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Full text of "Traité de paléontologie : ou, histoire naturelle des animaux fossiles considérés dans leurs rapports zoologiques et géologiques"

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MUSEUM OF COMPARATIVE ZOÜLOGY. 
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GIFT OF 


THEODORE LYMAN 
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Class of 1855. 


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TRAITÉ 


PALÉONTOLOGIE. 


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Ouvrages de M. Pictet qui se trouvent chez les mêmes libraires 


RECHERCHES POUR SERVIR A L'HISTOIRE ET A L'ANATOMIE 
DES PHRYGANIDES, Genève, 1834, in-4, avec 20 pl. col. 40 fr. 


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VROPTÈRES. Genève, 1836, in-4, fig. 2fr 


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Genève, 1836, in-4, fig. 4 fr. 50 


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NOTICES SUR LES ANIMAUX NOUVEAUX OU PEU CONNUS DU 
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grès verts des environs de Genève, par M. F.-J. Picrer et W. Roux. 


Genève, 1847-1852. — 1" Jivr., CÉPHALOPODES, avec 15 pl. — 2° livr., 
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13 pl. Prix de la livraison. 45 fra 


La 4° et dernière livraison paraîtra incessamment, 


Paris, — Imprimerie de L. Marrer, rue Mignon, 2 


TRAITÉ 


PALÉONTOLOGIE 


OÙ 


HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX FONSILEN 


CONSIDÉRÉS DANS LEURS RAPPORTS 
Z00LOGIQUES ET GÉOLOGIQUES 


PAR 


F.-3. PICTET, 


Professeur de zoologie et d'anatomie comparée 
à l’Académie de Genève. 


_—— 


SECONDE ÉDITION, 


REVUE, CORRIGÉE, CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE, 


Accompagnée d’un atlas de 119 planches grand in-#°. 


TOME PREMIER. 


A PARIS, 
CHEZ J.-B. BAILLIÈRE, 


LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MÉDECINE, 
RUE HAUTEFEUILLE, 49; 
À LONDRES, CHEZ H. BAILLIÈRE, 219, REGENT-STREET ; 
À NEW-YORK, CHEZ H. BAILLIÈRE, 290, BROADWAY ; 
À MADRID, CHEZ C. BAILLY-BAILLIÈRE, CALLE DEL PRINCIPE, 41. 


1853 


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PRÉFACE 


DE LA SECONDE ÉDITION. 


Lorsque j’ai publié la première édition de cetouvrage, 
il n'existait en langue française aucun traité élémentaire 
de paléontologie. La manière bienveillante dont le pu- 
blic l’a accueilli a prouvé qu'il répondait à un besoin 
réel. Encouragé par l'écoulement rapide de cette pre- 
mière édition et cédant à des invitations nombreuses, 
j'ai dû me décider à en publier une seconde. 

Il me semble, en effet, qu'un traité de cette nature 
n’est pas moins utile aujourd’hui qu'alors. Quoique des 
travaux estimables à divers titres aient été publiés de- 
puis, aucun d’eux n’a été conçu au même point de vue 
ni dirigé par les mêmes méthodes. 

Il est à peine nécessaire de le comparer aux traités 
élémentaires publiés en Allemagne. La différence de 
Jlanoue le destine à un autre public. D'ailleurs celui de 
M. Geinitz n'est presque qu’une traduction déguisée de 
ma première édition; celui de M. Quenstedt est beau- 
coup plus abrécé ; celui de M. Giebel ne renferme en- 
core que les vertébrés et une partie des céphalopodes. 
La Lethæa de M. Bronn, ouvrage plus important que 
les précédents, est conçu sur un plan tout différent, 
l'histoire de chaque terrain formant, en quelque sorte, 
une monographie indépendante; la troisième édition, 
la seule au courant de [a science, est d’ailleurs peu 
avancée dans sa publication. L’Index palæontologicus du 


VI PRÉFACE BE LA SECONDE ÉDITION. 


même auteur est un ouvrage dont je me plais aussi à 
constater l'utilité, mais personne ne pensera qu’il puisse 
tenir lieu d’un traité élémentaire. 

Le Cours élémentaire de géologie et de paléontologie 
stratigraphique de M. Alcide d’Orbigny ne peut pas 
mieux que les précédents remplacer ma seconde édi- 
tion, car les méthodes que nous avons suivies sont tota- 
lement différentes. M. d'Orbigny, comme l'indique du 
reste le titre de son livre, envisage surtout la paléonto- 
logie dans ses applications à la géologie, et son ouvrage 
est plutôt un traité de cette dernière science qu'une 
histoire naturelle des animaux fossiles. La paléonto- 
logie proprement dite, dont il traite sous le nom d’Élé- 
ments z0ologiques est extrêmement abrégée, et ne forme 
qu'une partie peu importante de l’ensemble. J'ai de 
mon côté donné un beaucoup plus grand développement 
à la paléontologie considérée comme une branche de 
la zoologie; et parmi les questions de géologie, je n'ai 
abordé que celles qui étaient nécessaires à l’intelligence 
de l'histoire des fossiles. 

Dans la préface de son cours, M. d'Orbigny a reproché 
à ma première édition de n'être qu’une énumération de 
zoologie fossile. J'accepte ce reproche comme caracté- 
risant la différence”qui existe entre nos deux ouvrages, 
pourvu que M. d’Orbigny reconnaisse que j’ai joint à 
mon énumération l'analyse de l’organisation des ani- 
maux et la discussion des faits généraux, sans laquelle 
il n’y à pas de science complète. 

Je serais, du reste, très fâché que l’on püt voir dans 
ces paroles l'intention même éloignée de critiquer l’œu- 
vre d’un savant dont j'apprécie hautement le caractère 
et les travaux. Je veux seulement établir que nos ou- 
vrages, sous des titres à peu près semblables, ont des 


PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION, VII 


méthodes et un but fort différents, et qu'ils doivent 
se compléter l’un l’autre, mais non s’exclure. 

Le Manuel de paléontologie de M. Marcel de Serres 
est aussi conçu sur un plan assez différent du mien et 
est dominé par l’ordre géologique. 

En me décidant à publier cette seconde édition, j'ai 
dù chercher à la mettre au courant de la science; jy 
ai apporté aussi quelques modifications qui m'ont paru 
propres à mieux atteindre le but que je m'étais proposé. 

J’ai conservé la division en trois parties : Ja première 
comprenant les considérations générales; la seconde, 
l’'énumération zoologique; la troisième, les applications 
de la paléontolosie à l’histoire du glohg. Je leur ai con- 
tinué la même proportion que dans la première édition, 
en doublant à peu près l'étendue de chacune d'elles, 
soit pour rendre plus claires certaines questions trai- 
tées d'une manière un peu trop incomplète, soit pour 
y introduire les faits nombreux qui ont été acquis à la 
science depuis huit ans. 

Dans la première partie je me suis en particulier 
attaché à mieux poser les questions relatives à la spé- 
cialité des fossiles, et à les discuter plus complétement. 
J'ai aussi plus nettement séparé les considérations sur 
les faits zoologiques de l’application de ces faits à la 
géologie. 

Dans la seconde partie, j’ai continué à tâcher de ren- 
dre mon livre utile sous trois points de vue. J’ai voulu 
enseigner aux commençants et rappeler aux paléontolo- 
gistes : 1° les caractères de tous les genres, familles, 
ordres, elc., qui comprennent des animaux fossiles ; 
2° l’histoire paléontologique de chacun de ces groupes, 
avec des généralisations d'autant plus développées que 
les divisions sont plus élevées; 3° les sources auxquelles 


VIII PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION. 


on peut puiser pour nommer et classer les espèces fos- 
siles de chaque genre, les auteurs qui en ont parlé, les 
planches où elles sont figurées, etc. 

Cette seconde partie est beaucoup plus complète que 
dans la première édition. J'aurais pu l’étendre 
encore davantage et indiquer avec quelques détails 
toutes les espèces ; mais l’ouvrage serait devenu beau- 
coup trop volumineux, et d’ailleurs il est impossible de 
faire une pareille énumération sans risquer de nom- 
breuses erreurs. Il m'a semblé que je rendrais un meil- 
leur service aux paléontologistes en leur indiquant avec 
soin tous les ouvrages où l’on trouve la description de 
ces espèces et en citant nominativement les plus carac- 
téristiques et les plus certaines. D'ailleurs, dans tous les 
genres où les espèces sont peu nombreuses, j’en donne 
une énumération à peu près complète : c’est en parti- 
culier ce qui a lieu pour l’embranchement des vertébrés. 

Un critique m’a reproché la marche que j'avais suivie 
à cet égard, et aurait désiré qu’à la suite de chaque 
genre j'eusse donné la description détaillée de quel- 
ques espèces, en ne disant rien des autres. Cette mé- 
thode, adoptée par le savant auteur de la Lethæa, peut 
avoir ses avantages, mais elle m’a paru moins propre 
que celle que j'ai suivie pour atteindre le but que je 
Me suis proposé. 

La troisième partie est aussi beaucoup plus déve- 
Joppée; j'y donne des tableaux plus détaillés des fos- 
siles de chaque époque, j'ajoute des renseignements 
géologiques plus complets, et je discute avec plus 
d’étendue la succession des faunes et des époques 
géologiques. 

Une dernière observation m'a été adressée. On m'a 
objecté que le titre de cet ouvrage indiquait une paléon- 


PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION. IX 


tologie complète et que je n’y parlais que des animaux. 
J'aurais fait volontiers droit à cette remarque en me 
servant de l'expression de Paléontologie zoologique ou 
de Paléozoologie, si je n'avais pas craint, en changeant 
le titre, de faire croire à un ouvrage trop différent. Ce 
titre est d’ailleurs expliqué par les mots qui suivent : 
Histoire naturelle des animaux fossiles. 

J'ai donné un grand soin à la synonymie des genres, 
afin que tous lesnoms génériques qui ont été donnés aux 
animaux fossiles soient cités dans le corps de l'ouvrage. 
La Table alphabétique qui termine le dernier volume 
équivaut ainsi à un Dictionnaire paléontologique plus 
complet qu'aucun de ceux qui ont paru jusqu'à présent. 

J'ai remplacé les notes bibliographiques placées dans 
la première édition à la fin de chaque volume par un 
catalogue de tous les ouvrages cités. Il formera une 
Bibliographie paléontologique assez étendue. 

Les planches de la première édition étaient insuffi- 
santes, soit par leur nombre, soit par la dimension trop 
réduite d'une partie des figures. M. J.-B. Baillière a 
bien voulu consentir à la publication d'un Atlas grand 
in-4°, qui sera d’un puissant secours pour aider dans la 
détermination générique des débris fossiles. Les carac- 
tères essentiels de presque tous les genres y seront 
représentés en détail, soit au moyen de figures origi- 
nales, soit par des copies convenablement réduites des 
espèces qui ne sont connues que par des pièces uniques 
ou rares. Les planches, confiées à d’habiles artistes, for- 
meront, je l'espère, l'Atlas paléontologique élémentaire 
le plus complet qui ait encore été publié. 


Genève, le 20 décembre 4852. 


PRÉFACE 


DE LA PREMIÈRE ÉDITION. 


Quoique l’histoire des animaux fossiles ait bien récemment pris 
place au rang des sciences, elle a attiré l'attention de tous ceux 
qui s'intéressent aux questions importantes de la philosophie na- 
turelle. Fondée par des naturalistes éminents, elle compte déjà, 
dans sa courte histoire, plusieurs travaux célèbres, et peu de 
branches des connaissances humaines ont fait des progrès aussi 
rapides. Maintenant qu'elle commence à s'asseoir sur des bases 
solides, il me semble nécessaire que son étude soit facilitée par 
des traités élémentaires ; et je crois que le moment est venu où 
l’on peut essayer de combler la lacune qui existe à cet égard. 

Chargé depuis plusieurs années, dans la Faculté des sciences 
de l’Académie de Genève, d'enseigner tout ce qui regarde l’his- 
toire des animaux, j'ai été appelé à traiter aussi de ceux qui ont 
précédé sur notre globe la création actuelle. J'ai souvent vu les 
étudiants désireux de pouvoir s'aider de quelques livres à leur 
portée, pour mettre dans cette étude la rigueur et la précision que 
l’enseignement public ne permet pas toujours. Jai constamment 
été embarrassé pour leur donner des conseils à cet égard, et parmi 
les livres nombreux que possède la paléontologie, les uns sont 
trop élémentaires ou trop incomplets, d’autres trop spéciaux ou 
trop volumineux pour le temps que les élèves peuvent y consacrer, 
et quelques uns enfin, trop chers pour la plupart d’entre eux. 

Il m'a semblé qu'un livre où seraient réunis tous les principes, 
les lois, les théories et les faits principaux, dont l'exposition et 
la discussion sont aujourd'hui éparses dans une multitude de 


PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION. XI 
mémoires et d'ouvrages divers, pourrait rendre un service réel à 
ceux qui commencent l'étude de la science. J’ai cru qu'un ma- 
nuel de ce genre fournirait aux élèves les moyens de mettre plus 
d'ordre et de logique dans l'étude de la paléontologie. Cette bran- 
che de la zoologie a aussi besoin que toutes les autres d’un traité 
élémentaire, et cependant elle n'en possède aucun. Il m'a paru 
qu'un essai de cette nature était en quelque sorte un des devoirs 
que m'imposait ma place. 

C’est donc principalement en vue des étudiants de nos acadé- 
mies suisses, que j'ai entrepris ce travail. Il à par conséquent 
pour but de faciliter l’étude de la paléontologie à des jeunes gens 
qui l'abordent pour la première fois, mais qui ont déjà une in- 
struction scientifique assez étendue. De là résulteront peut-être 
deux reproches opposés. Les paléontologistes trouveront ce livre 
trop élémentaire, et les gens du monde l’accuseront de renfermer 
trop de détails scientifiques. Je n'ai pas cru devoir trop sacrifier 
à ceux qui ne désirent acquérir qu'une connaissance superficielle 
des faits les plus frappanis de l’histoire des animaux fossiles. 
On possède quelques ouvrages qui peuvent très bien satisfaire 
ce désir; tandis qu'il n'existe aucun traité élémentaire qui aborde 
sérieusement et dans un ordre logique toutes les questions es- 
sentielles et tous les faits importants. 

J'ai eu d'autant plus de plaisir à entreprendre ce travail que, 
sous le point de vue des méthodes, la paléontologie à un intérêt 
tout particulier. C’est peut-être de toutes les branches de l'his- 
toire naturelle celle où les observations de détails trouvent le plus 
naturellement et le plus promptement leur place, pour aider à la 
solution des questions générales ; et l’union directe et constante 
qui existe entre les faits et les théories rend son étude très 
propre à faire saisir le but et la marche des sciences naturelles. 

Mon désir principal est que cet ouvrage donne aux jeunes gens 
le goût de la science et leur permette d'entreprendre l'étude de 
l’histoire des animaux fossiles sur des bases solides. Dans ce but, 


XII PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION. 


je dois dire quelques mots des principes qui me semblent devoir 
les diriger. 

Il faut d'abord qu'ils se pénètrent bien de l’idée que la paléon- 
tologie est une branche de la zoologie, et que les mêmes méthodes 
qui règlent l'étude des animaux actuels doivent aussi servir de 
guide dans celle des êtres qui les ont précédés. Certes il y a eu 
des géologues qui ont fait de très bons travaux paléontologiques, 
mais c'est parce qu'ils ont su en même temps être zoologistes. 
Combien n’y en a-t-il pas d’autres qui, par des déterminations 
légères, des assertions erronées et l'ignorance des lois de l’his- 
toire naturelle organique, encombrent la science d'erreurs et la 
font reculer plutôt qu'avancer. Il est nécessaire que la paléonto- 
logie sorte de cette voie fatale, et pour cela il ne faut plus que 
l'histoire des animaux fossiles soit réduite à ne former qu’un 
chapitre accessoire des traités de géologie. 

Il faut aussi que les commencants s’habituent à lier les faits 
avec les théories, mais toujours en subordonnant ces dernières à 
l'étude de la nature. La rédaction de cet ouvrage m'a convaincu, 
tous les moments davantage, du peu de solidité de la plupart des 
lois que l’on a cru pouvoir tirer de la généralisation des faits, et 
des théories que l’on à imaginées pour les expliquer. Sans doute 
ces idées générales sont nécessaires pour rendre la science inté- 
ressante et pour exciter au travail; mais il faut se garder aussi 
que des idées préconçues, auxquelles il est si facile de s’affec- 
tionner, ne fassent envisager d’une manière fausse l’état réel des 
choses. 

Pour atteindre ces buts divers, le choix d’une bonne méthode 
était indispensable. Voici celle qui m'a semblé la meilleure. 

J'ai réuni dans une première partie les considérations géné- 
rales, c’est-à-dire, tout ce qui a trait à la paléontologie en général, 
savoir, d’abord l’histoire de la science, les définitions, la manière 
dont les fossiles ont été déposés et leurs apparences diverses, 
ainsi que la classification des terrains. J'ai réduit ces premiers 


PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION. XIII 


chapitres aux faits qui m'ont paru strictement nécessaires, pour 
fournir à l'élève les connaissances géologiques indispensables à 
l'étude de la paléontologie. J'ai supposé que, s’il était désireux 
d'approfondir davantage cette branche de la science, il en trou- 
verait les moyens dans l'étude des nombreux traités qui ont été 
publiés sur la géologie proprement dite. 

Dans cette même partie j'ai traité ensuite avec plus de détails 
des lois que l'étude des fossiles permet d'établir et de quelques 
théories sur la succession des êtres organisés. Je l'ai terminée par 
un coup d'œil sur les méthodes à employer pour la détermination 
et la classification des fossiles. Dans ces deux chapitres plus es- 
sentiels, j'ai supposé que l’élève connaissait les éléments de la 
zoologie et de l'anatomie comparée. Je n'ai pas admis la possi- 
bilité qu’on pût commencer l'étude de la paléontologie sans ces 
bases essentielles. La connaissance de la dentition et des lois de 
l'ostéologie comparée, et l'habitude des méthodes zoologiques 
sont indispensables. J'ai toujours supposé que ces études préli- 
minaires avaient été faites; il m'aurait été impossible d'y sup- 
pléer, à moins de leur consacrer autant de temps qu’à l’histoire 
des animaux fossiles, et par conséquent sans augmenter beaucoup 
un traité déjà peut-être trop long. 

Dans la seconde partie j'ai fait l’histoire des animaux fossiles 
en insistant autant que possible, dans chaque groupe (ordre, fa- 
mille ou genre), sur les phases de leur histoire paléontologique, 
c’est-à-dire, l’époque de leur apparition et leur abondance plus 
ou moins grande dans telle ou telle période, ainsi que sur leurs 
variations de formes et sur les transitions zoologiques que 
présentent quelquefois certains types éteints, et en attirant en 
général l'attention de l'élève sur tous les points qui m'ont paru 
essentiels. 

Toutes les fois qu'un genre n'existe qu'à l'état fossile, j'ai donné 
ses caractères avec soin; mais pour les genres actuellement vi- 
vants j'ai en général supposé les formes connues, surtout chez les 


XIV PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION. 


animaux vertébrés, qui peuvent difficilement être caractérisés 
autrement que par une description détaillée de la dentition et du 
squelette. J'ai admis que l'élève connaissait ces faits de détail ou 
qu'il savait les chercher dans les livres ou les collections. 

Quant aux espèces, j'ai indiqué les principales, en ayant soin 
de faire connaître dans quels ouvrages on en trouve les descrip- 
tions, qu'il est évident que ce traité élémentaire ne pouvait pas 
renfermer. J'ai fait en sorte que l'élève püt toujours savoir à 
quelles ressources il devait avoir recours pour déterminer ses 
fossiles. 

Enfin dans une troisième partie, qui occupera une portion du 
dernier volume, je reprendrai tout ce qui tient aux applications 
de la paléontologie, à la classification des terrains. Je discuterai 
avec plus de détails quelques questions générales, et je donnerai 
des tableaux de la population de la terre à toutes les diverses 
époques géologiques. Je terminerai par un résumé général qui 
renfermera une esquisse de l’histoire de l’organisation, combinée 
avec les principales données que fournit la géologie sur les difié- 
rentes phases par lesquelles a passé notre globe. 


Genève, septembre 1844. 


TRAITÉ 


DE 


PALÉONTOLOGIE. 


7 = 


PREMIÈRE PARTIE, 


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA PALÉONTOLOGIE. 


CHAPITRE PREMIER. 


COUP D’OEIL SUR L'HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE. 


I y a, dans la nature, des phénomènes qui, par 
leurs apparences brillantes ou par leurs conséquences 
désastreuses, ont de tout temps frappé l'imagination 
des hommes, en excitant l'admiration ou en imprimant 
la terreur. Il en est d’autres, au contraire, qui, non 
moins dignes d'intérêt pour les esprits observateurs, 
sont restés longtemps inaperçus, parce qu’ils n’ont rien 
de ce qui attire l'attention de la foule. L'existence des 
corps fossiles est du nombre de ces derniers, et, quoi- 
que liée aux questions les plus élevées des sciences 
naturelles, elle à échappé presque complétement pen- 
dant des siècles aux investigations des naturalistes. Les 
fossiles, en effet, paraissent à la première vue peu faits 
pour exciter l'intérêt. Ensevelis dans les profondeurs 
de la terre, sans couleurs, souvent presque informes, 

1. 1 


2 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


ils ne peuvent pas Capliver lès yeux comme les pro- 
duits plus brillants de la nature vivante. Mais il en est 
autrement quand on vient à réfléchir aux causes qui 
peuvent avoir déposé ces corps; si l’on se demande 
quelle est la force mystérieuse qui a placé des coquilles 
marines loin de la mer, dans des roches souvent très 
dures et jusque vers le sommet des plus hautes mon- 
tagnes, et lorsqu'on cherche à comprendre quels 
étaient ces êtres, dont les débris attestent une exis- 
tence et des formes si différentes de celles qu'on voit 
de nos jours. Les réflexions que cet examen fait naître 
font au contraire pressentir un intérêt puissant dans 
l'histoire des fossiles, et 1l est impossible de ne pas 
y reconnaître un phénomène important pour Fhis- 
toire de notre globe, aux phases de laquelle il est évi- 
demment lié. 

Nous trouvons dans les écrits des philosophes et des 
naturalistes de l’antiquité des passages (") qui montrent 
que les faits les plus généraux de l'histoire des fossiles 


({) Le géographe Strabon rapporte quelques faits qui montrent que les 
philosophes et les physiciens de l’antiquité avaient bien su voir dans l’exis- 
tence des fossiles une preuve des perturbations géologiques. Ératosthène, 
qui vivait au temps des Ptolémées Philopatoris et Épiphanès, liait à des 
changements particuliers de la surface du globe la présence des coquilles 
trouvées à deux ou trois mille stades dela mer. 

Xanthus, de Lydie, disait que l’on voit loin de la mer tant de pierres en 
forme de coquilles, de peignes, etc., que l’on doit être convaincu que les 
plaines qui les renferment ont été une fois submergées. 

Lampsacène trouvait dans les fossiles de l'Égypte des preuves que le sol 
de ce pays avait été autrefois couvert par la mer. 

M. Lyell, dans ses Principes de géologie, rappelle aussi les doctrines cos- 
mogoniques des Égyptiens, dont les prêtres connaissaient bien l'existence 
des fossiles, et croyaient à des déluges périodiques. Le même auteur cite une 
vieille tradition arabe, qui établissait que tous les 36425 ans, la population 
zoologique était complétement renouvelée à la surface de fa terre par un 
couple d'animaux, mâle et femelle de chaque espèce, 


HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE. 3 


n'avaient pas échappé à quelques uns d’entre eux. Pla- 
tonet Pythagore, et surtout Aristote, Pline et Sénèque, 
en eurent connaissance ; l’imagination même de quel- 
ques poëtes en fut frappée : Ovide (*) parle dans ses 
Métamorphoses de coquilles marines trouvées au som- 
met des montagnes. 

Toutefois aucun naturaliste de cette époque ne s'est 
occupé sérieusement de lexistence des fossiles, et, 
jusqu’à la fin du xv° siècle de l’ère chrétienne, on ne 
trouve que des notions tout à fait vagues et incomplètes 
sur ces phénomènes. Îl est en même temps curieux de 
voir qu’à ces époques anciennes personne n’eut l'idée 
de douter que Ja formation des fossiles ne se liât avec 
des changements dans les limites des mers. Ce n’est 
que plus tard que des opinions bizarres firent contester 
cette vérité si simple. 

Au commencement du xvi° siècle, des découvertes 
nombreuses de fossiles attirèrent l'attention de quel- 
ques savants, qui cherchèrent aussi à se rendre compte 
de leur présence sur les montagnes et loin de la mer. 
Ces faits parurent alors si difficiles à expliquer, et Ia 
présence de ces corps fut considérée comme si incom- 
patible avec les lois de la physique, que la première 
idée qui se présenta fut de nier que ces pierres fiqu- 
rées, comme on les nommait alors, fussent de véri- 
tables débris d'animaux, et l’on rapporta leur formation 
à des jeux de la nature (lusus naturæ). Quelques au- 
teurs attribuèrent à une imagination trop ardente les 
comparaisons que l'on voulait établir entre ces pierres 


(1) . . . « Vidi factas ex æquore lerras, 
Et procul a pelago conchæ jacuere marine, 
Et vetus inventa est in monlibus anchora summis. 


(Lib, XV, v. 260.) 


A CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


et des ossements ou des coquilles. Ces ressemblances, 
disaient-ils, ne sont pas plus réelles que les illusions 
qui font souvent voir dans les nuages, des tours, des 
châteaux ou des géants. 

Olivier de Crémone est un des premiers auteurs qui 
soutinrent celte opinion si évidemment erronée. On s’é- 
tonne de la voir discuter encore au commencement du 
xvin siècle (1726), à la suite, il est vrai, d'erreurs gros- 
sières, résultant d’une mystification (). 

Mais l'évidence des faits força à reconnaître la réa- 
lité de ces ressemblances, et l’on dut alors chercher des 
explications. Quelques savants, tels que Rumphius (?), 
Mattioli, Tournefort et Camerarius, pensèrent que la 
force de formation ou force plastique (nisus formati- 
vus), cette force occulte et mystérieuse à laquelle on 
attribuait alors les générations spontanées, pouvait 
aussi bien créer des formes de coquilles dans la pierre 
que sur la terre ou dans les eaux, Les mêmes causes 
qui font agréger les molécules pour former les divers 
corps de la nature vivante paraissaient à ces natura- 
listes pouvoir aussi réunir dans le sein des montagnes 
des molécules pierreuses, sous les mêmes conditions 
de formes. Plot défendait encore ces idées en 1677, 
et l'habileté que Fallope déploya dans les questions 


() Un jésuite nommé Rodrick, ayant fait fabriquer à plaisir de préten- 
dues pétrifications dans l'intention d’éprouver la crédulité du médecin Bé- 
ringer, professeur à Wurtzbourg, ce dernier fut si complétement la dupe de 
cette mystification, qu'après avoir composé une dissertation au sujet de ces 
fausses pétrifcations , il la publia comme une thèse soutenue sous sa prési- 
deuce. (Wicebourg, 1726, in-folio.) 

(2) Pour ne pas surcharger de notes ce chapitre, je n'ai pas cité les titres 
des ouvrages des divers auteurs dont je rappelle les opinions. Je renvoie, dans 
ce but, à l'appendice bibliographique qui sera placé à la fin du dernier 
volume. On y trouvera de nombreuses indications qui ne pouyaient être 
placées ici. 


HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE. 5 


anatomiques et physiologiques ne l’empêcha pas de 
soutenir que les coquilles fossiles étaient le produit 
d’une fermentation souterraine, ct que les défenses 
d’éléphant trouvées en Italie n'étaient que des concré- 
tions terrestres. Quelques savants, tels que Mercati, 
accordaient aux étoiles une influence sur cette fer- 
mentation et leur attribuaient la production des formes 
variées des fossiles. 

D’autres auteurs, parmi lesquels on peut citer Lui- 
dius, Lang et Quirini, attribuèrent ces pierres figurées 
à des semences d'animaux entraînées par évaporation 
ou par des courants. Ils pensèrent que les animaux 
terrestres et surtout les animaux marins déposaient des 
germes qui, charriés par les caux dans des communica- 
tions souterraines, étaient ainsi transportés au loin 
dans l'intérieur des montagnes. Ces germes trouvaient 
là des lieux favorables pour leur développement, et 
conservaient dans leur croissance la forme de leurs 
parents, en s’imprégnant de la substance de la roche 
dans laquelle ils avaient été déposés. 

Simone Majoli (1597) pensait que les fossiles pou- 
vaient bien avoir été rejetés par des volcans. 

Enfin quelques péologues, et en particulier KE. Ber- 
trand, recoururent à une idée plus simple que les précé- 
dentes, et crurent que les pierres figurées dataient de la 
première création et avaient été formées, ainsi que les 
cristaux, en même temps que les montagnes et que tous 
les autres corps créés. 

Ces diverses théories étaient peu faites pour être 
adoptées sans contestations; aussi dès le commence- 
ment du xvi° siècle, c’est-à-dire, dès l’époque où 
elles prirent naissance, furent-elles attaquées par des 
naturalistes, qui surent reconnaître dans les fossiles de 


6 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

véritables débris d'êtres organisés. Ce fut timidement 
d’abord et plus hardiment ensuite, que quelques hom- 
mes Clairvoyants osèrent émettre l’idée, que les pierres 
fisurées étaient des restes d'animaux, déposés par des 
eaux qui avaient couvert et formé les couches où on les 
retrouve maintenant. 

Parmi les savants qui s’efforcèrent de faire triompher 
celte manière de voir, se placent au premier rang deux 
hommes illustres à d’autres titres. L'un d’eux est le 
célèbre peintre Léonard de Vinci, qui, appelé à faire 
creuser des canaux navigables, fut frappé de la pré- 
sence de quelques fossiles mis à découvert dans ce 
travail, et chercha à démontrer que les eaux seules 
pouvaient les avoir apportés. L'autre est un homme 
longtemps méconnu et auquel notre siècle a rendu 
une justice fardive, Bernard de Palissy, l'inventeur de 
l'art de la porcelaine, qui, le premier à Paris, osa 
en 1580 soutenir le fait que les pierres figurées avaient 
été déposées par la mer. 

Cette idée fut chaudement adoptée et soutenue par 
plusieurs naturalistes, parmi lesquels on peut citer Car- 
dan (1552), Imperato (1599), Césalpin, Frascatore, 
Fabio Colonna, Leibnitz, Lister, etc.; mais quelque na- 
Lurelle qu'elle nous paraisse, elle eut encore des anta- 
gonistes. Le temps et de nouvelles découvertes donnè- 
rent cependant gain de cause à la vérité, et l'opinion 
que les fossiles ont été déposés par les eaux finit par 
devenir générale. 

Ce premier point établi, d'immenses difficultés se 
présentaient pour trouver une cause qui pût expliquer 
le séjour de l’eau de la mer sur les montagnes et sur les 
continents actuels. L'idée qui rallia le plus grand 
nombre des savants de la seconde moitié du xvu° 


HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE, 7 


siècle, fut que les fossiles étaient les monuments du 
déluge universel, et qu'ils avaient été apportés par la 
grande inondation dont parlent nos livres saints, dans 
laquelle les eaux s’élevèrent au-dessus du sommet des 
plus hautes montagnes. 

Malheureusement à cette époque les théologiens 
étaient prompts à croire les bases de la religion atta- 
quées par les théories géologiques. Au xvi siècle, 
les hommes qui soutenaient que les fossiles étaient 
réellement des débris d'animaux avaient passé pour 
hostiles aux saintes Ecritures, parce que leurs idées pa- 
raissaient opposées à l’ordre de la création tel que l’éta- 
blit le récit de Moïse. Au xvn° siècle, au contraire, 
la théologie se réconcilia avec cette idée, parce qu’elle 
y vit la preuve du déluge biblique; mais alors on con- 
sidéra comme impies et l’on aecusa de nier le témoi- 
gnage des livres saints les hommes qui reculèrent devant 
la difficulté de tout expliquer par une seule inondation 
universelle, et qui entrevirent, ce qui de nos jours est 
une vérité généralement admise, qu'il ya eu des dépôts 
à diverses époques et des soulèvements ou bouleverse- 
ments de l’écorce du globe qui ont déplacé les terrains 
formés au fond des mers. La facilité et le danger de pa- 
reilles accusations contribuèrent beaucoup à paralyser 
et à arrêter le mouvement de la science qui a besoin de 
hberté : un siècle presque entier fut à peu près perdu 
en débats stériles. 

Scilla, habile peintre italien d'histoire naturelle, vers 
1570, peut être considéré comme un des premiers fon- 
dateurs de cette théorie diluvienne. Après lui, quelques 
auteurs la développèrent par des hypothèses plus ou 
moins ingénieuses, mais presque toutes fort éloignées 
de la vérité, et contribuèrent ainsi à retarder les pro- 


8 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


grès de la science en transportant la discussion loin du 
terrain des faits. Parmi ces auteurs on peut citer Burnet 
qui, dans un ouvrage que Buffon nomme avec raison un 
beau roman historique, explique toute l'histoire du 
globe depuis le paradis terrestre jusqu’au bienheureux 
millénaire, et Wishton qui fait jouer aux comètes un 
grand rôle pour l'attraction et le déplacement des eaux. 

La théorie du transport de tous les fossiles par un 
seul déluge présente de trop fortes objections pour 
qu'elle n’ait pas dû être attaquée dès son origine, autant 
du moins que le permettait la crainte de se mettre en 
hostilité avec les théologiens. À cette époque on ne 
connaissait pas encore les preuves les plus fortes, qui 
démontrent aujourd'hui jusqu’à Pévidence que l'état 
actuel du globe a été amené par une série continue de 
changements dans la forme des continents et dans la 
circonscription des mers; mais les circonstances qui 
empêchent de tout expliquer par une seule inondation 
parlent si haut, qu’elles frappèrent déjà beaucoup de 
naturalistes. La variété de position des fossiles, leur 
existence dans les roches les plus dures et dans le sein 
même des montagnes, le redressement de beaucoup de 
couches et d’autres faits nombreux, sont si incompati- 
bles avec l'idée d’un cataclysme unique, subit et de 
courte durée, que plutôt que d'admettre une théorie qui 
présente de si fortes objections, quelques savants aimè- 
rent encore mieux revenir à douter de la réalité des 
fossiles, et à les attribuer aux lusus naturæ. 

D'autres auteurs, mieux inspirés, cherchèrent à sub- 
stituer à cette théorie quelque chose de plus ration- 
nel. Sténon en 1669, et Hooke en 1688, montrèrent 
que les fossiles avaient nécessairement dû être déposés 
au fond des eaux, dans des couches horizontales, et que 


HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE, 9 


plus tard ces couches avaient été soulevées, redressées 
ou bouleversées par des tremblements de terre ou par 
des dépagements de gaz souterrains. Ray, Moro, 
Gessner, etc., soutinrent aussi et développèrent cette 
idée, à laquelle Buffon prèta le secours de son style ad- 
mirable. Quoique les théories géologiques de Buffon 
soient un mélange d'idées vraies et d'opinions erronées, 
la popularité de ses ouvrages servit beaucoup à avancer 
la science, en faisant généralement abandonner les 
théories diluviennes. 

Dans ces premiers débats, la paléontologie confond 
son histoire avec celle de la géologie; les deux sciences 
deviennent plus distinctes à mesure que leurs bases se 
consolident. Nous ne pouvons pas développer ici ce qui 
tient à la géologie proprement dite; rappelons seule- 
ment que vers la fin du xvin siècle, elle fit de 
très grands progrès, el que ce qui y contribua surtout ce 
fut l’étude des caractères distinctifs des terrains et les 
essais qu'on fit pour leur classement. Werner et de 
Saussure sont les deux noms les plus saillants de cette 
époque : Werner célèbre par ses recherches sur les ter- 
rains stralifiés etles superpositions ; de Saussure, parses 
études des terrains primitifs. Nous ne pouvons pas da- 
vantage suivre les disputes des Vulcanistes et des Neptu- 
nistes, ces deux écoles rivales qui, dans leurs ardentes 
luttes, dépassèrent toutes deux la vérité en la cher- 
chant trop absolue, ni retracer les découvertes géologi- 
ques nombreuses et brillantes qui ont signalé le com- 
mencement du xix° siècle. On sait combien l'état de 
la science à été changé et sa marche assurée par les 
beaux travaux des Elie de Beaumont, des C. Prevost, 
des Léopold de Buch, des Lyell, des Murchison, etc. 
Celles de ces découvertes qui se lient Le plus avec l'é- 


10 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


tude des fossiles, ou qui ont le plus directement fourni 
les matériaux de l’histoire du globe, seront signalées 
dans les chapitres suivants. 

La paléontologie proprement dite se manifesta d'a- 
bord par la description des corps organisés fossiles 
et par leur comparaison avec les êtres vivants. On peut 
déjà citer à la fin du xvr° siècle quelques figures don- 
nées par Jean Bauhin (1598), et pendant le xvn°, les 
travaux de Lachmund (1669), de Scilla (1670) qui, 
entre autres, compara les dents des squales fossiles à 
celles des vivants, de Reisk (168%), de Voist et de Vulpius 
(1667) qui s'occupèrent des poissons, de Boccone (1674) 
qui publia une série de bonnes observations. Le com- 
mencement du xviu siècle vit paraître des ou- 
vrages utiles sur Les fossiles de la Suisse (Scheuchzer 
et Lanp). Il serait trop long d'énumérer iei les nom- 
breux travaux qui, dans d’autres pays, firent con- 
naître les débris organiques enfouis dans les couches 
de la terre, et qui, en donnant du goût pour ces recher- 
ches, préparèrent des ouvrages plus considérables. Le 
grand Recueil de planches de Knorr et Walch (1755- 
1773) est un des plus importants. On peut citer 
après lui les descriptions et les figures données par 
Schrœter (177%) et par Bourguet (1778), l'Oryctographie 
de Bruxelles de Burtin (178%), les Mémoires remar- 
quables de Guettard (1768-1783), ceux de notre sa- 
vant compatriote G.-A. Deluc, trop éclipsé peut-être 
par la réputation, d'ailleurs bien méritée, de sonillustre 
frère. 

Dans tous ces travaux, les faits sont recueillis et en- 
registrés avec plus ou moins de sagacité, mais on n’y re- 
marque aucune tentative pour arriver à des lois gé- 
nérales, ou du moins on n’y voit que des essais timides 


HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE, 11 


et incomplets. Il était réservé à notre siècle de donner 
des bases philosophiques à la paléontologie et de l'é- 
lever par conséquent au rang d’une science distincte. 
Elle reçut alors une impulsion et un développement 
tels que l’histoire des sciences en offre rarement 
d'exemple, en s’asseyant sur des bases solides et en 
portant sur la géologie une clarté inattendue. C’est au 
génie de G. Cuvier que ces changements furent dus, et 
ses Recherches sur les ossements fossiles () resteront 
toujours un des plus beaux monuments de l'esprit hu- 
main. C’est à lui que remontent presque toutes les 
idées , les théories et les observations que les trente 
dernières années ont développées et étendues; et c’est 
l'esprit de ses travaux qui, dirigeant la marche de la 
science, a présidé aux découvertes si nombreuses et si 
remarquables qui ont frappé les hommes même les 
plus étrangers aux recherches scientifiques. 

Il ne sera pas superflu d'entrer ici dans quelques dé- 
tails sur les travaux de ce grand naturaliste ; cette ana- 
lyse sera l’introduction la plus naturelle aux chapitres 
suivants, où toutes ces idées seront reprises et discu- 
tées d’une manière plus complète. 

La question principale que Cuvier chercha à résoudre 
est celle de savoir si les espèces fossiles sont différentes 
de celles du monde actuel. Cette question avait déjà 


(1) Je sais bien que, dans ces dernières années, on a cherché à faire re- 
monter plus haut que Cuvier l’origine de la paléontologie scientifique. I est 
évident, en effet, que cet illustre anatomiste trouva déjà quelques questions 
en partie posées; mais c’est là l’histoire de toutes les découvertes. Le vérita- 
ble auteur est toujours celui qui donne la vie aux germes imparfaits, qui 
sans lui seraient restés inutiles et sans portée. Il est évident aussi qu’un 
homme ne travaille jamais tout à fait seul , et qu'il profite des travaux de 
tous , auxquels il a d’ailleurs souvent donné l'impulsion. Mais personne ne 
peut nier sérieusement que, dans le grand développement qu'a reçu la pa- 
léontologie au commencement de ce siècle, Cuvier n’ait joué le principal rôle. 


12 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, 


été plus ou moins agitée, mais on n’y avait fait aucune 
réponse précise. Quelques observations avaient fait 
penser à Buffon qu’il y avait des espèces éteintes, mais 
l’état de l'anatomie comparée à cette époque ne lui 
avait pas permis de le prouver. Pallas, de son côté, ve- 
nait de signaler à l'attention des savants des éléphants 
et des rhinocéros couverts de poils et trouvés dans les 
glaces de la Sibérie ; mais on ne savait pas si ces diffé- 
rences de téguments indiquaient des espèces différentes 
ou des influences du climat sur des espèces identiques. 

Cuvier est réellement le premier qui ait abordé cette 
question avec une méthodequi en permit la solution. On 
en avait avant lui, sauf dans les cas que je viens de rap- 
peler, cherché la démonstration dans l’étude des co- 
quilles fossiles, qui sont bien plus abondantes que les 
débris des grands animaux.Cuvier comprit que pour que 
les preuves de l’extinction des espèces fossiles fussent 
frappantes, elles devaient porter sur des êtres d’une 
taille assez grande pour que leur non-existence dans le 
monde actuel fût incontestable. Lorsqu’en effet il s’a- 
gissait de petits animaux, de mollusques par exemple, 
l'état des collections et des connaissances zoologiques ne 
permettait pas d'affirmer avec une pleine confiance 
que les espèces trouvées fossiles, et dont on ne connais- 
sait pas les analooues dans la nature vivante, ne les y 
eussent réellement pas. On objectait qu'il était possible 
que leur habitation dans des mers profondes ou dans des 
parages inexplorés les eût fait échapper jusqu’à ce jour 
aux investigations des naturalistes. Dès lors les conclu- 
sions qu'on tirait de la comparaison des espèces fossiles 
et des vivantes, dépourvues d’une base solide, man- 
quaient de rigueur ct restaient toujours contestables et 
incertaines. 


HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE. {3 


Cuvier montra, au contraire, que les grands animaux 
sont presque tous connus depuis lonotemps, que la 
science moderne a ajouté peu d'espèces de très grande 
taille à celles que connaissaient les anciens, et que les 
continents et les mers sont maintenant parcourus et 
explorés de manière qu’il soit certain qu'ils ne nous 
cachent pas beaucoup de grands quadrupèdes de 
forme inconnue. Il devenait donc évident que la com- 
paraison des mammifères vivants et fossiles devait 
donner des résultats plus frappants et plus certains que 
celle des animaux inférieurs, et que, si cette comparai- 
son démontrait que les espèces fossiles sont toutes dif- 
férentes de eelles qui vivent de nos jours, ces conclu- 
sions devaient être accueillies avec confiance. 

Mais pour déterminer rigoureusement les grandes 
espèces fossiles, il fallait une connaissance approfon- 
die des lois de l’ostéologie, que la science d’alors était 
loin de fournir. Le plus souvent on ne trouve ces ani- 
maux que par fragments, et des os isolés et peu nom- 
breux sont fréquemment les seules données sur les- 
quelles on puisse reconstituer l'espèce. Cuvier sentit 
donc qu'il fallait, avant tout, chercher s’il existe des 
lois qui régissent les rapports des formes des os avec 
le reste de l’organisation, et qui permettent de déduire 
de l’observation d'une partie du squelette la connais- 
sance de son ensemble. C'est en ce point peut-être 
qu'ont brillé surtout son génie et sa savante persévé- 
rance. Pour résoudre le problème paléontologique, 
il ui fallait une anatomie comparée rationnelle; cette 
anatomie n'existait pas, il s’occupa immédiatement de 
la fonder. lui fallait aussi une classification naturelle, 
il rétablit sur de nouvelles bases l’ensemble du règne 
animal. Les difficultés, loin de l'arrêter, ne furent pour 


14 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


lui que de nouveaux motifs de travail et de nouvelles 
occasions de doter la science de beaux ouvrages. 

Je ne veux pas empiéter ici sur le chapitre dans 
lequel je traiterai des principes zoologiques qui pré- 
sident à la détermination des fossiles; je rappellerai 
seulement que les lois que Cuvier a établies et déve- 
loppées sont la loi d'unité de plan, qui permet de con- 
clure des formes actuelles aux formes anciennes, et la 
loi de concordance des caractères ou de corrélation des 
formes, qui, établissant la nécessité que toutes Les par- 
ties de l’être soient disposées dans un même but, auto- 
rise à déduire de chacune d'elles les caractères des 
autres, ainsi que le genre de vie de l'animal. Ces prin- 
cipes changèrent la face de la science, et depuis Îles 
ouvrages de Cuvier, la détermination des espèces fos- 
siles peut souvent être aussi rigoureuse et aussi exacte 
que celle des espèces vivantes. 

Ces travaux fournirent à Cuvier les moyens de 
prouver que toutes les espèces fossiles (ou du moins 
presque toutes, voy. le chap. V) sont différentes des 
espèces actuelles. Il put établir qu'aucune des espèces 
vivantes n’a été retrouvée fossile, et que toutes les 
espèces des époques antérieures à la nôtre sont diffé- 
rentes de celles qui peuplent actuellement le globe. 
Il put même aller plus loin et montrer que les espèces 
des divers terrains diffèrent entre elles aussi claire- 
ment qu'elles se distinguent de celles de l’époque 
moderne : ainsi les terrains jurassiques, si remarqua- 
bles par leurs grands reptiles, ne renferment aucun des 
fossiles des gypses de Montmartre, qui sont d’une date 
beaucoup postérieure. Îl est facile de voir là l’origine 
des applications de la paléontologie à la géologie pour 
le problème de la détermination de l’âge des terrains, 


HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE. 15 


M. Alexandre Brongniart, le savant collaborateur de 
Cuvier dans l'étude du bassin de Paris, contribua 
beaucoup aussi à étendre l'importance de ces applica- 
tions. Son mémoire sur les caractères zoologiques des 
formations fit sentir l’utilité de la paléontologie d’une 
manière plus pratique encore. [Il démontra la valeur 
des caractères zoologiques comparés aux caractères 
minéralogiques, et appuya cette démonstration en 
prouvant l’analogie des terrains crayeux de Rouen et 
du nord-ouest de la France, avec les grès verts de la 
perte du Rhône et avec ceux de la montagne des Fiz en 
Savoie. Il fit voir que, là où les caractères minéralo- 
siques n’indiquaient que des différences, rendues plus 
sensibles encore par la position des grès des Fiz à plus 
de 7,000 pieds au-dessus de la mer, l’analogie des fos- 
siles montrait que ces différences d'apparence n’ont 
aucune importance réelle, et prouvait que les terrains 
de ces trois localités avaient été déposés à la même 
époque et par la même mer. 

Alors la paléontologie prit son rang parmi les scien- 
ces. Ses applications importantes et ses méthodes, de- 
venues plus certaines, attirèrent de nombreux natu- 
ralistes, qui suivirent la voie ouverte par Cuvier, et 
enrichirent rapidement la science de faits nouveaux. 
L’Angleterre, l'Allemagne, la France et la Suisse comp- 
tent dans leur sein des noms justement honorés, que 
nous serons fréquemment appelés à citer dans la suite 
de cet ouvrage. Je ne puis ni ne veux esquisser ici l'his- 
toire de la paléontologie moderne. Une énumération de 
tous les travaux ferait à elle seule un ouvrage complet. 
Il serait tout à fait superflu de ne citer que les hommes 
les plus éminents; leurs noms sont connus de tout 
le monde, 


16 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Maintenant un bel avenir attend la paléontologie. 
C'est à elle qu’il appartient de faire l’histoire des êtres 
organisés, et des modifications de leur structure dans 
la série des temps; c’est elle qui enseignera les phases 
successives par lesquelles a passé la population de la 
surface de notre globe, et qui précisera les caractèresdes 
faunes et des flores qui l'ont successivement occupée. 
C’est à elle à étendre les bornes de la zoologie et de la 
botanique, en révélant l'existence de tant de formes 
nouvelles et de transitions inattendues. Tous les faits 
de détail ont aujourd’hui leur place et leur importance, 
et toutes les déterminations exactes d'espèces joueront 
leur rôle pour résoudre ces questions. Mais pour que la 
paléontologie remplisse sa mission, il faut qu'elle ne 
s’écarte jamais des principes les plus rigoureux ; car si 
elle est un instrument puissant et actif dans une main 
expérimentée, elle peut facilement, en des mains mal- 
habiles, semer l'erreur à côté de la vérité. De nom- 
breuses déterminations faites par approximation et sans 
l'exactitude convenable ont déjà fait naître la méfiance 
dans quelques esprits. On a trop promplement peut- 
être accusé la science elle-même d’erreurs dont la 
source n’est que dans la légèreté de ceux qui l'em- 
ploient, et l’on en a tiré des arguments contre l’impor- 
tance que peut avoir son application à la fixation de 
l'âge des terrains. IL faut aux paléontolovistes de sé- 
rieuses études de zoologie et d'anatomie comparée; il 
faut qu'ils mettent toujours la plus grande rigueur dans 
leurs déterminations,qu'ils suivent l’exemple que leur 
a tracé Cuvier et que leur montrent encore tant de natu- 
ralistes distingués, et le temps viendra bientôt où l’in- 
contestable utilité de cette étude ne sera plus méconnue 
par personne. 


DÉFINITION DU MOT FOSSILF. 1% 


CHAPITRE IL. 


DÉFINITION DU MOT FOSSILE. BUT ET LIMITES DE LA 
PALÉONTOLOGIE. 


Le sens du mot fossile a varié dans la science et n’a 
pas toujours eu une signification identique avec celle 
qu'on lui donne maintenant. On comprenait ancienne- 
ment sous celte désignation tous les corps enfouis dans 
l’intérieur de la terre, et l’on normmait ainsi les cristaux 
et les matières minérales, aussi bien que les débris des 
corps organisés. Toutefois on distinguait ces derniers 
en les nommant fossilia heteromorpha où petrificata, 
tandis que les minéraux proprement dits élaient ap- 
pelés fossiha nativa. Aujourd'hui l'usage a prévalu de 
ne donner le nom de fossiles qu'aux débris du règne 
organique, c'est-à-dire aux fossiles hétéromorphes, et 
ce n’est que dans les anciens auteurs que l’on trouve 
cette dénomination appliquée aux minéraux. On nomme 
actuellement fossiles les fragments d'animaux ou de 
végélaux qui sont conservés et enfouis dans les couches 
de la terre. 

Envisagée même à ce point de vue, la signification 
du mot fossile a encore besoin d’être précisée. Quelques 
vaturalistes n’ont voulu appeler ainsi que les débris 
organiques , tout à fait altérés dans leur composition 
chimique et devenus pierreux. Cette circonstance, com- 
plétement accessoire, sur laquelle nous reviendrons 
plus tard, doit être négligée pour la définition; ear, 
dans les mêmes terrains, il peut y avoir des débris con- 
verlis en pierre et d'autres qui ont conservé leurs 
caractères chimiques primitifs. L'état spécial des corps 

I. 2 


18 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


organiques minéralisés à été nommé pétrification, mot 
qui peut quelquefois être commode pour désigner l'ap- 
parence pierreuse du corps, mais qui ne doit jamais être 
confondu avec celui de fossile, car il ne désigne qu’un 
état fréquent, il est vrai, mais non nécessaire, des corps 
qui méritent véritablement ce nom. On doit nommer 
fossiles tous les débris enfouis des êtres organisés, 
qu'ils soient pétrifiés ou qu'ils ne le soient pas, 
parce que le fait de la pétrification n’a presque aucune 
importance zoologique ni géologique. Ce fait n’influe 
en rien sur la détermination de l'espèce, il ne se lie 
point d'une manière certaine avec l'ancienneté de son 
apparition à la surface de la terre, et l’on n'en peuttirer 
en général aucune conclusion. 

On a souvent agité la question de savoir si l'on devait 
reconnaître comme des fossiles les traces et empreintes 
que peut avoir laissées un animal dans les couches de la 
terre, ou s'il faut pour cela la présence même d'une 
partie de ses débris. On est généralement d'accord au- 
jourd’hui pour répondre à cette question dans le sens 
le plus large, c’est-à-dire pour considérer comme des 
fossiles toutes les traces qui prouvent évidemment la 
présence d'une espèce à une certaine époque. En effet, 
l'existence même de l'espèce est le fait important à 
constater, et tout ce qui peut la démontrer clairement 
remplit ee but. Il importe peu que cette démonstration 
repose sur la présence d’un fragment de l'animal, ou 
sur une empreinte qu'il aurait laissée dans une roche 
avant sa solidification, ou sur toute autre apparence 
assez évidente pour en fournir une preuve suffisante. 

Unedes meilleures définitions qui aientété données du 
mot fossile est celle de M. Deshayes (!) : Un corps orga- 


(1) Description des coquilles caractéristiques des terrains. Paris, 1831 , p. 54 


DÉFINITION DU MOT FOSSILE. 19 
nisé fossile, dit-il, est celui qui a éié enfoui dans la terre 
à une époque indéterminée, qui y a été conservé, ou qui 
y a laissé des traces non équivoques de son existence. 
Cette définition me parait tout à fait satisfaisante, sauf 
en un point, sur lequel le savant conchyliologiste avait 
lui-même prévu des objections, qu’il a cherché d'avance 
à réfuter. 

La phrase qui me paraît moins inattaquable que le 
reste est celle-ci : enfoui dans la terre à une époque in- 
déterminée. Son résultat, et M. Deshayes en convient, 
est de faire regarder comme fossiles les ossements et 
les coquilles qui sont journellement déposés par les 
eaux des fleuves et de la mer, ensevelis sous des ébou- 
Jlements, etc, toutes les fois que la date de leur enfouis- 
sement n’est pas connue. Elle forcerait même à la ri- 
gueur à nommer ainsi des os d'hommes ou de mammi- 
fères, enterrés à des époques que la tradition ne fixe 
pas et que le hasard fait retrouver. Cette extension est- 
elle convenable et d'accord avec le sens qu’on attribue 
généralement au mot fossile ? N'est-ce pas ôter à ce nom 
une grande partie de sa sisnification réelle, que d'asso- 
cier aux fossiles anciens et véritables, des corps enfouis 
tout récemment, qui appartiennent aux espèces qui vi- 
vent de nos jours et dont l'étude n'intéresse en rien Ja 
paléontologie ? 

Je reconnais avec M. Dechayes que sa définition est 
commode, et que la limite àétablir entre l'époque où les 
corps déposés sont fossiles et celle où ïls ne le sont 
plus soulève des questions délicates et difficiles. Je ne 
les crois cependant pas insolubles, et je pense que l'on 
s’approcherait davantage de la vérité, si l'on cherchait 
à établir la différence d’après l'époque à laquelle les ter- 
rains qui les renferment ont été formés, Si le dépôt n’a 


20 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

pü prendre naissance que sous l'influence de causes qui 
n'agissent plus dans l’état actuel du pays; si, par exem- 
ple, il a été formé par des eaux marines ou lacustres 
dans des endroits qui sont aujourd’hui constamment et 
complétement émergés, les corps organisés qu’il ren- 
ferme sont de vrais fossiles. Si, au contraire, le terrain 
est dû à des circonstances qui se présentent encore de 
nos jours, les débris organiques qu’il contient ne peu- 
vent pas mériter ce nom. 

On exclurait donc de la catégorie des fossiles les os- 
sements et les coquilles ensevelis sous des éboulements 
de montagnes, enfouis dans des tourbières ou des ma- 
rais actuels, où recouverts par des alluvions modernes ; 
et l’on réserverait ce nom aux corps organisés déposés 
dans des terrains formés dans des circonstances géolo- 
giques différentes. 

Ainsi nous appellerons fossiles les corps organisés 
que recèlent les dépôts arénacés de la plus grande 
partie de l’Europe, parce que ces dépôts n’ont pu être 
amenés que par des inondations ou d’autres causes qui 
ont tout à fait dépassé les limites de celles qui agissent 
aujourd'hui. Ainsi encore nous appellerons fossiles les 
ossements déposés dans des cavernes et dans des brè- 
ches osseuses, parce qu'on ne peut expliquer que par 
des cataclysmes généraux et puissants le transport des 
limons et des cailloux roulés qui les accompagnent. 

On évitera de cette manière la nécessité d'employer 
des termes vicieux, dont M. Deshayes se plaint avec 
raison, ceux de subfossile et de fossile moderne. Je crois 
d’ailleurs que c'est précisément la définition de M. Des- 
hayes qui force à les adopter, car pour lui Les corps dé- 
signés sous ces noms sont des fossiles. Les paléontolo- 
gites donc qui adoptent sa manière de voir, et qui 


A 


DÉFINITION DU MOT FOSSILE. 21 


sentent à côté de cela que les corps organisés enfouis de 
nos jours n'ont pas le même intérêt scientifique, sont 
forcés de les séparer des vrais fossiles par quelque dé- 
nomination. Si, au contraire , la définition les exclut de 
cette catégorie, ces corps ne recevront ni le nom de 
subfossiles, ni celui de fossiles modernes, 

Je me trouve en partie d'accord, sous ce point de vue, 
avec M. d'Orbigny (1), qui, dans sa définition des fossiles, 
admet aussi toute espèce de vestige et semble n’accor- 
der le nom de fossiles qu'aux corps déposés dans des 
terrains qui ont éprouvé un mouvement géoiogique. Il 
définit un fossile : Tout corpsou vestige de corps organisé 
enfoui naturellement dans les couches terrestres et se 
trouvant aujourd'hui en dehors des conditions normales 
et actuelles d'existence. 

Cette dernière phrase, sije l'ai bien comprise, donne 
un peu trop d'extension au mot fossile. Un marais que 
l’on vient de dessécher ne présente plus aux mollusques 
qui l'habitent des conditions normales d'existence, et 
cependant les coquilles des individus morts dans 6e 
marais, ensevelies par les derniers dépôts de terre, ne 
seront pas plus fossiles que les coquilles marines 
mortes et enfouies dans le sable où elles vivaient, et qui 
continuent ainsi à se trouver dans des conditions nor- 
males et actuelles d'existence. 

Au reste, il me suffit d'avoir attiré l’attention sur cette 
définition, afin que chacun soit à même de ne pas 
faire de confusion. Je préviens mes lecteurs que dans 
cet ouvrage le mot fossile sera appliqué à tout corps or- 
ganisé, enfoui naturellement dans la terre, qui y a été 
conservé où qui y à laissé des traces non équivoques de 
son existence, pourvu que le dépôt dont il fait partie ait 


1) Cours élémentaire de paléontologie, {°° part., p, 15, 


es 
“ 


ba 


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, 


L 


élé formé sous l'influence de circonstances différentes 
de celles qui se passent actuellement sous nos yeux. 

Cette définition étant adoptée, les limites de la pa- 
léontologie sont faciles à fixer. Cette science, dont le 
nom indique l'étude des êtres anciens (ra%aios; et àv, 
éyroc), s'occupe de l'histoire des fossiles, et son but prin- 
cipal est de faire connaître les corps qui ont habité le 
globe aux diverses époques antérieures à la nôtre. 
Elle à ainsi à remplir une des pages les plus remar- 
quables de l'histoire de la terre, en retraçant les phases 
successives de l’organisation des animaux qui l'ont 
peuplée. 

C’est dire par là que la paléontologie est une branche 
de la zoologie (!), et que c’est des méthodes de cette 
science qu’elle doit s'inspirer. Son but essentiel 
est l'étude des rapports Zzoologiques qui existent 
entre les animaux fossiles, et entre ceux-ci ct les vi- 
vants. Elle à à constater les modifications de l'orga- 
pisme dans la série des temps, à chercher les lois géné- 
rales qui ont présidé à ces changements. Elle doit, en 
comparant les formes animales actuelles avec celles 
des temps anciens, l'embryogénic et la physiologie des 
êtres vivants avec l'ordre de succession et les mœurs 
probables des animaux éteints, rassembler des maté- 
riaux pour approcher autant que possible de la solution 
des graves questions qui se rattachent à l’origine et au 
développement des êtres organisés. 

La paléontologie à aussi des rapports intimes avec la 
géologie, mais sous un tout autre point de vue. Elle à 


(t) J'ai dit dans la préface, et le titre de ce livre l'indique aussi, que je ne 
m'occuperai que des animaux. Il aurait peut être été plus exact de rempla- 
cer le mot paléontologie par celui de paléozoologie, mais le premier est plus 
simple cf mieux compris. 


DÉFINITION DU MOT FOSSILE, 23 


besoin des travaux du géologue pour connaître la suc- 
cession des terrains fossilifères, leur distribution géo- 
graphique, leur puissance, etc. En revanche, l'étude 
des fossiles fournit à la géologie des matériaux d’une 
importance incontestable. Je montrerai, dans le cha- 
pitre VIT, le parti qu'on en peut tirer pour appuyer, 
aider et éclairer les travaux stratigraphiques, pour fixer 
la place des rivages des mers, leurs profondeurs et leurs 
bas-fonds, pour faire connaître si les terrains ont été 
formés par la mer ou par l’eau douce, etc. Les rela- 
tions de ces deux sciences sont donc plus dans l’appli- 
cation que dans les principes; elles diffèrent essentiel- 
lement par leurs méthodes (*). Elles ont tout à gagner 
à rester clairement distinctes, afin de se prêter un 
appui plus éclairé. | 

Je suis bien loin de vouloir dire par là qu’un géo- 
logue ne puisse pas être un bon paléontologiste, ou que 
ce dernier ne puisse pas aussi faire des travaux utiles 
en géologie. L'expérience est là pour montrer le con- 
traire, et chacun pourrait citer des hommes qui ont 
été éminents dans les deux branches. Je veux seule- 
ment dire que le géologue qui voudra faire des recher- 
ches paléontolosiques devra connaitre et avoir étudié 
à fond Iles méthodes zoologiques et les pratiquer 


(t) Je ne puis pas admettre l'extension que M. d'Orbigny donne à la pa- 
léoutologie. Il dit (Cours élém., p. 5) : « La paléontologie ne se borne pas à 
décrire isolément jes animaux fossiles dans un ordre zoologique ou gévlogi- 
que; elle embrasse toutes les questions relatives à ces deux sciences, qui se 
rattachent directement ou indirectement aux êtres enfouis dans les couches 
terrestres. » Notre savant ami a raison, quand il dit que « la paléontologie 
ne se borne pas à décrire » car toute science qui ne généralise pas n'est pas 
une science ; mais y faire entrer toutes les questions géologiques qui se rat- 
tachent directement ou indirectement aux fossiles, c’est ne rien laisser à la 
géologie des terrains stratifiés, 


21 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, 


exclusivement. Sans cela et sans une étude profonde 
des caractères des espèces, il encombrera la science de 
catalogues inexacts et de dénominations mal faites. I 
suffit de citer ce danger pour que tous ceux qui se sont 
occupés de ces questions se rappellent qu'il n’y a déjà 
que trop d'exemples de travaux faits dans une fausse 
méthode, et que ces erreurs ont contribué plus que 
toute autre chose à inspirer la défiance et le dé- 
couragement dans l'emploi des caractères paléontolo- 
piques. 

Le paléontologiste commettra des erreurs tout aussi 
sraves, quand il voudra faire de la géologie avec des 
méthodes zoologiques, quand à la suite de travaux 
sur des fossiles, il décidera, depuis son cabinet, de 
l'ordre de succession des couches, sans {enir compte 
deséléments stratisraphiques, et, en un mot, sans em- 
ployer d’une manière convenable les méthodes géo- 
losiques. 

Du reste, il est de toute évidence qu'il faut que le 
géologue connaisse la paléontologie pour en appliquer 
avec discernement les résultats, et que le paléontolo- 
piste ait étudié suffisamment la géologie pour apprécier 
ses enseignements dans l’ordre de succession des faunes 
et dans tant d’autres questions. Mais, je le répète en- 
core, il faut que les deux sciences restent indépen-- 
dantes pour conserver leurs méthodes distinctes. Si l’on 
nous permet celte comparaison, elles doivent vivre 
comme deux sœurs amies, qui se prêtent aide et se- 
cours, mais qui ne cherchent pas à se dominer l’une 
l'autre, ni à perdre par des rapports forcés l'indivi- 
dualité de leurs deux caractères. 


ja) 
C5r 


FORMATION DES FOSSILES, 


CHAPITRE HE. 


DE LA MANIÈRE DONT LES FOSSILES ONT ÉTÉ DÉPOSÉS ET 
DE LEURS DIVERSES APPARENCES, 


L'étude des faits que nous pouvons observer tous 
les jours sert à expliquer en grande partie ceux qui se 
sont passés dans les premiers âges du globe, et fait 
comprendre en particulier la manière dont les fossiles 
ont été déposés (‘). La plupart des eaux courantes char- 
rient des pierres, du sable et du limon, et entraînent 
ces matières jusque dans les eaux tranquilles. Lorsque 
la force d’impulsion n’est plus assez grande pour les 
soutenir, on voit les matériaux les plus pesants se dé- 
poser sur le fond et les plus légers les recouvrir, en 
formant ainsi des couches superposées, d’une compo- 
sition un peu différente les unes des autres. Des phéno- 
mènes analogues se passent dans les mers et dans les 
lacs : le mouvement de l’eau, sous l'influence du vent et 
des courants, use les côtes, en enlève des sédiments, et, 
après les avoir (tenus quelque temps en suspension, les 
dépose quand le calme succède à l'agitation. L'usure 
des galets produite par leur frottement et les débris 
brisés de quelques animaux marins ajoutent encore 
des matériaux dont la nature varie selon celle du fond 
des mers. 

Une succession d'événements semblables peut créer 

(1) On sait que c'est à M. Constant Prévost que la science est redevable 
de l’idée ingénieuse de recourir aux causes actuelles pour expliquer tous les 
faits géologiques. Cette théorie a été développée plus tard par M. Lyell. Elle 
rend très bien compte de la plupart des faits, pourvu que l’on admette que 
sous l'influence de causes ideatiques, mais avec des circonstances diffé- 


rentes, il y à eu à diverses époques des modifications ct des actions bien 
plus importantes que celles que nous observons de nos jours, 


26 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, 


des dépôts d'une grande épaisseur, dont le caractère 
pénéral sera d’être composés de couches ou strates pa- 
rallèles. Quoique, dans certaines localités et dans quel- 
ques cas spéciaux, on puisse remarquer des inclinaisons 
ou des différences partielles de niveau, on peut dire 
que, si l’on considère ces formations dans leur ensemble, 
l’horizontalité est leur caractère constant. Les traités de 
géologie renferment sur ce point de nombreux détails; ce 
serait sortir de notre sujet que de nous en occuper ici. 
Les dépôts sont plus ou moins modifiés ensuite par les 
marées, les vents et les tempêtes, qui enlèvent des sédi- 
ments d’une place pour les transporter à une autre, in- 
terrompent ainsi l’ordre régulier de stratfication, pla- 
cent une couche de vase sur des sables, ou vice versä. 
L'étude de la croûte terrestre à montré depuis long- 
temps qu'une grande partie des couches qui la compo- 
sent présentent la même disposition, les mêmes carac- 
tères et les mêmes accidents que les dépôts actuels dont 
nous venons de parler. Tous les géologues sont main- 
tenant d'accord pour y voir une preuve incontestable 
que ces couches ont été déposées par les eaux, et pour 
considérer les terrains stratifiés, c'est-à-dire, ceux qui 
sont composés de couches originairement parallèles, 
comme ayant pris naissance dans le fond des eaux. 
Avec les grains de sable et les autres substances mi- 
nérales ténues, les eaux charrient et déposent des corps 
organisés, soit ceux qui vivent dans leur sein, soit aussi 
ceux qu’elles ont pu, à la suite d'inondations ou de 
toute auire cause, recevoir de la terre ferme ('). Les ani- 


(*) Nous reviendrons plus tard sur ces faits en traitant des applications 
de la paléontologie à la géologie. Nous aurons alors à étudier les différences 
entre les animaux côtiers et les animaux pélagiques, les animaux flottants et 
ceux qui sont toujours plus pesants que l’eau, ele, 


FORMATION DES FOSSILES. 27 


maux morts, lorsqu'ils sont lonostemps dans l’eau, 
éprouvent une macération, c’est-à-dire que leurs tissus 
mous se décomposent ; ils finissent ainsi par être réduits 
à leurs parties solides qui, ordinairement plus pesantes 
que l'eau, vont se déposer au fond. Les nouvelles cou- 
ches de sable les recouvrent, les cachent et contribuent 
à les conserver. De Ia même manière s’enfouissent dans 
leur position normale les mollusques morts qui vivaient 
dans Ja vase ou dans le sable, les mollusques perfo- 
rants, ec. 

La conservation des fossiles n’est ni très durable ni 
très parfaite, si les particules du sable restent tout à fait 
désagrégées; mais quelquefois des circonstances spé- 
ciales font solidifier ces couches. Pour expliquer cette 
solidification, les géologues distinguent les dépôts chi- 
miques et les dépôts mécaniques. Les premiers sont 
ceux dans lesquels les substances dont l’eau cest chargée 
y sont dissoutes par voie chimique. Lorsqu'une cause 
particulière force Fa précipitation de fa partie solide de 
celte solution, il arrive ordinairement que le dépôt est 
immédiatement compacte. C’est ainsi que le carbonate 
de chaux tenu en dissolution par un excès d'acide car- 
bonique, ou par une température élevée, se dépose 
lorsque ces causes cessent, et forme dans le fond des 
rivières, des lacs ou des mers, des roches plus ou moins 
solides, telles que les travertins. On appelle, au con- 
traire, dépôts mécaniques ceux plus fréquents, où les 
particules solides ne sont que suspendues dans l’eau 
et se déposent par leur propre poids. Dans ce dernier 
cas, la solidification n’a lieu que si les eaux apportent 
une substance qui les lie et les cimente. 

Cette même série de phénomènes a dû se passer con- 
stamment dans les périodes anciennes de l’histoire du 


28 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


elobe, et c'est à une action lente des eaux qu'il faut pro- 
bablement attribuer l’enfouissement de la plupart des 
fossiles. On a trop souvent cru qu'il était nécessaire, 
pour expliquer ces dépôts, de recourir à des cataclysmes 
violents et à d'immenses perturbations ; il est à croire 
que, dans un très grand nombre de cas au moins, ils se 
sont effectués comme ceux que nous venons d’esquisser. 
Outre la probabilité que fournit Panalogie et les preu- 
ves qui résultent des observations géologiques, on peut 
citer quelques faits paléontolopiques qui semblent mdi- 
quer que la fossilisation des débris organiques a eu lieu 
très lentement. 

Ainsi on trouve souvent les ossements des grands 
animaux épars et éloignés les uns des autres, circon- 
stance qui ne peut s'expliquer qu’en admettant que l'a- 
nimal, depuis sa mort, a séjourné plusieurs mois dans 
des eaux tranquilles ou à courant régulier, où il a été 
macéré et disloqué. En effet, un cataclysme subit, 
entrainant ensemble les matières organiques et inor- 
ganiques, aurait laissé l'animal entier ou presque 
entier, et l'aurait immédiatement recouvert et enfoui, 
en sorte qu’on trouverait réunis les divers os de son 
squelette. 

D'autres faits ont exigé un temps plus long encore. 
On trouve quelquefois sur ces os épars ('), dans 
l'intérieur des coquilles bivalves, ou sur des oursins dé- 
pourvus de leurs piquants, des serpules, des huîtres 
ou d’autres mollusques adhérents. Ces animaux n’ont 
pu s’y établir qu'après que les os ou les coquilles ont été 


(1) Le musée de Genève possède un os intéressant sous ce point de vue. 
C’est l'extrémité du museau du Streptospondylus Geoffroyi, Herm. v. Meyer 
(Teleosaurus rostro minor, Geoffr.), du terrain jurassique, sur lequel de nom- 
breuses huîtres avaient fixé leur domicile. 


FORMATION LES TOSSILES,. 20 


dépouillés de leurs parties molles, on après que la ma- 
cération a fait tomber les piquants de l’oursin. Les hui- 
tres en particulier paraissent avoir vécu longtemps sur 
ces débris; on en trouve quelquelois des familles 
réunies, qui indiquent une suite de générations, et par 
conséquent d'années tranquilles. 

A ces faits viennent se joindre bien d'autres considé- 
rations. Quand on voit réunis ensemble des milliers de 
mollusques adultes de même espèce, quand on voit 
surtout des montagnes dont des couches tout entières 
sont formées de coraux disposés comme ceux des îles 
madréporiques de la mer du Sud, et quand on réfléchit 
au temps nécessaire pour la croissance et le développe- 
ment de ces masses immenses, on fermerait les veux à 
l'évidence si l’on n’admettait pas que, dans beaucoup 
de cas, les dépôts de fossiles ont eu lieu dans les mers 
tranquilles et par des causes lentes, analogues à celles 
que nous pouvons étudier aujourd'hui. 

Toutefois, en reconnaissant ce fait pénéral, on doit 
convenir aussi que, dans certains Cas, il y a eu des évé- 
nements plus subits, dans lesquels les animaux ont été 
enfouis peu de temps après leur mort. On en trouve la 
preuve dans la conservation de quelques débris très 
fragiles qui n'ont certainement pas pu être exposés long- 
temps à l’action de l’eau. Ainsi les pierres Hthographi- 
ques de Bavière et d’autres pays renferment des in- 
sectes terrestres très délicats, et même des ailes de 
papillon. Il faut que ces animaux aient été recouverts 
par une couche de dépôt calcaire presque au moment 
où ils ont été entraînés par l'eau. Certains dépôts qui 
renferment un grand nombre de poissons encore revêtus 
de leurs écailles ont probablement été formés aussi 
d'une manière prompte. Peut-être les eaux, se char- 


30 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, 


geant tout à Coup d'abondanies matières minérales, ont- 
elles fait périr ces poissons, soit par la présence de ces 
matières, soit par une élévalion de température, et les 
ont-elles immédiatement recouverts par la précipitation 
ou le dépôt de ces substances. 

Il est vrai que la conservation des animaux morts est 
influencée aussi par la nature du rivage sur lequel ils 
sont jetés. Un corps battu par les vagues sur le galet se 
décomposera à proportion plus vite. Des poissons et des 
êtres fragiles entraînés dans un golfe tranquille résiste- 
ront beaucoup plus lonsiemps. Mais ces observations 
n'infirment pas ce que je viens de dire, car il faudra 
toujours un temps assez long pour la décomposition des 
premiers, et la conservation souvent très parfaite des 
écailles de poisson, des couleurs même des papillons, 
des membres délicats des insecies, des pattes si ca- 
duques des crustacés, prouvent un intervalle relative- 
ment bien plus court. 

Quelques naturalistes ont cru trouver dans certains 
faits des arguments en faveur de cataclysmes encore 
plus promplis, qui auraient amené des fossilisations plus 
rapides. Ainsi Îles poissons qu'on trouve dans Îles 
schistes cuivreux du zechstein, près de Mansfeld, sont 
fréquemment contournés, tandis que la plupart des pois- 
sons actuels ontaprès leur mort Le corps en ligne droite. 
On a vu, dans ces positions, la preuve d'une vive souf- 
france qui aurait accompagné leur mort prompte et in- 
stantanée. Nous ferons observer que les poissons du 
zechstein sont trop différents de formes de ceux qui 
existent de nos jours, pour que ces arguments aient une 
bien grande certitude. 

Un fossile célèbre du monte Bolca, près de Néïéne, 
a aussi été considéré longtemps comme prouvant Ja 


FORMATION DES FOSSILES. 31 


mort subite des poissons, au moment où a été formé le 
dépôt qui en renferme les restes. C’est une plaque cal- 
caire sur laquelle on voit un grand poisson, dans fa 
bouche duquel semble être un plus petit à moitié avalé. 
On l’expliquait par la mort instantanée de l’un et de 
l'autre ; depuis lors on a reconnu que le petit poisson 
n’était pas dans la bouche du grand, mais que ces deux 
animaux étaient seulement superposés. 

Les faits qui précèdent montrent donc que tous les 
débris des animaux qui sont parvenus jusqu'à nous 
ont été conservés dans des terrains formés par les 
eaux. Les couches qui les renferment se sont solidi- 
fiées, et ces débris, devenus de vrais fossiles, ont pu 
y prendre des apparences très diverses, qu'il importe 
de connaître pour éviter des erreurs dans leur déter- 
minalion. 

Les uns ont été conservés avec tous leurs carac- 
tères, et le seul changement qu'on y remarque est la 
dissolution des molécules organiques. Ainsi on trouve 
des os qui n’ont perdu que leur gélatine et qui sont 
semblables à ceux qui auraient été enfouis quelques 
années dans la terre ou exposés à l'action de l'air et de 
la pluie. On voit aussi des coquilles qui sont seulement 
devenues plus blanches, et qui, ayant perdu les parti- 
cules organiques qui formaient leur parenchyme pri- 
milif, sont plus friables que les vivantes. Quelquefois 
mème la détérioration a été encore moins sensible, çar 
on trouve des os d'ours des cavernes qui renfer- 
ment un peu de gélatine, et des coquilles fossiles 


presque aussi colorées que celles qui vivent aujour- 
d’hui,(?). 


(?) M. Hugard,dansun mémoire intéressant sur la fossilisation, à montré 
que la composition chimique des corps influe beaucoup sur leur mode de 


32 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

. Ce degré de conservation est fréquent dans les ter- 
rains récen{s ; mais dans ceux qui ont été formés à un 
âge très reculé, les fossiles ont ordinairement une 
apparence plus différente de celle des corps vivants. 
Souvent, comme je l’ai dit plus haut, les organes se 
pétrifient, c’est-à-dire que des liquides minéraux les 
pénètrent de manière à remplacer les molécules orga- 
niques par des molécules minérales, qui conservent la 
forme des tissus, tout en changeant leur apparence. On 
n’a pas encore d'explication tout à fait satisfaisante de 
ces pétrifications, malgré des recherches curieuses de 
M. Gœppert, qui a réussi à produire sur des tiges de 
bois quelque chose d'analogue, en les plongeant dans 
des solutions de silice, de matières calcaires et de sub- 
stances métalliques. 

Les corps pétrifiés (os, coquilles, etc.) changent de 
couleur et augmentent souvent de poids. Le carbonate 
de chaux et la silice, soit à l’état amorphe, soit à l'état 
cristallisé, sont les substances pétrifiantes les plus fré- 
quentes. Tantôt on voit l'intérieur d'une coquille orné 
de beaux cristaux; tantôt les fibres d’un os ou d’un 
végélal, devenues complétement minérales, conservent 
leur texture normale sous une apparence transparente 
et brillante. D'autres fossiles sont imprégnés de sulfure 
de fer, comme plusieurs ammonites des terrains aptien, 
oxfordien, liasien, etc. Le fer oligiste remplit les co- 
quilles de quelques terrains des environs de Semur (lias 
inférieur). Plusieurs substances ont encore été citées ; 


conservation ; que les denis persistent mieux que les os, ceux-ci que les cor- 
nes et les écailles ; les os des mammifères sont plus solides que ceux des pois- 
sons; l'enveloppe dure de quelques crustacés se détruit moins facilefhent que 
les téguments cornés des insectes ; les coquilles et les polypiers sont dans les 
meilleures coaditions de durée, etc. 


FORMATION DES FOSSILES, 39 
mais l'étude de tous ces faits importe plus à la minéra- 
logie et à la géologie qu'à la paléontoloie. 

Dans ces divers cas le fossile a sa forme externe 
normale; mais il y a aussi des modes de fossilisation 
qui changent l'apparence primitive du corps et le 
rendent souvent méconnaissable, Quelquefois le dépôt 
plus ou moins liquide qui entoure un corps creux, 
tel qu’un mollusque où un oursin, pénètre dans son 
intérieur et remplit sa cavité. Après la solidification, 
il peut se faire que le corps lui-même se détruise; 
il ne reste alors, pour indiquer sa présence, que le 
solide formé dans son intérieur, qui retrace par sa 
surface les formes internes de la coquille. Ces corps 
ont reçu le nom de moules. Si le test est très mince, 
la forme du moule diffère ordinairement peu de 
celle de la coquille elle-même ; mais s’il est épais, 
la différence sera beaucoup plus prononcée, et il fau- 
dra, dans la détermination générique et spécifique, une 
très grande attention pour ne pas commettre d'erreurs. 
On peut se convaincre de ces différences en remplis- 
sant de cire bien serrée quelques coquilles vivantes, 
qu’on dissout ensuite par un acide; la cire restée libre 
formera un véritable moule. Le même procédé per- 
mettra de faire une étude utile (") des rapports qui 
existent entre les caractères internes et ceux que four- 
nissent les coquilles complètes. On se mettra ainsi à 
même de reconnaître les genres, dans les cas (rès fré- 
quents où l’on aura des moules à étudier, 

Il peut se faire aussi, lorsque, comme dans le cas 
précédent, le fossile a été détruit après la solidification 
de la couche, qu'on ne le connaisse que par la partie 


(1) M. Agassiz a publié, dans les Mémoires de la Société d'histoire naturelle 
de Neuchâtel, un mémoire intéressant sur les moules des coquilles bivalves, 


c 
I, D 


34 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


de la roche qui l’entourait, et qui, en s'appuyant exac- 
tement sur lui, en a reçu la forme. Cette nouvelle 
apparence se nomme une empreinte ; elle correspond 
bien à la surface externe de la coquille, mais elle pré- 
sente en creux ce que celle-ci avait en relief, et vice 
versâ. On peut avec du plâtre ou de la cire, si l’em- 
preinte est suffisamment solide, reproduire la forme 
réelle de l’animal. 

Enfin, en supposant encore le fossile détruit après 
la solidification de la roche, si le dépôt n’est pas entré 
dans son intérieur et n'a pas fait de moule, il peut ar- 
river qu'un liquide s’insinue dans la cavité laissée par 
la dissolution de l'animal et prenne la forme générale 
de cette cavité, dont les paroïs constituent ce que nous 
avons appelé l'empreinte. Si ce nouveau liquide se 
solidifie, il retracera exactement les caractères externes 
de l'animal et formera ce qu’on nomme une contre- 
empreinte. Cette contre-empreinte ressemblera au pre- 
mier coup d’œil à un fossile pétrifié; mais, comme le 
fait ingénieusement remarquer M. Lyell, elle différera 
de lui comme la statue de bronze diffère de l'être 
qu'elle doit représenter ; la surface est semblable, mais 
il ne faut chercher dessous ni les muscles, ni les os, 
ni les autres organes. 

M. d’Orbigny, dans son Cours élémentaire de paléon- 
tologie, a modifié ces dénominations qui cependant 
sont généralement admises. Il nomme moule intérieur 
ce que nous avons appelé moule, moule extérieur ce 
qui a été désigné ci-dessus sous le nom d'empreinte, 
et modèle ce qui est pour nous une contre-empreinte. 
Les empreintes sont pour lui des portions plus ou 
moins étendues des moules. Il réserve le nom de 
contre-empreinte à celle qui est formée lorsqu'une co- 


POSITION DES FOSSILES. 39 


quille, ayant été déposée dans les couches terrestres, 
et s'étant détruite en laissant à la fois dans le dépôt soli- 
difié l'empreinte de la surface extérieure et son moule 
intérieur, il arrive que sous l'influence d’une pression, 
le vide disparaît, et que le moule intérieur et le moule 
extérieur se mettent en contact, de manière que 
leurs caractères s’atténuent en donnant un ensemble 
qui est la réunion de l'un et de l’autre. 


CHAPITRE IV. 


DES CHANGEMENTS DE POSITION ÉPROUVÉS PAR LES FOSSILES 
APRÈS LEUR ENFOUISSEMENT. 


Les fossiles, ainsi que nous l'avons dit dans le cha- 
pitre précédent, ont tous été déposés dans des couches 
horizontales; mais cette horizontalité à été fréquem- 
ment détruite par les dislocations de l'écorce du globe. 
Le refroidissement graduel de notre planète est proba- 
blement la cause principale de ces mouvements du sol. 

On sait que tout s'accorde pour démontrer que la 
terre a élé primitivement liquide et incandescente, et 
que son refroidissement à commencé à sa surface par 
la formation d’une croûte ou écorce solide dont l'épais- 
seur est encore aujourd'hui bien petite relativement au 
diamètre terrestre. La continuation du refroidissement 
a amené une diminution de volume dans les régions in- 
térieures. La croûte solidifiée a dû obéir par places à 
ce changement de dimensions. Des parties se sont affais- 
sées plus que d’autres, qui se sont trouvées ainsi éle- 
vées en plateaux et en montagnes, soit qu’une sorte 
d'effet de bascule déterminé par les affaissements mêmes 
les ait soulevées au-dessus de leur niveau primitif, soit 


36 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


que l’abaissement des premiers se soit quelquefois 
borné à leur donner une élévation relative. 

On donne le nom de soulèvements ou de dislocations 
à ces modifications de Ja surface du globe. Citer ces 
mots, c’est rappeler à tous les géologues le nom d'Élie 
de Beaumont, qui a tiré un parti si remarquable de ces 
phénomènes pour fixer les limites des diverses épo- 
ques ("), et la chronologie de la surface de la terre. 
Leur étude appartient à la géologie; quelques mots suf- 
firont ici pour exposer les faits les plus généraux dont 
la connaissance est indispensable à la paléontologie. 

Tantôt le soulèvement se manifeste sur une grande 
étendue et avec une intensité médiocre. Alors des 
espaces considérables se trouvent élevés au-dessus des 
pays voisins, en formant des plateaux peu disloqués 
où la continuité des couches, et souvent leur horizonta- 
lité, ne sont pas sensiblement modifiées. Tantôt aussi 
le soulèvement est plus brusque, les couches sont rom- 
pues, fortement redressées, et de véritables montagnes 
se forment. 

C'est, comme je l'ai dit plus haut, à la géologie qu'il 
appartient de décrire ces accidents, l'inclinaison des 
couches, leur redressement, leurs renversements et 
leurs plissements, leurs ruptures ou failles, ete., et 
d'indiquer les précautions que doit prendre l’obser- 
vateur pour deviner sous ces formes variées la disposi- 
tion primitive des terrains. 

On comprend facilement qu’à la suite de ces graves 
perturbations, les corps organisés déposés dans le fond 
des eaux puissent se trouver plus tard smgulièrement 


(1) Je reviendrai plus tard sur les travaux de cet illustre géologue, en 

\ 5 ; 
montrant comment on peut essayer de lier, pour l’histoire du globe, les docu- 
ments paléontologiques avec ceux que fournissent les soulèrements, 


POSITION DES FOSSILES. 5 7 


déplacés. Les couches qui Les renferment peuvent faire 
partie de ces plateaux considérables qui constituent les 
plaines de nos continents, et les fossiles se trouver 
ainsi souvent à de grandes distances des mers actuelles. 
Ces mêmes couches peuvent aussi avoir été redressées 
pour former des montagnes, et il est fréquent de trouver 
jusqu’au sommet des pics les plus élancés (") des fos- 
siles qui prouvent qu'avant la formation de ces monta- 
ones dont nous admirons la hauteur et la diversité, les 
roches qui les composent ont fait partie de dépôts éten- 
dus sous les eaux. 

Les formes variées etle bouleversement des montagnes 
ne doivent donc pas empècher de reconnaître une sériede 
couches primitivement horizontales, dont les plus profon- 
des sont les plus anciennes, etdont les plus superficielles 
sont les plus récentes. L’observateur doit reconstituer 
par la pensée cet ordre originel; alors les dislocations 
ne seront plus pour lui que des accidents qui lui four- 
niront le moyen d'étudier l’ordre et les caractères de 
ces formations successives, qui seraient inaccessibles 
sans ces coupures. 

Ces couches se laissent en général facilement distin- 
guer par des différences de couleur, de densité et de 
composition. Elles sont souvent séparées par des lignes 
très visibles. S'il y avait sur la surface du globe un lieu 
qui eût conservé des traces de toute la série des terrains, 
et qu'en cet endroit une dislocation immense eut coupé 


(1) On voit des fossiles dans les Alpes, dans plusieurs localités élevées. 
Ainsi les bélemnites se trouvent au mont Joly, à une hauteur de 2,560 me- 
tres au-dessus de la mer, et entre le col de Salenton et le Buet, à une hau- 
teur d'au moins 2,700 mètres. En Amérique, les plateaux des Andes en 
renferment à une hauteur plus grande encore. M. Gentil a trouvé au Pérou 
des peignes pétrifiés à 2,200 toises d’élévation. (Journ, de phys.,introd., t. F. 
p.435. — Burtin, Oryct de Bruxelles, p. 13.) 


38 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


toutes les couches, de manière à présenter à l’observa- 
teur la totalité de leurs tranches, on aurait dans cette 
coupe les moyens de reconnaître toute la suite des ter- 
rains stratifiés, depuis les plus anciens jusqu'aux plus 
modernes. 

Mais une pareille section n'existe pas et ne peut pas 
exister, et cela par deux raisons. 

La première est que les eaux seules peuvent former 
des terrains, et que par conséquent les pays qui ont été 
à sec pendant une époque géologique n’en ont pas 
conservé de traces. Or, aucun pays n’a été sous l’eau 
pendant la durée de toutes les époques géologiques. 
Dans tous donc il existera des lacunes (l) plus ou moins 
considérables. 

La seconde est que l'épaisseur (ou la puissance) des 
terrains stratifiés est beaucoup trop grande pour que le 
plus profond précipice, ou que le flanc abrupt de la 
plus haute montagne en puisse offrir à l'observateur 
autre chose qu’une très faible partie. 

Mais si cette coupe générale n'existe pas dans la na- 
ture, on peut la reconstruire théoriquement, en réunis- 
sant et en comparant des coupes partielles. On a des 
moyens, que nous verrons plus tard, de reconnaitre 
les terrains qui sont contemporains. Ces terrains servent 
de jalons, et tel pays fournira la coupe des terrains su- 
périeurs, tel autre celle des terrains profonds, un troi- 
sième comblera les lacunes et rectifiera ou complétera 
les autres. Les géologues sont ainsi parvenus à dresser 
un tableau général de la superposition des couches, 


(t) Ainsi dans les environs de Genève, nous n'avons aucun terrain plus 
ancien que le lias; le terrain néocomien, qui ailleurs est le premier terme 
d’une longue série crétacée, est souvent recouvert directement par la mollasse 
qui a été formée au milieu de l’époque tertiaire. 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 39 


dans l’ordre de leur apparition, qui représente la série 
de tous les terrains successifs. Les fossiles recueillis 
dans ces diverses couches se trouvent ainsi classés 
d’après leur ordre d'ancienneté; l’étude de ces dé- 
bris et les diverses questions qui s’y rattachent forment 
la base de la paléontologie. Je chercherai dans les cha- 
pitres suivants à faire connaître les conséquences les 
plus importantes et les plus générales qui découlent de 
leur examen. 


CHAPITRE V. 


DE LA DISTRIBUTION DES FOSSILES DANS LES DIVERS TER- 
RAINS, ET DES RAPPORTS ZOOLOGIQUES QUI EXISTENT 
ENTRE LES FAUNES SUCCESSIVES. 


Nous avons dit, en terminant le chapitre précédent, 
qu’on trouve les fossiles dans une série de couches dont 
on a pu déterminer l'ordre de succession. Nous devons 
étudier maintenant comment les espèces qu'ils repré- 
sentent sont distribuées dans ces divers terrains. 

Dans cette comparaison, l'observateur est frappé en 
premier lieu de ce que les fossiles sont pour la plupart 
différents des animaux actuels. Ce fait, dont Cuvier a 
montré le premier la généralité dans son admirable dis- 
cours sur les révolutions du globe, est Le point de dé- 
part de la paléontologie. 

La comparaison des diverses couches entre elles 
montre que la même différence existe entre leurs popu- 
lations respectives. Les fossiles conservés dans chacune 
d'elles diffèrent spécifiquement des fossiles des autres 
couches. On ne tarde pas à voir que chaque étage de la 
srande coupe que nous avons supposée a une popula- 


40 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


tion distincte qui ne se confond ni avec celles des ter- 
rains qui l’ont précédé, ni avec celles des formations 
subséquentes. 

De même que le voyageur qui quitterait les parties 
tempérées de l’Europe pour les déserts brülants de 
l'Afrique, ceux-ci pour les riches régions de l'Inde, et 
qui de là passerait dans le continent américain, ren- 
contrerait dans chacun de ces pays des animaux diffé- 
rents; de même le géologue et le paléontologiste qui 
passent de l'étude d’un étage à celle d’un autre plus 
récent ou plus ancien, rencontrent aussi des animaux de 
nature diverse. Dans la première supposition, l'observa- 
teur aura successivement sous les yeux un certain 
nombre d'animaux groupés ensemble et limités par le 
climat, les mers, les montagnes, etc., qui constituent ce 
que l’on nomme des faunes géographiques ("). Dans la 
seconde hypothèse, le paléontologiste passera en revue 
des groupes d'animaux séparés suivant Le temps auquel 
ils ont vécu. 

On à donné le nom de faunes géologiques à ces asso- 
cialions, et le fait énoncé plus haut, que les animaux 
différent d’une couche à l’autre, peut par conséquent 
s'exprimer en disant que chacun des terrains qui se 
sont successivement formés sur la surface du globe 
renferme sa faune spéciale, ou bien qu’une série de 
faunes différentes les unes des autres se sont succédé 
sur la surface de la terre. 

La comparaison de ces faunes présente des résultats 
importants, dont la généralisation permet d'arriver aux 


(1) Le mot faune est analogue au mot de flore. Le dernier exprime l’en- 
semble de la végétation d'une époque ou d’une contrée. Une faune est de 
même l’ensemble des animaux qui vivent dans un même pays ou qui ont 
vécu dans un même temps. 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. #1 
lois (!) qui ont présidé à la succession des êtres orga- 
nisés. Nous montrerons plus bas qu'il est probable 
qu'on s’est trop hâté dans l'établissement de quelques 
unes de ces lois, et qu'on a souvent donné aux faits sur 
lesquels elles reposent une portée qu'ils n'ont pas. 
Mais ces généralisations, malgré leurs erreurs, ont sin- 
gulièrement contribué à avancer le développement de 
la paléontologie, en montrant combien de questions 
graves et intéressantes se rattachent à l'étude des fos- 
siles. On conçoit d’ailleurs facilement que les natu- 
ralistes auxquels les résultats de cette science ont ap- 
paru pour la première fois aient été disposés à laisser 
errer leur imagination au delà des limites que l’obser- 
vation stricte des faits devait imposer; car ces faits, 
trop peu nombreux pour permettre une précision suf- 
fisante, l'étaient assez pour faire entrevoir combien 
sont importantes Îles lois que leur étude semblait 
révéler. Il convient donc de s’arrèter ici quelques mo- 
ments pour montrer sur quoi se basent ces généralisa- 
tions, pour rechercher ce qu’elles ont de vrai et de faux, 


(1) En employant le mot loi, j'ai été critiqué par quelques personnes. Je 
sais en effet que ce mot a en philosophie une acception un peu différente, ct 
que nos lois paléontologiques n'ont ni la nécessité, ni l’universalité qui jus- 
tifieraient ce nom. Mais daus les sciences naturelles ce mot est depuis long- 
temps employé dans le sens où je l’ai pris. Pour le physicien, une loi n’est 
qu'une généralisation de faits, une sorte de synthèse, susceptible aussi de 
plus et de moins, admise dans un temps, controversée dans un autre, aspi- 
rant à être un lien universel et nécessaire entre les faits, mais n'y réussis- 
sant pas toujours. Il suffit de rappeler ici la loi de Mariotte, admise comme 
générale jusqu'aux recherches récentes de M. Regnault; la loi de Ohm, qui 
en pratique, présente presque toujours des anomalies, etc. Pour le paléon- 
tologiste comme pour le physicien, une loi est l’expression de ce qu’il y a de 
commun et de général entre plusieurs faits ou plusieurs séries de faits. Elle 
n’est donc pas invariable, en ce sens que de nouvelles découvertes peuvent la 
modifier. Pour qu’elle fût une vraie loi aux yeux du philosophe, il faudrait, ce 
qui n’est pas dans le pouvoir de l’homme, que la science fût complète et par- 
faite. 


42 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


et pour discuter leurs limites réelles. Je passerai en 
revue dans ce chapitre les lois, c’est-à-dire les règles 
générales qui découlent directement de la comparaison 
des faits, et j'indiquerai, dans le suivant, les prin- 
cipales théories que l'on a imaginées pour expliquer la 
succession des faunes. 

Dans cette analyse, je me suis attaché à distin- 
guer avec autant de soin que possible les vérités qui 
sont clairement démontrées des idées qui sont encore 
plus ou moins controversées. J'ai cherché aussi à 
poser clairement les questions, car c’est pour avoir 
trop facilement confondu des points de vue fort 
différents que la discussion à souvent été entou- 
rée d'une obscurité que l’on peut, je crois, dissiper. 
Il y a, je le reconnais, beaucoup de points douteux, 
probablement quelques uns qui dépassent les forces 
de la raison humaine; mais il est aussi des faits acquis 
que l’on doit distinguer des autres et que l'on ne con- 
testera plus quand, en voulant les défendre, on ne les 
associera pas avec ceux qui ne peuvent pas encore être 
démontrés. | 

J'établirai d’abord les lois les plus certaines et les 
plus générales qui ne sont que le développement du fait 
indiqué ci-dessus, l'existence des faunes successives. 

Première Lor. — Les espèces (*) d'animaux ont toutes 
eu une durée géologique limitée. Je crois cette loi incon- 


(1) II importe de préciser la valeur que nous donnons au mot espèce, 
dans la discussion de toutes ces lois. Pour nous, l'espèce en paléontologie est 
comprise dans les mêmes limites que dans la nature vivante. Nous appelons 
animaux de même espèce, tous ceux qui se ressemblent assez pour que, s'ils 
étaient vivants, on les réunit en une seule espèce. Nous considérons comme 
appartenant à des espèces différentes, les animaux qui différent par des carac- 
tères égaux ou supérieurs à ceux qui, dans le monde actuel, sont suffisants 
pour distinguer les espèces. (Voyez la note À à la fin du volume.) 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 43 


testable, et je pense qu’elle sera incontestée si on la 
pose comme je viens de le faire et sans la mélanger () 
avec une autre bien plus discutable, connue sous le 
nom de loi de spécialité des fossiles, que nous exa- 
minerons plus bas. 

Dès que l'on aborde l'étude de la paléontolosie, on 
est frappé du grand nombre de types qui ont vécu pen- 
dant une période géologique limitée. Presque tous les 
orands reptiles aquatiques et terrestres sont dans ce 
cas, ainsi que les ptérodactyles. Les ammonites, les 
bélemnites, les trilobites, etc., etc., ont existé pen- 
dant un petit nombre d’époques que leurs débris carac- 
térisent d'une manière incontestable. 

Dans ces types et dans beaucoup d’autres, les carac- 
tères sont tellement tranchés, que leur apparition et 
leur disparition frappent les observateurs les moins 
attentifs. Quoi de plus étonnant, en effet, que de voir 
des groupes zool@iques aussi remarquables manquer 
dans toutes les époques anciennes, puis se développer 
avec abondance, jouer un rôle important dans les mers, 
pour disparaître ensuite et ne laisser aucune trace pen- 
dant toutes les époques suivantes ? 

Ce qui est arrivé pour ces types plus frappants est 
arrivé aussi pour toutes les espèces, et aucune n'a dé- 
passé dans sa durée un petit nombre de périodes géo - 
logiques. 

Les unes, et c'est le plus grand nombre, n’ont pas 
encore existé à l'époque la plus ancienne. Ainsi on 
chercherait inutilement parmi les fossiles de ce temps 
des mammifères, des oiseaux ou des reptiles. Tous ont 
apparu plus tard. Tous les poissons de nos mers appar- 


(1) J'ai moi-même commis l'erreur de ce mélange dans la premiere édi- 
tion de cet ouvrage, t. I, p. 58. 


44 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

tiennent à des formes relativement récentes. L'étude 
des mollusques, des articulés et des zoophytes montre 
aussi que la grande majorité des espèces ont apparu 
postérieurement aux époques anciennes et suCCessive- 
ment dans chacune des suivantes. 

D’autres espèces ont eu le sort inverse. Créées de 
bonne heure, elles se sont éteintes avant les époques 
récentes ct la période actuelle. Le fait seul de leur ap- 
parition ancienne rend certaine leur prompte dispari- 
tion. Les exemples surabondent. 

D'autres, enfin, ont vécu dans les époques intermé- 
diaires et manquent complétement aux terrains anciens 
et aux terrains récents. 

On peut se rendre compte d’une manière frappante 
de la vérité de cette loi en voyant combien même les 
genres ont eu une durée limitée; car, sur près de 
quinze cents genres connus à l’état fossile, M. d'Or- 
bigny n’en compte que seize qui occupent tous les 
étages ! 

Tout s'accorde donc pour démontrer qu'aucune es- 
pèce n’a vécu à Ja fois pendant les périodes anciennes 
et pendant les époques récentes; qu'aucune ne s'est 
continuée pendant toute la série des temps géologi- 
ques, et que, par conséquent, la durée de toutes a été 
limitée. 

Quelques personnes s'étonneront que j'aie pu m'ar- 
rêter sur des faits aussi évidents. Je l’ai fait pour 
deux motüfs. J'ai voulu commencer par avoir une base 
solide et une loi incontestable; et en outre s’il est vrai, 
comme je le crois, que personne ne pense aujourd’hui 
à nier cette loi, le temps n’est pas loin de nous où des 
naturalistes éminents soutenaient encore le contraire. 

SECONDE LOI. — Les espèces contemporaines d’une 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 45 


mème localité ou de localités voisines ont en unmense 
majorité disparu el apparu ensemble (*), d’où il résulte 
que dans chaque couche les fossiles sont associés en 
faunes distinctes, et qu'on ne trouve que très rare- 
ment des faunes de transition ou intermédiaires. 

La durée limitée, établie par la loi précédente, étant 
admise pour chaque espèce, on comprend qu'elle pour- 
rait se manifester dans ses résultats de deux manières. 
Ou bien chaque espèce est tout à fait indépendante 
des autres dans son apparition et sa disparition; ou 
bien les espèces nées ensemble disparaissent aussi en- 
semble et sont alors remplacées en masse par des 
espèces nouvelles. Dans le premier cas, il y aurait une 
série continue de modifications dans la population ani- 
male et impossibilité de trouver dans Îles caractères 
zoologiques des limites tranchées pour les périodes géo- 
logiques. Dans le second cas, il y aurait des lignes de 
démarcalion très marquées au moment de la disparition 
desespèces etde l'apparition de celles quiles remplacent. 
Le premier cas rappellerait ce qui existe lorsque deux 
faunes géographiques ont été dans le monde actuel sé- 
parées par des espaces habitables et sans obstacles ; les 
faunes ont rayonné l’une vers l’autre et les pays inter- 
médiaires sont caractérisés par leur mélange à des de- 
erés divérs. Le second cas rappellerait les faunes géo- 
oraphiques séparées par des espaces infranchissables et 


(!) On remarquera que dans l'énoncé de cette seconde loi, j'ai mis le mot 
en grande majorité. Je crois nécessaire de distinguer cette loi de la question 
de la spécialité des fossiles; car il me semble important de démontrer d'une 
manière positive l'existence de faunes distinctes, composées d'espèces en 
général spéciales à ces faunes. La question de la spécialité absolue des fos- 
siles, étant contestée et contestable, doit être discutée à part, afin de ne pas 
jeter d'incertitude sur notre deuxième loi, qui est au contraire, je crois, in- 
contestée et incontestable, 


4.6 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, 


restées pures et sans mélange (par exemple, Madagascar 
comparé au sud de l'Afrique, l'Amérique à lEu- 
rope, elc.). 

Pour décider si entre les faunes géologiques la règle 
est l'indépendance ou la fusion, je dégage d’abord Ja 
question des différences que peuvent entrainer degrandes 
distances géographiques, et je ne suppose, pour le mo- 
ment, que des faunes vivant dans une même localité ou 
dans des localités très voisines. Je ferai d’abord remar- 
quer que, dans ce cas, les phénomènes qui ont pu 
amener le renouvellement de la population zoologique 
ont dù vraisemblablement étendre leur action sur fa 
presque totalité des espèces. Sans vouloir aborder ici 
une discussion qui sera mieux placée lorsque, dans Île 
chapitre suivant, nous traiterons des circonstances qui 
ont amené tous ces phénomènes, je rencontrerai peu de 
contradicteurs en disant que les causes les plus proba- 
bles, telles que les changements de température, les 
soulèvements, les mélanges de matières dans l’eau des 
mers, etc., ont dù en général, par leur nature même, 
avoir une influence égale sur toutes les espèces, de ma- 
nière à détruire la totalité ou la presque totalité de celles 
qui vivaient ensemble, et qu’elles n’ont pas dû se borner 
à des extinctions partielles. 

Les preuves principales se {rouvent d'ailleurs dans 
l'observation directe des faits géologiques. Si dans un 
gisement riche en fossiles, on étudie le point de contact 
des couches, on verra que, sauf dans des cas rares et 
exceptionnels, les faunes paléontologiques sont très 
tranchées. Tantôt à un terrain clairement caractérisé 
par l’ensemble des corps organisés qu'il renferme en 
succède sans transition et sans intermédiaire un autre 
non moins distinct par ses fossiles, qui sont tous diffé- 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 47 


rent{s (‘). Tantôt on voit entre deux terrains une couche 
non fossilifère ; mais on ne trouve jamais (ou presque 
jamais) un dépôt renfermant à la fois et dans un état 
normal des fossiles de la couche qui est située au-dessous 
de lui mélangés avec ceux de la couche qui le recouvre. 

Cette indépendance des faunes est surtout remar- 
quable dans le cas que je viens d'indiquer, c’est-à-dire 
lorsqu'on peut observer deux terrains consécutifs en 
contact. Nous verrons plus bas que les cas dans lesquels 
on a trouvé des mélanges plus où moins exactement 
constatés se présentent souvent lorsque deux couches, 
bien distinctes dans une localité, se trouvent repré- 
sentées dans une autre par une seule qui peut réunir 
jusqu'à un certain degré leurs caractères communs. Ce 
fait peut s’expliquer probablement en admettant que la 
cause d'extinction a pu être plus intense et plus gé- 
nérale dans un lieu que dans un autre. 

Ces faits prouvent évidemment que les modifications 
dans la population zoologique ont en général porté à la 
fois sur l’ensemble des faunes. Les espèces nées en- 
semble et ayant vécu ensemble ont ordinairement dis- 
paru ensemble. Je pense que personne ne songera à 
contester cette vérité posée dans ces termes généraux, et 
par conséquent à nier que cette loi s’applique à la grande 
majorité des espèces. Il reste maintenant à savoir si elle 
s'applique à toutes. 

(1) On pourrait citer des centaines de coupes où ces faits sont faciles à 
observer. Une des plus remarquables que je connaisse dans les environs de 
Genève, est celle qui a été faite, pour une nouvelle route dans le terrain 
néocomien de Sainte-Croix (canton de Vaud). Les talus coupent les trois cou- 
ches que distinguent les géologues suisses, dans un endroit riche en fossiles. 
Les lignes de séparation, rendues apparentes par des différences de coloration, 
correspondent à des changements subits de populations zoologiques. La même 


chose s’observe presque partout. Je connais aussi quelques exceptions que ce 
n’est pas ici le licu de discuter. 


48 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Discussion sur l'extension que l’on peut donner à la 
seconde loi, où Question de la spécialité des fossiles. 

Nous abordons ici une question plus délicate, qui par- 
tage les paléontologistes en deux camps, où les hommesles 
plus éminents sont presque également répartis. I im- 
porte donc de la discuter avec quelque détail, surtout 
de tâcher de la bien poser, et de chercher à distinguer 
aussi clairement que possible les faits sur lesquels tout 
le monde est d'accord, de ceux qui sont contestés et 
dont la preuve doit fortifier l’une ou l’autre opinion. 

Les naturalistes qui admettent la spécialité des fos- 
siles croient que l'extinction de toutes les espèces con- 
temporaines a eu lieu à la fois sur toute l'étendue de 
leur distribution géographique, et que l'apparition des 
espèces d'une même faune a de même été instantanée. 
Ils pensent done que les espèces d'animaux d'une épo- 
que géologique n'ont vécu mi avant, ni après celte 
époque ; de sorte que chaque formation a ses fossiles 
spéciaux, el qu'aucune espèce ne peut être trouvée dans 
deux terrains d'âge différent. 

La solution de cette question est d’un très haut in- 
térêt pour la paléontologie, car de la manière de l’envi- 
sager dépend en partie (!) l'opinion que l’on peut avoir 
sur l'importance des applications de cette science à la 
géologie. Si les fossiles sont spéciaux aux terrains, ils les 
caractérisent avec une certitude complète; si, au con- 
traire, quelques uns de ces corps sont spéciaux et d’au- 
tres communs à plusieurs formations, il n’y a qu'une 
partie d’entre eux qui puissent fournir des résultats, etde 
[à naît une source d'incertitudes et de chances d'erreur. 
Les péologues qui n'ont pas admis la spécialité des fos- 


(1) J'espère, du reste, démontrer plus bas que, quelle que soit l'opinion 
que l’on adopte, les applications à la géologie conservent leur importance. 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 49 


siles, et qui ont senti en même temps que ces corps 
avaient à jouer un rôle dans la détermination des ter- 
rains, ont distingué les fossiles caractéristiques, c’est-à- 
dire ceux dont l'existence peut être regardée comme un 
critère certain pour fixer l’âge d'un terrain, et les fos- 
siles non caractéristiques qui ne peuvent pas être em- 
ployés dans ce but. Les naturalistes, au contraire, qui 
admettent la spécialité des fossiles, les regardent tous 
comme caractéristiques et comme fournissant des ré- 
sultats également certains, pourvu qu’ils puissent être 
clairement déterminés. 

Pour discuter cette loi importante, les paléontolo- 
gistes ne se sont pas tous placés au même point de vue. 
M. Defrance, en particulier, a cru devoir créer une 
sorte de méthode spéciale pour l’étude des coquilles fos- 
siles. I à distingué dans leur comparaison trois degrés 
de ressemblance, et nommé coquilles 2dentiques celles 
dont les individus comparés ensemble ne présentent pas 
la moindre différence ; espèces analoques celles qui dif- 
fèrent par des caractères du même ordre que ceux qui, 
dans la nature actuelle, constituent des variétés, et que 
l’on peut attribuer à une influence plus ou moins pro- 
longée de la chaleur, des lieux, etc.; et espèces subana- 
loques celles qui n’ont qu'une analogie éloignée, et en 
dehors des limites que l’on assigne aux variétés d’une 
même espèce. Il à réservé le nom d'espèces perdues pour 
celles qui n'ont aucun de ces degrés de ressemblance 
avec les espèces vivantes. 

Cette méthode de comparaison a été reçue avec faveur 
par beaucoup de géologues et de conchyliologistes, et je 
ne veux pas nier qu’elle n’ait eu une heureuse influence, 
en attirant l'attention sur les divers degrés de ressem- 


blance des coquilles fossiles avec les vivantes. Mais il 
I. & 


50 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


me semble qu’elle complique inutilement la question 
qui nous occupe ici (’), et qu’au lieu de quatre catégo- 
ries de différences et de ressemblances, il est plus sim- 
ple, plus logique et plus naturel de n’en admettre que 
deux. Je pense que la question n’est pas de savoir si les 
coquilles sont identiques, analogues, subanalogques ou 
perdues ; mais bien si elles sont ou non de même espèce. 

Si l’on scrute en effet avec quelque attention les dis- 
tinctions établies par M. Defrance, on verra que la ca- 
tégorie des coquilles analogues ne se renferme pas dans 
des limites claires et bien définies. Si cet habile natura- 
liste n’a considéré comme analogues que les espèces 
qui diffèrent entre elles par des caractères tels que, 
si elles étaient vivantes, on les réunirait comme va- 
riélés d'une même espèce, 1l n’y a aucun intérêt réel 
à distinguer les coquilles analogues et les coquilles 
identiques, puisque l'identité absolue n'existe jamais, 
et que les unes et les autres ne diffèrent que par ces 
légers caractères, qui n’empêchent pas de reconnaître 
leur provenance probable d’une même souche. Entre les 
petites variations que le naturaliste néglige et celles qui 
lui font désigner un certain type sous le nom de va- 
riété, il y a des nuances et des transitions insensibles, 
qui s'effacent entièrement vis-à-vis du fait essentiel que 
les coquilles qui les présentent doivent être rapportées 
à la même espèce. 

Mais si M. Defrance a entendu par espèces analogues 
des coquilles qui diffèrent par des caractères un peu 
plus considérables que les variétés d’une même espèce 
vivante, et s’il a admis en même temps que ces diffé- 


(1) Je ne parle ici que de la question principale ; il est des questions se- 
condaires et d’une importance moindre où l’analogie des coquilles peut être 
intéressante à constater. 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. o1 


rences puissent avoir été amenées par l'influence des 
changements du climat ou par les causes géologiques, 
sa distinction devient beaucoup plus dangereuse, car elle 
préjuge une question douteuse et s'appuie sur l’action 
de forces inconnues et mal définies. Pour la solution 
d’une question aussi délicate, on ne peut raisonner que 
sur des bases positives, que l’étude de la nature actuelle 
peut seule fournir : admettre des influences plus éten- 
dues, c’est renoncer gratuitement aux faits positifs pour 
les hypothèses. Si deux espèces diffèrent par des caractè- 
res que l’on ne puisse pas expliquer par l'influence des 
agents extérieurs, limitée comme nous la connaissons 
aujourd’hui, le paléontologiste doit constater leur diffé- 
rence comme il le ferait pour des espèces vivantes. Il réu- 
nira de cette manière des faits comparables (‘) et les li- 
mites des espèces auront pour lui une clarté qui n'existe 
pas, si l’on admet qu'elles ont pu varier d’une manière 
qu’on ne peut pas préciser, et sous l'influence de causes 


(1) Ces bases rigoureuses n’empêcheront pas d’ailleurs toute discussion 
subséquente sur l'influence prolongée des agents extérieurs ; je pense même 
que les partisans de la théorie du passage des espèces les unes dans les autres 
doivent nécessairement admettre notre point de départ, Il n’y a, en effet, pour 
eux que deux partis logiques, ou limiter, comme nous lavons fait, les espè- 
ces fossiles par les mêmes principes qui régissent l’étude des êtres vivants, 
ou réunir dans la même espèce tous les animaux qu'ils considèrent comme 
ayant pu provenir d’un même type. Or, si l’on admettait cette dernière ma- 
nière de voir, on tomberait pour la limite de l’espèce dans une variabilité 
très fâcheuse. Tel naturaliste réunirait seulement quelques animaux très 
voisins dont l’origine commune est contestable même dans l'hypothèse de 
la permanence des espèces. D’autres, adoptant les théories du dévelop- 
pement graduel d’une manière plus complète, pourraient associer, sous un 
inême nom d'espèce, des genres et même des familles entières qu’ils pense- 
raient n'être qu'une série de modifications d’un type primitif unique. Il n’y 
aurait plus ni règle fixe ni unité. Je sais bien que ces résultats extrêmes 
sont loin des opinions que professait le savant conchyliologiste dont je combats 
les idées ; mais dans une route fausse il ne faut pas même faire le premier 
pas, car on peut être forcé de la parcourir tout entière. 


52 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


qui échappent à l'examen, par cela même qu’on les 
suppose différentes de celles qui agissent de nos jours. 

La catégorie des espèces subanalogues ne me paraît 
pas mieux établie que celle des analogues ; car, dès que 
M. Defrance a nommé ainsi les coquilles qui diffèrent 
par des caractères trop importants pour qu’on puisse les 
rapporter à la même espèce, il est évident que, dans la 
question qui nous occupe, ce mot est synonyme d’es- 
pèces différentes ou d'espèces perdues. 

Je pense donc qu’il est plus convenable et plus con- 
forme aux faits de ne pas tenir compte ici des degrés 
intermédiaires d’analogie, et, dans la discussion de la 
loi de la spécialité des fossiles, d'appliquer à ces débris 
des animaux anciens, les mêmes lois qui dirigent les 
naturalistes dans l’établissement des espèces du monde 
actuel. Les distinctions de M. Defrance retrouveront 
d’ailleurs leur utilité, dans la comparaison des espèces 
perdues des diverses faunes géologiques. Il peut sou- 
vent être intéressant de savoir si ces espèces ressem- 
blent plus ou moins à celles qui les ont précédées ou 
suivies, 

Ces bases établies, la question se simplifie, et sa 
solution dépend tout entière de l'examen des faits, sous 
la direction des méthodes de la zoologie proprement 
dite. Il peut sembler alors qu’il ne reste qu’à comparer 
les listes des fossiles de chaque terrain établies par 
les paléontologistes, afin de voir si les mêmes noms s’y 
retrouvent. Malheureusement ces listes, dressées sou- 
vent à la hâte et quelquefois par des observateurs 
superficiels ou peu versés dans la connaissance de la 
zoologie, ne sont pas toujours faites de manière à 
inspirer de la confiance, et la plupart d’entre elles 
fourmillent d'erreurs. Le résultat que leur comparaison 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 53 


fournirait, si on les acceptait toutes pour bonnes, serait 
que de nombreuses espèces se trouvent à la fois dans 
plusieurs terrains ; mais plus on étudie les fossiles, plus 
on renonce à la plupart de ces prétendues identités, 
et je ne doute pas que, plus la science avancera, plus 
on reconnaîtra que ce n’est souvent que par des assi- 
milations erronées que l’on a placé les mêmes noms 
dans des catalogues de fossiles de terrains différents. 

Les faits connus aujourd’hui en paléontologie, qui 
seront énumérés et classés dans la deuxième partie de 
ce traité prouveront, je crois, à tout esprit non prévenu 
que la spécialité des fossiles est la règle générale ; mais 
qu’en même temps ce n’est pas une règle sans excep- 
tions. Semblables en cela à plusieurs autres lois (!) 
zoologiques, elle se vérifie dans la grande majorité des 
cas et se trouve contredite dans un petit nombre. On 
ne peut pas encore assurer quelle est la proportion de 
fossiles qui passent d’un étage dans l’autre; mais on 
peut certifier qu’elle est extrêmement minime (M. d'Or 
bigny la porte à moins de un pour cent pour les terrains 
jurassiques et crétacés). Les travaux les mieux faits 
pour inspirer la confiance prouvent tous les jours davan- 
tage que chaque terrain a en général ses fossiles propres 
et j'ai l'intime confiance que le temps ne fera que 
confirmer cette vérité. 

Ilest d'ailleurs naturel que les premiers observateurs 
aient été d’abord plus frappés des analogies que des 
différences ; l’examen superficiel montre plus vite les 
premières, et les secondes exigent plus de travail. La 


(:) Nous pourrions citer bien des exemples de lois qui sont dans le même 
cas et qui cependant ne sont pas contestées, Ainsi la loi qui établit que les 
croisements entre des espèces très voisines produisent des mulets inféconds 
a des exceptions certaines, et cependant personne n’en nie la réalité, 


54 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


même chose a eu lieu pour les animaux vivants, dont 
les anciens auteurs ont souvent groupé sous un même 
nom plusieurs espèces voisines, que leurs successeurs 
ont séparées. De même, pour les fossiles, des observa- 
teurs plus exacts ou moins pressés ont trouvé des dif- 
férences là où on n’en avait pas vu. On pourrait citer 
des centaines de cas où des espèces d’abord réunies 
ont dû être séparées, et ont servi ainsi à démontrer la 
vérité d’une loi qu'elles avaient d’abord pu faire re- 
garder comme fausse. 

De nouveaux travaux nous apprendront une fois 
jusqu’à quel degré cette loi s’étend. Incontestable lors- 
que l'on compare les grandes divisions des terrains, 
elle devient moins certaine à mesure que l’on multiplie 
les étages. Nous devons faire remarquer à ce sujet 
qu’elle arriverait même à être tout à fait fausse lorsque 
des subdivisions mal faites partageraient une époque 
en tenant compte d'accidents locaux peu importants ; et 
qu'elle ne peut exister qu'avec une bonne classification 
des terrains. Souvent des espèces ne passent d’un étage 
à l’autre que parce que ces étages sont mal définis. Plu- 
sieurs géologues admeltent, comme nous le verrons 
plus loin, au moins vingt-cinq à trente étages distincts, 
et, par conséquent, un nombre égal de faunes succes- 
sives ; il n’est pas certain que la spécialité des fossiles 
existe également pour tous. 

J'ai dit que cette loi présentait quelques exceptions. 
Ce sont les suivantes (!). 

1° Quelques espèces plus robustes, plus abondantes, 
ou placées dans quelques circonstances spéciales peu- 


(t) I ne faut pas ici tenir compte des fossiles remaniés, c'est-à-dire mé- 
langés par des mouvements géologiques postérieurs à leur formation. Nous 
en parlerons dans le chapitre VIT. 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 55 


vent avoir résislé aux causes de destruction qui ont 
frappé toutes celles qui vivaient avec elles. On les re- 
trouvera donc fossiles dans des élages superposés ou 
sous-jacents. Mais cette exception est toujours très 
limitée, soit quant au nombre des espèces, soit quant 
à la durée de la persistance ; elles traversent une ou 
deux époques, mais jamais plus. 

MM. d’Archiac et de Verneuil ont observé (!) que cette 
persistance des espèces se lie avec l'étendue de leur 
distribution géographique. « Les espèces, disent-ils, qui 
» se trouvent à la fois sur un grand nombre de points et 
» dans des pays très éloignés les uns des autres, sont 
» presque toujours celles qui ont vécu pendant la for- 
» malion de plusieurs systèmes successifs. » M. E. Forbes 
a fait remarquer aussi que les espèces qui peuvent vivre 
à des niveaux très différents au-dessous de la surface 
des eaux sont généralement celles qui se rencontrent 
sous les latitudes les plus différentes. 

2° Il peut arriver que des animaux ayant été détruits 
à la fin d’une époque géologique, leurs dépouilles se 
soient conservées de manière à pouvoir se mêler avec 
celles des animaux de l’époque suivante. Cela est sur- 
tout facile à comprendre pour les coquilles qui, comme 
celles des nautiles, flottent parce qu’elles sont pleines 
d’air. La mème chose peut arriver pour des ossements ou 
des coquilles non flottantes déposées dans le fond d’une 
eau qui, n'élant pas chargée de matières minérales, les 
aura laissées à découvert. Ces corps peuvent avoir été 
enfouis beaucoup plus tard, avec les dépouilles des 
animaux qui auront vécu dans le même lieu pendant 
la période suivante. 


(1) Transactions of the geological Sociely, 2° série, t. VI, p. 335. 


56 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Dans ce cas, le mélange des fossiles ne prouverait 
pas que les espèces qui se trouvent à la fois dans deux 
étages aient réellement vécu pendant les deux époques 
qui leur correspondent. 

3° Les causes d'extinction peuvent ne pas avoir agi 
avec la même intensité sur toute l'étendue géographique 
de la faune d’une certaine époque. Sur les confins de 
cette faune, il peut y avoir eu des bassins où les ani- 
maux n'aient pas été détruits et aient été mélangés 
plus tard avec les nouvelles populations. En général, 
ces bassins s'étant trouvés en dehors du mouvement 
géologique auront formé à cette époque des dépôts peu 
puissants, et on les reconnaîtra par conséquent à ce 
double caractère géologique et paléontologique d’avoir 
des couches peu épaisses et des fossiles mélangés. 
Il y a plusieurs faits locaux que l’on ne peut expliquer 
que par ce moyen. Ainsi dans quelques parties des Alpes 
suisses, le terrain jurassique forme des bancs très peu 
puissants si on les compare aux riches formations d’An- 
gleterre, de France et d'Allemagne. Dans ces couches, 
au Stockhorn par exemple, on trouve associées des am- 
monites de l’oolithe inférieure, de la grande oolithe et 
même de l’oxfordien inférieur. Îl est probable que ces 
terrains se sont formés dans une partie de la mer qui 
a été peu troublée et peu modifiée pendant la durée des 
phénomènes qui ont produit ailleurs des dépôts très 
distincts et enfoui des fossiles spéciaux. 

Mais, comme je l'ai dit plus haut, toutes ces excep- 
tions jouent un très petit rôle, et la grande majorité 
des espèces fossiles paraît limitée à une époque géo- 
logique. 

Je ne puis pas quitter la discussion de cette loi si es- 
sentielle sans faire encore une observation. J'ai dit que la 


DISTRIBUTION DES FOSSILES,. 97 


démonstration de la loi devait résulter de la connaissance 
de l’ensemble des faits. [Il est des cas, rares il est vrai, 
où ces faits pourront être interprétés d’une manière 
différente, suivant l’opinion préconçue que le paléon- 
tologiste qui les signalera se sera faite de la vérité de 
celte loi, et qui par conséquent pourront peut-être ser- 
vir d'arguments dans les deux sens. Certains genres très 
naturels peuvent fournir la preuve de ce que j'avance. 
Si l’on compare, par exemple, les ossements de toutes 
les espèces de lièvres qui vivent de nos jours, on arri- 
vera difficilement, pour quelques unes d’entre elles, à 
saisir des caractères distinctifs. Si donc on trouve un 
lièvre fossile, et surtout si l’on n’en trouve que des 
fragments , il sera possible qu'on puisse le rapporter 
également à une ou à plusieurs espèces connues. Le 
paléontologiste qui étudiera ces débris, pourra, pour 
ainsi dire à volonté, affirmer que l'espèce est identique 
aux espèces actuelles, ou croire que c’est une espèce 
perdue dont les caractères distinctifs ne résident que 
dans les parties qu’on ne connaît pas, et que certaines 
pièces du squelette ne suffisent pas à caractériser. La 
rareté de ces cas et le peu d'importance , pour la déter- 
minalion des terrains, des espèces sur lesquelles peut 
porter l’indécision , empêchent qu’il en résulte une 
confusion réelle. 

Troisième Lor. — Les différences qui existent entre 
les faunes perdues et les animaux actuels sont d'autant 
plus grandes que ces faunes sont plus anciennes; 
c'est-à-dire que plus les terrains sont anciennement 
formés, plus les animaux dont ils renferment les dé- 
bris diffèrent de ceux qui peuplent aujourd’hui notre 
globe. 

Cette loi se manifeste d’une manière évidente lors- 


58 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


qu’on compare les débris fossiles des animaux des di- 
verses époques géologiques. Si nous examinons, par 
exemple, les coquilles des terrains tertiaires, nous ne 
verrons presque que les formes qui nous sont familiè- 
res ; tandis que si nous étudions les faunes des terrains 
anciens, les formes nouvelles et inconnues nous parai- 
tront bien plus fréquentes, et nous serons, pour plu- 
sieurs d’entre elles, tentés de les désigner sous le nom 
de bizarres ou d’anomales, parce qu’elles échappent à 
certains rapports auxquels nous sommes habitués. 

Si l'on veut, par une analyse plus sévère, préciser 
cette première impression, on peut dire que les es- 
pèces des couches les plus récentes appartiennent, 
pour la plupart, aux genres dans lesquels se répartis- 
sent les animaux vivants; tandis que si l’on descend 
davantage dans l'écorce de la terre, on est obligé de 
créer plus de genres nouveaux pour grouper les formes 
des êtres; et que même il existe, dans les terrains les 
plus anciens, des conditions d'organisation encore plus 
différentes, qui exigent la formation de familles ou 
d'ordres nouveaux. 

Cette loi est vraie pour toutes les classes d’animaux, 
mais elle présente quelques différences dans son ap- 
plication. Les classes qui ont apparu dès l’origine, et qui 
par conséquent ont des représentants dans les terrains 
les plus anciens, ont eu des formes peu variables pen- 
dant des périodes très longues. Dans celles, au contraire, 
dont l'apparition est relativement récente, la loi s’ap- 
plique en quelque sorte d'une manière plus rapide, et 
les formes varient à des époques plus rapprochées. Si 
l'on compare, par exemple, les mollusques et les mam- 
mifères, on verra que les premiers, qui ont déjà existé 
dans les époques les plus anciennes que nous connais- 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 59 


sions, n'ont presque pas changé de forme depuis la fin 
de l’époque crétacée, et que les coquilles des terrains 
tertiaires appartiennent presque toutes aux mêmes 
genres que les coquilles modernes. Les mammifères, au 
contraire , qui ont apparu pour la première fois au com- 
mencement de l’époque tertiaire, ont présenté alors des 
formes qui nécessitent la création de nombreux genres 
nouveaux. Dans les terrains les plus anciens de cette 
époque on retrouve, avec des coquilles de même genre 
que les nôtres, des anoplothériums, des anthracothé- 
riums C1 des palæothériums, qui sont des types perdus ; 
et il faut arriver aux terrains tertiaires les plus récents 
et à l’époque diluvienne , pour trouver des faunes de 
mammifères dont la majorité puisse se rapporter aux 
genres actuels. 

Toutefois, quelque réels que soient les faits dont cette 
loi est l'expression générale, il ne faut pas l’exagérer en 
voulant la trop préciser. Elle est vraie tant qu'on com- 
pare entre elles les faunes dans leur ensemble; mais ce 
serait une grave erreur de croire qu'elle s'étend à tous 
les détails. Les terrains anciens, dont une grande partie 
des animaux présentent des formes très différentes de 
celles des êtres actuels, et dont la faune à une physio- 
nomie générale qui la distingue clairement des faunes 
plus récentes, présentent aussi beaucoup d'espèces qui 
sont très voisines de celles qui vivent de nos jours. Si, 
par exemple, les mollusques céphalopodes sont représen- 
tés dans les terrains anciens par des lituites, des ortho- 
cératites et des autres genres perdus, on y retrouve 
aussi de vrais nautiles, qui ne diffèrent pas beaucoup 
des espèces actuelles. Ainsi, avec les spirifères et les 
productus, que l’on ne retrouve plus, vivaient dans ces 
mêmes terrains des térébratules, qui ont des formes 


60 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


très analogues à celles de tous les terrains subséquents 
et de l’époque actuelle. La même chose a lieu pour 
l’époque tertiaire; car ces mêmes terrains, qui ont 
fourni des genres perdus remarquables dans l’ordre des 
pachydermes, présentent aussi quelques chauves-souris 
et quelques petits mammifères qu’en ne distingue 
qu'avec peine des espèces qui vivent actuellement. 

QuaTRiIÈME LOI. — Les animaux des faunes récentes ont 
des formes plus variées que ceux des faunes anciennes, 
c’est-à-dire que la diversité de l’organisation animale a 
été en augmentant dans la série des temps. Cette loi 
ressort facilement d'une comparaison attentive des po- 
pulations zoologiques des diverses époques. Il serait 
téméraire d'affirmer que nous connaissons loutes les 
formes qui ont vécu aux époques anciennes ; mais il est 
très probable que nous en savons assez pour admettre 
qu’elles étaient bien moins variées que celles du monde 
actuel. Il y à entre Les nombreux animaux de nos mers 
et de nos continents des différences de forme et d’orga- 
nisation bien plus grandes qu'entre ceux qui ont com- 
posé les faunes géologiques, etcette comparaison devient 
d'autant plus frappante que l’on se rapproche davan- 
tage des premiers âges du globe. 

On peut préciser cette loi en comparant le nombre des 
groupes zoologiques dont l'existence a été constatée aux 
diverses époques. On verra, par exemple, que les or- 
dres (") sont plus de deux fois aussi nombreux dans les 
époques tertiaire et contemporaine que dans les ter- 
rains paléozoïques; la proportion est plus différente 
encore pour les familles et les genres. Il serait, du 

(1) M. d'Orbigny (Cours élém., p. 219) admet 31 ordres dans les terrains 


paléozoïques, 41 dans les terrains jurassiques et crétacés, 71 dans les terrains 
tertiaires et 76 dans l’époque actuelle. 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 61 


reste, impossible de fixer le véritable rapport numé- 
rique, car nous n'avons que des données très incom- 
plètes sur plusieurs groupes nombreux et importants, 
tels que les Articulés, les Mollusques mous, les Anné- 
lides, etc. 

Cette complication de l'organisme, évidente dans 
l’ensemble, n’a pas toujours eu lieu pour chaque sroupe 
en particulier. [l en est quelques uns qui sont en voie 
de décroissance sous ce point de vue, comme souvent 
sous celui du nombre des espèces; mais ces groupes 
forment une exception ou plutôt sont moins fréquents 
que ceux qui obéissent à la règle générale et qui, comme 
l'ensemble du règne animal, sont en voie de croissance. 

Nous citerons parmi les premiers, c’est-à-dire parmi 
ceux dont la plus grande variété des formes a été pen- 
dant les époques anciennes : les Poissons ganoïdes si 
abondants jusqu’à la craie et dont nous n'avons plus que 
deux genres dans nos mers; les Crustacés trilobites 
spéciaux à l’époque paléozoïque ; les Céphalopodes à 
coquilles cloisonnées, remarquables par leur variété aux 
époques paléozoïque, jurassique et crétacée, repré- 
sentés dans le terrain tertiaire par deux genres et dans 
l’époque actuelle par un seul ; les Crinoïdes fixes qui 
ont couvert de leurs rameaux le fond des mers an- 
ciennes et dont on ne trouve aujourd'hui que de rares 
représentants, etc. 

Cinquième Lor.— Les animaux les plus parfaits ont eu 
une origine relativement récente. Ce fait, dégagé de toute 
extension exagérée, ne peut pas être contesté ; personne, 
en effet, ne niera que les mammifères ne soient les ani- 
maux les plus parfaits, et qu'après eux viennent les 
oiseaux et les reptiles. Or, ces trois classes manquent 
complétement dans la première époque d’animalisation, 


62 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


et jusqu’à présent au moins on n’a rien trouvé dans les 
terrains silurien et dévonien qui puisse prouver leur 
existence. Les reptiles datent probablement de l’époque 
carbonifère. Les oiseaux datent de l’époque pénéenne, 
si l’on ose constater leur existence par certaines traces 
de pas, sinon ils sont plus récents. Les mammifères 
didelphes ont été trouvés dans l’époque oolithique; ils 
manquent dans tous les étages antérieurs. Les mam- 
mifères ordinaires ou monodelphes n’ont vécu ni à l’é- 
poque paléozoique ni aux époques triasique, jurassique 
et crétacée. Ils ont apparu pour la première fois avec 
les terrains tertiaires, c'est-à-dire après que la popu- 
lation zoologique a été renouvelée plus de vingt fois. 

Mais si ce fait est incontestable dans les limites strictes 
que nous lui donnons ici, il s’en faut de beaucoup que 
l'on puisse le généraliser et l'étendre comme l'ont fait 
quelques paléontologistes en disant que les faunes des 
terrains les plus anciens sont composées d'animaux 
d’une organisation plus imparfaite, et que le degré de 
perfection s'élève à mesure qu'on s'approche des époques 
plus récentes. Cette loi, connue sous le nom de loi du 
perfectionnement graduel, a été pendant longtemps 
considérée comme démontrée, et elle a servi de point de 
départ à de nombreuses idées théoriques. Une analyse 
plus stricte et plus rigoureuse l’a fortement ébranlée 
dans ces dernières années, et l’on peut affirmer main- 
tenant qu’elle a été au moins considérablement exagérée. 
Son importance soit en elle-même, soit par ses consé- 
quences, exige que nous consacrions quelques moments 
à sa discussion. 

Discussion de la loi du perfectionnement graduel. — 
Parmi les principales causes qui ont donné naissance à 
celte idée et qui ont encouragé son développement, on 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 63 


peut signaler l'accord qui semble régner entre elle et le 
texte de la Genèse, ainsi que l’appui qu'elle prête à 
certaines théories que nous exposerons et combattrons 
plus bas. Les philosophes qui attribuent l’état actuel de 
l'organisation à la surface du globe, à un perfectionne- 
ment graduel des organismes inférieurs dans la série 
des temps, qui croient à la génération spontanée et qui 
admettent la possibilité que les espèces passent d’une 
forme à l’autre sous l'influence variable des agents ex- 
térieurs et des milieux où elles vivent, accueillaient 
avec empressement une idée qui semblait retracer, par 
des monuments réels, les diverses phases de ce déve- 
loppement organique. 

Il n'est donc pas étonnant que, sous l’influence de 
ces rapprochements théologiques et philosophiques, 
l’idée du perfectionnement graduel de l’organisation 
des animaux ait promptement jeté de profondes racines 
et que, dans l’enfance de la science, on se soit empressé 
d'y rattacher les faits que l’on connaissait. Mais si, 
maintenant que les observations exactes sont plus nom- 
breuses, on cherche, sans se laisser préoccuper par l'au- 
réole brillante de ces théories, à les discuter froidement 
et consciencieusement, on sera obligé de les dépouiller 
de presque tout ce qu’elles ont de général et de les ré- 
duire à de bien petites proportions. On reconnailra 
bientôt que la loi du perfectionnement graduel ne peut 
donner qu'une idée fausse et incomplète des faits 
qu’elle dénature ou exagère. 

L'idée du perfectionnement graduel de l’organisation 
se lie plus ou moins avec la théorie de l'échelle des êtres, 
c'est-à-dire avec cette opinion que tous les animaux 
forment une série depuis l’homme jusqu'à l'être le plus 
imparfait, dans laquelle chaque espèce, moins parfaite 


64 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


que celle qui la précède et plus que celle qui la suit, 
formerait un anneau d’une chaîne non interrompue. 
Cette idée de l'échelle des êtres est fondée sur le fait 
évident qu'il y a des degrés divers de perfection dans 
les animaux ; elle est par conséquent vraie dans un sens 
très vague ; mais elle est tout à fait inadmissible, si on 
la précise et si l’on entend par là que les êtres forment 
une série unique et continue. 11 est impossible de pla- 
cer tous les animaux actuels dans un ordre tel, que l’on 
puisse toujours passer d’une espèce à l’autre, en suivant 
un décroissement de perfection. Ce n’est pas ici le lieu 
de discuter à fond une théorie connue de tous les z00- 
logistes ; je me contenterai de rappeler que deux ordres 
de faits nombreux s'opposent à son admission. D’une 
part il y a des classes d'animaux si tranchées que rien 
ne les lie aux autres, ce qui crée dans cette prétendue 
série des sauts et des lacunes incontestables ; ainsi les 
oiseaux n’ont aucun intermédiaire réel qui les unisse 
ni aux mammifères ni aux reptiles. D’un autre côté, 
il y a des types d'organisation qui sont absolument indi- 
visibles et dont les êtres Les plus parfaits sont supé- 
rieurs à la moyenne d’un autre type, tandis que les plus 
imparfaits lui sont inférieurs : ainsi les mollusques 
sont, par les céphalopodes, supérieurs aux articulés, 
et ils leur sontinférieurs par les acéphales ; on ne peut 
donc pas distribuer les mollusques et les articulés en 
une seule série. D’ailleurs ces mêmes types ont leur 
perfection dans la réalisation des conditions d’un cer- 
tain organisme, ce qui les rend très difficiles à compa- 
rer entre eux. Le mollusque, l’articulé et le rayonné 
le plus élevé ont chacun des caractères de perfection 
d'un genre différent, qui ne permettent pas toujours 
de décider que l’un est supérieur à l'autre. 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 65 
Nous n’admettons donc point l'échelle des êtres 
comme base de la discussion de cette loi ; il nous 
semble que l’idée que l'on doit se faire des véritables 
rapports des animaux, sous le point de vue de leur 
perfection, est la suivante. Ces êtres se divisent en un 
certain nombre de groupes, dont chacun réalise un type 
particulier. Quelques uns de ces groupes sont évidem- 
ment supérieurs aux autres par l’ensemble de leur or- 
ganisation, mais quelquefois aussi leur comparaison ne 
permet pas d'établir de supériorité réelle. Le type le 
plus parfait est celui des vertébrés, qui doit évidemment 
être placé bien au-dessus de tous les groupes d'animaux 
invertébrés. Il se divise lui-même en quatre autres 
types d’une perfection d'organisation inégale : les mam- 
mifères sont plus parfaits que les oiseaux, ceux-ci 
que les reptiles, et les poissons sont les plus inférieurs 
sous ce point de vue. Mais dans les invertébrés, la dis- 
tribution n'est pas la même ; les groupes principaux, 
les mollusques, les articulés et les rayonnés, sont supé- 
rieurs ou inférieurs les uns aux autres, suivant le 
point de vue sous lequel on les envisage et les espèces 
que l'on compare. On ne peut plus, comme pour les 
vertébrés, les placer à la suite les uns des autres, en 
déclarant que l’animal le plus imparfait de l’un d’entre 
eux est supérieur au plus parfait des deux autres. 
Chacun de ces types se subdivise ensuite lui-même en 
classes d'une perfection inégale, qui peuvent plus 
facilement être disposées dans une sorte de série. 
Le règne animal serait mieux représenté sous la forme 
d’un arbre dont les branches correspondraient à des 
séries partielles, divergentes ou parallèles, formées 
chacune par le perfectionnement ou par la modification 
d’un type spécial. 


Le o 


66 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Si nous appliquons, à la comparaison des diverses 
créalions, ces idées moins simples et plus vagues peut- 
être que l’échelle des êtres, mais probablement aussi 
plus vraies, nous trouverons que les faunes des ter- 
rains les plus anciens sont beaucoup moins imparfaites 
qu’on le croit souvent. 

Pour nous en rendre un compte exact, il faut remar- 
quer que l'imperfection d’une faune doit résulter de 
l'absence des types les plus élevés et les plus parfaits, 
soit lorsque l'on étudie les divisions primaires, soit 
lorsque l’on compare entre eux les ordres, les familles, 
les genres, etc. Or sous quelque point de vue que se 
fasse cette comparaison, les preuves manquent en fa- 
veur du perfectionnement graduel. 

Les quatre embranchements ont apparu à la fois; 
tous les quatre sont représentés dans tous les terrains. 

Les classes présentent des différences. Dans l’em- 
branchement des vertébrés, la plus imparfaite, celle 
des poissons, a paru la première : c’est ce que nous 
avons exprimé dans la cinquième loi; mais dans les 
trois autres embranchements il n’y à aucun argument 
à rer en faveur du perfectionnement graduel. Dans les 
mollusques, les diverses classes ont apparu ensemble ; 
la plus parfaite, celle des céphalopodes, est même re- 
marquable par son développement aux époques ancien- 
nes. Les articulés sont trop peu connus pour fournir 
des résultats certains ; toutefois on sait que toutes les 
classes sont déjà représentées dans les terrains paléo- 
zoïques. Les zoophytes sont dans le même cas, et les 
échinodermes, quoique les plus parfaits, sont aussi an- 
ciens que les autres. 

Le même enseignement ressortirait de la comparai- 
son des ordres et des familles. Ainsi dans la classe des 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 67 


mammifères, les singes se trouvent déjà dans les ter- 
tiaires anciens, et tous les ordres sont représentés dès 
l’époqueéocène. Les quatre ordres de reptiles, ceux des 
mollusques, des articulés, etc., fournissent les mêmes 
résultats. 

Toutes les comparaisons directes des faunes prouvent 
que dès qu’un type organique a été créé, il l’a été avec 
toute sa perfection. La série des temps n’y a apporté 
aucune modification essentielle, et c’est une erreur 
de croire les faunes anciennes composées d’animaux 
plus imparfaits que ceux des faunes récentes. Le seul 
fait vrai est celui qui est rappelé par la cinquième loi; 
quelques types plus parfaits que les autres ont été ré- 
servés pour des créations postérieures. On ne peut 
donc point dire que, sous le point de vue des inverté- 
brés, les faunes des terrains les plus anciens soient in- 
férieures en organisation à celles des terrains les plus 
récents ; on peut seulement constater que, dans les ver- 
tébrés, les animaux les plus parfaits d'alors étaient les 
poissons. Si l’on veut déduire de là le vrai caractère de 
ces faunes, on reconnaîtra qu'elles sont comparables à 
ce que seraient les nôtres sans reptiles, oiseaux ni mam- 
mifères, et que tous les types, depuis les poissons in- 
clusivement, y sont représentés par des animaux aussi 
parfaits que ceux d'aujourd'hui. 

Les faunes intermédiaires, telles que la faune juras- 
sique, diffèrent des précédentes et des plus récentes 
par des caractères semblables. Les poissons, les mollus- 
ques, les articulés et les rayonnés de ces époques, com- 
parés à ceux des périodes antérieures el postérieures, 
présentent une organisation de même degré et ne sont 
ni plus ni moins parfaits. Mais ces faunes intermé- 
diaires diffèrent de celles qui les ont précédées, parce 


68 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


que les vertébrés sont en outre représentés par des 
reptiles et des didelphes; et elles se distinguent de la 
nôtre en ce qu'elles n’ont pas encore de mammifères 
monodelphes. 

Ces faits ainsi restreints ne peuvent donc guère 
servir à faire accorder une supériorité aux faunes ré- 
centes, et à l’appui de cette manière de voir, je pré- 
senterai deux observations. 

La première est qu’il ne faut peut-être pas trop se 
hâter d'établir l’absence dans les faunes anciennes de 
ceruains types plus parfaits, parce qu’on ne les y à pas 
encore trouvés. Nous ne connaissons presque de ces 
faunes que des animaux marins, et dans l’état actuel 
du globe les terrestres présentent en général une orga- 
nisation supérieure. Ne peut-il pas se faire qu'il y ait 
eu aussi dans ces premiers âges des animaux terrestres 
plus parfaits que les marins, et que leurs débris n’aient 
pas élé conservés, ou soient si rares que l’on n’en ait 
pas encore trouvé. L'existence des mammifères didel- 
phes à été révélée dans les époques jurassiques par la 
découverte d’un très petit nombre de fragments; les 
débris d'animaux terrestres ne sont guère fossilisés 
que par des cataclysmes et des inondations subites, qui 
jouent toujours un bien petit rôle par rapport au dépôt 
lent et normal des eaux tranquilles? Ne peut-il pas ar- 
river que de nouvelles découvertes viennent révéler 
encore, dans les terrains anciens, des animaux dont 
nous ne soupçonnons pas l'existence ? 

Une seconde observation est que si l'on cherche à 
comparer l’état actuel du globe avec les diverses créa- 
lions anciennes, on verra que le degré supérieur de 
perfection de l'organisme ne peut pas toujours fournir 
des résultats bien concluants sur la perfection des 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 69 
faunes. Ainsi, en ne tenant pas compte de la présence 
de l’homme, dirons-nous que la faune de l'Asie est très 
supérieure à celle de l'Europe, parce que son terme le 
plus élevé est l’orang-outang; et placerons-nous beau- 
coup plus bas que toutes les autres la faune de la Nou- 
velle-Hollande, parce que ses mammifères sont presque 
tous didelphes ? La légitimité de ces conclusions serait 
pourtant égale à quelques unes de celles que l’on a 
établies par la comparaison des faunes péolopiques. 

SIXIÈME LOL. — L'ordre d'apparition des divers types 
d'animaux sur la surface de la terre rappelle sou- 
vent les phases du développement embryonnaire. Quel- 
ques naturalistes ont cru remarquer, dans certains 
Lypes zoologiques, que si l’on forme une série dont 
le terme inférieur corresponde aux premiers ani- 
maux créés de ce groupe, et le terme supérieur à ses 
représentants les plus récents, cette série sera parallèle 
à celle que l’on construirait au moyen des diverses 
formes que prend successivement l'embryon des êtres 
les plus parfaits. Cette loi est loin de pouvoir être dé- 
montrée d'une manière générale dans l’état actuel de la 
science, mais 1l est quelques cas dans lesquels elle pa- 
raît prendre une certaine réalité. 

Je ferai remarquer d'abord qu'il ne s’agit ici que de 
séries partielles, et que la loi est inapplicable à l'en- 
semble du règne animal. L'apparition à la même époque 
des quatre embranchements, des principales classes, 
des ordres, etc., que nous avons démontrée plus haut, 
s’y oppose tout à fait. On n’a pu chercher à l'appliquer 
qu'à l’ordre de succession de certains groupes. Voici 
quelques exemples qui feront comprendre sa portée (”). 


(1) Les naturalistes savent tous quel parti on peut tirer de l'embryogénie, 
pour guider la classification naturelle, I n'est donc pas improbable qu'elle ait 


70 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


On sait que les poissons, comme tous les vertébrés, 
ont d’abord la colonne épinière à corps indivis et réunis 
sous la forme de corde dorsale ; beaucoup de poissons 
anciens conservent, à l’état adulte, ce caractère em- 
bryonnaire, comme les esturgeons et quelques autres 
le font encore dans le monde actuel. 

L'étude de l’embryologie des poissoñs montre aussi 
que, dans l’origine, toutes les nageoires impaires sont 
réunies en une seule qui entoure le corps et la queue. 
L'existence de nageoires très nombreuses ou peu sépa- 
rées, et en particulier de plusieurs anales dans quel- 
ques poissons anciens, peut aussi être considérée comme 
un caractère embryonnaire. | 

Les échinodermes supérieurs (oursins) sont, dans 
leur jeune âge, fixés par un pédicelle qu’ils perdent 
plus tard. Ils ont été précédés sur la surface de la terre 
par les échinodermes pédicellés (crinoïdes). 

Mais, dans beaucoup de cas aussi, on a inutilement 
cherché ces rapports, et, comme je l'ai dit plus haut, 
la loi ne peut point, jusqu'ici, être admise comme 
générale. J'ai cependant cru devoir attirer l'atten- 
tion des paléontologistes sur ces relations remarqua- 
bles. 

SEPTIÈME LOI. — Depuis le moment où un type zoologi- 
que a apparu pour la première fois, jusqu’au moment où 
il a disparu tout à fait, il n'y a point eu d'interruption 
dans son existence. En d’autres termes, chaque type 
n'a paru et disparu qu’une fois, et il est représenté 


aussi des liens avec l’ordre de succession sur la surface du globe, car souvent 
aussi cet ordre est intimement lié avec les affinités naturelles des animaux. 
— Voyez sur ce sujet un mémoire de M. Agassiz, inséré dans son ouvrage sur 
le Lake superior, Boston, 1850, in-8°, et traduit dans la Bibliothèque uni- 
verselle de Genève (Archives, t. XV, p. 190). 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 71 


dans toutes les époques comprises entre celle de sa 
première apparition et celle où il a existé pour la der- 
nière fois. 

Cette loi n’est pas démontrée encore d'une manière 
générale ; mais elle est constatée pour l'immense majo- 
rité des cas, et il y a tout lieu de croire que les excep- 
tions que l’on peut citer reposent sur des matériaux in- 
suffisants. Elle se vérifie soit dans l’histoire des genres, 
soit dans celle des famiiles, des ordres et des classes. 
L'expérience a démontré que lorsqu'on a signalé quelque 
lacune, lorsqu'un genre, par exemple, manquait dans 
un élage après avoir été retrouvé dans les formations 
supérieures et inférieures, il arrivait presque toujours 
que cette interruption disparaissait devant une invesli- 
gation plus complète. 

Il subsiste cependant encore aujourd'hui quelques 
cas qui semblent faire une exception plus sérieuse. 
Ainsi les mammifères didelphes, trouvés dans les ter- 
rains jurassiques inférieurs de Stonesfield, paraissent 
jusqu’à présent manquer à tous les étages supérieurs 
de la même époque ainsi qu'aux terrains crétacés. 
L'absence de leurs débris tient-elle à ce qu'ils n'ont 
pas existé pendant cette longue période? Ce serait une 
grave exception à la loi que nous discutons. Tient-elle à 
ce que leurs ossements n’ont pas été conservés ou exis- 
lent dans des gisements inconnus? Je crois que cette 
dernière alternative est la plus probable et qu'une 
explication semblable peut être donnée de toutes les 
lacunes analogues. 

Huinième Lor. — La comparaison des faunes des diver- 
ses époques montre que la température a varié à la sur- 
face de la terre. On trouve des animaux fossiles dans des 
parties du globe qui sont de nos jours inhabitables 


12 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

pour eux, à cause du froid (‘); les faunes de quelques 
époques récentes et en particulier des terrains ter- 
tiaires d'Europe présentent plus d’analogie avec les 
animaux de la zone torride qu'avec ceux des zones 
tempérées. À ces considérations zoologiques se joi- 
snent aussi des arguments tirés du règne végétal. L'Eu- 
rope a été pendant l’époque houillère couverte d’une 
riche et grande végélalion, qui ne peut être comparée 
pour sa nature qu'à celle de quelques pays intertropi- 
Caux. 

Ces faits s'accordent, en effet, pour montrer qu’en 
sénéral la température a été plus élevée dans les épo- 
ques anciennes que dans la nôtre. Nous verrons aussi, 
en discutant la loi suivante, qu’elle a probablement été 
plus uniforme. Ce serait, je crois, aller trop loin que 
d'affirmer avec quelques géologues que Ia température 
de toutes les époques antérieures a été entièrement 
semblable à celles des régions intertropicales actuelles. 
IL faut remarquer, en effet, que les comparaisons sur 
lesquelles on se base ont par elles-mêmes quelque 
chose de vague, et que rien ne prouve que, parce que 
deux espèces se ressemblent, elles n’ont pu vivre que 
dans le même climat. On a cherché à assimiler, 
par exemple, le climat de l'Europe dans l’époque dilu- 
vienne à celui de l'Inde de nos jours, parce que les 
éléphants ont vécu dans ces deux pays; mais rien 
ue dit que l'éléphant antédiluvien ne se soit pas con- 
tenté d’une température moins élevée. La longue 
toison dont cet animal était couvert semblerait même 
démontrer quil était organisé pour supporter un 


() Ainsi les éléphants et les rhinocéros ont vécu sous la latitude de la 
mer Glaciale, tandis qu’à présent cette région ne fournirait pas les végétaux 
nécessaires à leur nourriture, 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. 73 
climat plus froid que celui qui convient à l'éléphant de 
l'Inde. à 

Ce serait aussi, je crois, exagérer Les résultats directs 
feurnis par les faits que d'admettre une décroissance 
uniforme de la température depuis les temps anciens 
jusqu'à nous. Rien dans l'étude des diverses époques 
ne prouve suffisamment cette assertion, et je crois que 
dans cette question l’imagination a souvent dépassé les 
enseignements de lobservation ("). D'ailleurs, quelques 
faits récemment signalés semblent fournir des résultats 
contraires et indiquer que certaines parties du globe 
ont eu, momentanément au moins, des températures 
plus froides. On a trouvé dans plusieurs dépôts récents 
de la Sicile des coquilles dont les analogues ne vivent 
pas de nos jours dans la mer Méditerranée, mais bien 
dans la mer du Nord. Dans quelques localités sembla - 
bles de l'Écosse, les fossiles forment un ensemble qui 
ne peut être comparé qu'aux faunes actuelles de l'Islande 
et du Groënland. Ces faits sont de même nature que les 
précédents, méritent à peu près la même confiance, et 
si les premiers montrent une phase de température 
plus élevée, ceux-ci en prouvent une moindre. 


(1) Je crois que ce qui a donné quelque consistance à ces opinions est la 
liaison qu'on a établie entre les faits paléontologiques et l'accroissement de 
la température quand on creuse l’écorce du globe. On a dit que la solidifi- 
cation de la terre a commencé par la surface, que la couche refroidie aug- 
mente toujours, ct qu'en conséquence, dans les époques géologiques où elle 
était plus mince, la chaleur centrale a dù avoir une influence plus grande 
pour réchauffer l'atmosphère à la surface de la terre, Cette idée, séduisante 
au premier coup d'œil, est peut-être, comme plusieurs de celles que j'ai ana- 
lysées, plus spécieuse que réelle. L'épaisseur de la couche refroidie a dù, 
aux époques où il y avait végétation et vie à la surface de la terre, être pro- 
bablement toujours trop grande pour que la chaleur intérieure ait eu un 
effet marqué. Une discussion rigoureuse de cette question de physique 
terrestre fournirait peut-être des résultats très opposés à ceux qui ont été 
longtemps admis, ‘ 


7, CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Je crois donc que la loi que j'ai indiquée ne peut 
pas encore être établie d’une manière très précise. 
Dans l’état actuel de la science, les faits prouvent seu- 
lement qu'il y a eu des changements de température à 
diverses époques, et que les pays dont nous connaissons 
le mieux les fossiles ont eu tantôt un climat plus chaud 
qu'aujourd'hui (et c’est probablement le cas de beaucoup 
le plus fréquent), tantôt aussi un climat plus froid (°). 

Neuvième Lor. — Les espèces qui ont vécu dans les 
époques anciennes ont eu une distribution géographique 
plus étendue que celles qui existent de nos jours. De 
nouvelles découvertes tendent tous les jours à con- 
firmer cette loi; on comprend toutefois qu’elle ne 
pourra être définitivement admise que quand des loca- 
lités nombreuses auront été étudiées et que leurs fos- 
siles auront été déterminés avec une exactitude suf- 
fisante. Des observations dignes de foi démontrent que 
l’on trouve, dans des terrains contemporains, des es- 
pèces communes à l'Amérique et à l'Europe (?). D'au- 
tres prouvent que les espèces qui ont habité une grande 
partie de ce dernier continent dans les époques qui ont 
précédé la nôtre, s’étendaient dans le continent asia- 
tique et dans la région boréale plus loin que ne le font 
les espèces actuelles de l'Europe tempérée (°), et que 
d'autres, traversant les régions tropicales, se trouvaient 
à la fois dans l'hémisphère austral et dans l'hémisphère 
boréal (#). Lorsque ces faits seront plus complets, on 


(1) Voyez, pour les causes des changements de température à la surface 
du globe, les traités de géologie, et en particulier le premier volume des Prin- 
cipes de géologie de M. Lyell. 

(2) Voyez les ouvrages de M. de Verneuil et le Prodrome de M. d’Orbi- 
gny. 

(3) Par exemple, l'éléphant fossile (E. primigenius, etc.). 

(4) Nous en verrons quelques exemples dans des mammiferes dont les dé- 


DISTRIBUTION DES FOSSILES. ; (5) 


pourra en déduire quelques conséquences intéressantes 
sur l’état du globe à diverses époques. 

Cette dispersion plus grande des espèces peut dé- 
montrer, ainsi que je l’ai fait entrevoir ci-dessus, que 
la température de la terre a été plus uniforme dans les 
temps anciens qu’elle ne l’est aujourd'hui. Si les mêmes 
espèces ont pu vivre dans la presque totalité de l’Amé- 
rique, tandis qu’elles ne le peuvent pas aujourd’hui, 
on en peut conclure que le climat des parties extrêmes 
ne différait pas, autant que de nos jours, de celui des 
régions situées sous l'équateur. Des conclusions sem- 
blables peuvent être tirées de ce que l’on retrouve les 
mêmes espèces dans le midi de l’Europe et dans le 
nord de la Russie. 

Ces mêmes faits de distribution géosraphique des 
espèces fossiles peuvent aussi démontrer que les mers 
ontété moins profondes aux époques anciennes que de 
nosjours. L'habitation des mollusquesmarins est limitée 
en partie par la profondeur de la mer, la plupart des 
espèces ne pouvant pas vivre là où le sol est trop loin 
de la surface de l’eau. La dispersion plus grande dans 
les temps anciens peut faire croire que cette cause 
n'existait pas au même degré. 

Dixième Lor. — Les animaux fossiles ont été construits 
sur le même plan que les animaux actuels, et leur vie 
a dù se manifester par des actes physiologiques iden- 
tiques. Les nombreux animaux fossiles qui ont été 
étudiés n’ont apporté aucune modification aux lois 
d'anatomie comparée. Les squelettes des vertébrés se 
sont toujours trouvés composés de pièces homologues 


bris fossiles se trouvent depuis le Canada jusqu’en Patagonie ; ainsi que pour 
certaines espèces de mollusques qui ont vécu à la fois en Europe et dans les 
Indes orientales. 


16 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

à celles des animaux de notre époque. La même 
chose a eu lieu pour les autres embranchements , et 
toujours les débris des faunes anciennes ont trouvé 
leur place dans les cadres établis pour Pétude du 
monde actuel. 

Les fonctions physiologiques ont dû aussi être iden - 
tiques ; quelques naturalistes ont cependant des idées 
contraires et ont cru à une respiration plus active dans 
les temps anciens. L'étude des organes des animaux 
fossiles ne justifie pas cette idée théorique. Soit qu'il 
s'agisse de la respiration dans l’eau, soit qu'il s'agisse 
de la respiration dans l'air, toutes les observations s’ac- 
cordent pour prouver au contraire qu'il ne pouvait y 
avoir aucune différence de nature dans les branchies, 
les poumons ct les autres organes respiratoires des 
animaux anciens comparés aux modernes. Ce résultat 
est rendu certain par le fait que quelques genres ont 
traversé toutes les époques et qu'ils ont conservé dans 
toutes la même organisation. Les nautiles, les térébra- 
tules, dans toutes ces périodes, ont certainement res- 
piré, digéré et vécu comme ils le font aujourd’hui 
dans nos mers. | 

Cette loi fixe, comme on le voit, une limite impor- 
tante aux différences que peuvent présenter les fossiles, 
et jusufie l'application à leur étude des principes z00- 
logiques qui dirigent celle des êtres de notre époque. 


CHAPITRE VI. 
DES CAUSES AUXQUELLES ON PEUT ATTRIBUER LE RENOU- 
VELLEMENT DES FAUNES ZOOLOGIQUES. 


Nous avons traité dans le chapitre précédent des 
faunes qui se sont succédé sur [a surface de la terre 


CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES, ror( 


et de leurs rapports. Il faut maintenant jeter un coup 
d'œil sur les explications qui ont été données de ces 
phénomènes , et quittant le terrain plus certain des 
faits, aborder pour quelques instants le champ moins 
solide des idées théoriques. 

La recherche des causes de la succession des êtres 
organisés se lie d’une part avec les théories cosmogo- 
niques et de l’autre avec les principes les plus délicats 
de la physiologie des animaux. Aussi la solution de cette 
question est-elle d’une haute importance et peut-elle 
être considérée comme le véritable but vers lequel 
doit tendre la paléontologie. Mais peut-être aussi la 
science n’est-elle pas encore assez avancée pour fournir 
des bases suffisantes à une conviction éclairée. 

Nous devons distinguer dans cette analyse deux faits : 
l'extinction des faunes géologiques par la mort des es- 
pèces qui les composaient, et lapparition des faunes 
nouvelles destinées à remplacer les anciennes. Le pre- 
mier point est le plus facile à comprendre, et nous nous 
en occuperons en premier lieu. 

Nous rappellerons d’abord ce que nous avons dit pré- 
cédemment : que les étages géologiques sont nettement 
séparés au point de vue des espèces et qu’il n’y a pas 
en général de transitions de l’un à l’autre. Ce fait nous 
indique que les causes qui ont amené ces changements 
n’ont pas été lentes et graduelles, et qu’elles sont plu- 
tôt comparables à celles qui, dans la nature actuelle, 
se manifestent par des effets puissants et de peu de 
durée. Nous ne voulons toutefois pas exagérer cette 
donnée ni admettre des changements tout à fait brus- 
ques comme des coups de théâtre; mais nous ne sau- 
rions pas non plus, dans la recherche de ces causes, 
mettre en première ligne celles qui auraient agi d’une 


78 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


manière égale et continue pendant toute Ja durée des 
périodes géologiques. Des causes de cette nature auraient 
laissé comme traces, des transitions nombreuses dans 
l'apparence des terrains et dans l'extinction des es- 
pèces. L'état contraire, que nous.avons signalé, indique 
l'existence de causes comparables à celles qui, de nos 
jours encore, mais sur une plus petite échelle, ont une 
action brusque et temporaire, comme de grandes inon- 
dations, des soulèvements partiels, des débâcles, des 
éboulements, etc. 

Ceci posé, nous pouvons chercher l’explication plus 
ou moins vraisemblable des extinctions successives, 
dans des causes physiques et dans des causes organi- 
ques. 

La plus probable des causes physiques consiste dans 
les perturbations qui ont dû suivre les dislocations de 
l'écorce du globe. Ces dislocations, dont nous avons 
parlé page 35, ont été fréquentes dans les âges anciens, 
et elles ont dù amener des effets auxquels on peut 
avec une grande probabilité rapporter, dans beaucoup 
de cas au moins, les phénomènes dont nous nous oc- 
cupons. 

Ces effets peuvent être : 

1° Une augmentation (ou une diminution) momen- 
tanée de température assez intense pour faire périr 
les animaux qui vivaient dans l’eau. Quelques géo- 
logues se refusent à admettre cette cause d’extinction; 
ils se fondent sur l'égalité de température qu’indi- 
quent les faunes successives. Cette égalité peut très 
bien avoir existé d’une manière normale, mais avoir 
été troublée à certaines époques d’une manière passa- 
gère. 

2° Un mélange subit de matières minérales dans l’eau 


CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES. 79 


de la mer ou dans les eaux douces. On conçoit très bien 
qu'à la suite des dislocations et de l’action intérieure 
du globe, des matières nuisibles à la vie aient pu être 
projetées dans les eaux, qu’elles aient tué la population 
qui y vivait, et qu'ensuite elles se soient déposées, ren- 
dant ainsi de nouveau les eaux habitables. 

3° Un changement de nature dans le fond des eaux. 
Cet effet aura, en général, une étendue et une portée 
moindre que les précédents ; mais on peut comprendre 
encore que, si à un fond de rochers succède un fond 
sablonneux ou à celui-ci un fond marneux, les espèces 
qui ne peuvent vivre que dans l’une ou dans l’autre de 
ces conditions seront chassées ou détruites. 

4° Un changement de profondeur. M. Ed. Forbes a 
montré que la plupart des espèces marines se canton- 
nent à des hauteurs constantes. Si un bouleversement 
remplace par des bas-fonds des mers profondes, ou par 
des profondeurs considérables un rivage faiblement 
incliné, on comprend encore que certaines espèces se- 
ront déplacées ou anéanties, parce qu’elles ne trou- 
veront plus leur station convenable. 

Ces divers effets et d’autres analogues, produits par 
les dislocations de l'écorce du globe, peuvent donc être 
considérés comme ayant puissamment agi pour détruire 
les espèces de chaque faune géologique. Peuvent-ils à 
eux seuls expliquer toutes les extinctions? Telle est 
une question plus délicate. M. Elie de Beaumont a fait 
à ce sujet une remarque importante qui semble la ré- 
soudre par la négative. L'extension géographique des 
soulèvements et leur limite probable d’action ont été en 
général plus restreintes que la dispersion géographique 
des espèces. Il est bien difficile d'admettre que ces sou- 
lèvements aient pu détruire toute l’espèce, et il semble 


Ss0 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


que, dans beaucoup de cas du moins, une partie des 
individus a dü échapper. 

Comment donc expliquer la destruction totale que 
l'étude des fossiles nous enseigne. Faut-il joindre aux 
causes physiques une cause organique, et croire que 
l'espèce, comme l’individu, porte en elle-même un germe 
de mort qui limite sa durée? Rien, jusqu'à présent, ne 
nous autorise à admettre (ni à nier) l’existence d’une 
pareille loi, et pour la discuter il faudrait quitter le 
terrain des faits pour celui des hypothèses. 

Le second point que nous devons examiner dans ce 
chapitre est l'apparition des faunes nouvelles destinées 
à remplacer les anciennes. 

Cette question, beaucoup plus difficile que la précé- 
dente, n’a reçu encore que des solutions bien peu sa- 
tisfaisantes et qui sont évidemment tout à fait provi- 
soires. Nous devons cependant les discuter, car elles 
touchent de près à des principes zoologiques impor- 
tants. Espérant que le temps fournira une fois une 
explication meilleure, je me bornerai à exposer l’état 
actuel de la science. 

On peut réduire à trois les explications qui ont été 
données de la succession de ces faunes différentes sur 
la surface du globe. 

La première part du fait que les cataclysmes qui ont 
enseveli les diverses espèces que nous trouvons fossiles 
ont été partiels; et elle suppose qu'après chaque inon- 
dation qui a enfoui les êtres d’une époque, les terrains 
mis de nouveau à sec ont été repeuplés par les ani- 
maux des pays voisins, qui différaient des premiers 
comme diffèrent actuellement les faunes des diverses 
régions du globe. Une succession d'événements sem- 
blables dans le même pays aurait, suivant eux, laissé 


CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES. Si 


ses traces dans les divers terrains superposés. La même 
chose se serait passée en sens inverse pour les habi- 
tants des mers. 

Cette idée a pu être discutée lorsqu'un très petit 
nombre de faits connus semblait pouvoir s’accorder 
avec une explication qui, au premier coup d'œil, paraît 
simple et naturelle ; mais maintenant que les diffé- 
rents terrains ont été mieux étudiés et dans un plus 
grand nombre de pays, elle ne peut plus être sou- 
tenue, et l’on peut la déclarer aujourd’hui tout à fait 
inadmissible. Si en effet tous ces dépôts super- 
posés n'avaient été que le résultat d'un déplace- 
ment des faunes contemporaines, on devrait trouver 
les mêmes espèces enfouies à diverses époques dans 
des pays différents, et les débris des espèces actuelles 
devraient en particulier être conservés fossiles dans 
quelques terrains. Or, toutes les recherches les 
plus certaines prouvent directement le contraire; on 
a maintenant de nombreux fossiles d’Asie et d'Amé- 
rique, et les lois de distribution y sont tout à fait sem- 
blables aux nôtres : on n’y retrouve aucune espèce 
actuellement vivante. De plus, toutes les fois qu’une 
espèce se trouve dans deux pays différents, l’ordre de 
superposition des terrains prouve qu’elle y à vécu à la 
même époque. À ces arguments on pourrait en ajouter 
bien d’autres ; mais ils suffisent pour démontrer la faus- 
seté de cette théorie, et l’on peut dire que maintenant 
il n’y a de lutte sérieuse qu'entre les deux autres. 

De ces deux théories actuellement en présence, la 
première explique la succession des êtres organisés 
par la transformation des espèces, en admettant que 
les animaux des terrains anciens ont été modifiés par 


l'influence des variations de Pair, de la tempéra- 
ï : 6 


82 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, 


ture, etce., qu'ont amenées les révolutions du globe, 
qu'ils se sont insensiblement métamorphosés, qu'ils 
ont pris successivement des formes dont les couches 
des divers élages nous ont conservé des traces, et que, 
de changements en changements, ils sont arrivés à 
l'état qu'ils ont de nos jours. 

L'autre théorie admet un anéantissement complet 
des espèces à chaque catastrophe qui a terminé une 
époque, et une nouvelle création à l'aurore de l’époque 
suivante. 

Avant de discuter ces opinions, il importe de faire 
observer que dans leur appréciation on peut se préoc- 
cuper davantage de l’ensemble des espèces et du renou- 
vellement intégral des faunes, ou mettre en première 
ligne ce qui regarde lapparition des types tranchés 
et distincts qui n’ont pas d’homologues dans les époques 
antérieures. Nous insisterons principalement sur ce 
dernier point, parce que nous le croyons plus propre 
à faire sentir ce que l’on doit exiger d’une de ces théo- 
ries avant de la déclarer admissible. Pour qu'elle soit 
suffisante, il faut pour nous qu’elle rende compte de 
l’origine des poissons cténoïdes et cycloïdes, des divers 
ordres de reptiles, des mammifères, de l’homme, etc. 

La théorie de [a transformation des espèces nous 
paraît complétement inadmissible, et diamétrale- 
ment opposée à tous les enseignements de la 200- 
logie et de la physiologie. Cette théorie se lie, comme 
je l'ai déjà fait entrevoir ci-dessus, avec l’idée de l’é- 
chelle des êtres et avec celle du perfectionnement gra- 
duel dans les âges géologiques; elle est leur lien, leur 
complément et leur explication, et forme avec elles 
un corps de doctrine complet. Les naturalistes qui ont 
adopté une partie de ces idées sont conduits à accepter 


CAUSES. DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES. 83 


les autres ; mais les mêmes raisons qui nous ont fait, 
dans le chapitre précédent, nous refuser à reconnaître 
d’une manière générale et absolue l’échelle des êtres 
et le perfectionnement graduel des faunes zoologiques, 
nous forceront aussi à rejeter l’idée de la transforma- 
tion des espèces, comme explication de la succession 
des êtres organisés à la surface du globe. 

Il faut observer en premier lieu qu’il est peu pro- 
bable que les forces de la nature aient été, dans les 
premiers âges du monde, bien différentes de ce qu’elles 
sont de nos jours. Les mêmes lois générales qui régis- 
sent aujourd’hui notre globe ont dû avoir leur action 
dès la première création, et il est impossible d'admettre 
une différence réelle dans leur essence. Nous pouvons 
seulement concevoir que chacune d’entre elles à pu 
agir dans des limites un peu plus étendues : ainsi la 
température a pu être plus élevée, les eaux ont pu 
charrier des matières plus abondantes, etc., mais l’in- 
fluence de ces agents sur l'organisme a du être ana- 
logue à celle que des circonstances semblables auraient 
aujourd'hui. L'étude des animaux des terrains anciens 
montre d’ailleurs, comme nous l’avons dit, une organi- 
sation très semblable à celle des êtres actuels, et rien 
ne peut faire légitimement conclure qu'ils aient pu être 
soumis à une température très différente de la nôtre, 
ou qu'ils aient respiré un air autrement composé. Il 
nous semble donc que ce serait se jeter à dessein dans 
l’incertain, que d'admettre des changements dans l’or- 
ganisme produits par des modifications dans la nature 
des agents extérieurs, et les mots trop souvent employés 
de nature plus jeune, forces plus actives, etc., nous 
semblent devoir être évités, comme représentant des 
idées fausses, exagérées ou mal définies. 


84 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Si donc, nous plaçant sur un terrain plus solide, 
nous cherchons à conclure du connu à l'inconnu, c’est- 
à-dire à appliquer aux premiers âges du globe les ensei- 
gnements que nous fournit aujourd’hui l’étude de la 
nature, nous arriverons aux conclusions suivantes. 

Toutes les observations et les recherches de quelque 
valeur s'accordent à proclamer la permanence ac- 
tuelle des espèces. Les trente siècles qui se sont écou- 
lés depuis que les Égyptiens embaumaient des cadavres 
d'hommes et d’animaux n’ont pu influer en aucune 
manière sur les caractères des espèces qui habitent 
l'Égypte; les crocodiles, les ibis, les ichneumons d’au- 
jourd’hui sont identiques avec ceux qui vivaient il y a 
trois mille ans sur les bords du Nil. Il n’y a, entre les 
individus actuels et ceux connus à l’état de momie, 
aucune différence, non seulement dans les organes es- 
sentiels, mais encore dans les plus minimes détails du 
nombre et de la forme des écailles, des dimensions des 
os, etc. Cette permanence des espèces est d’ailleurs 
assurée dans la nature par des règles importantes qui 
empêchent leur mélange pour former des types inter- 
médiaires. Tous les physiologistes savent que si deux 
espèces ne sont pas très voisines l’une de l’autre, elles 
ne peuvent pas produire ensemble, et que si elles sont, 
au contraire, très rapprochées, elles donnent naissance 
à des mulets; ces derniers sont eux-mêmes inféconds 
et incapables de devenir les souches de nouvelles espè- 
ces ; toute aberration du type par voie de croisement se 
trouve ainsi immédiatement arrêtée. 

Tout le monde sait aussi que si des individus ont 
perdu leurs apparences spécifiques normales pour 
former des races distinctes, les caractères de l'espèce 
sont si profondément empreints que dès que les circon- 


CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES. 85 


stances modificatrices viennent à cesser, les animaux 
dérivés du type reviennent à ses formes originaires. 
Cette loi, connue sous le nom de loi de retour au 
type, est encore une preuve puissante de la permanence 
de l’espèce. 

Il est vrai que des naturalistes ont argué contre ces 
conclusions de ce qui se passe dans les espèces domes- 
tiques, qui sont susceptibles de variations assez éten- 
dues. Ainsi les bœufs, les chevaux, les moutons, les 
cochons et les chèvres, forment des races distinctes et 
diffèrent d’un pays à l'autre par la couleur, la taille, la 
force des os, le plus ou moins de graisse, la nature du 
poil, etc. Les chiens offrent un exemple encore plus 
remarquable; la couleur et la taille y varient dans des 
limites encore plus éloignées, la forme des os du crâne 
présente des différences très considérables, et l'instinct 
lui-même accompagne par ses variations ces change- 
ments de formes. Ces faits sont vrais, mais ils me sem- 
blent fournir une conclusion toute contraire à celle 
qu'on a voulu en tirer. Les individus les plus éloignés 
du type primitif ne présentent jamais aucune différence 
réelle dans la forme des organes essentiels : le sque- 
lette a toujours des caractères invariables, soit dans le 
nombre des os, soit dans leurs apophyses, soit dans 
leurs relations ; les organes de la nutrition, le système 
nerveux, tout, en un mot, est soumis à la même règle, 
11 n’y a de différence marquée que dans les dimensions 
absolues, qu’on sait être très variables, et dans des cir- 
constances extérieures plus fugilives encore. Dans les 
crânes des chiens les plus modifiés, les caractères essen - 
tiels et les rapports des os restent identiques, et l’on 
peut dire qu'aucun des animaux domestiques, dans ses 
plus grandes variétés, ne perd les caractères d’espèce, 


86 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Si donc tout ce que les agents extérieurs présentent 
de plus énergique, changement de climat, d'habitu- 
des, d’instinct, de nourriture, n’ont produit, par une 
action qui a duré des siècles, que des modifications 
insignifiantes, incapables d’altérer le type spécifique, 
n’est-on pas en droit de conclure, de cette étude des 
animaux domestiques , la permanence des espèces, 
plutôt que leur transition de l’une à l’autre ? 

Cela est d'autant plus vrai que les différences d’une 
faune à l’autre sont très grandes, et qu'il ne s’agit pas 
d'expliquer de légères modifications d’un type, mais 
bien des passages entre des formes fort éloignées. Quel- 
ques naturalistes n’ont reculé devant aucune de ces 
transitions, et ils ont admis que les reptiles de l’époque 
secondaire avaient leurs parents dans les poissons de 
l'époque primaire et leurs descendants dans les mam- 
mifères de la période tertiaire. Quel est le physiologiste 
qui admettra de pareilles conclusions? et cependant il 
faut aller jusque-là pour faire dériver toutes les faunes 
géologiques de la première, par simple transition des 
espèces les unes dans les autres. 

Et alors même que pour produire de semblables ré- 
sultats on supposerait, contrairement à ce que nous 
avons fait, de très grands changements dans la tempé- 
rature et dans les milieux, ou une nature plus jeune, 
toutes les lois de la physiologie n’en seraient pas moins 
violées. Ces différences extrêmes dans les agents exté- 
rieurs pourraient bien détruire les espèces, et ce serait 
probablement leur résultat naturel, mais non les modi- 
fier dans leurs formes essentielles. 

Il me paraît donc évident qu’il est impossible d’ad- 
mettre, comme explication, le passage des espèces les 
unes dans les autres. Les limites possibles de ces mo- 


CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES. 87 


difications, en supposant même, comme je le dirai plus 
bas, que l'immense durée du temps ait pu leur donner 
un peu plus de réalité que l’étude des phénomènes ac- 
tuels ne leur en accorde, sont infiniment en dessous des 
différences qui distinguent deux faunes successives. 

Les deux premières explications étant inadmissibles, 
il reste, la troisième qui est connue sous le nom de 
théorie des créations successives, parce qu’elle admet 
l'intervention directe du pouvoir créateur au commen- 
cement de chaque période géologique. Nous devons 
faire sur cette théorie trois remarques. 

La première est que sa discussion n’est guère du do- 
maine de lappréciation scientifique. Si nous pouvons 
nous faire une idée du mode d’action, des limites et des 
conséquences des lois secondaires, nous ne pouvons 
point nous rendre compte de l’action du pouvoir créa- 
teur, pas plus au commencement de chaque période 
géologique que dans l’origine des choses. 

La seconde observation est que, vu l'incapacité où 
nous sommes de rien expliquer par son moyen, puisque 
nous ne pouvons pas apprécier le mode d'action de Ja 
force qu’elle invoque, cette théorie ne mérite pas vé- 
riltablement ce nom; car elle ne fait en réalité que 
constater un fait négatif, l'insuffisance de toutes les 
autres explications. 

Enfin, et comme conséquence, nous devons faire re- 
marquer que ce mot créations successives à eu l’'incon- 
vénient de ne pas laisser assez de latitude et d’exclure, 
par exemple, la possibilité que les êtres de chaque 
faune successive provinssent de ceux qui les ont pré- 
cédés par l'effet de quelque loi inconnue, autre que 
la génération normale, dont les générations alternantes 
peuvent donner peut-être une idée approximative, loi 


88 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


de la nature qui se manifesterait à des intervalles éloi- 
gnés, mais réguliers, et qui nous serait inconnue parce 
que nous sommes dans un de ces intervalles. Il aurait 
done mieux valu la désigner sous un autrenom, et le mot 
de théorie de l'indépendance des faunes aurait peut-être 
été meilleur, précisément parce qu’il est plus vague. 

Mais si cette théorie n'est pas susceptible d’être dis- 
cutée dans son essence même et dans son principe, elle 
peut être appréciée par ses conséquences. La principale 
est, comme je viens de le dire, d'établir le fait négatif 
important que les animaux des diverses faunes géologi- 
ques ne proviennent pas par voie de génération directe 
des espèces qui les ont précédés. 

Cette assertion paraît très justifiable tant que nous 
restons sur le terrain où nous nous sommes placés, c’est- 
à-dire tant que nous nous attachons surtoutà l'apparition 
des types à caractères tranchés. Ce que nous avons dit 
ci-dessus, en réfutant la théorie de la transformation 
des espèces et celle qui n’admet qu'une seule création, 
suffit, ce me semble, pour démontrer que l'indépen- 
dance des faunes reste la seule alternative possible. 

Mais si l’on veut se rendre compte de ce qui est 
arrivé à l’ensemble de la faune et discuter l'origine de 
toutes les espèces, il me semble que l’idée de l'indé- 
pendance des faunes n’est pas complétement satisfai- 
sante ; elle ne me paraît pas rendre suffisamment 
compte de tous les faits, et je ne puis m'empêcher 
de croire qu’elle n’est appelée à jouer qu’un rôle pro- 
visoire. Elle explique très bien les différences qui exis- 
tent entre les faunes successives ; mais il y a aussi 
entre ces faunes des ressemblances qui ne s’accordent 
peut-être pas bien avec elle. 

Si l’on compare deux créalions successives d’une 


CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES,. 89 


même époque, telles que les faunes des sept divisions 
du terrain crétacé, on sera frappé des liaisons intimes 
qu’elles ont entre elles. La plupart des senres sont les 
mêmes ; une grande partie des espèces sont très voisines 
et faciles à confondre. En d’autres termes, deux faunes 
successives ont souvent le même facies ou la même phy- 
sionomie. Si l’on compare en particulier, dans l’exem- 
ple que je viens de prendre, les animaux fossiles des 
craies marneuses à ceux du gault, on reconnaitra, je 
crois, facilement ces ressemblances. Est-il probable 
. que la faune du gault ait été complétement anéantie, 
puis, par une nouvelle création indépendante, rem- 
placée par une faune toute nouvelle qui lui est si 
semblable? Je sais que l’on peut mettre ces faits 
sur le compte du plan général de la création; mais 
l'esprit est-il entièrement satisfait de cette explication? 
Ne semble-t-il pas qu'il y a là encore quelque chose 
qui nous échappe? Au reste, je le répète, ces objections 
un peu vagues ne sont en aucune manière comparables 
à celles plus précises, qui militent contre les autres 
théories. 

Ces faits se lient d'ailleurs à la manière dont on peut 
envisager la création actuelle. Tous les animaux sont- 
ils sortis tels qu’ils sont des mains du Créateur, ou 
sont-ils provenus d’un certain nombre de types? Il me 
semble difficile d'admettre que ces espèces innombra- 
bles, sur les limites desquelles nous sommes souvent 
si peu d'accord, aient sans exception été créées avec 
tous leurs caractères de détail. 

À ces questions difficiles Ja science fournit encore 
très peu de réponses satisfaisantes. La succession des 
êtres organisés, l’origine des espèces actuelles, leur dis- 
tribation séographique, la formation des races humaines, 


90 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


ne sont en quelque sorte que des faces différentes d’un 
même problème dont la solution sur un point éclairera 
nécessairement les autres. 

D'après tout ce que nous venons de dire, nous arri- 
vons facilement à admettre la possibilité que la même 
explication ne puisse pas s'appliquer à tous les êtres qui 
composent une faune. Peut-être faut-il chercher la vé- 
rité dans une théorie intermédiaire entre les deux que 
nous avons discutées ou dans un mélanse des deux. La 
théorie de l'indépendance des faunes doit très probable: 
ment être appliquée à l'apparition des types distincts, 
car ils ne proviennent certainement pas par voie de gé- 
nération directe et normale des types fort différents qui 
les ont précédés. Mais, en revanche, le remplacement 
des espèces par des espèces analogues ne pourrait-il pas 
faire croire, dans de certaines limites, à des transitions 
et à des changements de forme? 

Je ferai remarquer en terminant qu’il ne faut pas 
trop se hâter de lier l'avenir de la paléontologie par des 
idées préconçues. C’est à l'étude stricte et intelligente 
de la nature qu’il appartient de réunir les matériaux 
nécessaires pour une solution plus complète. Il faut 
mieux connaître encore chacune des faunes successives, 
pour se faire une idée exacte de leurs rapports et de 
leurs différences avec celles qui les ont précédées et 
suivies. C’est Ià le problème le plus important de la 
paléontologie, mais on n’en trouvera la solution que 
dans l'observation des faits; eux seuls sont stables, et 
ils survivront peut-être seuls à toutes les théories que 
nous discutons aujourd'hui. 


DÉTERMINATION DES FOSSILES. 91 


CHAPITRE VIT. 


PRINCIPES ZOOLOGIQUES DE LA CLASSIFICATION ET DE LA 
DÉTERMINATION DES FOSSILES. 


Il est évident que les mêmes lois et principes qui di- 
rigent le zoologiste dans la classification des animaux 
vivants doivent aussi régler les travaux du paléontolo- 
giste ; mais la nature de conservation des êtres que ce 
dernier peut étudier entraîne souvent des différences 
dans l'application, dont il est nécessaire de dire quel- 
ques mots. 

Les animaux fossiles ne sont pas ordinairement con- 
servés complets, et leurs parties dures sont presque 
toujours les seules qui soient parvenues jusqu’à nous; 
nous ne connaissons guère les mammifères que par 
leurs squelettes et les mollusques par leurs coquilles : 
or, les squelettes, et surtout les coquilles, ne renfer- 
ment pas toujours les caractères essentiels, et il faut 
que le paléontologiste, forcé de se restreindre à leur 
emploi, ne soit pas entrainé par là à des classifications 
irrationnelles. 

Pour éviter cet écueil, il faut faire un choix parmi 
les caractères qu'offrent ces parties dures ; ils sont 
loin d’être tous également utiles pour une bonne classi- 
fication, et les moins apparents sont souvent ceux qui 
fournissent les résultats les plus précis et les plus im- 
portants. Pour se diriger dans ce choix, l’étude appro- 
fondie des animaux vivants est le seul guide possible. 
Le premier soin de celui qui voudra étudier et classer 
des fossiles sera de chercher à découvrir quelles sont 


92 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


les liaisons qui existent entre les formes des parties s0- 
lides et celles des organes plus essentiels. Il arrivera 
ainsi à reconnaître quels sont les caracières du sque- 
lette et de la coquille qui traduisent, de la manière la 
plus certaine, les modifications principales des organes 
les plus importants, et saura par conséquent quels sont 
ceux qu'il faut placer au premier rang. Il pourra bien- 
tôt se convaincre que, parmi les caractères que l'on a 
souvent employés en paléontologie, il en est beaucoup 
auxquels on à donné une importance exagérée, parce 
qu'ils sont faciles à observer et d’un emploi commode, 
tandis qu'un examen plus approfondi aurait montré 
qu'ils n'indiquent rien sur les points les plus essentiels 
de l'organisme (*). 

C’est sur des considérations de ce genre et sur une 
constante étude de la nature vivante, que doit de toute 
nécessité être fondée la classification des fossiles. Si 
l’on néglige cette voie, la seule sûre, on ne pourra pas 
faire jouir la paléontologie des avantages de la méthode 
naturelle. Et ce n’est pas seulement pour établir les 
grandes divisions que ces précautions sont nécessaires ; 
les observations qui précèdent sont entièrement appli- 
cables à la formation des genres et au groupement des 


(1) Ainsi, pour les coquilles bivalves, l’étude des mollusques vivants mon- 
trera que le fait d’être équivalve ou inéquivalve a une grande importance en 
ce sens que la station du mollusque en dépend : car ceux de ces animaux 
qui ont deux valves égales se tiennent droits, tandis que ceux qui ont une 
grande valve et une petite vivent couchés sur le côté. Cette étude prouvera 
encore que la forme de l'impression du manteau se lie intimement à la pré- 
sence et à la grandeur des tubes, et qu’en conséquence le fait que cette im- 
pression palléale soit ou non échancrée par un sinus peut fournir un carac- 
tère d’une importance réelle. Cette même observation de la nature vivante 
fera, au contraire, attribuer peu d'importance à l'existence d'une ou de deux 
impressions musculaires, parce que la coquille aura été fermée de la même 
manière par un ou par deux muscles. 


DÉTERMINATION DES FOSSILES, 93 


espèces. On verra même souvent, si les paléontologistes 
s'astreignent à ces règles nécessaires,il’étude des corps 
fossiles réagir sur les méthodes naturelles, et perfec- 
tionner ainsi la classification des animaux actuels. 

On peut dire de la détermination des fossiles à peu 
près les mêmes choses que nous avons dites de leur 
classification. Les mêmes principes généraux, qui di- 
rigent le zoologiste pour reconnaitre les espèces vivantes, 
doivent s'appliquer à la détermination des animaux 
fossiles ; mais, comme dans beaucoup de cas on n’en 
possède que des fragments, il est nécessaire qu'une ana- 
lyse plus rigoureuse permette cette détermination par 
des moyens plus restreints. 

C’est surtout pour les animaux vertébrés qu’il est 
indispensable que le paléontologiste s'appuie sur des 
lois et des méthodes fixes, car ces animaux ne sont 
souvent connus que par un petit nombre d'os, qui pour- 
raient fournir des conclusions vagues et erronées à des 
observateurs superficiels. Je vais tâcher de montrer 
quelles sont les méthodes à suivre, en prévenant toute- 
fois ceux qui aborderaient pour la première fois la 
science, que les considérations théoriques qui vont 
suivre ne peuvent guider que d’une manière générale, 
et que l’examen constant et attentif de la nature peut 
seul fournir le coup d'œil nécessaire pour des détermi- 
nations promptes et exactes. 

Deux des lois principales de l’anatomie comparée 
doivent être considérées comme dirigeant la détermi- 
nation des ossements fossiles : ce sont la loi d'unité de 
composition organique et la loi de concordance des ca- 
ractères. 

La loi d'unité de composition organique, en établis- 
sant que tous les animaux sont composés des mêmes 


94. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


parties, semblablement disposées, permet au paléonto- 
logiste d’être certain que l'os qu'il veut déterminer, eût- 
il appartenu à une espèce de formes tout à fait perdues, 
peut se rapporter à un des os connus du squelette. C’est 
en quelque sorte cette loi qui rend possible la déter- 
mination, et qui en dirige les premiers travaux, comme 
je le montrerai plus bas. Il faut remarquer que l'o- 
pinion que l’on peut avoir sur la généralité de Ja loi 
d'unité de composition organique influe peu sur ses ap- 
plications. Soit que, comme quelques écoles modernes, 
on la considère comme nécessaire, et qu’à priort on la 
proclame universelle; soit qu’on se borne à constater 
à posteriori une unité de plan dans les animaux verté- 
brés, on arrivera aux mêmes résultats pour la paléon- 
tologie. Tous les naturalistes sont maintenant d’accord, 
pour reconnaître les mêmes pièces importantes du 
squelette dans les animaux vertébrés, ou du moins 
dans chacune des classes qui composent cet embran- 
chement. 

La loi de concordance des caractères pose en prin- 
cipe que tous les organes d’un animal devant être dis- 
posés dans un certain but, pour lui assurer un genre 
de vie spécial, on peut de la forme d’un d’entre eux con- 
jecturer les caractères principaux des autres. Elle 
permet par conséquent, sur l'inspection de quelques 
fragments, de reconstruire l’animal entier, et à, en 
paléontologie, des applications plus nombreuses et plus 
variées que la précédente. C’est par cette loi, par exem- 
ple, que l’on peut conclure, de la forme de quelques 
os du pied, si l'animal était herbivore ou carnivore, et 
par conséquent acquérir des données assez certaines sur 
la forme probable des autres os des membres, sur la 
nature des dents, etc., etc 


DÉTERMINATION DES FOSSILES. 95 


Ces deux lois règlent, avons-nous dit, la détermina- 
tion des ossements fossiles, et voici, ce me semble, 
d’après elles, la marche logique à suivre dans des tra- 
vaux de ce genre. F 

La première chose à faire est de déterminer la place 
de l'os dans le squelette, c’est-à-dire de savoir quel 
nom il doit porter comme os. Cette première recher- 
che, faite en application de la loi d'unité de compo- 
sition organique, nécessite certaines connaissances 
d’ostéologie et demande un peu de pratique. On pourra 
la faciliter en étudiant, dans les divers os du corps, 
quels sont les caractères qui les font le plus sûrement 
reconnaître. Ainsi on verra bientôt, par exemple, que, 
parmi les os longs des mammifères, le fémur et l'hu- 
mérus se distinguent à ce qu’une de leurs articulations 
est en tête arrondie, que le premier diffère du se- 
cond par un col plus marqué, et parce que son extré- 
mité inférieure est terminée par deux condyles, tan- 
dis que l’humérus s’articule par une poulie. On verra 
de même que le tibia se reconnaît à ses deux condyles, 
le cubitus à son olécrâne, etc. (!). En étudiant l’ostéo- 
logie sous ce point de vue, on s’habituera bientôt à 
distinguer les divers os, et cette première partie de la 
détermination n'offrira que rarement des difficultés 
réelles. 

Ce premier point obtenu, on étudiera l’os sous le 
rapport de la loi de concordance des caractères, et l’en 
commencera la comparaison qui doit donner pour solu- 
tion à quelle famille et à quel genre on peut rapporter 
l’animal auquel a appartenu ce fragment. Pour cette 
recherche, la loi que je viens de rappeler fournit deux 


{‘) Voyez la note B à ja fin du volume, 


96 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 
catégories de moyens, qu'il importe de distinguer pour 
se faire une idée complète de son emploi. 

Elle fournit d’abord des moyens rationnels par les 
déductions rigoureuses qu’on peut tirer directement 
du principe lui-même. Ainsi une phalange un- 
guéale grosse, aplatie en dessous et en forme à peu 
près de pyramide triangulaire, prouvera incontes- 
tablement que l'animal auquel elle a appartenu n’a 
pu se servir de son pied que pour marcher, et que par 
conséquent il a été herbivore et de la division des on- 
gulés. On pourra de là conclure qu'il a eu des dents 
propres à broyer l’herbe, pas de clavicule, des côtes 
larges, et dans tout son squelette plus de force que de 
souplesse. Ces moyens rationnels, dont cet exemple 
doit faire comprendre l'emploi varié et important, 
fournissent les premières données pour classer et re- 
composer l'être ; mais 1ls ne peuvent pas conduire au 
delà de certaines généralités. Aïnsi tel os qui aura pu 
prouver d'une manière certaine qu'un animal a été 
herbivore, sera souvent inutile pour donner des rensei- 
gnements plus détaillés, et l'on ne pourra pas, en res- 
tant dans l'application rigoureuse du principe théo- 
rique, en déduire, par exemple, s'il a ou non ruminé, 
s’il a eu ou non des cornes, et si ces cornes étaient 
des bois ou des cornes creuses. L’emploi des moyens 
rationnels ne suffit donc pas ordinairement pour la dé- 
termination du genre ; leur rôle se borne à tracer les 
grands traits de l’organisation de l'animal fossile, sans 
pouvoir y ajouter les détails nécessaires. 

Mais le principe de concordance des caractères four- 
nit alors des moyens empiriques qui jouent un rôle 
important quand les moyens rationnels s'arrêtent. Les 
animaux qui forment des genres naturels ne se ressem- 


DÉTERMINATICN DES FOSSILES. 97 


blent pas seulement par les caractères qui sont néces- 
saires pour leur assurer le même genre de vie; ils sont 
encore semblables dans la plupart des détails qui, au 
premier coup d’œil, paraissent tout à fait secondaires et 
inutiles à étudier. Chaque os, considéré dans l’ensemble 
d’un genre naturel, présente ordinairement une physio- 
nomie constante qui résulte de l’analogie de ses formes ; 
dans toutes les espèces, les apophyses, les crêtes, les 
cavités, les trous, les impressions, les surfaces articu- 
laires, se ressemblent beaucoup. Si lon compare, au 
contraire, le même os avec ses analogues dans les gen- 
res voisins, on verra des différences assez marquées 
dans ces mêmes caractères accessoires. Cette compa- 
raison des analogies dans le même genre et des diffé- 
rences avec les genres voisins est la base des moyens 
empiriques de détermination dont nous parlons ici. 
Quand par les moyens rationnels on aura décidé à 
peu près les rapports généraux de l’animal qu’on veut 
déterminer, on pourra arriver au genre en comparant, 
par une sorte de tâtonnement, les os que l'on a à sa 
disposition avec les squelettes des animaux qui s’en 
rapprochent le plus. Les dents en particulier peuvent 
jouer un rôle très important sous ce point de vue, et 
il est peu de genres que l'inspection d’une mâchoire 
bien conservée ne permette pas de déterminer; plu- 
sieurs os du squelette fournissent aussi des données 
d'une grande certitude. L'usage des moyens empiriques 
exige une grande pratique et surtout la possession de 
collections d’ostéologie ou d'ouvrages à planches bien 
faits ; 1] faut nécessairement, pour des déductions rigou- 
reuses, que l’on puisse faire des comparaisons très 
nombreuses. 

L'emploi de ces moyens empiriques est surtout im- 

I. Yi 


98 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


portant pour les espèces qui se rapportent à des genres 
actuellement existants, et pour celles qui s’en écartent 
peu. Si, au contraire, on à à reconstruire des espèces 
de genres perdus et de formes très différentes de 
celles du monde actuel, les moyens rationnels jouent 
un plus grand rôle. On peut, comme je l'ai déjà dit, 
voir un modèle de leur emploi dans la partie de lou- 
vrage de Cuvier qui traite des fossiles de Paris. Tout ce 
qui va suivre d’ailleurs présentera des applications 
constantes de ces principes généraux. 


CHAPITRE VII. 


DES APPLICATIONS DE LA PALÉONTOLOGIE A LA GÉOLOGIE. 


Les faits paléontologiques que nous avons exposés 
dans les chapitres précédents fournissent des données 
importantes pour la géologie, et principalement pour la 
détermination de l’âge des terrains. Nous devons dire 
quelques mots ici de l'emploi des fossiles, soit pour ce 
but essentiel, soit pour résoudre quelques questions 
accessoires. 

Nous avons vu qu’une partie importante de l’écorce 
terrestre est composé d'un certain nombre de couches 
primitivement parallèles et que dans ces couches sont 
disposés des fossiles associés en faunes distinctes. Les 
lignes de séparation de ces faunes dans la coupe géné- 
rale que nous avons supposée (page 38) correspondent 
aux renouvellements de l'organisme sur la surface de 
la terre, et par conséquent aux diverses époques de son 
histoire géologique. Quelques unes de ces lignes séparent 
des faunes très différentes les unes des autres; d’autres 
sont placées entre des faunes assez ressemblantes, cir- 


APPLICATIONS À LA GÉOLOGIE. 99 


constance dont les géologues ont pu tirer parti pour 
classer les terrains en groupes de diverse valeur, comme 
nous le verrons dans le chapitre suivant. 

Nous devons faire remarquer d’abord que le véritable 
moyen de déterminer l’âge d'un terrain est l’observa- 
tion stratigraphique, c'est-à-dire celle de la direction et 
du rapport des couches. Chaque terrain est plus récent 
que celui qu'il recouvre et plus ancien que ceux par 
lesquels il est recouvert. Les coupes géologiques offrent 
dans ce but le critère Le plus certain, et leurs résultats 
doivent passer avant tous les autres. Ce problème impor- 
tant appartient donc essentiellement à la géologie et non 
à la paléontologie. 

Mais les observations stratigraphiques ne peuvent 
pas résoudre toutes les questions (‘). 

En effet : 

1° Elles ne sont pas toujours possibles. Il arrive sou- 
vent que l’on ne peut pas suivre une couche de manière 
à établir sa continuité. Elle peut s’enfoncer trop profon- 
dément, avoir été brisée et disloquée, passer sous des 
eaux, etc. Il en résulte que l’ordre de disposition des 
terrains ayant été reconnu dans un point, on ne peut 
pas toujours, dans un autre endroit, trouver les concor- 
dances par les seules études stratigraphiques. 

2° Elles ne sont pas toujours suffisantes, même avec 
la possibilité de faire de bonnes coupes. Il sera, par 
exemple, souvent difficile de distinguer parmi les lignes 
de séparation d’un terrain divisé en couches très nom- 


(1) Nous ne dirons rien des caractères minéralogiques, c’est-à-dire de ceux 
que l’on pourrait tirer de la composition des couches (craies, calcaires com- 
pactes, sables, grès, etc.), parce que si ces caractères peuvent guider dans 
certains cas, il en est une foule d’autres où ils induiraient en erreur. Tous 
les géologues savent combien la composition des terrains peut varier dans la 
même période, et se retrouver la même dans des époques très éloignées. 


100 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


breuses celles qui ont véritablement séparé des pério- 
des géologiques de celles qui sont sans importance. II 
sera souvent difficile encore, lorsqu'un ou plusieurs ter- 
rains manqueront dans une coupe, desavoir par la stra- 
tigraphie seule à quelle époque géologique correspondent 
les membres manquants. 

L'étude des fossiles peut jouer un rôle important 
pour combler ces lacunes. Leur emploi est fondé sur 
les principes suivants : 

1° Dans tous les pays que l’on a observés jusqu'à pré- 
sent les faunes géologiques se sont succédé dans le 
mème ordre. 

20 Les terrains contemporains ou formés à la même 
époque renferment des fossiles identiques. 

3° Réciproquement : Les terrains qui contiennent des 
fossiles identiques sont contemporains. 

De ces principes résulte évidemment le procédé sui- 
vant pour déterminer paléontologiquement l’âge d’un 
terrain. 

Le travail préparatoire consistera à dresser dans des 
catalogues aussi exacts que possible la liste des fossiles 
de tous les terrains. Ces listes et la description des fos- 
siles forment la partie la plus compliquée et la plus 
étendue de la paléontologie. Les matériaux s'accumu- 
lent tous les jours dans ce but, et ce grand édifice se 
construit par les efforts réunis de tous. 

Le naturaliste qui voudra en tirer parti devra réunir 
un aussi grand nombre que possible de fossiles du ter- 
rain dont il veut connaître l’âge, déterminer dans les 
ouvrages paléontologiques les noms de ces fossiles et les 
comparer aux listes indiquées ci-dessus. Le terrain 
dont il s’occupe sera contemporain de celui qui renferme 
les mêmes espèces que les siennes. 


APPLICATIONS À LA GÉOLOGIE. 101 


Nous devons rappeler ici que l'opinion que l’on peut 
avoir sur la spécialité des fossiles influera sur la con- 
fiance à donner à ces délerminations; mais le fait que 
les espèces qui se trouvent à la fois dans deux terrains 
forment de rares exceptions , permettra d’arriver à 
une certitude presque complète toutes les fois que les 
déterminations auront porté sur un nombre considé- 
rable de fossiles. Nous ne saurions trop recommandeï 
aux géologues de prendre cette précaution indispensable 
dans leurs recherches, car il est très facile, sur un 
trop petit nombre d'espèces, de mêler l’erreur avec la 
vérité. C’est, comme nous l'avons déjà dit, pour avoir 
agi lévcèrement dans bien des cas que l’on a ébranlé la 
confiance légitime que doit inspirer l’emploi prudent 
des fossiles pour la détermination de l’âge des terrains. 

Je dois signaler ici quelques causes d’erreur dont on 
doit tenir compte. 

1° Il peut y avoir entre les fossiles de divers pise- 
ments des différences qui tiennent à l'éloignement 
géographique plus qu’à l’âge géologique. Malgré la loi 
que nous avons établie que la distribution géographique 
des fossiles à été plus étendue dans les temps anciens 
que de nos jours, elle a eu ses limites. Avant donc de 
tirer la conclusion que des terrains à fossiles différents ne 
sont pas contemporains , il faut, si ces terrains sont très 
éloignés, faire la part des différences géographiques. 

2° Des événements locaux et sans grande importance 
géologique peuvent, pendant le courant d’une période, 
modifier le fond des mers et amener quelques change- 
ments dans la faune. Il ne faut pas les confondre avec 
les modifications plus grandes qui, à la fin des périodes, 
produisent des renouvellements plus complets. 

Il peut arriver, par exemple, comme nous l'avons 


102 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


dit (page 79), que la nature du fond de la mer éprouve 
des changements de composition, ou qu’un soulèvement 
lent en modifie la profondeur. Les recherches de 
M. E. Forbes, que nous avons déjà citées, ont montré 
que certaines espèces vivent toujours dans des fonds de 
même nature et à des profondeurs constantes. Il y aura 
donc chez elles déplacement et remplacement à la suite 
de ces modifications sans qu'il y ait des changements 
de faunes. 

Quelques naturalistes ont été disposés à exagérer 
l'influence de ces phénomènes, et à croire que l'on 
pouvait leur attribuer toutes les modifications des faunes 
géologiques. Je pense, au contraire, qu’il sera toujours 
facile de faire leur part et de les distinguer des renou- 
vellements généraux. Dans ces derniers, à une faune 
complète, c’est-à-dire ayant des représentants dans 
tous les groupes zoologiques, succède une autre faune 
complète. Dans les cas de modifications locales du fond, 
de changements de profondeur, etc., certains genres à 
habitudes déterminées sont remplacés par d’autres 
genres à habitudes différentes, et la faune n’est com- 
plète que par la réunion des uns et des autres. Ces 
derniers phénomènes se manifestent d’ailleurs sur une 
étendue géographique très restreinte. 

3 Il arrive quelquefois que des fossiles déposés à 
une certaine époque dans des couches peu compactes, 
des sables, etc., sont repris par une nouvelle inonda- 
tion, désagrégés et mélangés avec les débris des ami- 
maux morts à une époque relativement plus récente. 
On trouve à la suite de ces perturbations un mélange 
de deux faunes distinctes. Les fossiles qui sont dans 
ce cas, et qui, appartenant à l’époque plus ancienne, 
se trouvent mêlés à de plus récents, sont appelés des 


APPLICATIONS À LA GÉOLOGIE. 103 


fossiles remaniés. On les distinguera souvent à leur ap- 
parence, plus souvent encore parce que leurs caractères 
zoologiques sont trop en discordance avec leur gise- 
ment pour ne pas frapper un paléontologiste un peu 
expérimenté. 

L'étude des fossiles peut fournir au géologue d’au- 
tres données que celles qui ont pour but la classifica- 
tion des terrains et la détermination de leur âge. Elle 
peut, par exemple, montrer si un terrain à été formé 
par les eaux de la mer ou par des eaux douces. Cer- 
tains genres de poissons et de mollusques sont connus 
pour être essentiellement fluviatiles et d’autres pour 
habiter les mers. Si l'ensemble des fossiles d’un terrain 
appartient à des genres fluviatiles, on en pourra légiti- 
mement conclure que ce terrain à été déposé par des 
fleuves ou par des lacs d’eau douce. Si au contraire les 
êtres qui y ont laissé leurs débris appartiennent à des 
genres marins, il sera à présumer que le terrain doit 
son origine aux eaux de la mer. 

Dans ces dernières années, les fossiles ont révélé 
des faits remarquables sur l'état du globe à diverses 
époques. Quelques auteurs ont cherché à se servir 
d'eux pour fixer les rivages et la confisuration des mers 
anciennes. On sait, eneffet, que dans la haute mer on 
retrouve moins de mollusques que près des côtes ; la 
profondeur et l’absence de végétation en écartent la 
plupart des espèces. Les rivages, au contraire, qui 
fournissent une nourriture plus abondante et une mer 
peu profonde, servent d’abri à un beaucoup plus grand 
nombre d'individus. Il faut d’ailleurs remarquer que 
lorsqu'un animal vertébré, tel qu'un poisson ou un cé- 
tacé, meurt en pleine mer, un commencement de dé- 
composition et de dégagement de gaz lui donne une 


104 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


pesanteur spécifique plus petite que celle de l’eau et le 
fait flotter. Il ne tarde pas en conséquence à être jeté à 
la côte et à mêler ses restes avec ceux des animaux cô- 
tiers. Il en est de même des mollusques flottants comme 
les ammonites, les nautiles, etc. La présence de fos- 
siles nombreux peut donc servir à indiquer le rivage 
des mers anciennes, tandis que des fossiles rares prou- 
vent, au contraire, que les terrains où ils ontété dépo- 
sés appartiennent à ce que les géologues ont appelé des 
dépôts pélagiques, et ont été formés loin des côtes, 
ou du moins dans des parties de la mer peu favorables 
au développement de la population zoologique. Des re- 
cherches de cette nature, très répétées et liées avec 
les observations stratisraphiques, peuvent servir à tra- 
cer la carte des mers aux diverses époques. 


CHAPITRE IX. 


CLASSIFICATION DES TERRAINS, 


Nous venons de voir quels sont les moyens que l’on 
peut employer pour classer les terrains. Je dois mainte- 
nant dire quelques mots de la classification que j'ai 
adoptée, en me bornant à indiquer les divisions sans 
les caractériser. Je reviendrai plus tard, en terminant 
cet ouvrage, sur divers détails relatifs à l’état de cha- 
cune des époques et sur les caractères de leur popula- 
tion zoologique. 

Je renvoie mes lecteurs aux nombreux et excellents 
traités de géologie qui sont dans les mains de tout le 
monde, pour tout ce qui à trait à la distribution géogra- 
phique des terrains, à leurs caractères physiques et 
minéralogiques, à leur emploi dans les arts, à la dis- 


CLASSIFICATION DES TERRAINS. 105 


position de leurs couches, à leurs accidents principaux, 
et à toutes les autres circonstances qui ne se lient pas 
directement à la paléontologie. Je ne rappellerai dans 
ce chapitre que ce qui est strictement nécessaire à l’in- 
telligence de la deuxième partie. 

Les terrains qui composent l’écorce du globe peuvent 
avoir été formés de quatre manières différentes, et doi- 
vent en conséquence être divisés en quatre classes. 
Cette division, fondée sur la différence de leur origine, 
est tout à fait indépendante de l'ancienneté de leur for- 
mation; chacune de ces classes peut renfermer des ter- 
rains contemporains de ceux qui appartiennent aux 
trois autres, 

On nomme terrains volcaniques ceux qui, à létat 
de fusion sous l'écorce du globe par l'action d’une 
température très élevée, sont de temps en temps 
vomis par des cratères ouverts dans cette écorce et 
viennent se refroidir à sa surface. Ces terrains sont 
composés de laves, de cendres et de sables ; ils se for- 
ment encore de nos jours, mais plusieurs d’entre eux 
ont été déposés dans les époques anciennes du globe. 
Leur âge peut être déterminé par leurs rapports de po- 
sition avec d’autres terrains connus et classés sous ce 
point de vue. 

On appelle terrains plutoniques ceux qui ont été, 
comme les précédents, fondus par l'action de la cha- 
leur souterraine, mais qui ont été refroidis et cristallisés 
sous l'écorce terrestre, soumis à l’énorme pression des 
gaz intérieurs fortement réchauffés. Ces roches, d’un 
aspect cristallin, sont plus dures et plus compactes que 
celles d’une origine volcanique qui, refroidies à la surface 
de la terre et sous une pression moindre, sont presque 
toujours plus poreuses, Les granits, les protogines, etc., 


106 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


appartiennent à cette division. Après leur refroidis- 
sement, ces Lerrains ont souvent percé l'écorce terres- 
tre, et, par de puissants soulèvements, sont venus for- 
mer des montagnes qui présentent quelquefois un aspect 
imposant par leurs déchirures et par les formesélancées 
des pyramides dans lesquelles elles se sont fraction- 
nées. Le massif du Mont-Blanc et des Aiguilles de Cha- 
mounix en est un des exemples remarquables. 

Les autres terrains ont été formés par les eaux et 
conservent, comme trace de cetle origine, des couches 
ou strates plus ou moins évidentes. 

Les terrains métamorphiques (*) sont ceux qui, après 
avoir été déposés seus les eaux, ont été fortement ré- 
chauffés par le voisinage des roches plutoniques encore 
incandescentes. L’extrême chaleur de ces roches s’est 
propagée dans ces terrains et a fondu leurs éléments, 
qui se sont cristallisés en se refroidissant sous une 
forte pression, comme les roches plutoniques. [ls con- 
servent ainsi, dans la stratification, des traces de leur 
origine aqueuse, et présentent dans leur structure cris- 
talline des preuves d’une fusion analogue à celle des 
granits. Les gneiss, les micaschistes, les marbres eris- 
tallisés tels que celui de Carrare, appartiennent à cette 
division. 

Ces trois premières classes de terrains ne renferment 
point de fossiles : car, en supposant que les terrains 
volcaniques entraînent quelquefois dans leur formation 
des débris organiques, la chaleur de la lave suffirait 
en général pour les consumer et en anéantir les traces ; 


(1) Je sais que l’origine aqueuse des roches métamorphiques est contestée 
par plusieurs géologues. Je ne dois en aucune manière traiter ici cette ques- 
tion, et je me suis borné à adopter l'opinion de M. Lyell, qui m’a paru proba- 
ble. Ces terrains ne sont point du ressort de la paléontologie. 


CLASSIFICATION DES TERRAINS. 107 


et si, dans leur première origine, les roches métamor- 
phiques ont été fossilifères, la fusion qu’elles ont subie 
plus tard doit presque toujours avoir détruit ce qui 
pourrait le démontrer aujourd’hui. 

La paléontologie n’a donc point à s'occuper de ces 
trois premières classes, et nous devons nous borner à 
l'étude de la quatrième, celle des terrains stratifiés fos- 
silifères, qui, formés par les eaux, ont conservé tous les 
caractères de dépôts aqueux et renferment en général 
des débris de corps organisés. 

Ces terrains fossilifères ont été déposés pendant une 
série de périodes dont les limites correspondent, comme 
nous l'avons dit, à des changements géologiques qui 
ont amené des différences dans la nature des sédiments 
et dans la population zoologique. Chacun des terrains 
ou étages, séparés par ces limites et formés pendant 
ces périodes, a dù recevoir un nom pour le distinguer 
des autres. Je dois rappeler ici qu’il ne faut pas s’at- 
tendre à trouver dans ces divisions quelque chose de 
parfaitement arrêté, ni des terrains uniformes dans 
toutes leurs parties et séparés des autres par des li- 
gnes mathématiques. Ces divisions pourraient même 
être comparées jusqu’à un certain point à celles que 
l’on admet dans l’étude de l'histoire, où l'on fonde 
la séparation des périodes sur certains événements 1m- 
portants, qui modifient gravement l’état d'un pays, qui 
influent sur tous les faits secondaires, mais qui ne les 
interrompent pas. 

On comprendra donc facilement que le nombre 
d’étages à admettre est loin d’être encore parfaitement 
déterminé ; les travaux des paléontologistes modernes 
semblent tendre journellement à les augmenter. On 
distingue actuellement vingt-cinq à trente formations 


108 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


indépendantes ; chacune d’elles à probablement une 
faune spéciale dont les espèces sont différentes de 
celles qui les ont précédées ou suivies, mais le degré 
de ces différences n’est pas toujours le même. Quelques 
faunes sont telles, que comparées ensemble, on les 
trouve composées d'espèces qui se ressemblent beau- 
coup, ce qui donne à l’ensemble de chacune de ces 
créations une physionomie générale assez semblable. 
D’autres, au contraire, renferment des espèces qui res- 
semblent très peu à celles des faunes voisines, et qui 
prouvent une influence modificatrice plus grande. 

Ces faits ont servi à associer quelques étages ; on 
les a réunis sous le nom de terrains, que nous admet- 
tons au nombre de neuf. 

On à aussi cherché à grouper ces terrains en grandes 
périodes dont chacune est caractérisée par un ensem- 
ble de circonstances relatives aux êtres organisés qui y 
ont vécu. On a d’abord considéré ces périodes comme 
très tranchées; mais, depuis quelques années, l’étude 
d’un plus grand nombre de fossiles a montré des tran- 
sitions nombreuses, et l’on à reconnu quelques ter- 
rains, dont les formes organiques participent à la fois 
des caractères de deux époques. Aussi les limites des 
grandes périodes géologiques sont-elles probablement 
moins réelles qu’on ne l'avait cru, et ce qui le prouve 
encore , c’est que leurs points de séparation ont été 
quelquefois envisagés d’une manière très différente. 
Il semble qu’à mesure que la distinction des terrains 
par les fossiles devient plus précise, plus positive et 
plus incontestable, le groupement de ces terrains en 
grandes périodes présente à la fois moins d'utilité et 
moins de certitude. Toutefois, comme elles sont géné- 
ralement admises, et comme, considérées dans leurs 


CLASSIFICATION DES TERRAINS. 109 


grands traits, elles s'appuient sur des faits intéressants 
et remarquables, je rapporterai ici cette division des 
terrains en quatre phases, qui sont, en commençant 
par les plus anciennes : les périodes primaire, secon- 
daire, tertiaire et diluvienne ou quaternaire, cette der- 
nière ayant immédiatement précédé la période mo- 
derne. 

La PÉRIODE PRIMAIRE a aussi été nommée PÉRIODE DE 
TRANSITION. En effet, lorsqu'on croyait les granits d’o- 
rigine aqueuse, on les considérait comme les roches les 
plus anciennement formées , et on les avait nommés 
roches primitives ; les terrains de la période dont nous 
nous occupons ici, étant intermédiaires de position en- 
tre les roches primitives et l’époque secondaire , pou- 
vaient alors porter le nom de terrains de transition. 
Maintenant, ce nom n’a pour lui que l'autorité de l'ha- 
bitude et représente une idée fausse. Le mot de période 
primaire est plus convenable comme désignant les pre- 
miers âges du globe, ou du moins l’époque à laquelle se 
rapportent les plus anciennes traces d'organisation que 
nous connaissions. Cette dénomination, il est vrai, a 
l'inconvénient de présenter peut-être quelque chance 
de confusion avec le mot de terrains primitifs, mot qui, 
au reste, doit être tout à fait abandonné. Quelques péo- 
logues ont cherché à lui substituer un nom nouveau : 
on à nommé l’ensemble des terrains qui la compo- 
sent hémilysiens (demi-dissous), paléozoïques, parce 
qu'ils renferment les plus anciens animaux connus, et 
trilobitiques, du nom d'un de leurs fossiles les plus ca- 
ractéristiques. Nous conserverons ici le nom de période 
primaire, parce qu'il est juste, simple, facilement in- 
telligible et qu'il concorde avec les noms des périodes 
suivantes. 


110 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Cette époque renferme les terrains stratifiés fossilifè- 
res les plus anciennement formés. Ses limites ont beau- 
coup varié, car dans l’origine on n’y comprenait que les 
terrains siluriens ; plus tard on y ajouta le terrain houil- 
ler, et maintenant les géologues y comprennent encore 
le terrain pénéen. 

Ses caractères paléontologiques principaux sont les 
suivants : 1° On y trouve l’embranchement des verté- 
brés, représenté seulement par de très rares reptiles et 
par des poissons. Ces derniers présentent des caractères 
remarquables, que nous exposerons plus tard; leurs 
formes étaient peu variées, et, en général, très diffé- 
rentes de celles des poissons actuels ; 2 parmi les crus- 
tacés, on ne remarque presque que la singulière famille 
des trilobites ; 3° les mollusques céphalopodes y sont 
nombreux et présentent beaucoup de genres différents 
de ceux des époques suivantes, tels que les orthocères, 
les lithuites, Les cyrihocères, etc., mais les véritables 
ammonites n’y existent pas encore ; # les mollusques 
brachiopodes y ont vécu en nombre considérable et pré- 
sentent, avec des genres actuels, d’autres qu’on ne re- 
trouve que peu ou point plus tard, tels que les produc- 
tus, les orthis, les spirifer, etc. 

La PÉRIODE SECONDAIRE est une des plus importantes 
et a été probablement une des plus longues ; elle ren- 
ferme des terrains très variés et qui atteignent souvent 
une grande puissance ("). Ses caractères paléontologiques 
sont assez tranchés ; toutefois ses terrains les plus in- 
férieurs ont une faune qui se rapproche, par des points 
nombreux, de celle des terrains les plus récents de la 
période primaire. 

(1) On nomme puissance d’un terrain l’épaisseur des couches qui le com- 
posent. 


CLASSIFICATION DES TERRAINS. 111 


Ses caractères paléontologiques les plus apparents 
sont relatifs aux vertébrés et aux mollusques céphalo- 
podes. Les premiers sont plus variés que dans la période 
précédente ; on trouve de nombreux reptiles, dont les 
uns sont remarquables par leurs formes très différentes 
de celles du monde actuel, tels que les ichthyosaures, 
les plésiosaures, les ptérodactyles, etc., d’autres par 
une taille gigantesque , comme l’iguanodon. Quelques 
oiseaux el même quelques mammifères ont déjà apparu 
à cette époque ; mais les rares fragments de cette der- 
nière classe appartiennent tous à l’ordre des didelphes ; 
on n’a encore découvert dans Îles terrains de cette pé- 
riode aucune trace de mammifères monodelphes. Les 
mollusques céphalopodes y sont abondants et repré- 
sentés surtout par les bélemnites et les ammonites. Ces 
dernières, en particulier, apparaissent pour la première 
fois dans les couches inférieures de cette période, par 
le sous-genre des céralites, et se continuent, par les 
ammonites proprement dites, dans tous les terrains, 
jusqu’à l'étage supérieur de la craie, où elles disparais- 
sent, pour ne plus se retrouver dans les âges suivants. 

La PÉRIODE TERTIAIRE n’a pas été aussi longue que 
la période secondaire et ne présente pas à beaucoup 
près autant de variété dans ses terrains. Ses couches 
les plus inférieures se lient, dans quelques pays, d’assez 
près aux terrains supérieurs de la craie ; ses formations 
les plus récentes ne sont pas toujours faciles à bien 
distinguer de celles de la période diluvienne. Ses ca- 
ractères paléontologiques principaux sont de renfermer 
des faunes abondantes de mammifères monodelphes, ce 
qui la distingue clairement de l'époque secondaire. Ces 
mammifères différent souvent de ceux de la période 
moderne par des caractères assez importants pour qu’on 


112 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


ait dù en former de nouveaux genres. Ainsi les paléo- 
thériums, les anoplothériums, les dinothériums, etc., ne 
vivaient pas avant cette époque et ne lui ont pas survécu. 
D'autres genres, au contraire, sont semblables à ceux 
d'aujourd'hui et les espèces seules diffèrent. Les oi- 
seaux, les reptiles, les poissons et les animaux inférieurs 
de cette période sont en général plutôt des espèces que 
des genres perdus. Quelques naturalistes ont même 
rapporté aux espèces actuelles plusieurs de celles des 
terrains tertiaires, surtout des plus récents; mais le 
nombre en diminue tous les jours par une observation 
plus attentive et par des déterminations plus rigou- 
reuses. 

La PÉRIODE QUATERNAIRE à élé nommée aussi PÉRIODE 
DILUVIENNE, parce que les terrains qu'elle comprend 
“proviennent en partie des dernières inondations de 
nos continents que l’on a cherché à rapporter au dé- 
luge biblique. Elle comprend, suivant nous, tous les 
terrains qui ont été déposés depuis la première appari- 
tion des espèces composant la faune actuelle; elle est pro- 
bablement caractérisée aussi par la présence de l’homme 
qui manquait à toutes les époques antérieures. Cette 
période n'a peut-être été distinguée que parce que, 
plus rapprochée de nous, ses terrains plus superficiels 
attirent davantage les regards. J’ai déjà dit qu’elle n’est 
pas toujours facile à distinguer de la période tertiaire ; 
elle se confond encore plus avec l’époque moderne. 
Quelques uns des terrains qu’on lui rapporte paraissent 
renfermer des débris d'espèces perdues, mais souvent 
aussi on ne peut établir aucune différence entre les 
restes organiques qui y sont conservés et les pièces ana- 
logues des animaux vivants. Une quantité considérable 
des espèces du monde actuel ont existé dès l’origine de 


CLASSIFICATION DES TERRAINS. 113 


cette période avec les races éteintes : comme le mam- 
mouth, l’ours des cavernes, etc. Je suis donc porté 
à croire que l’époque diluvienne n’est pas une époque 
distincte de la nôtre sous le point de vue paléontolo- 
gique; mais comme elle est admise par la plupart des 
géologues et que d’ailleurs il faut un moyen de désigner 
les terrains importants qu’elle renferme, je conserve 
ici son nom et j’admets provisoirement son existence 
distincte. Je fixe ses limites en regard des causes 
qui ont déposé ces terrains, plutôt que par la com- 
paraison des débris organiques; et je répète en con- 
séquence ici, comme je l’ai dit au sujet de la défini- 
tion des fossiles, que les dépôts de l’époque moderne 
sont caractérisés parce qu'ils doivent leur origine aux 
agents actuels, agissant dans les limites qu'ils ont de 
nos Jours. 

Je conserve, par opposition, le nom de terrains di- 
luviens à ceux qui n’ont pu être formés que par des 
causes agissant sur une échelle plus grande que celle 
que nous leur connaissons aujourd'hui. Ainsi les gran- 
des couches de cailloux roulés, les amas d’ossements 
dans les cavernes et les brèches osseuses ne peuvent 
pas se former dans l’état actuel du globe, et doivent en 
conséquence être désignés sous le nom de dépôts dilu- 
viens. 

Parmi les idées contraires à celles que je soutiens ici, 
aucune ne m'a plus étonné que celle qui vient d’être 
émise par M. d’Orbigny, dans son Cours élémentaire. Ce 
savant paléontologiste réunit l’époque des cavernes avec 
celle des terrains pliocènes de Montpellier, d’Asti, etc. 
Il fait ainsi vivre ensemble l'éléphant et le masto- 
donte ; l’Ursus spelœus et les singes , lapirs, etc.; le 
Rhinoceros tichorhinus et le megarhinus, ete.! Ces 

1. 8 


114 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


deux faunes sont cependant parfaitement distinctes. 

Ces quatre périodes renferment, comme je l'ai dit, 
de nombreux terrains, dont je vais donner une idée 
sommaire, en renvoyant à la fin de cet ouvrage Îles 


preuves paléontologiques en faveur de la division que 
j'ai adoptée (°). 


Î. PÉRIODE PRIMAIRE. 


Synonymes : Période de transition, époque trilobitique, terrains primordiaux, 
terrains hémilysiens, terrains paléozoïques, terrains izémiens abyssiques. 


Les formations de cette période peuvent se diviser 
en quatre terrains. 


4. TERRAIN SILURIEN. — Synonymes : ferrain schisteux, ter- 
rain de transition, grauwacke, übergangs-gebirge; formation 
snowdonienne, formation caradocienne, terrains schisteux, Huot ; 
terrain ardoisier, Omalius d'Halloy , ete. Il se partage en deux 
étages. 

A. Silurien inférieur (T. cambrien, Sedgwick), comprenant 
les schistes d'Angers, les grès du Caradoc et de Llandeïlo, 
le Trenton limestone des États-Unis, etc. 


B. Silurien supérieur (T. Murchisonien, d'Orb.), comprenant 


(1) J'ai dû, pour la classification des terrains stratifiés, m'appuyer surtout 
sur les caractères paléontologiques, qui s’accordent mieux avec le but de cet 
ouvrage; mais je ne puis passer sous silence les belles conceptions de M. Élie 
de Beaumont sur les soulèvements. Je dois rappeler ici que ce savant géologue 
a démontré qu’une série de soulèvements, dont chacun a formé un système 
de montagnes, a successivement modifié la surface du globe, que chacune 
de ces catastrophes a terminé plus ou moins subitement un état de trauquil- 
lité, et que l’âge relatif de ces soulèvements se lie avec la direction des 
chaînes de montagnes. Ces découvertes remarquables, en expliquant la suc- 
cession des terrains, sont le complément nécessaire des résultats que fournit 
la paléontologie. Je regrette d’être forcé à renvoyer, pour le moment, mes 
lecteurs aux traités de géologie. Je serai d’ailleurs appelé plus tard à retracer 
les points les plus essentiels des travaux de M. Élie de Beaumont en traitant, 
dans un résumé final, des phases par lesquelles a passé le globe, considérées 
daos leurs rapports avec les animaux qui ont vécu à sa surface, 


CLASSIFICATION PES TERRAINS. 115 


les roches de Ludlow, le calcaire de Wenlock et de Dudley, 
les formations de Prague, le groupe du Niagara (Amé- 
rique), etc. 


2. TERRAIN DÉVONIEN. — Synonymes : vieux grès rouge (old- 
red-sandstone); formation paléo-psammérythrique , Huot ; jun- 
gere-grauvacke-gebirge. Réuni par quelques auteurs au terrain 
carbonifère, mais reconnu maintenant comme une formation 
bien distincte. Comprenant les terrains de transition du Rhin ; 
très développé en Belgique, en Russie, en Angleterre, dans le 
nord de la France; comprenant, en Amérique, le calcaire des 
chutes de l'Ohio, près de Louisville, etc. 


3. TERRAIN CARBONIFÈRE. — Synonymes : {errain carbonifere et 
terrain houiller, El. de Beaumont ; carboniferous limestone , 
millstone grit, Murchison ; terrain abyssique carbonifère et ter-- 
rain abyssique houiller, Brongniart; mountain limestone ; kohlen 
kalkstein, ete. Époque remarquable par la richesse de sa végé- 
tation , à laquelle nous devons les véritables houilles. 


L. TERRAIN PÉNÉEN. — Synonymes : {errain psammérythrique , 
Huot ; terrain permien , Murchison. Comprenant le calcaire al- 
pin, alpen-kalkstein des Allemands. Il a été divisé en deux étages 
qui paraissent devoir être réunis , car ils offrent les mêmes ca- 
ractères paléontologiques. Ge sont : 

1° Etage inférieur. FORMATION DU GRÈS ROUGE, ou formation 
PSAMMÉRYTHRIQUE , Comprenant le nouveau grès rouge, le 
todte-liegende des mineurs de la Thuringe, le red con- 
glomerat, etc. 

2 Etage supérieur. FORMATION MAGNÉSIFÈRE, COmprenant le 
zechstein, le calcaire magnésien et le calcaire alpin. 


IT. PÉRIODE SECONDAIRE. 
Synonymes : Époque paléosaurienne, Huot; terrains ammonéens. 
Cette période se divise en trois groupes très tranchés, 


dont les caractères paléontologiques sont précis et nom- 
breux. 


116 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


1° GROUPE TRIASIQUE, comprenant : 


5. TERRAIN TRIASIQUE. — Synonyme : éerrain keuprique, Huot. 
Divisé en trois formations qui doivent également être réunies à 
cause de leurs caractères paléontologiques identiques. Ce sont : 

1° LA FORMATION POECILIENNE. — Synonyme : grès bigarré ou 
bunter sandstein. Comprenant la grauwacke des Alpes, le 
quatrième groupe des terrains abyssiques pæciliens, Bron- 
gniart; une partie du grès houiller des Karpathes, Beud. 
Subdivisée en deux étages : l’inférieur , éfage vosgien ; le 
supérieur , éfage pæcilren. 

2° La FORMATION CONCHYLIENNE. — Synonymes : muschelkalk , 
terrains izémiens abyssiques conchyliens , Brongniart ; 
deuxième calcaire secondaire , Boué; calcaire à cératites, 
Cordier. 

3° La FORMATION KEUPRIQUE. — Synonymes : keuper , marnes 
arisees. 


Il faut placer ici avec doute un terrain remarquable, dont l’ex- 
tension géographique est si faible que ses véritables rapports 
sont encore mal connus. C'est : 

6. Le TERRAIN DE SAINT-CassiAN (Tyrol), qui se retrouve aussi à 
Hallstadt et à Salzbourg, en Autriche. Il est probablement à peu 
près contemporain du Keuper, mais il a une faune toute spéciale. 
— Synonyme : 7. saliférien, d'Orbigny. 


20 GROUPE JURASSIQUE. — Synonymes : Terrains am- 
monéens, Omalius d’'Halloy; jurakalk , oolitenkalk. — 
Ce groupe, un des plus importants et des plus ré- 
pandus, se subdivise en un assez grand nombre d’éta- 
ges, sur les limites desquels les géologues sont pas- 
sablement d’accord. Mais il n’en est pas de même 
pour le groupement de ces étages. Tantôt on sépare 
tout à fait le lias des autres, tantôt on le réunit à 
l'oolithe inférieure pour former l’étage inférieur. Le 
terrain corallien appartient, suivant quelques géolo- 
gues, à l'étage supérieur, et suivant d'autres à l'étage 


CLASSIFICATION DES TERRAINS. 117 


moyen. J'ai adopté, à l'exemple de M. d'Orbigny, une 
division fondée sur l’équivalence probable de tous ces 
étages, en les considérant comme étant tous à peu près 
également distincts et séparés les uns des autres. Ils 
sont au nombre de huit. 


7. TERRAIN LIASIQUE où LIAS, divisé lui-même en trois étages, 
très tranchés dans certaines contrées, et méritant peut-être de 
former des terrains distincts, ce sont : 

A. Le lias inférieur. — Synonymes : Grès du Luxembourg, 
Omalius d'Halloy; calcaire de  Valognes, Caumont ; 
terrain sinémurien, d'Orb. ; Lower lias shale; calcaire à 
gryphées arquées; Gryphiten kalk, Roemer. Comprenant le 
Turneri thon (?); le Jura noir inférieur’ (« etB); les grès 
de Lincksfield , les grès inférieurs du lias, etc. 

B. Le lias moyen. — Synonymes : Zerrain liasien, d'Orb. ; 
Marlstone des Anglais. Comprenant les marnes à gry- 
phœa cymbium ou de Balingen, le calcaire à bélemnites 
et les marnes à plicatules de MM. Thurmann et Marcou ; 
l'Amaltheen Thon et le Numismalen-Mergel de V'Albe de 
Souabe ; le Jura noir moyen (y et 3) des Allemands; 
l'Zronstone et le Marlstone de M. Phillips ; etc. 

C. Le Zias supérieur.— Synonymes : Terrain toarcien d'Orb. 
Comprenant l’Alumshale de Lyme Regis; l'upper Lias 
shale de Witby; les marnes à 7rochus ou de Pinperdu 
du Jura; les schistes de Boll; le Posidonomyen Schiefer, 
le Jurensis Mergel et Y'Opalinus Thon de l'Albe de Souabe ; 
le Jura noir supérieur (+ et 6) et le Jura brun inférieur (x 
des Allemands; etc. 


8. TERRAIN DE L'OOLITHE INFÉRIEURE. — Synonymes : Zerrain 
Bajocien, d'Orb., comprenant le Fullers earth et le Ferrugineous 
oolite des Anglais ; l’oolithe de Bayeux et de Moutiers ; le ca- 
caire Lædonien on calcaire à entroques ; le calcaire à polypiers, 
les marnes à osfrea acuminata, et les marnes vésuliennes du Jura ; 
le Zisen-Rogenstein et le discoiden Mergel de M. Merian ; le Jura 
brun moyen (8, y et $) des Allemands ; etc. 


9, TERRAIN DE LA GRANDE OOLITHE, — Synonymes : Zerrain 


118 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Bathonien d'Orb.; comprenant le Great oolite, le upper Mor- 
land sandstone, le Bradford-Clay, le Forest Marble, et le 
Cornbrash des Anglais; le calcaire de Caen et de Ranville; 
le Parkinsoni Bank et la couche à belemnites qiganteus de 
l'Albe de Souabe; une partie de Jura brun (3) des Allemands. 


10. TERRAIN KELLOWIEN. — Synonymes : Oxfordien inférieur de 
quelques auteurs; éerrain callovien d'Orb. Comprenant le 
Kelloways-Rock des Anglais, une partie de l’'Oxford thon et le 
Jura brun (+) des Allemands, etc. 


11. TERRAIN OXFORDIEN, comprenant l'Oxford clay, où marnes 
oxfordiennes, le lower calcareous grit des Anglais; le terrain 
argovien et le terrain à chailles du Jura suisse; l’'Ornaten Thon, 
l'Ampressa Kalke, le Spongiten lager, et une partie du Coral 
kalk de V'Albe de Souabe; le Jura brun (6) et le Jura blanc 
inférieur («, B, y et à) des Allemands ; les argiles de Dives des 
géologues français ; etc. 

Les géologues du Jura suisse y distinguent deux étages, un 
plus ancien ou Ox/fordien proprement dit, correspondant à l'Or- 
naten Thon, un plus récent ou Argovien comprenant l’Zmpressa 
kalke et le Spongiten lager. M. d'Orbigny place dans le terrain 
kellowien la partie la plus inférieure de notre terrain oxfordien ; 
savoir : les argiles de Dives et l’ornaten-thon. 


42. TERRAIN CORALLIEN, comprenant l'oo/ite corallienne, le coral 
rag des Anglais, le calcaire à nérinées de M. Thurmann, le 
groupe corallien de M. Marcou ; les schistes de Nattheim ; le Jura 
blanc moyen (+) des Allemands, etc. 


43. TERRAIN KIMMÉRIDGIEN, Comprenant le Ammeridge clay et le 
Weymouth beds; les argiles noires de Honfleur; les marnes du 
Banné (Jura) , le calcaire à astartes, une grande partie du £er- 
rain portlandien des géologues du Jura suisse, et une partie du 
Jura blanc supérieur (€) des Allemands. Les géologues du Jura 
distinguent, sous le nom de ferrain séquanien, la partie infé- 
rieure de cet étage. 


1h. TERRAIN PORTLANDIEN OU PORTLANDSTONE, é/age oolithique supé- 
rieur, comprenant: les derniers étages du Jura blanc supé- 
rieur (€) des Allemands, le calcaire à tortues de Soleure, etc. 


CLASSIFICATION DES TERRAINS. 119 


À la suite de ces huit terrains jurassiques, nous de- 
vons indiquer hors de ligne le : 


TERRRAIN WEALDIEN, formé par des eaux douces ou saumâtres, 
probablement vers la fin de la période jurassique, ou au com- 
mencement de la période crétacée, et dont les rapports, avec 
les terrains marins n’ont pas encore été clairement déter- 
minés. 


3° GROUPE CRÉTACÉ, qui doit aussi être subdivisé en 
plusieurs terrains distincts. Nous suivrons en partie 
la classification de M. d'Orbigny. 


15. TERRAIN NÉOCOMIEN, comprenant : le Æ//sconglomerat et le 
Hilsthon des Allemands; le biancone de M. Zigno; la partie 
inférieure du lower green sand des Anglais. Ce terrain doit 
être divisé en deux étages : 

À. Le ferrain néocomien inférieur, ou calcaire à spatangues et 
à exogyres comprenant, les marnes d'Hauterive, etc. 

B. Le ferrain néocomien supérieur. — Synonymes : ferrain 
Urgonien, d'Orb.; premiere zone de rudistes, d'Orb., olim ; 
calcaire à hippurites des géologues suisses; calcaire à 
chama ammonia ; argile ostréenne. 


16. TERRAIN APTIEN, d'Orb., comprenant l'argile à plicatules, etc. 
Correspondant en partie au Speeton clay et au lower green sand 
des Anglais. Ce terrain est peu étendu, et son existence, 
comme formation distincte, n'est peut-être pas encore cer- 
taine. 


A7. TERRAIN DU GAULT. — Synonyme : éerrain albien, d'Orb. Com- 
prenant les grès verts inférieurs du continent, ceux de la 
perte du Rhône, etc., le gault des Anglais (Folkestone); une 
partie des argiles tégulines de M. Leymerie, etc. 


48. TERRAIN CÉNOMANIEN, d'Orb., comprenant : le green sand et le 
upper green sand des Anglais (Blackdown, Warminster, etc.); la 
craie chloritée inférieure, les grès verts du Mans; le quader- 
sandstein et une partie du plaener des Allemands : le oberer kar- 
pathen sandstein, le système nervien ; la deuxième zone de ru- 


distes de M. d'Orbigny, etc. 


120 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


49. TERRAIN TURONIEN, d'Orb., comprenant les craies mar- 
neuses de Rouen ; une portion du plaener et de l’untere 
kreide des Allemands ; la troisième zone de rudistes de M. d’Or- 
bigny. 


20. TERRAIN DE LA CRAIE BLANCHE. — SVnonymes : errain séno- 
nien, d'Orbigny. Comprenant la craie supérieure, la quatrième 
zone de rudistes de M. d'Orbigny, la craie de Maestricht, etc. 


21. TERRAIN DANIEN, comprenant la craie de Faxoé (Suède), le 
terrain pisolitique de Laversine, les étages supérieurs à la craie 
de Meudon, etc. (Voy. Bulletin de la Soc. géolog. de France, 
2° série, t. IV, p. 179). 


IT. PÉRIODE TERTIAIRE. 


Cette période, bien plus courte que la seconde, mais 
importante par les mammifères fossiles qu’elle ren- 
ferme, comprend quatre terrains qui ont chacun des 
dépôts marins ou tritoniens, et des dépôts d’eau douce 
ou nymphéens. 


22. TERRAIN NUMMULITIQUE Où SUESSONIEN , d'Orb. — Synonyme : 
terrain épicrétacé. Comprenant les sables inférieurs de M. Mel- 
leville, l'argile plastique du bassin'de Paris; le Woo!wich sand, 
de M. Morris, et le riche gisement du Monte-Bolca. Il doit être 
divisé lui-même en deux étages : l’inférieur renferme le terrain 
des environs de Soissons ; le supérieur les nummulitiques de 
Biaritz, de la Palarea , ete. Le terrain nummulitique des Alpes 
suisses appartient en partie à cet étage et en partie aussi pro- 
bablement au terrain suivant (éocène), avec lequel il à beau- 
coup de fossiles communs. 


23. Terrain ÉOCÈNE, Lyell, ou PARISIEN, d'Orb. — Synonymes : 
période éocène, Lyell; terrains paléothériens, etc. Comprenant 
les calcaires grossiers des environs de Paris , les grès de Beau- 
champ, les gypses de Montmartre, l'argile de Londres, ete. Il 
se divise aussi en deux étages : l’inférieur comprend le cal- 
caire grossier de Courtagnon et de Grignon, etc. ; le supérieur, 


CLASSIFICATION DES TERRAINS. 121 


les grès de Beauchamp, les dépôts d’Auvers et de l’île de Wight 
et les gypses de Montmartre. 


24. TERRAIN MIOCÈNE, Lyell, comprenant les faluns de la Touraine, 
quelques grès des environs de Paris, les dépôts marins et la- 
custres du sud-ouest de la France ; les célèbres dépôts du Tor- 
tonèse, de la montagne de Turin et des environs de Vienne; la 
molasse d’eau douce des environs de Genève et de Lausanne, etc. 
Il doit se diviser aussi en deux étages. 

A. L’étage TONGRIEN, ou inférieur, de M. d’Orbigny, compre- 
nant les grès de Fontainebleau , les dépôts à osfrea longi- 
rostris de la Gironde, les faluns bleus de M. Grateloup, etc. 

B. L’étage FALUNIEN, ou supérieur, du même auteur, renfer- 
mant les faluns de la Touraine, une partie de la molasse 
suisse , les faluns jaunes de M. Grateloup, le crag à poly- 
piers et le crag rouge des Anglais, etc. Les dépôts fluviatiles 
sont difficiles à associer à ces divisions marines. Nous ver- 
rons en particulier, en traitant des mammifères, qu'il y 
a eu probablement deux faunes miocènes en France, dont 
les rapports de temps avec les populations des mers ne sont 
pas faciles à établir. 


25. TERRAIN PLIOCÈNE, Lyell, comprenant les collines subapen- 
nines, le crag supérieur, la molasse marine supérieure de la 
Suisse, les tertiaires de Montpellier et de Cucuron , etc. 


IV. PÉRIODE QUATERNAIRE ET MODERNE. 


Synonyme : Période diluvienne. 


Cette période comprend comme nous l’avons dit, tous 
les terrains qui ont été déposés depuis l'apparition des 
espèces qui composent la faune actuelle. 


Elle peut, au point de vue géologique, se diviser en deux : la 
plus ancienne (période diluvienne) renferme les terrains qui ont 
été désignés sous les noms de nouveau pliocène, Lyell: ferrain clys- 
mien, Brongniart, et diluvium Buckland, al/luvions anciennes, etc. 
Elle comprend les cavernes, les brèches osseuses, et en général 


122 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


tous les terrains formés par l’action de forces qui ont dû dépasser 
les limites dans lesquelles elles sont renfermées aujourd’hui. 

La période la plus récente (période moderne) comprend les ter- 
rains qui ont été formés dans les mêmes conditions que celles 
qui se présentent de nos jours, et les terrains qui sont en voie 
de formation. Ce sont les alluvions modernes, les soulèvements 
modernes, etc. Je reviendrai sur tous ces faits dans la troisième 
partie de cet ouvrage. 

Je renvoie aussi à ce moment la justification des synonymies que 
J'ai adoptées dans tout ce tableau de classification des terrains. 
Quelques unes d’entre elles ne sont pas admises par tous les géo- 
logues. Je pourrai disposer alors de preuves paléontologiques suf- 
fisantes pour discuter les concordances d'âge que l’on peut recon- 
naître entre les formations des divers pays. 


CLASSIFICATION DES ANIMAUX. 123 


DEUXIÈME PARTIE. 


HISTOIRE NATURELLE SPÉCIALE DES ANIMAUX FOSSILES. 


Nous conservons, pour la classification générale des 
animaux, les divisions établies par G. Cuvier, et nous 
adoptons, à son exemple, quatre embranchements ; 
mais les progrès de la science forcent maintenant de 
les limiter d’une manière un peu différente. 

Cuvier s'était principalement appuyé sur le degré 
relatif de perfection. Depuis lors on a mis plus d’im- 
portance au plan même de l'organisation, et on a re- 
connu, dans le règne animal, un certain nombre de 
types, ou de réunions d'êtres, obéissant à un même sys- 
tème général dans la disposition des organes. Chacun de 
ces types présente des degrés variés de perfection dans 
l'organisme, et ces degrés sont susceptibles d’être dispo- 
sés en séries qui, à cause même de cette gradation dans 
la perfection, sont souvent parallèles les unes aux autres. 

Les embranchements forment quatre types bien 
tranchés, qu'on peut caractériser comme suit : 


1. Embranchement des VERTÉBRÉS, animaux pairs (f), carac- 
térisés par un système nerveux central continu (encéphale et 
moelle épinière), protégé par des vertèbres ou anneaux osseux 
répétés d'une manière homologue sur toute la longueur du corps, 
et par des membres endosquelettés (à squelette intérieur). 

2. Embranchement des ARTICULÉS, animaux pairs, caractérisés 
par un système nerveux ganglionnaire, c'est-à-dire composé de 


(t) Par le mot d'animaux pairs, nous entendons des êtres composés de 
parties disposées des deux côtés d’un plan médian, doubles si elles sont éloi- 
gnées du plan et confondues en une, si elles sont sur la ligne médiane. Les 
parties peuvent être égales ou inégales. Dans le premier cas la symétrie existe, 
dans le second elle n'existe pas (Gastéropodes, Pleuronectes). 


124 CLASSIFICATION DES ANIMAUX. 


centres répétés plusieurs fois, par l'absence de vertèbres et de 
squelette, par un corps protégé par une peau endurcie formant 
une série de pièces dures articulées (exosquelette), homologues 
les unes aux autres; par des membres qui, s'ils existent, sont 
composés de même de pièces dures articulées. 

3. Embranchement des MoLLUSQUES, animaux pairs, caracté- 
risés par un système nerveux composé d’un petit nombre de gan- 
glions non répétés, par un corps couvert d’une peau molle, et 
dont les parties ne sont point non plus répétées en une série de 
pièces homologues; ils sont souvent protégés par des coquilles. 

h. Embranchement des ZOOPHYTES, animaux composés en tout 
ou en partie d'après un plan rayonné, les pièces semblables étant 
en général représentées cinq fois ou un nombre multiple de cinq, 
au lieu de l'être deux fois comme dans les animaux pairs. 


On voit, par ces caractères, que nous mettons en pre- 
mière ligne la considération de la structure paire et de 
la structure rayonnée, et le fait de la répétition sériale 
des pièces constituantes, ou de l’absence de répétition. 

Les vertébrés sont pairs et ont un endosquelette 
composé de vertèbres répétées. Les articulés sont pairs 
et ont un exosquelette composé d’anneaux répétés. Les 
mollusques sont pairs et n’ont pas de répétitions sé- 
riales. Les zoophytes sont rayonnés. 

Le résultat de cette caractéristique est de sortir de 
l’embranchement des zoophytes de Cuvier, les intesti- 
naux, qui sont des articulés; ainsi que les bryozoaires 
et la plupart des infusoires qui doivent appartenir à la 
classe des mollusques. 

IL y aura probablement à établir une fois un cinquième 
embranchement pour les amorphes ou spongiaires, ren- 
fermant tous les animaux dont la structure échappe à 
Ja symétrie paire et à la symétrie rayonnée. Mais en at- 
tendant que ces corps soient mieux connus et que l’on 
puisse décider quels sont les infusoires véritablement 
amorphes, nous continuerons à les associer aux z00- 
phytes. 


VERTÉBRÉS. 125 


PREMIER EMBRANCHEMENT. 
VERTÉBRÉS. 


Les vertébrés, comme on le sait, se partagent en 
quatre classes, les mammifères, les oiseaux, les rep- 
tiles et les poissons. 

Dans le monde actuel, ces quatre classes sont distin- 
guées par des caractères essentiels tirés de la généra- 
tion et de la nutrition; dans les animaux fossiles , ces 
moyens manquent, et la distinction est plus difficile. 
On peut toutefois trouver aussi, dans celles de leurs par- 
ties qui ont été fossilisées, des moyens certains pour re- 
connaître à laquelle de ces classes appartiennent les dé- 
bris que l’on veut étudier. 

Les animaux vertébrés sont en général, comme tous 
les autres, conservés par leurs parties dures. Les plus 
fréquentes sont les os et les dents, dont l'emploi est ré- 
glé par les lois que j'ai rappelées dans la première 
partie. On trouve aussi quelquefois des pièces dures té- 
gumentaires : ainsi beaucoup de poissons sont connus 
par leurs écailles ; des organes analogues de quelques 
reptiles et de quelques mammifères sont aussi parvenus 
jusqu’à nous, mais beaucoup plus rarement. 

Les dents sont spéciales aux mammifères, à quel- 
ques reptiles et aux poissons; les oiseaux, les chélo- 
niens et la plupart des batraciens en sont dépourvus. 
Les mammifères sont les seuls qui aient des dents 
composées, et en général leurs molaires ont des formes 
assez spéciales pour ne permettre aucune confusion. 


126 ANIMAUX VERTÉBRÉS. 


Leurs incisives, qui sont tranchantes, peuvent rare- 
ment être méconnues, et peuvent tout au plus être 
confondues, par un examen superficiel , avec les dents 
de quelques poissons. Les dents coniques sont celles 
qui, trouvées isolées, peuvent le plus facilement laisser 
du doute. 

Les os présentent des caractères assez précis. Ceux 
des mammifères sont en général faciles à distinguer par 
leur tissu ; car ce sont les seuls dont les têtes soient com- 
plétement cellulaires et les corps formés d’un fort tube 
de tissu compacte, à parois beaucoup plus épaisses que 
celles qui enveloppent les têtes. Leur surface est assez 
lisse, percée d’un petitnombre de trous pour la nutrition, 
Leurs formes sont aussi très caractéristiques; leurs 
têtes bien prononcées, leurs crêtes et apophyses nette- 
ment détachées, et leurs surfaces articulaires clairement 
circonscrites, leur donnent une physionomie qui permet 
rarement l'incertitude. 

Les os des oiseaux sont beaucoup plus légers; leurs 
têtes n'ont qu’un tissu cellulaire très lâche ; le cylindre 
de tissu compacte n’est pas beaucoup plus épais au 
corps que sur les extrémités. Leur surface est encore 
plus lisse que dans les mammifères. Leurs apophyses 
sont bien marquées, mais la plupart de leurs articula- 
tions sont un peu moins nettes que dans les mammifères. 

Les os des reptiles sont d’un tissu plus égal; leurs 
têtes ont une cellulosité plus serrée que dans les deux 
classes précédentes, et leurs corps ne présentent pas un 
cylindre de tissu compacte, mais sont composés à peu 
près comme les tètes. Leur surface est percée de trous 
nombreux et marquée de petits sillons et de rugosités. 
Leurs formes sont plus vagues que celles des os des 
mammifères ; les apophyses et les crêtes moins saillan- 


MAMMIFÈRES. 127 


tes, et les surfaces articulaires ne se distinguent pas clai- 
rement du reste de los. 

Les os des poissons ont à peu près les mêmes carac- 
tères de tissu ; mais leurs formes spéciales et l'absence 
presque constante d'os longs des membres les font le 
plus souvent distinguer facilement. 

Ces caractères peuvent fournir les moyens de recon- 
naître les os isolés. Toutefois , dans la plupart des cas, 
la connaissance pratique des formes de chaque os dans 
les quatre classes décide le paléontologiste au premier 
coup d'œil , sans qu’il ait recours à ces caractères de 
tissu. Cela est encore plus vrai si plusieurs parties du 
squelette sontconnues; les formes de ces quatre classes 
sont trop tranchées pour que l'incertitude puisse être 
fréquente. 

Les vertébrés ont apparu, comme je l'ai dit, avec les 
premiers êtres organisés que nous connaissions, et les 
terrains les plus anciens nous offrent des débris de pois- 
sons. Les reptiles ont apparu pour la première fois dans 
l'époquedont les terrains carbonifères nous ont conservé 
les traces. Les oiseaux sont rares à toutes les époques ; 
on rapporte à cette classe quelques empreintes de pas 
qui datent déjà du grès rouge. Les mammifères didel- 
phes ont vécu dans les époques jurassiques , et les mo- 
nodelphes ontfaitleur première apparition au commen- 
cemeni de la période tertiaire. 


PREMIÈRE CLASSE. 
MAMMIFÈRES. 


Les naturalistes reconnaissent généralement que les 
mammifères doivent être divisés en deux sous-classes, 


198 MAMMIFÈRES. 


les mammifères monodelphes et les mammifères didel- 
phes (‘). L'importance générale des caractères tirés du 
mode de reproduction semble l’exiger, et toutes les cir- 
constances accessoires confirment la convenance de cette 
division. Les mammifères didelphes, outre leurs carac- 
tères principaux tirés de l’absence de placenta, de la 
forme de l’utérus, de l'existence des os marsupiaux et 
de l’étroitesse du bassin, ont en général le crâne plus 
étroit et l’encéphale moins développé que les mammi- 
fères monodelphes, ce qui semble montrer chez eux un 
degré inférieur d'organisation. Les formes en général 
exceptionnelles de leur système dentaire empêchent 
presque toujours de pouvoir les ranger dans les familles 
formées pour les autres mammifères, et paraissent indi- 
quer au ‘contraire une série à peu près parallèle, mais 
inférieure à celle des monodelphes. 

La paléontologie confirme cette distinction, car, au- 
tant du moins qu’on en peut juger par quelques frag- 
ments, les mammifères didelphes ont déjà vécu dans 
la période jurassique, tandis qu’il n'y a jusqu’à présent 
aucun exemple d’un monodelphe qui ait apparu avant 
l’époque tertiaire. 

Lors de leur première apparition, les mammifères 


({) La sous-classe des monodelphes renferme l'immense majorité des 
mammifères, Elle comprend tous ceux de ces animaux chez lesquels les pe- 
tits, au moment de leur naissance, n’ont besoin que des soins ordinaires de 
leur mèreet d’être allaités par elle. Les mammifères didelphes sont ceux dont 
les petits naissent, par une disposition organique particulière , à une époque 
très peu avancée de leur développement, et qui, à cause de cela, ont besoin 
d’une protection toute spéciale, qu'ils trouvent dans une poche, située sous 
le ventre de la mère et dans laquelle sont les mamelles. Chacun des petits 
reste adhérent à une de ces mamelles pendant tout le commencement de 
sa vie, et ne la quitte point pendant les premiers temps. Ces mammifères 
didelphes ont au bassin des os spéciaux, nommés os marsupiaux, Ce groupe 
comprend les sarigues, ies Kanguroos, etc. 


DISTRIBUTION DES MAMMIFÈRES, 129 


monodelphes ont formé des faunes dans lesquelles les 
divres types sont répartis un peu différemment qu’au- 
jourd’hui. Les herbivores et surtout les pachydermes 
sont les plus abondants, et les carnassiers paraissent 
avoir été plus rares, soit en espèces, soit peut-être sur- 
tout en individus. Les ruminants ont apparu dans les 
périodes suivantes, n'ont pas tardé à devenir nombreux, 
et la fin de l’époque tertiaire en à eu une grande quan- 
té. Dans l’époque diluvienne , les proportions ont 
changé : les pachydermes ont beaucoup diminué, et les 
carnassiers ont offert au contraire une faune remar- 
quable parle nombre des espèces et par leur taille, Tous 
ces faits d’ailleurs ressortiront mieux des tableaux plus 
exacts et plus précis que je donnerai plus tard. 

Les lois que j'ai indiquées dans la première partie 
trouvent ici leur application. Les mammifères sont dis- 
tribués en faunes parfaitement tranchées, composées 
d'espèces dont la durée à été limitée à une seule épo- 
que, et ils confirment complétement Les premières lois 
que nous avons établies. 

Cette classe comme les autres a augmenté de variété 
dans la série des temps. Les premières faunes ne ren- 
ferment qu'un petit nombre de types distincts, et le 
nombre des genres va en augmentant depuis les ter- 
rains les plus anciens jusqu'aux plus récents et à l’é- 
poque moderne. 

La perfection comparative des faunes de mammifères 
n'a pas été en s’augmentant; cette classe présente seu- 
lement une règle analogue à celle que nous avons éta- 
blie pour l’ensemble du règne animal. 

Les mammifères didelphes ont précédé de beaucoup 
les mammifères monodelphes, et l’homme n’a été créé 
que longtemps après ces derniers. Mais le perfectionne- 

À 9 


130 | MAMMIFÈRES. 


ment s'arrête là et les ordres les plus élevés n'ont point 
été réservés pour les faunes les plus récentes. Les qua- 
drumanes existent dès l'étage éocène; il en est de même 
des chéiroptères, des carnassiers, etc. Les pachy- 
dermes sont des herbivores aussi parfaits que les ru- 
minants qui les ont en partie remplacés. Tout dans 
cette comparaison s'accorde avec ce qui à été observé 
pour l’ensemble du règne animal. 

En comparant les ordres des mammifères, on voit 
qu'un petit nombre d’entre eux (pachydermes et éden- 
tés) se trouvent en voie de décroissance et ont eu leur 
maximum de développement dans les époques anté- 
rieures à la nôtre. La grande majorité est au contraire 
en voie de croissance et le nombre des espèces a aug- 
menté graduellement depuis les terrains tertiaires an- 
ciens jusqu'à nos jours. 

Les mammifères suivent encore la règle générale dans 
la comparaison de leurs formes avec celles du monde 
actuel. Dans les terrains anciens elles en diffèrent beau- 
coup. À cette époque, l'Europe était habitée principale- 
ment par des anoplothériums, des paléothériums et au- 
tres genres qui ont maintenant disparu, et par quelques 
singes et quelques didelphes, qui sont aujourd’hui spé- 
ciaux à des contrées fort éloignées ; tandis que le nom- 
bre d'animaux que l’on peut rapporter aux genres ac- 
tuels était comparativement petit. 

Vers la fin de l’époque tertiaire, une grande partie 
de ces animaux ont disparu , et les espèces des genres 
perdus ont été remplacées par des cerfs, des rhinocéros 
et autres animaux des genres actuels. 

Les mammifères de l’époque diluvienne peuvent, 
pour la plupart, se rapporter à des genres modernes, 
avec celte différence toutefois que plusieurs espèces 


DISTRIBUTION DES MAMMIFÈRES. 131 


qui ont alors peuplé l'Europe ou l’Asie ont aujourd’hui 
leurs congénères dans d’autres parties du globe : ainsi 
la Sibérie à vu son sol, actuellement placé, foulé par les 
éléphants et les rhinocéros ; ainsi encore les cavernes 
d'Allemagne et d'Angleterre renfermaient des hyènes 
et des lions. Mais souvent aussi on trouve des terrains 
dans lesquels on a de la peine à fixer la limite où finit 
l’époque diluvienne et où commence la période moderne, 
tant les animaux dont les restes sont contenus dans ces 
gisements rappellent lesespèces quihabitent aujourd’hui 
nos contrées. 

En entrant plus loin dans les détails relatifs aux di- 
verses familles, nous aurons occasion de faire ressortir la 
confirmation de quelques autres lois moins importantes, 
telles que la loi de l'augmentation de température, celle 
de l'extension de la distribution géographique, ete, 

J'ai dit ci-dessus que, sauf une exception pour quel- 
ques didelphes , c'était dans les terrains tertiaires et 
diluviens qu'on devait chercher les débris fossiles des 
mammifères. Îl convient de jeter ici un coup d'œil sur 
les localités principales où l’on en a trouvé. 

Dans le terrain tertiaire , les quatre étages que nous 
avons distingués dans le chapitre IX en renferment des 
débris. 

Dans l'étage nummulitique, l'argile située sur le cal- 
caire pisohthique de Meudon et les lignites du Sois- 
sonnais ont conservé quelques espèces. M. Gervais 
désigne cette faune sous le nom de orthrocène. 

Dans le terrain éocène ou parisien, M. Gervais dis- 
tingue deux faunes (‘). La plus ancienne est contenue 


(t) M. Gervais a montré que les mammifères fossiles de France forment 
plusieurs faunes distinctes. (Voy. Comptes rendus de l'Académie des sciences, 


152 MAMMIFÈRES, 


dans le calcaire grossier des environs de Paris et dans 
les dépôts riches en lophiodons de Buschweiler, d’Ar- 
genton et d’Issel. M. Gervais lui conserve le nom 
d’éocène, ce qui me paraît pouvoir amener quelque 
confusion (‘). Nous la désignerons sous le nom de part- 
sien inférieur. La plus récente (parisien supérieur, 
proicène, Gervais) comprend les célèbres dépôts gyp- 
seux des environs de Paris, quelques calcaires du midi 
de la France, en particulier ceux d’Alais (Gard), les 
gypses inférieurs du Puy en Velay (Haute-Loire), l'argile 
de Londres et quelques dépôts de même âge dans 
diverses parties de l'Angleterre, telles que Pile de 
Wight. La première de ces localités restera en parti- 
culier toujours illustre dans les annales de la science, 
comme ayant fourni les matériaux de la partie la plus 
remarquable de l'ouvrage de Cuvier. 

Dans l’étage miocène, il parait encore, suivant M. Ger- 
vais, qu'il faut distinguer deux faunes. 

La plus ancienne, riche en anthracothériums , com- 
prend les gisements de Montabuzard, de Moissac , de 
Léognan, les dépôts calcaires lacustres du Puy en 
Velay (*), de la Limagne d'Auvergne, et du Bourbonnais 
(départements de la Haute-Loire, du Puy-de-Dôme et de 
1849, 4'° série, t. XX VIII, p. 546 et 643; Mémoires de l'Académie de 
Montpellier, 1849.) 

(1) Le mot éocène se trouve en effet maintenant désigner, pour quelques 
paturalistes, tous les terrains nummulitiques et parisiens ; pour d’autres, le 
parisien supérieur et inférieur ; pour M. Gervais, le parisien inférieur seule- 
ment. 

(2) J'adopte ici, contrairement à l'opinion de M. Gervais, la classification 
admise par M. Aymard, car les calcaires lacustres du Puy, toujours supé- 
rieurs aux gypses, ont une faune différente. M. Gervais réunit ces deux ter- 
rains et sépare tout à fait les calcaires lacustres du Puy de ceux de l’Au- 
vergne. Il y a certainement quelques différences entre eux, mais pas assez 


tranchées, ce me semble, pour constituer une époque différente, surtout dans 
l'incertitude où nous sommes sur l'unité de la faune d'Auvergne, 


DISTRIBUTION DES MAMMIFÈRES, 133 


l'Allier), et probablement ceux de Cadibona ( Piémont). 
Cette faune est une des moins certaines, et nous ne 
l'indiquons guère que comme provisoire. Il est possible 
en particulier que les terrains de la Limagne et du 
Bourbonnais doivent se répartir en deux étages, dont 
lun (le plus inférieur) aurait quelques rapports avec 
le parisien supérieur. En attendant la solution de ces 
questions, il convient de ne pas confondre cette faune 
remarquable ni avec le parisien, ni avec le véritable 
miocène , et nous la désignerons sous le nom de faune 
miocène d'Auvergne. 

La plus récente comprend le riche gisement de San- 
san, près d’Auch(Gers), quelques terrains de l’Orléanais, 
les faluns de la Touraine, les mollasses marines de 
Saint-Jean de Védas, Castries, etc.; le grand dépôt 
d’ossements d'Eppelsheim (bassin du Rhin), plusieurs 
localités d'Allemagne, et la mollasse d’eau douce de Ja 
Suisse. Nous désignons cette faune sous le nom de 
faune miocène supérieure ou de faune miocène propre- 
ment dite. 

L’étage pliocène forme une faune à laquelle nous 
conservons le nom de faune pliocène. Cette: période 
a laissé des traces dans la plupart des sables marins 
du bassin méditerranéen, ainsi que dans le sédiment 
lacustre de Cucuron. Les marnes d'OEningen, et 
quelques graviers d'Italie, appartiennent à la même 
époque. 

Les alluvions sous-volcaniques d'Auvergne, telles 
que les dépôts des environs d’Issoire, de la montagne 
de Perrier, etc., renferment une faune qui paraît 
appartenir à l'époque pliocène, mais qui à aussi ses 
caractères zoologiques spéciaux. Nous la désignerons, 
avec M. Gervais, sous le nom de faune pliocène d'Au- 


134 MAMMIFÈRÉS. 


vergne. Elle est probablement supérieure à la faune 
pliocène proprement dite; mais ses rapports ne sont 
pas encore définitivement établis. 

Dans toutes ces localités, les fossiles sont placés dans 
des couches plus ou moins régulièrement stratifiées. 
Quelquefois Les animaux ont été enveloppés par le dépôt 
qui les a conservés, avant qu'une macération complète ait 
séparé leurs os : ainsi à Montmartre, on à trouvé quel- 
ques pachydermes complets. Mais le plus souvent les 
ossements ont été disjoints par un long séjour dans 
l’eau, puis ont été dispersés et charriés par les courants. 
C'est en particulier €ée qui est arrivé dans le bassin du 
Rhin; les débris fossiles d’'Eppelshein sont toujours 
placés dans une position analogue à celle que prendraient 
des ossements modernes flottant dans un fleuve. Les 
crânes sont tournés de manière que la partie la plus pe- 
sante soit en dessous et la plus légère en dessus; les ôs 
sont horizontaux et parallèles au cours probable du 
fleuve, et l’on ne retrouve pas les pièces du même sque- 
lette dans le voisinage les unes des autres. Cette dislo- 
cation des êtres à aussi liéu dans la plupart des autres 
localités. 

Dans les terrains diluviens, les ossements fossiles de 
mammifères se trouvent dans trois gisements prinéi- 
paux : les terrains stratifiés, les brèches osseuses et les 
cavernes. 

Les terrains stratifiés de l’époque diluvienne ont des 
rapporis avec ceux des étages supérieurs de l’époque 
tertiaire. Ce sont ordinairement des dépôts limoneux, 
mêlés de graviers et de cailloux roulés. Ge sont aussi 
quelquefois des tourbières anciennes, des tufs ou des 
marnes calcaires. 1 est probable que l’on doit y distim- 
guer quelques étages d'une anciennelé diverse; car 


BRÈCHES OSSEUSES, 135 


il est des dépôts où Les espèces sont notablement diffé- 
rentes de celles qui peuplent aujourd'hui nos contrées, 
tandis qu’il en est d’autres où les débris organiques ne 
peuvent pas être distingués des squelettes des mammi- 
fères actuels. Ainsi les sables et les graviers du Wurtem- 
berg, de quelques parties de la France , des bords du 
Rhin, des environs de Moscou, etc., présentent des 
débris de mammouths et d’autres espèces perdues ; 
tandis que dans les graviers des environs de Genève on 
ne retrouve presque que des espèces actuelles (°). 

Les brèches osseuses (*) sont des dépôts composés 
ordinairement d'arpile ferrugineuse et de sable, qui, 
liés par un ciment calcaire , enveloppent des débris de 
différentes roches et des ossements souvent brisés. Ces 
dépôts varient dans leur composition et dans leur soli- 
dité. Aux ossements qu'ils renferment sont fréquem- 
ment jointes des coquilles, le plus souvent terrestres 
ou fluviatiles, quelquefois aussi marines. 

On trouve généralement ces brèches dans les fentes 


(1) Je dois attirer encore ici l’attention sur ces liaisons insensibles qui 
existent entre l’époque diluvienne et l’époque moderne et dont j’ai déjà parlé 
dans le chapitre IX, p. 112. Je suis convaincu que l’étude de la paléontologie 
des terrains diluviens, faite sans idées préconçues et d’une manière compa- 
rative, finira par démontrer qu’ils appartiennent en réalité à l’époque mo- 
defné, et que les inondations ou délugés partiels qui ont déposé ces terrains 
n’ont détruit qu’un petit nombre des espèces qui vivaient alors en Europe. 
Je crois que depuis le soulèvement des Alpes, qui a terminé la période ter- 
tiaire et mis fin à la vie des espèces qui habitaient alors l'Europe, on ne peut 
admettre aucun événement assez grave et assez général, pour qu'il puisse 
établir une ligne de démarcation suffisante entre les dépôts successifs et nom- 
breux qui se sont formés depuis. 

(2) Voyez sur les brèches, outre les ouvrages généraux : de Christol, Obs. 
gén. sur les brèches osseuses, Montpellier, 1834; L.-A. Necker, Brèches 
de Carniole (Ann. des sc. nat.;, 1528, XVI, 91); Pomel, Brèches d'Au- 
vergne (Bull. Soc. géol., XIV); Rampasse, Brèches de Corse (Ann. 
Muséum d'hist. naturelle, Paris, 1807, X, 163); Hoffmann, Leonh. und 
Bronn Neues Jahrbuch, 1833, p. 84; etc. 


1356 MAMMIFÈRES. 


des rochers d'une formation plus ancienne, et elles pa- 
raissent avoir été déposées par de grands courants 
d'eau qui ont laissé dans ces fentes ou cavités les 
corps pesants qu'ils charriaient. Les localités les plus 
célèbres sont situées sur les bords de la Méditerranée : 
on peut citer parmi les brèches marines celles de Nice 
et de San-Ciro (Sicile). Les brèches osseuses d’Anti- 
bes, de Cette, de Gibraltar, de Cagliari, d'Uliveto 
et de nombreuses autres localités de France, d'Italie et 
d'Espagne, sont, au contraire, des dépôts d’eau douce. 

Le phénomène des brèches osseuses n’est pas limité 
à l’Europe; on en a retrouvé de tout à fait analogues 
dans la Nouvelle-Hollande. 

Les cavernes à ossements sont de profondes cavités, 
creusées dans certaines montagnes par des causes que 
nous n'avons pas à étudier ici. Il est probable que leur 
première origine tient à des dislocations de couches par 
des soulèvements successifs, et que plus tard des cou- 
rants d’eau les ont agrandies et ont usé leurs parois. 
Leur intérieur présente souvent des formes imposantes 
ou bizarres qui ont attiré sur elles l’attention des cu- 
rieux, longtemps avant qu’on soupçonnât les richesses 
paléontologiques qu’elles renferment. 

Celles de ces cavernes qui contiennent des ossements 
fossiles ont ordinairement leur sol recouvert d’une 
couche plus où moins épaisse de cailloux roulés, de 
sable et d'argile, avec lesquels sont mélangés les os. Il 
est même rare que l’on trouve des fossiles dans les ca- 
vernes qui ne renferment pas ces traces de l’action 
diluvienne. 

La couche de cailloux et de sable est souvent proté- 
gée par une croûte de stalagmites. On peut dire en gé- 
néral que les ossements sont plus nombreux et mieux 


CAVERNES. 137 
conservés, si celle croûle existe que lorsqu'elle man- 
que. Il est probable qu'elle à servi à intercepter l'air et 
par conséquent à conserver les fossiles ; et que dans plu- 
sieurs cavernes où il y a eu dépôts d’ossements sans for- 
malion de stalagmites, l’action de l'air les a décomposés 
et détruits. 

Les cavernes sont situées dans diverses positions : on 
les trouve quelquefois au point de séparation de deux 
couches, et quelquefois au milieu d'elles; on en voit 
qui s'ouvrent sur les pentes abruptes des montagnes et 
d’autres qui sont situées au fond des vallées. Elles peu- 
vent exister dans les roches de plusieurs époques ; elles 
sont surtout fréquentes dans les terrains jurassiques , 
crétacés el magnésifères. 

Les ossements, comme je l'ai dit, varient pour leur 
conservation. Quelquefois leur tissu est si peu altéré 
qu’on pourrait en retirer de la gélatine; mais il arrive 
plus souvent qu'ils en ont perdu toute trace et qu’ils 
happent fortement à la langue. Lorsqu'ils ont été 
moins bien recouverts, ils sont tout à fait tendres 
et friables. On les trouve souvent avec leurs formes 
très intactes; quelquefois aussi ils sont brisés et frac- 
turés. 

Les géologues ne sont pas tous d'accord sur la ma- 
nière dont les ossements fossiles ont été entassés dans 
les cavernes. Quelques-uns pensent que les animaux 
carnassiers dont on retrouve les débris ont habité 
dans ces retraites, y ont apporté pour leur nourri- 
ture des animaux herbivores entiers ou par frag- 
ments, et ont fini eux-mêmes par y laisser, après leur 
mort, leurs ossements mêlés avec ceux de leurs vic- 
limes et de leurs prédécesseurs. D’autres croient au 
contraire que les débris des uns et des autres v ont été 


138 MAMMIFÈRES. 


charriés par la même cause qui à amené les cailloux 
roulés et l'argile, c’est-à-dire probablement par de 
grands courants d’eau. 

L'une et l’autre de ces opinions s’étayent d'argu- 
ments assez puissants, qui semblent indiquer que les 
deux causes ont pu agir quelquefois concurremment, 
et qui, quoique l’une d'elles soit bien plus probable, 
empêchent peut-être de lui attribuer la totalité du phé- 
nomène et d’exclure complétement l’autre. 

Ceux qui croient que les animaux carnassiers ont 
vécu dans les cavernes, s'appuient sur les raisons 
suivantes : 

1° Ces cavernes, ayant été formées avant l’époque 
diluvienne, ont dù présenter des retraites naturelles et 
commodes aux animaux carnassiers qui vivaient pen- 
dant cette époque. 

2° Les ossements de carnassiers se trouvent plus 
fréquemment intacts et bien conservés que ceux des 
herbivores. Ces derniers sont ordinairement brisés, et 
quelquefois marqués d'impressions que l’on regarde 
généralement comme des traces de dents. 

3° On trouve dans certaines cavernes des corps qu’on 
a nommés coprolithes ou album vetus, et qui sont pro- 
bablement les excréments des liyènes ou des ours. Ces 
corps ne peuvent guère avoir été apportés par les eaux 
avec des cailloux roulés, et d’ailleurs quelques natura- 
listes affirment qu'ils se trouvent presque toujours 
dans des places un peu cachées, que l'on peut présumer 
avoir été choisies par l'animal, ce qui montre qu’il les à 
déposés lui-même. 

À cés arguments les partisans de l'opinion contraire 
répondent : 

{eo Qu'il est peu probable que ces cavernes aient été 


CAVERNES. 139 


habitées concurremment par des ours, des hyènes et 
des lions. I semble que ces carnassiers devaient natu- 
rellement s’exclure, et cependant Ia manière dont leurs 
ossements sont placés paraît montrer qu’ils ont été 
déposés à la même époque. 

2 Il est des cavernes où l’on trouve des ossements 
d'animaux trop gros pour qu’on puisse supposer que 
les carnassiers les ont apportés. Ainsi 1l est peu pro- 
bable que les éléphants , les hippopotames et les rhi- 
nocéros, qu'on trouve dans quelques cavernes de 
France et d'Angleterre, aient pu y être amenés par des 
ours ou des hyènes. 

3° Le phénomène de l’entassement des os dans les 
cavernes est tout à fait contemporain de celui des 
brèches osseuses, et ces deux dépôts se ressemblent 
souvent, Les mêmes courants que l’on est obligé d’ad- 
mettre pour expliquer la formation des brèches doi- 
vent avoir joué un grand rôle pour remplir les cavernes. 
Dans plusieurs cas même, des brèches osseuses sont 
réunies aux dépôts des cavernes et tendent à prouver 
d’une manière presque incontestable leur origine com- 
wmune (!). 

4 Il est rare que l’on trouve des ossements fossiles 
dans les cavernes où il n’y a pas de limon et de cailloux 
roulés. Pourquoi la cause qui à amené ces derniers 
n'aurait-elle pas pu transporter les os? 

5° On ne trouve presque jamais les os des squelettes 
réunis, comme cela aurait lieu si l'animal était mort 
à la place où nous en trouvons les débris. Sur des cen- 
taines d'individus dont on a retiré des fragments des 


(!) Voy. en particulier un mémoire de MM. Marcel de Serres et Jean-Jean 
(Compt. rend. de l'Acad. des sciences, octobre, 1850 ; Bibl. univ., archives, 
1850, t. XV, p. 233). 


110 MAMMIFÈRES. 


cavernes, on ne cite qu’un très pelit nombre de cas 
authentiques où l’on ait trouvé tout le squelette. 

6 Les os sont souvent fendillés ou roulés. Or, ils ne 
peuvent avoir été fendillés que par un séjour à l'air 
avant d’être ensevelis, et ils ne peuvent avoir été rou- 
lés que par un transport un peu long. M. Schmerling 
cite des cas, rares il est vrai, dans lesquels les osse- 
ments étaient tout à fait arrondis par l’action des eaux. 

7° On trouve des ossements dans des cavernes beau- 
coup trop étroites pour que les ours aient pu y vivre 
et même s’y tourner; tandis que, au contraire, ils 
manquent souvent dans les cavernes vastes et spa- 
cieuses (*). 


(1) Voyez sur toutes ces questions, outre les traités généraux : Marcel de 
Serres Essai sur les cavernes à ossemenis, et Manuel de paléontologie ; un 
article détaillé de M. Desnoyers, Dict, univers. d’hist. nat. de Ch. d'Orbigny, 
t. VI, p. 343); et plus spécialement : 

Pour les cavernes d'ALLEMAGNE : Bruckmann , Cav. de Hongrie (Gollect. de 
Breslau, 1732, 4er sem.), ct son ouvrage, Magnalia Dei in locis sublerraneis, 
Brunswick, 1727, in-folio; Esper, Descript. des zoolithes des cavernes, etc., 
trad. de l’allemand, et Voyage aux cavernes de Gailenreuth (Berl. natur., 
1784, t.1, p. 56); Lesser, Baumenhôle, 1745, in-8°; Schlotheim, Berlin. 
Mag., t. VII, p. 156; Isis, 1818, t. IX, p. 1484,ete.; Wimmer, 14 cavernes de 
Hongrie et Transylvanie (Ann. de Berghaus, XIV, 3° série, II, 154); Nogge- 
rath, Karstens Archiv, 1846, t. XX, p. 328; Becks, Leonhard Taschen- 
buch,t. I, p. 98; Braun (ZLeonh. und Bronn Neues Jahrb., 1838, p. 571 
et 1834, p. 581; Unger, id., 1844, p. 226; Zipser, id., 1836, p. 686; : 
4840, p.88et 210 ; 1841, p. 346; R. Wagner, Cav. de Muggendorf (Wiegm. 
Archiv, 1835, t. II, p. 96); Grey Egerton, Proceed. geol. Soc., t. 1, 94; 
Mandell, Cav. de Styrie ( Steyermarck Zeitsch., 1837); etc. 

Pour les cavernes d'ANGLETERRE : Buckland, Æeliquiæ diluvianæ et Edinb. 
new. phil. journ., janvier 1827, p. 377; Eastmead, Historia Rievallensis , 
Londres, 1824, in-8°; Mudge, Phil. mag., t. VII, p. 579; Cotton, id., 
1848, t. XXII, p. 119; de la Bèche, Report of Cornwall, 1839, in 8°; E. Vi- 
vian, Cav. de Kent (Quart. Journ. geol. Soc., 1847, 12 mai; Bibl. univ., 
Archives, t. VIL, p. 78); etc. 

Pour les cavernes de BELGIQUE : Schmerling, Rech. sur les oss. fossiles des 
cavernes de Belgique, in-%° ; Dumont, Mém. sur la constitution géol, de la 
province de Liège, Bruxelles, 1832, in-4°; etc. 


x 


CAVERNES, 141 


Ces arguments démontrent, comme on le voit, la 
grande probabilité du transport des os par les eaux, 
sans toutefois qu’on puisse nier absolument que dans 
certains cas les carnassiers aient vécu dans Les cavernes 
et y aient laissé des traces de leur existence. 

J’ai dit plus haut que l’on avait découvert des brèches 
osseuses à la Nouvelle-Hollande ; les autres phénomènes 
diluviens et en particulier les cavernes à ossements se 
retrouvent dans diverses parties du globe. Il est pro- 
bable qu’il viendra un temps où la comparaison de ces 
gisements fournira des données précieuses sur leur 
origine. Ce que l'on sait déjà, par les recherches de 
M. Lund, des cavernes du Brésil, offre un grand intérêt. 
Ces cavités ont leur sol couvert d’un limon rougeñtre 
qui renferme de nombreux ossements, appartenant en 
majorité à des espèces que l’on peut ranger dans les 
genres qui peuplent actuellement le continent améri- 


Pour les cavernes de France : Marcel de Serres, outre les ouvrages précités, 
Cavernes de Lunel-Viel, in-4°, 1839 ; Cavernes d'Orgon (Ann. des sc. nat., 
juillet 1829); Géognosie des terrains tertiaires, Montpellier, 1829, in-8°, etc.; 
Destrem, Cav. de Bize (Bull. Férussac, 1829, t. XVIII, p. 100); Cordier, 
Ann. des sc. nal., 1829 , t. XVIIL ; de Christol, Bull. Férussac, 1829, t. XIX, 
p. 28; Nodot, Mém. de l’Acad. de Dijon , 1834, et l'Institut, octobre 1843; 
Mauduyt, Bull. Soc. d'agric. de Poitiers, 1836; Baudouin, Cavernes de Chà- 
tillon-sur-Seine , 1843 , in-8° ; Rozet, Comptes rendus de l’Acad. des sciences, 
1839, t. VIII, et Bull. Soc. géol., 1839, t. X;, Thirria, Statistiq. de la 
Haute-Saône , Besançon, 1833, in-8°; Blavier, Ann. de la Soc. géol., 1849; 
Desnoyers, Caw. el brèches des environs de Paris (Comptes rendus de l'Acad. 
des sc., 1842, 1°° sem., p. 522); etc. 

Pour les cavernes d'Irazte : Catullo, divers ouvrages et mémoires ; 
Piccioli, Raggualio di una grotta, Vérone, 1739, in-4°; Longo, Giornale 
di sc. liller. per la Sicilia, 1836, vol. LIT ; P. Savi, Caverna ossifera, 
Pise, 1838, in-8°; etc. 

Pour les cavernes de VALACHIE : Schuler, Leonh. und Bronn Neues Jahrbuch, 
1838, p. 33. 

Pour les cavernes d'AMÉRIQUE : Bigsby, Cav. du Canada (Sillim. Journ., 
juin 1825), Long, Sillim. journ., t. XXXV; Lund, Mém. de l’ Acad. de Copen: 
hague, et Ann. des sc. nat., 1829; etc. 


149 MAMMIFÉRES. 


cain. Toutefois la faune que ces ossements permettent 
de reconstruire paraît différer plus de l’état actuel 
des mammifères en Amérique que notre faune dilu- 
vienne ne diffère des espèces européennes. On peut 
en particulier citer quelques animaux qui se rapportent 
aux genres de l’ancien continent, comme les terrains 
tertiaires d'Europe ont fourni des espèces qui rentrent 
dans les genres américains. Ainsi les éléphants, qui ont 
peuplé l’Europe pendant l’époque diluvienne et qui au- 
jourd’hui n'existent plus qu'en Asie et en Afrique, ont 
vécu en Amérique pendant la période dont nous par- 
lons. Ainsi, ce qui est plus frappant encore, nous 
voyons que les Espagnols, les premiers conquérants de 
l'Amérique, n’y ont pas trouvé de chevaux, et nous 
savons même qu’ils ont causé un étonnement si grand 
dans ce pays par l'importation des chevaux d'Europe, 
que les habitants croyaient que le cavalier et sa monture 
ne formaient qu'un seul animal. N’est-il pas remarquable 
de trouver, dans ce même continent, des ossements fos- 
siles de chevaux qui indiquent une espèce différente 
de toutes celles que nous connaissons? 

L'avenir nous ménage certainement la découverte de 
bien des faits aussi curieux. Il est probable qu'il y aura 
des enseignements de haute importance à puiser dans 
la comparaison de la succession des animaux dans les 
divers pays du globe. 

J'ai adopté pour la classification des mammifères les 
opinions soutenues par M. Milne Edwards, dans son 
mémoire remarquable sur la classification des verté- 
brés (!), en considérant, comme des caractères impor- 
tants, ceux qui sont tirés de la structure du placenta 
et du mode de développement du fœtus. Je ne pense pas 


(1) Annales des sciences naturelles, 3° série, t, I°'. 


CLASSIFICATION EN ORDRES. 145 


toutefois que dans l'état actuel de la science on puisse 
en tenir compte à l'exclusion de tout autre caractère, 
et mettre, par exemple, les rongeurs au-dessus des car- 
nassiers à cause de leur placenta discoïde. Je ne doute 
pas qu'on ne le fasse plus tard, si comme cela est pro- 
bable, l'étude de lembryologie confirme dans tous les 
types les caractères que l’on connaît aujourd’hui. 

Le tableau suivant fera comprendre les principes que 
j'ai adoptés : 


are sous-cLassE : MAMMIFÈRES MONODELPHES, Génération 
normale, placenta adhérent à l'utérus, pas de poche extérieure 
pour recevoir les petits. 

1% ORDRE : BIMANES (hommes). 

2° ORDRE : QUADRUMANES, Placenta discoïde, trois sortes de dents, 
onguiculés , quatre mains. 

3° ORDRE : CHÉIROPTÈRES. Placenta discoïde, trois sortes de 
dents, onguiculés, deux ailes. 

h° ORDRE : INsecrivores. Placenta discoïde, trois sortes de dents 
incisives et canines souvent anormales, onguiculés, quatre pieds, 
membres faibles. 

5° ORDRE : CARNASSIERS. Placenta zonaire, trois sortes de dents, 
incisives et canines régulières, onguiculés, quatre pieds, membres 
forts. 

6° ORDRE : RONGEURS. Placenta discoïde, pas de canines, ongui- 
eulés, des incisives. 

7° oRDRE : Épenrés. Placenta diffus, pas d'incisives, ongui- 
culés. 

8° ORDRE : PROBOSCIDIENS. Placenta diffus, subongulés, une 
grande trompe, molaires se renouvelant d’arrière en avant (au 
moins en partie). 

9 ORDRE : PACHYDERMES. Placenta diffus, ongulés, un estomac, 
métacarpiens et métatarsiens distincts. — Type aberrant, DAMAN. 
Mêmes caractères avec un placenta zonaire. 

10° ORDRE : RUMINANTS. Placenta diffus, ongulés, quatre esto- 
macs, métacarpiens et métatarsiens soudés (canon). 

A1 onDRE : SiRéNoOÏDES. Placenta diffus, pas d'ongles ou ongles 


144 MAMMIFÈRES, 


Lrès rudimentaires, forme de poisson, pas de membres postérieurs, 
des molaires à couronne plate, quelquefois des défenses, tête 
grosse et courte. 


42° ORDRE : ZEUGLODONTES (type fossile). Forme de poisson, 


molaires dentelées et tranchantes, incisives crochues, tête 
allongée. 


13° oRDRE : CÉTACÉS. Placenta diffus, dents coniques uniformes 
ou nulles, pas de membres postérieurs, forme de poisson, pas 
d'ongles. 

9e sous-CLasse : MAMMIFÈRES DIDELPHES. Placenta sans 
adhérence, petits subissant un incomplet développement dans 
l'utérus et placés pour l'allaitement dans une poche extérieure. 

44° ORDRE : MARSUPIAUX SARCOPHAGES. Dents canines grandes, 
incisives petites. 

45° ORDRE : MARSUPIAUX POEPHAGES. Dents canines petites ou 
nulles, incisives grandes. 

16° oRDRE : MonoTRèÈMEs. Une seule ouverture pour le canal 
alimentaire et pour les organes génito-urinaires , un bec corné, 
dents nulles ou anormales. (Cet ordre n’a pas été trouvé fossile. ) 


Je dois faire remarquer que, pour les mammi- 
fères plus que pour toutes les autres classes, il est 
impossible, en énumérant les espèces, de ne pas en 
laisser toute la responsabilité à ceux qui les ont établies. 
Beaucoup d'entre eiles ne sont connues que par un 
petit nombre de fragments déposés souvent dans des 
collections particulières. Il est fréquemment impossi- 
ble de les comparer directement, et dans les maté- 
riaux que j'ai recueillis, j'ai souvent eu la conviction 
qu'il devait y avoir des doubles emplois nombreux. 
L'avenir relèvera ces erreurs; le but que j'ai dû me 
proposer était de mettre sous les yeux du lecteur les 
faits recueillis jusqu’à ce jour. J'ai fait quelques rec- 
tifications, j'en ai indiqué plusieurs proposées par 
d’autres naturalistes ; il en reste beaucoup à faire. 

Depuis la publication de la première édition de cet 


HOMME FOSSILE, 1495 


ouvrage, de nombreux travaux ont été publiés sur les 
mammifères, et leur histoire est bien plus complète 
aujourd'hui. Il suffit de citer les noms de MM. de Blain- 
ville, Gervais, R. Owen, Laurillard, Aymard, H. de 
Meyer, Lartet, etc., pour faire comprendre combien j'ai 
eu de faits nouveaux à enregistrer. Je me fais aussi un 
devoir et un plaisir de témoigner à MM. Gervais et 
Aymard toute ma reconnaissance pour les nombreux 


et importants matériaux qu'ils ont bien voulu me com- 
muniquer. 


1 SOUS-CLASSE. 


MAMMIFÈRES MONODELPYES, 


A ORDRE. 


BIMANES (hommes). 


Trouve-t-on des fossiles humains? L'homme a-t:l 
apparu à la surface de la terre avant l’époque actuelle? 
telle est une question importante à laquelle Fa science 
moderne semble répondre négativement, quoique à di- 
verses reprises elle ait été jugée autrement. 

Divers faits et observations ont successivement été 
considérés comme pouvant établir l’existence d'hommes 
fossiles. 

Dans les temps d’isnorance, où la paléontologie, 
encore dans l’enfance, ne permettait pas une exacte 
détermination des ossements fossiles, et où l'opinion 
la plus généralement adoptée rapportait tout au déluge 
universel, on a souvent pris des ossements de mammi- 
fères pour des débris humains. L’imagination s’est 

1. 10 


146 MAMMIFÈRES. -—— BIMANES. 


même plu souvent à donner cette détermination aux 
ossements de la plus grande taille; on en tirait la 
conclusion que les premières races d'hommes avaient 
été sigantesques, et que, dans une nature moins active, 
leurs descendants avaient dégénéré. À mesure que des 
méthodes plus précises forcèrent à une observation 
plus exacte des faits, on reconnut que ces détermina- 
tions étaient erronées, et l’on vit qu'il fallait rapporter 
à des éléphants ou à d’autres grands animaux ces pré- 
tendus os de géants (f). 

Parmi de nombreux faits que l’on pourrait citer, un 
des plus célèbres est celui des ossements trouvés en 
1613 près de Chaumont, et qu’une supercherie fit 
rapporter à Teutobochus, roi des Cimbres. Mazurier, 
chirurgien de Beaurepaire, qui fut le premier posses- 
seur de ces débris, les fit enfouir de nouveau avec une 
pierre tumulaire , et feignit plus tard de les avoir dé- 
couverts par hasard , assura qu'ils étaient placés dans 
un tombeau, qui était certainement celui de Teutobo- 
chus, et les montra pour de l'argent dans différentes 
villes. Il y à quelques années que ces ossements ont 
été retrouvés au Musée de Bordeaux, et K. de Blain- 
ville a reconnu qu’ils appartenaient à un proboscidien. 

Une autre erreur de détermination est le fameux 
Homo diluvi testis, trouvé dans les schistes d'OEnin- 
gen et décrit par Scheuzer (*). On a reconnu depuis que 
c'était un grand reptile de la famille des salamandres. 

Dans les temps plus modernes, des observateurs 


(1) Voyez Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire , Hist. nat. des anomalies de l'orga- 
nisation, Paris, 1832, t. [, p. 168. Voyez aussi Bruckmann dans ses Epis- 
tolæ (Des dents de géants): Cassanionis, De gigantibus et eorum reliquüs, 
Basileæ, 1580, iu-S°; Hoffmann, De gigantum ossibus, lenæ, in-4°; etc. 

(2) Gruner (Naturg., Helvet. in alter Welt., Bern., 1773, ir-8°) est un des 
premiers qui aient montré l’erreur de cette détermination. 


= 


HOMME FOSSILE, 147 


superficiels ont encore pris pour des fossiles humains 
des fragments de pierres et surtout de grès qui, à la 
suite d’érosions ou d'autres causes, se sont trouvés 
retracer grossièrement des formes du corps ou du sque- 
Jette de l’homme. Ainsi, en 1823, on annonça qu'on 
avait trouvé dans la forêt de Fontainebleau, près de 
Moret (‘), un homme pétrifié, renversé sur un cheval 
également pétrifié; on ajoutait que le corps avait en 
partie conservé ses formes et des proportions parfaite- 
ment belles, et que le cheval, de son côté, présentait une 
tête admirable. Un rapport, fait à cette époque à l'Aca- 
démie des sciences, a montré que ce corps bizarre 
n'était point un fossile. 

On pourrait citer encore plusieurs exemples analo- 
gues; mais 1} y a aussi des cas où d’autres causes ont 
pu induire en erreur des naturalistes plus instruits. De 
ce nombre sont les squelettes humains trouvés sur la 
côte de la Guadeloupe (*) et dont un est conservé dans 
les collections publiques de Londres. Ces squelettes 
appartiennent bien réellement à l'espèce humaine , et 
l'assertion de M. Fischer, qu’on doit les rapporter à des 
quadrumanes, est inexacte. Mais il paraît que la roche 
qui les renferme est de formation récente et se compose 
de fragments agolutinés de coquilles et de polypiers 
des eaux voisines. On voit de semblables roches se 
former, en quelques années et de la même manière, 


(1) Voy. sur le fossile de Moret : Huot, Notice géolog. sur le prétendu 
fossile humain de Moret, Paris, 182%, in-8°; Barruel, Réponse aux prin- 
cipaux écrits, etc., Paris, 1824, in-8°; Julia Fontenelle, Encore un mot 
sur le fossile, etc., Paris, 1824, in-8° ; Lettre sur le prétendu fossile humain 
de Moret, par P...… , Paris, 1824, in-8°. 

(2) Voy. Cuvier, Discours sur les révolutions du globe; Moultie, Sillim. 
journ., t. XXXIT, p. 361, 


148 MAMMIFÈRES. —— BIMANES. 


dans le lieu où l’on a trouvé celles qui renferment les : 
squelettes humains. 

Faisant donc abstraction de tous ces faits controuvés, 
ou sans rapport avec le sujet qui nous occupe, pour dis- 
cuter ceux qui ont quelque réalité, nous devons d’abord 
faire une remarque importante. 

On a peut-être mal posé la question, lorsqu'on 
a dit: Y a-t-il des hommes fossiles ? parce que, 
comme je l'ai montré dans le chapitre HE, il est difficile 
de préciser ce qu’on entend par le mot fossile, dont la 
signification n’est point la même pour tous les paléonto- 
logistes. La véritable question me parait être la sui- 
vante : Quels animaux peuplaient l’Europe lorsque 
l'homme y.est apparu pour la première fois, et, par con- 
séquent, à quelle époque géologique peut-on placer son 
origine? La question étant précisée de cette manière, 
la solution sera trouvée dès qu’on saura à quels terrains 
appartiennent les ossements humains que l’on peut avoir 
découverts. Tous les paléontologistes sont aujourd’hui 
d'accord pour reconnaître que l’on n’a trouvé aucune 
preuve de l'existence de l’homme pendant l'époque ter- 
tiaire et les époques antérieures , et que, par consé- 
quent, il n’a pas vécu avant l’époque quaternaire ou 
diluvienne. La question se réduit donc à savoir si 
l'homme a existé dès l'origine de cette période dilu- 
vienne, et sinon à quel moment il est apparu? A-t-il 
été contemporain des ours et des hyènes des cavernes, 
ou sa création (ou du moins son apparition en Europe) 
est-elle postérieure à l'inondation qui a entassé dans 
ces cavités les ossements et les cailloux roulés ? 

Si l’on admet la manière de voir que j'ai exposée 
ailleurs sur les relations de l’époque diluvienne avec 
l’époque moderne, on reconnaitra aussi que cette ques- 


HOMME FOSSILE, 149 


lion peut être traitée sans aucune idée préconçue et 
par la seule observation des faits. J'ai montré, en effet, 
qu'on devait probablement considérer ces deux périodes 
comme formant ensemble une série de temps, où la vie 
n’a été ni interrompue ni renouvelée en entier, au 
moins en Europe, et pendant laquelle des inondations 
partielles, locales et successives, ont déposé divers ter- 
rains, en détruisant seulement quelques espèces. En 
partant de ces bases, il n’y a aucune raison théorique 
qui puisse faire établir que la première création de 
l’homme doive être rapportée à un moment plutôt qu'à 
un autre de cette longue époque, et dès lors on doit 
raisonner seulement d’après les observations qui parai- 
tront les plus exactes. 

Il semble que cette question doit avoir une solution 
très facile, et qu’elle se borne à constater si l’on atrouvé 
ou non des ossements humains ou des preuves de son 
industrie dans les dépôts diluviens. Elle ne l’est cepen- 
dant pas autant qu'il semble; les découvertes de dé- 
bris humains ont presque toujours, au contraire, soulevé 
des questions délicates , soit relativement au véritable 
âge du terrain qui les renferme, soit relativement à la 
possibilité qu'ils y aient été enfouis plus tard et qu'ils 
ne soient pas par conséquent contemporains des ani- 
maux dont on y trouve les ossements. 

Les principaux faits qui ont donné lieu à ces diseus- 
sions sont les suivants : 

Plusieurs géologues, principalement ceux qui ont 
étudié les cavernes du midi de la France, ont signalé 
des ossements humains et des débris de poterie pros- 
sière sous la couche de stalagmites qui revêt le plan- 
cher de ces cavernes. Dans quelques cas on assure les 
avoir trouvés mêlés aux os des ours, d’où 1l semble 


150 MAMMIFÈRES. —— BIMANES. 


que l’on serait en droit de conclure que l’homme a 
habité l’Europe en même temps que ces animaux , et 
que les mêmes événements qui ont anéanti plusieurs 
espèces de grands carnassiers ont aussi fait périr des 
hommes, dont les débris se sont trouvés enfouis avec 
les leurs. 

Ces découvertes, quoique très multipliées (?) et affir- 
mées par de nombreux naturalistes, laissent encore 
quelque chose à désirer pour leur certitude complète. 
Ces cavernes ont dù souvent, dans les premiers âges 
de la civilisation, servir de refuge à l’homme, qui en a 
fouillé le sol, soit pour rendre l’habitation plus commode, 
soit pour le faire servir de sépulture. De cette manière, 
les ossements humains et les débris de son industrie 
peuvent s'être mêlés aux restes des animaux qui y exis- 
taient avant lui, et la couche de stalagmites, continuant 
à se former, a souvent pu, en les recouvrant, faire mé- 
connaître leur différence d’antiquité. 


(t) Voyez relativement à l’homme fossile des cavernes : 

Pour l’ALLEMAGNE : Schlotheim , Petrefakt.; Boué, Ann. des sc. nat., 1829, 
te XOVITIEe 

Pour l’'ANGLETERRE : Buckland , Reliquiæ diluvianæ ; Austen, Geol. Trans., 
2e série, t. VI, 2, p. 443; Bartlett, 12° Report Brit. Assoc., 1842; Bryce, 
4° Report Brit. assoc., 1834; Andrews, id.; Hart, Dubl. phil. journ., 1826, 
t-1I D 88- 

Pour la BezGique : Schmerling, Oss. foss. des cavernes ; Geoffroy-Saint- 
Hilaire , Comptes rendus de l’Acad. des se,, 1. VII, 1838, p. 4. 

Pour la France : Marcel de Serres, Géognosie des terrains tertiaires , 
p. 47, et Mém. Mus., t. XI, 182%; Essai sur les cavernes (Inslitut, 
juin 1829); de Christol, Notice sur les ossements humains du départ. du 
Gard, 1829; Lalanne, Comptes rendus de l'Acad. des sc., 1843, 1° sem., 
p. 680; Coquant, Bull. de la Soc. géol., t. VII, p. 147; Tournal, id., t. II, 
p. 381 et 390; Teissier d’Anduze , id., t. IT, p. 84 et 119; Desnoyers, id., 
t. I, p.126; Buchet, Mém. de la Soc. de phys. et d'hist. nat. de Genève, 
t.0VL, p. 369. 

Pour l'AMÉRIQUE : Claussen, Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1843, p. 710; 
Lund, id., et Edinb. new phil. journ., 1844, t. XXXI et XXXVI. 


HOMME FOSSILE, 151 


Dans plusieurs cas, d'ailleurs, où des observateurs 
très exacts ont étudié ces cavernes, on a constamment 
trouvé les os humains dans des couches supérieures à 
celles qui renferment des restes des grands carnassiers, 
et l’on n’a jamais pu vérifier le mélange sur lequel s'était 
basée l’opinion que l'homme avait été contemporain de 
ces animaux. 

Mais on doit reconnaître aussi que, dans quelques ca- 
vernes, le mélange réel est difficile à contester. Ainsi 
dans celles de Belgique (‘), si bien étudiées par 
M. Schmerling, on trouve les os humains tout à fait mêlés 
avec ceux de FUrsus spelœus, et l'on peut en faveur de 
l'opinion qui considère l’homme comme ayant vécu avec 
les animaux de cette faune donner des preuves assez 
puissantes qui se vérifient pour quelques gisements 
du midi de la France. 

1° Les os humains sont souvent roulés comme les au- 
tres. 

2° On n'a jamais trouvé en Belgique de squelette 
humain entier. Les os sont dispersés comme ceux des 
ours. Ge fait est inexplicable dans l'hypothèse de sépul- 
tures postérieures, et semble indiquer un transport 
commun. 

3° On trouve des instruments fabriqués avec des os 
d'ours des cavernes. IL n’est pas probable que l’on ait 
employé des os fossiles qui ont peu de solidité, et l'on 
peut croire, au contraire, que les os ont été utilisés à 
l'état frais, ce qui ne peut avoir lieu que si les ours 
ont vécu avec les hommes. 

On à aussi trouvé des ossements humains dans plu- 
sieurs terrains diluviens stratifiés. 


(1) I reste à savoir si les cavernes de Belgique n’ont point été comblées un 
peu plus récemment que celles de France? 


152 MAMMIFÈRES. —— BIMANES. 


On en cite dans le lehm de Bavière et d'Autriche (1) : 
les crânes qui y ont été trouvés ont été décrits comme 
plus aplatis que ceux des Européens actuels. On en a 
trouvé aussi à diverses reprises en Auvergne et dans 
quelques régions voisines (*). 

Un des plus célèbres est celui qui a été connu sous 
le nom d'homme fossile de Denise, dont l’authenticité, 
d’abord contestée, est maintenant reconnue, et qui à 
élé trouvé dans un des dépôts les plus récents du Puy 
en Velay. Jai eu le plaisir de visiter moi-même cette 
localité intéressante avec M. Aymard, et de pouvoir 
vérifier le gisement de ce fossile. Le volcan de Denise 
présente sur deux côtés des déjections argilo-volcani- 
ques avec des cendres et des brèches, qui ont coulé jus- 
qu'au fond des ravins formés aux dépens des éruptions 
ancicunes. Ces dernières sont évidemment antérieures 
aux ravins qui les ont creusées, el ceux-ci aux coulées 
dont nous parlons. D'un côté de la montagne, les dé- 
jections argilo-volcaniques ont enfoui l’homme fossile ; 
de l’autre, une faune récente d'éléphants, de cerfs, 
bœufs, etc. De ces faits, on peut conclure en résumé : 
1° Que les dernières éruptions du volcan de Denise ont 
enfoui des corps humains, que par conséquent l’homme 
a existé dans cette partie de la France avant que les 
derniers volcans aient été éteints ; 2° que cet enfouisse- 
ment est postérieur aux phénomènes qui ont amené la 
configuration superficielle du sol du bassin du Puy en 
formant des ravins dans les productions volcaniques 


(1) Voy. Razoumowsky, Obs. sur les environs de Vienne; Boué, Mémoires et 
Ann. des sc. nat., 1899, t. XVII; etc. 

(2) Voyez pour des ossements trouvés à Alais et qui ont été démontrés 
n'être pas fossiles : F. Robert, Comples rendus de l'Acad. des sc., 1844 ; 
Marcel de Serres, id.; Pratt, Bull, de la Soc, géol., 2° série, F, 475 ; etc. 


HOMME FOSSILE. 153 


plus anciennes; 3° qu'il est probable que l'homme a 
été contemporain des éléphants fossiles. Ce dernier 
point toutefois est moins certain que les deux autres ; 
car si les déjections des deux côtés de la montagne pa- 
raissent contemporaines, 1l n’y en a pas de preuves cer- 
taines. La liaison de ce fait avec ceux des cavernes de 
Belsique et de France est, du reste, difficile à établir. 
IL est, suivant moi, probable que le volcan de Denise n’a 
été éteint qu'après la grande inondation qui a comblé 
les cavernes du midi de la France, et que par consé- 
quent le fossile de Denise ne fait pas remonter au delà 
de cette époque l'apparition de l'homme en Europe (f). 

Des faits analogues ont été observés en Amérique. 
M. Lund, en particulier, dans ses fouilles si fructueuses 
dans les cavernes du Brésil, a trouvé des crânes hu- 
mains à front aplati comme quelques races actuelles, 
mêlés avec la faune des mégathériums, mégalonyx, etc. : 
ces découvertes soulèvent les mêmes questions que les 
cavernes d'Europe (°). 

Si, au milieu de tous ces faits plus ou moins contra- 
dictoires, nous cherchons à conclure, nous arriverons, 


(1) Voyez pour l’homme fossile de Denise, une note de M. Félix Robert, 
Ann. de la Soc. d'agric. sc.el arts du Puy, t. XIIT, p. 200; une autre de M. Ay- 
mard, dans le même recueil, XIV, 74; et le Bulletin de la Soc. géol. de France, 
séance du 2 décembre 1844, 9 janvier 1845, 11 janvier 1847, 1° mars 
1847, etc. Voyez encore pour des faits analogues : Carnall, Os houves en 
Silésie (Leonh. und Bronn Neues Jahrbuch, 1848, 267 ; G.-A. de Luc, Journ. 
de phys., sept. 1802, p. 245; Morren, Os humains des tourbières, Gand, 
1832, in-4°; Peghoux, Fossile humain trouvé près des Martres de Veyres(Ann. 
soc. d'Auvergne, 1830, Il, p. 1; Bull. Férussac, 1830, XXXI, 394) ; etc. 

(2) Voyez aussi Lyell, Discussion sur la coexistence de l'homme et du mé- 
gathérium (Sillim. Journ., 1847, 2° série, XI, 267), et dans ses Travels in 
North-America (Times, 7 décemb. 1846; Bibl.funiv., archiv., 1846, LIL, 417); 
Dikeson, Ann. et Mag. of nat. hist., XIX, 213 ; Owen, Des traces de pas 
dans le calcaire (Sillim, Journ., XLUT, p. 14); ete. 


154 MAMMIFÈRES. — BIMANES. 


je crois, à admettre comme probables les conclusions 
suivantes : 

{° L'homme ne s’est pas établi en Europe dès le 
commencement de l’époque diluvienne. S'il avait alors 
vécu sur la majeure partie de notre continent, il y 
aurait laissé des traces plus considérables et moins 
contestables. On retrouverait des preuves non équivo- 
ques de son industrie, et probablement même des villes 
et de nombreux instruments. 

2% Quelques migrations ont probablement eu lieu 
pendant le courant de cette période diluvienne. Les pre- 
_miers hommes qui ont pénétré en Europe ont peut- 
être encore vu les ours des cavernes, les éléphants, et 
la population contemporaine ; quelques uns d’entre eux 
ont été victimes des mêmes inondations. 

3° L'établissement définitif de l’homme en Europe 
et l’occupation de ce continent par une population 
nombreuse ont probablement eu lieu peu de temps 
après la grande inondation, qui a déposé les cailloux 
roulés dans les cavernes et sur les plaines de ce con- 
tinent. 

il sera intéressant que des observations analogues 
soient faites dans divers autres pays, et en particulier 
en Asie, que l’on considère généralement comme le 
berceau d’une grande partie des races humaines. On 
saura alors si l'apparition de l’homme à eu lieu à la 
même époque dans les diverses contrées du globe, ou 
quelles sont celles qui ont été peuplées les premières. 
Ces recherches, si elles sont couronnées de succès, 
auront d'importants résultats pour résoudre la question 
difficile et controversée de l’origine des races humaines 
et de leur unité ou de leur variété. 


MAMMIFÈRES. — QUADRUMANES. 155 


2e ORDRE. 


QUADRUMANES (Primates, Blamv.). 


L'existence des singes à l’état fossile a été niée pen- 
dant longtemps; et, en effet, au moment de la pu- 
blication de l'ouvrage de Cuvier, les seuls faits qui 
semblaient. démontrer qu’ils eussent apparu avant l’é- 
poque actuelle reposaient sur de fausses observa- 
tions (‘). Ce savant naturaliste à déclaré, dans son 
Discours sur les révolutions du globe, que l’on n'avait 
encore trouvé aucun débris fossile qu’on püt rapporter 
à cet ordre. Ces faits, d’ailleurs, semblaient concorder 
avec les idées que plusieurs naturalistes avaient adop- 
tées sur le perfectionnement yraduel de lorganisme 


(!) I ne faut pas, en effet, tenir compte des assertions de quelques anciens 
auteurs, qui ont indiqué des singes fossiles d’après des déterminations évi- 
demment erronées. Ainsi d’Argenville et Walsh rapportent à cette famille le 
squelette d’un animal à longue queue, trouvé dans les schistes cuivreux de 
la Thuringe, et qui a été figuré par Swedenborg dans son traité De cupro 
(p. 168, pl. 2). On sait maintenant que ce squelette est celui d’un reptile. 
C’est par une erreur semblable que le même Waish, dans ses Commentaires 
sur l’Iconographie de Knorr (t. Il, sect, 2, p. 150), crut l'existence des singes 
fossiles démontrée par une soi-disant patte pétrifiée, figurée par Kundmann 
(Rariora naturæ et artis, p. 46, tab. mi, fig. 2), qui n'était qu’une altéra- 
tion fortuite d’un fragment de pierre. Il faut probablement rayer de Ja liste 
des singes fossiles les deux crânes de magots indiqués par Imrie dans sa 
description du rocher de Gibraltar, et qui avaient été trouvés vers la fin du 
siècle dernier par des ouvriers employés aux travaux de cette forteresse. Il 
parait que ces crànes n'étaient point fossiles et qu'ils provenaient de quelques 
uns des nombreux singes de cette espèce qui habitent encore de nos jours 
le rocher de Gibraltar. Le Palæopithecus de Voigt (Leonh. und Bronn, Neues 
Jahrbuch, 1835, p. 324), établi sur des traces de pas observées dans le grès 
de Hessberg près Hildburghausen, n’est point un singe ni mêmeun mammi- 
fère, et ces traces doivent être rapportées au genre Cheirolherium, dont nous 
parlerons plus bas, 


156 MAMMIFÈRES. — QUADRUMANES. 


dans les âges séolosiques. IT leur semblait naturel que 
le degré le plus supérieur de l'organisation, dans les 
terrains tertiaires, ne se füt pas élevé au-dessus du 
type des carnassiers , de même que, dans les terrains 
jurassiques, il n’avait pas dépassé les reptiles, et dans 
les âges plus anciens les poissons. Les quadrumanés, 
plus voisins de l'homme , leur paraissaient avoir été 
réservés pour la création la plus récente et la plus par- 
faite. 

Mais de nouvelles découvertes, en démontrant 
l'existence des singes fossiles, ont fait justice de ces 
idées théoriques. Presque dans le même temps on en 
a signalé des débris en Europe, en Asie et en Amé- 
rique. Dans ce dernier continent, les terrains les plus 
récents en renferment des ossements, ce que l’on 
pouvait prévoir d'avance, vu l'abondance de ces ani- 
maux dans l’Amérique actuelle; mais en Europe, ce 
n'est que dans les terrains tertiaires (") qu’on en 
a trouvé de rares débris. C'est aussi dans les ter- 
rains tertiaires que l’on en a signalé en Asie; mais il 
est probable que dans ce pays on en trouvera aussi 
dans les dépôts plus récents. 

L'ordre des quadrumanes est assez clairement ca- 
ractérisé pour que l’on puisse reconnaître avec certi- 
tude les os et les dents qui doivent lui être rapportés. 
Leurs dents continues, presque sans intervalles , 
leurs incisives tranchantes, le plus souvent au nombre 
de quatre à chaque mâchoire et de la forme des inci- 
sives de l’homme, et leurs molaires à tubercules 
mousses, constituent une dentilion ordinairement fa- 
cile à distinguer. La tête avec sa grande capacité crà- 


(1) A moins que le Pithecus pentelicus n'appartienne à l'époque diluvienne. 


SINGES, A5 


nienne, ses orbites {rès rapprochées et son trou occipital 
situé au tiers postérieur; les vertèbres à apophyses 
courtes et éloignées, indiquant une grande souplesse ; 
les os des membres assez semblables à ceux de l’homme ; 
les phalanges unguéales aplaties, etc., peuvent aussi 
rarement être confondues avec les ossements des autres : 
ordres. 

On divise les quadrumanes en trois familles : les 
singes, les owistitis et les lémuriens. Les deux pre- 
mières ont + incisives droites, les orbites rapprochées 
et les yeux dirigés en avant. Elles se distinguent l'une 
de l’autre, parce que les singes ont les ongles et par 
conséquent les phalanges unguéales déprimées, tandis 
que ces organes sont comprimés dans les ouistitis. Les 
lémuriens ont, ou plus de + incisives, ou des inci- 
sives obliques; leurs orbites sont plus écartées; leurs 
formes se rapprochent davantage de celles des carnas- 
siers. 


re Famizze. — SINGES. 


La famille des singes peut se subdiviser en deux tribus. La 
première comprend les singes à narines relevées et séparées par 
une cloison mince (Simiæ catarrhini), et qui n'ont que 32 dents. 
La seconde renferme les singes qui ont 36 dents, et dont les 
narines aplaties sont séparées par une cloison plus épaisse (Simiæ 
platyrrhini). 

Dans l’état actuel du globe, la distribution géographique des 
espèces concorde avec cette division, car tous les singes à 
32 dents sont de l'ancien continent, tandis que ceux à 36 dents 
habitent l'Amérique. Le petit nombre de faits que l’on a recueillis 
jusqu’à ce Jour sur les singes fossiles semblent montrer que cette 
distribution a existé dès l'apparition de ces animaux à la surface 
de la terre. On n'a encore recueilli en Europe et en Asie que des 
fragments qui appartiennent à des singes de la première tribu, 


158 MAMMIFÈRES. — QUADRUMANES. 


et ceux qui ont éte trouvés en Amérique doivent tous être rangés 
dans la seconde. 


1e TriBu. — SINGES DE L'ANCIEN CONTINENT. 


(Simicæ catarrhini, Geoff.; Simiæ anatolini, H. \. Meyer.)— Atlas, 
pl. fig. 1 et 2. 


On a trouvé en Europe quelques fragments qui paraissent In- 
diquer six espèces de singes de cette division, répartis dans les 
divers terrains tertiaires. 


L'existence de la plus ancienne est constatée par un petit fragment de 
mâchoire inférieure et par des molaires, trouvées à 52° latitude nord, à 
Kyson en Suffolk, en 1838 et en 1839, par M. W. Colchester (1), et par 
M. C. Lyell (2), dans un terrain qui appartient au tertiaire éocène, Ces fragments 
ont été étudiés par M. R. Owen (3). Ce savant paléontologiste a montré que 
la forme des molaires, et en particulier de la defnière, qui est munie de cinq 
tubercules dont l’impair est subdivisé en deux parties, doit faire placer cette 
espèce dans le genre Macacus. Elle est plus petite qu'aucune des espèces 
actuellement vivantes et présente dans sa dentition des caractères distinctifs. 
M. Owen l’a nommée Macacus eocenus. (Vox. Atlas, pl. I, fig. 4, &, b.) 

La latitude de 52° nord montre que les singes, dans le commencement 
de la période tertiaire, ont vécu bien plus au nord qu'aujourd'hui; car ac- 
tuellement cette famille ne dépasse pas le 37° degré. On peut ajouter ce 
fait aux preuves que nous avons données précédemment, qui démontrent 
des changements dans la température de l’Europe. 


La seconde espèce appartient aux terrains tertiaires moyens ou 
à la période miocène. Elle estconnue par une mâchoire inférieure () 
trouvée, en 1837, par M. Lartet, dans les marnes d’eau douce 
de Sansan, près d'Auch (département du Gers), à 43° de latitude 
nord. 


(!) Magazine of natural history, septembre 1839, p. 446. 

(2) 4., novembre 1839. 

(8) An history of British foss. mammals, p. 1. 

(#) Voyez, sur cette mâchoire, les deux lettres de M. Lartet, lues à l’Aca- 
démie des sciences le 16 janvier 14837 et le 17 avril de la même année 
(Comptes rendus et Ann. des sc. nat., 2° série, t. VII, p. 116 et 122); le rap- 
port de M. de Blainville (Ann. des sc. nat.,t. VII, p. 232); l’Ostéographkie de 
ce savant anatomiste : De l'ancienneté des Primates à la surface de la terre, 
p. 3; et la Zoologie et paléontologie françaises de M. Gervais, p. 5. 


SINGES DE L'ANCIEN CONTINENT. 159 


Cette mâchoire, étudiée par M. de Blainville, est longue d’un pouce et 
demi (40 mill.) depuis l'extrémité des incisives jusqu’à la racine antérieure 
de la branche montante. Les deux branches se réunissent sous un angle de 
25° et forment une symphyse oblique. Les dents indiquent un animal dans 
ja vigueur de l’âge; et leur nombre est le même que dans tous les singes de 
l'ancien continent. Les incisives sont égales entre elles et élevées au niveau 
de la pointe des canines. Celles-ci sont courtes, coniques, un peu courbées et 
déjetées en dehors avec un collet bien marqué en arrière. Les deux avant- 
dernières molaires ont cinq tubercules, et la dernière un talon assez fort, di- 
visé en deux ou trois tubercules. (Cette mächoire est figurée dans notre 
Atlas, pl. L fig.2, a,b.) 

M. Lartet avait cru pouvoir rapporter à la même espèce quelques os du 
corps. Un nouvel examen a montré que la plupart appartiennent à d’autres 
familles (1). 

Les caractères de dentition, qui ne peuvent laisser aucun doute sur le fait 
que cette mâchoire ait appartenu à un singe, ne se rapportent complétement 
à aucun des genres actuels. M. Lartet avait d'abord placé ce fossile dans le 
genre des gibbons (Hylobates), mais le cinquième tubercule des molaires est 
beaucoup moins prononcé que dans ce genre vivant, et rappelle plutôt l’or- 
ganisation des semnopithèques et des magots (/{nuwus) qui ont à la dernière 
molaire un talon assez semblable à celui du singe de Sansan. M. Gervais 
fait aussi remarquer que ses incisives sont plus grèles que dans les gibbons, 
et ses canines moins élevées ; mais que la forme deses molaires, par leur 
dépression centrale et par leurs tubercules marginaux, rappellent bien les 
molaires des singes anthropomorphes, et même celles de l'homme. Il faut 
attendre que d’autres pièces du squelette soient connues pour que l'on 
puisse décider définitivement de sa place. M. de Blainville a proposé de le 
désigner sous le nom de Pithecus antiquus, le nom de pithecus correspondant, 
dans la méthode de ce zoologiste, à un grand genre qui comprendrait tous 
les véritables singes de l’ancien continent, M. Lartet l’a nommé Proro- 
PITHECUS (P. antiquus) (2). M. Gervaisen a fait le genre PziorrrHecus (3), et il 
propose de le placer à la fin des singes anthropomorphes, et comme formant 
une transition aux magots et peut-être même aux cynocéphales. L'espèce 
serait le Pliopithecus antiquus. M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire () le consi- 
dère comme voisin des PRESBYTIs, mais comme devant probablement former 
un genre nouveau. 


Les autres espèces européennes appartiennent à des terrains 
plus récents. Elles sont encore moins complétement connues que 
les précédentes. 


(1) Voy. de Blainville, Institut, 1837, V, 206, et Ostéog., loc. cit., p. 57. 
(2) Essai sur la colline de Sansan, p. 11. 

(3) Zoologie et paléontologie françaises, p. 5. 

(4) Voyage de Jacquemont dans l'Inde, Mammif., p. 9. 


160 MAMMIFÈRES. — QUADRUMANES. 


Nous citerons d'abord le Macacus pliocenus, Owen (!), trouvé dans le nôu- 
veau pliocène de Grays (Essex). On n’en connaît qu'une pénultième molaire 
supérieure qui parait avoir de grands rapports avec la correspondante du 
Macacus sinicus. 

Au pied du Pentélicon on a trouvé un fragment de crâne que Wagner (2) 
a décrit comme formant un passage entre les semnopithèques et les gibbons, 
et auquel il a donné le nom de Mesopithecus pentelicus. M. H. de Meyer 
n’admet pas que cette espèce diffère du Pithecus antiquus; mais, comme le 
fait remarquer M. Giebel (3), les caractères des incisives, leur séparation des 
canines, et la forme des premières molaires (les seules connues) justifient 
l'opinion de Wagner. Les caractères génériques ne sont probablement pas 
suffisants pour motiver l'établissement d'un genre nouveau, et M. Giebel le 
rapporte au grand genre Pithecus sous le nom de Pithecus pentelicus. L'âge 
du dépôt où l’on a trouvé ce fragment est encore inconnu; il serait possible 
qu'il appartint aux terrains diluviens plutôt qu'aux terrains tertiaires. 

Les sables tertiaires marins de Montpellier ont fourni deux (?) nouvelles 
espèces de singes. Ces sables appartiennent à la période pliocène (ils renfer- 
ment la sixième faune de M. Gervais). 

L'une de ces espèces a été trouvée par M. de Christol (f). Des os, des 
membres et des molaires paraissent à cet habile paléontologiste rappeler 
surtout le genre des gucnons (Cercopithecus). M. de Christol lui donne le nom 
de Pithecus marilimus. Cette espèce est encore très incomplétement connue, 
et elle n’a pas encore été comparée avec la suivante. 

L'autre espèce a été découverte, par M. Gervais (°), dans les marnes d'eau 
douce que l’on a creusées pour les fondations du palais de justice de Mont- 
pellier. Elle n’est connue que par quelques dents, par un cubitus et par 
un radius. Les dents diffèrent spécifiquement de celles de l'espèce de Sansan ; 
elles présentent des rapports avec les molaires des semnopithèques, et un peu 
avec celles des guenons et des macaques. Dans son dernier ouvrage, 
M. Gervais émet quelque doute sur la réunion possible de cette espèce avec la 
précédente, et il l’a nommée Semnopithecus monspessulanus. 


Dans le continent indien, on a aussi trouvé les débris de quel- 
ques espèces de singes de cette tribu. 


(1) An hist. of British fossil mammals, Introduction, p. 46. 

2) Münch. gelehrt. Anzeig., 1839, fév. 21, p. 306; Fossile Ueberreste 
von einem Affen aus Griechenland (Abh. Bayer. Ac., I, 1837-40); Leonhard 
und Bronn Neues Jahrbuch, 1840, p. 582, et 1841, p. 392. 

(3) Fauna.der Vorwelt, t. I, p. 20. 

() Bulletin de la Société géologique de France, 2° série, t. VI, p. 169. 

(5) Comptes rendus de l'Académie des sciences, 4 juin 1849; Zoo!, et pal. 
fr, D 6, Pl GE rate 


SINGES D 'AMÉRIQUE. 161 


En 1836, MM. Baker et Durand (1)ont trouvé, dans les collines subhima- 
layennes, près de Sutly, à 30° latitude nord, une mâchoire supérieure, avec 
un fragment de la face et de l’arcade orbitaire, dans des couches de conglo- 
mérats de sable, de marne et d’argile, dont l’âge n’est pas encore parfaite- 
ment déterminé, mais qui se rapportent peut-être aux tertiaires moyens ou 
récents. Ce fragment caractérise un singe voisin par sa dentition du genre 
SEMNOPITHECUS, et dont la taille égalait à peu près celle qu’atteint aujourd’hui 
l’orang-outang. 

M. de Blainville (2) conteste ce rapprochement et voit plutôt dans ce crâne 
(s’il a véritablement appartenu à un singe) des rapports avec les macaques 
et surtout avec les babouins (Cynocéphales), Cette espèce a été désignée, par 
M. H. de Meyer, sous le nom de Semnopithecus subhimalayanus. 

L'année suivante, MM. Cautley et Falconer (3) ont trouvé, dans la même 
localité, deux espèces de taille plus petite, mêlées avec des débris d’anoplo- 
thériums et de reptiles. Ces espèces sont encore imparfaitement déterminées ; 
l’une d’elles est caractérisée par une mâchoire qui se rapproche de celle de 
l’entelle, mais plus grande et dans la proportion de 5,3 à 4. L'autre espèce 
avait la taille de l’entelle ; elle est connue aussi par un fragment de la mâ- 
choire inférieure contenant les quatre dernières molaires; ses caractères rap- 
pellent plutôt les macaques. 

Ces mêmes observateurs ont signalé l’existence d’une canine gauche supé- 
rieure qui dépasserait par ses dimensions celles de la dent correspondante 
d’un orang-outang de 7 pieds. Cette pièce est trop imparfaite pour autoriser 
à établir une nouvelle espèce (). 


2° TriBu. — SINGES D'AMÉRIQUE. 
(Simice platyrrhini, Geoff.; Simic hesperini, H. de Meyer.) 


Tout ce que l’on connaît aujourd'hui des singes fossiles d’'Amé- 
rique est dû aux recherches de M. Lund (°) dans l'Amérique mé- 
ridionale. Cet infatigable observateur les a découverts avec de 
nombreuses espèces d’autres familles, dont nous parlerons plus 
tard, dans le bassin du Rio das Velhas, tributaire du fleuve Saint- 


(1) Journ. of the Asiatic Soc.,t.V,p. 739; Ann. des sc.nat., 2 sér., 1. VII, 
p.370. 

(2) Ostéographie, Primates, p. 60. 

() Journal of the Asiatic Soc., t. VI, p. 354, et Ann. sc. nat., 2° série, 
t. VII, p. 255 ; Giebel, Fauna der Vorwelt, t, I, p. 21, etc. 

(*) Journal of the Asiatic Society, vol. VI, pl. 18, A, B, C; de Blainville, 
Ostéographie, Primates, p. 62. 

(5) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, p. 214, t. XIT, p. 205, ett. XIII, 
p. 313. 


L. il 


162 MAMMIFÈRES. —— QUADRUMANES. 


François (Brésil), à 18° latitude sud. On trouve les ossements de 
ces animaux dans des cavernes, où ils gisent dans une terre rou- 
geâtre, rendue plus dure par des particules de chaux, impré- 
gnée de salpêtre. Ils sont souvent cassés et portent fréquemment 
des empreintes de dents, qui, suivant M. Lund, semblent démon- 
trer qu'ils ont été entraînés dans ces cavernes par des animaux 
féroces. 


M. Lund a trouvé trois espèces ; elles ne sont pas encore décrites de ma- 
nière à être complétement caractérisées. Ce sont : 

4° Un sapajou : le Cebus macrognathus, Lund. 

2° Un sagouin : le Callitrix primævus, Lund, d'une taille qui est plus du 
double de celle des espèces de ce genre aujourd’hui vivantes. 

3° Une espèce qui ne se rapporte exactement à aucun des genres dans les- 
quels se distribuent aujourd’hui les singes d'Amérique, et que M. Lund 
nomme Protopithecus brasiliensis. Cette espèce a dû atteindre la hauteur de 
4 pieds. 


2e Famizze. — OUISTITIS. 
(Arctopitheci, H. de Meyer.) 


Les seuls ouistitis connus sont aussi dus aux recherches de 
M. Lund; il paraît que, dans les époques antérieures à la nôtre, 
ces animaux étaient spéciaux à l'Amérique, comme le sont les 
espèces actuelles. 


M. Lund a trouvé, dans les dépôts dont nous venons de parler, le Jacchus 
grandis, Lund, qui atteignait une taille double de celle des ouistitis de 
nos jours, et une seconde espèce qui se rapproche du Jacchus penicillatus, 
Geoffroy. 


3e FamiLze. — LÉMURIENS. 
(Prosimiæ, auct.) 


On n'a pas encore trouvé de lémuriens fossiles. M. Lartet 
avait cru pouvoir rapporter à cette famille l'extrémité d’une mà- 
choire trouvée à Sansan avec le singe dont j'ai parlé ci-dessus; 
mais M. de Blainville a montré que ce rapprochement est erroné("). 


(1) Annales des sciences naturelles, 2° série, t. VII, p. 244. 


CHÉIROPTÈRES EN GÉNÉRAL. 163 


3° ORDRE. 


CHÉIROPTÈRES. 


On a trouvé, en général, peu d’ossements fossiles 
de chéiroptères. Il est probable qu’il en faut chercher 
la cause moins dans la rareté de ces animaux aux épo- 
ques qui ont précédé la nôtre, que dans leur petite 
taille, qui Les a fait souvent négliger. Leur vie aérienne 
y a peut-être aussi contribué, en leur permettant 
d'éviter les inondations qui ont fait périr les animaux 
terrestres et qui en ont entraîné les débris. Quelques 
paléontologistes ont, en outre, remarqué que leurs osse- 
ments sont plus promptement décomposés que ceux de 
la plupart des autres mammifères. 

On connaît cependant des faits certains qui démon- 
trent que les chéiroptères ont apparu à la surface 
du globe dès le commencement de l’époque tertiaire, 
etqu'ils y ont vécu sans interruption jusqu’à nos jours. 
On en a trouvé des ossements dans les gypses de Mont- 
martre et dans l'argile de Londres, ainsi que dans quel- 
ques terrains tertiaires plus récents. Les dépôts dilu- 
viens d'Europe en ont conservé des fragments plus 
nombreux, et l’on en a signalé aussi dans les terrains 
récents du Brésil. 

Les débris des chéiroptères sont, en général, faciles 
à reconnaître, parce que la forme de presque tous les 
os est influencée par le fait que l’animal vole. Le trone, 
devant offrir une base solide et une forte attache aux 
muscles de l'aile, a des caractères spéciaux dans la lar- 
geur de ses côtes, la forme de son sternum muni d’une 
petite crête, etc. Les os de l’épaule sont très déve- 
loppés, et ceux du bras fort longs; tandis qu’au con- 


16% MAMMIFÈRES. —— CHÉIROPTÈRES. 


traire les jambes sont petites et dirigées en arrière, ce 
qui donne au bassin une forme très spéciale. La tête 
elle-même est remarquable et présente des caractères 
intermédiaires entre les quadrumanes et les carnassiers. 
La capacité crânienne est grande, les yeux obliques, le 
museau médiocre; les dents sont presque contiguës, 
les canines fortes, les incisives variables en nombre, 
mais fréquemment au-dessous de six. 

La détermination des genres est plus difficile, car 
on ne peut pas en général se servir des caractères qui 
sont le plus employés pour les chéiroptères vivants, 
tels que le nombre des phalanges ossifiées au grand 
doigt, la forme des feuilles nasales et celle des appen- 
dices cutanés de la tête. Ces feuilles et appendices se 
lient, il est vrai, quelquefois avec des modifications 
des os, mais seulement dans des cas rares et souvent 
d’une manière peu précise. On est obligé d’avoir pres- 
que uniquement recours à la forme du crâne et à la den- 
tition, qui elle-même est très variable, car certaines 
dents tombent avec l’âge. Au reste, on n’a trouvé jus- 
qu’à présent que des espèces qui se sont rangées dans 
les genres actuels, et qui n'ont pas en conséquence sou- 
levé de questions délicates sur la place qu'elles doivent 
occuper. 

On divise les chéiroptères en deux familles (f). La 
première, celle des : 


CHAUVES-SOURIS FRUGIVORES, où ROUSSETTES (?{eropus, Briss.), 


est caractérisée par des molaires plates, qui nécessitent une nour- 


(!) Je ne parle pas ici des GALÉOPITHÈQUES (Dermaptera), qui n'ont qu'une 
partie des caractères des vrais chéiroptères et qui doivent peut-être être 
réunis aux lémuriens. On n’en connaît point de fossiles. 


CHAUVES-SOURIS INSECTIVORES. 165 


riture végétale. On n'en a point encore trouvé de fossiles (1. 
La seconde , celle des 


CHAUVES-SOURIS INSECTIVORES , 


a des molaires hérissées de tubercules coniques ; aussi les espèces 
qui la composent se nourrissent-elles toutes d'insectes. 

Leur distribution géographique a été la même que de nos jours, 
soit pendant l’époque tertiaire, soit pendant l’époque diluvienne. 
On trouve fossiles, en Amérique et en Europe, les mêmes genres 
qui caractérisent aujourd hui la faune de ces deux continents. 


Les MoLosses (Dysopes, Illiger ; Disopes, H. de Meyer) 


sont représentés par une espèce indiquée par M. Lund (2) dans 
les mêmes terrains diluviens d'Amérique dont nous avons déjà 
parlé. 


Les PayLLostomes (Phyllostoma, Cuv. et Geoffr.), 


si nombreux aujourd’hui au Brésil, paraissent aussi y avoir été 
abondants pendant l’époque diluvienne. 

M. Lund (°) en cite cinq espèces, dont une est voisine du vam- 
pire (?. spectrum), et dont deux diffèrent beaucoup des espèces 
actuelles. 


Les RuiNoLopnes (/hinolophus, Cuv. et Gcoffr.) 


se distinguent facilement par le renflement bulleux de leurs os 
du nez. 


M. Schmerling ({) a trouvé dans les cavernes de Liége des ossements d’une 
espèce qui ne paraît pas différer du grand fer-à-cheval (R. ferrum equi- 
num, L.). 

M. Owen (5) considère aussi comme devant être rapportés à cette espèce 
une mâchoire inférieure et quelques autres fragments trouvés dans les ca- 
vernes d'Angleterre. 


(1) Les prétendus ossements de roussettes trouvés à Solenhofen, dans le 
calcaire lithographique, sont des fragments de PTÉRODACTYLES. 

(2) Ann. des sc. nat. 2° série, t. XIII, p. 313. 

(3) Ann. des sc. nat. 2° série, t. XII, p. 208, et t. XIII, p. 313. 

(#) Ossem. foss. des cavernes de Liége, t, X, p.71, pl. 5, fig.1, À, B, et fig. 8. 
(5) Brit. foss. mammals, p. 15. 


166 MAMMIFÈRES. —— CHÉIROPTÈRES. 


Les VESPERTILIONS (Vespertilio, Lin.), — Atlas, pl. I, fig. 3, 


caractérisés à l’état vivant par l'absence de feuilles et par leur 
queue engagée dans la membrane, se distinguent aussi par leurs 
incisives au nombre de =} paires, les inférieures ayant le tran- 
chant un peu dentelé et les supérieures moyennes étant écartées. 
Les molaires, munies de tubercules pointus , sont variables sui- 
vant les espèces. 

Les Vespertilions paraissent beaucoup plus nombreux à l’état 
fossile que tous les autres genres de cette famille. On en trouve 
dans presque tous les terrains tertiaires et dans les terrains dilu- 
viens. 


L'espèce la plus ancienne est le Vespertilio parisiensis (1), trouvé dans les 
gypses de Montmartre (parisien supérieur), et indiqué par Cuvier dans son 
Discours sur les révolutions du globe. Cette espèce a la dentition de la séro- 
tine, mais elle en diffère par les proportions de l’avant-bras (2). 

Dans les terrains tertiaires moyens, on cite deux espèces trouvées à San- 
san (Gers) par M. Lartet (3). Ces chauves-souris, encore imparfaitement con- 
nues, ont été désignées par ce géologue sous les noms de Vespertilio noctu- 
loides et murinoides. 

Ce n’est que provisoirement que M. H. de Meyer (4) a rapporté au genre 
Vespertilio deux espèces de chauves-souris trouvées dans les schistes tertiaires 
(miocènes) de Weisenau. Elles paraissent différer des espèces vivantes par des 
caractères qui prendront probablement une importance générique quand ils 
seront plus complétement connus. Ce sont les Vespertilio præcox et insignis, 
H. de Meyer. 

Dans les tertiaires plus récents, une espèce d'OEningen a été signalée 
en 1805 par Karg (5), et rapportée, probablement à la légère, à la chauve- 
souris commune sous le nom de Vespertilio murinus fossilis. M. H. de 
Meyer (6) a cherché inutilement dans la collection de Lavater l’exemplaire 
décrit par Karg qui devait s’y trouver. Cette espèce reste fort douteuse, 
d'autant plus que la pièce originale étant assez altérée, la détermination de 
ce naturaliste ne peut inspirer aucune confiance. 


(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° éd., t. I, p. 384. 

(2) Voy. de Blainville, Ostéographie, Chéiroptères, p. 91; —Atlas, pl. 1. fig. 3. 

(8) Ann. des sc. nal., 2° série, t. VIL, p. 122, et Notice sur la colline de 
Sansan, 1851, p. 12. 

(4) Leonh. und Bronn, Neues Jahrbuch, 1845, p. 798. 

(5) Denkschr. der Vaterl. Ges. Schwabens, I. 

(6) Zür Fauna der Vorwelt, 1° livr., p. 3. 


CHAUVES-SOURIS INSECTIVORES. 167 


Les espèces des terrains diluviens se rapprochent beaucoup de 
celles qui vivent aujourd'hui. 


M. Hermann de Meyer a signalé deux espèces trouvées dans le diluvium de 
la vallée de la Lahn (1). Elles ne sont connues que par des humérus qui mon- 
trent une grande analogie avec le V. murinus, avec quelques différences 
dans la terminaison inférieure de l’os. La taille de ces espèces, fort rapprochées 
l’une de l’autre, était beaucoup plus petite que celle de la chauve-souris 
commune. 

Deux espèces ont été trouvées dans les brèches osseuses par Wagner (2). 
L'une est connue seulement par une demi-mâchoire ; elle fut d’abord rapportée 
par ce zoologiste au vampire (Phyllostoma hastatum), puis au Vespertilio dis- 
color, Natt., d'Europe. M. de Blainville (è) lui trouve des analogies avec les 
noctuloïdes. Elle a été découverte dans les brèches de Cagliari en Sardaigne, 

L'autre, trouvée dans une brèche des environs d'Antibes et connue aussi 
par une mâchoire inférieure, est plus petite et a été rapprochée de la pipis- 
trelle (VW. pipistrellus, Gm.). 

M. Gervais (#) cite les V. auritus, L., et murinus, L., comme trouvés dans 
la caverne de Bize (Aude). 

Les Vespertilions des cavernes de Belgique ont été étudiés par M. Schmer- 
ling (°). Cet habile paléontologiste n’a pu constater aucune différence appré- 
ciable entre les espèces enfouies et celles qui vivent actuellement. M. de 
Blainville (6) pense que ces ossements fossiles se rapportent principalement 
aux Vespertilio serotinus, Lin., et mystacinus, Leisler. 

M. Owen (7) cite le Vespertilio noctula, L., comme trouvé dans les cavernes 
d'Angleterre. 

Il y a encore plusieurs citations de diverses chauves-souris indéterminées, 
trouvées dans les cavernes d'Europe ($). 


Ce même genre se trouve fossile au Brésil. 


M. Lund (°) indique une espèce dans les cavernes de la province des 
Minas Geraës. 


Je termine ce qui tient aux Chéiroptères, en citant la découverte 
faitepar M. R. Owen (1°), dedeux molaires dansles terrains tertiaires 
éocènes de Kyson en Suffolk. 


(1) Leonh. und Bronn Neues Jahrbuch, 1846, p. 516. 

(2) Mém. de l’Acad. de Munich, 1832, p. 755, pl. 1, fig. 1. 

(3) Ostéographie, Chéiroptères, p. 95. 

(#) Zoologie et paléontologie françaises, p. 8 et 9. 

(5) Ossem. foss. des cavernes de Liége, p. 67. 

(6) Loc. cit., p. 97. 

(7) Brit. foss. mammals, p. 11. 

(8) Voy. en particulier Fischer, Bull. de Moscou, 1834, t VII, p. 186. 
(°) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XII, p. 313. 
(19) Brit. foss. mammals, p. 17. 


168 MAMMIFÈRES. —— INSECTIVORES. 


Ces dents, qui ont évidemment appartenu à un mammifere insectivore, 
présentent une partie des caractères de celles des chéiroptères, mais pas 
d’une manière assez claire pour rendre indubitable leur classement dans cet 
ordre (1). Leurs rapports génériques restent encore plus douteux. 


A° ORDRE. 
INSECTIVORES. 


Les insectivores ont les molaires hérissées de tuber- 
cules coniques , les canines petites ou moyennes, se 
confondant avec les prémolaires et manquant même 
quelquefois , et les incisives souvent déviées de leur 
forme normale. Leur museau se prolonge en trompe ou 
en bouton plus ou moins allonvé. 

Leur taille est en général petite ; leur membre anté- 
rieur est ordinairement disposé pour fouir, et assujetti 
par une clavicule; leur marche est plantigrade. Les apo: 
physes de leurs os sont plus faibles que dans les vrais 
carnassiers, aussi n’ont-ils ni autant de force , ni au- 
tant de souplesse qu'eux. Ces circonstances, jointes à 
leur marche lente , les forcent en général à chercher 
pour leur nourriture des insectes ou d’autres très petits 
animaux. 

Ils ont ordinairement été réunis aux carnassiers et con- 
sidérés seulement comme formant une famille dans cet 
ordre. Divers motifs forcent maintenant à les en sépa- 
rer. Le premier est leur placenta discoïde, semblable 
à celui des mammifères supérieurs et fort différent du 
placenta zonaire des carnassiers. 

Le second est tiré de la faiblesse de leurs membres, 
de leur petite taille et de la composition de leur sys- 
tème dentaire où les incisives dominent quelquefois les 
canines. Ces caractères forment un ensemble qui les lie 


(t) Voy. de Blainville, Ostéographie, Chéiroptères, p. 93. 


INSECTIVORES EN GÉNÉRAL. 169 
évidemment avec les rongeurs et qui en fait un type 
très naturel et réellement différent des carnassiers, chez 
lesquels la grandeur des canines et la petitesse des in- 
cisives sont toujours constantes, et dont le corps, même 
dans les petites espèces, est robuste, agile et souple. 
M. de Blainville a adopté la même séparation en deux 
ordres distincts. 

Les insectivores ont déjà apparu dans l’époque ter- 
taire; toutefois onn’aencore trouvé, dansles plus anciens 
terrains de cette période ("), aucun débris qu’on püt rap- 
porter à cette famille. C'est dans les dépôts de l’époque 
moyenne ou miocène que l’on a recueilli les premières 
traces de leur existence, et depuis quelques années le 
nombre des espèces connues a considérablement aug- 
menté. Les terrains diluviens en renferment aussi quel- 
ques fragments. On peut d’ailleurs penser que la peti- 
tesse des espèces et la fragilité de leurs os les ont fait sou- 
vent négliger, et l'on ne peut pas conclure avec certi- 
tude, de la rareté de ces ossements, que ces animaux 
aient été moins abondants pendant ces diverses époques 
qu'ils ne le sont de nos jours. 

J'adopte en partie pour cette famille la classification 
proposée par M. Pomel (?), mais en la simplifiant. Je la 
divise en quatre tribus qui me paraissent assez natu- 
relles. Elles se caractérisent principalement par la den- 
tition et par les formes du squelette, qui se lient avec la 
propriété de fouir, très inégalement développée chez ces 
animaux. 


(1) Le genre SPaLaconoN à été établi par M. Searles Wood (Brit. assoc., 
1844, à York; Ann. et mag. of nat. hist., t. XIV, p. 350) sur des fragments 
trouvés par M. Flower dans le terrain lacustre de Hordwell, qui est rapporté 
par les géologues anglais à l'époque éocène supérieure. Ce genre appartient, 
suivant M. Pomel (Bull. Soc. géol., 2° série, t. VE, p. 63), à la classe des di- 
delphes. 

(2) Bibliothèque universelle, 1848, Archives, t, IX, p. 244. 


170 MAMMIFÈRES. — INSECTIVORES. 


4re TriBu. — ECHINOIDIENS. 


Les animaux compris dans cette tribu sont marcheurs et se creu- 
sent rarement des terriers. Leurs caractères sont les suivants : 
Humérus sans apophyse pour le muscle grand pectoral, crête del- 
toïdienne antérieure peu marquée, épitrochlée peu saillante, 
olécrâne élargi d'avant en arrière, pubis en contact on soudés, 
molaires à pointes et collines très obtuses, la dernière très petite. 
Ces mammifères insectivores et végétivores ont les membres 
courts. Quelques uns sont couverts de piquants. 


Les Hérissons (£rinaceus, Lin.), — Atlas, pl. I, fig. 4 à 6, 


caractérisés par une tête médiocrement allongée, par des incisives 
anormales dont les supérieures sont distantes et par des piquants, 
ont été trouvés fossiles dans les terrains tertiaires et dans les 
terrains diluviens. 

Les espèces tertiaires sont les suivantes : 


L'Erinaceus arvernensis, Blainv. (!), a été trouvé dans un terrain d’eau 
douce d'Auvergne (miocène inférieur d'Auvergne), par M. l'abbé Croizet. Sa 
taille était à peu près les deux tiers de l’espèce actuelle, dont il se distingue 
en outre, autant qu’on en peut juger sur le peu qui en est connu, par 
une dernière prémolaire et par une vraie molaire plus simples que leurs 
correspondantes chez le hérisson, au moins dans le nombre de leurs racines. 
M. Aymard (2) en a fait le genre AuPaecinus. (Atlas, pl. [, fig. 5.) 

L'Erinaceus nanus, Aymard (3), n’atteignait que la moitié de la taille 
du hérisson actuel. M. Aymard (#) propose maintenant d’en former un 
genre nouveau sous le nom de Terracus. Il serait surtout caractérisé par sa 
dernière molaire inférieure à 4 pointes au lieu de 3 (terrain miocène du Puy). 
M, Aymard le considère comme ayant probablement vécu dans les marais. 

Les Erinaceus sansaniensis et dubius, Lartet (5), ont été trouvés à 
Sansan (miocène). 

L'Erinaceus priscus, H. de Meyer (f), a été découvert dans les tertiaires 
de Weisenau (miocène), et non encore décrit. On a trouvé, dans ce même 


(1) Ostéographie, Insectivores, p. 102. 

(2) Annales de la Société du Puy, 1849, t, XIV, p. 110. 

(8) Pomel, Bibl. univ. de Genève, 1848, Archives, t. IX, p. 164; Aymard, 
Essai monogr. sur un nouveau genre de mammifères foss. (ENTELODON), p. 19, 
et Ann. Soc. du Puy, 1848, t. XII, p. 244; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 11. 

(4) Annales de la Société du Puy, 1849, t. XIV, p. 110. 

(5) Notice sur la colline de Sansan, 1851. 

(6) Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1846, p. 474. 


ÉCHINOÏDIENS. -—— GALERIX. 171 


gisement, des maxillaires de différentes grandeurs, qui ne se rapportent peut- 
être pas tous à une espèce unique. 


L'Erinaceus soricinoides appartient au genre PLESIOSOREX. 


Dans les terrains diluviens on en a trouvé deux espèces : 


L'Erinaceus major, Fomel (1), des terrains diluviens d'Auvergne, est plus 


grand que le hérisson commun, dans le rapport de 4 : 3, et a des membres 
plus robustes. 


Le Hérisson des cavernes (E. fossilis, Schm. — Atlas, pl. I, fig. 6) paraît 


ne pas devoir être distingué de l'espèce actuelle. Il se trouve aussi dans 
d’autres dépôts diluviens (2). 


Les Tenrecs (Centetes, Illig. ; Centenes, Desm.) 


se distinguent des hérissons par une tête plus allongée et par des 
incisives normales placées entre de grandes canines. On les 
trouve exclusivement aujourd'hui à Madagascar. 

M. de Blainville (3) rapporte à ce genre une demi-mâchoire, trouvée dans 
les terrains tertiaires miocènes d'Auvergne, et lui donne le nom de Centetes 
antiquus; mais M. Pomel (f) la considère comme ayant appartenu à un di- 


delphe très voisin de la marmose. L'existence de ce genre à l’état fossile 
n’est donc pas encore démontrée. 


Les GaLerix, Pomel, — Atlas, pl. E, fig. 7, 


ne sont pas non plus suffisamment connus. MM. de Blainville 
et Gervais rapportent aux Viverra les fragments sur lesquels 
M. Pomel s’est fondé. Ce genre paraît caractérisé par une tête très 
longue, une face large, tronquée en avant, des incisives supé- 
rieures latérales , les premières étant très distantes, des canines 
normales, mais grêles, et des fausses molaires à peu près sembla- 
bles à celles des viverrins. Ces animaux n’ont été trouvés que dans 
les terrains tertiaires. Leur formule dentaire est : 


Inc. $; can. 4; mol. 1, dont ++++. 


Le Galerix viverroides, Pomel (6), caractérisé par une mandibule très grêle, 
a été trouvé à Sansan (miocène). (Atlas, pl. I, fig. 7.) 


(1) Bibl. univ. de Genève, 1848, Archives, t, IX, p. 164. 

(2) Voy. Schmerling, Oss. foss., p. 76, pl. 5, fig. 12; Keferstein, Naturg., 
t. II, p. 208; Brandt, Act. Pet., déc. 1834 ; Muller's Archiv, 1835, p. 548. 

(3) Ostéographie, Insectivores, p. 106. 

(4) Bibl. univ. de Genève, 1848, Archives, t. IX, p. 164. 

(5) Bibl. univ. de Genève, 1848, Archives, t. IX, p. 164, 

(6) Bibl. univ., 1848, Archives, t. IX, p. 164 (Viverra exilis, Blainv.). 


TR 


172 MAMMIFÈRES. — INSECTIVORES. 


Le Galerix magnus, Pomel (id.), était aussi grand que le hérisson d’Eu- 
rope. Il est possible que cette espèce n'ait eu que trois faussés molaires. 
M. Pomel l'indique des terrains tertiaires sans désignation précise. 


Les ECHINOGALES ( Zchinogale, Pomel ), 


qui forment aussi un genre établi par M. Pomel (1), n'ont 
probablement que ? incisives, et leur canine mérite à peine ce 
nom. Leur dentition, du reste, est assez semblable à celle du 
genre précédent. 


L’Echinogale Laurillardi, Pomel, la seule espèce connue, a été trouvée 
dans les terrains tertiaires de la Limagne (miocène d'Auvergne). 


2e TriBu. — GLISORICIENS. 


Les glisoriciens ont une partie des caractères ostéologiques 
que j'ai indiqués pour les échinoïdiens, ce qui se lie au fait que 
comme eux ils ne sont pas fouisseurs; mais leurs membres sont 
plus grêles et plus longs, ce qui leur permet de grimper et de 
sauter, et leur dernière molaire supérieure est moins petite. 


Les MACROSCÉLIDES n’ont pas été trouvés fossiles. 


Les CLADOBATES ( C/adobates, F. Cu.) 


(Tupaia, Rafles; Sorexglis, Diard.; Glisorex, Desm.; Aylogale, 
Temm.) 
sont caractérisés par leurs ongles crochus et leurs dents qui rap- 


pellent celles des hérissons, si ce n’est que les incisives supérieures 
sont plus courtes, et que la dernière molaire manque. 


Suivant M. Lartet (2), des dents molaires trouvées à Sansan ressemblent 
à celles des cladobates plus qu’à celles de tous les autres insectivores (Gli- 
sorex ? ? sansaniensis). Ce rapprochement est encore très douteux. 


Les Oxycomrmus, H. de Meyer, 


forment un genre dont les caractères ne sont pas encore com- 
plétement connus et décrits. M. H. de Meyer (3) le rapproche du 


(1) Biblioth. univ. de Genève, 1848, Archives, t. IX, p. 163. 
(?) Notice sur la colline de Sansan, p. 14. 
(3) Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1846, p. 474; Giebel, p. 32. 


SORICIENS. — MUSARAIGNES, 173 


cladobate de Java’, actuellement vivant,'et dit qu'il s'en distingue 
par le développement d’un des tubercules de la couronne de la 
dernière molaire inférieure. 


Ce paléontologiste en cite deux espèces des terrains tertiaires miocènes de 
Weisenau, les Oxygomphius frequens (1), et leptognathus, H. de Meyer (2), qui 
diffèrent l’une de l’autre par la force de leur mâchoire inférieure. 


3° TriBu. —-- SORICIENS. 


Les soriciens diffèrent des tribus précédentes, parce qu'ils 
présentent, mais à un moindre degré que les talpiens, les 
caractères des animaux fouisseurs. L'humérus, quoique encore 
grêle, a une apophyse saillante qui recoit le muscle grand pec- 
toral , la crête deltoïdienne est bien marquée, l’épitrochlée est 
saillante et percée d’un trou, l’olécràne est dilaté en forme de fer 
de hache, les deux branches du bassin sont séparées. Les mem- 
bres antérieurs sont encore propres à la locomotion sur le sol et 
ne sont pas élargis en mains. Les molaires ont leurs pointes et 
collines très aiguës. Il y a toujours à chaque mâchoire deux fortes 
incisives , dans lesquelles on ne peut pas méconnaître une tran- 
sition aux rongeurs. 


Les MusaRAIGNES (Sorex, Lin.), — Atlas, pl. I, fig. 8 et 9, 


forment le type de cette tribu, et c'est chez elles que cette dispo- 
sition des incisives est la plus marquée ; les dents sont couchées 
dans le sens de la mâchoire. La mâchoire supérieure présente 
des petites prémolaires en nombre variable et ordinairement 
quatre vraies ; l'inférieure en a deux petites et trois grandes. 

On en a trouvé quelques espèces dans les terrains tertiaires. 


M. l'abbé Croizet rapporte à ce genre une mâchoire inférieure trouvée 
dans les terrains tertiaires miocènes d'Auvergne. M. de Blainville (3) pense 
que l’on ne peut pas la distinguer de la musaraigne commune (S. Araneus). 
M. Pomel ({) n’admet pas cette assimilation; il attribue cette mâchoire au 
genre MYSARACHNE. 


(1) Loc. cit. 

(2) Leonh. und Bronn Neues Jahrbuch, 1846, p. 599. 
(3) Ostéograyhie, Insectivores, p. 100. 

(#) Bibl. univ, 1848, Arch., t. IX, p. 161. 


174 MAMMIFÈRES. — INSECTIVORES. 


Le Sorex brachygnathus, Pomel (1), a été découvert dans les mêmes gise- 
ments. Il est de la taille du $S. flavescens, et se distingue par la brièveté et 
la force de l’os mandibulaire. La base de la couronne de l’incisive s'étend 
jusque sous la première molaire. 

Ce même paléontologiste (2) cite une autre espèce des mêmes terrains qui 
est très petite et qui a des membres très grêles. 

M. H. de Meyer (3) indique aussi, sans la décrire, une espèce des ter- 
tiaires miocènes de Weisenau (Sorex pusillus). Elle est de très petite taille, 
et probablement un des plus petits mammifères connus. 

M. Lartet (4) indique les Sorex sansaniensis, Prevostianus et Desnoyer- 
sianus de Sansan (miocène). 


On trouve dans les cavernes, dans les brèches osseuses et dans 
quelques dépôts arénacés de l’époque diluvienne, des ossements 
de musaraignes, dans lesquels on reconnaît tous les caractères 
des espèces actuelles. 


La musaraigne des brèches osseuses de Sardaigne, suivant G. Cuvier (5), 
ne diffère pas du S. fodiens. Toutefois, M. Wagner (6) estime. que ce gise- 
ment renferme les ossements de deux espèces. 

M. Schmerling, qui a trouvé des débris de ce genre dans les cavernes des en- 
virons de Liége, les rapporte aux S. araneus et tetragonurus, Herm. (7). (Atlas, 
pl. I, fig. 9.) 

M. Desnoyers (5) a trouvé, dans les cavernes et les brèches des environs de 
Paris, deux espèces qui ne lui paraissent pas différer des S. tetragonurus, 
Herm., et fodiens, Pall. 

M. Owen (?) en indique aussi quelques fragments de la caverne de Kent, 
qui paraissent se rapporter au S. araneus, et d’autres des formations lacus- 
tres de Norfolk, qui ne peuvent pas être déterminés avec une parfaite préci- 
sion, mais qui semblent appartenir au Soreæ fodiens, Pall. 


Les MYSsARACHNE, Pomel, 


diffèrent des sorex par leurs incisives inférieures qui ne sont plus 
couchées dans le sens de la mâchoire, mais bien relevées comme 


(t) Bibl. univ., 1848, Arch., t. IX, p. 163. 

(2) Bibl. univ., 1848, Arch., t. IX, p. 161. 

(8) Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1846, p. 473. 

() Notice sur la colline de Sansan, p. 13. 

(5) Recherches sur les ossements fossiles, 4° édit., t. VI, p. 410. 

(6) Mémoires de l'Acad. de Munich, 1. X. 

(?) Recherches sur les ossements fossiles des cavernes de Licge, p. 77. 
(6) Compt. rend. de l'Acad. des sc., 1842, 1° sem., p. 525. 

(®) Brit. fossil mammals, p. 28. 


SORICIENS. —— DESMANS. 175 


des canines. Ils ont cinq prémolaires inférieures et des molaires à 
fût très court, comme les sorex (”). 


On n’en connaît qu'une seule espèce des tertiaires miocènes d'Auvergne, 
réunie, par M. de Blanville, au Soreæ araneus, et désignée, par M. Pomel, 
sous le nom de Mysarachne Picteti. 


Les PLEsiosorex, Pomel, — Atlas, pl. I, fig. 10, 


ont des incisives dirigées comme celles des mysarachne, les mo- 
laires plus soulevées et six prémolaires inférieures. Ces insecti- 
vores paraissent se rapprocher du genre vivant des UROTRICHUS (?). 


La seule espèce connue est le Plesiosorexæ soricinoides (Ples. talpoides, 
Pomel; Erinaceus soricinoides, Blainville) des tertiaires miocènes d’Auver- 
gne. (Atlas, pl. I, fig. 10.) 


Les DEsmans ( WMygale, Lin.) 


se distinguent facilement des musaraignes par leur museau 
allongé et par leurs mains plus larges et plus robustes. Leurs 
incisives inférieures sont relevées, une petite accompagne la 
grande. Ils ont onze dents de chaque côté de chaque mâchoire. 


M. Lartet a trouvé à Sansan une partie de l’humérus d’un de ces ani- 
maux. Cet os montre l’existence d’une espèce très voisine du desman des 
Pyrénées; il est un peu plus robuste que les os analogues de l’espèce vivante. 
et malgré cela l’apophyse d’insertion du muscle pectoral est un peu moins 
prononcée. C’est le Mygale antiqua, Pomel (3) (Myg. sansaniensis, Lar- 
tet). M. de Blainville ne le sépare pas du M. pyrenaica. M. Lartet cite 
encore dans sa notice le M. minuta, Lart., de Sansan (miocène). 

Le Mygale nayadum, Pomel (#) [M. arvernensis, Pomel (5)] est plus petit. 
L’humérus est comprimé d’avant en arrière, et la crête deltoïdienne tout à 
fait marginale interne. L'angle de la mâchoire est très développé et l’apo- 
physe coronoïde très courhbée. Il appartient aux terrains tertiaires miocènes 
d'Auvergne. 


(t) Bibl. univ. de Genève, 1848, Arch., t. IX, p. 162. 
(2) Bibl. univ., 1848, Arch., t. IX, p. 162. 

(8) Bibl. univ., 1848, Arch., t. IX, p. 161. 

(4) Bibl. univ. 1848, Arch., t. IX, p. 162. 

(5) Bull. Soc. géol. 18424, 2° série, t. I, p. 593. 


176 MAMMIFÈRES. — INSECTIVORES. 


he TriBu. — TALPIENS. 


Les talpiens présentent au plus haut degré les caractères qui 
distinguent les fouisseurs. Leurs membres antérieurs, impropres 
à la locomotion sur le sol , sont terminés par une main très large 
armée d'ongles robustes. L’humérus, presque carré, muni d’apo- 
physes énormes, l'omoplate allongée, la clavicule cuboïdale, 
l'olécrane du cubitus très développé, forment pour le membre 
antérieur un ensemble des plus caractéristiques. Le membre pos- 
térieur est, au contraire, relativement atrophié et les deux bran- 
ches du bassin sont séparées. Les molaires sont très aiguës, les 
arcades orbitaires sont presque nulles, car les yeux sont très 
petits et quelquefois même cachés par la peau. 


Les Taupes (Zalpa, Lin.), — Atlas, pl. I, fig. 11, 


ont une ostéologie si spéciale, et la plupart de leurs os sont si 
clairement caractérisés, que leur présence a fréquemment ph être 
constatée d’une manière certaine. 

Leur formule dentaire est : 


3 . A. 7 4 1 de AA 
Inc. 3; can. +; mol. T, dont i +1+ 5 —!X. 
On en connaît quelques espèces des terrains tertiaires. 


La Talpa minuta, Blainville (1), n’est connue que par un seul humérus, 
moitié plus petit que celui de la taupe commune et un peu moins large à 
proportion. Cet os a été trouvé à Sansan (miocène). 

La Talpa brachychir, M. de Meyer (?), a été découverte dans les tertiaires 
miocènes de Weisenau. On trouve dans ce gisement des mâchoires un peu 
plus petites que celles de la T. vulgaris, et des os du bras qui sont moitié 
plus petits que ceux de cette espèce vivante. Ces os paraissent pourtant 
appartenir aux mêmes individus que les mâchoires, et indiqueraient ainsi 
dans l’espèce fossile des proportions très différentes. 

La Talpa antiqua, Blainville (T. condyluroides et acutidentata (3), appar- 
tient au genre GEoTrYrus indiqué plus bas, Elle a été aussi trouvée dans les 
terrains miocènes de Sansan. 


(!) Ostéographie, Insectivores, p. 97. 
(2) Leonh. und Bronn Neues Jahrb. 1846, p. 473. 
(3) Ostéographie, Insectivores, p. 97, 


TALPIENS. — DIMYLUS.  Lr dr 


Les mêmes dépôts ont fourni une mandibule et des humérus que M. de 
Blainville dit ne pas pouvoir distinguer de ceux de la taupe commune. Il les 
signale toutefois comme un peu plus forts : c’est la T. sansaniensis, Lart. 
M. Pomel considère ces débris comme devant former un genre nouveau, 
celui des HyPoryssus, que nous indiquerons ci-dessous. 


Le terrain diluvien renferme aussi des ossements de taupes. 


Les cavernes de France et de Belgique en ont conservé que l’on ne peut 
pas distinguer de la T. europæa par des caractères suffisants (1). Toutefois 
M. Pomel (?), considérant que les pièces étudiées sont identiques dans les 
espèces vivantes connues (T. ewropæa, Lin., et T. cæca, Sav.), et que quei- 
ques uns des fossiles sont plus gros, en infère qu’il est tout aussi probable 
que les taupes diluviennes doivent former une espèce nouvelle. Il la nomme 
Talpa fossilis. L’os falciforme de la main est en outre un peu différent, 

J'ai étudié moi-même des ossements de taupes recucillis dans les graviers 
superficiels des environs de Genève (3), et malgré les recherches les plus mi- 
nutieuses, je n’ai trouvé aucune différence d’avyec la taupe actuelle. 


Les Dimyzus, H. de Meyer, 


ne sont connus que par des mâchoires inférieures très voisines de 
celles des taupes. M. de Meyer (f) caractérise ce genre : 4° parce 
que le côté externe de la mâchoire ne présente qu'un grand 
trou au lieu de deux petits pour le passage des nerfs et des vais- 
seaux des lèvres; 2 parce qu'il n'y à que deux vraies molaires 
au lieu de trois. 

M. Pomel (°) conteste l'existence de ce genre, attribue l’état de 
la dentition à un accident, et rapporte l'espèce à la Zalpa brachy- 
chir; mais une nouvelle mâchoire, trouvée par M. H. de Meyer, 
a confirmé la réalité des caractères qu'il avait indiqués (5). 


La seule espèce connue est le Dimylus paradoæus, H. de Meyer, des ter- 
tiaires de Weisenau (miocène). 


(f) Voy.Schmerling, Ossem. foss. des cav. de Liége, p.80 ; Desnoyers, Comptes 
rendus de l'Acad. des sc., 1842, 1°" sem., p. 522; Owen, British foss. mammals, 
p.19; Hébert, Ossem. foss. de l'Oise (Bull. Soc. géol., 2° série, t. VI, p. 605). 

(2) Bibl. univ., 1848, Archiv., t. IX, p. 160. 


) 
() 
(5) Bibl. univ., 1848, Arch., t. IX, p. 161. 
(6) Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1849, p. 549. 


I. 12 


178 MAMMIFÈRES. -— INSECTIVORES, 


Les Pazæosparax, Owen (!), — Atlas, pl. I, fig. 13, 


sont aussi très voisins des taupes dont ils différent par des fausses 
molaires moins aiguës et par un petit tubercule à la base du 
sillon externe des vraies molaires. 


La seule espèce connue atteignait la taille du hérisson. Elle à été trouvée, 
par M. Green, dans les formations lacustres d’Ostend (Norfolk, terrain 
diluvien}, et nominée Palæospalaæ magnus par M. Owen. 


Les G£orrypus, Pomel, — Atlas, pl. L, fig. 14, 


ont la formule dentaire des taupes, sauf peut-être les incisives de 
la mâchoire inférieure ; mais leurs prémolaires sont coniques et 
très aiguës, ainsi que leurs dents caniniformes. L’humérus, au 
contraire, ressemble à celui des condylures (?). On en connaît 
deux espèces des terrains tertiaires. 


Le G. acutidens, Pomel (\, est un peu plus petit que la taupe ordinaire. 
Les fausses molaires inférieures sont très saillantes, et les échancrures du 
bord interne de l’humérus sont inégales. M. Pomel n’en indique pas l'origine. 

Le G. antiquus (*), Talpa antiqua, Blainville (5), Taupe voisine du con- 
dylure, Croizet, est de la taille de la taupe. Si, comme le pense M. Pomel, 
on doit lui réunir la Talpa acutidentata, Blainville (6), cette espèce serait 
caractérisée par ses fausses molaires inférieures peu saillantes et par les échan- 
crures du bord interne de l’humérus qui sont presque égales. Les fragments 
sur lesquels elle a été établie proviennent des terrains tertiaires (miocènes) 
d'Auvergne. (Atlas, pl. [, fig. 14.) 


Les GALEOSPALAX, Pomel, 


paraissent intermédiaires entre les taupes et les desmans; on 
n’en connaît qu'un humérus, qui est allongé comme dans ce der- 
nier genre, avec le profil et l'articulation de celui des taupes (7). 


La seule espèce connue (G. mygaloides, Pom.) était un peu plus petite que 
le desman des Pyrénées. On l’a trouvée dans les terrains tertiaires. (M, Po- 
mel n’indique pas l'étage.) 


(1) Odontography, p. 417, et British foss. mammals, p. 25. 
(2) Bibl, univ., 1848, Archiv., t. IX, p. 159. 

(3) Bibl. univ., 1848, Archiv., t. IX, p. 160. 

(4) Bibl. univ., 1848, Archiv., t. IX, p. 160. 

(5) Ostéographie, Insectivores, p. 96 et 97. 

(6) Ostéogr., Insect., p. 96, pl. 2. 

47) Bibl, univ., 1848, Archiv., t. IX, p.161. 


CARNASSIERS EN GÉNÉRAL. 175 


Les Hyporyssus, Pomel, — Atlas, pl. 1, fig. 12, 

ont les prémolaires des geotrypus; mais la caniniforme n'est pas 
plus forte que la deuxième prémolaire. Les incisives sont au 
nombre de &: l’externe est presque caniniforme, les internes sont 
petites eten palettes. Les os du bras rappellent ceux des scalops (f). 

On n’en connaît qu'une espèce de la taille du Geotrypus acutidens ; c'est 
le Hyporyssus telluris, Pomel, des terrains tertiaires (miocènes) de Sansan. 
M. Pomel pense que l’on peut, peut-être, lui rapporter, ainsi que je l'ai dit 


plus haut, les ossements trouvés darts le même gisement, et attribués par 
M. de Blainville à la Talpa europæa (Talpa sansaniensis, Lartet). 


Nous nous bornons à indiquer à la fin de cette tribu le genre 
ANoMoDoN, établi par M. Leconte (?) sur une seule dent de la 
maächoire supérieure qui rappelle son homologue dans les scalops 


La seule espèce, À. Snyderi, a été trouvée dans un terrain probablement 
diluvien de PIflinois. 


5° ORDRE. 
:ARNASSIERS. 


Les mammifères carnassiers ne paraissent pas avoir 
été très abondants à l'origine de l’époque tertiaire. Les 
nombreuses populations de paléothériums, d'anoplothé- 
riums, elc., dont nous aurons à nous occuper plus tard, 
étaient moins inquiétées par les grands animaux des- 
tructeurs, que ne l'ont été les races qui leur ont suc- 
cédé. On ne trouve en général, dans Îles terrains ter- 
tiaires les plus anciens, qu'un petit nombre de frag- 
ments qui aient appartenu à des carnassiers, et encore 
ces débris n’indiquent le plus souvent que des animaux 
d’une taille médiocre, comparée même à celle de quél- 


(!) Bibl. univ., 1848, Archiv., t. IX, p. 161. 
(2) Sillim. journ., 1848, t. V, p. 106, fig. 3, 


180 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


ques espèces qui vivent de nos jours. On dirait qu’au 
moment où les mammifères ont pris pour la première 
fois possession de nos continents, la sagesse suprême 
a voulu qu'ils pussent se développer en libertéet former 
des troupeaux nombreux. 

Dans l’époque tertiaire moyenne, on voit le nombre 
et la taille des carnassiers augmenter peu à peu; mais 
ces animaux conservent encore en général des formes 
lourdes et un régime moins exclusivement carnivore 
que les grands carnassiers actuels. 

Les ossements que l’on trouve dans les terrains de 
cette époque révèlent l'existence de quelques types 
fort différents par leurs formes de ceux qui existent 
aujourd’hui, et offrent souvent des transitions remar- 
quables entre les tribus et les genres qui composent la 
faune moderne. 

Vers la fin de cette même période tertiaire, les 
genres qui, de nos jours, sont les plus redoutables, 
commencent à paraitre; quelques autres acquièrent 
plus d'importance et de développement. C’est proba- 
blement de cette époque que date le genre des chats, 
dont les grandes espèces, telles que le lion et le tigre, 
peuvent être considérées comme le type le plus par- 
fait d’un animal carnassier ; car, souples et forts, et 
munis d'ongles acérés, ces mammifères sont armés 
de dents tranchantes et robustes, portées par une mà- 
choire dont la puissance dépasse toutes celles de la 
même famille. 

Mais c'est surtout dans l’époque diluvienne que les 
carnassiers ont pris un excessif développement, et 
ont dû singulièrement limiter l'extension des races 
herbivores. L'Europe, qui, de nos jours, ne compte 
qu'un petit nombre de grands animaux de proie, et 


CARNASSIERS EN GÉNÉRAL. 181 


dont le loup et l'ours sont les plus redoutables, depuis 
que la civilisation a chassé le lion des contrées méri- 
dionales qu'il a une fois.habitées, était alors livrée aux 
déprédations de deux ou trois espèces d'hyènes, de 
nombreux ours bien plus forts et plus grands que Îles 
nôtres, de loups, et d'au moins cinq espèces de chats, 
dont une plus grande que le lion, et une autre au moins 
aussi redoutable que le grand tigre du Bengale , sans 


parler de nombreuses espèces plus petites et moins dan- 
gereuses. 


Les ossements et les dents des carnassiers sont en gé- 
néral susceptibles d'être clairement caractérisés. La 
dentilion présente des caractères si spéciaux (‘), que 


(1, Les zoologistes ont l'habitude, pour représenter d'une manière claire 
la dentition des mammifères, et particulièrement celle des carnassiers, d'em- 
ployer ce qu'on a appelé des formules dentaires. Je suivrai ici la méthode 
adoptée par M. de Blainville, qui consiste à indiquer seulement les dents 
d'un côté. Ce procédé est plus rationnel que celui qui a été admis par beau- 
coup de naturalistes, et par lequel on fait entrer dans la formule toutes les 
incisives et seulement les canines et molaires d'un seul côté, Ainsi, un ani- 
mal qui, comme le chien, a 3 paires d’incisives en haut et en bas, une 
canine de chaque côté de chaque mâchoire, 6 molaires de chaque côté à la 
mâchoire supérieure et 7 à l’inférieure, aura pour formule dentaire : 


Inc. =; can. :; mol. <. 


On doit aussi distinguer iles diverses sortes de molaires. On trouve dans 
tous les carnassiers, de chaque côté de chaque mâchoire, une dent en quel- 
que sorte principale qu’on a nommée la carnassière. Cette dent est ordinaire- 
ment tranchante et munie d’un talon plus ou moins prononcé. Elle est la 
plus grande dans les carnivores proprement dits, et perd de son importance 
dans les omnivores. La carnassière est précédée par des dents également tran- 
chantes, mais plus petites et décroissant d’arrière en avant; on les nomme 
fausses molaires ou prémolaires. Elle est suivie par des dents tuberculeuses 
arrondies ou carrées que l’on nomme molaires tuberculeuses ou arrière-mo- 
laires. Ces diverses sortes de dents doivent être séparées dans une seconde 
partie de la formule dentaire. Ainsi, dans l'exemple que nous avons choisi, 
où il y a * prémolaires et + tuberculeuses, la formule devra être écrite comme 
il suit : 

3 


Inc. ?, can. ?, mol. £; dont =: + 5 + =; tot. =. 


7 


182 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


l'examen d’un fragment de mâchoire, et quelquefois 
même d’une seule dent, peut suffire à une détermina- 
tion souvent passablement rigoureuse. Les canines 
grandes et coniques , les incisives petites, ordinaire- 
ment au nombre de 5 (six à chaque mâchoire), les 
molaires simples, tuberculeuses ou tranchantes, for- 
ment par leur ensemble des caractères que l'on ne peut 
pas méconnaître, et même, sauf dans quelques cas 
rares, chaque dent considérée individuellement ne 
peut être confondue avec aucune de celles des autres 
ordres. 

Les diverses pièces du squelette peuvent aussi ser- 
vir en général à reconnaître facilement les carnassiers. 
Tout y est disposé pour assurer à l'animal de la force 
et de la souplesse. Les vertèbres ont des apophyses 
longues et fortes, mais pas assez larges pour gêner le 
mouvement: l’atlas a des transverses énormes et l’axis 
est surmonté d’une grande crête qui remplace l’apo- 
physe épineuse ; les côtes sont arrondies. L'omoplate 
est large et a son épine forte, mais ne s'appuie que ra- 
rement sur une clavicule. Les os longs des membres 
ont leurs crêtes et parties saillantes bien prononcées ; 
les os de lavant-bras et de la jambe sont séparés et 
exigent une largeur dans les articulations qui distingue 
tout de suite les carnassiers des herbivores à membres 
légers; les doigts sont libres, les phalanges unguéales 
fortes et solidement unies; la dernière est comprimée 
et arquée. 

On divise les carnassiers en deux familles, celle des 
Carnivores, qui comprend les carnassiers terrestres, et 
celle des Amphibies, qui renferme les carnassiers aqua- 
tiques, ; 


URSIDES. 183 


Are Famizze. — CARNIVORES, 


Les carnivores, ou carnassiers terrestres, se divisent en six tribus 
caractérisées comme il suit : 

EL Les Unsipgs. Molaires tuberculeuses formant la partie la 
plus importante de la dentition; marche plantigrade, formes 
lourdes. 

Toutes les autres tribus ont la dent carnassière dominante. 
Leur marche est presque toujours digitigrade. 

IT. Les Canipes. + tubereuleuses, carnassière à talon petit; 
digitigrades, ongles non rétractiles. 

INT. Les Viverripes. ? tuberculeuses, carnassière à talon grand ; 
digitigrades ou subplantigrades , ongles souvent rétraetiles. 

IV. Les VerMirorMEs. — tuberculeuses, carnassière à talon 
petit, digitigrades, ongles non rétractiles. 

V. Les HyYÉnines. + tuberculeuse petite, carnassière supé- 
rieure à petit talon, 4 prémolaires; digitigrades, ongles non 
rétractiles. 

VI. Les Féuines. + tuberculeuse petite, carnassiére supé- 
rieure à petit talon, 5- prémolaires ; digitigrades, ongles rétrac- 
tiles, 


tre TaiBu. — URSIDES. 


Ces animaux se distinguent de tous les autres carnivores par le 
grand développement de leurs molaires tuberculeuses ou arrière- 
molaires, qui forment la partie la plus essentielle du régime den- 
taire et qui prédominent beaucoup sur la carnassière, réduite 
chez eux à ne jouer qu'un rôle tout à fait secondaire. Ces arrière 
molaires sont très grosses et ont de nombreux tubercules mousses ; 
aussi les ursides sont-ils souvent au moins aussi frugivores que 
carnivores. La carnassière est précédée par des petites prémolaires 
qui lui ressemblent et qui sont peu tranchantes. 

A ces caractères se joignent en général des formes plus lourdes. 
Les os des membres sont plus courts et plus larges que dans les 
vrais carnivores; en particulier, les os du pied, beaucoup moins 
allongés et moins solidement unis, déterminent chez ces animaux 
une démarche plantigrade et lente. 


184 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


Le genre principal de cette famille, celui des ours, nest pas 
très ancien à la surface de la terre; mais plusieurs autres types 
plus ou moins voisins des ours actuels ont vécu pendant les 
diverses phases de la période tertiaire, tellement que lon peut 
dire que les plantigrades ont été probablement les carnassiers les 
plus nombreux pendant cette époque. Ces animaux semblent 
avoir précédé dans nos continents ceux des divisions plus carni- 
vores, circonstance qui se lie avec le fait signalé plus haut, que 
les animaux carnassiers ont été peu abondants lors de la pre- 
mière création des mammifères. Les herbivores de cette époque 
ont d'autant mieux pu se développer en liberté, que ce petit 
nombre de carnassiers était composé des genres qui ont les formes 
les plus lourdes et les instincts les moins sanguinaires. Il faut 
remarquer en outre que les ursides des terrains tertiaires appar- 
tiennent, sauf de rares exceptions, à des genres dont la taille n'a 
pas égalé celle des ours actuels. 


Les Ours ( Ursus, Lin.), — Atlas, pl. IE, fig. 1-6, 


sont un des genres dont les os fossiles ont depuis longtemps attiré 
l'attention; mais leurs débris ont été d’abord connus sous les 
noms bizarres de licornes fossiles et d'os de dragons (f) avant 
qu'on ait découvert à quels animaux 1ls appartenaient réellement. 
Bruckmann (?), en 1732, parait être le premier qui y ait reconnu 
des ossements d'ours. Depuis lors on en à trouvé et décrit beau- 
coup. Esper, en 1774 (%), crut reconnaître dans les débris des 
cavernes de Franconie neuf espèces distinctes, qu'il hésita de 
rapporter au genre des ours, tout en reconnaissant la ressem- 
blance des dents. Plus tard il chercha à prouver que l'ours des 
cavernes était identique avec l'ours blanc. Camper, et surtout 
Rosenmüller (#), s'élevèrent contre cette assimilation; ce dernier 


(1) J. Paterson Hayn (Eph. nat. cur., déc. 1, 1672, ann. IT, p. 220) a 
donné de bonnes figures d’ossements d'ours, trouvés dans une caverne des 
monts Krapacks ; il les désigne sous le nom de dragons fossiles. Wolgnad, 
1673, dans le même recueil, décrit et figure sous le même nom des os 
trouvés en Transylvanie. 

(2) Descript. des cav. de Hongrie, coll. de Breslau, 1732, 1° trim., p. 628. 

(3) Descript. des zoolithes, ete. Nuremberg, 1774, in-folio. 

(#) Matér. pour l'hist. el la conn. des foss., Leipsig, 1795, 1°" cah.; Abhil- 
dungen und Besch. der fossiler Knocken der hoehlen Baeren, fol., Weymar, 1804. 


URSIDES. --- OURS. 185 


crut d'abord à l'existence de trois espèces distinctes et attribua 
plutôt au sexe et à l'âge les différences qu'il avait observées. 
Depuis lors, Blumenbach à reconnu l'existence de deux espèces. 
Toutes ces recherches ont préparé le travail de Cuvier, qui a 
réuni les matériaux, constaté l'existence de plusieurs especes et 
décrit en détail leurs caractères essentiels. 

Ce genre est principalement caractérisé par ses grosses molaires 
postérieures et par la petitesse relative des prémolaires. 

Sa formule dentaire (Atlas, pl. IF, fig. 5 et 6) est : 


8. h: A. 6 3 (il 2 
Inc. #-; can. £: mol. $-, dont + + ++ <-. 


Dans ces dernières années M. de Blainville a cherché à de- 
montrer que la plupart des ours fossiles peuvent être rapportés 
aux espèces qui vivent actuellement en Europe. Il pense en parti- 
culier que tous les ours des cavernes ne sont que des variétés 
d'une seule et même espèce, qui est la souche de l'ours brun. Ce 
savant anatomiste attribue à l'influence d'une vie libre et dans 
des circonstances plus favorables la taille gigantesque de l'ours 
des cavernes. Il croit que le sexe, la hardiesse du caractère et 
l'intensité de la respiration dans un air plus vif peuvent rendre 
compte des différences dans la forme du crâne, et en particulier 
expliquer ces grandes bosses frontales et ce développement des 
crêtes qui rendent si remarquables les crânes des ours des ca- 
vernes. Il pense que ces caractères se sont effacés de nos Jours, où 
les ours sont devenus faibles et plus pusillanimes , et croit d'ail- 
leurs que l'on s'est trop borné à étudier l'ostéologie des individus 
qui ont vécu en captivité et chez lesquels en conséquence la dégé- 
nérescence est encore plus marquée. 

Je professe en général le plus grand respect pour les opinions de 
M. de Blainville; mais l'étude des faits m'empêche d'adopter sans 
réserve sa manière de voir. Notre musée possède de très belles 
têtes de l'Ursus spelæus et plusieurs autres d'ours bruns de nos 
Alpes, tués à l'état sauvage. Leur comparaison (Atlas, pl. I, 
fig. 1 et À) indique des proportions tellement plus fortes dans 
le premier, et tant de différences entre les deux dans la forme de 
l'os frontal et des crêtes sagittale et occipitale, qu'il me paraît 
impossible d'admettre leur identité (1). Il me semble que ces deux 


(1) Je m'en réfère d’ailleurs ici à ce que j'ai dit dans la première partie 


186 MAMMIFÈRES. —- CARNASSIERS. 


espèces diffèrent bien plus que ne le font entre eux l'ours brun, 
l'ours terrible et l'ours noir d'Amérique, dont personne ne con- 
teste les différences spécifiques. Je crois done devoir ici, au moins 
jusqu'à plus ample informé (1), admettre l'existence, comme espèce 
distincte, de l'ours des cavernes. Je suis d'ailleurs tout à fait 
convaincu, comme M. de Blainville, que, parmi les autres espèces 
que l’on à cru reconnaître dans les mêmes localités, il en est 
plusieurs qui ont été établies très légèrement et qui ne doivent 
probablement pas être admises (2). 

Ainsi que je l'ai dit plus haut, les ours ont été surtout abon- 
dants pendant l’époque diluvienne, comme le prouvent principa- 
lement leurs ossements entassés dans les cavernes. IIS manquent 
totalement aux étages tertiaires anciens et moyens ($), et sont 
peu nombreux dans les tertiaires supérieurs. 


L'espèce la plus certaine de l’époque tertiaire est l’Ursus arvernensis, 
Croizet et Job. (f). Ses canines sont plus comprimées que dans les ours vi- 
vants. Son front est presque plat, et son museau plus étroit que dans toutes 
les autres espèces fossiles. I à été trouvé dans les terrains meubles pliocènes 
de la montagne de Perrier; sa taille était à peu près celle de l'ours brun, 
On doit lui réunir F'Ursus minimus, Devèze et Bouillet (5). 

Les ossements d'ours trouvés dans les sables pliocènes marins de Mont- 
pellier (6) appartiennent peut-être à une autre espèce (Ursus minutus, Gery.). 
M. Deluc avait déjà, en 1772, cité une demi-màchoire d'ours recueillie à 
Boutonnet. 


(p. 42) sur l'identité des espèces. Je ne puis admettre comme causes de yaria- 
tions que les causes actuelles, et pour moi deux espéces sont différentes, si 
elles se distinguent l'une de l'autre par des caractères que l'influence pro- 
longée des agents extérieurs n'amènerait pas de nos jours. 

(1) Ce plus ample informé sera, comme le dit M. de Blainville lui-même, 
une étude plus complète des variations dont le crâne de l’ours brun est sus- 
ceptible. Il importe qu'on puisse, pour Ja solution de cette question, mieux 
connaître quelles sont les différences qui résultent de l’âge, du sexe et de la 
captivité. 

(2) Voyez aussi sur ce sujet un mémoire du professeur Wagner, inséré 
dans les 4rchiv für Naturgeschichte, 1843, t. I, p. 24. 

(3) On trouvera, chez quelques auteurs, des indications d'ours plus an- 
ciens que les tertiaires supérieurs. Je n'en counais pas de certaines; il est 
en particulier peu probable que ce genre ait été trouvé à Sansan. 

(1) Rech. sur les ossem. foss. du puy de Dôme, p. 183. 

(5) Montagne de Boulade, p. 75, pl. 15, voy. Blainv., Ostéog.; Giebel, ete, 

(6) Gervais, Zool. et pal. fr.; p. 107, pl. 8. 


URSIDES. — OURS. 157 


L'Ursus cultridens, Cuvier (U. etruscus, Cuv.), appartient au genre MA- 
CHAIRODUS. 


Parmi les espèces de l’époque diluvienne, celles qui paraissent 
le mieux établies, sont les suivantes, 


L'Ursus spelæus, Blum., Ours des cavernes où Ours à front bombé, Cu- 

vier (1), est caractérisé parce que chaque os frontal forme une protubérance 
arrondie, en sorte que la ligne du profil, relevée sur la partie postérieure du 
front, tombe par une pente très inclinée sur Ja base du nez. Cet ours avait 
une taille au moins d’un quart en sus des plus grands ours bruns actuels, ce 
qui implique un volume à peu près double (2). Les formes et les proportions 
des dents, ainsi que quelques détails ostéologiques, confirment ces différences, 
Cuvier fait remarquer que les dents de cette espèce ne s’usaient qu’à un âge 
très avancé, ce qui pourrait prouver qu'elle a été plus carnassière que les 
espèces actuelles, Elle est caractérisée aussi par la chute constante et pré- 
coce des petites fausses molaires supérieures et inférieures, laissant une barre 
complète entre les vraies molaires et les canines. (Atlas, pl. I, fig. 1-3.) 
. On a trouvé l'Ursus spelœus dans Ja plupart des cavernes de France, 
d'Angleterre, d'Allemagne et de Belgique, ainsi que dans quelques brèches 
osseuses (3). Ses ossements sont même tellement abondants dans quelques 
unes de ces cavernes, que l’on estime à 800 le nombre d'individus auxquels 
ont appartenu les os qui ont été retirés d’une seule d’entre elles, celle de 
Gaylenreuth. 

Il est assez probable que l’on doit réunir à cette espèce l'Ursus arctoideus, 
Blum. (f), ou U, planus Oken, Ours à crâne moins bombé, trouvé dans les 
mêmes cayernes que le précédent. Cuvier l’a tantôt considéré comme distinct 
de l'Ursus spelœus ; tantôt il a cru qu’il devait lui être réuui et qu'il n’en 
était qu'une simple variété, caractérisée par une taille un peu moindre, un 


(1) Ossem, foss., 4° édit., t. VIT, p. 243 et 252, 

(2) Le Musée de Genève possède des têtes d'ours des cavernes de Mialet 
(Cévennes) qui dépassent un peu cette proportion, ainsi que les mesures 
généralement indiquées. 

(3) Voyez, sur cette espèce : Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VII, p. 243 
et252; Schmerling, Ossem. foss. des cavernes de Liége ; de Blainville, Ostéogr., 
Ours, p. 53; Wagner, loc. cit. ; Owen, British. foss. mamm., p. 86; Giebel, 
Fauna der Vorwelt, t. 1, p. 67; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 105; Juliet, 
Comptes rendus de l’Acad. des sce., sept. 1835; Hornes, Cavernes de Brünn 
(Wiener, Mitth. 1848, t. IV, p. 176); Giebel, Caverne de Sundwich (Leonh. 
und Bronn Neues Jahrb., 1849, p. 61). Cette mème espèce a été trouvée 
près d'Odessa (Nordmann, Ossem. foss. trouvés à Odessa, p. 4), dans le locss 
du Brisgau (Gegenbach, Verh. Basel nat. Gesellsch., 1838-1840, p. 81), ete. 

() Cuv., Ossem. foss., 4° édit., €. VIL, p. 462. 


1388 MAMMIFÈRES. —— CARNASSIERS. 


crâne plus arrondi, un front moins bombé et par un intervalle plus grand 
entre la première molaire et la canine. M. de Blainville pense que ces ditré- 
rences ne tiennent qu'au sexe, et que sous le nom d’U. arctoideus on a réuni 
les femelles de l'U. spelœus. Cette opinion s'accorde peu avec le fait de la 
grande rareté de l’U. arctoideus comparé à l'U. spelœus. On ne connaît d’ail- 
leurs aucun ours vivant où les différences sexuelles soient aussi grandes. 

On ne peut pas considérer comme des espèces distinctes, mais comme de 
simples variétés de l’U. spelœus : 1° l'Ursus Pittorii, Marcel de Serres (1), qui 
différerait un peu des précédents par la ligne de son profil, et qui dépasse- 
rait par ses dimensions l’U. spelœus ; 2° les U. metopoleianus et metoposcair- 
nus, Marcel de Serres (2), espèces imparfaitement déterminées. 

Il en est probablement de même de l'Ursus neschersensis, Croiz. et Job., 
de Neschers près Clermont-Ferrand, et de l’Ursus dentifricius de H. de 
Meyer (3). Les Ursus fornicatus major et minor, Schmerling, sont aussi des 
U. spelœus (4). On ne peut pas non plus admettre sans de nouvelles preuves 
les U. giganteus et leodiensis du même auteur (5), trouvés avec les précé- 
dents dans les cavernes des environs de Liége. Il est probable que l’U. gi- 
ganteus n’est qu'un ours des cavernes bien adulte, et que le second se 
rapporte à JU, arctoideus, et n’est, par conséquent, qu’une variété de la 
même espèce. 

L'Ursus priscus, Goldfuss (6), Ours intermédiaire, Cuv. (7), se distingue de 
l'U, spelœus, par des caractères plus précis que les précédents. Dans cette espèce 
le front est complétement plat; la ligne de profil passe du front au nez sans 
aucune dépression à la base de celui-ci. Cuvier ajoute qu’il n’est identique 
ni avec l’ours brun ni avec l’ours noir. Il a suivant lui une absence de dé- 
pression plus complète à la base du nez que l’ours brun, et des arcades zygo- 
matiques moins écartées que l’ours noir. Cet ours a été trouvé dans la ca- 
verne de Gaylenreuth, et M. Schmerling lui rapporte quelques ossements 
des cavernes de Liége. M. Owen (8) cite aussi des débris trouvés dans la 
caverne nommée Kents’hole, près de Torquay (Devon). Mais après avoir con- 
firmé par leur examen les différences qui existent entre cette espèce et 
V'U. spelœus, il a, dans un mémoire récent (?), émis l’opinion que l'U. pris- 
cus doit être considéré comme de même espèce que l’ours brun d'Europe 
(Ursus arctos, L.), qui paraît aussi avoir vécu pendant l’époque diluvienne. 


(1) Bulletin des sc. nat. et de géologie, janv. 1830, p. 511. 
(2) Annales des sc. d'observation, févr. 1820, p. 229. 

(3) Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1839, p. 78. 

(4) Schmerling, Ossém. foss. des cavernes de Liége. 

(5) Idem, Ossem. foss. 

(6) Nova act. Acad. nat. cur., X, 2, p. 259. 

(7) Ossem. foss., 4° édit., t. VII, p. 265. 

(8) British foss. mamm., p. 82. 

9) Ann. et mag. of. nat. hist., 2° série,t, V, p. 235. 


URSIDES. — HYÆNARCTOS. 189 


M. Gervais l'indique dans les cavernes du midi de la France (1). M. Owen (?) 
parle d’un crâne complet (Atlas, pl. IT, fig. 4) trouvé dans le marais de 
Manea (Cambridgeshire), qui paraît avoir les caractères de l'ours actuel 
d'Europe, principalement de la variété noire fréquente en Norwége et en 
Sibérie. 

M. Zimmermann (3) cite uu crâne de l’ours blanc (Ursus maritimus, Lin.) 
trouvé à Hambourg, dans un terrain qui paraît appartenir à la formation 
diluvienne. 


L'Europe n’est pas le seul pays où l'on ait trouvé des ours 
fossiles; et ce genre paraît avoir eu, à l’époque diluvienne, 
comme de nos jours, une patrie assez étendue. 

M. Milne Edwards a indiqué un fragment de crane trouvé dans 
une brèche osseuse, à Oran, en Algérie () ; mais l'individu auquel 
ont appartenu ces débris était trop jeune pour qu'on ait pu 
encore déterminer exactement l'espèce à laquelle 11 se rapporte. 

M. Harlan (5) rapporte à l'ours noir d'Amérique | Ursus ameri- 
canus, Gm.), une mâchoire inférieure trouvée dans la caverne de 
Bigbone (États-Unis), avec des os de mégalonyx. 

L'Ursus brasiliensis, Lund, paraît devoir être rapporté au genre 
des coatis, et l’Ursus sivalensis, Cautley et Fale., est devenu le 
type du genre HyYÆNARCTos. 


Les Hyzæxarcros, Cautley et Falconer 


(Agriotherium, Wagner; Sivalours, Sivalarctos, Amphiarctos, 
Blainville), — Atlas, pl. Il, fig. 7 et 8, 


forment un genre perdu et jusqu'a présent limité aux terrains 
tertiaires d'Asie. Il comprend l'espèce qui a été désignée d’abord 
sous le nom d'Ursus sivalensis (°) par MM. Cautley et Falconer (7); 


(1) Zool. et pal. fr., p. 107. 
(2) Dans le mémoire cité ci-dessus et dans ses British foss, mamm., p. 77. 
A Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1845, p. 73 

(4) Ann. des sc. nat., 2° série, t. VII, p. 216. .. 
(5) Medic. and phys. researches, p. 329. 

(6) Je ne serais pas étonné que cette espèce fût la même que celle qui a été 
désignée une fois par MM. Cautley et Falconer sous le nom de Amyxodon 
sivalense (Ann. des sc. nat., 2° série, t. VII, p. 60), car ce nom occupe, dans 
le catalogue le plus ancien, la place de l'Ursus sivalensis des catalogues sui- 
vants. Aucun caractère n'ayant été assigné à ce genre, cette assimilation 
reste douteuse. 

(7) 4siatic researches, t. XIX, p.'1; Ann. des sc. nat., 2° sér., t. IX, p. 128 


190 MAMMIFÈRES., =— CARNASSIERS. 


puis séparée en un genre distinct nommé Hyænarctos par Îes 
mêmes observateurs, AGRIOTHERIUM par M. Wagner (!), et Siva- 
LOURS, SIVALARCTOS et Ampuiarcros par M. de Blainville (2). 

La première description dece genre a été donnée par MM. Cautley 
et Falconer, et diseutée par M. de Blainville (Subursus, p. 96). 
D'après ces naturalistes le genre HyYæxaRCros serait caractérisé 
parce qu'il n'a que © molaires, savoir : prémolaires +, car- 
nassières +, tuberculeuses +. Il diffère done des ours par une 
molaire de moins à chaque mâchoire. Il a d'ailleurs dans la forme 
de son crâne quelques caractères assez particuliers; le canal 
sous-orbitaire se termine au-dessus de la carnassière par trois 
trous fort rapprochés, au-dessus l’un de l'autre; le palais s'étend 
à peine au delà de la dernière molaire, tandis que dans l'ours il 
est beaucoup plus long. 

M. Owen (5) a décrit et figuré une tête probablement plus adulte 
que celle qui a servi à la description précédente (voy. Atlas, 
pl. I, fig. 7 et8). La mâchoire supérieure, qui est bien entière, 
ne porte plus que trois molaires (les antérieures étant tombées 
comme cela arrive avec l’âge dans les ours). La première { der- 
nière prémolaire, Owen) est pour nous la carnassière; elle à un 
talon plus développé que dans les ours; les deux tuberculeuses 
sont quadrituberculées; la première est remarquable parce que 
les tubercules internes sont resserrés en une sorte de (alon. 

La mâchoire inférieure est brisée. Elle présente en avant les 
trous pour recevoir la dernière prémolaire qui à deux racines, 
et porte trois dents très comprimées (la carnassière et les deux 
tuberculeuses ). 


La seule espèce connue a été trouvée dans les montagnes Sivalik, au pied 
de l'Himalaya, par MM. Cautley et Falconet. Elle doit porter le nom de 
Hyænarctos sivalensis. Sa taille se rapproche de celle de P'Ursus spelœus ; sa 
dentition indique un animal plus carnassier. 


Les RaTows ( Procyon, Storr) 
différent des ours par leur longue queue. IS ont des prémolaires 
(1) Münch. gelehrte Anz.; 1837, t. V, p. 335. 


(2) Ostéographie, Ours, p. 68; Subursus, p. 96 et 114. 
(3) Odontography, London, 1845, p. 504, pl. 131. 


URSIDES. — DLAIREAUX. iai 


pointues en avant et des tuberculeuses supérieures presque car- 
rées. Leur formule dentaire est : 


Inc. à; can. L; mol. £, dont 3 +142, 
Ils habitent aujourd'hui exclusivement l'Amérique. 


Le seul animal fossile qui ait été rapporté à ce genre est le Procyon pris- 
cus, Leconte (1), trouvé dans une fente de rocher remplie d'argile durcie et 
de sable (dépôt probablement diluvien). De l'état d'Illinois. 


Les Coaris { Nasua, Storr) 


paraissent avoir habité l'Amérique méridionale pendant la période 
diluvienne, comme ils lhabitent de nos jours. M. Lund en a 
trouvé les débris de deux espèces dans les cavernes du Brésil. 


L'une d'elles avait été d’abord rapportée au genre des ours sous le nom 
d’Ursus brasiliensis (?), et doit devenir maintenant le Nasua ursina, Lund (). 
L'autre n’a pas encore reçu de nom spécifique (4). 


Une incisive trouvée dans l'argile tertiaire (7° suessonien) de 
Meudon semblerait indiquer la présence d’un animal voisin des 
coatis (5). Toutefois l'existence d'un seul fragment, aussi peu carac- 
téristique qu'une incisive, ne permet pas d'attacher à ce fait plus 
d'importance qu'à une simple indication. 


Les BLaiREAUx ( Mcles, Storr) 


n'ont été trouvés à l’état fossile que dans le terrain diluvien 
d'Europe. 


Les ossements découverts dans les cavernes de Belgique, de France, d’Al- 
Jlemagne et d'Angleterre paraissent, pour la plupart, ne pas pouvoir être 
distingués de ceux du blaireau commun actuel (Meles taxus, Schreh.). On doit, 
à ce qu’il paraît, réunir à cette espèce le Meles antediluvianus (6), Schmer- 


(1) Sillim. journal, 1848, t. V, p. 102. 

(2) Mém. de l'Acad. de Copenhague, t. VIE, p. 93; Ann, sc, nat., 2° série, 
t, XI, 224. 

(3) Oversigt Danske Forh., 1842. 

(4) Méin. de l'Acad. de Copenhague, t, IX, p. 198 ; Ann. sc. nal., 2° série, 
t: XI, 4p. 225. 

(5) Blainville, Ostéographie, Subursus, p. 72, 

(5) Ossem. foss. des cavernes de Liége, 1, 1, p, 159, 


192 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


ling , le M. antiquus, Münster (t), et le M. vulgaris fossilis, de M. H. de 
Meyer (2). 

Le blaireau découvert par Morren (3), dans le terrain crayeux de Ciply, 
avec d’autres ossements de l’époque diluvienne, paraît s'éloigner davantage 
de l'espèce vivante. M. Laurillard (#) le considère comme une espèce dis- 
tincte, et l’a nommé Meles Morrenii. 


Les TyLopons ( Z'ylodon, Gervais) 


sont un genre perdu, probablement intermédiaire entre les 
ratons et les coatis. 


On n’en connaît qu’une moitié de mâchoire inférieure qui prouve l’exis- 
tence de six molaires. La dernière seule a été conservée, M. Gervais (5) a 
donné à cette espèce le nom de Tylodon Hombresü. Elle a été trouvée dans 
le dépôt parisien supérieur des environs d’Alais. 


A la suite de la tribu des Ursides, je place provisoirement 
quelques genres perdus qui ne rentrent exactement dans aucune 
des divisions actuelles, et qui paraissent former un groupe inter- 
médiaire entre les ours, les chiens et les civettes. 

Ces genres sont principalement connus par leur dentition, 
caractérisée ordinairement par des molaires nombreuses. Chez 
deux d’entre eux, les Amphicyons et les Arctocyons, les formes 
de ces molaires rappellent celles des chiens, en formant toutefois 
une transition aux Carnassiers omnivores, et par conséquent aux 
ursides. Dans celui des Hyænodons, la dentition, plus anormale, 
a des analogies moins certaines. 

Les os des membres sont, dans la plupart des gisements, diffi- 
ciles à rapporter aux têtes; cependant 1l paraît probable que 
presque tous ces carnassiers étaient plantigrades, circonstance 


(1) Bayreuth Petref., p. 87. 

(2) Palæologica, p. 47. Voyez aussi Marcel de Serres, Dubreuil et Jean- 
Jean, Ossem. humatiles de Lunel-Viel; Desnoyers, Comples rendus de l'Acad. 
des se., 1842, 1° sem., p. 522; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 117; Billaudel, 
Soc. linn. de Bordeaux; Blainville, Ostéog., Subursus; Nordmann, Ossem. 
foss. trouvés à Odessa, p. 4; Giebel, Cav. de Sundwich (Leonh. und Bronn 
Neues Jahrb , 1849, p. 67.) 

(3) Ch. et F. A. Morren, Revue systématiq. des nouv. déc. d'ossem. foss. 
faites dans le Brabant méridional, p. 14. 

(#) Dict. d'hist. nat. de Ch. d’Orbiguy, t. IE, p. 593. 

(5) Zool. et pal. franç., pl. 11. 


URSIDÉS. —— ARCTOCYON. 193 


qui justifierait encore mieux la place que je leur assigne ici, car 
ils formeraient alors certainement un groupe ou une série inter- 
médiaire entre les ours et les carnassiers digitigrades. Quand ils 
seront mieux connus, il est probable qu'il y aura lieu à établir 
pour ces genres une ou deux tribus nouvelles, et peut-être à 
constater, pendant les époques miocène et éocène, l'existence 
d'une série de modifications dentaires liées avec une démarche 
plantigrade, série qui serait plus où moins parallèle à celle des 
digitigrades actuels. 


Les ARCTOCYON, Blainv. 


(Palæcyon et Palæocyon, Blainv., non Palæocyon, Lund. ), 
— Atlas, pl. LL, fig. 1-3, 


forment un genre établi par M. de Blainville (f) sur une tête 
presque entière, trouvée dans un terrain tertiaire ancien des en- 
virons de la Fère (2). Cette tête (voy. pl. HE, fig. 4, où elle est 
réduite au tiers), est assez déprimée, et indique, par sa forme 
générale, un animal probablement voisin des ratons et des 
ours. Le museau est court et comme tronqué. La dentition 
(pl. UT, fig. 2) n’est connue qu'à la mâchoire supérieure, qui 
porte 3 prémolaires, 1 carnassière à talon très fort, et 3 tuber- 
culeuses grandes et semblables à celles des ursides. Des os des 
membres trouvés dans la même localité (voy. en particulier l’hu- 
mérus, pl. I, fig. 3), et indiquant une taille semblable à celle 
que fait préjuger la mâchoire, paraissent devoir être rapportés à 
cette espèce. Ils confirmeraient encore ses analogies avec les ur- 
sides, car ils sont groset courts, et rappellent aussi les ossements 
du blaireau. M. de Blainville pense que le genre actuel qui se 
rapproche le plus des aretocyons est celui des kinkajous (Cerco- 
leptes, Ilig.) 

Les arctocyons étaient peut-être aquatiques, probablement 


(1) M. de Blainville (Ostéog., Petits ours, p. 73) change en Palæocyon le 
nom d’Arctocyon qu'il avait primitivement donné à ce genre. Je crois qu'il 
vaut mieux reprendre le nom le plus ancien afin d'éviter une confusion, le 
nom de Palæocyon ayant été donné presque en même temps par M. Lund à 
uu genre de la tribu des canides. 

(2) Ce terrain, nommé glauconie inférieure par M. d’Archiac, repose im- 
médiatement sur la craie blanche et est probablement contemporain du ter- 
rain suessonien de Meudon. 

Ï. 43 


194% MAMMIFÈRES. --— CARNASSIERS, 


omnivores ou carnivores suivant l'occasion , à corps trapuet bas 
sur jambes. 


La seule espèce connue est le P. grimæœvus, Blainville. 
Le genre des 
AMPuICYON, Lartet, — Atlas, pl. HE, fig. 4-7, 


se rapproche davantage des chiens par sa carnassière, dont le 
talon est faible, et qui ne ressemble à aucune dent analogue dans 
la tribu des ursides. Ce genre remarquable a été établi sur des 
ossements trouvés dans les terrains tertiaires de Sansan (miocène; 
leurs dimensions indiquent un animal qui égalait et même sur- 
passait par sa taille les plus grands ours. 

Son régime dentaire est : 


3 _. Ee 7 5 4 3 
Inc. +; can. +; mol. +, dont 5 + LL. 


Les canines ont des arêtes finement dentelées. La carnassière 
et les deux premières tuberculeuses sont tout à fait semblables à 
celles des canides, soit pour leurs formes, soit pour leurs dimen- 
sions. L'existence d’une troisième tuberculeuse, qui, du reste, 
est petite, les rapproche surtout des ursides; mais cette der- 
aière circonstance n'empêche pas que les analogies avec les chiens 
ne soient plus grandes que les différences. Aussi, si l’on n'avait 
connu que le système dentaire, aurait-on, je n'en doute pas, sorti 
cette espèce de la tribu des ursides; mais on a trouvé des osse- 
ments qui, par leur taille, leur gisement et leur apparence, parais- 
sent devoir lui être rapportés, et qui démontrent une marche plan- 
tigrade, des formes lourdes, et une analogie réelle et évidente avec 
les ours. La fig. 5, pl. IE, montre un humérus, la fig. 6 un cubitus, 
et la fig. 7 un tibia, qui ne peuvent laisser aucun doute sur ce sujet. 

Les amphicyons étaient donc probablement des carnassiers de 
grande taille, qui réunissaient à une dentition très voisine de 
celle des chiens une tête moins allongée, un corps plus pesant et 
une démarche semblable à celle des ours. Leur avant-bras était 
mobile comme dans ce genre, et ils avaient cinq doigts à chaque 
pied. Leur queue a dû être longue et forte. 

M. de Blainville, auquel on doit la description scientifique des 
formes de cet animal (!), croit que l’on peut surlout le comparer 


(*) Ostéographie, Petits ours, p. 78, 


URSIDES. —- AMPHICYON. 195 


au genre BENTURONG (/etides, Val.), qu’il dépassait d'ailleurs con- 
sidérablement par sa taille. 

On en connaît plusieurs espèces : 

L'Amphicyon giganteus, Laurill., Chien d'une taille gigantesque, Cuv. (1), 
a été trouvé à Chevilly (Loiret) et à Avaray (Loir-et-Cher) (miocène). 
M. de Blainville le réunit à l'A. major de Sansan (2) (association douteuse) ; 
c’est l’espèce qui est figurée sur notre atlas. 

M. Gervais, dans ses dernières feuilles, considère l'A. giganteus äu Loiret 
comme différent de l'A. major de Sansan. 

L'A. minor, Blainv., paraît une espèce à retrancher (°). 

L'Amphicyon Blainvillii, Gerv. (#), provient de Digoin (miocène d'Auvergne). 
Il se rapproche beaucoup de l'espèce suivante, et doit peut-être comprendre 
VA. lemanensis, Pomel. 

L'Amphicyon gracilis, Pomel ($), des terrains miocènes d'Auvergne, doit, 
suivant M. Pomel, comprendre VA. elaverensis de M. Gervais et la mandi- 
bule attribuée par M. de Blainville au Canis issiodorensis, comme nous le 
dirons plus bas. M. Gervais doute de ce dernier rapprochement (6). Cette 
espèce est, pour M. Jourdan, le type du genre CyneLos. 

L'Amphicyon brevirostris a été décrit d’abord sous le nom de Canis bre- 
wvirostris, Croizet (7). Il provient des tertiaires miocènes d'Auvergne. 

Il faut aussi, suivant M. Hermann de Meyer ), ajouter à ce genre deux 
espèces des terrains miocènes d'Allemagne, les Amphicyon dominans et 
Klipsteinii, H. de Mey. M. Plieninger en indique deux dans les terrains 
éocènes des environs d’'Ulm : VA. intermedius, espèce établie par M. H. de 
Meyer, et une nouvelle, l'A. Eseri, Plien, (9). 

MM. de Blainville et Gervais réunissent aux Amphicyons le genre AGNOTHE- 
riuM de M. Kaup (10). L’Agn. antiquum, Kaup, a été trouyé dans le tertiaire 
miocène d'Eppelsheim. 

Le Gulo diaphorus, Kaup (11), des tertiaires d'Eppelsheim, n’est peut-être 
aussi qu'une espèce d'amphicyon; dans tous les cas il n’a pas les carac. 
tères des gulo., 


(t) Ossem. foss., 4° édit., t. VIL, p. 481, pl. 193, fig. 20 et 21. 

(2) Gervais, Zool. el pal. fr., p.112; Lartet, Notice, p. 16, et Ann. des se. 
nat., t. VIE p. 119. 

(8) Lartet, Notice, p. 16; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 112, 

(4) Gervais, Zool. et pal, fr., p. 112. 

(5) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 379. 

(6) Zool. et pal. fr., explic, de la pl. 28. 

(7) Bull. Soc. géol., t. IV, p. 25 ; Pomel, id., 2° série, t. Ill, p. 366. 

(8) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 388. 

(®) 1d., ibid., 1851, p. 312. 

(10) Ossem, foss. du mus. de Darmsladt, livr. I, p. 28, pl. 1, fig. 3, 4. 

(11) Karstens Archiv, t. V, p. 151, et Ossem, foss., t, IL, p. 15, 


196 MAMMIFÈRES. —— CARNASSIERS. 


Je ne connais pas encore les genres PsEUDOCYoN et HEMICYON, 
établis par M. Lartet (Notice sur la colline de Sansan), pour deux 
espèces du terrain miocène de Sansan (Æemicyon sansaniensis, 
Lartet, et Pseudocyon sansaniensis, 1d.). 


M. Gervais (!) rapproche l’Hémicyon des hyænarctos. M. Lartet (2) le dit 
plus voisin du chien que l’amphicyon, mais ayant aussi des rapports avec 
le glouton. 

Le pseudocyon, suivant le même auteur, est digitigrade et a à peu près la 
dentition du chien, sauf que ses canines ont des arêtes finement dentelées 
comme l’amphicyon et l’hémicyon. 


Les Hyænopon, de Laizer et de Parieu 


(Hyænodon, Taxotherium et Pterodon? Blainville), — Atlas, 
pl. IL, fig. 8-11, 


présentent dans leur dentition un ensemble de caractères très 
anormal qui rend difficile de préciser leurs affinités. 

Ce genre a été primitivement établi par MM. de Laizer et de 
Parieu (#) sous le nom de HyzÆnopow, et basé sur l'étude d’une 
mâchoire inférieure très bien conservée, trouvée à Cournon (Puy- 
de-Dôme, (Atlas, fig. 9). Elle porte les traces de trois incisives de 
chaque côté ; on y voit clairement une canine assez forte et sept 
molaires. Ces dernières ont une disposition différente de celles de 
tous les carnassiers connus. Les deux premières sont isolées et se 
composent d’une pointe conique dirigée vers l'avant et d’un pro- 
longement en arrière à la base. La troisième et la quatrième (car- 
nassière), sont aussi coniques, mais dirigées en arrière ; elles ont 
un petit lobe accessoire postérieur. Ces dents sont plus élevées 
et plus saillantes que celles qui les précèdent et que celles qui les 
suivent. La cinquième molaire est petite, comprimée, tranchante 
et bilobée, munie en outre d'un talon. La sixième est plus grande ; 
elle a la même forme avec le talon plus petit. Enfin la septième 


(!} Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 28. 

(2) Notice, p. 16. 

(8) Comptes rendus de l'Acad. des sc. 1838, 2° sem., p. 442; Ann. des sc. 
nat., 2° série, t. XI, p. 27. Le rapport de M. de Blainville sur cette décou- 
verte se trouve dans les Comptes rendus de l’Acad. des sc., 1838, 2° sem, 
p. 1004. 


URSIDES. — HYÆNODON. 197 


ou dernière est plus grande encore, saillante, partagée en deux 
lobes triangulaires, tranchants, et elle rappelle par sa forme la 
carnassière des hyènes. 

Cette singulière organisation n'a, comme je l’ai dit, aucun ana- 
logue dans le monde vivant, surtout parmi les carnassiers mono- 
delphes, qui n'ont jamais les molaires médianes plus petites que 
les terminales, ni une aussi grande série de dents sans tubereu- 
leuses. 

La découverte d’une seconde espèce (1) permet de compléter la 
formule dentaire du genre, en donnant le nombre des dents de la 
mâchoire supérieure. Cette formule dentaire se trouve être : 


3. 41 6 ou 7 , 
Inc.+; can. +: mol. 57? (2). 


Dans leur premier mémoire MM. de Laïzer et de Parrieu rap- 
prochèrent le Hyænodon des thylacines et des dasyures (marsu- 
piaux). M. de Blainville combattit dans son rapport cette opinion, 
qui fut alors abandonnée par les auteurs de la découverte. 

M. Dujardin (#) montra que le hyænodon présente tous les 
mêmes caractères que les fragments fossiles (occipital, mâchoire, 
cubitus et pied de devant) des environs de Paris, qui avaient 
été rapportés par Cuvier ( à un animal intermédiaire entre les 
ratons et les coatis, puis à un didelphe voisin des dasyures. 

M. de Blainville (5), à la suite d’un nouvel examen de tous ces 
ossements, admit le genre hyænodon, mais non le rapprochement 
proposé par M. Dujardin. Il fit au contraire deux genres nouveaux 
des ossements étudiés par Cuvier. La portion occipitale du crâne 
etles os des membres devinrent le type du genre TAXOTHERIUM. 


(1) Compt. rend., 1840, 1°° sem., p. 134. 

(2) Les paléontologistes ne sont pas d’accord sur les analogies de ces di- 
verses molaires avec celles des autres carnassiers. M. de Blainville considere 
la 4° inférieure comme la carnassière, et décompose les ? molaires comme 
suit : prém. ©, carn. =, arr.-mol. +. M. Pomel considère ces dents comme 
devant être divisées en prémolaires +, carnassières 2, et tuberculeuses ?, En 
appliquant la méthode employée par M. Owen pour les marsupiaux, on de- 
yrait compter : prémolaires +, molaires :. Nous avons adopté ici la méthode de 
M. de Blainville. 

(3) Comptes rendus de l'Acad. des sc , 1840, 1°° sem., p. 134. 

(4) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 490. 

(5) Ostéographie, Petits ours, p. 55. 


198 MAMMIFÈRES. —— CARNASSIERS. 


que ce savant paléontologiste rapproche des blaireaux, La mà- 
choire fut attribuée à un autre genre désigné sous le nom de 
PrEropoN, placé dans le voisinage des due 

M. Pomel (!) a soutenu l'opinion de M. Dujardin. De nouveaux 
ossements et l'examen de ceux qui étaient déjà connus rendent 
probable l'opinion que les genres taxotherium et pterodon ne 
sont établis que sur des fragments plus ou moins mutilés de vé- 
ritables hyænodons. On peut bien signaler des différences dans 
les détails des formes dentaires, mais ces différences ne parais- 
sent pas dépasser les caractères spécifiques (?). Ge rapprochement 
mé paraît devoir être admis provisoirement jusqu'à ce que des 
découvertes nouvelles nous fassent connaître un plus grand nom- 
bre d’ossements de ce genre intéressant. 

I reste maintenant à fixer ses affinités. M. Pomel le place à 
côté des thylacines, dans le grand genre des dasyures. Il se fonde 
principalement sur l’existence de trois dents molaires tranchan- 
tes, en forme de carnassières, et sur l'absence des tuberculeuses 
à la mâchoire inférieure qui a sept molaires. Cette dentition 
comme je l'ai déjà dit, n’a point d’analogue aujourd'hui dans les 
carnassiers monodelphes ; mais elle ressemble beaucoup à celle 
des thylacines et des dasyures. 

Malgré cet argument je ne puis pas admettre l'opinion de M. Po- 
mel. Je rappellerai d’abord, pour motiver la mienne, quelques 
preuves déjà discutées par cet auteur, savoir : 1° l’existence de 
3 incisives, tandis que le dasvure et le thylacine en ont +, et que 
cette multiplication des incisives est un caractère important des 
marsupiaux; 2° des différences notables dans les détails de for- 
mes des dents ; 3° l'absence de lacunes d’ossification au palais. de 
reconnais que ces arguments ne sont pas incontestables et per- 


(1) Bull. Soc. géol. de France, 2° série, t. 1, p. 591; t. IV, p. 385. 

(2) Je dois toutefois faire remarquer que M. Gervais (Zool. et pal. fe, 
p. 128) ne réunit pas les hyænodon et les pterodon (mais bien les premiers 
et les taxotherium). Il se fonde sur ce que les arrière-molaires supérieures 
des pterodon ont à leur base interne un talon prismatique qui manque aux 
hyænodon connus. Dans l'explication de la planche 26, que M. Gervais a eu 
l'extrême obligeance de me communiquer en épreuve, il ajoute quelques 
arguments, et entre autres l'existence d’un petit talon à la carnassière infé- 
rieure du pterodon. Dans tous les cas, ces deux genres ont de très grands rap- 
ports, et malgré l'opinion de M. Gervais, je persiste à les réunir, d'autant 
plus que la place de quelques espèces resterait douteuse, 


URSIDES. —— HYÆNODON. 198 


mettent la discussion ; mais il en est d’autres que M. Pomel a 
oubliés et qui me paraissent ne laisser aucun doute. 

Je mets en première ligne la forme de l’angle de la mâchoire 
inférieure qui manque, comme l'a très bien fait observer M. de 
Blainville, de la crête saillante externe si caractéristique de tous 
les marsupiaux, et si visible dans le thylacine et le dasyure. La 
forme de la mâchoire inférieure du hyænodon est tout à fait celle 
des carnassiers monodelphes. 

Je dois faire observer aussi que les marsupiaux forment une 
série parallèle aux monodelphes et qu'il n'y auraitrien d’éton- 
nant à ce que la paléontologie complétât l'une ou l’autre de ces 
séries en ajoutant parmi les monodelphes des dentitions plus 
voisines de celles desdidelphes, ou parmi ces derniers des genres 
dont les dents ressembleraient davantage à celles des monodel- 
phes. Rien ne me paraît moins prouvé que la liaison nécessaire 
de la génération didelphe, avec toutes les dentitions qui ressem- 
bieraient plus ou moins à celles des marsupiaux actuels. 

Je suis d’ailleurs tout prêt à reconnaître que le hyænodon n'est 
ni un urside ni un canide. Il se rapproche probablement des 
premiers par sa marche plantigrade et des derniers par la forme 
de sa mâchoire, ainsi que par le nombre de ses dents. Il con- 
viendra peut-être, dès que son squelette sera connu, d’en faire le 
type d'une nouvelle tribu. 

M. Pomel propose de choisir pour ce genre le nom de Pterodon, 
qui représente mieux la forme ailée des dents. Je crois plus con- 
forme aux principes de la nomenclature de conserver celui de 
Hyænodon, qui est le plus ancien et qui rappelle aussi un fait 
incontestable, la ressemblance de la dernière molaire inférieure 
avec la carnassière des hyènes. 

Si l’on admet avec nous la réunion aux hyænodon, des taxothe- 
rium et des pterodon, ce genre renferme actuellement six es- 
pèces. 

Quatre ont été trouvées dans les terrains tertiaires parisiens 
supérieurs. Ce sont : 


Le Hyænodon dasyuroides (Thylacine des plätrières, Cuvier; Pterodon 
dasyuroides, Gervais (1); Pterodon dasyuroïides, Blainville (2); Pterodon pa- 


({) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 130. 
(2) Ann. fr. et étrang. d'anatomie el de physiologie, 4839, t. KIT, p. 23. 


200 MAMMIFÈRES. —- CARNASSIERS. 


risiensis, Blainville, Subursus, p. 48, pl. 12), connu seulement par un 
fragment de mâchoire supérieure, des plâtrières de Paris. 

Le Hyænodon Cuvieri (1), Pomel ; Carnassier voisin des Coatis et des Ratons, 
Cuvier ; Nasua parisiensis, H. de Meyer; Taxotherium parisiense, Blainville, 
Subursus, p. 5, Hyœænodon parisiensis, Laurillard, Dict. d’Orbigny. (Atlas, 
pl. VII, fig. 10 et 11.) Sa taille est voisine de celle du thylacine. 1] a été trouvé 
aussi dans les plâtrières de Paris. M. H. de Meyer (Bronn, Index palæont.) 
Jui réunit aussi le Taxoxylum niceensis, Keferstein (Naturg., t. II, p. 201). 

Le Hyænodon Requieni (?) a été découvert dans les dépôts éocènes supé- 
rieurs de la Débruge, d’Apt et d’Alais. 

Le Hyænodon minor, Gervais (3), provient du même terrain d’A lais. 


Deux autres espèces caractérisent les terrains tertiaires miocènes 
inférieurs et sont mieux connues : 


Le Hyænodon leptorhynchus, de Laizer et de Parieu (4), Dasyure d’Au- 
vergne (5), Pterodon leptorhynchus, Pomel (6), provient du Puy-de-Dôme et de 
la Haute-Loire. (Atlas, pl. II, fig. 9.) 

Quelques ossements trouvés par M. Aymard dans le calcaire lacustre du 
Puy (7) paraissent se rapporter à la même espèce, cependant la comparaison 
n’a pas encore été faite d’une manière rigoureuse. 

Le Hyœænodon brachyrhynchus, de Blainville (8), est connu par une tête un 
peu altérée par la compression et privée de ses parties occipitales et zygoma- 
tiques. Cet animal avait les dents plus fortes, plus contiguës et plus serrées 
que le H. leptorhynchus. Les mâchoires étaient plus robustes et plus courtes. 
Cette tête, décrite pour la première fois par M. Dujardin, a été trouvée sur 
les bords du Tarn, près de Rabasteins, et est conservée dans le musée de 
Toulouse. (Atlas, pl. II, fig. 8.) 


(1) J'ai préféré adopter le nom de Cuvieri, malgré l'ancienneté plus grande 
de celui de parisiensis, qui se trouve désigner deux espèces et qui pourrait 
devenir une source de confusion. Voyez aussi Gervais, Zoo!. et pal. fr., 
p. 129. 

(2) Gervais, Compt. rend. de l’Acad. des sc., 1846, t. XXVI, p. 491; Ann. 
des sc. nat., 3° série, t. V, p. 257; Zool. et pal. fr. p. 429, et pl.44, 42, 
1'5tet 25: 

(3) Zool. et pal. fr., p. 129, pl. 25. 

(4) Compt. rend. de l’Acad. des sc., 1838, 2° sem, , p.442 ; Ann. des sc.nal., 
2° série, t. XI, p. 27 ; Blainville, Ostéog., Chiens, p. 111, et Subursus, p.104. 

(5) Buckland, Bridg. treatise, Géologie, traduit par Doyère, t. 1, p. 544. 

(6) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 392. 

(7) Ann. Soc. du Puy, t. XII, p. 249. 

(8) Ostéog., Chiens, p. 113; Laurillard, Dict. de d'Orbigny; Dujardin, 
Compt. rend. de l'Acad. des sc , 1840, 1°* sem., p. 134 (Plerodon brachy- 
rhynchus); Pomel, Bull. Soc. géol., t, IV, 1p. 332. 


CANIDES. 201 


A la suite de ces genres, rangés provisoirement entre les 
ursides et les carnassiers digitigrades, je dois en indiquer quel- 
ques autres qui ne me paraissent pas encore établis sur des don- 
nées suffisantes et auxquels on ne peut accorder que la valeur de 
simples indications. 


Le genre ACANTHODON a été formé par M. H. de Meyer (‘) sur 
une seule dent molaire trouvée dans les terrains tertiaires de Weiï- 
senau, et indiquant une espèce de la taille de l'Amphicyon 
dominans. M. Meyer lui à donné le nom de Acanthodon ferox. 


Le genre HarPAGoDON repose aussi sur une dent carnassière. 
M. H. de Meyer, qui l’a établi, fait remarquer (?) que cette dent 
dépasse par sa taille son analogue dans les carnassiers connus, 
vivants et fossiles. 


Elle a été trouvée dans le Bohnerz d'Altstadt, près de Mæszkirch. L'espèce 
porte le nom de Harpagodon maximus, H. de Meyer. 


2° TriBu. — CANIDES (Chiens). 


Elle est caractérisée par la forme de sa carnassière, qui a un 
talon très petit et qui ressemble beaucoup à celle des tribus sui- 
vantes. Cette circonstance, jointe à la nature des fausses molaires 
qui sont en général bien tranchantes, semblerait, au premier 
coup d'œil, indiquer chez les canides des instincts très carnas- 
siers; mais l'existence de + tuberculeuses, grandes et bien 
développées, leur permet, d'un autre côté, une mastication plus 
réelle qu'aux chats ou aux hyènes, assigne à la plupart des 
espèces qui composent cette tribu un régime plus varié, et les 
rapproche des omnivores. 

Jai dit plus haut que les terrains tertiaires renferment des 
débris qui démontrent, entre les ours et les chiens, des transi- 
tions qui manquent tout à fait de nos jours. J'ai laissé à la suite 
de la tribu des ursides ceux de ces genres qui paraissent avoir eu 
les formes lourdes et la démarche plantigrade des ours, jointes à 
une dentition qui se rapproche de celle des chiens. Je parlerai ici 
des espèces qui ont eu des membres plus grèles et qui ont proba- 
blement été digitigrades. 


() Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 18453, p, 702, 
2) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1837, p. 675; 1838, p. 413 


202 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


Les Catens ( Canis, Lin.), — Atlas, pl. IE, fig. 12, 


sont le genre le plus nombreux et le plus important de cette tribu, 
et la composent même presque uniquement dans l’époque mo- 
derne. Ils ont apparu à la surface de la terre dès l’origine des 
terrains tertiaires. Leurs formes étaient déjà à cette époque très 
rapprochées de celles qu'ils ont de nos jours; toutes les espèces 
qui, considérées d’abord comme de véritables chiens, semblaient 
former des transitions aux types voisins, ont dû, en effet, être 
transportées dans d'autres genres. 

Quelques auteurs ont subdivisé ce genre en Loups (Zupus, Lin.), 
et REnarps ( Valpes). Cette division, fondée sur la fente de la 
pupille , est difficilement applicable aux espèces fossiles. 

On ne connaît qu'une seule espèce certaine des terrains ter- 
tiaires éocènes | parisien supérieur ). 


Le Canis parisiensis (!), dont les formes étaient très voisines de celles du 
renard bleu (Canis lagopus). Cette espèce, qui n’est connue que par une 
demi-mâchoire incomplète, est même envisagée par M. de Blainville comme 
pouvant être confondue avec ce C. lagopus; mais l'étude de nouveaux frag- 
ments me paraît nécessaire pour qu’on puisse admettre définitivement ce 
rapprochement. Le C. parisiensis a été trouvé dans les plâtrières de Mont- 
martre. 

Le Canis gypsorum, Cuv., est une espèce encore problématique, car elle 
n’est connue que par un os du métacarpe (2), qui parait avoir appartenu à 
un chien d’une taille beaucoup plus grande que le C. parisiensis. Cet os a 
aussi été trouvé dans les plâtrieres de Montmartre. 

Le Canis viverroides fait partie du genre CyNoron, Aymard, (sous-genre 
Cyotherium). 


Les espèces des terrains miocènes et pliocènes sont encore mal 
connues. Elles ont principalement été trouvées en Auvergne. 
Leurs descriptions sont fort incomplètes, et il n’est pas même 
toujours facile de les rapporter à une époque géologique certaine. 

Le Canis brevirostris, Croizet (à), s'éloigne un peu des formes ordinaires 
des chiens, et doit, suivant M. Gervais, entrer dans le genre AuPkicxoN. 


(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p.486; Blainville, Ostéog., Chiens, 
p. 107. 

(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 514. 

(8) Croizet, Bull. Soc. géol., t. IV, p. 25; Blainville Ostéog., Chiens, 
p. 122; Pomel, Bull. Soc, géol., 2° série, t. IN, p. 366. 


CANIDES. — CHIENS. 203 


Le Canis issiodorensis, Croizet, repose dans l'ouvrage de M. de Blainville (1) 
sur deux pièces fort différentes. L'une, de Saint-Gérand-le-Puy (miocène 
d'Auvergne), est une mâchoire inférieure appartenant probablement au genre 
Awpxicyon ; l’autre est une mâchoire supérieure du terrain pliocène d’Auver- 
gne, qui indique peut-être une espèce particulière qui devra conserver le 
nom de Canis issiodorensis, ou qui devra être réunie au Canis borbonidus. 

Le Canis borbonidus, Bravard, C. megamastoides, Pomel (2), provient du 
terrain pliocène d'Issoire. M. Pomel considère cette espèce comme faisant 
partie du genre AuPHICYON. 


Les terrains diluviens ont aussi conservé les débris de plusieurs 
espèces de chiens, dont les formes se rapprochent encore davan- 
tage de celles du monde actuel. Les cavernes et les dépôts aré- 
nacés de la presque totalité de l'Europe en renferment des osse- 
ments, qui ne sont toutefois jamais très abondants. 

Le fait le plus remarquable, qui ait été signalé sur les chiens 
des terrains diluviens, est l'existence d’une espèce qui a la plus 
grande analogie avec le chien domestique, et qui a été ordinaire- 
ment inscrite dans les catalogues de paléontologie sous le nom de 
Canis familiaris fossilis. Cette découverte soulève des questions 
qui ont quelque intérêt, parce qu'elles se lient avec Fhistoire 
d'un des animaux les plus utiles à l’homme et que leur solution 
peut influer sur la manière d’en envisager l’origine. 

Nous excluons d’abord une idée que le nom qui a été imposé à 
cette espèce semblerait justifier. Le chien, dont les ossements ont 
été conservés dans les dépôts diluviens, ne peut pas avoir été 
domestique, et malgré l'autorité de M. Marcel de Serres (3), je ne 
puis y voir qu'un animal sauvage. Ce paléontologiste se fonde sur 
quelques différences de taille indiquant, suivant lui, des races 
qui ne peuvent tenir qu'à l'influence de la domesticité; mais la 
rareté ou l'absence des ossements humains et des débris de son 
industrie, ainsi que le mélange des os du Canis familiaris fossilis 
avec ceux de tous les autres carnassiers sauvages, m'empêche 
d'admettre cet état de domesticité. Je crois que ses formes sont 
en conséquence indépendantes de toute influence extérieure et 
qu'il doit être comparé au loup, au chacal, au renard, etc., dont 
les variations sont peu étendues, et non aux races innombrables 


(1) Ostéog., Chiens, p. 123, pl. 13. 

(2) Bull. Soc. géol., t. XIV, p. 40; Blainville, Ostéographie, Chiens, 
p. 126, pl. 13. 

(3) Essai sur les cavernes, etc. 


204 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


des chiens domestiques. Il constitue ainsi une espèce sauvage 
parfaitement distincte de toutes celles qui vivent aujourd'hui dans 
cet état. 

. Cela étant établi, les caractères tirés des os et des dents mon- 
trent que cette espèce était plus voisine du chien domestique, 
que n'en sont le loup et surtout le renard. Si donc l’on admet, 
comme je l'ai laissé entrevoir, que plusieurs espèces ont passé de 
l'époque diluvienne à la nôtre, il est possible que ce chien fossile 
ait été la souche de nos chiens domestiques. Sans vouloir entrer 
ici dans une discussion sur l’origine des races de chiens, qui 
appartient à la zoologie proprement dite, je rappellerai qu'il est 
impossible de les attribuer au renard (!); mais que l’on a discuté sur 
le plus où moins de probabilité que ces diverses races de chiens 
domestiques proviennent du loup ou du chacal. Le fait que nous 
signalons ici peut prouver peut-être, comme le fait observer 
M. de Blainville (2), que ce n’est dans aucune des espèces sau- 
vages actuelles que le chien domestique a pris sa source, mais 
bien dans une espèce qui aurait vécu à l’époque diluvienne, et 
survécu aux Inondations qui ont terminé cette période en sub- 
mergeant la plus grande partie de l’Europe. Les premiers hommes 
qui ont habité notre continent auraient cherché à utiliser cette 
espèce, qui avait probablement un caractère plus sociable et plus 
doux que le loup, et cette même douceur de mœurs peut être con- 
sidérée comme une explication de son entière extinction actuelle. 

Au reste, nous ne présentons ces considérations que comme 
tout à fait hypothétiques ; ce qui nous paraît certain, c'est l'exis- 
tence, à l'époque diluvienne, d’une ou de plusieurs espèces sauvages, 
plus voisines du chien domestique que ne le sont aujourd'hui le 
loup, le chacal et le renard. 

Les espèces les plus certaines de cette époque diluvienne, trou- 
vées dans les cavernes, sont les suivantes : 


Le Canis familiaris fossilis (3) dont nous venons de parler, indiqué par 


(t) La principale raison qui empêche de considérer le renard comme la 
souche des chiens domestiques, est que la pupille est {toujours ronde dans ces 
derniers, tandis qu’elle est allongée dans le renard. 

(2) Ostéographie, Chiens. 

(3) Ostéog., Chiens, p. 131. Voyez aussi Schmerling, I, p. 18; Mar- 
cel de Serres, Mém. mus., t, XVIII, p. 339; H. de Meyer et Bronn, /ndex 
palæontologicus; Kaup, Isis, 1834, p. 535. 


CANIDES. — CHIENS, 205 


divers auteurs dans les cavernes de France, de Belgique et d'Allemagne, 
M. H. de Meyer réunit à cette espèce le Canis propagator de M. Kaup. 

Le Canis spelœus, Goldf. ('), qui se rapproche beaucoup par ses formes 
du loup, et qui a aussi été nommé loup fossile, doit probablement reprendre 
le nom de Canis lupus. Cuvier signale, il est vrai, dans le crâne des crêtes 
plus fortes et quelques différences de proportions ; il fait observer, d'ailleurs, 
que les crâues des diverses espèces vivantes du genre chien sont souvent si 
difficiles à distinguer les uues des autres, que si la comparaison du C. spelæus 
avec le loup ne prouve pas leur différence, elle ne peut pas démontrer non 
plus qu'ils aient été identiques. La question reste donc douteuse sur ce point. 
Le Canis spelæus a été trouvé dans la plupart des cavernes d'Europe, dans 
les brèches osseuses de Sardaigne et de France, et probablement aussi dans 
les terrains diluviens du val d’Arno (2). 

Le Canis lupus spelæus minor (3), établi sur une dent et des os trouvés 
en Italie, est considéré par M. de Blainville comme devant être rayé de la 
liste des chiens. Les dents sont, suivant lui, les mêmes que celles de l'espèce 
précédente et les os doivent pour la plupart être rapportés à la suivante. 

Le Canis vulpes spelœus (#) a avec le renard les mêmes analogies que le 
C, spelœus avec le loup. Il à été trouvé dans les mêmes localités (5), 

Il faudra probablement ajouter à ces espèces une partie de celles d’Au- 
vergne. M. Gervais, en particulier, rapporte à l’époque diluvienne le Canis 
neschersensis, Croizet, qui, suivant M. de Blainville (6), ressemble beaucoup 
au loup. Une mandibule est le seul fragment qui ait servi à étabhr cette es- 
pèce. M. de Blainville dit n’avoir pas observé de différence entre elle et son 
analogue dans le Canis lycaon, ou petit loup des Pyrénées. 

Les Canis juvillacus et medius, Bravard, ainsi que les Canis Tormelii et 
Buladi, Croizet, sont restés sans description, 

On doit citer encore une espèce trouvée dans le Bohnerz de l'Albe de 
Souabe (7), dont M. Jaeger a fait son genre Lycorueriux : c’est le Canis ferreo- 


(1) Ungebungen von Muggendorf, p.28, t.1; Nova act. Acad. nat. cur., 
t. XI, 2, p. 451 ; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VII, p. 465; Owen, British 
foss. mamm., p. 123, etc. 

(2) Voyez Nordmann, Ossem. trouvés près d'Odessa, p. 4 ; Fischer, Loup 
des tourbières (Bull. Soc. Moscou, 1846, t. XIX; Pal., Il, p. 391). 

(3) Wagner, 1829, Isis, t. IV, p. 986. 

(f) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VII, p. 471; Owen, British foss. 
mamm., p. 134. 

(5; Hébert, Fossiles de l'Oise (Bull. Soc. géol., 2° série, t. VI, p. 605); 
Nordmann, Ossem. d'Odessa, etc. 

(6) Ostéographie, Chiens, p. 125. 

(7) L'âge de ce terrain me paraît douteux. M. Giebel place dans le dilu- 
vium la plupart des espèces citées par M. Jaeger ; l’ensemble de la faune paraît 
bien plutôt être miocène, Si l’on s'en rapporte aux déterminations de M. Jaeger, 


206 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


jurassicus, Jaeger (1). Cet auteur y établit deux races sous les noms de C. lupus 
ferreo-jurassicus et de C. vulpes ferreo-jurassicus, mais seulement sur 
l'étude de dents canines isolées. 


Le genre des chiens pendant les époques tertiaire et diluvienne 
n'a pas été limité en Europe ; mais alors comme à présent sa dis- 
tribution géographique a été très étendue. MM. Cautley et Fal- 
coner ont signalé, dans les terrains tertiaires de l'Himalaya, des 
ossements qui doivent être rapportés à ce genre, mais dont on n’a 
pas encore pu préciser les espèces. 

M. Lund (?) a trouvé dans les cavernes du Brésil des débris de 
plusieurs chiens, dont la plupart ont les formes essentielles du 
genre et dont d’autres lui ont paru exiger la création de genres 
nouveaux, dont nous parlerons plus bas. M. d'Orbigny a aussi 
trouvé une espèce dans les Pampas de l'Amérique méridionale. 
Ces chiens américains sont les suivants : 


Le Canis protalopex, Lund, qui se rapproche par ses formes du Canis 
Azzarœ, 

Une seconde espèce se rapproche du Canis fulvicaudus, Lin., et paraît 
même ne.pas s’en distinguer par des caractères spécifiques. 

Le Canis robustior, Lund, est un peu plus gros que le protalopex. 

Le Canis lycodes, Lund, était plus carnassier que tous les précédents et 
égalait le loup. 

Ces quatre espèces ont été trouvées dans les cavernes du Brésil; une cin- 
quième, le Canis incertus, d'Orb. (5), établie sur un fragment de mandi- 
buie, était de la taille d’un petit renard. L’imperfection de ce fragment fait 
que ses rapports avec les espèces vivantes sont encore peu connus. Il a été 
trouvé sur les bords du Parana. 


Il faut rayer de la liste des chiens fossiles plusieurs espèces qui 
ont dù ètre transportées dans d’autres genres. 


il y aurait un mélange fort bizarre et peu probable. L'examen des planches 
et des descriptions laisse une grande incertitude sur la valeur de plusieurs 
noms. Au moment où je corrige cette épreuve, je reçois un mémoire de 
M. Quenstedt, qui rapporte comme moi ce gisement à l'époque miocène. 

(1) Foss. Sœug. Wurt., t. 1; Bronn, Lethœa, t. 1, p. S32; Leonh. und 
Bronn, Neues Jahrb., 1837, p. 735. 

(2) Mém, de l’Acad. de Copenhague, 1841, t. VIT; Overs. Danks. Forh., 
1842; Isis, 1844, p. 815-819; Ann. sc. nal., 2° série, t. XI, p. 214. 

(#) Voyage en Amérique, Paléontologie, p. 141, pl. 9, fig. 5. 


CANIDES. — CYNODON. 207 


Outre celles que nous avons indiquées plus haut, on peut citer le Canis 
palustris, H. de Meyer, qui est devenu un GALECYNUS. 

Le Canis giganteus (Chien fossile gigantesque, Cuv.) est un AmPHICYoN. 

Le Canis troglodites, Lund, est un PALxocyow. 


Les CyNoDON, Aymard, — Atlas, pl. III, fig. 13-15, 


sont caractérisés par des dents en même nombre que celles des 
chiens; mais plus épaisses en proportion, avec des formes qui 
rappellent celles des paradoxures. La carnassière inférieure est 
tricuspide en avant et est pourvue postérieurement d'un large 
talon à deux lobes. Leur formule dentaire est : 


Inc. $; can. +; mol. ?, dont i + 1+ 2. 


Les membres indiquent une marche semi-plantigrade et des 
habitudes probablement un peu aquatiques. 

Ce genre, établi par M. Aymard (1), a été placé par M. Gervais 
dans les viverrides, rapprochement soupçonné par Cuvier pour la 
seule espèce qu'il eût connue. Nous reconnaissons, en effet, que 
les dents présentent quelques analogies avec celles des viverrides 
(comme aussi avec les vermiformes) ; mais leur nombre est celui de 
la famille des canides, et nous croyons, par conséquent, devoir l'y 
laisser. Une description détaillée de ce genre a été publiée par 
M. Aymard, sous le titre de #/onographie des cynodon (2). Depuis ce 
travail (ainsi qu'il a eu l'obligeance de me le communiquer par une 
lettre récente), M. Aymard a trouvé une tête presque entière qui 
rappelle tellement la Viverra parisiensis, qu'il ne serait pas impos- 
sible qu'on dût les réunir. La dentition est celle des cynodon ; 
mais comme elle est très incomplétement conservée dans l’exem- 
plaire original du bassin de Paris, on ne peut pas encore se faire 
une idée précise de leurs affinités. 

M. Gervais (*) associe provisoirement à ce genre les ELocxon, 
les CyoTHERIUM (f) et les CyNopicris ($); et, en effet, ces groupes 


(1) Essai sur l'Entelodon, p. 20; Ann. Soc. d'agr. du Puy, t. XI, p. 244, 
et t. XIV, p. 112. 

(2) Ann. Soc d'agr. du Puy, 1850, t. XV, p. 92. 

(8) Zool. et Paléontologie fr., p. 412. 

(4) Aymard, Ann. Soc. d'agr. du Puy, t. XIV, p. 110, 145. 

(5) Bravard et Pomiel, Notice sur les ossem. foss. de la Débruge, 


268 MAMMIFÈRES, —— CARNASSIERS. 


paraissent différer des cynodon par des caractères dont il me 
semble impossible d'apprécier l'importance avant d'avoir pu étudier 
des pièces plus complètes. 

En admettant cette réunion, on trouve cinq espèces décrites, 
dont deux paraissent appartenir à la faune des gypses (parisien 
supérieur). Ce sont : 


Le Cynodon parisiensis, Viverra parisiensis, Cuvier, Genette des pla- 
trières (1), dont nous venons de parler. M. Gervais y réunit une mâchoire in- 
férieure décrite sous le nom de Canis viverroides, Blainville (2), rapprochement 
que conteste M. Aymard sans nier qu’elle puisse appartenir au genre CyNODoN; 
c’est cette mâchoire qui est le type du genre ou sous-genre CYOTHERIUM, 
Aymard. Elle a été trouvée fossile dans les gypses de Paris, ainsi que la tête 
de la prétendue Viverra. 

Le Cynodon lacustris, Gervais (?), des lignites de la Débruge, butte de Per- 
réal, près Apt (Vaucluse), terrain probablement contemporain des gypses de 
Paris. Cette seconde espèce appartient au sous-genre des Cynonicris. C'est 
l'espèce figurée dans l'Atlas. 


Deux autres sont de vrais CYNopoN, et ont été trouvés dans les 
marnes lacustres (miocène inférieur) du Puy en Velay. Ce sont : 


Le Cynodon velaunus, Aymard (#). 
Le Cynodon palustris, Aymard (5), de la taille d’un petit renard: 


La dernière forme le type du genre ELocxoN, Aymard, et pré- 
sente peut-être des caractères plus importants dans la forme des tu- 
berculeuses supérieures. Elle à été trouvée avec les précédentes. 
C'est : 


Le Cynodon martries ? (Elocyon martrides, Aymard, id., t. XIV, p. 110), 
encore un peu plus petit. Il n’est connu que par un fragment de mâchoire 
inférieure et par quelques dents de la mâchoire supérieure, 


Les GALECYNUS, Owen, 


ont dans leur système dentaire la plupart des caractères des 
chiens. Ce genre a été établi sur le fossile d'OEningen, que 


(1) Rech. ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 496, pl. 151, fig. 12; Blainville, 
Ostéog., Civettes, p. 61, pl. 13. 

(2) Ostéographie, Chiens, p. 109. 

() Gervais, Comples rend. de l'Acad. des sciences, t. XXX, p. 603; Zool. 
et pal. fr., p. 113, pl. 45, fig. 3; pl. 25 et 26. 

(4) Ann. Soc. du Puy, t. XIE, p. 244, et t. XV, p. 118; Gervais, Zoo!. et 
pal. fr., pl. 26. 

(5) Zd., t. XIV, p. 113, et t. XV, p. 118; Gervais, id., pl. 25 et 26. 


CANIDES. — PALÆOCYON. 209 


MM. Murchison et Mantell (!) avaient d'abord rapporté au renard 
(Canis vulpes). M. de Blainville (?) a fait le premier remarquer que 
les proportions des os n'étaient pas celles de cette espèce. Depuis 
lors, M. Owen (?) l’a étudié avec soin et montré que la première pré- 
molaire est plus petite que dans le renard, tandis que la troi- 
sième et la quatrième sont plus grandes; que toutes sont plus ser- 
rées et occupent moins d'espace que dans les espèces du genre 
Canis. Il a fait voir surtout que cette troisième et cette quatrième 
prémolaire rappellent, par leurs grands tuberculesantérieurs et pos- 
térieurs, les Iycaons plus que les chiens, et que les molaires tuber- 
culeuses se rapprochent tout à fait de celles des civettes. 

Les doigts du fossile d'OEningen, plus robustes que ceux des re- 
nards, forment aussi un caractère qui les lie aux viverrides. 
M. Owen pense donc que l'on doit en former un genre nouveau 
placé dans la tribu des canides, mais formant un anneau entre ce 
groupe et celui des viverrides. 


La seule espèce connue à été nommée Vulpes des schistes d'Œningen par 
M. de Blainville, et Canis palustris par M. H. de Meyer (f). M. Owen pro- 
pose le nom de Galecynus ŒEningensis (pliocène). 


Les PaLÆocvon (*), Lund, 


paraissent avoir eu aussi beaucoup de rapports avec les chiens 
dans leur dentition, mais leur carnassière inférieure manque de 
talon, et n’a qu'une seule pointe. Leurs formes étaient plus tra- 
pues, leur corps plus fort à proportion et leurs pattes plus courtes. 
Ils ont été trouvés dans les cavernes du Brésil. 


Le Palæocyon troglodytes, Lund (6), Canis troglodytes, Lund (7), était de 
la taille d’un loup, et se rapprochait beaucoup du Canis jubatus, actuelle- 
ment vivant. 


(1) OEningen fossil fox, London, 1830, 4°; Phil. mag., mars 1830; Man- 
tell, Trans. of the geol. Soc., t. II, 3, p. 283, 291. 

(2) Ostéog., Chiens, p. 106. 

(3) Quart. Journ. geol. Soc., t. HIT, 1847, p. 55. 

(#) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb.,1843, p.701, et surtout H. de Meyer, 
Zur Fauna der Vorwelt : OEningen, p. 4, pl. 1. 

(5) Ce n’est pas le genre PALxocxoN, Blainville, p. 193. 

(6) Overs, Danske Forhandl., 1842. 

(7) Ann. sc. nat,, 2° série, t. XI, p. 214; t. XIII, p. 312. 

Ï. 4h 


210 MAMMIFÈRES.  — CARNASSIERS. 


Le P. validus, Lund (1), se distinguait par une taille moindre et par un 
corps plus fort à proportion. 


Les SPEoTHos, Lund, 


ont les dents plus rapprochées que les chiens, le museau moins 
allongé, et ils manquent de la dernière tuberculeuse. M. Lund en 
a figuré une tête complète, moins la mâchoire inférieure (?). 


L'espèce unique, Speothos pacivora, était probablement un peu moins 
omnivore que les chiens, puisqu'elle n’avait qu’une seule molaire tubercu- 
leuse. M. Lund l’a nommée pacivora, parce qu'il l’a trouvée, dans les cayernes 
du Brésil, avec de nombreux ossements de pacas, qui formaient probable- 
ment sa nourriture principale. 


3° TriBu. — VIVERRIDES (Civettes). 


Ces animaux ont, comme je l'ai rappelé plus haut, des earac- 
tères qui, si on les étudie dans la nature vivante, peuvent les faire 
considérer comme plus voisins des ursides que des chiens. J'ai 
montré en même temps que la série des genres fossiles nouvelle- 
ment découverts force à admettre une liaison plus intime entre 
les chiens et les ours; aussi avons-nous formé de ces derniers 
notre seconde tribu. Les viverrides n’ont que + molaires tuber- 
culeuses ($), ce qui justifie leur rapprochement des tribus plus 
essentiellement carnivores ; mais elles ont en même temps un très 
fort talon à leur carnassière, circonstance qui avait généralement 
été considérée comme les liant à la division omnivore des ursides. 
Du reste, leurs auires caractères donnent des résultats à peu près 
semblables ; leur marche, souvent demi-plantigrade, montre leur 
analogie avec les ursides, et les ongles rétractiles de quelques 
genres peuvent au contraire les faire comparer aux chats. 


(1) Overs. Danske. Forhandl., 1842. 

(2) Mém. de l'Acad. de Copenhague, t. VII, pl. 19, fig. 4 et 2. 

(3) Je dois faire remarquer que j’ai suivi ici la méthode de Cuyier pour 
l'appréciation des dents. M. de Blainville compte les molaires comme suit : 
3 + 7 +, parce qu'il avance d’une place la carnassière de la mâchoire in- 
férieure. Ce même anatomiste, appliquant des idées analogues aux chiens, 
ieur compte 5 molaires tuberculeuses. Dans les deux méthodes donc, les 
viverrides diffèrent des canides par une molaire tubereuleuse de moins et par 
un plus fort talon à la carnassière. 


VIVERRIDES. — CIVETTES. 211 


La tribu des viverrides est remarquable dans la nature actuelle 
par une grande variété de genres et d'espèces, que nous ne con- 
naissons certainement pas encore tous, et qui habitent principale- 
ment le continent et les îles d'Asie, Madagascar, etc. Par contre, 
les débris fossiles en sont encore rares. Les terrains tertiaires et 
diluviens d'Europe paraissent n'en pas renfermer une grande 
quantité, et si cette tribu à été aussi nombreuse dans les époques 
antérieures qu'à la nôtre, elle aura eu probablement une distri- 
bution géographique analogue à celle qu'elle a aujourd'hui. Lors- 
que la paléontologie de l'Asie et des îles qui sont situées plus 
au midi sera mieux connue, 1l est probable que la lacune que nous 
signalons ici sera comblée. 


Les CiverTtes {Viverra, Cuv.), — Atlas, pl. IV, fig. 1 et 2, 


forment le genre principal de cette famille. Leur formule dentaire 
est (fig. 1): 


3. ho A 6 3 2 
Inc. $; can. L; mol. ©, dont 3-+1 +2. 


Parmi les trois sous-genres dans lesquels on les a subdivisées, 
où ne retrouve dans les lerrains tertiaires que celui des CivetrTes 
proprement dites. 

Deux espèces proviennent des tertiaires miocènes d'Auvergne. 

La Viverra anliqua, Blainville (!), Civelle d'Auvergne, trouvée par 
M. Croizet, est connue par deux fragments de mächoires qui indiquent un 
animal de la taille du zibeth. 

La Viverra primæva, Pomel (2), est un peu plus grande que la précédente 
et caractérisée par sa tuberculeuse inférieure uniradiculée. 


Dans les terrains miocènes proprement dits, on cite : 


La Viverra zibethoides, Blainville (3), Zibeth de Sansan, trouvée par 
M. Lartet à Sansan (Atlas, pl. IV, fig. 2). Cette espèce est encore douteuse. 

La V. sansaniensis, Lartet (Notice sur la colline de Sansan), et la V. in- 
cerla (Id.), proviennent du même gisement. 

La W. simorrensis, Lartet (1d.), a été trouvée à Simorre, et paraît se rap- 
procher des ichneumons ou mangoustes (Herpestes, Illig.). 


(!) Ostéog., Civettes. 
(2) Bull. Soc. géol., 2° série, t. INT, p. 366. 
(3) Ostéographie, et Ann. des sc. nat., 2° série, &, VII, p. 119, 


212 MAMMIFÈRES. —- CARNASSIERS. 


La Viverra ferreo-jurassica, Jaeger, n'est pas assez complétement connue 
pour être admise comme certaine. Elle provient du Bohnerz de l’Albe de 
Souabe. (Voyez la note p. 205.) 


Les terrains diluviens renferment aussi quelques fragments de 
civettes. 

MM. Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-Jean (1) citent, dans les cavernes 
de Lunel-Viel, des ossements qui ne sont pas suffisants pour prouver l’exis- 


tence pendant cette époque de la genette qui vit actuellement dans le midi 
de l'Europe. 


Il faut sortir de ce genre : 


La Viverra parisiensis, Cuv., qui est probablement un CyNopon. 
La Viverra exilis, Blainy., qui est une GALERIx. 


On connaît déjà quelques faits qui indiquent la présence de ce 
genre dans les pays étrangers à l'Europe. M. Pentland (2) en a 
trouvé des débris dans un terrain tertiaire du Bengale. 

M. Clift rapporte à ce genre des ossements découverts dans les 
cavernes de la Nouvelle-Hollande ; mais les espèces n’ont pas en- 
core été déterminées de manière à donner une confiance suffisante. 
Ilest peu probable que les civettes aient vécu dans le continent 
australien pendant l’époque diluvienne. 


Les Pazæonvcris, de Blainville, — Atlas, pl. IV, fig. 3, 


forment un genre éteint, établi sur une espèce qui avait d’abord 
été rapportée aux ManGousres (/Zerpestes), sous-genre de 
civettes , puis aux Gynicris. Il n'est connu que par une mâchoire 
inférieure à six molaires, comme les civettes, ayant comme elles 
la tuberculeuse armée de pointes aiguës à caractère insectivore. Il se 
rapproche par là des mangoustes et des cynictis, dont il diffère 
par sa dernière prémolaire (carnassière, Blainville) proportion 
nellement plus grande et par sa tuberculeuse, au contraire, plus 
petite. 

Ces caractères sont insuffisants, sans la connaissance de la 
mâchoire supérieure, pour assigner une place définitive aux palæo- 
nyctis. Je ne serais pas étonné qu'on dût plus tard les sortir des 
viverrides pour les rapprocher des genres que nous avons placés 
entre les ursides et les canides. 


(1) Cavernes de Lunel-Viel, p. 247. 
(2) Transactions of the geological Society, 2° série, t, IE, pl, 45, fig. G. 


VERMIFORMES. 213 


La seule espèce connue a été trouvée dans les lignites du Soissonnais, à 
Muirancourt près Noyon (Oise), qui appartiennent au terrain suessonien. C’est 
la Palæonictis gigantea (1); sa taille devait égaler celle des grandes hyènes. 

On doit peut-être rapporter à cette espèce un fragment de molaire prove- 
nant du suessonien de Meudon, cité par M. Ch. d’Orbigny comme apparte- 
nant à une loutre, et attribué par M. de Blainville au Canis viverroides des 
plâtrières (Cynodon viverroïde), mais qui est trop grande pour provenir de 
cet animal. 


Les Soricicris, Pomel, 


différent des civettes par quelques caractères de dentition de la 
mächoire inférieure, encore incomplétement connus. La première 
molaire n'a qu'une racine, la carnassière est tricuspide à son 
lobe antérieur, et la tuberculeuse a sa couronne formée de deux 
tubercules en avant et d’une sorte de talon en arrière. 

Deux espèces ont été indiquées par M. Pomel, dans la collection de M. Fei- 
gnoux, sous les noms de Soricictis elegans et leptorhyncha, Elles ont été trou- 
vées à Saint-Gérand-le-Puy (miocène d'Auvergne) (?). 

Le nom AMPHICHNEUMON paraît avoir été employé par M. Pomel 
pour désigner la Soricictis elegans dans un envoi fait au British 
Museum. 

Je trouve dans l’/ndex palæontologicus de M. Bronn un genre 
encore insuffisamment connu, placé dans les viverrides : c'est 
celui des GALEOTHERIUM, Wagner (3), qui renferme une espèce des 
terrains récents de Grèce. Ce genre est différent des Galeothe- 
rium de Jaeger. 


L° TriBu. — VERMIFORMES. 


Cette tribu renferme des animaux qui, à cause de leur petite 
taille, ne sont jamais des carnassiers redoutables; mais leurs 
caractères dentaires leur créent des instincts essentiellement car- 
nivores et sanguinaires. Leurs molaires sont bien tranchantes, 
leur carnassière a un très petit talon, et il n’y a plus qu'une seule 
tuberculeuse (grande ou médiocre à la mâchoire supérieure et 


(!) Blainville, Ostéog., Civettes, p. 76, pl. 13; Gervais, Zool. et pal. fr., 
p. 131, pl. 25. 

(2) Gervais, Zoo. et pal. fr., explic. de la pl. 28. 

(3) Mém. de l’Acad. de Munich, t. HI, p. 11, pl. 1, fig. 4, 5, 


214 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


petite à l'inférieure). Leur dentition ne varie guère que par le 
nombre des prémolaires, et forme un ensemble qui est comparable 
à ce qui existe dans les animaux les plus connus par leurs appétits 
carnivores. Leurs os minces, à apophyses peu prononcées, et leur 
arcade zygomatique faible et peu écartée, ne leur donnent qu'une 
force médiocre pour déchirer la chair; aussi se contentent-ils 
ordinairement, lorsqu'ils le peuvent, de boire le sang de leurs 
victimes. 

Leurs ossements fossiles ont souvent été négligés à cause de 
leur petite taille; mais maintenant que l'attention s’est ‘fixée 
davantage sur les débris de petite dimension, on à pu recueillir 
sur leur histoire quelques faits analogues à ceux que nous avons 
signalés pour les tribus précédentes. 

Les vermiformes ont apparu dès l’origine de l’époque tertiaire. 
Ils ont alors eu souvent des formes un peu différentes de celles 
d'aujourd'hui, ce qui force à établir quelques genres nouveaux. 
On peut, en particulier, citer quelques espèces qui forment des 
transitions intéressantes, principalement avec la tribu des viver- 
rides, par le développement un peu plus grand de la tuberculeuse 
unique et par la forme des màchoires et du crâne. 

A l’époque diluvienne les formes, au contraire, se rapportent 
tout à fait à celles des vermiformes qui vivent aujourd’hui, et l'on 
a même le plus souvent de la peine à distinguer les. espèces. 
L'Europe et l'Amérique sont à cet égard dans le même cas. 


Les GLOUTONS (Gulo, Storr.), — Atlas, pl. IV, fig. 4 et 5, 


ont été rapportés par quelques auteurs aux ursides à cause de leur 
marche demi-plantigrade ; mais leur dentition les place évidem- 
ment dans les vermiformes. Leur formule dentaire est : 

Inc. 3; can. +; mol. i, donti ++, 
La carnassière supérieure n'a qu'un petit talon. Ils ont une queue 
courte et rappellent les blaireaux par leurs formes externes. On 
n'en a trouvé de fossiles que dans l’époque diluvienne. * 


Le Gulo spelœus, Goldf., Glouton des cavernes (1), a les plus grands 
rapports avec le glouton du Nord (Gulo arcticus, Lin.), et devra peut-être 


(1) Goldfuss, Nova acta nat, cur., IX, p. 311; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., 
t. VIL, p. 500. 


VERMIFORMES. —— TÉLAGONS. 215 


lui être réuni (Atlas, pl. IV, fig. 5). Il n’en diffère que par une tailie un peu 
plus grande, des arcades zygomatiques plus écartées, un museau un peu plus 
court relativement au crâne, une mâchoire inférieure moins haute à propor- 
tion de sa longueur et des trous mentonniers plus avancés. Il a été trouvé par 
Sœmmerring dans la caverne de Gaylenreuth. M. Schmerling a signalé dans 
celles de Belgique des ossements qui se rapportent probablement à la même 
“espèce. Il est encore douteux que le glouton ait été trouvé dans les cavernes 
‘de France (1). 


Les GaLicris, Bell (Zirara, Lund, Taira et Hurons), 


ont été anciennement réunis aux gloutons, mais ils en diffèrent 
par une prémolaire de moins à chaque mâchoire, par un corps 
moins trapu et par une queue plus longue. Les espèces vivantes 
habitent l'Amérique. 

M. Lund en indique (2?) une, trouvée dans les cavernes du Brésil. 


Les MourretTes (Mephitis, Cuvier) 


sont caractérisées par 2- prémolaires, par leur tuberculeuse 
supérieure grande, par leur carnassière inférieure munie de deux 
tubercules internes, par des ongles propres à fouir et par une 
marche demi-plantigrade. 


Elles ne sont connues à l’état fossile que par une espèce que M. Lund a 
_ trouvée dans les cavernes du Brésil (3), 


Les Pazxomepmiris, Jaeger (Palæobassaris, pr. Paul de Wurt.), 


ne sont pas encore suffisamment caractérisées. Elles paraissent 
ressembler beaucoup aux mouffettes, et en différer par un crâne 
plus large et plus abaissé, dont la crête sagittale est presque aussi 
dévoloppée que dans le blaireau. 


La seule espèce connue, P. steinheimensis, Jaeger (4), a été trouvée dans le 
calcaire d’eau douce (pliocène ?) de Steinheim. 


Les TÉLAGONS (WMydaus, F. Cuv.) 


ue diffèrent des mouflettes que par leur museau en forme de 
groin. 

(1) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 117. 
(2) Ann. des sc. nal., 2° série, t. XE, p. 225. 
(3) Ann. des sc. nat., 2° série, £. XIE, p. 312. 
(4) Jaeger, Foss. Wurt., p. 78, pl. 10, fig. 7,8. 


216 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS,. 


La seule espèce vivante connue habite Java. M. de Blainville a rapporté à 
ce genre quelques débris du terrain suessonien de Meudon (!); mais cette assi- 
milation est au moins douteuse. 


Les Mantes (Mustela, Cuv.), — Atlas, pl. IV, fig. 6 


ont + prémolaires et un petit tubercule intérieur à la carnas- 
sière inférieure. Leurs ongles sont crochus et leur queue touffue. 
Elles ont apparu dès l’époque tertiaire moyenne. 

Une espèce a été découverte en Auvergne (miocène inférieur). 


C’est la Mustela minuta, Gervais (2), qui devra peut-être une fois former 
un sous-genre nouveau. Elle n’a que cinq molaires à la mâchoire inférieure, 
dont la première a deux racines. 


Trois ou quatre espèces ont été trouvées à Sansan ( miocène 
supérieur). Ce sont : 


La Mustela genettoides de Blainville (3), un peu plus grande que la fouine 
et àtrous mentonniers plus écartés, ce qui donne à son museau une forme 
viverroïde. 

La Mustela hydrocyon, Gervais (#), connue seulement par un fragment de 
mächoire inférieure où sont conservées deux molaires. M. Lartet en a fait 
le type de son genre Hyprocxon (4. sansaniensis , Lartet); mais les carac- 
tères sont insuffisants pour l” PROARe dès à présent, il faut attendre de nou- 
veaux documents, 

La Mustela taxodon, Gervais (5), devenue le type du genre TAxonox , Lartet 
(Tax. sansaniensis), dont on doit aussi ajourner l’admission. 

La Mustela zorilloides, Lartet (5), de Sansan, est très douteuse. 

La Mustela incerta, Lartet, doit probablement être transportée dans le 
genre THALASSICTIS. 

Il faut peut-être ajouter une espèce citée par le comte de Münster, et trou- 
vée dans le terrain tertiaire lacustre de Georgensgmünd (Bavière). 


Dans les terrains pliocènes, on cite : 


La Mustela elongata, Gervais (7), qui semble se rapprocher des mélogales 
de l’Inde. 


({) Ostéog., Subursus, p. 47. 

(2) Zoo! et pal. fr., pl. 217. 

(8) Ostéogr., Martes, p. 61. 

(4) Zool. et pal. fr., p. 118, pl. 23. 

(5) Zoo!. et pal. fr., p. 118, pl. 23 

(6) Notice sur la colline de Sansan, p. 17. 

(T) Mém. Acad. de Montpellier, 1850, t. 1, p. 406; Zool. et pal. fr., p. 118, 
pl. 22. 


VERMIFORMES. — MARTES. 27 


Les dépôts-sous-volcaniques d'Auvergne (pliocènes) contiennent la Mus- 
tela ardea Gervais (1), Marta ardea, Brav., Marte lutroïde? Pomel, 


Dans les terrains diluviens, et, en particulier, dans les cavernes, 
on aussi trouvé quelques fragments qui se rapprochent beaucoup 
des espèces de ce genre qui vivent aujourd’hui en Europe. 


M. Schmerling indique dans les cavernes de Liége des ossements qui res- 
semblent tout à fait à ceux de la fouine, mais qui les dépassent un peu pour 
la taille. La fouine et la marte ont été trouvées aussi dans diverses 
cavernes de France. (Voyez Gervais , Loc. cit., Desnoyers, Billaudel, etc.) 
M. Nordmann (?) a trouvé la marte dans les terrains diluviens d’Odessa. Les 
graviers supérieurs des environs de Genève renferment aussi des débris que 
nous n'avons pas réussi à distinguer de ceux des martes qui vivent aujour- 
d'hui au pied de nos montagnes. 


Les trois genres Suivants ne sont guère que des sous-genres 
des martes. 

Les PLESIOGALES, Pomel (3), ont le même nombre de dents, 
mais avec la forme de celles des putois. Leur tête se distingue 
aussi par quelques détails. 


L'espèce la mieux connue est la P. angustifrons, Pomel, des calcaires 
(miocènes inférieurs) de Saint-Gerand-le-Puy (Allier). Elle n’a que cinq mo- 
laires à la mâchoire inférieure comme la Mustela minuta, (Atlas, pl. IV, 
fig. 7.) 

M. Pomel indique encore, comme des Plésiogales, deux espèces des ter- 
rains miocènes d'Auvergne, qui ont, suivant M. Gervais, six molaires à la 
mâchoire inférieure; ce sont : Le P. elegans, Pomel, de Saint-Gerand-le-Puy, 
et une espèce trouvée probablement à Cournon, et conservée au British Mu- 
seum sous le nom de Plésiogale. M. Gervais la nomme Mustela sectoria (4). 
Il est évident que la distribution de ces espèces en genres n’est que tout à 
fait provisoire. 


Les Pcesicris, Pomel (5), diffèrent davantage par la forme de la 


(1) Zoo!. et pal. fr., pl. 27, fig. 5. 

(2) Ossem. foss. trouvés à Odessa, 

(3) Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t, IV, p. 385, pl. 4, fig. 3; Lau- 
rillard, Dict. de d'Orbigny, t. X, p. 268; Gervais, Zool. et Pal. fr., p. 119. 

() Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 28. 

(5) Bull. Soc. géol., 2° sér., t. IV, p. 379; de Laizer et de Parieu, Mag. 
de 30ol., 1839, pl. 5; Laurillard, Dict., p. 268; Blainville, Ostéog., p. 62, 
pl. 14; Gervais, Zool. ef pal. fr., p. 119, 


218 MAMMIFÈRES. —— CARNASSIERS. 


tuberculeuse supérieure qui est triangulaire comme dans les man- 
soustes, par celle de la carnassière inférieure dont le talon est 
creux et bordé de plusieurs tubercules, par ses crêtes temporales 
très séparées et par sa face occipitale quadrangulaire. 


M. Pomel en indique deux espèces du même calcaire de Saint-Gérand-le-… 
Puy : l’une, la M. plesictis, de Laizer et de Parieu (loc. cit.); l’autre, Ja 
M. Croiseti, Pomel (figurée dans l'Atlas, pl. IV, fig. 8). 


Les PaLéoGaLEs, Herm. de Meyer (1), ne sont caractérisées que 
par la carnassière inférieure qui rappelle davantage les formes 
des espèces très carnivores. 


Deux espèces sont indiquées dans ce genre, les P. pulchella et fecunda, 
H, de Mey., des tertiaires miocènes de Weisenau. 


Les Purois ( Putorius, Cuv.) 


ont des caractères de carnassiers plus sanguinaires encore dans 
leurs 2 prémolaires et dans l’absence de tubercule à la carnas- 
sière supérieure. Ils n’ont encore été trouvés (2) que dans les ter- 
rains pliocènes et diluviens, et surtout dans les cavernes. On cite, 
en particulier, dans les terrains pliocènes d'Auvergne : 


Une espèce, voisine de la Zorille, découverte par M. Bravard ($) dans les 
dépôts sous-volcaniques (Putorius zorillinus, Mustela zorillina, Gervais). 


Dans les terrains diluviens : 


Le Putorius antiquus, Hermann de Meyer (#), Putois fossile (5), très voisin 
du putois commun, et qui a été trouvé dans les cavernes de plusieurs par- 
ties de la France, et en particulier dans celle de Pondres (Gard), dans celle de 
Lunel-Viel (Marcel de Serres), dans les dépôts diluviens d’Avaray près de 
Beaugency, dans les cavernes de Liége (Schmerling), et dans celle de Kirk- 
- dale (Buckland), dans les brèches de Vendargues (Hérault) et dans celles de 
Montmorency. 

Nous ayons trouvé, dans les graviers diluviens des environs de Genève, 
un squelette complet du putois, qui paraît identique avec le putois commun. 
La belette (Mustela vulgaris, Lin.) ou une espèce très voisine se trouve 


(1) Neues Jahrb., 1846, p. 474. 

(2) On ne peut en effet considérer que comme très douteux les Putorius 
sansaniensis et incertus, Lartet, de Sansan (miocène). 

(3) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IE, p. 205. 

(4) Palæologica, p. 54. 

(8) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t, VIE, p. 484. 


VERMIFORMES. — LOUTRES. 219 


aussi dans les mêmes localités. M. Buckland en a trouvé quelques dents 
dans la caverne de Kirkdale (1), M. Schmerling l'indique aussi comme se 
trouvant dans les cavernes de Liége. 

L’'hermine (P. erminea, Lin.) est indiquée dans une brèche osseuse des 
environs de Beremend, près de la Drave (2). 

M. Pomel (3) signale quatre espèces dans les terrains diluviens d'Auvergne: 
ce sont le putois et la belette et deux espèces voisines des P. furo et nudipes. 


Les Puroriopus, Pomel, 


ont la formule dentaire des putois; mais la carnassière est sans 
talon et la deuxième et la troisième molaire sont plus grandes. 


La seule espèce indiquée est encore mal connue; elle a été trouvée dans 
les calcaires lacustres des environs d’Issoire (miocène d'Auvergne) (#). 


Les LOuTRESs (Zufra, Storr), — Atlas, pl. IV, fig. 9 


sont faciles à distinguer par leurs membres plus Pal leur tête 
plus aplatie et leu queue déprimée. Elles ont + prémolaires, 
un fort talon à la carnassière supérieure et un tabertile : à l'infé- 
rieure. Leur tuberculeuse supérieure est grande et à peu près 
égale en tous sens. Leurs ossements fossiles ont été trouvés dans 
les terrains tertiaires et diluviens. 

Les loutres des terrains tertiaires sont surtout connues par des 
débris provenant de l’étage moyen (miocène) et de l'étage supé- 
rieur (pliocène) du midi de la France. Elles n’ont pas encore été 
étudiées autant qu’elles le méritent. 

Nous indiquons : 


La Lutra dubia, Blainv. (5), trouvée à Sansan (miocène) par M; Lartet. 

La Lutra Bravardi, Pomel (6), à laquelle il faut peut-être réunir la 
L. elaveris, Croizet, et une partie des fragments décrits par M. de Blainville 
sous le nom de L. clermontensis, Croizet. Cette espèce a été trouvée dans le 
tertiaire pliocène d’Issoire et de Perrier. 


Les dépôts diluviens renferment aussi des ossements de loutre 


(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VIE, p. 500. 
(2) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1851, p. 679. 
(3) Bull. Soc. géol., t. IX, p. 204. 

(*) Gervais, Zool. et pal. fr., explic: de la pl. 27. 
(5) Ostéog., Martes, p. 76, pl. 14. 

(6) Bull. Soc. géol., t. XIV, p. 168, pl. 3, fig. 1, 


220 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


qui ont beaucoup de rapports avec ceux de la loutre commune. 


F Toutefois la Lutra antiqua, Herm. de Meyer({), Loutre des cavernes, 
Marcel de Serres (2), paraît avoir eu une taille un peu plus forte. M. Marcel 
de Serres dit que ses fausses molaires, surtout la seconde, étaient plus 
obliques. 

La Lutra ferreo-jurassica, Jaeger (3), est à peine connue par quelques dents 
antérieures peu caractéristiques. Elle a été trouvée dans le Bohnerz de 
Souabe, et est très douteuse. 


Les POTAMOTHERIUM, Geoffroy 
{Lutrictis, Pomel), — Atlas, pl. IV, fig. 40, 


different des loutres et de tous les mustélides par l'existence de 
deux tuberculeuses (dont une fort petite) à la mâchoire supérieure. 


La seule espèce connue a été nommée Lutra Valetoni par Geoffroy-Saint- 
Hilaire (#), qui indique en même temps la probabilité qu’elle formera, 
quand elle sera mieux connue, un genre nouveau auquel il donne d’avance le 
nom de PoTAMoTHERIUM. Ce savant anatomiste n’avait connu que des os des 
membres. M. Pomel (5) a décrit la mâchoire que nous avons reproduite dans 
l'Atlas. Il en a formé le genre Lurricris, en indiquant qu’elle appartenait 
probablement à la même espèce que le potamotherium , association qui est 
probable , mais cependant pas certaine, Elle a été trouvée dans le calcaire 
lacustre de Saint-Gerand-le-Puy (miocène d'Auvergne). 


Le genre STEPHANODON, H. de Meyer (f) doit, suivant M. Ger- 
vais (7), être réuni aux potamotherium. Cet anatomiste a étudié 
au British Museum une mâchoire du Stephanodon monbachensis 
qui est probablement, suivant lui, la même espèce que la Zutra 
Valetoni. 


Les TaaLassicris, Nordmann, 


ne sont encore connus que par leur mâchoire inférieure armée 
de 6 molaires, dont 4 prémolaires , 1 carnassière à talon fort et 


(!) Palæologica, p. 55. 

(2?) Cavernes de Lunel-Viel, p. 70. 

(3) Foss. Saug. Wurt., p. 13. 

(*) Études progressives d’un naturaliste, p. 91. 

(5) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 380, pl. 4, fig. 5. 
(6) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1847, p. 148. 

(7) Zool, et pal. fr., explic. de la pl. 28. 


HYÉNIDES. — HYÈNES. 2921 


À tuberculeuse. La valeur de ce genre est encore tout à fait incer- 
taine. M. Gervais (') regarde comme possible qu'il ait une grande 
analogie avec la Zyœæna hipparionum, dont on ne connaît que la 
mâchoire supérieure. [1 paraît intermédiaire entre les martes et 
les hyènes; mais nous ne le considérons que comme provisoire. 

On en cite deux espèces, appartenant toutes deux au terrain 
miocène : 

La Thalassictis robusta, Nordmann, a été trouvée dans le miocène marin 
de la Bessarabie, 


La Thalassictis incerta, Gervais (2), Mustela incerta, Lartet, provient de 
Sansan. 


Je n'indique qu'avec le plus grand doute, à la fin de cette fa- 
mille, le genre GALEOTHERIUM de Jaeger (3), qui est différent, suivant 
M. H. de Meyer, du genre Galeotherium, Wagner, p. 213. 


Il est établi sur deux dents trouvées dans le Bohnerz de la mollasse de la 
Souabe supérieure (miocène?). L’une est une canine qui rappelle celle du 
chien, l’autre une carnassière inférieure intermédiaire par sa forme entre 
celle du renard et celle de la fouine. 


5e Trisu. — HYÉNIDES. 


La dentition de cette tribu caractérise de véritables carnassiers, 
forts et puissants. De grandes carnassières, dont la supérieure 
seule a un petit talon, une seule tuberculeuse en haut et point en 
bas, et de fortes canines, en sont les traits principaux. Leur cou 
est très fort, et la ténacité de leurs mächoires extrême. Mais les 
hyénides ne sont pas aussi bien armées que les chats sous le point 
de vue des membres; leurs pieds, moins forts, portent des ongles 
non rétractiles, et leurs jambes de derrière infléchies leur donnent 
une démarche embarrassée. Aussi ces animaux ont une grande force 
pour arracher des lambeaux de chair à leurs victimes ; mais ils 
sont faibles dans l'attaque et le combat, et chassent plus volontiers 
de nuit et par surprise, ne dédaignant pas de se nourrir de ca- 
davres. 

Le seul genre connu est celui des : 


(t) Zool. et pal. fr., p. 120. 
(2) Zool. et pal, fr., p. 120, pl. 23. 
(3) Foss. Saug. Wurt., p. 71, pl. 10, fig. 43-47. 


299 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


Hyènes (Æ/yœæna, Siorr.), — Atlas, pl. V, fig. 1-6. 


Elles ont apparu en Europe vers la fin de la période tertiaire, 
mais ont été très peu abondantes à cette époque. Leur plus grand 
développement a eu lieu pendant lépoque diluvienne, et, 
comme les ours, elles ont été nombreuses en espèces et en 
individus, et d’une taille en général supérieure à celle des espèces 
actuelles. On trouve aussi leurs ossements dans les cavernes. Quel- 
quefois elles sont plus nombreuses que les ours ; mais il est plus 
fréquent que ces derniers soient les plus abondants. 

Les hyènes vivent de nos jours en Afrique et en Asie, et ont 
probablement occupé une fois le midi de l’Europe. Pendant l’épo- 
que diluvienne , elles se sont avancées beaucoup plus au nord, et 
ont peuplé l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique, ete. Quelques 
recherches récentes ont fait connaître des traces de leur existence 
pendant l'époque tertiaire dans les environs de l'Himalaya, où l'on 
en trouve encore de nombreuses troupes. 

On peut, sous le point de vue de la dentition, former trois grou- 
pes dans le genre des hyènes. La tuberculeuse supérieure est mé- 
diocre dans l’Æyène rayée et dans le plus grand nombre des es- 
pèces vivantes et fossiles. Cette même dent est très petite dans 
l'Hyène tachetée du Cap et la ZZ. spelæa. Elle est au contraire grande 
dans la 7. hipparionum. (Voy. Atlas, pl. V, fig. 1, 4, 5 et 6.) 

Les espèces citées dans l’époque tertiaire sont les suivantes : 

La Hyæna hipparionum , Gervais (1), remarquable , comme l'avons dit, 
par sa tuberculeuse supérieure, qui est plus grande que dans l’hyène rayée 
actuelle. Elle avait une taille un peu inférieure à celle de cette espèce, et a 
été trouvée dans le dépôt fluviatile à Hipparions de Cucuron (Vaucluse) 
(pliocène ). 

Une autre espèce indéterminée a été signalée dans les sables marins 
pliocènes de Montpellier (2). 

On en a indiqué des fragments dans les molasses du mont de la Molière, 
près du lac de Neuchâtel (tertiaire miocène) ; mais ils sont encore indéter= 
minés. 

Les terrains tertiaires supérieurs du Puy-de-Dôme renferment aussi des 
ossements d’hyènes, que MM. Croizet et Jobert considèrent comme indiquant 


(1) Ann. sc. nat., 3° série, t. V, p. 261; Zool. et pal: fr./"p: 121, 
pl 12 fe; 
(2) Gervais, Zool. et pal. fr., explie. de ja pl. 30, 


HYÉNIDES, — HYÈNES. 293 


l'existence d'espèces différentes de celles qui ont vécu dans les cavernes. Ils 
signalent en particulier : 

La Hyæna Perrieri, Croizet et Jobert (1), qui, par la forme de sa carnas- 
sière dont en particulier le talon est bilobé, diffère de toutes les espèces 
vivantes et fossiles ; ses molaires intermédiaires sont obliques, et elle n’a pas de 
trou au-dessus de la poulie de l'humérus. A l’exception de ces caractères, 
elle se rapproche de l’hyène tachetée. Cette espèce a été trouvée dans les 
terrains meubles de la montagne de Perrier. 


La Hyæna arvernensis, Croizet et Jobert ( Atlas, pl. V, fig. G), qui res- 
semble davantage à l’hyène rayée, mais qui en diffère par la forme de sa 
carnassière supérieure et de sa deuxième molaire inférieure, ainsi que par 
sa taille, qui égalait celle de l'hyène tachetée. 

Cette espèce paraît avoir été retrouvée dans le terrain alluvio-volcanique an- 
cien de Vialette (prèsle Puy en Velay) (communication inédite de M. Aymard). 

«La Hyœæna dubia, Croïzet et Jobert, connue par une seule fausse molaire, 
n’est pas encore suffisamment établie. 

La Hyæna brevirostris, Aymard (?), a été trouvée à Sainzelle, près 
le Puy. 

Les hyènes de l’époque diluvienne, comparées aux espèces 
actuelles, présentent à peu près les mêmes analogies et les mêmes 
différences que les ours, c'est-à-dire que les espèces fossiles sont 
plus grandes, plus robustes, et ont, dans la forme de la tête et dans 
la dentition, des caractères que quelques auteurs croient pouvoir 
expliquer par des changements de climat. Mais ces caractères, 
comparés aux faits que présente la nature actuelle, paraissent 
suffisants pour établir des espèces différentes ; car ils dépassent 
sensiblement les limites des variations que les agents extérieurs 
peuvent produire de nos jours. Les différences qui distinguent les 
hyènes fossiles et vivantes sont à peu près égales à celles qui 
existent entre ces dernières, que personne ne songe à confondre. 

On a trouvé dans les cavernes trois espèces qui paraissent de- 
“voir être distinguées entre elles : 


La première est la Hyæna spelæa , Goldfuss, Hyène fossile, Cuv. (3), qui se 
rapproche surtout par ses formes et sa dentition, eten particulier, comme nous 
l'avons vu plus haut, par la petitesse de sa tuberculeuse (Atlas, pl. V, fig. 5), 

_de l’hyène tachetée (H. crocata, Lin.) dont la patrie est, de nos jours, tout 
à fait limitée aux environs du cap de Bonne-Espérance, fait qui diminue 
déjà beaucoup la probabilité de l'identité de ces deux espèces. Cette hyène a 


(1) Rech. ossem. foss. du Puy-de-Dôme, p. 469, 
(2) Zool. et pal. fr., p. 122. 
(8) Ossem, foss., 4° édit., t, VIL, p. 334. 


294 MAMMIFÈRES, — CARNASSIERS, 


toutefois quelques uns des caractères de la 4. vulgaris (H. rayée), et semblé 
un peu intermédiaire entre les deux (1). 

La Hyœæna spelæa major de Goldfuss n'est, suivant Wagner, qu'un indi- 
vidu très adulte de la même espèce. 

La seconde est la Hyæna monspessulana de Christol (2), Hyæna prisca, 
Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-Jean (); elle paraît se rapprocher de 
l'hyène rayée plus que la précédente (#). 

La Hyœna intermedia, Marcel de Serres (5), se rapproche par la forme de 
sa carnassière inférieure de l’hyène brune avec quelques transitions à la 
H. spelæa. Caverne de Lunel-Viel. 


Les hyènes fossiles de l’Inde n’ont pas encore été suffisamment 
étudiées. MM. Cautley et Falconer en ont trouvé des fragments 
dans les couches supérieures du terrain tertiaire de l'Himalaya (6). 

LI 


C’est la H. sivalensis dont les rapports avec les espèces européennes ne peu- 
vent pas encore être appréciés (7). 


M. Lund a signalé des ossements d’hyènes, dans les cavernes 
du Brésil, mêlés avec des restes de pacas, d’agoutis, de pécaris 
et de mégalonyx, genres essentiellement américains. Ils indi- 
quent, suivant lui, la présence en Amérique, pendant l’époque 
diluvienne, d’une hyène qui égalait les plus grandes espèces 
vivantes de ce genre, mais qui était inférieure à la Zyœna spelæa. 
Il lui à donné le nom de ÆZyœna neogæa. Plus tard, il à cru y 
reconnaître des caractères suffisants pour former un nouveau 
genre, auquel il a donné le nom de SmiLopon. Ce genre différerait 
des hyènes par ses canines fortement comprimées et presque en 


(1) Voyez encore Goldfuss, Nova acta, t. XI, p. 459, pl. 57; Blainville, 
Ostéog., Hyènes, p. 42, pl. 6 et 7; Owen, Brit. foss. mamm., p. 138; 
Gervais, Zoo!. et pal. fr., p. 122; Giebel, dans Zeonh. und Bronn, Neues 
Jahrb., 1849, p. 64. M. Kaup l’a séparée génériquement avec la crocata sous 
le nom de CROCOTTA. u 

(2) Mém. dela Soc. d'hist. nat. de Paris, t. IV, p. 376; Ann. des sc. 
nat., fév. 1828. 

(8) Mém. du Muséum d’hist, nat., t. XVII, p. 278; Marcel de Serres, Ca- 
vernes de Lunel-Viel, p. 80. 

() Gervais, Zool. et Pal. fr., p. 121. 

(5) Cavernes de Lunel-Viel, p. 80 ; Gervais, Zoo!, et pal. fr., p. 122. 

(6) Ann. des sc. nat,, 2° série, t. VIL, p. 61; Journ. asiat. du Bengale, 
1835, p. 559. 

(7) Voyez Blainville, Ostéog., Hyènes, p. 51. 


FÉLIDES. —- CHATS. 225 


forme de lancette. Nous croyons, avec M. Owen (1), que cette 
espèce doit rentrer dans le genre MacHaïRoDUS, et, par consé- 
quent, dans la famille des félides (°?). 

La découverte d’une hyène en Amérique paraissait un fait sin- 
gulier de distribution géographique et peu en rapport avec la 
comparaison des faunes récentes des deux continents. On en tirait 
même des arguments pour prouver que la distribution géogra: 


phique des faunes actuelles est sans lien avec celle des faunes 
antérieures. 


6° TriBu, — FÉLIDES (Chats). 


Cette tribu renferme, comme on sait, les carnassiers les mieux 
armés et ceux dont l'organisation exige le plus impérieusement 
un régime exclusivement carnivore. Leurs carnassières sont très 
grandes, l'inférieure n’a point de talon, et la supérieure n’en à 
qu'un très petit: ils n'ont qu'une très petite tuberculeuse en haut 
et point en bas, et seulement - fausses molaires. Ces caractères, 
joints à la brièveté du museau , à la grandeur des crêtes occipi- 
tales, à l'écartement extrême de larcade zygomatique, et à la 
force du ginglyme, leur assurent dans la mâchoire une puissance 
telle qu'on n'en retrouve aucun autre exemple. Leur corps fort 
et souple, leurs membres terminés par des ongles toujours acérés 
parce qu'ils sont rétractiles, complètent l'organisation de ces 
animaux remarquables, en leur permettant de fondre sur leur 
proie avec impétuosité, et de la retenir sous leurs griffes puis- 
santes. Toutes les pièces du squelette rappellent en quelque sorte 
ces caractères, tant l'ensemble en est bien coordonné. 

Cette tribu comprend surtout le genre des : 


Cars (Felis, Lin.), — Atlas, pl. V, fig. 7-9, 


célèbre, de nos jours, parmi les animaux carnassiers, par les 
grandes et terribles espèces qu'il renferme, le lion, le tigre, le 
jaguar, ete. Leur histoire paléontologique confirme ce que nous 
avons dit d’une manière générale au sujet des carnassiers. Ils 


(1) Report Brit. Assoc., 1846. 
(2) Voyez Lund, Mem. Acad. Copenh., 1842, t. IX, p.121; Ann. sc. nat., 
2° série, t, XI, p. 224; t. XII, p. 312, etc: 


I, 45 


226 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


ont été rares dans les terrains tertiaires anciens, et n'ont même 
encore été indiqués d’une manière certaine que dans les étages 
supérieurs de cette époque. Ils ont, pendant les premiers âges 
du développement des mammifères, été précédés par des espèces 
plus faibles, plus lentes et plus omnivores. Puis, dans l'époque 
diluvienne, ils sont, au contraire, devenus très nombreux, et leurs 
ossements indiquent des animaux plus redoutables encore et plus 
forts que nos espèces actuelles. L'Europe en particulier, qui ne 
possède de nos jours que le chat sauvage que sa petite taille rend 
peu dangereux pour la plupart des autres mammifères, et le lynx 
qui diminue tous les jours, a été une fois habitée par des chats 
dont les ravages ont dû être bien plus grands. Les traditions 
ajoutent, il est vrai, aux deux espèces précitées, le lion, qui 
avant que la civilisation l'eût chassé, à habité une partie du midi 
de l'Europe, et en particulier la Grèce. Dans l’époque dilu- 
vienne, le centre de l’Europe et sa majeure partie ont eu au moins 
cinq espèces de chats, dont une surpassait par ses dimensions les 
plus grands lions connus de nos jours. Ces animaux ont été con- 
temporains des grands ours , des hyènes , des loups et d’autres 
carnassiers de moindre taille, et cette réunion doit faire sup- 
poser une création d’herbivores abondante pour fournir à leurs 
besoins. Aussi verrons-nous plus tard les cerfs, par exemple, 
avoir été à cette époque très nombreux en espèces. 

Ce n’est pas seulement en Europe que l’on à trouvé des chats 
fossiles. Les terrains de l'Inde et de l'Amérique en renferment 
aussi de nombreux débris, et 1l paraît que, dans les époques qui 
ont précédé la nôtre, la distribution géographique de ce genre a 
été aussi étendue qu'elle l'est aujourd'hui. 

J'ai dit que les chats avaient été peu abondants dans les ter- 
rains tertiaires anciens. 


Aucun fragment n’a encore été cité dans le terrain nummulitique (sues- 
sonien) non plus que dans le calcaire grossier. 1 

Leur existence à l’époque des gypses (parisien supérieur) est même très 
douteuse; car le seul fragment qui ait été indiqué est un métatarsien des 
plâtrières de Paris, que M. de Blainville (!) rapporte au genre des chats, et 
que Cuvier (2) rapproche des civettes. 


(1) Ostéographie, Felis, p. 155. 
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 518. 


FÉLIDES. — CHATS: 1: 227 


Quelques espèces ont été trouvées dans les terrains miocènes 
supérieurs. 


M. Lartet indique à Sansan le F, media (1), espèce un peu plus grande 
que le chat domestique, et le Felis pygmæa, espèce très douteuse qui ne se- 
rait pas plus grande que le putois (?). 

D’autres ont été recueillies dans les sables d'Eppelsheim, M. Kaup en a 
‘signalé quatre espèces dont il n’a retrouvé que des fragments peu nombreux 
et qu'il n’a pas encore complétement caractérisées, Ce sont les Felis apha- 
nisles, ogygia, prisca et antediluviana (3). 


Les terrains tertiaires supérieurs du Puy-de-Dôme renferment 
des débris de chats, qui montrent des espèces nombreuses et qui 
ne paraissent se rapporter n1 aux espèces actuelles, ni à celles du 
diluvien des cavernes et des brèches osseuses. L'une de ces 
espèces , en particulier, semble s'écarter un peu par sa dentition 
des formes du genre, ordinairement très constantes. 


Les espèces indiquées dans ces dépôts arénacés ont été distinguées surtout 
par leur taille, par les proportions de leurs molaires et par les distances de 
ces dents entre elles. Je renvoie, pour les détails de ces caractères peu sus- 
ceptibles d’être extraits, à l'ouvrage de MM. Croizet et Jobert (f). Je me 
borne ici à citer leurs noms et à indiquer leur taille et leurs rapports géné- 
raux, en prévenant , toutefois, que plusieurs d’entre elles ne sont établies 
que sur une étude insuffisante. 

. Le Felis arvernensis, Croizet et Jobert, de la taille du jaguar mâle, 
connu par ses màchoires et par quelques os des membres, paraît différer de 
tous les autres chats vivants et fossiles par la disposition de ses molaires. 

Le Felis pardinensis, Croizet et Jobert, dela taille du couguar, paraît avoir 
eu d’assez grands rapports avec cette espèce, qui est aujourd'hui spéciale à 
l'Amérique. Quelques caractères de détail montrent qu’on ne peut pas les con- 

: fondre , et la différence d'habitation rend d’ailleurs leur identité presque im- 
possible à admettre. 

Le Felis brevirostris, Croizet et Jobert, de la taille du lynx d'Europe, a 
le museau court, et parait se distinguer par ce caractère de toutes les autres 

“espèces. 

Le Felis issiodorensis, Croizet et Jobert, est d’un quart plus grand que le 
précédent, mais plus petit que le léopard. 


(1) Notice sur la colline de Sansan, p. 19. 

(2) Gervais, Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 23. 

(5) Kaup, Ossem. foss. de Darmstadt, 2° livr., pl. 1 et 2, 
(4) Rech. sur les ossem. foss, du Puy-de-Dôme, p. 196, 


2928 MAMMIFÈRES. —— CARNASSIERS, 


Le Felis leptorhina, Brav., écrit quelquefois par erreur leptoryncha (1), a 
un museau allongé. 

On ne peut citer que comme des indications vagues le Felis Perrieri, Croi- 
zet (2), et les Felis elala et juvillaca du catalogue manuscrit de M. Bravard. 


Dans le tertiaire marin supérieur de Montpellier, on a trouvé : 


Le Felis Christolii, Gervais (3) , espèce qui avait été confondue par 
M. Marcel de Serres avec le F. serval. Une seconde espèce, de la taille du 
lion , a été découverte dans les mêmes terrains (4). 

Les tertiaires supérieurs d'Allemagne renferment aussi des débris que 
M. Giebel (5) réunit au F. antiqua , Cuv., et à plusieurs espèces d'Auvergne. 

Il faut peut-être ajouter encore le F. pardoides, Owen (6), connu par une 
seule dent trouvée dans le crag rouge, 


Les espèces de chats qui ont vécu dans les terrains tertiaires 
paraissent avoir fait place au commencement de l’époque dilu- 
vienne à des espèces différentes, qui se rapprochent davantage de 
celles que nous connaissons aujourd'hui. Ces espèces semblent 
très distinctes les unes des autres; mais leur comparaison avec 
les espèces actuelles laisse encore quelque chose à désirer, car les 
naturalistes qui les ont décrites n'ont pas été tous à portée des 
grandes collections. Cette observation s'applique surtout aux 
espèces de moyenne taille trouvées dans les cavernes du midi de 
la France : 


Le Felis spelæa, Goldf., grand félis des cavernes, Cuv. (7), espèce décrite 
pour la première fois par MM. Sæœmmerring et Goldfuss (8), a été trouvée dans 
les cavernes de la plus grande partie de l'Europe. Le F. spelæa est voisin, 
par ses formes, du lion, mais plus grand encore; il paraît en différer par un 
museau plus renflé , un front large et plat, et un profil qui rappelle celui du 
tigre. 

C’est probablement à cette espèce qu’appartient le lion cité par M. Marcel 
de Serres dans les cavernes du midi de la France (?). 


(1) Voyez encore, pour ces cinq espèces, Gervais, Zool. et pal. fr., p. 124, 
et Blainville, Ostéographie, genre Felis. 

(2) Blainville, Ostéogr., Felis, p. 149. 

(3) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 124, pl. 8, fig. 2. 

(*) Gervais, Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 30. 

(5) Fauna der Vorwelt, t. 1, p. 35. 

(6) Brit. foss. mamm., p. 169. 

(7) Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. VIE, p. 454. 

(8) Nov. act. nat. cur., t. IX, p. 476, pl. 65. Voy. Atlas, pl, 5, fig. 9. 

(°) Voyez, pour cette espèce très répandue dans les cavernes de France, 


FÉLIDES. — CHATS. 229 


La seconde espèce est le Felis antiqua, Cuy., qui se rapprochait surtout du 
léopard, mais avec quelques ditférences. 

11 faut lui réunir le Chat très voisin du léopard (1), des cavernes, du dilu- 
vium, et des brèches de la région méditerranéenne. 

La troisième espèce est un peu plus grande que le serval et rappelle cet 
animal par ses formes (2). 

La quatrième est très voisine du chat sauvage (F. fera) , soit par sa forme, 
soit par sa taille (3). 

Les brèches osseuses de Nice ont aussi conservé des fragments qui semblent 
indiquer encore d’autres espèces. 

Dans les cavernes de Belgique, M. Schmerling a décrit, sous le nom de 
Felis engiholiensis, une espèce très voisine du Jynx. 


Les terrains tertiaires de l’Inde renferment des ossements qui 


prouvent que les chats ont habité à cette époque le continent 
asiatique. 


La seule espèce qui ait été déterminée est le Felis crislala, qu paraît avoir 
été très voisine du tigre, mais dont les crêtes occipitales sont plus pronon- 
cées. Cette espèce a été trouvée, par MM. Cautley et Falconer, dans les mou- 
tagnes Sivalik (4). 


L'Amérique paraît avoir été riche en chats pendant l’époque 
diluvienne. M. Lund en a trouvé dans les cavernes du Brésil six 
espèces, qui se rapprochent en général par leurs formes de celles 
qui habitent aujourd'hui le continent américain ($.. 

Ce sont : 


Le Felis protopañther, Lund, de la taille du jaguar, qui paraît ne pouvoir 
être comparé à aucune des espèces actuelles d'Amérique. 

Une deuxième espèce de la forme du jaguar et plus grande que lui. 

Une troisième espèce qui rappelle le couguar par ses formes et par sa 
taille. 

Une quatrième espèce, qui paraît avoir de grandes affinités avec le Felis 
macroura, Pr, Max. 


= à 

Marcel de Serres, Dubrueil et Jean-Jean, Cavernes de = Viel;:p:. 101 et 
107 ; Blainville, Ostéogr., Felis, p. 100; Gervais, Zool: A0 123 ; 
Giebel, Neues Jahrb., 1849, p. 65. È SE 


{1) Marcel de Serres, id., p.115; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 12% Blain- 
ville, Felis, p. 121. 

(2) Marcel de Serres, id., p. 115. 

(8) Marcel de Serres, id., p. 119. 

() Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, p. 128. 

(5) Ann, dessc. nat., 2° sér., t. XI, p. 232, et XIII, p. 32. 


230 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


Une cinquième espèce, le Felis exilis, Lund, : 

La sixième espèce n’est connue que par une dent molaire dans laquelle 
M. Luñd a cru voir des preuves suffisantes pour la rapprocher du groupe 
des CynaiLurus ou Guépanps. Cette assimilation peu probable est loin d’êtré 
démontrée (1). 


Les Macaarropus, Kaup. 


{Steneodon, Croizet ; Megantereon , id. ; Cultridens, id. ; 
Trepanodon, Nesti.), — Atlas, pl. V, fig. 40 et 11, 


diffèrent des chats par leurs grandes canines supérieures tran 
chantes et cultriformes, et, au moins dans quelques espèces, par 
là forme anormale du menton qui est avancé et saillant, au lieu de- 
fuir comme dans la plupart des autres carnassiers. 

Les canines de ce genre singulier sont connues depuis long- 
temps et ont été attribuées, par Cuvier, au genre des ours ( Ursus 
cultridens). 

Les machairodus se trouvent depuis les terrains miocènes 
jusqu’à l’époque diluvienne. Ils manquent à la nature actuelle. 

Trois espèces ont été indiquées dans les terrains miocènes. 


La plus ancienne est le Machairodus brevidens, Pomel (2), des terrains 
-miocènes inférieurs d'Auvergne. 

Le M. palmidens, Blainv. (Felis megantereon, Lartet, non Croiz., Notice, 
p. 19), a été trouvé à Sansan (miocène). 

M. Pomel (3) considère l'espèce d'Eppelsheim comme différente de celles 
de France, et la désigne sous le nom de Felis machairodus. C’est le M. cul- 
tridens, Kaup (). 


Deux ou trois espèces ont été trouvées dans les terrains pliocènes. 


Le Machairodus cultridens (Felis cultridens, Bravard) (°) provient des ter- 
‘rains pliocènes d'Auvergne. Il est peu probable qu’on puisse le séparer du 
Machairodus megantereon (Felis megantereon, Bravard et Blainville), qui est 
considéré par M. Pomel comme une espèce distincte, et par M. Gervais 
comme une simple race plus petite. 11 a été trouvé avec le précédent et au 
val d’Arno «c’est l'Ursus cultridens, Cuv. 


(t) Voyez Blainville, Ostéographie, Felis, p. 145. 

(2) Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t. HE, p. 366. 

(8) Bull. de la Soc. géol., 2° série, t. HT, p. 367. 

(#) Kaup, Ossem. foss. de Darmstadt, t. I, p. 24, pl. 1, fig. 5. 

(5) Bravard, Monogr. de deux Felis, p. 141; Blainville; Ostéographie, 
Felis, etc. 


AMPHIBIES, 231 


M. Aymard (communication inédite) a trouvé à Vialette (pliocène du Puy), 
des ossements qui indiquent une espèce d’une très grande taille, qu’on doit 
peut-être considérer comme la même que celle de Sainzelle , désignée par ce 
paléontologiste sous le nom de M. Sainzelli. Il faudra probablement les 
réunir à l’espèce précédente. 

Il faut ajouter une autre espèce des sables marins de Montpellier (pliocène), 
décrite d’abord sous le nom de Felis marilima, Gervais (1). 


Le terrain diluvien a aussi fourni une espèce. 


Le Machairodus latidens, Owen (2), Felis cultridens d'Angleterre, de Blain- 
ville (3), a été découvert dans la caverne de Kent. M. Gervais () en indique 
une dent trouvée dans le terrain diluvien du Puy. 


Enfin, si, comme cela paraît démontré, il faut réunir aux 
machairodus le genre Suicopox de M. Lund, l'Amérique aura aussi 
été habitée par une espèce qui est : 

Le Machairodus neogœus ! Hyœæna neogæa, Lund; Smilodon neogœus, id.). 
Voy. p. 224. M. de Blainville a donné dans son Ostéographie (Felis, 


pl. XX), une belle planche représentant la tête de cette espèce sous le nom 
de Felis smilodon. 


Les PsEuDÆLURUS , Gervais, 


ont une prémolaire inférieure de plus que les chats, c'est-à-dire 
, maisilsleur ressemblent par tous les autres caractères connus. 
On n'en connaît qu'une seule espèce fossile à Sansan (miocène). 


C’est le Ps. quadridentatus, Gervais (5), Felis quadridentatus et telrao- 
don, de Blainville (6) de la taille de la panthère. Il faut peut-être lui réunir 
la dent carnassière supérieure de Sansan attribuée par M. de Blainville à la 
‘panthère actuelle. 


2e Famizze. — AMPHIBIES. 


Ces animaux, qui sont par leur dentition de véritables carnas- 
siers, se distinguent facilement de tous les animaux de cet ordre, 
par leur tête déprimée, par leurs membres très courts et qui ne 


(1) Gervais, Zoo!. et pal. franç., explic. de la pl. 30. 
(2) Owen, Brit. foss. mamm., p. 179. 

(3) Ostéographie, Felis, pl. 17. 

(4) Zool. et pal. fr., p. 126. 

(5) Zool. et pal. fr., p. 127. 

(5) Ostéographie, Felis, p. 155. 


292 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS. 


peuvent plus servir qu'à la natation, par leur colonne épinière 
mobile et composée de vertèbres dont les apophyses sont grêles et 
écartées, par leur bassin étroit, et en général par un ensemble de 
caractères qu'exige leur vie tout aquatique. 

On n’a, jusqu'à présent, pas trouvé beaucoup d’amphibies fossi- 
les, et les espèces n’en ont point été clairement déterminées. L'état 
de nos connaissances relatives à la plupart des amphibies actuels 
s'oppose même à ce que l’on puisse faire toutes les comparaisons 
nécessaires pour arriver à des déterminations exactes. 


Les Pnoques (Phoca, Lin.), — Atlas, pl. VI, fig. 1-3, 


qui sont aujourd hui si abondants dans nos mers, ont laissé peu de 
traces à l'état fossile. 


Il faut probablement , en effet, ne tenir aucun compte de la plupart des 
indications des auteurs anciens, qui, souvent par des vues théoriques , ont 
légèrement rapporté aux phoques des ossements d'animaux marins. 

Il faut aussi rayer de la liste des espèces de ce genre le Phoca fossilis, 
Cuv. (1), établi sur deux fragments d’humérus trouvés près d'Angers, et qui 
doivent être rapportés au genre HALITHERIUM. 


D’autres observations démontrent cependant leur existence dans 
les terrains tertiaires moyens et supérieurs (?). 
Plusieurs espèces ont été citées dans l’époque miocène. 


Le Phoca viennensis antiqua, de Blainville (3), a été trouvé près de Vienne. 

M. Gervais () cite trois espèces encore très incomplétement connues. 

1° Une canine inférieure (pl. VIT, fig. 8), semblable à celle des otaries, 
d'un dépôt inconnu, probablement miocène. 

2° Une incisive supérieure (pl. XX, fig. 5, 6), presque identique avec 
l'externe des sténorhynques, des faluns de Romans (Drôme). 

3° Une canine inférieure (pl. XLI, fig. 1), douteuse, car elle pourrait ap- 
partenir à un dauphin. Grès marins de Léognan. 


Les terrains tertiaires supérieurs en contiennent aussi. 


(1) Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t. VII, 1, p. 452. 

(2?) Une observation de M. Boué (Journal de géologie, t. II, p. 31) 
semble indiquer des dents de phoques dans un terrain crétacé supérieur; 
mais un fait aussi grave que l'existence de mammifères à cette époque ne 
peut être établi sur une observation incomplète. 

(3) Ostéographie, Phoques, p. 42, 51, pl. 10. 

(f) Zool. et pal. fr., p. 140. 


AMPHIBIES. — MORSES, 233 


M. Hermann de Meyer (!) décrit des dents et des vertèbres trouvées dans 
les marnes tertiaires d'Osnabrück; il les rapporte à une espèce nouvelle, 
Phoca ambigua , caractérisée par un système de dentition spécial , et de la 
taille du Phoca monachus. (Atlas, pl. VI, fig. 1-3.) 

Le même auteur (2) indique le Ph. rugidens du tertiaire de Neudorff. Cette 
espèce n’est connue que par un petit nombre de dents. 

Le genre Pacayopow, du même paléontologiste (3), est établi sur des dents 
de phoques du tertiaire de Mæszkirch, dont les véritables rapports sont -en- 
core douteux (P. mirabilis, H. de Meyer). 

M. Gervais indique (*) deux espèces des terrains pliocènes de Montpel- 
lier. Ce sont : 

1° Une incisive supérieure externe décrite sous le nom de Phoca occi- 
tanica, Gervais. 

2° Une incisive supérieure très voisine de celle du phoque commun, mais 
plus grande. 

Les phoques ont été aussi trouvés fossiles en Amérique. 

M. Lyell (5) a découvert une canine dans les schistes tertiaires de l’île Mar- 
tha-Vineyard sur la côte N.-E, de l'Amérique. M. Owen la rapporte au 
Ph. proboscidea vivant. 


Les Morses (Zrichechus, Lin.) 


sont connus à l’état fossile par des fragments encore moins ca- 
ractérisés que les phoques, mais qui suffisent pour prouver leur 
existence dès l’époque tertiaire. 


Cuvier (6) cite une observation de Georgi, sur des os de ces animaux 
trouvés en Russie, et dit avoir reconnu lui-même dans les ossements décou- 
verts près d'Angers une côte et une vertèbre de morse. Cette détermination 
est considérée comme probable par M. de Blainville. 

Le même auteur dit avoir vu des fragments de dents, provenant du 
département des Landes. 

MM. Mitchill, Smith et Cooper (*) parlent de fragments de cränes et de 
dents trouvés dans un terrain tertiaire en Virginie (8). 

Il faut retrancher du genre des morses : 


(1) 
(2) Neues Jahrb., 1845, p. 309. 
(3) Neues Jahrb., 1838, p. 414. 
(#) Zool. et pal. fr., pl. 8, fig. 7, et page 140. 
(5) London and Edinburgh philos. mag., 1843, t. XXVT, p. 187. 
(6) Ossem. foss., 4° édit., t. VIT, 1, p. 458. 
(7) Ann. of the lyc. of New-York, t. I, p. 271. 
(8) Voy. Harlan, Phys. and med. res., p. 277; Edinburgh new philos. 
journ., 1834, t. XVIL p. 360, etc. 


1) Graf zu Munster, Beilr. zur Pelref., t. UE, p. 1, pl. 7. 


234 MAMMIFÈRES. —— RONGEURS. 


1° La tête trouvée par Monti aux environs de Bologne ( De monumento 
diluviano, Bol., 1719, in-4°), qui appartient à un rhinocéros. 
2° Le Trichecus molassicus, Jaeger (!), qui est un sirénoïde (2). 


6° ORDRE. 


RONGEURS. 


Les rongeurs fossiles n’ont pas encore été suffisam- 
ment étudiés. Leur petite taille les a fait ordinairement 
négliger par les ouvriers qui exploitent les carrières où 
l’on en pourrait retrouver des fragments, et la difficulté 
de distinguer les genres et les espèces de cet ordre si 
nombreux et si naturel a longtemps arrêté les paléonto- 
Jogistes. On ne peut donc pas encore établir des règles 
certaines sur leur abondance ou leur rareté dans les di- 
verses époques, car il est impossible de rien conclure 
de positif du fait que leurs ossements n’ont pas encore 
été signalés dans tel ou tel gisement. 

Ces animaux ont existé dès les plus anciens temps de 
l’époque tertiaire, présentant tantôt les mêmes genres 
que ceux qui vivent de nos jours, tantôt aussi dés 
genres dont la durée a été limitée aux périodes ancien- 
nes. On retrouve par exemple des écureuils et des loirs 
dans les gypses de Montmartre ; les terrains tertiaires 
miocènes d'Auvergne et de Sansan renferment des os- 
sements que l'on ne peut rapporter à aucun des genres 
actuels, et qui offriront un très grand intérêt lorsqu'ils 
auront pu être étudiés d’une manière plus complète. 

On trouve aussi de nombreux rongeurs dans les ter- 
rains diluviens et en particulier dans les cavernes et les 


(1) Saüget. Wurtemb., p. 200. 
(2) Voy. encore Zimmermaun, Neues Jahrb., 1845, p. 73; Owen, Pro- 
ceedings of the geol. Soc., 1° fév. 1843, etc. 


RONGEURS. 235 


brèches osseuses. Les espèces qui ont vécu à cette épo- 
que paraissent différer très peu des espèces actuelles, 
et confirment ce que j’ai déjà dit à plusieurs reprises, 
que l'étude de la paléontologie permet difficilement 
d’assigner des limites précises à cette période dilu- 
vienne. 

Les terrains récents d’Asie et d'Amérique ont aussi 
conservé des ossements de rongeurs. Dans ce dernier 
continent en particulier, ils ont été étudiés par plusieurs 
voyageurs; on à trouvé quelques genres nouveaux, 
et aussi beaucoup d'espèces qui se rapportent aux 
genres américains actuels. Quelques-unes de ces espè- 
ces sont même, comme en Europe, difficiles à distin- 
ouer de celles qui vivent de nos jours. 

Les rongeurs ont des caractères assez précis pour 
que l’on puisse en général en reconnaître facilement 
les ossements. La dentition en particulier offre des ca- 
ractères très clairs; l'absence des canines, les inci- 
sives en biseau et sans racines, et les molaires le plus 
souvent composées ou demi-composées suffisent pour 
les caractériser. Les genres et les espèces sont 
d’une étude plus difficile. Nous adoptons ici la classi- 
fication en tribus (‘), qui nous semble la plus natu- 
relle et qui résulte des travaux de MM. Waterhouse, 
Wagner, etc. 


4re TriBu. — SCIURIENS. 


Ces rongeurs se distinguent par leurs molaires tuberculeuses etau 
nombre de +, leurs incisives pointues, et leurs os frontaux dilatés. 


(1) Nous avons préféré le nom de tribu à celui de famille, parce que les 
caractères sur lesquels ces divisions sont établies ne sont pas d’une trés 
grande importance. 


236 MAMMIFÈRES. —- RONGEURS. 


Les ÉcureuiLs (Sciurus, Lin.) 


sont caractérisés par leurs incisives très comprimées et par leur 
queue longue, touffue. Leurs molaires sont tuberculeuses. Ils ont 
déja existé à l’origine de l’époque tertiaire. 


Une dent incisive trouvée dans l'argile de Meudon par M. Charles d'Orbi- 
gny (1) semble indiquer une espèce dans l’époque suessonienne. 

Les gypses de Montmartre renferment les débris d’une seconde espèce, 
trop mal conservés pour qu’on ait pu les caractériser exactement, mais assez 
évidents pour qu’on y reconnaisse un écureuil voisin du commun (2): c’est 
le Sciurus fossilis, Giebel (Faun., t. I, p. 82). 

Les calcaires de Saint-Gérand-le-Puy (miocène d'Auvergne) ont aussi 
fourni les débris d'un écureuil (3). M. Pomel le nomme S. Feignouæi. 

M. Lartet (4) indique à Sansan (miocène) le Sciwrus sansaniensis, Lartet, 


le S. Gervaisianus, id., et le S.? minutus, id. Cette dernière espèce est 
très douteuse. 


On à trouvé aussi des ossements dans quelques cavernes et dans 
le terrain diluvien. 


M. Giebel (5) dit avoir trouvé dans le diluvium des environs de Quedlim- 
bourg, une espèce (S. priscus, Gieb.) de taille double de l’écureuil commun. 

M. Schmerling (5) cite, dans les cavernes de Belgique , un écureuil iden- 
tique avec l'espèce qui vit en Europe. 

Le S. diluvianus, Munster (7), est probablement aussi la même espèce. 


Les MarmorTEes (A4rctomys, Gmel.), — Atlas, pl. VE, fig. 4 et 5, 


ont les incisives inférieures pointues comme les écureuils, mais 
moins comprimées, les molaires hérissées de pointes, les formes 
lourdes et la queue courte. 

On n'en a trouvé de fossiles certains que dans les terrains dilu- 
viens et tertiaires supérieurs. 

L'Arctomys arvernensis, Brav. (8), caractérise les dépôts sous-volcaniques 
d'Auvergne (pliocène). (Atlas, pl. VI, fig. 5). 


(!) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 49. 

(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 548. 
(3) Laurillard, Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 206. 

(4) Notice sur la colline de Sansan. 

(®) Fauna der Vorwelt, 1. 1, p. 82. 

(6) Ossem. foss. des cavw. de Liége, t. I, p. 99, pl. 20, fig. 1. 
(7) Bayreuth Pelrefacl., p. 87. 
(8) 


(8) Gervais, Zool. et pal, fr., p. 20, explic. de la pl. 26, et pl. 18, fig. 8. 


SCIURIENS. —— SPERMOPHILES. 237 


M. Kaup (1) a trouvé près d'Eppelsheim, dans un terrain regardé d’abord 
comme miocène, puis rapporté au diluvium par M. H. de Meyer, un squelette 
presque complet d’une espèce qui surpasse la marmotte en grosseur : c'est 
l’Arctomys primigenia, Kaup, Myoxus primigenius, H. de Meyer (?). 

M. Gervais (3) rapporte à cette espèce des ossements trouvés dans le dilu- 
vium de Paris, de Niort et d'Issoire. 

L'Arclomys spelœus, Fischer de Waldheim (f), a été trouvée dans les ca- 
vernes de Russie; elle se rapproche des formes de l'A. bobac ; mais son crâne, 
qui est seul connu, indique des différences trop grandes pour qu’on puisse 
réunir ces espèces. 

M. Pomel (5) indique une marmotte des alluvions ponceuses d'Auvergne 
qui, selon lui, diffère de l'A. primigenia. 

La marmotte des Alpes (4. marmotta, Schreber) a été trouvée fossile dans 
le diluvium de Mossbach et de Koestrich (6). Ce fait montre, comme le fait 
remarquer M. de Meyer, que la marmotte des Alpes a habité anciennement 
diverses parties de l'Allemagne, dont plusieurs n'étaient pas situées à mille 
pieds au-dessus de la mer. Le fait qu’on trouve souvent plusieurs individus 
réunis semble indiquer que la marmotte était déjà alors un animal social. 


Les PLESIARCTOMYS, Gervais, 


ont des molaires tout à fait semblables à celles des marmottes, 
sauf que les tubercules, beaucoup plus arrondis, indiquent un 
régime plus frugivore. 


Le PI. Gervaisi, Bray. et Pomel (7), surpassait un peu par sa taille la 
marmotte fossile. Il a été trouvé dans le calcaire lacustre de la butte de 
Saint-Perréal, près Apt (parisien supérieur). 


Les SPERMOPHILES (Spermophilus, Fréd. Cuv., 


diffèrent des marmottes par leurs abajoues et par leurs formes plus 
légères. On en connaît des fossiles dans les terrains tertiaires et 
diluviens. 


(1) Ossem. foss. de Darmstadt, 5° livr., pl. 25, fig. 1 et 2. 
2) Voyez Meyer, Palæologica, p. G1 et 409. 
3) Zool. et pal. fr., p. 20, pl. 46, fig. 11 et 12. 
4) Nouv. mém. de l’Acad. de Moscou, 1834, t. IE, p. 381. 
5) Bull, de la Soc. géol. de France, 2° série, t. [, p. 594. 
(6) Herm. de Meyer, Neues Jahrb., 1847, p. 181. 
() Notice sur les ossem. foss. de la Débruge; Gervais, Zool. et pal. fr., 
pl. 47. 


( 
( 
( 
( 


238 MAMMIFÈRES. —— RONGEURS. 


Le $. speciosus, H. de Meyer (1), n’est connu que par une mâchoire supé- 
rieure trouvée à Weïisenau (miocène). 

Le S. superciliosus, Kaup (?), a été trouvé près d'Eppelsheim avec l’Areto- 
mys primigenia. C’est probablement la même espèce que celle des brèches à 
ossements de Montmorency, d’Auvers, d'Auvergne, etc. M. Desnoyers dit 
qu'elle se rapproche surtout du S. Richardsoni d'Amérique (3). 


Je me borne à indiquer à la fin de cette tribu le genre Lirxomys, 
H. de Meyer (‘), établi pour des rongeurs de Weisenau (miocène), 
mais dont les caractères n’ont pas été précisés. M. H. de Meyer, 
dans l'£numerator de M. Bronn, place ce genre dans les Sciureèna. 


2e TriBu. — MYOXINS. 


Cette tribu renferme seulement le genre des Lorrs qui joignent 
aux doigts des écureuils des dents molaires au nombre de + divi- 
sées par des lignes d'émail nombreuses. 


On en connaît deux espèces des gypses de Montmartre. La première, éta- 
blie sur un squelette très bien conservé, est de la taille du muscardin 
(Myoœus avellanarius), mais a des dentsde la forme de celle du loir ordinaire 
(Myoæus glis) (5). C’est le M. spelœus, Fischer (6) et le M. parisiensis, Giebel. 

La seconde (7), un peu plus grande, n’est connue que par une mâchoire 
inférieure, dont les molaires n’ont pas exactement le plissement de celles 
des loirs vivants ; elle devra peut-être devenir le type d’un genre nouveau. 

Une troisième espèce a été indiquée par M. Laurillard (8) dans le terrain 
miocène de Sansan. C’est le W. sansaniensis, Lartet. 

M. Lartet indique encore comme espèce très douteuse le M. minulus, de 
Sansan. 


On en a trouvé aussi quelques ossements dans les terrains dilu- 
viens. 

M. Fischer de Waldheim (?) indique le M. fossilis des cavernes de Russie, 
qui est un peu plus gros que le loir. 


(1) Leonh, und Bronn Neues Jahrb., 1846, p. 474. 

(2) Ossem. foss. de Darmstadt, 5° livr., pl. 25, fig. 3-6. 

(3) Voyez Desnoyers, Bull. Soc. géol., t. XIII, p. 295; Pomel, id., 2° série, 
t. IL, p. 212; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 19. 

(*) H. de Meyer, Neues Jahrb., 1846, p. 475. 

(5) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 541. 

(6) Synops. mamm., p. 314. 

(7) Cuvier, Ossem. foss., p. 547. 

(8) Diction. de d'Orbigny, t. XI, p. 205. 

(°) Nouv. mém. Acad. de Moscou, 1829, t. T, p. 281, pl. 19, fig. 11-13, et 
1834, t. IL, pl. 20, fig. 1-3, 


MACROPODES. — GERBOISES. 239 


Les cavernes de Lunel-Viel en renferment des débris qu’on ne peut pas 
distinguer du loir commun. 

M. Schmerling (1) a trouvé, dans les cavernes de Belgique, une espèce 
qu'il nomme M. priscus, mais qu’il ne sépare qu'avec doute du loir 
commun. 

Nous avons dit plus haut que le Myoxus primigenius, H. de Meyer, est 
une marmotte. 


M. H. de Meyer, dans l’£numerator de M. Bronn, place dans Ja 
tribu des myoxins un genre nouveau, non encore caractérisé, 
celui des Bracaymys, H. de Meyer, qu'il avait précédemment dé- 
signé sous le nom de Micromys, nom déjà employé par le prince de 
Canino pour les petites espèces de rats proprement dits. Ce genre 
a été établi sur des ossements fossiles de Weisenau (miocène) (?). 


3° TriBu. — MACROPODES. 


Ils sont caractérisés par la disproportion des pattes, les posté- 
rieures étant beaucoup plus grandes et ayant les os métatarsiens 
soudés ensemble. Ils sont encore peu connus à l’état fossile. On a 
trouvé dans les tertiaires de Russie et d'Allemagne quelques débris 
que l’on à rapportés au genre des 


GERBOISES (Dipus, Gmel.), 


et qui appartiennent probablement à plusieurs espèces qui n'ont 
pas encore été suffisamment déterminées. 


M. Fischer de- Waldheim (3) signale une espèce trouvée dans une marne 
de la grande Tartarie, dont l’âge n’est pas certain. Cette espèce rappelle le 
D. platurus, mais avec les orteils plus courts et les canons plus larges. 

M. Laurillard (4) cite, d'aprés M. Lartet, une gerboise dans les terrains 
miocènes de Sansan. 

Le genre Drroïpes, Jaeger (°), n’est connu que par une dent du Bohnerz 
de l’Albe de Souabe, et est très douteux. M. H. de Meyer ($) le rapproche 
avec doute des Chalicomys. 


(1) Ossem. foss. des cavernes de Liége, t. Il, p. 100, pl. 20, fig. 4 et 5. 
(2) H. de Meyer, Nomenclator, p. 173; Neues Jahrb., 1846, p. 475. 

(3) Nouv. mém. Acad. de Moscou, 1829, t. 1, p. 281, pl. 19, fig. 6-10. 
(#) Dict.de d'Orbigny, t. XE, p. 205. 

(5) Saug. Wurt., t. 1, p. 17, pl. 3, fig. 41-50. 

(6) Bronn, Nomenclator. 


240 MAMMIFÈRES. — RONGEURS. 


Les Issioporomys, Croizet, — Atlas, pl. VI, fig. 6, 


doivent probablement être placés dans cette tribu, à cause de leur 
analogie avec les H£LaMys vivants. Ils ont comme eux + molaires 
en double cœur subarrondi à chaque mâchoire. 


La seule espèce connue, Z. pseudanæma, Gervais (1), a été découverte 
par M. Croizet dans les terrains miocènes de la Limagne avec l'Hyænodon 
leptorhynchus. M. Jourdan (?}l’a considérée comme un Anæma de même espèce 
que le cochon d’Inde. MM. de Blainville (3) et Gervais (4) l’ont rapprochée des 
Hélamys. Sa taille est celle du cochon d'Inde, 


he TriBu. — LAGOSTOMIDES. 


Cette tribu est également caractérisée par des pattes postérieures 
plus grandes que les antérieures, et à doigts peu nombreux, 
mais à métatarsiens non soudés, et par 4-molaires à lamelles trans- 
verses. Cette tribu ne renferme aujourd'hui que des espèces de 
l'Amérique méridionale. C’est aussi dans ce continent que l’on à 
trouvé les ossements les plus certains parmi ceux qu'on lui rapporte. 


Les ViscacHEs (Zagostomus, Bennet) 
sont le seul genre vivant que l’on connaisse aussi à l’état fossile. 


M. Lund a trouvé dans les cavernes du Brésil une espèce (Lagostomus 
brasiliensis), qui paraît différer de la viscache vivante (5). 


C’est peut-être dans cette même tribu qu'il faut placer un genre 
nouveau, celui des 


MEcamys, d'Orb., 


établi par M. d'Orbigny (6) sur un tibia et une rotule trouvés dans 


(1) Zool. et Pal. fr., p. 27. 

(2) Comptes rendus de l'Acad. sc., t. V, p. 484. 

(3) Comptes rendus, t. X, p. 931, 

(f) Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 203. 

(5) Mém. Acad. Copenh., t. VIIL, pl. 25 et 26, et 9, p. 199. 


(6) Voyage dans l'Amérique mérid., Paléontologie , p. 110, pl. 8, fig. 4 
et 5. 


PSAMMORYCTINS. —— ARCHÆOMYS. 241 


les grès tertiaires de la Patagonie. La comparaison de ces débris, 
avec les pièces analogues de divers rongeurs , semble indiquer un 
animal voisin par ses formes de la viscache, mais d’une taille plus 
grande. On ne peut du reste encore considérer ce rapprochement 
que comme provisoire, car il est difficile de connaître les véritables 
affinités des rongeurs si l’on n’a pas pu étudier leur dentition. 


La seule espèce connue, le Megamys patagonensis, aurait été un des plus 


grands rongeurs connus, Car son tibia avait environ un pied de longueur 
(339 millimètres ). 


5° TriBu. — PSAMMORYCTINS (Octodontides, Wat.). 


Cette tribu, caractérisée par des formes semblables à celles des 
rats, par + molaires, et par l’angle postérieur de la mâchoire infé- 
rieure prolongé en pointe, paraît avoir eu, daus les époques anté- 
rieures à la nôtre, un plus grand développement que les précédentes. 
Elle n'a, de nos jours, aueun représentant en Europe; mais on 
trouve, dans les terrains tertiaires moyens et supérieurs, des 
preuves que ce continent à été autrefois habité par des animaux 
qui paraissent en avoir eu les caractères essentiels. 

La plupart des espèces de psammoryctins habitent aujourd'hui 
l'Amérique et y ont été précédées, pendant l’époque diluvienne, 
par des animaux assez nombreux que l’on peut rapporter à la même 
tribu et souvent même aux genres actuels. On ne connait pas en- 
core assez la paléontologie des autres régions chaudes du globe, 
pour savoir si les espèces moins nombreuses qui les habitent au- 
jourd'hui ont succédé aussi à des espèces éteintes. 

Le premier genre que nous citerons est un genre éteint, celui des 


ARCHÆOMYS , de Laiser et de Parieu, — Atlas, pl. VL fig. 7 


; 
qui semble, par ses formes générales et par sa dentition, établir 
un passage entre les lagostomides et les capromys, mais dont les 
véritables rapports sont encore douteux. M. Gervais et M. Jourdan 
le rapprochent des chinchillas, et par conséquent de la famille pré- 
cédente. 

Ce genre est caractérisé par le plissement de l'émail des dents 
supérieures, qui formeun petit ovale à l'angle antéro-externe; trois 
ares concentriques traversent en outre obliquement la couronne 
de la dent, s’arc-boutant, le premier sur les extrémités de l'ovale, 

L 16 


2412 MAMMIFÈRES. — RONGEURS. 


le second sur le premier, et le troisième sur le second. Aux molai- 
res inférieures il n'y à que deux ares. 

11 paraît, d’après M. Gervais (1), qu'il faut réunir à ce genre les 
GERGOVIAMYS, Croizet, les Pazæomys, de Laiser et de Parieu (non 
Kaup), et les CuviEROMYS, Brav. 

L'A. chinchilloides , Gervais, provient des terrains miocènes d'Auvergne. 
Ï a la taille du chinchilla (2). 

L'A, Laurillardi, Gervais (3), a été recueilli dans les marnes lacustres des 
environs d’Issoire (miocène d'Auvergne). 


Les Turripomys, Jourdan, — Atlas, pl. VE, fig. 8-14, 


ont des incisives lisses et + molaires, ayant à la mächoire-supé- 
rieure deux replis d’émail du côté interne, séparés par un sillon 
oblique produisant des plis qui s’effacent par la trituration. A la 
mâchoire inférieure, les molaires ont un pli de chaque côté qui 
partage la dent en deux lobes, dont chacun a une île d’émail." Ces 
dents se rapprochent à la fois de celles des sphiggures et des syné- 
thères et de celles des échimys: La forme de la mâchoire et les 
trous sous-orbitaires les éloignent des castors, dont M. de Blain- 
ville proposait de les rapprocher. I! faut réunir à ce genre les PE- 
RIEROMYS, Croizet, etles NEomys, Bravard. 

Le Theridomys breviceps, Gervais (#) (Echimys (5) curvistriatus, de Laiser 
et de Parieu (6), T. Jourdani, Giebel) , a é 6 trouvé dans les marnesl acustres 
à hyænodons d'Auvergne (7). 


(1) Zool. et pal. fr., p. 28. 

(2) Voyez Jourdan, Compt. rendus Acad. sc., 1838, 1. V, p. 484 ; de Laiser et 
de Parieu, 1d., t. VIII, 1839, p. 133 et 206; Blainville, Zd,, 1840, €. X, 
p.929 ; Gervais, Dict. d'Orbigny,t. IN,p 587; Laurillard, /., t. XI, p. 208. 

(3) Zool. et pal. fr., pl. 47 ; Cuvieromys Laurillardi, Brav. call. 

(4) Zool. et pal. fr., p. 28. 

(6) Je-dois faire observer que Îles rapprochements par lesquels on attribue 
des espèces fossiles européennes à des genres aujourd’hui exclusivement 
américains ont été beaucoup plus fréquents pour les petits animaux que 
pour les grands, et qu'il est impossible, en conséquence, d'y avoir une grande 
confiance. On ne saurait trop recommander aux paléontologistes d'apporter la 
plus grande attention et la plus grande rigueur dans ces déterminations, qui 
peuvent influer d’une manière très directe sur les lois générales d'apparition 
et de succession des êtres organisés. 

(6) Comptes rendus, 1839, t. VIIL, p. 25; Echimys breviceps, 14., p. 206; 
14, Mag. de xool. de Guérin. : 

(?) Voy. encore Jourdan, Comptes rendus Acad. se., t. V, p. 463; Blain- 
ville, Zd.,t, X, p. 926, ete, 


PSAMMORYCOTINS. —— RCHIMYS. 243 


Le Ther. lembronica, Gervais ({) (Neomys lembronica, Brav.), provient des 
environs d'Issoire (miocène d'Auvergne). (Atlas, pl. VI, fig. 8). 

Le Ther. aqualilis, Aymard (2?) (Gervais, /Zd., pl. XLVI), a été découvert 
daos les marnes lacustres de Ronzon, près le Puy-en-Velay (miocène infé- 
rieur). (Atlas, pl. VI, fig. 9). 

Le Ther.? Blainvillei, Gervais (14., pl. XLVIT), provient des marnes-lacus- 
tres des environs d’Issoire (miocène d'Auvergne). Ses molaires sont intermé- 
diaires entre celles des théridomys et celles des archæomys. M. Bravard l'avait 
étiqueté dans sa collection sous le nom générique de BLamviLuimys. (Atlas, 
pl. VI, fig. 10 et 11). 


Les NELOMYS, Jourdan , 


sont caractérisés par les poils en forme de piquants qui couvrent 
leur corps , et par <-molaires. Les supérieures sont divisées par 
un sillon transversal en deux portions très distinctes dont chacune 
est de nouveau subdivisée par un sillon secondaire. La première 
molaire inférieure est divisée de même, et les autres sont compo- 
sées de trois parties formant une suite d’angles saillants et ren- 
trants. 

Ces rongeurs, qui vivent aujourd'hui dans l'Amérique méridio- 
nale, l'ont aussi habitée dans l’époque diluvienne. 


M. Lund a trouvé dans les cavernes du Brésil une espèce ($) voisine d’une 
vivante qu’il a nommée N. antricola (4), 


Les EcniMys, Geofir., 


sont épineux comme les nélomys, mais leurs + molaires sont 
moins compliquées ; chacune est divisée en deux portions moins 
distinctes à la mâchoire supérieure; la postérieure seule est 
coupée par un sillon secondaire. À la mâchoire inférieure l’anté- 


(1) Zool. et pal. fr. pl. 47. 

(2) Ann. de la Soc. du Puy, t. XIV, p. 82. 

(3) M. Lund avait indiqué dans son premier catalogue (Ann. sc. nat., 
2€ sér., t. XI, p. 227), une espèce, le Nelomys sulcidens. Dans lesecond cata- 
logue (Jd., t. XIE, p. 315), il a attribué cette espèce au genre AuLacopvs, 
Temm., mais sans en donuer les preuves. Or, le genre AuLACOpUs n’a pro- 
bablement que ? molaires semblables par leur forme à celles des mar- 
mottes. (Il ne renferme qu’une seule espèce vivante.) Je considère ce rappro- 
chement comme douteux. 

() Ann, se, nat., 2° série, t. XIIE, p. 315%, 


244 MAMMIFÈRES. — RONGEURS, 


rieure est la plus grande, et les angles saillants etrentrants ne se 
retrouvent pas. 


Une espèce trouvée par M. Lund dans les mêmes localités ‘se rapproche 
aussi d’une espèce vivante du Brésil, l'E. elegans, Lund, loc. cit. 

MM. de Laiser et de Parieu ont trouvé dans les tertiaires d'eau douce 
d'Auvergne (miocène inférieur), une espèce qu'ils ont rapportée à ce genre, 
et qu'ils ont nommée-d’abord Echimys curvistriatus, puis Echimys breviceps. 
Nous l'avons placée ci-dessus dans le genre THERIDOMYS. 


M. Lund à établi un genre nouveau pour des rongeurs voisins 
des nélomys et de échimys, et, peut-être aussi, épineux comme 
eux. Cest celui des 


Loxcaopxorus, Lund. 


Une seule espèce, le L, fossilis, a été trouvée dans les cavernes du Brésil (!). 


Les PayzLomys, Lund, 


ont les molaires supérieures composées de quatre lames transver- 
sales simples. 


Une espèce fossile, voisine du P. brasiliensis, Lund , actuellement vivant, 
a été trouvée par M. Lund daps les mèmes gisements (?). 


C'est avec doute que nous réunissons à cette tribu le genre des 


ADELOMYS, Gervais, 


connu par quelques fragments de mâchoires qui rappellent en 
partie les théridomys et les archæomys sous le point de vue du trou 
sous-orbitaire, et les sciuriens sous celui des dents. M. Gervais 
considère ces débris comme insuffisants pour fixer les affinités 
zoologiques du genre. 


L’Adelomys Vaillanti, Gervais (#), a été trouvé dans les lignites de la Dé- 
bruge (parisien supérieur). 


(1) Ann. sc. nat., 2° série, t. XIIF, p. 312; Mém. Acad. Copenh., t. VIN, 
pl25 081080 IX p:490; 

(2) Ann. se, nat., t. XI, p. 226. 

(3) Zool. et pal, fr., pl. 47. 


MURINS. — RATS, 245 


6° TriBu. — CTÉNOMYENS. 


Is ont aussi + molaires, mais leur corps est plus trapu et leurs 
formes sont celles des rongeurs fouisseurs. Ils habitent tous l'Amé- 
rique où ils semblent représenter les rongeurs de l’ancien monde 
qui forment la tribu suivante. On n’en a encore trouvé des fossiles 
que dans ce continent, et même on n’a signalé les ossements que 
d’un seul genre, celui des 


CTÉNOMYS, Blainville, 


qui paraît avoir habité l'Amérique méridionale pendant l'époque 
diluvienne, et qui y vit encore aujourd hui. 
On a indiqué les deux espèces suivantes : 


Le Ctenomys priscus, Owen (!), connu par une portion de mâchoire et par 
un pied de derrière. 

Le Ctenomysbonariensis, d'Orb.(?), trouvé dans les terrains pampéens, mais 
caractérisé par des débris trop imparfaits, pour qu’on puisse certifier qu’il 
diffère réellement de l'espèce qui vit aujourd’hui dans le même pays. 


7° TriBu. — CUNICULAIRES. 


Elle renferme les rongeurs les plus essentiellement fouisseurs. 
Leur corps épais et cylindrique, leur tête obtuse, leurs yeux petits, 
leur queue presque nulle, leurs pieds antérieurs robustes et leurs 
fortes incisives en biseau, les font facilement distinguer. Is habi- 
tent aujourd'hui le sud-ouest de l'Europe, l'Asie et l'Afrique, 
et paraissent jusqu’à présent n'avoir aucun représentant fossile. 


8° TriBu. — MURINS. 


Cette tribu est la plus nombreuse et la plus difficile à étudier de 
nos jours, elle est aussi une de celles dont la connaissance pa- 
léontologique est la moins avancée, quoique de nombreux osse- 
ments des espèces qu'elle renferme aient été trouvés dans les 
terrains récents d'Europe. Elle se distingue facilement par ses 
molaires presque toujours au nombre de -, ses arcades zygoma- 


(!) Voyage of the Beagle, p. 109. 
2) Voyage en Amerique, Paléontologie, p. 142. 


246 MAMMIFÈRES. —— RONGEURS. 


tiques faibles, ses incisives inférieures aiguës, et l'angle postérieur 
de sa mâchoire inférieure arrondi. 
Le genre des 


Rats ( Mus, Lin.), — Atlas, pl. VI, fig. 12, 


a existé abondamment en Europe pendant l’époque diluvienne, ce 
que témoignent de nombreux ossements trouvés dans les cavernes. 
Ces débris n’ont pas jusqu'à présent été suffisamment étudiés, et 
cependant leur connaissance exacte pourrait contribuer à résou- 
dre quelques questions qui ne sont pas dépourvues d'intérêt. Si, 
par exemple, il est démontré, comme les travaux incomplets qui 
existent semblent le faire pressentir, que la plupart des espèces 
de rats des cavernes vivent encore de nos Jours, on pourra par leur 
étude savoir quelles sont les espèces indigènes d'Europe, et 
quelles sont celles qui-ont été importées par le commerce mari- 
time. Les cavernes de Belgique paraissent renfermer les ossements 
d’un rat très voisin du rat noir; or il est généralement admis 
que cet animal a été importé d'Asie en Europe. L'examen attentif 
des rats des cavernes pourra ou prouver que cette opinion est 
erronée, si l'identité entre les deux espèces est bien certaine, ou 
démontrer qu'une autre espèce de rats à été chassée et détruite par 
le rat noir, ou enfin faire regarder comme autochthone le rat des 
toits ou quelque espèce voisine. 

Ce serait préjuger toutes ces questions que de donner aujour- 
d'hui des noms aux espèces fossiles qui ont été trouvées dans les 
cavernes et dans les brèches osseuses. 

Plusieurs espèces ont été indiquées dans les terrains tertiaires. 

Les terrains miocènes inférieurs en renferment quelques unes 
qui paraissent différer des véritables rats par quelques caractères 
de dentition encore peu précisés. M. Aymard en a fait le genre 
Micromys, mais ce nom ayant déjà été donné par le prince de Ca- 
nino à de petites espèces vivantes, il l'a changé (communication 
inédite) contre celui de MYoTHERIUM. On en distingue deux espèces. 

Le Mus minulus, Micromys minutus, Aymard (!), Mus Aymardi; Ger- 


vais (2), a été trouvé dans les marnes à hyænodons d'Auvergne. Il est plus 
petit que la souris. 


(1) Ann. de la Soc. du Puy, t. XI, p. 2%4. 
(2\ Zool. et pal. fr., p. 25: 


MURINS. — RATS. 247 


Le Mus aniciensis, Gervais (Micromys aniciensis, Aymard, id.), à été trouvé 
avec le précédent. Il est d’une grandeur double. | 

Le Mus gerandianus, Gervais (1), a été trouvé à Saint-Gérand-le-Puy. 

Le Mus gergovianus, Gervais (pl. XLVIIT), provient des marnes lacustres 
de la Limagne. (Atlas, pl. VI, fig. 12.) pui 

M. Pomel (2) mentionne, sans les décrire, deux espèces de rats, l’un de la 
taille du rat noir, l’autre de celle de la souris, des calcaires lacustres du 
Puy-de-Dôme (3). 


Dans les terrains miocènes supérieurs : 


On avait indiqué trois espèces de rats à Sansan (Laurillard), mais le der- 
nier catalogue de M. Lartet (*) n’en parle plus. Je pense qu’ils auront passé à 
d’autres genres, probablement à celui des Criceronow, Lartet. 


Quant aux terrains tertiaires pliocènes : 


On cite aussi, sous le nom de Mus musculus fossilis, la souris actuelle, 
comme trouvée dans les schistes d'OEningen (pliocène);. mais cette détermi- 
pation, peu probable, est précisément une preuve de la légèreté avec laquelle 
on a souvent établi, en paléontologie, des analogies sur un examen super- 
ficiel. Karg (°), auquel on doit la première étude de ce fragment, et d'après 
qui on à ordinairement admis l'identité avec la souris ordinaire, avoue que 
l'empreinte n’est pas assez certaine pour ne laisser aucun doute, et qu’il ne 
peut pas certifier, en particulier, que ce ne soit une racine de Cyperus ! 


Le diluvium , les cavernes et les brèches renferment quelques 
ossements de rats, 


Parmi de nombreux débris on cite surtout trois espèces : une de la taille 
du rat, une un peu plus grande que le mulot, et une qui rappelle la 
souris (6), 


Le genre des rats à été aussi trouvé fossile dans l'Inde. 


(l) Zoo. et pal. fr., pl. 46. 

(2) Bull. Soc. géol., 2° série, t. E, p. 593. 

() Voyez aussi Lauritlard, Dict. de d'Orbigny, t, XI, p. 206. 

(4) Nolice sur la colline de Sansan, 1851. 

@) Denkschrift en der vaterl. Gesch. Schwabens, 1. 

(6) Voyez pour la première : M. de Serres, Journ. géol., t. LE, p. 254; 
Keferstein, Natur., t. II, p. 221 ; pour la seconde : Gervais, Zoo!. et pal. fr., 
p. 24 (Maulot fossile dans les brèches de Corse); pour la troisième : Schmer- 
ling, Ossem. foss., t. Il, p. 100, pl. 20, fig. 2, 3; Buckland, Relig. diluv., 
p. 15, pl. 2, fig. 7; Neues Juhrb., 1834, p. 480;-1836, p. 58, elc.; et pour 
les AZ. diluvianus major et minor, Münster, Payreuth Petref., p. 87. 


248 MAMMIFÈRES. — RONGEURS. 


MM. Cautley et Falconer en ont cité des espèces indéterminées, 
découvertes dans les terrains tertiaires subhimalavens. 

L'Amérique méridionale en à fourni aussi de nombreux débris. 
M. Lund a trouvé, dans les cavernes du Brésil, douze espèces qui 
appartiennent probablement, comme les vivantes du même pays, 
au sous-genre des HESPEROMYS. : 


De ces douze espèces, huit se distinguent difficilement des actuelles, et 
quatre sont tout à fait nouvelles. Ce sont les Mus robustus, debilis, orycter 
et talpinus. 


Les CricETopoN, Lartet, 


sont caractérisés par des molaires en même nombre que celles des 
rats et également tuberculeuses. La forme de ces tubercules rap- 
pelle encore mieux les hamsters ; mais il y en a un de moins aux 
dents antérieures de chaque mâchoire. L'humérus est percé comme 
dans ce genre d'un trou à son condyle externe. 


M. Lartet (1) en indique trois espèces : les Cricetodon sansaniense, medium 
et minus, de Sansan (miocène ). 


Le genre des 
HamsTers (Cricetus , Cuv.) 


ne diffère des rats que par des modifications peu importantes dans 
la forme des molaires, par une queue courte et par des abajoues, 
On n’en connaît des fossiles que dans les terrains diluviens. 


Le Cricelus vulgaris fossilis, Kaup (2), qui avait d'abord été décrit comme 
trouvé dans les sables tertiaires d'Eppelsheim, provient du diluvium et est 
semblable au hamster commun. Ce dernier a aussi été observé dans les brè- 
ches à ossements de Montmorency 3), dans le diluvium d'Auvers (f), et 
dans les cavernes de la Belgique ().! 


e 
Le genre des 


CamraGNoLs (Arvicola, Cuv., ÆHypudœus, His. 
» HY D 


est caractérisé par à molaires sans racines, composées de prismes 


1) Notice sur la colline de Sansan. 


(1) 

(2) Ossem. foss. de Darmstadt, 5° livr., p. 118. 

(3) Constant Prévost et Desnoyers, Bull. Soc. géol., 1842, p. 295. 

(#) Pomel, Bull. Soc. géol., 1846, p. 212 (avec doute). 

(5) Schmerling, Ossem. foss., t. I, p. 100, pl. 20, fig. 9, 11 (C. anliquus). 


MURINS. — CAMPAGNOLS. 249 


triangulaires placés alternativement sur deux rangs. Cette com- 
position les distingue clairement des molaires à racines et à 
tubercules des rats. Le genre des campagnols est représenté par 
des débris abondants dans les terrains diluviens et tertiaires supé- 
rieurs d'Europe. 


MM. Croizet et Jobert (1) en ont signalé des débris dans les dépôts arénacés 
d'Auvergne (pliocène); M. Pomel (2) en admet deux espèces dans ces gise- 
ments. 

Cuvier (3) en cite un des couches fissiles de Walsch en Bohême, qui était 
de la taille du schermaus. 


Le diluvium, les cavernes et les brèches en renferment plusieurs 
espèces mal déterminées, et caractérisées surtout par leur taille. 


Le Rat d’eau ( Arvicola amphibius, L.) a été trouvé fossile dans les brèches 
de Montmorency (Constant Prévost et Desnoyers). 

C'est probablement à cette espèce qu'il faut rapporter le Campagnol des 
cavernes (A. spelœus) (1). 

Le Schermaus (À. terrestris, Herm., À. Argentoralensis, Desm.) se trouve 
fossile dans le diluvium des environs de Paris et dans les brèches d’Auvers (5). 

L’'Arvicola pratensis, Owen (6), a été trouvé dans la caverne de Kent. 

Le Campagnol ordinaire ( Arvicola arvalis, L.) paraît avoir été trouvé 
fréquemment à l’état fossile. On lui a du moins souvent rapporté les osse- 
ments dont la taille lui convenait, par une analogie probable, mais sans preuves 
bien grandes. On le cite dans le diluvium d'Auvergne (Croizet, etc)., dans les 
brèches osseuses de Montmorency (Constant Prévost et Desnoyers), et dans 
diverses cavernes (7). C’est probablement à cette espèce qu'il faut rapporter 
le Petit campagnol des cavernes, Cuvier ($). 

Les brèches osseuses de Sardaigne, de Corse et de Cette, contiennent aussi 
les débris d’une espèce que Cuvier distingue de celles des cavernes, et que 
M. Gervais (*) réunit à l'A. arvalis. 

(1) Ossem. foss. du Puy-de-Dôme, p. 89. 

(2) Bull. de la Soc. géol., 2° série, t, I, p. 594. 

(8) Ossem. foss., 4° édit., t. VIII, p. 127. 

(#) Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t.. VIIT, p. 105; Buckland, Relig. diluw., 
pl. 25 ; Owen, Foss. Brit. mamm., p. 201 ; Giebel, Neues Jahrb., 1849, p. 61. 

(5) Gervais, Zool. et pal. franç., p. 26. 

(6) Brit. foss. mamm., p. 208. 

(7) Owen, Foss. Brit. mamm., p. 206 ; Schmerling, etc, 

(8) Ossem. foss., 4° édit., t, VIIL, p. 106. 

(%) Zool. et pal. franç., p. 27. Voyez encore Pomel, Bull. Soc. géol., 
2° série, t. IV, 113 (sur les espèces du diluvium d'Auvergne) ; Giebel, Fauna 
der Vorwelt, t. 1, p. 89 (mâchoire du diluvium de Sweckenberg). 


250 MAMMIFÈRES. — RONGEURS. 


A la fin de cette tribu je dois encore indiquer deux genres qui 
ont été découverts par M. Aymard dans le calcaire lacustre du 
Puy en Velay, et qui ont besoin de nouvelles recherches pour être 
définitivement inscrits dans les catalogues paléontologiques. 
M. Aymard a bien voulu me communiquer sur leur compte les 
faits suivants : 

Les Decricus , Aymard, 


sont connus par une branche à peu près complète de Ja cotes 
inférieure. L'incisive est lisse, très peu arquée et a un biseau ter- 
minal assez long. Les molaires sont au nombre de trois dont la 
première est ne longue et les deux postérieures subégales. Leur 
couronne est partagée en très petites collines par des sillons nom- 
breux. Les racines sont très distinctes. 

La seule espèce connue est le Declicus antiquus, Aymard (communic. 
inéd.), du Puy. Elle était très petite, car la mâchoire n'est longue que de 
14 millimètres, depuis le bout de lincisive jusqu’à l'extrémité condyloïde. 


Les Ecomys, Aymard, 


connus aussi seulemént par une mâchoire ifférieure, ont un ca- 
ractère bien remarquable dans l’existence d’une seule molaire, 
assez longue d'avant en arrière, et rappelant par sa composition 
celles de l'hydromys. Cette extrème simplification du système 
dentaire forme un type tout à fait nouveau; mais son étrangeté 
même peut faire désirer que de nouveaux fragments viennent 
confirmer le premier. . 

L'Elomys priscus, Aymard (communic. inéd.), provient des mêmes gise- 
ments que l’espèce précédente et la dépassait peu par sa taille. 


9° Tru. — CASTORINS. 

Elle est caractérisée par + molaires à surface plate, formées 
d'un ruban osseux replié, par de fortes incisives plates et en 
biseau, par tous les pieds à 5 doigts, dont les postérieurs sont 
palmés , et par des formes aquatiques. Ces animaux, ayant pour 
la plupart une grande taille, ont aussi frappé plus souvent ceux 
qui ont recueilli des ossements fossiles. C’est à cette division qu'il 
paraît que l’on doit rapporter plusieurs ossements remarquables 
des terrains tertiaires d'Allemagne et du midi de la France qui 
ne rentrent exactement dans aucun des genres vivants. 


CASTORINS. — CASTORS. 251 
Le genre des 
Casrons ( Castor, Lin. ),— Atlas, pl. VI, fig. 13-18, 


remarquable par sa large queue déprimée ainsi que par ses mo- 
laires dont les supérieures ont une échancrure au bord interne et 
trois à l’externe, et dont les inférieures ont une disposition inverse, 
a probablement apparu pour la première fois au milieu de l'épo- 
que tertiaire. | 


M. Pomel (1) en indique une espèce dans le miocène inférieur de la mon- 
tagne de Perrier, à molaires radiculées et à füt très court, 
Le Castor subpyrenaicus, Lartet, est, suivant M. Gervais, un chalicomys. 


On en a trouvé quelques ossements dans les terrains tertiaires 
les plus supérieurs, tels que les dépôts arénacés du Puy-de-Dôme. 


On cite en particulier le C, issiodorensis, Croizet (2), des alluvious ponceuses 
(pliocenes) d'Issoire. (Atlas, pl. VI, fig. 17.) 

M. Lockart (5) indique aussi une espèce des Barres près Orléans (pliocène?). 

M. Marcel de Serres (4) en signale une douteuse dans le ‘bassin de Per- 
pignan. 

Ces trois espèces n'ont pas été comparées ensemble, et il y a probable- 
ment des doubles emplois. 


Les terrains de l’époque diluvienne en renferment de plus nom- 
breux. On ne peut pas toutefois considérer comme fossiles les 
castors que l’on a trouvé dans les tourbières d'une partie du nord 
de l'Europe ; car leurs ossements, identiques avec ceux des vivants, 
ont été enfouis pendant l'époque moderne. Mais les cavernes et 
les terrains meubles en renferment des débris plus intéressants. 


Le Castor des cavernes paraît très voisin par ses formes de celui qui ha- 
bite aujourd'hui les bords du Danube et des rivières de France. Quelques 
auteurs toutefois le considèrent comme une espèce perdue qui porterait alors 
le nom de Castor spelœus. (Atlas, pl. VI, fig. 13-15). On l’a trouvé dans 
la vallée de la Somme, dans les environs de Paris, dans le tuf de l'Aube, à 
la Ferté-Alep (Seine-et-Oise) et dans la caverne de Lunel-Viel (5). 


(1) Bull. Soc. géol., 2° série, t. [, p. 593. 

2) Gervais, Zool. et pal. franç., p. 22. 

(3) Gervais, Zool. et pal. franç., p. 22. 

(4) Simultanéité des terrains de sédiment supérieur, p. 30. 

(5) Voyez Gervais, Zool. et pal. franç., p. 21; Marcel de Serres, Du- 
breuil et Jean-Jean, Essai sur les cavernes de Lunel-Viel, p. 126; C, Pré- 
vost et Desnoyers, Bull, Soc. géol., t. XUE, p. 290, etc. 


252 MAMMIFÈRES. —— RONGEURS. 


M. Fischer de Waldheim a décrit, sous le nom de TROGONTHERIUM, des 0s- 
sements qui ne présentent aucun caractère qui motive leur séparation géné- 
rique des castors. Le Trogontherium Cuvieri (1) est toutefois bien une espèce 
perdue, qui doit prendre le nom de Castor Cuvieri ou Castor trogonthe- 
rium. (Atlas, pl. VI, fig. 16.) 


Le Trogontherium Werneri n'est probablement que le castor commun (?). 


M. Cautley a trouvé, dans les montagnes Sivalik, un castor fos- 
sile qui diffère par quelques caractères de ceux d'Europe et du 
Canada. 


Les STENEOFIBER Geoffr. (Séencotherium, in Bronn.), — Atlas, 
pl. VI, fig. 19-20, 


sont très voisins des castors et en diffèrent par des molaires plus 
cylindriques, et par un crâne moins élargi. L’émail de la dent a 
deux plis qui divisent la surface en deux moitiés elliptiques : l’an- 
térieure à une fossette aux dents supérieures et deux aux infé- 
rieures; la postérieure a une disposition inverse. 


La seule espèce connue (S. viciacensis, Gervais) était de moitié moindre 
que le castor ordinaire. Elle a été trouvée vai le miocène inférieur de 
Saint-Gerand-le-Puy (Allier) (3). 


Les CASTOROIDES, Forster, 


ont une tête dont la partie cérébrale est moins développée que 
dans le castor et qui en diffère par quelques détails dans la forme 
des apophyses. Les dents incisives sont très robustes, les molai- 
res sont formées de 3 à 4 lames profondément distinctes, séparées 
par du ciment, disposées transversalement et à peine ondulées. 


(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VIT, p. 116. 

(2) Owen, Fossil Brit. mamm , p. 160. Voyez aussi, pour les castors 
d'Europe, Bronn Lethea, t. II, p. 1266; H. de Meyer, Palæologica, p. 57; 
Munster, Bayreuth Petref., p. 87 et Neues Jahrb., 1833, p. 326; Goldfuss, 
Nov. acta, t. XI, p. 488, pl. 57, fig. 4; Schmerling, Ossem. foss., p. 111, 
pl. 21, fig. 2e 25; Neues Jahrb., 1849, p. 876; Nordmann, Ossem. foss. 
d'Odessa, p. 4; Clarke, Foss. bones of the beaver, ete. 

(3) Voyez É Geoffroy, Revue encyclopédique, 1833; Gervais, Patria, 
p. 522, et Zool. et pal. franç., p. 22; Laurillard, Dict. de d'Orbigny, t. XI, 
p. 205; Pomel, Bull. Soc, géol., 2° série, t. IV, p. 380, pl. 4, fig. G, 
(S. castoroides). 


CASTORINS. — COUR. 358 


La seule espèce connue, le Castoroides ohiensis, Forster, a été découverte 
dans un marais voisin du lac Ontario (époque diluvienne). Sa taille était 


gigantesque pour un rongeur, à en juger par celle de la tête qui mesurait 
40 pouces 1/2 anglais (1). 


Les Cnazicomys, Kaup, — Atlas, pl. VT, fig. 18-21, 


forment aussi un genre très voisin des castors, qui à été établi sur 
quelques fragments de mâchoires trouvées dans la même loca- 
lité (2). Il diffère des castors par la forme des racines des dents 
et par le plissement de la lame d’émail, pour laquelle nous ren- 
voyons aux figures. 

Il faudrait que le crâne et quelques ossements fussent connus 
pour juger de la convenance de leur séparation générique. 

Il faut réunir à ce genre ceux des CHELODUS et des AULACODON, 
Kaup (°). 

On en a indiqué cinq espèces des époques miocène et pliocène. 


Le C. subpyrenaicus, Lartet, trouvé à Simorre (miocènc), appartient à 
ce genre, suivant M. Gervais (4). (Atlas, pl. VI, fig. 18.) ; 

Le C. Jaegeri, Kaup (Chelodus typus, Kaup, Aulacodon typus, Kaup), a 
été trouvé dans le tertiaire miocène de Mayence. {Atlas, pl. VI, fig. 21.) 

Les C. Eseri et minutus, H. de Meyer (5), proviennent du calcaire d’eau 
douce des environs d'Ulm. M. Laurillard (6) les considère comme ne pouvant 
pas être séparés des steneofiber. 

Le C. sigmodus, Gervais (7), a été trouvé dans le terrain pliocène de 
Montpellier. 


Les Couia (Myopotamus, Comm. ), 


qui ne sont que des castors à queue cylindrique, habitent aujour- 
d'hui FAmérique méridionale ct l'ont habitée dans l’époque di- 
luvienne. 


(1) Voyez Forster, 2° Report geol. Survey of Ohio, p. 81; Wymann, Bos- 
ton journ, of nat. sc., 1847,t. V, p. 391, pl. 37-39; Pomel, Bibl. univ. 
Arch., t. IX, p. 165. 

(2) Kaup, Ossem. foss. Darmst., p. 994, pl. 25, fig. 16-21. 

(8) I., p. 995, pl. 25, fig. 22 et 23. 

(4) Zool. et pal. franc., pl. 48, fig. 5; Lartet, Notice, p. 21. 

(5) Neues Jahrb., 1838, p. 414, et 1846, p. 474. 

(6) Dict. de d'Orbigny, t, XI, p. 206. 

(°) Mém. Acad. de Montp., 1849, p. 214; Zoo!. et pal. franç., p. 22, pl.1, 
fig. 13, et pl. S, fig. 16. 


254 MAMMIFÈRES, —— RONGEURS. 


M. Lund en à trouvé une espèce dans les cavernes du Brésil, le Myopo- 
tamus antiquus (1). 

M. Laurillard (2) rapporte, d'aprés M. Lartet, à ce genre, une dent trou- 
vée à Sansan (M. ? sansaniensis, Lartet); cette assimilation est douteuse et 
repose sur des pièces insuffisantes, 


Je n’ajoute qu'avec doute à la fin de cette tribu les trois genres 
suivanis : : 


._Pazæomys, Kaup, 


très voisins des myopotamus et des chalicomys, mais dont les 
rapports ne sont pas suffisamment précisés. 


Ce genre renferme unc seule espèce, le P. castoroides, Kaup, des terrains 
miocènes de Weisenau (3). 


OsTEopErA , Harlan, 


établi sur un crâne trouvé près de Delaware et qui n’est peut-être 
pas même fossile. Les molaires rappellent celles des castors; mais 
les incisives sont pointues et écartées. 


0. platycephalus, Harlan (). 


OMÉGADONTE (Omegadon, Pomel.), 


établi pour un rongeur des terrains miocènes inférieurs du Puy- 
de-Dôme et dont les caractères ne sont pas encore connus. 


10° TriBu. — HYSTRICINS. 


Ces rongeurs sont clairement caractérisés à l’état vivant par 
leurs gros piquants arrondis. Ils ont + molaires à couronne 
plate qui rappellent beaucoup celles de quelques nélomys et 
échimys. Ils ont des elavicules imparfaites. Cette tribu paraît 
avoir eu, pendant les époques antérieures à la nôtre, une distri - 


(t) Mém. Acad. Copenh., t. VII, pl. 21, fig. set Ann. sc. nal., 2° série, 
t. XI, p. 227; +. MINT, p.315: 

(2) Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 205. 

(8) Voyez Kaup, Isis, 1832, p. 992, pl. 26, fig. 4-3, et Ossem. foss. de 
Darmstadt, 5° livr., pl. 25, fig. 7-13. 

(4) Voyez Holl, Petref., p. 41; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, p. 87, 


HYSTRICINS. -—: COENDOUS. 255 


bution semblable à celle qu'elle à aujourd'hui, c’est-à-dire que 
des espèces voisines du porc-épic ont habité l'Europe et l’Asie 
pendant la fin de l’époque tertiaire et pendant l'époque diluvienne, 
tandis que dans le même temps vivaient en Amérique des espèces 
à queue prenante. 
L'existence à l'était fossile du genre des - 


Porcs-Érics (Æystriæ, Lin.), — Atlas, pl. VE, fig. 22, 


n'est d'ailleurs démontrée que par un très petit nombre defragments. 


On cite parmi eux une dent trouvée au val d’Arno, suffisante pour prouver 
que ce genre a vécu à ceile époque, mais non pour préciser une espèce (1). 

L'abbé Croizet, dans le catalogué des fossiles qu’il a envoyés au Muséum 
de Paris, a inscrit un fragment de mâchoire des environs d’Issoire (pliocène), 
sous le nom d'Hysrricornerium. Ce fragment primitivement rapporté à 
l'H. cristata, est considéré, par M. Pomel, comme appartenant à un agouti. 
M. Gervais (2) l’attribue aux porcs-épics sous le nom de Hystrix refossa, 
Gervais. (Atlas, pl. VI, fig. 22.) 


MM. Cautley et Falconer ont aussi signalé une espèce indé- 
terminée dans les couches supérieures du terrain tertiaire de 
l'Himalaya. 

C'est au genre des 


Cognpous (Synetheres, F. Cuv.), 


ou pores-épies à queue prenante, que lon peut rapporter les 
espèces américaines. 
M. Lunä en distingue deux qui proviennent des cavernes du Brésil, 


qu’il nomme Synetheres magna et dubia. La première égalait le pécari rl 
sa taille (3). 


Aie Trieu. — LÉPORINS. 


Cette tribu est clairement caractérisée par ses dents ineisives 
supérieures sur deux rangs, et par conséquent au nombre de quatre. 


(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit.,,t. VIIE, p. 128. 

(2) Zoo!. et pal. franç., p. 28, pl. 48. à 

(3) Voyez Mém. Acad. Copenhague, t.. VUE, p. 250; Ann. des sc. nat., 
2® série, t, XF, p. 227; t. XII, p. 312. 


256 MAMMIFÈRES, — RONGEURS. 


Les Lrèvres (Lepus, Lin.), — Atlas, pl. VE, fig. 23, 


ont probablement paru en Europe au milieu de l’époque tertiaire. 


On a trouvé dans les marnes lacustres du miocène inférieur de l'Auvergne 
quelques ossements voisins de ceux des lièvres et encore peu connus. M. Croi- 
zèt a fait avec quelques uns d’entre eux le genre LAGOTHERIUM. 

Une espèce de lièvre a été indiquée à Montabuzard, près Orléans (mio- 
cène) (1). 

Le Lepus issiodorensis et le Lepus neschersensis, Croizet (coll. Mus. de 
Paris), ont été découverts dans les formations sous-volcaniques de l’Au- 
vergne {pliocène ). 

M. Gervais (2) cite un lièvre (ou lagomys) du terrain pliocène de Mont- 
pellier ( Lepus loxodus, Gervais). (Atlas, pl. VE, fig. 23.) 


Ils ont été abondants à l'époque diluvienne. On en connaît quel- 
ques espèces des cavernes qui ne se distinguent pas facilement de 
celles qui habitent aujourd'hui l'Europe ; mais comme je l'ai fait 
observer ailleurs, il est difficile, dans un genre aussi nombreux 
et où les espèces se ressemblent autant, de certifier qu'il n'y à pas 
de différences spécifiques si le squelette n’en indique pas. Ces 
espèces sont : 


Le Lepus diluvianus, Cuvier (3), très voisin du lièvre commun. 

Une deuxième espèce très voisine du lapin, L. cuniculus. Cavernes de Liége 
et de France (). 

Une troisième qui ressemble à la précédente, mais avec une taille plus 
petite (Marcel de Serres ). 

Le musée de Genève possède un humérus qui provient de la caverne de 
Mialet (Cévennes), et que, dans la prémière édition de cet ouvrage, nous avions 
rapporté au genre Laçouys à cause de sa petite taille. Nous avons pu depuis 
Jors nous procurer le squelette de la petite race (ou espèce) de lapin qui vit 
sauvage en Languedo®, et nous croyons maintenant que l'os indiqué ci-dessus 
n’en diffère par aucun caractère appréciable. 

Les brèches osseuses renferment les débris d’une espèce encore plus petite, 
sans toutefois qu'elle ait les caractères des lagomys. Cuvier la nomme Lepus 
priscus (5). 


(1) Gervais, Patria, p. 519. 
(2) Zool. et pal. franç., pl. 22, fig. 9, p. 31. 
(3) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VIT, p. 107. 
(#) Marcel de Serres, Cav. de Aa Viel, p. 130. 

(5) Voyez encore pour Îles lièvres de l’époque diluvienne : Owen, British 
foss. mamm., p. 210; Buckland, Reliq. dil., p.15; Marcel de Serres, Lunel- 
Viel, p.132; Gervais, Zool. et pal. franç., p. 29; Giebel, Neues Jahrb, 1847, 


LÉPORINS. —— LAGOMYS. 257 


Les cavernes du Brésil contiennent aussi des fragments d’un 
lièvre très voisin du Zepus brasiliensis qui est aujourd’hui abon- 
dant au Brésil (1). 


Les Lacomys, Cuv., 


ont apparu à la même époque que les lièvres ; il faut remarquer 
d’ailleurs que leurs ossements sont difficiles à distinguer, car les 
Lagomys ne diffèrent guère des lièvres que par leurs oreilles plus 
courtes, par l'absence de queue et par leur trou sous-orbitaire 
simple au lieu d'être percé en réseau. On s'est souvent laissé gui- 
der uniquement par la taille en donnant le nom de lagomys aux 
espèces les plus petites. 


M. Pomel cite dans le terrain miocène d'Auvergne une très petite espèce, 
non encore décrite (2), qui est probablement un Titanomys. Il en est de 
même du Lagomys sansaniensis de M. Lartet (Voyez le genre suivant ). 

Le Lagomys æningensis, H. de Meyer, et le L. Meyeri, Tschudi, provien- 
nent du terrain pliocène d'OEningen. Ces noms doivent remplacer celui 
d’Anœæma œningensis (>) donné à tort à ces rongeurs par une comparaison 
inexacte (4). 


Dans l'époque diluvienne, ces animaux, aujourd'hui tout à fait 
restreints à la Sibérie, ont habité toute l'Europe méridionale, 
comme le témoignent leurs ossements que l’on trouve dans la 
plupart des brèches du bassin méditerranéen. On distingue : 


Le Lagomys corsicanus, Bourdet, des brèches osseuses de Corse (5}, très 
voisin du L. alpinus, mais plus grand et en différant par quelques détails ; 
et le Lagomys sardus, Wagner, un peu plus petit que cette même espèce 
vivante. Des brèches osseuses de Sardaigne (6). 

M. Desnoyers indique dans les brèches de Montmorency (?) deux espèces. 


54 et 1849, p. 60; Kaup, id., 1842, p. 132; Nordmann, Oss. foss. d'Odessa, 
p. 4; Hébert, brèches d'Anvers, Bull. Soc. géol., 2 série, t. VI, p. 606. 
(1) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, .p. 227 ; t. XIII, p. 313. 
(2) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 380. 
(3) Cuvier, Oss. foss., 4° édition, t. VIIL, p. 119. 
(4) Voyez H. de Meyer, Zur Fauna der Vorwelt, OEningen, p. 6, pl. 2; 
Kônig, /cones sectiles, U, pl. X, fig. 126; Keferstein, Naturg., LL, p. 196, 
(5) Cuvier, Oss. foss., 4° édit., t, VI, p. 306. 
(6) Cuvier, id., p. 405. 
(7) Comptes rendus de l'Acad. des Se., t. XIV, p. 522, 
F. 17 


£e 


258 MAMMIFÈRES. — RONGEURS. 


Le L: spelæus, Owen (!), a été trouvé dans la caverne de Kent. 
Le L. spelæus, Münster (2), est probablement une espèce différente. 


Les Trranomys, H. de Mever, 


ne sont connus que par quelques dents molaires qui semblent 
montrer une grande analogie avec le genre précédent ; mais les 
supérieures ont au côté interne un pli peu profond et les infé- 
rieures, à l'exception de la dernière, présentent un appendice qui 
manque aux Lagomys. Ces dernières ne sont qu'au nombre de qua- 
tre au lieu de cinq. 

C'est probablement à ce genre qu'il faut rapporter des dents 
dont M. Croizet avait fait celui des Marunsiomys et M.Bravard ce- 
lui des PLATYODON. 

Les espèces connues ont toutes été trouvées dans les terrains 
miocènes. 


Le Titanomys visenoviensis, H. de Meyer (3), a été trouvé dans le terrain mio- 
cène de Weisenau. Suivant M. Gervais (4) la même espèce se retrouve à Saint- 
Gérand-le-Puy (Allier), dans le calcaire à indusies (miocène d'Auvergne). 

Le Titanomys trilobus, Gervais, provient du même gisement. 

Il faut probablement ajouter à ce genre la plupart des ossements des ter- 
rains miocènes qu'on a attribués aux Lagomys. 


En particulier, le Lagomys sansaniensis, Lartet, de Sansan, n’a, comme 
les Titanomys, que quatre molaires inférieures (5). 


19° TriBu. — SUBONGULÉS. 


Cette tribu renferme les rongeurs les ‘plus lourds, qui, par 
leurs doigts peu séparés, leurs ongles forts, leur absence de 
clavicules, et souvent leur peau épaisse, forment une transition 
aux pachydermes. Ce groupe est restreint aujourd'hui à l'Améri- 
que méridionale. On en trouve de nombreux fossiles dans les 
terrains diluviens de ce continent. Quelques espèces de cette même 
tribu ont été citées dans les terrains diluviens et dans les terrains 
tertiaires récents de l'Europe; mais il s'en faut de beaucoup que 
ces faits reposent sur des preuves suffisantes. 


(1) Brit. foss. mamm., p. 213. 

(2) Bayr. Petref., p. 87. 

(8) Neues Jahrb., 1843, p. 390. 

(#) Zool. et pal. franç., pl. 46. 

(5) Notice sur la colline de Sansan, p. 21. 


SUBONGULÉS, — AGOUTIS. 259 


Le genre des 
Copayes (Anæma, F. Cuv.), 


qui renferme le petit animal importé en Europe et domestiqué 
sous le nom de cochon d'Inde, à été représenté en Amérique pen- 
dant l’époque diluvienne par deux espèces, dont on trouve les 
débris dans les cavernes du Brésil. 


Ce sont les Anœma robusta et gracilis de M. Lund (1). 

L'Anœæma œningensis des schistes d’'OEningen appartient, comme nous 
l'avons dit plus haut, au genre Lacomwys. 

L'AnϾma d'Issoire, Jourdan (2), est un Issroporomys. 


Les Mocos (Xerodon, F. Cuv., Cerodon, in Bronn), 


n'ontété trouvés fossiles qu'en Amérique. M. Lund indique, dans 
les cavernes du Brésil : 


Le Kerodon bilobidens, Lund, qui paraît une espèce perdue, quoique assez 
voisine du K. saæalilis, espèce vivante récemment établie par le même 
auteur. . 

Le Kerodon antiquum, d'Orbigny (), est connu par un trop petit nombre 
de fragments et trop imparfaits, pour que l’on soit sûr qu’il doive être dis- 
tingué de l’espèce qui vit aujourd’hui en Patagonie, Il à été trouvé dans les 
terrains pampéens. 


Les AcouTis (Chloromys, F. Cuv., Dasyprocta, HI), 
se trouvent fossiles dans les cavernes du Brésil. 


M. Lund en a signalé deux espèces : le Chloromys capreolus, Lund, et 
une voisine du C. caudata, Lund, espèce vivante nouvelle. 


Quelques observations sembleraient faire croire que l’on à 
trouvé des débris fossiles d'animaux de ce genre dans les terrains 
tertiaires récents du Puy-de-Dôme et, ce qui serait plus étonnant 
encore, dans les cavernes de la Belgique (‘). Je ne puis pas m’em- 


(1) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, p. 228, evt. XIII, p 313. 
(2) Compt. rend. de l’Ac. des sc., 1838, t. V, p. 484. 

(3) Voyage en Amérique, Paléontologie, p. 142. 

(#) Schmerling, Oss. foss. des cavernes de Liége, 2° partie, p. 115, 


260 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS. 


pêcher de considérer ce dernier fait, fondé sur l'étude d'un petit 
nombre de dents, comme très contestable, et de croire qu’une dé- 
termination plus exacte montrera que ces fragments appartiennent 
à un autre genre. M. Pomel, qui considère aussi l'opinion de 
M. Schmerling comme peu probable, propose pour l’espèce de Bel- 
gique, le nom provisoire de Diagroricus (2. Schmerlingii) (1). 


Les Pacas (Cæœlogenys, F. Cuv.), 


si remarquables par leurs grands os zygomatiques , ont vécu en 
Amérique dans l’époque diluvienne. 


M. Lund en distingue deux espèces, qu'il dit ne pouvoir être confondues 
avec celle qui existe aujourd’hui. Ce sont les Cæœlogenys laticeps et major ; 
cette dernière atteignait la taille du cabiai. 


Les Cagrais ( Zydrochœrus, Erxl.), 


sont, comme les agoutis et les pacas, représentés dans les caver- 
nes du Brésil par deux espèces. 


L'une est voisine de l'A. capybara, et l’autre a été nommée par M, Lund 
Hydrochæœrus sulcidens. 


2° ORDRE. 
ÉDENTÉS (Maldentés, Blainv.). 


Les édentés sont principalement caractérisés par 
l'imperfection de leur système dentaire. Les incisives 
manquent toujours, les canines ne se trouvent que dans 
un seul genre et les molaires sont presque constamment 
uniformes. 

Cet ordre remarquable clôt la série des mammifères 
unguiculés, et établit une sorte de transition aux ongu- 
lés par le peu de mobilité des doigts de La plupart des 


(1) Pomel, Bibl. univ., Archives, t, IX, p. 167. 


ÉDENTÉS. 361 


genres. Ces doigts sont ordinairement entourés d’une 
peau épaisse ou écaulleuse, et terminés par des ongles 
souvent très forts, arqués et solides. Tout le reste de 
l’organisation des édentés décèle des êtres inférieurs à la 
plupart des autres mammifères. La lenteur de leurs 
mouvements, l'irritabilité que conserve longtemps après 
la mort la fibre musculaire, le peu de développement 
de l’encéphale, l’imperfection du système dentaire, les 
écailles qui recouvrent plusieurs d’entre eux, sont au- 
tant de caractères qui semblent indiquer qu’ils forment 
comme le premier pas d'une dégradation dans l’orea- 
nisme, et qu'ils ont déjà quelques uns des traits carac- 
téristiques de la classe des reptiles. 

De nombreuses découvertes d’ossements d'animaux 
qui ont appartenu à cet ordre, ont ajouté des faits inté- 
ressants à ceux qu'avait fournis la nature vivante. Plu- 
sieurs de ceux de ces fossiles dont on a pu reconstruire 
le squelette, ont montré un ensemble de formes et de 
caractères dont l’état actuel du globe n'offre aucun 
exemple. Ils ont en particulier présenté des transitions 
bien plus nombreuses et plus remarquables aux ongu- 
lés, et surtout aux pachydermes. Ils ont aussi lié en- 
semble les diverses familles qui composent l’ordre des 
édentés, et comblé l’espace, en apparence infranchis- 
sable, qui séparait les tatous et les paresseux. Cet ordre 
des édentés ne renferme de nos jours que des animaux 
d’une taille au-dessous de la moyenne; l’oryctérope, le 
tamanoir et le tatou géant, sont les plus grands ct ne 
dépassent pas la grosseur du corps d’un chien, en étant 
beaucoup moins hauts. L'étude des ossements fossiles 
de cet ordre y ajoute de nombreuses espèces , qui 
ont dépassé en grandeur les rhinocéros et les hippopo- 
tames, 


262 MAMMIFÈRES. —— ÉDENTÉS. 


De nos jours, les édentés sont tout à fait spéciaux 
aux pays chauds. Abondants et variés dans l’Améri- 
que méridionale , il présentent quelques types en 
Afrique et en Asie. Quelques rares fragments démon- 
trent que pendant l'époque tertiaire ils ont aussi habité 
l’Europe; on à trouvé en Allemagne et en France des 
ossements qui ne peuvent être rapportés qu’à un animal 
voisin des oryctéropes et des fourmiliers. 

Tous ces faits donnent un grand intérêt à l’histoire 
des édentés fossiles, d’autant plus que beaucoup 
d’entre eux sont connus par des fragments nombreux, 
et même quelques uns par des squelettes entiers, qui 
permettent de se faire une idée assez complète de leurs 
formes et de leur organisation, et même de hasarder des 
conjectures probables sur la vie et les mœurs de ces 
singuliers animaux, si différents de tout ce qui existe 
de nos jours. | 

Les édentés du monde actuel se partagent en quatre 
familles : les Paresseux (") à museau court, à dents en 
cylindre creux, et dont le corps rappelle vaguement la 
forme de celui des singes ; les Tatous ou Dasypides, 
qui ont un museau pointu, des dents coniques et une 
cuirasse ; les Oryctéropides, dont la langue est longue, 


(1) I m'est impossible d'admettre l'opinion de M. de Blainville sur la place 
des paresseux. Ce savant naturaliste les rapproche des singes parce qu’ils 
ont le radius mobile sur le cubitus, la poitrine large, la tête ronde, etc. 
Sans vouloir entrer dans une discussion, qui serait déplacée dans un 
traité de paléontologie, je dois dire que la forme du crâne, l’imperfection 
des dents, les ongles énormes, la lenteur des mouvements, etc., sont des 
caractères bien plus importants, qui forcent à les rapprocher des édentés. 
La paléontologie fournit d’ailleurs, ce me semble, une preuve puissante en 
faveur de cette manière de voir en les liant par les mégathérioïdes aux tatous 
et mème aux pachydermes. Il me semble done qu'il convient tout à fait de 
revenir à l'opinion de G. Cuvier que M. Owen a d’ailleurs confirmée par des 
considérations qui me paraissent ne laisser aucun doute. 


GRAVIGRADES. 263 


extensible et gluante , comme dans les fourmiliers, et 
qui ont des dents molaires et pas de cuirasse; et les 
Myrmécophages où Fourmiliers, qui n’ont point dedents 
du tout. 

Les édentés fossiles ne peuvent pas tous être rap- 
portés à ces quatre familles. Plusieurs espèces de 
grande taille, trouvées en Amérique, et qui sont préci- 
sément celles dont l'étude fournit les résultats les plus 
curieux, ne peuvent rentrer dans aucune d’elles. Ces 
espèces présentent des caractères intermédiaires entre 
les paresseux et les tatous, et doivent évidemment 
former une famille, placée entre ces deux groupes. On 
les a désignées sous le nom de Gravigrades à cause de 
leurs membres lourds, et sous celui de Mégathérioïdes, 
du nom du genre le plus anciennement connu parmi 
elles. 


4" FAMILLE. — PARESSEUX ou TARDIGRADES. 


On n’a encore trouvé aucun ossement fossile qu'on puisse rap- 
porter à cette famille, de sorte que nous ne la mentionnons ici 
que pour mémoire. 


MÉGATHÉRIOIDES où GRAVIGRADES. 


2e FAMILLE. 


Les caractères essentiels des mégathérioïdes sont une réunion 
de ceux des paresseux et des familles suivantes. Ils ont, comme 
les premiers, des molaires en cylindre creux, composées seulement 
d'ivoire et de ciment, sans émail; l’ivoire forme un tube que 
remplit une substance plus poreuse. Ils ont aussi de grands rap- 
ports avec eux dans la forme de la tête, qui est courte, comme 
tronquée, et dont l'os zygomatique forme une grande apophvse 
descendante, caractère qui ne se retrouve dans aucun autre mam- 
mifère. Leurs squelettes se ressemblent beaucoup, et ont en par- 


264 MAMMIFÈRES. —— ÉDENTÉS. 


ticulier des rapports remarquables dans l'omoplate, dont l'acro- 
mion et la coracoïde sont réunis. 

Mais dans tout le reste de leurs formes ils se rapprochent beau- 
coup plus des autres familles d’édentés. Leur système dentaire est 
réduit aux dents molaires, et ils manquent des canines qui ca- 
ractérisent les paresseux. Leur formes lourdes, leurs pieds égaux 
ou presque égaux dont les antérieurs ont 4 ou 5 doigts et les 
postérieurs 3 ou 4, leurs doigts externes sans ongles , leur queue 
longue et très forte, leur donnent des rapports évidents avec les 
tatous et les fourmiliers. 

Ces animaux forment donc , comme je l'ai dit plus haut, une 
transition entre le groupe des paresseux et celui des édentés à 
tête longue, réunissent ces deux types par leurs caractères inter- 
médiaires, et montrent qu'ils appartiennent bien au même ordre 
naturel. 

Le genre le plus anciennement décrit est celui des 


MEGATHERIUM, Cuv., — Atlas, pl. VIT, fig. 1-1. 


Le premier squelette connu a été envoyé à Madrid en 1789 par 
le marquis Loretto, vice-roi de Buenos-Ayres, et est encore con- 
servé dans le musée de cette ville. Il avait été trouvé sur les bords 
du fleuve Luxan, à 3 lieues sud-ouest de Buenos-Ayres. Un deuxième 
squelette a été découvert en 1795 à Lima , et un troisième dans 
le Paraguay. Depuis lors, des fragments plus ou moins complets 
ont été trouvés dans diverses parties de l'Amérique. 

Les caractères qui paraissent distinguer ce genre des autres 
mégathérioïdes sont ses dents, qui, au nombre de 5 en haut et 
de 4 en bas, sont en forme de prisme quadrangulaire à couronne 
solide présentant des collines transverses très marquées, tandis 
que dans les genres suivants la dent formant un simple tube rem- 
pli d’une matière plus tendre, est terminée par une couronne à 
surface plate dont le bord seul est un peu relevé. Ses pieds ont 
h doigts devant et 3 derrière, les deux externes sont sans ongles, 
et les autres ont des phalanges unguéales grandes et différentes 
d'un doigt à l'autre, celle du médian étant très forte. 

Je vais chercher, par une description abrégée, à donner une 
idée des formes de la seule espèce qui soit encore bien connue, 
afin d'en déduire plus tard quelques données sur son genre de 
vie el sur ses MŒUTS, 


GRAVIGRADES. — MEGATIHEREUM. 263 


Cette espèce a été dédiée à Cuvier, et porte le nom de Wegatherium 
Cuvieri (1). 

Elle a été aussi nommée Meg. americanum, par Blumenbach, M. australe, 
par Oken, et a été d’abord décrite par Pander ect d’Alton sous le nom de 
BrapyPus giganteus. Sa taille était celle d'un éléphant moyen et dépassait 
celle des rhinocéros. $ 

Sa tête osseuse ressemble beaucoup à celle du paresseux; elle est, comme 
dans cet animal, tronquée en ayant, mais un peu plus longue; comme chez 
lui encore, l’arcade zygomatique a une forte apophyse descendante. Les trous 
qui servent de passage aux nerfs et aux vaisseaux sont très forts, et semblent 
indiquer que cet animal a eu de très grosses lèvres. 

Il n’y a chez le mégathérium ni dents incisives ni canines. Les molaires, 
au nombre de <, sont prismatiques ; leur couronne, vue en dessus (pl. VIT, 
fig. 3 et 4), forme une surface rectangulaire, à angles un peu émoussés. Cha- 
cune de ces dents, longue de 7 à 9 pouces, s’enchâsse solidement dans une 
alvéole profonde, par la plus grande partie de sa longueur. Les supérieures 
rencontrent les inférieures, de manière à ce que la partie la plus dure de l’une 
soit en rapport avec le tissu le plus tendre de l’autre, c’est-à-dire que le 
milieu de l’une corresponde à un intervalle entre deux autres (pl. VIL, fig. 4). 
Si l’on coupe longitudinalement une de ces molaires, on voit une cavité pul- 
peuse allongée, qui s’amincit en haut. La mâchoire inférieure est grande et 
lourde par rapport au reste de la tête, circonstance qui se lie pro bablement 
à la longueur des dents, et qui nécessite l’apophyse zygomatique descendante. 

Les vertebres sont au nombre de 7 cervicales, 16 dorsales, 3 lombaires, 
5 sacrées et 15 caudales. Celles des régions antérieures du corps sont médiocres ; 
mais la queue est énorme, car les plus grandes vertèbres qui la composent ont 
jusqu'à dix-huit pouces de l'extrémité d'une des apophyses transverses à 
l’autre. Les apophyses inférieures ou os en V sont aussi fortement dévelop- 
pées. Cette queue servait probablement d'appui et peut-être de défense. Les 
côtes épaisses et courtes ont par places des rugosités très prononcées. 

Les extrémités antérieures sont remarquables par la force de l'épaule. La 
clavicule est massive et courbée en S; elle fournit au bras un appui solide ; 
l'acromion et la coracoïde se réunissent pour s'appuyer mutuellement. C’est un 
cas dont on ne retrouve pas d'exemple dans Ja nature vivante, qu’un animal 
d'une si grande taille, aussi lourd et à membres aussi pesants, ait une clavi- 
cule. L'humérus est faible en haut, mais il s'élargit beaucoup à sa partie 
inférieure, pour porter un très large cubitus et un radius qui tourne libre- 
ment autour de ce dernier os, comme dans les singes et les paresseux. Les 
énormes apophyses de ces organes indiquent une très grande force dans l’acte 
de la rotation du bras. Les pieds antérieurs sont forts et puissants, et ter- 
minés par des ongles obliques très gros et très longs, portés par des phalanges 
arquées et entourées, à leur base, d’un étui dans lequel l’ongle s’engaine. 


(t) Cuvier, Oss. foss., 4° édit., t. VIT, p. 331 ; Buckland, Bridgewater 
Trealise, Geologie, trad. franç., par Doyère, p. 121, ete. 


266 MAMMIFÈRES. —— ÉDENTÉS. 


L’extrémité postérieure n’est pas moins remarquable. Le bassin est d'une 
grande dimension et très solide. Les os iliaques, à angle droit avec la colonne 
épinière, sont très rugueux sur les bords et forment des hanches säillantes , 
entre lesquelles on peut mesurer quatre pieds et demi, dimension qui dé= 
passe tout ce qui existe de nos jours dans les animaux terrestres. Le caractère 
le plus saillant de ce bassin est d’avoir la cavité cotyloïde dirigée tout à fait 
en dessous, de sorte que le fémur supporte le corps sans aucune obliquité, 
circonstance qui à dû contribuer beaucoup à la solidité des parties posté- 
rieures de l'animal, mais en même temps rendre sa marche plus lente et plus 
embarrassée. Ce fémur est au moins trois fois aussi épais que celui des plus 
grands éléphants, et sa longueur n’est guère que double de sa largeur; le 
tibia et le péroné sont aussi très épais et soudés par leurs têtes. Le calcanéum 
est très grand, car il est presque aussi long que tout le reste du pied ; les 
orteils ne sont pas si longs que les doigts antérieurs ; le médian a un ongle 
énorme, 

On a souvent trouvé avec les ossements du mégathérium des fragments 
de cuirasse, qui ont fait penser à quelques naturalistes que cet animal était 
revêtu d’une armure osseuse analogue à celle des tatous. Mais il faut observer 
que l'on à le plus souvent trouvé, dans ces mêmes gisements, les os du 
mégathérium mélangés avec des débris de tatous d’une taille gigantesque 
qui ont été plus probablement les véritables possesseurs de ces cuirasses. Des 
recherches récentes ont signalé l’existence de quelques genres, dont nous 
“parlerons plus bas et en particulier des Glyptodon, qui ont beaucoup plus de 
‘rapports avec les tatous que le mégathérium et, qui, conservés dans les mêmes 
localités, sont probablement l’origine principale de ces fragments de tégu- 
ments durs. Les arguments que l’on a tirés des parties rugueuses des côtes 
et surtout de l'apparence toute spéciale du bord des os iliaques, qui semblent 
indiquer que ces organes ont été en contact avec des parties osseuses tégu- 
mentaires, ne sont pas non plus très probants. M Owen a prouvé que d’au- 
tres caractères du squelette plus importants paraissent, au contraire, montrer 
l'impossibilité de cette armure. Les vertèbres dorsales et lombaires en parti- 
culier sont, dans les édentés à cuirasse , formées de manière à fournir trois 
appuis aux parties dures tégumentaires qui s'appuient sur l’apophyse épi- 
neuse et sur les prolongements des articulaires. Dans le mégathérium ces 
derniers sont beaucoup trop courts pour avoir pu servir à cet usage. 


Les détails qui précèdent prouvent que le mégathérium était 
un animal très lourd et très fort. Ils montrent que ses membres 
antérieurs n'ont probablement pas eu leurs fonctions limitées à Ja 
marche et que la queue à dû jouer un rôle réel dans la progression 
ou en fournissant un appui. Is font voir enfin que les dents ont dû 
assigner à cet animal un régime à peu près semblable à celui des 
paresseux, c'est-à-dire qu'il a dû manger des feuilles, des fruits 
ou des racines. Si sur ces données on cherche à se faire une idée 


GRAVIGRADES. — MEGATHERIUM. 267 


de sa manière de vivre, on trouvera des différences sensibles dans 
la manière de voir des auteurs qui l'ont étudié. 

Quelques uns ont pensé qu’il était fouisseur et on l’a comparé 
pour les mœurs aux rongeurs qui vivent dans les terriers et se 
nourrissent des racines des plantes. Sa taille colossale rend cette 
opinion peu probable ; car d’une part il est difficile d'admettre que 
le pays ait dû être exposé à être miné dans tous les sens par des 
terriers d’une dimension suffisante pour cacher des animaux pa- 
reils, et d’ailleurs le mégathérium était trop fort et trop inatta- 
quable pour avoir eu besoin d'une retraite semblable. La forme 
même du pied, dont quelques ongles seuls sont tranchants, indi- 
que que l'animal à pu creuser des sillons profonds plutôt que 
remuer beaucoup de terre. La forme plate de la main de la taupe 
est un bien meilleur instrument pour creuser un terrier, le méga- 
thérium lui aurait été très inférieur sous ce point de vue. 

D’autres naturalistes pensent que cet animal grimpait aux ar- 
bres et ils se fondent sur ses analogies avec les paresseux, sur le 
fait qu'il se nourrissait probablement de feuilles et de fruits, sur 
ce que sa queue était peut-être prenante et surtout sur la facilité 
de rotation de son bras qui devait lui permettre de saisir facile- 
ment les branches. Ses formes lourdes ne sont peut-être pas une 
objection absolue à cette manière de voir, car l'ours et le pares- 
seux ont des mouvements aussi lents que ceux que l’on peut suppo- 
ser au mégathérium ; mais sa taille semble rendre cette habitude 
peu probable. IT faudrait supposer une végétation bien puis- 
sante et des arbres bien solides pour soutenir un animal qui a dû 
dépasser par son poids les plus gros rhinocéros. Il ne paraît pas 
d'ailleurs que la queue ait été prenante, car elle est trop courte 
et la forme des facettes articulaires montre qu’elle a dù se re- 
plier plutôt en dessus qu'en dessous. 

On a aussi émis l’idée que le mégathérium ne se servait de ses 
énormes ongles que pour mettre à découvert les objets dont il se 
nourrissait. On l’a quelquefois comparé sur ce point de vue aux 
fourmiliers ; mais la nature de ses dents exclut complétement l'idée 
qu'il ait pu être insectivore. On a aussi pensé qu'il creusait la terre 
pour y prendre des racines, mais il faudrait supposer une abon- 
dance inouïe de racinescharnues pour nourrir de si grands animaux. 

Enfin il est une quatrième opinion qui soulève, peut-être, 
de moins grandes objections. On suppose que le mégathérium a 


268 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS, 


vécu en déracinant des arbres eten se nourrissant de leurs feuilles. 
Il pouvait avec ses pieds antérieurs couper les racines qui les re- 
tiennent; puis les saisissant avec ses bras déterminer leur chute 
par la force et le poids considérable de son corps. Cette opinion 
semble se lier avec la forme de son avant-bras susceptible de ro- 
tation qui indique un usage plus varié que l'acte seul de fouir , et 
avec le grand développement des parties postérieures de son corps 
qui lui ont probablement permis de dégager le train de devant. 
Il pouvait sans doute s'établir sur ses deux énormes jambes 
postérieures et sur sa forte queue, et se servir de ses pattes anté- 
rieures pour briser les branches et porter les feuilles à sa bouche. 

Les détails que nous venons de donner sont en grande partie 
applicables aux autres mégathérioïdes; aussi je me dispenserai de 
les répéter, et pour les genres suivants je signalerai surtout les 
différences qui les séparent du mégathérium. 


M. Lund (1) figure des dents qui lui paraissent indiquer l'existence d’une 
seconde espèce, M. Laurillardi, Lund. 


Le second genre est celui des 


MéGaLonyx, Jefferson, — Atlas, pl. VIE, fig. 1-3, 


qui dans un ordre naturel devrait précéder les mégathériums, car 
il a plus de rapports que lui avec les paresseux. Les premiers 
ossements de ce genre furent trouvés en 1797 dans une caverne 
de Virginie, et décrits par Jefferson. Ses grandes phalanges un- 
guéales le firent d’abord prendre pour un carnassier gigantesque. 
Mais Cuvier (2?) reconstitua la main et montra que la forme de ces 
phalanges et leur inégalité prouvent évidemment que l’animal 
auquel elles ont appartenu est un édenté. 

Les caractères distinctifs de ce genre sont d'avoir © molaires 
subelliptiques, dont la couronne est excavée au milieu et le bord 
proéminent (pl. VI, fig. 2). Les branches de la mâchoire infé- 
rieure sont écartées et leur symphyse étroite, ce qui les distingue 
facilement des genres voisins (pl. VIEF, fig. 1). Les membres anté- 
rieurs sont un peu plus longs que les postérieurs, circonstance 
qui le rapproche plus des paresseux que le mégathérium. Le tibia 
et le péroné sont distincts, le pied postérieur est articulé d’une 


(1) Mem. Ac. Copenhague, t. IX, p. 143, et pl. 35, fig. 5, 6. 
(2) Oss, foss., 4° édit, t. VIIL, p. 304. 


GRAVIGRADES. — MYLODON. 268 


manière oblique. Le calcanéum est long, comprimé et élevé, les 
phalanges unguéales sont grandes et étroites (pl. VIT, fig. 3). La 
queue est forte et solide. Ces caractères montrent des formes un 
peu moins lourdes que le mégathérium. Il avait probablement à 
peu près les mêmes mœurs. 

L'espèce qui a été la première connue est le Megalonyx Jeffersonii, Cu- 
vier, Megatherium boreale, Oken, Onychotherium, Fischer (1). Il faut pro- 
bablement lui réunir une portion des ossements attribués au M. laqueatus 
par Harlan (2). 

Depuis la découverte de Jefferson on en a retrouvé plusieurs fois des frag- 
ments dans des terrains récents. Leur mode de conservation et leur gisemen 
a même fait penser à quelques naturalistes que cet animal avait peut-être 
vécu dans l’origine de la période moderne. Quelques ossements ont été trou- 
vés entourés de parties plus molles qui ont paru être des débris de ligaments ; 
et quelques uns des terrains, qui ont renfermé ces os, contiennent des débris 
que l’on a rapportés à des espèces actuelles. 

M. Owen dit que la même espèce a été trouvée au détroit de Magellan (3), 

Sa taille était celle d’un grand bœuf. 

On à trouvé aussi dans l'Amérique méridionale des ossements 
de mégalonyx, mais MM. Lund et d'Orbigny ne croient pas 
qu'on doive tous les rapporter à la même espèce. Ces débris sont 
épars dans les pampas et les cavernes; mais M. d’'Orbigny par 
diverses considérations, tirées de la végétation et des habitudes 
actuelles des édentés, croit que les mégalonyx des pampas ont été 
amenés par des courants diluviens, et qu'ils ont vécu dans des 
parties de l'Amérique méridionale plus chaudes et plus boisées. 

Il faudrait, suivant M. Lund, ajouter à ce genre le M. gracilis, Lund (4), 
des cavernes du Brésil. Le M. Kaupii, Lund, est un Cœlodon. 

Le genre des 

MyLopox, Owen, 
(Orycterotherium, Harlan, non Bronn), — Atlas pl. VIF, fig. 5-8, 


joint aux formes lourdes des mégathériums une dentition fort 
différente, qui rappelle plutôt celle des mégalonyx. Les molaires, 
au nombre de ©, s'usent par surfaces planes. A la màchoire 

(1) Essai sur la turquoise, p. 40. 

(2) Journ. Ac. Phil., t. VE, p. 269. 

(3) Voyage of the Beagle, p. 99. 

(#) Mém. Ac, Copenh., t. VI, pl. 17, fig. 3; Ann. sc. nat., 2% série, 
t, XI, p. 219. 


270 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS. 


supérieure la première est subelliptique, la seconde elliptique et 
les autres triangulaires, à surface interne creusée d’un sillon. A 
la mâchoire inférieure (voyez pl. VIL fig. 7) la première est ellip- 
tique, la pénultième tétragone et la dernière grande et bilobée 
(fig. 8). Cette mâchoire à une symphyse plus forte que celle. des 
mégalonyx. 

La forme de la tête (pl. VIT, fig. 6) rappelle celle du méga- 
thérium, et a, comme dans le reste de la famille, une forte apo- 
physe descendante sous l’arcade zygomatique. Les pieds sont 
égaux, les antérieurs à cinq doigts et les postérieurs à quatre; 
les deux doigts externes sont sans ongles et les autres ont de 
grandes phalanges unguéales demi-coniques et inégales. L’omo- 
plate a, comme dans le mégathérium, l’acromion réuni à l’apophyse 
coracoïde; le radius peut tourner sur le cubitus; le tibia et le 
péroné sont distincts, le calcanéum est long et gros, ete. 

Le genre des mylodon à habité l'Amérique pendant l’époque 
diluvienne. On en connaît déjà trois espèces. 


Le Mylodon Darwini, Owen (!), dont la symphyse de la mâchoire infé- 
rieure est longue et étroite, dont la seconde molaire est subelliptique et la 
dernière à deux sillons dont l’interne est anguleux. C’est l'espèce, dont la 
mâchoire inférieure est figurée pl. VII, fig. 7 et 8. Elle paraît avoir habité 
la partie la plus méridionale de l'Amérique où M. Darwin en a trouvé des 
débris, jusqu'aux pampas du Brésil où elle est citée par M. d’Orbigny. 

Le Mylodon Harlani, Owen (2) a la symphyse de la mâchoire inférieure 
plus courte et plus large, la seconde molaire carrée et la dernière à trois sil- 
lons. Cette espèce a été trouvée dans une caverne du Kentucky. On doit Jui 
rapporter une partie du Megalonyx laqueatus, de M. Harlan, l'Oryctero- 
therium missouriense du même auteur, ainsi que ses genres AULAKODON et 
PLEURODON. 

Le Mylodon robustus est aussi caractérisé par la symphyse de la mà- 
choire inférieure courte et large; mais la seconde molaire est subtriangu- 
laire et la dernière à trois sillons dont l’interne arrondi. Cette espèce est 
connue par un magnifique squelette presque complet, qui se voit dans le 
musée du collége des chirurgiens à Londres, et quia été découvert, en 
4841, à sept lieues nord de Buenos-Ayres, dans le grand dépôt fluviatile tra- 
versé par le Rio-Plata et ses tributaires. M. Owen en a publié une description 
dans un ouvrage spécial, dont les Annales des sciences naturelles (2° série, 
t. XIX, p. 221) ont donné un extrait et copié la planche principale. Nous 
l'avons fait réduire dans la planche VII, fig. 5, dans la même proportion 


(1) Voyage of the Beagle, p. 63. 
(2) Edinb. new phil. journ., n° 70. 


GRAVIGRADES. — SCELIDOTHERIUM. 271 


que le Mégathérium, pour montrer le rapport de la taille de ces deux espè- 
ces. Ce Mylodon avait environ 9 pieds de longueur. ; 


Les SCELIDOTHERIUM, Owen, — Atlas, pl. VII, fig. 4-7, 


avaient de grands rapports avec les mylodons. Leur tête était 
plus allongée à proportion de sa hauteur (pl. VILLE fig. 4). Leurs 
molaires étaient aussi au nombre de £. Les supérieures (fig. 5) 
étaient toutes triangulaires ; et à la mâchoire inférieure (fig. 5, b), 
l'antérieure était de la même forme, la deuxième et la troisième 
un peu comprimées et la quatrième grande et bilobée. Les formes 
étaient aussi lourdes et massives, mais on ne connaît pas tous les 
os du squelette; nous avons figuré, dans PAtlas, pl. VIIL fig. 6 
et 7, un fémur et un pied. 

Il faut probablement réunir à ce genre celui des PLATYoNYx de 
M. Lund. Il n’y à aucune différence appréciable dans la dentition ; 
les phalanges unguéales sont seulement un peu plus aplaties, et 
ressemblent davantage à celles des Glyptodon. 

Ces animaux ont vécu dans l'Amérique méridionale pendant 
l’époque diluvienne. On en cite sept espèces (1). 


Le Scelidotherium ieptocephalum, Owen, anima! d’une grande taille, qui 
a vécu dans la partie la plus méridionale du continent américain, (Atlas, 
pl. VII, fig. 5 et 7.) 

Le Scelidotherium Bucklandi, Owen (Megatherium Bucklandi, Lund), était 
de la grandeur du mégalonyx. Il a été trouvé dans les cavernes du Brésil. 

Le Scelidotherium Cuvieri, Owen (Megatherium Cuvieri, Lund), des mêmes 
localités, était un peu plus petit. Sa taille égalait celle d’un bœuf, (Atlas, 
pl. VIIL, fig. G.) 

Le Scelidotherium minutum, Owen (Megalonyx minutus, Lund), trouvé 
dans les mêmes cavernes, n’était pas plus grand qu’un cochon. 

Le Scelidotherium A gassii (Platyonyæ, Lund) (2). 

Le Scelidotherium Blainvillii (Platyonyæ, Lund) (). 

Le Scelidotherium Brongniarti (Platyonyæ, Lund (1). (Atlas, pl. VI, fig. 4.) 


On doit encore ajouter à cette famille quelques genres moins 
connus, et en particulier celui des 


(f) Voyage of the Beagle, p. T3; Lund, Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, 
p. 249, elc. 

(2) Mém. Ac. Copenh., t. IX, p. 206. 

(3) Idem, t. IX, p. 197. 

(#) Idem, t. XI, p. 145. 


19 
={ 
19 


MAMMIFÈRES. -- ÉDENTÉS. 


CoELopoN, Lund, 


qui n'avait que + molaires, des doigts raccourcis et inégaux, 
des ongles comprimés, les pieds obliques et la queue du mégalonyx. 


Les deux espèces connues sont le Cœlodon maquinense, Lund, qui avait la 


taille du tapir d'Amérique, et le Cœlodon Kaupii, Lund. Elles proviennent 
des cavernes du Brésil (1). 


Et le genre des 
SPHENODON, Lund, 


qui avait + molaires; ces dents ne prenaient la forme cylindrique 
que par l'usure, et étaient primitivement coniques, ce qui est 
très probablement un caractère commun à tous les jeunes de 
cette famille. 


On en connaît une espèce de la taille d’un cochon (2). 


Je ne connais aucune description du genre OCHOTHERIUM, Lund, 


qui renferme aussi une espèce des cavernes du Brésil (0, gigas, Lund) (3). 
C'est peut-être un double emploi. 


3° FAMILLE. — DASYPIDES ou TATOUS. 


Les tatous sont très faciles à caractériser parmi les édentés, par 
leurs molaires plus nombreuses que dans les familles précédentes, 
leur museau plus allongé et leurs pieds plus raccourcis. Ils habi- 
tent exclusivement aujourd'hui l'Amérique méridionale; mais 
dans l’époque diluvienne ils paraissent s'être étendus plus au 
nord, offrant ainsi une nouvelle preuve du fait que nous avons 
déjà cherché à établir, que la température des parties extrêmes 
de l'Amérique différait moins que de nos jours de celle des par- 
ties centrales. 

Les animaux de cette famille sont recouverts d’une cuirasse 
osseuse qui paraît avoir aussi caractérisé les espèces fossiles. C'est, 
comme je l'ai dit ci-dessus, aux plus grandes de ces espèces qu'il 


(1) Lund, Mém. Ac. Copenh., t. IX, p. 197, et Ann. sc.nat., t. XII, p. 318. 
Dans cette dernière citation, le nom se trouve (probablement par erreur) 
écrit TOELODON. 

(2) Ann. des sc. nat., t. XI, p. 220; t. XII, p. 311; t. XIX, p. 263. 

(3) Mém, Ac. Copennh., t. IX, p. 197. 


DASYPIDES. —- GLYPTODON. 273 


faut probablement rapporter les fragments de carapaces que l’on 
avait d’abord attribués au mégathérium. 

La taille des tatous actuels est petite où moyenne, et le prio- 
donte géant, dont le corps (sans la queue) arrive à une longueur 
d'environ 3 pieds, est la limite extrême de leur grandeur. Mais, 
parmi les taious fossiles, on en trouve qui atteignent presque les 
dimensions colossales des mégathérioïdes. 

Nous commencerons par l’histoire de quelques genres perdus 
qui ont des rapports très grands avec les familles précédentes, 
qui établissent avec elles une série de transitions, et qui complè- 
tent le lien entre les paresseux et les vrais tatous, si éloignés 
quand on n’étudie que la nature vivante. 


Les GLyPToDON, Owen, — Atlas, pl. VII, fig. 8-11, 


sont un de ces genres intermédiaires. Ils ont l’apophyse descen- 
dante de l’arcade zygomatique qui est un des caractères distinctifs 
des mégathérioïdes ; mais leurs pieds massifs ont des phalanges 
unguéales courtes et déprimées. Leurs molaires, au nombre de 
#, sont très clairement caractérisées par deux sillons longitu- 
dinaux situés des deux côtés, qui rendent la couronne presque 
trilobée. (Voyez Atlas, pl. VITE, fig. 10.) Ces dents sont plus com- 
pliquées que celles d'aucun édenté connu. 

Il paraît que c’est à ce genre qu'il faut attribuer l’armure 
osseuse que M. Clift avait décrite comme étant celle du mégathé- 
rium. Elle est composée de plaques qui, vues en dessous, parais- 
sent hexagones et sont unies par des sutures dentées, et qui en 
dessus forment des doubles rosettes. 

Il faut réunir à ce genre les ORYCTEROTHERIUM, Bronn (non 
Harlan), et les CLamypoTRERIUM, Bronn (non Lund). Le premier 
de ces noms avait été donné dans l’hypothèse que l’animal n'avait 
pas de cuirasse, et le dernier dans l’idée opposée. 

Je ne puis trouver aucune différence entre les dents du glypto- 
don et celles des Hopcornorus, Lund. Je crois qu’on devra les 
réunir au moins provisoirement. 


L'espèce la plus anciennement connue est le Glyptodon clavipes , Owen, 
décrit d’abord dans les Trans. of the geol. Soc., t. VI, p. 81. Le collége 
chirurgiens de Londres a depuis lors aequis une belle carapace complète, avec 

L. 18 


 » 
œ 


274 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS. 


là tête, la queue et une patte de derrière. Ces précieux fragments ont été 
décrits par M. Owen (1). M. Müller (4cad. de Berlin, juin 1846) a décrit aussi 
un pied postérieur. La carapace mesure 5 pieds 7 pouces anglais (1*,50 ) 
dans sa- longueur en suivant le contour, et 4 pieds 8 pouces (1",25) en ligne 
droite. Elle est large de 3 pieds 2 pouces 1/4 en ligne droite. La queue a 4 pied 
G pouces: Cet animal a été trouvé dans les terrains meubles des environs de 
Buénos-Ayres. 

Dans le même mémoire, M. Owen indique l'existence de trois autres espèces 
caractérisées par les ornements de leur carapace, dont on ne connaît que des 
fragments. à 

Le G. ornatus, Owen, était plus petit que le G. clavipes. Il a été trouvé 
aussi dans les environs de Buénos-Ayres. 

Le G. reliculatus, Owen , égalait, par sa taille, la première, espèce et se 
distinguait par des canaux formant une réticulation sur le cercle extérieur 
des rosettes. 

Le G..tuberculatus , Owen, de la même taille, et à surface extérieure des 
rosettes ornée de tubercules, a été découvert dans les pampas de Buénos- 
Ayres. | É 1 

Si l’on admet la réunion des hoplophorus et des glyptodon, il faut ajouter, 
(s'il n’y a pas double emploi), trois especes trouvées par M. Lund, dans les 
cavernes du Brésil : l’'Hoplophorus euphractus et l'Hoplophorus Sélloy, qui 
atteighaient la taille du bœuf, et l’Hoplophorus minor, qui était plus pélit (2). 


Les CHLAMYDOTHERIUM, Lund (non Bronn), — 
Atlas, pl. VII, fig. 12, 


sont très voisins des glyptodon. Les descriptions données par 
MM. Owen et Lund semblent cependant indiquer une différence. 
Les molaires principales sont tout à fait semblables, mais ces 
dents paraissent toutes à peu près égales et au nombre de à 
dans les glyptodon, tandis que dans les chlamydotherium les an- 
térieures sont plus petites, plus nombreuses et ressemblent à des 
incisives, comme dans les encouberts. 


On en connaît deux espèces des cavernes du Brésil, recueillies par M. Lund : 
Le Chlamydotherium Humboldtii, qui avait la taille du tapir, et le 
Chlamydotherium gigas, qui égalait les plus grands rhinocéros (3). 


(1) Descriptive catal. of the royal college of surgeons , Fossil mammalia, 
1845, in-4°;, Quarterly journal of the geological Society, t, T, p. 257. 

(2) Lund, Mém. Acad. de Copenhague, t. VII, pl. 1, 2; 45 et 16, t. IX, 
pl. 35; Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, p. 218; t. XIII, p. 310. 

(3) Voyez Lund, Mém. Acad. Copenhague, et Ann. des sc, nat. (loc, cit.) 


/s 


DASYPIDES. — TATOUS. 275 
Les PacayrneriuM, Lund, 


he sont connus que par quelques os des extrémités, qui iidiquent 
des formes encore plus lourdes. Aussi la place de ce genre n’est- 
elle pas encore définitivement fixée. 


On n’en connaît qu'une espèce un peu plus grande qu’un bœuf, le Pa- 
chytherium magnum, trouvé par M. Lund dans les cavernes du Brésil (1). 


On arrive ainsi par degrés au genré actuel des 
Tarous {Dasypus, Lin.) 


qui offre aussi, à l’état fossile, des espèces de grandë taille, dis- 
persées sur une région géographique plus étendue que de nos jours. 


M. Luud en a trouvé plusieurs dans les cavernes du Brésil (?). 

Deux d’entre elles peuvent se rapporter au sous-genre des Tarous propre- 
ment dits. Ce sont : 

Le Dasypus punclatus, Lund, à écussons de la cuirasse profondément 
ponctués 

Et une espèce voisine du Dasypus octocinctus, Lund, actuellement vivant, 
mäis à museau plus court. 

Une autre appartient au sous-genre XENURUS , Wagl., et ressemble au 
X. nudicaudis, qui est vivant. 

Les D, antiquus et maximus, Vilardebo, doivent être réunis au Glyptodon 
clavipes, Owen. 


_ D'autres ont été séparées génériquement par M. Lund à cause 
de quelques détails de dentition. Ce sont : 


Les Euryopow, Lund, 


caractérisés par des dents comprimées transyersalement. On n'en 
connaît qu'une espèce grande comme un petit cochon. 


Les HETERODON, Lund, 


dont les dents sont plus inégales, tant pour la forme que pour la 
grandeur. Celles de devant, ainsi que celles de derrière, sont en 
cylindres très minces; les deux qui précèdent celles-ci sont très 


(1) et (2) Lund, Mém. Acad. de Copenhague, et Ann. des se. nal. (loc. cit.). 


276 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS. 


grandes. L’antérieure offre une coupe transversale en forme 
d'ovale; la postérieure en forme de cœur. 


La seule espèce connue était de la taille d’un lapin. 


Quelques ossements et quelques plaques dorsales, trouvés en 
Europe, ont quelquefois été rapportés à la famille des dasypides, 
mais en général sans Be suffisantes. Ainsi : 


Le Dasypus arvernensis, Huot (1), D. fossilis, Giebel (2), avait été établi 


sur un Calcanéum de la ra as M. de Blainville a rapporté aux Ron- 
geurs aquatiques. 


Les plaques osseuses de la mollasse de Vendargues (Hérault), citées comme 
appartenant à des mégathériums, paraissent être des Chélonées (3). 

Je ne connais pas les plaques provenant de Vienne et indiquées dans le 
Neues Jahrb., 1846, p. 472, et 1847, p. 579, dont M. H. de Meyer a-fait 
le genre PSEPHOPHORUS. 


4° ramize. — MYRMÉCOPHAGES (‘). 


Cette famille présente l'intérêt de renfermer le seul édenté fos- 
sile qui ait été trouvé en Europe. Aujourd'hui, comme je l’ai fait 
observer plus haut, tous les édentés habitent les régions chaudes 
du globe. La découverte importante de quelques rares fragments 
a montré qu'une espèce de ces animaux a vécu en Europe pendant 
l’époque tertiaire, et confirmé ainsi ce que nous venons de répéter 
plus haut, que l'état du globe à permis, par une température pro- 
bablement plus égale, une dispersion plus grande des genres et 
des espèces. 

La première connaissance que l'on ait eue de ces animaux en 
Europe, est une phalange unguéale trouvée dans les sables d'Ep- 
pelsheim, figurée pl. VIE, fig. 13, et qui présente à son côté dorsal 
une forte fissure médiane. Ce caractère, comme l’a fait observer 
Cuvier (°), ne se retrouve dans la nature vivante que dans les 
fourmiliers et les pangolins; la grandeur de la fente semble indi- 
quer plutôt ce dernier genre. Aussi le savant fondateur de la 
paléontologie crut-il devoir déclarer que la découverte de cette 


(1) Cours de géologie, t. I, p. 707. 

(2) Fauna der Vorwelt, t. I, p. 107. 

(3) Gervais, Zool. et pal. franç. p. 135. 

(*) Je comprends sous cette dénomination soit les myrmécophages propre- 
ment dits dépourvus de dents molaires, soit les oryctéropides. 

(5) Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t, VII, p. 371. 


MYRMÉCOPHAGES. — MACROTHERIUM. D. br É 


seule phalange autorisait à admettre l'existence d’un Pangolin 
gigantesque, ayant vécu pendant l’époque tertiaire. Sa taille de- 
vait être sept à huit fois celle des pangolins actuels. 

Depuis lors, M. Lartet a trouvé à Sansan (départ. du Gers) quel- 
ques autres ossements qui paraissent pouvoir être rapportés au 
même genre; mais ces débris étaient accompagnés de dents mo- 
laires qui avaient tous les caractères de celles des édentés. Si ces 
organes ont bien appartenu aux mêmes individus que les phalan- 
ges unguéales, on devra en conclure que le myrmécophage gigan- 
tesque des terrains tertiaires n'est pas un pangolin, mais qu'il 
doit former un genre nouveau, auquel M. Lartet a donné le nom de 


MAcroTHERIUM, Lartet, — Atlas, pl. VII fig. 13, 


et qui serait caractérisé par des membres assez élevés, des pha- 
langes unguéales analogues à celles des pangolins, et des dents 
semblables à celles des oryctéropes, sans émail ni racines, à 
tissu non tuberculeux, en nombre inconnu. 

M. Kaup a émis une autre opinion sur ces ossements : il croit 
que l’on devrait rapporter les phalanges unguéales au dinothé- 
rium ; mais les raisons qui nous font croire que ce dernier animal 
était un cétacé herbivore, et que nous développerons en traitant 
de cette famille, nous empêchent d'admettre cette idée. Le même 
paléontologiste a rapporté au dinothérium une omoplate qui à 
quelques rapports avec celle de la taupe; et qui pourrait bien 
avoir appartenu aussi au macrothérium. 


La seule espèce connue serait le Macrotherium giganteum (Pangolin gi- 
gantesque, Cuvier), qui aurait vécu vers la fin de l’époque tertiaire en Alle- 
magne et en France (!). L’humérus a 50 centimètres de longueur, le ra- 
dius 55, le fémur 45, et le tibia 28. En France, il a été trouvé à Sansan (Gers) 
et à Saint-Gaudens (Haute-Garonne). 


L'Amérique méridionale a fourni aussi quelques débris osseux 
qui ont été rapportés aux myrmécophages, mais qui sont encore 
très douteux. 

Le genre des : 


(1) Voy. Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VILLE, p. 471, Macrotherium san- 
saniense, Lartet, Compt. rend. de l’Acad. des sc., t, IV, p. 90, et Notice sur 
la colline de Sansan, p. 22; Blainville, Compt. rend. de l'Acad. des sc., 
t. VIII, p. 143 ; Gervais, Zool. et pal. franç., p. 135. 


278 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS. 


À 


FourMiLieRs (Myrmecophaga, Lin.), 


caractérisé par l'absence complète de dents, n’y a pas été trouvé 
fossile d’une manière certaine. 

M. Lund (!) avait annoncé l'existence de deux espèces, l’une voisine du 
M. jubata et l'autre du M. tridactyla vivants. 11 parle aussi ailleurs d’un 
M. gigantea (?). Tous ces débris doivent être transportés dans le genre 
PLATYONYx (Ÿ). } | 


Les ORYCTÉROPES (Orycteropus, Geoffr.), 


maintenant réduits à une seule espèce, qui vit dans les environs 

du cap de Bonne-Espérance, ont été cités en Amérique pendant 

l’époque diluvienne. M. d'Orbigny (f) rapporte à ce genre des os- 

sements trouvés dans les pampas du Brésil. Ce fait n’est pas en- 

core à ma connaissance appuyé sur des descriptions suffisantes. 
Le genre des 


GLOSSOTHERIUM, Owen, 


a été établi uniquement sur la partie postérieure du crâne d’une 
espèce perdue: M. Owen l’a décrit dans un mémoire remarquable, 
et qui peut servir de modèle pour montrer combien un observateur 
sagace et ingénieux peut tirer parti d’un fragment d'os, qui parai- 
trait à bien d’autres devoir être rejeté comme inutile. Le savant 
anatomiste anglais a cherché à prouver, par la dimension des 
trous où passent les nerfs et les vaisseaux de la langue, que cet 
organe a été très développé, et que l'animal pouvait probablement 
en faire un usage important, comme les fourmiliers. D’un autre 
côté, l'étendue du muscle temporal et la force de l’arcade zygoma- 
tique montrent que l'animal à pu mâcher et a dû avoir des dents 
molaires. De ces circonstances réunies, M. Owen conclut qu'il 
est probable que cette espèce perdue a eu des rapports avec lPorye- 
térope. Il sera intéressant de savoir si de nouvelles découvertes 
confirmeront ces hardies déductions. Ce fragment à été trouvé 
dans la Banda orientale (5). M. H. de Meyer, dans l’Znumerator 
de M. Bronn, le rapporte au Mylodon Darwinri. 


1) Mém. Acad. de Copenhague, t. IX, p. 197. 


() 

(2) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, p. 231. 
(3) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XIIT, p. 316. 
(4) Voyage en Amérique, Paléontologie, p. 146. 
(°) Owen, Voyage of the Beagle, p. 57. 


PROBOSCIDIENS. 279 


8° ORDRE. 


PROBOSCIDIENS. 


Les mammifères ongulés dont nous commençons 
l'histoire sont caractérisés par l'impossibilité de ployer 
les doigts autour des corps pour les saisir, par les ongles 
courts-ou sabots qui protégent l'extrémité de ces orga- 
nes ct par l'absence de clavicule. 

Quelques auteurs (") n’en font qu’un seul ordre na- 
turel ; et, en effet, il y a de nombreuses transitions entre 
les diverses formes qui composent cette grande division, 
si l’on réunit dans la même étude les animaux vivants et 
les fossiles. 

Nous croyons cependant devoir conserver ici la dis- 
tinclion en trois ordres, savoir : 1° les ProposciptEns, 
qui forment un type parfaitement caractérisé par ses 
formes anormales ; 2°les PAcHYDERMES, qui ne ruminent 
pas, qui n'ont qu'un estomac, et des doigts en nombre 
variable ({ à 5) portés par des métacarpiens et des mé- 
talarsiens qui ne sont jamais soudés en canon; 3% les 
RUMINANTS, qui ont quatre estomacs, deux doigts dé- 
veloppés et portant seuls à terre, des doigts latéraux 
rudimentaires, les deux métatarsiens et les deux méta- 
carpiens principaux, toujours (*) soudés de manière à 
former un canon d’une seule pièce. i 


(1) Voy. en particulier, Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t. V, p. 477; 
Turner, Ann. et Mag. of nat. hist., t. VI, p. 477; Gervais, Zool.-et pal. 
franç:, ete. 

(2) On a trouvé une exception à cette règle. Le Moschus aquaticus d'Afrique 
a ses métacarpiens et métatarsiens désunis. 


280 MAMMIFÈRES. —— PROBOSCIDIENS. 


Les proboscidiens ne forment dans le monde actuel 
qu'un seul genre, celui des éléphants, qui, par ses for- 
mes générales, sa trompe, sa dentition, son crâne caver- 
neux et tous les détails de son squelette, ne peut être 
confondu avec aucun autre. Ces animaux ont existé pen- 
dant la période diluvienne. Leur patrie à cette époque 
était beaucoup plus étendue qu’elle ne l’est de nos jours; 
car on en trouve des fragments dans presque toute 
l'Asie, dans la plupart des pays de l’Europe, et dans 
l'Amérique septentrionale, jusque dans ses régions les 
plus glacées. | 

À la même époque, en Amérique, et pendant la pé- 
riode tertiaire en Europe, vivait un autre animal qui lui 
ressemblait beaucoup pour les formes, mais qui en dif- 
férait par ses dents molaires, et dont Cuvier a formé le 
genre MASTODONTE. 

Nous étudierons d’abord le genre des : 


Écépaants (Zlephas, L.), — Atlas, pl. IX, fig. 1-5, 


caractérisé par des molaires composées de lames verticales, for- 
mées chacune de substance osseuse enveloppée d’émail, et liées 
ensemble par un ciment. Ces dents se succèdent d’arrière en 
avant, de manière qu'il n'y en a jamais à la fois qu'une ou deux 
de chaque côté de chaque mâchoire. 

On a trouvé des débris d'éléphants dans la presque totalité de 
l’Europe. La plupart des terrains meubles d'Allemagne, d’Angle- 
terre, de France, d'Italie, d'Espagne, de Belgique et de Suisse, 
en ont fourni des ossements qui ont, à diverses époques, attiré 
l'attention par leur grandeur, et donné lieu à des fables nom- 
breuses sur l'existence d'hommes fossiles d’une taille gigantesque. 
(Voyez p.146). Mais de tous les pays, celui où ces ossements pa- 
raissent le plus abondants est la Sibérie. On trouve, dans les ter- 
rains récents de ce pays, des ossements et surtout des défenses 
d’éléphants si nombreuses, et dans un état de conservation si par- 
fait, qu'on les exploite pour les Jivrer au commerce. Les habitants 


ÉLÉPIIANTS. 281 


de la Sibérie expliquent ceés dépôts remarquables par la fable 
suivante : Ils croient que le sol de leur pays est miné par des 
animaux d’une taille gigantesque qu'ils nomment Mammouths ou 
Taupes souterraines ; 11s S'imaginent que ces animaux sont des- 
tinés à vivre toujours dans l'obscurité, et que lorsqu'ils arrivent 
près de la surface de la terre, la lumiere Jes tue. Is leur attribuent 
ces ossements et ces défenses si nombreuses. Des idées pareilles 
semblent répandues dans presque tout le continent de l'Asie; on à 
signalé jusque sur les confins de la Chine des dépôts semblables, 
que les indigènes attribuent aussi à de gigantesques animaux 
fouisseurs. 

C'est ordinairement au bord des fleuves que l’on trouve ces 
débris, ce qui a fait penser à quelques naturalistes que les élé- 
phants pouvaient avoir vécu dans des régions plus tempérées et 
avoir été entraînés par les eaux courantes. Il devenait ainsi inu- 
tile de recourir, pour expliquer leur vie dans ces climats aujour- 
d'hui glacés, à un changement dans la température du globe; 
mais cette opinion est inadmissible, et le fait qu'on trouve ces 
ossements principalement sur le bord des fleuves doit s'expliquer 
plutôt parce que les eaux, dans leurs débordements, entraînent 
les graviers et laissent ainsi à nu les os qu'ils récelaient. On a 
souvent trouvé en effet des débris semblables, en creusant des 
puits ou en exécutant d'autres travaux loin du cours des fleuves. 
Quelques rivières d’ailleurs, dont les rivages en présentent sou- 
vent, proviennent de hautes montagnes qui auraient été aussi 
inhabitables aux éléphants que les plaines plus basses et plus sep- 
tentrionales où leurs restes gisent aujourd'hui. 

La découverte la plus remarquable qui ait été faite de ces ani- 
maux est celle d'un cadavre entier trouvé dans un bloc de glace 
sur les bords de la mer Glaciale. En 1799, un pêcheur tongouse 
découvrit, près de la Léna, une masse informe entourée de glace ; 
quelques années après, la fonte permit d'y reconnaître un élé- 
phant. En 1806, M. Adams, voyageant pour le Musée de Péters- 
bourg, trouva cet animal déjà en partie mis à nu et mutilé par 
les animaux carnassiers. H reconnut avec surprise quil avait été 
couvert d’un mélange abondant de crin et de laine. Une portion du 
squelette avait été entraînée; il put toutefois en réunir la plus 
grande partie et le faire transporter à Pétersbourg. Le fait le plus 
remarquable qu'ait démontré cette découverte, est que le mam- 


282 MAMMIFÈRES. — PROBOSCIDIENS. 


mouth était organisé pour résister à un climat froid; car il était 
protégé par une toison, comme le sont aujourd'hui les ours et les 
autres animaux qui vivent dans ces contrées. Il en résulte, comme 
je l'ai déjà dit ailleurs (voy. p. 72), qu'il n’y à aucun motif pour 
assimiler le climat de la Sibérie pendant l’époque diluvienne à 
celui où vivent les éléphants modernes; et que l’on doit au con- 
traire reconnaitre que, selon toutes les probabilités, il était déjà 
froid, sans toutefois l'être autant qu'aujourd'hui, puisqu'il a dû per- 
mettre une végétation suffisante à la nourriture de ces grands ami- 
maux. | 

_ On ne connaît dans le monde actuel que deux espèces d’élé- 
phants qui se distinguent facilement par la grandeur relative des 
oreilles, le nombre des ongles et la disposition des lames d’émail 
des molaires. Ces lames forment des losanges dans l'éléphant 
d'Afrique, et des rubans transverses dans l'éléphant d'Asie. 
(Voyez Atlas, pl. IX, fig. 4 et 5.) M. F: Cuvier a même cherché 
à baser, sur ces ice deux genres qu'il à désignés sous les 
norns d'ÉLÉPHANT (nommé aussi plus tard ÉLASMODONTE) et de 
LOxoponTE. 

Pour la distinction des espèces fossiles, on à pu quelquefois 
s'appuyer sur la forme de la tête et du squelette, et même sur la 
nature des téguments; mais dans la plupart des cas on n’a pas eu 
d'autres éléments que la dentition qui présente, dans le courant 
de la vie, des modifications considérables. Ces modifications étaient 
trop incomplétement connues aux différents naturalistes qui se 
sont occupés des éléphants fossiles pour permettre une discussion 
suffisante de la valeur des caractères, et un grand nombre d'espèces 
paraissent inacceptables. 

M. de Blainville, dans son Ostéogranhie, a donné une histoire 
plus complète de la succession des dents. Il admet en tout six 
molaires de chaque côté de chaque mâchoire, se renouvelant, 
comme nous l'avons dit plus haut, d’arrière en avant, de manière 
qu'il n'y en ait en général qu'une ou deux à la fois. Ces mo- 
laires diffèrent entre “elles par le nombre des lames d’émail et par 
leur forme générale. Dans l'éléphant d'Asie, la première molaire 
de chaque mâchoire à 4 lames d’émail seulement et des racines 
distinctes. Le nombre des lames augmente dans les suivantes, et 
les racines deviennent de plus en plus indistinetes, de sorte que 
les dernières dents en manquent tout à fait. A la mâchoire supé- 


ÉLÉPHANTS. 283 


rieure, la seconde dent à huit lames d'émail, la troisième onze, 
la quatrième quinze, la cinquième probablement dix-sept et la 
dernière vingt-trois. À la mâchoire inférieure les nombres erois- 
sent à peu près de même jusqu'à la dernière qui en a vingt-sept. Ces 
données sont importantes pour la comparaison des dents fossiles. 


L'espèce fossile la plus abondante et la plus connue est l’Elephas primige- 
nius, Blum, le Mammouth, Elephas mammouteus (Cuvier) (1). Voyez dans le 
Palæologica de M. H: de Meyer un catalogue considérable des nombreuses ci- 
tations qui ont été faites de cette espèce. Pour éviter les répétitions inutiles, 
nous renvoyons à l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE de notre quatrième volume, aux 
articles Ashe, Baker, Bald, Barth, Bergmann, Beyschlag, Bonn, Borson, 
Brandt, Breyn, Camper, Carthauser, Castelnau, Charlesworth, Charlton, 
Chiampini, Delue, Everset, Faujas, Ficht, Fischer, Fortis, Fuchs, Galeotti, 
Gervais, Giurykowitz, Grant, Haidinger, O. d'Halloy, Harlan, Hœninghaus, 
Hoffmann, Hoyerus, Jacob, Ipilsburg, Kilian, Langenmantel, Martin, Mei- 
.necke, Merck, Mesny, Morren, Murchison,. Nesti, Paillette, Pale, Pichat, 
Rambles, Ranking, Raspe, Rathke, Ravin, Renslaër, Rhiem, River, Roberg, 
Robert, Rouillier, Royer, Schmerling, Schnetter, Sloane, Smith, Spadoni, 
Steding, Strickland, Tentzel, Triæn, Turner, Virlet, West, Woolworth, etc. 

C’est à cette espèce que se rapportent la plupart des faits indiqués ci- 
dessus; c’est en particulier celle dont les débris sont si abondants en Sibérie, 
et c’est à elle qu’appartiennent la plupart des ossements des terrains meubles 
de l’Europe. L'Elephas primigenius ressemble surtout à l'éléphant des Indes, 
et diffère beaucoup plus de l’éléphant d'Afrique. Il a, comme le. premier, 
les lames d’émail de ses molaires disposées en lignes à peu près parallèles, 
tandis que dans l'éléphant d’Afrique elles forment des losanges. Quels que 
soient toutefois ses rapports avec cette espèce vivante, Cuvier a démontré 
qu'on ne pouvait pas les confondre, et les principaux caractères qui les dis- 
tinguent sont les suivants (Atlas, pl. IX, fig. 1-3) : 

L'éléphant fossile a les lames d’émail de ses molaires plus rapprochées, 
plus minces et moins festonnées ; de sorte que si l’on compare une de ces 
dents à une du même âge de l'éléphant des Iudes, c’est-à-dire ayec une 
dent qui ait le même nombre d'éléments, on trouvera plus de lames dans 
un espace donné. Ces mêmes molaires sont plus larges à proportion dans 
l'éléphant fossile, et ses défenses, souvent très courbées, sont aussi grandes 
que celles de l'éléphant d'Afrique. Un des caractères les plus distinetifs est 
la longueur des alvéoles des défenses (fig. 2), qui ont dû allonger la tête 
“en avant et fournir une base plus solide à la trompe, qui a été probablement 
‘ bien plus épaisse à sa base. La région occipitale présente aussi des différences 
assez notables en prenant un développement plus grand, lié avec une aug- 
‘ mentation dans la force des apophyses épineuses des vertèbres. 


(1) Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t. Il, p. 1. 


284 MAMMIFÈRES. -— PROBOSCIDIENS. 


Cet animal a dû atteindre jusqu'à 15 ou 16 pieds de hauteur au garot, 
c’est-à-dire qu’il a un peu dépassé les plus grands éléphants des Indes. Ses 
membres ont été plus forts et plus massifs à proportion. Il était couvert d'un 
pelage formé de longs poils bruns, gros comme des crins de cheval et longs 
de 12 à 15 pouces, mêlés avec d’autres plus petits et plus clairs, et avec une 
laine abondante longue de 4 à 5 pouces, fine, assez douce, frisée et d’un 
fauve clair. 

Les restes du mammouth, comme je l’ai dit plus haut, se retrouvent 
dans une grande quantité de pays. Tout le nord de l’Asie et la totalité du 
continent européen en fournissent, car on en à trouvé depuis la Russie jus- 
qu’en Irlande, et depuis les régions du nord jusqu’en Espagne, en Sicile et 
en Grèce. On en cite même de quelques contrées plus éloignées. M. Guyon 
en a recueilli près de Philippeville (Algérie); l'Amérique septentrionale a 
fourni de nombreux débris que l’on doit probablement aussi rapporter à la 
même espèce, Des fragments trouvés dans le Kentucky, sur les bords de 
l'Ohio, d’autres près de Mexico et dans les possessions espagnoles d'Amérique, 
et quelques uns enfin bien plus au nord, jusqu’au point où le capitaine 
Parry a pénétré en 1819, montrent que l’éléphant a habité pendant l’époque 
diluvienne toute l'Amérique septentrionale en même temps que le grand 
mastodonte. 


Tous ces ossements ont été trouvés dans le terrain diluvien, et 
le mammouth peut être considéré comme caractéristique de cette 
époque. Il ne vivait pas encore pendant la période pliocène (!). 


Une autre espèce a été signalée comme trouvée en Europe. C’est l’'Elephas 
priscus, Goldf. (2) (E. africanus fossilis), trouvé dans les terrains diluviens 
du Rhin et de Wittemberg : il avait les lames des molaires en losanges, 
comme l'éléphant d'Afrique; mais il n’est connu que par quelques dents 
dont on a même contesté l’origine. Cuvier doutait de l’existence de cette 
espèce, et de Blainville ne se prononce pas à son sujet. 

M. Fischer (ÿ) indique encore cinq espèces d’éléphants des terrains dilu- 
viens de Russie; mais on ne peut pas les admettre sans un nouvel examen. 
Ce sont les Elephas panicus, E. proboletes, E. pygmϾus, E. Kamenskii et 
E. campylotes. 

L’Elephas meridionalis, Nesti., indiqué comme trouvé dans les terrains 
récents du val d’Arno et du Puy-de-Dôme, et caractérisé par une mä- 


() Les débris attribués à l'éléphant et trouvés dans les terrains tertiaires 
paraissent devoir être rapportés au genre suivant (Gervais, Zool. et pal. franç., 
p. 36). Quelques auteurs admetteut cependant que l’on trouve quelquefois 
des éléphants et des mastodontes réunis dans le même terrain (en Europe). 
Nous reviendrons sur ce sujet dans le quatrième volume. 

(2) Nova acta nat. cur., t. X, pl. 2, p. 495. 

(3) Bull, de la Soc. de Moscou, p. 275. 


ÉLÉPHANTS. 285 


choire inférieure à symphyse plus longue, n’est pas non plus suffisamment 
certain (1). 

Il faut aussi réunir à l’Elephas primigenius : l'Elephas odontolyrannus, 
Eichwald (2), et l’Elephas macrorhynchus, Morren (). , 


Les éléphants ont aussi été trouvés fossiles dans l’Inde. C’est à 
ce genre qu'il faut rapporter plusieurs espèces remarquables trou- 
vées soit sur les bords de l'Irawadi en Birmanie, par M. Clift, 
soit dans les collines subhimalayennes, par MM. Cautley et Falco- 
ner. Plusieurs de ces espèces présentent des dents dont les élé- 
ments sont plus séparés que dans les éléphants, de sorte que cha- 
que lame d'ivoire est le sommet d’une véritable colline. Ils font 
ainsi une transition aux Mastodontes, et sont devenus, pour 
MM. Cautley et Falconer (Æauna antiqua sivalensis), le type du 
genre STÉCODON. 


Ce sont les espèces suivantes : 

L'Elephas Cliftii, Cautley et Falconer (Fauna antiqua sivalensis, pl. 30), 
de l'Irawadi. 

L’'Elephas bombifrons, Cautley et Falconer (/d., pl. 25, 26, 27, 28, 29, 
29 a et 29 b), des collines subhimalayennes. 

L'Elephas canesa, Cautley et Falconer (/d., pl. 3, 20 a, 21, 22, 23, 24, 
24 a, 25, 25 a, 29 b), du même gisement. 

L'Elephas insignis, Cautley et Falconer (/d., pl. 2, 6,15, 16, 17, 18, 
18 a, 19, 19 a, 20, 20 a, 24, 24, 24 a, 25, 29), du même gisement, 


Une autre espèce se rapproche davantage de l’éléphant d’Afri- 
que (sous-genre Loxopon), c'est : 


L'Elephas planifrons, Cautley et Falconer (Fauna antiqua sivalensis, 
pl. 2, 6, 9,10, 11, 12, 18 et 18 a), des collines subhimalayennes. 


D'autres rappellent au contraire les formes de l'éléphant d'Asie 
(sous-genre ELASMODON), ce sont : 


L'Elephas hysudricus, Cautley et Falconer (Fauna antiqua sivalensis, 
pl. 4,4, 5, 6, 7, 8, 12 0,12 c, 13 a), des collines subhimalayennes. 

L'Elephas namadicus, Cautley et Falconer (/d., pl, 12 a, 12 b, 12 c, 
42 d, 13, 24 a), du même gisement. 


Le second genre est celui des 


(') Nesti, Nuov. giorn. d. lett., 1825, p. 195; Croizet et Jobert, Ossem. 
foss. du Puy-de-Dôme, t. 1, p. 1235. 

(2) De reliquiis foss. Pod. et Volh. (Nova acla, 1835, t. XVII, 2, p. 723). 

(8) Bull. Soc géol., t. AL, p. 27. 


386 MAMMIFÈRES. —— PROBOSCIDIENS. 
Masropontes (Wastodon, Cuv.), — Atlas, pl. IX, fig. 6-10, 


qui a aujourd'hui complétement disparu de la nature vivante, Ces 
animaux avaient la forme des éléphants, leur crâne bombé et cel- 
luleux, leurs grandes défenses à la mâchoire supérieure et leur 
démarche lourde. Ils avaient aussi probablement une longue 
trompe, car les os du nez ressemblent à ceux de l'éléphant, et 
paraissent avoir été disposés pour une organisation analogue. 
L'obligation d’ailleurs de prendre à terre les végétaux et les ra- 
cines dont ils ont dù faire leur nourriture, jointe à la brièveté du 
cou et de la tête, démontre la nécessité de cet organe. 

Ils en différaient principalement par leurs dents molaires, dünit 
la couronne simple était hérissée de mamelons coniques, rétünis 
de manière à former un certain nombre de collines transversales 
qui ne sont point réunies par du ciment. 

- Il résulte des travaux de M. Kaup et de ceux de M. de Blainville, 
que ces molaires étaient probablement au nombre total de $ 
comme dans les éléphants, se succédant d'arrière en avant, de 
manière qu'il n’y en eût que deux ou trois à la fois; mais M. Lar- 
tet à trouvé à Sansan des mâchoires dont on peut conclure qu'il 
y avait, en outre, un remplacement des premières molaires de lait 
par des dents qui croissaient en dessous d'elles comme dans tous 
les autres mammifères. M. Owen pense que ces germes se réabsor- 
baient quelquefois (°). | 

Dans le Y. longirostris, suivant M. Kaup, la première dent de la 
mâchoire supérieure était carrée et à deux collines, la seconde en 
avait une de plus, et les suivantes, beaucoup plus longues à pro- 
portion, augmentaient jusqu'à la-dernière qui avait cinq collines 
et un fort talon postérieur simulant une sixième. À la mâchoire 
inférieure la première était à deux racines, sa couronne portant 
seulement deux mamelons et la dernière avait six collines trans- 
yerses. 

La forme de ces dents avait paru, aux premiers naturalistes qui 
les étudièrent, révéler l'existence d’un grand animal carnassier; 
mais une comparaison plus exacte a montré que ces molaires 
indiquent un régime herbivore et frugivore semblable à celui 


- (1) Voy. Lartet, Notice sur la colline de Sansan ; Laurillard, Rapport à 
MM. les professeurs du Muséum (Moniteur, octobre 1851), 


MASTODONTES. 287 


de la plupart des pachydermes. On les à aussi, et avec plus de 
raison, comparées aux hippopotames, tellement que Daubenton, 
Collinson, etc., pensèrent que ces dents pourraient bien ne pas 
appartenir au même animal que les os; ces derniers se rapportant 
à un éléphant et les dents à un hippopotame. Où à trouvé, dans 
l'intérieur d’un squelette fossile dans l'Amérique septentrionale, 
ét à la place que devait occuper l'estomac, des débris végétaux 
qui ont prouvé que le mastodonte se nourrissait surtout des 
jeunes pousses des arbres. 

Les mastodontes présentent aussi un caractère remarquable, 
dans l'existence, au moins pendant la jeunesse, de deux petites 
défenses droites et courtes à l’extrémité de la mâchoire inférieure. 
C'est sur cette circonstance qu'avait été établi le genre TETRa- 
CAULODON, Godmann. Un nouvel examen el une comparaison plus 
étendue ont montré que ces petites défenses inférieures, et sou- 
vent caduques, étaient un caractère commun à presque toutes les 
espèces. 

Il paraît que dans les mâles de quelques espèces une seule sub- 
sistait, en sorte que, suivant M. Owen, le mâle adulte avait à la 
mâchoire inférieure une défense unique implantée dans la bran- 
che droite. 

Lors de leur première découverte, les ossements de ces ani- 
maux ont été confondus avec ceux de l'éléphant, et de là est ré- 
sultée, dans la nomenclature, une confusion fréquente entre les 
mots de mastodonte et de mammouth. Ce dernier nom doit être 
exclusivement réservé à l'Ælephas primigenius. 

L'espèce la mieux connue est 

Le grand Mastodonte (1) (M. giganteum, Cuvier; Mammouth ohioticum , 
Blum; Harpagmotherium canadense, Fischer; Elephas carnivorus, Hunter ; 
Tetracaulodon mastodonloideum, Godm)., dont les molaires, assez longues, 
présentent, par leur détrition, des coupes en forme de losange. On en a 
trouvé de nombreux et beaux débris dans plusieurs localités de l'Amérique 
septentrionale, et quelques musées des Etats-Unis, ainsi que le British 
Museum en possèdent des squelettes complets. Ses ossements fossiles avaient 


(1) Cuvier, Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t. Il, p. 247. L'animal qui a 
été montré à Londres sous le nom de Âlissourium n’était autre chose que le 
grand mastodonte. il a aussi été nommé Missourotherium. Ce même genre, à 
diverses époques, à été aussi désigné sous les noms de LEVIATHAN, Masro- 
THERIUM, PSEUDO-ÉLÉPHANT, HARPAGMOTHERIUM, etc. Il a été divisé par le nom- 
bre des parties de molaires en TRILOPHODON et TETRALOPHODON, 


288 MAMMIFÈRES. —— PROBOSCIDIENS. 


déjà frappé les habitants de la Louisiane et du Canada, qui désignent cet 
animal sous le nom de Père aux bœufs, parce qu’on trouve souvent ses os 
enfouis avec ceux plus récents des buffles et des bisons. (Atlas, pl. IX, 
fig. 6 et 7.) 

Il paraît avoir ressemblé beaucoup à l’éléphant. Sa taille égalait celle des 
grands éléphants des Indes, mais avec des membres plus lourds et un ventre 
probablement plus mince. Il paraît aussi qu’il était plus allongé proportion: 
nellement à sa hauteur. Son crâne était plus plat que celui de l'éléphant, 
mais avec des formes semblables. Sés défenses supérieures ressemblaient à 
celles de l’Elephas primigenius, et ont été quelquefois, comme dans cet 
animal, fortement recourbées et un peu en spirale; elles étaient d’ailleurs 
implantées comme celles des éléphants, quoiqu'on ait prétendu que la pointe 
était dirigée en bas. Les inférieures étaient petites, cylindriques, obtuses et 
caduques. 

Les naturalistes américains ont décrit plusieurs espèces de l’Amérique du 
Nord qui paraissent devoir se rapporter, pour la plupart, au M. giganteum. 
Les M. Godmanni, Kochii, Collinsonii, Haysü, etc., ne peuvent pas être ad- 
mis comme des espèces certaines (1). 

Une autre espèce, qui paraît se distinguer de la précédente par de bons 
caractères, a habité l'Amérique méridionale: c’est le M. Humboldti, Blain- 
ville (2). Sa mâchoire inférieure ne portait probablement jamais de défenses, 
et ses molaires rappellent plutôt la forme du M. angustidens que du M. gi- 
ganteum ; mais l'émail y est plus replié. 

Il faut, suivant M. de Blainville, lui rapporter le M. andium, Cuvier ($); 
mais il existe certainement au moins deux espèces dans l'Amérique méri- 
dionale, Car la mâchoire attribuée par M. d’'Orbigny (f) au Mastodon an- 
dium a la symphyse très prolongée, et il ne peut pas être réuni au M. Hum- 
boldtii. 


Les mastodontes ont aussi, comme nous l'avons dit plus haut, 
habité l'Europe, mais seulement dans l’époque tertiaire, et l’on 
n’en peut citer aucune trace certaine dans la période diluvienne (Ÿ). 

De nombreuses espèces ont été citées par les géologues et les 
paléontologistes; mais beaucoup d’entre elles ont été établies sur 
des différences dans la forme des molaires qui tiennent à la place 
qu'elles occupaient dans l’une ou dans l’autre mâchoire. Les plus 
certaines sont les suivantes. 


(1) Voyez en particulier Grant, Proceed. of the geol. Soc., t. HI, p. 600 
et 689; Blainville, Ostéographie, etc. 

(2) Blainville, Ostéographie, Éléphants, p. 302. 

(8) Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t. Il, p. 368. 

(4) Voyage en Amérique, Paléontologie, pl. 10 et 11. 

(5) Voyez la note page 284, 


MASTODONTES. 289 
Deux ou trois au moins ont vécu dans l’époque miocène. 


Le Mastodon longirostris, Kaup (!), est caractérisé par des molaires très 
étroites, et surtout par l’allongement extrême de la mâchoire inférieure qui 
porte deux défenses cultriformes (pl. IX, fig. 8). II faut, suivant M. Gervais, 
lui réunir la plus grande partie des ossements rapportés par Cuvier (2) au 
Mastodon angustidens, espèce qui doit être abandonnée et répartie entre 
celle-ci et le M. brevirostris. M. Gervais croit que le M. longirostris est 
l'animal de Simorre (3) de Réaumur (f). Cette espèce est commune dans les 
terrains miocènes du midi de la France, à Simorre, à Chevilly, ete., ainsi 
que dans les gisements analogues d’Eppelsheim et de diverses contrées d’AI- 
lemagne. 

Le Mastodon Gaujacis, Lartet (5) forme, suivant MM. Lartet et Laurillard : 
ou une espèce distincte ou une race de montagne. Elle n’est connue que par 
des fragments trouvés aux environs de Lombez et à Sansan. 

Le Mastodon tapiroides, Cuvier ($), est clairement caractérisé par ses mo- 
laires composées de tubercules plus nombreux, rangés en séries ou collines, de 
manière à former une sorte de transition aux dinothériums et aux tapirs. 
(Atlas, pl. IX, fig. 10). Il a été trouvé à Simorre et dans quelques autres 
parties de la France méridionale, dans le terrain miocène. M, de Blainville lui 
réunit, avec doute, le M. turicense, Schinz (Mastodonte de Zurich). Je 
connais, en effet, des molaires du Mastodonte de Zurich qui sont tout à fait 
tapiroïdes, mais d’autres, par contre, ressemblent à celles du M. longirostris. 
Je pense qu’il y a deux espèces dans ces lignites. 


Une espèce se trouve dans les terrains pliocènes proprement 
dits. 


Le Mastodon brevirostris, Gervais (7), est établi sur une partie des 


(1) Ossem. fossiles de Darmstadt, 4° livr., pl. 16-22. 

(2?) Ossem. fossiles, 4° édit., t. Il, p. 327. 

(3) Cette opinion n’est pas partagée par M. Pomel, Bull, Soc, géol., t. V, 
p. 257, ni par M. Lartet, Notice sur la colline de Sansan, p. 26; ni par 
M. Laurillard, Rapport à MM. les professeurs (Moniteur, oct. 1851). Tous ces 
paléontologistes considèrent le mastodonte de Simorre comme devant être 
séparé du M. longirostris. M. Pomel le nomme M. Cuvieri; M. Lartet, 
M. simorrense ; M. Laurillard en fait deux espèces. 

(#) Mém. de l’Acad. des sc. de Paris, 1715, p.714; Blainville, Ostéographie; 
Gervais, Zool. et pal. franç., p. 38; Laurillard, Dict. de d’Orbigny, t. VIH, 
p. 29; Kaup, Ossem. fossiles de Darmstadt, 4° livr. (en y réunissant les 
M. dubius et grandis), etc. 

(5, Lartet, Notice sur la colline de Sansan, p. 27. 

(6) Ossem. fossiles, 4° édit., t, IT, p. 371 ; Blainville, Ostéogr.; Laurillard, 
Dict. de d'Orbigny, t. VILLE, p.31; M. Borsonü ? Hays; Gervais, Zool. et pal, 
franç., p. 39. 

(7) Zool. et pal. franç., p. 37, pl. 1 et 3. 

L 19 


200 MAMMIFÈRES. —- PROBOSCIDIENS. 


débris attribués par Cuvier au M. angustidens. Ses défenses inférieures 
sont nulles ou peu développées , la mâchoire inférieure courte comme celle 
des éléphants; les molaires rappellent celles du M. longirostris, avec des 
tubercules secondaires entre les collines. Cette espèce a été trouvée dans 
plusieurs localités pliocènes du midi de la France. 


Les mastodontes paraissent aussi avoir été abondants pendant 
l'époque pliocène au Puy et en Auvergne. J'extrais d'une com- 
munication inédite, due à l'obligeance de M. Avmard, les faits 
suivants. 


Le Mastodon macroplus, Aymard, avait des molaires à collines réunies par 
des tubercules secondaires et présentant par l’usure des coupes en forme 
de trèfles. La symphyse de la mâchoire n’est pas connue. Les incisives 
sous le faible diamètre de 8 centimètres au gros bout atteignaient presque 
2 mètres de longueur, et avaient une coupe subelliptique. Cette espèce a été 
trouvée à Vialetie et à Pichevieil. 

Le Mastodon vellavus, Aymard (!), connu seulement par quelques os des 
membres, dépassait d’un tiers au moins en hauteur le mastodonte de l'Ohio et 
a dû atteindre plus de à mètres. On ne connaît pas ses dents. De Vialette. 

Le Mastodon Vialetti, Aymard, n’est aussi connu que par des os des 
membres, qui prouvent qu’il était la plus petite espèce connue. De Vialette. 

Ces derniers ne peuvent , comme on le voit, être inscrits que provi- 
soirement. 

Le Mastodon arvernensis, Croizet et Jobert (2), avait la mâchoire courte 
comme le M. bredirostris, mais ses molaires étaient subtapiroïdes. Il a été 
trouvé dans le terrain pliocène d'Auvergne. C’est, je crois, la même espèce 
que celle que M. Pomel (#) nomme M. Buffonis. M. Aymard lui rapporte, 
avec doute, quelques ossements de Vialette, et, en particulier, des dents 
intermédiaires entre celles du M. maximus et celles du M. tapiroides. 


Les riches gisements de l'Inde, que nous avons indiqués au sujet 
des éléphants, ont aussi fourni des mastodontes; les auteurs, à 
cause des transitions que nous avons signalées plus haut, ne sont 
pas tous d'accord sur le classement des espèces. M. de Blainville 
range parmi les éléphants une partie de celles que nous allons 
indiquer d'après MM. Cautley et Falconer. 

Ces naturalistes ont figuré : 


Le Mastodon perimensis, Cautley et Falconer (f), de Ferim. 


(1) Bull. Soc. géol. franç., 2° série, 1. IV, p. 414. 
(2) Foss. du Puy-de-Dôme, p. 134. 

(#) Bull. Soc. géol. franç., 2° série, t. V, p. 257. 
(4) Fauna antiqua Sivalensis, pl. 31, 38, 39 et 40. 


PACHYDERMES. 291 


Le Mastodon latidens (!), Clift, des bords de l’Irawadi (Elephas, Blainville). 
Le Mastodon sivalensis (2), Cautley etFalconer, des collines subhimalayennes. 
Ces trois espèces appartiennent au sous-genre des TETRALOPHODON. 


Je termine ce qui tient aux mastodontes en avertissant que, vu 
le nombre considérable d'ouvrages dans lesquels il est parlé de 
ces animaux, je n'ai indiqué que les plus importants. 


Je renvoie en outre à l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, OÙ plusieurs mémoires 
spéciaux sont eités aux articles: Aymard, Azema, Buckland, Clift, 
Dikson, Gervais, Goodmann, Guernesey, Hays, Koch, Maxwell, Lyell, Nesti, 
Noulet, Oken, Pichot, Ranking, Renslaër, Rogers, Serres (M. de), Warren, 
Wymann, etc. 


9° ORDRE. 


PACHYDERMES. 


Nous ne comprenons sous ce nom , d’après ce que 
nous avons dit plus haut, que les mammifères ongulés, 
caractérisés par une digestion normale sans rumination, 
par un seul estomac, par des doigts en nombre varia- 
ble (de { à 5), portés par des métacarpiens et des méta- 
tarsiens désunis, ne formant pas de canons, par une 
tête sans développement celluleux extraordinaire et sans 
trompe, ou du moins avec une trompe courte. 

Cet ordre est aussi important dans l’histoire des ter- 
rains tertiaires et diluviens d'Europe que celui des 
édentés dans celle des dernières périodes en Amérique ; 
car, comme nous l'avons dit plus haut, lors de la pre- 
mière apparition des mammifères en Europe, Les famil- 
les herbivores ont été les plus nombreuses, et, parmi 
elles, ce sont les pachydermes qui ont dominé. 

L'étude de ces animaux fournit des résultats zoolosi- 


(') Clift, Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. Il, p. 371; Cautley et 
Falconer, Loc. cit., pl. 30, 31 et 40, 
(2) Loc, cit., pl. 3, 18, 32, 33, 34, 35, 36, 37 et 39, 


292 MAMMIFÈRES. -— PACHYDEBMES. 


ques intéressants, et l’histoire des pachydermes fos- 
siles est nécessaire pour donner une idée exacte des 
véritables relations qui lient les genres dont se com- 
pose cet ordre, soit entre eux, soit avec diverses autres 
familles de mammifères. 

Nous trouvons en premier lieu que quelques pa- 
chydermes fossiles forment une transition aux édentés, 
et augmentent ces rapports si nombreux que nous avons 
déjà été appelés à signaler. On en verra en particulier 
quelques exemples dans les fossiles américains. 

D'autres genres fossiles établissent des transitions 
aux ruminants , et les limites de ce groupe semblent 
avoir été rendues moins strictes par la découverte des 
anoplothériums, qui présentent une réunion inattendue 
de caractères qui, dans la création actuelle, appar- 
tiennent exclusivement, les uns aux pachydermes et 
les autres aux ruminants. 

J'aurai encore occasion de montrer plus tard que 
quelques pachydermes fossiles forment une transition 
aux cétacés. 

Nous observons en second lieu que l'étude des fos- 
siles comble les lacunes que cet ordre semble présen- 
ter de nos jours. Tous les zoologistes savent que si l’on 
compare dans la création actuelle les ruminants et les 
pachydermes, c’est-à-dire les deux ordres de mammi- 
fères ongulés, on voit qu’autant les ruminants forment 
un ordre naturel et dont les genres sont intimement 
liés les uns aux autres, autant les pachydermes sem- 
blentréunis par des caractères négatifs. Les genres qui 
appartiennent à cet ordre sont pour la plupart isolés et 
liés les uns aux autres par de faibles analogies. 

Les choses ne se présentent plus de même quand, 
au lieu d'étudier seulement les pachydermes vivants, 


PACIHYDERMES. 293 


on compare l’ensemble de cet ordre, en réunissant tous 
les types des diverses époques. On trouve alors de nou- 
veaux liens et des passages nombreux, qui font de l’or- 
dre des pachydermes un ensemble presque aussi natu- 
rel que celui des ruminants. La différence que ces deux 
ordres présentent actuellement semble devoir être at- 
tribuée au mode de leur apparition sur la terre. Les 
pachydermes, qui ont apparu successivement et par 
des types dont une grande partie ont été détruits, sont 
maintenant réduits à des genres isolés. Les ruminants, 
dont l'apparition «a été plus instantanée, et dont presque 
aucun type n’a disparu, ont conservé leur homogénéité. 

On peut enfin citer encore, comme un résultat de 
la comparaison des pachydermes fossiles, le fait que 
les différences de taille ont été, aux époques ancien- 
nes, encore plus remarquables qu'aujourd'hui. D'une 
part, les rhinocéros, les hippopotames, etc., ont dépassé 
en grandeur les espèces actuelles ; de l’autre, les très 
petites espèces ont été beaucoup plus nombreuses; 
quelques-unes même sont restées dans des limites infé- 
rieures à celles que présente aujourd’hui le daman. 

Nous divisons cet ordre en deux familles. La première 
comprend tous ceux qui ont les doigts en nombre im- 
pair, et la seconde ceux qui les ont en nombre pair. 
Chacune de ces divisions forme une série dans laquelle on 
voit les doigts diminuer en nombre et les formes deve- 
nir moins lourdes. La première de ces séries commence 
aux rhinocéros et se termine au cheval, qui ne peut 
plus former une famille distincte (solipèdes) depuis que 
la paléontologie adécouvert des formes intermédiaires qui 
le lient au tapir. La seconde commence à l’hippopo- 
tame etse termine aux anoplothériums, qui forment eux- 
mêmes une transition aux ruminants. 


294. MAMMIFÈRES. —— PACHYDERMES. 


Are Fame. — PÉRISSODACTYLES. 


Sous cette dénomination, empruntée à M. Owen (:), nous com- 
prenons les pachydermes à système digital impair, c’est-à-dire 
ceux chez qui le doigt médius prédomine toujours et forme le 
milieu du pied, soit que l'animal ait, comme c’est le cas normal, 
trois doigts, dont les latéraux sont plus ou moins subordonnés; 
soit qu'il en ait quatre, dont l'index d’un côté et l'annulaire ét le 
petit doigt de l’autre restent inférieurs au médius. Leur pied n’est 
donc jamais régulièrement bisulque. Leur astragale est toujours 
caractéristique ; cet-os s'appuie sur le calcanéum par trois grandes 
facettes et n’est pas en double poulie comme dans la famille suivante. 

C'est à cette division qu'appartient le Daman (//yrax), genre 
vivant qui n’a pas encore été trouvé fossile et qui s'écarte de tous 
les pachydermes par un caractère dont il est difficile d'apprécier 
exactement l'importance. Il se développe avec un placenta zonaire, 
tandis que tous les autres ont un placenta diffus. 

Dans le but de faire mieux comprendre les rapports des divers 
genres, nous diviserons les pachydermes périssodactyles en quatre 
tribus : 

1° Les RaiNOcEROÏDES, qui n'ont point de canines, et qui sont 
en outre caractérisés par des formes lourdes, par une peau épaisse, 
et le plus souvent par une ou deux cornes sur le nez. 

2° Les Tarrroïpes, qui ont des canines, et dont les dents mo- 
laires, surtout les inférieures, sont en général formées de collines 
transverses ; les pieds antérieurs ont 3 ou 4 doigts. 

3° Les PALÆOTHÉRIOÏDES, qui ont aussi des canines, mais dont 
les dents molaires inférieures sont formées de croissants succes- 
sifs; les pieds ont toujours trois doigts. 

L° Les SoLiPèpes, qui ont des canines pelites ou nulles, des 
dents molaires formées d’une lame d’émail plissée d'une manière 
compliquée, et des pieds composés d’un seul doigt développé et de 
doigts accessoires rudimentaires. 


re TriBu. — RHINOCÉROIDES. 


Ce groupe comprend, comme nous venons de le dire, les espèces 


(!) Quarterly journal of the geol. Soc., 1848, t. IV, p. 131, 


RHINOCÉROÏDES. —— RHINOCÉROS. 295 


dépourvues de canines, à formes lourdes et à peau épaisse. Le 
genre principal est celui des 


RHINOCÉROS (hinoceros, Lin.}, — Atlas, pl. X, fig. 1-5, 


qui sont clairement caractérisés par la corne simple ou double qui 
arme le dessus de leur nez, et surtout par leur Z molaires dont 
les Supérieures ont deux collines incomplétement séparées par un 
vallon curviligne, et dont les inférieures ont deux collines en’ 
croissants successifs. Les incisives sont variables; tantôt elles sont 
très petites et caduques, tantôt assez grandes et persistantes. 

Ces animaux ont joué un grand rôle pendant les époques qui ont 
précédé la nôtre; des espèces nombreuses et de grande taille ont 
oceupé des pays dont ce genre est aujourd’hui complétement ex- 
clu. Leur histoire à quelques rapports avec celle des proboscidiens, 
car, inconnus dans l'origine de la période tertiaire, ils ont laissé 
des débris dans ses terrains moyens et supérieurs; et dans l’épo- 
que diluvienne ils ont habité le nord du globe, jusque dans les 
régions qui sont de nos jours presque constamment glacées. 

Les découvertes les plus intéressantes sont celles qui ont été 
faites par les naturalistes russes. Pallas à trouvé, en 1781, un 
rhinocéros entier, conservé avec sa peau et enseveli dans le sable 
près de la Léna, à 64 degrés de latitude nord. Malheureusement 
les circonstances l’empêchèrent d'en recueillir le squelette com- 
plet, et l'animal lui-même était moins bien conservé que l'éléphant 
dont nous avons parlé (p. 281); mais la description de Pallas 
suffit pour montrer qu'il était probablement revêtu de poils, et 
organisé par conséquent aussi pour résister à un climat plus froid 
que celui que peuvent supporter les rhinocéros actuels. 

Depuis lors de nombreux fragments ont été trouvés en France, 
en Italie, en Angleterre et surtout en Allemagne. Ils ont permis 
de reconnaître l'existence de plusieurs espèces qui présentent, 
dans leur comparaison avec les espèces actuelles et dans leurs 
caractères exceptionnels, quelques faits zoologiques qui ne sont 
pas sans intérêt. 

On peut diviser les rhinocéros vivants et fossiles en quatre 
groupes assez tranchés. 

4° Ceux qui ont les narines séparées par une cloison osseuse, 
les incisives caduques, manquant dans l’âge adulte, et les mem- 


296 MAMMIFÈRES. -— PACHYDERMES. 


bres robustes. (Atlas, pl. X, fig. 3.) M. Bronn a fait son genre 
CoELoponTA de ce groupe qui ne content que le 2. tichorhinus. 

2° Ceux qui n'ont pas de cloison osseuse aux narines, et des 
incisives médiocres. Ce groupe diffère en outre du précédent par 
le nombre des fossettes d'émail des molaires supérieures. C’est à 
lui qu'appartient le 2. megarhinus du pliocène. 

3° Ceux qui, manquant aussi de cloison osseuse aux narines, 
ont deux grandes incisives à chaque mâchoire et trois doigts à 
tous les pieds, comme les précédents. Ce sont les RaiNocÉRoS À 
INCISIVES. (Atlas, pl. X, fig. 2.) On en connaît plusieurs espèces 
des terrains miocènes. 

le Ceux qui réunissent aux caractères dentaires de la troisième 
section celui d’avoir quatre doigts aux pieds antérieurs, et celui 
de manquer d'empreinte de corne sur les os nasaux. M. Kaup en 
a fait son genre ACEROTHERIUM. (Atlas, pl. X, fig. 1.) 

Les espèces fossiles de ces divers groupes sont loin d'être éga- 
lement bien connues, et il y a encore de grandes divergences d’o- 
pimion entre les auteurs qui les ont étudiées. 

Les plus anciennes ont été trouvées dans les terrains miocènes 
inférieurs. M. Pomel (1) admet l'existence d’au moins trois espèces 
dans les terrains miocènes d'Auvergne. 


L'une d'elles, À. tapirinus, Pomel, appartient au quatrième groupe 
(AcEROTHERIUN) et ne dépassait pas la taille du tapir des Indes. 

Une seconde fait partie du groupe des rhinocéros à incisives, et rappelle 
par ses dimensions la grande espèce vivante de Sumatra. 

La troisième est encore peu connue ; elle avait trois doigts et ne dépassait 
pas la taille de la petite race de Sumatra. 

Depuis lors M. Pomel (2) semble admettre l'existence d'une quatrième 
espèce des mêmes gisements. 

C'est sur une espèce de ces terrains que M. Croizet avait établi son genre 
BapAcTHERIUM (B. borbonicum). 

M. Aymard (communication inédite) signale, dans les terrains miocènes du 
Puy, l'existence de deux espèces appartenant probablement au genre ACERo- 
rueriu. Ce sont l'A. velaunum, Aym., supérieur en taille au R. tetradac- 
tylus de Sansan, ayant comme lui un pied antérieur tétradactyle, dans lequel 
le quatrième doigt est plus complet encore et plus développé. 

L'A.? Cuvieri, Aymard, est une espèce encore incertaine et d’une taille 
plus petite. 


(1) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IE, p. 368. 
(2) Bull. Soc, géol. de France, 2° série, t. IV, p. 381. 


RIHNOCÉROÏDES. — RHINOCÉROS. 297 


Les terrains miocènes supérieurs en renferment aussi de nom- 
breux débris appartenant en général au troisième et au quatrième 
groupe. (Atlas, pl. X, fig. 1 et 2.) M. de Blainville les a réunis, 
ainsi que les précédents, en une seule espèce, sous le nom de Æhiï- 
noceros incisivus, en considérant les acérothériums comme les fe- 
melles du troisième groupe. IT est impossible, dans l'état actuel 
de la science, de se former une idée exacte des véritables limites 
de ces espèces. Toutefois la différence du nombre des doigts 
prouve la nécessité de distinguer les acérothériums des rhinocéros 
à incisives et à trois doigts. 


M. Lartet cite, à Sansan, le R. tetradactylus, Lartet (Acerotherium), le 
R. sansaniensis, Lartet, et le R. Laurillardi, Lartet. Le R. brachypus, Lar- 
tet, et le R. cimoghorrensis, Lartet, ont été trouvés à Simorre (!). 

Le R. minutus, Cuvier (2), est indiqué dans les terrains miocènes supé-- 
rieurs du département de Tarn-et-Garonne. C’est peut-être le R. steinhei- 
mensis, Jaeger. 

Dans les terrains miocènes supérieurs d'Allemagne on a trouvé de nom- 
breux ossements de rhinocéros pour lesquels on a établi plusieurs espèces. 
M. H. de Meyer (3) les réunit maintenant en une seule. Les R. hypselorhinus, 
Kaup, molassicus, Jaeger, Schleiermacheri, Kaup, pachyrhinus, Kaup, leptodon, 
Kaup, et pygmœus, Munster, ne sont, suivant lui, que le Rhinoceros incisivus 
de Cuvier. Il ne le distingue pas des Acerotheriwm (4). 

L’Acerotherium Goldfussii, Kaup (5), forme, suivant le même auteur, une 
espèce différente. 


Les rhinocéros des terrains pliocènes doivent probablement être 
distingués des précédents. 


L'espèce la plus certaine est le R, megarhinus de Christol (6); R. ticho- 
rhinus de Montpellier, Cuvier; R. monspessulanus, Blainville (7), fossile à 
Montpellier dans les sables marins. (Atlas, pl. 10, fig. 4 et 5.) I faut peut-être 


() Voyez Lartet, Notice sur la colline de Sansan, p. 28 ; Gervais, Zool. et 
pal, franç., p. 46. 

(2) Ossem. foss., 4° édit, t. IF, p. 167. 

(3) Bronn, Index palæontologicus, p. 1083. 

(4) Voyez, pour ces espèces, Kaup, Ossem. foss. de Darmstadt, 3° livr., 
pl. 10-15. 

(5) Ossem. foss. de Darmstadt, 3° livr., p. 50. 

(6) Ann. des sc. nat., 2° série, t. AV, p. 44. 

(7) Ostéographie, Rhinocéros, p. 143, 164, 


298 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


y réunir les ossements d'Angleterre rapportés par M. Owen (') au R. lepto- 
rhinus. 

Le Rhinoceros elatus, Croiz. et Job., des dépôts sous-volcaniques ( plio- 
cènes) d'Auvergne, est peut-être une espèce distincte (2). 

M, Aymard (communication inédite) indique la présence dans les terrains 
pliocènes de Vialette, près le Puy, d’une espèce de rhinocéros remarquable 
par ses caractères. La cloison qui sépare les narines est osseuse, jusque près de 
l'extrémité, comme chez le Rhinoceros tichorhinus. Deux disques de rugosités 
prouvent l’existence de deux grosses cornes , l’une sur le nez, l’autre beau- 
coup en arrière sur la région frontale. La symphyse de la mâchoire est longue 
et a dû porter des incisives au moins dans le jeune âge. Les molaires supé- 
rieures intermédiaires à deux fossettes seulement, et la postérieure sans fossette 
sur son aile postérieure, la différencient complétement du R. tichorhinus. 
M. Aymard le nomme Rhinoceros mesotropus, et en distingue deux variétés, 
dont la plus petite devra peut-être, selon lui, former une espèce sous le nom 
de Rhinoceros velaunus, Aymard. Ce rhinocéros aurait vécu pendant la 
période pliocène, et peut-être aussi pendant la période diluvienne, car 
M. Aymard rapporte à la même espèce des ossements trouvés dans les brèches 
de Denise. 


Les espèces les mieux connues sont celles des terrains dilu- 
viens. 


La première est le Rhinoceros tichorhinus, Cuvier (3); R. antiquilalis, 
Blum.; R. Pallasii, Desm.; R. fossile à narines cloisonnées, Cuvier. C'est 
cette espèce qui a été trouvée près de la Léna par Pallas, et dont les frag- 
ments, abondants dans la plupart des terrains diluviens d'Europe, sont cités 
par la majeure partie des auteurs (4). 

Ce rhinocéros se distingue de tous les autres vivants et fossiles par la sin- 
gulière organisation de son museau. (Atlas, pl. X, fig. 3.) Ses os nasaux se 
recourbent en avant du nez pour s’unir avec les incisifs, et la cloison, ordi- 
nairement cartilagineuse, qui sépare les deux narines, est osseuse jusque 
près de leur extrémité. Cette organisation spéciale a dû donner une solidité 
plus grande aux parties supérieures du nez, et permettre à l'animal de por- 
ter des cornes plus longues encore que celles des espèces vivantes. Les rugo- 
sités de ces os montrent qu'il y en a eu deux, et qu'elles étaient plus dis- 
tantes que dans les autres espèces bicornes. M. Fischer a mesuré un de ces 
appendices qui avait 32 pouces de long. 

A ces caractères principaux on peut ajouter les suivants. Les deux bran- 


(:) British foss. mamm., p. 356; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 45, pl. 1, 2. 
(2) Gervais, Zool. et pal. franç., explic. de la pl. 26. 

(3) Ossem. foss., 4° édit., t. III, p. 126. 

(#) Voyez, pour les auteurs qui en ont parlé, Meyer, Palæologica, p. 74. 


RHINOCÉROÏDES. — RHINOCÉROS. 299 


ches de la mâchoire inférieure sont unies par une symphyse très pro- 
longée et d’une forme très caractéristique. La peau est lisse et dépourvue 
de ces grandes plaques qui recouvrent la plupart des rhinocéros vivants. Les 
dents incisives sont nulles ou très petites, et tombaient avec l’âge. Les 
erânes les mieux conservés, recueillis dans l'empire russe, n’en ont jamais 
présenté, mais bieu quelquefois de petits alvéoles. 

Cette organisation des dents et les détails de son squelette le rapprochent 
surtout du Rhinocéros bicorne du Cap; mais, outre les caractères du nez, de 
la mâchoire et de la peau, que nous ayons cités, le R. tichorhinus se distin- 
guait de cette espèce par un crâne plus long et plus étroit, et par un corps 
encore plus gros, porté par des jambes plus courtes et plus épaisses. 

Cette espèce a probablement vécu pendant toute l’époque diluvienne en 
Sibérie et en Europe, On en trouve les débris, non seulement dans Îles 
dépôts arénacés anciens, mais encore dans plusieurs cavernes et dans quel- 
ques brèches osseuses. 

Il faut peut-être admettre une seconde espèce, le R. lunellensis, Gervais (1), 
(R. minutus, M. de Serres, Dubreuil et Jean-Jean, non minutus, Cuvier; 
R. africanus, Gervais et M, de Serres (2): R. leptorhinus, de Lunel-Viel, 
Blainv.), qui est très voisin du R, bicorne du cap de Bonne-Espérance. 


Le genre des rhinocéros a aussi existé dans le continent asta- 
tique pendant les époques tertiaire et diluvienne. 


On en a trouvé des fragments sur les bords de l’Irawadi, et MM. Cautley 
et Falconer, dans leurs premiers travaux, en signalaient, dans les terrains 
supérieurs de l'Himalaya, deux espèces, dont l’une n'avait pas encore été 
déterminée, et dont l’autre avait été désignée par ces naturalistes sous le 
nom de Rhinoceros angusliriclus. 

Plus tard, dans leur Fauna antiqua Sivalensis, ils en indiquent quatre, 
parmi lesquelles ce dernier nom n'est pas reproduit (l’absence de texte ne 
permet pas de savoir à laquelle il se rapporte). Ce sont : 

Le Rhinoceros platyrhinus, Cautley et Falconer, pl. 72 et 75. 

Le Rhinoceros palæindicus, id., pl. 73, T4 et 75. 

Le Rhinoceros sivalensis, id., pl. 73, T4 et 75. 

L’Acerotherium ? perimense, id., pl. 75. 


Dans ce continent, ces espèces perdues n'ont fait que précéder 
celles qui y vivent aujourd'hui; mais un fait plus remarquable, 
si l'observation qui semble l'établir méritait la moindre con- 
fiance, serait que les rhinocéros auraient vécu pendant l'époque 
diluvienne dans l'Amérique septentrionale, tandis que de nos 
jours ce genre a complétement disparu de cette partie du monde. 


(1) Zool. et pal. fr., p. 48. 
(2) Ann. des sc, nat., 3°-série, t. V, p. 156, 


300 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


M. Harlan (!) rapporte qu’un journal américain (2) signale un corps fossile 
trouvé dans les monts Allegbany, dont la forme rappelle celle d’une corne 
de rhinocéros, et qui semble justifier l'existence d’un Rhinoceros allegha- 
niensis. Mais cet auteur ajoute qu'un examen plus scrupuleux semble avoir 
démontré que ce corps n’est qu’une concrétion pierreuse, qui n’a point une 
origine organique. 

Voyez encore, pour le genre rhinocéros, l'APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE , 
aux articles : Azema, Brandt, Christol, Giebel, Gutbier, Fischer, Merck, 
Münster, Murchison, Nesti, Ravin, Rehbock, Schmerling. 


Près des rhinocéros vient se placer un genre perdu remarqua- 
ble, celui des 


ELASMOTHERIUM, Fischer, — Atlas, pl. X, fig. 6. 


Ce genre a été découvert et décrit pour la première fois par 
M. Fischer de Waldheim (#). Il n’est malheureusement connu que 
par un fragment de mâchoire. Ses dents molaires rappellent celles 
du rhinocéros; mais la lame d’émail se replie davantage dans son 
intérieur, où elle a à peu près la même complication que dans les 
dents du cheval (#), et s’ondoie par places d’une manière très mar- 
quée, rappelant les festons de cette même lame dans les éléphants. 
Leur forme prismatique allongée et leur division en racines 
seulement vers l'extrémité sont encore une analogie avec celles 
du cheval. Du reste, la forme de cette mâchoire, sa grandeur et son 
épaisseur, indiquent un animal lourd, voisin probablement par 
ses formes du rhinocéros, et ayant même atteint par sa taille les 
plus grandes espèces de ce genre. Il est probable que ce singulier 
animal avait des mœurs à peu près semblables à celles du rhino- 
céros. Ses molaires toutefois peuvent faire croire qu'il a été encore 
plus essentiellement herbivore. 


Le premier fragment que l’on ait connu a été trouvé en Sibérie, et forme 
le type de l’espèce désignée sous le nom de Elasmotherium Fischeri. 


(1) Physical et medical researches, p. 268. 

(2) Amer. monthly journal of geology, 1831, p. 90. 

(3) Mém. Soc. nat. de Moscou, t. IE, p. 255; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., 
t. IL, p. 187, pl. 57. 

(#) Cette lame, par son plissement, ressemble encore plus à celle qui dis- 
tingue les Hippotherium ou chevaux des terrains tertiaires. 


TAPIROÏDES. —— TAPIRS. 301 


M. Keyserling (1) a fait connaître une dent qui doit, suivant M. Fischer, 
caractériser une seconde espèce, l'Elasmotherium Keiserlingii, Fischer. Cette 
dent a été trouvée à Surico, dans le voisinage de la mer Caspienne. 


2e TriBu. — TAPIROIDES. 


Cette tribu comprend tous les genres qui ont des canines et 
dont les molaires forment des collines transverses bien dis- 
tinctes, surtout à la mâchoire inférieure. 


Les Tapirs (Zapirus, Brisson), — Atlas, pl. X, fig. 7-10, 


sont caractérisés par —- incisives dont l’externe est plus forte que 
la canine, par + canine et par + molaires ayant chacune deux 
collines transverses très distinctes. Ces collines sont compléte- 
ment isolées à la mächoire inférieure et sont incomplétement 
reliées par leur bord externe à la mächoire supérieure. Ils ont une 
petite trompe, de grandes ouvertures nasales et les os nasaux dé- 
tachés, en forme de lancettes. Les pieds antérieurs ont quatre 
doigts et les postérieurs trois. 

Les tapirs habitent aujourd'hui les régions chaudes du globe. 
On en connaît une espèce de l'Inde et deux d'Amérique. Dans 
les époques qui ont précédé la nôtre, ces animaux ont occupé les 
mêmes parties du monde et en outre l'Europe. Les terrains de ce 
continent renferment des débris prouvant l'existence de quelques 
espèces, qui y auraient vécu au milieu et à la fin de l’époque 
tertiaire. 


Le Tapirus Poireti, Pomel (?), est une petite espèce, non décrite, du 
terrain miocène du Bourbonnais. 

Le Tapirus priscus, Kaup (3), a été trouvé dans le tertiaire miocène 
d'Eppelsheim et à Bribir (Croatie) (4). (Atlas, pl. X, fig. 7 et 8.) 

Le Tapirus arvernensis, Croizet et Jobert, provient des terrains tertiaires 
pliocènes d'Auvergne (5). Il se rapprochait surtout du tapir des Indes. (Atlas, 
pl. X, fig. 9 et 10.) 


(1) Bull. Soc. de Moscou, 1842, t. XV. 

(2) Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t. IE, p. 368. 

(3) Neues Jahrb., 1836, p. 694; 1837, p. 157, et 1839, p. 316; et Ossem. 
foss. Darmstadt, 2° livr., pl. 6. 

(#) Hornes, Leonh. und Bronn Neues Jarhrb., 1849, p. 759, 

{5} Rech. sur les ossem. foss. du Puy-de-Dôme, p. 161. 


302 MAMMIFÈRES. — PACHYDÈRMES. 


On a trouvé, dans les terrains pliocènes du Puy (1), un tapir très voisin 
du T. arvernensis, mais qui, suivant M. Aymard, en diffère par son occipital 
arrondi, et par ses os de la jambe disjoints. Il est douteux que ces caractères 
représentent autre chose que des différences d'âge. Cependant M. Aymard 
lui a donné le nom provisoire de Tapirus Vialetti. Il a été trouvé à Vialette. 
Quelques auteurs, sans motifs suffisants, réunissent les tapirs d'Auvergne au 
Tapirus priscus. 

Les sables marins de Montpellier (2?) renferment aussi une espèce, Tapi- 
rus minor, Gervais. 

Le Tapirus helveticus, H. de Meyer, a été trouvé à Wiesbaden, dans la 
mollasse d'Othmarsingen et dans celle de Günzburg (à). 

Le Tapirus giganteus, Cuvier, est un Dinotherium. 

L'existence de ce genre dans les terrains diluviens, suivant M. Giebel, 
paraît démontrée (?) par une vertèbre trouvée dans la caverne de Sund- 
wich (4). 


Les espèces américaines sont enfouies dans les dépôts dilu- 
viens. 


Le Tapirus suinus, trouvé par M. Lund dans les cavernes du Brésil, égalait 
à peine, par ses dimensions, un cochon de moyenne tailie. 

Une seconde espèce, du même pays et des mêmes localités, ressemblait 
davantage au tapir d'Amérique (ÿ). 

Le Tapirus mastodontoides, Harlan (6), de l’état de Kentucky (Amérique 
septentrionale), est connu par une seule molaire, qui, d’après M. Harlan, a 
sans aucun doute appartenu à un tapir, quoiqu’on ait voulu y voir une jeune 
dent de mastodonte (7). 


Les tapirs ont aussi été trouvés à l’état fossile dans le continent 
asiatique. Les débris d’une espèce ont été découverts sur les bords 
de l’Irawadi (Birmanie) ($). 

C'est, suivant M. Owen, dans le voisinage des tapirs qu’il faut 
placer un genre nouveau, celui des 


(!) Robert, Mém. Soc. du Puy, 1829. 

(2) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 49, pl. 5, fig. 4et 5. 

(8) Neues Jahrb., 1840, p 584; 1844, p. 566; 1849, p. 248. 

(4) Giebel, Neues Jahrb., 1849, p. 57. 

(5) Voyez Lund, Mém. de l'Acad. de Copenhague, t. VIE, pl. 27; Ann. sc. 
nat., 2° série, t. XI, p. 232; t. XII, p. 207; Stuff. Texas, Neues Jahrb., 
1848, p. 127. 

(6) Medic. and phys. researches, p. 265. 

(7) Voyez encore Mantell, Sillim. Americ. journ., t. XXVI, 1, p. 218, 

(8) Trans. of the geolog. Soc., t. IE, 2° partie. 


TAPIROÏDES. — PLATYGONUS. 303 


HarLanus, Owen, 


qui comprend l'espèce décrite par Harlan, sous le nom de Sus 
americanus, et dont on connaît une portion de mâchoire inférieure 
à dents très usées (qui rappelle les Babiroussas, suivant M. Har- 
lan). Cette espèce a été trouvée en Géorgie avec des mastodontes, 
des mégalonyx et des éléphants (1). 

Le genre des 


PLaryconus, Leconte (Platiyonus, par erreur), 


présente des caractères très remarquables qui laissent encore ses 
véritables affinités douteuses. Les molaires de la mâchoire supé- 
rieure rappellent sous plusieurs points de vue les formes des lo- 
phiodons. Celles de Ja mâchoire inférieure ont, comme dans ce 
genre et dans les tapirs, des collines transverses, la dernière 
ayant un fort talon. Mais les canines sont tout à fait différentes. 
Les supérieures, qui sont seules connues, sont comprimées presque 
comme dans les machairodus, ont le bord antérieur denté et la face 
externe marquée d'une ligne élevée et tranchante. Quelques os 
du corps qui ont été trouvés avec la tête montrent des transitions 
aux cochons. 


La seule espèce connue, P. compressus, Leconte, a été découverte dans 
une sorte de brèche (Illinois) (2). 


Ici commence une série de genres qui s’éloignent plus ou moins 
de tous les pachydermes qui vivent de nos jours, et dont les nom- 
breuses espèces ont formé une partie importante de la population 
des terrains tertiaires d'Europe, qu'ils caractérisent en général 
d’une manière assez précise. 

Le genre qui se rapproche le plus des tapirs, est celui des Lo- 
PHIODON, de Cuvier, qui a comme eux + incisives et + canine, et 
dont les molaires ont aussi des collines transverses reliées à la 


(1) Owen, Proceed. Acad. Phil., août 1846, etJourn. Acad. Philad., 4°, 2° sé- 
rie, vol. I, p. 18; Harlan, Sillim. Americ.journ., 1842, t. XLIIL, p. 141, etc. 

(2) Voyez Sillim. Americ. journ., 1848, vol. CIT; Mém. Acad. de Phil., 
4848; Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1850, p. 872, 


304 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


mâchoire supérieure par leur bord externe et distinctes à la mà- 
choire inférieure ou reliées par une petite crête en diagonale. 
L'ouverture nasale et le nombre des doigts sont inconnus. Ils ont 
laissé des débris abondants dans les terrains tertiaires anciens 
et moyens. Leur étude a amené les paléontologistes à établir 
quelques divisions qui sont considérées par les uns comme des 
genres et par d’autres comme des sous-genres. Ces questions, d’une 
importance médiocre, ne pourront être résolues que par la con- 
naissance plus complète du squelette; car jusqu’à présent le sys- 
tème dentaire a fourni presque seul les caractères. 

Nous admettrons, pour plus de clarté, les genres CORYPHODON, 
LOPHIODON, PACHYNOLOPHUS, LOPHIOTHERIUM et TAPIRULUS, qui pour 
quelques paléontologistes ne sont que des subdivisions du genre 
des LOPHIODON. 


Les CorYpHoDoN, Owen, — Atlas, pl. X, fig. 11, 


sont les seuls dans lesquels la dernière molaire inférieure n'ait 
point de talon et soit réduite à deux collines. Leurs prémolaires su- 
périeures sont beaucoup plus petites que les vraies molaires et 
sont formées de deux crêtes curvilignes concentriques. 


L'espèce la mieux connue, et peut-être la seule, caractérise les terrains ter- 
tiaires anciens, et a été trouvée dans les lignites de Soissons et de Laon, ainsi 
que dans l'argile plastique de Paris (terrain suessonien). C’est le Lophiodon 
anthracoideum, Gervais ({), le Lophiodon de Soissons, Cuvier (2), confondu à 
tort avec le L. d’Issel, le Lophiodon du Laonnais, Cuvier, le Lophiodon et 
l’Anthracotherium de Meudon de M. Ch. d’Orbigny (3), le Lophiodon anthra- 
coideum, Blainville (4). 

Il n’est pas certain qu’on doive lui réunir le Coryphodon eocænus, 
Owen (5), de l’argile éocène des environs de Londres. (Atlas, pl. X, fig. 11.) 


Les Lopniopon, Cuv. (Tapirotherium, Blainv.), 
— Atlas, pl. X, fig. 12 et 13, 


ont -$- molaires, les supérieures étant peu différentes les unes des 
autres, sauf la première et la dernière, les inférieures à deux col- 


(1) Zool. et pal, fr.,p. 53. 

(2) Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t. III, p. 399. 
(3) Bull. Soc. géol., 1839, p. 180. 

(f) Ostéographie, Anthracotheriums, pl. 3. 

(5) British. foss, mamain., p. 299. 


TAPIROÏDES, — LOPHIODON. 305 


lines incomplétement réunies par une crête diagonale, peu 
visible dans les deux premières, la dernière molaire ayant un 
talon. 

Les nombreuses espèces qui composent ce genre ont été trou- 
vées dans le calcaire grossier ou dans des terrains contemporains, 
c’est-à-dire dans le terrain parisien inférieur (2° faune, Gervais). 
Quelques uns des gisements qui les renferment avaient été d’abord 
rapportés au terrain miocène ; mais M. Gervais a prouvé qu'ils 
appartiennent tous à une époque plus ancienne. 

Aucune espèce certaine n'a été trouvée ni dans les terrains 
miocènes, ni dans les terrains pliocènes, ni dans l'époque dilu- 
vienne. 

Les principales sont les suivantes : 


La plus grande estde Lophiodon isselense, grande espèce d’Issel (1), trouvée 
aussi à Argenton. Sa taille dépassait au moins d’un tiers celle du tapir des 
Indes, et se rapprochait de celle des petites espèces de rhinocéros. (Atlas, 
pl. X,-fig. 12.) 

Le Lophiodon parisiense, Gervais (?), Lophiodon de Nanterre, Robert (3), 
Lophiodon de Nanterre, de Passy et de Vaugirard, Blainville (f), se trouve 
dans le calcaire grossier des environs de Paris. (Atlas, pl. X, fig. 13.) 

Le Lophiodon tapiroïide, grande espèce de Buchsweiler (5), dépassait d'un 
quart le tapir des Indes, et était très voisin de l’isselense, dont il différait par 
la face externe des molaires plus longue et par des canines plus grosses. Il a 
été trouvé à Buchsweiler (Bas-Rhin). 

Le Lophiodon buxovillianum, espèce secondaire de Buchsweiler ($), dépas- 
sait très peu le tapir des Indes. 

Le Lophiodon medium, espèce secondaire d'Argenton (7), était de la taille 
du tapir des Indes. 

Le Lophiodon tapirotherium, espèce moyenne d'Issel (8), nommé primitive- 
ment, par Cuvier, petit Tapir fossile, égalait à peu près le tapir d'Amérique, 

Le Lophiodon occitanicum, petit Lophiodon d’Issel (?), atteignait les deux 
tiers de la taille du tapir d'Amérique adulte, 


(1) Cuvier, Ossem. foss , 4° édit., t. IF, p. 343. 
(2) Zoo. et pal. fr., p. 54, pl. 17. 

(8) Laurillard, Dict. de d'Orbigay, t. VIE, p. 439. 
(4) Ostéographie, Lophiodons, pl. 2. 

(5) Cuvier, Ossem. foss., t. IT, p. 376 et 400. 

(6) Cuvier, id., t. IT, p. 391. 

(7) Cuvier, id., t. IL, p. 356. 

8) Cuvier, id., t. III, p. 331. 

(9) Cuvier, id., t. III, p. 342. 


IE 20 


306 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


Le Lophiodon minutum, petite espèce d'Argenton (!), comparé par Cuvier 
à un squelette d’un jeune tapir d'Amérique, lui est dans le rapport de 
2 AS): 

Il faut probablement retrancher de ce genre : 

Le Lophiodon giyanteum, très grand Lophiodon de Montabusard et de Gan- 
nat (3), espèce établie sur un astragale qui a été reconnu par MM. de Blain- 
ville et Laurillard appartenir à un rhinocéros, et qui est de l’époque pliocène. 

Le Lophiodon monspessulanum, Loph. de Montpellier (), connu seulement 
par quelques molaires trouvées à Boutonnet, près Montpellier, et dont le 
gisement, ainsi que la détermination, est également douteux. 

Le Lophiodon aurelianense, moindre Lophiodon de Montabusard, près d'Or- 
léans (5), qui n’est peut-être qu’un ruminant. 

Le très grand Lophiodon de Gannat, Cuvier, qui est probablement un 
rhinocéros. 

Les ossements d'Auvergne rapportés à des lophiodons (6). 

Le Lophiodon arnense, Blainville (7), du val d’Arno, espèce très douteuse. 

Le Lophiodon molassicus, Jaeger, medius, id., minimus, id., minutus, id., 
qui, suivant M. H. de Meyer (8), reposent sur des fragments de tapirs et 
de rhinocéros. 

Je ne sais pas si l’on doit ajouter à ces exclusions le Lophiodon sibiricum, 
Fischer (?), trouvé dans un calcaire d'Orembourg, dont l'âge n’est pas bien 
déterminé. Cette espèce était d’une taille gigantesque, car M. Fischer donne 
pour dimension à ses canines 3 pouces 2 lignes. 

Quelques espèces ont en outre été transportées dans les genres voisins. 

Voyez encore, dans l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les articles Alport, Du- 
vernoy, Naudot. 


Les PacayNoLoPaus, Pomel, — Atlas, pl. XE, fig. 4-8, 


diffèrent des lophiodon par leurs molaires, au nombre de +, les 
inférieures ayant les deux collines plus distinctement réunies par 
une crête en diagonale; la barre de leur mâchoire est plus longue. 


(1) Cuvier, Ossem. foss., t. IT, p. 358. 

(2) Voyez, pour toutes ces espèces, Gervais, loc. cit., et Blainville, Ostéog., 
Lophiodons. 

(3) Cuvier, Ossem. foss., t. LIT, p. 404 et 414. 

(*) Cuvier, id., t. IE, p. 410. 


TAPIROÏDES, — LOPHIOTHERIUM. 307 


Les espèces appartiennent toutes au calcaire grossier (parisien 
inférieur), sauf peut-être la première. 


Le ?, Vismæi, Pomel (1), qui a été trouvé dans l'argile plastique de 
Sézanne, Seine-et-Oise (suessonien ?). 

Le P. cesserasicus, Gervais (2), provient de Cesséras, près Saint-Chinian 
(Hérault). (Atlas, pl. XI, fig. 1.) 

Le P. Duvalii, Gervais (3), (Hyracotherium de Passy, Blainville; Loph. Du- 
valii, et Loph. mastolophus, Pomel (#); Loph. leptognathum, Gervais) (°), se 
trouve dans le calcairegrossier des environsde Paris. (Atlas, pl. XL, fig. 2 et 3.) 

Le P. Prevostii, Gervais (5), a été découvert dans le calcaire grossier à 
cérites de Gentilly, près Paris. 

Le P. minimum, très pelit Lophiodon d’Argenton (7), avait une taille de 
moitié plus petite que le tapir d'Amérique. 

Le P. parvulum, Laurillard (8), cinquième espèce d’Argenton (?), Lophiodon 
quintum, Blainville (10), avait une longueur égale au tiers de ce même tapir. 


Les ANCHILOPUS, Gervais, 


paraissent être un sous-genre des lophiodon ou un genre inter- 
médiaire entre eux et les anchitherium. (La planche de M. Gervais 
destinée à le figurer n'a pas encore paru.) 


L'Anchilopus Desmaresti, Gervais (11), provient du calcaire grossier des 
Batignolles, près Paris. 


Les LOPHIOTHERIUM, Gervais, — Atlas, pl. XE, fig. 4, 


ont sept molaires à la mâchoire inférieure, semblables à celles du 
genre précédent ; La dernière a un talon très fort qui simule pres- 
que une troisième colline. Les dents de la mâchoire supérieure 
sont inconnues. 


(1) Bibl. univ. de Genève, Archives, 1847, t, IV, p. 327. 
(2) Zool. et pal. fr., p. 55, pl. 18. 
() 1d., p. 56, pl. 17. 

(#) Bibl. univ., Archives, 1847, t. IV, p. 327; t. V, p. 207. 
(5) Comptes rendus, t. XXVILE, p. 547, et t. XXIX, p. 222. 
(6) Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 35, 

(7) Cuvier, Ossem. foss., t. IL, p. 360. 

(8) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 56. 

(°) Cuvier, Ossem. foss., t. IL, p. 363. 

(10) Ostéographie, Lophiodons, p. 195. 

(1) Zoo!, et pal, fr., explic. de la pl. 35. 


308 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


La seule espèce de ce genre est plus récente que les vrais lo- 
phiodon et à été trouvée dans les terrains parisiens supérieurs 
(époque des gypses). 


C’est le L. cervulum, Gervais (!), découvert auprès d’Alais (Gard), par 
M. d'Hombres Firmas. M. Gervais l'avait d’abord rapportée au Dichobune 
cervinum. 


Les TapIRULUS, Gervais, — Atlas, pl. XI, fig. 5, 


sont encore très incomplétement connus. Les arrière-molaires 
inférieures, qui seules ont pu être étudiées, ont des collines trans- 
verses très distinctes, reliées incomplétement par une faible ca- 
rène qui est perpendiculaire à leur direction, au lieu d’être obli- 
que. La dernière à un fort talon qui simule une colline moins 
large que les autres. 


La seule espèce connue est le Tapirulus hyracinus, Gervais (2), de la taille 
du daman. Il a été trouvé à Perréal, près Apt, dans un terrain que nous 


avons déjà signalé comme contemporain des gypses de Paris (parisien supé- 
rieur). 


Les Lisrriobon, H. de Meyer (Zapirotherium, Lartet, 
non Blainv.), — Atlas, pl. XL, fig. 6 et 7, 


diffèrent des genres précédents par leurs canines plus fortes et 
par leurs molaires au nombre de +, formées de deux collines 
transverses, presque aussi nettement séparées à la mâchoire su- 
périeure qu'à l'inférieure. Dernière molaire inférieure à talon. 
Ouverture nasale petite, rendant peu probable l'existence d’une 
trompe. Pieds inconnus. 


Ce genre ne renferme, jusqu’à présent, qu'une seule espèce confondue 
avec les lophiodon, et plus récente qu'eux. C’est le Listriodon splendens, 
H. de Meyer (#), Lophiodon de Sansan, Blainville, Tapirotherium Larteti, 
Gervais (#), Listriodon Larteti, Gervais (5), Lophiodon, Nicolet (6). Cette es- 


(1) Zool. et pal. fr., p. 56, pl. 11; Comples rendus de l’Acad. des sc., 
1849, t. XXIX, p. 381 et 573. 

(2) Zool. et pal. fr., p. 56, pl. 34; Comptes rendus de l'Acad. des se., 
1850, t. XXX, p. 604. 

(8) Neues Jahrb., 1846, p. 465. 

(#) Comptes rendus de l’Acad. des sc., 1849, t, XXIX, p. 547. 

(S) Zoo!, et pal. fr., p. 50. 
(6) Bull. Soc. Neuchâtel, 1844, 


PALÆOTHÉRIOÏDES, 309 


pèce a été trouvée dans le département du Gers, et dans les mollasses de la 
Chaux-de-Fonds (miocène). 


3e TriBu. — PALÆOTHÉRIOIDES. 


Cette tribu renferme les espèces munies de canines, dont les 
molaires de la mâchoire inférieure sont formées de deux crois- 
sants successifs et qui ont encore trois doigts à chaque pied. 

Le genre principal est celui des PALÆOTHERIUM, qui à aussi été 
subdivisé dans ces dernières années. Nous admettons ici les 
genres PROPALÆOTHERIUM €t PALOPLOTHERIUM qui, pour quelques 
auteurs, ne sont que des sous-genres (1). 


Les PAaLÆoOTHERIUM, Cuvier, — Atlas, pl. XI, fig. 8-15, 


sont caractérisés par 7 molaires, dont les supérieures sont assez 
semblables à celles des rhinocéros, la première étant notablement 
plus petite et à un seul lobe; et dont les inférieures ont des crois- 
sants à convexité externe, la première étant aussi petite et à un 
seul lobe, la dernière à trois lobes. La barre est très courte, et 
les canines sont saillantes. Leurs os nasaux, relevés, montrent 
qu'ils ont eu une petite trompe flexible. Leurs pieds antérieurs et 
postérieurs ont trois doigts. Leurs formes extérieures rappelaient 
celles des tapirs. (Voy. Atlas, pl. XI, fig. 8.) 

M. Aymard partage les palæotherium en deux sous-genres, 
conservant le nom de PALÆOTHERIUM à ceux dont la première mo- 
Jaire inférieure à deux lobes bien distincts ( P. magnum, subgra- 
cile, etc.), et donnant le nom de Moxacrum à ceux chez qui cette 
dent n'a qu'un lobe principal (2. velaunum, medium, ete.). 

Les palæotherium sont, suivant M. Gervais, spéciaux à l’époque 
des gypses (3° faune, Gervais, parisien supérieur). Get habile 
paléontologiste considère les terrains du midi de la France qui 
en renferment des débris comme tous contemporains des dépôts 
des environs de Paris. 


(1) M. Giebel (Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1847, p. 54) a établi un 
genre HYSTEROTHRERIUM pour des ossements semblables à ceux des palæothé- 
rioïdes, mais trouvés dans le diluvium de Quedlimbourg; ce genre n’a jamais 
été caractérisé, et je pense que M. Giebel y a renoncé, car il ne le mentionne 
pas dans son Fauna der Vorwelt, 


210 MAMMIFÈRES, — PACHYDERMES. 


L'opinion que nous avons admise sur l’âge des calcaires lacus- 
tres du Puy, que nous rapportons avec M. Aymard au miocène 
inférieur, nous fait étendre jusqu’à cette époque l'existence de ce 
genre. Je le fais d'autant plus volontiers, que M. Gervais reconnaît 
lui-même (1) la difficulté qui résulte du fait que certains palæo- 
therium du Puy se trouvent, dans son hypothèse, associés avec 
des espèces du miocène inférieur. Aucune espèce certaine n'existe 
dans les terrains miocènes supérieurs ni au-dessus. 

Les espèces des gypses de Montmartre se ressemblent beaucoup 
par leurs caractères essentiels, et l’on ne peut guère les distin- 
guer que par la taille et par les proportions des membres. Ce sont (2): 


Le Palæolherium magnum, Cuvier, de la taille du cheval. (PI. XI, fig. 8 
eL119°) 

Le Palæotherium medium, Cuvier, à os du nez plus courts, à pieds étroits 
et assez allongés; un peu plus petit qu'un cochon de moyenne taille. 
(PI. XI, fig. 10, 13 et 14.) 

Il est impossible d'admettre l’assertion de M. Marcel de Serres, que cet 
animal ait été trouvé dans les brèches osseuses de Cette. 

Le Palæotherium crassum, Cuvier, à os du nez plus longs, à pieds larges 
et courts; de la même taille que le précédent. (PI. XI, fig. 11 et 15.) 

Le Palæotherium latum, Cuvier, à pieds encore plus courts et plus étalés ; 
de la même taille que les deux précédents. 

Le Palæotherium curtum, Cuvier, dont les pieds étaient encore plus rac- 
courcis et plus larges; de la taille d’un mouton. 

Le Palæotherium indeterminatum, Cuvier, est intermédiaire entre le me- 
dium et le crassum. 


Dans les autres parties de la France on en cite plusieurs : 


Le Palæotherium magnum, Cuvier, a été, suivant M. Aymard, retrouvé 
en abondance et très bien conservé dans les gypses du Puy en Velay, con- 
temporains de ceux de Paris, avec une autre espèce plus grêle (Pal. subgra- 
cile, Aymard, communic. inédite, olim gracile) (8). Le Palæotherium ani- 
ciense, Gervais (f), du Puy, de la taille du magnum, n’est probablement 
que la réunion de ces deux espèces. Il reste à savoir si la première doit bien 
réellement être réunie au Palæoth.magnum. M. Aymard, en admettant leur 
identité, reconnaît que les dents du Puy manquent du bourrelet qui carac- 


(1) Comptes rendus de l'Acad. des sc., 1849, t. XXVII, p. 549. 
(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 431. 
(8) Aymard, Ann. Soc. du Puy,t. XII, p. 228. 

(4) Zool. et pal. fr., p. 61. 


PALÆOTHÉRIOÏDES, — PROPALÆOTHERIUM. 311 


térise la base de la face interne de la couronne des deux dernières molaires 
supérieures de l'espèce de Paris. 

Le Palæotherium velaunum, Cuvier (1), se rapproche du medium, mais 
forme, suivant M. Aymard, une espèce distincte par les proportions de l'os 
mandibulaire, la disposition des trous mentonniers, etc. Il à été trouvé dans 
les gypses du Puy, et appartient au sous-genre Monacrum, Aymard. 

Il faut peut-être, suivant M. Aymard, ajouter une espèce un peu plus an- 
cienne , le Palæotherium primævum , Aymard, des argiles bigarrées infe- 
rieures au gypse des environs du Puy en Velay. Les ossements découverts 
ne consistent qu’en os des membres. M. Gervais avait cru devoir les rappro- 
cher des dichobunes; mais ils représentent plus probablement, suivant 
M. Aymard, un petit Palæotherium. 

Le Palæotherium girondicum, Blainville (2), est un peu plus petit. Il pro- 
vient de la Grave (Dordogne). (Atlas, pl. XI, fig. 12.) 


Les palæotherium des terrains miocènes inférieurs du Puy sont, 
d'après M. Aymard , les suivants : 


Le Palæotherium Gervaisii, Aymard (Palæotherium proprement dit), est 
de la taille du velaunum, mais a la barre ou diasthème de la mâchoire in- 
férieure beaucoup plus long. (Communication inédite.) 

Une seconde espèce, non encore déterminée, paraît n'avoir pas dépassé la 
taille du P, curtum, Cu. 


On n'en à pas encore trouvé dans la Limagne et dans le Bour- 
bonnais. 

Il faut en particulier ne pas tenir compte du P. brivatense, Bravard, 
espèce plus que douteuse, 

Je ne sais que penser d'un prétendu Palæotherium gigantesque 
trouvé par M. Pratt, à Saint-Louis (Missouri), avec des espèces 
crétacées (3). 

Voyez à l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les articles Coquand, Darlet, Gaul- 
tier, Graves, Naudot, Proust, Robert, 


Les PROPALÆOTHERIUM , Gervais, — Atlas, pl. XI, fig. 16, 


ont les molaires supérieures assez semblables à celles des lophio- 

don, et les inférieures intermédiaires entre celles des paloplothe- 

rium et des palæotherium, la dernière pourvue d’un troisième lobe 
(1) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 436. 

(2) Ostéographie, Palæothériums, p. 48. 

(3) Voyez Amer. journ., 2° série, septembre 1846. 


312 MAMMIFÈRES. —— PACHYDERMES, 


portant une fossette oblongue sur la couronne. Le nombre des 
dents est inconnu. 

Les deux espèces citées appartiennent à l’époque du calcaire 
grossier (parisien inférieur). 


La première est le Palæotherium d’Issel, Cuv. (1), Propalæotherium isse- 
lanum, Gervais (2). Il a été trouvé à Issel. 

La seconde espèce est le Palæotherium trouvé à Argenton, et rapporté par 
Cuvier au P. d'Orléans. Cest le P. argentonicum, Gervais, l’Antracothe- 
rium d'Argenton, Lockard (3). 


Les PALOPLOTHERIUM , Owen (P/agiolophus, Pomel), 


ont six ou sept molaires à la mâchoire supérieure , et six à l’infé- 
rieure. Les deux avant-dernières inférieures ont en arrière du 
second lobe un petit talon en tubercule qui se relie par l’usure 
au croissant sous forme de boucle; la dernière à trois lobes. La 
barre est assez grande, et les canines sont faibles. 

Les espèces connues appartiennent à l'époque des gypses (pari- 
sien supérieur) et à celle du miocène inférieur. 


Le P. anneclens, Owen (f), a été trouvé dans le terrain éocène supérieur 
d'Angleterre (Hordle-Cliff) et de Gargas (Vaucluse). 

Le P. minus, Cuv. (ÿ), a été trouvé dans les plâtrières de Paris et dans 
les départements de Vaucluse, de la Dordogne et de la Gironde. 

M. Pomel ajoute avec doute à ce genre le P. minimum, Cuv. 

Le P. ovinum, Aymard (6), a été d’abord placé dans les vrais palæothe- 
rium. De nouveaux fragments plus intacts ont montré qu’il avait aux mo- 
laires inférieures le petit lobe accessoire qui caractérise les paloplotherium. 
Il a été trouvé dans les calcaires lacustres (miocène inférieur) du Puy en 


(1) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 444. 

(2) Compt. rend. Acad. des sciences, 1849, 1. XXIX, p. 383 et 575 ; Zool. 
el pal. fr., p. 59, Blainville, Ostéog., p. 78, pl. 8. 

(8) Ossem. foss., 4° édit.. t. If, p. 364; Gervais, Zoo!. et pal. fr., p. 60; 
Lockard, Mém. belles-lettres et arts d'Orléans, 1839. 

(4) Quarterly journ. geol. Soc., t. IV, p. 17; Blainville, Ostéog., Anoplot., 
p. 93, pl. 9; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 63; Marquise d'Hastings, Brit. 
assoc., 17° meet., Oxford, 1847. 

(5) Ossem. foss., 4° édit., t, V, p. 91; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 63; 
Blainville, Ostéog., p. 41, pl. 70, fig. 6 ; Pomel, Bibl. univ. de Genève, Ar- 
chives, t. V, p. 202, 

(6) Ann. Soc. du Puy, t. XII, p. 246. 


SOLIPÈDES. 313 


Velay. Il se rapproche du P. minus, mais a une taille un peu plus forte 
et sa mandibule est plus longue dans sa partie antérieure. 


he TriBu. — SOLIPÉDES. 


Cette tribu se distingue des autres pachydermes à doigts 
impairs par le doigt médian, qui est beaucoup plus grand que 
les autres, et par les doigts latéraux rudimentaires, composés 
encore de phalanges dans le premier genre, et styloïdes dans le 
dernier. Les incisives, au nombre de ?, ont une fossette d'émail 
à la couronne. Les molaires, au nombre de £ (ou de 7 si l'on compte 
une petite prémolaire caduque), sont composées d’une lame d'émail 
compliquée et plus ou moins festonnée. Chaque dent de la mà- 
choire supérieure montre deux petits croissants pleins de cément, 
situés chacun au milieu d’un lobe de dentine, et un ruban d'émail 
qui fait tout le tour de la dent en entourant à la fois les deux 
lobes. Les dents de la màchoire inférieure sont plus étroites, et 
ont une composition analogue. 

Nous distinguons trois genres dans cette famille : les ANcHI- 
THERIUM et les HiPPARION, qui ont vécu pendant l’époque tertiaire, 
et les CHEVAUX, qui n'appartiennent qu'à la période diluvienne et 
moderne. 


Les ANCHITHERIUM, H. de Meyer 
(Hipparitherium, de Christol), — Atlas, pl. XIE fig. 1 et 2, 


ont ? molaires, dont les supérieures à deux collines obliques re- 
joignant le bord, qui montre deux échancrures, et les inférieures 
à deux croissants successifs. La première de chaque mâchoire 
est beaucoup plus petite que les autres. L'astragale ressemble à 
celui des chevaux, et l'allongement des doigts (qui sont encore 
au nombre de trois) les rapproche aussi de ce genre (1). 

Ce type est un de ceux qui servent à rapprocher les solipèdes 
et les pachydermes, et qui prouvent la nécessité de leur réunion. 


L'A. Dumasii, Gervais (2), a été trouvé dars les marnes éocènes (parisien 
supérieur) d'Alais, Gard. 


(1) Voyez de Christol, Compt. rend. Acad. des sc., 1847, t. XXIV, 
p. 374. 

(2) Compt. rend. Acad. des sc., t. XIX, p. 381 et 572; Zool. el pal. fr., 
p. 64et pl. 11, fig. 8. 


314 MAMMIFÈRES.  — PACHYDERMES, 

L'A. radegondense, Gervais (Zoo. et pal. fr., explic. de la pl. XXX), pro- 
vient des mêmes dépôts de la butte de Perréal, près Apt. 

L’A. aurelianense, Gervais (!), doit probablement comprendre le Palæo- 
thérium d'Orléans (P. aurelianense, Cuvier) (2), de Montabuzard, le P. de 
Montpellier, Cuvier, le P. monspessulanum, Blainville (3), et le P. equinum 
ou hippoides, Lartet (4), de Sansan. Cette espèce a été trouvée fossile dans les 
terrains miocènes supérieurs de ces diverses localités, ou dans des couches 
qui recouvrent immédiatement les dépôts à palæotherium. C’est par erreur 
que quelques uns de ces gisements ont été rapportés au terrain pliocène. 


Les Hipparion, de Christol 
(Hippotherium, Kaup), — Atlas, pl. XIF, fig. 5 et 4, 


sont principalement caractérisés par le ruban qui fait le tour de 
la dent. Ce ruban, plus festonné que dans les chevaux, laisse en 
dehors de lui, au côté interne, une petite île d’émail qui ne se lie 
que tard au reste de la dent. Cette île est représentée, chez les 
chevaux, par un repli qui n’interrompt pas la lame d'entourage, 
et l’on pourrait dire que, dans ce dernier genre, elle n’est qu'une 
presqu'île. La prémolaire caduque est aussi plus grande chez les 
hipparion. 

Ce genre a été établi en 1832 par M. de Christol (5). I faut pro- 
bablement lui réunir celui des Hipporaerium de M. Kaup (1835), 
tout en reconnaissant que les espèces sur lesquelles ce dernier 
genre à été établi ont la lame d’émail un peu plus plissée que les 
autres. 

Les plus anciens sont fossiles dans les terrains miocènes supé- 
rieurs : ce sont les HiPPOTHERIUM. 


L'Hippotherium gracile, Kaup (6), auquel il faut réunir l'A. nanum, 
Kaup, le Equus caballus primigenius, H. de Meyer, le E. mullus primi- 
genius, id., et l'E. asinus primigenius, id., a été trouvé fossile à Eppelsheim. 


Les autres ont été découverts dans les terrains pliocènes de 


France. 


(!) Zool. et pal. fr., p. 64. 
) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 438. 


SOLIPÈDES. — CHEVAUX. 315 


IT faut probablement réunir en une seule espèce celles que M. Gervais 
avait d’abord décrites sous les noms de Hipparion mesostylum, diplostylum et 
prostylum (1). Leurs molaires diffèrent les unes des autres par la forme de 
ja colonnette d’émail, dont la surface supérieure forme l’île; mais ces diffé- 
rences paraissent tenir à l’âge et à des variétés accidentelles, et ne peuvent 
pas fournir des caractères d'espèces. 

Ces hipparion ont été découverts à Cucuron (Vaucluse). 


Ce genre paraît avoir été retrouvé dans l'Inde. 


MM. Cautley et Falconer figurent un Hippotherium antelopinum (2). 


Les Caevaux (Zquus, Lin.), — Atlas, pl. XIL, fig. 6 et 7, 


différent des hipparion par les caractères de la lame d’émail que 
nous avons indiqués plus haut. Toutes les espèces certaines ap- 
partiennent à l’époque diluvienne et moderne, et il faut très pro- 
bablement attribuer aux hipparion la plupart des ossements (3) des 
terrains miocènes et pliocènes, qui ont été décrits comme indi- 
quant l'existence des chevaux. 

Ce genre présente dans son histoire paléontologique quelques 
faits qui soulèvent des questions importantes. Les recherches his- 
toriques s'accordent avec les résultats de la science actuelle pour 
placer en Asie l’origine des deux espèces les plus utiles à l'homme, 
le cheval et l'âne. On croit généralement que les peuplades nom- 
breuses qui ont successivement passé des plaines centrales de 
l'Asie dans les diverses régions de l'Europe ont été accompagnées 
dans leurs migrations par les animaux et les plantes les plus né- 
cessaires à leur vie. C’est par ce moyen que diverses céréales, 
les gallinacés, et probablement les chiens et les chevaux, se sont 
répandus en Europe. La plupart des zoologistes pensent qu'avant 
l'établissement de Phomme dans ce continent , le cheval et l'âne 


(1) Zool. et pal. fr., p. 66, pl. 19; Compt. rend. Acad. des sc., 1849, 
ÉXXIXC Ip 285. 

(2) Fauna antiqua sivalensis, pl, 82, 84, 85. 

(3) M. Aymard a cependant trouvé des dents de véritables chevaux dans le 
terrain de Vialette et de Pichevil, près le Puy, que nous avons rapporté à l’é- 
poque pliocène et qui renferme des mastodontes et des tapirs, et dans celui 
de Taulhac, qui est à peu près du même âge. Ces dents paraissent appartenir 
à deux espèces différentes de celle qui se trouve dans les terrains diluviens 
du même pays. L'une, celle de Pichevil, était de petite taille ; l’autre, celle de 
Taulhac, était plus grande que le cheval. 


316 MAMMIFÈRES. —+ PACHYDERMES. 


n'y existaient point. Dans cet état de choses, ce n’est pas sans 
étonnement que l’on trouve des débris fossiles qui attestent que 
divers animaux de ce genre ont vécu en Europe pendant la fin 
de l’époque tertiaire et pendant toute l’époque diluvienne. Ces 
découvertes semblent donner un démenti aux opinions que j'ai 
rappelées ci-dessus. J'ai déjà eu, en effet, occasion de faire re- 
marquer que la période diluvienne n’est pas séparée de Ja nôtre 
par des caractères paléontologiques assez prononcés pour qu'on 
puisse admettre une complète destruction des espèces par l'inon- 
dation qui l’a terminée, et une création toute nouvelle lorsque 
les terrains ont été de nouveau à sec. 

D'ailleurs les anatomistes les plus exacts ont reconnu que la 
plupart des débris fossiles de chevaux de la période diluvienne 
ont de si grands rapports avec les espèces actuelles, qu'il est 
presque impossible de les en distinguer. Il deviendra donc peut- 
être nécessaire d'admettre que les chevaux actuels ont habité 
l'Europe avant l'homme. 

Toutefois on pourrait trouver une explication qui concilierait 
les faits paléontologiques et les opinions des zoologistes. IL est 
possible que les dernières révolutions du globe aient détruit tous 
les chevaux en Europe, puis qu'ils aient été remplacés par des 
espèces très voisines originaires d'Asie, et amenées par les peu- 
plades émigrantes. Cuvier fait observer avec raison que les espèces 
actuelles de chevaux sont si voisines les unes des autres que la 
distinction en est très difficile. Il peut se faire que l'espèce fossile 
n'ait différé des nôtres que par des caractères dont le squelette 
garde peu de traces. 

Je ne hasarde cette explication que comme une hypothèse; mais 
je dois faire remarquer que ce qui se passe en Amérique peut lui 
donner une certaine probabilité. C'est un fait bien connu aujour- 
d'hui, que le nouveau monde ne possédait point de chevaux avant 
la conquête par les Espagnols. J'ai déjà rappelé que les premières 
populations qui virent cet animal furent saisies d’étonnement et 
d’effroi; et les chevaux qui vivent dans quelques grandes plaines 
d'Amérique sont tous des chevaux européens redevenus sauvages. 
Or on trouve fossiles, dans les terrains de ce pays, des débris de 
chevaux qui prouvent l'existence de ce genre pendant l’époque 
diluvienne. Les dernières inondations ont évidemment détruit 
l'espèce antédiluvienne; puis il y a eu un long intervalle, jusqu'à 


SOLIPÈDES. — CHEVAUX. 317 


ce que, sous l’influence de l’homme, ce continent se soit repeuplé 
d'animaux semblables. Les mêmes événements peuvent s'être 
passés en Europe, et les faits certains que nous connaissons en 
Amérique peuvent peut-être expliquer ceux plus douteux qui ont 
eu lieu chez nous à une époque plus éloignée. 

La plupart des ossements d'Europe ont de très grandes analo- 
gies avec le cheval actuel. On y distingue cependant, sous le point 
de vue de la taille, diverses races que quelques auteurs admet- 
tent comme spécifiquement différentes. 


Ceux qui ressemblent le plus au cheval et dont la comparaison avec cette 
espèce n’a pas encore pu être faite avec une précision suffisante sont dési- 
gnés sous le nom de Equus fossilis (1). Il faut y réunir l'Equus adamaticus, 
Schlot., l'Equus priscus, Eichwald (2), et l’Equus brevirostris, Kaup (3). Ses 
ossements ont été trouvés dans la plus grande partie des terrains diluviens 
d'Europe. Il faut probablement aussi considérer comme de simples variétés 
de la même espèce les Equus magnus, Brav. et juvillacus, id. 

Les ossements plus petits ont été désignés sous le nom de Equus asinus 
fossilis. On en a distingué aussi de diverses tailles. 

L'Equus piscenensis, Gervais (Hipparion de Pézénas, M. de Serres) (4), 
trouvé avec les éléphants, etc., à Pézénas, paraît devoir former une espèce 
distincte plus élancée que l’âne et moins grande que le cheval. 

L'Equus plicidens, Owen (5), est caractérisé par une lame d’émail presque 
aussi festonnée que dans les hipparion, mais qui n’a point l'île caractéris- 
tique de ce genre. Il provient des fissures caverneuses d’Oreston. 


L'Asie renferme aussi des débris de chevaux. 


L'Equus fossilis se trouve dans les terrains diluviens, et MM. Cautley et 
Falconer ont signalé dans les terrains tertiaires supérieurs de l'Himalaya trois 
espèces (6), savoir : 

L'Equus sivalensis, Caut. et Falc. 

L’'Equus numadicus, id. 

L'Equus palæonus, id. 


En Amérique, on en a trouvé de nombreux fragments. 


(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° éd., t. IT, p. 212. 

(2) Nova acta Acad. nat. curios., t. XVII, part, 2, p. 680. 

(8) Neues Jabrb., 1833, p. 518. 

(4) Zoo. et pal. fr., p. 67; Marcel de Serres, Cavernes de l'Aude, p. 49. 
(5) Brit. foss. mamni., p. 392. 

(6) Fauna antiqua sivalensis, pl, 81, 82, 84, 85, etc, 


318 MAMMIFÈRES. —— PACHYDERMES. 


Une espèce est citée à la fois dans l'Amérique septentrionale et dans l’A- 
mérique méridionale. C'est l'Equus curvidens, Owen , remarquable par ses 
molaires courbées, et trouvé dans la province d’Entrerios et dans le Ken- 
tucky (1). 

Une espèce paraît spéciale à l'Amérique septentrionale : c’est l'Equus ame- 
ricanus, Leidy (loc. cit.), voisin de l’Equus plicidens, Owen. Il a été trouvé 
près de Natchez. 


M. Lund en signale deux espèces dans l'Amérique méridionale. Ce sont les 
E. principalis et neogœus (?). 

Quelques faits observés par M. Darwin (>) montrent qu'une espèce de 
cheval à été contemporaine des toxodon, megatherium, etc., dans les par- 
ties les plus méridionales du continent américain. (Atlas, pl. XIE, fig. 7.) 


C'est probablement à la famille des pachydermes périssodac- 
tyles qu'il faut rapporter un genre américain trop Incomplétement 
connu pour que l’on puisse le classer dans une des tribus plutôt 
que dans les autres. 

Ce genre est celui des 


MacraucHENIA, Owen, — Atlas, pl. XIT, fig. 8-12, 


qui réunit à un degré remarquable les formes des chameaux et 
celles des palæotherium. La tête de ce singulier mammifère n’est 
pas encore connue, aussi sa place définitive ne peut-elle pas en- 
core être considérée comme arrêtée ; mais de nombreuses vertèbres 
et des os des membres permettent de se faire une idée assez juste 
de l'ensemble du squelette, et quelques dents ont aussi pu être 
étudiées. 

Les vertèbres, et en particulier celles du cou, présentent la 
plus grande analogie avec les organes analogues du lama. Elles 
sont allongées comme dans cet animal, et ont dû former un cou 
grêle et élancé, et porter probablement une tête relativement lé- 
gère et dépourvue de trompe. Les membres présentent, dans leurs 
parties supérieures, des analogies avec les ruminants par leur ra- 
dius soudé intimement au cubitus, et par leur péroné uni au tibia; 
mais les pieds ont au contraire tous les caractères de ceux des 
pachydermes. Les os du métacarpe, loin de former un canon, res- 


(1) Leidy, Proceed. Acad. Phil., 1847, sept. 

(2) Ann. sc. nal., 2° série, t. XIII, p. 319; et Pomel, Bibl. univ., 1848, 
Archives, t. IX, p. 329. 

(3) Voyage of the Beagle, p. 108, 


PACHYDERMES ARTIODACTYLES. 319 


tent distincts; ils portent trois doigts presque égaux terminés par 
des petits sabots arrondis, et rappellent tout à fait par les détails 
de leur structure les pieds des tapirs et des palæotherium. 

Les dents, dont on ne connaît que quelques molaires, montrent 
des analogies avec les palæotherium; la dernière inférieure 
manque du troisième lobe, et les prémolaires sont plus simples. 


La seule espèce connue, Macrauchenia patagonica, Owen (1), a été trouvée 
par M. Darwin en Patagonie, dans un lit irrégulier de sables situé sur la 
côte méridionale du port St-Julien. Elle égalait en stature les rhinocéros et 
les hippopotames actuels. 


Les NEsopon, Owen, 


paraissent voisins des macrauchenia. Ils sont caractérisés par 
3 incisives, par des molaires ayant aux deux mâchoires des îlots 
d'émail, par le fait que ces dents se recouvraient comme des 
tuiles , et par l’absence de barres. 


Deux espèces ont été indiquées commie trouvées dans les terrains récents 
de l'Amérique méridionale : le N. imbricatus, Owen, de la taille du lama, et 
le N. Sullivani, id., de la taille du zèbre (2). 


9e Fame. — PACHYDERMES ARTIODACTYLES. 


Cette famille renferme tous les pachydermes dont les doigts sont 
en nombre pair, le médian et l’annulaire étant égaux ou à peu 
près, le pied comme fendu en deux parties égales, l’astragale en 
double poulie, le calcanéum articulé sur le tibia et sur le péroné. 

Nous y distinguons trois tribus : 

4° Les HirroporAMiDES, qui ont quatre doigts presque égaux, les 
canines et les incisives prolongées en défenses. 

2e Les SuILLIENS, qui ont deux doigts beaucoup plus grands que 
les autres, les canines tantôt simples, tantôt prolongées en dé- 
fenses , et les incisives normales. 

3° Les ANOPLOTHÉRIOIDES à canines anormales , prenant la forme 
de prémolaires, en sorte que les dents font une série continue, 
sans barres. 


(1) Voyage of the Beagle, p. 35. 
(2) Owen, Congrès de Southampion (Bibl. univ., Archives, 1847, t. VI, 
p. 77; Institut, n° 700). 


320 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


Are TriBu. — HIPPOPOTAMIDES. 


Cette tribu est clairement caractérisée par ses formes très 
lourdes, ses quatre doigts presque égaux et reposant tous sur le 
sol , et par ses canines et ses incisives prolongées en défenses. 

Le seul genre est celui des 


HipporoTAMES (/Zéppopotamus, Lin.; Chœropotamus, Prosper Alpin), 
— Atlas, pl. XIT, fig. 13-15, 


qui habitent exclusivement aujourd'hui les bords des rivières de 
l'Afrique centrale et australe , et qui ont eu, dans les époques qui 
ont précédé la nôtre, une patrie bien plus étendue, car on en 
trouve des débris dans une grande partie de l’Europe et dans le 
centre de l’Asie (1). Ces animaux ne paraissent pas d’ailleurs très 
anciens à la surface de la terre. En Asie, on en a découvert dans 
les tertiaires miocènes; mais en Europe ce n'est que dans les ter- 
rains tertiaires les plus récents que l’on commence à en trouver 
quelques ossements (?); ils ont surtout été nombreux pendant 
l’époque diluvienne. 

Les hippopotames ont une dentition très spéciale. Leurs inci- 
sives, au nombre de deux ou trois paires, sont très grandes; 
celles de la mâchoire supérieure sont arquées, les inférieures sont 
longues, droites et couchées en avant. Ils ont de fortes canines qui 
s’usent l’une contre l'autre; la supérieure est courte, l’inférieure 
est grande et recourbée. Les molaires sont au nombre de ZT; mais 
la première tombe souvent. Les antérieures sont coniques , à une 
ou deux racines; les postérieures sont comme formées de deux 
parties réunies, et l’usure y détermine à la surface triturante 
l'apparence d’un double trèfle. (PI. XIE, fig. 13, a.) 

Les hippopotames peuvent se subdiviser en deux sous-genres, 
d’après le nombre de leurs incisives à l’état adulte : les uns en 
ont quatre (TETRAPROTODON), ce sont les espèces européennes, et 
peut-être une des espèces asiatiques ; les autres (HExAPROTODON) en 
ont six, et n'ont encore été trouvés que dans les terrains miocènes 
de l'Inde. (Atlas, pl. XIE, fig. 15.) 


(1) Les ossements trouvés à la Nouvelle-Hollande, et rapportés par quelques 
auteurs à l’hippopotame, sont plus probablement des os d’un animal gigan- 
tesque appartenant à la série des didelphes, 

(2) Ce fait est même contesté par quelques paléontologistes, 


HIPPOPOTAMIDES. — TETRAPROTODON. 321 


4° Sous-genre : TETRAPROTODON, Cautley et Falconer. 


L'espèce la plus connue et la plus abondante est le grand Hippopolame 
(Hippopotamus major, Cuvy., H. maæimus, Fischer, H. antiquus, Desm.). Il 
ressemble beaucoup à l'hippopotame actuel , et M. de Blainville (1) pense 
même qu'il doit lui être réuni. Toutefois la plupart des paléontologistes (2) 
considèrent cette espèce comme distincte. Ils se fondent sur les formes diffé- 
rentes de sa mâchoire, sur les stries obliques de la face antérieure des 
canines, sur l’écartement plus grand de la deuxième et de la troisième molaire, 
sur l’occiput plus haut, la face plus courte, etc., et aussi sur la différence de 
taille, car l’hippopotame fossile dépassait de beaucoup les dimensions des plus 
grands individus du monde actuel. 

Cette espèce a été trouvée en abondance dans les terrains meubles du val 
d’Arno. On en cite de nombreux fragments découverts dans les terrains di- 
luviens de France, d'Allemagne, d'Angleterre, etc. (cavernes, brèches et gra- 
viers), et peut-être aussi dans les tertiaires les plus récents (crag d’Angle- 
terre, terrains supérieurs d'Auvergne). Toutefois M. Gervais (3) doute de 
leur existence dans les terrains tertiaires de la France. Ses débris sont souvent 
associés avec ceux du mammouth et du Rhinoceros trichorhinus ; mais l’hippo- 
potame ne paraît pas s'être avancé autant vers le nord, Il habitait surtout 
l'Europe tempérée et méridionale. 

La Seconde espèce européenne est le pelit Hippopotame (Hippopotamus mi- 
nutus, Cuv., id:, p. 474; H. minor, Desm.), dont la taille ne dépassait pas 
celle du sanglier, et qui a été trouvé dans une brèche osseuse entre Dax et 
Tartas (Landes). Cette espèce, regardéecomme douteuse par M. de Blainville (4), 
paraît, en outre de sa taille, caractérisée par la forme de l’apophyse angulaire 
de la mâchoire inférieure et par la plus grande complication de la dernière 
fausse molaire. 

Il serait possible qu'on dût ajouter une troisième espèce européenne (Hip- 
popotamus Pentlandi,H. de Meyer), intermédiaire pour la taille entre les deux 
précédentes, mais plus petite que l’hippopotame actuel. Des ossements trouvés 
en très grande abondance dans la grotte de San-Ciro près de Palerme (5), et 
qui existent dans plusieurs musées, méritent d’être étudiés avec soin et d'être 
comparés exactement avec les hippopotames vivants et fossiles. 


(1) Ostéographie, Hippopotames et Cochons, p. 53. 

(2) Voy. en particulier Cuvier, Ossem. foss., 4° édit,, II, p. 448; Owen, 
British foss. mamm., p. 399; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, p. 176; 
H. de Meyer, Palæologica, p. 145, etc. 

() Répart. des mamm. fossiles, (Comptes rendus de l’Acad. des sc., 1849, 
2° sem., p. 213). 

(4) Loc. cit., p. 65. 

(5) Voy. de Blainville, Loc. cit., p. 85; H. de Meyer, Palæol., p. 533, et 
Leonh. und Bronn, Neues Jahrbuch, 1843, p. 582, 

Ie 21 


322 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


Les Hippopotamus medius, Cuv., et dubius, Cuv. (1), ont été reconnus par 
M. de Christol pour des cétacés herbivores. 

C'est peut-être au même sous-genre qu’il faut rapporter l'Hippopotamus 
dissimilis, Cautley et Falconer (2), des montagnes subhimalayennes. Je pense 
que cette espèce est la même que celle qui est figurée dans le Fauna antiqua 
sivalensis, sous le nom de Tetraprotodon palæindicus (pl. 57 et 58); mais 
le texte n'ayant pas paru, je ne puis le vérifier. Le seul fragment connu de 
la mâchoire inférieure est si rétréci à la symphyse, qu'il n’a probablement pu 
porter que deux incisives de chaque côté. Mais M. de Blainville fait observer 
avec raison que les caractères de ce fragment, ainsi que ceux fournis par une 
portion de crâne, sont loin de prouver d’une manière incontestable qu'ils ont 
bien apparténu à un hippopotame. L’usure des molaires ne présente pas de 
trèfles, mais bien des croissants convexes en dehors, assez semblables à ceux 
des ruminants. 


2e Sous-genre : HEXAPROTODON, Cautley et Falconer. 


MM. Cautley et Falconer, ont trouvé dans les tertiaires miocènes des mon- 
tagnes subhimalayennes, deshippopotames très remarquables, qui sont, comme 
nous l’avons dit, caractérisés par trois paires d’incisives. Ce sont : 

L'Hippopotamus sivalensis, Cautl. et Fale. (3), qui se distingue en outre par 
plusieurs caractères ostéologiques du crâne, et surtout par la brièveté de la 
face, en sorte que l'orbite est située vers le milieu de la longueur de la tête. 

L’Hippopotamus namadicus, Cautl. et Fale., pl. 57 et 58. 

L’Hippopotamus iravaticus, Cautl. et Falc., pl. 57, espèce plus petite que 
l'hippopotame vivant, et trouvé par M. Clift sur les bords de l’Irawadi, dans 
le pays des Birmans (f). 

On -doit considérer comme très douteuses trois espèces établies par Mac 
Clelland (5), et trouvées aussi dans l'Inde. M. de Blainville (6) a montré que les 
deux premières (4. anisoperus, M. Clelland, et 4, megagnathus, M. Clell.) 
pe diffèrent par aucun caractère appréciable de l'H. sivalensis. La troisième 
{H. platyrhynchus, M. Clell.) ne s’en distinguerait, suivant son auteur, que 
parce que son museau serait plus aplati. 


(1) Ossem. foss., 4° édit., t.Il, p. 492 et 495. 

(2) Journal of the asialic Society, t. VII, p. 1038; Ann. des sc. nai, 
2e série, t. VII, p. 60, et t. XI, p. 126; Blainville, Ostéographie, Hippo- 
potames, P. 13. 

(G) Fauna antiqua sivalensis, pl. 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66 ; Jour- 
nal of the asiatic Soc., t. VII, p. 1038; Asiatic researches; t. XIX ; Ann. des 
se. nat., 2° série, t. VII, p. 60, et t. XI, p. 126; Blainville, Ostéogr., Hippo- 
potames, p. 71. 

(&) Trans. of the geol. Soc., 2° série, L. Il, p. 373. 

(6) Journal of the asiatic Society ; W iegmann Archives, 1839, t. If, p. 413, 

(6) Ostéographie, Hippopotames, p. 76. 


SUILLIENS. — COCHONS. 323 


LS 


Les Poramoniprus, Jaeger, 


sont un genre encore peu connu, formé par Jaeger (!) sur des 
dents trouvées dans le Bohnerz de l’Albe de Souabe. Elles sont 
trop peu caractérisées pour justifier l'établissement d’un genre. 


2° TriBu. — SUILLIENS. 


Nous comprenons dans cette tribu tous les pachydermes pari- 
dactylés qui ont des incisives ordinaires, des canines tantôt pro- 
longées en défenses, tantôt normales, toujours distinctes des 
prémolaires, dont elles sont séparées par une barre. 

Le type de cette tribu est le genre des 


Cocnons (Sus, Lin.), — Atlas, pl. XIII, fig. 1-4, 


caractérisé par ses incisives inférieures couchées , ses- canines pro- 
longées en défenses et se recourbant vers le haut, ses molares 
tuberculeuses, et ses pieds à quatre doigts, dont deux seulement 
touchent le sol. 

Ces animaux ont été trouvés fossiles dans les terrains tertiaires 
et diluviens. Ils paraissent avoir été assez nombreux en espèces, 
mais le nombre des individus est loin d'atteindre celui de’quel 
ques autres genres de la même famille. Les ossements de leur 
corps sont plus rarement conservés que leurs dents ; il est probable 
que ces animaux étaient déjà sujets alors, comme de nos jours, à 
se charger de graisse, et que cette circonstance, en rendant leurs 
os plus spongieux, en a souvent empêché la conservation. 

L'existence des cochons dans les terrains tertiaires a été consta- 
tée par des fragments trouvés en France et en Allemagne. 

Plusieurs espèces paraissent avoir vécu pendant l'époque mio- 
cène. M. Kaup en a décrit trois des sables d'Eppelsheim (?). Ce 
sont : 

Le Sus antiquus, Kaup, espèce établie sur une mâchoire inférieure beau- 


coup plus grande que celle du sanglier actuel, et qui présente des caractères 
spécifiques bien différents. 


(1) Foss. Saugeth. Wurtembergs, p. 41, pl. 4, fig. 76, etc. 
(2 Ossem. foss. de Darmstadt, pl. 8et 9. 


324 MAMMIFÈRES, —— PACHYDERMES. 


Le Sus palæochærus, Kaup, connu aussi par une mächoire inférieure, et 
qui a dû avoir une taille un peu plus grande que le sanglier. Les branches 
de cette mâchoire sont plus comprimées et plus hautes. C’est à cette espèce 
qu’il faut rapporter le genre Taprrororcus, Jaeger (1), abandonné par son 
auteur. | 

Le Sus antediluvianus, Kaup, à peu près de la taille du babiroussa et 
dont on ne connait que deux dents molaires, 


D'autres espèces ont été citées en France sans avoir peut-être 
été suffisamment comparées aux précédentes. 


Le Sus chœroides, Pomel (?), a été trouvé dans les terrains miocènes de 
l’Anjou, aux environs de Doué. 

Le Sus Lockarti, Pomel (3), Chæropotame d'Avaray, Lockart (4), Sus ante= 
diluvianus de l’Orléanais, Blainv. (5), a été découvert à Avaray (Loir-et-Cher). 

Le Sus simorrensis, Lartet (6), a été trouvé à Simorre. 

Le Sus ? lemuroides, Blainv. (7), est une espèce douteuse de Sansan, un peu 
plus grande que le daman. 

Le Sus Doati, Lartet, de Sansan, n’est pas plus certain que le précédent. 

Le Sus belsiacus, Gervais (8), très voisine du Sus Lockarti, mais plus petite, 
a été découverte dans le calcaire à anchithériums de Montabusard, près Or- 
léans. 


On pent à peine séparer de ces cochons de l’époque miocène les 
CaogrorTHERIUM de M. Lartet (?), dont les molaires, en même 
nombre , sont moins compliquées de tubercules. 

Ce groupe renferme trois espèces de la même époque. Ce sont : 


Le C, Dupuü, Lartet; Sus chœrotherium, Blainv. (10), du département du 
Gers, mais pas de Sansan. 


(!) Foss. Saugeth. Wurtembergs, X, p. 40. 

(2) Bibl. univ. de Genève, Archives, t. VIII, p. 160; Gervais, Zool. et pal. 
fr., p: 100. 

(3) Bibl. univ. de Genève, Archives, t. VII, p. 159 ; Gervais, Zool. et pal. 
fr., p. 101. 

(4) Mémoires de l’Académie d'Orléans, 1829. 

(5) Ostéographie, Hippopotames et Cochons,pl. 7 

: ) Notice sur la colline de Sansan, p. 33. 

() Ostéographie, id., pl. 9. 

(8) Zool. et pal. fr., p. 101. 

(°) Notice sur la colline de Sansan, ete., p. 32. 

(10) Ostéographie, id., pl. 9; Gervais, Zoo! et pal. fr., p. 100. 


SUILLIENS. — COCHONS. 329 


Le C. Nouleti, Lartet, de Bonrepos (Haute-Garonne). 
Le C, sansaniense, Lartet, de Sansan. 


Les mollasses de Suisse renferment aussi quelques rares frag- 
ments de cochons qui appartiennent à une espèce évidemment 
différente du sanglier actuel; mais elle n’a pas pu encore être 
comparée à celles qui ont été décrites par M. Kaup. 


On connaît depuis longtemps une mächoire trouvée dans le mont de la 
Molière, près du lac de Neuchâtel; j'ai moi-même trouvé près du Guggisberg 
un cubitus qui se distingue clairement de ceux des cochons des cavernes et 
de l’espèce qui vit aujourd’hui. 


Les terrains pliocènes en renferment aussi quelques uns. 


Le Sus arvernensis, Croizet et Jobert (!), paraît se distinguer par une face 
plus courte que celle des sangliers actuels, et ressemble sous ce point de vue 
au cochon de Siam. Il a été trouvé dans les tertiaires supérieurs du“Puy- 
de-Dôme. 

Le Sus provincialis, Gervais (2), provient des sables marins de Montpellier. 

Le Sus major, Gervais (3), a été découvert dans le dépôt à hipparions de 
Cucuron (Vaucluse). 


Les cochons ont existé aussi pendant l'époque diluvienne. Dans 
les dépôts des cavernes on trouve des ossements qui ont été rap- 
portés à trois ou quatre espèces différentes. Ce sont : 


Le Sus scrofa fossilis, Hermann de Meyer (f), qui paraît ne pas se dis- 
tinguer du sanglier actuel. Cette espèce a été trouvée dans les cavernes 
d'Angleterre, de France, de Belgique et de Franconie. 

Le Sus priscus, Goldf. (5), qui avait un museau plus long et beaucoup 
moins large ; il a été trouvé dans la caverne de Sundwich. 

Le Sus priscus, Marcel de Serres (6), ne paraît pas être la même espèce. Il 
était de grande taille et la forme de son crâne indique, suivant cet auteur, 
plus de rapport avec le sanglier à masque qu'avec le sanglier ordinaire, 
(Voyez Atlas, fig. 1-4.) 

Une quatrième espèce est indiquée par M. Schmerling comme ayant eu 
une taille très inférieure aux précédentes; elle a été trouvée dans les cavernes 
des environs de Liége. 


(1) Ossem. foss. du Puy-de-Dôme, p. 157. 

(2) Zoo!. et pal. fr., p. 100, pl. 3; Blainville, Ostéographie, p. 208, pl. 9. 

(8) Comptes rendus de l’Acad. des sc., 1849, t, XXVIIL, p. 549, Zool. et 
pal. fr., p. 100, pl. 12. 

(4) et (5) Palæologica, p. 80. 

($) Cavernes de Lunel-Viel, p. 134. 


326 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


Les ossements de l’Inde et de l'Amérique, rapportés d’abord 
aux cochons, paraissent devoir, en partie, former des genres nou- 
veaux. (Voyez CHOEROMERYX et HARLANUS.) 


MM. Cautley et Falconer figurent dans leur Fauna antiqua sivalensis trois 
espèces (le texte n’a pas été publié). Ce sont : 

Le Sus giganteus, Cautl. et Falc., pl. 69, 70 et 71. 

Le Sus hysudricus, Cautl. et Falc., pl. 70 et 71. 

Le Sus sivalensis, Cautl. et Falc., pl. 70 et 71, que ces naturalistes ont 
pris pour type de leur sous-genre Hipronyus. 


Les Pécaris ( Dicotyles, Cuy.), 


caractérisés par des canines courtes, non prolongées en défenses, 
et par l'absence de doigt externe aux pieds postérieurs, sont au- 
jourd’hui des animaux d'Amérique; leur distribution géographique 
paraît avoir été la même pendant l'époque diluvienne, car ce n'est 
que dans ce continent qu'on en à trouvé des ossements. 


Les espèces à cette époque étaient plus nombreuses qu'aujourd'hui; 
l'Amérique actuelle n’en possède que deux, et M. Lund en a déjà signalé 
cinq dans les cavernes du Brésil, dont une avait une taille double de la plus 
grande de celles qui vivent aujourd’hui, et dont une autre était plus grande 
encore. 


C’est probablement à la suite des pécaris qu'il faut placer le 
genre des 


Hyors, Leconte, 


qui ont le crâne plus aplati et quelques différences dans les dents 
canines, les os des membres, etc. 


4 


Le Hyops depressifrons, Leconte (1), a été trouvé dans une sorte de brèche 
de l'Illinois. 


Les Cazyponius, H. de Meyer, 
ne sont connus que par quelques dents canines qui rappellent 
celles des Pracocnoëres, F. Cuv. Les supérieures sont aussi 
grandes que dans ce genre, et les inférieures ne dépassent pas 
celles du Sus larvatus. Le reste de la dentition est inconnu, et ce 
genre est encore très incertain. 


{t) Leconte, Sillim. journal, 1848, t. V, p. 102. 


SUILLIENS. — CHOEROMORUS. 301 


Les deux espèces citées (C. trux et tener, H. de Meyer) ({) ont été trouvées 
dans Ja mollasse de la Chaux-de-Fonds. 


Les Pazæocnorrus, Pomel , — Atlas, pl. XIE, fig. 5 et 6, 


tiennent le milieu, pour leur dentition, entre les pécaris et les 
anthracothériums, ayant les quatre avant-molaires et les inci- 
sives de ces derniers, ét les arrière-molaires des premiers. Les 
os des pieds montrent que l'animal avait quatre doigts. M. Ger- 
vais (2) y réunit le genre des CyccoëxaTuus, Croizet, et ceux qui 
ont été désignés par M. Pomel sous les noms de BRACHYGNATEUS 
et de pue 
On en connaît quelques espèces : 


Le P. typus et le P. major proviennent du calcaire d’eau douce de Saint- 
Gérand-le-Puy (Allier), miocène d'Auvergne (%). 

L'Anthracotherium gergovianum, Croizét (f), du calcaire lacustre d’Issoire 
(miocène d'Auvergne), type des genres CYCLOGNATHUS, BRACHYGNATHUS et 
SYNAPHODUS, appartient aussi aux PALÆOCHOERUS et est très voisin du P. {ypus. 


Les Caogromorus, Lartet, — Atlas, pl. XI, fig. 7, 


ont une dentition très voisine de celle des palæochærus, et dont 
les différences me paraissent encore difficiles à apprécier. Dans 
une des espèces, en effet (€. mamillatus), le caractère indiqué 
comme le principal consiste dans des tubereules supplémentaires 
placés entre les lobes formés par les tubercules principaux. Une 
autre espèce (C. simplez) a sous ce point de vue les caractères des 
palæochærus, et manque de ces tubercules. IT y a done lieu ier à 
une révision de caractères, et peut-être à une autre association 
des espèces. 

Les espèces connues appartiennent au terrain miocène Supérieur. 


Le C. mamillatus, Lartet, et le C. simplex, Lartet, ont été trouvés à 
Sansan (). 


(1) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1846, p. 464. 

(2) Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 33. 

(3) Voy. Pomel, Bull, Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 385; Laurillard, Dict. 
de d'Orbigny, t. IX, p. 399; Gervais, Zoo!. et pal. fr., p. 102. 

(4) Blainville, Ostéographie, Anthracothériums, pl. 3 

(5) Gervais, Zool. et pal, fr., explic. de la pl. 383. 


328 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


L'Anthracotherium minimum, Cuvier (!), du département de Lot-et-Ga- 
ronne, appartient probablement aussi à ce genre. 


Les ENTELODON, Aymard, — Atlas, pl. XII, fig. 8 et 9, 


sont caractérisés par + incisives subtriangulaires, dont les supé- 
rieures sont en cône assez épais, avec un collet, et dont les infé- 
ricures sont peu déclives. La canine est peu arquée, et se déverse 
légèrement en dehors. Les molaires sont au nombre de Z. Elles 
commencent par des prémolaires coniques et comprimées, rappe- 
lant un peu celles des carnassiers; les dernières ont deux collines 
transverses. Les pieds ont quatre doigts, et l’astragale ressemble 
à celui des bothriodon. 


L'E. magnum, Aymard (2), a été trouvé dans le calcaire lacustre du Puy 
(miocène inférieur). 

L’E. Ronzoni, Aymard, est plus petit, mais connu seulement par quelques 
dents ; il provient du même gisement. (Communication inédite.) 


Les ELOTHERIUM, Pomel, 


sont encore incomplétement caractérisés. M. Pomel (*) les associe 
aux entelodon, et pense que ces deux genres n’en forment qu’un. 
M. Aymard (#) n’admet pas cette association, car l’entelodon a des 
molaires qui s’usent en disques, tandis que celles de l’elotherium 
forment des trèfles, ce qui se lie à une complication particulière 
des saillies accessoires. 


La seule espèce connue, l'Elotherium magnum, Pomel (5), provient du 
bassin de la Gironde. 


Le genre des 
CaoëroPoTAMES (Chæropotamus, Cuv.), — Atlas, pl. XIE, fig. 40, 


a été établi pour la première fois par Cuvier sur une portion de 
mâchoire et sur un occipital trouvés dans les gypses de Mont- 


(1) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 478. 

(2) Ann. Soc. agr. du Puy, 1848, t. XII, p. 210; Gervais, Zool. el pal. 
.; p. 402. 

(3) Bibl. univ. de Genève, Archives, t. V, p. 375. 

(#) Ann. Soc. agr. du Puy, 1849, t. XIV, p. 82. 

(5) Bull, Soc. géol., 3° série, t, IV, p. 1083. 


fr 


SUILLIENS. — HYOTHERIUM. 329 


martre, auxquels M. Owen à pu joindre plus tard une mâchoire 
mieux conservée de l’île de Wight. 

Les chæropotames ont ? molaires, intermédiaires entre celles 
des pécaris et des hippopotames. Les arrière-molaires de la mà- 
choire supérieure sont composées de deux rangées de mamelons 
ou pyramides , dont deux principaux à chaque rangée, et un petit 
accessoire médian tantôt aux deux rangées, tantôt seulement à 
l'antérieure. La dent est entourée d’un collet bien marqué et tuber- 
culeux. La mâchoire inférieure porte des canines courtes, 
comme dans les pécaris, mais plus aplaties et formant une transi- 
tion assez remarquable à celles des carnassiers. Cette analogie 
est encore confirmée par les premières fausses molaires, qui sont 
comprimées. La mâchoire inférieure a son angle postérieur pro- 
longé. 

L'espèce la mieux connue est : 


Le Chœropotamus parisiensis, Cuvier (!), C. Cuvieri, Owen, C. gypsorum, 
Desm., trouvé dans les gypses de Montmartre et dans des terrains contem- 
porains d'Angleterre (parisien supérieur). 

Le C. affinis, Gervais (?), a été trouvé dans les lignites de la Débruge, 
près Apt (parisien supérieur). 

Le C. matritensis, Esquerra del Bayo (), a été découvert dans les ter- 
tiaires anciens des environs de Madrid, 


M. Clifi a trouvé sur les bords de lfrawadi (pays des Birmans) 
quelques fragments qu'il rapporte avec doute à ce genre. 

M. H. de Meyer avait placé dans le même genre une autre 
espèce, dont il à fait depuis celui des 


Hyoruertum, H. de Meyer, — Atlas, pl. XII, fig. 41, 


qui diffèrent des chœropotames par leurs molaires, probablement 
au nombre de $, dont les postérieures ont aussi quatre cônes prin- 
cipaux , mais les petits sont plus nombreux. Ces dents présen- 
tent, en outre, de petits appendices antérieurs et postérieurs. 
Celui de la dernière devient plus grand, égale le tiers de la dent, 
et porte une forte pointe et de petites gibbosités. Les canines, sem- 
blables à celles des cochons pour la forme et la courbure, mais 


(1) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 452. 
(2) Zool. et pal. fr., pl. 31. 
(3) Leonh, und Bronn, Neues Jahrb., 1840, p. 221. 


330 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


plus petites et plus fortes, diffèrent par conséquent sensiblement 
de celles des chϾropotames. 

On en connaît quelques espèces des terrains miocènes et plio- 
cènes. £ 


Le Hyotherium medium, H. de Meyer (!), provient du tertiaire miocène 
de Weisenau. 

M. H. de Meyer a décrit, sous le nom de Chæropotamus Meissneri (2), une 
espèce de la mollasse de Suisse, qui devient le Hyotherium Meissneri. 

Le Hyotheriunm Sœmmerringii, H. de Meyer (3), Chœropotamus Sœmmer- 
ring, H. de Meyer ({), a été trouvé dans les terrains tertiaires de Gcorgens 
gmünd (pliocène ?). k ; 

Le H. sideromolassicum, Jaeger (°), avec ses variétés majus et minus, pro- 
vient de ce mème terrain du Bohnerz, dont nous avons parlé dans la note 
de la page 205. 


Les BoTaRIODON, Avmard (Ancodus, Pomel), 
— Atlas, pl. XIF, fig. 14, 


forment un genre qui est maintenant bien connu, grâce aux beaux 
et nombreux ossements découverts par M. Aymard dans les ter- 
rains miocènes inférieurs du Puy en Velay. Je dois à l’obligeance 
de ce paléontologiste quelques documents inédits qui me permet- 
tront de compléter sa description. 

La tête, qui est connue tout entière, est allongée, étroite, peu 
élevée en arrière, fortement évidée en tous sens, principalement à 
cause de la disposition de l'orbite et de la fosse temporale, qui 
forment une cavité très étendue d'avant en arrière, cireonscrite 
par des arcades zygomatiques composées d'os étroits dans leur 
hauteur. La crête sagittale est saillante, bien détachée, entrai- 
nant la plus grande partie de l'os pariétal. La cavité cérébrale est 
fort réduite. Les apophyses mastoïdiennes sont courtes, les trous 
orbitaires simples, et les os nasaux courts (ce qui indique un 
boutoir faible ou nul). 


(1) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 385, et 1846, p. 466. 

(?) H. de Meyer, Palæologica, p. 81; et Meissner, Mus. der Naturg. Hel- 
vel., n° 9et 10, fig. 1 et 2. 

(3) Georgensgmund, p. 43, et Lethæa geogn., p. 1222. 

(4) Zeilsch. für Min., 1829, t. [, p. 150. 

(5) Foss. Saug. Wurt., p. 67. 


SUILLIENS. — HYOPOTAMUS. 391 


La formule dentaire est : 
Me con molle", dont" 


Les incisives sont grandes ; la canine ne les dépasse pas en lon- 
gueur (caractère qui rappelle les anoplothériums). Les molaires 
présentent des rapports avec celles des anthracothériums, et sur- 
tout avec celles du genre suivant; elles ont leurs deux collines pro- 
fondément divisées par un vallon, et leurs tubercules principaux 
en forme de pyramides, dont le bord extérieur est excavé, et l'in- 
térieur convexe. Les trois tubercules de la face externe se lient 
avec les arêtes voisines, dont ils sont les points de divergence. 

Les pieds sont à quatre doigts, l’astragale presque en osselet 
de ruminant. Les formes du corps rappellent les cochons. 

On en connaît trois espèces, qui appartiennent toutes aux ter- 
rains miocènes inférieurs du Puy, et peut-être une du terrain 
miocène supérieur. Ce sont : 


Le Bothriodon platorhynchus, Aymard, remarquable par l'élargissement de 
l'extrémité du museau (mâchoire inférieure); du Puy. 

Le B. leptorhkynchus, Aymard, à museau plus mince et à diastème plus 
court, la branche montante de la mâchoire inférieure naissant immédiate- 
ment après la dernière molaire; du Puy. 

Le B. velaunus, Aymard, plus petit et à museau plus court; du Puy. 

Le B. velaunus (Hyopot. velaunus, Gervais (1), Anthracotherium velaunum, 
Cuvier) (2), rentre dans l’une de ces trois espèces. 

Le D. crispus, Gervais (3), de Gargas, est plus douteux. C’est peut-être un 
anoplothérioïde. M. Aymard propose pour lui le nom générique de ABOTHRION. 


Les Hyoporamus, Owen, — Atlas, pl. XIIL, fig. 12 et f5y, 


sont très voisins du genre précédent, et n'en forment peut-être 
qu'une section. Les principales différences indiquées par M. Pomel, 
qui sont’ l’échancrure du mamelon- interne des molaires supé- 
rieures et la dernière fausse molaire supérieure sans arête à la 
face interne, ont été reconnues par M. Aymard communes aux 
deux genres. La longueur du diastème n’est qu'un caractère spé- 
cifique. On pourrait peut-être mieux justifier leur séparation par 


(1) Zoo!. et pal. fr., p. 94. 
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 480. 
(3) Zool. et pal. fr., p. 95, pl. 12. 


332 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


l'épaisseur des collines transverses, qui sont cernées par des arêtes 
plus étroites et plus droites dans le bothriodon, et plus larges et 
plus arrondies dans l’hyopotame. Les vallons intermédiaires sont 
donc plus larges dans le bothriodon, et à la mâchoire inférieure 
elles laissent voir des rugosités plus étendues, 

Les espèces connues sont conservées dans les terrains tertiaires 
contemporains des gypses et dans les miocènes inférieurs. Ce sont : 


Le H. bovinus et le H. vectianus, Owen (!), découverts par la marquise 
d'Hastings dans les couches éocènes de l’île de Wight. M. Gervais (2) ajoute 
deux espèces, les Hyopotamus borbonicus et priscus, du terrain miocène infé- 
rieur d'Auvergne. 


Les ANTHRACOTHERIUM, Cuv., — Atlas, pl. XIV, fig. 1 et 2, 


sont encore très voisins des chœropotames, et forment avec ce 
genre et avec celui des hyopotames un petit groupe très naturel. 
Ils sont caractérisés aussi par 2 molaires, séparées des canines 
par une barre plus courte que dans les genres précédents. Les 
molaires ont des tubercules formant aussi deux collines , et sépa- 
rés de même par un sillon médian, mais peu profond. Les infé- 
rieures sont hérissées de pointes coniques obtuses, mais non ar- 
rondies par le sommet. Les supérieures ont une couronne carrée, 
composée de quatre pyramides saillantes, mais obtuses, et d’un 
nombre variable de plus petites. Les canines paraissent ressem- 
bler à celles du tapir. Les incisives inférieures, au nombre de 
quatre, sont fortes et projetées en avant, comme celles des cochons. 

Ces animaux ne sont encore connus que par des fragments assez 
incomplets, qui n’ont pas permis de reconstruire l'ensemble du 
squelette. Les premières espèces ont été trouvées dans des lignites 
de Cadibona, près de Savone (Piémont), qui appartiennent à 
l'étage moyen des terrains tertiaires. Les ossements de cette loca- 
lité étaient fortement colorés en noir par le charbon, et ont mo- 
tivé le nom qui a été donné à ce genre. Depuis lors, quelques 
autres débris ont été trouvés dans diverses parties de la France, 
et jusque dans l'Inde. 

Les espèces appartiennent aux terrains miocènes ; elles parais- 


(1) Quarterly journ. of the geol. Soc., t. IV, p. 103. 
(2) Zoo!. et pal. fr., explic. de la pl. 31, 


SUILLIENS. -- HYRACOTHERIUM. 32 


sent caractériser d'une manière assez précise le miocène inférieur 
ou miocène d'Auvergne. 
Nous citerons : 


L'Anthracotherium lembronicum, Bravard (1), des environs d'Issoire, et 
quelques autres espèces d'Auvergne indiquées, mais non décrites par M. Pomel, 

L'A. magnum, Cuvier (2), trouvé dans ies lignites de Cadibona et aussi 
dans les marnes de la Limagne. 

L’A. minus, Cuvier, de moitié plus petit et trouvé aussi à Cadibona. 

L’4. alsaticum, Cuvier, dont la taille était les 3/5** de la première espèce, 
et qui a été trouvé en Alsace. 

L’4. onoideum, Gervais (3), À. magnum de l'Orléanais, Blainville (4), dé- 
couvert à Neuville (Loiret), 


L’A. minimum, Cuvier, a été transporté dans le genre CHOEROMORUS. 
L’A. silistrense, Pentl., est devenu un chœromeryx. 


C'est probablement dans cette tribu qu'il faut placer le genre des 


HYRACOTHERIUM, Owen 


(ÆHyotherium, Richardson (non H. de Meyer), Syotherium, 
Owen, olim), — Atlas, pl. XIV, fig. 3, 


qui a été établi pour la première fois en 1839 (*) sur un crâne un 
peu mutilé trouvé par M. Richardson dans l'argile de Londres. 
Sa dentition est très voisine de celle des chæropotames : les trois 
molaires principales ont à peu près les mêmes formes; les molaires 
antérieures, qui sont au nombre de quatre, sont plus grandes à 
proportion et plus compliquées. Les canines paraissent avoir res- 
semblé à celles des pécaris et avoir eu la même direction. Les 
formes du cràne sont intermédiaires entre celles des damans et des 
cochons. Un des caractères les plus remarquables est la grandeur 
de l'orbite de l'œil, qui rappelle l'organe analogue des rongeurs 
timides, et en particulier des lièvres. Sa petite taille et les rap- 
ports généraux de formes que l'on peut lui supposer avec le daman 
(Ayraæx), lui ont fait donner le nom d'Æyracotherium. 


(1) Consid. sur les mammif. du Puy-de-Dôme, p. 32; Pomel, Bull. Soc, 
géol., 2° série, t. ILE, p. 369. 

(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 467. 

(3) Zool. et pal. fr., p. 96. 

(#) Ostéographie, Anthracothériums, pl. 3. 

(5) Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. VI, p. 203. 


334 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


L'espèce à laquelle a appartenu ce crâne a été nommé Hyracotherium 
leporinum. Elle était de la taille du lièvre (parisien inférieur). 

Depuis lors, M. Colchester à trouvé à Kyson en Sutolk, dans un satile du 
tertiaire éocène, des dents qui indiquent une espèce plus petite, qui se 
distingue par quelques détails dans la forme des parties saillantes des mo- 
laires. Cette espèce a été décrite par M. Owen sous le nom de Hyracotherium 
cuniculus (1) (parisien inférieur), 


Les MicrocnoERus , S. Wood, — Atlas, pl. XIV, fig. 4, 


ont provisoirement été séparés des hyracotherium à eause de 
quelques différences dans l’écartement des molaires et dans la 
forme de la dernière. | - 


Le M. erinaceus, S. Wood (2), a été trouvé dans le terrain d’eau douce de 
Hordwell (parisien supérieur). 


Les ACOTHERULUM , Gervais, —- Atlas, pl. XIV, fig. 5, 


sont encore imparfaitement connus. Ils paraissent, par leur den- 
tition, voisins des palæochærus; leurs arrière-molaires sont, 
comme dans ce genre, composées de deux collines, dont chacune 
a deux tubercules. Ils présentent, d'un autre côté, des transitions 
aux chevrotains et aux dichobunes. 


L’A. saturninum, Gervais (3), provient des lignites de la Débruge, près 
Apt (parisien supérieur). 


Les Hereronyus, Gervais, 


rapportés par M. Gervais à la tribu des suilliens, ne peuvent lui 
être réunis qu'à titre provisoire, Car on ne sait pas même avec 
certitude si ce sont des pachydermes ou des carnassiers. 


L'H. armatus, Gervais (‘), a été trouvé dans les graviers à lophiodons de 
Buchsweiler (Bas-Rhin) (parisien inférieur). 


Je me borne à indiquer, en terminant cette tribu, le genre : 


(1) Annals and mag. of nat. hist., t. VIIL, p. 1. 

(2) Ann. and mag. of nat. hist, 1844, t. XIV, p. 350; Lond. geol. 
journ., t. I, p. 5 

(8) Compt. rend. de l’Acad. des sc., 1850, t, XXX, p. 604 ; Zool. et pal. 
fr. p.92: 

(#) Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 35. 


ANOPLOTHÉRIOÏDES. -— ANOPLOTHERIUM. 339 


Prorocaogrus, Leconte, 


qui, suivant l’auteur, est voisin des chœærôpotames, mais qui 
manque des petits tubereules des molaires, et dont la dernière 
molaire a une troisième colline. 


La seule espèce indiquée est le P. prismaticus, Leconte ({), trouvé dans 
llinoïis (diluvien ?). 


8e TriBu. — ANOPLOTHÉRIOIDES. 


Le caractère principal de cette tribu consiste dans l'absence de 
barres aux mâchoires, en sorte que les dents font une série con- 
tinue, caractère rare dans les mammifères, et qui, dans la nature 
vivante, est spécial à l’homme et à la plupart des quadrumanes. 
Les canines perdent en général leurs formes normales. Celles de 
la mâchoire supérieure se confondent avec les prémolaires, et 
celles de l’inférieure avec les incisives. 

Les anoplothérioïdes forment une transition remarquable entre 
les pachydermes et les ruminants, soit par leurs molaires, soit 
par leurs pieds. Les premières commencent à présenter des crois- 
sants internes , et les doigts se réduisent par degrés au nombre de 
deux. Les os du métacarpe et du métatarse ne se soudent toutefois 
jamais en canon. 

Cuvier divisait les anoplothériums en trois sous-genres : les 
anoplothériums proprement dits; les xiphodons et les dichobunes ; 
mais la découverte de plusieurs types nouveaux force maintenant 
à donner à ces groupes une valeur générique, et à admettre 
quelques nouveaux genres. 

Tous les anoplothérioïdes sont caractéristiques des terrains ter- 
tiaires anciens et moyens. On n’en connaît aucune trace positive 
dans les terrains pliocènes, non plus que dans ceux de l'époque 
diluvienne. 


Les ANOPLOTHERIUM, Cuvier, — Atlas, pl. XIV, fig. 6-12, 


ont ? molaires; les arrière-molaires supérieures présentent un 
chevron à sommet dirigé en dedans, qui se rapproche d’un gros 
mamelon interne, avec lequel il finit par se confondre lorsque 
l'usure est plus avancée. Les molaires inférieures ont deux col- 


(1) Sillim. journal, 1848, t. V, p. 102, 


336 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


lines s’usant en forme de cœur, la septième a un troisième lobe. 
Les dents sont toutes à peu près égales en hauteur, et la canine 
ne dépasse pas les autres. Les pieds sont à deux doigts. La queue 
est longue, composée de vertèbres fortes et épaisses, ce qui a-fait 
penser à Cuvier que ces animaux étaient plongeurs et vivaient à 
peu près comme l’hippopotame. 

Les gypses de Montmartre renferment les ossements de deux 
espèces : 


L'Anoplotherium commune, Cuvier (1), qui était de la taille d’un petit 
âne; cette espèce a aussi été trouvée à l’île de Wight. 

L’'A. Duvernoyi, Pomel (2). 

La première de ces espèces a été aussi retrouvée dans quelques gisements 
du midi de la France, où elle formait vraisemblablement plusieurs races (ou 
espèces) distinctes (3). 


Ce genre paraît avoir aussi existé dans le continent asiatique 
pendant l’époque tertiaire. 


MM. Cautley et Falconer ont trouvé, dans les montagnes Sivalik, les osse- 
ments d’une espèce qu'ils ont nommée Anoplotherium posterogenium (f), et 
À. sivalense (5). 


M. Gervais sépare sous le nom de 


EURYTHERIUM, Gervais, — Atlas, pl. XIV, fig. 43, 


des espèces d’anoplothériums qui ont une dentition tout à fait sem- 
blable à celle de ce genre, mais dans lesquels les pieds ont trois 
doigts au lieu de deux, l'index se développant et formant un petit 
doigt interne. 

M. Pomel (‘), qui a étudié avec quelques détails cette modifi- 
cation de l’organisation, propose une simple section dans le genre 
des anoplothériums, et en admet quatre espèces. 


(t) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 403. 

(2) Compt. rend. de l’Acad. des sc., 1851, t. XXXIIL, p. 16. 

(3) Voyez Gervais, Zool. et pal. fr., p. 92; Blainville, Ostéographie, et à 
l'APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les articles Buckland, Graves, Plieninger, Pratt, 
Robert, etc. 

(*) 4siatic journ., décembre 1835, p. 358. 

(5) Proceedings of the geol. Soc., t. IV, p. 235, pl. 2, fig. 1, 2. 

(6) Compt. rend, de l'Acad. des se., 1851, t. XXXIII, p. 46. 


ANOPLOTHÉRIOÏDES. — TAPINODON. 337 


La première, qui est son Anoplotherium platypus, Pomel, doit reprendre le 
nom plus ancien d'Eurytherium latipes, Gervais (1). Des environs d’Apt. 

L'A. Laurillardi, Pomel, a aussi été trouvé à Apt. 

L'4. Cuvieri, Pomel, provient des gypses de Paris. 


L’A. secundarium, Cuvier (2), appartient aussi à ce genre et a été trouvé 
à Paris et à Apt. 


Les CHALICOTHERIUM , Kaup , — Atlas, pl. XV, fig. 6, 


n'avaient probablement que $ molaires. Les arrière-molaires su- 
périeures se continuaient en crêtes horizontales au delà du som- 
met des chevrons formés par la face externe des lobes, et avaient 
un seul gros mamelon interne entre les deux collines. Les mo- 
laires inférieures étaient semblables à celles des anoplothériums, 
sauf que la dernière n'avait que deux lobes sans talon. 

M. Kaup (3) en a décrit deux espèces. 


La plus grande, Chalicotheriwum Goldfusii, Kaup, paraît avoir atteint la 
taille du rhinocéros de Java. Elle a été trouvée dans les tertiaires d'Eppelsheim 
(miocène). 

La plus petite, C. antiquum, Kaup, était de la grandeur du rhinocéros de 
Sumatra et provient de la même localité, 


Il faut ajouter une espèce du dépôt lacustre de Sansan (Gers), le C, grande, 
Gervais (#), grand Anoplotherium, Lartet (5). 


Ce genre paraît avoir existé en Asie pendant l’époque tertiaire. 


MM. Cautley et Falconer (f) figurent un Chalicotherium sivalense des col- 
lines subhimalayennes. (Il n’a pas été décrit.) 


Les TariNopon, H. de Mever, 
ne sont pas encore suffisamment caractérisés. 


Le Tapinodon Gresslyi, H. de Meyer (7), se rapproche des anoplothériums et 
a été trouvé à Egerkingen (canton de Soleure) (miocène?). 


(1) Zoo!. et pal. franç., explic. de la pl. 36. 

(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 403. 

(3) Ossem. fossiles de Darmstadt, 2° livr., pl. 7. 

(4) Zool. et pal. franç., p. 91. 

(5) Compt. rend. de l’'Acad. des sc., t. IV, p. 88; Blainville, Ostéographie, 
Anoplothériums, p. 66, pl. 3 et 4. 

(6) Fauna antiqua sivalensis, pl, 80, 

(T) Neues Jahrb., 1846, p. 471. 

Ï, 


338 MAMMIFÈRES. —- PACHYDERMES. 


Les XIPHODONTES (Xiphodon, Cuv.), — Atlas, pl. XV, fig. 4-5, 


sont des anoplothériums à formes légères et sveltes, qui devaient 
être agiles comme la gazelle ou le chevreuil. Leur queue était 
grêle et courte, et leurs pieds didactyles. Leurs dents formaient 
une série continue, comme dans les anoplothériums; les anté- 
rieures en forme de palmettes à bord tranchant et lobé, les ar- 
rière-molaires à deux croissants, rappelant beaucoup celles des 
ruminants, la dernière inférieure à trois lobes. 
On en connait trois espèces. 


Le Xiphodon gracile (Anoplotherium gracile, Cuvier), dela taille d’un cha- 
mois, trouvé dans les gypses de Montmartre et dans les Jignites de la Dé- 
bruge (parisien supérieur) (1). 

Le X. gelyense, Gervais (2), de Saint-Gely (Hérault) (parisien supérieur). 

Le X. paradoæum. Pomel (3), a été trouvé à Apt (id.). 


Les DichoBunes, Cuv., — Atlas, pl. XV, fig. 7 et 8, 


ont encore les mêmes caractères essentiels, mais avec la taille 
des lièvres et la même disproportion que dans ce genre entre les 
membres antérieurs et postérieurs , ce qui devait leur donner une 
démarche semblable. Leurs arrière-molaires supérieures sont 
formées de deux rangs de pyramides obtuses ; les inférieures, de 
quatre mamelons en deux collines ; la dernière a un talon simu- 
lant une troisième colline. Les dents antérieures ne sont pas aussi 
continues que dans les genres précédents. Les pieds ont trois 
doigts. 
On en connaît quatre espèces : 


Le Dichobune suillum, Gervais (4), a été trouvé fossile à Nanterre, etc., 
dans le calcaire grossier (parisien inférieur). 

Le D. Robertianum, Gervais (5), provient aussi du calcaire grossier des 
environs de Paris. 

Le D. leporinum, Cuvier, avait la taille du lièvre, et ses doigts accessoires 


(1) Voyez Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V; Gervais, Zool, et pal. franç., 
p. 90; Blainville, Ostéographie, p. 45. 

(2) Zoo!. et pal. franç., p. 90, pl. 14. 

(3) Compt. rend. de l’Acad. des sc., 4851, t. XXXIII, p, 16. 

(5) Zoo! el pal. franç., p. 94, pl. 47. 

(5) Zoo!. et pal. franç., explic. de la pl. 35. 


ANOPLOTHÉPIOÏDES. —— OPLOTHERIUM. 339 


atteignaient presque, aux quatre extrémités, la grandeur des intermé- 
diaires (1). (Montmartre, parisien supérieur.) 

M. Owen en a fait connaître une espèce, d’une taille ur peu plus grande, 
qu’il nomme Dichobune cervinum. Une mâchoire de cette espèce, trouvée par 
M. Pratt dans les terrains éocènes de l’île de Wight, avait d’abord été regardée 
comme indiquant un genre nouveau voisin des moschus; mais M. Owen a 
montré qu’elle présentait tout à fait les caractères de dentition des dicho- 
bunes (parisien supérieur). 

Les D. murina et obliqua sont maintenant des microthériums. 


Les APHELOTHERIUM, Gervais, — Atlas, pl. XV, fig. 9, 


ne sont connus que par leur mâchoire inférieure, dont les dents 
sont en série continue, comme dans tous les anoplothérioïdes. Ils 
commencent une série de dégradations vers les ruminants, dont 
ils forment pourtant un terme plus éloigné de ces derniers que les 
caïnothériums. Ils diffèrent surtout des anoplothériums par les 
collines obliques de leurs molaires. 


L'Apkelotherium Duvernoyi, Gervais (2), a été trouvé dans les gypses des 
environs de Paris (et probablement aussi près d'Apt). 


J'inscris provisoirement ici le genre CEBOCHOERUS, Gervais (5), 
que je ne connais pas encore, et dont les quatre seules molaires 
que l’on à recueillies paraissent avoir des rapports avec celles des 
maïmons (quadrumanes) et avec celles des cochons. L’analogie est 
probablement plus forte avec ces derniers, surtout avec le genre 
ACOTHERULUM. 


Le C. anceps, Gervais, a été trouvé à Apt. 


Les OPLotaerium, de Laizer et de Parieu (Cainotherium, Bravard), 
— Atlas, pl. XV, fig. 10 et 11, 


ressemblent beaucoup aux dichobunes, et n’en devraient peut- 
être former qu'un sous-genre. Ils ont quatre doigts, dont les deux 
médians gros et les latéraux très grêles. Ils n’atteignaient pas 
même la taille des petits chevrotains des îles de la Sonde. 

Les oplotherium ont été trouvés dans les terrains parisiens et 
miocènes. 

(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V; Blainville, Ostéographie,p 58. 


(2) Zoo. et pal. franç., pl. 34 et 35. 
(8) Zool. et pal, franç., pl. 35. 


340 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES. 


On cite dans l’époque des gypses (parisien supérieur) : 


v 


Le C. Courtoisii, Gervais (1), des lignites de la Débruge, près Apt. 


Les espèces paraissent nombreuses dans le miocène inférieur, 
mais elles sont encore peu connues et n’ont pas été comparées. 


MM. de Laizer et de Parieu ont signalé deux espèces du département de 
l'Allier, dont la séparation est encore douteuse. Ce sont les Oplotherium lali- 
curvatum et leptognathum (2) | Anoplotherium laticurvatum, Geoffroy (3) ]. 

M. Bravard en admet trois dans les environs d’Issoire. Dans la collec- 
tion envoyée par lui au Musée de Paris, il les nomme Cainotherium com- 
mune, medium et minimum. 

M. Pomel (#) en admet cinq espèces en Auvergne, savoir : les C. laticur- 
valum et commune cités plus haut, et les C. elegans, metapius et gracile. 


M. Aymard (communication inédite) signale quelques petits 
pachydermes non encore décrits. Je me borne ici à les indiquer 
sommairement. 

Le premier, qui forme pour lui le genre Zoozicus, est un peu 
plus petit que le daman, et intermédiaire pour ses dents entre les 
xiphodons , les dichobunes et les caïnothériums. Autant qu’on en 
peut juger par une portion de mâchoire inférieure, seule connue, 
ses formes étaient, dans sa petite taille, aussi élancées que dans 
les gazelles (Zooliqus Picteti, Aymard, des calcaires lacustres du 
Puy). 

Le second est le type du genre Drrocus, et repose sur une mâ- 
choire du Gard (parisien inférieur), décrite par M. Gervais () 
comme appartenant aux dichobunes, et qui, suivant M. Aymard, 
présente des caractères de transition aux ruminants (Piplocus Ger- 
vaisii, Aymard). 


Les HvyæcuLus, Pomel, 


sont très voisins des cainotherium, mais ils en diffèrent par leur 
cuboïde soudé au scaphoïde (sans pour cela que les métatarsiens 
soient unis), et par les pointes internes de la seconde colline 
des molaires inférieures plus aiguës. 


(1) Zool. et pal. franç., pl. 25 et 34. 

(2?) Ann. des sc. nat., 2° série, t. X, p. 338. 

(3) Bull. Soc. géol., t. V, p. 442. 

(4) Compt. rend. de l'Acad. des sc., 4854, t. XXXIHI, p. 17. 
(5) Zool, et pal. franç., pl. 2, fig. 10-12. 


ANOPLOTHÉRIOÏDES, — ADAPIS. 241 


Le Hyægulus collotarsus, Pomel, de la taille du Cainotherium laticurvatum, 
et le H. murinus, Pomel, beaucoup plus petit, ont été trouvés dans les envi- 
rons d’Apt (parisien supérieur) (!). 


A la suite des cainotherium nous indiquerons quelques petits 
pachydermes , dont la formule dentaire n'est pas encore complé- 
tement connue, qui, suivant M. Pomel, se rapprochent des rumi- 
nants plus encore que les précédents, et qui, suivant M. Gervais, 
doivent probablement être réunis aux cainotherium. C'est le 
genre des 


Microruerium, H. de Meyer, 


formé pour recevoirles Dichobune murinum et obliquum de Cuvier (2), 
que ce savant anatomiste avait déjà soupconné devoir être séparés 
des vrais dichobunes. C’est pour ces mêmes espèces que M. Pomel (3) 
a établi le genre AMPHIMERYX. 


Les espèces sont incomplétement connues dans leurs limites. Outre les 
deux précitées qui ont été trouvées dans les plâtrières de Paris, M. H, de 
Meyer ajoute le M. concinnum (f) du tertiaire miocène de Weisenau, et le 
M. Cartieri (5), la plus petite espèce du genre, de la mollasse d’eau douce 
d'Oberbuchsiten. 


Ce n’est qu'avec doute qu'on peut placer ici le genre des 


Aparis, Cuvier, 


qui a les incisives supérieures et les dents en série continue des 
anoplothériums, les canines plus saillantes, et des molaires qui 
rappellent beaucoup celles du même genre, mais qui cepen- 
dant forment une transition aux tapirs, parce que quelques unes 
ont des collines transverses. 


La seule espèce connue ne l’est que par sa tête, Elle a été trouvée dans 
les gypses de Montmartre et porte le nom d’Adapis parisiensis (6), Cette 
même espèce a été retrouvée dans les environs d’Apt, ‘ 


(1) Compt. rend. de l’Acad. des sc., 1851, t. XXXIII, p. 17. 
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V. 

(3) Bibl. univ. de Genève, Archives, t. XIE, p. 72. 

(#) Neues Jahrb., 1843, p. 387. 

(5) Idem. , 1849, p. 547. 

(6) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 460. 


342 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS. 


Ce genre a aussi des rapports marqués avec les insectivores. 


Les Dicaopox, Owen, — Atlas, pl. XV, fig. 12 et 13, 


ont encore, COMME les anoplothériums, les dents en série conti- 
nue; mais les molaires supérieures n'ont que quatre mamelons, 
et sont dépourvues à leur surface externe des arêtes en chevrons 
qui caractérisent tous les genres précédents. 


Le D. cuspidatus, Owen (1), a été trouvé dans l'argile de Hordwell 
(parisien supérieur). 


Les Merycororamus, Cautley et Falconer, 


ont des arrière-molaires supérieures tout à fait semblables à celles 
des dichodon, et le reste de leur dentition les rapproche des 
hippopotames. 


Ce genre, dont la position définitive est loin d’être fixée, a été fondé sur 
une espèce découverte dans les tertiaires subhimalayens, par MM. Cautley 
et Falconer (2). 


On doit peut-être en rapprocher 


Les CHOEROMERYx, Pomel, 


genre seulement indiqué pour l'Anthracotherium silistrense , 
Pentland (3). M. Owen (‘) compare aussi ses dents molaires à 
celles du dichodon, et M. Pomel (°) le rapproche des deux genres 
précédents. 


10° ORDRE. 
RUMINANTS. 


L'ordre des ruminants est limité de nos jours par des 
caractères parfaitement précis, car à l’existence de 


(1) Quart. journ. geol. Soc., t. IV, p. 36. 

(2) Fauna antiqua sivalensis, pl, 62, 67, 68; Owen, Odontogr., p. 566, 
pl. 140, fig. 8. 

(@) Transactions of the geol. Soc., 2° série, t. I, pl. 45, fig. 2-5. 

(5) Quart. journ. geol. Soc., t. IV, p. 37. 

(5) Compt, rend. de l'Acad. des sc., 1848, t, XXVI, p. 687. 


RUMINANTS. 343 


quatre estomacs se joint la forme du pied, qui est con- 
stamment composé de deux doigts principaux, et dont les 
métatarsiens et les métacarpiens sont toujours () unis 
pour former un canon. La dentition est aussi très uni- 
forme. Les incisives manquent à la mâchoire supérieure, 
où elles sont remplacées par un bourrelet calleux. Les 
inférieures sont ordinairement au nombre de huit. Les 
canines manquent le plus souvent. Les molaires sont 
presque toujours au nombre de ®, et leur couronne est 
marquée de deux doubles croissants, dont la convexité 
est tournée en dedans dans les supérieures, et en dehors 
dans les inférieures. 

Dans l’âge adulte , la dernière molaire a trois colli- 
nes; elle n’est pas remplacée, non plus que les deux 
précédentes, mais les trois premières ont des germes 
doubles. Les dents de lait sont par conséquent au 
nombre de à, et la troisième est à trois collines, cornme 
la dernière adulte. Ces circonstances permettent 
toujours de distinguer les mâchoires des jeunes ani- 
maux. | 
J'ai déjà fait remarquer ci-dessus que les animaux 
fossiles offrent quelques transitions qui lient les ru- 
minants aux ordres voisins, et en particulier aux pachy- 
dermes, bien plus qu’on ne le supposerait par l’étude 
isolée des animaux vivants. Il est bien difficile-de savoir 
jusqu'où s’étendaient ces transilions , s’il y avait des 
animaux qui eussent à la fois quatre estomacs et les mé- 
tacarpiens séparés, el s’il y avait des organisations inter- 
médiares du système digestif. Dans cette ignorance, il 
me semble qu’il vaut mieux conserver l’ordre des rumi- 
nants, qui a des caractères suffisamment précis. 

L'histoire paléontologique de ces animaux est bien 


(1) Voyez la note 3, p. 279. 


344 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS. 


différente de celle des pachydermes. Leur apparition 
plus tardive, et avec des formes par conséquent plus 
voisines de celles des espèces actuelles, fait que l'on 
n'a eu qu’un petit nombre de genres à ajouter à ceux 
qu'avait fait adopter l'étude de la nature vivante. On 
n’en trouve aucun représentant dans les terrains ter- 
tiaires anciens, où, comme je l’ai déjà fait remarquer 
ailleurs , la nombreuse population des mammifères 
herbivores appartient presque toute à l’ordre des pa- 
chydermes. On les voit apparaître pour la première 
fois dans l’époque tertiaire moyenne, où ils ne tardent 
pas à prendre un grand développement numérique ; 
de manière que , dans les terrains tertiaires supérieurs 
et diluviens, leurs ossements sont bien plus abondants 
que ceux des pachydermes , qu'ils paraissent avoir 
été destinés à remplacer presque totalement en Eu- 
rope. 

On a coutume de distinguer les ruminants d’après 
leurs cornes, ce qui à fait jusqu’à présent rapprocher 
les muscs des chameaux. L'étude des ossements fossiles 
montre des liaisons nombreuses entre Îe premier de 
ces genres et les cerfs, de sorte qu'il convient de modi- 
fier un peu la classification admise ; nous adopterons 
avec MM. Gervais, Pomel, etc., les familles des Camé- 
lides, des Cervides et des Antilopides. 


{5 Famizze. — CAMÉLIDES. 


Les camélides sont caractérisés par l'existence de deux petites 
dents implantées dans l'os incisif supérieur; elles sont le rudi- 
ment des dents incisives, qui manquent dans les familles sui- 
vantes. Ils ont des canines aux deux mâchoires. Le scaphoïde et 
le cuboïde du tarse sont séparés, tandis qu'ils sont réunis dans 
ous les autres ruminants. Leurs canons sont un peu plus divisés 


CAMÉLIDES. 345 


a l'extrémité ; leurs formes sont lourdes, leur cou est court, leurs 
sabots petits. 


Les CHamEaAUx (Camelus, Lin.) 


n'ont pas encore été trouvés fossiles en Europe; mais MM. Cautley et 
Falconer (‘) en ont signalé deux espèces dans les montagnes Sivalik, 
c’est-à-dire dans les terrains tertiaires subhimalayens. 


La premiere, Camelus sivalensis, se rapproche du dromadaire. 
La seconde, Camelus antiquus, paraît avoir été d’une taille plus petite. 
On a trouvé aussi des ossements de chameaux sur les côtes occidentales de 


la mer Rouge (?); mais il n’est pas prouvé que les terrains qui les renfer- 
ment ne soient pas d'origine moderne. 


Les MerycoTaeRIUM, Bojanus, 


sont un genre perdu, formé sur l'examen de quelques dents mo- 
laires supérieures, qui ressemblent beaucoup à celles des cha- 
meaux, Sans pouvoir toutelois être considérées comme identiques 
avec celles de ce genre. 


L'espèce unique, Merycotherium sibiricum (3), a été trouvée, à ce qu'il 
paraît, en Sibérie. 


Les Lamas (Auchenia, Wie.) 


paraissent avoir habité l'Amérique méridionale pendant l’époque 
diluvienne, comme de nos jours. M. Lund en a trouvé deux espèces 
dans les cavernes du Brésil; l'une d'elles surpassait le cheval par 
sa taille. 


2e Famize. — CERVIDES. 


Cette famille comprend les ruminants qui ont © incisives, 
ou + canines, et 4-ou 7 molaires, ces dernières dents étant 
caractérisées par un fut très court. Les cornes, quand elles 
existent, sont couvertes de peau ou sous la forme de bois. 


(1) Asiatic researches, t. XIX, et Fauna antiqua sivalensis, pl. 86 à 90, 
(2) Newbold, Proc. of the geol. Soc., t. IL, p. 789. 
(3) Bojauus, Nov. act. Acad. nat. cur., t. XII, p. 263. 


346 MAMMIFÈRES, — RUMINANTS. 


Les GiRAres (Camelopardalis, L., Girafa, Storr) 


sont clairement caractérisées par leurs petites cornes velues, par 
leur long cou et leur dos incliné. Elles ont des molaires qui res- 
semblent beaucoup à celles des élans. 

Ce genre anomal, qui aujourd’hui habite exclusivement l'Afrique, 
a été retrouvé dernièrement fossile en France. 


Cette découverte a consisté dans une mâchoire inférieure recueillie dans la 
ville d'Issoudun, ex exécutant des fouilles pour un puits creusé dans un an- 
cien donjon. La position de ce fossile n'a malheureusement pas permis d’as- 
signer à quel terrain il avait appartenu. 

M. Duvernoy (!) a donné une description détaillée de cette mâchoire, et 
prouvé que l'espèce à laquelle elle se rapporte différait par de nombreux ca- 
ractères de l'espèce d'Afrique, et était d’un sixième plus petite. Il propose de 
la nommer Girafe du Berri (Camelopardalis Biturigum). 

Le même anatomiste cite une incisive externe d’un animal du même genre 
trouvé par M. Nicolet dans la mollasse de la Chaux-de-Fonds (canton de 
Neuchâtel). 


On à aussi trouvé des girafes fossiles dans l'Inde. 


MM. Cautley et Falconer indiquent les C. sivalensis et affinis, comme re- 
cueillies dans le dépôt tertiaire subhimalayen (2). 


C’est peut-être près des girafes (3) qu'il faut placer le genre des 


SIVATHERIUM, Cautley et Fale., — Atlas, pl. XVI, fig. 5 et 6, 


qui est un des fossiles les plus remarquables et les plus extraor- 
dinaires de l’ordre des ruminants. On en a trouvé une tête dans 
la vallée de Markanda, dans la branche Sivalik des montagnes 
inférieures de l'Himalaya (f), et plus tard des ossements des mem- 
bres. Les uns et les autres sont conservés au British Museum. 
La forme de cette tête est très singulière. Son volume approche 
de celle de l'éléphant, ce qui peut faire penser que le sivathé- 


(1) Compt. rend. de l'Acad. des sc., 29 mai 1843, et Ann. des sc. nat., 
3° série, t. I, p. 36. 

(2) L'Institut, 1844, t. XII, p. 8. 

(5) M. de Blainville regarde le sivathérium comme une antilope. 

(#) Journ. of the asiatic Soc. of Bengale, janvier 1836,et Ann. des sc, nal., 
2° série, t. V, p. 348. 


CERVIDES. — CHEVROTAINS. 347 


1 

rium avait le cou bien plus fort et plus court que la girafe. La 
région postérieure du crène, à partir des orbites, est très dévelop- 
pée, et formait probablement des protubérances celluleuses ana- 
logues à celles de l’éléphant. La face, au contraire, est courte, et 
les os nasaux sont remarquables par la manière dont ils se relèvent 
et se prolongent en une voûte pointue au-dessus des narines 
externes. La direction très inclinée du front et de la face, par 
rapport à la surface triturante des dents , lui donne aussi un aspect 
fort bizarre. Deux cornes qui naissent du sourcil, entre les orbites, 
et qui s'écartent l’une de l’autre, augmentent aussi son apparence 
anomale, d'autant plus que les protubérances postérieures étaient 
aussi probablement la base de deux autres cornes courtes et mas- 
sives. 

Les molaires supérieures , les seules connues, sont au nombre de 
six, et présentent tout à fait les caractères de celles des ruminants. 

Ces caractères montrent que le genre des sivatherium appar- 
tenait probablement à l’ordre des ruminants, mais présentait 
aussi quelques rapports avec celui des pachydermes. Ces rapports 
existent dans ses formes plus lourdes, son cou plus court, et sur- 
tout dans l’existence probable d'une trompe, que la forme des os 
nasaux semble démontrer. 


L'espèce unique, le Sivatherium giganteum, devait égaler à peu près l’élé- 


phant en grosseur et le dépasser en hauteur (1). 


Les BRAMATHERIUM, Falconer, 


sont probablement voisins des sivatherium, et ne sont connus 
que par des fragments de mâchoires trouvés dans l'île de Périm 
(golfe de Cambay). 


M. Falconer a publié un mémoire (2) qui contient une comparaison détai]- 
lée du fossile de Perim et du sivatherium. La seule espèce connue (Bramaihe- 
rium Perimiense, Fale.) était un peu plus petite que le sivatherium, 


Les CHEVROTAINS (Moschus, Lin.) 
forment un type très clairement caractérisé par les longues ca- 


nines qui arment la mâchoire supérieure, et qui sortent de la 


(") Voyez Fauna antiqua sivalensis, pl. 91 et 92, 
(2) The quart. journ. of the geol. Soc., t. I, p. 363. 


348 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS. 


bouche dans les mâles. Ils ont $ molaires, pas de cornes, et un 
péroné grêle qui n'existe plus dans les autres genres. Une espèce 
(Moschus aquaticus, Gray) d'Afrique, a, comme nous l'avons dit, 
les métacarpiens et les métatarsiens distincts et non soudés en 
canon, et a fourni ainsi un des arguments qui ont été Invoqués 
pour la réunion des ruminants et des pachydermes. 

Ce genre, qui n’habite plus l'Europe, a été trouvé fossile dans 
l'Inde, et, suivant quelques paléontologistes, dans les terrains 
tertiaires d'Europe. 


L'espèce indienne est le Moschus bengalensis, Pentland (1). 

On en a indiqué une espèce dans les terrains tertiaires d’Eppelsheim, qui 
est le M. antiquus, Kaup, que quelques auteurs (mais non M. H. de Meyer), 
rapportent au Dorcatherium Naui. 

Le M. Prattii, de l’ile de Wight doit, suivant M. Owen, être considéré 
comme un dichobune. 

Les M. murinus et obliquus, Gervais, sont pour nous des microtherium. 

Le M. armatus, Gervais, de Sansan, est un dicrocère. 

Le M. Nouleti, Lartet, du même gisement, devra probablement être rap- 
porté au genre CAINOTHERIUM. 


Les AmPHITRAGULUS , Croizet (7ragulotherium, Croizet, olim), 
— Atlas, pl. XVIT, fig. 1, 


ont, comme les chevrotains, de grandes canines cultriformes à 
la mâchoire supérieure; mais ils en diffèrent par une molaire de 
plus à l’inférieure (+-). 

On n’en à trouvé que dans les dépôts miocènes anciens d'Au- 
vergne et du Puy. 


Les dépôts lacustres de la Limagne en renferment probablement plusieurs 
espèces contemporaines des palæotherium. Parmi elles on n’a encore nommé 
que l'A. elegans (?). 

L’A. communis, Aymard (3) (Anthracotherium minutum, Blainville), a vécu 
avec les hyænodon, etc., et a été trouvé fossile au Puy (Haute-Loire) (mio- 
cène inférieur). 


(t) Transact. of the geolog. Soc., 2° série, t. II. 

(2) Pomel, Bull. Soc. de géol. de France, 2° série, t. IE, p. 369, et t. IV, 
p. 385 (avec planche). 

(3) Ann. Soc. Puy, 1848, t. XII, p. 247; Gervais, Zool. et pal. franç., 
p. 88. 


CERVIDES. — DORCATHERIUM. 319 


Les DREMOTHERIUM, Geoffr., — Atlas, pl. XVIT, fig. 2, 


sont très voisins des amphitragulus par la forme de leurs mo- 
laires ; mais ils n'ont ni la grande canine de la màächoire supé- 
rieure, ni la prémolaire de plus de la mâchoire inférieure (-$- mo- 
laires). 

Les espèces sont contemporaines de celles du genre précédent. 


Le D. Feignouxii, Et. Geoffroy (1), a été trouvé dans le terrain à caïno- 
therium de Saint-Gerand-le-Puy (Allier) (miocène d'Auvergne). 

M. Pomel (?) admet l'existence de trois espèces dans ces mêmes gisements 
du département de l’Allier. M. Et. Geoffroy en indiquait déjà une seconde 
sous le nom de D. nanum, 

MM. Bravard et Croizet en ont trouvé des ossements pres d’Issoire. 


Les DORCATHERIUM, Kaup, 


forment un genre dont les caractères ont été appréciés différem- 
ment par les paléontologistes. M. Kaup, qui l’a établi, lui donne 
pour caractère essentiel + canine assez grande et # molaires, 
dont la prémolaire inférieure est séparée des autres. L'existence 
du bois semble démontrée par une trace de meule, peu distincte 
dans la figure de M. Kaup, la tête ayant été, suivant lui, fossilisée 
peu de temps après l'avoir perdu. Les os lacrymaux n'étaient pas 
celluleux comme dans les cerfs. Il y rapporte le chevreuil de Mon- 
tabuzard de Cuvier, qui à des bois plus certains, et dont les 
pointes de la face externe des molaires sont plus grosses que celles 
des chevreuils et entourées d'un collet. 

M. Pomel pense que deux types ont été confondus sous ce nom, 
l’un à canines et sans bois, l’autre sans canines et à bois. 
M. Pomel (#) propose de laisser le nom de DoRCATHERIUM à ces 
derniers, qui sont des cerfs moschoïdes, et de rapporter les pre- 
miers aux AMPHITRAGULUS; mais on exclurait ainsi du genre les 
espèces sur lesquelles il a été établi. 

Une comparaison de pièces plus complètes peut seule résoudre 
cette difficulté. 


(1) Revue encycl., 1832; Gervais, Zool. et pal. franç. 
(2) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 382. 
(3) Bull. Soc. géol., t. NT, p. 371. 


350 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS. 


La première espèce est le D. Naui, Kaup (î), trouvée à Eppelsheim (mio- 
cène), type du genre. 

La seconde espèce (?), est le Chevreuil de Montabuzard (2?) (miocène). 

Il faut ajouter le D. guntianum, H. de Meyer (#), de la mollasse de Guntz- 
burg, près du Danube, et le D. vindobonense, H. de Meyer (#). 


Les POEBROTHERIUM, Leidy, 


ont + molaires, et probablement pas de cornes, la première pré- 
molaire supérieure est détachée en avant, et séparée des suivantes 
par une petite barre. Ce genre fait une sorte de transition entre 
les dorcatherium et les anoplothérioïdes. 


La seule espèce connue, P. Wülsoni, Leidy (5), a été trouvée à Chambers- 
burg, par M. Culbertson. 


Les PazæÆomERYx, H. de Meyer, 


ont & molaires et les autres caractères des cerfs. Is en différent 
principalement par la petite protubérance conique située sur la 
pointe antérieure du croissant interne des molaires, qui ne se dé- 
veloppe pas autant chez les véritables cerfs. Les trois dernières 
molaires inférieures présentent une élévation en forme de bourre- 
let, qui descend vers le milieu du côté externe du croissant exté- 
rieur et antérieur de la dent. 

Ces caractères sont peut-être plus convenables pour former 
un sous-genre que pour justifier un genre. L'examen des mà- 
choires trouvées dans la mollasse de Lausanne me fait croire que 
le genre PALÆOMERYX ne pourra pas être conservé. Les différences 
qui existent entre ces animaux et les cerfs proprement dits ne 
dépassent pas les caractères spécifiques. 

Les espèces ont toutes été trouvées dans les tertiaires miocènes 
supérieurs et dans les terrains pliocènes. 

Je trouve indiqués : 


Le P. eminens, H. de Meyer, de la mollasse d'OEningen (pliocène). 


(1) Ossem. foss., de Darmstadt, 5° livr., pl. 23, p. 91. 
(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p. 209. 

(3) Neues Jahrb., 1846, p. 472. 

(4) Idem, 1846, p. 471. 

(5) Proc. Acad, nat. sc. Philadelph., nov. 1847. 


CERVIDES. —— CERFS. ve 351 


Le P. Bojani, H. de Meyer, des terrains lacustres de la contrée de Georgens- 
Gmünd (miocène). 

Le P. Kaupii, id., de la même localité, 

Le P. pygmeæus, id. 

Le P. minor, id., de la mollasse d’Arau (id). 

Le P. Scheuzeri, id., de la mollasse de Suisse et des bords du Rhin. 

Le P. medius, id., de Weissenau. 

Le P. minimus, id., de la même localité. 

Le P. Nicoleti, id., de la mollasse de la Chaux-de-Fonds (1). 


Les Cerrs (Cervus, L.), — Atlas, pl. XVI, fig. 1-4, 


forment un des genres les plus nombreux parmi les mammifères 
vivants. Cette même abondance se retrouve dans les cerfs des ter- 
rains diluviens et tertiaires supérieurs. 

Les cerfs sont faciles à distinguer des autres ruminants par leurs 
cornes caduques et souvent rameuses, que l’on désigne sous le 
nom de bois; et par la forme de leurs dents molaires, dont les 
racines sont plus grandes que le fût, et qui présentent du côté 
intérieur, à la mâchoire supérieure , et du côté extérieur, à la ma- 
choire inférieure, un petit appendice court et pointu placé entre 
les deux collines (fig. 3). Les molaires sont au nombre de #, les 
incisives de ?, et l’on voit quelquefois dans les mâles un rudi- 
ment de canine à la machoire supérieure. 

Le grand nombre des espèces qui composent ce genre impor- 
tant rend leur étude difficile, d'autant plus que les ossements qui 
servent à les caractériser ne sont pas toujours comparables. Les 
unes sont connues par des fragments de mâchoires, d’autres par 
des bois souvent de divers âges (?), quelques unes par des os du 
corps. Il résulte de là la probabilité que, parmi les cinquante ou 
soixante espèces que renferment les catalogues, il en est beaucoup 
de nominales et qu'un examen plus sérieux forcera à réunir. 

Mais lors même qu'on réduirait le nombre des cerfs fossiles , 1l 
n'en restera pas moins vrai que ces animaux ont habité l'Europe 


(?) Voyez pour toutes ces espèces : H. de Meyer, Foss. Zaehne und Knocken 
von Georgensgmund, 4°, 1834; Neues Jahrb., 1843, p. 387; 1846, p. 468; 
4847, p. 183, etc. 

(2) Les bois de cerfs présentent, pour la détermination des espèces, de très 
grandes sources d'erreur, Car chaque année ils tombent et recroissent avec 
des formes différentes. Il faudrait des ccilections très riches pour arriver à 
connaître toutes les phases par lesquelles passe une espèce fossile, 


392 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS. 


en très grande abondance depuis le milieu de lépoqne tertiaire. 
Les espèces dont les débris sont renfermés dans les terrains ter- 
tiaires supérieurs paraissent, conformément aux lois générales 
que nous avons exposées ailleurs, avoir été toutes détruites par la 
catastrophe qui a terminé cette époque. Pendant l'époque dilu- 
vienne, il y a eu aussi de nombreuses espèces de cerfs; mais elles 
ressemblent plus aux actuelles, et quelques unes doivent proba- 
blement être considérées comme les souches de celles qui peuplent 
encore nos pays, là où la civilisation ne les à pas détruites. 

Les cerfs les plus anciens que l’on connaisse sont ceux des ter- 
rains tertiaires miocènes supérieurs. Le célèbre dépôt de Sansan 
(département du Gers) en renferme divers fragments. 


M. Lartet a établi sur l’un d’eux le sous-genre DicrocÈre, dont le bois a de 
longs pédicelles en dessous des meules (1) et est terminé par deux pointes ; le 
seul andouiller qui existe naît sur la même base que la perche, en sorte 
qu'il semble plutôt être une seconde perche antérieure. Cette organisation 
rappelle beaucoup celle du cerf muntjack de l'Inde. 

Ce même paléontologiste (?) cite le D. elegans, Lartet (Cervus dicrocerus, 
Gervais), et avec doute deux autres espèces : le D. crassus, Lartet (auquel il 
rapporte, avec doute aussi, le Cheureuil de Montabuzard, dont nous avons 
parlé au sujet du Dorcatherium), et le D. magnus, Lartet. Ces trois espèces 
ont été trouvées à Sansan et à Simorre. 

M. Lartet rapporte à son dicrocère trapu (D. crassus), des métatarsiens 
incomplétement soudés trouvés à Sansan. M. Pomel les place dans le genre 
Hyæwoscuus établi par Gray pour une espèce vivante d'Afrique, H. Larteti (è). 
Il leur associe des canines allongées, nommées par M. Gervais, Moschus ar- 
matus. Ce dernier auteur () pense que peut-être ces ossements (dents et 
métatarsiens) appartiennent au genre CHoromoRuS (p. 327), des mêmes gise- 
ments. Il est impossible de justifier ou de contester ces rapprochements, 

Il est probable que les dicrocères ayant été déterminés surtout par leur 
bois, et les palæomeryx par leurs dents, il y aura entre ces deux genres 
quelques doubles emplois. 


M. Lartet (5) sépare, sous le nom de Micromeryx (M. Flowrensianus), une 


(1) On nomme perche, dans le bois des cerfs, la tige principale sur laquelle 
les andouillers naissent comme des rameaux. À la base de la perche, là où 
le bois se détache, existe un bourrelet que l’on désigne sous le nom de meule. 

(2) Compt. rend. de l’Acad. des sc., t. IV, p. 88, et t. V, p.158; Notice 
sur la colline de Sansan, p. 34 à 36. 

(8) Pomel, Compt. rend. de l'Acad. des sc., t. XXXIIL, p. 47. 

ï (4) Zool. et pal. franç., explic, de la pl. 35. 

(5) Loc. cil., p. 36. 


CERVIDES. — CERFS. 953 


petite espèce précédemment nommée Cervus pygmæus (1). Elle a été trouvée 
à Sansan, à Simorre, etc. 


Les sables d'Eppelsheim, appartenant aussi au miocène supé- 
rieur, renferment, suivant MM. Kaup (?), etc., les espèces suivantes, 
dont il est impossible de reproduire ici tous les caractères dis- 
tinctifs; ils reposent sur les bois et sur la dentition. 


Le Cervus Bertholdi, Kaup (pl. XXII, fig. 3), de la grandeur du cerf com- 
mun, mais dont les dents ressemblent plutôt à celles du chevreuil. 

Le Cervus nanus, Kaup (pl. XXII, fig. 2), de la taille du chevreuil, à 
molaires plus étroites. 

Le Cervus Partschi, Kaup (pl. XXII, C, fig. 9), de la grandeur de la 
petite antilope saltiane, et par conséquent la plus petite espèce de cerf connue 
jusqu’à ce jour. 

Le Cervus anocerus, Kaup (pl. XXIV, fig. 2), qui ressemble au cerf munt- 
jack par la longueur de ses meules. Ses bois manquent de maître andouiller 
et leurs perches courtes se terminent par deux pointes, 

Le Cervus dicranocerus, Kaup (pl. XXIV, fig. 3), à bois de même nature 
que le précédent, mais plus grand. 

Le Cervus curtocerus, Kaup (pl. XXIV, fig. 4), qui a du rapport avec le 
cerf ordinaire, mais dont le maître andouiller, grêle, est placé à la base de la 
couronne. 

Le Cervus trigonocerus, Kaup (pl. XXIV, fig. 4), qui avait un bois à trois 
andouillers, dont l’interne et l’externe arrondis. 

Il y a certainement des doubles emplois dans ces cerfs, dont quelques 
espèces ne sont connues que par des bois et d’autres par des dents. 

La mollasse de Suisse à fourni aussi quelques cerfs, et en particulier le 
C. haplodon, H. de Meyer, et le C. lunatus, id. (3). 


Les terrains tertiaires supérieurs (pliocènes) renferment aussi 
de nombreux ossements de cerfs. 

Les dépôts arénacés du Puy-de-Dôme en ont fourni plusieurs 
espèces figurées par MM. Croizet et Jobert (#). 

Les mieux connues sont les suivantes : 

4° À deux andouillers, dont le premier est placé immédiatement 
au-dessus de la couronne : 


(9 Lartet, Bull. Soc. géol., t. VIL, p. 217. 

(2) Ossem. foss. de Darmstadt, 5° livr. Voyez aussi Karsten Archiv., 1833 ; 
Neues Jahrb., 1832, p. 466, et 1834, p. 371; Giebel, Fauna der Vorwelt, 
th p.438. 

(8) Voyez Neues Jahrb., 1841, p. 97; 1842, p. 584; 1844, p. 3SG; 1846, 
p. 471; 1851, p. 75, etc, 

(#) Rech. sur les ossem. foss. du Puy-de-Dôme. 

I. 


12 
(a) 


‘ 


354 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS. 


Le Cervus eluarium, Croizet et Jobert, à perches à double courbure; le 
second andouiller antérieur et à la base de la seconde courbure. 

Le Cervus pardinensis, Croizet et Jobert, dont les perches ont chacune 
seulement deux légères inflexions, et où le second andouiller est placé 
comme dans le précédent. (Cette dernière espèce n’est peut-être pas tertiaire, 
car elle est indiquée comme trouvée au contact du pliocène et des alluyions 
volcaniques.) (Voyez Atlas, pl. XVI, fig. 4.) 


2° À deux andouillers, dont le premier naît plus haut que la 
couronne : 


Le Cervus cusanus, Croizet et Jobert, dont les bois rappellent beaucoup 
ceux du cheyreuil d'Europe. 


3° A deux andouillers et à pointe terminale bifurquée : 


Le Cervus issiodorensis, Croizet et Jobert, à bois lisses. 
Le Cervus Perrieri, Croizet et Jobert, à bois sillonnés profondément. 


Outre ces espèces, dont l'existence repose sur une description 
et des caractères réels, 1l y a plusieurs autres noms qui ont été 
donnés par M. Croizet à des espèces non encore décrites et de 
gisements incertains ; les pièces originales existent maintenant au 
musée de Paris. 

Les principaux de ces noms provisoires sont : C. borbonicus, C. nescher- 
sensis, C. Croiseli, C. Regardi, C. Vialetti, C. Privati. 


Les cerfs des dépôts pliocènes"du Puy en Velay ressemblent à 
ceux d'Auvergne. 


M. Aymard (communication inédite) en signale deux espèces à Vialette et 
à Pichevicil, qui paraissent se rapprocher beaucoup du C. pardinensis et du 
C. ardeus. Leur comparaison n’a pas été faite d’une manière suffisante. 


Les espèces des sables pliocènes des environs de Montpellier 
sont mieux connues. 


Le C. Cauvieri de Christol (!) avait un bois à trois pointes comme les che- 
vreuils, subaplati et caanelé longitudinalement. 

Le C. australis, Marcel de Serres (2), avait le bois simplement bifurqué 
par la présence d’un seul andouiller médian. 


(1) Ann, sc. et Ind. Midi, 1832, t. IE, p 19; Gervais, Zool. et pal. franç., 
p. 85, pi, 7. 
(2) Cavernes de Lunel-Viel, p. 250 ; Gervais, Zool. et pal. franc, p. 85, pl. 7. 


CERVIDES. —— CERFS. 399 


Le C. Tolozani, Christol, a été trouvé dans le même gisement. 

Les dépôts pliocènes de Cucuron (Vaucluse) paraissent renfermer aussi des 
ossements de cerfs qui n’ont pas encore été décrits (1). 

Dans ces mêmes terrains tertiaires supérieurs on pourrait encore citer des 
espèces découvertes par M. Marcel de Serres dans les environs de Montpel- 
lier; mais les chances de doubles emplois sont très grandes, car il n’y a pas 
eu de comparaison complète entre ces espèces et celles mentionnées ci-des- 
sus. M. Marcel de Serres indique comme espèces nouvelles (2) : 

Une espèce aussi grande que le Cervus Destremii, M. de S., des cavernes. 

Une de la taille du cerf ordinaire. 

Le Cervus capreolus australis. 

Une à bois droits et à meule très considérable. 

Une cinquième de la taille du chevreuil, 

Une sixième plus petite. 


Les terrains diluviens ne renferment guère moins de cerfs que 
les tertiaires; mais les formes des espèces se rapprochent plus de 
celles du monde actuel, et, comme je l'ai dit plus haut, plusieurs 
doivent être considérées comme ayant survécu aux cataclysmes 
diluviens , et par conséquent comme étant les souches des cerfs 
qui ont peuplé l'Europe moderne. ÿ 

On peut les diviser en plusieurs groupes : 4° Les espèces à bois 
élargis en grandes empaumures digitées (les Daims et les ÉLANS). 


C’est à cette division qu’appartiennent : 

Le Cerf à bois gigantesques (3) (C. eurycerus, Ald., C. giganteus, Blum., 
C. megaceros, Hart., C. platycerus altissimus, Molyneux (f), C. hibernus, 
Desm., C. fossilis, Goldf., C. megalocerus, Fischer), type du genre MEGALo- 
CEROS pour quelques auteurs. 

Cette espèce est la plus remarquable de toutes par sa grande taille et par 
l'énorme développement de ses bois (voy. Atlas, pl. XVI, fig. 1 et 2). Ces 
bois ont plus de 3 mètres d'envergure; leur pédicelle est cylindrique, et 
immédiatement au-dessus de la meule nait un andouiller qui se dirige en 
avant et en haut. Les perches se terminent par une palme presque horizon- 
tale qui rappelle celle de l’élan, mais qui en diffère par divers caractères, et 
entre autres par l'extrême grandeur de ses andouillers antérieurs. Il paraît 
que la femelle portait aussi des bois. Les formes du re:te du squelette sont 
plus vaisines de celles du cerf que de l’élan. Cette espèce a été trouvée dans 
les dépôts arénacés du diluvium ancien d’une grande partie de l'Europe, 


(1) Gervais, loc. cit., p. 87. 

(2) Ann. sc. nat., 2° série, t. IX, p. 284. 

(3) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit,, t. VI, p, 143. 
(# Phil. trans., t. XIX, p. 485. 


396 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS. 


L'Irlande, en particulier, en renferme dans ses tourbières de beaux squelettes 
bien conservés; ce qui l’a fait nommer quelquefois Cerf des tourbières d’Ir- 
lande. Quelques naturalistes pensent que cet animal a peut-être vécu dans 
l’époque actuelle et a été détruit par la civilisation; mais cette opinion s’ac- 
corde peu avec sou-gisement dans la plus grande partie de l’Europe, et a sur- 
tout été admise par ceux qui n’ont étudié cette espèce qu’en Irlande. 

Le Cervus dama giganteus, Daim de la Somme, Daim gigantesque (1), à 
bois semblables à ceux du daim, sauf que la meule est en connexion immé- 
diate avec le frontal sans aucun pédicule intermédiaire. Sa taille était d’ail- 
leurs beaucoup plus grande. Cette espèce a été trouvée dans les tourbières 
d'Abbeville, dans les sables des bords de la Somme, et en Allemagne. Il 
paraîtrait aussi qu’on le retrouve dans les terrains tertiaires supérieurs du 
Puy-de-Dôme, et qu’il faut lui réunir le C. dama Polignacus, K. Robert, et 
peut-être le C. gergovianus, Croizet. M. Gervais (?) le nomme Cervus somo- 
nensis. 

Le Cervus alces fossilis, H. de Meyer (3), ou élan fossile, confondu quelque- 
fois avec le précédent, mais à tort. Trouvé dans les terrains diluviens de 
l'Italie supérieure, de la Suisse et de quelques pays du Nord. Cette espèce 
différait de l’élan par la forme de son front. 


2° Les RENNES, à bois très grands (non caducs dans l'espèce 
vivante, et se trouvant dans les deux sexes), très ramifiés , à an- 
douillers aplatis, les inférieurs plus ou moins sécuriformes. 


Le Cervus martialis, Gervais (), différait du renne par l’absence d’an- 
douiller basilaire. Il a été trouvé dans les sables diluviens de Riége, près 
de Pézénas. 

Le Cervus tarandus priscus, Cervus Gucttardi, Cervus scanicus, Cervus 
palæodama, Renne d'Étampes (5), trouvé entre des blocs de grès à Étampes, 
dans la caverne de Brengues (Lot), dans les brèches de Montmorency, dans 
la caverne de Balot (Côte-d'Or), dans les attérissements d’Issoire (Puy-de- 
Dôme), etc. M. Puel a reconnu, sur un très grand nombre d’ossements, 
que cet animal ne différait en rien du renne actuel (6). M. Schmerling l’a 
aussi trouvé en Belgique. 

Sternberg et Schottin (7) citent quelques espèces qui sont très voisines du 
renne et qui proviennent du diluvium de Kôstritz. 


(1) Cuvier, Ossem. foss., t. VI, p. 191. 

(2) Zool. et pal. franç., p. 82. 

(8) Nov. act. Acad. nat. cur., t. XVI, p. 2. 

(*) Bull. Acad. Montpellier, 1849; Zool. et pal. franç., p. 81, pl. 21. 
C. alces, tarandus et megaceros de Christol. 

(5) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p. 180. 

(6) Compt. rend. de l’Acad. des sc., t. VI, p. 299, et t. XI, p. 390. 

(7) sis, t. HI, AV, V, VE VIL 


CERVIDES. — CERFS. 301 


3° Les POLYCLADES, à bois ramifiés, sans andouiller basilaire, 
en partie aplatis. 


On peut placer dans ce groupe deux espèces des alluvions d'Auvergne: 

Le Cervus ardeus, Croizet et Jobert, dont les perches, d’abord courbées en 
arrière, se relèvent en s’écartant et se terminent par une sorte de palme qui 
a au moins trois pointes. 

Le Cervusramosus, Croizet et Jobert, à bois aplatis, courbés d’abord en 
dehors, puis se recourbant en dedans de manière à former presque un ovale ; 
5 à 6 andouillers. Ce nom doit être changé en celui de C. polycladus (1), 


parce que le nom de ramosus a été donné antérieurement à une autre espèce 
par M. de Blainville. 


h° Les ELAPHES, à bois ramifiés, composés d’andouillers nom- 
breux , tous apointis et jamais aplatis, un andouiller basilaire. 


Le Cervus primigenius, Elaphus fossilis, Cerf fossile (?), ne diffère du cerf 
commun que par sa taille, qui est plus grande. Ses ossements ont été trouvés 
dans les dépôts arénacés, les cavernes et les tourbières de la plus grande 
partie de l'Europe. Il faut, suivant M. Gervais, réunir à cette espèce les 
C. intermedius, coronatus et antiquus, Marcel de Serres, de la caverne de 
Lunel-Viel, et le C. canadensis, Puel (5). 

Quelques espèces se rapprochent beaucoup du cerf commun; ce sont : 

Le Cervus elaphus Reboulii, Christol (#), des cavernes du midi de la France. 

Le Cervus Destremi, Marcel de Serres, de très grand taille. Cavernes de 
Bise. 

Le Cervus Dumasii, Marcel de Serres et Pitt., de la caverne de Sallèles. 

Le Cervus pseudovirginius, id., des cavernes de Lunel-Viel, 


5° Les Axis, à bois composés seulement de trois pointes, savoir : 
un andouiller basilaire, et un autre rapproché du sommet de la 
perche. 


Le Cervus arvernensis, Croizet et Jobert, à perches presque rectilignes for- 
mant un angle très ouvert, jusqu’au second andouiller, qui est dirigé en 
dessous, a été trouvé dans les sables volcaniques de Malbattu, près d'Issoire. 


6° Les CHEVREUILS, à bois composés de trois pointes, sans an 
douiller basilaire, quelquefois un peu aplatis. 


(1) Gervais, Zool. et pal, franç., p. 82. 
(2) Cuvier, Ossem. foss., t. VI, p. 198. 
(3) Bull. Soc. géol., 1838, p. 178. 

(*) Marcel de Serres, Géogn. des terrains terliaires, p. 16, 


358 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS. 


Le Cervus solilhacus, Robert (t), atteignait les dimensions de l’élan. Il a 
été trouvé dans le terrain diluvien des environs de Polignac, pres le Puy. 

Les cerfs voisins de notre chevreuil actuel paraissent aussi avoir formé 
plusieurs espèces. 

Le Cervus capreolus fossilis, Chevreuil fossile, Chevreuil des tourbières, 
Cuvier (2), ne paraît différer en rien du chevreuil actuel. On l’a trouvé dans 
les cavernes et les dépôts diluviens. 

Le Cervus capreolus Tournalii, de Christol, et le Cervus capreolus Leu- 
froyi, id., ont été trouvés dans les cavernes. Ils ressemblent au précédent 
sans pouvoir être confondus avec lui. 


Les cerfs fossiles des dépôts diluviens , quelque obscure que soit 
encore leur histoire, fournissent des résultats intéressants. On 
voit, en effet, par leur étude, que le cerf, le renne, le chevreuil, 
et probablement quelques autres espèces, ont déjà vécu avant la 
formation des dépôts arénacés diluviens; et l'on trouve évidem- 
ment là une nouvelle preuve en faveur de l'opinion, que les 
événements qui se sont passés alors n'ont pas anéanti toutes les 
espèces (ni même la plupart d'entre elles) sur la surface de l'Europe. 

On peut peut-être aussi tirer du fait que le renne a habité le 
midi de l'Europe, quelques arguments en faveur des théories de 
MM. Charpentier, Venetz, Agassiz, etc., sur l'étendue des gla- 
ciers à une certaine époque. Le renne ne peut pas vivre de nos 
jours dans l’Europe méridionale, parce qu'il souffre d’un climat 
trop chaud ; n'est-il donc pas probable qu’à l'époque où de nom- 
breux ossements fossiles nous montrent qu'il y existait, la tempé- 
rature a été moins élevée, et que par conséquent il y a eu des 
époques de refroidissement. 

Enfin, l'étude des cerfs diluviens fossiles peut jeter quelque jour 
sur l'origine des espèces actuelles. Celle du daim en particulier 
a été contestée; on n'en retrouve de sauvages que dans les îles 
méditerranéennes et dans le nord de l'Afrique, d’où l’on pense 
qu'ils ont été importés pour servir au plaisir de la chasse ou à 
l'ornement des parcs. Les ossements fossiles de daims des ca- 
vernes de Belgique et de quelques autres pays semblent prouver 
qu'à une époque plus ancienne le daim était déjà une espèce 
européenne, et qu'elle a précédé l’homme sur notre continent. 

On trouve aussi de nombreux ceris fossiles dans le continent 


(1) Ann. Soc. du Puy en Velay, 1829. 
(2) Rech. sur les ossem. foss., t. VI, p. 213. 


ANTILOPIDES. 399 


asiatique, mais les espèces n'en ont pas encore été bien détermi- 
nées. 

MM. Cautley et Falconer en ont trouvé ‘plusieurs espèces dans 
les terrains tertiaires supérieurs de l'Himalaya. Il y a entre elles 
de très grandes différences de taille: lune paraît avoir égalé l'élan, 
et une autre n'avoir pas dépassé le lièvre. 

On a aussi trouvé des ossements de cerfs sur les bords de 
l'Irawadi, dans le pays des Birmans. 

L'Amérique en renferme aussi des débris. On cite dans l'Amé- 
rique septentrionale : 


Le Cervus americanus fossilis, Harlan (!), trouvé sur les bords de l'Ohio, 
et qui ressemble beaucoup au cerf du Canada. 


Dans l'Amérique méridionale, M. Lund en a trouvé deux espèces 
dans les cavernes du Brésil. 


Voyez encore, pour le genre CERF, l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, aux articles 
Eichwald, Faujas, Hermann, Hibbert, Hopkins, Kelly, Knowlton, Owen, 
Pedroni, Pusch, Richardson, Sloane, Sternberg, Strikland, Zipser. 


Les OROTHERIUMI, Aymard, 


paraissent devoir être rapprochés des cerfs; mais le petit nombre 
de fragments que l’on en connaît laisse leurs affinités très dou- 
teuses. Ils avaient probablement des appendices frontaux en forme 
de bois. 


L'Orotherium Ligeris, Aymard (2), est la seule espèce connue. Elle se trouve 
dans les calcaires lacustres du Puy en Velay (miocène inférieur). 


3e FamiLze. — ANTILOPIDES. 


Cette famille comprend tous les ruminants à cornes creuses, 
c’est-à-dire formées d’un axe osseux enveloppé d’un étui corné. 
Les molaires se distinguent facilement de celles des cerfs par leur 
fût très allongé et par leur racine très peu divisée. (Atlas, 
pl. XVII, fig. 3-6.) 


(1) Fauna Americ., p. 245. 
(2) Ann. Soc. du Puy, t. XII, p. 247, et t. XIV, p. 81. 


360 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS. 


Les ANTILOPES, Lin., 


ont les cornes insérées au-dessus des orbites, et composées d’un 
tissu assez compacte qui ne présente pas les grandes cellules ca - 
ractéristiques des genres suivants. Elles se distinguent aussi par 
la forme de leurs dents molaires, qui n’ont jamais de pointes ni 
de colonnettes entre leurs collines. Ce dernier caractère, qui 
permet toujours de les distinguer des cerfs et des bœufs, peut les 
faire confondre avec les moutons et les chèvres. II est souvent dif- 
ficile de décider auquel de ces genres appartient une espèce fos- 
sile dont on ne connaît que les dents. 

Quoique les antilopes forment, de nos jours, un genre très 
nombreux, elles ne paraissent pas, jusqu'à présent, appelées à 
jouer un bien grand rôle en paléontologie. Il est vrai que nous 
connaissons peu encore les fossiles des pays qui sont principale- 
ment leur patrie actuelle; mais ce que nous savons peut faire 
croire qu'en Europe leur apparition à été tardive, et qu’elles n’ont 
eu à aucune époque un développement numérique bien grand. 

Il ne paraît pas que les antilopes aient habité l’Europe avant le 
milieu de l’époque tertiaire, dans laquelle leur existence est dé- 
montrée par quelques fragments trouvés dans diverses localités 
qu'on rapporte aux tertiaires moyens et supérieurs. 

On en cite quelques espèces dans les terrains miocènes supé- 
rieurs. 


L’'A. clavata, Gervais (1) (4. sansaniensis, Lartet), rappelle par ses cornes 
les grimms du Sénégal. Elle a été trouvée à Sansan. 

L’A. martiniana, Lartet, du même gisement, est douteuse. 

L’'A. molassica, Jaeger (2), n’est connue que par un os de la mollasse de 
la Souabe supérieure. 

La mollasse du mont de la Molière renferme aussi des débris qu’on rap- 
porte à ce genre. 


Les terrains pliocènes en ont aussi conservé quelques ossements. 


L'A. Cordieri, Gervais (3), a été trouvée dans les terrains pliocènes de 
Montpellier. 
, 


(1) Zool. et pal. franç., p.78; Lartet, Notice sur la colline de Sansan, p. 36. 
(2) Foss. saug. Wurt. 


(3) Zool. et pal. franç., p. 78, pl. 7; A. recticornis, Marcel de Serres, 
Lunel-Viel, p. 250. 


ANTILOPIDES, — LEPTOTHERIUM. 361 


L'A. deperdita, Gervais (1), provient de Cucuron (Vaucluse). Elle avait été 
rapportée au genre Mourox par M. de Christol. 

L'A.? borbonida, Brav., n’est rapportée qu'avec doute à ce genre. Elle 
caractérise les dépôts sous-volcaniques d'Auvergne (2). 


On trouve aussi des antilopes dans _les terrains dilnviens, et 
en particulier dans les cavernes. La plupart de ces cavités du midi 
de la France, ainsi que celles de Belgique et d'Angleterre, ren- 
ferment quelques ossements qui appartiennent à ce genre. 


M. Marcel de Serres indique l'Antilope Christoliü, Marcel de Serres et 
Pittore (3), des cavernes de Bize et Salleles. 

L’A. dichotoma, Gervais (‘), a été trouvée dans les sables diluviens des 
environs de Lectoure (Gers). 

Quelques autres espèces sont encore citées dans les brèches osseuses de 
Nice, d'Espagne, etc, 


Il est probable que les terrains récents d'Asie en renferment 
plusieurs espèces. MM. Cautley et Falconer en ont trouvé quel- 
ques unes dans les montagnes Sivalik (Himalaya), mais elles n'ont 
pas encore été étudiées. 

Un fait plus remarquable est la découverte d'ossements d'anti- 
lopes dans l'Amérique méridionale, où ce genre n'existe plus au- 
jourd’hui. 


M. Lund a trouvé, dans les cavernes du Brésil, une espèce à laquelle il a 
donné le nom d’Antilope maquinensis. 


Le même naturaliste a établi, sous le nom de 


LePTOTHERIUM, Lund, 


un nouveau genre qui renferme deux espèces trouvées aussi dans 
les cavernes du Brésil. 


Ce sont les Leptotherium majus et minus, Lund (5). 


(1) Compt. rend. de l'Acad. sc., t. XXIV, p. 801; Zool. et pal. franç., 
D 18, pl:112 

(2) Gervais, Zool. et pal. franç., explic. de la pl. 26. 

(3) Journ. de géol., t. HT, p. 260; Gervais, Zoo!. et pal. franç., p. 77. 

( 


4) Compt. rend. Acad. sc., t. XXVIIT, p. 549; Zoo!. el pal. franc., p. 78. 
(5) Lund, Ann. sc. nat., 2° série, t. XX, p. 222 ; € XIIL, p. 311. 


362 MAMMIFÈRES. —— RUMINANTS. 


Les Mouroxs (Ovis, Lin.), — Atlas, pl. XVIT, fig. 3, 


ont une dentition très voisine des antilopes, pas de colonnettes 
entre les lobes des molaires, et se distinguent par leurs cornes 
naissant en arrière des orbites, dirigées en arrière et revenant 
en avant et en bas. 

M. Gervais distingue les MourLons à cornes rapprochées, sim- 
plement arquées et à axe celluleux dans toute sa longueur, et les 
Mourows proprement dits, à cornes plus écartées, plus en spirale 
et sans cellules. 

C'est à cette dernière division qu'appartiennent les seuls restes 
fossiles qu'on ait trouvés de ce genre. Ils caractérisent tous 
l'époque diluvienne. 


M. Gervais (!) nomme Ovis primæva une espèce connue par une corne 
trouvée dans la caverne de Saint-Julien-d'Écosse, près d’Alais (Gard). Il est 
difficile de savoir si elle appartient à la même espèce que le métatarsien dé- 
crit par MM. Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-Jean (2), comme caractéri- 
sant un mouton qu’ils ont nommé Ovis tragelaphus. D’autres débris ont été 
découverts dans plusieurs cavernes du midi de Ja France, les brèches osseuses 
et le diluvium. 

Le colonel Colvin a découvert, dans les montagnes Sivalik, la tête et les 
cornes d’une espèce qui paraît très voisine de l’Argali (Ovis Ammon, Lin.) 
qui vit aujourd’hui en Sibérie ($). 


Les Caèvres (Capra, Lin.) 


ont encore la même dentition que les moutons; mais les cornes, 
très rapprochées à leur base, sont dirigées en haut et arquées en 
arrière; elles sont prismatiques et creusées de larges cellules. 
Leurs pieds sont plus robustes que ceux des moutons. 

M. Gervais y distingue deux groupes : les BouquETINs ou IBEx, 
à cornes peu divergentes , larges, noueuses, celluleuses dans toute 
leur étendue, et les CHÈvres proprement dites, à cornes plus di- 
vergentes, tranchantes, pas noueuses , et celluleuses seulement à 
leur base. 

Les espèces fossiles appartiennent toutes à l’époque diluvienne. 


(t) Zool. et pal. franç., p. T6. 
(2) Cavernes de Lunel-Viel, p. 194. 
(8) Ann. and mag. of nat. history, 1843, t. XI, p. 78. 


ANTILOPIDES. —— BOEUFS. 363 


On cite dans le groupe des Isex, l’Zbex Cebennarum, Bouquetin des 
Cévennes, Gervais (1), de la caverne de Mialet. 

L'Ibex Rozeti (Capra Rozeti, Pomel) (2), connu par des molaires plus fortes 
que celles des chèvres, trouvées dans les terrains diluviens de Malbattu, près 
d'Issoire (Puy-de-Dôme). 

MM. Croizet et Robert citent aussi des fragments trouvés dans les mêmes 
gisements. 

Dans le groupe des Cuivres, M. Owen (3) cite un frontal et des cornes trou- 
vés dans le nouveau pliocène d’eau douce (diluvien) de Walton (Essex). Leurs 
caractères paraissent identiques avec ceux de la chèvre ordinaire (C. hircus). 

M. Gervais ne pense pas que des débris analogues aient été trouvés en 
France (4). 


Les Bogurs (Zos, Lin.), — Atlas, pl. XVIL, fig. 4-8, 


se distinguent des autres ruminants par leur tête forte, qui porte 
des cornes à noyau caverneux et dirigées de côté. Leurs arrière 
molaires ont entre leurs collines de petites colonnes qui différent 
des pointes caractéristiques des cerfs, parce qu'elles ne sont pas 
détachées , et parce que leur longueur plus grande fait qu’elles 
atteignent la surface de mastication et s’usent avec elle. Ces colon- 
nettes manquent dans les chèvres et les moutons. Elles sont in- 
ternes aux dents supérieures et externes aux inférieures. 

Toutes les espèces de bœufs déterminées avec une précision 
suffisante appartiennent à l’époque diluvienne on aux dépôts les 
plus superficiels de l’époque tertiaire. 

On ne peut pas, en effet, compter comme prouvant l'existence 
d'un bœuf miocène une simple indication faite avec doute par 
M. Lartet (5). Il annonce que M. Barrère a trouvé à Sauveterre, 
près de Lombez, un fragment de métatarsien à découvert sur les 
dernières assises du terrain tertiaire. Ses formes font penser à 
M. Lartet qu'il a appartenu à une grande espèce de bœuf (Bos? 
Barreri, Lart.). 

À l'histoire des bœufs fossiles se rattachent des questions assez 


(1) Compt. rend. Acad. des sc., t. XXIV, p. 691; Zoo!. et pal. franç., 
p. 73, pl. 10 

(2) Compt. rend. Acad. des sc., 1844, t, XIX, p. 224; Gervais, Zool. et pal. 
franc., p. 74. 

(3) Brit. foss. mamm., p. 489. 

(4) Zool. et pal. franç., p. 74. 

(5) Compt. rend. Acad. des sc., t. IV, p. 85 , et Notice sur la colline de 
Sansan, p. 37. 


364 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS. 


importantes, et en particulier celle qui a trait à l’origine des 
races domestiques. Elle n’a point été résolue de la même manière 
par tous les naturalistes. 

Lorsque J. César pénétra dans les Gaules, il trouva les forêts 
de ce pays habitées par une espèce de bœuf de grande taille, à 
laquelle il donna le nom d’Urus, et dans ses Commentaires 1] 
ajoute qu'il diffère du taureau par la grandeur et la figure de ses 
cornes, 

Les commentateurs ont souvent appliqué ce passage de J. César 
à l’aurochs, qui vit encore dans les forêts de la Lithuanie; mais 
plusieurs raisons peuvent faire croire que deux espèces différentes 
vivaient à la même époque, et étaient distinguées déjà sous les 
noms d'Urus et de Bison. I faut remarquer, en effet, que J. César, 
dans sa description de lurus, ne parle ni de la crinière ni de 
l'épaisse fourrure qui rendent l'aurochs si remarquable. De plus, 
Sénèque (!) et Pline (?) citent le bison et l’urus comme deux ani- 
maux distincts. 

L'Urus paraît caractérisé par sa taille très grande, ses cornes 
très longues, dirigées en avant, et par son front plat : c'est une 
espèce éteinte, au moins à l’état sauvage. 

Le bison (qu'il ne faut pas confondre avec le bison d'Amérique, 
qui lui ressemble beaucoup, mais qui paraît distinct) était recon- 
naissable à sa crinière, à son épaisse fourrure, à ses jambes grêles, 
à ses cornes plus courtes non recourbées en avant, et à son front 
bombé. 

Nos races domestiques n’ont aucune ressemblance avec le bison, 
et beaucoup plus avec l’urus, d’où quelques naturalistes ont inféré 
que cette dernière espèce était probablement la source d’où elles 
étaient dérivées. La comparaison des crânes ne me paraît pas ce- 
pendant en fournir la prenve, et il est bien possible qu’elles aient 
été amenées en Europe par les diverses peuplades asiatiques qui 
l'ont successivement occupée. 


(1) Tibi dant variæ pectora tigres, 
Tibi villosæ terga bisontes, 
Latisque feri cornibus uri. 
(Hippolyte, act. 1, v. 63.) 


(2) Jubatos bisontes excellentique vi et velocilate uros, quibus imperilum 
vulqus bubalorum nomen imposuit. (Lib. VITE, cap. xv.) 


ANTILOPIDES. — BOËUFS. 36 


La paléontologie confirme la distinction entre l'urus et le bison 
en montrant que, dans les terrains diluviens, on trouve les dé- 
bris de deux espèces qui offrent des caractères analogues (]. 


L'espèce que l’on peut, avec quelque probabilité, rapporter à l’urus de 
César, et considérer comme la souche possible des bœufs domestiques, est le 
Bos primigenius, Bojanus (2), Bos urus priscus, Schl., Taurus fossilis, Baer 
(Atlas, pl. XVI, fig. 8), caractérisé, ainsi que nos races actuelles, par des 
membres trapus, un front aplati et carré ainsi que l’occipital, dépassant 
d’un tiers environ nos bœufs actuels, et ayant les cornes recourbées et rabat- 
tues en avant. Ses débris ont été trouvés dans plusieurs cavernes, tour- 
bières et dépôts diluviens (). 

Il est peu probable que l’on puisse en séparer le Bos trochocerus, H. de 
Meyer (4). 

Il faut aussi lui réunir le Bos synophris, Fischer, et, suivant M. Gervais, 
les Bos giganteus, Croizet, velaunus, Robert, intermedius, Marcel de Serres. 

Une seconde espèce a été trouvée en Angleterre et appartient aussi au 
même type que les bœufs domestiques : c’est le Bos longifrons, Owen (?) (Bos 
brachyceros, Owen olim, non Gray), découvert en Irlande. 

La troisième espèce est celle que l’on peut rapprocher du bison et de l’au- 
rochs actuel des forêts de Lithuanie. Elle n’a certainement fourni aucune de 
nos races domestiques : c’est l’Aurochs fossile de Cuvier (6), Bos buffalus, 
Pallas, Bos priscus, Bojanus (7), caractérisé par ses membres plus élancés, le 
développement plus fort à proportion de la partie antérieure, le front arrondi 
et les cornes divergentes très faiblement courbées. Il a été trouvé fossile 
dans les dépôts diluviens d’Abbeville, de Vaugirard, du canal de l’Ourcq, 
d’Issoire, dans la caverne de Brengues (Lot), etc. Ses formes sont assez carac- 
térisées pour que quelques auteurs aient proposé d’en faire un sous-genre 
sous le nom de Bison. (Atlas, pl. XVII, fig. 9.) 

Le buffle (Bos bubalus, L.) n’a pas encore été trouvé fossile d’une manière 
certaine, les ossements qu'on lui a rapportés appartiennent aux espèces pré- 
cédentes; mais M. Duvernoy (5) a décrit un crâne fossile d'Algérie apparte- 


(1) Voyez, pour cette question des bœufs fossiles, Cuvier, Ossem. foss. ; 
Owen, Foss. brit. mamm.; Gervais, Zool. et pal. franc.; Nilsson, Ann. and 
mag. of nat. hist., 2° série, 1849, t. IV, p. 256 et 349. 

(2) Nova act. Acad. nat. cur., t. XI, p. 422, pl. 21, 24. 

(8) Voyez, pour ces détails, Gervais, Zool. et pal. franç., p. 70. 

() Nov. act. nat. cur., t. XVII, p. 152, pl. 12, fig. 12-14. 

(5) Brit. foss. mamm., p. 508. 

(6) Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p. 281. 

(7) Nov. act. nat. cur., t. XIII. 

(8) Compt. rend. Acad. des sc., 1851, 1°" déc. 


366 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS. 


pant au même groupe que les buffles (BugaLus), qu'il propose de désigner 
sous le nom de Bubalus antiquus. 

On doit probablement considérer comme une espèce distincte du groupe 
des Ovi8os, le Bos Pallasii, de Kay, auquel il faut peut-être rapporter le Bos 
canaliculatus, Fischer, Buffle musqué fossile, Cuvier (!), caractérisé par ses 
cornes rapprochées sur le front, comme dans le bœuf musqué du Canada. 
Ïl a été trouvé en Sibérie et dans le nord de l'Amérique. 

La seule espèce de bœuf qui paraisse avoir existé pendant la fin de l’époque 
tertiaire est le Bos elatus, Croizet (Bos elatus magnus et minor, Brav., Au- 
rochs antilope, Pomel), des terrains sous-volcaniques d'Auvergne (2). 


Les bœufs paraissent, pendant l’époque diluvienne, avoir eu 
une patrie très étendue. 


Outre l'espèce précédente, on en a trouvé plusieurs ossements dans l'Amé- 
rique septentrionale. 

M. Harlan a établi les Bos bombifrons et Bos latifrons sur des fragments 
trouvés dans l’État de Kentucky; mais ces espèces n’ont peut-être pas été 
assez comparées au bison et à l’aurochs. 

M. Smith a trouvé en Afrique, sur les bords d’un des tributaires de la 
rivière Orange, une partie de la tête d’un animal de ce genre (). 

MM. Cautley et Falconer citent, comme trouvées dans les montagnes 
Sivalik (Himalaya), plusieurs espèces dont une doit, suivant eux, former une 
nouvelle section. 

Des ossements trouvés sur les bords de l’Irawadi (Birmanie) indiquent une 
espèce de la taille d’un bœuf ordinaire. 

Voyez encore, pour le genre BŒurF, à l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les arti- 
cles Faujas, Fischer, Frémery, Hageau, Vogel. 


Nous plaçons provisoirement à la fin des mammifères ongulés 
terrestres un genre qui ofre des transitions avec presque tous les 
ordres inférieurs de la classe des mammifères. C'est celui des 


Toxopon, Owen, — Atlas, pl. XVII, fig. 4-8, 


connu d’abord seulement par une tête dont les caractères prin- 
cipaux sont d'avoir le crâne déprimé , surtout sur ses régions occi- 
pitales, la cavité encéphalique petite, les arcades zygomatiques 
grandes et fortes, une cavité glénoïde transversale. La dentition 
de sa mâchoire supérieure est composée de molaires et d’incisives. 


(1) Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p. 211. 
(2) Gervais, Zoo! et pal. franç., explic. de la pl. 26, 
(3) Proceed, geol. Soc., t. II, p. 152. 


TOXODON. 307 


Les molaires sont au nombre de sept de chaque côté, implantées 
dans la mâchoire en sens inverse de celles des rongeurs, c’est-à- 
dire la convexité tournée en dehors. Ces dents sont longues, ar- 
quées, sans racines; l'émail forme un tube prismatique irrégulier 
avec quelques sillons et moulures dont la planche XVIIL peut don- 
ner une idée. Les incisives, au nombre de quatre, sont analogues 
pour la composition à celles des rongeurs, et ont dù s’user en bi- 
seau ; les intermédiaires sont petites et les externes plus grandes. 

On à trouvé une mächoire inférieure qui, si elle appartient 
réellement à ce genre, compléterait la dentition. Celle de la mà- 
choire inférieure serait composée de sept molaires et de six in- 
cisives rangées en demi-cercle. 

Le Musée de Paris a depuis lors acquis quelques os des membres 
qui montrent que l'animal était bas sur jambes : l’acromion a une 
apophyse récurrente, comme certains rongeurs, le fémur rappelle 
celui de l'hippopotame , et l’astragale a une forme toute spéciale. 

Ce genre, comme je l'ai dit, a des rapports avec plusieurs 
groupes de mamimuiieres. Îl ressemble aux rongeurs par la compo- 
sition de ses incisives (mais non par leur nombre) ; il en difière 
par la forme du crâne, et par sa cavité giénoïde transverse. 

Ïl a des rapports evidents avec les cétacés par son occiput aplati, 
son cerveau pelit, qui denote très peu d'intelligence, et son nez 
largement ouvert en dessus, comme dans les lamantins. il s'en 
éloigne par la grandeur de ses sinus frontaux el par ses incisives. 

Ses formes lourdes et la composition de ses molaires peuvent le 
rapprocher aussi de quelques édentés gigantesques; mais l'exis- 
tence des incisives empêche de le placer dans cet ordre. 

Enfin le nombre de ses molaires, ses incisives, et ces mêmes 
formes lourdes dont je viens de parler, peuvent aussi le faire con- 
sidérer comme un pachyderme, et c'est la place que l’on paraît dis- 
posé à lui assigner jusqu'à ce quon connaisse le reste de son 
squelette. 

L'espèce qui a été la première connue est le Toxodon platensis, Owen (1), 
dont on à trouvé sur les bords du rio Negro, à 120 milles nord-ouest de Mon- 


tevideo, une tête enfouie dans une terre argileuse. Cette tête était longue 
de 2 pieds 4 pouces. 


(1) Voyage of the Beagle. 


368 MAMMIFÈRES. -—— SIRÉNOÏDES, 


La mâchoire inférieure que l’on croit pouvoir lui rapporter a été trouvée 
à Bahia-Bianca. 

M. Owen (!) parle d’une seconde espèce qui égalait presque le T. platensis 
par sa taille (Toxæodon angustidens, Owen, de Buénos-Ayres). 

M. d’Orbigny (2) rapporte avec doute à ce genre un humérus qui aurait 
appartenu à une troisième espèce, le Toxodon paranensis ; mais ce rapproche- 
ment nous paraît encore bien douteux. 


A° ORDRE. 
SIRÉNOIDES. 


Les sirénoïdes, anciennement connus sous le nom de 
CÉTAGÉS HERBIVORES, sont caractérisés par leur corps 
allongé en forme de poisson, par l'absence de membres 
postérieurs représentés seulement par un bassin rudi- 
mentaire, par leurs membres antérieurs aplatis en na- 
geoires, quelquefois encore munies d'ongles, par une 
nagcoire déprimée qui remplace la queue, par leur den- 
tition incomplète, composée quelquefois d’incisives en 
forme de défenses et de molaires à couronne plate qui 
rappellent souvent celles des pachydermes. 

Les premiers caractères que nous avons indiqués les 
rapprochent beaucoup des cétacés; mais ils s’en éloi- 
enent par leur dentition et par leur appareil nasal qui 
est constitué comme dans les mammifères ordinaires 
et n’a pas la singulière disposition qui caractérise les 
cétacés souffleurs. La forme de leur tête, leur peau 
souvent épaisse, et leur dentition pourraient les faire 
associer aux pachydermes. Îls paraissent en effet être 
une dégénérescence à formes aquatiques de ce type, 
comme les phoques et les morses représentent dans les 
eaux les carnassiers terrestres. 


() Congrès de Southampton (Institut, n° 700). 
(2) Voyage en Amérique, Paléontologie, p. 112. 


DINOTHERIUM. 369 


Il est donc naturel d’en faire un ordre à part, inter- 
médiaire entre les pachydermes et les cétacés. L'état 
rudimentaire des membres les rend trop différents 
des premiers pour qu'on puisse les considérer comme 
une famille de cet ordre. [ls sont moins voisins de leurs 
représentants terrestres que les phoques et les morses 
ne le sont des leurs. 

On connaît actuellement trois senres de sirénoïdes. 
Nous aurons à en ajouter trois qui ne se trouvent qu’à 
l’état fossile. 

Je commencerai leur histoire par celle d’un genre cé- 
lèbre, connu seulement par sa tête, rapporté par plu- 
sieurs auteurs à l’ordre des pachydermes, et dont la 
place sera contestable tant qu'on ne connaîtra pas le 
reste du squelette. C'est celui des 


DinOTHERIUM , Kaup, — Atlas, pl. XVIIL, fig. 9-13, 


dont la tête colossale est caractérisée par un occipital très aplati, 
des fosses nasales larges et ouvertes en dessus, de grands trous 
sous-orbitaires , qui, joints à la forme du nez, peuvent faire con- 
jecturer l'existence d’une trompe. La mâchoire inférieure est ter- 
minée par deux énormes défenses dirigées en bas. Les molaires, 
au nombre de ©, rappellent celles des tapirs et des lamantins. 
Cet animal singulier à été connu d'abord seulement par quel- 
ques dents molaires, que Cuvier (!) pensa devoir rapporter au 
genre des tapirs, et qui lui firent croire à l’existence d’une très 
grande espèce, qu'il nomma Zapir gigantesque. Plus tard on 
trouva à Eppelsheim des morceaux de la mâchoire inférieure qui 
forcèrent à établir un genre nouveau. Sa grande taille et la puis- 
sante armure qu'indiquent les défenses le firent nommer Dino- 
therium (Save, terrible); car, dans l'origine, on se trompa sur ses 
véritables formes, et des divers fragments que l’on possédait on 
reconstruisit la mâchoire, en dirigeant les défenses en haut. 


(1) Ossem. foss., 4° édit., t. IE, p. 308. 
Le 24 


370 MAMMIFÈRES. —— SIRÉNOÏDES. 


La découverte par M. Klipstein d'une tête complète dans les 
sables d'Eppelsheim , et la description qu'en a publiée M. Kaup (1), 
ont fourni, pour la première fois, des données parfaitement exactes 
sur cette partie essentielle de l'animal. Elle fut retirée avec de 
très grandes peines du fond d’une fosse de dix-huit pieds de pro- 
fondeur, où elle était engagée par une partie de son crâne dans 
une couche d'argile marneuse. Cette tête, moulée par les soins 
des savants naturalistes dont nous venons de parler, existe main- 
tenant dans la plupart des musées de l'Europe , et est un des mo- 
numents les plus remarquables des êtres qui ont peuplé nos con- 
tinents pendant l’époque tertiaire. 

Les paléontologistes, d'accord aujourd’hui pour reconnaître 
dans le dinotherium un genre tout à fait perdu, ne le sont plus 
dès qu'il s’agit de lui assigner une place, c'est-à-dire de décider 
quels sont ses rapports naturels avec les autres mammifères , et 
quelle était la forme de son corps. 

Il à été successivement rapproché des tapirs, des pangolins, des 
phoques, des éléphants et des lamantins. Nous ne discuterons pas 
en détail toutes ces opinions, car plusieurs d’entre elles ont été 
abandonnées même par leurs auteurs. L'idée que les dinotherium 
étaient de vrais tapirs n'a été soutenue par Cuvier que parce que 
cet illustre anatomiste connaissait seulement des dents molaires. 
Leur association avec les pangolins (Manis), proposée par 
M. Kaup, ne reposait que sur une phalange unguéale qu’on leur 
attribuait évidemment à tort. Ils n'ont aussi aucun des caractères 
des phoques. Mais il est plus douteux de savoir si l’on doit les rap- 
procher des proboscidiens et les considérer comme terrestres, ou 
les envisager comme voisins des lamantins et comme ayant eu des 
formes tout à fait aquatiques. 

Je ferai remarquer d’abord que cette question perd une partie 
de son importance depuis que Fon a reconnu que les sirénoïdes 
doivent être rapprochés des pachydermes , et qu'ils sont le type 
aquatique qui représente cette division terrestre. Le dinotherium 
peut former un des anneaux de cette chaîne; il est probable qu'il 
est intermédiaire entre les proboscidiens et les Jlamantins. La 
question se réduit donc à savoir s’il est plus voisin des uns ou 
des autres. 


(1) Ossem. foss. de Darmstadt, 4" livr., pl. 4-5, et dans un ouvrage spécial, 
Description du crâne colossal, etc. 


DINOTHERIUM, 371 


Pour la résoudre , il importe en premier lieu de savoir sur quels 
matériaux on peut s'appuyer. Je pense que la tête seule est con- 
nue, et que c'est à tort, ou du moins sur des présomptions impos- 
sibles à justifier, que quelques paléontologistes lui rapportent des 
grands os de membres trouvés à Eppelsheim et ailleurs. Ces os 
appartiennent plus probablement à des mastodontes, qui sont 
abondants dans les mêmes gisements. 

Or cette tête montre quelques rapports avec les mastodontes et 
les tapirs , principalement dans la dentition. La longue symphyse 
du Mastodon longirostris et les défenses qui terminent la mâchoire 
inférieure ont aussi une certaine analogie avec les dinotherium. 

Mais, tout en reconnaissant la réalité de ces analogies, je suis 
plus porté à rapprocher le dinotherium des lamantins. Les argu- 
ments qui me paraissent venir à l'appui de cette opinion sont : 
4° le peu de probabilité que ces défenses inférieures, si massives 
et si prolongées, aient pu être utiles à un animal terrestre ; 2° la 
dépression de l’occipital, dont on chercherait en vain un exemple 
dans les pachydermes , et qui rappelle au contraire tout à fait ce 
qui existe chez les lamantins; 3° la large ouverture des fosses 
nasales, qui se retrouve dans la plupart des sirénoïdes; 4° la 
forme des os incisifs, qui ressemble bien plus à celle des laman- 
fins qu’à celle des pachydermes; 5° la forme des fosses oculaires 
et temporales. Les dents molaires, d’ailleurs, ne s'opposent point 
à ce rapprochement, car elles ressemblent à peu près autant à 
celles des Jlamantins qu’à celles des tapirs. 

Je ne me dissimule pas, du reste, que MM. Owen, Gervais et de 
Blainville, sont d'une opinion contraire à la mienne. Ce dernier en 
particulier, qui l'avait précédemment soutenue, a changé d’avis 
depuis qu'il a cru pouvoir attribuer au dinotherium les ossements 
que nous pensons appartenir plutôt aux proboscidiens. 

Je persiste à croire, en me fondant sur les arguments ci-dessus 
énoncés, que le dinotherium était un animal aquatique, plus voi- 
sin des proboscidiens que ne le sont les sirénoïdes actuels, mais 
appartenant probablement au même ordre que ces derniers. Je 
pense qu'il vivait volontiers vers les embouchures des fleuves, et 
qu'il se servait de ses grandes dents pour déraciner les plantes, 
dont il recherchait surtout les portions charnues. Espérons que 
de nouvelles découvertes pourront une fois résoudre ces questions. 

Les dinotherium n'ont apparu que vers le milieu de époque 


2 7 (4 MAMMIFÈRES. —— SIRÉNOIÏDES, 


tertiaire, et n'ont pas eu une durée bien longue. On n'en cite de 
certains que dans les terrains miocènes. On en à trouvé en 
France, en Allemagne, en Suisse, etc. L'espèce la mieux connue est : 


Le Dinotherium giganteum, Tapir gigantesque, Cuvier (1), de France, 
d'Eppelsheim, etc. C’est à lui qu'appartient la belle tête découverte par 
M. Klipstein. I faut lui réunir les D. maximum et medium de M. Kaup. 

Le D. Cuvieri, Kaup (2), paraît différer du précédent. M. H. de Meyer lui 
réunit le D. bavaricum (3), le D. secundarium, Kaup, et le D. Konigü, id. 

Il faut, suivant le même auteur, considérer comme des espèces distinctes 
le D. minutum, H. de Meyer ({), et le D. proavum, Eichwald (5), (Tapirus 
proavus, Eichwald, Hastodon podolicus, id.). 

Le D. uralense, Eichwald, est très douteux. 

M. de Blainville n’admet pas cette distribution des espèces, et il établit un 
D. intermedium qui serait peut-être le même que les D. medium et secunda- 
rium (6). 


On a aussi trouvé des dinotherium dans l'Inde. 


MM. Cautley et Falconer (7) indiquent le D. iñdicum comme provenant des 
montagnes Siwalick, 


Les LAMANTINS (Manatus, Cuv.) 


ont été quelquelois signalés à l’état fossile; mais il faut suppri- 
mer la plus grande partie des déterminations qui se rapportent à 
ce genre. 


En particulier, le Manatus fossilis, Cuvier (8), doit être placé dans le genre 
Hauraeriuu dont je parlerai ci-dessous. 

Les autres indications sont trop vagues pour mériter une pleine confiance, 
si ce n’est peut-être pour une espèce de l’Amérique septentrionale, indiquée 
par Harlan (Manatus americanus fossilis) (°). 

M. R. W. Gibbes (10) cite aussi des vertèbres et des côtes de Manatus dans 
les terrains éocènes de Ja Caroline du Sud. 


(1) Ossem. foss., 4° édit., t. ILE, p. 308. 

(2) Ossem. foss. de Darmstadt, 1'° livr., p. 14, pl. 4 et 8. 
(8) Nova act. Acad. nat. cur., t. XVI, p. 487. 

(*) Neues Jahrb., 1841, p. 459. 

(5) Nova act. Acad. nat. cur., t. XNII, p. 734 

(6) Gervais, Zoo!. et pal. franç., p. 41. 

7) Fauna antig. sivalensis, pl. 3 et 35. 

8) Ossem. foss., 4° édit., t. VIIL, 2° part., p. 63. 

9) Voyez Harlan, Journ. Acad. Philad., t. IV, p. 32, etc. 


( 
( 
( 
(10) Proceed. Americ, Assoc., 1849, p. 193. 


HALITHERIUM, 313 
Le genre des 


Duconcs (Æalicore, Wlig.) 


a aussi quelquefois été indiqué comme fossile; mais les ossements 
qu'on lui à rapportés paraissent appartenir au genre suivant. 


Les HALITHERIUN, Kaup 


(Halianassa, H. de Meyer, Pugmeodon, Kaup, F'ucotherium, Kaup, 
Pontotherium, 1d., Cheirotherium, Bruno, Wetaxytherium, de 
Christol, écrit aussi ÆZalytherium),— Atlas, pl. XIX, fig. 1-4, 


ont tous les caractères osseux du dugong et un cräne de formes 
très voisines. Ils ont comme eux des incisives supérieures en forme 
de défenses, et des petites incisives inférieures (5 au lieu de 4). 
Ils en différent par leurs molaires, qui ont des tubercules masto- 
dontiformes , et qui sont plus voisines de celles des lamantins. Les 
dents supérieures ont trois racines, les inférieures deux; les der- 
nières’ molaires inférieures de chaque mâchoire ont un talon plus 
fort. Les côtes sont pleines, sans cavité spongieuse. 

Ce genre a été établi dans la même année (1838), par M. Kaup, 
sous le nom d'HaziTRERIUM, et par M. H. de Meyer sous celui 
d'HaLranassaA. En 1839, Bruno découvrit en Piémont un animal 
de même genre, et le décrivit sous le nom de CaeiroraEeRIUM. Plus 
tard, M. de Christol publia un très bon mémoire (1) sur ses ca- 
ractères ; mais ne connaissant pas les noms déjà donnés, il lappela 
MeraxyTHEerIUM. Les noms de PuGuEopon, de Fucornerium et de 
PonraoTaeriuM de M. Kaup ont été donnés à des espèces qui doivent 
lui être réunies. 

Ce genre paraît devoir réunir divers fragments attribués par 
Cuvier à des groupes différents. 

On doit considérer comme des halitherium : 

Les molaires supérieures rapportées par Cuvier à l’Hippopotamus dubius (2). 

Les molaires inférieures attribuées par le même auteur à l'Hippopotamus 
medius (t. II, p. 492). 

Les humérus rapportés par Cuvier à deux phoques (t. VII, 1, p. 454). 

Le crâne du Lamantin fossile d'Angers du même auteur (t. VIE, 2, p. 63). 

Un avant-bras du même animal, Cuvier (id.), trouvé aussi à Angers. 


(1) Ann. sc. nat., 2° série, t. XV. 
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. Il, p. 495. 


37/1 MAMMIFÈRES. — SIRÉNOÏDES. 


Les halitherium vivaient probablement sur les côtes de la 
mer et vers l'embouchure des fleuves, comme aujourd’hui les du- 
gongs et les lamantins. Il est probable qu'il y en avait plusieurs 
espèces, et leur synonymie est passablement embrouillée. On les 
trouve depuis le calcaire grossier jusqu'au terrain pliocène. Au- 
cune n’a encore été découverte dans les terrains diluviens. 


L’'Halitherium dubium (Hippopotamus dubius, Cuvier) a été trouvé fossile 
à Blaye (Gironde) dans un calcaire qui paraît correspondre à l’âge des lophio- 
dons (parisien inférieur). 

L'H. Guettardi, Gervais (!), provient d'Étampes et de Longjumeau. Le 
terrain où il a été trouvé paraît supérieur au gypse (3° faune) et inférieur 
aux mollasses du Midi (5° faune). 

Les terrains miocènes proprement dits renferment quelques espèces aux- 
quelles ‘on a donné les noms de H. fossile, Beaumonti, Collinü, Renggeri, 
Schinzi, etc. Les auteurs ne sont point d'accord sur leur synonymie. 
M. Gervais admet deux espèces; ce sont : 

L'H. fossile, comprenant le phoque et le morse fossile de Cuvier, le 
M. Cuvieri, Laurill., non Christol, et le M. Cordieri, Christol, de la mollasse 
marine et des faluns de Doué, Angers, Rennes, ete.; et l’H. Beaumonti, 
Christol, de la mollasse de Beaucaire, 

Il faut y ajouter le Metaxytherium Studeri, H, de Meyer, de la mollasse 
du canton d'Argovie (2), si cette espèce ne rentre pas dans une des précédentes. 

Les terrains pliocènes paraissent ne renfermer qu’une seule espèce qui a 
été décrite en Piémont par Bruno, sous le nom de Cheirotherium, et en 
France sous ceux de Lamantin, d’Hippopotame et de Dugong. C'est l'H. Ser- 
resii, Gervais (3), d'Asti, de Montpellier, etc, 


Le genre des 


TRACHYTHERIUM, Gervais, — Atlas, pl. XIX, fig. 6, 


est tout à fait provisoire. Il n’a été établi que sur une dernière 
dent molaire inférieure. Gette dent a trois collines, composées 
chacune de deux tubercules mousses, et en outre un tubercule 
supplémentaire. Elle semble se rapprocher de son analogue dans 
les halitherium. 


(1) Zool.et pal. franç., p. 144; Vache marine, Guettard; partie du Ma- 
natus fossilis, Cuvier, Manatus Guettardi, Blainville. 
(2) Neues Jahrb., 1837, p. 677. 


(3) Zool. et pal. franç., p. 143, H. Brocchii, H. de Meyer, M. Cuvieri, 
Christol. 


ZEUGLODONTES. 319 


La seule espèce indiquée, T. Raulinü, Gervais (t), provient du calcaire 
marin miocène de la Réole (Gironde). 


Les STELLÈRES (Æhyfina où Rytina, Wig.) 


n'ont pas été trouvées fossiles. 


A2 ORDRE. 
ZEUGLODONTES. 


Je place à la suite des sirénoïdes un ordre nouveau 
qu'il devient nécessaire d'établir, comme l’a déjà fait 
pressentir M. H. de Meyer. Il devra renfermer quel- 
ques genres remarquables qui ont été rapprochés des 
sirénoïdes lorsqu'ils étaient moins connus. Ces genres 
ont les formes aquatiques de ce groupe et de celui des 
cétacés, mais l'ensemble de leurs caractères les éloigne 
de tous les deux; leur museau allongé et leurs dents 
tranchantes empêchent de les réunir aux sirénoïdes ; 
leurs dents de deux sortes, dont les molaires à deux ra- 
cines, ainsi que leurs ouvertures nasales normales, les 
distinguent encore mieux des cétacés. 

Leurs caractères généraux sont : un museau allongé 
et mince, des os nasaux grêles ; des dents de deux sortes, 
les antérieures coniques et pointues, les postérieures à 
deux racines et à couronne comprimée, composée de 
pyramides disposées sur un seul plan; des vertèbres à 
corps allongé, à apophyses épineuses soudées au corps, 
mais petites; des membres antérieurs petits et en 
nageoires, des membres postérieurs probablement nuls. 

Le mieux connu de ces genres est celui des : 


(1) Zool. et pal. franç., p. 145, pl. 41, fig. 2. 


376 MAMMIFÈRES. — ZEUGLODONTES. 


ZEUGLODON, Owen 


(Basilosaurus, Harlan, Æydrarchus, Koch, Dorudon, Gibbes, 
Zugodon et Zygodon, olim) , — Atlas, pl. XIX, fig. 12, 


qui a été d'abord placé dans les reptiles, puis dans les cétacés, et 
replacé plus tard dans les reptiles. 

La première découverte de ce genre a été faite par Harlan en 
1835 (!), qui en trouva des ossements dans le terrain tertiaire 
de FArkansas (Mississipi), et qui les décrivit en les rapportant aux 
reptiles sous le nom de BasiLosaurus. 

En 1839, il transporta ces ossements à Londres, où M. Owen 
démontra par l’analyse microscopique des dents que l’animal de- 
vait être, au contraire, rapproché des lamantins. En 1843, 
M. Buckley, et en 1845 M. Koch, trouvèrent d’autres ossements 
dans l’Alabama; ceux qui ont été recueillis par ce dernier ont été 
l'objet de travaux par MM. Carus, Geinitz, Günther et Reïchen- 
bach , qui cherchèrent à prouver que ces fossiles appartiennent à 
la classe des reptiles, et par MM. Burmeister et Müller, qui sou- 
tinrent l'opinion de M: Owen. En 1847, M. Gibbes donna une 
figure et une description de quelques ossements (?). 

A cette époque, les documents apportés en Europe ne donnaient 
encore qu'une idée assez incomplète de l'animal. La même année, 
M. Koch repartit pour l'Amérique, et en 1848 il put recueillir une 
quantité considérable d'ossements qui ont été exposés publique- 
ment par lui à Dresde et à Vienne en 1849 et en 1850. 

Les caractères des zeuglodon , tels qu'ils résultent de l'étude 
de ces ossements , sont les suivants : le crâne est très allongé et 
étranglé en arrière des frontaux; la région occipitale se relève par 
une pente abrupte à peu près comme dans les cochons; les fron- 
taux sont très développés en largeur au-dessus des orbites; la face 
est grêle, les os nasaux sont allongés, l'ouverture du nez est tout 
à fait normale, et n'a aucun rapport avec celle des véritables céta- 


(!) Trans. of the Americ. philos. Soc., vol. IV, N. S., et Medic. phys. 
research., p. 337. : 

(2) Journ. of the Acad. of nal. sc. of Philadelphia, new series, vol. E, 
in-4°, p. 5. M. Tuomey en a décrit un fragment de crâne dans le même 
recueil, id., p. 16. 


ZEUGLODON. 4 


cés; les intermaxillaires sont grêles et allongés, la mâchoire 
inférieure rappelle celle des dauphins et des cachalots. 

La dentition présente des caractères tout à fait particuliers. La 
formule dentaire de la plus grande espèce paraît être : 


Inc. $; can. anorm. +; mol. à — $. 


A la màachoire supérieure, l'os incisif porte trois dents à une 
seule racine, dont la couronne est en forme de cône pointu et 
recourbé en arrière; vient ensuite une dent à deux racines, dont 
la couronne est semblable à celle des ineisives, et qui peut passer 
soit pour une canine, soit pour une prémolaire. Les molaires ont, 
pour la plupart, deux grandes racines, dont la longueur est quel- 
quefois double de celle de la couronne; celle-ci est comprimée et 
composée de pyramides disposées sur un même plan au nombre 
de quatre à neuf, la dernière est la plus petite. 

L'intervalle des racines se continue sur la couronne par une 
dépression assez marquée, de sorte que, quand la dent est usée 
jusque près de cette racine, elle semble composée de deux parties 
réunies par un mince pédicelle. Cest cette particularité que 
M. Owen a voulu exprimer par le mot de Zeuglodon. 

A la mâchoire inférieure, on trouve d'abord quatre dents à une 
seule racine et à couronne conique, qui paraissent les homologues 
des incisives ; il n’y à point de dent qu'on puisse comparer à la 
canine, et les molaires, semblables à ceiles de la mâchoire supé- 
rieure, sont aussi au nombre de cinq. 

La colonne épinière , si l’on en croyait la restauration qui a été 
faite par M. Koch, serait composée d'au moms cent vingt vertè- 
bres; mais il y a tout lieu de croire qu'il a mélangé plusieurs in- 
dividus, et même, suivant M. Müller, deux espèces. IL est très 
probable que l'animal était beaucoup plus court que ne le repré- 
sente M. Koch (1). Ces vertèbres sont composées de corps cylin- 
driques, allongés, avec des apophyses épineuses et transverses 
relativement petites; les épineuses sont soudées avec le corps, 
mais ne se touchent pas entre elles: les vertèbres cervicales sont 
très courtes; les côtes sont un peu épaissies et comme en massue 
vers leur extrémité inférieure. 

On ne connaît du membre antérieur qu'une omoplate, un hu- 


1) Mémoires de Haidinger, t, IV. 


378 MAMMIFÈRES. — ZEUGLODONTES. 


mérus et une portion de l’avant-bras; il paraît avoir été très court 
relativement à la taille de l’animal, et disposé pour la natation. 
L'existence du membre postérieur est tout à fait douteuse, etquoique 
M. Koch l’ait supposé dans sa restauration, elle ne repose que sur 
quelques fragments presque indéterminables. 

Ces caractères démontrent : 

1° Que l’animal n’est pas un véritable cétacé, les ouvertures 
nasales et la dentition ne peuvent laisser aucun doute; 2° qu'il 
ne peut pas être beaucoup plus rapproché des lamantins, car ces 
derniers, avec leur tête courte et large et leurs molaires à cou- 
ronne plate, appartiennent à un type tout différent ; 3° que cepen- 
dant leurs affinités sont plus grandes avec ces mammifères aqua- 
tiques qu'avec aucun autre. 

M. Koch rapporte au terrain tertiaire ancien les gisements dans 
lesquels ces animaux ont été découverts. 

I] paraît qu'on en doit distinguer plusieurs espèces. 


Le Zeuglodon macrospondylus, qui est celui dont nous avons parlé. 

Le Z. hydrarchus, Carus, avait à la mâchoire supérieure deux dents à 
double racine et à couronne conique au lieu d’une. 

Le Z. trachyspondylus, Müller, est celui dont les vertèbres, quoique plus 
courtes, ont servi à M. Koch à allonger le squelette du Z. mascrospondylus. 

M. Koch admet la possibilité d’une quatrième espèce encore mal déter- 
minée (1). 


Il faut aussi rapporter à ce genre les dents trouvées par M. le 
docteur Robert Gibbes dans les terrains tertiaires de la Caroline 
du Sud, et qui ont été décrites sous le nom de Dorupon (2) (quel- 
ques auteurs écrivent Dorydon), M. Gibbes admet lui-même ce rap- 
prochement (#). 


(1) On pourra consulter sur ce genre remarquable les travaux suivants : 
Carus, Geinitz, Günther and Reichenbach, Resultat geol. anatom. and 
zool. Unlersuchungen über Hydrarchos, Dresden et Leipzig, 1847, in-folio; 
Müller, Bemerkungen über die mehreren arten bestehende familie der Hy- 
drarchen; Owen, Transact. of the geol. Soc., 2° série, t. VI, p. 69; Kock, 
Mém. de Haiding., t. IV, p. 53; H. de Meyer, Neues Jahrb., 1847, p. 669 
et 757; Tuomey, Neues Jahrb., 1849, p. 497. 

(2) London geol. journ., t. 1, p. 37. 

(3) Journ. of the Acad. of Philadelphia, in-4°. 


BALÆNODON. 379 


Les SQUALODON, Grateloup 


(Crenidelphinus, Laurillard, Delphinoides, Pedroni, PAocodon? 

Ag.), — Atlas, pl. XIX, fig. 5, 
caractérisés par des dents fortes à couronne comprimée et com- 
posée aussi de pyramides dans un même plan qui les rendent cré- 
nelées, à racine double ou triple, et par un museau allongé in- 
complétement connu, ont été d'abord associés aux reptiles par 
M. Grateloup, puis rapprochés des dauphins par M. Van Beneden. 
Le petit nombre de fragments que l’on en connaît pouvait, en effet, 
rendre la question douteuse jusqu’à la découverte des zeuglodon. 
Il est maintenant évident qu'ils présentent les plus grandes ana- 
logies avec ce genre; il est même possible qu'ils doivent plus tard 
lui être réunis. 

Leurs dents sont au moins au nombre de #? {la partie antérieure 
du museau est cassée). Les postérieures ou molaires rappellent 
celles des zeuglodon par la forme de leur couronne, mais les ra- 
cines de quelques unes sont triquètres. Les antérieures ne sont 
connues que par leurs alvéoles. La mâchoire inférieure est in- 
connue. 

C'est à ce genre (ou au précédent) qu'il faut rapporter la dent 
provenant de Malte, décrite par Scilla (1), étudiée plus tard par 
M. Agassiz à l’université de Cambridge, et désignée par ce savant 
paléontologiste sous le nom de Paocopox. 


La seule espèce citée est le Squalodon Grateloupii, Gervais (2), Squalodon, 
Grateloup, Delphinoides Grateloupi, Pedroni. Elle a été trouvée dans le 
grès marin de Léognan (Gironde) (miocène), dans la mollasse de Saint- 
Jean-de-Vedas (Hérault), et dans la haute Autriche. 


Il est possible que ce soit à cet ordre que l’on doive rapporter, 
quand il sera mieux connu, le genre des 


BALÆNODON, Owen, 


connu par des dents semblables à celles des cachalots (%). M. H. de 
Meyer, par l'étude d’un crâne trouvé à Lintz, en Autriche, qu'il 


(1) Scilla, De corporibus marinis lapidescentibus, pl. 42, fig, 1. 

(2) Ann. sc. nat., 3° série, t. V, p. 263; Zool. et pal. franç.; p. 151, 
pl. 8et 41; Grateloup, Act. Soc. Linn. de Bordeaux, 1840, p. 201. 

(3) Owen, Brit. foss. mamm., p. 536. 


380 MAMMIFÈRES. -— CÉTACÉS. 
attribue au même genre, croit pouvoir en déduire une affinité pro- 
bable avec les zeuglodon (1) 


M. Owen indique, dans le crag rouge (miocène) de Felixstow, le Balænodon 
physaloides. Il faut y ajouter le Balænodon linlianus, H. de Meyer, de 
Lintz. 


Le genre des 
SMILOCAMPTUS, Gervais, 


est fondé sur une seule dent, qui rappelle un peu les dents anté- 
rieures des zeuglodontes, sans qu'il soit possible, cependant, d’en 
conclure avec quelque certitude si l'animal qu'elle représente avait 
des rapports réels avec cet ordre. M. Gervais lui trouve ie 
analogie avec les phoques. 


La seule dent connue, Smilocamptus Bourgueli, Gervais (?), a été trouvée 
dans le falun de Salele. 


13° ORDRE. 
CÉTACÉS. 


Les animaux de cet ordre se distinguent facilement 
par la forme singulière de leur appareil nasal qui forme 
un canal vertical, allant directement du fond du palais à 
la base du front; par leurs dents, qui sont, ou nulles, 
ou égales, uniformes , à une seule racine et coniques ; 
par leurs os d'un tissu grossier et par leurs doigts 
à phalanges nombreuses. Leurs formes sont encore 
plus celles des poissons. Leurs membres postérieurs 
manquent toujours; leur queue est terminée par une 
grande nageoire déprimée, et l’on voit quelquefois sur 
leur dos une nageoire verticale. 

M. Duvernoy, dans un mémoire récent (°), divise les 

(1y Neues Jahrb., 1859, p. 203. 

(2) Compt. rend. de l'Acad. sc., 4849, t. XXVIIL, p. 645; Zool. et pal. 


franç., pl. 41. 
(3) Ann. des sc. nat., 3° série, t. XV, p. 5. 


DELPHINIDES. — DAUPHINS. 381 


cétacés d’une manière très naturelle en cinq familles 
que nous adoptons en changeant la forme d’une partie 
des noms, M. Duvernoy leur ayant laissé ceux des 
genres principaux qui les composent. Ce sont : 


4. Les Delphinides (Dauphins, Duv.), à dents nombreuses aux 
deux màchoires. 

2. Les Monodontes, Duv., caractérisés par une défense droite à 
la mâchoire supérieure, et sans autres dents. 

3. Les Hétérodontes, qui n’ont qu’une ou deux paires de dents 
à racines , et quelquefois des dents rudimentaires portées par les 
gencives. 

h. Les Physétérides (Cachalots, Duv.), sans dents à la mâchoire 
supérieure, et à dents nombreuses à l’inférieure. 

5. Les Palénides (Baleines, Duv.), qui n'ont de dents ni à l’une 
ni à l’autre mâchoire, et des fanons cornés à la supérieure. 


Are Famizze. — DELPHINIDES. 


Cette famille comprend tous les cétacés à dents nombreuses et 
égales aux deux mächoires. Le genre principal est celui des 


Daupins (Delphinus, Lin.), — Atlas, pl. XIX, fig. 14, 


qui ont des dents coniques et allongées. Ils ont habité les mers 
de l’époque tertiaire, où l’on en compte plusieurs espèces, dont 
quelques unes sont peu éloignées par leurs formes des espèces 
actuelles, et dont d’autres, au contraire, s'en écartent beaucoup. 

Quelques espèces ont été trouvées dans les terrains miocènes. 
On cite en particulier : 


Le Delphinus pseudodelphis, Gervais (1), de la mollasse de Vendargues 
(Hérault), 

Le D. dationum, Laurillard (2), de Dax (Landes). 

Ces deux espèces se rapprochent, par leurs formes, du dauphin commun. 


(t) Zool. et pal. franç., p. 150, pl. 9. 
(2) Dict. de d'Orbigny, t. IV, p. 634; Gervais, loc. cit., p. 151; Cuvier, 
Ossem. foss., t. VIT, p. 166. 


382 MAMMIFÈRES. — CÉTACÉS. 


Le D. Renovi, Laurillard (1), est remarquable par l'allongement de son 
museau, et parce que Ja saillie pyramidale et descendante des arrière-nari- 
nes commence plus en arrière que dans aucune espèce connue. Il a été 
trouvé dans la mollasse miocène du département de l'Orne. 

Il faut probablement ajouter une espèce indéterminée de Romans (Drôme) 
(Gervais, p. 150). 


D’autres sont indiquées dans les terrains pliocènes. Ce sont : 


Le Delphinus Cortesii, Epaulard fossile, Cuvier (2), trouvé dans les collines 
des Apennins, au sud de Fiorenzuola, par Cortesi. Sa tête était longue de 
0,620 et sa mâchoire avait 14 dents de chaque côté. Il est voisin des dau- 
phins épaulard et globiceps, sans toutefois pouvoir être confondu avec ces 
espèces. 

Le D. Brocchii, confondu avec le précédent et distingué par M. Balsamo 
Cruvelli (3), du même gisement. 

Une espèce indéterminée des sables pliocènes de Montpellier (). 


Une espèce a été trouvée dans le terrain diluvien. 
C'est le Delphinus (Phocænd) crassidens, Owen, du Lincolnshire (5). 


Une espèce a été citée dans les terrains tertiaires de l'Amé- 
rique septentrionale. | 


C’est le Delphinus vermontanus, Zadock Thompson (f), dont un squelette 
presque entier a été découvert près du lac Champlain. 


Le Delphinus Karsteinii, trouvé par M. Olfers dans les États 
prussiens, forme une transition entre le Delphinus globiceps et le 
genre des Ziphius (7). 


Les STEREODELPHIS, Gervais, 


diffèrent des dauphins par leurs dents assez grosses, à couronne 
très courte et presque hémisphérique. 


(1) Dict. de d'Orbigny, t. IV, p. 634; Gervais, Zool. et pal. franç., p. 151; 
Dauphin à long museau, Cuvier, id., p. 168; D. longirostris, Auct. 

(2) Ossem. foss., 4° édit., t. VIII, 2° part, p. 153. 

(3) Giorn. Lomb., 1842. 

(#) Gervais, Zool. et pal. franç., p. 150. 

(5) Owen, Brit. foss. mamm., p. 516 (Atlas, pl. XIX, fig. 14.) 

(6) Sillim. journ., 1850, IX, p. 256; Neues Jahrb., 1850, p. 747. 

(7) Acad. de Berlin, 19 décemb. 1819. 


DELPHINIDES. — ARIONIUS. 389 


On n’en connaît qu’une espèce, le Delphinus brevidens, Dubreuil et Ger- 
vais (!), de la mollasse de Castries (Hérault). 


Les CHAMPSODELPHIS, Gervais, 


ont le rostre allongé comme les delphinorhynques ; la symphyse de 
la mâchoire inférieure occupe les deux tiers de la longueur totale ; 
les dents sont fortes, à racines plus épaisses que la couronne. 

On rapporte à ce genre deux espèces des terrains miocènes. 

Le Delphinus macrogenius, Dauphin fossile de Sort à longue symphyse, 
Cuvier (2), découvert à Sort, département des Landes, dans les couches 
d’une espèce de falun, et par conséquent dans le tertiaire miocène, On avait 
d'abord attribué ces ossements au gavial du Gange; mais Cuvier a montré 
qu'ils caractérisent un dauphin voisin du Delphinus rostralus. Il a, comme 
cette espèce vivante et comme les cachalots, les branches-de la mâchoire 
inférieure réunies dans une grande longueur; mais ses dents montrent qu’il 
ne peut être confondu avec aucune espèce actuelle. 

Le Champsodelphis Bordæ (>) trouvé à Léognan (Gironde). 


Les ARIoNIUS, H. de Meyer, 


sont aussi des delphinides, puisqu'ils ont des dents nombreuses 
aux deux mâchoires. Ces dents ont une couronne ‘pointue et aiguë 
à peine recourbée, munie d’une arête antérieure et d’une arête 
postérieure aiguës, et sur les côtés d’une impression longitudi- 
pale irrégulière, faible. Les racines sont presque rondes. 


La seule espèce connue, Arionis servatus, H. de Meyer ({), a été trouvée 
dans la mollasse de Valtringen en Wurtemberg. Il faut probablement lui réu- 
nirle Delphinus molassicus, Jaeger (5), et le genre CETAGEUM du même auteur. 


2% Famizze. — MONODONTES. 
Cette famille, si clairement caractérisée par l'absence de dents 


(1) Compt. rend. Acad. des sc., 1849, t. XXVIII, p. 139; Gervais, Zool. 
et pal. franç., p. 452, pl. 9. 

(2) Ossem. foss., t. VII, 2° part., p. 459; Gervais, Zool, et pal. frang., 
p. 152, pl. 41. 

(3) Gervais, id., p. 153, pl. 41. 

(4) Wüiegm. Archiv., 1842, t, IL, p. 57; Giebel, Fauna der Vorwell, t, I, 
p. 257. 

(5) Saüg. Wurlemb., p. 200. 


384 MAMMIFÈRES. -— CÉTACÉS, 


proprement dites et par une défense unique, droite, dirigée en 
avant, implantée dans un des maxillaires supérieurs, et striée en 
spirale, ne renferme que le genre des 


NarvaLs (Monodon, Lin.). 


Ces cétacés ont été quelquefois indiqués comme ayant été trouvés 
fossiles. Georgi , dans sa description de la Russie, parle d’une dent 
fossile de narval de Sibérie du cabinet de Pétersbourg et de deux 
autres fragments trouvés aussi en Sibérie. Parkinson dit aussi 
qu'on en a déterré sur la côte d'Essex, et M: Cuvier en a vu lui- 
même un morceau dans le musée de Lyon. Mais l'authenticité de 
ces observations laisse quelque chose à désirer, et il n’est pas cer- 
tain que ces fragments soient réellement fossiles. 


3° Fanize. — HÉTÉRODONTES. 


Cette famille, qui correspond aux genres HYPEROODON et ZiPHIUS 
de Lacépède et de Cuvier, est caractérisée par des dents très peu 
nombreuses : les unes sont logées dans des alvéoles, et n’exeèdent 
pas une ou deux paires à chaque màchoire; les autres sont rudi- 
mentaires et portées par les gencives. La face supérieure du crâne, 
ou plutôt la base frontale de la face présente fréquemment des 
saillies ou proéminences qui élèvent le front et raccourcissent le 
rosire. 

M. Duvernoy, dans le mémoire précité, a principalement étudié 
les hétérodontes,, et il y distingue cinq genres, dont deux n’ont 
pas encore été trouvés à l’état fossile (les HyPEroopon et les 
BERARDIUS) (!). 


Les Zipmius, Cuv., — Atlas, pl. XIX, fig. 13, 


ont les, intermaxillaires inégaux, et sont caractérisés par une 
cavité considérable à la base du rostre, au fond de laquelle les 
narines communiquent en arrière, et que le vomer borde en avant. 


(1) Voyez sur ces mêmes cétacés, Gervais, Ann. des sciences nalt., 3° sér., 
t. XIV, et Zool, et pal. franç., p. 155; Van Beneden, Bull, Acad. Bruxelles, 
t. XIII. 


HÉTÉRODONTES. — CHONEZIPHIUS. 385 


Le Ziphius cavirostris, Cuvier (1), est la seule espèce de Cuvier qui reste 
dans ce genre, si toutefois elle est vraiment fossile. M. Gervais pense qu’elle 
a seulement séjourné longtemps sous l’eau, et qu’elle doit être réunie à une 
espèce vivante (?) trouvée À la plage des Aresquiers (Hérault). M. Duvernoy est 
d’une opinion contraire; il rapporte l’espèce vivante au genre HyPERo0DON, 
Lac. (Chænodelphinus et Chænocetus, Eschr.), sous le nomde H. Gervaisii, et 
il considère le Ziphius cavirostris comme fossile et formant une espèce et 
même un genre distinct (3). La comparaison des crânes de ces deux espèces, 
conservées au Musée de Paris, me fait adopter l'opinion de M. Duvyernoy et 
croire à la nécessité de leur séparation. Quant à la question de la fossilisation 
du Ziphius cavirostris, elle est difficile à résoudre. 


Les Dioropox , Gervais 
(Mesodiodon, Duvernoy, Aodon, Lesson, Modus et Diodon, 
Wagner), 


ont une forte dent implantée de chaque côté de la mâchoire infé- 
rieure, au commencement du second tiers. L'extrémité n’en porte 
aucune ni à l'une ni à l’autre mâchoire, sauf peut-être des dents 
rudimentaires non alvéolaires. 

On en connaît trois espèces vivantes et une ou deux fossiles. 


Le D. longirostre, Duv. (Ziphius longirostris, Cuvier), est d’un gisement 
inconnu. Celui qui a été trouvé par M. Van Beneden dans le crag d’An- 
vers est peut-être une autre espèce (D, ? Becanii, Gervais). Le crag d’An- 
gleterre en contient probablement encore les débris d’une troisième espèce (). 


Les Caoxgzrpaius, Duvernoy, 


ont les intermaxillaires très inégaux à la base du rostre {le droit 
étant le plus large), et creusés en entonnoir. Vers l'extrémité an- 
térieure ils deviennent symétriques , se joignent, et forment une 
large cannelure saillante. : 


Le Ziphius planirostris, Cuvier (id., p. 257), du bassin d'Anvers (crag), 
appartient à ce genre. 


(1) Ossem. foss., 4° édit., t, VIII, 2, p. 233. 

(2) Zool. et pal. franç., p. 154. 
© (3) Voyez Gervais, pl. 39, avec une nouvelle dissertation sur ce sujet 
dans l'explication de la planche. M. Gervais persiste dans son opinion, que le 
Z. cavirostris n’est pas fossile. 
° (f) Duvernoy, Ann. des sc. nat., 3° série, t. XIV; Gervais, loc. cit.; Cuvier, 
Ossem. foss., 4° édit., t. VII, 2, p. 245. 

1: 25 


386 MAMMIFÈRES. — CÉTACÉS. 


4° Fame. — PHYSÉTÉRIDES. 


Cette famille, établie pour les cétacés qui n'ont point de dents 
à la mâchoire supérieure, et des dents nombreuses, égales et 
coniques à l'inférieure, ne comprend que le genre des 


CacuaLors (Physeter, Lin., Megistosaurus, Godm., 
Nephrosteon, Ral.), 


remarquables par leur tête volumineuse , renflée en avant, et dont 
la partie supérieure consiste en de grandes cavités cartilagineuses 
qui renferment de l'huile. 


Le Physeter molassicus, Jaeger (Saug, t. IV, p. 200), a été cité dans la 
mollasse. 

Le P. antiquus, Gervais (1), est mieux connu, et a été trouvé dans les 
sables pliocènes de Montpellier. Il égalait à peu près par sa taille les cacha- 
lots actuels. 

M. Owen (2?) indique, dans les terrains diluviens de la côte d’Essex, des 
dents qui prouvent qu’en mème temps que le mammouth vivaient des cacha- 
lots que l’on ne peut pas distinguer de l’espèce actuelle. 

C’est probablement aussi à ce genre qu'il faut rapporter des ossements 
trouvés aux États-Unis par Harlan, et décrits par lui comme des reptiles 
sous le nom de NEPHROSTEON (3). 


5° Famizze. — BALÉNIDES. 


Cette famille comprend les cétacés complétement dépourvus de 
dents et dont la mâchoire supérieure est armée de fanons cornés. 
Ces gigantesques habitants de nos mers ne paraissent pas avoir 
vécu dans des époques très anciennes. On ne trouve leurs restes 
que dans les terrains tertiaires supérieurs et dans les dépôts dilu- 
viens, et le plus souvent par fragments qui rendent difficile une 
détermination exacte. 


(1) Compt. rend. Acad. des 6e,, 1849, t. XXVII, p. 646; Zoo!. et pal. 
franç., p. 156, pl. 3. 

(2) Brit. foss. mamm., p. 524. 

(3) Jameson, Edinb. new. phil, journ., 4834, t, XVII, p. 342; Giebel, 
Fauna der Vorwelt, t, I, p. 236, 


BALÉNIDES, —— HALEINES. 387 


Les RorQuaLs (/orqualus, F. Cu.) 


ont le corps plus allongé et la tête moins grosse et moins arquée 
que les baleines. 

On en trouve des débris fossiles dans plusieurs terrains mio- 
cènes et pliocènes de France (*); mais leur comparaison avec les 
baleines et les cachalots, ainsi que la distinction des espèces, lais- 
sent beaucoup à désirer, 

On peut considérer comme mieux établies deux espèces des ter- 
rains pliocènes du Piémont. Ce sont (?) : 


La Balæna Cuvieri, Desmoul,, dont M. Cortesi a trouvé deux sque- 
lettes en Lombardie dans un terrain d’origine marine. Cette baleine n'avait 
que 21 pieds de long, dimension bien petite si elle était adulte, Elle était 
remarquable par la dépression de sa tête et par la grandeur de ses fosses tem- 
porales. L'évent était presque horizontal; la mâchoire inférieure dépassait la 
supérieure, y 

La Balæna Cortesii, Desmoul., trouvée aussi par M. Cortesi, près d'un 
des affluents du Pô. Tous les caractères des os indiquent un animal adulte, 
cependant la longueur du corps n’était que de 12 pieds. Cette espèce était 
très voisine de la précédente et n’en différait guère que par sa taille, 


Les Baies (Balæna, Lin.) 


sont au contraire moins effilées, et ont la tête plus grosse, On 
place dans ce genre : 


La Balæna Lamanonü, Cuvier (3). Un fragment en fut trouvé, en 1779, 
dans la cave d’un marchand de vin de la rue Dauphine à Paris. Celui-ci, ne 
voulant pas se livrer aux travaux nécessaires pour l'extraction complete du 
morceau, le brisa et en enleva une portion qui pesait 227 livres, ct la mon- 
tra à un grand nombre de curieux. Lamanon est le seul naturaliste qui en 
ait pris connaissance et en ait publié une description (#). Cuvier reconnut que 
cet os, qui est une partie du crâne, indiquait une baleine d'environ 53 pieds 
(18 mètres) et montrait un temporal moins oblique et une cavité articulaire 
moins étendue que la baleine franche. 


Je terminerai l'ordre des cétacés en indiquant quelques genres 


(1) Gervais, Zoo!. et pal. franç., p. 458, etc, 

(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VIII, 2, p. 309; Desmoulins, Dict. 
class. d'hist. nat. 

(8) Cuvier, Ossem, foss., 4° édit., t, VILLE, 2, p. 345, 

(*) Journ, de physique, mai 1781, 


388 MAMMIFÈRES DIDELPHES 


encore trop peu connus pour pouvoir être attribués avec certitude 
à une des familles que nous avons admises. 


Les CETOTHERIUM, Brandt, 


ne sont connus que par des ossements rapportés d'abord aux z1- 
phius. L’occipital est large et plat, l'arcade zygomatique forte et 
épaisse. Ses véritables affinités ne peuvent pas encore être établies. 


Le C, Rathkei, Brandt (1), a été trouvé dans le terrain diluvien de Russie. 


Les HopLocErus, Gervais, 


forment un genre encore plus incertain, fondé uniquement sur 
quelques dents à racine simple, mais épaisse et renflée , et à cou- 
ronne courte en forme de cône tronqué. 


L'H. crassidens, Gervais (2), appartient à la faune miocène du départe- 
ment de la Drôme. 


On a désigné sous le nom de CÉTOTOLITHES des os tympaniques 
détachés , que l’on reconnaît évidemment avoir appartenu à des 
cétacés, mais qu'il est plus difficile de rapporter à des genres cer- 
tains. 

M. Owen en décrit plusieurs sous le nom de Bazæna (3). Ce sont les 
B. affinis, definita, gibbosa et marginata. Quelques auteurs les associent 
aux BALÆNODON, d’autres aux CACHALOTS. 

Voyez encore pour les cétacés, et en particulier pour les balénides, à 
l'APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les articles Berniard, Drummond, Kilian, Kedoch, 
Mackenzie, Merian, Rathke, Rose. 


2° SOUS-CLASSE. 


MAMMIFÈRES DIDELPHES 


(Marsupiaux). 


Les didelphes, comme je l'ai dit plus haut (p. 128), 
se distinguent des véritables mammifères par un en- 


(1) Bull. Acad. Pétersb., 1842 et 1843; Ziphius priscus, Eichwald, 
Rapp. des trav. Acad. de Pétersb,, 1842; de Verneuil, Mém. Soc. géol. de 
France, t. II, p. 14. 

(2) Zool. et pal. franç., pl. 20. 

(3) Foss. Brit, mamm., p. 536. 


OU MARSUPIAUX. 389 


semble de caractères importants qui prouvent évidem- 
ment leur infériorité organique. Leur mode de généra- 
tion tout spécial, qui laisse comme traces sur le sque- 
lette un bassin très étroit et des os marsupiaux, est la 
modification la plus importante qu'ils présentent au 
type normal. À ce point essentiel se joignent la forme du 
crâne qui, plus petit et plus resserré, contient un encé- 
phale en général moins développé; et la nature de la 
dentition qui, tout en répétant à peu près dans les di- 
verses familles des didelphes les types principaux des 
monodelphes, ne présente presque jamais des ressem- 
blances complètes avec aucun d'eux. Ainsi il y a 
parmi les didelphes des herbivores et des carnivores; 
mais ces derniers ont des dents plus nombreuses et plus 
égales que les monodelphes, et dans cette circonstance 
aussi bien que dans leur forme on peut déjà voir une 
sorte de transition aux reptiles. 

Par toutes ces raisons et par d’autres encore, plu- 
sieurs naturalistes considèrent, je crois avec raison, 
les didelphes comme formant une série parallèle à celle 
des monodelphes, qui doit être placée après cette 
dernière. J’ai déjà dit aussi que la paléontologie sem- 
ble confirmer cette manière de voir; car autant qu'on 
en peut juger par le petit nombre de faits qui ont été 
observés, les didelphes ont apparu sur la terre longtemps 
avant les monodelphes. 

Ce fait de l'existence des mammifères didelphes dès 
l'époque jurassique, démontrée par quelques mâchoires 
trouvées dans les schistes de Stonesfield , est un des 
points les plus importants de l’histoire paléontologique 
de cette classe, soit par lui-même, soit par les discus- 
sions auxquelles il a donné lieu. 

C'est en 1823 que M. Buckland établit pour la pre- 


390 MAMMIFÈRES DIDELPHES 


mière fois, sur l’examen de deux portions de mâchoires 
inférieures, que des mammifères didelphes avaient vécu 
pendant l’époque jurassique. 

Une pareille assertion ne pouvait pas être accueillie 
sans débats, car elle renversait les idées reçues sur la 
succession des êtres organisés. Il était tellement admis 
alors que les mammifères n'avaient pu apparaître 
qu'avec l'époque LR Le que ce ne fut qu'avec une 
grande réserve qu'on admit la réalité de la découverte 
de M. Buckland. 

Mais la confiance qu'inspirait avecraison ce savant pa- 
léontologiste, ne permettant pas de douter de la réalité 
même du fait, on chercha par des explications plus ou 
moins heureuses à le faire concorder avec les théories 
admises. 

La première, imaginée et soutenue par M. Constant 
Prévost, fut que les schistes de Stoncsfield n'appartien- 
nent point à l’époque jurassique, mais qu'ils sont réel- 
lement supérieurs à la craie. Dès lors il devenait naturel 
qu'ils renfermassent des ossements de mammifères 
commeles autres terrains supra-crétacés. Mais cette ex- 
plication ne put pas résister à un examen approfondi, 
et il resta démontré que le terrain de Stonesfield fait 
bien partie de la formation jurassique. 

Une seconde manière d’envisager ces faits fut de con- 
sidérer les mâchoires de Stonesfield comme ayant ap- 
partenu à desreptiles et non à des mammifères. M. Grant 
et M. de Blainville ont soutenu cette opinion, en se fon- 
dant sur le nombre des dents molaires plus grand que 
dans aucun matnmifère alors connu, sur leur espace- 
ment révulier, sur ce qu'elles sont presque semblables 
entre elles, etc. (*). On trouvait encore des arguments 


(1) Compt. rénd, Acad, dés se., À, VIT, p. 402. 


OÙ MARSUPIAUX, 991 


dans la récente découverte du reptile connu sous le 
nom de Basilosaurus, qui avait des dents pourvues de 
deux racines, et qui semblait réfuter par là l’objection 
que l’on aurait pu tirer de la forme des dents des fos- 
siles de Stonesfield, qui ne ressemblent à celles d’au- 
cun reptile connu. 

Mais déjà à l'Académie des sciences de Paris MM, Va- 
lenciennes, Duméril, etc., s'élevèrentcontrel’opinionde 
M. de Blainville, et M. R. Owen a publié un mémoire 
détaillé (*), dans lequel il a prouvé, ce me semble jus- 
qu'à l'évidence, que ces mâchoires ont bien appartenu à 
des mammifères. Le savant paléontologiste anglais a eu 
à sa disposition des matériaux plus nombreux que ses 
prédécesseurs. De nouvelles mâchoires plus entières 
lui ont permis de montrer que le mode d'insertion des 
dents, la forme de l’apophyse coronoïde et celle du con- 
dyle, qui est proéminent et convexe, ne pouvaient lais- 
ser aucun doute sérieux. La découverte d’ailleurs, dans 
la nature vivante , du genre Myrmecoprus a fourni un 
exemple d’un didelphe à dents nombreuses, égales et 
également espacées ; et l’areument tiré du BasiLosaurus 
a été annulé, parce que, comme je l'ai dit plus haut 
(p. 376), ce prétendu reptile a été reconnu être un cé- 
tacé (Zeuglodon). 

Je crois donc qu’il est maintenant hors de doute 
que ces débris de mâchoires attestent bien l’existence 
des mammifères pendant l'époque jurassique. Il n’est 
pas tout à fait aussi certain que ces animaux aient été 
des didelphes. 

Trois opinions ont élé émises sur leurs affinités: 
quelques auteurs les considèrent comme des insecti- 
vores monodelphes, d’autres les rapprochent des pho- 


(1) Trans. of the geol. Soc. of London, 2° série, t. VI, p. 47. 


392 MAMMIFÈRES DIDELPHES, 


ques, à cause de leurs dents nettement tricuspides; d’au- 
tres enfin les considèrent comme des didelphes. Nous 
ne pouvons pas entrer ici dans une discussion minu- 
tieuse ; je dirai seulement que M. Owen, dans le mé- 
moire précité, montre que cette dernière opinion est la 
plus probable. Il se fonde surtout sur le nombre des 
dents, et sur un processus particulier vers l'angle de la 
mâchoire qui est spécial aux didelphes, et dont les 
fossiles offrent des traces évidentes. Les fragments les 
plus anciennement connus sont tout à fait intermé- 
diaires par leurs formes de détail entre les sarigues 
et les myrmecobius. 

Ce n'est pas seulement pendant l’époque secondaire 
que les mammifères didelphes ont vécu en Europe ; 
on en trouve des traces plus évidentes encore dans 
les terrains tertiaires anciens. Cuvier à décrit une 
partie d’un squelette, trouvé dans les gypses de Mont- 
martre, qui présente clairement les os marsupiaux, et 
qui ne peut par conséquent laisser aucun doute, D’autres 
faits d’ailleurs sont venus s’ajouter à celui-là. 

Dans les terrains récents, on ne retrouve des di- 
delphes que dans les pays ou ces animaux vivent en- 
core aujourd'hui; c’est-à-dire que les terrains dilu- 
viens d'Amérique renferment des ossements de sari- 
ques, et ceux de la Nouvelle-Hollande des fragments de 
la plupart des autres genres, La distribution géographi- 
que actuelle paraît dater ducommencement de l’époque 
diluvienne. 

Pour la classification des marsupiaux, je n’ai pas 
adopté ici la subdivision en sept familles de M. Water- 
house, parce que les fossiles ne sont pas tous assez 
connus pour se prêter à une aussi grande multiplica- 
tion des groupes, J'ai préféré conserver à peu près la 


SARCOPHAGES. -—— THYLACOTHERIUM. 393 


distribution proposée par M. Owen, en réunissant tou- 
tefois en un même ordreses sarcophages et ses entomo- 
phages, ainsi que les carpophages, les poephages et les 
rhizophages. J’adopte donc trois ordres dont un (celui 
des MonorrRÈMEes) n'a pas encore été trouvé fossile. 


A° ORDRE. 


SARCOPHAGES. 


Cet ordre comprend tous les mammifères didelphes 
qui ont des incisives petites, des canines grandes et 
des molaires de carnivores ou d’insectivores. Ses carac- 
tères correspondent donc tout à fait à ceux des car- 
nassiers dans la série des monodelphes. Il renferme les 
Diezpnbz, Dasyurinz et Myrmecosnipx de M. Water- 
house. 

Les sarcophages sont les seuls didelphes dont quel- 
ques espèces aient été trouvées hors de la Nouvelle- 
Hollande ou des îles adjacentes. Dans l’état actuel du 
globe, quelques unes habitent l'Amérique. C’est à cet 
ordre qu’appartiennent les fossiles européens dont nous 
avons parlé ci-dessus, c’est-à-dire les célèbres mâchoi- 
res trouvées dans les schistes de Stonesfield. Elles ont 
nécessité la formation de deux genres nouveaux, J’indi- 
que d’abord celui des 


TayLacorTHERIUN (1), Owen, — Atlas, pl. XX, fig. 4 et 2, 


qui difière des sarigues par ses molaires plus nombreuses et plus 
petites, et des myrmecobius parce qu'au contraire ces dents sont 
un peu plus grandes à proportion. On ne connaît que sa mâchoire 


(1) M. de Blainville, qui ne croyait pas que ces animaux fussent des mam- 
mifères, avait proposé pour eux le nom de Helerotherium et de Amphithe- 
rium,; M. Agassiz avait employé celui d’'Amphigonus, 


394 MAMMIFÈRES DIDELPHES. 


inférieure, qui a & incisives espacées, 1 canine médiocre, 6 fausses 
molaires et 6 vraies qui sont tricuspides, 


Le Thylacotherium Prevosti, Cuvier (1), était à peu près de la taille d'un 
rat. (Atlas, fig. 1.) 

Le T. Broderipiüi, Owen, avait une mâchoire un peu plus allongée et plus 
grêle. (Atlas, fig. 2.) 


Le second genre, trouvé à Stonesfield , est celui des 
PaasCoLoT&ERIUM, Broderip, — Atlas, pl. XX, fig. 3, 


qui se rapprochait davantage encore des sarigues, car il n'avait 
que 3 fausses molaires et 4 vraies. Il pourrait par conséquent, si 
c'était nécessaire, fournir encore une preuve plus forte pour mon- 
trer que ces animaux sont de vrais mammifères (2). Il à encore 
toutefois quelques rapports avec les myrmecobius dans la forme 
des dents. 

La seule espèce connue est : 


Le Phascolotherium Bucklandi, Broderip (?), qui était un peu plus grande 
que les thylacotherium. 


Quelques auteurs rapportent à la même division le genre 
MicrozesTes, Plieninger (écrit aussi Microlistes), 


qui semble présenter dans l’époque de son apparition les mêmes 
circonstances remarquables que les précédents. Il à été établi 
sur deux petites dents à deux racines, dont la couronne a plusieurs 
pointes, et qui ont été trouvées sur les limites du lias et du keu- 
per. Si elles se rapportent, en réalité, à un mammifère didelphe, 
ce fait avancerait encore l'époque à laquelle ces animaux ont vécu 
pour la première fois, puisqu'elle les ferait remonter jusqu'à la 
période triasique (4). 


(1) Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 197; Owen, loc. cil., pl. 5. 

(2) Cette mâchoire fossile présente sur ses côtés des traces de sillons que 
M. de Blainville a considérées comme des preuves certaines qu'elle était parta- 
gée en plusieurs parties, ét par conséquent comme démontrant des analogies 
avec les sauriens ; mais M. Owen les regarde, je crois avec raison, comme des 
accidents ou des traces de sillons vasculaires. 

(3) Owen, id., pl. 6. 

(#) Plien., Wurt.nat. Jahr Hefle, 1847, p.164; NeuesJahrb.,1888,p, 111. 


SARCOPHAGES. —— SARIGUES. 395 


Les didelphes fossiles des terrains tertiaires européens parais- 
sent appartenir au groupe des 


SaRIGUES (Didelphis, Lin.), — Atlas, pl. XX, fig. 6, 


qui est de nos jours tout à fait américain. Toutes les espèces dont 
la dentition à pu être étudiée d'une manière un peu com- 
plète ont paru s’accorder, sous ce point de vue, avec les sarigues 
plutôt qu'avec les marsupiaux de la Nouvelle-Hollande. En parti- 
culier, le nombre des incisives (+) paraît caractériser la plupart 
d'entre elles. On en a trouvé plusieurs fragments dans les ter- 
rains tertiaires anciens ; mais les espèces n'en ont pas encore été 
très bien précisées. La mieux connue appartient si évidemment 
par sa dentition, et surtout par ses os marsupiaux (!), au type des 
mammifères didelphes, qu'elle prouve, sans aucune possibilité de 
contestation, que ces animaux ont vécu en Europe avec les palæo- 
therium et les autres pachydermes perdus de l’époque tertiaire 
ancienne. C'est : 


La Didelphis Cuvieri, H, de Meyer, Sarigue fossile, Cuvier (2), trouvée à 
Montmartre. Cette espèce avait à peu près la taille de la marmose (Didelphis 
murinus), mais avec des proportions très différentes. 

La Didelphis Laurillardi, Gervais (3), provient aussi des plâtrières de Paris. 
Elle ne dépassait pas la taille du Mus minutus. 

MM. Bravard et Pomel (4) ont trouvé, dans le terrain parisien supérieur de 
la Débruge (dép. de Vaucluse), deux espèces qu’ils n’ont pas caractérisées. 
M. Gervais (°) en inscrit trois, comme provenant de ce gisement en compre- 
nant probablement les deux de MM. Bravard et Pomel, sous les noms de 
D. parva, Gervais, affinis, Gervais, et antiqua, Gervais. 


M. Aymard possède dans sa riche collection trois espèces de 
sarigues, trouvées aux environs du Puy dans les marnes lacustres 


(1) On peut voir dans l'ouvrage de Cuvier avec quelle sécurité ce savant 
auatomiste sacrifia les vertèbres lombaires pour creuser la pierre où était ce 
squelette, afin d’y trouver les os marsupiaux. Sa confiance était telle, qu'il 
avait invité quelques personnes à assister à cette recherche, pensant bien 
que l’on verrait là une preuve remarquable de la justesse des lois qu’il cher- 
chait à établir. 

(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 518; Atlas, fig. 6. 

(3) Zool. et pal, franç., p. 133. 

() Ossem. foss. de la Débruge. 

{5) Zoo!, et pal. franc., pl. 45. 


396 = MAMMIFÈRES DIDELPHES. 


(miocène inférieur). Il en forme un genre particulier sous le nom 
de PERATHERIUM, qui diffère des sarigues d'Amérique par ses 
prémolaires, dont la troisième est la plus forte, par ses arrière- 
molaires, qui augmentent davantage en allant de la première à 
la dernière, et par un talon bicuspide à la dernière. La dentition 
des sarigues fossiles de Paris n'est pas assez connue pour qu’on 
puisse savoir si ces caractères s’y appliquent. 


Les trois espèces décrites par M. Aymard sont les D. elegans (nom changé 
en Bertrandi par M. Gervais, parce que celui d’elegans appartient déjà à une 
espèce vivante, mais qui doit être repris si, comme cela me paraît néces- 
saire, on admet le genre PErATHERIUM), D. crassa et D. minuta (1). 


Deux espèces ont été trouvées par M. Croizet dans les calcaires 
lacustres (miocène inférieur) de la Limagne d'Auvergne (Issoire). 
Ce sont : 


Les D, arvernensis et Blainvillei (2). M. Gervais en ajoute une troisième des 
mêmes gisements D. exilis, Gervais. 

Il faut probablement encore rapporter à ce genre un fragment de mâchoire 
trouvé dans le terrain éocène de Kyson en Suffolk, et décrit par M. Charles- 
worth, sous le nom de D. Colchesteri (3). 


Les terrains diluviens d'Amérique renferment, comme on pou- 
vait s'y attendre, un grand nombre d’ossements de sarigues. 
M. Lund en cite sept espèces, dont six ressemblent beaucoup à 
celles qui vivent actuellement dans le même pays. 

Le même naturaliste à trouvé dans les cavernes du Brésil une 
dent molaire qui indique un animal voisin des sarigues par ses 
caractères génériques, mais qui à dù atteindre la taille du jaguar. 
Il avait proposé d’en former un nouveau genre, qu'il appelait 
THYLACOTHERIUM , mais il a retiré ce nom, déjà donné aux fossiles 
de Stonesfield ; depuis lors il n’en a pas substitué d'autre. Il con- 
viendra d’ailleurs que l’on puisse l'établir sur de plus nombreux 
fragments. 


(1) Voyez Aymard, Ann. Soc. du Puy, 1848, t. XII, p. 248, et t. XV, 
p. 83; Gervais, Zool. et pal. franç., p. 134. 

(2) Croizet, Écho du monde savant; Gervais, Zool. et pal. franç., pl. 45. 

(3) Voyez Lyell, Ann. of nat. hist., t. IV, p. 190; Charlesworth, Mag. of 
nat, hist., 1839, p. 450, fig. 60; Owen, Brit. foss. mamm., p. 71. 


POFPHAGES. | 397 


Les GALETHYLAX, Gervais, 


diffèrent des sarigues parce qu'ils ont une prémolaire de plus 
et une arrière-molaire de moins. Les incisives sont grêles et 
n'ont pas pu être comptées. 

La seule espèce connue, Galelhylax Blainvillei, Gervais (1), a été trouvée 
au Petit-Bicêtre, dans l'étage du gypse (parisien supérieur). 


Les SPALACODON, Searles Wood, 


ne sont connus que par un fragment de màchoire inférieure dé- 
couvert par M. Flover de Croydon, à Hordwell (parisien supérieur), 
et dont les caractères encore mal établis laissent en suspens la 
véritable place. Quelques auteurs l’associent aux insectivores mo- 
nodelphes. M. Pomel (comme nous l'avons dit page 169) le range 
parmi les marsupiaux (?). 


Les DasyuREs (Dasyurus, Geoffr.) 


ont été trouvés fossiles à la Nouvelle-Hollande, où ils vivent en- 
core de nos jours. On en cite une espèce des cavernes et des 
brèches osseuses de ce pays qui atteignait la taille du €. wrsinus. 
C'est le D. laniarius, Owen (5). 

Le prétendu dasyure des gypses de Paris est un hyænodon. 


Les THyLACINES (7hylacinus, Temm.) 


sont dans le même cas ; une espèce vit aujourd’hui à la Nouvelle- 
Hollande, et l’on en a trouvé une autre fossile dans les terrains 
diluviens du même pays (‘). 


2° ORDRE. 
POEPHAGES. 


Cette division renferme les marsupiaux dont les inci- 


(1) Zool. et pal. franç., p. 133. 

(2) Voyez Searles Wood., Ann. and mag. of nat, hist., 1844, t. XIV, p. 349. 
(8) In Mitchell expéd. Penny cyclop., t. XIV, p. 469, et Brit. assoc. , 1844, 
(#) Th. spelæus, Owen, Catal, collect, of surgeons, p. 333, 


398 MAMMIFÈRES DIDELPHES. 


sives antérieures sont grandes et longues à chaque mà- 
choire, et les canines petites et variables. On y distin- 
gue trois tribus. 


Are TriBu. — PHALANGISTIDES. 


Ce sont ceux dont les pieds antérieurs et postérieurs sont dans 
les proportions normales. On n’y a encore rapporté que quelques 
ossements, trouvés dans une brèche de la Nouvelle-Galles du Sud, 
qui indiquaient un PHALANGER (Balantia, Ilig.) (1). 


2° Traigu. — MACROPODIDES où KANGUROOS,. 


Ces animaux ont les jambes postérieures très longues par rap- 
port aux antérieures : aussi sont-ils éminemment sauteurs. Ils 
habitent aujourd’hui la Nouvelle-Hollande, et les seuls fossiles 
qu'on en connaisse ont été trouvés dans les terrains diluviens de 
ce pays. 


Les Kancuroos (Macropus, Shaw, Halmaturus, Ilig.), 


qui forment de nos jours une partie importante de la population 
de la Nouvelle-Hollande, paraissent aussi avoir été un des genres 
les plus abondants dans les époques antérieures à la nôtre. On en 
cite, des cavernes et des brèches osseuses , deux ou trois espèces, 
encore mal déterminées, et qui exigeront peut-être une fois la 
formation d'un genre nouveau. 


M. Owen indique les M. affinis, Atlas et Titan. Ces derniers atteignaient 
une taille beaucoup plus grande que les kanguroos actuels. 


Les HypsIPRYMNES (Zypsiprymnus, Nlig.) 


ou petits kanguroos à canines, ont aussi une espèce fossile dans 
les brèches calcaires de la rivière de Hunter, au nord-est de la 
Nouvelle-Hollande (?). 


ge Tru. — RHIZOPHAGES. 


Cette iribu ne comprend, dans la nature vivante, qu'un seul 


(1) Voyez Owen, loc. cit. 
(2) Oweu, loc. cit. 


RHIZOPHAGES. — DIPROTODON. 399 


genre, caractérisé par une dentition semblable à celle des ron- 
geurs, c'est-à-dire par l'absence de canines et par à incisives 
en biseau. C’est celui des 


Wompars (Phascolomys, Geoffr.), 


dont on a aussi trouvé une espèce fossile dans les cavernes et les 
brèches osseuses de l’Australasie, seul pays où vive actuellement 
l'espèce unique qui compose ce genre (). 

Il faut probablement y ajouter deux genres fossiles très remar- 
quables, qui proviennent aussi de la Nouvelle-Hollande. 


Les Dirroronon , Owen, — Atlas, pl. XX, fig. 4, 


sont connus par des mâchoires trouvées dans les cavernes de la 
vallée de Wellington et sur les bords de la rivière de Condamine, 
à l’ouest de la baie de Morton (?), ainsi que par des os longs, rap- 
portés d’abord à des mastodontes (3), et qui appartiennent très 
probablement à la même espèce que les màchoires. 

Ce genre est caractérisé par des incisives en forme de défenses 
et par des molaires au nombre de #, dont la couronne est formée 
de deux collines transversales, disposées comme dans les tapirs et 
les kanguroos, mais plus comprimées et plus élevées. L’angle infé- 
rieur de la mâchoire, qui se prolonge en apophyse horizontale, 
comme dans tous les marsupiaux, montre l'analogie de ce fossile 
avec cette classe. 

Le diprotodon doit probablement être rapproché des wombats ; 
ses rapports de dentition avec quelques pachydermes le peuvent 
faire aussi considérer comme représentant cet ordre dans la série 
des marsupiaux, et comme fournissant une nouvelle preuve du 
parallélisme qui existe entre les monodelphes et les didelphes. 


La seule espèce connue est le D. australis, Owen (#), qui atteignait à peu 
près la taille de l’hippopotame, 


(!) Owen, loc. cit. 

(2) Oven, Report Brit. assoc., 1844. 

(8) Ann. and mag. of nat. hist., t, XT, p, 7. 
(# Owen, loc, cit. 


3400 OISEAUX. 


Les NorTorTHEerIUM , Owen, — Atlas, pl. XX, fig. 5, a et b, 


manquent d'incisives, autant du moins qu'on en peut juger par 
une mâchoire inférieure, qui est trop mince en avant pour avoir 
pu en supporter, Les molaires, au nombre de 4, ont deux racines 
sillonnées en long, la couronne a probablement eu deux collines. 
La mâchoire est arrondie comme dans l'éléphant. 

Ce genre est aussi un représentant du type des pachydermes 
dans la division des marsupiaux. M. Owen croit qu’il ne devait 
pas être éloigné du diprotodon. 


On en connaît deux espèces, le Nototherium inerme et le N. Mülchelli (1). 
Elles ont été trouvées dans les cavernes de la vallée de Wellington (Nouvelle- 
Hollande). 


Plusieurs auteurs rapportent aux mammifères didelphes des 
traces de pieds très remarquables trouvées en diverses parties de 
l'Europe, dans des terrains qui appartiennent au commencement 
de l’époque secondaire. 

Ces traces sont probablement formées par un animal qui à mar- 
ché sur une couche de terrain avant son entier endurcissement. 
Elles sont assez bien conservées pour montrer que l'animal avait 
aux pattes postérieures cinq doigts, dont les quatre antérieurs 
étaient munis d'ongles assez forts, et dont le pouce, détaché et 
dirigé de côté, était sans ongle. Les pattes antérieures avaient 
aussi cinq doigts, mais le pouce petit et rapproché. Une pareille 
organisation rappelle les pieds des sarigues, et sur cette analogie 
a été établi le genre des CHIROTHERIUM, Kaup, ou CHEIROTHERIUM. 
Mais il est beaucoup plus probable qu’elles ont été produites par 
des animaux à sang froid, et nous en parlerons plus tard en trai- 
tant des reptiles. 


DEUXIÈME CLASSE. 


OISEAUX. 


La classe brillante et variée des oiseaux, qui joueun 
rôle si important dans la population actuelle du globe, 


(1) Owen, Report Brit. assoc., 1844. 


OISEAUX. 401 


est une de celles dont l'histoire paléontolosique est la 
moins avancée. Les débris fossiles de ces animaux sont 
rares, et ils n’ont pas encore fourni matière à des étu- 
des bien importantes; aussi est-il impossible d’en pré- 
senter ici une histoire détaillée, comme je l'ai fait pour 
les mammifères, et comme je Île ferai plus tard pour la 
plupart des autres classes. Je me bornerai à exposer 
les faits essentiels et généraux, en cherchant toutefois, 
sous ce point de vue, à être aussi complet que possible. 
Le peu de précision des caractères ornitholosiques 
s’opposera d'ailleurs probablement à ce que cette par- 
tie de la paléontologie puisse jamais s’asseoir sur des ba- 
ses aussi rigoureuses et aussi certaines que celles qui 
traitent d'animaux dont les différences ostéologiques 
sont plus nombreuses et plus tranchées. L'absence de 
dents, qui sont les moyens les plus certain de distin- 
suer les genres dans les mammifères, forme une lacune 
d'autant plus fâcheuse, que les caractères déjà si incer- 
tains dans la nature vivante de la forme et des dente- 
lures du bec ne laissent pas toujours des traces sur les 
os. Toutefois une étude bien faite des parties les 
plus caractéristiques du squelette permettra, dans beau- 
coup de cas, des approximations assez grandes; et il 
est très probable que, maintenant que la paléontolopie 
est cultivée par tant de naturalistes, l'histoire des oi- 
seaux fossiles est aussi destinée à faire des progrès. 
Leurs ossements sont d’ailleurs faciles à reconnaître. 
Leur tissu très compacte, formant dans les os longs des 
cylindres dont la cavité intérieure est grande et vide, et 
dans les os plats des lames minces presque sans diploé, 
empêche deles confondre avec ceux des autres vertébrés. 
Leur sternum développé en un large bouclier et muni 
d'un bréchet en forme de quille, leur épaule composée 
ï. 26 


102 OISEAUX. 


de trois os (omoplate, coracoïde et clavicule), leur 
membre antérieur en forme d'aile, etc., constituent en 
outre un ensemble de caractères tout à fait spéciaux. 

La rareté des ossements fossiles d'oiseaux peut tenir 
à ce que ces êtres ont été moins nombreux dans les épo- 
ques antérieures à la nôtre; mais il est bien possible 
aussi qu'il faille en chercher ailleurs la raison. 
Ces animaux ont dû avoir bien plus de moyens d’évi- 
ter les inondations et les autres causes de destruc- 
tion auxquelles on doit attribuer la fossilisation des 
animaux terrestres et aquatiques. [ls ont pu, à l’aide de 
leurs ailes, fuir les terres submergées pour chercher 
ailleurs un asile. La nature même de leur organisation 
peut aussi avoir été une cause qui ait empêché leur en- 
fouissement, car leur pesanteur spécifique, moindre 
que celle de l’eau, a dû les faire surnager dans les cas 
où ils ont été entraînés par les courants. Dans cette 
position, ils auront souvent pu être mangés par des pois- 
sons ou d’autres animaux carnassiers ; et leurs débris 
osseux n’auront que rarement été enfouis au fond des 
eaux. 

Au reste, depuis que l'on étudie sérieusement les 
fossiles, on a trouvé bien des preuves de leur existence, 
et quelques géologues pensent même que leur appari- 
tion sur la terre est plus ancienne que ne l’admet- 
tait la théorie du perfectionnement graduel. Des traces 
de pas, si toutefois leur détermination est bien exacte, 
paraissent prouver leur existence dès l’époque du 
grès rouge; C'est-à-dire que les oiseaux seraient aussi 
anciens que les reptiles ! Ce fait important montre com- 
bien il faut se préserver des généralisations trop promp- 
tes et trop absolues, ou plutôt il prouve que, tout en 
acceptant les théories, qui ont l'avantage de rendre Ia 


OISFAUX. 403 


science plus intéressante et d'attirer l'attention sur ses 
points les plus vitaux, il faut être toujours prêt à les 
modifier par l'étude des faits, et ne pas oublier que, dans 
une science aussi peu avancée que la paléontologie, elles 
sont forcément provisoires et variables. 

Les ossements d'oiseaux et les traces de pas ne sont 
pas les seules preuves de leur existence dans les époques 
antéricures à la nôtre, car on a cité des plumes trou- 
vées dans différents terrains tertiaires { Aix, Monte- 
Bolca et Auvergne); ainsi que des œufs (Aix, Auvergne, 
Weimar) (!). 

Nous commencerons l'histoire des oiseaux en donnant 
quelques détails sur les impressions de pas (?), men- 
tionnées ci-dessus. 

On à, dans diverses contrées, observé, au point de 
contact des couches de certains terrains, des traces qui 
ressemblent à celles que font les oiseaux, en marchant 
sur le sable ou sur la terre argileuse mouillée. Quelques 
unes de ces traces, formées probablement par des ani- 
maux qui ont marché sur les roches non encore endur- 
cies, ont paru assez évidentes pour qu'on ait cru être 
autorisé à en déduire l'existence des oiseaux à des épo- 
ques où ils ne sont connus par aucun autre indice. 

Parmi ces traces, les plus remarquables sont celles qui 
ont été observées sur le grès rouge du Massachusetts et 
qui ont été décrites par M. le professeur E. Hitchcock (#), 
Ce naturaliste en a découvert en abondance dans cinq 
endroits différents de Ja vallée du Connecticut, sur des 
couches de grès rouge inclinées à l’est d’environ 5 de- 


(t) Neues Jahrb., 1847, p. 310. 

(2) On a, dans ces derniers temps, désigné sous le nom d’/chnologie la partie 
de la paléontologie qui s'occupe de ces traces. 

(3) Amer journ. of sc. by Silliman, janv. 1836, et Ann. des se. nat., 
2° série, t. V, p. 154, 


404 OISEAUX. 


grés, et élevées d’à peu près 100 pieds au-dessus des 
eaux actuelles. On les trouve lorsque les couches supé- 
rieures ont été enlevées par le travail de l’homme ou 
par l’action des eaux. 

Elles ressemblent à des traces d'oiseaux parce qu’elles 
sont en majorité composées de trois impressions, 
comme celles que feraient les trois doigts d’un oiseau, 
la médiane étant la plus longue. On voit que les doigts 
qui les ont formées étaient terminés par des ongles. 
Quelquefois on voit un pouce en arrière, plus rarement 
un dirigé en avant; une partie d’entre elles n’en ont 
point. Le géologue américain fait observer en outre que 
ces empreintes sont évidemment les traces d’un animal 
à deux pieds; car, dans les cas où l’on voit clairement 
que l’animal a marché, on ne trouve jamais qu'il y en 
ait plus d’une rangée à la suite les unes des autres. 

Toutefois des paléontologistes dont l'autorité a un 
grand poids se refusent à voir dans ces traces des 
preuves suffisantes de l'existence des oiseaux à ces 
époques anciennes. J'avoue aussi que ce n'est que par 
une détermination assez hardie que l’on peut affirmer 
que ces animaux, par le fait que leurs traces ressem- 
blent à celles que les oiseaux font de nos jours, ont eu 
tous les caractères essentiels de cette classe. Il serait 
possible que quelque reptile inconnu, par exemple, 
eût pu laisser des impressions pareilles. Mais il faut re- 
connaître en même temps que la comparaison avec ce 
que nous présente le monde actuel montre que ces 
traces ressemblent plus à celles des oiseaux () qu’à 


(1) Il y a, comme je le dirai plus bas, de grandes différences entre ces 
traces, relativement à l’analogie qu'elles présentent avec celles des oiseaux. 
Ainsi les traces des ©. giganteus et tuberosus sont plus probantes que celles 
de l'O. diversus, etc. 


OISEAUX. 405 


celles de quelque autre animal que ce soit, et que de 
là on peut déduire la probabilité que ces êtres ont déjà 
vécu à cette époque. Il est probable d’ailleurs qu’on 
trouvera une fois les ossements des animaux qui ont 
marché sur ces couches, et que l’on pourra ainsi ré- 
soudre définitivement cette question, qui a une impor- 
tance réelle. 

Je ne puis pas d’ailleurs admettre l'opinion des pa- 
léontolosistes qui considèrent ces traces comme des 
éponges ou des zoophytes. Je n'en connais que les 
figures; mais quelques unes d’entre elles, et en parti- 
culier celles de l’O. giganteus, me semblent rendre cette 
explication impossible. 

Admettant donc provisoirement et jusqu’à nouvel- 
les preuves, que ces pas imprimés sur la roche repré- 
sentent bien des oiseaux, il reste à savoir si l’on peut 
avoir quelques données sur leurs formes et sur leurs 
affinités. 


M. Hitchcock fait remarquer que la longueur des enjambées, 
comparée à la longueur du pied, doit faire présumer que la plupart 
d’entre eux avaient des jambes longues , et étaient par conséquent 
des échassiers, ce que rend d’ailleurs probable leur présence sur 
une terre humide. On n'a que rarement trouvé des palmipèdes , 
qui sont reconnaissables à l'empreinte de la palmure, comme on 
la voit dans les traces des oiseaux vivants. 

Quelques unes de ces traces présentent une apparence très re- 
marquable; on voit en arrière du talon des marques minces qui 
semblent avoir été faites par des plumes qui auraient revêtu la 
totalité du tarse. Cette circonstance s accorde mal avec les carac- 
tères actuels de la famille des échassiers, et 11 est difficile d'en 
déduire ce qu'a dû être l'oiseau qui les a formées. Ces empreintes 
sont celles qui appartiennent le moins sûrement à cette classe. 

La figure 7 de la planche XX représente une de ces empreintes 
d'oiseau avec des gouttes de pluie, tout à fait semblables à celles 


406 OISEAUX. 


que l'on peut observer aujourd'hui sur les marnes, sables, etc. 
Elles ont été recueillies par M. Hitchcock. 

Les dépôts observés par le naturaliste qui a fourni ces descrip- 
tions contiennent les traces d'au moins huit espèces, qui diffèrent 
beaucoup par leur taille et leurs caractères. La planche XX les re- 
présente toutes réduites au huitième, et par conséquent dans leurs 
grandeurs proportionnelles. 

Les unes ont des doigts forts et épais. Ce sont : 


1° L'espèce nommée O. (1) giganteus, H., dont la longueur du pied, sans 
les ongles, est de 15 pouces, et qui faisait des enjambées de 4 à 6 pieds! Ces 
dimensions indiqueraient un animal bien plus grand que l’autruche et le 
casoar. (Voyez pl. XX, fig. 8.) 

2° L'O. tuberosus, H., qui a des renflements tuberculeux tres distincts au- 
dessous des doigts. Les pieds ont de 7 à 8 pouces de long, et les enjambées 
de 24 à 33. (PI. XX, fig. 9.) 


Les autres ont des doigts minces et coniques. 

Deux d'entre elles ont en arrière ces appendices soyeux dont 
jai parlé, et présentent des formes qui ressemblent bien moins 
que les précédentes aux traces des oiseaux actuels. Aussi me pa- 
raissent-elles moins certaines. Ce sont : 


L’O. ingens, H., qui a trois doigts dans lesquels l’ongle n’est jamais visi- 
ble. Le pied avait de 15 à 16 pouces sans les appendices soyeux, qui eux- 
mêmes en avaient 8 à 9. L’enjambée, vérifiée sur un tres petit nombre de 
cas, parait avoir été de 6 pieds. J'avoue que je doute beaucoup de l’existence 
réelle de cette espèce gigantesque. (PI. XX, fig, 10.) 

Une variété plus petite, suivant M. Hitchcock, se retrouve aussi dans quel- 
ques localités. 

L'O. diversus, H., a aussi trois doigts ct un appendice soyeux. Cette 
espèce forme deux variétés : l'O. clarus, qui a le pied de 4 à 6 pouces et 
l’appendice de 2 à 3 (pl. XX, fig. 11), et l'O. platydactylus, dont le pied 
n'aurait que 2 à 3 pouces. (PI. XX, fig. 12.) 


Trois espèces n’ont aucune marque de plumes vers le talon. On 
y reconnaît plus distinctement des traces que dans les formes 
bizarres qui précèdent, surtout dans la première. Ce sont : 


() M. Hitchcock a formé, pour les oiscaux indiqués par ces traces, qu'il 
est impossible de rapporter à des genres actuels, le nom générique de 
ORNITICHNITES. 


VISEAUX.. 07 


L'O. letradactylus, H., où l’on voit trois doigts dirigés en avant et l’im- 
pression de l'extrémité du pouce, qui était en arrière, et probablement inséré 
un peu plus haut que les autres doigts. Le pied (sans le pouce) était long de 
2 4/2 à 3 1/2 pouces. (PI. XX, fig. 13.) 

L'O palmatus, H., à quatre doigts dirigés en avant ; le pied est long de 
2 1/2 à 3 pouces. La figure 14 de la planche XX représente ces traces qu’il me 
paraît bien difficile d'attribuer avec certitude à un oiseau. 

L'O. minimus, H., à trois doigts et à pied de 1 à 1 1/2 pouce de long. 
Celles-ci me paraissent bien larges et bien courtes pour des traces d'oiseaux. 
(PI. XX, fig. 15.) 


Depuis ces travaux de M. Hitchcock, M. Deane a découvert de 
nouvelles impressions très bien conservées près de Turners-Falls 
(Massachusetts). Elles prouvent l'existence de diverses espèces 
de taille différente. Les unes étaient plus légères, comme on peut 
le voir par les traces plus faiblement marquées. D'autres ont laissé 
une impression très distincte de la palmure (1). 

M. Hitchcock a découvert des coprolites associés à des orniti- 
chnites. L'analyse chimique justifie par la quantité d’urée qui y a été 
signalée l'opinion que les uns et les autres sont dus à des oiseaux. 
Quelques graines trouvées dans l’intérieur prouvent que les es- 
pèces qui les ont produites étaient granivores. 


Si l’on admet que ces faits se rapportent à des oiseaux, 
on en conclura que cette classe a eu sa première appa- 
rition pendant l'époque triasique. Il faut toutefois re- 
marquer que rien ne prouve qu'elle ait existé pen- 
dant la longue période jurassique , et que cependant, 
comme nous l'avons fait remarquer ailleurs, on ne voit 
jamais d'interruption dans l’existence d'un groupe na- 
turel. Si les oiseaux ont vécu dans l’époque triasique, 
ils ont dù vivre aussi dans l’époque jurassique, et s'ils 
n’ont pas existé dans cette dernière, les traces que nous 
avons signalées n'ont pas été produites par des animaux 
de cette classe. Mais, comme nous l'avons dit plus haut, 
il y à trop de lacunes dans l'histoire des oiseaux et 


(1) Sillim. journ., janvier 1844. 


408 OISEAUX. 


leurs ossements fossiles sont trop rares pour qu’on puisse 
donner une grande importance à des faits purement né- 
gatifs. 

Quelle que soit l’opinion que l’onse forme sur lapre- 
mière apparition des oiseaux, leur existence dans l’épo- 
que crétacée est incontestablement démontrée par des 
ossements qui ne peuvent laisser aucun doute. Parmi 
les faits les plus certains je citerai les suivants. 

Lord Enniskillen à trouvé près de Maidstone quel- 
ques os, et en particulier un humérus de la dimension 
de celui d’un albatros, qui indiquent probablement 
une espèce perdue de Fa famille des palmipèdes, dont 
M. Owen a fait son genre CrmoLiorNis. 

Une espèce voisine de la bécasse a été indiquée dans 
le terrain crétacé de New-Jersey. 

Il n’est donc plus permis de douter que les oiseaux 
n'aient déjà vécu dans nos continents pendant l’époque 
secondaire et qu’ils n'aient par conséquent été contem- 
porans des grands reptiles et des ammonites. Il est donc 
probable aussi qu’ils ont précédé les mammifères mo- 
nodelphes. 

Les oiseaux signalés par M. Mantell dans le ter- 
rain wealdien sont probablement des ptérodactyles. 

Puisque les oiseaux existaient dès l'époque secon- 
daire , il est naturel qu’on en retrouve des traces dans 
l'époque tertiaire. Des observations nombreuses confir- 
ment leur présence par des ossements trouvés dans di- 
vers gisements. 

Cuvier a moniré que les gypses de Montmartre ren- 
ferment les débris d’au moins onze espèces. Quelques 
unes sont connues par des squelettes presque entiers, 
d’autres seulement par des os isolés (). 


(1) Cuvier, Ossem, foss., 4° édit,, t. V,p. 549. 


OISEAUX. 109 

M. Owen à décrit quelques ossements d'oiseaux trou- 
vés dans l'argile de Londres. M. Koenig en a découvert 
aussi dans le mème gisement. 

MM. Jourdan, Gervais, etc., en ont signalé plusieurs 
dans les terrains tertiaires du midi de la France. 

Les paléontologistes allemands en ont recueilli dans 
les terrains miocènes de Weisenau, Wiesbaden, etc. 

Les ossements de cette classe deviennent bien plus 
nombreux pendant l’époque diluvienne. Les sables etles 
graviers, les cavernes et les brèches osseuses de la plus 
grande partie de l’Europe contiennent des ossements 
d'oiseaux qui jusqu’à présent ont été fort négligés par 
les paléontologistes. On n’a en général sur leur déter- 
mination que des données très incomplètes, que la na- 
ture même des caractères ornithologiques rendra peut- 
être toujours difficile de préciser davantage. 

Les cavernes de Belgique étudiées par M. Schmer- 
line, celle de Kirkdale en Angleterre, celles du midi de 
la France dont les ossements ont été recueillis par 
MM. Marcel de Serres, Dubreuil, etc., et quelques brè- 
ches de la Méditerranée, sont les gisements les plus im- 
portants. 

La plupart des musées et des collections particu- 
lières, où l’on a réuni des ossements de mammifères 
des cavernes, renferment aussi des débris d'oiseaux. 
Les naturalistes qui voudront se livrer à leur étude 
trouveront immédiatement de riches matériaux qui 
permettront certainement de dresser un catalogue 
considérable des oiseaux de l’époque diluvienne. Mais, 
d’après les principes que j'ai émis ailleurs, je doute 
qu'il y ait bien des espèces nouvelles à établir par leur 
examen. Je me bornerai à signaler ici les indications 
qui existent dans les ouvrages principaux, et qui, comme 


410 OISEAUX. 


on le verra , sont trop vagues pour avoir une impor- 
tance réelle. 

Enfin, dans Les dépôts récents de quelques pays plus 
ou moins éloignés de l'Europe, on a fait des décou- 
vertes intéressantes d'oiseaux fossiles. Nous traiterons 
avec quelques détails des oiseaux gigantesques de 
la Nouvelle-Zélande, et nous aurons occasion de citer le 
grand œuf de Madagascar, ainsi que quelques osse - 
ments trouvés dans l'Amérique méridionale et dans 
l'Inde. 


À ORDRE. 
OISEAUX DE PROIE. 


Les oiseaux de ce groupe ont été trouvés fossiles dans 
les terrains tertiaires et diluviens. Aucun d’eux n’a en- 
core été signalé dans l’époque crétacée. 


tre Fame. — DIURNES. 


M. Jourdan parle d’un CargarTe dont les ossements ont été découverts 
dans le terrain d’eau douce du département du Cantal (1). 

M. Lund rapporte au même genre des ossements trouvés avec les mega- 
therium dans les cavernes du Brésil. 

Un oiseau trouvé par M. Owen dans l'argile de Sheppy (parisien inférieur) 
appartient à la famille des oiseaux de proie diurnes. Ce savant paléontologiste 
a montré que le sternum peu échancré, et les formes de la colonne épinière et 
de l'os coracoïde indiquent un oiseau de proie de la division des vautours, 
mais plus petit qu'aucun oiseau de proie connu. Il a cru nécessaire de créer 
pour cet animal un genre nouveau, et il l’a nommé Lithornis vullurinus (2). 
(Voyez Atlas, pl. XXI, fig. 2.) 

Le genre des Vaurouns (Vultur, Lin.) a été trouvé fossile dans le dilu- 


(1) Institut, 1837, p. 343. 
2) Transact. of the geoi. Soc., 2° série, t. VI, p. 206: Brit. foss. mamm. 
and birds, p. 549. 


OISEAUX DE PROIE. A1 


vium des environs de Magdebourg (Vultur cinereus, Holl.) (!), et dans les 
brèches de Sardaigne (2). 

Les Érenviers (Nisus, Cuvier) ont été trouvés dans les cavernes du midi 
de la France. M. Marcel de Serres en indique une espèce dans les cavernes 
de Sallèle et de Bize, très voisine du F. nisus (3). 

Une espèce du genre Faucon (Falco, Lin.) a été décrite par M. Gervais (#) 
comme trouvée dans le terrain pliocène de Montpellier. 

Les brèches de Sardaigne ont fourni des ossements que Waguer a rapportés 
au genre Buse (Buteo, Bechstein), et Nitzsch à celui des Aires (Aquila, 
Briss) (5), 

Suivant M. Marcel de Serres (6), quelques ossements des cavernes du dépar- 
tement de l'Aude se rapportent au premier de ces genres. 

Les gypses des environs de Paris (parisien supérieur) contiennent des 
ossements d'un oiseau voisin du BazBuzarD (Pandion, Savigny) (7). 

Le Gryphus antiquitatis, Schubert, paraît avoir été établi sur des frag- 
ments du rhinocéros de Sibérie. 


2e FamiLzze. — NOCTURNES. 


Le genre des Caouerres (Striæ, Lin.) est un de ceux dont on a trouvé des 
ossements dans les gypses de Montmartre (8) (sous-genre Ulula). 

Ce même genre est indiqué dans la caverne de Nabrigas et dans le dilu- 
vium de Kostritz (°). 

Des ossements des brèches de Sardaigne rapportés par Wagner aux MiLaxs 
sont considérés par Nitzsch comme très semblables à ceux de la Strix 
nycle«. 

M. Lund en a trouvé aussi des débris dans les cavernes du Brésil (10). 

M. Marcel de Serres (ff) indique des ossements de Duc (Bubo, Cuvier) dans 
les cavernes du département de l'Aude. 


(1) Petref., p. 76; V. fossilis, Germar, Bronn, Lethæa, t. IE, p. 824; 
Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2° partie, p. 9. 

(2) De la Marmora, Journ. de géol., t. HI, p. 313, 

(3) Journ. de géol., t. III, p. 262. 

(4) Zool. et pal. franç., p. 220. 

(5) Neues Jahrb., 1833, p. 324; Giebel, t. I, 2, p. 9. 

(6) Institut, 1842, p. 388. 

(7) Cuvier, Ossem. foss., t. V, p. 577. 

(8) Cuvier, Ossem. foss.; Giebel, t. I, 2, p. 11. 

(?) Biblioth. univ., 1835, Archives, t. XVIII, p. 349; Isis, 1829, p. 739. 

(10) Institut, 1844, p. 294. 

(1) Institut, 1842, p. 385$. 


412 OISEAUX. 


2° ORDRE. 
PASSEREAUX. 


Les passereaux paraissent aussi n'avoir pas encoreélé 
trouvés fossiles dans les terrains de l'époque crétacée. 
Le plus ancien est celui qui a été découvert à Glaris dans 
les schistes du Plattenbers, que les séologues considèrent 
maintenant comme appartenant à l'époque nummu- 
litique. 


Cet oiseau, décrit par M. H. de Meyer sous le nom de PROTORNIS GLARNIENSIS (1) 
(Osteornis scolopacinus, Gervais), est encore trop peu connu pour être rapporté 
avec certitude à une des familles suivantes. 


Are Famizze. —- DENTIROSTRES. 


On a trouvé, dans les brèches de Cette, les ossements d’un HOocHEQUEUE 
(Motacilla, Bechst.) (?). 

Le même gisement renferme les débris d’une Grive (Turdus bresciensis, 
Wagner). 

Les breches de Sardaigne (Wagner), celles de Nice (3) et le diluvium de la 
vallée de la Lahn (f) ont aussi fourni des fragments que l’on a rapportés au 
même genre. 

Les terrains tertiaires miocènes de Weisenau en renferment également (). 

Des oiseaux voisins des grives, et paraissant se rapporter au genre ANABATES, 
(Spix), ou OPeriorayncaus (Temm.), ont été trouvés dans les cavernes du 
Brésil par M. Lund (6). 


2 FamiLze. — FISSIROSTRES. 


M. Giebel (7) décrit une HirONDELLE (Hirundo fossilis, Giebel) du diluvien 
des environs de Quedlimbourg. 


(1) Neues Jahrb., 1839, p.682; 1840, p. 211 ; 1841, p. 187 ; 1844, p. 338. 
(2) Wagner, Abh. Bayer. Acad., 1832, p. 751. 
(8) Phil. trans., 1794, t. 1, p. 412. 
(4) Neues Jahrb., 1846, p. 515. 

() Neues Jahrb., 1843, p. 399. 

(6) Bull. Acad. Copenh., 1841; Giebel, Palæozool., p. 313; Fauna der 
Vorwelt, 1, 2;p.13: 

(?) Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 18. 


PASSEREAUX. 113 


M. Lund indique un Martiner (Cypselus collaris), et M. Claussen un 
Excoucevenr (Caprimulgus, Lin.) trouvés dans les cavernes du Brésil (1), 


3e Famizze. — CONIROSTRES. 


M. Giebel (2?) décrit un Moreau (Fringilla trochanteria, Giebel) du dilu- 
vium des environs de Quedlimbourg. 

Les brèches de Sardaigne contiennent des ossements du même genre qui 
ressemblent beaucoup à ceux du moineau domestique (3). 

Les terrains miocènes de Weisenau () et ceux de Sansan (°) en renfer- 
ment aussi. 

Les brèches de Sardaigne (Wagner), la caverne de Kirkdale (6) et celles 
de Liége (Schmerling) ont conservé des débris d’oiseaux du genre des 
ALOURTTES (Alauda, Lin.). 


4e FamiLe. — CORACES. 


M. Giebel (7) décrit deux Corseaux trouvés dans le terrain diluvien des 
environs de Quedlimbourg (Corvus fossilis, Giebel, et Corvus crassipennis, 
Giebel). 

M. H. de Meyer a trouvé une espèce du même genre très voisine du cor- 
beau commun dans le diluvium de la vallée de la Lahn. Des débris analogues 
ont été observés, par Wagner, dans les brèches de Sardaigne, et par Buckland 
dans la caverne de Kirkdale. 

Une espèce plus voisine de la corneille (Corvus corone, Lin.), et, suivant 
Nitzsch, de la corneille mantelée (Corvus cornix, Lin.), a été observée aussi 
par Wagner dans les mêmes brèches ($). 

Quelques ossements, qui rappellent ceux de la pie (Corvus pica, Lin.), ont 
été observés par Puel dans la caverne de Brengues (?), et par Buckland dans 
celle de Kirkdale (10). 


(1) Münch. Gel. Anseig., 1842, p. 886; Gervais, Thèse, p. 34. 
(?) Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 15. 

(3) Wagner, Abh. Bayer. Acad., 1832, p. 751. 

(#) Neues Jahrb., 1839, p. 399. 

(5) Lartet, Institut, 1839, p. 263. 

(5) Buckland, Relig. diluv. 

(7) Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 16. 

(5) Abh. Acad. Bayer, 1832, p. 751. 

(9) Bull. Soc. géol., 1837, p. 43. 

(10) Reliq. diluv. 


MA OISEAUX. 


5° Famizze. — TENUIROSTRES. 


M. Lund rapporte au genre PicucuLe (Dendrocolaptes, Herm.), subdivision 
des GnimPerEAUx, dés ossements trouvés dans les cavernes du Brésil (1). 


6° Fame. — SYNDACTYLES. 


C'est probablement à cette famille et au groupe des MarTiINs-PÉCHEURS ou 
Hazcyoss (Alcedo, Lin.) qu'il faut rapporter un nouveau genre établi par 
M. Owen (2) sous le nom de Harcyonnis pour des ossements de l'argile de 
Sheppy (4. toliapicus). I faut rayer du catalogue des oiseaux le genre Bucx- 
LAnptum de Koenig (3), car M. Owen a reconnu que la tête sur laquelle il 
avait été établi est celle d'un poisson. 


7° Famizze. — GRIMPEURS. 


M. Wagner (4) décrit des fragments osseux, provenant des brèches de Sar- 
daigne, comme ayant appartenu à un Pic, voisin du Picus martius (Lin.). 

Des ossements de diverses espèces, trouvés par M. Lund dans les cavernes 
du Brésil (5), ont été rapportés par cet infatigablé naturaliste au genre Coc- 
cyzus, Vieill. (groupe des Coucous), à celui des Cariro, Temm. (groupe des 
Bareus), et à celui des PerroQuETS (Psitlacus, Lin.). 


3° ORDRE. 


GALLINACÉS. 


Les gallinacés manquent, comme les ordres précé- 
dents, aux terrains crélacés. Leurs ossements sont rares 
dans les terrains de l'époque tertiaire et abondants dans 
les dépôts diluviens. 


(1) Münch. Gel. Anzeig., 1842, p. 886. 

(2) Brit. foss. mamm., p. 554. 

(8) Koenig, /con. sect., n° 91; Gervais, Thèse, p. 25. 
(4 Abh. Bayer. Acad., 1832, p.751. 

(5) Münch. Gel. Anzeig., 1842. 


GALLINACÉS. 415 


dre Famisze, — COLOMBINS. 


MM. Buckland (1) et Marcel de Serres (?) ont trouvé des ossements de 
Piceoxs (Columba, Lin.) dans les cavernes d'Angleterre et de France. 


9e Famizze. — GALLINACÉS PROPREMENT DITS. 


On à trouvé des restes de Terras (Tetrao, Lin.) dans le diluvium (3) et 
dans la caverne de Brengues ({). 

Cuvier (5) cite, dans les gypses de Paris, un gallinacé plus petit que la 
CaiLce (Coturnix, Mohr.). 

Des fragments qui rappellent les Perprix (Perdix, Briss.) ont été trouvés 
das le tertiaire miocène de Weisenau et en Auvergne (6). 

Ce même genre se retrouve souvent dans le terrain diluvien. On en cite des 
ossements découverts dans les cavernes de Liége (Schmerling), de Bize (7), de 
Kirkdale (Buckland), dans le diluvium de la vallée de la Lahn (H. de Meyer), ete. 

M. Lund () l’a trouvé aussi dans les cavernes du Brésil. 

M. Marcel de Serres indique des ossements de Faisan (Phasianus, Lin.) 
dans la caverne de Bize, et M. Gervais dans le diluvium de Paris (°), 

Des fragments osseux, trouvés dans la mollasse du mont de la Molière et 
dans le sable tertiaire d'Auvergne, semblent se rapprocher du genre des 
Coos (Gallus, Brisson). 

M. Gervais cite à Ardé une nouvelle espèce (Gallus Bravardi, Gervais). 

De nombreux ossements, trouvés dans les cavernes de Lunel-Vie]l (Marcel 
dé Serres) et de Liége (Schmerling), ainsi que dans le diluviurs de Kos- 
tritz et de la vallée de la Lahn (H. de Meyer), semblent même ne pas pou- 
voir être distingués de ceux du Cog ordinaire domestique. Ce dernier point 
soulève les mêmes questions que nous avons déjà indiquées au sujet du 
chien, du bœuf et du cheval. Le coq domestique passe pour indigène de 
l'Inde et pour provenir d'une des deux espèces sauvages connues sous le nom 
de Cog de Sonnerat et de Coq de Bancks, On croit généralement que les popu- 
lations qui ont, par leurs migrations, peuplé l'Europe ont amené cette 
éspèce, domestiquée dans leur pays natal. Si la détermination de M. Schmer- 


(t) Reliq. diluv. 

(2) Journ. géol., t. TE, p. 362. 

(3) Giebel, Fauna der Voriwelt, I, 2, p. 22. 

(#) Puel, Bull. Soc, géol., t. IX, p. 45. 

(5) Ossem. foss., 4° édit., t. V. 

(6, Giebel, loc. cit., p. 22; Gervais, Thèse, p. 22. 

(7) Marcel de Serres, Journ. géol., t. II. 

(8) Münch. Gel, Anzeig., 1842. 

(®) Journ, géol., t. IT, p. 263 ; l’Institut, 1844, t. XII, p. 293, 


416 OISEAUX. 


ling est exacte, on devrait admettre l’existence d’une espèce qui aurait vécu 
en Europe avant que l’homme en eût pris possession, et dès lors l’origine des 
poules domestiques pourrait tout aussi bien lui être rapportée. 

M. H. de Meyer signale, dans ie loess de Sasbach, l’existence d’une PINTADE 
(Numida, Lin.). 

M. Lund (1) a recueilli, dans les cavernes du Brésil, des débris d’oiseaux 
du genre Tinamou (Tinamus, Lath., Crypturus, Illig.), qui est aujourd’hui 
encore spécial à l'Amérique. 


h° ORDRE. 


COUREURS (Cursores, Struthionides). 


Cet ordre comprend les oiseaux à ailes trop courtes 
pour voler, qui ont été réunis autrefois aux échassiers. 
Leurs pattes sont robustes, leurs vertèbres moins sou- 
dées ensemble que dans les autres, leur sternum est dé- 
pourvu de bréchet. Il renferme dans la nature actuelle 
les autruches, les casoars et les apteryx. 


Les cavernes du Brésil paraissent renfermer des Aurrucxes (Struthio, Lin.). 
On doit en particulier à M. Lund la découverte intéressante de deux espèces 
à trois doigts (sous-genre RaeA) dont une est bien plus grande que celle qui 
vit aujourd’hui dans l'Amérique méridionale (2). 


La découverte la plus remarquable est celle qui a été faite par 
le Rév. Williams d’un oiseau plus grand que l’autruche d’Afri- 
que, dans les terrains les plus récents de la partie du nord de la 
Nouvelle-Zélande. M. Owen, qui a décrit ces ossements intéres- 
sants (*), a montré que cette espèce avait des rapports avec les 
grands échassiers coureurs, sans pouvoir toutefois être rapportée 
génériquement à aucun d'eux. 

De nombreux ossements rapportés en Angleterre, et étudiés par 
M. Owen, ont prouvé l’existence de plusieurs espèces et même 
de deux genres, dont l’ensemble à dû donner une apparence très 
remarquable à la faune de cette époque dans la Nouvelle-Zélande. 


(1) Münch. Gel. Anzeig., 1842. 
(2) Münch. Gel. Anseig., 1842. 
(@) Mag. of nat. hist.,t. XII, p. 444. 


COUREURS. 417 


Le genre le plus nombreux et le plus anciennement connu est 
celui des Dinornis, Owen (Hegalornis, olim), Atlas, pl. XXI, 
fig. 3, 4. Leurs os étaient pleins de moelle à l'intérieur, et leur 
fémur en particulier ne présentait pas le trou pour l'air qui est 
caractéristique de la plupart des oiseaux. On peut conclure de Jà 
que l'animal était incapable de voler, et plus lourd encore que 
l’autruche. Les proportions des membres montrent aussi un 
énorme développement dans la jambe, surtout sous le point de 
vue de la force et de la grosseur. Le tarse était plus court à pro- 
portion que dans l’autruche et les casoars. Les doigts étaient au 
nombre de trois. M. Owen pense que, malgré sa taille, ses affi- 
nités les plus réelles étaient avec l’apteryx plutôt qu'avec l'au- 
truche. Le bec n'était ni aplati comme dans cette dernière, ni 
allongé comme dans le premier, mais rappelant un peu celui des 
outardes (fig. 3). 

M. Owen en distingue sept espèces qui sont : 

Le Dinornis giganteus, le premier connu, qui a duü atteindre la taille 
de près de 10 pieds ; son tibia est long de 2 pieds 10 pouces. (Voyez Atlas, 
pl. XXI, fig. 4.) 

Le Dinornis struthioides, de la taille de l’autruche. 

Le Dinornis didiformis, se rapprochant davantage du dronte. 

Le Dinornis crassus, remarquable par l'épaisseur de ses os. 

Le Dinornis casuarinus. 

Le Dinornis curtus. 

Le Dinornis otidiformis, qui ne dépassait pas la taille de l’outarde. 


Les Pazapteryx, Owen, — Atlas, pl. XXE, fig. 5 et 6, 


avaient un rudiment de pouce outre les trois doigts des dinornis. 
Leur bec était plus comprimé, et leurs formes évidemment inter- 
médiaires entre celles des casoars de la Nouvelle-Hollande et 
celles des apteryx. 

M. Owen en cite trois espèces : 

Le Palapteryx ingens, un peu plus petit que le Dinornis giganteus, 


Le Palapteryx dromioides. 
Le Palapteryx geranioides. 


Un tibia rapporté d’abord au Déinornis otidiformis devra peut- 
être, suivant M. Owen, former le type d’un nouveau genre : 
APTERORNIS (1). 


(1) Voyez sur ces oiseaux de la Nouvelle-Zélande les mémoires de M. Owen 
1. 27 


418 OISEAUX. 


Il n’est pas impossible que ces singuliers animaux aient vécu 
dans la Nouvelle-Zélande, pendant l’époque actuelle et qu'ils aient 
été détruits comme le dronte. L'état de conservation de leurs os 
et leur gisement tout superficiel peuvent le faire penser. On trouve 
chez les naturels du pays des traditions sur un grand oiseau, movie 
ou moa, qui vit encore, suivant eux, dans l’intérieur du pays, qui se 
retire dans des cavernes inaccessibles, et auquel ils attribuent les 
os du dinornis. 

M. Walter Mantell (‘) annonce avoir trouvé des fragments de 
leurs œufs. 

On devra probablement placer dans la même famille l'oiseau 
plus gigantesque encore, dont on a trouvé des œufs et quelques 
rares fragments osseux dans l'île de Madagascar. 

La même incertitude règne sur son antiquité. Il à été trouvé 
dans des alluvions récentes, et 1l est possible que, comme le moa, 
l'espèce vive encore dans l'intérieur, ce que des traditions analo- 
gues peuvent faire supposer. 

Ces œufs ont été découverts en 1850 par M. Abadie et décrits 
par M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire. Ils ont de 32 à 34 centi- 
mètres de longueur et une capacité de huit litres trois quarts 
(six fois autant que l'œuf de l’autruche, et cent quarante-huit fois 
autant que l'œuf de poule). L'épaisseur de la coquille est de trois 
lignes. Un fragment de métatarsien montre que l'oiseau avait 
trois doigts comme le dinornis. 

Il est devenu le type d'un genre nouveau nommé ÉPyornis 
(Æpyornis), par M. Isidore Geoffroy. La taille, calculée par les 
œufs et par l'os, paraît ne pas s'éloigner beaucoup de 4 mètres (?). 


5° ORDRE. 
ÉCHASSIERS (Grallæ). 


Les échassiers sont plus abondants à proportion dans 
les terrains tertiaires anciens que les ordres précédents. 


insérés dans les Trans. of the zool. Sociely, vol. KT, part. 4, 3, 4 et 5, 
t vol. IV, part. 1, et à l'APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les articles Buckland, 
Deane, Gray, Mantell, Strickland. 

(t) Athenœum, 25 septembre 1847; Biblioth. univ. de Genève, Archives, 
t. VI, p. 266. 

(2) Compt. rend. de l'Acad. des sc., 27 janvier 4851. 


ÉCHASSIERS. 419 


On en a trouvé en outre (bécasse), dans le terrain cré- 
tacé d'Amérique. 


re Famizze. — PRESSIROSTRES. 


M. Giebel décrit une Ouranpe (Otis breviceps, Giebel) (1), du terrain dilu- 
vien des environs de Quedlimbourg. F 

M. Lund (2) a trouvé un Carrama (Microdactylus, Geoffroy, Dicholophus, 
Ilig.) dans les cavernes d'Amérique. 


9e FamiLze. — CULTRIROSTRES. 


M. Gervais cite des ossements de FLAManT (Phœnicopterus, Lin.) comme 
trouvés dans le terrain tertiaire miocène d'Auvergne (Ph. Croizeli, Gervais). 

M. H. de Meyer (3) a trouvé, dans le tertiaire miocène de Wiesbaden, des 
débris qu’il rapporte avec doute aux C1Go6NEs (Ciconia, Lin.), 

La cigogne commune est indiquée par MM. Marcel de Serres, Dubreuil et 
Jean-Jean comme trouvée dans la caverne de Lunel-Viel. 

Des ossements voisins du Héron ont été trouvés par M. Croizet dans le 
terrain tertiaire d'Auvergne. 

M. de la Marmora ({) a trouvé, dans les brèches de Sardaigne, un eubilus 
qui indique une espèce de TanTaLe (T. bresciensis). 


3° Famizze. — LONGIROSTRES. 


M. Gervais nomme Numenius gypsorum (CourLis) une espèce des gypses de 
Montmartre, considérée, par Cuvier comme voisine de l’Jbis, C'est l'espèce qui 
a été nommée par quelques auteurs Tantalus fossilis (5). 

Une autre espèce du même gisement se rapproche, par ses formes, des 
Bécasses (Scolopar, Lin.). 

Un oiseau du même genre est conservé dans les tertiaires miocènes de 
Weisenau (6). 

Des fragments indéterminés d'OEningen (pliocène) s’y rapportent peut- 
être aussi (?). 

La caverne de Kirkdale (5) et le tuf diluvien de Meissen en ont aussi 
fourni. 


(1) Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 26. 

(2) Münch. Gel. Anzeig., 1842, p. 886. 

(3) Neues Jahrb., 1839, p. 77. 

(4) Journ. de géol., t. I, p. 310. 

(5) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 597, pl. 154, fig. 14. 

(6) Neues Jahrb., 1843, p. 398. 

(7) Blumembach, Spec.; Karg. Denks.; Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p.28. 
(8) Buckland, Reliq. diluv.; Giebel, loc. cit, 


120 OISEAUX. 


Harlan (1) rapporte à ce même genre un os du grès vert (sénonien) de 
New-Jersey, conservé au Musée de Philadelphie. 

Des ossements de Montmartre ont été assimilés par Cuvier au genre des 
ALOUETTES DE MER (Pelidna, Cuvier). D’autres sont rapportés par M. Gervais à 
celui des TrinGA (2). 


4e Famizze. — MACRODACTYLES. 


Un os de la jambe, des lignites de Kaltennordheim, paraît se rapporter à 
une FouLque (Fulica, Lin.) (3). 

MM. Const. Prévost et Dunoyer ont trouvé dans les brèches de Montmo- 
rency des ossements qu’ils attribuent aux RazLes (Rallus, Lin.) (f). 

M. Lund a trouvé dans les cavernes du Brésil ($) des fragments d’un 
oiseau du même genre. 


Le genre des Norornis, Owen, présente une histoire plus sin- 
oulière. Ia été fondé sur quelques ossements trouvés à la Nouvelle- 
Zélande avec ceux des dinornis. Puis, contrairement à ce qui 
s'est passé pour beaucoup d'espèces qui, connues d’abord à l'état 
vivant, ont été trouvées fossiles dans les terrains diluviens, cet 
oiseau, après avoir été inscrit seulement dans les catalogues de 
paléontologie, a été trouvé vivant à la Nouvelle-Zélande par M. Wal- 
ter Mantell. Un très bel exemplaire existe à Londres, dans les 
collections de M. le docteur Mantell, et montre que ce genre est 
voisin des TALÈVES ou POULES SULTANES (Porphyrio, Brisson), 
dont il a la riche coloration (*). 


6° ORDRE. 


PALMIPÉDES. 


Les palmipèdes, autant qu'on peut en juger dans 
cette histoire encore si pleine de lacunes, paraissent plus 
anciens en Europe que les autres oiseaux. On en a 


(1) Phys. et med. Res., p. 280. 

(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V ; Gervais, Thèse, p. 16 et 18. 

(3) Schlotheim, Petrefacten, p. 26; Giebel, loc. cit,, p. 29. 

(4) L'Institut, 1844, t. XII, p. 293. 

(°) Münch. Gel. Anzeig., 1842. 

(6) Voyez Owen, Mém. cités sur le Dinornis; Mantell, Ann. et mag. of 
nat, hist., novembre 1850; Bibl, univ., 1851, Archives, t. XVE, p. 73. 


PALMIPÈDES. 421 


trouvé une espèce (Cimoriornis) dans la craie de Maïd- 
stone. Ils se continuent dans les terrains tertiaires et 
diluviens. 


4re Famizze. — LONGIPENNES,. 


M. Giebel {t) décrit une MouerTe (Larus priscus) trouvée dans les terrains 
diluviens de Quedlimbourg. 

Les brèches de Nice paraissent renfermer des ossements que l'on peut 
attribuer au même genre ou à celui des HiRONDELLES DE MER (Sterna, Lin.) 

Lord Enniskillen a trouvé, dans la craie de Maidstone, quelques os qui, 
suivant M. Owen, appartiennent à une espèce voisine des ALBATRos (Dio- 
medea, Lin.), mais qui doit former un genre nouveau. Il l'a nommée Cimo- 
LIORNIS (xuw)tx, Craie) (écrit quelquefois par erreur Cincoliornis), et l'espèce 
C. diomedeus (?), c’est l'Osteornis diomedeus, Gervais (Thèse). 

Cet oiseau est le seul dont l’existence soit clairement démontrée dans la 
craie d'Europe. 


9 FamLLe. — TOTIPALMES. 


Les gypses de Montmartre ont fourni à Cuvier () des ossements que cet 
illustre anatomiste considère comme plus voisins du PéLicAN (Pelicanus, Lin.) 
que de tout autre oiseau, mais avec des formes intermédiaires entre celles 
du grand pélican et celles du cormoran. 

Le calcaire tertiaire paludin de Mombach paraît renfermer une autre 
espèce de ce dernier genre, celui des Cormoraxs (Phalacrocoraæ, Briss., 
Carbo, Meyer, Halieus, Iig.) (#). 

Le genre des PÉricans est peut-être aussi représenté parmi les fossiles des 
cavernes d'Angleterre (?). 


3e Famizze. — LAMELLIROSTRES. 


MM. Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-Jean citent avec doute le CYGNE 
(Cycnus olor) dans la caverne de Lunel-Viel. 

Les OiEs (Anser, Briss.) ont été trouvées fossiles dans le diluvien de 
Lawford et de France (6). 


(1) Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 31. 
(2) Owen, Trans. geol. Soc., 2° série, t. VI, p. 411; Brit. foss. mamm., 
p. 45. 

) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 596. 
Neues Jahrb., 1839, p. 70; Giebel, loc. cit., p. 33. 
Bull. Férussac;, t. XIX, p. 211 ; Giebel, loc. cit. 
(6) Buckland, Reliqg. diluv.; Gervais, Thèse ; Giebel, loc. cit. 


422 REPTILES EN GÉNÉRAL. 


Les CanarDs (Anas, Lin.) paraissent dater de l’époque des tertiaires d'Au- 
vergne (1), et avoir laissé plusieurs espèces dans les brèches de Sardaigne (2), 
le diluvium de la vallée de la Lahn (H. de Meyer) et la caverne de Kirkdale 
(Buckland). 

Les Harces (Mergus, Lin.) ont été représentés par une espèce pendant 
l'époque tertiaire ancienne. M. Gervais (Thèse) en cite une espèce trouvée à 
Ronzon, près le Puy (miocène inférieur), et il l'a nommée plus tard Mergus 
Ronzoni, Gervais. 


4 Fame. — PLONGEURS. 
(Brachyptères, Pygopodes.) 


M. Buckland rapporte au genre des PLonGEons (Colymbus, Lin.) quelques 
ossements de la caverne de Kirkdale. 


Nous ne parlerons pas ici du DroxTE ou Dopo (Didus ineptus), 
quoique cet oiseau ait disparu de la nature vivante. Il n'a en effet 
été détruit qu'à une époque récente, et son histoire n'appartient 
pas à la paléontologie. 


TROISIÈME CLASSE. 
REPIELES. 


La classe des reptiles est une de celles qui présen- 
tent le plus d'intérêt sous le point de vue paléontolo- 
gique. Les débris fossiles de ces animaux révèlent des 
formes si bizarres dans plusieurs espèces, une taille si 
gigantesque dans d'autres et une distribution géogra- 
phique si différente de celle qui existe aujourd’hui, 
qu'ils doivent nécessairement attirer l'attention du 
séologue et du zoologiste. 

Il résulte d’ailleurs de l'antique apparition des rep- 


(1) Gervais, Thèse, etc. 
(2, Wagner, Abh. Bayer. Acad., 1832, p. 751, 


REPTILES EN GÉNÉRAL. 423 
tiles et de leur existence pendant la totalité des pério- 
des secondaire et tertiaire, que leurs ossements se trou- 
vent dans beaucoup de terrains. Ils sont par là plus 
propres que les mammifères et les oiseaux à donner 
une idée de ces renouvellements remarquables de l’or- 
ganisation et de cette succession des différentes faunes 
dont nous avons parlé dans la première partie de cet 
ouvrage. 

On divise ordinairement les reptiles en quatre or- 
dres : les CHÉLONIENS, ou tortues; les SauriENS, qui 
sont les crocodiles, les lézards, etc.; les Opnipiens, ou 
serpents, et les BaTRAGIENS, qui comprennent les gre- 
nouilles, les salamandres, les protées, etc. Cette clas- 
sification, proposée pour la première fois par M. Alexan- 
dre Brongniart, repose sur des caractères d’une obser- 
vation facile; mais on peut lui reprocher de ne pas 
tenir compte de l’importance relative des différences 
qui existent entre ces quatre divisions. Les batraciens 
forment un type très distinct des autres reptiles ; ils 
présentent un ensemble de caractères qui force à 
les en séparer davantase, et à les considérer comme 
constituant une sous-classe distincte. Leur peau nue, 
leurs métamorphoses, l’existence des branchies dans 
le jeune âge, leur cœur à deux loges, justifient cette 
séparation et ont même aux yeux de quelques natu- 
ralistes une valeur suffisante pour en faire une classe 
distincte. 

Les chéloniens, les sauriens et les ophidiens sont au 
contraire réunis ensemble par de nombreuses analo- 
pics. Leurs écailles, l'absence de métamorphoses, leur 
respiration pulmonaire à tous les âges et leur cœur à 
quatre ou trois loges, démontrent évidemment chez eux 
une organisation supérieure à celle des batraciens ot 


424 REPTILES EN GÉNÉRAL. 
prouvent qu'ils sont bien plus éloignés de cette sous- 
classe qu'ils ne diffèrent les uns des autres. 

Ces trois ordres sont du reste faciles à distinguer. 
Les chéloniens sont remarquables par leur enveloppe 
osseuse, leurs côtes et les apophyses épineuses de leurs 
vertèbres qui se soudent pour former une carapace, et 
leur sternum qui s’élargit en un plastron. Les sauriens 
ont presque toujours quatre membres, et des mâchoires 
non extensibles. Les ophidiens n’ont pour squelette 
qu'une tête, une colonne épinière et des côtes; leurs 
mâchoires sont susceptibles d’être très écartées, soit 
de la tête, soit l’une de l’autre, pour donner à la bou- 
che une très grande dimension. 

L'étude des reptiles fossiles force à admettre un plus 
grand nombre de divisions; les reptiles aiïlés etles rep- 
tiles à nageoires ne peuvent plus, en particulier, rester 
dans le même groupe que les crocodiles et les lézards. 
Ils en diffèrent par des caractères au moins aussi im- 
portants que ceux qui ont servi dans les autres classes 
à établir des ordres. Nous devons donc, aux trois ordres 
que nous venons d'indiquer et qui sont fondés sur lé- 
tude des reptiles vivants, en ajouter trois autres qui 
Sont : 

Les PréropacryLiEns, caractérisés par l'allongement 
extraordinaire de l'os externe de la main qui a dû sou- 
tenir des ailes membraneuses analogues à celles des 
chauves-souris. 

Les Énariosauriens, chez lesquels les pattes n’ont 
plus de doigts distincts, mais sont converties en nageol- 
res composées de plaques uniformes. 

Les LagyriNrHoponres qui, par la singulière compli- 
cation du tissu de leurs dents, par l'implantation de 
quelques uns de ces organes sur le vomer, et par leurs 


REPTILES EN GÉNÉRAL. 425 


doubles condyles occipitaux, s’éloisnent considérable- 
ment du type normal des sauriens et font un passage 
aux batraciens, et sous certains points de vue, aux pois- 
sons. 

Quelques auteurs vont plus loin encore et séparent 
les crocodiliens et les sauriens proprement dits en deux 
ordres distincts. de suis tout prêt à reconnaître que cette 
classification repose sur des caractères importants, et en 
particulier que les organes de la circulation semblent 
la justifier ; mais elle est, pour le moment au moins, inap- 
plicable à la paléontologie. Il est impossible de répartir 
avec quelque certitude les genres fossiles de manière 
qu’on puisse assurer que les uns ont eu tous les carac- 
tères des crocodiliens, et que les autres sont analogues 
aux sauriens proprement dits. Beaucoup de genres que 
nous associons par leurs dents et par la forme de leur 
crâne aux crocodiles peuvent en différer par le reste 
de l'organisme. Quelques uns peuvent former des tran- 
sitions. Ce serait donc augmenter les chances d’er- 
reur, que d'admettre une division imparfaitement ca- 
ractérisée par les parties solides, et nous continuerons à 
ne faire des crocodiles, des dinosauriens et des lacerti- 
formes, que des familles d’un ordre unique, celui des 
sauriens. 

La distinction des genres et des espèces présente 
plus de difficulté que dans les mammifères. L'unifor- 
mité plus grande dans la forme externe des dents, la con- 
naissance moins complète de l'anatomie comparée des 
reptiles vivants, des différences plus considérables 
entre les types actuels et ceux qui ont disparu dans les 
époques antérieures à la nôtre, en sont les causes prin- 
cipales. Il faut y joindre le fait que les dimensions ab- 
solues ne peuvent jouer qu'un rôle très secondaire. 


126 REPTILES EN GÉNÉRAL. 


Ces dimensions, dont il ne faut déjà pas exagérer 
importance dans les mammifères, deviennent dans les 
reptiles un caractère tout à fait accessoire. Cesanimaux, 
en effet, croissent longtemps après qu'ils ont atteint 
leurs caractères définitifs, et tandis que les animaux 
supérieurs ont à l'âge adulte une taille presque con- 
stante, où dont les variations sont renfermées dans des 
limites très peu étendues, on voit les reptiles changer 
complétement de dimension depuis le moment où leur 
squelette est tout à fait ossifié et où ils ont acquis la 
propriété de se reproduire. 

1 résulte de là, que nous aurons dans les reptiles 
bien plus de genres et d'espèces douteuses à énumé- 
rer. Plusieurs genres ne peuvent pas être placés dans 
une familie certaine, et quelques uns même ne peuvent 
pas être rapportés à un ordre plutôt qu'à un autre. 
L'étude de dents isolées ne peut plus ici, comme dans 
les mammifères, fournir des déterminations de quelque 
certitude, et l’on aurait probablement mieux fait de ne 
pas établir autant de genres nouveaux sur des données 
insuffisantes. 

Les reptiles manquent ou sont très peu abondants 
dans les époques les plus anciennes. On n’en a jusqu’à 
présent trouvé aucun débris dans les terrains siluriens. 
De nouvelles découvertes de M. Mantell prouvent leur 
existence pendant l'époque dévonienne. Des ossements 
peu nombreux et de petite dimension démontrent éga- 
lement qu’ils ont vécu dans l’époque carbonifère. Ils 
ont augmenté un peu de nombre dans les dépôts pé- 
néens. 

Mais pendant l'époque secondaire, cette classe a pris 
un très grand développement. Les terrains triasiques 
renferment déjà des espèces de srande taille et de ca- 


REPTILES EN GÉNÉRAL. 497 


ractères remarquables, Les mers jurassiques et créta- 
cées ont été habitées, surtout vers leurs rivages, par 
une grande quantité de ces animaux de formes très dif- 
férentes de celles que nous observons aujourd'hui. Ces 
reptiles paraissent par leurs dents puissantes, leur force 
et leur grande taille, avoir été de redoutables carnas- 
siers, et avoir régné en Lyrans sur les populations con- 
temporaines de poissons et de mollusques. C’est à cette 
époque, en particulier, qu'appartiennent ces grands 
ichthyosaures dont la forme du corps et des pattes rap- 
pelle les cétacés, et les plésiosaures qui joignent aux 
caractères des reptiles et à ceux des cétacés le cou 
délié et la petite tête des oiseaux aquatiques ! 

Pendant le temps où les mers renfermaient ces êtres 
remarquables, les airs en possédaient d'autres encore 
plus singuliers peut-être. Tandis que de nos jours les 
oiseaux seuls et quelques mammifères (les chauves-sou- 
ris) sont organisés de manière à pouvoir s'élever dans 
l'air, nous voyons avec étonnement quelques reptiles de 
l’époque secondaire présenter des ailes d’une forme 
toute spéciale, dont les membranes considérables 
étaient soutenues au moyen d’un seul doigt très long. 
Ces ptérodactyles avaient une mâchoire puissante, mu- 
nie de longues dents, et quelques uns ont atteint une 
taille considérable, 

Les reptiles terrestres de cette même époque se- 
condaire sont plus remarquables encore par leur gran- 
deur, tandis que leurs formes se rapprochent davantage 
de celles des vivants. Vers la fin de cette époque, les 
continents européens ont été habités par quelques sen- 
res, dont les formes lourdes et les pieds courts rap- 
pellent les pachydermes, mais dont les caractères essen- 
tiels sont ceux des monitors et des lézards. Nos plus 


128 REPTILES EN GÉNÉRAL. 


grands reptiles terrestres ont aujourd’hui au plus cinq 
ou six pieds de longueur, tandis que nous voyons les 
mégalosaures en avoir trente, et l’iguanodon atteindre 
la taille énorme de soixante pieds ! 

Avec la fin de l'époque secondaire on voit s’éteindre 
ces races monstrueuses, et l’époque tertiaire n’a ren- 
fermé que des reptiles à peu près semblables aux nô- 
tres, et dont les mœurs et la distribution ont eu, sauf 
quelques modifications , beaucoup de rapports avec 
celles des reptiles actuels. 

Ainsi, en résumé, la classe des reptiles, inconnue 
dans les premiers âges du monde, à pris naissance vers 
le milieu de la période primaire, a acquis dans l’époque 
secondaire un prodigieux développement, a eu en quel- 
que sorte alors une époque de règne et de domination 
sur le reste de la création; puis est rentrée avec la pé- 
riode tertiaire dans des conditions plus modestes, qui 
l'ont peu à peu amenée au point où elle est aujour- 
d'hui. E nous faut chercher quelles conclusions théori- 
ques on peut tirer des principaux faits que présente 
leur histoire. | 

L'étude des reptiles fossiles fournit, en premier lieu, 
une preuve constante et sans réplique de la loi essen- 
tielle que les espèces fossiles ont eu une durée limitée. 
On n’a pas encore découvert, avant l’époque diluvienne, 
un seul reptile fossile que l'on puisse rapporter à une 
espèce vivante, et, pour la plupart d’entre eux, on a été 
obligé d'établir des genres nouveaux. Sans parler ici 
des ptérodactyles, des ichthyosaures, etc., il est quel- 
ques faits qui méritent d'être cités. Ainsi on n’a pas 
trouvé avant l'époque tertiaire un seul crocodilien qui 
ait les vertèbres formées sur le type de ceux qui vivent 
actuellement; ainsi la plupart des lacertiens des terrains 


REPTILES EN GÉNÉRAL. 429 


anciens ont les dents implantées autrement qu’au- 
jourd’hui. 

Si l’on compare entre eux les reptiles des divers ter- 
rains, On arrivera aussi facilement à se convaincre qu’ils 
forment une série de faunes distinctes ; ceux des terrains 
dévonien, carbonifère, pénéen et triasique , ont tous 
des caractères assez tranchés pour qu’on ait dû en former 
des genres nouveaux. Les reptiles des terrains jurassi- 
ques et crélacés ont aussi leurs formes spéciales, et ne 
ressemblent ni aux précédents, ni à ceux des terrains 
tertiaires. Ces derniers correspondent, pour les genres, 
avec ceux qui vivent aujourd'hui; mais les espèces sont 
toujours nettement distinctes, 

Il faut toutefois remarquer que si l’on consulte les 
catalogues que renferment la plupart des traités de géo- 
logie, on trouvera quelques exceptions à cette loi. Ainsi 
l'Ichthyosaurus communis est indiqué dans les anciens 
catalogues comme se trouvant dans le lias et dans la 
craie, etc. Plusieurs faits de ce genre ont été reconnus 
faux, et il faut remarquer que l'identité des espèces a 
souvent été établie sur l'étude d’un nombre très insuf- 
fisant de fragments, et dans un temps où les principes 
de la science n'étaient pas assez connus pour qu'on 
sentit toute [a gravité de ces rapprochements. Leur réa- 
lité s’évanouit presque toujours devant un examen ap- 
profondi. 

Il est encore d’autres lois que confirme l'étude des 
reptiles fossiles. Ainsi on y trouve des preuves de celle 
que j'ai établie plus haut (p.57, 3° loi), en montrant que 
les différences qui existent entre les faunes perdues et 
les animaux actuels sont d'autant plus grandes que les 
faunes sont plus anciennes. Si l’on compare , en effet, 
la création actuelle avec la faune tertiaire, on verra, 


À30 REPTILES EN GÉNÉRAL. 


comme je l'ai dit, qu'il n'y a presque aucune différence 
générique; landis qu'une comparaison analogue avec 
la faune secondaire montrerail au contraire de très 
oraudes dissemblances. Les ichthyosaures, les ptéro- 
dactyles, etc., rendent ce fait évident. 

Mais nous pouvons voir aussi, comme je le disais alors, 
qu'il ne faut pas exagérer celte loi en voulant la trop gé- 
néraliser. Si nous remontons, en effet, à des terrains 
plus anciens encore, nous trouverons, il est vrai, quel- 
ques types qui, tels que les labyrinthodontes s’éloignent 
beaucoup des genres actuels; mais nous verrons aussi, 
dans ces mêmes terrains, des lacertiens qui ressemblent 
bien plus à ceux qui vivent aujourd’hui que les genres 
anomaux des terrains secondaires que je viens de rap- 
peler. 

On trouve aussi dans l’histoire des reptiles une con- 
firmation de notre huitième loi (p.71), qui rappelle que 
la température de la terre à varié. Ces grands reptiles 
ont dù vivre dans des climats plus chauds que le nôtre. 
On peut voir, en particulier, une preuve de la tempé- 
rature plus élevée de l’époque tertiaire, dans le fait 
qu'alors le nord du continent européen nourrissait des 
serpents semblables aux boas ou aux pythons, qui sont 
aujourd’hui spéciaux à la zone torride. On en peut tirer 
aussi de ce que les tortues et les crocodiles habitaient 
les mers et les estuaires d'Angleterre, tandis qu’ils ne 
vivent aujourd’hui que dans les eaux des régions chau- 
des du globe. 

La dixième loi (p. 75), qui établit que tous les ani- 
maux fossiles ont été formés sur le même plan que les 
animaux actuels, reçoit aussi de l'étude des reptiles une 
importante confirmation. Les types les plus bizarres et 
les plus éloignés par leur forme des habitants du monde 


REPTILES EN GÉNÉRAL. 431 


actuel ont toujours leur squelette composé de pièces dont 
l’homologie est évidente. 

Mais si la paléontologie des reptiles fournit des 
preuves en faveur des lois que j'ai indiquées comme 
probables, elle sert aussi à réfuter et à restreindre 
celle du perfectionnement graduel des êtres (5° Loi, 
p. 62) que j'ai déjà montré être fondée sur une 
généralisation hasardée de faits incomplétement ob- 
servés. 

On peut remarquer en premier lieu que, dans Ja 
faune la plus ancienne, deux ordres sont représentés, 
et que ces deux ordres, les chéloniens et les sauriens, 
loin d’être les plus imparfaits, sont au contraire re- 
gardés comme les plus élevés par leur organisation. 

Si nous examinons aussi quels sont les types de cha- 
cun de ces ordres, nous trouverons dans leur compa- 
raison une seconde preuve contre le perfectionnement 
graduel, Plusieurs sauriens des terrains anciens sont 
des lacertiens thécodontes ; c’est-à-dire que, s'ils sont 
moins parfaits que les crocodiliens, ils le sont plus que 
les iguaniens et les lacertiens actuels. 

Dans l’époque secondaire, nous trouvons des chélo- 
niens d’une perfection égale aux actuels ; nous y voyons 
aussi des crocodiliens (*) et des lacertiens inférieurs à 


(1) Je dois faire remarquer ici que la comparaison de la perfection des or- 
ganismes soulève des questions si délicates et si difficiles, que l’on trouve 
quelquefois, si l’on veut, des preuves pour ou contre, et qu'il est important, 
dans une discussion de cette nature, de regarder l'ensemble, et non tel ou 
tel détail. Les crocodiliens des terrains secondaires en fournissent une preuve. 
Js sont inférieurs, sous uu point de vue, à leurs successeurs, car ils ont les 
vertèbres biconcaves, circonstance qui prend quelque importance du fait que 
les crocodiliens actuels passent, dans l’état embryonnaire, par cette forme 
de vertèbres biconcaves, et que l’on peut dire, jusqu’à un certain point, que 
les téléosaures sont des crocodiliens qui n’ont pas atteint leur terme complet 
de développement. Ce fait est remarquable; mais il est isolé et il w’infirme 


432 REPTILES EN GÉNÉRAL. 


quelques types vivants et supérieurs à d’autres. Les 
ichthyosaures et les plésiosaures font, il est vrai, un 
passage aux poissons; mais en admettant leur infério- 
rité d'organisation relativement aux reptiles actuels, on 
n’en pourrait rien conclure en faveur du perfectionne- 
ment graduel, car ils sont en même temps inférieurs 
à la plupart des reptiles qui les ont précédés dans les 
terrains pénéen et triasique. 

On doit donc reconnaître que chacune des faunes, 
qui a ses caractères tranchés et spéciaux, a eu en même 
temps une moyenne de perfection qu’on ne peut esti- 
mer ni supérieure, ni inférieure aux autres, et que l’on 
ne peut en conséquence admettre en aucune manière que 
les reptiles se soient graduellement perfectionnés. 

L'étude de ces animaux fournit aussi des preuves 
contre l’idée de la transition des espèces, que j'ai mon- 
trée ailleurs être la véritable base de la théorie du per- 
fectionnement graduel. On ne trouve aucune transition 
admissible entre les ichthyosaures etles reptiles qui sont 
venus avant ou après eux. Les ptérodactyles forment un 
type unique et tranché que rien ne lie à aucun genre 
qui les ait précédés ou suivis. On peut dire la même 
chose de presque tous, et l’on est forcé d’en conclure 
que chacun de ces genres remarquables a été créé tel 
que nous le connaissons, et à eu son existence tout à 
fait indépendante des autres. 

Les détails qui vont suivre fourniront d’ailleurs des 
explications et des confirmations de ce que je viens d’in- 
diquer d’une manière générale. Il ne me reste plus ici 
qu'à dire quelques mots des terrains où l'on a trouvé 
des ossements de reptiles. 


pas ceux plus essentiels qui démontrent l'égalité de perfection de l’ensem- 
ble des faunes. Il se rapporte du reste à notre sixième loi, p. 69. 


REPTILES EN GÉNÉRAL. 433 


Les rares débris des reptiles qui ont vécu pendant 
l’époque dévonienne ont été découverts à Cummington, 
près Elgin (Morayshire). 

Les terrains de l’époque carbonifère où l'on a trouvé 
quelques ossements de ces animaux sont les étages les 
plus supérieurs de cette formation, aux environs de 
Saarbruck (Archegosaurus); auxquels on pourrait ajou- 
ter, si la détermination des fossiles était plus cer- 
taine, ceux de Munsterappel dans la Bavière rhénane 
(Apateon). Les dépôts carbonifères de Greensburg 
(Pensylvanie, Amérique septentrionale) contiennent 
des impressions de pas que l’on considère comme indi- 
quant aussi l’existence d'animaux de cette classe. 

Dans l’époque pénéenne on cite les conglomérats 
dolomitiques des environs de Bristol, le zechstein de 
la Thuringe, et quelques localités de la Russie, où l’on 
a trouvé des ossements. 

Le terrain triasique renferme des ossements de rep- 
tiles dans ses trois étages, le grès bigarré, le muschel- 
kalk et le keuper. On cite en Allemagne, les environs 
de Nuremberg, de Stuttgardt, de Bayreuth, de Sulzbad, 
quelques gisements de Bohême et de Franconie, etc.; en 
Angleterre, les dépôts de Leamington et de Grinsill; en 
France, ceux de Lunéville, etc. Quelques gisements du 
nouveau grès rouge d'Angleterre, d'Allemagne et des 
États-Unis ont conservé des empreintes de pas. 

Le terrain jurassique est plus riche. Sa formation 
inférieure, ou lias, est un des terrains où les reptiles 
sont les plus abondants. Parmi les localités principales 
on peut citer, en Angleterre, le lias de Lyme Regis, de 
Bristol et de quelques autres points, où l’on à trouvé 
les squelettes les plus beaux et les plus complets de 
plésiosaures et d’ichthyosaures, et en Allemagne le 


Le 28 


434 REPTILES EN GÉNÉRAL. 


lias d’Altdorf et de Boll en Wurtemberg, qui ont fourni 
de nombreux crocodiliens, etc. 

Les reptiles de loolithe inférieure sont principale- 
ment connus par l'exploitation des carrières de Stones- 
field en Angleterre, ainsi que par celles des calcaires de 
Caen et de quelques autres parties de la Normandie. 
Parmi les localités les plus célèbres du terrain juras- 
sique supérieur sont les schistes calcaires de Monheim 
et de Solenhofen qui ont fourni des crocodiliens, des 
lacertiens, et surtout les plus beaux échantillons connus 
du genre ptérodactyle. On peut citer aussi les dépôts 
kimméridgiens de Shotover, du Havre, de Honfleur, 
de Soleure, etc. 

Le terrain wealdien, qui, comme je lai dit ailleurs, 
correspond à la fin de la période jurassique ou au com- 
mencement de l’époque crétacée, a été exploité avec 
un grand succès dans diverses parties de l'Angleterre, 
et en particulier dans l'île de Wight, les environs de 
Purbeck, la forêt de Tilgate, etc. C’est à ce terrain, qui 
a été déposé par l’eau douce et probablement dans des 
estuaires, que l’on doit la conservation de plusieurs 
genres gisantesques, tels que l’iguanodon, le mégalo- 
saure et l'hyléosaure. 

Dans les terrains crétacés, on peut citer principale- 
ment quelques gisements en Angleterre (Maidstone, 
Cambridge, etc.), la craie de la montagne de Maestricht, 
dans laquelle on a trouvé les restes du mosasaure, et 
les grès verts supérieurs de New-Jersey ( Amérique 
septentrionale). 

La plupart des grands dépôts tertiaires que nous avons 
cités en parlant des mammifères ont aussi fourni quel- 
ques ossements de reptiles. Les plus riches sont: 
l'argile des environs de Londres; les dépôts inférieurs 


CHÉLONIENS EN GÉNÉRAL. 435 


du basssin de Paris, quelques autres localités de France 
(Aix, Auverene, Argenton, etc.\; les moliasses de 
Suisse, celles d'Allemagne (Wiesbaden, Weisenau, 
Georgensgmund, etc.); les terrains pliocènes d’Asti, 
de Montpellier, d'OEningen, le crag d'Angleterre, etc. 

Dans ces divers gisements les os sont quelquefois 
conservés par une véritable pétrification; quelquefois 
aussi leur tissu est moins changé. Tantôt, comme je l'ai 
dit ailleurs, les squelettes sont trouvés entiers et prou- 
vent que l’animal a été mis à mort presque en mème 
temps qu'il a été enseveli: c'est ce qu'on voit pour 
beaucoup d'ichthyosaures et de plésiosaures du has, et 
pour les téléosaures de l’oolithe. Quelquefois aussi les 
os sont trouvés épars, ont été dépouillés de leurs parties 
molles et charriés par les eaux, avant que d'être recou- 
verts par la vase ou le sable. C’est ce qu'on remarque 
souvent dans les terrains wealdiens; c'est ce qui arrive 
aussi à quelques ossements du terrain kimméridgien, 
que l’on voit recouverts par des mollusques qui ont eu 
le temps de s’y fixer, entre le moment où les chairs ont 
élé macérées et celui où les os ont été définitivement 
ensevelis. 


re SOUS-CLASSE. 


REPTILES PROPREMENT DITS. 


1° ORDRE. 
CHÉLONIENS , ou TORTUES. 
Les chéloniens sont faciles à distinguer de tous les 


reptiles par l'énorme développement de leur sternum 
qui forme un plastron, et par la soudure de leurs côtes 


436 REPTILES. — CHÉLONIENS. 


avec les apophyses épineuses des vertèbres dorsales 
en une carapace, qui fournit un mode de protection 
impérieusement réclamé par la lenteur de la marche 
de ces animaux. 

Ils manquent tous de dents et leurs mâchoires sont 
protégées par un étui corné en forme de bec. Leur tête 
est courte, avec une cavité encéphalique médiocre, 
l'os carré est soudé au temporal; l’occipital s'articule 
avec l’atlas par un seul condyle qui correspend au 
corps de la vertèbre. 

La carapace est composée de cinq séries de pièces 
unies ensemble par des sutures dentées. La série 
médiane correspond aux apophyses épineuses des ver- 
tèbres (pièces dorsales ou vertébrales), les deux séries 
qui les bordent à droite et à gauche proviennent de 
l’épatement des côtes ( pièces costales), et les deux séries 
qui forment le bord (pièces marginales) ont été consi- 
dérées par quelques auteurs comme représentant les 
cartilages des côtes ; mais le fait que souvent elles ne 
se soudent pas avec le sternum, peut aussi bien en faire 
des épiphyses des vraies côtes. IT faut d’ailleurs remar- 
quer que souvent les antérieures ou nuchales et tou- 
jours la postérieure ou sus-caudale, sont impaires. 

Le sternum est dilaté en un vaste plastron composé 
de neuf pièces dont une médiane (endosternal), et huit 
formant quatre paires que M. £. Geoffroy désigne sous 
les noms de épisternaux, hyosternaux, hyposternaux 
et æiphisternaux. 

Les membres sont placés en dedans des os du tronc 
ou de la carapace, disposition anormale et unique 
parmi les vertébrés. L’épaule est composée de trois os 
homologues de ceux des oiseaux, et les pattes sortent 
par des échancrures du plastron. Le bassin est normal. 


CHÉLONIENS EN GÉNÉRAL. 437 


La carapace et le plastron sont recouverts par une 
peau qui est ordinairement divisée en écailles. Leur 
bord laisse une trace sous la forme d’un sillon, en sorte 
que leur disposition est visible lors même que l'os seul 
a été conservé. Elles correspondent, sauf des change- 
ments de nombre et de proportion, aux pièces de la ca- 
rapace et du plastron; sur la première on trouve une 
série médiane de plaques vertébrales, deux séries (une 
de chaque côté) de plaques costales, et le bord est oc- 
cupé par des plaques marginales. I faut avoir soin de 
ne pas confondre les sillons larges et peu profonds qui 
sont formés par le bord des plaques, avec les sutures 
dentées des véritables pièces du squelette. Le sternum 
présente aussi des plaques qui correspondent à peu 
près aux pièces osseuses. On nomme plaques qulaires 
celles qui couvrent les épisternaux et qui sont situées 
sous la gorge; plaques axillaires celles qui sont dans 
les échancrures par où sortent Les pattes antérieures, et 
plaques inguinales celles des échancrures postérieures. 

On distingue les chéloniens en quatre ordres, d’après 
la forme de leurs pieds, de leur carapace et de leur 
plastron. 

Les ToRTUES DE TERRE, Où CHERSITES, Ont une carapace 
solide, très bombée, où toutes les pièces sont en con- 
tact; un plastron également plein, largement soudé à 
la carapace ; des membres courts, à doigts réunis en 
moignons arrondis et protégés par de gros ongles qui 
méritent presque le nom de sabots. (Atlas, pl. XXIT, 
fig. { et 2.) 

Les TorTUES D'EAU DOUCE, où ÉLODITES, ont une cara- 
pace moins solide, moins bombée, composée aussi de 
pièces complétement en contact, mais souvent soudées 
tardivement ; un plastron plus petit, quelquefois percé 


4138 REPTILES. —— CHÉLONIENS. 


par une ouverture, quelquefois aussi imparfaitement 
soudé à la carapace ; des doigts longs, dont quatre ou 
cinq ont des ongles, et qui sont réunis par une pal- 
mure. (Atlas, pl. XXIL, fig. 3 et 4.) 

Les TorRTUES FLUVIALES, ou POoTAMITES, à caparace très 
déprimée, composée de pièces incomplétement réunies, 
sans pièces marginales ; à plastron composé d'éléments 
non soudés; à lèvres charnues et non cornées; à peau 
molle non divisée en écailles, et à doigts distincts dont 
trois seulement portent des ongles. (Atlas, pl. XXII, 
fig. 5 et 6.) 

Les TORTUES MARINES, Où TIHALASSITES, à carapace dé- 
primée, cordiforme, composée de pièces incompléte- 
ment réunies, mais ayant des pièces marginales; à 
plastron composé d’éléments non soudés ; à lèvres cor- 
nées ; à doigts comprimés, cachés et empâtés par des 
écailles, en sorte que le membre antérieur est converti 
en une nageoire puissante. (Atlas, pl. XXI, fig. 7 à 9.) 

On n’a pas de preuves incontestables de l’existence 
des chéloniens à la surface de la terre avant le commen- 
cement de l’époque secondaire, car on n’en a encore 
trouvé aucun ossement dans les terrains de l’époque 
primaire. 

Mais des impressions de pas laissées sur les couches 
encore molles, et qui rappellent la forme des pieds des 
tortues plus que celle de tous les autres reptiles, sem- 
blent faire remonter leur apparition plus haut. On en 
a cité depuis longtemps dans les terrains du nouveau 
grès rouge (terrain triasique). Le capitaine Lambart 
Brickenden vient d'en découvrir dans des formations 
plus anciennes encore (le terrain dévonien). Je n'ai pas 
besoin d’ajouter qu'il est difficile d'attribuer à ces 
traces une autorité équivalente à celle qu'aurait la dé- 


CHÉLONIENS EN GÉNÉRAL. 139 


couverte de pièces osseuses. L'existence des chéloniens 
n'est démontrée par ces preuves plus positives que 
dans ies terrains jurassiques et dans ceux qui les ont 
suivis. 

Les circonstances qui accompagnent leur appari- 
tion donnent matière à quelques considérations inté- 
ressantes. 

En premier lieu, on peut tirer, de l’histoire paléon- 
tologique des tortues, les mêmes conclusions que nous 
avons déjà vu que fournissait la comparaison pius géné- 
rale des reptiles, contre le prétendu principe du perfec- 
tionnement graduel des êtres. Les quatre types que nous 
venons de caractériser ont apparu ensemble ; car, sans 
tenir compte des traces de pas dont nous venons de 
parler, on les trouve tous dans Les terrains jurassiques. 

Quant à leur distribution géographique , on trouve 
une confirmation de la loi que j'ai rappelée plus haut, 
que la température du globe a été plus uniforme qu’elle 
ne l’est aujourd'hui; car les chéloniens, qui de nos jours 
sont principalement habitants des régions chaudes, 
ont vécu anciennement dans les parties septentrionales 
de l’Europe et de l'Asie. 

La taille des chéloniens fossiles ne paraît pas avoir 
en général excédé celle des tortues actuelles, et les di- 
mensions qu'acquiert de nos jours la tortue franche sont 
supérieures à celles de presque tous les fossiles euro- 
péens. La même chosen’a pas lieu pour lestortues d’Asie; 
car les terrains subhimalayens recèlent les débris d’un 
immense animal de cet ordre qui dépasse de beaucoup 
tous les chéloniens actuels. 

Enfin, un des faits les plus remarquables de la dis- 
tribution géologique des chéloniens, est le mélange qui 
existe souvent entre les tortues de mer et ceiles d'eau 


440 REPTILES. — CHÉLONIENS. 

douce ; tandis que de nos jours les chélonées sont tou- 
jours exclusivement marines, et que les émydes et les 
trionyx n’habitent que les fleuves, les lacs ou les marais 
d’eau douce. 

On trouve, par exemple, quelques chélonées ou tor- 
tues marines fossilisées dans les terrains jurassique 
et néocomien, dans le grès vert, et dans la craie, qui 
sont des dépôts formés par la mer; tandis que d’autres 
espèces ont leurs ossements dans le calcaire de Purbeck 
ou dans les terrains wealdiens qui ont été formés par 
des eaux douces. 

Ainsi, encore, on trouve des émydes dans diverses 
localités marines des terrains jurassiques, et d’autres 
dans des terrains d’eau douce, tels que le wealdien, les 
mollasses, les schistes d’O£ningen, etc. Les trionyx pré- 
sentent le même mélange. 

IL en résulte que quelquefois un même gisement ren- 
ferme des débris confondus de tortues de mer et de tor- 
tues d’eau douce. Ainsi les terrains wealdiens ont des 
émydes et des chélonées, et les argiles de Sheppy ren- 
ferment en quantité considérable ces deux genres réu- 
nis avec des trionyx. 

Doit-on conclure de ces faits que les tortues du monde 
ancien avaient une habitation moins stricte que celles du 
monde actuel, et que les émydes pouvaient vivre dans 
la mer et les chélonées dans l’eau douce ? Cette suppo- 
sition n'est pas absolument impossible, car l'étude de 
ces espèces montre des transitions qui manquent aujour- 
d’hui, et l’on connaît quelques émydes fossiles plus tha- 
lassines de formes qu’elles ne le sont actuellement , et 
surtout quelques chélonées qui présententdes transitions 
aux émydes. 

Mais cette explication peut n'être pas la seule. I est 


CHÉLONIENS EN GÉNÉRAL. 441 


possible aussi que des inondations subites, en augmen- 
tant les fleuves et en accélérant leur cours, aient trans- 
porté dans Îa mer les animaux qui les peuplaient, et 
les aient ainsi mélangés avec des êtres exclusivement 
marins. C’est, pour le dire en passant, le seul moyen 
d'expliquer la fossilisation des tortues terrestres. 

Il est possible aussi que la différence de salure entre 
les diverses eaux du globe n’ait pas été toujours aussi 
prononcée qu'aujourd'hui. Nous verrons, dans l'histoire 
des poissons, des faits qui semblent montrer qu'aux 

… époques géologiquesanciennes, les eaux qui recouvraient 
la surface du globe n’offraient pas des différences aussi 
tranchées que celles qui distinguent de nos jours les 
eaux pélagiques des eaux terrestres. 

On peut enfin remarquer que quelques unes de ces 
localités où sont réunies des tortues d’eau douce et de 
mer ont des caractères paléontologiques mixtes qui 
peuvent faire penser que ces terrains ont été formés 
dans des estuaires, auprès des embouchuresdes grands 
fleuves. Ainsi les argiles de Sheppy renferment des co- 
quilles marines et des coquilles fluviatiles dont la réu- 
nion a été expliquée en supposant qu'elles ont été dé- 
posées naturellement, les unes par la mer, les autres 
par un grand fleuve qui y versait ses eaux. Il peut s’être 
passé quelque chose de pareil pour les tortues. de dois 
toutefois faire remarquer que cette explication ne parait 
plausible que pour quelques localités. 


442 REPTILES. —— CHÉLONIENS. 


1 Famizze. — TORTUES TERRESTRES, 
ou CHERSITES. 


(Testudinides.) 


Les tortues de terre sont caractérisées, comme nous l'avons vu 
plus baut, par la hauteur de leur carapace qui est très bombée et 
qui peut résister à de fortes pressions; par leur plastron dont les 
pièces sont complétement soudées entre elles et unies à la cara- 
pace avec la même solidité, et par leurs doigts courts et réunis, 
appropriés à la marche sur la terre, mais incapables de servir à 
la natation. 

Les mêmes raisons générales que j'ai données ailleurs, pour 
expliquer pourquoi les débris fossiles des animaux terrestres sont 
en général plus rares que ceux des êtres qui ont vécu dans les eaux, 
peuvent faire présumer que les ossements de cette famille 
ont été trouvés moins fréquemment que ceux qui appartiennent 
aux divisions suivantes. On à toutefois des preuves que ces tor- 
tues terrestres ont vécu à des époques assez reculées et en parti- 
culier pendant la période secondaire. 

Les traces les plus anciennes, mais les moins certaines de leur 
existence, sont des impressions de pieds trouvées sur les vieux 
grès rouges (terrain dévonien) de Cummington, près Elgin, 
dans le Morayshire, et décrites par le capitaine Lambart Bricken- 
den (1). Ces traces sont évidemment dues à un animal à quatre 
pieds; leur forme arrondie, sans doigts bien marqués, leur 
absence même de caractères précis, peuvent les faire attribuer à 
des tortues de terre; mais je ne saurais voir là qu'une présomption 
peu démontrée. D'autres plus récentes ont été découvertes 
sur le nouveau grès rouge (terrain triasique) des carrières de 
Corn-Cockle-Muir, dans le comté de Dumfries, et décrites par 
M. Duncan (?). Ces traces, formées comme les précédentes par un 
animal à quatre pieds, sont trop courtes pour avoir été faites par 
des crocodiles ou par d’autres sauriens, et ce même caractère em- 


(1) Quarterly journal of the geological Society, mai 1852, t. VIII. 
(2) Transactions of the royal Society of Edinburgh, 1828 ; Buckland, Traité 
Bridgewater, traduit par Doyère, p. 225. 


TORTUES TERRESTRES. 443 


pêche de les attribuer à des émydes. Leur comparaison avec des 
impressions que des reptiles du monde actuel formeraient sur le 
sable montre que c'est avec celles des tortues de terre qu'elles 
ont le plus de rapports. On ne peut également voir dans ces faits 
qu'une probabilité, et il faut attendre la découverte de quelques 
ossements, pour pouvoir prononcer avec certitude que les tor- 
tues de terre ont vécu dès l’époque primaire. 

Leur existence dans l’époque jurassique paraît mieux démon- 
trée. M. Owen cite (1) des impressions d’écussons carrés, ana- 
logues à ceux qui recouvriraient une tortue terrestre de 10 pouces 
de long, comme se trouvant quelquefois dans les couches ool1- 
thiques de Stonesfield. 

Les fragments trouvés dans les terrains tertiaires et diluviens 
sont plus abondants, et ont pu être déterminés avec plus d’exacti- 
tude. La plupart d’entre eux se rapportent au genre des 


TORTUES PROPREMENT DITES 
(Festudo, Brong.), — Atlas, pl. XXIL fig. 1 et 2. 


Les espèces des terrains tertiaires sont les suivantes : 


La plus anciennement connue est celle qui a été trouvée dans les environs 
d'Aix, en Provence, dans un terrain probablement contemporain de celui 
qui recèle des restes si nombreux de poissons. Elle a été décrite et figurée 
pour la première fois par Lamanon (2), et Cuvier a démontré que la hauteur 
de la carapace et la forme des lames costales ne peuvent se rapporter qu'à 
une tortue terrestre. La convexité est même si grande que les premiers frag- 
ments que l’on a découverts ont élé pris pour des crânes humains, et plus 
tard pour des Nautiles. 

Une seconde espèce (3) est la Testudo antiqua, Bronn, des gypses d'eau douce 
de Hohenhoewen, qui paraît avoir été retrouvée dans les mollasses de Suisse. 
Elle se rapproche surtout par la courbure de sa carapace de la T. græca, 
vivante. C’est cette espèce qui est figurée dans l’atlas. 

Outre l'espèce précédente, les mollasses de Suisse renferment des débris 


(!) Report of the British association, 1841, 

@) Journ. de phys., t. XVI, p. 868. Voyez aussi Cuvier, Ossem. foss., 
4° édit., t. IX, p. 486, pl. 241, fig. 9-11; Fitzinger, Ann. des Wien. mus., 
I, 1, 1835, p. 123; Giebel, Faura der Vorwell, 1, 2, p. 52. M. Gray lui 
donne le nom de Testudo Lamanonti (Syn. rept., p. 14). 

(3) Voyez Bronn, Neues Jahrb.,1832, p.116: et Nov. acta Acad. nai. cur., 
XV, part. Il, p.201, pl. 63 et 64; d'Althaus, Mém. soc. de Strasbourg, t. 1, 
1830; Fitzing., Ann. Wien. Mmus.; Giebe!, Fauna der Vorrvelt, 1, 2, p. 52. 


44% \EPTILES, — CHÉLONIENS. 


de tortues que l'on n’a pas encore pu caractériser d’une maniere suffisante (1). 

Une espèce de la mollasse du Vengeron, près Genève, n’est connue que par 
une omoplate qui indique une taille analogue à celle de la T. antiqua. 

La T. punctata, Bourdet de la Nièvre (2), de la mollasse du mont de la 
Molière, n’est connue que par une simple indication et n’a pas été décrite. 

Des ossements indiquant l’existence d’au moins deux tortues de grande 
taille ont été trouvés en Auvergne. L'une de ces espèces est citée sous le 
nom de Testudo gigantea, Bravard, mais n’a pas été décrite (#). Elle a été 
découverte à Bournoucle-Saint-Pierre (pliocène ?) 

L'autre, qui provient du terrain miocène inférieur, est un peu moins 
grande et n’a été ni nommée ni décrite (#). 

Une espèce de fort petite taille a été trouvée par M. Marcel de Serres 
dans les terrains tertiaires pliocènes de Montpellier (5). 

M. Lartet (6) en indique quatre espèces dans les terrains miocènes du 
département du Gers. Ce sont : 

La Testudo Larteli (T. gigantea, Lartet, nom qui ne peut pas être conservé, 
car il a été déjà employé par M. Bravard), de 8 à 9 pieds de circonférence. 
De Sansan et de Laymont? 

La Testudo Canetiotana, Lartet, longue de 8 à 9 pouces, et voisine de la 
T. græca. De Sansan, Chelan et Marsolan. 

La Testudo Friyaciana, Lartet, d’un tiers moindre. De Sansan. 

La Testudo pygmæa, Lartet, de la grosseur d’un œuf de poule, De Sansan. 


Dans les terrains diluviens on peut citer : 


Une espèce voisine de la Testudo græca, découverte par M. Marcel de 
Serres (7), dans les cavernes du midi de la France. 

Une espèce voisine de la Testudo radiata, qui vit aujourd’hui à la Nouvelle- 
Hollande, a été signalée par Cuvier ($) dans les brèches osseuses de Nice, 


(1) Voyez H. de Meyer, Neues Jahrb., 1839, p. 5 ; 1843, p. 699. 

(2) Ann. Soc. lin. de Paris, sept. 1825, p. 361; AI. Brongn., Tableau des 
terrains. 

(8) Voyez Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t. IT, p. 371; M. Laurillard, 
Dict. de d'Orbigny, la cite sous le nom de T. gigas. 

(£) Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 382. 

(5) Ann. des sciences nat., 2° série, t. IX, p. 286. C’est la Testudo Serresi, 
Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 53. Voyez sur ces mêmes terrains et 
sur les débris de tortues terrestres qu’ils contiennent, De Christol, Ann. sc. 
du midi de la France, 1832, mars, et Bull. Soc. géol., 1833. 

(6) Notice sur la colline de Sansan, p. 38. 

(7) Marcel de Serres, Cav. de Lunel-Viel, p. 216. 

(8) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p.383. C’est la T. radiata fossilis, 
H. de Meyer, Palæologica, p. 104, et probablement aussi la T. Cuvieri, 
Fitzinger, Ann. Wien. mus.: Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 53. 


TORTUES TERRESTRES. 445 


Les tortues terrestres ont aussi été trouvées fossiles hors de 
l'Europe. 


Des ossements découverts. par M. Morton (!) dans l'étage inférieur du 


terrain crétacé des États-Unis indiquent probablement une espèce du genre 
TESTUDO. 


C'est aussi à ce même genre qu’il faut rapporter l'espèce trouvée à l’île 
de France, dans un banc crayeux fort épais situé sous la lave. Il n’est pas 
bien démontré que cette couche ne soit pas d’origine moderne, et les osse- 
ments qui y ont été trouvés ne diffèrent pas sensiblement de ceux de la 
grande espèce qui vit encore aujourd’hui dans ces îles (Testudo elephantina, 
Dum. et Bibron). Cuvier (?) dit que l’humérus ne s’en distingue que parce 
qu'il est un peu plus gros en proportion de sa longueur, et parce que l’em- 
preinte qu’il a en avant pour un vaisseau est plus large et moins profonde. 
Un tibia de la même localité est au contraire plus long et moins gros. 


C'est dans le voisinage de cette espèce que doit se placer une 
tortue remarquable par ses dimensions gigantesques, et dont 
MM. Cautley et Falconer ont fait le genre CoLossocaezys (indi- 
qué aussi sous le nom de Mecazocugzys.) De nombreux et remar- 
quables fragments, envoyés par ces infatigables naturalistes au 
Musée britannique, indiquent une carapace qui à dû avoir plus de 
12 pieds anglais de longueur sur 6 de hauteur, dimensions qui, 
à en juger par les espèces vivantes les plus voisines, donneraient 
à l'animal une longueur de 48 à 20 pieds. Les membres devaient 
être aussi massifs que ceux du rhinocéros. Ces ossements ont été 
trouvés dans les couches tertiaires subhimalayennes, dont nous 
avons déjà parlé fréquemment en traitant des mammifères. Il est 
possible que cet animal colossal ait été connu depuis longtemps 
des habitants de l'Inde, car les tortues gigantesques jouent un 
certain rôle dans les fables cosmogoniques indiennes. 


Cette grande espèce est connue sous le nom de Colossochelys atlas (3), Cau- 
tley et Falconer. 


(1) Journ. Acad. Phil., t. VIIE, part. 2, p. 219. 

(2) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 493, et pl. 245, fig. 17. Cette espèce 
a été nommée Testudo Neraudii, par M. Gray, Syn. rept., p. 14. Voyez 
encore Dubreuil et M. de Serres, Ann. sc. nat., t. IX, p. 394,ett. X, pl. 10, 
fig. 3; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 52. 

(3) Ann. sc. nat., 2° série, 1844, t. XIV, p. 501; 1845, t. XV, p.35: ct 
Proceed. zool. Soc., 1844, p. 501; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 54; 
Megalochelys sivalensis, Cautley et Falc., Asiatic Journal, t. VI, p. 354. 


, 


5.46 REPTILES. —— CHÉLONIENS. 


à 


Les dépôts récents de l'Amérique méridionale renferment 
aussi des débris de tortues terrestres qui ont été décrits par 
M. Weiss (1). La forme de leur carapace rappelle aussi celle de 
la tortue éléphantine; mais il y a, dans les plaques marginales 
antérieures, des différences que M. Weiss considère comme suff- 
santes pour motiver l'établissement du genre TESTUDINITES. 


La seule espèce connue a été trouvée avec des ossements de megatherium 
dans la Banda orientale ; M. Weiss la nomme T. Selowi. 


Les PrycHocasrer, Pomel, 


joignent aux formes des tortues terrestres un plastron qui n’a son 
analogue que dans la famille des élodites. Les troisième et qua- 
trième paires de pièces (hyposternaux et xiphisternaux) forment 
une plaque mobile sur le reste du sternum qui est solidement 
uni à la carapace. Le peu d'étendue des échancrures destinées 
au passage des pattes postérieures rendait nécessaire cette 
mobilité. 

M. Pomel (2) signale l'existence de deux espèces dans les terrains miocènes 


inférieurs du département de l'Allier. L'espèce figurée est le P. emydoides, 
Pom. 


9e Famize. — TORTUES PALUDINES, ou ÉLODITES. 
(Emydides.) 


Les tortues paludines, ou tortues de marais, sont caractérisées 
par une carapace plus plate et moins solide que celle de la fa- 
mille précédente, et par des doigts plus longs, susceptibles de 
porter des palmures, et par conséquent de servir à la natation ; 
mais ces doigts conservent encore la forme ordinaire, n'étant 
point aplatis et allongés en nageoires, et chaque pied à toujours 
quatre ou cinq ongles. 

Ces animaux, si nombreux de nos jours, ont laissé des débris 


(!) Abh. der Acad. der Wissensch. zu Berlin, 1830, p. 286. Voyez aussi 
Bronn, Lethæa, t. I, p. 1170; Fitzinger, Ann. Wien. mus.; Giebel, Fauna 
der Vorwelt, I, 2, p. 53. 

(2) Bull. Soc, géol., 2° série, t. IV, p. 385, et pl. 4, fig, 9. 


TORTUES PALUDINES. 44% 


fossiles dans diverses époques. On peut dire sur eux ce que 
j'ai dit plus haut des tortues terrestres, que les couches des ter- 
rains anciens ont reçu les impressions de quelques pieds qu'on 
croit pouvoir rapporter à cette famille, et que des preuves cer- 
taines, fondées sur la découverte d'ossements, prouvent que ces 
tortues ont existé dès l'époque jurassique. 

C'est dans le nouveau grès rouge (1) de Stourton Quarries, dans 
le Cheshire, que l’on a trouvé ces impressions de pieds. 

Les ossements des tortues paludines n'ont pas encore été tous 
étudiés de manière à pouvoir être rapportés avec quelque certi- 
tude à leurs genres et sous-genres. La plupart d'entre eux ont 
été provisoirement attribués au genre des 


Émvpes (Æmys, Duméril), — Atlas, pl. XXII, fig. 8, 


qui renferme les espèces vivantes les plus communes. Il est ca- 
ractérisé par une carapace passablement bombée et par un 
plastron large, non mobile, solidement articulé à la carapace. En 
supposant que toutes les espèces qu'on attribue à ce genre doi- 
vent y rester, on le trouve fossile dans les terrains jurassiques, 
tertiaires et diluviens. 

Les espèces jurassiques ont principalement été trouvées par 
M. Hugi dans les environs de Soleure. La pierre qui renferme ces 
débris remarquables est un calcaire qui appartient au terrain 
jurassique supérieur, probablement à l'étage kimméridgien, et 
qui contient aussi des mollusques qui prouvent son origine ma- 
rine. Cette association des émydes et des mollusques marins est 
surprenante ; ces tortues, en effet, habitent aujourd'hui exclusi- 
vement l’eau douce, et leur conformation rend peu probable 
qu’elles aient jamais pu vivre dans la mer : leurs membres sont 
de trop faibles instruments de natation pour qu'elles aient pu 
s'aventurer dans une eau profonde et agitée. Peut-être, comme je 
lai dit, leurs débris ont-ils été transportés par des courants 
d’eau douce? 

M. Hugi (2) affirme qu’il possède les débris d’environ vingt espèces; une 


étude convenable de ces fragments fournirait certainement des résultats in- 


(1) Owen, Report of the Brit. ass., 1841, p. 168. 
(2) Alpenreise, p. 10. 


ANS REPTILES. — CHÉLONIENS. 


téressants. Cuvier a décrit trois grandes carapaces qui ne peuvent être con- 
fondues avec celles d'aucune tortue actuelle (1). 

Les autres émydes citées par divers auteurs dans les terrains jurassiques, 
sont maintenant rapportées aux genres que nous indiquerons plus bas. 


On cite une véritable émyde (?) dans le terrain wealdien. 


C'est l'Emys Menkei, Roëmer (2), de la formation wealdienne d'Obern- 
kirchen. 


Dans les terrains tertiaires les ossements d’émydes ne sont pas 
moins nombreux. 


M. Pomel (3) en indique une espèce dans le calcaire grossier de Cuise-la- 
Motte. 

Les plâtrières de Paris renferment quelques fragments qui appartiennent 
probablement à plusieurs espèces (4). 

M. Gray (°) nomme la moins incomplète de ces espèces, Emys parisiensis. 
Mais il nous semble plus prudent d’imiter la réserve de Cuvier, qui considé- 
rait ces fragments comme ne pouvant pas caractériser une espèce d’une ma- 
nière suffisamment précise. 


Les terrains éocènes d'Angleterre (f) ont fourni des ossements 
qui sont mieux connus. de citerai : 


L'Emys testudiniformis, Owen, dont la carapace est plus convexe que dans 
la plupart des espèces d’eau douce, et qui ressemble, sous ce point de vue, 
à la Cistudo carolina, mais sans avoir de charnière au plastron. Sa taille est 
double de celle de la Cistudo europæa. C’est une des émydes de Sheppy de 


(1) Ossem. foss., 4° édit. t. IX, p. 451. — Ce sont : l'Emys Grayi, Giebel, 
Fauna der Vorwelt, t, If, p. 56 (Emys jurensis, Keferstein), figurée par Cuv., 
pl. 243, fig. 4et 5; 

L'Emys Hugii, Gray, Syn., figurée par Cuv., pl. 243, fig. 6; 

L'Emys trionychoides, Gray, Syn., Cuv., pl. 243, fig. 7. 

Des espèces indéterminées sont figurées encore planche 243, fig. 8-11. 

(2) Verst. nord-Deutsch. Ool. Geb., p.14, pl. 16, fig. 11; Dunker, Weal- 
den Bildungen, p. 79, pl. 16; Giebel, Fauna, I, 2, p. 57. 

(8) Bibl. univ. de Genève, 1847, Archives, t. IV, p. 328. 

(f) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 600. 

(5) Syn., rept., p. 33. C’est la Clemmys parisiensis, Fitz., Ann. Wiener 
mus. 

(6) Voyez pour ces espèces : Owen, Report. Brit. assoc., 1841, p. 161; 
Owen et Bell, Palæontographical Society, Reptiles of London clay, Chelonia, 
p. 67, et pl. 20 à 28; Cuvier, Ossem, foss., 4° édit., t, IX, p. 464; Giebel, 
Fauna der Vorwelt, E, 2, p. 57, etc. 


TORTUES PALUDINES. 449 


Cuvier. Elle a été désignée sous le nom d'E. Parkinsonü, par M. Gray, qui 
lui rapporte à tort un plastron, figuré par Parkinson, qui appartient à une 
chélonée. Cette tortue a été trouvée dans l'argile de Sheppy. 

L'Emys lœvis, Bell, qui diffère de tous les chéloniens connus par deux 
pièces irrégulièrement arrondies, intercalées dans le plastron entre les hyo- 
sternaux et les hyposternaux vers leur bord externe. Elle provient aussi de 
Sheppy. (Atlas, pl. XXIL, fig. 5.) 

L'Emys Comploni, Bell, qui a des rapports très grands avec les tortues de 
terre et qui a été rapportée aux émydes au moins autant à cause de sa posi- 
tion géologique que pour ses caractères. Elle avait seulement 3 pouces de 
long. 

L'Emys bicarinata, Bell, longue d’un pied, et remarquable par l’étroitesse 
des plaques ou écailles vertébrales, ainsi que par trois carènes longitudinales 
sur ces plaques, une médiane et une en dehors de chaque côté. (La planche 
porte comme explication le nom de tricarinata.) 

L'Emys de la Bechü, Bell, longue de 1 pied 9 pouces, et plus plate que toutes 
les précédentes. Elle provient de Sheppy. 

L'Emys crassa, Bell, n’est connue que par des fragments de plastron qui 
sont remarquables par leur épaisseur. Elle à été trouvée dans les sables 
éocènes d'Hordwell. 

M. Owen avait indiqué, en 1841, une espèce des sables éocènes d'Hardwich, 
plus plate que VE. testudiniformis (1). Mais dans le travail plus récent et 
plus complet qu'il a publié avec M. Bell, dans les mémoires de la Société 
paléontographique, il ne la mentionne plus, Peut-être rentre-t-elle dans une 
des précédentes. 


Les émydes paraissent nombreuses dans les terrains miocènes. 


Cuvier (2?) indique une espèce des mollasses de la Grave (Dordogne), dont 
M. H. de Meyer (Bronn, Index) a fait l'Emys Brongniarti, et M. Gray l'Emys 
Cuvieri, en confondant avec elle une espèce de la mollasse suisse. 

M. Lartet (3) cite deux espèces des terrains miocènes de Sansan : l'Emys 
sansaniensis, Lart., de 15 à 18 pouces de long, et l'Emys Dumeriliana, très 
petite et remarquable par la compression de la tête de son fémur. 

M. Pomel (f) annonce l'existence de deux espèces dans les terrains ter- 
tiaires du Bourbonnais. M. Bravard (5) en indique une d'Auvergne que Fit- 
zinger a inscrite sous le nom de Clemmys Bravardi. Je ne sais pas si c’est la 


(?) M. Giebel (Fauna der Vorwell, 1, 1, 2, p. 57) l'a inscrite sous le nom 
de Emys Owenii. 
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 463, pl. 243, fig. 19, 
(*) Notice sur la colline de Sansan, p. 38. 
(*) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IX, p. 371. 
(5) Monogr. de la mont. de Perrier et de deu Felis, p. 114, 
Fe 29 


450 REPTILES. :— CHÉLONIENS. 


même qui est indiquée, par M. Laurillard (f), sous le nom de Emys Elaveris, 
Brav. Elles n’ont été décrites ni l’une ni l’autre. 

La mollasse suisse (2) contient de nombreux ossements d’émydes. On les 
trouve souvent trop fragmentés pour qu’il soit facile d’en préciser les carac- 
tères spécifiques et leur histoire est encore à faire. Parmi les espèces qui ont 
été indiquées nous citerons les suivantes, dont aucune n’a été décrite avec 
des détails suffisants. 

L'Emys Wytltembachii, Bourdet (#), à laquelle il faut, suivant M. H. de 
Meyer, réunir la Chelonia Meissneri, Bourdet, n’est connue que par une por- 
tion du plastron et par une pièce marginale trouvée dans la mollasse des 
environs d’Arberg (canton de Berne). 

L’'Emys Cordieri, Bourdet, et l’'Emys de Fonte, Bourdet, sont aussi in- 
complétement connues et proviennent du mont de la Molière (f). 

Les Emys Fleischeri, H. de Meyer et Gessneri, id, sont indiquées comme 
trouvées dans la mollasse d’Aarau. 

L'Emys hospes , H. de Meyer (°), trouvée à Flonheim ; l'Emys Loretana, 
H. de Meyer (6), des terrains tertiaires de Vienne; et l’Emys striala, H. de 
Meyer (*), de Georgensgmund, ne sont aussi connues que par de simples 
indications ou par la description de fragments insuffisants. 

L'Emys Turnoviensis, H. de Meyer (8), présente un caractère remarquable 
dans l’extrème développement des plaques vertébrales de la carapace 
(écailles), qui repoussent les plaques costales de manière à s’articuler direc- 
tement avec les marginales. Cette espèce provient des terrains tertiaires de 
la Styrie. 

Il faut aussi, je pense, placer ici une espèce (?) séparée sous le nom de 
CLemwys, car ce genre de Wagler rentre dans celui des émydes, tel que nous 
l'avons limité. C’est la C. Rhenana, H. de Meyer, du terrain tertiaire de 
Mombach et de Weisenau. 


On connaît aussi plusieurs émydes des terrains tertiaires 
pliocènes. 


(1) Dict. de d'Orbigny, t. XIE, p. 614. 

(2) Voyez pour les émydes de la mollasse suisse, H. de Meyer, Leonhard 
und Bronn Neues Jahrb., 1838, p. 667 ; 1839, p. 4; 1843, p. 393; 1845, 
p. 309, et 1846, p. 469. 

() Bull. Soc. phil., 1821; et Schweiz. Verh., 1823, p. 49; Cuvier, Ossem. 
foss., 4° édit., t. IX, p. 464; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 58. 

(4) Schweiz. Verh., 1823, p. 50. 

(*) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 702. 

(6) Id., 1847, p. 579. 

(7) Id., 1835, p. 364; Georg. Gm., p. 121, pl. 10, fig. 83. 

(8) Bronn, Index ; E. Turnauensis, id., Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 
1847, p. 183. 

(°) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 391 et 586; 1847, p. 194. 


TORTUES PALUDINES, 451 


Le cabinet de M. Deluc, à Genève, renferme une empreinte qui provient 
des sables marneux d’Asti, en Piémont, et qui a été décrite sous le nom d’Emys 
Delucii, Bourdet (1). 

M. H. de Meyer (?)a décrit un fragment de carapace d'OEningen sous le nom 
de Emys scutella, H. de Meyer. 

Les tertiaires supérieurs de Bruxelles renferment des émydes qui ont été 
étudiées par Burtin, Faujas et Cuvier (3), et qui forment probablement plu- 
sieurs espèces. La mieux connue, c’est-à-dire celle qui a été figurée par 
Cuvier, est désignée par M. Gray, sous le nom d'Emys C'amperi. 

Les terrains pliocènes de Montpellier en contiennent aussi (4). 


On en cite aussi quelques espèces trouvées dans les terrains 
diluviens. 


L’'Emys lutaria, actuellement vivante ou une espèce bien voisine, se trouve 
dans les terrains récents de la Suède (5). 

M. H. de Meyer {f) a décrit une Emys turfa, H. de Meyer, des tourbières 
d'Enkheim. 

On en cite aussi des débris du val d’Arno (7), et Schlotheim (8) en indique 
dans un tuf calcaire à éléphants, des environs de Burgtonna. 


Enfin on en a rapporté aussi quelques débris du continent 
asiatique. MM. Cautley et Falconer en ont trouvé dans les ter- 
rains subhimalayens, et M. Clift en cite des bord de l’Irawadi en 
Birmanie (°). 


MM. Cautley et Falconer en ont en particulier trouvé une espèce que l’on 
ne peut pas, suivant eux, distinguer de l’Emys tectum, Gray, actuellement 
vivante dans l'Inde. Il paraît toutefois singulier qu’une espèce actuelle se 
retrouve avec les Sivatherium, les Colossochelys, ete. 


(1) Bull. Soc. phil., 1821; Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 473. 

(2) Zur Fauna der Vorwelt, OŒEningen, p. 17, pl. 7, fig. 2. 

(3) Voyez Burtin, Oryctog. de Bruxelles, p. 3; Faujas, Hist. de la mont. 
de Saint-Pierre; Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 468, pl. 243, fig. 16: 
Gray, Syn. Rept., p. 33. 

(4) De Christol, Ann. sc.et ind. du midi de la France, mars 1832; Marcel 
de Serres, Ann. des sc. nat., 2° série, t. IX, p. 286. 

(5) Nilsson, Kongl. Vet. Akad. Handl., 1839. 

(6) Mus. Senkenberg., t. Il, p. 60, pl. 5 et 6. 

(T) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 474. 

(8) Petrefactenkunde, p. 35. 

(°) Voyez Buckland, Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. IL, p. 379, pl. 49, 
Cautl, et Falc., Asiat. Journ., sept. 1835. 


452 REPTILES. —— CHÉLONIENS. 


Les genres suivants ont été séparés des émydes proprement 
dites. 


Les PazæocneLzys, H. de Meyer, 


n'en diffèrent que par quelques détails dans les relations des 
pièces costales avec les vertébrales et dans la disposition des 
sillons formés par le bord des écailles. La troisième pièce costale 
(osseuse) n’est articulée qu’à la troisième pièce vertébrale ; la 
quatrième l’est à la fois à la troisième, à la quatrième et à la 
cinquième. Le contraire a lieu suivant M. H. de Meyer dans les 
tortues vivantes. Dans ce même genre fossile les pièces costales 
articulées à une seule vertébrale n’ont pas la ligne d'impression 
qui sépare deux écailles costales consécutives. Cette ligne 
se retrouve sur les pièces costales à trois adhérences vertébrales. 
Ces caractères permettraient de distinguer les palæochelys même 
quand on n’en à que des fragments; mais je n'ai pas eu des col- 
lections suffisantes pour en vérifier la généralité et la constance. 


Il faut placer dans ce genre la Palæochelys Bussinensis, H. de Meyer (?), 
trouvée dans un calcaire tertiaire d’eau douce au pied du Bussen, dans la 
vallée du Danube. 

11 faut, suivant le même auteur, y rapporter aussi l'espèce qui avait été 
décrite sous le nom de Clemmys taunica, H. de Meyer (2). 

M. H. de Meyer (3) ajoute encore deux espèces du calcaire tertiaire de Has- 
lach, les P, Haslachensis et costula, H. de Meyer. 


Les EuRYsTERNUM, Münster, 


ne sont connus que par un squelette trouvé à Solenhofen. Ce 
fossile est assez complet, mais fortement altéré dans toute sa 
partie centrale, en sorte que l’on ne peut pas juger des détails du 
plastron et que la carapace n’est connue que par sa partie posté- 
rieure. La forme se rapporte à celle des émydiens, mais les 
membres sont presque aussi courts que dans les tortues de terre, 
principalement l’avant-bras et les doigts. 


(1) Neues Jahrb., 1847, p. 456; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 91, 
pl. 5, fig. 5. 

(2) Neues Jahrb., 1843, p. 391, 405 et 586. 

(8) Neues Jahrb., 1851, p. 77. 


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TORTUES PALUDINES, 


La seule espèce connue est l'Eurysternum Wagleri, Münster (!). 


Les PLatemys, Wagler, 


forment un genre établi pour des espèces vivantes, et caractérisé 
par une carapace très déprimée, un sternum non mobile, une 
tête aplatie, cinq ongles aux pattes antérieures et quatre aux 
postérieures. 


On Ini rapporte quelques espèces fossiles des terrains wealdiens 
et tertiaires. 


La Platemys Mantelli, Owen (2), n’est connue que par quelques fragments 
trouvés dans la forêt de Tilgate, comté de Sussex (wealdien). 


Les espèces tertiaires sont mieux connues. 


La Platemys Boverbanki, Owen (3), a un rudiment de pièce accessoire 
entre l’hyosternal et l’hyposternal du côté externe, comme l'Emys lœvis, 
mais moins développé. Elle a été trouvée dans l'argile éocène de l’île de 
Sheppy. 

La Platemys Bullochii, Owen (f), est remarquable par l'existence d’une 
pièce surnuméraire bien plus complète entre l'hyosternal et l'hyposternal, 
car elle est aussi développée que ces deux os et forme de chaque côté une 
plaque qui se réunit à son homologue sur la ligne médiane, en sorte que le 
plastron a cinq paires de pièces au lieu de quatre. Elle provient du même 
gisement, 


Les CRÉLYDRES, Chelydra, Schw. 


(Chelonura, Flem, Emysaurus, Dum. et Bib.), — Atlas, pl. XXIT, 
fig. 4, 


ont également été séparées des émydes par des caractères étudiés 
sur une espèce vivante. Elles sont caractérisées par leur plastron 


(1) Voyez H. de Meyer, in Münster Beilr.,t.1, p.75, pl. 19; Bronn, Lethæa, 
3° édit., Terr. jur., p. 362; Giebel, Fauna der Vorwell, t. 1, 2, p. 62. 

(2) Report Brit. ass., 1841, p. 167; Emys Mantelli, Gray, Syn. Rept.; 
Fitzing., Ann. Wien. mus.; Emyde de Sussex, Cuv., Ossem. foss., 4° édit., 
t. IX, p. 461; Mantell, Geol. of Sussec, p. 61, pl. 6 et 7; Giebel, Fauna 
der Vorwelt, t. I, 2, p. 63. 

(3) Report Brit. ass., 1841, p. 163; Palæont. Sociely, Reptilia Chelon., 
p. 66, pl. 23; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 63. 

(# Report, etc.; Palæont. Soc., p.62, pl. 21; Giebel, loc, ci£., t. 1, 2, p. 63. 


454 REPTILES. — CHÉLONIENS. 


non mobile, cruciforme, composé de branches étroites, par leur 
tête large, leur museau court et leurs mâchoires crochues. 

Ce genre ne comprend aujourd'hui qu'une seule espèce de 
l'Amérique septentrionale; on lui rapporte une grande espèce 
fossile d'OEningen (pliocène). 


La Chelydra Murchisoni, Bell (1), belle espèce longue de 16 pouces, pré- 
sente un rapport remarquable avec la chélydre serpentine vivante, par son 
plastron cruciforme, sa longue queue, etc. 

F1 faut, suivant M. Pomel (?), ajouter une seconde espèce des terrains mio- 
cènes d'Auvergne, l'E. Meilheuratiæ, Pomel. 


Les TRETOSTERNON, Owen, 


sont caractérisés par une carapace large, aplatie, sculptée et 
pointillée, circonstances qui les rapprochent en apparence des 
trionyx avec lesquels on peut facilement les confondre. Ils s’en 
distinguent clairement par des sillons formés par les bords des 
écailles qui montrent que la carapace et le plastron ont été pro- 
tégés par des plaques écailleuses comme dans les émydes, tandis 
que les trionyx ont une peau molle et uniforme qui ne laisse au- 
cure trace de sillons sur le squelette. Les tretosternon se rappro- 
chent encore des trionyx par d’autres caractères, et en particulier 
par l’état rudimentaire des pièces osseuses marginales. 


La seule espèce citée est le Tretosternon punciatum, Owen (3). Elle a été 
trouvée dans le calcaire de Purbeck (wealdien). 


Je ne comprends pas bien sur quels caractères M. H. de Meyer 
en distingue le genre TracHYAsPIS, connu seulement par quelques 
fragments de Ja moillasse suisse, qui ont le double caractère d'être 


! 


(1) Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. IT, p. 281; t. IV, p. 379, pl. 24; 
H. de Meyer, Zür fauna der Vorwelt, OEningen, p. 12, pl. 11 et 12; Hy- 
draspis OEningensis et Ciemmys Kargüi, Fitz., Ann. Wien. mus., t.T, p.127; 
Testudo orbicularis, Karg., Denk. nat. Schwabens ; Testudo indica, Murchi- 
son, Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. IT, p. 281; Giebel, Fauna der 
Vorwelt, t. I, 2, p. 64. 

(2) Bull. Soc. geol., 2° série, t. III, p. 372. 

(8) Report Brit. ass., 1841, p. 165; Mantell, Geol. of Sussex, pl. 6, 
fig. 1, 3 et 5; Gicbel, Fauna der Voriwelt, t. I, 2, p. 62. 


TORTUES FLUVIALES. 455 


creusés de peutes fossettes et de présenter des sillons de bords 
d'écailles. 


M. H. de Meyer (1) indique le T, Lardyü, de la mollasse de Lausanne. 


Les APHOLIDEMYS, Pomel, 


ont aussi des caractères intermédiaires entre les émydes et les 
trionyx, mais en quelque sorte inverses de ceux des tretosternon. 
La carapace est bordée par des pièces marginales aussi dévelop- 
pées que dans les émydes, mais il n’y a pas plus de traces d’écail- 
les que dans les trionyx, dont elles se rapprochent aussi par leur 
surface tuberculeuse. 


Les Apholidemys sublævis et granosa, Pomel (2), ont été trouvées dans le 
calcaire grossier de Cuise-la-Motte. 


Les ProTEMYs, Owen, 


présentent aussi une transition remarquable aux familles sui- 
vantes par l’incomplète ossification de leur sternum. La suture 
des hyosternaux et des hyposternaux est interrompue sur le milieu 
et sur les bords du plastron. 


La Protemys serrata, Owen (?), a été trouvée dans le grès vert supérieur 
des environs de Maidstone, 


3° FamiLEe.— TORTUES FLUVIALES, où POTAMITES. 


(Trionychides.) 


Ces tortues se distinguent facilement par leur corps très dé- 
primé; leur carapace et leur plastron unis seulement par des car- 
tilages et recouverts d’une peau molle qui ne laisse aucune impres- 
sion scutale; et leurs pattes à cinq doigts, dont trois seulement 
ont des ongles. Les pièces marginales de la carapace sont nulles ou 
rudimentaires. Les espèces habitent de nos jours les grands fleu- 
ves des pays chauds. 

Leur antiquité à la surface de la terre paraît être assez grande. 


(1) Leonh. und Br., Neues Jahrb., 1843, p. 699. 
(2) Bibl. univ. de Genève, 1847, Archives, t. IV, p. 328. 
(3) Palæont. Society, Reptilia, part. 3, p. 15, pl. 7. 


456 REPTILES. —— CHÉLONIENS. 


Toutefois il faut rayer de leur liste plusieurs espèces indiquées 
comme trouvées dans les terrains secondaires (1). 

M. Wagler les a divisées en deux genres mal caractérisés. Il 
laisse le nom de TRrioNYx à une espèce connue seulement dans son 
jeune âge et distinguée à cause de cela par la séparation des pièces 
de la carapace, et donne celui de AsPibonECTESs à toutes les autres, 

MM. Duméril et Bibron en forment deux sous-genres, les 
CryPTorones, dont le plastron est assez développé en avant et en 
arrière pour cacher les pattes, et les GYmNoropes, dont le plastron 
est étroit, sans appendices et les pattes tout à fait libres. 

Beaucoup d'espèces fossiles sont trop incomplétement connues 
pour qu'on puisse les répartir entre ces deux genres. Nous n'ad- 
mettrons donc que celui qui à été établi par Geoffroy et adopté par 
Cuvier, c’est-à-dire celui des 


Trionyx, Geoffr., — Atlas, pl. XXIT, fig. 5 et 6. 
Ces chéloniens paraissent dater de l'époque du lias (?). 


Un fémur, trouvé dans ce terrain à Linksfield, est rapporté par M. Owen (2) 
au genre des trionyx. Il n’est identique avec celui d'aucune espèce vivante; 
mais il s’en rapproche plus que des tortues des autres familles, 


On a signalé des trionyx dans diverses localités des terrains 
tertiaires. 
Les suivants appartiennent probablement à l’époque éocène, 


Le Trionyæ villatus, Pomel (3), a été trouvé dans les lignites du Sois- 
sonnais (suessonien). 

Les plâtrières de Paris en renferment des fragments nombreux, qui n'ont 
toutefois pas encore suffi pour caractériser clairement une espèce. Elle a été 
provisoirement nommée Trionyæ parisiensis (4). 


(1) Ainsi les prétendus trionyx du nouveau grès rouge d'Angleterre ont 
été reconnus par M. Agassiz n'être que des poissons. Il en est de même des 
ossements trouvés, par M. Kutorga, à Dorpat, dans le grès bigarré. L’écusson 
indiqué par M. Mantell dans le terrain wealdien, et rapporté à un trionyx, 
appartient à un crocodilien. Les ossements du calcaire de Purbeck sont ceux 
du Tretosternon punclalum dont j’ai parlé plus haut. Les fragments du mus- 
chelkak de Lunéville appartiennent à des labyrinthodontes. 

(2) Report Brit. ass., 1841, p. 168. 

(3) Bibl. univ. de Genève, 1847, Archives, t. IV, p. 328. 

(4 Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t, V, p. 601. 


TORTUES FLUVIALES. 457 


L'argile de Londres en contient aussi des ossements, ainsi que quelques 
autres dépôts éocènes d'Angleterre, 

MM. Owen et Bell (!) en décrivent plusieurs espèces. Ce sont le Trionyx 
Henrici, Owen, du sable éocène de Hordwell-Clifr. 

Le Trionyx Barbaræ, Owen, du même gisement, (Atlas, pl. XXIT, fig, 5). 

Le Trionyx incrassatus, Owen, des formations éocènes de l’île de Wight, 

Le Trionyx marginatus, Owen , d'Hordwell-Clifr. 

Le Trionyx rivosus, Owen, du même gisement. (Atlas, pl. XXIL, fig. 6.) 

Le Trionyæ planus, Owen, également d'Hordwell-Clifr. 

Le Trionyx circumsulcatus, Owen, espèce connue par un petit nombre de 
fragments. 

Le Trionyx pustulatus, Owen, de Sheppy, également représenté par un 
très petit nombre de pièces. 

On devra probablement y ajouter une espèce encore indéterminée de 
Bracklesham. 

Cuvier indique un trionyx trouvé dans une mollasse de la Gironde 
avec des palæotherium (probablement du terrain parisien supérieur). Cette 
espèce atteignait la taille de la trionyx d'Égypte (2). 

Quelques côtes, insuffisantes pour déterminer une espèce (3), ont été trou- 
vées avec des lophiodon, aux environs de Castelnaudary (parisien inférieur). 

Le Trionyx Maunoir, Bourdet (), est une espèce trouvée dans les plà- 
trières d’Aix en Provence, clairement caractérisée par sa convexité transver- 
sale, dont la flèche de l'arc est moindre du cinquième de la corde, par la 
forme de la pièce impaire en avant de la première côte, et par les plaques 
vertébrales un peu relevées en carène. 


Quelques espèces ont été trouvées dans les terrains miocènes. 


Cuvier (5) en indique une trouvée à Haute-Vigne (Lot-et-Garonne), avec 
son Anthracotherium minimum (G. Chœromorus). 


(1) Palæont. Society Reptilia of London clay, Cheloniens, p. 46, etc., pl.16 
à 19. 

(2) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 445; voyez aussi Fitz., Ann. Wien. 
mus., t. 1; Giebel, Fâuna der Vorwelt, t. I, 2, p. 67; Trionyæ Laurillardi, 
Gray, Syn. Rept. 

(3) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 449; Giebel, Fauna der Vorw., 
t. 1, 2, p. 67, Trionyæ Dodunii, Gray, Syn. Rept. 

() Bull. Soc. philomatique, 1821; et Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX 
p. 442. 

(5) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 448 : c’est la Trionyx Amansiü, Gray, 
Syn. Rept.; Fitz., Ann. Wie». mus.; Giebel, Fauna der Vorwell, t.1, 2, 
p. 67. 


458 REPTILES. — CHÉLONIENS. 


Le même auteur parle d’une espèce (1) trouvée à Avaray avec des dents 
de dinotherium et de mastodontes. 

M. Pomel (?) en cite une des terrains tertiaires du Bourbonnais. 

Le Trionyx Partschii, Fitz (3) a été trouvé dans le calcaire de Leith. 

Le Trionyx Gergensii (Aspidonectes Gergensii, H. de Meyer) (4), a été dé- 
couvert dans le terrain tertiaire des environs de Mayence. 

Les mollasses de la Suisse (canton de Vaud, d’Argovie, etc.) renferment des 
débris de trionyx. Les fragments découverts jusqu’à présent n’ont pas permis 
de caractériser des espèces (5). 


On en cite aussi dans les dépôts pliocènes. 


M. A. de Sismonda (6) a décrit et figuré une espèce des terrains supérieurs 
du Piémont, qui paraît très voisine du Trionyx œægyptiacus vivant. 
Les sables tertiaires de Montpellier en renferment aussi (7). 


Les trionyx ont aussi vécu pendant l’époque quaternaire. 


Le Trionyx Schlotheimii, Fitz. (8), provient du diluvium de Burgtonna en 
Thuringe. 


Enfin, hors d'Europe on en à trouvé dans les terrains subhi- 
malayens et sur les bords de l'Irawadi en Birmanie (°). 


%e Famizze. — TORTUES MARINES, 
ou THALASSITES. 
(Chélonées.) 


Les tortues de mer se distinguent de toutes les autres par leurs 


(!) Cuvier, id., t. IX, p. 450 : c’est la Trionyx Lockardi, Gray, Syn.: 
Fitz., Ann. Wien. mus., t. 1; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 67. 

(2) Bull. Soc. géol., 2° série, t. III, p. 372. 

(3) Ann. Wien. mus., t.1; Neues Jarhb., 1846, p. 380; Giebel, Fauna 
der Vorwelt, t. I, 2, p. 67. 

(4) Neues Jahrb., 1844, p. 565. 

(5) Voyez H. de Meyer, Neues Jahrb., 1837, p. 677; 1839, p. 5; 1843, 
p009! 

(6, Mém. Acad. de Turin, 2° série, t. I, p. 88 ; Giebel, Fauna der Vorwell, 
tn °103 

(7) Voyez de Christol, Ann. des sc. du Midi, mars 1832; Bull. Soc. géol., 
1833; Marcel de Serres, Ann. des sc. nat., 2° série, t. IX, p. 286. 

(8) Ann. Wien. mus., t. 1; Schlotheim Petref., p. 35. 

(9) Voyez Cautley et Falconer, Journ. Asiat. Soc. of Bengale, sept. 1835; 
Ann. sc. nat., 2° série, t. IV, p. 60; Buckland, Trans. of the geol. Soc., 
2° série, t. 11, p. 379; Fitz., Ann. Wien. mus. (T. Clifti). 


TORTUES MARINES. 459 


pattes comprimées et étalées comme des rames, tellement qu'on 
a peine à reconnaître les doigts sous les écailles qui les couvrent. 
Les antérieures sont plus grandes que les postérieures. La cara- 
pace est large, peu bombée et cordiforme. Les côtes libres, à leur 
extrémité, s’articulent par des cartilages avec les pièces margina- 
les. Le plastron est composé de pièces osseuses dentelées et pla- 
_cées à distance. La tête est protégée en dessus par une sorte de 
bouclier résultant de l’union et du prolongement des os supérieurs 
du cräne. 

Ces animaux vivent aujourd'hui dans les régions chaudes du 
globe, quittant rarement la mer, sauf pour la ponte des œufs, et 
s’éloignant quelquefois des côtes jusqu'à une distance de sept ou 
huit cents lieues. Il y a donc, comme je l'ai dit plus haut, lieu de 
s'étonner quand on voit leurs ossements réunis avec ceux des 
émydes, des trionyx et mème des tortues terrestres. Il est pro- 
bable que leur habitation n’a pas toujours été aussi tranchée qu'ac- 
tuellement. 

Les tortues de mer appartiennent presque toutes au genre des 


CaéLonÉEs (Chelonia, Brong.), — Atlas, pl. XXIL fig. 7-9. 


Elles ont été citées dans les terrains triasiques; mais les preuves 
de leur existence à cette époque sont très douteuses. 


Cuvier (1) cite un radius et un pubis qui rappellent ceux des chélonées et 
qui correspondraient à une carapace de 8 pieds de longueur. Maïs ces débris 
isolés ne peuvent pas donner une certitude, et il est même probable qu'ils 
ont appartenu à d’autres reptiles. On n’a jamais trouvé aucun fragment de 
carapace ou de plastron. Quelques auteurs cependant lui ont donné un nom. 
C'est la Ch. Cuvieri, de M. Gray, et la Ch. Lunevillensis, de Keferstein; 
M. H, de Meyer attribue ces os au genre NOTHOSAURUS. 


On a pu démontrer d’une manière plus certaine leur existence 
à la fin de l’époque jurassique. 


M. Owen a décrit sous le nom de Chelone planiceps (?) une espèce du 
portlandstone, qui diffère de toutes celles que l’on connaît par son crâne 
tres large et déprimé, ses os préfrontaux, ses nasaux séparés, etc. Elle forme 


(1) Ossem. foss., 4e édit., t. IX, p. 483. 
(2) Report Brit. ass., 1841, p. 168; et Giebel, Fauna der Vorwell, t. I, ?, 
D'i 


160 REPTILES. — CHÉLONIENS. 


par ces caractères une sorte de passage aux platemys, tout en présentant, 
dans le bouclier supérieur de la tête, une preuve évidente qu’elle appartient 
bien au genre des Chélonées. 


Deux espèces ont été indiquées dans le terrain wealdien. 


La Chelone obovata, Owen (1), a été trouvée dans le calcaire de Purbeck. 
Elle se distingue facilement par sa carapace ovoïde, dont la plus grande lar- 
geur est vers les cinquième et sixième côtes, de sorte que le petit bout est en 
avant. Cette carapace a environ 10 pouces de long ; son ossification est plus 
grande que dans la plupart des autres chélonées. 

On trouve encore dans les terrains wealdiens supérieurs des ossements in- 
déterminés de chélonées. M. Mantell (?) a figuré une carapace de 3 pieds 
trouvée dans ja forêt de Tilgate, 


On connaît aussi des chélonées des terrains crétacés. 


Les grès verts inférieurs d'Angleterre renferment une espèce nommée par 
M. Owen, Chelone pulchriceps (3), et caractérisée par une tête très déprimée, 
longue d'environ 2 pouces. Cette tortue ressemble un peu à la Ch. planiceps, 
mais en diffère par plusieurs détails, et en particulier par sa taille qui est 
moitié plus petite. 

La craie inférieure de Durham (Kent) a conservé les traces d'une tortue 
décrite par M. Owen sous le nom de Chelone Benstedi (4). Elle est devenue, 
sans motifs suffisants, le type du genre CImMoCHELYSs, 

La Chelone Camperi, Owen (5) a été trouvée dans la craie supérieure d’An- 
gleterre et paraît se rapporter à une des espèces décrites par Camper. 

M. Owen (f) signale plusieurs débris indéterminés de chélonées provenant 
de Tonbridge et de Maidstone. 

La craie sablonneuse de la montagne de Maestricht contient. aussi de nom- 
breux ossements de tortues; ils ont été décrits (7) d’abord par Faujas de 


(*) Report, etc., p. 170; et Giebel, Fauna der Vorwelt, t.1, 2, p. 71. 

(2) I. of the geol. of Sussex, p. 62, pl. 6, fig. 2; Ch. Mantelli, Fitz., 
Ann. Wien. mus.; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 71 

() Rept. Brit. ass., 1841, p. 172; et Palæont. Soc., Rept., part. 3, p.8, 
pl. 7 À, fig. 4-3; et Giebel, loc. cit. 

(4) Report Brit. ass., 1841, p. 73; et Palæont. Soc., Rept., part. 3, p. 4, 
pl. 1,2 et 3; Emys Benstedi, Mantell, Philos. trans., 1841. 

($) Palæont. Soc., Rept., part. 3, p. 9, pl. 5; Camper? Phil. trans., 1786, 
t. LXX VI. 

(6) Palæont. Soc., id., p. 11 

(?) Hist. nat. de la montagne de Saint-Pierre; Cuvier, Ossem. foss., 
4° édit., t. IX, p. 475; Chelonia cretacea, Kefcrst., Naturg., t. II, p. 253; 
Ch. Ho aanE, Gray, Syn.; Fitz., Ann. Wien. mus.; Ch. Hoffmanni et Ch. 
Faujasii, Giebel, Fauna der Voriwelt, t. 1, 2, p. 72, 


TORTUES MARINES, 461 


Saint-Fond, qui en figura des pièces détachées du plastron (pl. 15 et 16), sous 
le nom de bois d'un quadrupède voisin de l'élan, et attribua les autres débris 
à la véritable famille à laquelle ils appartiennent. Mais il pensa en même 
temps qu’elles devaient former un genre nouveau, Cuvier en fit une meilleure 
étude et démontra que ces fossiles sont de vraies chélonées, 


Les chélonées ont été très abondantes à l’époque tertiaire et 
se sont avancées bien plus au nord qu'aujourd'hui. On en a trouvé, 
dans les seuls terrains éocènes d'Angleterre, autant d'espèces qu'on 
en connaît de nos jours dans tout le globe. La taille de ces espèces 
fossiles ne paraît pas avoir atteint celle des tortues qu’on trouve 
dans nos mers actuelles. 


M. Pomel (!) cite des chélonées dans le calcaire grossier de Cuise-la-Motte 
(parisien inférieur). 

Cuvier parle d’une espèce trouvée dans les schistes de Glaris, mais dans 
un état de conservation trop imparfait pour permettre une détermination 
exacte (2). Cette tortue, déjà figurée par Knorr, a été représentée de nouveau 
par Andreæ et dans l'ouvrage de Cuvier. L'allongement de ses doigts prouve 
que c’était une tortue de mer. Les schistes de Glaris rapportés d’abord à une 
époque très ancienne, puis à la période crétacée par M. Agassiz, sont main- 
tenant considérés comme appartenant au terrain nummulitique. 

Les terrains éocènes d'Angleterre en renferment, comme nous l'avons dit, 
de nombreuses espèces qui ont été décrites par M. Owen ($). Ce sont les 
suivantes. 

La Chelonia breviceps, Owen, ressemble aux vivantes par sa carapace ovoïde, 
appointie en arrière. Elle était un peu plus grande que la Ch. planimentum, 
et a été découverte dans l'argile de Sheppy. C'est l'Emys Parkinsonii, Gray 
et Ja Ch. antiqua (?), Koenig. (Atlas, pl. XXII, fig. 9.) 

La Chelonia longiceps, Owen, y paraît assez commune et se distingue 
par l'allongement du crâne et le prolongement du rostre, qui rappellent 
les trionyx, avec toutefois les formes essentielles des chélonées. Cette 
espèce provient aussi de l’île de Sheppy. (Atlas, pl. XXII, fig. 8.) 

La Chelonia latiscutata, Owen, est remarquable par ses écussons très 
larges; mais il est possible que ce ne soit qu'un jeune âge de la Chelonia 
longiceps. 


(1) Bibl. univ. de Genève, 1847, Archives, t. IV, p. 328, 

(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 484, et pl. 249, fig. 4; Knorr, 
t. 1, pl. 34; Andreæ, Briefe, pl. 16. C’est la Chelonia glaricensis, Keferst., 
Natur., t. Il, p.253; la Ch. Knorrü, Gray, Syn., Fitz., Ann. Wien. mus.: 
Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 71. 

(3) Report Brit. ass., 1841; ct Palæont. Soc., Rept., part, 1, Chelonia, 
pl. 1 à 15; Giebel, Fauna der Vorwelt, t, 1, 2, p. 73. 


462 HEPTILES. —- CHÉLONIENS. 


La Chelonia convexa, Owen, ressemble à la tortue franche , mais avec uné 
carapace plus bombée que toutes les autres espèces connues, vivantes et 
fossiles. Elle vient, comme les précédentes, de l’argile de Sheppy. 

La Chelonia subcristala, Owen, qui est aussi de l'ile Sheppy, a, avec les 
mêmes formes générales, des différences dans la forme des plaques et une 
espèce de carène sur les 6°, 7° et 8° plaques vertébrales. , 

La Chelonia planimentum, Owen, a la symphyse de la mâchoire inférieure 
longue et plate, le crâne haut et convexe, le museau ordinaire et les côtes 
fortes, Cette espèce, longue de 12 pouces, a été trouvée sur la côte orien- 
tale du comté d’Essex. 

La Chelonia crassicostata, Owen, provient de l'argile d'Hardwich. C'est la 
Testudo plana, de Koenig. 

La Chelonia declivis, Owen, a été découverte dans les dépôts éocènes de 
Bognor (Sussex). 

La Chelonia trigoniceps, Owen, a été trouvée dans l’argile d'Hardwich. 

La Chelonia cuneiceps, Owen, provient de l’île de Sheppy. 

La Chelonia subcarinala, Bell, a été trouvée dans la même localité. 

Quelques autres fragments indéterminés de l’argile d’Hardwich sont encore 
indiqués par M. Owen. 


Il a encore d’autres chélonées plus imparfaitement connues qui 
ont été trouvées dans divers terrains plus récents. 


M. Marcel de Serres (1) indique plusieurs espèces des terrains tertiaires 


supérieurs de Montpellier. 
Il faut ajouter la Chelonia radiata, Fischer (2), trouvée en Sibérie. 
Je ne connais pas la Chelonia Wagleri, Fitzinger (3). 


Les chélonées ont aussi été trouvées fossiles en Amérique. On 
cite en particulier dans le terrain crétacé : 


La Chelonia Couperi, Harlan (4). 


Les SrPHarGis, Merrem 
(Coriudo, Flem., Dermatochelys, Blainv.), 


sont des chélonées dont la cuirasse est enveloppée d’une peau 


(1) Ann. des sc. nat., 2° série, 1. IX, p. 286. 
(2) Actes de Moscou , t. VIT. 

(8) Ann. Wien. mus., t. I, p. 107. 

(#) Sillim. Journ., 1842-43 , p. 141; Giebel, Fauna der Vorwell, t. I, 2, 


p. 74: 


TORTUES MARINES. 463 


coriace, tuberculeuse chez les jeunes et lisse chez les adultes. 
Elles n’ont jamais d’écailles. 

On en connaît une espèce vivante, le Zatk, I est probable 
qu'il faut rapporter au même genre des fragments considérés 
d'abord comme étant des portions de la peau d’un coffre (Os- 
tracion). 


Ces débris ont été trouvés dans la mollasse bleue (miocène) de Vendargues 


(Hérault), et désignés par M. Gervais (1), sous le nom de Sphargis pseudo- 
stracion. 


M. H. de Meyer rapproche des émydes deux genres qui nous 
paraissent avoir plus de rapports avec les tortues de mer. 


Les IniocHezys, H. de-Meyer, — Atlas, pl. XXIE, fig. 40, 


sont remarquables par une perturbation complète dans les pièces 
(osseuses) vertébrales dont les premières sont encore visibles, 
mais sans se toucher l'une l’autre, et dont les dernières ont com- 
plétement disparu, en sorte que les pièces costales sont directe- 
ment en contact sur la ligne médiane. L'extrémité des côtes, qui 
est libre et reçue dans des fossettes des pièces marginales où elles 
étaient évidemment attachées par des cartilages, semble prou- 
ver leur affinité avec les tortues marines. Le plastron n’est connu 
que très imparfaitement ; il me semble tendre au même résultat, 
car 1] est composé de pièces dentelées et séparées. On peut objec- 
ter, il est vrai, la longueur de la queue, qui rappelle plutôt les 
tortues d’eau douce; mais la brièveté des pieds que l’on a aussi 
invoquée a peu d'importance, vu qu'on ne connaît que les posté- 
rieurs qui ne sont jamais très allongés. 
On en connaît deux espèces des schistes de Solenhofen. 


L'I. Fitzingeri, H. de Meyer (2). 
L'J. Wagneri, H. de Meyer (3), lui ressemble beaucoup. 


(1) Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 48. 

(2) Elle a été décrite et figurée dans les Beitr. zur Pelref. du comte de 
Munster, t. 1, p. 59, pl. 7, fig. 1; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 61. 

(8) Zd., t. UE, p. 41, pl. 8, fig. 1; Giebel, id. 


464 REPTILES. — SAURIENS. 


Les ApLax, Meyer, 


ne sont connus que par un échantillon des schistes lithogra- 
phiques de Kelheim, caractérisé par des côtes étroites, non soudées 
ensemble, formant une carapace plus incomplète que dans aucun 
autre chélonien. M. H. de Meyer ne pense pas que cette circon- 
stance soit due au jeune âge. 


L'espèce connue, qui est la plus petite de tous les chéloniens, a été nom- 
mée À. Oberndorferi, H, de Meyer (1). 


2° ORDRE. 


SAURIENS. 


Les sauriens se distinguent des chéleniens par 
l'absence de carapace; des ophidiens, parce qu'ils ont 
ordinairement quatre membres, des paupières mobiles 
et des mâchoires fixes; et des batraciens par leur peau 
écailleuse et par l'absence des métamorphoses. Ils n’ont 
ni les ailes des ptérodactyles, ni les nageoires des 
énalio-sauriens, ni les doubles condyles occipitaux et 
les dents à issu compliqué des labyrinthodontes. 

Ils forment dans le monde actuel l'ordre le plus 
essentiel des reptiles, et sont aujourd'hui nombreux 
en genres et en espèces. Îls ont apparu vers le milieu 
de l’époque primaire; ont pris un très grand dévelop- 
pement dans la partie jurassique de l'époque secondaire, 
et ont eu alors des formes remarquables, une taille 
souvent gigantesque et un développement numérique 
considérable. Avec l’époque tertiaire ils sont rentrés 
dans des bornes plus restreintes, et par leurs dimensions 
moindres ils ne représentent plus une partie aussi im- 
portante de la population animale du globe. 


(t) Neues Jahrb,, 1843, p. 585 ; Giebel, Fauna der Vorwell, 1. 1, 2, p. 75. 


REPTILES. —— SAURIENS. 465 


Jde n'ai pas pu adopter ici la classification que l'on 
suit généralement pour l'étude des sauriens vivants. 
Elle tire le plus souvent ses caractères essentiels de la 
formede la lançue et surtoutde la dispositiondes écailles, 
et ne se lie que très indirectement avec la forme du 
squelette. Par exemple, les iguaniens, les lacertiens, les 
scincoïdiens et les chalcidiens, qui sont faciles à dis- 
tinguer par leurs tésuments et par leurs caractères 
extérieurs, ne peuvent presque pas l'être par l'étude 
de leurs os. Il m'a paru convenable de simplifier la 
méthode pour la plier à l’état actuel de la paléontologie 
des reptiles; et, à l’exemple des anciens erpétolopistes 
allemands, Oppel et Merrem, et autorisé par celui plus 
récent de M. de Blainville, je ne partage les sauriens 
vivants qu’en deux familles, en distinguant les croco- 
diles ou sauriens cuirassés, et les sauriens squameux 
ou lacertiformes. À ces deux divisions je suis obligé 
pour quelques reptiles fossiles, dont les formes au- 
jourd’hui perdues ne rentrent pas dans nos classifi- 
cations modernes, d’en ajouter une, celle des dinosau- 
riens. 

Les trois familles qui composent ainsi cet ordre sont 
distinguées comme suit. 

Les DiNosauRIENS sont caractérisés par leurs os longs, 
qui ont à l'intérieur une cavité médullaire comme 
les mammifères; par des pieds courts, presque sembla- 
bles, sauf dans les phalanges unguéales, à ceux des pa- 
chydermes; par un sacrum composé de plusieurs ver- 
tèbres ankylosées (au moins cinq), et par une mâchoire 
inférieure qui, dans quelques uns au moins, est sus- 
ceptible d’un mouvement horizontal pour la trituration. 

Les CroconiLiens ont le corps protégé par des plaques 


osseuses; une bouche grande, armée de dents coniques, 
1 30 


166 REPTILES. —— SAURIENS. 


implantées dans des alvéoles; des doigts grèles, pal- 


més, et le sacrum composé en général de deux vertè- 
bres. 


Les LacErRTIFORMES ont des écailles cornées , une 
bouche plus courte, des dents rarement implantées dans 
des alvéoles, des doigts srêles, et aussi un sacrum à 
vertèbres peu nombreuses. 


Are Fame. — DINOSAURIENS. 


Ces reptiles, qui ne se retrouvent plus dans la création actuelle, 
sont remarquables par leur taille gigantesque, aussi bien que par 
leurs caractères qui présentent des transitions aux mammifères. 
Ils rappellent les animaux de cette classe par leurs membres 
très développés. Leurs os longs, grands ét forts, à apophyses puis- 
santes, sont pourvus d’un canal médullaire très marqué. Leurs 
pieds sont courts et ressemblent à ceux des pachydermes pesants. 
Leurs côtes s’attachent au tronc par une double articulation; et 
les lames tectrices des vertèbres sont très développées. Enfin ils 
ont dans leur sacrum un caractère remarquable, car cet os est 
formé de cinq vertèbres soudées, ce qui est fréquent dans les 
mammifères, mais qui n'existe dans aucun reptile. Dans tous les 
autres animaux de cette classe, vivants et fossiles, le sacrum 
n'est jamais composé que d’une ou de deux vertèbres. 

Les dinosauriens semblent se rapprocher, au contraire, par 
leurs dents, des dernières familles des sauriens. Ces organes, com- 
primés et dentelés, ont dans la nature vivante leurs analogues 
chez les iguaniens et les lacertiens. La forme des os de l'épaule 
et plusieurs détails du squelette rappellent les scinques et divers 
genres très éloignés des crocodiliens. 

La découverte et la reconstitution de ces reptiles peuvent être 
considérées comme un des résultats remarquables de la paléontolo- 
gie. Tandis que nous voyons aujourd'hui les iguanes et les monitors, 
qui sont les plus grands reptiles terrestres connus, arriver à peine 
à la taille de 5 ou 6 pieds; les débris fossiles nous prouvent 
que le mégalosaure a dû avoir 30 à 40 pieds de longueur, l'igua- 
nodon 60, et le pélorosaure 70. Leur anatomie démontre qu'ils 


DINOSAURIENS. —— MEGALOSAURUS. 467 


ont dû vivre sur la terre, ce qui rend ces gigantesques proportions 
encore plus étonnantes. 

Les dinosauriens n’ont vécu que pendant la période secondaire. 
Leur existence dans l’époque triasique est peu certaine; leurs 
ossements ont été trouvés dans divers gisements jurassiques et 
deviennent surtout abondants dans les terrains wealdiens. Un seul 
genre (liguanodon) paraît avoir vécu jusqu’à l’époque néocomienne. 

J'ai dit que ces reptiles avaient dù être terrestres. On en 
trouve la preuve dans la forme et la nature de leurs o$ pourvus 
d'un canal médullaire, et surtout dans la brièveté de leurs pieds 
tout à fait impropres à la natation. Leurs dents indiquent des 
différences dans leurs habitudes, car tandis que le mégalosaure 
était un puissant carnassier, il est probable que le gigantesque 
iguanodon ne se nourrissait que de végétaux. 

Parmi les genres qui composent cette famille, trois seulement 
sont connus d'une manière un peu complète. Le premier est 
celui ds 


MecaLosaurus, Buckl., — Atlas, pl. XXII, fig. 4-5, 


qui présente dans son squelette les caractères généraux de la fa- 
mille et qui se distingue facilement par sa dentition. M. Buckland 
a figuré une portion de la mâchoire inférieure (voy. pl. XXII, 
fig. 4), qui montre que la tête se terminait probablement en avant 
par un museau droit, mince et comprimé latéralement. Les dents 
à leur naissance (fig. 4 et 2) sont droites, comprimées, dentées 
en scie sur leurs bords et en forme de pointe de sabre; à mesure 
quelles croissent, elles prennent une courbure en arrière, qui 
leur donne la forme d’une serpette, et l'émail dentelé se continue 
le long dé l’arète postérieure ou tranchante de la dent, tandis 
que du côté opposé il ne descend qu’à une petite distance du 
sommet. Ces dents sont donc, comme celles de plusieurs reptiles 
et poissons, disposées de manière que la proie une fois saisie 
ne puisse plus s'échapper. L'extrémité pointue se fixait dans 
les chairs, et le côté postérieur tranchant y faisait de profondes 
déchirures. 

Le bord externe de la mâchoire est plus haut que le bord in- 
terne, et ces deux côtés sont réunis par des cloisons qui forment 
de larges alvéoles dans lesquels on voit des dents de remplace- 


168 REPTILES. —- SAURIENS. 


ment placées en réserve. Cette disposition est intermédiaire entre 
l'organisation des crocodiles et celle des lézards. Les premiers ont 
des alvéoles dentaires, mais le bord externe de la mâchoire ne 
dépasse pas l’interne. Les lézards présentent au contraire cette 
inégalité, mais n'ont pas d’alvéoles. 

Les corps des vertèbres ont une surface articulaire plane ou 
légèrement concave, la partie annulaire est remarquablement polie 
et jointe au corps par une suture flexueuse. La tête des côtes est 
portée par un col long et comprimé. Le coracoïdien (pl. XXII, 
fig. 3) est très grand et rappelle celui des varans. Le fémur 
(pl. XXI, fig. 5) a une tête dirigée en avant et un trochanter 
saillant; il a une double courbure et est intermédiaire entre celui 
des crocodiles et celui des varans. 

On a trouvé des ossements de mégalosaures dans divers ter- 
rains. Il sont surtout fréquents dans les schistes de Stonesfield 
(grande oolithe); on en trouve aussi dans le calcaire de 
Caen et dans les trois étages du terrain wealdien : le calcaire de 
Purbeck, les sables d'Hastings et le wealdien proprement dit. Je 
ne crois pas que l’on doive rapporter à la même espèce les débris 
trouvés dans toutes ces localités. 


La seule qui ait été admise par les géologues anglais, est le Megalosaurus 
Bucklandi, Cuvier (1). M. Owen estime sa taille à 30 pieds. Quelques frag- 
ments semblent même indiquer que certains individus Ja dépassaient. Si l’on 
reconnaît l'existence de plusieurs espèces dans ce genre, ce nom doit rester 
à celle de Stonesfield, car c’est dans ce gisement que M. Buckland a décou- 
vert les os qui ont servi à la première description. Quelques autres fragments 
ont été trouvés dans l’oolithe de Bath (Somersetshire). 

M. Caumont (2?) indique une dent de megalosaurus dans le calcaire de 
Caen (Normandie). 

M. Bertrand Geslin en a trouvé une vertèbre dans l’oolithe moyenne du 
canal de Bellecroix, près la Rochelle. 

On en cite aussi plusieurs fragments des environs de Besançon, de So- 
leure, etc. 

M. Manteill en a découvert de nombreux ossements dans la formation weal- 
dienne (3). M. Owen les assimile au M. Bucklandi. 

Le Jura blanc de Schnaitheim (Kimméridgien ?) renferme des débris d’os- 


(!) Buckl., Trans. of the geol. Soc. , 2° série, 1; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit, 
t. X, p. 185. 

(2) Mém. Soc. linn. de Normandie, t. IV, p. 207, pl. 8. 

(8) Voy. Mantell, Geol. of Sussex, p. 67, pl. 9, fig. 18 et 19; Owen, Report 
Brit. ass., 4841, p. 103, etc. 


DINOSAURIENS. — HYLÆOSAURUS. 469 


sements et des dents que M. Quenstedt (1) rapporte aux megalosaurus. Ils 
indiquent peut-être l’existence de plusieurs espèces ; l’une d’elles aurait sur- 
passé par sa taille celles d'Angleterre. Ce géologue rapporte au même genre 
des dents qui ont été décrites par M. H. de Meyer sous le nom de BrACHYTÆ- 
NIUS (B. perennis) (?), du Jura supérieur de Aalen, et qui se retrouvent à 
Schnaitheim. Le Geosaurus maæximus, Plieninger (#), du Jura supérieur 
d'Ulm, n’est probablement aussi qu'un mégalosaure (#). 


Le second genre est celui des 


HyLÆosaurus, Mantell, — Atlas, pl. XXII, fig. 6-11, 


qui à été trouvé dans la forêt de Tilgate (terrain wealdien). 11 pré- 
sente dans son squelette quelques caractères spéciaux. Les corps 
des vertèbres sont subbiconcaves, plus courts que dans les deux 
autres genres ; les lames tectrices sont très développées et ont de 
grandes apophyses; les transverses en particulier se dirigent con- 
tre l'enveloppe extérieure et contribuent à la soutenir comme chez 
les tatous. Ces vertèbres vont en augmentant à mesure qu’elles 
s’'approchent du bassin. L’omoplate est longue et étroite, et los 
coracoïdien est plus simple que dans les mégalosaures (pl. XXII, 
fig. 6). Ces deux os ressemblent surtout à ceux des scinques et 
des caméléons et s’éloignent assez du type des crocodiles et des 
varans. 

La peau était recouverte par des écussons elliptiques ou cireu- 
laires, sans imbrication (pl. XXIIT, fig. 10). Le sommet des plus 
petits porte un tubercule qui s’efface dans les grands. Une des par- 
ties qui ont le plus embarrassé les anatomistes, ce sont de grandes 
plaques, longues de 17, 14 et 11 pouces, aplaties, triangulaires 
et pointues (pl. XXHIT, fig. 9). M. Mantell (5) les compare aux 
écailles dorsales qui forment une crête dans beaucoup d'iguaniens. 
M. Owen doute si l’on ne doit pas les regarder comme des côtes 
abdominales. 


(!) Floetzgebirge Wurt., p. 493; et Handb. der Petref., p. 112. 

(2) Munster, Beitr., t. V, pl. 8, fig. 2. 

(3) Jahreshefle, 1849, t. I, p. 7. 

(4 Voyez encore pour ce genre : Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 80; 
Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. jur., p. 497; Laurillard, Dict. de d'Orbigny, 
LV D: 94 

(5) Voyez un mémoire spécial sur ces épines, Philos. trans., 1850, 2€ part., 
p.391, pl. 27. 


470 REPTILES. — SAURIENS. 


Il est probable que l’on doit rapporter à l'hylæosaurus des dents 
trouvées dans le même gisement et qui ne peuvent pas apparte- 
tenir àdes crocodiliens. Ces dents (pl. XXITE, fig. 11) ont desbords 
épais et plats, non dentés, et une base subcylindrique qui s’élar- 
git en une épaule angulaire obtuse ; elles sont obscurément striées 
longitudinalement. Elles sont portées par une mâchoire inférieure 
courbée en bas à un degré inusité, et placées dans des alvéoles 
peu profonds, régulièrement divisés, presque complets. Dans 
l'origine, M. Mantell, doutant qu'elles appartinssent aux hylæosau- 
rus, les avait attribuées au genre CyLiNpricopon de Jaeger. 


On n’en connaît qu’une seule espèce, l'Hylæosaurus armatus, Mantell, qui 
atteignait probablement une longueur de 35 pieds, et qui a été trouvée, comme 


nous l'avons dit, dans la formation wealdienne de Tilgate, de Bolney et de . 
Battle (1). 


Le troisième genre, celui des 


IGUANODON, Mantell 


(Iquanosaurus , Conyvh.; Therosaurus, Fitz.; Hikanodon, Kefers- 
tein), — Atlas, pl. XXIV, fig. 1-45, 


n’est pas moins remarquable que les précédents et les dépasse 
par sa taille. Ses dents présentent un caractère tout à fait spécial ; 
elles s’usent par Ja mastication en une surface plane, tandis que 
dans tous les autres reptiles ces organes conservent leurs formes 
primitives et ne servent ordinairement qu'à retenir la proie et 
non à la triturer. Ces dents (pl. XXIV, fig. 1-8) ont une surface 
externe plate, couverte d'émail et ornée de trois carènes mousses 
longitudinales. Leur diamètre transversal ou leur épaisseur est 
un peu moins forte que leur largeur, et leur coupe horizontale 
forme un triangle dont l'angle le plus obtus est dirigé en dedans. 
Leur couronne a des bords tranchants, fortement dentelés, qui rap- 


(1) Voyez Mantell, Geol. of south-east of England, p. 316, pl. 1, 5 et6; 
Medals of creal., t. 1, p. 704 et 734, fig. 1-4; et Philosoph. trans., 1841, 
p. 141, pl. 10 ; Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 503; Giebel, Fauna der 
Vorwelt, t. [, 2, p. 82; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 115, pl. 8, 
fig. 2; Laurillard, Dict. de d'Orbigny, t. V, p. 34; Owen, Report Brit. 
ass., 1841, p. 111, etc, 


DINOSAURIENS. — IGUANODON. 471 


pellent un peu l’organisation des dents des iguanes vivants. La 
mastication use inégalement cette couronne; la face externe étant, 
comme nous l'avons dit, couverte d'émail, se conserve plus 
longtemps, en sorte que la surface triturante forme un triangle 
oblique. 

La mâchoire inférieure (pl. XXIV, fig. 1 et 2), s'amincit en avant 
etse termine en un processus horizontal, qui rappelle un peu les 
formes de quelques édentés (Mylodon, etc.) Les dents sont logées 
dans un sillon dont le parapet extérieur est très grand ; elles ne 
sont pas soudées au bord, comme on l'avait cru une fois, mais bien 
libres comme dans les mégalosaures ; les alvéoles paraissent man- 
quer de cloisons de séparation. Les dents n'existent pas dans la 
partie antérieure de la mâchoire. 

Ces faits ont été observés pour la première fois par M. le doc- 
teur Mantell (!). Ce savant paléontologiste a même pu reconnaître, 
d'après quelques fragments, le mode de développement des dents ; 
la couronne se formait la première etse complétait comme dans les 
mammifères avant que commençât la sécrétion de la racine. 

Il à montré aussi que l'existence d’une véritable mastication 
chez l'iguanodon devait entraîner dans la tête et dans les mâchoires 
des modifications importantes au type des reptiles. L’articulation 
glénoïde devait permettre un mouvement horizontal de la mâchoire 
inférieure et les trous par lesquels sortent les nerfs de la face prou- 
vent par leur grandeur que l'animal a dû être muni de joues et de 
lèvres bien plus charnues et plus développées que les crocodiles 
ou les lézards actuels. 

La tête de ce gigantesque reptile n'est du reste connue que par 
des fragments imparfaits. M. Mantell lui attribue un os conique 
qui devait, suivant lui, former une corne nasale analogue à celles 
qui se trouvent sur le front de l’/guana cornuta. 

Le squelette est remarquable par la force et la grandeur des os 
qui le composent. Il est connu principalement par une grande 
plaque, qui fait maintenant partie de la collection du Zritish 
Museum et qui a été possédée et étudiée d’abord par M. Man- 
tell. 


(1) Voyez Mantell, Phil. mag., 1824; Geol. of Sussex, p. 67, pl. 4, 11, 
12, 44, etc.; Geol. of south-east Engl., p. 268, 308; Wonders of geology. 
t. 1, p. 427; Phil. trans., 1841, part. 2, p. 131, pl. 6, 7, S et 9. 


472 REPTILES. —- SAURIENS. 


M. Owen (1) vient de la figurer et de la décrire de nouveau. Les 
vertèbres ont des corps courts, cunéiformes, à faces articulaires, 
planes ou subconcaves; l’are neural (lames tectrices) est solidement 
soudé au corps; les apophyses transverses sont robustes et les apo- 
physes épineuses très grandes. Dans la région coccygienne on re- 
marque des apophyses verticales inférieures très développées (arc 
hæmal, osen V) (pl. XXIV, fig. 9 et 10). 

La clavicule (pl. XXIV, fig. 41) est l'os le plus long du corps 
(37 pouces anglais) et a une forme tout à fait particulière , elle 
est amincie au milieu et étalée à son extrémité interne. L’humérus 
n'a que 19 pouces (pl. XXIV, fig. 12), et est par conséquent très 
court relativement au fémur. 

Le sacrum est composé de six vertèbres soudées. 

Le fémur (pl. XXIV, fig. 13), long de 33 pouces anglais, est plus 
droit que dans le megalosaurus ; 1l à une tête arrondie et bien dé- 
tachée et un fort trochanter médian. Le tibia est presque aussi 
long que lui (31 pouces), le péroné est assez considérable. Les 
métatarsiens sont très gros et longs; les phalanges des doigts 
courtes et grosses (pl. XXIV, fig. 14 et 15); les pénultièmes sont 
presque cuboïdes, et les dernières, plus amincies et déprimées, pré- 
sentent sur leur face supérieure la trace d'insertion d’un ongle 
probablement aplati. Ces dimensions comparatives des os de 
l'iguanodon montrent qu'il a été haut sur jambes, le membre pos- 
térieur étant sensiblement plus long que l’antérieur, et que’'ses 
pieds ont été courts el robustes. Quelques auteurs (?) estiment 
même qu'ils égalaient huit fois en volume ceux de l’éléphant. 

Les iguanodons ont dù être des animaux herbivores et terres- 
tres. On les a trouvés dans les terrains wealdiens et crétacés. Tous 
les fragments ont été jusqu'à présent rapportés à la même espèce; 
mais on n’a peut-être pas encore eu des pièces suffisantes pour 
que cette assimilation fût incontestable. 


M. Mantell estime que l’iguanodon du terrain Wealdien (3) (/guanodon 
Mantelli, H. de Meyer) atteignait la taille de plus de 60 pieds, avec une cir- 
conférence de 14 pieds 1/2. M. Owen ne lui donne que 9 mètres de lon- 
gueur. 


(!) Palæontogr. Soc., Foss. repl., part. 3, Cretac. form., p.105, pl. 33 
et 34. 

(2) Laurillard, Dict. de d'Orbigny, t. V, p. 35. 

3) Voyez, outre les ouvrages précités de M. Mantell, Bronn, Lethæa, pl, 34; 


DINOSAURIENS. —— PELOROSAURUS. 473 


La portion considérable de squelette dont nous avons parlé ci-dessus (1) 
a été trouvée dans des carrières de Kentish-Rag, près de Maidstone (grès 
vert inférieur appartenant à la formation néocomienne). M. Mantell fait re- 
marquer que les phalanges unguéales ne sont pas les mêmes que celles de 
l’iguanodon des terrains wealdiens. 


Les PELOoROSAURUS, Mantell, — Atlas, pl. XXIV, fig. 16-18, 


sont encore incomplétement connus. M. Mantell a établi ce 
genre sur quelques ossements qui font partie de sa riche collection 
et qui proviennent aussi des terrains wealdiens ; il le caractérise 
principalement d’après l'examen d’un humérus et de quelques 
vertèbres caudales. 

L'humérus (pl. XXIV, fig. 18) rappelle celui des iguanodon, 
mais a des formes et des proportions un peu différentes. Il a une 
longueur de 4 pieds anglais, ce qui semblerait indiquer un rep- 
tile de plus de 80 pieds (!), si on le comparait avec celui du cro- 
codile; mais les membres étant plus longs dans les dinosauriens, 
cette estimation est probablement exagérée. Il est plus droit que 
celui de l’iguanodon et beaucoup moins élargi à ses extrémités 
que celui de l’hylæosaurus. 

Les vertèbres (pl. XXIV, fig. 16) qui ont été trouvées avec cet os 
ont été rapportées d'abord aux iguanodon, puis par M. Owen au 
genre CeriosauRus. Elles ont des corps subquadrangulaires et leur 
diamètre antéro-postérieur est très court; elles sont concaves en 
avant et plates en arrière, les arcs neuraux (lames tectrices) sont 
solidement soudés au corps, les apophyses articulaires antérieures 
sont allongées en avant, les arcs hæmaux (os en V) existaient au 
moins dans quelques unes d’entre elles (pl. XXIV, fig. 17). M. Man- 
tell à en particulier figuré une vertèbre caudale dans laquelle cet 
os en V est soudé avec le corps comme dans les poissons et dans 
le mosasaure. 


Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 199; Buckland, Geol. et min., Traité 
Bridgewater, t. 1, p.210; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 86; Owen 
Ondontogr., p. 229; Report Brit. ass., 1841, p. 120; Quenstedt, Handb. ! 
p. 113; etc. 

(!) Voyez Owen, Pal. Soc., loc. cit.; Mantell, Ann. sc. nat., 2° série, t, IL, 
p. 63. 


474 REPTILES. — SAURIENS. 


Le Pelorosaurus Conybeari, Mantell (1), auquel on doit probablement 
réunir le Cetiosaurus brevis, Owen (2), a été trouvé dans le terrain wealdien 
de la forêt de Tilgate. 


M. Mantell ajoute dans le même mémoire que quelques ossements des 


couches oolithiques de l’Oxfordshire devront peut-être être rapportés au 
même genre. 


Quelques auteurs associent à cette famille deux genres encore 
très incomplétement connus (3). 


Les Recnosaurus, Mantell (4), 


ne sont connus que par une petite mächoire (longue de 3 pouces 
anglais), remarquable par les irrégularités de sa surface extérieure 
et parce qu'elle se courbe en bas d’une manière extraordinaire. 
Les dents étaient reçues dans des cavités profondes et cylin- 
driques, séparées par des cloisons régulières comme dans les véri- 
tables thécodontes. Cette mâchoire n’a pas encore été figurée. 


Le Regnosaurus Northamptoni, Mantell, a été trouvé dans la formation 
wealdienne (5). 


Les PLarsosaurus, H. de Meyer, 


s'ils appartiennent réellement à cette famille, Jui assigneraient 
une existence bien plus ancienne que les genres précédents; mais 
ils ne sont connus que d’une manière très imparfaite. Des ver- 
tèbres et des os des membres trouvés dans les terrains triasiques 
sont les seuls fragments que l’on en connaisse. Ils paraissent par 
leur grosseur, leur pesanteur et leurs cavités internes, se rappro- 
cher des ossements analogues des megalosaurus et des iguanodon. 


(1) Mantell, On the pelorosaurus, Phil. trans., 1850, part. 2, p. 379, 
pl. 21-26 ; voyez encore Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. jur., p. 508. 

(2) Report Brit. ass., 1841, p. 94. 

(3) Il faudra probablement ajouter le genre HerErosAuRuS, Cornuel, Bull. 
Soc. géol., 2° série, t. VII, p. 702, qui a de grands os des membres, creux 
à l'intérieur. Il paraît qu’on doit lui attribuer des dents coniques, longues de 
plus de 73 millimètres, lisses et seulement un peu striées à la base, qui le 
distingueraient de tous les dinosauriens connus. LH. neocomiensis, Cornuel, 
a été trouvé à Vassy (Haute-Marne), dans le terrain néocomien inférieur. 

(4) Ann. et mag. of nat. history, 2° série, 1848, t. II, p. 51. 

(5) Voyez aussi Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 509. 


CROCODILIENS. 475 


Le Plateosaurus Engelhardti, H. de Meyer (1), est la seule espèce connue 
et provient des grès supérieurs du keuper des environs de Nuremberg. 


2° Famizze. — CROCODILIENS, ou SAURIENS 
CUIRASSES. 
(Emydo-Sauri, Blainv.) 


Ces reptiles sont caractérisés par des plaques osseuses qui re- 
couvrent le dos et une partie des flancs; par un crâne très allongé 
et puissant, fort rugueux, et qui n'est recouvert que par de la 
peau; par des dents nombreuses, grosses, coniques, en rang 
simple, implantées par une véritable gomphose ; par leurs narines 
ouvertes à l'extrémité du museau et dans l’arrière-gorge; et par 
leur mâchoire inférieure très longue, articulée en arrière de l’oc- 
cipital, sur des os carrés soudés au crane. 

A ces caractères tirés des parties dures, qui sont les seules 
qu'on peut vérifier sur les fossiles, on peut en ajouter plusieurs 
pris dans les organes plus importants. Ce sont en particulier les 
seuls reptiles où le cœur ait encore quatre loges; le mélange des 
sangs est principalement dû à la persistance du canal artériel, 
c'est-à-dire à une communication entre l'artère pulmonaire et 
l'aorte, par laquelle une partie du sang veineux est versé dans 
le système artériel. 

Dans le monde actuel, les crocodiliens forment un groupe très 
naturel, composé seulement des crocodiles, des gavials et des 
caïmans. Les fossiles ont des formes beaucoup plus variées, et 
les animaux de cette famille qui ont vécu dans des époques an- 
ciennes, tout en conservant les caractères essentiels des crocodiles 
modernes, en diffèrent par des modifications d'organes d'une 
haute importance. 

Parmi ces différences, une des plus remarquables est la forme 
des vertèbres. Dans les crocodiliens actuels. les vertèbres cervi- 
cales à partir de la troisième, et celles du dos et des lombes, ont 
leurs corps concaves en avant, et convexes en arrière. On re- 
trouve le même caractère dans les crocodiliens des terrains ter- 
tiaires; mais parmi ceux des époques antérieures on observe deux 
modifications singulières. Quelques uns ont les corps de leurs 


(1) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1837, p. 316; et 1839, p. 77. Voyez 
aussi Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. trias., p. 110. 


476 REPTILES. — SAURIENS. 


vertebres terminés aux deux extrémités par une surface plane ou 
un peu concave, rappelant sous ce point de vue l’organisation des 
poissons. D’autres ont l'articulation antérieure convexe et la pos- 
térieure concave, c'est-à-dire en quelque sorte que la vertèbre 
chez eux occupe une position inverse de celle qu’elle a chez les 
crocodiles modernes. Ces circonstances peuvent servir à les subdi- 
viser en trois tribus. 

Les crocodiliens ont apparu avec l’époque jurassique (1). On en 
trouve de nombreux débris dans le lias, ainsi que dans les étages 
suivants, et en particulier dans les terrains oxfordiens, coralliens 
et wealdiens. Ils ont été pendant cette époque plus nombreux en 
espèces et plus variés en formes que dans aucune autre. Ils pa- 
raissent avoir diminué pendant les périodes crétacée et tertiaire; 
et leurs formes se sont peu à peu rapprochées des types qui vivent 
de nos jours. 


1re Trisu. — CROCODILIENS A VERTÈBRES CONCAVO- 
CONVEXES 


(Procæli, Owen), 


c'est-à-dire à vertèbres qui ont des corps concaves en avant et 
convexes en arrière. Le genre principal est celui des 


CroconiLes (Crocodilus, Brong.), — Atlas, pl. XXV, fig. 1 et 2, 


qui contient toutes les espèces vivantes de la famille des crocodi- 
liens, et qui se subdivise en trois sous-genres : 

Les CROCODILES proprement dits (Champsè, Merrem), à museau 
médiocre, formant avec la tête un triangle isocèle, la quatrième 
paire des dents inférieures passant dans une échancrure de la mà- 
choire supérieure. (Atlas, pl. XXV, fig. 1.) 

Les Caïmans {Alligator, Cuv., Champsa, Wagler), à museau 
médiocre ou court, large, la quatrième paire des dents inférieures 
étant reçue dans des fossettes de la mâchoire supérieure. (Atlas 
pl. XXV, fig. 2.) 

Les Gaviars (Gavialis où Longirostris, Cuv.; Leptorhynchus, 
Clift), à museau rétréci, cylindrique, extrêmement allongé, les pre- 

(1) A moins qu'il n’y ait de véritables crocodiliens parmi les reptiles des 


terrains triasiques que nous avons provisoirement placés avec les genres dont 
les affinités sont douteuses. 


CROCODILIENS. — CROCODILES. 471 


miere et quatrième paires des dents inférieures passant dans des 
échancrures de la mâchoire supérieure. 

Ces reptiles ne paraissent pas avoir existé en Europe avant la 
fin de l’époque secondaire; il est probable qu'il faut rapporter aux 
genres suivants les nombreuses citations qui semblent indiquer 
qu'on en a trouvé des ossements dans les terrains jurassiques et 
crétacés proprement dits (‘). Quelques fragments semblent seule- 
ment, comme nous le dirons plus bas, faire remonter leur appari- 
tion jusqu'aux dépôts les plus récents de l'époque crétacée que 
l'on a désignés sous le nom de terrain danien, époque encore im- 
parfaitement déterminée et qui est intermédiaire entre la craie 
blanche et les terrains tertiaires anciens. 

Les crocodiles se trouvent en général dans les dépôts d'eau 
douce, et dans ceux qu'on peut supposer avoir été formés près 
des embouchures des fleuves; d’où lon peut conclure que les 
mœurs de ce genre étaient, pendant l'époque tertiaire, les mêmes 
qu'aujourd'hui. On doit seulement remarquer qu'ils s'étendaient 
plus au nord qu’actuellement, car on en a trouvé des débris en An- 
gleterre et dans les parties tempérées de la France. 

L'espèce la plus ancienne parmi celles d'Europe, en ne tenant 
pas compte de la dent de Meudon {?), appartient, avons-nous dit, au 
terrain danien. 


C’est le Crocodilus isorhynchus, Pomel (3), intermédiaire entre les croco- 
diles proprement dits et les gavials; mais plus voisin de ces derniers, Il a 
été trouvé au Mont-Aimé, près de Vertus, à quelques lieues de Sézanne 
(Marne). 


Quelques espèces paraissent appartenir à la faune nummuli- 
tique, ou suessonienne. 


Cuvier (#) cite un humérus et des dents trouvés dans les lignites et l'argile 


({) Le crocodile de Meudon, s’il est véritablement un crocodile, aurait bien 
vécu dans l’époque secondaire, car il a été trouvé dans la craie. Mais cet 
animal n’est connu que par une seule dent (Cuv., Ossem. foss., 4° édit., 
t. IX, p. 320), et l’on ne peut pas, sur un si faible indice , décider de ses 
véritables affinités génériques. 

(2) Malgré le peu de certitude de cette espèce, M. Gray lui a donné un 
nom (C. Brongniarli, Gray, Syn. rept., p. 60). 

(3) Bibl. univ. de Genève, 1847, Archives, t. V, p. 303. 

(4) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 324. 


478 REPTILES. — SAURIENS. 


plastique d'Auteuil, près Paris. M. Giebel (1) en a fait le Crocodilus indetér- 
minatus, et M. Gray (2), le C. Becquereli. À 

Cuvier($) rapporte à la même époque (?) les débris d’une espèce très voisine 
découverte dans les lignites de la Provence : c’est le C. Blavieri, Gray. 

M. Pomel (f) indique dans l'argile plastique de Meudon {avec le Coryphodon 
eocænus) une espèce sous le nom de Crocodilus cælorhinus. M. Gervais ($) 
le réunit au Crocodilus depressifrons, Blainv., découvert à Noyon par 
M. Graves. 


L'étage parisien inférieur, ou calcaire grossier, en contient 
aussi. 


Cuvier en indique quelques uns qui sont encore imparfaitement indéter- 
minés. 

Les ossements d’une espèce provenant des marnières d’Argenton (5) mon- 
trent que des crocodiles ont vécu à la même époque que les lophiodon. Leurs 
dents étaient plus comprimées que celles des crocodiles vivants, et dentelées 
sur leurs bords; leurs ongles ont dû être plus courts et plus plats (C. com- 
munis, Giebel, C. Rallinali, Gray). 

Les graviers de Castelnaudary (7) en renferment aussi des débris mêlés 
avec ceux des lophiodon (C. Dodunii, Gray). 

Quelques dents trouvées dans un calcaire marneux d’eau douce, près de 
Blaye ($), me paraissent incertaines soit quant à la détermination spécifique, 
soit quant à l’âge du terrain qui les renferme. 

Il en est de même de quelques débris trouvés près du Mans (?). 

L’argile de Londres, qui, comme nous l'avons dit ailleurs, est probable- 
ment contemporaine du calcaire grossier, renferme de beaux fragments de 
crocodiles. 

M. Owen (10) décrit les espèces suivantes : 

Le Crocodilus toliapicus, Owen (11), à museau aminci vers l’extrémité, rap- 


(1) Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 121. 

(2) Synops. rept., p. 61. 

(5) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 326. 

(*) Bibl. univ., loc. cit., p. 302. 

(5) Dict, de d'Orbigny, Reptiles, t. XI, p. 56. 

(6) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 330. 

(7) Id., p. 334. 

(8) 1d., p. 335. C'est le C. Jouannetti, Gray, Syn. rept., p. 61. 

(°) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t, IX, p. 337. 

(10) Palæontogr. Soc., 1849; Replilia, part. 2; Crocodilia and ophidians of 
the London clay. 

(1) Owen, loc. cit., p. 29, pl. 2, fig, 4 et 2 A. C’est le C. Spenceri, Buckl., 


CROCODILIENS. —- CROCODILES. 479 


pelant plus celui du C. acutus que celui de l’espèce du Nil. Ses dents sont 
au nombre de + — 84, plus uniformes, plus régulières et plus espacées que 
dans les deux espèces suivantes. Il a été trouvé dans l'argile de Sheppy. 

Le Crocodilus champsoides, Owen (!), à museau plus allongé que le pré- 
cédent, mais moins aminci à l'extrémité où les os incisifs forment une partie 
arrondie. Il ressemble davantage au Crocodilus Schlegelii, de Bornéo, et 
provient aussi de Sheppy. 


Le terrain éocène supérieur contient aussi quelques crocodiles 
remarquables. 


Cuvier (2?) a trouvé, dans les plâtrières de Montmartre, un os frontal qui 
prouve l'existence d’un crocodile appartenant au sous-genre des caïmans ou 
à celui des crocodiles proprement dits, et probablement voisin du C. sclerops. 
Un humérus des mêmes gisements indique ou la même espèce, ou une très 
voisine du C. lucius. M. Giebel (3) attribue le premier de ces fragments à 
une espèce qu’il nomme Crocodilus parisiensis, et M. Gray, C. Cuvieri. Ce 
dernier auteur établit pour l'humérus un Crocodilus Trimmeri. 

MM. Requien, Matheron , Jourdan, etc., en ont trouvé des fragments à 
Gargas, près d’Apt (#). Gaultier de Claubry () en a découvert avec des 
palæotherium dans une tranchée de chemin de fer près de Bert. M. Naudot (6) 
en a recueilli à Provins dans un banc de calcaire lacustre avec des mammi- 
fères de la faune éocène. 

Les terrains d'Angleterre supérieurs à l'argile de Londres et plus ou moins 
contemporains des gypses de Paris, ont fourni quelques espèces. M. Owen (7) 
a décrit : 

Le Crocodilus Hastingsiæ, Owen ($), découvert par la marquise de Hastings 
dans les dépôts éocènes de Hordle-Cliff (Hampshire); sa tête est beaucoup 
plus large que dans les Crocodilus toliapicus et champsoides ; il appartient 
cependant comme eux au sous-genre des crocodiles proprement dits. Il a 
aussi = -— 84 dents. (Atlas, pl. XXV, fig. 1.) 


Traité Bridg., t. 1, p. 251, et probablement en partie le Crocodile de Sheppy, 
Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 327. 

(1) Owen, loc. cit., p. 31, pl. 2, fig. 2 et 3. Cette espèce a été confondue 
avec la précédente par M. Buckland. 

(2) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 329. 

(8) Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 121. 

(4) Gervais, Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 56. 

(5) Compt. rendus de l’Acad. des sc., 1840, 2° sem., p. 362. 

(6) Ann. des sc. nat., 1829, t. XVIII, p. 426. 

(7) Owen, Palæontogr. Society, loc. cit. 

@) Zd., p. 37, pl. 6,7, 8, 9et19, fig. 2 et 3. 


480 REPTILES. — SAURIENS. 


Le Crocodilus Hantoniensis (Alligator Hantoniensis, Owen) (!) fait partie 
du groupe des caïmans et a été trouvé dans la même localité. (Atlas, pl. XXV, 
fig. 2.) 

Le Crocodilus Dixoni (Gavialis Dixoni, Owen) (2) appartient au groupe des 
gavials. Il n’est connu que par des fragments découverts à Bracklesham. 

Les lignites de Steyermark, rapportés par M. Giebel ($) à l’époque éocène, 
renferment les débris d’un crocodile qui a été séparé par Pranger (4) sous le 
nom d'ENNEODON (E. Ungeri), parce qu’il paraissait avoir une dent incisive 
impaire en avant. M. Fitzinger (5) a montré que la dentition était bien nor- 
male et que M. Pranger avait été trompé par l’imparfaite conservation du 
bout du museau. On en connaît aussi quelques plaques dermales. 


Les crocodiles des terrains miocènes sont mal connus. On en 
cite dans les dépôts miocènes inférieurs d'Auvergne. 


M. Pomel (f) indique deux espèces de crocodiles du groupe des caïmans. 
Ils forment, suivant cet auteur, un sous-genre distinct (DiPLOGYNODON) carac- 
térisé par la troisième et la quatrième paire de dents de la mâchoire infé- 
rieure, qui pénètrent ensemble dans la supérieure. Les dents sont peu nom- 
breuses. M. Pomel figure le D. Ratelli. (Est-ce le même que le Crocodilus 
elaveris, Bravard ??) 


M. E. Geoffroy-Saint-Hilaire (7) a établi pour quelques fragments de cro- 
codiles du calcaire à indusies d'Auvergne, le genre OrTHosAuRus, caractérisé 
par des mâchoires droites semblables, du reste, ainsi que le crâne, aux 0r- 
ganes analogues des crocodiles proprement dits. 


Dans les terrains miocènes proprement dits, nous pouvons indi- 
quer quelques espèces. 


M. H. de Meyer a annoncé la découverte de quelques crocodiles dans les 
dépôts de Weisenau; maisils n’ont pas encore été décrits. Ce sont les Croco- 
dilus Bruchii, Rathii, medius et Brauniorum ($). 

Le Crocodilus plenidens, H. de Meyer (?), du même gisement, n’a pas de 


(t) Owen, Palæontogr. Soc., p. 42, pl. 8, fig. 2; Searles Wood, London 
geolog. journal, septembre 1846, t. I, p. 6. 

(2) Owen, id., p. 46, pl. 10. 

(3) Fauna der Vorwell, t. I, 2, p. 123. 

() Steyermarkische Leilung, 1845, t. I, p. 8. 

(5) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1846, p. 188. 

(6) Bull. Soc. géol., 2° série, 1846, t. INT, p. 372, et t. IV, p. 383. 

(7) Etudes progress. d'un naturaliste, p. 108. 

(8) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 393, et 1846, 
p. 190; Giebel, Fauna der Vorwelt , t. 1, 2, p. 123. 

(°) Neues Jahrb., 1838, p. 667. 


CROCODILIÈNS. — CROCODILES. 481 


cavité dans l'intérieur des dents, M. H. de Meyer (!) en a fait le genre PLe- 
RODON (PI. crocodiloides); mais il reste à savoir ce qu’il peut y avoir de con- 
stant dans cette organisation. 

M. Quenstedt (2) indique l'existence de dents de crocodiles dans le calcaire 
d'eau douce d’Ulm et dans le Bohnerz de Moeskirch. 

M. Lartet ($) signale un os de l’avant-bras trouvé à Sansan, qui peut être 
rapporté à un erocodile, et dit que M. Noulet en a trouvé une dent à Lavar- 
dens (Gers), et deux autres à Cauville (Lot-et-Garonne). 


Les espèces des terrains pliocènes sont à peine indiquées. 


M. Marcel de Serres () en a trouvé dans les terrains tertiaires supérieurs 
des environs de Montpellier. 

MM. Croizet et Jobert (5), suivant quelques auteurs, en ont recueilli en 
Auvergne; mais seulement, je crois, daus les calcaires miocènes. 


Les crocodiles existent aussi dans les terrains diluviens. 


Cuvier (6) parle d'un calcanéum trouvé à Brentfort {Middlesex), qui fait 
partie de la collection de M. Deluc. C’est le C. Delucii, Giebel(7) (non Gray), 
et le C. Maunyi, Gray. 


Le continent européen n’a pas seul fourni aux paléontologistes 
des ossements fossiles de crocodiles. L’Asie paraît en renfermer 
beaucoup dans ses terrains tertiaires et diluviens. 


MM. Cautley et Falconer ($), qui ont si heureusement exploité les terrains 
tertiaires subhimalayens, en ont trouvé trois espèces. 

La première appartient au sous-genre des crocodiles proprement dits, et 
se rapproche beaucoup du C. biporcatus, Cuv., qui vit encore aujourd'hui 
dans le Gaage. Cet animal a dû atteindre 18 à 20 pieds (anglais) de lon- 
gueur. 

Les deux autres sont du sous-genre des gavials. 

L'une ressemble beaucoup à celle qui habite aujourd'hui l'Inde. 


(1) Neues Jahrb., 1839, p. 77; Giebel, Fauna der Vorwell, TL, 2, p. 124, 
(2) Handb. der Petref., p. 105. 
3) Notice sur la colline de Sunsan, p. 39. 
4) Ann. des sc. nat., 2° série, t. IX, p. 286. 
5) Rech. sur les ossem. foss. du Puy-de-Dôme, p. 25. 
(6) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 336. 
(7) Fauna der Vorwell., t 1, 2, p. 122. 
(8) Journ. Asial. Soc., sept. 1835, p. 354; Ann. sc. nal., 2° série, t. IV, 
p. 60,ett. iX, p. 126, Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 122, 
1. 31 


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482 REPTILES. — SAURIENS. 


L'autre, C. crassidens (1), a les dents plus grosses et atteignait une très 
grande stature. 

M. Clift (2) a trouvé sur les bords de l'Irawadi, en Birmanie, une espèce 
qui rentre aussi dans le sous-genre des gavials; c’est le C. Cliftii (Leptorhyn- 
chus Cliftii, H. de Meyer). 


L'Amérique a aussi des crocodiles fossiles. Ils y ont apparu déjà 
à la fin de l’époque crétacée. 


M. Harlan en indique deux espèces. Le €. macrorhynchus, Harl. (à) (C. Har- 
lani, H. de Meyer), a été trouvé dans le grès vert de New-Jersey (terrain 
sénonien). 

Le C. clavirostris, Harlan (4), provient des environs de Vincentown (New- 
Jersey), et a été recueilli dans une craie marneuse dont l’âge est incertain. 

M. Owen (5) a décrit quelques vertèbres de crocodiles trouvées aussi dans 
le grès vert de New-Jersey, par M. le professeur Rogers. Il établit sur ces 
ossements deux espèces, le C. basifissus, Owen, qui paraît se rapprocher des 
caimans, et le C. basitruncatus, Owen, qui est probablement un vrai cro- 
codile (6). 


2e TRIBU. — CROCODILIENS A VERTÈBRES BICONCAVES. 
(Amphicæli, Owen.) 


Dans cette tribu sont comprises aussi les espèces qui ont les 
corps des vertèbres terminés par deux surfaces planes, ainsi que 
celles où il y a une surface plane et une concave. Les crocodiliens 
de cette division n'ont vécu que dans l’époque secondaire. Le 
genre qui en forme en quelque sorte le type est celui des 


(1) Proceed. geol. Soc., t. II, p. 569. 

(2) Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. I, pl. 43, fig. 1-12; H. de Meyer, 
Palæolog., p. 108 ; Giebel, Fauna der Vorwelt, t, 1, 2, p. 123. 

(3) Journ. Acad. Philad., t. IV, p. 15, pl. 1; Med. and phys. researches, 
p. 369; H. de Meyer, Palæol., p. 108; Lyell, Voyage en Amérique, etc. 

(4) Proceed. Acad. nat. Soc. Philad., 1844, p. 82. 

(®) Quarterly journ. of the geol, Soc., 1849, t. V, p. 380. 

(6) I ne faut pas attribuer aux véritables crocodiles les citations suivantes: 
Franc, Sur les os de crocodiles trouvés à la Favorite, près de Lonigo, prov. de 
Vicence ( Bull. Fér., 1827, t. X, p. 291); Scortegagna, sur les mêmes os 
(Exercitat. dell” Ateneo di Venezia, 1838, 4°, avec une planche). Ces ossements 
appartiennent au terrain jurassique, ct quoiqu'ils soient très mel connus, on 
peut les rejeter dans une des tribus suivantes. 


CROCODILIENS. — TÉLÉOSAURES. 483 


TéLéosauREs (Zeleosaurus, Geoffr.) , — Atlas, pl. XXV, fig. 3-8, 


qui joint au caractère essentiel des vertèbres biconcaves plusieurs 
différences d'avec les crocodiles vivants. La forme générale du 
crâne est celle des gavials. Les narines s'étendent beaucoup moins 
en arrière, car leur ouverture palatine a lieu au niveau de l’arcade 
jugale ; l'ouverture antérieure est terminale. La mâchoire infé- 
rieure s'élargit à son extrémité en forme de cuilleron, et porte 
sur ses côtés des dents semblables à des canines. Les autres dents 
sont minces, coniques, aiguës et égales, propres à saisir une proie. 
Le sternum ressemble à celui des crocodiles vivants; le membre 
antérieur est plus petit à proportion, et le membre postérieur pré- 
sente quelques transitions au type des énaliosauriens. Le corps 
était recouvert par une armure plus solide que celle des crocodiles 
actuels; car elle était composée de plaques plus grandes, disposées 
de manière que le bord postérieur de chaque écusson recouvrait 
la base du suivant. 

On peut conclure de ces caractères que les téléosaures avaient 
des mœurs à peu près analogues à celles des gavials, et que comme 
eux ils étaient aquatiques et vivaient de poissons. Quelques cir- 
constances de leur organisation peuvent même faire penser qu’ils 
étaient encore mieux organisés pour la natation, plus essentielle - 
ment aquatiques, et probablement marins, comme les gisements 
où l’on trouve leurs os semblent le prouver. Leurs vertèbres bicon- 
caves, qui sont de nos jours l'apanage des poissons, le nombre 
plus grand de leurs côtes et leur armure plus forte, justifient cette 
manière de voir. | 

Les téléosaures sont connus depuis fort longtemps, car un de 
leurs squelettes, trouvé dans le las, a été figuré et décrit en 1758: 
leurs caractères n’ont été précisés que bien plus tard. 

Ce genre a été fort subdivisé dans ces dernières années; mais 
je crois que l’on a souvent donné trop d'importance à des carac- 
tères secondaires, qui paraissent plus propres à faciliter létude 
des espèces qu'à servir de base à des genres. Je ne dois cepen- 
dant pas passer sous silence ces travaux, d'autant plus que les 
groupes qui ont été établis concordent souvent avec la distribu- 
tion géologique. Je les admets provisoirement, à titre de sous- 
genres. 


484 REPTILES. — SAUIIENS. 


Je commencerai par ceux du lias. 

Les MysTRIOSAURUS (1) Kaup, auxquels on est d'accord de réunir 
les ENGyYoMMaAsAURUS du même auteur, ont le museau très long, 
les yeux dirigés en haut, le crâne aplati. Les dents sont nom- 
breuses, les antérieures recourbées en arrière, légèrement striées. 
On n'en a trouvé que dans le lias. 


Le Téléosaure de Chapmann (?) (T. Chapmanni, Koenig) a été trouvé 
d'abord près de Whitby (Yorkshire), et décrit, en 1758, par MM. Woller et 
Chapman. Plus tard un squelette entier, long de 5 mètres 1/2, fut décou- 
vert à Saltwick. Ces deux gisements appartiennent au lias supérieur. Ses 
dents sont sensiblement égales entre elles et au nombre de + + 5 — 140, 
Ses vertèbres sont au nombre de 64, dont 16 dorsales. Ses écussons der- 
maux sont forts et ont jusqu’à 3 pouces 1/2 de longueur dans leur plus grand 
diamètre qui est transversal; ils sont marqués de trous et d’incrustations 
très prononcées. 

Quelques auteurs réunissent à cette espèce le T. de Laurillard (3) (Mys- 
triosaurus Laurillardi, Kaup), trouvé dans le lias d’Altdorf; M. Bronn le con- 
sidère comme formant une espèce distincte, caractérisée par + + À — 130 
dents et par des trous palatins plus petits. L'animal atteignait une longueur 
de 13 pieds. (Atlas, pl. XXV, fig. 4.) 


M. Bronn considère encore comme une espèce distincte (4) celle qui a été 


(1) Kaup, Catalog. von Gyps-Abgüssen, 1834; Bronn and Kaup, 4bhand, 
über die Gavial-artigen rept. der lias formation ; Munster, in Neues Jahrb., 
1838, p. 127; Theodori, id., 1844, p. 340 et 697; H. de Meyer, id., 1844, 
p. 689; Quenstedt, id., 1850, p. 319; etc. 

(2) Woller et Chapmann, Philos. trans., 1758, t. L, pl. 22 et 30; Young 
and Bird, Yorkshire, 1828, p. 287; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 222; 
Owen, Rep. Brit. ass., 1841, p. 75; Buckland, Traité Pridg., pl. 25, fig. 1 
et 25, fig. 2; Hunter, Lond. and Edinb. philos. mag., 1836, t. IX, p. 498; 
Bronn, Lethœæa, 3° édit., Terr. jurass., p. 527; Giebel, Fauna der Vorwelt, 
t. 1, 2, p. 409. 

() Walch, Naturf., 1776, t. IX, p. 279, pl. 4, fig. 8; Merck, 1786, 
3° leltre, et Hess. Beitraege, 1787, t. II, p. 81; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., 
t.IX, p. 229; Faujas, Hist. de la mont. de Saint-Pierre, pl. 54; Sæœmmerring, 
Munch. Denks., t. V, p.28; Crocodilus altdorfensis, Holl. Petref., p. 83; 
Streptospondylus altdorfensis, H. de Meyer, Palæol., p. 106; Bronn et Kaup, 
loc. cit.; Giebel, Fauna der Vorwelt, ib. 

(*) Collini, Act, Acad. Theod. Palatin, 1784, t, V, p. 84, pl. 5, fig. 4 et 2; 
Faujas de Saint-Fond, Hist. nat. de la mont. de Saint-Pierre, pl. 53; Sæmmer- 
ring, Munch. Denks., t. V, p. 28; Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 30; 
Engyommasaurus Brongniarti, Kaup, Verst., p. 28 ; Bronn, Lethæa, 3° édit., 


CROCODILIENS. —— TÉLÉOSAURES. 485 


décrite par Collini sous le nom de Poisson scie ou d'Espadon, et qui provient 
aussi du lias d’Altdorf. Il la désigne sous le nom de M. Brongniarti, et lui 
attribue + + 2? — 152? dents et les branches de la mâchoire plus longues 
que la symphyse; la forme des orbites avait motivé l'établissement du genre 
ENGYOMMASAURUS. 

Je ne puis admettre l'assimilation que font plusieurs auteurs allemands 
entre ces deux dernières espèces et les crocodiles de Honfleur, décrits par 
Cuvier, dont je parlerai en traitant des téléosaures du terrain kimméridgien. 

Le T. longipes (1) (Myst. longipes, Bronn) a une mächoire inférieure à 
longue symphyse, un crâne étroit vers les orbites et des membres antérieurs 
plus longs à proportion que les autres espèces. Sa taille était de 6 pieds. Il 
a été trouvé dans le lias supérieur de Boll (Wurtemberg). 

A ces espèces, il faudra probablement en ajouter encore quelques-unes. 
Je ne pense pas toutefois que l’on doive inscrire définitivement et sans nou- 
vel examen, toutes celles qui ont été indiquées par les auteurs allemands 
comme trouvées dans le lias du Wurtemberg. Je citerai parmi elles : 

Le T'. Egertoni (Myst. Egertoni, Kaup) (2), dont les dents du milieu de la 
symphyse sont plus petites et plus éloignées que dans les autres espèces. La 
mâchoire inférieure est conique et amincie en avant, la symphyse est plus 
grande que les branches. Les dents sont au nombre de 154. Ce reptile a dû 
atteindre 17 pieds. 

Le T, Tiedemanni (Myst. Tiedemanni, Kaup) (), dont le crâne est long 
et le museau linéaire, et chez qui la symphyse de la mâchoire inférieure est 
plus longue que dans aucune espèce, car elle a 60 pour 100 de la longueur 
du crâne. Ses extrémités antérieures sont plus grandes à proportion des 
postérieures. Ses dents ont dû être environ au nombre de 140. Un échantil- 
lon de cette espèce, de 7 pieds de longueur, a été très bien figuré dans l’ou- 
yrage précité de MM. Bronn et Kaup. 

Le T. Schmidti (Myst. Schmidti, Kaup) (#), chez lequel la surface élevée 
des palatins est en forme de rectangle allongé. 

Le T. Mandelslohi (Myst. Mandelslohi, Kaup) ($), qui a la même surface à 


Terr. jur., p. 528 ; Bronn ct Kaup, Gavial-artig, p. 31, pl. 4; Giebel, Fauna 
der Vorwelt, t. I, 2, p. 112 ; etc. 

(1) Bronn et Kaup, Gavial-art., p. 46, pl. 6; Bronu, Lethœa, 3° édit.. 
Terr. jur., p. 529; Gicbel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 113; etc. 

(2) Broun et Kaup, Gavial-art., p. 28, pl. 4, fig. 7; Leonh. und Bronn, 
Neues Jahrb., 1842, p. 374; et 1843, p. 123; Giebel, Fauna der Vor- 
welt, t. 1, 2, p. 109. 

(8) Bronn et Kaup, Gavial-art., p. 28, pl. 2; Leonh. und Bronn, Neues 
Jahrb., 1842, p. 373; Giebel, Fauna der Vorwelt, t.1, 2, p. 110. 

(4) Bronn et Kaup, Gavial-art., p. 12 et 28. 

(5) 1., pl. 3, fig. 7, et pl. 5 ; Leonh. und Bronn, Neucs Jahrb., 1844, p. 689 


486 REPTILES. — SAURIENS. 


sept côtés, plus large que longue, et dont les orbites sont très petites et éloi- 
gnées. L’exemplaire que l’on connaît indique une longueur de 8 pieds. (Atlas, 
pl. XXV, fig. 5.) 

Le T. du Museum Senkenbergianum (1) a le crâne court par rapport à là 
colonne épinière, la symphyse courte, les arcades orbitaires très grañdes et 
les extrémités antérieures petites. Il a dü atteindre 11 picds de longueur. 

Le T, minimus, Quenstedt (2), paraît une des plus petites espèces connues. 
(Atlas, pl. XXV, fig. 3.) 

Le T, Murkii (3), Theodori, provient du lias de Banz; ses os de l’avaut-bras 
sont plus courbés que davs les autres espèces. 

Le 1. Munsteri (*) (Myst. Munsteri, Giebel), a été trouvé à Halzmaden: 

Le comte de Munster (5) à décrit en outre quatre espèces qui sont : le 
A. speciosus, de Berg, près d'Altdorf; le M. canalifer, de Holzmaden; le M. 
Franconicus, des environs de Bayreuth; et le M. tenuirostris, de Berg. 


Les MacrosponpyLus, H. de Meyer(Geosaurus, Jaeger, non Cur.), 
ne différent des mystriosaurus que par leurs vertèbres plus 
longues et par les proportions du membre postérieur, où le fémur 
en forme dS n'est guère plus long que la jambe. M. Bronn 
réunit ce groupe au précédent. 


Le Teleosaurus bollensis (6) (Gavial de Bol, Cuvier ; Crocodilus bollensis, 
Jacger; Macrospondylus bollensis, H. de Meyer), a été trouvé dans le lias 


et 871; Macrospondylus, H. de Meyer, Neues Jahrb., 1840, p. 584; Giebel, 
Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 111. 

(1) M. Senkenbergianus, H. de Meyer, Neues Jahrb., 1841, p. 98, et 1844, 
p. 689; Bronn et Kaup, Gavial-artig., p. 28. 

(2) Handb. der Petref., p. 104, pl. 6, fig. 15. 

(@) Theodori, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1844, p. 340 et 699; 
Munster, id., 1843, p. 135. 

(4) Leonh. und Bronn, Neues Jahrbuch, 1843, p. 132; Giebel, Fauna der 
Vorwelt, t. 1, 2; p. 113. 

(5) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 129 à 134. 

(6) Eilenburg, Description du cabinet royal de Dresde, 1755, p. 27; Walch, 
Merlwurdigkeiten der Natur., p.195; Walch et Knorr, t. If, p. 170 ; Dussdorf, 
Merlwur.der koen. Residenz. Dresden, p. 300 ; Potsch, Beschr. der Kabinetes 
in Dresden, 1805, p. 15; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 250 ; Sæm- 
merring, Münch. Denks., 1815, t. V, p. 23; Jaeger, Foss. Rept. Würtembergs, 
p. 6, pl. 3, fig. 1-3; H. de Meyer, Jsis, 1830, p. 518, et Nova act. nat. 
cur., t. XV, 2, p. 196, etc. ; Bronn et Kaup, Gavial-arlig., p. 27; Bronn, 
Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 529; Giebel, Fauna der Vorwell, t. I, 2, 
p. 107. 


CROCODILIENS. — TÉLÉOSAURES. 487 


supérieur de Boll, Une plaque de schiste contenant la partie postérieure du 
corps d’un de ces animaux est conservée depuis près d’un siècle dans le cabi- 
net de Dresde. (Atlas, pl. XXV, fig. 6, écusson dorsal). 

Le Geosaurus bollensis (1), Jaeger, appartient évidemment à ce genre et, 
suivant M. Bronn, il doit même être réuni à l'espèce précédente; mais 
M. Giebel pense que les vertèbres ont des proportions différentes, et il le 
nomme Macrospondylus Jaegeri. I a été trouvé à Hainingen (lias supérieur 
du Wurtembereg). 


Les Pecacosaurus, Bronn, diffèrent des mystriosaurus et des 
macrospondylus par leurs yeux plus écartés, séparés par un espace 
plus grand que leur propre largeur, par la symphyse de leur mà- 
choire inférieure plus courte que les branches, par leurs dents au 
nombre de # + ?5;, — 110 (à 116?), par le développement plus 
grand des apophyses de l'os sphénoïde et par la petitesse relative 
de leurs membres antérieurs qui n’atteignent que la moitié de la 
longueur des postérieurs. 


La seule espèce citée est le Pelagosaurus typus, Bronn (2), (Steneosaurus 
Bronni, Laurillard), du lias de Boll (Wurtemberg). Elle atteignait une lon- 
gueur de plus de cinq pieds. (Atlas, pl. XXV, fig. 7 et 8.) 


Les téléosaures de l’oolithe inférieure et de la grande oolithe 
ont été placés dans deux genres. 

On réserve le nom de TeLEOSAURUS proprement dits à l’espèce 
qui à été trouvée dans le calcaire de Caen (Normandie) et qui est 
caractérisée par des orbites grandes et rapprochées, par des trous 
crotaphidiens plus larges que longs, par 160 dents alternant de 
grandeur comme dans la plupart des mystriosaurus, par un mu- 
seau aplati et cinq fois aussi long que large (mesuré de l'extré- 
mité jusqu'au pariéto-frontal), par des vertèbres dorsales dont les 
apophyses transverses sont plus longues que dans aucun autre ero- 
codilien, par des écailles épaisses, rectangulaires, formant des 


(1) Jaeger, Foss. Rept. VW ürlemb., p. T, pl. 4, fig. 1; Giebel, Fauna der 
Forwell, t. L, 2, p. 108. 

(2) Bronn et Kaup, Gavwial-artig., p. 28, pl. 3, fig. 1-6; Bronn, Lethæa, 
3° édit., Terr. jur., p. 332; et Neues Jahrb., 1842, p. 376; 1843, p. 131; 
Munster, id.; Laurillard, Dict. de d'Orbigny, t. IV, p. 365 ; Giebel, Fauna 
der Vorwelt, t.1, 2, p.104; Geinitz, Verstein, pl. 6, fig. 4. Cette espèce a été 
confondue par Schmidt (L. und B., Neues Jahrb., 1838, p. 669) avec le Ma- 
crospondylus Bollensis. 


488 REPTILES. — SAURIENS. 


séries régulières au nombre de 10, composées chacune de 15 à 
16 écailles. 


Cette espece (!), décrite d'abord par Lamouroux sous le nom de Crocodile 
de Caen (1820), puis par Cuvier sous celui de Gavial de Caen, et nommée 
Teleosaurus cadomensis par Et. Geoffroy, est connue par les débris d’au 
moins dix individus, et a dû atteindre la taille de vingt pieds. Ces débris 
ont été trouvés dans des terrains qui paraissent correspondre à l'étage de la 
grande oolithe. 

M. Owen en a décrit de l’oolithe de Bath et des schistes de Stonesfield, 
qui sont contemporains de cette époque, et une variété provenant de l’oolithe 
de Chipping Norton. Quelques citations plus douteuses sembleraient indi- 
quer aussi son existence dans les terrains jurassiques supérieurs. Nous y re- 
viendrons plus loin. 


Le genre GLarayoraYNcaUS, H. de Meyer, a été établi pour un 
téléosaure de l’oolithe ferrugineuse de Aalen (Wurtemberg); mais 
il n'a pas encore été caractérisé. 


La seule espèce indiquée est le G. aalensis, H. de Meyer (?). 


Les calcaires lithographiques de Bavière (terrain corallien) 
renferment aussi des téléosaures qui différent par quelques ea- 
ractères de ceux du lias. On a aussi formé des genres que nous 
n acceptons également que comme sous-genres ou groupes provi- 
soires. 

Les AEOLODON (*), H. de Meyer (Palæosaurus, Et. Geoffroy, 
non Riley, non Fitz.), ont aussi le museau allongé, les narines ter- 
minales et les dents nombreuses (106) des autres téléosaures. Les 


(*) Lamouroux, Ann. des sc, phys., t. WE, p.163; Cuvier, Ossem. foss., 
4e édit., t.IX, p. 253; Geoffroy, Mém. du Muséum, 18925, t. XIL, p. 135; 
Rech. sur les grands Sauriens, p. 43, et Ann. sc. nal., 1831, t. XXIII; 
H. de Meyer, Palæol., p.114; Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 81; Bronn, 
Lethæa, 3° édit., Terr.jur., p. 519; Giebel, Fauna der Vorwelt, T, 2, p. 103. 
C’est le Gavialis Lamourouœxii, de Gray, Syn. repl., p. 57. M. Et. Geoffroy, 
dans son mémoire sur les grands sauriens, p. 53, indique à l’occasion du 
fossile de Caen, un genre nouveau de téléosaures : Cysrosaurus, qui n’a 
pas été décrit. 

(2) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 303; 1845, p.282; 
Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 532; Giebel, Fauna der Vorweit, 
tal, 22; p.147: 

($) Ce nom a été écrit quelquefois par erreur AELODON. 


CRGCODILIENS. —- TÉLÉOSAURES. 489 


trous crotaphidiens sont plus grands que les orbites et plus longs 
que larges, la symphyse de la mâchoire plus grande que les 
branches, les dents très longues et épaisses, subuliformes. Les 
vertèbres sont plus nombreuses (au moins de 10) que dans les 
crocodiliens connus ; on compte 7 cervicales, 42 à 13 dorsales, 
L à 5 lombaires, 2 sacrées et 52 coccygiennes. La jambe a seule- 
ment la moitié de la longueur de la cuisse, et le métatarse est très 
court. Le corps est couvert de grands et de petits écussons carrés, 
un peu bombés en dehors, rugueux et ponctués, les plus grands 
étant en outre marqués de stries longitudinales. 


Sœmmerring a décrit, en 1814, sous le nom de Crocodilus priscus, la 
seule espèce (1) que l’on rapporte à ce genre, et Cuvier en parle sous le nom 
de Gavial des schistes calcaires de Monheim. C’est le Teleosaurus priscus, 
Owen (Aeolodon priscus, H. de Meyer). 

On n’en connaît qu’un seul exemplaire; il est complet sauf les pattes an- 
térieures, mais médiocrement conservé. Sa longueur est de 3 pieds. Il a été 
trouvé en 1812 à Meulinhard, près Daiting, à deux lieues de Monheim 
(Bavière). 


Les Gnarnosaurus, H. de Meyer, peuvent à peine être séparés 
des acolodon, au moins par les caractères que l’on en connaît. La 
mâchoire inférieure est le seul fragment que l’on possède. Elle 
est longue, non épaissie en avant, et porte des dents subuliformes 
nombreuses (40). 


Le Gnathosaurus subulatus, H. de Meyer (?), a été trouvé dans les schistes 
lithographiques de Solenhofen. 


Les téléosaures des terrains kimméridgiens ont été étudiés par 
Cuvier qui a eu à sa disposition des fragments recueillis au Havre 
et à Honfleur, mélangés avec ceux d’un autre genre dont nous 
parlerons plus loin (Séencosaurus). Ce mélange était même si com- 


(1) Sœmmerring, Münch. Denks., 1814, t, V, p. 45, pl. 1; Cuvier, Ossem. 
foss., 4° édit., t. IX, p. 249 ; Holl., Petref., p. 87 (Teleos. Sæmmerringi) ; 
Gray, Syn., p, 56 (Gavialis priscus); Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 76; 
H. de Meyer, Jsis, 1830, p. 518; Palæolog., p. 105; Giebel, Fauna der 
Vorwelt, t. I, 2, p. 106; Bronn, Lethæa, 3° édit,, Terr. jur., p. 535. 

(2) H. de Meyer, Museum Senkenberg., 1833, t. [. p. 1, pl. 1, fig. 1-2; 
Leonh.und Bronn, Neues Jahrb.,1834, p.113; Giebel, Fauna der Vorwelt, 
[, 2, p. 107; Bronn, Leihæa, 3° édit., Terr. jur., p. 536. 


490 REPTILES. -— SAURIENS. 


plet, que Cuvier éprouva du doute dans l'association à établir 
entre les crânes et les vertèbres. Il reconnut promptement 
l'existence de deux types différents, l'un des crânes étant carac- 
térisé par un museau plus long, l’autre par un plus court. Les 
verièbres étaient aussi de deux natures: les unes avaient les 
deux extrémités des corps concaves, les autres avaient la face an- 
térieure convexe et la postérieure concave. Ce savant anatomiste 
associa les vertèbres biconcaves aux longs museaux et les ver- 
tèbres convexo-concaves aux têtes plus courtes. Le motif qui le 
décida fut que les têtes longues diffèrent moins de celles des cro- 
codiles actuels que les autres, qu'il en est de même des ver- 
tèbres biconcaves comparées aux convexo-concaves; et qu'il est 
naturel de supposer que les différences ont été proportionnelles 
dans toutes les parties du corps. Cette opinion de Cuvier, généra- 
lement partagée aujourd'hui, n’a pas été toujours admise (1). Je 


(1) De ces divergences est résultée une très grande complication dans la 
synonymie des deux genres auxquels on peut attribuer ces fossiles du Havre 
et d'Honfleur. M. Et. Geoffroy les avait réunis sous le nom de STENEOSAURUS. 
En 1830, M. H. de Meyer proposa le premier, avec raison, de les séparer en 
deux genres. Mais malheureusement il associa les museaux longs aux ver- 
tèbres convexo-concaves, et les museaux courts aux vertèbres biconcaves. Il 
nomma les premiers SrREPrOSsPONDYLUS et les autres MerrioRayNcuus. En 1837, 
M. Bronn, dans la première édition de la Lethæa, adopta l'opinion de Cuvier; 
et ne conserva pas le nom de Streptospondylus pour le gavial à long museau, 
car ce nom impliquait l'existence de vertèbres convexo-concaves. M. Bronn 
le changea contre celui de LeéprocrAnius et conserva celui de METRIORHYNCHUS, 
M Owen, en 1841, proposa pour ce dernier de revenir au nom de Stenco- 
saurus et il associa aussi les vertèbres et les crânes comme Cuvier. En 1847, 
M. H. de Meyer, dans l’Zndex palæontologicus, revint à cette dernière opi- 
nion, et alors il transporta son nom de Streptospondylus aux museaux courts 
et donna celui de Steneosaurus aux museaux longs. Daus la troisième édition 
de la Lethæa, M. Bronn propose, vu les rapports évidents des museaux longs 
avec les Mystriosaurus (téléosaures), de les placer dans ce genre et de laisser 
aux courts le nom de Metriorhynchus. En résumé, on voit que les crocodiliens 
à long museau, du Havre et d'Honfleur, ont été des Streplospondylus pour 
M. H. de Meyer en 1830; des Leplocranius pour M. Bronn en 1837; des 
Steneosaurus pour M. H. de Meyer en 1847, et des Mystriosaurus pour 
M. Bronn en 1851. Nous les cousidérons comme des téléosaures. Les croco- 
diliens à museau court ont été, en 1830, des Metriorhynchus, H. de Meyer; 
en 1821, des Steneosaurus, Owen; en 1847, des Slreptospondylus, H. de 
Meyer; en1851, ils sont redevenus des Melriorhynchus, pour M. Bronn. Nous 
en parlerons plus loin sous le nom de sténéosaures. 


CROCODILIENS. — TÉLÉOSAURES. 491 


l’adopte dans cette seconde édition en ajoutant un argument qui 
me parait très puissant. Les museaux longs sont tout à fait sem- 
blables à ceux des téléosaures ; il est probable en conséquence 
que les vertèbres qui les accompagnaient ont dû être biconcaves 
comme celles des animaux de ce genre. 


L'espèce à long museau ne présente aucun caractère appréciable qui puisse 
la séparer des véritables téléosaures. M. Broun iui-même renonce maintenant 
à son genre LEPTOCRANIUS pour la placer avec les mystriosaurus. Il va trop 
loin , je crois, en la considérant comme de même espèce que les téléosaures 
du lias d’Altdorf. Nous l’inscrivons ici sous le nom de Teleosaurus longi- 
rostris (1) (Steneosaurus rostromajor, Geoff. ; Leplocranius longirostris, Bronn; 
Premier Gavial (à museau allongé) d'Honfleur, Cuvier). Les branches de Ja 
mâchoire sont plus longues que la symphyse et ne s'ouvrent que sous un 
angle de 30 degrés. Les dents sont au nombre de 22 de chaque côté de la 
mâchoire inférieure. La tête mesurait à peu près trois pieds de longueur ; 
le crâne est joint au museau par un rétrécissement graduel; les trous crota- 
phidiens sont grands, plus longs que larges ; l'os frontal est plat, peu échan- 
cré par les orbites. 

On a trouvé en Angleterre une seconde espèce du terrain kimméridgien, 
le Teleosaurus asthenodeirus, Owen (2), caractérisé par des côtes cervicales 
plus petites, par un cou plus faible, par des écussons plus lisses et probable- 
ment plus fortement imbriqués. Il provient de l’argile de Shotover. 


On a trouvé dans les terrains jurassiques supérieurs de Soleure 
(calcaire à tortues, terrain kimméridgien) des débris de téléosaures. 


Cuvier (3) a comparé leurs vertèbres à celles du Teleosaurus cadomensis sans 
pouvoir y trouver de différences ; quelques dents semblent aussi s’y rappor- 
ter, d’autres sont différentes. Il est impossible sans de nouvelles preuves 
d'admettre, comme on l’a fait, l'identité de ces espèces. 


3e TRiBu. — CROCODILIENS A VERTÈBRES CONVEXO- 
CONCAVES 


( Prosthocæli, Owen), 


c'est-à-dire à vertèbres dont les corps ont l'articulation antérieure 


(1) Voyez Et. Geoffroy, Mém. Mus., t. XII, p. 146 ; Cuvier, Ossem. foss., 
4° édit., t. IX, p. 284; H. de Meyer, Palæolog., p. 106; Bronn, Lethæa, 
3° édit., Terr. jur., p. 528 ; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 114. 

(2) Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 81; Giebel, Fauna der Vorwelt, 
I, 2, p.104. 

(3) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 282. 


492 REPTILES. — SAURIENS. 


convexe et l'articulation postérieure concave, disposition inverse 
de celle qui existe dans les crocodiles actuels, et analogue au con- 
traire à ce qu'on trouve dans le cou de la plupart des grands 
mammifères herbivores. 


Les STÉNÉOSAURES { Sfeneosaurus, Geoffr.) 


(Metriorhynchus, H. de Meyer, 1830 ; Séreptospondylus, id., 1847, 
non 1830), — Atlas, pl. XXI, fig. 9, 


sont caractérisés, en outre de la forme anormale de leurs ver- 
tèbres, par leurs narines externes moins terminales que dans la 
plupart des téléosaures, ouvertes à la partie supérieure du museau 
qui n'est pas élargi. Les yeux sont latéraux et les formes générales 
de la tête sont encore celles des gavials. Les apophyses transverses 
des vertèbres naissent de quatre petites côtes saillantes qui leur 
font une base pyramidale. 

J'ai dit plus haut quels sont les doutes (1) qui se sont présentés 
pour savoir si c'était bien à ces têtes que se rapportaient les ver- 
tèbres convexo-concaves et quels sont les motifs qui ont engagé à 
répartir les deux espèces comme nous l'avons fait. J'ai conservé à 
ce genre le nom de steneosaurus, parce qu'il est le plus ancien. 
Lors même que Geoffroy l'appliquait à deux espèces dont une a 
dû passer dans le genre des téléosaures, il me paraît conforme aux 
principes de la nomenclature de le conserver pour celle qui con- 
tinue à former un genre distinet. Les auteurs allemands ont pré- 
féré le nom de Aetriorhynchus, quoique plus récent. Le nom de 
Streptospondylus peut encore moins être conservé, puisque, posté- 
rieur à celui que nous adoptons, il a successivement désigné les 
deux types réunis par Geoffroy sous le nom de Seneosaurus. 


L'espèce (2) qui a donné lieu à ces discussions est le Steneosaurus rostro- 
minor, Geoff. (2° Gavial d'Honfleur à museau plus court, Cuv.; Metrio- 
rhynchus Geoffroyi, H. de Meyer, 1830, ct Bronn, 1851; Streptospondylus 


(1) Vuyez la note de la page 490. 

(2) Diquemarre, Journ. de phys., 1786, t. VIT, p. 406 ; Faujas de Saint- 
Fond, Mont. de Saint-Picrre, p. 295; Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX, 
p. 284; Geoffroy, Mém. Mus., 1895, t. XIT, p. 146 ; H. de Meyer, /sis, 1830, 
P. 518, Palæologica, p. 106, et Index palæont.; Gray, Syn. repl., p. 57; 
Owen, Report Brit. ass., 1841,p. 82; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p.118; 
Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr, jur., p. 517. 


CROCODILIENS, —— CETIOSAURUS. 493 


Geoffroyi, H. de Meyer, 1847; Streptospondylus Jurinei, Gray). Elle est 
connue par un petit nombre de fragments, parmi lesquels un des principaux 
est un museau conservé dans le musée d'histoire naturelle de Genève, qui a 
été figuré par Cuvier et que nous reproduisons ici. (Atlas, pl. XXV, fig. 9.) 
Suivant M. Owen, la mème espèce se trouve dans les argiles de Shotover 
(kimméridgien). 

M. Owen (!) décrit des vertèbres convexo-concaves, trouvées dans quelques 
localités d'Angleterre. Elles appartiennent probablement au genre steneo- 
saurus; mais les espèces qui ont été formées d'après ces rares débris ne 
peuvent être considérées que comme tout à fait provisoires. 

Il désigne sous le nom de Streptospondylus Cuvieri, une vertèbre décou- 
verte dans la grande oolithe de Chipping-Norton. 

Il en cite une seconde trouvée dans le lias de Whitby. 

Il nomme Streptospondylus major une espèce dont l’existence semble dé- 
montrée par des vertèbres trouvées dans les terrains wealdiens ; mais il est 
probable que ces ossements appartiennent à un des grands dinosauriens. 


On doit probablement classer encore dans les crocodiliens de 
la troisième tribu le genre des 


CETIOSAURUS, Owen, 


qui n’est connu que par des vertèbres et des os des membres trou- 
vés dans les terrains wealdiens et jurassiques supérieurs d’Angle- 
terre. Toutefois ce n’est que dans un petit nombre de vertèbres 
qu'on a observé la forme convexo-concave des corps, et la plupart 
des autres sont biconcaves. Mais M. Owen fait remarquer que 
toutes ces vertèbres biconcaves sont de la partie postérieure du 
tronc, et qu'il est probable, conformément à ce qui existe en géné- 
ral, que les articulations des corps étaient plus rondes dans les 
vertèbres plus antérieures. 

Le caractère principal des cetiosaurus est le tissu spongieux 
de leurs os, qui rappelle celui des cétacés; ce caractère est 
joint à l’absence complète de cavité médullaire dans Les os longs ; 
les phalanges unguéales semblent démontrer qu'ils ont pu être 
terrestres. Ces animaux ont atteint des tailles considérables. 

On en connaît quatre espèces (?). 


(1) Report Brit. ass., 1841, p.88. 

(2) Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 100; Kingdon, Geol. Soc. 1835, 
3 juin (Whale and Crocodile) ; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2,p. 120 ; Bronn, 
Lethæa, 3° édit., Terr, jur., p. 512. 


49% REPTILES. — SAURIENS. 


Le Celiosaurus medius, Owen, de la grande oolithe de Enstone, près 
Woodstock, de l’oolithe inférieure de Chipping-Norton, etc. 

Le Cetiosaurus longus, Owen, du terrain portlandien de Garsington, près 
d'Oxford, connu par quelques vertèbres; le corps d’une d’entre elles est long 
de 178 millimètres, 

Le Cetiosaurus brevis, Owen, du terrain wealdien, dont les vertèbres sont 
plus courtes à proportion. 

Le Cetiosaurus brachyurus, id., du terrain wealdien. 


CROCODILIENS DOUTEUX. 


A la suite des trois tribus que nous avons admises, nous devons 
indiquer quelques genres qui paraissent appartenir à la famille 
des crocodiliens, mais qui sont trop incomplétement connus pour 
qu'on puisse leur attribuer une place certaine. 

Nous commencerons en énumérant quelques genres qui se trou- 
vent dans les terrains wealdiens, et qui n’ont pas pu être comparés 
d'une manière convenable, parce que les uns sont connus par leurs 
dents et d’autres par diverses parties du squelette. 


Les SuccaosauRus, Owen, — Atlas pl. XXV, fig. 10, 


sont caractérisés par des dents arquées et comprimées latéra- 
lement, qui ont deux bords tranchants, mais non en scie, l’un en 
arrière sur la ligne concave, l’autre en avant sur la ligne convexe. 
Les côtés de ces dents sont en outre traversés par de petites côtes 
relevées, longitudinales, parallèles, avec des intervalles réguliers 
d'une ligne dans une dent d’un pouce et demi. Ces côtes se ter- 
minent avant l'extrémité de la dent, et plus promptement au côté 
convexe qu’au côté concave. 

Ces reptiles, encore très imparfaitement connus dans le reste 
de leur organisation, sont fossiles dans les terrains wealdiens d’An- 
gleterre. 

Ce gisement indique qu'ils ont véeu dans l'eau douce. 


M. Owen, qui les a fait connaître (1), n’en indique qu’une espèce, le Suc- 
chosaurus cultridens. 


(1) Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 67, et Odontography, pl. 62 À, 
fig. 9 et 10. Ce sont peut-être ces dents qui ont été décrites par M. Mantell 
comme appartenant à un gavial, Just. geol. of Sussex, pl. 5, fig. 5, etc.; 


CROCODILIENS. — GONIOPHOLIS. 495 


Les Goniopnozts, Owen, — Atlas, pl. XXV, fig. 41, 


ont des dents qui diffèrent de celles des téléosaures par des carac- 
tères inverses. Elles sont remarquables par leur épaisseur et par 
leur couronne arrondie et obtuse ; elles ont aussi des petites côtes 
saillantes, longitudinales, mais les deux plus marquées sont sur 
les côtés et non en avant et en arrière. 

Les vertèbres ont l'extrémité des corps presque plats, ou sont un 
peu biconcaves ; les caudales portent de grands arcs hæmaux (osse- 
lets en V) non ankylosés. L'ilium est plus large que dans les cro- 
codiles vivants. Les extrémités sont inconnues. 

Les écussons de la peau présentent des caractères assez parti- 
culiers. Ils sont nombreux, foris et osseux, ressemblant, en ce point, 
plus à ceux des téléosaures qu'aux plaques des crocodiles actuels. 
Mais ils en diffèrent parce qu'ils forment des quadrilatères plus 
réguliers, et surtout parce qu'ils ont un processus conique qui est 
reçu dans une dépression analogue de l'écusson voisin. Ces pla- 
ques sont unies ainsi d'une manière très solide, et présentent une 
organisation dont il n y à pas d'autre exemple dans la classe des 
reptiles. 

Les goniopholis ont habité les eaux douces comme les crocodiles 
actuels. Leurs dents obtuses peuvent faire penser qu'ils étaient 
moins carnassiers et qu'ils poursuivaient peu les poissons. Peut- 
être étaient-ils herbivores ; peut-être aussi leurs denis ont-elles 
pu leur servir à briser des coquilles et des crustacés. 


L'espèce décrite par M. Owen (1) est le Goniopholis crassidens, Crocodile 
de Swanage, Mantell, trouvé dans les terrains wealdiens d'Angleterre 
(sables d’'Hastings et calcaire de Purbeck). Ce reptile, par ses formrs 
lourdes, représentait assez bien les caïmans dans l’époque jurassique, qui a 
été surtout riche en crocodiles à museau allongé. 


Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 537; Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. jur., 
p. 536. 

(1) Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 69; Swanage Crocodile, Mantell, 
Wonders of geology, t. 1, p. 353; Crocodilus Mantelli, Gray, Syn. rept., 
p. 61; Giebel, Fauna der Forwelt, I, 2, p. 117; Bronn, Lethæa, 3° édit., 
Jerr, jur., p. 541. 


396 REPTILES, — SAURIENS. 


Les MacroruyNCaus, Dunker, 


me paraissent se rapprocher beaucoup de la tribu des téléosau- 
riens. Ils ont une tête allongée comme les gavials, et ils présen- 
tent dans leurs os nasaux et temporaux, ainsi que dans leurs or- 
bites, les caractères généraux de ces crocodiliens vivants et des 
téléosaures. Leur museau est renflé à l'extrémité, les narines sont 
terminales. Les dents manquent et l’on ne voit que la matière qui 
a rempli les alvéoles (1) comme dans les phytosaurus. Elles 
sont au nombre de 34 de chaque côté, dont 4 incisives. Leurs carac- 
tères distinctifs principaux consistent dans l’amincissement du 
museau qui commence déjà vers les yeux et qui est peu émoussé 
à l'extrémité, dans la brièveté des os nasaux, dans les orbites 
qui ne sont pas fermées à leur angle extéro-postérieur et qui sont 
assez grandes et écartées, et dans leurs temporaux plus petits. 


On n’en connaît qu’une espèce, le Macrorhynchus Meyeri, Dunker (2), du 
terrain wealdien d'Oberkirchen en Westphalie. 


Les Paocinosaurus, H. de Meyer, 


sont, comme nous l'avons dit plus haut, difficiles à comparer avec 
les autres crocodiles, et en particulier avec les macrerhynchus et 
les goniopholis dont il est possible qu'ils se rapprochent, car ils 
ne sont connus que par une partie du squeleite, c'est-à-dire par 
des vertèbres, des côtes et des écusssons dermaux. 

Les vertèbres sont biconcaves (ou convexo-concaves), plus lon- 
gues que larges ; les apophyses épineuses ne paraissent pas tou- 
cher l’armure tégumentaire. Celle-ci est composée de trois sortes 
de plaques. Les dorsales sont beaucoup plus larges que longues, se 
recouvrent d’une manière peu marquée par leur bord postérieur et 
forment deux rangées longitudinales en toit aplati. Les plaques la- 
térales ne forment probablement qu’une rangée; elles sont aussi 
longues queles dorsales, mais encor eplus larges, et se recouvrent de 


(1) L'animal n’est connu que par deux crânes dont les os sont détruits et 
dont on possède le moule intérieur et l'empreinte externe. 

2) Duvker, Nord-Deutsch. Weald. büldung, p.74, pl. 20; H. de Meyer, 
Leonh und Bronn, Neues Jahrb., 1844, p. 366; Plieninger, id., 1818, p. 109; 
Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. jur., p. 538. 


CROCODILIENS. — POERCILOPLEURON. 497 


même. Les plaques ventrales sont rhomboïdales et sont simplement 
en contact sans se recouvrir. Toutes ces plaques sont couvertes 
extérieurement de fossettes et de stries transverses. 


On n’en connait qu'une seule espèce (1), le Pholidosaurus Schaumber- 
gensis, H. de Meyer, des terrains wealdiens de la principauté de Lippe- 
Schaumbourg. Les écussons dermaux ont été décrits (2) comme des écailles 
de trionyx. 


Quelques autres genres sont caractérisés par le développement 
des côtes postérieures qui protégent l'abdomen d’une manière plus 
complète que dans les précédents. Ce sont les PosciLorLEuRoN, les 
RACHEOSAURUS et les PLEUROSAURUS, qui, quand ils seront mieux 
connus, devront peut-être former une tribu distincte. 


Les PosciLoPLEURON, Deslongchamps (nommés aussi Pœkilopleuron 
et Poikilopleuron), 


sont principalement caractérisés par la forme de leurs côtes qui 
sont de trois sortes. Les côfes ordinaires sont grêles, les anté- 
rieures cylindriques, les postérieures canaliculées, etles moyennes 
triangulaires vers leur extrémité. Les deux dernières sont termi- 
nées vers leur bord postérieur par un processus horizontal cartila- 
gineux. Les côfes ventrales antérieures, dont on trouve sept en 
arrière du sternum, symétriquement placées des deux côtés de la 
ligne médiane de l'abäomen, forment un angle dirigéen avantetsont 
amincies à leurs deux extrémités. Les côtes ventrales postérieures, 
qui sont aussi au nombre de sept, ressemblent aux précédentes, 
mais sont composées de deux pièces retenues seulement par des li- 
gaments. [1 faut y joindre une quatrième sorte de corps ressemblant 
aussi à des côtes, mais très longs, minces, en forme d'S ; une 
moitié de leur longueur estenchâssée dans le canal qui creuse le 
bord supérieur des côtes ventrales postérieures, et l'autre moitié 
est en connexion avec la colonne épinière. 

Les vertèbres sont biconcaves, mais très peu creusées; les cau- 
dales, fortes et nombreuses, ont des arcs hæmaux (osselets en V) 


(1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrh., 1841, p.443 ; Dunker, 
Nord-Deutsch. Weald. bild., p. 71, pl. 17-19; Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr. 
jur., p. 530. 

(2) /sis, 1840, p. 868. 

E 92 


498 © REPTILES. —- SAURIENS. 


ankylosés. Les extrémités antérieures n’ont que la moitié de la lon- 
gueur des postérieures (comme beaucoup de téléosaures); leurs os 
sont creux et ont des caractères très spéciaux, et en particulier 
de grandes cavités internes. Chaque extrémité porte cinq doigts 
onguiculés. Aux pattes antérieures la forme crochue des ongles 
parait propre à saisir une proie. On ne connaît pas d'écussons 
dermaux. 

Les cavités internes des os longs, la forme de la queue, l’absence 
probable d’écussons, ont fait penser à quelques paléontologistes 
que ces reptiles pourraient se rapprocher des dinosauriens. Mais 
la brièveté du membre antérieur et la disposition des côtes peu- 
vent faire croire qu'ils étaient aquatiques. M. Owen a montré d’ail- 
leurs que la forme des vertèbres et des parties connues du sque- 
lette se rapprochent beaucoup plus de celle des crocodiliens. 


On n’en connaît qu’une seule espèce (1), le Pœcilopleuron Bucklandii, 
Eudes Deslongchamps. 11 à été trouvé en 1835 dans la grande oolithe de 
Caen, et était, par conséquent, contemporain du megalosaurus. Il a dû at- 
teindre 25 pieds de longueur. 

M. Owen (2) rapporte à cette même espèce une vertèbre du terrain weal- 
dien de la forêt de Tilgate. Ce rapprochement ne me paraît pas reposer sur 
des preuves suffisantes. 


Les RacaeosauRus, H. de Meyer, 


ne peuvent pas encore être classés définitivement, parce qu'on ne 
connaît ni leur tête, ni leur cou, ni leurs membres postérieurs. 
Ils sont caractérisés par des vertèbres longues, munies d’apophyses 
épineuses très larges. Les côtes s'étendent jusque vers le bassin, 
de sorte qu'il y a à peine une vertèbre lombaire. Elles sont élar- 
gies vers les extrémités et sont là articulées avec un petit fragment 
de même forme qui s'étend jusqu'à la ligne médiane du corps pour 
fortifier les côtes qui ne se rendent pas au sternum. Ce caractère 
prouve leur analogie probable avec les pæcilopleuron plutôt qu'a- 
vec les acolodon. Le fémur est fort, mais la jambe n’a que le tiers 
de sa longueur ; le métatarse est aussi long que le tibia. 


(*) Eudes Deslongchamps, Mém. Soc. lin. de Normandie, 1836, t. VI, 
p. 33, et à part sous le titre de Mém. sur le Pæœcilopleuron Bucklandii, in-4° ; 
Giebel, Fauna der Vorwelt, X, 2, p.101; Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. jur., 
p. 542. 

(2) Report Brit. assoc., 1841, p. 84. 


CROCODILIENS. — PLEUROSAURUS. 498 


Le Racheosaurus gracilis (1), H. de Meyer, a été trouvé dans les schistes 
de Monheim (terrain corallien), Le seul individu connu a dû atteindre la 
taille de 5 1/2 pieds. 


Les PLEuRosaURUS, H. de Mever, 


ont dans leurs côtes une complication qui dépasse même celle des 
pæcilopleuron, en présentant des différences assez marquées. Ils 
ne sont connus aussi que par une partie du squelette assez mal 
conservée, si l’on en juge par la planche qu’en a donnée M. H. de 
Meyer. La tête, le cou, une partie de la poitrine et les membres 
antérieurs manquent tout à fait. 

Les côtes sont poriées par toutes les vertèbres antérieures au 
bassin. Chacune d'elles est unie avec une pièce allongée, courbée 
en demi-cercle qui s'élargit en approchant de la ligne médiane du 
ventre: d'autres pièces, aussi en forme de côtes, mais plus cour- 
tes et minces, se voient entre les précédentes, de sorte que chaque 
vertèbre semble porter une double côte de chaque côté. Ces os ser- 
vent probablement à unir les côtes ordinaires avec les ventrales en 
s’attachant aux unes et aux autres. La queue est composée de ver- 
tèbres considérables et munies de fortes apophyses hæmales (os 
en V). La jambe a les deux tiers de la longueur de la cuisse. Les 
doigts sont courts et au moins au nombre de quatre. On n'a point 
trouvé de plaques dermales. 


On n’en connaît qu’une espèce, le Pleurosaurus Goldfussii, H. de Meyer à, 
trouvé dans les schistes lithographiques de Daiting. 


M. Bronn dit qu'il ne serait pas impossible que ce genre fût le 
même que celui des ANGuisaURUS , Münster (*), et que M. H. de 


(1) H. de Meyer, Nova acta Acad. nat, cur., 1831, t. XV, part. 2, p. 173, 
pl. 41 et 42; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p.115; Bronn, Lethœa, 3*édit., 
Terr. jur., p. 545. 

(2) H. de Meyer, Nova acta Acad, nat. cur.,t. XV, part. 2, p. 194; Leonh. 
und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 487; Münster, Beitraege, t. 1, p. 52, 
pl. 6; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p.101; Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr. 
jur., p. 546. | 

(8) Münster, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1839, p. 676; Giebel, 
Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 141; Bronn, Lethœæa , 2° édit., Terr. jur,, p. 546 
et 558, 


500 REPTILES. —— SAURIENS. 


Meyer annonce aussi la possibilité de ce rapprochement. Je n'ai 
pas eu à ma disposition les matériaux nécessaires pour me former 
une opinion à cet égard. Le genre ANGUISAURUS n’a pas été figuré; 
mais en lisant la courte et incomplète description qui en a été 
donnée, où on le représente comme rappelant les pygopus et comme 
n'ayant que deux courts membres postérieurs (sans membres an- 
térieurs), Je l'aurais jugé fort différent. 


3° Fame. — SAURIENS SQUAMEUX, 
ou LACERTIFORMES. 


Cette famille, moins naturelle que les deux précédentes et formée 
plutôt à cause de l’imperfection de nos connaissances paléontolo- 
giques, renferme tous les sauriens qui sont revêtus de petites 
écailles, et en particulier ceux qui ont pour types les lézards, les 
iguanes et les monitors. Ils se distinguent des crocodiliens par 
leur tête plus courte, leur crane plus lisse, leur mâchoire inférieure 
plus petite et par l’absence d'écussons dermaux. Leursmembres 
médiocres ou petits, leurs doigts minces, leurs formes grèles, et 
leur sacrum composé au plus de deux vertèbres, empêchent de les 
confondre avec les dinosauriens. 

On ne connaît encore qu'un petitnombre de reptiles fossiles ap- 
partenant à cette division, surtout si on le compare à l'immense 
quantité d'espèces qui vivent de nos jours. Mais parmi ces fossiles 
il y en à qui méritent tout à fait d'attirer l'attention, soit par leur 
grande taille, soit par leur forme bizarre. Ainsi que dans les fa- 
milles précédentes, on voit que de très grandes espèces ont habité 
notre globe avant la création actuelle; mais ici les plus remar- 
quables ont vécu dans la mer, et elles sont d’ailleurs restées bien 
au-dessous de la taille gigantesque de l’iguanodon. 

La famille des lacertiformes se trouve dans tous les terrains de 
l’époque secondaire et même dans les plus récents de la période 
primaire, car les dépôts pénéens en renferment plusieurs espèces. 
Ils se continuent moins nombreux et moins remarquables dans l'é- 
poque tertiaire. 

Je commencerai leur histoire par celle de quelques genres in- 
téressants à Ja fois par leur haute antiquité et par leur dentition, 
où l'on voit des caractères qui ne se retrouvent plus dans les sau- 


LACERTIFORMES, — PROTOROSAURUS. 501 


riens squameux vivants. Ces derniers ont deux modes d'implan- 
tation pour les dents : la forme acrodonte, où la dent est soudée 
solidement sur le bord saillant et plein de l'os de la mâchoire; et 
Ja forme pleurodonte, où ces organes sont implantés dans un sillon 
dont le bord externe se relève plus haut que l'interne, de sorte 
que l’attache a surtout lieu par le côté extérieur de la dent. 

Les reptiles fossiles dont il s’agit ici joignent aux caractères 
essentiels des lacertiformes un mode d'implantation de dents qui 
rappelle les crocodiliens, c’est-à-dire qu'il y a des alvéoles dis- 
tincts plus ou moins séparés. Cette forme, que l’on a désignée sous 
le nom de {hécodonte, ne se trouve jointe aux formes lacertiennes 
que dans quelques sauriens d’un âge très reculé, qui forment une 
transition remarquable des lacertiformes aux crocodiles, et en par- 
ticulier à ceux qui ont des vertèbres biconcaves. 

Le premier genre dont nous parlerons parmi ces lacertiformes 
thécodontes est celui des 


Prororosaurus, H. de Meyer (1), 


qui se rapprochent beaucoup des monitors par leurs formes et par 
leur taille. Ils ont la plupart des caractères du squelette de ce genre, 
mais ils en diffèrent par l'implantation de leurs dents dans des al- 
véoles distincts, comme chez les thécodontes. La mâchoire infé- 
rieure en à quatorze; ces dents sont plus longues, plus minces et 
plus cylindriques que dans le thécodontosaure. Les pieds, qui 
sont très bien conservés, sont tout à fait ceux des monitors. 

Ces sauriens sont parmi les plus anciens que l'on connaisse, car 
ils se trouvent dans les schistes cuivreux de la Thuringe (terrain 
pénéen). On en connaît deux espèces. 


La plus anciennement connue est le Protorosaurus Spexeri, H. de Meyer 
(Monitor fossile de la Thuringe, Cuvier), 
Cette espèce (?) a déjà été figurée, en 1710, par C.-M, Spener, médecin 


(1) Quelques auteurs écrivent PROTEROSAURUS, 

(2) Spener, Miscellanea Berolinensia, 4710, 1, fig. 24 et 25; Link, Lettre 
à Woodward, 1718, et Acla eruditorum, 1718, p. 188, pl. 2; Swendenborg, 
De cupro, pl. 2; d’Argenville, Oryctologie, p. 331; Walch, Comm. sur Knorr, 
2, sect. 2, p. 150 ; Zenker, De primis anim. verleb. vestigiis, 1836, p. 9; 
Kurtze, Comm. de petref. Mansf., 1839, p. 33; Holl., Petref., p. 82 
(Monitor antiquus) ; Kundmann, Rariora nat. et art,, p. T6; Sæœmmerriog, 


902 : REPTILES. — SAURIENS. 


de Berlin, sur l'invitation de Leibnitz, puis par Link et par Swedenborg. Ce 
dernier la décrivit sous le nom de chat de mer (meer katze), entendant pro- 
bablement par là un phoque ou un animal marin. Plusieurs auteurs ont de- 
puis lors interprété le mot meer kalze comme signifiant un singe, et l’on à 
considéré cette empreinte comme prouvant l’existence des singes fossiles 
(voyez p. 155). Sa taille ne dépassait pas celle des varans actuels. 

Le Protorosaurus macronyæ (1), H. de Meyer, se distingue par des pattes 
antérieures beaucoup plus fortes et munies d'ongles plus considérables. 


Les naturalistes anglais ont fait connaître quelques genres qui 
ont le même mode d'implantation des dents, et qui sont au moins 
aussi anciens que le précédent. 


Les Tascoponrosaurus, Riley et Stutchbury, 


se rapprochent beaucoup des varaniens, dont ils diffèrent tou- 
tefois par leurs dents thécodontes. Ces dents sont rapprochées, 
coniques, comprimées, très aiguës. Leurs bords antérieurs et pos- 
térieurs sont finement denticulés, et l'extrémité est légèrement 
recourbée. 

On rapporte à ce genre quelques pièces du squelette trouvées 
avec les dents, entre autres des vertèbres biconcaves très dévelop- 
pées dans leur partie supérieure, et des côtes qui par leurs deux 
têtes bien distinctes rappellent celles des crocodiles. 


La seule espèce connue (2) a vingt et une dents à la mâchoire inférieure. 
C’est le Thecodontosaurus antiquus, Ril. et Stutch., trouvé dans le conglomérat 
dolomitique des environs de Bristol (3) (terrain pénéen, étage inférieur). 


Denk. Acad. Munch., V, p. 14; Bronn, Lethæa, 1'° édit., t. I, p. 229; H. de 
Meyer, dans Münster, Beitraege, t. V, pl. 8, fig. 1; Cuvier, Ossem. , foss., 
4° édit.,t. X, p. 99, pl. 237, fig. 1; Germar, Die Verstein. des Mansf. 
kupfersch., fig. 16 (Monitor Speneri) ; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p.128; 
Quenstedt, Handb. der Petref., p. 108, etc. 

(1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1845, p. 797 ; Giebel, 
Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 130. 

@) Riley et Stutchbury, Trans. of the geol. Soc., 2° sér., 1840, 1. V, 
p. 359, pl. 29 et 30; Owen, Odontography, p. 266, et Report Brit. assoc., 
1821, p. 153; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 131; Quenstedt, Hand. 
der Petref., p. 109. 

(3) Les géologues anglais considèrent ce conglomérat de Bristol comme 
plus ancien que le zechstein de la Thuringe (Lyell, Man. of elem. geology, 
p. 365). 


LACERTIFORMES. — CLADYODON. 503 


Les Pa Æosaurus, Riley et Stutchbury (non Palæosaurus, Geoftr., 
nec Fitzinger), — Atlas, pl. XXVI, fig. 1, 


ont aussi des dents comprimées et pointues; mais un seul des bords 
est denticulé, et l’autre est simplement tranchant. Les dents, d’une 
des espèces surtout, sont très larges par rapport à leur longueur. 
Les vertèbres sont biconcaves, et la forme du squelette est tout à 
fait lacertienne. 


On en connaît deux espèces (1) qui proviennent des mêmes terrains que 
les thécodontosaures ; ce sont le Palæosaurus cylindrodon, Ril. et Stutch., et 
le Palæosaurus platyodon, id.,qui sont distingués par le degré de compression 
des dents. 


Les CLapyopon, Owen (C/adeiodon, Quenst.; Xladeisteriodon, 
Plien.), — Atlas, pl. XXVE, fig. 2, 


sont caractérisés par des dents encore aiguës et en scie, presque 
aussi recourbées que celles des mégalosaures ; leur compression, 
plus grande que dans ce genre et que dans les thécodontosaures, 
ne l’est cependant pas autant que dans le Palæosaurus platyodon. 


On en cite une seule espèce (2), le Cladyodon Lloydii, Owen, connue seu- 
lement par des dents détachées. 


M. Quenstedt réunit à ce genre celui des ZANcLODON, Plienin- 
ger, nommé d'abord par le même auteur SmiLopon. Dans ce cas il 
formerait un passage aux lacertiformes acrodontes, car les dents, 
très éloignées les unes des autres et longues d'un pouce, sont 
logées dans des entailles profondes seulement de 3 lignes et 
paraissent soudées avec l’os de la mâchoire. On a trouvé avec ces 
dents des vertèbres biconcaves et des plaques osseuses dermales, 
variant d'un quart de ligne à une ligne et demie de diamètre, et 
finement striées sur leur surface externe. 


(1) Riley et Stutchbury, loc. cit.; Owen, Report Brit. assoc., 1841, p. 154: 
Williams, Lond. and Edinb. phil. mag., 1835, t. VI, p. 149 ; Giebel, Fauna 
der Vorwelt, I, 2, p: 130. 

(2) Owen, Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. V, pl. 28, fig. 6, et Report 
Brit. assoc., 1841, p.181; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 132; Quensteat, 
Handb. der Petref., p. 109. 


504 REPTILES. -— SAURIENS. 


On en connait deux espèces (1). Le Zanclodon lœvis, Plien., a été trouvé 
dans les schistes bitumineux du Lettenkohle (Keuper), de Gaildorf ( Wur- 
temberg). 

Le Zanclodon crenatus, id,, a été recueilli dans le même terrain et dans 
le muschelkalk. 


D'autres lacertiformes appartiennent pour la dentition aux for- 
mes actuelles, et renferment quelques genres remarquables par 
Jeur taille colossale. Nous indiquerons d'abord celui des 


Mosasaurus, Conybeare 
(Sauro-champsa, Wagler ; Cetaceum, P. Camper; Monitor, AÀ.Cam- 
per), — Atlas, pl. XXVE, fig. 3, 


ainsi nommé, parce qu'il a été trouvé pour la première fois sur 
les bords de la Meuse près de Maestricht. Ses ossements furent dans 
l'origine considérés comme ayant appartenu à un cétacé, puis à 
un crocodile (2). Adrien Camper, et après lui Cuvier, montrèrent 
par les caractères de la dentition et du squelette que le mosasaurus 
a des affinités plus marquées avec les monitors et les iguaniens 
qu'avec aucun autre genre de reptiles. 

Les os du cràne et de la face ressemblent beaucoup à ceux des 
varans, et les dents dépourvues de vraies racines, et soudées 
aux os de la mâchoire, prouvent que cet animal se lie à ce genre 
par des caractères importants, et s'éloigne considérablement des 
crocodiles. L'existence des dents sur les ptérygoïdiens augmente 
encore les différences avec ce dernier genre, et semble le rappro- 
cher des iguaniens; ces dents manquent dans les varans vivants. 
La mâchoire supérieure portait probablement quatorze dents, nom- 
bre qui paraît aussi avoir été celui de la mâchoire inférieure. Ces 
dents sont pyramidales, un peu arquées; leur face externe est 
plane et se distingue par deux arêtes aiguës de leur face interne 
qui est en demi-cône. Leur base est épatée. 

Les vertèbres sont concavo-convexes, Celles du cou, du dos et 


(1) Plieninger, Wurt. Jahreshefte, 1816, 2, p. 132, pl. 1 (Smilodon); et 
p. 247 (Zanclodon); Quenstedt, Handb. der Petref., p. 110 ; Bronn, Lethæa, 
3° édit., Terr. trias., p. 121. 

@) P. Camper, Phil. trans., 1786, t. LXXVI, p. 443, pl. 15 ct 16 (Cela- 
ceum), et Œuvres, édit. franç., t. 1, p. 357; Van Marum, Mém. de la Soc. 
Teylérienne, 1760 ; Faujas de Saint-Fond, Jlist. de la mont, de Saint-Pierre, 
p. 59, etc., pl, 4-9, 11, 18, 49, 51 et 52 (Crocodile). 


LACERTIFORMES. —- MOSASAURUS. 505 


des lombes sont au nombre de 34; il paraît que la queue en a 
eu 97. Les apophyses articulaires manquent depuis le milieu du 
dos, et cette circonstance, jointe à la forme des vertèbres du cou, 
indique une flexibilité plus grande que dans les crocodiliens. La 
queue a été comprimée ; elle est très haute dans le sens vertical, 
et a des os en chevron forts; elle a dû être un puissant instrument 
de natation. Les côtes n’ont qu'une seule tête. 

L'humérus est épais et court comme celui des ichthyosaures, et 
l'on peut conjecturer de l’aplatissement des os des membres que 
les pieds ont été peut-être convertis en nageoires comme chez les 
énaliosauriens. Si cette conjecture est vraie, le mosasaurus devra 
devenir le type d'une nouvelle famille, et ne pourra plus être rap- 
proché des varans et des iguanes. 

De ces caractères il résulte évidemment que le mosasaurus a été 
un reptile carnassier aquatique, bien organisé pour une natation 
rapide, et assez agile et souple pour saisir avec facilité les pois- 
sons dont il a dû faire sa nourriture ordinaire. Le gisement où l’on 
trouve ses débris montre qu'il à été marin. 


L'espèce la mieux connue (1) a été décrite par de nombreux auteurs: c’est 
le Mosasaurus Camperi ou Mosasaurus Hofmanni, dont les premiers ossements 
ont été trouvés dans le terrain crétacé supérieur des environs de Maestricht, 
et qu’on a retrouvé depuis dans la craie de Lewes. Sa taille a dû être de 
25 pieds. 

La seconde espèce (?) a été trouvée dans le grès vert de New-Jersey (ter- 
rain de la craie blanche) et dans quelques autres gisements analogues de 
l'Amérique septentrionale : c'est le Mosasaurus Maximiliani, Goldf. (M. 
Neovidii, H. de Meyer; M. Dekayi, Bronn; Ichthyosaurus Missuriensis, Harlan). 
Elle est surtout connue par un crâne très bien conservé qui a été apporté par 


(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 119; Adrien Camper, Journ. de 
phys., t. XLI, p. 278, pl. 2, fig. 4 (Monilor);, Mantell, Geol. of Sussex, pl. 53 
etil; Bronn, Lethæa, tA, p.759 ; Owen, Report Brit, assoc., 1841, p. 144 ; 
Buckland, Traité Bridgew., trad. Doyère, 1, 188 ; Sæœmmerring, Denks. Acad. 
Munch.,t. V,p. 33; t. VI, p. 37 (Lacerla gigantea); Wagler, Syst. der 
Amphibien, p.139 (Saurochampsa) ; Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p.136 ; 
Quenstedt, Ælandb. der Petref., p. 116, etc. 

(2) Goldfuss, Nova act. Acad. nat. cur., t. XXI, part. 1, p.173, pl. 6-9: 
H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 18245, p. 312; Bronn, 
Lethæa, t. 1, p. 760; Dekay, Ann. lyc. de New-York, 1830, t. I, p. 138, et 
Sillim. journ., 1830,t. XVII, p. 243; Harlan, Medical and phys. researches, 
p. 344 (/chthyosaurus), et Journal, Acad. Phil. , t. IV, pl. 14. 


506 REPTILES. — SAURIENS. 


le prince de Neuwied, donné au musée de Bonn et étudié par Goldfuss. Sa 
taille totale a dû être de 24 pieds. 


M. Harlan (1), en s’exagérant les rapports qui existent entre ce 
reptile et les batraciens, a cru devoir en faire un genre nouveau qu'il 
a nommé BATRACHIOSAURUS et BATRACHIOTHERIUM. Le premier de 
ces noms a été aussi donné par Fitzinger à un genre tout différent 
dont nous parlerons plus bas. 


Les GEOSAURUS, Cuv. 


(non Geosaurus, Jæger, Halilimnosaurus, Ritgen), — Atlas, 
pl. XXVI, fig. 4, 


ont, comme le genre précédent, les dents soudées aux mâchoires ; 
mais ces dents sont comprimées, tranchantes en avant et en ar- 
rière, pointues, un peu arquées, et leur tranchant offre une den- 
telure fine et serrée. La mâchoire supérieure en porte dix-neuf 
à vingt et une. L’œil était protégé par quelques écailles osseuses, 
comme on en retrouve dans les oiseaux et dans plusieurs reptiles. 
Les vertèbres sont biconcaves. Le bassin a plus de ressemblance 
avec celui du erocodile qu'avec celui du monitor. La même 
analogie existe pour les fémurs. 


La seule espèce européenne (?) est le Geosaurus Sœmmerringii (Lacerta 
gigantea, Sæmmerring; Halilimnosaurus crocodiloides, Ritgen; Grand sau- 
rien de Monheim, Cuy.). Elle a été trouvée dans les schistes calcaires de Mon-- 
heim et de Solenhofen, et a dû atteindre la taille de 12 à 13 pieds. 

Le Geosaurus Mitchelli, Dekay, provient du grès vert (terrain de la craie 
blanche) de New-Jersey. 

Le Geosaurus maæimus, Plieninger, est probablement, comme nous l’avons 
dit, un Megalosaurus. 


(1) Lond. and Edinb. phil. mag., 1839, t. XIX, p. 302; Bull. Soc. geol., 
1839, t. X, p. 89. 

(2) Sæœmmerring, Denk. Acad. Munch., 1816, t. VI, p. 36, fig. 1-10 ; Cuy., 
Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 175; Ritgen, Nova act. Acad. nat. cur., 
t. XIII, part. 4, p. 329; Holl., Petref., p. 85 ( Mosasaurus bavaricus), 
H. de Meyer, Nova acta, t. XV, part. 2, p. 184; Giebel, Fauna der Vorwelt, 
t.[, 2,p. 134; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 115; Bronn, Lethæa, 3° édit., 
Terr. jur., p. 554. 


LACERTIFORMES. — CONIOSAURUS. 507 


Les Lzionon, Owen,— Atlas, pl. XXVE, fig. 5 et 6, 


ont des rapports avec les mosasaurus par leurs dents soudées à l'os 
de la mâchoire, comme les reptiles connus sous le nom d’acrodon- 
tes. Ces dents diffèrent de celles des mosasaurus, parce que leur 
côté externe est aussi convexe que l'intérieur, et parce que la cou- 
ronne, qui est elliptique, est bordée à ses côtés intérieur et pos- 
térieur par une petite côte tranchante. La base de la dent est cir- 
culaire et soudée à un processus conique. Il est probable que le 
squelette présentait des rapports avec celui du mosasaurus. 


Les dents de la seule espèce connue (1), Leiodon anceps, Owen, ont été trou- 
vées dans la craie de Norfolk. Elles indiquent un animal d’une taille moitié 
de celle du mosasaurus de Maestricht. I! faut peut-être aussi lui rapporter des 
vertèbres trouvées dans la même lecalité que les dents. 


Les Rapmiosaurus, Owen, — Atlas, pl. XXVE, fig. 7, 


ne sont connus que par une portion de mâchoire inférieure conte- 
nant vingt-deux dents rapprochées et soudées à un os maxillaire 
dont le bord externe est plus élevé que l’interne, comme dans les 
reptiles pleurodontes. 


Cet échantillon (Raphiosaurus subulidens, Owen), a été trouvé dans la craie 
de Cambridge. On ne sait si l’on peut lui rapporter des vertèbres découvertes 
dans la craie de Maidstone, qui ont tous les caractères de celles des lacertiens 
modernes (?). 


Les ContosAURus, Owen, 


ressemblent aussi aux lézards par le mode d'implantation des 
dents ; mais la forme de ces organes rappelle plutôt la famille des 
iguaniens. On en connaît un os maxillaire qui porte de dix-huit à 
vingt dents : les cinqou six premières sont grêles et laniariformes, 


(1) Owen, Odontogr., p. 261, pl. 72, et Report Brit. assoc., 1841, p. 144; 
Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 138. 

(2) Owen, Trans. of the geol. Soc., 2° série, &. VI, p., 39; Report Brit. 
assoc., 1841, p. 145, et Palæont. Soc., Rept., part. 3, p. 19, pl. 10, fig. 5 et 
6; Giebel, Fauna der Vorwelt, X, 2, p. 139. 


508 REPTILES. — SAURIENS. 


et les autres augmentent progressivement d'épaisseur; elles sont 
comprimées, infléchies en dedans et finement striées. 

On rapporte au même genre quelques vertèbres trouvées avec les 
dents; elles sont concavo-convexes et assez allongées. 


Le Coniosaurus crassidens (1), Owen, a été trouvé dans la craie moyenne 
de Clayton (Sussex), de Worting et de Fealmer, 


Les Doricaosaurus, Owen, 


sont remarquables par l'allongement considérable de leur corps, 
par le grand nombre de leurs vertèbres et par la petitesse de leur 
tête. On reconnaît facilement chez eux des caractères intermé- 
diaires entre les lacertiens et les ophidiens ; il semble même qu'on 
pourrait les rapprocher tout à fait des sauriens à pieds rudimen- 
taires ou nuls, comme les seps, les bipes et les ophisaures. Mais 
les os des membres qui sont conservés prouvent plus de rapports 
avec le type des lézards que n’en ont ces genres vivants. Le déve- 
loppement de l'arc scapulaire, du bassin, du fémur, etc., est 
beaucoup plus grand. Les dolichosaurus forment donc un type 
nouveau appartenant aux lacertiformes, mais avec des déviations 
vers le type ophidien, quant à la forme des os du tronc, et avec des 
pattes plus développées que dans les genres qui de nos jours ont 
le même allongement de la colonne vertébrale, 


Le Dolichosaurus longicollis (?), Owen, provient de la craie marneuse du 
comté de Kent, 


Les Homososaurus, H. de Meyer, 


sont de petits reptiles, à tête courte rappelant celle des lézards, à 
mâchoire supérieure armée de vingt-six dents de chaque côté, plns 
fortes et moins pointues que dans les lézards de même taille, les 
quatre premières éloignées des autres et plus grosses. Les formes 
du corps sont celles des lézards, avec le cou un peu plus long et le 
tronc plus court. Les pattes rappellent aussi celles de ce genre; 
les doigts sont inégaux et au nombre de cinq à chaque pied. 


(1) Owen, Palæont. Soc., Rept., part. 3, p. 21, pl. 9, fig. 13, 4A4/et 145; 
Dixon, Geol. and foss. of Sussex, in-4°, p. 386. 

(2) Owen, Palæont. Soc., Repl., part. 8, p. 22, pl. 10, fig. 1-4; Dixon, 
Geol. and foss. of Sussex, p. 388. 


LACERTIFORMES. — SAPHÆOSAURUS. 509 


Ce genre parait renfermer deux espèces des schistes de Solen- 
hofen. Ce sont : 


L'Homæosaurus Maximiliani (1), H. de Meyer, et l'Homæosaurus Nep- 
tunius, id. Cette dernière espèce (2) a été rapportée par Goldfuss au genre 
des lézards, M. Fitzinger en avait fait un genre distinct sous le nom de 
LEPTOSAURUS. 


Les Saraxosaurus, H. de Meyer, 


paraissent voisins des homæosaurus et sont connus par nn sque- 
lette complet (sauf la tête) remarquablement bien conservé, qui 
fait partie de la collection de M. Thiollière, à Lyon. 

Les vertèbres sont au nombre de quatre cervicales, rappelant 
le type des lézards ; vingt-trois dorsales à apophyses articulaires 
développées et à apophyses épineuses en cordon mince et peu élevé; 
pas de lombaires, car la vertèbre la plus près du bassin porte en- 
core des côtes ; deux sacrées, et à peu près quarante caudales. Les 
vraies côtes sont un peu renflées à leur extrémité; elles se ratta- 
chent aux côtes ventrales au moyen de côtes intermédiaires pro- 
bablement cartilagineuses. Les os en V (arcs hæmaux) s’attachent, 
comme dans les crocodiles, entre deux vertèbres consécutives, 
tandis que dans les lézards ils sont articulés sur des apophyses 
spéciales de chaque vertèbre. 

L'omoplate est quadrangulaire, longue de 10 1/2 millimètres 
et large de 8 ; le coracoïdien est à peu près aussi long qu’elle. La 
clavicule ressemble, ainsi queles os précédents, aux organes ana- 
logues des lézards. Les mêmes ressemblances se retrouvent dans 
le reste du membre antérieur, sauf que les doigts, également au 
nombre de cinq, ont des phalanges d'une longueur plus uniforme. 
Le membre postérieur ne présente pas non plus de différences 
marquées. 

Les caractères qui précèdent montrent que le saphæosaurus est 
très voisin des lézards, mais avec trop de différences pour qu'on 


(t) H. de Meyer, Homæosaurus und Ramphorhynchus, etc., in-4°, avec 
planches. 

2) Goldfuss, Nova acta Acad. nat. cur., t. XV, part. 1, p. 115, 
pl. 114, fig. 2 (Lacerta neptunia) ; Fitzinger, Ann, der Wien. mus. (Lepto- 
saurus) ; H. de Meyer, loc. cil,, p.5. 


510 REPTILES, —— SAURIENS. 


puisse les confondre en un même genre. IT est plus rapproché des 
homæosaurus et n’en diffère même que par les proportions de 
l'avant-bras et du bras, par celles de la cuisse et de la jambe, 
par la longueur de la queue, etc. Il me paraît douteux que ces 
différences aient une véritable valeur générique. 


Le Saphæosaurus Thiollieri (1), H. de Meyer, a été trouvé dans les schistes 
lithographiques (terrain corallien) de Cirin, dans le département de l'Ain. 
Sa longueur totale, sans Ia tête, est de 54 centimètres. 


Quelques sauriens lacertiformes des terrains tertiaires(?) ont été 
rapportés à des genres vivants. La plupart n’ont encore été com- 
parés que d’une manière très superficielle. 

M. Pomel (*) a trouvé dans les terrains miocènes d'Auvergne 
des débris d’un saurien qui est voisin par sa dentition de la Dra- 
GONNE (Dracæna, Daudin), c'est-à-dire des reptiles qui sont main- 
tenant répartis entre les genres CROCODILURUS, Spix, et THORICrES, 
Wagler. Il rapporte à la même espèce des écailles osseuses qu'il 
avait d'abord attribuées avec doute à un Moxrror. Plus tard il a 
désigné sous le nom de DracÆNosaURus le genre nouveau que 
ces débris pourront caractériser quand ils seront mieux connus. 

M. Gervais (*) attribue ces fragments avec doute à un SciNQUE 
(Scincus Croizeti, Gerv.). 

M. H. de Meyer (°) a rapporté aux IGuanes (/quana, Daud.), sous le 
nom de /quana Haueri,des dents trouvées dans le terrain tertiaire 


(1) H. de Meyer, Lettre à M. V. Thiollière, traduite dans : Thidllière, 
Deuxième notice sur le gisement, etc., des calc. lith. du départ. del’ Ain, Lyon, 
4851, in-4° (avec une belle planche). 

(2) Je ne parle ici que des reptiles de l’époque tertiaire. Les assimilations 
qui ont été faites entre les sauriens des terrains plus anciens et les genres 
vivants sont toutes (sauf de rares exceptions) plus que contestables. J’en ai 
signalé plusieurs ci-dessus. On peut en ajouter quelques autres : les Varans 
(Varanus Merr), et les Monrrons, Cuvier, décrits par Kutorga, sont des pois- 
sons (Lamnodus). Le scincoïdien indiqué par M.Owen (/eport Brit. assoc. , 1841, 
p. 145), de l’oolithe d'Angleterre, n'est pas encore suffisamment connu. 

(3) Pomel, Bull. Soc. geol., 2° série, t. 1, 1844, p. 593; et t. III, 1846, 
p. 372. 

(4) Gervais, Dict. univ. d'hist. nat. de Ch. d'Orbigny, t. XI, p. 56. 

(5) H. de Meyer, dans Münster, Beitraege zur Petref., t. V, p. 32, pl. 6, 
fig. 12; Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 494; Giebel, Fauna der 
Vorwelt, I, 2, p. 441. 


LACERTIFORMES. — ORVETS. oi 


de Vienne. M. Agassiz (1) à reconnu qu'elles appartenaient à un 
poisson (Acanthurus Haueri.) 

Des ossements qui rappellent les formes des Gecxos, Daudin 
(Stellio, Schn. ; Ascalabotes, Cuv.), ont été signalés par M. Eich- 
wald (2) dans les tertiaires supérieurs de Russie, et par M. Pent- 
land (#) dans les terrains pliocènes d'Australie. 


Les Lézarps (Lacerta, Lin.). 


ont été trouvés fossiles plus fréquemment et d’une manière plus 
certaine. 


M. Owen (f) en indique un de la grandeur d’un iguane, trouvé dans les 
sables éocènes de Kingston en Suffolk. 

M. Pomel (°) en cite un autre (voisin du L. veloæ, vivant) trouvé dans les 
terrains tertiaires miocènes d'Auvergne. 

Cinq espèces, dont une douteuse, sont indiquées par M. Lartet dans le ter- 
rain miocène de Sansan (f). Ce sont les Lacerta sansaniensis, Ponsortiana , 
bifidentata, Philippiana, et ambigua (?), Lartet, 

M. le comte de Munster (7) a nommé Lacerta spelæa, une espèce trouvée 
dans le terrain diluvien d'Allemagne. 

M. Tournal ($) a découvert, dans les cavernes du midi de la France, un 
lézard qui ne paraît pas différer du Lacerta ocellata, vivant. 

Dan. Hermann en a cité un dans l’ambre de Prusse (?). 


Les ORvETs (Anguis, Lin.), 


associés autrefois aux ophidiens à cause de leurs membres nuls, et 
placés maintenant dans les sauriens à cause de leur mâchoire 
non extensible et de leurs paupières, n’ont été cités qu'avec doute 
à l'état fossile. 


(1) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1846, p. 471. 

(2) l'erhandl. der Kürland. Gessellschaft , t. 1, p. 35. 

(3) Edinb. phil. journ., 1820 et 1833. 

(4) Report Brit. assoc., 1841, p. 145. 

(5) Bull. Soc. géol., 2° série, t. I, p. 593. 

(6) Notice sur la colline de Sansan, p. 39. 

(T) Bayreuth Petref., p. 69. 

(8) Ann. de chimie et de physiqg., février 1838. - 

(*) Dan. Hermann, De rana et lacerla succino Prussiaco insitis, Cracovy., 
1580, in-8°,; et Rigæ, 1600, in-4°, 


512 REPTILES. — SAURIENS. 


M. Lartet (!) en indique trois espèces douteuses des terrains miocènes 
de Sansan : les Anguis (?) Laurillardi, Bibronianus, et acutidentatus , 
Lartet, 


SAURIENS INCOMPLÉTEMENT CONNUS. 


Un grand nombre de genres de reptiles ont été établis, principa- 
lement dans ces dernières années, sur des fragments très incom- 
plets. L’ardeur des paléontologistes à faire connaître des fossiles 
nouveaux les a souvent entraînés trop loin, et l’on ne peut se 
dissimuler qu'une trop grande facilité à donner des noms et à 
classer des corps en réalité indéterminables n'ait augmenté beau- 
coup les difficultés de la science. J'ai réuni ici à titre d'indication 
la plupart de ces genres incertains, qui sont plus ou moins voi- 
sins des sauriens. Quelques-uns peut-être devront, quand ils se- 
ront connus, se placer dans les ordres suivants, et en particulier 
dans ceux des énaliosauriens et des labyrinthodontes. 


Î. — Sauriens des terrains pénéens. 


Les DEuTERoSAURUS, Eichwald, 


sont connus par des vertèbres et des côtes (?). Les premières ap- 
partiennent à la région dorsale et sont au nombre de onze ; elles 
ont peut-être quelques rapports avec celles des Palæosaurus, Ri- 
ley et Stutchbury. 


Le Deuterosaurus biarmicus, Eichwald, a été trouvé dans les schistes cui- 
vreux (Zechstein), du gouvernement d'Oremburg. 


Les ‘Ruopazonow, Fischer de Waldheim, 


n'ont primitivement été connus () que par un fragment de mà- 
choire inférieure qui contient neuf dents, éloignées, non insérées 
dans des alvéoles, mais soudées au bord de la mâchoire. Elles sont 


(t) Notice sur la colline de Sansan, p. 40. 

(2) Eichwald, Géognosie de la Russie (en russe), Saint-Pétersbourg, 1846, 
p.457; Bull. de la Soc. des nat. de Moscou, 1848, t. XXI, p. 151. 

(8) Ficher de Waldheim, Lettre à Murchison sur le Rhopalodon , Moscou, 
4841; Gicbel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 173. 


DICYNODON. 513 


en forme de massue allongée, pointue, pédonculée, bordées 
d'émail lisse, avec une arête externe dentée. 

Depuis lors la découverte d’une seconde espèce a fait connaître 
de nouveaux caractères. La mâchoire supérieure porte une forte 
canine qui rappelle celles de quelques mammifères et du genre Di- 
eynodon dont nous allons parler. Cette circonstance avait engagé 
M. Fischer de Waldheim à en faire un genre nouveau sous le nom 
de Dinosaurus. C'est probablement aussi une dent analogue qui 
a été décrite par M. Kutorga {!) comme appartenant à un mammi- 
fère, sous le nom de Syopon (S. biarmicum). On observe aussi quel- 
ques petites dents palatines inégales portées sur l’apophyse pté- 
rygoïde du sphénoïde. La mâchoire inférieure à une symphyse 
très forte et portait probablement aussi une grande canine. 

La première espèce connue (2) est le Rh. Wangheimii, Fischer, des conglo- 
mérats du zechstein de FOural. 


La seconde est le Rh. Murchisoni, Fischer (3), du zechstein du gouverne- 
ment d'Orenburg. Une troisième est indiquée avec doute par M. Eichwald. 


Les Dicynopon, Owen, 


forment un genre très bizarre, connu par des crânes trouvés au 
cap de Bonne-Espérance, par M. Bain, dans des terrains que l’on 
doit probablement rapporter à l'époque pénéenne. Ces crânes ont 
à la fois des caractères des chéloniens, des crocodiliens et des la- 
certiformes. Ils ressemblent assez aux premiers par leur tête 
courie et arrondie pour qu'on les ait décrits d’abord sous le nom 
de Tortues bidentées du Cap. Is ont les formes occipitales des cro- 
codiles, et se rapprochent surtout des lézards par leurs narines sé- 
parées, par leurs intermaxillaires réunis, par leur crâne comprimé 
en avant, et par la forme du condyle oceipital. 

Ils se distinguent de tous les reptiles vivants par un carac- 
tère qui les rapproche au contraire, comme nous l'avons dit, des rho- 
palodon. La mâchoire supérieure porte de chaque côté une seule 
erande dent semblable aux canines prolongées en défense des 
chevrotains, des morses ou des machairodus. Leur examen 


(1) Beitr. zur Kentnitz des Kupfer-Sandsteins, Saint-Pétersbourg, 1838, 
() Fischer de Waldheim, Loc. cit. 
(5) Bull. Soc. des nat.de Moscou, 1845, t. IV; Eichwald, id., 1848, t, XXI, 
2 141. 
“) P: 


oo 
I. re) 


b14 REPTILES. — SAURIENS. 


microscopique montre qu'elles sont fort éloignées de celles des 
labyrinthodontes et qu’elles ont la simplicité de tissu des dents 
des crocodiles. 


On en connaît quatre espèces (1), les Dicynodon Baini, lacerticeps, strigi- 
ceps et lestudiceps (testudiniformis), décrits par M. Owen. 


Il. — Sauriens du terrain triasique. 


Les Payrosaurus, Jaeger 
(Belodon, H. de Meyer; Belosaurus, id., 1842), — Atlas, pl. XXVF, 
fig. 9, a, b, 


ne sont connus que par des fragments de mâàchoires et des denis 
isolées. Les premiers montrent que l’animal avait un museau al- 
longé comme celui des gavials. Les dents implantées dans des 
alvéoles complets semblent démontrer que la place de ce genre 
n’est pas loin de la famille des crocodiliens. 

Le mode de conservation de ces fragments a donné lieu à une 
erreur. La substance qui a formé la roche où ils sont contenus à 
pénétré pendant qu'elle était encore liquide dans les alvéoles vides, 
dans les canaux de la mâchoire et dans les cavités nutritives des 
dents. Lorsqu'elle a été solidifiée, l'os lui-même s'est détruit et a 
laissé à découvert la matière moulée dans ces diverses parties ; celle 
qui remplissait les alvéoles s’est présentée sous la forme de cylin- 
dres plus ou moins réguliers, terminés par des surfaces arrondies 
correspondant aux cavités de la base des dents (pl. XXVE, fig. 9, b). 
On a pris ces moules pour les vraies dents et on les a décrits comme 
caractérisant un reptile herbivore. à 

Les véritables dents (pl. XXVL, fig. 9, a) sont au contraire al- 
longées, coniques, très légèrement courbées à l'extrémité qui est 
peu pointue. Le reptile dont elles indiquent l'existence a done dû 
avoir des mœurs semblables à celles des sauriens carnivores, et le 
nom de Phytosaurus est devenu inexact. 

Jaeger, qui les a le premier fait connaître (?) et qui a commis 


(1) Owen, Trans. of the geol. Soc. of London, vol. VII, 2° partie, 1845; 
Bibl. univ., 1846, Archives, t. I, p. 230. 

(2) Jaeger, Foss. rept. Würtembergs, p. 22, pl. 6; Alberti, Trias, 
p. 151; H. de Meyer etPlieninger, Beilr. zur pal, Würtembergs, p. 91, pl. 11 
et 12; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p.172; Bronn, Lethœa, 3° édit, Terr. 
triasiques, p. 118. 


TERMATOSAURUS. 219 


l'erreur que nous venons de signaler, a distingué deux espèces 
auxquelles 1l pensait même à donner une valeur générique sous 
les noms de CuBicopox et de CyLiNpRICODON. Quelques uns de ces 
moules, en effet, sont assez régulièrement cylindriques et d’autres 
ont une coupe un peu quadrilatère. De nombreuses transitions 
lient ces deux formes et l’on ne doit probablement admettre qu'une 
seule espèce. 


Ce serait le Phytosaurus cylindricodon , Jaeger, ou mieux le Belodon Plie- 
ningeri, H. de Meyer. Il a été trouvé dans le Wurtemberg, près de Lowens- 
tein, Leonberg, etc., et aux environs de Tubingen, dans le terrain du keuper 
(formation supérieure du terrain triasique). 


Les Mexopow, H. de Meyer, — Atlas, pl. XXVE, fig. 40, 


ont été caractérisés par un fragment de mâchoire inférieure et par 
un 0s coracoïde. Le premier est très mince, comprimé et long de 
deux pouces huit lignes. Il paraît avoir porté trente dents, dispo- 
sées sur un seul rang et insérées par des racines solides dans des 
alvéoles séparés, mais peu profonds. Elles sont très petites, 
cylindriques à leur base, peut-être (?) un peu comprimées, poin- 
tues, en forme de cône à leur extrémité, et ont quelques stries lon- 
gitudinales. 


Le Menodon plicatus, H. de Meyer (1), a été trouvé dans les couches supé- 
rieures du grès bigarré dé Soulz-les-Bains. 


Les TermaTosauRus, Plieninger, — Atlas, pl. XXVE, fig. 41, 


sont encore moins bien caractérisés, car ce genre n’a été établi 
que sur quelques dents, longues d’un demi-pouce à un pouce et 
demi. Elles sont presque cylindriques, diminuant peu jusqu’à la 
pointe qui est en cône mousse. Leur caractère principal consiste 
dans la cannelure très distinete de l'émail, qui présente des stries 
longitudinales demi-cylindriques très élevées, séparées par des 
sillons profonds et un peu plus étroits. La pointe de la dent est 
souvent lisse. La substance en dessous de l'émail est finement 


(t) H. de Meyer, Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Strasbourg, &, IL, liv, 3, 
pl. 1, fig. 3; Broun, Lethæo, 3° édit,, Terr, trias,, p. 118, 


516 REPTILES. — SAURIENS. 


fendillée dans sa longueur, mais on n’y voit aucun repli comme 
dans les labyrinthodontes. 


Le Termalosaurus Alberti, Plieninger (1), a été trouvé dans les terrains les 
plus supérieurs du keuper du Wurtemberg, ou plutôt dans les brèches qui 
sont intermédiaires entre ce terrain et le lias. 


Les RyYsosTEUs, Owen, 


ne sont connus que par des fragments de vertèbres biconcaves, 
par un fémur qui rappelle celui des teleosaurus et par un humé- 
rus. Il est possible que les vertèbres aient été en contact avec une 
armure osseuse. Ces débris sont insuffisants pour éclairer sur les 
rapports zoologiques du genre. 


La seule espèce connue (2) provient d’une couche ossifère située au-dessous 
du lias de Bristol et de Glocester. Ce terrain est rapporté au lias par quelques 
auteurs et à la formation triasique par d’autres (3). Ses débris organiques 
me paraissent rendre cette dernière opinion plus probable. 


Les RayNcaosaAuRus, Owen, 


sont un peu mieux déterminés, car on en a découvert divers osse- 
ments, et aussi des traces de pas qui paraissent se rapporter à la 
même espèce que les os. Les caractères du squelette s'accordent 
tout à fait avec ceux des lacertiens vivants, sauf que les vertèbres 
sont fortement biconcaves. Le crâne a des caractères tout spé- 
ciaux, ilest en forme de pyramide quadrangulaire, et les mà- 
choires du seul échantillon que l’on connaisse sont si rapprochées 
l'une contre l’autre, qu’il paraît impossible qu'il y ait eu des denis. 
Il est vrai que, comme dans quelques reptiles actuels, ces dents 
pourraient, quand la bouche est fermée, être cachées par le bord 
saillant des mächoires; mais la forme des os incisifs et maxillai- 
res, qui rappellent en plusieurs points ceux des chéloniens, sem- 
blent donner une réalité à cette apparence. Il est possible que le 
rhynchosaurus présente le singulier caractère d’un lacertien dont 
les mâchoires seraient dépourvues de dents, et peut-être revêlues 


(*) H. de Meyer et Plieninger, Beitr. zur palæont. Wurtembergs, p. 123, 
pl. 12, fig. 25, 27, 93 et 94. 

(2) Owen, Report Brit. assoc., 1841, p.159 ; Bronn, Lethœæa, 3° édit., Terr.. 
Jur., p. 549. 

(3) Voyez Lyell, À manual of elem. geol., p. 289. 


MACROMIOSAURUS, 517 


d’un bee corné comme celles des chéloniens. On ne pourra toute- 
fois regarder ces conclusions comme certaines que quand on aura 
pu observer le bord alvéolaire des os des mâchoires. 


L'espèce connue, Rhynchosaurus articeps, Owen (1), a été trouvée dans le 
nouveau grès rouge de Grinsill. 


Les Psammosaurus, Zenker (?) (non Psammosaurus, Fitz.), 


n'ont été distingués que par quelques ossements tout à fait indé- 
terminables. Ge genre ne peut pas être admis. 


IL — Sauriens du lias. 
Les Macromiosaurus, Curioni, 


paraissent réunir des caractères qu’on n’est pas habitué à trouver 
ensemble, si toutefois on peut se fier à la description qui en à été 
donnée (3). Cette description en effet est loin d'être claire et pa- 
raît en certains points presque impossible (f). 

Les caractères essentiels sont : 1° un très long cou (vingt et une 
vertèbres) ;: 2° des côtes ventrales semblables à celles des ichthyo- 
saures et des plésiosaures ; 3° des pieds à cinq doigts distincts, 
courts, le quatrième le plus long ; les phalanges sont au nombre 
de deux, trois, quatre, cinq, trois; 4° le fémur très court, n'attei- 
gnant que le tiers de la longueur de l’humérus. Les deux premiers 
caractères semblent placer ce genre dans les énaliosauriens, mais 
le troisième s’y oppose tout à fait. 

La seule espece connue est le Macromiosaurus Plinii, Curioni, du lias du 
lac de Côme; sa longueur était de 8 pouces 4 lignes. 


Les Lariosaurus, Curioni, 
ne paraissent pas pouvoir être distingués des macromiosaurus. 


(1) Owen, Report Brit. assoc., 1841, p. 145; Trans. of the Cambridge 
phil. Soc., 1842, t. VII, p. 335, pl. 5,et 6. 

(2) Zenker, Beitr. zur naturg. der Vorwelt, lena, 1833, p. 60, pl. 6, 
fig. C-I. 

(3) Curioni , Giornale lombardo, 1847, t. XVI, p. 157; Bronn, Lethæa, 
3° édit Terra QUT.. D. HAT. 

(*) En particulier dans la disposition des vertèbres lombaires, cachées en 
partie par les côtes ventrales et dont on en voit cependant 16 ! dont 8 sur la 
région du pubis et 8 en dessous. Deux d’entre elles ont des côtes (!) 


518 REPTILES. —— SAURIENS. 


Leur cou a aussi vingt et ne vertèbres ou à peu près, et les pha 
langes sont de formes normales. Les os du bras rappellent ceux 
des plésiosaures. 


Le Lariosaurus Balsami, Curioni, a été trouvé aussi dans le lias des en- 
virons de Côme. On en connaît plusieurs exemplaires (1). Cette espèce n’at- 
teignait, à ce qu’il paraît, qu’une longueur d’un décimètre depuis l’extrémité 
du museau jusqu’à l’origine de la queue. 


IV. — Espèces des terrains oolithiques et oxfordiens. 


Les G£APaYOREYNCEUS, H. de Meyer, 


ne sont connus que par une mâchoire grêle qui porte des alvéoles 
ovales-obliques. Ce genre n'a été ni décrit ni figuré. 


La seule espèce indiquée (?) est le Gl. aalensis, H. de Meyer, trouvé 
dans l’oolithe ferrugineuse du Wurtemberg (grande oolithe). 


Les TaaumaTosauRus, H. de Meyer, 


sont des reptiles gigantesques qui rappellent par leurs dimensions 
les dinosauriens, mais dont les os n'ont pas de cavités médullaires 
à l'intérieur. Les rugosités de la surface des os de la mâchoire 
semblent indiquer que la tête était couverte d’écussons. Les dents 
sont placées dans des alvéoles bordés par des parois minces et 
incomplètes du côté interne. Elles ont de grandes racines creuses 
et sont coniques, égales, un peu courbées; la couronne est légère- 
ment striée. Ce genre n’a pas été figuré. M. H. de Meyer le rap- 
proche des crocodiliens et M. Quenstedt des énaliosauriens. 


La seule espèce connue (3), Thaumatosaurus oolithicus, H. de Meyer, a été 
trouvée près de Neuffen en Wurtemberg, dans le calcaire marneux du jura 
brun (oolithe inférieure). 


(1) Balsamo Crivelli, Politecn. di Milano, mai 1839; Curioni, Giornale 
lombardo, 1847, t. XVI, p. 157; Bronn, Lelhœa, 3° édit., Terr. jurassiques, 
p. 48. 

(2) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 303 ; 1845, 
p. 282; Giebel, Fauna der Vorwell, I, 2, p. 117. 

(8) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1841, p. 176; 
Quenstedt, Die Floelzgeb. Wurt., p. 352; Bronn, Lethæa, 3° édit, Terr. jur., 
p. 550; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 125. 


ATOPOSAURUS. 519 


Les Iscnyropon, Mérian, 


ne reposent que sur une seule dent de grande dimension, qui est 
striée en long dans le milieu de son côté concave et lisse dans le 
reste. Les stries sont tranchantes. Sa hauteur est d'un décimètre, 
quoique sa base et sa pointe soient cassées. Son plus grand dia- 
mètre à sa base est de 1 pouce 11 lignes (0*,052), et son plus petit 
de 1 pouce 7 lignes (0,043). 


L’Ischyrodon Meriani, H. de Meyer (1), a été trouvé dans l’oolithe ferru- 
gineuse de Wolfliswyl, en Argovie (terrain kellowien ?). 


Les BracayTænius, H. de Meyer, — Atlas, pl. XXVI, fig. 42, 


ne sont également connus que par quelques dents cylindriques, 
très peu courbées et ornées vers l'extrémité de deux arêtes oppo- 
sées, tranchantes, courtes, qui s’évanouissent en arrière avant le 
milieu de la dent. La surface de la base est striée de quelques li- 
gnes longitudinales, qui, vues à la loupe, sont un peu noueuses. 


On ne connaît (2) que le Brachytænius perennis, H. de Meyer, du calcaire 
jaune jurassique de Aalen, en Wurtemberg (grande oolithe ?). 


V. — Espèces des schistes lifhographiques et des étages jurassiques 
supérieurs. 


Les ArorosauRus, H. de Meyer, 


ont dans leur squelette des caractères qui les rapprochent des cro- 
codiliens, et en particulier le carpe, qui n’est composé que de deux 
os à sa première rangée, la forme du tarse et celle ‘du pied pos- 
térieur, ainsi que la symphyse de la mâchoire inférieure. Le peu 
que l’on connaît de la tête et la forme des doigts antérieurs rap- 
pellent plutôt les lézards ; les dents sont celles des geckos et des 
genres voisins, le bassin a des caractères spéciaux. 


(1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1838, p. 414; 1841, 
p.183; et 1845, p. 282; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 126. 

(2) H. de Meyer, dans Münster, Beir, zur Petref., t. V, pl. 8, fig. 2; ct 
Leonh. und Bronn, Neues Jahrb,, 1842, p. 303, et 1845, p. 282; Bronn, 
Lethæa, 3° édit., Terr. jur., p.551; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p, 126. 


520 REPTILES. — SAURIENS. 


On en connaît deux espèces des schistes lithographiques (terrain corallien). 

L’4. Oberndorferi, H. de Meyer (1), a été trouvé à Kehlheim. 

L'4. Jourdani, H. de Meyer (2), provient des schistes lithographiques de 
Cirin (département de l’Ain), et fait partie de la collection de M. Thiollière. 


Les AxGuisAuRUSs, Münster, 


paraissent manquer de membres antérieurs, et par conséquent £e 
rapprocher des types nombreux qui forment une transition des 
sauriens aux ophidiens. Ils ont une tête qui rappelle un peu celle 
des serpents, des vertèbres allongées, à apophyses épineuses four- 
chues, etdes côtes ventrales coudées comme celles des ptérodactyles. 

Nous conservons ici ce genre, malgré l'autorité de quelques au- 
teurs qui le réunissent aux pleurosaurus (voy. p. 499). Ce rap- 
prochement ne paraît pas suffisamment démontré. 


L’Anguisaurus bipes, Münster (3), a été découvert dans les schistes litho- 
graphiques de Solenhofen. 


Les Macuimosaurus, H. de Meyer (Madrimosaurus, 1d.), 


ne sont connus que par quelques dents fortes, en forme de cône 
mousse, à base circulaire et à couronne fortement striée. 


Le Machimosaurus Hugü, H. de Meyer ({), a été trouvé dans le terrain 
portlandien de Soleure et du Hanovre. 


Les Sericopon, H. de Meyer (Sericosaurus, 14.), 


n'ont aussi été établis que sur des dents. Elles sont grêles et poin- 
tues, à base ovale, sans arêtes, avec les environs de la pointe très 
finement et légèrement striés. 


(1) H. de Meyer, Leonh, und Bronn, Neues Jahrb., 1850, p. 198; Bronn, 
Lethœæa, 3° édit., Terr. jur., p. 552. 

(2) H. de Meyer, id., et dans une lettre traduite par M. Thiollière, dans 
sa Deuxième notice sur le gisement, etc., des calcaires lithographiques du dépar- 
tement de l'Ain, Lyon, 4851, in-4°, avec planches. 

(3) Münster, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1839, p. 6 et 76; Bronn, 
Lethæa, 3° édit., Terr. jur., p. 558. 

(*) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1838, p. 415 ; 1845, 
p. 310; Rœmer, Ool. Geb., pl. 12, fig. 19 (Ichthyosaurus). 


POLY PEXCHODON, 521 


Le S. Jugleri, H. de Meyer (1), provient des mêmes gisements que le genre 
précédent, 


M. H. de Meyer (?) cite un genre EPHOENOSAURUS trouvé aussi 
dans le portlandien de Soleure. Il paraît avoir été simplement 
cité une fois dans l’A//gemeine Schuveitz. Zeitung. 


VI. — Espèces des terrains crétacés, 


Les Neusrosaurus, E. Raspail, 


forment un genre qui paraît avoir été étudié avec soin par 
M. E. Raspail, mais qui présenterait une association de caractères 
bien anomale. On n’en connaît pas le crâne. Les membres posté- 
rieurs, qui sont assez bien conservés, ressemblent à ceux des croco- 
dilesetontquatredoigts libres. Les antérieurs sont courts et aplatis, 
et des plaques discoïdes trouvées près de l’humérus font penser à 
M. Raspailqu'ilsétaientorganisés commeceuxdesénaliosauriens(!). 


Le Neustosaurus Gigondarum, E. Raspail (3), a été trouvé dans le terrain 
néocomien de Gigondas (Vaucluse). 


Les Mssocerres, Cornaglia et Chiozza, 


ne sont connus que par un squelette qui manque de la tête, des 
pattes et de la queue. Il paraît appartenir au type des lacerti- 
formes et se distinguer par l'étranglement médian de ses vertèbres. 


La seule espèce connue a été trouvée dans le calcaire noir des environs de 
Comen, près Trieste, que M. Heckel rapporte à l’époque crétacée et qui est 
situé sous le calcaire à hippurites. Elle a été décrite par MM. Cornaglia et 
Chiozza (f). 


Les PoLYPTYcHODON, Owen, — Atlas, pl. XXVI, fig. 413, 


ont des dents coniques, marquées de plis longitudinaux nombreux 
et serrés, dont un petit nombre se continuent jusque vers le 
L ] 

(1) H. de Meyer, idem. 

(2) Dans Bronn, Index palæontologicus, Nomenclator, p. 464. 

(3) E. Raspail, Observ, sur un nouveau genre de saurien fossile, Paris et 
Avignon, 1849, in-8°; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 164. 

(4) E. Cornaglia et L. Chiozza, Cenni geologici sull' Istria (Giornale dell’ 
Instituto Lombardo de sc. litt. et art., 1851, t. I, pl. 1). 


22 REPTILES. — PTÉRODACEYLIENS, 


sommet, ou cessent même un peu avant lui. Quelques os trouvés 
avec ces dents rappellent par leurs dimensions les dinosauriens, 
mais semblent avoir appartenu à un animal aquatique. 

On en connaît deux espèces. 

Le P, continuus, Owen (1), a été découvert dans le grès vert inférieur de 
Maidstone (terrain aptien). 


Le P. interruptus, id. (2), provient des craies marneuses d'Angleterre et 
des grès verts supérieurs. 


Les MacrosAURUS, Owen, 


dont on ne connaît que quelques vertèbres concavo-convexes, se 
rapprochent des mosasaures par les caractères généraux de ces or- 
ganes qui sont cependant plus longs à proportion, qui ont des ares 
hæmaux soudés au corps, et qui présentent quelques autres carac- 
tères différentiels. 

La seule espèce connue () a été trouvée dans le grès vert de New-Jersey, 
par M. H, Rogers (terrain de la craie blancne). 


Les Hyrosaurus, Owen, 
ont des vertèbres biconcaves qui semblent indiquer le type des 
téléosauriens, tout en ayant des caractères qui ne permettent 
de les confondre avec aucun genre connu. 


Ces vertèbres (4), la seule partie que l’on connaisse de ce genre, ont été 
trouvées à New-Jersey avec les débris du genre précédent. 


3° ORDRE, 
PTÉRODACTYLIENS, ou REPTILES VOLANTS. 


(Ornithosaurii, Pr. Canino; Pterosauria, Owen; Podoptera, Fischer ; 
Ptéropodes, H. de Meyer.) 


L'ordre dont il s’agit ici présente un rapprochement 
remarquable entre les caractères des sauriens et ceux 


(1) Owen, Report Brit. assoc., 1841, p. 156, Odontography, pl. 72, fig. 3 
et 4, et dans Palæont. Soc., Rept., part. 3, p. 47, pl. 12, 13 et 14. 
(2) Owen, Palæont. Soc., loc. cit,, p. 55, pl. 10, 11 et 14. 


(3) Owen, Quart. journal of the geol. Soc, 1849, t. V, p. 380, pl. 10 
et 14. 


(4) Owen, idem. 


OU REPTILES VOLANTS. hs) 


des chauves-souris et des oiseaux ; aussi les animaux qui 
le composent ont-ils été successivement placés dans les 
oiseaux, les mammifères et les reptiles. Un examen ap- 
profondi montre cependant jusqu’à l'évidence que leurs 
rapports avec les chéiroptères et les oiseaux sont plus ap- 
parents que réels. Leurs dents toutes égales et coniques, 
leur encéphale très petit, leurs doigts à phalanges en nom- 
bredifférent,leur sternum et leur épaulede reptiles,etce., 
prouvent qu'il est impossible de les considérer comme 
des mammifères. L'existence même des dents, la brièveté 
de leur cou, la minceur de leurs côtes, l’absence d’apo- 
physes récurrentes, la forme de Jeur sternum, la min- 
ceur de leur queue, le nombre de leurs doigts, etc., 
repoussent tout à fait l'idée de les réunir aux oiseaux. 

Ces caractères, au contraire, les placent dans la classe 
des reptiles, dont ils ont tout à fait les pieds, et en par- 
ticulier le nombre des phalanges des doigis; mais ils 
présentent le fait remarquable d’avoir eu de véritables 
ailes pour voler, circonstance qui ne se retrouve pas au- 
jourd'hui dans cette classe. Les dragons seuls ont des 
membranes étendues, mais elles sont portées par leurs 
côtes, et dans aucun type actuel le membre antérieur ne 
prend une forme d’aile. 

Ils ont en outre l’intérêt de présenter une forme d’aile 
tout à fait nouvelle. Dans les oiseaux, les doists, peu dis- 
tincts et réunis, servent de base à des plumes. Dans les 
chéiroptères, quatre doigts s’allongent et portent des 
membranes, le pouce seul reste rudimentaire. Dans les 
ptérodactyliens, un seul doigt prend de très grandes di- 
mensions en longueur, et les autres restent courts et 
normaux. 

Lesptérodactyliens sont, comme la plupartdes reptiles 
précédents, caractéristiques de l'époque secondaire. On 


924 XEPTILES. — PTÉRODACTYLIENS, 


trouve principalement Icurs squelettes dans les schistes 
de Solenhofen, ainsi que dans loolithe et le lias, dans 
le terrain wealdien et jusque dans la craie. 

Les formes que nous avons décrites ci-dessus mon- 
trent que les ptérodactyliens ont dû vivre à peu près à 
la manière des chauves-souris. La forme des dents et 
la grandeur de la mâchoire indiquent des animaux car- 
nassiers, mais pas très forts. Les plus petites espèces 
ont dû être insectivores ; Les grandes ont pu saisir des 
poissons ou de petits reptiles. La grandeur des yeux in- 
dique des animaux nocturnes. Les pieds postérieurs 
étaient assez forts pour que ces animaux aient pu avoir 
une station analogue à celle des oiseaux et se percher sur 
les arbres. Les criffes de leurs pieds et les doists courts 
de leurs mains ont dû leur donner la faculté de grim- 
per le long des rochers. 

On peut les partager en trois genres, suivant le nombre 
des phalanges du doigt qui porte Paile et la disposition 
des dents. 


Les PTÉRODACTYLES (Péerodactylus, Cu.) 
(Ornithocephalus, Sœmmerring, partim ; Pterotherium, Fischer), 
— Atlas, pl. XXVI, fig. 14-17, 


ont le grand doigt qui soutient l'aile à quatre phalanges ; les mà- 
choires portent des dents jusqu’à leur extrémité; l’omoplate et 
l'os coracoïdien ne sont pas soudés ensemble ; la queue est courte 
et mobile. Le crane est allongé, les intermaxillaires sont grands. Les 
ouvertures nasales sont larges et situées vers le milieu du museau; 
elles sont en partie fermées en avant par un petit os comme dans 
les monitors et ont un cercle de petits osselets articulés ou non et 
une petite ouverture entre l'orbite et le nez, comme dans les o1i- 
sceaux. La mâchoire inférieure est composée comme dans le cro- 
codile, sans processus coronaire; elle est articulée en arrière des 
yeux. Les dents sont au nombre de cinq à dix-sept de chaque côté, 
inégales, coniques ou piriformes, un peu arquées et comprimées, 
pointues, insérées dans des cavités séparées et creuses à leur base. 


OU REPTILES VOLANTS. 525 


Suivant Münster, les dents de remplacement se logent dans la ca- 
vité des autres; suivant Goldfuss, elles sont latérales. Le cou est 
long, composé de sept vertèbres; on compte en outre treize à 
quinze dorsales, deux ou trois lombaires, six vertèbres ankylosées 
pour l'os sacrum, et dix à quinze caudales. Les pièces de l'épaule, du 
sternum et du bassin sont organisées comme dans les lézards, sauf 
que ce dernier semble porter des os marsupiaux. Les os longs sont 
creux et ont des ouvertures aériennes commedans les oiseaux. Il y 
à Cinq Ou Six os du carpe, cinq mélacarpiens, cinq doigts aux mem- 
bres antérieurs à une, deux, trois, quatre et quatre phalanges: les 
quatre premiers sont courts et terminés par des ongles crochus, 
l'externe est très long, sans ongle. Les membres postérieurs ont 
aussi cinq doigts, mais aucun n’est allongé. 

On en connaît plusieurs espèees qui proviennent uniquement 
des étages jurassiques supérieurs, du terrain wealdien et du ter- 
rain crétacé. 

Les plus certains ont été trouvés dans les schistes lithographi- 
ques (terrain corallien). 


Le Pterodactylus longirostris, Oken (1), est le plus anciennement connu. 
On en a trouvé à Pappenheim un squelette presque entier. La longueur 
totale est de 10 pouces, l’envergure de 21. Les dents sont au nombre de ©. 
(Atlas, pl. XX VI, fig. 15.) 

Le Plerodactylus crassirostris, Goldf. (2), a 4 pied de longueur et 35 pouces 
d'envergure. Les dents paraissent au nombre de =. La tête est grande et le 
cou plus court. Il a été trouvé avec le précédent. (Atlas, pl. XXVI, fig. 14.) 


Le Pterodactylus brevirostris,Cuv. (5), ale museau beaucoup plus court que 


(1) Collini, Comment. Palat. phys., 1782, t. V, p. 58; Oken, Isis, 1819, 
p. 1788, pl. 20; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 216; Sœmmerring, 
Munch. Denks., 1812, t. IV, p. 89, pl. 5-7, et 1820, t. VI, p. 102 (Orni- 
thocephalus antiquus et longirostris); Goldfuss, Nova acta Acad. nat. cur., 
t. XV, 1° part., p. 63, pl. 10; Buckland, Traité Bridgew., pl, 21 ; Ritgen, 
Nova acia,t. XHE, 1 part., p. 329, pl. 16 (P. crocodilocephaloides); Giebel, 
Fauna der Vorweit, 1, 2, p. 92; Bronn, Lethæa, 3° éd., Terr. jur., p. 492; 
Quenstedt, Handb. der Pelref., p. 139. 

(2) Goldfuss, Nova acta Acad. nat. cur., t. XV, 1'° part., p. 63, pl. 7-10; 
Buckland, Traité Bridgew., pl. 22 ; Giebel, Bronn, Quenstedt, loc. cit. 

(3) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 250; Goldfuss, Nova acta Acad. 
nat. cur.,t. XV,2° part., p. 69, pl. 10 ; Buckland, Traité Bridgew., pl. 22 ; 
Ritgen, Nova acta, t. XIE, 1° part., p. 329 (P. neltecephaloides); Sæmmer- 
ring, Denks. Acad. Munch., t. VI, p.89, pl.1 et 2 (Ornithocephalus brevirostris); 
Giebel, Fauna der Vorweil, 1, 2, p.94; Quenstedt, Handb. der Peiref., p.139, 


526 REPTILES. — PTÉRODACTYLIENS, 


les deux espèces précédentes, et sa tête ressemble plutôt, comme le dit Cuvier, 
à celle d’une oie sortant de l’œuf qu’à celle d'un reptile. Sa taille est d'un 
tiers plus petite que le PE. longirostris ; il provient d’Eischstaedt en Bavière, 
Les dents sont très petites, et, suivant Sæœmmerring, au nombre seulement 
de ; sa longueur est de 2 pouces 6 1/2 lignes. Les pieds postérieurs n'ont 
que quatre doigts (1), (Atlas, pl. XXVI, fig. 46). 

Le Pterodactylus Kochii, Wagner (2), des schistes lithographiques de 
Kehlheim. Le cercle osseux de l’œil est simple, le cou rappelle celui du 
Pt. crassirostris. Il a 4 doigts comme le précédent, accompagnés d’un rudiment 
de pouce sans ongles ; sa longueur est de 8 pouces. 

Le Pterodactylus medius, Münster (3), de Meulenhard près Daiting, tient 
le milieu entre le P£. crassirostris et le Pt. longirostris, 

Le Plerodactylus Meyeri (4), Münster, de Kehlheim, est très petit et n’a 
que 1 2/3 pouce de longueur. Il ressemble beaucoup au Pt. brevirostris. Le 
cercle osseux des yeux est composé de plusieurs pièces en forme de tuiles, ce 
qui est peut-être un caractère du jeune âge. Les pieds ont 4 doigts. 

Le Pterodactylus grandis, Cuv. (5), n’est connu que par quelques os des 
membres qui proviennent aussi de Solenhofen, et qui indiquent une espèce 
bien plus grande que les trois précédentes. 

Ce même gisement a fourni encore quelques espèces très incomplétement 
déterminées (6), et entre autres les Pterodactylus dubius, Münster, longipes, 
Münster, et secundarius, H. de Meyer. 


Les ptérodactyles des terrains wealdiens ne sont connus que 
par des fragments d'os longs qui ont été d’abord décrits par M. Man- 
tell comme appartenant à des oiseaux (Palæornis). Leurs os, en 
effet, qui sont creusés de grandes cavités aériennes, rappellent tout 
à fait ceux de cette classe. M. Owen a démontré qu'ils doivent être 
rapportés à des ptérodactyles. 


(t) MM. H. de Meyer et Giebel ont partagé les PTÉRODACTYLES en trois sOus- 
genres (Jahres Bericht des Naturw. Vereins zu Halle, 1849-50, p. 2). Ils lais- 
sent le nom de PrÉRODAGTYLES à ceux qui ont 4 doigts aux pieds postérieurs, 
ils donnent celui de MacroTRACuELUS à ceux qui ont 5 doigts et = dents, et 
celui de BRACHYTRACHELUS à ceux qui ont 5 doigts et — dents. 

(2) Wagner, Abhand. der Bayr. Acad. der Wiss., 2, p. 163, pl. 1 ; Giebel, 
Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 94. 

(8) Müuster, Nova acta Acad. nat. cur., t. XV, 2° part., p. 51, pl. 6; 
Giebel, Fauna der Vorwelt, F, 2, p. 95. 

(‘) Münster, Leonh. und Bronn, Neues Jarhb., 1842, p. 35 ; H. de Meyer, 
dans Münster, Beitr. zur Petrefact., t. V,p. 24, pl. 7, fig. 2; Giebel, loc. cit. 

(5) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 257; Giebel, loc. cit. 

(6) Münster, Beitr. zur Petref., t. 1‘, p. 83, pl. 7, fig. 2; H, de Meyer, 
Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 584; Giebel, loc, cit. 


OU REPTILES VOLANTS. 527 


L'espèce dont ils indiquent l'existence a été nommée Pterodactylus ornis 
par M. Giebel (1). Sa taille était à peu près double de celle du P£, crassirostris. 


On à trouvé aussi des ptérodactyles dans les terrains crétacés. 
Is sont en général connus seulement par des fragments qui indi- 
quent des espèces d’une très grande taille. 


M. Bowerbanck a, le premier, découvert des ossements de ce genre dans la 
craie blanche de Maidstone (Kent), et a donné le nom de Pterodactylus gigan- 
teus, Bow. (2), non Goldf., à une espèce qui dépassait beaucoup par sa taille 
toutes celles qui étaient connues (6 à 7 pieds d'envergure). Après de longues 
discussions on est aujourd'hui d'accord pour lui attribuer les ossements que 
M. Owen rapportait aux oiseaux sous le nom de Cimoliornis diomedeus, Owen, 
et que nous avons inscrits sous cette désignation à la page 421, imprimée 
ayant que les dernières publications sur ce sujet nous fusseut parvenucs. 

Le Pt. giganteus devra changer son nom contre celui de Pt. diomedeus, 
soit à cause de l’antériorité, soit parce que ce nom est devênu faux par la 
découverte de deux espèces bien plus grandes encore (#), le PE. compressi- 
rostris, Owen, et le PL. Cuvieri, Bowerb. Ce dernier paraît avoir atteint une 
envergure de 16 pieds 6 pouces (5 mètres). 


Les RampnorayNcus, H. de Meyer 
(Ornithocephalus, Sæmm., partim), — Atlas, pl. XXVF, fig. 18, 


différent des ptérodactyles par leurs mâchoires dépourvuesde dents 
vers leur extrémité antérieure qui était probablement recouverte 
par un bec corné. Leur omoplate et leurs os coracoïdiens sont 
soudés ensemble. La queue est longue et roide, composée d’en- 
viron trente vertèbres. Ils ont comme eux quatre articulations au 
doigt qui porte l'aile. 

On n’en a trouvé que dans les terrains jurassiques, mais ils 
paraissent plus anciens que le genre précédent. Une espèce 
appartient au las. 

Le Ramphorhynchus macronyæ (#), Buckl., a été trouvé dans le lias de 


{!) Mantell, Trans, of the geolog. Sociely of London, 2° série, t. V, p.175, 
pl. 13, fig. 1; Owen, London geolog. journal, 186, t. IE,p. 96, fig. 1-7; Giebel, 
Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 99; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 142. 

(2) Quart. journ. of the geol. Soc., 1846, p. T, et 1848, p. 2; Annals 
and mag. of natural hist., novembre 1852; Owen, Palæontographical 
Society, Reptiles, p. S0 ; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 142. 

(3) British. assoc., 1851; Owen, loc. cit. 

(*) Buckland, Proceed. geol. Soc., février 1829, Transactions of the geol. 
Soc., 2° série, III, 217, p. 27, et Traité Bridgew., pl. 22; Owen, Report 
Brit, ass., 1841, p. 36, Il faut lui réunir les Pt, Banthensis et Goldfussi, 


028 REPTILES. — PTÉRODACTYLIENS, 


Lyme-Regis et dans celui de Bavière. 11 est caractérisé par une taille qui 
dépasse de moitié celle du PE. crassirostris, par des dents petites, compri- 
mées et à deux tranchants, par un cou aussi long à proportion que celui du 
Pt, longirostris, et par de grandes phalanges unguéales. 


Les autres espèces proviennent des schistes lithographiques de 
Bavière. 


Le Ramphorhynchus Gemingii, H. de Meyer (1), est connu par un sque- 
lette presque complet. Les arcades orbitaires sont très grandes. Les dents, 
au nombre de +, sont éloignées et faiblement courbées. La queue est lon- 
gue et composée d’au moins dix-neuf vertèbres soudées entre elles. C’est 
l'espèce figurée dans l'Atlas. 

Le Ramphorhynchus Münsteri, H. de Meyer (2), a été décrit par Sæmmer- 
ring COMME un oiseau. 

Le Ramphorhynchus longicaudus, H. de Meyer, est une petite espèce 
d'Eichstaedt figurée et décrite en détail par M. H. de Meyer (5). 


Les Crniruopterus, H. de Meyer, 


diffèrent des deux genres précédents par le long doigt de laile, 
qui n'est composé que de deux phalanges. Ce genre est encore in- 
complétement caractérisé et ne renferme qu'une espèce de Solen- 
hofen. 


C’est l'Ornithopterus Lavateri, H. de Meyer (), qui n’est connu que par 
des fragments du membre antérieur, conservés dans la collection Lavater, à 
Zurich. 


Quelques espèces sont trop mal connues pour pouvoir être asso- 


Thecodori, Frorieps Nolizen, 1830-39, n° 623. Voyez encore H. de Meyer, 
Nova acta Acad. nat. cur., t. XV, 2° part., p. 198, pl. 40; Münster, Beitr., 
V, 31; Giebel, Faura der Vorwelt, I, 2, p. 96; Bronn, Lethœæa, 3° édit., 
Terr. jur., p. 494. 

(1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1846, I, 1, et Palæon- 
tographica, 1, p. 20, pl. 5; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 97; 
Bronn, Lethœæa, 3° édit., Terr. jur., p. 495. 

(2) Goldfuss, Nova acta Acad. nat. cur., XV, 1, p. 112, pl. 11, fig. 1; 
Münster, Nachtræge zu Ornith. Münsleri, Bayreuth, 1830 ; Giebel, loc. cil.; 
Bronn, loc, cit. 

(3) Homæosaurus Maximiliani und Ramphorhynchus longicaudus, Francf., 
1847, in-4°. 

(*) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jarb., 1838, p. 415 et 668; 
1845, p. 282; 1848, p. 114; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, 91; Bronn, 
Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 496. 


ÉNALIOSAURIENS. b29 


ciées avec certitude à l'un de ces trois genres plutôt qu'aux 
autres. 
En particulier, le Pt. Bucklandi (1), Goldf., qui est la seule espece trouvée 


à Stonesfield (grande oolithe), n’a pas été décrit, et je ne sais pas s’il doit 
être rapporté aux ptérodactyles où aux ramphorhynchus (2). 


° ORDRE. 
ENALIOSAURIENS. 


( Neæipodes, H. de Meyer.) 


Nous arrivons aux reptiles les plus bizarres et les 
plus remarquables peut-être qu'ait fait connaître la 
oéologie, car ils réunissent des caractères qui semblent, 
au premier coup d'œil, incompatibles. [ls ont des ver- 
tèbres semblables à celles des poissons, leurs dents rap- 
pellent celles des crocodiliens, leur trone est celui des 
lézards, et leurs pattes sont formées comme celles 
des cétacés. Quelques uns d’entre eux ont atteint des 
dimensions considérables, et ont dù exercer leur domi- 
nation sur les mers de presque toute l’époque secon- 
daire. 

Leurs véritables affinités ont été l'objet de plusieurs 
contestations; nous les considérons comme plus voisins 
des sauriens que de tous les autres types, mais séparés 
toutefois de ceux qui vivent actuellement par des diffé- 
rences assez importantes pour nécessiter [a formation 
d’un ordrenouveau. Les caractères principaux des éna- 
liosauriens sont: des vertèbres biconcaves plus larges que 
longues, et dont les lames tectrices sont faiblement unies 


(1) Owen, Report Brit. assoc., 1841, p. 156 ; Giebel, Fauna der Vor- 
Jvell, X,.2, pe 99: 
(2) Voyez encore Spix, Denks. Bayer. Acad., 1816-17, t. VI (Pleropus de 
Solenhofen). 
I, 34 


530 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS, 


aux corps; des dents coniques, sans cavité à leur base, 
implantées dans un canal commun de la mâchoire, qui 
n’a que de courts alvéoles à sa partie profonde ; et qua- 
tre membres courts et aplatis, dont les doigts sont for- 
més par de nombreux osselets discoïdaux disposés comme 
dans les cétacés. 

Ïls ont vécu en très grande abondance à l’époque du 
lias ; on en trouve aussi dans les terrains qui ont pré- 
cédé cette formation (trias); et ils se continuent jusque 
vers la fin de la période crétacée. Les traces les plus ré- 
centes qu’on en ait signalées sont des fragments trouvés 
dans la craie marneuse de Douvres. Ces reptiles ont 
donc été limités à l’époque secondaire; leur apparition 
concorde à peu près, comme on le voit, avec celle des 
ammonites, et leur présence peut servir à caractériser 
les mêmes terrains. 

On peut les diviser en deux familles dont les carac- 
tères correspondent avec fa distribution géologique. 

Les IcnrayosAüRiENs ({chihyosaures et Plésiosaures) 
ont les os du crâne assez développés, de sorte que quand 
on voit la tête en dessus, les ouvertures n’en échancrent 
qu’une faible partie. Tous les reptiles de cette famille 
ontété trouvés dans les terrains jurassiques et cré- 
tacés. 

Les Simosaurrens ont les fosses temporales et les ca- 
vités orbitaires et nasales très considérables, disposées 
de manière à occuper la plus grande partie de la sur- 
face du crâne et à laisser peu de place pour le dévelop- 
pement des os. Îis ne se trouvent que dans les terrains 
triasiques. 


ICHTHYOSAURIENS. —— IiCHTIVOSÂAULUS, 531 


1" Fame. — ICHTHYOSAURIENS. 


Cette famille, qui comprend, comme nous l'avons dit, les énalio- 
sauriens des terrains jurassiques et crétacés, renferme les genres 
les mieux connus. Le premier est celui des 


Icatayosaurus, Kœnig 
(Proteosaurus, Home ; Gryphus, Wagler), — Atias, pl. XXVH, 
fig. 1-45, 


caractérisés par des formes lourdes , un cou court, une tête très 
forte, des veux énormes revêtus de plaques osseuses, et des dents 
nombreuses. La figure 1 dela planche XXVIT représente le squelette 
restauré de ce singulier reptile, dont je vais tâcher de donner une 
idée par une courte description. 

La tête est grande et allongée (fig. 2 et 3) ; lé museau est formé 
presque en entier par les intermaxillaires, les maxillaires sont 
reléoués aux côtés de sa base; les narines sont percées entré les 
nasaux ; les autres os ressemblent à ceux des lézards et des iguanes. 
L'œil est très grand et protégé en avant par un cercle de pièce: 
osseuses qui rappellent ce qu’on trouve dans les oiseaux, les tor- 
tues et quelques sauriens. Ilest probable que cet organe si déve- 
Joppé a permis à l’ichthyosaure de voir clair la nuit. 

Les dents (fig. 4-11) sont coniques et ressemblent beaucoup à 
celles des crocodiles ; mais elles sont pleines à leur base, et en 
ouire elles sont plus nombreuses, car on en trouve jusqu'à ceñt 
quatre-vingts. Elles sont assujetties dans un canal de l'os maxil- 
laire qui n’est point divisé en loges, mais qui est seulement mar- 
qué dans sa partie profonde de petites cavités alvéolaires rudimen- 
taires. Les dents se remplacent comme dans les crocodiles, sauf 
que, ces organes n'étant pas creux, la nouvelle dent ne se loge 
pas dans l’ancienne, si ce n’est dans une petite cavité qu'elle y 
creuse elle-même par sa pression continue (voy. fig. 4). 

Les vertèbres sont nombreuses (jusqu'à 126). Leurs corps sont 
fortement biconcaves (fig. 13-15) et d’une forme discoïdale, étant 
courts par rapport à leur largeur. Les lames tectrices (ares neu- 
raux) sont peu développées, et, comme dans les poissons, elles soni 
imparfaitement soudées aux corps; aussi les trouve-t-on le plus 


532 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS. 


souvent séparées. La queue est courte, presque toujours fracturée 
ou fortement déviée, ce qui fait penser à M. Owen qu’il y avait sur 
cet organe une nageoire tégumentaire. Les côtes sont minces et 
s'étendent depuis la vertèbre axis jusqu'aux deux premiers tiers 
des vertèbres caudales: les thoraciques ont une double articula- 
tion supérieure. Le sternum (fig. 12) est très développé et offre 
quelques uns des caractères de celui des ornithorhynques et des 
monitors ; il est formé d’une pièce impaire. 

Les pattes (fig. 12) sont au nombre de quatre et tout à fait en 
forme de nageoires. L'épaule, composée d'une omoplate, d'une 
clavicule et d’un os coracoïdien, a les caractères essentiels des 
lézards. L'humérus est court et solide ; les os de l’avant-bras sont 
aussi larges que longs et en forme de disque. Ceux de la main 
sont plats et disposés en séries qui correspondent aux doigts; ils 
s’ajustent par leurs angles en forme de pavé, et forment, comme 
dans les cétacés, une nageoire dont les parties ont dû avoir très 
peu de mouvement les unes sur les autres. Le nombre de ces piè- 
ces est considérable; les séries sont au nombre de cinq à sept, et 
chacune compte jusqu'à vingt osselets. On voit que la forme ordi- 
naire des pieds antérieurs des reptiles a été singulièrement modi- 
fiée. Les membres postérieurs sont organisés comme les anté- 
ricurs. 

De cette description il résulte que les ichthyosaures ont été des 
reptiles éminemment aquatiques. Îl est probable qu'ils ne quit - 
taient jamais volontairement la mer, et que si un accident quel- 
conque les rejetait sur la côte, ils devaient y rester échoués et 
immobiles comme les cétacés. Ils étaient admirablement organi- 
sés pour nager, et leurs mâchoires fortement armées indiquent 
qu'ils ont été des carnassiers d'autant plus redoutables que leur 
grande taille exigeait une nourriture abondante. Quelques es- 
pèces en effet ont dù atteindre une longueur de trente pieds. 

Une observation deM.S. Charring Pearce (!), d’un petit ichthyo- 
saure compris dans un grand, pourrait peut-être faire supposer 
que ces animaux étaient vivipares (?). 

Les espèces d’ichthyosaures paraissent avoir été nombreuses (?). 


(1) Ann. and mag. of nat. hist. janv. 1846; Bibl. univ., 1846, Archives, 
t. I, p. 232. 

(@) Voy. principalement pour les ichthyosaures : sir Ev. Home, Philosoph. 
trans, 1814, 4816 et 4819; Conybeare, Trans. of (he geol. Soc., t. V, 


ICHTHYOSAURIENS. — ICHTIYOSAURUS, 233 
La plupart ont été trouvés dans le lias. 


L'Ichthyosaurus communis, de la Bèche et Conyb., du lias de Lyme-Regis 
et de Boll en Wurtemberg, a des dents à couronne conique, médiocrement 
aiguës, légèrement arquées et profondément striées. Cette espèce a atteint 
une grande taille. (Atlas, pl. XXVIL fig. 1, 5, etc.) 

L'Ichthyosaurus platyodon, de la Bèche et Conyb., des mêmes localités, a 
la couronne des dents comprimée, offrant de chaque côté uve arête tran- 
chante. Cette espèce varie de 5 à 15 pieds. (Atlas, fig. 2, 3 et 11.) 

L’Ichthyosaurus tenuirostris, de la Bèche et Conyb., des mêmes localités, 
a des dents plus grêles et un museau plus long et plus mince, Moitié plus 
petit que l’Z. communis. (Atlas, fig. 8.) 

L'Ichthyosaurus intermedius, de la Bèche et Conyb., des mêmes localités, 
a des dents plus aiguës et moins profondément striées que celles du commu- 
nis, moins grêles que dans le {enuirostris. De la taille du précédent. (Atlas, 
fig. 7.) 

L’Ichthyosaurus acutirostris, Owen, provient du lias de Whitby, de 
Boll, etc. 

L’Ichthyosaurus latifrons, Koenig, du lias de Lyme-Regis. 

L’Ichthyosaurus latimanus, Owen, du lias de Bristol. 

L’Ichthyosaurus conchiodon, Owen, du lias de Lyme-Regis. 

L’Ichthyosaurus thyreospondylus, Owen, du lias de Bristol. 

L’Ichthyosaurus integer, Bronn, du lias de Boll; il est très voisin de 
l’Z, communis, 

L’Ichthyosaurus trigonodon, Theodori (f), du lias de Banz. 

L'Ichthyosaurus coniformis, Harlan (2), est très douteux. 


Une espèce a été indiquée dans les terrains jurassiques moyens 
C'est : 


L'Ichthyosaurus trigonus, Owen, des roches de Kelloway (terrain kello- 
vien). 


Une espèce plus récente a été découverte en 1845 dans les ter- 
rains crétacés, c'est : 


p. 214, et 2° série, t. [, p. 108; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t, X, 
p. 390; Buckland, Traité Bridg., trad. par Doyère; Jaeger, De Ichthyosauri 
sive Proteosauri fossilis speciminibus in agro bollensi repertis, Stuttg., 1824, 
in-4°; Hawkins, Memoir on Ichthyosauri and Plesiosauri, Londres, 1834, in- 
folio; Owen, Report on British rept., 1839 et 1841 (British assoc. ); Bronn, 
Uber Ichthyosauren von Boll. (Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1844, et 
Lethæa, 3° édit.); Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 151; Quenstedt, 
llaxdb. der Petref., p.120 ; Sternberg, Bull. Fér., 1898, etc. 

(1) Munch. Gel. Anzeigen, 1843, p. 905; Giebel, loc. cit., etc. 

(?) Journ. Acad. Philad., ME, p. 338. 


234 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS. 


L'Ichthyosaurus campylodon, Carter, trouvé dans la craie inférieure de 
Cambriäge (1). (Atlas, fig. 9 et 10.) 


Il faut retrancher du genre des ICHTHYOSAURES : 


L’I. lunevillensis, Alberti, qui est un Nothosaurus. 

L'I. missouriensis, Harlan, qui est un Mosasaurus. 

L’I. macrospondylus, Jaeger, qui est un Teleosaurus. 

Les espèces décrites par M. Kutorga, qui sont des poissons (Laïmnodus). 


Le deuxième genre des énaliosauriens, celui des 


PLEsiosauRus, Conybeare, 
(Halidracon, Wagl.), — Atlas, pl. XXVI, fig. 1-4, 


se distingue facilement des ichthyosaures par ses formes plus 
élancées, son cou très allongé semblable au corps d’un serpent, 
et sa tête petite et moins fortement armée. Ces deux genres, du 
reste, ont été contemporains l’un de l'autre et ont habité les 
mêmes mers. Le plésiosaure, moins fort que lichthyosaure, de- 
vait avoir plus de souplesse et d'agilité pour saisir sa proie, soit un 
peu au-dessus des eaux, soit au-dessousde la surface, en plongeant 
sa tête et son long cou comme le font aujourd'hui les cygnes. (Vox. 
pl. XXVIIL fig. 1, un squelette restauré.) 

Le plésiosaure s'éloigne encore plus que Îe genre précédent des 
formes actuelles de la création. Sa tête a des caractères de F'ich- 
thyosaure, du crocodile et surtout du lézard. Ses dents (fig. 4) 
sont grèles, pointues, un peu arquées et cannelées longitudinale- 
ment; les postérieures sont les plus grandes, tant en haut qu'en 
bas ; elles sont implantées dans des alvéoles plus profonds que 
ceux de l'ichthyosaure. 

Les vertèbres sont moins concaves et moins discoïdales que dans 
ce genre; elles sont marquées en dessous de deux fossettes. Le 
çou égale presque en étendue le corps et la queue réunis: dans 
le P. dolichodeirus, i a trente-trois vertèbres, nombre supérieur 
à celui du cygne (qui en à vingt-trois), celui de tous les oiseaux 
dont le cou est le plus long. Elles s'étendent aussi de la vertèbre 
axis aux deux tiers de la queue, mais les cervicales sont courtes ; 
chaque côte abdominale est unie à celle de l’autre côté par la réu- 


(!) London geol. journ., 1, p. 7, 1846; Owen, Palæont, Soc., Reptil., 
part, 3, p, 69, 


ICHTHYOSAURIENS. —— PLESIOSAURUS. 999 


nion directe des deux cartilages, comme dans le caméléon, ce qui 
indique une facilité très grande à gonfler les poumons, et par con- 
séqueni à faire provision d'air pour pouvoir plonger. Ces cartilages 
sont composés de sept pièces, une médiane et trois de chaque côté. 

Les membres ressemblent beaucoup à ceux des ichthyosaures ; 
mais ils sont encore plus grands à proportion; les coracoïdiens 
sont très développés et entraînent un allongement du sternum. 
Cette organisation prouve que les plésiosaures étaient aquatiques, 
et qu'ils ont dù avoir beaucoup de peine à se traîner sur la terre. 

Leur tête moins forte et leurs dents moins nombreuses peuvent 
faire penser qu'ils étaient moins carnassiers que les ichthyosaures. 
Ils ont dû rechercher les eaux plus tranquilles ; car plus grèles et 
plus faibles qu'eux, ils étaient moins bien taillés pour résister aux 
vagues. 

On connaît beaucoup d'espèces de plésiosaures, dont quelques 
unes ont dù atteindre une taille assez considérable, sans toutefois 
égaler les grands ichthyosaures. indique ici les plus connues. 

Les plus anciennes se trouvent dans le lias. 


Le Plesiosaurus dolichodeirus, Coayb. (1) (Plésiosaure à long cou, Cuvier, 
est l'espèce qui a le cou le plus allongé et la tête la plus petite à proportion 
du corps. (Atlas, fig. 4 et 2.) 

Le Plesiosaurus macrocephalus, Conyb. (2) (Alias, fig. 3), a la tête beau- 
coup plus grande et le cou plus fort. Il a été trouyé dans le lias de Lyme- 
Regis. 

Le Plesiosaurus Hawkinsii, Owen, du même terrain, a le museau moins 
allongé et plus étroit. 

M. Owen (?) en indique encore plusieurs espéces, moins complétement 
connues, du lias d'Angleterre. Ce sont : 

Le Plesiosaurus arcuatus, Owen, du lias de Bath et de Cheltenham. 

Le Plesiosaurus brachycephalus, Owen, du lias de Whitby, de Boli, ete, 


{1) Conybeare, Trans. of the geol. Soc., 2% série, t. I, p. 119, pl. 18, 19, 48 
et 49 ; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 466; de la Bèche, Trans. of 
the geol. Soc., 2° série, t. 11, p. 27 ; Lonsdale, id., t. IF, p. 272,pl. 4, 17 et 
18; Buckland, Trailé Bridgew., pl. 16, 17 et 18; Owen, Report Brit. ass., 
1839, p. 60; P. priscus, Miller; P. Homi, Gray, Syn. Rept., p.66; P. ex- 
tarsostinus, Hawkins, Hem. on Ichthyos.; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I, 2, 
p. 146; Bronn, Lethœa, 5° édit., Terr. jur., p. 485. 

(2) Conybeare, loc. cit.; Buckland, Traité Bridg., pl. 19; Owen, Trans. 
of the geol. Soc., 2° série, t. V, p. 515, et Report Brit. ass., 1839, p. 62; 
Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 147. 

(3) Report Brit. ass., 1839, 


536 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS. 


Le Plesiosaurus coslatus, Owen, du lias de Bristol. 

Le Plesiosaurus macromus, Owen, du lias de Lyme-Regis. 

Le Plesiosaurus rugosus, Owen, du lias de Lyme et de Whitby. 

Le Plesiosaurus subtrigonus, Owen, du lias de Weston, près Bath. 

Une espèce indéterminée est encore indiquée par Bryce (!) dars le lias 
d'irlande. 

Le Plesiosaurus megacephalus, Stutchbury (?), a été découvert dans Ie 
lias de Bristol. 


Les plésiosaures de Foolithe sont encore mal connus. 


Trois espéces ont été établies par Cuvier (ë) d’après l'étude de quelques 
vertèbres, Ce sont : 

Le Plesiosaurus carinatus, Cuv., connu par une vertèbre ceryicale, qui a 
à sa surface inférieure une arête qui manque dans les autres espèces. Eile 
provient probablement de Boulogne-sur-Mer. 

Le Plesiosaurus pentagonus, Cuv., est indiqué par une vertèbre de Îa 
queue d’une forme pentagonale; elle provient de l’Auxoïis. 

Le Plesiosaurus trigonus, Cuv., n’est aussi connu que par une vertébre 
caudale, mais qui est triangulaire. Il a été trouvé dans l’oolithe du Cai- 
vados. 

D'autres proviennent des étages supéricurs du terrain juras- 
sique. 

Le Plesiosaurus affinis, Owen (f), a été trouvé dans les argiles kimmérid- 
giennes des environs d'Oxford et d'Heddingtou. 

Le Plesiosaurus dœdicomus, id., et le Plesiosaurus trochanterius, id., pro- 
viennent des gisements analogues de Shotover et d'Oxford, 

Dans ces mêmes terrains kimméridgiens d'Angleterre, on a trouvé une 
grande espèce remarquable par la brièveté de ses vertèbres qu’on peut com- 
parer à des dames à jouer. C’est le Plesiosaurus brachyspondylus, Owen (5) 
(P. recentior et P. giganteus, Conybeare?), que quelques auteurs ont voulu 
rapprocher du genre SPONDYLOSAURUS, dont nous parlerons plus bas. Cette 
association paraît prématurée. 


Les plésiosaures, comme les ichthyosaures, ont vécu pendant 
l’époque crétacée (6). 


(1) Lond. and Edinb. phil. mag., 1831, t, IX, p. 321. 

(2) Quarterly journ. of the geol. Soc., n° 8, nov. 1846, t. II, p. 411. 

(3) Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 466, 

(4) Report Nrit. ass., 1839. 

(5) Owen, Report Brit. ass., 1839; Conybeare, Trans. of the geol. Soc., 
9Crsérie,it.21; p.149: 

(6) Voyez, pour les espèces de la craie d'Angleterre, Owen, Report Brit. 
ass., 1841, et surtout son mémoire dans les publications du Palæontographi- 
cal Soc., Rept., part. 3, p. 58 à 68. 


ICIHFHYOSAURIENS. — SPONDYLOSAURUS. 9297 
Le Plesiosaurus pachyomus, Owen, a été trouvé dans le grès vert des en- 
virons de Cambridge. 
Le Plesiosaurus Bernardi, Owen, provient de la craie des environs de 
Douvres. 


Le Plesiosaurus constrictus, Owen, a été découvert dans la craie de Stey- 
ning (Sussex). 


Les naturalistes américains en ont aussi décrit des ossements 
de l'Amérique septentrionale (1). 


M. Harlan en indique une espèce des grès verts de New-Jersey. 


Les SroxpyLosaurus, Fischer (2), 


ne sont connus que par quelques vertèbres dorsales qui réunissent 
les caractères des ichthyosaures et des plésiosaures. M. Owen les 
a rapportés, comme nous l'avons dit, àson P/esiosaurus brachyspon- 
dylus, mais M. Bronn conteste cette association. Les vertèbres 
du spondylosaure sont plus cylindriques, moins profondément con- 
caves en avant, plus larges que longues et plus longues que hautes. 
Les trous nutritifs et les arcs neuraux présentent aussi des diffé- 
rences. 

Les fragments connus me paraissent insuffisants pour décider 
cette question. 


Deux espèces (peut-être trois) ont été indiquées ( Spondylosaurus Frearsii 
et Fahrenkohli, Fischer). Elles proviennent du terrain oxfordien des environs 
de Moscou. 


Le genre des 
Prosaurus, Owen, — Atlas, pl. XXVIIE, fig. 5, 


renferme des reptiles gigantesques des terrains kimméridgiens 
et oxfordiens, dont les caractères sont également intermédiaires 
entre les ichthyosaures et les plésiosaures. 

Leurs dents grandes, simples, coniques, à petites arêtes bien 


(t) Harlan, Journ. Acad. Phil., IV, p. 232; Giebel, Fauna der Vorwelt, 
1, 2, p. 151. 

(2) Fischer de Waldheim, Bull. de la Soc. des nal. de Moscou, 1845, 
t. XVIL p. 343 ; 1846, t. XVII, p. 877 ; 1846, t. XIX, p. 90 ; 1848, t. XXI, 
p. 133 ; Owen, in WMurchison Russie, I, p. 417; Bronn, Lethœæa, 3° édit., Terr. 
jur., p. 487. 


238 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS. 


déinies, longitudinales ou cbiiques, ressemblent tout à fait à 
celles des plésiosaures, sauf qu'elles sont plus épaisses, subtrié- 
drales, et qu’elles ont leur côté externe séparé de l’interne par 
deux bords un peu tranchants. Les os des extrémités sont aussi 
ceux des plésiosaures ; les coracoïdes sont énormes; le fémur, très 
fort, cylindrique à la base et épaté à l'extrémité, est dépourvu de 
cavité médullaire. Les vertèbres ont, comme dans ce même genre, 
les corps unis par des faceties presque planes. 

Mais à ces ressemblances se joignent de très grandes différences 
de formes. Au lieu du cou long et mince des plésiosaures, les plio- 
saures on un cou très court, composé de vertèbres discoïdales, et 
une tête énorme et massive, qui leur donnent cette forme de cé- 
tacés qui caractérise les ichthyosaures. 

Ces reptiles paraissent avoir apparu plus tard que les deux 
genres entre lesquels ils sont intermédiaires; car on n'a encore 
trouvé aucun fragment de leurs squelettes dans le lias ni dans 
l’oolithe, et comme je l'ai dit ci-dessus, ils n'ont été recueillis que 
dans les terrains oxfordiens et kimmériägiens. 

On en connait en Angleterre deux espèces qui sout principalement caracté- 
risées par la forme de leurs côtes cervicales. Ce sont les Pliosaurus bracly- 
deirus, Owen, et P. trochanterius, Owen (1). Une partie des ossements de la 
première espèce ont été rapportés par le même auteur au gerre plésiosaure. 
Plus tard elle a été désignée sous le nom de Pliosaurus grandis. 


M. Fischer (?) ajoute une troisième espèce de Russie, le Pliosaurus Wo- 
sinskii, Fischer. 


9° FamiLze. — SIMOSAURIENS. 


Cette famille renferme tous les énaliosauriens des terrains tria- 
siques et est caractérisée par les énormes trous qui échancrent 
le crâne. 

_ Les Nornosaurus, Münster 
(Dracosaurus, Münst.), — Atlas, pl. XXVIT, fig. 6 et 7, 


ressemblent aux plésiosaures par la longueur de leur cou qui est 
composé d’au moins vingt vertèbres, par la forme de leurs mem- 
bres et par la plupart des détails du squelette. Ils en diffèrent par 

(1) Odontography, London, 1840-1845, t. I, p. 282, et Report Brit. ass., 


1841, p. 60. 
(2) Bull. de la Soe, des nat. de Moscou, 1846, t. XIX, part, 2, p. 405. 


SIMOSAURIENS. — NOTHOSAURUS. 939 
quelques caractères importanis. Leur tête est étroite; Les fosses 
temporales, orbitaires et nasales, sont largement ouvertes et beau- 
coup plus apparentes à la face supérieure. Les ptérygoiïdiens, les 
maxillaires et les palatins, sont soudés en une plaque continue. 
Les orbites sont rapprochées de la partie antérieure du museau 
et par contre les ouvertures nasales sont loin d'être terminales. 
Les dents sont nombreuses, minces, coniques, trois à cinq fois 
aussi longues que larges, légèrement infléchies et implantées 
dans des alvéoles distincts. Les antérieures, portées par l'os inc1- 
sif, sont de grandeur médiocre, elles sont suivies par deux à cinq 
dents beaucoup plus fortes, disposées comme des canines; les pos- 
térieures sont les plus petites. Toutes ces dents sont striées d'une 
trentaine de lignes longitudinales plates ou peu relevées qui se 
continuent jusqu'à la pointe en diminuant de nombre. Les vertè- 
bres sont plus fortement biconcaves que dans les plésiosaures, 
mais leurs corps manqnent des fossettes caractéristiques de ce 
genre. Le fémur et l’humérus sont un peu plus courts à proportion. 
Les membres antérieurs sont plus allongés que les postérieurs. 

Ces reptiles sont spéciaux à l'époque triasique, et 1ls ont été 
remplacés dans le lias par les plésiosaures. Ces deux genres ne se 
trouvent pas dans les mêmes terrains et n’ont pas vécu ensemble. 


On connaît une seule espèce de l'étage inférieur ou formation pæcilienne : 
C’est le Nothosaurus Schimperi (1), H. de Meyer, qui a été trouvé dans le 
grès bigarré de Soulz-les-Bains. Il est caractérisé par la brièveté de la sym- 
physe de la mâchoire inférieure, et parce que la dernière grosse dent est im- 
plantée en arrière de sa terminaison postérieure. 


L’étage moyen ou muschelkalk en renferme plusieurs. 


La mieux connue (2) est le Nothosaurus mirabilis, Münster (Saurien de 
Lunéville, Cuv.; Dracosaurus Bronni, Münster; Plesiosaurus speciosus et 
lunevillensis, id.; Ichthyosaurus lunevillensis, Aberti, Chelonia Cuvieri, 


(1) H. de Meyer, iu Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 101, et 
Mém. de la Soc. d'hist. nat. de Strasbourg, t. , p. 7, pl. 4, fig. 2; Giebel, 
Fauna der Vorwell, K, 2, p. 161. 

(2) Münster, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1834, p.525 et 538; 1835, 
p. 335; Alberti, id., 1838, p. 469, et Trias, p. 51; H. de Meyer et Plien., 
Pal. Wurtemb., p.48; Zenker, Jena, p. 236; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., 
t. X, p. 208; Bronn, Lethœæa, 3° édit., Terr. triasiques, p. 106. Voyez 
surtout H. de Meyer, Zur Fauna der Vorwell, Rept. des Muschellalks, p. 15, 
pl. 1, 2, etc, 


940 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS. 


Gray; Chelonia lunevi lensis, Keferst), qui a été trouvé à Lunéville, à Bay- 
reuth, à Laineck, dans la baute Silésie, etc. Plusieurs ossements importants 
de cette espèce ont été très bien figurés dans la belle monographie de M. H, de 
Meyer. Elle a dû atteindre une longueur de 7 pieds. (Atlas, fig. 6 et T7.) 

Le Nothosaurus giganteus (1), Münster, est plus rare, et a été trouvé dans 
les mêmes gisements. 

Le Nothosaurus venustus (2), Münster, trouvé à Querfurt, à Iéna, dans le 
Harz, à Bayreuth, ete, n’a pas dû dépasser le quart de la taille du N. mira- 
bilis. 

Le Nothosaurus Münsteri (3), H. de Meyer, de Bayreuth, est le plus petit 
de tous. 

Le Nothosaurus Andriani (4), H. de Meyer, provient aussi de Bayreuth. 

Le Nothosaurus angustifrons (5), H. de Meyer, a été découvert dans le 
muschelkalk de Krailsheim. 

M. H. de Meyer rapporte avec doute à ce genre l’espèce qu’il avait d’abord 
décrite sous le nom de Simosaurus Mougeolti, et qui a été trouvée à Lunéville. 


Les Pisrosaurus, H. de Meyer, 


sont, suivant M. H. de Mever (f), caractérisés par la forme du con- 
tour de leur crâne qui ressemble à une bouteille à col étroit. Ils 
différent en outre des nothosaurus par Jeurs orbites situées en ar- 
rière du milieu et par les ouvertures nasales situées sur les côtés et 
non en dessus. 


Le Pistosaurus longævus, H. de Meyer, a été trouvé dans le muschelkalk 
de Bayreuth. La planche destinée à le représenter, et annoncée comme de- 
vant faire partie du Fauna der Vorwelt, n’a pas encore paru. 


Les ConcuiosauRus, H. de Meyer, 
ont un museau beaucoup moins allongé que les nothosaurus et qui 


(1) Münster, id.; H. de Meyer, Zur Fauna der Vorwelt, p. 22, pl. 11, 14 
et 22: 

(2) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1839, p. 525 ; H. de Meyer, id., 1840, 
p. 96. 

(3) H. de Meyer, Neues Jahrb., 1839, p. 559 ; 1843, p. 587; Zur Fauna, 
p. 20, pl. 9. 

(4) H. de Meyer, Neues Jahrb., 1839, p. 559; Pal. Wurtemb., pl. 48; 
Zur Fauna, p. 21, pl. 12. 

(5) H. de Meyer, Neues Jahrb., 1849, p. 584, et Pal. Wurlemb. p. 47, pl.10, 
fig. 2. Voyez encore, pour toutes ces espèces, Gicbel, Fauna der Vorwell, I, 2, 
p. 160 ; Quenstedt, Handb. der Petref., p.132. 

(6) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1839, p. 699 ; 1843, 
p. 587,et 1847, p. 573; Zur Fauna der Vorwelt, Rept. des Musch., p. 23. 


SIMOSAURIENS. — SIMOSAURUS. 541 


rappelle plutôt la forme de celui des caïmans. Les narines sont 
terminales. Les dents, au nombre seulement de douze de chaque 
côté, sont à peu près égales , éloignées les unes des autres, non 
comprimées, creuses, un peu renflées au-dessus de la racine et 
appoimties à l'extrémité, en sorte que les plus petites sont un peu 
globuliformes et les plus grandes piriformes. Elles sont striées 
dans leur longueur et quelques stries n'atteignent pas la pointe. 
Il y avait en avant au moins une grosse canine et quelques peti- 
tes antérieures. 

On ne connaît qu'une seule espèce. Elle appartient, comme les 
précédentes, à l’époque triasique. 


C’est le Conchiosaurus clavatus (1), H. de Meyer, trouvé à Laineck, près 
de Bayreuth. 


Les Simosaurus, H. de Meyer, — Atlas, pl. XXVIT, fig. 16 à 18, 


ont également une tête beaucoup plus courte que les nothosaurus. 
Elle est remarquable par la grandeur des ouvertures, principale- 
ment des fosses temporales qui laissent très peu de place aux os 
du crane, et en particulier à la cavité encéphalique. Les orbites 
sont également grandes et largement ouvertes en dessus, ainsi que 
les narines, qui ne sont pas terminales. Les dents, au nombre de 
vingt-cinq à vingt-six de chaque côté, occupent des alvéoles com- 
plets disposés dans l'os maxillaire jusqu'au niveau du milieu des 
temporaux. Elles sont un peu inégales, mais on n’y distingue pas de 
canines. Elles ‘sont moins minces que dans les nothosaurus, gé- 
néralement recourbées et ont une petite carène externe. Elles sont 
striées de lignes profondes qui arrivent toutes jusqu'à la pointe, 
mais qui disparaissent vers la racine. La mâchoire inférieure à 
une symphyse courte près de laquelle les dents sont un peu plus 
fortes. 
Ce genre est encore spécial à l'époque triasique. 


La seule espèce certaine est le Simosaurus Gaillardoti (2), H. de Meyer, 
du muschelkalk de Lunéville, de Louisbourg et de Kraïlsheim. C'est à cette 


(1) Mus. Senkenberg., 1833, 1, part. 1, p. 8, pl. 1, Neues Jahrb., 1834, 
p.114;1838, p.415; Giebel, Fauna der Vorwell,T, 2, p.162 ; Bronn, Lethua, 
3° édit., Terr. trias., p. 107. 

(2) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrh., 1849, p. 99, 184 


242 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS. 


espèce qu’il faut rapporter quelques uns des débris attribués par Cuvier À deà 
tortues ou à des plésiosaures. 

Nous avons dit plus haut que le Simosaurus Mougeoti (1), H. de Meyer, était 
peut-être un vrai nothosaure. Il provient aussi du muschelkalk de Lunéville. 


{uelques auteurs rapprochent de ces divers genres célui des 
CHakirosAuRUS, H. de Mever, mais il a été transporté dans la classe 
des püissons sous le nom de Charitodon. 


Les Srnexosaurus, H. de Meyer, (Palæosaurus, Fitzinger; non 
Palæosaurus, Riley et Stütch , nec Geoffroy), 


ont des vertèbres très courtes à corps presque plats ou faiblement 
biconcaves. Leur caractère principal consiste dans üne pläqué os- 
seuse, ovale-transverse, qui se trouve en dessous du corps dés 
vertèbres dorsales, lombaires et sacrées, et même sous les pre- 
mières caudales, et qui renforce comme une sorte de coin la co- 
lonne épinière. Cette organisation se retrouve dans les premières 
vertèbres cervicales des ichthyosaures. Le fémur fort rappelle 
celui des racheosaurus. 

Ce genre fait probablement partie de la famille des énaliosau- 
riens. M. Giebel l’associe aux lacertiformes. 


Le Sphenosaurus Sternbergi, H. de Meyer (Palæosaurus Sternbergüi, Fitzin- 
ger) (2), a été trouvé dans un gisement de Bohême qui appartient probable- 
ment au Rothliegende (terrain pénéen, étage inférieur). Un échantillon est 
conservé daus le musée de Prague ; il atteignait une longueur de 4 1/2 pieds. 


Nous ne pouvons pas terminer l'histoire des énaliosauriens sans 
dire quelques mois de fossiles très remarquables qui paraissent 
être leurs excréments pétrifiés, et qu'on a nommés coprolithes. Le 
lias de Lyme-Regiset les craies marneuses de Lewes en renferment 
une quantité considérable, et leur étude à permis au docteur 
Buckland d’ajouter de nouveaux faits à l’histoire des genres fos- 


et 583; 1843, p. 587: H.de Meyer et Plien., Rept. Wurt., p. 45, pl. 11, fig. 1; 
H. de Meyer, Zur Fauna der l'orwelt, Rept.der Musch., pl. 15, 16 et 17; Giebel, 
Fauna der Vorwelt, X, 2, p.162; Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr.trias., p.109. 

(1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 196 ; Gicbel, 
Fauna der Voriwelt, I, 2, p. 162. 

(2) Fitzinger, Ann. der Wiener Mus., 1837, Il, p. 171, pl. 2; H. dé Meyet 
Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1847, p. 182; Giebel, Fauna der Vorwell, I, 
2, p. 132. 


LABYRINTHODONTES. 43 
siles de cette famille. Quelques uns sont assez bien conservés pour 
que l’on trouve dans leur intérieur des écailles et autres débris, 
qui montrent quels sont les êtres dont les énaliosauriens faisaient 
leur nourriture ordinaire. On a pu ainsi déterminer quelques es- 
pèces de poissons, et reconnaître que ces voraces reptiles ava- 
laient des animaux d’une taille considérable, ce qui suppose qu'ils 
avaient un estomac volumineux. La forme même des excréments 
montre que l'intestin a eu une disposition intérieure en spirale 
conime certains poissons; et il est vraisemblable que cette circon- 
Stance, én retardant là marche des aliments, a compensé la 
brièveté probable du canal alimentaire, auquel la grandeur de 
l'estomac laissait peu de place pour son développement. (Atlas, 
pl. XXVIIE, fig. 8-11). 


5° ORDRE. 
LABYRINTHODONTES. 


Ces reptiles sont caractérisés par une singulière com- 
plicalion dans le tissu de leurs dents, par les plaques 
osséuses vermiculées qui recouvrent et protésent leur 
crâne, par leurs condyles occipitaux et leur vomer sem- 
blables à ceux des batraciens, tandis que le reste du 
crâne a plutôt les caractères des crocodiles, et par une 
peau couverte d’écailles. 

Les premiers qui aient été signalés sont ceux du keuper 
du Wurtemberg. Hs ont été décrits pardaegersousle nom 
de Masroponsaurus, nom qui, comme le fait observer 
M. Owen, présente une erreur, car leurs dents n’ont 
"aücun rapport avec celles des mastodontes. Cette pre- 
mière espèce fut nommée M. salamandroides, et, peu 
de temps après, le nom d'espèce, contrairementaux prin- 
cipes de la nomenclature, devint le nom de genre, et ces 
mèmes reptiles furent appelés Salamandroides gigan- 
teus et Salamandroides Jaegeri. Leurs dents, dont la 


544 REPTILES. —  LABYRINTIHODONTES. 


texture est très compliquée, leur ont fait maintenant 
donner le nom de LaBYRINTHODONTES. 

Ces reptiles remarquables ont été rapprochés tantôt 
des sauriens, tantôt des batraciens ; il n’est pas facile 
de décider quelles sont leurs véritables affinités. Les 
différences qui séparent aujourd’hui ces deux ordres 
sont en effet tirées principalement d'organes qui ne luis- 
sent aucune trace dans les squelettes fossiles. Les ba- 
traciens sont essentiellement caractérisés par leur 
cœur à deux loges et leurs branchies dans le jeune âge, 
tandis que leurs caractères ostéologiques ne sont pas à 
beaucoup près aussi évidents. 

On comprend donc facilement que les paléontologistes 
soient en désaccord sur ce point. Nous passerons rapi- 
dement en revue les motifs qui peuvent faire prévaloir 
l'une ou l'autre opinion. 

Ceux qui les rapprochent des batraciens s'appuient 
sur les faits suivants : 

1° Les labyrinthodontes ont comme eux deux con- 
dyles occipitaux portés chacun par un des os occipitaux 
latéraux. Cette circonstance avait déjà frappé daeger 
comme étant très caractéristique. 

2Jls ont souvent des dents sur le vomer et les pala- 
tins, ce qui est conforme à ce qu’on trouve dans plu- 
sieurs batraciens, et est fort différent de ce qu'offrent 
lessauriens, chez quiles dents palatines, si elles existent, 
sont portées par les ptérygoïdiens. 

3° Ils manquent d’occipitaux supérieurs et ont les os 
temporaux organisés comme ceux des batraciens. 

4° Parmi plusieurs pièces du squelette on n’a encore 
trouvé aucune côte, ce qui peut faire penser qu’elles 
manquaient ou étaient très courtes. 

5° Ils manquent de l’os lacrymal. 


LABYRINTIHODONTES. 545 


6° Les trous palatins sont très grands. 

Ces arguments (') ont paru décisifs à plusieurs pa- 
léontologistes, ct en particulier ont décidé MM. Jaeger, 
Fitzinger, Owen , Quenstedt, etc., à les placer dans 
la division des batraciens. 

Mais à ces motifs on en oppose d’autres qui prouvent 
des analogies avec les sauriens. 

1° Les dents des labyrinthodontes sont grandes, for- 
tes, coniques, implantées dans des alvéoles, tandis 
que dans les batraciens ces organes sont nuls ou très 
petits. 

2° La tête estcouverted’une armure osseuse, et Le corps 
est revêtu d'écailles, caractères généraux à tous les sau- 
riens et qui ne se retrouvent jamais dans les batraciens. 

3° La forme de !a tête dans quelques uns d’entre eux 
rappelle tout à fait les crocodiles. 

4° La grande taille de plusieurs de ces reptiles donne 
peu de probabilité à l’idée qu’ils aient eu des métamor- 
phoses. On n’a jamais trouvé d’ossements qui pussent 
faire préjuger de l'existence d’un état de farve. 

L'opinion queles labyrinthodontes doivent plutôt être 
rapprochés des sauriens à été admise par MM. H. de 
Meyer, Bronn, Mantell, etc. 

Jai déjà dit plus haut que nous manquions, pour dé- 
cider cette question, de fa connaissance des faits les plus 
essentiels, et qu’en conséquence on ne peut conclure 
qu'avec doute. Je persiste à les rapprocher provisoire- 
ment des sauriens plutôt que des batraciens, parce que 
les arguments rés des dents et des écailles me parais- 

(1) Je dois faire remarquer que ces arguments ont une valeur inégale sui- 
vant les genres. Les mastodonsaurus ressemblent plus aux batraciens que les 
archegosaurus. Ces derniers ont des ouvertures palatines médiocres et les os 
de la voûte du palais soudés à la manière des crocodiliens et non comme dans 


les grenouilles. 
1. 35 


546 REPTILES. — LABYRINTHODONTES. 


sent plus puissants que les autres. Je les place dans la 
sous-classe desreptiles proprementdits, etjusqu’à preuve 
contraire je ne suppose pas qu'ils aient eu des iméta- 
morphoses. Je les considère comme devant constituer 
un ordre particulier , placé à l'extrémité de cette série 
et formant une transition évidente aux batraciens ("). 

Je dois ajouter encore quelques détails sur leur orga- 
nisation : 

Leurs dents sont, comme je l'ai dit, grandes et fortes, 
coniques, très légèrement arquées et striées. Leur com- 
position microscopique est des plus remarquables, et 
ne résout point la question de leur affinité, car elle ne 
les rapprocheni des crocodiliens, ni desbatraciens ; leur 
section montre des lames osseuses très compliquées et 
sinueuses, et de nombreux plis très infléchis de la sur- 
face externe du cément, qui, en convergeant vers la ca- 
vitéinterne, forment un dédale de lignes inextricables, 
(voy. Atlas, pl. XXIX, fig. #). L'organisation de ces dents 
rappelle plutôt les poissons que les reptiles. 

Le crâne se compose d’un squelette intérieur, re- 
marquable par l'immense étendue des trous palatins et 
par l’amincissement des os qui les séparent. Il à une 
forme tantôt parabolique, tantôt allongée. Il est recou- 
vertpar une carapace de pièces osseuses solides qui n’est 
percée que par les orbites et par les ouvertures nasales 
qui sont peu étendues. 

Des pièces osseuses analogues recouvrent le corps 


(1) Voyez principalement, pour toute cette discussion, H. de Meyer et Plie- 
ninger, Beitr. zur Palæont. Wurtemb., 1844, in-f°; Owen, Proceed. of the 
geol. Soc., HT, p. 389, Trans., id., 2° série, VI, part. 2, et Ondontography; 
Burmeister, Die Labyrinthodonten aus dem Saabrucher Steinkohlengebirge, 
gr. in-4°; Quenstedt, Die Mastodonsaurier in grünen Keupersandstein Wurt. 
sind Batrachier, Tubing., 1850, in-f°. 


MASTOLONSAURUS. 547 


au moins dans quelques parties. Elles sont creusées de 
sillons ou de fossettes et ont été quelquefois confon- 
dues avec des carapaces de chéloniens. (Atlas, pl. XXIX, 
fig. 5 et 6.) 

Les os des membres sont peu connus et paraissent, 
comme tout le reste de l'organisme, démontrer des 
formes intermédiaires entre les sauriens et les batra- 
ciens. 

Les Jabyrinthodontes ont apparu pour la première 
fois dans les terrains carbonifères. Un genre parait 
avoir vécu dans la période pénéenne. Ils se trouvent en 
abondance dans ceux de l’époque triasique et se sont 
probablement éteints avant [a période jurassique, à 
l'exception toutefois du genre rhinosaurus qui à été 
trouvé dans le lias, mais dont les rapports zoologiques 
sont encore contesiés. 

Les premiers labyrinthodontes ont été de petite taille; 
le crâne des espèces carbonifères varie de 1 1/2 pouee à 
7 pouces de longueur. Ils ont augmenté de dimension 
dans l'étage inférieur du terrain triasique où l’on trouve 
des crânes de 9 à £0 pouces, et ont atteint dansle letten- 
kohle (keuper inférieur) une longueur de 30 pouces. 
Enfin, dans les étages moyens du keuper on a décou- 
vert des têtes qui mesuraient 4 pieds. 


Les MasropoxsauRus, Jaeger 
(Salumandroides, Jaeger; Batrachosaurus, Fitzinger), — Atlas, 
pl. XXIX, fig. 1-6), 


sont connus par des crânes et par quelques os. La tête (fig. 4 et 2) 
est courte, plate, parabolique, large; les orbites sont situées dans 
la moitié postérieure, leur bord antérieur correspondant au milieu 
de la tête. Elles sont rapprochées l'une de l’autre et aussi grandes 
que la distance qui les sépare. Les dents (fig. 3) sont petites et 
nombreuses; les narines sont terminales. 


548 REPTILES. — LABYRINTHODONTES. 


On en connaît quatre espèces qui sont réparties dans les divers 
étages du terrain triasique. 


La plus ancienne est le Mastodonsaurus vaslenensis, H. de Meyer (:), du 
grès bigarré. Il n’a pas encore été décrit. 

Le Mastodonsaurus Meyeri, Münst. (2), est une espèce douteuse, connue 
seulement par des dents du muschelkalk de Rothemburg. 

Le Mastodonsaurus Jaegeri, Alberti(!) (Salamandroides giganteus, Jaeger ; 
Mastod. giganteus, Quenstedt; Labyrinthodon Jaegeri, Owen), est, au contraire, 
connu par de belles têtes, bien conservées, des dents, plusieurs os, etc., qui 
ont été figurés par MM. H. de Meyer cet Plieninger. La tête mesure 27 pouces 
en longueur et 24 dans sa plus grande largeur, qui est à sa partie postérieure. 
Les dents de la mâchoire supérieure sont sur deux rangées. Les externes, 
dont le nombre dépasse cent, sont portées sept par l’intermaxillaire, et les 
autres par le maxillaire. Celles de la seconde rangée sont portées par le vo- 
mer et les palatins, les trois antérieures sont plus grosses. Les dents de la 
mâchoire inférieure sont sur une seule rangée; mais on en voit, en avant de 
chaque côté, une grande, hors de ligne, qui perce la mâchoire supérieure et 
sort par une petite ouverture du nez. Ce reptile a été trouvé dans le letten- 
koble (keuper inférieur) du Wurtemberg, et en particulier dans les schistes 
alumineux de Gaïlsdorf, Il n’est pas certain que les ossements d'Angleterre, 
qu'a décrits sous ce nom M. Owen, se rapportent bien à la même espèce. 

Le Mastodonsaurus Andriari, Münster (), des étages supérieurs du keuper 
de Bayreuth et de Wurzbourg, paraît se distinguer de l'espèce précédente par 
ses dents dans lesquelles les stries sont alternativement larges et étroites (?). 


Les CarirosAURUS, Miünster, — Atlas, pl. XXIX, fig. 7, 


ne diffèrent des mastodonsaurus que par leurs cavités orbitaires 
beaucoup plus petites que l'espace qui les sépare et situées plus 
en arrière. On remarque sur le sommet de la tête un petit trou 
rond (trou du vertex), qui dans ce genre est peu éloigné des or- 
bites. On en connaît deux ou trois espèces du terrain triasique. 


(1) H. de Meyer, Bronn Index pal., IH, p. 690. 

(2) Münster, Beilr. zur Petref., I, p. 102; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, 
p. 167. 

(3) Jaeger, Rept., p. 35, pl. 4 et 5; Alberti, Trias, p. 120 et 314; H. de 
Meyer et Plieninger, Beit. zur Pal. Wurtemb., p.11, pl.3 à 7; Owen, Report 
Brit. ass., 1841, p. 181 ; Giebel, Fauna der Vorwell, I, 2, p.166 ; Bronn, 
Lethæa, 3° édit., Terr. trias., p.113 ; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 155 
(M. giganteus). 

(#) Münster, Beitr. Petref., 1, p. 402, pl. 13, fig. 8 ; Giebel, Loc. cit. 


TREMATOSAURUS. 549 


Le Capitosaurus robustus, H. de Meyer (1), a été trouvé dans les étages 
supérieurs du keuper, près de Stuttgardt. M. Quenstedt pense qu’on doit le 
réunir aux mastodonsaurus. 


Le Capitosaurus arenaceus, Münster (2), a été découvert dans le keuper de 
Bentz, en Franconie. 


Les Merorias, H. de Meyer, 


ont encore, comme les genres précédents, une tête parabolique, 
large. Leurs orbites sont petites et séparées comme dans le genre 
précédent, mais ouvertesdans la moitié antérieure de la tête. Letron 
du vertex est fort éloigné des orbites et près du bord postérieur 
du crâne. Les dents ressemblent, autant qu'on en peut juger, à 
celles des mastodonsaurus; celles de la mâchoire supérieure sont 
pombreuses et forment aussi deux rangées. 
On n'en connaît qu'une espèce. 


Le Metopias diagnosticus, H. de Meyer (3), a été trouvé dans lés étages 
supérieurs du keuper du Wurtemberg. 


Les TREMATOsAURUS, Braun, 


ont la tête plus allongée et triangulaire ; les veux sont au milieu 
de la longueur. Les ouvertures nasales sont séparées de l’extré- 
mité par une distance égale à leur double largeur. Les dents de 
la mâchoire supérieure sont au nombre de soixante-huit dans le 
rang externe, dont lessept antérieures plus grosses et les autres très 
petites. Celles du rang interne sont au nombre de trente-six dont 
neuf environ, placées entre les veux et les ouvertures nasales, 
dépassent toutes les autres par leurs dimensions. Elles sont sépa- 
rées en deux groupes par un intervalle dans lequel on remarque 
quatre petites dents. La mâchoire inférieure n’en porte qu'un rang, 
dans lequel on n’en remarque qu'une plus grosse en avant. 


(1) H. de Meyer et Plien., Beitr. sur Pal. Wurtemb., p. 6, pl. 9, fig. 1 et 2; 
Quenstedt, Mastod. Yurt., p. 34, pl. 1 et 2. 

(2) Münster, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb ,1836, p. 588; 1838, p. 469; 
1840, p. 585; 1842, p. 302; 1844, p. 503 ; Giebel, loc. cit. 

(8) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 302; H. de 
Meyer et Plieninger, Beitr. zur Pal. Wurtemb., p.18, pl. 10, fig. 1 et pl. 11, 
fig. 11,4, b; Giebel, Fauna der Vorwelt, t, 1, 2, p. 108; Bronn, Lethæa, 3° édit, 
Ter. trias., p. 115. 


290 REPTILES. — LABYRINTHODONTES. 


On n’en connaît qu’une espèce du grès bigarré de Bernbourg. C’est le 
Trematosaurus Brauni, H. de Meyer (1), auquel il faut réunir le Tremato- 
saurus ocella, Dunker. 


Les ZYGOsAURUS, Eichwald, 


ont la tête parabolique des mastodonsaurus et des metopias, de 
grandes orbites séparées par un intervalle plus petit qu'elles, un 
très grand trou du vertex, et leurs dents composées comme celles 
des autres labyrinthodontes. Is diffèrent de tous les genres précé- 
dents par de très grandes fosses temporales et par leurs os zygo- 
matiques très grands et très développés, circonstance d’où 
M. Eichwald a tiré le nom de genre. Les dents sont petites, coni- 
ques, soudées aux os par un socle épaissi, mais sans alvéoles. La 
mâchoire supérieure en porte de trois sortes, savoir: environ 
seize petites postérieures , deux incisives beaucoup plus fortes et 
de grosses dents palatines devant lesquelles on en observe de pe- 
tites disposées comme les dentelures d’une ràpe. 

Ce genre est le seul qui ait été trouvé dans les terrains pé- 
néens. 


Le Zygosaurus lucius, Eichwald (?), provient du grès cuivreux du gouver- 
nement d'Orenburg. 


Les Oponrosaurus, H. de Meyer, 


ne sont encore qu'incomplétement connus. On en a trouvé une 
portion de màchoire inférieure, brisée en avant et contenant cin- 
quante dents insérées dans un sillon peu profond. Elles augmen- 
tent de dimension en s’approchant de la partie antérieure; les plus 
petites ont une ligne et demie de hauteur et les plus grandes quatre 
lignes; ces dernières sont épaisses d’une ligne. Leur tissu paraît 
composé comme celui des dents des mastodonsaurus, mais elles 
sont presque cylindriques, un peu arquées et terminées par une 
pointe conique. 


(1) V. Braun, Amstl. Bericht. naturfors. Ges. Braunschweig, 1841, p. T4; 
1842, p. 96; 1844, p. 569; Burmeister, Die Labyrinthodonten, 1, Tremato- 
saurus, p. 71; H. de Meyer, Neues Jahrb., 1848, p. 569; Giebel, Fauna 
der Vorwelt, T, 2, p. 170; Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. trias., p. 112. 

(2) Eichwald, Bull. de la Soc. des nat. de Moscou, 1848, t. XXI, p. 159, 
pl. 2, 3et 4; Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1850, p. 876. 


ARCHEGOSAURUS. 551 


La seule espèce connue, l’Odontosaurus Voltzü, H. de Meyer (!),a été 
trouvée dans le grès bigarré moyen de Soultz-les-Bains. 


Les ARCHEGOSAURUS, Goldfuss, — Atlas, pl. XXIX, fig. 9-12, 


sont intéressants à étudier comme étant les seuls reptiles qui aient 
été trouvés dans les terrains carbonifères. Ils s’éloignent un peu 
du type des vrais labyrinthodontes. Leur tête est allongée et rap- 
pelle même dans quelques espèces celle des crocodiles. Leur corps 
est couvert de petites écailles anguleuses. Leurs pieds sont assez 
semblables à ceux des protées, terminés probablement par qua- 
tre doigts. Leurs côtes sont minces. 

Les motifs qui peuvent justifier une certaine analogie avec les 
labyrinthodontes sont : 

1° Les pièces osseuses dermales qui protégent le crâne sur toute 
la surface supérieure et sur ses flancs. 

9° L'existence d'un trou au vertex disposé comme dans les 
metopias. 

3° La disposition des dents sur deux rangées à la mâchoire 
supérieure, l'interne étant portée également par les vomers et les 
palatins. 

h° L'existence de deux condyles occipitaux, comme dans les 
labyrinthodontes, les batraciens et les mammifères. 

5° Les orbites grandes, ouvertes en-dessus du crâne et un peu 
en arrière de son milieu, comme dans les mastodonsaurus. 

Le corps est protégé par un système d'écailles très particulier. 
En arrière de la tête, sur la ligne médiane, on voit une grande 
plaque rhomboïdale allongée (pl. XXIX , fig. 11, a). De chaque côté 
de cette plaque on en voit une autre terminée en arrière par une 
longue tige articulée, dirigée en dehors, et élargie à l'extrémité 
(fig. 11, 6). M. Burmeister les considère comme des clavicules ; 
M. Goldfuss pense qu’elles ont recouvert des branchies (?. Tout 
le reste du corps est couvert de petites écailles. Les unes entou- 
rent par des lignes concentriques la pièce rhomboïdale (fig. 11, e); 


({) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1835, p. 68; 1839, 
p. 242; et dans les Mémoires de la Soc. d'hist. nat. de Strasbourg, t. IT, 
3e livr.; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 169; Bronn, Lethæa, 3° édit., 
Terr.trias., p. 116. 


292 REPTILES, -— LABYRINTHODONTES. 


d'autres forment des chevrons dirigés en avant, dont les pointes 
correspondent à la ligne du dos (fig. 41, d, et 12). 

Les dents (fig. 10) sont striées de profondes lignes longitudi- 
nales ; elles rappellent celles des labyrinthodontes par les lames de 
cément qui pénètrent dans leur intérieur en rayonnant égale- 
ment vers la cavité de la pulpe. Elles en diffèrent, en étant beau- 
coup plus simples , car ces lames sont presque droites et n’ont 
point la complication que nous avons signalée dans les mastodon- 
saurus. 

On en connaît quatre (?) espèces (1). 


L’A. Dechenii, Goldfuss, a un crâne long de 6 1/2 pouces, dont la largeur 
égale la moitié de la longueur. 

L’A, medius, Goldfuss, a un crâne un peu plus large à proportion (£ de la 
longueur) et les orbites un peu plus écartées. 

L’A. minor, Goldfuss, est distingué par une largeur du crâne plus grande 
encore (< de la longueur) et par des orbites plus grandes situées à peu près 
vers le milieu. 

Il n’est pas impossible que ces différences tiennent en partie à l’âge. Ces 
trois espèces ont été trouvées dans des géodes contenues dans des couches de 
fer argileux qui dépendent des terrains carbonifères supérieurs de Saarbruck. 

Il faut ajouter l’A. latirostris (2), Jordan, des terrains carbonifères des 
environs de Bonn. 

Il serait possible qu’on dût encore placer dans ce genre quelques têtes plus 
ou moins bien conservées qui ont été attribuées à des poissons cuirassés, et 
entre autres, suivant M. H. de Meyer, le Sclerocephalus Hauseri, Goldfuss (3), 
des terrains carboniferes de Heimkirchen au nord de Keiserlautern. M.Quens- 
tedt pense que le Pygopterus lucius, Agassiz, est dans le même cas. 


Les Rainosaurus, Fischer de Waldheim, — Atlas, pl. XXIX, 
fig. 8, 


sont plus récents que tous les vrais labyrinthodontes, car ils ont 
été trouvés dans le lias. Is en diffèrent d’ailleurs par plusieurs 


(1) Voyez, pour toutes ces espèces et pour les caractères du genre, Goldfuss, 
Leonh. und Bronn , Neues Jahrb., 1847, p. 400, et son mémoire intitulé: 
Beitraege zur vorweltlichen Fauna des Steinkohlengebirges, Bonn, 1847, in-4; 
Burmeister, Die Labyrinthodonten aus dem Saarbrüker Sleinkohlengebirge, 
part. 3 (Archegosaurus), Berlin , 1850, gr. in-4; Quenstedt, Handb. der 
Petrefactenlunde, p. 153 ; H. de Meyer, Palæontographica, 1, p. 112, 

(2) Verhandl. der naturf. Vereins des Rheinlande, t. IV, pl. 4, fig. 2 et 3; 
Burmeister, loc. cit. 

(3) Beilr. sur vorweltlichen Fauna des Steinkohleng., etc. 


RHINOSAURUS. 599 


caractères, eten particulier par la hauteur plus grande de la tête, 
rappelant celle des chéloniens, tandis qu'elle est déprimée dans 
les labyrinthodontes. 

On ne connaît pas encore les caractères qui seraient les plus 
importants pour fixer les rapports zoologiques de ce genre, et en 
particulier dans la tête, qui est seule connue, on n'a pu observer 
pi les condyles occipitaux, ni la structure intime des dents ; on 
pe sait pas non plus si ces dernières sont implantées sur deux 
rangs. 

La tête est couverte de plaques osseuses qui forment une ar- 
mure semblable à celle des labyrinthodontes et qui sont sillonnées 
de la même manière. Elle forme un cône obtus. Les orbites sont 
grandes, mais ouvertes sur les côtés de la tête ; on remarque sur 
le sommet du crâne le trou du vertex caractéristique de quelques 
uns des genres précédents. 

Les narines sont grandes, situées près de l'extrémité du mu- 
seau et séparées l’une de l'autre par une distance égale à la moi- 
tié de leur largeur. La mâchoire inférieure est arrondie en arrière 
et ne dépasse pas le crâne. Les deux mâchoires étant rapprochées 
l'une de l’autre, c’est-à-dire la bouche étant fermée, on ne peut 
pas voir s'il y a eu des dents internes. Les externes sont au 
nombre de vingt-quatre à la mâchoire supérieure, dont huit inci- 
sives. Elles sont fines, un peu comprimées, distantes et très poin- 
tues. Les inférieures sont plus petites. 

On ne connaît qu’une espèce du lias du gouvernement de Simbirsk : le 


Rhinosaurus Jasykovi, Fischer de Waldh (?). La tête a 3 pouces 5 lignes 
de longueur. 


En terminant l'histoire de l'ordre des labyrinthodontes, je dois 
faire remarquer d’abord que les espèces décrites par M. Owen 
sous le nom de Zabyrinthodon, n'étant connues que par quelques 
fragments, ne peuvent pas facilement être comparées aux genres 
précédents, et qu'il y a probablément des doubles emplois. 

Les grès rouges supérieurs d'Angleterre (terrain triasique) renferment, 


outre le Mastodonsaurus Jaegeri, qui y a été cité, mais dont l’existence n’est 
pas certaine, les espèces suivantes (2) : 


(1) Fischer de Waldheim, Bull. de la Soc. imp. des nat. de Moscou, 1847, 
t. XX, p. 366, pl. 5; Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 472. 

(2) Owen, Proceed. of the geol. Soc., t. TL, p. 389, et Odontography, 
WA p:195: 


554 REPTILES. —— LABYRINTHODONTES. 


Le Labyr. leptognathus, Owen. 
Le Labyr. pachygnathus, Owen. 
Le Labyr. ventricosus, Owen. 
Le Labyr. scutulatus, Owen, 


Je dois indiquer aussi quelques genres qui sont trop incomplé- 
tement connus pour être classés. 

Les XEsrorruyTiAs, H. de Meyer (!), ne sont connus que par 
une portion postérieure de crâne qui n’a été encore ni décrite ni 
figurée. 


Le X. Perrinii, a été trouvé dans le muschelkaik de Lunéville. 


Les TELERPETON, Mantell, — Atlas, pl. XXIX, fig. 13, 


1e peuvent point être appréciés dans leurs véritables affinités, car 
on n'en connaît que des portions postérieures du squelette, qui ne 
s'accordent avec aucun des genres connus. Nous les plaçons pro- 
visoirement à la suite de l’ordre des labyrinthodontes, car ils 
semblent comme eux former une transition entre les sauriens et 
les batraciens. 

Ces reptiles sont plus anciens que tous ceux que l’on connaît; 
ils ont été découverts dans les couches dévoniennes du Morayshire. 
Des fragments découverts par M. Patrick Duff, et décrits par 
M. Mantell (2), prouvent l'existence de cette classe dans une époque 
qu'on croyait, jusqu'à présent, complétement dépourvue de verté- 
brés plus parfaits que les poissons. 

On n’a jusqu'à présent trouvé que des colonnes épinières, de- 
puis le milieu de la région dorsale jusqu'à la queue, en connexion 
avec des membres postérieurs incomplets, une trace confuse du 
crâne, un fragment très mal conservé de mâchoire inférieure et 
des petites dents. M. Mantell décrit ces pièces osseuses comme 
appartenant au type lacertien, avec une tendance vers les batra- 
Cciens. 

Les dents sont très petites, coniques et polies; les vertèbres 
ressemblent surtout à celles des salamandres, par leurs ares neu- 
raux, les caudales ont de très longues apophyses. Les côtes, dont 


1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 584; 
Giebel, Fauna der Vorwell, I, 2, p. 168. 
(2) Mantell, Quarterly journ. of the geol. Soc., vol. VILLE, p.100 (mai 1852). 


OPHIDIENS: 559 


il y avait probablement vingt-quatre paires, sont minces; leur 
attache avec la colonne épinière est indistincte; elles sont notable- 
ment plus longues que dans les batraciens (sauf peut-être dans le 
genre des Pleurodeles, Waltl.). Le bassin est subquadrangulaire ; 
le fémur à un trochanter assez marqué; le tibia et le péroné sont 
séparés, les doigts sont inconnus. 


La seule espèce connue est le Terlepeton elginense, Mantell, trouvé près 
d'Elgin, dans fe Morayshire. 

Je cite encore ici avec le plus grand doute le genre APATEON, 
H. de Meyer (!), établi sur une empreinte vague, découverte dans 
les schistes bitumineux (terrain carbonifère) de Münsterappel, dans 
la Bavière rhénane. Elle est longue de 16 lignes; on y voit la 
trace d'une colonne épinière composée d’environ vingt-deux ver- 
tèbres, celle de quelques os des membres, et l'impression confuse 
d'une tête. M. Quenstedt nous paraît avoir raison, quand il dit 
qu'il est impossible de décider si c’est un poisson, un saurien, op 
un batracien. 


Cette empreinte a reçu le nom d’Apateon pedestris, H. de Meyer. 


G° ORDRE. 


OPHIDIENS. 


L'ordre des ophidiens, ou serpents, comprenait, dans 
les méthodes de Brongniart et de Cuvier, tous les reptiles 
très allongés et dépourvus de membres. On a reconnu 
plus tard que l’on ne devait pas associer aux vrais ser- 
pents les cécilies, qui sont des batraciens, ni les orvets 
et quelques genres voisins qui ont des affinités plus 
srandes avec les lézards. 

On est actuellement d'accord pour réduire l’ordre 
des ophidiens aux reptiles qui joignent aux caractères 
indiqués ci-dessus, des écailles, des mâchoires très 
extensibles et mobiles, et des yeux sans paupières. 


() Palæont., t. 1, p. 153, pl. 20, fig. 1; Quenstedt, Handb. der Pelref., 


(#1 


96 REPTILES. —-— OPHIDIENS. 


Ces animaux sont en outre caractérisés par une petite 
tète, attachée sur un seul condyle occipital, et par des 
vertèbres très nombreuses, dont les corps sont termi- 
nés en arrière par une tête arrondie reçue dans une 
cavité correspondante profonde de la vertèbre suivante. 

Ils sont bien loin de jouer en paléontologie le rôle 
qu'ils ont de nos jours. Leurs débris fossiles n’ent en- 
core été observés dans aucun terrain antérieur à l’épo- 
que tertiaire (*), ce qui semblerait prouver que leur ap- 
parition a été toute récente, et qu'ils n'ont eu aucun 
représentant dans les faunes de l’époque secondaire, où 
les autres reptiles ont été si variés, si nombreux et si 
remarquables. 

Leurs ossements sont même très rares à l’époque 
tertiaire. Jusqu'à ces dernières années on en cilait seu- 
lement dans les terrains tertiaires supérieurs. M. Owen 
en à fait connaître quelques uns des dépôts éocènes 
d’Anpleterre. 

Les ossements de ces terrains se rapportent à deux 
senres. Le premier est celui des 


Pazæopais, Owen, — Atlas, pl. XXX, fig. 1-3. 


Leurs vertèbres ont à peu près les caractères de celles des boas et 
des pythons, et diffèrent davantage de celles des couleuvres et 
des serpents venimeux. Elles se distinguent par leur turber- 
cule costal plus bas, leur apophyse épineuse plus haute et moins 
longue, etc. 

Quelques espèces ont atteint des dimensions considérables (jus- 
qu'à 20 pieds de longueur), fait qui tend à confirmer ce que nous 
avons souvent dit, que la température du nord de l’Europe a été 
plus chaude pendant la période tertiaire qu'aujourd'hui. Les ser- 


(1) Il ne faut, en effet, tenir aucun compte de quelques assertions des 


anciens auteurs, qui attribuent à des serpents des débris ou des empreintes 
mal observés, 


COULEUVRES. 557 


penis d'une si grande taille ne peuvent, en effet, vivre actuellement 
que sous le climat de la zone torride, et rien n'autorise à croire 
qu'il en ait pu être autrement dans les temps plus anciens. 

M. Owen (1) en indique quatre espèces : 


Le P. typhœus, Owen, de l'argile éocène de Bracklesham (Sussex). 
Le P. porcatus, Owen, du même gisement. 

Le P, loliapicus, Owen, de Sheppy. 

Le P. (?) longus, Owen, du même gisement. 


Les PaLERYx, Owen, — Atlas, pl. XXX, fig. 4-6, 


différent des palæophis par l'absence du processus aliforme apoint: 
du bord postérieur de la neurapophyse, et par la ressemblance plus 
grande de leurs vertèbres avec les eryx. 

On en connaît deux espèces du sable éocène d'Hordwell-CHiff 
(parisien supérieur) (?. 

Ce sont les P, rhombifer et depressus, Owen, d'une taille tres inférieure 
aux palæophis. 


Les ophidiens plus récents ont, en général, été rapportés aux 
genres actuels. La plus grande partie des espèces paraît appar- 
tenir à celui des 


CouLceuvres (Coluber, Lin.), 


qui est aussi, de nos jours, un des plus abondants. On en cite 
quelques espèces dans les terrains tertiaires moyens et supérieurs, 
ainsi que dans les terrains diluviens. 


Les terrains miocènes en renferment une, c’est le Coluber sansaniensis, 
Lartet (3), de Sansan, de dimensions très variables, et dont les plus grosses 
vertèbres dépassent d’un tiers le volume de celles des couleuvres vivantes de 
moyenne grandeur. 


On en cite un plus grand nombre dans les terrains pliocènes, 


(1) Palæont. Soc., Rept. of London clay, p. 56. Le P. toliapicus avait déjà 
été décrit par le même auteur à la Société géologique, 18 déc. 1839, et cité 
dans le Report Brit. assoc., 1811, p. 180. 

(2) Palæont. Soc., Rept. of London clay, part. 2, p. 67, pi. 13. 

(3) Notice sur la colline de Sansan, p. 40. 


558 REPTILES. — OPHIDIENS. 


Les schistes d'OEningen (1), en particulier, en renferment trois espèces. 

Le C. Owenii, H. de Meyer, long de 3 pieds; le C. Kargü, H. de Meyer, 
de 10 1/2 pouces, et le C. arcuatus, id., connu seulement par une extré- 
mité postérieure. 


Les formations tertiaires des environs du Dniester, Podolie, ont fourni 
le C. podolicus, H. de Meyer (2). 


Les couleuvres des terrains diluviens paraissent se rapprocher 
beaucoup des espèces vivantes. 


Les brèches de Cette renferment des ossements que Cuvier (3) dit ne pas 
pouvoir être distingués de ceux de la couleuvre à collier (C. natriæ, Lin.). 

Cette même espèce se retrouve dans quelques £avernes et dans d’autres 
dépôts diluviens (). 


OPHIDIENS MAL CONNUS. 


Nous terminerons ce qui tient aux ophidiens en indiquant quel- 
ques espèces trop imparfaitement connues pour être classées. 

M. Morren (°) a découvert, dans les environs de Bruxelles, des 
ossements de serpents qui paraissent appartenir à deux ou trois 
espèces. IT cite : 

Des dents à venin rappelant l'organisation des CROTALES et 
indiquant une espèce très venimeuse ; 

Des vertèbres qui ressemblent à celles des COULEUVRES, des 
DeEnproprsis, etc. 

Goldfuss ($) a rapporté au genre Opuis, et décrit sous le nom 
d'Ophis dubius, l'impression d'un fragment de corps enroulé en 
spirale et montrant de petites écailles disposées en ligne. Ce frag- 


(1) H. de Meyer, Zur Fauna der Vorwelt, OEningen, p. 41, pl. 2 et 6; 
Giebel, Fauna der Vorwelt, T, 2, p. 175. 

(2) H. de Meyer, loc. cit., p. 41; Pusch., Pol. pal., p. 168, pl. 15, fig. 5; 
Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 176. 

(8) Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p. 357. 

(#) Schmerling, Ossem. foss. des cavernes de Liége, p. 173; Münster, Bay- 
reuth Petref., p. 83; etc. 

(5) Morren, Revue syst. des nouv. découv. d’ossem. fossiles du Brabant, 
p. 56. 

(6) Nova Act. Acad. nat. cur., t. X,1"* partie, p. 127, pl. 43, fig. 8; Kefers- 
tein, Naturg., t. I, p. 269 (Coluber fossilis); Giebel, Fauna der Vorwelt, 
12 p 470 


BATRACIENS. 999 
ment peu caractérisé a été trouvé dans les lignites tertiaires des 
Siebengebirge. 

M. Pomel (1) indique une espèce, de la taille des plus grands 
pythons, trouvée à Cuise-la-Motte (terr. suessonien?), et une 
autre, voisine des couleuvres et surtout de la ÆAinechis Agassizii, 
découverte en Auvergne (de la taille d’une Vaÿa). 

M. Kolder (2) rapproche des Éryx une espèce asiatique (ter- 
tiaire miocène ?). 

M. Lartet (3) rapporte avec doute aux VipëRes ( Vipera sansa- 


niensis ?) des dents canaliculées du terrain tertiaire micocène de 
Sansan. 


Le CROTALE décrit par Eaton (f) est un fragment de végétal 
(Lepidodendron). 


2e SOUS-CLASSE. 


AMPHIBIENS, ou BATRACIENS. 


Nous réunissons dans celte sous-classe tous les rep- 
üles qui ont des métamorphoses et qui respirent par 
des branchies pendant leur jeune âpe. Ils ont tous la 
peau nue et le cœur à deux loges ; leur encéphale est 
petit et leur tête est unie au tronc par deux condyles 
occipitaux; leurs côtes sont courtes, rudimentaires ou 
nulles. 

On peut les diviser en trois ordres (*) : 

Les BATRAGIENS ANOURES, qui n’ont pas de queue, très 
peu de vertèbres et des membres longs. 

Les BATRACIENS URODÈLES, qui ont une longue queue, 
et des membres courts. 

Les PseupoPHipiens, ou CÉGILIES, qui ont la forme de 


(!) Gervais, Dict. d'hist. nat. de d'Orbigny, t. XL, p. 56. 

(2) Gleanings in scienc., 1831, n° 30. 

(3) Notice sur la colline de Sansan, p. 41. 

(#) Sillim. journal, t. XX, p. 122. 

(5) Quelques auteurs ajoutent l’ordre des LÉPIDOSIRÉNIENS, que d’autres 
placent dans la classe des poissons. On n’en connaît pas de fossiles. 


560 REPTILES. —- BATRACIENS. 


serpents et manquent de membres. Ce dernier ordre 
n’a pas été trouvé fossile. 

Les débris d'amphibiens fossiles sont presque aussi 
rares que ceux des ophidiens, et leur apparition est 
tout aussi récente, si toutefois on ne leur réunit pas les 
labyrinthodontes. On n’en connaît aucun qui soit plus 
ancien que l’époque tertiaire. Leurs formes se rappro- 
chent beaucoup de celles des êtres qui vivent encore 
aujourd’hui. 


AT ORDRE. 


BATRACIENS ANOURES. 


Les batraciens anoures sont faciles à distinguer par 
leurs pattes très grandes, surtout les postérieures, leur 
larse bouche, l’absence de queue, etc. 

On peut les diviser en quatre familles dont trois seu- 
lement sont connues à l’état fossile. 

Les Ranirormes (Grenouilles) ont des dents à la mà- 
choire supérieure, des doigts pointus, et ordinairement 
des jambes postérieures très longues qui leur permet- 
tent de sauter. 

Les Buronirormes (Crapauds) n’ont pas de dents à la 
mâchoire supérieure, des doigts pointus et ordinaire- 
ment des jambes postérieures médiocres qui les forcent 
à ramper. 

Les HyLærormes (Raineltes) ont les doigts élargis en 
disque et peuvent grimper aux arbres. On n’en connait 
pas de fossiles. 

Les PHrynAGLosses (Pipa) diffèrent de tous les précé- 
dents, parce qu'ils n’ont pas de langue et parce que les 
deux trompes, d'Eustachi sont réunies et n’ont qu'une 
seule ouverture médiane. 


ANOURES. — RANIFORMES. 561 


{re Fame. — RANIFORMES. 
Cette famille est la plus nombreuse en espèces fossiles. 
Les GRENOUILLES (Æana, Lin.), 


qui en forment le type principal, ont laissé quelques débris dans 
les terrains tertiaires et diluviens. 


La Rana aquensis, Coquand (1), a été trouvée dans le terrain tertiaire 
d’eau douce d’Aix en Provence. 

Les terrains miocènes d'Auvergne renferment quelques débris d'espèces 
indéterminées (collections de MM. de Laizer, Croizet, Bravard) (2). 

M. Lartet ($) en indique cinq espèces dans les terrains miocènes de Sansan. 
Ce sont: les Rana gigantea, Lartet, sansaniensis, id., lœvis, id., rugosa, id., 
et pygmæx, id. 

M. H. de Meyer (f) croit à l'existence d’une quantité considérable d'espèces 
de grenouilles dans les terrains tertiaires de Weisenau et dans les graviers 
de Hellern près d'Osnabruck. L'étude de nombreux humérus le porte à ad- 
mettre vingt-quatre (!) espèces à Weisenau et trois à Hellern. 

La R. luschitzana, H. de Meyer (°), a été trouvée dans les terrains ter- 
tiaires de Bohême. 

La R. Jaegeri, H. de Meyer (6), provient des terrains miocènes de 
Halsbach. 

La R. antiqua, Münster (7), a été découverte dans les terrains tertiaires 
d’'Osnabruck. 

Les sables tertiaires de Volhynie ont fourni la R, vothynica, Eichwald ($). 

M. Pusch en indique aussi une espèce des schistes tertiaires de Podolie (°). 

M.Schmidt a fait connaître une grenouille renfermée dans l’ambre jaune (10). 


(1) Marcel de Serres, Ann. des sc. nat., 1845, 3° série, t. IV, p. 249. 

(2) Gervais, Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 56; Pomel, Bull. Soc. géol., 
2° série, €. III, p. 372. 

(3) Notice sur la colline de Sansan, p. 41. 

(*) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1845, p. 798. 

(5) Idem, 1847, p. 181, et Palæontographica, t. IT, p. 66. 

(6) Neues Jahrb., 1851, p. 78. 

(7) Neues Jahrb., 1835, p. 446; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 180. 

(8) Nova act. Acad. nat. cur., t. XVIT, 2° part., p. 755, pl. 61, fig, 41; 
Giebel, loc. cit. « 

() Pusch, Polens pal., p. 168, pl. 45, fig. 5. 

(10) Ann. sc. nat., 2° série, t. XI, p. 379. Voyez aussi Dan. Hermann, De 
rana el lacerta succin., ete., 1580, in-8°, et Rigæ, 4609, in-4°, 

I, 36 


562 REPTILES. — PATRACIENS. 


Elle a les caractères de la À, temporaria avee des doigts plus grèles et plus 
délicats. 

La R. pusilla, Owen (!), a été trouvée dans des fragments de roches schis- 
teuses de Bombay. 


Les terrains diluviens en contiennent aussi quelques espèces. 


On cite, dans divers gisements de cette époque (2), les À. temporaria et 
esculenta, actuellement vivantes. 


Les AsPnærION, H. de Meyer, 


me paraissent à peine distincts des grenouilles. Ge nom leur a été 
donné parce que l’humérus n'a pas de tête inférieure arrondie, 
mais s’unit avec l’avant-bras par une surface presque plate. 


La seule espèce connue, l'A. Reussii, H. de Meyer (3), a été trouvée en 
Bohême dans les environs de Luschitz (tertiaire d’eau douce) avec la Rana 
luschitzana. 


Les ParæoparTracaus, Tschudi, — Atlas, pl. XXX, fig. 7et8, 


diffèrent des grenouilles par quelques modifications dans les pro- 
portions. Leur tête est très large, leur colonne épinière est courte 
et solide, et cependant à onze vertèbres, tandis que les grenouilles 
en ont dix. Les membres sont forts. 


La seule espèce connue (f) est le P. Goldfussiü, Tschudi (Rana diluviana, 
Goldfuss), des lignites des Siebengebirge. On a trouvé aussi quelques em- 
preintes de ses premiers états. La figure 8 représente un têtard. 


Les Laronta, H. de Mever, 


sont de grands batraciens qui ont des caractères intermédiaires 
entre les crapauds et les grenouilles. Leur mâchoire supérieure 
munie de petites dents coniques, et la longueur de leurs pattes 
postérieures, les rapprochent davantage de ces dernières, et forcent 


(1) Quart. journ. of the geol. Soc, t. UE, p. 224. 

(2) Münster, Bayreuth. Petref., p. 83 ; Jaeger, Saügethiere Wurt., p. 127 
et 149. 

(3) Palæontographica, t. Il, p. 68. 

(4) Tschudi, Mém. Soc. hist. nat. Neuchâtel, 1839, t. If, p. 23; Mus. Sen- 
kenb.,t. I, p. 220, pl. 45 ; Goldfuss, Nova act. Acad. nat. cur., t. XV, 
1" part., p. 449, pl. 42 et 13; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 181. 


ANOURES. —— BUFONIFORMES. 263 


à les placer dans la famille des raniformes. La forme de leur tête 
rappelle celle des crapauds cornus d'Amérique, sauf que les or- 


bites sont sur le milieu de la longueur et que les ouvertures nasales 
sont pius éloignées. 


La Laionia Seyfriedii, H. de Meyer ({), a été trouvée dans les schistes 
d'OEniagen. Lavater (2) l'avait décrite comme un ornitholithe, 


Les SonxeuRs (Pormbinator, Wagl.) 


ont les dents des grenouilles et les membres postérieurs courts 
des crapauds. La peau couvre l'orifice externe de l'oreille sans 
s'amincir. 

Quelques espèces de ce genre ont été citées parmi les fossiles ; 
mais les unes doivent entrer dans le genre suivant, les autres sont 
très incertaines (?). 


Les Pscoraicus, Tschudi, 


différent des précédents par quelques proportions dans les os du 


crâne et par le prolongement postérieur de la mâchoire inférieure 
fort et arrondi. 


Le Pelophilus Agassizü, Tschudi (#) (Bombinator œningensis, Agassiz), a été 
trouvé à OEningen. 


2e FamizLze. — BUFONIFORMES. 


Cette famille renferme les genres qui n’ont point de dents à la 
mächoire supérieure. 


Les CrapauDs (Zufo, Lin.) 


ont été cités, mais d’une manière peu certaine, dans quelques ter- 
rains récents. 


(1) H. de Meyer, Neues Jahrb., 1843, p. 580, etc.; et Zur Fauna der Vor- 
welt, OEningen, p. 48, pl. 4, 5 et 6; Giebel, Fauna der Vorwell, T, 2, p.185, 

(2) Taschenbuch fur Mineralogie, 1808, p. 71. 

(8) Wiegmann, Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1842, p. 180. 

(#) Tschudi, Mém. Soc. hist, nat. Neuchtel, t. I, p. 22, pl. 1; H, de Meyer, 
Zur Fauna der Vorwelt, OEningen, p. 27, pl. 5, fig. 4 et 5; Agassiz, Mém. 
Soc. hist. nat. Neuchâtel, t. 1, 4835, p. 27 ; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I, 
2, p. 182. 


56% REPTILES. — BATRACIENS. 


MM. Marcel de Serres, Dubreuil et Jeanjean citent, dans la caverne de 
Lunel-Viel (!), deux espèces, dont une est de la taille du Bufo agua, qui vit à 
la Guyanne. 


Les PazæoraryNos, Tschudi, 
sont très voisins des crapauds et en diffèrent à peine par un crane 
plus comprimé, un occipital élargi sur les côtés et par les apo- 
physes transverses des vertèbres plus développées. 
Le P. Gessneri, Tschudi, est connu depuis longtemps (?) comme se trouvant 


à OEningen. 
Le P. dissimilis, H. de Meyer (3), provient du même gisement. 


3e Famizze. — HYLÆFORMES. 


Cette famille, qui comprend les RaingtTes (//yla), n’a pas de 
représentants fossiles, ainsi que nous l'avons dit plus haut. 


4e Famizze. — PHRYNAGLOSSES. 


L'existence de cette famille à l'état fossile est très douteuse. 


M. Pome! (#) rapporte avec doute aux Pira quelques fragments des terrains 
miocènes d'Auvergne. 


2 ORDRE. 
BATRACIENS URODEÈLES. 


Les batraciens urodèles (ou batraciens à queue, voi- 
sins des salamandres) ont laissé dans cette même épo- 
que tertiaire des débris plus remarquables. De ce nom- 
bre est le fameux fossile d'OEningen, pris par Scheuzer 


(1) Cav. de Lunel-Viel, p. 249, pl. 20, fig. 20 et 21. 

(2) Andreæ, Briefe, 1776, p. 267, pl. 15; Karg, Denk. Naturf. Schwabens, 
4805, p. 28; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 471; Tschudi, Mém. 
Soc. hist. nat. Neuchdtel, t. IE, p. 22, etc., pl. 1; H. de Meyer, Zur Fauna der 
Vorwelt, OEningen, p. 24, pl. 5, fig. 2; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2, 
p. 183. 

(8) H. de Meyer, loc, cit., p. 26, pl. 5, fig. 3; Giebel, loc. cit. 

(#) Bull. Soc. géol., 2° série, €. 1, p. 593. 


URODÈLES. 965 
pour un squelette humain, et qui forme maintenant le 
genre : 


Anprias, Tschudi, — Atlas, pl. XXX, fig. 9. 


On comprend difficilement comment Scheuzer à commis une 
erreur aussi grave que de voir dans cette salamandre gigantesque 
un fossile humain, et de la nommer Æomo diluvii testis. Ses for- 
mes sont intermédiaires entre celles de la grande salamandre de 
Java et les ménopomes, et ne peuvent laisser aucun doute sur la 
famille à laquelle à appartenu cet animal remarquable. 

L'erreur de Scheuzer a été corrigée par divers auteurs. Cuvier 
a démontré que ce fossile est voisin des salamandres, et l’a 
nommé Salamandre gigantesque. Depuis lors il a reçu des noms 
divers, et il possède maintenant une synonymie très embrouillée. 
Harlan le rapporte aux M£Noroues, Gessner aux SILURES; Barton 
en fait le genre Proroxopsis; Wagler, celui de SALAMANDROPSIS ; 
Eichwald, celui de PRoreocorpyLus ; Fitzinger, de PALÆOTRITON ; 
Leuckart, de HypROsSALAMaANDRA ; van der Hœven, de CRYPTOBRAN- 
CHUS. 

Ce fossile, dont on connaît maintenant une quinzaine d’échan- 
tillons, ressemble dans presque tout son squelette à la Salamandra 
mazima (1). Les rochers et les ptérygoïdiens ont plutôt les carac- 
tères des ménopomes d'Amérique. Les doigts diffèrent de ceux de 
ces deux genres par leur longueur plus grande, surtout aux pattes 
antérieures, où ils dépassent tous la longueur de l’avant-bras. 


On n’en connaît qu’une espèce (?) des schistes d'OEningen. C’est l’An- 
drias Scheuxzeri, Tschudi;, sa longueur à un peu dépassé 3 pieds, 


(1) Cettesalamandre, décrite sous le nom de S. maxima par MM. Temminck 
et Schlegel, a reçu les noms de MEGATRITON, SIEBOLDIA, MEGALOBATRACHUS, etc. 

(2) Scheuzer, Phil. trans., 1726, t. XXXIV, p. 38 ; 1d., Phys. sacra, p. 66, 
et dans un mémoire spécial: Homo diluvii teslis; Gessner, De petrif. diffe- 
rentiis, Tiguri, 1752, p. 47; De petrificalis, Lugd. Bat., 1758, p.76; Andreæ, 
Briefe, p. 32; Camper, Verhandl. Wetens., Harlem, 1790, t. VIIE, p. 35; 
Razoumowski, Mém. Soc. Lausanne, 1788, t. III, p. 216; Karg., Denks. 
naturf. Schwabens, t.T, p. 34, pl. 2, fig. 3; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., 
t. X, p. 360; Fitzinger, Ann. der Wien. Mus., 1837, t, Il; Vander Hæœven, 
Tijdsh. v. natuurl. Ges., 1838, et Mém. Soc. d'hist. nat. de Strasb., 1840, 
£. IL, part. 1"; Leuckart, Froriep’'s Neue Notizen, 1840, t. XIE, p. 19; Tschudi, 
Mém, Soc. hist. nat. de Neuchâtel, 1839, t. I, p. 22, pl. 3, 4 et 5; H. de 


566 REPTILES. — BATRACIENS. 


Les SALAMANDRES (Sa/amandra, Lin.), — Atlas, pl. XXX, fig. 40, 


ont vécu avec les grenouilles et les crapauds dont nous avons 
parlé plus haut. 


M. Goldfuss (1) a décrit sous le nom de Salamandra ogygia une espèce des 
lignites schisteux des Siebengebirge, près de Bonn. (C’est l'espèce figurée.) 
Il faut ajouter des fragments indéterminés des terrains miocènes de Ho- 


cheim et de Weisenau (?) et deux espèces douteuses (3) de Sansan , les S. san- 
saniensis et Goussardiana, Lartet. 


Les Tritons (7riton, Laur.), — Atlas, pl. XXX, fig. 41, 


ou salamandres aquatiques, à queue comprimée, paraissent plus 
fréquents à l’état fossile. 


Goldfuss cite dans les mêmes lignites des Siebengebirge le Triton noachi- 
cus, Goldfuss (‘). (C’est l'espèce figurée dans l’Atlas.) 

Le T. opalinus, H. de Meyer (5), a été trouvé dans les terrains tertiaires 
d’eau douce de Luschitz, en Bohême. 


M. Lartet (6) indique deux espèces dans les terrains miocènes de Sansan, 
les T. sansaniense, Lart., et Lacasianum, id. 


C'est avec doute que nous ajoutons à la fin de cet ordre le 
genre des 


OrraopnyA, H. de Meyer, 


caractérisés par un corps allongé, un crâne petit et étroit, des 
dents nombreuses, petites et coniques, des vertèbres biconcaves 
à apophyses épineuses plates et sans transverses. On n’y voit ni 
côtes ni membres. 


Deux espèces ont été trouvées dans les terrains tertiaires d'OEningen ; ce 
sont les O. longa et solida, H. de Meyer (?). 


Meyer, Zur Fauna der Vorwelt, OEningen, p. 28, pl. 8, 9 et 10; Gicbel, 
Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 186, etc. 

(1) Nova acta Acad. nat. cur., t. XV, 2° part., p. 124, pl. 43, fig. 4 et 5. 

(2) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 396 et 407. 

(3) Lartet, Notice sur la colline de Sansan, p. 42. 

(4) Nova acia Acad. nat. cur., t. XV, 2° part., p. 126, pl. 13, fig.6et 7; 
Giebel, Fauna der Voriwell, I, 2, p. 187. 

(5) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1847, p. 192. 

(6) Notice sur la colline de Sansan, p. 42. 

(7) H. de Meyer, Zur Fauna der Vorwelt, OEningen, p. 39 et 40, pl. 3, 
fig. 3 et pl. 2, fig. 4; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 188. 


TRACES DE PAS. 567 


APPENDICE. 
TRACES DE PAS ATTRIBUÉES A DES REPTILES. 


Atlas, pl. XXX, fig. 12, 


Nous avons parlé, page 403, de traces de pas apparte- 
nant à des oiseaux. Des impressions plus fréquentes et 
plus variées paraissent pouvoir être rapportées à la 
classe des reptiles. 

La disposition de ces traces de pas prouve très sou- 
ventque l'animal avait quatre pattes, et exclut par con- 
séquent les oiseaux de Fa comparaison. On voit fréquem- 
ment les pas régulièrement disposés comme ceux d’un 
quadrupède marchant surle sable, eties impressions des 
pattes postérieures se distinguent facilement de celles 
des antérieures. 

L'absence complète d'ossements de mammifères dans 
les terrains qui recouvrent immédiatement ces traces, 
et la fréquence au contraire des débris de reptiles, sem- 
blent démontrer qu’elles sont dues à ces derniers. 

I! faut cependant reconnaître que parmi les formes 
que l’on a découvertes, il en est plusieurs qui ne sem- 
blent correspondre à aucun animal connu, d’autres qui 
se retrouvent encore moins dans les reptiles actuels que 
dans les mammifères. Cette partie de la science est en- 
tourée en conséquence de difficultés presque inextri- 
cables. 

Les premières traces ont été découvertes en 1814 
dans le grès bigarré de Dumfries (Écosse). Depuis lors 
de nombreuses découvertes ont montré des formes bi- 
zarres et variées. Je n’essaierai pas ici de les décrire en 
détail, et, vule peu de certitude des résultats auxquels 


568 REPTILES. 

on est arrivé, je me bornerai à indiquer les principales 
el à citer les mémoires les plus importants dans les- 
quels elles ont été décrites ou fipurées. 

Elles ont été désignées sous des noms variés. On a 
nommé TETRAPODICHNITES celles qu'on a attribuées à des 
animaux à quatre paites; DipopicuniTes, celles qu'on à 
supposées produites par des animaux sautant sur leurs 
pattes de derrière; on les appelle Sauromicunires et 
BATRACHIOIDICHNITES, lorsqu'on les à attribuées à des 
sauriens ou à des batraciens ; PAcaypacryzt et Pacux- 
DACTYLO-PrEropACTY LIN (1), quand on a voulu exprimer 
leurs formes. 


Les plus anciennes ont été trouvées dans les terrains dévoniens. 


Nous avons déjà parlé, page 442, de traces attribuées par M. Mantell à des 
tortues, et trouvées daus le vieux grès rauge du Morrayshire. 

Des terrains du même âge dans l'Amérique du Nord ont fourni à M. Lea (?) 
des traces qui ont les caractères de celles des sauriens et qui ressemblent en 
particulier aux impressions faites par un caïman, sauf quelques différences 
qui ont paru à M. Lea suffisantes pour établir un genre nouveau, celui des 
SAUROPUS (S. primævus). 


Les terrains carbonifères en ont aussi conservé en Amérique. 


M. Lyell a décrit des empreintes d’un animal quadrupède dans le terrain 
houiller de la Pensylvanie (3). 11 se rapprochait probablement du cheirothe- 
rium, mais en marchant il posait les pieds à une plus grande distance trans- 
versale que lui, les pouces alternaient à droite et à gauche ct paraissent avoir 
été externes (!). 


Les plus remarquables et les mieux connues appartiennent aux 
terrains pénéens et triasiques. 


(1) Voyez, pour ces noms, Hitchcock, Final report on the geol. of Massa- 
chusetts, 2 vol. in-4°, Philadel., 1842, el dans Sillim. journ. Les Spnæro- 
PEZIUM , King, Süllim. journ., t. XLVIIH, paraissent en grande partie n’être 
pas de vraies traces de pas. 

(2) Silliman journal, 2° série, 1849, t. VIIE, p. 160; ett. IX, p. 124. 

($) Quarterly journ. of the geol. Soc., 1846, t. Il, p. 417; Manual of ele- 
mentary geol., p. 337; Athenœum, 1848, 12 fév.; King, Sillim. journ., 
4845, t. XLVIIL, p. 343. 


TRACES DE PAS. 269 


On a découvert en 1834 dans le grès Lbigarré de Hessen, aux environs de 
Hildburghausen (1), des traces remarquables par leurs cinq doigts disposés 
presque comme dans une main, ce qui leur à fait donner par M. Kaup le 
nom de CHiROTHERIUM Où CHEIROTHERIUM et de Cuirosaurus (Atlas, pl. XXX, 
fig. 12). Le pouce est écarté des autres doigts, et l'on voit distinctement 
l'impression des phalanges et des ongles. Quelques auteurs, entre autres 
MM. Duncan, Bronn, Wiegmann, de Humboldt, les ont attribuées à des mam- 
mifères et surtout à des didelphes. C’est le Pazæopiruecus, de Voigt, p. 155. 
MM. Linck, de Münster, Owen, Kaup., etc., en ont fait des batraciens. 
M. Owen a même été jusqu’à y voir les pas du labyrinthodon. 

M. Schmidt (2) le compare aux salamandres, et se base sur des observations 
qu’il a faites sur la marche de ces animaux dans un terrain qui les gène. 

Des traces de pas ont aussi été trouvées dans des terrains analogues des 
environs de Jéna ct de Pælzig (3). 

M. Plieninger ex a signalé dans le keuper (4). 

Les grès rouges supérieurs d'Angleterre (terr. triasique) ont offert des em- 
preintes analogues à celles du cheirotherium, d’autres que l’on a comparées 
à des tortues et quelques types nouveaux. 

Nous avons parlé, en traitant des tortues, de traces observées dans le Dum- 
frieshire par M. Duncan. Ces traces ont été aussi étudiées par MM. Strickland, 
Harkness et Jardine (5). Ce dernier a établi les genres Caecicnus et CurLas- 
Propos pour les tortues, et le genre HerPETICANUS pour des traces de sauriens. 

Des tortues à doigts plus allongés paraissent avoir marché dans le grès bi- 
garré de Stourton (6). 

Le nouveau grès rouge d'Amérique renferme des empreintes très abon- 
dantes. On en a trouvé dans le Massachusetts, le Connecticut et New-Jersey. 
M. Deane (7)en adécrit plusieurs, et MM. Mantell, Black, etc., s’en sont occupés. 


(1) Voyez, pour les traces d'Hildburghausen , Kaup, Leonh. und Bron», 
Neues Jahrb., 1835, p. 128; Bronn, id., 1835, p. 232; Wiegmann Archiv, 
1835, p. 127 et 395; Berthold, Goctting. Anzeig., 1835; Kessler, Die 
Plastik der Urwelt, ete.; Hildburg., 1° cahier ; de Humboldt, Ann. sc. nal., 
2e série, t. IV, p.135; Link, id., p. 139; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 
2, p.190; Bronn, Lethæa, 3e édit., Terr. trias., p. 122. 

(2) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1846, p. 1. 

(8) Koch und Schmidt, Die Faehrten abdrücke, 1841 ; Cotta, Ueber Thier 
faehrten in bundten sandst. Dresden, Leipsig, 1839, in-8. 

(4) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1838, p. 536, et 1839, p. 247. 

(5) Strickland, Athenœum, 1845, p.724; Harkness, Ann. and mag. of nat. 
hist., 2° série, t. VI, p. 203, et t. VIN, p. 90; sir W. Jardine, id., p. 208. 

(6) Mag. of nat. hist., janv. 1838. 

(7) Deane, Silliman journ., t. XLVII, XLIX, et 2° série, t. V; Boston 
journ., t. V. Voyez aussi Mantell, Quarterly journ. of the geol. Soc., 1846, 
t. Il, p. 38; Black, id., p. 65; Dexter Marsh., Sillim. journ., 2° série, t. VI, 


p.272. 


570 REPTILES. 


De graudes traces trouvées dans les Alleghanys sont devenues pour 
M. Kiog (1) le type du genre Tnexaropus (7. helerodactylus). 

M. Hitchcock (2) nomme Orozoux des empreintes de 20 pouces de long d'un 
quadrupède qui a marché sur les grès bigarrés du Connecticut. 


Il paraît qu'on en a retrouvé jusque dans le terrain crétacé. 


M. Saxby (3) en décrit quelques unes des grès verts supérieurs de l'ile de 
Wight. La plupart paraissent se rapporter à des oiseaux ; quelques unes ont 
été formées par des quadrupèdes. 


(*) Froriep's Nolisen, n° 806, février 1846. 

(2) Sillim. journ., 2° série, t. IV, p. 54; Deane, id., t. UE, p. 78; Quens- 
tedt, Handb. der Pelref., p. 157. 

(3) Saxby, Philos, mag., 1846, t. XXIX, p. 310. 


NOTES, 571 


NOTE A. 


SUR LES LIMITES DE L'ESPÈCE EN PALÉONTOLOGIE. 


Jai fait remarquer, page 42, qu'il est très important, dans la 
discussion des faits généraux de la paléontologie, de donner au mot 
espèce une valeur aussi précise que possible. Plusieurs natura- 
listes ont été entrainés par des idées préconçues à lui accorder un 
peu plus de latitude que dans la nature vivante, en faisant la 
part de l'influence possible des modifications géologiques sur les 
caractères spécifiques. 

On ne saurait trop insister sur les dangers d’une pareille mé- 
thode qui ouvre la porte à l'arbitraire, et qui, en introduisant le 
vague et l’incertain dans la signification du mot espèce, empêche 
toute certitude et toute précision dans la discussion sur les modi- 
fications des faunes zoologiques pendant la série des temps. 

Pour nous, l'espèce, en paléontologie, est limitée exactement de 
la même manière que dans la nature vivante, et nous considérons 
les débris organiques fossiles comme appartenant à la même es- 
pèce, ou comme formant des espèces différentes, suivant qu'ils 
présentent des caractères qui dans la nature vivante amèneraient 
à l’une ou à l’autre de ces conclusions. En dehors de ces limites 
fixées par l'étude des animaux actuels, nous ne voyons aucun 
moyen de trouver une règle rationnelle et constante. 

On voit donc, par là, que nous dégageons complétement la no- 
tion d’espèce de l'influence possible, mais contestée, des change- 
ments géologiques sur l'organisme animal. Nous avons reconnu, 
par exemple, que dans l'immense majorité des cas, les animaux 
d'une faune différent de ceux qui leur ressemblent le plus dans 
les faunes voisines, par des caractères égaux ou supérieurs à ceux 
qui forceraient dans la nature vivante à admettre des espèces dif- 
férentes. Nous traduisons ces faits en disant que chaque faune a 
ses espèces particulières. Puis quand vient la question de la possi- 
bilité qu'une partie des animaux d'une faune donnée proviennent 
par voie de génération directe de ceux qui les ont précédés dans la 
faune inférieure, sans revenir sur les limites de l’espèce nous 
discutons le plus où moins de probabilité de la modification de 


F2 NOTES. 


l'espèce dans la sèrie des temps. Saus cette méthode, on confond 
en une seuie discussion qui ne peut aboutir à rien des idées qui 
doivent rester distinctes. 

Nous dirons même que nous voyons dans cette méthode la con- 
ciliation des deux écoles opposées qui ont si longtemps discuté 
sur lespèce. M. Isidore Geoffroy, un des plus illustres représen- 
tants de celle qui n'admet pas son existence absolue, se rapproche 
singulièrement de notre opinion lorsqu'il dit (‘) « que les circon- 
» stances étant permanentes, l'espèce l’est aussi, et que les carac- 
» tères des espèces ne sont ni absolument fixes, comme plusieurs 
» l'ont dit, ni surtout indéfiniment variables, comme d’autres l'ont 
» soutenu. » 

Je voudrais pouvoir donner aux commencçants quelques conseils 
pratiques pour les guider dans l'étude des limites des espèces, 
mais il est presque impossible de fixer à cet égard des règles gé- 
nérales. On y arrive, soit au moyen d'un tact naturel qui aide 
certains naturalistes plus que d’autres, soit surtout par l'étude 
d'un très grand nombre d'échantillons. Il faut, pour ainsi dire, 
faire un travail préparatoire et spécial pour chaque groupe na- 
turel, afin de comprendre l'étendue des variations accidentelles 
qui diffèrent beaucoup de l’un à l’autre. Une pareille analyse 
indiquera quels sont les meilleurs caractères spécifiques, et quels 
sont ceux qui peuvent induire en erreur. 

M. de Blainville a soutenu un principe qui, à mon sens, est 
trop absolu, mais qui repose sur une idée juste et féconde. Ii pense 
que chaque genre n'existe qu'en vertu d’un caractère prineipal, et 
que les variations de ec caractère peuvent seules fournir les moyens 
de distinguer les espèces. Par exemple, les lièvres ont pour ca- 
ractère principal la disproportion des membres antérieurs et des 
postérienrs. Le plus ou moins de différence entre ces organes 
devra être le seul caractère spécifique certain. 

J'ai dit que je ne crois pas ce principe applicable d’une manière 
absolue, mais j'ai reconnu en même temps qu'il repose sur une 
idée vraie. On pourrait l'exprimer en disant que les caractères 
spécifiques les plus importants sont les modifications dont l’exa- 
gération peut servir à former des genres lors même que ces mo- 
difications seraient en elles-mêmes très légères; et qu'au contraire 


(1) Revue et magasin de zoologie, janvier 1851. 


NOTES. 549 


des variations en apparence plus intenses ne seront que de mé- 
diocres caractères spécifiques si dans les types voisins leur impor- 
tance n'augmente pas jusqu'à fournir des caractères génériques. 
Par exemple, la dent carnassière peut varier dans toutes les par- 
ties de sa couronne. Le talon plus ou moins développé fournit de 
bons caractères génériques et même sert à distinguer des tribus. 
La moindre variation dans ce talon sera un bon caractère d’es- 
pèce, tandis que des modifications plus graves dans le reste de 
la couronne pourront être sans valeur spécifique. Ainsi encore, 
dans les mollusques acéphales, le moindre changement dans la 
forme de la ligne palléale aura plus d'importance que des change- 
ments d'ornements en apparence plus graves, ete. 

En se préoccupant de cette idée, on pourra en général, dans l'é- 
tude de chaque genre, reconnaître le plus ou moins d'importance 
des caractères. On verra aussi que dans tous les cas et d’une ma- 
nière générale les caractères tirés de la couleur et de la taille 
sont les pires de tous, car ils ne s'élèvent jamais, quelle que soit 
l'intensité de leurs différences, à une valeur générique. 


NOTE B. 
SUR LA DÉTERMINATION DES OSSEMENTS FOSSILES. 


J'ai dit, page 95, que, pour déterminer un os fossile, la pre- 
mière chose à faire était de reconnaître quelle place il occupe 
dans le squelette. Je crois devoir entrer ici dans quelques détails 
qui auraient peut-être été déplacés dans le corps de l'ouvrage, et 
qui pourront guider l'élève dans cette recherche essentielle. 

Les os du squelette, soit dans les mammifères, soit aussi dans 
les oiseaux et les reptiles, peuvent se diviser en cinq catégories 
faciles à reconnaitre. 

4° Les os plats, qui sont sous forme de lames, ayant peu d'é- 
paisseur, et ne présentant pas dans l'intérieur de cavité propre- 
ment dite, mais seulement un tissu moins serré. Ces os forment la 
tête, le bassin et l'omoplate, et quelquefois aussi le sternum (oi- 
seaux). 

2° Les os longs, qui sont cylindriques et qui présentent à leurs 
extrémités des facettes d’articulation. Ces os naissent de divers 


574 NOTES. 


centres d’ossification, dont un forme le corps, ou diaphyse, qui est 
lisse etsans articulations, et dont les autres forment les épiphyses, 
ou extrémités. L'intérieur de ces os présente une cavité qui est 
médullaire dans les mammifères et aérienne dans les oiseaux, et 
qui, dans les reptiles, est remplie d’un tissu osseux lâche. Ces os 
sont principalement ceux des membres. 

3° Les os courts, dont les dimensions sont égales en tous sens, 
et qui s’articulent par des facettes plus ou moins planes qui occu- 
pent presque tout un côté. Leur tissu est uniforme, un peu poreux ; 
ils naissent ordinairement d’un seul centre d’ossification. On les 
trouve surtout dans le carpe ou poignet et le tarse ; ils forment 
aussi le sternum des mammifères. 

L° Les vertèbres, qui sont une réunion d'os courts et d’os plats, 
et qui ont pour caractère de former un anneau, dont un des côtés 
est épais et poreux comme les os courts (corps de la vertèbre), et 
dont l’autre est formé par deux os plats(lames tectrices) qui vien- 
nent se réunir ensemble, en formant une pointe (apophyse épi- 
neuse). Ces os, par leur complication, sont toujours faciles à dis- 
tinguer des autres. Les seuls qui peuvent laisser de l'incertitude 
sont les vertèbres de la queue, qui ne forment pas un anneau et 
qui sont réduites à leurs corps. On les distinguera toutefois parce 
qu'elles sont terminées aux deux extrémités par une facette arti- 
culaire plate et circulaire. 

5° Les côtes, qui participent de la nature des os plats, en for- 
mant toutefois une transition aux os longs. Elles ont pour carac- 
tère principal d’être courbées en demi-cerele, et d’être terminées 
à une des extrémités par deux facettes articulaires écartées, dont 
l’une est en forme de tête, et l’autre plate, tandis que leur autre 
extrémité est poreuse et terminée sans facettes. 

Le premier soin de l'élève sera d'apprendre à distinguer ces cinq 
catégories, et il y arrivera facilement par une étude un peu atten- 
tive de la nature vivante. Il devra ensuite, dans chacune d’entre 
elles, chercher à connaître quels sont les caractères qui peuvent 
servir à aller plus loin et permettre une détermination plus pré- 
cise. Je ne puis pas entrer ici dans des détails qui équivaudraient 
à un cours d'ostéologie; mais j'ai essayé, par quelques tableaux 
analytiques, de faire comprendre quelle est la nature de la mé- 
thode à suivre, et je prendrai pour exemples les os longs et les 
vertèbres des mammifères. 


[SE 


J 


[æE] 


NOTES. 
4° OS LONGS. 


Le présentant à une de leurs extrémités une seule 
surface articulaire, en forme de tête plus ou moins 
arrondie et latérale à l'axe. 

Os terminés à leurs deux extrémités par des facettes 
planes ou des protubérances articulaires ou non, si- 
tuées à peu près dans l'axe, ou symétriques par rap- 
port à cet axe. 

! Tête détachée et portée par un col passablement pro- 

| noncé: l’autre extrémité terminée par deux condy- 
les où protubérances articulaires, arrondies et sépa- 


}4 
={ 
« 


2% 
Le 


2 


[A 


rées en arrière par un profond sillon. . . . . . . Fénur. 


Tête peu dégagée de l'os, col court et large, quelque- 


articulaire en poulie ; présentant ordinairement une 
partie cylindrique et une partie un peu arrondie, 
mais ces deux parties étant toujours continues ou 
séparées par une crête saillante et jamais par un 


SON ON . Humérus. 


‘Une des articulations Gotéblémént distante dé Ib Éatr é- 
mité et creusée en demi-cylindre sur une des arêtes 


latérales de’ logs vtr 001 LWMNOU TE  OUbitES: 


Les deux articulations formées par des facettes termi- 

nales ou subterminales. 

/ Une des articulations ayant sa face principale latérale 
et parallèle à l'axe de l'os. . 

Les deux articulations ayant leur face pr incipale form mée 
par une ou plusieurs facettes tout à fait terminales et 
perpendiculaires à l'axe de l'os. 

‘Os courbé en S, une des articulations terminale, l'a au- 


| fois nul; l’autre extrémité terminée par une facette 


l 


6 


tre latéralé. : . . . : ie shine CCTaviculss 
los droit, les deux arbeation latéi ES ti. . à Péroné. 


/ Une des extrémités dépourvue d’articulation. 


Phalange unguéale. 


Les deux extrémités terminées par des facettes articu- 


res A LU : ÿ 
Os grand, les sxticutaiiois des dévx extrémités furiänt 
HE CAVILÉE. . 0. . £ 


Os petit; une des articulations CORVEXE, 472 4 


516 NOTES. 


f Une des articulations (la plus large) formée de deux 
cavités arrondies peu profondes , séparées par une 
arête médiane; l’autre extrémité en forme de demi- 
cylindre concave et terminée d'un côté par une 
pointe perpendiculaire à la face articulaire. . . . . Tibua. 
Les deux articulations formées chacune d’une cavité 
unique sphérique ou FAP et sans pointe la- 
\ léralemee es fe de Te 
Une des articulations formée par une e facette plane plus 
| ou moins triangulaire, avec des traces de facettes 
9 plus petites sur les côtés. . . Mélatarsien ou Métacarpien. 
Une des articulations présentant une cavité très mar- 
TE LM SL RS EE 10 
FE simple, uniformément arrondie. . . . . . . Premiere 
10 phalange des doigts ou des orteils. 
lots partagée en deux parties. . . . Seconde phalange, id. 


20 VERTÈBRES. 


Les vertèbres, comme je l'ai dit, forment un anneau dont un 
des côtés est formé par un os discoïdal et poreux qu’on nomme 
le corps. A l’opposite est une pointe, ou apophyse épineuse, qui est 
dirigée dans le plan médian du corps. Sur les côtés sont des 4po- 
physes transverses perpendiculaires à ce plan. Les vertèbres sont 
unies entre elles par les corps et par les apophyses articulaires, 
qui sont des facettes situées en avant et en arrière près de la 
base des apophyses épineuses et transverses. Les proportions et 
les formes de ces diverses parties peuvent servir à reconnaître à 
quelle région appartient une vertèbre. 

Apophyse transverse percée d’un trou longitudinal. 

À Vertèbre cervicale. 
Apophyse transverse n'étant percée d'aucun trou. . . 2 
IonEe transverse épatée à l'extrémité et montrant 

! des traces évidentes de soudure avec un os voisin (le 

| bassin); les corps de plusieurs vertèbres souvent 
2 soudés ensemble, et, dans ces cas-là, les espaces 

intertransversaires réduits à n'être que des trous. 
Vertèbre sacrée. 
Apophyse transverse libre et sans soudures. . . . . . 3 


NOTES. ot 


le presque réduite à son corps ; canal presque 
toujours imparfait: pas d'apophyses articulaires. 
Vertébre on. 
re de forme normale. . . . . .. (A 
Apophyse transverse, présentant à son extrémité ou à 
sa face inférieure, une facette d’articulation; une 
cavité semblable sur les côtés du corps. Apophyse 
L Épineuse longue. . 04. (Véftebre dorsale. 
Apophyse transverse longue et large, sans facettes ar- 
ticulaires. Apophyse épineuse large. Corps grand. 
Vertèbre lombaire. 

La région de la vertébre une fois déterminée, on pourra encore 
arriver à un peu plus de précision. 

Dans la région cervicale on reconnaîtra facilement la première, 
ou atlas, qui à une cavité très grande, et dont le corps est pres- 
que nul, au point que l'épaisseur de l'anneau est à peu près la 
même en dessus qu'en dessous. Ses ailes sont grandes, ete. L'axis 
se reconnaitra facilement à ce que le corps présente en avant une 
dent ou un demi-cylindre dirigé suivant l'axe de l'animal, et qui 
dépasse la facette antérieure d’articulation. Les autres vertè- 
bres sont d'autant plus postérieures qu'elles ont l'apophyse épi- 
neuse plus grande. 

Dans la région dorsale les vertèbres sont en général d'autant 
plus antérieures qu'elles ont la facette articulaire de l’apophyse 
transverse plus éloignée de celle du corps. Celles de la partie pos- 
térieure de la région sont plus étroites. 

Dans la région lombaire les plus caractérisées sont les posté- 
rieures ; les antérieures forment des transitions aux dorsales. 

Dans la région coccygienne les vertèbres les plus grandes et les 
plus complètes sont à la base. Celles de l'extrémité sont le plus 
souvent réduites à un petit corps cylindrique. 

Au reste je n'ai donné ces détails que comme des exemples ct 
pour faire comprendre aux commençants d’après quelle méthode 
et quelle nature de caractères on peut arriver à se mettre en état 
d'opérer le premier point de la détermination d’un os fossile, 
c'est-à-dire, reconnaître quelle place il à occupée dans le sque- 
lette. 

FIN DU TOME PREMIER, 


37 


TABLE DES MATIÈRES 


DU TOME PREMIER. 


Préface de la seconde édition........... RS Los : 
Préface de la première édition....... PORN ARR E RER 


PREMIÈRE PARTIE. 
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA PALÉONTOLOGIE. 


CHAPITRE I. Coup d'œil sur l'histoire de la paléontologie. ......... 
CHAPITRE IT. Définition du mot fossile. But et limites de la paléon- 
DIDS IC eme ee ceereer ne eli ce 2e le de eme ee MS soc 
CHAPITRE IT. De la manière dont les fossiles ont été déposés et de leurs 
dIVETSLSRANPATEN CES. APR ENTER EN, 0 
CHAPITRE IV. Des changements de position éprouvés par les fossiles 
après leur enfouissement......##°t).. st he sais 54e dsetaietets 10 dé 
CHAPITRE V. De la distribution des fossiles dans les divers terrains, 
et des rapports zoologiques qui existent entre les faunes successives. 
CHAPITRE VI. Des causes auxquelles on peut attribuer le renouvelle- 
ment des MaUNES Z00INSIQUES ee ee roses Ed. Foi0 
CHAPITRE VIS. Principes Hetgiqés de la SGD À et Là la dé- 
termination des fossiles............ 
CHAPITRE VII. Des AL AGE de la paléontologie à \ la géologie. ., 
CHAPITRE IX. Classification des terrains. 


CCR .….. 


1. Période primaire. ...... sado np SE og pe on 
2-PÉriodessetonddlles eee Rerioie eeepc Eee eee ee ee 
De MPÉTIODONTENDIUIRE ses sieste ete siele jo aod dd : ‘ SÉE 
4: Période quaternaire et moderne... 0.0.0. nn Os 


DEUXIÈME PARTIE. 


HISTOIRE NATURELLE SPÉCIALE DES ANIMAUX FOSSILES. 
PREMIER EMBRANCHEMENT, — VERTÉBRÉS soc. 


Première classe. — Mammifères 


eue taie Mallsl en vien let 


TABLE 


L'e sous-CLAssE. HMamanifères mo- 
NOLCIPRESNS ARIANE UNE 
127 Onpre. BIMANES (hommes) 
2eOrpre. QUADRUMANES LE 
mates, Blainv.).. 
1'e Famille. SINSEE ‘… 
1'e Tribu Singes de l’ancien 
CONHBENE ss: + M AMITA 

2° Tribu. Singes d'Amérique. 
2° Famille. Ouisriris. . 


CRC 


3° Famille. LÉMURIENS. . 
3e Orpre. CHEIROPTERES. .. 

17° Famille. Cnauves - souris 

FRUGIVORES OU ROUSSETTES. . 

2° Famille. CHAUVES-sOuRIS IN- 

SECTIVORES « « 5.3 3 3 40 : 


Molosses :: : 2UmRX Did 
Phyllostomes. 4257.21 ‘ 
Rhinolophes .......,... 
Mespertilions: 21e 40: 
4° Orpre. INSECTIVORES.. 

1° Tribu. Echinoïdiens.... 
HérissOns 24.21.1523. 310 
Menrecss ess: o 
Galerixsz 22:45:20 
Echinogales: …. ...,.. De 

2° Tribu. GLISORICIENS. . .... 
Cladobates..... Sante 
Oxygomphius.......... 

3e Tribu: Soriciens. ...... : 
Musaraigness 3:40 
Miysarachness Mae 
Plesiosorex 000 da 
Desmans +... Soon 

4e Tribu. Talpiens..:.... 
Taupes.... OH LÉ ë 
DiyIuss AM en . 
Palæospalax....... Gocko 
GeOIEYpUS SN NNNRIRE 
Galeospalax.2.1 77m 
Hyporissus: 4.001 
ANOMOAUNE ser eee ste 

5e Orpre. CARNASSIERS... 

dre Famille. CARNIVORES. .... 


Are nbusaUrsides ss: 35: 
QUES EE AT NS are 
Hyænarctose "em" 


RatOns ele tete ee 
CUatiS eee DB Te 

Blaireauxs 27248800 HE 
EVIOdOn eee eee 
IATCLDGYOR ARE este etes : 


ATGPRICYON SAT 


DES 


168 
170 
170 
171 


CS ES ES OS ES CS CS OS D | 


1 


Dès ie On Open mn des jee pen jen jen je 
U UT UT I A 1 1 
© © (© Co O0 CO 1 D Où QE À QG D D D D 


MATIÈRES, 


Hyænodon.... 
Acanthodon........ 


Harpagodon. . ... oo 


2° Tribu. 
Chiensits:329 
Cynodon .... 
Galecynus ...,. 
Palæocyon:s::524 
Speothos . 


Canides (chiens). . 


3° Tribu. Viverrides(Civ ttes) 


Civettes. ...... : 


PalæonyCtiS er 


Soricictis 


..... . 


# Tribu. V cire Facile 
Gloutons :::3:3410000mM0E 


Galictis 


CCC 


Palæomephitis........ 
Télagons es: 555000 


Martes:s 207 GEO 
Plésiogales. . .. 


Plesictiss' a PP 00m 


Paléogales....... 
PULOIS SES A 


Putoriodus: 35:54 


Loutres ::::3; 
Potamotherium....,. 
Thalassietis. .... 
Galeotherium 
5° Tribu. 
Hyènes 


6° Tribu. Félides (chats). . 


Chats. 
Machairodus ......, 
Pseudælurus ......, 


......... 


9° Famille. AMPMIBIES. .... : 
Phoques ects settr : 
Morses. 


4'e Tribu. Sciuriens.... 
Ecureuils ss: s 007 


Marmottes. 12.2... 


Plesiarctomys ...... 
Spermophiles... 
Lithomys . . 
2 Tribu. Myoxins... 


6° ORDRE. RONGEURS. D'oooe 


Hyénides Amour : 


........ 


oirs tiers rer 
Brachymnysis eee. 
3e Tribu. Macropodes. ...., 
Gerboises: ::::.:: OST 


Issiodoromys... 


4° Tribu. Lagostomides. ... 


Miscaches: sr 32770 


580 TABLE DES MATIÈRES. 


Megamys... ..seliretet 240 Ochotheriumase 10972 
5° Tribu. Psammoryctins... 2%41| 3° Famille. Dasyrines ou Ta- 
Archæomys..... DS 0 0 010 ve A HUE ATdo D boncode020000 fl 
Theridomys.."..."...1.1..01242 Glÿptodon EE RPAREE CE 7 
NÉlomyse =. ee V0 24 Chlamydotherium ...... 7 
EChIMYSRE tee cce 4 Pachytherium ..... tte 7 
Lonchophorus ......... 24 Tatous tt. #téere 3 OT 
Phyllomys...... Doc 4 Eurvxodon tete 21 
AUelOMYS ee ------ serre 4 Heterodont®tee-cce ct 5e 7 


a 


4° Famille. MYRMÉCOPHAGES. . . 
Macrotherium 2.10. 
Fourmiliers- etre 
Oryctéropes- CR -RRE 
Glossotherium......... 

8° ORDRE. PROBOSCIDIENS... 
Eléphants® 0... ."#ecrr 280 
Mastodontes . .. ....:-." 286 

9° OrDRE. PACHYDERMES... 291 
1" Famille. PÉRISSODACTYLES. 294% 
1" Tribu. Rhinocéroïdes.... 294 


ra 


6e Tribu. Cténomyens..... 
Cténomys centrer 
7° Tribu. Cuniculaires..... 
8° Tribu. Murins....-..... 
Rats. vetement 
Cricetodon---..e..... 
Hamsierss 1... etii. 
Campagnols........... 
Decticus..:chren....1te 
Elomysk ee". ete 
9SMTrIDUACASIONNS....-..t 


1 1 
© OÙ On 1 Où Or Ur O7 CE ns CD LD 


1 


RS RS LS OS EURE RO URS RO Re SES 


ER HE 


1 


EE + 


D & D D D © D D ND D D 1 19 1 D tk 
DD AIDE OR À À OO À 19 ND = © © © © © OO OO C7 Cr CE Er ES C9 Co 


©r Cr Cr 


(COOL ovd I 0080 60 AE Rhinocéros een -rerec 295 
Steneofiber ..... 30000 9 mn Elasmotherium ........ 300 
Castoroïdes ........... 25 2e Tribu. Tapiroïdes ...... 301 
Chalicomys ....... 20 Dapirse ere se renom o0i 
Couiasereerceeeete tent 25 Harlanus-... Ft 508 
Palæomys 5 010 à ME) Platygonus . ..... nr 00 
Osteopera ECS Eee een 25 Coryphodon....... "304 
Omécadonte PRE 25 Lophiodon..... sschett 304 
10° Tribu. Hystricins. .... 1, 25 Pachynolophus......... 306 
Pores-épics ........ cr Da) Anchilopus ..... LÉRCrTeOUr 
Coendous eee e EC e2S Lophiotherium......... 307 
11° Tribu. Leporins..... To RS) Tapirulus...... NOT omoil|S 
HEMES oomocouvodooos Listriodon . SO 00 300 0 mile 
Lagomys . DDC 000 00 mo 3° Tribu. Palæotbérioides: 1 509 
Titanomys. . 3e 100 + 25 Palæotherium ......... 309 
12° Tribu. See Soda DE Propalæotherium ...... 311 
Cobayes.…. Sd 00 0 0 0 ME Paloplotherium....".." 312 
Met. er APEDE 259 M4 Tribu: Solipédes......"-. 315 
ATOUTS secret 200 Anchitherium "#1". 315 
Pacas se -ceecte- 1 R260 Hipparion ..... DO 0 Co moi 
Gabiais SoSocoovc 260 Chevaux... . ... spot 010 
7° Onnre. ÉDENTÉS (Maldentés, Macrauchenia ......... 318 
Blainy-). 2.0.2 DH300 00 + 260 Nesodonmt.".1. 21 .1..319 
1'° Famille. Pos ou Tar- 2° Famille. PACHYDERMES ARTIO- 
DIGRADES e,..ee es 00000 263 DAGTYLESLe - - cmpeprite se el] 
2° Famille. MÉGATHÉRIOIDES OU 1'° Tribu. HipPopotanites. -: 920 
GRAVIGRADES . cos cece 203 Hippopotames ..... sert 20 
Megathérium.......... 264 Tetraprotodon ..... + 21 
Megalonyx.-....0...0.068 Hexaprotodon ...... 322 
Mylodon...... pci 209 Potamohippus..... th 329 
Scelidotherium ......1.. 271)" 2° Tribu. Suilliens.- 2°. 523 
Cœlodon eee CCE mO T2 Cochons. . ...... PUS 070 


SphenodON. cette 272 PéCaris . rer e 320 


Hyops 


Calydonius .. 
Palæochæœrus... 
Chæromorus : ... 


Entelodon .. 
Elotherium . 


Chæropotames.. 
Hyotherium .... 


Bothriodon . 


Hyopotamus .. 
Anthracother 
Hyracotherium . 
Microchærus .... 
Acotherulum...,. 


Heterohyus . 


nano sise 


TABLE 


.…..... 


....... 


ium.. 


3° Tribu. Aaoplothérioides c 


Anoplotherium ........ 


Eurytherium 
Chalicotherium 


Tapinodon®s. . +... set. 


Xiphodontes ........ 


Dichobunes recette 
Aphelotherium......... 


Geboch@rus 


Oplotherium.,........ 


Zooligus . 
DiDIocuS Een ere ct 
Hyægulus. ..."." 
Microtherium .... 


....... 


ATAPIS er aeere eietere Dci a 
Dichodone 7 rtf erilte 
Merycopotamus........ 


Chœromeryx 


10° OrnrEe. RUMINANTS... 
4'° Famille. CAMÉLIDES... 


Chameaux estelle É 
Merycotherium ... 
Lamas 


9° Famille. CERVIDES. .... 
Girafes : 
Sivatherium. tt 
Bramatherium 
Chevrotains...... 
Amphitragulus....... 
Dremotheriuimm …. 
Dorcatherium ....... 
Poebrotherium . ..... 
Palæomeryx . ....... 
Cerfs 
Orotherium. 


... 


. 


3° Famille. ANTILOPIDES « « «  « 


Antilopes ... 


........ 


C2 


©) © © 
© © © © © 


C2 O2 QG Co 
9 1 
© @ D D A1 1 


Ce © Co 
© © © 
D = © 


333 
334 
334 
334 
335 
339 
339 
336 
331 
SON 
338 
338 
339 
339 
339 
340 
340 
340 
341 
341 
342 
342 
342 
332 
344 
345 
314312 
345 
345 
346 
346 
347 
347 
348 
349 
349 
330 
350 
351 
39 
359 
360 


ep 


MATIÈRES. 
Leptotherium ......... 
Moutonsee tenter 
Ghévres rer nooio 
BŒUSS SC: -ecent 
Toxodon.-... sc 
11° ORDRE. SIRÉNOIDES. . ne 
Dinotheniumiese.#..ttt 
lamantinsse"te.##".00. 
Dugongs®cte HOT 0 
Halifheriumeeeer... 
Trachytherium.. ......… 
StCIlereS eee 2: -.0 : 
12° Ornre. ZEUGLODONTES. . 
Zeuglodon..... do 0 : 
SŒUAIOdOnE Sert. : 
BalænOdON.....8. 
Smilocamptus ......... 
13° OnvRe. CÉTACÉS. .. .… . 
1'e Famille. DELPHINIDES. . ... 
Dauphins-s3.:-0.21.. 
Stereodelphis.......... 
Champsodelphis ....... 
AMIONIUS EE eee sie rese 
2e Famille. MoNoDONTES. ..... 
NADVAIS ER eee ces 
3° Famille. HÉTÉRODONTES at 
Ziphius ... soie 
Diaplodon eee re. te 
Choneziphius...... .. 
4° Famille. PHYSÉTÉRIDES. . ... 
Cachalots ..... SI erieiele 
5° Famille, BALÉNIDES. ....., 
Rorquals Ge erERErRRr 
Baleines..…........ she 
Cetotherium A0 
Hoplocetus.s"1"2.1.. ciel 
Cétotolithes....... - 
© SOUS-CLASSE. Mammifères didel- 
phes (marsupiaux)..... 
1°" Orne. SARCOPH ÂGES. 
Thylacotherium......., 
Phascolotherium ....... 
Microlestes............ 
Sarigues. "sertie 
Galethylax.27 tee 
Spalacodon ete M 
Dasyures .......... cher. 
Thylacines........1 he 
2° ORDRE. POEPHAGES. . . . 
1° Tribu. Phalangistides... 
2° Tribu. Macropodides ou 


Kanguro0$.........eee 
Kanguroos..,,,,.. 


982 


TABLE DES MATIÈRES. 
Hypsiprymnesss..r%liret 398 Diprotodon .. D 
3° Tribu. Rhizophages..., 398 Nototheriume. rh 
Wombatls 270: ess t 1399 

Deuxième classe. — Oiseaux...,..,.,............ CARE 
1° Onpre. OISEAUX DE PROIE.  410/4° Orpre. COUREURS (Cursores 
1" Famille. DIuRNES . .... 410] Struthionides).....,....... 
2° Famille. NOCTURNES. . ..... 411 DiNDEHIS ECC CEE 
2 Onvre. PASSEREAUX: ee 412 Rs on "Aie Fed 
1"° Famille. DENTIROSTRES . . 412 Palapteryxe 0 Has 
2° Famille. FissROSTRES.. . . 41215 Onore. ÉCHASSIERS (Grallæ) 
3° Famille. CONIROSTRES .. . . .. 413! 1'° Famille. PRESSIROSTRES. . . . 
LEMFamille CORACES SRE 413| 2° Famille. CULTRIROSTRES.. . .. 
5° Famille. TENuIROSTRES.. ... 414| 3° Famille. LONGIROSTRES. . . 
6e Famille. SYNDACTYLES, .... 414| 4° Famille. MACRODACTYLES. . . 

7° Famille. GRIMPEURS....... 414 NOtOTHIS eee ie 
, 6° ORDRE. PALMIPÈDES. eee à 
3° OrDRE. GALLINACES...... 414 1'e Famille. LONGIPENNES. .... 
4" Famille. Coromnins...... 415| 2° Famille. TOTIPALMES. . . . 
2® Famille. GALLINACÉS propre- 3° Famille. LAMELLIROSTRES,. . 
MEL UUIESE Eee sise ses 7 415| 4° Famille. PLONGEURS. .. .... 


Froisième classe. — Reptiles 


1" sous-CLASSE. Reptiles propre- 
HU CORÉEN “IL 
1e Ornre. CHÉLONIE NS 


ou 
LTORTURSSR TT: re tummenet 
1'° Famille. TORTUES TERRESTRES 
DUMCHERSITES sa see EUR 
Tortues proprement dites 
Megalochelys...... Sub 
Lestadinitess.-2t-t# À 
Plychogasten fusils D5 6 

2° Famille. TORTUES PALUPINES 
ou ÉLODITES .. … : anses 


Émglessaaendé oz 
Palæpchelys ereRpette, 
EUuLYS er AUMENMEAE 6e 
Platemys- ne 
Chélydres een 
Tretosternon.. 
Apholidemys..:. 1142 
Protemys era 
3e Famille. TORTUES FLUVIALES 
OUPOTAMITES . eee de netiae 
HR CAD COUR 
4° Famille. TORTUES MARINES ou 
THALASSIE Seat I 
Chélonées 
Sphargis ...... 
Idiochelys . .. 


SRE 
Es à À 


& à 
& 


O © Cr © ND 


5 ES D 
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CS 
Ce 


Qt © Or CE Cr 
Gr Cr & © © D D 1 © 


ER & 


Aplax. strict 
2e Orpre. SAURIENS....... 
4" Famille. DINOsAURIENS. 

Megalosaurus ..,...... 
Hylæosaurus....,.,.... 
Jsuanodon.- "#17 
Pélorosaurus .. 2e 
Regnosaurus,......... 
Plateosaurus.... M... 
Famille. CROCODILIENS ou 
SAURIENS CUIRASSÉS « «0 « : 
4" Tribu. Crocodiliens à ver- 
tèbres concavo-convexes. . 
Grocodiles . +... 

2€ Tribu. Crocodiliens à vertè- 
bres biconcaves...,....2. 
Téléosaures.. "ne. 

3° Tribu. Crocodiliens à ver- 
tèbres convexo-concaves. . 
Sténéosaures . . 
GCétiosaurus rentrer er 
Crocodiliens douteux.... 
Succhosaurus.......... 
Goniopholis...... 
Macrorhynchus .....,... 
Pholidosaurus tteente en 
Pœcilopleuron ......... 
Racheosaurus.......,.., 


2° 


TABLE 


Pleurosaurus 1. : 2 21 9 
3° Famille. SAURIENS SQUAMEUX 
OU LACERTIFORNES,. ,, 


Protorosaurus 445400 
Thecodontosaurus...... 
Palæosaurus .......... 
Gladyodone 

MOSS AUS eee eee ne 


GÉDSAUTUS Se eee 
MOOAONEE +. ce 
Raphiosaurus.. ..:.:::. 
Coniosaurus........... 
Dolichosaurus ...,.,.... 
Homæosaurus . ........ 
Saphæosaurus...,..... 
DrASONNeS 5... 
SCINQUES Eee se ces 
Jeuaness 5.22... 
ÉCHOS Res -- ss... 
MÉZAEAS sectes 
Orvets . .. 


SAURIENS INCOMPLÉTEMENT CON- 
NUS 00: 


1° Sauriens des terrains 

DÉDÉCNSEE es ere 
Deuterosaurus........, 
Rhopalodon. 4... ... 
DiICYnOUONE 7... 
2° Sauriens des terrains 

triasiques. . «1340192 € 
PDYÉOSAULUS. 2... 
Menodon: :. 2:30: 
Termatosaurus ........ 
RIVSOSTOUS Screen 
Rhynchosaurus........ 
Psammosaurus ....,... 
3° Sauriens du lias..... 
Macromiosaurus ....... 
J'ATIOSAUPUS 2.0 ete 


4° Espèces des 


oolithiques 


terrains 
et oxfor- 

HIENS = se sos ee cent 
Glaphyorhynchus...... 
Thaumatosaurus.... 


Ischyrodon”. "0... 
Brachytænius. ---..... 
5° Espèces des schistes li- 
thographiques et des 
étages jurassiques supé- 
TIEUTS he sac eees ss 
ATOPOSAUTUS =... 
ANEUISAUTUS es 
Machimosaurus...,,,... 


d1S 


MATIÈRES. 


Sericodon:: 55 T#r#eRr 
6” Espèces des terrairis 

CTÉTACÉS 22 + NET 
Neustosaurus #6 NA 
MeSOIE PES SE 
Polyptychodon . ...,... 
Macrosaurus.......... 
HYposaurus ere 


3° ORDRE. PTÉRODACTYLIENS 
ou REPTILES VOLANTS... 
PIÉTOdACEVIBS te eee 
Ramphorhynehus ..... 
Ornithopterus. ....... 


4° ORDRE. ENALIOSAURIENS. 


1'° Famille. IcHTHYOSAURIENS. 


Ichthyosaurus . .... 
Plesiosaurus .'..... 
Spondylosaurus.... 
Bliosaurus 

2° Famille. SiMosAURIENS. 
Nothosaurus ...... 
Pisfosaurus-...... 
Conchiosaurus. .... 
Simosaurus ....... 
Sphenosaurus 

5° OrDre. 
TES er 
Mastodonsaurus. . .. 
Capitosaurus,..... 
MetÜpiasil 
Trematosaurus .... 
ZiYSOSAUrUS 2... 
Odontosaurus ..... 
Archegosaurus .... 
Rhinosaurus ...... 
Xestorrhytias ..... 
ilfelcrpeton.#..""e 
ADAleON-s eee. 


6° Onvre. OPHIDIENS .… 


e 


LABYRINTHODON- 


._.......... 


. 


Palæophis 6. rec 
PERTE 006 0 de 
Couleuyres 5.0 


518] OPHIDIENS MAL CONNUS... 


51812 sous-CLASSE. 


519 


519 

519, 
520} 
520: 


Amphibiens ou 


COARAENSS ES TT SEE 
51911 ORDRE. BATRACIENS ANOU- 


RES Reco 
1° Famille. Ranirones . 
Grenouilles....,.., 
Asphærion........ 
Palæobatrachus.... 
Hatonias. 2217 2. 
SONNGULSs 1e he 


Or Cr Or Cr Or Cr 
D D © D ND D 
19 HD = ee me ps 


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Selor Grher 


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DUO R E& D æ © © © © D I Co 


C7 Qt C7 CE Cr CE Et C7 Cr Cr 
O © © © © © © 
QU ND 19 9 = æ © © 


(e> 


584 TABLE DES MATIÈRES 


Pelophilus.=." "4.010... 563/2e ORDRE. BATRACIENS URO- 
9° Famille. BUFONIFORMES.. .… B63| DÉLES............. Soc 
Crapauds....... ons. DOS Anmdrids.---<emeet-r-e 
Palæophrynos. ........ 564 Salamandres.......... 
3° Famille. HyLærorMes ..... 564 Tritons --LECAREEEE 
4e Famille. PHRYNAGLOSSES.. .. 564 Ortophya............ 


TES ESS 0e 00 0 0 00 2 Mb 


APPENDICE. 


Traces de pas attribuées à des reptiles... ................esese 
Note À. Sur les limites de l'espèce en paléontologie... ............ 
Note B. Sur la détermination des ossements fossiles... .......... 


FIN DE LA TABLE DU TOME PREMIER. 


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