i»r2
X^
Digitized by the Internet Archive
in 2010 witli funding from
Uni vers ity of Ottawa
littp://www.arcliive.org/details/testamentdesavieOOfail
;5s^?'
^^
mmmm^ismmm^^.^^^^s^mi:^
De 5a
PmKT
ratr
Testament
Ds sa Vie prefr^îèVe
CEUVRES DE JEUNESSE
I
Testament
D$ sa vie prernîère
RECUEILLI ET EXPURGE
Par FAGUS Cp^eoT.
05:
a^
.^>^
PARIS
LIBRAIRIE LEON VANIER. ÉDITEUR
19, QUAI SAINT-MICHEL, I9
gf^'mtm^'
sous
L'INVOCATION
DE SON GRAND FRÈRE
Arthur RIMBAUD
EXPLORATEUR FRANÇAIS
récemment massacré
L'auteur de cet intéressant florilège est mort ;
c'était un bon garçon, très adolescent d'âge et plus
adolescent de caractère, comme vous verrez ; des
liaisons funestes l'amenèrent à se consacrer aux
besognes d"art, et une logique trop juvénilement
rigoureuse l'obligea de conformer sa vie à l'Esthé-
tique ; de sorte qu'il sombra dans le pire Anarchisme,
comme vous verrez aussi (Barrés n'avait pas décou-
vert encore l'antinomie de la pensée avec l'action).
Com'promis, il obtint cependant son pardon en
échange de son repentir et de la dénonciation de
quelques camarades, et sous la stipulation de ne se
plus commettre avec la littérature, inconciliable, en
effet, avec une conversion sincère à une société égali-
taire et démocratique, assise sur le suffrage universel.
Il se fit, en conséquence, incorporer dans un journal
patriote, et, aussitôt la condamnation d'Emile Zola,
sans forfanterie comme sans faiblesse, il est allé
chaque matin dans sa boîte aux lettres insérer une
lettre d'injures anonymes, nous proposant ainsi le
consolant exemple :
d' « Un poète mort jeune à qui l'homme survit ».
Juin I098.
Sonnet : c'est un sonnet ; il vaut un long poème.
Car il est sans défaut ; mais de plus, observez,
Comme il jongle avec les commandements gravés
Es évacuations du bétail monotrème*
Des Sarceys de jadis! et l'aisance suprême
Du verbe évoluant entre tant de pavés
Stercoraires lâchés par ces mal élevés :
N'est-ce pas un sonnet tel que Boileau les aime?
Et tant de soins, lecteur, sont pour vous : oui, méchant !
Les règles, je les chéris tant qu'en les touchant
J'ai peur que tombent en poudre ces bonnes vieilles;
Donc mon intention est de n'en user pas,
Mais tu formulerais, juge aux longues oreilles,
Que c'est par impuissance ; et je prévois ce cas.
* Monotrème. — Préf. : mono, un seul: grec : trcma, trou. —
Zool. : animaux n'ayant qu'un seul orifice pour l'émission de la
semence et l'évacuation de l'urine et des excréments.
DEVOIRS D'ÉCOLIER
TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
PRIÈRE FERVENTE AVANT D'ENTRER
Grand Dieu 1 Mon Dieu 1 sublime Maître I
Si tu daignes la grâce d'être
Tel que t'ont fait — ou le paraître —
Le Fou, le Poète, le Prêtre,
Si tu t'occupe" un peu de nous,
Millions de milliards de poux
Fourmillant, les glorieux fous,
Sur les milliards de grains de boue,
Si tu suis chacune vermine
A la fois — et je m'imagine
Cette omniprésence divine
Si simple, quand on examine ! —
Dieu un sous l'intini des Dieux !
Dieu toujours futur, et plus vieux
Que l'Eternité ! en tous lieux
Manifeste, invisible aux yeux !
Mon imperceptible existence
Égale pour Ta Providence
Tout l'Univers en importance
Ni moins ni plus — et le balance :
TESTAMENT DE SA VIE PREMIERE
Grand Dieu, sois favorable et bon
Envers ton enfant vagabond ;
Aie pitié de son abandon
Et dispense-lui ce seul don :
Non les richesses de la Terre :
Pour mon grand cœur c'est la misère,
Bonheur ni science : j'en sais faire,
Mais, Je pouvoir d'être sincère!
— Mais mon destin est arrêté
Depuis toute TÉternité ;
Toi ni moi n'en pouvons ôter
Rien, comme lui rien ajouter :
Si même, hypothèse impossible.
Absurde, un angle imperceptible
M'allait écarter de la cible
Où m'implante Notre inflexible
Fatalité, l'unique Loi,
Moi, tout l'Univers avec moi
S'effondreraient, et même Toi ;
Grand Dieu, finirions à la fois!
DEVOIRS D ECOLIER
Le Printemps m'a percé le cœur
Et je me meurs avec bonheur
De la frissonnante blessure :
Le Printemps m'a percé le cœur
Et j'en expire de bonheur I
Je deviens femme, je sens bien,
Je rentre au grand Tout féminin.
Nature, l'infinie femelle...
Je deviens femme, je sens bien,
J'ai faim de viols gonfler mon sein...
C'est trop de fleurs, c'est trop de fleurs!
Trop d'exténuantes odeurs...
Ah fadeurs!... je m'y sens dissoudre...
C'est trop de fleurs ! c'est trop de fleurs !
Je sens s'y dissoudre mon cœuri
Mon cœur s'est envolé de moi,
Dispersé dans lair et les bois...
Mon sang coule avec l'eau des sources...
Mon cœur s'est envolé de moi,
Je ne suis plus rien qu'une voix,
Je ne suis plus rien qu'un parfum,
L'un des mille parfums si fins
Haleine immense de la terre...
6 TESTAMENT DE SA VIE PREMIERE
Je ne suis plus rien qu'un parfum,
Qui vibre, insaisissable... et rien !...
Je suis bulle d'air voguant dans l'eau de la source,
Bulle de buée d'eau qui balance en la brume
Violette autour du soleil sanglant des soirs
Sous le ciel vert et bleu, lavé de vapeur d'or ;
Je suis encor bondissante odeur en délire.
Dont les brises du crépuscule se parfument ;
Ou l'aérien arc-en-ciel versicolore.
Voltigeante auréole aux fins jets d'eau sonores,
Friable diamant d'eau dans la neige, ou l'écume
Sur la vague dansante et qu'allume la Lune...
DEVOIRS d'écolier
HYMNE NUPTIAL
La Lune a jailli des bois ; et, comme si elle
eût charrié tout le sang, toutes les larmes et
toutes les fanges de la terre,
rouge, boursouflée, distendue, immense, elle a
lourdement monté, obscurcissant Thorizon bleu
d'un reflet d'incendie ;
mais à mesure qu'elle s'élevait, se désagrégea
le saignant manteau de misères, et son disque,
se resserrant, blanchissait, blanchissait, et versait
à mesure de plus éclatantes clartés ;
et quand elle occupa son Zénith, ce fut l'insoutenable
étincellement d'une merveilleuse étoile, qui
lavaitl'Universsousunresplendissant déluge de pureté,
et l'auguste silence fourmillant de vie, et la
prodigieuse majesté dans l'immobilité frémissante !
Ainsi, ma Bien-Aimée, mon humanité brutale
put ternir l'illuminant reflet en moi de ton image ;
mais te voilà : ton rayonnement eff"ondre, efface
les fumées, et, purifiée à jamais, s'exalte ma
tendresse en adoration vers Toi '
TESTAMENT DE SA VIE PREMIERE
OBERON
(Et page Pûck de l'antenne
Verte d'une sauterelle
Les a griffonnés sur l'aile
En velours d'un gros phalène.)
Je mis prisonnier l'Arc-en-Ciel
Dans le filet d'une araignée,
Où dansaient les rais du soleil
Sur des globules de rosée:
Pour que la prison lui fût douce,
J'ai dit aux clochettes du thym
D'émouvoir leur cage de mousses
D'un frais carillon de parfums;
Le jeune Arc-en-Ciel s'est dressé,
Frissonnant d'aise au soleil clair,
En riant il a secoué
Sa jupe de fragiles braises...
Il l'agite au rythme changeant
Dont la brise berce la toile,
Étoile des cheveux argent
Et nacre d'une fée Urgelle,
DEVOIRS d'écolier
Il l'agite, et danse... oh! léger
Balancement des flammes d'or,
Or vert, rose et bleu, orangé,
Qui vous mêlez I fluide corps,
Vois-tu à travers lui vibrer
Les ailes d'eau des libellules?
Ondulent les colonnes d'air
Soulevées par la canicule.
Et prodige qui me harcèle,
Ces bruissements de couleurs
Et de lumière folle isolent
La splendeur d'une étrange fleur
Où je découvre Ton visage.
Et Ton corps, enfin dévoilé...
— Dans l'air passait un nuage,
Tout s'est envolé 1
10 TESTAMENT DE SA VIE PREMIERE
PAYSAGE LORRAIN
Tétant la pipe en porcelaine
En ce cabaret délaissé,
J'exhume longuement l'haleine
Qui s'envole d'un cher passé ;
Le soleil filtre par les vitres
Et fait des ronds blancs sur le mur ;
Il vagabonde entre les litres
Et les verres à l'éclat dur ;
Des mouches filent, caracolent,
Et font des zigzags tournoyants,
Tourbillonnent et se bousculent;
Les cloches brament lourdement;
Fillettes gentiment niaises
Trottent leur missel dans la main
Par grappes blondes vers l'église
Offrir à Dieu l'éveil fervent
De leur petit coeur en dentelles.
Qui cherche, cherche son chemin ;
L'Amour s'exhale de la terre
Comme un parfum lent et brûlant
Qui me grise et sans fin m'altère
Vertigineusement !
DEVOIRS D KCOLIER I I
VARIATION AUTRE SUR LE VIEUX
THÈME
Zut alors! le Printemps fait de l'impressionnisme !
Vieux gamin éternel et tant banalisé,
Dieu chéant en Prudhomme endémocratisé,
Grand seigneur mésallié qui te prends de lyrisme,
Tu veux donc te refaire une virginité ?
Va donc, eh raté !...
Piochant tes complémentaires,
Tu fais pleuvoir aux éventaires
Des petites marchandes de fleurs,
De si adorables horreurs
Que le bourgeois pris de coliques
Croit voir les splendeurs hérétiques
De van Gogh et de Pissarro,
Et recommande avec terreur.
En passant devant les boutiques
Des petites marchandes de fleurs.
Sa pauvre âme à Notre Seigneur,
A Notre Seigneur Bouguereaul
12 TESTAMENT DE SA VIE PREMIERE
Tu jettes par folles brassées
Les houx, feuilles de tôle et de zinc vernissées
Et peinturées au gros vert jardinier,
Où mille et mille boules de corail sanglant
Eclatent, vibrent violemment;
Sur ce chantier vert sombre aux mordorures vives,
Tu répands tendrement les idylles plaintives
Des violettes de Nice et de Meudon
Avec, pour assoupir les teintes,
Des violettes de Parme, aux pâleurs plus maladives
Et langoureusement éteintes
De jeunes princesses, " s'en allant de la poitrine ».
Et sur ce sage et triste et paisible poème
Viennent cataracter les campanules d'or —
Se bousculent, s'entrechoquent, dansent et tintent
— Oh ! les filles, oh ! les filles folles ! —
Dont volent les corps —
Et tapageusement font avec leurs corolles
De grands airs de bravoure en vieux Jaune Mineur !...
Ah ! pour assagir ces frivoles
Tu fais intervenir les lilas, grandes sœurs
Aux douceurs recueillies et quasi maternelles...
O noble et bienveillante et pudique attitude [viride !
Des lilas à peine lilas et des lilas au blanc presque
Saveur jamais fade.
Candeur jamais rude !...
Et ces touffes
De narcisses,
Neiges collerettées de paillettes de soufre
DEVOIRS D ÉCOLIER I3
De partout jaillissent
Et s'offrent !...
Vous, mimosas, tremblotantes flammes d'or grêles,
Egrenez des arpèges rares
Qui bimbulent et s'égarent
Si savoureusement frêles !...
— Et là-dessus, Printemps délicieux
Tu verses à grands flots de lumière glacée
L'or clair et somptueux
De ton frileux soleil de Février !...
Mais nous n'y croyons plus à ta mission d'artiste,
Pas même toi !
Pour nous, tu n'es, vois-tu, qu'un Prudhomme fumiste,
Un très nul bourgeois,
Depuis qu'intronisant l'art utilitariste.
L'art selon les vœux
Des anciens négociants en bouchons de carafes.
Rayon à rayon, tu vends aux photographes
L'or de ton soleil vieux !...
14 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
La Lune dispersant ses blancheurs ingénues
Mène par le ciel bleu le blond troupeau des nues ;
Peu loin un violon gémit bien doucement,
On ne sait où : c'est comme une fleur entr'ouverte
Qui dégorgerait son âme anonymement
Dans un parfum qui serait un chant, essaimant
A travers la magique immensité déserte ;
Un couple chat miaule, exaspéré d'amour.
Un chien sentimental sans fin hurle à la Lune,
En vain lui vouant son cœur de chien ; et, tambour
Assourdi, tout là-bas bruit l'affreux faubourg...
Des heures d'un clocher s'égrènent une à une.
Et je fume ma pipe avec sérénité,
Humant le bon pétun à la svelte clarté
De la Lune assoupie ; et contre moi Denyse
Dans le fauteuil profond, silencieuse Assise,
Nous rêvons qu'il serait bien doux auprès de toi.
Mère, de respirer la multiforme voix, —
— Submergés ainsi dans la caresse indécise
Dont la Lune voluptueuse nous poursuit —
Respirer la mélancoliquement exquise,
La voix, la vaste voix muette de la nuit.
DEVOIRS D rCOLIER I5
Baisers d'eau, baisers verts de la Lune fluide,
Baisers d'eau, baisers verts.
Baisers vous délayant au ciel d'azur liquide
Et qui vous égouttez lentement au travers,
Au travers du ciel bleu presque décoloré,
Eveillez, baisers d'eau, des regards somnambules
Aux alignements morts de prunelles carrées.
Les mille vitreuses prunelles
Des impotents monuments sans voix et sans vie,
Aux froides colonnades solennelles
Dont l'immense et morne place se pétrifie ;
Baisers d'eau, baisers verts,
Vous éveillez, humides baisers lunaires
De ce ciel d'immobile lumière funéraire
Qui s'égoutte, muet, sur la terre.
Eveillez au fond de votre océan qui dort.
Lugubrement fantastique.
Une ville noyée en un sommeil de mort,
Qu'illumine de loin un blême astre aquatique.
l6 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
VESPER
Tandis qu'en souriant je veille
Et choyé ce rêve divin,
La lourde forêt s'ensommeille,
Le jour pleure sa fin ;
Comme des sonnailles de mules,
Les clochettes, les campanules
D'argent s'entrechoquent sans fin
En symphonie étouffée
A l'appel de chaque bouffée
Qui passe comme leur soupir
Dans l'immensité déserte
De la grande forêt verte
Enviant de s'assoupir
Sous rhaleine du crépuscule...
DEVOIRS D ÉCOLIER I7
LA SYMPHONIE EN SI ,
de Robert Schumann
Oh Robert, je te vois !
Bel étudiant d'Heidelberg ou de Bonn,
Tes longs cheveux blond fade,
Ta barbe fade et molle
Et ta petite toque querelleuse.
Et ton grand sabre plat, qui brimbale et cliquetaille :
C'est dimanche matin,
'< C'est aujourd'hui dimanche, dimanche, dimanche.
'< C'est le jour du repos I //
Comme aux opéras comiques et matrimoniaux,
Toi, tu vas, allongeant tes longues jambes maigres
(Et le grand sabre plat
Qui tressaute et cliquetaille
Si tapageusement sur les pavés pointus!;
Vers ce chemin où ta petite Gretchen à toi
Si lentement, s'en vient
La rouée 1
Afin que tu la rencontres sûrement...
Et puis, et puis, et puis, nous savons la chanson,
C'est toujours, n'est-ce pas, la même ?...
l8 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
F,t puis, et puis, et puis, on s'en revient tout seul
Le long du fleuve
Gris bleu qui roule et fuit
Avec des colères emportées...
On soliloque philosophiquement
Et très doctoralement,
Analyse selon Hegel et Fichteet Kant,
La substance de son amour.
On a des éblouissements
De sa propre profondeur...
Et puis on redescend du nuage bleu clair
Substantiel pas assez,
Et l'on donne des forces à sa philosophie :
La brasserie,
La mangeaille et la bière et les pipes
(Et toujours ce pendard de grand sabre!).
Et les lieds qu'on soupire,
Et les lieds qu'on vocifère
(Et toujours le grand sabre
Qui fait un train d'enfer)...
Et les dissertations politiques et philosophiques
Qui font trembler les vitres,
Et les chopes qu'on entrechoque.
Et puis, etpuis,et puis, broum ! on roulesous lestables,
Et la philosophie avec,
Et l'amour bleu clair,
Et le sabre aussi,
Tout ça roule,
Tout ça coule,
Et s'écroule
Dans la nuit !
DEVOIRS d'écolier I9
EVENING AT TEN O'CLOCK
C'est Chloris en court jupon
Et Mélibée en casquette
Qui jouent des mains et coquettent
Sous la lune, aux Buttes Chaumont;
C'est la plastique en paillons
Des volumineux athlètes
Qu'amasse les populations
Boulevard de la Villette ;
C'est Fagus en faction
En sa cellule d'ascète
Qui fait tout seul la causette
Comme un grand garçon.
TESTAMENT DE SA VIE PREMIERE
— Je chéris ma Main gauche parce qu'elle est la
main oisive, vierge des flétrissures de la vie en com-
mun et des servitudes du travail avilissant ;
Qu'elle ignore, l'aristocrate Pucelle, et les serre-
ments des mains, et toutes les dérisoires pantomimes
des salutations ;
Qu'elle ne fut pas martyrisée. Elle, et déformée par
les besognes :
L'autre, pourtant, l'Autre main sera lavée de ses
misères, pour ce que Ton bras daigna s'y poser, tiède
oiseau léger et palpitant;
Que s'y emprisonna ta frêle petite main, ainsi que
dans un nid ;
Que la souplesse ondoyante de ta ceinture y glissa
parfois, lorsque tu me permis d'enceindre cette taille
fuyante ;
Mais, quand je t'attirerai sur mes deux genoux,
siège amoureux, et que, servante heureuse, l'obéis-
sante main droite, dans ma poitrine enfermera ton
corps,
Immergera ta tête chère au creux de mon aisselle
ravie,
Ne sera-ce pas à toi, ô noble Main gauche, à toi la
gloire d'un à un lever les voiles.
Les voiles gardeurs des profondeurs sacrées de Sa
généreuse Chair?
DEVOIRS D t.COLIF.R
BARCAROLE EN XOCTURXE
Le fleuve gronde,
Frissonne, luit ;
Lourde et profonde.
L'onde bruit ;
C'est comme un monde
Qui croule et fuit,
Mon rêve, lui,
Sans but la suit,
La vagabonde !
Bien haut la Lune
Minaude, ardant
La gaze brune
De rOccident,
Crible d'argent
Des Rois de Thune !
L'n beau nuage,
Presque de neige,
Se désagrège
TESTAMENT DE SA VIE PREMIERE
A son passage
Et fait cortège,
O Lune sage,
A ton image!
Va, coule, eau noire,
File et bruis,
Roule ta nuit,
Radote-lui
Ta vieille histoire
Au vent qui fuit !
Tourne, mijote.
Sempiternel
Flot caramel !
Pleure, clapote.
Dans la bouillotte
A l'Éternel !
Frêles chimères.
Nuits de prières
Sans lendemains,
Espoirs gamins,
Sottes misères.
Jeunes chagrins.
Boissons amères,
Fades levains...
Ah ! c'est en vain
Qu'on se souvient 1
DEVOIRS D ÉCOLIER 23
Douleurs sans causes,
Courses sans but,
Apothéoses
A l'eau de roses
Que Ton élut
Aux soirs moroses.
Thèmes et gloses,
On vous dit zut !
Que tout se noie
En ces flots noirs,
Rancœurs, espoirs.
Mystiques soirs
Et désespoirs I
Vieille défroque
Des Idéals
Qui pendeloque
Et s'eftiloque
Au vent banal
Du bien - ou - mal I
Mon idéal
Bat la berloque.
Et je m'en moque ;
Ça m'est égal,
Mes idéals !...
Mais l'eau, c'est bête
A voir couler...
Moi je m'entête
24 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
A m'écouter
Faire la bête...
Mieux s'en aller!...
DEVOIRS d'kCOLIFR 2'y
ACTE DE CONTRITION
J'ai toujours envié le sans-façon liautain.
Sévère, avec lequel un canasson de fiacre,
Sans presser ni ralentir son trot incertain.
Ni s'émouvoir au fouet du collignon qui sacre,
Entr'ouvre son anus, fiente son crottin :
O Sagesse, Sagesse !
O Pureté !
Ardeur et paresse !
O vieille tendresse
Pour l'éternité 1
Vénérant la candeur des bons chiens amoureux
A soulager leur rut, gravement impudiques.
J'aurais voulu, me navrant de n'avoir comme eux
L'inconscient mépris des morales phalliques,
Baiser sans songer quand le membre dit : Je veux I
O Sagesse, Sagesse !
O Pureté 1...
Aux paresseux midis, sous le bleu tropical,
J'admirais avec le respect le plus intense
Comme les poissons rouges, en l'eau d'un bocal.
Savent inscrire et circonscrire l'existence
Dans le fonctionnement de l'appareil buccal,
O Sagesse, Sagesse !
O Pureté 1...
2
26 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Chers animaux! pourrai-je assez vous honorer,
Mes Innocents en qui s'inclut toute sagesse !
De Tidéal fuyard dont je me veux leurrer
Nous avons, Tard-venus, ce' que la chair nous laisse
Soyez adorés, Vous, qui savez ignorer !
O Sagesse, Sagesse !
O Pureté 1
Ardeur et paresse 1
O vieille tendresse
Pour l'éternité !
DEVOIRS d'Écolier 27
VANITÉ
Ou devenir encor cet adorable chien :
Allongé sur son flanc au soleil méridien,
Il cuit sa carcasse et fait celui qui sommeille,
Et puis, battant de l'œil comme un qui se réveille,
Bâille, s'étire et — pour se donner un maintien ? —
Mordille doucement le coin de son oreille;
Ce que j'envie en toi, digne chien, ce n'est pas
Ton placide mépris de dervis ou mapas,
A tout indifférent sous le brasier solaire :
Je serais tel — et mieux ! — s'il m'agréait de faire ;
J'aspire à la puissance dont tu m'excipas
De se grignoter l'appendice auriculaire !
Un de ces jours, lorsque je n'aurai rien de mieux
A faire, pour donner plaisir à mes aïeux,
Jepromouvraigrandhomme — ohl c'est pasdifficile ! —
Ou bien grand criminel... mais ce qui m'horripile
Est que fus-je le plus bruyamment glorieux
Des mortels, ou — (voire : et) — le dernier imbécile,
a8 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Je ne pourrai jamais sustenter ce désir
Que contente le chien que je vois là gésir !
Tout m'est permis! je suis le Maître de la Terre,
Je détiens tout, j'ai la clef d'or de tout mystère.
Mais toute l'éternité tu me fuis, plaisir
De m'immiscer l'oreille en l'appareil dentaire !
DEVOIRS D 1-COLIER
CONVICTIONS POLITIQUES
Il existe un être qu'au monde
J'abhorre, moi : c'est l'Urinoir I
Oh ! c'est laid, c'est puant, immonde
Comme un mouchard homme du monde
Qui prend le quart en habit noir!
Oh 1 dis : viens-tu pisser dans l'herbe,
Au soleil, au milieu du pré ?
Epanouir en vaste gerbe
Le jet éblouissant, superbe,
Charmant, grand seigneur, diapré,
Musical ! dont les gouttelettes
Scintillent en tas de paillettes
D'un métal à l'éclat changeant
Qui sous l'astre en rage étincellent,
Fusent, rebondissent, ruissellent.
Cascatelles d'or et d'argent !...
3© TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
VISION D'UN MIDI D'ÉTÉ
Le spectre d'un cheval entier
Stoppe — et somnole emmi la rue,
Bucéphale promu côtier, —
Quand soudain, il s'émeut et rue
Et jette un long hennissement,
Cri de guerre, et gémissement :
Vient de surgir une jument
A la croupe aristocratique
Et qui vibre superbement;
Alors le canasson étique
Pressent son vieux cœur amoureux
D'étalon jadis généreux
Refleurir en rut vigoureux ;
La virilité quasi morte,
Au penser des coïts heureux,
Gonfle et jaillit d'étrange sorte,
Et Priapus encoléré
S'allonge et vient démesuré ;
DEVOIRS d'écolier ^I
Or un vieux Monsieur décoré
Contemple ce gros membre avide
J'oziS
Et/aS^un paraître écœure,
Regrettant son sien pénis — vide —
Qu'il ne brandira plus jamais.
Il pleure:'? O le temps où j'aimais ! »
POTION
pour
ÉVACUER
POTION POUR ÉVACUER 35
CANTIQUE A LA PLUS JOLIE
Vous passez : un frisson d'amour vous accompagne
Et fait longtemps rougir les jeunes gens troublés,
Vous, qui, par vos cheveux de nuit, vos yeux, semblez
Une vierge en Hellas, une Infante d'Espagne!
Emouvront de désirs le plus douloureux bagne
Ces chauds regards, volière aux rires endiablés !
Votre corps a l'ondoiement fier qu'ont les grands blés
Quand les haleines d'Août soulèvent la campagne !
— Mais, ne nous parlez pas: il s'évanouirait,
Le charme, et le Poète en vous ne saluerait
Qu'Eve plus belle !... Allez de Silence vêtue,
Et ferez (secret de votre Divinité
Très à rinsu de vous I) la mouvante statue
De la Jeunesse en fleur et pour l'éternité !
36 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
EN GRATITUDE DU JOLI BONSOIR
ET DU PLUS JOLI SOURIRE
Princesse de Là-bas : pour le loyal sourire
Attestant que TEnfui n'est pas oublié tant,
Et le « Bonsoir! » sans plus,/6i fidèle pourtant,
Recevez le salut, tendre autant qu'on peut dire,
Du passant que jadis il vous a plu d'élire !
Ah ! que le fier parfum des fanfares d'antan
Vous obsède, papillons de flamme hantant
L'oeil qui poursuivit trop les soleils ardre et luire I
Je les veux garder, moi, ces beaux reflets d'alors
(Tel des fleurs qu'on insère en le coftre aux vieux ors),
Des ingénuités mièvrement jolies,
Et le '■< Bonsoir >/ câlin, et le sourire ailé,
Scelleront ce recueil de visions toUies:
Fermail riche au coff'ret pieusement celé !
POTION POUR ÉVACUER }"]
DÉVERGONDAGE D'ÉTÉ
Ole ! clé ! tétins au vent !
Au vent, fiers poitrails bataillant
Sous la camisole sournoise
De la jeunesse pantinoise !
Ole, olé ! gorges pointant
Qui sautillez, nous cherchez noise,
A travers le tissu flottant !
Comme d'altiers soufflets de forges,
Cher Eté, comme tes bourgeons.
Fais-les sourdre, gonfler, ces gorges,
Tandis que nous autres songeons
A de libidineux plongeons
Sous leurs deux fruits, durs sauvageons
Sucrés comme des sucres d'orge !
O les jeunes, les durs tétins,
Marbre tendre et tièdes satins !
Leur tête frétille et s'agace.
Voyez... contre l'étoffe ! oh, grâce.
Grâce pour leurs dois clandestins !
38 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
S'ils pouvaient emporter la place,
S'arborer, les doux libertins,
Au vent qui les caresse et passe !
O ces gorges presque d'enfants !
O babillages triomphants
De ces chaudes gorges blanc rose !
Sous les prisons souvent mal closes,
Parfois d'un coin se dégrafant.
Notre œil glisse, entrevoit les choses...
O furtifs rapts ébouriffants
Que va notre main paraphant !
O toutes jeunettes gorges 1 que sont auprès de
votre fleur toutes les autres:
Gorges de matruUes !
Gorges minuscules
Où font les veinules
Des brouillards lilas!
Gorges de nourrices,
Gorges sans malices
Prêtes aux délices
Des Enfants de xMars !
Gorges de nonnettes!
Gorges aigrelettes
Des femmes honnêtes,
Fleurant le vieux lard !
Gorge sans scrupule
De la femme-Hercule,
Que l'on manipule
Pour l'amour de l'Art!
POTION POUR 1- VAGUER 39
Gorges surannées !
Gorges malmenées !
Gorges tant vannées
Par les jeux; d'amour 1
Gorges surmenées!
Gorges morphinées !
Gorges basanées
Comme un vieux tambour !
Gorges en ri botte !
Gorges rigolottes
Qui dansent, ballottent
Un sacré chahut!
Gorges qui marinent
Comme en sa terrine
Une gélatine
Au fond du bahut !
Gorges irritées !
Gorges effrontées !
Gorges cahotées,
Qui font plouf — plouf — plouf !
Gorges provocantes !
Gorges aguichantes !
Gorges décadentes
S'aggravant de poufs !
Gorges anémiques !
Gorges hystériques!
Gorges lymphatiques
Fonçant sous les doigts !
40 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Gorges qui n'en crèvent
Du trop-plein de sève.
Telles tu les rêves,
Don Juan Badois !
Gorges violacées !
Gorges bleuissées !
Gorges nuancées
De tons beurre frais !
Gorges élastiques !
Gorges esthétiques !
Gorges à Cantiques
Des Cantiques vrais!
Gorges triomphales !
Gorges ithyphalles,
Couples de cavales
Bondissant de rut !
Gorges courroucées
Aux pointes dressées !
Gorges retroussées
D'un air qui dit : Zuth !
Gorges de malades
Fleurant et pommades
Et potions fades,
Oh la la, la la!...
Gorges de ribaudes:
Gorges toujours chaudes
Où le désir rôde
En grand tralala !
POTION POUR FVACUF.R 41
Gorges urticantes !
Gorges de bacchantes !
Gorges rouge'autant qu'
Un fessier d'enfant !
Gorges gargamelles.
Sœurs de vos mamelles,
O pleines femelles
Des grands éléphants !
Gorges radoubées !
Gorges masturbées !
Gorges macchabées,
Où courent des vers !
Gorges surbaisées!
Gorges sursucées !
Gorges malaxées
Par les doigts pervers!
Gorges gangreneuses !
Gorges variqueuses !
Gorges cancéreuses !
Gorges d'hôpital 1
Gorges dépecées !
Gorges rapiécées !
Gorges déhiscées
Par Tacier brutal !
Gorges toutes fraîches !
Gorges très revêches !
Gorges que dessèchent
Les mvsticités !
TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Gorges décrassées I
Gorges dégraissées !
Gorges hérissées
De villosités !
Gorges irascibles
Des Phàmes sensibles,
Que n'ose pour cible
Élire l'amour !
Grasses gorges rondes
Des peu pudibondes
Femelles fécondes
Qu'ont les moyens pour !
Gorges tristes ! tristes !
Tristes ! Combien tristes,
Ah !!!.. des Salutistes
Qui, fuyant Vénus,
Avec des cantiques
Apocalyptiques
— Et quelles musiques! —
Epousent Jésuss !
Gorges maigrichonnes !
Gorges « bien cochonnes ! »
Gorges folichonnes !
Gorges berrichonnes
Selon George Sand 1
Gorges libertines
Aux dures tétines.
Qui font les mutines,
POTION POUR ÉVACUFR 43
Doigt, quand tu t'obstines
Et deviens pressant !
Gorges mal convexes
Des vieux doubles sexes,
Quêtant leurs annexes
En les urinoirs !
Gorges plutôt veules
Des filles bégueules,
Qui s'amusent seules
Mains sous leurs peignoirs !
Gorges inutiles
Des vierges tranquilles,
Qui, la nuit, titillent.
Trésors pubiens !
Gorges tout exsangues,
D'autres dont les dengues
Font tirer la langue
Aux complaisants chiens !
Gorge qui s'érige
De la Callipyge,
Et qui fait la pige
Aux gorges de chair !
Gorges très affables
Des dames aimables.
Si vite habitables,
Mais coûtant si cher !
Gorges trop désertes !
Gorge'à tous offertes !
44 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Gorges découvertes...
(Oh î par dévoùment !) !
Gorge'en marmelade I
Gorges de tribades,
Que rendent malades
Les chatouillements 1
Gorges de négresses !
Gorges de duchesses !
Gorges de gonzesses
Par tous pelotées !
Gorges prolétaires !
Gorges terre à terre !
Gorges adultères
Mal recorsetées !
Gorges invalides !
Doubles vessies vides
Que plissent les rides,
Tels des coings séchés !
Gorges plates comme
Le cul d'un pauvre homme,
Et dont, Gottferdomne !
Peu sont entichés !
Gorges tant asperches
Qu'en vain Ton y cherche
Où gît, niche et perche
L'appareil mammal !
Gorges qu'on désosse !
Gorges si tant grosses
Qu'il faut trois colosses
Pour les mettre à mal !
POTION POUR I^. VAGUER 45
Gorges mamelues !
Gorges trop velues !
Gorges qui — goulues ! —
Brament au baiser !
Gorges qu'ont les fièvres !
Gorges si mièvres
Que nos pauvres lèvres :
— Où donc nous poser ?
Gorges à musique.
Pièces mécaniques
Qui, lorsqu'on les pique,
Font : couic-couic-couic-couic !
Gorges demi-pommes
Des jolis jeune-hommes,
Mignons de Sodome,
Pédérastes chics !
Gorges à tétasses !
Gorges blettes, lasses !
Gorges aussi grasses
Que du bon foie gras !
Gorges de quécottes,
Laissant aux quenottes
De qui les bécotte
Des blocs de blanc gras !
Gorges automates !
Gorges aux tomates !
(Gorges, ô Tom, à te
Faire évanuoir !)
46 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Gorges cucurbites
Que des clans habitent,
De poux cénobites
En voeu de jouir !
Gorges ivoirines
Aux deux purpurines
Pointes corallines,
Dards ji Cupido I
Gorges amaigries !
Gorges rabougries !
Gorges suraigries,
Plates comme un dos !
Gorges que les suites
D'outrageuses cuites
Ont bouillies et cuites :
Des langues de bœuf!
Gorges laminées!
Gorges étirées,
Tirebouchonnées
En. ..en... nerf de bœuf!
Gorge d'Arthénice!
Gorge d'Eurydice!
Gorge de Clarisse !
Gorge de Lais!
Gorge de Faustine !
Gorge de Fantine !
Gorge de Justine !
Gorge d'Alexis^ !
1 « Corydon ardebat Alexin ! ..
POTION POUR EVACUER 47
Gorge de Joconde !
Gorge rubiconde,
Mafflue et bien ronde
Des femme'à Téniersl
Gorges Boug"reautesques!
Gorges Cormonesques !
(Dirait des pastèques
A même un panier !)
Gorges immortelles
Que les Louvres cèlent !
Gorges irréelles
De la Genitrix,
De la Melpomène,
De Diane, Hélène,
Où trône leur reine,
La Vénus Victrix!
Gorges belles, laides,
Gorges fraîches, tièdes,
Gorges molles, raides,
— Marbre ou feutre mou! —
Roses ou livides,
Jeunes ou putrides.
Gorges pleines, vides,
Trop, ou pas du tout !
Rien,
Rien n"égale celles
Des vertes pucelles.
Nulles tant n'excellent
A nous affoler,
48 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Quand Juin les caresse,
Les gonfle, les dresse.
Durs fruits de tendresse
Qu'on veut dévorer!...
Grand Dieu sans honte et sans mystère,
Grand Dieu de Cnide et de Paphos !
Dieu de Cypris et de Cythère !
Seigneur du Ciel et de la Terre !
Eros, omnipotent Eros I
Accueille, exauce ma prière !
Fais qu'il me soit permis un jour
De coucher ma tête endormie
Sur — adoré coussin d'amour! —
Sur la Gorge de mon Amie !
POTION POUR ÉVACUER 49
DIONYSIA
Lxtius dum sonat in urbe cornu
Maximi festo redeunte lacchi
Virgines grandis simulacra portant
Lignea plialli.
Ast tu nostro semper amata cordi
Longiter dantes simulacra blandas
Longiter vincis roseo puella
Ore puellas 1
11 Ast tu, blande nostra refert araata,
Longiter quos dant, simulacra. blanda".
Longiter fervens superas amantis
Phalle tu phallos. »
Catulle Mendès.
Par la Ville, tandis que la trompe en furie
Rugit la gloire de lacchos, l'auguste Enfant,
Les vierges font errer en chaude théorie
Les effigies en bois du Phallus triomphant.
Or toi, de notre cœur la toujours bien-aimée,
Jeune fille, tu scelles à ta bouche en fleur,
Des jeunes filles la bouche demi-pàmée
A baiser les images du Sexe en chaleur.
« O Phallus de l'Aimé, prometteur des délices.
Toujours brandi, tel que ces simulacres vains,
Mais non de bois, sois prêt aux ardents sacrifices,
O Phallus des Phallus, que réclament mes faims! »
^O TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
VIERGE NUBILE
Ma gorge fourmille et brûle...-
Mes seins douloureux se distendent,
Tirent en afifamés sur mon cœur en tumulte.
Tirent à l'arracher... Je souffre !..
Me brûle et me pèse mon ventre,
De lancinants frissons y entrent,
Et me remontent jusqu'au cœur...
Mon sang coule de moi comme l'eau d'une source,
D'affreux frémissements me secouent, et alors.
Je brûle et je grelotte...
Des images qui me font honte
(En même temps je sens bien que je les désirel)
La nuit montent, montent m'assaillir...
Ah ! je souffre !...
Les filles, les hommes, me troublent
Aussi chaleureusement.
Et l'instant d'après me font peur...
Mes seins tumultueux et lourds tirent mon cœur...
POTION POUR ÉVACUER S I
Une aube. Au délicieusement harassé réveil de
l'amoureuse nuit, et la caresse glacée de l'eau vive,
inondé de voluptueuses langueurs nos corps, et que
l'aérienne légèreté du peignoir aux nuances pâles
environnera tes jeunes formes, alors tu développeras
toutes les élégances de ce corps chéri dans la profon-
deur de quelque chaise longue ;
Ton buste cambrant, renversée en arrière, vers
moi, ta tète mignonne écoulera ta chevelure, molle
cascade de lumière, jusqu'au sol :
J'atteindrai un peigne, lentement te peignerai : fleur
blonde et rose émergeant la caresse du tissu, ta gorge
enflera, montante, descendante, déchargera en moi
ses arômes captieux...
Les dents aiguës du peigne creusent, divisent ta
chevelure, m'en expriment l'électricité lourde; elles
grattent l'épiderme de la nuque, le tendre épiderme
de la nuque, irritent cette chair — et se lieront, se
fondront les chaleurs de nos sens :
Elle hésite, elle vacille, cette main qui plonge le
peigne ; l'autre main se dérobe à ton épaule, la
découvre, glisse aux moelleuses élasticités du col
— là. sous la joue veloutée — 6 duvet de fruit point
cueilli 1 —
5 2 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Ravis de fièvres, ta poitrine, ton ventre meuvent
comme les vagues, tes jambes s'étirent, se lient Tune
à l'autre...
Voilà que tes deux bras crispés aux bras de la
chaise jaillissent, agiles tentacules blancs, agrafent
mon cou, attirent à ton visage mon visage obéissant.
Et nos lèvres se pétrissent, se détache ton vête-
ment, et sans paroles se soudent nos chairs...
POTION POUR K VAGUER 53
IDYLLE
Celle qui m'a ce brin de lilas chlorotique
Donné, c'est une fille publique
Que j'ai louée avec le lit.
Cette nuit ;
Brin de Lilas rosé, fané, violàtre à peine,
Comme la lèvre où suinte en sifflant l'haleine
D'un phtisique au dernier degré ;
Il semble écrit dessus: Souvenirs et Regrets...
Elle m'a dit — je veux la croire —
J'ai dix-huit ans du mois passé;
Et puis, la jeune vieille histoire
Du beau séducteur éclipsé :
Et tout son maigre corps aux menus seins rigides,
Tout son air animalement candide,
Ame s'évaporant dans son parfum tout frais.
M'ont crié qu'elle disait vrai :
Alors j'en ai pleuré comme un sot, pour de vrai.
54 TESTAMENT DF SA VIE PREMIIRRE
Je passais hier soir place de la Bastille ;
Une fille s'en vint se couler contre moi,
Elle dit: Beau garçon, veux-tu monter chez moi?
C'est pas loin, tu verras, je serai bien gentille...
Ah ! jamais saurons-nous te mettre à bas, guenille
Qui courbe mon esprit sous ton ignoble loi.
Chair ! — Saoulé par l'éveil de ma bête en émoi,
Je dis oui de la tète et je suivis la fille.
Oh ! passons le prélude !... Elle se déshabille
Et dénudant ce corps, pollué tant de fois,
Jésus ! avec des peurs et des pleurs dans la voix :
« Prends garde, iic nie pèse pas de tout Ion poids...
Et dévoile un ventre arrondi comme une bille :
Vois-tu, c'est que je suis enceinte de cinq mois. »
POTION POUR 1- VAGUER <)'j
VEILLE AMOUREUSE
O pauvres, pauvres chairs de femmes!
\'ous. l'amour n"est pas un plaisir,
La volupté pas un plaisir.
Le plaisir n'est pas un plaisir !
L'n ver vous ronge, il vous atïame
De sa faim vorace ! il réclame
Chair de mâle pour s'assouvir !
Quand vous bramez entre nos bras,
Pauvres sœurs ! quand vos corps se tordent
En spasmes funèbres, nous mordent,
Vos baisers chaleureux et gras
Ont un avant-goùt de trépas !
Quand nous accouplons dans l'alcôve
Nos os pour la chaude oraison,
^'otre odeur, cette exhalaison
Que vous suez de votre alcôve,.
Est rien moins qu'un fumet de fauve ;
Oh ! comme vous puez le fauve !
Que vous puez la venaison !
^6 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
La bête échauffée et meurtrie,
Fermentant, se décomposant,
Fade, acre, et forte, et te faisant
Fuir, narine mal aguerrie !
Ah ! l'amoureuse exhalaison !
Tiède haleine butyreuse,
Quand elle dégorge à foison
Du bas-ventre de l'amoureuse
En amoureuse pâmoison,
T'en faut-il, amant, du courage
Pour parachever, sans renier
L'amour, ton amoureux ouvrage.
Tant du corps chéri se dégage
L'exact arôme du charnier !
Qui prétendra que je diffame ?
Qui ? pas toi, malheureuse femme,
Notre sœur, notre pauvre sœur !
O pauvre, pauvre chair de femme,
Soyez donc bénie en mon cœur,
Car vous êtes l'intercesseur.
Vous ! l'impérativement tendre
Voix de l'inéluctable sort
Qui murmure a qui sait entendre:
Prépare-toi, frère, à la mort !
POTION POUR ÉVACUER 57
HG
Je suis une déesse autrement redoutée
Q.ue le troupeau des innombrables déités
Qu'ont jamais adoré les Humanités ;
Je courbe sous ma loi, Reine incontestée,
Cent millions de dévots et n'ai pas un athée ;
Q.u'expirent tous les dieux et croulent leurs autels,
Et s'effacent leurs noms des tables et des stèles,
Je trône sur leurs os effondrés pêle-mêle
Et préside à leur mort, à tous ces Immortels!
Je règne par l'effroi, mes peuples me haïssent ; "sent,
Mais rien qu'à mon nom seul ils tremblent, ils pàlis-
IIs frissonnent comme au vent frissonnent des lys,
A mon nom si charmant, si doux : la Syphilis.
58 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
ROMANCE OBJURGATIVE
ET COMMINATOIRE
Laissez les enfants à leurs mères.
Laissez les roses aux rosiers !
Qu'importe... si le geste est beaul
Ohé I les Bourgeois respectables,
Si vous lâchiez Lesbos un peu?
Remémorez-vous, sous les tables
Du collège, la joue en feu,
Avec vos petits camarades,
A quels jeux vous vous amusiez ?
Laissez les gouges aux tribades,
Laissez les roses aux rosiers !
La passion contre nature,
C'est la tienne, vieux ventre épais,
Quand ton stupre ignoble torture
De la jeune chair au rabais !
Toucheurs de fillettes malades,
Sades entés sur Grandgousiers,
Laissez les gouges aux tribades.
Laissez les roses aux rosiers 1
POTION POUR ÉVACUER ^y
Mais, splendeurs des corps qui s'étreignent
Sous réperon des désirs fous,
Flambez I os, craquez ! mordent, saignent
Ces bouches !... C'est beau ? Donc me fous
De l'état civil, ô Ménades,
De vos couples extasiés
Laissez les gouges aux tribades,
Laissez les roses aux rosiers I
Bourgeois, cocutiables âmes,
Nous sommes nés pour d'autres ruts,
Que forniquer avec vos dames,
Vos filles, vos maîtresses I Zut,
Zut au feu doux des amours fades
Selon Priape ! autres brasiers:
Laissez les gouges aux tribades,
Laissez les roses aux rosiers!
D'autres brasiers, plus que terrestres !
Assez des Gretchens, des Didons,
Des Phèdres et des Hypermnestres 1
Et vous, Sapphos et Corydons,
Assez! besoin d'autres passades
A nos sens irrassasiés :
Laissez les gouges aux tribades,
Laissez les roses aux rosiers !
Eros Lesbien. veuille ! et la femme
Saura sa bonne solution
Si le ver sexuel l'affame ;
Tribadisme ou... macération.
6o TESTAMENT DE SA VIE PREMIERE
C'est son aflfaire : et, camarades.
De la chair serons graciés :
Laissez les gouges aux tribades.
Laissez les roses aux rosiers !
Si l'on te matait, chair immonde,
Quelles merveilles nous ferions.
Hommes! ô le radieux monde,
Qu'à loisir nous édifierions.
Chasteté ! chasteté ! bravades !
Hymnes d'art pur à pleins gosiers !..
Laissez les gouges aux tribades,
Laissez les roses aux rosiers !
Le temps que vous gâchez, poètes,
A sensibiliser le lard
Des vierges, des femmes honnêtes
Et des ribaudes, lœuvre d'art
Le revendique !... O les ruades
Hors du Réel, si vous osiez :
Laissez les gouges aux tribades.
Laissez les roses aux rosiers !...
POTION POUR EVACUER
DYSENTERIE
Avorton dévoré d'inquiétudes vaines,
Et fanfaron d'humilité,
Tu criais : Je suis pur ! Voyez ma chasteté,
Arrachée à si grande peine !
— Je souffle et te voilà dompté ;
Pour avoir levé ton mufle de ta litière,
Tu bêlais : Penh! la chair! nous sommes les esprits,
Nous évacuons la matière.
Nous sommes lumineux! nous sommes les épris
Courtiseurs de la science altière;
Nous allons démêler l'énigme et tout entière ;
Nous recevrons pour notre prix
La peau du sphinx, et la laisserons au vestiaire
Avec le plus parfait mépris !
Quand tu es saoulé des vanités les plus vaines
Comme d'un alcool frelaté.
Sournoisement je m'installe, filtre en tes veines
Et m'amuse à les infecter ;
Je triture ton corps comme une vieille loque
Et calcine et pourris ton sang:
Vois-tu ton grand esprit, reclus, dans sa défroque.
S'y tordre, tordre en gémissant ?
02 TESTAMENT DE SA VIE PRExMIÉRE
Cracheur d"idéal mort, contemple-la: c'est elle,
C'est ton àme. vois-tu ? et puis ça, c'est ta chair
Qui par rancune de ton inepte querelle
Met à l'autre derrière à l'air,
La fustige, l'accule à l'abdominal antre.
Et tiens : vois-tu ton idéal
Qu'elle expulse honteusement de ton bas-ventre
Avec le ilôt fécal ?
Onguent
Contre
La Gale
ONGUENT CONTRE LA GALE 6=,
THALASSA! THALASSA!
O vaste Mer! en vain tu fais la courroucée,
je sais ce que tu es, moi qui pleure ton sort :
Je te reconnais bien, courtisane inlassée
Qui éternellement tords et détords ton corps,
Frotte ton ventre vert, frotte ta croupe d"or
Contre la grève, et la mordille, exaspérée
De désir, et te roule, haletant, sur son bord!
Où sont-ils, tes sursauts de vierge effarouchée,
Quand les premiers de nous t'osèrent approcher.
Faibles audacieux qui n'osaient qu'en tremblant
De leur nef effleurer en un sillage blanc
Ta frissonnante robe aux reflets d'émeraude.
Ta robe verte et bleue aux reflets frissonnants,
Et pressentir ta chair mouvante, énorme et chaude?
Vierge que nos terreurs avaient faite sacrée
Quel fut-il, celui qui de son esquif fatal
Le premier déchira ta tunique nacrée,
Troubla de son baiser ta gorge indéflorée.
Et laboura ton flanc de son rostre brutal ?
66 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Mes malédictions harcèleront sans cesse
Ce héros au grand cœur bardé du triple airain !
Car pour jamais, dès que tu subis sa caresse,
Ton sein loge et nourrit, déplorable Déesse,
L'exaspéré désir qui dévaste tes reins !
Et depuis, envers toi, toute insulte est permise,
O sublime berceuse de TAphrodité !
Tu fais la complaisante aux familiarités,
Te voilà devenue une fille soumise,
Le plus sale voyou vient lever ta chemise
Pour quelques liards crasseux âprement disputés,
En ces jours où ton flot fume comme une lave.
Un grouillement humain assiège ton corps,
Et tout fier de lui-même à sentir qu'il te brave.
Le Peuple Souverain qui quelquefois se lave,
Déchausse ses souliers et met tremper ses cors !
ONGUENT CONTRE LA GALE 67
— Je me révolte contre la chose précisément que
révèrent tous mes frères :
L'odieux équilibre, inerte comme de cadavres qu'un
bout^fon funèbre maintiendrait debout de les adosser
les uns aux autres,
L'équilibre qui d'ensemble enchaîner des énergies
équivalant en puissance, divergeant de direction, les
entredétruit dans un duel sans issue.
Les finit en cadavres restés debout, d'être adossés les
uns aux autres ;
Je hais la symétrie des choses qui se complètent; vio-
let et jaune font deux nobles couleurs — mais les
reconnaître accouplées en un mariage qui enfante le
noir mort ou le blanc qui n'existe pas, m'indigne et
me fait souffrir I
Et j'excècre autant l'accouplement où un homme avec
sa femelle agglutinent leurs bestialités à s'anéantir
dans l'édition des bâtards, des bâtards de leurs attri-
buts originaux fermentant mélangés l'un dans l'autre!
Mais je révère, mais j'adore la symétrie mouvante
des forces ^/'('5(7//t' semblables, et qui perpétuellement
gravitent entre elles, tendent infiniment à se joindre
sans se joindre jamais ;
Q.ui développent des infinités d'aspects, des infinités
de rapports infiniment divers et changeants, infini-
ment neufs, infiniment harmonieux;
6S TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
J'adore les courbes fuyant à l'infini, la Parabole,
l'Hyperbole... ;
J'adore le chaste rapprochement des êtres du même
sexe, les fraternités tendres de jeunes hommes, les
disparitions enlacées des couples de femmes ;
Et je t'adore, Toi, puisque ta poitrine est menue ainsi
qu'une gorge d'éphèbe, que tes gestes et que tes atti-
tudes, les jeux de ta voix et de ton visage, à travers
les grâces féminines, laissent filtrer les virilités souples
d'un bel adolescent ;
Et que, fondant par le souvenir tous tes attributs per-
sonnels, je doute délicieusement de ton sexe...
ONGUENT CONTRE LA GALE 69
COMPLAINTE
DES PAUV GOSSES QUI VEULENT PAS ALLER A L ECOLE
C'est nous qui sommes,
C'est nous qui sont
Les p'tits garçons,
Les p'tits bonshommes,
Les pauv' gosses
Qu'on force
A fair' des d'voirs, apprend' des l'çons,
Quand ça s'rait si bon
D'caner l'école,
Et d'fair' les polissons
Bien loin des barbacoles !
« Je n'irai pas à l'école,
Maman me l'a défendu.
EU'm'a dit qu'si j'y allais,
E'm'donn'rait des coups d'balai ;
EU'm'a dit qu'si j'y allais pas,
E'm'donn'rait du chocolat ! >/
70 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
— Bon Dieu !sont-i' heureux ceux qui peuv" chanter ça !
Hélas 1 à la classe
On nous fait dire en place :
<■< Je serai sage
Comme un petit mouton,
J'irai à l'école,
Pour apprendr" mes leçons ! »
Mais tout bas nous disons .•
'< Je serai sale
Comme un petit cochon,
J'irai à l'école
Pour fair'caner les pions ! »
— C'est nous qui sommes..., etc.
Ça s'rait si bon d'pas travailler,
D'piquer des sommes
Quand ça nous prend, et d'vadrouiller
Comme des hommes !
Mais par ordr'du Gouvernement
On nous agrippe et on nous colle
A l'Asil', ça, c'est l'commenc'ment,
Après, ça s'ra la grande école.
Puis l'atelier, puis l'régiment...
Puis, on s'marira, à la colle,
Ou par-devant l'mair' légalement,
Si on n'peut pas faire autrement;
L'conjungo non plus, c'est pas drôle,
Et quand i'viendra des enfants,
Ça s'ra pour eux l'mêra'boniment...
— Tout'la vie on est à l'école ! —
ONGUENT CONTRE LA GALE
PRIÈRE :
Dab des Dabs, Mec des Mecs, Manitou,
Sempiternel Grand Tout qui trônes
On sait pas trop où,
Oh va ! pour un'fois sois pas rosse,
Eh vieux !
Prends en pitié les pauvres gosses
Qu'on colle à l'écol" malgré eux !
72 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
EX-VOTO AUX PETITES RAFEINEUSES
DE LA RUE DE FLANDRE
Ho ! hohél petites raffineuses,
Mes raffineuses délicieuses !
La fine fleur de sucre qui s'éparpille
Et scintille
En nuages précieux de fumées neigeuses,
Cristallise
Et pleut sur vos chers corps savoureusement canailles
Et les poudrederize
En marquises de quels Versailles !
Ho ! ohé I Lucindes et Primroses,
Athénais et Cydalises !
— Mais marquises artificielles,
Combien et combien plus belles
De leur apparaître irréel ! —
Et la si fine tieur de sucre se dépose
Sur vos cheveux blonds du blond des sucres d'orge,
Et qui drôlement frisent,
Sur vos grasses joues cruellement roses,
ONGUENT CONTRE LA GALE 73
Sur ces jupes folles
Et ces camisoles
Qui voilent vos gorges
Et vos autres choses
De rouge hardi et bleu puissant.
Dépose sur ces flamboiements
Ardents comme les couleurs,
Des gâteaux flambant
Aux vitrines des confiseurs
Se dépose la vaporeuse,
La fine fleur saccharine
Et fait de vous, mes divines,
De velouteuses pralines.
Bonbons coulés en figurines.
De délicieux bonbons acides, framboises
Et qu'on s'attend à voir fondre sous le baiser...
— Ainsi, mes suaves raffineuses.
Vous penserait-on évadées
De pâtisseries compliquées.
Edifiées en scènes de mythologie,
Décorant l'apparat des tables fastueuses.
Aux soupers de gala des vieilles monarchies !
Mais...
Mais.ô mes chers reflets des vieux Louvres.
Quels désastres, mes amoureuses,
Quand le destin veut que s'entr'ouvrent
Vos jeunes bouches rouges,
Fraichement savoureuses,
Epaisses gelées de framboises 1
A travers un éboulis, monstrueux chaos
74 TESTAMENT DE SA VIE PREMIERE
De dents en ruines,
Un écroulement de chicots
Noircis, jaunis et verdis.
Corrodés, rongés et pourris
Sous l'envahissement
De la charmante fleur de sucre, si divinement fine,
Comme sous une hypocrite et féroce vermine,
Et se désagrégeant en purulents morceaux !
A travers cette vivante et vivace pourriture.
Comme par le grillage effrité d'un vieil égout
S'échappe et coule, et roule, infecte.
Avec un flot débordé de puanteurs,
De gros gargouillements de paroles abjectes
Qui fleurent l'énorme horreur
D'immondes excréments en décomposition !...
... Ah ! ce n'est plus alors les petites marquises
Et lesgourmandises savoureuses.
Et plus les sucreries exquises
Que vous nous évoquez, suaves raffineuses !
Mais des bidets royaux en porcelaines rares
Galamment enluminées et peintes.
De sujets artistement libertins,
Autels d'unCupidon hygiéniste et bibeloteur d'art,
Montés sur luxeux socle...
O bidets ! bidets savoureux !
— Et d'où débonde, quand se lève le couvercle.
Le résidu punais de l'égout amoureux !
ONGUENT CONTRE LA GALE 'J -,
CHANSON DE ROUTE
A MES FUTURS FRÈRES D'ARMES
(D'après une rengaine de Café-concert.)
« Allons, enfants de la Patrie 1 »
On nous mène à la bouch"rie ;
Pourquoi? on n'nousTa pas dit...
Il paraît qu'c'est la Patrie
Qu'a besoin qu'on donn" sa vie I
Marche 1 march" ! c'est la Patrie,
Marche ! march' ! que nous servons!
D'ia Patrie on s"bat les zanches.
Les enn'mis on s'fout bien d'eux.
Etr' fusillé si on flanche,
Y a qu' ça qui rend courageux !
Marche! march'! c'est la Patrie,
Marche I march" ! que nous servons !
Comme on a vu les tillasses,
Soldat, sous-otï, officier,
De l'amour on gard" les traces
D'ia lèvre jusqu'au fessier!
Marche! march'! c'est la Patrie,
Marche ! march' ! que nous servons !
76 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Et nos blessur's nous sont chères:
Copahu, mercur", santal,
Chaud'piss', vérol', chancre, ulcère
Nous ont mangé l'capital !
Marche! mardi"! c'est la Patrie,
Marche ! march' ! que nous servons !
Aussi quand on voit les femmes
On s'rappeir c'qu'on a souffert,
Et qu'y a p'us rien dans nos âmes,
C'qui fait qu'on n'peut plus rien fair' :
Marche! march'! c'est la Patrie,
Marche ! mardi' ! que nous servons I
Mais quand mêm'faut qu'l'amour aille
L'caporal prend un bécot,
Le capitain' prend la taille,
Au soldat il rest' la peau...
Marche! march" ! bj.est la Patrie,
Marche ! march" ! que nous servons !
Et comme elles sont bonn's tilles
Et connaiss't pas mal le loup.
Pour quequ'ronds, e's' font gentilles,
L'pauv'soldat il tir' son coup...
Marche ! march' ! c'est la Patrie,
Marche ! march' ! que nous servons !
Le soldat qu'a pas d'pécule
Ou qu'les dam"s ont dégoûté,
Prend son copain et l'en. ..voûte.
C"est meilleur pour sa santé:
ONGUENT CONTRE LA GALE 77
Marche ! mardi'! c'est la Patrie,
Marche ! march' ! que nous servons!
Et celui qui n'veut plus d'rhomme
Ni d'ia femme, si l'cœur y en dit
Avant que de piquer son somme
Il peut ... dans son lit...
Marche ! March' ! c'est la Patrie !
Marche! March' 1 que nous servons !
Ceux qui surviv't vaill' que vaille
Et qu'ça n'a pas fait crever,
A la première bataille,
Le plomb saura les ach'ver!
Marche ! march' ! c'est la Patrie,
Marche 1 march' ! que nous servons !
Mais notre mission est haute,
Si nous tuons, si nous mourons,
C'est poilr'ils^gros d'ia haute
Dorment sur leurs picaillons!
Marche! march"! c'est la Patrie,
Marche ! march' ! que nous servons !
78 ' TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Ma sœur, le vent pleure à la vitre,
Pleure comme un petit enfant,
La pluie
Le flagelle, il sanglote aux vitres
Les bat de ses millions d'élytres,
Ecoute pleurer aux vitres le vent!
Qu'il fait froid ! notre chair meurtrie
Grelotte, serrons-nous bien fort.
Bien fort.
L'un contre l'autre, ma chérie...
O les soldats au.K mains meurtries.
Qu'ils doivent avoir faim et froid, dehors!
Ma sœur, le vent pleure à la porte,
Il tourne autour de la maison
Glacée,
Il la secoue, et sous les portes
Il glisse ses rauques cohortes
Nous envahir par trahison!...
Oh ! la nuit est pesante et noire,
Elle s'assied sur notre cœur,
La nuit.
L'étouffé en ses ouates noires...
Pauvres soldats sans feu ni boire.
Perdus, seuls dans la nuit et la douleur.
Endolorissons-nous de leur douleur, ma sœur!
ONGUENT CONTRE LA GALE 79
ARISTOCRATIE
Mon dos vierge ignorait Toutrage des bretelles.
Royalement coulaient mes cheveux sur mon cou.
Et j'allais, bienheureux de ne pas savoir où,
Oubliant — par dédain vos lois et vos tutelles :
Mais, Patrie! à présent, voici que tu m'attelles
Au char égalitaire, où le même licou
Accouple à ton bétail puant — le jeune loup
Délicat que je fus... O nobles bagatelles.
Voiles clairs où ma vie aimait tant se draper,
Musiques, Poésie, enthousiasme ironique,
De vos prestiges fiers volez m'envelopper,
Sauvez-moi du contact naïvement cynique,
Des citoyens soldats souillant ma pureté,
De leur fraternité, de leur égalité!
8o TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Quand on fut toujours vertueux
On aime à voir lever l'Aurore :
Aussitôt que le soleil dore
La cour du quartier poussiéreux,
Je saisis d'un bras vigoureux
L'oreille au Jule ex-inodore,
Telle une précieuse amphore,
Je rélève, majestueux...
Au premier cri de l'alouette
Je mets en branle la brouette
Et fais balader le balai.
Puis m'éloigne avec l'assurance
D'avoir rempli comme il fallait
Tout mon devoir envers la France !
ONGUENT CONTRE LA GALE
CHANSON DE ROUTE
Le ciel en feu pleure sur ma tête
Des averses de plomb bouillant...
Ma gorge râle et halète
Effroyablement;
Mes pauvres pieds saignent et brûlent,
La sueur m'inonde, m'aveugle,
La sueur sale et calcine mes yeux...
— Suivons la colonne 1
Je n"ai plus de pensée...
Chaque pas que je pousse
Bat son écho sous ma tête
Mon crâne en résonne, résonne
Comme un chaudron vide et fêlé
Sous de grands coups de marteau...
Et chaque sursaut
— Loge un écho
Par tout mon corps,
Chaque pas tire sur mon cœur
A l'arracher de ma poitrine...
• — Suivons la colonne !.,.
o2 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Je n'ai plus, plus de pensée...
Ma tête se disloque,
Ma cervelle pend comme une loque,
Elle s'arrache, elle fuit et voltige
A l'entour de moi...
Je me tue
Douloureusement vainement
A la pourchasser...
— Suivons la colonne...
La route jaune éblouissante
S'allonge, s'allonge infinie...
Le sable jaune, et les arbres le long...
Et la verdure sans cœur
Monotone, uniforme, impassible!...
Oh! paysage impitoyable.
Vas-tu l'arrêter, ta course obstinée...
On ne va donc pas s'arrêter?...
Vas-tu cesser de courir à ma rencontre.
Et de fuir entre mes pieds?...
Ah!... j'ai le vertige !
La poussière remplit ma bouche et mes narines.
— Suivons la colonne!
... J'ai le vertige et la fièvre...
Je tremble... oh ! je grelotte et je brûle...
J'ai froid, j'ai chaud à la fois...
Mes genoux se battent.
Mes jambes s'écroulent sous moi.
Je vais m'effondrer, en morceaux.
Je vais tomber là...
ONGUENT CONTRE LA GALE 83
Pourquoi me poussez-vous?... Non!...
On me pousse..., il faut aller...
— Suivons la colonne...
Mon Dieu ! mon Dieu I la ferme avec son clos fleuri,
Je ne les reverrai plus jamais...
(Ah ! je meurs I...)
Et l'étang où les crapauds chantaient si doux, la nuit,
Et ma chambre claire
Où la grande horloge égrenait des musiques
Sans fin...
(Oh ! si je pouvais boire un peu !...)
Et petite mère toujours assise à la fenêtre,
Et ma Denise, et ma chère petite Denise...
Oh ! toute, toute ma vie pour la voir une minute!...
Mais je... oh ! j'ai soif... Je ne vois plus clair...
Les cierges dansent: c'est comme à l'église...
C'est ici... non, je... Maman!!!
84 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
CARNAVAL ROUGE
Matin du Lundi gras de 94. exécution de Vaillant.
Vivat ! illuminez! incendiez vos croisées !
Des lampions, des lampions, des pétards, des fusées,
Volez, illuminez !
Faites claquer aux vents les loques tricolores
Comme aux fêtes nationales !
Des lampions, des lampions ! à tas !... encore ! encore !
Vivat ! Faites tourner les flammes de Bengale
Le long des façades
Embrasées !...
Triomphe, Mardi gras !... houp ! sautez, gourgandines,
Devant les vieux messieurs!
Retroussez-leur le nèz du coin de vos bottines ;
Eh houp! la cuisse à Tair !
Et faites s'envoler vos jupes de Malines
Dans un sublime grand écart !
Tout bas, promettez-leur d'être bien libertines
Si eux sont bien généreux...
Jonchez la nappe de poses mythologiques,
Extrayez du corset vos seins gélatineux!...
ONGUENT CONTRE LA GALE 8^
(Prenez garde, donc ! les voilà qui dégringolent
Sur ces molles poitrines.
Qu'illustrent des boutons suspects
Mal refrénés par les mercures,
Les chlorures et les antiseptiques !)
Et vous, fœtus vannés et moribonds corrects,
Allons, décollez vos bandages hygiéniques.
Tâchez de réchauffer vos lambeaux de vigueur
Et soyez donc cochons, si vous pouvez encore !...
— Mais ayez-moi donc Tair d'être gais, sacrebleu !
Faites semblant, du moins, quoi ! pour la galerie !
¥a pour votre ruban rouge ! Honneur et Patrie !
Oh! par grâce un peu de tenue !
Voulez-vous bien ne pas flageoler de la sorte,
Ne pas vous écraser l'oreille sur les portes,
Et ne pas regarder, effarés, dans la rue !
— Mais renfoncez donc votre peur,
Arrêtez-vous de geindre,
Et torchez vos sueurs,
Fils de Quatre-vingt-neuf !
Là, voyez: c'est fini, bien fini, rien à craindre :
L'Hydre de l'Anarchie expire et pour de bon,
Et Ton vous a servi pour votre carnaval
Discrètement, entre deux bals.
Cette tête toute fraîche emmaillotée de son !...
Eh bien ? et vous tremblez encore ?
"Voyons, que diable, il faut se faire une raison!
Non? pas moyen? doit-on vous le hurler encore,
Que c'est exactement, finalement fini ?
Que voulez-vous encore ?
86 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Ah ! VOUS le savez bien que ça n'est pas fini !
Voilà pourquoi sous vos gros airs matamoresques
Vous grelottez de peur, ô laquais décatis !
Ah ! vous avez voulu qu'aux joies carnavalesques
S'instituât ce prélude inédit ?
Ah ! vous avez choisi pour signal à nos fêtes,
Pour initial chahut ceci :
La culbute d'une tête ?
Ah, c'est votre façon de faire de l'esprit ?
Soit ! dansez et dansez ! sautez! lâchez la bête,
Soit, nous serons vos vis-à-vis,
Et pour avec vous ne pas être en reste
Nous poursuivrons le jeu aussi,
Puisque vous êtes si lestes !
ONGUENT CONTRF LA GALE
87
VIGILE DE FÊTE NATIONALE
J'étais en mon cabaret, entre un cruchon d"eau-de-vie, ma pipe
et le livre de Pascal: tout contre la terrasse, un bal en plein air >
un 15 juillet, vers dix heures de la nuit.
Le peuple-roi et Pascal .
Parce Domine !
Parce Populo tuo !
Pascal
— '< Il faut arrêter cette insolence qui n'épargne
pas les lieux les plus saints... >/
Le peuple-roi
... Allons, enfants de la Patri-i-e,
... Mon canard est amoureux :
... Le jour de gloire est arrivé ;
... Mon canard est amoureux,
... On va lui couper la tête !
... C'est un oiseau qui vient de France,
... On va lui couper la queue 1...
Tzing ! palaboum, palaboum, boum-boum!
Baing !...
Parce Domine !
Parce Populo tuo !
88 testament de sa vie première
Pascal
— « Toute notre dignité consiste donc à bien pen-
ser ! travaillons à bien penser ! >/
La PIPE
— • Zinzizulé !... zulizinzizulé !...
Le cornet a piston
Bâfrons, dansons, buvons, aimons!
Notre cervelle,
Elle est entre nos jambes !
Pascal
— « Dans une grande âme, tout est grand ! »
La pipe
— Danzudingunamul... tulilingandigan...
Le bass-tuba
Je grogne et je flatue et fais des borborygmes
Et c'est l'âme au peuple abruti
Que dégorgent mes larges boyaux de vieux cuivre
En gaz empuantis !
La pipe
— Flui, flui, flui... fallafam-flui !. .
Pascal
— « Le premier effet de l'amour, c'est d'inspirer
un grand respect... »
La pipe
— Fluiz... spluir... filazouli, zalaflui... effespelile...
onguent contre la gale 89
La clarinette
Mes piaulements impudiques
Sont les sanglots de pâmoisons
Des petites filles lubriques
Que sur le paillasson
Troussent les éphèbes cyniques !
Pascal
— « Il est dangereux de dire au peuple que les lois
ne sont pas justes ; car il n'obéit qu'à cause qu'il les
croit justes I »
La pipe
— Juss-juss-juss... titu, titu, titu, loluluit !...
La grosse caisse
Boum ! boum ! adorons la trique !...
Boum ! boum ! suçons notre gourme !...
Boum ! boum ! mordons qui nous aime !...
Boum ! boum ! léchons qui nous gourme !...
Boum ! boum ! et battons la flemme !...
Boum !
Pascal
— « L'immortalité de l'âme ! »
La pipe
— Pouh-pou-pou-pou ; pou-pou-pouh 1...
Les cymbales
Dzing !... Vive la peau ! vive le corps !
Abaissons-nous ! toujours ! encor 1
90 TESTAMENT DE SA VIE PREMIÈRE
Vivent le vin, la viand'des femmes,
L'absinthe et les gros mélodrames,
Vivent l'argent et le gourdin!... Dzing!.
Pascal, la pipe, le peuple-roi
Parce Domine !
Parce Populo tuo !...
ONGUHNT CONTRH LA GALE i) l
MORALE
Ton baiser emprisonne le léger havane,
Lèvre, et hume l'arôme hors l'artificiel
Fruit acre et succulent — du poivre sous du miel —
Qui, fuselé s'allonge en l'air, et s'y pavane,
Et tel l'eau du canal dont tu lèves la vanne.
Son âme aristocrate, en un torrentiel
Tournoiement de flocons bleus montant vers le ciel.
Je la crache : ils s'en vont en molle caravane;
Mon œil les accompagne avec détachement
Se dissoudre un à un au bleu du firmament : [crime,
Ne sachant qu'un seul crime, un vers plat, mais grand
Rêver vaut mieux qu'agir et dormir que rêver.
Etre mort que dormir; prudence légitime:
Hélas ! un mauvais vers est si vite arrivé !
TABLE DES MATIÈRES
DEVOIRS D ECOLIER
Pag-es.
Prière fervente avant d'entrer 3
Hymne nuptial 7
Obéron 8
Paysage lorrain lo
Variation autre sur le vieux thème ii
Vesper i6
La Symphonie en si [7 17
Evening at ten o'clock 19
Barcarole en nocturne 21
Acte de contrition 25
Vanité 27
Convictions politiques 29
Vision d'un midi d'Été 30
POTION POUR EVACUER
Cantique à la plus jolie 35
En gratitude du joli bonsoir et du plus joli sourire. . . 36
Dévergondage d'Eté 37
Dionysia 49
Vierge nubile 50
Idylle 53
94 TABLE DES MATIERES
Pages.
Veille amoureuse 55
Hg 57
Romance objurgative et comminatoire 58
Dysenterie 61
ONGUENT CONTRE LA GALE
Thalassa ! Thalassa ! 65
Complainte 69
Ex-voto aux petites raffineuses 72
Chanson de route 75
Aristocratie "<)
Chanson de route ->i
Carnaval Rouge 84
Vigile de fête Nationale 87
Morale 91
U'
Tours, impritilerie Deslis Frères. 6, rue Gambetta.
LIBRAIRIE LÉON VANIER, ÉDITEUR
19, QUAI SAINT-MICHEL, I9, PARIS
Envoi franco contre mandat-poste
G. DE LAUTREC
Poèmes en prose, i vol. in-i8 3 fr. 50
ARTHUR RAIMBAUD
Poésies complètes 3 fr. 50
JULES LAFORGUE
Poésies complètes 6 fr. »
CHARLES DONOS
Verlaine intime 3 fr . 50
DE PiMODAN
Sonnets. Vol. illustré 3 fr. 50
CARAN D'ACHE
Histoire de Marlborough. Album de gravures en
couleur, texte de J. de Marthold 3 fr. 50
LÉOPOLD DAUPHIN
Raisins bleus et gris, poésies 3 fr. »
B. REYNOLD
Jardins suspendus 2 fr. »
BLANCHE SARI-FLÉGIER
Joséphin, roman, couverture de Willette 3 fr. »
Tours, imp. Desus Frères, rue Gambetta, 6.
PQ Faillet, Georges
2611 Testament de sa vie première
A3-^T4
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
LU:
(/) =
O 0>
;x oo
ia
o co