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Full text of "Thèses présentées a la Faculté des sciences de Paris : pour obtenir le grade de Docteur ès sciences naturelles"

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intl)fCitporiîfttîg0rk 

Collège  of  ^ijpôiciansi  anb  ê>urgeon£{ 

llifararp 


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http://www.archive.org/details/thsesprsentOOchar 


SÉRIE  A,  N»  43. 
N"   D'ORDKE 

405 


THÈSES 


PRÉSENTÉES 


4  LA  FACULTÉ  DES  SCIENCES  DE  PARIS 


I'  0  U  It     0  11  T  K  N  I  II 


LE  GRADE  DE  DOCTEUR  ES  SCIENCES  NATURELLES 


L.    GHARBONNEL-SALLE 

Docteur  en  médecine,  inailre  de  conférences  à  la  Faculté  ,des  sciences  de  Lyon, 
Chef  des  travaux  zooiogiques  à  la  Faculté  de  médecine. 


1"  TliE»m<:.  —  Recherches  expéhimentales  sur   l'excitation  électrique 

DES  NERFS   MOTEURS    ET    l'ÉLECTROTONUS. 

a»  TBÈSK.    —  Recherches   sur   le  rôle  physiologique  du  tannin  dans 

LES   VÉGÉTAUX. 
Soutenues  le     /        ai-tJ^A^^—    devant  la   cominission  d'examen 

MM.  DUCHARTRE Président. 

PAUL  BERT ,     ,, 

,,.r.r.„  l    examinateurs. 

MAREY 


PARIS 

G.    MASSON,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     L 'ACADÉMIE     DE     MÉDECINE 
Boulerard  Saint-Germain,  en  face  de  l'Ecolt  de  médccioe 

1881 


ACADÉMIE   DE   PARIS 


FACULTE   DES    SCIENCES   DE    PARIS 


Boyen. 


Professeurs  honoraires. 


Professeurs. 


Agrégés. 


Secrétaire. 


MILNE  EDWARDS,  Professeur.  Zoologie,  Anatomie, 

Physiol.  comparée, 
DUMAS. 
PASTEUR. 

P.   DESAINS Physique. 

LIOUVILLE Mécaniq.  rationnelle. 

PUISEUX Astronomie. 

HÉBERT Géologie. 

DUCHARTiiE Botanique. 

.JAMIN Physique. 

SERRET Cakul  différentiel  et 

intégral. 

N Ciiiniie. 

DE  LACAZE-DUTHIERS.      .  .  Zoologie,  Anatomie. 
/  Physiol.  Comparée. 

\  BERT ,  .  Physiologie. 

HERMITE. .  .  •  Jt.,>.'^  .jV  ■  .  .  Algèbre  supérieure. 

BRIOT ...  :   Calcul  des  probabili- 
tés, Physiq.  iiialh. 

BOUQUET.. Mécanique    physique 

et  expérimentale. 
'  TROOST Chimie. 

^YURTZ Chimie  organique. 

FRIEDEL Minéralogie. 

OSSIAN  BONNET Astronomie. 

DARBOUX Géométrie  supérieure 

;  BERTRAND .   Sciences  mathémat. 

.1.  VIKILLE Id. 

[  PELIGOT Sciences  physiques. 

PHILIPPON. 


fARIS.    —    IMPRIMERIE     EMILB    .MARTINET,     RUE     MIOMON.    î 


( 


RECHERCHES  EXPÉRIMENTALES 


SDR 


L'EXCITATION  ÉLECTRIQUE  DES  NERFS  MOTEURS 

ET   l'ÉLECTROTONUS 

Vav     Louis     C1I.\RB0X.VE:L-<!>.%L.LE. 

Docteur  en  médecine,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  science»  de  Lyon, 
Chef  des  travaux  zoologiques  à  la  Faculté  de  raidecine. 


AVANT  PROPOS 

Nous  exposerons,  dans  ce  travail,  les  résultats  d'une  longue 
série  d'expériences  sur  l'excitation  électrique  des  nerfs  mo- 
teurs et  sur  l'électrotonus,  sujet  dont  les  investigations  si 
nombreuses  des  physiologistes  n'ont  pas  encore  dissipé  toutes 
les  obscurités. 

Afin  de  donner  à  nos  recherches  un  caractère  de  précision 
que  ne  comporte  point  la  simple  observation  des  phénomènes, 
nous  avons  eu  recours  à  l'inscription  par  la  méthode  gra- 
phique, seule  capable  de  donner  à  la  fois  la  représentation 
saisissante  et  la  preuve  indiscutable  des  faits. 

Ce  travail  a  été  fait  au  Laboratoire  de  médecine  expérimen- 
tale de  la  Faculté  de  Lyon,  sous  la  direction  de  M.  le  profes- 
seur Ghauveau.  Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  témoigner 
à  notre  savant  maître  notre  vive  reconnaissance  pour  la  bien- 
veillance avec  laquelle  il  nous  a  prodigué  ses  conseils  et  sou- 
tenu de  ses  encouragements  depuis  le  jour  où  il  nous  accueillit 
dans  son  laboratoire. 

n.  ÉTUDES.   — se.    NAT.  XXIV.    1.  —  ART.    N"    I. 


s  CIIARBOlllVEL-^ALLK. 

PREMIÈRE   PARTIE 

APPAREILS  ET  PROCÉDÉS  OPÉRATOIRES 

Pour  étudier  avec  précision  les  phénomènes  d'excitation 
électrique,  nous  avons  employé  l'appareil  dont  la  planche  1 
donne  une  vue  d'ensemble  et  qui  permet  à  la  fois  : 

D'inscrire  avec  leur  amplitude,  leur  durée  et  leur  forme 
réelles  les  contractions  musculaires  résultant  de  l'irritation 
du  nerf  moteur  ; 

De  produire  l'excitation  à  des  moments  déterminés,  condi- 
tion nécessaire  à  la  régularité  des  tracés  ; 

De  graduer  exactement  la  force  de  l'excitant  et  d'obtenir 
des  séries  d'intensité  croissantes  et  décroissantes; 

Enfin  de  renverser  alternativement  la  direction  des  cou- 
rants dans  le  nerf. 

Grâce  à  l'ingénieuse  construction  de  notre  appareil,  les 
opérations  diverses  que  nous  venons  de  signaler  s'effectuent 
automatiquement  :  fermeture  et  ouverture,  graduation,  com- 
mutation n'incombent  point  à  l'opérateur  et  sont  déterminées 
par  le  jeu  de  l'appareil  enregistreur  lui-même  qui  règle  leur 
production  au  moment  opportun. 

L'expérience  préparée,  l'opérateur  reste  donc  spectateur 
passif  des  phénomènes. 

Pour  comprendre  les  relations  établies  entre  les  diverses 
parties  de  l'appareil,  il  est  nécessaire  d'en  faire  d'abord  l'étude 
analytique.  Nous  passerons  successivement  en  revue  : 

1°  L'appareil  enregistreur  ; 

2°  L'appareil  d'excitation  électrique. 

I.  —  Appareil  enregistreur. 

Pour  l'hiscription  graphique  des  secousses  musculaires, 
nous  avons  adopté  les  appareils  bien  connus  de  M.  Marey.  Il 
nous  suffira  de  rappeler  brièvement  leur  disposition  générale 

ARTICLE  N"   1. 


EXCITATION   ÉLECTRIQUE   DES   NERFS   MOTEURS.  3 

et  de  sip;iialer  quelques  parlicularilés  importantes  pour  nos 
recherches  (l). 

C'est  le  myographc  à  levier  horizontal,  fondé  sur  le  principe 
commun  de  l'exploration  et  de  l'inscription  avec  le  levier,  qui 
trace  les  couihes  musculaires  sur  un  papier  enfumé  recou- 
vrant un  cylindre  tournant;  celui-ci  est  adapté  à  l'axe  de  vi- 
tesse moyeiuie  d'un  mouvement  d'horlogerie,  dont  l'unilor- 
mité  est  assurée  par  un  légulateur  deFoucanlt.  Au  myographe 
on  peut  fixer,  soit  une  lame  de  liège,  soit  des  plaques  isolantes 
déformes  variées,  sur  les'[uell('s  sont  disposées  les  prépara- 
tions. Enfin,  pour  obtenir  l'imbrication  des  tracés,  un  chariot 
glissant  sur  un  chemin  de  fer  fait  cheminer  le  myographe  pa- 
rallèlement au  cylindre.  Le  mouvement  de  translation  uni- 
forme du  chariot  est  emprunté,  grâce  à  deux  poulies  sur  les- 
quelles s'enroule  une  corde  sans  fin,  à  l'un  des  axes  de 
l'appareil  moteur  principal. 

Nous  avons  employé,  suivant  les  cas,  tantôt  le  myographe 
simple,  tantôt  le  myographe  double  ou  comparatif;  ce  dernier 
porte  deux  leviers,  dont  l'un  est  situé  à  un  niveau  un  peu  plus 
élevé  que  l'autre;  ces  leviers  peuvent,  par  le  glissement  de 
deux  curseurs,  s'éloigner  ou  se  rapprocher  à  volonté.  Un  fil 
de  soie,  inextensible  et  isolant,  relie  le  tendon  du  muscle  à  la 
base  du  levier  et  s'y  fixe  en  s'enroulant  plusieurs  fois  autour 
d'une  gorge  ;  il  passe  ensuite  sur  une  poulie  et  porte  à  son 
extrémité  un  poids  tenseur  destiné  à  faciliter  l'allongement 
du  muscle  après  la  contraction  ;  dans  nos  expériences,  nous 
avons  adopté  un  poids  constant  de  8  grammes.  La  grande  sen- 
sibilité du  myographe  de  Marey  et  la  légèreté  extrême  du  levier 
permettent  d'inscrire,  sans  déformation  notable,  des  secousses 
de  très  minime  amplitude.  Afin  de  réaliser  autant  que  pos- 
sible cette  condition  essentielle  pour  nos  recherches,  nous 
avons  donné  au  levier  une  longueur  assez  considérable  (i6  cen- 
timètres), et  fixé  le  fil  de  soie  très  près  de  l'axe  de  rotation. 

Une  plume  d'acier,  mince  et  flexible,  est  adaptée  à  l'aide 

(1)  Pour  plus  de  détails,  voy.  Marey,  la  Méthode  graphique,  p.  508  et  sufv 


4  CHARBOV\EL-NALLE. 

d'une  parcelle  de  cire  à  modeler  à  l'extrémité  du  levier  ;  elle 
frotte,  par  sa  pointe  aiguë,  sur  le  cylindre  enfumé.  Une  vis  de 
réglage  permet  d'incliner  au  degré  convenable  le  corps  du 
myographe  et  de  réduire  au  minimum  le  frottement  de  la 
plume  sur  le  papier. 

II.  —  Appareils  d'excitation  électrique. 

Nos  recherches  ont  porté  sur  l'action  physiologique  des 
courants,  soit  instantanés,  soit  continus  et  constants.  Dans 
les  deux  cas  nous  avons  employé,  comme  source  d'électricité, 
la  pile  de  Daniell,  facile  à  manier  et  suffisamment  constante, 
lorsqu'on  a  soin  de  l'alimenter  régulièrement  de  sulfate  de 
cuivre  et  d'en  fermer  le  circuit  une  heure  environ  avant  de 
s'en  servir.  Vingt  éléments  Daniell,  en  pleine  activité,  suffisent 
à  tous  les  besoins  de  l'expérimentation,  et  permettent  d'exé- 
cuter les  recherches  d'excitation  unipolaire  elles-mêmes,  exi- 
geant des  courants  de  forte  intensité,  en  raison  de  la  résistance 
considérable  des  tissus  animaux.  Les  couples,  de  petite  di- 
mension, sont  renfermés  dans  des  vases  en  grès  de  16  centi- 
mètres de  hauteur,  et  associés  en  tension.  Ils  sont  disposés 
dans  une  grande  boîte  en  sapin,  cloisonnée  en  compartiments 
distincts,  et  dont  la  surface  intérieure,  enduite  de  goudron, 
est  préservée  avec  soin  de  toute  humidité.  La  boite  elle-même 
repose  sur  des  supports  isolants. 

Pour  l'application  des  courants,  instantanés  ou  continus, 
aux  recherches  électro-physiologiques,  nous  avons  employé 
les  appareils  suivants  : 

Un  rhéotome,  appareil  de  fermeture  et  d'ouverture  ;  un 
rhéochorde,  appareil  de  graduation;  un  condensateur;  des 
électrodes  impolarisables  de  formes  variées. 

LE    RHÉOTOME 

L'appareil  désigné  dans  la  planche  1  par  la  dénomination 
abrégée  de  rhéotome,  et  dont  la  disposition  a  été  imaginée  par 
M.  Chauveau,  est  en  réalité  un  appareil  double  :  il  comprend 

ARTICLE  N»    1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE   DES   NERFS   MOTEURS.  5 

à  la  fois  un  rhcotomo  et  un  commutalcur.  L'un  et  l'autre  sont 
actionnés  par  le  mouvement  d'horlogerie  de  l'appareil  enre- 
gistreur et  leur  fonctionnement  est  réglé  de  telle  sorte  qu'une 
commutation  se  produit  après  chaque  ouverture  et  précède  la 
fermeture  suivante. 

Rhéotome  et  commutateur  consistent  essentiellement  en 
leviers  horizontaux  oscillant  autour  d'un  axe  central.  Les 
mouvements  alternatifs  de  chaque  levier  établissent  ou  rom- 
pent le  contact  entre  une  pointe  de  platine  fixée  à  son  extré- 
mité et  une  goutte  de  mercure  contenue  dans  un  petit  godet. 
L'organe  excitable  est  relié  par  les  fils  conducteurs,  d'une 
part  à  la  pointe  en  platine,  d'autre  part  au  mercure  du  godet. 

L'appareil  est  supporté  par  une  petite  table  à  quatre  pieds 
munis  devis  calantes  ;  les  leviers  et  les  godets  à  mercure,  ainsi 
que  les  bornes  destinées  à  fixer  les  fils  conducteurs,  sont  in- 
stallés sur  une  plaque  isolante  de  caoutchouc  durci  ou  porte- 
leviers.  Il  nous  est  évidemment  impossible  d'indiquer  ici  les 
détails  minutieux  de  construction  et  de  suivre  le  courant  dans 
sa  marche  à  travers  les  diverses  pièces  de  l'appareil  ;  nous  si- 
gnalerons seulement  la  disposition  par  laquelle  l'enregistreur 
transmet  aux  leviers  rhéotomes  et  commutateurs  les  mouve- 
ments alternatifs  de  bascule.  Une  roue  dentée,  adaptée  à  l'axe 
du  cylindre  de  Marey,  engrène  avec  une  autre  roue  fixée  à 
l'extrémité  d'un  arbre  horizontal  traversant  la  tablette  du 
rhéotome.  Cet  arbre  actionne,  par  un  engrenage,  une  roue 
centrale  de  grand  diamètre  dont  la  circonférence  présente  des 
chevilles  d'acier  perpendiculaires  de  trois  longueurs  différentes  : 
les  longues,  les  moyennes  et  les  courtes  sont  respectivement 
au  nombre  de  2,  4  et  20.  Ces  chevilles  accrochent,  tantôt  à 
droite,  tantôt  à  gauche,  les  parties  élargies  de  deux  petites 
palettes,  fixées  aux  leviers  du  rhéotome  et  du  commutateur. 
Le  porte-levier  glissant  sur  deux  coulisses  peut  être  à  volonté 
rapproché  ou  éloigné  de  la  roue,  de  manière  à  produire,  pour 
un  tour  du  cylindre  enregistreur,  2,  4,  ou  20  mouvements  de 
bascule. 

Nous  avons  vu  de  quelle  manière  est  obtenue  l'imbrication 


6^  €HAIiBO\.\EI.-SALLE:. 

verticale  des  tracés  par  la  translation  du  myographe  parallè- 
lement au  cylindre.  Pour  produire  l'imbrication  oblique,  dis- 
position plus  favorable  à  la  comparaison  de  longues  séries  de 
secousses,  la  roue  dentée  adaptée  à  l'axe  de  l'enregistreur  porte 
une  dent  de  moins  que  celle  du  rhéotome.  A  chaque  tour  du 
cylindre,  le  mouvement  du  levier  présente  donc  un  léger  retard 
sur  le  précédent. 

Le  rhéotome  que  nous  venons  de  décrire  a  été  construit 
en  vue  d'actionner,  au  moyen  de  courants  de  pile  interrom- 
pus, un  appareil  électro-magnétique  analogue  au  Fallapparat 
de  Pfliiger.  Malgré  les  critiques  dont  les  contacts  à  mercure 
ont  été  l'objet  de  la  part  de  plusieurs  physiologistes,  nous 
l'avons  utilisé  directement  pour  la  production  des  fermetures 
et  des  ouvertures.  La  régularité  des  tracés  obtenus  montre 
bien  que  ces  contacts,  attentivement  surveillés,  peuvent  rendre 
les  m.eilleurs  services. 

GRADUATION  DES  COURANTS.  —  LE  RHÉOCHORDE 

Avant  de  décrire  l'appareil  qui  nous  a  permis  de  graduer 
l'intensité  des  courants,  instantanés  et  continus,  c'est-à-dire 
le  rhéochorde,  nous  devons  rappeler  les  principes  sur  lesquels 
repose  cette  graduation.  Pour  les  courants  continus,  c'est  par 
l'emploi  des  courants  dérivés  que  nous  l'avons  réalisée,  sui- 
vant la  méthode  ordinairement  employée  en  physiologie  : 
l'intensité  au2:mente  et  diminue  avec  l'intervalle  de  dériva- 
tion,  d'après  une  relation  dépendant,  dans  chaque  cas  parti- 
culier, des  résistances  respectives  du  rhéochorde  et  du  circuit 
principal.  Nous  n'insistet"ons  pas  ici  sur  la  théorie  du  rhéo- 
chorde, exposée  dans  la  plupart  des  traités  de  physique  (1). 
Mais  nous  devons  indiquer  avec  plus  de  détails,  la  méthode 
de  graduation  des  courants  instantanés,  méthode  si  rigoureuse 
et  si  facile,  que  M.  Chauveau  aie  premier  fait  connaître  (2). 

(1)  Voy.  AVuiidt,  Physique  médicale.  Trad.  par  Monoyer,  1871,  p.  602  et 
suivantes. 

{t)  Chauveau,  Utilisation  de  la  tension  electroscopique  des  ci)  cuits  voltaique 
pbûr  obtenir  des  excitations  électro-physiologiques.  Lyon.  1874. 

AUTICLE  N"   1. 


EXCITATION    KLEGTHIQUE    DES   NERFS    MOTEURS.  7 

Le  principe  do  cette  métliode  consiste  îi  utiliser  la  tension 
électi'os('opi(ine  des  circuits  vollaïques  l'ennés.  Les  deux  pùles 
d'une  pile,  h  tension  forte  et  h  courant  constant,  sont  réunis 
par  un  fd  métallique  très  long,  très  fin  et  tout  à  l'ait  homo- 
gène; un  point  (|uelGonque  de  ce  fil  interpolairc  est  mis  en 
connmuiication  avec  le  sol.  D'après  riiypothèse  de  Ohm  sur 
la  propagation  de  l'électricité  et  les  vérifications  expérimen- 
tales de  Kolrausch,  la  tension  électroscopique  de  ce  point 
étant  à  zéro,  celle  des  autres  points  croît  en  progression  arith- 
métique parfaitement  régulière  à  mesure  qu'on  s'éloigne  du 
zéro,  en  affectant  le  signe  +  ou  le  signe  —  suivant  qu'on  se 
rapproche  du  pôle  positif  ou  du  pôle  négatif.  Si  le  fd  commu- 
nique avec  le  sol,  non  par  un  point  quelconque  de  son  étendue, 
mais  par  une  de  ses  extrémités,  celle  qui  tient  au  pôle  négatif, 
par  exemple,  le  zéro  est  transporté  en  ce  dernier  point,  et  les 
tensions,  toutes  positives,  se  distribuent  suivant  la  loi  indiquée 
jusqu'au  pôle  positif,  siège  de  la  tension  maxima.  D'une  façon 
générale,  tout  déplacement  du  zéro  sur  le  circuit  s'accom- 
pagne d'un  déplacement  équivalent  des  tensions  respectives 
des  différents  points. 

Supposons  maintenant  qu'une  sphère  conductrice  isolée 
soit  reliée  par  un  fil  métallique  à  l'un  des  points  du  circuit  : 
cette  sphère  se  met  en  équilibre  de  tension  avec  le  point  au- 
quel elle  est  rattachée,  et  le  fd  de  communication  est  parcouru 
par  un  flux  instantané  d'électricité  dont  l'intensité  est  propor- 
tionnelle à  la  charge  que  prend  le  conducteur  sphérique.  Il  est 
évident  que  ce  flux  se  répétera  avec  la  même  intensité  chaque 
fois  que  la  sphère,  isolée  de  nouveau  et  ramenée  à  l'état  neutre 
par  une  communication  avec  le  sol,  sera  reliée  au  même  point 
du  circuit.  Si  le  contact  entre  la  sphère  et  le  circuit  est  établi 
successivement  en  des  points  dont  les  distances  au  zéro  crois- 
sent en  progression  arithmétique,  les  charges  que  prendra  la 
sphère  augmenteront  suivant  la  même  loi,  à  condition  qu'après 
chaque  contact,  la  sphère  soit  ramenée  à  l'état  neutre.  Le  fd 
■de  communication  sera  donc  parcouru  par  dès  flux  instanta- 
nés d'intensité  régulièrement  croissante  et  de  même  vitesse. 


8  CHARBOM^EL-SALLE. 

La  distribution  et  la  valeur  des  tensions  du  circuit  voltaïque, 
coMimmiquant  par  un  point  avec  le  sol,  restent  d'ailleurs  par- 
faitement constantes,  quel  que  soit  le  volume  de  la  masse  ad- 
ditionnelle, grâce  à  la  force  électromotrice  de  la  pile  qui 
régénère  instantanément  la  quantité  d'électricité  enlevée  au 
circuit. 

Si  le  fil  de  communication  est  interrompu  en  un  point  et  si 
les  deux  bouts  sont  réunis  par  un  organe  excitable,  cet  organe 
sera  traversé,  lors  des  contacts  successifs,  par  des  courants 
d'intensité  croissante  ou  décroissante,  suivant  que  la  charge 
de  la  sphère  est  empruntée  à  des  points  de  plus  en  plus  éloi- 
gnés ou  de  plus  en  plus  rapprochés  du  zéro. 

Telle  est,  dans  ses  points  essentiels,  la  méthode  d'excitation 
graduée  dont  nous  avons  largement  mis  à  profit  la  précision 
rigoureuse  et  la  commodité  pratique.  — A  la  sphère  conduc- 
trice, nous  avons  substitué  un  condensateur  (i)  Micro-Fara- 
day, dont  l'une  des  armatures  est  reliée  au  circuit  voltaïque, 
tandis  que  l'autre  communique  avec  le  sol.  Ce  condensateur, 
à  surface  très  étendue,  se  compose  d'un  grand  nombre  de 
feuilles  d'étain  isolées  entre  elles;  il  est  subdivisé  en  microfa- 
rads,  unité  de  surface  adoptée  par  les  physiciens  anglais.  Une 
disposition  fort  simple  permet  d'utiliser  à  volonté  un  nombre 
déterminé  de  micro farads,de\>ms  i  jusqu'à  10.  Pour  certaines 
expériences,  nous  avons  remplacé  ce  condensateur  par  une 
bouteille  de  Leyde  de  faible  capacité. 

Voici  maintenant  la  description  du  rhéochorde  de  M.  Ghau- 
veau  (pi.  I),  appareil  destiné  à  la  graduation  automatique  des 
courants  instantanés  et  des  courants  continus.  Un  fil  de  pla- 
tine, extrêmement  fin  et  long  de  30  mètres,  est  replié  à  angles 
aigus  à  l'intérieur  d'un  cylindre  en  verre  vertical  contre  la 
paroi  duquel  il  est  appliqué.  Le  cylindre  est  fermé  à  chaque 
extrémité  par  une  plaque  circulaire  de  caoutchouc  durci  et 

(1)  Le  condensateur  adéjàélé  appliqué  aux  recherches  électro-physiologiques, 
en  France  par  Marey  (Voy.  Méthode  grapliique,  p.  517),  et  en  Allemagne  par 
Tiegel  {Ueber  den  Gçbravch  eines  Condensators  zum  Reizem  mit  Induction- 
sapparaten  {Arch.  de  Pflûger,  t.  XIV,  s.  330). 
Amici.E  N"  1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES   NERFS    MOTEURS.  9 

(i-aversé  par  un  axe  de  rolalioii  dépassant  les  deux  bases  et 
Mioiiié  sur  pivots.  Les  angles  du  iil  sont  lixés,  par  leurs  som- 
mets, à  des  crocliets  métalliques,  les  supérieurs  isolés,  les 
inférieurs  reliés  à  une  lame  d'acier,  incrustée  à  la  face  infé- 
rieure de  la  base  du  cylindre  et  dirigée  radialement.  Il  y  a 
donc  en  tout  soixante  lames  d'acier  rayonnantes,  isolées  et 
s'arrètant  à  une  certaine  distance  du  centre.  Le  fd  est  ainsi 
divisé  en  soixante  parties  égales  de  50  centimètres.  Des  numé- 
ros de  1  à  60,  gravés  sur  la  base  du  cylindre,  répondent  à 
chacun  des  angles  inférieurs;  une  des  extrémités  est  fixée  au 
n°  1,  l'autre  au  n"  00. 

Ces  deux  extrémités  du  fil  interpolaîre  doivent  être  reliées 
aux  deux  pôles  de  la  pile.  Or  ces  deux  extrémités  se  déplacent 
pendant  la  révolution  du  cylindre,  et  il  fallait,  par  conséquent, 
concilier  leur  mobilité  avec  l'immobilité  des  deux  rhéophores 
du  courant.  Cette  difficulté  a  été  surmontée  parla  disposition 
suivante  :  à  la  base  du  support  du  rhéochorde  est  fixée  hori- 
zontalement une  grande  plaque  rectangulaire  de  caoutchouc 
durci.  Cette  plaque  porte  à  chacun  de  ses  angles  postérieurs 
(invisibles  dans  la  figure)  une  borne  à  laquelle  s'adapte  un 
des  rhéophores  de  la  pile.  Une  lame  métallique  isolée  part  de 
chaque  borne,  et  les  deux  lames  aboutissent  à  deux  cuvettes 
isolées  et  circulaires  remplies  de  mercure,  dans  lequel  plon- 
gent deux  pointes  en  platine,  reliées  chacune  à  l'une  des  ex- 
trémités du  fil  interpolaire.  Pendant  la  révolution  du  cylindre, 
les  deux  pointes  se  déplacent  circulairement  sans  jamais  cesser 
d'être  en  contact  avec  le  mercure. 

Un  commutateur,  disposé  entre  les  deux  bornes,  permet  de 
renverser  à  volonté  la  direction  du  courant  dans  le  fil. 

On  dérive  les  courants  au  moyen  de  bornes  (visibles  dans 
la  figure),  qui  terminent  en  avant  la  plaque  rectangulaire  de 
caoutchouc.  Ces  bornes,  au  nombre  de  six,  communiquent 
avec  des  cuvettes  transversales,  remplies  de  mercure  et  dis- 
posées parallèlement  les  unes  aux  autres  d'avant  en  arrière. 
Dans  ces  cuvettes  plongent  des  pointes  en  platine,  implantées 
dans  les  lames  métalliques  rayonnantes  de  la  base  du  cylindre 


1.0  C;ilARBOîl1KL-SALB,K. 

et  disposées  en  cercles  concentriques.  Les  plus  extérieures 
sont  au  nombre  de  soixante  et  permettent,  par  conséquent,  de 
prendre  successivement  des  intervalles  de  dérivation  de  50  cen- 
timètres; les  suivantes,  de  plus  en  plus  espacées,  répondent 
à  des  intervalles  de  dérivation  de  plus  en  plus  grands.  Pour 
certaines  expériences,  exigeant  une  graduation  plus  lente  de 
l'intensité,  on  a  réservé  une  fraction  de  fil  (50  centimètres), 
tendue  verticalement  à  côté  d'une  règle  divisée  en  centimètres 
et  dont  un  curseur  permet  de  prendre,  comme  intervalles  de 
dérivation,  des  longueurs  aussi  petites  qu'on  le  veut. 

Par  le  mouvement  circulaire  du  rhéochorde,  les  pointes  de 
platine,  répondant  aux  angles  inférieurs  du  fil,  sont  amenées 
successivement  en  contact  avec  le  mercure  des  cuvettes,  en 
passant  par  des  échancrures  latérales,  et  l'intensité  du  courant 
augmente  ou  diminue  suivant  une  marche  plus  ou  moins  ra- 
pide. C'est  l'appareil  enregistreur  qui  commande  le  mouve- 
ment circulaire,  transmis  au  rhéochorde  par  le  rhéotome.  On 
voit,  dans  la  figure,  les  roues  dentées,  de  diamètres  différents 
et  montées  sur  un  axe  commun  qui,  par  l'intermédiaire  de 
deux  poulies  et  d'une  corde  sans  fin,  transmettent  au  rhéo- 
chorde le  mouvement  circulaire  avec  des  vitesses  variées,  sui- 
vant les  exigences  particulières  de  chaque  expérience. 

Nous  nous  sommes  servi,  en  général,  de  la  plus  petite 
vitesse,  le  rhéochorde  accomplissant  une  révolution  complète 
pour  soixante  tours  du  cylindre  enregistreur. 
.  Les  figures  1  et  2  représentent  schématiquement  les  diverses 
parties  de  l'appareil  excitateur,  dans  leurs  rapports  récipro- 
ques, ainsi  que  la  préparation  de  grenouille  disposée  pour 
l'expérience;  elles  aideront  à  comprendre  le  jeu  des  parties 
fondamentales  de  l'appareil  et  la  marche  des  courants  dans 
l'ensemble  du  circuit. 

La  figure  i  indique  le  mode  d'emploi  du  courant  continu. 
La  pile  étant  complètement  isolée,  un  des  pôles,  le  positif,  par 
exemple,  est  mis  en  communication,  d'une  part  avec  le  rhéo- 
chorde, d'autre  part  avec  la  borne  centrale  du  rhéotome.  Le 
schéma  montre  qu'on  utilise  seulement  une  des  moitiés  du 

ARTICLE   N°    1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NEUFS    MOTEURS.  M 

rhéotomc.Lccour;nilosl('Oii(liiit  par  un  filcourl,  du  ihéotome 
à  riiii  des  leviers  du  conuiuilalcur,  traverse  ensuite  la  gre- 
nouille, puis  l'autre  levier  du  coniinutateur,  mis  en  com- 
munication avec  le  pôle  négatif  par  l'intermédiaire  du  rliéo- 
cliorde.  L'intervalle  de  dérivation  augmente  lorsque  les  angles 
inférieurs  du  lil  interpolaire  viennent  se  mettre  en  contact. 


Fig.   1.  —  Disposiliuu  (le  ru^paifil  iiour  rcm[iloi  des  courants  continus. 

de  droite  ii  gauche,  avec  la  borne  de  dérivation  D;  il  diminue 
quand  le  déplacement  a  lieu  en  sens  inverse.. 

Les  deux  schémas  A  et  B  de  la  figure  1  difïèrent  seulement 
par  la  position  du  commutateur,  permettant  de  renverser 
alternativement  la  direction  du  courant  dans  les  nerfs. 

La  figure  ^2  est  destinée  à  faire  comprendre  le  mode  d'em- 
ploi des  courants  instantanés  obtenus  au  moyen  du  conden- 
sateur. Le  pôle  négatif  de  la  pile  et  l'une  des  armatures  du 
condensateur  A'  sont  en  communication  avec  le  sol;  le  pôle 
positif  et  l'armature  A  sont  isolés,  et,  d'après  les  principes 


d2  CIIARB0.1I%FL-i!iALLE. 

rappelés  ci-dessus  (page  7),  les  tensions  électroscopiques  s'é- 
chelonnent en  progression  arithmétique  régulière,  de  0  à  un 
maximum  sur  toute  la  longueur  durhéochorde.  L'armature  A 
du  condensateur  est  mise  en  rapport  avec  les  angles  successifs 
du  fd  interpolaire,  pris  comme  source  d'électricité,  tantôt  de 
droite  à  gauche,  tantôt  en  sens  inverse,  suivant  qu'on  désire 
obtenir  des  chars^es  de  valeurs  croissantes  ou  décroissantes. 


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A 

a' 

:Df -^  :  '  f^-  ' 

^  (  /"^  ^■ 

Con\densateur 

^  Place  du  myog! 

^M      A:^^ 

POUR    CHARGE    SEULE 

■"         .     "    -.  '■    "^"^ 

Place. DU  MYOGRAPHE  pour  —          ->^ 

CHARGE   ET   DÉCHARGE 

Fig.  2.  —  Disposition   de  l'appareil   pour    l'emploi   des   flux    iiistauta;ics    d'électricité 

statique. 

La  décharge  a  lieu  par  l'établissement  d'une  communication 
entre  l'armature  A  et  le  soL  C'est  le  rhéotome  qui,  par  le  mou- 
vement de  bascule  d'un  de  ses  leviers,  produit  alternativement 
la  charge  et  la  décharge. 

Trois  positions  différentes  peuvent  être  données  au  myo- 
graphe  de  manière  à  faire  passer  à  travers  les  organes  excités  : 

i°  Soit  la  charge  seule. 

2"  Soit  la  charge  et  la  décharge. 

8°  Soit  la  décharsfe  seule. 
Dans  le  premier  cas  et  dans  le  troisième,  il  est  indispen- 
sable, pour  obtenir  des  courants  de  directions  alternantes, 

ARTICLE  N"   1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEURS.  13 

(l'introduire  dans  le  circuit  le  conmiulatcur,  supprimé  dans 
le  schéma.  Le  commutateur  devient  inutile  si  l'on  utilise  en 
même  temps  la  cliariic  et  la  décharge  dont  les  directions  sont 
naturellement  inverses,  et  qui  peuvent  être  considérées  comme 
équivalentes  si  la  communication  du  condensateur  avec  le  sol 
est  parl'aitement  établie. 

LES  ÉLECTRODES  IMPOLARISABLES 

Pour  des  recherches  précises,  il  est  indispensable  que  l'in- 
tensité des  courants  soit  maintenue  constante  pendant  toute 
la  durée  d'une  ou  de  plusieurs  expériences.  Une  des  conditions 
les  plus  importantes  de  cette  constance  des  courants,  c'est  la 
suppression  aussi  complète  que  possible  de  \ii  polarisation  des 
électrodes,  en  tous  les  points  du  circuit.  Les  produits  de  dé- 
composition électrolytique  accumulés  sur  les  électrodes  don- 
nant naissance,  comme  on  le  sait,  à  un  courant  de  polarisa- 
lion  de  sens  inverse,  constituent  une  des  causes  les  plus 
puissantes  d'affaiblissement  du  courant  excitateur. 

Afin  d'éviter  cet  inconvénient,  les  conducteurs  métalliques 
de  l'appareil  doivent  être  mis  en  rapport  avec  les  tissus  par 
l'intermédiaire  d'électrodes  humides  ou  liquides,  telles  que  les 
produits  électrolytiques  ne  puissent  s'accumuler  h  leurs  extré- 
mités. Il  est  avantageux  de  prendre,  comme  liquide  destiné  à 
établir  le  contact  entre  le  métal  et  le  tissu  animal,  une  solution 
d'un  sel  de  ce  métal,  et  de  s'arranger  de  manière  à  ce  que 
.cette  solution  ne  soit  en  contact  avec  les  nerfs  que  par  un 
autre  liquide  interposé,  sans  action  sur  le  tissu  nerveux.  Le 
procédé  général,  auquel  nous  avons  eu  recours,  indiqué  par 
J.  Regnauld,  en  1858,  consiste  à  terminer  les  conducteurs  mé- 
talliques par  des  baguettes  de  zinc  amalgamé,  plongeant  dans 
des  tubes  remplis  d'une  solution  saturée  et  neutre  de  sulfate 
de  zinc  pur  dans  l'eau  distillée.  Les  tissus  sont  mis  en  rapport 
avec  le  sulfate  de  zinc,  tantôt  par  une  couche  d'albumine 
interposée,  tantôt  au  moyen  d'une  masse  de  kaolin  imbibée 
d'une  solution  de   chlorure  de  sodium  à  ^,  solution  qui 


14  €harbo.^:\I':l-salli:. 

n'exerce  aucune  action  caustique  sur  le  tissu  nerveux. 
Ces  dispositions  sans  cloute  ne  font  pas  disparaître  d'une 
façon  absolue  la  polarisation;  mais  elles  en  diminuent  beau- 
coup la  valeur.  Nous  les  avons  constamment  employées,  même 
dans  les  expériences  faites  avec  les  courants  instantanés,  qui 
sont  constitués  par  des  quantités  minimes  d'électricité  et  ne 
possèdent  qu'un  faible  pouvoir  polarisateur.  Les  cas  parti- 
culiers, dans  lesquels  nous  nous  sommes  servi  d'électrodes 
métalliques,  seront  indiqués  dans  la  description  des  expé- 
riences. 

La  forme  et  les  c^imensions  des  électrodes  sont  évidemment 
susceptibles  de  nombreuses  variations.  Nous  décrirons  suc- 
cessivement ces  formes  diverses  en  exposant  les  recherches 
spéciales  auxquelles  elles  sont  adaptées.  Dès  à  présent,  toute- 
fois ,  nous  devons  faire 
connaître  les  électrodes 
dont  la  disposition  est  ap- 
propriée aux  expériences 
sur  la  patte  de  grenouille 
isolée  et  munie  de  son 
nerf  sciatique.  Voici  la 
description  de  ces  élec- 
trodes et  de  l'appareil 
qui  leur  sert  de  support 
(fig.  3). 

Une  plaque  rectangu- 
laire de  caoutchouc  durci, 
pouvant  s'adapter  par  un 
de  ses  côtés  au  myographe, 
est  percée  de  quatre  trous  circulaires,  disposés  en  ligne  droite 
suivant  son  axe.  Dans  chaque  trou  est  scellée  une  des  branches 
d'un  tube  recourbé  en  U  destiné  à  recevoir  la  solution  de  sulfate 
de  zinc;  l'extrémité  du  tube  affleure  exactement  la  surface. 
L'autre  branche  de  chaque  tube  traverse  la  plaque  près  du 
bord  et  se  termine  au-dessous  de  la  partie  horizontale  d'une 
borne,  dans  laquelle  est  fixée  une  baguette  de  zinc  amalgamé, 

ARTICLE   N"    i 


Fia.  3. 


l'orte-éleclrodes    pour  rexcilatioii 
du  nerf  isolé. 


EXCITATION    ÉLECTIIIQIJE    DES  NERFS    MOTEURS.  15 

La  partie  veilicalc  de  la  borne  est  reliée  à  ra|)|)areil  excitateur. 
De  très  petits  tubes  de  verre,  loui^s  de  i  ei'utiinètre,  remplis 
de  pâte  de  kaolin,  s'adaptent,  au  moyen  de  bouchons  en  liège, 
à  l'oriticc  central  des  tubes  recourbés;  leurs  extrémités  supé- 
lieures,  légèrement  échancrées  pour  recevoir  le  nerf,  sont 
distantes  de  S  millimètres.  Nous  avons  donc  quatre  électrodes 
impolarisables,  permettant  d'exciter  successivement  trois  ré- 
gions égales  ou  trois  loncrueurs  différentes  d'un  môme  nerf.  Une 
lame  de  liège,  fixée  h  la  plaque  de  caoutcliouc,  reçoit  la  patte 
de  grenouille,  immobilisée  par  deux  épingles,  })lantées  l'une 
dans  l'extrémité  supérieure,  l'autre  dans  l'extrémité  infé- 
rieure du  tibia. 

Tous  les  tubes  ayant  exactement  môme  diamètre  et  môme 
longueur,  aucune  bulle  d'air  ne  restant  interposée  dans  les 
colonnes  liquides,  les  résistances  opposées  au  courant  sont 
égales  dans  les  quatre  électrodes  et  ne  peuvent  introduire  dans 
les  expériences  aucune  cause  d'erreur. 

Une  cage  en  verre,  échancrée  pour  livrer  passage  au  fil  du 
myographe,  recouvre  exactement  la  préparation  et  la  préserve 
de  Taction  desséchante  de  l'air.  Cette  précaution,  commandée 
par  les  modifications  profondes  d'excitabilité  qu'imprime  aux 
éléments  nerveux  toute  perte  notable  d'humidité,  a  toujours 
été  prise  dans  nos  expériences. 

Toutes  nos  recherches  ont  été  faites  sur  le  nerf  sciatique  de 
la  grenouille  {Ranci  esculenla),  en  diverses  saisons,  et  dans 
des  conditions  physiologiques  se  rapprochant  le  plus  possible 
de  l'état  naturel.  L'influence  de  la  saison  et  celle  des  condi- 
tions d'existence  pendant  la  captivité  doivent  être  prises  en 
grande  considération.  On  sait  qu'il  existe  entre  les  grenouilles 
d'hiver  et  les  grenouilles  d'été  des  différences  considérables 
d'excitabilité;  d'après  Harless  (1),  cette  propriété  serait,  chez 
les  premières,  environ  vingt  fois  plus  grande.  Ce  chiffre  nous 
parait,  d'après  nos  propres  observations,  un  peu  exagéré;  mais 
nous  avons  toujours  constaté  nettement  une  différence  notable 

(I)  Harless,  Abhandl.  cl.  Bayr.  Acad.  VIII,  s.  378.  1858. 


16  eHAUBO.li.^EL-^iALLi:. 

dans  le  sens  indiqué.  Ce  n'est  pas  seulement  l'excitabilité 
absolue  du  nerf  récemment  préparé  qui  l'emporte  chez  la  gre- 
nouille prise  en  hiver,  et  surtout  aux  premiers  jours  du  prin- 
temps; la  durée  de  la  persistance  des  propriétés  nerveuses, 
dans  le  nerf  sectionné,  se  montre  aussi  plus  considérable. 

A  part  les  différences  d'excitabilité,  les  phénomènes  d'exci- 
tation électrique  le  montrent  toujours,  quant  aux  caractères 
fondamentaux,  identiques  chez  les  deux  sortes  de  grenouilles. 
Nous  avons  eu  soin  d'ailleurs,  pour  tous  les  points  importants 
de  notre  sujet,  de  faire  deux  séries  d'expériences,  une  dans 
la  saison  froide,  l'autre  pendant  les  chaleurs  d'été.  Nous  avons 
tenu  compte  aussi  des  modifications  que  le  séjour  dans  un 
milieu  anormal  peut  imprimer  aux  animaux  longtemps  con- 
servés au  laboratoire.  Les  grenouilles  tenues  en  cage  pendant 
un  certain  temps,  devenues  presque  entièrement  exsangues 
par  suite  de  l'inanition,  sont  tout  à  fait  impropres  à  la  re- 
cherche de  certaines  réactions,  d'observation  délicate,  que 
manifestent  les  nerfs  absolument  frais  sous  l'influence  des 
courants.  La  perte  de  l'excitabilité  après  la  préparation  est  si 
prompte  chez  ces  grenouilles  pathologiques,  les  manifestations 
initiales  sont  tellement  fugitives,  que  l'expérience,  même  ra- 
pidement conduite,  fournit  des  résultats  anormaux.  Nous 
avons  mis  à  part  ces  résultats  et  nous  avons  tenu  compte  seu- 
lement des  réactions  observées  chez  les  grenouilles  vigou- 
reuses et  récemment  capturées. 

SECONDE  PARTIE 

CHAPITRE    PREMIER 

différences  dans  les  secousses  musculaires   suivant  le  point 
d'application  de  l'excitant  au  nerf 

Tous  les  physiologistes  s'accordent  aujourd'hui  à  recon- 
naître que  l'excitation  produite  par  l'électricité  dans  un  nerf 
moteur  n'est  que  la  mise  en  jeu  d'une  propriété  spéciale  du 

ARTICLE  N°    I. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE   DES   NERFS   MOTEURS.  17 

lissu  nerveux,  pro|)riété  (jik^  I'cmi  désigne  sous  le  nom  d'excita- 
bilitc. 

Si  rexcitabililé  était  identique  en  tons  les  points  du  nerf, 
l'étude  de  l'action  exercée  par  les  courants  consisterait  seule- 
ment à  observer  les  différences  imprimées  à  la  manifestation 
physiologique  par  les  changements  de  sens  et  les  divers  degrés 
d'intensité  du  courant  employé. 

Mais  il  résulte  au  contraire  de  la  plupart  des  recherches 
faites  sur  ce  sujet  que  la  réaction  musculaire  obtenue  en  irri- 
tant successivement,  par  un  courant  de  même  force,  diffé- 
rentes régions  d'un  même  nerf  moteur,  présente  de  notables 
variations;  et  l'étude  approfondie  de  cette  inégale  répartition 
de  l'excitabilité,  déjà  si  intéressante  en  elle-même,  s'impose 
comme  un  préliminaire  obligé  au  physiologiste  qui  recherche 
les  lois  de  l'excitation  électrique.  Ces  différences  locales  d'ex- 
citabilité, combinées  avec  les  divers  degrés  d'intensité  et  les 
changements  de  sens  des  courants,  sont  en  effet  la  raison  des 
phénomènes  observés  depuis  si  longtemps  et  groupés  sous  le 
nom  de  «  Loi  des  secousses  ». 

Après  avoir  exposé  la  méthode  et  les  appareils  qui  nous 
permettent  de  graduer  exactement  l'excitant,  il  faut  donc  étu- 
dier en  lui-même  l'organe  excité,  soumis  à  des  conditions 
variées,  afin  d'apprécier  nettement  la  part  qui  lui  reviendra 
dans  les  diverses  réactions  observées.  Nous  nous  proposons  de 
résumer  les  notions  acquises  sur  ce  sujet,  de  les  contrôler  par 
de  nouvelles  recherches,  avant  d'aborder  l'étude  spéciale  de 
l'excitation  électrique  des  nerfs  moteurs. 

Budge  (1)  a  vu  le  premier  que  des  courants  induits  suffi- 
sants pour  tétaniser  une  patte  de  grenouille  en  traversant  la 
partie  supérieure  du  sciatique,  restaient  sans  effet,  appliqués 
aux  parties  inférieures  du  même  nerf.  A  la  même  époque, 
Pfliiger  (2),  par  une  méthode  plus  rigoureuse,  arrivait  à  des 

(1)  Budge,  Ueber  dus  Verhaltniss  der  Wirkung  der  Nerven  zu  ihrer  Ent- 
fernung  vom  Ursprung,  in  Froriep's  Tagesberichten,  1852,  s.  329. 

(2)  PÛùger,  Untersuclt.  uber  die  Physiol.  des  Electrotonus ;  Berlin,  1859, 
s.  140.  —  Pflùger  énonce  ainsi  la  loi  en  question  :  «  Une  seule  et  même  excila- 

H.    ÉTUDES.  —   se     NAT.  XXIV.   2.  —  ART.   N°  1. 


18  CHARBOllMEL-^iiALLi:. 

résultats  analogues  :  toujours,  sur  le  nerf  récemment  préparé, 
l'efTet  d'une  même  excitation,  électrique  ou  chimique,  était 
d'autant  plus  grand  que  le  point  excité  était  plus  éloigné  du 
muscle.  Par  la  précision  remarquable  de  ses  expériences,  le 
savant  physiologiste  allemand  a  mis  ce  fait  hors  de  doute;  de 
telle  sorte  que,  si  le  mérite  de  l'avoir  découvert  revient  à 
Budge,  c'est  à  Pfluger  qu'appartient  celui  de  l'avoir  positive- 
ment démontré.  Pour  l'explication  du  phénomène  deux  hypo- 
thèses se  présentaient  :  ou  bien  le  nerf,  en  ses  divers  points, 
présente  des  différences  de  structure  intime  qui  le  rendent 
inégalement  apte  à  recevoir  l'excitation  ;  ou  bien  l'excitation 
elle-même,  dans  sa  progression,  augmente  et  se  renforce;  elle 
parvient  au  muscle  d'autant  plus  grande  qu'elle  est  partie  de 
plus  loin.  C'est  à  cette  dernière  théorie,  consacrée  par  la  com- 
paraison classique  du  «.  f/rossissement  en  avalanche  »,  que  s'est 
arrêté  Pllûger.  Le  nerf  moteur,  dans  cette  supposition,  ne  se- 
rait donc  pas  seulement  un  conducteur  indifférent  de  l'irrita- 
tion reçue,  mais  un  conducteur  actif,  capable  d'accroître  cette 
irritation  par  le  dégagement  successif  de  forces  vives  aux 
divers  points  du  parcours. 

Il  importe  de  se  rappeler  que  les  expériences  de  Pfluger  ont 
été  pratiquées  sur  des  nerfs  sectionnés.  Cette  remarque  est 
d'une  importance  capitale.  Est-il  permis,  en  effet,  d'assimiler 
les  propriétés  physiologiques  d'un  nerf  coupé  à  celles  d'un 
nerf  intact,  et  de  prendre  indifféremment  pour  sujet  d'expé- 
riences le  tronçon  d'organe  ou  l'organe  entier  relié  normale- 
ment aux  centres  nerveux?  La  réponse  à  cette  question  n'est 
plus  douteuse  aujourd'hui.  Déjà  Valli  et  Pfaff,  puis  Cima  et 
Matteuci  avaient  observé  qu'un  nerf  séparé  de  la  moelle  de- 
vient plus  apte  à  l'excitation.  Du  Bois-Reymond  (1)  confirma 
ce  fait  par  l'étude  de  la  variation  négative.  Harless  (2),  puis 

lion  qui  agit  sur  deux  points  différents  du  nerf,  ne  fait  pas  contracter  le  muscle 
de  la  même  manière,  mais  se  montre  d'autant  plus  efficace  que  le  point  influencé 
est  plus  loin  du  muscle  ». 

(1)  Du  Bois-Raymond,  Vntersuchungen,  II,  1849. 

(2)  Harless,  Abhandl.  d.  bayr.  Acad.,  VIII,  1858. 

ARTICLE  N"  1.   * 


EXCITATION    ÉLECTRIQTE   DES   NERFS    MOTEURS.  49 

Heidenhain  (I)  et  Faivrc  {"1)  ont  éUidié  d(;  nouveau,  à  peu  près 
à  la  môme  époque,  cette  inodincalioii  profonde  des  propriétés 
nerveuses  par  la  section  transversale.  Il  résniLe  de  toutes  ces 
recherches  que  le  pieniier  ellet  d(!  la  section  est  un  accroisse- 
ment considérable  d'excitabilité,  dont  le  maximum  est  au  voi- 
sinage de  la  section  elle-même;  puis  cette  excitabilité  exagérée 
diminue  et  se  perd  peu  à  peu  par  la  mort  progressive  du  nerf, 
laquelle  a  lien,  suivant  la  loi  anciermement  découverte  par 
Ritter  et  Valli,  du  centre  à  la  périphérie.  Vers  la  môme  époque, 
Rosenthal  (3),  constatant  le  môme  phénomène,  le  considéra 
comme  une  phase  initiale  du  dépérissement,  et  fit  voir  qu'en 
chaque  point  du  nerf,  à  partir  de  la  section,  la  perte  de  l'exci- 
labilité  est  précédée  d'une  légère  augmentation.  Enfin,  Hei- 
denhain {loc.  cit.)  montre  que  sur  un  nerf  isolé,  des  coupes 
répétées  produisent  la  répétition  de  l'effet  observé  en  premier 
lieu,  c'est-à-dire  que  chaque  section  nouvelle  relève  l'excita- 
bilité déjà  notablement  afïiiiblie. 

On  est  donc  conduit  à  se  demander  si  la  loi  de  Pflûser 
rappelée  plus  haut,  n'est  pas  une  simple  conséquence  de  la 
perturbation  produite  dans  le  nerf  moteur  par  les  conditions 
expérimentales  et  si  V accroissement  en  avalanche  de  l'excita- 
tion est  bien  une  réalité  physiologique,  et  représente  le  véri- 
table mode  de  transmission  de  l'excitation  motrice  dans  l'état 
normal  de  l'organisme.  Pour  juger  cette  question,  il  était  évi- 
demment nécessaire  d'expérimenter  sur  des  nerfs  non  sec- 
tionnés et  maintenus,  autant  que  possible,  dans  leurs  condi- 
tions naturelles.  Des  expériences  instituées  sur  cette  base 
nouvelle  ont  été  faites  tout  d'abord  par  Pflùger  lui-même  et 
semblèrent  confirmer  la  loi  qu'il  avait  établie.  Diverses  re- 
cherches, les  unes  anciennes  (Harless  (4),  Meissner  (5),  la 


(1)  Heidenhain,  Allg.  méd.  Centralztg.,  1859.  N""  10,  16.  —  Studien  des 
Physiol.  Instit.  zii  Breslau,  1,  s.  1.  Leipsig,  1861. 

("2)  Faivre,  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  se.  ;  avril,  1860. 

(3)  Rosenthal,  AUgm.  med.  Centralztg.  1859,  p.  16. 
:  (4)  \i3ir\ess,  Gelehrte  Anzeigcn  d.  bayr.  Acad.,  XLIX,  1859. 

(5)  Meissner,  Jahresber.  iiber  d.  Fortschr.  d.  Physiol. 


20  €HARBO.\!\EL-«ALLE. 

plupart  assez  récentes,  dues  à  Wundt  (1),  Rutherford  (2)  et 
Tiegel  (3)  ont  donné,  pour  le  nerf  non  sectionné  le  môme 
résultat  général,  conforme  à  celui  de  Pflùger  et  favorable  à  la 
théorie  de  l'avalanche  :  à  part  quelques  irrégularités  dans  les 
courbes  de  l'excitabilité,  les  parties  supérieures  du  sciatique 
de  grenouille  se  montrèrent  plus  irritables  que  les  parties 
inférieures.  Heidenhain,  au  contraire,  donna  une  courbe  bien 
différente  d'excitabilité,  sur  laquelle  nous  aurons  à  revenir,  et 
Budge  (4)  fit  cette  remarque  que  certains  endroits  du  nerf, 
les  points  remarquables  produisent  une  réaction  plus  forte. 
Enfin  Fleischl  (5)  obtint  ce  résultat  singulier  que  «  les  nerfs 
moteurs  sont  plus  irritables  par  l'électricité  dans  leurs  parties 
supérieures,  quand  le  courant  est  descendant,  dans  leurs 
parties  inférieures  au  contraire,  quand  le  courant  est  ascen- 
dant ». 

En  présence  de  tant  de  faits  discordants,  Hermann  (0)  a 
récemment  émis  l'opinion  que  les  nerfs  absolument  normaux 
n'offrent  dans  tout  leur  trajet  aucune  variation  d'excitabilité  ; 
que  les  différences  observées  tiennent  aux  perturbations  expé- 
rimentales, telles  que  l'arrêt  circulatoire,  la  suppression  des 
rapports  normaux  du  nerf,  le  dépérissement  du  tronçon  de 
moelle  auquel  il  est  relié,  et  plus  particulièrement  peut-être 
à  la  section  inévitable  des  ramifications  du  nerf.  «  Il  est  fort 
invraisemblable,  dit  Hermann,  que  la  substance  propre  d'un 
nerf,  partout  semblable  à  elle-même,  montre  des  différences 
locales  d'excitabilité.  »  Les  recherches  récentes  de  Tigers- 
tedt  (7)  sur  l'excitation  mécanique  des  nerfs,  recherches  pour- 

(1)  Wundt,  Arch.  f.  d.  ges.  Physiol.  III,  1870,  s.  137;  —  Untersuch.  zur 
Mechanik  der  Nerven,  etc.,  I,  s.  179.  Erlangen,  1871. 

(2)  Rulherford,  Journ.  of.  anatom.  and  Physiol.,  V,  p.  329,  1871. 

(3)  Tiegel,  Arch,  f.  d.  ges.  Physiol.,  XIII,  s.  .598,  1876. 
(■i)  Budge,  Arch.  f.  pathol.  anat.,  XVIII,  s.  i5i,  1860. 

(5)  Fleischl,  Ueber  die  Lehre  vom  Anschwellen  derReize  im  Nerven,  Wiener 
Sitzungsberichte,  Bd.  72,  III,  1875. 

(6)  Hermann,  Handbuch  der  Physiologie,  des  Nervensystems,  erster  Theil, 
1879,  s.  116. 

(7)  Rob.  Tigerstedt,  Stud.  iiher  mecanische  Nervenreizung,  erste  Abth.,  1880. 
—  Pour  toute  explication  de  son  résultat  expérimental,  l'auteur  exprime  cette 

AUTICLE  K°  1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE   DES    NERFS   MOTEURS.  21 

suivies  à  raille  d'une  mélluxlc  très  perreetioiiriée,  semblent 
prêter  appui  à  cette  manière  de  voir.  «  L'irritabilité  pour  l'ex- 
citation mécanique,  dit  l'auteur,  est  égale  en  tous  les  points 
du  nerf.  »  Tigerstedt  croit  que  les  différences  d'excitabilité 
ne  sont  pas  imputables  aux  conditions  invoquées  par  Ilermann 
pour  leur  explication,  à  la  section  des  rameaux  nerveux  par 
exemple  :  un  nerf  sciatique  dont  toutes  les  branches  ont  été 
coupées  est  interrogé  en  ses  divers  points  par  l'agent  élec- 
trique, puis  par  l'agent  mécani(iue;  avec  le  premier,  on  con- 
state une  irritabilité  plus  forte  aux  régions  supérieures,  avec  le 
second,  au  contraire,  une  complète  uniformité. 

Ainsi  qu'on  en  peut  juger  par  ce  résumé  historique  la  ques- 
tion de  l'excitabilité  des  nerfs  moteurs  aux  divers  points  de 
leur  trajet,  malgré  de  nombreuses  recherches,  est  encore  en- 
tourée d'une  profonde  obscurité.  C'est  que  l'étude  expérimen- 
tale de  cette  question,  dont  la  solution  importe  tant  à  la  mé- 
canique intime  des  nerfs,  compte  parmi  les  plus  délicates  de 
la  physiologie.  Nous  allons  maintenant  exposer  nos  expériences 
personnelles  sur  ce  sujet,  les  unes  concernant  les  nerfs  sec- 
tionnés, les  autres  les  nerfs  intacts.  La  profonde  différence 
qui  existe  entre  ces  deux  conditions  indique  la  division  natu- 
relle de  cet  exposé. 

l"  Expériences  sur  le  nerf  sectionné. 

Les  recherches  de  Pflûger  et  des  physiologistes  qui  l'ont 
suivi  dans  l'étude  de  cette  question  ayant  été  faites,  pour  la 
plupart,  au  moyen  des  courants  continus,  il  nous  a  paru  in- 
téressant de  vérifier  les  faits  en  utilisant  les  courants  instan- 
tanés dus  à  la  décharge  du  condensateur.  Ce  mode  d'excitation 
auquel  nos  expériences  empruntent  un  caractère  de  nouveauté, 
nous  offrait  l'avantage  plus  précieux,  d'une  graduation  facile 
et  rigoureuse,  grâce  à  la  méthode  que  nous  avons  longuement 

idée  théorique  que  les  différences  d'excitabilité  manifestées  par  le  nerf,  quand 
on  l'explore  par  l'excitant  électrique,  sont  le  fait  de  l'excitant  lui-même  et  des 
modifications  qu'il  imprime  à  la  substance  nerveuse.  ; 


22  CHARBO:%:\EL-SALLi:. 

exposée;  en  outre  il  rendait  possible  une  estimation  nunné- 
rique  assez  exacte  des  différences  d'excitabilité. 

Pour  comparer  diverses  régions  ou  divers  points  d'un  nerf 
moteur,  sous  le  rapport  de  leurs  degrés  respectifs  d'irritabilité, 
deux  procédés  peuvent  être  employés  :  I"  avec  un  excitant  de 
force  constante  on  iri'ite  successivement  les  diverses  parties 
du  nerf,  en  recueillant  le  graphique  des  contractions  ;  les 
hauteurs  différentes  de  celles-ci  donnent  la  mesure  de  l'exci- 
tabilité ;  2'  on  fait  varier  lentement  l'intensité  jusqu'à  ce  qu'on 
atteigne,  pour  chaque  région,  le  degré  strictement  nécessaire 
à  la  production  d'une  très  faible  secousse;  l'excitabilité  est 
d'autant  plus  forte  que  l'excitant  employé  pour  produire  cette 
secousse  est  plus  faible.  Nous  avons  suivi  de  préférence  cette 
dernière  méthode,  la  méthode  de  Vexcitation  minima,  non 
seulement  dans  les  expériences  qui  font  le  sujet  de  ce  chapitre, 
mais  dans  toutes  celles  que  nous  exposerons  au  cours  de  ce 
travail.  Elle  oblige,  à  la  vérité,  l'expérimentateur  à  chercher 
par  tâtonnement  le  degré  du  rhéochorde  qui  répond  à  l'inten- 
sité minima,  et  l'expose  à  troubler  par  ces  excitations  d'essai 
l'état  physiologique  du  nerf;  mais  cet  inconvénient,  très  atté- 
nué par  l'expérience  acquise  dans  le  maniement  quotidien  de 
l'appareil,  est  largement  compensé  par  la  faculté  de  mesurer 
l'excitabilité  à  tous  ses  degrés  possibles.  La  première  méthode 
au  contraire  resserre  l'exploration  dans  les  limites  comprises 
entre  le  minimum  et  le  maximum  de  la  contraction. 

Dans  nos  recherches  sur  l'excitabilité  du  nerf  sectionné, 
nous  avons  examiné  les  points  suivants  : 

a.  Variations  de  l'excitabilité  en  diverses  régions  du  nerf 
sciatique. 

b.  Effet  propre  de  la  section  du  nerf, 

c.  Influence  immédiate  de  la  section  de  la  moelle  sur  l'ex- 
citabilité du  sciatique. 

a.  —  Sur  une  grenouille  vigoureuse  on  désarticule  avec 
soin  la  jambe  et  on  enlève  celle-ci  après  avoir  disséqué  le  nerf 
sciatique  qu'on  laisse  appendu  dans  toute  sa  longueur  à  l'ex- 
trémité supérieure  de  la  jambe.  Après  avoir  sectionné    le 

ARTICLE   N"    ]. 


EXCITATION  KLEnTRIOUr:   DES   NERFS    MOTEURS.  ''l':^ 

plexus  près  de  l;i  moell(^  on  fixe  rapidement  la  préparation 
sur  l'appareil  décrit  à  la  page  \o,  en  disposant  le  neif  sur 
les  quatre  électrodes  ;  puis  on  excite  successivement  les  trois 
segments  égaux,  longs  de 
8  millimètres,  par  le  con- 
rant  miniinnm,  alterna- 
tivement ascendant  et 
descendant.  l/intensilé 
s'accroît  ensuite  lente- 
ment, jusqu'au  degré  où 
les  trois  segments  four- 
nissent des  réactions  éga- 
les. On  varie  l'expérience 
en  parcourant  les  trois 
segments  tantôt  de  l'ex- 
trémité libre  vers  le  mus- 
cle, tantôt  en  sens  inverse. 
La  figure  4  représente 
les  courbes  musculaires 
obtenues  en  excitant,  par 
le  courant  ascendant,  les 
trois  portions  du  nerf,  du 
bout  sectionné  vers  le 
muscle.  Chaque  ligne  ho- 
rizontale du  tracé  répond 
à  un  segment  nerveux.  On 
voit  que  la  région  supé- 
rieure d"  ligne  en  bas), 
produit  un  soulèvement  à 
peine  sensible  avec  le 
courant  i  ;  les  régions 
moyennes  et  inférieures 
en  donnent  rien.  L'intensité  augmentant,  on  voit  d'abord  la 
moyenne,  puis  l'inférieure  fournir  des  secousses  de  plus  en 
plus  fortes  ;  celles-ci,  enfin,  avec  les  courants  6  et  7  sont  égales 
pour  tout  le  nerf.  La  région  supérieure  est  donc  plus  excitable 
que  la  moyenne,  et  celle-ci  plus  que  l'inférieure. 


24  €HARB0^.1iEL-Sy%LLE. 

Tel  est  le  résultat  de  l'expérience,  quand  le  nerf  est  absolu- 
ment frais  et  l'opération  rapidement  conduite.  Cette  distribu- 
tion assez  régulière  de  l'excitabilité,  représentée  par  une 
droite  oblique  dont  la  pente  est  dirigée  vers  le  muscle,  se 
montre  parfois  très  fugitive,  surtout  en  été,  ou  quand  les  gre- 
nouilles ont  séjourné  longtemps  au  laboratoire.  La  loi  se  vé- 
rifie également  pour  les  deux  sens  du  courants.  Toutefois, 
avec  le  courant  ascendant,  il  n'est  pas  rare  de  trouver  la  ré- 
gion supérieure  un  peu  moins  excitable  que  la  moyenne,  tan- 
dis que  le  courant  descendant  permet  de  constater  nettement 
la  loi  énoncée.  Cette  anomalie  apparente,  se  présentant  sur- 
tout lorsque  l'électrode  extrême,  négative,  est  très  rappro- 
chée de  la  section,  tient  simplement  à  la  mort  très  prompte 
des  éléments  nerveux  au  voisinage  immédiat  de  celle-ci; 
l'électrode  négative,  essentiellement  excitatrice,  repose  dans 
ce  cas  sur  une  partie  du  nerf  affaiblie  ou  môme  privée  de  toute 
excitabilité. 

En  essayant,  à  des  intervalles  rapprochés,  l'excitabilité  du 
nerf  isolé,  on  ne  tarde  pas  à  voir  le  phénomène  initial  se  ren- 
verser entièrement  et  l'excitabilité  devenir  décroissante  de  la 
section  à  la  périphérie,  suivant  la  loi  bien  connue  qui  régit  la 
mort  des  nerfs  séparés  de   l'axe  cérébro-spinal.  Nous  n'insis- 
terons pas  sur  ce  point,  depuis  longtemps  acquis  à  la  science. 
Il  importe  de  noter  encore  une  condition  particulière  des 
expériences  relative  aux  différences  de  diamètre  que  pré- 
sente le  nerf  quand  on  le  prend  dans  toute  sa  longueur.  De  la 
région  poplitée  àl'échancrure  sciatique,  le  diamètre  demeure 
constant,  aucun  rameau  ne  se  détachant  du  tronc  principal. 
Mais  au-dessus  du  point  d'émergence  des  branches  fémorales, 
et  surtout  au  niveau  du  plexus,  la  section  transversale  aug- 
mente notablement.  Il  en  résulte  une  moindre  densité  (4)  du 

(1)  La  densité  du  courant  est  l'intensité  divisée  par  la  section  du  conducteur  : 
I 
U  =  q-  La  quantité  d'électricité  qui  passe,  dans  un  temps  donné,  en  un  point 

d'un  circuit  fermé  est  toujours  la  même.  Il  en  résulte  que  la  densité  dépend  de 
la  grandeur  de  la  section  en  ce  point;  elle  est  d'autant  plus  grande  que  la  sec- 
lion  est  plus  petite. 

ARTICLE  N»    1  . 


KXCITATIO.N    KLKCTUIOI'K    DES   NERFS    MOTEURS.  55 

cotaailt,  dans  les  parlies  supérieures  ;  cl  rtîtlc  diininuliun  de 
densité  est  incomplètement  compensée  par  l'aui^mientation 
correspondante  (rintensité,  puisqu'il  existe  dans  le  circuit 
d'autres  conducteurs  humides  que  le  nerl".  Le  courant  doit 
donc  agir  moins  activement  dans  la  région  supérieure  et  les 
dilTérences  réelles  d'excital)ilité  doivent  être  plus  fortes  que 
ne  l'indiquent  les  tracés. 

h.  —  Ef]'etde.  la  section  sur  VivritabilUé  ilu  nerf.  On  peut 
étudier  l'influence  de  la  section  sur  l'irritabilité  nerveuse  : 

l"  Sur  le  nerl  intact  :  etïet  d'une  première  section. 

"1'  Sur  le  nerf  déjà  sectionné  :  effet  des  sections  répétées. 

Pour  apprécier  nettement  l'influence  d'une  première  sec- 
lion  prati({née  sur  le  nerf  normal,  nous  avons  eu  recours  à  la 
méthode  d'excitation  unipolaire,  très  favorable  pour  ce  genre 
d'expérimentation.  Une  grenouille  est  tlxée  sur  la  planchette 
de  liège  du  myographe  et  les  deux  électrodes  impolarisables 
sont  appliquées,  l'une  sur  le  dos  de  l'animal,  l'autre  sur  le 
nerf  sciatique,  dans  la  région  poplitée.  L'application  des 
électrodes  peut  avoir  lieu  immédiatement,  à  travers  la  peau, 
ou  directement  sur  le  nerf.  On  détermine  l'intensité  excita- 
trice minima,  puis  une  section  est  faite  aune  distance  variable 
au-dessus  de  l'électrode  et  sans  déranger  celle-ci  :  la  déter- 
mination de  la  nouvelle  intensité  minima  permet  d'apprécier 
les  modifications  de  l'excitabilité. 

La  figure  5  montre  le  résultat  de  l'expérience  :  l'électrode 
Jiégative  est  appliquée,  à  travers  la  peau,  sur  la  région  poplitée 
et  la  section  pratiquée  à  5  millimètres  au-dessus  du  point 
d'application.  La  moelle  n'est  pas  sectionnée.  On  coupe  le 
nerf  avec  des  ciseaux  fins,  en  écartant  les  lèvres  d'une  incision 
pratiquée  à  l'avance,  et,  grâce  à  celte  méthode  sous-cutanée, 
rinfluence  propre  de  la  section  est  ici  nettement  dégagée 
de  toute  influence  étrangère,  capable  de  modifier  l'excita- 
bilité. 

Un  fait  remarquable,  que  nous  ne  trouvons  signalé  par  au- 
cun physiologiste,  est  le  suivant  :  l'augmentation  d'excitabi- 
lité qui  suit  la  section  n'est  pas  limitée  au  voisinage  immédiat 


26  CIIARBOM.^KL-^ALLE. 

de  celle-ci  ;  elle  se  manifeste  au  contraire,  presque  instanta- 
nément, dans  toute  l'étendue  du  nerf  et  peut  être  démontrée, 


Fig.  5.  — Augmentation  d'excitabilité  par  section  du  nerf.  I,  l™  secousse  à  l'intensité,  7  ; 
II,  après  section,  1"  secousse  à  l'intensité,  2:  20  El.  Daniell,  1  microf.  —  Intensités 
croissantes. 

plus  faible  à  la  vérité,  à  toute  distance  de  la  lésion  expérimen- 
tale. La  figure  6  montre  deux  tracés  obtenus  dans  les  condi- 
tions indiquées  précédemment,  avec  cette  différence  que  la 
section  a  été  faite  près  de  la  moelle,  à  la  partie  supérieure  du 
plexus  sciatique.  Dans  les  deux  tracés  la  première  secousse 
est  produite  par  une  excitation  identique,  notablement  supé- 
rieure à  la  minima,  à  partir  de  laquelle  on  descend  lentement 
l'échelle  du  rhéochorde  jusqu'à  ce  que  les  contractions  cessent 
de  se  produire.  Il  est  aisé  de  voir  que  la  disparition  des  se- 
cousses est  plus  tardive  après  la  section  du  plexus  sciatique  et 
que  leur  amplitude  est  sensiblement  augmentée. 

Quant  aux  sections  répétées  sur  le  même  nerf,  leur  influence 
est  bien  manifeste,  même  après  que  le  nerf  dépérissant  a  déjà 
perdu  une  partie  de  ses  propriétés.  Il  est  remarquable  de  voir 

ARTICLE  N»    1. 


KXCITATION    riLKCTI'.Kjri;    l»i;s    NKI'.I'S    MOTEUKS.  ^11 

rablalioii  de  petils  rragmcnis,  loii|4s  de  I  à  "2  milliinèlrcs,pra- 
liquée  successivcmenl  à  partir  de  rcxliriiiilé   lil)ro,  raviver 


Fig.  ().  —  Âu^iiieiilalion  d'excilahilité  du  nerf  sciatùjue,  au  niveau  de  .sa  bilurcalion 
dans  la  région  poplitée,  aussilùt  apivs  la  section  du  plexus  soialique.  —  F,  avant  la 
section;  II,  après  la  section.  '■M,  El.    Diiniell,  I    niicrof.  —  Inlensitcs  décroissantes. 

l'activité   nerveuse  jusqu'en  des  points  Tort  éloignés.  On  voit 
figure  7,  une  série  de  quatre  contractions  obtenues  en  dimi- 


Fig.  7.  —  Influence  des  sections  répétées  sur  l'excitabilité  du  nerf  scialiiiue. 

nuant  progressivement  l'intensité  :  en  a  la  contraction  n'a 
plus  lieu.  Un  tronçon  enlevé  au  nerf  fait  reparaître  les  se- 
cousses, et  l'intensité  est  de  nouveau  diminuée,  jusqu'à  leur 
disparition  presque  entière;  nouvelle  section  en^  et  nouvelles 


28  CHABBOMWEL-f^ALLE. 

contractions,  dont  la  première,  très  prolongée,  a  presque  nn 
caractère  tétanique. 

c.  —  Influence  immédiate  de  la  section  de  la  moelle  sur  V exci- 
tabilité du  sciatique.  Nous  avons  étudié,  par  le  même  procédé 
de  l'excitation  unipolaire,  l'influence  d'une  section  de  la 
moelle,  pratiquée  à  divers  niveaux,  sur  l'irritabilité  du  scia- 
tique.  Ces  essais  ont  toujours  donné  des  résultats  négatifs. 

En  résumé,  un  nerf  moteur  qui  vient  de  subir  une  section 
transversale,  présente  dans  toute  sa  longueur  un  accroisse- 
ment immédiat  d'excitabilité.  Cet  accroissement  est  d'autant 
plus  fort  que  le  point  considéré  est  plus  proche  de  l'extrémité 
libre.  La  répétition  des  sections  produit  celle  des  accroisse- 
ments d'excitabilité.  Il  est  par  conséquent  légitime  d'admettre, 
au  moins  provisoirement,  que  la  loi  de  Pflûger  est  simplement 
l'expression  d'une  modification  spéciale  imprimée  au  nerf  par 
l'opération.  U énergie  de  la  contraction  musculaire  ne  dépen- 
drait donc  pas  de  la  distance  du  point  excité  au  muscle^  mais 
bien  de  la  distance  du  même  point  à  la  section  transversale. 

Quant  aux  causes  invoquées  pour  expliquer  l'effet  de  la  sec- 
tion, nous  rappellerons  seulement  que  Meissner  et  Harless 
{loc.  cit.)  l'attribuent  à  la  dessication  rapide  des  éléments 
nerveux  exposés  à  l'air;  explication  inadmissible  pour  nous, 
puisque  toutes  les  mesures  étaient  prises  dans  nos  expériences 
pour  prévenir  l'évaporation.  Hermann  pense  avec  raison  que 
la  section  des  rameaux  latéraux  du  nerf  peut  influencer  l'ex- 
citabilité du  tronc  nerveux  lui-même.  Il  importe  donc  dans 
l'étude  que  nous  allons  faire  maintenant  sur  le  nerf  normal, 
non  seulement  de  respecter  l'intégrité  du  tronc  principal, 
mais  encore  d'éviter  toute  lésion  des  rameaux  qui  s'en  sépa- 
rent. La  méthode  employée  dans  ce  but  et  les  résultats  obte- 
nus font  le  sujet  du  paragraphe  suivant. 

2"  Expériences  sur  le  nerf  non  sectionné. 

C'est  encore  à  la  méthode  d'excitation  unipolaire  qu'il  faut 
avoir  recours  pour  étudier  l'excitabilité  du  nerf  relié  aux 
centres  nerveux  :  elle  seule  permet,  en  efl'et,  d'explorer  suc- 
article  N»  1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES  NERFS    MOTEURS.  29 

oessivement  divors  points  du  tronc  neiveux  (tu  respectant  le 
plus  possible  les  conditions  de  l'état  physiologique.  Toutefois, 
nous  avons  dû  sacrifier,  dans  nos  expériences,  un  des  plus 
précieux  avantages  de  cette  méthode,  la  possibilité  d'exciter 
le  nerf  à  travers  les  téguments,  en  raison  de  la  (Constitution 
et  de  l'épaisseur  variables  des  parties  qui  le  recouvrent  et  (jue 
le  courant  doit  traverser. 

Pour  permettre  des  observations  précises,  le  procédé  expé- 
limental  devait  satisfaire  à  de  noinbreuses  exigences,  et  les 
appareils  jusqu'ici  employés  pour  l'excitation  unipolaire  ne 
pouvaient  nous  suffire.  Il  était  nécessaire  d'apj)li(pier,  en  des 
points  déterminés  du  nerf  dénudé,  plusieurs  électrodes  dont 
les  extrémités  eussent  exactement  le  même  diamètre,  afin 
que  la  densité  du  courant  fût  identique  en  tous  les  points 
explorés.  L'application  devait  être  rapide  et  facile,  pour  atté- 
nuer, dans  la  mesure  possible,  l'action  de  l'air  et  le  dessè- 
chement. Il  fallait  enfin,  dans  un  temps  très  court,  lancer  le 
courant  explorateur  de  même  intensité,  successivement  dans 
les  divers  points  d'élection. 

Voici  la  description  de  l'appareil  que,  d'après  les  conseils 
(le  M.  Chaiiveau,  nous  avons  fait  construire,  en  vue  de  réaliser 
ces  diverses  conditions  (fig.  8)  : 

Sur  une  plaque  rectangulaire  de  caoutchouc  durci,  s'élèvent 
verticalement  quatre  tiges  cylindriques  en  laiton  dont  les  extré- 
mités inférieures,  de  forme  quadrilatère,  s'engagent  et  peu- 
vent glisser  dans  quatre  rainures  parallèles,  creusées  à  jour  et 
munies  d'une  garniture  métallique.  Un  ressort,  réglé  par  une 
vis  de  pression,  est  adapté,  au-dessous  de  la  plaque,  à  chaque 
lige,  permettant  de  réduire  le  frottement  au  degré  convenable 
et  d'assurer  la  précision  du  mouvement.  Chaque  support  est 
muni  d'un  long  bras  horizontal,  susceptible  de  déplacements, 
soit  dans  le  sens  vertical,  soit  par  rotation  transverse,  et  dont 
la  fixité  est  assurée  par  le  jeu  d'une  lame  métallique  mince, 
légèrement  courbe,  faisant  ressort  entre  la  tige  et  l'anneau 
qui  glisse  sur  elle.  A  l'extrémité  de  chaque  bras  on  peut  fixer 
une  électrode  impolarisable,  dont  le  fil  de  zinc  amalgamé,  se 


^0  €iiarbo\^i<:l.-.salli<:. 

recourbant,  viouL  s'engager  dans  une  petite  borne.  Par  la 
combinaison  des  trois  déplacements  indiqués,  chaque  élec- 
trode peut  être  amenée  au-dessus  du  nerf,  et,  pour  ainsi 
dire,  mise  au  point  sans  perte  de  temps.  Enfin  la  plaque 
de  caoutchouc  durci  qui  porte  tout  l'appareil  est  encla- 
vée dans  une  lame  de  liège,  renforcée  en  dessous  par  une 


Fig.  8.  —  Appareil  pour  l'excitation  uiiipalairc  des  dilTcrents  points  d'un  iieif. 

planchette  en  bois  dur  et  dont  un  des  côtés  est  disposé  pour 
s'adapter  au  myographe.  Les  supports  étant  parfaitement 
isolés,  chacun  d'eux  présente  une  série  continue  de  pièces  mé- 
talliques en  contact,  depuis  le  fil  de  l'électrode  jusqu'aux  gar- 
nitures métalliques  dans  lesquelles  ils  glissent;  celles-ci  sont 
reliées  en  dessous  à  quatre  bornes,  invisibles  dans  la  figure', 
et  qui  permettent  de  fixer  les  fils  où  doit  circuler  l'électricité. 
Aucun  fil,  par  conséquent,  ne  passe  an-dessus  de  l'appareil  et 
ne  peut  gêner  la  manipulation. 

Dans  la  plupart  de  nos  expériences,  nous  avons  substitué 

ARTICLE  N°    1 . 


EYCITATION    ÉLECTRIQUl)    DES   NERFS   MOTEURS.  "31 

aux  électrodes  impolarisables  de  simples  (ils  de  platine,  égaux 
en  diamètre,  et  présentant  à  leur  extrémité  une  section  très 
nette.  L'opération  est  ainsi  simpliliée,  (;t  l'exactitude  n'est  pas 
s(Misiblemenl  compromise,  la  polarisation  par  les  coui'anls 
instantanés  étani  très  r;iii)le  et  d'ailleurs  éi>ale  en  tous  l(is  points 
explorés.  Nous  avons  toujours,  dans  ces  recherches,  réduit  la 
surface  du  condensateur  ;i  I  microl". 

Pour  i'aire  rexpéricnce,  nm*  lirenouille  vigoureuse  et  intacte 
est  lîxée  au  moyen  (Tépingles  sur  la  pla(pie  de  liège  et  le  tendon 
d'un  gastrocnémien  est  relié  au  levier  du  myographe.  Le  nerf 
sciatiqne  du  même  côté  est  ensuite;  découvert  avec  soin  dans 
la  région  (jne  l'on  veut  explorer,  en  ménageant  les  rameaux 
(jui  s'en  détachent  au  niveau  de  l'échancrure  sciatiqne,  ainsi 
([ue  les  vaisseaux  fémoraux  dont  la  rupture  causerait  des 
hémorrhagies  fort  nuisibles  au  succès  de  l'opération.  Les 
nmscles  sont  maintenus  écartés  par  des  épingles,  puis  les 
électrodes  sont  ajustées  aux  points  d'élection,  à  l'exception 
d'une  placée  sur  le  dos  de  la  grenouille.  Si  toute  effusion  san- 
guine n'a  pu  être  évitée,  il  est  nécessaii'e  d'éponger  légèrement 
les  tissus  avec  de  petits  fragments  de  papier  à  filtrer,  l'expé- 
rience ayant  prouvé  que  les  résultats  de  l'excitation  unipolaire 
peuvent  être  influencés,  dans  une  certaine  mesure,  sous  le 
rapport  de  l'intensité,  par  l'humectation  variable  des  sur- 
faces. Un  des  fils,  le  fil  positif,  par  exemple,  aboutit  à  l'élec- 
trode dorsale;  les  fils  négatifs,  en  rapport  avec  les  nerfs,  se 
rendent  à  un  distributeur  qui  permet  de  lancer  le  courant  suc- 
cessivement dans  chacun  d'eux.  Il  est  d'ailleurs  facile,  au  cas 
où  l'on  désire  étudier  en  même  temps  quatre  points  du  nerf, 
d'adapter  à  l'appareil  une  cinquième  électrode  fixée  à  un  sup- 
port flexible  de  Marey. 

Parmi  nos  expériences,  nous  avons  retenu  seulement  celles 
dont  la  marche  régulière  était  exempte  de  toute  perturbation 
accidentelle,  et  rejeté  les  autres.  Ces  essais,  variés  et  répétés, 
nous  autorisent  à  formuler  les  résultats  suivants  :  le  nerf 
sciatiqne,  maintenu  dans  ses  rapports  normaux,  et  conser- 
vant jusqu'à  un  certain  point  sa  circulation  propre,  présente 


S2  c'harko:\\b:i.-S4ij.i<:. 

(les  différences  locales  d'excitabilité.  Deux  points  sont  remar- 
quables entre  tous  par  leur  réaction  plus  forte  :  l'un,  situé  à 
la  partie  supérieure  de  la  cuisse,  répond  exactement  à  l'émer- 
gence des  branches  fémorales;  l'autre,  à  l'extrémité  inférieure, 
se  trouve  à  la  bifurcation  du  nerf.  Toute  la  région  intermé- 
diaire, moins  excitable,  n'offre  pas  de  différences  constantes  et 
dignes  d'être  signalées.  Au-dessus  de  l'échancrure  sciatique, 
dans  la  région  sacrée,  l'excitabilité  diminue  notablement  et 
ne  présente  pas  de  points  remarquables.  —  Dans  la  plupart  de 
nos  expériences,  nous  avons  trouvé  une  différence  appréciable 
entre  les  deux  points  extrêmes  de  la  région  fémorale,  la  réac- 
tion du  point  supérieur  se  montrant  un  peu  plus  forte;  mais 
cette  différence  n'est  pas  constante. 

La  figure  9  montre  le  résultat  de  l'excitation  des  deux  points 


Fig.  y.  —  Excitabilité  de  trois  points  différents  du  nerf  sciatique  non  sectionné.  Pour 
chacune  des  intensités  successives,  l'excitation  est  foite  dans  l'ordre  suivant  :  échan- 
crure  sciatique,  milieu  de  la  région  fémorale,  bifurcation.  :20,  Uaniell,  I  micros. 
Réocli.  de  ÔO  en  50  cent.    Pôle  négatif  sur  le  nerf. 

extrêmes  de  la  région  fémorale  du  sciatique  a  et  c,  et  d'un 
point  moyen  h,  situé  à  égale  distance  des  deux  premiers. 
Chaque  tour  du  cylindre  provoquant  une  décharge  du  con- 
densateur, il  faut  trois  tours  ou  vingt-sept  secondes  pour  que 
les  trois  points  soient  excités  avec  chacune  des  intensités  suc- 
article  N"  1. 


EXCITATION   ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEURS.  33 

cessives.  Celte  courte  durée  de  chaque  essai  restreint  beau- 
coup la  part  que  l'on  pounail  attribuer  dans  les  résultats  à 
l'altération  des  propriétés  du  nerf.  On  voit,  par  l'examen  de  ce 
tracé,  1°  que  les  deux  points  «  et  c  donnent  des  secousses  iden- 
tiques pour  la  même  force  de  l'excitant  et  possèdent  des  degrés 
d'irritabilité  sensiblement  éi^aux;  *2"  que  le  point  moyen  h  réagit 
seulement  à  partir  de  l'intensité  4,  et  que  sa  réaction  n'a  pas 
encore,  en  7,  atteint  la  valeur  des  deux  autres. 

La  comparaison  poursuivie  de  la  même  manière  entre  le 
point  d'excitabilité  maxima,  au  niveau  de  l'échancrure  scia- 
tique  et  des  points  divers  choisis  sur  les  parties  supérieures  du 
nerf  nous  a  toujours  montré  une  différence  notable  à  l'avan- 
tage du  premier.  Les  résultats  obtenus  pour  la  totalité  du  nerf, 
résumés  par  la  courbe  de  la  figure  10,  diffèrent  donc  beaucoup 


Fig.  10.  —  Courbe  de  l'excitabilité  du  nerf  sciatique. 

de  ceux  que  fournit  l'étude  du  nerf  sectionné  ;  fait  qui  d'ailleurs 
ne  doit  en  rien  nous  surprendre,  si  nous  considérons  la  diffé- 
rence profonde  existant  entre  les  deux  conditions  expérimen- 
tales. Mais  nos  résultats  sont  en  outre  en  contradiction  mani- 
feste avec  ceux  que  Pffùger  lui-même,  et  plusieurs  physiologistes 
à  une  époque  récente  ont  obtenus  pour  le  nerf  intact.  Ils 
s'accordent  assez  bien,  au  contraire,  avec  le  phénomène  des 
points  remarquables  signalé  par  Budge,  et  aussi  avec  la  repré- 
sentation graphique  par  laquelle  Heidenhain  exprime  les  varia- 
tions de  l'excitabilité  sur  le  sciatique  de  grenouille  (1).  Ce 
physiologiste  indique  notamment  un  maximum  très  net,  un 
peu  au-dessus  de  l'émergence  des  branches  fémorales  et  la 
diminution  progressive  de  l'excitabilité  dans  les  parties  supé- 
rieures du  nerf. 

(1)  Voy.  Hermann,  Handbuch  der  Physiologie,  erster  Theil,  s.  Ii5. 

H.    ÉTUDES.   —   se.  NAT.  XXIV.  3    —   ART.  N'   1. 


84  €iiAiiiio:ii\EL-SAiiLi<:. 

Il  est  difficile  d'admettre  que  les  résultats  constants  de  ces 
expériences  expriment  seulement  un  état  d'altération  du  nerf, 
se  produisant  toujours  de  la  même  manière,  et  nous  pensons 
qu'ils  révèlent  des  différences  réelles,  physiologiques,  dans 
l'excitabilité  des  divers  points  du  nerf.  Ces  différences,  mesu- 
rées par  les  longueurs  de  fil  du  rhéochorde,  sont  d'ailleurs  peu 
considérables,  et  la  courbe  que  nous  donnons,  beaucoup  moins 
accentuée  que  celle  d'Heidenhain,  les  exagère  notablement, 
afin  de  les  rendre  plus  visibles. 

Ces  différences  toutefois  ne  sont  point  réparties  de  la  ma- 
nière la  plus  favorable  à  l'hypothèse  de  l'avalanche,  puisque 
l'excitabilité,  au  lieu  de  décroître  régulièrement  de  l'extrémité 
centrale  à  la  périphérie,  suit  une  courbe  sinueuse.  Wundt  (1), 
signalant  ces  irrégularités  de  la  courbe  d'excitabilité,  ne  les 
trouve  pas  inconciliables  avec  l'hypothèse  de  l'avalanche  :  «  Ce 
fait,  dit  ce  physiologiste,  ne  prouve  rien  contre  l'accroissement 
de  l'excitation,  d'autres  conditions  accessoires  pouvant  venir 
entraver  le  phénomène  et  déterminer  ces  irrégularités  dans  la 
courbe.  »  Nous  admettons  volontiers  que  l'accroissement  de 
l'excitation  pendant  son  parcours  soit,  jusqu'à  un  certain  point, 
indépendant  des  manifestations  locales  de  l'excitabilité  ;  qu'il 
puisse  exister,  comme  mode  normal  de  la  transmission  mo- 
trice, sans  entraîner  une  décroissance  régulière  de  courbes  de 
contraction.  Mais  si  les  expériences  de  Budge,  d'Heidenhain, 
et  celles  que  nous  avons  décrites,  sont  exactes,  le  fait  expéri- 
mental qui  fut,  à  l'origine,  le  principal  fondement  de  la  théorie 
de  l'avalanche,  ne  se  vérifie  pas  dans  les  conditions  se  rappro- 
chant le  plus  de  l'état  physiologique.  C'est  donc  à  des  faits  et 
à  des  considérations  d'un  autre  ordre  que  cette  théorie  doit 
demander  un  appui. 

Dans  l'exposé  précédent,  à  la  fois  critique  et  expérimen- 
tal, nous  avons  pris  surtout  en  considération  les  expériences 
dans  lesquelles  l'excitant  électrique  a  été  employé  comme 
agent  d'exploration.  C'est  à  ce  mode  d'excitation  que,  dans  nos 


(1)  Wundt,  Éléments  de  physiologie  humaine,  trad.  Bouchard,  1872,  p.'420. 

ARTICLE  N"  1 . 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES  NERFS  MOTEURS.  35 

propres  recherches,  nous  avons  eu  exclusivement  recours.  Il 
nous  a  paru  préférable  à  tout  autre,  à  l'excitation  mécanique 
ou  chimique,  par  excmjile,  en  raison  de  la  facilité  et  de  la  pré- 
cision avec  lesquelles  il  est  possible  de  le  graduer;  et  nous  ne 
pensons  pas  qu'on  doive  attribuer,  avec  Tigerstedt,  les  phéno- 
mènes observés  à  une  action  spécifique  de  l'électricité,  aux 
modifications  (|u'elle  inq)rime  à  la  substance  nerveuse.  Ces 
modifications  d'ailleurs,  dont  le  physiologiste  allemand  parle 
en  termes  fort  vagues,  devraient  afïecter  également,  pour  une 
môme  intensité,  tous  les  points  successivement  explorés;  et 
l'on  ne  saurait  dès  lors  leur  attribuer  les  différences  révélées 
par  l'examen  des  tracés. 

Dans  tout  ce  qui  précède,  suivant  la  méthode  ordinairement 
employée  par  les  physiologistes,  nous  avons  étudié  les  varia- 
tions de  l'excitabilité  eh  prenant  pour  unité  de  mesure  l'in- 
tensité du  courant  rigoureusement  nécessaire  pour  produire 
l'excitation  :  c'est  la  secousse  minima  qui  constitue  le  signe 
extérieur  de  l'activité  nerveuse.  Tout  autre  phénomène  ma- 
nifesté par  le  nerf  excité  et  susceptible  de  mesure  précise, 
pourrait  être  utilisé  dans  le  même  but;  c'est  ainsi  que  du 
Bois-Reymond  a  pu  démontrer  l'augmentation  d'excitabilité 
€onsécutive  à  la  section  par  la  mesure  de  la  variation  négative. 
Nous  avons  eu  l'idée  de  rechercher  si  les  mmiifestations  élec- 
trotoniques sont  influencées  par  les  changements  de  l'excitabi- 
lité; si  leur  intensité  dépend,  comme  la  production  des  se- 
cousses musculaires,  des  diverses  conditions  physiologiques 
qui  modifient  l'aptitude  du  nerf  à  l'excitation. 

Par  suite  de  difficultés  pratiques  faciles  à  concevoir,  nous 
avons  dû  limiter  nos  recherches  à  un  seul  point  du  sujet;  nous 
avons  étudié  seulement  l'influence  exercée  par  la  section, 
unique  ou  répétée,  sur  la  valeur  de  l'électrotonus.  Mais  il  suffit 
sans  doute  d'établir  un  rapport  entre  l'électrotonus  et  l'excita- 
bihté,  dans  une  condition  donnée,  pour  que  ce  rapport  soit 
susceptible  d'une  généralisation  immédiate. 

Nous  rappellerons  d'abord  brièvement  la  définition  et  les 
caractères  des  phénomènes  électrotoniques,  découverts  en  1843 


36  CHARBO^^EL-SALLK. 

par  du  Bois-Reymond.  Un  courant  parcourant  une  certaine 
étendue  d'un  nerf  vivant  détermine  dans  les  régions  extrapo- 
laires, la  production  d'une  force  électromotrice  de  même  di- 
rection et  dont  le  maximum  est  dans  le  voisinage  des  pôles. 
L'effet  se  produit,  qu'il  y  ait  ou  non  excitation  du  nerf;  c'est 
ainsi  qu'un  courant  constant  produit  l'électrotonus  pendant 
toute  la  durée  de  son  passage,  en  l'absence  de  contraction 
musculaire.  En  renversant  la  direction  du  courant  polarisant, 
on  renverse  également  celle  de  la  force  électromotrice  extra- 
polaire. Si,  au  moyen  de  deux  électrodes  impolarisables,  on 
introduit  dans  le  circuit  d'un  galvanomètre,  à  fil  très  fin  et 
très  long,  une  des  régions  extrapolaires  ainsi  polarisées,  on 
dérive  le  courant  électrotonique  et  la  déviation  du  système 
astatique  permet  à  la  fois  de  constater  son  existence  et  de 
mesurer  son  intensité. 

En  adoptant  la  nomenclature  d'Hermann  (1)  nous  appelle- 
rons partie  intrapolaire  la  partie  du  nerf  comprise  entre  les 
électrodes  du  courant  polarisant;  partie  dérivée^  l'étendue 
comprise  entre  les  électrodes  du  courant  galvanométrique  ; 
partie  dérivante,  l'étendue  comprise  entre  les  deux  régions 
précédentes.  Un  caractère  fondamental  de  l'électrotonus  con- 
siste en  ce  fait,  que  la  ligature  ou  l'écrasement  du  nerf  dans 
la  région  dérivante  supprime  aussitôt  toute  manifestation  élec- 
trotonique. C'est  le  critérium  certain  qui,  dans  toute  expé- 
rience, permet  de  distinguer  les  vrais  courants  électrotoniques 
des  branches  du  courant  polarisant,  accidentellement  dé- 
rivées. 

Dans  la  définition  précédente,  nous  faisons  abstraction 
complète  du  courant  nerveux  propre,  manifesté  à  l'état  de 
repos  par  la  dérivation  de  la  section  tranversale  et  de  la  sur- 
face longitudinale  du  nerf,  ou  même  de  deux  points  asymé- 
triques de  cette  dernière  surface.  C'est  qu'en  effet,  ce  courant 
nerveux  n'a  rien  de  commun  avec  les  courants  électrotoniques. 
Ces  derniers,  dont  l'intensité  peut  l'emporter  de  beaucoup  sur 


(t)  Hermann,  Handbuch  der  Physiologie,  erster  Theil,  s.  158. 

ARTICLE   N»   1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEURS.  37 

celle  du  courant  nerveux,  s'ajoutent  à  lui  algébriquement, 
quand  il  existe,  et  suivant  qu'ils  sont  de  même  sens  ou  de  sens 
inverse,  le  renforcent  ou  le  diminuent.  Ainsi  prennent  nais- 
sance les  deux  phases,  positive  et  négative,  de  l'électrotonus, 
sii^iialées  par  tons  les  auteurs  classiques;  la  phase  né(/ative 
présente  toujours  une  moindre  intensité  et  une  diminution 
plus  rapide  par  le  dépérissement  du  nerf.  Mais  l'électrotonus 
se  manifeste  aussi  bien  en  l'absence  du  courant  nerveux 
propre,  ou  quand  il  en  existe  à  peine  des  traces,  soit  par  suite 
de  la  dérivation  en  deux  points  symétriques,  soit  (Jans  le  cas 
où  l'on  opère  sur  le  nerf  intact  et  non  sectionné.  Dans  notre 
exposé,  il  ne  sera  donc  nullement  question  de  phase  positive 
ou  négative;  et  nous  distinguerons  seulement  les  états  électro- 
toniques ou  de  polai'isation,  en  polarisation  ascendante  el  po- 
larisation descendante,  suivant  la  direction  du  courant  galva- 
nique dans  le  nerf. 

Nous  pouvons  maintenant  examiner  l'influence  exercée  sur 
l'intensité  des  états  de  polarisation  par  les  degrés  divers  d'irri- 
tabilité. Voici  d'abord  la  marche  générale  de  nos  expériences, 
faites  pour  la  plupart  au  moyen  des  courants  constants  et  du 
galvanomètre;  quant  à  l'électrotonus  déterminé  par  les  cou- 
rants instantanés,  nous  nous  réservons  de  décrire,  dans  un 
chapitre  spécial,  les  procédés  de  recherche  qui  lui  sont  appli- 
cables. Nous  enlevons,  sur  une  grenouille  vigoureuse,  une  des 
pattes,  en  laissant  appendu  le  nerf  sciatique,  isolé  dans  toute 
sa  longueur  et  relié  à  la  partie  inférieure  de  la  moelle  épinière, 
longue  d'environ  1  centimètre  ;  ce  fragment  de  moelle  est  en- 
levé avec  la  partie  correspondante  du  rachis.  La  préparation 
est  disposée  sur  l'appareil  à  quatre  électrodes  impolarisables, 
(fig.  3);  la  patte,  dont  le  gastrocnémien  est  relié  au  myo- 
graphe,  est  fixée  sur  la  lame  de  liège,  tandis  que  le  morceau 
de  rachis  repose  sur  une  petite  plaque  de  gutta-percha  ;  le  nerf 
est  protégé  contre  la  dessication  par  la  chambre  humide.  Les 
deux  électrodes  inférieures  conduisent  au  nerf  le  courant 
constant  polarisant,  qu'un  interrupteur  permet  de  fermer  et 
d'ouvrir  à  volonté.  Ce  courant  est  en  général  très  faible,  ca- 


38  CHARBOHilKL-iîiALLi:. 

pable  de  produire  seulement  les  contractions  de  fermeture. 
Les  deux  électrodes  supérieures  terminent  le  circuit  galvano- 
métrique.  Ces  électrodes  doivent  être,  autant  que  possible, 
dépourvues  de  toute  force  électromotrice  propre  ;  nous  avons 
réalisé,  d'une  façon  assez  satisfaisante,  cette  condition  en 
employant  la  méthode  de  Du  Bois-Reymond,  c'est-à-dire  en 
préparant  nos  électrodes  longtemps  à  l'avance  et  en  les 
maintenant  constamment  réunies  par  un  fd  de  coton  imbibé 
d'une  solution  de  sel  à  —.  Le  galvanomètre,  construit  par 
Rhumkorff,  et  d'une  extrême  sensibilité,  repose  sur  une  plaque 
de  marbre  scellée  dans  le  mur  du  laboratoire  ;  le  (i\  de  suspen- 
sion du  système  astatique,  porte  un  miroir  dont  le  plan  verti- 
cal suit  exactement  les  moindres  déviations.  Une  lunette  à 
réticule,  dont  le  support  est  muni  d'une  règle  transversale 
divisée  en  millimètres,  permet  de  lire  à  distance  les  déviations 
très  amplifiées.  C'est  l'image  elle-même  de  la  règle  transver- 
sale, reflétée  par  le  miroir,  qui  se  déplace  quand  celui-ci 
tourne  autour  de  son  axe.  Nous  abrégeons  la  durée  de  chaque 
expérience,  sans  en  compromettre  l'exactitude,  en  mesurant 
l'intensité  des  courants  par  la  déviatioti  initiale.,  ou  arc  d'im- 
jmlsion,  et  nous  n'attendons  pas  que  le  système  astatique, 
après  une  longue  série  d'oscillations,  prenne  une  position 
fixe(l). 

Nos  observations  se  divisent  en  deux  séries  :  les  unes  sont 
relatives  à  l'influence  exercée  par  l'augmentation  d'irritabilité 
sur  la  polarisation  descendante;  les  autres  concernent  la  pola- 
risation ascendante.  Ce  dernier  état  de  polarisation  se  montre 
toujours,  pour  un  même  nerf  relié  à  la  moelle,  beaucoup 
moins  prononcé  que  l'autre.  Mais,  dans  l'un  et  l'autre  cas, 
l'accroissement  d'irritabilité  entraîne  constamment  un  renfor- 
cement très  notable  des  phénomènes  électrotoniaues.  Et  cet 
eflet  n'a  pas  lieu  seulement  alors  que  le  nerf,  encore  très  frais, 
manifeste  ces  phénomènes  avec  toute  leur  intensité;  il  se  pro- 

(1)  Les  déviations  du  système  astatique,  dans  nos  expériences,  étant  toujours 
très  faibles  et  de  quelques  degrés  seulement,  nous  pouvons  admettre  que  l'inten- 
sité des  courants  est  proportionnelle  aux  déviations. 

ARTICLE  N'  1. 


EXCITATION    ÉLECTIUQUE  DES   NEUFS    MOTEURS.  39 

duit  encore  par  la  réixHition  dos  sections,  qnand  le  nerf  est 
déjà  alVaibli,  qnand  rrlcctiotonns  est  en  pleini;  décroissance. 
Il  existe  donc  nn  pai'allélisme  complet  entre  nos  résultats 
actuels  et  ceux  que  nous  avons  obtenus  en  étudiant  l'inlluence 
des  sections  sur  la  production  des  secousses. 

Pour  mieux  faire  comprendre  la  marche  de  ces  phéno- 
mènes, nous  allons  transcrire  une  des  nombreuses  expériences 
consignées  dans  notre  registre  de  notes  : 

6  mai  1880.  —  Une  patte  de  grenouille  rapidement  préparée 
est  fixée  sur  l'appared  et  le  tendon  du  gastrocnémien  relié  au 
myographe.  Le  nerf  sciatique  est  disposé  sur  les  quatre  élec- 
trodes et  le  fragment  de  moelle  est  isolé  sur  une  plaque  de 
gutta-percha.  Longueur  de  la  région  intrapolaire  et  de  la  ré- 
gion dérivée,  8  millimètres;  longueur  de  la  région  dérivante, 
5  millimètres.  Le  courant  est  descendant  et  son  intensité,  à 
peine  supérieure  à  la  minima,  reste  constante  dans  tous  les 
essais  successifs  (2  El.  Daniell,  n"  3  du  rhéochorde).  Le  gal- 
vanomètre dont  le  circuit  est  fermé  par  un  lil  de  coton  humide 
réunissant  les  électrodes  supérieures,  est  immobile  à  la  divi- 
sion l'a, 5.  Après  l'installation  du  nerf,  il  dévie  légèrement  et 
se  fixe  à  LL 

1'"  polarisation  descendante  :  déviation  initiale  à  21,5. 
Secousse  de  fermeture  très  nette  ;  pas  de  secousse  d'ouverture. 
Le  galvanomètre  revient  à  M,  et  se  fixe. 

2''  polarisation  :  déviation  à  20,5. 

On  coupe  le  nerf  à  5  millimètres  de  l'électrode  extrême.  Il 
se  produit  une  violente  contraction  et  le  courant  nerveux  s'éta- 
blit. Le  galvanomètre  se  fixe  à  i5,5.  On  ferme  de  nouveau  le 
circuit  du  courant  constant;  secousse  très  forte. 

3*^^  polarisation  :  déviation  à  30,5. 

On  ouvre  le  courant;  secousse.  Le  galvanomètre  se  fixe  à  16. 
Le  courant  est  fermé  et  ouvert  encore  à  cinq  reprises  diffé- 
rentes. Les  secousses  de  fermeture  et  d'ouverture  se  produisent 
les  deux  premières  fois;  cette  dernière  disparait  dans  les  trois 
derniers  essais.  Les  déviations  dues  à  la  polarisation  vont  en 
diminuant  par  dépérissement  du  nerf. 


40  CIIARBOMIVEL-i^ALLE. 

La  série  des  déviations  absolues  depuis  le  début  jusqu'à  la 
fin  de  l'expérience  est  la  suivante  : 

Déviations.  Secousses. 

Avant  la  section  :  i"  —  i0,5 F. 

2°  —    9,4 F. 

Après  la  section  :  3"  —  15    F  et  0. 

4°  —  U,5 F  et  0. 

5°  —  13    F  et  0. 

6"  —  11,5 F. 

7°  —  10    F. 

80  —  8,3  F. 

On  serre  le  nerf  entre  les  mors  d'une  pince  dans  la  région 
dérivante.  Lapi^oduction  des  effets  électrotoniques  cesse  immé- 
diatement. 

L'augmentation  d'excitabilité  du  nerf  est  rendue  manifeste, 
dans  l'expérience  précédente,  par  la  production  de  la  secousse 
d'ouverture  qui  faisait  défaut  avant  la  section.  Comme  l'exci- 
tation elle-même,  les  phénomènes  électrotoniques  sont  donc 
intimement  liés  à  la  vitalité  du  tissu  nerveux  et  leur  intensité 
suit  exactement  les  modifications  imprimées  à  l'excitabilité. 

Les  connaissances  que  nous  venons  d'acquérir  relativement 
à  l'irritabilité  des  nerfs  musculaires  et  des  variations  qu'elle 
peut  offrir  sous  l'influence  de  diverses  conditions,  nous  per- 
met d'étudier  maintenant  avec  précision  l'action  physiologique 
des  courants. 

Nous  diviserons  cette  étude  en  deux  chapitres.  Dans  le  pre- 
mier, nous  traiterons  des  phénomènes  produits  par  le  coui^ant 
lorsqu'il  parcourt  le  nerf  dans  le  sens  longitudinal.  Le  second 
chapitre  est  réservé  à  l'action  du  courant  transversal. 

CHAPITRE  II 

ACTION    DU   COURANT    LONGITUDINAL 

Dans  l'exposé  des  expériences  qui  font  le  sujet  de  ce  cha- 
pitre, nous  passerons  successivement  en  revue  les  différentes 
circonstances,  physiques  et  physiologiques,  qui  déterminent 
les  manifestations  variées  de  l'excitation  motrice.  La  direction 

ARTICLE    N'   1. 


EXCITATION   ÉLECTRIQUE    DES   NERFS   MOTEURS,  41 

des  couranls  dans  le  nei  1',  leurs  divers  degrés  (V ititensilé ,  sont 
à  considérer  tout  d'abord.  Mais  il  est  d'autres  éléments  encore, 
capables  d'inlhier  beaucoup  sur  la  mise  eu  jeu  de  l'activité 
nerveuse.  (Vest  ainsi  <pie  nous  avons  observé  des  difféiences 
remarquables  dans  la  production  des  secousses,  quand  nous 
avons  fait  varier  la  surface  du  condensateur,  constamment 
employé  dans  ces  recbercbes,  différences  (|ui  s'explicjuent  par 
des  cliangements  correspondants  dans  la  (Ivrée  des  ilux  élec- 
tri({ues.  Cette  étude  spéciale  méritait  toute  notre  attention, 
en  raison  de  sa  nouveauté,  et  des  éclaircissements  qu'elle  est 
susceptible  de  fournir  sur  les  pbénomènes  intimes  de  l'excita- 
tion électrique.  L'examen  des  faits  concernant  la  direction, 
V intensité  et  la  durée  des  couranls  sera  le  sujet  d'un  premier 
paragraphe. 

L'influence  des  divers  états  de  dépérissement  du  nerf,  celle 
de  la  longueur  du  cordon  nerveux  compris  entre  les  pôles, 
enfin  la  hauteur  et  la  durée  des  secousses,  considérées  dans 
leurs  rapports  avec  la  force  de  l'excitant,  tels  sont  les  diffé- 
rents points  qui  se  rattachent  par  des  liens  étroits  à  la  question 
principale,  et  que  nous  étudierons  ensuite  suivant  l'ordre 
même  de  cette  énumération. 

§  1  ■'.  —  Influence  de  la  direction  et  de  V intensité  des  cou- 
rants instantanés.  —  Effets  observés  en  faisant  varier  la  surface 
du  condensateur.  —  La  plupart  des  expérimentateurs  mo- 
dernes, dans  leurs  recherches  sur  l'action  physiologique  des 
courants,  emploient  la  patte  de  grenouille  isolée,  conservant 
le  nerf  sciatique  sur  une  assez  grande  longueur  :  c'est  la  pré- 
paration bien  connue  sous  le  nom  de  patte  (jalvanosco pique. 
Les  électrodes  sont,  dans  ce  cas,  directement  appliquées  sur 
le  nerf  qui  constitue  le  seul  conducteur  organique  traversé  par 
le  coui'ant.  Il  existe  d'autres  modes  de  préparation,  dans  les- 
quels le  conducteur  comprend  à  la  fois  les  nerfs,  les  muscles  et 
même  la  moelle  épinière.  Ces  procédés,  auxquels  les  anciens 
électro-physiologistes  avaient  souvent  recours,  ont  donné  à 
Ritter,  Marianini,  Matteucci,  des  résultats  dignes  du  plus 
grand  intérêt.  Autant  les  conditions  sont  simples  quand  le 


42  rHAiiuo.^Mi:L-^iAi.Li:. 

courant  traverse  uniquement  les  nerfs,  autant  elles  deviennent 
complexes,  quand  le  conducteur  organique  est  formé  de  plu- 
sieurs tissus.  Dans  nos  expériences,  nous  avons  mis  en  usage 
trois  modes  de  préparation.  Nous  allons  les  indiquer  et  décrire 
les  appareils  qui  permettent  leur  application. 

1°  Le  nerf  est  isolé  et  repose  sur  des  électrodes  impolari- 
sables.  La  jambe,  désarticulée  avec  soin,  est  fixée  au  moyen 
d'épingles  sur  la  plaque  de  liège  de  l'appareil  décrit  page  13. 
et  le  tendon  du  muscle  gastrocnémien  est  relié  au  fil  du  myo- 
graphe. 

2°  Le  second  procédé,  employé  surtout  par  Ritter,  consiste 
à  préparer  d'abord  la  grenouille  à  la  manière  de  Galvani,  c'est- 
à-dire  à  séparer  de  l'organisme  les  deux  pattes,  unies  par  la 
symphyse  du  bassin,  et  conservant  leurs  nerfs  lombaires  avec 
un  segment  de  moelle  épinière  et  de  colonne  vertébrale.  On 

fend  ensuite  ce  segment 
suivant  sa  longueur,  de 
façon  à  séparer  l'un  de 
l'autre  les  deux  faisceaux 
de  nerfs  lombaires,  et  les 
électrodes  sont  mises  en 
contact  avec  les  deux, 
morceaux  de  colonne  ver- 
tébrale. Le  conducteur 
interpolairc  est  donc  for- 
mé :  i°  d'une  partie 
moyenne  représentée  par 
la  région  supérieure  des 
deux  cuisses;  '"2°  des  deux 
faisceaux  nerveux;  3"  des 
deux  fragments  osseux  sus- 
pendus à  ces  faisceaux. 
L'appareil     destiné    à 

Fig.  Jl.—  Appardl  pour  i'excitutiori  des  nerfs       ^.qHq   préparation     CSt   rC- 
disposés  suivant  Je  procédé  de  Ritter.  ,  ,  i      /-.  <  i 

présente  dansla  figure  11. 
Une  plaque  de  caoutchouc  durci  porte  trois  lames  de  liège  :: 

ARTICLE   N"   1. 


J-KLAHhDLT. 


EXCITATION   ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEURS.  43 

une  médiane,  1res  giande,  reçoit  et  permet  de  fixer  les 
deux  pattes  de  grenouille  dont  les  gastrocnémiens  sont  mis 
en  i-elation  avec  le  myoLiraplie  double.  Les  deux  autres  lames, 
très  petites,  reçoivent  les  deux  IVagments  osseux;  leur  situa- 
tion t.'st  calculée  d'après  la  longueur  des  faisceaux  lombaires 
chez  les  grenouilles  de  taille  moyenne.  Un  tube  de  verre,  ou- 
vert aux  deux  bouts,  présente  une  de  ses  extrémités  au  centre 
de  chaque  lame  dont  il  affleure  la  surface,  et  se  recourbant 
sous  l'appareil,  vient  s'ouvrir  au-dessous  de  la  branche  hori- 
zontale d'une  borne  métallique;  la  partie  verticale  de  celte 
borne  est  reliée  par  un  fil  conducteur  à  l'armature  du  conden- 
sateur. Une  bai-Hiette  de  zinc  anialuamé,  fixée  à  la  branche 
horizontale,  plonge  dans  la  solution  de  sulfate  de  zinc  dont  le 
tube  est  rempli;  à  l'autre  bout  du  tube  une  couche  d'albumine 
est  interposée  entre  la  solution  de  zinc  et  les  deux  segments 
de  rachis.  Les  électrodes  sont  parfaitement  isolées  si  la  surface 
de  la  plaque  est  privée  de  toute  humidité.  La  décharge  du 
condensateur  traverse  en  même  temps  les  deux  nerfs  à  chaque 
fermeture,  ascendante  dans  l'un  et  descendante  dans  l'autre. 
Enfin  le  jeu  du  commutateur  permet  de  renverser  alternative- 
ment le  sens  du  courant  dans  chacun  d'eux. 

3"  La  troisième  manière  de  disposer  la  grenouille,  indiquée 
déjà  par  Vol  ta,  est  celle  que  Marianini  et  Matteucci  (i)  ont 
fréquemment  employée  dans  leurs  recherches  sur  l'action  des 
courants.  Elle  consiste,  la  grenouille  étant  d'abord  préparée 
à  la  manière  de  Galvani,  à  séparer  les  deux  cuisses  par  un 
coup  de  ciseaux  sur  la  symphyse,  de  manière  qu'elles  ne 
soient  plus  réunies  l'une  à  l'autre  que  par  le  tronçon  de  co- 
lonne vertébrale  qui  tient  aux  deux  nerfs  lombaires.  Dans  une 
telle  préparation,  la  partie  inférieure  de  la  moelle  conserve 
son  intégrité;  c'est  là'  une  condition  physiologique  de  grande 
importance.  Les  électrodes  étant  appliquées  aux  parties  supé- 
rieures des  deux  cuisses,  le  courant  s'établit  en  traversant  suc- 
cessivement cinq  conducteurs  placés  bout  à  bout  et  qui  sont, 

(1)  Voy.  Malleucci,  Coins  d'i'leclro-ph>jsiolo(/ie,  pi.  I,  llg.  1. 


44  charboi%^k:l-nalli^. 

en  supposant  le  pôle  positif  à  droite  :  1"  La  partie  supérieure 
de  la  cuisse  droite  ;  2°  le  faisceau  lombaire  droit;  3"  la  portion 
de  moelle  et  de  rachis  intermédiaire  aux  deux  nerfs  ;  4°  le  fais- 
ceau lombaire  gauche;  5"  la  partie  supérieure  de  la  cuisse 
gauche. 

L'appareil  représenté  dans  la  figure  12  répond  aux  exigences 


Fig.  \±  —  Appareil  pour  rexcitation  des  nerfs  disposés  suivant  le  procédé  de  Marianini. 


Spéciales  de  ce  mode  de  préparation  ;  identique  au  précédent, 
quant  aux  conditions  essentielles,  il  en  diffère  seulement  par 
la  disposition  des  lames  de  liège  et  par  la  situation  des  élec- 
trodes. La  simple  inspection  de  la  figure  permettra  de  com- 
prendre aisément  la  manière  dont  la  grenouille  est  disposée 
sur  le  passage  du  courant. 

Avant  d'exposer  nos  expériences,  nous  devons  signaler  en- 
core une  condition  générale  importante  pour  l'exactitude  du 
résultat  :  c'est  l'alternance  régulière  dans  les  changements  de 
sens  des  flux  électriques.  On  sait  à  quel  point  la  permanence 
du  courant  dans  la  même  direction  est  capable  d'altérer  les 
propriétés  nerveuses,  en  déterminant  une  prompte  fatigue. 
Notre  mode  d'expérimentation  écarte   cet  inconvénient  qui 

ARTICLE  N»  1 . 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NERFS   MOTEURS.  45 

lient  surtout  à  l'emploi  des  courants  continus,  mais  que  l'on 
ne  saurait  négliger  quand  il  s'agit  de  courants  instantanés 
d'une  certaine  durée,  provenant  d'un  condensateur  de  grande 
surliice. 

Si  nous  considérons  l'ensemble  des  faits  résultant  de  nom- 
breuses expériences,  nous  remarquons  d'abord  qu'ils  se  pré- 
sentent sous  deux  aspects  très  difïérents,  suivant  que  nous 
avons  employé  la  plus  grande  ou  la  plus  petite  surface  de  notre 
condensateur.  Celte  différence  essentielle  nous  oblige  à  scin- 
der notre  exposé  en  deux  parties.  Nous  examinerons  donc  suc- 
cessivement : 

a.  —  Résultats  de  l'excitation  par  le  condensateur  à  grande 
surface  (iO  microfarads). 

h.  —  Résultats  de  l'excitation  par  le  condensateur  à  petite 
snrface  (1  microfarad). 

a.  — Un  nerf  absolument  frais  est  disposé  sur  les  électrodes 
extrêmes  de  l'appareil  excitateur,  de  telle  façon  que  le  segment 
traversé  par  le  courant  ait  une  longueur  de  3  centimètres.  On 
enregistre  les  secousses,  à  partir  de  la  mimma,  en  faisant 
croître  très  lentement  l'intensité  de  la  décharge.  Celle-ci,  pour 
chacune  de  ses  valeurs  successives,  traverse  deux  fois  le  nerf  : 
i"  suivant  la  direction  ascendante  ou  centripète;  2"  suivant  la 
direction  descendante  ou  centrifuge. 

Il  résulte  de  cette  expérience  :  1"  que  le  courant  ascendant 
excite  le  premier  la  contraction  ;  2°  que  les  contractions  pro- 
voquées par  le  courant  descendant,  apparues  tardivement, 
conservent  longtemps  encore  un  caractère  d'infériorité. 

Ce  résultat,  nous  le  répétons,  est  propre  aux  nerfs  tout  ré- 
cemment préparés  et  ne  se  montre  nettement  que  si  la  force 
du  courant  croît  avec  une  extrême  lenteur.  Si  l'on  répète  l'ex- 
périence sur  le  même  nerf,  à  de  courts  intervalles,  on  ne  tarde 
pas  à  constater,  d'abord  l'égalité  d'action  des  courants  très 
faibles  pour  les  deux  sens,  puis  l'inversion  de  la  phase  initiale; 
la  supériorité  appartient  désormais  au  courant  descendant. 
En  été,  quelques  minutes  suffisent  souvent  à  produire  l'inver- 
sion, surtout  si  la  section   transversale  est  très  voisine  de 


46  CHARBO-\.\EL-SALI.E. 

l'électrode  extrême  ou  si  le  nerf  provient  d'une  grenouille 
affaiblie.  —  La  figure  13  montre  la  priorité  d'action  du  cou- 
rant ascendant  dans  les  conditions  indiquées. 


Fij.'.  13.  —  Supériorité  d'action  du  courant  ascendant,  pour  les  très  faibles  inlensités. 
—  La  première  secousse  est  produite  par  le  courant  ascendant,  à  rinlensilé  3.  La 
secousse  par  courant  descendant  apparaît  à  l'intensité  4.  3  Daniell,  10  microf.  — 
Fil  vertical  du  Rhéochorde,  croissant  par  deux  centimètres. 

Augmentons  la  force  de  la  décharge,  assez  vite  pour 
devancer  l'altération  des  propriétés  nerveuses,  et  nous  ne  tar- 
dons pas  à  voir  s'établir  une  parfaite  égalité  des  secousses, 
égalité  qui  se  maintient  pendant  une  longue  série  d'intensités; 
puis  le  courant  ascendant,  tantôt  brusquement,  tantôt  par 
une  diminution  graduelle  des  secousses,  cesse  d'agir,  le  cou- 
rant descendant  conservant  indéfiniment  son  activité.  Si  l'exci- 
tation est  longtemps  continuée,  les  secousses  présentent,  plus 
ou  moins  proinptement,  une  lente  diminution  d'amplitude  en 
rapport  avec  une  durée  plus  considérable  ;  nous  retrouvons  là 
l'effet  bien  connu  de  Idi  fatigue,  soit  nerveuse,  soit  musculaire. 

La  disparition  des  secousses  par  l'accroissement  d'intensité 
du  courant  ascendant,  disparition  sans  retour  possible  avec  le 
condensateur  à  10  mierofarads  est  bien  le  fait  du  courant  lui- 
même,  et  non  de  toute  autre  circonstance,  telle,  par  exemple, 
que  le  dépérissement  rapide  de  l'extrémité  du  nerf  sectionné. 
Il  est  facile,  en  effet,  de  l'obtenir  d'emblée  sur  le  nerf  très 

ARTICLE   N"   1. 


EXCITATION   ÉLECTRIQUE   DES  NERFS    MOTEURS.  47 

frais  et  intact.  Mais  une  preuve  plus  convaincante  nous  est 
fournie  par  le  tracé  de  la  figure  14.  On  a  fait  agir  sur  le  nerf 


Fij;.  l-l.  —  Aiiiiurition  des  secousses  provoquées  par  le  courant  ascendant  :  intensités 
décroissantes.  Nerf  très  frais.  Par  suite  des  commutations,  le  courant  est  alternati- 
vement asc.  et  desc.  —  10  Microf.  20  El.  Daniell,  Réoch.  de  15  à  5. 

une  décharge  ascendante  assez  forte  pour  ne  produire  aucune 
contraction,  puis  on  diminue  progressivement  la  valeur  de 
l'excitant.  Les  contractions  ne  tardent  pas  à  naître  et  à  s'ac- 
croître d'une  façon  régulière,  alternant  avec  celles  du  courant 
descendant  qui  conservent  leur  caractère  primitif. 

La  figure  15  donne  la  représentation  graphique  de  la  loi  des 
secousses  pour  les  deux  directions  du  courant  instantané  et 
pour  trois  degrés  différents  d'intensité. 

Les  conditions  fort  simples  de  l'expérience  précédente  per- 
mettent d'en  pénétrer  aisément  le  mécanisme.  Il  suffit  de  se 
rappeler  trois  faits  bien  connus  :  1"  le  degré  plus  élevé  d'exci- 
tabilité des  parties  supérieures  du  nerf  sectionné;  2"  la  supé- 
riorité d'action  du  p(Me  négatif,  telle  que  les  courants  très 
faibles  produisent  l'excitation  physiologique  uniquement  à  leur 
point  de  sortie  (1);  3"  enfin,  la  propriété  que  possèdent  les 
courants  forts  de  diminuer  et  même  de  supprimer  entièrement, 
dans  la  région  du  pôle  positif,  le  pouvoir  conducteur  du  nerf 
pour  l'excitation  (2). 


(1)  Chauveau,  Théorie  des  effets  physiol.,  etc.,  Journal  de  la  physiol.  1859. 

(2)  Pflùger,  Physiologie  des  électrotonus,  1859. 


48  €H.\HBO:%\KL-J!iALLE. 

Voici  maintenant  l'interprétation  des  trois  phases  succes- 
sives que  nous  avons  observées  :  un  courant  très  faible  agit 
seulement  suivant  la  direclion  ascendante,  parce  que  le  pcMe 


Fig.  15.  —  Loi  des  secousses  du  nerf  frais,  pour  les  deux  directions  du  courant  et  trois 
degrés  d'intensité.  Les  tracés  I  et  II  ont  été  pris  avec  le  même  nerf. 

négatif,  seul  doué  d'activité,  repose  sur  la  partie  supérieure 
du  nerf,  plus  excitable  (1*"  degré).  Par  l'augmentation  gra- 
duelle de  l'intensité,  le  courant  atteint  bientôt  un  degré  suffi- 
sant pour  exciter,  par  son  pôle  négatif,  les  parties  inférieures 
du  nerf  aussi  bien  que  les  supérieures  :  alors  paraît  la  double 

ARTICLE   N»    1. 


EXCITATION    KLKCTUIQUE    DES    iNERFS    MOTKITRS.  49 

contraction  (^â"  degré).  Enlin,  si  l'accroissemoiit  est  poussi'- 
a>sez  loin,  le  pôle  positif  produit  la  suppression  de  la  conduc- 
libililépliysioloi;i(|ue  ;  le  courant  ascendant  cesse  alors  d'agir, 
parce  que  l'excitation  du  pôle  néiialifest  arrêtée  dans  son  par- 
cours vers  le  muscle  (8"  degré). 

Examinons  maintenant  l'aclion  [)liysiologi({ue  des  coin-ants 
instantanés,  de  foi-ce  graduellement  croissante,  sur  la  gre- 
nouille disposée  suivant  les  procédés  de  Ritteretde  Marianini. 
Nous  rappellerons  que  la  décharge,  lancée  à  chaque  fermeture 
du  rhéotome  dans  le  conducteur  complexe  dont  les  faisceaux 
lombaires  font  partie,  traverse  l'un  de  ces  laisceaux  suivant  la 
direction  ascendante,  l'autre  suivant  la  direction  descendante. 
On  enregistre  au  moyen  du  myographe  double  les  contractions 
des  deux  muscles  gastrocnémiens.  Les  résultats  de  l'excitation, 
dans  ces  conditions  nouvelles,  comparés  à  ceux  du  nerf  isolé, 
montrent  une  similitude  fondamentale  et  quelques  difïérences 
accessoires.  La  loi  générale  des  secousses  est  la  même  que  dans 
le  cas  précédent;  chacune  des  pattes,  considérée  isolément, 
réagit  en  premier  lieu  au  courant  ascendant;  puis,  deux  réac- 
tions égales  répondent  aux  courants  des  deux  directions;  enfin, 
l'intensité  augmentant  toujours,  le  courant  ascendant  cesse 
définitivement  de  produire  des  secousses.  Telle  est  la  manifes- 
tation générale  du  phénomène,  si  lesconditions  physiologiques 
de  la  grenouille  sont  normales  et  la  préparation  promptement 
faite  ;  et  la  môme  inversion  de  la  phase  initiale  que  nous  a 
montrée  le  nerf  sectionné  se  manifeste  tôt  ou  tard,  par  le  pro- 
grès du  dépérissement.  Mais  il  est  important  de  noter  que 
l'altération  des  propriétés  du  nerf  dans  les  expériences  actuelles 
suit  une  marche  beaucoup  moins  rapide;  et  la  réaction  carac- 
téristique de  l'état  de  fraîcheur  du  nerf  est  par  conséquent 
moins  fugitive.  Cette  persistance  de  la  manifestation  initiale  est 
surtout  remarquable  chez  les  grenouilles  préparées  suivant  le 
troisième  procédé  :  souvent  il  nous  a  été  possible,  môme  pen- 
dant l'été,  de  recueillir,  à  d'assez  longs  intervalles,  plusieurs 
tracés  où  s'accusait  nettement  la  priorité  d'action  du  courant 

H.   ÉTUDES.  —   se.  NAT.  XXIV.   4.  —  ART.  N"  1. 


50  CHARBO:\>EL-SALLK. 

ascendant  faible,  malgré  le  temps  écoulé,  et  les  excitations 
nombreuses  qu'avait  subies  la  préparation. 

Cette  particularité  laisse  déjà  soupçonner  une  réelle  diffé- 
rence, sous  le  rappoit  du  mécanisme  intime  de  l'excitation, 
entre  le  nerf  isolé  et  sectionné,  et  les  faisceaux  nerveux  dis- 
posés suivant  la  méthode  de  Ritter  et  de  Marianini.  Pour 
trouver  la  clef  des  phénomènes  observés  pendant  le  passage  de 
l'électricité  dans  les  conducteurs  nervo-musculaires,  il  est 
nécessaire  d'analyser  avec  soin  la  constitution  spéciale  de  ces 
conducteurs,  en  tenant  compte  de  l'état  physiologique  des 
nerfs  aussi  bien  que  des  conditions  physiques  de  la  propagation 
des  courants  (1). 

Une  première  condition  essentielle  à  noter  est  relative  aux 
nerfs  eux-mêmes,  exempts  de  toute  section,  et  reliés  par  leur 
extrémité  supérieure,  soit  à  un  lambeau  mutilé,  soit  à  un 
segment  assez  long  et  intact  de  la  moelle.  Nous  ne  pouvons 
évidemment  nous  attendre  à  trouver,  surtout  dans  le  dernier 
cas,  une  répartition  des  degrés  d'excitabilité  conforme  à  celle 
qui,  sur  le  nerf  isolé,  apparaît  aussitôt  après  la  section;  nous 
avons  vu,  en  effet  (page  :24)  que  la  section  transversale  de  la 
moelle  n'imprime  pas  au  nerf  une  modification  immédiate  de 
son  excitabilité.  Aussi  est-il  facile  de  comprendre  le  fait 
signalé  plus  haut  de  la  résistance  souvent  très  longue  opposée 
par  les  nerfs  au  dépérissement  :  le  fragment  de  moelle  auquel 
ils  sont  reliés  conserve  un  certain  temps  sa  vitalité,  et  la  mort 
ne  peut  cnvaliir  les  faisceaux  nerveux  qu'après  l'extinction 
complète  des  propriétés  physiologiques  du  tronçon  médul- 
laire. 

Il  résulte  de  ces  considérations  qu'il  n'est  pas  possible  d'at- 
tribuer à  l'excitabilité  plus  forte  des  parties  élevées  du  faisceau 
lombaire  l'activité  prédominante  du  courant  ascendant  de 
faible  intensité  ;  il  faut  donc  chercher  une  autre  explication. 

(1)  Les  principes  sur  lesquels  est  fondée  l'interprétation  de  nos  expériences 
ont  été  déjà  indiqués  par  M.  Chauveau  qui  s'en  est  servi  pour  expliquer  les 
résultats  des  anciennes  recherches  de  Volta,  de  Ritter  et  de  Marianini.  fV'oy. 
Théorie  des  effets  physiol,  etc..  Journal  de  /a  PAî/s<o<.,i 859-1860,  page  285.) 

ARTICLE   N°    1. 


EXCITATION   ELKCTIUQUK    DES    NERFS    MOTEURS.  51 

Si  nous  considérons  le  modcuh;  conslitnlion  du  conducteur 
organi(jUC  ti'aversé  par  l'élcctricilé.  nous  rcinaivjuons  d'ahoid 
que  cliacun  des  laisccanx  nerveux,  relicautra^nienlde  moelle 
par  les  racines  rachidiennes,  présente  à  son  extrémité  supé- 
rieure un  l'aible  diamètre,  tandis  que,  j)ar  son  extrémité  infé- 
rieure, il  plonge  au  sein  d'une  masse  musculaire  considérable. 
Or,  c'est  par  l'intermédiaire  d»i  rragment  médullaire  et  des 
muscles  que  les  nerls  sont  mis  en  lelation  avec  l'appaieil  exci- 
tateur; ceux-ci  constituent,  pai-  conséquent,  les  véritables 
rhéophores  du  courant. 

Un  couraiit  transmis  à  travers  le  conducteur  hétérogène  a 
donc  son  point  de  sortie  ou  pôle  négatif  situé,  si  la  direction 
est  ascendante,  sur  une  partie  du  nerf  très  resserrée,  et  telle  que 
la  condensation  de  l'électricité  y  atteint  un  degré  fort  élevé. 
Si  la  direction  est  descendante,  le  pôle  négatif,  à  raison  du 
contact  étendu  entre  les  nerfs  et  les  muscles,  est  plus  diffus  ; 
et  la  condensation  du  courant  est,  par  conséquent,  moins 
considérable  (1). 

Il  suffit  maintenant  de  se  rappeler  l'influence  exercée  sur 
l'excitation  par  la  densité  du  courant  au  sein  de  l'organe  exci- 
table, influence  reconnue  \yàv  tous  les  physiologistes,  pour 
comprendre  le  véritable  mécanisme  des  phénomènes  que  nous 
analysons.  Lorsque  l'intensité  croît  lentement,  depuis  zéro 
jusqu'à  une  valeur  très  élevée,  le  courant  ascendant  excite  le 
nerf  avant  le  courant  descendant,  parce  que  la  densité  au  pôle 
négatif  est  forte  dans  le  premier  cas,  faible  dans  le  second. 
Quelques  degrés  de  plus,  et  l'accroissement  d'intensité  com- 
pense, pour  le  courant  descendant,  la  condition  désavanta- 
geuse de  la  diffusion  du  pôle  négatif  :  les  secousses  sont  égales 
pour  les  deux  sens.  Enfin,  un  courant  très  fort  supprime,  dans 
la  région  positive,  la  conductibilité  du  nerf  pour  l'irritation  : 

(I)  La  différence  de  conductibilité  spécifique  des  nerfs  et  des  muscles,  nulle 
pendant  la  vie,  d'après  Ranke,  à  raison  de  la  présence  du  sang  dans  les  vais- 
seaux, n'est  pas  assez  grande,  même  après  la  mort,  pour  qu'on  puisse  admetire 
une  sortie  brusque  du  courant  traversant  le  nerf,  au  point  où  celui-ci  s'enfonce 
dons  la  masse  musculaire.  Eckard  a  trouvé,  en  effet,  la  conductibilité  des 
muscles  à  peine  double  de  celle  des  nerfs. 


52  C'iiAiiKO'\\i:i>-SAi.Li:. 

le  courant  ascendant  cesse  d'agir,  parce  que  l'excitation  du 
pôle  négatif  rencontre  dans  son  parcours  un  obstacle  infran- 
chissable. 

Telle  est  l'interprétation  qui  nous  semble  l;i  plus  plausible. 
Elle  se  déduit  directement  des  conditions  spéciales  des  prépa- 
rations, et  s'écarte  beaucoup  de  celle  qui  nous  a  permis  d'ex- 
pliquer les  efTets  du  courant  sur  le  nerf  isolé.  Tandis  que 
celui-ci  est  disposé  de  façon  à  contracter  des  rapports  iden- 
tiques avec  les  deux  pôles,  les  conducteurs  nervo-musculaires 
offrent  des  conditions  polaires  très  dissemblables.  C'est  donc 
surtout  aux  différences  locales  d'excitabilité  que  nous  attri- 
buons les  efTets  propres  aux  nerfs  isolés  ;  c'est  par  les  diffé- 
rences locales  de  densité  du  courant  que  nous  expliquons  les 
résultats  de  l'expérience  faite  suivant  les  procédés  de  Ritter  et 
de  Marianini.  Par  une  coïncidence  singulière,  l'action  physio- 
logique des  courants  sur  les  nerfs,  préparés  suivant  les  trois 
méthodes,  malgré  les  différences  intimes  de  mécanisme,  se 
révèle  par  des  manifestations  extérieures  complètement  iden- 
tiques. 

De  tout  ce  qui  précède,  il  résulte  qu'il  n'est  pas  besoin,  pour 
l'explication  des  phénomènes,  de  faire  intervenir  l'influence  de 
la  direction  même  du  courant  dans  les  cordons  nerveux.  Cette 
influence  propre  du.  sens  du  courant  a  trouvé  crédit  jadis  près 
des  physiologistes  et,  pour  la  plupart  des  médecins,  elle  cons- 
tituait un  des  principes  fondamentaux  de  l'électrothérapie. 
Nobili  (1),  par  une  comparaison  bien  connue,  a  donné,  en 
quelque  sorte,  la  formule  de  cette  doctrine.  Dans  son  mémoire 
sur  l'action  physiologique  de  l'électricité,  si  remarquable  par 
l'exactitude  des  faits  observés,  Nobili  compare  ((  la  différence 
d'action  des  courants  suivant  leur  sens  à  la  différence  des  sen- 
sations éprouvées  par  un  animal  quand  on  le  frotte  suivant  le 
sens  du  poil  ou  à  rebours  ».  L'erreur  des  anciens  auteurs  est 
d'ailleurs  facile  à  comprendre,  si  l'on  se  rappelle  que  la  plupart, 
depuis  Volta,  soit  en  opérant  sur  des  nerfs  déjà  altérés,  soit  en 

(i)  Nobili,  Awa/î/se  expérimentale  et  théorique  des  phénomènes  produitspar 
réïectricité  sur  lu  {irenouille.  Trad.  dans  Ann.  de  Phys.,  1830. 

ARTICLE  N»  i. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEURS.  53 

employant  d'emblée  de  trop  loris  courants,  avaicnl  c.onslaté  la 
su|^ériorité  evcilatrice  du  couranl  doscciidani  (I  )  :  ils  expli- 
(luaieiit  tout  uatuielleuieut  le  l'ait  eu  adiuettaut  que  rélectiicité 
agit  avec  plus  de  puissance  quand  elle  se  propage  suivant  la 
direction  même  de  l'agent  nerveux  moteur. 

Nous  n'avons  pas  l'inlenlion  d'insister  longtemps  sur  cette 
hypothèse,  aujourd'hui  généralement  abandonnée.  Elle  a  dû, 
en  effet,  céder  la  place  à  l'interprétation  que  les  physiologistes 
modernes,  Ghauveau  et  PfUiger  en  particulier,  ont  déduite 
des  différences  locales  d'excitabilité,  de  l'activité  spéciale  du 
pôle  négatif,  derinlluence  exercée  par  la  densité  du  courant. 
Mais  cette  doctrine  n'est  pas  seulement  inutile  et  avantageuse- 
ment remplacée;  elle  est  en  outre  condamnée  par  certain"s 
expériences  qui  en  constituent  la  réfutation  directe.  En  ren- 
voyant poui-  plus  de  détails  aux  mémoires  de  M.  Ghauveau  ^2), 
nous  nous  bornerons  à  décrire  deux  expériences  dont  les  résul- 
tats sont  inscrits  dans  les  ligures  16  et  17. 

l''  Sur  une  grenouille  disposée  suivant  le  procédé  de  Maria- 
nini,  on  fait  agir  en  premier  lieu  un  courant  d'une  activité 
très  faible  :  chacune  des  pattes  réagit  au  courant  ascendant,  et 
l'on  enregistre  ainsi  quatre  secousses  égales  ;  le  courant  des- 
cendant, conformément  à  la  règle,  ne  produit  aucun  effet.  On 
serre  alors  chaque  nerf  en  son  milieu  avec  les  mors  d'une 
pince  pour  détruire  la  continuité  des  tubes  nerveux  (au  point 
a  sur  le  tracé),  et  l'on  essaye  de  nouveau  l'action  du  courant 
très  faible.  Le  résultatest  renversé  :  c'est  le  courant  ascendant 
qui  maintenant  est  inactif,  tandis  que  le  descendant  provoque 
quatre  secousses  faibles.  Un  accroissement  assez  considérable 
de  l'intensité  restitue  au  courant  ascendant  son  activité,  et 
renforce  celle  du  courant  descendant.  Enfin  une  intensité  très 
forte  supprime  l'activité  du  premier,  et  rend  plus  forte  encore 
celle  du  second. 

(1)  Ritter  seul  avait  su  reconnaître  la  vraie  phase  initiale,  celle  de  l'action 
exclusive  du  courant  ascendant. 

(2)  Ghauveau,  Journal  de  la  physioL,  1859,  p.  "289.  —  Voy.  aussi  :  Théorie 
des  effets  physiol.  de  l'électric.  Lyon,  1860. 


EXCITATION   ÉLECTRIOUK    DES 

Nous  avons  admis  pivcrdiMii- 
Hieiit  (lue  raclioii  exciliiliicc  du 
courant  ascendant  a  pour  siriit' 
exclusif  rcxtrémité  supérieure  i\c^ 
cordons  nerveux,  i-epréscntanl  Vr- 
lectrode  néL;ative.(]etle  expérience 
nouscnl'ournit  une  preuve  directe, 
puisqu'il  suCtit  de  supprimer  la 
communication  pliysioldgique  en- 
tre la  pai'tie  supérieure  du  nerl'et 
le  muscle  poiu'  annuler  l'action  du 
courant  ascendant. C/estdonc  bien 
à  la  situation  de  l'électrode  néi^a  • 
tive,  non  à  la  direction  de  l'électri- 
cité dans  le  nerf,  qu'était  due, 
avant  l'écrasement  des  tubes  ner- 
veux, la  supériorité  du  courant 
ascendant.  S'il  en  était  autrement, 
verrions-nous  des  elïets  inverses  se 
manifester  avec  le  môme  sens  du 
courant? 

Quant  aux  réactions  obtenues 
avec  les  intensités  moyenne  et 
forte,  elles  sont  simplement  con- 
formes à  la  loi  des  secousses,  telle 
que  nous  l'avons  fait  connaître 
plus  baut;  il  est  donc  inutile  d'y 
insister. 

2"  La  deuxième  expérience  con- 
siste à  disposer  sur  les  électrodes 
la  grenouille  préparée  suivant  le 
troisième  procédé,  de  telle  façon 
que  l'influence  de  la  densité  plus 
grande  au  pôle  négatif  agisse  alter- 
nativement à  la  partie  supérieure 
et  à  la  partie  inférieure  des  cordons 


NKFU'S    MOTKUns. 


DiJ 


nerveux.  Si  la  densité  est 


56  €Harbov«el-^»ajlle:. 

bien  le  facteur  essentiel  de  la  loi  des  secousses,  si  le  sens  du  cou- 
rant est  dénué  d'action  propre,  l'activité  supérieure  doit  appar- 
tenir, dans  ces  conditions,  tantôt  au  courant  ascendant,  tantôt 
au  courant  descendant.  Le  résultat  expérimental  confirme  cette 
prévision  théorique  et  justilie,  cette  fois  encore,  notre  interpré- 
tation. La  grenouille  est  disposée,  comme  d'habitude,  sur  la 
plaque  isolante.  Les  deux  cuisses  sont  en  rapport  avec  les  élec- 
trodes d'albumine  ;  mais  de  plus  deux  fines  électrodes,  adap- 
tées à  la  plaque,  sont  en  contact  par  leur  extrémité  avec  la 
partie  inférieure  des  faisceaux  nerveux.  Un  distributeur  permet 
de  lancer  le  courant,  d'intensité  rigoureusement  minima, 
tantôt  par  les  électrodes  appliquées  aux  muscles  (fig.  17, 
lignes],  3,  5),  tantôt  par  les  électrodes  appliquées  aux  nerfs 
(lignes  2,  4,  6).  Dans  le  premier  cas,  conformément  à  la  règle, 
le  courant  ascendant  provoque  de  fortes  secousses,  le  courant 
descendant  des  secousses  faibles.  Dans  le  second  cas,  le  cou- 
rant ascendant  est  sans  action  ;  c'est  au  courant  descendant 
qu'appartient  la  supériorité.  Il  est  donc  possible  de  renverser 
entièrement  le  résultat  expérimental  par  un  simple  change- 
ment de  situation  de  l'électrode  active. 

De  cette  expérience  ressort  clairement  l'influence  exercée 
par  la  densité  de  l'électricité  au  pôle  négatif,  influence  qui 
détermine,  en  quelque  sorte,  les  phénomènes  d'excitation, 
<[uelle  que  soit  la  direction  du  courant  à  l'intérieur  du  cordon 
nerveux. 

Tels  sont  les  faits  relatifs  à  l'action  physiologique  des  flux 
instantanés  d'électricité  fournis  par  le  condensateur  à  grande 
surface  (10  microf.).  Les  détails  dans  lesquels  nous  sommes 
entré  relativement  à  la  disposition  des  expériences  et  à  leur 
interprétation  nous  permettent  d'exposer  plus  brièvement  les 
caractères  propres  à  l'excitation  avec  le  condensateur  de 
moindre  surface  (1  microf.). 

b.  —  Résultats  de  V excitation  avec  1  microf.  —  Faisons  agir 
sur  les  nerfs  frais,  préparés  suivant  les  trois  procédés,  des  dé- 
charges de  force  graduellement  croissante  ou  décroissante;  en 
d'autres  termes,  répétons,  toutes  conditions  semblables,  sauf 

ARTICLE    N"    I . 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEURS.  57 

l'élonduedu  conciensateur,  les  expériences  qui  nous  ont  donné 
la  loi  des  secousses. 

C'est  encore  le  courant  ascendant  qui,  dans  la  série  crois- 
sante, fait  naître  la  première  secousse.  L'intensité  augmentant 
assez  rapidement,  le  courant  descendant  agit  à  son  tour,  et 
pour  un  certain  degré,  les  deux  courants  provoquent  des  con- 
tractions à  peu  près  égales  (fig.  18,  I).  Les  secousses  Ju  cou- 
rant ascendant,  après  avoir  atteint  un  premier  maximum, 
s'abaissent  brusquement,  cessent  môme  de  se  produire,  mal- 
gré l'accroissemenL  régulier  du  courant;  elles  renaissent 
bientôt,  et  par  une  ascension  graduelle  et  un  peu  irrégulière, 
atteignent  un  second  maximum.  A  partir  de  ce  point,  les  se- 
cousses se  produisent  indéfiniment,  quel  que  soit  l'accroisse- 
ment ultérieur  du  courant. 

Cette  anomalie  du  courant  ascendant  coïncide  avec  une 
anomalie  en  sens  inverse  du  courant  descendant  :  celui-ci,  en 
effet,  pour  les  mêmes  degrés  d'intensité,  manifeste  une  sur- 
activité remarquable,  se  traduisant  par  des  secousses  plus 
élevées,  plus  longues  et  même  redoublées  (fig.  18,  I).  Puis 
tout  rentre  dans  l'ordre  et  les  secousses  se  succèdent  désor- 
mais avec  une  parfaite  régularité. 

Avec  le  condensateur  à  10  microf.,  la  suppression  des  se- 
cousses du  courant  ascendant  était  définitive;  avec  i  microf., 
cette  suppression,  exigeant  en  général  une  intensité  moindre, 
est  suivie  d'une  réapparition.  Telle  est  la  différence  essen- 
tielle entre  les  deux  modes  d'excitation,  différence  que  la 
figure  18  rend  nettement  appréciable. 

L'anomalie  du  courant  ascendant  que  nous  ont  révélée  nos 
tracés  est  évidemment  identique  à  la  lacune  observée  par 
Fick  (Ij  pendant  l'accroissement  d'intensité   des    courants 


(1)  Fick.  Untersuch.  iiher  elcctrische  Nervenreizung.  Braunschweig,  1864- 
Dans  ce  mémoire,  Fick  dit  avoir  observé  également  la  lacune  en  employant  des 
oom'ants  d'intensité  invariable  et  de  dm'ée  croissante.  Le  courant  ascendant  d'une 
certaine  durée  ne  provoque  aucune  secousse  ;  celles-ci  apparaissent  si  la  durée 
du  courant  augmente  ou  diminue.  .Kônig  a  signalé  le  même  fait.  —  Voy.  aussi 
Fick,  Wiirtzburyer  VerhandL,  N.  F.,  II,  s.  115. 


.2    (M     = 

«    Ci  •£ 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE   DES    NERFS    MOTEURS.  59 

ascoiidaïUs  de  coiiilc  dinvc  ()l)l(Mms,  soit  avec  les  appareils 
d'iiitlui'lion,  soit  par  la  rerineliire  et  roiivertui*e  très  rappro- 
chées d'un  courant  continu.  (]e  phénomène,  décrit  de  nouveau 
j)ar  Meyer  (1)  et  Laniansky  (2),  a  élé  lécemment  étudié,  ;in 
moyen  des  courants  induits,  par  Tiegel  (8)  qui  le  désigne  sous 
le  nom  iVin(rrra//i'.  D'après  ce  physiologiste,  non  seulemeni 
le  couiant  ascendant,  mais  le  courant  descendant  lui-même, 
dans  certaines  conditions,  présentent  une  inteiruplion  de  leur 
activité  physiologique,  lorsque  l'intensité  croît  régulièrcnienl. 
Dans  aucune  de  nos  exjiériences  nous  n'avons  l'emarqué  le  lail 
signalé  j)ar  ïiegel  relativement  au  courant  descendant.  Nous 
avons  vu,  au  contraire,  ce  courant  manifester  un  surcroît 
d'activité,  corespondant  à  la  production  de  la  lacune,  lait  qui, 
à  notre  connaissance,  n'avait  attiré  l'attention  d'aucun  obser- 
vateur. 

Avant  de  discuter  et.  d'interpréter  ces  phénomènes,  nous 
signalerons  encore  une  particularité  remarquable  dont  l'ob- 
servation est  si  facile  que  nous  sommes  étonné  de  ne  la  trouver 
signalée  par  aucun  physiologiste.  C'est  un  retard  très  considé- 
rable, présenté  par  les  secousses  du  courant  ascendant  qui 
reparaissent  après  la  lacune.  Il  s'écoule,  entre  l'instant  où  le 
Rhéotome  provoque  la  décharge  et  le  début  de  la  contraction 
un  temps  tellement  long  qu'il  ne  saurait  échapper  à  l'inspec- 
tion la  plus  superficielle.  Nous  n'avons  point  déterminé  avec 
une  précision  rigoureuse  la  durée  de  ce  retard,  assez  variable 
d'ailleurs  :  nous  nous  sommes  borné  à  la  calculer  approxima- 
tivement d'après  la  vitesse  de  rotation  du  cylindre  enregistreur 
et  les  mesures  prises  sur  nos  tracés.  Cette  durée  peut  atteindre 
jusqu'à  un  cinquième  de  seconde  et  n'a  rien  de  commun,  par 
conséquent,  ni  avec  le  temps  perdu  du  nerf  ou  du  muscle,  ni 
avec  la  durée  du  transport  de  l'excitation  dans  le  nerf.  Ce  sont 
surtout  les  coui'ants  ascendants  de  très  grande  intensité,  agis- 
sant sur  le  nerf  déjà  quelque  peu  fatigué,  qui  donnent  lieu  à 

(I)  Meyer,  Dissert.  Zuricli,  1867. 

{i)  Laniansl\i,  Studien  fl.  Bresl.  phi/siol.  Instituts,  IV,  1808. 

(3)  Tiegel,  Arch.  f.  d.  ges.  Physioï.  XllI,  s.  "272,  1876. 


60  C  II  A  K  H0\.1I':L-.S  ALM<: . 

ce  phénomène  singulier  et,  quant  à  présent,  diflk'ile  à  bien 
expliquer;  mais  nous  l'avons  constaté  aussi  très  nettement  sur 
le  nerf  absolument  frais.  Il  est  exclusivement  propre  aux  se- 
cousses de  seconde  a})parition  du  courant  ascendant  et  ne  se 
montre  jamais  avec  les  intensités  inférieures  à  celles  qui  pro- 
duisent la  lacune.  Enfm  il  est  à  noter  que  les  secousses  ainsi 
letardées  présentent  un  début  lent  et  comme  hésitant,  au  lieu 
du  début  brusquement  marqué  des  secousses  provoquées  par 
le  courant  descendant  de  même  intensité. 
Les  figures  19  et  '20  dont  l'explication  sera  donnée  plus 


Fig.  19.  —  excitation  du  nerf  isolé  Irais,  par  îles  courants  forts,  d'intensité  invariable, 
^ascendants  et  descendants  (commutations).   1,  10  Microf.  et  Rhéoch.   1;   II,  1  Microf. 
et  Rhéoch.  10.  iO,  El.  Daniell. 

loin,  permettent  de  comparer  la  secousse  retardée  du  courant 
ascendant  fort  avec  la  secousse  normale  du  courant  descen- 
dant. 

Plusieurs  physiologistes  allemands,  en  particulier  Wundt 
etRosenthal,  expliquent  le  phénomène  de  la  lacune  du  cou- 
rant ascendant  par  l'hypothèse  suivante:  un  courant  instan- 

ARTICLE   N»    1. 


K.VCIlATlOiN    KI.KCTIUOVK    DKS    NRIU">    M0TKUI5S.  01 

iKdt'',  un  cluK'  (riiidiiclioii,  |»;u-  ('\(^iiij)l(»,  serait  constitiK'  jtin 
mie  lermeliuv  el  mie  oiiveiliire  se  siiccéclanl  hV's  lapideint'iil 
cl,  par  emiséqueul,  (•n|)al)I(\^  de  produire  deu\  e\cilalio!i> 
coudensées.  li'cxcilalioii  de  lermeluri;  sérail  plus  (MieiL^i(jU(' 
(|ue  celle  d'ouveilure,  à  cause  de  lu  ra|)idité  extrèiiK^  de  la  pc- 
ridde  d'ascension  des  courants  induits,  comparée  à  celle  de  l.i 
période  de  descente.  Avec  les  intensités  inférieures,  la  l'erme- 
Inre  serait  donc  seule  active.  Avec  les  intensités  supérieures, 


FiiT.  :20.  — ExciUition  l^d'uii  nerf  isolé  frais,  par  des  [courants    forts,  d'intensité  inva- 
riable, asc.  et  desc.  (commutations).  1  Microf.,  Rhéocli.    10.  20,  El.  Daniell. 


la  termeture  d'un  courant  ascendant  ne  donnant  plus  de  con- 
tractions, en  raison  de  l'obstacle  à  la  transmission  dans  la 
légion  anélectrotonisée,  il  n'y  aurait  plus  que  des  secousses 
d'ouverture.  Pour  certains  degrés  intermédiaires  de  la  force 
du  courant,  la  fermeture  n'exciterait  déjà  plus,  alors  que  l'ou- 
verture n'exciterait  pas  encore  :  telle  serait  la  cause  de  l'in- 
lerruption  dans  la  série  des  secousses. 

r.ette  explication,  dont  la  justesse  est  contestable  au  point 
de  vue  physique,  nous  paraît  en  désaccord  avec  plusieurs  faits 


62  €HARBO!VIlli:i.-KAI.M<:. 

bien  établis,  en  |)arliciilier  avec  les  résultats  de  nos  pro- 
pres recherches.  Est-il  permis  d'assimiler,  sous  le  rapport  du 
pouvoir  excitateur,  le  début  et  la  fin  d'un  courant  instantané, 
se  succédant  sans  aucun  intervalle,  aux  états  variables  de  fer- 
meture et  d'ouverture  d'un  courant  constant,  séparés  par  une 
période  d'état  plus  ou  moins  prolongée?  L'explication  serait 
admissible  peut-être  si  le  phénomène  de  la  lacune  se  produi- 
sait seulement  dans  les  cas  où  l'excitation  instantanée  e^-ît  ob- 
tenue par  le  passage  très  rapide  d'un  courant  continu;  mais 
l'expérience  prouve  qu'il  se  manifeste  nettement  avec  les  chocs 
d'induction  et  les  décharges  de  condensateui-,  dont  la  courbe 
ne  présente  aucune  période  d'état  constant.  Les  faits  physiolo- 
giques ne  sont  pas  plus  favorables  à  cette  hypothèse  que  les 
considérations  physiques.  Nous  avons  vu  que  les  décharges 
ascendantes  du  condensateur  à  iO  microf.,  à  partir  d'une  cer- 
taine intensité,  ne  produisent  plus  de  secousses,  et  que  cette 
disparition  des  secousses  n'est  suivie  d'aucun  retour.  Ces  dé- 
charges se  comportent,  sous  ce  rapport,  de  la  même  manière 
que  la  fermeture  d'un  courant  de  pile  ascendant.  Que  devient 
dans  ce  cas  l'excitation  d'ouverture?  Et  si  les  décharges  brèves 
du  condensateur  à  1  microf.  étaient  constituées  par  une  fer- 
meture et  une  ouverture  condensées,  pourquoi  n'en  serait-il 
pas  de  môme,  et  à  plus  forte  raison,  pour  le  condensateur  dont 
la  surface  est  dix  fois  plus  grande  et  dont  les  décharges  ont 
une  durée  plus  considérable? 

Les  considérations  précédentes  rendent  donc  fort  invraisem- 
blable l'hypothèse  d'une  double  excitation  par  les  courants 
instantanés.  A  l'explication  du  phénomène  de  la  lacune,  basée 
sur  cette  hypothèse,  nous  préférons  la  suivante,  déduite  des 
propriétés  électrotonisantes  que  possèdent  à  des  degrés  diffé- 
rents les  courants  instantanés  de  différentes  durées.  Ainsi  que 
nous  l'avons  rappelé  plusieurs  fois  au  cours  de  ce  travail,  c'est 
au  développement  de  l'anélectrotonus,  barrant  le  passage  à 
l'excitation  dans  la  région  de  l'électrode  positive,  qu'est  due 
la  suppression  d'activité  des  courants  ascendants  forts.  Lorsque 
de  l'intensité  minima,  le  courant  croît  lentement  jusqu'à  un 

ARTICLE  N«    1. 


KXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES   NERFS    MOTEURS.  63 

«Icgrc  1res  ôlevô,  la  ï'ovco  de  l'excitaliou,  d'une  part,  la  résis- 
tance de  l'obslaclo,  d'auti-e  |)art,  aii<,nncntf'nL  en  inrme  temps; 
mais  ces  deux  pliénomènes  ne  suiviMit  pas  cxaelemeiit  la  même 
marche,  n'obéissent  pas  à  la  même  loi.  L'effet  du  courant 
ascendant,  lendM  visible  par  la  contraction  musculaire,  dé- 
j)end  donc,  pour  cbarpie  intensité,  des  valems  relatives  de 
l'excitation  au  pôle  négatil  (;t  de  la  diminution  de  conducti- 
bilité au  pôle  positif.  Avec  les  courants  faibles  et  moyens,  l'ex- 
citation est  supérieure  à  l'obstacle;  avec  les  courants  forts, 
«die  estcomplèlement  arrêtée.  Tel  est  le  mode  normal  d'action 
des  courants  continus;  et,  comme  nous  l'avons  vu,  les  tlux 
instantanés  assez  longs  (10  microf.)  agissent  de  la  même  ma- 
nière. Dans  ce  cas,  l'accroissement  de  l'anélectrotonus,  d'abord 
moins  rapide,  devient  ensuite  parallèle  à  celui  de  l'excitation. 
Les  courants  plus  brefs  (1  microf.)  présenteraient  des  pro- 
priétés un  peu  différentes  :  l'anélectrotonus,  après  avoir  atteint 
un  degré  suffisant  pour  supprimer  les  secousses  du  courant 
ascendant  et  produire  ainsi  la  lacune,  cesserait  de  croître 
aussi  vite  que  l'excitation.  A  partir  d'une  certaine  intensité, 
celle-ci,  franchissant  l'obstacle,  produirait  les  secousses  se- 
condaires dont  nous  avons  signalé  les  caractères  particuliers. 

En  résumé,  nous  admettons  que  les  décharges  du  conden- 
sateur à  petite  surface,  c'est-à-dire  plus  brèves,  possèdent, 
relativement  à  leur  pouvoir  excitateur,  un  pouvoir  électroto- 
nisant  moins  considérable  que  les  décharges  plus  longues 
du  condensateur  à  grande  surface.  Cette  donnée  trouve  un  ap- 
pui dans  le  fait,  découvert  par  Pfluger  (1),  que  l'anélectrotonus 
exige,  pour  son  développement  complet,  un  temps  assez  long 
et  atteint  son  maximum  plus  tard  que  le  catélectrotonus.  On 
comprend  qu'au-dessous  d'une  certaine  durée  les  courants 
instantanés  ne  développent  qu'un  état  anélectrotonique  impar- 
fait ou  même  nul. 

Nous  avons  cherché  à  comparer  plus  rigoureusement,  sous 
le  rapport  de  leur  action  électrotonisante,  les  courants  ascen- 

(1)  Pflûger,  Physiol.  d.  Electrotonus,  1859. 


64  €HAUKO'\:%EL-MALI.K. 

dants  de  forte  intensité,  en  éliminant  un  facteur  qui,  dans  le> 
expériences  précédentes,  complique  l'influence  de  la  durée  : 
nous  voulons  parler  de  la  7?^^/;^^///^/ variable  d'électricité  mise 
en  mouvement  à  chaque  décharge.  Dans  ce  but,  nous  avons 
compensé  l'influence  de  la  surface  sur  la  quantité  d'électricité 
dont  se  charge  le  condensateur  par  une  diminution  ou  une 
augmentation  correspondante  de  la  tension  de  la  source. 
Relions,  par  exemple,  dans  un  cas,  le  condensateur  à  un  mi- 
crof.  avec  le  n"  10  du  fd  interpolaire,  dans  un  autre  cas,  le 
condensateur  à  dix  microf.  avec  le  n°  1  du  même  fd  :  les  ten- 
sions respectives  des  deux  sources  d'électricité  sont  ainsi  dans 
un  rapport  inverse  des  surfaces.  Dans  les  deux  cas,  les  déchar- 
ges de  durées  diftérentes  seront  constituées  par  des  quantités 
égales  d'électricité;  nous  isolons  ainsi  l'effet  propre  de  la 
durée.  Le  résultat  de  la  comparaison  est  exprimé  par  les  tra- 
cés des  figures  19  et  20.  Ces  tracés  montrent  que  la  décharge 
ascendante  avec  dix  microf.  ne  provoque  aucune  secousse, 
tandis  que  la  décharge  ascendante  avec  un  microf.  provoque 
des  secousses  retardées  de  grande  amplitude.  Les  courants 
instantanés,  égaux  sous  le  rapport  de  la  quantité  d'électricité, 
mais  de  durées  différentes,  sont  donc  inégalement  aptes  à 
développer  l'anélectrotonus.  Relativement  à  leui'  pouvoir  exci- 
tateur, les  courants  les  plus  prolongés  électrotonisent  plus 
fortement  que  les  courants  de  moindre  durée. 

Nous  concluons  de  ce  qui  précède,  que  l'interruption  dans 
la  série  des  secousses  produites  par  le  courant  ascendant  de 
force  croissante  est  due  à  une  rupture  d'équilibre  entre  le 
pouvoir  excitateur  et  le  pouvoir  électrotonisant.  Une  question 
se  présente  naturellement  :  le  phénomène  de  la  lacune  repré- 
sente-t-il  une  réaction  normale  du  nerf  moteur  aux  courants 
instantanés  d'une  durée  particulière?  ou  bien  est-il  spécial 
aux  nerfs  modifiés  dans  leurs  propriétés  physiologiques  par 
les  influences  perturbatrices,  telles  que  section,  contact  de 
l'air,  suppression  de  l'afflux  sanguin?  Cette  dernière  supposi- 
tion nous  paraît  la  plus  vraisemblable.  Si  nous  interrogeons, 
en  effet,  l'excitation  unipolaire,  seule  méthode  permettant 

ARTICLE    N"    1. 


EXCITATION   ÉLECTRIQUE   DES   NERFS   MOTEURS.  65 

d'étudier  les  effets  physiologiques  de  rélcctricité  sur  les  nerfs 
normaux,  nous  ne  voyons  jamais  se  produire  aucune  inter- 
ruption, aucune  inégalité,  dans  une  longue  série  de  secousses, 
provoquées  par  l'excitation  soit  avec  le  pôle  négatif,  soit  avec 
le  pôle  positif.  C'est  ce  que  prouvent  les  tracés  obtenus  par 
M.  Chauveau  (1),  en  employant  les  courants  d'induction  : 
((  Quand  l'intensité  du  flux  croît,  les  deux  excitations,  né^ra- 
tive  et  positive,  arrivent  toujours  très  vite  à  l'égalité,  et,  dans 
les  cas  absolument  physiologiques,  s'y  maintiennent,  quelque 
loin  que  l'on  pousse  l'accroissement  du  courant.  )> 

Quant  à  la  lacune  observée  par  Tiegel  (2)  dans  les  secousses 
dues  au  courant  descendant,  elle  échappe  évidemment  à  l'in- 
terprétation que  nous  avons  admise  pour  le  courant  ascen- 
dant. 11  faut  sans  doute  voir,  dans  ce  phénomène,  tout  à  fait 
exceptionnel,  un  effet  particulier  de  la  fatigue,  effet  analo^^ue 
pour  le  nerf  moteur,  à  celui  que  Garlet  a  observé  sur  les  mus- 
cles soumis  à  une  série  d'excitations  énergiques  (3)  :  la  con- 
tractilité,  supprimée  par  la  fatigue,  peut  se  rétablir,  et  les 
secousses  reparaître,  alors  même  que  le  muscle  continue  à 
recevoir  des  excitations  faibles. 

Nous  avons  exposé  l'ensemble  des  faits  relatifs  à  l'action 
physiologique  des  courants  instantanés,  parcourant  les  nerfs 
suivant  la  direction  de  leurs  fibres,  et  présentant  deux  durées 
différentes.  Nous  bornerons  là,  quant  à  présent,  cette  étude, 
nous  réservant  d'examiner,  dans  une  publication  ultérieure 
les  effets  spéciaux  des  courants  de  durées  intermédiaires,  tels 
que  notre  condensateur  à  surface  graduée  nous  permet  de  les 
produire. 

§  2.  —  Influence  du  dépérissement  du  nerf.  —  On  doit  à 
Valli  (4)  d'avoir  trouvé  que  lorsqu'une  portion  d'un  nerf  ne 
réagit  plus  au  passage  du  courant,  il  n'y  a  qu'à  faire  passer  ce 

{\)  Chauveau,  5'  Note  sur  l'excitation  unipolaire  :  Comptes  rendus  de  l'Acad. 
des  se,  13  décembre  1875. 
(2)  Tiegel,  loc.  cit. 

(3) Garlet,  Comptes  rendus  del'Acad.  des  se,  1877. 
(4)  Valli,  Lettres  sur  l'électricité  animale,  1792. 

II.    ÉTUDES.   —   se.    NAT.  XXIV.    5.    —   AHT.    X"    1. 


66  charbo^:%i<:l-^.%lli:. 

même  coaraiit  dans  une  portion  de  nerf  plus  rapprochée  du 
muscle  pour  obtenir  encore  des  contractions.  «  La  vie  des 
nerfs,  dit  ce  physiologiste,  est  donc  plus  inhérente  à  leurs 
extrémités  qu'à  leur  naissance.  »  Cette  disparition  des  pro- 
priétés motrices  des  nerfs  du  centre  à  la  périphérie  a  été 
confirmée  depuis  par  tous  les  observateurs. 

La  connaissance  de  cette  loi  nous  permet  de  prévoir,  au 
moins  en  partie,  les  modifications  que  doit  imprimer  à  l'action 
des  courants  la  marche  progressive  du  dépérissement.  Ainsi 
que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  quand  on  excite  le  nerf  avec 
des  courants  lentement  gradués,  on  constate  la  supériorité 
d'action  du  courant  ascendant.  Le  premier  effet  du  dépérisse- 
ment est  d'égaliser  l'action  des  courants  ascendant  et  descen- 
dant de  même  force,  puis  bientôt  de  rendre  prédominante  celle 
de  ce  dernier.  Cette  inversion  s'explique  aisément  par  les 
changements  rapides  de  l'excitabilité  :  celle-ci,  plus  considé- 
rable au  début,  près  de  la  section,  devient  peu  à  peu  égale, 
puis  inférieure  à  celle  des  parties  du  nerf  plus  rapprochées  du 
muscle.  Nous  avons  vu,  en  outre,  qu'à  partir  d'une  certaine 
intensité,  le  courant  ascendant  agissant  sur  le  nerf  frais  cesse 
de  produire  des  secousses,  non  par  suppression  de  l'excitation 
elle-même,  mais  par  suite  de  l'obstacle  opposé  par  la  région 
anélectrotonisée  au  transport  de  cette  excitation  jusqu'au  mus- 
cle. Si,  après  avoir  noté,  dans  un  premier  essai,  la  force  du 
courant  nécessaire  à  la  suppression  des  secousses,  on  interroge 
de  nouveau  le  nerf  à  de  courts  intervalles,  on  voit  la  valeur 
de  cette  intensité  diminuer  progressivement;  en  d'autres 
termes,  dans  les  séries  croissantes  d'intensités  du  courant  as- 
cendant, la  disparition  des  secousses  se  manifeste  d'autant 
plus  tôt  que  le  nerf  est  plus  altéré.  C'est  là  encore  un  fait  facile 
à  comprendre,  si  l'on  considère  que  l'excitation  produite  par 
le  pôle  négatif  dans  les  parties  supérieures  du  nerf  diminue 
rapidement  de  valeur  par  la  mort  de  ces  parties,  tandis  que, 
dans  la  région  inférieure,  où  persiste  l'excitabilité,  l'état  ané- 
lectrotonique  et  par  conséquent  la  résistance  à  la  transmission 
continuent  à  se  développer  avec  toute  leur  intensité. 

AUTICLE   N"    1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES   NERFS   MOTEURS.  67 

Une  série  de  i-rapliiques  recueillis  dans  le  cours  du  dépéris- 
sement d'un  neil',  en  repassant  exactement  par  les  mêmes 
degrés  d'intensité,  montre  bien  l'apparition  plus  tardive  et  la 
disparition  plus  prompte  des  secousses  dues  au  courant  ascen- 
dant. Quand  l'altération  des  propriétés  nerveuses  est  très  avan- 
cée,ces  secousses,  dont  le  nombre  se  restreint  de  plus  en  plus, 
finissent  par  disparaître,  tandis  que  le  courant  descendant 
conserve  encore  son  activité. 

La  figure  ^1  donne,  sous  une  forme  un  peu  différente,  la 
démonstration  du  fait  énoncé.  Elle  a  été  obtenue  par  l'excita- 
tion d'un  nerf,  en  voie  de  dépérissement  rapide,  au  moyen 
d*un  courant  d'intensité  moyenne  et  constante  :  au  début,  les 
deux  secousses  sont  presque  égales,  puis  la  secousse  du  cou- 
rant ascendant  diminue  rapidement  dans  le  tracé  A  et  dispa- 
raît dans  le  tracé  B  recueilli  tout  aussitôt. 

Tels  sont  les  phénomènes,  d'observation  facile,  qu'offre  le 
nerf  dépérissant  :  ils  représentent  de  simples  déductions  de  la 
loi  de  Valli.  Il  nous  reste  à  faire  connaître  une  particularité 
remarquable  du  dépérissement,  signalée  autrefois  par  v.  Bezold 
et  Rosenthal  (1),  et  que  la  loi  de  Valli  ne  permet  point  de  pré- 
voir. Nous  en  avons  obtenu  la  preuve  graphique  (fig.  22)  aussi 
bien  pour  le  nerf  isolé  que  pour  les  préparations  plus  com- 
plexes de  Ritter  et  de  Marianini. 

Disposons  rapidement  un  nerf  sur  l'appareil  excitateur  de 
telle  manière  que  la  portion  comprise  entre  les  électrodes  ait 
une  longueur  assez  considérable.  Faisons  agir  sur  ce  nerf  frais 
un  courant  instantané  très  faible  :  le  courant  ascendant  pro- 
duit de  fortes  secousses,  le  courant  descendant  des  secousses 
rudimentaires  (fig.  22,  I).  Examinons,  à  des  intervalles  très 
rapprochés,  l'action  du  courant  de  même  force.  Nous  voyons 
bientôt  le  courant  descendant  provoquer  des  secousses  faibles, 
puis  plus  fortes  (11,  III)  ;  en  IV,  les  courants  des  deux  sens  ont 
des  actions  presque  égales;  V,  VI  et  VII  montrent  la  dégrada- 

(1)  V.  Bezold  el  Rosenthal,  Arch.  f.  Anat.  u.Physiol,  1859,  s.  131 
Voy.  aussi  Firehne,  Dentsch.  Aixh.  f.  Jclin.  Med.,  1872,  X,  s.  401. 
Rosenthal,  Les  nerfs  et  les  micscles,  iS18,  p.  116. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NEIU  S    MOTEURS.  69 

tioii  progressive  des  secousses  du  courant  ascendant  et  le  ren- 
forcement parallèle  des  secousses  du  courant  d(;scendanl.  La 
nianileilalion  iriiliaie  est  donc  conipIMcnitMit  renversée. 


Fi^.  "2-.  —  Excitation  ilu  nerf  i^olé  [>av  le  courant  d'iiUeiisiié  iiiiuitna,  asceiidaiil 
et  descendant,  pendant  le    dépérissement.   —   1    Microf.,    P»!iéocli.    7,    2,    El.    Daniel! 

Il  est  à  peine  nécessaire  d'ajouter  que  pendant  toute  la 
durée  de  l'expérience,  le  nerf  est  soigneusement  préservé  de 


70  CIIAUIIO.\.\KI.-S.%LLK. 

la  dessiccation.  Des  précautions  spéciales  ont  été  prises  aussi 
en  vue  d'assurer  la  constance  du  courant.  Deux  éléments  Da- 
niell  servent  à  charger  le  condensateur.  Ces  éléments  ont  été 
préparés  avec  des  solutions  saturées  et  leur  circuit  a  été  fermé 
longtemps  à  l'avance. 

Ainsi,  le  nerf  réagissant  dans  une  première  période  au  seul 
courant  ascendant,  réagit  dans  une  deuxième  aux  courants 
des  deux  sens,  enfin  dans  une  troisième,  au  seul  courant  des- 
cendant. Le  courant  ascendant  perd  graduellement  son  acti- 
vité, le  descendant  acquiert  peu  à  peu  une  activité  qu'il  n'avait 
pas  tout  d'abord.  De  ces  deux  modifications,  la  première  n'a 
rien  de  nouveau  ;  elle  nous  est  déjà  bien  connue  et  s'explique 
naturellement  par  la  loi  de  Valli.  La  seconde,  au  contraire, 
plus  difficile  à  bien  observer,  nous  signale  une  particularité 
remarquable  dans  la  marche  de  dépérissement  :  c'est  qu'en 
chaque  point  du  nerf,  l'excitabilité,  avant  de  commencer  à 
décroître,  présente  une  phase  d'augmentation  passagère. 

Nous  pouvons  maintenant  compléter  notre  étude  de  l'exci- 
tabilité, faite  dans  le  premier  chapitre  du  présent  travail,  et 
résumer  les  faits  de  la  façon  suivante  :  après  une  section, 
l'irritabilité,  augmentée  d'une  façon  absolue  et  immédiate 
dans  toute  l'étendue  du  nerf  moteur,  se  répartit  suivant  une 
pente  régulière,  inclinée  de  la  section  vers  le  muscle.  Puis,  au 
cours  du  dépérissement,  la  perte  de  l'excitabilité,  progressant 
de  la  section  vers  le  muscle,  est  précédée,  en  chaque  point, 
d'une  exagération  temporaire. 

Suivant  la  saison,  la  température,  la  vigueur  de  la  gre- 
nouille, les  phénomènes  indiqués  par  la  figure  22  évoluent 
plus  ou  moins  rapidement;  les  tracés  successifs  de  cette  figure 
ont  été  pris  de  dix  en  dix  minutes  ;  la  température  du  labora- 
toire était  de  18  degrés.  Dans  ce  cas  particulier,  l'expérience 
a  donc  duré  environ  une  heure  et  quart.  - 

Avant  de  quitter  ce  sujet,  il  est  intéressant  d'observer  que 
la  loi  des  secousses  du  nerf  dépérissant,  traversé  par  un  cou- 
rant faible,  est  tout  à  fait  identique  à  celle  du  nerf  frais  excité 
par  des  courants  de  force  croissante.  Par  suite  de  l'augmen- 

ARTICLE   N"  1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEURS.  71 

latioii  passagère  d'excitabilité,  un  courant  invariable  agissant 
au  début  comme  courant  faible,  agit  bientôt  comme  un  cou- 
rant moyen  sur  le  nerf  frais,  enfin  comme  un  courant  fort  sur 
ce  même  nerf  frais. 

§  3.  —  La  loïKjneur  de  la  rc't/ion  excitée  influe- t-ellc  sur  la 
valeur  de  rexcitatiou'I  Las  anciens  électro-physiologistes  (i), 
Pfaff,  Humboldt,  Rittcr,  Matteucci,  s'accordent  à  penser  que 
pour  une  égale  intensité,  l'excitation  produite  parle  courant, 
croît  avec  la  longueur  du  segment  du  nerf  parcouru.  Du  Bois 
Reyniond  (4)  le  premier  fit  remarquer  que  l'allongement  de  la 
région  excitée  diminue  l'intensité  du  courant  et  s'efforça  d'an- 
nuler cette  cause  d'erreur  par  l'intercalation,  dans  le  circuit 
du  nerf,  d'une  très  grande  résistance  ;  les  variations  de  la 
résistance  propre  au  nerf  étaient  ainsi  rendues  négligeables. 
Les  recherches  de  Du  Bois-Reymond  concernent,  il  est  vrai, 
non  la  secousse  musculaire  elle-même,  mais  la  variation 
négative  du  courant  nerveux  qui  accompagne  toujours  la  pre- 
mière ;  elles  montrèrent  que  l'allongement  exerce  générale- 
ment une  action  i'avorable. 

Les  récentes  expériences  de  Villy  (3),  Marcuse  (4)  et  Tschi- 
riew  (5),  permettent  d'appliquer  à  la  secousse  musculaire  le 
résultat  obtenu  par  Du  Bois-Reymond  pour  la  variation  néga- 
tive. Villy  observa  toutefois  qu'à  la  fermeture,  l'allongement 
exerce  une  influence  favorable  seulement  pour  la  direction 
descendante  du  courant;  l'action  du  courant  ascendant  parut, 
au  contraire,  à  cet  observateur  d'autant  plus  forte  que  l'espace 
irrité  était  plus  court.  Villy  interprète  ce  résultat  en  admet- 
tant que  le  courant  excite  d'autant  plus  fortement  que  la  ca- 
thode est  plus  rapprochée  du  muscle  et  que  l'anode  en  est  plus 
•éloignée. 

(1)  Pour  les  anciennes  reclierches,  voir  la  bibliog.  dans  Du  Bois-Reymond, 
Untersuch.  I,  s.  259. 

(2)  Du  Bois-Reymond,  Untersuch.,  etc.,  II,  s.  459,  1849. 

(3)  Villy,  Arch.  f.  d.  gcs.  PhysioL,  V,  s.  275,  1871. 

(4)  Marcuse,  Verliandl.  d.  phys.  med.  Ges.  in  Wtïrtzburg ,  X,  s.  158,  1877. 

(5)  Tschiriew,  Arch.  f.Anat.  ii.  PhysioL,  s.  369,  1877. 
Voy.  aussi  Hermann,  Handb.  d.  PhysioL,  II,  1,  s.  77,  1879. 


72  CHARBOAHEL-SALLE. 

Dans  les  recherches  de  Marcuse  et  de  Tschiriew,  les  varia- 
tions de  résistance  étaient  éliminées  en  plongeant  différentes 
longueurs  du  nerf  dans  une  solution  saline  traversée  par  le 
courant  suivant  une  direction  parallèle  aux  fibres  nerveuses. 
D'après  Tschiriew,  en  particulier,  pour  des  longueurs  com- 
prises entre  6  et  10  millimètres,  l'influence  favorable  de  l'al- 
lonçfement  est  bien  manifeste. 

Nous  avons  cherché  à  vérifier  ce  fait  au  moyen  des  courants 
instantanés.  Il  faut  compter,  dans  ces  expériences,  avec  deux 
influences  perturbatrices.  La  première  est  celle  des  change- 
ments de  résistance,  et  par  suite  d'intensité  du  courant,  qui 
suivent  nécessairement  les  variations  de  longueur  d'un  corps 
mauvais  conducteur,  tel  que  le  nerf.  La  seconde  cause  d'er- 
reur résulte  de  l'inégale  excitabilité  du  nerf  en  ses  divers 
points.  Pour  faire  varier  la  longueur  du  segment  parcouru,  il 
faut  nécessairement  déplacer  sur  le  nerf  au  moins  l'une  des 
électrodes.  Or,  quand  le  pôle  négatif,  par  exemple,  siège  prin- 
cipal de  l'excitation,  est  déplacé  de  la  section  vers  le  muscle^ 
il  aborde  des  points  de  moins  en  moins  excitables,  si  le  nerf 
est  frais,  de  plus  en  plus  excitables  au  contraire,  si  le  nerf  est 
déjà  dépéri.  Les  effets  du  courant,  pour  une  même  intensité, 
peuvent  donc  varier,  dans  ces  conditions,  sans  que  les  chan- 
gements de  longueur  du  segment  parcouru  puissent  être  mis 
en  cause.  Dans  le  but  de  dégager  nettement  l'effet  propre  de 
ces  derniers  et  d'éviter  le  double  écueil  qui  vient  d'être  signalé, 
nous  avons  eu  recours  aux  dispositions  suivantes  : 

1°  Pour  compenser  les  variations  de  la  résistance,  on  enlève 
sur  la  même  grenouille  les  deux  nerfs  sciatiques,  en  les  sec- 
tionnant immédiatement  au-dessous  du  point  d'émergence  des 
branches  fémorales,  de  telle  façon  qu'ils  soient  de  même  lon- 
gueur et  d'un  diamètre  uniforme  dans  toute  leur  étendue.  Un 
des  nerfs,  le  nerf  excité  Q^i  placé  sur  les  quatre  électrodes  de 
l'appareil  excitateur,  et  l'autre,  le  nerf  rhéostat,  sur  quatre 
électrodes  également  impolarisables,  consistant  en  fils  de  zinc 
recourbés,  amalgamés,  dont  l'extrémité  porte  enroulée  une 
bandelette  de  papier  buvard  imprégnée  de  sulfate  neutre  de 

ARTICLE  N°  1 . 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NEUFS    MOTEURS.  73 

zinc.  Ces  électrodes,  fixées  dans  une  plaque  de  liège,  répètent 
dansions  leurs  points  essentiels  les  conditions  de  la  plaque 
excitatrice  et  les  deux  nerfs,  divisés  en  trois  portions,  présen- 
tent des  dispositions  exactement  similaires.  Les  deux  appareils 
ainsi  préparés  étant  introduits  dans  le  circuit  excitateur,  on 
conçoit  aisément  la  possibilité  de  maintenir  la  résistance  inva- 
riable, en  retirant  du  circuit,  par  le  j(;u  d'un  distributeur  con- 
venable, des  portions  du  nerl"  rhéostat,  égales  à  celles  qu'on 
y  introduit  par  les  allongements  successifs  de  la  région  ex- 
citée. 

2°  Quant  à  l'excitabilité  variable  du  ne.f,  il  est  évidemment 
impossible  d'en  supprimer  entièrement  l'influence.  Nous 
avons  dû  nous  contenter  d'en  tenir  compte  dans  le  résultat, 
en  fixant  les  positions  respectives  des  deux  pôles  de  la  manière 
suivante  :  dans  une  première  série  d'expériences,  le  pôle  néga- 
tif se  trouvait  près  de  la  section  du  nerf,  et  le  pôle  positif  venait 
s'appliquer  successivement  en  trois  points  de  plus  en  plus 
rapprochés  du  muscle,  doués,  par  conséquent,  d'excitabilités 
décroissantes.  Dans  une  deuxième  série,  faite  avec  le  courant 
descendant,  le  pôle  négatif  était  placé  près  du  muscle,  le  pôle 
positif  occupant  trois  points  successifs,  d'excitabilités  crois- 
santes, vers  l'extrémité  sectionnée.  En  partant  de  ce  fait  que 
l'excitation  avec  les  courants  faibles  se  produit  essentiellement 
dans  la  région  de  l'électrode  négative,  la  fixité  de  cette  élec* 
trode  doit  évidemment  réduire  au  minimum  la  cause  d'erreur 
signalée. 

D'après  les  dispositions  précédentes,  il  est  absolument  né- 
cessaire, pour  une  expérience  précise,  d'opérer  sur  des  nerfs 
très  frais,  présentant  la  répartition  spéciale  des  degrés  d'exci- 
tabilité qui  suit  immédiatement  la  section.  Il  faut  encore  que 
l'expérience  soit  rapidement  conduite  afin  qu'aucune  modifi- 
cation notable  des  propriétés  du  nerf  n'ait  le  temps  de  se  pro- 
duire. Dans  la  plupart  de  nos  expériences,  nous  ne  nous  sommes 
pas  borné  à  admettre,  sans  preuve  directe,  que  ces  conditions 
étaient  bien  réalisées  :  par  un  essai  rapide,  fait  après  l'expé- 
rience, nous  avons  vérifié  la  persistance  de  cet  état  du  nerf,  si 


74  €'IIAKBO.\:\EL-SALI.E. 

fugitif  dans  certaines  conditions  physiologiques  de  la  gre- 
nouille. 

Dans  quelques  recherches  préliminaires,  nous  avons  vu,  en 
l'absence  de  toute  compensation  des  changements  de  résis- 
tance, des  secousses  tout  à  fait  égales  répondre  aux  irritations 
successives  des  trois  longueurs  différentes  du  nerf,  pour  un 
même  degré  de  l'échelle  du  rhéochorde;  c'est-à-dire  que,  dans 
ce  cas,  l'influence  favorable  de  l'allongement  neutralisait  l'effet 
de  la  résistance  augmentée.  Mais  dans  toutes  les  expériences 
où  cette  résistance  fut  maintenue  constante,  les  tracés  indi- 
quent une  supériorité  manifeste  de  l'action  excitante,  en  rap- 
port avec  l'accroissement  de  longueur,  soit  par  la  valeur  dimi- 
nuée de  l'excitation  minima,  soit  par  l'amplitude  plus  grande 
de  la  secousse. 

Il  importe  de  remarquer  que,  pour  démontrer  l'influence 
de  l'allongement,  il  est  essentiel  d'employer  des  courants  très 
faibles.  D'une  façon  générale,  avec  une  force  d'excitation 
double  de  l'excitation  minima,  les  secousses  arrivent  déjà  à 
l'égalité  pour  les  trois  longueurs  du  nerf.  L'influence  de  l'al- 
longement, quoique  très  nette,  est  donc  en  réalité  assez 
faible. 

D'autres  faits  ressortent  encore  de  l'examen  des  tracés.  En 
premier  lieu,  et  contrairement  à  l'opinion  de  Villy,  l'allonge- 
ment de  la  région  excitée  manifeste  son  influence  quel  que  soit 
le  sens  du  courant.  Nous  avons  reconnu  en  outre  que  cette 
influence  ne  croît  pas  proportionnellement  à  la  longueur  du 
segment  nerveux.  En  doublant  la  longueur  on  l'épuisé,  en 
effet,  presque  tout  entière,  et  les  allongements  ultérieurs  de- 
meurent à  peu  près  sans  action. 

La  figure  23  montre  les  différents  faits  qui  viennent  d'être 
indiqués. 

Il  est  intéressant  de  rapprocher  ces  faits  de  ceux  qu'a  dé- 
couverts Pfliiger  dans  ses  recherches  sur  l'excitabilité  dans 
l'état  électro-tonique  (1).  L'allongement  de  la  région  parcou- 


(1)  Pflùger,  Untersuch.  iiber  die  Physiol.  des  Eloctrolonus,  1859. 

AUTICLE  N"    1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES   NERFS    MOTEURS.  /^ 

nie  iu'cr()it,(raitrèsPnng('i',  riiilensiU'  du  phénomène  jusqu'à 
nii  iiiaximum  an  delà  duquel  tonl  alloni^^cnnent  ullérieurest 
sans  ellel.  Il  existe  donc  une  siniililnde  complète,  sous  ce  lap- 


Fig.  23.  —  Influence  de  la  longueur  de  la  région  ialra-polaire.  Avec  les  intensités  1, 
2,  3,  on  excite  successivement  trois  longueurs  différentes  du  nerf,  en  commençant 
par  la  plus  faible  (1"  ligne  en  bas,  dans  chaque  tracé).  —  Tracés  I  et  III,  courant 
ascendant;  II,  courant  descendant.  —  3.  El.  Daniell,  1  Microf. 

port,  entre  les  manifestations  de  l'électrotonns  et  les  phéno- 
mènes d'excitation. 

Nous  avons  admis  précédemment  que  l'excitation  par  les 
courants  instantanés  très  faibles  a  pour  siège  principal  laça- 


76  CBIARBO^^KL-SALLl-:. 

thode,  c'est-à-dire  la  région  du  pôle  négatif;  c'est  un  fait  admis 
par  tous  les  expérimentateurs.  L'influence  favorable  de  l'al- 
longement implique  nécessairement  cet  autre  fait  que  l'excita- 
tion, même  la  plus  faible,  ne  doit  pas  avoir  pour  siège  exclusif 
le  point  occupé  par  l'électrode  négative, mais  doit  prendre 
naissance  aussi  dans  une  certaine  étendue  du  segment  nerveux, 
soit  dans  la  partie  intrapolaire,  soit  dans  la  partie  extrapolaire. 
Gela  serait  d'ailleurs  conforme  à  la  théorie  de  l'excitation  de 
Pflûger,  d'après  laquelle  l'irritation  est  engendrée  par  l'établis- 
sement du  catélectrotonus .  Voici  une  expérience,  propre  à  dé- 
montrer directement  ce  fait  que  l'activité  nerveuse  est  mise 
enjeu,  non  en  un  point  ou  sur  un  très  court  espace,  mais  bien 
dans  une  région  assez  considérable  du  cordon  nerveux.  Un 
nerf  frais  est  disposé  sur  trois  électrodes  (fig.  3),  et  les  rela- 
tions de  celles-ci  avec  le  condensateur  sont  établies  de  telle 
façon  que  l'électrode  médiane  soit  toujours  négative,  tandis 
que  les  extrêmes  sont  positives.  Los  décharges  seront  donc 
descendantes  dans  le  segment  supérieur,  ascendantes  dans  le 
segment  inférieur.  La  figure  24  (I,  II,  III)  montre,  à  gauche, 
les  secousses  produites  par  la  décharge  ascendante  parcourant 
le  segment  inférieur,  avec  dix  intensités  successives;  adroite, 
les  secousses  produites  par  la  décharge  descendante,  parcourant 
le  segment  supéiieur. 

L'examen  du  tracé  I  nous  montre  que  le  segment  inférieur 
donne  la  première  secousse  seulement  à  l'intensité  7,  tandis 
que  le  segment  supérieur  réagit  déjà  à  l'intensité  2. 

L'interprétation  de  ce  résultat  nous  paraît  bien  simple. 

Si  nous  écartons  toute  influence  propre  au  sens  du  courant 
(voy.  p.  44),  si  nous  admettons  d'autre  part  l'inactivité  du  pôle 
positif  des  courants  instantanés  très  faibles,  ainsi  que  nous 
l'avons  rappelé  ci-dessus,  il  nous  reste  pour  toute  explication, 
l'influence  propre  aux  différences  d'excitabilité  des  deux  ré- 
gions du  nerf,  la  région  supérieure  étant  plus  excitable  que 
l'inférieure  sur  le  nerf  récemment  sectionné.  Mais  pour  qu'une 
telle  influence  puisse  s'exercer,  il  faut  nécessairement  que 
l'irritation  ait  pour  siège,  non  une  courte  portion  du  nerf,  un 

ARTICLE  N"    1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEURS.  77 

poinl  en  conlact  avec  l'électrode  négative,  mais  bien  une  cer- 
taine étendue  de  ce  nerf;  et  l'écart  considérable  (ini  se  révèle 


dans  l'apparition  des  secousses  nous  indique  que  la  région 
mise  en  activité  doit  avoir  une  assez  grande  longueur. 


78  CHAItBO.WIOL-KAI.LI;:. 

Ce  résultat  est  d'ailleurs  parfaitement  conforme  aux  lois  de 
l'électrotonus  :  Pflûger  a  démontré,  en  effet,  que  le  catélec- 
trotonus  développé  au  pôle  négatif  s'étend  dans  la  région  intra- 
polaire  sur  une  étendue  d'autant  plus  considérable  que  les 
courants  sont  plus  faibles.  Or,  pour  notre  expérience,  nous 
avons  employé  des  courants  dont  le  plus  intense  surpasse  fort 
peu  l'intensité  minima. 

Quant  aux  tracés  II  et  III,  pris  à  quelques  minutes  d'inter- 
valle, ils  permettent  de  suivre  la  marche  du  dépérissement. 
On  voit,  en  les  comparant  au  tracé  I,  que  la  partie  supérieure 
du  nerf  devient  de  moins  en  moins  excitable  ;  dans  la  partie 
inférieure  au  contraire,  la  perte  définitive  de  l'excitabilité  est 
précédée  d'une  augmentation  très  sensible,  phénomène  re- 
marquable sur  lequel  nous  avons  déjà  appelé  l'attention. 

§  4.  —  Influence  de  l'accroissement  iVintensité  de  l'excitant 
sur  la  hauteur  des  secousses.  Les  contractions  supra-maxi- 
males. —  C'est  un  fait  depuis  longtemps  connu  que  des  irrita- 
tions de  force  croissante,  appliquées  à  un  nerf,  donnent  lieu  à 
des  contractions  du  muscle  de  plus  en  plus  énergiques.  Il 
s'agit  de  déterminer  exactement,  pour  une  longue  série  d'in- 
tensités, le  rapport  existant  entre  la  force  excitatrice  et  la  hau- 
teur ou  l'amplitude  de  la  secousse. 

Les  diverses  recherches  publiées  sur  cette  question,  dans 
ces  vingt  dernières  années,  ont  donné  des  résultats  assez  dis- 
cordants. Hermann  (i),  en  1861,  a  trouvé  «  que  pour  des 
excitations  régulièrement  croissantes,  l'énergie  du  muscle  aug- 
mente d'abord  très  vite,  puis  de  plus  en  plus  lentement,  et 
atteint  bientôt  un  maximum  ».  Fick  (2),  au  contraire,  a  vu 
qu'entre  certaines  limites,  les  secousses  s'élèvent  proportion- 
nellement à  l'excitation,  puis  atteignent  leur  maximum  et  ces- 
sent de  croître.  Ce  physiologiste  a  observé,  de  plus,  avec  les 
courants  de  courte  durée,  ce  fait  remarquable  que,  pour  un 

(1)  Hermann,  Arch.  f.  Anat.  u.  Plii/siol.,  1861,  s.  392. 

(2)  Fick,  Siizunfjaber.  cler  Wiener  Akad.,  1862-G3. 

Pour  les  publications  ultérieures  de  Fick  sur  le  même  sujet,  voir  la  bibliogra- 
phie très  complète  dans  Hermann,  Handbuch,  etc.,  1879.  .     \  '  .      : 
AIîTICLE  N"   1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEURS.  79 

accroissement  ultérieur  de  l'excitant,  il  se  produit  une  nou- 
velle élévation  des  ordonnées  au-dessus  du  premier  maximum, 
et  bientôt,  par  une  ascension  graduelle,  un  second  nïaxinunn. 
Quand  le  courant  devient  d'une  intensité  excessive,  le  même 
fait  peut  se  produire  encore  un  certain  nombre  de  fois  :  ce  sont 
les  maxima  secondaires,  tertiaires,  de  la  contraction.  Ces  se- 
cousses supra-maximales,  «  secousses  en  escalier  »,  ont  été 
regardées  par  Fick  comme  le  résultat  de  la  superposition  de 
deux  excitations,  une  de  fermeture  et  une  d'ouverture,  qui, 
suivant  les  auteurs  allemands,  seraient  condensées  dans  un 
courant  de  courte  durée.  Nous  avons  dit  plus  haut  ce  qu'il 
fallait  penser  de  cette  explication. 

Nous  avons  cherché  à  nous  faire  une  opinion  personnelle 
sur  cette  relation  entre  la  force  de  l'excitant  et  la  hauteur  de  la 
contraction;  et  nous  avons  mis  en  usage,  pour  ces  expériences, 
aussi  bien  le  courant  continu  que  les  décharges  du  condensa- 
teur. Il  ne  sera  question  ici  que  de  recherches  faites  avec  le 
courant  descendant,  le  seul  dont  l'effet  excitant  puisse  libre- 
ment parvenir  au  muscle  dans  les  séries  croissantes  d'inten- 
sités. Il  est  évident  que  l'emploi  du  courant  ascendant,  en  rai- 
son de  l'obstacle  à  la  transmission  dans  la  région  du  pôle 
positif,  compliquerait  singulièrement  la  question. 

La  plupart  de  nos  expériences  ont  été  faites,  suivant  la  mé- 
thode d'excitation  ordinaire  ou  bipolaire,  quelques-unes  sui- 
vant la  méthode  unipolaire.  Dans  le  premier  cas,  le  nerf, 
fraîchement  préparé  et  isolé,  était  porté  sur  l'appareil  repré- 
senté figure  3.  Dans  le  second  cas,  les  électrodes  impola- 
risables  étaient  appliquées  tantôt  à  travers  la  peau ,  tantôt 
directement  sur  le  nerf  dénudé.  Sans  insister  sur  les  détails 
techniques  exposés  déjà  dans  la  première  partie  de  ce  travail, 
nous  indiquerons  seulement  deux  conditions  essentielles  : 
I"  la  nécessité  d'une  graduation  très  réatulière  du  courant; 
2"  l'accroissement  extrêmement  lent  des  intensités,  au  moins 
entre  certaines  limites.  Ces  limites  sont,  d'une  part,  la  valeur 
minima  produisant  une  très  faible  secousse,  d'autre  part  l'in- 
tensité pour  laquelle  la  contraction  atteint  sa  plus  grande  am- 
plitude. 


80  C'HAUBOWKL-fiALLE. 

Ces  deux  conditions  ont  été  facilement  réalisées,  surtout  en 
ce  qui  concerne  les  décharges  du  condensateur,  grâce  à  la 
méthode  d'excitation  et  au  rhéochorde  dont  nous  disposons. 

Enfin,  il  est  à  peine  nécessaire  d'ajouter  que,  dans  chaque 
expérience,  le  poids  soulevé  par  le  muscle  restait  constant  et 
fixé  au  levier  du  myographe  à  une  distance  invariable  de  l'axe 
de  rotation. 

L'examen  d'un  grand  nombre  de  tracés,  obtenus  en  excitant 
le  nerf  suivant  la  méthode  ordinaire  ou  bipolaire,  soit  par  le 
courant  continu,  soit  par  le  courant  instantané,  conduit  aux 
résultats  suivants: 

Pour  un  accroissement  très  lent  et  réguher  de  l'intensité,  la 
courbe  des  contractions  ne  suit  pas  celle  de  l'intensité,  mais 
s'élève  d'abord  suivant  une  marche  beaucoup  plus  rapide,  puis 
de  plus  en  plus  lentement;  elle  ne  tarde  pas  en  général  à 
atteindre  un  maximum  à  partir  duquel  les  secousses  conser- 
vent indéfiniment  la  même  amplitude  ou  ne  présentent  que  des 
augmentations  à  peine  sensibles  pour  une  longue  série  d'in- 
tensités. Jamais,  dans  les  conditions  indiquées,  nous  n'avons 
vu  se  produire  avec  les  décharges  du  condensateur  les  secousses 
supra-maximales  signalées  par  Fick. 

La  figure  25  montre  ce  mode  d'accroissement  des  secousses 
dans  les  limites  comprises  entre  la  minima  et  la  maxima.  Les 
tracés  de  la  figure  J  8  font  voir  nettement  qu'à  partir  de  la 
secousse  maxima  l'accroissement  s'arrête  et  que  la  ligne  unis- 
sant les  sommets  des  contractions  ultérieures  est  sensiblement 
droite  et  non  brisée,  comme  dans  le  schéma  des  expériences 
de  Fick  (i). 

Il  est  donc  très  probable  que  les  secousses  surmaximales  ne 
résultent  pas  d'une  propriété  spéciale  du  nerf  moteur,  ni  de  la 
somme  de  deux  excitations  condensées  dans  le  courant  instan- 
tané, hypothèse  que  nous  considérons  comme  fausse  au  point 
de  vue  physique,  mais  bien  du  jeu  imparfait  de  l'appareil  exci- 
tateur employé  dans  ces  expériences. 


(I)  Voy.  Ilermann,  Handbuch,  etc.,  s.  107,  1879. 

AUTICLE  N"  1  . 


EXCITATION  ÉLECTRIQUE   DES   \ERFS    MOTEURS.  81 

Parmi  les  recherches  récentes,  aucune  n'a  conduit  à  1;» 
conslatation  du  phénomène  observé  par  Fick.  M.  Chauveau  (1), 
dans  ses  tracés  d'excitation  unipolaire  par  les  flux  instantanés, 
Cyon  ('2),  dans  ses  expériences  sur  l'hoinme,  ne  l'ont  point 


Fig.  '-25.  —  Mode  d'accroissonient  des  secousses  pour  une  force  croissaiiLe  du  courant. 
20  El.  Danicll,  1  Microf.  Le  curseur  du  Rliéocliorde  descend  par  centimètres. 

observé.  Enfin,  s'il  est  permis  de  rapprocher  l'excitation  méca- 
nique des  nerfs  de  l'excitation  électrique,  nous  rappellerons 
que  Tigerstedt  {loc.  cit.)  n'a  pas  vu  se  produire,  pour  une  force 
d'excitation  croissante,  les  contractions  supra-maximales. 

D'après  les  faits  exposés,  on  voit  que  la  série  des  contrac- 
tions obtenues  par  des  excitations  croissantes  se  divise  en  deux 
stades  :  le  premier  est  caractérisé  par  la  marche  ascendante 
des  secousses,  le  second  par  la  constance  indéfinie  de  leur  am- 
plitude. En  ce  qui  concerne  le  premier  stade,  nos  tracés  con- 
cordent avec  les  résultats  anciens  de  Hermann;  ils  montrent, 
en  effet,  l'accroissement  des  secousses  d'abord  plus  rapide  que 
celui  du  courant,  ensuite  de  plus  en  plus  ralenti.  Nous  avons 
rappelé  que  Fick  avait,  au  contraire,  trouvé  l'accroissement 

(1)  Chauveau,  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  se,  13  décembre  1875. 
{i)  Cyon,  Principes  d' électrothérapie,  p.  149,  1873. 

n.    ÉTUDES,    —  se.    NAT.  XXIV.    6.    —  ART.    N"  1. 


8''2  €11  arko\.\i<:l-n  ALi.ic . 

proportionnel.  M.  Ghauveau,  par  l'excitation  unipolaire,  a  vu 
que  le  nerf  normal  réagissait  de  deux  façons  différentes  au  pôle 
positif  :  ((  L'accroissement  de  cette  action  du  pôle  positif  est 
souvent  rétiulier,  comme  l'accroissement  du  courant  lui- 
même.  Dans  ce  cas,  la  ligne  qui  représente  la  série  des  contrac- 
tions est  une  droite  oblique,  plus  ou  moins  ascendante  ;  d'autres 
fois,  l'accroissement,  d'abord  très  rapide,  le  devient  de  moins 
en  moins,  à  mesure  qu'on  se  rapproche  du  maximum  de  con- 
traction des  muscles;  la  ligne  des  contractions  est  une  courbe 
dont  l'extrémité  ascendante  est  plus  ou  moins  surbaissée.  » 
D'après  Cyon,  chez  l'homme,  l'étendue  de  la  contraction  de 
l'adducteur  du  pouce  croît  proportionnellement  à  la  force 
d'excitation.  Enfin,  Tigerstedt,  par  l'excitation  mécanique  du 
nerf  sectionné,  obtient  un  résultat  conforme  à  celui  de  Hermann 
et  au  nôtre.  La  raison  de  ces  divergences  ne  saurait  être  don- 
née avec  certitude  et  les  conditions  exactes  des  phénomènes 
nous  échappent  quant  à  présent.  Mais  il  ressort  toutefois  de  cet 
exposé  l'impossibilité  d'affirmer,  à  l'exemple  de  Cyon,  la  sub- 
ordination absolue  de  l'irritation  nerveuse  à  la  force  de  l'ex- 
citant employé. 

En  terminant  ce  paragraphe,  nous  appellerons  l'attention 
sur  une  particularité  essentielle  qui  se  révèle  dans  un  certain 
nombre  de  tracés.  Il  s'agit  d'une  augmentation  manifeste  de  la 
durée  de^  contractions  en  rapport  avec  l'accroissement  continu 
de  l'intensité  (1).  Après  que  le  raccourcissement  musculaire 
est  arrivé  à  son  maximum  et  que,  par  conséquent,  les  secousses 
cessent  de  s'élever,  le  renforcement  du  courant  n'est  donc  pas 
dénué  de  toute  influence  :  son  action  se  traduit  par  un  relâ- 
chement d'autant  moins  brusque  que  l'excitation  a  été  plus 
forte.  Cette  augmentation  de  la  durée  des  secousses  est  bien 
ici  le  fait  de  l'activité  plus  grande  du  courant  et  non  celui  de 
la  fatigue,  dont  elle  constitue,  à  la  vérité,  un  caractère  habi- 
tuel et  classique.  Dans  le  cas  de  fatigue,  en  effet,  l'allongement 
de  la  secousse  s'accompagne  généralement  d'une  diminution 

{])  Voy.  Ghauveau,  5*  Note  sur  l'excitation  unipolaire,  Comptes  rendus  de 
rAcad.  des  se,  13  décembre  1875. 

ARTICLE  N"    1, 


EXCITATION    ÉLECTUIUUE    DES    NEUFS    MOTEURS.  83 

notable  de  son  ainplitndc.  Or,  dans  les  cas  que  nous  avons 
•observés,  la  durée  augmentée  est  indépendante  de  toute  dimi- 
nution d'amplitude.  Wundt  (1),  dans  un  ouvrage  récent,  éta- 
blit une  relation  étroite  entre  la  hauteur  et  la  durée  des  se- 
cousses produites  par  des  courants  de  courte  durée  :  <k  Sur  les 
nerfs  vivants,  dit-il,  la  liauteur  et  la  durée  du  raccourcisse- 
ment musculaire  sont  unies  par  une  telle  dépendance  que 
régulièrement  la  plus  haute  secousse  est  aussi  la  plus  longue, 
et  la  secousse  la  moins  élevée  la  plus  courte.  »  Cette  loi, 
•d'après  Wundt,  n'est  pas  seulement  valable  pour  les  contrac- 
tions obtenues  en  faisant  croître  l'intensité  du  courant;  elle 
s'applique  également  au  cas  où  différents  points  d'un  nerf, 
•doués  d'inégale  irritabilité,  sont  excités  successivement  par  un 
même  courant  :  c'est  ainsi  que  les  parties  supérieures  donne- 
raient des  contractions  à  la  fois  plus  hautes  et  plus  longues  que 
les  parties  inférieures. 

Nous  avons  vu  que,  pour  une  série  d'intensités  croissantes, 
la  secousse  cesse  bientôt  de  s'élever,  tout  en  devenant  de  plus 
en  plus  longue  par  suite  de  l'allongement  de  la  période  d'éner- 
gie décroissante;  il  peut  donc  y  avoir  une  véritable  dissocia- 
tion entre  les  deux  caractères  essentiels  de  la  secousse.  La 
relation  signalée  par  Wundt  présente  ici  une  exception  évi- 
dente et  ne  peut  être  admise  d'une  façon  absolue.  Mais  si  nous 
considérons  seulement  la  phase  (ïélévation  progressive  des 
secousses,  depuis  l'intensité  minima  jusqu'à  celle  qui  corres- 
pond à  la  plus  grande  hauteur,  cette  relation  paraît  au  con- 
traire se  vérifier  d'une  manière  assez  constante.  Il  est  malheu- 
reusement difficile,  dans  certains  cas,  de  distinguer  nettement 
sur  la  ligne  d'abscisse,  le  début  et  la  fin  des  contractions;  cette 
dernière  surtout,  quand  le  relâchement  se  fait  avec  lenteur, 
est  traînante  et  presque  impossible  à  reconnaître.  Par  des 
mesures  exactes,  prises  sur  les  tracés  les  plus  favorables,  nous 
avons  constaté  néanmoins  l'accroissement  simultané  de  la 
hauteur  et  de  la  durée  :  la  figure  9,  I,  montre  un  exemple  très 

(I)  Wiimlt,  Uiitc)\<uch.  znr  Mcckanik  der  Nerven,  1876,  s.  177. 


84  charbomwel-^alle:. 

net  de  cette  relation.  Il  est  à  noter  que  l'accroissement  de  durée 
est,  en  général,  indépendant  de  la  période  de  raccourcissement 
musculaire;  il  tient  surtout  à  la  lenteur  plus  grande  de  la 
période  de  relâchement;  celui-ci  présente  souvent,  à  un  niveau 
plus  ou  moins  élevé,  un  ressaut  brusque  et  s'achève  ensuite 
suivant  une  courbe  à  grand  rayon. 

Eu  résumé,  nous  pouvons  énoncer  d'une  façon  générale  le 
rapport  entre  la  valeur  de  l'excitant  électrique  et  la  forme  de 
la  contraction,  en  disant,  qiià  partir  de  la  secousse  minima,  la 
hauteur  et  la  durée  vont  en  augmentant  jusqu'à  ce  que  la  pre- 
mière atteigne  son  niveau  le  plus  élevé;  la  durée  seule  continue 
alors  sa  marche  progressive. 

CHAPITRE  [III 

ACTION   DU   COURANT  TRANSVERSAL 

Le  courant  dirigé  normalement  à  l'axe  du  nerf  est-il  apte  à 
produire  l'excitation?  Cette  question  a  été,  dès  les  premiers 
temps  de  l'électro-physiologie,  le  sujet  d'intéressantes  recher- 
ches qui,  pour  la  plupart,  ont  semblé  autoriser  une  réponse 
négative. 

Galvani  (i)  a  vu  le  premier  qu'un  nerf  placé  en  croix  sur  un 
fil  humide  ou  sur  un  autre  nerf  traversé  par  un  courant,  ne 
provoque,  dans  le  muscle,  aucune  contraction.  Il  admit, 
d'après  cette  expérience  peu  rigoureuse,  que  le  courant  trans- 
versal est  inactif,  opinion  qui  fut  d'abord  partagée  par  Hum- 
boldt,  puis  par  Ritter,  Joh.  Mûller,  Du  Bois-Reymond,  avec 
cette  restriction  que  de  très  forts  courants  peuvent,  dans  les 
conditions  indiquées,  produire  quelques  secousses.  Mat- 
teucci  (2)  essaya  une  démonstration  nouvelle  du  même  fait,  à 
l'aide  d'un  procédé  différent,  indiqué  par  lui  dès  1838  et  dont 
l'application  a  été  variée  de  diverses  manières.  Parmi  les  expé- 

(1)  Pour  l'ancienne  littérature,  voy.  Du  Bois-Reymond,  Untersucli.,  etc.,  I, 

s.  296. 

(2)  Matteucci,  Biblioth.  univers.,  XVIII,  p.  359. 

ARTICLE  N"  1. 


EXCITATION  ÉIECTRIQUE   DES    NERFS    MOTEURS.  85 

rieiices  de  Matteucci,  restées  classiques,  rappelons  la  plus 
connue  (1),  celle  dans  laquelle  le  nerf  d'une  patte  de  grenouille 
était  coupé  parle  milieu,  ses  deux  bouts  écartés,  le  nerf  d'une 
autre  patte  de  grenouille  placé  en  croix  dans  l'intervalle  et  une 
goutte  d'eau  étalée  au  })oint  de  croisctncnt  pour  établir  à  ce 
point  l'union  des  trois  conducteurs  nerveux.  Un  courant  tra- 
versant le  premier  nerf  d'un  segment  à  l'autre  faisait  contrac- 
ter la  première  patte,  tandis  que  la  seconde,  dont  le  nerf  était 
croisé  par  le  courant,  restait  en  repos. 

Vers  la  même  époque,  Longct  et  Guérard  (2),  puis  Cl.  Ber- 
nard (3),  furent  conduits  par  leurs  expériences  à  nier  le  pouvoir 
excitateur  du  courant  transversal,  tandis  que  du  Bois  Rey- 
mond  (4)  lui  refusait  de  son  côté  la  propriété  de  développer 
dans  le  nerf  les  phénomènes  de  polarisation  qu'il  venait  de 
découvrir  et  qui  se  produisent  constamment  quand  le  courant 
parcourt  le  cordon  nerveux  dans  le  sens  longitudinal.  Pflû- 
ger  (5),  qui  vérifia  ce  fait,  le  regarde  comme  une  confirmation 
de  la  théorie  générale,  suivant  laquelle  l'excitation  électrique 
est  intimement  liée  à  la  naissance  et  à  la  disparition  de  l'élec- 
tro  tonus. 

M.  Chauveau  (6)  admet  au  contraire  «.  qu'il  n'existe  en 
réalité  aucune  différence  d'action  entre  les  courants  transver- 
saux et  les  courants  longitudinaux  ».  D'après  ses  expériences, 
faites  non  seulement  sur  des  nerfs  de  grenouille,  mais  sur  le 
facial  du  cheval,  plus  favorable  par  son  volume  à  des  observa- 
tions précises,  on  ne  saurait  douter  que  le  courant  perpendi- 
culaire à  l'axe  du  nerf  ne  provoque  des  contractions.  Les  cou- 
rants longitudinaux,  il  est  vrai,  agissent  toujours  plus  énergi- 

(i)  Le  même,  Traité  des  phénom.  électro-physiol.  des  animaux,  1844,  p.  219. 
Voy.  aussi  Cours  d' électro-physiol.,  1858,  et  Comptes  rendus  de  VAcad.  des 
se'.,  XLVIII,  1859. 

(2)  Longct  et  Guérard,  Bull,  de  la  Soc.  philom.,  1842. 

(3)  Cl.  Bernard,  Leçons  sur  la  physiol.  et  lapathol.  du  syst.  nerv.,  1858. 

(4)  Du  Bois-Reymond,  Untersuch.,  etc.,  1849,  s.  344. 

(5)  Pflùger,  Physiol.  d.  Electrotonus,  J859. 

(G)  Chauveau,  Théorie  des  effets  physiol.  prod.  par  l'élect..  Journal  de  la 
physiol,  1859-60,  p.  298  (3«  mémoire). 


S6  CHARBO.\.\f:L-SALLE. 

quement  que  les  transversaux  :  mais  cette  différence  s'explique 
par  cette  considération  que  l'électricité,  en  traversant  un  nerf^ 
est  moins  condensée  qu'en  le  parcourant  suivant  la  direction 
de  ses  fibres.  Dans  le  premier  cas.  en  effet,  le  diamètre  du 
conducteur  est  représenté  par  la  section  longitudinale  du 
cordon  nerveux  ;  dans  le  second  cas,  au  contraire,  il  est  mesuré 
par  la  section  transversale  du  nerf. 

Dans  ces  dernières  années,  divers  expérimentateurs  ont 
recherché,  à  l'aide  d'une  méthode  tracée  par  Hermann  (1),  et 
dont  le  principe  appartient  à  Matteucci,  une  relation  générale 
entre  l'angle  d'incidence  du  courant  et  la  force  d'excitation, 
relation  dont  le  courant  transversal  représente  un  cas  particu- 
lier. Ce  procédé,  employé  par  Luchsinger  (^),  A.  Fick  (3), 
Tchirjew  (4),  Albrecht  et  Meyer  (5),  consiste  à  plonger  le  nerf 
dans  un  liquide  où  sont  immergées  les  électrodes,  de  telle  façon 
qu'il  croise  à  angle  droit  la  ligne  droite  qui  réunit  celles-ci,  et 
par  conséquent  les  courants  dérivés  qui  diffusent  dans  toute  la 
masse  liquide.  Tandis  que  les  résultats  de  Fick  indiquent  une 
proportionnalité  assez  exacte  entre  l'influence  excitatrice  du 
courant  et  le  cosinus  de  l'angle  d'incidence,  ce  qui  réduit  au 
zéro  l'action  du  courant  transversal,  Tschirjew  déduit  de  ses 
recherches  une  relation  beaucoup  plus  compliquée  et  attribue 
au  courant  transversal  une  action  excitatrice  très  marquée. 
Enfin,  d'après  Albrecht  et  Meyer,  le  nerf  exactement  perpen- 
diculaire à  l'ensemble  des  courants  dérivés  n'est  pas  excitable 
par  les  plus  forts  courants  de  pile  ou  d'induction. 

On  voit  par  ce  rapide  exposé  des  méthodes  employées  et  des 
résultats  obtenus  depuis  Galvani  jusqu'à  nos  jours,  que  l'accord 
est  loin  d'être  fait  entre  les  physiologistes  ;  suivant  l'opinion  du 
plus  grand  nombre,  un  accroissement  de  l'angle  d'incidence 
du  courant  produirait  une  diminution  de  son  pouvoir  excitateur- 

(1)  Hermann,  Arch.  f.  d.  ges.  Physiol,  XII,  s.  152,  1869. 

(2)  Voy.  Hermann,  Handb.,  elc,  s.  80,  1879. 

(3)  A.  Fick,  Wurtzburg.  Verhandl.  IX,  s.  228,  1876. 
(i)  Tchirjew,  Arch.  f.  d.  ges.  Physiol. ,  s.  369,  1877. 

(5)  Albrecht  el  Meyer.  Yoy.  Hermann,  Handb.  der  Physiol.  s.  81. 

ARTICLE   N"    1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES   .NERFS    MOTEURS.  «S? 

et.  pour  l'angle  de  IK)  degrés,  une  suppression  eoinplète  de 
celui-ci.  Ce  dernier  point  seulement  sera  pour  nous  l'objet  d'un 
examen  détaillé  ;  car  nous  i-egardons  comme  illusoire  la  recher- 
che d'une  relation  exacte  entre  l'incidence  du  courant  et  la 
valeur  de  l'excitation.  Il  est  impossible,  en  efTet,  de  faire 
varier  la  position  du  nerf  par  rapport  aux  électrodes  opposées, 
même  d'une  quantité  minime,  sans  modifier  en  même  temps 
d'autres  conditions,  telles  que  la  densité  du  courant  dans  le 
nei"f,  la  résistance  opposée  par  le  tissu  nerveux  au  passage  de 
l'électricité,  etc.,  conditions  qui  influent  beaucoup  sur  le 
résultat  de  l'expérience. 

Quant  à  l'influence  propre  du  courant  transversal,  nous 
devons  examiner  tout  d'abord  si  les  faits  sur  lesquels  on  s'ap- 
puie pour  lui  refuser  le  pouvoir  excitateur  sont  bien  probants 
et  résistent  à  toute  objection.  Dans  les  cas  où  le  nerf,  immergé 
dans  un  liquide  ou  placé  en  croix  sur  un  fd  humide,  ne  réagit 
pas  au  courant  qui  traverse  le  liquide  ou  le  fil,  rien  ne  prouve 
que  des  ramifications  appréciables  de  ce  courant  aient  suivi  la 
voie  des  éléments  nerveux.  Un  phénomène  remarquable  décou- 
vert par  Hermann  (1)  en  1871  doit  même  contribuer  à  restrein- 
dre beaucoup  la  pénétration  du  courant  :  nous  voulons  parler 
de  la  résistance  opposée  par  le  tissu  nerveux  dans  le  sens 
transversal,  laquelle  se  montre  environ  5  ou  6  fois  plus  grande 
que  la  résistance  longitudinale.  —  Quant  aux  expériences 
(Joh.  Mûller,  Du  Bois-Reymond,  Chauveau)  où  la  contraction 
musculaire  a  suivi  l'application  d'un  courant  transverse,  les 
partisans  de  l'opinion  courante  les  expliquent,  un  peu  arbitrai- 
rement, par  la  diffusion  longitudinale  de  l'électricité,  à  droite 
et  à  gauche  des  électrodes,  diffusion  inévitable  dans  toute 
expérience  de  ce  genre  et  dont  le  procédé  de  Hermann  seul 
paraît  être  entièrement  exempt. 

Ainsi  les  résultats  négatifs  signalés  par  la  majorité  des 
physiologistes,  aussi  bien  que  les  résultats  positifs  obtenus  par 
quelques-uns  sont  également  entachés  d'un  doute  :  quant  aux 

(1)  Hermann,  Arch.  f.  d.  fjcs.  Physiol.,  V,  s.  2'29,  1871. 


88  €HAUBO.\:%li:i.-NALLE. 

premiers,  il  n'est  pas  bien  certain  que  le  courant  ait  traversé  le 
nerf,  et,  quant  aux  autres,  il  est  permis  d'invoquer,  pour  leur 
explication,  les  dérivations  longitudinales.  Il  faudrait  donc, 
pour  résoudre  rigoureusement  la  question  du  courant  trans- 
versal, d'une  part  assurer  le  passage  de  l'électricité  à  travers 
le  nerf;  d'autre  part,  atténuer  la  diffusion  du  courant  dans  le 
sens  longitudinal  au  point  d'en  supprimer  l'action  :  deux 
conditions  essentielles,  dont  la  première  peut  être  aisément 
remplie  dans  la  pratique,  tandis  que  la  seconde,  en  vertu  des 
lois  qui  régissent  la  propagation  des  courants,  échappe  presque 
complètement  à  tout  procédé  expérimental. 

Pour  réaliser  la  première  condition,  c'est-à-dire  le  passage 
certain  du  courant  à  travers  le  nerf,  le  procédé  le  plus  sûr 
consiste  évidemment  à  disposer  celui-ci  entre  deux  électrodes 
opposées  dont  l'écartement  soit  égal  à  l'épaisseur  du  cordon 
nerveux,  de  telle  façon  que  celui-ci  achève  à  lui  tout  seul  la 
fermeture  du  circuit  excitateur.  L'appareil  que  nous  décrirons 
plus  loin  est  disposé  d'après  ce  principe,  indiqué  autrefois  par 
M.  Chauveau,  et  rejeté  comme  très  défectueux  par  les  physio- 
logistes allemands.  L'expérience  nous  a  fait  voir  que  ce  procédé 
peut  donner  des  résultats  très  précis  et  dignes  d'intérêt. 

Quant  à  la  diffusion  inévitable  de  l'électricité  suivant  la 
longueur  du  nerf,  nous  devons  nous  contenter  de  la  véri- 
fier et  d'en  mesurer,  jusqu'à  un  certain  point,  l'étendue, 
par  l'étude  des  courants  électrotoniques  qu'elle  détermine 
dans  les  parties  extrapolaires  ;  en  outre,  dans  l'interprétation 
des  résultats  de  l'excitation  nous  tâcherons  de  faire  la  part  des 
effets  qui  lui  sont  propres  et  de  ceux  qui  peuvent  appartenir 
au  vrai  courant  transversal  qui,  suivant  le  plus  court  chemin, 
traverse  normalement  le  cordon  nerveux. 

Les  considérations  générales  que  nous  venons  d'exposer  et 
les  réflexions  critiques  qu'elles  suggèrent,  étaient  nécessaires, 
croyons-nous,  pour  préciser  nettement  les  termes  de  la  ques- 
tion et  aussi  pour  faire  apprécier  les  difficultés  techniques  que 
présente  l'élude  du  courant  transversal,  une  des  plus  intéres- 
santes pour  le  physiologiste,  non-seulement  à  titre  de  curiosité 

AUTICI.E   N"   1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE   DES   NERFS   MOTEURS.  89 

scientifique,  mais  parce  qu'elle  touche  de  près  à  un  problème 
fondamental,  la  coiniaissance  du  mode  d'action  intime  de 
réleclricilé  sur  les  nerfs  moteurs. 

Pour  nos  recherches,  dont  le  principe  a  déjà  été  brièvement 
indiqué,  nous  nous  sommes  servi  de  l'appareil  représenté  dans 
la  figure  26.    Il   consiste  essentiellement  en    deux  plaques 


Fig.  26.  —  Appareil  pour  Texcitation  du  nerf  isolé,  par  le  courant  transversal. 

métalliques,  épaisses  de  5  millimètres,  serrées  entre  deux  lames 
de  glace  parallèles  et  pouvant  glisser  entre  ces  deux  lames  de 
manière  à  s'écarter  ou  à  se  rapprocher  l'une  de  l'autre.  Une 
vis  de  pression,  à  chaque  extrémité,  permet  d'assurer  un  degré 
convenable  de  frottement  et  de  rendre  impossible  tout  dépla- 
cement imprévu  des  électrodes,  au  cours  de  l'expérience; 
celles-ci  présentent  d'ailleurs  deux  saillies  latérales,  qui  s'ap- 
puient sur  le  bord  supérieur  des  lames  et  mettent  obstacle  au 
glissement  de  haut  en  bas  ;  elles  sont  en  outre  munies  d'une 
borne  où  s'engagent  les  fils  conducteurs  isolés,  très  fins  et 
tordus  en  spirale.  Enfin  tout  l'appareil  est  enchâssé,  àdemeure 
fixe,  dans  une  plaque  de  caoutchouc  durci  disposée  pour 
s'adapter  au  myographe  et  supporter  une  cage  en  verre.  Aux 
bornes  latérales  sont  adaptés  des  fils  de  zinc  amalgamé,  dont 


90  CHAKBO^.^EL-SAIXi:. 

les  extrémités  inférieufes  plongent  dans  deux  tubes  de  sulfate 
de  zinc,  recourbés  au-dessous  de  la  plaque  et  présentant  sur  la 
ligne  médiane  de  l'appareil  une  extrémité  ouverte,  de  façon  à 
permettre  la  dérivation  des  courants  électrotoniques  par  des 
électrodes  impolarisables. 

Une  patte  de  grenouille  récemment  préparée  étant  fixée  sur 
l'appareil,  le  nerf  qu'on  a  laissé  appendu  sur  une  grande 
longueur,  repose  sur  le  bord  supérieur  des  lames  de  verre 
parallèles  dont  il  croise  le  plan  dans  une  direction  exactement 
perpendiculaire.  Les  deux  électrodes  métalliques  sont  rappro- 
chées avec  précaution  de  part  et  d'autre  jusqu'à  ce  que  cha- 
cune d'elles  arrive  au  contact  du  cordon  nerveux.  Toutes  les 
parties  de  l'appareil  étant  dressées  et  ajustées  avec  le  plus 
grand  soin,  il  est  évident  qu'un  courant,  pour  passer  d'une 
électrode  à  l'autre,  sera  forcé  de  traverser  le  nerf  dans  un  sens 
parfaitement  transversal . 

On  peut  reprocher  h  ce  dispositif  de  permettre  la  polarisa- 
tion des  électrodes,  puisque  le  nerf  est  en  contact  immédiat 
avec  des  snrfaces  métalliques.  Mais  cette  imperfection,  qu'il 
nous  est  impossible  de  supprimer,  n'est  pas  très  grave  quand 
on  n'emploie  pas  les  courants  continus  et  qu'on  utilise  seule- 
ment, comme  nous  l'avons  fait,  les  décharges  du  condensateur 
à  microfarads  ou  de  la  bouteille  de  Leyde,  dont  le  pouvoir 
polarisant  est  très  faible,  h  raison  de  la  minime  quantité  d'élec- 
tricité qu'elles  mettent  en  mouvement. 

Examinons  maintenant  les  résultats  de  l'expérience  ainsi 
disposée.  En  lançant  la  décharge  à  travers  le  nerf,  alternati- 
vement dans  un  sens  et  dans  l'autre,  grâce  au  jeu  du  conden- 
sateur, on  constate  d'abord  un  premier  fait  :  c'est  que,  pour  ob- 
tenir des  contractions  musculaires,  il  faut  avou^  recours  à  une 
intensité  minima  surpassant  notablement  celle  qui  suffit,  en 
général,  à  l'excitation  du  nerf,  parcouru  dans  le  sens  longitu- 
dinal. Cette  particularité,  que  nous  avons  constamment  obser- 
vée, s'explique  aisément  si  l'on  se  rappelle  la  grande  résistance 
transversale  du  nerf  signalée  par  Hermann,  et  la  fiiible  den- 
sité que  doit  avoir  le  courant,  disséminé  dans  un  conducteur 

AUTICLE   N"    1. 


EXCITATION   ÉLECTRIQUE   DES    NERFS    MOTEURS.  91 

dont  la  section  est  très  considérable,  ainsi  que  nous  l'avons 
expliqué  ci-dessus.  Il  n'y  a  donc  là  rien  qui  doive  nous  sur- 
prendre. Mais  un  phénomène  plus  singulier,  etdont  l'interpré- 
tation n'est  pas  aussi  simple,  appiuaUau  cours  de  l'expérience  : 
pour  certaines  intensités  de  la  décharge,  les  secousses  ne  se 
produisent  pas  indifTéremmenl  avec  les  deux  sens,  malgré  la 
similitude  complète  qui  existe  dans  les  rapports  du  cordon 
nerveux  et  des  deux  électrodes  ;  le  passage  du  courant  dans  un 
sens  produit  une  forte  contraction  et  ne  produit  rien  quand  la 
direction  a  été  renversée. 

Un  examen  attentif  nous  fit  promptement  reconnaître  que 
cette  irrégularité  dans  la  production  des  secousses  n'est  qu'ap- 
parente, et  l'inscription  graphique  du  phénomène  (fig.  27) 
pour  une  série  d'intensités  croissantes  nous  a  permis  d'en 
trouver  la  loi.  En  partant  de  l'intensité  minima  on  voit 
d'abord  les  secousses  apparaître  exclusivement  pour  un  sens 
déterminé  du  courant  (I)  ;  une  intensité  plus  forte  les  rend 
égales  pour  les  deux  directions,  et  cette  égalité  persiste  fort 
longtemps  (II)  ;  enfin,  une  force  très  considérable  du  courant 
finit  par  amener  une  inversion  remarquable  du  phénomène  : 
les  secousses  diminuent  et  peuvent  même  faire  défaut  quand 
le  nerf  est  traversé  suivant  la  direction  qui,  tout  à  l'heure, 
était  seule  efficace  (III). 

Pour  interpréter  le  mode  d'action  de  l'excitant,  unilatéral  et 
inverse  pour  les  intensités  extrêmes,  bilatéral  avec  les  inten- 
sités moyennes,  il  faut  se  rappeler  d'abord  que  le  sciatique  de 
la  grenouille  n'est  pas  plexiforme,  et  que  les  tubes  nerveux 
dont  il  se  compose  sont  associés  en  faisceaux  distincts,  se  sépa- 
rant à  la  partie  inférieure  de  la  cuisse  en  deux  groupes,  le 
poplité  interne  et  le  poplité  externe.  Il  est  facile,  sur  une  gre- 
nouille vivante,  de  fendre  longitudinalement  le  sciatique  en 
deux  moitiés  et  d'isoler  ainsi  l'un  de  l'autre  deux  faisceaux 
principaux,  qu'une  gaine  commune  unit,  à  l'état  normal,  en 
un  seul  cordon  nerveux.  Si  l'on  excite  isolément  les  deux  moi- 
tiés du  sciatique,  on  voit  que  la  moitié  interne  provoque  des 
contractions  dans  le  gastrocnémien  et  les  muscles  postérieurs 


I 


EXCITATION    ÉLECTRIQUK    DES    NEUFS    MOTEURS.  93 

et  profonds  de  la  jambe  ;  que  la  moitié  externe,  au  contraire, 
laisse  le  gastrocnémien  immobile  et  fait  contracter  le  groupe 
musculaire  antérieur.  Cette  expérience  bien  simple  suffit  à 
prouver  que  les  doux  poplités,  simplement  accolés,  poursui- 
vent leur  trajet  dans  la  cuisse  en  conservant  leur  indépendance 
et  leur  situation  relative. 

Si  maintenant  nous  examinons  avec  soin  les  rapports  de 
chaque  électrode,  alternativement  positive  et  négative,  avec  le 
nerf  sciatique,  disposé  de  telle  façon  que  le  plan  des  deux 
poplités  soit  horizontal,  nous  voyons  la  contraction  du  gastro- 
cnémien se  montrer,  en  premier  lieu,  quand  le  sens  du  courant 
est  tel,  que  l'électrode  en  contact  avec  le  côté  interne  du 
cordon  nerveux,  c'est-à-dire  avec  le  poplité  interne,  soit  néga- 
tive ;  et,  pour  les  intensités  très  fortes,  quand  cette  électrode 
est  au  contraire  positive. 

Cette  remarque  nous  indique  aussitôt  que  nous  sommes  en 
présence  d'un  cas  particulier  d'excitation  unipolaire,  et  les  lois 
établies  par  M.  Chauveau  trouvent  ici  leur  application  (1).  On 
se  rappelle  que,  d'après  notre  savantmaître,  lenerf  est  excité 
d'abord  par  le  pôle  négatif,  puis  réagit  bientôt  également  aux 
deux  excitations  ;  on  sait  aussi  qu'un  accroissement  continu 
de  l'intensité  finit  par  annuler  l'influence  du  pôle  négatif,  tandis 
que  le  pôle  positif  conserve  indéfiniment  son  activité. 

Ainsi,  le  mode  d'excitation  transversale  que  nous  avons 
adopté  est  réductible  à  une  forme  spéciale  de  l'excitation  uni- 
polaire, appliquée  à  deux  nerfs  différents  du  même  animal  ; 
seulement,  dans  notre  cas,  les  deux  nerfs  sont  appliqués  l'un  à 
l'autre  dans  toute  leur  longueur  au  lieu  de  se  trouver  éloia^nés 
et  séparés  par  une  masse  considérable  de  tissus. 

Si  l'explication  précédente  est  bien  fondée,  il  doit  être  pos- 
sible de  renverser  à  volonté  le  sens  du  phénomène,  en  rendant 
inverses,  par  un  changement  de  situation  de  la  patte  de  gre- 
nouille, les  rapports  du  nerf  avec  les  deux  électrodes.  Une 
autre  conséquence  nécessaire,  c'est  qu'en  disposant  le  nerf  de 

(1)  Chauveau,  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  se,  2  novembre  1875. 


94  CIIARBO.\:\EL->«»AH.K. 

telle  façon  que  le  plan  des  deux  faisceaux  constitutifs  soit  ver- 
tical, on  doit  rendre  la  production  des  secousses  uniforme  et 
constante  pour  les  deux  directions  du  courant;  dans  cette 
situation,  en  effet,  le  faisceau  poplité  interne  est  en  contacta 
la  fois  avec  les  deux  électrodes.  Les  expériences  spéciales  que 
nous  avons  faites  à  ce  sujet  ont  pleinement  justifié  ces  deux 
déductions. 

En  disposant  sur  deux  électrodes  impolarisables,  convena- 
blement isolées,  la  partie  du  nerf  située  au  delà  de  l'intervalle 
des  pôles  excitateurs,  il  nous  a  été  possible  de  dériver  et  d'étu- 
dier avec  soin  les  courants  électrotoniques  très  intenses  qui  se 
développent  sous  l'influence  de  l'excitation  transversale  (1). 
Dès  que  l'intensité  de  la  décharge  atteint  le  degré  nécessaire 
pour  provoquer  une  secousse,  l'électromètre  révèle,  par  les 
oscillations  de  la  colonne  capillaire,  la  production  de  l'élec- 
trotonus.  L'écrasement  du  cordon  nerveux,  entre  la  région 
dérivée  et  la  région  excitée,  supprime  entièrement  le  phéno- 
mène, et  démontre  ainsi  la  véritable  nature  de  ces  courants. 
Ces  manifestations  électrotoniques  sont-elles  dues  au  courant 
transversal  lui-même?  ou  bien  aux  dérivations  longitudinales 
de  ce  courant,  ascendantes  dans  une  moitié  du  cordon  ner- 
veux et  descendantes  dans  l'autre  moitié?  (voy.  fig.  28.)  Cette 
dernière  supposition,  conforme  à  l'opinion  de  Du  Bois-Rey- 
mond  et  de  Pflûger,  est  rendue  très  probable  par  ce  fait,  que 
les  courants  électrotoniques  ainsi  dérivés  présentent  une  ex- 
trême irrégularité,  quant  à  leurs  sens  et  à  leur  intensité.  Il  est 
aisé  de  comprendre  qu'un  segment  de  nerf,  parcouru  en  même 
temps  et  en  sens  contraire  par  deux  courants  longitudinaux, 
et  présentant  par  conséquent  deux  états  électrotoniques  in- 
verses, doit  accuser  à  l'électromètre  des  effets  très  variables, 
suivant  les  points  touchés  par  les  électrodes  de  dérivation.  Les 
deux  états  inverses  peuvent  même  se  compenser  en  partie,  ou 

(1)  C'est  à  l'aide  de  l'électromètre  de  Lippinann  que  nous  avons  étudié  l'élec- 
trotonus  développé  par  les  courants  instantanés.  La  méthode  suivie  dans  ces 
recherches  ainsi  que  les  résultats  obtenus  seront  décrits  plus  longuement  dans 
le  4*  chapitre  de  notre  mémoire. 

ARTICLE   N"  1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE   DES    NERFS    MOTEURS.  95 

s'animlor  ontit'Mvmont,  cas  (jiii   s'est   pivsenlr  rrt'(|ii(Mnninnl 
dans  nos  expériences. 

Nous  avons  essayé  de  représenter  schéniatiquement  j)ar  la 
liL;urc  "iiS  la  disposition  du  nerf  entre  les  électrodes  et  la  dillii- 
sion  lon-^ilndinale  du  couranl  dans  notre  expérience.  On  voit 
(jue  le  pôle  j)Ositil'élant  appiiciué  au  côté  :,^ 

interne  du  nerf  sciatique,  divisé  en  deux 
moitiés  longitudinales  par  la  ligne  ponc- 
tuée 7nm' ^  les  courbes  décrites  par  le 
courant  dans  le  nerf  sont  divergentes 
dans  le  poplité  externe  (PE)  et  conver- 
gentes dans  le  poplité  interne  (PI),  qui 
touche  au  pôle  négatif  et  se  distribue  au 
gastrocnémien  (G).  Chaque  moitié  lon- 
gitudinale du  sciatique  présente  par 
conséquent  deux  états  de  polarisation 
de  sens  inverses  ;  et  si  nous  considérons 
seulement  la  partie  du  nerf  située  entre 
les  électrodes  et  les  muscles,  nous  voyons 
que  le  PE  est  le  siège  d'une  polarisation   rig.  28.  —  sciiéma  indi- 

7  7^xJ-  1-nïti         •'  quant    le    mode  de  diffii- 

(lescendante,  tandis  que  le  P 1  est  le  siège  sionducourant  transversal 
d'une  polarisation  ascendante.  Ce  sont  là  '^'"^  ''  "'^'"^  '''''''^'■ 
exactement  les  phénomènes  d'électrotonus  décrits  par  Morat 
et  Toussaint  (1),  dans  le  cas  d'excitation  unipolaire.  Les  résul- 
tats de  l'irritation  transversale,  telle  que  nous  l'avons  prati- 
quée, au  moyen  d'électrodes  métalliques,  sont  donc  en  par- 
faite concordance  avec  les  lois  de  l'excitation  unipolaire,  soit 
au  point  de  vue  de  la  production  des  secousses,  soit  en  ce  qui 
concerne  les  manifestations  électrotoniques. 

Une  vérité  incontestable  ressort  de  l'exposé  précédent  :  c'est 
la  possibilité  d'exciter  un  nerf  par  un  courant,  l'application 
des  électrodes  étant  rigoureusement  transversale.  Voilà  le  phé- 
nomène extérieur,  en  quelque  sorte,  le  produit  brut  de  notre 
expérience  ;  et  les  considérations  auxquelles  nous  nous  sommes 


(1)  Morat  et  Toussaint,  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  se,  1877. 


96  €H.%RBO.'\Ai:L-!ii.%LLl!:. 

livré,  l'expliquent,  croyons-nous,  d'une  façon  satisfaisante. 
C'est  en  invoquant  les  courants  dérivés  suivant  la  longueur  du 
nerf,  leur  direction  et  leur  influence  électrotonisante,  que  nous 
avons  rendu  compte  du  mode  particulier,  suivant  lequel  les 
contractions  se  sont  produites  ;  rien  n'a  été  dit  du  vrai  courant 
transversal  et  de  son  action  propre,  c'est-à-dire  de  ce  qui  con- 
stitue le  fond  même  de  la  question.  Quelle  part  faut-il  attri- 
buer dans  les  phénomènes  observés  à  cette  fraction  du  cou- 
rant qui  traverse  directement  le  nerf  entre  les  deux  électrodes? 
L'existence  de  ces  filets  directs  est  indubitable,  et  mênie, 
d'après  les  lois  physiques  de  la  difl'usion  électrique,  il  est  pro- 
bable qu'ils  l'emportent  en  intensité  sur  les  ramifications 
longitudinales.  Notre  expérience  par  sa  nature  même  ne  sau- 
rait répondre  directement  à  cette  question;  elle  est  propre 
seulement  à  établir  un  rapprochement  intéressant  entre  les 
faits  observés  dans  les  conditions  particulières  où  nous  nous 
sommes  placé  et  les  lois  générales  de  l'excitation  unipolaire. 

D'autre  part,  le  désaccord  que  nous  avons  signalé  entre  les 
résultats  de  Tschirjew  et  ceux  d'Albrecht  et  Meyer,  résultats 
obtenus  en  suivant  la  même  méthode,  ne  permet  pas,  quant  à 
présent,  de  trancher  définitivement  la  question  du  courant 
transversal  proprement  dit.  Remarquons  toutefois  que  l'inac- 
tivité de  ce  courant  s'accorderait  très  bien  avec  nos  résultats 
expérimentaux,  puisque  c'est  en  invoquant  les  dérivations  lon- 
gitudinales que  nous  l'avons  expliqué. 

Pour  compléter  notre  étude  du  courant  transversal,  il  nous 
reste  à  rendre  compte  d'une  série  d'expériences  faites  suivant 
le  procédé  de  Gai vani,  c'est-à-dire  en  disposant  le  nerf  per- 
pendiculairement sur  un  conducteur  humide  traversé  par  le 
courant.  Pour  éviter  la  polarisation,  nous  nous  sommes  servi 
d'un  fil  de  chanvre  très  fin,  d'une  longueur  de  4  centimètres, 
imbibibé  d'une  solution  à  7^  de  chlorure  de  sodium  et  plon- 
geant, par  ses  deux  extrémités,  dans  les  tubes  à  sulfate 
de  zinc  de  l'appareil  représenté  figure  12;  ce  fil  est  main- 
tenu en  extension,  grâce  à  deux  petits  bouchons  en  liège 
qu'il  traverse  à  frottement  et  qui  s'adaptent  exactement  aux 

ARTICLE   N"   1. 


EXCITATION   ÉLECTRIQUE   DES    NERFS    MOTEURS.  97 

tubes.  Le  nerf,  placé  en  croix  sur  le  fil,  repos(3  par  sa  portion 
libre  sur  les  deux  électrodes  de  l'élcctroniètre  de  Lippmann; 
on  peut  donc  observer  simultanément  les  phénomènes  d'exci- 
tation et  les  manifestations  électrotoniques.  Le  résultat  géné- 
ral de  nos  expériences  est  l'absence  d'excitation,  même  pour 
de  très  forts  courants  (30  El.  Daniell,  n"  60  du  rliéochorde), 
quand  le  nerf,  récemment  préparé,  repose  sur  le  111  par  sa 
partie  moyenne,  laquelle  est  à  la  fois  moins  excitable  et  plus 
étroite^ue  la  partie  supérieure.  Mais  nous  avons  toujours,  au 
contraire,  obtenu  et  enregistré  des  séries  régulières  de  se- 
cousses, avec  des  intensités  assez  faibles  (30  El.  Daniell,  n"  5 
du  rhéochorde)  lorsque  le  nerf  était  mis  en  contact  avec  le  cir- 
cuit au  niveau  de  sa  partie  extrême  et  plexiforme,  dont  l'exci- 
tabilité est  plus  forte  et  le  diamètre  plus  considérable.  Les 
secousses  se  produisent  souvent  avec  les  deux  directions  du 
courant  dans  le  fil,  souvent  aussi  elles  font  complètement  dé- 
faut pour  un  sens,  sans  qu'il  soit  possible  de  saisir  la  raison 
dételles  différences.  Quant  aux  effets  électrotoniques,  ils  sont 
nets  et  constants,  toutes  les  fois  que  le  nerf  est  excité;  ils  ces- 
sent aussitôt  par  l'écrasement  du  nerf  dans  la  région  intermé- 
diaire. Une  influence  digne  d'être  notée  est  celle  qu'exerce  sur 
le  résultat  de  l'excitation  le  diamètre  du  cordon  nerveux  mis 
en  contact  avec  le  fil  :  cette  influence  est  rendue  bien  manifeste 
par  ce  fait  que  la  partie  moyenne  du  nerf,  qui  donne  en  général 
un  résultat  négatif,  est  fortement  excitée  au  contraire  quand 
on  en  double  le  diamètre  en  la  repliant  sur  elle-même  avan  t 
de  la  disposer  en  croix  sur  le  fil.  Il  est  très  vraisemblable  que, 
dans  ce  cas,  l'intensité  du  courant  dérivé  qui  traverse  le  cor- 
don nerveux  est  augmentée  par  l'accroissement  de  l'intervalle 
de  dérivation. 


II.    ÉTUDES.    —    se.    NAT.  XXIV.   7.     -   ART.    iN"    I 


98  «  llARBO:\i\EL-SALLE. 

CHAPITRE  IV 

PRODUCTION    DE    L'ÉLECTROTONUS    PAR    LES    COURANTS   INSTANTANÉS 

Les  phénomènes  physiologiques  manifestés  par  les  nerfs 
moteurs  soumis  à  l'influence  des  courants,  considérés  dans 
leur  ensemble  sont  de  deux  ordres  : 

i°  Les  phénomènes  d'excitation  ; 

2"  Les  phénomènes  électrotoniques. 

Les  premiers  nous  sont  révélés,  soit  par  la  contraction  mus- 
culaire, soit  par  lavariation  négative  du  courant  nerveux. 

Les  seconds  se  présentent  sous  deux  aspects  différents  : 
nous  avons  affaire,  d'une  part,  à  l'électrotonus  proprement 
dit,  consistant  en  une  production  de  forces  électro-motrices 
nouvelles  dans  les  régions  extrapolaires  du  nerf  traversé  par 
le  courant  ;  d'autre  part,  aux  modifications  électrotoniques  de 
l'excitabilité.  Ces  deux  effets  des  courants  sont,  d'après  les 
recherches  de  Pflûger,  Ués  par  un  rapport  si  intime,  que  la 
plupart  des  physiologistes,  surtout  en  Allemagne,  les  com- 
prennent sous  la  dénomination  commune  d'électrotonus. 

Dans  les  chapitres  précédents,  nous  avons  examiné  l'action 
physiologique  de  l'électricité,  manifestée  extérieurement  par 
les  contractions  du  muscle,  en  accordant  une  attention  spé- 
ciale aux  effets  des  courants  instantanés.  Cette  étude  nous 
amène  à  poser  la  question  suivante  :  les  courants  instantanés 
possèdent-ils  le  pouvoir  électrotonisant? 

Cette  question  n'a  jamais,  à  notre  connaissance,  reçu  de 
solution  expérimentale  directe.  Sans  doute  les  physiologistes 
ont  été  conduits,  par  analogie,  à  penser  que  les  flux  instanta- 
nés possèdent  la  propriété  de  développer  l'électrotonus;  autre- 
ment, il  y  aurait  entre  les  courants  instantanés  et  continus 
une  différence  d'action  fondamentale  et  peu  vraisemblable. 
En  ce  qui  concerne  plus  spécialement  les  modifications  élec- 
trotoniques de  l'irritabilité,  Wundt  (1)  a  montré  que  les  cou- 

{i)  Wundt,  Arch.  f.  Anat.  u.  PhijsioL,  1859  et  1861. 

ARTICLE  N°  1. 


KXCITATIO.N    KLKCTHloi  i:    l>i:S    NKRFS    MOTEL'IIS.  99 

lanls  tic  courte  diirôc  sont  capables  de  produire  les  mêmes 
ertets  que  les  courants  continus  ;  seulement  ces  efTets  sont  plus 
taibles  et  plus  l'ugaces.  Nous  nous  proposons,  dans  le  présent 
chapitre,  d'exposer  les  résultats  de  nos  recherches  sur  l'élec- 
trotonus  proprement  dit,  c'est-à-dire  sur  les  courants  déve- 
loppés dans  les  régions  extrapolaires  par  les  décharges  du  con- 
densateur micro-Faraday  ou  delà  bouteille  de  Lcyde. 

Une  démonstration  indirecte  de  l'état  électrotonique  déve- 
loppé dans  les  cordons  nerveux  par  les  flux  instantanés,  ressort 
d'un  phénomène  de  contraction  secondaire,  signalé  en  1860, 
par  M.  Ghauveau  (1).  On  savait,  depuis  les  découvertes  de 
Du  Bois-Reymond,  qu'un  nerf  en  contact  par  deux  points,  ou 
même  par  une  surface  plus  étendue  avec  un  muscle  peut  être 
excité  au  moment  où  le  muscle  se  contracte  :  c'est  le  phéno- 
mène de  la  contraction  secondaire  due  à  la  variation  négative 
du  muscle  en  construction.  Du  Bois-Reymond  avait  décrit  en 
outre  la  contraction  secondaire  produite  par  le  contact  d'un 
nerf  avec  un  autre  nerf  excité;  et  il  avait  signalé  cette  particu- 
larité importante  que  l'agent  électrique  est  seul  ap  e  à  déter- 
miner, dans  ce  cas,  la  contraction  secondaire.  Ce  n'était  donc 
pas  à  la  variation  négative  du  courant  nerveux,  mais  unique- 
ment à  l'électrotonus  développé  par  le  courant  voltaïque,  qu'il 
était  possible  d'attribuer  le  phénomène.  Lorsque  M.  Ghau- 
veau obtint  à  son  tour  la  contraction  secondaire  en  employant 
les  décharges  d'électricité  statique  et  les  courants  induits, 
la  réalité  de  l'électrotonus  produit  par  ces  courants  instan- 
tanés fut  indirectement  établie  par   une  déduction  néces- 
saire. 

L'observation  directe  des  états  électrotoniques  instantanés 
exige  un  appareil  tout  spécial  ;  les  galvanomètres,  communé- 
ment employés  par  les  physiologistes  dans  les  recherches 
d'électricité  animale  ne  présentent  point  une  mobilité  suffi- 
sante, quelque  léger  et  sensible  que  soit  le  système  astatique. 
L'électromètre  de  Lippmann  (2),  fondé  sur  les  relations  exis- 

(1)  Ghauveau,  Journal  de  laphysiol.,  1860,  p.  553  et  suiv. 

(■2)  Lippmann,  Thèse  de  Paris,  1875.  —  Nous  rappellerons  que  l'électromètre 


100  CHARBOH'WEL-SALIiE . 

tant  entre  les  phénomènes  électriques  et  capillaires,  nous  a 
permis,  grâce  à  sa  mobilité  extrême,  d'étudier  minutieuse- 
ment l'électrotonus  instantané  et  d'en  comparer  les  lois  avec 
celles  que  Du  Bois-Reymond  a  établies  pour  l'électrotonus 
développé  par  les  courants  continus. 

En  renvoyant  pour  plus  de  détails  au  mémoire  de  l'auteur, 
nous  indiquerons  seulement  ici  la  disposition  générale  et  le 
mode  d'emploi  de  l'appareil.  Un  tube  vertical  étiré  à  son  extré- 
mité inférieure  en  un  capillaire  très  fin,  plonge  par  cette  extré- 
mité dans  un  vase  de  verre  rempli  d'eau  acidulée  et  dont  le 
fond  est  occupé  par  une  certaine  quantité  de  mercure.  Si  l'on 
verse  du  mercure  dans  le  tube,  le  métal  pénètre  dans  la  partie 
rétrécie  en  présentant  un  ménisque  convexe  et,  si  l'on  n'élève 
pas  trop  la  pression,  demeure  suspendu  à  un  niveau  fixe  en 
vertu  de  la  résistance  capillaire.  Le  mercure  du  tube  et  celui 
du  vase  inférieur  étant  mis  en  communication  par  des  fils  mé- 
talliques avec  une  source  d'électricité,  la  différence  de  tension 
électrique  modifie  la  résistance  capillaire  et  détermine  un  dé- 
placement du  ménisque  dans  le  sens  où  le  courant  tend  à  se 
produire.  Le  ménisque  reste  dans  sa  nouvelle  situation  d'équi- 
libre aussi  longtemps  que  persiste  la  différence  des  tensions; 
tel  est  le  cas  des  courants  continus.  Mais  l'appareil  est  sensible 
aux  courants  instantanés  de  la  plus  courte  durée  et  la  mobilité 
du  ménisque  est  telle  qu'il  traduit  fidèlement,  par  ses  oscilla- 
tions, des  différences  de  tension  se  succédant  avec  une  grande 
rapidité. 

Un  microscope,  dont  l'oculaire  est  muni  d'un  réticule,  est 
braqué  sur  la  colonne  capillaire  et  permet  d'estimer,  assez 
exactement,  l'étendue  et  la  rapidité  des  oscillations. 

Le  dispositif  expérimental  est  celui  qu'on  emploie  d'ordinaire 
pour  la  démonstration  de  l'électrotonus  au  moyen  des  cou- 
rants continus  :  un  nerf  récemment  préparé  est  parcouru  dans 
une  certaiRC  étendue  par  le  courant  polarisant  ;  on  dérive  les 

de  Lippniann  a  déjà  été  utilisé  par  Lippmann  et  Kuhne,  pour  diverses  expériences 
électro-physiologiques,  en  particulier  pour  la  variation  négative  du  muscle  sou- 
mis à  une  excitation  instantanée. 

ARTICLE   N"   -1  . 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEURS.  101 

courants  électrotoniqiies  à  une  distance  variable  de  la  partie 
intrapolairo  à  l'aide  de  deux  électrodes  impolarisables  termi- 
nant le  circuit  de  l'électromètre.  L'écrasement  du  nerf,  pra- 
tiqué dans  la  région  intermédiaire  ou  dérivante,  doit  supprimer 
immédialement  toute  manilcstation  élcetroLoniqiie;  c'est  là, 
on  se  le  rappelle,  le  critérium  infaillible  de  ces  phénomènes. 

Pour  éviter  toute  dérivation  accidentelle  des  courants,  ca- 
pable d'induire  en  erreur,  nous  avons  apporté  un  soin  tout 
particulier  à  Tisolement  des  électrodes  de  dérivation  ;  ces  pré- 
cautions étaient  rendues  nécessaires  par  la  facilité  avec  laquelle 
diffusent  les  courants  instantanés,  courants  constitués  par  de 
faibles  quantités  d'électricité,  mais  dont  le  potentiel  est  très 
élevé.  Deux  tubes  de  verre,  rétrécis  et  recourbés  en  crochets  à 
leur  extrémité  inférieure,  sont  fixés  à  une  plaque  de  gutta-per- 
cha,  suspendue  par  quatre  fils  de  soie  d'une  grande  longueur 
à  un  support  isolant.  Après  avoir  introduit  dans  les  tubes  de 
verre  une  certaine  quantité  de  kaolin  humide,  on  achève  de  les 
remplir  avec  la  solution  de  sulfate  de  zinc,  dans  laquelle 
plongent  deux  fils  de  zinc  amalgamé;  des  fils  de  cuivre  très 
fins  et  recouverts  de  soie  font  communiquer  les  électrodes  ainsi 
constituées  avec  l'électromètre.  La  patte  de  grenouille  est  dis- 
posée sur  l'appareil  ordinaire  (fig.  3)  ;  la  moitié  inférieure  du 
nerf  est  appliquée  sur  les  deux  électrodes  fixes  de  l'appareil, 
tandis  que  la  partie  extrême  est  soulevée  sur  les  deux  élec- 
trodes en  crochet.  La  mobilité  du  support  isolant  permet  de 
faire  varier  la  situation  de  l'appareil  de  dérivation,  d'allonger 
ou  de  raccourcir  à  volonté  la  région  intermédiaire  du  nerf. 

Jamais,  avec  ce  dispositif,  nos  expériences  n'ont  été  trou- 
blées par  aucune  diffusion  accidentelle  du  courant  polarisant, 
diffusion  qui  se  produit  très  facilement  quand  on  emploie  des 
courants  instantanés  de  forte  intensité. 

Notre  examen  a  porté  sur  l'électrotonus  développé  dans  trois 
conditions  différentes  d'application  du  courant  : 

1°  Dans  le  cas  de  polarisation  par  le  courant  longitudinal  ; 

2°  Dans  le  cas  de  polarisation  par  le  courant  transversal  ; 

3°  Dans  le  cas  d'excitation  unipolaire. 


102  CHARBOIVMEL-J^ALLK. 

Nous  avons  indiqué  déjà  (p.  76)  les  effets  du  courant  trans- 
versal relativement  à  l'électrotonus  ;  nous  n'y  reviendrons  pas 
ici;  quant  aux  phénomènes  observés  dans  le  cas  d'excitation 
unipolaire,  ils  s'accordent  de  tous  points  avec  ceux  que  Morat 
et  Toussaint  [loc.  cit.)  ont  observés  en  employant  les  courants 
de  pile.  Nous  ne  saurions  mieux  faire  que  de  renvoyer  pour 
plus  de  détails  à  la  note  de  ces  physiologistes. 

Nous  décrirons  donc  seulement  les  résultats  obtenus  en 
électrotonisant  le  nerf  par  les  courants  longitudinaux. 

Expériences.  —  Un  nerf  frais  est  disposé  sur  l'appareil  à  la 
manière  indiquée.  Les  électrodes  de  dérivation,  écartées  de 
6  millimètres,  sont  appliquées  sur  la  partie  extrême  du  cordon 
nerveux,  au  voisinage  de  sa  section.  Introduisons,  par  la  fer- 
meture de  l'interrupteur,  le  segment  nerveux  dérivé  dans  le 
circuit  de  l'électromètre.  Nous  constatons  aussitôt  un  dépla- 
cement du  ménisque  sous  l'influence  du  courant  nerveux 
propre,  dont  la  direction  est  descendante  à  l'intérieur  du  nerf. 
Ce  déplacement  est  permanent,  comme  le  courant  lui- 
même,  et  le  ménisque  reste  immobile  dans  sa  nouvelle  situa- 
tion. 

Faisons  passer  maintenant  dans  la  partie  inférieure  du  nerf 
les  décharges  graduées  du  condensateur  à  1  microf.,  alterna- 
tivement ascendantes  et  descendantes.  Dès  que  l'intensité  de- 
vient suffisante  pour  provoquer  des  secousses  musculaires, 
parfois  même  avec  les  intensités  inférieures  à  la  minima,  nous 
voyons  apparaître  les  états  électrotoniques  instantanés.  La 
colonne  de  mercure  oscille  de  part  et  d'autre  de  sa  position 
d'équilibre,  marquée  par  le  fil  transversal  du  réticule.  Les 
oscillations  sont  très  rapides;  toutefois  cette  rapidité  n'est  pas 
telle  qu'on  ne  puisse  nettement  constater  une  différence  dans 
l'étendue  relative  des  excursions  de  ménisque  :  c'est  pour  la 
direction  descendante  du  courant  polarisant  que  cette  étendue 
est  toujours  la  plus  considérable.  Les  très  faibles  courants, 
dont  l'effet  polarisant  est  nul  avec  la  direction  ascendante,  im- 
priment déjà  au  ménisque  un  mouvement  assez  sensible  lors- 
qu'ils parcourent  le  nerf  suivant  la  direction  inverse. 

ARTICLE  N'    [. 


EXCITATION    ÉLECTRIOIIE    DES    NERFS   MOTEURS.  103 

Pour  se  rendre  compte  de  cette  différence,  il  suffit  de  se 
rappeler  les  rapports  des  courants  électrotoniques  avec  le  cou- 
rant nerveux  :  suivant  que  le  courant  polarisant  est  descen- 
dant ou  ascendant,  l'électrotonus  est  de  même  sens  que  le 
courant  nerveux,  ou  de  sens  opposé.  Dans  le  premier  cas,  le 
courant  nerveux  est  renforcé,  dans  le  second  il  est  atïaibli.  Du 
Bois-Reymond  a  donné  à  ces  deux  états  inverses  les  noms  de 
phase  positive  et  de  phase  négative  et  a  démontré  que  cette 
dernière  est  toujours  plus  faible.  Cette  loi,  établie  pour  les 
courants  polarisants  continus,  est  donc  valable,  d'après  nos 
observations,  pour  les  courants  instantanés. 

En  examinant  successivement  les  diverses  circonstances  qui 
influent  sur  le  développement  de  l'électrotonus  instantané, 
nous  avons  obtenu  des  résultats  parfaitement  conformes  aux 
données  classiques  établies  par  Du  Bois-Reymond.  De  même 
que  pour  les  courants  continus  l'accroissement  d'intensité 
produit,  jusqu'à  une  certaine  limite,  un  accroissement  des 
états  de  polarisation,  de  même  encore,  les  phénomènes  sont 
renforcés  ou  affaiblis  par  la  diminution  ou  l'augmentation  de 
la  distance  comprise  entre  la  région  polarisée  et  la  région 
dérivée.  Enfin,  en  suivant,  pendant  le  dépérissement  du  nerf, 
l'amoindrissement  progressif  de  l'électrotonus,  nous  avons  vu 
la  phase  négative  diminuer  d'abord  plus  vite  que  la  phase 
positive  et  la  différence  normale  s'accentuer  ainsi  davantage. 
La  première  demeure  ensuite  longtemps  stationnaire,  tandis 
que  la  seconde  continue  à  s'affaiblir,  de  telle  sorte  que  la  dif- 
férence finit  par  disparaître. 

L'influence  exercée  par  la  durée  des  courants  instantanés 
sur  les  caractères  de  l'électrotonus  mérite  une  attention  toute 
particulière.  En  polarisant  le  nerf  par  les  décharges  du  conden- 
sateur gradué,  tantôt  avec  1  microfarad,  tantôt  avec  iO,  la  rapi- 
dité plus  grande  de  l'oscillation  de  la  colonne  capillaire  dans  le 
premier  cas  frappe  tout  d'abord.  La  différence  est  surtout 
manifeste  quand  on  compare  successivement  les  états  de  pola- 
risation développés  au  moyen  d'une  bouteille  de  Leyde  de 
faible  capacité  et  du  condensateur  à  1 0  microfarads .  Dans  le  pre- 


104  CHARBOiriVl^L-^ALLE. 

mier  cas,  le  ménisque  saute,  pour  ainsi  dire,  si  brusquement 
qu'il  est  impossible  à  l'œil  de  le  suivre  ;  dans  le  second  cas,  les 
périodes  d'ascension  et  de  descente  se  succédant  sans  inter- 
valle de  repos,  ont  une  durée  assez  considérable. 

Nous  avons  comparé  plus  rigoureusement  les  pouvoirs  élec- 
trotonisants  des  flux  instantanés  de  diverses  durées  par  le 
procédé  indiqué  déjà  page  52.  Un  même  nerf  est  polarisé  suc- 
cessivement par  deux  décharges  de  même  sens,  descendantes 
par  exemple  ;  l'une  est  fournie  par  1  microfarad  relié  à  la  source 
de  tension  10,  l'autre  par  10  microfarads  reliés  à  la  source  de 
tension  1.  Le  nerf  est  ainsi  traversé  par  des  courants  égaux 
comme  quantité,  et  très  différents  sous  le  rapport  de  la  durée. 
Cette  expérience  nous  a  conduit  à  constater  de  nouveau  la  plus 
courte  durée  du  phénomène  électrotonique  produit  par  le  cou- 
rant le  plus  bref,  fait  qui  nous  est  déjà  connu  et  que  nous 
observons  ici  dans  des  conditions  meilleures  de  précision. 
Mais  nous  avons  encore  obtenu  constamment  un  autre  résul- 
tat, surprenant  au  premier  abord  :  en  comparant  sous  le  rap- 
port de  l'amplitude  les  oscillations  de  Télectromètre,  nous 
avons  vu  tes  courants  les  plus  bref  s  produire  les  oscillations  les 
phs  étendues.  Il  ne  faudrait  point  conclure  de  ce  résultat  que 
Vintensitédu  courant  électrotonique  est  plus  grande  quand  le 
courant  polarisant  présente  une  moindre  durée  ;  en  d'autres 
termes,  que  les  courants  les  plus  brefs  possèdent,  au  plus  haut 
degré,  le  pouvoir  électrotonisant.  Déjà  en  interprétant  le  phé- 
nomène de  la  lacune  (p.  51),  nous  avons,  pour  des  raisons 
physiologiques,  admis  une  opinion  toute  contraire.  Mais  la 
contradiction  n'est  ici  qu'apparente.  Il  suffit,  pour  s'en  rendre 
compte,  de  se  rappeler  que  dans  l'électromètre  de  Lippmann 
l'étendue  des  oscillations  n'est  point  en  rapport  avec  Fintensité 
des  courants,  comme  les  déviations  d'un  galvanomètre,  mais 
bien  avec  la  différence  de  potentiel  des  deux  pôles.  L'élec- 
tromètre mesure  donc  seulement  la  force  électromotrice  et 
non  l'intensité  des  courants  électrotoniques. 

En  résumé,  l'ensemble  de  nos  expériences  nous  autorise  à 
conclure  que  les  états  électrotoniques  sont  soumis  aux  mêmes 

ARTICLE  N"    1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEURS.  105 

lois  régulatrices,  qu'ils  soient  développés  par  les  courants  ins- 
tantanés ou  par  les  courants  continus. 

CONCLUSIONS 

Les  faits  observés  au  cours  de  nos  expériences  et  les  explica- 
tions théoriques  que  nous  en  avons  déduites  peuvent  être 
condensés  dans  les  propositions  suivantes  : 

1"  Relativement  à  l'excitabilité  des  nerfs  moteurs  explorés 
aux  divers  points  de  leur  trajet  à  l'aide  des  courants  instan- 
tanés : 

a.  Nerfs  sectionnés,  —  Les  nerfs  sectionnés  et  isolés  présen- 
tent, lorsqu'ils  sont  absolument  frais,  une  décroissance  régu- 
lière de  l'excitabilité,  delà  section  vers  le  muscle.  — Toute 
section  pratiquée  sur  un  nerf  intact  produit  un  accroissement 
très  notable  de  l'excitabilité.  Cette  modification  est  instanta- 
née ;  elle  affecte  d'emblée  toute  l'étendue  du  nerf  sous-ja- 
cente  à  la  section  ;  son  maximum  est  au  voisinage  immédiat 
de  la  lésion  expérimentale. 

On  peut,  par  des  sections  répétées,  relever  à  plusieurs 
reprises  l'excitabilité  dans  un  nerf  déjà  affaibli. 

La  section  de  la  moelle  n'exerce  aucune  inïiviQïiCQ  immédiate 
sur  l'irritabilité  du  nerf  moteur. 

La  suractivité  que  les  sections  impriment  aux  propriétés 
des  nerfs  ne  se  manifeste  pas  seulement  par  l'aptitude  plus 
grande  de  ceux-ci  à  provoquer  des  secousses  musculaires, 
mais  aussi  par  l'énergie  augmentée  des  manifestations  électro- 
toniques. 

h.  Nerfs  intacts.  —  Les  nerfs  moteurs  intacts  et  maintenus 
autant  que  possible  dans  leurs  conditions  normales  diffèrent 
profondément  des  nerfs  coupés,  sous  le  rapport  de  la  réparti- 
tion des  degrés  divers  d'excitabilité.  Certaines  régions  très 
circonscrites  présentent  une  irritabilité  supérieure.  Pour  le 
sciatique  de  grenouille,  on  observe  deux  maxima,  l'un  au 
niveau  de  l'émergence  des  rameaux  fémoraux,  l'autre  au  niveau 
de  la  bifurcation  du  nerf. 


106  CHARBO:%irEL-SALLE. 

D'après  les  faits  précédents,  il  est  légitime  d'attribuer  la 
répartition  spéciale  de  l'excitabilité  sur  le  nerf  isolé  et  frais,  à 
la  section  elle-même.  Ces  faits  sont  peu  favorables  à  la  théorie 
du  «  grossissement  en  avalanche  »  de  l'excitation. 

2°  Relativement  à  l'excitation  par  les  décharges  du  conden- 
sateur. 

a.  Condensateur  de  grande  surface  (40  microf).  ~  Quel  que 
soit  le  mode  de  préparation  employé,  les  nerfs  musculaires 
excités  par  des  courants  ascendants  et  descendants  d'intensité 
régulièrement  croissante,  réagissent  en  premier  lieu  au  courant 
ascendant  ;  puis  deux  réactions  égales  répandent  aux  courants 
des  deux  directions;  enfin,  l'intensité  augmentant  toujours, 
le  courant  ascendant  cesse  définitivement  de  produire  des 
secousses. 

L'activité  prédominante  du  courant  ascendant  faible  s'ex- 
plique, pour  le  nerf  isolé,  par  les  différences  locales  d'excita- 
bilité; pour  les  préparations  nervo-musculaires  de  Ritter  et 
de  Marianini,  par  les  différences  locales  de  densité. 

Le  sens  du  courant  ne  possède  aucune  influence  propre. 

h.  Condensateur  de  faible  surface  (4  microf.).  Le  fait  essen- 
tiel qui  caractérise  l'action  de  ces  courants  est  une  interruption 
ou  lacune  dans  la  série  des  secousses  provoquées  par  le  cou- 
rant ascendant.  A  cette  interruption  correspond  une  légère 
augmentation  d'activité  du  courant  descendant. 

Les  secousses  qui  reparaissent  après  la  lacune  présentent 
un  retard  considérable  sur  l'excitation. 

Quant  à  l'interprétation  du  phénomène  de  la  lacune,  nous 
rejetons  l'hypothèse  d'une  double  excitation  produite  par  une 
fermeture  et  une  ouverture  condensées  dans  un  courant  in- 
stantané. Le  fait  s'explique  en  admettant  que  les  courants 
brefs  du  condensateur  à  faible  surface  possèdent,  relativement 
à  leur  pouvoir  excitateur,  un  plus  faible  pouvoir  électroto- 
nisant. 

En  somme,  le  condensateur  à  grande  surface  produit  des 
effets  physiologiques  identiques  à  l'excitation  de  fermeture 
d'un  courant  continu;  le  condensateur  de  surface  dix  fois 

ARTICLE  N"    1. 


EXCITATION    ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MUTEURS.  107 

moindre  produit  des  effets  analogues  à  ceux  des  courants  d'in- 
duction. 

Le  nerf  sectionné  en  voie  de  dépérissement  présente  en  cha- 
que point  de  son  étendue  une  légère  augmentation  d'excitabilité 
précédant  la  perle  délinitive  des  propriétés  motrices. 

Il  en  résulte  que  la  loi  des  secousses  du  nerf  dépérissant  est 
identique  à  la  loi  des  secousses  du  nerf  frais  excité  par  des 
courants  de  force  croissante. 

L'allongement  de  la  région  excitée  exerce,  pour  les  deux 
directions  des  courants,  une  influence  favorable  sur  l'exci- 
tation. 

Quant  au  rapport  entre  la  valeur  de  l'excitant  électrique 
et  la  forme  des  secousses,  il  peut  se  formuler  ainsi  :  à  partir 
de  la  secousse  minima,  la  durée  et  la  hauteur  vont  en  augmen- 
tant jusqu'à  ce  que  la  première  atteigne  son  niveau  le  plus 
élevé;  la  durée  seule  continue  alors  sa  marche  progressive. 
Jamais  dans  nos  expériences  nous  n'avons  vu  se  produire  les 
secousses  supra-maximales. 

Le  courant  transversal  appliqué  au  nerf  au  moyen  d'élec- 
trodes métalliques  produit  des  secousses  suivant  un  mode 
dont  la  raison  nous  est  donnée  par  les  lois  de  l'excitation  uni- 
polaire. 

3°  Relativement  à  l'électrotonus  : 

Les  courants  instantanés  possèdent  le  pouvoir  de  dévelop- 
per l'électrotonus. 

Les  états  électrotoniques  sont  soumis  aux  mêmes  lois  régu- 
latrices, qu'ils  soient  produits  par  les  courants  instantanés  ou 
par  les  courants  continus. 


108  CHilRBO:%I%EL-»ALLi;. 

APPENDICE 

Après  avoir  exposé  les  faits  recueillis  au  cours  de  nos  re- 
cherches, il  n'est  peut-être  pas  inutile  de  jeter  un  rapide  coup 
d'œil  sur  la  théorie  générale  par  laquelle  les  physiologistes  ont 
cherché  à  pénétrer  le  mécanisme  de  l'excitation  électrique. 
Nous  serons  bref  sur  ce  sujet,  n'ayant  point  l'autorité  néces- 
saire pour  traiter  à  fond  cette  importante  question. 

Tandis  que  M.  Ghauveau,  dans  le  mémoire  que  nous  avons 
souvent  cité,  déterminait  le  mode  d'action  spécifique  des  deux 
pôles  des  courants,  continus  ou  instantanés,  Pflùger,  observant 
de  son  côté  les  mêmes  faits,  établissait  un  rapprochement 
entre  les  phénomènes  d'excitation  et  les  manifestations  électro- 
toniques. Il  admettait  que  la  naissance  et  la  disparition  des 
deux  états  de  catélectrotonus  et  d'anélectrotonus,  produits 
respectivement  au  pôle  négatif  et  au  pôle  positif,  étaient  la 
cause  essentielle  de  l'irritation  nerveuse,  et  résumait  sa  doc- 
trine par  cet  énoncé  bien  connu  :  «  le  nerf  est  excité  par  l'ap- 
parition du  catélectrotonus  et  la  disparition  de  l'anélectro- 
tonus  ». 

€ette  loi,  admise  comme  une  vérité  démontrée  par  tous  les 
physiologistes  allemands,  n'est  en  réalité  qu'une  hypothèse, 
fort  séduisante  à  la  vérité,  fondée  sur  la  concordance  remar- 
quable qui  se  révèle  lorsqu'on  étudie  parallèlement  l'action 
excitatrice  et  l'action  électrotonisante  des  deux  pôles  du  cou- 
rant. Mais  pour  être  légitime,  cette  hypothèse  devrait  s'appli- 
quer également  à  tous  les  faits  connus;  elle  devrait  embrasser 
dans  une  explication  commune  l'ensemble  des  phénomènes 
d'excitation  électrique.  Or,  une  série  de  faits  bien  étabUs 
échappe  à  la  loi  de  Pfliiger  :  nous  voulons  parler  des  résultats 
de  l'excitation  unipolaire  mis  en  lumière  par  M.  Ghauveau  et 
qui  méritent  d'être  pris  en  grande  considération,  car  ils  repré- 
sentent le  mode  d'action  de  l'électricité  sur  les  nerfs  moteurs 
dans  des  conditions  rigoureusement  physiologiques.  Hermann, 
dans  son  récent  ouvrage,  tranche  cette  difficulté  en  refusant  à 
l'excitation  unipolaire  toute  signification  précise.  Rappelons 

ARTICLE   N"    1. 


EXCITATIO:^   ÉLECTRIQUE    DES    NERFS    MOTEUHS.  109 

ici  la  dérmilion  de  l'excitation  unipolaire  donnée  par  M.  Chau- 
veau  :  «  J'appelle  excitation  unipolaire  l'action  locale  exercée 
par  les  courants  sur  les  nerfs,  au  point  d'application  d'une 
électrode,  quand  cette  électrode  est  seule  en  contact  avec  le 
nerf  conservé  en  place  dans  ses  rapports  normaux,  et  ne  peut 
guère  agir  efficacement  qu'au  point  de  contact  lui-même,  à 
cause  de  la  grande  diffusion  qui,  au  delà,  disperse  immédiate- 
ment le  courant  dans  toutes  les  directions.  »  Dans  ces  condi- 
tions, on  voit  toujours,  à  la  fermeture  d'un  courant  d'intensité 
croissante,  le  pôle  négatif  provoquer  la  secousse  avant  le  pôle 
positif;  puis,  l'égalité  s'établir  entre  les  deux  pôles;  enfin,  le 
négatif  cesser  d'agir  si  le  courant  est  continu,  tandis  que  le 
positif  conserve  indéfiniment  son  activité.  Rappelons  encore 
que  Morat  et  Toussaint  ont  démontré  l'existence  de  deux  états 
de  polarisation  bien  déterminés,  polarisation  convergente  avec 
le  pôle  négatif  sur  le  nerf,  divergente  avec  le  pôle  positif. 

Ces  phénomènes  se  manifestent  avec  une  telle  netteté  qu'il 
nous  est  impossible  de  les  considérer  avec  Hermann  comme  le 
résultat  d'une  diffusion  irrégulière  et  variable  du  courant, 
n'affectant  aucune  direction  déterminée.  La  constance  et  la 
régularité  des  effets  observés  révèle  certainement  une  réelle 
différence  dans  le  mode  d'action  des  deux  pôles.  Si  donc  on 
veut  adapter  aux  faits  d'excitation  unipolaire  la  doctrine  de 
l'électrotonus,  il  est  nécessaire  de  faire  subir  à  la  formule 
classique  une  profonde  modification  :  au  catélectrotonus  et  à 
l'anélectrotonus  il  faudrait  substituer  l'électrotonus  conversent 
ou  divergent,  suivant  que  le  pôle  négatif  ou  le  pôle  positif  est 
en  contact  avec  le  nerf.  Le  premier  posséderait  la  priorité 
excitatrice  avec  les  intensités  faibles;  la  disparition  de  son 
activité,  lorsque  son  intensité  devient  très  forte,  s'expliquerait 
naturellement  par  la  production  de  l'obstacle  à  la  transmission 
nerveuse  au-dessous  du  point  d'application  de  l'électrode,  la 
partie  inférieure  du  nerf  étant  polarisée  par  une  branche  dé- 
rivée de  direction  ascendante. 

Mais  il  importe  de  se  rappeler  que  le  rapport  de  causalité, 
généralement  admis  entre  l'électrotonus  et  l'excitation,  n'est 


110  CeARBO.'*:%EL-»AJLLl!:. 

qu'une  conception  ingénieuse,  propre  à  synthétiser  un  grand 
nombre  de  faits  et  non  démontré  rigoureusement  dans  l'état 
présent  de  la  science.  Il  n'y  a  en  réalité  qu'une  notion  soli- 
dement établie,  touchant  l'action  de  l'électricité  sur  les  nerfs 
moteurs  :  c'est  la  notion  des  actions  polaires. 


Vu  et  approuvé,  Paris,  le  24  mai  1881, 
Le   Doyen  de  la   Faculté  des  sciences, 
MILNE  EDWARDS. 

Vu  et  permis  d'imprimer,  le  24  mai  1881, 
Le  Vice- Recteur  de  l'Académie  de  Paris, 
GKÉARD. 


PARIS.     —     IMPRIMERIE     ÉUILE    MARTINET,     RLE    MIC.NO.N,    2 


Bibl  des  K Etudes. 


HiUaa//  iM. 


RHEOCHOKDE 


KHEOTOME 


Sc.nât.T.Z^âTtlTl.l. 


E.  jroriau-.  s 


APPAREIL  ENREGISTREUR 


RECHERCHES 

sua 

LE  RÔLE  PHYSIOLOGIQUE  DU  TANNIN 

DANS    LES    VÉGÉTAUX 


AVANT-PROPOS 

Je  me  propose,  dans  ce  travail,  de  résumer  les  notions 
acquises  et  de  décrire  quelques  expériences  nouvelles  sur  le 
mode  de  production  et  le  rôle  physiologique  du  tannin  dans 
les  végétaux. 

Sous  le  nom  générique  de  tannins,  les  chimistes  désignent 
plusieurs  composés  que  différencient  certaines  réactions, 
mais  que  des  propriétés  communes  très  importantes  unis- 
sent en  un  môme  groupe  naturel  :  rappelons  parmi  les  carac- 
tères fondamentaux  de  toutes  les  espèces  de  tannins,  la  pré- 
cipitation de  la  gélatine  et  des  abuminoïdes,  la  coloration 
bleu-noirâtre  ou  verte  par  les  sels  de  lesquioxyde  de  fer. 
Dans  une  étude  physiologique  il  serait  sans  intérêt  et  d'ail- 
leurs très  difficile  de  prendre  en  considération  les  différences 
chimiques  des  divers  tannins  ;  l'identité  de  composition 
semble,  en  effet,  assigner  à  tous  ces  composés  le  même  rôle 
dans  les  phénomènes  chimiques  de  la  végétation.  Je  prendrai 
en  conséquence  le  terme  «  tannin  ou  acide  tannique  »  dans 
son  acception  la  plus  générale. 

Quelles  sont  les  conditions  vitales  qui  favorisent  ou  empê- 


—   2  — 

client  la  production  du  tannin  dans  les  tissus  de  la  plante? 
Quel  est  l'emploi  ultérieur  de  cette  substance  aux  diverses 
phases  de  la  végétation  ?  Déposée  dans  les  organes  sous 
forme  liquide  ou  granuleuse,  est-elle  seulement  un  résidu 
excrémentitiel,  un  caput  mortanni  des  réactions  chimiques 
de  la  vie  ;  ou  bien  peut-elle  jouer,  au  môme  titre  que  le 
sucre  et  l'amidon,  le  rôle  de  réserve  nutritive?  A  ces  ques- 
tions, les  physiologistes  ont  répondu  de  diverses  manières, 
et  le  défaut  de  concordance  de  leurs  opinions  m'a  engagé  à 
entreprendre  de  nouvelles  recherches. 

Je  diviserai  le  présent  mémoire  en  deux  parties  : 

Dans  la  première  seront  résumés  les  faits  signalés  et  les 
idées  émises  par  les  auteurs  qui  m'ont  précédé. 

La  seconde  partie  comprendra  : 

1°  L'étude  de  la  distribution  et  de  la  slructure  des  cellules 
tannifères  dans  un  nombre  restreint  d'espèces,  herbacées  ou 
ligneuses,  sur  lesquelles  ont  porté  mes  expériences. 

2°  Cette  connaissance  anatomique  une  fois  acquise  j'expo- 
serai les  résultats  obtenus  en  faisant  varier  expérimentale- 
ment les  conditions  extérieures  d'existence. 


PREMIÈRE  PARTIE 


HISTORIQUE 


Les  recherches  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  la  distribution 
et  l'usage  physiologique  du  tannin  se  divisent  en  deux  catégo- 
ries :  les  unes,  purement  anatomiques,  ont  porté  sur  les  réac- 
tions microchimiques  de  ce  composé,  sa  répartition  au  sein 
des  tissus  végétaux,  les  formes  diverses  qu'il  peut  présenter  ; 
les  autres,  poursuivies  aux  diverses  phases  de  l'évolution 
végétative,  ou  dans  des  conditions  variées,  autorisent  quel- 
ques déductions  physiologiques. 

Les  premières  notions  sur  se  sujet  sont  dues,  je  crois,  à 


—  3  — 

M.  Karsten.  Cet  auteur,  dès  1857,  appela  l'attention  sur 
l'abondance  considérable  do  l'acide  tannique  dans  un  j^rand 
nombre  de  végétaux.  En  1861,  M.  IIartig(l],  dans  son  Traité 
à  fiisûf/e  des  forestiers,  fit  pour  la  première  fois  la  remarque 
que  le  tannin  du  chùne  est  logé  sous  forme  de  ij^ranules  soli- 
des dans  des  cellules  correspondant  à  celles  qui,  cbez  d'autres 
plantes,  servent  à  emmagasiner  les  matières  de  réserve  granu- 
leuses ;  que  ces  formations  granuleuses  se  dissolvent  dans  la 
sève  printanaière  à  la  même  époque  et  de  la  même  façon  que 
l'amidon  ;  qu'à  l'état  sec  les  cellules  se  colorent  par  les  sels 
de  fer  en  brun  clair  et  ne  bleuissent  qu'après  une  addition 
d'eau.  —  Dans  des  publications  ultérieures,  M.  Ilartig  a 
maintenu  ses  premiers  énoncés  en  les  appuyant  sur  de  nou- 
velles observations. 

Vers  la  même  époque,  M.  Wigand  (2),  dans  un  mémoire 
important,  résuma  sous  forme  de  propositions  les  résultats 
de  nombreuses  recherches.  Les  faits  observés  par  ce  botaniste 
sont  de  deux  ordres  :  les  uns  concernent  la  répartition  du  tan- 
nin dans  les  diverses  cellules;  les  autres,  l'évolution  de  cette 
substance  aux  âges  successifs  de  l'organisme  végétal.  Je  dois 
analyser  avec  quelque  détail  le  travail  de  JM.  Wigand,  par- 
ce qu'il  peut  être  regardé  comme  l'origine  delà  théorie,  assez 
généralement  acceptée,  d'après  laquelle  le  tannin  serait  un 
équivalent  physiologique  des  matières  de  réserve.  Dans  le 
cours  de  la  vie  des  cellules,  d'après  M.  Wigand,  c'est  dans  le 
premier  état  (état  cambial)  que  le  tannin  y  est  surtout  abon- 
dant; plus  tard,  il  peut  présenter  dans  certaines  cellules 
(liber  et  bois)  des  phases  alternatives  d'augmentation  et  de 
diminution,  en  rapport  avec  les  saisons.  Quand  le  contenu 
tannique  d'une  cellule  est  ainsi  soumis  à  des  variations  pério- 
diques, le  maximum  de  ce  contenu  s'observe  au  printemps 

(1)  Harlig,  Traité  à  l'usage  des  forestiers,  1861;  t.  I,  p.  26'.),  —Même  au- 
teur, Botan.Zeit.,  I860,  p.  53  et  237;  —  id.  Sur  le  tannin  duchéie.  Stuttgard, 
1869. 

(2)  Wi-and,  Propositions  sur  l'importance  physiologique  du  tannin  et  des  ma- 
tières coljrantes  d^s  plujites  {Bot.  Ztit.,  1862,  p.  [li). 


et  eu  été,  c'est-à-dire  à  l'époque  de  la  végétation;  le  mini- 
num,  en  hiver,  c'est-à-dire  dans  la  saison  du  repos.  31.  Wi- 
gand  insiste  sur  ce  résultat  intéressant,  que  ces  variations  de 
quantité  sont  inverses  de  celles  que  présente  l'amidon,  abon- 
dant surtout  en  hiver  dans  les  organes  persistants,  rare  au 
contraire  pendant  l'été  dans  les  tissus  en  végétation  active. 
Outre  cette  périodicité  annuelle,  l'alternance  entre  le  tannin 
et  l'amidon  se  manifeste  encore  aux  différentes  époques  de  la 
vie  de  l'individu.  En  effet,  chez  beaucoup  d'arbres  : 

L'embryon  est  dépourvu  le  tannin,  mais  amylii'ère; 

La  jeune  plantule  contient  du  tannin,  mais  pas  d'amidon  ; 

Le  jeune  bourgeon,  dans  sa  première  ébauche,  renferme 
du  tannin  et  pas  d'amidon  ; 

Le  bourgeon,  pendant  le  repos  d'hiver,  est  dépourvu  de 
tannin,  mais  contient  de  l'amidon  ; 

La  jeune  pousse,  pendant  son  développement  ou  prin- 
temps, renferme  du  tannin,  mais  pas  d'amidon  ; 

La  jeune  pousse  après  cessation  de  l'accroissement  en 
longueur,  est  dépourvue  de  tannin  (ou  n'en  contient  qu'en 
faible  quantité)  et  renferme  de  l'amidon,  souvent  en  grande 
abondance. 

«  Des  faits  précédents,  il  ressort,  dit  l'auteur,  que  le  tan- 
nin est  un  facteur  important  dans  les  phénomènes  chimiques 
de  la  vie  des  plantes,  et  qu'au  point  de  vue  physiologique  on 
doit  le  considérer  comme  un  membre  delà  série  des  hydrates 
de  carbone.  » 

On  voit  par  ce  résumé  que  M.  Wigand  attribue  nettement 
au  tannin  le  rôle  de  substance  assimilable.  Dans  certaines 
conditions,  il  aurait  encore,  suivant  cet  auteur,  un  autre 
usage,  très  différent  du  précédent;  pendant  la  période  du 
repos  végétatif,  il  constituerait  une  partie  essentielle,  sinon 
la  substance  même,  des  matières  colorantes  bleues  et  rouges. 
—  Sans  insister  plus  longtemps  sur  cette  assertion,  je  rappel- 
lerai que  des  observations  nombreuses  et  détaillées  sur  les 
rapports  du  tannin  avec  les  matières  colorantes  des  fleurs 


ont  été  publiées,  ?i  la  même  époque,  par  M.  Wiosner  (1). 

Des  résultats  tout  opposés  ont  été  obtenus  par  M.  Sachs, 
au  cours  de  recherches  sur  la  germination  du  Dattier  (2). 
D'après  ce  physiologiste,  le  tannin,  qui  fait  absolument  défaut 
dans  les  tissus  de  la  graine,  apparaît  dès  le  début  de  la  ger- 
mination, se  dépose  dans  certaines  cellules,  surtout  au  voisi- 
nage des  faisceaux  et  de  l'épiderme,  et,  dans  le  cours  du 
développement  ultérieur,  demeure  indifférent  dans  les  élé- 
ments où  il  s'est  formé,  à  l'inverse  des  vrais  matériaux  nutri- 
tifs, tels  que  les  substances  albuminoïdes,  les  sucres  et 
l'amidon.  «  Ici,  comme  dans  beaucoup  d'autres  plantules, 
[Vicia  fada,  Ricinus,  Pi?ws  Pinea,  etc.),  je  serais  porté,  dit 
l'auteur,  à  ne  considérer  le  tannin  que  comme  un  produit 

d'excrétion; On  se  demande,   en  effet,    pourquoi   une 

nouvelle  matière  de  réserve  se  formerait,  au  moment  de  la 
germination,  où  l'on  sait  fort  bien  que  toutes  les  matières  de 
réserve  sont  employées  à  la  formation  d'organes  nouveaux.  » 
—  La  même  opinion  est  encore  exprimée  par  M.  Sachs, 
dans  sa  Physiologie  végétale  (3). 

L'année  suivante,  M.  Sanio  (4)  décrivit  une  série  d'obser- 
vations histo-chimiques  sur  la  répartition  des  éléments  à 
contenu  tannique  dans  les  divers  systèmes  de  tissus  et  chez 
des  espèces  ligneuses  très  variées.  Par  leur  diversité  et  leur 
fiombre,  ces  faits  échappent  à  l'analyse,  et  je  dois  me  borner 
à  citer  les  résultats  généraux.  Contrairement  à  l'opinion  de 
M.  Hartig,  le  tannin  serait  toujours,  suivant  M.  Sanio,  à  l'état 
liquide  dans  les  cellules.  Parmi  les  tissus,  c'est  dans  ceux  de 
l'écorce,  et  parmi  les  diverses  cellules,  c'est  dans  les  cellules 

(i)  J.  Wiesner,  Quelques  observations  sur  le  tannin  et  les  matières  colorantes 
des  pétales  {Bot.  Zeit.,  1852,  p.  389). 

(2)  J.  Sachs,  Sur  la  germination  du  Dattier  (Bot,  Zeit.,  18(i2,  p.  245). 

(3)  Sachs,  Physiologie  vé(jétale,  trad.  Micheli,  p.  388,  1866.  Voy.  aussi  Sachs, 
Traité  de  Botanique,  p.  838,  1874. 

(4)  Ch.  Sanio,  Obervations  sur  le  tannin  et  sa  répartitioii  chez  les  plantes  li- 
gneuses [Bot.  Zeit.,  1863,  p.  17).  —  (Le  môme  auteur  avait  déjà  publié, |en 
1860,  quelques  remarques  sur  le  tannin  {Bot.  Zeit.,  p.  213)  et  indiqué  un 
réactif  nouveau,  le  chloroiodure  de  zinc.) 


—  6  — 

parenchymateuses  actives,  souvent  mêlé  à  l'amidon  et  la 
chlorophylle,  qu'il  se  présente  en  plus  grande  abondance. 
Jamais  les  éléments  privés  de  vie,  ceux  qui  contiennent  des 
masses  cristallines  d'oxalate  de  chaux  ou  les  cellules  défini- 
tives du  liège  ne  présentent  aucune  trace  de  tannin.  Ces 
faits,  vérifiés  plus  tard  par  de  nombreux  observateurs,  doivent 
être  pris  en  grande  considération  dans  notre  étude  actuelle 
et  peuvent  jeter  quelque  lumière  sur  le  rôle  si  obscur  de  ce 
composé. 

De  nouvelles  connaissances  anatomiques  d'un  givind  inté- 
rêt vinrent  bientôt  enrichir  la  science.  M.  Trécul  (1)  fit  con- 
naître en  1855  les  résultats  de  recherches  approfondies  sur 
des  végétaux  de  deux  familles,  les  Légumineuses  et  les  Rosa- 
cées. Le  résumé  des  travaux  de  M.  Trécul  ayant  été  donné, 
en  1867,  par  M.  Duchartre,  dans  leBapuori  sur  les  progrès  de 
la  botanique  physiologique^  je  ne  saurais  mieux  faire  que 
d'emprunter  ce  résumé  à  l'éminent  professeur  :  («  Dans  le  pre- 
mier de  ces  grands  groupes  naturels,  M.  Trécul  a  montré 
que  certaines  espèces  renferment  du  tannin,  tandis  que 
d'autres  en  sont  dépourvues  ;  que  cette  matière  est  renfermée 
dans  des  cellules  situées  ici  dans  l'écorce  uniquement  et 
en  des  points  différents  de  son  épaisseur  ;  là  dans  la  moelle, 
enfin  ailleurs  dans  l'écorce  et  dans  la  moelle  à  la  fois.  11  a  fait 
voir  que  ces  cellules  à  tannin  sont  souvent  plus  allongées  que 
leurs  voisines,  très  longues  même  et  superposées  en  files 
longitudinales,  de  manière  à  constituer  des  sortes  de  vais- 
seaux à  tannin,  mais  dont  les  cavités  sont  rarement  confon- 
dues en  tube.  Dans  des  plantes  d'autres  familles,  par  exemple 
dans  les  Musa,  les  vaisseaux  propres  contiennent  aussi  du 
tannin,  de  telle  sorte  que  les  cellules  sériées  des  Légumineuses 
qui  renferment  cette  substance,  forment  la  transition  entre 
celles  qui  ne  sont  pas  disposées  en  files  et  les  laticifères. 
Quant  aux  Rosacées,  elles  offrent  leur  tannin  dans  des  cellules 
qui  quelquefois  s'alignent   en  files   longitudinales,  reliées 

(1)  Trécul,  Bu  tannin  dans  les  Légumineuses,  G.  R.  I>X,  1865  {Ann.  des  se. 
nat.,  5°  série,  IV,  1865).  —  Du  tannin  chez  les  Rosacées,  G.  R.,  LX,  i865. 


entre  elles  par  des  files  transversales,  ou  bien  isolées.  Dans 
ce  groupe  naturel,  certaines  plantes  ont  du  tannin  dans  tous 
les  tissus  de  leurs  rameaux,  excepté  dans  la  couche  subé- 
reuse, quand  elle  se  développe  ;  d'autres  plantes,  au  con- 
traire, montrent  cette  même  matière  localisée,  surtout  dans 
l'écorce  et  la  moelle.  » 

Quelques  années  auparavant,  M.  Buignet  (1),  à  qui  l'on 
doit  un  travail  important  sur  la  maturation  des  fruits,  avait 
été  conduit  par  des  dosages  comparés  des  matières  sucrées 
et  de  l'acide  tannique  chez  des  fruits  de  diverses  espèces  à 
constater  que  le  dernier  de  ces  corps,  très  abondant  dans  le 
péricarpe  avant  la  maturité,  disparaît  progressivement,  tandis 
qu'au  contraire  augmente  la  proportion  de  sucre.  Il  semble 
naturel  d'en  conclure  que  le  tannin,  au  moins  dans  ce  cas 
particulier,  peut  se  transformer  en  sucre,  fait  qui  viendrait  à 
l'appui  de  la  théorie  de  M.  Wigand. 

C'est  à  cette  théorie  que  paraissent  s'ctre  ralliés  la  plupart 
des  botanistes  qui,  dans  ces  derniers  temps,  ont  fixé  leur  at- 
tention sur  ce  sujet.  Ainsi,  M.  Briosi  (2),  considérant  que  le 
tannin  est  la  substance  la  plus  abondante  dans  les  feuilles  et 
les  tiges  de  la  vigne,  à  tout  degré  de  leur  développement, 
qu'il  se  présente  surtout  dans  le  liber  mou  (cellules  grilla- 
gées, etc.),  conclut  de  ces  faits  à  une  utilité  physiologique  de 
grande  importance.  De  môme  encore  M.  Schell  (3),  après 
examen  de  plus  de  six  cents  espèces,  trouve  le  tannin  aussi 
répandu  que  le  sucre  dans  les  végétaux  et  lui  attribue  la 
double  signification  de  résidu  de  la  nutrition  et  d'élément 
formateur  des  cellules.  Enfin,  dans  une  récente  publication, 
M.  Hartig(4),  corroborant  par  de  nouveaux  faits  ses  ancien- 
nes idées,  exprime  nettement  cette  opinion  que  «  la  fécule 
tannique  » ,  déposée  en  grains  solides  dans  les  cellules  du 
bois,  étudié  pendant  l'hiver,  est  dissoute  par  la  sève  printan- 

(1)  Buignet,  Ann.  de  phys.  et  de  chim.,  3=  série,  1861,  t.  LXI,  p,  283. 

(2)  Briosi,  Nttovo  Giornale  bot.  ital.  Gennajo,  1872. 

(3)  J.  Schell,  Physiologische  Rolle  des  Gerbsàure.  Kasan,  1874. 

(4)  Harlig,  Anatomie  et  physiologie  des  plantes  ligneuses,  1878,  p.  119. 


—  8  — 

nière  et  remplit  dans  la  formation  d'organes  nouveaux  la 
même  fonction  que  les  autres  matières  de  réserve. 

Il  me  reste  à  signaler  quelques  observations,  dues  à  M.  Rau- 
wenhoff,  relatives  à  la  formation  du  tannin  chez  les  plantes 
étiolées  (1).  Chez  le  Polygomim  Bistorta  et  le  Rosa  centifolia^ 
M.  RauvenhofiT  l'a  vu  se  produire  à  l'obscurité  ;  mais  la  quan- 
tité en  est  plus  faible  et  la  distribution  moins  régulière. 
((  C'est  ainsi  que  la  feuille  du  Polyr/onum  contient  de  l'acide 
tannique  dans  la  plupart  des  cellules  du  parenchyme  et  dans 
les  éléments  des  faisceaux  vasculaires,  tandis  que  la  feuille 
étiolée  n'en  renferme  que  dans  ce  dernier.  »  De  la  même 
manière  se  comporte  un  autre  produit  de  l'activité  végétative, 
l'oxalate  de  chaux,  que  tous  les  botanistes  s'accordent  à  con- 
sidérer comme  un  corps  inerte.  M.  Rauwenhoff  signale  en 
effet  dans  le  Polygonum  étiolé  l'absence  de  noyaux  cristal- 
lins, très  abondants  au  contraire  dans  la  plante  verte.  11  y  a 
peut-être  quelque  intérêt  à  rapprocher  ici  ces  deux  faits. 

Enfin,  une  note  de  M.  Macagno  (2)  sur  le  tannin  du  Sumac 
vient  clore  cette  revue  bibliographique.  Suivant  l'auteur,  les 
feuilles  placées  à  l'extrémité  supérieure  de  la  tige  sont  tou- 
jours plus  riches  en  acide  tannique  que  celles  de  la  base  ;  à 
mesure  que  la  plante  vieillit,  la  quantité  de  cet  acide  dimi- 
nue. S'il  y  a  avantage  à  retarder  la  récolte,  c'est  que  la  dé- 
croissance dans  la  proportion  du  tannin  que  contiennent  les 
feuilles  est  largement  compensée  par  la  quantité  totale  du 
produit. 

J'ai  essayé  de  donner  un  résumé  exact  de  l'état  présent  des 
connaissances,  anatomiques  et  physiologiques,  sur  l'acide 
tannique.  Il  suit  de  cet  exposé,  que  parmi  les  faits  signalés, 
les  plus  nombreux  et  les  mieux  établis  sont  ceux  qui  se  rap- 
portent à  l'histologie  proprement  dite  ;  les  données  physiolo- 
giques, au  contraire,  reposant  sur  des  preuves  indirectes  ou 

(1)  Rauwenhoff,  Sur  les  causes  des  formes  anormales  des  plantes  qui  croissent 
à  l'obscurité,  Trad.  des  Archives  néerland.,  [Ann.  des  se.  nat.,  V,  1878). 

(2)  Macagîio,  Sur    la  production  du   tannin  dans  les  feuilles  du   Sumac 
{Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  se,  XC,  1880). 


insuffisantes,  prêtent  encore  à  discussion.  Le  plus  grand 
nombre  consiste  en  simples  déductions  de  faits  anatomiques, 
succptibles  peut-être  d'une  autre  interprétation  ;  de  vraies 
preuves  expérimentales,  je  n'en  trouve  point  jusqu'ici  dans 
les  auteurs.  Deux  opinions  inverses  ont  été  formulées  :  sui- 
vant l'une,  le  tannin  est  un  équivalent  des  principes  assimi- 
lés, succptibles  d'un  emploi  ultérieur  dans  les  phénomènes 
d'accroissement  ou  de  production  nouvelle  ;  —  l'autre  théo- 
rie en  fait  un  déchet  des  phénomènes  chimiques  do  la  vie. 
C'est  ici  le  lieu  de  rappeler  que  plusieurs  auteurs  ont  cru 
trouver  dans  une  propriété  chimique  du  tannin  une  preuve 
en  faveur  de  la  première  théorie.  On  sait  que  sous  certaines 
influences,  le  tannin  est  suceptible  de  se  dédoubler  en  acide 
gallique  et  en  glucose;  d'après  les  expériences  de  M.  Van 
Tieghem  (1),  ce  dédoublement  est  corrélatif  de  la  vie  et  du 
développement  d'un  organisme- ferment,  le  penicillum  glau- 
cum  ou  Y AspergiUus  niger^  et  se  rattache  ainsi  aux  fermen- 
tations proprement  dites.  Ce  phénomène  ne  pourrait-il  avoir 
lieu  au  sein  des  tissus  vivants  ?  Et  le  tannin  accumulé  serait- 
il  ainsi  une  véritable  source  de  glucose  ?  C'est  ce  que  pensent 
divers  auteurs.  Mais  cette  probabilité  d'ordre  chimique  ne 
dispense  pas  d'un  contrôle  expérimental  direct,  surtout  en 
présence  du  principe  fondamental,  établi  par  Cl.  Bernard, 
que  les  actes  de  synthèse  et  de  destruction  organiques  dont 
les  êtres  vivants  sont  le  théâtre  s'accomplissent  en  général 
suivant  des  procédés  très  différents  de  ceux  qu'emploient  les 
chimistes. 

^1)  Van  Tieghem,  Physiologie  des  Mucédinées  {Ann.  des  sciences  nat.,  1867, 
p.  210-245). 


—   10  — 

SECOxNDE    PARTIE 
PROCÉDÉS  D'OBSERVATION 

C'est  par  l'examen  histologique  que  j'ai  dû  constater, 
dans  les  plantes  soumises  aux  expériences,  la  présence  du 
tannin  ainsi  que  les  variations  de  quantité  qu'il  peut  subir. 
Pour  cet  examen  assez  délicat,  le  procédé  employé  doit  sa- 
tisfaire aux  conditions  suivantes  : 

1°  Une  sensibilité  assez  grande  pour  déceler  de  faibles 
traces  de  tannin  dans  les  cellules. 

2°  La  fixation  du  tannin  dans  les  cellules  qu'il  occupe 
sous  une  forme  telle  qu'il  ne  diffuse  pas  après  la  préparation 
sur  les  cellules  voisines. 

M.  Sanio  (1)  a  découvert,  en  1863,  un  réactif  qui  répond 
parfaitement  à  ces  exigences  et  qui  m'a  rendu  les  meilleurs 
services.  Ce  réactif  est  le  bichromate  de  potasse,  avec  lequel 
le  tannin  forme  un  composé  compact,  insoluble,  de  couleur 
rouge-brun  foncé  à  la  lumière  transmise.  Pour  se  mettre  à 
l'abri  de  toute  cause  d'erreur,  il  convient  de  procéder  ainsi  : 
des  fragments  de  l'organe  étudié  sont  plongés,  pendant  une 
semaine,  dans  une  solution  concentrée  de  bichromate.  Après 
ce  traitement,  les  cellules  à  tannin  sont  comblées  par  une 
masse  de  couleur  brun  rouge  ou  ne  renferment  que  quelques 
granules  de  même  coloration  si  le  tannin  y  était  en  petite 
quantité.  Il  est  utile  de  ne  plonger  les  fragments  d'organes 
«dans  ce  réactif  qu'après  les  avoir  exposé  à  l'air,  pendant 
quelques  heures,  à  la  température  ordinaire,  la  demi  des- 
sication  que  subissent  alors  les  tissus  favorisant  la  prompte 
pénétration  du  réactif.  Les  coupes  les  plus  superficielles 
doivent   être   rejetées   parce  qu'elles  peuvent  être   impré- 

(1)  Sanio,  loc.  cit.;  le  bichromate  de  potasse  a  été  employé  par  divers  ob- 
servateurs pour  l'étude  du  tannin,  en  particulier  par  M.  Vesque  [Anatomie 
comparée  de  Vécorce,  1876)  et  par  M.  Rauwenhoff. 


—  li- 
gnées de  tannin  répandu  sur  la  surface  de  seclion;  celles 
que  l'on  •  destine  à  l'étude  doivent  être  plongées  dans 
l'eau  pure  pendant  quelques  minutes,  afin  que  le  bichro- 
mate qui  imprègne  tous  les  tissus  et  les  colore  en  jaune, 
diiïuse  hors  des  cellules  ;  elles  sont  mises  ensuite  dans 
la  glycérine  et  peuvent  être  montées  en  préparations 
persistantes.  Si  l'on  emi ploie  la  glycérine  iodée",  l'amidon, 
malgré  le  traitement  au  bichromate,  se  colore  très  bien,  et 
l'on  obtient  ainsi  de  belles  préparations  à  double  coloration, 
permettant  d'apprécier  nettement  les  proportions  relatives 
des  substances  tanniques  et  amylacées  contenues  dans  les 
tissus  aux  diverses  phases  de  la  végétation  annuelle  ou  dans 
diverses  conditions  expérimentales. 

Bien  que  le  tannin  soit  le  seul  composé,  appartenant  aux 
cellules  végétales,  qui  produise  avec  le  bichromate  de  potasse 
la  réaction  indiquée,  je  n'ai  jamais  négligé  de  contrôler  par 
l'emploi  du  percblorure  de  fer  les  principaux  résultats  de  mes 
recherches.  Des  coupes  minces,  placées  dans  celiquide,  pren- 
nent aux  places  riches  en  tannin  une  coloration  bleue  ou 
verdâtre,  suivant  l'espèce  de  tannin  qu'elles  contiennent  ; 
mais  ce  procédé,  utile  comme  moyen  de  contrôle  qualitatif, 
est  très  inférieur  au  précédent  :  moins  sensible,  il  présente 
en  outre  ce  grave  inconvénient  que  le  composé  ferro-tannique 
est  liquide  et  peut,  en  se  répandant  dans  des  cellules  origi- 
nairement exemptes  de  tannin,  induire  facilement  en  erreur; 
en  outre,  le  tannate  de  fer  étant  soluble  dans  un  excès  de 
réactif,  on  peut  arriver  à  des  résultats  négatifs  si  le  tannin 
est  en  faible  quantité. 

Enfin,  j'ai  misa  profit  dans  quelques  expériences  le  pro- 
cédé récemment  indiqué  par  M.  Schnetzler  (1).  Cet  auteur  a 
fait  voir  que  des  organes  végétaux  immergés  dans  une  solu- 
tion de  borax  à  6  °/„  perdant  rapidement  par  ditrusion,  leurs 
principes  colorants,  à  l'exception  de  la  chlorophylle  qui  de- 

(1)  Schneizler,  De  quelques  phénomènes  de  diffusion  qu'on  observe  en  plon- 
geant différentes  plantes  dans  une  solution  de  borax  [Arch.  des  se.  phys.  et  7iat. 
de  Genève,  15  sept.  1878). 


—  12  — 

meure  inaltérée.  Si  les  org-anes  soumis  à  ce  traitement  ren- 
ferment du  tannin,  ce  composé  diffuse  avec  les  matières  colo- 
rantes et  peut  être  décelé  dans  le  liquide  par  l'emploi  duper- 
chlorure  de  fer  qui  détermine  le  précipité  vert-grisâtre  ou 
noir,  caractéristique.  Ce  mode  d'extraction  du  tannin,  insuf- 
fisant pour  un  dosag-e  exact,  peut  fournir  d'utiles  renseigne- 
ment sur  des  variations  quantitatives  très  étendues. 


OBSERVATIONS   ET   EXPERIENCES 

Parmi  les  végétaux  pourvus  de  tannin,  j'ai  choisi  quelques 
espèces  qui,  sous  le  rapport  de  la  distribution  anatomique 
et  delà  quantité,  m'ont  paru  représenter  des  types  distincts. 
Trois  végétaux  ligneux,  la  vigne,  le  rosier  et  le  sumac,  [Rhus 
Coriaria,  L.),  et  trois  plantes  herbacées  Phaseolus  vulgaris^  L. 
Onobrychis  satka  L.  et  Helianthus  aniiuus  L.,  ont  servi  de 
sujets  âmes  expériences  ;  les  premiers  présentent  du  tannin 
dans  presque  tous  leurs  tissus  ;  dans  les  trois  dernières  es- 
pèces ,  au  contraire,  ce  composé  est  bien  moins  abondant  et 
rigoureusement  localisé.  Cette  différence  que  nous  avons  ici 
l'occasion  de  remarquer  entre  des  végétaux  herbacés  et  li- 
gneux, signalée  déjà  par  M.  Sanio,  peut  être  regardée  comme 
une  règle  assez  générale. 

L'étude  expérimentale  qui  constitue  le  but  essentiel  de 
mes  recherches  exige,  pour  être  rigoureux,  la  connaissance 
précise  de  la  distribution  du  tannin  dans  les  divers  systèmes 
de  tissus  et  des  caractères  particuliers  qui  distinguent,  parmi 
toutes  les  autres,  les  cellules  à  contenu  tannique.  Pour  ac- 
quérir cette  connaissance,  j'ai  dû  faire  l'examen  histologique 
des  végétaux  indiqués  ci-dessus,  pris  dans  les  conditions  de 
végétation  normale  et  parvenus  à  leur  complet  développement. 
Des  coupes  transversales,  radiales  et  tangentielles,  ont  été 
pratiquées,  à  divers  niveaux,  dans  les  entre-nœuds  successifs 
de  la  tige,  dans  la  racine,  les  pétioles  et  les  pédoncules.  Voici 
les  résultats  fournis  par  cet  examen  : 


—  13  — 

Phaseolus  vulgaris.  —  Dans  cette  plante  les  éléments  tan- 
nifères,  en  nombre  restreint,  se  trouvent  :  1°  dans  r«''pidcrme, 
2°  dans  les  faisceaux  ;  3°  dans  la  moelle.  Mais  il  importe 
de  remarquer  que  ces  trois  ordres  de  cellules  à  tannin  ne  se 
présentent  pas  à  tous  les  âges  du  végétal,  et  que  leur  déve- 
loppement complet,  très  précoce  chez  quelques-uns,  est  au 
contraire  fort  tardif  chez  les  autres.  C'est  ainsi  que  dans  les 
jeunes  plantes,  les  éléments  tannifères  du  liber,  formés  dès  la 
germination,  se  montrent  seuls,  et  cet  état  persiste  jusqu'à 
l'époque  de  la  floraison.  Le  tannin  apparaît  alors  dans  l'épi- 
derme  et  dans  la  moelle,  et,  en  dernier  lieu,  dans  quelques 
cellules  du  bois. 

La  description  suivante  concerne  la  plante  entièrement 
développée  et  fleurie. 

L  L'épiderme,  dont  les  cellules  sont  étroites  et  allongées 
dans  les  parties  en  voie  d'allongement  rapide,  et  beaucoup  plus 
courtes  sur  les  organes  entièrement  développés,  offre  le  pré- 
cipité caractéristique  dans  tous  ses  éléments  et  jusque  dans 
ses  poils  unicellulés.  Dans  ces  derniers,  le  précipité  occupe 
la  partie  inférieure  de  la  cellule  et  imprègne  le  protoplasma 
nettement  contracté.  Jamais  je  n'ai  vu  de  tannin  dans  les 
couches  cellulaires  sous-épidermiques. 

II.  Dans  les  faisceaux  flbro-vasculaires,  les  éléments  à  tan- 
nin occupent  deux  situations  différentes  :  ils  existent  constam- 
ment dans  le  liber;  quelquefois,  et  beaucoup  plus  tard,  dans 
la  région  ligneuse. 

Les  premiers,  contenus  dans  le  liber  mou,  en  dedans  des 
faisceaux  de  fibres  libériennes  à  paroi  épaisse,  sont  disposés 
assez  régulièrement  encercle  sur  la  section  transversale.  Iso- 
lés dans  les  organes  jeunes,  ils  deviennent,  plus  nombreux 
par  le  progrès  de  la  végétation  et  forment  ainsi  plusieurs 
cercles  concentriques.  Ces  cellules,  remarquables  par  leur 
diamètre  4  à  5  fois  plus  considérable  que  celui  des  cellules 
environnantes,  sont  allongées,  assez  régulièrement  cylindri- 
ques et  superposées  en  files  longitudinales  ;  elles  sont 
séparées  les  unes  des  autres  par  des  cloisons  horizontales. 


—   14  — 

Leurs  parois  sont  extrêmement  minces  ;  elles  paraissent,  dans 
les  vieilles  tiges  complètement  lig-nifiées.  céder  à  la  pression 
des  tissus  voisins  et  c'est  sans  doute  à  cette  cause  qu'il  faut  at- 
tribuer le  rétrécissement  progressif  de  leur  cavité  et  la  défor- 
mation de  leur  contour  dans  les  organes  âgés. 

Dans  la  région  ligneuse  du  faisceau,  les  éléments  à  tannin 
dont  l'existence  n'est  pas  constante,  sont  des  cellules  ligneu- 
ses à  extrémités  effilées,  enclavées  entre  les  gros  vaisseaux. 

III.  La  moelle  présente,  à  sa  périphérie,  mais  seulement  à 
une  période  très  avancée  de  la  végétation,  quelques  cellules 
à  contenu  tannique  faible,  isolées  ou  réunies  en  petits 
groupes  de  deux  à  trois,  au  voisinage  des  angles  saillants  des 
faisceaux  vasculaires.  Sur  la  coupe  horizontale,  ces  cellules 
ne  se  distinguent  que  par  leur  contenu  des  autres  cellules 
médullaires  à  contenu  amylacé  ;  mais  par  l'examen  de  sec- 
tions longitudinales,  on  reconnaît  que  leur  longueur  égale 
plusieurs  fois  leur  diamètre,  tandis  que  les  cellules  médul- 
laires à  contenu  amylacé  ont  leurs  trois  dimensions  à  peu 
près  égales.  Les  parois  de  toutes  les  cellules  médullaires 
sont  complètement  dépourvues  de  ponctuations. 

Onobnjchu  saliva.  —  Ici,  la  distribution  est  analogue  à  la 
précédente,  mais  plus  régulière  encore  et  plus  constante. 
Les  variations  que  nous  avons  constatées  chez  le  Phaseolus^ 
quant  au  nombre  des  cellules  à  tannin,  pendant  les  progrès 
du  développement,  sont  moins  considérables.  L'examen  des 
préparations  montre  les  faits  suivants,  au  moment  de  la 
floraison  : 

I.  Le  tannin  existe  dans  l'épiderme  et  dans  la  couche  de 
cellules  sous-épidermiques  à  parois  épaisses,  immédiatement 
appliquées  sur  le  parenchyme  vert  de  l'écorce,  sauf  au  niveau 
des  angles  de  la  tige  ou  du  pétiole,  oii  cette  assise  est  suivie 
de  plusieurs  autres  couches  de  cellules  sans  chlorophylle  et 
épaissies.  De  tous  les  tissus  de  VOnobnjchis,  c'est  l'assise 
sous-épidermique  qui  présente  la  plus  grande  richesse  en 
tannin  ;  toutefois  ce  composé  apparaît  aussi  dans  quelques- 
unes  des  cellules  de  la  troisième  assise. 


—  15  — 

H.  Dans  le  liber,  il  y  a  toujours  des  éléments  tanniques 
isoles,  situés  syniéti'iqueinont  de  chaque  coté  des  faisceaux  de 
fibres  dures;  quelques  éléments  se  rencontrent  en  outre,  ré- 
pandus çà  et  là  dans  le  liber  mou  dont  l'épaisseur  est  très 
faible  ;  il  on  résulte  que  ces  cellules,  dont  le  diamètre  est 
considérable,  confinent  en  dehors  au  parenchyme  cortical  vert 
et  sont  en  contact,  du  côté  interne,  avec  la  région  lig-neuse 
du  faisceau.  Ces  cellules  sont  allongées,  à  peu  prés  cylin- 
driques et  régulièrement  superposées  en  files  verticales  ;  des 
cloisons  horizontales  les  séparent;  dans  quelques-unes,  il  est 
possible  de  reconnaître  nettement  le  noyau,  au  sein  du  pré- 
cipité peu  dense.  La  minceur  de  leurs  parois  est  telle  que 
leur  cavité  apparaît  sur  la  coupe  transversale  comme  une 
simple  lacune  quand  le  tannin  a  disparu  ou  existe  en  faible 
proportion. 

III.  Dans  la  moelle  se  montrent  toujours  des  cellules  tan- 
nifères  isolées,  de  grand  diamètre,  et  régulièrement  situées 
dans  la  partie  la  plus  extérieure  ;  elles  correspondent  exac- 
tement aux  angles  saillants  de  chaque  faisceau  fibro-vascu- 
laire. 

Helianthiis  annuus.  —  Dans  cette  plante,  la  production  du 
tannin  est  encore  plus  restreinte  que  dans  les  deux  espèces 
précédentes,  sinon  quant  au  nombre  des  éléments  produc- 
teurs, du  moins  quant  à  la  proportion  du  composé  tannique 
renfermé  dans  leur  cavité.  L'épiderme,  la  couche  cellulaire 
sous-épidémique,  le  liber  mou,  la  région  ligneuse  du  faisceau, 
tels  sont  les  tissus  oii  je  l'ai  constaté  nettement  ;  il  m'a  été 
impossible  d'en  trouver  la  moindre  trace  dans  l'enveloppe 
cellulaire  de  l'écorce  et  dans  la  moelle. 

I.  Les  cellules  épidermiques  sont  exactement  remplies  par 
le  précipité  peu  foncé  et  très  homogène.  Sur  les  organes 
jeunes,  les  cellules  sont  étroites  et  très  allongées;  dans  Tépi- 
derme  des  organes  entièrement  développés,  on  les  trouve  à  la 
fois  plus  larges  et  plus  courtes;  chacune  des  cellules  primi- 
tives paraît  avoir  subi  un  cloisonnement  secondaire,  dirigé 
dans  le  sens  transversal  et  répété  un  certain  nombre  de  fois. 


—   16  — 

Le  protoplasme,  constituant  dans  la  cellule  entièrement  dé- 
veloppée une  utricule  primordiale,  se  montre  nettement 
dans  ces  éléments,  après  l'action  de  l'alcool,  et  le  noyau  peut 
être  reconnu,  même  après  le  traitement  par  le  bichromate. 
De  nombreux  poils  courts,  pluricellulés,  hérissent  l'épiderme 
à^Y Helianthus  ;  une  petite  quantité  de  tannin  existe  souvent 
dans  les  cellules  les  plus  inférieures  de  ces  poils. 

II.  Au-dessous  de  l'épiderme,  se  montre  un  collencbyme 
comprenant  4-6  assises  cellulaires.  Ces  cellules,  en  coupe 
transversale,  présentent  des  parois  tangentielles  très  épaissies, 
surtout  dans  les  angles  et  les  parois  radiales  minces.  Les 
coupes  longitudinales  font  voir  que  leur  longueur  égale  trois 
à  quatre  fois  leur  largeur  et  que  les  cloisons  horizontales  qui 
les  séparent  sont  très  minces.  Seule,  la  première  assise, 
immédiatement  sous  l'épiderme,  renferme  du  tannin,  mêlé 
avec  quelques  grains  de  chlorophylle  ;  mais  ce  composé  est 
toujours  moins  abondant  que  dans  l'épiderme  et  sur  les  or- 
ganes dont  la  croissance  est  achevée,  il  fait  souvent  entière- 
ment défaut. 

III.  Le  liber  chez  Y Helianthus  présente,  au  coté  interne 
d'un  épais  faisceau  de  fibres  dures,  à  parois  épaisses  et  dépour- 
vues de  tannin,  un  faisceau  volumineux  de  cellules  étroites 
et  allongées,  à  parois  minces,  dont  la  coupe  polygonale  est 
très  variable  dans  sa  forme  et  qui  se  superposent  en  séries 
régulières;  de  minces  cloisons  horizontales  séparent  ces 
éléments.  Des  coupes  après  durcissement  dans  l'alcool  mon- 
trent dans  la  plupart  des  cellules  de  ce  liber  mou,  un  coagu- 
lum,  fortement  coloré  en  brun  par  la  solution  iodée  et  de 
nature  protéique.  D'après  ces  caractères  ces  éléments  pa- 
raissent devoir  être  rangés  dans  la  catégorie  des  cellules 
cambi formes,  signalées  par  les  anatomistes  au  nombre  des 
éléments  les  plus  essentiels  du  liber  mou.  La  plupart  ren- 
ferment du  tannin,  médiocrement  abondant  et  donnant  avec 
le  bichromate  uu  précipité  homogène  de  couleur  jaune- 
orangée. 

IV.  Le  tannin  existe  aussi  dans  le  bois,  mais  en  proportion 


—    17   — 

très  faible,  et  seulement  dans  quelques  cellules  ligneuses 
étroites  et  courtes,  situées  entre  les  gros  vaisseaux 
ponctués. 

Dans  les  trois  espèces  que  je  viens  de  décrire,  le  tannin  se 
colore  eu  vert  sombre  par  le  perchlorure  de  fer.  Dans  les 
organes  âgés  de  ïHe/ianthus,  moins  riches  que  les  organes 
jeunes  suivant  une  règle  d'ailleurs  générale ,  la  réaction 
manque  de  netteté  et  la  macération  dans  le  bichromate  est 
seule  capable  de  fournir  des  renseignements  certains. 

Bosa  centiflora.  —  Le  précipité  caractéristique  se  montre 
très  abondant  et  très  dense  dans  les  tissus  les  plus  divers; 
notons  toutefois  qu'il  ne  se  produit  jamais  dans  les  fibres 
libériennes,  dont  la  cavité  est  d'ailleurs  presque  entièrement 
comblée  par  les  couches  d'épaississement  ni  dans  les  fibres 
ligneuses. 

I.  Les  cellules  épidermiques  dont  la  paroi  externe  est  très 
fortement  épaissie  et  cuticularisée  (cette  transformation  en- 
vahit même  les  parois  latérales),  sont  entièrement  comblées 
par  le  précipité. 

Ces  cellules,  assez  petites,  contenant  chacune  un  ou  deux 
grains  d'amidon,  nesont  point  allongées,  et,  vues  de  face,  for- 
ment un  réseau  polygonal.  Il  est  à  noter  que  les  cellules  sto- 
matiques  elles-mêmes  contiennent  du  tannin. 

IL  Au  dessous  de  l'épiderme,  on  trouve  des  faisceaux  de 
cellules  courtes,  à  parois  épaisses,  dont  le  contenu  tannique 
est  extrêmement  dense  ;  les  intervalles  que  laissent  en  Ire  eux 
ces  faisceaux  sont  occupés  par  le  parenchyme  à  chlorophylle 
où  le  tannin  est  en  quantité  décroissante  de  la  périphérie  au 
.  centre.  Toutefois,  au  voisinage  des  îlots  de  fibres  libériennes 
à  parois  très  épaisses,  le  parenchyme  cortical  devient  plus 
riche  et  constitue  autour  de  chaque  îlot  une  bordure  régu- 
lière. La  chlorophylle  et  le  tannin  se  trouvent  donc  mélan- 
gés dans  l'écorce  verte,  sauf  dans  quelques  cellules  où  la 
chlorophylle  existe  seule.  On  remarque  quelques  cellules 
plus  petites,  sans  chlorophylle,  et  contenant  de  grosses  mâ- 
cles  cristallines  d'oxalate  de  chaux  ;  jamais,  dans  ces  éléments 


—   18  — 

cristalligf'nes,  l'examen  le  plus  attentif  ne  m'a  révélé  la  moin- 
dre trace  de  tannin. 

III.  Dans  le  liber  mou,  un  grand  nombre  de  cellules  se 
remplissent  du  précipité  brun  sous  l'action  du  bichromate. 
Ces  cellules  tannifères,  plus  nombreuses  vers  l'extérieur,  au 
voisinage  des  fibres  dures,  sont  allongées  et  étroites,  riches 
en  protoplasma  et  ont  des  parois  minces  :  ce  sont  des  cellules 
cambiformes.  J'ai  reconnu  parmi  ces  éléments  quelques  cel- 
lules grillagées,  mais  sans  tannin. 

Le  cambium,  formant  une  couche  continue,  mince,  de  trois 
à  quatre  rangées  de  petites  cellules  aplaties  dans  le  sens  du 
rayon,  contient  aussi  une  très  faible  proportion  de  tannin. 

IV.  Dans  la  région  ligneuse  des  faisceaux  fibro-vasculaires, 
les  rayons  médullaires,  constitués  par  deux  à  trois  rangées 
de  cellules  à  section  quadrilatère  et  à  diamètre  vertical  court, 
renferment  une  assez  forte  proportion  de  tannin  mêlé  à  de 
nombreux  grains  d'amidon.  Ces  cellules  présentent  de  petites 
ponctuations  simples.  En  outre,  quelques  files  rayonnantes 
de  cellules  ligneuses,  décrivant  un  trajet  flexueux,  depuis  la 
moelle  jusqu'au  liber, 'entre  les  vaisseaux  et  fibres  ligneuses, 
présentent  un  précipité  très  abondant.  Ces  cellules  ligneuses 
courtes,  de  très  petit  diamètre,  se  distinguent  nettement  par 
leur  section  horizontale  elliptique  à  grand  axe  dirigé  suivant 
le  rayon. 

V.  La  moelle  du  rosier  offre  trois  espèces  de  cellules  : 
1°  de  grandes  cellules,  à  parois  minces  et  ponctuées,  de  forme 
polygonale  et  dépourvues  de  tout  contenu  (cellules  inertes 
d'A.  Gris)  :  2°  des  cellules  de  diamètre  beaucoup  moins  con- 
sidérable, également  ponctuées  et  renfermant  beaucoup  de 
tannin  avec  des  grains  d'amidon.  Ces  cellules,  réunies  en 
groupes  à  la  périphérie  et  nombreuses  surtout  vers  l'extrémité 
des  rayons  médullaires,  forment  par  leur  ensemble  dans  le 
reste  de  la  moelle  une  sorte  de  réseau  dont  les  mailles  très 
lâches  et  irrégulières  contiennent  les  autres  éléments  mé- 
dullaires ;  3°  enfin,  quelques  cellules  cristalligènes,  sans 
autre  contenu. 


—   19  — 

Rhus  coriaria.  —  Ici,  les  éléments  à  tannin  existent,  en 
nombre  variable  dans  tous  les  tissus,  à  l'exception  des  fibres 
libériennes. 

I.  La  proportion  de  tannin  est  très  forte  dans  l'épiderme 
formé  de  cellules  petites  et  aplaties,  à  contour  irréguliè- 
rement hexagonal. 

Dans  la  couche  subéreuse  elle-même,  dont  les  cellules  ta- 
bulaires sont  disposées  en  6-8  assises,  le  précipité  révèle 
l'existence  d'une  quantité  notable  de  tannin  ;  un  examen  at- 
tentif est  ici  nécessaire  pour  ne  point  être  induit  en  erreur 
par  la  couleur  brun-rouge  des  parois  cellulaires,  presque 
identique  à  celle  du  précipité. 

Un  fait  digne  de  remarque,  c'est  que  les  cellules  subéreuses 
les  plus  extérieures  sont  à  peu  près  dépourvues  de  tout  con- 
tenu et  que  le  tannin  ne  s'y  rencontre  point,  tandis  que  ce 
composé  est  assez  abondant  dans  les  cellules  profondes,  au 
voisinage  du  cambium  subéreux. 

Au-dessous  du  suber_,  cinq  à  six  rangées  de  cellules  chloro- 
phylliennes, petites,  à  parois  très  épaissies  et  à  section  ellip- 
tique, renferment  une  forte  proportion  de  tannin  ;  vues  en 
section  langitudinales,  ces  cellules  sont  environ  tOfois  plus 
longues  que  larges.  On  trouve  ensuite  lé  parenchyme  cor- 
tical, dont  la  moitié  des  éléments  environ  ont  un  contenu 
tannique  ;  tous  renferment  de  la  chlorophylle  et  quelques- 
uns  des  cristaux. 

II.  Le  tannin  existe  dans  le  liber  mou,  oii  il  remplit  un 
certain  nombre  de  cellules  très  longues  et  étroites,  à  section 
circulaire.  Dans  le  bois,  il  occupe  quelques  cellules  ligneuses 
d'un  diamètre  très  considérable  ;  ces  cellules,  terminées  par 
des  extrémités  obliques,  tranchent  nettement  par  leur  aspect 
et  la  minceur  relative  de  leurs  parois  sur  les  autres  éléments 
ligneux. 

III.  La  moelle  formée  principalement  de  cellules  inertes, 
absolument  vides,  présente  un  petit  nombre  de  cellules  à 
contenu  tannique  peu  abondant.  Toutes  ces  cellules  sont  dé- 
pourvues de  ponctuations  et  ont  des  parois  d'une  minceur 


—  20  — 

extrême.  11  est  à  noter  qu'outre  les  cellules  à  tannin  dis- 
séminées, une  rangée  rég-ulière  de  ces  éléments  existe  à  la 
périphérie  de  la  moelle  et  forme  une  bordure  élégante  et  con- 
tinue à  la  limite  de  la  région  ligneuse. 

La  moelle  du  Sumac  présente,  aussi  bien  que  l'écorce  des 
canaux  sécréteurs  dont  la  cavité  est  bordée,  de  petites  cel- 
lules ;  dans  quelques  préparations  le  précipité  brun  comble 
en  partie  la  cavité  de  ces  canaux  sécréteurs. 

Vi/is  vinifera.  —  Comme  dans  le  Sumac,  tous  les  tissus 
renferment  des  cellules  tannifères  ;  même  les  fibres  libé- 
riennes, aussi  longtemps  que  leur  cavité  n'est  pas  comblée 
par  les  couches  d'épiiississement,  présentent  un  précipité  de 
coloration  très  foncée  ;  dans  la  moelle,  il  n'y  a  que  des  cellules 
disséminées  et  point  de  bordure  continue. 

Je  crois  pouvoir  me  borner  à  ces  quelques  indications  et 
me  dispenser  d'entrer  dans  de  plus  grands  détails  à  l'égard 
d'un  végétal  si  fréquemment  étudié  par  lesanatomistes. 

La  description  précédente,  basée  principalement  sur  l'exa- 
men des  parties  aériennes  (1), concerne  seulement  les  individus 
entièrement  développés  dans  les  conditions  normales  de  la 
végétation  et  cueillis  au  moment  de  la  floraison  ;  mais  il  im- 
porte de  remarquer  que  suivant  le  degré  de  développement, 
le  contenu  tannique  peut  offrir  de  Dotables  différences,  et  que 
par  conséquent  la  description  donnée  ne  saurait  s'appliquer 
indifféremment  à  tous  les  âges  des  végétaux  observés.  Les 
variations  du  tannin  au  cours  de  la  végétation  annuelle, 
étudiées  parallèlement  à  celles  de  l'amidon,  m'ont  paru  offrir 
un  certain  intérêt  physiologique,  et  j'en  ai  fait  le  sujet  d'ob- 
servations attentives.  Ces  observations  m'ont  fourni  maintes 
fois  l'occasion  de  vérifier  le  fait  important  signalé  plus  haut, 
de  la  richesse  plus  grande  des  organes  en  acide  tannique  pen- 
dant leur  première  jeunesse.  Dans  les  entre-nœuds  longs  de 

(1)  Je  n'ai  trouvé  aucune  trace  de  tannin  dans  les  racines  des  trois 
espèces  à  tige  lierbacée  dont  j'ai  donné  la  description.  La  racine  du  Rhus 
Coriaria  étudiée  à  ce  point  de  vue  s'est  montrée  très  pauvre  en  éléments 
tanniques.  Quelques-uns  seulement  existent  dans  la  région  corticale. 


—  21   — 

quelques  millimètres,  les  jeunes  feuilles,  les  organes  floraux 
a  l'état  d'ébauche,  le  précipité  tannique  est  presque  noir  sur 
les  coupes  minces  les  mieux  réussies.  Dans  un  organe  quel- 
conque, un  entre-nœud,  par  exemple,  parvenu  au  terme  de 
son  allongement,  le  tannin  m'a  paru  présenter  une  certaine 
fixité  pendant  toute  la  durée  ultérieure  de  la  végétation  ;  et 
môme  après  la  maturation  complète  des  fruits,  il  persiste  dans 
ses  éléments  propres,  en  présentant  une  légère  augmentation, 
tandis  que  la  provision  amylacée,  accumulée  dans  la  moelle  et 
l'écorce  primaire  au  moment  de  la  floraison,  diminue  peu  à 
peu  et  disparaît  tout  entière  quand  la  végétation  annuelle 
arrive  à  son  terme. 

Avant  d'aborder  la  partie  physiologique  de  ce  travail,  il  me 
paraît  utile  de  rassembler  en  un  tableau  général  l'ensemble 
des  données  anatomiques  que  possède  actuellement  la  science 
relativement  au  tannin.  Pour  ce  résumé,  je  m'appuierai  sur 
les  travaux  des  auteurs  que  j'ai  cités  dans  la  partie  historique, 
aussi  bien  que  sur  mes  propres  recherches. 
On  peut  considérer  le  tannin  sous  le  rapport  : 
1°  De  sa  diffusion  dans  le  règne  végétal. 
2°  De  sa  distribution  dans  les  divers  tissus. 
3°  Des  éléments  anatomiques  qui  le  contiennent. 
1"  Il  résulte   de  l'ensemble  des  recherches  que  le  tannin 
est  plus  répandu  chez  les  Dicotylédones  que  chez  les  Mono- 
cotylédones  et  les  Cryptogames;  qu'ilest  plus  abondant  et  se 
trouve  plus  fréquemment  chez  les  végétaux  ligneux  que  chez 
les  plantes  annuelles.  Parmi  les  divers  groupes  naturels,  il 
paraît  spécial  à  quelques-uns  :  Cupulifères,  Rosacées,  Théré- 
binthacées,  Ericinées,  Légumineuses,  tandis  qu'au  contraire 
certaines  familles,  les  Malvacées,  les  Solanées,  les  Oléacées,  en 
sont  presque  entièrement  dépourvues. 

2°  Quant  à  sa  répartition  dans  les  divers  systèmes  anato- 
miques, il  importe  de  remarquer  que  c'est  dans  les  tissus  de 
l'écorce,  à  l'exception  du  suber  (exception  non  absolue, 
comme  nous  l'avons  vu),  et  dans  la  moelle  qu'il  existe  en 
plus  forte  proportion.  Toutefois,  chez  les  végétaux  ligneux,  il 


—  22  — 

se  trouve  aussi  très  fréquemment  dans  le  bois  (rayons 
médullaires),  ainsi  que  dans  lamoelle  et  l'écorce.  Le  con- 
tenu tannique  est  à  son  maximum  dans  le  tissu  des  organes 
jeunes,  doués  d'une  grande  activité  physiologique,  tels  que 
les  bourgeons  et  les  jeunes  pousses,  les  embryons  en  germi- 
nation ;  les  tissus  formateurs,  le  Cambium  et  le  phellogène, 
peuvent  en  contenir  de  fortes  proportions.  Rare  dans  les 
réservoirs  nutritifs  des  graines,  il  existe  toutefois  dans  les 
Cotylédons,  chez  quelques  espèces  très  richement  pourvues, 
telles  que  les  Quercus  et  les  Castanea,  oià  on  le  trouve 
associé  à  l'amidon  dans  les  mêmes  cellules. 

3°  Les  éléments  qui  produisent  et  contiennent  le  tannin 
sont  toujours  des  cellules  vivantes,  ayant  conservé  leur 
protoplasma  et  leur  noyau,  contenant  parfois  de  l'amidon  et 
de  la  chlorophylle.  C'est  ainsi  que,  dans  la  moelle,  les  cellules 
mortes  (inactives  et  cristalligènes,  de  Gris)  (1)  ne  sont  jamais 
tannifères,  mais  souvent  au  contraire  les  cellules  actives. 
Quand  les  tissus  renferment  une  forte  proportion  d'eau,  chez 
les  plantes  herbacées,  par  exemble,  et  même  dans  les  tissus 
lignifiés  pendant  l'activité  végétative,  le  tannin  est  en  disso- 
lution dans  le  suc  cellulaire.  D'après  M.  Hartig,  il  revêt  au 
contraire  la  forme  solide  dans  les  rameaux  artificiellement 
desséchés  ou  pendant  la  période  hivernale,  et  mêlé  à 
d'autres  substances,  il  constitue  alors  des  grains,  parfois 
composés,  auxquels  M.  Hartig  donne  le  nom  de  fécule  tanni- 
que^ et  qui  se  distinguent  des  grains  amylacés  par  leur  facile 
solubilité. 

Après  avoir  établi  ou  rappelé  les  notions  anatomiques 
les  plus  essentielles,  j'aborde  l'étude  physiologique  du 
tannin.  De  même  que  pour  toute  autre  substance  élaborée 
dans  les  cellules  végétales,  cette  étude  comporte  deux  ques- 
tions principales  :  V  quelles  sont  les  conditions  nécessaires 
à  la  production  du  tannin;  2°  quel  est  son  rôle  dans  la  vie 
végétale?  L'examen  de  ces  questions,  réduites  à  ce  qu'elles 

(1)  A.  Gvi?,,  Mémoire  sur  la  moelle  des  plantes  ligneuses  {Nouv.  Arch.  du 
muséum,  V[,  1871,  p.  201-202.) 


—  23  — 

ont  de  plus  cssenliel,  fera  l'objet  des  deux  paragraphes 
suivants. 

§  I.  —  A  l'ég-ard  de  la  première  question,  je  me  suis  borné 
à  rechercher  rinfliience  de  la  lumière.  La  vie  végétale,  envi- 
sagée au  point  de  vue  le  plus  général,  est,  comme  on  le  sait, 
sous  la  dépendance  de  la  lumière  ;  mais  parmi  les  manifesta- 
tions vitales  de  la  plante,  les  unes,  telles  que  la  formation  de 
la  chlorophylle  et  l'assimilation  du  carbone,  exigent  l'action 
directe  de  la  radiation  solaire,  tandis  que  la  plupart  dépen- 
dant d'une  façon  indirecte  de  cette  radiation,  exigent  seule- 
ment une  provision  de  matériaux  assimilés,  au  moyen  des- 
quels elles  peuvent  s'accomplir  dans  l'obscurité  la  plus 
profonde.  L'élaboration  du  tannin  appartient-elle  à  cette 
dernière  classe  de  phénomènes?  ou  bien  exige-t-elle  directe- 
ment l'intervention  de  l'agent  lumineux  dans  les  cellules  à 
chlorophylle?  Telle  est  la  question  à  résoudre. 

D'après  certains  faits  signalés  plus  haut,  on  peut  déjà, 
avant  toute  expérience,  considérer  comme  possible  l'élabora- 
tion du  tannin  à  l'obscurité  :  ainsi,  la  présence  de  ce  composé 
dans  l'embryon  de  certaines  graines  protégées  par  des  enve- 
loppes opaques,  dans  les  tissus  de  la  racine,  à  l'intérieur  de 
la  moelle.  11  est  néanmoins  utile  de  vérifier  expérimentalement 
si,  dans  les  organes  pourvus  de  chlorophylle,  dont  l'évolution 
normale  se  fait  à  la  lumière,  la  formation  du  tannin  est  indé- 
pendante de  cette  condition  ;  en  d'autres  termes,  si  cette 
formation  a  lieu  dans  la  plante  étiolée.  Les  expériences  ont 
consisté  dans  une  comparaison  attentive,  répétée  chaque 
jour  sur  des  plantules  de  P/iaseo/us ,  Onobrychis  et  He- 
lianthus,  dont  la  germination  se  produisait,  pour  les  unes^ 
dans  une  enceinte  obscure,  pour  les  autres,  en  pleine  lumière  ; 
ces  dernières  étaient  exposées,  autant  que  possible,  aux 
rayons  solaires  directs.  D'après  mes  observations,  dès  la 
première  phase  de  la  germination,  alors  que  la  radicule  seule 
fait  saillie  hors  des  téguments  de  la  graine,  le  tannin  apparaît 
en  grande  quantité,  dans  ses  éléments  propres  ;  et  les  deux 
catégories  de  plantules  ne  présentent  aucune  différence.  Cette 


—  24  — 

égalité  se  maintient  ensuite  un  certain  temps,  jusqu'à  ce  que 
les  jeunes  plantes  aient  atteint  quelques  centimètres,  puis  elle 
cesse  d'exister  et  l'avantage,  sous  le  rapport  du  contenu  tan- 
nique,  appartient  désormais  à  la  plante  verte  et  insolée.  Le 
résultat  est  identique,  qu'il  s'agisse  des  cellules  épidermiques 
du  Haricot  et  du  grand  Soleil  ou  des  éléments  des  faisceaux 
libero-vasculaires.  C'est  ainsi  que  dans  la  première  période, 
le  précipité  forme  une  masse  brun  foncé,  compacte^  dé- 
pourvue de  vacuoles  et  remplissant  exactement  les  cellules 
dans  toutes  les  jeunes  plantes;  plus  tard,  quand  l'étiolement 
se  manifeste  par  l'absence  de  matière  verte  et  l'allongement 
excessif,  on  ne  trouve  plus  que  des  fragments  irréguliers  et 
dissociés  dans  les  éléments  tannifères,  parfois  même  de 
simples  granules  foncés  déposés  à  la  surface  de  l'utricule 
primordiale.  Il  semble  que  dans  le  cours  d'un  épuisement 
rapide,  le  tannin  primitivement  formé  se  répartit  sur  une 
plus  grande  étendue  par  l'allongement  des  cellules,  et  pré- 
sente ainsi,  après  l'action  du  bichromate,  une  apparence 
fragmentée.  Les  plantes  vertes,  au  contraire,  étudiées  en 
même  temps,  présentent  des  masses  compactes,  qui  comblent 
les  cavités  cellulaires. 

Ces  deux  résultats,  obtenus  à  des  périodes  successives  de 
la  germination,  n'offrent  qu'une  contradiction  apparente  et 
peuvent  se  concilier  aisément,  si  l'on  considère  que,  dans 
l'obscurité,  la  réserve  de  la  graine,  intacte  au  début  de  l'ex- 
périence, s'épuise  rapidement  dans  le  cours  de  celle-ci,  sans 
que  les  pertes  puissent  être  réparées  par  l'assimilation.  La 
pauvreté  relative  de  la  plante  étiolée  en  acide  tannique  peut 
donc  être  envisagée  comme  une  conséquence  du  défaut  d'as- 
similation ;  elle  peut  résulter  en  même  temps  de  l'allonge- 
ment des  cellules  à  tannin,  trop  rapide  pEir  rapport  à  la  pro- 
duction. La  première  circonstance  rend  le  tannin  réellement 
moins  abondant;  la  deuxième  le  fait  paraître  tel.  Les  obser- 
vations de  M.  Rauvenhoff,  rappelées  dans  la  partie  historique, 
me  paraissent  susceptibles  de  la  même  interprétation.  Nous 
pouvons  donc  conclure  de  ces  expériences  que  le  tannin  est, 


—  25  — 

quant  à  sa  production,  indépendant  de  la  lumière  et  de  la 
chlorophylle. 

Avant  de  quitter  ce  sujet,  je  signalerai  un  fait  intéressant, 
que  j'ai  constaté  particulièrement  sur  les  jeunes  plantes  de 
Haricot  et  de  Grand  Soleil.  Parmi  ces  jeunes  plantes,  déve- 
loppées à  la  lumière,  il  en  est  qui  présentent  une  assez  vive 
coloration  rougeâtre  ou  violacée  des  cellules  épidermiques  de 
leurtigelle.  Cette  coloration,  variable  dans  son  intensité,  est 
due  à  une  substance  particulière  en  dissolution  dans  le  suc 
cellulaire.  J'ai  toujours  vu  que  la  vivacité  de  cette  coloration 
est  en  rapport  avec  la  richesse  des  cellules  en  acide  tannique. 
Est-ce  là  une  simple  coïncidence ,  ou  bien  existe-t-il,  comme 
l'a  dit  M.  Wigand,  un  rapport  plus  intime  entre  le  tannin  et 
les  matières  colorantes?  La  question  exige  de  nouvelles 
recherches.  Il  importe  toutefois  de  remarquer  que  l'indépen- 
dance de  la  production  tannique  par  rapport  à  la  lumière 
établit  une  nouvelle  analogie  entre  le  tannin  et  les  matières 
colorantes  des  fleurs  ;  on  sait,  en  effet,  par  les  expériences  de 
MM.  Sachs  et  Rauwenhoff  (1),  que  des  fleurs  développées  à 
l'obscurité  ne  le  cèdent  pas,  sous  le  rapport  du  coloris,  à  celles 
dont  le  développement  a  lieu  dans  les  conditions  ordinaires. 

§  2.  —  Recherchons  maintenant  la  destinée  physiologique 
du  tannin  après  sa  formation:  si,  comme  l'ont  admis  Wigand, 
Hartig  et  d'autres  auteurs,  il  est  utilisé  pendant  le  dévelop- 
pement de  nouveaux  organes  et  disparaît,  par  conséquent, 
des  cellules  oia  il  s'est  déposé;  ou  bien,  comme  le  pense 
Sachs,  s'il  demeure  indéfiniment  au  lieu  de  sa  formation  à 
titre  de  déchet  organique. 

On  sait  que  dans  le  cours  d'un  accroissement  rapide,  les 
matériaux  plastiques  accumulés  dans  le  tissu  de  l'organe  qui 
s'accroît  ou  dans  les  réservoirs  nutritifs  annexés  à  cet  organe, 
.subissent  une  diminution  progressive  et  peuvent  même  en- 
tièrement disparaître,  employés  à  la  formation  de  cellules 
nouvelles  ou  à  l'entretien  de  la  respiration.  C'est  dans  les 

(1)  Sachs,  Physiologie  végétale,  trad.  M.  Micheli,  p.  36.  RauwenhoÊF, /oc. 


—  20  — 

végétaux  soumis  à  l'étiolement  que  ces  phénomènes  se  ma- 
nifestent avec  la  plus  grande  netteté.  Chez  les  Phaseolus^ 
Onobrychis,  etc.,  on  voit  dans  ces  conditions  les  grains 
d'amidon,  très  serrés  dans  la  jeune  plantule,  devenir  de  plus 
en  plus  rares  à  mesure  que  s'allongent  les  entre-nœuds,  et 
bientôt  môme  se  localiser  exclusivement  dans  la  gaîne  des 
faisceaux.  Le  protoplasma  lui-même  devient  moins  abondant, 
perd  ses  granulations  et  disparaît  de  certaines  cellules, 
les  cellules  médullaires,  par  exemple,  qui  meurent  et  se 
déchirent,  laissant  à  la  place  qu'elles  occupaient  une  lacune 
centrale.  Si  l'on  examine  les  tissus  réduits  à  se  nourrir  ainsi 
de  leur  réserve  nutritive  au  moment  où  ils  donnent  les 
premiers  signes  de  mort,  il  est  difficile  d'y  découvrir  de 
l'amidon  ou  toute  autre  matière  granuleuse  :  la  plupart  des 
cellules  renferment  seulement  un  suc  incolore. 

J'ai  souvent  constaté  la  possibilité  d'amener  une  plante  à 
un  état  d'épuisement  presque  aussi  complet,  malgré  l'in- 
fluence d'un  vif  éclairage,  si  la  végétation  a  lieu  dans  un 
milieu  dont  la  température  est  très  élevée  :  les  organes 
excitées  à  un  accroissement  démesuré,  consomment  à 
chaque  instant  plus  de  matériaux  que  n'en  peut  fournir 
l'assimilution  dans  les  cellules  vertes,  il  y  a  donc  rupture 
d'équilibre  entre  les  gains  et  les  dépenses.  J'ai  trouvé  sur  de 
jeunes  plantes  de  Pisum,  RicinKs,  Phaseolus^  développées 
en  serre  chaude,  à  la  lumière,  les  tissus  presque  aussi  pau- 
vres en  matières  assimilées  que  dans  le  cas  d'étiolement 
véritable  par  l'obscurité. 

Les  faits  précédents,  bien  connus  des  physiologistes,  nous 
tracent  le  plan  de  quelques  expériences  très  simples,  propres 
à  nous  renseigner  sur  le  rôle  du  tannin.  Réduire  une  plante 
par  les  deux  influences  simultanées  de  l'obscurité  et  d'une 
température  élevée  à  user  ses  réserves  jusqu'à  complet 
épuisement;  examiner  avec  soin  les  tissus,  en  comparant  les 
proportions  relatives  du  contenu  tannique-au  début  et  à  la 
fin  de  la  végétation  expérimentale  ;  rapprocher  les  résultats 
obtenus  des  changements  que  subissent  les  substances  plas  - 


—  27   — 

tiques,  telles  que  l'amidon,  dont  le  rùle  physiologique  est 
aujourd'hui  bien  connu  :  telle  est  l'idée  générale  des  expé- 
riences que  j'ai  faites. 

Ces  expériences  ont  porté  sur  des  boutures  et  sur  de  jeunes 
platites  venues  de  graines.  Voici  le  détail  des  faits.  Le  14  fé- 
vrier 1880,  on  coupe  sur  des  pieds  de  Bhus  Coriaria,  Rosa 
Centifolia  cl  Vitis  vinifera,  des  rameaux  âgés  de  deux  ans.  Sur 
chaque  rameau  les  parties  extrêmes  sont  détachées  et  mises 
dans  le  bichromate;  la  partie  moyenne,  longue  de  6  à  8  cen- 
timètres, pourvue  de  quelques  yeux  en  bon  état,  est  bouturée 
dans  une  serre  dont  la  température  moyenne  est  de  22°.  Les 
boutures  sont  divisées  en  deux  parts  :  les  unes  sont  exposées 
à  la  lumière,  les  autres  recouvertes  d'une  cloclie  noircie,  en 
prenant  les  précautions  nécessaires  au  renouvellement  de  l'air. 
Le  26  avril,  les  bourgeons  ont  formé  sur  chaque  bouture  des 
pousses  nouvelles;  celles-ci,  d'un'vert  tendre  sur  les  boutures 
de  la  première  part,  sont  d'un  jaune  pâle,  allongées  et  pour- 
vues de  très  petites  feuilles,  sur  les  boutures  privées  de  lu- 
mière. Après  macération  dans  le  bichromate,  on  fait  l'examen 
comparé  des  tissus  avant  et  après  la  végétation,  ainsi  que 
celui  des  nouvelles  pousses.  Cet  examen  fait  voir  :  1"  que 
l'amidon,  très  abondant  dans  les  rameaux  cueillis  en  pleine 
terre,  à  la  fm  de  l'biver,  a  presque  entièrement  disparu, 
pendant  le  séjour  dans  la  serre,  aussi  bien  à  la  lumière  qu'à 
l'obscurité;  2°  que  le  contenu  tannique  ne  présente  au  con- 
traire aucune  différence  appréciable  par  nos  moyens  actuels 
d'investigation  ;  3°  que  les  pousses  vertes  contiennent  une 
proportion  de  tannin  notablement  supérieure  à  celle  des 
pousses  étiolées. 

Ces  résultats  ont  été  confirmés  par  l'emploi  du  réactif  de 
Schnetzler.  Des  fragments  de  môme  poids,  détachés  des  bou- 
tures et  plongés  pendant  un  temps  égal  dans  des  volumes  égaux 
de  lasolution  de  borax,  fournissent  un  liquidejaune  brun,  dans 
lequel  quelques  gouttes  de  perchlorure  de  fer  déterminent 
un  précipité  foncé  très  abondant.  Les  précipités  obtenus  avant 
et  après  l'expérience  n'oflrent  aucune  différence  sensible.  Il 


—  28  — 

résulte  donc  nettement  de  cette  expérience  que,  pendant  la 
formation  d'organes  nouveaux,  une  différence  capitale  se  ma- 
nifeste entre  le  tannin  et  l'amidon,  l'un  émigrant  rapidement 
vers  le  lieu  de  la  formation  nouvelle,  l'autre  demeurant  à  la 
place  qu'il  occupe. 

J'ai  répété  la  même  expérience,  sur  les  mêmes  végétaux, 
dans  des  conditions  différentes.  Le  14  août,  des  rameaux  de 
l'année,  minces  et  encore  herbacés,  furent  coupés  en  frag- 
ments de  dix  centimètres  environ,  privés  de  leurs  feuilles  et 
bouturés,  dans  une  serre  dont  la  température  ne  s'abaisse  pas 
au-dessous  de  25°.  L'examen  histologique  révèle  une  propor- 
tion d'amidon  très  faible,  comparée  à  celle  des  boutures 
d'hiver  :  le  contenu  tannique,  par  contre,  est  très  abondant. 
Parmi  cesboutures,  les  unes,  meurent  et  se  dessèchent  immé- 
diatement; chez  les  autres,  les  bourgeons,  par  un  léger  gonfle- 
ment, semblent  annoncer  la  reprise,  mais  tout  s'arrête  bien- 
tôt et  la  mort  survient.  Ce  résultat  très  différent  du  précédent 
peut  en  être  regardé,  je  crois,  comme  une  confirmation  vé- 
ritable :  si, en  eifet,dans  des  conditions  extérieures  favorables, 
la  végétation  s'arrête  à  son  premier  début,  cela  ne  prouve-t- 
il  pas  que  l'acide  tannique,  malgré  son  abondance,  est 
incapable  de  suppléer  à  l'insuffisance  des  autres  réserves? 

Des  expériences  du  même  genre,  faites  sur  Phaseolus 
Onobrychis ^  Helianthus  ont  confirmé  ces  premiers  résultats 
Ces  expériences  ont  consisté  à  soumettre  aux  conditions  d'un 
épuisement  rapide  des  plantes  de  ces  trois  espèces  dont  le 
premier  développement  s'était  accompli  normalement  à  la 
lumière  et  qui  possédaient  par  conséquent  une  certaine  provi- 
sion de  substances  assimilées.  L'examen  comparé  de  l'amidon 
et  du  tannin  fat  pratiqué,  comme  dans  le  cas  précédent.  La 
description  suivante,  relative  au  Phaseolus  vulgaris,  donnera 
une  idée  de  la  marche  de  ces  expériences.  —  J'ai  fait  choix 
de  jeunes  plantes,  provenant  de  semis  faits  le  10  août  de 
cette  année,  dont  le  développement  s'était  effectué  avec  vi- 
gueur, grâce  à  des  conditions  favorables  de  lumière,  d'hu- 
midité et  de  température.  Par  l'examen  histologique  ,  les. 


—  29  — 

variations  du  tannin  et  de  l'amidon  sont  régulièrement  sui- 
vies et  notée?,  tandis  que  des  mesures  quotidiennes  font 
connaitre  l'accroissement  en  longueur  des  premiers  entre- 
nœuds, jusqu'à  Tarrêt  complet  de  cet  accroissement.  On 
attend  pour  commencer  l'expérience  que  cet  arrêt  de  l'élon- 
gation  soit  confirmé  par  la  constance  des  chifTres  de  mesure 
pendant  5  à  6  jours.  Cette  précaution  a  pour  but  d'écarter 
une  cause  d'erreur  que  j'ai  déjà  signalée,  consistant  dans 
la  diminution  apparente  du  contenu  tannique  sur  la  section 
transversale,  par  suite  d'un  allongement  trop  rapide  des  élé- 
ments qui  le  contiennent.  Le  1 0  septembre,  les  plantes  hautes 
de  0",25  à  0°',28  sont  mises  dans  un  lieu  obscur  et  y  séjour- 
nent pendant  12  jours.  La  température  varie  de  22°  à  25°.  A  ce 
moment  les  feuilles  inférieures  sont  desséchées  et  les  moyennes 
commencent  à  prendre  une  teinte  jaune;  de  nouveaux  entre- 
nœuds  se  sont  développés,  pâles,  très  allongés,  avec  de  petites 
feuilles  d'un  jaune  clair.  On  met  fin  à  l'expérience. 

De  nombreuses  coupes,  faites  à  divers  niveaux  dans  les 
trois  mérithalles  inférieurs  sont  comparées  à  des  coupes  simi- 
laires, pratiquées  avant  l'étiolement  sur  deux  individus  pris 
comme  types.  Ces  dernières  montrent  de  nombreux  grains 
d'amidon  composés,  de  petit  volume,  à  la  périphérie  de  la 
moelle,  dans  l'écorce  primaire,  et  surtout  dans  la  gaîne  des 
faisceaux  .  —  Ces  grains  ont,  au  contraire  entièrement  dis- 
paru dans  les  plantes  soumises  à  l'inanition.  Quant  au  tannin, 
remplissant  incomplètement  ses  cellules  propres  du  liber, 
sous  forme  de  masse  irrégulière  ou  de  croissant,  il  fait  dé- 
faut dans  la  moelle  et  dans  le  bois  ;  mais  aucune  différence 
n'existe,  sous  le  rapport  de  la  quantité  apparente  entre  les 
coupes  des  deux  catégories.  —  Ici  encore,  comme  dans  l'ex- 
périence des  boutures,  le  tannin  est  resté  immobile  tandis 
que  la  plante  usait  ses  dernières  réserves. 

Ainsi,  soit  aux  diverses  phases  de  la  végétation  annuelle, 
s'effectuant  dans  les  conditions  normales,  soit  dans  Tétat 
d'inanition  provoqué  par  la  privation  de  lumière  ,  le  tannin 
reste  étranger  aux  phénomènes  de  destruction  et  de  création 


—    3!)   — 

organique  dont  la  plante  est  le  siège.  Ce  résultat,  en  contra- 
diction formelle  avec  l'opinion  de  la  plupart  des  botanistes, 
me  semble  attesté  suffisament  par  les  observations  et  les 
expériences  que  j'ai  décrites.  Il  me  reste  h  faire  connaître 
une  dernière  série  de  faits,  d'un  autre  ordre,  qui  déposent 
dans  le  même  sens. 

On  sait  qu'à  la  fin  de  la  période  annuelle  de  végétation,  les 
tissus  des  organes  persistants  sont  le  siège  d'une  accumula- 
tion de  matériaux  nutritifs  qui  séjournent  pendant  l'hiver 
dans  ces  organes  et  sont  consommés  au  réveil  de  l'activité 
vitale.  En  particulier,  les  principes  plastiques,  qui  font  partie 
de  la  constitution  des  feuilles,  subissent  certaines  transforma- 
tions au  moment  de  la  chute  autumnale  ou  de  la  mort  de  ces 
organes,  se  dissolvent,  etémigrent  dans  les  tissus  de  la  tige. 
Ainsi  se  comportent,  d'après  Sachs  (1)  l'amidon,  le  proto- 
plasma, et  même  certains  composés  minéraux  d'une  utilité 
majeure,  tels  que  les  phosphates;  enfin,  les  grains  de  chloro- 
phylle eux-mêmes,  après  avoir  perdu  leur  contenu  amylacé, 
subissent  une  altération  spéciale  ou  dégradation  physiologi- 
que et  se  transforment  en  corpuscules  graisseux  qui  restent 
dans  le  parenchyme  foliaire,  tandis  qu'une  partie  de  sa  subs- 
tance fait  retour  dans  les  tissus  persistants.  Que  devient 
l'acide  tannique  à  cette  période  ultime  de  la  vie  des  feuilles? 
S'il  joue  un  rôle  utile  dans  l'économie  végétale,  ne  doit-il 
pas,  comme  les  substances  citées  plus  haut,  abandonner  les 
organes  caducs  pour  être  mis  en  réserve  ?  Pour  répondre  à 
cette  question,  j'ai  fait  les  observations  suivantes.  Des  feuilles 
de  Quercus  sessi/i/lora,  Vilis,  Rhus  Coriaria  et  R.  co/mus^ 
Pistacia  therehinthus^  Rosa  riibiginosa^  cueillis  dans  les  pre- 
miers jours  du  mois  d'août,  furent  plongées  dans  le  bichro- 
mate ;  le  15  octobre  on  fait  subir  le  même  traitement  à  des 
feuilles  des  mêmes  espèces,  sur  le  point  de  tomber  ou  de  se 
dessécher,  déjà  jauniespar  l'altération  de  la  chlorophylle.  Des 
coupes  furent  ensuite  pratiquées  en  divers  sens  à  travers  le 
pétiole  et  le  limbe.  La  comparaison  attentive  des  préparations 

(1)  Sachs,  Physiologie  végétale,  trad.  Micheli,  p.  338. 


—  ;{i  — 

m'a  fait  voir  que  sous  le  rapport  du  contenu  tiinnique,  les 
tissus  loliaires  appauvris  et  à  demi  morts  de  la  période  ultime 
ne  diffèrent  nullement  des  tissus  examinés  en  pleine  activité 
physiologique.  Chaque  année^  une  proportion  considérable 
de  tannin  est  donc  enlevée  au  végétal  par  la  chute  ou  la  des- 
siccation des  feuilles  ;  nouvelle  opposition  entre  cette  sub- 
stance et  les  vraies  matières  de  réserve. 

Tout  en  reconnaissant  que  le  nombre  des  observations  cer- 
taines est  peut-être  insuffisant  pour  autoriser  une  conclusion 
absolue,  il  me  paraît  légitime  de  considérer  le  tannin,  dans 
les  cas  particuliers  que  j'ai  rappelés,  comme  un  véritable 
déchet  des  phénomènes  nutritifs  et  non  comme  un  équivalent 
physiologique  de  l'amidon,  des  sucres  et  des  vrais  matériaux 
formateurs  du  tissu  végétal.  11  devrait  donc  être  rapproché, 
au  moins  provisoirement,  des  subtances  considérées  comme 
excrétoires,  telles  que  les  alcaloïdes  et  les  principes  excré- 
mentiliels  du  latex.  Les  principaux  résultats  des  recherches 
faites  jusqu'à  ce  jour,  loin  de  contredire  cette  opinion,  sem- 
blent au  contraire  y  trouver  leur  explication  naturelle  et  lui 
prêter  appui.  Ainsi,  un  des  faits  les  mieux  démontrés,  l'abon- 
dance extrême  de  l'acide  tanniqiie  dans  les  parties  les  plus 
jeunes  de  la  plante,  s'accorde  très  bien  avec  cette  idée,  si 
l'on  considère  que  la  quantité  des  déchets  organiques  doit 
être  en  proportion  de  l'activité  physiologique.  Que  le  tannin, 
malgré  son  rôle  de  substance  excrémentitielle,  conserve 
néanmoins  une  certaine  utilité  dans  quelques  actes  secon- 
daires de  la  vie  végétale  ;  qu'il  participe  à  la  formation 
des  matières  colorantes,  ou  bien,  suivant  une  hypothèse 
récente  (I),  qu'il  joue  un  rôle  actif  dans  le  développement  des 
grains  de  chlorophylle,  c'est  ce  qu'il  est  impossible  de  nier 
ou  d'affirmer  avec  certitude  dans  Tétat  actuel  de  la  science. 

(1)  Schnetzler,  loc.  cit. 


PROPOSITIONS  DONNÉES  PAR  LA  FACULTE  : 

\ .  —  Structure  de  la  tige  chez  les  Dicotylédones  angiospermes 
1.  —  Caractères  des  Orchidées. 


Vu  et  permis  d'imprimer  :  Vu  et  appprouvé  : 

Paris,  4  juin  1881.  Paris,  4  juin  1881.  0 

Le  vice-rectevr  de  l'Académie  de  Paris,  Le  doyen  de  la  Faculté  des  sciences, 

Gréard.  Milne-Edwards. 


3299-81.  —  CoBBEiL.  Typ.  et  =tér.  Crété 


.■^l. 


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