossoyeur  et  du  Palmiste  par  ses  couleurs.  Plus  petit  que 
le  premier,  supérieur  au  second,  il  a les  poils  aussi  doux  que  ceux  de  ce  dernier; 
mais  son  crâne  et  la  forme  de  ses  dents  l’ éloignent  de  tous  deux. 

Nous  renvoyons , pourla  synonymie  du  Sc.  Getulus,  à ce  qu’en  disent  les  auteurs, 
et  en  particulier  Fischer  dans  son  Synopsis  ma/mmalium. 


22 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Aux  Tamias  appartiennent  des  espèces  américaines  ( Sc . üudso- 
nius  (1),  striatus  , etc.);  d’autres  africaines  ( Sc.  erythropus  et 
fossor ) et  d’autres  de  l’Inde.  Ces  dernières  avaient  déjà  été  signalées, 
par  F.  Cuvier  (2),  comme  un  sous-genre  à part,  sous  le  nom  de  leur 
principale  espèce,  le  Palmiste.  Elles  ont  £ molaires  au  lieu  de  f, 
comme  les  vrais  Tamias , et , comme  leur  pouce  est  nul  ou  rudimen- 
taire, M.  Lesson  les  a aussi  distingués  en  un  genre  à part,  sous  le 
nom  de  Funamb  ulus  (3);  mais  l’absence  du  pouce  antérieur  n’est 
pas  un  caractère  aussi  important  qu’il  le  paraît  d’abord , et , ce  qui  le 
prouve,  le  Ne.  insignis , qui  est  un  Palmiste  par  son  système  de 
coloration  aussi  bien  que  par  son  crâne  et  ses  dents,  a un  pouce 
comme  les  Tamias  américains  et  les  prétendus  Macroxus  asiatiques, 
avec  lesquels  il  est  classé,  à tort,  par  quelques  naturalistes.  Ainsi  donc 
il  faut  admettre  présentement  quatre  espèces  d’Écureuils  tamias  dans 
l’Inde  : Sc.  palmarura,  tristriatus , Dclessertii  et  insignis. 

Le  Sciurus  Delessertii  (pl.  3 ),  dont  nous  avons  déjà  publié  la 
description  dans  les  Bulletins  île  la  Société  philomatique  (4) , 
nous  présente  les  caractères  suivants  : 

Pelage  roux,  brun-oüvacé  en  dessus,  formé  de  poils  bruns  à leur 
base  et  finement  annelés , dans  leur  seconde  moitié , de  noirâtre  et 
de  jaunâtre  ; le  dessous  du  corps  lavé  de  jaune-sale , non  tiqueté  ; 
l’indice  sur  le  milieu  du  dos  de  trois  petites  bandes  brimes , séparées 
par  du  fauve-olivacé  ; tête  et  face  externe  des  membres  de  la  couleur 
du  dos  ; le  jaune  un  peu  plus  abondant  sur  les  pattes  postérieures  ; 
queue  non  distique , entièrement  velue , d’une  teinte  olivacée  un  peu 
plus  jaune  que  celle  du  corps,  à cause  de  la  plus  grande  étendue  des 
trois  ou  quatre  anneaux  jaunes  de  chaque  poil , plus  fournie  à sa  base 
qu’à  son  extrémité,  qui  est  appointie  et  dont  les  poils  sont  presque 
entièrement  noirs.  Quatre  doigts  en  avant , cinq  en  arrière  ; paume 
et  dessous  des  pattes  postérieures  nus  jusqu’au  talon  ; oreilles  médio- 
cres, sans  pinceau,  garnies  de  poils  courts  ; moustaches  noires  ; dents  *, 
incisives  f,  molaires  tuberculeuses.  La  molaire  antérieure  assez  dé- 
veloppée , ayant  un  talon  interne  et  un  tubercule  saillant.  Tête  os- 
seuse assez  renflée  dans  sa  partie  crânienne,  arquée,  front  et  os  du 
nez  un  peu  inclinés  ; face  étroite. 

( I ) Type  du  genre  pour  llliger,  Prodrohus  mammalium . 

(2)  Mém.  mus. , f.  X,pl.  10,  f.  2. 

(3)  Illustrations  de  fOoloçjiit. 

(I)  L’Institut , 1 841  . 


( lilorojhsis 


/ 'arvcrO'Tlrûr , SmaàisonA 


i'.  JW  Ire  f/e/. 


DANS  L’INDE. 


23 


Corps  et  tête  , 1 3 centim. 

Queue  avec  ses  poils  terminaux,  \h  centim. 

Cette  espèce  a été  rapportée  du  plateau  des  Nil-Gerrhies,  dans  l’Hin- 
doustan,  par  NI.  Adolphe  Delessert,  auquel  on  doit  des  collections  fort 
nombreuses  et  très-importantes  recueillies  pendant  un  séjour  de  plu- 
sieurs années  dans  ces  contrées. 

EXPLICATION  DES  PLANCHES  3,  4,  5,  6. 

PI.  3.  Fig.  1,  Sciurus  Delesserlii  ; fig.  2,  sa  patte  intérieure;  fig.  3,  sa  patte 
postérieure. 

PI.  4.  Fig.  1-4.  Crâne  et  dents  du  Sc.  Delesserlii;  fig.  5-8  , crâne  et  dents  du 
Sc.  insignis  F.  Cuv. 

PL  5.  Fig.  1-4.  Crâne  et  dents  du  Sc.  Rafflesii  Horsf. 

PI.  6.  Fig.  1-4.  Crâne  et  dents  du  Sc.  aurciventer  Is.  GeofT. 


VERDIN  CURVIROSTRE. 

Chloropsis  curvirostris.  Swainson. 

(PI.  7.) 

Cette  nouvelle  espèce  a le  plumage  le  plus  agréablement  varié  : 
tout  le  dessus  est  vert-pré  un  peu  doré , se  nuançant  insensiblement 
d’olivâtre  sur  la  tète  et  de  jaunâtre  sur  les  sourcils  et  derrière  les  yeux. 
Les  lorums , le  dessous  des  yeux , la  région  des  oreilles , la  gorge , tout 
le  devant  du  cou,  ainsique  le  haut  de  la  poitrine,  sont  noirs,  couleur 
qui  sur  cette  dernière  partie  se  reflète  un  peu  en  bleu  de  roi  très- 
foncé.  De  chaque  côté  du  bec  , une  bande  d’un  beau  bleu-barbeau , 
en  forme  de  moustache , borde  la  gorge  latéralement  et  descend  jus- 
que sur  le  cou.  Le  bas  de  la  poitrine  , le  ventre  et  le  reste  du  dessous 
sont  d’un  jaune  mordoré.  Les  petites  couvertures  de  l’aile,  à barbes 
allongées  et  décomposées , forment,  sur  son  pli , une  sorte  d’épaulette 
du  plus  beau  bleu-luisant  d’aigue-marine.  Les  moyennes  et  grandes 
couvertures,  les  rémiges  primaires  et  secondaires,  et  les  rectrices , 
sont  noires  ; mais  toutes  ont  leurs  barbes  extérieures  d’un  beau  bleu- 
indigo  plus  foncé  sur  les  couvertures  que  sur  les  rémiges  et  les  rec- 
trices ; les  troisième , quatrième , cinquième  et  sixième  rémiges  sont 
finement  bordées  de  gris-blanc  avant  leur  extrémité , et  la  dernière 
rectrice  latérale  est  striée  de  roux  à sa  pointe  et  sur  sa  tige.  Le  bec  est 
noir,  allongé , très-comprimé , comme  celui  du  Verdin  à front  d’or, 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


25 

mais  un  peu  plus  arqué , ce  qui  lui  donne  entièrement  l’apparence 
d’un  bec  de  Philédon  ; les  pieds  sont  de  couleur  plombée. 

Longueur  totale  de  la  peau  non  montée,  20  cent.  1/5. 

Il  se  trouve  dans  l’Inde , dans  le  Bottan  ou  Boutan. 

Un  second  individu,  qui  nous  paraît  la  femelle  ou  un  jeune  de  la 
môme  espèce , diffère  de  celui-ci  en  ce  que  tout  le  dessus , les  ailes  et 
la  queue  sont  d’un  vert-pré  intense  et  uniforme.  Les  premières  rec- 
trices  seulement  ont  leurs  barbes  extérieures  bleuâtres,  et  les  pre- 
mières rémiges  les  ont  grisâtres.  Tout  le  dessous  est  d’un  vert  plus 
pâle  et  un  peu  teinté  de  jaunâtre , avec  le  milieu  du  ventre  et  de  l’ab- 
domen et  les  couvertures  inférieures  de  la  queue  j aune- mordoré , 
mais  plus  pâles  que  chez  le  premier  individu  , qui-  sans  nul  doute  doit 
être  un  mâle  adulte.  Les  moustaches  bleues  sont  également  beaucoup 
moins  prononcées  et  plus  pâles.  La  couleur  mordorée  du  ventre , quoi- 
que moins  vive , et  l’entière  'conformité  du  bec  ne  nous  laissent  pas 
douter  que  ce  ne  soit  la  même  espèce. 

Cette  espèce  a été  d’abord  publiée  sous  le  nom  de  CMoropsis 
auriventris  ( Mag . zool .,  1850 , Ois.,  pl.  17),  nous  lui  avons 
restitué  le  nom  que  Swainson  lui  tivait  imposé  antérieurement. 


GOBE  -MOUCHE  ( SÎVQ  ) STRIGULE. 

Muscicapa  (Siva  Hodgson)  Strigula.  Hodgson. 

(Pl.  8.) 

Cette  jolie  espèce  indienne  est  une  de  celles  dont  les  caractères 
mixtes  sont  des  plus  embarrassants  pour  la  classification.  Son  bec,  quoi- 
que garni  de  poils  à son  ouverture , est  plutôt  comprimé  que  déprimé , 
comme  çhez  les  vrais  Gobe-Mouches;  ses  ailes  et  sa  queue  étagée, 
offrant  des  teintes  d’un  orangé  vif,  semblent  devoir  le  ranger  près 
des  Gobe-Mouches  ftammea  et  miniata  du  même  pays,  mais  ses 
tarses  et  ses  doigts  forts  et  longs  l’en  éloignent.  Ses  ailes  sont  singu- 
lièrement courtes  et  arrondies  ; leurs  pennes  sont  régulièrement  éta- 
gées de  la  première  à la  quatrième , qui  est  encore  un  peu  plus  courte 
que  la  cinquième  : celle-ci , la  sixième  et  la  septième , sont  égales  et 
les  plus  longues.  Le  dessus  est  d’un  olive  grisâtre , mais  toutes  les 
plumes  qui  recouvrent  la  tête  et  la  nuque  sont  d’un  roux-mordoré 


J’I.fl. 


Si  va 


< l'frû/uta,  /Hufy.rmt . 


J'rc//a  M. 


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IH.g. 


DANS  L’INDE. 


25 


olivâtre  plus  foncé.  Vers  leur  centre  elles  sont  allongées , lancéo- 
lées et  disposées  en  forme  de  huppe  assez  touffue.  Les  ailes  sont  noires  ; 
mais  les  primaires  sont  finement  bordées,  à l’extérieur,  du  jaune- 
orange  le  plus  vif  ; quelques-unes  de  leurs  grandes  couvertures , d’un 
noir  profond , forment  une  tache  qui  ressort  sur  ce  jaune  à leur  base  ; 
les  rémiges  secondaires  et  tertiaires  sont  terminées  de  cendré-pâle  ; les 
trois  dernières  les  plus  rapprochées  du  dos,  qui  sont  noires,  ont 
leurs  barbes  externes  gris-cendré  terminé  de  la  première  couleur, 
ce  qui  forme  une  bande  cendrée  sur  la  partie  interne  de  l’aile.  La 
queue,  assez  fortement  étagée,  est  noir  terminé  de  blanc -jaunâtre. 
Les  quatre  rectrices  médianes  sont  d’un  brun  marron  à leur  base , 
qui  s’étend  jusqu’à  moitié  de  leur  longueur.  Les  quatre  latérales , de 
chaque  côté,  ont  leur  bord  externe  et  leur  extrémité  d’un  jaune 
orangé.  Cette  couleur  couvre  le  menton  et  la  gorge , et  est  encadrée 
de  noir,  qui  forme , de  chaque  côté , une  sorte  de  moustache  se  pro- 
longeant jusque  derrière  l’oreille , et  formant  quelques  stries  trans- 
verses sur  le  devant  du  cou , qui , ainsi  que  la  poitrine  et  tout  le  des- 
sous, est  d’un  jaune-paille,  avec  les  flancs  olivâtres.  Le  bec  est  couleur 
de  corne , avec  la  mandibule  inférieure  jaunâtre.  Les  pattes  sont  cou- 
leur de  plomb  ; les  tarses  et  les  doigts  sont  assez  forts , ainsi  que  l’on- 
gle du  pouce. 

Longueur  totale,  15  centimètres  1/2. 

Cette  espèce  vient  du  Bottan , dans  l’Inde.  Nous  lui  avons  restitué 
le  nom  que  M.  Hodgson  lui  a donné  (Corbyn’s  indian  review,  il,  p.  93, 
1837),  en  abandonnant  celui  de  M.  variegata  (Mag.  zool. , 18A0, 
ois.  pl.  19). 


MARTINET  ( Cliœtura  ) A PIEDS  NUS. 
Cypseius  (Chœtura,  Hodgson)  Nudipes,  Hodgson. 


(Pl.  9.) 

Ce  martinet  fait  partie  de  ce  groupe  d’espèces  remarquables  par 
une  queue  courte , coupée  carrément , et  dont  tous  les  tuyaux  se  pro- 
longent au  delà  des  barbes  en  forme  d’épines  très-roides  et  très-acé- 
rées. Le  dessus  de  la  tête  et  du  cou , les  scapulaires , les  petites  et 
moyennes  couvertures  de  l’aile  , l’extrémité  des  rémiges  , les  rectri- 
2e  part.  h 


26 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


ces  et  leurs  couvertures  supérieures  sont  d’un  vert  à reflets  bleu- 
violet  cl’acier  bruni.  Tout  le  dos  et  le  croupion  sont  d’un  noirâtrc- 
enfumé  s’éclaircissant  insensiblement  vers  le  milieu  du  dos , de  ma- 
nière à y former  une  large  tache  blanc-sale.  Les  trois  dernières  rémi- 
ges, près  du  dos,  ont  leurs  barbes  internes  entièrement  blanches. 
Tout  le  dessous  et  les  côtés  du  cou  sont  du  même  ton  noirâtre-enfumé 
que  le  dos;  la  gorge  et  tout  le  devant  du  cou,  les  flancs,  l’anus,  les 
couvertures  inférieures  de  la  queue  et  les  plumes  qui  recouvrent  les 
j ambes  sont  d’un  blanc  pur.  Bec  et  pattes  noirs. 

Longueur  totale  de  la  peau  non  montée  , 18  cent.  3/4. 

11  vient  du  Bottan , dans  l’Inde. 

C’est  le  Cypseius  leuconolus  (Mag.  zool.  ,1840,  ois. , pi.  20).  Hod- 
gson lui  a donné  antérieurement  le  nom  que  nous  adoptons  (Journal 
of  the  Asiatic  Soc.  uf  Bengal,  v,  p.  779). 


FRANCOLIN  RE  UARDWICKE. 

Franc  oiinus  H ardwickii.  Gray. 

(PI.  10.  ) 

Cette  espèce , d’après  la  petitesse  de  son  bec  et  l’allongement  de  sa 
queue , est  tout  à fait  voisine  du  Francolinus  spadiccus  de  La- 
tham.  La  tête,  le  cou  en  entier  et  le  haut  de  la  poitrine  sont  noirs; 
mais  toutes  ces  parties  sont  variées  de  lignes , de  taches  et  de  bandes 
blanches.  Tout  le  dessus  du  corps  , depuis  le  bas  du  cou , ainsi  que 
les  couvertures  des  ailes  sont  d’un  brun  cannelle  ; mais  chaque 
plume  est  terminée  par  une  tache  blanche  bordée  de  noir  en  avant 
et  postérieurement.  Ces  taches  sont  petites  et  triangulaires  sur  le  dos , 
plus  grandes  et  de  forme  variée  sur  les  couvertures,  qui  sont  en 
grande  partie  d’un  vert  bronzé  avec  leurs  tiges  blanches  terminées 
par  une  tache  de  même  couleur.  Les  rémiges  et  les  rectrices  sont 
d’un  noir  obscur  avec  quelques  reflets  bronzés.  La  poitrine  et  le 
ventre  sont  d’un  roux  pâle  ou  couleur  nankin  parsemé  de  petites 
taches  triangulaires  noires;  l’abdomen  et  les  flancs  sont  du  même 
brun  cannelle  que  le  dos  et  également  couverts  de  taches  blanches  bor- 
dées de  noir.  Le  bec  est  petit  et  noir,  les  pieds  paraissent  d’un  noir 


Pt.  zo  ■ 


l'Va  neolilHIS  Jlardmichii,  tint//. 


J.  (r.  Prêtre,  dpi. 


co  for. 


Ahncdouc/u'  o'c 


DANS  L’INDE.  27 

plombé  ; les  tarses  sont  armés  cle  deux  éperons  très-droits  et  coniques. 

Longueur  totale  , 32  centimètres  1/2. 

La  femelle  est  partout  d’une  nuance  sombre , couleur  de  fumée , 
avec  les  couvertures  des  ailes  finement  bordées  , à leur  extrémité  , 
d’une  nuance  plus  foncée  ; le  dessus  de  la  tête  et  du  cou  est  noir  , et 
les  plumes  sont  roux-cannelle  dans  leur  milieu.  Cette  dernière  couleur 
règne  sur  le  front  au-dessus  et  au-dessous  des  yeux.  La  gorge  et  la 
poitrine  sont  d’un  roussâtre  sale.  Les  tarses  n’ont  qu’un  éperon  court, 
obtus , tuberculiforme. 

Cette  espèce  habite  les  environs  de  Pondichéri.  C’est  le  Francoli- 
nusnivosus{  Mag.  zool.,  1840,  ois.,  pl.  18)  publié  antérieurement 
sous  le  nom  que  nous  lui  conservons  dans  les  Illustrations  of  indian 
zool.  i,  tab.  39. 


MERLE  A BONNET  NOIR. 

Turdus  ( S.  G.  Merula  ) Nigropileus  de  La  Fresnaye. 

M.  tola  cinereo  ardesiaca , alis  caudaque  paulo  obscurioribus , remigibus 
primariis  extus  cinereo  marginatis , püeo  nigro;  subtùs  paulo  pallidior; 
parum  rufescente  lincta,  ano  albescente,  tectricibus  caudœ  inferis  cine- 
reis,  illarum  scapis  albidis;  rostrum  pedesque  flava.  — Long.  tôt.  26  1 /2 
cent. 


Cette  nouvelle  espèce , la  quatrième  de  l’Inde , qui  par  sa  colora- 
tion presque  noire  uniforme  et  la  teinte  jaune  de  son  bec  rappelle 
notre  Merle  d’Europe,  offre  de  grands  rapports  avec  les  Turdus  pœci- 
lopterus , Horf.  , et  unicotor,  Gould  , tous  deux  des  monts  Hyma- 
laya  ; mais  elle  diffère  du  premier  par  ses  ailes  sensiblement  plus  cour- 
tes et  leur  teinte  uniforme , et  du  second  en  ce  qu’elle  n’a  pas  les 
épaules  rousses  en  dessous  : elle  diffère  aussi  du  Turdus  collaris , 
Sorel,  Revue  Zoot.  , 1840,  page  2. 


28 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


TIMALIE  PRESQUE  ROUSSE. 

Timalia  subrufa.  Terdon. 

T.  supra  tota  rufescente-brunnea , plumis  frontalibus  rigidis,  cinerascen- 
tibus;  subtus  rufa , ventre  abdomineque  pallidioribus  ; rostrum  breve , 
altum,  valde  curvatum,  huic  Timaliœ  tlioracicœ  simile  sed  paulo  bre- 
vius  , nigrum , mandibula  supera  basi  ad  rictum  tantummodo , inféra 
tota  flavis,  hac  apice  nigro  lineata  ; pedes  fuscescentes.  — Long.  tôt.  25 
cent. 


M.  de  La  Fresnaye  avait  donné  à cette  espèce  le  nom  de  Timalia 
pœcilorhyncha , dans  la  Revue  zoologique,  18i0,  p.  65;  mais 
comme  M.  Terdon  l’a  nommée  Timalia  subrufa  deux  ans  aupara- 
vant (Madras  Journ.  for  litterat.  and  science,  n°  24,  1838),  nous  avons 
dû  lui  laisser  le  nom  le  plus  anciennement  publié. 


CRATEROPE  DE  LA  FRESNAYE. 

Crateropus  Lafresnayii.  Ad.  Delessert. 

Supra  lotus  olivaceo-brunneus,  pileo  loto  fusco-ardesiaco  , capistro , loris 
regioneque  post-oculari  nigris  ; superciliis  latis  a capistro  ad  nuchav 
sordide  albidis.  Subtus  rufo-cinnamomeus,  mento  gulaque  nigris,  rectri- 
cum  scapis  rufescentibus ; rostrum  gracile,  rectum;  pedibus  fuscescenti- 
bus.  — Long.  tôt.  22  cent. 

Nota.  Nous  adoptons  , pour  cette  espèce  indienne , le  nom  généri- 
que Crateropus  de  Swainson  , plutôt  que' celui  de  Cinclosoma 
parce  que  ce  savant  a restreint  celui-ci  aux  espèces  australiennes , 
d’après  des  caractères  distincts  et  particuliers,  et  que  , quant  à celui 
de  Ianlhocincla,  donné  par  Gould  à ces  espèces  indiennes,  Al.  Swain- 
son réclame  une  antériorité  de  quatre  ans  pour  celui  de  Crateropus. 

Nous  avons  changé  son  nom  spécifique  parce  que  M.  Terdon,  dans 
le  journal  que  nous  venons  de  citer,  a donné  le  nom  de  Crateropus 
Delessertii  à une  autre  espèce. 


DANS  L’INDE. 


29 


CRATEROPE  A TÊTE  GRISE. 

Crateropus  griseiceps.  Ad.  Delessert. 

{Revue  zool.,  par  la  Société  Cuvierienne,  1840,  p.  4 01.) 

Cette  espèce  de  Merle,  à ailes  courtes  et  à très-fortes  pattes,  fait 
partie  du  genre  Crateropus  de  Swainson;  le  dessus  et  les  côtés  de  la 
tête  et  du  cou  sout  d’un  gris  obscur,  plus  foncé  et  noirâtre  au  devant 
et  autour  des  yeux , et  sur  la  région  des  oreilles.  Cette  couleur  se  fond , 
depuis  le  bas  du  cou , dans  le  brun  sombre  qui  couvre  tout  le  dessus 
du  dos  et  prend  une  teinte  cannelle  sur  le  croupion  et  les  couvertures 
supérieures  de  la  queue.  Les  ailes  sont  de  la  couleur  du  dos , mais  la 
queue  est  d’un  noir  sombre  ou  couleur  ardoise  foncée  ; la  gorge , le 
devant  du  cou  et  la  poitrine  sont  blancs , un  peu  teints  de  gris  roussâ- 
tre  sur  cette  dernière  partie  ; le  ventre , les  flancs  et  l’abdomen  sont 
d’un  roux  vif.  Le  bec  est  allongé , fort , presque  droit , avec  la  mandi- 
bule supérieure  noirâtre  à sa  base , couleur  de  corne  dans  le  reste , et 
l’inférieure  d’un  jaune  pâle.  Les  pattes  singulièrement  fortes , avec  le 
pouce  et  son  ongle  très-developpés , sont  d’un  jaunâtre  livide. 

Longueur  totale , 25  cent. 


GOOE-MOUCHE  RUFULE. 

Muscicapa  ruf'uia.  De  La  Fresnaye. 

Corpore  toto  caudaque  viride-rufis ; pileo,  nucha,  c apitis  lateribus  alisque 
nigro-fuscis , lora  circuitusque  oculorum  parurn  rufescunt.  Rostrum  ni- 
grum,  breve,  non  depressum,  fere  conicum  magis  adhuc  quarn  in  nostra 
Muscicapa  luctuosa.  Pedes  lividi.  — Long.  tôt.  14  3/4  cent. 

Cette  petite  espèce , moindre  d’un  quart  que  notre  Gobe-mouche 
becfigue , est  remarquable  par  son  bec  non  déprimé , peu  élargi  et 
presque  conique , comme  celui  des  Gobe-moucherons  d’Amérique  de 
Temminck. 


30 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


PIE  DU  BOTTAN. 

Pica  Bottanensis.  Ad.  Delessert. 

( Revue  zool.  de  la  Société  Cuvierienne,  1840,  p.  100.) 

En  comparant  cette  Pie  indienne  avec  notre  espèce  européenne , on 
retrouve  une  telle  similitude  de  plumage , une  telle  conformité  dans  la 
distribution  des  couleurs , que , malgré  ses  dimensions  beaucoup  plus 
fortes,  on  est  tenté  au  premier  abord  de  la  regarder  comme  une  sim- 
ple variété.  Mais  notre  Corvus  pica , qui  se  retrouve  dans  tout  le 
nord  de  l’Asie  jusqu’au  Japon,  et  même  dans  l’Amérique  du  nord,  n’y 
offre  point  du  tout  ces  différences  de  proportions,  et  dernièrement 
encore M.  Temminck,  la  signalant  comme  se  trouvant  au  Japon,  d’où 
il  l’a  reçue , ajoute  que  cet  individu  japonais  ne  diffère  en  rien  de 
ceux  d’Europe. 

Or  celle-ci  en  diffère  non-seulement  par  des  proportions  beaucoup 
plus  fortes , mais  par  quelques  différences  de  forme  dans  certaines  par- 
ties qui  constituent  bien  évidemment  une  espèce  distincte  et  nouvelle. 

Elles  consistent  dans  la  forme  du  bec  proportionnellement  plus 
allongé , plus  effilé , et  dans  celle  des  ailes  beaucoup  plus  longues  par 
rapport  à la  queue.  Un  autre  caractère  se  retrouve  encore  dans  les 
pennes  de  cette  queue , qui , chez  notre  nouvelle  espèce , sont  singuliè- 
rement élargies  et  carrées  à leur  extrémité , ayant  leurs  tiges  sinueuses 
et  onduleuses  même  sous  le  doigt , et  ces  ondulations  répondent  à au- 
tant de  bandes  transverses,  de  nuance  un  peu  plus  foncée , qui  s’aper- 
çoivent à certain  jour  sur  les  barbes.  — Du  reste , la  coloration  est 
absolument  la  même  que  chez  notre  Pie  d’Europe , sauf  que  les  reflets 
en  vert  métallique  et  en  bleu-violet  d’acier  bruni  sont  plus  brillants. 

Longueur  totale  de  la  peau  non  montée , 5 déc.  3 cent.  ; de  l’aile 
depuis  le  pli,  25  cent.  ; du  bec  depuis  son  ouverture,  5 cent. 


ORTllOTOME  A VEiNTRE  JAUNE. 

Ortholomus  flaviventris.  Ad.  Delessert. 

( Revue  zool.,  par  la  Société  Cuvierienne,  1840,  p.  101.) 

Celte  petite  espèce , dont  le  plumage  rappelle  celui  du  Prima  fa- 
miliaris  d’Horsfield , en  diffère  par  des  formes  plus  sveltes,  une 


DANS  L’INDE. 


queue  plus  longue,  etc.  Le  dessus  de  la  tête  et  ses  côtés  sont  d’un 
gris-ardoise  un  peu  teint  d’olive  ; le  dessous  du  cou , le  dos  et  les 
ailes  sont  brun-olive  ; la  queue  est  de  la  même  couleur,  mais  plus 
pâle  ; elle  est  très-étagée , remarquable  par  sa  longueur,  et  ses  pennes 
ont  leurs  barbes  internes  fort  larges , comme  chez  les  vrais  Mérions  ; 
elles  offrent  à certains  jours  l’apparence  de  petites  bandes  transverses; 
la  gorge,  le  devant  du  cou  et  la  poitrine  sont  d’un  blanc  légèrement 
teinté  de  roussâtre.  Le  ventre  est  d’un  jaune-paille  vif,  teinté  de  roux 
sur  l’abdomen  et  les  jambes.  Le  bec  est  noir,  très-délié  et  très-com- 
primé vers  la  pointe  ; les  pieds  sont  rougeâtres.  Les  tarses  sont  élevés 
avec  les  doigts  longs  et  déliés. 

Longueur  totale,  lô  cent.  1/2;  de  la  queue,  8 cent. 


' 


§ II 

ANIMAUX  ARTICULÉS, 

PAR  M.  F.-E.  GUÉRIN-MÉNEVILIÆ. 


COLÉOPTÈRES. 

CICINDÈLE  A BANDES  d’oR. 

Cicindela  auro-fasciata.  Dejean. 

Dej.,  Spec.  col.,  t.  v,  p.  224. 

Cette  belle  espèce  forme  le  type  du  genre  Calochroa  de  M.  Hope 
( Coleopt . Man. , part.  2,  p.  19  et  162,  pl.  1,  fig.  2),  genre  dans 
lequel  il  place  les  Cicindtla  octo-notata  Wied , chinensis  et 
princeps  Vigors,  ainsi  que  trois  espèces  inédites  provenant  des 
Neelgheries.  M.  Hope  a décrit  cette  espèce  sous  le  nom  de  Calochroa 
crucigera  ; mais  c’est  par  erreur  qu’il  l’a  considérée  comme  nou- 
velle, car  c’est  évidemment  celle  que  nous  avons  reçue  de  MM.  Adol- 
phe Delessert  et  Perrottet , et  que  nous  avons  comparée  avec  l’indi- 
vidu type  de  la  description  de  M.  Dejean  [Spec.  col.,  t.  v,  p.  22A) 
dans  la  collection  vendue  par  cet  entomologiste  à M.  le  marquis  de 
La  Ferté-Senectèrc. 

Cette  Cicindèle  varie  beaucoup.  Chez  quelques  variétés  le  noir  domine, 
toutes  les  bandes  jaunes  sont  très-isolées,  comme  dans  le  type.  D’au- 
tres ont  les  bandes  jaunes  un  peu  plus  larges  : celle  du  milieu  et  celle 
qui  est  à l’extrémité  des  élytres  se  rapprochent  beaucoup  au  bord 
externe,  ou  se  réunissent  tout  à fait,  comme  dans  l’individu  que 
M.  Hope  a figuré  et  décrit  sous  le  nom  de  Calochroa  crucigcra. 
Enfin  chez  d’autres  le  jaune  domine  ; elles  n’ont  du  noir  qu’à  la  base 
et  sur  les  côtés , au  milieu  , avec  une  tache  de  cetle  couleur  en  arrière. 
Il  y a des  individus  plus  petits  appartenant  à cetle  variété , et  c’est  avec 
l’un  d’eux  que  M.  Gory  a fait  sa  Cicindtla  lepida  ( Mag . zool., 
1833,  cl.  ix,  pl.  96). 

2e  PART.  ' 5 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


34 

Celle  espèce  esl  parfaitement  distincte  de  la  Cicindcla  princcps 
de  Vigors,  que  M.  Ad.  Delcssert  a rapportée  également.  Celte  der- 
nière n’a  été  trouvée  que  dans  les  environs  de  Pondichéri , près  de 
la  mer,  tandis  que  la  Cicindcla  auro-  fasciata  ne  se  trouve  que 
dans  les  hautes  montagnes  des  Neelgheries,  du  Decan,  etc. 


IIELLUO  TRIPUSTULÉ. 

Ilctluo  tripustulatus.  Dejean. 

Fuscus , punctatissimus.  Labro  rutundato,  lœvigato,  fcrrugineo-limbato. 
Vertice  fulvo-maculato.  Ore  fulvo.  Ehjtris  maculis  quatuor  flavis,  posti- 
cis  subconfluentibus.  Pedibus  abdomineque  fulvo-lcstaceis. — Long.  15, 
larg.  5 millim. 

Ilelluo  tripustulatus.  Dej.,  Spcc.  col.,  t . i,  p.  286. 

Var.  Helluo  quadrimaculatus.  Guérin-M.  , Revue  zoologique , par  la  Société 
Cuvierienne,  1840,  p.  38. 

Il  est  d’un  brun-noirâtre  foncé,  légèrement  pubescent,  très-forte- 
ment ponctué.  Lèvre  supérieure  lisse,  arrondie,  bordée  de  jaune- 
fauve;  une  tache  fauve  sur  le  vertex.  Deux  taches  sur  chaque  élvtre  : 
deux  placées  avant  le  milieu , rondes  ; celles  de  l’extrémité  réunies  à 
la  suture  et  ne  formant  qu’une  tache  transverse  un  peu  dentelée  en 
avant  : palpes , antennes  , dessous  et  pattes  jaunes.  Dessous  de  la  tète 
et  du  corselet  noirâtre , une  ligne  longitudinale  fauve  sur  la  tête.  Des- 
sous du  métathorax  et  de  l’abdomen  d’un  jaune  fauve. 

Notre  individu  a été  trouvé  à Pondichéri  par  M.  Perrottet;  un 
autre  provenait  des  monts  Neelgheries,  où  il  a été  pris  par  M.  Ad.  De- 
lessert. 

Après  un  mûr  examen,  nous  l’avons  rapporté  à Y Ilctluo  tripustu- 
tatus  de  Dejean,  en  n’en  faisant  qu’une  simple  variété,  qui  s’en 
distingue  par  son  labre  bordé  de  fauve , par  sa  tête  qui  porte  une  tache 
fauve  sur  le  vertex , et  par  le  dessous  de  son  thorax  et  de  l’abdomen 
d’un  jaune  fauve. 

Nous  pensons  que  le  Macrochcilus  Bcnsoni  de  M.  Ilôpe  ( Colco - 
pterists  Man.,  part.  2,  p.  110  et  160,  pl.  1,  fig.  5)  est  une  autre 
variété  de  la  même  espèce. 

Dans  tous  les  cas  il  est  impossible  de  croire , avec  AI.  Dejean  , que 
Fabricius  ait  décrit  cet  insecte  sous  le  nom  de  Brachium  tripu- 


DANS  L’INDE. 


35 


st-ulatus,  car  sa  description  diffère  trop  de  cette  espèce.  Il  est  proba- 
ble que  l’on  trouvera  quelque  jour  un  vrai  Brachine  indien  à qui 
cette  description  ira  mieux. 


ORTIIOGONIE  LATÉRAL . 

Orthogonius  lateralis.  Guérin. 

Capite  thoraeeque  a Iris , nitidis.  Elytris  punctato-slrialis , flavo-auran- 
tiacis,  nigro-marginalis;  sutura  nigra,  latissima  basi , et  in  medio  am- 
pliata.  Pedibus  nigris,  femoribus  testaceis.  Cor  pore  sublus  abdomineque 
flavis , nigro-maçulatis.  — Long.  18  , larg.  8 millim. 

Cette  grande  et  belle  espèce  est  assez  allongée , à côtés  parallèles.  Sa 
tête  est  noire , et  offre  des  inégalités  assez  fortes  en  avant.  Les  man- 
dibules sont  fauves  à la  base , noires  ensuite  et  bidentées.  Les  palpes 
sont  noirs,  avec  l’extrémité  brune.  Les  antennes  sont  d’un  brun  noi- 
râtre avec  les  deux  premiers  articles  presque  fauves.  Le  corselet  est 
noir,  luisant , assez  aplati , plus  de  moitié  plus  large  que  long , tron- 
qué droit  à ses  deux  extrémités  avec  les  côtés  arrondis.  Les  élytres 
sont  un  peu  plus  larges  que  le  corselet , de  moitié  plus  longues  que 
larges , lisses  et  luisantes  avec  de  fines  stries  de  points  enfoncés. 
Elles  sont  d’un  beau  jaune  S’ocré  tirant  un  peu  sur  l’orangé  avec  le 
bord  externe  finement  liséré  de  noir,  et  elles  ont  au  milieu  une  bande 
suturale  large , très-dilatée  à la  base  et  en  arrière  à partir  du  milieu. 
Le  dessous  du  thorax  est  noir  taché  de  jaune-fauve.  L’abdomen  est 
jaune  lisse  et  luisant  avec  une  tache  noire  de  chaque  côté  du  dernier 
segment,  qui  est  large  et  tronqué  en  arrière.  Les  hanches,  les  tro- 
chanters et  les  cuisses  sont  jaunes  avec  les  genoux  noirs.  Les  jambes 
et  les  tarses  sont  noirs,  et  velus  avec  le  dessous  des  tarses  garni  d’un 
duvet  jaunâtre. 

Ce  précieux  insecte  a été  pris  à Pulo-Pinang. 


36 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


CHLENIE  BILUiNÉ. 

Chlœnius  bilunatus.  Guér.-Mén. 

Capite  thoraceque  cupreo  œneis.  Labro  fulvo.  Thorace  transversim  subqua- 
clralo.  Elytris  obscure  viridi-œneis , pubescentibus,  striatis,  interstitiis 
granulatis,  macula  subrotunda  postica.  Antennis , palpis  pedibusque  te- 
st aceis.  — Long.  1 3 à 1 4,  larg.  5 à 5 1/2  millim. 

Var.  Chlœnius  Neelgheriensis . Guérin-Mén.,  Revue  zoologique,  par  la 
Société  Çuvierienne,  1840,  p.  38. 

Tête  et  corselet  d’un  vert-cuivreux  ponctué.  Corselet  d’un  quart 
plus  large  que  long.  Élytres  noires,  légèrement  pubescentes,  striées, 
finement  ponctuées , ayant  chacune , près  de  l’extrémité , une  tache 
arrondie  fauve  plus  rapprochée  du  bord  extérieur,  un  peu  échancrée 
en  arrière.  Dessous  du  corps  noir  à reflets  bleus.  Labre , antennes , 
palpes  et  pattes  d’un  jaune  fauve.  — Cet  insecte  est  très-voisin  des 
Chlœnius  bimaculaius , binotatus  et  vulneratus  de  Dejean , 
mais  il  s’en  distingue  suffisamment  par  son  corselet  plus  large  que  long. 

Cette  espèce  varie  pour  la  taille  et  pour  la  forme  de  la  tache  des 
élytres.  M.  de  La  Ferté  nous  écrit  qu’il  en  a dont  la  tache  est  en  forme 
de  virgule  et  d’autres  où  elle  est  ronde.  La  tache  des  variétés  inter- 
médiaires passe  insensiblement  de  la  forme  virgulaire  à la  forme  ronde. 

La  variété  que  nous  avons  nommée  Neelgheriensis  appartient  à 
une  des  formes  intermédiaires. 

Cette  espèce  a été  trouvée  assez  abondamment  près  de  Pondichéri. 
Les  individus  sont  plus  rares  et  un  peu  plus  forts  dans  les  Neelgheries. 


CHLEME  DE  LA  FERTÉ. 

Chlœnius  Lafertei.  Guér.-Mén. 

Capite  thoraceque  cupreo- œneis , punctatis.  Thorace  subrotundato , posticè 
subangustiore.  Elytris  obscure  viridi-œneis,  striatis,  interstitiis  granu- 
latis, flavo  quadrimaculatis.  Antennis  fuscis,  basi  testaceis.  Labro , pal- 
pis pedibusque  test  aceis.  — Long.  13  à 15,  larg.  5 à 6 millim. 

Cette  belle  espèce  ne  peut  être  confondue  avec  aucune  de  celles 
que  M.  Dejean  a décrites,  à cause  des  deux  taches  terminales  de  ses 


DANS  L’INDE.  37 

élytres,  taches  qui  ne  se  remarquent  dans  aucune  des  autres  espèces 
de  ce  groupe. 

Ce  Chiœnius  a été  trouvé  à Pondichéri. 


QRECTOCHEILE  SEMI-VÈTU. 

OrectocheUus  semivestitus.  Guérin. 

Oblongo-ovalis , convexus , nigro-piceus , nitidus , ochrœato-sericeus.  Ca- 
pite,  thorace  elytrorumque  disco  lœvibus.  Corpore  subtus  nigro-piceus. 
Pedibus  intermediis  et  posticis  fulvis , anticis  nigro-fuscis.  — Long.  11 
à 13,  larg.  6 à 7 millim.  — Rev.  zool.,  par  la  Société  Cuvierienne,  1840, 
p.  38. 

Noir-verdâtre  lisse  et  luisant.  Côtés  de  la  tête , du  corselet  et  des 
élytres  largement  bordés  de  duvet  jaune-grisâtre;  cette  bordure  beau- 
coup plus  large  en  arrière  des  élytres,  où  elle  se  termine  aux  deux  tiers 
de  leur  longueur  à la  suture.  Élytres  simplement  tronquées  à l’extré- 
mité , fortement  rebordées  sur  les  côtés  ; dessous  d’un  noir  de  poix  : 
pattes  intermédiaires  et  postérieures  fauves.  Voisin  des  O.  gangeli- 
cus  et  spéculum  de  M.  Aubé. 

Découvert  dans  les  eaux  douces  du  plateau  des  Neelgheries. 


CAMPSOSTERNE  DE  LATREILLE. 

Campsosternus  LatreUlii.  Guérin. 

Viridis , nitidus , cupreo-micans , albo-tomentosus.  Elytris  acuminatis , 
punctatis,  profunde  striatis,  striis  albo-tomentosis.  Antennis  nigris,  de- 
pressis,  dilatatis  et  serratis.  — Long.  35 , larg.  1 1 millim. 

Ce  bel  insecte  est  allongé , d’un  vert  un  peu  foncé , luisant , avec 
quelques  reflets  cuivrés,  et  couvert,  d’une  manière  plus  ou  moins 
complète , d’un  fin  duvet  blanchâtre.  Les  antennes  sont  grandes , 
noires , larges  et  aplaties , un  peu  en  scie.  Le  corselet  est  aussi  large 
que  long,  arrondi  sur  les  côtés,  rétréci  en  avant,  à angles  postérieurs 
fortement  acuminés , garni  de  duvet  gris  assez  serré  sur  les  côtés  et 
dans  les  fossettes  postérieures.  L’écusson  est  arrondi , bleu-luisant.  Les 
élytres  sont  assez  brusquement  rétrécies  en  arrière,  terminées  en 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


3 a 

pointe  divergente , finement  penchées,  avec  d’assez  fortes  stries  longi- 
tudinales à fond  garni  de  duvet  blanc,  ce  qui  les  fait  paraître  rayées 
de  blanc;  le  dessous  est  garni  de  duvet  blanc  plus  serré  qu’en  dessus, 
surtout  sur  les  côtes  et  sous  les  cuisses.  Les  tarses  sont  noirâtres  , 
avec  leurs  crochets  rougeâtres. 

Découvert  dans  les  environs  de  Pondichéri. 


CAMPSOSTERNE  DE  DELESSERT. 

Cam/>sosteruus  Delessevtii.  Guérin. 

Elongatus,  viridi-nitidus , cupreo-micans.  Antennis  ,palpis  niandibulis- 
que  nigris.  Capite  puncta  to,  foveolato.  Thorace  elongato,  postice  latiore; 
angulis  posticis  mucronatis  in  disco  punctulato,  lateribus  marginatis, 
rugosis.  Elytris  subrugosis , nitidis,  api  ce  acutis.  Corpore  subtus  pedi- 
busque  viridi-cupreis , lateribus  griseo-tomentosis . — Long.  29  à 38  , 
larg.  9 012  millim. 

Elater  ( ludius ) Delessevtii.  Guérin-Mén.,  lîevue  zoologique,  par  la  Société 
Cuvierienne,  1840,  p.  38. 

Allongé , d’un  vert-luisant  à reflets  dorés  et  cuivreux.  Tête  forte- 
ment ponctuée,  avec  une  large  fossette  en  avant.  Mandibules,  palpes 
et  antennes  noirs.  Corselet  plus  long  que  large,  assez  aplati , très  fine- 
ment chagriné  et  un  peu  pubescent  sur  les  côtés,  qui  sont  rebordés 
et  cuivreux;  beaucoup  plus  étroit  en  avant , peu  arrondi  sur  les  côtés, 
et  terminé  en  arrière , de  chaque  côté , par  une  forte  pointe  ayant 
l’extrémité  un  peu  courbée  en  bas.  Écusson  arrondi , placé  dans  un 
large  enfoncement  de  la  partie  antérieure  des  élytres , celles-ci  fine- 
ment chagrinées,  assez  convexes  vers  leur  base  et  terminées  en  pointe 
aiguë.  Dessous  et  pattes  d’un  vert  à reflets  plus  cuivreux  que  le  des- 
sus. Cette  belle  espèce , très-voisine  de  l’E.  fuUjens  de  Eabricius , 
en  diffère  par  la  forme  de  son  corselet. 

Elle  a été  découverte  sur  le  plateau  des  Neelgberies. 

Ce  genre,  fondé  parLatreille  {Ann.  Soc.  Ënt. , t.  III,  p.  141  ), 
forme  le  sujet  d’une  monographie  dont  M.  Hope  s’occupe  en  ce  mo- 
ment. 


. y.  P a||pstas:i a. . oùjcura , Guer. 

Baj'vmorplia  ùwurnr/a/u,  ffuer.  3.  C dlitCO OT atlïUS  Snbru<joju.c,  Guer. 


DANS  L’IN  DK. 


39 


PARASTASIE  OBSCURE. 

P ara  sla  sia  obscurci.  Guérin. 

Nigra,  punctata.  Scutello  , elyiris  basi  et  margine  exteriori  fusco-fulvis. 

Femoribus  apice , tibiis  tarsisque  fusco-fulvescentibus.  — Long.  12, 

larg.  7 millim. 

(PI.  1 1 , fig.  I.) 

Nous  avons  rapporté  cette  espèce  au  genre  Parastasia  de  Al.  AVest- 
wood , mais  avec  doute  ; parce  que  nous  ne  trouvons  d’ongles  in- 
égaux, dont  l’un  bifide,  qu’aux  tarses  intermédiaires  et  postérieurs, 
tandis  que  les  antérieurs  ont  les  ongles  égaux  et  tous  deux  simples. 
Cependant , comme  tous  les  autres  caractères  semblent  ne  pas  diffé- 
rer de  ceux  que  M.  Westwood  assigne  à son  genre  ; que  les  tibias  an- 
térieurs sont  armés  de  trois  dents  à l’extrémité , dont  les  deux  pre- 
mières rapprochées  entre  elles  et  bien  séparées  de  la  dent  apicale  ; que 
les  mâchoires  sont  armées  de  dents  aiguës  , les  mandibules  terminées 
extérieurement  par  une  saillie  dentiforme , et  le  chaperon  bidenté , 
comme  Westwood  le  signale  pour  son  genre  Parastasia , nous  avons 
pensé  que  cette  réunion  de  caractères  nous  permettait  de  placer  notre 
insecte  dans  ce  genre. 

Le  corps  de  notre  nouvelle  espèce  est  épais , court  et  presque  glo- 
buleux ; sa  tête  est  assez  petite , noire , couverte  de  rugosités  trans- 
versales qui  la  rendent  comme  écailleuse , avec  le  chaperon  peu 
avancé , terminé  par  deux  dents  assez  saillantes  et  très-relevées  : ce 
qui  permet  de  voirie  labre,  qui  est  transversal,  faiblement  arrondi,  et 
cilié  en  avant.  Le  corselet  est  un  peu  plus  large  que  long  , finement 
rebordé  et  arrondi  sur  les  côtés , très-bombé , couvert  de  gros  points 
enfoncés  et  noirs  avec  une  trace  très-visible  de  ligne  longitudinale 
brune  au  milieu.  L’écusson  est  triangulaire , plus  large  que  long , 
ponctué  d’un  brun -fauve  bordé  de  noir.  Les  élytres  sont  noires 
avec  la  base  et  les  bords  d’un  brun-fauve  fondu.  Elles  ont  des  séries 
longitudinales  de  gros  points  enfoncés , assez  mal  alignés  : près  de 
l’écusson , et  entre  ces  lignes  de  points , il  y a de  très-faibles  éléva- 
tions ou  côtes  visibles  seulement  quand  on  regarde  l’insecte  dans  le 
sens  de  sa  longueur.  La  saillie  humérale  est  assez  forte  et  lisse.  Le 
dessous  du  corps  est  noir,  mais  les  bords  du  mé  ta  thorax  sont  fauves. 
Les  pattes  antérieures  sont  noires  avec  l’extrémité  des  cuisses,  le 


40 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


milieu  des  jambes  et  les  tarses  d’un  brun  un  peu  fauve.  Les  jambes 
sont  larges,  aplaties,  carénées  en-dessus  et  au  milieu,  abord  interne, 
tranchant , échancré  brusquement  à la  base  ; terminées  au  côté  externe 
par  trois  fortes  dents  arrondies  dont  la  terminale  est  séparée  des  deux 
précédentes , qui  sont  très-rapprochées  entre  elles  : le  tarse  est  brun- 
fauve  , plus  court  que  la  jambe  ; son  dernier  article  est  beaucoup  plus 
court  que  les  quatre  précédents  , et  terminé  par  deux  crochets  égaux, 
arqués  et  simples.  Les  autres  pattes  sont  d’un  brun  fauve  avec  la  base 
des  cuisses  noire;  leurs  jambes  sont  épaisses  et  leurs  tarses  sembla- 
bles à ceux  des  antérieures , mais  avec  le  crochet  interne  profondé- 
ment bifide.  L’une  des  deux  épines  terminales  internes  des  jambes 
postérieures  est  plus  courte , en  massue  ou  comme  une  tête  de  clou. 

Quand  la  description  plus  détaillée  du  genre  Parastasia  aura  paru, 
il' sera  peut-être  nécessaire  d’en  séparer  génériquement  notre  insecte. 
Dans  ce  cas,  nous  proposerions  de  lui  donner  le  nom  de  Carter  o- 
soma;  ce  serait  alors  notre  Carterosoma  obscurum. 

Ce  Lamellicorne  a été  découvert  à Pulo-Pinang. 

EXPLICATION  DES  FIGURES. 

PI.  II,  fig.  1.  L’insecte  de  grandeur  naturelle. 

la.  Sa  tête  grossie  et  vue  en  dessus. 

lb.  Sa  mâchoire. 

lc.  Patte  antérieure. 

1 d.  Tarse  intermédiaire. 

1r.  Tarse  postérieur. 


Genre  BARYMORPHE.  — BARYMORPHA , Guérin. 

(Bapuî,  lourd;  fjcopcpvj,  forme.) 

Cet  insecte , découvert  par  M:  Adolphe  Delessert  sur  la  côte  ma- 
laise , offre  presque  tous  les  caractères  du  genre  Ruteia  , qui  ne  se 
compose  jusqu’à  présent  que  d’espèces  américaines;  mais  son  faciès  , 
la  brièveté  de  ses  pattes  et  de  leurs  tarses,  et  la  forme  plus  globuleuse 
de  son  corps , l’en  distinguent  d’une  manière  suffisante.  Il  se  rapproche 
beaucoup  du  genre  Parastasia  , fondé  par  M.  AVestwood  (An  and 
Mag.  ofnat.  History , etc.  ; novembre  1841);  mais  chez  celui-ci 
les  crochets  des  tarses  sont  inégaux  et  l’un  deux  est  bifide , ce  qui  n’a 
pas  lieu  chez  notre  insecte.  Voici  ses  principaux  caractères  : 

Corps  court,  épais,  presque  globuleux.  Chaperon  bidenté,  à dents 


DANS  L’INDE. 


ai 


relevées.  Antennes  de  dix  articles.  Mandibules  à sommet  bilobé.  Mâ- 
choires armées  de  six  fortes  dents  ou  épines  arquées.  Pattes  courtes. 
Jambes  antérieures  épaisses , un  peu  aplaties,  armées  de  trois  dents  à 
l’extrémité.  Tarses  courts , assez  grêles , à dernier  article  beaucoup 
plus  court  que  les  quatre  précédents , avec  les  crochets  plus  courts 
que  cet  article , égaux , arqués  et  simples. 


BARYMORPHE  BIMACULÉE. 

Bavymor'pha  bimacuiata.  Guérin. 

Bufo—castanea  ; capite  niyro.  Thorace  maculis  duabus  nigris  notato. 
Elytris  flavo-nebulosis.  Pygidio  nigro  rufoque  variegato.  — Long.  10 , 
larg.  10  millim. 

(PI.  1 1 , fig.  2.) 

Tout  son  corps  est  d’une  couleur  marron-rougeâtre  ou  couleur  d’a- 
cajou très-luisant.  La  tête  est  petite , noire , assez  fortement  ponc- 
tuée , avec  deux  petites  carènes  élevées , ne  se  joignant  pas  au  milieu 
et  qui  séparent  le  front  du  chaperon.  Les  antennes  et  les  palpes  sont 
fauves , à poils  pâles.  Le  corselet  est  très-bombé , plus  large  que  long , 
finement  rebordé , ponctué , à côtés  arrondis  , avec  le  bord  postérieur 
un  peu  avancé  en  arrière , au  milieu , et  finement  liséré  de  noir.  On 
voit  de  chaque  côté , au  milieu  et  près  du  bord  latéral , une  impres- 
sion assez  profonde , et , en  arrière , deux  grosses  taches  noires  et  ron- 
des, bien  séparées  entre  elles.  L’écusson  est  grand  et  triangulaire , fine- 
ment bordé  de  noir.  Les  élytres  sont  de  la  couleur  acajou  du  corselet 
et  de  l’écusson , mais  marquées  de  taches  irrégulières  et  nuageuses 
jaunes.  Elles  sont  très-luisantes,  bombées  , arrondies  sur  les  côtés  et 
en  arrière , avec  des  séries  longitudinales  de  points  enfoncés  assez  dis- 
tincts, et  elles  offrent  chacune,  h la  base  et  près  de  la  saillie  humérale, 
une  fossette  assez  large  et  assez  enfoncée.  Le  pygidium  est  d’un  brun 
rouge  taché  de  noir.  Le  dessous  est  d’une  couleur  plus  foncée  et  uni- 
forme. Le  sternum  du  mésothorax  s’avance  entre  les  hanches  intermé- 
diaires en  une  pointe  triangulaire  aplatie  en  dessous.  Les  pattes  sont 
d’un  brun  rouge  presque  fauve , avec  l’extrémité  des  cuisses  et  la  pointe 
des  dents  des  jambes  antérieures  noires. 

Cette  curieuse  espèce  a été  trouvée  à Pulo-Pinang , sur  la  côte 
Malaye. 


2''  PART. 


() 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


EXPLICATION  DES  FIGURES. 

PI.  II,  fig.  2.  L'insecte  de  grandeur  naturelle. 

2 a.  La  tête  grossie  et  vue  en  dessus. 

2b.  Mâchoire. 

2e.  Extrémité  de  la  mâchoire  plus  grossie. 

2 cl.  J ambe  antérieure  vue  en  dehors. 

2e.  Son  extrémité  du  côté  interne. 

2 f.  Patte  postérieure.  • 


POPILIE  SPLENDIDE- 
PopUia  splendida.  Guérin. 

Viridi-micans.  Thorace  lœvigato.  Elytris  sulcatis.  — Long.  10  , larg.  10 
millim. 

Popilia  splendida.  Guér.-M.,  Rev.  zoul.,  1840,  p.  39. 

Popilia  regina.  Nexvman,  Trans.  Ent.  Soc.  Lond.,  vol.  iii,  p.  3b. 

(PI.  12, fig.  1.) 

D’un  beau  vert  métallique  très-luisant  à reflets  dorés.  Tète  assez 
fortement  ponctuée.  Corselet  et  écusson  lisses.  Élytres  fortement  striées, 
avec  des  points  enfoncés  dans  les  stries.  Dessous  lisse , à reflets  cuivrés 
rouges  très-brillants,  avec  les  côtés  du  thorax  un  peu  pubescents. 
Antennes  et  pattes  vertes. 

Elle  habite  les  monts  Neelgheries. 


GOLIATII  DE  DELESSERT. 

Goliathus  ( Trigonophorus , Hope)  Delessertii.  Guérin. 

Aureo-viridis , olivaceo  et  rubro-micans.  Cornu  frontali  capitis  œquali , 
trigono , antice  sinuato  (fem.).  Antennis  nigris.  Elytris  subtilissime 
striato-punctatis.  Femoribus,  tibiis  apice,  tarsisque  nigris.  — Long.  37 
à 39 , larg.  18  à 20  millim.  — Güérin-Meneviij.e  , Rev.  zool.  par  la 
Société  Cuvierienne,  1829,  p.  229.  — Westwood  , Arcana  Entomol., 
n°  8,  p.  122,  pi.  29,  fig.  4. 

(PI.  12,  fig.  2.) 

Cette  magnifique  espèce  est  d’un  beau  vert  glauque-luisant  à reflets 
olivâtres  et  rougeâtres.  Le  dessous  et  les  pattes  sont  d’un  vert  gai 


DANS  L’INDE. 


43 

avec  les  pointes  latérales  du  mésothorax  d’un  rougeâtre  fauve.  La  tète 
est  aplatie  , de  forme  presque  carrée , un  peu  élargie  en  avant , pro- 
fondément sillonnée  en  dessus,  tronquée  carrément  au  bord  antérieur, 
et  portant  au  milieu  de  ce  bord  une  grande  corne  dirigée  en  avant  et 
en  haut , comprimée  latéralement  à sa  base , ensuite  aplatie  et  élargie 
transversalement , aussi  longue  que  la  tête  , sinuée  en  avant , un  peu 
courbée  en  haut  et  formant  un  peu  la  cuiller.  Cette  corne  est  verte  en  de- 
dans avec  le  bord  antérieur  noir,  et  tout  à fait  noire  en  dehors.  Le  vertex 
porte  une  petite  corne  plate , dirigée  en  avant  et  en  bas,  triangulaire  et 
à sommet  noir  et  aigu.  Les  antennes  sont  courtes  et  noires.  Le  corselet 
est  presque  aussi  large  que  les  élytres,  étroit  et  de  la  largeur  de  la  tête 
en  avant , s’élargissant  en  une  ligne  presque  droite  jusqu’au  milieu  de 
sa  longueur,  et  à côtés  parallèles  ensuite.  Son  bord  postérieur  est  coupé 
droit  avec  une  faible  échancrure  au  milieu  pour  l’insertion  de  l’écus- 
son. Ses  côtés  sont  fortement  rebordés , le  milieu  du  bord  postérieur 
offre  une  bordure  noire  occupant  toute  l’étendue  de  la  base  de  l’écus- 
son ; sa  surface  est  très-finement  chagrinée , vue  à la  loupe , avec 
quelques  points  et  rides  vers  les  bords,  en  avant.  L’écusson  est  grand, 
triangulaire , un  peu  plus  long  que  large.  Les  élytres  sont  de  forme 
ordinaire , un  peu  plus  étroites  et  arrondies  en  arrière , avec  de  très- 
faibles  lignes  de  petits  points  enfoncés.  Les  jambes  antérieures  sont 
terminées  en  dedans  par  une  seule  épine  articulée , noire  ; elles  sont 
un  peu  dilatées  au  côté  externe,  qui  est  armé  au  sommet  de  deux  for- 
tes dents  arrondies,  noires.  Les  jambes  intermédiaires  et  postérieures 
ont , près  du  milieu  du  bord  externe , une'  petite  épine  aiguë , et  leur 
bord  interne  est  fortement  cilié.  Tous  les  tarses  sont  noirs.  Le  dessous 
du  corps  est  finement  ponctué  ; le  sternum  est  avancé  sur  l’insertion 
des  pattes  antérieures,  arrondi  et  un  peu  relevé  au  bout.  L’abdomen 
est  un  peu  bombé  au  milieu.  Notre  unique  individu  est  une  femelle. 

Nous  avons  dédié  cette  belle  espèce  au  zélé  et  intrépide  voyageur 
qui  l’a  découverte.  11  n’en  a trouvé,  en  juillet  1838,  que  quatre  indi- 
vidus sur  le  plateau  des  Neelgheries,  près  d’Otacamund,  et  à Kotir- 
ghery. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


hi\ 


Genre  CENTROGNATHE.  — CENTROGNJTUUS,  Guérin. 
(xsvxpov,  épine;  yvuOoç,  mâchoire.) 

Ce  nouveau  genre  diffère  des  Cremaslocheilus  par  sa  lèvre  infé- 
rieure , qui , au  lieu  de  couvrir  entièrement  le  dessous  de  la  tête , est 
de  grandeur  ordinaire , épaisse , saillante  et  tronquée  à l’extrémité. 
Les  mâchoires  sont  terminées  par  deux  fortes  épines  ou  pointes  cor- 
nées , dont  l’inférieure  est  bifide  ; elles  sont  cachées.  Ses  autres  carac- 
tères ne  diffèrent  que  peu  de  ceux  des  Grémastocheiles. 


CENTROGNATHE  SUBRUGUEUX. 

Cenlrorjnatltus  subrugosus.  Guérin. 

Crassus,  atro-opacus,  elongatus,  subrugosus , capite  excavato , tricornuto  , 
cornibus  duobus  lateralibus  compressis , subacuminatis , mediano  com- 
pressa, apice  dilatato.  Thorace subrotundato.  Elytris  subquadratis , pa- 
rum  elongatis.  Pedibus  crassis,  femoribus  anticis  inermibus.  — Long.  20, 
Iarg.  10  millim.  — Guérin,  Revue  zool.  par  la  Société  Cuvierienne , 
1840,  p. 79. 

(PL  11  , fig.3.) 

Corps  épais , noir,  terne , allongé , couvert  de  rugosités  comme  effa- 
cées en  partie.  Tête  excavée  en  dessus , offrant  de  chaque  côté , au- 
dessus  des  yeux , une  corne  comprimée  assez  saillante , un  peu  courbée 
en  dedans , avec  le  chaperon  relevé  en  une  troisième  corne  aplatie , 
élargie  au  bout , recourbée  un  peu  en  dedans  comme  les  deux  latérales. 
Corselet  à côtés  arrondis.  Écusson  triangulaire.  Élytres  un  peu  plus 
larges  que  le  corselet  à leur  base,  assez  allongées,  parallèles,  planes  en 
dessus.  Pattes  fortes,  courtes.  Les  jambes  antérieures  n’ayant  qu’une 
faible  trace  de  dent  au  côté  externe.  Tarses  courts,  cylindriques  et 
épais , terminés  par  deux  crochets  assez  longs. 

Habite  la  côte  Malave,  à Pulo-Pinang. 

EXPLICATION  DES  FIGURES. 

PI.  II,  fig.  3.  Tête  du  Centrognathus  subrugosus  très-grossie. 

3a.  La  même  vue  en  dessous. 

3!).  L’antenne. 

3c.  Mâchoire. 


DANS  L’INDE. 


GNATHOCÉRA  OLIVACÉE. 

Gnathocera  olivacea.  Guérin. 

Viridi-olivaceà  nitida , flavido  et  rubro-micans . Clypeo  suberecto , apice 
emarginato.  Thorace  punctulato.  Elytris  punclato—striatis.  Palpis,  an- 
tennis,  genubus  tarsisque  atris.  — Long.  25  , larg.  12  1/2  millinr. — 
Guér.-Mén.,  Revue  zool.  par  la  Société  Cuvierienne , 1840,  p.  80. 

D’un  vert-olivâtre  très-luisant  à reflets  jaunâtres  et  rougeâtres.  Cha- 
peron un  peu  relevé  au  milieu  , avec  cette  saillie  échancrée.  Une  pe- 
tite corne  penchée  en  avant , aplatie  et  peu  élargie  à son  extrémité , 
au  milieu  de  la  tête,  qui  est  fortement  ponctuée.  Corselet,  élytres, 
dessous  du  corps , pattes  et  antennes  comme  dans  l’espèce  précédente  ; 
à l’exception  des  jambes  antérieures,  qui  sont  armées  de  deux  fortes 
dents  noires  au  côté  externe.  — Nous  avons  vu  cette  espèce  dans  l’ad- 
mirable collection  de  M.  Gory  ; elle  y porte  le  nom  de  Gn.  surrya 
(Hope)  : nom  que  nous  aurions  conservé,  quoique  nous  ne  l’ayons 
trouvé  publié  nulle  part , si  nous  avions  pu  deviner  ce  qu’il  signifie. 
Neelgheries.  — Juin. 


MACRONATA  PEINTE. 

Macronata  picta.  Guérin. 

Nigra,  opaca.  Prothorace  utrinque  lineis  duabus  obliquis  flavispicto,  in  me- 
diopostico  confluentibus.  Marginibus  scutelli  flavis.  Elytris  lœteauran- 
tiacis , nigro  maculatis;  maculis  discoidalibus  flavo-pupillatis.  Tho- 
race subtus  abdomineque  transversim  flavo-lineatis,  pygidium  macula 
flava  oblonga  longitudinali  notatum.  — Long.  18,  larg.  12  1/2  millim. 
— Guér.-Mén.,  Revue  zool.  par  la  Société  Cuvierienne,  1840,  p.  81 . 

Noire.  Tète  et  corselet  ponctués.  Corselet  ayant  de  chaque  côté 
deux  lignes  jaunes  obliques  : les  plus  extérieures  partant  du  haut  des 
bords  latéraux , à courbure  extérieure , et  allant  se  terminer  près  du 
bord  postérieur,  devant  l’écusson  ; les  intérieures  partant  des  angles 
antérieurs  , derrière  les  côtés  de  la  tête , à courbure  intérieure  et  se 
réunissant  en  arrière , au  milieu , près  de  la  réunion  des  deux  exter- 
nes. Écusson  noir  bordé  de  jaune.  Élytres  d’un  jaune-orangé  assez  vif, 
ayant  chacune  le  bord  externe  et  quatre  taches  noirs  : la  première 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Zt6 

près  de  l’épaule  ; deux  placées  obliquement  au  milieu , interrompues 
chacune  par  une  petite  tache  d’un  jaune  pâle;  la  dernière,  plus 
grande,  placée  près  de  l’extrémité.  Une  grande  tache  jaune  sur  le  py- 
gidium.  Dessous  du  thorax  et  de  l’abdomen  ayant  de  grandes  bandes 
transverses  d’un  jaune  doré. 

De  Pulo-Pinang , côte  Malaye. 


CÉTOINE  DE  LA  COTE  MALAVE. 

Cetonia.  Malayana  Guérin. 

Obscure  viridis,  subopaca.  Clypeo  emarginalo.  Thorace  punclato,  maculis 
duabus  anticis  albis.  Ëlÿtrorum  sutura  acuminala,  elytris  subcostatis, 
striato-punclatis,  nigro-marginatis , utrinque  maculis  sex  albis  notatis, 
quinque  marginalibus,  sexta  subapicali.  Pygidio  albo  subtus  corporis 
pedibusque  nigris.  Lateribus  thoracis  abdominisque  albo-maculatis. 
— Long.  16,  larg.  8 millim.  — Guér.-Mén.,  Revue  zool.par  la  Société 
Cuvierienne , 1840  , p.  81. 

Verte  en  dessus,  noire  en  dessous.  Tête  et  corselet  fortement  ponc- 
tués. Chaperon  échancré.  Une  tache  blanche  à chaque  angle  antérieur 
du  corselet , derrière  la  tête.  Élytres  largement  bordées  de  noir  avec 
de  faibles  côtes  élevées  et  des  lignes  de  points  enfoncés.  Elles  ont  cha- 
cune six  taches  blanches,  dont  cinq  au  bord  dans  la  partie  noire,  et 
une  près  de  la  suture  et  vers  l’extrémité.  La  suture  est  terminée  par 
une  petite  épine.  Le  pygidium  est  couvert  de  duvet  blanc  en  dessous. 
Le  thorax  et  les  segments  de  l’abdomen  offrent  plusieurs  taches  noires. 
Pattes  noires. 

De  Pulo-Pinang,  côte  Malaye. 


CÉTOINE  DE  GORY. 

Cetonia  Goryi.  Guérin. 

Supra  viridis , nigra  infra,  Capite  punctato  , clypeo  emarginato.  Thorace 
punctato,  notulis  duabus  medianis  lateribusque  flavis.  Elytris  nitidulis, 
ad  apicem  obsulcatis  , punctato-striatis , inœqualiter  albo-maculatis; 
pygidio  notulis  quatuor  albis  transversim  positis , lateribus  abdominis 
albo  notatis. — Long.  13,  larg.  7 millim.  — Guér.-Mén.,  Revue  zool.  par 
la  Société  Cuvierienne , 1840,  p.  81. 

Verte  en  dessus,  noire  en  dessous.  Tête  et  corselet  fortement  ponc- 


DANS  I/INDE. 


47 


tués.  Chaperon  échancré.  Corselet  ayant  les  côtés  bordés  d’un  duvet 
jaune-argenté  et  deux  points  de  cette  couleur  au  milieu.  Élytres  assez 
luisantes  offrant  des  côtes  peu  élevées , des  lignes  de  points  enfoncés , 
et  chacune  sept  taches  d’un  jaune  argenté , ainsi  disposées  : la  pre- 
mière près  de  l’angle  huméral,  très -petite;  la  seconde,  derrière 
celle-ci,  au  bord  externe,  divisée  en  deux  ou  trois  petites  taches;  les 
troisième  et  quatrième , très-grandes , toujours  au  bord  externe , la 
quatrième  étant  située  à l’angle  postérieur;  les  trois  autres,  de 
moyenne  grandeur,  placées  près  de  la  suture  : l’une  au  milieu , la  sui- 
vante plus  en  arrière , et  la  troisième  près  du  bord  postérieur.  Pvgi— 
dium  ayant  quatre  petites  taches  dorées.  Côtés  de  l’abdomen  et  du 
corselet  tachés  de  jaune-pâle.  Pattes  noires  et  velues. 

De  la  côte  Malave  et  de  Java. 


CÉTOINE  A BANDES  ROUGES. 

Cetonia  rufo  vittata.  Guérin. 

Nigra , nitida  , subelongata;  thorace  punctis  quatuor  albis  , limbo  postico 
rufo.  Elytris  obscure  viridibus , ad  apicem  subcostatis.  Vitta  longitudi- 
nali  mediana  rubra,  apice  haud  attingente;  utrinque  maculis  tribus  al- 
bis, mediana  rotundata , duabus  transversalibus  ad  marginem.  Corpore 
subtus  et  pedibus  atris,sed  thorace  infra  albo-maculato. — Long.  9, 
larg.  5 millim.  — Guér.-Mén.,  Revue  zool.  par  la  Société  Cuvierienne, 
4840,  p.  82. 

Noire.  Tête  et  corselet  ponctués.  Chaperon  assez  élargi , échancré. 
Corselet  ayant  une  large  bordure  rouge  partant  du  milieu  et  se  prolon- 
geant un  peu  au  bord  postérieur  avec  quatre  points  blancs  sur  le  dis- 
que. Élytres  d’un  vert  foncé , luisantes , finement  striées  , avec  des 
sillons  larges  et  peu  profonds  ; elles  ont  chacune  au  milieu  une  large 
bande  longitudinale  rouge , partant  du  bord  antérieur,  faisant  suite  à 
la  bordure  du  corselet  et  se  terminant  avant  l’extrémité;  leur  bord 
externe  offre  deux  petites  taches  blanches  situées  en  arrière , et  il  y a 
un  point  blanc  entre  la  suture  et  la  ligne  rouge,  vers  le  milieu  de  la 
longueur  de  l’élytre.  Les  côtés  du  thorax  sont  blancs.  Les  pattes  noires. 
De  Pulo-Pinang , côte  Malaye. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


h S 


LUCANE  BICOLORE. 

Lucanus  bicolor.  Oliv.  (Var.  Dcfesscrlii.  Guérin.). 

(PI.  12,  fig.  3.) 

Si  l’on  ne  savait  pas  combien  la  couleur  varie  chez  les  insectes  , on 
aurait  de  justes  molifs  de  séparer  le  Lucane  femelle  que  M.  Ad.  Deles- 
sert  a trouvé  dans  les  Neelgheries,  du  Lucanus  gazella  d’Olivier, 
qui  n’est  que  la  femelle  de  son  Lucanus  bicolor.  En  effet , dans 
l’ouvrage  d’Olivier  ( Luc.  , pl.  h , fig.  13  ),  son  Lucanus  gazctla  est 
représenté  semblable  aux  individus  de  M.  Delessert  : mais  chez  ceux-ci 
le  jaune  des  élytres  commence  angulairement  un  peu  au-dessous  de 
l’angle  huméral,  au  bord  externe,  et  va  toujours  en  s’élargissant  pour 
se  terminer  en  pointe  près  du  bord  postérieur  de  la  suture  ; tandis  que 
dans  l’individu  figuré  par  Olivier,  la  partie  jaune  reste  également  étroite 
dans  toute  sa  longueur,  et  forme  une  véritable  bordure. 

Dans  un  Lucane  mâle  décrit  et  figuré  par  M.  Saunders  ( Trans . 
Ent.  Soc.  Lond.,  vol.  n,  p.  177,  pl.  16,  fig.  3),  sous  le  nom  de 
Lucanus  bicolor,  Fab.  ( Fabricius  n’a  jamais  décrit  de  Luc.  bico- 
lor) nous  trouvons  la  même  disposition  de  couleur  que  dans  les  indi- 
vidus rapportés  par  Al.  Delessert , et , si  l’on  devait  les  considérer 
comme  des  variétés  du  Lucanus  bicolor  d’Olivier,  ou  même  les  en 
séparer,  il  est  évident  que  l’individu  de  AI.  Saunders  irait  avec  ceux 
de  AI.  Delessert , tandis  que  celui  d’Olivier  pourrait  être  regardé 
comme  le  mâle  du  Lucanus  gazella  du  même  auteur,  mais  comme 
formant  une  variété  chez  laquelle  le  jaune  domine. 

Il  est  possible  que  l’on  trouve  des  individus  chez  lesquels  le  noir 
de  la  suture  couvrira  entièrement  ou  presque  entièrement  les  élytres  ; 
et  nous  ne  serions  pas  surpris  que  le  Lucanus  cancellas  d’Olivier  fût 
de  ce  nombre,  quoique  sa  figure  offre  quelques  légères  différences 
dans  la  forme  du  corselet  et  les  dents  des  mandibules.  On  sait  com- 
bien ces  dernières  varient  dans  ce  genre  ; on  sait  aussi  avec  quelle 
inexactitude  les  peintres  de  cette  époque  dessinaient  les  insectes  : ils 
se  contentaient  de  représenter  leur  ensemble  sans  s’inquiéter  des  dé- 
tails de  leurs  formes,  ce  qui  laisse  toujours  du  doute  sur  l’identité  de 
leurs  figures  avec  les  individus  que  nous  leur  comparons. 


J?l.  ±2. 


'.Prelr&cLûucr.  drl. 


Giraud  Je. 


DANS  L’INDE. 


49 

Voici  la  synonymie  de  l’espèce  que  nous  figurons  : 

Lucanus  hicolor , Oliv.  Ent. , 1. 1,  G.  1,  p.  22,  n°  6,  pl.  5,  f.  2 (mâle). 

— gazeüa,  Oliv.  Ibid.,  p.  13,  pl.  h,  fi  g.  13  (femelle). 

— hicolor,  Saunders.  Trans.  Ent.  Soc.  tond.,  vol.  il, 

p.  177,  pl.  16,  fig.  3 (mâle). 

Si  les  localités  de  ces  variétés  étaient  bien  précisées , et  si  l’on  trou- 
vait , par  exemple , que  toujours  les  individus  des  parties  montagneuses 
de  l’Inde  ont  le  jaune  des  élytres  placé  obliquement , comme  dans 
notre  individu  des  Neelgheries  et  celui  de  M.  Saunders , on  pourrait 
peut-être  en  former  une  espèce  distincte  de  ceux  des  parties  basses , 
ayant  le  jaune  des  côtés  des  élytres  droit , parallèle  au  bord  , comme 
dans  le  L.  gazeüa  d’Olivier.  On  pourrait  alors  les  arranger  ainsi  : 

1°  Lucanus  Delessertii  , Nob.  Noir  avec  une  bande  jaune  obli- 
que au  côté  extérieur  des  élytres  ( mâle  et  fem.  ). 

Syn.  : Lucanus  hicolor,  Saunders.  Trans.  Ent.  Soc.  (mâle) . 

2°  Lucanus  hicolor , Oliv.  Noir  avec  une  bande  jaune  droite  et 
parallèle  au  bord  extérieur  des  élytres. 

Syn.  : Lucanus  hicolor,  Oliv.  (var.  mâle). 

— gazeüa,  Oliv.  (femelle). 

L’idée  que  nous  hasardons  aujourd’hui,  sur  l’examen  d’un  individu 
mâle  du  Lucanus  hicolor  d’Olivier,  pris  par  M Ad.  Delessert  sur  la 
côte  Malaye  et  parfaitement  identique  avec  la  figure  d’Olivier,  sur  ce- 
lui de  trois  individus  femelles  à côté  des  élytres  obliquement  jaune , 
provenant  du  plateau  des  Neelgheries , et  sur  les  figures  données  par 
Saunders  et  Olivier,  ne  pourra  être  jugée  que  lorsqu’on  possédera  des 
collections  faites  avec  intelligence  dans  des  localités  de  l’Inde  bien 
précisées.  Alors  on  pourra  fixer  les  limites  de  l’espèce  et  conserver  ou 
rejeter  celles  que  nous  proposons  aujourd’hui  avec  une  extrême  réserve. 


PASSALE  DES  NEELGHERIES. 

Passalus  Neelg  heriensis.  Guérin. 

Semiconvexus.  Antennarum  clava  hexaphylla.  Capite  in  vertice  tubercu- 
lato  ( tubercule  carinata  antieeque  elevdto ) et  in  utroque  laiere  carinu- 
lato.  Clypeo  valde  emarginato,  semi-circulari . Mandibulis  apice  triden- 
tatis.  — Long.  28,  larg.  8 M%  millim. 

Son  corps  est  peu  bombé,  lisse  et  luisant.  La  tête  est  un  peu  ponc- 
2e  PART.  7 


50 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


luée  en  dessus.  Il  y a sur  le  vertex  une  petite  carène  longitudinale  et 
deux  autres  carènes  transverses  à son  extrémité  ; de  la  partie  antérieure 
de  la  carène  médiane  se  détache  une  autre  carène  très-fine  , d’abord 
droite,  se  séparant  ensuite  en  deux  sous  un  angle  ouvert  et  courbe, 
formant  un  mamelon  au  point  d’arrêt , et  réunies  par  une  autre  carène 
transverse  : le  tout  sans  atteindre  le  bord  du  chaperon.  Celui-ci  est 
fortement  anguleux  vis-à-vis  l’extrémité  des  deux  carènes,  mais  ses 
angles  sont  tronqués  à leur  extrémité  : l’angle  gauche  est  plus  dilaté 
que  le  droit  et  se  penche  un  peu  vers  lui  à son  extrémité.  Les  bords 
élevés  de  la  tête  sont  saillants  et  anguleux  avant  leur  extrémité.  Les 
carènes  oculaires  sont  peu  élevées  et  obliquent  beaucoup  du  côté  de 
l’œil.  Le  labre  est  assez  fortement  échancré,  pointillé,  velu.  Les  mandi- 
bules sont  droites , d’abord  anguleuses  extérieurement , recourbées 
brusquement  à l’extrémité  ; la  lèvre  s’articule  avec  le  menton  par  une 
ligne  très-sinuée.  Les  lobes  latéraux  de  celui-ci  sont  chargés  de  très- 
gros  points,  excepté  vers  leur  extrémité  : on  n’aperçoit  pas  de  fosset- 
tes gulaires.  Les  antennes  sont  hexaphylles , les  trois  derniers  articles 
sont  beaucoup  plus  longs  que  ceux  qui  les  précèdent  ; le  dernier  est 
notablement  renflé  dans  son  mibeu.  Le  prothorax'  est  en  carré  trans- 
versal , ayant  un  sillon  dorsal  peu  profond  qui  n’atteint  ni  le  bord  an- 
térieur ni  le  bord  postérieur.  Le  sillon  marginal  est  très-étroit , avan- 
çant derrière  la  tête , un  peu  élargi  à son  extrémité  ; les  fossettes 
latérales  sont  peu  profondes  et  ne  sont  accompagnées  d’aucun  point. 
L’écusson  est  lisse  ; les  fosses  mésosternales  sont  peu  profondes , ru- 
gueuses, et  s’élargissent  un  peu  à leur  extrémité.  Le  disque  du  mé- 
sosternum est  accompagné  de  quelques  points  agglomérés  ; les  stries 
des  élytres  sont  également  profondes  et  également  chargées  de  petits 
points  espacés. 

Cetle  espèce  a été  découverte  par  M.  Ad.  Delessert  sur  le  plateau 
des  Neelgheries.  Nous  l’avons  communiquée  à M.  Percheron,  qui  l’a 
fait  entrer,  en  notre  nom,  dans  sa  Monographie  des  Passaies 
( Mag . zooi. , 18A1). 


DANS  L’INDE. 


51 


MÉCOCÈRE  BOSSU. 

Mecocerus  gibbosus.  Guérie. 

Oblongo-ovatus,  postice  gibbosus , niger,  flavo-tomentosus.  Elytris  striatis, 
albo-punctatis.  Aniennis  pedibusque  fulvis.  ■ — Long.  mar.  4 4 , larg.  4 4/2 
millim.  • — Long.  fem.  40,  larg.  4 4/3  millim. 

Cette  espèce  est  bien  distincte  des  trois  Mecocerus  décrits  par 
M.  Schoenherr,  surtout  par  la  forme  bossue  de  ses  élytres  en  arrière. 
Tout  son  corps  est  noir  , mais  dans  l’état  frais  il  est  couvert  d’ écailles 
très-fines  et  très-serrées  d’un  jaune  d’ocre  assez  foncé.  La  tête  et  le 
corselet  sont  très-finement  rugueux.  Le  corselet  est  un  peu  plus  long 
que  large,  subcylindrique,  un  peu  plus  étroit  en  avant,  arrondi  sur  les 
côtés , avec  un  sillon  transversal  avant  le  milieu , interrompu  sur  la 
ligne  médiane  ; et  une  petite  carène  transversale  , arquée  en  arrière, 
placée  entre  le  sillon  médian  et  le  bord  postérieur,  remontant , sur 
les  côtés,  jusqu’à  une  ligne  élevée  qui  paît  de  l’insertion  des  pattes 
antérieures.  Les  élytres  sont  de  la  largeur  du  corselet  à leur  base  ; 
elles  s’élargissent  ensuite,  se  relèvent  en  bosse  en  arrière,  et  ont 
cette  partie  comme  globuleuse  et  assez  brusquement  élevée.  Elles  ont 
de  fortes  stries , de  gros  points  enfoncés , et  sont  ornées  , sur  le  fond 
jaune  produit  par  les  écailles  qui  couvrent  tout  le  corps , de  petits 
points  blancs  formés  par  du  duvet  et  placés  sur  le  sommet  des  côtes 
faiblement  élevées  entre  les  stries  de  points.  Le  dessous  est  varié  de 
jaune  et  de  noirâtre.  Les  antennes  et  les  pattes  sont  fauves  et  garnies 
de  quelques  poils  jaunes. 

Chez  les  mâles,  les  antennes  sont  plus  longues  que  le  corps,  un 
peu  renflées  aux  trois  derniers  articles , qui  sont  entièrement  couverts 
de  duvet  jaune.  Les  pattes  antérieures  ne  sont  pas  beaucoup  plus  gran- 
des que  les  autres. 

Chez  les  femelles , les  antennes  ont  à peine  la  moitié  de  la  longueur 
du  corps;  leur  massue  jaune  est  plus  épaissie.  Les  pattes  antérieures 
sont  un  peu  plus  courtes,  mais  le  corps  est  tout  à fait  semblable  à 
celui  des  mâles. 

Ce  curieux  insecte  a été  découvert  aux  Neelgheries. 


SOUVENIRS  Ü’UN  VOYAGE 


ÉPISOME  MONTAGNARD. 

Episomus  monianus.  Guérin. 

Ater,  opacus , griseo-squamosus.  Antennis  griseis;  clava  migra.  Capite 
thoraceque  rugosis.  Elytris  ovatis , postice  versus  suturam  subelevatis  et 
subcarinatis , longitudine  foveatis  et  griseo-squamosis.  — Long.  12  à 
17,  larg.  5 à 7 millim. 

Le  corps  est  un  peu  allongé,  très-bombé  , cl’un  noir  terne,  avec  de 
fines  écailles  grises  sur  toutes  les  parties  qui  n’éprouvent  pas  de  frot- 
tement. Les  antennes  sont  courtes , grises  avec  la  massue  d’un  beau 
noir  de  velours.  La  tête  et  le  corselet  sont  fortement  rugueux , avec 
un  profond  sillon  longitudinal  au  milieu.  Les  élytres  sont  de  la  largeur 
du  corselet  à leur  base , ovalaires , élargies  au  milieu , avec  la  suture 
un  peu  élevée  en  arrière,  formant  là  une  espèce  de  carène  et  coupées 
perpendiculairement.  Elles  ont  chacune  neuf  côtes  élevées,  circon- 
scrivant des  séries  longitudinales  de  fossettes  assez  profondes  à fond 
garni  d’écailles  grises  très-serrées.  Le  dessous  et  les  pattes  sont  fine- 
ment ponctués,  plus  ou  moins  couverts  d’écailles  grises;  les  jambes 
sont  un  peu  velues  : le  dessous  des  tarses  est  garni  d’un  duvet  jaunâtre. 
Cette  espèce  est  assez  commune  sur  le  plateau  des  Neelgheries. 


BARIDIE  DES  NEELGHERIES. 

Barydius  Neetgfieriensis.  Guérin. 

Ater , rugosus.  Thoracis  lateribus  flavo-squamosis.  Scutello  flavo.  Ely- 
tris  striatis,  maculis  quatuor  flavo-squamosis , duabus  anticis  basali- 
bus.  Corpore  subtus  pedibusque  flavo-squamosis.  — Long.  5,  larg.  2 1/2 
millim. 

Cette  jolie  espèce  est  assez  commune  aux  Neelgheries;  son  corps 
est  ovalaire , noir,  assez  fortement  rugueux.  Le  rostre  est  noir,  arqué , 
grand , cylindrique , couvert  de  points  rangés  presque  en  stries  longi- 
tudinales. La  tête  est  presque  lisse  , très-finement  ponctuée.  Le  cor- 
selet est  à peu  près  aussi  long  que  large , brusquement  rétréci  en 
avant , ayant  ensuite  les  côtés  droits  et  presque  parallèles,  à bords  la- 
téraux garnis  d’écailles  jaunes  très-serrées  formant  de  chaque  côté 
une  large  bande  dorée  un  peu  échancrée  au  milieu.  L’écusson  est 


DANS  L’IiNDE. 


53 


petit,  triangulaire,  couvert  d’écailles  jaunes.  Lesélytres  sont  peu  con- 
vexes, rugueuses  comme  le  corselet , avec  de  fortes  stries  longitudi- 
nales à fond  lisse.  Elles  ont  chacune  quatre  grandes  taches  écailleuses 
d’un  jaune  doré;  les  deux  premières  sont  arrondies,  placées  à la  base 
des  élytres,  ne  touchent  pas  l’écusson  et  s’étendent  jusque  sur  les  an- 
gles huméraux  ; et  les  deux  autres  sont  placées  un  peu  au  delà  du  mi- 
lieu , en  arrière  ; elles  sont  de  forme  presque  carrée  , à bords  dente- 
lés. Le  pvgidium  est  noir  en  dessus.  Le  dessous  du  corps  est  entièrement 
couvert  d’écailles  jaunes  , mais  le  dessous  de  l’abdomen  offre  toujours 
une  bande  longitudinale  dépourvue  d’écailles  et  noire.  Chez  la  majo- 
rité des  individus  le  dernier  segment  est  armé , en  dessous , d’une 
forte  lamelle  élevée,  lisse , arrondie  au  bout  et  dirigée  vers  la  tête  de 
l’animal , tandis  que  d’autres  n’offrent  rien  de  semblable.  Ceux  qui 
sont  armés  de  cette  lamelle  varient  pour  la  taille  : ce  sont  certaine- 
ment des  mâles. 

Les  pattes  de  tous  les  individus  sont  couvertes  d’écailles  d’un  jaune 
un  peu  plus  pâle.  Il  y a quelques  variétés  à taches  des  élytres  plus 
petites , et  d’autres  où  ces  taches  s’étendent , se  confondent  même 
dans  plusieurs  points. 


MYLLOCÈRE  DE  FADRICIUS . 

Mylioccrus  Fabricii.  Guérin. 

Elongato-ovatus,  niger,  supra  fusco,  subtus  albido-squamosus  ; antennis 
pedibusque  piceis,  fronte  plana,  foveolata,  rostro  angustiore,  longitudi- 
naliter  impresso,  obsolete-carinato  ; thorace  transverso,  subconico,  sub- 
tiliter  remote  punctulato  ; ehjtris  albo-tessellatis,  subtiliter  punctato- 
striatis;  femoribus  obsolète  dentatis.  — Long.  5 à 8,  larg.  2 à 3 millim. 


Hab.  Pondichéri. 


54 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


MYLLOCÈRE  SUBFASCIÉ. 

MyUocerus  subfasciatus.  Guérin. 

Elongato-ovatus,  supra  fusco,  subtus  cinereo-albido-squamosus  ; antennis 
pedibusque  piceis;  rostro  supra  profunde  impresso,  medio  tenuiter  cana- 
liculato  ; thorace  transverso , subcylindrico  ; elytris  convexioribus , 
mediocriter  punctato-striatis,  obsolète  oblique  albo  fasciatis  et  tessella- 
■ - tis;  femoribus  bidentatis.  — Long.  5 à 8,  larg.  2 à 3 millim. 

Habite  les  monts  Neelgheries. 


DORYSTHÈNE  MONTAGNARD. 

D orysthenes  montanns.  Guérin. 

Castaneo-nitidus.  Thorace  lateribus  subreflexo , subspinoso.  Elytris  obso- 
lète rugosis,  subcostatis,  apice  dilutioribus.  — Long.  29  à 42,  larg.  10  à 
15  millim. 

(PI.  13.) 

Le  genre  D orysthenes  a été  fondé,  en  1826,  par  Vigors,  pour  un 
insecte  qu’Olivier  a publié  sous  le  nom  de  Prionus  rostratus.  Fal- 
derman , sans  connaître  le  genre  de  Vigors,  a créé  un  genre  Cyrto- 
gnathus  avec  une  espèce  très-curieuse , qu’il  aurait  rangée  dans  le 
genre  précédent  s’il  l’eût  connu,  mais  qui,  heureusement,  s’en  distin- 
gue assez  pour  que  l’on  puisse  adopter  les  deux  genres.  Nous  avons 
montré,  dans  la  Revue  Zoologique  par  la  Société  Cuvierienne, 
1840,  page  83,  les  différences  qui  distinguent  ces  deux  genres  : nous 
n’avons  donc  plus  qu’à  reproduire  les  caractères  de  l’espèce  en  question. 

Mâle  entièrement  d’une  couleur  marron , plus  claire  à l’extrémité 
des  antennes,  des  élytres,  aux  tarses  et  au-dessous  de  l’abdomen. 
Tête  allongée,  à col  cylindrique.  Yeux  transversaux,  réniformes, 
ayant  leur  diamètre  longitudinal  étroit , laissant  un  large  espace  entre 
eux  en  dessus,  et  n’occupant  au  plus  que  le  tiers  de  la  longueur  de  la 
tête.  Mandibules  très-grandes  et  très-arquées.  Corselet  d’un  tiers  plus 
large  que  long  , luisant , assez  aplati , dilaté  sur  les  bords , surtout  au 
milieu , où  l’on  aperçoit  la  trace  d’une  petite  pointe  confondue  dans  la 
dilatation.  Elytres  bombées  à leur  base,  médiocrement  luisantes,  fine- 


VL.J.&- 


Dorysihen.es  mon  fan  as,  c,,cr. 

ma/c  rf/vmc//e  . 


Gérardcolor . 


J.  &.  jPrê/re'  <M~ 


DANS  L’INDE.  55 

ment  chagrinées  et  offrant  de  très-faibles  traces  de  côtes  longitudinales. 
Tarses  antérieurs  des  mâles  très-dilatés. 

La  femelle  est  de  la  même  couleur  et  plus  large  ; son  corps  est  un 
peu  plus  aplati , son  corselet  est  plus  petit  relativement  aux  élytres , la 
tête  est  plus  courte  ainsi  que  les  mandibules,  il  n’y  a point  de  pointe 
conique  au  prosternum  ; l’abdomen  est  terminé  par  un  petit  oviducte 
fourchu , et  les  tarses  antérieurs  sont  simples  et  non  dilatés. 

Cette  espèce  diffère  du  D.  rostratus,  parce  que  ses  yeux  sont 
beaucoup  plus  petits  et  n’avancent  pas  autant  vers  la  ligne  médiane. 
En  effet , chez  celui-ci , ces  organes  occupent  à peu  près  la  moitié  de 
la  longueur  de  la  tête.  Les  tarses  antérieurs  des  mâles  sont  moins  dila- 
tés chez  le  D.  rostratus ; ses  élytres  sont  plus  allongées,  plus  forte- 
ment rugueuses  ; son  corselet  est  moins  large  relativement  à sa  lon- 
gueur, car  il  est  à peine  d’un  quart  plus  large  que  long.  Enfin  le 
D.  rostratus , dont  nous  avons  vu  quatre  mâles  et  une  femelle , est 
toujours  d’une  couleur  brun -noirâtre  luisant  avec  le  corselet  d’un 
rouge  presque  fauve  ainsi  que  l’extrémité  des  antennes , les  pattes  et 
le  dessous  du  corps. 

Voici  ce  que  M.  Perrottet  nous  écrit  relativement  à l’habitation  et 
aux  mœurs  du  D.  montanus.  « Cet  insecte  commence  à paraître  à la 
surface  du  sol  dès  la  fin  d’avril , et  continue  à sortir  de  terre,  en  aug- 
mentant en  nombre  d’individus,  jusqu’aux  premières  pluies,  qui 
d’ordinaire  ont  lieu  fin  de  mai  ou  courant  de  juin.  Leur  nombre  est 
alors  si  grand,  que  les  chemins  et  les  routes  en  sont  souvent  remplis , 
au  point  qu’on  assure  dans  le  pays  que  l’Ours  noir  des  Gates  ne  se 
montre  dans  ces  montagnes  que  pour  s’en  repaître.  Parmi  le  grand 
nombre  d’individus  gisant  à la  surface  du  sol,  on  en  remarque  de 
jaunâtres,  de  blanchâtres  et  de  bruns  ; je  me  suis  assuré  qu’ils  sor- 
taient de  terre  en  en  surprenant  quelques-uns  dans  les  trous  mêmes 
qu’ils  semblaient  se  creuser  pour  arriver  à l’air  fibre.  C’est  toujours 
sur  les  montagnes  couvertes  d’herbes  plus  ou  moins  grandes  , d’arbus- 
tes, etc. , qu’on  les  voit  se  montrer  en  plus  grande  quantité.  Les  envi- 
rons de  Coonoor,de  Kotirgherris,  etc. , sont  les  endroits  où  l’on  en  voit 
le  plus;  ils  se  tiennent  toujours  à terre,  ont  une  démarche  lente  et 
lourde.  Je  n’en  ai  jamais  vu  voler.  » 

Ces  observations  intéressantes,  que  M.  Ad.  Delessert  nous  avait  fait 
pressentir  en  nous  assurant  que  cet  insecte  se  trouvait  à terre  dans 
des  fieux  élevés,  dépourvus  de  grands  arbres,  et  qu’ils  servaient  de 
nourriture  aux  ours  ; ces  observations , disons-nous , sont  des  plus 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


56 

curieuses  et  des  plus  importantes  pour  le  classement  du  genre  entier, 
car  il  est  présumable  que  les  deux  autres  espèces  ont  une  manière  de 
vivre  analogue  ; et  dès  lors  ces  insectes  devraient  peut-être  s’éloigner 
des  Priones,  qui  vivent  dans  les  troncs  d’arbres,  et  aller  près  des 
D or  cadrons  et  de  certaines  Lamies  que  l’on  trouve  toujours  à terre 
et  dont  les  larves  doivent  vivre  de  racines. 


Genre  EUCHROA.  EUCHROA,  Guérin. 

(su,  bien  ; /poa,  coloration.) 

Nous  avions  d’abord  pensé  que  notre  insecte  entrait  dans  le  genre 
P achyteria  de  M.  Serville  {Ann.  Soc.  Ent.  France,  t.  il,  p.  553)  ; 
mais  en  lisant  les  caractères  que  cet  entomologiste  assigne  à son  genre , 
et  surtout  en  examinant  comparativement  une  P achyteria fasciat  a 
de  la  collection  de  M.  Buquet , nous  avons  reconnu  que  ces  deux  in- 
sectes différaient  tellement  par  leurs  antennes,  qu’il  nous  a semblé  im- 
possible , en  suivant  la  méthode  de  M.  Serville , de  les  laisser  dans  le 
même  genre.  En  effet,  dans  la  Pachytérie,  les  antennes  sont  égale- 
ment épaisses  dans  toute  leur  longueur,  assez  tomenteuses.  Les  arti- 
cles du  milieu  ne  sont  pas  beaucoup  plus  grands  que  les  suivants; 
ceux-ci  offrent  à leur  extrémité  interne  une  saillie  dentiforme  produi- 
sant des  dents  de  scie.  Dans  notre  genre,  ces  antennes  sont  tout  à fait 
glabres , fusiformes  ou  épaissies  au  milieu , avec  les  troisième , qua- 
trième , cinquième  et  sixième  articles  plus  grands  et  plus  épais  ; les 
suivants  beaucoup  plus  minces  et  plus  courts , ne  formant  pas  de  dents 
de  scie.  Nous  ne  parlons  pas  du  nombre  de  ces  articles,  car  M.  Ser- 
ville s’est  trompé  en  en  comptant  douze.  Dans  la  Pachyteria.  fas- 
ciata  que  nous  avons  sous  les  yeux , nous  n’en  trouvons  évidemment 
que  onze  ; mais  le  dernier  offre , extérieurement  et  près  de  l’extrémité, 
une  petite  dent  obtuse  qui  a dû  induire  M.  Serville  en  erreur. 

Voici  le  signalement  de  ce  genre  établi  comparativement  avec  celui 
que  M.  Serville  donne  de  ses  Pachyleria. 

Palpes  maxillaires  presque  aussi  longs  que  les  autres , ayant  leur 
dernier  article  cylindracé  ; celui  des  labiaux  très-allongé , un  peu  sécu- 
riforme  et  tronqué  au  bout. 

Mandibules  longues,  rétrécies  et  amincies,  terminées  en  pointe  et 
un  peu  courbées  au  bout. 


/.  E uclïTOa  d/nudia/a  , 
a.  Pdar&pderTis 


■M  Jet. 


Gérard,  color. 


DANS  L’INDE. 


57 


Antennes  glabres , épaisses  et  fusiformes , de  onze  articles , un 
peu  plus  courtes  que  le  corps  ( dans  les  femelles  ) , articles  de  trois  à 
six  plus  épais  et  plus  grands  que  les  autres;  les  suivants  simples,  sans 
prolongement  en  dents  de  scie. 

Labre  transversal,  un  peu  échancré  et  velu  à son  bord  antérieur. 

Corselet  unituberculé  latéralement,  brusquement  rétréci  en  avant 
et  en  arrière  , n’avant  pas  de  sillons  transversaux  près  des  deux  extré- 
mités. 

Élytres  allant  un  peu  en  se  rétrécissant  de  la  base  à l’extrémité , 
celle-ci  arrondie  et  mutique. 

Écusson  triangulaire. 

Cuisses  en  massue,  fortement  épaissies  vers  l’extrémité.  Jambes  un 
peu  comprimées. 

Tarses  ayant  leurs  trois  premiers  articles  presque  triangulaires.  Le 
premier  article  des  tarses  postérieurs  allongé  , le  plus  grand  de  tous. 


EUCHROA  PARTAGÉE. 

Euchroa  dimidiata.  Guérin. 

Air  a.  Antennis  medio  flavis,  capite  adverticem  thoraceque  fulvis.  Elytris 
antice  fulvis , maculâ  scutellari  nigrâ.  Pedibus  nigro-opacis  tarsisque 
cinereo-cœrulescentibus.  — Long.  34,  larg.  9 millim. 

(PL  14,  fig.  1 A 

Cette  belle  espèce  a tout  à fait  l’aspect  d’une  Pachyteria.  Sa  tête 
est  finement  rugueuse  , noire , avec  le  milieu  de  la  crête  transversale 
qui  sépare  les  antennes,  et  toute  sa  portion  postérieure  en  dessus  et  en 
dessous , d’un  fauve  assez  vif.  Les  antennes  sont  beaucoup  moins  lon- 
gues que  le  corps  , noires , avec  les  second  , troisième  et  quatrième 
articles  entièrement,  et  tout  le  dessus  du  cinquième,  d’un  beau  jaune- 
orangé.  Le  corselet  est  également  rugueux , un  peu  plus  large  que 
long,  muni  d’un  tubercule  peu  saillant  de  chaque  côté,  finement 
bordé  de  noir  en  avant  et  en  arrière , avec  la  moitié  postérieure  noire 
en  dessous  ; il  a en  dessus  quelques  faibles  bosselures.  L’écusson  est 
noir.  Les  élytres  sont  finement  rugueuses,  insensiblement  rétrécies  en 
arrière , munies  de  trois  côtes  fines  et  très-peu  élevées , dont  la  se- 
conde se  bifurque  près  de  l’extrémité  et  se  réunit  à l’externe  et  à la 
suture  ; elles  sont  d’un  noir  de  velours  avec  la  partie  antérieure  (jus- 
2e  part.  8 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


58 

que  près  du  milieu  ) d’un  fauve-vif  portant  une  grande  tache  noir- 
commun  au  milieu  de  la  base.  Cette  tache  et  la  portion  également 
noire  des  élytres  sont  garnies  d’un  très-fin  duvet  qui  remplit  les  gra- 
nulations , lesquelles  ne  sont  visibles  que  sur  la  portion  fauve.  Tout  le 
dessous  du  corps  est  noir  avec  quelques  faibles  reflets  bleus.  On  voit 
sur  les  côtés  du  thorax  et  de  l’abdomen  des  taches  soyeuses»  blanchâ- 
tres , produites  par  des  poils  couchés.  Les  pattes  sont  d’un  beau  noir 
avec  les  cuisses  fortement  renflées  vers  le  bout,  rugueuses,  les  jam- 
bes assez  comprimées  et  les  articles  des  tarses,  assez  larges , d’un  bleu 
cendré  en  dessus,  garnis  en  dessous  d’un  duvet  très-serré  et  fauve. 
La  partie  interne  des  jambes  antérieures  est  également  garnie  de  du- 
vet fauve , mais  moins  dense. 

Cette  espèce,  dont  nous  n’avons  vu  qu’une  femelle,  a été  trouvée 
à Pulo-Pinang. 


PELARGODÈRE  EN  DAMIER. 

Pelargoderus  lessellatus.  Guérin. 

A ter,  griseo-pubescens.  Capitethoracequevittis  quinque  albo-communibus. 
Thorace  elongato , cylindrico , antice  posticeque  Iransversim  plicato. 
Elytris  apice  bidentatis , maculis  niveis  irregularibus  et  subquadratis 
ornatis.  Antennis  pedibusque  gracilibus.  — Long.  32,  larg.  8 1/2  millim. 

(PI.  14,  fig.  2.) 

Nous  plaçons  provisoirement  cette  belle  espèce  dans  le  genre  Pelar- 
goderus ( Serville,  Ann.  Soc.  Ent.  de  France,  t.  iv,  p.  72)  parce 
qu’elle  offre  la  majorité  des  caractères  assignés  à ce  genre  ; mais , 
avec  un  peu  de  ■bonne  volonté , on  pourrait  en  faire  un  genre  distinct , 
parceque  son  corselet  offre , en  avant  et  en  arrière , un  petit  rétrécis- 
sement et  trois  ou  quatre  plis  transversaux  , tandis  que  dans  les  vrais 
Pelargoderus  il  n’a  qu’un  seul  sillon  transversal  à chaque  extrémité. 
Chez  les  Pélargodères , les  pattes  antérieures  sont  beaucoup  plus  gran- 
des que  les  autres  dans  les  mâles;  tandis  que  dans  notre  insecte,  qui 
est  aussi  un  mâle , ces  pattes  sont  à peine  un  peu  plus  longues.  Enfin , 
dans  le  genre  de  M.  Serville , les  élytres  sont  à peine  tronquées  à 
l’extrémité,  tandis  que  dans  le  nôtre  elles  offrent  chacune  deux  dents 
épineuses.  Si  l’on  pensait  que  ces  différences  fussent  suffisantes  pour 


DANS  L’INDE.  59 

motiver  la  création  d’un  genre  distinct,  nous  proposerions  de  le  nom- 
mer Macrochenus  (p.aypo'ç,  grand,  long;  aüy^v , nuque,  cou). 

Tout  le  corps  de  cet  insecte  est  noir,  mais  il  est  couvert  d’un  très- 
fin  duvet  gris.  Le  devant  de  la  tête  est  blanc  avec  une  figure  noire 
représentant  assez  bien  un  M renversé.  Les  yeux  sont  noirs  et  bordés 
de  blanc.  Les  antennes  sont  grêles  et  de  moitié  plus  longues  que  le 
corps.  Le  corselet  est  presque  d’un  tiers  plus  long  que  large , cylindri- 
que , un  peu  rugueux  au  milieu , ayant  à son  tiers  antérieur  un  sillon 
profond  précédé  par  trois  ou  quatre  plis  transverses , et  près  du  bord 
postérieur  un  autre  sillon  suivi  de  deux  ou  trois  plis.  Il  est  orné  en 
dessus  de  trois  bandes  longitudinales  blanches  qui  se  continuent  sur  la 
tête , et  de  chaque  côté , au-dessus  de  l’insertion  des  pattes , d’une 
large  bande  de  la  même  couleur,  qui  se  continue  aussi  sur  les  côtés 
de  la  tête  en  passant  sous  les  yeux.  Les  élytres  sont  plus  larges  que  le 
corselet,  à angles  huméraux  saillants,  avec  l’extrémité  rétrécie  insen- 
siblement , tronquée  et  bidentée  ; elles  sont  ornées  de  taches  angu- 
leuses blanches,  de  forme  plus  ou  moins  carrée,  se  touchant  par  leurs 
angles  , ce  qui  leur  donne  un  peu  l’aspect  des  cases  d’un  damier.  Le 
dessous  est  d’un  gris  plus  blanchâtre  que  le  dessus  avec  l’abdomen 
marqué  d’une  large  bande  noire  au  milieu  et  d’une  série  de  gros  points 
noirâtres  de  chaque  côté.  Le  sternum  est  un  peu  saillant.  Les  pattes 
sont  longues  et  grêles , presque  égales , et  ne  diminuant  de  grandeur, 
des  premières  aux  dernières , que  d’une  manière  presque  insensible . 
L’extrémité  des  jambes  antérieures  est  un  peu  épaissie  et  arquée  ; les 
autres  offrent , près  de  l’ext  témité , au  côté  externe , une  petite  dent 
peu  saillante. 

Du  plateau  des  NeelgLeries.  — Trouvé  en  juillet. 

Le  Cerambyx  tigrinus  d’Olivier  (t.  IV,  n°  67,  p.  101 , pi.  19, 
fig.  142) , dont  la  patrie  est  inconnue,  semble  être  très-voisin  du 
nôtre.  Serait-ce  sa  femelle  ? 


SAPERDE  QUADRINOTÉE. 

Saperda  ( Sphænura  ) quadrinotata.  Guérin. 

Nigra , dense  flavo-tomentusa.  Elytris  apice  truncatis  , bidentatis , lateri- 
bus  et  basi  bicostatis , humeris  maculisque  quatuor  nigris.  — Long.  22, 
larg.  6 millim. 


Elle  ressemble  un  peu  pour  l’aspect  général  à la  Saperda  morbit- 


60 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


losa  de  Fabricius  ; mais  elle  n’est  pas  si  aplatie  en  dessus,  et  sa  forme 
est  plus  cylindrique.  Tout  son  corps  est  noir,  mais  tellement  couvert 
d’un  duvet  écailleux  jaune  d’ocre,  qu’il  peut  passer  pour  entièrement 
jaune.  Les  palpes,  les  yeux  et  les  antennes  sont  noirs  et  faiblement  gar- 
nis de  duvet  jaunâtre.  Le  vertex  a trois  petites  taches  noirâtres.  Le 
corselet , un  peu  plus  long  que  large , offre  un  petit  étranglement  laté- 
ral près  du  bord  postérieur  ; il  est  fortement  ponctué  et  orné  en  des- 
sus de  quatre  lignes  longitudinales  noires.  Les  poils  jaunes  du  milieu 
se  relèvent  un  peu  sur  la  ligne  médiane , et  forment  là  une  petite  crête 
longitudinale.  L’écusson  est  arrondi , un  peu  saillant.  Les  élytres  sont 
plus  larges  que  le  corselet , à épaules  saillantes , droites  sur  les  côtés , 
et  diminuant  insensiblement  jusqu’à  l’extrémité.  Elles  ont  à leur  base , 
en  dessus , deux  côtes  assez  élevées , qui  s’effacent  à partir  du  milieu  , 
et  de  chaque  côté  deux  côtes  élevées , rapprochées , dont  la  plus  ex- 
terne vient  former  l’épine  latérale  de  la  troncature  du  bout  des  ély- 
tres. Elles  ont  en  outre  des  séries  de  gros  points  enfoncés , mal  alignés 
sur  le  milieu  des  élytres , mais  formant  des  stries  à points  plus  rappro- 
chés sur  les  côtés  ; la  saillie  humérale  est  dénudée  et  noire  : il  y a en 
outre , un  peu  avant  le  milieu , deux  grandes  taches  noires , carrées  ; 
entre  ces  taches  et  l’extrémité , deux  grandes  taches  noires , oblon- 
gues , formées  par  deux  bandes  longitudinales  réunies  à leurs  extré- 
mités , et  dont  les  deux  plus  externes  laissent  entre  elles  un  espace 
longitudinal  jaune.  L’extrémité  tronquée  de  ces  élytres  est  bordée  de 
noirâtre.  Tout  le  dessous  du  corps  et  les  pattes  sont  d’un  jaune  uni- 
forme. 

Trouvée  sur  les  monts  Neelgheries , en  juillet. 


SAPERDE  A PLUSIEURS  TACHES. 

Saperda  ( sphænura  ) multigultata.  Guérin. 

Flavo-aurea , tomentosa,  nigro-guttata.  Antennis  nigris  et  griseo-tomentu- 
sis.  Pedibus  fulvis.  — Long.  20,  larg.  5 1/2  millim. 

Cette  délicieuse  espèce , dont  le  fond  de  la  couleur  est  fauve-pâle , 
est  entièrement  couverte  d’un  fin  duvet , écailleux , très-serré , d’un 
beau  jaune-serin  ou  doré.  Les  yeux , le  labre , les  mandibules  et  les 
antennes  sont  noirs;  ces  dernières  sont  couvertes  d’un  fin  duvet  gris 
et  peu  dense.  La  tête  a sur  le  milieu  du  front  une  ligne  longitudinale 


DANS  L’INDE. 


61 


noire  renflée  au  milieu.  Le  corselet , aussi  large  que  long  et  un  peu 
étranglé  en  arrière , offre  en  dessus  quatre  gros  points  noirs , et , de 
plus , un  de  chaque  côté  sur  les  flancs.  Les  élytres  , lisses , sans  côtes , 
tronquées  et  épineuses  au  bout , ont  chacune  la  saillie  humérale  et 
huit  taches  de  couleur  noire  de  formes  diverses , carrées , rondes  ou 
triangulaires,  et  en  outre,  sur  la  suture,  deux  taches  communes  placées 
l’une  au  milieu,  l’autre  entre  celle-ci  et  l’écusson,  ce  qui  fait  un  total 
de  vingt  taches  sur  les  deux  élytres  en  y comprenant  les  angles  humé- 
raux. Les  côtés  du  mésothorax  ont  une  grande  tache  noire  arquée , et 
l’abdomen  a une  petite  ligne  noire  au  milieu  du  dernier  segment  et 
un  peu  de  noir  à la  base  des  précédents , sur  les  côtés  seulement.  Les 
pattes  sont  d’un  fauve  pâle  et  tomenteuses. 

Trouvée  en  juillet  sur  les  monts  Neelgheries. 


Genre  CENTRURE,  CENTRURA,  Guérin. 

(xsvTpov  , aiguillon  ; oôpa , queue.) 

Ce  curieux  genre  devra  être  placé  dans  le  voisinage  des  Apome- 
cyna,  et  surtout  de  celui  que  nous  avons  établi  (Iconogr.  du 
Règne  animal , texte)  sous  le  nom  d 'Hatlia.  Il  avoisine  aussi  beau- 
coup les  genres  Cercoptera  de  Spinola  (Mag.  Zool.,  1839.  Ins., 
pl.  12)  et  Urocalymma  de  M.  Westwood  (Arcana  Entomol., 
h°  h , p.  58  , pl.  15,  fig.  3 ) , mais  il  se  distingue  des  Hat  lia  par  son 
corps  cylindrique  avec  le  milieu  des  élytres  renflé  comme  dans  les 
Dorcadion  ; des  Cercoptera  par  ses  joues,  qui  ne  sont  pas  prolon- 
gées sur  les  côtés,  et  des  Urocalymma  par  son  corselet  plus  allongé 
et  dépourvu  de  dent  latérale.  Voici  les  caractères  essentiels  de  notre 
genre. 

Corps  épais,  cylindrique,  renflé  au  milieu.  Tête  à front  perpendicu- 
laire ou  même  infléchi  en  dessous.  Antennes  grêles.  Prothorax  cylin- 
drique , plus  long  que  large  , tronqué  presque  droit  à ses  deux  extré- 
mités, sans  tubercules  ni  dents  sur  les  côtés.  Élytres  allongées , un  peu 
plus  larges  que  le  corselet  et  tronquées  droit  à leur  base , très-élargies 
au  milieu,  rétrécies  brusquement  en  arrière  et  terminées  en  pointes 
assez  aiguës  un  peu  divergentes.  Pieds  assez  courts  peu  robustes , 
et  de  longueur  égale.  Palpes  égaux , assez  grêles , terminés  par  un 


62 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


article  un  peu  plus  grand , ovalaire  et  pointu  au  bout.  Mandibules 
courtes  et  fortes.  Labre  ovalaire  transversal. 


CEiNTRURE  .A  COTES. 

Centrura  costala.  Guérin. 

Atra  , flavo-villosa.  Anlennis  fulvis.  Thorace  rugoso  , subcarinalo  , postice 
subcoarctato.  Scutello  iransverso , rolundato.  Elytris  apice  acuminatis , 
basi  yranulosis  et  punctatis  , costis  quatuor  longitudinalibus  in  medio 
elevatioribus.  — Long.  \ 5,  larg.  4 millim. 

Son  corps  est  noir,  mais  entièrement  couvert,  dans  son  état  de  fraî- 
cheur, par  un  duvet  court  plus  ou  moins  serré  ou  couché , de  couleur 
jaune  d’ocre.  La  tête  est  un  peu  granuleuse , à front  coupé  droit , per- 
pendiculaire et  même  un  peu  penché  en  dessous.  Les  antennes  ne 
sont  pas  tout  à fait  de  la  longueur  du  corps  ; elles  sont  filiformes  et 
grêles , fauves , composées  d’articles  cylindriques , dont  le  premier  est 
plus  épais  et  en  massue,  le  second  très-petit,  le  troisième  le  plus  long  de 
tous,  et  les  autres  vont  en  diminuant  de  longueur  jusqu’au  dernier.  Le 
corselet  est  cylindrique,  plus  long  que  large,  un  peu  rétréci  en  arrière, 
fortement  chagriné  ou  rugueux,  avec  une  faible  élévation  longitudinale 
au  milieu  formant  presque  une  carène.  Les  élytres  sont  ovalaires,  termi- 
nées chacune  par  une  pointe  forte  et  un  peu  divergente.  Elles  ont  à la 
base  quelques  petits  tubercules  et  des  points  ou  fossettes  , et  sur  le 
disque  quatre  grosses  côtes  élevées  qui  ne  partent  pas  tout  à fait  de  la 
base , s’élèvent  brusquement  au  milieu  et  diminuent  ensuite.  On  voit 
de  chaque  côté  de  ces  élévations  une  série  de  petits  points  enfoncés  : 
deux  côtes  (la  plus  extérieure  et  la  plus  interne)  atteignent  l’extrémité 
de  l’élytre , et  se  réunissent  pour  former  le  centre  de  la  pointe  termi- 
nale ; la  seconde  côte , à partir  de  la  suture , se  termine  long-temps 
avant  d’atteindre  l’extrémité  de  l’élytre.  Le  dessous  est  couvert  de  du- 
vet jaune  ; mais  on  voit  une  ligne  maculaire  noire  au  milieu  de  l’ab- 
domen , produite  par  l’absence  de  duvet  sur  ce  point.  Les  pattes  sont 
noires,  et  couvertes  de  duvet  jaune. 

Ce  joli  et  curieux  insecte  a été  découvert  par  M.  Delessert  sur  le 
plateau  des  Neelgheries.  La  Saperda  iyncea  d’Olivier,  t,  iv,  nH  68, 
pi.  h,  fig.  Ul\,  pourrait  bien  rentrer  dans  le  genre  Centrura. 


DANS  L’INDE. 


63 


CRIOCÈRE  A CROIX. 

Crioceris  cruciatus.  Guérin. 

Ferrugineo-nitidus.  Elytris  lœvigato-flavis , sutura  fasciaque  transver— 
sali  nigris  crucem  forrnantibus.  — Long.  10  , larg.  4 millim. 

Lema  cruciata.  Guérin  , Revue  zoologique  par  la  Société  Cuvierienne  , 
1840,  p.  41. 

Cette  jolie  espèce  est  très-facile  à distinguer.  Elle  est  d’un  fauve- 
ferrugineux  luisant  avec  les  élytres  jaunes  et  marquées  d’une  grande 
croix  noire  formée  par  une  ligne  suturale  coupée  au  milieu  par  une 
autre  ligne  transversale  qui  louche  les  bords  latéraux.  Los  côtés  du 
mésolhorax  sont  un  peu  tachés  de  npir.  Dans  quelques  individus,  l’ab- 
domen est  d’un  fauve  jaunâtre. 

Découverte  sur  les  monts  Neelgheries. 


CHLAMYS  INDIEN. 

Chlamys  indica.  Guérin. 

Atra.  Capite  rugoso,  complanato.  Thorace  in  medio  elevato , rugoso,  foveis 
quatuor.  Elytris  profunde  rugosis.  Corpore  subtus  pedibusque  rugosis. 
— Long. 2 1/3  , larg.  11/2  millim.  — Chlamys  indica,  Guérin.  Rev. 
zoo/,  par  la  Société  Cuvierienne,  1840,  p.  41 . 

Noir.  Tête  rugueuse , aplatie.  Corselet  très-élevé  au  milieu , ru- 
gueux, avec  des  élévations  circonscrivant  une  espèce  de  sillon  et  qua- 
tre fossettes  assez  bien  marquées  au  milieu.  Élytres  fortement  rugueu- 
ses, ayant  des  élévations  sinueuses  et  larges.  Dessous  et  pattes  rugueux. 

C’est  le  premier  insecte  de  ce  genre  que  l’on  ait  encore  découvert 
sus  l’ancien  continent.  Il  a été  pris  dans  les  environs  de  Kotterg- 
herry,  sur  les  Neelgheries. 


SOUVENIRS  DT  N VOYAGE 


6/1 


CHRYSOMELE  RAJAII. 

Chrysomeia  rajah.  Gucrin. 

Rotundata,  globulosa,  obscure  viridis  vel  subnigra;  ehjtris  testaceis  viridi- 
micantibus.  Capite  thoraceque  lateribus  punctatis. — Long.  12  à 14, 
larg.  10  à II  millim. 

Chrysomeia  ( plagidiora ) rajah.  Guérin,  Rev.  zool.  par  la  Société  Cu- 
vierienne , 1 840,  p.  41 . 

Arrondie  et  très-globuleuse  , d’un  vert  foncé  , quelquefois  presque 
noir,  avec  les  élytres  testacées  offrant  souvent  des  reflets  verts.  Tête  et 
corselet  lisses  ; le  corselet  ayant  de  chaque  côté  quelques  points  en- 
foncés assez  distants.  Élytres  très-finement  ponctuées. 

Trouvée  sur  le  plateau  des  Neelgheries. 


COCCINELLE  DE  DELESSERT. 

Coccineiia,  (Epilachna)  Delessertii.  Guérin. 

Nigra,  rotundata,  pubescens.  Capite  thoraceque  fulvis.  Scutello  fusco . Ely- 
iris  nigris , utrinque  maculis  quinque  rotundatis  fulvis.  Corpore  subtus, 
lateribus  thoracis  et  abdominis  fulvo-rnaculatis  ; antennis  pedibusque 
fulvis.  — Long.  8,  larg.  7 millim. 

Coccineiia  ( Epilachna ) Delessertii.  Guér.,  Rev.  zoolog.  par  la  Société  Cu- 
vierienne,  1 840,  p.  42. 

Noire,  arrondie,  pubescente.  Tête  et  corselet  fauves , écusson  brun. 
Élytres  noires,  beaucoup  plus  larges  que  le  corselet  à leur  base , ayant 
chacune  cinq  grandes  taches  arrondies  fauves  : deux  à la  base  , deux 
au  milieu,  et  la  dernière  à l’extrémité.  Dessous  du  corps  noir  avec  les 
côtés  du  thorax  et  de  l’abdomen  tachés  de  fauve.  Antennes  et  pattes 
fauves. 

Prise  en  abondance  sur  le  plateau  des  Neelgheries. 


n.iô. 


( hoeradodis  fritnet/ta,  o'u 


■i.M.  del. 


Oèrard 


/)  umcyfrùl 


DANS  L’INDE. 


ORTHOPTÈRES. 


CHOERADODE  TRONQUÉE. 

Cfiœradodis  truncata.  Guérin. 

Luteo-grisea  vel  viridis.  Capite  transverso.  Thorace  latissimo  subtriangu- 
lari  postice  truncato.  Femoribus  intermediis  et  posticis  foliatis.  Elytris 
nervosis.  Alis  nigris,  albo-strigosis , apice  flavidis,  caudatis.  — Long. 
7centim. 

(PI.  15.) 

Sa  tête  est  transverse  avec  les  yeux  un  peu  pointus.  Le  corselet  est 
allongé  avec  sa  membrane  très-large  en  arrière,  à bord  postérieur 
tronqué  presque  droit  avec  les  côtés  arrondis,  insensiblement  rétrécis 
vers  la  tête  , où  elle  vient  se  terminer  par  une  petite  sinuosité.  Cette 
membrane  donne  au  corselet  une  forme  conique  et  le  rend  un  peu 
plus  long  que  large.  Les  élytres  sont  allongées  avec  les  côtés  rabattus, 
plus  larges  que  le  dessus,  arrondis  en  arrière.  Les  ailes  sont  noires  avec 
les  nervures  transverses  d’un  blanc  jaunâtre  : leur  extrémité,  d’un  jaune 
obscur,  est  brusquement  rétrécie  en  une  petite  queue  dépassant  les 
élytres  dans  le  repos.  Les  cuisses  antérieures  ont  une  grosse  tache 
noire  en  dessous  ; les  quatre  postérieures  sont  garnies , h leur  extré- 
mité et  en  arrière , d’une  assez  large  membrane  irrégulièrement  den- 
telée. L’abdomen  est  large  et  rhomboïdal , un  peu  dentelé  sur  les  cô- 
tés , et  porte  un  petit  appendice  de  chaque  côté  de  l’anus.  La  couleur 
de  l’insecte  desséché  est  d’un  jaune  verdâtre  et  brunâtre  feuille-morte. 
Il  est  probable  qu’il  a été  vert. 

Trouvé  à Singapoore,à  l’extrémité  de  la  presqu’île  malaise. 


y 


2e  PART. 


66 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


HÉMIPTÈRES. 


FULGORE  DE  DELESSERT. 

Fulgora  Delessertii.  Guérin. 

(pi.  46,  üg.  a.) 

Capite  rostrato.  Rostro  dimidii  corporis  longitudine,  adscendente,  viridi. 

Prothorace  ferrugineo.  Hemelytris  nigro-viridibus , flavo-maculatis. 

Alis  cœruleis,  apice  nigris.  — Long.  34,  env.  7S  mill. 

Fulgora  Delessertii.  Guér.,  Rev.  zool.,  1839,  p.  183. 

Cette  espèce  est  très-voisine  de  la  Fulgora  maculata  de  Stoll 
( pl.  26  , fig.  143  ) , mais  elle  s’en  distingue  d’une  manière  notable  par 
la  coloration  des  taches  de  ses  hémélytres.  Elle  diffère  de  la  Fulg. 
candelaria  par  les  deux  facettes  latérales  de  la  face  frontale , qui  ont 
à leur  extrémité  une  carène  longitudinale  allant  du  sommet  des  faces 
latérales  au  sommet  de  la  tête. 

M.  Adolphe  Delessert  a trouvé  cette  belle  espèce  sur  le  penchant 
des  monts  Neelgheries.  Elle  se  tient  sur  les  petits  arbres  au  bord  des 
rivières  ; et  il  est  fort  difficile  de  la  prendre , car  elle  est  très-agile  et 
s’envole  au  moindre  bruit. 


FULGORE  SUBOCELLÉE. 

Fulgora  suêocellata.  Guérin. 

(Pl.  16,  fig.  1.) 

Capite  rostrato.  Rostro  corporis  longitudine , adscendente , supra  obscure 
ferrugineo,  infra  viridi.  Tibiis  anticis  et  intermediis  nigris.  Hemely- 
tris viridi-fulvescentibus,  flavo-subocellatis.  Alis  albis  basi  subviridi- 
bus , albo-farinosis  , margineque  antico  nigro  et  ferrugineo  maculatis. 
— Long.  48,  enverg.  93  mill. 

Fulgora  subocellata.  Guér.,  Rev.  zool.,  1839,  p.  183. 

Elle  est  très-voisine  de  la  Fulgora  oculata  de  Westwood  (Trans. 
Lin.  Soc. , vol.  xvm  , p.  142  , pl.  12  , fig.  5) , mais  celle-ci  est  plus 


77.  j 6 . 


Vaillant  dal. 


Ocrard  co/or  ■ 


DANS  L’INDE. 


67 


petite  ; les  yeux  de  ses  hémélytres  sont  fauves , très-limités  et  entourés 
de  blanchâtre  sur  un  fond  gris  fauve , et  ses  ailes  sont  ornées,  vers  la 
côte,  d’une  grande  tache  rose  terminé  de  brun,  etc. 

Cette  Fulgore  a été  prise  à Pulo-Pinang. 

Nous  avons  reconnu  que  la  Fulgore  à laquelle  nous  avions  donné 
provisoirement  le  nom  de  Rajah  {Rev.  zoot. , p.  183)  est  décrite  et 
figurée  par  Donovan  dans  son  Epitome  Ins.  of  China , pl.  7,  sous 
le  nom  de  Futgora  pyrorhynchus  , que  nous  lui  restituons. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


G8 


LÉPIDOPTÈRES. 


PAPILLON  DE  DELESSERT. 

Papilio  Delessertii.  Guérin. 

(PI  47). 

A lis  subhyalinis , albis , venis  maculisque  nigris.  Ânticis  subsinuatis 
posticis  dentatis , angulo  anali  lunula  obsoleta  flava.  — Enverg.  11 
centim. 

Papilio  Delessertii.  Guér.,  Revue  Zoolog.  par  la  Société  Cuvierienne , 
1839,  p.  233. 

? Papilio  melanides.  De  Haan  , Hist.  nat.  des  possessions  néerlandaises 
dans  l’Inde;  me  livr.  (1840),  p.  40,  pl.  8,  fig.  3. 

Ce  Papillon  offre  tous  les  caractères  du  dernier  groupe  formé 
par  IM.  Boisduval , car  il  appartient  à l’archipel  Indien  ; il  a le  faciès 
des  Pap.  Panope  et  Dissimilis , et  ne  peut  être  placé  que  près  de 
ce  dernier  : ce  qui  le  range  à la  fin  du  genre.  Ses  quatre  ailes  sont  d’un 
blanc  légèrement  nacré  et  demi-transparent , comme  chez  les  Idc  a ; 
les  supérieures  sont  très-arquées  à la  côte , avec  le  bord  postérieur 
très-légèrement  sinué.  Leur  côte  est  noire  avec  six  taches  blanches  in- 
égales allant  de  la  base  jusqu’au  delà  du  milieu.  La  cellule  discoïdale 
est  également  noire,  occupée  par  quatre  bandes  blanches  transversales 
et  obliques  ; les  deux  premières  droites,  les  deux  autres  arquées  : il  y a, 
à la  base  une  petite  tache  triangulaire  blanche.  Les  nervures  qui  par- 
tent de  cette  cellule  sont  toutes  plus  ou  moins  largement  bordées  de 
noir,  et  l’extrémité  de  chacune  de  ces  nervures  est  occupée  , au  bord 
postérieur,  par  autant  de  grandes  taches  noires.  Entre  chaque  nervure, 
et  près  du  bord , il  y a une  tache  noire  arrondie  ; enfin  entre  la  pre- 
mière et  la  seconde  nervure , en  partant  du  bord  interne , et  entre  les 
quatrième  et  cinquième , un  peu  au  delà  du  milieu  du  disque , il  y a 
deux  grandes  taches  noires  très-distinctes  des  autres,  de  forme  un  peu 
carrée.  Les  ailes  inférieures  sont  arrondies,  sans  appendices  ni  queues, 
un  peu  dentées,  blanches,  à nervures  assez  largement  bordées  de  noir, 
avec  le  bord  postérieur  occupé  par  de  larges  taches  noires  fondues 


TL.  ,6  ■ 


69 


DANS  L’INDE. 

entre  elles.  Il  y a , comme  aux  supérieures  , un  rang  de  taches  noires 
occupant , près  du  bord  , les  intervalles  des  nervures.  L’angle  anal  est 
occupé  par  une  lunule  noir  bordé  en  haut  d’une  faible  teinte  jaune 
précédé  d’une  ligne  transversale  noirâtre.  Le  bord  des  quatre  ailes 
est  finement  liséré  de  blanc  interrompu  par  le  noir  des  taches  margi- 
nales. Le  dessous  est  semblable  au  dessus  ; mais  les  taches  sont  un  peu 
moins  larges , et  la  bordure  antérieure  jaune  des  lunules  anales  est 
d’une  teinte  plus  vive.  La  tête  de  ce  Papillon  est  noir  avec  deux  lignes 
blanches  en  avant  et  contre  les  yeux,  qui  sont  rougeâtres  ; les  antennes 
sont  noires  Le  thorax  est  noir,  taché  de  blanc  dessus  et  dessous  ; l’ab- 
domen est  noirâtre  en  dessus  , blanc  sur  les  côtés  et  en  dessous  , avec 
une  ligne  noirâtre  de  chaque  côté.  Les  six  pattes  sont  brunes. 

Hab.  l’île  de  Pulo-Pinang,  à l’entrée  du  détroit  de  Malacca. 

Il  est  très-probable  que  c’est  la  même  espèce  que  M.  de  Haan  a re- 
présentée un  an  après  notre  publication  (voy.  Revue  zoot. , 18â2  , 
p.  153). 


PAPILLON  NEPTUNE. 

Papiiio  Neptunus.  Guérin. 

(PI.  48.) 

Alis  nigris,  concoloribus  : anticis  fascia  sesqui altéra  alba , striata  ; posticis 
dentatis  et  caudatis,  macula  coccinea  trifida  ad  angulum  analem.  — 
Enverg.,  10  cent. 

Papiiio  Neptunus.  Guér.,  Revue  zoolog.  par  la  Société  Cuvierienne,  1840, 
p.  43. 

Ce  papillon  doit  être  placé  en  tête  du  dix-septième  groupe  de 
M.  Boisduval.  Ses  quatre  ailes  sont  d’un  noir  assez  vif;  les  supérieu- 
res sont  allongées,  entières,  et  elles  ont  deux  larges  fascies  d’un  blanc- 
grisâtre  coupé  par  des  raies  noires , placées , l’une  avant  le  milieu , 
l’autre  près  de  l’extrémité  de  l’aile.  Les  inférieures  ont  de  profondes 
échancrures  au  bord  externe , et  une  queue  très-élargie  et  arrondie  au 
bout  ; elles  portent , au  delà  du  mifieu  de  leur  longueur,  contre  le 
bord  interne  et  vis-à-vis  une  échancrure  de  ce  bord , une  grande  tache 
transversale  rouge,  divisée  en  trois  taches  par  les  nervures,  arrivant 
jusqu’au  milieu  de  leur  largeur,  et  dont  la  plus  extérieure  est  beau- 
coup plus  petite.  Le  dessous  des  quatre  ailes  est  exactement  semblable 


70 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


au-dessus.  Le  corps  est  noir  avec  les  côtés  du  thorax  rouges.  L’abdo- 
men manque  à l’exemplaire  unique  et  mutilé  que  nous  possédons. 
Habite  la  côte  Malaye. 


PAPILLON  SATURNE. 

Papiiio  Saturnus.  Guérin. 

(PI.  19). 

Alis  nigris,  dentatis  : posticis  caudatis  ; anticis  fascia  subapicali,  pos- 
ticis  macula  discordali  magnâ,  suif ureis. — Enverg.,  11  cent. 

Papiiio  Saturnus.  Guér.,  Revue  zoolog.  par  la  Société  Cuvierienne,  1840, 
p.  43. 

Papiiio  Nephelus.  De  Haan,  Hist.  nat.  des  possess.  nèerl.  (1840). 

Il  a beaucoup  d’affinité  avec  le  Pop.  Nephelus  de  M.  Boisduval 
{Spec.  général  des  Lèpidopt. , tom.  i,  p.  210  ) , mais  il  s’en  distin- 
gue surtout  par  la  bande  de  ses  ailes  supérieures  , composée  de  cinq 
taches , tandis  que  chez  celui-ci  il  n’y  a que  quatre  taches  à cette 
même  bande  ; et  par  ses  ailes  inférieures,  qui  n’ont  pas  de  tache  ou 
point  jaune  au  côté  interne  de  la  grande  tache  discoïdale.  Ses  quatre 
ailes  sont  noires  ; les  supérieures  sont  légèrement  dentées,  saupoudrées 
d’atomes  jaunâtres , formant  des  raies  très-faiblement  marquées , avec 
une  bande  blanc-soufré  droite , maculaire , formée  de  cinq  taches , 
transverse , partant  du  bord  antérieur  de  l’aile , passant  un  peu  en  de- 
hors de  la  cellule  discoïdale  et  se  terminant  près  du  bord  externe , 
environ  vers  son  milieu.  Il  y a de  très-petites  taches  blanches  dans  les 
angles  rentrants  du  bord  externe.  Les  ailes  inférieures  sont  dépour- 
vues d’atomes  jaunâtres  ; elles  ont  au  milieu  une  grande  tache  d’un 
jaune  pâle  arrondie  et  touchant  h l’extrémité  de  la  cellule  discoïdale 
à son  bord  interne , ayant  son  bord  externe  fortement  denté.  Le 
bord  extérieur  de  ces  ailes  est  denté  , et  terminé  par  une  large  queue 
noire  en  spatule  : elles  offrent , dans  les  échancrures  seulement  et 
de  chaque  côté  de  la  base  de  la  queue , de  petites  bordures  blan- 
ches. Le  dessous  des  premières  ailes  est  semblable  au  dessus,  mais  les 
taches  sont  blanches  ; il  y a des  raies  d’atomes  très-bien  marquées 
dans  la  cellule  discoïdale  et  près  du  sommet.  Le  dessous  des  secondes 
offre  des  taches  blanches,  séparées  par  des  nervures,  et  au  nombre  de 
sept,  lesquelles  viennent  se  terminer  au  bord  abdominal.  Les  taches  du 


PI. 


Papilio 


ô'aûtrnÿuk,  <?/,<■/■. 


'■  Û.  Prêtre,  ,lct , 


Gérard,  co/or . 


DANS  L’INDE. 


71 


bord  externe  et  des  côtés  de  la  base  de  la  queue  sont  beaucoup  plus 
larges  qu’en  dessus,  et  précédées  de  lunules  d’un  blanc  un  peu  bleuâ- 
tre. Le  corps , en  dessus  , est  noir-vif , mais  la.  tête  et  le  prothorax  sont 
tachés  de  blanc  ; en  dessous  , il  est  également  noir,  avec  les  côtés  du 
thorax,  de  l’abdomen,  et  le  milieu  de  celui-ci  tachés  de  blanc  (mâle). 

H.  la  côte  Malaye  à Pulo-Pinang. 


PAPILLON  BRAMA. 

Papilio  Brama.  Guérin. 

Alis  fuscis , viridi-pulverulentis , fascia  communi  viridi-aurea  ; posticis 
dentatis  et  caudatis , maryine  lunulis  viridibus , angulo  anali  macula 
fulva  nigro  ocellata.  — Enverg.,  10  cent. 

Papilio  Brama.  Guér.,  Revue  Zool.  par  la  Soc.  Cuvierienne,  1840,  p.  43, 
pi.  1 , fig.  3 et  4. 

Papilio  Palinurus.  De  Haan,  Hist.  nat.  des  possess.  néerl.,  1840. 

Ce  beau  papillon  ressemble  beaucoup  à celui  que  Stoll  a figuré  sous 
le  nom  de  Pap.  Regulus  {Suppl,  à Cramer,  pl.  41,  fig.  1)  ; mais 
comme  cet  auteur  ne  fait  aucune  mention  des  taches  d’atomes  verts 
placées  près  du  bord  postérieur  des  ailes  inférieures , nous  avons  dû 
le  considérer  comme  ne  se  rapportant  pas  à cette  espèce.  Du  reste , il 
est  probable  que  le  Pap.  Brama,  le  Pap.  Regulus  et  les  Pap. 
Crino  et  Palinurus  de  Fabricius  ne  sont  que  des  variétés  locales 
d’une  seule  et  même  espèce.  Ce  doute  ne  pourra  être  levé  que  lorsque 
l’on  pourra  comparer  entre  eux  un  certain  nombre  de  ces  papillons 
provenant  de  localités  bien  précisées. 

Notre  Papilio  Brama  a été  rapporté  par  M.  Ad.  Delessert  de  la 
côte  Malaye.  Il  a environ  10  cent,  d’envergure. 


DANAIDE  CHLOÉ. 

Danaïs  (Euplæa)  Chioé.  Guérin. 

Alis  integerrimis , fuscis  ; anticis  basi  violaceo-micantibus , omnibus 
utrinque  punctis  marginalibus  albis  sérié  duplici  digestis  : subtus  punc- 
tis  discoidalibus  albis  et  subviolaceis.  — Enverg.,  10  1/2  cent. 

Elle  est  intermédiaire  entre  les  Dan.  Alcathoe  et  Cor  et  a de 


72 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Godard.  Le  dessus  de  ses  quatre  ailes  est  d’un  brun  noirâtre  avec  un 
reflet  d’un  beau  bleu-violet-vif  occupant  la  plus  grande  partie  des  su- 
périeures, depuis  leur  base  jusqu’au  delà  du  milieu  (chez  le  mâle  , le 
seul  sexe  que  nous  ayons  vu).  Les  premières  ailes  ont  en  dessus , à la 
côte  et  au  delà  du  milieu  , deux  petits  traits  bleuâtres  à peine  visi- 
bles , et  leur  extrémité  présente , près  du  sommet , quatre  taches 
blanches.  Il  y a , en  outre , au  bord  externe , une  ligne  de  points  blancs 
partant  de  l’angle  interne  et  n’atteignant  pas  le  sommet.  Les  secondes 
ailes  ont  de  part  et  d’autre  , sur  le  limbe  de  derrière , deux  rangées 
de  points  blancs , dont  les  intérieurs  un  peu  oblongs  ; elles  ont , en 
outre , en  dessus , au  milieu  et  près  du  bord  de  la  côte , une  grande 
tache  triangulaire  d’un  blanc  sale  et  bien  limitée.  Le  dessous  des  qua- 
tre ailes  est  d’un  brun  chatoyant.  Les  supérieures  offrent  les  mêmes 
taches  et  points  que  le  dessus , mais  ils  sont  un  peu  plus  gros  ; les 
deux  petites  taches  de  la  côte  sont  plus  fortes  et  blanches.  Outre  les 
quatre  taches  du  sommet , il  y en  a encore  trois  autres  très-petites , 
linéaires , formant  une  bande  parallèle  à la  ligne  du  bord.  Le  milieu 
présente  deux  taches  blanches  entourées  de  violet , et  il  y a au-dessous 
de  celles-ci  une  assez  grande  tache  oblongue  et  blanche.  Le  dessous 
des  inférieures  offre , en  plus  des  deux  lignes  marginales  de  points 
blancs , sept  petites  taches  d’un  blanc  violet.  Il  y a quelques  petits 
points  blancs  à la  base  de  ces  mêmes  ailes.  La  frange  est  alternative- 
ment noire  et  blanche.  Le  corps  et  la  tête  sont  noir  taché  de  blanc. 

Habite  Pulo-Pinang , côte  Malaye. 


ARGVNNE  ÉMALÉE. 

Argynnis  Emalea.  Guérin. 

Alis  subrotundatis , anlicis  apice  subconcavis,  supra  fulvis:  anticis  apice 
etlineis  flexuosis,posticis  lineis  flexuosis  punctisque  nigris,  maculiscos- 
talibus  duabus  albis , subtus  griseo-fulvis  margaritaceo-micantibus, 
fascia  media  communi-alba,  maculari,  extus  recta,  intus  dentata.  — 
Enverg.,  7 1/2  cent. 

Elle  a beaucoup  d’affinités  avec  YArg.  Thyelia  de  Fabricius 
(God.,  p.  257).  Le  dessus  de  ses  quatre  ailes  est  d’un  jaune-fauve- 
vif,  un  peu  plus  sombre  à la  base.  L’extrémité  des  premières  est 
noire  avec  deux  bandes  ondées  de  noir  parallèles  au  bord  externe , et 


Van ç s sa  j'Uufo.rta,;  /i»,-,-. 


J.  OJ’rcüv  <M. 


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DANS  L’INDE. 


73 


moins  marquées  près  de  l’angle  inférieur  ; elles  ont,  en  outre,  au  mi- 
lieu , une  bande  dentelée  et  ondulée  de  noir  servant  de  limite  à la  por- 
tion plus  obscure  de  leur  base.  On  voit  dans  le  milieu  de  la  cellule  dis- 
coïdale  une  petite  bande  transverse  et  brune  avec  le  milieu  fauve.  Les 
inférieures  ont  au  bord  externe  trois  lignes  noirâtres  llexueuses  ; une 
ligne  llexueuse  au  milieu , se  continuant  avec  celle  des  supérieures  ; 
et , entre  cette  ligne  et  les  externes , une  série  de  six  points  noirs 
dont  les  deux  antérieurs  et  celui  de  l’angle  anal  un  peu  plus  forts  ; 
elles  ont  à la  côte  deux  taches  blanches , de  forme  carrée  : l’une  au 
milieu , l’autre  près  de  l’extrémité  antérieure.  Le  dessous  des  quatre 
ailes  est  d’un  gris-cendré-jaunâtre  h reflets  violets  et  perlés  avec  les 
nervures  fauves  ; elles  sont  traversées  au  milieu  et  obliquement  par 
une  ligne  maculaire  blanc  bordé  de  noirâtre,  droite  du  côté  ex- 
terne , fortement  dentée , surtout  aux  supérieures , du  côté  interne , 
et  très-élargie  à la  côte  des  supérieures.  On  voit , en  outre , aux  ailes 
inférieures  une  série  de  six  petits  points  noirs  correspondant  à ceux 
du  dessus.  Le  corps  est  d’un  brun  jaunâtre,  les  antennes  sont  noires 
avec  le  côté  antérieur  fauve. 

Habite  la  côte  Malaye. 


VANESSE  EUDOXIE. 

V anessa  Eudoxia.  Guérin. 

(PL  20.) 

Alis  anlicis  subfalcatis  , posticis  extus  sub-caudatis  ; omnibus  supra 
ochraceis  basi  fuscis  apice  ni  gris , posticis  lineis  duabus  marginalibus 
punctisque  sub-ocellaribus  nigris;  subtus  brunneo-ochraceis,  strigis  den- 
tatisalbis  et  fuscis , ocellisque  cœruleo-pupillatis  prope  marginem.  — 
Enverg.,  7 cent. 

Vanessa  Eudoxia.  Guér.,  Revue  zoolog.  par  la  Société  Cuvierienne,  1840, 
p.  44. 

Cette  belle  Yanesse  peut  être  placée  dans  le  voisinage  des  Fan. 
Laodora  et  Pdarga  de  Godard.  Ses  ailes  supérieures  sont  d’un 
jaune -fauve  couleur  d’ocre  , fortement  concaves  et  dentées  au 
bord  externe,  d’un  brun  pâle  à la  base,  avec  l’extrémité  noi- 
râtre. Les  inférieures  sont  dentées , elles  ont  une  petite  queue  au  mi- 
lieu du  bord  externe  et  un  petit  prolongement  arrondi  à l’angle  anal. 
2e  part.  10 


SOUVENIRS  D’I  N VOYAGE 


74 

Leur  couleur  esl  semblable  à celle  des  supérieures,  avec  la  base  égale- 
ment brune  et  l’angle  supérieur  externe  noirâtre.  Elles  ont,  près  du 
bord , deux  lignes  sinueuses  précédées  de  gros  points  noirs  à contour 
plus  pâle  que  le  fond , dont  les  deux  plus  externes  touchent  la  tache 
apicale  noire.  On  voit  sur  le  milieu  du  lobe  de  l’angle  anal  une  petite 
strie  oblique  bleue.  Le  dessous  est  d’un  brun  jaunâtre  ; la  base  des 
ailes , d’un  jaune  plus  pâle  au  milieu,  augmente  de  ton  vers  les  bords, 
avec  des  lignes  en  zigzag  blanches  à reflets  violacés  et  d’autres  lignes 
brunes  et  transversales.  Les  lignes  blanches  du  miüeu  et  celles  qui  lon- 
gent le  bord  externe  sont  plus  larges  et  mieux  marquées.  Il  y a,  en  ou- 
tre, au  côté  interne  des  lignes  blanches  du  bord  des  quatre  ailes  une  li- 
gne d’yeux  brun  bordé  de  noir  et  pupillé  de  bleu.  On  compte  six 
de  ces  yeux  aux  ailes  supérieures  et  cinq  aux  inférieures.  La  frange  esl 
alternativement  noire  et  blanche  des  deux  côtés.  Le  corps  est  d’un  brun 
jaunâtre,  les  antennes  noires. 

Hab.  la  côte  Malaye. 


SATYRE  DES  NEELGHERIES. 

Satyrus  (Cyllo)  Neeigheriensis.  Guérin. 

(PL  21,  fig.  1.) 

Alis  fuscis , anticis  apice  albo-maculatis , subtus  griseo  fasciatis  ocel- 
lisque  luteis  nigro-pupillatis  ; posticis  subtus  fasciis  fuscis  et  griseis 
angulatis,  ocellis  nigris , flavo  cinctis,  inœqualibus:  antico  magno,  ro- 
tundo,  albo-pupillato,  tribus  sequentibus  oblongis  albo  irroratis , anali 
duplici,  ante  anali  rot undo,  postice  remoto.  — Enverg.,  57  mill. 

Cette  espèce  est  très-voisine  du  Satyrus  Europa  (God. , Eue. , 
t.  ix , p.  478  ) , et  pourrait  bien  n’en  être  qu’une  variété  locale. 
Cependant , après  l’avoir  comparée  avec  les  deux  sexes  d’un  vrai 
Satyrus  Europa  provenant  de  la  Chine  et  que  nous  a communiqué 
>1.  Marchai,  qui  a bien  voulu  étudier  cette  espèce  avec  nous,  nous 
avons  trouvé  des  différences  qui  nous  ont  semblé  réelles , tant  dans 
la  forme  beaucoup  plus  sinueuse  des  bandes  du  dessous  des  ailes 
que  dans  la  forme  des  yeux  et  dans  la  place  qu’ils  occupent.  Chez  les 
vrais  Europa.  mâle  et  femelle  il  y a,  près  de  la  base  des  quatre  ailes, 
une  bande  d’un  blanc  nacré , commune  aux  quatre , assez  étroite , 


DANS  L’INDE. 


presque  droite  et  de  la  même  largeur  dans  toute  son  étendue , tandis 
que  la  bande  qui  représente  celle-ci,  dans  notre  espèce,  est  très-irré- 
gulière et  très-sinueuse  et  dentée , plus  large  vers  la  côte  des  ailes  su- 
périeures , ne  correspondant  pas  exactement  avec  celle  des  ailes  infé- 
rieures. Dans  notre  espèce  il  v a,  aux  secondes  ailes  et  un  peu  au  delà 
du  milieu , une  autre  bande  grisâtre  bordé  de  brun  de  chaque  côté , 
fortement  anguleuse  vers  le  bord  externe,  un  peu  avant  le  milieu  de 
sa  longueur.  C’est  entre  cette  dernière  bande  et  le  bord  que  sont  si- 
tués six  yeux  noir  entouré  de  jaune,  puis  de  brun,  puis  de  gris- 
cendré.  Le  premier , celui  qui  touche  à la  côte , est  le  plus  grand  ; il  a 
au  milieu  une  grosse  pupille  blanche.  Les  trois  qui  suivent  sont  ovales 
et  allongés , leur  partie  noire  est  semée  d’un  grand  nombre  de  petits 
atomes  blancs.  Le  quatrième  n’est  plus  situé  sur  la  ligne  des  autres  , 
comme  cela  a lieu  chez  YEuropa;  il  est  très-reculé  vers  le  bord, 
parfaitement  rond  et  très-limité , et  n’a  au  milieu  que  trois  ou  quatre 
petits  atomes  blancs.  Enfin , l’œil  de  l’angle  anal  est  remonté  sur  la 
ligne  des  autres  ; il  est  double  , formé  de  deux  ovales  noirs,  entourés 
tous  deux  de  jaune,  et  semés  de  nombreux  atomes  blancs.  Les  yeux 
des  ailes  supérieures  sont  au  nombre  de  cinq , bien  ronds , tandis 
qu’il  y en  a six,  dont  plusieurs  ovales,  dans  YEuropa.  Dans  notre 
espèce , c’est  l’œil  de  l’angle  postérieur  qui  manque.  Les  quatre  ailes 
ont  la  frange  blanche  coupée  de  petites  taches  noires,  immédiatement 
après  la  frange  ; en  dessus  il  y a une  ligne  étroite  jaune  bordé  de 
noir  des  deux  côtés,  et  précédée  d’une  ligne  grise  plus  large  et  bor- 
dée, en  dedans,  de  brun  foncé.  Notre  individu  est  une  femelle,  son 
dessus  est  d’un  brun-enfumé  noirâtre  (tandis  que  chez  le  vrai  Europa 
ce  brun  est  roussâtre)  ; les  ailes  supérieures  ont , au  delà  du  milieu  et 
au  bord  antérieur , une  tache  jaunâtre  divisée  en  trois  par  les  nervu- 
res ; il  y a deux  taches  de  forme  carrée , près  du  sommet , et  une 
autre  tache  près  du  bord  externe  et  au  tiers  postérieur.  Les  ailes  in- 
férieures sont  sans  taches , mais  elles  laissent  apercevoir  par  transpa- 
rence quelques  traces  des  yeux  du  dessous.  Leur  bord  offre  les  mêmes 
lignes  qu’en  dessous , mais  moins  bien  marquées  ; et  elles  ont  au  mi- 
lieu du  bord  postérieur  une  petite  dent  en  forme  de  queue , semblable 
à celle  du  S al.  Europa. 

Hab.  les  monts  Neelgheries. 


7(> 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


SATYRE  D’ADOLPHE. 

Satyrus  Adolphei.  Guérin. 

A lis  integerrimis,  fusco-nigris;  anticis  punctis  duabus  albis  minutissimis, 
posticis  ocellis  duabus  ferrugineis , nigro  pupillatis  , obsoletis  : subtus 
pallidioribus , anticis  ut  supra,  posticis  lineis  duabus  fuscis  transver- 
salibus , basali  abbreviata  sinuata  , altéra  recta , puncto  nigro  albo- 
pupillato  et  punctis  albis  minutissimis  pr ope  marginem.  — Enverg., 
il  mill. 

Cette  espèce  ressemble  beaucoup  au  Satyrus  scrvalius  de  Go- 
dard , mais  elle  n’a  pas  de  reflet  violacé  et  ses  ailes , en  dessous , 
sont  dépourvues  des  yeux  signalés  chez  celui-ci.  Les  quatre  ailes 
sont  d’un  brun-noirâtre  plus  foncé  vers  la  côte  des  supérieures. 
Celles-ci  ont,  près  du  sommet  et  un  peu  plus  bas  que  le  milieu,  près 
du  bord  externe,  deux  très-petits  points  blancs  peu  visibles.  Les  infé- 
rieures ont  également  près  du  bord  deux  petits  yeux  peu  marqués,  d’un 
jaune-fauve  à pupille  noire.  Le  dessous  des  quatre  ailes  est  d’un  brun 
moins  foncé  qu’en  dessus,  les  supérieures  offrent  les  deux  petits  points 
blancs  du  dessus.  Les  inférieures  ont  chacune  deux  bandes  transverses 
et  obliques  brunes , la  première  près  de  la  base  , un  peu  sinueuse  et 
n’atteignant  pas  le  bord  externe  ; la  seconde  au  delà  du  milieu , par- 
tant de  la  côte , aux  deux  tiers  de  la  longueur  de  l’aile,  et  se  terminant 
à l’angle  anal.  Cette  bande  est  droite , nettement  limitée  du  côté  exté- 
rieur , fendue  du  côté  de  la  base  de  l’aile.  Entre  cette  bande  et  le  bord 
il  y a une  rangée  de  quatre  petits  points  blancs  dont  le  second,  à par- 
tir de  l’angle  anal , est  entouré  de  noir. 

Hab.  les  monts  Neelgheries.  Trouvé  dans  le  mois  de  juin. 


J’I  . XJ  . 


S ;i ly PUS  / Oi/tto J //ee/<///err/en.r/.r, 

2.  Salypiis  r fient/ , 


DANS  L’INDU. 


SATYRE  CHENU. 

Satyrus  Chenu.  Guérin. 

(PI- fig-2.) 

Ali  s integris,  supra  fuscis,  pallidè  submaculatis  ; anticis  utrinque  ocello 
magno  nigro  et  bipupillato  ; posticis  supra  duabus , subtus  tribus  ocellis 
nigris;  subtus  omnibus  griseo-cinereis  fusco-slrigosis  , anticis  duabus, 
posticis  tribus  fasciis  margineque  brunneis.  — Enverg.,  40  à 50  mil!. 

Ce  petit  Satyre  ressemble  beaucoup  à celui  que  Fabricius  a nommé 
Baldus , et  l’on  serait  tenté  de  confondre  ces  deux  espèces  si  l’on  s’en 
tenait  rigoureusement  à la  description  donnée  par  Godard  ( Encycl . , 
t.  ix,  p.  551)  ; mais  quand  on  examine  les  figures  données  par  Cra- 
mer, et  surtout  par  Hubner,  du  Satyrus  Baiclus,  on  voit  qu’il  a le 
dessous  cendré  et  uniformément  semé  de  petites  stries  brunes  sans 
aucune  trace  des  bandes  qui  se  trouvent  chez  le  nôtre.  Les  yeux  des 
ailes  inférieures  sont  aussi  plus  nombreux. 

Notre  Satyre  de  Chenu  est  en  dessus  d’un  brun  grisâtre  avec  quel- 
ques fines  taches  nébuleuses  et  plus  pâles  vers  l’extrémité.  Les  ailes 
supérieures  ont  près  du  sommet  un  grand  œil  rond  , noir , largement 
bordé  de  jaune  et  marqué  de  deux  petites  pupilles  d’un  bleu  luisant. 
Les  inférieures  ont  deux  yeux  beaucoup  plus  petits , noirs , bordés  de 
jaune , avec  une  seule  pupille  bleue  très-petite.  Le  premier  est  situé  au 
milieu  de  la  largeur  de  l’aile,  près  du  bord  externe  ; l’autre  est  placé 
entre  le  premier  et  l’angle  anal.  Le  dessous  des  quatre  ailes  est  d’un 
gris-cendré  marqué  d’une  multitude  de  petites  stries  transverses 
ondées  et  brunes.  Les  supérieures  ont  l’œil  unique  comme  en  dessus  ; 
les  inférieures  ont  trois  yeux  , les  deux  du  dessus  et  un  troisième  près 
de  la  côte  et  plus  distant  du  bord  externe.  Dans  les  supérieures  le  bord 
externe  est  d’un  brun  jaunâtre , et  il  y a deux  bandes  de  la  même  cou- 
leur , partant  presque  du  même  point  au  bord  postérieur  près  de  l’angle 
interne  et  divergeant  ensuite  pour  se  rendre  à la  côte , l’une  en  dedans 
et  l’autre  en  dehors  du  grand  œil  apical.  Aux  inférieures  le  bord 
externe  est  également  jaunâtre , et  il  y a trois  bandes  de  la  même 
couleur  et  un  commencement  de  quatrième  bande  sur  laquelle  est 
posé  l’œil  près  de  la  côte.  La  bande  de  la  base  est  un  peu  arcpiée  et 
n’atteint  pas  le  bord  interne;  les  deux  autres  vont  en  divergeant  de 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


78 

l’angle  anal  à la  côte , et  embrassent  dans  leur  intervalle  le  plus  large 
l’œil  supérieur  et  le  commencement  de  bande  sur  lequel  il  est  posé. 
Le  corps  et  les  antennes  sont  bruns , les  pattes  et  le  dessous  sont  variés 
de  gris.  - — Il  y a des  individus  plus  petits  qui  ne  diffèrent  en  rien  de 
cette  description. 

Hab.  les  monts  Neelgheries.  Trouvé  en  juillet. 


T'OLY  OMMATE  NYSEUS. 

Polyommatus  Nysnis.  Guérin. 

(PI.  22,  fig.-l.) 

Alis  supra  fuscis , posticis  macula  poslicali  magna  ferruginea.  Cauda 
minuta  nigra , apice  alba,  subtus  albo-subv indescente  : anticis  apice  ai- 
gris, albo-maculatis  punctoque  medio  nigro  ; posticis  basi  nigro  macu- 
latis,  margine  late  fcrrugineo  (ad  angulum  anticum  nigro),  albomacu- 
lato.  — Enverg.,  57  mill. 

Cette  jolie  espèce  se  rapproche,  pour  la  forme,  de  notre  Argus 
poeta  ( Voyage  autour  du  monde  de  la  corvette  la  Coquille , 
ZooL,  t.  il,  part.  2,  lredivis.,  pag.  277,  pl.  18,  f.  h).  Tout  le  dessus  de 
son  corps  et  de  ses  ailes  est  d’un  brun-noirâtre  uniforme  avec  la  frange 
alternativement  noire  et  blanche  de  part  et  d’autre.  Les  ailes  inférieures 
ont , près  de  l’angle  anal , une  petite  queue  mince , noire  , à bout  blanc  : 
elles  sont  en  partie  occupées  par  une  grande  tache  d’un  rouge  ferru- 
gineux placée  au  bord  inférieur  à partir  du  milieu  de  leur  longueur , 
mais  ne  remontant  pas  jusqu’à  la  côte.  Le  dessous  est  d’un  blanc  très- 
faiblement  verdâtre  vers  la  base.  Les  supérieures  ont  un  gros  point 
noir  au  milieu , et  leur  moitié  apicale  est  noir  marqué  de  deux  bandes 
de  taches  blanches  dont  l’interne  composée  de  taches  inégales , l’ex- 
terne formée  de  six  taches  alignées  et  égales  et  suivie,  près  du  bord, 
d’une  petite  ligne  blanche  mince  et  interrompue.  Les  inférieures  ont 
à la  base  huit  ou  dix  gros  points  noirs,  et  leur  extrémité  présente  une 
large  bordure  noire  au  quart  antérieur,  et  d’un  beau  rouge-ferrugi- 
neux jusqu’à  l’angle  anal,  bordée  extérieurement  d’une  fine  ligne  noire 
que  précèdent  de  petites  lignes  blanches.  Cette  bande  est  traversée  dans 
son  milieu  par  une  ligne  de  huit  taches  blanches.  Le  dessous  des  pal- 
pes, du  corps  et  des  pattes  est  blanc. 

Hab.  I’ondichéri.  Trouvé  en  juillet. 


’olvom  malus  . Vy.  i'CU.i' 

Lc&p  Cri  A ÏBenJa/ïi mu, 


J^rèlre  de/.. 


DANS  L’INDE. 


79 


IIESPERIE  DE  BENJAMIN. 

Hesperia  (Thymele)  Benjaminii.  Guérin. 

(PI.  22,  fig.  2). 

Corpore  alisque  supra  obscuro-viridibus  , apice  obscurioribus  ; posticis 
margine  inferiori  fulvis , subtus  lato-viridibus,  nervis  nigris  : posticis 
macula  magna  posticali  fulva , nigro-punctata.  Capite  infra  anoque 
fulvis.  — Enverg.,  5 4/2  centrai. 

Cette  magnifique  espèce  n’a  aucun  rapport  avec  celles  qui  ont  été 
publiées  par  Linné  et  Fabricius.  Son  corps  est  d’un  vert  obscur  avec 
le  dessous  de  la  tête , le  devant  des  hanches  et  des  cuisses  antérieures 
et  le  dessous  de  l’anus  d’un  jaune-fauve  vif.  Les  quatre  ailes  sont  en 
dessus  d’un  vert  obscur  tirant  au  noirâtre  vers  l’extrémité  avec  le 
bord  inférieur  des  secondes  un  peu  prolongé  en  un  lobe  arrondi  et 
d’un  beau  jaune-orangé  ou  fauve.  Le  dessous  des  quatre  ailes  est  d’un 
vert-doré  assez  vif  avec  les  nervures  noires.  Les  inférieures  ont  en 
arrière  une  large  tache  d’un  beau  jaune-fauve , partant  de  l’angle  anal 
et  se  terminant  carrément  au  milieu  de  leur  bord  inférieur,  avec  une 
grande  tache  noire  vis  à vis  le  lobe  ou  fausse  queue , et  quatre  ou 
six  gros  points  nou  s réunis  entre  cette  tache  et  la  terminaison  du  fauve. 
Les  tarses  sont  de  la  couleur  du  corps  : les  antérieurs  sont  d’un 
jaune  pâle  en  avant.  Les  antennes  sont  noires. 

Hab.  les  Neelgheries. 

Nous  avons  donné  à cette  espèce  le  nom  de  M.  Benjamin  Delessert, 
protecteur  éclairé  des  sciences  et  dont  le  nom  est  vénéré  des  natu- 
ralistes. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


80 


SPHINX  VIGILANT. 

S/y/tinx  (Deielphila)  vigil.  Guérin. 

(PI.  23  , fig.  1). 

Capite  thoraceque  fusco-virescentibus,  linea  laterali  albo-grisea.  Alis  fus- 
cis , anticis  puncto  medio  atro , margine  posteriori  et  exteriori  latè  gri- 
seis , fusco  maculatis  et  slrigosis.  Abdomine  griseo  supra  obscuriori, 
utrinque  maculis  quatuor  fuscis  postice  albo-punctatis . — Enverg. 

9 cent.,  long.  corp.  4 cent. 

Il  ressemble  beaucoup  mSpiiinx  velox de  Eabricius  (Ent.  syst.  3, 
p.  378);  mais  la  description  de  celui-ci  ne  convenant  pas  en  tout 
point  à notre  espèce,  nous  nous  sommes  décidé  à la  donner  ici. 
Le  dessus  de  la  tête  est  d’un  brun  assez  foncé , faiblement  verdâtre , 
avec  les  côtés  d’un  gris  cendré.  Le  corselet  est  de  la  couleur  de  la  tête  ; 
il  offre  de  chaque  côté , avant  les  ailes  , une  large  bande  grise  qui  se 
continue  avec  celle  de  la  tête , se  bifurque  un  peu  avant  l’insertion  des 
premières  ailes,  pour  suivre  l’insertion  de  celles-ci  et  des  secondes , et 
envoyer  une  bande  oblique  sur  le  dos , laquelle  se  confond  en  arrière 
avec  une  large  ligne  médiane  grise  partant  de  la  partie  postérieure  de  la 
tête.  La  ligne  grise  qui  longe  l’insertion  des  ailés  devient  d’un  blanc 
vif  en  arrière.  Les  ailes  supérieures  sont  divisées  en  deux  parties  lon- 
gitudinales de  couleurs  différentes,  brunes  et  cendrées,  égales  ; l’anté- 
rieure , celle  de  la  côte  , est  d’un  brun  varié  de  noirâtre  avec  quel- 
ques raies  longitudinales  noires,  une  nervure  grise  vers  l’extrémité  et 
un  petit  point  noir  au  milieu.  Cette  partie  brune  n’atteint  pas  l’ex- 
trémité de  l’aile , et  elle  est  limitée  inférieurement  par  une  ligne  si-  ' 
nueuse  noire.  La  partie  postérieure  et  externe  de  ces  ailes  est  d’un 
gris-cendré  un  peu  roussâtre , commençant  au  bord  inférieur , près 
de  la  base , et  se  terminant  au  sommet.  On  voit  dans  cette  partie 
une  ligne  brune  assez  large , partant  de  l’angle  apical  et  dirigée 
vers  le  milieu  de  l’aile  ; une  autre  ligne  sinueuse  et  parallèle  au  bord 
externe,  suit  ce  bord  : il  y a deux  ou  trois  petites  lignes  onduleuses  au 
milieu,  près  de  la  limite  de  la  partie  brune,  et  parallèles  au  bord  de 
celle-ci , et  quelques  petits  points  bruns  marqués  sur  les  nervures  plus 
blanchâtres  qui  traversent  la  portion  grise.  On  voit  une  assez  grande 
tache  brune,  au  bord  intérieur,  près  de  l’angle  interne,  qui  est  assez 


/.  Sphinx  »(//<’/,  . 

2 • TTa/  l S // 1 tr/<n/<isi//. t\  fiurt'-, 


J.G.FrcJresdi’l. 


D(Wt\t 


m.  sô. 


Gynaatocera 

/.  G.  JTiargina/asGuer.  2.  G.  mai'ultiria, 


J-  fc  . Prêtre.' de l. 


Gérard  cotor, 


J) avenue sc> 


DANS  L’INDE. 


81 


saillant;  le  bord  externe  est  un  peu  arrondi  et  saillant  au  milieu,  fai- 
blement échancré  en  haut  : ce  qui  produit  une  petite  pointe  à l’ex- 
trémité : sa  frange  est  alternativement  jaunâtre  et  noire.  Les  ailes  in- 
férieures sont  d’un  brun  obscur  avec  l’angle  anal  arrondi , plus  pâle 
et  une  ligne  noire  onduleuse,  assez  large  et  peu  limitée  , parallèle  au 
bord  inférieur,  fondue  dans  la  couleur  brune  du  fond,  vers  l’extrémité, 
et  terminée  avant  l’angle  anal  à une  petite  saillie  du  bord  postérieur 
de  l’aile  ; la  frange  est  gris  interrompu  par  du  brun.  Le  dessus  de 
l’abdomen  est  d’un  gris-brun  piqueté  de  brun  plus  foncé  au  milieu, 
gris  plus  pâle  sur  les  côtés  et  à la  base , et  il  a de  chaque  côté,  à partir 
du  troisième  segment,  quatre  taches  noires  peu  limitées  e marquées 
d’atomes  gris  à leur  partie  inférieure.  Le  dessous  des  quatre  ailes  est 
gris-cendré  varié  de  ferrugineux  et  d’atomes  noirs.  Les  supérieures 
ont  au  milieu  un  grand  espace  brun  uniforme,  et  près  de  l’extrémité 
une  large  bande  plus  ferrugineuse  marquée  près  du  sommet  de  trois 
faibles  bandes  noirâtres  partant  de  la  côte  et  peu  allongées.  Il  y a de 
plus,  dans  cette  partie  fauve,  une  ligne  de  cinq  à six  points  noirs.  Les 
inférieures  ont  aussi  deux  bandes  maculaires  noirâtres,  l’une  au  mi- 
lieu, l’autre  entre  celle-ci  et  le  bord  externe.  La  frange  des  quatre 
ailes  est  comme  en  dessus.  Le  dessous  du  corps  est  gris-roussâtre , 
et  les  côtés  de  l’abdomen  sont  marqués  de  six  petits  points  noirs. 
Les  antennes  et  les  pattes  sont  grises. 

Hab.  Pondichéri. 


MACROGLOSSE  HY  LAS. 

M acroglossum  Hyias.  Lin.  (Var.) 

Cette  variété  se  distingue  du  type  décrit  par  Linnæus , par  la  cou- 
leur jaune  du  dessus  de  son  abdomen.  Nous  avions  d’abord  pensé  que 
cette  teinte  était  due  à une  décoloration  ; mais  dans  ce  cas  le  corselet 
aurait  aussi  jauni , ce  qui  n’a  pas  eu  lieu.  Du  reste  nous  décrivons , 
dans  le  texte  de  notre  Iconographie  du  Règne  animal , Lépidoptères, 
une  espèce  (notre  Macrogt.  trochilus ) que  feu  Desjardins  a obser- 
vée vivante  à l’île  Maurice,  et  dont  l’abdomen  est  toujours  jaune  ; ce 
qui  montre  que  cette  couleur  est  bien  naturelle  chez  certaines  espèces. 

Avant  de  décrire  la  variété  découverte  par  M.  Ad.  Delessert , nous 
croyons  devoir  transcrire  la  description  originale  que  Linné  a donnée  de 
2"  PART.  11 


82 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


son  Sphinx  hyias  dans  l’appendix  de  son  Mantissa  plantarum 
( Regni  animal.  Insecta,  p.  539). 

Sphinx  hyias.  Alis  fenestratis  ; abdomine  fascia  purpnrescente.  - — 
liai),  in  China.  D.  Fabricius. 

Corpus  affine  S.  fuciformi. 

Abdomen  griseo-glaucescens , subtus  nigruin  albo  variegatum. 
Cingulum  (segmenti  quarti)  purpureum. 

Thorax  griseo-glaucescens.  Abdomen  subtus  albiduni. 

Anus  subtus  barba  atra. 

Alœ  totœ  fenestratæ , margine  nigro. 

Comme  on  le  voit,  il  y a dans  Linné  une  faute  d’impression  dans 
les  endroits  où  il  parle  de  l’abdomen  de  son  sphinx  ; mais  les  carac- 
tères essentiels  de  l’espèce , la  bande  pourprée  du  milieu  de  l’abdo- 
men et  la  barbe  noire  de  l’anus , sont  bien  indiqués.  Voici  la  description 
de  notre  variété. 


Alis  hyalinis;  anticarum  costa  apieeque  lenuifuscis;  capite  thoraeeque 
r iridibus;  abdomine  supra  lutescenti,  cingulo  medio  ferrugineo.  Barbis 
ani  nigris.  Thorace  infra  flavo-pallido  ; abdomine  infra  nigro  , ferru- 
gineo alboque  variegato. 

Ses  quatre  ailes  sont  vitrées  à nervures  brunes.  Les  supérieures  ont 
la  côte , le  sommet , le  bord  externe  et  la  base  du  bord  interne  noirâ- 
tre saupoudré , à la  côte  et  au  bord  interne , d’atomes  jaunâtres.  Les 
ailes  inférieures  ont  la  base  de  la  côte  jusqu’au  milieu , et  tout  le  bord 
interne  jusqu’au  pli  marqué  par  une  petite  échancrure  du  bord  infé- 
rieur de  l’aile , d’un  brun  grisâtre , surtout  vers  l’angle  anal.  Les  ner- 
vures des  quatre  ailes  sont  noirâtres.  La  tète  et  le  corselet  sont  verts 
et  sans  taches.  L’abdomen  est  d’un  jaune  d’ocre  avec  le  quatrième 
segment  d’un  fauve  velouté,  depuis  sa  base  jusqu’au  milieu  de  sa  lon- 
gueur. Le  dernier  segment  est  bordé  de  poils  noirs  et  terminé  par 
une  brosse  noire  ayant  une  tache  jaune  au  milieu  et  un  petit  point 
blanc  de  chaque  côté.  Le  dessus  des  palpes  et  de  la  tête  est  blanc.  Le 
dessous  du  thorax  est  jaune-pâle  ; enfin  le  dessous  de  l’abdomen  est 
noir  avec  des  taches  fauves  peu  limitées  de  chaque  côté  des  segments, 
et  trois  rangs  de  taches  blanches  dont  une  médiane  et  deux  latérales. 
Les  pattes  sont  d’un  jaune  pâle  , et  les  tarses  postérieurs  noirâtres. 
Long.  30,  env.  57  mil].  — Habite  les  Neelgheries. 


l’i.  *4 . 


Cvjiantoecra . 


y G . i/’haùenarûr,  ûuer. 
3.  G.  dùlincta/,  Cuer. 


2.  G.  aj/hu'.r, 

4-  . per  Unir, 


Gérant'  co/or. 


D avortés  «rr. 


DANS  L’IN Dlï. 


83 


OYNAUTOCÈRE  BORDÉE. 

Gynautocera  marginata.  Guérin. 

(PL  25,  fig.  1.) 

Alis  nigris , margine  exteriori  cijaneo  micantibus.  Subtus  antici  ma- 
cula rotundata  flava.  Corpore  nigro , subtus  coccineo  maculis  nigris 
lateralibus.  Pedibus  nigris  , cxjaneo- micantibus.  — Enverg.  7 centim. 
8 millim. 

Ailes  oblongues , arrondies , d’un  noir  brunâtre  dessus  et  dessous. 
Bords  des  quatre  ailes , en  dessus , ornés  de  reflets  d’un  beau  bleu- 
vif  visibles  à certains  jours,  comme  dans  les  Nymphaiis  iris  et 
autres  lépidoptères  changeants  ; dessous  ayant  les  nervures  et  les 
bords  pourvus  d’écailles  d’un  bleu  verdâtre  visibles  également  sous 
certains  angles , les  supérieures  ayant  de  plus , près  de  la  côte  et  un 
peu  au  delà  du  milieu , un  assez  grand  point  jaune.  Corps  noir  en 
dessus , rouge  en  dessous,  avec  des  taches  noires  sur  les  côtés.  Pattes 
noires  à reflets  bleus. 

Habite  Pulo-Pinang  sur  la  côte  Malaye. 


CYNAUTOCÈRE  MACULAIRE. 

Gynautocera  macutaria.  Guérin. 

(PL  25,  fig.  2.) 

Alis  oblongis,  utrinque  nigris , virescenti  cyancoque  micantibus;  anti- 
cis  apice  fasciis  duabus  macularibus  albis  supra  et  infra , posticis  infrà 
maculis  albis  submarginalibus.  — Env.  6 cent.  4/2. 

Ailes  oblongues , entières , noires,  à reflets  bleus,  violets  et  verdâ- 
tres : les  supérieures  ayant  de  part  et  d’autre  une  large  bande  blanche 
presque  maculaire  et  transverse  au  delà  du  milieu , et  près  du  bord 
externe  une  ligne  de  taches  oblongues  et  blanches  se  réunissant  à 
la  bande  précédente,  à l’angle  interne  ; les  inférieures  sans  taches  en 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


S h 

dessus,  ayant  en  dessous  une  tache  blanche  au  delà  du  milieu  , près  de 
la  côte,  et  une  série  de  six  ou  sept  taches  arrondies  et  blanches  près  du 
bord  postérieur.  Il  y a des  reflets  bleu-vif  derrière  ces  taches  margina- 
les; entre  elles  et  la  frange,  qui  est  noire.  Corps  et  antennes  noirs  à 
reflets  bleus  et  verts.  Dessous  de  l’abdomen  anneléde  blanc. 

Habite  la  côte  Malave. 

La  P h.  aleita  de  Cramer,  pl.  396,  fig.  C. , que  cet  auteur  dit  venir 
de  Surinam,  pourrait  bien  être  une  Gynautocera  indienne  très-voi- 
sine de  la  précédente. 


GYNAUTOCÈRE  PIIALKNOIDE. 

Gynautocera  plialœharia.  Guérin. 

(Pl.  24,  fig.  4.) 

Alis  utrinque  albis  basi  flavis.  Anticis  apice  late  nigro,  albo  fasciato  ; 
linea  costali  maculisque  tribus  in  medio  nigro  subeyaneis.  Posticis 
apice  nigro -maculato.  Vertice  et  collari  sanguineis.  Thorace  nigro-viri- 
dis,  albo-lineato.  Abdomine  flavo. — Enverg.,  5 4/2  cent. 

Ailes  d’un  jaune  pâle  dessus  et  dessous , plus  blanchâtre  vers  l’ex- 
trémité ; les  supérieures  ayant  une  ligne  à la  base  de  la  côte , trois 
taches  inégales  au  milieu , et  l’extrémité  noire , avec  quelques  taches 
blanches  près  du  sommet  dans  la  partie  noire  ; les  inférieures  ayant 
seulement  le  sommet  taché  de  noir  : dessous  des  supérieures  ayant  à 
la  base  une  grande  tache  noire  à reflets  bleus  et  verts , s’arrêtant  au 
milieu  et  n’arrivant  qu’au  milieu  de  la  largeur  de  l’aile , avec  l’extré- 
mité noire,  comme  coupée  par  une  bande  dentée  blanche  ; les  inférieures 
d’un  jaune  plus  vif  à la  base  et  au  côté  inférieur  avec  quelques  tacbes 
noires  au  sommet.  Tête,  en  dessus,  et  prolhorax  ou  col  en  entier  rou- 
ges. Corselet  noir  à reflets  bleus  et  verts  avec  les  épaulettes  bordées 
de  blanc.  Abdomen  jaunâtre , plus  pâle  en  dessous.  Antennes  et  pattes 
noires  ; celles-ci  avec  des  écailles  blanches. 

Habite  Java. 

Cette  espèce  ressemble  assez  à la  variété  du  Sphinx  pectinicor- 
nis.  Lin.,  nommée  Pliai,  tiberina  par  Cramer  et  Hubner  ; mais 
ses  ailes  jaunes  et  la  petitesse  de  leurs  taches  noires  l’en  distinguent. 
Nous  ne  serions  pas  étonné  cependant  qu’elle  n’en  fût  encore  qu’une 
variété. 


DANS  L’IN  DK. 


GY  NAUTOCÈRE  DISTINCTE . 

Gynautocera  distincta.  Guérin. 

(PL  24,  fig.  3.) 

Alis  anticis  utrinque  griseo  - flavescentibus , fascüs  tribus  macularibus 
nigro  cyaneis.  Posticis  albis  , laie  cyaneo-marginatis.  Vertice  flavo; 
collari  nigro  griseoque  variegato.  Thorace  griseo,  linea  media  nigro. 
Abdomine  flavo , segmento  primo  albo , subtus  nigro  segmentis  albo- 
marginatis.  — Env.  5 centim. 

Cette  espèce  est  bien  distincte  de  la  G.  pectinicornis  de  Linné 
par  son  col  noir , le  dessus  seulement  de  sa  tête  d’un  jaune  orangé  et 
par  la  disposition  des  bandes  maculaires  de  ses  ailes  supérieures  qui 
produisent  sur  leur  milieu  une  bande  arquée  verticale  et  non  oblique. 
Ses  premières  ailes  sont  d’un  gris-cendré  un  peu  jaunâtre-sale  ; elles 
ont  une  ligne  noire  à la  base , parallèle  à la  côte  ; à leur  premier  tiers 
on  trouve  une  bande  transversale  arquée,  formée  de  quatre  taches 
inégales  d’un  noir  à reflets  bleus , puis  une  autre  bande  parallèle  à la 
première , un  peu  au  delà  du  milieu , formée  de  six  ou  sept  taches 
laissant  entre  elles  et  la  première  une  large  bande  gris-pâle  com- 
mençant à la  côte  un  peu  avant  le  milieu  , et  se  terminant  au  milieu 
du  bord  postérieur.  L’extrémité  de  ces  ailes  présente  encore  une 
bande  maculaire  assez  large , et  entre  celle-ci  et  celle  du  milieu  il  y a 
plusieurs  taches  de  la  même  couleur  noir-bleu  séparées  par  les  ner- 
vures et  laissant  entre  elles  quelques  taches  grises.  Les  ailes  inférieures 
sont  blanches  avec  une  large  bordure  d’un  noir  à reflets  bleus  très- 
vifs,  n’atteignant  pas  l’angle  anal  en  dessus,  y arrivant  en  dessous. 
Le  dessous  des  quatre  ailes  est  semblable  au  dessus , mais  les 
reflets  bleus  sont  plus  vifs  et  la  bande  du  milieu  des  supérieures  est 
blanche.  La  tête  est  jaune  en  dessus  avec  les  antennes  d’un  noir  bleu. 
Le  col  ou  prothorax  est  noir  avec  deux  petites  bandes  transverses 
d’un  blanc  jaunâtre  au  milieu.  Le  corselet  est  gris-jaunâtre  avec  une 
large  bande  longitudinale  d’un  noir  bleu  au  milieu.  L’abdomen  est  en 
dessus  d’un  jaune  d’ocre  assez  vif,  comme  le  dessus  de  la  tête , avec 
le  premier  segment  blanc  ; le  dessous  est  noir  avec  une  bordure  blan- 
che à chaque  segment.  Le  dessous  du  thorax  et  des  pattes  sont  d’un 
noir-bleu  taché  de  blanc.  — Hab.  la  côte  Malaye.  — Décrit  sur  un 
individu  femelle  un  peu  passé. 


SOUVENIRS  D’I  \ VOYAGE 


86 


G Y l\;  AU  T OCÈUE  SEMBLA  B L E . 

Gynautocera  a (finis.  Guérin. 

(PI.  24,  fig.  2.) 

Mis  anticis  utrinque  viridi-micantibus  nigro-maculatis  , fascia  media 
lata  maculisque  apicalibus  albo  flavidis.  Alis  posterioribus  albo  flavi- 
dis , maculis  apicalibus  nigro-viridi-micantibus.  Vertice  et  margine 
anlico  collari  rubris.  Thorace  viridi-micante.  Abdomine  viridi-cœruleo , 
subtus  albo , lateribus  nigro  punctato.  — Env.  42  mill. 

(jette  jolie  espèce  est  très  - voisine  de  la  G.  pectinicornis 
( Sphinx  pectinicornis,  Lin. ; Pliai,  tiberina,  Gram.).  Mais  tous 
les  auteurs  s’accordent  pour  décrire  et  figurer  cette  dernière  avec  le 
dessus  de  la  tête  et  tout  le  col  rouges  ; tandis  que  la  nôtre  a bien  la 
tête  rouge , mais  son  col  est  noir-vert  avec  un  fin  liséré  rouge  au 
bord  antérieur  seulement.  Les  ailes  anterieures  de  notre  espèce 
sont  d’un  joli  vert  - doré  - brillant  coupé  un  peu  au  delà  du  mi- 
lieu par  une  large  bande  oblique  d’un  blanc-jaunâtre  formant  une 
espèce  de  coude  au  milieu  ; au  côté  interne  de  cette  bande  on  voit, 
dans  le  vert,  quelques  taches  noires.  Son  côté  externe  ou  l’extrémité 
de  l’aile  est  marqué  de  plusieurs  taches  et  lignes  noires  et  de  deux 
petites  taches  blanches  près  du  sommet.  Les  ailes  inférieures  sont  d’un 
blanc  lavé  de  jaune-pâle , elles  ont  au  sommet  deux  ou  trois  taches 
noires  inégales  à reflets  bleus  extérieurement.  Le  dessous  des  supérieu- 
res est  semblable  au  dessus , mais  la  bande  du  milieu  est  plus  large  et 
les  deux  points  blancs  du  sommet  se  réunissent  et  forment  une  seconde 
bande  assez  large  que  coupent  près  du  sommet  quelques  lignes  bleues. 
Les  taches  apicales  des  inférieures  sont  presque  effacées.  Les  antennes 
sont  noires,  la  tête  verte  avec  le  vertex  rouge.  Le  prothorax  est  d’un 
vert  noir  avec  le  bord  antérieur  finement  liséré  de  rouge.  Le  corselet 
est  d’un  beau  vert-doré  brillant.  Le  dessus  de  l’abdomen  est  d’un  vert- 
bleu  très -luisant,  et  son  dessous  blanc  ponctué  de  noir  sur  les  côtés. 
Le  dessous  du  thorax  et  les  pattes  sont  blancs.  — Hab.  Pondichéri  et 
la  côte  Malaye. 

Cette  espèce  est  beaucoup  plus  petite  que  la  vraie  G.  pectinicor- 
nis  de  Linné  figurée  dans  Edwards. 

Pour  bien  faire  apprécier  les  différences  qu’il  y a entre  nos  espèces 
et  le  Sphinx  pectinicornis  de  Linné,  nous  allons  reproduire  la 


DANS  L’INDE. 


87 

description  qu’il  en  a donnée , et  nous  établirons  sa  synonymie.  On 
verra  que  Linné  avait  décrit  cette  espèce  d’après  la  figure  d’Edwards, 
qu’il  avait  bien  indiqué  sa  localité  d’après  ce  même  auteur,  qui  l’avait 
reçue  de  Chine;  tandis  que  Fabricius,  dans  tous  ses  ouvrages,  s’obs- 
tine à la  donner  comme  d’Amérique,  tout  en  copiant  textuellement 
la  description  de  Linné  : ce  qui  montre  qu’il  n’a  jamais  vu  cet  in- 
secte. En  rapportant  à cette  espèce  la  Phaiœna  tiberina  de  Cra- 
mer, que  celui-ci  indique  aussi  comme  venant  de  la  Chine , il  aurait 
cependant  dû  rectifier  son  erreur  d’habitat. 

Sphinx  pectinicornis.  Lin.  Syst.  nat.  2,  807,  n°  hk  (1767), 
Edw.  av.  p.  36,  pi.  226.  (1758). 

S.  Subfusca,  atis  violaceis  : fasciis  duabus  aibis  subinter- 
rvptis,  collari  sanguineo.  — Hab.  in  Asia. 

Statura  S.  filipendulæ.  Antenriæ  pectinatæ,  sed  apice  filiformes  et 
simplices. 

Voici  ce  qu’on  trouve  dans  Edwards  : Glanures  d’hist.  nat.  ois.  , 
t.  I,  p.  36 , pl.  226.  : 

« Le  petit  papillon  noir  et  blanc  vient  de  la  Chine , et  fait  partie  de 
ma  petite  collection.  Le  dessus  des  ailes  est  noir  ou  d’un  brun  très- 
foncé  ; elles  sont  barrées  obliquement , d’un  côté  à l’autre , de  barres 
d’un  blanc  de  crème  : la  tête , et  le  commencement  du  corps  est  d’un 
très-beau  rouge  ; le  reste  du  corps  , et  le  corps  inférieur  ou  la  queue, 
est  d’un  beau  bleu , qui  semble  s’introduire  un  peu  parmi  le  noir  des 
grandes  ailes , aux  endroits  par  où  elles  sont  attachées  au  corps.  Le 
dessous  de  ce  papillon  est  marqué  de  même  que  le  dessus , excepté 
que  les  couleurs  sont  moins  vives.  » 

Comme  on  le  voit,  il  n’est  nullement  question  ici  des  ailes  infé- 
rieures ; cependant  la  figure  nous  montre  qu’elles  sont  noir  à reflets 
bleus  avec  une  grande  tache  blanche  au  milieu  , partant  de  la  côte  et 
atteignant  à peine  le  milieu  de  l’aile. 

Zygœna.  pectinicornis.  Fab.  Syst.  entomologiœ , p.  55A, 
n°  18  (1775).  Il  cite  Linné  2-807,  et  Edw.  copie  la  phrase  de  Linné, 
et  donne  pour  habitatiou  : in  A merica. 

Zygœna  pectinicornis.  Fab.  Spec.  Ins.,  2,  16 A,  n°  35  (1781). 
Il  copie  encore  la  phrase  de  Linné,  cite  VEnt.  syst.,  et  cite  en  plus: 
Phaiœna  tiberina , Cram.  Ins.  , 3,  t.  xxxil,  f.  c.  D.  Il  dit  tou- 
jours : « Hab.  in  America.  « 

Zygœna  pectinicornis.  Fab.  Mantissa  Ins..  2,  p.  105,  n°  A2 


88  SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 

(1787  . Il  ne  donne  qu’une  copie  de  la  phrase,  sans  synonymie  ni 
habitation. 

Zygcena  pectinicornis.  Lin.  Ed.  Ginclin  , t.  Y,  p.  2397,  n°  ôû 
(1789).  Copie  de  la  phrase  de  Linné.  Citation  de  Fabr.  : Species  et 
Mantissa.;  de  Cramer  : ( P h.  tiberina  );  d’Edwards  : Hab.  in 
America. 

Zygcena  pectinicornis.  Fabr.  Entom.  systemat , 3,  pars  1, 
p.  399,  n°  kh  (1793  . Il  copie  la  phrase  de  Linné,  et  le  cite.  U cite 
Pliai,  tiberina , Cram. , Edw  : Hab.  in  Americœmeridionaiis 
insviis. 

C/ialcosia  tiberina.  Hubn.  Exotisch.  Samel. 

A notre  avis , Fabricius  a bien  fait  de  rapporter  la  figure  de  la  Pha- 
lœna  tiberina  de  Cramer  au  Sphinx  pectinicornis  de  Linné; 
mais  il  aurait  dû  dire  que  cette  figure  représente  une  variété  de  l’es- 
pèce Linnéenne.  Il  en  est  de  même  des  figures  de  Ilubner.  On  ne 
pourra  avoir  de  certitude  sur  l’identité  de  l’espèce  de  Linné  et  des 
espèces  de  Cramer  et  Hubner,  que  lorsqu’on  aura  reçu  un  assez  grand 
nombre  d’individus,  pris  en  Chine  et  dans  d’autres  parties  des  Indes , 
afin  d’avoir  tous  les  passages  entre  la  variété  blanche  figurée  par  Hub- 
ner et  le  type  noir  de  Linné. 

Ce  genre  Gynaulocera,  que  nous  avons  fondé  dans  le  Magasin 
de  Zoologie , 1831,  cl.  ix,  pl.  12,  sur  une  belle  espèce  semblable  à 
un  P api  Ho  proprement  dit , a les  plus  grandes  affinités  avec  le  genre 
Procris  ; c’est  près  de  lui  qu’il  faudra  le  placer  dans  une  classifica- 
tion naturelle,  avec  les  genres  Chelura  et  Helerusia  de  M.  Hope. 
(Trans.  Linn.  Soc.  Lond. , vol.  xvm,  p.  hkk,  pl.  31,  f.  h et  5.) 

Nota.  Nous  venions  de  terminer  cette  notice,  quand  nous  avons 
vu,  dans  la  collection  de  M.  Marchai,  amateur  très-instruit  qui  nous 
communique  les  richesses  de  sa  belle  collection  avec  la  plus  grande 
obligeance , un  individu  provenant  de  la  Chine  et  que  l’on  dirait  être 
le  type  de  la  figure  d’Edwards.  Il  est  entièrement  noir  avec- quelques 
reflets  verdâtres  sur  la  base  des  ailes  supérieures , sur  leurs  nervures , 
et  vers  l’angle  anal  des  inférieures.  Les  premières  ailes  ont  deux  ban- 
des obliques  et  maculaires  d’un  blanc  jaunâtre  : l’une  au  milieu , par- 
tant de  la  côte  un  peu  avant  le  milieu  de  sa  longueur,  et  se  terminant 
un  peu  avant  le  bord  inférieur , près  de  l’angle  interne  ; et  l’autre , 
parallèle  à la  première , située  près  du  sommet.  Les  ailes  inférieures 
ont  le  bord  interne  un  peu  blanchâtre  à la  base , et  une  tache  de  la 
même  couleur  au  bord  antérieur,  près  de  la  côte,  un  peu  au  delà  du 


DANS  L’INDE. 


89 


milieu.  Cette  tache  atteint  à peine  le  tiers  de  la  largeur  de  l’aile.  Les 
antennes  sont  noires;  la  tête  a des  reflets  verts  avec  le  vertex  rouge; 
le  prothorax  ou  le  collier  est  entièrement  rouge  ; le  corselet  et  l’ab- 
domen sont  noirs , à reflets  verts  et  bleuâtres.  Le  dessous  des  quatre 
ailes  est  semblable  au  dessus , mais  d’un  noir  plus  brunâtre , avec  des 
reflets  d’un  vert  bleu.  Les  inférieures  ont  en  plus , près  de  l’extrémité , 
deux  taches  jaunâtres  formant  le  commencement  d’une  bande  margi- 
nale. 

Nous  donnons  (pl.  1k,  fig.  k)  une  figure  exacte  de  cet  insecte,  qui 
est  plus  intéressant  à nos  yeux  qu’une  espèce  nouvelle. 


HAZIS  MALAIS. 

Iiazis  malayanus.  Guérin. 

(Pl.  23)vfig.  2.) 

Alis  utrinque  cinereo-griseis,  subcyaneis , maculis  nigro-cyaneis.  Posticis 
margine  interiori  macula  bifida  lutea.  — Enverg.,  8 1/2  cent. 

Cette  espèce  ressemble  tout  à fait  au  Bombyx  palmyra  de  Stoll 
[Suppl,  à Cramer,  p.  159,  pl.  36,  f.  1),  et  nous  étions  tenté  de  ne 
pas  l’en  distinguer;  mais  la  grande  et  double  tache  jaune  que  l’on  ob- 
serve au  bord  interne  de  ses  ailes  inférieures  n’étant  ni  mentionnée  ni 
figurée  par  Holl,  observateur  exact  qui  n’aurait  pas  manqué  de  signa- 
ler ce  caractère , nous  avons  cru  devoir  décrire  ce  papillon  comme 
espèce  distincte.  Ses  quatre  ailes  sont  d’un  gris-cendré  un  peu  bleuâ- 
tre ; les  supérieures  ont  la  base  de  la  côte  jaunâtre  et  de  grandes  taches 
d’un  noir  bleu,  sinueuses,  de  forme  carrée , formant  trois  bandes  macu- 
laires transverses  arquées , très-anguleuses  et  irrégulières.  Il  y a , en 
outre , au  milieu  et  près  de  la  côte , une  grande  tache  ovalaire.  Les  in- 
férieures ont  au  milieu  une  grande  tache  ronde , une  autre  plus  petite, 
à côté  de  celle-ci  et  près  du  bord  interne , et  deux  bandes  maculaires 
parallèles  au  bord  externe , dont  l’extérieure  assez  régulière , l’interne 
fortement  sinueuse  et  anguleuse  ; leur  bord  interne  est  occupé , depuis 
le  milieu  de  sa  longueur  jusque  près  de  l’angle  anal,  par  une  grande 
tache  d’un  beau  jaune -doré  coupé  en  deux  par  l’extrémité  de  la 
bande  noire  interne.  Les  antennes  sont  d’un  brun  jaunâtre,  bipecti- 
nées,  allongées;  la  tête  elle  corps  sont  également  d’un  brun  jaunâ- 
2e  part.  12 


90 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


tre  avec  le  dessous  et  l’extrémité  de  l’abdomen  d’un  jaune  doré  ; le 
dessous  des  ailes  est  semblable  au  dessus.  — Hab.  la  côte  Malaye. 


EUCHELIA  GRACIEUSE. 

Euchelia  gratiosa.  Guérin. 

PI.  26  , fig.  A . 

Alis  anticis  luteis,  rubro  maculatis;  fascia  lata  fusca  lineis  rubris  in- 
terrupta.  Alis  posticis  roseis,  basi  dilutioribus.  Thorace  rubro , maculis 
{lavis  et  nigro  punctatis.  Abdomine  roseo.  — Env.,  39  à 52  mill. 

Gette  jolie  espèce  a quelques  affinités  avec  la  Phaiœna  syringa 
de  Cramer  ; ses  ailes  supérieures  sont  d’un  jaune  pâle  et  couvertes  de 
grandes  taches  anguleuses  rouges  jusqu’au  delà  du  milieu , ayant  en- 
suite une  large  bande  noirâtre,  qui  n’atteint  pas  le  bord  de  l’aile,  cou- 
pée par  des  lignes  rouges  qui  s’élargissent  en  arrivant  à la  frange. 
Les  taches  de  la  base,  occupant  plus  d’espace  que  le  jaune,  laissent 
entre  elles  un  réseau  de  cette  couleur  formant  des  bandes  longitudi- 
nales coupées  par  des  bandes  transverses,  et  l’on  voit  dans  chaque 
point  d’intersection  du  jaune,  une  petite  tache  noirâtre.  Les  ailes  infé- 
rieures sont  d’un  rose  pâle,  plus  clair  vers  la  base.  Le  dessous  des 
quatre  ailes  est  d’un  rose-pâle  mêlé  de  nuances  jaunâtre-fondu.  On 
voit  près  de  l’extrémité  des  supérieures  quelques  traits  longitudinaux 
noirâtres.  La  tête , la  base  des  antennes  et  le  corselet  sont  rouges.  Les 
antennes  sont  jaunâtres  avec  le  bout  un  peu  brun.  Le  corselet  offre 
cinq  taches  jaune  marqué  au  milieu  d’un  point  noir.  L’abdomen  et 
les  pattes  sont  rouges  ; celles-ci  ont  quelques  petites  taches  noires. 
Habite  les  monts  Neelgheries.  Trouvée  en  juin  et  juillet. 


Tl.  26  ■ 


Eu.ch.cl.i4i  ÿFütioj-tv,  2.  Callimorplia  j/w/a/a, 

Al‘C  lia  JUon  /ti/m , ffaer.  4-  ÏVubolia  a ïdicàTiay,  G, ter. 
/>■  / CCCll  a ( faj-rtnra , o'un-. 


J? rein',  del  ■ 


Gérard  cofor. 


DANS  L’INDE. 


91 


CALLIMORPHE  ? DE  MARCIIAL. 

CaUimorpha  ? Marchalii.  Guérin. 

(PI  26,  fig.  2.) 

Alis  anticis  yriseo  - cinereis , fasciis  undato  - fuscis  punctoque  medio 
nigro;  posticis  flavis,  apice  macula  minutissima  fusca.  Vertice,  thorace 
abdomineque  flavis  et  nigro  punctatis.  Alis  superioribus  infra  pallido- 
fuscis,  punctis  duabus  nigris;  posticis  flavis,  puncto  medio  nigro.  Abdo- 
mine  lateribus  nigro-punctalo.  — Enverg.,  34  mill. 

Cette  jolie  espèce,  qui  formera  plus  tard  le  type  d’un  nouveau 
genre,  ne  peut  être  placée  provisoirement  que  dans  le  genre  Calli- 
morphe  ; car  ses  palpes  assez  allongés , à dernier  article  distinct , la 
rapprochent  de  la  Catl.  liera.  Sa  tête  est  d’un  blanc  grisâtre  avec  le 
vertex  jaune  marqué  d’un  point  noir.  Les  antennes  sont  allongées, 
sétiformes , brunes  et  garnies  de  deux  rangs  de  cils  pâles  et  peu  visi- 
bles. Les  palpes  sont  relevés  et  débordent  notablement  le  devant  de  la 
tête,  avec  le  dernier  article  plus  mince,  à écailles  couchées,  et  comme 
nu;  les  trois  articles  apparents  sont  presque  égaux,  blanchâtres,  à 
bout  noir.  Les  ailes  supérieures  sont  d’un  gris-cendré  pâle;  elles  ont 
à la  base  deux  ou  trois  bandes  onduleuses  brunes  plus  foncées  à la 
côte , où  leur  extrémité  forme  trois  taches  bien  marquées  : il  y a en- 
suite un  espace  gris-pâle  occupant  le  tiers  de  la  longueur  de  l’aile , 
marqué  au  milieu , du  côté  de  la  côte , d’un  assez  gros  point  noir. 
Vient  ensuite  une  bande  très-anguleuse  et  brune,  précédée  en  dedans 
d’une  petite  tache  noire  en  croissant,  qui  se  trouve  vis-à-vis  l’angle  le 
plus  sortant  de  la  bande  brune,  le  ferme  en  dedans  et  forme  ainsi  une 
petite  tache  ovalaire  grise.  Le  bord  externe  de  l’aile  est  brun,  et  l’on  voit 
une  bande  de  la  même  couleur  entre  ce  bord  et  la  bande  précédente. 
Les  ailes  inférieures  sont  d’un  jaune  d’ocre  uniforme  avec  une  petite 
tache  brune  au  sommet;  Le  corselet  est  jaune  avec  deux  taches  noires 
sur  le  prothorax  et  quelques  autres  en  arrière.  L’abdomen  est  d’un 
jaune  d’ocre  assez  vif  en  dessus  avec  une  ligne  médiane  de  points 
noirs;  le  dessous  est  d’un  jaune  plus  pâle  marqué  de  taches  noires  de 
chaque  côté.  Les  pattes  sont  brun  taché  de  jaune-pâle.  Le  dessous 
des  ailes  supérieures  est  d’un  brun  cendré  avec  deux  gros  points  noirs 
placés  dans  le  sens  de  la  longueur  ; les  inférieures  sont  jaunes  avec 
un  gros  point  noir  au  milieu  et  assez  près  de  la  côte. 


92 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Habite  les  monts  Neelgheries.  Prise  en  juillet. 

Nous  l’avons  dédiée  à M.  Marchai,  qui  nous  a communiqué  géné- 
reusement les  espèces  de  sa  collection. 


ARCTIE  MONTAGNARDE. 

Arctia  montana.  Guérin. 

(PI.  26,  fig.  3.) 

Alis  anticis  obscur o - f usais  et  nigro  - subundatis . Posticis  livido-flaves- 
centibus,  maculis  quatuor  nigris.  Antennis  pectinatis.  Capite  thoraceque 
obscur o-fuscis.  Abdomine  supra  rubro,  in  medio  fusco  lineato.  Alis  an- 
ticissubtus  pallido-rubris,  margine  obscurioribus  maculis duabus  nigris. 
Posticis  ut  supra.  Abdomine  subtus  fusco , punctis  lateralibus  nigris. 
Pedibus  fuscis,  femoribus  supra  rubris.  — Enverg.,  41  mill. 

Cette  espèce  a une  physionomie  tout  à fait  européenne , et  se  rap- 
proche beaucoup  de  l 'Arctia  fuliginosa.  Ses  antennes  sont  forte- 
ment bipectinées,  brunes.  La  tête  et  le  corselet  sont  d’un  brun  noirâ- 
tre ; celui-ci  est  très-velu,  plus  obscur.  Les  ailes  supérieures  sont  d’un 
brun  noirâtre,  un  peu  teinté  de  jaunâtre  vers  l’extrémité,  avec  quel- 
ques taches  ondées,  très-peu  visibles  et  d’un  brun  plus  obscur.  Les 
inférieures  sont  d’un  jaunâtre-sale  livide , à frange  brune  avec  une 
tache  noire  au  milieu , vers  la  côte , et  trois  autres  taches  semblables 
placées  près  du  bord  externe , l’une , plus  petite , près  du  sommet , et 
les  deux  autres  rapprochées  entre  elles  et  du  côté  de  l’angle  anal.  Le 
dessus  de  l’abdomen  est  d’un  beau  rouge  avec  une  large  bande  lon- 
gitudinale brune  au  milieu.  Le  dessous  des  ailes  supérieures  est  rou- 
geâtre avec  les  bords  obscurs  et  deux  taches  noires , l’une  au  milieu 
et  près  de  la  côte , l’autre  près  de  l’extrémité.  Le  dessous  des  infé- 
rieures est  entièrement  semblable  au  dessus.  Le  dessous  du  corps  est 
d’un  brun  grisâtre,  et  l’on  voit  un  rang  de  points  noirs  de  chaque  côté 
de  l’abdomen.  Les  pattes  sont  velues , brunes , avec  le  dessus  des 
cuisses  rouge. 

Habite  les  monts  Neelgheries.  Trouvée  en  juillet. 


DANS  L’INDE. 


93 


ARCTIE  INDIENNE. 

Arctia  indica.  Guérin. 

Alis  omnibus,  capite  thoraceque  albo-subflavescentibus.  Alis  anticis 
punctis  minutissirnis  nigris , posticis  maculis  duabus , costali  et  anali , 
nigris.  Anticis  subtus  macula  media  fasciaque  subapicali , posticis 
maculis  tribus,  fuscis.  Abdomine  supra  flavo,  subtus  albo,  punctis  late- 
ralibus  nigris.  Pedibus  albo-fuscis,  femoribus  supra  rufis.  — Enverg., 
43  mill. 

Cette  Arctia , qui  est  une  femelle  à antennes  filiformes , ressemble 
encore  beaucoup  à nos  espèces  d’Europe.  Ses  quatre  ailes,  sa  tête,  son 
corselet  et  le  dessous  de  l’abdomen  sont  d’un  blanc  faiblement  jau- 
nâtre et  uniforme.  Le  dessous  des  ailes  supérieures  présente  quelques 
petits  points  noirs  peu  visibles,  et  laisse  voir  par  transparence  la  trace 
de  la  bande  noirâtre  du  dessous.  Les  petits  points  noirs  sont  ainsi  pla- 
cés : deux  à la  base,  l’un  à la  côte,  l’autre  au  bord  inférieur;  deux 
autres  au  milieu  du  bord  inférieur,  trois  au  milieu,  au  commencement 
de  la  trace  de  la  bande  du  dessous  ; un  près  de  la  côte , au  milieu , et 
quatre  ou  cinq  très-petits  près  du  bord  externe.  Les  ailes  inférieures 
ont  deux  taches  d’un  noir  brun,  l’une  un  peu  arquée,  près  de  la  côte, 
au  milieu  ; l’autre,  peu  limitée,  près  de  l’angle  anal.  Le  dessus  de 
l’abdomen  est  d’un  jaune  d’ocre  un  peu  orangé  avec  de  faibles  taches 
noirâtres  au  milieu.  Le  dessous  des  ailes  supérieures  présente  au  mi- 
lieu, près  de  la  côte,  une  tache  noirâtre  arquée,  et  entre  le  milieu 
et  le  bord  externe  une  bande  noirâtre  maculaire , parallèle  à ce  bord , 
n’atteignant  ni  la  côte,  ni  le  bord  inférieur,  et  suivie  en  haut  par  une 
tache  située  près  de  la  côte.  Les  inférieures  ont  les  deux  taches  que 
nous  avons  signalées  au  dessus,  plus  une  troisième  placée  près  de  la 
tache  anale  au-dessus  et  en  dehors  de  celle-ci.  Les  côtés  de  l’abdomen 
présentent  un  double  rang  de  points  noirs.  Les  pattes  sont  brunes , à 
poils  blancs,  avec  le  dessus  des  cuisses  rouge.  Les  antennes,  les  yeux 
et  l’extrémité  des  palpes  sont  noirs. 

Habite  les  monts  Neelgheries.  Prise  en  juin. 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


94 


BOMBYX  FLAVICOLLE. 

Bombyx  flavicollis.  Guérin. 

(PI.  27,  fig.  I.) 

Alis  anticis  fusco-sub-ferrugineis , striga  transversali  lutea  fusco-margi- 
nata , basi  strigis  undatis  obsoletis  maculisque  submarginalibus  brun- 
neis  et  cinereis  prope  apicem.  Alis  posticis  pallido-luteis,  striga  transver- 
sali obsoleta  maculis  duabus  fuscis.  Capite  thoraceque  fusco-ferrugineis, 
collari  flavo.  Abdomine  pedibusque  flavis.  [Mas.)  — Enverg.,  52  mill. 

Tête  et  corselet  très-velus , d’un  brun  ferrugineux  avec  quelques 
poils  gris  en  avant  et  une  large  bande  de  poils  jaunes  au  bord  anté- 
rieur du  corselet.  Antennes  largement  plumeuses,  d’un  brun  ferrugi- 
neux. Ailes  supérieures  de  la  couleur  du  corselet  avec  deux  lignes 
ondulées  brunes  et  jaunâtres  à la  base , une  autre  ligne  un  peu  dentée 
au  delà  du  milieu,  jaunâtre,  bordée  de  brun  des  deux  côtés  ; puis  une 
série  de  grosses  taches  brunes , plus  marquées  au  sommet  et  près  du 
milieu , suivie  d’une  faible  ligne  de  lunules  peu  marquées  de  la  même 
couleur.  Il  y a,  en  outre,  près  du  sommet,  trois  taches  d’un  gris 
cendré.  Ailes  inférieures  d’un  jaune  pâle,  presque  blanches  au  mi- 
lieu , avec  une  ligne  brune  transverse,  continuant  celle  des  ailes 
supérieures  un  peu  au  delà  du  milieu , et  deux  taches  peu  marquées 
et  brunes  entre  cette  ligne  et  la  frange  ; vers  le  milieu,  franges  des 
quatre  ailes  d’un  brun  pâle.  Abdomen  jaune-brunâtre.  Pattes  très-ve- 
lues, jaunes  avec  le  devant  des  antérieures  brun-ferrugineux.  Dessous 
des  quatre  ailes  d’un  jaune  pâle  avec  la  côte,  le  sommet  des  supé- 
rieures et  de  faibles  traces  des  lignes  et  taches  du  dessous  d’un  brun 
plus  pâle. 

Habite  les  Neelgheries. 


ru  37. 


('■  ZW/rc  t/c/. 


Gérard  co/or. 


DANS  L’INDE. 


95 


BOMBVX  A COLLIER. 

Bombyx  collaris.  Guérin. 

(Pi.  27,  fig.  a.) 

A lis  anticis  fusco  griseoque  variegatis,  dilute  flavescentibus  ; striga  trans- 
versali  ferruginea,  fusco  marginata , basi  strigis  obsoletissimis  lunulis- 
que  submarginalibus , linea  dentata  formantibus , fuscis.  Alis  posticis 
flavo-fuscis,  margine  interiori  subferrugineis,  striga  transversali  fusca. 
Capite  thoraceque  ferrugineo- fuscis,  collari  pallido-flavo.  Abdomine 
flavo-sub fusco.  Pedibus  fusco- ferrugineis.  [Mas.)  — Enverg.,  6 cent- 

Tête  et  corselet  très-velus,  d’un  brun  ferrugineux  assez  vif  avec 
une  bande  en  avant  du  prothorax  d’un  blanc  jaunâtre.  Antennes  de  la 
couleur  de  la  tête , très-plumeuses.  Ailes  supérieures  d’un  brun-fer- 
rugineux mêlé  de  gris-cendré  légèrement  lavé  de  jaune  au  milieu 
et  au  bord  externe  avec  de  très-faibles  lignes  onduleuses  transverses 
à la  base;  une  ligne  droite  d’un  jaune -ferrugineux  bordé  de  brun 
des  deux  côtés , au  delà  du  milieu , et  une  ligne  dentelée , brune , for- 
mée par  des  lunules  réunies  et  placée  entre  la  première  ligne  et  le 
bord , cette  ligne  dentée  précédée  d’atomes  gris-cendré  plus  visibles 
et  suivie  d’un  large  bord  jaunâtre.  Ailes  inférieures  d’un  jaune  brunâ- 
tre , plus  pâle  vers  la  côte , un  peu  ferrugineux  à la  base  et  au  bord 
interne,  avec  une  bande  brune  suivie  de  jaunâtre  plus  pâle  et  se  con- 
tinuant avec  celle  des  ailes  supérieures.  Frange  des  quatre  ailes  brune  ; 
abdomen  jaune -sale  brunâtre;  pattes  d’un  brun -ferrugineux  avec 
quelques  poils  jaunes  au  devant  des  cuisses  antérieures  ; dessous  des 
quatre  ailes  d’un  jaune-sale  brunâtre,  plus  pâle  au  milieu,  avec  de 
faibles  traces  des  lignes  du  dessus. 

Habite  les  Neelgheries. 

Cette  espèce  est  très-voisine  de  la  précédente  ; nous  l’en  croyons 
cependant  très-distincte. 


96 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


BOMBYX  ü’âDOLPHE. 

Bombyx  Adolphei.  Guérin. 

(PL  27,  flg.  3.) 

Corpore  alisque  fusco-f errugineis , costa  apiceque  anticis  obscur ioribus , 
posticis  pallidioribus.  ( Fem .) — Enverg.,  6 4/2  cent. 

Ce  Bombyx  pourrait  bien  n’être  que  la  femelle  de  l’une  des  espè- 
ces précédentes  ; mais  comme  aucune  observation  directe  ne  nous  le 
prouve , nous  sommes  obligé  de  le  décrire  séparément  en  attendant 
qu’il  soit  mieux  étudié. 

Ses  quatre  ailes  sont  d’un  brun-ferrugineux  assez  pâle , peu  opa- 
que ; mais  les  supérieures  sont  un  peu  plus  foncées , surtout  vers  la 
côte  et  le  sommet.  Celles-ci  ont  quelques  faibles  traces  de  lignes  trans- 
versales brunâtres  et  plus  pâles  ; mais  elles  sont  à peine  visibles , et 
nous  les  avons  un  peu  exagérées  dans  le  dessin.  Le  dessous  des  qua- 
tre ailes  est  d’un  brun-ferrugineux -jaunâtre  pâle  avec  la  frange  plus 
obscure  de  part  et  d’autre , l’abdomen  est  de  la  couleur  des  ailes  infé- 
rieures avec  les  côtés  un  peu  plus  obscurs  ; les  pattes  sont  de  la  cou- 
leur de  l’abdomen.  — Enverg. , 6 cent.  1/2.  • — Hab.  les  Neelgheries. 


ZÉRÈNE  FASCIÉE. 

Zerena  fasciaria.  Guérin. 

(PL  26,  fig.  5.) 

A lis  utrinque  albo-sericeis  ; anticis  maculis  costalibus,  fascia  apicali 
margine  exteriori  punctisque  fuscis.  Posticis  punctis  et  fascia  transver- 
sali  fuscis.  Subtus  ut  supra,  sed  costa  anteriori  flavida.  Corpore  flavo- 
fusco-maculato.  — Enverg.,  53  mill. 

Les  antennes  sont  filiformes  et  noirâtres.  Le  devant  de  la  tête  et  les 
yeux  sont  noirs  avec  le  vertex  jaune.  Le  corselet  et  l’abdomen  sont 
jaune  ponctué  de  noirâtre  avec  les  segments  abdominaux  bordés 
de  cette  couleur  en  dessus.  Les  ailes  sont  d’un  beau  blanc-soyeux  et 
un  peu  transparentes.  Les  supérieures  ont  la  côte  plus  opaque , mar- 
quée de  quatre  grandes  taches  et  de  quelques  points  d’un  gris  noirâ- 
tre. Il  y a une  large  bande  oblique  de  la  même  couleur  près  de  l’ex- 
trémité, précédée  et  suivie  de  points  noirs.  Le  bord  externe  est 


DANS  L’INDE. 


97 


également  noirâtre  et  ponctué , et  l’on  voit  quelques  petits  points  près 
du  bord  interne  ou  inférieur.  Les  ailes  inférieures  ont  une  bande 
transversale  irrégulière  de  taches  et  de  points  noirâtres  partant  du 
bord  interne  au-dessous  de  l’angle  anal , et  se  dirigeant  vers  l’angle 
apical.  On  voit  près  du  bord  interne,  et  au  milieu  du  bord  postérieur, 
d’autres  taches  et  points  de  la  même  couleur.  Le  dessous  est  en  tout 
semblable  au  dessus;  mais  les  taches  sont  un  peu  plus  fortes,  et  le 
bord  antérieur  des  ailes  supérieures  est  légèrement  lavé  de  jaunâtre. 
Les  pattes  sont  brunes,  et  le  dessous  de  l’abdomen  jaune  largement 
taché  de  noirâtre. 

Habite  les  monts  Neelgheries.  Trouvée  en  mai. 


EUBOLIE  INDIENNE. 

Eubolia  indicaria.  Guérin. 

(PL  2.6,  fig.  4.) 

A l is  anlicis  flavis , albo  nigroque  fasciatis;  posticis  griseis,  margine  luteo, 
punctis  nigro,  fasciis  punctisque  obsoleto-fuscis.  Corpore  lutescente, 
Antennis  fusco-pectinatis . — Enverg.,  13  miîl. 

Cette  jolie  petite  espèce  a quelques  rapports  avec  YEubolia  mia- 
ria  de  notre  pays.  Les  antennes  sont  presque  aussi  longues  que  le 
corps , fortement  bipectinées  ou  presque  plumeuses , brunes.  Les  pal- 
pes sont  jaunâtres , très -saillants  au  delà  du  chaperon  et  très-velus. 
Tout  le  corps  est  d’un  jaune  un  peu  obscur , un  peu  plus  pâle  en  des- 
sous. Les  ailes  supérieures  sont  d’un  beau  jaune-doré  un  peu  soyeux  ; 
elles  ont  chacune  deux  larges  bandes  obliques , dentées  sur  les  bords  , 
d’un  jaune  plus  brun  limité  par  des  taches  noires  formant  les  dents 
et  bordées  d’un  fin  liséré  blanc  de  chaque  côté.  Entre  la  seconde  bande 
et  le  bord  externe  il  y a une  ligne  de  taches  noir  bordé  de  blanc 
en  dedans  et  la  frange  est  jaune  coupé  de  petites  taches  noires.  Les 
ailes  inférieures  sont  d’un  gris  pâle  et  luisant  avec  la  frange  jaune 
coupé  par  des  points  noirs.  Elles  sont  couvertes  de  petits  atomes 
bruns  et  offrent  deux  faibles  bandes  peu  marquées  et  de  cette  couleur. 
Le  dessous  des  supérieures  est  semblable  au  dessus  avec  le  milieu  lavé 
de  grisâtre  et  les  bandes  plus  brunes.  Le  dessous  des  inférieures  est 
jaunâtre  couvert,  surtout  vers  l’extrémité , d’un  grand  nombre  de  pe- 
2“  part.  Î3 


98 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE  DANS  L’INDE. 


tites  stries  noirâtres  avec  une  bande  plus  marquée  formée  par  ces  stries 
plus  rapprochées,  et  précédée  d’un  petit  point  noirâtre.  Les  pattes  sont 
jaune  piqueté  de  brun. 

Habite  les  monts  Neelgheries.  Prise  en  mai. 


OBSERVATIONS 


MÉTÉOROLOGIQUES. 


ORSERVATIONS  MÉTÉOROLOGIQUES 


SUIS  LES  NEE  LG  H Elu  ES  (1838). 


Les  Neelgheries  forment  une  portion  de  la  chaîne  de  montagnes  qui 
s’étend  le  long  de  la  presqu’île  des  Indes,  du  côté  du  golfe  d’Arabie  ; 
elles  constituent  un  plateau  compris  entre  les  11'  et  12e  degrés  de  la- 
titude nord  et  les  76e  et  77e  degrés  de  longitude  orientale  (méridien 
de  Greenwich),  c’est-à-dire  73°,  AO'  et  7A°  AO'  est  du  méridien  de 
Paris. 

Les  deux  principaux  points  occupés  par  les  Anglais  dans  cette  par- 
tie de  l’Indoustan  sont  Ootacamund  et  Kotagherry,  distants  l’un  de 
l’autre  de  onze  milles. 

Ootacamund  est  élevé  de  2255  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer;  Kotagherry  l’est  seulement  de  1983m,  5,  c’est-à-dire  271m,  5 
au-dessous  de  la  première  ville.  Le  lieu  le  plus  élevé  des  Neelgheries 
est  Dodabet,  dont  la  hauteur  égale  8760  pieds  anglais  ou  2670  mètres. 

Pendant  un  séjour  de  six  mois  à Kotagherry,  j’ai  recherché  avec 
soin  la  température  moyenne  de  ce  lieu  ; et  je  suis  arrivé  aux  résultats 
suivants  : les  températures  étant  indiquées  en  degrés  centigrades , 
ainsi  que  dans  tout  ce  qui  va  suivre. 


TEMPÉRATURES  OBSERVÉES  A KOTAGHERRY. 


7fc.  a.m.  iOh-a.m.  2h.  p ni.  5h.  p.n>. 


Avril.  ...  14°,  6 15°,  7 18°,  3 '17°,  » 

Mai.  ...  13,5;  15,5  18  , 5 16,5 

Juin.  ...  13  , » 15,7  16,5  15  , « 

Juillet.  . . 13,2  14,8  16,6  15,4 

Août.  ...  12  , 8 15  , » 16,5  15,5 

Septembre.  13,4  15,5  17  , » 15,5 


17°,  » 
16  , 5 
15,  « 


Moyennes.  13°,  4 15°,  2 17°,  2 15,8 


Moyenne  de  six  mois  ; 15°,  4. 


102 


SOUVENIRS  D’UN  VOYAGE 


Dans  l’ouvrage  qu’a  écrit  M.  Baikie  sur  les  Neelgheries,  et  imprimé 
à Calcutta,  on  trouve  que,  pendant  les  mêmes  mois,  en  1833,  la 
moyenne  a été  de  17°,  5.  Sous  l’équateur,  M.  de  Humboldt  a trouvé 
qu’à  2000  mètres  de  hauteur  la  moyenne  était  de  18°  4. 

A Ootacamund,  je  n’ai  pu  faire  d’observations  que  pendant  le 
mois  d’octobre  1838;  et  j’ai  obtenu  les  nombres  suivants  : 

11",  a.  ni.  10h.  a.  ni.  2I>.  |>.  m.'  5h.p.m. 

Octobre  1838:  | 13°,»  | 15°,  5 | 16°,  8 | 1o°,  5 

Moyenne  du  mois  : 15u,  1 . 

Pendant  les  mois  d’avril,  mai,  juin,  juillet,  août  et  septembre,  la 
moyenne  des  trois  années  1831, 1832  et  1833  est,  d’après  M.  Baikie, 
à Ootacamund,  de  15°,  3;  tandis  qu’à  Kotagherry,  dans  les  mêmes 
mois,  elle  serait  de  17°,  5,  d’après  les  observations  ci-dessus.  La 
moyenne  de  toute  l’année  à Ootacamund  est  de  1 4°  A;  à Kotag- 
herry elle  est  de  16,  1.  La  différence  de  température  moyenne  pour 
toute  l’année  est  donc  de  1°,  7;  différence  qu’il  faut  attribuer  à la  dif- 
férence des  hauteurs  de  ces  deux  lieux.  Or  Kotagherry  est  au-dessous 
d’Ootacamund  de  271  mètres  , ce  qui  fait  une  élévation  de  159  mè- 
tres pour  un  abaissement  de  1°. 

A Pondichéri , dont  la  latitude  est  sensiblement  la  même  qu’à  Oot- 
acamund et  Kotagherry,  mais  qui  est  au  niveau  de  la  mer,  la  moyenne 
est  de  29°,  6;  cette  température  étant  de  14°,  3 au-dessous  de  celle 
d’Ootacamund,  (pii  est  élevée  de  2255  mètres , il  en  résulterait  un 
abaissement  de  1°  pour  une  élévation  de  157  mètres.  On  sait  que 
dans  son  voyage  aérostatique  M.  Gay-Lussac  a trouvé  174  mètres 
d’élévation  pour  1°  d’abaissement.  Dans  les  Alpes  on  trouve  140  à 
150  mètres  d’élévation  pour  chaque  degré  dont  le  thermomètre  s’a- 
baisse. 

J’ai  déjà  dit  ci-dessus  qu’à  Ootacamund,  pendant  avril,  mai , juin, 
juillet,  août  et  septembre,  la  moyenne  est  de  15°  3.  D’après  M.  Bai- 
kie , pendant  les  six  autres  mois  la  moyenne  est  de  1 3°,  3.  En  avril 
et  mai , qui  sont  les  mois  les  plus  chauds  de  l’année , la  température 
varie  de  15°,  5 à 19°;  et  en  décembre,  janvier  et  février,  saison  la 
moins  chaude,  le  thermomètre  se  maintient  entre  11°  et  13,  5 : d’où 
l’on  voit  que  sur  le  beau  plateau  des  Neelgheries  la  plus  grande  va- 
riation de  température  n’excède  pas  8°.  Aussi  ce  lieu  est-il  un  des  plus 


DANS  L’INDE. 


103 


sains  et  des  plus  délicieux  que  l’Européen  puisse  habiter , surtout  dans 
le  voisinage  des  pays  brûlants  situés  au  pied  de  ces  montagnes.  Tous 
les  fruits  et  toutes  les  productions  de  l’Europe  contribuent  encore  à 
embellir  ce  séjour  aux  yeux  des  voyageurs  qui  viennent  aux  Indes. 


... 


ii 

I 


TABLE  DES  MATIÈRES 


PREMIÈRE  PARTIE. 

Pages 


De  Paris  à File  de  France  et  à l’Sle  Bourbon I 

De  l’ile  Bourbon  à Pondichéri 24 

De  Pondichéri  à Pulo-Pinang,  Malacca,  Singapoore,  Batavia 52 

De  Batavia  à Pondichéri.  Voyage  à Madras.  Excursion  à Pamendy  et  à Gyngy.  83 

De  Pondichéri  à l'ile  Bourbon 95 

De  Bourbon  à Calcutta 100 

Voyage  aux  Neelgheries 106 

Voyage  à, la  côte  du  Malabar,  et  retour  en  France  par  l’Égypte 132 


SECONDE  PARTIE. 


Introduction, 


ANIMAUX  VERTÉBRÉS. 

MAMMIFÈRES. 

Bibos  frontalis 

Canis  primævus 

Sciurus  Delessertii 

— Rafflesii 

— aureiventer.  . . 


OISEAUX. 

Chloropsis  curvirostris 

Muscicapa  strigula 

Cypselus  nudipes 

Francolinus  Hardwickii.  . . . 

Turdus  nigropileus 

Pimalia  subrufa 

Crateropus  Lafresnayi 

— griseiceps 

Muscicapa  rufula 

Pica  bottanensis 

Orthotomus  flaviventris.  . . . 
2e  PART. 


Pages. 

1 

M 

1 

16 

2 

18 

3 et  4 

20 

5 

20 

6 

23 

7 

24 

8 

25 

9 

26 

10 

27 

28 

28 

29 

29 

30 

30 

1 U 


106 


TABLf!  DES  MATIÈRES. 


ANIMAUX  ARTICULÉS. 

COLÉOPTÈRES. 

Cicindela  auro-fasciata 

Helluo  tripustulatus 

Orthogonius  lateralis 

Chlænius  bilunatus 

— Lafertei 

Orectocheilus  semivestitus 

Campsosternus  Latreiilii 

— Delessertii 

Parastasia  obscura 

Barymorpha  ( genre) 

— bimaculata 

Popilia  splendida 

Goliathus  Delessertii 

Centrognatus  subrugosus 

Gnathocera  olivacea 

Macronata  picta 

Cetonia  malayana 

— Goryi 

— rufo-vittata 

Lucanus  bicolor 

Passalus  Neelgheriensis 

Mecocerus  gibbosus 

Episomus  montanus 

Barydius  Neelgheriensis 

Myllocerus  Fabricii 

— subfasciatus 

Dorystenes  montanus 

Euchroa  ( genre) . 

— dimidiata 

Pelargoderus  tessellatus 

Saperda  quadrinotata 

— multiguttata 

Centrura  (genre) 

— costata 

Crioceris  cruciatus 

Chlamys  indica 

Chrysomela  rajah 

Coccinella  Delessertii 


ORTHOPTÈRES. 


Chæradodis  truncata. 


HÉMIPTÈRES. 

Fulgora  Delessertii 

— subocellata 

LÉPIDOPTÈRES. 

Papilio  Delessertii 

— Neptunus 

— Saturnus 

— Brama 

Danais  Chloe 


Pages. 

PI. 

Fiff. 

33 

34 

» 

» 

35 

». 

» 

36 

» 

» 

36 

» 

» 

37 

» 

» 

37 

» 

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38 

)» 

39 

11 

1 

40 

» 

» 

41 

11 

2 

42 

12 

1 

42 

12 

2 

44 

11 

3 

45 

» 

„ 

45 

» 

» 

46 

» 

» 

46 

» 

47 

» 

» 

48 

12 

3 

49 

» 

» 

51 

» 

52 

» 

» 

52 

» 

» 

53 

» 

» 

54 

,) 

» 

54 

13 

» 

56 

57 

14 

1 

58 

14 

2 

59 

» 

» 

60 

» 

» 

61 

» 

» 

62 

» 

» 

63 

» 

» 

63 

» 

» 

64 

» 

» 

64 

» 

» 

65 

» 

» 

65 

15 

» 

66 

» 

» 

66 

16 

2 

66 

16 

1 

68 

» 

» 

68 

17 

69 

18 

» 

70 

19 

» 

71 

». 

» 

71 

1 ». 

» 

TABLE  DES  MATIÈRES.  \ 


Arginnis  Emalea.  . . . 
Vanessia  Eudoxia.  . . 
Satyrus  Neelgheriensis. 
— Adolphei.  . . 

— Chenu.  . . . 

Polyommatus  Nyscus.  . 
Hesperia  Benjaminii. 

Sphinx  vibili 

Macroglossum  hylas.  . . 
Gynautocera  marginata. 

— macularia. 

— phalænaria. 

— distinota.  . 

— admis . . . 
Hazis  Malayanus.  . . 
Euchelia  gratiosa.  . . 
Callimorpha  Marchalii.  . 
Arctia  montana.  . . . 

— indica 

Bombyx  flavicollis.  . . 

— collaris.  . . . 
— Adolphei.  . . . 

Zerena  fasciaria.  . . . 
Eubolia  indacaria.  . . . 


l'aees. 

iu: 

72 

» 

73 

20 

74 

21 

76 

» 

77 

21 

78 

22 

79 

22 

80 

23 

81 

» 

83 

25 

83 

25 

84 

24 

83 

24 

86 

24 

89 

23 

90 

26 

91 

26 

92 

26 

93 

» 

94 

27 

95 

27 

96 

27 

96 

27 

97 

27 

101 

» 

OBSERVATIONS  MÉTÉOROLOGIQUES. 


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