LE ve
Fhtes Mens t
4
EMA
1
dE SN PES re
M7 +
SAS ES 1 LAN 2
Y Y = Z
NV OU CNE <
Ÿ A 2 VY
Ÿ HS ” 7
ANSE Nr RENE
SÉUTNE AU HR note y
à ai PEN
Mie ve À
JULY
RH
W.
ARR V ES
u.y
HARVARD UNIVERSITY.
OF THE
MUSEUM OF COMPARATIVE ZOÜLOGY.
A? 43)
GIFT OF
THEODORE LYMAN
OF THE
Class of 1855.
Hoou 5, 95
tn blue fast basuul, Fi N hors
Bb
IX
ha
US À mi ; CS | | |
| LA |
LAURENT LEE
+
TRAITÉ
PALÉONTOLOGIE.
L
Ouvrages de M. Pictet qui se trouvent chez les mêmes libraires
RECHERCHES POUR SERVIR A L'HISTOIRE ET A L'ANATOMIE
DES PHRYGANIDES, Genève, 1834, in-4, avec 20 pl. col. 40 fr.
DESCRIPTIONS DE QUELQUES NOUVELLES ESPÈCES DE NÉ-
VROPTÈRES. Genève, 1836, in-4, fig. 2fr
NOTE SUR LES ORGANES RESPIRATOIRES DES CAPRICORNES.
Genève, 1836, in-4, fig. 4 fr. 50
HISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE DES
INSECTES NÉVROPTÈRES. Première monographie, FamiLLE Es PEr-
LIDES. Genève, 1841, Publiée en 11 livraisons. 4 beau vol. in-8, accom-
pagné de 53 pl. col. 66 fr.
— Deuxième monographie, FamiLLe DES ÉPnéménines. Genève, 1843. Publiée
en 10 livraisons. 4 beau vol. in-8, accompagné de 47 pl. grav. et col. 60 fr.
NOTICES SUR LES ANIMAUX NOUVEAUX OU PEU CONNUS DU
MUSÉE DE GENEVE. Mauwmrères. Genève, 1841-1844, quatre livrai-
sons in-4, avec 23 pl. col. Dir.
DESCRIPTION DE QUELQUES POISSONS FOSSILES DU MONT
LIBAN. Genève, 1850, in-4, avec 10 pl. 415 fr.
DESCRIPTION DES MOLLUSQUES FOSSILES qui se trouvent dans les
grès verts des environs de Genève, par M. F.-J. Picrer et W. Roux.
Genève, 1847-1852. — 1" Jivr., CÉPHALOPODES, avec 15 pl. — 2° livr.,
GasTÉROPODES, avec 12 pl.— 3° livr., ACÉPHALES ORTHOCONQUES, in-#, avec
13 pl. Prix de la livraison. 45 fra
La 4° et dernière livraison paraîtra incessamment,
Paris, — Imprimerie de L. Marrer, rue Mignon, 2
TRAITÉ
PALÉONTOLOGIE
OÙ
HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX FONSILEN
CONSIDÉRÉS DANS LEURS RAPPORTS
Z00LOGIQUES ET GÉOLOGIQUES
PAR
F.-3. PICTET,
Professeur de zoologie et d'anatomie comparée
à l’Académie de Genève.
_——
SECONDE ÉDITION,
REVUE, CORRIGÉE, CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE,
Accompagnée d’un atlas de 119 planches grand in-#°.
TOME PREMIER.
A PARIS,
CHEZ J.-B. BAILLIÈRE,
LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MÉDECINE,
RUE HAUTEFEUILLE, 49;
À LONDRES, CHEZ H. BAILLIÈRE, 219, REGENT-STREET ;
À NEW-YORK, CHEZ H. BAILLIÈRE, 290, BROADWAY ;
À MADRID, CHEZ C. BAILLY-BAILLIÈRE, CALLE DEL PRINCIPE, 41.
1853
do
"+ son 1e" nds ai ray ds
DL TAAË M Sd +4 où
| LLULA ED ad ne:
1 ai Eur DTICPT AT
ls Tnt e, 4, FABFUE
se "Ee te sé 1 %
CN td, |
t + in Mi,
"1 1 UMR h
Vs M Me de ares:
CA “ \té Vas HOT
N'a. fTee t wi L LA M,
ar: +
. @HRAT À
HRARALEAN 4-0 SAMY
amis oe da FRAME ARÉTEN AE HO s414
A0 pau sut
PRÉFACE
DE LA SECONDE ÉDITION.
Lorsque j’ai publié la première édition de cetouvrage,
il n'existait en langue française aucun traité élémentaire
de paléontologie. La manière bienveillante dont le pu-
blic l’a accueilli a prouvé qu'il répondait à un besoin
réel. Encouragé par l'écoulement rapide de cette pre-
mière édition et cédant à des invitations nombreuses,
j'ai dû me décider à en publier une seconde.
Il me semble, en effet, qu'un traité de cette nature
n’est pas moins utile aujourd’hui qu'alors. Quoique des
travaux estimables à divers titres aient été publiés de-
puis, aucun d’eux n’a été conçu au même point de vue
ni dirigé par les mêmes méthodes.
Il est à peine nécessaire de le comparer aux traités
élémentaires publiés en Allemagne. La différence de
Jlanoue le destine à un autre public. D'ailleurs celui de
M. Geinitz n'est presque qu’une traduction déguisée de
ma première édition; celui de M. Quenstedt est beau-
coup plus abrécé ; celui de M. Giebel ne renferme en-
core que les vertébrés et une partie des céphalopodes.
La Lethæa de M. Bronn, ouvrage plus important que
les précédents, est conçu sur un plan tout différent,
l'histoire de chaque terrain formant, en quelque sorte,
une monographie indépendante; la troisième édition,
la seule au courant de [a science, est d’ailleurs peu
avancée dans sa publication. L’Index palæontologicus du
VI PRÉFACE BE LA SECONDE ÉDITION.
même auteur est un ouvrage dont je me plais aussi à
constater l'utilité, mais personne ne pensera qu’il puisse
tenir lieu d’un traité élémentaire.
Le Cours élémentaire de géologie et de paléontologie
stratigraphique de M. Alcide d’Orbigny ne peut pas
mieux que les précédents remplacer ma seconde édi-
tion, car les méthodes que nous avons suivies sont tota-
lement différentes. M. d'Orbigny, comme l'indique du
reste le titre de son livre, envisage surtout la paléonto-
logie dans ses applications à la géologie, et son ouvrage
est plutôt un traité de cette dernière science qu'une
histoire naturelle des animaux fossiles. La paléonto-
logie proprement dite, dont il traite sous le nom d’Élé-
ments z0ologiques est extrêmement abrégée, et ne forme
qu'une partie peu importante de l’ensemble. J'ai de
mon côté donné un beaucoup plus grand développement
à la paléontologie considérée comme une branche de
la zoologie; et parmi les questions de géologie, je n'ai
abordé que celles qui étaient nécessaires à l’intelligence
de l'histoire des fossiles.
Dans la préface de son cours, M. d'Orbigny a reproché
à ma première édition de n'être qu’une énumération de
zoologie fossile. J'accepte ce reproche comme caracté-
risant la différence”qui existe entre nos deux ouvrages,
pourvu que M. d’Orbigny reconnaisse que j’ai joint à
mon énumération l'analyse de l’organisation des ani-
maux et la discussion des faits généraux, sans laquelle
il n’y à pas de science complète.
Je serais, du reste, très fâché que l’on püt voir dans
ces paroles l'intention même éloignée de critiquer l’œu-
vre d’un savant dont j'apprécie hautement le caractère
et les travaux. Je veux seulement établir que nos ou-
vrages, sous des titres à peu près semblables, ont des
PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION, VII
méthodes et un but fort différents, et qu'ils doivent
se compléter l’un l’autre, mais non s’exclure.
Le Manuel de paléontologie de M. Marcel de Serres
est aussi conçu sur un plan assez différent du mien et
est dominé par l’ordre géologique.
En me décidant à publier cette seconde édition, j'ai
dù chercher à la mettre au courant de la science; jy
ai apporté aussi quelques modifications qui m'ont paru
propres à mieux atteindre le but que je m'étais proposé.
J’ai conservé la division en trois parties : Ja première
comprenant les considérations générales; la seconde,
l’'énumération zoologique; la troisième, les applications
de la paléontolosie à l’histoire du glohg. Je leur ai con-
tinué la même proportion que dans la première édition,
en doublant à peu près l'étendue de chacune d'elles,
soit pour rendre plus claires certaines questions trai-
tées d'une manière un peu trop incomplète, soit pour
y introduire les faits nombreux qui ont été acquis à la
science depuis huit ans.
Dans la première partie je me suis en particulier
attaché à mieux poser les questions relatives à la spé-
cialité des fossiles, et à les discuter plus complétement.
J'ai aussi plus nettement séparé les considérations sur
les faits zoologiques de l’application de ces faits à la
géologie.
Dans la seconde partie, j’ai continué à tâcher de ren-
dre mon livre utile sous trois points de vue. J’ai voulu
enseigner aux commençants et rappeler aux paléontolo-
gistes : 1° les caractères de tous les genres, familles,
ordres, elc., qui comprennent des animaux fossiles ;
2° l’histoire paléontologique de chacun de ces groupes,
avec des généralisations d'autant plus développées que
les divisions sont plus élevées; 3° les sources auxquelles
VIII PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION.
on peut puiser pour nommer et classer les espèces fos-
siles de chaque genre, les auteurs qui en ont parlé, les
planches où elles sont figurées, etc.
Cette seconde partie est beaucoup plus complète que
dans la première édition. J'aurais pu l’étendre
encore davantage et indiquer avec quelques détails
toutes les espèces ; mais l’ouvrage serait devenu beau-
coup trop volumineux, et d’ailleurs il est impossible de
faire une pareille énumération sans risquer de nom-
breuses erreurs. Il m'a semblé que je rendrais un meil-
leur service aux paléontologistes en leur indiquant avec
soin tous les ouvrages où l’on trouve la description de
ces espèces et en citant nominativement les plus carac-
téristiques et les plus certaines. D'ailleurs, dans tous les
genres où les espèces sont peu nombreuses, j’en donne
une énumération à peu près complète : c’est en parti-
culier ce qui a lieu pour l’embranchement des vertébrés.
Un critique m’a reproché la marche que j'avais suivie
à cet égard, et aurait désiré qu’à la suite de chaque
genre j'eusse donné la description détaillée de quel-
ques espèces, en ne disant rien des autres. Cette mé-
thode, adoptée par le savant auteur de la Lethæa, peut
avoir ses avantages, mais elle m’a paru moins propre
que celle que j'ai suivie pour atteindre le but que je
Me suis proposé.
La troisième partie est aussi beaucoup plus déve-
Joppée; j'y donne des tableaux plus détaillés des fos-
siles de chaque époque, j'ajoute des renseignements
géologiques plus complets, et je discute avec plus
d’étendue la succession des faunes et des époques
géologiques.
Une dernière observation m'a été adressée. On m'a
objecté que le titre de cet ouvrage indiquait une paléon-
PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION. IX
tologie complète et que je n’y parlais que des animaux.
J'aurais fait volontiers droit à cette remarque en me
servant de l'expression de Paléontologie zoologique ou
de Paléozoologie, si je n'avais pas craint, en changeant
le titre, de faire croire à un ouvrage trop différent. Ce
titre est d’ailleurs expliqué par les mots qui suivent :
Histoire naturelle des animaux fossiles.
J'ai donné un grand soin à la synonymie des genres,
afin que tous lesnoms génériques qui ont été donnés aux
animaux fossiles soient cités dans le corps de l'ouvrage.
La Table alphabétique qui termine le dernier volume
équivaut ainsi à un Dictionnaire paléontologique plus
complet qu'aucun de ceux qui ont paru jusqu'à présent.
J'ai remplacé les notes bibliographiques placées dans
la première édition à la fin de chaque volume par un
catalogue de tous les ouvrages cités. Il formera une
Bibliographie paléontologique assez étendue.
Les planches de la première édition étaient insuffi-
santes, soit par leur nombre, soit par la dimension trop
réduite d'une partie des figures. M. J.-B. Baillière a
bien voulu consentir à la publication d'un Atlas grand
in-4°, qui sera d’un puissant secours pour aider dans la
détermination générique des débris fossiles. Les carac-
tères essentiels de presque tous les genres y seront
représentés en détail, soit au moyen de figures origi-
nales, soit par des copies convenablement réduites des
espèces qui ne sont connues que par des pièces uniques
ou rares. Les planches, confiées à d’habiles artistes, for-
meront, je l'espère, l'Atlas paléontologique élémentaire
le plus complet qui ait encore été publié.
Genève, le 20 décembre 4852.
PRÉFACE
DE LA PREMIÈRE ÉDITION.
Quoique l’histoire des animaux fossiles ait bien récemment pris
place au rang des sciences, elle a attiré l'attention de tous ceux
qui s'intéressent aux questions importantes de la philosophie na-
turelle. Fondée par des naturalistes éminents, elle compte déjà,
dans sa courte histoire, plusieurs travaux célèbres, et peu de
branches des connaissances humaines ont fait des progrès aussi
rapides. Maintenant qu'elle commence à s'asseoir sur des bases
solides, il me semble nécessaire que son étude soit facilitée par
des traités élémentaires ; et je crois que le moment est venu où
l’on peut essayer de combler la lacune qui existe à cet égard.
Chargé depuis plusieurs années, dans la Faculté des sciences
de l’Académie de Genève, d'enseigner tout ce qui regarde l’his-
toire des animaux, j'ai été appelé à traiter aussi de ceux qui ont
précédé sur notre globe la création actuelle. J'ai souvent vu les
étudiants désireux de pouvoir s'aider de quelques livres à leur
portée, pour mettre dans cette étude la rigueur et la précision que
l’enseignement public ne permet pas toujours. Jai constamment
été embarrassé pour leur donner des conseils à cet égard, et parmi
les livres nombreux que possède la paléontologie, les uns sont
trop élémentaires ou trop incomplets, d’autres trop spéciaux ou
trop volumineux pour le temps que les élèves peuvent y consacrer,
et quelques uns enfin, trop chers pour la plupart d’entre eux.
Il m'a semblé qu'un livre où seraient réunis tous les principes,
les lois, les théories et les faits principaux, dont l'exposition et
la discussion sont aujourd'hui éparses dans une multitude de
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION. XI
mémoires et d'ouvrages divers, pourrait rendre un service réel à
ceux qui commencent l'étude de la science. J’ai cru qu'un ma-
nuel de ce genre fournirait aux élèves les moyens de mettre plus
d'ordre et de logique dans l'étude de la paléontologie. Cette bran-
che de la zoologie a aussi besoin que toutes les autres d’un traité
élémentaire, et cependant elle n'en possède aucun. Il m'a paru
qu'un essai de cette nature était en quelque sorte un des devoirs
que m'imposait ma place.
C’est donc principalement en vue des étudiants de nos acadé-
mies suisses, que j'ai entrepris ce travail. Il à par conséquent
pour but de faciliter l’étude de la paléontologie à des jeunes gens
qui l'abordent pour la première fois, mais qui ont déjà une in-
struction scientifique assez étendue. De là résulteront peut-être
deux reproches opposés. Les paléontologistes trouveront ce livre
trop élémentaire, et les gens du monde l’accuseront de renfermer
trop de détails scientifiques. Je n'ai pas cru devoir trop sacrifier
à ceux qui ne désirent acquérir qu'une connaissance superficielle
des faits les plus frappanis de l’histoire des animaux fossiles.
On possède quelques ouvrages qui peuvent très bien satisfaire
ce désir; tandis qu'il n'existe aucun traité élémentaire qui aborde
sérieusement et dans un ordre logique toutes les questions es-
sentielles et tous les faits importants.
J'ai eu d'autant plus de plaisir à entreprendre ce travail que,
sous le point de vue des méthodes, la paléontologie à un intérêt
tout particulier. C’est peut-être de toutes les branches de l'his-
toire naturelle celle où les observations de détails trouvent le plus
naturellement et le plus promptement leur place, pour aider à la
solution des questions générales ; et l’union directe et constante
qui existe entre les faits et les théories rend son étude très
propre à faire saisir le but et la marche des sciences naturelles.
Mon désir principal est que cet ouvrage donne aux jeunes gens
le goût de la science et leur permette d'entreprendre l'étude de
l’histoire des animaux fossiles sur des bases solides. Dans ce but,
XII PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION.
je dois dire quelques mots des principes qui me semblent devoir
les diriger.
Il faut d'abord qu'ils se pénètrent bien de l’idée que la paléon-
tologie est une branche de la zoologie, et que les mêmes méthodes
qui règlent l'étude des animaux actuels doivent aussi servir de
guide dans celle des êtres qui les ont précédés. Certes il y a eu
des géologues qui ont fait de très bons travaux paléontologiques,
mais c'est parce qu'ils ont su en même temps être zoologistes.
Combien n’y en a-t-il pas d’autres qui, par des déterminations
légères, des assertions erronées et l'ignorance des lois de l’his-
toire naturelle organique, encombrent la science d'erreurs et la
font reculer plutôt qu'avancer. Il est nécessaire que la paléonto-
logie sorte de cette voie fatale, et pour cela il ne faut plus que
l'histoire des animaux fossiles soit réduite à ne former qu’un
chapitre accessoire des traités de géologie.
Il faut aussi que les commencants s’habituent à lier les faits
avec les théories, mais toujours en subordonnant ces dernières à
l'étude de la nature. La rédaction de cet ouvrage m'a convaincu,
tous les moments davantage, du peu de solidité de la plupart des
lois que l’on a cru pouvoir tirer de la généralisation des faits, et
des théories que l’on à imaginées pour les expliquer. Sans doute
ces idées générales sont nécessaires pour rendre la science inté-
ressante et pour exciter au travail; mais il faut se garder aussi
que des idées préconçues, auxquelles il est si facile de s’affec-
tionner, ne fassent envisager d’une manière fausse l’état réel des
choses.
Pour atteindre ces buts divers, le choix d’une bonne méthode
était indispensable. Voici celle qui m'a semblé la meilleure.
J'ai réuni dans une première partie les considérations géné-
rales, c’est-à-dire, tout ce qui a trait à la paléontologie en général,
savoir, d’abord l’histoire de la science, les définitions, la manière
dont les fossiles ont été déposés et leurs apparences diverses,
ainsi que la classification des terrains. J'ai réduit ces premiers
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION. XIII
chapitres aux faits qui m'ont paru strictement nécessaires, pour
fournir à l'élève les connaissances géologiques indispensables à
l'étude de la paléontologie. J'ai supposé que, s’il était désireux
d'approfondir davantage cette branche de la science, il en trou-
verait les moyens dans l'étude des nombreux traités qui ont été
publiés sur la géologie proprement dite.
Dans cette même partie j'ai traité ensuite avec plus de détails
des lois que l'étude des fossiles permet d'établir et de quelques
théories sur la succession des êtres organisés. Je l'ai terminée par
un coup d'œil sur les méthodes à employer pour la détermination
et la classification des fossiles. Dans ces deux chapitres plus es-
sentiels, j'ai supposé que l’élève connaissait les éléments de la
zoologie et de l'anatomie comparée. Je n'ai pas admis la possi-
bilité qu’on pût commencer l'étude de la paléontologie sans ces
bases essentielles. La connaissance de la dentition et des lois de
l'ostéologie comparée, et l'habitude des méthodes zoologiques
sont indispensables. J'ai toujours supposé que ces études préli-
minaires avaient été faites; il m'aurait été impossible d'y sup-
pléer, à moins de leur consacrer autant de temps qu’à l’histoire
des animaux fossiles, et par conséquent sans augmenter beaucoup
un traité déjà peut-être trop long.
Dans la seconde partie j'ai fait l’histoire des animaux fossiles
en insistant autant que possible, dans chaque groupe (ordre, fa-
mille ou genre), sur les phases de leur histoire paléontologique,
c’est-à-dire, l’époque de leur apparition et leur abondance plus
ou moins grande dans telle ou telle période, ainsi que sur leurs
variations de formes et sur les transitions zoologiques que
présentent quelquefois certains types éteints, et en attirant en
général l'attention de l'élève sur tous les points qui m'ont paru
essentiels.
Toutes les fois qu'un genre n'existe qu'à l'état fossile, j'ai donné
ses caractères avec soin; mais pour les genres actuellement vi-
vants j'ai en général supposé les formes connues, surtout chez les
XIV PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION.
animaux vertébrés, qui peuvent difficilement être caractérisés
autrement que par une description détaillée de la dentition et du
squelette. J'ai admis que l'élève connaissait ces faits de détail ou
qu'il savait les chercher dans les livres ou les collections.
Quant aux espèces, j'ai indiqué les principales, en ayant soin
de faire connaître dans quels ouvrages on en trouve les descrip-
tions, qu'il est évident que ce traité élémentaire ne pouvait pas
renfermer. J'ai fait en sorte que l'élève püt toujours savoir à
quelles ressources il devait avoir recours pour déterminer ses
fossiles.
Enfin dans une troisième partie, qui occupera une portion du
dernier volume, je reprendrai tout ce qui tient aux applications
de la paléontologie, à la classification des terrains. Je discuterai
avec plus de détails quelques questions générales, et je donnerai
des tableaux de la population de la terre à toutes les diverses
époques géologiques. Je terminerai par un résumé général qui
renfermera une esquisse de l’histoire de l’organisation, combinée
avec les principales données que fournit la géologie sur les difié-
rentes phases par lesquelles a passé notre globe.
Genève, septembre 1844.
TRAITÉ
DE
PALÉONTOLOGIE.
7 =
PREMIÈRE PARTIE,
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA PALÉONTOLOGIE.
CHAPITRE PREMIER.
COUP D’OEIL SUR L'HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE.
I y a, dans la nature, des phénomènes qui, par
leurs apparences brillantes ou par leurs conséquences
désastreuses, ont de tout temps frappé l'imagination
des hommes, en excitant l'admiration ou en imprimant
la terreur. Il en est d’autres, au contraire, qui, non
moins dignes d'intérêt pour les esprits observateurs,
sont restés longtemps inaperçus, parce qu’ils n’ont rien
de ce qui attire l'attention de la foule. L'existence des
corps fossiles est du nombre de ces derniers, et, quoi-
que liée aux questions les plus élevées des sciences
naturelles, elle à échappé presque complétement pen-
dant des siècles aux investigations des naturalistes. Les
fossiles, en effet, paraissent à la première vue peu faits
pour exciter l'intérêt. Ensevelis dans les profondeurs
de la terre, sans couleurs, souvent presque informes,
1. 1
2 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
ils ne peuvent pas Capliver lès yeux comme les pro-
duits plus brillants de la nature vivante. Mais il en est
autrement quand on vient à réfléchir aux causes qui
peuvent avoir déposé ces corps; si l’on se demande
quelle est la force mystérieuse qui a placé des coquilles
marines loin de la mer, dans des roches souvent très
dures et jusque vers le sommet des plus hautes mon-
tagnes, et lorsqu'on cherche à comprendre quels
étaient ces êtres, dont les débris attestent une exis-
tence et des formes si différentes de celles qu'on voit
de nos jours. Les réflexions que cet examen fait naître
font au contraire pressentir un intérêt puissant dans
l'histoire des fossiles, et 1l est impossible de ne pas
y reconnaître un phénomène important pour Fhis-
toire de notre globe, aux phases de laquelle il est évi-
demment lié.
Nous trouvons dans les écrits des philosophes et des
naturalistes de l’antiquité des passages (") qui montrent
que les faits les plus généraux de l'histoire des fossiles
({) Le géographe Strabon rapporte quelques faits qui montrent que les
philosophes et les physiciens de l’antiquité avaient bien su voir dans l’exis-
tence des fossiles une preuve des perturbations géologiques. Ératosthène,
qui vivait au temps des Ptolémées Philopatoris et Épiphanès, liait à des
changements particuliers de la surface du globe la présence des coquilles
trouvées à deux ou trois mille stades dela mer.
Xanthus, de Lydie, disait que l’on voit loin de la mer tant de pierres en
forme de coquilles, de peignes, etc., que l’on doit être convaincu que les
plaines qui les renferment ont été une fois submergées.
Lampsacène trouvait dans les fossiles de l'Égypte des preuves que le sol
de ce pays avait été autrefois couvert par la mer.
M. Lyell, dans ses Principes de géologie, rappelle aussi les doctrines cos-
mogoniques des Égyptiens, dont les prêtres connaissaient bien l'existence
des fossiles, et croyaient à des déluges périodiques. Le même auteur cite une
vieille tradition arabe, qui établissait que tous les 36425 ans, la population
zoologique était complétement renouvelée à la surface de fa terre par un
couple d'animaux, mâle et femelle de chaque espèce,
HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE. 3
n'avaient pas échappé à quelques uns d’entre eux. Pla-
tonet Pythagore, et surtout Aristote, Pline et Sénèque,
en eurent connaissance ; l’imagination même de quel-
ques poëtes en fut frappée : Ovide (*) parle dans ses
Métamorphoses de coquilles marines trouvées au som-
met des montagnes.
Toutefois aucun naturaliste de cette époque ne s'est
occupé sérieusement de lexistence des fossiles, et,
jusqu’à la fin du xv° siècle de l’ère chrétienne, on ne
trouve que des notions tout à fait vagues et incomplètes
sur ces phénomènes. Îl est en même temps curieux de
voir qu’à ces époques anciennes personne n’eut l'idée
de douter que Ja formation des fossiles ne se liât avec
des changements dans les limites des mers. Ce n’est
que plus tard que des opinions bizarres firent contester
cette vérité si simple.
Au commencement du xvi° siècle, des découvertes
nombreuses de fossiles attirèrent l'attention de quel-
ques savants, qui cherchèrent aussi à se rendre compte
de leur présence sur les montagnes et loin de la mer.
Ces faits parurent alors si difficiles à expliquer, et Ia
présence de ces corps fut considérée comme si incom-
patible avec les lois de la physique, que la première
idée qui se présenta fut de nier que ces pierres fiqu-
rées, comme on les nommait alors, fussent de véri-
tables débris d'animaux, et l’on rapporta leur formation
à des jeux de la nature (lusus naturæ). Quelques au-
teurs attribuèrent à une imagination trop ardente les
comparaisons que l'on voulait établir entre ces pierres
(1) . . . « Vidi factas ex æquore lerras,
Et procul a pelago conchæ jacuere marine,
Et vetus inventa est in monlibus anchora summis.
(Lib, XV, v. 260.)
A CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
et des ossements ou des coquilles. Ces ressemblances,
disaient-ils, ne sont pas plus réelles que les illusions
qui font souvent voir dans les nuages, des tours, des
châteaux ou des géants.
Olivier de Crémone est un des premiers auteurs qui
soutinrent celte opinion si évidemment erronée. On s’é-
tonne de la voir discuter encore au commencement du
xvin siècle (1726), à la suite, il est vrai, d'erreurs gros-
sières, résultant d’une mystification ().
Mais l'évidence des faits força à reconnaître la réa-
lité de ces ressemblances, et l’on dut alors chercher des
explications. Quelques savants, tels que Rumphius (?),
Mattioli, Tournefort et Camerarius, pensèrent que la
force de formation ou force plastique (nisus formati-
vus), cette force occulte et mystérieuse à laquelle on
attribuait alors les générations spontanées, pouvait
aussi bien créer des formes de coquilles dans la pierre
que sur la terre ou dans les eaux, Les mêmes causes
qui font agréger les molécules pour former les divers
corps de la nature vivante paraissaient à ces natura-
listes pouvoir aussi réunir dans le sein des montagnes
des molécules pierreuses, sous les mêmes conditions
de formes. Plot défendait encore ces idées en 1677,
et l'habileté que Fallope déploya dans les questions
() Un jésuite nommé Rodrick, ayant fait fabriquer à plaisir de préten-
dues pétrifications dans l'intention d’éprouver la crédulité du médecin Bé-
ringer, professeur à Wurtzbourg, ce dernier fut si complétement la dupe de
cette mystification, qu'après avoir composé une dissertation au sujet de ces
fausses pétrifcations , il la publia comme une thèse soutenue sous sa prési-
deuce. (Wicebourg, 1726, in-folio.)
(2) Pour ne pas surcharger de notes ce chapitre, je n'ai pas cité les titres
des ouvrages des divers auteurs dont je rappelle les opinions. Je renvoie, dans
ce but, à l'appendice bibliographique qui sera placé à la fin du dernier
volume. On y trouvera de nombreuses indications qui ne pouyaient être
placées ici.
HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE. 5
anatomiques et physiologiques ne l’empêcha pas de
soutenir que les coquilles fossiles étaient le produit
d’une fermentation souterraine, ct que les défenses
d’éléphant trouvées en Italie n'étaient que des concré-
tions terrestres. Quelques savants, tels que Mercati,
accordaient aux étoiles une influence sur cette fer-
mentation et leur attribuaient la production des formes
variées des fossiles.
D’autres auteurs, parmi lesquels on peut citer Lui-
dius, Lang et Quirini, attribuèrent ces pierres figurées
à des semences d'animaux entraînées par évaporation
ou par des courants. Ils pensèrent que les animaux
terrestres et surtout les animaux marins déposaient des
germes qui, charriés par les caux dans des communica-
tions souterraines, étaient ainsi transportés au loin
dans l'intérieur des montagnes. Ces germes trouvaient
là des lieux favorables pour leur développement, et
conservaient dans leur croissance la forme de leurs
parents, en s’imprégnant de la substance de la roche
dans laquelle ils avaient été déposés.
Simone Majoli (1597) pensait que les fossiles pou-
vaient bien avoir été rejetés par des volcans.
Enfin quelques péologues, et en particulier KE. Ber-
trand, recoururent à une idée plus simple que les précé-
dentes, et crurent que les pierres figurées dataient de la
première création et avaient été formées, ainsi que les
cristaux, en même temps que les montagnes et que tous
les autres corps créés.
Ces diverses théories étaient peu faites pour être
adoptées sans contestations; aussi dès le commence-
ment du xvi° siècle, c’est-à-dire, dès l’époque où
elles prirent naissance, furent-elles attaquées par des
naturalistes, qui surent reconnaître dans les fossiles de
6 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
véritables débris d'êtres organisés. Ce fut timidement
d’abord et plus hardiment ensuite, que quelques hom-
mes Clairvoyants osèrent émettre l’idée, que les pierres
fisurées étaient des restes d'animaux, déposés par des
eaux qui avaient couvert et formé les couches où on les
retrouve maintenant.
Parmi les savants qui s’efforcèrent de faire triompher
celte manière de voir, se placent au premier rang deux
hommes illustres à d’autres titres. L'un d’eux est le
célèbre peintre Léonard de Vinci, qui, appelé à faire
creuser des canaux navigables, fut frappé de la pré-
sence de quelques fossiles mis à découvert dans ce
travail, et chercha à démontrer que les eaux seules
pouvaient les avoir apportés. L'autre est un homme
longtemps méconnu et auquel notre siècle a rendu
une justice fardive, Bernard de Palissy, l'inventeur de
l'art de la porcelaine, qui, le premier à Paris, osa
en 1580 soutenir le fait que les pierres figurées avaient
été déposées par la mer.
Cette idée fut chaudement adoptée et soutenue par
plusieurs naturalistes, parmi lesquels on peut citer Car-
dan (1552), Imperato (1599), Césalpin, Frascatore,
Fabio Colonna, Leibnitz, Lister, etc.; mais quelque na-
Lurelle qu'elle nous paraisse, elle eut encore des anta-
gonistes. Le temps et de nouvelles découvertes donnè-
rent cependant gain de cause à la vérité, et l'opinion
que les fossiles ont été déposés par les eaux finit par
devenir générale.
Ce premier point établi, d'immenses difficultés se
présentaient pour trouver une cause qui pût expliquer
le séjour de l’eau de la mer sur les montagnes et sur les
continents actuels. L'idée qui rallia le plus grand
nombre des savants de la seconde moitié du xvu°
HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE, 7
siècle, fut que les fossiles étaient les monuments du
déluge universel, et qu'ils avaient été apportés par la
grande inondation dont parlent nos livres saints, dans
laquelle les eaux s’élevèrent au-dessus du sommet des
plus hautes montagnes.
Malheureusement à cette époque les théologiens
étaient prompts à croire les bases de la religion atta-
quées par les théories géologiques. Au xvi siècle,
les hommes qui soutenaient que les fossiles étaient
réellement des débris d'animaux avaient passé pour
hostiles aux saintes Ecritures, parce que leurs idées pa-
raissaient opposées à l’ordre de la création tel que l’éta-
blit le récit de Moïse. Au xvn° siècle, au contraire,
la théologie se réconcilia avec cette idée, parce qu’elle
y vit la preuve du déluge biblique; mais alors on con-
sidéra comme impies et l’on aecusa de nier le témoi-
gnage des livres saints les hommes qui reculèrent devant
la difficulté de tout expliquer par une seule inondation
universelle, et qui entrevirent, ce qui de nos jours est
une vérité généralement admise, qu'il ya eu des dépôts
à diverses époques et des soulèvements ou bouleverse-
ments de l’écorce du globe qui ont déplacé les terrains
formés au fond des mers. La facilité et le danger de pa-
reilles accusations contribuèrent beaucoup à paralyser
et à arrêter le mouvement de la science qui a besoin de
hberté : un siècle presque entier fut à peu près perdu
en débats stériles.
Scilla, habile peintre italien d'histoire naturelle, vers
1570, peut être considéré comme un des premiers fon-
dateurs de cette théorie diluvienne. Après lui, quelques
auteurs la développèrent par des hypothèses plus ou
moins ingénieuses, mais presque toutes fort éloignées
de la vérité, et contribuèrent ainsi à retarder les pro-
8 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
grès de la science en transportant la discussion loin du
terrain des faits. Parmi ces auteurs on peut citer Burnet
qui, dans un ouvrage que Buffon nomme avec raison un
beau roman historique, explique toute l'histoire du
globe depuis le paradis terrestre jusqu’au bienheureux
millénaire, et Wishton qui fait jouer aux comètes un
grand rôle pour l'attraction et le déplacement des eaux.
La théorie du transport de tous les fossiles par un
seul déluge présente de trop fortes objections pour
qu'elle n’ait pas dû être attaquée dès son origine, autant
du moins que le permettait la crainte de se mettre en
hostilité avec les théologiens. À cette époque on ne
connaissait pas encore les preuves les plus fortes, qui
démontrent aujourd'hui jusqu’à Pévidence que l'état
actuel du globe a été amené par une série continue de
changements dans la forme des continents et dans la
circonscription des mers; mais les circonstances qui
empêchent de tout expliquer par une seule inondation
parlent si haut, qu’elles frappèrent déjà beaucoup de
naturalistes. La variété de position des fossiles, leur
existence dans les roches les plus dures et dans le sein
même des montagnes, le redressement de beaucoup de
couches et d’autres faits nombreux, sont si incompati-
bles avec l'idée d’un cataclysme unique, subit et de
courte durée, que plutôt que d'admettre une théorie qui
présente de si fortes objections, quelques savants aimè-
rent encore mieux revenir à douter de la réalité des
fossiles, et à les attribuer aux lusus naturæ.
D'autres auteurs, mieux inspirés, cherchèrent à sub-
stituer à cette théorie quelque chose de plus ration-
nel. Sténon en 1669, et Hooke en 1688, montrèrent
que les fossiles avaient nécessairement dû être déposés
au fond des eaux, dans des couches horizontales, et que
HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE, 9
plus tard ces couches avaient été soulevées, redressées
ou bouleversées par des tremblements de terre ou par
des dépagements de gaz souterrains. Ray, Moro,
Gessner, etc., soutinrent aussi et développèrent cette
idée, à laquelle Buffon prèta le secours de son style ad-
mirable. Quoique les théories géologiques de Buffon
soient un mélange d'idées vraies et d'opinions erronées,
la popularité de ses ouvrages servit beaucoup à avancer
la science, en faisant généralement abandonner les
théories diluviennes.
Dans ces premiers débats, la paléontologie confond
son histoire avec celle de la géologie; les deux sciences
deviennent plus distinctes à mesure que leurs bases se
consolident. Nous ne pouvons pas développer ici ce qui
tient à la géologie proprement dite; rappelons seule-
ment que vers la fin du xvin siècle, elle fit de
très grands progrès, el que ce qui y contribua surtout ce
fut l’étude des caractères distinctifs des terrains et les
essais qu'on fit pour leur classement. Werner et de
Saussure sont les deux noms les plus saillants de cette
époque : Werner célèbre par ses recherches sur les ter-
rains stralifiés etles superpositions ; de Saussure, parses
études des terrains primitifs. Nous ne pouvons pas da-
vantage suivre les disputes des Vulcanistes et des Neptu-
nistes, ces deux écoles rivales qui, dans leurs ardentes
luttes, dépassèrent toutes deux la vérité en la cher-
chant trop absolue, ni retracer les découvertes géologi-
ques nombreuses et brillantes qui ont signalé le com-
mencement du xix° siècle. On sait combien l'état de
la science à été changé et sa marche assurée par les
beaux travaux des Elie de Beaumont, des C. Prevost,
des Léopold de Buch, des Lyell, des Murchison, etc.
Celles de ces découvertes qui se lient Le plus avec l'é-
10 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
tude des fossiles, ou qui ont le plus directement fourni
les matériaux de l’histoire du globe, seront signalées
dans les chapitres suivants.
La paléontologie proprement dite se manifesta d'a-
bord par la description des corps organisés fossiles
et par leur comparaison avec les êtres vivants. On peut
déjà citer à la fin du xvr° siècle quelques figures don-
nées par Jean Bauhin (1598), et pendant le xvn°, les
travaux de Lachmund (1669), de Scilla (1670) qui,
entre autres, compara les dents des squales fossiles à
celles des vivants, de Reisk (168%), de Voist et de Vulpius
(1667) qui s'occupèrent des poissons, de Boccone (1674)
qui publia une série de bonnes observations. Le com-
mencement du xviu siècle vit paraître des ou-
vrages utiles sur Les fossiles de la Suisse (Scheuchzer
et Lanp). Il serait trop long d'énumérer iei les nom-
breux travaux qui, dans d’autres pays, firent con-
naître les débris organiques enfouis dans les couches
de la terre, et qui, en donnant du goût pour ces recher-
ches, préparèrent des ouvrages plus considérables. Le
grand Recueil de planches de Knorr et Walch (1755-
1773) est un des plus importants. On peut citer
après lui les descriptions et les figures données par
Schrœter (177%) et par Bourguet (1778), l'Oryctographie
de Bruxelles de Burtin (178%), les Mémoires remar-
quables de Guettard (1768-1783), ceux de notre sa-
vant compatriote G.-A. Deluc, trop éclipsé peut-être
par la réputation, d'ailleurs bien méritée, de sonillustre
frère.
Dans tous ces travaux, les faits sont recueillis et en-
registrés avec plus ou moins de sagacité, mais on n’y re-
marque aucune tentative pour arriver à des lois gé-
nérales, ou du moins on n’y voit que des essais timides
HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE, 11
et incomplets. Il était réservé à notre siècle de donner
des bases philosophiques à la paléontologie et de l'é-
lever par conséquent au rang d’une science distincte.
Elle reçut alors une impulsion et un développement
tels que l’histoire des sciences en offre rarement
d'exemple, en s’asseyant sur des bases solides et en
portant sur la géologie une clarté inattendue. C’est au
génie de G. Cuvier que ces changements furent dus, et
ses Recherches sur les ossements fossiles () resteront
toujours un des plus beaux monuments de l'esprit hu-
main. C’est à lui que remontent presque toutes les
idées , les théories et les observations que les trente
dernières années ont développées et étendues; et c’est
l'esprit de ses travaux qui, dirigeant la marche de la
science, a présidé aux découvertes si nombreuses et si
remarquables qui ont frappé les hommes même les
plus étrangers aux recherches scientifiques.
Il ne sera pas superflu d'entrer ici dans quelques dé-
tails sur les travaux de ce grand naturaliste ; cette ana-
lyse sera l’introduction la plus naturelle aux chapitres
suivants, où toutes ces idées seront reprises et discu-
tées d’une manière plus complète.
La question principale que Cuvier chercha à résoudre
est celle de savoir si les espèces fossiles sont différentes
de celles du monde actuel. Cette question avait déjà
(1) Je sais bien que, dans ces dernières années, on a cherché à faire re-
monter plus haut que Cuvier l’origine de la paléontologie scientifique. I est
évident, en effet, que cet illustre anatomiste trouva déjà quelques questions
en partie posées; mais c’est là l’histoire de toutes les découvertes. Le vérita-
ble auteur est toujours celui qui donne la vie aux germes imparfaits, qui
sans lui seraient restés inutiles et sans portée. Il est évident aussi qu’un
homme ne travaille jamais tout à fait seul , et qu'il profite des travaux de
tous , auxquels il a d’ailleurs souvent donné l'impulsion. Mais personne ne
peut nier sérieusement que, dans le grand développement qu'a reçu la pa-
léontologie au commencement de ce siècle, Cuvier n’ait joué le principal rôle.
12 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES,
été plus ou moins agitée, mais on n’y avait fait aucune
réponse précise. Quelques observations avaient fait
penser à Buffon qu’il y avait des espèces éteintes, mais
l’état de l'anatomie comparée à cette époque ne lui
avait pas permis de le prouver. Pallas, de son côté, ve-
nait de signaler à l'attention des savants des éléphants
et des rhinocéros couverts de poils et trouvés dans les
glaces de la Sibérie ; mais on ne savait pas si ces diffé-
rences de téguments indiquaient des espèces différentes
ou des influences du climat sur des espèces identiques.
Cuvier est réellement le premier qui ait abordé cette
question avec une méthodequi en permit la solution. On
en avait avant lui, sauf dans les cas que je viens de rap-
peler, cherché la démonstration dans l’étude des co-
quilles fossiles, qui sont bien plus abondantes que les
débris des grands animaux.Cuvier comprit que pour que
les preuves de l’extinction des espèces fossiles fussent
frappantes, elles devaient porter sur des êtres d’une
taille assez grande pour que leur non-existence dans le
monde actuel fût incontestable. Lorsqu’en effet il s’a-
gissait de petits animaux, de mollusques par exemple,
l'état des collections et des connaissances zoologiques ne
permettait pas d'affirmer avec une pleine confiance
que les espèces trouvées fossiles, et dont on ne connais-
sait pas les analooues dans la nature vivante, ne les y
eussent réellement pas. On objectait qu'il était possible
que leur habitation dans des mers profondes ou dans des
parages inexplorés les eût fait échapper jusqu’à ce jour
aux investigations des naturalistes. Dès lors les conclu-
sions qu'on tirait de la comparaison des espèces fossiles
et des vivantes, dépourvues d’une base solide, man-
quaient de rigueur ct restaient toujours contestables et
incertaines.
HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE. {3
Cuvier montra, au contraire, que les grands animaux
sont presque tous connus depuis lonotemps, que la
science moderne a ajouté peu d'espèces de très grande
taille à celles que connaissaient les anciens, et que les
continents et les mers sont maintenant parcourus et
explorés de manière qu’il soit certain qu'ils ne nous
cachent pas beaucoup de grands quadrupèdes de
forme inconnue. Il devenait donc évident que la com-
paraison des mammifères vivants et fossiles devait
donner des résultats plus frappants et plus certains que
celle des animaux inférieurs, et que, si cette comparai-
son démontrait que les espèces fossiles sont toutes dif-
férentes de eelles qui vivent de nos jours, ces conclu-
sions devaient être accueillies avec confiance.
Mais pour déterminer rigoureusement les grandes
espèces fossiles, il fallait une connaissance approfon-
die des lois de l’ostéologie, que la science d’alors était
loin de fournir. Le plus souvent on ne trouve ces ani-
maux que par fragments, et des os isolés et peu nom-
breux sont fréquemment les seules données sur les-
quelles on puisse reconstituer l'espèce. Cuvier sentit
donc qu'il fallait, avant tout, chercher s’il existe des
lois qui régissent les rapports des formes des os avec
le reste de l’organisation, et qui permettent de déduire
de l’observation d'une partie du squelette la connais-
sance de son ensemble. C'est en ce point peut-être
qu'ont brillé surtout son génie et sa savante persévé-
rance. Pour résoudre le problème paléontologique,
il ui fallait une anatomie comparée rationnelle; cette
anatomie n'existait pas, il s’occupa immédiatement de
la fonder. lui fallait aussi une classification naturelle,
il rétablit sur de nouvelles bases l’ensemble du règne
animal. Les difficultés, loin de l'arrêter, ne furent pour
14 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
lui que de nouveaux motifs de travail et de nouvelles
occasions de doter la science de beaux ouvrages.
Je ne veux pas empiéter ici sur le chapitre dans
lequel je traiterai des principes zoologiques qui pré-
sident à la détermination des fossiles; je rappellerai
seulement que les lois que Cuvier a établies et déve-
loppées sont la loi d'unité de plan, qui permet de con-
clure des formes actuelles aux formes anciennes, et la
loi de concordance des caractères ou de corrélation des
formes, qui, établissant la nécessité que toutes Les par-
ties de l’être soient disposées dans un même but, auto-
rise à déduire de chacune d'elles les caractères des
autres, ainsi que le genre de vie de l'animal. Ces prin-
cipes changèrent la face de la science, et depuis Îles
ouvrages de Cuvier, la détermination des espèces fos-
siles peut souvent être aussi rigoureuse et aussi exacte
que celle des espèces vivantes.
Ces travaux fournirent à Cuvier les moyens de
prouver que toutes les espèces fossiles (ou du moins
presque toutes, voy. le chap. V) sont différentes des
espèces actuelles. Il put établir qu'aucune des espèces
vivantes n’a été retrouvée fossile, et que toutes les
espèces des époques antérieures à la nôtre sont diffé-
rentes de celles qui peuplent actuellement le globe.
Il put même aller plus loin et montrer que les espèces
des divers terrains diffèrent entre elles aussi claire-
ment qu'elles se distinguent de celles de l’époque
moderne : ainsi les terrains jurassiques, si remarqua-
bles par leurs grands reptiles, ne renferment aucun des
fossiles des gypses de Montmartre, qui sont d’une date
beaucoup postérieure. Îl est facile de voir là l’origine
des applications de la paléontologie à la géologie pour
le problème de la détermination de l’âge des terrains,
HISTOIRE DE LA PALÉONTOLOGIE. 15
M. Alexandre Brongniart, le savant collaborateur de
Cuvier dans l'étude du bassin de Paris, contribua
beaucoup aussi à étendre l'importance de ces applica-
tions. Son mémoire sur les caractères zoologiques des
formations fit sentir l’utilité de la paléontologie d’une
manière plus pratique encore. [Il démontra la valeur
des caractères zoologiques comparés aux caractères
minéralogiques, et appuya cette démonstration en
prouvant l’analogie des terrains crayeux de Rouen et
du nord-ouest de la France, avec les grès verts de la
perte du Rhône et avec ceux de la montagne des Fiz en
Savoie. Il fit voir que, là où les caractères minéralo-
siques n’indiquaient que des différences, rendues plus
sensibles encore par la position des grès des Fiz à plus
de 7,000 pieds au-dessus de la mer, l’analogie des fos-
siles montrait que ces différences d'apparence n’ont
aucune importance réelle, et prouvait que les terrains
de ces trois localités avaient été déposés à la même
époque et par la même mer.
Alors la paléontologie prit son rang parmi les scien-
ces. Ses applications importantes et ses méthodes, de-
venues plus certaines, attirèrent de nombreux natu-
ralistes, qui suivirent la voie ouverte par Cuvier, et
enrichirent rapidement la science de faits nouveaux.
L’Angleterre, l'Allemagne, la France et la Suisse comp-
tent dans leur sein des noms justement honorés, que
nous serons fréquemment appelés à citer dans la suite
de cet ouvrage. Je ne puis ni ne veux esquisser ici l'his-
toire de la paléontologie moderne. Une énumération de
tous les travaux ferait à elle seule un ouvrage complet.
Il serait tout à fait superflu de ne citer que les hommes
les plus éminents; leurs noms sont connus de tout
le monde,
16 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
Maintenant un bel avenir attend la paléontologie.
C'est à elle qu’il appartient de faire l’histoire des êtres
organisés, et des modifications de leur structure dans
la série des temps; c’est elle qui enseignera les phases
successives par lesquelles a passé la population de la
surface de notre globe, et qui précisera les caractèresdes
faunes et des flores qui l'ont successivement occupée.
C’est à elle à étendre les bornes de la zoologie et de la
botanique, en révélant l'existence de tant de formes
nouvelles et de transitions inattendues. Tous les faits
de détail ont aujourd’hui leur place et leur importance,
et toutes les déterminations exactes d'espèces joueront
leur rôle pour résoudre ces questions. Mais pour que la
paléontologie remplisse sa mission, il faut qu'elle ne
s’écarte jamais des principes les plus rigoureux ; car si
elle est un instrument puissant et actif dans une main
expérimentée, elle peut facilement, en des mains mal-
habiles, semer l'erreur à côté de la vérité. De nom-
breuses déterminations faites par approximation et sans
l'exactitude convenable ont déjà fait naître la méfiance
dans quelques esprits. On a trop promplement peut-
être accusé la science elle-même d’erreurs dont la
source n’est que dans la légèreté de ceux qui l'em-
ploient, et l’on en a tiré des arguments contre l’impor-
tance que peut avoir son application à la fixation de
l'âge des terrains. IL faut aux paléontolovistes de sé-
rieuses études de zoologie et d'anatomie comparée; il
faut qu'ils mettent toujours la plus grande rigueur dans
leurs déterminations,qu'ils suivent l’exemple que leur
a tracé Cuvier et que leur montrent encore tant de natu-
ralistes distingués, et le temps viendra bientôt où l’in-
contestable utilité de cette étude ne sera plus méconnue
par personne.
DÉFINITION DU MOT FOSSILF. 1%
CHAPITRE IL.
DÉFINITION DU MOT FOSSILE. BUT ET LIMITES DE LA
PALÉONTOLOGIE.
Le sens du mot fossile a varié dans la science et n’a
pas toujours eu une signification identique avec celle
qu'on lui donne maintenant. On comprenait ancienne-
ment sous celte désignation tous les corps enfouis dans
l’intérieur de la terre, et l’on normmait ainsi les cristaux
et les matières minérales, aussi bien que les débris des
corps organisés. Toutefois on distinguait ces derniers
en les nommant fossilia heteromorpha où petrificata,
tandis que les minéraux proprement dits élaient ap-
pelés fossiha nativa. Aujourd'hui l'usage a prévalu de
ne donner le nom de fossiles qu'aux débris du règne
organique, c'est-à-dire aux fossiles hétéromorphes, et
ce n’est que dans les anciens auteurs que l’on trouve
cette dénomination appliquée aux minéraux. On nomme
actuellement fossiles les fragments d'animaux ou de
végélaux qui sont conservés et enfouis dans les couches
de la terre.
Envisagée même à ce point de vue, la signification
du mot fossile a encore besoin d’être précisée. Quelques
vaturalistes n’ont voulu appeler ainsi que les débris
organiques , tout à fait altérés dans leur composition
chimique et devenus pierreux. Cette circonstance, com-
plétement accessoire, sur laquelle nous reviendrons
plus tard, doit être négligée pour la définition; ear,
dans les mêmes terrains, il peut y avoir des débris con-
verlis en pierre et d'autres qui ont conservé leurs
caractères chimiques primitifs. L'état spécial des corps
I. 2
18 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
organiques minéralisés à été nommé pétrification, mot
qui peut quelquefois être commode pour désigner l'ap-
parence pierreuse du corps, mais qui ne doit jamais être
confondu avec celui de fossile, car il ne désigne qu’un
état fréquent, il est vrai, mais non nécessaire, des corps
qui méritent véritablement ce nom. On doit nommer
fossiles tous les débris enfouis des êtres organisés,
qu'ils soient pétrifiés ou qu'ils ne le soient pas,
parce que le fait de la pétrification n’a presque aucune
importance zoologique ni géologique. Ce fait n’influe
en rien sur la détermination de l'espèce, il ne se lie
point d'une manière certaine avec l'ancienneté de son
apparition à la surface de la terre, et l’on n'en peuttirer
en général aucune conclusion.
On a souvent agité la question de savoir si l'on devait
reconnaître comme des fossiles les traces et empreintes
que peut avoir laissées un animal dans les couches de la
terre, ou s'il faut pour cela la présence même d'une
partie de ses débris. On est généralement d'accord au-
jourd’hui pour répondre à cette question dans le sens
le plus large, c’est-à-dire pour considérer comme des
fossiles toutes les traces qui prouvent évidemment la
présence d'une espèce à une certaine époque. En effet,
l'existence même de l'espèce est le fait important à
constater, et tout ce qui peut la démontrer clairement
remplit ee but. Il importe peu que cette démonstration
repose sur la présence d’un fragment de l'animal, ou
sur une empreinte qu'il aurait laissée dans une roche
avant sa solidification, ou sur toute autre apparence
assez évidente pour en fournir une preuve suffisante.
Unedes meilleures définitions qui aientété données du
mot fossile est celle de M. Deshayes (!) : Un corps orga-
(1) Description des coquilles caractéristiques des terrains. Paris, 1831 , p. 54
DÉFINITION DU MOT FOSSILE. 19
nisé fossile, dit-il, est celui qui a éié enfoui dans la terre
à une époque indéterminée, qui y a été conservé, ou qui
y a laissé des traces non équivoques de son existence.
Cette définition me parait tout à fait satisfaisante, sauf
en un point, sur lequel le savant conchyliologiste avait
lui-même prévu des objections, qu’il a cherché d'avance
à réfuter.
La phrase qui me paraît moins inattaquable que le
reste est celle-ci : enfoui dans la terre à une époque in-
déterminée. Son résultat, et M. Deshayes en convient,
est de faire regarder comme fossiles les ossements et
les coquilles qui sont journellement déposés par les
eaux des fleuves et de la mer, ensevelis sous des ébou-
Jlements, etc, toutes les fois que la date de leur enfouis-
sement n’est pas connue. Elle forcerait même à la ri-
gueur à nommer ainsi des os d'hommes ou de mammi-
fères, enterrés à des époques que la tradition ne fixe
pas et que le hasard fait retrouver. Cette extension est-
elle convenable et d'accord avec le sens qu’on attribue
généralement au mot fossile ? N'est-ce pas ôter à ce nom
une grande partie de sa sisnification réelle, que d'asso-
cier aux fossiles anciens et véritables, des corps enfouis
tout récemment, qui appartiennent aux espèces qui vi-
vent de nos jours et dont l'étude n'intéresse en rien Ja
paléontologie ?
Je reconnais avec M. Dechayes que sa définition est
commode, et que la limite àétablir entre l'époque où les
corps déposés sont fossiles et celle où ïls ne le sont
plus soulève des questions délicates et difficiles. Je ne
les crois cependant pas insolubles, et je pense que l'on
s’approcherait davantage de la vérité, si l'on cherchait
à établir la différence d’après l'époque à laquelle les ter-
rains qui les renferment ont été formés, Si le dépôt n’a
20 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
pü prendre naissance que sous l'influence de causes qui
n'agissent plus dans l’état actuel du pays; si, par exem-
ple, il a été formé par des eaux marines ou lacustres
dans des endroits qui sont aujourd’hui constamment et
complétement émergés, les corps organisés qu’il ren-
ferme sont de vrais fossiles. Si, au contraire, le terrain
est dû à des circonstances qui se présentent encore de
nos jours, les débris organiques qu’il contient ne peu-
vent pas mériter ce nom.
On exclurait donc de la catégorie des fossiles les os-
sements et les coquilles ensevelis sous des éboulements
de montagnes, enfouis dans des tourbières ou des ma-
rais actuels, où recouverts par des alluvions modernes ;
et l’on réserverait ce nom aux corps organisés déposés
dans des terrains formés dans des circonstances géolo-
giques différentes.
Ainsi nous appellerons fossiles les corps organisés
que recèlent les dépôts arénacés de la plus grande
partie de l’Europe, parce que ces dépôts n’ont pu être
amenés que par des inondations ou d’autres causes qui
ont tout à fait dépassé les limites de celles qui agissent
aujourd'hui. Ainsi encore nous appellerons fossiles les
ossements déposés dans des cavernes et dans des brè-
ches osseuses, parce qu'on ne peut expliquer que par
des cataclysmes généraux et puissants le transport des
limons et des cailloux roulés qui les accompagnent.
On évitera de cette manière la nécessité d'employer
des termes vicieux, dont M. Deshayes se plaint avec
raison, ceux de subfossile et de fossile moderne. Je crois
d’ailleurs que c'est précisément la définition de M. Des-
hayes qui force à les adopter, car pour lui Les corps dé-
signés sous ces noms sont des fossiles. Les paléontolo-
gites donc qui adoptent sa manière de voir, et qui
A
DÉFINITION DU MOT FOSSILE. 21
sentent à côté de cela que les corps organisés enfouis de
nos jours n'ont pas le même intérêt scientifique, sont
forcés de les séparer des vrais fossiles par quelque dé-
nomination. Si, au contraire , la définition les exclut de
cette catégorie, ces corps ne recevront ni le nom de
subfossiles, ni celui de fossiles modernes,
Je me trouve en partie d'accord, sous ce point de vue,
avec M. d'Orbigny (1), qui, dans sa définition des fossiles,
admet aussi toute espèce de vestige et semble n’accor-
der le nom de fossiles qu'aux corps déposés dans des
terrains qui ont éprouvé un mouvement géoiogique. Il
définit un fossile : Tout corpsou vestige de corps organisé
enfoui naturellement dans les couches terrestres et se
trouvant aujourd'hui en dehors des conditions normales
et actuelles d'existence.
Cette dernière phrase, sije l'ai bien comprise, donne
un peu trop d'extension au mot fossile. Un marais que
l’on vient de dessécher ne présente plus aux mollusques
qui l'habitent des conditions normales d'existence, et
cependant les coquilles des individus morts dans 6e
marais, ensevelies par les derniers dépôts de terre, ne
seront pas plus fossiles que les coquilles marines
mortes et enfouies dans le sable où elles vivaient, et qui
continuent ainsi à se trouver dans des conditions nor-
males et actuelles d'existence.
Au reste, il me suffit d'avoir attiré l’attention sur cette
définition, afin que chacun soit à même de ne pas
faire de confusion. Je préviens mes lecteurs que dans
cet ouvrage le mot fossile sera appliqué à tout corps or-
ganisé, enfoui naturellement dans la terre, qui y a été
conservé où qui y à laissé des traces non équivoques de
son existence, pourvu que le dépôt dont il fait partie ait
1) Cours élémentaire de paléontologie, {°° part., p, 15,
es
“
ba
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES,
L
élé formé sous l'influence de circonstances différentes
de celles qui se passent actuellement sous nos yeux.
Cette définition étant adoptée, les limites de la pa-
léontologie sont faciles à fixer. Cette science, dont le
nom indique l'étude des êtres anciens (ra%aios; et àv,
éyroc), s'occupe de l'histoire des fossiles, et son but prin-
cipal est de faire connaître les corps qui ont habité le
globe aux diverses époques antérieures à la nôtre.
Elle à ainsi à remplir une des pages les plus remar-
quables de l'histoire de la terre, en retraçant les phases
successives de l’organisation des animaux qui l'ont
peuplée.
C’est dire par là que la paléontologie est une branche
de la zoologie (!), et que c’est des méthodes de cette
science qu’elle doit s'inspirer. Son but essentiel
est l'étude des rapports Zzoologiques qui existent
entre les animaux fossiles, et entre ceux-ci ct les vi-
vants. Elle à à constater les modifications de l'orga-
pisme dans la série des temps, à chercher les lois géné-
rales qui ont présidé à ces changements. Elle doit, en
comparant les formes animales actuelles avec celles
des temps anciens, l'embryogénic et la physiologie des
êtres vivants avec l'ordre de succession et les mœurs
probables des animaux éteints, rassembler des maté-
riaux pour approcher autant que possible de la solution
des graves questions qui se rattachent à l’origine et au
développement des êtres organisés.
La paléontologie à aussi des rapports intimes avec la
géologie, mais sous un tout autre point de vue. Elle à
(t) J'ai dit dans la préface, et le titre de ce livre l'indique aussi, que je ne
m'occuperai que des animaux. Il aurait peut être été plus exact de rempla-
cer le mot paléontologie par celui de paléozoologie, mais le premier est plus
simple cf mieux compris.
DÉFINITION DU MOT FOSSILE, 23
besoin des travaux du géologue pour connaître la suc-
cession des terrains fossilifères, leur distribution géo-
graphique, leur puissance, etc. En revanche, l'étude
des fossiles fournit à la géologie des matériaux d’une
importance incontestable. Je montrerai, dans le cha-
pitre VIT, le parti qu'on en peut tirer pour appuyer,
aider et éclairer les travaux stratigraphiques, pour fixer
la place des rivages des mers, leurs profondeurs et leurs
bas-fonds, pour faire connaître si les terrains ont été
formés par la mer ou par l’eau douce, etc. Les rela-
tions de ces deux sciences sont donc plus dans l’appli-
cation que dans les principes; elles diffèrent essentiel-
lement par leurs méthodes (*). Elles ont tout à gagner
à rester clairement distinctes, afin de se prêter un
appui plus éclairé. |
Je suis bien loin de vouloir dire par là qu’un géo-
logue ne puisse pas être un bon paléontologiste, ou que
ce dernier ne puisse pas aussi faire des travaux utiles
en géologie. L'expérience est là pour montrer le con-
traire, et chacun pourrait citer des hommes qui ont
été éminents dans les deux branches. Je veux seule-
ment dire que le géologue qui voudra faire des recher-
ches paléontolosiques devra connaitre et avoir étudié
à fond Iles méthodes zoologiques et les pratiquer
(t) Je ne puis pas admettre l'extension que M. d'Orbigny donne à la pa-
léoutologie. Il dit (Cours élém., p. 5) : « La paléontologie ne se borne pas à
décrire isolément jes animaux fossiles dans un ordre zoologique ou gévlogi-
que; elle embrasse toutes les questions relatives à ces deux sciences, qui se
rattachent directement ou indirectement aux êtres enfouis dans les couches
terrestres. » Notre savant ami a raison, quand il dit que « la paléontologie
ne se borne pas à décrire » car toute science qui ne généralise pas n'est pas
une science ; mais y faire entrer toutes les questions géologiques qui se rat-
tachent directement ou indirectement aux fossiles, c’est ne rien laisser à la
géologie des terrains stratifiés,
21 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES,
exclusivement. Sans cela et sans une étude profonde
des caractères des espèces, il encombrera la science de
catalogues inexacts et de dénominations mal faites. I
suffit de citer ce danger pour que tous ceux qui se sont
occupés de ces questions se rappellent qu'il n’y a déjà
que trop d'exemples de travaux faits dans une fausse
méthode, et que ces erreurs ont contribué plus que
toute autre chose à inspirer la défiance et le dé-
couragement dans l'emploi des caractères paléontolo-
piques.
Le paléontologiste commettra des erreurs tout aussi
sraves, quand il voudra faire de la géologie avec des
méthodes zoologiques, quand à la suite de travaux
sur des fossiles, il décidera, depuis son cabinet, de
l'ordre de succession des couches, sans {enir compte
deséléments stratisraphiques, et, en un mot, sans em-
ployer d’une manière convenable les méthodes géo-
losiques.
Du reste, il est de toute évidence qu'il faut que le
géologue connaisse la paléontologie pour en appliquer
avec discernement les résultats, et que le paléontolo-
piste ait étudié suffisamment la géologie pour apprécier
ses enseignements dans l’ordre de succession des faunes
et dans tant d’autres questions. Mais, je le répète en-
core, il faut que les deux sciences restent indépen--
dantes pour conserver leurs méthodes distinctes. Si l’on
nous permet celte comparaison, elles doivent vivre
comme deux sœurs amies, qui se prêtent aide et se-
cours, mais qui ne cherchent pas à se dominer l’une
l'autre, ni à perdre par des rapports forcés l'indivi-
dualité de leurs deux caractères.
ja)
C5r
FORMATION DES FOSSILES,
CHAPITRE HE.
DE LA MANIÈRE DONT LES FOSSILES ONT ÉTÉ DÉPOSÉS ET
DE LEURS DIVERSES APPARENCES,
L'étude des faits que nous pouvons observer tous
les jours sert à expliquer en grande partie ceux qui se
sont passés dans les premiers âges du globe, et fait
comprendre en particulier la manière dont les fossiles
ont été déposés (‘). La plupart des eaux courantes char-
rient des pierres, du sable et du limon, et entraînent
ces matières jusque dans les eaux tranquilles. Lorsque
la force d’impulsion n’est plus assez grande pour les
soutenir, on voit les matériaux les plus pesants se dé-
poser sur le fond et les plus légers les recouvrir, en
formant ainsi des couches superposées, d’une compo-
sition un peu différente les unes des autres. Des phéno-
mènes analogues se passent dans les mers et dans les
lacs : le mouvement de l’eau, sous l'influence du vent et
des courants, use les côtes, en enlève des sédiments, et,
après les avoir (tenus quelque temps en suspension, les
dépose quand le calme succède à l'agitation. L'usure
des galets produite par leur frottement et les débris
brisés de quelques animaux marins ajoutent encore
des matériaux dont la nature varie selon celle du fond
des mers.
Une succession d'événements semblables peut créer
(1) On sait que c'est à M. Constant Prévost que la science est redevable
de l’idée ingénieuse de recourir aux causes actuelles pour expliquer tous les
faits géologiques. Cette théorie a été développée plus tard par M. Lyell. Elle
rend très bien compte de la plupart des faits, pourvu que l’on admette que
sous l'influence de causes ideatiques, mais avec des circonstances diffé-
rentes, il y à eu à diverses époques des modifications ct des actions bien
plus importantes que celles que nous observons de nos jours,
26 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES,
des dépôts d'une grande épaisseur, dont le caractère
pénéral sera d’être composés de couches ou strates pa-
rallèles. Quoique, dans certaines localités et dans quel-
ques cas spéciaux, on puisse remarquer des inclinaisons
ou des différences partielles de niveau, on peut dire
que, si l’on considère ces formations dans leur ensemble,
l’horizontalité est leur caractère constant. Les traités de
géologie renferment sur ce point de nombreux détails; ce
serait sortir de notre sujet que de nous en occuper ici.
Les dépôts sont plus ou moins modifiés ensuite par les
marées, les vents et les tempêtes, qui enlèvent des sédi-
ments d’une place pour les transporter à une autre, in-
terrompent ainsi l’ordre régulier de stratfication, pla-
cent une couche de vase sur des sables, ou vice versä.
L'étude de la croûte terrestre à montré depuis long-
temps qu'une grande partie des couches qui la compo-
sent présentent la même disposition, les mêmes carac-
tères et les mêmes accidents que les dépôts actuels dont
nous venons de parler. Tous les géologues sont main-
tenant d'accord pour y voir une preuve incontestable
que ces couches ont été déposées par les eaux, et pour
considérer les terrains stratifiés, c'est-à-dire, ceux qui
sont composés de couches originairement parallèles,
comme ayant pris naissance dans le fond des eaux.
Avec les grains de sable et les autres substances mi-
nérales ténues, les eaux charrient et déposent des corps
organisés, soit ceux qui vivent dans leur sein, soit aussi
ceux qu’elles ont pu, à la suite d'inondations ou de
toute auire cause, recevoir de la terre ferme ('). Les ani-
(*) Nous reviendrons plus tard sur ces faits en traitant des applications
de la paléontologie à la géologie. Nous aurons alors à étudier les différences
entre les animaux côtiers et les animaux pélagiques, les animaux flottants et
ceux qui sont toujours plus pesants que l’eau, ele,
FORMATION DES FOSSILES. 27
maux morts, lorsqu'ils sont lonostemps dans l’eau,
éprouvent une macération, c’est-à-dire que leurs tissus
mous se décomposent ; ils finissent ainsi par être réduits
à leurs parties solides qui, ordinairement plus pesantes
que l'eau, vont se déposer au fond. Les nouvelles cou-
ches de sable les recouvrent, les cachent et contribuent
à les conserver. De Ia même manière s’enfouissent dans
leur position normale les mollusques morts qui vivaient
dans Ja vase ou dans le sable, les mollusques perfo-
rants, ec.
La conservation des fossiles n’est ni très durable ni
très parfaite, si les particules du sable restent tout à fait
désagrégées; mais quelquefois des circonstances spé-
ciales font solidifier ces couches. Pour expliquer cette
solidification, les géologues distinguent les dépôts chi-
miques et les dépôts mécaniques. Les premiers sont
ceux dans lesquels les substances dont l’eau cest chargée
y sont dissoutes par voie chimique. Lorsqu'une cause
particulière force Fa précipitation de fa partie solide de
celte solution, il arrive ordinairement que le dépôt est
immédiatement compacte. C’est ainsi que le carbonate
de chaux tenu en dissolution par un excès d'acide car-
bonique, ou par une température élevée, se dépose
lorsque ces causes cessent, et forme dans le fond des
rivières, des lacs ou des mers, des roches plus ou moins
solides, telles que les travertins. On appelle, au con-
traire, dépôts mécaniques ceux plus fréquents, où les
particules solides ne sont que suspendues dans l’eau
et se déposent par leur propre poids. Dans ce dernier
cas, la solidification n’a lieu que si les eaux apportent
une substance qui les lie et les cimente.
Cette même série de phénomènes a dû se passer con-
stamment dans les périodes anciennes de l’histoire du
28 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
elobe, et c'est à une action lente des eaux qu'il faut pro-
bablement attribuer l’enfouissement de la plupart des
fossiles. On a trop souvent cru qu'il était nécessaire,
pour expliquer ces dépôts, de recourir à des cataclysmes
violents et à d'immenses perturbations ; il est à croire
que, dans un très grand nombre de cas au moins, ils se
sont effectués comme ceux que nous venons d’esquisser.
Outre la probabilité que fournit Panalogie et les preu-
ves qui résultent des observations géologiques, on peut
citer quelques faits paléontolopiques qui semblent mdi-
quer que la fossilisation des débris organiques a eu lieu
très lentement.
Ainsi on trouve souvent les ossements des grands
animaux épars et éloignés les uns des autres, circon-
stance qui ne peut s'expliquer qu’en admettant que l'a-
nimal, depuis sa mort, a séjourné plusieurs mois dans
des eaux tranquilles ou à courant régulier, où il a été
macéré et disloqué. En effet, un cataclysme subit,
entrainant ensemble les matières organiques et inor-
ganiques, aurait laissé l'animal entier ou presque
entier, et l'aurait immédiatement recouvert et enfoui,
en sorte qu’on trouverait réunis les divers os de son
squelette.
D'autres faits ont exigé un temps plus long encore.
On trouve quelquefois sur ces os épars ('), dans
l'intérieur des coquilles bivalves, ou sur des oursins dé-
pourvus de leurs piquants, des serpules, des huîtres
ou d’autres mollusques adhérents. Ces animaux n’ont
pu s’y établir qu'après que les os ou les coquilles ont été
(1) Le musée de Genève possède un os intéressant sous ce point de vue.
C’est l'extrémité du museau du Streptospondylus Geoffroyi, Herm. v. Meyer
(Teleosaurus rostro minor, Geoffr.), du terrain jurassique, sur lequel de nom-
breuses huîtres avaient fixé leur domicile.
FORMATION LES TOSSILES,. 20
dépouillés de leurs parties molles, on après que la ma-
cération a fait tomber les piquants de l’oursin. Les hui-
tres en particulier paraissent avoir vécu longtemps sur
ces débris; on en trouve quelquelois des familles
réunies, qui indiquent une suite de générations, et par
conséquent d'années tranquilles.
A ces faits viennent se joindre bien d'autres considé-
rations. Quand on voit réunis ensemble des milliers de
mollusques adultes de même espèce, quand on voit
surtout des montagnes dont des couches tout entières
sont formées de coraux disposés comme ceux des îles
madréporiques de la mer du Sud, et quand on réfléchit
au temps nécessaire pour la croissance et le développe-
ment de ces masses immenses, on fermerait les veux à
l'évidence si l’on n’admettait pas que, dans beaucoup
de cas, les dépôts de fossiles ont eu lieu dans les mers
tranquilles et par des causes lentes, analogues à celles
que nous pouvons étudier aujourd'hui.
Toutefois, en reconnaissant ce fait pénéral, on doit
convenir aussi que, dans certains Cas, il y a eu des évé-
nements plus subits, dans lesquels les animaux ont été
enfouis peu de temps après leur mort. On en trouve la
preuve dans la conservation de quelques débris très
fragiles qui n'ont certainement pas pu être exposés long-
temps à l’action de l’eau. Ainsi les pierres Hthographi-
ques de Bavière et d’autres pays renferment des in-
sectes terrestres très délicats, et même des ailes de
papillon. Il faut que ces animaux aient été recouverts
par une couche de dépôt calcaire presque au moment
où ils ont été entraînés par l'eau. Certains dépôts qui
renferment un grand nombre de poissons encore revêtus
de leurs écailles ont probablement été formés aussi
d'une manière prompte. Peut-être les eaux, se char-
30 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES,
geant tout à Coup d'abondanies matières minérales, ont-
elles fait périr ces poissons, soit par la présence de ces
matières, soit par une élévalion de température, et les
ont-elles immédiatement recouverts par la précipitation
ou le dépôt de ces substances.
Il est vrai que la conservation des animaux morts est
influencée aussi par la nature du rivage sur lequel ils
sont jetés. Un corps battu par les vagues sur le galet se
décomposera à proportion plus vite. Des poissons et des
êtres fragiles entraînés dans un golfe tranquille résiste-
ront beaucoup plus lonsiemps. Mais ces observations
n'infirment pas ce que je viens de dire, car il faudra
toujours un temps assez long pour la décomposition des
premiers, et la conservation souvent très parfaite des
écailles de poisson, des couleurs même des papillons,
des membres délicats des insecies, des pattes si ca-
duques des crustacés, prouvent un intervalle relative-
ment bien plus court.
Quelques naturalistes ont cru trouver dans certains
faits des arguments en faveur de cataclysmes encore
plus promplis, qui auraient amené des fossilisations plus
rapides. Ainsi Îles poissons qu'on trouve dans Îles
schistes cuivreux du zechstein, près de Mansfeld, sont
fréquemment contournés, tandis que la plupart des pois-
sons actuels ontaprès leur mort Le corps en ligne droite.
On a vu, dans ces positions, la preuve d'une vive souf-
france qui aurait accompagné leur mort prompte et in-
stantanée. Nous ferons observer que les poissons du
zechstein sont trop différents de formes de ceux qui
existent de nos jours, pour que ces arguments aient une
bien grande certitude.
Un fossile célèbre du monte Bolca, près de Néïéne,
a aussi été considéré longtemps comme prouvant Ja
FORMATION DES FOSSILES. 31
mort subite des poissons, au moment où a été formé le
dépôt qui en renferme les restes. C’est une plaque cal-
caire sur laquelle on voit un grand poisson, dans fa
bouche duquel semble être un plus petit à moitié avalé.
On l’expliquait par la mort instantanée de l’un et de
l'autre ; depuis lors on a reconnu que le petit poisson
n’était pas dans la bouche du grand, mais que ces deux
animaux étaient seulement superposés.
Les faits qui précèdent montrent donc que tous les
débris des animaux qui sont parvenus jusqu'à nous
ont été conservés dans des terrains formés par les
eaux. Les couches qui les renferment se sont solidi-
fiées, et ces débris, devenus de vrais fossiles, ont pu
y prendre des apparences très diverses, qu'il importe
de connaître pour éviter des erreurs dans leur déter-
minalion.
Les uns ont été conservés avec tous leurs carac-
tères, et le seul changement qu'on y remarque est la
dissolution des molécules organiques. Ainsi on trouve
des os qui n’ont perdu que leur gélatine et qui sont
semblables à ceux qui auraient été enfouis quelques
années dans la terre ou exposés à l'action de l'air et de
la pluie. On voit aussi des coquilles qui sont seulement
devenues plus blanches, et qui, ayant perdu les parti-
cules organiques qui formaient leur parenchyme pri-
milif, sont plus friables que les vivantes. Quelquefois
mème la détérioration a été encore moins sensible, çar
on trouve des os d'ours des cavernes qui renfer-
ment un peu de gélatine, et des coquilles fossiles
presque aussi colorées que celles qui vivent aujour-
d’hui,(?).
(?) M. Hugard,dansun mémoire intéressant sur la fossilisation, à montré
que la composition chimique des corps influe beaucoup sur leur mode de
32 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
. Ce degré de conservation est fréquent dans les ter-
rains récen{s ; mais dans ceux qui ont été formés à un
âge très reculé, les fossiles ont ordinairement une
apparence plus différente de celle des corps vivants.
Souvent, comme je l’ai dit plus haut, les organes se
pétrifient, c’est-à-dire que des liquides minéraux les
pénètrent de manière à remplacer les molécules orga-
niques par des molécules minérales, qui conservent la
forme des tissus, tout en changeant leur apparence. On
n’a pas encore d'explication tout à fait satisfaisante de
ces pétrifications, malgré des recherches curieuses de
M. Gœppert, qui a réussi à produire sur des tiges de
bois quelque chose d'analogue, en les plongeant dans
des solutions de silice, de matières calcaires et de sub-
stances métalliques.
Les corps pétrifiés (os, coquilles, etc.) changent de
couleur et augmentent souvent de poids. Le carbonate
de chaux et la silice, soit à l’état amorphe, soit à l'état
cristallisé, sont les substances pétrifiantes les plus fré-
quentes. Tantôt on voit l'intérieur d'une coquille orné
de beaux cristaux; tantôt les fibres d’un os ou d’un
végélal, devenues complétement minérales, conservent
leur texture normale sous une apparence transparente
et brillante. D'autres fossiles sont imprégnés de sulfure
de fer, comme plusieurs ammonites des terrains aptien,
oxfordien, liasien, etc. Le fer oligiste remplit les co-
quilles de quelques terrains des environs de Semur (lias
inférieur). Plusieurs substances ont encore été citées ;
conservation ; que les denis persistent mieux que les os, ceux-ci que les cor-
nes et les écailles ; les os des mammifères sont plus solides que ceux des pois-
sons; l'enveloppe dure de quelques crustacés se détruit moins facilefhent que
les téguments cornés des insectes ; les coquilles et les polypiers sont dans les
meilleures coaditions de durée, etc.
FORMATION DES FOSSILES, 39
mais l'étude de tous ces faits importe plus à la minéra-
logie et à la géologie qu'à la paléontoloie.
Dans ces divers cas le fossile a sa forme externe
normale; mais il y a aussi des modes de fossilisation
qui changent l'apparence primitive du corps et le
rendent souvent méconnaissable, Quelquefois le dépôt
plus ou moins liquide qui entoure un corps creux,
tel qu’un mollusque où un oursin, pénètre dans son
intérieur et remplit sa cavité. Après la solidification,
il peut se faire que le corps lui-même se détruise;
il ne reste alors, pour indiquer sa présence, que le
solide formé dans son intérieur, qui retrace par sa
surface les formes internes de la coquille. Ces corps
ont reçu le nom de moules. Si le test est très mince,
la forme du moule diffère ordinairement peu de
celle de la coquille elle-même ; mais s’il est épais,
la différence sera beaucoup plus prononcée, et il fau-
dra, dans la détermination générique et spécifique, une
très grande attention pour ne pas commettre d'erreurs.
On peut se convaincre de ces différences en remplis-
sant de cire bien serrée quelques coquilles vivantes,
qu’on dissout ensuite par un acide; la cire restée libre
formera un véritable moule. Le même procédé per-
mettra de faire une étude utile (") des rapports qui
existent entre les caractères internes et ceux que four-
nissent les coquilles complètes. On se mettra ainsi à
même de reconnaître les genres, dans les cas (rès fré-
quents où l’on aura des moules à étudier,
Il peut se faire aussi, lorsque, comme dans le cas
précédent, le fossile a été détruit après la solidification
de la couche, qu'on ne le connaisse que par la partie
(1) M. Agassiz a publié, dans les Mémoires de la Société d'histoire naturelle
de Neuchâtel, un mémoire intéressant sur les moules des coquilles bivalves,
c
I, D
34 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
de la roche qui l’entourait, et qui, en s'appuyant exac-
tement sur lui, en a reçu la forme. Cette nouvelle
apparence se nomme une empreinte ; elle correspond
bien à la surface externe de la coquille, mais elle pré-
sente en creux ce que celle-ci avait en relief, et vice
versâ. On peut avec du plâtre ou de la cire, si l’em-
preinte est suffisamment solide, reproduire la forme
réelle de l’animal.
Enfin, en supposant encore le fossile détruit après
la solidification de la roche, si le dépôt n’est pas entré
dans son intérieur et n'a pas fait de moule, il peut ar-
river qu'un liquide s’insinue dans la cavité laissée par
la dissolution de l'animal et prenne la forme générale
de cette cavité, dont les paroïs constituent ce que nous
avons appelé l'empreinte. Si ce nouveau liquide se
solidifie, il retracera exactement les caractères externes
de l'animal et formera ce qu’on nomme une contre-
empreinte. Cette contre-empreinte ressemblera au pre-
mier coup d’œil à un fossile pétrifié; mais, comme le
fait ingénieusement remarquer M. Lyell, elle différera
de lui comme la statue de bronze diffère de l'être
qu'elle doit représenter ; la surface est semblable, mais
il ne faut chercher dessous ni les muscles, ni les os,
ni les autres organes.
M. d’Orbigny, dans son Cours élémentaire de paléon-
tologie, a modifié ces dénominations qui cependant
sont généralement admises. Il nomme moule intérieur
ce que nous avons appelé moule, moule extérieur ce
qui a été désigné ci-dessus sous le nom d'empreinte,
et modèle ce qui est pour nous une contre-empreinte.
Les empreintes sont pour lui des portions plus ou
moins étendues des moules. Il réserve le nom de
contre-empreinte à celle qui est formée lorsqu'une co-
POSITION DES FOSSILES. 39
quille, ayant été déposée dans les couches terrestres,
et s'étant détruite en laissant à la fois dans le dépôt soli-
difié l'empreinte de la surface extérieure et son moule
intérieur, il arrive que sous l'influence d’une pression,
le vide disparaît, et que le moule intérieur et le moule
extérieur se mettent en contact, de manière que
leurs caractères s’atténuent en donnant un ensemble
qui est la réunion de l'un et de l’autre.
CHAPITRE IV.
DES CHANGEMENTS DE POSITION ÉPROUVÉS PAR LES FOSSILES
APRÈS LEUR ENFOUISSEMENT.
Les fossiles, ainsi que nous l'avons dit dans le cha-
pitre précédent, ont tous été déposés dans des couches
horizontales; mais cette horizontalité à été fréquem-
ment détruite par les dislocations de l'écorce du globe.
Le refroidissement graduel de notre planète est proba-
blement la cause principale de ces mouvements du sol.
On sait que tout s'accorde pour démontrer que la
terre a élé primitivement liquide et incandescente, et
que son refroidissement à commencé à sa surface par
la formation d’une croûte ou écorce solide dont l'épais-
seur est encore aujourd'hui bien petite relativement au
diamètre terrestre. La continuation du refroidissement
a amené une diminution de volume dans les régions in-
térieures. La croûte solidifiée a dû obéir par places à
ce changement de dimensions. Des parties se sont affais-
sées plus que d’autres, qui se sont trouvées ainsi éle-
vées en plateaux et en montagnes, soit qu’une sorte
d'effet de bascule déterminé par les affaissements mêmes
les ait soulevées au-dessus de leur niveau primitif, soit
36 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
que l’abaissement des premiers se soit quelquefois
borné à leur donner une élévation relative.
On donne le nom de soulèvements ou de dislocations
à ces modifications de Ja surface du globe. Citer ces
mots, c’est rappeler à tous les géologues le nom d'Élie
de Beaumont, qui a tiré un parti si remarquable de ces
phénomènes pour fixer les limites des diverses épo-
ques ("), et la chronologie de la surface de la terre.
Leur étude appartient à la géologie; quelques mots suf-
firont ici pour exposer les faits les plus généraux dont
la connaissance est indispensable à la paléontologie.
Tantôt le soulèvement se manifeste sur une grande
étendue et avec une intensité médiocre. Alors des
espaces considérables se trouvent élevés au-dessus des
pays voisins, en formant des plateaux peu disloqués
où la continuité des couches, et souvent leur horizonta-
lité, ne sont pas sensiblement modifiées. Tantôt aussi
le soulèvement est plus brusque, les couches sont rom-
pues, fortement redressées, et de véritables montagnes
se forment.
C'est, comme je l'ai dit plus haut, à la géologie qu'il
appartient de décrire ces accidents, l'inclinaison des
couches, leur redressement, leurs renversements et
leurs plissements, leurs ruptures ou failles, ete., et
d'indiquer les précautions que doit prendre l’obser-
vateur pour deviner sous ces formes variées la disposi-
tion primitive des terrains.
On comprend facilement qu’à la suite de ces graves
perturbations, les corps organisés déposés dans le fond
des eaux puissent se trouver plus tard smgulièrement
(1) Je reviendrai plus tard sur les travaux de cet illustre géologue, en
\ 5 ;
montrant comment on peut essayer de lier, pour l’histoire du globe, les docu-
ments paléontologiques avec ceux que fournissent les soulèrements,
POSITION DES FOSSILES. 5 7
déplacés. Les couches qui Les renferment peuvent faire
partie de ces plateaux considérables qui constituent les
plaines de nos continents, et les fossiles se trouver
ainsi souvent à de grandes distances des mers actuelles.
Ces mêmes couches peuvent aussi avoir été redressées
pour former des montagnes, et il est fréquent de trouver
jusqu’au sommet des pics les plus élancés (") des fos-
siles qui prouvent qu'avant la formation de ces monta-
ones dont nous admirons la hauteur et la diversité, les
roches qui les composent ont fait partie de dépôts éten-
dus sous les eaux.
Les formes variées etle bouleversement des montagnes
ne doivent donc pas empècher de reconnaître une sériede
couches primitivement horizontales, dont les plus profon-
des sont les plus anciennes, etdont les plus superficielles
sont les plus récentes. L’observateur doit reconstituer
par la pensée cet ordre originel; alors les dislocations
ne seront plus pour lui que des accidents qui lui four-
niront le moyen d'étudier l’ordre et les caractères de
ces formations successives, qui seraient inaccessibles
sans ces coupures.
Ces couches se laissent en général facilement distin-
guer par des différences de couleur, de densité et de
composition. Elles sont souvent séparées par des lignes
très visibles. S'il y avait sur la surface du globe un lieu
qui eût conservé des traces de toute la série des terrains,
et qu'en cet endroit une dislocation immense eut coupé
(1) On voit des fossiles dans les Alpes, dans plusieurs localités élevées.
Ainsi les bélemnites se trouvent au mont Joly, à une hauteur de 2,560 me-
tres au-dessus de la mer, et entre le col de Salenton et le Buet, à une hau-
teur d'au moins 2,700 mètres. En Amérique, les plateaux des Andes en
renferment à une hauteur plus grande encore. M. Gentil a trouvé au Pérou
des peignes pétrifiés à 2,200 toises d’élévation. (Journ, de phys.,introd., t. F.
p.435. — Burtin, Oryct de Bruxelles, p. 13.)
38 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
toutes les couches, de manière à présenter à l’observa-
teur la totalité de leurs tranches, on aurait dans cette
coupe les moyens de reconnaître toute la suite des ter-
rains stratifiés, depuis les plus anciens jusqu'aux plus
modernes.
Mais une pareille section n'existe pas et ne peut pas
exister, et cela par deux raisons.
La première est que les eaux seules peuvent former
des terrains, et que par conséquent les pays qui ont été
à sec pendant une époque géologique n’en ont pas
conservé de traces. Or, aucun pays n’a été sous l’eau
pendant la durée de toutes les époques géologiques.
Dans tous donc il existera des lacunes (l) plus ou moins
considérables.
La seconde est que l'épaisseur (ou la puissance) des
terrains stratifiés est beaucoup trop grande pour que le
plus profond précipice, ou que le flanc abrupt de la
plus haute montagne en puisse offrir à l'observateur
autre chose qu’une très faible partie.
Mais si cette coupe générale n'existe pas dans la na-
ture, on peut la reconstruire théoriquement, en réunis-
sant et en comparant des coupes partielles. On a des
moyens, que nous verrons plus tard, de reconnaitre
les terrains qui sont contemporains. Ces terrains servent
de jalons, et tel pays fournira la coupe des terrains su-
périeurs, tel autre celle des terrains profonds, un troi-
sième comblera les lacunes et rectifiera ou complétera
les autres. Les géologues sont ainsi parvenus à dresser
un tableau général de la superposition des couches,
(t) Ainsi dans les environs de Genève, nous n'avons aucun terrain plus
ancien que le lias; le terrain néocomien, qui ailleurs est le premier terme
d’une longue série crétacée, est souvent recouvert directement par la mollasse
qui a été formée au milieu de l’époque tertiaire.
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 39
dans l’ordre de leur apparition, qui représente la série
de tous les terrains successifs. Les fossiles recueillis
dans ces diverses couches se trouvent ainsi classés
d’après leur ordre d'ancienneté; l’étude de ces dé-
bris et les diverses questions qui s’y rattachent forment
la base de la paléontologie. Je chercherai dans les cha-
pitres suivants à faire connaître les conséquences les
plus importantes et les plus générales qui découlent de
leur examen.
CHAPITRE V.
DE LA DISTRIBUTION DES FOSSILES DANS LES DIVERS TER-
RAINS, ET DES RAPPORTS ZOOLOGIQUES QUI EXISTENT
ENTRE LES FAUNES SUCCESSIVES.
Nous avons dit, en terminant le chapitre précédent,
qu’on trouve les fossiles dans une série de couches dont
on a pu déterminer l'ordre de succession. Nous devons
étudier maintenant comment les espèces qu'ils repré-
sentent sont distribuées dans ces divers terrains.
Dans cette comparaison, l'observateur est frappé en
premier lieu de ce que les fossiles sont pour la plupart
différents des animaux actuels. Ce fait, dont Cuvier a
montré le premier la généralité dans son admirable dis-
cours sur les révolutions du globe, est Le point de dé-
part de la paléontologie.
La comparaison des diverses couches entre elles
montre que la même différence existe entre leurs popu-
lations respectives. Les fossiles conservés dans chacune
d'elles diffèrent spécifiquement des fossiles des autres
couches. On ne tarde pas à voir que chaque étage de la
srande coupe que nous avons supposée a une popula-
40 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
tion distincte qui ne se confond ni avec celles des ter-
rains qui l’ont précédé, ni avec celles des formations
subséquentes.
De même que le voyageur qui quitterait les parties
tempérées de l’Europe pour les déserts brülants de
l'Afrique, ceux-ci pour les riches régions de l'Inde, et
qui de là passerait dans le continent américain, ren-
contrerait dans chacun de ces pays des animaux diffé-
rents; de même le géologue et le paléontologiste qui
passent de l'étude d’un étage à celle d’un autre plus
récent ou plus ancien, rencontrent aussi des animaux de
nature diverse. Dans la première supposition, l'observa-
teur aura successivement sous les yeux un certain
nombre d'animaux groupés ensemble et limités par le
climat, les mers, les montagnes, etc., qui constituent ce
que l’on nomme des faunes géographiques ("). Dans la
seconde hypothèse, le paléontologiste passera en revue
des groupes d'animaux séparés suivant Le temps auquel
ils ont vécu.
On à donné le nom de faunes géologiques à ces asso-
cialions, et le fait énoncé plus haut, que les animaux
différent d’une couche à l’autre, peut par conséquent
s'exprimer en disant que chacun des terrains qui se
sont successivement formés sur la surface du globe
renferme sa faune spéciale, ou bien qu’une série de
faunes différentes les unes des autres se sont succédé
sur la surface de la terre.
La comparaison de ces faunes présente des résultats
importants, dont la généralisation permet d'arriver aux
(1) Le mot faune est analogue au mot de flore. Le dernier exprime l’en-
semble de la végétation d'une époque ou d’une contrée. Une faune est de
même l’ensemble des animaux qui vivent dans un même pays ou qui ont
vécu dans un même temps.
DISTRIBUTION DES FOSSILES. #1
lois (!) qui ont présidé à la succession des êtres orga-
nisés. Nous montrerons plus bas qu'il est probable
qu'on s’est trop hâté dans l'établissement de quelques
unes de ces lois, et qu'on a souvent donné aux faits sur
lesquels elles reposent une portée qu'ils n'ont pas.
Mais ces généralisations, malgré leurs erreurs, ont sin-
gulièrement contribué à avancer le développement de
la paléontologie, en montrant combien de questions
graves et intéressantes se rattachent à l'étude des fos-
siles. On conçoit d’ailleurs facilement que les natu-
ralistes auxquels les résultats de cette science ont ap-
paru pour la première fois aient été disposés à laisser
errer leur imagination au delà des limites que l’obser-
vation stricte des faits devait imposer; car ces faits,
trop peu nombreux pour permettre une précision suf-
fisante, l'étaient assez pour faire entrevoir combien
sont importantes Îles lois que leur étude semblait
révéler. Il convient donc de s’arrèter ici quelques mo-
ments pour montrer sur quoi se basent ces généralisa-
tions, pour rechercher ce qu’elles ont de vrai et de faux,
(1) En employant le mot loi, j'ai été critiqué par quelques personnes. Je
sais en effet que ce mot a en philosophie une acception un peu différente, ct
que nos lois paléontologiques n'ont ni la nécessité, ni l’universalité qui jus-
tifieraient ce nom. Mais daus les sciences naturelles ce mot est depuis long-
temps employé dans le sens où je l’ai pris. Pour le physicien, une loi n’est
qu'une généralisation de faits, une sorte de synthèse, susceptible aussi de
plus et de moins, admise dans un temps, controversée dans un autre, aspi-
rant à être un lien universel et nécessaire entre les faits, mais n'y réussis-
sant pas toujours. Il suffit de rappeler ici la loi de Mariotte, admise comme
générale jusqu'aux recherches récentes de M. Regnault; la loi de Ohm, qui
en pratique, présente presque toujours des anomalies, etc. Pour le paléon-
tologiste comme pour le physicien, une loi est l’expression de ce qu’il y a de
commun et de général entre plusieurs faits ou plusieurs séries de faits. Elle
n’est donc pas invariable, en ce sens que de nouvelles découvertes peuvent la
modifier. Pour qu’elle fût une vraie loi aux yeux du philosophe, il faudrait, ce
qui n’est pas dans le pouvoir de l’homme, que la science fût complète et par-
faite.
42 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
et pour discuter leurs limites réelles. Je passerai en
revue dans ce chapitre les lois, c’est-à-dire les règles
générales qui découlent directement de la comparaison
des faits, et j'indiquerai, dans le suivant, les prin-
cipales théories que l'on a imaginées pour expliquer la
succession des faunes.
Dans cette analyse, je me suis attaché à distin-
guer avec autant de soin que possible les vérités qui
sont clairement démontrées des idées qui sont encore
plus ou moins controversées. J'ai cherché aussi à
poser clairement les questions, car c’est pour avoir
trop facilement confondu des points de vue fort
différents que la discussion à souvent été entou-
rée d'une obscurité que l’on peut, je crois, dissiper.
Il y a, je le reconnais, beaucoup de points douteux,
probablement quelques uns qui dépassent les forces
de la raison humaine; mais il est aussi des faits acquis
que l’on doit distinguer des autres et que l'on ne con-
testera plus quand, en voulant les défendre, on ne les
associera pas avec ceux qui ne peuvent pas encore être
démontrés. |
J'établirai d’abord les lois les plus certaines et les
plus générales qui ne sont que le développement du fait
indiqué ci-dessus, l'existence des faunes successives.
Première Lor. — Les espèces (*) d'animaux ont toutes
eu une durée géologique limitée. Je crois cette loi incon-
(1) II importe de préciser la valeur que nous donnons au mot espèce,
dans la discussion de toutes ces lois. Pour nous, l'espèce en paléontologie est
comprise dans les mêmes limites que dans la nature vivante. Nous appelons
animaux de même espèce, tous ceux qui se ressemblent assez pour que, s'ils
étaient vivants, on les réunit en une seule espèce. Nous considérons comme
appartenant à des espèces différentes, les animaux qui différent par des carac-
tères égaux ou supérieurs à ceux qui, dans le monde actuel, sont suffisants
pour distinguer les espèces. (Voyez la note À à la fin du volume.)
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 43
testable, et je pense qu’elle sera incontestée si on la
pose comme je viens de le faire et sans la mélanger ()
avec une autre bien plus discutable, connue sous le
nom de loi de spécialité des fossiles, que nous exa-
minerons plus bas.
Dès que l'on aborde l'étude de la paléontolosie, on
est frappé du grand nombre de types qui ont vécu pen-
dant une période géologique limitée. Presque tous les
orands reptiles aquatiques et terrestres sont dans ce
cas, ainsi que les ptérodactyles. Les ammonites, les
bélemnites, les trilobites, etc., etc., ont existé pen-
dant un petit nombre d’époques que leurs débris carac-
térisent d'une manière incontestable.
Dans ces types et dans beaucoup d’autres, les carac-
tères sont tellement tranchés, que leur apparition et
leur disparition frappent les observateurs les moins
attentifs. Quoi de plus étonnant, en effet, que de voir
des groupes zool@iques aussi remarquables manquer
dans toutes les époques anciennes, puis se développer
avec abondance, jouer un rôle important dans les mers,
pour disparaître ensuite et ne laisser aucune trace pen-
dant toutes les époques suivantes ?
Ce qui est arrivé pour ces types plus frappants est
arrivé aussi pour toutes les espèces, et aucune n'a dé-
passé dans sa durée un petit nombre de périodes géo -
logiques.
Les unes, et c'est le plus grand nombre, n’ont pas
encore existé à l'époque la plus ancienne. Ainsi on
chercherait inutilement parmi les fossiles de ce temps
des mammifères, des oiseaux ou des reptiles. Tous ont
apparu plus tard. Tous les poissons de nos mers appar-
(1) J'ai moi-même commis l'erreur de ce mélange dans la premiere édi-
tion de cet ouvrage, t. I, p. 58.
44 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
tiennent à des formes relativement récentes. L'étude
des mollusques, des articulés et des zoophytes montre
aussi que la grande majorité des espèces ont apparu
postérieurement aux époques anciennes et suCCessive-
ment dans chacune des suivantes.
D’autres espèces ont eu le sort inverse. Créées de
bonne heure, elles se sont éteintes avant les époques
récentes ct la période actuelle. Le fait seul de leur ap-
parition ancienne rend certaine leur prompte dispari-
tion. Les exemples surabondent.
D'autres, enfin, ont vécu dans les époques intermé-
diaires et manquent complétement aux terrains anciens
et aux terrains récents.
On peut se rendre compte d’une manière frappante
de la vérité de cette loi en voyant combien même les
genres ont eu une durée limitée; car, sur près de
quinze cents genres connus à l’état fossile, M. d'Or-
bigny n’en compte que seize qui occupent tous les
étages !
Tout s'accorde donc pour démontrer qu'aucune es-
pèce n’a vécu à Ja fois pendant les périodes anciennes
et pendant les époques récentes; qu'aucune ne s'est
continuée pendant toute la série des temps géologi-
ques, et que, par conséquent, la durée de toutes a été
limitée.
Quelques personnes s'étonneront que j'aie pu m'ar-
rêter sur des faits aussi évidents. Je l’ai fait pour
deux motüfs. J'ai voulu commencer par avoir une base
solide et une loi incontestable; et en outre s’il est vrai,
comme je le crois, que personne ne pense aujourd’hui
à nier cette loi, le temps n’est pas loin de nous où des
naturalistes éminents soutenaient encore le contraire.
SECONDE LOI. — Les espèces contemporaines d’une
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 45
mème localité ou de localités voisines ont en unmense
majorité disparu el apparu ensemble (*), d’où il résulte
que dans chaque couche les fossiles sont associés en
faunes distinctes, et qu'on ne trouve que très rare-
ment des faunes de transition ou intermédiaires.
La durée limitée, établie par la loi précédente, étant
admise pour chaque espèce, on comprend qu'elle pour-
rait se manifester dans ses résultats de deux manières.
Ou bien chaque espèce est tout à fait indépendante
des autres dans son apparition et sa disparition; ou
bien les espèces nées ensemble disparaissent aussi en-
semble et sont alors remplacées en masse par des
espèces nouvelles. Dans le premier cas, il y aurait une
série continue de modifications dans la population ani-
male et impossibilité de trouver dans Îles caractères
zoologiques des limites tranchées pour les périodes géo-
logiques. Dans le second cas, il y aurait des lignes de
démarcalion très marquées au moment de la disparition
desespèces etde l'apparition de celles quiles remplacent.
Le premier cas rappellerait ce qui existe lorsque deux
faunes géographiques ont été dans le monde actuel sé-
parées par des espaces habitables et sans obstacles ; les
faunes ont rayonné l’une vers l’autre et les pays inter-
médiaires sont caractérisés par leur mélange à des de-
erés divérs. Le second cas rappellerait les faunes géo-
oraphiques séparées par des espaces infranchissables et
(!) On remarquera que dans l'énoncé de cette seconde loi, j'ai mis le mot
en grande majorité. Je crois nécessaire de distinguer cette loi de la question
de la spécialité des fossiles; car il me semble important de démontrer d'une
manière positive l'existence de faunes distinctes, composées d'espèces en
général spéciales à ces faunes. La question de la spécialité absolue des fos-
siles, étant contestée et contestable, doit être discutée à part, afin de ne pas
jeter d'incertitude sur notre deuxième loi, qui est au contraire, je crois, in-
contestée et incontestable,
4.6 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES,
restées pures et sans mélange (par exemple, Madagascar
comparé au sud de l'Afrique, l'Amérique à lEu-
rope, elc.).
Pour décider si entre les faunes géologiques la règle
est l'indépendance ou la fusion, je dégage d’abord Ja
question des différences que peuvent entrainer degrandes
distances géographiques, et je ne suppose, pour le mo-
ment, que des faunes vivant dans une même localité ou
dans des localités très voisines. Je ferai d’abord remar-
quer que, dans ce cas, les phénomènes qui ont pu
amener le renouvellement de la population zoologique
ont dù vraisemblablement étendre leur action sur fa
presque totalité des espèces. Sans vouloir aborder ici
une discussion qui sera mieux placée lorsque, dans Île
chapitre suivant, nous traiterons des circonstances qui
ont amené tous ces phénomènes, je rencontrerai peu de
contradicteurs en disant que les causes les plus proba-
bles, telles que les changements de température, les
soulèvements, les mélanges de matières dans l’eau des
mers, etc., ont dù en général, par leur nature même,
avoir une influence égale sur toutes les espèces, de ma-
nière à détruire la totalité ou la presque totalité de celles
qui vivaient ensemble, et qu’elles n’ont pas dû se borner
à des extinctions partielles.
Les preuves principales se {rouvent d'ailleurs dans
l'observation directe des faits géologiques. Si dans un
gisement riche en fossiles, on étudie le point de contact
des couches, on verra que, sauf dans des cas rares et
exceptionnels, les faunes paléontologiques sont très
tranchées. Tantôt à un terrain clairement caractérisé
par l’ensemble des corps organisés qu'il renferme en
succède sans transition et sans intermédiaire un autre
non moins distinct par ses fossiles, qui sont tous diffé-
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 47
rent{s (‘). Tantôt on voit entre deux terrains une couche
non fossilifère ; mais on ne trouve jamais (ou presque
jamais) un dépôt renfermant à la fois et dans un état
normal des fossiles de la couche qui est située au-dessous
de lui mélangés avec ceux de la couche qui le recouvre.
Cette indépendance des faunes est surtout remar-
quable dans le cas que je viens d'indiquer, c’est-à-dire
lorsqu'on peut observer deux terrains consécutifs en
contact. Nous verrons plus bas que les cas dans lesquels
on a trouvé des mélanges plus où moins exactement
constatés se présentent souvent lorsque deux couches,
bien distinctes dans une localité, se trouvent repré-
sentées dans une autre par une seule qui peut réunir
jusqu'à un certain degré leurs caractères communs. Ce
fait peut s’expliquer probablement en admettant que la
cause d'extinction a pu être plus intense et plus gé-
nérale dans un lieu que dans un autre.
Ces faits prouvent évidemment que les modifications
dans la population zoologique ont en général porté à la
fois sur l’ensemble des faunes. Les espèces nées en-
semble et ayant vécu ensemble ont ordinairement dis-
paru ensemble. Je pense que personne ne songera à
contester cette vérité posée dans ces termes généraux, et
par conséquent à nier que cette loi s’applique à la grande
majorité des espèces. Il reste maintenant à savoir si elle
s'applique à toutes.
(1) On pourrait citer des centaines de coupes où ces faits sont faciles à
observer. Une des plus remarquables que je connaisse dans les environs de
Genève, est celle qui a été faite, pour une nouvelle route dans le terrain
néocomien de Sainte-Croix (canton de Vaud). Les talus coupent les trois cou-
ches que distinguent les géologues suisses, dans un endroit riche en fossiles.
Les lignes de séparation, rendues apparentes par des différences de coloration,
correspondent à des changements subits de populations zoologiques. La même
chose s’observe presque partout. Je connais aussi quelques exceptions que ce
n’est pas ici le licu de discuter.
48 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
Discussion sur l'extension que l’on peut donner à la
seconde loi, où Question de la spécialité des fossiles.
Nous abordons ici une question plus délicate, qui par-
tage les paléontologistes en deux camps, où les hommesles
plus éminents sont presque également répartis. I im-
porte donc de la discuter avec quelque détail, surtout
de tâcher de la bien poser, et de chercher à distinguer
aussi clairement que possible les faits sur lesquels tout
le monde est d'accord, de ceux qui sont contestés et
dont la preuve doit fortifier l’une ou l’autre opinion.
Les naturalistes qui admettent la spécialité des fos-
siles croient que l'extinction de toutes les espèces con-
temporaines a eu lieu à la fois sur toute l'étendue de
leur distribution géographique, et que l'apparition des
espèces d'une même faune a de même été instantanée.
Ils pensent done que les espèces d'animaux d'une épo-
que géologique n'ont vécu mi avant, ni après celte
époque ; de sorte que chaque formation a ses fossiles
spéciaux, el qu'aucune espèce ne peut être trouvée dans
deux terrains d'âge différent.
La solution de cette question est d’un très haut in-
térêt pour la paléontologie, car de la manière de l’envi-
sager dépend en partie (!) l'opinion que l’on peut avoir
sur l'importance des applications de cette science à la
géologie. Si les fossiles sont spéciaux aux terrains, ils les
caractérisent avec une certitude complète; si, au con-
traire, quelques uns de ces corps sont spéciaux et d’au-
tres communs à plusieurs formations, il n’y a qu'une
partie d’entre eux qui puissent fournir des résultats, etde
[à naît une source d'incertitudes et de chances d'erreur.
Les péologues qui n'ont pas admis la spécialité des fos-
(1) J'espère, du reste, démontrer plus bas que, quelle que soit l'opinion
que l’on adopte, les applications à la géologie conservent leur importance.
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 49
siles, et qui ont senti en même temps que ces corps
avaient à jouer un rôle dans la détermination des ter-
rains, ont distingué les fossiles caractéristiques, c’est-à-
dire ceux dont l'existence peut être regardée comme un
critère certain pour fixer l’âge d'un terrain, et les fos-
siles non caractéristiques qui ne peuvent pas être em-
ployés dans ce but. Les naturalistes, au contraire, qui
admettent la spécialité des fossiles, les regardent tous
comme caractéristiques et comme fournissant des ré-
sultats également certains, pourvu qu’ils puissent être
clairement déterminés.
Pour discuter cette loi importante, les paléontolo-
gistes ne se sont pas tous placés au même point de vue.
M. Defrance, en particulier, a cru devoir créer une
sorte de méthode spéciale pour l’étude des coquilles fos-
siles. I à distingué dans leur comparaison trois degrés
de ressemblance, et nommé coquilles 2dentiques celles
dont les individus comparés ensemble ne présentent pas
la moindre différence ; espèces analoques celles qui dif-
fèrent par des caractères du même ordre que ceux qui,
dans la nature actuelle, constituent des variétés, et que
l’on peut attribuer à une influence plus ou moins pro-
longée de la chaleur, des lieux, etc.; et espèces subana-
loques celles qui n’ont qu'une analogie éloignée, et en
dehors des limites que l’on assigne aux variétés d’une
même espèce. Il à réservé le nom d'espèces perdues pour
celles qui n'ont aucun de ces degrés de ressemblance
avec les espèces vivantes.
Cette méthode de comparaison a été reçue avec faveur
par beaucoup de géologues et de conchyliologistes, et je
ne veux pas nier qu’elle n’ait eu une heureuse influence,
en attirant l'attention sur les divers degrés de ressem-
blance des coquilles fossiles avec les vivantes. Mais il
I. &
50 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
me semble qu’elle complique inutilement la question
qui nous occupe ici (’), et qu’au lieu de quatre catégo-
ries de différences et de ressemblances, il est plus sim-
ple, plus logique et plus naturel de n’en admettre que
deux. Je pense que la question n’est pas de savoir si les
coquilles sont identiques, analogues, subanalogques ou
perdues ; mais bien si elles sont ou non de même espèce.
Si l’on scrute en effet avec quelque attention les dis-
tinctions établies par M. Defrance, on verra que la ca-
tégorie des coquilles analogues ne se renferme pas dans
des limites claires et bien définies. Si cet habile natura-
liste n’a considéré comme analogues que les espèces
qui diffèrent entre elles par des caractères tels que,
si elles étaient vivantes, on les réunirait comme va-
riélés d'une même espèce, 1l n’y a aucun intérêt réel
à distinguer les coquilles analogues et les coquilles
identiques, puisque l'identité absolue n'existe jamais,
et que les unes et les autres ne diffèrent que par ces
légers caractères, qui n’empêchent pas de reconnaître
leur provenance probable d’une même souche. Entre les
petites variations que le naturaliste néglige et celles qui
lui font désigner un certain type sous le nom de va-
riété, il y a des nuances et des transitions insensibles,
qui s'effacent entièrement vis-à-vis du fait essentiel que
les coquilles qui les présentent doivent être rapportées
à la même espèce.
Mais si M. Defrance a entendu par espèces analogues
des coquilles qui diffèrent par des caractères un peu
plus considérables que les variétés d’une même espèce
vivante, et s’il a admis en même temps que ces diffé-
(1) Je ne parle ici que de la question principale ; il est des questions se-
condaires et d’une importance moindre où l’analogie des coquilles peut être
intéressante à constater.
DISTRIBUTION DES FOSSILES. o1
rences puissent avoir été amenées par l'influence des
changements du climat ou par les causes géologiques,
sa distinction devient beaucoup plus dangereuse, car elle
préjuge une question douteuse et s'appuie sur l’action
de forces inconnues et mal définies. Pour la solution
d’une question aussi délicate, on ne peut raisonner que
sur des bases positives, que l’étude de la nature actuelle
peut seule fournir : admettre des influences plus éten-
dues, c’est renoncer gratuitement aux faits positifs pour
les hypothèses. Si deux espèces diffèrent par des caractè-
res que l’on ne puisse pas expliquer par l'influence des
agents extérieurs, limitée comme nous la connaissons
aujourd’hui, le paléontologiste doit constater leur diffé-
rence comme il le ferait pour des espèces vivantes. Il réu-
nira de cette manière des faits comparables (‘) et les li-
mites des espèces auront pour lui une clarté qui n'existe
pas, si l’on admet qu'elles ont pu varier d’une manière
qu’on ne peut pas préciser, et sous l'influence de causes
(1) Ces bases rigoureuses n’empêcheront pas d’ailleurs toute discussion
subséquente sur l'influence prolongée des agents extérieurs ; je pense même
que les partisans de la théorie du passage des espèces les unes dans les autres
doivent nécessairement admettre notre point de départ, Il n’y a, en effet, pour
eux que deux partis logiques, ou limiter, comme nous lavons fait, les espè-
ces fossiles par les mêmes principes qui régissent l’étude des êtres vivants,
ou réunir dans la même espèce tous les animaux qu'ils considèrent comme
ayant pu provenir d’un même type. Or, si l’on admettait cette dernière ma-
nière de voir, on tomberait pour la limite de l’espèce dans une variabilité
très fâcheuse. Tel naturaliste réunirait seulement quelques animaux très
voisins dont l’origine commune est contestable même dans l'hypothèse de
la permanence des espèces. D’autres, adoptant les théories du dévelop-
pement graduel d’une manière plus complète, pourraient associer, sous un
inême nom d'espèce, des genres et même des familles entières qu’ils pense-
raient n'être qu'une série de modifications d’un type primitif unique. Il n’y
aurait plus ni règle fixe ni unité. Je sais bien que ces résultats extrêmes
sont loin des opinions que professait le savant conchyliologiste dont je combats
les idées ; mais dans une route fausse il ne faut pas même faire le premier
pas, car on peut être forcé de la parcourir tout entière.
52 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
qui échappent à l'examen, par cela même qu’on les
suppose différentes de celles qui agissent de nos jours.
La catégorie des espèces subanalogues ne me paraît
pas mieux établie que celle des analogues ; car, dès que
M. Defrance a nommé ainsi les coquilles qui diffèrent
par des caractères trop importants pour qu’on puisse les
rapporter à la même espèce, il est évident que, dans la
question qui nous occupe, ce mot est synonyme d’es-
pèces différentes ou d'espèces perdues.
Je pense donc qu’il est plus convenable et plus con-
forme aux faits de ne pas tenir compte ici des degrés
intermédiaires d’analogie, et, dans la discussion de la
loi de la spécialité des fossiles, d'appliquer à ces débris
des animaux anciens, les mêmes lois qui dirigent les
naturalistes dans l’établissement des espèces du monde
actuel. Les distinctions de M. Defrance retrouveront
d’ailleurs leur utilité, dans la comparaison des espèces
perdues des diverses faunes géologiques. Il peut sou-
vent être intéressant de savoir si ces espèces ressem-
blent plus ou moins à celles qui les ont précédées ou
suivies,
Ces bases établies, la question se simplifie, et sa
solution dépend tout entière de l'examen des faits, sous
la direction des méthodes de la zoologie proprement
dite. Il peut sembler alors qu’il ne reste qu’à comparer
les listes des fossiles de chaque terrain établies par
les paléontologistes, afin de voir si les mêmes noms s’y
retrouvent. Malheureusement ces listes, dressées sou-
vent à la hâte et quelquefois par des observateurs
superficiels ou peu versés dans la connaissance de la
zoologie, ne sont pas toujours faites de manière à
inspirer de la confiance, et la plupart d’entre elles
fourmillent d'erreurs. Le résultat que leur comparaison
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 53
fournirait, si on les acceptait toutes pour bonnes, serait
que de nombreuses espèces se trouvent à la fois dans
plusieurs terrains ; mais plus on étudie les fossiles, plus
on renonce à la plupart de ces prétendues identités,
et je ne doute pas que, plus la science avancera, plus
on reconnaîtra que ce n’est souvent que par des assi-
milations erronées que l’on a placé les mêmes noms
dans des catalogues de fossiles de terrains différents.
Les faits connus aujourd’hui en paléontologie, qui
seront énumérés et classés dans la deuxième partie de
ce traité prouveront, je crois, à tout esprit non prévenu
que la spécialité des fossiles est la règle générale ; mais
qu’en même temps ce n’est pas une règle sans excep-
tions. Semblables en cela à plusieurs autres lois (!)
zoologiques, elle se vérifie dans la grande majorité des
cas et se trouve contredite dans un petit nombre. On
ne peut pas encore assurer quelle est la proportion de
fossiles qui passent d’un étage dans l’autre; mais on
peut certifier qu’elle est extrêmement minime (M. d'Or
bigny la porte à moins de un pour cent pour les terrains
jurassiques et crétacés). Les travaux les mieux faits
pour inspirer la confiance prouvent tous les jours davan-
tage que chaque terrain a en général ses fossiles propres
et j'ai l'intime confiance que le temps ne fera que
confirmer cette vérité.
Ilest d'ailleurs naturel que les premiers observateurs
aient été d’abord plus frappés des analogies que des
différences ; l’examen superficiel montre plus vite les
premières, et les secondes exigent plus de travail. La
(:) Nous pourrions citer bien des exemples de lois qui sont dans le même
cas et qui cependant ne sont pas contestées, Ainsi la loi qui établit que les
croisements entre des espèces très voisines produisent des mulets inféconds
a des exceptions certaines, et cependant personne n’en nie la réalité,
54 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
même chose a eu lieu pour les animaux vivants, dont
les anciens auteurs ont souvent groupé sous un même
nom plusieurs espèces voisines, que leurs successeurs
ont séparées. De même, pour les fossiles, des observa-
teurs plus exacts ou moins pressés ont trouvé des dif-
férences là où on n’en avait pas vu. On pourrait citer
des centaines de cas où des espèces d’abord réunies
ont dû être séparées, et ont servi ainsi à démontrer la
vérité d’une loi qu'elles avaient d’abord pu faire re-
garder comme fausse.
De nouveaux travaux nous apprendront une fois
jusqu’à quel degré cette loi s’étend. Incontestable lors-
que l'on compare les grandes divisions des terrains,
elle devient moins certaine à mesure que l’on multiplie
les étages. Nous devons faire remarquer à ce sujet
qu’elle arriverait même à être tout à fait fausse lorsque
des subdivisions mal faites partageraient une époque
en tenant compte d'accidents locaux peu importants ; et
qu'elle ne peut exister qu'avec une bonne classification
des terrains. Souvent des espèces ne passent d’un étage
à l’autre que parce que ces étages sont mal définis. Plu-
sieurs géologues admeltent, comme nous le verrons
plus loin, au moins vingt-cinq à trente étages distincts,
et, par conséquent, un nombre égal de faunes succes-
sives ; il n’est pas certain que la spécialité des fossiles
existe également pour tous.
J'ai dit que cette loi présentait quelques exceptions.
Ce sont les suivantes (!).
1° Quelques espèces plus robustes, plus abondantes,
ou placées dans quelques circonstances spéciales peu-
(t) I ne faut pas ici tenir compte des fossiles remaniés, c'est-à-dire mé-
langés par des mouvements géologiques postérieurs à leur formation. Nous
en parlerons dans le chapitre VIT.
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 55
vent avoir résislé aux causes de destruction qui ont
frappé toutes celles qui vivaient avec elles. On les re-
trouvera donc fossiles dans des élages superposés ou
sous-jacents. Mais cette exception est toujours très
limitée, soit quant au nombre des espèces, soit quant
à la durée de la persistance ; elles traversent une ou
deux époques, mais jamais plus.
MM. d’Archiac et de Verneuil ont observé (!) que cette
persistance des espèces se lie avec l'étendue de leur
distribution géographique. « Les espèces, disent-ils, qui
» se trouvent à la fois sur un grand nombre de points et
» dans des pays très éloignés les uns des autres, sont
» presque toujours celles qui ont vécu pendant la for-
» malion de plusieurs systèmes successifs. » M. E. Forbes
a fait remarquer aussi que les espèces qui peuvent vivre
à des niveaux très différents au-dessous de la surface
des eaux sont généralement celles qui se rencontrent
sous les latitudes les plus différentes.
2° Il peut arriver que des animaux ayant été détruits
à la fin d’une époque géologique, leurs dépouilles se
soient conservées de manière à pouvoir se mêler avec
celles des animaux de l’époque suivante. Cela est sur-
tout facile à comprendre pour les coquilles qui, comme
celles des nautiles, flottent parce qu’elles sont pleines
d’air. La mème chose peut arriver pour des ossements ou
des coquilles non flottantes déposées dans le fond d’une
eau qui, n'élant pas chargée de matières minérales, les
aura laissées à découvert. Ces corps peuvent avoir été
enfouis beaucoup plus tard, avec les dépouilles des
animaux qui auront vécu dans le même lieu pendant
la période suivante.
(1) Transactions of the geological Sociely, 2° série, t. VI, p. 335.
56 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
Dans ce cas, le mélange des fossiles ne prouverait
pas que les espèces qui se trouvent à la fois dans deux
étages aient réellement vécu pendant les deux époques
qui leur correspondent.
3° Les causes d'extinction peuvent ne pas avoir agi
avec la même intensité sur toute l'étendue géographique
de la faune d’une certaine époque. Sur les confins de
cette faune, il peut y avoir eu des bassins où les ani-
maux n'aient pas été détruits et aient été mélangés
plus tard avec les nouvelles populations. En général,
ces bassins s'étant trouvés en dehors du mouvement
géologique auront formé à cette époque des dépôts peu
puissants, et on les reconnaîtra par conséquent à ce
double caractère géologique et paléontologique d’avoir
des couches peu épaisses et des fossiles mélangés.
Il y a plusieurs faits locaux que l’on ne peut expliquer
que par ce moyen. Ainsi dans quelques parties des Alpes
suisses, le terrain jurassique forme des bancs très peu
puissants si on les compare aux riches formations d’An-
gleterre, de France et d'Allemagne. Dans ces couches,
au Stockhorn par exemple, on trouve associées des am-
monites de l’oolithe inférieure, de la grande oolithe et
même de l’oxfordien inférieur. Îl est probable que ces
terrains se sont formés dans une partie de la mer qui
a été peu troublée et peu modifiée pendant la durée des
phénomènes qui ont produit ailleurs des dépôts très
distincts et enfoui des fossiles spéciaux.
Mais, comme je l'ai dit plus haut, toutes ces excep-
tions jouent un très petit rôle, et la grande majorité
des espèces fossiles paraît limitée à une époque géo-
logique.
Je ne puis pas quitter la discussion de cette loi si es-
sentielle sans faire encore une observation. J'ai dit que la
DISTRIBUTION DES FOSSILES,. 97
démonstration de la loi devait résulter de la connaissance
de l’ensemble des faits. [Il est des cas, rares il est vrai,
où ces faits pourront être interprétés d’une manière
différente, suivant l’opinion préconçue que le paléon-
tologiste qui les signalera se sera faite de la vérité de
celte loi, et qui par conséquent pourront peut-être ser-
vir d'arguments dans les deux sens. Certains genres très
naturels peuvent fournir la preuve de ce que j'avance.
Si l’on compare, par exemple, les ossements de toutes
les espèces de lièvres qui vivent de nos jours, on arri-
vera difficilement, pour quelques unes d’entre elles, à
saisir des caractères distinctifs. Si donc on trouve un
lièvre fossile, et surtout si l’on n’en trouve que des
fragments , il sera possible qu'on puisse le rapporter
également à une ou à plusieurs espèces connues. Le
paléontologiste qui étudiera ces débris, pourra, pour
ainsi dire à volonté, affirmer que l'espèce est identique
aux espèces actuelles, ou croire que c’est une espèce
perdue dont les caractères distinctifs ne résident que
dans les parties qu’on ne connaît pas, et que certaines
pièces du squelette ne suffisent pas à caractériser. La
rareté de ces cas et le peu d'importance , pour la déter-
minalion des terrains, des espèces sur lesquelles peut
porter l’indécision , empêchent qu’il en résulte une
confusion réelle.
Troisième Lor. — Les différences qui existent entre
les faunes perdues et les animaux actuels sont d'autant
plus grandes que ces faunes sont plus anciennes;
c'est-à-dire que plus les terrains sont anciennement
formés, plus les animaux dont ils renferment les dé-
bris diffèrent de ceux qui peuplent aujourd’hui notre
globe.
Cette loi se manifeste d’une manière évidente lors-
58 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
qu’on compare les débris fossiles des animaux des di-
verses époques géologiques. Si nous examinons, par
exemple, les coquilles des terrains tertiaires, nous ne
verrons presque que les formes qui nous sont familiè-
res ; tandis que si nous étudions les faunes des terrains
anciens, les formes nouvelles et inconnues nous parai-
tront bien plus fréquentes, et nous serons, pour plu-
sieurs d’entre elles, tentés de les désigner sous le nom
de bizarres ou d’anomales, parce qu’elles échappent à
certains rapports auxquels nous sommes habitués.
Si l'on veut, par une analyse plus sévère, préciser
cette première impression, on peut dire que les es-
pèces des couches les plus récentes appartiennent,
pour la plupart, aux genres dans lesquels se répartis-
sent les animaux vivants; tandis que si l’on descend
davantage dans l'écorce de la terre, on est obligé de
créer plus de genres nouveaux pour grouper les formes
des êtres; et que même il existe, dans les terrains les
plus anciens, des conditions d'organisation encore plus
différentes, qui exigent la formation de familles ou
d'ordres nouveaux.
Cette loi est vraie pour toutes les classes d’animaux,
mais elle présente quelques différences dans son ap-
plication. Les classes qui ont apparu dès l’origine, et qui
par conséquent ont des représentants dans les terrains
les plus anciens, ont eu des formes peu variables pen-
dant des périodes très longues. Dans celles, au contraire,
dont l'apparition est relativement récente, la loi s’ap-
plique en quelque sorte d'une manière plus rapide, et
les formes varient à des époques plus rapprochées. Si
l'on compare, par exemple, les mollusques et les mam-
mifères, on verra que les premiers, qui ont déjà existé
dans les époques les plus anciennes que nous connais-
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 59
sions, n'ont presque pas changé de forme depuis la fin
de l’époque crétacée, et que les coquilles des terrains
tertiaires appartiennent presque toutes aux mêmes
genres que les coquilles modernes. Les mammifères, au
contraire , qui ont apparu pour la première fois au com-
mencement de l’époque tertiaire, ont présenté alors des
formes qui nécessitent la création de nombreux genres
nouveaux. Dans les terrains les plus anciens de cette
époque on retrouve, avec des coquilles de même genre
que les nôtres, des anoplothériums, des anthracothé-
riums C1 des palæothériums, qui sont des types perdus ;
et il faut arriver aux terrains tertiaires les plus récents
et à l’époque diluvienne , pour trouver des faunes de
mammifères dont la majorité puisse se rapporter aux
genres actuels.
Toutefois, quelque réels que soient les faits dont cette
loi est l'expression générale, il ne faut pas l’exagérer en
voulant la trop préciser. Elle est vraie tant qu'on com-
pare entre elles les faunes dans leur ensemble; mais ce
serait une grave erreur de croire qu'elle s'étend à tous
les détails. Les terrains anciens, dont une grande partie
des animaux présentent des formes très différentes de
celles des êtres actuels, et dont la faune à une physio-
nomie générale qui la distingue clairement des faunes
plus récentes, présentent aussi beaucoup d'espèces qui
sont très voisines de celles qui vivent de nos jours. Si,
par exemple, les mollusques céphalopodes sont représen-
tés dans les terrains anciens par des lituites, des ortho-
cératites et des autres genres perdus, on y retrouve
aussi de vrais nautiles, qui ne diffèrent pas beaucoup
des espèces actuelles. Ainsi, avec les spirifères et les
productus, que l’on ne retrouve plus, vivaient dans ces
mêmes terrains des térébratules, qui ont des formes
60 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
très analogues à celles de tous les terrains subséquents
et de l’époque actuelle. La même chose a lieu pour
l’époque tertiaire; car ces mêmes terrains, qui ont
fourni des genres perdus remarquables dans l’ordre des
pachydermes, présentent aussi quelques chauves-souris
et quelques petits mammifères qu’en ne distingue
qu'avec peine des espèces qui vivent actuellement.
QuaTRiIÈME LOI. — Les animaux des faunes récentes ont
des formes plus variées que ceux des faunes anciennes,
c’est-à-dire que la diversité de l’organisation animale a
été en augmentant dans la série des temps. Cette loi
ressort facilement d'une comparaison attentive des po-
pulations zoologiques des diverses époques. Il serait
téméraire d'affirmer que nous connaissons loutes les
formes qui ont vécu aux époques anciennes ; mais il est
très probable que nous en savons assez pour admettre
qu’elles étaient bien moins variées que celles du monde
actuel. Il y à entre Les nombreux animaux de nos mers
et de nos continents des différences de forme et d’orga-
nisation bien plus grandes qu'entre ceux qui ont com-
posé les faunes géologiques, etcette comparaison devient
d'autant plus frappante que l’on se rapproche davan-
tage des premiers âges du globe.
On peut préciser cette loi en comparant le nombre des
groupes zoologiques dont l'existence a été constatée aux
diverses époques. On verra, par exemple, que les or-
dres (") sont plus de deux fois aussi nombreux dans les
époques tertiaire et contemporaine que dans les ter-
rains paléozoïques; la proportion est plus différente
encore pour les familles et les genres. Il serait, du
(1) M. d'Orbigny (Cours élém., p. 219) admet 31 ordres dans les terrains
paléozoïques, 41 dans les terrains jurassiques et crétacés, 71 dans les terrains
tertiaires et 76 dans l’époque actuelle.
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 61
reste, impossible de fixer le véritable rapport numé-
rique, car nous n'avons que des données très incom-
plètes sur plusieurs groupes nombreux et importants,
tels que les Articulés, les Mollusques mous, les Anné-
lides, etc.
Cette complication de l'organisme, évidente dans
l’ensemble, n’a pas toujours eu lieu pour chaque sroupe
en particulier. [l en est quelques uns qui sont en voie
de décroissance sous ce point de vue, comme souvent
sous celui du nombre des espèces; mais ces groupes
forment une exception ou plutôt sont moins fréquents
que ceux qui obéissent à la règle générale et qui, comme
l'ensemble du règne animal, sont en voie de croissance.
Nous citerons parmi les premiers, c’est-à-dire parmi
ceux dont la plus grande variété des formes a été pen-
dant les époques anciennes : les Poissons ganoïdes si
abondants jusqu’à la craie et dont nous n'avons plus que
deux genres dans nos mers; les Crustacés trilobites
spéciaux à l’époque paléozoïque ; les Céphalopodes à
coquilles cloisonnées, remarquables par leur variété aux
époques paléozoïque, jurassique et crétacée, repré-
sentés dans le terrain tertiaire par deux genres et dans
l’époque actuelle par un seul ; les Crinoïdes fixes qui
ont couvert de leurs rameaux le fond des mers an-
ciennes et dont on ne trouve aujourd'hui que de rares
représentants, etc.
Cinquième Lor.— Les animaux les plus parfaits ont eu
une origine relativement récente. Ce fait, dégagé de toute
extension exagérée, ne peut pas être contesté ; personne,
en effet, ne niera que les mammifères ne soient les ani-
maux les plus parfaits, et qu'après eux viennent les
oiseaux et les reptiles. Or, ces trois classes manquent
complétement dans la première époque d’animalisation,
62 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
et jusqu’à présent au moins on n’a rien trouvé dans les
terrains silurien et dévonien qui puisse prouver leur
existence. Les reptiles datent probablement de l’époque
carbonifère. Les oiseaux datent de l’époque pénéenne,
si l’on ose constater leur existence par certaines traces
de pas, sinon ils sont plus récents. Les mammifères
didelphes ont été trouvés dans l’époque oolithique; ils
manquent dans tous les étages antérieurs. Les mam-
mifères ordinaires ou monodelphes n’ont vécu ni à l’é-
poque paléozoique ni aux époques triasique, jurassique
et crétacée. Ils ont apparu pour la première fois avec
les terrains tertiaires, c'est-à-dire après que la popu-
lation zoologique a été renouvelée plus de vingt fois.
Mais si ce fait est incontestable dans les limites strictes
que nous lui donnons ici, il s’en faut de beaucoup que
l'on puisse le généraliser et l'étendre comme l'ont fait
quelques paléontologistes en disant que les faunes des
terrains les plus anciens sont composées d'animaux
d’une organisation plus imparfaite, et que le degré de
perfection s'élève à mesure qu'on s'approche des époques
plus récentes. Cette loi, connue sous le nom de loi du
perfectionnement graduel, a été pendant longtemps
considérée comme démontrée, et elle a servi de point de
départ à de nombreuses idées théoriques. Une analyse
plus stricte et plus rigoureuse l’a fortement ébranlée
dans ces dernières années, et l’on peut affirmer main-
tenant qu’elle a été au moins considérablement exagérée.
Son importance soit en elle-même, soit par ses consé-
quences, exige que nous consacrions quelques moments
à sa discussion.
Discussion de la loi du perfectionnement graduel. —
Parmi les principales causes qui ont donné naissance à
celte idée et qui ont encouragé son développement, on
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 63
peut signaler l'accord qui semble régner entre elle et le
texte de la Genèse, ainsi que l’appui qu'elle prête à
certaines théories que nous exposerons et combattrons
plus bas. Les philosophes qui attribuent l’état actuel de
l'organisation à la surface du globe, à un perfectionne-
ment graduel des organismes inférieurs dans la série
des temps, qui croient à la génération spontanée et qui
admettent la possibilité que les espèces passent d’une
forme à l’autre sous l'influence variable des agents ex-
térieurs et des milieux où elles vivent, accueillaient
avec empressement une idée qui semblait retracer, par
des monuments réels, les diverses phases de ce déve-
loppement organique.
Il n'est donc pas étonnant que, sous l’influence de
ces rapprochements théologiques et philosophiques,
l’idée du perfectionnement graduel de l’organisation
des animaux ait promptement jeté de profondes racines
et que, dans l’enfance de la science, on se soit empressé
d'y rattacher les faits que l’on connaissait. Mais si,
maintenant que les observations exactes sont plus nom-
breuses, on cherche, sans se laisser préoccuper par l'au-
réole brillante de ces théories, à les discuter froidement
et consciencieusement, on sera obligé de les dépouiller
de presque tout ce qu’elles ont de général et de les ré-
duire à de bien petites proportions. On reconnailra
bientôt que la loi du perfectionnement graduel ne peut
donner qu'une idée fausse et incomplète des faits
qu’elle dénature ou exagère.
L'idée du perfectionnement graduel de l’organisation
se lie plus ou moins avec la théorie de l'échelle des êtres,
c'est-à-dire avec cette opinion que tous les animaux
forment une série depuis l’homme jusqu'à l'être le plus
imparfait, dans laquelle chaque espèce, moins parfaite
64 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
que celle qui la précède et plus que celle qui la suit,
formerait un anneau d’une chaîne non interrompue.
Cette idée de l'échelle des êtres est fondée sur le fait
évident qu'il y a des degrés divers de perfection dans
les animaux ; elle est par conséquent vraie dans un sens
très vague ; mais elle est tout à fait inadmissible, si on
la précise et si l’on entend par là que les êtres forment
une série unique et continue. 11 est impossible de pla-
cer tous les animaux actuels dans un ordre tel, que l’on
puisse toujours passer d’une espèce à l’autre, en suivant
un décroissement de perfection. Ce n’est pas ici le lieu
de discuter à fond une théorie connue de tous les z00-
logistes ; je me contenterai de rappeler que deux ordres
de faits nombreux s'opposent à son admission. D’une
part il y a des classes d'animaux si tranchées que rien
ne les lie aux autres, ce qui crée dans cette prétendue
série des sauts et des lacunes incontestables ; ainsi les
oiseaux n’ont aucun intermédiaire réel qui les unisse
ni aux mammifères ni aux reptiles. D’un autre côté,
il y a des types d'organisation qui sont absolument indi-
visibles et dont les êtres Les plus parfaits sont supé-
rieurs à la moyenne d’un autre type, tandis que les plus
imparfaits lui sont inférieurs : ainsi les mollusques
sont, par les céphalopodes, supérieurs aux articulés,
et ils leur sontinférieurs par les acéphales ; on ne peut
donc pas distribuer les mollusques et les articulés en
une seule série. D’ailleurs ces mêmes types ont leur
perfection dans la réalisation des conditions d’un cer-
tain organisme, ce qui les rend très difficiles à compa-
rer entre eux. Le mollusque, l’articulé et le rayonné
le plus élevé ont chacun des caractères de perfection
d'un genre différent, qui ne permettent pas toujours
de décider que l’un est supérieur à l'autre.
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 65
Nous n’admettons donc point l'échelle des êtres
comme base de la discussion de cette loi ; il nous
semble que l’idée que l'on doit se faire des véritables
rapports des animaux, sous le point de vue de leur
perfection, est la suivante. Ces êtres se divisent en un
certain nombre de groupes, dont chacun réalise un type
particulier. Quelques uns de ces groupes sont évidem-
ment supérieurs aux autres par l’ensemble de leur or-
ganisation, mais quelquefois aussi leur comparaison ne
permet pas d'établir de supériorité réelle. Le type le
plus parfait est celui des vertébrés, qui doit évidemment
être placé bien au-dessus de tous les groupes d'animaux
invertébrés. Il se divise lui-même en quatre autres
types d’une perfection d'organisation inégale : les mam-
mifères sont plus parfaits que les oiseaux, ceux-ci
que les reptiles, et les poissons sont les plus inférieurs
sous ce point de vue. Mais dans les invertébrés, la dis-
tribution n'est pas la même ; les groupes principaux,
les mollusques, les articulés et les rayonnés, sont supé-
rieurs ou inférieurs les uns aux autres, suivant le
point de vue sous lequel on les envisage et les espèces
que l'on compare. On ne peut plus, comme pour les
vertébrés, les placer à la suite les uns des autres, en
déclarant que l’animal le plus imparfait de l’un d’entre
eux est supérieur au plus parfait des deux autres.
Chacun de ces types se subdivise ensuite lui-même en
classes d'une perfection inégale, qui peuvent plus
facilement être disposées dans une sorte de série.
Le règne animal serait mieux représenté sous la forme
d’un arbre dont les branches correspondraient à des
séries partielles, divergentes ou parallèles, formées
chacune par le perfectionnement ou par la modification
d’un type spécial.
Le o
66 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
Si nous appliquons, à la comparaison des diverses
créalions, ces idées moins simples et plus vagues peut-
être que l’échelle des êtres, mais probablement aussi
plus vraies, nous trouverons que les faunes des ter-
rains les plus anciens sont beaucoup moins imparfaites
qu’on le croit souvent.
Pour nous en rendre un compte exact, il faut remar-
quer que l'imperfection d’une faune doit résulter de
l'absence des types les plus élevés et les plus parfaits,
soit lorsque l'on étudie les divisions primaires, soit
lorsque l’on compare entre eux les ordres, les familles,
les genres, etc. Or sous quelque point de vue que se
fasse cette comparaison, les preuves manquent en fa-
veur du perfectionnement graduel.
Les quatre embranchements ont apparu à la fois;
tous les quatre sont représentés dans tous les terrains.
Les classes présentent des différences. Dans l’em-
branchement des vertébrés, la plus imparfaite, celle
des poissons, a paru la première : c’est ce que nous
avons exprimé dans la cinquième loi; mais dans les
trois autres embranchements il n’y à aucun argument
à rer en faveur du perfectionnement graduel. Dans les
mollusques, les diverses classes ont apparu ensemble ;
la plus parfaite, celle des céphalopodes, est même re-
marquable par son développement aux époques ancien-
nes. Les articulés sont trop peu connus pour fournir
des résultats certains ; toutefois on sait que toutes les
classes sont déjà représentées dans les terrains paléo-
zoïques. Les zoophytes sont dans le même cas, et les
échinodermes, quoique les plus parfaits, sont aussi an-
ciens que les autres.
Le même enseignement ressortirait de la comparai-
son des ordres et des familles. Ainsi dans la classe des
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 67
mammifères, les singes se trouvent déjà dans les ter-
tiaires anciens, et tous les ordres sont représentés dès
l’époqueéocène. Les quatre ordres de reptiles, ceux des
mollusques, des articulés, etc., fournissent les mêmes
résultats.
Toutes les comparaisons directes des faunes prouvent
que dès qu’un type organique a été créé, il l’a été avec
toute sa perfection. La série des temps n’y a apporté
aucune modification essentielle, et c’est une erreur
de croire les faunes anciennes composées d’animaux
plus imparfaits que ceux des faunes récentes. Le seul
fait vrai est celui qui est rappelé par la cinquième loi;
quelques types plus parfaits que les autres ont été ré-
servés pour des créations postérieures. On ne peut
donc point dire que, sous le point de vue des inverté-
brés, les faunes des terrains les plus anciens soient in-
férieures en organisation à celles des terrains les plus
récents ; on peut seulement constater que, dans les ver-
tébrés, les animaux les plus parfaits d'alors étaient les
poissons. Si l’on veut déduire de là le vrai caractère de
ces faunes, on reconnaîtra qu'elles sont comparables à
ce que seraient les nôtres sans reptiles, oiseaux ni mam-
mifères, et que tous les types, depuis les poissons in-
clusivement, y sont représentés par des animaux aussi
parfaits que ceux d'aujourd'hui.
Les faunes intermédiaires, telles que la faune juras-
sique, diffèrent des précédentes et des plus récentes
par des caractères semblables. Les poissons, les mollus-
ques, les articulés et les rayonnés de ces époques, com-
parés à ceux des périodes antérieures el postérieures,
présentent une organisation de même degré et ne sont
ni plus ni moins parfaits. Mais ces faunes intermé-
diaires diffèrent de celles qui les ont précédées, parce
68 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
que les vertébrés sont en outre représentés par des
reptiles et des didelphes; et elles se distinguent de la
nôtre en ce qu'elles n’ont pas encore de mammifères
monodelphes.
Ces faits ainsi restreints ne peuvent donc guère
servir à faire accorder une supériorité aux faunes ré-
centes, et à l’appui de cette manière de voir, je pré-
senterai deux observations.
La première est qu’il ne faut peut-être pas trop se
hâter d'établir l’absence dans les faunes anciennes de
ceruains types plus parfaits, parce qu’on ne les y à pas
encore trouvés. Nous ne connaissons presque de ces
faunes que des animaux marins, et dans l’état actuel
du globe les terrestres présentent en général une orga-
nisation supérieure. Ne peut-il pas se faire qu'il y ait
eu aussi dans ces premiers âges des animaux terrestres
plus parfaits que les marins, et que leurs débris n’aient
pas élé conservés, ou soient si rares que l’on n’en ait
pas encore trouvé. L'existence des mammifères didel-
phes à été révélée dans les époques jurassiques par la
découverte d’un très petit nombre de fragments; les
débris d'animaux terrestres ne sont guère fossilisés
que par des cataclysmes et des inondations subites, qui
jouent toujours un bien petit rôle par rapport au dépôt
lent et normal des eaux tranquilles? Ne peut-il pas ar-
river que de nouvelles découvertes viennent révéler
encore, dans les terrains anciens, des animaux dont
nous ne soupçonnons pas l'existence ?
Une seconde observation est que si l'on cherche à
comparer l’état actuel du globe avec les diverses créa-
lions anciennes, on verra que le degré supérieur de
perfection de l'organisme ne peut pas toujours fournir
des résultats bien concluants sur la perfection des
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 69
faunes. Ainsi, en ne tenant pas compte de la présence
de l’homme, dirons-nous que la faune de l'Asie est très
supérieure à celle de l'Europe, parce que son terme le
plus élevé est l’orang-outang; et placerons-nous beau-
coup plus bas que toutes les autres la faune de la Nou-
velle-Hollande, parce que ses mammifères sont presque
tous didelphes ? La légitimité de ces conclusions serait
pourtant égale à quelques unes de celles que l’on a
établies par la comparaison des faunes péolopiques.
SIXIÈME LOL. — L'ordre d'apparition des divers types
d'animaux sur la surface de la terre rappelle sou-
vent les phases du développement embryonnaire. Quel-
ques naturalistes ont cru remarquer, dans certains
Lypes zoologiques, que si l’on forme une série dont
le terme inférieur corresponde aux premiers ani-
maux créés de ce groupe, et le terme supérieur à ses
représentants les plus récents, cette série sera parallèle
à celle que l’on construirait au moyen des diverses
formes que prend successivement l'embryon des êtres
les plus parfaits. Cette loi est loin de pouvoir être dé-
montrée d'une manière générale dans l’état actuel de la
science, mais 1l est quelques cas dans lesquels elle pa-
raît prendre une certaine réalité.
Je ferai remarquer d'abord qu'il ne s’agit ici que de
séries partielles, et que la loi est inapplicable à l'en-
semble du règne animal. L'apparition à la même époque
des quatre embranchements, des principales classes,
des ordres, etc., que nous avons démontrée plus haut,
s’y oppose tout à fait. On n’a pu chercher à l'appliquer
qu'à l’ordre de succession de certains groupes. Voici
quelques exemples qui feront comprendre sa portée (”).
(1) Les naturalistes savent tous quel parti on peut tirer de l'embryogénie,
pour guider la classification naturelle, I n'est donc pas improbable qu'elle ait
70 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
On sait que les poissons, comme tous les vertébrés,
ont d’abord la colonne épinière à corps indivis et réunis
sous la forme de corde dorsale ; beaucoup de poissons
anciens conservent, à l’état adulte, ce caractère em-
bryonnaire, comme les esturgeons et quelques autres
le font encore dans le monde actuel.
L'étude de l’embryologie des poissoñs montre aussi
que, dans l’origine, toutes les nageoires impaires sont
réunies en une seule qui entoure le corps et la queue.
L'existence de nageoires très nombreuses ou peu sépa-
rées, et en particulier de plusieurs anales dans quel-
ques poissons anciens, peut aussi être considérée comme
un caractère embryonnaire. |
Les échinodermes supérieurs (oursins) sont, dans
leur jeune âge, fixés par un pédicelle qu’ils perdent
plus tard. Ils ont été précédés sur la surface de la terre
par les échinodermes pédicellés (crinoïdes).
Mais, dans beaucoup de cas aussi, on a inutilement
cherché ces rapports, et, comme je l'ai dit plus haut,
la loi ne peut point, jusqu'ici, être admise comme
générale. J'ai cependant cru devoir attirer l'atten-
tion des paléontologistes sur ces relations remarqua-
bles.
SEPTIÈME LOI. — Depuis le moment où un type zoologi-
que a apparu pour la première fois, jusqu’au moment où
il a disparu tout à fait, il n'y a point eu d'interruption
dans son existence. En d’autres termes, chaque type
n'a paru et disparu qu’une fois, et il est représenté
aussi des liens avec l’ordre de succession sur la surface du globe, car souvent
aussi cet ordre est intimement lié avec les affinités naturelles des animaux.
— Voyez sur ce sujet un mémoire de M. Agassiz, inséré dans son ouvrage sur
le Lake superior, Boston, 1850, in-8°, et traduit dans la Bibliothèque uni-
verselle de Genève (Archives, t. XV, p. 190).
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 71
dans toutes les époques comprises entre celle de sa
première apparition et celle où il a existé pour la der-
nière fois.
Cette loi n’est pas démontrée encore d'une manière
générale ; mais elle est constatée pour l'immense majo-
rité des cas, et il y a tout lieu de croire que les excep-
tions que l’on peut citer reposent sur des matériaux in-
suffisants. Elle se vérifie soit dans l’histoire des genres,
soit dans celle des famiiles, des ordres et des classes.
L'expérience a démontré que lorsqu'on a signalé quelque
lacune, lorsqu'un genre, par exemple, manquait dans
un élage après avoir été retrouvé dans les formations
supérieures et inférieures, il arrivait presque toujours
que cette interruption disparaissait devant une invesli-
gation plus complète.
Il subsiste cependant encore aujourd'hui quelques
cas qui semblent faire une exception plus sérieuse.
Ainsi les mammifères didelphes, trouvés dans les ter-
rains jurassiques inférieurs de Stonesfield, paraissent
jusqu’à présent manquer à tous les étages supérieurs
de la même époque ainsi qu'aux terrains crétacés.
L'absence de leurs débris tient-elle à ce qu'ils n'ont
pas existé pendant cette longue période? Ce serait une
grave exception à la loi que nous discutons. Tient-elle à
ce que leurs ossements n’ont pas été conservés ou exis-
lent dans des gisements inconnus? Je crois que cette
dernière alternative est la plus probable et qu'une
explication semblable peut être donnée de toutes les
lacunes analogues.
Huinième Lor. — La comparaison des faunes des diver-
ses époques montre que la température a varié à la sur-
face de la terre. On trouve des animaux fossiles dans des
parties du globe qui sont de nos jours inhabitables
12 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
pour eux, à cause du froid (‘); les faunes de quelques
époques récentes et en particulier des terrains ter-
tiaires d'Europe présentent plus d’analogie avec les
animaux de la zone torride qu'avec ceux des zones
tempérées. À ces considérations zoologiques se joi-
snent aussi des arguments tirés du règne végétal. L'Eu-
rope a été pendant l’époque houillère couverte d’une
riche et grande végélalion, qui ne peut être comparée
pour sa nature qu'à celle de quelques pays intertropi-
Caux.
Ces faits s'accordent, en effet, pour montrer qu’en
sénéral la température a été plus élevée dans les épo-
ques anciennes que dans la nôtre. Nous verrons aussi,
en discutant la loi suivante, qu’elle a probablement été
plus uniforme. Ce serait, je crois, aller trop loin que
d'affirmer avec quelques géologues que Ia température
de toutes les époques antérieures a été entièrement
semblable à celles des régions intertropicales actuelles.
IL faut remarquer, en effet, que les comparaisons sur
lesquelles on se base ont par elles-mêmes quelque
chose de vague, et que rien ne prouve que, parce que
deux espèces se ressemblent, elles n’ont pu vivre que
dans le même climat. On a cherché à assimiler,
par exemple, le climat de l'Europe dans l’époque dilu-
vienne à celui de l'Inde de nos jours, parce que les
éléphants ont vécu dans ces deux pays; mais rien
ue dit que l'éléphant antédiluvien ne se soit pas con-
tenté d’une température moins élevée. La longue
toison dont cet animal était couvert semblerait même
démontrer quil était organisé pour supporter un
() Ainsi les éléphants et les rhinocéros ont vécu sous la latitude de la
mer Glaciale, tandis qu’à présent cette région ne fournirait pas les végétaux
nécessaires à leur nourriture,
DISTRIBUTION DES FOSSILES. 73
climat plus froid que celui qui convient à l'éléphant de
l'Inde. à
Ce serait aussi, je crois, exagérer Les résultats directs
feurnis par les faits que d'admettre une décroissance
uniforme de la température depuis les temps anciens
jusqu'à nous. Rien dans l'étude des diverses époques
ne prouve suffisamment cette assertion, et je crois que
dans cette question l’imagination a souvent dépassé les
enseignements de lobservation ("). D'ailleurs, quelques
faits récemment signalés semblent fournir des résultats
contraires et indiquer que certaines parties du globe
ont eu, momentanément au moins, des températures
plus froides. On a trouvé dans plusieurs dépôts récents
de la Sicile des coquilles dont les analogues ne vivent
pas de nos jours dans la mer Méditerranée, mais bien
dans la mer du Nord. Dans quelques localités sembla -
bles de l'Écosse, les fossiles forment un ensemble qui
ne peut être comparé qu'aux faunes actuelles de l'Islande
et du Groënland. Ces faits sont de même nature que les
précédents, méritent à peu près la même confiance, et
si les premiers montrent une phase de température
plus élevée, ceux-ci en prouvent une moindre.
(1) Je crois que ce qui a donné quelque consistance à ces opinions est la
liaison qu'on a établie entre les faits paléontologiques et l'accroissement de
la température quand on creuse l’écorce du globe. On a dit que la solidifi-
cation de la terre a commencé par la surface, que la couche refroidie aug-
mente toujours, ct qu'en conséquence, dans les époques géologiques où elle
était plus mince, la chaleur centrale a dù avoir une influence plus grande
pour réchauffer l'atmosphère à la surface de la terre, Cette idée, séduisante
au premier coup d'œil, est peut-être, comme plusieurs de celles que j'ai ana-
lysées, plus spécieuse que réelle. L'épaisseur de la couche refroidie a dù,
aux époques où il y avait végétation et vie à la surface de la terre, être pro-
bablement toujours trop grande pour que la chaleur intérieure ait eu un
effet marqué. Une discussion rigoureuse de cette question de physique
terrestre fournirait peut-être des résultats très opposés à ceux qui ont été
longtemps admis, ‘
7, CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
Je crois donc que la loi que j'ai indiquée ne peut
pas encore être établie d’une manière très précise.
Dans l’état actuel de la science, les faits prouvent seu-
lement qu'il y a eu des changements de température à
diverses époques, et que les pays dont nous connaissons
le mieux les fossiles ont eu tantôt un climat plus chaud
qu'aujourd'hui (et c’est probablement le cas de beaucoup
le plus fréquent), tantôt aussi un climat plus froid (°).
Neuvième Lor. — Les espèces qui ont vécu dans les
époques anciennes ont eu une distribution géographique
plus étendue que celles qui existent de nos jours. De
nouvelles découvertes tendent tous les jours à con-
firmer cette loi; on comprend toutefois qu’elle ne
pourra être définitivement admise que quand des loca-
lités nombreuses auront été étudiées et que leurs fos-
siles auront été déterminés avec une exactitude suf-
fisante. Des observations dignes de foi démontrent que
l’on trouve, dans des terrains contemporains, des es-
pèces communes à l'Amérique et à l'Europe (?). D'au-
tres prouvent que les espèces qui ont habité une grande
partie de ce dernier continent dans les époques qui ont
précédé la nôtre, s’étendaient dans le continent asia-
tique et dans la région boréale plus loin que ne le font
les espèces actuelles de l'Europe tempérée (°), et que
d'autres, traversant les régions tropicales, se trouvaient
à la fois dans l'hémisphère austral et dans l'hémisphère
boréal (#). Lorsque ces faits seront plus complets, on
(1) Voyez, pour les causes des changements de température à la surface
du globe, les traités de géologie, et en particulier le premier volume des Prin-
cipes de géologie de M. Lyell.
(2) Voyez les ouvrages de M. de Verneuil et le Prodrome de M. d’Orbi-
gny.
(3) Par exemple, l'éléphant fossile (E. primigenius, etc.).
(4) Nous en verrons quelques exemples dans des mammiferes dont les dé-
DISTRIBUTION DES FOSSILES. ; (5)
pourra en déduire quelques conséquences intéressantes
sur l’état du globe à diverses époques.
Cette dispersion plus grande des espèces peut dé-
montrer, ainsi que je l’ai fait entrevoir ci-dessus, que
la température de la terre a été plus uniforme dans les
temps anciens qu’elle ne l’est aujourd'hui. Si les mêmes
espèces ont pu vivre dans la presque totalité de l’Amé-
rique, tandis qu’elles ne le peuvent pas aujourd’hui,
on en peut conclure que le climat des parties extrêmes
ne différait pas, autant que de nos jours, de celui des
régions situées sous l'équateur. Des conclusions sem-
blables peuvent être tirées de ce que l’on retrouve les
mêmes espèces dans le midi de l’Europe et dans le
nord de la Russie.
Ces mêmes faits de distribution géosraphique des
espèces fossiles peuvent aussi démontrer que les mers
ontété moins profondes aux époques anciennes que de
nosjours. L'habitation des mollusquesmarins est limitée
en partie par la profondeur de la mer, la plupart des
espèces ne pouvant pas vivre là où le sol est trop loin
de la surface de l’eau. La dispersion plus grande dans
les temps anciens peut faire croire que cette cause
n'existait pas au même degré.
Dixième Lor. — Les animaux fossiles ont été construits
sur le même plan que les animaux actuels, et leur vie
a dù se manifester par des actes physiologiques iden-
tiques. Les nombreux animaux fossiles qui ont été
étudiés n’ont apporté aucune modification aux lois
d'anatomie comparée. Les squelettes des vertébrés se
sont toujours trouvés composés de pièces homologues
bris fossiles se trouvent depuis le Canada jusqu’en Patagonie ; ainsi que pour
certaines espèces de mollusques qui ont vécu à la fois en Europe et dans les
Indes orientales.
16 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
à celles des animaux de notre époque. La même
chose a eu lieu pour les autres embranchements , et
toujours les débris des faunes anciennes ont trouvé
leur place dans les cadres établis pour Pétude du
monde actuel.
Les fonctions physiologiques ont dû aussi être iden -
tiques ; quelques naturalistes ont cependant des idées
contraires et ont cru à une respiration plus active dans
les temps anciens. L'étude des organes des animaux
fossiles ne justifie pas cette idée théorique. Soit qu'il
s'agisse de la respiration dans l’eau, soit qu'il s'agisse
de la respiration dans l'air, toutes les observations s’ac-
cordent pour prouver au contraire qu'il ne pouvait y
avoir aucune différence de nature dans les branchies,
les poumons ct les autres organes respiratoires des
animaux anciens comparés aux modernes. Ce résultat
est rendu certain par le fait que quelques genres ont
traversé toutes les époques et qu'ils ont conservé dans
toutes la même organisation. Les nautiles, les térébra-
tules, dans toutes ces périodes, ont certainement res-
piré, digéré et vécu comme ils le font aujourd’hui
dans nos mers. |
Cette loi fixe, comme on le voit, une limite impor-
tante aux différences que peuvent présenter les fossiles,
et jusufie l'application à leur étude des principes z00-
logiques qui dirigent celle des êtres de notre époque.
CHAPITRE VI.
DES CAUSES AUXQUELLES ON PEUT ATTRIBUER LE RENOU-
VELLEMENT DES FAUNES ZOOLOGIQUES.
Nous avons traité dans le chapitre précédent des
faunes qui se sont succédé sur [a surface de la terre
CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES, ror(
et de leurs rapports. Il faut maintenant jeter un coup
d'œil sur les explications qui ont été données de ces
phénomènes , et quittant le terrain plus certain des
faits, aborder pour quelques instants le champ moins
solide des idées théoriques.
La recherche des causes de la succession des êtres
organisés se lie d’une part avec les théories cosmogo-
niques et de l’autre avec les principes les plus délicats
de la physiologie des animaux. Aussi la solution de cette
question est-elle d’une haute importance et peut-elle
être considérée comme le véritable but vers lequel
doit tendre la paléontologie. Mais peut-être aussi la
science n’est-elle pas encore assez avancée pour fournir
des bases suffisantes à une conviction éclairée.
Nous devons distinguer dans cette analyse deux faits :
l'extinction des faunes géologiques par la mort des es-
pèces qui les composaient, et lapparition des faunes
nouvelles destinées à remplacer les anciennes. Le pre-
mier point est le plus facile à comprendre, et nous nous
en occuperons en premier lieu.
Nous rappellerons d’abord ce que nous avons dit pré-
cédemment : que les étages géologiques sont nettement
séparés au point de vue des espèces et qu’il n’y a pas
en général de transitions de l’un à l’autre. Ce fait nous
indique que les causes qui ont amené ces changements
n’ont pas été lentes et graduelles, et qu’elles sont plu-
tôt comparables à celles qui, dans la nature actuelle,
se manifestent par des effets puissants et de peu de
durée. Nous ne voulons toutefois pas exagérer cette
donnée ni admettre des changements tout à fait brus-
ques comme des coups de théâtre; mais nous ne sau-
rions pas non plus, dans la recherche de ces causes,
mettre en première ligne celles qui auraient agi d’une
78 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
manière égale et continue pendant toute Ja durée des
périodes géologiques. Des causes de cette nature auraient
laissé comme traces, des transitions nombreuses dans
l'apparence des terrains et dans l'extinction des es-
pèces. L'état contraire, que nous.avons signalé, indique
l'existence de causes comparables à celles qui, de nos
jours encore, mais sur une plus petite échelle, ont une
action brusque et temporaire, comme de grandes inon-
dations, des soulèvements partiels, des débâcles, des
éboulements, etc.
Ceci posé, nous pouvons chercher l’explication plus
ou moins vraisemblable des extinctions successives,
dans des causes physiques et dans des causes organi-
ques.
La plus probable des causes physiques consiste dans
les perturbations qui ont dû suivre les dislocations de
l'écorce du globe. Ces dislocations, dont nous avons
parlé page 35, ont été fréquentes dans les âges anciens,
et elles ont dù amener des effets auxquels on peut
avec une grande probabilité rapporter, dans beaucoup
de cas au moins, les phénomènes dont nous nous oc-
cupons.
Ces effets peuvent être :
1° Une augmentation (ou une diminution) momen-
tanée de température assez intense pour faire périr
les animaux qui vivaient dans l’eau. Quelques géo-
logues se refusent à admettre cette cause d’extinction;
ils se fondent sur l'égalité de température qu’indi-
quent les faunes successives. Cette égalité peut très
bien avoir existé d’une manière normale, mais avoir
été troublée à certaines époques d’une manière passa-
gère.
2° Un mélange subit de matières minérales dans l’eau
CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES. 79
de la mer ou dans les eaux douces. On conçoit très bien
qu'à la suite des dislocations et de l’action intérieure
du globe, des matières nuisibles à la vie aient pu être
projetées dans les eaux, qu’elles aient tué la population
qui y vivait, et qu'ensuite elles se soient déposées, ren-
dant ainsi de nouveau les eaux habitables.
3° Un changement de nature dans le fond des eaux.
Cet effet aura, en général, une étendue et une portée
moindre que les précédents ; mais on peut comprendre
encore que, si à un fond de rochers succède un fond
sablonneux ou à celui-ci un fond marneux, les espèces
qui ne peuvent vivre que dans l’une ou dans l’autre de
ces conditions seront chassées ou détruites.
4° Un changement de profondeur. M. Ed. Forbes a
montré que la plupart des espèces marines se canton-
nent à des hauteurs constantes. Si un bouleversement
remplace par des bas-fonds des mers profondes, ou par
des profondeurs considérables un rivage faiblement
incliné, on comprend encore que certaines espèces se-
ront déplacées ou anéanties, parce qu’elles ne trou-
veront plus leur station convenable.
Ces divers effets et d’autres analogues, produits par
les dislocations de l'écorce du globe, peuvent donc être
considérés comme ayant puissamment agi pour détruire
les espèces de chaque faune géologique. Peuvent-ils à
eux seuls expliquer toutes les extinctions? Telle est
une question plus délicate. M. Elie de Beaumont a fait
à ce sujet une remarque importante qui semble la ré-
soudre par la négative. L'extension géographique des
soulèvements et leur limite probable d’action ont été en
général plus restreintes que la dispersion géographique
des espèces. Il est bien difficile d'admettre que ces sou-
lèvements aient pu détruire toute l’espèce, et il semble
Ss0 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
que, dans beaucoup de cas du moins, une partie des
individus a dü échapper.
Comment donc expliquer la destruction totale que
l'étude des fossiles nous enseigne. Faut-il joindre aux
causes physiques une cause organique, et croire que
l'espèce, comme l’individu, porte en elle-même un germe
de mort qui limite sa durée? Rien, jusqu'à présent, ne
nous autorise à admettre (ni à nier) l’existence d’une
pareille loi, et pour la discuter il faudrait quitter le
terrain des faits pour celui des hypothèses.
Le second point que nous devons examiner dans ce
chapitre est l'apparition des faunes nouvelles destinées
à remplacer les anciennes.
Cette question, beaucoup plus difficile que la précé-
dente, n’a reçu encore que des solutions bien peu sa-
tisfaisantes et qui sont évidemment tout à fait provi-
soires. Nous devons cependant les discuter, car elles
touchent de près à des principes zoologiques impor-
tants. Espérant que le temps fournira une fois une
explication meilleure, je me bornerai à exposer l’état
actuel de la science.
On peut réduire à trois les explications qui ont été
données de la succession de ces faunes différentes sur
la surface du globe.
La première part du fait que les cataclysmes qui ont
enseveli les diverses espèces que nous trouvons fossiles
ont été partiels; et elle suppose qu'après chaque inon-
dation qui a enfoui les êtres d’une époque, les terrains
mis de nouveau à sec ont été repeuplés par les ani-
maux des pays voisins, qui différaient des premiers
comme diffèrent actuellement les faunes des diverses
régions du globe. Une succession d'événements sem-
blables dans le même pays aurait, suivant eux, laissé
CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES. Si
ses traces dans les divers terrains superposés. La même
chose se serait passée en sens inverse pour les habi-
tants des mers.
Cette idée a pu être discutée lorsqu'un très petit
nombre de faits connus semblait pouvoir s’accorder
avec une explication qui, au premier coup d'œil, paraît
simple et naturelle ; mais maintenant que les diffé-
rents terrains ont été mieux étudiés et dans un plus
grand nombre de pays, elle ne peut plus être sou-
tenue, et l’on peut la déclarer aujourd’hui tout à fait
inadmissible. Si en effet tous ces dépôts super-
posés n'avaient été que le résultat d'un déplace-
ment des faunes contemporaines, on devrait trouver
les mêmes espèces enfouies à diverses époques dans
des pays différents, et les débris des espèces actuelles
devraient en particulier être conservés fossiles dans
quelques terrains. Or, toutes les recherches les
plus certaines prouvent directement le contraire; on
a maintenant de nombreux fossiles d’Asie et d'Amé-
rique, et les lois de distribution y sont tout à fait sem-
blables aux nôtres : on n’y retrouve aucune espèce
actuellement vivante. De plus, toutes les fois qu’une
espèce se trouve dans deux pays différents, l’ordre de
superposition des terrains prouve qu’elle y à vécu à la
même époque. À ces arguments on pourrait en ajouter
bien d’autres ; mais ils suffisent pour démontrer la faus-
seté de cette théorie, et l’on peut dire que maintenant
il n’y a de lutte sérieuse qu'entre les deux autres.
De ces deux théories actuellement en présence, la
première explique la succession des êtres organisés
par la transformation des espèces, en admettant que
les animaux des terrains anciens ont été modifiés par
l'influence des variations de Pair, de la tempéra-
ï : 6
82 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES,
ture, etce., qu'ont amenées les révolutions du globe,
qu'ils se sont insensiblement métamorphosés, qu'ils
ont pris successivement des formes dont les couches
des divers élages nous ont conservé des traces, et que,
de changements en changements, ils sont arrivés à
l'état qu'ils ont de nos jours.
L'autre théorie admet un anéantissement complet
des espèces à chaque catastrophe qui a terminé une
époque, et une nouvelle création à l'aurore de l’époque
suivante.
Avant de discuter ces opinions, il importe de faire
observer que dans leur appréciation on peut se préoc-
cuper davantage de l’ensemble des espèces et du renou-
vellement intégral des faunes, ou mettre en première
ligne ce qui regarde lapparition des types tranchés
et distincts qui n’ont pas d’homologues dans les époques
antérieures. Nous insisterons principalement sur ce
dernier point, parce que nous le croyons plus propre
à faire sentir ce que l’on doit exiger d’une de ces théo-
ries avant de la déclarer admissible. Pour qu'elle soit
suffisante, il faut pour nous qu’elle rende compte de
l’origine des poissons cténoïdes et cycloïdes, des divers
ordres de reptiles, des mammifères, de l’homme, etc.
La théorie de [a transformation des espèces nous
paraît complétement inadmissible, et diamétrale-
ment opposée à tous les enseignements de la 200-
logie et de la physiologie. Cette théorie se lie, comme
je l'ai déjà fait entrevoir ci-dessus, avec l’idée de l’é-
chelle des êtres et avec celle du perfectionnement gra-
duel dans les âges géologiques; elle est leur lien, leur
complément et leur explication, et forme avec elles
un corps de doctrine complet. Les naturalistes qui ont
adopté une partie de ces idées sont conduits à accepter
CAUSES. DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES. 83
les autres ; mais les mêmes raisons qui nous ont fait,
dans le chapitre précédent, nous refuser à reconnaître
d’une manière générale et absolue l’échelle des êtres
et le perfectionnement graduel des faunes zoologiques,
nous forceront aussi à rejeter l’idée de la transforma-
tion des espèces, comme explication de la succession
des êtres organisés à la surface du globe.
Il faut observer en premier lieu qu’il est peu pro-
bable que les forces de la nature aient été, dans les
premiers âges du monde, bien différentes de ce qu’elles
sont de nos jours. Les mêmes lois générales qui régis-
sent aujourd’hui notre globe ont dû avoir leur action
dès la première création, et il est impossible d'admettre
une différence réelle dans leur essence. Nous pouvons
seulement concevoir que chacune d’entre elles à pu
agir dans des limites un peu plus étendues : ainsi la
température a pu être plus élevée, les eaux ont pu
charrier des matières plus abondantes, etc., mais l’in-
fluence de ces agents sur l'organisme a du être ana-
logue à celle que des circonstances semblables auraient
aujourd'hui. L'étude des animaux des terrains anciens
montre d’ailleurs, comme nous l’avons dit, une organi-
sation très semblable à celle des êtres actuels, et rien
ne peut faire légitimement conclure qu'ils aient pu être
soumis à une température très différente de la nôtre,
ou qu'ils aient respiré un air autrement composé. Il
nous semble donc que ce serait se jeter à dessein dans
l’incertain, que d'admettre des changements dans l’or-
ganisme produits par des modifications dans la nature
des agents extérieurs, et les mots trop souvent employés
de nature plus jeune, forces plus actives, etc., nous
semblent devoir être évités, comme représentant des
idées fausses, exagérées ou mal définies.
84 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
Si donc, nous plaçant sur un terrain plus solide,
nous cherchons à conclure du connu à l'inconnu, c’est-
à-dire à appliquer aux premiers âges du globe les ensei-
gnements que nous fournit aujourd’hui l’étude de la
nature, nous arriverons aux conclusions suivantes.
Toutes les observations et les recherches de quelque
valeur s'accordent à proclamer la permanence ac-
tuelle des espèces. Les trente siècles qui se sont écou-
lés depuis que les Égyptiens embaumaient des cadavres
d'hommes et d’animaux n’ont pu influer en aucune
manière sur les caractères des espèces qui habitent
l'Égypte; les crocodiles, les ibis, les ichneumons d’au-
jourd’hui sont identiques avec ceux qui vivaient il y a
trois mille ans sur les bords du Nil. Il n’y a, entre les
individus actuels et ceux connus à l’état de momie,
aucune différence, non seulement dans les organes es-
sentiels, mais encore dans les plus minimes détails du
nombre et de la forme des écailles, des dimensions des
os, etc. Cette permanence des espèces est d’ailleurs
assurée dans la nature par des règles importantes qui
empêchent leur mélange pour former des types inter-
médiaires. Tous les physiologistes savent que si deux
espèces ne sont pas très voisines l’une de l’autre, elles
ne peuvent pas produire ensemble, et que si elles sont,
au contraire, très rapprochées, elles donnent naissance
à des mulets; ces derniers sont eux-mêmes inféconds
et incapables de devenir les souches de nouvelles espè-
ces ; toute aberration du type par voie de croisement se
trouve ainsi immédiatement arrêtée.
Tout le monde sait aussi que si des individus ont
perdu leurs apparences spécifiques normales pour
former des races distinctes, les caractères de l'espèce
sont si profondément empreints que dès que les circon-
CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES. 85
stances modificatrices viennent à cesser, les animaux
dérivés du type reviennent à ses formes originaires.
Cette loi, connue sous le nom de loi de retour au
type, est encore une preuve puissante de la permanence
de l’espèce.
Il est vrai que des naturalistes ont argué contre ces
conclusions de ce qui se passe dans les espèces domes-
tiques, qui sont susceptibles de variations assez éten-
dues. Ainsi les bœufs, les chevaux, les moutons, les
cochons et les chèvres, forment des races distinctes et
diffèrent d’un pays à l'autre par la couleur, la taille, la
force des os, le plus ou moins de graisse, la nature du
poil, etc. Les chiens offrent un exemple encore plus
remarquable; la couleur et la taille y varient dans des
limites encore plus éloignées, la forme des os du crâne
présente des différences très considérables, et l'instinct
lui-même accompagne par ses variations ces change-
ments de formes. Ces faits sont vrais, mais ils me sem-
blent fournir une conclusion toute contraire à celle
qu'on a voulu en tirer. Les individus les plus éloignés
du type primitif ne présentent jamais aucune différence
réelle dans la forme des organes essentiels : le sque-
lette a toujours des caractères invariables, soit dans le
nombre des os, soit dans leurs apophyses, soit dans
leurs relations ; les organes de la nutrition, le système
nerveux, tout, en un mot, est soumis à la même règle,
11 n’y a de différence marquée que dans les dimensions
absolues, qu’on sait être très variables, et dans des cir-
constances extérieures plus fugilives encore. Dans les
crânes des chiens les plus modifiés, les caractères essen -
tiels et les rapports des os restent identiques, et l’on
peut dire qu'aucun des animaux domestiques, dans ses
plus grandes variétés, ne perd les caractères d’espèce,
86 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
Si donc tout ce que les agents extérieurs présentent
de plus énergique, changement de climat, d'habitu-
des, d’instinct, de nourriture, n’ont produit, par une
action qui a duré des siècles, que des modifications
insignifiantes, incapables d’altérer le type spécifique,
n’est-on pas en droit de conclure, de cette étude des
animaux domestiques , la permanence des espèces,
plutôt que leur transition de l’une à l’autre ?
Cela est d'autant plus vrai que les différences d’une
faune à l’autre sont très grandes, et qu'il ne s’agit pas
d'expliquer de légères modifications d’un type, mais
bien des passages entre des formes fort éloignées. Quel-
ques naturalistes n’ont reculé devant aucune de ces
transitions, et ils ont admis que les reptiles de l’époque
secondaire avaient leurs parents dans les poissons de
l'époque primaire et leurs descendants dans les mam-
mifères de la période tertiaire. Quel est le physiologiste
qui admettra de pareilles conclusions? et cependant il
faut aller jusque-là pour faire dériver toutes les faunes
géologiques de la première, par simple transition des
espèces les unes dans les autres.
Et alors même que pour produire de semblables ré-
sultats on supposerait, contrairement à ce que nous
avons fait, de très grands changements dans la tempé-
rature et dans les milieux, ou une nature plus jeune,
toutes les lois de la physiologie n’en seraient pas moins
violées. Ces différences extrêmes dans les agents exté-
rieurs pourraient bien détruire les espèces, et ce serait
probablement leur résultat naturel, mais non les modi-
fier dans leurs formes essentielles.
Il me paraît donc évident qu’il est impossible d’ad-
mettre, comme explication, le passage des espèces les
unes dans les autres. Les limites possibles de ces mo-
CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES. 87
difications, en supposant même, comme je le dirai plus
bas, que l'immense durée du temps ait pu leur donner
un peu plus de réalité que l’étude des phénomènes ac-
tuels ne leur en accorde, sont infiniment en dessous des
différences qui distinguent deux faunes successives.
Les deux premières explications étant inadmissibles,
il reste, la troisième qui est connue sous le nom de
théorie des créations successives, parce qu’elle admet
l'intervention directe du pouvoir créateur au commen-
cement de chaque période géologique. Nous devons
faire sur cette théorie trois remarques.
La première est que sa discussion n’est guère du do-
maine de lappréciation scientifique. Si nous pouvons
nous faire une idée du mode d’action, des limites et des
conséquences des lois secondaires, nous ne pouvons
point nous rendre compte de l’action du pouvoir créa-
teur, pas plus au commencement de chaque période
géologique que dans l’origine des choses.
La seconde observation est que, vu l'incapacité où
nous sommes de rien expliquer par son moyen, puisque
nous ne pouvons pas apprécier le mode d'action de Ja
force qu’elle invoque, cette théorie ne mérite pas vé-
riltablement ce nom; car elle ne fait en réalité que
constater un fait négatif, l'insuffisance de toutes les
autres explications.
Enfin, et comme conséquence, nous devons faire re-
marquer que ce mot créations successives à eu l’'incon-
vénient de ne pas laisser assez de latitude et d’exclure,
par exemple, la possibilité que les êtres de chaque
faune successive provinssent de ceux qui les ont pré-
cédés par l'effet de quelque loi inconnue, autre que
la génération normale, dont les générations alternantes
peuvent donner peut-être une idée approximative, loi
88 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
de la nature qui se manifesterait à des intervalles éloi-
gnés, mais réguliers, et qui nous serait inconnue parce
que nous sommes dans un de ces intervalles. Il aurait
done mieux valu la désigner sous un autrenom, et le mot
de théorie de l'indépendance des faunes aurait peut-être
été meilleur, précisément parce qu’il est plus vague.
Mais si cette théorie n'est pas susceptible d’être dis-
cutée dans son essence même et dans son principe, elle
peut être appréciée par ses conséquences. La principale
est, comme je viens de le dire, d'établir le fait négatif
important que les animaux des diverses faunes géologi-
ques ne proviennent pas par voie de génération directe
des espèces qui les ont précédés.
Cette assertion paraît très justifiable tant que nous
restons sur le terrain où nous nous sommes placés, c’est-
à-dire tant que nous nous attachons surtoutà l'apparition
des types à caractères tranchés. Ce que nous avons dit
ci-dessus, en réfutant la théorie de la transformation
des espèces et celle qui n’admet qu'une seule création,
suffit, ce me semble, pour démontrer que l'indépen-
dance des faunes reste la seule alternative possible.
Mais si l’on veut se rendre compte de ce qui est
arrivé à l’ensemble de la faune et discuter l'origine de
toutes les espèces, il me semble que l’idée de l'indé-
pendance des faunes n’est pas complétement satisfai-
sante ; elle ne me paraît pas rendre suffisamment
compte de tous les faits, et je ne puis m'empêcher
de croire qu’elle n’est appelée à jouer qu’un rôle pro-
visoire. Elle explique très bien les différences qui exis-
tent entre les faunes successives ; mais il y a aussi
entre ces faunes des ressemblances qui ne s’accordent
peut-être pas bien avec elle.
Si l’on compare deux créalions successives d’une
CAUSES DU RENOUVELLEMENT DES FAUNES,. 89
même époque, telles que les faunes des sept divisions
du terrain crétacé, on sera frappé des liaisons intimes
qu’elles ont entre elles. La plupart des senres sont les
mêmes ; une grande partie des espèces sont très voisines
et faciles à confondre. En d’autres termes, deux faunes
successives ont souvent le même facies ou la même phy-
sionomie. Si l’on compare en particulier, dans l’exem-
ple que je viens de prendre, les animaux fossiles des
craies marneuses à ceux du gault, on reconnaitra, je
crois, facilement ces ressemblances. Est-il probable
. que la faune du gault ait été complétement anéantie,
puis, par une nouvelle création indépendante, rem-
placée par une faune toute nouvelle qui lui est si
semblable? Je sais que l’on peut mettre ces faits
sur le compte du plan général de la création; mais
l'esprit est-il entièrement satisfait de cette explication?
Ne semble-t-il pas qu'il y a là encore quelque chose
qui nous échappe? Au reste, je le répète, ces objections
un peu vagues ne sont en aucune manière comparables
à celles plus précises, qui militent contre les autres
théories.
Ces faits se lient d'ailleurs à la manière dont on peut
envisager la création actuelle. Tous les animaux sont-
ils sortis tels qu’ils sont des mains du Créateur, ou
sont-ils provenus d’un certain nombre de types? Il me
semble difficile d'admettre que ces espèces innombra-
bles, sur les limites desquelles nous sommes souvent
si peu d'accord, aient sans exception été créées avec
tous leurs caractères de détail.
À ces questions difficiles Ja science fournit encore
très peu de réponses satisfaisantes. La succession des
êtres organisés, l’origine des espèces actuelles, leur dis-
tribation séographique, la formation des races humaines,
90 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
ne sont en quelque sorte que des faces différentes d’un
même problème dont la solution sur un point éclairera
nécessairement les autres.
D'après tout ce que nous venons de dire, nous arri-
vons facilement à admettre la possibilité que la même
explication ne puisse pas s'appliquer à tous les êtres qui
composent une faune. Peut-être faut-il chercher la vé-
rité dans une théorie intermédiaire entre les deux que
nous avons discutées ou dans un mélanse des deux. La
théorie de l'indépendance des faunes doit très probable:
ment être appliquée à l'apparition des types distincts,
car ils ne proviennent certainement pas par voie de gé-
nération directe et normale des types fort différents qui
les ont précédés. Mais, en revanche, le remplacement
des espèces par des espèces analogues ne pourrait-il pas
faire croire, dans de certaines limites, à des transitions
et à des changements de forme?
Je ferai remarquer en terminant qu’il ne faut pas
trop se hâter de lier l'avenir de la paléontologie par des
idées préconçues. C’est à l'étude stricte et intelligente
de la nature qu’il appartient de réunir les matériaux
nécessaires pour une solution plus complète. Il faut
mieux connaître encore chacune des faunes successives,
pour se faire une idée exacte de leurs rapports et de
leurs différences avec celles qui les ont précédées et
suivies. C’est Ià le problème le plus important de la
paléontologie, mais on n’en trouvera la solution que
dans l'observation des faits; eux seuls sont stables, et
ils survivront peut-être seuls à toutes les théories que
nous discutons aujourd'hui.
DÉTERMINATION DES FOSSILES. 91
CHAPITRE VIT.
PRINCIPES ZOOLOGIQUES DE LA CLASSIFICATION ET DE LA
DÉTERMINATION DES FOSSILES.
Il est évident que les mêmes lois et principes qui di-
rigent le zoologiste dans la classification des animaux
vivants doivent aussi régler les travaux du paléontolo-
giste ; mais la nature de conservation des êtres que ce
dernier peut étudier entraîne souvent des différences
dans l'application, dont il est nécessaire de dire quel-
ques mots.
Les animaux fossiles ne sont pas ordinairement con-
servés complets, et leurs parties dures sont presque
toujours les seules qui soient parvenues jusqu’à nous;
nous ne connaissons guère les mammifères que par
leurs squelettes et les mollusques par leurs coquilles :
or, les squelettes, et surtout les coquilles, ne renfer-
ment pas toujours les caractères essentiels, et il faut
que le paléontologiste, forcé de se restreindre à leur
emploi, ne soit pas entrainé par là à des classifications
irrationnelles.
Pour éviter cet écueil, il faut faire un choix parmi
les caractères qu'offrent ces parties dures ; ils sont
loin d’être tous également utiles pour une bonne classi-
fication, et les moins apparents sont souvent ceux qui
fournissent les résultats les plus précis et les plus im-
portants. Pour se diriger dans ce choix, l’étude appro-
fondie des animaux vivants est le seul guide possible.
Le premier soin de celui qui voudra étudier et classer
des fossiles sera de chercher à découvrir quelles sont
92 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
les liaisons qui existent entre les formes des parties s0-
lides et celles des organes plus essentiels. Il arrivera
ainsi à reconnaître quels sont les caracières du sque-
lette et de la coquille qui traduisent, de la manière la
plus certaine, les modifications principales des organes
les plus importants, et saura par conséquent quels sont
ceux qu'il faut placer au premier rang. Il pourra bien-
tôt se convaincre que, parmi les caractères que l'on a
souvent employés en paléontologie, il en est beaucoup
auxquels on à donné une importance exagérée, parce
qu'ils sont faciles à observer et d’un emploi commode,
tandis qu'un examen plus approfondi aurait montré
qu'ils n'indiquent rien sur les points les plus essentiels
de l'organisme (*).
C’est sur des considérations de ce genre et sur une
constante étude de la nature vivante, que doit de toute
nécessité être fondée la classification des fossiles. Si
l’on néglige cette voie, la seule sûre, on ne pourra pas
faire jouir la paléontologie des avantages de la méthode
naturelle. Et ce n’est pas seulement pour établir les
grandes divisions que ces précautions sont nécessaires ;
les observations qui précèdent sont entièrement appli-
cables à la formation des genres et au groupement des
(1) Ainsi, pour les coquilles bivalves, l’étude des mollusques vivants mon-
trera que le fait d’être équivalve ou inéquivalve a une grande importance en
ce sens que la station du mollusque en dépend : car ceux de ces animaux
qui ont deux valves égales se tiennent droits, tandis que ceux qui ont une
grande valve et une petite vivent couchés sur le côté. Cette étude prouvera
encore que la forme de l'impression du manteau se lie intimement à la pré-
sence et à la grandeur des tubes, et qu’en conséquence le fait que cette im-
pression palléale soit ou non échancrée par un sinus peut fournir un carac-
tère d’une importance réelle. Cette même observation de la nature vivante
fera, au contraire, attribuer peu d'importance à l'existence d'une ou de deux
impressions musculaires, parce que la coquille aura été fermée de la même
manière par un ou par deux muscles.
DÉTERMINATION DES FOSSILES, 93
espèces. On verra même souvent, si les paléontologistes
s'astreignent à ces règles nécessaires,il’étude des corps
fossiles réagir sur les méthodes naturelles, et perfec-
tionner ainsi la classification des animaux actuels.
On peut dire de la détermination des fossiles à peu
près les mêmes choses que nous avons dites de leur
classification. Les mêmes principes généraux, qui di-
rigent le zoologiste pour reconnaitre les espèces vivantes,
doivent s'appliquer à la détermination des animaux
fossiles ; mais, comme dans beaucoup de cas on n’en
possède que des fragments, il est nécessaire qu'une ana-
lyse plus rigoureuse permette cette détermination par
des moyens plus restreints.
C’est surtout pour les animaux vertébrés qu’il est
indispensable que le paléontologiste s'appuie sur des
lois et des méthodes fixes, car ces animaux ne sont
souvent connus que par un petit nombre d'os, qui pour-
raient fournir des conclusions vagues et erronées à des
observateurs superficiels. Je vais tâcher de montrer
quelles sont les méthodes à suivre, en prévenant toute-
fois ceux qui aborderaient pour la première fois la
science, que les considérations théoriques qui vont
suivre ne peuvent guider que d’une manière générale,
et que l’examen constant et attentif de la nature peut
seul fournir le coup d'œil nécessaire pour des détermi-
nations promptes et exactes.
Deux des lois principales de l’anatomie comparée
doivent être considérées comme dirigeant la détermi-
nation des ossements fossiles : ce sont la loi d'unité de
composition organique et la loi de concordance des ca-
ractères.
La loi d'unité de composition organique, en établis-
sant que tous les animaux sont composés des mêmes
94. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
parties, semblablement disposées, permet au paléonto-
logiste d’être certain que l'os qu'il veut déterminer, eût-
il appartenu à une espèce de formes tout à fait perdues,
peut se rapporter à un des os connus du squelette. C’est
en quelque sorte cette loi qui rend possible la déter-
mination, et qui en dirige les premiers travaux, comme
je le montrerai plus bas. Il faut remarquer que l'o-
pinion que l’on peut avoir sur la généralité de Ja loi
d'unité de composition organique influe peu sur ses ap-
plications. Soit que, comme quelques écoles modernes,
on la considère comme nécessaire, et qu’à priort on la
proclame universelle; soit qu’on se borne à constater
à posteriori une unité de plan dans les animaux verté-
brés, on arrivera aux mêmes résultats pour la paléon-
tologie. Tous les naturalistes sont maintenant d’accord,
pour reconnaître les mêmes pièces importantes du
squelette dans les animaux vertébrés, ou du moins
dans chacune des classes qui composent cet embran-
chement.
La loi de concordance des caractères pose en prin-
cipe que tous les organes d’un animal devant être dis-
posés dans un certain but, pour lui assurer un genre
de vie spécial, on peut de la forme d’un d’entre eux con-
jecturer les caractères principaux des autres. Elle
permet par conséquent, sur l'inspection de quelques
fragments, de reconstruire l’animal entier, et à, en
paléontologie, des applications plus nombreuses et plus
variées que la précédente. C’est par cette loi, par exem-
ple, que l’on peut conclure, de la forme de quelques
os du pied, si l'animal était herbivore ou carnivore, et
par conséquent acquérir des données assez certaines sur
la forme probable des autres os des membres, sur la
nature des dents, etc., etc
DÉTERMINATION DES FOSSILES. 95
Ces deux lois règlent, avons-nous dit, la détermina-
tion des ossements fossiles, et voici, ce me semble,
d’après elles, la marche logique à suivre dans des tra-
vaux de ce genre. F
La première chose à faire est de déterminer la place
de l'os dans le squelette, c’est-à-dire de savoir quel
nom il doit porter comme os. Cette première recher-
che, faite en application de la loi d'unité de compo-
sition organique, nécessite certaines connaissances
d’ostéologie et demande un peu de pratique. On pourra
la faciliter en étudiant, dans les divers os du corps,
quels sont les caractères qui les font le plus sûrement
reconnaître. Ainsi on verra bientôt, par exemple, que,
parmi les os longs des mammifères, le fémur et l'hu-
mérus se distinguent à ce qu’une de leurs articulations
est en tête arrondie, que le premier diffère du se-
cond par un col plus marqué, et parce que son extré-
mité inférieure est terminée par deux condyles, tan-
dis que l’humérus s’articule par une poulie. On verra
de même que le tibia se reconnaît à ses deux condyles,
le cubitus à son olécrâne, etc. (!). En étudiant l’ostéo-
logie sous ce point de vue, on s’habituera bientôt à
distinguer les divers os, et cette première partie de la
détermination n'offrira que rarement des difficultés
réelles.
Ce premier point obtenu, on étudiera l’os sous le
rapport de la loi de concordance des caractères, et l’en
commencera la comparaison qui doit donner pour solu-
tion à quelle famille et à quel genre on peut rapporter
l’animal auquel a appartenu ce fragment. Pour cette
recherche, la loi que je viens de rappeler fournit deux
{‘) Voyez la note B à ja fin du volume,
96 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
catégories de moyens, qu'il importe de distinguer pour
se faire une idée complète de son emploi.
Elle fournit d’abord des moyens rationnels par les
déductions rigoureuses qu’on peut tirer directement
du principe lui-même. Ainsi une phalange un-
guéale grosse, aplatie en dessous et en forme à peu
près de pyramide triangulaire, prouvera incontes-
tablement que l'animal auquel elle a appartenu n’a
pu se servir de son pied que pour marcher, et que par
conséquent il a été herbivore et de la division des on-
gulés. On pourra de là conclure qu'il a eu des dents
propres à broyer l’herbe, pas de clavicule, des côtes
larges, et dans tout son squelette plus de force que de
souplesse. Ces moyens rationnels, dont cet exemple
doit faire comprendre l'emploi varié et important,
fournissent les premières données pour classer et re-
composer l'être ; mais 1ls ne peuvent pas conduire au
delà de certaines généralités. Aïnsi tel os qui aura pu
prouver d'une manière certaine qu'un animal a été
herbivore, sera souvent inutile pour donner des rensei-
gnements plus détaillés, et l'on ne pourra pas, en res-
tant dans l'application rigoureuse du principe théo-
rique, en déduire, par exemple, s'il a ou non ruminé,
s’il a eu ou non des cornes, et si ces cornes étaient
des bois ou des cornes creuses. L’emploi des moyens
rationnels ne suffit donc pas ordinairement pour la dé-
termination du genre ; leur rôle se borne à tracer les
grands traits de l’organisation de l'animal fossile, sans
pouvoir y ajouter les détails nécessaires.
Mais le principe de concordance des caractères four-
nit alors des moyens empiriques qui jouent un rôle
important quand les moyens rationnels s'arrêtent. Les
animaux qui forment des genres naturels ne se ressem-
DÉTERMINATICN DES FOSSILES. 97
blent pas seulement par les caractères qui sont néces-
saires pour leur assurer le même genre de vie; ils sont
encore semblables dans la plupart des détails qui, au
premier coup d’œil, paraissent tout à fait secondaires et
inutiles à étudier. Chaque os, considéré dans l’ensemble
d’un genre naturel, présente ordinairement une physio-
nomie constante qui résulte de l’analogie de ses formes ;
dans toutes les espèces, les apophyses, les crêtes, les
cavités, les trous, les impressions, les surfaces articu-
laires, se ressemblent beaucoup. Si lon compare, au
contraire, le même os avec ses analogues dans les gen-
res voisins, on verra des différences assez marquées
dans ces mêmes caractères accessoires. Cette compa-
raison des analogies dans le même genre et des diffé-
rences avec les genres voisins est la base des moyens
empiriques de détermination dont nous parlons ici.
Quand par les moyens rationnels on aura décidé à
peu près les rapports généraux de l’animal qu’on veut
déterminer, on pourra arriver au genre en comparant,
par une sorte de tâtonnement, les os que l'on a à sa
disposition avec les squelettes des animaux qui s’en
rapprochent le plus. Les dents en particulier peuvent
jouer un rôle très important sous ce point de vue, et
il est peu de genres que l'inspection d’une mâchoire
bien conservée ne permette pas de déterminer; plu-
sieurs os du squelette fournissent aussi des données
d'une grande certitude. L'usage des moyens empiriques
exige une grande pratique et surtout la possession de
collections d’ostéologie ou d'ouvrages à planches bien
faits ; 1] faut nécessairement, pour des déductions rigou-
reuses, que l’on puisse faire des comparaisons très
nombreuses.
L'emploi de ces moyens empiriques est surtout im-
I. Yi
98 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
portant pour les espèces qui se rapportent à des genres
actuellement existants, et pour celles qui s’en écartent
peu. Si, au contraire, on à à reconstruire des espèces
de genres perdus et de formes très différentes de
celles du monde actuel, les moyens rationnels jouent
un plus grand rôle. On peut, comme je l'ai déjà dit,
voir un modèle de leur emploi dans la partie de lou-
vrage de Cuvier qui traite des fossiles de Paris. Tout ce
qui va suivre d’ailleurs présentera des applications
constantes de ces principes généraux.
CHAPITRE VII.
DES APPLICATIONS DE LA PALÉONTOLOGIE A LA GÉOLOGIE.
Les faits paléontologiques que nous avons exposés
dans les chapitres précédents fournissent des données
importantes pour la géologie, et principalement pour la
détermination de l’âge des terrains. Nous devons dire
quelques mots ici de l'emploi des fossiles, soit pour ce
but essentiel, soit pour résoudre quelques questions
accessoires.
Nous avons vu qu’une partie importante de l’écorce
terrestre est composé d'un certain nombre de couches
primitivement parallèles et que dans ces couches sont
disposés des fossiles associés en faunes distinctes. Les
lignes de séparation de ces faunes dans la coupe géné-
rale que nous avons supposée (page 38) correspondent
aux renouvellements de l'organisme sur la surface de
la terre, et par conséquent aux diverses époques de son
histoire géologique. Quelques unes de ces lignes séparent
des faunes très différentes les unes des autres; d’autres
sont placées entre des faunes assez ressemblantes, cir-
APPLICATIONS À LA GÉOLOGIE. 99
constance dont les géologues ont pu tirer parti pour
classer les terrains en groupes de diverse valeur, comme
nous le verrons dans le chapitre suivant.
Nous devons faire remarquer d’abord que le véritable
moyen de déterminer l’âge d'un terrain est l’observa-
tion stratigraphique, c'est-à-dire celle de la direction et
du rapport des couches. Chaque terrain est plus récent
que celui qu'il recouvre et plus ancien que ceux par
lesquels il est recouvert. Les coupes géologiques offrent
dans ce but le critère Le plus certain, et leurs résultats
doivent passer avant tous les autres. Ce problème impor-
tant appartient donc essentiellement à la géologie et non
à la paléontologie.
Mais les observations stratigraphiques ne peuvent
pas résoudre toutes les questions (‘).
En effet :
1° Elles ne sont pas toujours possibles. Il arrive sou-
vent que l’on ne peut pas suivre une couche de manière
à établir sa continuité. Elle peut s’enfoncer trop profon-
dément, avoir été brisée et disloquée, passer sous des
eaux, etc. Il en résulte que l’ordre de disposition des
terrains ayant été reconnu dans un point, on ne peut
pas toujours, dans un autre endroit, trouver les concor-
dances par les seules études stratigraphiques.
2° Elles ne sont pas toujours suffisantes, même avec
la possibilité de faire de bonnes coupes. Il sera, par
exemple, souvent difficile de distinguer parmi les lignes
de séparation d’un terrain divisé en couches très nom-
(1) Nous ne dirons rien des caractères minéralogiques, c’est-à-dire de ceux
que l’on pourrait tirer de la composition des couches (craies, calcaires com-
pactes, sables, grès, etc.), parce que si ces caractères peuvent guider dans
certains cas, il en est une foule d’autres où ils induiraient en erreur. Tous
les géologues savent combien la composition des terrains peut varier dans la
même période, et se retrouver la même dans des époques très éloignées.
100 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
breuses celles qui ont véritablement séparé des pério-
des géologiques de celles qui sont sans importance. II
sera souvent difficile encore, lorsqu'un ou plusieurs ter-
rains manqueront dans une coupe, desavoir par la stra-
tigraphie seule à quelle époque géologique correspondent
les membres manquants.
L'étude des fossiles peut jouer un rôle important
pour combler ces lacunes. Leur emploi est fondé sur
les principes suivants :
1° Dans tous les pays que l’on a observés jusqu'à pré-
sent les faunes géologiques se sont succédé dans le
mème ordre.
20 Les terrains contemporains ou formés à la même
époque renferment des fossiles identiques.
3° Réciproquement : Les terrains qui contiennent des
fossiles identiques sont contemporains.
De ces principes résulte évidemment le procédé sui-
vant pour déterminer paléontologiquement l’âge d’un
terrain.
Le travail préparatoire consistera à dresser dans des
catalogues aussi exacts que possible la liste des fossiles
de tous les terrains. Ces listes et la description des fos-
siles forment la partie la plus compliquée et la plus
étendue de la paléontologie. Les matériaux s'accumu-
lent tous les jours dans ce but, et ce grand édifice se
construit par les efforts réunis de tous.
Le naturaliste qui voudra en tirer parti devra réunir
un aussi grand nombre que possible de fossiles du ter-
rain dont il veut connaître l’âge, déterminer dans les
ouvrages paléontologiques les noms de ces fossiles et les
comparer aux listes indiquées ci-dessus. Le terrain
dont il s’occupe sera contemporain de celui qui renferme
les mêmes espèces que les siennes.
APPLICATIONS À LA GÉOLOGIE. 101
Nous devons rappeler ici que l'opinion que l’on peut
avoir sur la spécialité des fossiles influera sur la con-
fiance à donner à ces délerminations; mais le fait que
les espèces qui se trouvent à la fois dans deux terrains
forment de rares exceptions , permettra d’arriver à
une certitude presque complète toutes les fois que les
déterminations auront porté sur un nombre considé-
rable de fossiles. Nous ne saurions trop recommandeï
aux géologues de prendre cette précaution indispensable
dans leurs recherches, car il est très facile, sur un
trop petit nombre d'espèces, de mêler l’erreur avec la
vérité. C’est, comme nous l'avons déjà dit, pour avoir
agi lévcèrement dans bien des cas que l’on a ébranlé la
confiance légitime que doit inspirer l’emploi prudent
des fossiles pour la détermination de l’âge des terrains.
Je dois signaler ici quelques causes d’erreur dont on
doit tenir compte.
1° Il peut y avoir entre les fossiles de divers pise-
ments des différences qui tiennent à l'éloignement
géographique plus qu’à l’âge géologique. Malgré la loi
que nous avons établie que la distribution géographique
des fossiles à été plus étendue dans les temps anciens
que de nos jours, elle a eu ses limites. Avant donc de
tirer la conclusion que des terrains à fossiles différents ne
sont pas contemporains , il faut, si ces terrains sont très
éloignés, faire la part des différences géographiques.
2° Des événements locaux et sans grande importance
géologique peuvent, pendant le courant d’une période,
modifier le fond des mers et amener quelques change-
ments dans la faune. Il ne faut pas les confondre avec
les modifications plus grandes qui, à la fin des périodes,
produisent des renouvellements plus complets.
Il peut arriver, par exemple, comme nous l'avons
102 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
dit (page 79), que la nature du fond de la mer éprouve
des changements de composition, ou qu’un soulèvement
lent en modifie la profondeur. Les recherches de
M. E. Forbes, que nous avons déjà citées, ont montré
que certaines espèces vivent toujours dans des fonds de
même nature et à des profondeurs constantes. Il y aura
donc chez elles déplacement et remplacement à la suite
de ces modifications sans qu'il y ait des changements
de faunes.
Quelques naturalistes ont été disposés à exagérer
l'influence de ces phénomènes, et à croire que l'on
pouvait leur attribuer toutes les modifications des faunes
géologiques. Je pense, au contraire, qu’il sera toujours
facile de faire leur part et de les distinguer des renou-
vellements généraux. Dans ces derniers, à une faune
complète, c’est-à-dire ayant des représentants dans
tous les groupes zoologiques, succède une autre faune
complète. Dans les cas de modifications locales du fond,
de changements de profondeur, etc., certains genres à
habitudes déterminées sont remplacés par d’autres
genres à habitudes différentes, et la faune n’est com-
plète que par la réunion des uns et des autres. Ces
derniers phénomènes se manifestent d’ailleurs sur une
étendue géographique très restreinte.
3 Il arrive quelquefois que des fossiles déposés à
une certaine époque dans des couches peu compactes,
des sables, etc., sont repris par une nouvelle inonda-
tion, désagrégés et mélangés avec les débris des ami-
maux morts à une époque relativement plus récente.
On trouve à la suite de ces perturbations un mélange
de deux faunes distinctes. Les fossiles qui sont dans
ce cas, et qui, appartenant à l’époque plus ancienne,
se trouvent mêlés à de plus récents, sont appelés des
APPLICATIONS À LA GÉOLOGIE. 103
fossiles remaniés. On les distinguera souvent à leur ap-
parence, plus souvent encore parce que leurs caractères
zoologiques sont trop en discordance avec leur gise-
ment pour ne pas frapper un paléontologiste un peu
expérimenté.
L'étude des fossiles peut fournir au géologue d’au-
tres données que celles qui ont pour but la classifica-
tion des terrains et la détermination de leur âge. Elle
peut, par exemple, montrer si un terrain à été formé
par les eaux de la mer ou par des eaux douces. Cer-
tains genres de poissons et de mollusques sont connus
pour être essentiellement fluviatiles et d’autres pour
habiter les mers. Si l'ensemble des fossiles d’un terrain
appartient à des genres fluviatiles, on en pourra légiti-
mement conclure que ce terrain à été déposé par des
fleuves ou par des lacs d’eau douce. Si au contraire les
êtres qui y ont laissé leurs débris appartiennent à des
genres marins, il sera à présumer que le terrain doit
son origine aux eaux de la mer.
Dans ces dernières années, les fossiles ont révélé
des faits remarquables sur l'état du globe à diverses
époques. Quelques auteurs ont cherché à se servir
d'eux pour fixer les rivages et la confisuration des mers
anciennes. On sait, eneffet, que dans la haute mer on
retrouve moins de mollusques que près des côtes ; la
profondeur et l’absence de végétation en écartent la
plupart des espèces. Les rivages, au contraire, qui
fournissent une nourriture plus abondante et une mer
peu profonde, servent d’abri à un beaucoup plus grand
nombre d'individus. Il faut d’ailleurs remarquer que
lorsqu'un animal vertébré, tel qu'un poisson ou un cé-
tacé, meurt en pleine mer, un commencement de dé-
composition et de dégagement de gaz lui donne une
104 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
pesanteur spécifique plus petite que celle de l’eau et le
fait flotter. Il ne tarde pas en conséquence à être jeté à
la côte et à mêler ses restes avec ceux des animaux cô-
tiers. Il en est de même des mollusques flottants comme
les ammonites, les nautiles, etc. La présence de fos-
siles nombreux peut donc servir à indiquer le rivage
des mers anciennes, tandis que des fossiles rares prou-
vent, au contraire, que les terrains où ils ontété dépo-
sés appartiennent à ce que les géologues ont appelé des
dépôts pélagiques, et ont été formés loin des côtes,
ou du moins dans des parties de la mer peu favorables
au développement de la population zoologique. Des re-
cherches de cette nature, très répétées et liées avec
les observations stratisraphiques, peuvent servir à tra-
cer la carte des mers aux diverses époques.
CHAPITRE IX.
CLASSIFICATION DES TERRAINS,
Nous venons de voir quels sont les moyens que l’on
peut employer pour classer les terrains. Je dois mainte-
nant dire quelques mots de la classification que j'ai
adoptée, en me bornant à indiquer les divisions sans
les caractériser. Je reviendrai plus tard, en terminant
cet ouvrage, sur divers détails relatifs à l’état de cha-
cune des époques et sur les caractères de leur popula-
tion zoologique.
Je renvoie mes lecteurs aux nombreux et excellents
traités de géologie qui sont dans les mains de tout le
monde, pour tout ce qui à trait à la distribution géogra-
phique des terrains, à leurs caractères physiques et
minéralogiques, à leur emploi dans les arts, à la dis-
CLASSIFICATION DES TERRAINS. 105
position de leurs couches, à leurs accidents principaux,
et à toutes les autres circonstances qui ne se lient pas
directement à la paléontologie. Je ne rappellerai dans
ce chapitre que ce qui est strictement nécessaire à l’in-
telligence de la deuxième partie.
Les terrains qui composent l’écorce du globe peuvent
avoir été formés de quatre manières différentes, et doi-
vent en conséquence être divisés en quatre classes.
Cette division, fondée sur la différence de leur origine,
est tout à fait indépendante de l'ancienneté de leur for-
mation; chacune de ces classes peut renfermer des ter-
rains contemporains de ceux qui appartiennent aux
trois autres,
On nomme terrains volcaniques ceux qui, à létat
de fusion sous l'écorce du globe par l'action d’une
température très élevée, sont de temps en temps
vomis par des cratères ouverts dans cette écorce et
viennent se refroidir à sa surface. Ces terrains sont
composés de laves, de cendres et de sables ; ils se for-
ment encore de nos jours, mais plusieurs d’entre eux
ont été déposés dans les époques anciennes du globe.
Leur âge peut être déterminé par leurs rapports de po-
sition avec d’autres terrains connus et classés sous ce
point de vue.
On appelle terrains plutoniques ceux qui ont été,
comme les précédents, fondus par l'action de la cha-
leur souterraine, mais qui ont été refroidis et cristallisés
sous l'écorce terrestre, soumis à l’énorme pression des
gaz intérieurs fortement réchauffés. Ces roches, d’un
aspect cristallin, sont plus dures et plus compactes que
celles d’une origine volcanique qui, refroidies à la surface
de la terre et sous une pression moindre, sont presque
toujours plus poreuses, Les granits, les protogines, etc.,
106 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
appartiennent à cette division. Après leur refroidis-
sement, ces Lerrains ont souvent percé l'écorce terres-
tre, et, par de puissants soulèvements, sont venus for-
mer des montagnes qui présentent quelquefois un aspect
imposant par leurs déchirures et par les formesélancées
des pyramides dans lesquelles elles se sont fraction-
nées. Le massif du Mont-Blanc et des Aiguilles de Cha-
mounix en est un des exemples remarquables.
Les autres terrains ont été formés par les eaux et
conservent, comme trace de cetle origine, des couches
ou strates plus ou moins évidentes.
Les terrains métamorphiques (*) sont ceux qui, après
avoir été déposés seus les eaux, ont été fortement ré-
chauffés par le voisinage des roches plutoniques encore
incandescentes. L’extrême chaleur de ces roches s’est
propagée dans ces terrains et a fondu leurs éléments,
qui se sont cristallisés en se refroidissant sous une
forte pression, comme les roches plutoniques. [ls con-
servent ainsi, dans la stratification, des traces de leur
origine aqueuse, et présentent dans leur structure cris-
talline des preuves d’une fusion analogue à celle des
granits. Les gneiss, les micaschistes, les marbres eris-
tallisés tels que celui de Carrare, appartiennent à cette
division.
Ces trois premières classes de terrains ne renferment
point de fossiles : car, en supposant que les terrains
volcaniques entraînent quelquefois dans leur formation
des débris organiques, la chaleur de la lave suffirait
en général pour les consumer et en anéantir les traces ;
(1) Je sais que l’origine aqueuse des roches métamorphiques est contestée
par plusieurs géologues. Je ne dois en aucune manière traiter ici cette ques-
tion, et je me suis borné à adopter l'opinion de M. Lyell, qui m’a paru proba-
ble. Ces terrains ne sont point du ressort de la paléontologie.
CLASSIFICATION DES TERRAINS. 107
et si, dans leur première origine, les roches métamor-
phiques ont été fossilifères, la fusion qu’elles ont subie
plus tard doit presque toujours avoir détruit ce qui
pourrait le démontrer aujourd’hui.
La paléontologie n’a donc point à s'occuper de ces
trois premières classes, et nous devons nous borner à
l'étude de la quatrième, celle des terrains stratifiés fos-
silifères, qui, formés par les eaux, ont conservé tous les
caractères de dépôts aqueux et renferment en général
des débris de corps organisés.
Ces terrains fossilifères ont été déposés pendant une
série de périodes dont les limites correspondent, comme
nous l'avons dit, à des changements géologiques qui
ont amené des différences dans la nature des sédiments
et dans la population zoologique. Chacun des terrains
ou étages, séparés par ces limites et formés pendant
ces périodes, a dù recevoir un nom pour le distinguer
des autres. Je dois rappeler ici qu’il ne faut pas s’at-
tendre à trouver dans ces divisions quelque chose de
parfaitement arrêté, ni des terrains uniformes dans
toutes leurs parties et séparés des autres par des li-
gnes mathématiques. Ces divisions pourraient même
être comparées jusqu’à un certain point à celles que
l’on admet dans l’étude de l'histoire, où l'on fonde
la séparation des périodes sur certains événements 1m-
portants, qui modifient gravement l’état d'un pays, qui
influent sur tous les faits secondaires, mais qui ne les
interrompent pas.
On comprendra donc facilement que le nombre
d’étages à admettre est loin d’être encore parfaitement
déterminé ; les travaux des paléontologistes modernes
semblent tendre journellement à les augmenter. On
distingue actuellement vingt-cinq à trente formations
108 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
indépendantes ; chacune d’elles à probablement une
faune spéciale dont les espèces sont différentes de
celles qui les ont précédées ou suivies, mais le degré
de ces différences n’est pas toujours le même. Quelques
faunes sont telles, que comparées ensemble, on les
trouve composées d'espèces qui se ressemblent beau-
coup, ce qui donne à l’ensemble de chacune de ces
créations une physionomie générale assez semblable.
D’autres, au contraire, renferment des espèces qui res-
semblent très peu à celles des faunes voisines, et qui
prouvent une influence modificatrice plus grande.
Ces faits ont servi à associer quelques étages ; on
les a réunis sous le nom de terrains, que nous admet-
tons au nombre de neuf.
On à aussi cherché à grouper ces terrains en grandes
périodes dont chacune est caractérisée par un ensem-
ble de circonstances relatives aux êtres organisés qui y
ont vécu. On a d’abord considéré ces périodes comme
très tranchées; mais, depuis quelques années, l’étude
d’un plus grand nombre de fossiles a montré des tran-
sitions nombreuses, et l’on à reconnu quelques ter-
rains, dont les formes organiques participent à la fois
des caractères de deux époques. Aussi les limites des
grandes périodes géologiques sont-elles probablement
moins réelles qu’on ne l'avait cru, et ce qui le prouve
encore , c’est que leurs points de séparation ont été
quelquefois envisagés d’une manière très différente.
Il semble qu’à mesure que la distinction des terrains
par les fossiles devient plus précise, plus positive et
plus incontestable, le groupement de ces terrains en
grandes périodes présente à la fois moins d'utilité et
moins de certitude. Toutefois, comme elles sont géné-
ralement admises, et comme, considérées dans leurs
CLASSIFICATION DES TERRAINS. 109
grands traits, elles s'appuient sur des faits intéressants
et remarquables, je rapporterai ici cette division des
terrains en quatre phases, qui sont, en commençant
par les plus anciennes : les périodes primaire, secon-
daire, tertiaire et diluvienne ou quaternaire, cette der-
nière ayant immédiatement précédé la période mo-
derne.
La PÉRIODE PRIMAIRE a aussi été nommée PÉRIODE DE
TRANSITION. En effet, lorsqu'on croyait les granits d’o-
rigine aqueuse, on les considérait comme les roches les
plus anciennement formées , et on les avait nommés
roches primitives ; les terrains de la période dont nous
nous occupons ici, étant intermédiaires de position en-
tre les roches primitives et l’époque secondaire , pou-
vaient alors porter le nom de terrains de transition.
Maintenant, ce nom n’a pour lui que l'autorité de l'ha-
bitude et représente une idée fausse. Le mot de période
primaire est plus convenable comme désignant les pre-
miers âges du globe, ou du moins l’époque à laquelle se
rapportent les plus anciennes traces d'organisation que
nous connaissions. Cette dénomination, il est vrai, a
l'inconvénient de présenter peut-être quelque chance
de confusion avec le mot de terrains primitifs, mot qui,
au reste, doit être tout à fait abandonné. Quelques péo-
logues ont cherché à lui substituer un nom nouveau :
on à nommé l’ensemble des terrains qui la compo-
sent hémilysiens (demi-dissous), paléozoïques, parce
qu'ils renferment les plus anciens animaux connus, et
trilobitiques, du nom d'un de leurs fossiles les plus ca-
ractéristiques. Nous conserverons ici le nom de période
primaire, parce qu'il est juste, simple, facilement in-
telligible et qu'il concorde avec les noms des périodes
suivantes.
110 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
Cette époque renferme les terrains stratifiés fossilifè-
res les plus anciennement formés. Ses limites ont beau-
coup varié, car dans l’origine on n’y comprenait que les
terrains siluriens ; plus tard on y ajouta le terrain houil-
ler, et maintenant les géologues y comprennent encore
le terrain pénéen.
Ses caractères paléontologiques principaux sont les
suivants : 1° On y trouve l’embranchement des verté-
brés, représenté seulement par de très rares reptiles et
par des poissons. Ces derniers présentent des caractères
remarquables, que nous exposerons plus tard; leurs
formes étaient peu variées, et, en général, très diffé-
rentes de celles des poissons actuels ; 2 parmi les crus-
tacés, on ne remarque presque que la singulière famille
des trilobites ; 3° les mollusques céphalopodes y sont
nombreux et présentent beaucoup de genres différents
de ceux des époques suivantes, tels que les orthocères,
les lithuites, Les cyrihocères, etc., mais les véritables
ammonites n’y existent pas encore ; # les mollusques
brachiopodes y ont vécu en nombre considérable et pré-
sentent, avec des genres actuels, d’autres qu’on ne re-
trouve que peu ou point plus tard, tels que les produc-
tus, les orthis, les spirifer, etc.
La PÉRIODE SECONDAIRE est une des plus importantes
et a été probablement une des plus longues ; elle ren-
ferme des terrains très variés et qui atteignent souvent
une grande puissance ("). Ses caractères paléontologiques
sont assez tranchés ; toutefois ses terrains les plus in-
férieurs ont une faune qui se rapproche, par des points
nombreux, de celle des terrains les plus récents de la
période primaire.
(1) On nomme puissance d’un terrain l’épaisseur des couches qui le com-
posent.
CLASSIFICATION DES TERRAINS. 111
Ses caractères paléontologiques les plus apparents
sont relatifs aux vertébrés et aux mollusques céphalo-
podes. Les premiers sont plus variés que dans la période
précédente ; on trouve de nombreux reptiles, dont les
uns sont remarquables par leurs formes très différentes
de celles du monde actuel, tels que les ichthyosaures,
les plésiosaures, les ptérodactyles, etc., d’autres par
une taille gigantesque , comme l’iguanodon. Quelques
oiseaux el même quelques mammifères ont déjà apparu
à cette époque ; mais les rares fragments de cette der-
nière classe appartiennent tous à l’ordre des didelphes ;
on n’a encore découvert dans Îles terrains de cette pé-
riode aucune trace de mammifères monodelphes. Les
mollusques céphalopodes y sont abondants et repré-
sentés surtout par les bélemnites et les ammonites. Ces
dernières, en particulier, apparaissent pour la première
fois dans les couches inférieures de cette période, par
le sous-genre des céralites, et se continuent, par les
ammonites proprement dites, dans tous les terrains,
jusqu’à l'étage supérieur de la craie, où elles disparais-
sent, pour ne plus se retrouver dans les âges suivants.
La PÉRIODE TERTIAIRE n’a pas été aussi longue que
la période secondaire et ne présente pas à beaucoup
près autant de variété dans ses terrains. Ses couches
les plus inférieures se lient, dans quelques pays, d’assez
près aux terrains supérieurs de la craie ; ses formations
les plus récentes ne sont pas toujours faciles à bien
distinguer de celles de la période diluvienne. Ses ca-
ractères paléontologiques principaux sont de renfermer
des faunes abondantes de mammifères monodelphes, ce
qui la distingue clairement de l'époque secondaire. Ces
mammifères différent souvent de ceux de la période
moderne par des caractères assez importants pour qu’on
112 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
ait dù en former de nouveaux genres. Ainsi les paléo-
thériums, les anoplothériums, les dinothériums, etc., ne
vivaient pas avant cette époque et ne lui ont pas survécu.
D'autres genres, au contraire, sont semblables à ceux
d'aujourd'hui et les espèces seules diffèrent. Les oi-
seaux, les reptiles, les poissons et les animaux inférieurs
de cette période sont en général plutôt des espèces que
des genres perdus. Quelques naturalistes ont même
rapporté aux espèces actuelles plusieurs de celles des
terrains tertiaires, surtout des plus récents; mais le
nombre en diminue tous les jours par une observation
plus attentive et par des déterminations plus rigou-
reuses.
La PÉRIODE QUATERNAIRE à élé nommée aussi PÉRIODE
DILUVIENNE, parce que les terrains qu'elle comprend
“proviennent en partie des dernières inondations de
nos continents que l’on a cherché à rapporter au dé-
luge biblique. Elle comprend, suivant nous, tous les
terrains qui ont été déposés depuis la première appari-
tion des espèces composant la faune actuelle; elle est pro-
bablement caractérisée aussi par la présence de l’homme
qui manquait à toutes les époques antérieures. Cette
période n'a peut-être été distinguée que parce que,
plus rapprochée de nous, ses terrains plus superficiels
attirent davantage les regards. J’ai déjà dit qu’elle n’est
pas toujours facile à distinguer de la période tertiaire ;
elle se confond encore plus avec l’époque moderne.
Quelques uns des terrains qu’on lui rapporte paraissent
renfermer des débris d'espèces perdues, mais souvent
aussi on ne peut établir aucune différence entre les
restes organiques qui y sont conservés et les pièces ana-
logues des animaux vivants. Une quantité considérable
des espèces du monde actuel ont existé dès l’origine de
CLASSIFICATION DES TERRAINS. 113
cette période avec les races éteintes : comme le mam-
mouth, l’ours des cavernes, etc. Je suis donc porté
à croire que l’époque diluvienne n’est pas une époque
distincte de la nôtre sous le point de vue paléontolo-
gique; mais comme elle est admise par la plupart des
géologues et que d’ailleurs il faut un moyen de désigner
les terrains importants qu’elle renferme, je conserve
ici son nom et j’admets provisoirement son existence
distincte. Je fixe ses limites en regard des causes
qui ont déposé ces terrains, plutôt que par la com-
paraison des débris organiques; et je répète en con-
séquence ici, comme je l’ai dit au sujet de la défini-
tion des fossiles, que les dépôts de l’époque moderne
sont caractérisés parce qu'ils doivent leur origine aux
agents actuels, agissant dans les limites qu'ils ont de
nos Jours.
Je conserve, par opposition, le nom de terrains di-
luviens à ceux qui n’ont pu être formés que par des
causes agissant sur une échelle plus grande que celle
que nous leur connaissons aujourd'hui. Ainsi les gran-
des couches de cailloux roulés, les amas d’ossements
dans les cavernes et les brèches osseuses ne peuvent
pas se former dans l’état actuel du globe, et doivent en
conséquence être désignés sous le nom de dépôts dilu-
viens.
Parmi les idées contraires à celles que je soutiens ici,
aucune ne m'a plus étonné que celle qui vient d’être
émise par M. d’Orbigny, dans son Cours élémentaire. Ce
savant paléontologiste réunit l’époque des cavernes avec
celle des terrains pliocènes de Montpellier, d’Asti, etc.
Il fait ainsi vivre ensemble l'éléphant et le masto-
donte ; l’Ursus spelœus et les singes , lapirs, etc.; le
Rhinoceros tichorhinus et le megarhinus, ete.! Ces
1. 8
114 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
deux faunes sont cependant parfaitement distinctes.
Ces quatre périodes renferment, comme je l'ai dit,
de nombreux terrains, dont je vais donner une idée
sommaire, en renvoyant à la fin de cet ouvrage Îles
preuves paléontologiques en faveur de la division que
j'ai adoptée (°).
Î. PÉRIODE PRIMAIRE.
Synonymes : Période de transition, époque trilobitique, terrains primordiaux,
terrains hémilysiens, terrains paléozoïques, terrains izémiens abyssiques.
Les formations de cette période peuvent se diviser
en quatre terrains.
4. TERRAIN SILURIEN. — Synonymes : ferrain schisteux, ter-
rain de transition, grauwacke, übergangs-gebirge; formation
snowdonienne, formation caradocienne, terrains schisteux, Huot ;
terrain ardoisier, Omalius d'Halloy , ete. Il se partage en deux
étages.
A. Silurien inférieur (T. cambrien, Sedgwick), comprenant
les schistes d'Angers, les grès du Caradoc et de Llandeïlo,
le Trenton limestone des États-Unis, etc.
B. Silurien supérieur (T. Murchisonien, d'Orb.), comprenant
(1) J'ai dû, pour la classification des terrains stratifiés, m'appuyer surtout
sur les caractères paléontologiques, qui s’accordent mieux avec le but de cet
ouvrage; mais je ne puis passer sous silence les belles conceptions de M. Élie
de Beaumont sur les soulèvements. Je dois rappeler ici que ce savant géologue
a démontré qu’une série de soulèvements, dont chacun a formé un système
de montagnes, a successivement modifié la surface du globe, que chacune
de ces catastrophes a terminé plus ou moins subitement un état de trauquil-
lité, et que l’âge relatif de ces soulèvements se lie avec la direction des
chaînes de montagnes. Ces découvertes remarquables, en expliquant la suc-
cession des terrains, sont le complément nécessaire des résultats que fournit
la paléontologie. Je regrette d’être forcé à renvoyer, pour le moment, mes
lecteurs aux traités de géologie. Je serai d’ailleurs appelé plus tard à retracer
les points les plus essentiels des travaux de M. Élie de Beaumont en traitant,
dans un résumé final, des phases par lesquelles a passé le globe, considérées
daos leurs rapports avec les animaux qui ont vécu à sa surface,
CLASSIFICATION PES TERRAINS. 115
les roches de Ludlow, le calcaire de Wenlock et de Dudley,
les formations de Prague, le groupe du Niagara (Amé-
rique), etc.
2. TERRAIN DÉVONIEN. — Synonymes : vieux grès rouge (old-
red-sandstone); formation paléo-psammérythrique , Huot ; jun-
gere-grauvacke-gebirge. Réuni par quelques auteurs au terrain
carbonifère, mais reconnu maintenant comme une formation
bien distincte. Comprenant les terrains de transition du Rhin ;
très développé en Belgique, en Russie, en Angleterre, dans le
nord de la France; comprenant, en Amérique, le calcaire des
chutes de l'Ohio, près de Louisville, etc.
3. TERRAIN CARBONIFÈRE. — Synonymes : {errain carbonifere et
terrain houiller, El. de Beaumont ; carboniferous limestone ,
millstone grit, Murchison ; terrain abyssique carbonifère et ter--
rain abyssique houiller, Brongniart; mountain limestone ; kohlen
kalkstein, ete. Époque remarquable par la richesse de sa végé-
tation , à laquelle nous devons les véritables houilles.
L. TERRAIN PÉNÉEN. — Synonymes : {errain psammérythrique ,
Huot ; terrain permien , Murchison. Comprenant le calcaire al-
pin, alpen-kalkstein des Allemands. Il a été divisé en deux étages
qui paraissent devoir être réunis , car ils offrent les mêmes ca-
ractères paléontologiques. Ge sont :
1° Etage inférieur. FORMATION DU GRÈS ROUGE, ou formation
PSAMMÉRYTHRIQUE , Comprenant le nouveau grès rouge, le
todte-liegende des mineurs de la Thuringe, le red con-
glomerat, etc.
2 Etage supérieur. FORMATION MAGNÉSIFÈRE, COmprenant le
zechstein, le calcaire magnésien et le calcaire alpin.
IT. PÉRIODE SECONDAIRE.
Synonymes : Époque paléosaurienne, Huot; terrains ammonéens.
Cette période se divise en trois groupes très tranchés,
dont les caractères paléontologiques sont précis et nom-
breux.
116 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
1° GROUPE TRIASIQUE, comprenant :
5. TERRAIN TRIASIQUE. — Synonyme : éerrain keuprique, Huot.
Divisé en trois formations qui doivent également être réunies à
cause de leurs caractères paléontologiques identiques. Ce sont :
1° LA FORMATION POECILIENNE. — Synonyme : grès bigarré ou
bunter sandstein. Comprenant la grauwacke des Alpes, le
quatrième groupe des terrains abyssiques pæciliens, Bron-
gniart; une partie du grès houiller des Karpathes, Beud.
Subdivisée en deux étages : l’inférieur , éfage vosgien ; le
supérieur , éfage pæcilren.
2° La FORMATION CONCHYLIENNE. — Synonymes : muschelkalk ,
terrains izémiens abyssiques conchyliens , Brongniart ;
deuxième calcaire secondaire , Boué; calcaire à cératites,
Cordier.
3° La FORMATION KEUPRIQUE. — Synonymes : keuper , marnes
arisees.
Il faut placer ici avec doute un terrain remarquable, dont l’ex-
tension géographique est si faible que ses véritables rapports
sont encore mal connus. C'est :
6. Le TERRAIN DE SAINT-CassiAN (Tyrol), qui se retrouve aussi à
Hallstadt et à Salzbourg, en Autriche. Il est probablement à peu
près contemporain du Keuper, mais il a une faune toute spéciale.
— Synonyme : 7. saliférien, d'Orbigny.
20 GROUPE JURASSIQUE. — Synonymes : Terrains am-
monéens, Omalius d’'Halloy; jurakalk , oolitenkalk. —
Ce groupe, un des plus importants et des plus ré-
pandus, se subdivise en un assez grand nombre d’éta-
ges, sur les limites desquels les géologues sont pas-
sablement d’accord. Mais il n’en est pas de même
pour le groupement de ces étages. Tantôt on sépare
tout à fait le lias des autres, tantôt on le réunit à
l'oolithe inférieure pour former l’étage inférieur. Le
terrain corallien appartient, suivant quelques géolo-
gues, à l'étage supérieur, et suivant d'autres à l'étage
CLASSIFICATION DES TERRAINS. 117
moyen. J'ai adopté, à l'exemple de M. d'Orbigny, une
division fondée sur l’équivalence probable de tous ces
étages, en les considérant comme étant tous à peu près
également distincts et séparés les uns des autres. Ils
sont au nombre de huit.
7. TERRAIN LIASIQUE où LIAS, divisé lui-même en trois étages,
très tranchés dans certaines contrées, et méritant peut-être de
former des terrains distincts, ce sont :
A. Le lias inférieur. — Synonymes : Grès du Luxembourg,
Omalius d'Halloy; calcaire de Valognes, Caumont ;
terrain sinémurien, d'Orb. ; Lower lias shale; calcaire à
gryphées arquées; Gryphiten kalk, Roemer. Comprenant le
Turneri thon (?); le Jura noir inférieur’ (« etB); les grès
de Lincksfield , les grès inférieurs du lias, etc.
B. Le lias moyen. — Synonymes : Zerrain liasien, d'Orb. ;
Marlstone des Anglais. Comprenant les marnes à gry-
phœa cymbium ou de Balingen, le calcaire à bélemnites
et les marnes à plicatules de MM. Thurmann et Marcou ;
l'Amaltheen Thon et le Numismalen-Mergel de V'Albe de
Souabe ; le Jura noir moyen (y et 3) des Allemands;
l'Zronstone et le Marlstone de M. Phillips ; etc.
C. Le Zias supérieur.— Synonymes : Terrain toarcien d'Orb.
Comprenant l’Alumshale de Lyme Regis; l'upper Lias
shale de Witby; les marnes à 7rochus ou de Pinperdu
du Jura; les schistes de Boll; le Posidonomyen Schiefer,
le Jurensis Mergel et Y'Opalinus Thon de l'Albe de Souabe ;
le Jura noir supérieur (+ et 6) et le Jura brun inférieur (x
des Allemands; etc.
8. TERRAIN DE L'OOLITHE INFÉRIEURE. — Synonymes : Zerrain
Bajocien, d'Orb., comprenant le Fullers earth et le Ferrugineous
oolite des Anglais ; l’oolithe de Bayeux et de Moutiers ; le ca-
caire Lædonien on calcaire à entroques ; le calcaire à polypiers,
les marnes à osfrea acuminata, et les marnes vésuliennes du Jura ;
le Zisen-Rogenstein et le discoiden Mergel de M. Merian ; le Jura
brun moyen (8, y et $) des Allemands ; etc.
9, TERRAIN DE LA GRANDE OOLITHE, — Synonymes : Zerrain
118 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
Bathonien d'Orb.; comprenant le Great oolite, le upper Mor-
land sandstone, le Bradford-Clay, le Forest Marble, et le
Cornbrash des Anglais; le calcaire de Caen et de Ranville;
le Parkinsoni Bank et la couche à belemnites qiganteus de
l'Albe de Souabe; une partie de Jura brun (3) des Allemands.
10. TERRAIN KELLOWIEN. — Synonymes : Oxfordien inférieur de
quelques auteurs; éerrain callovien d'Orb. Comprenant le
Kelloways-Rock des Anglais, une partie de l’'Oxford thon et le
Jura brun (+) des Allemands, etc.
11. TERRAIN OXFORDIEN, comprenant l'Oxford clay, où marnes
oxfordiennes, le lower calcareous grit des Anglais; le terrain
argovien et le terrain à chailles du Jura suisse; l’'Ornaten Thon,
l'Ampressa Kalke, le Spongiten lager, et une partie du Coral
kalk de V'Albe de Souabe; le Jura brun (6) et le Jura blanc
inférieur («, B, y et à) des Allemands ; les argiles de Dives des
géologues français ; etc.
Les géologues du Jura suisse y distinguent deux étages, un
plus ancien ou Ox/fordien proprement dit, correspondant à l'Or-
naten Thon, un plus récent ou Argovien comprenant l’Zmpressa
kalke et le Spongiten lager. M. d'Orbigny place dans le terrain
kellowien la partie la plus inférieure de notre terrain oxfordien ;
savoir : les argiles de Dives et l’ornaten-thon.
42. TERRAIN CORALLIEN, comprenant l'oo/ite corallienne, le coral
rag des Anglais, le calcaire à nérinées de M. Thurmann, le
groupe corallien de M. Marcou ; les schistes de Nattheim ; le Jura
blanc moyen (+) des Allemands, etc.
43. TERRAIN KIMMÉRIDGIEN, Comprenant le Ammeridge clay et le
Weymouth beds; les argiles noires de Honfleur; les marnes du
Banné (Jura) , le calcaire à astartes, une grande partie du £er-
rain portlandien des géologues du Jura suisse, et une partie du
Jura blanc supérieur (€) des Allemands. Les géologues du Jura
distinguent, sous le nom de ferrain séquanien, la partie infé-
rieure de cet étage.
1h. TERRAIN PORTLANDIEN OU PORTLANDSTONE, é/age oolithique supé-
rieur, comprenant: les derniers étages du Jura blanc supé-
rieur (€) des Allemands, le calcaire à tortues de Soleure, etc.
CLASSIFICATION DES TERRAINS. 119
À la suite de ces huit terrains jurassiques, nous de-
vons indiquer hors de ligne le :
TERRRAIN WEALDIEN, formé par des eaux douces ou saumâtres,
probablement vers la fin de la période jurassique, ou au com-
mencement de la période crétacée, et dont les rapports, avec
les terrains marins n’ont pas encore été clairement déter-
minés.
3° GROUPE CRÉTACÉ, qui doit aussi être subdivisé en
plusieurs terrains distincts. Nous suivrons en partie
la classification de M. d'Orbigny.
15. TERRAIN NÉOCOMIEN, comprenant : le Æ//sconglomerat et le
Hilsthon des Allemands; le biancone de M. Zigno; la partie
inférieure du lower green sand des Anglais. Ce terrain doit
être divisé en deux étages :
À. Le ferrain néocomien inférieur, ou calcaire à spatangues et
à exogyres comprenant, les marnes d'Hauterive, etc.
B. Le ferrain néocomien supérieur. — Synonymes : ferrain
Urgonien, d'Orb.; premiere zone de rudistes, d'Orb., olim ;
calcaire à hippurites des géologues suisses; calcaire à
chama ammonia ; argile ostréenne.
16. TERRAIN APTIEN, d'Orb., comprenant l'argile à plicatules, etc.
Correspondant en partie au Speeton clay et au lower green sand
des Anglais. Ce terrain est peu étendu, et son existence,
comme formation distincte, n'est peut-être pas encore cer-
taine.
A7. TERRAIN DU GAULT. — Synonyme : éerrain albien, d'Orb. Com-
prenant les grès verts inférieurs du continent, ceux de la
perte du Rhône, etc., le gault des Anglais (Folkestone); une
partie des argiles tégulines de M. Leymerie, etc.
48. TERRAIN CÉNOMANIEN, d'Orb., comprenant : le green sand et le
upper green sand des Anglais (Blackdown, Warminster, etc.); la
craie chloritée inférieure, les grès verts du Mans; le quader-
sandstein et une partie du plaener des Allemands : le oberer kar-
pathen sandstein, le système nervien ; la deuxième zone de ru-
distes de M. d'Orbigny, etc.
120 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
49. TERRAIN TURONIEN, d'Orb., comprenant les craies mar-
neuses de Rouen ; une portion du plaener et de l’untere
kreide des Allemands ; la troisième zone de rudistes de M. d’Or-
bigny.
20. TERRAIN DE LA CRAIE BLANCHE. — SVnonymes : errain séno-
nien, d'Orbigny. Comprenant la craie supérieure, la quatrième
zone de rudistes de M. d'Orbigny, la craie de Maestricht, etc.
21. TERRAIN DANIEN, comprenant la craie de Faxoé (Suède), le
terrain pisolitique de Laversine, les étages supérieurs à la craie
de Meudon, etc. (Voy. Bulletin de la Soc. géolog. de France,
2° série, t. IV, p. 179).
IT. PÉRIODE TERTIAIRE.
Cette période, bien plus courte que la seconde, mais
importante par les mammifères fossiles qu’elle ren-
ferme, comprend quatre terrains qui ont chacun des
dépôts marins ou tritoniens, et des dépôts d’eau douce
ou nymphéens.
22. TERRAIN NUMMULITIQUE Où SUESSONIEN , d'Orb. — Synonyme :
terrain épicrétacé. Comprenant les sables inférieurs de M. Mel-
leville, l'argile plastique du bassin'de Paris; le Woo!wich sand,
de M. Morris, et le riche gisement du Monte-Bolca. Il doit être
divisé lui-même en deux étages : l’inférieur renferme le terrain
des environs de Soissons ; le supérieur les nummulitiques de
Biaritz, de la Palarea , ete. Le terrain nummulitique des Alpes
suisses appartient en partie à cet étage et en partie aussi pro-
bablement au terrain suivant (éocène), avec lequel il à beau-
coup de fossiles communs.
23. Terrain ÉOCÈNE, Lyell, ou PARISIEN, d'Orb. — Synonymes :
période éocène, Lyell; terrains paléothériens, etc. Comprenant
les calcaires grossiers des environs de Paris , les grès de Beau-
champ, les gypses de Montmartre, l'argile de Londres, ete. Il
se divise aussi en deux étages : l’inférieur comprend le cal-
caire grossier de Courtagnon et de Grignon, etc. ; le supérieur,
CLASSIFICATION DES TERRAINS. 121
les grès de Beauchamp, les dépôts d’Auvers et de l’île de Wight
et les gypses de Montmartre.
24. TERRAIN MIOCÈNE, Lyell, comprenant les faluns de la Touraine,
quelques grès des environs de Paris, les dépôts marins et la-
custres du sud-ouest de la France ; les célèbres dépôts du Tor-
tonèse, de la montagne de Turin et des environs de Vienne; la
molasse d’eau douce des environs de Genève et de Lausanne, etc.
Il doit se diviser aussi en deux étages.
A. L’étage TONGRIEN, ou inférieur, de M. d’Orbigny, compre-
nant les grès de Fontainebleau , les dépôts à osfrea longi-
rostris de la Gironde, les faluns bleus de M. Grateloup, etc.
B. L’étage FALUNIEN, ou supérieur, du même auteur, renfer-
mant les faluns de la Touraine, une partie de la molasse
suisse , les faluns jaunes de M. Grateloup, le crag à poly-
piers et le crag rouge des Anglais, etc. Les dépôts fluviatiles
sont difficiles à associer à ces divisions marines. Nous ver-
rons en particulier, en traitant des mammifères, qu'il y
a eu probablement deux faunes miocènes en France, dont
les rapports de temps avec les populations des mers ne sont
pas faciles à établir.
25. TERRAIN PLIOCÈNE, Lyell, comprenant les collines subapen-
nines, le crag supérieur, la molasse marine supérieure de la
Suisse, les tertiaires de Montpellier et de Cucuron , etc.
IV. PÉRIODE QUATERNAIRE ET MODERNE.
Synonyme : Période diluvienne.
Cette période comprend comme nous l’avons dit, tous
les terrains qui ont été déposés depuis l'apparition des
espèces qui composent la faune actuelle.
Elle peut, au point de vue géologique, se diviser en deux : la
plus ancienne (période diluvienne) renferme les terrains qui ont
été désignés sous les noms de nouveau pliocène, Lyell: ferrain clys-
mien, Brongniart, et diluvium Buckland, al/luvions anciennes, etc.
Elle comprend les cavernes, les brèches osseuses, et en général
122 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
tous les terrains formés par l’action de forces qui ont dû dépasser
les limites dans lesquelles elles sont renfermées aujourd’hui.
La période la plus récente (période moderne) comprend les ter-
rains qui ont été formés dans les mêmes conditions que celles
qui se présentent de nos jours, et les terrains qui sont en voie
de formation. Ce sont les alluvions modernes, les soulèvements
modernes, etc. Je reviendrai sur tous ces faits dans la troisième
partie de cet ouvrage.
Je renvoie aussi à ce moment la justification des synonymies que
J'ai adoptées dans tout ce tableau de classification des terrains.
Quelques unes d’entre elles ne sont pas admises par tous les géo-
logues. Je pourrai disposer alors de preuves paléontologiques suf-
fisantes pour discuter les concordances d'âge que l’on peut recon-
naître entre les formations des divers pays.
CLASSIFICATION DES ANIMAUX. 123
DEUXIÈME PARTIE.
HISTOIRE NATURELLE SPÉCIALE DES ANIMAUX FOSSILES.
Nous conservons, pour la classification générale des
animaux, les divisions établies par G. Cuvier, et nous
adoptons, à son exemple, quatre embranchements ;
mais les progrès de la science forcent maintenant de
les limiter d’une manière un peu différente.
Cuvier s'était principalement appuyé sur le degré
relatif de perfection. Depuis lors on a mis plus d’im-
portance au plan même de l'organisation, et on a re-
connu, dans le règne animal, un certain nombre de
types, ou de réunions d'êtres, obéissant à un même sys-
tème général dans la disposition des organes. Chacun de
ces types présente des degrés variés de perfection dans
l'organisme, et ces degrés sont susceptibles d’être dispo-
sés en séries qui, à cause même de cette gradation dans
la perfection, sont souvent parallèles les unes aux autres.
Les embranchements forment quatre types bien
tranchés, qu'on peut caractériser comme suit :
1. Embranchement des VERTÉBRÉS, animaux pairs (f), carac-
térisés par un système nerveux central continu (encéphale et
moelle épinière), protégé par des vertèbres ou anneaux osseux
répétés d'une manière homologue sur toute la longueur du corps,
et par des membres endosquelettés (à squelette intérieur).
2. Embranchement des ARTICULÉS, animaux pairs, caractérisés
par un système nerveux ganglionnaire, c'est-à-dire composé de
(t) Par le mot d'animaux pairs, nous entendons des êtres composés de
parties disposées des deux côtés d’un plan médian, doubles si elles sont éloi-
gnées du plan et confondues en une, si elles sont sur la ligne médiane. Les
parties peuvent être égales ou inégales. Dans le premier cas la symétrie existe,
dans le second elle n'existe pas (Gastéropodes, Pleuronectes).
124 CLASSIFICATION DES ANIMAUX.
centres répétés plusieurs fois, par l'absence de vertèbres et de
squelette, par un corps protégé par une peau endurcie formant
une série de pièces dures articulées (exosquelette), homologues
les unes aux autres; par des membres qui, s'ils existent, sont
composés de même de pièces dures articulées.
3. Embranchement des MoLLUSQUES, animaux pairs, caracté-
risés par un système nerveux composé d’un petit nombre de gan-
glions non répétés, par un corps couvert d’une peau molle, et
dont les parties ne sont point non plus répétées en une série de
pièces homologues; ils sont souvent protégés par des coquilles.
h. Embranchement des ZOOPHYTES, animaux composés en tout
ou en partie d'après un plan rayonné, les pièces semblables étant
en général représentées cinq fois ou un nombre multiple de cinq,
au lieu de l'être deux fois comme dans les animaux pairs.
On voit, par ces caractères, que nous mettons en pre-
mière ligne la considération de la structure paire et de
la structure rayonnée, et le fait de la répétition sériale
des pièces constituantes, ou de l’absence de répétition.
Les vertébrés sont pairs et ont un endosquelette
composé de vertèbres répétées. Les articulés sont pairs
et ont un exosquelette composé d’anneaux répétés. Les
mollusques sont pairs et n’ont pas de répétitions sé-
riales. Les zoophytes sont rayonnés.
Le résultat de cette caractéristique est de sortir de
l’embranchement des zoophytes de Cuvier, les intesti-
naux, qui sont des articulés; ainsi que les bryozoaires
et la plupart des infusoires qui doivent appartenir à la
classe des mollusques.
IL y aura probablement à établir une fois un cinquième
embranchement pour les amorphes ou spongiaires, ren-
fermant tous les animaux dont la structure échappe à
Ja symétrie paire et à la symétrie rayonnée. Mais en at-
tendant que ces corps soient mieux connus et que l’on
puisse décider quels sont les infusoires véritablement
amorphes, nous continuerons à les associer aux z00-
phytes.
VERTÉBRÉS. 125
PREMIER EMBRANCHEMENT.
VERTÉBRÉS.
Les vertébrés, comme on le sait, se partagent en
quatre classes, les mammifères, les oiseaux, les rep-
tiles et les poissons.
Dans le monde actuel, ces quatre classes sont distin-
guées par des caractères essentiels tirés de la généra-
tion et de la nutrition; dans les animaux fossiles , ces
moyens manquent, et la distinction est plus difficile.
On peut toutefois trouver aussi, dans celles de leurs par-
ties qui ont été fossilisées, des moyens certains pour re-
connaître à laquelle de ces classes appartiennent les dé-
bris que l’on veut étudier.
Les animaux vertébrés sont en général, comme tous
les autres, conservés par leurs parties dures. Les plus
fréquentes sont les os et les dents, dont l'emploi est ré-
glé par les lois que j'ai rappelées dans la première
partie. On trouve aussi quelquefois des pièces dures té-
gumentaires : ainsi beaucoup de poissons sont connus
par leurs écailles ; des organes analogues de quelques
reptiles et de quelques mammifères sont aussi parvenus
jusqu’à nous, mais beaucoup plus rarement.
Les dents sont spéciales aux mammifères, à quel-
ques reptiles et aux poissons; les oiseaux, les chélo-
niens et la plupart des batraciens en sont dépourvus.
Les mammifères sont les seuls qui aient des dents
composées, et en général leurs molaires ont des formes
assez spéciales pour ne permettre aucune confusion.
126 ANIMAUX VERTÉBRÉS.
Leurs incisives, qui sont tranchantes, peuvent rare-
ment être méconnues, et peuvent tout au plus être
confondues, par un examen superficiel , avec les dents
de quelques poissons. Les dents coniques sont celles
qui, trouvées isolées, peuvent le plus facilement laisser
du doute.
Les os présentent des caractères assez précis. Ceux
des mammifères sont en général faciles à distinguer par
leur tissu ; car ce sont les seuls dont les têtes soient com-
plétement cellulaires et les corps formés d’un fort tube
de tissu compacte, à parois beaucoup plus épaisses que
celles qui enveloppent les têtes. Leur surface est assez
lisse, percée d’un petitnombre de trous pour la nutrition,
Leurs formes sont aussi très caractéristiques; leurs
têtes bien prononcées, leurs crêtes et apophyses nette-
ment détachées, et leurs surfaces articulaires clairement
circonscrites, leur donnent une physionomie qui permet
rarement l'incertitude.
Les os des oiseaux sont beaucoup plus légers; leurs
têtes n'ont qu’un tissu cellulaire très lâche ; le cylindre
de tissu compacte n’est pas beaucoup plus épais au
corps que sur les extrémités. Leur surface est encore
plus lisse que dans les mammifères. Leurs apophyses
sont bien marquées, mais la plupart de leurs articula-
tions sont un peu moins nettes que dans les mammifères.
Les os des reptiles sont d’un tissu plus égal; leurs
têtes ont une cellulosité plus serrée que dans les deux
classes précédentes, et leurs corps ne présentent pas un
cylindre de tissu compacte, mais sont composés à peu
près comme les tètes. Leur surface est percée de trous
nombreux et marquée de petits sillons et de rugosités.
Leurs formes sont plus vagues que celles des os des
mammifères ; les apophyses et les crêtes moins saillan-
MAMMIFÈRES. 127
tes, et les surfaces articulaires ne se distinguent pas clai-
rement du reste de los.
Les os des poissons ont à peu près les mêmes carac-
tères de tissu ; mais leurs formes spéciales et l'absence
presque constante d'os longs des membres les font le
plus souvent distinguer facilement.
Ces caractères peuvent fournir les moyens de recon-
naître les os isolés. Toutefois , dans la plupart des cas,
la connaissance pratique des formes de chaque os dans
les quatre classes décide le paléontologiste au premier
coup d'œil , sans qu’il ait recours à ces caractères de
tissu. Cela est encore plus vrai si plusieurs parties du
squelette sontconnues; les formes de ces quatre classes
sont trop tranchées pour que l'incertitude puisse être
fréquente.
Les vertébrés ont apparu, comme je l'ai dit, avec les
premiers êtres organisés que nous connaissions, et les
terrains les plus anciens nous offrent des débris de pois-
sons. Les reptiles ont apparu pour la première fois dans
l'époquedont les terrains carbonifères nous ont conservé
les traces. Les oiseaux sont rares à toutes les époques ;
on rapporte à cette classe quelques empreintes de pas
qui datent déjà du grès rouge. Les mammifères didel-
phes ont vécu dans les époques jurassiques , et les mo-
nodelphes ontfaitleur première apparition au commen-
cemeni de la période tertiaire.
PREMIÈRE CLASSE.
MAMMIFÈRES.
Les naturalistes reconnaissent généralement que les
mammifères doivent être divisés en deux sous-classes,
198 MAMMIFÈRES.
les mammifères monodelphes et les mammifères didel-
phes (‘). L'importance générale des caractères tirés du
mode de reproduction semble l’exiger, et toutes les cir-
constances accessoires confirment la convenance de cette
division. Les mammifères didelphes, outre leurs carac-
tères principaux tirés de l’absence de placenta, de la
forme de l’utérus, de l'existence des os marsupiaux et
de l’étroitesse du bassin, ont en général le crâne plus
étroit et l’encéphale moins développé que les mammi-
fères monodelphes, ce qui semble montrer chez eux un
degré inférieur d'organisation. Les formes en général
exceptionnelles de leur système dentaire empêchent
presque toujours de pouvoir les ranger dans les familles
formées pour les autres mammifères, et paraissent indi-
quer au ‘contraire une série à peu près parallèle, mais
inférieure à celle des monodelphes.
La paléontologie confirme cette distinction, car, au-
tant du moins qu’on en peut juger par quelques frag-
ments, les mammifères didelphes ont déjà vécu dans
la période jurassique, tandis qu’il n'y a jusqu’à présent
aucun exemple d’un monodelphe qui ait apparu avant
l’époque tertiaire.
Lors de leur première apparition, les mammifères
({) La sous-classe des monodelphes renferme l'immense majorité des
mammifères, Elle comprend tous ceux de ces animaux chez lesquels les pe-
tits, au moment de leur naissance, n’ont besoin que des soins ordinaires de
leur mèreet d’être allaités par elle. Les mammifères didelphes sont ceux dont
les petits naissent, par une disposition organique particulière , à une époque
très peu avancée de leur développement, et qui, à cause de cela, ont besoin
d’une protection toute spéciale, qu'ils trouvent dans une poche, située sous
le ventre de la mère et dans laquelle sont les mamelles. Chacun des petits
reste adhérent à une de ces mamelles pendant tout le commencement de
sa vie, et ne la quitte point pendant les premiers temps. Ces mammifères
didelphes ont au bassin des os spéciaux, nommés os marsupiaux, Ce groupe
comprend les sarigues, ies Kanguroos, etc.
DISTRIBUTION DES MAMMIFÈRES, 129
monodelphes ont formé des faunes dans lesquelles les
divres types sont répartis un peu différemment qu’au-
jourd’hui. Les herbivores et surtout les pachydermes
sont les plus abondants, et les carnassiers paraissent
avoir été plus rares, soit en espèces, soit peut-être sur-
tout en individus. Les ruminants ont apparu dans les
périodes suivantes, n'ont pas tardé à devenir nombreux,
et la fin de l’époque tertiaire en à eu une grande quan-
té. Dans l’époque diluvienne , les proportions ont
changé : les pachydermes ont beaucoup diminué, et les
carnassiers ont offert au contraire une faune remar-
quable parle nombre des espèces et par leur taille, Tous
ces faits d’ailleurs ressortiront mieux des tableaux plus
exacts et plus précis que je donnerai plus tard.
Les lois que j'ai indiquées dans la première partie
trouvent ici leur application. Les mammifères sont dis-
tribués en faunes parfaitement tranchées, composées
d'espèces dont la durée à été limitée à une seule épo-
que, et ils confirment complétement Les premières lois
que nous avons établies.
Cette classe comme les autres a augmenté de variété
dans la série des temps. Les premières faunes ne ren-
ferment qu'un petit nombre de types distincts, et le
nombre des genres va en augmentant depuis les ter-
rains les plus anciens jusqu'aux plus récents et à l’é-
poque moderne.
La perfection comparative des faunes de mammifères
n'a pas été en s’augmentant; cette classe présente seu-
lement une règle analogue à celle que nous avons éta-
blie pour l’ensemble du règne animal.
Les mammifères didelphes ont précédé de beaucoup
les mammifères monodelphes, et l’homme n’a été créé
que longtemps après ces derniers. Mais le perfectionne-
À 9
130 | MAMMIFÈRES.
ment s'arrête là et les ordres les plus élevés n'ont point
été réservés pour les faunes les plus récentes. Les qua-
drumanes existent dès l'étage éocène; il en est de même
des chéiroptères, des carnassiers, etc. Les pachy-
dermes sont des herbivores aussi parfaits que les ru-
minants qui les ont en partie remplacés. Tout dans
cette comparaison s'accorde avec ce qui à été observé
pour l’ensemble du règne animal.
En comparant les ordres des mammifères, on voit
qu'un petit nombre d’entre eux (pachydermes et éden-
tés) se trouvent en voie de décroissance et ont eu leur
maximum de développement dans les époques anté-
rieures à la nôtre. La grande majorité est au contraire
en voie de croissance et le nombre des espèces a aug-
menté graduellement depuis les terrains tertiaires an-
ciens jusqu'à nos jours.
Les mammifères suivent encore la règle générale dans
la comparaison de leurs formes avec celles du monde
actuel. Dans les terrains anciens elles en diffèrent beau-
coup. À cette époque, l'Europe était habitée principale-
ment par des anoplothériums, des paléothériums et au-
tres genres qui ont maintenant disparu, et par quelques
singes et quelques didelphes, qui sont aujourd’hui spé-
ciaux à des contrées fort éloignées ; tandis que le nom-
bre d'animaux que l’on peut rapporter aux genres ac-
tuels était comparativement petit.
Vers la fin de l’époque tertiaire, une grande partie
de ces animaux ont disparu , et les espèces des genres
perdus ont été remplacées par des cerfs, des rhinocéros
et autres animaux des genres actuels.
Les mammifères de l’époque diluvienne peuvent,
pour la plupart, se rapporter à des genres modernes,
avec celte différence toutefois que plusieurs espèces
DISTRIBUTION DES MAMMIFÈRES. 131
qui ont alors peuplé l'Europe ou l’Asie ont aujourd’hui
leurs congénères dans d’autres parties du globe : ainsi
la Sibérie à vu son sol, actuellement placé, foulé par les
éléphants et les rhinocéros ; ainsi encore les cavernes
d'Allemagne et d'Angleterre renfermaient des hyènes
et des lions. Mais souvent aussi on trouve des terrains
dans lesquels on a de la peine à fixer la limite où finit
l’époque diluvienne et où commence la période moderne,
tant les animaux dont les restes sont contenus dans ces
gisements rappellent lesespèces quihabitent aujourd’hui
nos contrées.
En entrant plus loin dans les détails relatifs aux di-
verses familles, nous aurons occasion de faire ressortir la
confirmation de quelques autres lois moins importantes,
telles que la loi de l'augmentation de température, celle
de l'extension de la distribution géographique, ete,
J'ai dit ci-dessus que, sauf une exception pour quel-
ques didelphes , c'était dans les terrains tertiaires et
diluviens qu'on devait chercher les débris fossiles des
mammifères. Îl convient de jeter ici un coup d'œil sur
les localités principales où l’on en a trouvé.
Dans le terrain tertiaire , les quatre étages que nous
avons distingués dans le chapitre IX en renferment des
débris.
Dans l'étage nummulitique, l'argile située sur le cal-
caire pisohthique de Meudon et les lignites du Sois-
sonnais ont conservé quelques espèces. M. Gervais
désigne cette faune sous le nom de orthrocène.
Dans le terrain éocène ou parisien, M. Gervais dis-
tingue deux faunes (‘). La plus ancienne est contenue
(t) M. Gervais a montré que les mammifères fossiles de France forment
plusieurs faunes distinctes. (Voy. Comptes rendus de l'Académie des sciences,
152 MAMMIFÈRES,
dans le calcaire grossier des environs de Paris et dans
les dépôts riches en lophiodons de Buschweiler, d’Ar-
genton et d’Issel. M. Gervais lui conserve le nom
d’éocène, ce qui me paraît pouvoir amener quelque
confusion (‘). Nous la désignerons sous le nom de part-
sien inférieur. La plus récente (parisien supérieur,
proicène, Gervais) comprend les célèbres dépôts gyp-
seux des environs de Paris, quelques calcaires du midi
de la France, en particulier ceux d’Alais (Gard), les
gypses inférieurs du Puy en Velay (Haute-Loire), l'argile
de Londres et quelques dépôts de même âge dans
diverses parties de l'Angleterre, telles que Pile de
Wight. La première de ces localités restera en parti-
culier toujours illustre dans les annales de la science,
comme ayant fourni les matériaux de la partie la plus
remarquable de l'ouvrage de Cuvier.
Dans l’étage miocène, il parait encore, suivant M. Ger-
vais, qu'il faut distinguer deux faunes.
La plus ancienne, riche en anthracothériums , com-
prend les gisements de Montabuzard, de Moissac , de
Léognan, les dépôts calcaires lacustres du Puy en
Velay (*), de la Limagne d'Auvergne, et du Bourbonnais
(départements de la Haute-Loire, du Puy-de-Dôme et de
1849, 4'° série, t. XX VIII, p. 546 et 643; Mémoires de l'Académie de
Montpellier, 1849.)
(1) Le mot éocène se trouve en effet maintenant désigner, pour quelques
paturalistes, tous les terrains nummulitiques et parisiens ; pour d’autres, le
parisien supérieur et inférieur ; pour M. Gervais, le parisien inférieur seule-
ment.
(2) J'adopte ici, contrairement à l'opinion de M. Gervais, la classification
admise par M. Aymard, car les calcaires lacustres du Puy, toujours supé-
rieurs aux gypses, ont une faune différente. M. Gervais réunit ces deux ter-
rains et sépare tout à fait les calcaires lacustres du Puy de ceux de l’Au-
vergne. Il y a certainement quelques différences entre eux, mais pas assez
tranchées, ce me semble, pour constituer une époque différente, surtout dans
l'incertitude où nous sommes sur l'unité de la faune d'Auvergne,
DISTRIBUTION DES MAMMIFÈRES, 133
l'Allier), et probablement ceux de Cadibona ( Piémont).
Cette faune est une des moins certaines, et nous ne
l'indiquons guère que comme provisoire. Il est possible
en particulier que les terrains de la Limagne et du
Bourbonnais doivent se répartir en deux étages, dont
lun (le plus inférieur) aurait quelques rapports avec
le parisien supérieur. En attendant la solution de ces
questions, il convient de ne pas confondre cette faune
remarquable ni avec le parisien, ni avec le véritable
miocène , et nous la désignerons sous le nom de faune
miocène d'Auvergne.
La plus récente comprend le riche gisement de San-
san, près d’Auch(Gers), quelques terrains de l’Orléanais,
les faluns de la Touraine, les mollasses marines de
Saint-Jean de Védas, Castries, etc.; le grand dépôt
d’ossements d'Eppelsheim (bassin du Rhin), plusieurs
localités d'Allemagne, et la mollasse d’eau douce de Ja
Suisse. Nous désignons cette faune sous le nom de
faune miocène supérieure ou de faune miocène propre-
ment dite.
L’étage pliocène forme une faune à laquelle nous
conservons le nom de faune pliocène. Cette: période
a laissé des traces dans la plupart des sables marins
du bassin méditerranéen, ainsi que dans le sédiment
lacustre de Cucuron. Les marnes d'OEningen, et
quelques graviers d'Italie, appartiennent à la même
époque.
Les alluvions sous-volcaniques d'Auvergne, telles
que les dépôts des environs d’Issoire, de la montagne
de Perrier, etc., renferment une faune qui paraît
appartenir à l'époque pliocène, mais qui à aussi ses
caractères zoologiques spéciaux. Nous la désignerons,
avec M. Gervais, sous le nom de faune pliocène d'Au-
134 MAMMIFÈRÉS.
vergne. Elle est probablement supérieure à la faune
pliocène proprement dite; mais ses rapports ne sont
pas encore définitivement établis.
Dans toutes ces localités, les fossiles sont placés dans
des couches plus ou moins régulièrement stratifiées.
Quelquefois Les animaux ont été enveloppés par le dépôt
qui les a conservés, avant qu'une macération complète ait
séparé leurs os : ainsi à Montmartre, on à trouvé quel-
ques pachydermes complets. Mais le plus souvent les
ossements ont été disjoints par un long séjour dans
l’eau, puis ont été dispersés et charriés par les courants.
C'est en particulier €ée qui est arrivé dans le bassin du
Rhin; les débris fossiles d’'Eppelshein sont toujours
placés dans une position analogue à celle que prendraient
des ossements modernes flottant dans un fleuve. Les
crânes sont tournés de manière que la partie la plus pe-
sante soit en dessous et la plus légère en dessus; les ôs
sont horizontaux et parallèles au cours probable du
fleuve, et l’on ne retrouve pas les pièces du même sque-
lette dans le voisinage les unes des autres. Cette dislo-
cation des êtres à aussi liéu dans la plupart des autres
localités.
Dans les terrains diluviens, les ossements fossiles de
mammifères se trouvent dans trois gisements prinéi-
paux : les terrains stratifiés, les brèches osseuses et les
cavernes.
Les terrains stratifiés de l’époque diluvienne ont des
rapporis avec ceux des étages supérieurs de l’époque
tertiaire. Ce sont ordinairement des dépôts limoneux,
mêlés de graviers et de cailloux roulés. Ge sont aussi
quelquefois des tourbières anciennes, des tufs ou des
marnes calcaires. 1 est probable que l’on doit y distim-
guer quelques étages d'une anciennelé diverse; car
BRÈCHES OSSEUSES, 135
il est des dépôts où Les espèces sont notablement diffé-
rentes de celles qui peuplent aujourd'hui nos contrées,
tandis qu’il en est d’autres où les débris organiques ne
peuvent pas être distingués des squelettes des mammi-
fères actuels. Ainsi les sables et les graviers du Wurtem-
berg, de quelques parties de la France , des bords du
Rhin, des environs de Moscou, etc., présentent des
débris de mammouths et d’autres espèces perdues ;
tandis que dans les graviers des environs de Genève on
ne retrouve presque que des espèces actuelles (°).
Les brèches osseuses (*) sont des dépôts composés
ordinairement d'arpile ferrugineuse et de sable, qui,
liés par un ciment calcaire , enveloppent des débris de
différentes roches et des ossements souvent brisés. Ces
dépôts varient dans leur composition et dans leur soli-
dité. Aux ossements qu'ils renferment sont fréquem-
ment jointes des coquilles, le plus souvent terrestres
ou fluviatiles, quelquefois aussi marines.
On trouve généralement ces brèches dans les fentes
(1) Je dois attirer encore ici l’attention sur ces liaisons insensibles qui
existent entre l’époque diluvienne et l’époque moderne et dont j’ai déjà parlé
dans le chapitre IX, p. 112. Je suis convaincu que l’étude de la paléontologie
des terrains diluviens, faite sans idées préconçues et d’une manière compa-
rative, finira par démontrer qu’ils appartiennent en réalité à l’époque mo-
defné, et que les inondations ou délugés partiels qui ont déposé ces terrains
n’ont détruit qu’un petit nombre des espèces qui vivaient alors en Europe.
Je crois que depuis le soulèvement des Alpes, qui a terminé la période ter-
tiaire et mis fin à la vie des espèces qui habitaient alors l'Europe, on ne peut
admettre aucun événement assez grave et assez général, pour qu'il puisse
établir une ligne de démarcation suffisante entre les dépôts successifs et nom-
breux qui se sont formés depuis.
(2) Voyez sur les brèches, outre les ouvrages généraux : de Christol, Obs.
gén. sur les brèches osseuses, Montpellier, 1834; L.-A. Necker, Brèches
de Carniole (Ann. des sc. nat.;, 1528, XVI, 91); Pomel, Brèches d'Au-
vergne (Bull. Soc. géol., XIV); Rampasse, Brèches de Corse (Ann.
Muséum d'hist. naturelle, Paris, 1807, X, 163); Hoffmann, Leonh. und
Bronn Neues Jahrbuch, 1833, p. 84; etc.
1356 MAMMIFÈRES.
des rochers d'une formation plus ancienne, et elles pa-
raissent avoir été déposées par de grands courants
d'eau qui ont laissé dans ces fentes ou cavités les
corps pesants qu'ils charriaient. Les localités les plus
célèbres sont situées sur les bords de la Méditerranée :
on peut citer parmi les brèches marines celles de Nice
et de San-Ciro (Sicile). Les brèches osseuses d’Anti-
bes, de Cette, de Gibraltar, de Cagliari, d'Uliveto
et de nombreuses autres localités de France, d'Italie et
d'Espagne, sont, au contraire, des dépôts d’eau douce.
Le phénomène des brèches osseuses n’est pas limité
à l’Europe; on en a retrouvé de tout à fait analogues
dans la Nouvelle-Hollande.
Les cavernes à ossements sont de profondes cavités,
creusées dans certaines montagnes par des causes que
nous n'avons pas à étudier ici. Il est probable que leur
première origine tient à des dislocations de couches par
des soulèvements successifs, et que plus tard des cou-
rants d’eau les ont agrandies et ont usé leurs parois.
Leur intérieur présente souvent des formes imposantes
ou bizarres qui ont attiré sur elles l’attention des cu-
rieux, longtemps avant qu’on soupçonnât les richesses
paléontologiques qu’elles renferment.
Celles de ces cavernes qui contiennent des ossements
fossiles ont ordinairement leur sol recouvert d’une
couche plus où moins épaisse de cailloux roulés, de
sable et d'argile, avec lesquels sont mélangés les os. Il
est même rare que l’on trouve des fossiles dans les ca-
vernes qui ne renferment pas ces traces de l’action
diluvienne.
La couche de cailloux et de sable est souvent proté-
gée par une croûte de stalagmites. On peut dire en gé-
néral que les ossements sont plus nombreux et mieux
CAVERNES. 137
conservés, si celle croûle existe que lorsqu'elle man-
que. Il est probable qu'elle à servi à intercepter l'air et
par conséquent à conserver les fossiles ; et que dans plu-
sieurs cavernes où il y a eu dépôts d’ossements sans for-
malion de stalagmites, l’action de l'air les a décomposés
et détruits.
Les cavernes sont situées dans diverses positions : on
les trouve quelquefois au point de séparation de deux
couches, et quelquefois au milieu d'elles; on en voit
qui s'ouvrent sur les pentes abruptes des montagnes et
d’autres qui sont situées au fond des vallées. Elles peu-
vent exister dans les roches de plusieurs époques ; elles
sont surtout fréquentes dans les terrains jurassiques ,
crétacés el magnésifères.
Les ossements, comme je l'ai dit, varient pour leur
conservation. Quelquefois leur tissu est si peu altéré
qu’on pourrait en retirer de la gélatine; mais il arrive
plus souvent qu'ils en ont perdu toute trace et qu’ils
happent fortement à la langue. Lorsqu'ils ont été
moins bien recouverts, ils sont tout à fait tendres
et friables. On les trouve souvent avec leurs formes
très intactes; quelquefois aussi ils sont brisés et frac-
turés.
Les géologues ne sont pas tous d'accord sur la ma-
nière dont les ossements fossiles ont été entassés dans
les cavernes. Quelques-uns pensent que les animaux
carnassiers dont on retrouve les débris ont habité
dans ces retraites, y ont apporté pour leur nourri-
ture des animaux herbivores entiers ou par frag-
ments, et ont fini eux-mêmes par y laisser, après leur
mort, leurs ossements mêlés avec ceux de leurs vic-
limes et de leurs prédécesseurs. D’autres croient au
contraire que les débris des uns et des autres v ont été
138 MAMMIFÈRES.
charriés par la même cause qui à amené les cailloux
roulés et l'argile, c’est-à-dire probablement par de
grands courants d’eau.
L'une et l’autre de ces opinions s’étayent d'argu-
ments assez puissants, qui semblent indiquer que les
deux causes ont pu agir quelquefois concurremment,
et qui, quoique l’une d'elles soit bien plus probable,
empêchent peut-être de lui attribuer la totalité du phé-
nomène et d’exclure complétement l’autre.
Ceux qui croient que les animaux carnassiers ont
vécu dans les cavernes, s'appuient sur les raisons
suivantes :
1° Ces cavernes, ayant été formées avant l’époque
diluvienne, ont dù présenter des retraites naturelles et
commodes aux animaux carnassiers qui vivaient pen-
dant cette époque.
2° Les ossements de carnassiers se trouvent plus
fréquemment intacts et bien conservés que ceux des
herbivores. Ces derniers sont ordinairement brisés, et
quelquefois marqués d'impressions que l’on regarde
généralement comme des traces de dents.
3° On trouve dans certaines cavernes des corps qu’on
a nommés coprolithes ou album vetus, et qui sont pro-
bablement les excréments des liyènes ou des ours. Ces
corps ne peuvent guère avoir été apportés par les eaux
avec des cailloux roulés, et d’ailleurs quelques natura-
listes affirment qu'ils se trouvent presque toujours
dans des places un peu cachées, que l'on peut présumer
avoir été choisies par l'animal, ce qui montre qu’il les à
déposés lui-même.
À cés arguments les partisans de l'opinion contraire
répondent :
{eo Qu'il est peu probable que ces cavernes aient été
CAVERNES. 139
habitées concurremment par des ours, des hyènes et
des lions. I semble que ces carnassiers devaient natu-
rellement s’exclure, et cependant Ia manière dont leurs
ossements sont placés paraît montrer qu’ils ont été
déposés à la même époque.
2 Il est des cavernes où l’on trouve des ossements
d'animaux trop gros pour qu’on puisse supposer que
les carnassiers les ont apportés. Ainsi 1l est peu pro-
bable que les éléphants , les hippopotames et les rhi-
nocéros, qu'on trouve dans quelques cavernes de
France et d'Angleterre, aient pu y être amenés par des
ours ou des hyènes.
3° Le phénomène de l’entassement des os dans les
cavernes est tout à fait contemporain de celui des
brèches osseuses, et ces deux dépôts se ressemblent
souvent, Les mêmes courants que l’on est obligé d’ad-
mettre pour expliquer la formation des brèches doi-
vent avoir joué un grand rôle pour remplir les cavernes.
Dans plusieurs cas même, des brèches osseuses sont
réunies aux dépôts des cavernes et tendent à prouver
d’une manière presque incontestable leur origine com-
wmune (!).
4 Il est rare que l’on trouve des ossements fossiles
dans les cavernes où il n’y a pas de limon et de cailloux
roulés. Pourquoi la cause qui à amené ces derniers
n'aurait-elle pas pu transporter les os?
5° On ne trouve presque jamais les os des squelettes
réunis, comme cela aurait lieu si l'animal était mort
à la place où nous en trouvons les débris. Sur des cen-
taines d'individus dont on a retiré des fragments des
(!) Voy. en particulier un mémoire de MM. Marcel de Serres et Jean-Jean
(Compt. rend. de l'Acad. des sciences, octobre, 1850 ; Bibl. univ., archives,
1850, t. XV, p. 233).
110 MAMMIFÈRES.
cavernes, on ne cite qu’un très pelit nombre de cas
authentiques où l’on ait trouvé tout le squelette.
6 Les os sont souvent fendillés ou roulés. Or, ils ne
peuvent avoir été fendillés que par un séjour à l'air
avant d’être ensevelis, et ils ne peuvent avoir été rou-
lés que par un transport un peu long. M. Schmerling
cite des cas, rares il est vrai, dans lesquels les osse-
ments étaient tout à fait arrondis par l’action des eaux.
7° On trouve des ossements dans des cavernes beau-
coup trop étroites pour que les ours aient pu y vivre
et même s’y tourner; tandis que, au contraire, ils
manquent souvent dans les cavernes vastes et spa-
cieuses (*).
(1) Voyez sur toutes ces questions, outre les traités généraux : Marcel de
Serres Essai sur les cavernes à ossemenis, et Manuel de paléontologie ; un
article détaillé de M. Desnoyers, Dict, univers. d’hist. nat. de Ch. d'Orbigny,
t. VI, p. 343); et plus spécialement :
Pour les cavernes d'ALLEMAGNE : Bruckmann , Cav. de Hongrie (Gollect. de
Breslau, 1732, 4er sem.), ct son ouvrage, Magnalia Dei in locis sublerraneis,
Brunswick, 1727, in-folio; Esper, Descript. des zoolithes des cavernes, etc.,
trad. de l’allemand, et Voyage aux cavernes de Gailenreuth (Berl. natur.,
1784, t.1, p. 56); Lesser, Baumenhôle, 1745, in-8°; Schlotheim, Berlin.
Mag., t. VII, p. 156; Isis, 1818, t. IX, p. 1484,ete.; Wimmer, 14 cavernes de
Hongrie et Transylvanie (Ann. de Berghaus, XIV, 3° série, II, 154); Nogge-
rath, Karstens Archiv, 1846, t. XX, p. 328; Becks, Leonhard Taschen-
buch,t. I, p. 98; Braun (ZLeonh. und Bronn Neues Jahrb., 1838, p. 571
et 1834, p. 581; Unger, id., 1844, p. 226; Zipser, id., 1836, p. 686; :
4840, p.88et 210 ; 1841, p. 346; R. Wagner, Cav. de Muggendorf (Wiegm.
Archiv, 1835, t. II, p. 96); Grey Egerton, Proceed. geol. Soc., t. 1, 94;
Mandell, Cav. de Styrie ( Steyermarck Zeitsch., 1837); etc.
Pour les cavernes d'ANGLETERRE : Buckland, Æeliquiæ diluvianæ et Edinb.
new. phil. journ., janvier 1827, p. 377; Eastmead, Historia Rievallensis ,
Londres, 1824, in-8°; Mudge, Phil. mag., t. VII, p. 579; Cotton, id.,
1848, t. XXII, p. 119; de la Bèche, Report of Cornwall, 1839, in 8°; E. Vi-
vian, Cav. de Kent (Quart. Journ. geol. Soc., 1847, 12 mai; Bibl. univ.,
Archives, t. VIL, p. 78); etc.
Pour les cavernes de BELGIQUE : Schmerling, Rech. sur les oss. fossiles des
cavernes de Belgique, in-%° ; Dumont, Mém. sur la constitution géol, de la
province de Liège, Bruxelles, 1832, in-4°; etc.
x
CAVERNES, 141
Ces arguments démontrent, comme on le voit, la
grande probabilité du transport des os par les eaux,
sans toutefois qu’on puisse nier absolument que dans
certains cas les carnassiers aient vécu dans Les cavernes
et y aient laissé des traces de leur existence.
J’ai dit plus haut que l’on avait découvert des brèches
osseuses à la Nouvelle-Hollande ; les autres phénomènes
diluviens et en particulier les cavernes à ossements se
retrouvent dans diverses parties du globe. Il est pro-
bable qu’il viendra un temps où la comparaison de ces
gisements fournira des données précieuses sur leur
origine. Ce que l'on sait déjà, par les recherches de
M. Lund, des cavernes du Brésil, offre un grand intérêt.
Ces cavités ont leur sol couvert d’un limon rougeñtre
qui renferme de nombreux ossements, appartenant en
majorité à des espèces que l’on peut ranger dans les
genres qui peuplent actuellement le continent améri-
Pour les cavernes de France : Marcel de Serres, outre les ouvrages précités,
Cavernes de Lunel-Viel, in-4°, 1839 ; Cavernes d'Orgon (Ann. des sc. nat.,
juillet 1829); Géognosie des terrains tertiaires, Montpellier, 1829, in-8°, etc.;
Destrem, Cav. de Bize (Bull. Férussac, 1829, t. XVIII, p. 100); Cordier,
Ann. des sc. nal., 1829 , t. XVIIL ; de Christol, Bull. Férussac, 1829, t. XIX,
p. 28; Nodot, Mém. de l’Acad. de Dijon , 1834, et l'Institut, octobre 1843;
Mauduyt, Bull. Soc. d'agric. de Poitiers, 1836; Baudouin, Cavernes de Chà-
tillon-sur-Seine , 1843 , in-8° ; Rozet, Comptes rendus de l’Acad. des sciences,
1839, t. VIII, et Bull. Soc. géol., 1839, t. X;, Thirria, Statistiq. de la
Haute-Saône , Besançon, 1833, in-8°; Blavier, Ann. de la Soc. géol., 1849;
Desnoyers, Caw. el brèches des environs de Paris (Comptes rendus de l'Acad.
des sc., 1842, 1°° sem., p. 522); etc.
Pour les cavernes d'Irazte : Catullo, divers ouvrages et mémoires ;
Piccioli, Raggualio di una grotta, Vérone, 1739, in-4°; Longo, Giornale
di sc. liller. per la Sicilia, 1836, vol. LIT ; P. Savi, Caverna ossifera,
Pise, 1838, in-8°; etc.
Pour les cavernes de VALACHIE : Schuler, Leonh. und Bronn Neues Jahrbuch,
1838, p. 33.
Pour les cavernes d'AMÉRIQUE : Bigsby, Cav. du Canada (Sillim. Journ.,
juin 1825), Long, Sillim. journ., t. XXXV; Lund, Mém. de l’ Acad. de Copen:
hague, et Ann. des sc. nat., 1829; etc.
149 MAMMIFÉRES.
cain. Toutefois la faune que ces ossements permettent
de reconstruire paraît différer plus de l’état actuel
des mammifères en Amérique que notre faune dilu-
vienne ne diffère des espèces européennes. On peut
en particulier citer quelques animaux qui se rapportent
aux genres de l’ancien continent, comme les terrains
tertiaires d'Europe ont fourni des espèces qui rentrent
dans les genres américains. Ainsi les éléphants, qui ont
peuplé l’Europe pendant l’époque diluvienne et qui au-
jourd’hui n'existent plus qu'en Asie et en Afrique, ont
vécu en Amérique pendant la période dont nous par-
lons. Ainsi, ce qui est plus frappant encore, nous
voyons que les Espagnols, les premiers conquérants de
l'Amérique, n’y ont pas trouvé de chevaux, et nous
savons même qu’ils ont causé un étonnement si grand
dans ce pays par l'importation des chevaux d'Europe,
que les habitants croyaient que le cavalier et sa monture
ne formaient qu'un seul animal. N’est-il pas remarquable
de trouver, dans ce même continent, des ossements fos-
siles de chevaux qui indiquent une espèce différente
de toutes celles que nous connaissons?
L'avenir nous ménage certainement la découverte de
bien des faits aussi curieux. Il est probable qu'il y aura
des enseignements de haute importance à puiser dans
la comparaison de la succession des animaux dans les
divers pays du globe.
J'ai adopté pour la classification des mammifères les
opinions soutenues par M. Milne Edwards, dans son
mémoire remarquable sur la classification des verté-
brés (!), en considérant, comme des caractères impor-
tants, ceux qui sont tirés de la structure du placenta
et du mode de développement du fœtus. Je ne pense pas
(1) Annales des sciences naturelles, 3° série, t, I°'.
CLASSIFICATION EN ORDRES. 145
toutefois que dans l'état actuel de la science on puisse
en tenir compte à l'exclusion de tout autre caractère,
et mettre, par exemple, les rongeurs au-dessus des car-
nassiers à cause de leur placenta discoïde. Je ne doute
pas qu'on ne le fasse plus tard, si comme cela est pro-
bable, l'étude de lembryologie confirme dans tous les
types les caractères que l’on connaît aujourd’hui.
Le tableau suivant fera comprendre les principes que
j'ai adoptés :
are sous-cLassE : MAMMIFÈRES MONODELPHES, Génération
normale, placenta adhérent à l'utérus, pas de poche extérieure
pour recevoir les petits.
1% ORDRE : BIMANES (hommes).
2° ORDRE : QUADRUMANES, Placenta discoïde, trois sortes de dents,
onguiculés , quatre mains.
3° ORDRE : CHÉIROPTÈRES. Placenta discoïde, trois sortes de
dents, onguiculés, deux ailes.
h° ORDRE : INsecrivores. Placenta discoïde, trois sortes de dents
incisives et canines souvent anormales, onguiculés, quatre pieds,
membres faibles.
5° ORDRE : CARNASSIERS. Placenta zonaire, trois sortes de dents,
incisives et canines régulières, onguiculés, quatre pieds, membres
forts.
6° ORDRE : RONGEURS. Placenta discoïde, pas de canines, ongui-
eulés, des incisives.
7° oRDRE : Épenrés. Placenta diffus, pas d'incisives, ongui-
culés.
8° ORDRE : PROBOSCIDIENS. Placenta diffus, subongulés, une
grande trompe, molaires se renouvelant d’arrière en avant (au
moins en partie).
9 ORDRE : PACHYDERMES. Placenta diffus, ongulés, un estomac,
métacarpiens et métatarsiens distincts. — Type aberrant, DAMAN.
Mêmes caractères avec un placenta zonaire.
10° ORDRE : RUMINANTS. Placenta diffus, ongulés, quatre esto-
macs, métacarpiens et métatarsiens soudés (canon).
A1 onDRE : SiRéNoOÏDES. Placenta diffus, pas d'ongles ou ongles
144 MAMMIFÈRES,
Lrès rudimentaires, forme de poisson, pas de membres postérieurs,
des molaires à couronne plate, quelquefois des défenses, tête
grosse et courte.
42° ORDRE : ZEUGLODONTES (type fossile). Forme de poisson,
molaires dentelées et tranchantes, incisives crochues, tête
allongée.
13° oRDRE : CÉTACÉS. Placenta diffus, dents coniques uniformes
ou nulles, pas de membres postérieurs, forme de poisson, pas
d'ongles.
9e sous-CLasse : MAMMIFÈRES DIDELPHES. Placenta sans
adhérence, petits subissant un incomplet développement dans
l'utérus et placés pour l'allaitement dans une poche extérieure.
44° ORDRE : MARSUPIAUX SARCOPHAGES. Dents canines grandes,
incisives petites.
45° ORDRE : MARSUPIAUX POEPHAGES. Dents canines petites ou
nulles, incisives grandes.
16° oRDRE : MonoTRèÈMEs. Une seule ouverture pour le canal
alimentaire et pour les organes génito-urinaires , un bec corné,
dents nulles ou anormales. (Cet ordre n’a pas été trouvé fossile. )
Je dois faire remarquer que, pour les mammi-
fères plus que pour toutes les autres classes, il est
impossible, en énumérant les espèces, de ne pas en
laisser toute la responsabilité à ceux qui les ont établies.
Beaucoup d'entre eiles ne sont connues que par un
petit nombre de fragments déposés souvent dans des
collections particulières. Il est fréquemment impossi-
ble de les comparer directement, et dans les maté-
riaux que j'ai recueillis, j'ai souvent eu la conviction
qu'il devait y avoir des doubles emplois nombreux.
L'avenir relèvera ces erreurs; le but que j'ai dû me
proposer était de mettre sous les yeux du lecteur les
faits recueillis jusqu’à ce jour. J'ai fait quelques rec-
tifications, j'en ai indiqué plusieurs proposées par
d’autres naturalistes ; il en reste beaucoup à faire.
Depuis la publication de la première édition de cet
HOMME FOSSILE, 1495
ouvrage, de nombreux travaux ont été publiés sur les
mammifères, et leur histoire est bien plus complète
aujourd'hui. Il suffit de citer les noms de MM. de Blain-
ville, Gervais, R. Owen, Laurillard, Aymard, H. de
Meyer, Lartet, etc., pour faire comprendre combien j'ai
eu de faits nouveaux à enregistrer. Je me fais aussi un
devoir et un plaisir de témoigner à MM. Gervais et
Aymard toute ma reconnaissance pour les nombreux
et importants matériaux qu'ils ont bien voulu me com-
muniquer.
1 SOUS-CLASSE.
MAMMIFÈRES MONODELPYES,
A ORDRE.
BIMANES (hommes).
Trouve-t-on des fossiles humains? L'homme a-t:l
apparu à la surface de la terre avant l’époque actuelle?
telle est une question importante à laquelle Fa science
moderne semble répondre négativement, quoique à di-
verses reprises elle ait été jugée autrement.
Divers faits et observations ont successivement été
considérés comme pouvant établir l’existence d'hommes
fossiles.
Dans les temps d’isnorance, où la paléontologie,
encore dans l’enfance, ne permettait pas une exacte
détermination des ossements fossiles, et où l'opinion
la plus généralement adoptée rapportait tout au déluge
universel, on a souvent pris des ossements de mammi-
fères pour des débris humains. L’imagination s’est
1. 10
146 MAMMIFÈRES. -—— BIMANES.
même plu souvent à donner cette détermination aux
ossements de la plus grande taille; on en tirait la
conclusion que les premières races d'hommes avaient
été sigantesques, et que, dans une nature moins active,
leurs descendants avaient dégénéré. À mesure que des
méthodes plus précises forcèrent à une observation
plus exacte des faits, on reconnut que ces détermina-
tions étaient erronées, et l’on vit qu'il fallait rapporter
à des éléphants ou à d’autres grands animaux ces pré-
tendus os de géants (f).
Parmi de nombreux faits que l’on pourrait citer, un
des plus célèbres est celui des ossements trouvés en
1613 près de Chaumont, et qu’une supercherie fit
rapporter à Teutobochus, roi des Cimbres. Mazurier,
chirurgien de Beaurepaire, qui fut le premier posses-
seur de ces débris, les fit enfouir de nouveau avec une
pierre tumulaire , et feignit plus tard de les avoir dé-
couverts par hasard , assura qu'ils étaient placés dans
un tombeau, qui était certainement celui de Teutobo-
chus, et les montra pour de l'argent dans différentes
villes. Il y à quelques années que ces ossements ont
été retrouvés au Musée de Bordeaux, et K. de Blain-
ville a reconnu qu’ils appartenaient à un proboscidien.
Une autre erreur de détermination est le fameux
Homo diluvi testis, trouvé dans les schistes d'OEnin-
gen et décrit par Scheuzer (*). On a reconnu depuis que
c'était un grand reptile de la famille des salamandres.
Dans les temps plus modernes, des observateurs
(1) Voyez Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire , Hist. nat. des anomalies de l'orga-
nisation, Paris, 1832, t. [, p. 168. Voyez aussi Bruckmann dans ses Epis-
tolæ (Des dents de géants): Cassanionis, De gigantibus et eorum reliquüs,
Basileæ, 1580, iu-S°; Hoffmann, De gigantum ossibus, lenæ, in-4°; etc.
(2) Gruner (Naturg., Helvet. in alter Welt., Bern., 1773, ir-8°) est un des
premiers qui aient montré l’erreur de cette détermination.
=
HOMME FOSSILE, 147
superficiels ont encore pris pour des fossiles humains
des fragments de pierres et surtout de grès qui, à la
suite d’érosions ou d'autres causes, se sont trouvés
retracer grossièrement des formes du corps ou du sque-
Jette de l’homme. Ainsi, en 1823, on annonça qu'on
avait trouvé dans la forêt de Fontainebleau, près de
Moret (‘), un homme pétrifié, renversé sur un cheval
également pétrifié; on ajoutait que le corps avait en
partie conservé ses formes et des proportions parfaite-
ment belles, et que le cheval, de son côté, présentait une
tête admirable. Un rapport, fait à cette époque à l'Aca-
démie des sciences, a montré que ce corps bizarre
n'était point un fossile.
On pourrait citer encore plusieurs exemples analo-
gues; mais 1} y a aussi des cas où d’autres causes ont
pu induire en erreur des naturalistes plus instruits. De
ce nombre sont les squelettes humains trouvés sur la
côte de la Guadeloupe (*) et dont un est conservé dans
les collections publiques de Londres. Ces squelettes
appartiennent bien réellement à l'espèce humaine , et
l'assertion de M. Fischer, qu’on doit les rapporter à des
quadrumanes, est inexacte. Mais il paraît que la roche
qui les renferme est de formation récente et se compose
de fragments agolutinés de coquilles et de polypiers
des eaux voisines. On voit de semblables roches se
former, en quelques années et de la même manière,
(1) Voy. sur le fossile de Moret : Huot, Notice géolog. sur le prétendu
fossile humain de Moret, Paris, 182%, in-8°; Barruel, Réponse aux prin-
cipaux écrits, etc., Paris, 1824, in-8°; Julia Fontenelle, Encore un mot
sur le fossile, etc., Paris, 1824, in-8° ; Lettre sur le prétendu fossile humain
de Moret, par P...… , Paris, 1824, in-8°.
(2) Voy. Cuvier, Discours sur les révolutions du globe; Moultie, Sillim.
journ., t. XXXIT, p. 361,
148 MAMMIFÈRES. —— BIMANES.
dans le lieu où l’on a trouvé celles qui renferment les :
squelettes humains.
Faisant donc abstraction de tous ces faits controuvés,
ou sans rapport avec le sujet qui nous occupe, pour dis-
cuter ceux qui ont quelque réalité, nous devons d’abord
faire une remarque importante.
On a peut-être mal posé la question, lorsqu'on
a dit: Y a-t-il des hommes fossiles ? parce que,
comme je l'ai montré dans le chapitre HE, il est difficile
de préciser ce qu’on entend par le mot fossile, dont la
signification n’est point la même pour tous les paléonto-
logistes. La véritable question me parait être la sui-
vante : Quels animaux peuplaient l’Europe lorsque
l'homme y.est apparu pour la première fois, et, par con-
séquent, à quelle époque géologique peut-on placer son
origine? La question étant précisée de cette manière,
la solution sera trouvée dès qu’on saura à quels terrains
appartiennent les ossements humains que l’on peut avoir
découverts. Tous les paléontologistes sont aujourd’hui
d'accord pour reconnaître que l’on n’a trouvé aucune
preuve de l'existence de l’homme pendant l'époque ter-
tiaire et les époques antérieures , et que, par consé-
quent, il n’a pas vécu avant l’époque quaternaire ou
diluvienne. La question se réduit donc à savoir si
l'homme a existé dès l'origine de cette période dilu-
vienne, et sinon à quel moment il est apparu? A-t-il
été contemporain des ours et des hyènes des cavernes,
ou sa création (ou du moins son apparition en Europe)
est-elle postérieure à l'inondation qui a entassé dans
ces cavités les ossements et les cailloux roulés ?
Si l’on admet la manière de voir que j'ai exposée
ailleurs sur les relations de l’époque diluvienne avec
l’époque moderne, on reconnaitra aussi que cette ques-
HOMME FOSSILE, 149
lion peut être traitée sans aucune idée préconçue et
par la seule observation des faits. J'ai montré, en effet,
qu'on devait probablement considérer ces deux périodes
comme formant ensemble une série de temps, où la vie
n’a été ni interrompue ni renouvelée en entier, au
moins en Europe, et pendant laquelle des inondations
partielles, locales et successives, ont déposé divers ter-
rains, en détruisant seulement quelques espèces. En
partant de ces bases, il n’y a aucune raison théorique
qui puisse faire établir que la première création de
l’homme doive être rapportée à un moment plutôt qu'à
un autre de cette longue époque, et dès lors on doit
raisonner seulement d’après les observations qui parai-
tront les plus exactes.
Il semble que cette question doit avoir une solution
très facile, et qu’elle se borne à constater si l’on atrouvé
ou non des ossements humains ou des preuves de son
industrie dans les dépôts diluviens. Elle ne l’est cepen-
dant pas autant qu'il semble; les découvertes de dé-
bris humains ont presque toujours, au contraire, soulevé
des questions délicates , soit relativement au véritable
âge du terrain qui les renferme, soit relativement à la
possibilité qu'ils y aient été enfouis plus tard et qu'ils
ne soient pas par conséquent contemporains des ani-
maux dont on y trouve les ossements.
Les principaux faits qui ont donné lieu à ces diseus-
sions sont les suivants :
Plusieurs géologues, principalement ceux qui ont
étudié les cavernes du midi de la France, ont signalé
des ossements humains et des débris de poterie pros-
sière sous la couche de stalagmites qui revêt le plan-
cher de ces cavernes. Dans quelques cas on assure les
avoir trouvés mêlés aux os des ours, d’où 1l semble
150 MAMMIFÈRES. —— BIMANES.
que l’on serait en droit de conclure que l’homme a
habité l’Europe en même temps que ces animaux , et
que les mêmes événements qui ont anéanti plusieurs
espèces de grands carnassiers ont aussi fait périr des
hommes, dont les débris se sont trouvés enfouis avec
les leurs.
Ces découvertes, quoique très multipliées (?) et affir-
mées par de nombreux naturalistes, laissent encore
quelque chose à désirer pour leur certitude complète.
Ces cavernes ont dù souvent, dans les premiers âges
de la civilisation, servir de refuge à l’homme, qui en a
fouillé le sol, soit pour rendre l’habitation plus commode,
soit pour le faire servir de sépulture. De cette manière,
les ossements humains et les débris de son industrie
peuvent s'être mêlés aux restes des animaux qui y exis-
taient avant lui, et la couche de stalagmites, continuant
à se former, a souvent pu, en les recouvrant, faire mé-
connaître leur différence d’antiquité.
(t) Voyez relativement à l’homme fossile des cavernes :
Pour l’ALLEMAGNE : Schlotheim , Petrefakt.; Boué, Ann. des sc. nat., 1829,
te XOVITIEe
Pour l’'ANGLETERRE : Buckland , Reliquiæ diluvianæ ; Austen, Geol. Trans.,
2e série, t. VI, 2, p. 443; Bartlett, 12° Report Brit. Assoc., 1842; Bryce,
4° Report Brit. assoc., 1834; Andrews, id.; Hart, Dubl. phil. journ., 1826,
t-1I D 88-
Pour la BezGique : Schmerling, Oss. foss. des cavernes ; Geoffroy-Saint-
Hilaire , Comptes rendus de l’Acad. des se,, 1. VII, 1838, p. 4.
Pour la France : Marcel de Serres, Géognosie des terrains tertiaires ,
p. 47, et Mém. Mus., t. XI, 182%; Essai sur les cavernes (Inslitut,
juin 1829); de Christol, Notice sur les ossements humains du départ. du
Gard, 1829; Lalanne, Comptes rendus de l'Acad. des sc., 1843, 1° sem.,
p. 680; Coquant, Bull. de la Soc. géol., t. VII, p. 147; Tournal, id., t. II,
p. 381 et 390; Teissier d’Anduze , id., t. IT, p. 84 et 119; Desnoyers, id.,
t. I, p.126; Buchet, Mém. de la Soc. de phys. et d'hist. nat. de Genève,
t.0VL, p. 369.
Pour l'AMÉRIQUE : Claussen, Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1843, p. 710;
Lund, id., et Edinb. new phil. journ., 1844, t. XXXI et XXXVI.
HOMME FOSSILE, 151
Dans plusieurs cas, d'ailleurs, où des observateurs
très exacts ont étudié ces cavernes, on a constamment
trouvé les os humains dans des couches supérieures à
celles qui renferment des restes des grands carnassiers,
et l’on n’a jamais pu vérifier le mélange sur lequel s'était
basée l’opinion que l'homme avait été contemporain de
ces animaux.
Mais on doit reconnaître aussi que, dans quelques ca-
vernes, le mélange réel est difficile à contester. Ainsi
dans celles de Belgique (‘), si bien étudiées par
M. Schmerling, on trouve les os humains tout à fait mêlés
avec ceux de FUrsus spelœus, et l'on peut en faveur de
l'opinion qui considère l’homme comme ayant vécu avec
les animaux de cette faune donner des preuves assez
puissantes qui se vérifient pour quelques gisements
du midi de la France.
1° Les os humains sont souvent roulés comme les au-
tres.
2° On n'a jamais trouvé en Belgique de squelette
humain entier. Les os sont dispersés comme ceux des
ours. Ge fait est inexplicable dans l'hypothèse de sépul-
tures postérieures, et semble indiquer un transport
commun.
3° On trouve des instruments fabriqués avec des os
d'ours des cavernes. IL n’est pas probable que l’on ait
employé des os fossiles qui ont peu de solidité, et l'on
peut croire, au contraire, que les os ont été utilisés à
l'état frais, ce qui ne peut avoir lieu que si les ours
ont vécu avec les hommes.
On à aussi trouvé des ossements humains dans plu-
sieurs terrains diluviens stratifiés.
(1) I reste à savoir si les cavernes de Belgique n’ont point été comblées un
peu plus récemment que celles de France?
152 MAMMIFÈRES. —— BIMANES.
On en cite dans le lehm de Bavière et d'Autriche (1) :
les crânes qui y ont été trouvés ont été décrits comme
plus aplatis que ceux des Européens actuels. On en a
trouvé aussi à diverses reprises en Auvergne et dans
quelques régions voisines (*).
Un des plus célèbres est celui qui a été connu sous
le nom d'homme fossile de Denise, dont l’authenticité,
d’abord contestée, est maintenant reconnue, et qui à
élé trouvé dans un des dépôts les plus récents du Puy
en Velay. Jai eu le plaisir de visiter moi-même cette
localité intéressante avec M. Aymard, et de pouvoir
vérifier le gisement de ce fossile. Le volcan de Denise
présente sur deux côtés des déjections argilo-volcani-
ques avec des cendres et des brèches, qui ont coulé jus-
qu'au fond des ravins formés aux dépens des éruptions
ancicunes. Ces dernières sont évidemment antérieures
aux ravins qui les ont creusées, el ceux-ci aux coulées
dont nous parlons. D'un côté de la montagne, les dé-
jections argilo-volcaniques ont enfoui l’homme fossile ;
de l’autre, une faune récente d'éléphants, de cerfs,
bœufs, etc. De ces faits, on peut conclure en résumé :
1° Que les dernières éruptions du volcan de Denise ont
enfoui des corps humains, que par conséquent l’homme
a existé dans cette partie de la France avant que les
derniers volcans aient été éteints ; 2° que cet enfouisse-
ment est postérieur aux phénomènes qui ont amené la
configuration superficielle du sol du bassin du Puy en
formant des ravins dans les productions volcaniques
(1) Voy. Razoumowsky, Obs. sur les environs de Vienne; Boué, Mémoires et
Ann. des sc. nat., 1899, t. XVII; etc.
(2) Voyez pour des ossements trouvés à Alais et qui ont été démontrés
n'être pas fossiles : F. Robert, Comples rendus de l'Acad. des sc., 1844 ;
Marcel de Serres, id.; Pratt, Bull, de la Soc, géol., 2° série, F, 475 ; etc.
HOMME FOSSILE. 153
plus anciennes; 3° qu'il est probable que l'homme a
été contemporain des éléphants fossiles. Ce dernier
point toutefois est moins certain que les deux autres ;
car si les déjections des deux côtés de la montagne pa-
raissent contemporaines, 1l n’y en a pas de preuves cer-
taines. La liaison de ce fait avec ceux des cavernes de
Belsique et de France est, du reste, difficile à établir.
IL est, suivant moi, probable que le volcan de Denise n’a
été éteint qu'après la grande inondation qui a comblé
les cavernes du midi de la France, et que par consé-
quent le fossile de Denise ne fait pas remonter au delà
de cette époque l'apparition de l'homme en Europe (f).
Des faits analogues ont été observés en Amérique.
M. Lund, en particulier, dans ses fouilles si fructueuses
dans les cavernes du Brésil, a trouvé des crânes hu-
mains à front aplati comme quelques races actuelles,
mêlés avec la faune des mégathériums, mégalonyx, etc. :
ces découvertes soulèvent les mêmes questions que les
cavernes d'Europe (°).
Si, au milieu de tous ces faits plus ou moins contra-
dictoires, nous cherchons à conclure, nous arriverons,
(1) Voyez pour l’homme fossile de Denise, une note de M. Félix Robert,
Ann. de la Soc. d'agric. sc.el arts du Puy, t. XIIT, p. 200; une autre de M. Ay-
mard, dans le même recueil, XIV, 74; et le Bulletin de la Soc. géol. de France,
séance du 2 décembre 1844, 9 janvier 1845, 11 janvier 1847, 1° mars
1847, etc. Voyez encore pour des faits analogues : Carnall, Os houves en
Silésie (Leonh. und Bronn Neues Jahrbuch, 1848, 267 ; G.-A. de Luc, Journ.
de phys., sept. 1802, p. 245; Morren, Os humains des tourbières, Gand,
1832, in-4°; Peghoux, Fossile humain trouvé près des Martres de Veyres(Ann.
soc. d'Auvergne, 1830, Il, p. 1; Bull. Férussac, 1830, XXXI, 394) ; etc.
(2) Voyez aussi Lyell, Discussion sur la coexistence de l'homme et du mé-
gathérium (Sillim. Journ., 1847, 2° série, XI, 267), et dans ses Travels in
North-America (Times, 7 décemb. 1846; Bibl.funiv., archiv., 1846, LIL, 417);
Dikeson, Ann. et Mag. of nat. hist., XIX, 213 ; Owen, Des traces de pas
dans le calcaire (Sillim, Journ., XLUT, p. 14); ete.
154 MAMMIFÈRES. — BIMANES.
je crois, à admettre comme probables les conclusions
suivantes :
{° L'homme ne s’est pas établi en Europe dès le
commencement de l’époque diluvienne. S'il avait alors
vécu sur la majeure partie de notre continent, il y
aurait laissé des traces plus considérables et moins
contestables. On retrouverait des preuves non équivo-
ques de son industrie, et probablement même des villes
et de nombreux instruments.
2% Quelques migrations ont probablement eu lieu
pendant le courant de cette période diluvienne. Les pre-
_miers hommes qui ont pénétré en Europe ont peut-
être encore vu les ours des cavernes, les éléphants, et
la population contemporaine ; quelques uns d’entre eux
ont été victimes des mêmes inondations.
3° L'établissement définitif de l’homme en Europe
et l’occupation de ce continent par une population
nombreuse ont probablement eu lieu peu de temps
après la grande inondation, qui a déposé les cailloux
roulés dans les cavernes et sur les plaines de ce con-
tinent.
il sera intéressant que des observations analogues
soient faites dans divers autres pays, et en particulier
en Asie, que l’on considère généralement comme le
berceau d’une grande partie des races humaines. On
saura alors si l'apparition de l’homme à eu lieu à la
même époque dans les diverses contrées du globe, ou
quelles sont celles qui ont été peuplées les premières.
Ces recherches, si elles sont couronnées de succès,
auront d'importants résultats pour résoudre la question
difficile et controversée de l’origine des races humaines
et de leur unité ou de leur variété.
MAMMIFÈRES. — QUADRUMANES. 155
2e ORDRE.
QUADRUMANES (Primates, Blamv.).
L'existence des singes à l’état fossile a été niée pen-
dant longtemps; et, en effet, au moment de la pu-
blication de l'ouvrage de Cuvier, les seuls faits qui
semblaient. démontrer qu’ils eussent apparu avant l’é-
poque actuelle reposaient sur de fausses observa-
tions (‘). Ce savant naturaliste à déclaré, dans son
Discours sur les révolutions du globe, que l’on n'avait
encore trouvé aucun débris fossile qu’on püt rapporter
à cet ordre. Ces faits, d’ailleurs, semblaient concorder
avec les idées que plusieurs naturalistes avaient adop-
tées sur le perfectionnement yraduel de lorganisme
(!) I ne faut pas, en effet, tenir compte des assertions de quelques anciens
auteurs, qui ont indiqué des singes fossiles d’après des déterminations évi-
demment erronées. Ainsi d’Argenville et Walsh rapportent à cette famille le
squelette d’un animal à longue queue, trouvé dans les schistes cuivreux de
la Thuringe, et qui a été figuré par Swedenborg dans son traité De cupro
(p. 168, pl. 2). On sait maintenant que ce squelette est celui d’un reptile.
C’est par une erreur semblable que le même Waish, dans ses Commentaires
sur l’Iconographie de Knorr (t. Il, sect, 2, p. 150), crut l'existence des singes
fossiles démontrée par une soi-disant patte pétrifiée, figurée par Kundmann
(Rariora naturæ et artis, p. 46, tab. mi, fig. 2), qui n'était qu’une altéra-
tion fortuite d’un fragment de pierre. Il faut probablement rayer de Ja liste
des singes fossiles les deux crânes de magots indiqués par Imrie dans sa
description du rocher de Gibraltar, et qui avaient été trouvés vers la fin du
siècle dernier par des ouvriers employés aux travaux de cette forteresse. Il
parait que ces crànes n'étaient point fossiles et qu'ils provenaient de quelques
uns des nombreux singes de cette espèce qui habitent encore de nos jours
le rocher de Gibraltar. Le Palæopithecus de Voigt (Leonh. und Bronn, Neues
Jahrbuch, 1835, p. 324), établi sur des traces de pas observées dans le grès
de Hessberg près Hildburghausen, n’est point un singe ni mêmeun mammi-
fère, et ces traces doivent être rapportées au genre Cheirolherium, dont nous
parlerons plus bas,
156 MAMMIFÈRES. — QUADRUMANES.
dans les âges séolosiques. IT leur semblait naturel que
le degré le plus supérieur de l'organisation, dans les
terrains tertiaires, ne se füt pas élevé au-dessus du
type des carnassiers , de même que, dans les terrains
jurassiques, il n’avait pas dépassé les reptiles, et dans
les âges plus anciens les poissons. Les quadrumanés,
plus voisins de l'homme , leur paraissaient avoir été
réservés pour la création la plus récente et la plus par-
faite.
Mais de nouvelles découvertes, en démontrant
l'existence des singes fossiles, ont fait justice de ces
idées théoriques. Presque dans le même temps on en
a signalé des débris en Europe, en Asie et en Amé-
rique. Dans ce dernier continent, les terrains les plus
récents en renferment des ossements, ce que l’on
pouvait prévoir d'avance, vu l'abondance de ces ani-
maux dans l’Amérique actuelle; mais en Europe, ce
n'est que dans les terrains tertiaires (") qu’on en
a trouvé de rares débris. C'est aussi dans les ter-
rains tertiaires que l’on en a signalé en Asie; mais il
est probable que dans ce pays on en trouvera aussi
dans les dépôts plus récents.
L'ordre des quadrumanes est assez clairement ca-
ractérisé pour que l’on puisse reconnaître avec certi-
tude les os et les dents qui doivent lui être rapportés.
Leurs dents continues, presque sans intervalles ,
leurs incisives tranchantes, le plus souvent au nombre
de quatre à chaque mâchoire et de la forme des inci-
sives de l’homme, et leurs molaires à tubercules
mousses, constituent une dentilion ordinairement fa-
cile à distinguer. La tête avec sa grande capacité crà-
(1) A moins que le Pithecus pentelicus n'appartienne à l'époque diluvienne.
SINGES, A5
nienne, ses orbites {rès rapprochées et son trou occipital
situé au tiers postérieur; les vertèbres à apophyses
courtes et éloignées, indiquant une grande souplesse ;
les os des membres assez semblables à ceux de l’homme ;
les phalanges unguéales aplaties, etc., peuvent aussi
rarement être confondues avec les ossements des autres :
ordres.
On divise les quadrumanes en trois familles : les
singes, les owistitis et les lémuriens. Les deux pre-
mières ont + incisives droites, les orbites rapprochées
et les yeux dirigés en avant. Elles se distinguent l'une
de l’autre, parce que les singes ont les ongles et par
conséquent les phalanges unguéales déprimées, tandis
que ces organes sont comprimés dans les ouistitis. Les
lémuriens ont, ou plus de + incisives, ou des inci-
sives obliques; leurs orbites sont plus écartées; leurs
formes se rapprochent davantage de celles des carnas-
siers.
re Famizze. — SINGES.
La famille des singes peut se subdiviser en deux tribus. La
première comprend les singes à narines relevées et séparées par
une cloison mince (Simiæ catarrhini), et qui n'ont que 32 dents.
La seconde renferme les singes qui ont 36 dents, et dont les
narines aplaties sont séparées par une cloison plus épaisse (Simiæ
platyrrhini).
Dans l’état actuel du globe, la distribution géographique des
espèces concorde avec cette division, car tous les singes à
32 dents sont de l'ancien continent, tandis que ceux à 36 dents
habitent l'Amérique. Le petit nombre de faits que l’on a recueillis
jusqu’à ce Jour sur les singes fossiles semblent montrer que cette
distribution a existé dès l'apparition de ces animaux à la surface
de la terre. On n'a encore recueilli en Europe et en Asie que des
fragments qui appartiennent à des singes de la première tribu,
158 MAMMIFÈRES. — QUADRUMANES.
et ceux qui ont éte trouvés en Amérique doivent tous être rangés
dans la seconde.
1e TriBu. — SINGES DE L'ANCIEN CONTINENT.
(Simicæ catarrhini, Geoff.; Simiæ anatolini, H. \. Meyer.)— Atlas,
pl. fig. 1 et 2.
On a trouvé en Europe quelques fragments qui paraissent In-
diquer six espèces de singes de cette division, répartis dans les
divers terrains tertiaires.
L'existence de la plus ancienne est constatée par un petit fragment de
mâchoire inférieure et par des molaires, trouvées à 52° latitude nord, à
Kyson en Suffolk, en 1838 et en 1839, par M. W. Colchester (1), et par
M. C. Lyell (2), dans un terrain qui appartient au tertiaire éocène, Ces fragments
ont été étudiés par M. R. Owen (3). Ce savant paléontologiste a montré que
la forme des molaires, et en particulier de la defnière, qui est munie de cinq
tubercules dont l’impair est subdivisé en deux parties, doit faire placer cette
espèce dans le genre Macacus. Elle est plus petite qu'aucune des espèces
actuellement vivantes et présente dans sa dentition des caractères distinctifs.
M. Owen l’a nommée Macacus eocenus. (Vox. Atlas, pl. I, fig. 4, &, b.)
La latitude de 52° nord montre que les singes, dans le commencement
de la période tertiaire, ont vécu bien plus au nord qu'aujourd'hui; car ac-
tuellement cette famille ne dépasse pas le 37° degré. On peut ajouter ce
fait aux preuves que nous avons données précédemment, qui démontrent
des changements dans la température de l’Europe.
La seconde espèce appartient aux terrains tertiaires moyens ou
à la période miocène. Elle estconnue par une mâchoire inférieure ()
trouvée, en 1837, par M. Lartet, dans les marnes d’eau douce
de Sansan, près d'Auch (département du Gers), à 43° de latitude
nord.
(!) Magazine of natural history, septembre 1839, p. 446.
(2) 4., novembre 1839.
(8) An history of British foss. mammals, p. 1.
(#) Voyez, sur cette mâchoire, les deux lettres de M. Lartet, lues à l’Aca-
démie des sciences le 16 janvier 14837 et le 17 avril de la même année
(Comptes rendus et Ann. des sc. nat., 2° série, t. VII, p. 116 et 122); le rap-
port de M. de Blainville (Ann. des sc. nat.,t. VII, p. 232); l’Ostéographkie de
ce savant anatomiste : De l'ancienneté des Primates à la surface de la terre,
p. 3; et la Zoologie et paléontologie françaises de M. Gervais, p. 5.
SINGES DE L'ANCIEN CONTINENT. 159
Cette mâchoire, étudiée par M. de Blainville, est longue d’un pouce et
demi (40 mill.) depuis l'extrémité des incisives jusqu’à la racine antérieure
de la branche montante. Les deux branches se réunissent sous un angle de
25° et forment une symphyse oblique. Les dents indiquent un animal dans
ja vigueur de l’âge; et leur nombre est le même que dans tous les singes de
l'ancien continent. Les incisives sont égales entre elles et élevées au niveau
de la pointe des canines. Celles-ci sont courtes, coniques, un peu courbées et
déjetées en dehors avec un collet bien marqué en arrière. Les deux avant-
dernières molaires ont cinq tubercules, et la dernière un talon assez fort, di-
visé en deux ou trois tubercules. (Cette mächoire est figurée dans notre
Atlas, pl. L fig.2, a,b.)
M. Lartet avait cru pouvoir rapporter à la même espèce quelques os du
corps. Un nouvel examen a montré que la plupart appartiennent à d’autres
familles (1).
Les caractères de dentition, qui ne peuvent laisser aucun doute sur le fait
que cette mâchoire ait appartenu à un singe, ne se rapportent complétement
à aucun des genres actuels. M. Lartet avait d'abord placé ce fossile dans le
genre des gibbons (Hylobates), mais le cinquième tubercule des molaires est
beaucoup moins prononcé que dans ce genre vivant, et rappelle plutôt l’or-
ganisation des semnopithèques et des magots (/{nuwus) qui ont à la dernière
molaire un talon assez semblable à celui du singe de Sansan. M. Gervais
fait aussi remarquer que ses incisives sont plus grèles que dans les gibbons,
et ses canines moins élevées ; mais que la forme deses molaires, par leur
dépression centrale et par leurs tubercules marginaux, rappellent bien les
molaires des singes anthropomorphes, et même celles de l'homme. Il faut
attendre que d’autres pièces du squelette soient connues pour que l'on
puisse décider définitivement de sa place. M. de Blainville a proposé de le
désigner sous le nom de Pithecus antiquus, le nom de pithecus correspondant,
dans la méthode de ce zoologiste, à un grand genre qui comprendrait tous
les véritables singes de l’ancien continent, M. Lartet l’a nommé Proro-
PITHECUS (P. antiquus) (2). M. Gervaisen a fait le genre PziorrrHecus (3), et il
propose de le placer à la fin des singes anthropomorphes, et comme formant
une transition aux magots et peut-être même aux cynocéphales. L'espèce
serait le Pliopithecus antiquus. M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire () le consi-
dère comme voisin des PRESBYTIs, mais comme devant probablement former
un genre nouveau.
Les autres espèces européennes appartiennent à des terrains
plus récents. Elles sont encore moins complétement connues que
les précédentes.
(1) Voy. de Blainville, Institut, 1837, V, 206, et Ostéog., loc. cit., p. 57.
(2) Essai sur la colline de Sansan, p. 11.
(3) Zoologie et paléontologie françaises, p. 5.
(4) Voyage de Jacquemont dans l'Inde, Mammif., p. 9.
160 MAMMIFÈRES. — QUADRUMANES.
Nous citerons d'abord le Macacus pliocenus, Owen (!), trouvé dans le nôu-
veau pliocène de Grays (Essex). On n’en connaît qu'une pénultième molaire
supérieure qui parait avoir de grands rapports avec la correspondante du
Macacus sinicus.
Au pied du Pentélicon on a trouvé un fragment de crâne que Wagner (2)
a décrit comme formant un passage entre les semnopithèques et les gibbons,
et auquel il a donné le nom de Mesopithecus pentelicus. M. H. de Meyer
n’admet pas que cette espèce diffère du Pithecus antiquus; mais, comme le
fait remarquer M. Giebel (3), les caractères des incisives, leur séparation des
canines, et la forme des premières molaires (les seules connues) justifient
l'opinion de Wagner. Les caractères génériques ne sont probablement pas
suffisants pour motiver l'établissement d'un genre nouveau, et M. Giebel le
rapporte au grand genre Pithecus sous le nom de Pithecus pentelicus. L'âge
du dépôt où l’on a trouvé ce fragment est encore inconnu; il serait possible
qu'il appartint aux terrains diluviens plutôt qu'aux terrains tertiaires.
Les sables tertiaires marins de Montpellier ont fourni deux (?) nouvelles
espèces de singes. Ces sables appartiennent à la période pliocène (ils renfer-
ment la sixième faune de M. Gervais).
L'une de ces espèces a été trouvée par M. de Christol (f). Des os, des
membres et des molaires paraissent à cet habile paléontologiste rappeler
surtout le genre des gucnons (Cercopithecus). M. de Christol lui donne le nom
de Pithecus marilimus. Cette espèce est encore très incomplétement connue,
et elle n’a pas encore été comparée avec la suivante.
L'autre espèce a été découverte, par M. Gervais (°), dans les marnes d'eau
douce que l’on a creusées pour les fondations du palais de justice de Mont-
pellier. Elle n’est connue que par quelques dents, par un cubitus et par
un radius. Les dents diffèrent spécifiquement de celles de l'espèce de Sansan ;
elles présentent des rapports avec les molaires des semnopithèques, et un peu
avec celles des guenons et des macaques. Dans son dernier ouvrage,
M. Gervais émet quelque doute sur la réunion possible de cette espèce avec la
précédente, et il l’a nommée Semnopithecus monspessulanus.
Dans le continent indien, on a aussi trouvé les débris de quel-
ques espèces de singes de cette tribu.
(1) An hist. of British fossil mammals, Introduction, p. 46.
2) Münch. gelehrt. Anzeig., 1839, fév. 21, p. 306; Fossile Ueberreste
von einem Affen aus Griechenland (Abh. Bayer. Ac., I, 1837-40); Leonhard
und Bronn Neues Jahrbuch, 1840, p. 582, et 1841, p. 392.
(3) Fauna.der Vorwelt, t. I, p. 20.
() Bulletin de la Société géologique de France, 2° série, t. VI, p. 169.
(5) Comptes rendus de l'Académie des sciences, 4 juin 1849; Zoo!, et pal.
fr, D 6, Pl GE rate
SINGES D 'AMÉRIQUE. 161
En 1836, MM. Baker et Durand (1)ont trouvé, dans les collines subhima-
layennes, près de Sutly, à 30° latitude nord, une mâchoire supérieure, avec
un fragment de la face et de l’arcade orbitaire, dans des couches de conglo-
mérats de sable, de marne et d’argile, dont l’âge n’est pas encore parfaite-
ment déterminé, mais qui se rapportent peut-être aux tertiaires moyens ou
récents. Ce fragment caractérise un singe voisin par sa dentition du genre
SEMNOPITHECUS, et dont la taille égalait à peu près celle qu’atteint aujourd’hui
l’orang-outang.
M. de Blainville (2) conteste ce rapprochement et voit plutôt dans ce crâne
(s’il a véritablement appartenu à un singe) des rapports avec les macaques
et surtout avec les babouins (Cynocéphales), Cette espèce a été désignée, par
M. H. de Meyer, sous le nom de Semnopithecus subhimalayanus.
L'année suivante, MM. Cautley et Falconer (3) ont trouvé, dans la même
localité, deux espèces de taille plus petite, mêlées avec des débris d’anoplo-
thériums et de reptiles. Ces espèces sont encore imparfaitement déterminées ;
l’une d’elles est caractérisée par une mâchoire qui se rapproche de celle de
l’entelle, mais plus grande et dans la proportion de 5,3 à 4. L'autre espèce
avait la taille de l’entelle ; elle est connue aussi par un fragment de la mâ-
choire inférieure contenant les quatre dernières molaires; ses caractères rap-
pellent plutôt les macaques.
Ces mêmes observateurs ont signalé l’existence d’une canine gauche supé-
rieure qui dépasserait par ses dimensions celles de la dent correspondante
d’un orang-outang de 7 pieds. Cette pièce est trop imparfaite pour autoriser
à établir une nouvelle espèce ().
2° TriBu. — SINGES D'AMÉRIQUE.
(Simice platyrrhini, Geoff.; Simic hesperini, H. de Meyer.)
Tout ce que l’on connaît aujourd'hui des singes fossiles d’'Amé-
rique est dû aux recherches de M. Lund (°) dans l'Amérique mé-
ridionale. Cet infatigable observateur les a découverts avec de
nombreuses espèces d’autres familles, dont nous parlerons plus
tard, dans le bassin du Rio das Velhas, tributaire du fleuve Saint-
(1) Journ. of the Asiatic Soc.,t.V,p. 739; Ann. des sc.nat., 2 sér., 1. VII,
p.370.
(2) Ostéographie, Primates, p. 60.
() Journal of the Asiatic Soc., t. VI, p. 354, et Ann. sc. nat., 2° série,
t. VII, p. 255 ; Giebel, Fauna der Vorwelt, t, I, p. 21, etc.
(*) Journal of the Asiatic Society, vol. VI, pl. 18, A, B, C; de Blainville,
Ostéographie, Primates, p. 62.
(5) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, p. 214, t. XIT, p. 205, ett. XIII,
p. 313.
L. il
162 MAMMIFÈRES. —— QUADRUMANES.
François (Brésil), à 18° latitude sud. On trouve les ossements de
ces animaux dans des cavernes, où ils gisent dans une terre rou-
geâtre, rendue plus dure par des particules de chaux, impré-
gnée de salpêtre. Ils sont souvent cassés et portent fréquemment
des empreintes de dents, qui, suivant M. Lund, semblent démon-
trer qu'ils ont été entraînés dans ces cavernes par des animaux
féroces.
M. Lund a trouvé trois espèces ; elles ne sont pas encore décrites de ma-
nière à être complétement caractérisées. Ce sont :
4° Un sapajou : le Cebus macrognathus, Lund.
2° Un sagouin : le Callitrix primævus, Lund, d'une taille qui est plus du
double de celle des espèces de ce genre aujourd’hui vivantes.
3° Une espèce qui ne se rapporte exactement à aucun des genres dans les-
quels se distribuent aujourd’hui les singes d'Amérique, et que M. Lund
nomme Protopithecus brasiliensis. Cette espèce a dû atteindre la hauteur de
4 pieds.
2e Famizze. — OUISTITIS.
(Arctopitheci, H. de Meyer.)
Les seuls ouistitis connus sont aussi dus aux recherches de
M. Lund; il paraît que, dans les époques antérieures à la nôtre,
ces animaux étaient spéciaux à l'Amérique, comme le sont les
espèces actuelles.
M. Lund a trouvé, dans les dépôts dont nous venons de parler, le Jacchus
grandis, Lund, qui atteignait une taille double de celle des ouistitis de
nos jours, et une seconde espèce qui se rapproche du Jacchus penicillatus,
Geoffroy.
3e FamiLze. — LÉMURIENS.
(Prosimiæ, auct.)
On n'a pas encore trouvé de lémuriens fossiles. M. Lartet
avait cru pouvoir rapporter à cette famille l'extrémité d’une mà-
choire trouvée à Sansan avec le singe dont j'ai parlé ci-dessus;
mais M. de Blainville a montré que ce rapprochement est erroné(").
(1) Annales des sciences naturelles, 2° série, t. VII, p. 244.
CHÉIROPTÈRES EN GÉNÉRAL. 163
3° ORDRE.
CHÉIROPTÈRES.
On a trouvé, en général, peu d’ossements fossiles
de chéiroptères. Il est probable qu’il en faut chercher
la cause moins dans la rareté de ces animaux aux épo-
ques qui ont précédé la nôtre, que dans leur petite
taille, qui Les a fait souvent négliger. Leur vie aérienne
y a peut-être aussi contribué, en leur permettant
d'éviter les inondations qui ont fait périr les animaux
terrestres et qui en ont entraîné les débris. Quelques
paléontologistes ont, en outre, remarqué que leurs osse-
ments sont plus promptement décomposés que ceux de
la plupart des autres mammifères.
On connaît cependant des faits certains qui démon-
trent que les chéiroptères ont apparu à la surface
du globe dès le commencement de l’époque tertiaire,
etqu'ils y ont vécu sans interruption jusqu’à nos jours.
On en a trouvé des ossements dans les gypses de Mont-
martre et dans l'argile de Londres, ainsi que dans quel-
ques terrains tertiaires plus récents. Les dépôts dilu-
viens d'Europe en ont conservé des fragments plus
nombreux, et l’on en a signalé aussi dans les terrains
récents du Brésil.
Les débris des chéiroptères sont, en général, faciles
à reconnaître, parce que la forme de presque tous les
os est influencée par le fait que l’animal vole. Le trone,
devant offrir une base solide et une forte attache aux
muscles de l'aile, a des caractères spéciaux dans la lar-
geur de ses côtes, la forme de son sternum muni d’une
petite crête, etc. Les os de l’épaule sont très déve-
loppés, et ceux du bras fort longs; tandis qu’au con-
16% MAMMIFÈRES. —— CHÉIROPTÈRES.
traire les jambes sont petites et dirigées en arrière, ce
qui donne au bassin une forme très spéciale. La tête
elle-même est remarquable et présente des caractères
intermédiaires entre les quadrumanes et les carnassiers.
La capacité crânienne est grande, les yeux obliques, le
museau médiocre; les dents sont presque contiguës,
les canines fortes, les incisives variables en nombre,
mais fréquemment au-dessous de six.
La détermination des genres est plus difficile, car
on ne peut pas en général se servir des caractères qui
sont le plus employés pour les chéiroptères vivants,
tels que le nombre des phalanges ossifiées au grand
doigt, la forme des feuilles nasales et celle des appen-
dices cutanés de la tête. Ces feuilles et appendices se
lient, il est vrai, quelquefois avec des modifications
des os, mais seulement dans des cas rares et souvent
d’une manière peu précise. On est obligé d’avoir pres-
que uniquement recours à la forme du crâne et à la den-
tition, qui elle-même est très variable, car certaines
dents tombent avec l’âge. Au reste, on n’a trouvé jus-
qu’à présent que des espèces qui se sont rangées dans
les genres actuels, et qui n'ont pas en conséquence sou-
levé de questions délicates sur la place qu'elles doivent
occuper.
On divise les chéiroptères en deux familles (f). La
première, celle des :
CHAUVES-SOURIS FRUGIVORES, où ROUSSETTES (?{eropus, Briss.),
est caractérisée par des molaires plates, qui nécessitent une nour-
(!) Je ne parle pas ici des GALÉOPITHÈQUES (Dermaptera), qui n'ont qu'une
partie des caractères des vrais chéiroptères et qui doivent peut-être être
réunis aux lémuriens. On n’en connaît point de fossiles.
CHAUVES-SOURIS INSECTIVORES. 165
riture végétale. On n'en a point encore trouvé de fossiles (1.
La seconde , celle des
CHAUVES-SOURIS INSECTIVORES ,
a des molaires hérissées de tubercules coniques ; aussi les espèces
qui la composent se nourrissent-elles toutes d'insectes.
Leur distribution géographique a été la même que de nos jours,
soit pendant l’époque tertiaire, soit pendant l’époque diluvienne.
On trouve fossiles, en Amérique et en Europe, les mêmes genres
qui caractérisent aujourd hui la faune de ces deux continents.
Les MoLosses (Dysopes, Illiger ; Disopes, H. de Meyer)
sont représentés par une espèce indiquée par M. Lund (2) dans
les mêmes terrains diluviens d'Amérique dont nous avons déjà
parlé.
Les PayLLostomes (Phyllostoma, Cuv. et Geoffr.),
si nombreux aujourd’hui au Brésil, paraissent aussi y avoir été
abondants pendant l’époque diluvienne.
M. Lund (°) en cite cinq espèces, dont une est voisine du vam-
pire (?. spectrum), et dont deux diffèrent beaucoup des espèces
actuelles.
Les RuiNoLopnes (/hinolophus, Cuv. et Gcoffr.)
se distinguent facilement par le renflement bulleux de leurs os
du nez.
M. Schmerling ({) a trouvé dans les cavernes de Liége des ossements d’une
espèce qui ne paraît pas différer du grand fer-à-cheval (R. ferrum equi-
num, L.).
M. Owen (5) considère aussi comme devant être rapportés à cette espèce
une mâchoire inférieure et quelques autres fragments trouvés dans les ca-
vernes d'Angleterre.
(1) Les prétendus ossements de roussettes trouvés à Solenhofen, dans le
calcaire lithographique, sont des fragments de PTÉRODACTYLES.
(2) Ann. des sc. nat. 2° série, t. XIII, p. 313.
(3) Ann. des sc. nat. 2° série, t. XII, p. 208, et t. XIII, p. 313.
(#) Ossem. foss. des cavernes de Liége, t, X, p.71, pl. 5, fig.1, À, B, et fig. 8.
(5) Brit. foss. mammals, p. 15.
166 MAMMIFÈRES. —— CHÉIROPTÈRES.
Les VESPERTILIONS (Vespertilio, Lin.), — Atlas, pl. I, fig. 3,
caractérisés à l’état vivant par l'absence de feuilles et par leur
queue engagée dans la membrane, se distinguent aussi par leurs
incisives au nombre de =} paires, les inférieures ayant le tran-
chant un peu dentelé et les supérieures moyennes étant écartées.
Les molaires, munies de tubercules pointus , sont variables sui-
vant les espèces.
Les Vespertilions paraissent beaucoup plus nombreux à l’état
fossile que tous les autres genres de cette famille. On en trouve
dans presque tous les terrains tertiaires et dans les terrains dilu-
viens.
L'espèce la plus ancienne est le Vespertilio parisiensis (1), trouvé dans les
gypses de Montmartre (parisien supérieur), et indiqué par Cuvier dans son
Discours sur les révolutions du globe. Cette espèce a la dentition de la séro-
tine, mais elle en diffère par les proportions de l’avant-bras (2).
Dans les terrains tertiaires moyens, on cite deux espèces trouvées à San-
san (Gers) par M. Lartet (3). Ces chauves-souris, encore imparfaitement con-
nues, ont été désignées par ce géologue sous les noms de Vespertilio noctu-
loides et murinoides.
Ce n’est que provisoirement que M. H. de Meyer (4) a rapporté au genre
Vespertilio deux espèces de chauves-souris trouvées dans les schistes tertiaires
(miocènes) de Weisenau. Elles paraissent différer des espèces vivantes par des
caractères qui prendront probablement une importance générique quand ils
seront plus complétement connus. Ce sont les Vespertilio præcox et insignis,
H. de Meyer.
Dans les tertiaires plus récents, une espèce d'OEningen a été signalée
en 1805 par Karg (5), et rapportée, probablement à la légère, à la chauve-
souris commune sous le nom de Vespertilio murinus fossilis. M. H. de
Meyer (6) a cherché inutilement dans la collection de Lavater l’exemplaire
décrit par Karg qui devait s’y trouver. Cette espèce reste fort douteuse,
d'autant plus que la pièce originale étant assez altérée, la détermination de
ce naturaliste ne peut inspirer aucune confiance.
(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° éd., t. I, p. 384.
(2) Voy. de Blainville, Ostéographie, Chéiroptères, p. 91; —Atlas, pl. 1. fig. 3.
(8) Ann. des sc. nal., 2° série, t. VIL, p. 122, et Notice sur la colline de
Sansan, 1851, p. 12.
(4) Leonh. und Bronn, Neues Jahrbuch, 1845, p. 798.
(5) Denkschr. der Vaterl. Ges. Schwabens, I.
(6) Zür Fauna der Vorwelt, 1° livr., p. 3.
CHAUVES-SOURIS INSECTIVORES. 167
Les espèces des terrains diluviens se rapprochent beaucoup de
celles qui vivent aujourd'hui.
M. Hermann de Meyer a signalé deux espèces trouvées dans le diluvium de
la vallée de la Lahn (1). Elles ne sont connues que par des humérus qui mon-
trent une grande analogie avec le V. murinus, avec quelques différences
dans la terminaison inférieure de l’os. La taille de ces espèces, fort rapprochées
l’une de l’autre, était beaucoup plus petite que celle de la chauve-souris
commune.
Deux espèces ont été trouvées dans les brèches osseuses par Wagner (2).
L'une est connue seulement par une demi-mâchoire ; elle fut d’abord rapportée
par ce zoologiste au vampire (Phyllostoma hastatum), puis au Vespertilio dis-
color, Natt., d'Europe. M. de Blainville (è) lui trouve des analogies avec les
noctuloïdes. Elle a été découverte dans les brèches de Cagliari en Sardaigne,
L'autre, trouvée dans une brèche des environs d'Antibes et connue aussi
par une mâchoire inférieure, est plus petite et a été rapprochée de la pipis-
trelle (VW. pipistrellus, Gm.).
M. Gervais (#) cite les V. auritus, L., et murinus, L., comme trouvés dans
la caverne de Bize (Aude).
Les Vespertilions des cavernes de Belgique ont été étudiés par M. Schmer-
ling (°). Cet habile paléontologiste n’a pu constater aucune différence appré-
ciable entre les espèces enfouies et celles qui vivent actuellement. M. de
Blainville (6) pense que ces ossements fossiles se rapportent principalement
aux Vespertilio serotinus, Lin., et mystacinus, Leisler.
M. Owen (7) cite le Vespertilio noctula, L., comme trouvé dans les cavernes
d'Angleterre.
Il y a encore plusieurs citations de diverses chauves-souris indéterminées,
trouvées dans les cavernes d'Europe ($).
Ce même genre se trouve fossile au Brésil.
M. Lund (°) indique une espèce dans les cavernes de la province des
Minas Geraës.
Je termine ce qui tient aux Chéiroptères, en citant la découverte
faitepar M. R. Owen (1°), dedeux molaires dansles terrains tertiaires
éocènes de Kyson en Suffolk.
(1) Leonh. und Bronn Neues Jahrbuch, 1846, p. 516.
(2) Mém. de l’Acad. de Munich, 1832, p. 755, pl. 1, fig. 1.
(3) Ostéographie, Chéiroptères, p. 95.
(#) Zoologie et paléontologie françaises, p. 8 et 9.
(5) Ossem. foss. des cavernes de Liége, p. 67.
(6) Loc. cit., p. 97.
(7) Brit. foss. mammals, p. 11.
(8) Voy. en particulier Fischer, Bull. de Moscou, 1834, t VII, p. 186.
(°) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XII, p. 313.
(19) Brit. foss. mammals, p. 17.
168 MAMMIFÈRES. —— INSECTIVORES.
Ces dents, qui ont évidemment appartenu à un mammifere insectivore,
présentent une partie des caractères de celles des chéiroptères, mais pas
d’une manière assez claire pour rendre indubitable leur classement dans cet
ordre (1). Leurs rapports génériques restent encore plus douteux.
A° ORDRE.
INSECTIVORES.
Les insectivores ont les molaires hérissées de tuber-
cules coniques , les canines petites ou moyennes, se
confondant avec les prémolaires et manquant même
quelquefois , et les incisives souvent déviées de leur
forme normale. Leur museau se prolonge en trompe ou
en bouton plus ou moins allonvé.
Leur taille est en général petite ; leur membre anté-
rieur est ordinairement disposé pour fouir, et assujetti
par une clavicule; leur marche est plantigrade. Les apo:
physes de leurs os sont plus faibles que dans les vrais
carnassiers, aussi n’ont-ils ni autant de force , ni au-
tant de souplesse qu'eux. Ces circonstances, jointes à
leur marche lente , les forcent en général à chercher
pour leur nourriture des insectes ou d’autres très petits
animaux.
Ils ont ordinairement été réunis aux carnassiers et con-
sidérés seulement comme formant une famille dans cet
ordre. Divers motifs forcent maintenant à les en sépa-
rer. Le premier est leur placenta discoïde, semblable
à celui des mammifères supérieurs et fort différent du
placenta zonaire des carnassiers.
Le second est tiré de la faiblesse de leurs membres,
de leur petite taille et de la composition de leur sys-
tème dentaire où les incisives dominent quelquefois les
canines. Ces caractères forment un ensemble qui les lie
(t) Voy. de Blainville, Ostéographie, Chéiroptères, p. 93.
INSECTIVORES EN GÉNÉRAL. 169
évidemment avec les rongeurs et qui en fait un type
très naturel et réellement différent des carnassiers, chez
lesquels la grandeur des canines et la petitesse des in-
cisives sont toujours constantes, et dont le corps, même
dans les petites espèces, est robuste, agile et souple.
M. de Blainville a adopté la même séparation en deux
ordres distincts.
Les insectivores ont déjà apparu dans l’époque ter-
taire; toutefois onn’aencore trouvé, dansles plus anciens
terrains de cette période ("), aucun débris qu’on püt rap-
porter à cette famille. C'est dans les dépôts de l’époque
moyenne ou miocène que l’on a recueilli les premières
traces de leur existence, et depuis quelques années le
nombre des espèces connues a considérablement aug-
menté. Les terrains diluviens en renferment aussi quel-
ques fragments. On peut d’ailleurs penser que la peti-
tesse des espèces et la fragilité de leurs os les ont fait sou-
vent négliger, et l'on ne peut pas conclure avec certi-
tude, de la rareté de ces ossements, que ces animaux
aient été moins abondants pendant ces diverses époques
qu'ils ne le sont de nos jours.
J'adopte en partie pour cette famille la classification
proposée par M. Pomel (?), mais en la simplifiant. Je la
divise en quatre tribus qui me paraissent assez natu-
relles. Elles se caractérisent principalement par la den-
tition et par les formes du squelette, qui se lient avec la
propriété de fouir, très inégalement développée chez ces
animaux.
(1) Le genre SPaLaconoN à été établi par M. Searles Wood (Brit. assoc.,
1844, à York; Ann. et mag. of nat. hist., t. XIV, p. 350) sur des fragments
trouvés par M. Flower dans le terrain lacustre de Hordwell, qui est rapporté
par les géologues anglais à l'époque éocène supérieure. Ce genre appartient,
suivant M. Pomel (Bull. Soc. géol., 2° série, t. VE, p. 63), à la classe des di-
delphes.
(2) Bibliothèque universelle, 1848, Archives, t, IX, p. 244.
170 MAMMIFÈRES. — INSECTIVORES.
4re TriBu. — ECHINOIDIENS.
Les animaux compris dans cette tribu sont marcheurs et se creu-
sent rarement des terriers. Leurs caractères sont les suivants :
Humérus sans apophyse pour le muscle grand pectoral, crête del-
toïdienne antérieure peu marquée, épitrochlée peu saillante,
olécrâne élargi d'avant en arrière, pubis en contact on soudés,
molaires à pointes et collines très obtuses, la dernière très petite.
Ces mammifères insectivores et végétivores ont les membres
courts. Quelques uns sont couverts de piquants.
Les Hérissons (£rinaceus, Lin.), — Atlas, pl. I, fig. 4 à 6,
caractérisés par une tête médiocrement allongée, par des incisives
anormales dont les supérieures sont distantes et par des piquants,
ont été trouvés fossiles dans les terrains tertiaires et dans les
terrains diluviens.
Les espèces tertiaires sont les suivantes :
L'Erinaceus arvernensis, Blainv. (!), a été trouvé dans un terrain d’eau
douce d'Auvergne (miocène inférieur d'Auvergne), par M. l'abbé Croizet. Sa
taille était à peu près les deux tiers de l’espèce actuelle, dont il se distingue
en outre, autant qu’on en peut juger sur le peu qui en est connu, par
une dernière prémolaire et par une vraie molaire plus simples que leurs
correspondantes chez le hérisson, au moins dans le nombre de leurs racines.
M. Aymard (2) en a fait le genre AuPaecinus. (Atlas, pl. [, fig. 5.)
L'Erinaceus nanus, Aymard (3), n’atteignait que la moitié de la taille
du hérisson actuel. M. Aymard (#) propose maintenant d’en former un
genre nouveau sous le nom de Terracus. Il serait surtout caractérisé par sa
dernière molaire inférieure à 4 pointes au lieu de 3 (terrain miocène du Puy).
M, Aymard le considère comme ayant probablement vécu dans les marais.
Les Erinaceus sansaniensis et dubius, Lartet (5), ont été trouvés à
Sansan (miocène).
L'Erinaceus priscus, H. de Meyer (f), a été découvert dans les tertiaires
de Weisenau (miocène), et non encore décrit. On a trouvé, dans ce même
(1) Ostéographie, Insectivores, p. 102.
(2) Annales de la Société du Puy, 1849, t, XIV, p. 110.
(8) Pomel, Bibl. univ. de Genève, 1848, Archives, t. IX, p. 164; Aymard,
Essai monogr. sur un nouveau genre de mammifères foss. (ENTELODON), p. 19,
et Ann. Soc. du Puy, 1848, t. XII, p. 244; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 11.
(4) Annales de la Société du Puy, 1849, t. XIV, p. 110.
(5) Notice sur la colline de Sansan, 1851.
(6) Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1846, p. 474.
ÉCHINOÏDIENS. -—— GALERIX. 171
gisement, des maxillaires de différentes grandeurs, qui ne se rapportent peut-
être pas tous à une espèce unique.
L'Erinaceus soricinoides appartient au genre PLESIOSOREX.
Dans les terrains diluviens on en a trouvé deux espèces :
L'Erinaceus major, Fomel (1), des terrains diluviens d'Auvergne, est plus
grand que le hérisson commun, dans le rapport de 4 : 3, et a des membres
plus robustes.
Le Hérisson des cavernes (E. fossilis, Schm. — Atlas, pl. I, fig. 6) paraît
ne pas devoir être distingué de l'espèce actuelle. Il se trouve aussi dans
d’autres dépôts diluviens (2).
Les Tenrecs (Centetes, Illig. ; Centenes, Desm.)
se distinguent des hérissons par une tête plus allongée et par des
incisives normales placées entre de grandes canines. On les
trouve exclusivement aujourd'hui à Madagascar.
M. de Blainville (3) rapporte à ce genre une demi-mâchoire, trouvée dans
les terrains tertiaires miocènes d'Auvergne, et lui donne le nom de Centetes
antiquus; mais M. Pomel (f) la considère comme ayant appartenu à un di-
delphe très voisin de la marmose. L'existence de ce genre à l’état fossile
n’est donc pas encore démontrée.
Les GaLerix, Pomel, — Atlas, pl. E, fig. 7,
ne sont pas non plus suffisamment connus. MM. de Blainville
et Gervais rapportent aux Viverra les fragments sur lesquels
M. Pomel s’est fondé. Ce genre paraît caractérisé par une tête très
longue, une face large, tronquée en avant, des incisives supé-
rieures latérales , les premières étant très distantes, des canines
normales, mais grêles, et des fausses molaires à peu près sembla-
bles à celles des viverrins. Ces animaux n’ont été trouvés que dans
les terrains tertiaires. Leur formule dentaire est :
Inc. $; can. 4; mol. 1, dont ++++.
Le Galerix viverroides, Pomel (6), caractérisé par une mandibule très grêle,
a été trouvé à Sansan (miocène). (Atlas, pl. I, fig. 7.)
(1) Bibl. univ. de Genève, 1848, Archives, t, IX, p. 164.
(2) Voy. Schmerling, Oss. foss., p. 76, pl. 5, fig. 12; Keferstein, Naturg.,
t. II, p. 208; Brandt, Act. Pet., déc. 1834 ; Muller's Archiv, 1835, p. 548.
(3) Ostéographie, Insectivores, p. 106.
(4) Bibl. univ. de Genève, 1848, Archives, t. IX, p. 164.
(5) Bibl. univ. de Genève, 1848, Archives, t. IX, p. 164,
(6) Bibl. univ., 1848, Archives, t. IX, p. 164 (Viverra exilis, Blainv.).
TR
172 MAMMIFÈRES. — INSECTIVORES.
Le Galerix magnus, Pomel (id.), était aussi grand que le hérisson d’Eu-
rope. Il est possible que cette espèce n'ait eu que trois faussés molaires.
M. Pomel l'indique des terrains tertiaires sans désignation précise.
Les ECHINOGALES ( Zchinogale, Pomel ),
qui forment aussi un genre établi par M. Pomel (1), n'ont
probablement que ? incisives, et leur canine mérite à peine ce
nom. Leur dentition, du reste, est assez semblable à celle du
genre précédent.
L’Echinogale Laurillardi, Pomel, la seule espèce connue, a été trouvée
dans les terrains tertiaires de la Limagne (miocène d'Auvergne).
2e TriBu. — GLISORICIENS.
Les glisoriciens ont une partie des caractères ostéologiques
que j'ai indiqués pour les échinoïdiens, ce qui se lie au fait que
comme eux ils ne sont pas fouisseurs; mais leurs membres sont
plus grêles et plus longs, ce qui leur permet de grimper et de
sauter, et leur dernière molaire supérieure est moins petite.
Les MACROSCÉLIDES n’ont pas été trouvés fossiles.
Les CLADOBATES ( C/adobates, F. Cu.)
(Tupaia, Rafles; Sorexglis, Diard.; Glisorex, Desm.; Aylogale,
Temm.)
sont caractérisés par leurs ongles crochus et leurs dents qui rap-
pellent celles des hérissons, si ce n’est que les incisives supérieures
sont plus courtes, et que la dernière molaire manque.
Suivant M. Lartet (2), des dents molaires trouvées à Sansan ressemblent
à celles des cladobates plus qu’à celles de tous les autres insectivores (Gli-
sorex ? ? sansaniensis). Ce rapprochement est encore très douteux.
Les Oxycomrmus, H. de Meyer,
forment un genre dont les caractères ne sont pas encore com-
plétement connus et décrits. M. H. de Meyer (3) le rapproche du
(1) Biblioth. univ. de Genève, 1848, Archives, t. IX, p. 163.
(?) Notice sur la colline de Sansan, p. 14.
(3) Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1846, p. 474; Giebel, p. 32.
SORICIENS. — MUSARAIGNES, 173
cladobate de Java’, actuellement vivant,'et dit qu'il s'en distingue
par le développement d’un des tubercules de la couronne de la
dernière molaire inférieure.
Ce paléontologiste en cite deux espèces des terrains tertiaires miocènes de
Weisenau, les Oxygomphius frequens (1), et leptognathus, H. de Meyer (2), qui
diffèrent l’une de l’autre par la force de leur mâchoire inférieure.
3° TriBu. —-- SORICIENS.
Les soriciens diffèrent des tribus précédentes, parce qu'ils
présentent, mais à un moindre degré que les talpiens, les
caractères des animaux fouisseurs. L'humérus, quoique encore
grêle, a une apophyse saillante qui recoit le muscle grand pec-
toral , la crête deltoïdienne est bien marquée, l’épitrochlée est
saillante et percée d’un trou, l’olécràne est dilaté en forme de fer
de hache, les deux branches du bassin sont séparées. Les mem-
bres antérieurs sont encore propres à la locomotion sur le sol et
ne sont pas élargis en mains. Les molaires ont leurs pointes et
collines très aiguës. Il y a toujours à chaque mâchoire deux fortes
incisives , dans lesquelles on ne peut pas méconnaître une tran-
sition aux rongeurs.
Les MusaRAIGNES (Sorex, Lin.), — Atlas, pl. I, fig. 8 et 9,
forment le type de cette tribu, et c'est chez elles que cette dispo-
sition des incisives est la plus marquée ; les dents sont couchées
dans le sens de la mâchoire. La mâchoire supérieure présente
des petites prémolaires en nombre variable et ordinairement
quatre vraies ; l'inférieure en a deux petites et trois grandes.
On en a trouvé quelques espèces dans les terrains tertiaires.
M. l'abbé Croizet rapporte à ce genre une mâchoire inférieure trouvée
dans les terrains tertiaires miocènes d'Auvergne. M. de Blainville (3) pense
que l’on ne peut pas la distinguer de la musaraigne commune (S. Araneus).
M. Pomel ({) n’admet pas cette assimilation; il attribue cette mâchoire au
genre MYSARACHNE.
(1) Loc. cit.
(2) Leonh. und Bronn Neues Jahrbuch, 1846, p. 599.
(3) Ostéograyhie, Insectivores, p. 100.
(#) Bibl. univ, 1848, Arch., t. IX, p. 161.
174 MAMMIFÈRES. — INSECTIVORES.
Le Sorex brachygnathus, Pomel (1), a été découvert dans les mêmes gise-
ments. Il est de la taille du $S. flavescens, et se distingue par la brièveté et
la force de l’os mandibulaire. La base de la couronne de l’incisive s'étend
jusque sous la première molaire.
Ce même paléontologiste (2) cite une autre espèce des mêmes terrains qui
est très petite et qui a des membres très grêles.
M. H. de Meyer (3) indique aussi, sans la décrire, une espèce des ter-
tiaires miocènes de Weisenau (Sorex pusillus). Elle est de très petite taille,
et probablement un des plus petits mammifères connus.
M. Lartet (4) indique les Sorex sansaniensis, Prevostianus et Desnoyer-
sianus de Sansan (miocène).
On trouve dans les cavernes, dans les brèches osseuses et dans
quelques dépôts arénacés de l’époque diluvienne, des ossements
de musaraignes, dans lesquels on reconnaît tous les caractères
des espèces actuelles.
La musaraigne des brèches osseuses de Sardaigne, suivant G. Cuvier (5),
ne diffère pas du S. fodiens. Toutefois, M. Wagner (6) estime. que ce gise-
ment renferme les ossements de deux espèces.
M. Schmerling, qui a trouvé des débris de ce genre dans les cavernes des en-
virons de Liége, les rapporte aux S. araneus et tetragonurus, Herm. (7). (Atlas,
pl. I, fig. 9.)
M. Desnoyers (5) a trouvé, dans les cavernes et les brèches des environs de
Paris, deux espèces qui ne lui paraissent pas différer des S. tetragonurus,
Herm., et fodiens, Pall.
M. Owen (?) en indique aussi quelques fragments de la caverne de Kent,
qui paraissent se rapporter au S. araneus, et d’autres des formations lacus-
tres de Norfolk, qui ne peuvent pas être déterminés avec une parfaite préci-
sion, mais qui semblent appartenir au Soreæ fodiens, Pall.
Les MYSsARACHNE, Pomel,
diffèrent des sorex par leurs incisives inférieures qui ne sont plus
couchées dans le sens de la mâchoire, mais bien relevées comme
(t) Bibl. univ., 1848, Arch., t. IX, p. 163.
(2) Bibl. univ., 1848, Arch., t. IX, p. 161.
(8) Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1846, p. 473.
() Notice sur la colline de Sansan, p. 13.
(5) Recherches sur les ossements fossiles, 4° édit., t. VI, p. 410.
(6) Mémoires de l'Acad. de Munich, 1. X.
(?) Recherches sur les ossements fossiles des cavernes de Licge, p. 77.
(6) Compt. rend. de l'Acad. des sc., 1842, 1° sem., p. 525.
(®) Brit. fossil mammals, p. 28.
SORICIENS. —— DESMANS. 175
des canines. Ils ont cinq prémolaires inférieures et des molaires à
fût très court, comme les sorex (”).
On n’en connaît qu'une seule espèce des tertiaires miocènes d'Auvergne,
réunie, par M. de Blanville, au Soreæ araneus, et désignée, par M. Pomel,
sous le nom de Mysarachne Picteti.
Les PLEsiosorex, Pomel, — Atlas, pl. I, fig. 10,
ont des incisives dirigées comme celles des mysarachne, les mo-
laires plus soulevées et six prémolaires inférieures. Ces insecti-
vores paraissent se rapprocher du genre vivant des UROTRICHUS (?).
La seule espèce connue est le Plesiosorexæ soricinoides (Ples. talpoides,
Pomel; Erinaceus soricinoides, Blainville) des tertiaires miocènes d’Auver-
gne. (Atlas, pl. I, fig. 10.)
Les DEsmans ( WMygale, Lin.)
se distinguent facilement des musaraignes par leur museau
allongé et par leurs mains plus larges et plus robustes. Leurs
incisives inférieures sont relevées, une petite accompagne la
grande. Ils ont onze dents de chaque côté de chaque mâchoire.
M. Lartet a trouvé à Sansan une partie de l’humérus d’un de ces ani-
maux. Cet os montre l’existence d’une espèce très voisine du desman des
Pyrénées; il est un peu plus robuste que les os analogues de l’espèce vivante.
et malgré cela l’apophyse d’insertion du muscle pectoral est un peu moins
prononcée. C’est le Mygale antiqua, Pomel (3) (Myg. sansaniensis, Lar-
tet). M. de Blainville ne le sépare pas du M. pyrenaica. M. Lartet cite
encore dans sa notice le M. minuta, Lart., de Sansan (miocène).
Le Mygale nayadum, Pomel (#) [M. arvernensis, Pomel (5)] est plus petit.
L’humérus est comprimé d’avant en arrière, et la crête deltoïdienne tout à
fait marginale interne. L'angle de la mâchoire est très développé et l’apo-
physe coronoïde très courhbée. Il appartient aux terrains tertiaires miocènes
d'Auvergne.
(t) Bibl. univ. de Genève, 1848, Arch., t. IX, p. 162.
(2) Bibl. univ., 1848, Arch., t. IX, p. 162.
(8) Bibl. univ., 1848, Arch., t. IX, p. 161.
(4) Bibl. univ. 1848, Arch., t. IX, p. 162.
(5) Bull. Soc. géol. 18424, 2° série, t. I, p. 593.
176 MAMMIFÈRES. — INSECTIVORES.
he TriBu. — TALPIENS.
Les talpiens présentent au plus haut degré les caractères qui
distinguent les fouisseurs. Leurs membres antérieurs, impropres
à la locomotion sur le sol , sont terminés par une main très large
armée d'ongles robustes. L’humérus, presque carré, muni d’apo-
physes énormes, l'omoplate allongée, la clavicule cuboïdale,
l'olécrane du cubitus très développé, forment pour le membre
antérieur un ensemble des plus caractéristiques. Le membre pos-
térieur est, au contraire, relativement atrophié et les deux bran-
ches du bassin sont séparées. Les molaires sont très aiguës, les
arcades orbitaires sont presque nulles, car les yeux sont très
petits et quelquefois même cachés par la peau.
Les Taupes (Zalpa, Lin.), — Atlas, pl. I, fig. 11,
ont une ostéologie si spéciale, et la plupart de leurs os sont si
clairement caractérisés, que leur présence a fréquemment ph être
constatée d’une manière certaine.
Leur formule dentaire est :
3 . A. 7 4 1 de AA
Inc. 3; can. +; mol. T, dont i +1+ 5 —!X.
On en connaît quelques espèces des terrains tertiaires.
La Talpa minuta, Blainville (1), n’est connue que par un seul humérus,
moitié plus petit que celui de la taupe commune et un peu moins large à
proportion. Cet os a été trouvé à Sansan (miocène).
La Talpa brachychir, M. de Meyer (?), a été découverte dans les tertiaires
miocènes de Weisenau. On trouve dans ce gisement des mâchoires un peu
plus petites que celles de la T. vulgaris, et des os du bras qui sont moitié
plus petits que ceux de cette espèce vivante. Ces os paraissent pourtant
appartenir aux mêmes individus que les mâchoires, et indiqueraient ainsi
dans l’espèce fossile des proportions très différentes.
La Talpa antiqua, Blainville (T. condyluroides et acutidentata (3), appar-
tient au genre GEoTrYrus indiqué plus bas, Elle a été aussi trouvée dans les
terrains miocènes de Sansan.
(!) Ostéographie, Insectivores, p. 97.
(2) Leonh. und Bronn Neues Jahrb. 1846, p. 473.
(3) Ostéographie, Insectivores, p. 97,
TALPIENS. — DIMYLUS. Lr dr
Les mêmes dépôts ont fourni une mandibule et des humérus que M. de
Blainville dit ne pas pouvoir distinguer de ceux de la taupe commune. Il les
signale toutefois comme un peu plus forts : c’est la T. sansaniensis, Lart.
M. Pomel considère ces débris comme devant former un genre nouveau,
celui des HyPoryssus, que nous indiquerons ci-dessous.
Le terrain diluvien renferme aussi des ossements de taupes.
Les cavernes de France et de Belgique en ont conservé que l’on ne peut
pas distinguer de la T. europæa par des caractères suffisants (1). Toutefois
M. Pomel (?), considérant que les pièces étudiées sont identiques dans les
espèces vivantes connues (T. ewropæa, Lin., et T. cæca, Sav.), et que quei-
ques uns des fossiles sont plus gros, en infère qu’il est tout aussi probable
que les taupes diluviennes doivent former une espèce nouvelle. Il la nomme
Talpa fossilis. L’os falciforme de la main est en outre un peu différent,
J'ai étudié moi-même des ossements de taupes recucillis dans les graviers
superficiels des environs de Genève (3), et malgré les recherches les plus mi-
nutieuses, je n’ai trouvé aucune différence d’avyec la taupe actuelle.
Les Dimyzus, H. de Meyer,
ne sont connus que par des mâchoires inférieures très voisines de
celles des taupes. M. de Meyer (f) caractérise ce genre : 4° parce
que le côté externe de la mâchoire ne présente qu'un grand
trou au lieu de deux petits pour le passage des nerfs et des vais-
seaux des lèvres; 2 parce qu'il n'y à que deux vraies molaires
au lieu de trois.
M. Pomel (°) conteste l'existence de ce genre, attribue l’état de
la dentition à un accident, et rapporte l'espèce à la Zalpa brachy-
chir; mais une nouvelle mâchoire, trouvée par M. H. de Meyer,
a confirmé la réalité des caractères qu'il avait indiqués (5).
La seule espèce connue est le Dimylus paradoæus, H. de Meyer, des ter-
tiaires de Weisenau (miocène).
(f) Voy.Schmerling, Ossem. foss. des cav. de Liége, p.80 ; Desnoyers, Comptes
rendus de l'Acad. des sc., 1842, 1°" sem., p. 522; Owen, British foss. mammals,
p.19; Hébert, Ossem. foss. de l'Oise (Bull. Soc. géol., 2° série, t. VI, p. 605).
(2) Bibl. univ., 1848, Archiv., t. IX, p. 160.
)
()
(5) Bibl. univ., 1848, Arch., t. IX, p. 161.
(6) Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1849, p. 549.
I. 12
178 MAMMIFÈRES. -— INSECTIVORES,
Les Pazæosparax, Owen (!), — Atlas, pl. I, fig. 13,
sont aussi très voisins des taupes dont ils différent par des fausses
molaires moins aiguës et par un petit tubercule à la base du
sillon externe des vraies molaires.
La seule espèce connue atteignait la taille du hérisson. Elle à été trouvée,
par M. Green, dans les formations lacustres d’Ostend (Norfolk, terrain
diluvien}, et nominée Palæospalaæ magnus par M. Owen.
Les G£orrypus, Pomel, — Atlas, pl. L, fig. 14,
ont la formule dentaire des taupes, sauf peut-être les incisives de
la mâchoire inférieure ; mais leurs prémolaires sont coniques et
très aiguës, ainsi que leurs dents caniniformes. L’humérus, au
contraire, ressemble à celui des condylures (?). On en connaît
deux espèces des terrains tertiaires.
Le G. acutidens, Pomel (\, est un peu plus petit que la taupe ordinaire.
Les fausses molaires inférieures sont très saillantes, et les échancrures du
bord interne de l’humérus sont inégales. M. Pomel n’en indique pas l'origine.
Le G. antiquus (*), Talpa antiqua, Blainville (5), Taupe voisine du con-
dylure, Croizet, est de la taille de la taupe. Si, comme le pense M. Pomel,
on doit lui réunir la Talpa acutidentata, Blainville (6), cette espèce serait
caractérisée par ses fausses molaires inférieures peu saillantes et par les échan-
crures du bord interne de l’humérus qui sont presque égales. Les fragments
sur lesquels elle a été établie proviennent des terrains tertiaires (miocènes)
d'Auvergne. (Atlas, pl. [, fig. 14.)
Les GALEOSPALAX, Pomel,
paraissent intermédiaires entre les taupes et les desmans; on
n’en connaît qu'un humérus, qui est allongé comme dans ce der-
nier genre, avec le profil et l'articulation de celui des taupes (7).
La seule espèce connue (G. mygaloides, Pom.) était un peu plus petite que
le desman des Pyrénées. On l’a trouvée dans les terrains tertiaires. (M, Po-
mel n’indique pas l'étage.)
(1) Odontography, p. 417, et British foss. mammals, p. 25.
(2) Bibl, univ., 1848, Archiv., t. IX, p. 159.
(3) Bibl. univ., 1848, Archiv., t. IX, p. 160.
(4) Bibl. univ., 1848, Archiv., t. IX, p. 160.
(5) Ostéographie, Insectivores, p. 96 et 97.
(6) Ostéogr., Insect., p. 96, pl. 2.
47) Bibl, univ., 1848, Archiv., t. IX, p.161.
CARNASSIERS EN GÉNÉRAL. 175
Les Hyporyssus, Pomel, — Atlas, pl. 1, fig. 12,
ont les prémolaires des geotrypus; mais la caniniforme n'est pas
plus forte que la deuxième prémolaire. Les incisives sont au
nombre de &: l’externe est presque caniniforme, les internes sont
petites eten palettes. Les os du bras rappellent ceux des scalops (f).
On n’en connaît qu'une espèce de la taille du Geotrypus acutidens ; c'est
le Hyporyssus telluris, Pomel, des terrains tertiaires (miocènes) de Sansan.
M. Pomel pense que l’on peut, peut-être, lui rapporter, ainsi que je l'ai dit
plus haut, les ossements trouvés darts le même gisement, et attribués par
M. de Blainville à la Talpa europæa (Talpa sansaniensis, Lartet).
Nous nous bornons à indiquer à la fin de cette tribu le genre
ANoMoDoN, établi par M. Leconte (?) sur une seule dent de la
maächoire supérieure qui rappelle son homologue dans les scalops
La seule espèce, À. Snyderi, a été trouvée dans un terrain probablement
diluvien de PIflinois.
5° ORDRE.
:ARNASSIERS.
Les mammifères carnassiers ne paraissent pas avoir
été très abondants à l'origine de l’époque tertiaire. Les
nombreuses populations de paléothériums, d'anoplothé-
riums, elc., dont nous aurons à nous occuper plus tard,
étaient moins inquiétées par les grands animaux des-
tructeurs, que ne l'ont été les races qui leur ont suc-
cédé. On ne trouve en général, dans Îles terrains ter-
tiaires les plus anciens, qu'un petit nombre de frag-
ments qui aient appartenu à des carnassiers, et encore
ces débris n’indiquent le plus souvent que des animaux
d’une taille médiocre, comparée même à celle de quél-
(!) Bibl. univ., 1848, Archiv., t. IX, p. 161.
(2) Sillim. journ., 1848, t. V, p. 106, fig. 3,
180 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
ques espèces qui vivent de nos jours. On dirait qu’au
moment où les mammifères ont pris pour la première
fois possession de nos continents, la sagesse suprême
a voulu qu'ils pussent se développer en libertéet former
des troupeaux nombreux.
Dans l’époque tertiaire moyenne, on voit le nombre
et la taille des carnassiers augmenter peu à peu; mais
ces animaux conservent encore en général des formes
lourdes et un régime moins exclusivement carnivore
que les grands carnassiers actuels.
Les ossements que l’on trouve dans les terrains de
cette époque révèlent l'existence de quelques types
fort différents par leurs formes de ceux qui existent
aujourd’hui, et offrent souvent des transitions remar-
quables entre les tribus et les genres qui composent la
faune moderne.
Vers la fin de cette même période tertiaire, les
genres qui, de nos jours, sont les plus redoutables,
commencent à paraitre; quelques autres acquièrent
plus d'importance et de développement. C’est proba-
blement de cette époque que date le genre des chats,
dont les grandes espèces, telles que le lion et le tigre,
peuvent être considérées comme le type le plus par-
fait d’un animal carnassier ; car, souples et forts, et
munis d'ongles acérés, ces mammifères sont armés
de dents tranchantes et robustes, portées par une mà-
choire dont la puissance dépasse toutes celles de la
même famille.
Mais c'est surtout dans l’époque diluvienne que les
carnassiers ont pris un excessif développement, et
ont dû singulièrement limiter l'extension des races
herbivores. L'Europe, qui, de nos jours, ne compte
qu'un petit nombre de grands animaux de proie, et
CARNASSIERS EN GÉNÉRAL. 181
dont le loup et l'ours sont les plus redoutables, depuis
que la civilisation a chassé le lion des contrées méri-
dionales qu'il a une fois.habitées, était alors livrée aux
déprédations de deux ou trois espèces d'hyènes, de
nombreux ours bien plus forts et plus grands que Îles
nôtres, de loups, et d'au moins cinq espèces de chats,
dont une plus grande que le lion, et une autre au moins
aussi redoutable que le grand tigre du Bengale , sans
parler de nombreuses espèces plus petites et moins dan-
gereuses.
Les ossements et les dents des carnassiers sont en gé-
néral susceptibles d'être clairement caractérisés. La
dentilion présente des caractères si spéciaux (‘), que
(1, Les zoologistes ont l'habitude, pour représenter d'une manière claire
la dentition des mammifères, et particulièrement celle des carnassiers, d'em-
ployer ce qu'on a appelé des formules dentaires. Je suivrai ici la méthode
adoptée par M. de Blainville, qui consiste à indiquer seulement les dents
d'un côté. Ce procédé est plus rationnel que celui qui a été admis par beau-
coup de naturalistes, et par lequel on fait entrer dans la formule toutes les
incisives et seulement les canines et molaires d'un seul côté, Ainsi, un ani-
mal qui, comme le chien, a 3 paires d’incisives en haut et en bas, une
canine de chaque côté de chaque mâchoire, 6 molaires de chaque côté à la
mâchoire supérieure et 7 à l’inférieure, aura pour formule dentaire :
Inc. =; can. :; mol. <.
On doit aussi distinguer iles diverses sortes de molaires. On trouve dans
tous les carnassiers, de chaque côté de chaque mâchoire, une dent en quel-
que sorte principale qu’on a nommée la carnassière. Cette dent est ordinaire-
ment tranchante et munie d’un talon plus ou moins prononcé. Elle est la
plus grande dans les carnivores proprement dits, et perd de son importance
dans les omnivores. La carnassière est précédée par des dents également tran-
chantes, mais plus petites et décroissant d’arrière en avant; on les nomme
fausses molaires ou prémolaires. Elle est suivie par des dents tuberculeuses
arrondies ou carrées que l’on nomme molaires tuberculeuses ou arrière-mo-
laires. Ces diverses sortes de dents doivent être séparées dans une seconde
partie de la formule dentaire. Ainsi, dans l'exemple que nous avons choisi,
où il y a * prémolaires et + tuberculeuses, la formule devra être écrite comme
il suit :
3
Inc. ?, can. ?, mol. £; dont =: + 5 + =; tot. =.
7
182 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
l'examen d’un fragment de mâchoire, et quelquefois
même d’une seule dent, peut suffire à une détermina-
tion souvent passablement rigoureuse. Les canines
grandes et coniques , les incisives petites, ordinaire-
ment au nombre de 5 (six à chaque mâchoire), les
molaires simples, tuberculeuses ou tranchantes, for-
ment par leur ensemble des caractères que l'on ne peut
pas méconnaître, et même, sauf dans quelques cas
rares, chaque dent considérée individuellement ne
peut être confondue avec aucune de celles des autres
ordres.
Les diverses pièces du squelette peuvent aussi ser-
vir en général à reconnaître facilement les carnassiers.
Tout y est disposé pour assurer à l'animal de la force
et de la souplesse. Les vertèbres ont des apophyses
longues et fortes, mais pas assez larges pour gêner le
mouvement: l’atlas a des transverses énormes et l’axis
est surmonté d’une grande crête qui remplace l’apo-
physe épineuse ; les côtes sont arrondies. L'omoplate
est large et a son épine forte, mais ne s'appuie que ra-
rement sur une clavicule. Les os longs des membres
ont leurs crêtes et parties saillantes bien prononcées ;
les os de lavant-bras et de la jambe sont séparés et
exigent une largeur dans les articulations qui distingue
tout de suite les carnassiers des herbivores à membres
légers; les doigts sont libres, les phalanges unguéales
fortes et solidement unies; la dernière est comprimée
et arquée.
On divise les carnassiers en deux familles, celle des
Carnivores, qui comprend les carnassiers terrestres, et
celle des Amphibies, qui renferme les carnassiers aqua-
tiques, ;
URSIDES. 183
Are Famizze. — CARNIVORES,
Les carnivores, ou carnassiers terrestres, se divisent en six tribus
caractérisées comme il suit :
EL Les Unsipgs. Molaires tuberculeuses formant la partie la
plus importante de la dentition; marche plantigrade, formes
lourdes.
Toutes les autres tribus ont la dent carnassière dominante.
Leur marche est presque toujours digitigrade.
IT. Les Canipes. + tubereuleuses, carnassière à talon petit;
digitigrades, ongles non rétractiles.
INT. Les Viverripes. ? tuberculeuses, carnassière à talon grand ;
digitigrades ou subplantigrades , ongles souvent rétraetiles.
IV. Les VerMirorMEs. — tuberculeuses, carnassière à talon
petit, digitigrades, ongles non rétractiles.
V. Les HyYÉnines. + tuberculeuse petite, carnassière supé-
rieure à petit talon, 4 prémolaires; digitigrades, ongles non
rétractiles.
VI. Les Féuines. + tuberculeuse petite, carnassiére supé-
rieure à petit talon, 5- prémolaires ; digitigrades, ongles rétrac-
tiles,
tre TaiBu. — URSIDES.
Ces animaux se distinguent de tous les autres carnivores par le
grand développement de leurs molaires tuberculeuses ou arrière-
molaires, qui forment la partie la plus essentielle du régime den-
taire et qui prédominent beaucoup sur la carnassière, réduite
chez eux à ne jouer qu'un rôle tout à fait secondaire. Ces arrière
molaires sont très grosses et ont de nombreux tubercules mousses ;
aussi les ursides sont-ils souvent au moins aussi frugivores que
carnivores. La carnassière est précédée par des petites prémolaires
qui lui ressemblent et qui sont peu tranchantes.
A ces caractères se joignent en général des formes plus lourdes.
Les os des membres sont plus courts et plus larges que dans les
vrais carnivores; en particulier, les os du pied, beaucoup moins
allongés et moins solidement unis, déterminent chez ces animaux
une démarche plantigrade et lente.
184 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
Le genre principal de cette famille, celui des ours, nest pas
très ancien à la surface de la terre; mais plusieurs autres types
plus ou moins voisins des ours actuels ont vécu pendant les
diverses phases de la période tertiaire, tellement que lon peut
dire que les plantigrades ont été probablement les carnassiers les
plus nombreux pendant cette époque. Ces animaux semblent
avoir précédé dans nos continents ceux des divisions plus carni-
vores, circonstance qui se lie avec le fait signalé plus haut, que
les animaux carnassiers ont été peu abondants lors de la pre-
mière création des mammifères. Les herbivores de cette époque
ont d'autant mieux pu se développer en liberté, que ce petit
nombre de carnassiers était composé des genres qui ont les formes
les plus lourdes et les instincts les moins sanguinaires. Il faut
remarquer en outre que les ursides des terrains tertiaires appar-
tiennent, sauf de rares exceptions, à des genres dont la taille n'a
pas égalé celle des ours actuels.
Les Ours ( Ursus, Lin.), — Atlas, pl. IE, fig. 1-6,
sont un des genres dont les os fossiles ont depuis longtemps attiré
l'attention; mais leurs débris ont été d’abord connus sous les
noms bizarres de licornes fossiles et d'os de dragons (f) avant
qu'on ait découvert à quels animaux 1ls appartenaient réellement.
Bruckmann (?), en 1732, parait être le premier qui y ait reconnu
des ossements d'ours. Depuis lors on en à trouvé et décrit beau-
coup. Esper, en 1774 (%), crut reconnaître dans les débris des
cavernes de Franconie neuf espèces distinctes, qu'il hésita de
rapporter au genre des ours, tout en reconnaissant la ressem-
blance des dents. Plus tard il chercha à prouver que l'ours des
cavernes était identique avec l'ours blanc. Camper, et surtout
Rosenmüller (#), s'élevèrent contre cette assimilation; ce dernier
(1) J. Paterson Hayn (Eph. nat. cur., déc. 1, 1672, ann. IT, p. 220) a
donné de bonnes figures d’ossements d'ours, trouvés dans une caverne des
monts Krapacks ; il les désigne sous le nom de dragons fossiles. Wolgnad,
1673, dans le même recueil, décrit et figure sous le même nom des os
trouvés en Transylvanie.
(2) Descript. des cav. de Hongrie, coll. de Breslau, 1732, 1° trim., p. 628.
(3) Descript. des zoolithes, ete. Nuremberg, 1774, in-folio.
(#) Matér. pour l'hist. el la conn. des foss., Leipsig, 1795, 1°" cah.; Abhil-
dungen und Besch. der fossiler Knocken der hoehlen Baeren, fol., Weymar, 1804.
URSIDES. --- OURS. 185
crut d'abord à l'existence de trois espèces distinctes et attribua
plutôt au sexe et à l'âge les différences qu'il avait observées.
Depuis lors, Blumenbach à reconnu l'existence de deux espèces.
Toutes ces recherches ont préparé le travail de Cuvier, qui a
réuni les matériaux, constaté l'existence de plusieurs especes et
décrit en détail leurs caractères essentiels.
Ce genre est principalement caractérisé par ses grosses molaires
postérieures et par la petitesse relative des prémolaires.
Sa formule dentaire (Atlas, pl. IF, fig. 5 et 6) est :
8. h: A. 6 3 (il 2
Inc. #-; can. £: mol. $-, dont + + ++ <-.
Dans ces dernières années M. de Blainville a cherché à de-
montrer que la plupart des ours fossiles peuvent être rapportés
aux espèces qui vivent actuellement en Europe. Il pense en parti-
culier que tous les ours des cavernes ne sont que des variétés
d'une seule et même espèce, qui est la souche de l'ours brun. Ce
savant anatomiste attribue à l'influence d'une vie libre et dans
des circonstances plus favorables la taille gigantesque de l'ours
des cavernes. Il croit que le sexe, la hardiesse du caractère et
l'intensité de la respiration dans un air plus vif peuvent rendre
compte des différences dans la forme du crâne, et en particulier
expliquer ces grandes bosses frontales et ce développement des
crêtes qui rendent si remarquables les crânes des ours des ca-
vernes. Il pense que ces caractères se sont effacés de nos Jours, où
les ours sont devenus faibles et plus pusillanimes , et croit d'ail-
leurs que l'on s'est trop borné à étudier l'ostéologie des individus
qui ont vécu en captivité et chez lesquels en conséquence la dégé-
nérescence est encore plus marquée.
Je professe en général le plus grand respect pour les opinions de
M. de Blainville; mais l'étude des faits m'empêche d'adopter sans
réserve sa manière de voir. Notre musée possède de très belles
têtes de l'Ursus spelæus et plusieurs autres d'ours bruns de nos
Alpes, tués à l'état sauvage. Leur comparaison (Atlas, pl. I,
fig. 1 et À) indique des proportions tellement plus fortes dans
le premier, et tant de différences entre les deux dans la forme de
l'os frontal et des crêtes sagittale et occipitale, qu'il me paraît
impossible d'admettre leur identité (1). Il me semble que ces deux
(1) Je m'en réfère d’ailleurs ici à ce que j'ai dit dans la première partie
186 MAMMIFÈRES. —- CARNASSIERS.
espèces diffèrent bien plus que ne le font entre eux l'ours brun,
l'ours terrible et l'ours noir d'Amérique, dont personne ne con-
teste les différences spécifiques. Je crois done devoir ici, au moins
jusqu'à plus ample informé (1), admettre l'existence, comme espèce
distincte, de l'ours des cavernes. Je suis d'ailleurs tout à fait
convaincu, comme M. de Blainville, que, parmi les autres espèces
que l’on à cru reconnaître dans les mêmes localités, il en est
plusieurs qui ont été établies très légèrement et qui ne doivent
probablement pas être admises (2).
Ainsi que je l'ai dit plus haut, les ours ont été surtout abon-
dants pendant l’époque diluvienne, comme le prouvent principa-
lement leurs ossements entassés dans les cavernes. IIS manquent
totalement aux étages tertiaires anciens et moyens ($), et sont
peu nombreux dans les tertiaires supérieurs.
L'espèce la plus certaine de l’époque tertiaire est l’Ursus arvernensis,
Croizet et Job. (f). Ses canines sont plus comprimées que dans les ours vi-
vants. Son front est presque plat, et son museau plus étroit que dans toutes
les autres espèces fossiles. I à été trouvé dans les terrains meubles pliocènes
de la montagne de Perrier; sa taille était à peu près celle de l'ours brun,
On doit lui réunir F'Ursus minimus, Devèze et Bouillet (5).
Les ossements d'ours trouvés dans les sables pliocènes marins de Mont-
pellier (6) appartiennent peut-être à une autre espèce (Ursus minutus, Gery.).
M. Deluc avait déjà, en 1772, cité une demi-màchoire d'ours recueillie à
Boutonnet.
(p. 42) sur l'identité des espèces. Je ne puis admettre comme causes de yaria-
tions que les causes actuelles, et pour moi deux espéces sont différentes, si
elles se distinguent l'une de l'autre par des caractères que l'influence pro-
longée des agents extérieurs n'amènerait pas de nos jours.
(1) Ce plus ample informé sera, comme le dit M. de Blainville lui-même,
une étude plus complète des variations dont le crâne de l’ours brun est sus-
ceptible. Il importe qu'on puisse, pour Ja solution de cette question, mieux
connaître quelles sont les différences qui résultent de l’âge, du sexe et de la
captivité.
(2) Voyez aussi sur ce sujet un mémoire du professeur Wagner, inséré
dans les 4rchiv für Naturgeschichte, 1843, t. I, p. 24.
(3) On trouvera, chez quelques auteurs, des indications d'ours plus an-
ciens que les tertiaires supérieurs. Je n'en counais pas de certaines; il est
en particulier peu probable que ce genre ait été trouvé à Sansan.
(1) Rech. sur les ossem. foss. du puy de Dôme, p. 183.
(5) Montagne de Boulade, p. 75, pl. 15, voy. Blainv., Ostéog.; Giebel, ete,
(6) Gervais, Zool. et pal. fr.; p. 107, pl. 8.
URSIDES. — OURS. 157
L'Ursus cultridens, Cuvier (U. etruscus, Cuv.), appartient au genre MA-
CHAIRODUS.
Parmi les espèces de l’époque diluvienne, celles qui paraissent
le mieux établies, sont les suivantes,
L'Ursus spelæus, Blum., Ours des cavernes où Ours à front bombé, Cu-
vier (1), est caractérisé parce que chaque os frontal forme une protubérance
arrondie, en sorte que la ligne du profil, relevée sur la partie postérieure du
front, tombe par une pente très inclinée sur Ja base du nez. Cet ours avait
une taille au moins d’un quart en sus des plus grands ours bruns actuels, ce
qui implique un volume à peu près double (2). Les formes et les proportions
des dents, ainsi que quelques détails ostéologiques, confirment ces différences,
Cuvier fait remarquer que les dents de cette espèce ne s’usaient qu’à un âge
très avancé, ce qui pourrait prouver qu'elle a été plus carnassière que les
espèces actuelles, Elle est caractérisée aussi par la chute constante et pré-
coce des petites fausses molaires supérieures et inférieures, laissant une barre
complète entre les vraies molaires et les canines. (Atlas, pl. I, fig. 1-3.)
. On a trouvé l'Ursus spelœus dans Ja plupart des cavernes de France,
d'Angleterre, d'Allemagne et de Belgique, ainsi que dans quelques brèches
osseuses (3). Ses ossements sont même tellement abondants dans quelques
unes de ces cavernes, que l’on estime à 800 le nombre d'individus auxquels
ont appartenu les os qui ont été retirés d’une seule d’entre elles, celle de
Gaylenreuth.
Il est assez probable que l’on doit réunir à cette espèce l'Ursus arctoideus,
Blum. (f), ou U, planus Oken, Ours à crâne moins bombé, trouvé dans les
mêmes cayernes que le précédent. Cuvier l’a tantôt considéré comme distinct
de l'Ursus spelœus ; tantôt il a cru qu’il devait lui être réuui et qu'il n’en
était qu'une simple variété, caractérisée par une taille un peu moindre, un
(1) Ossem, foss., 4° édit., t. VIT, p. 243 et 252,
(2) Le Musée de Genève possède des têtes d'ours des cavernes de Mialet
(Cévennes) qui dépassent un peu cette proportion, ainsi que les mesures
généralement indiquées.
(3) Voyez, sur cette espèce : Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VII, p. 243
et252; Schmerling, Ossem. foss. des cavernes de Liége ; de Blainville, Ostéogr.,
Ours, p. 53; Wagner, loc. cit. ; Owen, British. foss. mamm., p. 86; Giebel,
Fauna der Vorwelt, t. 1, p. 67; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 105; Juliet,
Comptes rendus de l’Acad. des sce., sept. 1835; Hornes, Cavernes de Brünn
(Wiener, Mitth. 1848, t. IV, p. 176); Giebel, Caverne de Sundwich (Leonh.
und Bronn Neues Jahrb., 1849, p. 61). Cette mème espèce a été trouvée
près d'Odessa (Nordmann, Ossem. foss. trouvés à Odessa, p. 4), dans le locss
du Brisgau (Gegenbach, Verh. Basel nat. Gesellsch., 1838-1840, p. 81), ete.
() Cuv., Ossem. foss., 4° édit., €. VIL, p. 462.
1388 MAMMIFÈRES. —— CARNASSIERS.
crâne plus arrondi, un front moins bombé et par un intervalle plus grand
entre la première molaire et la canine. M. de Blainville pense que ces ditré-
rences ne tiennent qu'au sexe, et que sous le nom d’U. arctoideus on a réuni
les femelles de l'U. spelœus. Cette opinion s'accorde peu avec le fait de la
grande rareté de l’U. arctoideus comparé à l'U. spelœus. On ne connaît d’ail-
leurs aucun ours vivant où les différences sexuelles soient aussi grandes.
On ne peut pas considérer comme des espèces distinctes, mais comme de
simples variétés de l’U. spelœus : 1° l'Ursus Pittorii, Marcel de Serres (1), qui
différerait un peu des précédents par la ligne de son profil, et qui dépasse-
rait par ses dimensions l’U. spelœus ; 2° les U. metopoleianus et metoposcair-
nus, Marcel de Serres (2), espèces imparfaitement déterminées.
Il en est probablement de même de l'Ursus neschersensis, Croiz. et Job.,
de Neschers près Clermont-Ferrand, et de l’Ursus dentifricius de H. de
Meyer (3). Les Ursus fornicatus major et minor, Schmerling, sont aussi des
U. spelœus (4). On ne peut pas non plus admettre sans de nouvelles preuves
les U. giganteus et leodiensis du même auteur (5), trouvés avec les précé-
dents dans les cavernes des environs de Liége. Il est probable que l’U. gi-
ganteus n’est qu'un ours des cavernes bien adulte, et que le second se
rapporte à JU, arctoideus, et n’est, par conséquent, qu’une variété de la
même espèce.
L'Ursus priscus, Goldfuss (6), Ours intermédiaire, Cuv. (7), se distingue de
l'U, spelœus, par des caractères plus précis que les précédents. Dans cette espèce
le front est complétement plat; la ligne de profil passe du front au nez sans
aucune dépression à la base de celui-ci. Cuvier ajoute qu’il n’est identique
ni avec l’ours brun ni avec l’ours noir. Il a suivant lui une absence de dé-
pression plus complète à la base du nez que l’ours brun, et des arcades zygo-
matiques moins écartées que l’ours noir. Cet ours a été trouvé dans la ca-
verne de Gaylenreuth, et M. Schmerling lui rapporte quelques ossements
des cavernes de Liége. M. Owen (8) cite aussi des débris trouvés dans la
caverne nommée Kents’hole, près de Torquay (Devon). Mais après avoir con-
firmé par leur examen les différences qui existent entre cette espèce et
V'U. spelœus, il a, dans un mémoire récent (?), émis l’opinion que l'U. pris-
cus doit être considéré comme de même espèce que l’ours brun d'Europe
(Ursus arctos, L.), qui paraît aussi avoir vécu pendant l’époque diluvienne.
(1) Bulletin des sc. nat. et de géologie, janv. 1830, p. 511.
(2) Annales des sc. d'observation, févr. 1820, p. 229.
(3) Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1839, p. 78.
(4) Schmerling, Ossém. foss. des cavernes de Liége.
(5) Idem, Ossem. foss.
(6) Nova act. Acad. nat. cur., X, 2, p. 259.
(7) Ossem. foss., 4° édit., t. VII, p. 265.
(8) British foss. mamm., p. 82.
9) Ann. et mag. of. nat. hist., 2° série,t, V, p. 235.
URSIDES. — HYÆNARCTOS. 189
M. Gervais l'indique dans les cavernes du midi de la France (1). M. Owen (?)
parle d’un crâne complet (Atlas, pl. IT, fig. 4) trouvé dans le marais de
Manea (Cambridgeshire), qui paraît avoir les caractères de l'ours actuel
d'Europe, principalement de la variété noire fréquente en Norwége et en
Sibérie.
M. Zimmermann (3) cite uu crâne de l’ours blanc (Ursus maritimus, Lin.)
trouvé à Hambourg, dans un terrain qui paraît appartenir à la formation
diluvienne.
L'Europe n’est pas le seul pays où l'on ait trouvé des ours
fossiles; et ce genre paraît avoir eu, à l’époque diluvienne,
comme de nos jours, une patrie assez étendue.
M. Milne Edwards a indiqué un fragment de crane trouvé dans
une brèche osseuse, à Oran, en Algérie () ; mais l'individu auquel
ont appartenu ces débris était trop jeune pour qu'on ait pu
encore déterminer exactement l'espèce à laquelle 11 se rapporte.
M. Harlan (5) rapporte à l'ours noir d'Amérique | Ursus ameri-
canus, Gm.), une mâchoire inférieure trouvée dans la caverne de
Bigbone (États-Unis), avec des os de mégalonyx.
L'Ursus brasiliensis, Lund, paraît devoir être rapporté au genre
des coatis, et l’Ursus sivalensis, Cautley et Fale., est devenu le
type du genre HyYÆNARCTos.
Les Hyzæxarcros, Cautley et Falconer
(Agriotherium, Wagner; Sivalours, Sivalarctos, Amphiarctos,
Blainville), — Atlas, pl. Il, fig. 7 et 8,
forment un genre perdu et jusqu'a présent limité aux terrains
tertiaires d'Asie. Il comprend l'espèce qui a été désignée d’abord
sous le nom d'Ursus sivalensis (°) par MM. Cautley et Falconer (7);
(1) Zool. et pal. fr., p. 107.
(2) Dans le mémoire cité ci-dessus et dans ses British foss, mamm., p. 77.
A Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1845, p. 73
(4) Ann. des sc. nat., 2° série, t. VII, p. 216. ..
(5) Medic. and phys. researches, p. 329.
(6) Je ne serais pas étonné que cette espèce fût la même que celle qui a été
désignée une fois par MM. Cautley et Falconer sous le nom de Amyxodon
sivalense (Ann. des sc. nat., 2° série, t. VII, p. 60), car ce nom occupe, dans
le catalogue le plus ancien, la place de l'Ursus sivalensis des catalogues sui-
vants. Aucun caractère n'ayant été assigné à ce genre, cette assimilation
reste douteuse.
(7) 4siatic researches, t. XIX, p.'1; Ann. des sc. nat., 2° sér., t. IX, p. 128
190 MAMMIFÈRES., =— CARNASSIERS.
puis séparée en un genre distinct nommé Hyænarctos par Îes
mêmes observateurs, AGRIOTHERIUM par M. Wagner (!), et Siva-
LOURS, SIVALARCTOS et Ampuiarcros par M. de Blainville (2).
La première description dece genre a été donnée par MM. Cautley
et Falconer, et diseutée par M. de Blainville (Subursus, p. 96).
D'après ces naturalistes le genre HyYæxaRCros serait caractérisé
parce qu'il n'a que © molaires, savoir : prémolaires +, car-
nassières +, tuberculeuses +. Il diffère done des ours par une
molaire de moins à chaque mâchoire. Il a d'ailleurs dans la forme
de son crâne quelques caractères assez particuliers; le canal
sous-orbitaire se termine au-dessus de la carnassière par trois
trous fort rapprochés, au-dessus l’un de l'autre; le palais s'étend
à peine au delà de la dernière molaire, tandis que dans l'ours il
est beaucoup plus long.
M. Owen (5) a décrit et figuré une tête probablement plus adulte
que celle qui a servi à la description précédente (voy. Atlas,
pl. I, fig. 7 et8). La mâchoire supérieure, qui est bien entière,
ne porte plus que trois molaires (les antérieures étant tombées
comme cela arrive avec l’âge dans les ours). La première { der-
nière prémolaire, Owen) est pour nous la carnassière; elle à un
talon plus développé que dans les ours; les deux tuberculeuses
sont quadrituberculées; la première est remarquable parce que
les tubercules internes sont resserrés en une sorte de (alon.
La mâchoire inférieure est brisée. Elle présente en avant les
trous pour recevoir la dernière prémolaire qui à deux racines,
et porte trois dents très comprimées (la carnassière et les deux
tuberculeuses ).
La seule espèce connue a été trouvée dans les montagnes Sivalik, au pied
de l'Himalaya, par MM. Cautley et Falconet. Elle doit porter le nom de
Hyænarctos sivalensis. Sa taille se rapproche de celle de P'Ursus spelœus ; sa
dentition indique un animal plus carnassier.
Les RaTows ( Procyon, Storr)
différent des ours par leur longue queue. IS ont des prémolaires
(1) Münch. gelehrte Anz.; 1837, t. V, p. 335.
(2) Ostéographie, Ours, p. 68; Subursus, p. 96 et 114.
(3) Odontography, London, 1845, p. 504, pl. 131.
URSIDES. — DLAIREAUX. iai
pointues en avant et des tuberculeuses supérieures presque car-
rées. Leur formule dentaire est :
Inc. à; can. L; mol. £, dont 3 +142,
Ils habitent aujourd'hui exclusivement l'Amérique.
Le seul animal fossile qui ait été rapporté à ce genre est le Procyon pris-
cus, Leconte (1), trouvé dans une fente de rocher remplie d'argile durcie et
de sable (dépôt probablement diluvien). De l'état d'Illinois.
Les Coaris { Nasua, Storr)
paraissent avoir habité l'Amérique méridionale pendant la période
diluvienne, comme ils lhabitent de nos jours. M. Lund en a
trouvé les débris de deux espèces dans les cavernes du Brésil.
L'une d'elles avait été d’abord rapportée au genre des ours sous le nom
d’Ursus brasiliensis (?), et doit devenir maintenant le Nasua ursina, Lund ().
L'autre n’a pas encore reçu de nom spécifique (4).
Une incisive trouvée dans l'argile tertiaire (7° suessonien) de
Meudon semblerait indiquer la présence d’un animal voisin des
coatis (5). Toutefois l'existence d'un seul fragment, aussi peu carac-
téristique qu'une incisive, ne permet pas d'attacher à ce fait plus
d'importance qu'à une simple indication.
Les BLaiREAUx ( Mcles, Storr)
n'ont été trouvés à l’état fossile que dans le terrain diluvien
d'Europe.
Les ossements découverts dans les cavernes de Belgique, de France, d’Al-
Jlemagne et d'Angleterre paraissent, pour la plupart, ne pas pouvoir être
distingués de ceux du blaireau commun actuel (Meles taxus, Schreh.). On doit,
à ce qu’il paraît, réunir à cette espèce le Meles antediluvianus (6), Schmer-
(1) Sillim. journal, 1848, t. V, p. 102.
(2) Mém. de l'Acad. de Copenhague, t. VIE, p. 93; Ann, sc, nat., 2° série,
t, XI, 224.
(3) Oversigt Danske Forh., 1842.
(4) Méin. de l'Acad. de Copenhague, t, IX, p. 198 ; Ann. sc. nal., 2° série,
t: XI, 4p. 225.
(5) Blainville, Ostéographie, Subursus, p. 72,
(5) Ossem. foss. des cavernes de Liége, 1, 1, p, 159,
192 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
ling , le M. antiquus, Münster (t), et le M. vulgaris fossilis, de M. H. de
Meyer (2).
Le blaireau découvert par Morren (3), dans le terrain crayeux de Ciply,
avec d’autres ossements de l’époque diluvienne, paraît s'éloigner davantage
de l'espèce vivante. M. Laurillard (#) le considère comme une espèce dis-
tincte, et l’a nommé Meles Morrenii.
Les TyLopons ( Z'ylodon, Gervais)
sont un genre perdu, probablement intermédiaire entre les
ratons et les coatis.
On n’en connaît qu’une moitié de mâchoire inférieure qui prouve l’exis-
tence de six molaires. La dernière seule a été conservée, M. Gervais (5) a
donné à cette espèce le nom de Tylodon Hombresü. Elle a été trouvée dans
le dépôt parisien supérieur des environs d’Alais.
A la suite de la tribu des Ursides, je place provisoirement
quelques genres perdus qui ne rentrent exactement dans aucune
des divisions actuelles, et qui paraissent former un groupe inter-
médiaire entre les ours, les chiens et les civettes.
Ces genres sont principalement connus par leur dentition,
caractérisée ordinairement par des molaires nombreuses. Chez
deux d’entre eux, les Amphicyons et les Arctocyons, les formes
de ces molaires rappellent celles des chiens, en formant toutefois
une transition aux Carnassiers omnivores, et par conséquent aux
ursides. Dans celui des Hyænodons, la dentition, plus anormale,
a des analogies moins certaines.
Les os des membres sont, dans la plupart des gisements, diffi-
ciles à rapporter aux têtes; cependant 1l paraît probable que
presque tous ces carnassiers étaient plantigrades, circonstance
(1) Bayreuth Petref., p. 87.
(2) Palæologica, p. 47. Voyez aussi Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-
Jean, Ossem. humatiles de Lunel-Viel; Desnoyers, Comples rendus de l'Acad.
des se., 1842, 1° sem., p. 522; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 117; Billaudel,
Soc. linn. de Bordeaux; Blainville, Ostéog., Subursus; Nordmann, Ossem.
foss. trouvés à Odessa, p. 4; Giebel, Cav. de Sundwich (Leonh. und Bronn
Neues Jahrb , 1849, p. 67.)
(3) Ch. et F. A. Morren, Revue systématiq. des nouv. déc. d'ossem. foss.
faites dans le Brabant méridional, p. 14.
(#) Dict. d'hist. nat. de Ch. d’Orbiguy, t. IE, p. 593.
(5) Zool. et pal. franç., pl. 11.
URSIDÉS. —— ARCTOCYON. 193
qui justifierait encore mieux la place que je leur assigne ici, car
ils formeraient alors certainement un groupe ou une série inter-
médiaire entre les ours et les carnassiers digitigrades. Quand ils
seront mieux connus, il est probable qu'il y aura lieu à établir
pour ces genres une ou deux tribus nouvelles, et peut-être à
constater, pendant les époques miocène et éocène, l'existence
d'une série de modifications dentaires liées avec une démarche
plantigrade, série qui serait plus où moins parallèle à celle des
digitigrades actuels.
Les ARCTOCYON, Blainv.
(Palæcyon et Palæocyon, Blainv., non Palæocyon, Lund. ),
— Atlas, pl. LL, fig. 1-3,
forment un genre établi par M. de Blainville (f) sur une tête
presque entière, trouvée dans un terrain tertiaire ancien des en-
virons de la Fère (2). Cette tête (voy. pl. HE, fig. 4, où elle est
réduite au tiers), est assez déprimée, et indique, par sa forme
générale, un animal probablement voisin des ratons et des
ours. Le museau est court et comme tronqué. La dentition
(pl. UT, fig. 2) n’est connue qu'à la mâchoire supérieure, qui
porte 3 prémolaires, 1 carnassière à talon très fort, et 3 tuber-
culeuses grandes et semblables à celles des ursides. Des os des
membres trouvés dans la même localité (voy. en particulier l’hu-
mérus, pl. I, fig. 3), et indiquant une taille semblable à celle
que fait préjuger la mâchoire, paraissent devoir être rapportés à
cette espèce. Ils confirmeraient encore ses analogies avec les ur-
sides, car ils sont groset courts, et rappellent aussi les ossements
du blaireau. M. de Blainville pense que le genre actuel qui se
rapproche le plus des aretocyons est celui des kinkajous (Cerco-
leptes, Ilig.)
Les arctocyons étaient peut-être aquatiques, probablement
(1) M. de Blainville (Ostéog., Petits ours, p. 73) change en Palæocyon le
nom d’Arctocyon qu'il avait primitivement donné à ce genre. Je crois qu'il
vaut mieux reprendre le nom le plus ancien afin d'éviter une confusion, le
nom de Palæocyon ayant été donné presque en même temps par M. Lund à
uu genre de la tribu des canides.
(2) Ce terrain, nommé glauconie inférieure par M. d’Archiac, repose im-
médiatement sur la craie blanche et est probablement contemporain du ter-
rain suessonien de Meudon.
Ï. 43
194% MAMMIFÈRES. --— CARNASSIERS,
omnivores ou carnivores suivant l'occasion , à corps trapuet bas
sur jambes.
La seule espèce connue est le P. grimæœvus, Blainville.
Le genre des
AMPuICYON, Lartet, — Atlas, pl. HE, fig. 4-7,
se rapproche davantage des chiens par sa carnassière, dont le
talon est faible, et qui ne ressemble à aucune dent analogue dans
la tribu des ursides. Ce genre remarquable a été établi sur des
ossements trouvés dans les terrains tertiaires de Sansan (miocène;
leurs dimensions indiquent un animal qui égalait et même sur-
passait par sa taille les plus grands ours.
Son régime dentaire est :
3 _. Ee 7 5 4 3
Inc. +; can. +; mol. +, dont 5 + LL.
Les canines ont des arêtes finement dentelées. La carnassière
et les deux premières tuberculeuses sont tout à fait semblables à
celles des canides, soit pour leurs formes, soit pour leurs dimen-
sions. L'existence d’une troisième tuberculeuse, qui, du reste,
est petite, les rapproche surtout des ursides; mais cette der-
aière circonstance n'empêche pas que les analogies avec les chiens
ne soient plus grandes que les différences. Aussi, si l’on n'avait
connu que le système dentaire, aurait-on, je n'en doute pas, sorti
cette espèce de la tribu des ursides; mais on a trouvé des osse-
ments qui, par leur taille, leur gisement et leur apparence, parais-
sent devoir lui être rapportés, et qui démontrent une marche plan-
tigrade, des formes lourdes, et une analogie réelle et évidente avec
les ours. La fig. 5, pl. IE, montre un humérus, la fig. 6 un cubitus,
et la fig. 7 un tibia, qui ne peuvent laisser aucun doute sur ce sujet.
Les amphicyons étaient donc probablement des carnassiers de
grande taille, qui réunissaient à une dentition très voisine de
celle des chiens une tête moins allongée, un corps plus pesant et
une démarche semblable à celle des ours. Leur avant-bras était
mobile comme dans ce genre, et ils avaient cinq doigts à chaque
pied. Leur queue a dû être longue et forte.
M. de Blainville, auquel on doit la description scientifique des
formes de cet animal (!), croit que l’on peut surlout le comparer
(*) Ostéographie, Petits ours, p. 78,
URSIDES. —- AMPHICYON. 195
au genre BENTURONG (/etides, Val.), qu’il dépassait d'ailleurs con-
sidérablement par sa taille.
On en connaît plusieurs espèces :
L'Amphicyon giganteus, Laurill., Chien d'une taille gigantesque, Cuv. (1),
a été trouvé à Chevilly (Loiret) et à Avaray (Loir-et-Cher) (miocène).
M. de Blainville le réunit à l'A. major de Sansan (2) (association douteuse) ;
c’est l’espèce qui est figurée sur notre atlas.
M. Gervais, dans ses dernières feuilles, considère l'A. giganteus äu Loiret
comme différent de l'A. major de Sansan.
L'A. minor, Blainv., paraît une espèce à retrancher (°).
L'Amphicyon Blainvillii, Gerv. (#), provient de Digoin (miocène d'Auvergne).
Il se rapproche beaucoup de l'espèce suivante, et doit peut-être comprendre
VA. lemanensis, Pomel.
L'Amphicyon gracilis, Pomel ($), des terrains miocènes d'Auvergne, doit,
suivant M. Pomel, comprendre VA. elaverensis de M. Gervais et la mandi-
bule attribuée par M. de Blainville au Canis issiodorensis, comme nous le
dirons plus bas. M. Gervais doute de ce dernier rapprochement (6). Cette
espèce est, pour M. Jourdan, le type du genre CyneLos.
L'Amphicyon brevirostris a été décrit d’abord sous le nom de Canis bre-
wvirostris, Croizet (7). Il provient des tertiaires miocènes d'Auvergne.
Il faut aussi, suivant M. Hermann de Meyer ), ajouter à ce genre deux
espèces des terrains miocènes d'Allemagne, les Amphicyon dominans et
Klipsteinii, H. de Mey. M. Plieninger en indique deux dans les terrains
éocènes des environs d’'Ulm : VA. intermedius, espèce établie par M. H. de
Meyer, et une nouvelle, l'A. Eseri, Plien, (9).
MM. de Blainville et Gervais réunissent aux Amphicyons le genre AGNOTHE-
riuM de M. Kaup (10). L’Agn. antiquum, Kaup, a été trouyé dans le tertiaire
miocène d'Eppelsheim.
Le Gulo diaphorus, Kaup (11), des tertiaires d'Eppelsheim, n’est peut-être
aussi qu'une espèce d'amphicyon; dans tous les cas il n’a pas les carac.
tères des gulo.,
(t) Ossem. foss., 4° édit., t. VIL, p. 481, pl. 193, fig. 20 et 21.
(2) Gervais, Zool. el pal. fr., p.112; Lartet, Notice, p. 16, et Ann. des se.
nat., t. VIE p. 119.
(8) Lartet, Notice, p. 16; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 112,
(4) Gervais, Zool. et pal, fr., p. 112.
(5) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 379.
(6) Zool. et pal. fr., explic, de la pl. 28.
(7) Bull. Soc. géol., t. IV, p. 25 ; Pomel, id., 2° série, t. Ill, p. 366.
(8) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 388.
(®) 1d., ibid., 1851, p. 312.
(10) Ossem, foss. du mus. de Darmsladt, livr. I, p. 28, pl. 1, fig. 3, 4.
(11) Karstens Archiv, t. V, p. 151, et Ossem, foss., t, IL, p. 15,
196 MAMMIFÈRES. —— CARNASSIERS.
Je ne connais pas encore les genres PsEUDOCYoN et HEMICYON,
établis par M. Lartet (Notice sur la colline de Sansan), pour deux
espèces du terrain miocène de Sansan (Æemicyon sansaniensis,
Lartet, et Pseudocyon sansaniensis, 1d.).
M. Gervais (!) rapproche l’Hémicyon des hyænarctos. M. Lartet (2) le dit
plus voisin du chien que l’amphicyon, mais ayant aussi des rapports avec
le glouton.
Le pseudocyon, suivant le même auteur, est digitigrade et a à peu près la
dentition du chien, sauf que ses canines ont des arêtes finement dentelées
comme l’amphicyon et l’hémicyon.
Les Hyænopon, de Laizer et de Parieu
(Hyænodon, Taxotherium et Pterodon? Blainville), — Atlas,
pl. IL, fig. 8-11,
présentent dans leur dentition un ensemble de caractères très
anormal qui rend difficile de préciser leurs affinités.
Ce genre a été primitivement établi par MM. de Laizer et de
Parieu (#) sous le nom de HyzÆnopow, et basé sur l'étude d’une
mâchoire inférieure très bien conservée, trouvée à Cournon (Puy-
de-Dôme, (Atlas, fig. 9). Elle porte les traces de trois incisives de
chaque côté ; on y voit clairement une canine assez forte et sept
molaires. Ces dernières ont une disposition différente de celles de
tous les carnassiers connus. Les deux premières sont isolées et se
composent d’une pointe conique dirigée vers l'avant et d’un pro-
longement en arrière à la base. La troisième et la quatrième (car-
nassière), sont aussi coniques, mais dirigées en arrière ; elles ont
un petit lobe accessoire postérieur. Ces dents sont plus élevées
et plus saillantes que celles qui les précèdent et que celles qui les
suivent. La cinquième molaire est petite, comprimée, tranchante
et bilobée, munie en outre d'un talon. La sixième est plus grande ;
elle a la même forme avec le talon plus petit. Enfin la septième
(!} Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 28.
(2) Notice, p. 16.
(8) Comptes rendus de l'Acad. des sc. 1838, 2° sem., p. 442; Ann. des sc.
nat., 2° série, t. XI, p. 27. Le rapport de M. de Blainville sur cette décou-
verte se trouve dans les Comptes rendus de l’Acad. des sc., 1838, 2° sem,
p. 1004.
URSIDES. — HYÆNODON. 197
ou dernière est plus grande encore, saillante, partagée en deux
lobes triangulaires, tranchants, et elle rappelle par sa forme la
carnassière des hyènes.
Cette singulière organisation n'a, comme je l’ai dit, aucun ana-
logue dans le monde vivant, surtout parmi les carnassiers mono-
delphes, qui n'ont jamais les molaires médianes plus petites que
les terminales, ni une aussi grande série de dents sans tubereu-
leuses.
La découverte d’une seconde espèce (1) permet de compléter la
formule dentaire du genre, en donnant le nombre des dents de la
mâchoire supérieure. Cette formule dentaire se trouve être :
3. 41 6 ou 7 ,
Inc.+; can. +: mol. 57? (2).
Dans leur premier mémoire MM. de Laïzer et de Parrieu rap-
prochèrent le Hyænodon des thylacines et des dasyures (marsu-
piaux). M. de Blainville combattit dans son rapport cette opinion,
qui fut alors abandonnée par les auteurs de la découverte.
M. Dujardin (#) montra que le hyænodon présente tous les
mêmes caractères que les fragments fossiles (occipital, mâchoire,
cubitus et pied de devant) des environs de Paris, qui avaient
été rapportés par Cuvier ( à un animal intermédiaire entre les
ratons et les coatis, puis à un didelphe voisin des dasyures.
M. de Blainville (5), à la suite d’un nouvel examen de tous ces
ossements, admit le genre hyænodon, mais non le rapprochement
proposé par M. Dujardin. Il fit au contraire deux genres nouveaux
des ossements étudiés par Cuvier. La portion occipitale du crâne
etles os des membres devinrent le type du genre TAXOTHERIUM.
(1) Compt. rend., 1840, 1°° sem., p. 134.
(2) Les paléontologistes ne sont pas d’accord sur les analogies de ces di-
verses molaires avec celles des autres carnassiers. M. de Blainville considere
la 4° inférieure comme la carnassière, et décompose les ? molaires comme
suit : prém. ©, carn. =, arr.-mol. +. M. Pomel considère ces dents comme
devant être divisées en prémolaires +, carnassières 2, et tuberculeuses ?, En
appliquant la méthode employée par M. Owen pour les marsupiaux, on de-
yrait compter : prémolaires +, molaires :. Nous avons adopté ici la méthode de
M. de Blainville.
(3) Comptes rendus de l'Acad. des sc , 1840, 1°° sem., p. 134.
(4) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 490.
(5) Ostéographie, Petits ours, p. 55.
198 MAMMIFÈRES. —— CARNASSIERS.
que ce savant paléontologiste rapproche des blaireaux, La mà-
choire fut attribuée à un autre genre désigné sous le nom de
PrEropoN, placé dans le voisinage des due
M. Pomel (!) a soutenu l'opinion de M. Dujardin. De nouveaux
ossements et l'examen de ceux qui étaient déjà connus rendent
probable l'opinion que les genres taxotherium et pterodon ne
sont établis que sur des fragments plus ou moins mutilés de vé-
ritables hyænodons. On peut bien signaler des différences dans
les détails des formes dentaires, mais ces différences ne parais-
sent pas dépasser les caractères spécifiques (?). Ge rapprochement
mé paraît devoir être admis provisoirement jusqu'à ce que des
découvertes nouvelles nous fassent connaître un plus grand nom-
bre d’ossements de ce genre intéressant.
I reste maintenant à fixer ses affinités. M. Pomel le place à
côté des thylacines, dans le grand genre des dasyures. Il se fonde
principalement sur l’existence de trois dents molaires tranchan-
tes, en forme de carnassières, et sur l'absence des tuberculeuses
à la mâchoire inférieure qui a sept molaires. Cette dentition
comme je l'ai déjà dit, n’a point d’analogue aujourd'hui dans les
carnassiers monodelphes ; mais elle ressemble beaucoup à celle
des thylacines et des dasyures.
Malgré cet argument je ne puis pas admettre l'opinion de M. Po-
mel. Je rappellerai d’abord, pour motiver la mienne, quelques
preuves déjà discutées par cet auteur, savoir : 1° l’existence de
3 incisives, tandis que le dasvure et le thylacine en ont +, et que
cette multiplication des incisives est un caractère important des
marsupiaux; 2° des différences notables dans les détails de for-
mes des dents ; 3° l'absence de lacunes d’ossification au palais. de
reconnais que ces arguments ne sont pas incontestables et per-
(1) Bull. Soc. géol. de France, 2° série, t. 1, p. 591; t. IV, p. 385.
(2) Je dois toutefois faire remarquer que M. Gervais (Zool. et pal. fe,
p. 128) ne réunit pas les hyænodon et les pterodon (mais bien les premiers
et les taxotherium). Il se fonde sur ce que les arrière-molaires supérieures
des pterodon ont à leur base interne un talon prismatique qui manque aux
hyænodon connus. Dans l'explication de la planche 26, que M. Gervais a eu
l'extrême obligeance de me communiquer en épreuve, il ajoute quelques
arguments, et entre autres l'existence d’un petit talon à la carnassière infé-
rieure du pterodon. Dans tous les cas, ces deux genres ont de très grands rap-
ports, et malgré l'opinion de M. Gervais, je persiste à les réunir, d'autant
plus que la place de quelques espèces resterait douteuse,
URSIDES. —— HYÆNODON. 198
mettent la discussion ; mais il en est d’autres que M. Pomel a
oubliés et qui me paraissent ne laisser aucun doute.
Je mets en première ligne la forme de l’angle de la mâchoire
inférieure qui manque, comme l'a très bien fait observer M. de
Blainville, de la crête saillante externe si caractéristique de tous
les marsupiaux, et si visible dans le thylacine et le dasyure. La
forme de la mâchoire inférieure du hyænodon est tout à fait celle
des carnassiers monodelphes.
Je dois faire observer aussi que les marsupiaux forment une
série parallèle aux monodelphes et qu'il n'y auraitrien d’éton-
nant à ce que la paléontologie complétât l'une ou l’autre de ces
séries en ajoutant parmi les monodelphes des dentitions plus
voisines de celles desdidelphes, ou parmi ces derniers des genres
dont les dents ressembleraient davantage à celles des monodel-
phes. Rien ne me paraît moins prouvé que la liaison nécessaire
de la génération didelphe, avec toutes les dentitions qui ressem-
bieraient plus ou moins à celles des marsupiaux actuels.
Je suis d’ailleurs tout prêt à reconnaître que le hyænodon n'est
ni un urside ni un canide. Il se rapproche probablement des
premiers par sa marche plantigrade et des derniers par la forme
de sa mâchoire, ainsi que par le nombre de ses dents. Il con-
viendra peut-être, dès que son squelette sera connu, d’en faire le
type d'une nouvelle tribu.
M. Pomel propose de choisir pour ce genre le nom de Pterodon,
qui représente mieux la forme ailée des dents. Je crois plus con-
forme aux principes de la nomenclature de conserver celui de
Hyænodon, qui est le plus ancien et qui rappelle aussi un fait
incontestable, la ressemblance de la dernière molaire inférieure
avec la carnassière des hyènes.
Si l’on admet avec nous la réunion aux hyænodon, des taxothe-
rium et des pterodon, ce genre renferme actuellement six es-
pèces.
Quatre ont été trouvées dans les terrains tertiaires parisiens
supérieurs. Ce sont :
Le Hyænodon dasyuroides (Thylacine des plätrières, Cuvier; Pterodon
dasyuroides, Gervais (1); Pterodon dasyuroïides, Blainville (2); Pterodon pa-
({) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 130.
(2) Ann. fr. et étrang. d'anatomie el de physiologie, 4839, t. KIT, p. 23.
200 MAMMIFÈRES. —- CARNASSIERS.
risiensis, Blainville, Subursus, p. 48, pl. 12), connu seulement par un
fragment de mâchoire supérieure, des plâtrières de Paris.
Le Hyænodon Cuvieri (1), Pomel ; Carnassier voisin des Coatis et des Ratons,
Cuvier ; Nasua parisiensis, H. de Meyer; Taxotherium parisiense, Blainville,
Subursus, p. 5, Hyœænodon parisiensis, Laurillard, Dict. d’Orbigny. (Atlas,
pl. VII, fig. 10 et 11.) Sa taille est voisine de celle du thylacine. 1] a été trouvé
aussi dans les plâtrières de Paris. M. H. de Meyer (Bronn, Index palæont.)
Jui réunit aussi le Taxoxylum niceensis, Keferstein (Naturg., t. II, p. 201).
Le Hyænodon Requieni (?) a été découvert dans les dépôts éocènes supé-
rieurs de la Débruge, d’Apt et d’Alais.
Le Hyænodon minor, Gervais (3), provient du même terrain d’A lais.
Deux autres espèces caractérisent les terrains tertiaires miocènes
inférieurs et sont mieux connues :
Le Hyænodon leptorhynchus, de Laizer et de Parieu (4), Dasyure d’Au-
vergne (5), Pterodon leptorhynchus, Pomel (6), provient du Puy-de-Dôme et de
la Haute-Loire. (Atlas, pl. II, fig. 9.)
Quelques ossements trouvés par M. Aymard dans le calcaire lacustre du
Puy (7) paraissent se rapporter à la même espèce, cependant la comparaison
n’a pas encore été faite d’une manière rigoureuse.
Le Hyœænodon brachyrhynchus, de Blainville (8), est connu par une tête un
peu altérée par la compression et privée de ses parties occipitales et zygoma-
tiques. Cet animal avait les dents plus fortes, plus contiguës et plus serrées
que le H. leptorhynchus. Les mâchoires étaient plus robustes et plus courtes.
Cette tête, décrite pour la première fois par M. Dujardin, a été trouvée sur
les bords du Tarn, près de Rabasteins, et est conservée dans le musée de
Toulouse. (Atlas, pl. II, fig. 8.)
(1) J'ai préféré adopter le nom de Cuvieri, malgré l'ancienneté plus grande
de celui de parisiensis, qui se trouve désigner deux espèces et qui pourrait
devenir une source de confusion. Voyez aussi Gervais, Zoo!. et pal. fr.,
p. 129.
(2) Gervais, Compt. rend. de l’Acad. des sc., 1846, t. XXVI, p. 491; Ann.
des sc. nat., 3° série, t. V, p. 257; Zool. et pal. fr. p. 429, et pl.44, 42,
1'5tet 25:
(3) Zool. et pal. fr., p. 129, pl. 25.
(4) Compt. rend. de l’Acad. des sc., 1838, 2° sem, , p.442 ; Ann. des sc.nal.,
2° série, t. XI, p. 27 ; Blainville, Ostéog., Chiens, p. 111, et Subursus, p.104.
(5) Buckland, Bridg. treatise, Géologie, traduit par Doyère, t. 1, p. 544.
(6) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 392.
(7) Ann. Soc. du Puy, t. XII, p. 249.
(8) Ostéog., Chiens, p. 113; Laurillard, Dict. de d'Orbigny; Dujardin,
Compt. rend. de l'Acad. des sc , 1840, 1°* sem., p. 134 (Plerodon brachy-
rhynchus); Pomel, Bull. Soc. géol., t, IV, 1p. 332.
CANIDES. 201
A la suite de ces genres, rangés provisoirement entre les
ursides et les carnassiers digitigrades, je dois en indiquer quel-
ques autres qui ne me paraissent pas encore établis sur des don-
nées suffisantes et auxquels on ne peut accorder que la valeur de
simples indications.
Le genre ACANTHODON a été formé par M. H. de Meyer (‘) sur
une seule dent molaire trouvée dans les terrains tertiaires de Weiï-
senau, et indiquant une espèce de la taille de l'Amphicyon
dominans. M. Meyer lui à donné le nom de Acanthodon ferox.
Le genre HarPAGoDON repose aussi sur une dent carnassière.
M. H. de Meyer, qui l’a établi, fait remarquer (?) que cette dent
dépasse par sa taille son analogue dans les carnassiers connus,
vivants et fossiles.
Elle a été trouvée dans le Bohnerz d'Altstadt, près de Mæszkirch. L'espèce
porte le nom de Harpagodon maximus, H. de Meyer.
2° TriBu. — CANIDES (Chiens).
Elle est caractérisée par la forme de sa carnassière, qui a un
talon très petit et qui ressemble beaucoup à celle des tribus sui-
vantes. Cette circonstance, jointe à la nature des fausses molaires
qui sont en général bien tranchantes, semblerait, au premier
coup d'œil, indiquer chez les canides des instincts très carnas-
siers; mais l'existence de + tuberculeuses, grandes et bien
développées, leur permet, d'un autre côté, une mastication plus
réelle qu'aux chats ou aux hyènes, assigne à la plupart des
espèces qui composent cette tribu un régime plus varié, et les
rapproche des omnivores.
Jai dit plus haut que les terrains tertiaires renferment des
débris qui démontrent, entre les ours et les chiens, des transi-
tions qui manquent tout à fait de nos jours. J'ai laissé à la suite
de la tribu des ursides ceux de ces genres qui paraissent avoir eu
les formes lourdes et la démarche plantigrade des ours, jointes à
une dentition qui se rapproche de celle des chiens. Je parlerai ici
des espèces qui ont eu des membres plus grèles et qui ont proba-
blement été digitigrades.
() Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 18453, p, 702,
2) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1837, p. 675; 1838, p. 413
202 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
Les Catens ( Canis, Lin.), — Atlas, pl. IE, fig. 12,
sont le genre le plus nombreux et le plus important de cette tribu,
et la composent même presque uniquement dans l’époque mo-
derne. Ils ont apparu à la surface de la terre dès l’origine des
terrains tertiaires. Leurs formes étaient déjà à cette époque très
rapprochées de celles qu'ils ont de nos jours; toutes les espèces
qui, considérées d’abord comme de véritables chiens, semblaient
former des transitions aux types voisins, ont dû, en effet, être
transportées dans d'autres genres.
Quelques auteurs ont subdivisé ce genre en Loups (Zupus, Lin.),
et REnarps ( Valpes). Cette division, fondée sur la fente de la
pupille , est difficilement applicable aux espèces fossiles.
On ne connaît qu'une seule espèce certaine des terrains ter-
tiaires éocènes | parisien supérieur ).
Le Canis parisiensis (!), dont les formes étaient très voisines de celles du
renard bleu (Canis lagopus). Cette espèce, qui n’est connue que par une
demi-mâchoire incomplète, est même envisagée par M. de Blainville comme
pouvant être confondue avec ce C. lagopus; mais l'étude de nouveaux frag-
ments me paraît nécessaire pour qu’on puisse admettre définitivement ce
rapprochement. Le C. parisiensis a été trouvé dans les plâtrières de Mont-
martre.
Le Canis gypsorum, Cuv., est une espèce encore problématique, car elle
n’est connue que par un os du métacarpe (2), qui parait avoir appartenu à
un chien d’une taille beaucoup plus grande que le C. parisiensis. Cet os a
aussi été trouvé dans les plâtrieres de Montmartre.
Le Canis viverroides fait partie du genre CyNoron, Aymard, (sous-genre
Cyotherium).
Les espèces des terrains miocènes et pliocènes sont encore mal
connues. Elles ont principalement été trouvées en Auvergne.
Leurs descriptions sont fort incomplètes, et il n’est pas même
toujours facile de les rapporter à une époque géologique certaine.
Le Canis brevirostris, Croizet (à), s'éloigne un peu des formes ordinaires
des chiens, et doit, suivant M. Gervais, entrer dans le genre AuPkicxoN.
(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p.486; Blainville, Ostéog., Chiens,
p. 107.
(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 514.
(8) Croizet, Bull. Soc. géol., t. IV, p. 25; Blainville Ostéog., Chiens,
p. 122; Pomel, Bull. Soc, géol., 2° série, t. IN, p. 366.
CANIDES. — CHIENS. 203
Le Canis issiodorensis, Croizet, repose dans l'ouvrage de M. de Blainville (1)
sur deux pièces fort différentes. L'une, de Saint-Gérand-le-Puy (miocène
d'Auvergne), est une mâchoire inférieure appartenant probablement au genre
Awpxicyon ; l’autre est une mâchoire supérieure du terrain pliocène d’Auver-
gne, qui indique peut-être une espèce particulière qui devra conserver le
nom de Canis issiodorensis, ou qui devra être réunie au Canis borbonidus.
Le Canis borbonidus, Bravard, C. megamastoides, Pomel (2), provient du
terrain pliocène d'Issoire. M. Pomel considère cette espèce comme faisant
partie du genre AuPHICYON.
Les terrains diluviens ont aussi conservé les débris de plusieurs
espèces de chiens, dont les formes se rapprochent encore davan-
tage de celles du monde actuel. Les cavernes et les dépôts aré-
nacés de la presque totalité de l'Europe en renferment des osse-
ments, qui ne sont toutefois jamais très abondants.
Le fait le plus remarquable, qui ait été signalé sur les chiens
des terrains diluviens, est l'existence d’une espèce qui a la plus
grande analogie avec le chien domestique, et qui a été ordinaire-
ment inscrite dans les catalogues de paléontologie sous le nom de
Canis familiaris fossilis. Cette découverte soulève des questions
qui ont quelque intérêt, parce qu'elles se lient avec Fhistoire
d'un des animaux les plus utiles à l’homme et que leur solution
peut influer sur la manière d’en envisager l’origine.
Nous excluons d’abord une idée que le nom qui a été imposé à
cette espèce semblerait justifier. Le chien, dont les ossements ont
été conservés dans les dépôts diluviens, ne peut pas avoir été
domestique, et malgré l'autorité de M. Marcel de Serres (3), je ne
puis y voir qu'un animal sauvage. Ce paléontologiste se fonde sur
quelques différences de taille indiquant, suivant lui, des races
qui ne peuvent tenir qu'à l'influence de la domesticité; mais la
rareté ou l'absence des ossements humains et des débris de son
industrie, ainsi que le mélange des os du Canis familiaris fossilis
avec ceux de tous les autres carnassiers sauvages, m'empêche
d'admettre cet état de domesticité. Je crois que ses formes sont
en conséquence indépendantes de toute influence extérieure et
qu'il doit être comparé au loup, au chacal, au renard, etc., dont
les variations sont peu étendues, et non aux races innombrables
(1) Ostéog., Chiens, p. 123, pl. 13.
(2) Bull. Soc. géol., t. XIV, p. 40; Blainville, Ostéographie, Chiens,
p. 126, pl. 13.
(3) Essai sur les cavernes, etc.
204 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
des chiens domestiques. Il constitue ainsi une espèce sauvage
parfaitement distincte de toutes celles qui vivent aujourd'hui dans
cet état.
. Cela étant établi, les caractères tirés des os et des dents mon-
trent que cette espèce était plus voisine du chien domestique,
que n'en sont le loup et surtout le renard. Si donc l’on admet,
comme je l'ai laissé entrevoir, que plusieurs espèces ont passé de
l'époque diluvienne à la nôtre, il est possible que ce chien fossile
ait été la souche de nos chiens domestiques. Sans vouloir entrer
ici dans une discussion sur l’origine des races de chiens, qui
appartient à la zoologie proprement dite, je rappellerai qu'il est
impossible de les attribuer au renard (!); mais que l’on a discuté sur
le plus où moins de probabilité que ces diverses races de chiens
domestiques proviennent du loup ou du chacal. Le fait que nous
signalons ici peut prouver peut-être, comme le fait observer
M. de Blainville (2), que ce n’est dans aucune des espèces sau-
vages actuelles que le chien domestique a pris sa source, mais
bien dans une espèce qui aurait vécu à l’époque diluvienne, et
survécu aux Inondations qui ont terminé cette période en sub-
mergeant la plus grande partie de l’Europe. Les premiers hommes
qui ont habité notre continent auraient cherché à utiliser cette
espèce, qui avait probablement un caractère plus sociable et plus
doux que le loup, et cette même douceur de mœurs peut être con-
sidérée comme une explication de son entière extinction actuelle.
Au reste, nous ne présentons ces considérations que comme
tout à fait hypothétiques ; ce qui nous paraît certain, c'est l'exis-
tence, à l'époque diluvienne, d’une ou de plusieurs espèces sauvages,
plus voisines du chien domestique que ne le sont aujourd'hui le
loup, le chacal et le renard.
Les espèces les plus certaines de cette époque diluvienne, trou-
vées dans les cavernes, sont les suivantes :
Le Canis familiaris fossilis (3) dont nous venons de parler, indiqué par
(t) La principale raison qui empêche de considérer le renard comme la
souche des chiens domestiques, est que la pupille est {toujours ronde dans ces
derniers, tandis qu’elle est allongée dans le renard.
(2) Ostéographie, Chiens.
(3) Ostéog., Chiens, p. 131. Voyez aussi Schmerling, I, p. 18; Mar-
cel de Serres, Mém. mus., t, XVIII, p. 339; H. de Meyer et Bronn, /ndex
palæontologicus; Kaup, Isis, 1834, p. 535.
CANIDES. — CHIENS, 205
divers auteurs dans les cavernes de France, de Belgique et d'Allemagne,
M. H. de Meyer réunit à cette espèce le Canis propagator de M. Kaup.
Le Canis spelœus, Goldf. ('), qui se rapproche beaucoup par ses formes
du loup, et qui a aussi été nommé loup fossile, doit probablement reprendre
le nom de Canis lupus. Cuvier signale, il est vrai, dans le crâne des crêtes
plus fortes et quelques différences de proportions ; il fait observer, d'ailleurs,
que les crâues des diverses espèces vivantes du genre chien sont souvent si
difficiles à distinguer les uues des autres, que si la comparaison du C. spelæus
avec le loup ne prouve pas leur différence, elle ne peut pas démontrer non
plus qu'ils aient été identiques. La question reste donc douteuse sur ce point.
Le Canis spelæus a été trouvé dans la plupart des cavernes d'Europe, dans
les brèches osseuses de Sardaigne et de France, et probablement aussi dans
les terrains diluviens du val d’Arno (2).
Le Canis lupus spelæus minor (3), établi sur une dent et des os trouvés
en Italie, est considéré par M. de Blainville comme devant être rayé de la
liste des chiens. Les dents sont, suivant lui, les mêmes que celles de l'espèce
précédente et les os doivent pour la plupart être rapportés à la suivante.
Le Canis vulpes spelœus (#) a avec le renard les mêmes analogies que le
C, spelœus avec le loup. Il à été trouvé dans les mêmes localités (5),
Il faudra probablement ajouter à ces espèces une partie de celles d’Au-
vergne. M. Gervais, en particulier, rapporte à l’époque diluvienne le Canis
neschersensis, Croizet, qui, suivant M. de Blainville (6), ressemble beaucoup
au loup. Une mandibule est le seul fragment qui ait servi à étabhr cette es-
pèce. M. de Blainville dit n’avoir pas observé de différence entre elle et son
analogue dans le Canis lycaon, ou petit loup des Pyrénées.
Les Canis juvillacus et medius, Bravard, ainsi que les Canis Tormelii et
Buladi, Croizet, sont restés sans description,
On doit citer encore une espèce trouvée dans le Bohnerz de l'Albe de
Souabe (7), dont M. Jaeger a fait son genre Lycorueriux : c’est le Canis ferreo-
(1) Ungebungen von Muggendorf, p.28, t.1; Nova act. Acad. nat. cur.,
t. XI, 2, p. 451 ; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VII, p. 465; Owen, British
foss. mamm., p. 123, etc.
(2) Voyez Nordmann, Ossem. trouvés près d'Odessa, p. 4 ; Fischer, Loup
des tourbières (Bull. Soc. Moscou, 1846, t. XIX; Pal., Il, p. 391).
(3) Wagner, 1829, Isis, t. IV, p. 986.
(f) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VII, p. 471; Owen, British foss.
mamm., p. 134.
(5; Hébert, Fossiles de l'Oise (Bull. Soc. géol., 2° série, t. VI, p. 605);
Nordmann, Ossem. d'Odessa, etc.
(6) Ostéographie, Chiens, p. 125.
(7) L'âge de ce terrain me paraît douteux. M. Giebel place dans le dilu-
vium la plupart des espèces citées par M. Jaeger ; l’ensemble de la faune paraît
bien plutôt être miocène, Si l’on s'en rapporte aux déterminations de M. Jaeger,
206 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
jurassicus, Jaeger (1). Cet auteur y établit deux races sous les noms de C. lupus
ferreo-jurassicus et de C. vulpes ferreo-jurassicus, mais seulement sur
l'étude de dents canines isolées.
Le genre des chiens pendant les époques tertiaire et diluvienne
n'a pas été limité en Europe ; mais alors comme à présent sa dis-
tribution géographique a été très étendue. MM. Cautley et Fal-
coner ont signalé, dans les terrains tertiaires de l'Himalaya, des
ossements qui doivent être rapportés à ce genre, mais dont on n’a
pas encore pu préciser les espèces.
M. Lund (?) a trouvé dans les cavernes du Brésil des débris de
plusieurs chiens, dont la plupart ont les formes essentielles du
genre et dont d’autres lui ont paru exiger la création de genres
nouveaux, dont nous parlerons plus bas. M. d'Orbigny a aussi
trouvé une espèce dans les Pampas de l'Amérique méridionale.
Ces chiens américains sont les suivants :
Le Canis protalopex, Lund, qui se rapproche par ses formes du Canis
Azzarœ,
Une seconde espèce se rapproche du Canis fulvicaudus, Lin., et paraît
même ne.pas s’en distinguer par des caractères spécifiques.
Le Canis robustior, Lund, est un peu plus gros que le protalopex.
Le Canis lycodes, Lund, était plus carnassier que tous les précédents et
égalait le loup.
Ces quatre espèces ont été trouvées dans les cavernes du Brésil; une cin-
quième, le Canis incertus, d'Orb. (5), établie sur un fragment de mandi-
buie, était de la taille d’un petit renard. L’imperfection de ce fragment fait
que ses rapports avec les espèces vivantes sont encore peu connus. Il a été
trouvé sur les bords du Parana.
Il faut rayer de la liste des chiens fossiles plusieurs espèces qui
ont dù ètre transportées dans d’autres genres.
il y aurait un mélange fort bizarre et peu probable. L'examen des planches
et des descriptions laisse une grande incertitude sur la valeur de plusieurs
noms. Au moment où je corrige cette épreuve, je reçois un mémoire de
M. Quenstedt, qui rapporte comme moi ce gisement à l'époque miocène.
(1) Foss. Sœug. Wurt., t. 1; Bronn, Lethœa, t. 1, p. S32; Leonh. und
Bronn, Neues Jahrb., 1837, p. 735.
(2) Mém, de l’Acad. de Copenhague, 1841, t. VIT; Overs. Danks. Forh.,
1842; Isis, 1844, p. 815-819; Ann. sc. nal., 2° série, t. XI, p. 214.
(#) Voyage en Amérique, Paléontologie, p. 141, pl. 9, fig. 5.
CANIDES. — CYNODON. 207
Outre celles que nous avons indiquées plus haut, on peut citer le Canis
palustris, H. de Meyer, qui est devenu un GALECYNUS.
Le Canis giganteus (Chien fossile gigantesque, Cuv.) est un AmPHICYoN.
Le Canis troglodites, Lund, est un PALxocyow.
Les CyNoDON, Aymard, — Atlas, pl. III, fig. 13-15,
sont caractérisés par des dents en même nombre que celles des
chiens; mais plus épaisses en proportion, avec des formes qui
rappellent celles des paradoxures. La carnassière inférieure est
tricuspide en avant et est pourvue postérieurement d'un large
talon à deux lobes. Leur formule dentaire est :
Inc. $; can. +; mol. ?, dont i + 1+ 2.
Les membres indiquent une marche semi-plantigrade et des
habitudes probablement un peu aquatiques.
Ce genre, établi par M. Aymard (1), a été placé par M. Gervais
dans les viverrides, rapprochement soupçonné par Cuvier pour la
seule espèce qu'il eût connue. Nous reconnaissons, en effet, que
les dents présentent quelques analogies avec celles des viverrides
(comme aussi avec les vermiformes) ; mais leur nombre est celui de
la famille des canides, et nous croyons, par conséquent, devoir l'y
laisser. Une description détaillée de ce genre a été publiée par
M. Aymard, sous le titre de #/onographie des cynodon (2). Depuis ce
travail (ainsi qu'il a eu l'obligeance de me le communiquer par une
lettre récente), M. Aymard a trouvé une tête presque entière qui
rappelle tellement la Viverra parisiensis, qu'il ne serait pas impos-
sible qu'on dût les réunir. La dentition est celle des cynodon ;
mais comme elle est très incomplétement conservée dans l’exem-
plaire original du bassin de Paris, on ne peut pas encore se faire
une idée précise de leurs affinités.
M. Gervais (*) associe provisoirement à ce genre les ELocxon,
les CyoTHERIUM (f) et les CyNopicris ($); et, en effet, ces groupes
(1) Essai sur l'Entelodon, p. 20; Ann. Soc. d'agr. du Puy, t. XI, p. 244,
et t. XIV, p. 112.
(2) Ann. Soc d'agr. du Puy, 1850, t. XV, p. 92.
(8) Zool. et Paléontologie fr., p. 412.
(4) Aymard, Ann. Soc. d'agr. du Puy, t. XIV, p. 110, 145.
(5) Bravard et Pomiel, Notice sur les ossem. foss. de la Débruge,
268 MAMMIFÈRES, —— CARNASSIERS.
paraissent différer des cynodon par des caractères dont il me
semble impossible d'apprécier l'importance avant d'avoir pu étudier
des pièces plus complètes.
En admettant cette réunion, on trouve cinq espèces décrites,
dont deux paraissent appartenir à la faune des gypses (parisien
supérieur). Ce sont :
Le Cynodon parisiensis, Viverra parisiensis, Cuvier, Genette des pla-
trières (1), dont nous venons de parler. M. Gervais y réunit une mâchoire in-
férieure décrite sous le nom de Canis viverroides, Blainville (2), rapprochement
que conteste M. Aymard sans nier qu’elle puisse appartenir au genre CyNODoN;
c’est cette mâchoire qui est le type du genre ou sous-genre CYOTHERIUM,
Aymard. Elle a été trouvée fossile dans les gypses de Paris, ainsi que la tête
de la prétendue Viverra.
Le Cynodon lacustris, Gervais (?), des lignites de la Débruge, butte de Per-
réal, près Apt (Vaucluse), terrain probablement contemporain des gypses de
Paris. Cette seconde espèce appartient au sous-genre des Cynonicris. C'est
l'espèce figurée dans l'Atlas.
Deux autres sont de vrais CYNopoN, et ont été trouvés dans les
marnes lacustres (miocène inférieur) du Puy en Velay. Ce sont :
Le Cynodon velaunus, Aymard (#).
Le Cynodon palustris, Aymard (5), de la taille d’un petit renard:
La dernière forme le type du genre ELocxoN, Aymard, et pré-
sente peut-être des caractères plus importants dans la forme des tu-
berculeuses supérieures. Elle à été trouvée avec les précédentes.
C'est :
Le Cynodon martries ? (Elocyon martrides, Aymard, id., t. XIV, p. 110),
encore un peu plus petit. Il n’est connu que par un fragment de mâchoire
inférieure et par quelques dents de la mâchoire supérieure,
Les GALECYNUS, Owen,
ont dans leur système dentaire la plupart des caractères des
chiens. Ce genre a été établi sur le fossile d'OEningen, que
(1) Rech. ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 496, pl. 151, fig. 12; Blainville,
Ostéog., Civettes, p. 61, pl. 13.
(2) Ostéographie, Chiens, p. 109.
() Gervais, Comples rend. de l'Acad. des sciences, t. XXX, p. 603; Zool.
et pal. fr., p. 113, pl. 45, fig. 3; pl. 25 et 26.
(4) Ann. Soc. du Puy, t. XIE, p. 244, et t. XV, p. 118; Gervais, Zoo!. et
pal. fr., pl. 26.
(5) Zd., t. XIV, p. 113, et t. XV, p. 118; Gervais, id., pl. 25 et 26.
CANIDES. — PALÆOCYON. 209
MM. Murchison et Mantell (!) avaient d'abord rapporté au renard
(Canis vulpes). M. de Blainville (?) a fait le premier remarquer que
les proportions des os n'étaient pas celles de cette espèce. Depuis
lors, M. Owen (?) l’a étudié avec soin et montré que la première pré-
molaire est plus petite que dans le renard, tandis que la troi-
sième et la quatrième sont plus grandes; que toutes sont plus ser-
rées et occupent moins d'espace que dans les espèces du genre
Canis. Il a fait voir surtout que cette troisième et cette quatrième
prémolaire rappellent, par leurs grands tuberculesantérieurs et pos-
térieurs, les Iycaons plus que les chiens, et que les molaires tuber-
culeuses se rapprochent tout à fait de celles des civettes.
Les doigts du fossile d'OEningen, plus robustes que ceux des re-
nards, forment aussi un caractère qui les lie aux viverrides.
M. Owen pense donc que l'on doit en former un genre nouveau
placé dans la tribu des canides, mais formant un anneau entre ce
groupe et celui des viverrides.
La seule espèce connue à été nommée Vulpes des schistes d'Œningen par
M. de Blainville, et Canis palustris par M. H. de Meyer (f). M. Owen pro-
pose le nom de Galecynus ŒEningensis (pliocène).
Les PaLÆocvon (*), Lund,
paraissent avoir eu aussi beaucoup de rapports avec les chiens
dans leur dentition, mais leur carnassière inférieure manque de
talon, et n’a qu'une seule pointe. Leurs formes étaient plus tra-
pues, leur corps plus fort à proportion et leurs pattes plus courtes.
Ils ont été trouvés dans les cavernes du Brésil.
Le Palæocyon troglodytes, Lund (6), Canis troglodytes, Lund (7), était de
la taille d’un loup, et se rapprochait beaucoup du Canis jubatus, actuelle-
ment vivant.
(1) OEningen fossil fox, London, 1830, 4°; Phil. mag., mars 1830; Man-
tell, Trans. of the geol. Soc., t. II, 3, p. 283, 291.
(2) Ostéog., Chiens, p. 106.
(3) Quart. Journ. geol. Soc., t. HIT, 1847, p. 55.
(#) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb.,1843, p.701, et surtout H. de Meyer,
Zur Fauna der Vorwelt : OEningen, p. 4, pl. 1.
(5) Ce n’est pas le genre PALxocxoN, Blainville, p. 193.
(6) Overs, Danske Forhandl., 1842.
(7) Ann. sc. nat,, 2° série, t. XI, p. 214; t. XIII, p. 312.
Ï. 4h
210 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
Le P. validus, Lund (1), se distinguait par une taille moindre et par un
corps plus fort à proportion.
Les SPEoTHos, Lund,
ont les dents plus rapprochées que les chiens, le museau moins
allongé, et ils manquent de la dernière tuberculeuse. M. Lund en
a figuré une tête complète, moins la mâchoire inférieure (?).
L'espèce unique, Speothos pacivora, était probablement un peu moins
omnivore que les chiens, puisqu'elle n’avait qu’une seule molaire tubercu-
leuse. M. Lund l’a nommée pacivora, parce qu'il l’a trouvée, dans les cayernes
du Brésil, avec de nombreux ossements de pacas, qui formaient probable-
ment sa nourriture principale.
3° TriBu. — VIVERRIDES (Civettes).
Ces animaux ont, comme je l'ai rappelé plus haut, des earac-
tères qui, si on les étudie dans la nature vivante, peuvent les faire
considérer comme plus voisins des ursides que des chiens. J'ai
montré en même temps que la série des genres fossiles nouvelle-
ment découverts force à admettre une liaison plus intime entre
les chiens et les ours; aussi avons-nous formé de ces derniers
notre seconde tribu. Les viverrides n’ont que + molaires tuber-
culeuses ($), ce qui justifie leur rapprochement des tribus plus
essentiellement carnivores ; mais elles ont en même temps un très
fort talon à leur carnassière, circonstance qui avait généralement
été considérée comme les liant à la division omnivore des ursides.
Du reste, leurs auires caractères donnent des résultats à peu près
semblables ; leur marche, souvent demi-plantigrade, montre leur
analogie avec les ursides, et les ongles rétractiles de quelques
genres peuvent au contraire les faire comparer aux chats.
(1) Overs. Danske. Forhandl., 1842.
(2) Mém. de l'Acad. de Copenhague, t. VII, pl. 19, fig. 4 et 2.
(3) Je dois faire remarquer que j’ai suivi ici la méthode de Cuyier pour
l'appréciation des dents. M. de Blainville compte les molaires comme suit :
3 + 7 +, parce qu'il avance d’une place la carnassière de la mâchoire in-
férieure. Ce même anatomiste, appliquant des idées analogues aux chiens,
ieur compte 5 molaires tuberculeuses. Dans les deux méthodes donc, les
viverrides diffèrent des canides par une molaire tubereuleuse de moins et par
un plus fort talon à la carnassière.
VIVERRIDES. — CIVETTES. 211
La tribu des viverrides est remarquable dans la nature actuelle
par une grande variété de genres et d'espèces, que nous ne con-
naissons certainement pas encore tous, et qui habitent principale-
ment le continent et les îles d'Asie, Madagascar, etc. Par contre,
les débris fossiles en sont encore rares. Les terrains tertiaires et
diluviens d'Europe paraissent n'en pas renfermer une grande
quantité, et si cette tribu à été aussi nombreuse dans les époques
antérieures qu'à la nôtre, elle aura eu probablement une distri-
bution géographique analogue à celle qu'elle a aujourd'hui. Lors-
que la paléontologie de l'Asie et des îles qui sont situées plus
au midi sera mieux connue, 1l est probable que la lacune que nous
signalons ici sera comblée.
Les CiverTtes {Viverra, Cuv.), — Atlas, pl. IV, fig. 1 et 2,
forment le genre principal de cette famille. Leur formule dentaire
est (fig. 1):
3. ho A 6 3 2
Inc. $; can. L; mol. ©, dont 3-+1 +2.
Parmi les trois sous-genres dans lesquels on les a subdivisées,
où ne retrouve dans les lerrains tertiaires que celui des CivetrTes
proprement dites.
Deux espèces proviennent des tertiaires miocènes d'Auvergne.
La Viverra anliqua, Blainville (!), Civelle d'Auvergne, trouvée par
M. Croizet, est connue par deux fragments de mächoires qui indiquent un
animal de la taille du zibeth.
La Viverra primæva, Pomel (2), est un peu plus grande que la précédente
et caractérisée par sa tuberculeuse inférieure uniradiculée.
Dans les terrains miocènes proprement dits, on cite :
La Viverra zibethoides, Blainville (3), Zibeth de Sansan, trouvée par
M. Lartet à Sansan (Atlas, pl. IV, fig. 2). Cette espèce est encore douteuse.
La V. sansaniensis, Lartet (Notice sur la colline de Sansan), et la V. in-
cerla (Id.), proviennent du même gisement.
La W. simorrensis, Lartet (1d.), a été trouvée à Simorre, et paraît se rap-
procher des ichneumons ou mangoustes (Herpestes, Illig.).
(!) Ostéog., Civettes.
(2) Bull. Soc. géol., 2° série, t. INT, p. 366.
(3) Ostéographie, et Ann. des sc. nat., 2° série, &, VII, p. 119,
212 MAMMIFÈRES. —- CARNASSIERS.
La Viverra ferreo-jurassica, Jaeger, n'est pas assez complétement connue
pour être admise comme certaine. Elle provient du Bohnerz de l’Albe de
Souabe. (Voyez la note p. 205.)
Les terrains diluviens renferment aussi quelques fragments de
civettes.
MM. Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-Jean (1) citent, dans les cavernes
de Lunel-Viel, des ossements qui ne sont pas suffisants pour prouver l’exis-
tence pendant cette époque de la genette qui vit actuellement dans le midi
de l'Europe.
Il faut sortir de ce genre :
La Viverra parisiensis, Cuv., qui est probablement un CyNopon.
La Viverra exilis, Blainy., qui est une GALERIx.
On connaît déjà quelques faits qui indiquent la présence de ce
genre dans les pays étrangers à l'Europe. M. Pentland (2) en a
trouvé des débris dans un terrain tertiaire du Bengale.
M. Clift rapporte à ce genre des ossements découverts dans les
cavernes de la Nouvelle-Hollande ; mais les espèces n’ont pas en-
core été déterminées de manière à donner une confiance suffisante.
Ilest peu probable que les civettes aient vécu dans le continent
australien pendant l’époque diluvienne.
Les Pazæonvcris, de Blainville, — Atlas, pl. IV, fig. 3,
forment un genre éteint, établi sur une espèce qui avait d’abord
été rapportée aux ManGousres (/Zerpestes), sous-genre de
civettes , puis aux Gynicris. Il n'est connu que par une mâchoire
inférieure à six molaires, comme les civettes, ayant comme elles
la tuberculeuse armée de pointes aiguës à caractère insectivore. Il se
rapproche par là des mangoustes et des cynictis, dont il diffère
par sa dernière prémolaire (carnassière, Blainville) proportion
nellement plus grande et par sa tuberculeuse, au contraire, plus
petite.
Ces caractères sont insuffisants, sans la connaissance de la
mâchoire supérieure, pour assigner une place définitive aux palæo-
nyctis. Je ne serais pas étonné qu'on dût plus tard les sortir des
viverrides pour les rapprocher des genres que nous avons placés
entre les ursides et les canides.
(1) Cavernes de Lunel-Viel, p. 247.
(2) Transactions of the geological Society, 2° série, t, IE, pl, 45, fig. G.
VERMIFORMES. 213
La seule espèce connue a été trouvée dans les lignites du Soissonnais, à
Muirancourt près Noyon (Oise), qui appartiennent au terrain suessonien. C’est
la Palæonictis gigantea (1); sa taille devait égaler celle des grandes hyènes.
On doit peut-être rapporter à cette espèce un fragment de molaire prove-
nant du suessonien de Meudon, cité par M. Ch. d’Orbigny comme apparte-
nant à une loutre, et attribué par M. de Blainville au Canis viverroides des
plâtrières (Cynodon viverroïde), mais qui est trop grande pour provenir de
cet animal.
Les Soricicris, Pomel,
différent des civettes par quelques caractères de dentition de la
mächoire inférieure, encore incomplétement connus. La première
molaire n'a qu'une racine, la carnassière est tricuspide à son
lobe antérieur, et la tuberculeuse a sa couronne formée de deux
tubercules en avant et d’une sorte de talon en arrière.
Deux espèces ont été indiquées par M. Pomel, dans la collection de M. Fei-
gnoux, sous les noms de Soricictis elegans et leptorhyncha, Elles ont été trou-
vées à Saint-Gérand-le-Puy (miocène d'Auvergne) (?).
Le nom AMPHICHNEUMON paraît avoir été employé par M. Pomel
pour désigner la Soricictis elegans dans un envoi fait au British
Museum.
Je trouve dans l’/ndex palæontologicus de M. Bronn un genre
encore insuffisamment connu, placé dans les viverrides : c'est
celui des GALEOTHERIUM, Wagner (3), qui renferme une espèce des
terrains récents de Grèce. Ce genre est différent des Galeothe-
rium de Jaeger.
L° TriBu. — VERMIFORMES.
Cette tribu renferme des animaux qui, à cause de leur petite
taille, ne sont jamais des carnassiers redoutables; mais leurs
caractères dentaires leur créent des instincts essentiellement car-
nivores et sanguinaires. Leurs molaires sont bien tranchantes,
leur carnassière a un très petit talon, et il n’y a plus qu'une seule
tuberculeuse (grande ou médiocre à la mâchoire supérieure et
(!) Blainville, Ostéog., Civettes, p. 76, pl. 13; Gervais, Zool. et pal. fr.,
p. 131, pl. 25.
(2) Gervais, Zoo. et pal. fr., explic. de la pl. 28.
(3) Mém. de l’Acad. de Munich, t. HI, p. 11, pl. 1, fig. 4, 5,
214 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
petite à l'inférieure). Leur dentition ne varie guère que par le
nombre des prémolaires, et forme un ensemble qui est comparable
à ce qui existe dans les animaux les plus connus par leurs appétits
carnivores. Leurs os minces, à apophyses peu prononcées, et leur
arcade zygomatique faible et peu écartée, ne leur donnent qu'une
force médiocre pour déchirer la chair; aussi se contentent-ils
ordinairement, lorsqu'ils le peuvent, de boire le sang de leurs
victimes.
Leurs ossements fossiles ont souvent été négligés à cause de
leur petite taille; mais maintenant que l'attention s’est ‘fixée
davantage sur les débris de petite dimension, on à pu recueillir
sur leur histoire quelques faits analogues à ceux que nous avons
signalés pour les tribus précédentes.
Les vermiformes ont apparu dès l’origine de l’époque tertiaire.
Ils ont alors eu souvent des formes un peu différentes de celles
d'aujourd'hui, ce qui force à établir quelques genres nouveaux.
On peut, en particulier, citer quelques espèces qui forment des
transitions intéressantes, principalement avec la tribu des viver-
rides, par le développement un peu plus grand de la tuberculeuse
unique et par la forme des màchoires et du crâne.
A l’époque diluvienne les formes, au contraire, se rapportent
tout à fait à celles des vermiformes qui vivent aujourd’hui, et l'on
a même le plus souvent de la peine à distinguer les. espèces.
L'Europe et l'Amérique sont à cet égard dans le même cas.
Les GLOUTONS (Gulo, Storr.), — Atlas, pl. IV, fig. 4 et 5,
ont été rapportés par quelques auteurs aux ursides à cause de leur
marche demi-plantigrade ; mais leur dentition les place évidem-
ment dans les vermiformes. Leur formule dentaire est :
Inc. 3; can. +; mol. i, donti ++,
La carnassière supérieure n'a qu'un petit talon. Ils ont une queue
courte et rappellent les blaireaux par leurs formes externes. On
n'en a trouvé de fossiles que dans l’époque diluvienne. *
Le Gulo spelœus, Goldf., Glouton des cavernes (1), a les plus grands
rapports avec le glouton du Nord (Gulo arcticus, Lin.), et devra peut-être
(1) Goldfuss, Nova acta nat, cur., IX, p. 311; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit.,
t. VIL, p. 500.
VERMIFORMES. —— TÉLAGONS. 215
lui être réuni (Atlas, pl. IV, fig. 5). Il n’en diffère que par une tailie un peu
plus grande, des arcades zygomatiques plus écartées, un museau un peu plus
court relativement au crâne, une mâchoire inférieure moins haute à propor-
tion de sa longueur et des trous mentonniers plus avancés. Il a été trouvé par
Sœmmerring dans la caverne de Gaylenreuth. M. Schmerling a signalé dans
celles de Belgique des ossements qui se rapportent probablement à la même
“espèce. Il est encore douteux que le glouton ait été trouvé dans les cavernes
‘de France (1).
Les GaLicris, Bell (Zirara, Lund, Taira et Hurons),
ont été anciennement réunis aux gloutons, mais ils en diffèrent
par une prémolaire de moins à chaque mâchoire, par un corps
moins trapu et par une queue plus longue. Les espèces vivantes
habitent l'Amérique.
M. Lund en indique (2?) une, trouvée dans les cavernes du Brésil.
Les MourretTes (Mephitis, Cuvier)
sont caractérisées par 2- prémolaires, par leur tuberculeuse
supérieure grande, par leur carnassière inférieure munie de deux
tubercules internes, par des ongles propres à fouir et par une
marche demi-plantigrade.
Elles ne sont connues à l’état fossile que par une espèce que M. Lund a
_ trouvée dans les cavernes du Brésil (3),
Les Pazxomepmiris, Jaeger (Palæobassaris, pr. Paul de Wurt.),
ne sont pas encore suffisamment caractérisées. Elles paraissent
ressembler beaucoup aux mouffettes, et en différer par un crâne
plus large et plus abaissé, dont la crête sagittale est presque aussi
dévoloppée que dans le blaireau.
La seule espèce connue, P. steinheimensis, Jaeger (4), a été trouvée dans le
calcaire d’eau douce (pliocène ?) de Steinheim.
Les TÉLAGONS (WMydaus, F. Cuv.)
ue diffèrent des mouflettes que par leur museau en forme de
groin.
(1) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 117.
(2) Ann. des sc. nal., 2° série, t. XE, p. 225.
(3) Ann. des sc. nat., 2° série, £. XIE, p. 312.
(4) Jaeger, Foss. Wurt., p. 78, pl. 10, fig. 7,8.
216 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS,.
La seule espèce vivante connue habite Java. M. de Blainville a rapporté à
ce genre quelques débris du terrain suessonien de Meudon (!); mais cette assi-
milation est au moins douteuse.
Les Mantes (Mustela, Cuv.), — Atlas, pl. IV, fig. 6
ont + prémolaires et un petit tubercule intérieur à la carnas-
sière inférieure. Leurs ongles sont crochus et leur queue touffue.
Elles ont apparu dès l’époque tertiaire moyenne.
Une espèce a été découverte en Auvergne (miocène inférieur).
C’est la Mustela minuta, Gervais (2), qui devra peut-être une fois former
un sous-genre nouveau. Elle n’a que cinq molaires à la mâchoire inférieure,
dont la première a deux racines.
Trois ou quatre espèces ont été trouvées à Sansan ( miocène
supérieur). Ce sont :
La Mustela genettoides de Blainville (3), un peu plus grande que la fouine
et àtrous mentonniers plus écartés, ce qui donne à son museau une forme
viverroïde.
La Mustela hydrocyon, Gervais (#), connue seulement par un fragment de
mächoire inférieure où sont conservées deux molaires. M. Lartet en a fait
le type de son genre Hyprocxon (4. sansaniensis , Lartet); mais les carac-
tères sont insuffisants pour l” PROARe dès à présent, il faut attendre de nou-
veaux documents,
La Mustela taxodon, Gervais (5), devenue le type du genre TAxonox , Lartet
(Tax. sansaniensis), dont on doit aussi ajourner l’admission.
La Mustela zorilloides, Lartet (5), de Sansan, est très douteuse.
La Mustela incerta, Lartet, doit probablement être transportée dans le
genre THALASSICTIS.
Il faut peut-être ajouter une espèce citée par le comte de Münster, et trou-
vée dans le terrain tertiaire lacustre de Georgensgmünd (Bavière).
Dans les terrains pliocènes, on cite :
La Mustela elongata, Gervais (7), qui semble se rapprocher des mélogales
de l’Inde.
({) Ostéog., Subursus, p. 47.
(2) Zoo! et pal. fr., pl. 217.
(8) Ostéogr., Martes, p. 61.
(4) Zool. et pal. fr., p. 118, pl. 23.
(5) Zoo!. et pal. fr., p. 118, pl. 23
(6) Notice sur la colline de Sansan, p. 17.
(T) Mém. Acad. de Montpellier, 1850, t. 1, p. 406; Zool. et pal. fr., p. 118,
pl. 22.
VERMIFORMES. — MARTES. 27
Les dépôts-sous-volcaniques d'Auvergne (pliocènes) contiennent la Mus-
tela ardea Gervais (1), Marta ardea, Brav., Marte lutroïde? Pomel,
Dans les terrains diluviens, et, en particulier, dans les cavernes,
on aussi trouvé quelques fragments qui se rapprochent beaucoup
des espèces de ce genre qui vivent aujourd’hui en Europe.
M. Schmerling indique dans les cavernes de Liége des ossements qui res-
semblent tout à fait à ceux de la fouine, mais qui les dépassent un peu pour
la taille. La fouine et la marte ont été trouvées aussi dans diverses
cavernes de France. (Voyez Gervais , Loc. cit., Desnoyers, Billaudel, etc.)
M. Nordmann (?) a trouvé la marte dans les terrains diluviens d’Odessa. Les
graviers supérieurs des environs de Genève renferment aussi des débris que
nous n'avons pas réussi à distinguer de ceux des martes qui vivent aujour-
d'hui au pied de nos montagnes.
Les trois genres Suivants ne sont guère que des sous-genres
des martes.
Les PLESIOGALES, Pomel (3), ont le même nombre de dents,
mais avec la forme de celles des putois. Leur tête se distingue
aussi par quelques détails.
L'espèce la mieux connue est la P. angustifrons, Pomel, des calcaires
(miocènes inférieurs) de Saint-Gerand-le-Puy (Allier). Elle n’a que cinq mo-
laires à la mâchoire inférieure comme la Mustela minuta, (Atlas, pl. IV,
fig. 7.)
M. Pomel indique encore, comme des Plésiogales, deux espèces des ter-
rains miocènes d'Auvergne, qui ont, suivant M. Gervais, six molaires à la
mâchoire inférieure; ce sont : Le P. elegans, Pomel, de Saint-Gerand-le-Puy,
et une espèce trouvée probablement à Cournon, et conservée au British Mu-
seum sous le nom de Plésiogale. M. Gervais la nomme Mustela sectoria (4).
Il est évident que la distribution de ces espèces en genres n’est que tout à
fait provisoire.
Les Pcesicris, Pomel (5), diffèrent davantage par la forme de la
(1) Zoo!. et pal. fr., pl. 27, fig. 5.
(2) Ossem. foss. trouvés à Odessa,
(3) Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t, IV, p. 385, pl. 4, fig. 3; Lau-
rillard, Dict. de d'Orbigny, t. X, p. 268; Gervais, Zool. et Pal. fr., p. 119.
() Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 28.
(5) Bull. Soc. géol., 2° sér., t. IV, p. 379; de Laizer et de Parieu, Mag.
de 30ol., 1839, pl. 5; Laurillard, Dict., p. 268; Blainville, Ostéog., p. 62,
pl. 14; Gervais, Zool. ef pal. fr., p. 119,
218 MAMMIFÈRES. —— CARNASSIERS.
tuberculeuse supérieure qui est triangulaire comme dans les man-
soustes, par celle de la carnassière inférieure dont le talon est
creux et bordé de plusieurs tubercules, par ses crêtes temporales
très séparées et par sa face occipitale quadrangulaire.
M. Pomel en indique deux espèces du même calcaire de Saint-Gérand-le-…
Puy : l’une, la M. plesictis, de Laizer et de Parieu (loc. cit.); l’autre, Ja
M. Croiseti, Pomel (figurée dans l'Atlas, pl. IV, fig. 8).
Les PaLéoGaLEs, Herm. de Meyer (1), ne sont caractérisées que
par la carnassière inférieure qui rappelle davantage les formes
des espèces très carnivores.
Deux espèces sont indiquées dans ce genre, les P. pulchella et fecunda,
H, de Mey., des tertiaires miocènes de Weisenau.
Les Purois ( Putorius, Cuv.)
ont des caractères de carnassiers plus sanguinaires encore dans
leurs 2 prémolaires et dans l’absence de tubercule à la carnas-
sière supérieure. Ils n’ont encore été trouvés (2) que dans les ter-
rains pliocènes et diluviens, et surtout dans les cavernes. On cite,
en particulier, dans les terrains pliocènes d'Auvergne :
Une espèce, voisine de la Zorille, découverte par M. Bravard ($) dans les
dépôts sous-volcaniques (Putorius zorillinus, Mustela zorillina, Gervais).
Dans les terrains diluviens :
Le Putorius antiquus, Hermann de Meyer (#), Putois fossile (5), très voisin
du putois commun, et qui a été trouvé dans les cavernes de plusieurs par-
ties de la France, et en particulier dans celle de Pondres (Gard), dans celle de
Lunel-Viel (Marcel de Serres), dans les dépôts diluviens d’Avaray près de
Beaugency, dans les cavernes de Liége (Schmerling), et dans celle de Kirk-
- dale (Buckland), dans les brèches de Vendargues (Hérault) et dans celles de
Montmorency.
Nous ayons trouvé, dans les graviers diluviens des environs de Genève,
un squelette complet du putois, qui paraît identique avec le putois commun.
La belette (Mustela vulgaris, Lin.) ou une espèce très voisine se trouve
(1) Neues Jahrb., 1846, p. 474.
(2) On ne peut en effet considérer que comme très douteux les Putorius
sansaniensis et incertus, Lartet, de Sansan (miocène).
(3) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IE, p. 205.
(4) Palæologica, p. 54.
(8) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t, VIE, p. 484.
VERMIFORMES. — LOUTRES. 219
aussi dans les mêmes localités. M. Buckland en a trouvé quelques dents
dans la caverne de Kirkdale (1), M. Schmerling l'indique aussi comme se
trouvant dans les cavernes de Liége.
L’'hermine (P. erminea, Lin.) est indiquée dans une brèche osseuse des
environs de Beremend, près de la Drave (2).
M. Pomel (3) signale quatre espèces dans les terrains diluviens d'Auvergne:
ce sont le putois et la belette et deux espèces voisines des P. furo et nudipes.
Les Puroriopus, Pomel,
ont la formule dentaire des putois; mais la carnassière est sans
talon et la deuxième et la troisième molaire sont plus grandes.
La seule espèce indiquée est encore mal connue; elle a été trouvée dans
les calcaires lacustres des environs d’Issoire (miocène d'Auvergne) (#).
Les LOuTRESs (Zufra, Storr), — Atlas, pl. IV, fig. 9
sont faciles à distinguer par leurs membres plus Pal leur tête
plus aplatie et leu queue déprimée. Elles ont + prémolaires,
un fort talon à la carnassière supérieure et un tabertile : à l'infé-
rieure. Leur tuberculeuse supérieure est grande et à peu près
égale en tous sens. Leurs ossements fossiles ont été trouvés dans
les terrains tertiaires et diluviens.
Les loutres des terrains tertiaires sont surtout connues par des
débris provenant de l’étage moyen (miocène) et de l'étage supé-
rieur (pliocène) du midi de la France. Elles n’ont pas encore été
étudiées autant qu’elles le méritent.
Nous indiquons :
La Lutra dubia, Blainv. (5), trouvée à Sansan (miocène) par M; Lartet.
La Lutra Bravardi, Pomel (6), à laquelle il faut peut-être réunir la
L. elaveris, Croizet, et une partie des fragments décrits par M. de Blainville
sous le nom de L. clermontensis, Croizet. Cette espèce a été trouvée dans le
tertiaire pliocène d’Issoire et de Perrier.
Les dépôts diluviens renferment aussi des ossements de loutre
(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VIE, p. 500.
(2) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1851, p. 679.
(3) Bull. Soc. géol., t. IX, p. 204.
(*) Gervais, Zool. et pal. fr., explic: de la pl. 27.
(5) Ostéog., Martes, p. 76, pl. 14.
(6) Bull. Soc. géol., t. XIV, p. 168, pl. 3, fig. 1,
220 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
qui ont beaucoup de rapports avec ceux de la loutre commune.
F Toutefois la Lutra antiqua, Herm. de Meyer({), Loutre des cavernes,
Marcel de Serres (2), paraît avoir eu une taille un peu plus forte. M. Marcel
de Serres dit que ses fausses molaires, surtout la seconde, étaient plus
obliques.
La Lutra ferreo-jurassica, Jaeger (3), est à peine connue par quelques dents
antérieures peu caractéristiques. Elle a été trouvée dans le Bohnerz de
Souabe, et est très douteuse.
Les POTAMOTHERIUM, Geoffroy
{Lutrictis, Pomel), — Atlas, pl. IV, fig. 40,
different des loutres et de tous les mustélides par l'existence de
deux tuberculeuses (dont une fort petite) à la mâchoire supérieure.
La seule espèce connue a été nommée Lutra Valetoni par Geoffroy-Saint-
Hilaire (#), qui indique en même temps la probabilité qu’elle formera,
quand elle sera mieux connue, un genre nouveau auquel il donne d’avance le
nom de PoTAMoTHERIUM. Ce savant anatomiste n’avait connu que des os des
membres. M. Pomel (5) a décrit la mâchoire que nous avons reproduite dans
l'Atlas. Il en a formé le genre Lurricris, en indiquant qu’elle appartenait
probablement à la même espèce que le potamotherium , association qui est
probable , mais cependant pas certaine, Elle a été trouvée dans le calcaire
lacustre de Saint-Gerand-le-Puy (miocène d'Auvergne).
Le genre STEPHANODON, H. de Meyer (f) doit, suivant M. Ger-
vais (7), être réuni aux potamotherium. Cet anatomiste a étudié
au British Museum une mâchoire du Stephanodon monbachensis
qui est probablement, suivant lui, la même espèce que la Zutra
Valetoni.
Les TaaLassicris, Nordmann,
ne sont encore connus que par leur mâchoire inférieure armée
de 6 molaires, dont 4 prémolaires , 1 carnassière à talon fort et
(!) Palæologica, p. 55.
(2?) Cavernes de Lunel-Viel, p. 70.
(3) Foss. Saug. Wurt., p. 13.
(*) Études progressives d’un naturaliste, p. 91.
(5) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 380, pl. 4, fig. 5.
(6) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1847, p. 148.
(7) Zool, et pal. fr., explic. de la pl. 28.
HYÉNIDES. — HYÈNES. 2921
À tuberculeuse. La valeur de ce genre est encore tout à fait incer-
taine. M. Gervais (') regarde comme possible qu'il ait une grande
analogie avec la Zyœæna hipparionum, dont on ne connaît que la
mâchoire supérieure. [1 paraît intermédiaire entre les martes et
les hyènes; mais nous ne le considérons que comme provisoire.
On en cite deux espèces, appartenant toutes deux au terrain
miocène :
La Thalassictis robusta, Nordmann, a été trouvée dans le miocène marin
de la Bessarabie,
La Thalassictis incerta, Gervais (2), Mustela incerta, Lartet, provient de
Sansan.
Je n'indique qu'avec le plus grand doute, à la fin de cette fa-
mille, le genre GALEOTHERIUM de Jaeger (3), qui est différent, suivant
M. H. de Meyer, du genre Galeotherium, Wagner, p. 213.
Il est établi sur deux dents trouvées dans le Bohnerz de la mollasse de la
Souabe supérieure (miocène?). L’une est une canine qui rappelle celle du
chien, l’autre une carnassière inférieure intermédiaire par sa forme entre
celle du renard et celle de la fouine.
5e Trisu. — HYÉNIDES.
La dentition de cette tribu caractérise de véritables carnassiers,
forts et puissants. De grandes carnassières, dont la supérieure
seule a un petit talon, une seule tuberculeuse en haut et point en
bas, et de fortes canines, en sont les traits principaux. Leur cou
est très fort, et la ténacité de leurs mächoires extrême. Mais les
hyénides ne sont pas aussi bien armées que les chats sous le point
de vue des membres; leurs pieds, moins forts, portent des ongles
non rétractiles, et leurs jambes de derrière infléchies leur donnent
une démarche embarrassée. Aussi ces animaux ont une grande force
pour arracher des lambeaux de chair à leurs victimes ; mais ils
sont faibles dans l'attaque et le combat, et chassent plus volontiers
de nuit et par surprise, ne dédaignant pas de se nourrir de ca-
davres.
Le seul genre connu est celui des :
(t) Zool. et pal. fr., p. 120.
(2) Zool. et pal, fr., p. 120, pl. 23.
(3) Foss. Saug. Wurt., p. 71, pl. 10, fig. 43-47.
299 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
Hyènes (Æ/yœæna, Siorr.), — Atlas, pl. V, fig. 1-6.
Elles ont apparu en Europe vers la fin de la période tertiaire,
mais ont été très peu abondantes à cette époque. Leur plus grand
développement a eu lieu pendant lépoque diluvienne, et,
comme les ours, elles ont été nombreuses en espèces et en
individus, et d’une taille en général supérieure à celle des espèces
actuelles. On trouve aussi leurs ossements dans les cavernes. Quel-
quefois elles sont plus nombreuses que les ours ; mais il est plus
fréquent que ces derniers soient les plus abondants.
Les hyènes vivent de nos jours en Afrique et en Asie, et ont
probablement occupé une fois le midi de l’Europe. Pendant l’épo-
que diluvienne , elles se sont avancées beaucoup plus au nord, et
ont peuplé l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique, ete. Quelques
recherches récentes ont fait connaître des traces de leur existence
pendant l'époque tertiaire dans les environs de l'Himalaya, où l'on
en trouve encore de nombreuses troupes.
On peut, sous le point de vue de la dentition, former trois grou-
pes dans le genre des hyènes. La tuberculeuse supérieure est mé-
diocre dans l’Æyène rayée et dans le plus grand nombre des es-
pèces vivantes et fossiles. Cette même dent est très petite dans
l'Hyène tachetée du Cap et la ZZ. spelæa. Elle est au contraire grande
dans la 7. hipparionum. (Voy. Atlas, pl. V, fig. 1, 4, 5 et 6.)
Les espèces citées dans l’époque tertiaire sont les suivantes :
La Hyæna hipparionum , Gervais (1), remarquable , comme l'avons dit,
par sa tuberculeuse supérieure, qui est plus grande que dans l’hyène rayée
actuelle. Elle avait une taille un peu inférieure à celle de cette espèce, et a
été trouvée dans le dépôt fluviatile à Hipparions de Cucuron (Vaucluse)
(pliocène ).
Une autre espèce indéterminée a été signalée dans les sables marins
pliocènes de Montpellier (2).
On en a indiqué des fragments dans les molasses du mont de la Molière,
près du lac de Neuchâtel (tertiaire miocène) ; mais ils sont encore indéter=
minés.
Les terrains tertiaires supérieurs du Puy-de-Dôme renferment aussi des
ossements d’hyènes, que MM. Croizet et Jobert considèrent comme indiquant
(1) Ann. sc. nat., 3° série, t. V, p. 261; Zool. et pal: fr./"p: 121,
pl 12 fe;
(2) Gervais, Zool. et pal. fr., explie. de ja pl. 30,
HYÉNIDES, — HYÈNES. 293
l'existence d'espèces différentes de celles qui ont vécu dans les cavernes. Ils
signalent en particulier :
La Hyæna Perrieri, Croizet et Jobert (1), qui, par la forme de sa carnas-
sière dont en particulier le talon est bilobé, diffère de toutes les espèces
vivantes et fossiles ; ses molaires intermédiaires sont obliques, et elle n’a pas de
trou au-dessus de la poulie de l'humérus. A l’exception de ces caractères,
elle se rapproche de l’hyène tachetée. Cette espèce a été trouvée dans les
terrains meubles de la montagne de Perrier.
La Hyæna arvernensis, Croizet et Jobert ( Atlas, pl. V, fig. G), qui res-
semble davantage à l’hyène rayée, mais qui en diffère par la forme de sa
carnassière supérieure et de sa deuxième molaire inférieure, ainsi que par
sa taille, qui égalait celle de l'hyène tachetée.
Cette espèce paraît avoir été retrouvée dans le terrain alluvio-volcanique an-
cien de Vialette (prèsle Puy en Velay) (communication inédite de M. Aymard).
«La Hyœæna dubia, Croïzet et Jobert, connue par une seule fausse molaire,
n’est pas encore suffisamment établie.
La Hyæna brevirostris, Aymard (?), a été trouvée à Sainzelle, près
le Puy.
Les hyènes de l’époque diluvienne, comparées aux espèces
actuelles, présentent à peu près les mêmes analogies et les mêmes
différences que les ours, c'est-à-dire que les espèces fossiles sont
plus grandes, plus robustes, et ont, dans la forme de la tête et dans
la dentition, des caractères que quelques auteurs croient pouvoir
expliquer par des changements de climat. Mais ces caractères,
comparés aux faits que présente la nature actuelle, paraissent
suffisants pour établir des espèces différentes ; car ils dépassent
sensiblement les limites des variations que les agents extérieurs
peuvent produire de nos jours. Les différences qui distinguent les
hyènes fossiles et vivantes sont à peu près égales à celles qui
existent entre ces dernières, que personne ne songe à confondre.
On a trouvé dans les cavernes trois espèces qui paraissent de-
“voir être distinguées entre elles :
La première est la Hyæna spelæa , Goldfuss, Hyène fossile, Cuv. (3), qui se
rapproche surtout par ses formes et sa dentition, eten particulier, comme nous
l'avons vu plus haut, par la petitesse de sa tuberculeuse (Atlas, pl. V, fig. 5),
_de l’hyène tachetée (H. crocata, Lin.) dont la patrie est, de nos jours, tout
à fait limitée aux environs du cap de Bonne-Espérance, fait qui diminue
déjà beaucoup la probabilité de l'identité de ces deux espèces. Cette hyène a
(1) Rech. ossem. foss. du Puy-de-Dôme, p. 469,
(2) Zool. et pal. fr., p. 122.
(8) Ossem, foss., 4° édit., t, VIL, p. 334.
294 MAMMIFÈRES, — CARNASSIERS,
toutefois quelques uns des caractères de la 4. vulgaris (H. rayée), et semblé
un peu intermédiaire entre les deux (1).
La Hyœæna spelæa major de Goldfuss n'est, suivant Wagner, qu'un indi-
vidu très adulte de la même espèce.
La seconde est la Hyæna monspessulana de Christol (2), Hyæna prisca,
Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-Jean (); elle paraît se rapprocher de
l'hyène rayée plus que la précédente (#).
La Hyœna intermedia, Marcel de Serres (5), se rapproche par la forme de
sa carnassière inférieure de l’hyène brune avec quelques transitions à la
H. spelæa. Caverne de Lunel-Viel.
Les hyènes fossiles de l’Inde n’ont pas encore été suffisamment
étudiées. MM. Cautley et Falconer en ont trouvé des fragments
dans les couches supérieures du terrain tertiaire de l'Himalaya (6).
LI
C’est la H. sivalensis dont les rapports avec les espèces européennes ne peu-
vent pas encore être appréciés (7).
M. Lund a signalé des ossements d’hyènes, dans les cavernes
du Brésil, mêlés avec des restes de pacas, d’agoutis, de pécaris
et de mégalonyx, genres essentiellement américains. Ils indi-
quent, suivant lui, la présence en Amérique, pendant l’époque
diluvienne, d’une hyène qui égalait les plus grandes espèces
vivantes de ce genre, mais qui était inférieure à la Zyœna spelæa.
Il lui à donné le nom de ÆZyœna neogæa. Plus tard, il à cru y
reconnaître des caractères suffisants pour former un nouveau
genre, auquel il a donné le nom de SmiLopon. Ce genre différerait
des hyènes par ses canines fortement comprimées et presque en
(1) Voyez encore Goldfuss, Nova acta, t. XI, p. 459, pl. 57; Blainville,
Ostéog., Hyènes, p. 42, pl. 6 et 7; Owen, Brit. foss. mamm., p. 138;
Gervais, Zoo!. et pal. fr., p. 122; Giebel, dans Zeonh. und Bronn, Neues
Jahrb., 1849, p. 64. M. Kaup l’a séparée génériquement avec la crocata sous
le nom de CROCOTTA. u
(2) Mém. dela Soc. d'hist. nat. de Paris, t. IV, p. 376; Ann. des sc.
nat., fév. 1828.
(8) Mém. du Muséum d’hist, nat., t. XVII, p. 278; Marcel de Serres, Ca-
vernes de Lunel-Viel, p. 80.
() Gervais, Zool. et Pal. fr., p. 121.
(5) Cavernes de Lunel-Viel, p. 80 ; Gervais, Zoo!, et pal. fr., p. 122.
(6) Ann. des sc. nat,, 2° série, t. VIL, p. 61; Journ. asiat. du Bengale,
1835, p. 559.
(7) Voyez Blainville, Ostéog., Hyènes, p. 51.
FÉLIDES. —- CHATS. 225
forme de lancette. Nous croyons, avec M. Owen (1), que cette
espèce doit rentrer dans le genre MacHaïRoDUS, et, par consé-
quent, dans la famille des félides (°?).
La découverte d’une hyène en Amérique paraissait un fait sin-
gulier de distribution géographique et peu en rapport avec la
comparaison des faunes récentes des deux continents. On en tirait
même des arguments pour prouver que la distribution géogra:
phique des faunes actuelles est sans lien avec celle des faunes
antérieures.
6° TriBu, — FÉLIDES (Chats).
Cette tribu renferme, comme on sait, les carnassiers les mieux
armés et ceux dont l'organisation exige le plus impérieusement
un régime exclusivement carnivore. Leurs carnassières sont très
grandes, l'inférieure n’a point de talon, et la supérieure n’en à
qu'un très petit: ils n'ont qu'une très petite tuberculeuse en haut
et point en bas, et seulement - fausses molaires. Ces caractères,
joints à la brièveté du museau , à la grandeur des crêtes occipi-
tales, à l'écartement extrême de larcade zygomatique, et à la
force du ginglyme, leur assurent dans la mâchoire une puissance
telle qu'on n'en retrouve aucun autre exemple. Leur corps fort
et souple, leurs membres terminés par des ongles toujours acérés
parce qu'ils sont rétractiles, complètent l'organisation de ces
animaux remarquables, en leur permettant de fondre sur leur
proie avec impétuosité, et de la retenir sous leurs griffes puis-
santes. Toutes les pièces du squelette rappellent en quelque sorte
ces caractères, tant l'ensemble en est bien coordonné.
Cette tribu comprend surtout le genre des :
Cars (Felis, Lin.), — Atlas, pl. V, fig. 7-9,
célèbre, de nos jours, parmi les animaux carnassiers, par les
grandes et terribles espèces qu'il renferme, le lion, le tigre, le
jaguar, ete. Leur histoire paléontologique confirme ce que nous
avons dit d’une manière générale au sujet des carnassiers. Ils
(1) Report Brit. Assoc., 1846.
(2) Voyez Lund, Mem. Acad. Copenh., 1842, t. IX, p.121; Ann. sc. nat.,
2° série, t, XI, p. 224; t. XII, p. 312, etc:
I, 45
226 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
ont été rares dans les terrains tertiaires anciens, et n'ont même
encore été indiqués d’une manière certaine que dans les étages
supérieurs de cette époque. Ils ont, pendant les premiers âges
du développement des mammifères, été précédés par des espèces
plus faibles, plus lentes et plus omnivores. Puis, dans l'époque
diluvienne, ils sont, au contraire, devenus très nombreux, et leurs
ossements indiquent des animaux plus redoutables encore et plus
forts que nos espèces actuelles. L'Europe en particulier, qui ne
possède de nos jours que le chat sauvage que sa petite taille rend
peu dangereux pour la plupart des autres mammifères, et le lynx
qui diminue tous les jours, a été une fois habitée par des chats
dont les ravages ont dû être bien plus grands. Les traditions
ajoutent, il est vrai, aux deux espèces précitées, le lion, qui
avant que la civilisation l'eût chassé, à habité une partie du midi
de l'Europe, et en particulier la Grèce. Dans l’époque dilu-
vienne, le centre de l’Europe et sa majeure partie ont eu au moins
cinq espèces de chats, dont une surpassait par ses dimensions les
plus grands lions connus de nos jours. Ces animaux ont été con-
temporains des grands ours , des hyènes , des loups et d’autres
carnassiers de moindre taille, et cette réunion doit faire sup-
poser une création d’herbivores abondante pour fournir à leurs
besoins. Aussi verrons-nous plus tard les cerfs, par exemple,
avoir été à cette époque très nombreux en espèces.
Ce n’est pas seulement en Europe que l’on à trouvé des chats
fossiles. Les terrains de l'Inde et de l'Amérique en renferment
aussi de nombreux débris, et 1l paraît que, dans les époques qui
ont précédé la nôtre, la distribution géographique de ce genre a
été aussi étendue qu'elle l'est aujourd'hui.
J'ai dit que les chats avaient été peu abondants dans les ter-
rains tertiaires anciens.
Aucun fragment n’a encore été cité dans le terrain nummulitique (sues-
sonien) non plus que dans le calcaire grossier. 1
Leur existence à l’époque des gypses (parisien supérieur) est même très
douteuse; car le seul fragment qui ait été indiqué est un métatarsien des
plâtrières de Paris, que M. de Blainville (!) rapporte au genre des chats, et
que Cuvier (2) rapproche des civettes.
(1) Ostéographie, Felis, p. 155.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 518.
FÉLIDES. — CHATS: 1: 227
Quelques espèces ont été trouvées dans les terrains miocènes
supérieurs.
M. Lartet indique à Sansan le F, media (1), espèce un peu plus grande
que le chat domestique, et le Felis pygmæa, espèce très douteuse qui ne se-
rait pas plus grande que le putois (?).
D’autres ont été recueillies dans les sables d'Eppelsheim, M. Kaup en a
‘signalé quatre espèces dont il n’a retrouvé que des fragments peu nombreux
et qu'il n’a pas encore complétement caractérisées, Ce sont les Felis apha-
nisles, ogygia, prisca et antediluviana (3).
Les terrains tertiaires supérieurs du Puy-de-Dôme renferment
des débris de chats, qui montrent des espèces nombreuses et qui
ne paraissent se rapporter n1 aux espèces actuelles, ni à celles du
diluvien des cavernes et des brèches osseuses. L'une de ces
espèces , en particulier, semble s'écarter un peu par sa dentition
des formes du genre, ordinairement très constantes.
Les espèces indiquées dans ces dépôts arénacés ont été distinguées surtout
par leur taille, par les proportions de leurs molaires et par les distances de
ces dents entre elles. Je renvoie, pour les détails de ces caractères peu sus-
ceptibles d’être extraits, à l'ouvrage de MM. Croizet et Jobert (f). Je me
borne ici à citer leurs noms et à indiquer leur taille et leurs rapports géné-
raux, en prévenant , toutefois, que plusieurs d’entre elles ne sont établies
que sur une étude insuffisante.
. Le Felis arvernensis, Croizet et Jobert, de la taille du jaguar mâle,
connu par ses màchoires et par quelques os des membres, paraît différer de
tous les autres chats vivants et fossiles par la disposition de ses molaires.
Le Felis pardinensis, Croizet et Jobert, dela taille du couguar, paraît avoir
eu d’assez grands rapports avec cette espèce, qui est aujourd'hui spéciale à
l'Amérique. Quelques caractères de détail montrent qu’on ne peut pas les con-
: fondre , et la différence d'habitation rend d’ailleurs leur identité presque im-
possible à admettre.
Le Felis brevirostris, Croizet et Jobert, de la taille du lynx d'Europe, a
le museau court, et parait se distinguer par ce caractère de toutes les autres
“espèces.
Le Felis issiodorensis, Croizet et Jobert, est d’un quart plus grand que le
précédent, mais plus petit que le léopard.
(1) Notice sur la colline de Sansan, p. 19.
(2) Gervais, Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 23.
(5) Kaup, Ossem. foss. de Darmstadt, 2° livr., pl. 1 et 2,
(4) Rech. sur les ossem. foss, du Puy-de-Dôme, p. 196,
2928 MAMMIFÈRES. —— CARNASSIERS,
Le Felis leptorhina, Brav., écrit quelquefois par erreur leptoryncha (1), a
un museau allongé.
On ne peut citer que comme des indications vagues le Felis Perrieri, Croi-
zet (2), et les Felis elala et juvillaca du catalogue manuscrit de M. Bravard.
Dans le tertiaire marin supérieur de Montpellier, on a trouvé :
Le Felis Christolii, Gervais (3) , espèce qui avait été confondue par
M. Marcel de Serres avec le F. serval. Une seconde espèce, de la taille du
lion , a été découverte dans les mêmes terrains (4).
Les tertiaires supérieurs d'Allemagne renferment aussi des débris que
M. Giebel (5) réunit au F. antiqua , Cuv., et à plusieurs espèces d'Auvergne.
Il faut peut-être ajouter encore le F. pardoides, Owen (6), connu par une
seule dent trouvée dans le crag rouge,
Les espèces de chats qui ont vécu dans les terrains tertiaires
paraissent avoir fait place au commencement de l’époque dilu-
vienne à des espèces différentes, qui se rapprochent davantage de
celles que nous connaissons aujourd'hui. Ces espèces semblent
très distinctes les unes des autres; mais leur comparaison avec
les espèces actuelles laisse encore quelque chose à désirer, car les
naturalistes qui les ont décrites n'ont pas été tous à portée des
grandes collections. Cette observation s'applique surtout aux
espèces de moyenne taille trouvées dans les cavernes du midi de
la France :
Le Felis spelæa, Goldf., grand félis des cavernes, Cuv. (7), espèce décrite
pour la première fois par MM. Sæœmmerring et Goldfuss (8), a été trouvée dans
les cavernes de la plus grande partie de l'Europe. Le F. spelæa est voisin,
par ses formes, du lion, mais plus grand encore; il paraît en différer par un
museau plus renflé , un front large et plat, et un profil qui rappelle celui du
tigre.
C’est probablement à cette espèce qu’appartient le lion cité par M. Marcel
de Serres dans les cavernes du midi de la France (?).
(1) Voyez encore, pour ces cinq espèces, Gervais, Zool. et pal. fr., p. 124,
et Blainville, Ostéographie, genre Felis.
(2) Blainville, Ostéogr., Felis, p. 149.
(3) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 124, pl. 8, fig. 2.
(*) Gervais, Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 30.
(5) Fauna der Vorwelt, t. 1, p. 35.
(6) Brit. foss. mamm., p. 169.
(7) Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. VIE, p. 454.
(8) Nov. act. nat. cur., t. IX, p. 476, pl. 65. Voy. Atlas, pl, 5, fig. 9.
(°) Voyez, pour cette espèce très répandue dans les cavernes de France,
FÉLIDES. — CHATS. 229
La seconde espèce est le Felis antiqua, Cuy., qui se rapprochait surtout du
léopard, mais avec quelques ditférences.
11 faut lui réunir le Chat très voisin du léopard (1), des cavernes, du dilu-
vium, et des brèches de la région méditerranéenne.
La troisième espèce est un peu plus grande que le serval et rappelle cet
animal par ses formes (2).
La quatrième est très voisine du chat sauvage (F. fera) , soit par sa forme,
soit par sa taille (3).
Les brèches osseuses de Nice ont aussi conservé des fragments qui semblent
indiquer encore d’autres espèces.
Dans les cavernes de Belgique, M. Schmerling a décrit, sous le nom de
Felis engiholiensis, une espèce très voisine du Jynx.
Les terrains tertiaires de l’Inde renferment des ossements qui
prouvent que les chats ont habité à cette époque le continent
asiatique.
La seule espèce qui ait été déterminée est le Felis crislala, qu paraît avoir
été très voisine du tigre, mais dont les crêtes occipitales sont plus pronon-
cées. Cette espèce a été trouvée, par MM. Cautley et Falconer, dans les mou-
tagnes Sivalik (4).
L'Amérique paraît avoir été riche en chats pendant l’époque
diluvienne. M. Lund en a trouvé dans les cavernes du Brésil six
espèces, qui se rapprochent en général par leurs formes de celles
qui habitent aujourd'hui le continent américain ($..
Ce sont :
Le Felis protopañther, Lund, de la taille du jaguar, qui paraît ne pouvoir
être comparé à aucune des espèces actuelles d'Amérique.
Une deuxième espèce de la forme du jaguar et plus grande que lui.
Une troisième espèce qui rappelle le couguar par ses formes et par sa
taille.
Une quatrième espèce, qui paraît avoir de grandes affinités avec le Felis
macroura, Pr, Max.
= à
Marcel de Serres, Dubrueil et Jean-Jean, Cavernes de = Viel;:p:. 101 et
107 ; Blainville, Ostéogr., Felis, p. 100; Gervais, Zool: A0 123 ;
Giebel, Neues Jahrb., 1849, p. 65. È SE
{1) Marcel de Serres, id., p.115; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 12% Blain-
ville, Felis, p. 121.
(2) Marcel de Serres, id., p. 115.
(8) Marcel de Serres, id., p. 119.
() Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, p. 128.
(5) Ann, dessc. nat., 2° sér., t. XI, p. 232, et XIII, p. 32.
230 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
Une cinquième espèce, le Felis exilis, Lund, :
La sixième espèce n’est connue que par une dent molaire dans laquelle
M. Luñd a cru voir des preuves suffisantes pour la rapprocher du groupe
des CynaiLurus ou Guépanps. Cette assimilation peu probable est loin d’êtré
démontrée (1).
Les Macaarropus, Kaup.
{Steneodon, Croizet ; Megantereon , id. ; Cultridens, id. ;
Trepanodon, Nesti.), — Atlas, pl. V, fig. 40 et 11,
diffèrent des chats par leurs grandes canines supérieures tran
chantes et cultriformes, et, au moins dans quelques espèces, par
là forme anormale du menton qui est avancé et saillant, au lieu de-
fuir comme dans la plupart des autres carnassiers.
Les canines de ce genre singulier sont connues depuis long-
temps et ont été attribuées, par Cuvier, au genre des ours ( Ursus
cultridens).
Les machairodus se trouvent depuis les terrains miocènes
jusqu’à l’époque diluvienne. Ils manquent à la nature actuelle.
Trois espèces ont été indiquées dans les terrains miocènes.
La plus ancienne est le Machairodus brevidens, Pomel (2), des terrains
-miocènes inférieurs d'Auvergne.
Le M. palmidens, Blainv. (Felis megantereon, Lartet, non Croiz., Notice,
p. 19), a été trouvé à Sansan (miocène).
M. Pomel (3) considère l'espèce d'Eppelsheim comme différente de celles
de France, et la désigne sous le nom de Felis machairodus. C’est le M. cul-
tridens, Kaup ().
Deux ou trois espèces ont été trouvées dans les terrains pliocènes.
Le Machairodus cultridens (Felis cultridens, Bravard) (°) provient des ter-
‘rains pliocènes d'Auvergne. Il est peu probable qu’on puisse le séparer du
Machairodus megantereon (Felis megantereon, Bravard et Blainville), qui est
considéré par M. Pomel comme une espèce distincte, et par M. Gervais
comme une simple race plus petite. 11 a été trouvé avec le précédent et au
val d’Arno «c’est l'Ursus cultridens, Cuv.
(t) Voyez Blainville, Ostéographie, Felis, p. 145.
(2) Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t. HE, p. 366.
(8) Bull. de la Soc. géol., 2° série, t. HT, p. 367.
(#) Kaup, Ossem. foss. de Darmstadt, t. I, p. 24, pl. 1, fig. 5.
(5) Bravard, Monogr. de deux Felis, p. 141; Blainville; Ostéographie,
Felis, etc.
AMPHIBIES, 231
M. Aymard (communication inédite) a trouvé à Vialette (pliocène du Puy),
des ossements qui indiquent une espèce d’une très grande taille, qu’on doit
peut-être considérer comme la même que celle de Sainzelle , désignée par ce
paléontologiste sous le nom de M. Sainzelli. Il faudra probablement les
réunir à l’espèce précédente.
Il faut ajouter une autre espèce des sables marins de Montpellier (pliocène),
décrite d’abord sous le nom de Felis marilima, Gervais (1).
Le terrain diluvien a aussi fourni une espèce.
Le Machairodus latidens, Owen (2), Felis cultridens d'Angleterre, de Blain-
ville (3), a été découvert dans la caverne de Kent. M. Gervais () en indique
une dent trouvée dans le terrain diluvien du Puy.
Enfin, si, comme cela paraît démontré, il faut réunir aux
machairodus le genre Suicopox de M. Lund, l'Amérique aura aussi
été habitée par une espèce qui est :
Le Machairodus neogœus ! Hyœæna neogæa, Lund; Smilodon neogœus, id.).
Voy. p. 224. M. de Blainville a donné dans son Ostéographie (Felis,
pl. XX), une belle planche représentant la tête de cette espèce sous le nom
de Felis smilodon.
Les PsEuDÆLURUS , Gervais,
ont une prémolaire inférieure de plus que les chats, c'est-à-dire
, maisilsleur ressemblent par tous les autres caractères connus.
On n'en connaît qu'une seule espèce fossile à Sansan (miocène).
C’est le Ps. quadridentatus, Gervais (5), Felis quadridentatus et telrao-
don, de Blainville (6) de la taille de la panthère. Il faut peut-être lui réunir
la dent carnassière supérieure de Sansan attribuée par M. de Blainville à la
‘panthère actuelle.
2e Famizze. — AMPHIBIES.
Ces animaux, qui sont par leur dentition de véritables carnas-
siers, se distinguent facilement de tous les animaux de cet ordre,
par leur tête déprimée, par leurs membres très courts et qui ne
(1) Gervais, Zoo!. et pal. franç., explic. de la pl. 30.
(2) Owen, Brit. foss. mamm., p. 179.
(3) Ostéographie, Felis, pl. 17.
(4) Zool. et pal. fr., p. 126.
(5) Zool. et pal. fr., p. 127.
(5) Ostéographie, Felis, p. 155.
292 MAMMIFÈRES. — CARNASSIERS.
peuvent plus servir qu'à la natation, par leur colonne épinière
mobile et composée de vertèbres dont les apophyses sont grêles et
écartées, par leur bassin étroit, et en général par un ensemble de
caractères qu'exige leur vie tout aquatique.
On n’a, jusqu'à présent, pas trouvé beaucoup d’amphibies fossi-
les, et les espèces n’en ont point été clairement déterminées. L'état
de nos connaissances relatives à la plupart des amphibies actuels
s'oppose même à ce que l’on puisse faire toutes les comparaisons
nécessaires pour arriver à des déterminations exactes.
Les Pnoques (Phoca, Lin.), — Atlas, pl. VI, fig. 1-3,
qui sont aujourd hui si abondants dans nos mers, ont laissé peu de
traces à l'état fossile.
Il faut probablement , en effet, ne tenir aucun compte de la plupart des
indications des auteurs anciens, qui, souvent par des vues théoriques , ont
légèrement rapporté aux phoques des ossements d'animaux marins.
Il faut aussi rayer de la liste des espèces de ce genre le Phoca fossilis,
Cuv. (1), établi sur deux fragments d’humérus trouvés près d'Angers, et qui
doivent être rapportés au genre HALITHERIUM.
D’autres observations démontrent cependant leur existence dans
les terrains tertiaires moyens et supérieurs (?).
Plusieurs espèces ont été citées dans l’époque miocène.
Le Phoca viennensis antiqua, de Blainville (3), a été trouvé près de Vienne.
M. Gervais () cite trois espèces encore très incomplétement connues.
1° Une canine inférieure (pl. VIT, fig. 8), semblable à celle des otaries,
d'un dépôt inconnu, probablement miocène.
2° Une incisive supérieure (pl. XX, fig. 5, 6), presque identique avec
l'externe des sténorhynques, des faluns de Romans (Drôme).
3° Une canine inférieure (pl. XLI, fig. 1), douteuse, car elle pourrait ap-
partenir à un dauphin. Grès marins de Léognan.
Les terrains tertiaires supérieurs en contiennent aussi.
(1) Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t. VII, 1, p. 452.
(2?) Une observation de M. Boué (Journal de géologie, t. II, p. 31)
semble indiquer des dents de phoques dans un terrain crétacé supérieur;
mais un fait aussi grave que l'existence de mammifères à cette époque ne
peut être établi sur une observation incomplète.
(3) Ostéographie, Phoques, p. 42, 51, pl. 10.
(f) Zool. et pal. fr., p. 140.
AMPHIBIES. — MORSES, 233
M. Hermann de Meyer (!) décrit des dents et des vertèbres trouvées dans
les marnes tertiaires d'Osnabrück; il les rapporte à une espèce nouvelle,
Phoca ambigua , caractérisée par un système de dentition spécial , et de la
taille du Phoca monachus. (Atlas, pl. VI, fig. 1-3.)
Le même auteur (2) indique le Ph. rugidens du tertiaire de Neudorff. Cette
espèce n’est connue que par un petit nombre de dents.
Le genre Pacayopow, du même paléontologiste (3), est établi sur des dents
de phoques du tertiaire de Mæszkirch, dont les véritables rapports sont -en-
core douteux (P. mirabilis, H. de Meyer).
M. Gervais indique (*) deux espèces des terrains pliocènes de Montpel-
lier. Ce sont :
1° Une incisive supérieure externe décrite sous le nom de Phoca occi-
tanica, Gervais.
2° Une incisive supérieure très voisine de celle du phoque commun, mais
plus grande.
Les phoques ont été aussi trouvés fossiles en Amérique.
M. Lyell (5) a découvert une canine dans les schistes tertiaires de l’île Mar-
tha-Vineyard sur la côte N.-E, de l'Amérique. M. Owen la rapporte au
Ph. proboscidea vivant.
Les Morses (Zrichechus, Lin.)
sont connus à l’état fossile par des fragments encore moins ca-
ractérisés que les phoques, mais qui suffisent pour prouver leur
existence dès l’époque tertiaire.
Cuvier (6) cite une observation de Georgi, sur des os de ces animaux
trouvés en Russie, et dit avoir reconnu lui-même dans les ossements décou-
verts près d'Angers une côte et une vertèbre de morse. Cette détermination
est considérée comme probable par M. de Blainville.
Le même auteur dit avoir vu des fragments de dents, provenant du
département des Landes.
MM. Mitchill, Smith et Cooper (*) parlent de fragments de cränes et de
dents trouvés dans un terrain tertiaire en Virginie (8).
Il faut retrancher du genre des morses :
(1)
(2) Neues Jahrb., 1845, p. 309.
(3) Neues Jahrb., 1838, p. 414.
(#) Zool. et pal. fr., pl. 8, fig. 7, et page 140.
(5) London and Edinburgh philos. mag., 1843, t. XXVT, p. 187.
(6) Ossem. foss., 4° édit., t. VIT, 1, p. 458.
(7) Ann. of the lyc. of New-York, t. I, p. 271.
(8) Voy. Harlan, Phys. and med. res., p. 277; Edinburgh new philos.
journ., 1834, t. XVIL p. 360, etc.
1) Graf zu Munster, Beilr. zur Pelref., t. UE, p. 1, pl. 7.
234 MAMMIFÈRES. —— RONGEURS.
1° La tête trouvée par Monti aux environs de Bologne ( De monumento
diluviano, Bol., 1719, in-4°), qui appartient à un rhinocéros.
2° Le Trichecus molassicus, Jaeger (!), qui est un sirénoïde (2).
6° ORDRE.
RONGEURS.
Les rongeurs fossiles n’ont pas encore été suffisam-
ment étudiés. Leur petite taille les a fait ordinairement
négliger par les ouvriers qui exploitent les carrières où
l’on en pourrait retrouver des fragments, et la difficulté
de distinguer les genres et les espèces de cet ordre si
nombreux et si naturel a longtemps arrêté les paléonto-
Jogistes. On ne peut donc pas encore établir des règles
certaines sur leur abondance ou leur rareté dans les di-
verses époques, car il est impossible de rien conclure
de positif du fait que leurs ossements n’ont pas encore
été signalés dans tel ou tel gisement.
Ces animaux ont existé dès les plus anciens temps de
l’époque tertiaire, présentant tantôt les mêmes genres
que ceux qui vivent de nos jours, tantôt aussi dés
genres dont la durée a été limitée aux périodes ancien-
nes. On retrouve par exemple des écureuils et des loirs
dans les gypses de Montmartre ; les terrains tertiaires
miocènes d'Auvergne et de Sansan renferment des os-
sements que l'on ne peut rapporter à aucun des genres
actuels, et qui offriront un très grand intérêt lorsqu'ils
auront pu être étudiés d’une manière plus complète.
On trouve aussi de nombreux rongeurs dans les ter-
rains diluviens et en particulier dans les cavernes et les
(1) Saüget. Wurtemb., p. 200.
(2) Voy. encore Zimmermaun, Neues Jahrb., 1845, p. 73; Owen, Pro-
ceedings of the geol. Soc., 1° fév. 1843, etc.
RONGEURS. 235
brèches osseuses. Les espèces qui ont vécu à cette épo-
que paraissent différer très peu des espèces actuelles,
et confirment ce que j’ai déjà dit à plusieurs reprises,
que l'étude de la paléontologie permet difficilement
d’assigner des limites précises à cette période dilu-
vienne.
Les terrains récents d’Asie et d'Amérique ont aussi
conservé des ossements de rongeurs. Dans ce dernier
continent en particulier, ils ont été étudiés par plusieurs
voyageurs; on à trouvé quelques genres nouveaux,
et aussi beaucoup d'espèces qui se rapportent aux
genres américains actuels. Quelques-unes de ces espè-
ces sont même, comme en Europe, difficiles à distin-
ouer de celles qui vivent de nos jours.
Les rongeurs ont des caractères assez précis pour
que l’on puisse en général en reconnaître facilement
les ossements. La dentition en particulier offre des ca-
ractères très clairs; l'absence des canines, les inci-
sives en biseau et sans racines, et les molaires le plus
souvent composées ou demi-composées suffisent pour
les caractériser. Les genres et les espèces sont
d’une étude plus difficile. Nous adoptons ici la classi-
fication en tribus (‘), qui nous semble la plus natu-
relle et qui résulte des travaux de MM. Waterhouse,
Wagner, etc.
4re TriBu. — SCIURIENS.
Ces rongeurs se distinguent par leurs molaires tuberculeuses etau
nombre de +, leurs incisives pointues, et leurs os frontaux dilatés.
(1) Nous avons préféré le nom de tribu à celui de famille, parce que les
caractères sur lesquels ces divisions sont établies ne sont pas d’une trés
grande importance.
236 MAMMIFÈRES. —- RONGEURS.
Les ÉcureuiLs (Sciurus, Lin.)
sont caractérisés par leurs incisives très comprimées et par leur
queue longue, touffue. Leurs molaires sont tuberculeuses. Ils ont
déja existé à l’origine de l’époque tertiaire.
Une dent incisive trouvée dans l'argile de Meudon par M. Charles d'Orbi-
gny (1) semble indiquer une espèce dans l’époque suessonienne.
Les gypses de Montmartre renferment les débris d’une seconde espèce,
trop mal conservés pour qu’on ait pu les caractériser exactement, mais assez
évidents pour qu’on y reconnaisse un écureuil voisin du commun (2): c’est
le Sciurus fossilis, Giebel (Faun., t. I, p. 82).
Les calcaires de Saint-Gérand-le-Puy (miocène d'Auvergne) ont aussi
fourni les débris d'un écureuil (3). M. Pomel le nomme S. Feignouæi.
M. Lartet (4) indique à Sansan (miocène) le Sciwrus sansaniensis, Lartet,
le S. Gervaisianus, id., et le S.? minutus, id. Cette dernière espèce est
très douteuse.
On à trouvé aussi des ossements dans quelques cavernes et dans
le terrain diluvien.
M. Giebel (5) dit avoir trouvé dans le diluvium des environs de Quedlim-
bourg, une espèce (S. priscus, Gieb.) de taille double de l’écureuil commun.
M. Schmerling (5) cite, dans les cavernes de Belgique , un écureuil iden-
tique avec l'espèce qui vit en Europe.
Le S. diluvianus, Munster (7), est probablement aussi la même espèce.
Les MarmorTEes (A4rctomys, Gmel.), — Atlas, pl. VE, fig. 4 et 5,
ont les incisives inférieures pointues comme les écureuils, mais
moins comprimées, les molaires hérissées de pointes, les formes
lourdes et la queue courte.
On n'en a trouvé de fossiles certains que dans les terrains dilu-
viens et tertiaires supérieurs.
L'Arctomys arvernensis, Brav. (8), caractérise les dépôts sous-volcaniques
d'Auvergne (pliocène). (Atlas, pl. VI, fig. 5).
(!) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 49.
(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 548.
(3) Laurillard, Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 206.
(4) Notice sur la colline de Sansan.
(®) Fauna der Vorwelt, 1. 1, p. 82.
(6) Ossem. foss. des cavw. de Liége, t. I, p. 99, pl. 20, fig. 1.
(7) Bayreuth Pelrefacl., p. 87.
(8)
(8) Gervais, Zool. et pal, fr., p. 20, explic. de la pl. 26, et pl. 18, fig. 8.
SCIURIENS. —— SPERMOPHILES. 237
M. Kaup (1) a trouvé près d'Eppelsheim, dans un terrain regardé d’abord
comme miocène, puis rapporté au diluvium par M. H. de Meyer, un squelette
presque complet d’une espèce qui surpasse la marmotte en grosseur : c'est
l’Arctomys primigenia, Kaup, Myoxus primigenius, H. de Meyer (?).
M. Gervais (3) rapporte à cette espèce des ossements trouvés dans le dilu-
vium de Paris, de Niort et d'Issoire.
L'Arclomys spelœus, Fischer de Waldheim (f), a été trouvée dans les ca-
vernes de Russie; elle se rapproche des formes de l'A. bobac ; mais son crâne,
qui est seul connu, indique des différences trop grandes pour qu’on puisse
réunir ces espèces.
M. Pomel (5) indique une marmotte des alluvions ponceuses d'Auvergne
qui, selon lui, diffère de l'A. primigenia.
La marmotte des Alpes (4. marmotta, Schreber) a été trouvée fossile dans
le diluvium de Mossbach et de Koestrich (6). Ce fait montre, comme le fait
remarquer M. de Meyer, que la marmotte des Alpes a habité anciennement
diverses parties de l'Allemagne, dont plusieurs n'étaient pas situées à mille
pieds au-dessus de la mer. Le fait qu’on trouve souvent plusieurs individus
réunis semble indiquer que la marmotte était déjà alors un animal social.
Les PLESIARCTOMYS, Gervais,
ont des molaires tout à fait semblables à celles des marmottes,
sauf que les tubercules, beaucoup plus arrondis, indiquent un
régime plus frugivore.
Le PI. Gervaisi, Bray. et Pomel (7), surpassait un peu par sa taille la
marmotte fossile. Il a été trouvé dans le calcaire lacustre de la butte de
Saint-Perréal, près Apt (parisien supérieur).
Les SPERMOPHILES (Spermophilus, Fréd. Cuv.,
diffèrent des marmottes par leurs abajoues et par leurs formes plus
légères. On en connaît des fossiles dans les terrains tertiaires et
diluviens.
(1) Ossem. foss. de Darmstadt, 5° livr., pl. 25, fig. 1 et 2.
2) Voyez Meyer, Palæologica, p. G1 et 409.
3) Zool. et pal. fr., p. 20, pl. 46, fig. 11 et 12.
4) Nouv. mém. de l’Acad. de Moscou, 1834, t. IE, p. 381.
5) Bull, de la Soc. géol. de France, 2° série, t. [, p. 594.
(6) Herm. de Meyer, Neues Jahrb., 1847, p. 181.
() Notice sur les ossem. foss. de la Débruge; Gervais, Zool. et pal. fr.,
pl. 47.
(
(
(
(
238 MAMMIFÈRES. —— RONGEURS.
Le $. speciosus, H. de Meyer (1), n’est connu que par une mâchoire supé-
rieure trouvée à Weïisenau (miocène).
Le S. superciliosus, Kaup (?), a été trouvé près d'Eppelsheim avec l’Areto-
mys primigenia. C’est probablement la même espèce que celle des brèches à
ossements de Montmorency, d’Auvers, d'Auvergne, etc. M. Desnoyers dit
qu'elle se rapproche surtout du S. Richardsoni d'Amérique (3).
Je me borne à indiquer à la fin de cette tribu le genre Lirxomys,
H. de Meyer (‘), établi pour des rongeurs de Weisenau (miocène),
mais dont les caractères n’ont pas été précisés. M. H. de Meyer,
dans l'£numerator de M. Bronn, place ce genre dans les Sciureèna.
2e TriBu. — MYOXINS.
Cette tribu renferme seulement le genre des Lorrs qui joignent
aux doigts des écureuils des dents molaires au nombre de + divi-
sées par des lignes d'émail nombreuses.
On en connaît deux espèces des gypses de Montmartre. La première, éta-
blie sur un squelette très bien conservé, est de la taille du muscardin
(Myoœus avellanarius), mais a des dentsde la forme de celle du loir ordinaire
(Myoæus glis) (5). C’est le M. spelœus, Fischer (6) et le M. parisiensis, Giebel.
La seconde (7), un peu plus grande, n’est connue que par une mâchoire
inférieure, dont les molaires n’ont pas exactement le plissement de celles
des loirs vivants ; elle devra peut-être devenir le type d’un genre nouveau.
Une troisième espèce a été indiquée par M. Laurillard (8) dans le terrain
miocène de Sansan. C’est le W. sansaniensis, Lartet.
M. Lartet indique encore comme espèce très douteuse le M. minulus, de
Sansan.
On en a trouvé aussi quelques ossements dans les terrains dilu-
viens.
M. Fischer de Waldheim (?) indique le M. fossilis des cavernes de Russie,
qui est un peu plus gros que le loir.
(1) Leonh, und Bronn Neues Jahrb., 1846, p. 474.
(2) Ossem. foss. de Darmstadt, 5° livr., pl. 25, fig. 3-6.
(3) Voyez Desnoyers, Bull. Soc. géol., t. XIII, p. 295; Pomel, id., 2° série,
t. IL, p. 212; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 19.
(*) H. de Meyer, Neues Jahrb., 1846, p. 475.
(5) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 541.
(6) Synops. mamm., p. 314.
(7) Cuvier, Ossem. foss., p. 547.
(8) Diction. de d'Orbigny, t. XI, p. 205.
(°) Nouv. mém. Acad. de Moscou, 1829, t. T, p. 281, pl. 19, fig. 11-13, et
1834, t. IL, pl. 20, fig. 1-3,
MACROPODES. — GERBOISES. 239
Les cavernes de Lunel-Viel en renferment des débris qu’on ne peut pas
distinguer du loir commun.
M. Schmerling (1) a trouvé, dans les cavernes de Belgique, une espèce
qu'il nomme M. priscus, mais qu’il ne sépare qu'avec doute du loir
commun.
Nous avons dit plus haut que le Myoxus primigenius, H. de Meyer, est
une marmotte.
M. H. de Meyer, dans l’£numerator de M. Bronn, place dans Ja
tribu des myoxins un genre nouveau, non encore caractérisé,
celui des Bracaymys, H. de Meyer, qu'il avait précédemment dé-
signé sous le nom de Micromys, nom déjà employé par le prince de
Canino pour les petites espèces de rats proprement dits. Ce genre
a été établi sur des ossements fossiles de Weisenau (miocène) (?).
3° TriBu. — MACROPODES.
Ils sont caractérisés par la disproportion des pattes, les posté-
rieures étant beaucoup plus grandes et ayant les os métatarsiens
soudés ensemble. Ils sont encore peu connus à l’état fossile. On a
trouvé dans les tertiaires de Russie et d'Allemagne quelques débris
que l’on à rapportés au genre des
GERBOISES (Dipus, Gmel.),
et qui appartiennent probablement à plusieurs espèces qui n'ont
pas encore été suffisamment déterminées.
M. Fischer de- Waldheim (3) signale une espèce trouvée dans une marne
de la grande Tartarie, dont l’âge n’est pas certain. Cette espèce rappelle le
D. platurus, mais avec les orteils plus courts et les canons plus larges.
M. Laurillard (4) cite, d'aprés M. Lartet, une gerboise dans les terrains
miocènes de Sansan.
Le genre Drroïpes, Jaeger (°), n’est connu que par une dent du Bohnerz
de l’Albe de Souabe, et est très douteux. M. H. de Meyer ($) le rapproche
avec doute des Chalicomys.
(1) Ossem. foss. des cavernes de Liége, t. Il, p. 100, pl. 20, fig. 4 et 5.
(2) H. de Meyer, Nomenclator, p. 173; Neues Jahrb., 1846, p. 475.
(3) Nouv. mém. Acad. de Moscou, 1829, t. 1, p. 281, pl. 19, fig. 6-10.
(#) Dict.de d'Orbigny, t. XE, p. 205.
(5) Saug. Wurt., t. 1, p. 17, pl. 3, fig. 41-50.
(6) Bronn, Nomenclator.
240 MAMMIFÈRES. — RONGEURS.
Les Issioporomys, Croizet, — Atlas, pl. VI, fig. 6,
doivent probablement être placés dans cette tribu, à cause de leur
analogie avec les H£LaMys vivants. Ils ont comme eux + molaires
en double cœur subarrondi à chaque mâchoire.
La seule espèce connue, Z. pseudanæma, Gervais (1), a été découverte
par M. Croizet dans les terrains miocènes de la Limagne avec l'Hyænodon
leptorhynchus. M. Jourdan (?}l’a considérée comme un Anæma de même espèce
que le cochon d’Inde. MM. de Blainville (3) et Gervais (4) l’ont rapprochée des
Hélamys. Sa taille est celle du cochon d'Inde,
he TriBu. — LAGOSTOMIDES.
Cette tribu est également caractérisée par des pattes postérieures
plus grandes que les antérieures, et à doigts peu nombreux,
mais à métatarsiens non soudés, et par 4-molaires à lamelles trans-
verses. Cette tribu ne renferme aujourd'hui que des espèces de
l'Amérique méridionale. C’est aussi dans ce continent que l’on à
trouvé les ossements les plus certains parmi ceux qu'on lui rapporte.
Les ViscacHEs (Zagostomus, Bennet)
sont le seul genre vivant que l’on connaisse aussi à l’état fossile.
M. Lund a trouvé dans les cavernes du Brésil une espèce (Lagostomus
brasiliensis), qui paraît différer de la viscache vivante (5).
C’est peut-être dans cette même tribu qu'il faut placer un genre
nouveau, celui des
MEcamys, d'Orb.,
établi par M. d'Orbigny (6) sur un tibia et une rotule trouvés dans
(1) Zool. et Pal. fr., p. 27.
(2) Comptes rendus de l'Acad. sc., t. V, p. 484.
(3) Comptes rendus, t. X, p. 931,
(f) Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 203.
(5) Mém. Acad. Copenh., t. VIIL, pl. 25 et 26, et 9, p. 199.
(6) Voyage dans l'Amérique mérid., Paléontologie , p. 110, pl. 8, fig. 4
et 5.
PSAMMORYCTINS. —— ARCHÆOMYS. 241
les grès tertiaires de la Patagonie. La comparaison de ces débris,
avec les pièces analogues de divers rongeurs , semble indiquer un
animal voisin par ses formes de la viscache, mais d’une taille plus
grande. On ne peut du reste encore considérer ce rapprochement
que comme provisoire, car il est difficile de connaître les véritables
affinités des rongeurs si l’on n’a pas pu étudier leur dentition.
La seule espèce connue, le Megamys patagonensis, aurait été un des plus
grands rongeurs connus, Car son tibia avait environ un pied de longueur
(339 millimètres ).
5° TriBu. — PSAMMORYCTINS (Octodontides, Wat.).
Cette tribu, caractérisée par des formes semblables à celles des
rats, par + molaires, et par l’angle postérieur de la mâchoire infé-
rieure prolongé en pointe, paraît avoir eu, daus les époques anté-
rieures à la nôtre, un plus grand développement que les précédentes.
Elle n'a, de nos jours, aueun représentant en Europe; mais on
trouve, dans les terrains tertiaires moyens et supérieurs, des
preuves que ce continent à été autrefois habité par des animaux
qui paraissent en avoir eu les caractères essentiels.
La plupart des espèces de psammoryctins habitent aujourd'hui
l'Amérique et y ont été précédées, pendant l’époque diluvienne,
par des animaux assez nombreux que l’on peut rapporter à la même
tribu et souvent même aux genres actuels. On ne connait pas en-
core assez la paléontologie des autres régions chaudes du globe,
pour savoir si les espèces moins nombreuses qui les habitent au-
jourd'hui ont succédé aussi à des espèces éteintes.
Le premier genre que nous citerons est un genre éteint, celui des
ARCHÆOMYS , de Laiser et de Parieu, — Atlas, pl. VL fig. 7
;
qui semble, par ses formes générales et par sa dentition, établir
un passage entre les lagostomides et les capromys, mais dont les
véritables rapports sont encore douteux. M. Gervais et M. Jourdan
le rapprochent des chinchillas, et par conséquent de la famille pré-
cédente.
Ce genre est caractérisé par le plissement de l'émail des dents
supérieures, qui formeun petit ovale à l'angle antéro-externe; trois
ares concentriques traversent en outre obliquement la couronne
de la dent, s’arc-boutant, le premier sur les extrémités de l'ovale,
L 16
2412 MAMMIFÈRES. — RONGEURS.
le second sur le premier, et le troisième sur le second. Aux molai-
res inférieures il n'y à que deux ares.
11 paraît, d’après M. Gervais (1), qu'il faut réunir à ce genre les
GERGOVIAMYS, Croizet, les Pazæomys, de Laiser et de Parieu (non
Kaup), et les CuviEROMYS, Brav.
L'A. chinchilloides , Gervais, provient des terrains miocènes d'Auvergne.
Ï a la taille du chinchilla (2).
L'A, Laurillardi, Gervais (3), a été recueilli dans les marnes lacustres des
environs d’Issoire (miocène d'Auvergne).
Les Turripomys, Jourdan, — Atlas, pl. VE, fig. 8-14,
ont des incisives lisses et + molaires, ayant à la mächoire-supé-
rieure deux replis d’émail du côté interne, séparés par un sillon
oblique produisant des plis qui s’effacent par la trituration. A la
mâchoire inférieure, les molaires ont un pli de chaque côté qui
partage la dent en deux lobes, dont chacun a une île d’émail." Ces
dents se rapprochent à la fois de celles des sphiggures et des syné-
thères et de celles des échimys: La forme de la mâchoire et les
trous sous-orbitaires les éloignent des castors, dont M. de Blain-
ville proposait de les rapprocher. I! faut réunir à ce genre les PE-
RIEROMYS, Croizet, etles NEomys, Bravard.
Le Theridomys breviceps, Gervais (#) (Echimys (5) curvistriatus, de Laiser
et de Parieu (6), T. Jourdani, Giebel) , a é 6 trouvé dans les marnesl acustres
à hyænodons d'Auvergne (7).
(1) Zool. et pal. fr., p. 28.
(2) Voyez Jourdan, Compt. rendus Acad. sc., 1838, 1. V, p. 484 ; de Laiser et
de Parieu, 1d., t. VIII, 1839, p. 133 et 206; Blainville, Zd,, 1840, €. X,
p.929 ; Gervais, Dict. d'Orbigny,t. IN,p 587; Laurillard, /., t. XI, p. 208.
(3) Zool. et pal. fr., pl. 47 ; Cuvieromys Laurillardi, Brav. call.
(4) Zool. et pal. fr., p. 28.
(6) Je-dois faire observer que Îles rapprochements par lesquels on attribue
des espèces fossiles européennes à des genres aujourd’hui exclusivement
américains ont été beaucoup plus fréquents pour les petits animaux que
pour les grands, et qu'il est impossible, en conséquence, d'y avoir une grande
confiance. On ne saurait trop recommander aux paléontologistes d'apporter la
plus grande attention et la plus grande rigueur dans ces déterminations, qui
peuvent influer d’une manière très directe sur les lois générales d'apparition
et de succession des êtres organisés.
(6) Comptes rendus, 1839, t. VIIL, p. 25; Echimys breviceps, 14., p. 206;
14, Mag. de xool. de Guérin. :
(?) Voy. encore Jourdan, Comptes rendus Acad. se., t. V, p. 463; Blain-
ville, Zd.,t, X, p. 926, ete,
PSAMMORYCOTINS. —— RCHIMYS. 243
Le Ther. lembronica, Gervais ({) (Neomys lembronica, Brav.), provient des
environs d'Issoire (miocène d'Auvergne). (Atlas, pl. VI, fig. 8).
Le Ther. aqualilis, Aymard (2?) (Gervais, /Zd., pl. XLVI), a été découvert
daos les marnes lacustres de Ronzon, près le Puy-en-Velay (miocène infé-
rieur). (Atlas, pl. VI, fig. 9).
Le Ther.? Blainvillei, Gervais (14., pl. XLVIT), provient des marnes-lacus-
tres des environs d’Issoire (miocène d'Auvergne). Ses molaires sont intermé-
diaires entre celles des théridomys et celles des archæomys. M. Bravard l'avait
étiqueté dans sa collection sous le nom générique de BLamviLuimys. (Atlas,
pl. VI, fig. 10 et 11).
Les NELOMYS, Jourdan ,
sont caractérisés par les poils en forme de piquants qui couvrent
leur corps , et par <-molaires. Les supérieures sont divisées par
un sillon transversal en deux portions très distinctes dont chacune
est de nouveau subdivisée par un sillon secondaire. La première
molaire inférieure est divisée de même, et les autres sont compo-
sées de trois parties formant une suite d’angles saillants et ren-
trants.
Ces rongeurs, qui vivent aujourd'hui dans l'Amérique méridio-
nale, l'ont aussi habitée dans l’époque diluvienne.
M. Lund a trouvé dans les cavernes du Brésil une espèce ($) voisine d’une
vivante qu’il a nommée N. antricola (4),
Les EcniMys, Geofir.,
sont épineux comme les nélomys, mais leurs + molaires sont
moins compliquées ; chacune est divisée en deux portions moins
distinctes à la mâchoire supérieure; la postérieure seule est
coupée par un sillon secondaire. À la mâchoire inférieure l’anté-
(1) Zool. et pal. fr. pl. 47.
(2) Ann. de la Soc. du Puy, t. XIV, p. 82.
(3) M. Lund avait indiqué dans son premier catalogue (Ann. sc. nat.,
2€ sér., t. XI, p. 227), une espèce, le Nelomys sulcidens. Dans lesecond cata-
logue (Jd., t. XIE, p. 315), il a attribué cette espèce au genre AuLacopvs,
Temm., mais sans en donuer les preuves. Or, le genre AuLACOpUs n’a pro-
bablement que ? molaires semblables par leur forme à celles des mar-
mottes. (Il ne renferme qu’une seule espèce vivante.) Je considère ce rappro-
chement comme douteux.
() Ann, se, nat., 2° série, t. XIIE, p. 315%,
244 MAMMIFÈRES. — RONGEURS,
rieure est la plus grande, et les angles saillants etrentrants ne se
retrouvent pas.
Une espèce trouvée par M. Lund dans les mêmes localités ‘se rapproche
aussi d’une espèce vivante du Brésil, l'E. elegans, Lund, loc. cit.
MM. de Laiser et de Parieu ont trouvé dans les tertiaires d'eau douce
d'Auvergne (miocène inférieur), une espèce qu'ils ont rapportée à ce genre,
et qu'ils ont nommée-d’abord Echimys curvistriatus, puis Echimys breviceps.
Nous l'avons placée ci-dessus dans le genre THERIDOMYS.
M. Lund à établi un genre nouveau pour des rongeurs voisins
des nélomys et de échimys, et, peut-être aussi, épineux comme
eux. Cest celui des
Loxcaopxorus, Lund.
Une seule espèce, le L, fossilis, a été trouvée dans les cavernes du Brésil (!).
Les PayzLomys, Lund,
ont les molaires supérieures composées de quatre lames transver-
sales simples.
Une espèce fossile, voisine du P. brasiliensis, Lund , actuellement vivant,
a été trouvée par M. Lund daps les mèmes gisements (?).
C'est avec doute que nous réunissons à cette tribu le genre des
ADELOMYS, Gervais,
connu par quelques fragments de mâchoires qui rappellent en
partie les théridomys et les archæomys sous le point de vue du trou
sous-orbitaire, et les sciuriens sous celui des dents. M. Gervais
considère ces débris comme insuffisants pour fixer les affinités
zoologiques du genre.
L’Adelomys Vaillanti, Gervais (#), a été trouvé dans les lignites de la Dé-
bruge (parisien supérieur).
(1) Ann. sc. nat., 2° série, t. XIIF, p. 312; Mém. Acad. Copenh., t. VIN,
pl25 081080 IX p:490;
(2) Ann. se, nat., t. XI, p. 226.
(3) Zool. et pal, fr., pl. 47.
MURINS. — RATS, 245
6° TriBu. — CTÉNOMYENS.
Is ont aussi + molaires, mais leur corps est plus trapu et leurs
formes sont celles des rongeurs fouisseurs. Ils habitent tous l'Amé-
rique où ils semblent représenter les rongeurs de l’ancien monde
qui forment la tribu suivante. On n’en a encore trouvé des fossiles
que dans ce continent, et même on n’a signalé les ossements que
d’un seul genre, celui des
CTÉNOMYS, Blainville,
qui paraît avoir habité l'Amérique méridionale pendant l'époque
diluvienne, et qui y vit encore aujourd hui.
On a indiqué les deux espèces suivantes :
Le Ctenomys priscus, Owen (!), connu par une portion de mâchoire et par
un pied de derrière.
Le Ctenomysbonariensis, d'Orb.(?), trouvé dans les terrains pampéens, mais
caractérisé par des débris trop imparfaits, pour qu’on puisse certifier qu’il
diffère réellement de l'espèce qui vit aujourd’hui dans le même pays.
7° TriBu. — CUNICULAIRES.
Elle renferme les rongeurs les plus essentiellement fouisseurs.
Leur corps épais et cylindrique, leur tête obtuse, leurs yeux petits,
leur queue presque nulle, leurs pieds antérieurs robustes et leurs
fortes incisives en biseau, les font facilement distinguer. Is habi-
tent aujourd'hui le sud-ouest de l'Europe, l'Asie et l'Afrique,
et paraissent jusqu’à présent n'avoir aucun représentant fossile.
8° TriBu. — MURINS.
Cette tribu est la plus nombreuse et la plus difficile à étudier de
nos jours, elle est aussi une de celles dont la connaissance pa-
léontologique est la moins avancée, quoique de nombreux osse-
ments des espèces qu'elle renferme aient été trouvés dans les
terrains récents d'Europe. Elle se distingue facilement par ses
molaires presque toujours au nombre de -, ses arcades zygoma-
(!) Voyage of the Beagle, p. 109.
2) Voyage en Amerique, Paléontologie, p. 142.
246 MAMMIFÈRES. —— RONGEURS.
tiques faibles, ses incisives inférieures aiguës, et l'angle postérieur
de sa mâchoire inférieure arrondi.
Le genre des
Rats ( Mus, Lin.), — Atlas, pl. VI, fig. 12,
a existé abondamment en Europe pendant l’époque diluvienne, ce
que témoignent de nombreux ossements trouvés dans les cavernes.
Ces débris n’ont pas jusqu'à présent été suffisamment étudiés, et
cependant leur connaissance exacte pourrait contribuer à résou-
dre quelques questions qui ne sont pas dépourvues d'intérêt. Si,
par exemple, il est démontré, comme les travaux incomplets qui
existent semblent le faire pressentir, que la plupart des espèces
de rats des cavernes vivent encore de nos Jours, on pourra par leur
étude savoir quelles sont les espèces indigènes d'Europe, et
quelles sont celles qui-ont été importées par le commerce mari-
time. Les cavernes de Belgique paraissent renfermer les ossements
d’un rat très voisin du rat noir; or il est généralement admis
que cet animal a été importé d'Asie en Europe. L'examen attentif
des rats des cavernes pourra ou prouver que cette opinion est
erronée, si l'identité entre les deux espèces est bien certaine, ou
démontrer qu'une autre espèce de rats à été chassée et détruite par
le rat noir, ou enfin faire regarder comme autochthone le rat des
toits ou quelque espèce voisine.
Ce serait préjuger toutes ces questions que de donner aujour-
d'hui des noms aux espèces fossiles qui ont été trouvées dans les
cavernes et dans les brèches osseuses.
Plusieurs espèces ont été indiquées dans les terrains tertiaires.
Les terrains miocènes inférieurs en renferment quelques unes
qui paraissent différer des véritables rats par quelques caractères
de dentition encore peu précisés. M. Aymard en a fait le genre
Micromys, mais ce nom ayant déjà été donné par le prince de Ca-
nino à de petites espèces vivantes, il l'a changé (communication
inédite) contre celui de MYoTHERIUM. On en distingue deux espèces.
Le Mus minulus, Micromys minutus, Aymard (!), Mus Aymardi; Ger-
vais (2), a été trouvé dans les marnes à hyænodons d'Auvergne. Il est plus
petit que la souris.
(1) Ann. de la Soc. du Puy, t. XI, p. 2%4.
(2\ Zool. et pal. fr., p. 25:
MURINS. — RATS. 247
Le Mus aniciensis, Gervais (Micromys aniciensis, Aymard, id.), à été trouvé
avec le précédent. Il est d’une grandeur double. |
Le Mus gerandianus, Gervais (1), a été trouvé à Saint-Gérand-le-Puy.
Le Mus gergovianus, Gervais (pl. XLVIIT), provient des marnes lacustres
de la Limagne. (Atlas, pl. VI, fig. 12.) pui
M. Pomel (2) mentionne, sans les décrire, deux espèces de rats, l’un de la
taille du rat noir, l’autre de celle de la souris, des calcaires lacustres du
Puy-de-Dôme (3).
Dans les terrains miocènes supérieurs :
On avait indiqué trois espèces de rats à Sansan (Laurillard), mais le der-
nier catalogue de M. Lartet (*) n’en parle plus. Je pense qu’ils auront passé à
d’autres genres, probablement à celui des Criceronow, Lartet.
Quant aux terrains tertiaires pliocènes :
On cite aussi, sous le nom de Mus musculus fossilis, la souris actuelle,
comme trouvée dans les schistes d'OEningen (pliocène);. mais cette détermi-
pation, peu probable, est précisément une preuve de la légèreté avec laquelle
on a souvent établi, en paléontologie, des analogies sur un examen super-
ficiel. Karg (°), auquel on doit la première étude de ce fragment, et d'après
qui on à ordinairement admis l'identité avec la souris ordinaire, avoue que
l'empreinte n’est pas assez certaine pour ne laisser aucun doute, et qu’il ne
peut pas certifier, en particulier, que ce ne soit une racine de Cyperus !
Le diluvium , les cavernes et les brèches renferment quelques
ossements de rats,
Parmi de nombreux débris on cite surtout trois espèces : une de la taille
du rat, une un peu plus grande que le mulot, et une qui rappelle la
souris (6),
Le genre des rats à été aussi trouvé fossile dans l'Inde.
(l) Zoo. et pal. fr., pl. 46.
(2) Bull. Soc. géol., 2° série, t. E, p. 593.
() Voyez aussi Lauritlard, Dict. de d'Orbigny, t, XI, p. 206.
(4) Nolice sur la colline de Sansan, 1851.
@) Denkschrift en der vaterl. Gesch. Schwabens, 1.
(6) Voyez pour la première : M. de Serres, Journ. géol., t. LE, p. 254;
Keferstein, Natur., t. II, p. 221 ; pour la seconde : Gervais, Zoo!. et pal. fr.,
p. 24 (Maulot fossile dans les brèches de Corse); pour la troisième : Schmer-
ling, Ossem. foss., t. Il, p. 100, pl. 20, fig. 2, 3; Buckland, Relig. diluv.,
p. 15, pl. 2, fig. 7; Neues Juhrb., 1834, p. 480;-1836, p. 58, elc.; et pour
les AZ. diluvianus major et minor, Münster, Payreuth Petref., p. 87.
248 MAMMIFÈRES. — RONGEURS.
MM. Cautley et Falconer en ont cité des espèces indéterminées,
découvertes dans les terrains tertiaires subhimalavens.
L'Amérique méridionale en à fourni aussi de nombreux débris.
M. Lund a trouvé, dans les cavernes du Brésil, douze espèces qui
appartiennent probablement, comme les vivantes du même pays,
au sous-genre des HESPEROMYS. :
De ces douze espèces, huit se distinguent difficilement des actuelles, et
quatre sont tout à fait nouvelles. Ce sont les Mus robustus, debilis, orycter
et talpinus.
Les CricETopoN, Lartet,
sont caractérisés par des molaires en même nombre que celles des
rats et également tuberculeuses. La forme de ces tubercules rap-
pelle encore mieux les hamsters ; mais il y en a un de moins aux
dents antérieures de chaque mâchoire. L'humérus est percé comme
dans ce genre d'un trou à son condyle externe.
M. Lartet (1) en indique trois espèces : les Cricetodon sansaniense, medium
et minus, de Sansan (miocène ).
Le genre des
HamsTers (Cricetus , Cuv.)
ne diffère des rats que par des modifications peu importantes dans
la forme des molaires, par une queue courte et par des abajoues,
On n’en connaît des fossiles que dans les terrains diluviens.
Le Cricelus vulgaris fossilis, Kaup (2), qui avait d'abord été décrit comme
trouvé dans les sables tertiaires d'Eppelsheim, provient du diluvium et est
semblable au hamster commun. Ce dernier a aussi été observé dans les brè-
ches à ossements de Montmorency 3), dans le diluvium d'Auvers (f), et
dans les cavernes de la Belgique ().!
e
Le genre des
CamraGNoLs (Arvicola, Cuv., ÆHypudœus, His.
» HY D
est caractérisé par à molaires sans racines, composées de prismes
1) Notice sur la colline de Sansan.
(1)
(2) Ossem. foss. de Darmstadt, 5° livr., p. 118.
(3) Constant Prévost et Desnoyers, Bull. Soc. géol., 1842, p. 295.
(#) Pomel, Bull. Soc. géol., 1846, p. 212 (avec doute).
(5) Schmerling, Ossem. foss., t. I, p. 100, pl. 20, fig. 9, 11 (C. anliquus).
MURINS. — CAMPAGNOLS. 249
triangulaires placés alternativement sur deux rangs. Cette com-
position les distingue clairement des molaires à racines et à
tubercules des rats. Le genre des campagnols est représenté par
des débris abondants dans les terrains diluviens et tertiaires supé-
rieurs d'Europe.
MM. Croizet et Jobert (1) en ont signalé des débris dans les dépôts arénacés
d'Auvergne (pliocène); M. Pomel (2) en admet deux espèces dans ces gise-
ments.
Cuvier (3) en cite un des couches fissiles de Walsch en Bohême, qui était
de la taille du schermaus.
Le diluvium, les cavernes et les brèches en renferment plusieurs
espèces mal déterminées, et caractérisées surtout par leur taille.
Le Rat d’eau ( Arvicola amphibius, L.) a été trouvé fossile dans les brèches
de Montmorency (Constant Prévost et Desnoyers).
C'est probablement à cette espèce qu'il faut rapporter le Campagnol des
cavernes (A. spelœus) (1).
Le Schermaus (À. terrestris, Herm., À. Argentoralensis, Desm.) se trouve
fossile dans le diluvium des environs de Paris et dans les brèches d’Auvers (5).
L’'Arvicola pratensis, Owen (6), a été trouvé dans la caverne de Kent.
Le Campagnol ordinaire ( Arvicola arvalis, L.) paraît avoir été trouvé
fréquemment à l’état fossile. On lui a du moins souvent rapporté les osse-
ments dont la taille lui convenait, par une analogie probable, mais sans preuves
bien grandes. On le cite dans le diluvium d'Auvergne (Croizet, etc)., dans les
brèches osseuses de Montmorency (Constant Prévost et Desnoyers), et dans
diverses cavernes (7). C’est probablement à cette espèce qu'il faut rapporter
le Petit campagnol des cavernes, Cuvier ($).
Les brèches osseuses de Sardaigne, de Corse et de Cette, contiennent aussi
les débris d’une espèce que Cuvier distingue de celles des cavernes, et que
M. Gervais (*) réunit à l'A. arvalis.
(1) Ossem. foss. du Puy-de-Dôme, p. 89.
(2) Bull. de la Soc. géol., 2° série, t, I, p. 594.
(8) Ossem. foss., 4° édit., t. VIII, p. 127.
(#) Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t.. VIIT, p. 105; Buckland, Relig. diluw.,
pl. 25 ; Owen, Foss. Brit. mamm., p. 201 ; Giebel, Neues Jahrb., 1849, p. 61.
(5) Gervais, Zool. et pal. franç., p. 26.
(6) Brit. foss. mamm., p. 208.
(7) Owen, Foss. Brit. mamm., p. 206 ; Schmerling, etc,
(8) Ossem. foss., 4° édit., t, VIIL, p. 106.
(%) Zool. et pal. franç., p. 27. Voyez encore Pomel, Bull. Soc. géol.,
2° série, t. IV, 113 (sur les espèces du diluvium d'Auvergne) ; Giebel, Fauna
der Vorwelt, t. 1, p. 89 (mâchoire du diluvium de Sweckenberg).
250 MAMMIFÈRES. — RONGEURS.
A la fin de cette tribu je dois encore indiquer deux genres qui
ont été découverts par M. Aymard dans le calcaire lacustre du
Puy en Velay, et qui ont besoin de nouvelles recherches pour être
définitivement inscrits dans les catalogues paléontologiques.
M. Aymard a bien voulu me communiquer sur leur compte les
faits suivants :
Les Decricus , Aymard,
sont connus par une branche à peu près complète de Ja cotes
inférieure. L'incisive est lisse, très peu arquée et a un biseau ter-
minal assez long. Les molaires sont au nombre de trois dont la
première est ne longue et les deux postérieures subégales. Leur
couronne est partagée en très petites collines par des sillons nom-
breux. Les racines sont très distinctes.
La seule espèce connue est le Declicus antiquus, Aymard (communic.
inéd.), du Puy. Elle était très petite, car la mâchoire n'est longue que de
14 millimètres, depuis le bout de lincisive jusqu’à l'extrémité condyloïde.
Les Ecomys, Aymard,
connus aussi seulemént par une mâchoire ifférieure, ont un ca-
ractère bien remarquable dans l’existence d’une seule molaire,
assez longue d'avant en arrière, et rappelant par sa composition
celles de l'hydromys. Cette extrème simplification du système
dentaire forme un type tout à fait nouveau; mais son étrangeté
même peut faire désirer que de nouveaux fragments viennent
confirmer le premier. .
L'Elomys priscus, Aymard (communic. inéd.), provient des mêmes gise-
ments que l’espèce précédente et la dépassait peu par sa taille.
9° Tru. — CASTORINS.
Elle est caractérisée par + molaires à surface plate, formées
d'un ruban osseux replié, par de fortes incisives plates et en
biseau, par tous les pieds à 5 doigts, dont les postérieurs sont
palmés , et par des formes aquatiques. Ces animaux, ayant pour
la plupart une grande taille, ont aussi frappé plus souvent ceux
qui ont recueilli des ossements fossiles. C’est à cette division qu'il
paraît que l’on doit rapporter plusieurs ossements remarquables
des terrains tertiaires d'Allemagne et du midi de la France qui
ne rentrent exactement dans aucun des genres vivants.
CASTORINS. — CASTORS. 251
Le genre des
Casrons ( Castor, Lin. ),— Atlas, pl. VI, fig. 13-18,
remarquable par sa large queue déprimée ainsi que par ses mo-
laires dont les supérieures ont une échancrure au bord interne et
trois à l’externe, et dont les inférieures ont une disposition inverse,
a probablement apparu pour la première fois au milieu de l'épo-
que tertiaire. |
M. Pomel (1) en indique une espèce dans le miocène inférieur de la mon-
tagne de Perrier, à molaires radiculées et à füt très court,
Le Castor subpyrenaicus, Lartet, est, suivant M. Gervais, un chalicomys.
On en a trouvé quelques ossements dans les terrains tertiaires
les plus supérieurs, tels que les dépôts arénacés du Puy-de-Dôme.
On cite en particulier le C, issiodorensis, Croizet (2), des alluvious ponceuses
(pliocenes) d'Issoire. (Atlas, pl. VI, fig. 17.)
M. Lockart (5) indique aussi une espèce des Barres près Orléans (pliocène?).
M. Marcel de Serres (4) en signale une douteuse dans le ‘bassin de Per-
pignan.
Ces trois espèces n'ont pas été comparées ensemble, et il y a probable-
ment des doubles emplois.
Les terrains de l’époque diluvienne en renferment de plus nom-
breux. On ne peut pas toutefois considérer comme fossiles les
castors que l’on a trouvé dans les tourbières d'une partie du nord
de l'Europe ; car leurs ossements, identiques avec ceux des vivants,
ont été enfouis pendant l'époque moderne. Mais les cavernes et
les terrains meubles en renferment des débris plus intéressants.
Le Castor des cavernes paraît très voisin par ses formes de celui qui ha-
bite aujourd'hui les bords du Danube et des rivières de France. Quelques
auteurs toutefois le considèrent comme une espèce perdue qui porterait alors
le nom de Castor spelœus. (Atlas, pl. VI, fig. 13-15). On l’a trouvé dans
la vallée de la Somme, dans les environs de Paris, dans le tuf de l'Aube, à
la Ferté-Alep (Seine-et-Oise) et dans la caverne de Lunel-Viel (5).
(1) Bull. Soc. géol., 2° série, t. [, p. 593.
2) Gervais, Zool. et pal. franç., p. 22.
(3) Gervais, Zool. et pal. franç., p. 22.
(4) Simultanéité des terrains de sédiment supérieur, p. 30.
(5) Voyez Gervais, Zool. et pal. franç., p. 21; Marcel de Serres, Du-
breuil et Jean-Jean, Essai sur les cavernes de Lunel-Viel, p. 126; C, Pré-
vost et Desnoyers, Bull, Soc. géol., t. XUE, p. 290, etc.
252 MAMMIFÈRES. —— RONGEURS.
M. Fischer de Waldheim a décrit, sous le nom de TROGONTHERIUM, des 0s-
sements qui ne présentent aucun caractère qui motive leur séparation géné-
rique des castors. Le Trogontherium Cuvieri (1) est toutefois bien une espèce
perdue, qui doit prendre le nom de Castor Cuvieri ou Castor trogonthe-
rium. (Atlas, pl. VI, fig. 16.)
Le Trogontherium Werneri n'est probablement que le castor commun (?).
M. Cautley a trouvé, dans les montagnes Sivalik, un castor fos-
sile qui diffère par quelques caractères de ceux d'Europe et du
Canada.
Les STENEOFIBER Geoffr. (Séencotherium, in Bronn.), — Atlas,
pl. VI, fig. 19-20,
sont très voisins des castors et en diffèrent par des molaires plus
cylindriques, et par un crâne moins élargi. L’émail de la dent a
deux plis qui divisent la surface en deux moitiés elliptiques : l’an-
térieure à une fossette aux dents supérieures et deux aux infé-
rieures; la postérieure a une disposition inverse.
La seule espèce connue (S. viciacensis, Gervais) était de moitié moindre
que le castor ordinaire. Elle a été trouvée vai le miocène inférieur de
Saint-Gerand-le-Puy (Allier) (3).
Les CASTOROIDES, Forster,
ont une tête dont la partie cérébrale est moins développée que
dans le castor et qui en diffère par quelques détails dans la forme
des apophyses. Les dents incisives sont très robustes, les molai-
res sont formées de 3 à 4 lames profondément distinctes, séparées
par du ciment, disposées transversalement et à peine ondulées.
(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VIT, p. 116.
(2) Owen, Fossil Brit. mamm , p. 160. Voyez aussi, pour les castors
d'Europe, Bronn Lethea, t. II, p. 1266; H. de Meyer, Palæologica, p. 57;
Munster, Bayreuth Petref., p. 87 et Neues Jahrb., 1833, p. 326; Goldfuss,
Nov. acta, t. XI, p. 488, pl. 57, fig. 4; Schmerling, Ossem. foss., p. 111,
pl. 21, fig. 2e 25; Neues Jahrb., 1849, p. 876; Nordmann, Ossem. foss.
d'Odessa, p. 4; Clarke, Foss. bones of the beaver, ete.
(3) Voyez É Geoffroy, Revue encyclopédique, 1833; Gervais, Patria,
p. 522, et Zool. et pal. franç., p. 22; Laurillard, Dict. de d'Orbigny, t. XI,
p. 205; Pomel, Bull. Soc, géol., 2° série, t. IV, p. 380, pl. 4, fig. G,
(S. castoroides).
CASTORINS. — COUR. 358
La seule espèce connue, le Castoroides ohiensis, Forster, a été découverte
dans un marais voisin du lac Ontario (époque diluvienne). Sa taille était
gigantesque pour un rongeur, à en juger par celle de la tête qui mesurait
40 pouces 1/2 anglais (1).
Les Cnazicomys, Kaup, — Atlas, pl. VT, fig. 18-21,
forment aussi un genre très voisin des castors, qui à été établi sur
quelques fragments de mâchoires trouvées dans la même loca-
lité (2). Il diffère des castors par la forme des racines des dents
et par le plissement de la lame d’émail, pour laquelle nous ren-
voyons aux figures.
Il faudrait que le crâne et quelques ossements fussent connus
pour juger de la convenance de leur séparation générique.
Il faut réunir à ce genre ceux des CHELODUS et des AULACODON,
Kaup (°).
On en a indiqué cinq espèces des époques miocène et pliocène.
Le C. subpyrenaicus, Lartet, trouvé à Simorre (miocènc), appartient à
ce genre, suivant M. Gervais (4). (Atlas, pl. VI, fig. 18.) ;
Le C. Jaegeri, Kaup (Chelodus typus, Kaup, Aulacodon typus, Kaup), a
été trouvé dans le tertiaire miocène de Mayence. {Atlas, pl. VI, fig. 21.)
Les C. Eseri et minutus, H. de Meyer (5), proviennent du calcaire d’eau
douce des environs d'Ulm. M. Laurillard (6) les considère comme ne pouvant
pas être séparés des steneofiber.
Le C. sigmodus, Gervais (7), a été trouvé dans le terrain pliocène de
Montpellier.
Les Couia (Myopotamus, Comm. ),
qui ne sont que des castors à queue cylindrique, habitent aujour-
d'hui FAmérique méridionale ct l'ont habitée dans l’époque di-
luvienne.
(1) Voyez Forster, 2° Report geol. Survey of Ohio, p. 81; Wymann, Bos-
ton journ, of nat. sc., 1847,t. V, p. 391, pl. 37-39; Pomel, Bibl. univ.
Arch., t. IX, p. 165.
(2) Kaup, Ossem. foss. Darmst., p. 994, pl. 25, fig. 16-21.
(8) I., p. 995, pl. 25, fig. 22 et 23.
(4) Zool. et pal. franc., pl. 48, fig. 5; Lartet, Notice, p. 21.
(5) Neues Jahrb., 1838, p. 414, et 1846, p. 474.
(6) Dict. de d'Orbigny, t, XI, p. 206.
(°) Mém. Acad. de Montp., 1849, p. 214; Zoo!. et pal. franç., p. 22, pl.1,
fig. 13, et pl. S, fig. 16.
254 MAMMIFÈRES, —— RONGEURS.
M. Lund en à trouvé une espèce dans les cavernes du Brésil, le Myopo-
tamus antiquus (1).
M. Laurillard (2) rapporte, d'aprés M. Lartet, à ce genre, une dent trou-
vée à Sansan (M. ? sansaniensis, Lartet); cette assimilation est douteuse et
repose sur des pièces insuffisantes,
Je n’ajoute qu'avec doute à la fin de cette tribu les trois genres
suivanis : :
._Pazæomys, Kaup,
très voisins des myopotamus et des chalicomys, mais dont les
rapports ne sont pas suffisamment précisés.
Ce genre renferme unc seule espèce, le P. castoroides, Kaup, des terrains
miocènes de Weisenau (3).
OsTEopErA , Harlan,
établi sur un crâne trouvé près de Delaware et qui n’est peut-être
pas même fossile. Les molaires rappellent celles des castors; mais
les incisives sont pointues et écartées.
0. platycephalus, Harlan ().
OMÉGADONTE (Omegadon, Pomel.),
établi pour un rongeur des terrains miocènes inférieurs du Puy-
de-Dôme et dont les caractères ne sont pas encore connus.
10° TriBu. — HYSTRICINS.
Ces rongeurs sont clairement caractérisés à l’état vivant par
leurs gros piquants arrondis. Ils ont + molaires à couronne
plate qui rappellent beaucoup celles de quelques nélomys et
échimys. Ils ont des elavicules imparfaites. Cette tribu paraît
avoir eu, pendant les époques antérieures à la nôtre, une distri -
(t) Mém. Acad. Copenh., t. VII, pl. 21, fig. set Ann. sc. nal., 2° série,
t. XI, p. 227; +. MINT, p.315:
(2) Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 205.
(8) Voyez Kaup, Isis, 1832, p. 992, pl. 26, fig. 4-3, et Ossem. foss. de
Darmstadt, 5° livr., pl. 25, fig. 7-13.
(4) Voyez Holl, Petref., p. 41; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, p. 87,
HYSTRICINS. -—: COENDOUS. 255
bution semblable à celle qu'elle à aujourd'hui, c’est-à-dire que
des espèces voisines du porc-épic ont habité l'Europe et l’Asie
pendant la fin de l’époque tertiaire et pendant l'époque diluvienne,
tandis que dans le même temps vivaient en Amérique des espèces
à queue prenante.
L'existence à l'était fossile du genre des -
Porcs-Érics (Æystriæ, Lin.), — Atlas, pl. VE, fig. 22,
n'est d'ailleurs démontrée que par un très petit nombre defragments.
On cite parmi eux une dent trouvée au val d’Arno, suffisante pour prouver
que ce genre a vécu à ceile époque, mais non pour préciser une espèce (1).
L'abbé Croizet, dans le catalogué des fossiles qu’il a envoyés au Muséum
de Paris, a inscrit un fragment de mâchoire des environs d’Issoire (pliocène),
sous le nom d'Hysrricornerium. Ce fragment primitivement rapporté à
l'H. cristata, est considéré, par M. Pomel, comme appartenant à un agouti.
M. Gervais (2) l’attribue aux porcs-épics sous le nom de Hystrix refossa,
Gervais. (Atlas, pl. VI, fig. 22.)
MM. Cautley et Falconer ont aussi signalé une espèce indé-
terminée dans les couches supérieures du terrain tertiaire de
l'Himalaya.
C'est au genre des
Cognpous (Synetheres, F. Cuv.),
ou pores-épies à queue prenante, que lon peut rapporter les
espèces américaines.
M. Lunä en distingue deux qui proviennent des cavernes du Brésil,
qu’il nomme Synetheres magna et dubia. La première égalait le pécari rl
sa taille (3).
Aie Trieu. — LÉPORINS.
Cette tribu est clairement caractérisée par ses dents ineisives
supérieures sur deux rangs, et par conséquent au nombre de quatre.
(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit.,,t. VIIE, p. 128.
(2) Zoo!. et pal. franç., p. 28, pl. 48. à
(3) Voyez Mém. Acad. Copenhague, t.. VUE, p. 250; Ann. des sc. nat.,
2® série, t, XF, p. 227; t. XII, p. 312.
256 MAMMIFÈRES, — RONGEURS.
Les Lrèvres (Lepus, Lin.), — Atlas, pl. VE, fig. 23,
ont probablement paru en Europe au milieu de l’époque tertiaire.
On a trouvé dans les marnes lacustres du miocène inférieur de l'Auvergne
quelques ossements voisins de ceux des lièvres et encore peu connus. M. Croi-
zèt a fait avec quelques uns d’entre eux le genre LAGOTHERIUM.
Une espèce de lièvre a été indiquée à Montabuzard, près Orléans (mio-
cène) (1).
Le Lepus issiodorensis et le Lepus neschersensis, Croizet (coll. Mus. de
Paris), ont été découverts dans les formations sous-volcaniques de l’Au-
vergne {pliocène ).
M. Gervais (2) cite un lièvre (ou lagomys) du terrain pliocène de Mont-
pellier ( Lepus loxodus, Gervais). (Atlas, pl. VE, fig. 23.)
Ils ont été abondants à l'époque diluvienne. On en connaît quel-
ques espèces des cavernes qui ne se distinguent pas facilement de
celles qui habitent aujourd'hui l'Europe ; mais comme je l'ai fait
observer ailleurs, il est difficile, dans un genre aussi nombreux
et où les espèces se ressemblent autant, de certifier qu'il n'y à pas
de différences spécifiques si le squelette n’en indique pas. Ces
espèces sont :
Le Lepus diluvianus, Cuvier (3), très voisin du lièvre commun.
Une deuxième espèce très voisine du lapin, L. cuniculus. Cavernes de Liége
et de France ().
Une troisième qui ressemble à la précédente, mais avec une taille plus
petite (Marcel de Serres ).
Le musée de Genève possède un humérus qui provient de la caverne de
Mialet (Cévennes), et que, dans la prémière édition de cet ouvrage, nous avions
rapporté au genre Laçouys à cause de sa petite taille. Nous avons pu depuis
Jors nous procurer le squelette de la petite race (ou espèce) de lapin qui vit
sauvage en Languedo®, et nous croyons maintenant que l'os indiqué ci-dessus
n’en diffère par aucun caractère appréciable.
Les brèches osseuses renferment les débris d’une espèce encore plus petite,
sans toutefois qu'elle ait les caractères des lagomys. Cuvier la nomme Lepus
priscus (5).
(1) Gervais, Patria, p. 519.
(2) Zool. et pal. franç., pl. 22, fig. 9, p. 31.
(3) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VIT, p. 107.
(#) Marcel de Serres, Cav. de Aa Viel, p. 130.
(5) Voyez encore pour Îles lièvres de l’époque diluvienne : Owen, British
foss. mamm., p. 210; Buckland, Reliq. dil., p.15; Marcel de Serres, Lunel-
Viel, p.132; Gervais, Zool. et pal. franç., p. 29; Giebel, Neues Jahrb, 1847,
LÉPORINS. —— LAGOMYS. 257
Les cavernes du Brésil contiennent aussi des fragments d’un
lièvre très voisin du Zepus brasiliensis qui est aujourd’hui abon-
dant au Brésil (1).
Les Lacomys, Cuv.,
ont apparu à la même époque que les lièvres ; il faut remarquer
d’ailleurs que leurs ossements sont difficiles à distinguer, car les
Lagomys ne diffèrent guère des lièvres que par leurs oreilles plus
courtes, par l'absence de queue et par leur trou sous-orbitaire
simple au lieu d'être percé en réseau. On s'est souvent laissé gui-
der uniquement par la taille en donnant le nom de lagomys aux
espèces les plus petites.
M. Pomel cite dans le terrain miocène d'Auvergne une très petite espèce,
non encore décrite (2), qui est probablement un Titanomys. Il en est de
même du Lagomys sansaniensis de M. Lartet (Voyez le genre suivant ).
Le Lagomys æningensis, H. de Meyer, et le L. Meyeri, Tschudi, provien-
nent du terrain pliocène d'OEningen. Ces noms doivent remplacer celui
d’Anœæma œningensis (>) donné à tort à ces rongeurs par une comparaison
inexacte (4).
Dans l'époque diluvienne, ces animaux, aujourd'hui tout à fait
restreints à la Sibérie, ont habité toute l'Europe méridionale,
comme le témoignent leurs ossements que l’on trouve dans la
plupart des brèches du bassin méditerranéen. On distingue :
Le Lagomys corsicanus, Bourdet, des brèches osseuses de Corse (5}, très
voisin du L. alpinus, mais plus grand et en différant par quelques détails ;
et le Lagomys sardus, Wagner, un peu plus petit que cette même espèce
vivante. Des brèches osseuses de Sardaigne (6).
M. Desnoyers indique dans les brèches de Montmorency (?) deux espèces.
54 et 1849, p. 60; Kaup, id., 1842, p. 132; Nordmann, Oss. foss. d'Odessa,
p. 4; Hébert, brèches d'Anvers, Bull. Soc. géol., 2 série, t. VI, p. 606.
(1) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, .p. 227 ; t. XIII, p. 313.
(2) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 380.
(3) Cuvier, Oss. foss., 4° édition, t. VIIL, p. 119.
(4) Voyez H. de Meyer, Zur Fauna der Vorwelt, OEningen, p. 6, pl. 2;
Kônig, /cones sectiles, U, pl. X, fig. 126; Keferstein, Naturg., LL, p. 196,
(5) Cuvier, Oss. foss., 4° édit., t, VI, p. 306.
(6) Cuvier, id., p. 405.
(7) Comptes rendus de l'Acad. des Se., t. XIV, p. 522,
F. 17
£e
258 MAMMIFÈRES. — RONGEURS.
Le L: spelæus, Owen (!), a été trouvé dans la caverne de Kent.
Le L. spelæus, Münster (2), est probablement une espèce différente.
Les Trranomys, H. de Mever,
ne sont connus que par quelques dents molaires qui semblent
montrer une grande analogie avec le genre précédent ; mais les
supérieures ont au côté interne un pli peu profond et les infé-
rieures, à l'exception de la dernière, présentent un appendice qui
manque aux Lagomys. Ces dernières ne sont qu'au nombre de qua-
tre au lieu de cinq.
C'est probablement à ce genre qu'il faut rapporter des dents
dont M. Croizet avait fait celui des Marunsiomys et M.Bravard ce-
lui des PLATYODON.
Les espèces connues ont toutes été trouvées dans les terrains
miocènes.
Le Titanomys visenoviensis, H. de Meyer (3), a été trouvé dans le terrain mio-
cène de Weisenau. Suivant M. Gervais (4) la même espèce se retrouve à Saint-
Gérand-le-Puy (Allier), dans le calcaire à indusies (miocène d'Auvergne).
Le Titanomys trilobus, Gervais, provient du même gisement.
Il faut probablement ajouter à ce genre la plupart des ossements des ter-
rains miocènes qu'on a attribués aux Lagomys.
En particulier, le Lagomys sansaniensis, Lartet, de Sansan, n’a, comme
les Titanomys, que quatre molaires inférieures (5).
19° TriBu. — SUBONGULÉS.
Cette tribu renferme les rongeurs les ‘plus lourds, qui, par
leurs doigts peu séparés, leurs ongles forts, leur absence de
clavicules, et souvent leur peau épaisse, forment une transition
aux pachydermes. Ce groupe est restreint aujourd'hui à l'Améri-
que méridionale. On en trouve de nombreux fossiles dans les
terrains diluviens de ce continent. Quelques espèces de cette même
tribu ont été citées dans les terrains diluviens et dans les terrains
tertiaires récents de l'Europe; mais il s'en faut de beaucoup que
ces faits reposent sur des preuves suffisantes.
(1) Brit. foss. mamm., p. 213.
(2) Bayr. Petref., p. 87.
(8) Neues Jahrb., 1843, p. 390.
(#) Zool. et pal. franç., pl. 46.
(5) Notice sur la colline de Sansan, p. 21.
SUBONGULÉS, — AGOUTIS. 259
Le genre des
Copayes (Anæma, F. Cuv.),
qui renferme le petit animal importé en Europe et domestiqué
sous le nom de cochon d'Inde, à été représenté en Amérique pen-
dant l’époque diluvienne par deux espèces, dont on trouve les
débris dans les cavernes du Brésil.
Ce sont les Anœma robusta et gracilis de M. Lund (1).
L'Anœæma œningensis des schistes d’'OEningen appartient, comme nous
l'avons dit plus haut, au genre Lacomwys.
L'AnϾma d'Issoire, Jourdan (2), est un Issroporomys.
Les Mocos (Xerodon, F. Cuv., Cerodon, in Bronn),
n'ontété trouvés fossiles qu'en Amérique. M. Lund indique, dans
les cavernes du Brésil :
Le Kerodon bilobidens, Lund, qui paraît une espèce perdue, quoique assez
voisine du K. saæalilis, espèce vivante récemment établie par le même
auteur. .
Le Kerodon antiquum, d'Orbigny (), est connu par un trop petit nombre
de fragments et trop imparfaits, pour que l’on soit sûr qu’il doive être dis-
tingué de l’espèce qui vit aujourd’hui en Patagonie, Il à été trouvé dans les
terrains pampéens.
Les AcouTis (Chloromys, F. Cuv., Dasyprocta, HI),
se trouvent fossiles dans les cavernes du Brésil.
M. Lund en a signalé deux espèces : le Chloromys capreolus, Lund, et
une voisine du C. caudata, Lund, espèce vivante nouvelle.
Quelques observations sembleraient faire croire que l’on à
trouvé des débris fossiles d'animaux de ce genre dans les terrains
tertiaires récents du Puy-de-Dôme et, ce qui serait plus étonnant
encore, dans les cavernes de la Belgique (‘). Je ne puis pas m’em-
(1) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, p. 228, evt. XIII, p 313.
(2) Compt. rend. de l’Ac. des sc., 1838, t. V, p. 484.
(3) Voyage en Amérique, Paléontologie, p. 142.
(#) Schmerling, Oss. foss. des cavernes de Liége, 2° partie, p. 115,
260 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS.
pêcher de considérer ce dernier fait, fondé sur l'étude d'un petit
nombre de dents, comme très contestable, et de croire qu’une dé-
termination plus exacte montrera que ces fragments appartiennent
à un autre genre. M. Pomel, qui considère aussi l'opinion de
M. Schmerling comme peu probable, propose pour l’espèce de Bel-
gique, le nom provisoire de Diagroricus (2. Schmerlingii) (1).
Les Pacas (Cæœlogenys, F. Cuv.),
si remarquables par leurs grands os zygomatiques , ont vécu en
Amérique dans l’époque diluvienne.
M. Lund en distingue deux espèces, qu'il dit ne pouvoir être confondues
avec celle qui existe aujourd’hui. Ce sont les Cæœlogenys laticeps et major ;
cette dernière atteignait la taille du cabiai.
Les Cagrais ( Zydrochœrus, Erxl.),
sont, comme les agoutis et les pacas, représentés dans les caver-
nes du Brésil par deux espèces.
L'une est voisine de l'A. capybara, et l’autre a été nommée par M, Lund
Hydrochæœrus sulcidens.
2° ORDRE.
ÉDENTÉS (Maldentés, Blainv.).
Les édentés sont principalement caractérisés par
l'imperfection de leur système dentaire. Les incisives
manquent toujours, les canines ne se trouvent que dans
un seul genre et les molaires sont presque constamment
uniformes.
Cet ordre remarquable clôt la série des mammifères
unguiculés, et établit une sorte de transition aux ongu-
lés par le peu de mobilité des doigts de La plupart des
(1) Pomel, Bibl. univ., Archives, t, IX, p. 167.
ÉDENTÉS. 361
genres. Ces doigts sont ordinairement entourés d’une
peau épaisse ou écaulleuse, et terminés par des ongles
souvent très forts, arqués et solides. Tout le reste de
l’organisation des édentés décèle des êtres inférieurs à la
plupart des autres mammifères. La lenteur de leurs
mouvements, l'irritabilité que conserve longtemps après
la mort la fibre musculaire, le peu de développement
de l’encéphale, l’imperfection du système dentaire, les
écailles qui recouvrent plusieurs d’entre eux, sont au-
tant de caractères qui semblent indiquer qu’ils forment
comme le premier pas d'une dégradation dans l’orea-
nisme, et qu'ils ont déjà quelques uns des traits carac-
téristiques de la classe des reptiles.
De nombreuses découvertes d’ossements d'animaux
qui ont appartenu à cet ordre, ont ajouté des faits inté-
ressants à ceux qu'avait fournis la nature vivante. Plu-
sieurs de ceux de ces fossiles dont on a pu reconstruire
le squelette, ont montré un ensemble de formes et de
caractères dont l’état actuel du globe n'offre aucun
exemple. Ils ont en particulier présenté des transitions
bien plus nombreuses et plus remarquables aux ongu-
lés, et surtout aux pachydermes. Ils ont aussi lié en-
semble les diverses familles qui composent l’ordre des
édentés, et comblé l’espace, en apparence infranchis-
sable, qui séparait les tatous et les paresseux. Cet ordre
des édentés ne renferme de nos jours que des animaux
d’une taille au-dessous de la moyenne; l’oryctérope, le
tamanoir et le tatou géant, sont les plus grands ct ne
dépassent pas la grosseur du corps d’un chien, en étant
beaucoup moins hauts. L'étude des ossements fossiles
de cet ordre y ajoute de nombreuses espèces , qui
ont dépassé en grandeur les rhinocéros et les hippopo-
tames,
262 MAMMIFÈRES. —— ÉDENTÉS.
De nos jours, les édentés sont tout à fait spéciaux
aux pays chauds. Abondants et variés dans l’Améri-
que méridionale , il présentent quelques types en
Afrique et en Asie. Quelques rares fragments démon-
trent que pendant l'époque tertiaire ils ont aussi habité
l’Europe; on à trouvé en Allemagne et en France des
ossements qui ne peuvent être rapportés qu’à un animal
voisin des oryctéropes et des fourmiliers.
Tous ces faits donnent un grand intérêt à l’histoire
des édentés fossiles, d’autant plus que beaucoup
d’entre eux sont connus par des fragments nombreux,
et même quelques uns par des squelettes entiers, qui
permettent de se faire une idée assez complète de leurs
formes et de leur organisation, et même de hasarder des
conjectures probables sur la vie et les mœurs de ces
singuliers animaux, si différents de tout ce qui existe
de nos jours. |
Les édentés du monde actuel se partagent en quatre
familles : les Paresseux (") à museau court, à dents en
cylindre creux, et dont le corps rappelle vaguement la
forme de celui des singes ; les Tatous ou Dasypides,
qui ont un museau pointu, des dents coniques et une
cuirasse ; les Oryctéropides, dont la langue est longue,
(1) I m'est impossible d'admettre l'opinion de M. de Blainville sur la place
des paresseux. Ce savant naturaliste les rapproche des singes parce qu’ils
ont le radius mobile sur le cubitus, la poitrine large, la tête ronde, etc.
Sans vouloir entrer dans une discussion, qui serait déplacée dans un
traité de paléontologie, je dois dire que la forme du crâne, l’imperfection
des dents, les ongles énormes, la lenteur des mouvements, etc., sont des
caractères bien plus importants, qui forcent à les rapprocher des édentés.
La paléontologie fournit d’ailleurs, ce me semble, une preuve puissante en
faveur de cette manière de voir en les liant par les mégathérioïdes aux tatous
et mème aux pachydermes. Il me semble done qu'il convient tout à fait de
revenir à l'opinion de G. Cuvier que M. Owen a d’ailleurs confirmée par des
considérations qui me paraissent ne laisser aucun doute.
GRAVIGRADES. 263
extensible et gluante , comme dans les fourmiliers, et
qui ont des dents molaires et pas de cuirasse; et les
Myrmécophages où Fourmiliers, qui n’ont point dedents
du tout.
Les édentés fossiles ne peuvent pas tous être rap-
portés à ces quatre familles. Plusieurs espèces de
grande taille, trouvées en Amérique, et qui sont préci-
sément celles dont l'étude fournit les résultats les plus
curieux, ne peuvent rentrer dans aucune d’elles. Ces
espèces présentent des caractères intermédiaires entre
les paresseux et les tatous, et doivent évidemment
former une famille, placée entre ces deux groupes. On
les a désignées sous le nom de Gravigrades à cause de
leurs membres lourds, et sous celui de Mégathérioïdes,
du nom du genre le plus anciennement connu parmi
elles.
4" FAMILLE. — PARESSEUX ou TARDIGRADES.
On n’a encore trouvé aucun ossement fossile qu'on puisse rap-
porter à cette famille, de sorte que nous ne la mentionnons ici
que pour mémoire.
MÉGATHÉRIOIDES où GRAVIGRADES.
2e FAMILLE.
Les caractères essentiels des mégathérioïdes sont une réunion
de ceux des paresseux et des familles suivantes. Ils ont, comme
les premiers, des molaires en cylindre creux, composées seulement
d'ivoire et de ciment, sans émail; l’ivoire forme un tube que
remplit une substance plus poreuse. Ils ont aussi de grands rap-
ports avec eux dans la forme de la tête, qui est courte, comme
tronquée, et dont l'os zygomatique forme une grande apophvse
descendante, caractère qui ne se retrouve dans aucun autre mam-
mifère. Leurs squelettes se ressemblent beaucoup, et ont en par-
264 MAMMIFÈRES. —— ÉDENTÉS.
ticulier des rapports remarquables dans l'omoplate, dont l'acro-
mion et la coracoïde sont réunis.
Mais dans tout le reste de leurs formes ils se rapprochent beau-
coup plus des autres familles d’édentés. Leur système dentaire est
réduit aux dents molaires, et ils manquent des canines qui ca-
ractérisent les paresseux. Leur formes lourdes, leurs pieds égaux
ou presque égaux dont les antérieurs ont 4 ou 5 doigts et les
postérieurs 3 ou 4, leurs doigts externes sans ongles , leur queue
longue et très forte, leur donnent des rapports évidents avec les
tatous et les fourmiliers.
Ces animaux forment donc , comme je l'ai dit plus haut, une
transition entre le groupe des paresseux et celui des édentés à
tête longue, réunissent ces deux types par leurs caractères inter-
médiaires, et montrent qu'ils appartiennent bien au même ordre
naturel.
Le genre le plus anciennement décrit est celui des
MEGATHERIUM, Cuv., — Atlas, pl. VIT, fig. 1-1.
Le premier squelette connu a été envoyé à Madrid en 1789 par
le marquis Loretto, vice-roi de Buenos-Ayres, et est encore con-
servé dans le musée de cette ville. Il avait été trouvé sur les bords
du fleuve Luxan, à 3 lieues sud-ouest de Buenos-Ayres. Un deuxième
squelette a été découvert en 1795 à Lima , et un troisième dans
le Paraguay. Depuis lors, des fragments plus ou moins complets
ont été trouvés dans diverses parties de l'Amérique.
Les caractères qui paraissent distinguer ce genre des autres
mégathérioïdes sont ses dents, qui, au nombre de 5 en haut et
de 4 en bas, sont en forme de prisme quadrangulaire à couronne
solide présentant des collines transverses très marquées, tandis
que dans les genres suivants la dent formant un simple tube rem-
pli d’une matière plus tendre, est terminée par une couronne à
surface plate dont le bord seul est un peu relevé. Ses pieds ont
h doigts devant et 3 derrière, les deux externes sont sans ongles,
et les autres ont des phalanges unguéales grandes et différentes
d'un doigt à l'autre, celle du médian étant très forte.
Je vais chercher, par une description abrégée, à donner une
idée des formes de la seule espèce qui soit encore bien connue,
afin d'en déduire plus tard quelques données sur son genre de
vie el sur ses MŒUTS,
GRAVIGRADES. — MEGATIHEREUM. 263
Cette espèce a été dédiée à Cuvier, et porte le nom de Wegatherium
Cuvieri (1).
Elle a été aussi nommée Meg. americanum, par Blumenbach, M. australe,
par Oken, et a été d’abord décrite par Pander ect d’Alton sous le nom de
BrapyPus giganteus. Sa taille était celle d'un éléphant moyen et dépassait
celle des rhinocéros. $
Sa tête osseuse ressemble beaucoup à celle du paresseux; elle est, comme
dans cet animal, tronquée en ayant, mais un peu plus longue; comme chez
lui encore, l’arcade zygomatique a une forte apophyse descendante. Les trous
qui servent de passage aux nerfs et aux vaisseaux sont très forts, et semblent
indiquer que cet animal a eu de très grosses lèvres.
Il n’y a chez le mégathérium ni dents incisives ni canines. Les molaires,
au nombre de <, sont prismatiques ; leur couronne, vue en dessus (pl. VIT,
fig. 3 et 4), forme une surface rectangulaire, à angles un peu émoussés. Cha-
cune de ces dents, longue de 7 à 9 pouces, s’enchâsse solidement dans une
alvéole profonde, par la plus grande partie de sa longueur. Les supérieures
rencontrent les inférieures, de manière à ce que la partie la plus dure de l’une
soit en rapport avec le tissu le plus tendre de l’autre, c’est-à-dire que le
milieu de l’une corresponde à un intervalle entre deux autres (pl. VIL, fig. 4).
Si l’on coupe longitudinalement une de ces molaires, on voit une cavité pul-
peuse allongée, qui s’amincit en haut. La mâchoire inférieure est grande et
lourde par rapport au reste de la tête, circonstance qui se lie pro bablement
à la longueur des dents, et qui nécessite l’apophyse zygomatique descendante.
Les vertebres sont au nombre de 7 cervicales, 16 dorsales, 3 lombaires,
5 sacrées et 15 caudales. Celles des régions antérieures du corps sont médiocres ;
mais la queue est énorme, car les plus grandes vertèbres qui la composent ont
jusqu'à dix-huit pouces de l'extrémité d'une des apophyses transverses à
l’autre. Les apophyses inférieures ou os en V sont aussi fortement dévelop-
pées. Cette queue servait probablement d'appui et peut-être de défense. Les
côtes épaisses et courtes ont par places des rugosités très prononcées.
Les extrémités antérieures sont remarquables par la force de l'épaule. La
clavicule est massive et courbée en S; elle fournit au bras un appui solide ;
l'acromion et la coracoïde se réunissent pour s'appuyer mutuellement. C’est un
cas dont on ne retrouve pas d'exemple dans Ja nature vivante, qu’un animal
d'une si grande taille, aussi lourd et à membres aussi pesants, ait une clavi-
cule. L'humérus est faible en haut, mais il s'élargit beaucoup à sa partie
inférieure, pour porter un très large cubitus et un radius qui tourne libre-
ment autour de ce dernier os, comme dans les singes et les paresseux. Les
énormes apophyses de ces organes indiquent une très grande force dans l’acte
de la rotation du bras. Les pieds antérieurs sont forts et puissants, et ter-
minés par des ongles obliques très gros et très longs, portés par des phalanges
arquées et entourées, à leur base, d’un étui dans lequel l’ongle s’engaine.
(t) Cuvier, Oss. foss., 4° édit., t. VIT, p. 331 ; Buckland, Bridgewater
Trealise, Geologie, trad. franç., par Doyère, p. 121, ete.
266 MAMMIFÈRES. —— ÉDENTÉS.
L’extrémité postérieure n’est pas moins remarquable. Le bassin est d'une
grande dimension et très solide. Les os iliaques, à angle droit avec la colonne
épinière, sont très rugueux sur les bords et forment des hanches säillantes ,
entre lesquelles on peut mesurer quatre pieds et demi, dimension qui dé=
passe tout ce qui existe de nos jours dans les animaux terrestres. Le caractère
le plus saillant de ce bassin est d’avoir la cavité cotyloïde dirigée tout à fait
en dessous, de sorte que le fémur supporte le corps sans aucune obliquité,
circonstance qui à dû contribuer beaucoup à la solidité des parties posté-
rieures de l'animal, mais en même temps rendre sa marche plus lente et plus
embarrassée. Ce fémur est au moins trois fois aussi épais que celui des plus
grands éléphants, et sa longueur n’est guère que double de sa largeur; le
tibia et le péroné sont aussi très épais et soudés par leurs têtes. Le calcanéum
est très grand, car il est presque aussi long que tout le reste du pied ; les
orteils ne sont pas si longs que les doigts antérieurs ; le médian a un ongle
énorme,
On a souvent trouvé avec les ossements du mégathérium des fragments
de cuirasse, qui ont fait penser à quelques naturalistes que cet animal était
revêtu d’une armure osseuse analogue à celle des tatous. Mais il faut observer
que l'on à le plus souvent trouvé, dans ces mêmes gisements, les os du
mégathérium mélangés avec des débris de tatous d’une taille gigantesque
qui ont été plus probablement les véritables possesseurs de ces cuirasses. Des
recherches récentes ont signalé l’existence de quelques genres, dont nous
“parlerons plus bas et en particulier des Glyptodon, qui ont beaucoup plus de
‘rapports avec les tatous que le mégathérium et, qui, conservés dans les mêmes
localités, sont probablement l’origine principale de ces fragments de tégu-
ments durs. Les arguments que l’on a tirés des parties rugueuses des côtes
et surtout de l'apparence toute spéciale du bord des os iliaques, qui semblent
indiquer que ces organes ont été en contact avec des parties osseuses tégu-
mentaires, ne sont pas non plus très probants. M Owen a prouvé que d’au-
tres caractères du squelette plus importants paraissent, au contraire, montrer
l'impossibilité de cette armure. Les vertèbres dorsales et lombaires en parti-
culier sont, dans les édentés à cuirasse , formées de manière à fournir trois
appuis aux parties dures tégumentaires qui s'appuient sur l’apophyse épi-
neuse et sur les prolongements des articulaires. Dans le mégathérium ces
derniers sont beaucoup trop courts pour avoir pu servir à cet usage.
Les détails qui précèdent prouvent que le mégathérium était
un animal très lourd et très fort. Ils montrent que ses membres
antérieurs n'ont probablement pas eu leurs fonctions limitées à Ja
marche et que la queue à dû jouer un rôle réel dans la progression
ou en fournissant un appui. Is font voir enfin que les dents ont dû
assigner à cet animal un régime à peu près semblable à celui des
paresseux, c'est-à-dire qu'il a dû manger des feuilles, des fruits
ou des racines. Si sur ces données on cherche à se faire une idée
GRAVIGRADES. — MEGATHERIUM. 267
de sa manière de vivre, on trouvera des différences sensibles dans
la manière de voir des auteurs qui l'ont étudié.
Quelques uns ont pensé qu’il était fouisseur et on l’a comparé
pour les mœurs aux rongeurs qui vivent dans les terriers et se
nourrissent des racines des plantes. Sa taille colossale rend cette
opinion peu probable ; car d’une part il est difficile d'admettre que
le pays ait dû être exposé à être miné dans tous les sens par des
terriers d’une dimension suffisante pour cacher des animaux pa-
reils, et d’ailleurs le mégathérium était trop fort et trop inatta-
quable pour avoir eu besoin d'une retraite semblable. La forme
même du pied, dont quelques ongles seuls sont tranchants, indi-
que que l'animal à pu creuser des sillons profonds plutôt que
remuer beaucoup de terre. La forme plate de la main de la taupe
est un bien meilleur instrument pour creuser un terrier, le méga-
thérium lui aurait été très inférieur sous ce point de vue.
D’autres naturalistes pensent que cet animal grimpait aux ar-
bres et ils se fondent sur ses analogies avec les paresseux, sur le
fait qu'il se nourrissait probablement de feuilles et de fruits, sur
ce que sa queue était peut-être prenante et surtout sur la facilité
de rotation de son bras qui devait lui permettre de saisir facile-
ment les branches. Ses formes lourdes ne sont peut-être pas une
objection absolue à cette manière de voir, car l'ours et le pares-
seux ont des mouvements aussi lents que ceux que l’on peut suppo-
ser au mégathérium ; mais sa taille semble rendre cette habitude
peu probable. IT faudrait supposer une végétation bien puis-
sante et des arbres bien solides pour soutenir un animal qui a dû
dépasser par son poids les plus gros rhinocéros. Il ne paraît pas
d'ailleurs que la queue ait été prenante, car elle est trop courte
et la forme des facettes articulaires montre qu’elle a dù se re-
plier plutôt en dessus qu'en dessous.
On a aussi émis l’idée que le mégathérium ne se servait de ses
énormes ongles que pour mettre à découvert les objets dont il se
nourrissait. On l’a quelquefois comparé sur ce point de vue aux
fourmiliers ; mais la nature de ses dents exclut complétement l'idée
qu'il ait pu être insectivore. On a aussi pensé qu'il creusait la terre
pour y prendre des racines, mais il faudrait supposer une abon-
dance inouïe de racinescharnues pour nourrir de si grands animaux.
Enfin il est une quatrième opinion qui soulève, peut-être,
de moins grandes objections. On suppose que le mégathérium a
268 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS,
vécu en déracinant des arbres eten se nourrissant de leurs feuilles.
Il pouvait avec ses pieds antérieurs couper les racines qui les re-
tiennent; puis les saisissant avec ses bras déterminer leur chute
par la force et le poids considérable de son corps. Cette opinion
semble se lier avec la forme de son avant-bras susceptible de ro-
tation qui indique un usage plus varié que l'acte seul de fouir , et
avec le grand développement des parties postérieures de son corps
qui lui ont probablement permis de dégager le train de devant.
Il pouvait sans doute s'établir sur ses deux énormes jambes
postérieures et sur sa forte queue, et se servir de ses pattes anté-
rieures pour briser les branches et porter les feuilles à sa bouche.
Les détails que nous venons de donner sont en grande partie
applicables aux autres mégathérioïdes; aussi je me dispenserai de
les répéter, et pour les genres suivants je signalerai surtout les
différences qui les séparent du mégathérium.
M. Lund (1) figure des dents qui lui paraissent indiquer l'existence d’une
seconde espèce, M. Laurillardi, Lund.
Le second genre est celui des
MéGaLonyx, Jefferson, — Atlas, pl. VIE, fig. 1-3,
qui dans un ordre naturel devrait précéder les mégathériums, car
il a plus de rapports que lui avec les paresseux. Les premiers
ossements de ce genre furent trouvés en 1797 dans une caverne
de Virginie, et décrits par Jefferson. Ses grandes phalanges un-
guéales le firent d’abord prendre pour un carnassier gigantesque.
Mais Cuvier (2?) reconstitua la main et montra que la forme de ces
phalanges et leur inégalité prouvent évidemment que l’animal
auquel elles ont appartenu est un édenté.
Les caractères distinctifs de ce genre sont d'avoir © molaires
subelliptiques, dont la couronne est excavée au milieu et le bord
proéminent (pl. VI, fig. 2). Les branches de la mâchoire infé-
rieure sont écartées et leur symphyse étroite, ce qui les distingue
facilement des genres voisins (pl. VIEF, fig. 1). Les membres anté-
rieurs sont un peu plus longs que les postérieurs, circonstance
qui le rapproche plus des paresseux que le mégathérium. Le tibia
et le péroné sont distincts, le pied postérieur est articulé d’une
(1) Mem. Ac. Copenhague, t. IX, p. 143, et pl. 35, fig. 5, 6.
(2) Oss, foss., 4° édit, t. VIIL, p. 304.
GRAVIGRADES. — MYLODON. 268
manière oblique. Le calcanéum est long, comprimé et élevé, les
phalanges unguéales sont grandes et étroites (pl. VIT, fig. 3). La
queue est forte et solide. Ces caractères montrent des formes un
peu moins lourdes que le mégathérium. Il avait probablement à
peu près les mêmes mœurs.
L'espèce qui a été la première connue est le Megalonyx Jeffersonii, Cu-
vier, Megatherium boreale, Oken, Onychotherium, Fischer (1). Il faut pro-
bablement lui réunir une portion des ossements attribués au M. laqueatus
par Harlan (2).
Depuis la découverte de Jefferson on en a retrouvé plusieurs fois des frag-
ments dans des terrains récents. Leur mode de conservation et leur gisemen
a même fait penser à quelques naturalistes que cet animal avait peut-être
vécu dans l’origine de la période moderne. Quelques ossements ont été trou-
vés entourés de parties plus molles qui ont paru être des débris de ligaments ;
et quelques uns des terrains, qui ont renfermé ces os, contiennent des débris
que l’on a rapportés à des espèces actuelles.
M. Owen dit que la même espèce a été trouvée au détroit de Magellan (3),
Sa taille était celle d’un grand bœuf.
On à trouvé aussi dans l'Amérique méridionale des ossements
de mégalonyx, mais MM. Lund et d'Orbigny ne croient pas
qu'on doive tous les rapporter à la même espèce. Ces débris sont
épars dans les pampas et les cavernes; mais M. d’'Orbigny par
diverses considérations, tirées de la végétation et des habitudes
actuelles des édentés, croit que les mégalonyx des pampas ont été
amenés par des courants diluviens, et qu'ils ont vécu dans des
parties de l'Amérique méridionale plus chaudes et plus boisées.
Il faudrait, suivant M. Lund, ajouter à ce genre le M. gracilis, Lund (4),
des cavernes du Brésil. Le M. Kaupii, Lund, est un Cœlodon.
Le genre des
MyLopox, Owen,
(Orycterotherium, Harlan, non Bronn), — Atlas pl. VIF, fig. 5-8,
joint aux formes lourdes des mégathériums une dentition fort
différente, qui rappelle plutôt celle des mégalonyx. Les molaires,
au nombre de ©, s'usent par surfaces planes. A la màchoire
(1) Essai sur la turquoise, p. 40.
(2) Journ. Ac. Phil., t. VE, p. 269.
(3) Voyage of the Beagle, p. 99.
(#) Mém. Ac, Copenh., t. VI, pl. 17, fig. 3; Ann. sc. nat., 2% série,
t, XI, p. 219.
270 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS.
supérieure la première est subelliptique, la seconde elliptique et
les autres triangulaires, à surface interne creusée d’un sillon. A
la mâchoire inférieure (voyez pl. VIL fig. 7) la première est ellip-
tique, la pénultième tétragone et la dernière grande et bilobée
(fig. 8). Cette mâchoire à une symphyse plus forte que celle. des
mégalonyx.
La forme de la tête (pl. VIT, fig. 6) rappelle celle du méga-
thérium, et a, comme dans le reste de la famille, une forte apo-
physe descendante sous l’arcade zygomatique. Les pieds sont
égaux, les antérieurs à cinq doigts et les postérieurs à quatre;
les deux doigts externes sont sans ongles et les autres ont de
grandes phalanges unguéales demi-coniques et inégales. L’omo-
plate a, comme dans le mégathérium, l’acromion réuni à l’apophyse
coracoïde; le radius peut tourner sur le cubitus; le tibia et le
péroné sont distincts, le calcanéum est long et gros, ete.
Le genre des mylodon à habité l'Amérique pendant l’époque
diluvienne. On en connaît déjà trois espèces.
Le Mylodon Darwini, Owen (!), dont la symphyse de la mâchoire infé-
rieure est longue et étroite, dont la seconde molaire est subelliptique et la
dernière à deux sillons dont l’interne est anguleux. C’est l'espèce, dont la
mâchoire inférieure est figurée pl. VII, fig. 7 et 8. Elle paraît avoir habité
la partie la plus méridionale de l'Amérique où M. Darwin en a trouvé des
débris, jusqu'aux pampas du Brésil où elle est citée par M. d’Orbigny.
Le Mylodon Harlani, Owen (2) a la symphyse de la mâchoire inférieure
plus courte et plus large, la seconde molaire carrée et la dernière à trois sil-
lons. Cette espèce a été trouvée dans une caverne du Kentucky. On doit Jui
rapporter une partie du Megalonyx laqueatus, de M. Harlan, l'Oryctero-
therium missouriense du même auteur, ainsi que ses genres AULAKODON et
PLEURODON.
Le Mylodon robustus est aussi caractérisé par la symphyse de la mà-
choire inférieure courte et large; mais la seconde molaire est subtriangu-
laire et la dernière à trois sillons dont l’interne arrondi. Cette espèce est
connue par un magnifique squelette presque complet, qui se voit dans le
musée du collége des chirurgiens à Londres, et quia été découvert, en
4841, à sept lieues nord de Buenos-Ayres, dans le grand dépôt fluviatile tra-
versé par le Rio-Plata et ses tributaires. M. Owen en a publié une description
dans un ouvrage spécial, dont les Annales des sciences naturelles (2° série,
t. XIX, p. 221) ont donné un extrait et copié la planche principale. Nous
l'avons fait réduire dans la planche VII, fig. 5, dans la même proportion
(1) Voyage of the Beagle, p. 63.
(2) Edinb. new phil. journ., n° 70.
GRAVIGRADES. — SCELIDOTHERIUM. 271
que le Mégathérium, pour montrer le rapport de la taille de ces deux espè-
ces. Ce Mylodon avait environ 9 pieds de longueur. ;
Les SCELIDOTHERIUM, Owen, — Atlas, pl. VII, fig. 4-7,
avaient de grands rapports avec les mylodons. Leur tête était
plus allongée à proportion de sa hauteur (pl. VILLE fig. 4). Leurs
molaires étaient aussi au nombre de £. Les supérieures (fig. 5)
étaient toutes triangulaires ; et à la mâchoire inférieure (fig. 5, b),
l'antérieure était de la même forme, la deuxième et la troisième
un peu comprimées et la quatrième grande et bilobée. Les formes
étaient aussi lourdes et massives, mais on ne connaît pas tous les
os du squelette; nous avons figuré, dans PAtlas, pl. VIIL fig. 6
et 7, un fémur et un pied.
Il faut probablement réunir à ce genre celui des PLATYoNYx de
M. Lund. Il n’y à aucune différence appréciable dans la dentition ;
les phalanges unguéales sont seulement un peu plus aplaties, et
ressemblent davantage à celles des Glyptodon.
Ces animaux ont vécu dans l'Amérique méridionale pendant
l’époque diluvienne. On en cite sept espèces (1).
Le Scelidotherium ieptocephalum, Owen, anima! d’une grande taille, qui
a vécu dans la partie la plus méridionale du continent américain, (Atlas,
pl. VII, fig. 5 et 7.)
Le Scelidotherium Bucklandi, Owen (Megatherium Bucklandi, Lund), était
de la grandeur du mégalonyx. Il a été trouvé dans les cavernes du Brésil.
Le Scelidotherium Cuvieri, Owen (Megatherium Cuvieri, Lund), des mêmes
localités, était un peu plus petit. Sa taille égalait celle d’un bœuf, (Atlas,
pl. VIIL, fig. G.)
Le Scelidotherium minutum, Owen (Megalonyx minutus, Lund), trouvé
dans les mêmes cavernes, n’était pas plus grand qu’un cochon.
Le Scelidotherium A gassii (Platyonyæ, Lund) (2).
Le Scelidotherium Blainvillii (Platyonyæ, Lund) ().
Le Scelidotherium Brongniarti (Platyonyæ, Lund (1). (Atlas, pl. VI, fig. 4.)
On doit encore ajouter à cette famille quelques genres moins
connus, et en particulier celui des
(f) Voyage of the Beagle, p. T3; Lund, Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI,
p. 249, elc.
(2) Mém. Ac. Copenh., t. IX, p. 206.
(3) Idem, t. IX, p. 197.
(#) Idem, t. XI, p. 145.
19
={
19
MAMMIFÈRES. -- ÉDENTÉS.
CoELopoN, Lund,
qui n'avait que + molaires, des doigts raccourcis et inégaux,
des ongles comprimés, les pieds obliques et la queue du mégalonyx.
Les deux espèces connues sont le Cœlodon maquinense, Lund, qui avait la
taille du tapir d'Amérique, et le Cœlodon Kaupii, Lund. Elles proviennent
des cavernes du Brésil (1).
Et le genre des
SPHENODON, Lund,
qui avait + molaires; ces dents ne prenaient la forme cylindrique
que par l'usure, et étaient primitivement coniques, ce qui est
très probablement un caractère commun à tous les jeunes de
cette famille.
On en connaît une espèce de la taille d’un cochon (2).
Je ne connais aucune description du genre OCHOTHERIUM, Lund,
qui renferme aussi une espèce des cavernes du Brésil (0, gigas, Lund) (3).
C'est peut-être un double emploi.
3° FAMILLE. — DASYPIDES ou TATOUS.
Les tatous sont très faciles à caractériser parmi les édentés, par
leurs molaires plus nombreuses que dans les familles précédentes,
leur museau plus allongé et leurs pieds plus raccourcis. Ils habi-
tent exclusivement aujourd'hui l'Amérique méridionale; mais
dans l’époque diluvienne ils paraissent s'être étendus plus au
nord, offrant ainsi une nouvelle preuve du fait que nous avons
déjà cherché à établir, que la température des parties extrêmes
de l'Amérique différait moins que de nos jours de celle des par-
ties centrales.
Les animaux de cette famille sont recouverts d’une cuirasse
osseuse qui paraît avoir aussi caractérisé les espèces fossiles. C'est,
comme je l'ai dit ci-dessus, aux plus grandes de ces espèces qu'il
(1) Lund, Mém. Ac. Copenh., t. IX, p. 197, et Ann. sc.nat., t. XII, p. 318.
Dans cette dernière citation, le nom se trouve (probablement par erreur)
écrit TOELODON.
(2) Ann. des sc. nat., t. XI, p. 220; t. XII, p. 311; t. XIX, p. 263.
(3) Mém, Ac. Copennh., t. IX, p. 197.
DASYPIDES. —- GLYPTODON. 273
faut probablement rapporter les fragments de carapaces que l’on
avait d’abord attribués au mégathérium.
La taille des tatous actuels est petite où moyenne, et le prio-
donte géant, dont le corps (sans la queue) arrive à une longueur
d'environ 3 pieds, est la limite extrême de leur grandeur. Mais,
parmi les taious fossiles, on en trouve qui atteignent presque les
dimensions colossales des mégathérioïdes.
Nous commencerons par l’histoire de quelques genres perdus
qui ont des rapports très grands avec les familles précédentes,
qui établissent avec elles une série de transitions, et qui complè-
tent le lien entre les paresseux et les vrais tatous, si éloignés
quand on n’étudie que la nature vivante.
Les GLyPToDON, Owen, — Atlas, pl. VII, fig. 8-11,
sont un de ces genres intermédiaires. Ils ont l’apophyse descen-
dante de l’arcade zygomatique qui est un des caractères distinctifs
des mégathérioïdes ; mais leurs pieds massifs ont des phalanges
unguéales courtes et déprimées. Leurs molaires, au nombre de
#, sont très clairement caractérisées par deux sillons longitu-
dinaux situés des deux côtés, qui rendent la couronne presque
trilobée. (Voyez Atlas, pl. VITE, fig. 10.) Ces dents sont plus com-
pliquées que celles d'aucun édenté connu.
Il paraît que c’est à ce genre qu'il faut attribuer l’armure
osseuse que M. Clift avait décrite comme étant celle du mégathé-
rium. Elle est composée de plaques qui, vues en dessous, parais-
sent hexagones et sont unies par des sutures dentées, et qui en
dessus forment des doubles rosettes.
Il faut réunir à ce genre les ORYCTEROTHERIUM, Bronn (non
Harlan), et les CLamypoTRERIUM, Bronn (non Lund). Le premier
de ces noms avait été donné dans l’hypothèse que l’animal n'avait
pas de cuirasse, et le dernier dans l’idée opposée.
Je ne puis trouver aucune différence entre les dents du glypto-
don et celles des Hopcornorus, Lund. Je crois qu’on devra les
réunir au moins provisoirement.
L'espèce la plus anciennement connue est le Glyptodon clavipes , Owen,
décrit d’abord dans les Trans. of the geol. Soc., t. VI, p. 81. Le collége
chirurgiens de Londres a depuis lors aequis une belle carapace complète, avec
L. 18
»
œ
274 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS.
là tête, la queue et une patte de derrière. Ces précieux fragments ont été
décrits par M. Owen (1). M. Müller (4cad. de Berlin, juin 1846) a décrit aussi
un pied postérieur. La carapace mesure 5 pieds 7 pouces anglais (1*,50 )
dans sa- longueur en suivant le contour, et 4 pieds 8 pouces (1",25) en ligne
droite. Elle est large de 3 pieds 2 pouces 1/4 en ligne droite. La queue a 4 pied
G pouces: Cet animal a été trouvé dans les terrains meubles des environs de
Buénos-Ayres.
Dans le même mémoire, M. Owen indique l'existence de trois autres espèces
caractérisées par les ornements de leur carapace, dont on ne connaît que des
fragments. à
Le G. ornatus, Owen, était plus petit que le G. clavipes. Il a été trouvé
aussi dans les environs de Buénos-Ayres.
Le G. reliculatus, Owen , égalait, par sa taille, la première, espèce et se
distinguait par des canaux formant une réticulation sur le cercle extérieur
des rosettes.
Le G..tuberculatus , Owen, de la même taille, et à surface extérieure des
rosettes ornée de tubercules, a été découvert dans les pampas de Buénos-
Ayres. | É 1
Si l’on admet la réunion des hoplophorus et des glyptodon, il faut ajouter,
(s'il n’y a pas double emploi), trois especes trouvées par M. Lund, dans les
cavernes du Brésil : l’'Hoplophorus euphractus et l'Hoplophorus Sélloy, qui
atteighaient la taille du bœuf, et l’Hoplophorus minor, qui était plus pélit (2).
Les CHLAMYDOTHERIUM, Lund (non Bronn), —
Atlas, pl. VII, fig. 12,
sont très voisins des glyptodon. Les descriptions données par
MM. Owen et Lund semblent cependant indiquer une différence.
Les molaires principales sont tout à fait semblables, mais ces
dents paraissent toutes à peu près égales et au nombre de à
dans les glyptodon, tandis que dans les chlamydotherium les an-
térieures sont plus petites, plus nombreuses et ressemblent à des
incisives, comme dans les encouberts.
On en connaît deux espèces des cavernes du Brésil, recueillies par M. Lund :
Le Chlamydotherium Humboldtii, qui avait la taille du tapir, et le
Chlamydotherium gigas, qui égalait les plus grands rhinocéros (3).
(1) Descriptive catal. of the royal college of surgeons , Fossil mammalia,
1845, in-4°;, Quarterly journal of the geological Society, t, T, p. 257.
(2) Lund, Mém. Acad. de Copenhague, t. VII, pl. 1, 2; 45 et 16, t. IX,
pl. 35; Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, p. 218; t. XIII, p. 310.
(3) Voyez Lund, Mém. Acad. Copenhague, et Ann. des sc, nat. (loc, cit.)
/s
DASYPIDES. — TATOUS. 275
Les PacayrneriuM, Lund,
he sont connus que par quelques os des extrémités, qui iidiquent
des formes encore plus lourdes. Aussi la place de ce genre n’est-
elle pas encore définitivement fixée.
On n’en connaît qu'une espèce un peu plus grande qu’un bœuf, le Pa-
chytherium magnum, trouvé par M. Lund dans les cavernes du Brésil (1).
On arrive ainsi par degrés au genré actuel des
Tarous {Dasypus, Lin.)
qui offre aussi, à l’état fossile, des espèces de grandë taille, dis-
persées sur une région géographique plus étendue que de nos jours.
M. Luud en a trouvé plusieurs dans les cavernes du Brésil (?).
Deux d’entre elles peuvent se rapporter au sous-genre des Tarous propre-
ment dits. Ce sont :
Le Dasypus punclatus, Lund, à écussons de la cuirasse profondément
ponctués
Et une espèce voisine du Dasypus octocinctus, Lund, actuellement vivant,
mäis à museau plus court.
Une autre appartient au sous-genre XENURUS , Wagl., et ressemble au
X. nudicaudis, qui est vivant.
Les D, antiquus et maximus, Vilardebo, doivent être réunis au Glyptodon
clavipes, Owen.
_ D'autres ont été séparées génériquement par M. Lund à cause
de quelques détails de dentition. Ce sont :
Les Euryopow, Lund,
caractérisés par des dents comprimées transyersalement. On n'en
connaît qu'une espèce grande comme un petit cochon.
Les HETERODON, Lund,
dont les dents sont plus inégales, tant pour la forme que pour la
grandeur. Celles de devant, ainsi que celles de derrière, sont en
cylindres très minces; les deux qui précèdent celles-ci sont très
(1) et (2) Lund, Mém. Acad. de Copenhague, et Ann. des se. nal. (loc. cit.).
276 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS.
grandes. L’antérieure offre une coupe transversale en forme
d'ovale; la postérieure en forme de cœur.
La seule espèce connue était de la taille d’un lapin.
Quelques ossements et quelques plaques dorsales, trouvés en
Europe, ont quelquefois été rapportés à la famille des dasypides,
mais en général sans Be suffisantes. Ainsi :
Le Dasypus arvernensis, Huot (1), D. fossilis, Giebel (2), avait été établi
sur un Calcanéum de la ra as M. de Blainville a rapporté aux Ron-
geurs aquatiques.
Les plaques osseuses de la mollasse de Vendargues (Hérault), citées comme
appartenant à des mégathériums, paraissent être des Chélonées (3).
Je ne connais pas les plaques provenant de Vienne et indiquées dans le
Neues Jahrb., 1846, p. 472, et 1847, p. 579, dont M. H. de Meyer a-fait
le genre PSEPHOPHORUS.
4° ramize. — MYRMÉCOPHAGES (‘).
Cette famille présente l'intérêt de renfermer le seul édenté fos-
sile qui ait été trouvé en Europe. Aujourd'hui, comme je l’ai fait
observer plus haut, tous les édentés habitent les régions chaudes
du globe. La découverte importante de quelques rares fragments
a montré qu'une espèce de ces animaux a vécu en Europe pendant
l’époque tertiaire, et confirmé ainsi ce que nous venons de répéter
plus haut, que l'état du globe à permis, par une température pro-
bablement plus égale, une dispersion plus grande des genres et
des espèces.
La première connaissance que l'on ait eue de ces animaux en
Europe, est une phalange unguéale trouvée dans les sables d'Ep-
pelsheim, figurée pl. VIE, fig. 13, et qui présente à son côté dorsal
une forte fissure médiane. Ce caractère, comme l’a fait observer
Cuvier (°), ne se retrouve dans la nature vivante que dans les
fourmiliers et les pangolins; la grandeur de la fente semble indi-
quer plutôt ce dernier genre. Aussi le savant fondateur de la
paléontologie crut-il devoir déclarer que la découverte de cette
(1) Cours de géologie, t. I, p. 707.
(2) Fauna der Vorwelt, t. I, p. 107.
(3) Gervais, Zool. et pal. franç. p. 135.
(*) Je comprends sous cette dénomination soit les myrmécophages propre-
ment dits dépourvus de dents molaires, soit les oryctéropides.
(5) Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t, VII, p. 371.
MYRMÉCOPHAGES. — MACROTHERIUM. D. br É
seule phalange autorisait à admettre l'existence d’un Pangolin
gigantesque, ayant vécu pendant l’époque tertiaire. Sa taille de-
vait être sept à huit fois celle des pangolins actuels.
Depuis lors, M. Lartet a trouvé à Sansan (départ. du Gers) quel-
ques autres ossements qui paraissent pouvoir être rapportés au
même genre; mais ces débris étaient accompagnés de dents mo-
laires qui avaient tous les caractères de celles des édentés. Si ces
organes ont bien appartenu aux mêmes individus que les phalan-
ges unguéales, on devra en conclure que le myrmécophage gigan-
tesque des terrains tertiaires n'est pas un pangolin, mais qu'il
doit former un genre nouveau, auquel M. Lartet a donné le nom de
MAcroTHERIUM, Lartet, — Atlas, pl. VII fig. 13,
et qui serait caractérisé par des membres assez élevés, des pha-
langes unguéales analogues à celles des pangolins, et des dents
semblables à celles des oryctéropes, sans émail ni racines, à
tissu non tuberculeux, en nombre inconnu.
M. Kaup a émis une autre opinion sur ces ossements : il croit
que l’on devrait rapporter les phalanges unguéales au dinothé-
rium ; mais les raisons qui nous font croire que ce dernier animal
était un cétacé herbivore, et que nous développerons en traitant
de cette famille, nous empêchent d'admettre cette idée. Le même
paléontologiste a rapporté au dinothérium une omoplate qui à
quelques rapports avec celle de la taupe; et qui pourrait bien
avoir appartenu aussi au macrothérium.
La seule espèce connue serait le Macrotherium giganteum (Pangolin gi-
gantesque, Cuvier), qui aurait vécu vers la fin de l’époque tertiaire en Alle-
magne et en France (!). L’humérus a 50 centimètres de longueur, le ra-
dius 55, le fémur 45, et le tibia 28. En France, il a été trouvé à Sansan (Gers)
et à Saint-Gaudens (Haute-Garonne).
L'Amérique méridionale a fourni aussi quelques débris osseux
qui ont été rapportés aux myrmécophages, mais qui sont encore
très douteux.
Le genre des :
(1) Voy. Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VILLE, p. 471, Macrotherium san-
saniense, Lartet, Compt. rend. de l’Acad. des sc., t, IV, p. 90, et Notice sur
la colline de Sansan, p. 22; Blainville, Compt. rend. de l'Acad. des sc.,
t. VIII, p. 143 ; Gervais, Zool. et pal. franç., p. 135.
278 MAMMIFÈRES. — ÉDENTÉS.
À
FourMiLieRs (Myrmecophaga, Lin.),
caractérisé par l'absence complète de dents, n’y a pas été trouvé
fossile d’une manière certaine.
M. Lund (!) avait annoncé l'existence de deux espèces, l’une voisine du
M. jubata et l'autre du M. tridactyla vivants. 11 parle aussi ailleurs d’un
M. gigantea (?). Tous ces débris doivent être transportés dans le genre
PLATYONYx (Ÿ). } |
Les ORYCTÉROPES (Orycteropus, Geoffr.),
maintenant réduits à une seule espèce, qui vit dans les environs
du cap de Bonne-Espérance, ont été cités en Amérique pendant
l’époque diluvienne. M. d'Orbigny (f) rapporte à ce genre des os-
sements trouvés dans les pampas du Brésil. Ce fait n’est pas en-
core à ma connaissance appuyé sur des descriptions suffisantes.
Le genre des
GLOSSOTHERIUM, Owen,
a été établi uniquement sur la partie postérieure du crâne d’une
espèce perdue: M. Owen l’a décrit dans un mémoire remarquable,
et qui peut servir de modèle pour montrer combien un observateur
sagace et ingénieux peut tirer parti d’un fragment d'os, qui parai-
trait à bien d’autres devoir être rejeté comme inutile. Le savant
anatomiste anglais a cherché à prouver, par la dimension des
trous où passent les nerfs et les vaisseaux de la langue, que cet
organe a été très développé, et que l'animal pouvait probablement
en faire un usage important, comme les fourmiliers. D’un autre
côté, l'étendue du muscle temporal et la force de l’arcade zygoma-
tique montrent que l'animal à pu mâcher et a dû avoir des dents
molaires. De ces circonstances réunies, M. Owen conclut qu'il
est probable que cette espèce perdue a eu des rapports avec lPorye-
térope. Il sera intéressant de savoir si de nouvelles découvertes
confirmeront ces hardies déductions. Ce fragment à été trouvé
dans la Banda orientale (5). M. H. de Meyer, dans l’Znumerator
de M. Bronn, le rapporte au Mylodon Darwinri.
1) Mém. Acad. de Copenhague, t. IX, p. 197.
()
(2) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XI, p. 231.
(3) Ann. des sc. nat., 2° série, t. XIIT, p. 316.
(4) Voyage en Amérique, Paléontologie, p. 146.
(°) Owen, Voyage of the Beagle, p. 57.
PROBOSCIDIENS. 279
8° ORDRE.
PROBOSCIDIENS.
Les mammifères ongulés dont nous commençons
l'histoire sont caractérisés par l'impossibilité de ployer
les doigts autour des corps pour les saisir, par les ongles
courts-ou sabots qui protégent l'extrémité de ces orga-
nes ct par l'absence de clavicule.
Quelques auteurs (") n’en font qu’un seul ordre na-
turel ; et, en effet, il y a de nombreuses transitions entre
les diverses formes qui composent cette grande division,
si l’on réunit dans la même étude les animaux vivants et
les fossiles.
Nous croyons cependant devoir conserver ici la dis-
tinclion en trois ordres, savoir : 1° les ProposciptEns,
qui forment un type parfaitement caractérisé par ses
formes anormales ; 2°les PAcHYDERMES, qui ne ruminent
pas, qui n'ont qu'un estomac, et des doigts en nombre
variable ({ à 5) portés par des métacarpiens et des mé-
talarsiens qui ne sont jamais soudés en canon; 3% les
RUMINANTS, qui ont quatre estomacs, deux doigts dé-
veloppés et portant seuls à terre, des doigts latéraux
rudimentaires, les deux métatarsiens et les deux méta-
carpiens principaux, toujours (*) soudés de manière à
former un canon d’une seule pièce. i
(1) Voy. en particulier, Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t. V, p. 477;
Turner, Ann. et Mag. of nat. hist., t. VI, p. 477; Gervais, Zool.-et pal.
franç:, ete.
(2) On a trouvé une exception à cette règle. Le Moschus aquaticus d'Afrique
a ses métacarpiens et métatarsiens désunis.
280 MAMMIFÈRES. —— PROBOSCIDIENS.
Les proboscidiens ne forment dans le monde actuel
qu'un seul genre, celui des éléphants, qui, par ses for-
mes générales, sa trompe, sa dentition, son crâne caver-
neux et tous les détails de son squelette, ne peut être
confondu avec aucun autre. Ces animaux ont existé pen-
dant la période diluvienne. Leur patrie à cette époque
était beaucoup plus étendue qu’elle ne l’est de nos jours;
car on en trouve des fragments dans presque toute
l'Asie, dans la plupart des pays de l’Europe, et dans
l'Amérique septentrionale, jusque dans ses régions les
plus glacées. |
À la même époque, en Amérique, et pendant la pé-
riode tertiaire en Europe, vivait un autre animal qui lui
ressemblait beaucoup pour les formes, mais qui en dif-
férait par ses dents molaires, et dont Cuvier a formé le
genre MASTODONTE.
Nous étudierons d’abord le genre des :
Écépaants (Zlephas, L.), — Atlas, pl. IX, fig. 1-5,
caractérisé par des molaires composées de lames verticales, for-
mées chacune de substance osseuse enveloppée d’émail, et liées
ensemble par un ciment. Ces dents se succèdent d’arrière en
avant, de manière qu'il n'y en a jamais à la fois qu'une ou deux
de chaque côté de chaque mâchoire.
On a trouvé des débris d'éléphants dans la presque totalité de
l’Europe. La plupart des terrains meubles d'Allemagne, d’Angle-
terre, de France, d'Italie, d'Espagne, de Belgique et de Suisse,
en ont fourni des ossements qui ont, à diverses époques, attiré
l'attention par leur grandeur, et donné lieu à des fables nom-
breuses sur l'existence d'hommes fossiles d’une taille gigantesque.
(Voyez p.146). Mais de tous les pays, celui où ces ossements pa-
raissent le plus abondants est la Sibérie. On trouve, dans les ter-
rains récents de ce pays, des ossements et surtout des défenses
d’éléphants si nombreuses, et dans un état de conservation si par-
fait, qu'on les exploite pour les Jivrer au commerce. Les habitants
ÉLÉPIIANTS. 281
de la Sibérie expliquent ceés dépôts remarquables par la fable
suivante : Ils croient que le sol de leur pays est miné par des
animaux d’une taille gigantesque qu'ils nomment Mammouths ou
Taupes souterraines ; 11s S'imaginent que ces animaux sont des-
tinés à vivre toujours dans l'obscurité, et que lorsqu'ils arrivent
près de la surface de la terre, la lumiere Jes tue. Is leur attribuent
ces ossements et ces défenses si nombreuses. Des idées pareilles
semblent répandues dans presque tout le continent de l'Asie; on à
signalé jusque sur les confins de la Chine des dépôts semblables,
que les indigènes attribuent aussi à de gigantesques animaux
fouisseurs.
C'est ordinairement au bord des fleuves que l’on trouve ces
débris, ce qui a fait penser à quelques naturalistes que les élé-
phants pouvaient avoir vécu dans des régions plus tempérées et
avoir été entraînés par les eaux courantes. Il devenait ainsi inu-
tile de recourir, pour expliquer leur vie dans ces climats aujour-
d'hui glacés, à un changement dans la température du globe;
mais cette opinion est inadmissible, et le fait qu'on trouve ces
ossements principalement sur le bord des fleuves doit s'expliquer
plutôt parce que les eaux, dans leurs débordements, entraînent
les graviers et laissent ainsi à nu les os qu'ils récelaient. On a
souvent trouvé en effet des débris semblables, en creusant des
puits ou en exécutant d'autres travaux loin du cours des fleuves.
Quelques rivières d’ailleurs, dont les rivages en présentent sou-
vent, proviennent de hautes montagnes qui auraient été aussi
inhabitables aux éléphants que les plaines plus basses et plus sep-
tentrionales où leurs restes gisent aujourd'hui.
La découverte la plus remarquable qui ait été faite de ces ani-
maux est celle d'un cadavre entier trouvé dans un bloc de glace
sur les bords de la mer Glaciale. En 1799, un pêcheur tongouse
découvrit, près de la Léna, une masse informe entourée de glace ;
quelques années après, la fonte permit d'y reconnaître un élé-
phant. En 1806, M. Adams, voyageant pour le Musée de Péters-
bourg, trouva cet animal déjà en partie mis à nu et mutilé par
les animaux carnassiers. H reconnut avec surprise quil avait été
couvert d’un mélange abondant de crin et de laine. Une portion du
squelette avait été entraînée; il put toutefois en réunir la plus
grande partie et le faire transporter à Pétersbourg. Le fait le plus
remarquable qu'ait démontré cette découverte, est que le mam-
282 MAMMIFÈRES. — PROBOSCIDIENS.
mouth était organisé pour résister à un climat froid; car il était
protégé par une toison, comme le sont aujourd'hui les ours et les
autres animaux qui vivent dans ces contrées. Il en résulte, comme
je l'ai déjà dit ailleurs (voy. p. 72), qu'il n’y à aucun motif pour
assimiler le climat de la Sibérie pendant l’époque diluvienne à
celui où vivent les éléphants modernes; et que l’on doit au con-
traire reconnaitre que, selon toutes les probabilités, il était déjà
froid, sans toutefois l'être autant qu'aujourd'hui, puisqu'il a dû per-
mettre une végétation suffisante à la nourriture de ces grands ami-
maux. |
_ On ne connaît dans le monde actuel que deux espèces d’élé-
phants qui se distinguent facilement par la grandeur relative des
oreilles, le nombre des ongles et la disposition des lames d’émail
des molaires. Ces lames forment des losanges dans l'éléphant
d'Afrique, et des rubans transverses dans l'éléphant d'Asie.
(Voyez Atlas, pl. IX, fig. 4 et 5.) M. F: Cuvier a même cherché
à baser, sur ces ice deux genres qu'il à désignés sous les
norns d'ÉLÉPHANT (nommé aussi plus tard ÉLASMODONTE) et de
LOxoponTE.
Pour la distinction des espèces fossiles, on à pu quelquefois
s'appuyer sur la forme de la tête et du squelette, et même sur la
nature des téguments; mais dans la plupart des cas on n’a pas eu
d'autres éléments que la dentition qui présente, dans le courant
de la vie, des modifications considérables. Ces modifications étaient
trop incomplétement connues aux différents naturalistes qui se
sont occupés des éléphants fossiles pour permettre une discussion
suffisante de la valeur des caractères, et un grand nombre d'espèces
paraissent inacceptables.
M. de Blainville, dans son Ostéogranhie, a donné une histoire
plus complète de la succession des dents. Il admet en tout six
molaires de chaque côté de chaque mâchoire, se renouvelant,
comme nous l'avons dit plus haut, d’arrière en avant, de manière
qu'il n'y en ait en général qu'une ou deux à la fois. Ces mo-
laires diffèrent entre “elles par le nombre des lames d’émail et par
leur forme générale. Dans l'éléphant d'Asie, la première molaire
de chaque mâchoire à 4 lames d’émail seulement et des racines
distinctes. Le nombre des lames augmente dans les suivantes, et
les racines deviennent de plus en plus indistinetes, de sorte que
les dernières dents en manquent tout à fait. A la mâchoire supé-
ÉLÉPHANTS. 283
rieure, la seconde dent à huit lames d'émail, la troisième onze,
la quatrième quinze, la cinquième probablement dix-sept et la
dernière vingt-trois. À la mâchoire inférieure les nombres erois-
sent à peu près de même jusqu'à la dernière qui en a vingt-sept. Ces
données sont importantes pour la comparaison des dents fossiles.
L'espèce fossile la plus abondante et la plus connue est l’Elephas primige-
nius, Blum, le Mammouth, Elephas mammouteus (Cuvier) (1). Voyez dans le
Palæologica de M. H: de Meyer un catalogue considérable des nombreuses ci-
tations qui ont été faites de cette espèce. Pour éviter les répétitions inutiles,
nous renvoyons à l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE de notre quatrième volume, aux
articles Ashe, Baker, Bald, Barth, Bergmann, Beyschlag, Bonn, Borson,
Brandt, Breyn, Camper, Carthauser, Castelnau, Charlesworth, Charlton,
Chiampini, Delue, Everset, Faujas, Ficht, Fischer, Fortis, Fuchs, Galeotti,
Gervais, Giurykowitz, Grant, Haidinger, O. d'Halloy, Harlan, Hœninghaus,
Hoffmann, Hoyerus, Jacob, Ipilsburg, Kilian, Langenmantel, Martin, Mei-
.necke, Merck, Mesny, Morren, Murchison,. Nesti, Paillette, Pale, Pichat,
Rambles, Ranking, Raspe, Rathke, Ravin, Renslaër, Rhiem, River, Roberg,
Robert, Rouillier, Royer, Schmerling, Schnetter, Sloane, Smith, Spadoni,
Steding, Strickland, Tentzel, Triæn, Turner, Virlet, West, Woolworth, etc.
C’est à cette espèce que se rapportent la plupart des faits indiqués ci-
dessus; c’est en particulier celle dont les débris sont si abondants en Sibérie,
et c’est à elle qu’appartiennent la plupart des ossements des terrains meubles
de l’Europe. L'Elephas primigenius ressemble surtout à l'éléphant des Indes,
et diffère beaucoup plus de l’éléphant d'Afrique. Il a, comme le. premier,
les lames d’émail de ses molaires disposées en lignes à peu près parallèles,
tandis que dans l'éléphant d’Afrique elles forment des losanges. Quels que
soient toutefois ses rapports avec cette espèce vivante, Cuvier a démontré
qu'on ne pouvait pas les confondre, et les principaux caractères qui les dis-
tinguent sont les suivants (Atlas, pl. IX, fig. 1-3) :
L'éléphant fossile a les lames d’émail de ses molaires plus rapprochées,
plus minces et moins festonnées ; de sorte que si l’on compare une de ces
dents à une du même âge de l'éléphant des Iudes, c’est-à-dire ayec une
dent qui ait le même nombre d'éléments, on trouvera plus de lames dans
un espace donné. Ces mêmes molaires sont plus larges à proportion dans
l'éléphant fossile, et ses défenses, souvent très courbées, sont aussi grandes
que celles de l'éléphant d'Afrique. Un des caractères les plus distinetifs est
la longueur des alvéoles des défenses (fig. 2), qui ont dû allonger la tête
“en avant et fournir une base plus solide à la trompe, qui a été probablement
‘ bien plus épaisse à sa base. La région occipitale présente aussi des différences
assez notables en prenant un développement plus grand, lié avec une aug-
‘ mentation dans la force des apophyses épineuses des vertèbres.
(1) Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t. Il, p. 1.
284 MAMMIFÈRES. -— PROBOSCIDIENS.
Cet animal a dû atteindre jusqu'à 15 ou 16 pieds de hauteur au garot,
c’est-à-dire qu’il a un peu dépassé les plus grands éléphants des Indes. Ses
membres ont été plus forts et plus massifs à proportion. Il était couvert d'un
pelage formé de longs poils bruns, gros comme des crins de cheval et longs
de 12 à 15 pouces, mêlés avec d’autres plus petits et plus clairs, et avec une
laine abondante longue de 4 à 5 pouces, fine, assez douce, frisée et d’un
fauve clair.
Les restes du mammouth, comme je l’ai dit plus haut, se retrouvent
dans une grande quantité de pays. Tout le nord de l’Asie et la totalité du
continent européen en fournissent, car on en à trouvé depuis la Russie jus-
qu’en Irlande, et depuis les régions du nord jusqu’en Espagne, en Sicile et
en Grèce. On en cite même de quelques contrées plus éloignées. M. Guyon
en a recueilli près de Philippeville (Algérie); l'Amérique septentrionale a
fourni de nombreux débris que l’on doit probablement aussi rapporter à la
même espèce, Des fragments trouvés dans le Kentucky, sur les bords de
l'Ohio, d’autres près de Mexico et dans les possessions espagnoles d'Amérique,
et quelques uns enfin bien plus au nord, jusqu’au point où le capitaine
Parry a pénétré en 1819, montrent que l’éléphant a habité pendant l’époque
diluvienne toute l'Amérique septentrionale en même temps que le grand
mastodonte.
Tous ces ossements ont été trouvés dans le terrain diluvien, et
le mammouth peut être considéré comme caractéristique de cette
époque. Il ne vivait pas encore pendant la période pliocène (!).
Une autre espèce a été signalée comme trouvée en Europe. C’est l’'Elephas
priscus, Goldf. (2) (E. africanus fossilis), trouvé dans les terrains diluviens
du Rhin et de Wittemberg : il avait les lames des molaires en losanges,
comme l'éléphant d'Afrique; mais il n’est connu que par quelques dents
dont on a même contesté l’origine. Cuvier doutait de l’existence de cette
espèce, et de Blainville ne se prononce pas à son sujet.
M. Fischer (ÿ) indique encore cinq espèces d’éléphants des terrains dilu-
viens de Russie; mais on ne peut pas les admettre sans un nouvel examen.
Ce sont les Elephas panicus, E. proboletes, E. pygmϾus, E. Kamenskii et
E. campylotes.
L’Elephas meridionalis, Nesti., indiqué comme trouvé dans les terrains
récents du val d’Arno et du Puy-de-Dôme, et caractérisé par une mä-
() Les débris attribués à l'éléphant et trouvés dans les terrains tertiaires
paraissent devoir être rapportés au genre suivant (Gervais, Zool. et pal. franç.,
p. 36). Quelques auteurs admetteut cependant que l’on trouve quelquefois
des éléphants et des mastodontes réunis dans le même terrain (en Europe).
Nous reviendrons sur ce sujet dans le quatrième volume.
(2) Nova acta nat. cur., t. X, pl. 2, p. 495.
(3) Bull, de la Soc. de Moscou, p. 275.
ÉLÉPHANTS. 285
choire inférieure à symphyse plus longue, n’est pas non plus suffisamment
certain (1).
Il faut aussi réunir à l’Elephas primigenius : l'Elephas odontolyrannus,
Eichwald (2), et l’Elephas macrorhynchus, Morren (). ,
Les éléphants ont aussi été trouvés fossiles dans l’Inde. C’est à
ce genre qu'il faut rapporter plusieurs espèces remarquables trou-
vées soit sur les bords de l'Irawadi en Birmanie, par M. Clift,
soit dans les collines subhimalayennes, par MM. Cautley et Falco-
ner. Plusieurs de ces espèces présentent des dents dont les élé-
ments sont plus séparés que dans les éléphants, de sorte que cha-
que lame d'ivoire est le sommet d’une véritable colline. Ils font
ainsi une transition aux Mastodontes, et sont devenus, pour
MM. Cautley et Falconer (Æauna antiqua sivalensis), le type du
genre STÉCODON.
Ce sont les espèces suivantes :
L'Elephas Cliftii, Cautley et Falconer (Fauna antiqua sivalensis, pl. 30),
de l'Irawadi.
L’'Elephas bombifrons, Cautley et Falconer (/d., pl. 25, 26, 27, 28, 29,
29 a et 29 b), des collines subhimalayennes.
L'Elephas canesa, Cautley et Falconer (/d., pl. 3, 20 a, 21, 22, 23, 24,
24 a, 25, 25 a, 29 b), du même gisement.
L'Elephas insignis, Cautley et Falconer (/d., pl. 2, 6,15, 16, 17, 18,
18 a, 19, 19 a, 20, 20 a, 24, 24, 24 a, 25, 29), du même gisement,
Une autre espèce se rapproche davantage de l’éléphant d’Afri-
que (sous-genre Loxopon), c'est :
L'Elephas planifrons, Cautley et Falconer (Fauna antiqua sivalensis,
pl. 2, 6, 9,10, 11, 12, 18 et 18 a), des collines subhimalayennes.
D'autres rappellent au contraire les formes de l'éléphant d'Asie
(sous-genre ELASMODON), ce sont :
L'Elephas hysudricus, Cautley et Falconer (Fauna antiqua sivalensis,
pl. 4,4, 5, 6, 7, 8, 12 0,12 c, 13 a), des collines subhimalayennes.
L'Elephas namadicus, Cautley et Falconer (/d., pl, 12 a, 12 b, 12 c,
42 d, 13, 24 a), du même gisement.
Le second genre est celui des
(') Nesti, Nuov. giorn. d. lett., 1825, p. 195; Croizet et Jobert, Ossem.
foss. du Puy-de-Dôme, t. 1, p. 1235.
(2) De reliquiis foss. Pod. et Volh. (Nova acla, 1835, t. XVII, 2, p. 723).
(8) Bull. Soc géol., t. AL, p. 27.
386 MAMMIFÈRES. —— PROBOSCIDIENS.
Masropontes (Wastodon, Cuv.), — Atlas, pl. IX, fig. 6-10,
qui a aujourd'hui complétement disparu de la nature vivante, Ces
animaux avaient la forme des éléphants, leur crâne bombé et cel-
luleux, leurs grandes défenses à la mâchoire supérieure et leur
démarche lourde. Ils avaient aussi probablement une longue
trompe, car les os du nez ressemblent à ceux de l'éléphant, et
paraissent avoir été disposés pour une organisation analogue.
L'obligation d’ailleurs de prendre à terre les végétaux et les ra-
cines dont ils ont dù faire leur nourriture, jointe à la brièveté du
cou et de la tête, démontre la nécessité de cet organe.
Ils en différaient principalement par leurs dents molaires, dünit
la couronne simple était hérissée de mamelons coniques, rétünis
de manière à former un certain nombre de collines transversales
qui ne sont point réunies par du ciment.
- Il résulte des travaux de M. Kaup et de ceux de M. de Blainville,
que ces molaires étaient probablement au nombre total de $
comme dans les éléphants, se succédant d'arrière en avant, de
manière qu'il n’y en eût que deux ou trois à la fois; mais M. Lar-
tet à trouvé à Sansan des mâchoires dont on peut conclure qu'il
y avait, en outre, un remplacement des premières molaires de lait
par des dents qui croissaient en dessous d'elles comme dans tous
les autres mammifères. M. Owen pense que ces germes se réabsor-
baient quelquefois (°). |
Dans le Y. longirostris, suivant M. Kaup, la première dent de la
mâchoire supérieure était carrée et à deux collines, la seconde en
avait une de plus, et les suivantes, beaucoup plus longues à pro-
portion, augmentaient jusqu'à la-dernière qui avait cinq collines
et un fort talon postérieur simulant une sixième. À la mâchoire
inférieure la première était à deux racines, sa couronne portant
seulement deux mamelons et la dernière avait six collines trans-
yerses.
La forme de ces dents avait paru, aux premiers naturalistes qui
les étudièrent, révéler l'existence d’un grand animal carnassier;
mais une comparaison plus exacte a montré que ces molaires
indiquent un régime herbivore et frugivore semblable à celui
- (1) Voy. Lartet, Notice sur la colline de Sansan ; Laurillard, Rapport à
MM. les professeurs du Muséum (Moniteur, octobre 1851),
MASTODONTES. 287
de la plupart des pachydermes. On les à aussi, et avec plus de
raison, comparées aux hippopotames, tellement que Daubenton,
Collinson, etc., pensèrent que ces dents pourraient bien ne pas
appartenir au même animal que les os; ces derniers se rapportant
à un éléphant et les dents à un hippopotame. Où à trouvé, dans
l'intérieur d’un squelette fossile dans l'Amérique septentrionale,
ét à la place que devait occuper l'estomac, des débris végétaux
qui ont prouvé que le mastodonte se nourrissait surtout des
jeunes pousses des arbres.
Les mastodontes présentent aussi un caractère remarquable,
dans l'existence, au moins pendant la jeunesse, de deux petites
défenses droites et courtes à l’extrémité de la mâchoire inférieure.
C'est sur cette circonstance qu'avait été établi le genre TETRa-
CAULODON, Godmann. Un nouvel examen el une comparaison plus
étendue ont montré que ces petites défenses inférieures, et sou-
vent caduques, étaient un caractère commun à presque toutes les
espèces.
Il paraît que dans les mâles de quelques espèces une seule sub-
sistait, en sorte que, suivant M. Owen, le mâle adulte avait à la
mâchoire inférieure une défense unique implantée dans la bran-
che droite.
Lors de leur première découverte, les ossements de ces ani-
maux ont été confondus avec ceux de l'éléphant, et de là est ré-
sultée, dans la nomenclature, une confusion fréquente entre les
mots de mastodonte et de mammouth. Ce dernier nom doit être
exclusivement réservé à l'Ælephas primigenius.
L'espèce la mieux connue est
Le grand Mastodonte (1) (M. giganteum, Cuvier; Mammouth ohioticum ,
Blum; Harpagmotherium canadense, Fischer; Elephas carnivorus, Hunter ;
Tetracaulodon mastodonloideum, Godm)., dont les molaires, assez longues,
présentent, par leur détrition, des coupes en forme de losange. On en a
trouvé de nombreux et beaux débris dans plusieurs localités de l'Amérique
septentrionale, et quelques musées des Etats-Unis, ainsi que le British
Museum en possèdent des squelettes complets. Ses ossements fossiles avaient
(1) Cuvier, Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t. Il, p. 247. L'animal qui a
été montré à Londres sous le nom de Âlissourium n’était autre chose que le
grand mastodonte. il a aussi été nommé Missourotherium. Ce même genre, à
diverses époques, à été aussi désigné sous les noms de LEVIATHAN, Masro-
THERIUM, PSEUDO-ÉLÉPHANT, HARPAGMOTHERIUM, etc. Il a été divisé par le nom-
bre des parties de molaires en TRILOPHODON et TETRALOPHODON,
288 MAMMIFÈRES. —— PROBOSCIDIENS.
déjà frappé les habitants de la Louisiane et du Canada, qui désignent cet
animal sous le nom de Père aux bœufs, parce qu’on trouve souvent ses os
enfouis avec ceux plus récents des buffles et des bisons. (Atlas, pl. IX,
fig. 6 et 7.)
Il paraît avoir ressemblé beaucoup à l’éléphant. Sa taille égalait celle des
grands éléphants des Indes, mais avec des membres plus lourds et un ventre
probablement plus mince. Il paraît aussi qu’il était plus allongé proportion:
nellement à sa hauteur. Son crâne était plus plat que celui de l'éléphant,
mais avec des formes semblables. Sés défenses supérieures ressemblaient à
celles de l’Elephas primigenius, et ont été quelquefois, comme dans cet
animal, fortement recourbées et un peu en spirale; elles étaient d’ailleurs
implantées comme celles des éléphants, quoiqu'on ait prétendu que la pointe
était dirigée en bas. Les inférieures étaient petites, cylindriques, obtuses et
caduques.
Les naturalistes américains ont décrit plusieurs espèces de l’Amérique du
Nord qui paraissent devoir se rapporter, pour la plupart, au M. giganteum.
Les M. Godmanni, Kochii, Collinsonii, Haysü, etc., ne peuvent pas être ad-
mis comme des espèces certaines (1).
Une autre espèce, qui paraît se distinguer de la précédente par de bons
caractères, a habité l'Amérique méridionale: c’est le M. Humboldti, Blain-
ville (2). Sa mâchoire inférieure ne portait probablement jamais de défenses,
et ses molaires rappellent plutôt la forme du M. angustidens que du M. gi-
ganteum ; mais l'émail y est plus replié.
Il faut, suivant M. de Blainville, lui rapporter le M. andium, Cuvier ($);
mais il existe certainement au moins deux espèces dans l'Amérique méri-
dionale, Car la mâchoire attribuée par M. d’'Orbigny (f) au Mastodon an-
dium a la symphyse très prolongée, et il ne peut pas être réuni au M. Hum-
boldtii.
Les mastodontes ont aussi, comme nous l'avons dit plus haut,
habité l'Europe, mais seulement dans l’époque tertiaire, et l’on
n’en peut citer aucune trace certaine dans la période diluvienne (Ÿ).
De nombreuses espèces ont été citées par les géologues et les
paléontologistes; mais beaucoup d’entre elles ont été établies sur
des différences dans la forme des molaires qui tiennent à la place
qu'elles occupaient dans l’une ou dans l’autre mâchoire. Les plus
certaines sont les suivantes.
(1) Voyez en particulier Grant, Proceed. of the geol. Soc., t. HI, p. 600
et 689; Blainville, Ostéographie, etc.
(2) Blainville, Ostéographie, Éléphants, p. 302.
(8) Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t. Il, p. 368.
(4) Voyage en Amérique, Paléontologie, pl. 10 et 11.
(5) Voyez la note page 284,
MASTODONTES. 289
Deux ou trois au moins ont vécu dans l’époque miocène.
Le Mastodon longirostris, Kaup (!), est caractérisé par des molaires très
étroites, et surtout par l’allongement extrême de la mâchoire inférieure qui
porte deux défenses cultriformes (pl. IX, fig. 8). II faut, suivant M. Gervais,
lui réunir la plus grande partie des ossements rapportés par Cuvier (2) au
Mastodon angustidens, espèce qui doit être abandonnée et répartie entre
celle-ci et le M. brevirostris. M. Gervais croit que le M. longirostris est
l'animal de Simorre (3) de Réaumur (f). Cette espèce est commune dans les
terrains miocènes du midi de la France, à Simorre, à Chevilly, ete., ainsi
que dans les gisements analogues d’Eppelsheim et de diverses contrées d’AI-
lemagne.
Le Mastodon Gaujacis, Lartet (5) forme, suivant MM. Lartet et Laurillard :
ou une espèce distincte ou une race de montagne. Elle n’est connue que par
des fragments trouvés aux environs de Lombez et à Sansan.
Le Mastodon tapiroides, Cuvier ($), est clairement caractérisé par ses mo-
laires composées de tubercules plus nombreux, rangés en séries ou collines, de
manière à former une sorte de transition aux dinothériums et aux tapirs.
(Atlas, pl. IX, fig. 10). Il a été trouvé à Simorre et dans quelques autres
parties de la France méridionale, dans le terrain miocène. M, de Blainville lui
réunit, avec doute, le M. turicense, Schinz (Mastodonte de Zurich). Je
connais, en effet, des molaires du Mastodonte de Zurich qui sont tout à fait
tapiroïdes, mais d’autres, par contre, ressemblent à celles du M. longirostris.
Je pense qu’il y a deux espèces dans ces lignites.
Une espèce se trouve dans les terrains pliocènes proprement
dits.
Le Mastodon brevirostris, Gervais (7), est établi sur une partie des
(1) Ossem. fossiles de Darmstadt, 4° livr., pl. 16-22.
(2?) Ossem. fossiles, 4° édit., t. Il, p. 327.
(3) Cette opinion n’est pas partagée par M. Pomel, Bull, Soc, géol., t. V,
p. 257, ni par M. Lartet, Notice sur la colline de Sansan, p. 26; ni par
M. Laurillard, Rapport à MM. les professeurs (Moniteur, oct. 1851). Tous ces
paléontologistes considèrent le mastodonte de Simorre comme devant être
séparé du M. longirostris. M. Pomel le nomme M. Cuvieri; M. Lartet,
M. simorrense ; M. Laurillard en fait deux espèces.
(#) Mém. de l’Acad. des sc. de Paris, 1715, p.714; Blainville, Ostéographie;
Gervais, Zool. et pal. franç., p. 38; Laurillard, Dict. de d’Orbigny, t. VIH,
p. 29; Kaup, Ossem. fossiles de Darmstadt, 4° livr. (en y réunissant les
M. dubius et grandis), etc.
(5, Lartet, Notice sur la colline de Sansan, p. 27.
(6) Ossem. fossiles, 4° édit., t, IT, p. 371 ; Blainville, Ostéogr.; Laurillard,
Dict. de d'Orbigny, t. VILLE, p.31; M. Borsonü ? Hays; Gervais, Zool. et pal,
franç., p. 39.
(7) Zool. et pal. franç., p. 37, pl. 1 et 3.
L 19
200 MAMMIFÈRES. —- PROBOSCIDIENS.
débris attribués par Cuvier au M. angustidens. Ses défenses inférieures
sont nulles ou peu développées , la mâchoire inférieure courte comme celle
des éléphants; les molaires rappellent celles du M. longirostris, avec des
tubercules secondaires entre les collines. Cette espèce a été trouvée dans
plusieurs localités pliocènes du midi de la France.
Les mastodontes paraissent aussi avoir été abondants pendant
l'époque pliocène au Puy et en Auvergne. J'extrais d'une com-
munication inédite, due à l'obligeance de M. Avmard, les faits
suivants.
Le Mastodon macroplus, Aymard, avait des molaires à collines réunies par
des tubercules secondaires et présentant par l’usure des coupes en forme
de trèfles. La symphyse de la mâchoire n’est pas connue. Les incisives
sous le faible diamètre de 8 centimètres au gros bout atteignaient presque
2 mètres de longueur, et avaient une coupe subelliptique. Cette espèce a été
trouvée à Vialetie et à Pichevieil.
Le Mastodon vellavus, Aymard (!), connu seulement par quelques os des
membres, dépassait d’un tiers au moins en hauteur le mastodonte de l'Ohio et
a dû atteindre plus de à mètres. On ne connaît pas ses dents. De Vialette.
Le Mastodon Vialetti, Aymard, n’est aussi connu que par des os des
membres, qui prouvent qu’il était la plus petite espèce connue. De Vialette.
Ces derniers ne peuvent , comme on le voit, être inscrits que provi-
soirement.
Le Mastodon arvernensis, Croizet et Jobert (2), avait la mâchoire courte
comme le M. bredirostris, mais ses molaires étaient subtapiroïdes. Il a été
trouvé dans le terrain pliocène d'Auvergne. C’est, je crois, la même espèce
que celle que M. Pomel (#) nomme M. Buffonis. M. Aymard lui rapporte,
avec doute, quelques ossements de Vialette, et, en particulier, des dents
intermédiaires entre celles du M. maximus et celles du M. tapiroides.
Les riches gisements de l'Inde, que nous avons indiqués au sujet
des éléphants, ont aussi fourni des mastodontes; les auteurs, à
cause des transitions que nous avons signalées plus haut, ne sont
pas tous d'accord sur le classement des espèces. M. de Blainville
range parmi les éléphants une partie de celles que nous allons
indiquer d'après MM. Cautley et Falconer.
Ces naturalistes ont figuré :
Le Mastodon perimensis, Cautley et Falconer (f), de Ferim.
(1) Bull. Soc. géol. franç., 2° série, 1. IV, p. 414.
(2) Foss. du Puy-de-Dôme, p. 134.
(#) Bull. Soc. géol. franç., 2° série, t. V, p. 257.
(4) Fauna antiqua Sivalensis, pl. 31, 38, 39 et 40.
PACHYDERMES. 291
Le Mastodon latidens (!), Clift, des bords de l’Irawadi (Elephas, Blainville).
Le Mastodon sivalensis (2), Cautley etFalconer, des collines subhimalayennes.
Ces trois espèces appartiennent au sous-genre des TETRALOPHODON.
Je termine ce qui tient aux mastodontes en avertissant que, vu
le nombre considérable d'ouvrages dans lesquels il est parlé de
ces animaux, je n'ai indiqué que les plus importants.
Je renvoie en outre à l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, OÙ plusieurs mémoires
spéciaux sont eités aux articles: Aymard, Azema, Buckland, Clift,
Dikson, Gervais, Goodmann, Guernesey, Hays, Koch, Maxwell, Lyell, Nesti,
Noulet, Oken, Pichot, Ranking, Renslaër, Rogers, Serres (M. de), Warren,
Wymann, etc.
9° ORDRE.
PACHYDERMES.
Nous ne comprenons sous ce nom , d’après ce que
nous avons dit plus haut, que les mammifères ongulés,
caractérisés par une digestion normale sans rumination,
par un seul estomac, par des doigts en nombre varia-
ble (de { à 5), portés par des métacarpiens et des méta-
tarsiens désunis, ne formant pas de canons, par une
tête sans développement celluleux extraordinaire et sans
trompe, ou du moins avec une trompe courte.
Cet ordre est aussi important dans l’histoire des ter-
rains tertiaires et diluviens d'Europe que celui des
édentés dans celle des dernières périodes en Amérique ;
car, comme nous l'avons dit plus haut, lors de la pre-
mière apparition des mammifères en Europe, Les famil-
les herbivores ont été les plus nombreuses, et, parmi
elles, ce sont les pachydermes qui ont dominé.
L'étude de ces animaux fournit des résultats zoolosi-
(') Clift, Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. Il, p. 371; Cautley et
Falconer, Loc. cit., pl. 30, 31 et 40,
(2) Loc, cit., pl. 3, 18, 32, 33, 34, 35, 36, 37 et 39,
292 MAMMIFÈRES. -— PACHYDEBMES.
ques intéressants, et l’histoire des pachydermes fos-
siles est nécessaire pour donner une idée exacte des
véritables relations qui lient les genres dont se com-
pose cet ordre, soit entre eux, soit avec diverses autres
familles de mammifères.
Nous trouvons en premier lieu que quelques pa-
chydermes fossiles forment une transition aux édentés,
et augmentent ces rapports si nombreux que nous avons
déjà été appelés à signaler. On en verra en particulier
quelques exemples dans les fossiles américains.
D'autres genres fossiles établissent des transitions
aux ruminants , et les limites de ce groupe semblent
avoir été rendues moins strictes par la découverte des
anoplothériums, qui présentent une réunion inattendue
de caractères qui, dans la création actuelle, appar-
tiennent exclusivement, les uns aux pachydermes et
les autres aux ruminants.
J'aurai encore occasion de montrer plus tard que
quelques pachydermes fossiles forment une transition
aux cétacés.
Nous observons en second lieu que l'étude des fos-
siles comble les lacunes que cet ordre semble présen-
ter de nos jours. Tous les zoologistes savent que si l’on
compare dans la création actuelle les ruminants et les
pachydermes, c’est-à-dire les deux ordres de mammi-
fères ongulés, on voit qu’autant les ruminants forment
un ordre naturel et dont les genres sont intimement
liés les uns aux autres, autant les pachydermes sem-
blentréunis par des caractères négatifs. Les genres qui
appartiennent à cet ordre sont pour la plupart isolés et
liés les uns aux autres par de faibles analogies.
Les choses ne se présentent plus de même quand,
au lieu d'étudier seulement les pachydermes vivants,
PACIHYDERMES. 293
on compare l’ensemble de cet ordre, en réunissant tous
les types des diverses époques. On trouve alors de nou-
veaux liens et des passages nombreux, qui font de l’or-
dre des pachydermes un ensemble presque aussi natu-
rel que celui des ruminants. La différence que ces deux
ordres présentent actuellement semble devoir être at-
tribuée au mode de leur apparition sur la terre. Les
pachydermes, qui ont apparu successivement et par
des types dont une grande partie ont été détruits, sont
maintenant réduits à des genres isolés. Les ruminants,
dont l'apparition «a été plus instantanée, et dont presque
aucun type n’a disparu, ont conservé leur homogénéité.
On peut enfin citer encore, comme un résultat de
la comparaison des pachydermes fossiles, le fait que
les différences de taille ont été, aux époques ancien-
nes, encore plus remarquables qu'aujourd'hui. D'une
part, les rhinocéros, les hippopotames, etc., ont dépassé
en grandeur les espèces actuelles ; de l’autre, les très
petites espèces ont été beaucoup plus nombreuses;
quelques-unes même sont restées dans des limites infé-
rieures à celles que présente aujourd’hui le daman.
Nous divisons cet ordre en deux familles. La première
comprend tous ceux qui ont les doigts en nombre im-
pair, et la seconde ceux qui les ont en nombre pair.
Chacune de ces divisions forme une série dans laquelle on
voit les doigts diminuer en nombre et les formes deve-
nir moins lourdes. La première de ces séries commence
aux rhinocéros et se termine au cheval, qui ne peut
plus former une famille distincte (solipèdes) depuis que
la paléontologie adécouvert des formes intermédiaires qui
le lient au tapir. La seconde commence à l’hippopo-
tame etse termine aux anoplothériums, qui forment eux-
mêmes une transition aux ruminants.
294. MAMMIFÈRES. —— PACHYDERMES.
Are Fame. — PÉRISSODACTYLES.
Sous cette dénomination, empruntée à M. Owen (:), nous com-
prenons les pachydermes à système digital impair, c’est-à-dire
ceux chez qui le doigt médius prédomine toujours et forme le
milieu du pied, soit que l'animal ait, comme c’est le cas normal,
trois doigts, dont les latéraux sont plus ou moins subordonnés;
soit qu'il en ait quatre, dont l'index d’un côté et l'annulaire ét le
petit doigt de l’autre restent inférieurs au médius. Leur pied n’est
donc jamais régulièrement bisulque. Leur astragale est toujours
caractéristique ; cet-os s'appuie sur le calcanéum par trois grandes
facettes et n’est pas en double poulie comme dans la famille suivante.
C'est à cette division qu'appartient le Daman (//yrax), genre
vivant qui n’a pas encore été trouvé fossile et qui s'écarte de tous
les pachydermes par un caractère dont il est difficile d'apprécier
exactement l'importance. Il se développe avec un placenta zonaire,
tandis que tous les autres ont un placenta diffus.
Dans le but de faire mieux comprendre les rapports des divers
genres, nous diviserons les pachydermes périssodactyles en quatre
tribus :
1° Les RaiNOcEROÏDES, qui n'ont point de canines, et qui sont
en outre caractérisés par des formes lourdes, par une peau épaisse,
et le plus souvent par une ou deux cornes sur le nez.
2° Les Tarrroïpes, qui ont des canines, et dont les dents mo-
laires, surtout les inférieures, sont en général formées de collines
transverses ; les pieds antérieurs ont 3 ou 4 doigts.
3° Les PALÆOTHÉRIOÏDES, qui ont aussi des canines, mais dont
les dents molaires inférieures sont formées de croissants succes-
sifs; les pieds ont toujours trois doigts.
L° Les SoLiPèpes, qui ont des canines pelites ou nulles, des
dents molaires formées d’une lame d’émail plissée d'une manière
compliquée, et des pieds composés d’un seul doigt développé et de
doigts accessoires rudimentaires.
re TriBu. — RHINOCÉROIDES.
Ce groupe comprend, comme nous venons de le dire, les espèces
(!) Quarterly journal of the geol. Soc., 1848, t. IV, p. 131,
RHINOCÉROÏDES. —— RHINOCÉROS. 295
dépourvues de canines, à formes lourdes et à peau épaisse. Le
genre principal est celui des
RHINOCÉROS (hinoceros, Lin.}, — Atlas, pl. X, fig. 1-5,
qui sont clairement caractérisés par la corne simple ou double qui
arme le dessus de leur nez, et surtout par leur Z molaires dont
les Supérieures ont deux collines incomplétement séparées par un
vallon curviligne, et dont les inférieures ont deux collines en’
croissants successifs. Les incisives sont variables; tantôt elles sont
très petites et caduques, tantôt assez grandes et persistantes.
Ces animaux ont joué un grand rôle pendant les époques qui ont
précédé la nôtre; des espèces nombreuses et de grande taille ont
oceupé des pays dont ce genre est aujourd’hui complétement ex-
clu. Leur histoire à quelques rapports avec celle des proboscidiens,
car, inconnus dans l'origine de la période tertiaire, ils ont laissé
des débris dans ses terrains moyens et supérieurs; et dans l’épo-
que diluvienne ils ont habité le nord du globe, jusque dans les
régions qui sont de nos jours presque constamment glacées.
Les découvertes les plus intéressantes sont celles qui ont été
faites par les naturalistes russes. Pallas à trouvé, en 1781, un
rhinocéros entier, conservé avec sa peau et enseveli dans le sable
près de la Léna, à 64 degrés de latitude nord. Malheureusement
les circonstances l’empêchèrent d'en recueillir le squelette com-
plet, et l'animal lui-même était moins bien conservé que l'éléphant
dont nous avons parlé (p. 281); mais la description de Pallas
suffit pour montrer qu'il était probablement revêtu de poils, et
organisé par conséquent aussi pour résister à un climat plus froid
que celui que peuvent supporter les rhinocéros actuels.
Depuis lors de nombreux fragments ont été trouvés en France,
en Italie, en Angleterre et surtout en Allemagne. Ils ont permis
de reconnaître l'existence de plusieurs espèces qui présentent,
dans leur comparaison avec les espèces actuelles et dans leurs
caractères exceptionnels, quelques faits zoologiques qui ne sont
pas sans intérêt.
On peut diviser les rhinocéros vivants et fossiles en quatre
groupes assez tranchés.
4° Ceux qui ont les narines séparées par une cloison osseuse,
les incisives caduques, manquant dans l’âge adulte, et les mem-
296 MAMMIFÈRES. -— PACHYDERMES.
bres robustes. (Atlas, pl. X, fig. 3.) M. Bronn a fait son genre
CoELoponTA de ce groupe qui ne content que le 2. tichorhinus.
2° Ceux qui n'ont pas de cloison osseuse aux narines, et des
incisives médiocres. Ce groupe diffère en outre du précédent par
le nombre des fossettes d'émail des molaires supérieures. C’est à
lui qu'appartient le 2. megarhinus du pliocène.
3° Ceux qui, manquant aussi de cloison osseuse aux narines,
ont deux grandes incisives à chaque mâchoire et trois doigts à
tous les pieds, comme les précédents. Ce sont les RaiNocÉRoS À
INCISIVES. (Atlas, pl. X, fig. 2.) On en connaît plusieurs espèces
des terrains miocènes.
le Ceux qui réunissent aux caractères dentaires de la troisième
section celui d’avoir quatre doigts aux pieds antérieurs, et celui
de manquer d'empreinte de corne sur les os nasaux. M. Kaup en
a fait son genre ACEROTHERIUM. (Atlas, pl. X, fig. 1.)
Les espèces fossiles de ces divers groupes sont loin d'être éga-
lement bien connues, et il y a encore de grandes divergences d’o-
pimion entre les auteurs qui les ont étudiées.
Les plus anciennes ont été trouvées dans les terrains miocènes
inférieurs. M. Pomel (1) admet l'existence d’au moins trois espèces
dans les terrains miocènes d'Auvergne.
L'une d'elles, À. tapirinus, Pomel, appartient au quatrième groupe
(AcEROTHERIUN) et ne dépassait pas la taille du tapir des Indes.
Une seconde fait partie du groupe des rhinocéros à incisives, et rappelle
par ses dimensions la grande espèce vivante de Sumatra.
La troisième est encore peu connue ; elle avait trois doigts et ne dépassait
pas la taille de la petite race de Sumatra.
Depuis lors M. Pomel (2) semble admettre l'existence d'une quatrième
espèce des mêmes gisements.
C'est sur une espèce de ces terrains que M. Croizet avait établi son genre
BapAcTHERIUM (B. borbonicum).
M. Aymard (communication inédite) signale, dans les terrains miocènes du
Puy, l'existence de deux espèces appartenant probablement au genre ACERo-
rueriu. Ce sont l'A. velaunum, Aym., supérieur en taille au R. tetradac-
tylus de Sansan, ayant comme lui un pied antérieur tétradactyle, dans lequel
le quatrième doigt est plus complet encore et plus développé.
L'A.? Cuvieri, Aymard, est une espèce encore incertaine et d’une taille
plus petite.
(1) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IE, p. 368.
(2) Bull. Soc, géol. de France, 2° série, t. IV, p. 381.
RIHNOCÉROÏDES. — RHINOCÉROS. 297
Les terrains miocènes supérieurs en renferment aussi de nom-
breux débris appartenant en général au troisième et au quatrième
groupe. (Atlas, pl. X, fig. 1 et 2.) M. de Blainville les a réunis,
ainsi que les précédents, en une seule espèce, sous le nom de Æhiï-
noceros incisivus, en considérant les acérothériums comme les fe-
melles du troisième groupe. IT est impossible, dans l'état actuel
de la science, de se former une idée exacte des véritables limites
de ces espèces. Toutefois la différence du nombre des doigts
prouve la nécessité de distinguer les acérothériums des rhinocéros
à incisives et à trois doigts.
M. Lartet cite, à Sansan, le R. tetradactylus, Lartet (Acerotherium), le
R. sansaniensis, Lartet, et le R. Laurillardi, Lartet. Le R. brachypus, Lar-
tet, et le R. cimoghorrensis, Lartet, ont été trouvés à Simorre (!).
Le R. minutus, Cuvier (2), est indiqué dans les terrains miocènes supé--
rieurs du département de Tarn-et-Garonne. C’est peut-être le R. steinhei-
mensis, Jaeger.
Dans les terrains miocènes supérieurs d'Allemagne on a trouvé de nom-
breux ossements de rhinocéros pour lesquels on a établi plusieurs espèces.
M. H. de Meyer (3) les réunit maintenant en une seule. Les R. hypselorhinus,
Kaup, molassicus, Jaeger, Schleiermacheri, Kaup, pachyrhinus, Kaup, leptodon,
Kaup, et pygmœus, Munster, ne sont, suivant lui, que le Rhinoceros incisivus
de Cuvier. Il ne le distingue pas des Acerotheriwm (4).
L’Acerotherium Goldfussii, Kaup (5), forme, suivant le même auteur, une
espèce différente.
Les rhinocéros des terrains pliocènes doivent probablement être
distingués des précédents.
L'espèce la plus certaine est le R, megarhinus de Christol (6); R. ticho-
rhinus de Montpellier, Cuvier; R. monspessulanus, Blainville (7), fossile à
Montpellier dans les sables marins. (Atlas, pl. 10, fig. 4 et 5.) I faut peut-être
() Voyez Lartet, Notice sur la colline de Sansan, p. 28 ; Gervais, Zool. et
pal, franç., p. 46.
(2) Ossem. foss., 4° édit, t. IF, p. 167.
(3) Bronn, Index palæontologicus, p. 1083.
(4) Voyez, pour ces espèces, Kaup, Ossem. foss. de Darmstadt, 3° livr.,
pl. 10-15.
(5) Ossem. foss. de Darmstadt, 3° livr., p. 50.
(6) Ann. des sc. nat., 2° série, t. AV, p. 44.
(7) Ostéographie, Rhinocéros, p. 143, 164,
298 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
y réunir les ossements d'Angleterre rapportés par M. Owen (') au R. lepto-
rhinus.
Le Rhinoceros elatus, Croiz. et Job., des dépôts sous-volcaniques ( plio-
cènes) d'Auvergne, est peut-être une espèce distincte (2).
M, Aymard (communication inédite) indique la présence dans les terrains
pliocènes de Vialette, près le Puy, d’une espèce de rhinocéros remarquable
par ses caractères. La cloison qui sépare les narines est osseuse, jusque près de
l'extrémité, comme chez le Rhinoceros tichorhinus. Deux disques de rugosités
prouvent l’existence de deux grosses cornes , l’une sur le nez, l’autre beau-
coup en arrière sur la région frontale. La symphyse de la mâchoire est longue
et a dû porter des incisives au moins dans le jeune âge. Les molaires supé-
rieures intermédiaires à deux fossettes seulement, et la postérieure sans fossette
sur son aile postérieure, la différencient complétement du R. tichorhinus.
M. Aymard le nomme Rhinoceros mesotropus, et en distingue deux variétés,
dont la plus petite devra peut-être, selon lui, former une espèce sous le nom
de Rhinoceros velaunus, Aymard. Ce rhinocéros aurait vécu pendant la
période pliocène, et peut-être aussi pendant la période diluvienne, car
M. Aymard rapporte à la même espèce des ossements trouvés dans les brèches
de Denise.
Les espèces les mieux connues sont celles des terrains dilu-
viens.
La première est le Rhinoceros tichorhinus, Cuvier (3); R. antiquilalis,
Blum.; R. Pallasii, Desm.; R. fossile à narines cloisonnées, Cuvier. C'est
cette espèce qui a été trouvée près de la Léna par Pallas, et dont les frag-
ments, abondants dans la plupart des terrains diluviens d'Europe, sont cités
par la majeure partie des auteurs (4).
Ce rhinocéros se distingue de tous les autres vivants et fossiles par la sin-
gulière organisation de son museau. (Atlas, pl. X, fig. 3.) Ses os nasaux se
recourbent en avant du nez pour s’unir avec les incisifs, et la cloison, ordi-
nairement cartilagineuse, qui sépare les deux narines, est osseuse jusque
près de leur extrémité. Cette organisation spéciale a dû donner une solidité
plus grande aux parties supérieures du nez, et permettre à l'animal de por-
ter des cornes plus longues encore que celles des espèces vivantes. Les rugo-
sités de ces os montrent qu'il y en a eu deux, et qu'elles étaient plus dis-
tantes que dans les autres espèces bicornes. M. Fischer a mesuré un de ces
appendices qui avait 32 pouces de long.
A ces caractères principaux on peut ajouter les suivants. Les deux bran-
(:) British foss. mamm., p. 356; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 45, pl. 1, 2.
(2) Gervais, Zool. et pal. franç., explic. de la pl. 26.
(3) Ossem. foss., 4° édit., t. III, p. 126.
(#) Voyez, pour les auteurs qui en ont parlé, Meyer, Palæologica, p. 74.
RHINOCÉROÏDES. — RHINOCÉROS. 299
ches de la mâchoire inférieure sont unies par une symphyse très pro-
longée et d’une forme très caractéristique. La peau est lisse et dépourvue
de ces grandes plaques qui recouvrent la plupart des rhinocéros vivants. Les
dents incisives sont nulles ou très petites, et tombaient avec l’âge. Les
erânes les mieux conservés, recueillis dans l'empire russe, n’en ont jamais
présenté, mais bieu quelquefois de petits alvéoles.
Cette organisation des dents et les détails de son squelette le rapprochent
surtout du Rhinocéros bicorne du Cap; mais, outre les caractères du nez, de
la mâchoire et de la peau, que nous ayons cités, le R. tichorhinus se distin-
guait de cette espèce par un crâne plus long et plus étroit, et par un corps
encore plus gros, porté par des jambes plus courtes et plus épaisses.
Cette espèce a probablement vécu pendant toute l’époque diluvienne en
Sibérie et en Europe, On en trouve les débris, non seulement dans Îles
dépôts arénacés anciens, mais encore dans plusieurs cavernes et dans quel-
ques brèches osseuses.
Il faut peut-être admettre une seconde espèce, le R. lunellensis, Gervais (1),
(R. minutus, M. de Serres, Dubreuil et Jean-Jean, non minutus, Cuvier;
R. africanus, Gervais et M, de Serres (2): R. leptorhinus, de Lunel-Viel,
Blainv.), qui est très voisin du R, bicorne du cap de Bonne-Espérance.
Le genre des rhinocéros a aussi existé dans le continent asta-
tique pendant les époques tertiaire et diluvienne.
On en a trouvé des fragments sur les bords de l’Irawadi, et MM. Cautley
et Falconer, dans leurs premiers travaux, en signalaient, dans les terrains
supérieurs de l'Himalaya, deux espèces, dont l’une n'avait pas encore été
déterminée, et dont l’autre avait été désignée par ces naturalistes sous le
nom de Rhinoceros angusliriclus.
Plus tard, dans leur Fauna antiqua Sivalensis, ils en indiquent quatre,
parmi lesquelles ce dernier nom n'est pas reproduit (l’absence de texte ne
permet pas de savoir à laquelle il se rapporte). Ce sont :
Le Rhinoceros platyrhinus, Cautley et Falconer, pl. 72 et 75.
Le Rhinoceros palæindicus, id., pl. 73, T4 et 75.
Le Rhinoceros sivalensis, id., pl. 73, T4 et 75.
L’Acerotherium ? perimense, id., pl. 75.
Dans ce continent, ces espèces perdues n'ont fait que précéder
celles qui y vivent aujourd'hui; mais un fait plus remarquable,
si l'observation qui semble l'établir méritait la moindre con-
fiance, serait que les rhinocéros auraient vécu pendant l'époque
diluvienne dans l'Amérique septentrionale, tandis que de nos
jours ce genre a complétement disparu de cette partie du monde.
(1) Zool. et pal. fr., p. 48.
(2) Ann. des sc, nat., 3°-série, t. V, p. 156,
300 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
M. Harlan (!) rapporte qu’un journal américain (2) signale un corps fossile
trouvé dans les monts Allegbany, dont la forme rappelle celle d’une corne
de rhinocéros, et qui semble justifier l'existence d’un Rhinoceros allegha-
niensis. Mais cet auteur ajoute qu'un examen plus scrupuleux semble avoir
démontré que ce corps n’est qu’une concrétion pierreuse, qui n’a point une
origine organique.
Voyez encore, pour le genre rhinocéros, l'APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE ,
aux articles : Azema, Brandt, Christol, Giebel, Gutbier, Fischer, Merck,
Münster, Murchison, Nesti, Ravin, Rehbock, Schmerling.
Près des rhinocéros vient se placer un genre perdu remarqua-
ble, celui des
ELASMOTHERIUM, Fischer, — Atlas, pl. X, fig. 6.
Ce genre a été découvert et décrit pour la première fois par
M. Fischer de Waldheim (#). Il n’est malheureusement connu que
par un fragment de mâchoire. Ses dents molaires rappellent celles
du rhinocéros; mais la lame d’émail se replie davantage dans son
intérieur, où elle a à peu près la même complication que dans les
dents du cheval (#), et s’ondoie par places d’une manière très mar-
quée, rappelant les festons de cette même lame dans les éléphants.
Leur forme prismatique allongée et leur division en racines
seulement vers l'extrémité sont encore une analogie avec celles
du cheval. Du reste, la forme de cette mâchoire, sa grandeur et son
épaisseur, indiquent un animal lourd, voisin probablement par
ses formes du rhinocéros, et ayant même atteint par sa taille les
plus grandes espèces de ce genre. Il est probable que ce singulier
animal avait des mœurs à peu près semblables à celles du rhino-
céros. Ses molaires toutefois peuvent faire croire qu'il a été encore
plus essentiellement herbivore.
Le premier fragment que l’on ait connu a été trouvé en Sibérie, et forme
le type de l’espèce désignée sous le nom de Elasmotherium Fischeri.
(1) Physical et medical researches, p. 268.
(2) Amer. monthly journal of geology, 1831, p. 90.
(3) Mém. Soc. nat. de Moscou, t. IE, p. 255; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit.,
t. IL, p. 187, pl. 57.
(#) Cette lame, par son plissement, ressemble encore plus à celle qui dis-
tingue les Hippotherium ou chevaux des terrains tertiaires.
TAPIROÏDES. —— TAPIRS. 301
M. Keyserling (1) a fait connaître une dent qui doit, suivant M. Fischer,
caractériser une seconde espèce, l'Elasmotherium Keiserlingii, Fischer. Cette
dent a été trouvée à Surico, dans le voisinage de la mer Caspienne.
2e TriBu. — TAPIROIDES.
Cette tribu comprend tous les genres qui ont des canines et
dont les molaires forment des collines transverses bien dis-
tinctes, surtout à la mâchoire inférieure.
Les Tapirs (Zapirus, Brisson), — Atlas, pl. X, fig. 7-10,
sont caractérisés par —- incisives dont l’externe est plus forte que
la canine, par + canine et par + molaires ayant chacune deux
collines transverses très distinctes. Ces collines sont compléte-
ment isolées à la mächoire inférieure et sont incomplétement
reliées par leur bord externe à la mächoire supérieure. Ils ont une
petite trompe, de grandes ouvertures nasales et les os nasaux dé-
tachés, en forme de lancettes. Les pieds antérieurs ont quatre
doigts et les postérieurs trois.
Les tapirs habitent aujourd'hui les régions chaudes du globe.
On en connaît une espèce de l'Inde et deux d'Amérique. Dans
les époques qui ont précédé la nôtre, ces animaux ont occupé les
mêmes parties du monde et en outre l'Europe. Les terrains de ce
continent renferment des débris prouvant l'existence de quelques
espèces, qui y auraient vécu au milieu et à la fin de l’époque
tertiaire.
Le Tapirus Poireti, Pomel (?), est une petite espèce, non décrite, du
terrain miocène du Bourbonnais.
Le Tapirus priscus, Kaup (3), a été trouvé dans le tertiaire miocène
d'Eppelsheim et à Bribir (Croatie) (4). (Atlas, pl. X, fig. 7 et 8.)
Le Tapirus arvernensis, Croizet et Jobert, provient des terrains tertiaires
pliocènes d'Auvergne (5). Il se rapprochait surtout du tapir des Indes. (Atlas,
pl. X, fig. 9 et 10.)
(1) Bull. Soc. de Moscou, 1842, t. XV.
(2) Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t. IE, p. 368.
(3) Neues Jahrb., 1836, p. 694; 1837, p. 157, et 1839, p. 316; et Ossem.
foss. Darmstadt, 2° livr., pl. 6.
(#) Hornes, Leonh. und Bronn Neues Jarhrb., 1849, p. 759,
{5} Rech. sur les ossem. foss. du Puy-de-Dôme, p. 161.
302 MAMMIFÈRES. — PACHYDÈRMES.
On a trouvé, dans les terrains pliocènes du Puy (1), un tapir très voisin
du T. arvernensis, mais qui, suivant M. Aymard, en diffère par son occipital
arrondi, et par ses os de la jambe disjoints. Il est douteux que ces caractères
représentent autre chose que des différences d'âge. Cependant M. Aymard
lui a donné le nom provisoire de Tapirus Vialetti. Il a été trouvé à Vialette.
Quelques auteurs, sans motifs suffisants, réunissent les tapirs d'Auvergne au
Tapirus priscus.
Les sables marins de Montpellier (2?) renferment aussi une espèce, Tapi-
rus minor, Gervais.
Le Tapirus helveticus, H. de Meyer, a été trouvé à Wiesbaden, dans la
mollasse d'Othmarsingen et dans celle de Günzburg (à).
Le Tapirus giganteus, Cuvier, est un Dinotherium.
L'existence de ce genre dans les terrains diluviens, suivant M. Giebel,
paraît démontrée (?) par une vertèbre trouvée dans la caverne de Sund-
wich (4).
Les espèces américaines sont enfouies dans les dépôts dilu-
viens.
Le Tapirus suinus, trouvé par M. Lund dans les cavernes du Brésil, égalait
à peine, par ses dimensions, un cochon de moyenne tailie.
Une seconde espèce, du même pays et des mêmes localités, ressemblait
davantage au tapir d'Amérique (ÿ).
Le Tapirus mastodontoides, Harlan (6), de l’état de Kentucky (Amérique
septentrionale), est connu par une seule molaire, qui, d’après M. Harlan, a
sans aucun doute appartenu à un tapir, quoiqu’on ait voulu y voir une jeune
dent de mastodonte (7).
Les tapirs ont aussi été trouvés à l’état fossile dans le continent
asiatique. Les débris d’une espèce ont été découverts sur les bords
de l’Irawadi (Birmanie) ($).
C'est, suivant M. Owen, dans le voisinage des tapirs qu’il faut
placer un genre nouveau, celui des
(!) Robert, Mém. Soc. du Puy, 1829.
(2) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 49, pl. 5, fig. 4et 5.
(8) Neues Jahrb., 1840, p 584; 1844, p. 566; 1849, p. 248.
(4) Giebel, Neues Jahrb., 1849, p. 57.
(5) Voyez Lund, Mém. de l'Acad. de Copenhague, t. VIE, pl. 27; Ann. sc.
nat., 2° série, t. XI, p. 232; t. XII, p. 207; Stuff. Texas, Neues Jahrb.,
1848, p. 127.
(6) Medic. and phys. researches, p. 265.
(7) Voyez encore Mantell, Sillim. Americ. journ., t. XXVI, 1, p. 218,
(8) Trans. of the geolog. Soc., t. IE, 2° partie.
TAPIROÏDES. — PLATYGONUS. 303
HarLanus, Owen,
qui comprend l'espèce décrite par Harlan, sous le nom de Sus
americanus, et dont on connaît une portion de mâchoire inférieure
à dents très usées (qui rappelle les Babiroussas, suivant M. Har-
lan). Cette espèce a été trouvée en Géorgie avec des mastodontes,
des mégalonyx et des éléphants (1).
Le genre des
PLaryconus, Leconte (Platiyonus, par erreur),
présente des caractères très remarquables qui laissent encore ses
véritables affinités douteuses. Les molaires de la mâchoire supé-
rieure rappellent sous plusieurs points de vue les formes des lo-
phiodons. Celles de Ja mâchoire inférieure ont, comme dans ce
genre et dans les tapirs, des collines transverses, la dernière
ayant un fort talon. Mais les canines sont tout à fait différentes.
Les supérieures, qui sont seules connues, sont comprimées presque
comme dans les machairodus, ont le bord antérieur denté et la face
externe marquée d'une ligne élevée et tranchante. Quelques os
du corps qui ont été trouvés avec la tête montrent des transitions
aux cochons.
La seule espèce connue, P. compressus, Leconte, a été découverte dans
une sorte de brèche (Illinois) (2).
Ici commence une série de genres qui s’éloignent plus ou moins
de tous les pachydermes qui vivent de nos jours, et dont les nom-
breuses espèces ont formé une partie importante de la population
des terrains tertiaires d'Europe, qu'ils caractérisent en général
d’une manière assez précise.
Le genre qui se rapproche le plus des tapirs, est celui des Lo-
PHIODON, de Cuvier, qui a comme eux + incisives et + canine, et
dont les molaires ont aussi des collines transverses reliées à la
(1) Owen, Proceed. Acad. Phil., août 1846, etJourn. Acad. Philad., 4°, 2° sé-
rie, vol. I, p. 18; Harlan, Sillim. Americ.journ., 1842, t. XLIIL, p. 141, etc.
(2) Voyez Sillim. Americ. journ., 1848, vol. CIT; Mém. Acad. de Phil.,
4848; Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1850, p. 872,
304 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
mâchoire supérieure par leur bord externe et distinctes à la mà-
choire inférieure ou reliées par une petite crête en diagonale.
L'ouverture nasale et le nombre des doigts sont inconnus. Ils ont
laissé des débris abondants dans les terrains tertiaires anciens
et moyens. Leur étude a amené les paléontologistes à établir
quelques divisions qui sont considérées par les uns comme des
genres et par d’autres comme des sous-genres. Ces questions, d’une
importance médiocre, ne pourront être résolues que par la con-
naissance plus complète du squelette; car jusqu’à présent le sys-
tème dentaire a fourni presque seul les caractères.
Nous admettrons, pour plus de clarté, les genres CORYPHODON,
LOPHIODON, PACHYNOLOPHUS, LOPHIOTHERIUM et TAPIRULUS, qui pour
quelques paléontologistes ne sont que des subdivisions du genre
des LOPHIODON.
Les CorYpHoDoN, Owen, — Atlas, pl. X, fig. 11,
sont les seuls dans lesquels la dernière molaire inférieure n'ait
point de talon et soit réduite à deux collines. Leurs prémolaires su-
périeures sont beaucoup plus petites que les vraies molaires et
sont formées de deux crêtes curvilignes concentriques.
L'espèce la mieux connue, et peut-être la seule, caractérise les terrains ter-
tiaires anciens, et a été trouvée dans les lignites de Soissons et de Laon, ainsi
que dans l'argile plastique de Paris (terrain suessonien). C’est le Lophiodon
anthracoideum, Gervais ({), le Lophiodon de Soissons, Cuvier (2), confondu à
tort avec le L. d’Issel, le Lophiodon du Laonnais, Cuvier, le Lophiodon et
l’Anthracotherium de Meudon de M. Ch. d’Orbigny (3), le Lophiodon anthra-
coideum, Blainville (4).
Il n’est pas certain qu’on doive lui réunir le Coryphodon eocænus,
Owen (5), de l’argile éocène des environs de Londres. (Atlas, pl. X, fig. 11.)
Les Lopniopon, Cuv. (Tapirotherium, Blainv.),
— Atlas, pl. X, fig. 12 et 13,
ont -$- molaires, les supérieures étant peu différentes les unes des
autres, sauf la première et la dernière, les inférieures à deux col-
(1) Zool. et pal, fr.,p. 53.
(2) Rech. sur les ossem. foss., 4° édit., t. III, p. 399.
(3) Bull. Soc. géol., 1839, p. 180.
(f) Ostéographie, Anthracotheriums, pl. 3.
(5) British. foss, mamain., p. 299.
TAPIROÏDES, — LOPHIODON. 305
lines incomplétement réunies par une crête diagonale, peu
visible dans les deux premières, la dernière molaire ayant un
talon.
Les nombreuses espèces qui composent ce genre ont été trou-
vées dans le calcaire grossier ou dans des terrains contemporains,
c’est-à-dire dans le terrain parisien inférieur (2° faune, Gervais).
Quelques uns des gisements qui les renferment avaient été d’abord
rapportés au terrain miocène ; mais M. Gervais a prouvé qu'ils
appartiennent tous à une époque plus ancienne.
Aucune espèce certaine n'a été trouvée ni dans les terrains
miocènes, ni dans les terrains pliocènes, ni dans l'époque dilu-
vienne.
Les principales sont les suivantes :
La plus grande estde Lophiodon isselense, grande espèce d’Issel (1), trouvée
aussi à Argenton. Sa taille dépassait au moins d’un tiers celle du tapir des
Indes, et se rapprochait de celle des petites espèces de rhinocéros. (Atlas,
pl. X,-fig. 12.)
Le Lophiodon parisiense, Gervais (?), Lophiodon de Nanterre, Robert (3),
Lophiodon de Nanterre, de Passy et de Vaugirard, Blainville (f), se trouve
dans le calcaire grossier des environs de Paris. (Atlas, pl. X, fig. 13.)
Le Lophiodon tapiroïide, grande espèce de Buchsweiler (5), dépassait d'un
quart le tapir des Indes, et était très voisin de l’isselense, dont il différait par
la face externe des molaires plus longue et par des canines plus grosses. Il a
été trouvé à Buchsweiler (Bas-Rhin).
Le Lophiodon buxovillianum, espèce secondaire de Buchsweiler ($), dépas-
sait très peu le tapir des Indes.
Le Lophiodon medium, espèce secondaire d'Argenton (7), était de la taille
du tapir des Indes.
Le Lophiodon tapirotherium, espèce moyenne d'Issel (8), nommé primitive-
ment, par Cuvier, petit Tapir fossile, égalait à peu près le tapir d'Amérique,
Le Lophiodon occitanicum, petit Lophiodon d’Issel (?), atteignait les deux
tiers de la taille du tapir d'Amérique adulte,
(1) Cuvier, Ossem. foss , 4° édit., t. IF, p. 343.
(2) Zoo. et pal. fr., p. 54, pl. 17.
(8) Laurillard, Dict. de d'Orbigay, t. VIE, p. 439.
(4) Ostéographie, Lophiodons, pl. 2.
(5) Cuvier, Ossem. foss., t. IT, p. 376 et 400.
(6) Cuvier, id., t. IT, p. 391.
(7) Cuvier, id., t. IL, p. 356.
8) Cuvier, id., t. III, p. 331.
(9) Cuvier, id., t. III, p. 342.
IE 20
306 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
Le Lophiodon minutum, petite espèce d'Argenton (!), comparé par Cuvier
à un squelette d’un jeune tapir d'Amérique, lui est dans le rapport de
2 AS):
Il faut probablement retrancher de ce genre :
Le Lophiodon giyanteum, très grand Lophiodon de Montabusard et de Gan-
nat (3), espèce établie sur un astragale qui a été reconnu par MM. de Blain-
ville et Laurillard appartenir à un rhinocéros, et qui est de l’époque pliocène.
Le Lophiodon monspessulanum, Loph. de Montpellier (), connu seulement
par quelques molaires trouvées à Boutonnet, près Montpellier, et dont le
gisement, ainsi que la détermination, est également douteux.
Le Lophiodon aurelianense, moindre Lophiodon de Montabusard, près d'Or-
léans (5), qui n’est peut-être qu’un ruminant.
Le très grand Lophiodon de Gannat, Cuvier, qui est probablement un
rhinocéros.
Les ossements d'Auvergne rapportés à des lophiodons (6).
Le Lophiodon arnense, Blainville (7), du val d’Arno, espèce très douteuse.
Le Lophiodon molassicus, Jaeger, medius, id., minimus, id., minutus, id.,
qui, suivant M. H. de Meyer (8), reposent sur des fragments de tapirs et
de rhinocéros.
Je ne sais pas si l’on doit ajouter à ces exclusions le Lophiodon sibiricum,
Fischer (?), trouvé dans un calcaire d'Orembourg, dont l'âge n’est pas bien
déterminé. Cette espèce était d’une taille gigantesque, car M. Fischer donne
pour dimension à ses canines 3 pouces 2 lignes.
Quelques espèces ont en outre été transportées dans les genres voisins.
Voyez encore, dans l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les articles Alport, Du-
vernoy, Naudot.
Les PacayNoLoPaus, Pomel, — Atlas, pl. XE, fig. 4-8,
diffèrent des lophiodon par leurs molaires, au nombre de +, les
inférieures ayant les deux collines plus distinctement réunies par
une crête en diagonale; la barre de leur mâchoire est plus longue.
(1) Cuvier, Ossem. foss., t. IT, p. 358.
(2) Voyez, pour toutes ces espèces, Gervais, loc. cit., et Blainville, Ostéog.,
Lophiodons.
(3) Cuvier, Ossem. foss., t. LIT, p. 404 et 414.
(*) Cuvier, id., t. IE, p. 410.
TAPIROÏDES, — LOPHIOTHERIUM. 307
Les espèces appartiennent toutes au calcaire grossier (parisien
inférieur), sauf peut-être la première.
Le ?, Vismæi, Pomel (1), qui a été trouvé dans l'argile plastique de
Sézanne, Seine-et-Oise (suessonien ?).
Le P. cesserasicus, Gervais (2), provient de Cesséras, près Saint-Chinian
(Hérault). (Atlas, pl. XI, fig. 1.)
Le P. Duvalii, Gervais (3), (Hyracotherium de Passy, Blainville; Loph. Du-
valii, et Loph. mastolophus, Pomel (#); Loph. leptognathum, Gervais) (°), se
trouve dans le calcairegrossier des environsde Paris. (Atlas, pl. XL, fig. 2 et 3.)
Le P. Prevostii, Gervais (5), a été découvert dans le calcaire grossier à
cérites de Gentilly, près Paris.
Le P. minimum, très pelit Lophiodon d’Argenton (7), avait une taille de
moitié plus petite que le tapir d'Amérique.
Le P. parvulum, Laurillard (8), cinquième espèce d’Argenton (?), Lophiodon
quintum, Blainville (10), avait une longueur égale au tiers de ce même tapir.
Les ANCHILOPUS, Gervais,
paraissent être un sous-genre des lophiodon ou un genre inter-
médiaire entre eux et les anchitherium. (La planche de M. Gervais
destinée à le figurer n'a pas encore paru.)
L'Anchilopus Desmaresti, Gervais (11), provient du calcaire grossier des
Batignolles, près Paris.
Les LOPHIOTHERIUM, Gervais, — Atlas, pl. XE, fig. 4,
ont sept molaires à la mâchoire inférieure, semblables à celles du
genre précédent ; La dernière a un talon très fort qui simule pres-
que une troisième colline. Les dents de la mâchoire supérieure
sont inconnues.
(1) Bibl. univ. de Genève, Archives, 1847, t, IV, p. 327.
(2) Zool. et pal. fr., p. 55, pl. 18.
() 1d., p. 56, pl. 17.
(#) Bibl. univ., Archives, 1847, t. IV, p. 327; t. V, p. 207.
(5) Comptes rendus, t. XXVILE, p. 547, et t. XXIX, p. 222.
(6) Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 35,
(7) Cuvier, Ossem. foss., t. IL, p. 360.
(8) Gervais, Zool. et pal. fr., p. 56.
(°) Cuvier, Ossem. foss., t. IL, p. 363.
(10) Ostéographie, Lophiodons, p. 195.
(1) Zoo!, et pal, fr., explic. de la pl. 35.
308 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
La seule espèce de ce genre est plus récente que les vrais lo-
phiodon et à été trouvée dans les terrains parisiens supérieurs
(époque des gypses).
C’est le L. cervulum, Gervais (!), découvert auprès d’Alais (Gard), par
M. d'Hombres Firmas. M. Gervais l'avait d’abord rapportée au Dichobune
cervinum.
Les TapIRULUS, Gervais, — Atlas, pl. XI, fig. 5,
sont encore très incomplétement connus. Les arrière-molaires
inférieures, qui seules ont pu être étudiées, ont des collines trans-
verses très distinctes, reliées incomplétement par une faible ca-
rène qui est perpendiculaire à leur direction, au lieu d’être obli-
que. La dernière à un fort talon qui simule une colline moins
large que les autres.
La seule espèce connue est le Tapirulus hyracinus, Gervais (2), de la taille
du daman. Il a été trouvé à Perréal, près Apt, dans un terrain que nous
avons déjà signalé comme contemporain des gypses de Paris (parisien supé-
rieur).
Les Lisrriobon, H. de Meyer (Zapirotherium, Lartet,
non Blainv.), — Atlas, pl. XL, fig. 6 et 7,
diffèrent des genres précédents par leurs canines plus fortes et
par leurs molaires au nombre de +, formées de deux collines
transverses, presque aussi nettement séparées à la mâchoire su-
périeure qu'à l'inférieure. Dernière molaire inférieure à talon.
Ouverture nasale petite, rendant peu probable l'existence d’une
trompe. Pieds inconnus.
Ce genre ne renferme, jusqu’à présent, qu'une seule espèce confondue
avec les lophiodon, et plus récente qu'eux. C’est le Listriodon splendens,
H. de Meyer (#), Lophiodon de Sansan, Blainville, Tapirotherium Larteti,
Gervais (#), Listriodon Larteti, Gervais (5), Lophiodon, Nicolet (6). Cette es-
(1) Zool. et pal. fr., p. 56, pl. 11; Comples rendus de l’Acad. des sc.,
1849, t. XXIX, p. 381 et 573.
(2) Zool. et pal. fr., p. 56, pl. 34; Comptes rendus de l'Acad. des se.,
1850, t. XXX, p. 604.
(8) Neues Jahrb., 1846, p. 465.
(#) Comptes rendus de l’Acad. des sc., 1849, t, XXIX, p. 547.
(S) Zoo!, et pal. fr., p. 50.
(6) Bull. Soc. Neuchâtel, 1844,
PALÆOTHÉRIOÏDES, 309
pèce a été trouvée dans le département du Gers, et dans les mollasses de la
Chaux-de-Fonds (miocène).
3e TriBu. — PALÆOTHÉRIOIDES.
Cette tribu renferme les espèces munies de canines, dont les
molaires de la mâchoire inférieure sont formées de deux crois-
sants successifs et qui ont encore trois doigts à chaque pied.
Le genre principal est celui des PALÆOTHERIUM, qui à aussi été
subdivisé dans ces dernières années. Nous admettons ici les
genres PROPALÆOTHERIUM €t PALOPLOTHERIUM qui, pour quelques
auteurs, ne sont que des sous-genres (1).
Les PAaLÆoOTHERIUM, Cuvier, — Atlas, pl. XI, fig. 8-15,
sont caractérisés par 7 molaires, dont les supérieures sont assez
semblables à celles des rhinocéros, la première étant notablement
plus petite et à un seul lobe; et dont les inférieures ont des crois-
sants à convexité externe, la première étant aussi petite et à un
seul lobe, la dernière à trois lobes. La barre est très courte, et
les canines sont saillantes. Leurs os nasaux, relevés, montrent
qu'ils ont eu une petite trompe flexible. Leurs pieds antérieurs et
postérieurs ont trois doigts. Leurs formes extérieures rappelaient
celles des tapirs. (Voy. Atlas, pl. XI, fig. 8.)
M. Aymard partage les palæotherium en deux sous-genres,
conservant le nom de PALÆOTHERIUM à ceux dont la première mo-
Jaire inférieure à deux lobes bien distincts ( P. magnum, subgra-
cile, etc.), et donnant le nom de Moxacrum à ceux chez qui cette
dent n'a qu'un lobe principal (2. velaunum, medium, ete.).
Les palæotherium sont, suivant M. Gervais, spéciaux à l’époque
des gypses (3° faune, Gervais, parisien supérieur). Get habile
paléontologiste considère les terrains du midi de la France qui
en renferment des débris comme tous contemporains des dépôts
des environs de Paris.
(1) M. Giebel (Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1847, p. 54) a établi un
genre HYSTEROTHRERIUM pour des ossements semblables à ceux des palæothé-
rioïdes, mais trouvés dans le diluvium de Quedlimbourg; ce genre n’a jamais
été caractérisé, et je pense que M. Giebel y a renoncé, car il ne le mentionne
pas dans son Fauna der Vorwelt,
210 MAMMIFÈRES, — PACHYDERMES.
L'opinion que nous avons admise sur l’âge des calcaires lacus-
tres du Puy, que nous rapportons avec M. Aymard au miocène
inférieur, nous fait étendre jusqu’à cette époque l'existence de ce
genre. Je le fais d'autant plus volontiers, que M. Gervais reconnaît
lui-même (1) la difficulté qui résulte du fait que certains palæo-
therium du Puy se trouvent, dans son hypothèse, associés avec
des espèces du miocène inférieur. Aucune espèce certaine n'existe
dans les terrains miocènes supérieurs ni au-dessus.
Les espèces des gypses de Montmartre se ressemblent beaucoup
par leurs caractères essentiels, et l’on ne peut guère les distin-
guer que par la taille et par les proportions des membres. Ce sont (2):
Le Palæolherium magnum, Cuvier, de la taille du cheval. (PI. XI, fig. 8
eL119°)
Le Palæotherium medium, Cuvier, à os du nez plus courts, à pieds étroits
et assez allongés; un peu plus petit qu'un cochon de moyenne taille.
(PI. XI, fig. 10, 13 et 14.)
Il est impossible d'admettre l’assertion de M. Marcel de Serres, que cet
animal ait été trouvé dans les brèches osseuses de Cette.
Le Palæotherium crassum, Cuvier, à os du nez plus longs, à pieds larges
et courts; de la même taille que le précédent. (PI. XI, fig. 11 et 15.)
Le Palæotherium latum, Cuvier, à pieds encore plus courts et plus étalés ;
de la même taille que les deux précédents.
Le Palæotherium curtum, Cuvier, dont les pieds étaient encore plus rac-
courcis et plus larges; de la taille d’un mouton.
Le Palæotherium indeterminatum, Cuvier, est intermédiaire entre le me-
dium et le crassum.
Dans les autres parties de la France on en cite plusieurs :
Le Palæotherium magnum, Cuvier, a été, suivant M. Aymard, retrouvé
en abondance et très bien conservé dans les gypses du Puy en Velay, con-
temporains de ceux de Paris, avec une autre espèce plus grêle (Pal. subgra-
cile, Aymard, communic. inédite, olim gracile) (8). Le Palæotherium ani-
ciense, Gervais (f), du Puy, de la taille du magnum, n’est probablement
que la réunion de ces deux espèces. Il reste à savoir si la première doit bien
réellement être réunie au Palæoth.magnum. M. Aymard, en admettant leur
identité, reconnaît que les dents du Puy manquent du bourrelet qui carac-
(1) Comptes rendus de l'Acad. des sc., 1849, t. XXVII, p. 549.
(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 431.
(8) Aymard, Ann. Soc. du Puy,t. XII, p. 228.
(4) Zool. et pal. fr., p. 61.
PALÆOTHÉRIOÏDES, — PROPALÆOTHERIUM. 311
térise la base de la face interne de la couronne des deux dernières molaires
supérieures de l'espèce de Paris.
Le Palæotherium velaunum, Cuvier (1), se rapproche du medium, mais
forme, suivant M. Aymard, une espèce distincte par les proportions de l'os
mandibulaire, la disposition des trous mentonniers, etc. Il à été trouvé dans
les gypses du Puy, et appartient au sous-genre Monacrum, Aymard.
Il faut peut-être, suivant M. Aymard, ajouter une espèce un peu plus an-
cienne , le Palæotherium primævum , Aymard, des argiles bigarrées infe-
rieures au gypse des environs du Puy en Velay. Les ossements découverts
ne consistent qu’en os des membres. M. Gervais avait cru devoir les rappro-
cher des dichobunes; mais ils représentent plus probablement, suivant
M. Aymard, un petit Palæotherium.
Le Palæotherium girondicum, Blainville (2), est un peu plus petit. Il pro-
vient de la Grave (Dordogne). (Atlas, pl. XI, fig. 12.)
Les palæotherium des terrains miocènes inférieurs du Puy sont,
d'après M. Aymard , les suivants :
Le Palæotherium Gervaisii, Aymard (Palæotherium proprement dit), est
de la taille du velaunum, mais a la barre ou diasthème de la mâchoire in-
férieure beaucoup plus long. (Communication inédite.)
Une seconde espèce, non encore déterminée, paraît n'avoir pas dépassé la
taille du P, curtum, Cu.
On n'en à pas encore trouvé dans la Limagne et dans le Bour-
bonnais.
Il faut en particulier ne pas tenir compte du P. brivatense, Bravard,
espèce plus que douteuse,
Je ne sais que penser d'un prétendu Palæotherium gigantesque
trouvé par M. Pratt, à Saint-Louis (Missouri), avec des espèces
crétacées (3).
Voyez à l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les articles Coquand, Darlet, Gaul-
tier, Graves, Naudot, Proust, Robert,
Les PROPALÆOTHERIUM , Gervais, — Atlas, pl. XI, fig. 16,
ont les molaires supérieures assez semblables à celles des lophio-
don, et les inférieures intermédiaires entre celles des paloplothe-
rium et des palæotherium, la dernière pourvue d’un troisième lobe
(1) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 436.
(2) Ostéographie, Palæothériums, p. 48.
(3) Voyez Amer. journ., 2° série, septembre 1846.
312 MAMMIFÈRES. —— PACHYDERMES,
portant une fossette oblongue sur la couronne. Le nombre des
dents est inconnu.
Les deux espèces citées appartiennent à l’époque du calcaire
grossier (parisien inférieur).
La première est le Palæotherium d’Issel, Cuv. (1), Propalæotherium isse-
lanum, Gervais (2). Il a été trouvé à Issel.
La seconde espèce est le Palæotherium trouvé à Argenton, et rapporté par
Cuvier au P. d'Orléans. Cest le P. argentonicum, Gervais, l’Antracothe-
rium d'Argenton, Lockard (3).
Les PALOPLOTHERIUM , Owen (P/agiolophus, Pomel),
ont six ou sept molaires à la mâchoire supérieure , et six à l’infé-
rieure. Les deux avant-dernières inférieures ont en arrière du
second lobe un petit talon en tubercule qui se relie par l’usure
au croissant sous forme de boucle; la dernière à trois lobes. La
barre est assez grande, et les canines sont faibles.
Les espèces connues appartiennent à l'époque des gypses (pari-
sien supérieur) et à celle du miocène inférieur.
Le P. anneclens, Owen (f), a été trouvé dans le terrain éocène supérieur
d'Angleterre (Hordle-Cliff) et de Gargas (Vaucluse).
Le P. minus, Cuv. (ÿ), a été trouvé dans les plâtrières de Paris et dans
les départements de Vaucluse, de la Dordogne et de la Gironde.
M. Pomel ajoute avec doute à ce genre le P. minimum, Cuv.
Le P. ovinum, Aymard (6), a été d’abord placé dans les vrais palæothe-
rium. De nouveaux fragments plus intacts ont montré qu’il avait aux mo-
laires inférieures le petit lobe accessoire qui caractérise les paloplotherium.
Il a été trouvé dans les calcaires lacustres (miocène inférieur) du Puy en
(1) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 444.
(2) Compt. rend. Acad. des sciences, 1849, 1. XXIX, p. 383 et 575 ; Zool.
el pal. fr., p. 59, Blainville, Ostéog., p. 78, pl. 8.
(8) Ossem. foss., 4° édit.. t. If, p. 364; Gervais, Zoo!. et pal. fr., p. 60;
Lockard, Mém. belles-lettres et arts d'Orléans, 1839.
(4) Quarterly journ. geol. Soc., t. IV, p. 17; Blainville, Ostéog., Anoplot.,
p. 93, pl. 9; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 63; Marquise d'Hastings, Brit.
assoc., 17° meet., Oxford, 1847.
(5) Ossem. foss., 4° édit., t, V, p. 91; Gervais, Zool. et pal. fr., p. 63;
Blainville, Ostéog., p. 41, pl. 70, fig. 6 ; Pomel, Bibl. univ. de Genève, Ar-
chives, t. V, p. 202,
(6) Ann. Soc. du Puy, t. XII, p. 246.
SOLIPÈDES. 313
Velay. Il se rapproche du P. minus, mais a une taille un peu plus forte
et sa mandibule est plus longue dans sa partie antérieure.
he TriBu. — SOLIPÉDES.
Cette tribu se distingue des autres pachydermes à doigts
impairs par le doigt médian, qui est beaucoup plus grand que
les autres, et par les doigts latéraux rudimentaires, composés
encore de phalanges dans le premier genre, et styloïdes dans le
dernier. Les incisives, au nombre de ?, ont une fossette d'émail
à la couronne. Les molaires, au nombre de £ (ou de 7 si l'on compte
une petite prémolaire caduque), sont composées d’une lame d'émail
compliquée et plus ou moins festonnée. Chaque dent de la mà-
choire supérieure montre deux petits croissants pleins de cément,
situés chacun au milieu d’un lobe de dentine, et un ruban d'émail
qui fait tout le tour de la dent en entourant à la fois les deux
lobes. Les dents de la màchoire inférieure sont plus étroites, et
ont une composition analogue.
Nous distinguons trois genres dans cette famille : les ANcHI-
THERIUM et les HiPPARION, qui ont vécu pendant l’époque tertiaire,
et les CHEVAUX, qui n'appartiennent qu'à la période diluvienne et
moderne.
Les ANCHITHERIUM, H. de Meyer
(Hipparitherium, de Christol), — Atlas, pl. XIE fig. 1 et 2,
ont ? molaires, dont les supérieures à deux collines obliques re-
joignant le bord, qui montre deux échancrures, et les inférieures
à deux croissants successifs. La première de chaque mâchoire
est beaucoup plus petite que les autres. L'astragale ressemble à
celui des chevaux, et l'allongement des doigts (qui sont encore
au nombre de trois) les rapproche aussi de ce genre (1).
Ce type est un de ceux qui servent à rapprocher les solipèdes
et les pachydermes, et qui prouvent la nécessité de leur réunion.
L'A. Dumasii, Gervais (2), a été trouvé dars les marnes éocènes (parisien
supérieur) d'Alais, Gard.
(1) Voyez de Christol, Compt. rend. Acad. des sc., 1847, t. XXIV,
p. 374.
(2) Compt. rend. Acad. des sc., t. XIX, p. 381 et 572; Zool. el pal. fr.,
p. 64et pl. 11, fig. 8.
314 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES,
L'A. radegondense, Gervais (Zoo. et pal. fr., explic. de la pl. XXX), pro-
vient des mêmes dépôts de la butte de Perréal, près Apt.
L’A. aurelianense, Gervais (!), doit probablement comprendre le Palæo-
thérium d'Orléans (P. aurelianense, Cuvier) (2), de Montabuzard, le P. de
Montpellier, Cuvier, le P. monspessulanum, Blainville (3), et le P. equinum
ou hippoides, Lartet (4), de Sansan. Cette espèce a été trouvée fossile dans les
terrains miocènes supérieurs de ces diverses localités, ou dans des couches
qui recouvrent immédiatement les dépôts à palæotherium. C’est par erreur
que quelques uns de ces gisements ont été rapportés au terrain pliocène.
Les Hipparion, de Christol
(Hippotherium, Kaup), — Atlas, pl. XIF, fig. 5 et 4,
sont principalement caractérisés par le ruban qui fait le tour de
la dent. Ce ruban, plus festonné que dans les chevaux, laisse en
dehors de lui, au côté interne, une petite île d’émail qui ne se lie
que tard au reste de la dent. Cette île est représentée, chez les
chevaux, par un repli qui n’interrompt pas la lame d'entourage,
et l’on pourrait dire que, dans ce dernier genre, elle n’est qu'une
presqu'île. La prémolaire caduque est aussi plus grande chez les
hipparion.
Ce genre a été établi en 1832 par M. de Christol (5). I faut pro-
bablement lui réunir celui des Hipporaerium de M. Kaup (1835),
tout en reconnaissant que les espèces sur lesquelles ce dernier
genre à été établi ont la lame d’émail un peu plus plissée que les
autres.
Les plus anciens sont fossiles dans les terrains miocènes supé-
rieurs : ce sont les HiPPOTHERIUM.
L'Hippotherium gracile, Kaup (6), auquel il faut réunir l'A. nanum,
Kaup, le Equus caballus primigenius, H. de Meyer, le E. mullus primi-
genius, id., et l'E. asinus primigenius, id., a été trouvé fossile à Eppelsheim.
Les autres ont été découverts dans les terrains pliocènes de
France.
(!) Zool. et pal. fr., p. 64.
) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 438.
SOLIPÈDES. — CHEVAUX. 315
IT faut probablement réunir en une seule espèce celles que M. Gervais
avait d’abord décrites sous les noms de Hipparion mesostylum, diplostylum et
prostylum (1). Leurs molaires diffèrent les unes des autres par la forme de
ja colonnette d’émail, dont la surface supérieure forme l’île; mais ces diffé-
rences paraissent tenir à l’âge et à des variétés accidentelles, et ne peuvent
pas fournir des caractères d'espèces.
Ces hipparion ont été découverts à Cucuron (Vaucluse).
Ce genre paraît avoir été retrouvé dans l'Inde.
MM. Cautley et Falconer figurent un Hippotherium antelopinum (2).
Les Caevaux (Zquus, Lin.), — Atlas, pl. XIL, fig. 6 et 7,
différent des hipparion par les caractères de la lame d’émail que
nous avons indiqués plus haut. Toutes les espèces certaines ap-
partiennent à l’époque diluvienne et moderne, et il faut très pro-
bablement attribuer aux hipparion la plupart des ossements (3) des
terrains miocènes et pliocènes, qui ont été décrits comme indi-
quant l'existence des chevaux.
Ce genre présente dans son histoire paléontologique quelques
faits qui soulèvent des questions importantes. Les recherches his-
toriques s'accordent avec les résultats de la science actuelle pour
placer en Asie l’origine des deux espèces les plus utiles à l'homme,
le cheval et l'âne. On croit généralement que les peuplades nom-
breuses qui ont successivement passé des plaines centrales de
l'Asie dans les diverses régions de l'Europe ont été accompagnées
dans leurs migrations par les animaux et les plantes les plus né-
cessaires à leur vie. C’est par ce moyen que diverses céréales,
les gallinacés, et probablement les chiens et les chevaux, se sont
répandus en Europe. La plupart des zoologistes pensent qu'avant
l'établissement de Phomme dans ce continent , le cheval et l'âne
(1) Zool. et pal. fr., p. 66, pl. 19; Compt. rend. Acad. des sc., 1849,
ÉXXIXC Ip 285.
(2) Fauna antiqua sivalensis, pl, 82, 84, 85.
(3) M. Aymard a cependant trouvé des dents de véritables chevaux dans le
terrain de Vialette et de Pichevil, près le Puy, que nous avons rapporté à l’é-
poque pliocène et qui renferme des mastodontes et des tapirs, et dans celui
de Taulhac, qui est à peu près du même âge. Ces dents paraissent appartenir
à deux espèces différentes de celle qui se trouve dans les terrains diluviens
du même pays. L'une, celle de Pichevil, était de petite taille ; l’autre, celle de
Taulhac, était plus grande que le cheval.
316 MAMMIFÈRES. —+ PACHYDERMES.
n'y existaient point. Dans cet état de choses, ce n’est pas sans
étonnement que l’on trouve des débris fossiles qui attestent que
divers animaux de ce genre ont vécu en Europe pendant la fin
de l’époque tertiaire et pendant toute l’époque diluvienne. Ces
découvertes semblent donner un démenti aux opinions que j'ai
rappelées ci-dessus. J'ai déjà eu, en effet, occasion de faire re-
marquer que la période diluvienne n’est pas séparée de Ja nôtre
par des caractères paléontologiques assez prononcés pour qu'on
puisse admettre une complète destruction des espèces par l'inon-
dation qui l’a terminée, et une création toute nouvelle lorsque
les terrains ont été de nouveau à sec.
D'ailleurs les anatomistes les plus exacts ont reconnu que la
plupart des débris fossiles de chevaux de la période diluvienne
ont de si grands rapports avec les espèces actuelles, qu'il est
presque impossible de les en distinguer. Il deviendra donc peut-
être nécessaire d'admettre que les chevaux actuels ont habité
l'Europe avant l'homme.
Toutefois on pourrait trouver une explication qui concilierait
les faits paléontologiques et les opinions des zoologistes. IL est
possible que les dernières révolutions du globe aient détruit tous
les chevaux en Europe, puis qu'ils aient été remplacés par des
espèces très voisines originaires d'Asie, et amenées par les peu-
plades émigrantes. Cuvier fait observer avec raison que les espèces
actuelles de chevaux sont si voisines les unes des autres que la
distinction en est très difficile. Il peut se faire que l'espèce fossile
n'ait différé des nôtres que par des caractères dont le squelette
garde peu de traces.
Je ne hasarde cette explication que comme une hypothèse; mais
je dois faire remarquer que ce qui se passe en Amérique peut lui
donner une certaine probabilité. C'est un fait bien connu aujour-
d'hui, que le nouveau monde ne possédait point de chevaux avant
la conquête par les Espagnols. J'ai déjà rappelé que les premières
populations qui virent cet animal furent saisies d’étonnement et
d’effroi; et les chevaux qui vivent dans quelques grandes plaines
d'Amérique sont tous des chevaux européens redevenus sauvages.
Or on trouve fossiles, dans les terrains de ce pays, des débris de
chevaux qui prouvent l'existence de ce genre pendant l’époque
diluvienne. Les dernières inondations ont évidemment détruit
l'espèce antédiluvienne; puis il y a eu un long intervalle, jusqu'à
SOLIPÈDES. — CHEVAUX. 317
ce que, sous l’influence de l’homme, ce continent se soit repeuplé
d'animaux semblables. Les mêmes événements peuvent s'être
passés en Europe, et les faits certains que nous connaissons en
Amérique peuvent peut-être expliquer ceux plus douteux qui ont
eu lieu chez nous à une époque plus éloignée.
La plupart des ossements d'Europe ont de très grandes analo-
gies avec le cheval actuel. On y distingue cependant, sous le point
de vue de la taille, diverses races que quelques auteurs admet-
tent comme spécifiquement différentes.
Ceux qui ressemblent le plus au cheval et dont la comparaison avec cette
espèce n’a pas encore pu être faite avec une précision suffisante sont dési-
gnés sous le nom de Equus fossilis (1). Il faut y réunir l'Equus adamaticus,
Schlot., l'Equus priscus, Eichwald (2), et l’Equus brevirostris, Kaup (3). Ses
ossements ont été trouvés dans la plus grande partie des terrains diluviens
d'Europe. Il faut probablement aussi considérer comme de simples variétés
de la même espèce les Equus magnus, Brav. et juvillacus, id.
Les ossements plus petits ont été désignés sous le nom de Equus asinus
fossilis. On en a distingué aussi de diverses tailles.
L'Equus piscenensis, Gervais (Hipparion de Pézénas, M. de Serres) (4),
trouvé avec les éléphants, etc., à Pézénas, paraît devoir former une espèce
distincte plus élancée que l’âne et moins grande que le cheval.
L'Equus plicidens, Owen (5), est caractérisé par une lame d’émail presque
aussi festonnée que dans les hipparion, mais qui n’a point l'île caractéris-
tique de ce genre. Il provient des fissures caverneuses d’Oreston.
L'Asie renferme aussi des débris de chevaux.
L'Equus fossilis se trouve dans les terrains diluviens, et MM. Cautley et
Falconer ont signalé dans les terrains tertiaires supérieurs de l'Himalaya trois
espèces (6), savoir :
L'Equus sivalensis, Caut. et Falc.
L’'Equus numadicus, id.
L'Equus palæonus, id.
En Amérique, on en a trouvé de nombreux fragments.
(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° éd., t. IT, p. 212.
(2) Nova acta Acad. nat. curios., t. XVII, part, 2, p. 680.
(8) Neues Jabrb., 1833, p. 518.
(4) Zoo. et pal. fr., p. 67; Marcel de Serres, Cavernes de l'Aude, p. 49.
(5) Brit. foss. mamni., p. 392.
(6) Fauna antiqua sivalensis, pl, 81, 82, 84, 85, etc,
318 MAMMIFÈRES. —— PACHYDERMES.
Une espèce est citée à la fois dans l'Amérique septentrionale et dans l’A-
mérique méridionale. C'est l'Equus curvidens, Owen , remarquable par ses
molaires courbées, et trouvé dans la province d’Entrerios et dans le Ken-
tucky (1).
Une espèce paraît spéciale à l'Amérique septentrionale : c’est l'Equus ame-
ricanus, Leidy (loc. cit.), voisin de l’Equus plicidens, Owen. Il a été trouvé
près de Natchez.
M. Lund en signale deux espèces dans l'Amérique méridionale. Ce sont les
E. principalis et neogœus (?).
Quelques faits observés par M. Darwin (>) montrent qu'une espèce de
cheval à été contemporaine des toxodon, megatherium, etc., dans les par-
ties les plus méridionales du continent américain. (Atlas, pl. XIE, fig. 7.)
C'est probablement à la famille des pachydermes périssodac-
tyles qu'il faut rapporter un genre américain trop Incomplétement
connu pour que l’on puisse le classer dans une des tribus plutôt
que dans les autres.
Ce genre est celui des
MacraucHENIA, Owen, — Atlas, pl. XIT, fig. 8-12,
qui réunit à un degré remarquable les formes des chameaux et
celles des palæotherium. La tête de ce singulier mammifère n’est
pas encore connue, aussi sa place définitive ne peut-elle pas en-
core être considérée comme arrêtée ; mais de nombreuses vertèbres
et des os des membres permettent de se faire une idée assez juste
de l'ensemble du squelette, et quelques dents ont aussi pu être
étudiées.
Les vertèbres, et en particulier celles du cou, présentent la
plus grande analogie avec les organes analogues du lama. Elles
sont allongées comme dans cet animal, et ont dû former un cou
grêle et élancé, et porter probablement une tête relativement lé-
gère et dépourvue de trompe. Les membres présentent, dans leurs
parties supérieures, des analogies avec les ruminants par leur ra-
dius soudé intimement au cubitus, et par leur péroné uni au tibia;
mais les pieds ont au contraire tous les caractères de ceux des
pachydermes. Les os du métacarpe, loin de former un canon, res-
(1) Leidy, Proceed. Acad. Phil., 1847, sept.
(2) Ann. sc. nal., 2° série, t. XIII, p. 319; et Pomel, Bibl. univ., 1848,
Archives, t. IX, p. 329.
(3) Voyage of the Beagle, p. 108,
PACHYDERMES ARTIODACTYLES. 319
tent distincts; ils portent trois doigts presque égaux terminés par
des petits sabots arrondis, et rappellent tout à fait par les détails
de leur structure les pieds des tapirs et des palæotherium.
Les dents, dont on ne connaît que quelques molaires, montrent
des analogies avec les palæotherium; la dernière inférieure
manque du troisième lobe, et les prémolaires sont plus simples.
La seule espèce connue, Macrauchenia patagonica, Owen (1), a été trouvée
par M. Darwin en Patagonie, dans un lit irrégulier de sables situé sur la
côte méridionale du port St-Julien. Elle égalait en stature les rhinocéros et
les hippopotames actuels.
Les NEsopon, Owen,
paraissent voisins des macrauchenia. Ils sont caractérisés par
3 incisives, par des molaires ayant aux deux mâchoires des îlots
d'émail, par le fait que ces dents se recouvraient comme des
tuiles , et par l’absence de barres.
Deux espèces ont été indiquées commie trouvées dans les terrains récents
de l'Amérique méridionale : le N. imbricatus, Owen, de la taille du lama, et
le N. Sullivani, id., de la taille du zèbre (2).
9e Fame. — PACHYDERMES ARTIODACTYLES.
Cette famille renferme tous les pachydermes dont les doigts sont
en nombre pair, le médian et l’annulaire étant égaux ou à peu
près, le pied comme fendu en deux parties égales, l’astragale en
double poulie, le calcanéum articulé sur le tibia et sur le péroné.
Nous y distinguons trois tribus :
4° Les HirroporAMiDES, qui ont quatre doigts presque égaux, les
canines et les incisives prolongées en défenses.
2e Les SuILLIENS, qui ont deux doigts beaucoup plus grands que
les autres, les canines tantôt simples, tantôt prolongées en dé-
fenses , et les incisives normales.
3° Les ANOPLOTHÉRIOIDES à canines anormales , prenant la forme
de prémolaires, en sorte que les dents font une série continue,
sans barres.
(1) Voyage of the Beagle, p. 35.
(2) Owen, Congrès de Southampion (Bibl. univ., Archives, 1847, t. VI,
p. 77; Institut, n° 700).
320 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
Are TriBu. — HIPPOPOTAMIDES.
Cette tribu est clairement caractérisée par ses formes très
lourdes, ses quatre doigts presque égaux et reposant tous sur le
sol , et par ses canines et ses incisives prolongées en défenses.
Le seul genre est celui des
HipporoTAMES (/Zéppopotamus, Lin.; Chœropotamus, Prosper Alpin),
— Atlas, pl. XIT, fig. 13-15,
qui habitent exclusivement aujourd'hui les bords des rivières de
l'Afrique centrale et australe , et qui ont eu, dans les époques qui
ont précédé la nôtre, une patrie bien plus étendue, car on en
trouve des débris dans une grande partie de l’Europe et dans le
centre de l’Asie (1). Ces animaux ne paraissent pas d’ailleurs très
anciens à la surface de la terre. En Asie, on en a découvert dans
les tertiaires miocènes; mais en Europe ce n'est que dans les ter-
rains tertiaires les plus récents que l’on commence à en trouver
quelques ossements (?); ils ont surtout été nombreux pendant
l’époque diluvienne.
Les hippopotames ont une dentition très spéciale. Leurs inci-
sives, au nombre de deux ou trois paires, sont très grandes;
celles de la mâchoire supérieure sont arquées, les inférieures sont
longues, droites et couchées en avant. Ils ont de fortes canines qui
s’usent l’une contre l'autre; la supérieure est courte, l’inférieure
est grande et recourbée. Les molaires sont au nombre de ZT; mais
la première tombe souvent. Les antérieures sont coniques , à une
ou deux racines; les postérieures sont comme formées de deux
parties réunies, et l’usure y détermine à la surface triturante
l'apparence d’un double trèfle. (PI. XIE, fig. 13, a.)
Les hippopotames peuvent se subdiviser en deux sous-genres,
d’après le nombre de leurs incisives à l’état adulte : les uns en
ont quatre (TETRAPROTODON), ce sont les espèces européennes, et
peut-être une des espèces asiatiques ; les autres (HExAPROTODON) en
ont six, et n'ont encore été trouvés que dans les terrains miocènes
de l'Inde. (Atlas, pl. XIE, fig. 15.)
(1) Les ossements trouvés à la Nouvelle-Hollande, et rapportés par quelques
auteurs à l’hippopotame, sont plus probablement des os d’un animal gigan-
tesque appartenant à la série des didelphes,
(2) Ce fait est même contesté par quelques paléontologistes,
HIPPOPOTAMIDES. — TETRAPROTODON. 321
4° Sous-genre : TETRAPROTODON, Cautley et Falconer.
L'espèce la plus connue et la plus abondante est le grand Hippopolame
(Hippopotamus major, Cuvy., H. maæimus, Fischer, H. antiquus, Desm.). Il
ressemble beaucoup à l'hippopotame actuel , et M. de Blainville (1) pense
même qu'il doit lui être réuni. Toutefois la plupart des paléontologistes (2)
considèrent cette espèce comme distincte. Ils se fondent sur les formes diffé-
rentes de sa mâchoire, sur les stries obliques de la face antérieure des
canines, sur l’écartement plus grand de la deuxième et de la troisième molaire,
sur l’occiput plus haut, la face plus courte, etc., et aussi sur la différence de
taille, car l’hippopotame fossile dépassait de beaucoup les dimensions des plus
grands individus du monde actuel.
Cette espèce a été trouvée en abondance dans les terrains meubles du val
d’Arno. On en cite de nombreux fragments découverts dans les terrains di-
luviens de France, d'Allemagne, d'Angleterre, etc. (cavernes, brèches et gra-
viers), et peut-être aussi dans les tertiaires les plus récents (crag d’Angle-
terre, terrains supérieurs d'Auvergne). Toutefois M. Gervais (3) doute de
leur existence dans les terrains tertiaires de la France. Ses débris sont souvent
associés avec ceux du mammouth et du Rhinoceros trichorhinus ; mais l’hippo-
potame ne paraît pas s'être avancé autant vers le nord, Il habitait surtout
l'Europe tempérée et méridionale.
La Seconde espèce européenne est le pelit Hippopotame (Hippopotamus mi-
nutus, Cuv., id:, p. 474; H. minor, Desm.), dont la taille ne dépassait pas
celle du sanglier, et qui a été trouvé dans une brèche osseuse entre Dax et
Tartas (Landes). Cette espèce, regardéecomme douteuse par M. de Blainville (4),
paraît, en outre de sa taille, caractérisée par la forme de l’apophyse angulaire
de la mâchoire inférieure et par la plus grande complication de la dernière
fausse molaire.
Il serait possible qu'on dût ajouter une troisième espèce européenne (Hip-
popotamus Pentlandi,H. de Meyer), intermédiaire pour la taille entre les deux
précédentes, mais plus petite que l’hippopotame actuel. Des ossements trouvés
en très grande abondance dans la grotte de San-Ciro près de Palerme (5), et
qui existent dans plusieurs musées, méritent d’être étudiés avec soin et d'être
comparés exactement avec les hippopotames vivants et fossiles.
(1) Ostéographie, Hippopotames et Cochons, p. 53.
(2) Voy. en particulier Cuvier, Ossem. foss., 4° édit,, II, p. 448; Owen,
British foss. mamm., p. 399; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, p. 176;
H. de Meyer, Palæologica, p. 145, etc.
() Répart. des mamm. fossiles, (Comptes rendus de l’Acad. des sc., 1849,
2° sem., p. 213).
(4) Loc. cit., p. 65.
(5) Voy. de Blainville, Loc. cit., p. 85; H. de Meyer, Palæol., p. 533, et
Leonh. und Bronn, Neues Jahrbuch, 1843, p. 582,
Ie 21
322 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
Les Hippopotamus medius, Cuv., et dubius, Cuv. (1), ont été reconnus par
M. de Christol pour des cétacés herbivores.
C'est peut-être au même sous-genre qu’il faut rapporter l'Hippopotamus
dissimilis, Cautley et Falconer (2), des montagnes subhimalayennes. Je pense
que cette espèce est la même que celle qui est figurée dans le Fauna antiqua
sivalensis, sous le nom de Tetraprotodon palæindicus (pl. 57 et 58); mais
le texte n'ayant pas paru, je ne puis le vérifier. Le seul fragment connu de
la mâchoire inférieure est si rétréci à la symphyse, qu'il n’a probablement pu
porter que deux incisives de chaque côté. Mais M. de Blainville fait observer
avec raison que les caractères de ce fragment, ainsi que ceux fournis par une
portion de crâne, sont loin de prouver d’une manière incontestable qu'ils ont
bien apparténu à un hippopotame. L’usure des molaires ne présente pas de
trèfles, mais bien des croissants convexes en dehors, assez semblables à ceux
des ruminants.
2e Sous-genre : HEXAPROTODON, Cautley et Falconer.
MM. Cautley et Falconer, ont trouvé dans les tertiaires miocènes des mon-
tagnes subhimalayennes, deshippopotames très remarquables, qui sont, comme
nous l’avons dit, caractérisés par trois paires d’incisives. Ce sont :
L'Hippopotamus sivalensis, Cautl. et Fale. (3), qui se distingue en outre par
plusieurs caractères ostéologiques du crâne, et surtout par la brièveté de la
face, en sorte que l'orbite est située vers le milieu de la longueur de la tête.
L’Hippopotamus namadicus, Cautl. et Fale., pl. 57 et 58.
L’Hippopotamus iravaticus, Cautl. et Falc., pl. 57, espèce plus petite que
l'hippopotame vivant, et trouvé par M. Clift sur les bords de l’Irawadi, dans
le pays des Birmans (f).
On -doit considérer comme très douteuses trois espèces établies par Mac
Clelland (5), et trouvées aussi dans l'Inde. M. de Blainville (6) a montré que les
deux premières (4. anisoperus, M. Clelland, et 4, megagnathus, M. Clell.)
pe diffèrent par aucun caractère appréciable de l'H. sivalensis. La troisième
{H. platyrhynchus, M. Clell.) ne s’en distinguerait, suivant son auteur, que
parce que son museau serait plus aplati.
(1) Ossem. foss., 4° édit., t.Il, p. 492 et 495.
(2) Journal of the asialic Society, t. VII, p. 1038; Ann. des sc. nai,
2e série, t. VII, p. 60, et t. XI, p. 126; Blainville, Ostéographie, Hippo-
potames, P. 13.
(G) Fauna antiqua sivalensis, pl. 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66 ; Jour-
nal of the asiatic Soc., t. VII, p. 1038; Asiatic researches; t. XIX ; Ann. des
se. nat., 2° série, t. VII, p. 60, et t. XI, p. 126; Blainville, Ostéogr., Hippo-
potames, p. 71.
(&) Trans. of the geol. Soc., 2° série, L. Il, p. 373.
(6) Journal of the asiatic Society ; W iegmann Archives, 1839, t. If, p. 413,
(6) Ostéographie, Hippopotames, p. 76.
SUILLIENS. — COCHONS. 323
LS
Les Poramoniprus, Jaeger,
sont un genre encore peu connu, formé par Jaeger (!) sur des
dents trouvées dans le Bohnerz de l’Albe de Souabe. Elles sont
trop peu caractérisées pour justifier l'établissement d’un genre.
2° TriBu. — SUILLIENS.
Nous comprenons dans cette tribu tous les pachydermes pari-
dactylés qui ont des incisives ordinaires, des canines tantôt pro-
longées en défenses, tantôt normales, toujours distinctes des
prémolaires, dont elles sont séparées par une barre.
Le type de cette tribu est le genre des
Cocnons (Sus, Lin.), — Atlas, pl. XIII, fig. 1-4,
caractérisé par ses incisives inférieures couchées , ses- canines pro-
longées en défenses et se recourbant vers le haut, ses molares
tuberculeuses, et ses pieds à quatre doigts, dont deux seulement
touchent le sol.
Ces animaux ont été trouvés fossiles dans les terrains tertiaires
et diluviens. Ils paraissent avoir été assez nombreux en espèces,
mais le nombre des individus est loin d'atteindre celui de’quel
ques autres genres de la même famille. Les ossements de leur
corps sont plus rarement conservés que leurs dents ; il est probable
que ces animaux étaient déjà sujets alors, comme de nos jours, à
se charger de graisse, et que cette circonstance, en rendant leurs
os plus spongieux, en a souvent empêché la conservation.
L'existence des cochons dans les terrains tertiaires a été consta-
tée par des fragments trouvés en France et en Allemagne.
Plusieurs espèces paraissent avoir vécu pendant l'époque mio-
cène. M. Kaup en a décrit trois des sables d'Eppelsheim (?). Ce
sont :
Le Sus antiquus, Kaup, espèce établie sur une mâchoire inférieure beau-
coup plus grande que celle du sanglier actuel, et qui présente des caractères
spécifiques bien différents.
(1) Foss. Saugeth. Wurtembergs, p. 41, pl. 4, fig. 76, etc.
(2 Ossem. foss. de Darmstadt, pl. 8et 9.
324 MAMMIFÈRES, —— PACHYDERMES.
Le Sus palæochærus, Kaup, connu aussi par une mächoire inférieure, et
qui a dû avoir une taille un peu plus grande que le sanglier. Les branches
de cette mâchoire sont plus comprimées et plus hautes. C’est à cette espèce
qu’il faut rapporter le genre Taprrororcus, Jaeger (1), abandonné par son
auteur. |
Le Sus antediluvianus, Kaup, à peu près de la taille du babiroussa et
dont on ne connait que deux dents molaires,
D'autres espèces ont été citées en France sans avoir peut-être
été suffisamment comparées aux précédentes.
Le Sus chœroides, Pomel (?), a été trouvé dans les terrains miocènes de
l’Anjou, aux environs de Doué.
Le Sus Lockarti, Pomel (3), Chæropotame d'Avaray, Lockart (4), Sus ante=
diluvianus de l’Orléanais, Blainv. (5), a été découvert à Avaray (Loir-et-Cher).
Le Sus simorrensis, Lartet (6), a été trouvé à Simorre.
Le Sus ? lemuroides, Blainv. (7), est une espèce douteuse de Sansan, un peu
plus grande que le daman.
Le Sus Doati, Lartet, de Sansan, n’est pas plus certain que le précédent.
Le Sus belsiacus, Gervais (8), très voisine du Sus Lockarti, mais plus petite,
a été découverte dans le calcaire à anchithériums de Montabusard, près Or-
léans.
On pent à peine séparer de ces cochons de l’époque miocène les
CaogrorTHERIUM de M. Lartet (?), dont les molaires, en même
nombre , sont moins compliquées de tubercules.
Ce groupe renferme trois espèces de la même époque. Ce sont :
Le C, Dupuü, Lartet; Sus chœrotherium, Blainv. (10), du département du
Gers, mais pas de Sansan.
(!) Foss. Saugeth. Wurtembergs, X, p. 40.
(2) Bibl. univ. de Genève, Archives, t. VIII, p. 160; Gervais, Zool. et pal.
fr., p: 100.
(3) Bibl. univ. de Genève, Archives, t. VII, p. 159 ; Gervais, Zool. et pal.
fr., p. 101.
(4) Mémoires de l’Académie d'Orléans, 1829.
(5) Ostéographie, Hippopotames et Cochons,pl. 7
: ) Notice sur la colline de Sansan, p. 33.
() Ostéographie, id., pl. 9.
(8) Zool. et pal. fr., p. 101.
(°) Notice sur la colline de Sansan, ete., p. 32.
(10) Ostéographie, id., pl. 9; Gervais, Zoo! et pal. fr., p. 100.
SUILLIENS. — COCHONS. 329
Le C. Nouleti, Lartet, de Bonrepos (Haute-Garonne).
Le C, sansaniense, Lartet, de Sansan.
Les mollasses de Suisse renferment aussi quelques rares frag-
ments de cochons qui appartiennent à une espèce évidemment
différente du sanglier actuel; mais elle n’a pas pu encore être
comparée à celles qui ont été décrites par M. Kaup.
On connaît depuis longtemps une mächoire trouvée dans le mont de la
Molière, près du lac de Neuchâtel; j'ai moi-même trouvé près du Guggisberg
un cubitus qui se distingue clairement de ceux des cochons des cavernes et
de l’espèce qui vit aujourd’hui.
Les terrains pliocènes en renferment aussi quelques uns.
Le Sus arvernensis, Croizet et Jobert (!), paraît se distinguer par une face
plus courte que celle des sangliers actuels, et ressemble sous ce point de vue
au cochon de Siam. Il a été trouvé dans les tertiaires supérieurs du“Puy-
de-Dôme.
Le Sus provincialis, Gervais (2), provient des sables marins de Montpellier.
Le Sus major, Gervais (3), a été découvert dans le dépôt à hipparions de
Cucuron (Vaucluse).
Les cochons ont existé aussi pendant l'époque diluvienne. Dans
les dépôts des cavernes on trouve des ossements qui ont été rap-
portés à trois ou quatre espèces différentes. Ce sont :
Le Sus scrofa fossilis, Hermann de Meyer (f), qui paraît ne pas se dis-
tinguer du sanglier actuel. Cette espèce a été trouvée dans les cavernes
d'Angleterre, de France, de Belgique et de Franconie.
Le Sus priscus, Goldf. (5), qui avait un museau plus long et beaucoup
moins large ; il a été trouvé dans la caverne de Sundwich.
Le Sus priscus, Marcel de Serres (6), ne paraît pas être la même espèce. Il
était de grande taille et la forme de son crâne indique, suivant cet auteur,
plus de rapport avec le sanglier à masque qu'avec le sanglier ordinaire,
(Voyez Atlas, fig. 1-4.)
Une quatrième espèce est indiquée par M. Schmerling comme ayant eu
une taille très inférieure aux précédentes; elle a été trouvée dans les cavernes
des environs de Liége.
(1) Ossem. foss. du Puy-de-Dôme, p. 157.
(2) Zoo!. et pal. fr., p. 100, pl. 3; Blainville, Ostéographie, p. 208, pl. 9.
(8) Comptes rendus de l’Acad. des sc., 1849, t, XXVIIL, p. 549, Zool. et
pal. fr., p. 100, pl. 12.
(4) et (5) Palæologica, p. 80.
($) Cavernes de Lunel-Viel, p. 134.
326 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
Les ossements de l’Inde et de l'Amérique, rapportés d’abord
aux cochons, paraissent devoir, en partie, former des genres nou-
veaux. (Voyez CHOEROMERYX et HARLANUS.)
MM. Cautley et Falconer figurent dans leur Fauna antiqua sivalensis trois
espèces (le texte n’a pas été publié). Ce sont :
Le Sus giganteus, Cautl. et Falc., pl. 69, 70 et 71.
Le Sus hysudricus, Cautl. et Falc., pl. 70 et 71.
Le Sus sivalensis, Cautl. et Falc., pl. 70 et 71, que ces naturalistes ont
pris pour type de leur sous-genre Hipronyus.
Les Pécaris ( Dicotyles, Cuy.),
caractérisés par des canines courtes, non prolongées en défenses,
et par l'absence de doigt externe aux pieds postérieurs, sont au-
jourd’hui des animaux d'Amérique; leur distribution géographique
paraît avoir été la même pendant l'époque diluvienne, car ce n'est
que dans ce continent qu'on en à trouvé des ossements.
Les espèces à cette époque étaient plus nombreuses qu'aujourd'hui;
l'Amérique actuelle n’en possède que deux, et M. Lund en a déjà signalé
cinq dans les cavernes du Brésil, dont une avait une taille double de la plus
grande de celles qui vivent aujourd’hui, et dont une autre était plus grande
encore.
C’est probablement à la suite des pécaris qu'il faut placer le
genre des
Hyors, Leconte,
qui ont le crâne plus aplati et quelques différences dans les dents
canines, les os des membres, etc.
4
Le Hyops depressifrons, Leconte (1), a été trouvé dans une sorte de brèche
de l'Illinois.
Les Cazyponius, H. de Meyer,
ne sont connus que par quelques dents canines qui rappellent
celles des Pracocnoëres, F. Cuv. Les supérieures sont aussi
grandes que dans ce genre, et les inférieures ne dépassent pas
celles du Sus larvatus. Le reste de la dentition est inconnu, et ce
genre est encore très incertain.
{t) Leconte, Sillim. journal, 1848, t. V, p. 102.
SUILLIENS. — CHOEROMORUS. 301
Les deux espèces citées (C. trux et tener, H. de Meyer) ({) ont été trouvées
dans Ja mollasse de la Chaux-de-Fonds.
Les Pazæocnorrus, Pomel , — Atlas, pl. XIE, fig. 5 et 6,
tiennent le milieu, pour leur dentition, entre les pécaris et les
anthracothériums, ayant les quatre avant-molaires et les inci-
sives de ces derniers, ét les arrière-molaires des premiers. Les
os des pieds montrent que l'animal avait quatre doigts. M. Ger-
vais (2) y réunit le genre des CyccoëxaTuus, Croizet, et ceux qui
ont été désignés par M. Pomel sous les noms de BRACHYGNATEUS
et de pue
On en connaît quelques espèces :
Le P. typus et le P. major proviennent du calcaire d’eau douce de Saint-
Gérand-le-Puy (Allier), miocène d'Auvergne (%).
L'Anthracotherium gergovianum, Croizét (f), du calcaire lacustre d’Issoire
(miocène d'Auvergne), type des genres CYCLOGNATHUS, BRACHYGNATHUS et
SYNAPHODUS, appartient aussi aux PALÆOCHOERUS et est très voisin du P. {ypus.
Les Caogromorus, Lartet, — Atlas, pl. XI, fig. 7,
ont une dentition très voisine de celle des palæochærus, et dont
les différences me paraissent encore difficiles à apprécier. Dans
une des espèces, en effet (€. mamillatus), le caractère indiqué
comme le principal consiste dans des tubereules supplémentaires
placés entre les lobes formés par les tubercules principaux. Une
autre espèce (C. simplez) a sous ce point de vue les caractères des
palæochærus, et manque de ces tubercules. IT y a done lieu ier à
une révision de caractères, et peut-être à une autre association
des espèces.
Les espèces connues appartiennent au terrain miocène Supérieur.
Le C. mamillatus, Lartet, et le C. simplex, Lartet, ont été trouvés à
Sansan ().
(1) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1846, p. 464.
(2) Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 33.
(3) Voy. Pomel, Bull, Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 385; Laurillard, Dict.
de d'Orbigny, t. IX, p. 399; Gervais, Zoo!. et pal. fr., p. 102.
(4) Blainville, Ostéographie, Anthracothériums, pl. 3
(5) Gervais, Zool. et pal, fr., explic. de la pl. 383.
328 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
L'Anthracotherium minimum, Cuvier (!), du département de Lot-et-Ga-
ronne, appartient probablement aussi à ce genre.
Les ENTELODON, Aymard, — Atlas, pl. XII, fig. 8 et 9,
sont caractérisés par + incisives subtriangulaires, dont les supé-
rieures sont en cône assez épais, avec un collet, et dont les infé-
ricures sont peu déclives. La canine est peu arquée, et se déverse
légèrement en dehors. Les molaires sont au nombre de Z. Elles
commencent par des prémolaires coniques et comprimées, rappe-
lant un peu celles des carnassiers; les dernières ont deux collines
transverses. Les pieds ont quatre doigts, et l’astragale ressemble
à celui des bothriodon.
L'E. magnum, Aymard (2), a été trouvé dans le calcaire lacustre du Puy
(miocène inférieur).
L’E. Ronzoni, Aymard, est plus petit, mais connu seulement par quelques
dents ; il provient du même gisement. (Communication inédite.)
Les ELOTHERIUM, Pomel,
sont encore incomplétement caractérisés. M. Pomel (*) les associe
aux entelodon, et pense que ces deux genres n’en forment qu’un.
M. Aymard (#) n’admet pas cette association, car l’entelodon a des
molaires qui s’usent en disques, tandis que celles de l’elotherium
forment des trèfles, ce qui se lie à une complication particulière
des saillies accessoires.
La seule espèce connue, l'Elotherium magnum, Pomel (5), provient du
bassin de la Gironde.
Le genre des
CaoëroPoTAMES (Chæropotamus, Cuv.), — Atlas, pl. XIE, fig. 40,
a été établi pour la première fois par Cuvier sur une portion de
mâchoire et sur un occipital trouvés dans les gypses de Mont-
(1) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 478.
(2) Ann. Soc. agr. du Puy, 1848, t. XII, p. 210; Gervais, Zool. el pal.
.; p. 402.
(3) Bibl. univ. de Genève, Archives, t. V, p. 375.
(#) Ann. Soc. agr. du Puy, 1849, t. XIV, p. 82.
(5) Bull, Soc. géol., 3° série, t, IV, p. 1083.
fr
SUILLIENS. — HYOTHERIUM. 329
martre, auxquels M. Owen à pu joindre plus tard une mâchoire
mieux conservée de l’île de Wight.
Les chæropotames ont ? molaires, intermédiaires entre celles
des pécaris et des hippopotames. Les arrière-molaires de la mà-
choire supérieure sont composées de deux rangées de mamelons
ou pyramides , dont deux principaux à chaque rangée, et un petit
accessoire médian tantôt aux deux rangées, tantôt seulement à
l'antérieure. La dent est entourée d’un collet bien marqué et tuber-
culeux. La mâchoire inférieure porte des canines courtes,
comme dans les pécaris, mais plus aplaties et formant une transi-
tion assez remarquable à celles des carnassiers. Cette analogie
est encore confirmée par les premières fausses molaires, qui sont
comprimées. La mâchoire inférieure a son angle postérieur pro-
longé.
L'espèce la mieux connue est :
Le Chœropotamus parisiensis, Cuvier (!), C. Cuvieri, Owen, C. gypsorum,
Desm., trouvé dans les gypses de Montmartre et dans des terrains contem-
porains d'Angleterre (parisien supérieur).
Le C. affinis, Gervais (?), a été trouvé dans les lignites de la Débruge,
près Apt (parisien supérieur).
Le C. matritensis, Esquerra del Bayo (), a été découvert dans les ter-
tiaires anciens des environs de Madrid,
M. Clifi a trouvé sur les bords de lfrawadi (pays des Birmans)
quelques fragments qu'il rapporte avec doute à ce genre.
M. H. de Meyer avait placé dans le même genre une autre
espèce, dont il à fait depuis celui des
Hyoruertum, H. de Meyer, — Atlas, pl. XII, fig. 41,
qui diffèrent des chœropotames par leurs molaires, probablement
au nombre de $, dont les postérieures ont aussi quatre cônes prin-
cipaux , mais les petits sont plus nombreux. Ces dents présen-
tent, en outre, de petits appendices antérieurs et postérieurs.
Celui de la dernière devient plus grand, égale le tiers de la dent,
et porte une forte pointe et de petites gibbosités. Les canines, sem-
blables à celles des cochons pour la forme et la courbure, mais
(1) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 452.
(2) Zool. et pal. fr., pl. 31.
(3) Leonh, und Bronn, Neues Jahrb., 1840, p. 221.
330 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
plus petites et plus fortes, diffèrent par conséquent sensiblement
de celles des chϾropotames.
On en connaît quelques espèces des terrains miocènes et plio-
cènes. £
Le Hyotherium medium, H. de Meyer (!), provient du tertiaire miocène
de Weisenau.
M. H. de Meyer a décrit, sous le nom de Chæropotamus Meissneri (2), une
espèce de la mollasse de Suisse, qui devient le Hyotherium Meissneri.
Le Hyotheriunm Sœmmerringii, H. de Meyer (3), Chœropotamus Sœmmer-
ring, H. de Meyer ({), a été trouvé dans les terrains tertiaires de Gcorgens
gmünd (pliocène ?). k ;
Le H. sideromolassicum, Jaeger (°), avec ses variétés majus et minus, pro-
vient de ce mème terrain du Bohnerz, dont nous avons parlé dans la note
de la page 205.
Les BoTaRIODON, Avmard (Ancodus, Pomel),
— Atlas, pl. XIF, fig. 14,
forment un genre qui est maintenant bien connu, grâce aux beaux
et nombreux ossements découverts par M. Aymard dans les ter-
rains miocènes inférieurs du Puy en Velay. Je dois à l’obligeance
de ce paléontologiste quelques documents inédits qui me permet-
tront de compléter sa description.
La tête, qui est connue tout entière, est allongée, étroite, peu
élevée en arrière, fortement évidée en tous sens, principalement à
cause de la disposition de l'orbite et de la fosse temporale, qui
forment une cavité très étendue d'avant en arrière, cireonscrite
par des arcades zygomatiques composées d'os étroits dans leur
hauteur. La crête sagittale est saillante, bien détachée, entrai-
nant la plus grande partie de l'os pariétal. La cavité cérébrale est
fort réduite. Les apophyses mastoïdiennes sont courtes, les trous
orbitaires simples, et les os nasaux courts (ce qui indique un
boutoir faible ou nul).
(1) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 385, et 1846, p. 466.
(?) H. de Meyer, Palæologica, p. 81; et Meissner, Mus. der Naturg. Hel-
vel., n° 9et 10, fig. 1 et 2.
(3) Georgensgmund, p. 43, et Lethæa geogn., p. 1222.
(4) Zeilsch. für Min., 1829, t. [, p. 150.
(5) Foss. Saug. Wurt., p. 67.
SUILLIENS. — HYOPOTAMUS. 391
La formule dentaire est :
Me con molle", dont"
Les incisives sont grandes ; la canine ne les dépasse pas en lon-
gueur (caractère qui rappelle les anoplothériums). Les molaires
présentent des rapports avec celles des anthracothériums, et sur-
tout avec celles du genre suivant; elles ont leurs deux collines pro-
fondément divisées par un vallon, et leurs tubercules principaux
en forme de pyramides, dont le bord extérieur est excavé, et l'in-
térieur convexe. Les trois tubercules de la face externe se lient
avec les arêtes voisines, dont ils sont les points de divergence.
Les pieds sont à quatre doigts, l’astragale presque en osselet
de ruminant. Les formes du corps rappellent les cochons.
On en connaît trois espèces, qui appartiennent toutes aux ter-
rains miocènes inférieurs du Puy, et peut-être une du terrain
miocène supérieur. Ce sont :
Le Bothriodon platorhynchus, Aymard, remarquable par l'élargissement de
l'extrémité du museau (mâchoire inférieure); du Puy.
Le B. leptorhkynchus, Aymard, à museau plus mince et à diastème plus
court, la branche montante de la mâchoire inférieure naissant immédiate-
ment après la dernière molaire; du Puy.
Le B. velaunus, Aymard, plus petit et à museau plus court; du Puy.
Le B. velaunus (Hyopot. velaunus, Gervais (1), Anthracotherium velaunum,
Cuvier) (2), rentre dans l’une de ces trois espèces.
Le D. crispus, Gervais (3), de Gargas, est plus douteux. C’est peut-être un
anoplothérioïde. M. Aymard propose pour lui le nom générique de ABOTHRION.
Les Hyoporamus, Owen, — Atlas, pl. XIIL, fig. 12 et f5y,
sont très voisins du genre précédent, et n'en forment peut-être
qu'une section. Les principales différences indiquées par M. Pomel,
qui sont’ l’échancrure du mamelon- interne des molaires supé-
rieures et la dernière fausse molaire supérieure sans arête à la
face interne, ont été reconnues par M. Aymard communes aux
deux genres. La longueur du diastème n’est qu'un caractère spé-
cifique. On pourrait peut-être mieux justifier leur séparation par
(1) Zoo!. et pal. fr., p. 94.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 480.
(3) Zool. et pal. fr., p. 95, pl. 12.
332 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
l'épaisseur des collines transverses, qui sont cernées par des arêtes
plus étroites et plus droites dans le bothriodon, et plus larges et
plus arrondies dans l’hyopotame. Les vallons intermédiaires sont
donc plus larges dans le bothriodon, et à la mâchoire inférieure
elles laissent voir des rugosités plus étendues,
Les espèces connues sont conservées dans les terrains tertiaires
contemporains des gypses et dans les miocènes inférieurs. Ce sont :
Le H. bovinus et le H. vectianus, Owen (!), découverts par la marquise
d'Hastings dans les couches éocènes de l’île de Wight. M. Gervais (2) ajoute
deux espèces, les Hyopotamus borbonicus et priscus, du terrain miocène infé-
rieur d'Auvergne.
Les ANTHRACOTHERIUM, Cuv., — Atlas, pl. XIV, fig. 1 et 2,
sont encore très voisins des chœropotames, et forment avec ce
genre et avec celui des hyopotames un petit groupe très naturel.
Ils sont caractérisés aussi par 2 molaires, séparées des canines
par une barre plus courte que dans les genres précédents. Les
molaires ont des tubercules formant aussi deux collines , et sépa-
rés de même par un sillon médian, mais peu profond. Les infé-
rieures sont hérissées de pointes coniques obtuses, mais non ar-
rondies par le sommet. Les supérieures ont une couronne carrée,
composée de quatre pyramides saillantes, mais obtuses, et d’un
nombre variable de plus petites. Les canines paraissent ressem-
bler à celles du tapir. Les incisives inférieures, au nombre de
quatre, sont fortes et projetées en avant, comme celles des cochons.
Ces animaux ne sont encore connus que par des fragments assez
incomplets, qui n’ont pas permis de reconstruire l'ensemble du
squelette. Les premières espèces ont été trouvées dans des lignites
de Cadibona, près de Savone (Piémont), qui appartiennent à
l'étage moyen des terrains tertiaires. Les ossements de cette loca-
lité étaient fortement colorés en noir par le charbon, et ont mo-
tivé le nom qui a été donné à ce genre. Depuis lors, quelques
autres débris ont été trouvés dans diverses parties de la France,
et jusque dans l'Inde.
Les espèces appartiennent aux terrains miocènes ; elles parais-
(1) Quarterly journ. of the geol. Soc., t. IV, p. 103.
(2) Zoo!. et pal. fr., explic. de la pl. 31,
SUILLIENS. -- HYRACOTHERIUM. 32
sent caractériser d'une manière assez précise le miocène inférieur
ou miocène d'Auvergne.
Nous citerons :
L'Anthracotherium lembronicum, Bravard (1), des environs d'Issoire, et
quelques autres espèces d'Auvergne indiquées, mais non décrites par M. Pomel,
L'A. magnum, Cuvier (2), trouvé dans ies lignites de Cadibona et aussi
dans les marnes de la Limagne.
L’A. minus, Cuvier, de moitié plus petit et trouvé aussi à Cadibona.
L’4. alsaticum, Cuvier, dont la taille était les 3/5** de la première espèce,
et qui a été trouvé en Alsace.
L’4. onoideum, Gervais (3), À. magnum de l'Orléanais, Blainville (4), dé-
couvert à Neuville (Loiret),
L’A. minimum, Cuvier, a été transporté dans le genre CHOEROMORUS.
L’A. silistrense, Pentl., est devenu un chœromeryx.
C'est probablement dans cette tribu qu'il faut placer le genre des
HYRACOTHERIUM, Owen
(ÆHyotherium, Richardson (non H. de Meyer), Syotherium,
Owen, olim), — Atlas, pl. XIV, fig. 3,
qui a été établi pour la première fois en 1839 (*) sur un crâne un
peu mutilé trouvé par M. Richardson dans l'argile de Londres.
Sa dentition est très voisine de celle des chæropotames : les trois
molaires principales ont à peu près les mêmes formes; les molaires
antérieures, qui sont au nombre de quatre, sont plus grandes à
proportion et plus compliquées. Les canines paraissent avoir res-
semblé à celles des pécaris et avoir eu la même direction. Les
formes du cràne sont intermédiaires entre celles des damans et des
cochons. Un des caractères les plus remarquables est la grandeur
de l'orbite de l'œil, qui rappelle l'organe analogue des rongeurs
timides, et en particulier des lièvres. Sa petite taille et les rap-
ports généraux de formes que l'on peut lui supposer avec le daman
(Ayraæx), lui ont fait donner le nom d'Æyracotherium.
(1) Consid. sur les mammif. du Puy-de-Dôme, p. 32; Pomel, Bull. Soc,
géol., 2° série, t. ILE, p. 369.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 467.
(3) Zool. et pal. fr., p. 96.
(#) Ostéographie, Anthracothériums, pl. 3.
(5) Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. VI, p. 203.
334 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
L'espèce à laquelle a appartenu ce crâne a été nommé Hyracotherium
leporinum. Elle était de la taille du lièvre (parisien inférieur).
Depuis lors, M. Colchester à trouvé à Kyson en Sutolk, dans un satile du
tertiaire éocène, des dents qui indiquent une espèce plus petite, qui se
distingue par quelques détails dans la forme des parties saillantes des mo-
laires. Cette espèce a été décrite par M. Owen sous le nom de Hyracotherium
cuniculus (1) (parisien inférieur),
Les MicrocnoERus , S. Wood, — Atlas, pl. XIV, fig. 4,
ont provisoirement été séparés des hyracotherium à eause de
quelques différences dans l’écartement des molaires et dans la
forme de la dernière. | -
Le M. erinaceus, S. Wood (2), a été trouvé dans le terrain d’eau douce de
Hordwell (parisien supérieur).
Les ACOTHERULUM , Gervais, —- Atlas, pl. XIV, fig. 5,
sont encore imparfaitement connus. Ils paraissent, par leur den-
tition, voisins des palæochærus; leurs arrière-molaires sont,
comme dans ce genre, composées de deux collines, dont chacune
a deux tubercules. Ils présentent, d'un autre côté, des transitions
aux chevrotains et aux dichobunes.
L’A. saturninum, Gervais (3), provient des lignites de la Débruge, près
Apt (parisien supérieur).
Les Hereronyus, Gervais,
rapportés par M. Gervais à la tribu des suilliens, ne peuvent lui
être réunis qu'à titre provisoire, Car on ne sait pas même avec
certitude si ce sont des pachydermes ou des carnassiers.
L'H. armatus, Gervais (‘), a été trouvé dans les graviers à lophiodons de
Buchsweiler (Bas-Rhin) (parisien inférieur).
Je me borne à indiquer, en terminant cette tribu, le genre :
(1) Annals and mag. of nat. hist., t. VIIL, p. 1.
(2) Ann. and mag. of nat. hist, 1844, t. XIV, p. 350; Lond. geol.
journ., t. I, p. 5
(8) Compt. rend. de l’Acad. des sc., 1850, t, XXX, p. 604 ; Zool. et pal.
fr. p.92:
(#) Zool. et pal. fr., explic. de la pl. 35.
ANOPLOTHÉRIOÏDES. -— ANOPLOTHERIUM. 339
Prorocaogrus, Leconte,
qui, suivant l’auteur, est voisin des chœærôpotames, mais qui
manque des petits tubereules des molaires, et dont la dernière
molaire a une troisième colline.
La seule espèce indiquée est le P. prismaticus, Leconte ({), trouvé dans
llinoïis (diluvien ?).
8e TriBu. — ANOPLOTHÉRIOIDES.
Le caractère principal de cette tribu consiste dans l'absence de
barres aux mâchoires, en sorte que les dents font une série con-
tinue, caractère rare dans les mammifères, et qui, dans la nature
vivante, est spécial à l’homme et à la plupart des quadrumanes.
Les canines perdent en général leurs formes normales. Celles de
la mâchoire supérieure se confondent avec les prémolaires, et
celles de l’inférieure avec les incisives.
Les anoplothérioïdes forment une transition remarquable entre
les pachydermes et les ruminants, soit par leurs molaires, soit
par leurs pieds. Les premières commencent à présenter des crois-
sants internes , et les doigts se réduisent par degrés au nombre de
deux. Les os du métacarpe et du métatarse ne se soudent toutefois
jamais en canon.
Cuvier divisait les anoplothériums en trois sous-genres : les
anoplothériums proprement dits; les xiphodons et les dichobunes ;
mais la découverte de plusieurs types nouveaux force maintenant
à donner à ces groupes une valeur générique, et à admettre
quelques nouveaux genres.
Tous les anoplothérioïdes sont caractéristiques des terrains ter-
tiaires anciens et moyens. On n’en connaît aucune trace positive
dans les terrains pliocènes, non plus que dans ceux de l'époque
diluvienne.
Les ANOPLOTHERIUM, Cuvier, — Atlas, pl. XIV, fig. 6-12,
ont ? molaires; les arrière-molaires supérieures présentent un
chevron à sommet dirigé en dedans, qui se rapproche d’un gros
mamelon interne, avec lequel il finit par se confondre lorsque
l'usure est plus avancée. Les molaires inférieures ont deux col-
(1) Sillim. journal, 1848, t. V, p. 102,
336 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
lines s’usant en forme de cœur, la septième a un troisième lobe.
Les dents sont toutes à peu près égales en hauteur, et la canine
ne dépasse pas les autres. Les pieds sont à deux doigts. La queue
est longue, composée de vertèbres fortes et épaisses, ce qui a-fait
penser à Cuvier que ces animaux étaient plongeurs et vivaient à
peu près comme l’hippopotame.
Les gypses de Montmartre renferment les ossements de deux
espèces :
L'Anoplotherium commune, Cuvier (1), qui était de la taille d’un petit
âne; cette espèce a aussi été trouvée à l’île de Wight.
L’'A. Duvernoyi, Pomel (2).
La première de ces espèces a été aussi retrouvée dans quelques gisements
du midi de la France, où elle formait vraisemblablement plusieurs races (ou
espèces) distinctes (3).
Ce genre paraît avoir aussi existé dans le continent asiatique
pendant l’époque tertiaire.
MM. Cautley et Falconer ont trouvé, dans les montagnes Sivalik, les osse-
ments d’une espèce qu'ils ont nommée Anoplotherium posterogenium (f), et
À. sivalense (5).
M. Gervais sépare sous le nom de
EURYTHERIUM, Gervais, — Atlas, pl. XIV, fig. 43,
des espèces d’anoplothériums qui ont une dentition tout à fait sem-
blable à celle de ce genre, mais dans lesquels les pieds ont trois
doigts au lieu de deux, l'index se développant et formant un petit
doigt interne.
M. Pomel (‘), qui a étudié avec quelques détails cette modifi-
cation de l’organisation, propose une simple section dans le genre
des anoplothériums, et en admet quatre espèces.
(t) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 403.
(2) Compt. rend. de l’Acad. des sc., 1851, t. XXXIIL, p. 16.
(3) Voyez Gervais, Zool. et pal. fr., p. 92; Blainville, Ostéographie, et à
l'APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les articles Buckland, Graves, Plieninger, Pratt,
Robert, etc.
(*) 4siatic journ., décembre 1835, p. 358.
(5) Proceedings of the geol. Soc., t. IV, p. 235, pl. 2, fig. 1, 2.
(6) Compt. rend, de l'Acad. des se., 1851, t. XXXIII, p. 46.
ANOPLOTHÉRIOÏDES. — TAPINODON. 337
La première, qui est son Anoplotherium platypus, Pomel, doit reprendre le
nom plus ancien d'Eurytherium latipes, Gervais (1). Des environs d’Apt.
L'A. Laurillardi, Pomel, a aussi été trouvé à Apt.
L'4. Cuvieri, Pomel, provient des gypses de Paris.
L’A. secundarium, Cuvier (2), appartient aussi à ce genre et a été trouvé
à Paris et à Apt.
Les CHALICOTHERIUM , Kaup , — Atlas, pl. XV, fig. 6,
n'avaient probablement que $ molaires. Les arrière-molaires su-
périeures se continuaient en crêtes horizontales au delà du som-
met des chevrons formés par la face externe des lobes, et avaient
un seul gros mamelon interne entre les deux collines. Les mo-
laires inférieures étaient semblables à celles des anoplothériums,
sauf que la dernière n'avait que deux lobes sans talon.
M. Kaup (3) en a décrit deux espèces.
La plus grande, Chalicotheriwum Goldfusii, Kaup, paraît avoir atteint la
taille du rhinocéros de Java. Elle a été trouvée dans les tertiaires d'Eppelsheim
(miocène).
La plus petite, C. antiquum, Kaup, était de la grandeur du rhinocéros de
Sumatra et provient de la même localité,
Il faut ajouter une espèce du dépôt lacustre de Sansan (Gers), le C, grande,
Gervais (#), grand Anoplotherium, Lartet (5).
Ce genre paraît avoir existé en Asie pendant l’époque tertiaire.
MM. Cautley et Falconer (f) figurent un Chalicotherium sivalense des col-
lines subhimalayennes. (Il n’a pas été décrit.)
Les TariNopon, H. de Mever,
ne sont pas encore suffisamment caractérisés.
Le Tapinodon Gresslyi, H. de Meyer (7), se rapproche des anoplothériums et
a été trouvé à Egerkingen (canton de Soleure) (miocène?).
(1) Zoo!. et pal. franç., explic. de la pl. 36.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 403.
(3) Ossem. fossiles de Darmstadt, 2° livr., pl. 7.
(4) Zool. et pal. franç., p. 91.
(5) Compt. rend. de l’'Acad. des sc., t. IV, p. 88; Blainville, Ostéographie,
Anoplothériums, p. 66, pl. 3 et 4.
(6) Fauna antiqua sivalensis, pl, 80,
(T) Neues Jahrb., 1846, p. 471.
Ï,
338 MAMMIFÈRES. —- PACHYDERMES.
Les XIPHODONTES (Xiphodon, Cuv.), — Atlas, pl. XV, fig. 4-5,
sont des anoplothériums à formes légères et sveltes, qui devaient
être agiles comme la gazelle ou le chevreuil. Leur queue était
grêle et courte, et leurs pieds didactyles. Leurs dents formaient
une série continue, comme dans les anoplothériums; les anté-
rieures en forme de palmettes à bord tranchant et lobé, les ar-
rière-molaires à deux croissants, rappelant beaucoup celles des
ruminants, la dernière inférieure à trois lobes.
On en connait trois espèces.
Le Xiphodon gracile (Anoplotherium gracile, Cuvier), dela taille d’un cha-
mois, trouvé dans les gypses de Montmartre et dans les Jignites de la Dé-
bruge (parisien supérieur) (1).
Le X. gelyense, Gervais (2), de Saint-Gely (Hérault) (parisien supérieur).
Le X. paradoæum. Pomel (3), a été trouvé à Apt (id.).
Les DichoBunes, Cuv., — Atlas, pl. XV, fig. 7 et 8,
ont encore les mêmes caractères essentiels, mais avec la taille
des lièvres et la même disproportion que dans ce genre entre les
membres antérieurs et postérieurs , ce qui devait leur donner une
démarche semblable. Leurs arrière-molaires supérieures sont
formées de deux rangs de pyramides obtuses ; les inférieures, de
quatre mamelons en deux collines ; la dernière a un talon simu-
lant une troisième colline. Les dents antérieures ne sont pas aussi
continues que dans les genres précédents. Les pieds ont trois
doigts.
On en connaît quatre espèces :
Le Dichobune suillum, Gervais (4), a été trouvé fossile à Nanterre, etc.,
dans le calcaire grossier (parisien inférieur).
Le D. Robertianum, Gervais (5), provient aussi du calcaire grossier des
environs de Paris.
Le D. leporinum, Cuvier, avait la taille du lièvre, et ses doigts accessoires
(1) Voyez Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V; Gervais, Zool, et pal. franç.,
p. 90; Blainville, Ostéographie, p. 45.
(2) Zoo!. et pal. franç., p. 90, pl. 14.
(3) Compt. rend. de l’Acad. des sc., 4851, t. XXXIII, p, 16.
(5) Zoo! el pal. franç., p. 94, pl. 47.
(5) Zoo!. et pal. franç., explic. de la pl. 35.
ANOPLOTHÉPIOÏDES. —— OPLOTHERIUM. 339
atteignaient presque, aux quatre extrémités, la grandeur des intermé-
diaires (1). (Montmartre, parisien supérieur.)
M. Owen en a fait connaître une espèce, d’une taille ur peu plus grande,
qu’il nomme Dichobune cervinum. Une mâchoire de cette espèce, trouvée par
M. Pratt dans les terrains éocènes de l’île de Wight, avait d’abord été regardée
comme indiquant un genre nouveau voisin des moschus; mais M. Owen a
montré qu’elle présentait tout à fait les caractères de dentition des dicho-
bunes (parisien supérieur).
Les D. murina et obliqua sont maintenant des microthériums.
Les APHELOTHERIUM, Gervais, — Atlas, pl. XV, fig. 9,
ne sont connus que par leur mâchoire inférieure, dont les dents
sont en série continue, comme dans tous les anoplothérioïdes. Ils
commencent une série de dégradations vers les ruminants, dont
ils forment pourtant un terme plus éloigné de ces derniers que les
caïnothériums. Ils diffèrent surtout des anoplothériums par les
collines obliques de leurs molaires.
L'Apkelotherium Duvernoyi, Gervais (2), a été trouvé dans les gypses des
environs de Paris (et probablement aussi près d'Apt).
J'inscris provisoirement ici le genre CEBOCHOERUS, Gervais (5),
que je ne connais pas encore, et dont les quatre seules molaires
que l’on à recueillies paraissent avoir des rapports avec celles des
maïmons (quadrumanes) et avec celles des cochons. L’analogie est
probablement plus forte avec ces derniers, surtout avec le genre
ACOTHERULUM.
Le C. anceps, Gervais, a été trouvé à Apt.
Les OPLotaerium, de Laizer et de Parieu (Cainotherium, Bravard),
— Atlas, pl. XV, fig. 10 et 11,
ressemblent beaucoup aux dichobunes, et n’en devraient peut-
être former qu'un sous-genre. Ils ont quatre doigts, dont les deux
médians gros et les latéraux très grêles. Ils n’atteignaient pas
même la taille des petits chevrotains des îles de la Sonde.
Les oplotherium ont été trouvés dans les terrains parisiens et
miocènes.
(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V; Blainville, Ostéographie,p 58.
(2) Zoo. et pal. franç., pl. 34 et 35.
(8) Zool. et pal, franç., pl. 35.
340 MAMMIFÈRES. — PACHYDERMES.
On cite dans l’époque des gypses (parisien supérieur) :
v
Le C. Courtoisii, Gervais (1), des lignites de la Débruge, près Apt.
Les espèces paraissent nombreuses dans le miocène inférieur,
mais elles sont encore peu connues et n’ont pas été comparées.
MM. de Laizer et de Parieu ont signalé deux espèces du département de
l'Allier, dont la séparation est encore douteuse. Ce sont les Oplotherium lali-
curvatum et leptognathum (2) | Anoplotherium laticurvatum, Geoffroy (3) ].
M. Bravard en admet trois dans les environs d’Issoire. Dans la collec-
tion envoyée par lui au Musée de Paris, il les nomme Cainotherium com-
mune, medium et minimum.
M. Pomel (#) en admet cinq espèces en Auvergne, savoir : les C. laticur-
valum et commune cités plus haut, et les C. elegans, metapius et gracile.
M. Aymard (communication inédite) signale quelques petits
pachydermes non encore décrits. Je me borne ici à les indiquer
sommairement.
Le premier, qui forme pour lui le genre Zoozicus, est un peu
plus petit que le daman, et intermédiaire pour ses dents entre les
xiphodons , les dichobunes et les caïnothériums. Autant qu’on en
peut juger par une portion de mâchoire inférieure, seule connue,
ses formes étaient, dans sa petite taille, aussi élancées que dans
les gazelles (Zooliqus Picteti, Aymard, des calcaires lacustres du
Puy).
Le second est le type du genre Drrocus, et repose sur une mâ-
choire du Gard (parisien inférieur), décrite par M. Gervais ()
comme appartenant aux dichobunes, et qui, suivant M. Aymard,
présente des caractères de transition aux ruminants (Piplocus Ger-
vaisii, Aymard).
Les HvyæcuLus, Pomel,
sont très voisins des cainotherium, mais ils en diffèrent par leur
cuboïde soudé au scaphoïde (sans pour cela que les métatarsiens
soient unis), et par les pointes internes de la seconde colline
des molaires inférieures plus aiguës.
(1) Zool. et pal. franç., pl. 25 et 34.
(2?) Ann. des sc. nat., 2° série, t. X, p. 338.
(3) Bull. Soc. géol., t. V, p. 442.
(4) Compt. rend. de l'Acad. des sc., 4854, t. XXXIHI, p. 17.
(5) Zool, et pal. franç., pl. 2, fig. 10-12.
ANOPLOTHÉRIOÏDES, — ADAPIS. 241
Le Hyægulus collotarsus, Pomel, de la taille du Cainotherium laticurvatum,
et le H. murinus, Pomel, beaucoup plus petit, ont été trouvés dans les envi-
rons d’Apt (parisien supérieur) (!).
A la suite des cainotherium nous indiquerons quelques petits
pachydermes , dont la formule dentaire n'est pas encore complé-
tement connue, qui, suivant M. Pomel, se rapprochent des rumi-
nants plus encore que les précédents, et qui, suivant M. Gervais,
doivent probablement être réunis aux cainotherium. C'est le
genre des
Microruerium, H. de Meyer,
formé pour recevoirles Dichobune murinum et obliquum de Cuvier (2),
que ce savant anatomiste avait déjà soupconné devoir être séparés
des vrais dichobunes. C’est pour ces mêmes espèces que M. Pomel (3)
a établi le genre AMPHIMERYX.
Les espèces sont incomplétement connues dans leurs limites. Outre les
deux précitées qui ont été trouvées dans les plâtrières de Paris, M. H, de
Meyer ajoute le M. concinnum (f) du tertiaire miocène de Weisenau, et le
M. Cartieri (5), la plus petite espèce du genre, de la mollasse d’eau douce
d'Oberbuchsiten.
Ce n’est qu'avec doute qu'on peut placer ici le genre des
Aparis, Cuvier,
qui a les incisives supérieures et les dents en série continue des
anoplothériums, les canines plus saillantes, et des molaires qui
rappellent beaucoup celles du même genre, mais qui cepen-
dant forment une transition aux tapirs, parce que quelques unes
ont des collines transverses.
La seule espèce connue ne l’est que par sa tête, Elle a été trouvée dans
les gypses de Montmartre et porte le nom d’Adapis parisiensis (6), Cette
même espèce a été retrouvée dans les environs d’Apt, ‘
(1) Compt. rend. de l’Acad. des sc., 1851, t. XXXIII, p. 17.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V.
(3) Bibl. univ. de Genève, Archives, t. XIE, p. 72.
(#) Neues Jahrb., 1843, p. 387.
(5) Idem. , 1849, p. 547.
(6) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 460.
342 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS.
Ce genre a aussi des rapports marqués avec les insectivores.
Les Dicaopox, Owen, — Atlas, pl. XV, fig. 12 et 13,
ont encore, COMME les anoplothériums, les dents en série conti-
nue; mais les molaires supérieures n'ont que quatre mamelons,
et sont dépourvues à leur surface externe des arêtes en chevrons
qui caractérisent tous les genres précédents.
Le D. cuspidatus, Owen (1), a été trouvé dans l'argile de Hordwell
(parisien supérieur).
Les Merycororamus, Cautley et Falconer,
ont des arrière-molaires supérieures tout à fait semblables à celles
des dichodon, et le reste de leur dentition les rapproche des
hippopotames.
Ce genre, dont la position définitive est loin d’être fixée, a été fondé sur
une espèce découverte dans les tertiaires subhimalayens, par MM. Cautley
et Falconer (2).
On doit peut-être en rapprocher
Les CHOEROMERYx, Pomel,
genre seulement indiqué pour l'Anthracotherium silistrense ,
Pentland (3). M. Owen (‘) compare aussi ses dents molaires à
celles du dichodon, et M. Pomel (°) le rapproche des deux genres
précédents.
10° ORDRE.
RUMINANTS.
L'ordre des ruminants est limité de nos jours par des
caractères parfaitement précis, car à l’existence de
(1) Quart. journ. geol. Soc., t. IV, p. 36.
(2) Fauna antiqua sivalensis, pl, 62, 67, 68; Owen, Odontogr., p. 566,
pl. 140, fig. 8.
(@) Transactions of the geol. Soc., 2° série, t. I, pl. 45, fig. 2-5.
(5) Quart. journ. geol. Soc., t. IV, p. 37.
(5) Compt, rend. de l'Acad. des sc., 1848, t, XXVI, p. 687.
RUMINANTS. 343
quatre estomacs se joint la forme du pied, qui est con-
stamment composé de deux doigts principaux, et dont les
métatarsiens et les métacarpiens sont toujours () unis
pour former un canon. La dentition est aussi très uni-
forme. Les incisives manquent à la mâchoire supérieure,
où elles sont remplacées par un bourrelet calleux. Les
inférieures sont ordinairement au nombre de huit. Les
canines manquent le plus souvent. Les molaires sont
presque toujours au nombre de ®, et leur couronne est
marquée de deux doubles croissants, dont la convexité
est tournée en dedans dans les supérieures, et en dehors
dans les inférieures.
Dans l’âge adulte , la dernière molaire a trois colli-
nes; elle n’est pas remplacée, non plus que les deux
précédentes, mais les trois premières ont des germes
doubles. Les dents de lait sont par conséquent au
nombre de à, et la troisième est à trois collines, cornme
la dernière adulte. Ces circonstances permettent
toujours de distinguer les mâchoires des jeunes ani-
maux. |
J'ai déjà fait remarquer ci-dessus que les animaux
fossiles offrent quelques transitions qui lient les ru-
minants aux ordres voisins, et en particulier aux pachy-
dermes, bien plus qu’on ne le supposerait par l’étude
isolée des animaux vivants. Il est bien difficile-de savoir
jusqu'où s’étendaient ces transilions , s’il y avait des
animaux qui eussent à la fois quatre estomacs et les mé-
tacarpiens séparés, el s’il y avait des organisations inter-
médiares du système digestif. Dans cette ignorance, il
me semble qu’il vaut mieux conserver l’ordre des rumi-
nants, qui a des caractères suffisamment précis.
L'histoire paléontologique de ces animaux est bien
(1) Voyez la note 3, p. 279.
344 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS.
différente de celle des pachydermes. Leur apparition
plus tardive, et avec des formes par conséquent plus
voisines de celles des espèces actuelles, fait que l'on
n'a eu qu’un petit nombre de genres à ajouter à ceux
qu'avait fait adopter l'étude de la nature vivante. On
n’en trouve aucun représentant dans les terrains ter-
tiaires anciens, où, comme je l’ai déjà fait remarquer
ailleurs , la nombreuse population des mammifères
herbivores appartient presque toute à l’ordre des pa-
chydermes. On les voit apparaître pour la première
fois dans l’époque tertiaire moyenne, où ils ne tardent
pas à prendre un grand développement numérique ;
de manière que , dans les terrains tertiaires supérieurs
et diluviens, leurs ossements sont bien plus abondants
que ceux des pachydermes , qu'ils paraissent avoir
été destinés à remplacer presque totalement en Eu-
rope.
On a coutume de distinguer les ruminants d’après
leurs cornes, ce qui à fait jusqu’à présent rapprocher
les muscs des chameaux. L'étude des ossements fossiles
montre des liaisons nombreuses entre Îe premier de
ces genres et les cerfs, de sorte qu'il convient de modi-
fier un peu la classification admise ; nous adopterons
avec MM. Gervais, Pomel, etc., les familles des Camé-
lides, des Cervides et des Antilopides.
{5 Famizze. — CAMÉLIDES.
Les camélides sont caractérisés par l'existence de deux petites
dents implantées dans l'os incisif supérieur; elles sont le rudi-
ment des dents incisives, qui manquent dans les familles sui-
vantes. Ils ont des canines aux deux mâchoires. Le scaphoïde et
le cuboïde du tarse sont séparés, tandis qu'ils sont réunis dans
ous les autres ruminants. Leurs canons sont un peu plus divisés
CAMÉLIDES. 345
a l'extrémité ; leurs formes sont lourdes, leur cou est court, leurs
sabots petits.
Les CHamEaAUx (Camelus, Lin.)
n'ont pas encore été trouvés fossiles en Europe; mais MM. Cautley et
Falconer (‘) en ont signalé deux espèces dans les montagnes Sivalik,
c’est-à-dire dans les terrains tertiaires subhimalayens.
La premiere, Camelus sivalensis, se rapproche du dromadaire.
La seconde, Camelus antiquus, paraît avoir été d’une taille plus petite.
On a trouvé aussi des ossements de chameaux sur les côtes occidentales de
la mer Rouge (?); mais il n’est pas prouvé que les terrains qui les renfer-
ment ne soient pas d'origine moderne.
Les MerycoTaeRIUM, Bojanus,
sont un genre perdu, formé sur l'examen de quelques dents mo-
laires supérieures, qui ressemblent beaucoup à celles des cha-
meaux, Sans pouvoir toutelois être considérées comme identiques
avec celles de ce genre.
L'espèce unique, Merycotherium sibiricum (3), a été trouvée, à ce qu'il
paraît, en Sibérie.
Les Lamas (Auchenia, Wie.)
paraissent avoir habité l'Amérique méridionale pendant l’époque
diluvienne, comme de nos jours. M. Lund en a trouvé deux espèces
dans les cavernes du Brésil; l'une d'elles surpassait le cheval par
sa taille.
2e Famize. — CERVIDES.
Cette famille comprend les ruminants qui ont © incisives,
ou + canines, et 4-ou 7 molaires, ces dernières dents étant
caractérisées par un fut très court. Les cornes, quand elles
existent, sont couvertes de peau ou sous la forme de bois.
(1) Asiatic researches, t. XIX, et Fauna antiqua sivalensis, pl. 86 à 90,
(2) Newbold, Proc. of the geol. Soc., t. IL, p. 789.
(3) Bojauus, Nov. act. Acad. nat. cur., t. XII, p. 263.
346 MAMMIFÈRES, — RUMINANTS.
Les GiRAres (Camelopardalis, L., Girafa, Storr)
sont clairement caractérisées par leurs petites cornes velues, par
leur long cou et leur dos incliné. Elles ont des molaires qui res-
semblent beaucoup à celles des élans.
Ce genre anomal, qui aujourd’hui habite exclusivement l'Afrique,
a été retrouvé dernièrement fossile en France.
Cette découverte a consisté dans une mâchoire inférieure recueillie dans la
ville d'Issoudun, ex exécutant des fouilles pour un puits creusé dans un an-
cien donjon. La position de ce fossile n'a malheureusement pas permis d’as-
signer à quel terrain il avait appartenu.
M. Duvernoy (!) a donné une description détaillée de cette mâchoire, et
prouvé que l'espèce à laquelle elle se rapporte différait par de nombreux ca-
ractères de l'espèce d'Afrique, et était d’un sixième plus petite. Il propose de
la nommer Girafe du Berri (Camelopardalis Biturigum).
Le même anatomiste cite une incisive externe d’un animal du même genre
trouvé par M. Nicolet dans la mollasse de la Chaux-de-Fonds (canton de
Neuchâtel).
On à aussi trouvé des girafes fossiles dans l'Inde.
MM. Cautley et Falconer indiquent les C. sivalensis et affinis, comme re-
cueillies dans le dépôt tertiaire subhimalayen (2).
C’est peut-être près des girafes (3) qu'il faut placer le genre des
SIVATHERIUM, Cautley et Fale., — Atlas, pl. XVI, fig. 5 et 6,
qui est un des fossiles les plus remarquables et les plus extraor-
dinaires de l’ordre des ruminants. On en a trouvé une tête dans
la vallée de Markanda, dans la branche Sivalik des montagnes
inférieures de l'Himalaya (f), et plus tard des ossements des mem-
bres. Les uns et les autres sont conservés au British Museum.
La forme de cette tête est très singulière. Son volume approche
de celle de l'éléphant, ce qui peut faire penser que le sivathé-
(1) Compt. rend. de l'Acad. des sc., 29 mai 1843, et Ann. des sc. nat.,
3° série, t. I, p. 36.
(2) L'Institut, 1844, t. XII, p. 8.
(5) M. de Blainville regarde le sivathérium comme une antilope.
(#) Journ. of the asiatic Soc. of Bengale, janvier 1836,et Ann. des sc, nal.,
2° série, t. V, p. 348.
CERVIDES. — CHEVROTAINS. 347
1
rium avait le cou bien plus fort et plus court que la girafe. La
région postérieure du crène, à partir des orbites, est très dévelop-
pée, et formait probablement des protubérances celluleuses ana-
logues à celles de l’éléphant. La face, au contraire, est courte, et
les os nasaux sont remarquables par la manière dont ils se relèvent
et se prolongent en une voûte pointue au-dessus des narines
externes. La direction très inclinée du front et de la face, par
rapport à la surface triturante des dents , lui donne aussi un aspect
fort bizarre. Deux cornes qui naissent du sourcil, entre les orbites,
et qui s'écartent l’une de l’autre, augmentent aussi son apparence
anomale, d'autant plus que les protubérances postérieures étaient
aussi probablement la base de deux autres cornes courtes et mas-
sives.
Les molaires supérieures , les seules connues, sont au nombre de
six, et présentent tout à fait les caractères de celles des ruminants.
Ces caractères montrent que le genre des sivatherium appar-
tenait probablement à l’ordre des ruminants, mais présentait
aussi quelques rapports avec celui des pachydermes. Ces rapports
existent dans ses formes plus lourdes, son cou plus court, et sur-
tout dans l’existence probable d'une trompe, que la forme des os
nasaux semble démontrer.
L'espèce unique, le Sivatherium giganteum, devait égaler à peu près l’élé-
phant en grosseur et le dépasser en hauteur (1).
Les BRAMATHERIUM, Falconer,
sont probablement voisins des sivatherium, et ne sont connus
que par des fragments de mâchoires trouvés dans l'île de Périm
(golfe de Cambay).
M. Falconer a publié un mémoire (2) qui contient une comparaison détai]-
lée du fossile de Perim et du sivatherium. La seule espèce connue (Bramaihe-
rium Perimiense, Fale.) était un peu plus petite que le sivatherium,
Les CHEVROTAINS (Moschus, Lin.)
forment un type très clairement caractérisé par les longues ca-
nines qui arment la mâchoire supérieure, et qui sortent de la
(") Voyez Fauna antiqua sivalensis, pl. 91 et 92,
(2) The quart. journ. of the geol. Soc., t. I, p. 363.
348 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS.
bouche dans les mâles. Ils ont $ molaires, pas de cornes, et un
péroné grêle qui n'existe plus dans les autres genres. Une espèce
(Moschus aquaticus, Gray) d'Afrique, a, comme nous l'avons dit,
les métacarpiens et les métatarsiens distincts et non soudés en
canon, et a fourni ainsi un des arguments qui ont été Invoqués
pour la réunion des ruminants et des pachydermes.
Ce genre, qui n’habite plus l'Europe, a été trouvé fossile dans
l'Inde, et, suivant quelques paléontologistes, dans les terrains
tertiaires d'Europe.
L'espèce indienne est le Moschus bengalensis, Pentland (1).
On en a indiqué une espèce dans les terrains tertiaires d’Eppelsheim, qui
est le M. antiquus, Kaup, que quelques auteurs (mais non M. H. de Meyer),
rapportent au Dorcatherium Naui.
Le M. Prattii, de l’ile de Wight doit, suivant M. Owen, être considéré
comme un dichobune.
Les M. murinus et obliquus, Gervais, sont pour nous des microtherium.
Le M. armatus, Gervais, de Sansan, est un dicrocère.
Le M. Nouleti, Lartet, du même gisement, devra probablement être rap-
porté au genre CAINOTHERIUM.
Les AmPHITRAGULUS , Croizet (7ragulotherium, Croizet, olim),
— Atlas, pl. XVIT, fig. 1,
ont, comme les chevrotains, de grandes canines cultriformes à
la mâchoire supérieure; mais ils en diffèrent par une molaire de
plus à l’inférieure (+-).
On n’en à trouvé que dans les dépôts miocènes anciens d'Au-
vergne et du Puy.
Les dépôts lacustres de la Limagne en renferment probablement plusieurs
espèces contemporaines des palæotherium. Parmi elles on n’a encore nommé
que l'A. elegans (?).
L’A. communis, Aymard (3) (Anthracotherium minutum, Blainville), a vécu
avec les hyænodon, etc., et a été trouvé fossile au Puy (Haute-Loire) (mio-
cène inférieur).
(t) Transact. of the geolog. Soc., 2° série, t. II.
(2) Pomel, Bull. Soc. de géol. de France, 2° série, t. IE, p. 369, et t. IV,
p. 385 (avec planche).
(3) Ann. Soc. Puy, 1848, t. XII, p. 247; Gervais, Zool. et pal. franç.,
p. 88.
CERVIDES. — DORCATHERIUM. 319
Les DREMOTHERIUM, Geoffr., — Atlas, pl. XVIT, fig. 2,
sont très voisins des amphitragulus par la forme de leurs mo-
laires ; mais ils n'ont ni la grande canine de la màächoire supé-
rieure, ni la prémolaire de plus de la mâchoire inférieure (-$- mo-
laires).
Les espèces sont contemporaines de celles du genre précédent.
Le D. Feignouxii, Et. Geoffroy (1), a été trouvé dans le terrain à caïno-
therium de Saint-Gerand-le-Puy (Allier) (miocène d'Auvergne).
M. Pomel (?) admet l'existence de trois espèces dans ces mêmes gisements
du département de l’Allier. M. Et. Geoffroy en indiquait déjà une seconde
sous le nom de D. nanum,
MM. Bravard et Croizet en ont trouvé des ossements pres d’Issoire.
Les DORCATHERIUM, Kaup,
forment un genre dont les caractères ont été appréciés différem-
ment par les paléontologistes. M. Kaup, qui l’a établi, lui donne
pour caractère essentiel + canine assez grande et # molaires,
dont la prémolaire inférieure est séparée des autres. L'existence
du bois semble démontrée par une trace de meule, peu distincte
dans la figure de M. Kaup, la tête ayant été, suivant lui, fossilisée
peu de temps après l'avoir perdu. Les os lacrymaux n'étaient pas
celluleux comme dans les cerfs. Il y rapporte le chevreuil de Mon-
tabuzard de Cuvier, qui à des bois plus certains, et dont les
pointes de la face externe des molaires sont plus grosses que celles
des chevreuils et entourées d'un collet.
M. Pomel pense que deux types ont été confondus sous ce nom,
l’un à canines et sans bois, l’autre sans canines et à bois.
M. Pomel (#) propose de laisser le nom de DoRCATHERIUM à ces
derniers, qui sont des cerfs moschoïdes, et de rapporter les pre-
miers aux AMPHITRAGULUS; mais on exclurait ainsi du genre les
espèces sur lesquelles il a été établi.
Une comparaison de pièces plus complètes peut seule résoudre
cette difficulté.
(1) Revue encycl., 1832; Gervais, Zool. et pal. franç.
(2) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 382.
(3) Bull. Soc. géol., t. NT, p. 371.
350 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS.
La première espèce est le D. Naui, Kaup (î), trouvée à Eppelsheim (mio-
cène), type du genre.
La seconde espèce (?), est le Chevreuil de Montabuzard (2?) (miocène).
Il faut ajouter le D. guntianum, H. de Meyer (#), de la mollasse de Guntz-
burg, près du Danube, et le D. vindobonense, H. de Meyer (#).
Les POEBROTHERIUM, Leidy,
ont + molaires, et probablement pas de cornes, la première pré-
molaire supérieure est détachée en avant, et séparée des suivantes
par une petite barre. Ce genre fait une sorte de transition entre
les dorcatherium et les anoplothérioïdes.
La seule espèce connue, P. Wülsoni, Leidy (5), a été trouvée à Chambers-
burg, par M. Culbertson.
Les PazæÆomERYx, H. de Meyer,
ont & molaires et les autres caractères des cerfs. Is en différent
principalement par la petite protubérance conique située sur la
pointe antérieure du croissant interne des molaires, qui ne se dé-
veloppe pas autant chez les véritables cerfs. Les trois dernières
molaires inférieures présentent une élévation en forme de bourre-
let, qui descend vers le milieu du côté externe du croissant exté-
rieur et antérieur de la dent.
Ces caractères sont peut-être plus convenables pour former
un sous-genre que pour justifier un genre. L'examen des mà-
choires trouvées dans la mollasse de Lausanne me fait croire que
le genre PALÆOMERYX ne pourra pas être conservé. Les différences
qui existent entre ces animaux et les cerfs proprement dits ne
dépassent pas les caractères spécifiques.
Les espèces ont toutes été trouvées dans les tertiaires miocènes
supérieurs et dans les terrains pliocènes.
Je trouve indiqués :
Le P. eminens, H. de Meyer, de la mollasse d'OEningen (pliocène).
(1) Ossem. foss., de Darmstadt, 5° livr., pl. 23, p. 91.
(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p. 209.
(3) Neues Jahrb., 1846, p. 472.
(4) Idem, 1846, p. 471.
(5) Proc. Acad, nat. sc. Philadelph., nov. 1847.
CERVIDES. —— CERFS. ve 351
Le P. Bojani, H. de Meyer, des terrains lacustres de la contrée de Georgens-
Gmünd (miocène).
Le P. Kaupii, id., de la même localité,
Le P. pygmeæus, id.
Le P. minor, id., de la mollasse d’Arau (id).
Le P. Scheuzeri, id., de la mollasse de Suisse et des bords du Rhin.
Le P. medius, id., de Weissenau.
Le P. minimus, id., de la même localité.
Le P. Nicoleti, id., de la mollasse de la Chaux-de-Fonds (1).
Les Cerrs (Cervus, L.), — Atlas, pl. XVI, fig. 1-4,
forment un des genres les plus nombreux parmi les mammifères
vivants. Cette même abondance se retrouve dans les cerfs des ter-
rains diluviens et tertiaires supérieurs.
Les cerfs sont faciles à distinguer des autres ruminants par leurs
cornes caduques et souvent rameuses, que l’on désigne sous le
nom de bois; et par la forme de leurs dents molaires, dont les
racines sont plus grandes que le fût, et qui présentent du côté
intérieur, à la mâchoire supérieure , et du côté extérieur, à la ma-
choire inférieure, un petit appendice court et pointu placé entre
les deux collines (fig. 3). Les molaires sont au nombre de #, les
incisives de ?, et l’on voit quelquefois dans les mâles un rudi-
ment de canine à la machoire supérieure.
Le grand nombre des espèces qui composent ce genre impor-
tant rend leur étude difficile, d'autant plus que les ossements qui
servent à les caractériser ne sont pas toujours comparables. Les
unes sont connues par des fragments de mâchoires, d’autres par
des bois souvent de divers âges (?), quelques unes par des os du
corps. Il résulte de là la probabilité que, parmi les cinquante ou
soixante espèces que renferment les catalogues, il en est beaucoup
de nominales et qu'un examen plus sérieux forcera à réunir.
Mais lors même qu'on réduirait le nombre des cerfs fossiles , 1l
n'en restera pas moins vrai que ces animaux ont habité l'Europe
(?) Voyez pour toutes ces espèces : H. de Meyer, Foss. Zaehne und Knocken
von Georgensgmund, 4°, 1834; Neues Jahrb., 1843, p. 387; 1846, p. 468;
4847, p. 183, etc.
(2) Les bois de cerfs présentent, pour la détermination des espèces, de très
grandes sources d'erreur, Car chaque année ils tombent et recroissent avec
des formes différentes. Il faudrait des ccilections très riches pour arriver à
connaître toutes les phases par lesquelles passe une espèce fossile,
392 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS.
en très grande abondance depuis le milieu de lépoqne tertiaire.
Les espèces dont les débris sont renfermés dans les terrains ter-
tiaires supérieurs paraissent, conformément aux lois générales
que nous avons exposées ailleurs, avoir été toutes détruites par la
catastrophe qui a terminé cette époque. Pendant l'époque dilu-
vienne, il y a eu aussi de nombreuses espèces de cerfs; mais elles
ressemblent plus aux actuelles, et quelques unes doivent proba-
blement être considérées comme les souches de celles qui peuplent
encore nos pays, là où la civilisation ne les à pas détruites.
Les cerfs les plus anciens que l’on connaisse sont ceux des ter-
rains tertiaires miocènes supérieurs. Le célèbre dépôt de Sansan
(département du Gers) en renferme divers fragments.
M. Lartet a établi sur l’un d’eux le sous-genre DicrocÈre, dont le bois a de
longs pédicelles en dessous des meules (1) et est terminé par deux pointes ; le
seul andouiller qui existe naît sur la même base que la perche, en sorte
qu'il semble plutôt être une seconde perche antérieure. Cette organisation
rappelle beaucoup celle du cerf muntjack de l'Inde.
Ce même paléontologiste (?) cite le D. elegans, Lartet (Cervus dicrocerus,
Gervais), et avec doute deux autres espèces : le D. crassus, Lartet (auquel il
rapporte, avec doute aussi, le Cheureuil de Montabuzard, dont nous avons
parlé au sujet du Dorcatherium), et le D. magnus, Lartet. Ces trois espèces
ont été trouvées à Sansan et à Simorre.
M. Lartet rapporte à son dicrocère trapu (D. crassus), des métatarsiens
incomplétement soudés trouvés à Sansan. M. Pomel les place dans le genre
Hyæwoscuus établi par Gray pour une espèce vivante d'Afrique, H. Larteti (è).
Il leur associe des canines allongées, nommées par M. Gervais, Moschus ar-
matus. Ce dernier auteur () pense que peut-être ces ossements (dents et
métatarsiens) appartiennent au genre CHoromoRuS (p. 327), des mêmes gise-
ments. Il est impossible de justifier ou de contester ces rapprochements,
Il est probable que les dicrocères ayant été déterminés surtout par leur
bois, et les palæomeryx par leurs dents, il y aura entre ces deux genres
quelques doubles emplois.
M. Lartet (5) sépare, sous le nom de Micromeryx (M. Flowrensianus), une
(1) On nomme perche, dans le bois des cerfs, la tige principale sur laquelle
les andouillers naissent comme des rameaux. À la base de la perche, là où
le bois se détache, existe un bourrelet que l’on désigne sous le nom de meule.
(2) Compt. rend. de l’Acad. des sc., t. IV, p. 88, et t. V, p.158; Notice
sur la colline de Sansan, p. 34 à 36.
(8) Pomel, Compt. rend. de l'Acad. des sc., t. XXXIIL, p. 47.
ï (4) Zool. et pal. franç., explic, de la pl. 35.
(5) Loc. cil., p. 36.
CERVIDES. — CERFS. 953
petite espèce précédemment nommée Cervus pygmæus (1). Elle a été trouvée
à Sansan, à Simorre, etc.
Les sables d'Eppelsheim, appartenant aussi au miocène supé-
rieur, renferment, suivant MM. Kaup (?), etc., les espèces suivantes,
dont il est impossible de reproduire ici tous les caractères dis-
tinctifs; ils reposent sur les bois et sur la dentition.
Le Cervus Bertholdi, Kaup (pl. XXII, fig. 3), de la grandeur du cerf com-
mun, mais dont les dents ressemblent plutôt à celles du chevreuil.
Le Cervus nanus, Kaup (pl. XXII, fig. 2), de la taille du chevreuil, à
molaires plus étroites.
Le Cervus Partschi, Kaup (pl. XXII, C, fig. 9), de la grandeur de la
petite antilope saltiane, et par conséquent la plus petite espèce de cerf connue
jusqu’à ce jour.
Le Cervus anocerus, Kaup (pl. XXIV, fig. 2), qui ressemble au cerf munt-
jack par la longueur de ses meules. Ses bois manquent de maître andouiller
et leurs perches courtes se terminent par deux pointes,
Le Cervus dicranocerus, Kaup (pl. XXIV, fig. 3), à bois de même nature
que le précédent, mais plus grand.
Le Cervus curtocerus, Kaup (pl. XXIV, fig. 4), qui a du rapport avec le
cerf ordinaire, mais dont le maître andouiller, grêle, est placé à la base de la
couronne.
Le Cervus trigonocerus, Kaup (pl. XXIV, fig. 4), qui avait un bois à trois
andouillers, dont l’interne et l’externe arrondis.
Il y a certainement des doubles emplois dans ces cerfs, dont quelques
espèces ne sont connues que par des bois et d’autres par des dents.
La mollasse de Suisse à fourni aussi quelques cerfs, et en particulier le
C. haplodon, H. de Meyer, et le C. lunatus, id. (3).
Les terrains tertiaires supérieurs (pliocènes) renferment aussi
de nombreux ossements de cerfs.
Les dépôts arénacés du Puy-de-Dôme en ont fourni plusieurs
espèces figurées par MM. Croizet et Jobert (#).
Les mieux connues sont les suivantes :
4° À deux andouillers, dont le premier est placé immédiatement
au-dessus de la couronne :
(9 Lartet, Bull. Soc. géol., t. VIL, p. 217.
(2) Ossem. foss. de Darmstadt, 5° livr. Voyez aussi Karsten Archiv., 1833 ;
Neues Jahrb., 1832, p. 466, et 1834, p. 371; Giebel, Fauna der Vorwelt,
th p.438.
(8) Voyez Neues Jahrb., 1841, p. 97; 1842, p. 584; 1844, p. 3SG; 1846,
p. 471; 1851, p. 75, etc,
(#) Rech. sur les ossem. foss. du Puy-de-Dôme.
I.
12
(a)
‘
354 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS.
Le Cervus eluarium, Croizet et Jobert, à perches à double courbure; le
second andouiller antérieur et à la base de la seconde courbure.
Le Cervus pardinensis, Croizet et Jobert, dont les perches ont chacune
seulement deux légères inflexions, et où le second andouiller est placé
comme dans le précédent. (Cette dernière espèce n’est peut-être pas tertiaire,
car elle est indiquée comme trouvée au contact du pliocène et des alluyions
volcaniques.) (Voyez Atlas, pl. XVI, fig. 4.)
2° À deux andouillers, dont le premier naît plus haut que la
couronne :
Le Cervus cusanus, Croizet et Jobert, dont les bois rappellent beaucoup
ceux du cheyreuil d'Europe.
3° A deux andouillers et à pointe terminale bifurquée :
Le Cervus issiodorensis, Croizet et Jobert, à bois lisses.
Le Cervus Perrieri, Croizet et Jobert, à bois sillonnés profondément.
Outre ces espèces, dont l'existence repose sur une description
et des caractères réels, 1l y a plusieurs autres noms qui ont été
donnés par M. Croizet à des espèces non encore décrites et de
gisements incertains ; les pièces originales existent maintenant au
musée de Paris.
Les principaux de ces noms provisoires sont : C. borbonicus, C. nescher-
sensis, C. Croiseli, C. Regardi, C. Vialetti, C. Privati.
Les cerfs des dépôts pliocènes"du Puy en Velay ressemblent à
ceux d'Auvergne.
M. Aymard (communication inédite) en signale deux espèces à Vialette et
à Pichevicil, qui paraissent se rapprocher beaucoup du C. pardinensis et du
C. ardeus. Leur comparaison n’a pas été faite d’une manière suffisante.
Les espèces des sables pliocènes des environs de Montpellier
sont mieux connues.
Le C. Cauvieri de Christol (!) avait un bois à trois pointes comme les che-
vreuils, subaplati et caanelé longitudinalement.
Le C. australis, Marcel de Serres (2), avait le bois simplement bifurqué
par la présence d’un seul andouiller médian.
(1) Ann, sc. et Ind. Midi, 1832, t. IE, p 19; Gervais, Zool. et pal. franç.,
p. 85, pi, 7.
(2) Cavernes de Lunel-Viel, p. 250 ; Gervais, Zool. et pal. franc, p. 85, pl. 7.
CERVIDES. —— CERFS. 399
Le C. Tolozani, Christol, a été trouvé dans le même gisement.
Les dépôts pliocènes de Cucuron (Vaucluse) paraissent renfermer aussi des
ossements de cerfs qui n’ont pas encore été décrits (1).
Dans ces mêmes terrains tertiaires supérieurs on pourrait encore citer des
espèces découvertes par M. Marcel de Serres dans les environs de Montpel-
lier; mais les chances de doubles emplois sont très grandes, car il n’y a pas
eu de comparaison complète entre ces espèces et celles mentionnées ci-des-
sus. M. Marcel de Serres indique comme espèces nouvelles (2) :
Une espèce aussi grande que le Cervus Destremii, M. de S., des cavernes.
Une de la taille du cerf ordinaire.
Le Cervus capreolus australis.
Une à bois droits et à meule très considérable.
Une cinquième de la taille du chevreuil,
Une sixième plus petite.
Les terrains diluviens ne renferment guère moins de cerfs que
les tertiaires; mais les formes des espèces se rapprochent plus de
celles du monde actuel, et, comme je l'ai dit plus haut, plusieurs
doivent être considérées comme ayant survécu aux cataclysmes
diluviens , et par conséquent comme étant les souches des cerfs
qui ont peuplé l'Europe moderne. ÿ
On peut les diviser en plusieurs groupes : 4° Les espèces à bois
élargis en grandes empaumures digitées (les Daims et les ÉLANS).
C’est à cette division qu’appartiennent :
Le Cerf à bois gigantesques (3) (C. eurycerus, Ald., C. giganteus, Blum.,
C. megaceros, Hart., C. platycerus altissimus, Molyneux (f), C. hibernus,
Desm., C. fossilis, Goldf., C. megalocerus, Fischer), type du genre MEGALo-
CEROS pour quelques auteurs.
Cette espèce est la plus remarquable de toutes par sa grande taille et par
l'énorme développement de ses bois (voy. Atlas, pl. XVI, fig. 1 et 2). Ces
bois ont plus de 3 mètres d'envergure; leur pédicelle est cylindrique, et
immédiatement au-dessus de la meule nait un andouiller qui se dirige en
avant et en haut. Les perches se terminent par une palme presque horizon-
tale qui rappelle celle de l’élan, mais qui en diffère par divers caractères, et
entre autres par l'extrême grandeur de ses andouillers antérieurs. Il paraît
que la femelle portait aussi des bois. Les formes du re:te du squelette sont
plus vaisines de celles du cerf que de l’élan. Cette espèce a été trouvée dans
les dépôts arénacés du diluvium ancien d’une grande partie de l'Europe,
(1) Gervais, loc. cit., p. 87.
(2) Ann. sc. nat., 2° série, t. IX, p. 284.
(3) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit,, t. VI, p, 143.
(# Phil. trans., t. XIX, p. 485.
396 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS.
L'Irlande, en particulier, en renferme dans ses tourbières de beaux squelettes
bien conservés; ce qui l’a fait nommer quelquefois Cerf des tourbières d’Ir-
lande. Quelques naturalistes pensent que cet animal a peut-être vécu dans
l’époque actuelle et a été détruit par la civilisation; mais cette opinion s’ac-
corde peu avec sou-gisement dans la plus grande partie de l’Europe, et a sur-
tout été admise par ceux qui n’ont étudié cette espèce qu’en Irlande.
Le Cervus dama giganteus, Daim de la Somme, Daim gigantesque (1), à
bois semblables à ceux du daim, sauf que la meule est en connexion immé-
diate avec le frontal sans aucun pédicule intermédiaire. Sa taille était d’ail-
leurs beaucoup plus grande. Cette espèce a été trouvée dans les tourbières
d'Abbeville, dans les sables des bords de la Somme, et en Allemagne. Il
paraîtrait aussi qu’on le retrouve dans les terrains tertiaires supérieurs du
Puy-de-Dôme, et qu’il faut lui réunir le C. dama Polignacus, K. Robert, et
peut-être le C. gergovianus, Croizet. M. Gervais (?) le nomme Cervus somo-
nensis.
Le Cervus alces fossilis, H. de Meyer (3), ou élan fossile, confondu quelque-
fois avec le précédent, mais à tort. Trouvé dans les terrains diluviens de
l'Italie supérieure, de la Suisse et de quelques pays du Nord. Cette espèce
différait de l’élan par la forme de son front.
2° Les RENNES, à bois très grands (non caducs dans l'espèce
vivante, et se trouvant dans les deux sexes), très ramifiés , à an-
douillers aplatis, les inférieurs plus ou moins sécuriformes.
Le Cervus martialis, Gervais (), différait du renne par l’absence d’an-
douiller basilaire. Il a été trouvé dans les sables diluviens de Riége, près
de Pézénas.
Le Cervus tarandus priscus, Cervus Gucttardi, Cervus scanicus, Cervus
palæodama, Renne d'Étampes (5), trouvé entre des blocs de grès à Étampes,
dans la caverne de Brengues (Lot), dans les brèches de Montmorency, dans
la caverne de Balot (Côte-d'Or), dans les attérissements d’Issoire (Puy-de-
Dôme), etc. M. Puel a reconnu, sur un très grand nombre d’ossements,
que cet animal ne différait en rien du renne actuel (6). M. Schmerling l’a
aussi trouvé en Belgique.
Sternberg et Schottin (7) citent quelques espèces qui sont très voisines du
renne et qui proviennent du diluvium de Kôstritz.
(1) Cuvier, Ossem. foss., t. VI, p. 191.
(2) Zool. et pal. franç., p. 82.
(8) Nov. act. Acad. nat. cur., t. XVI, p. 2.
(*) Bull. Acad. Montpellier, 1849; Zool. et pal. franç., p. 81, pl. 21.
C. alces, tarandus et megaceros de Christol.
(5) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p. 180.
(6) Compt. rend. de l’Acad. des sc., t. VI, p. 299, et t. XI, p. 390.
(7) sis, t. HI, AV, V, VE VIL
CERVIDES. — CERFS. 301
3° Les POLYCLADES, à bois ramifiés, sans andouiller basilaire,
en partie aplatis.
On peut placer dans ce groupe deux espèces des alluvions d'Auvergne:
Le Cervus ardeus, Croizet et Jobert, dont les perches, d’abord courbées en
arrière, se relèvent en s’écartant et se terminent par une sorte de palme qui
a au moins trois pointes.
Le Cervusramosus, Croizet et Jobert, à bois aplatis, courbés d’abord en
dehors, puis se recourbant en dedans de manière à former presque un ovale ;
5 à 6 andouillers. Ce nom doit être changé en celui de C. polycladus (1),
parce que le nom de ramosus a été donné antérieurement à une autre espèce
par M. de Blainville.
h° Les ELAPHES, à bois ramifiés, composés d’andouillers nom-
breux , tous apointis et jamais aplatis, un andouiller basilaire.
Le Cervus primigenius, Elaphus fossilis, Cerf fossile (?), ne diffère du cerf
commun que par sa taille, qui est plus grande. Ses ossements ont été trouvés
dans les dépôts arénacés, les cavernes et les tourbières de la plus grande
partie de l'Europe. Il faut, suivant M. Gervais, réunir à cette espèce les
C. intermedius, coronatus et antiquus, Marcel de Serres, de la caverne de
Lunel-Viel, et le C. canadensis, Puel (5).
Quelques espèces se rapprochent beaucoup du cerf commun; ce sont :
Le Cervus elaphus Reboulii, Christol (#), des cavernes du midi de la France.
Le Cervus Destremi, Marcel de Serres, de très grand taille. Cavernes de
Bise.
Le Cervus Dumasii, Marcel de Serres et Pitt., de la caverne de Sallèles.
Le Cervus pseudovirginius, id., des cavernes de Lunel-Viel,
5° Les Axis, à bois composés seulement de trois pointes, savoir :
un andouiller basilaire, et un autre rapproché du sommet de la
perche.
Le Cervus arvernensis, Croizet et Jobert, à perches presque rectilignes for-
mant un angle très ouvert, jusqu’au second andouiller, qui est dirigé en
dessous, a été trouvé dans les sables volcaniques de Malbattu, près d'Issoire.
6° Les CHEVREUILS, à bois composés de trois pointes, sans an
douiller basilaire, quelquefois un peu aplatis.
(1) Gervais, Zool. et pal, franç., p. 82.
(2) Cuvier, Ossem. foss., t. VI, p. 198.
(3) Bull. Soc. géol., 1838, p. 178.
(*) Marcel de Serres, Géogn. des terrains terliaires, p. 16,
358 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS.
Le Cervus solilhacus, Robert (t), atteignait les dimensions de l’élan. Il a
été trouvé dans le terrain diluvien des environs de Polignac, pres le Puy.
Les cerfs voisins de notre chevreuil actuel paraissent aussi avoir formé
plusieurs espèces.
Le Cervus capreolus fossilis, Chevreuil fossile, Chevreuil des tourbières,
Cuvier (2), ne paraît différer en rien du chevreuil actuel. On l’a trouvé dans
les cavernes et les dépôts diluviens.
Le Cervus capreolus Tournalii, de Christol, et le Cervus capreolus Leu-
froyi, id., ont été trouvés dans les cavernes. Ils ressemblent au précédent
sans pouvoir être confondus avec lui.
Les cerfs fossiles des dépôts diluviens , quelque obscure que soit
encore leur histoire, fournissent des résultats intéressants. On
voit, en effet, par leur étude, que le cerf, le renne, le chevreuil,
et probablement quelques autres espèces, ont déjà vécu avant la
formation des dépôts arénacés diluviens; et l'on trouve évidem-
ment là une nouvelle preuve en faveur de l'opinion, que les
événements qui se sont passés alors n'ont pas anéanti toutes les
espèces (ni même la plupart d'entre elles) sur la surface de l'Europe.
On peut peut-être aussi tirer du fait que le renne a habité le
midi de l'Europe, quelques arguments en faveur des théories de
MM. Charpentier, Venetz, Agassiz, etc., sur l'étendue des gla-
ciers à une certaine époque. Le renne ne peut pas vivre de nos
jours dans l’Europe méridionale, parce qu'il souffre d’un climat
trop chaud ; n'est-il donc pas probable qu’à l'époque où de nom-
breux ossements fossiles nous montrent qu'il y existait, la tempé-
rature a été moins élevée, et que par conséquent il y a eu des
époques de refroidissement.
Enfin, l'étude des cerfs diluviens fossiles peut jeter quelque jour
sur l'origine des espèces actuelles. Celle du daim en particulier
a été contestée; on n'en retrouve de sauvages que dans les îles
méditerranéennes et dans le nord de l'Afrique, d’où l’on pense
qu'ils ont été importés pour servir au plaisir de la chasse ou à
l'ornement des parcs. Les ossements fossiles de daims des ca-
vernes de Belgique et de quelques autres pays semblent prouver
qu'à une époque plus ancienne le daim était déjà une espèce
européenne, et qu'elle a précédé l’homme sur notre continent.
On trouve aussi de nombreux ceris fossiles dans le continent
(1) Ann. Soc. du Puy en Velay, 1829.
(2) Rech. sur les ossem. foss., t. VI, p. 213.
ANTILOPIDES. 399
asiatique, mais les espèces n'en ont pas encore été bien détermi-
nées.
MM. Cautley et Falconer en ont trouvé ‘plusieurs espèces dans
les terrains tertiaires supérieurs de l'Himalaya. Il y a entre elles
de très grandes différences de taille: lune paraît avoir égalé l'élan,
et une autre n'avoir pas dépassé le lièvre.
On a aussi trouvé des ossements de cerfs sur les bords de
l'Irawadi, dans le pays des Birmans.
L'Amérique en renferme aussi des débris. On cite dans l'Amé-
rique septentrionale :
Le Cervus americanus fossilis, Harlan (!), trouvé sur les bords de l'Ohio,
et qui ressemble beaucoup au cerf du Canada.
Dans l'Amérique méridionale, M. Lund en a trouvé deux espèces
dans les cavernes du Brésil.
Voyez encore, pour le genre CERF, l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, aux articles
Eichwald, Faujas, Hermann, Hibbert, Hopkins, Kelly, Knowlton, Owen,
Pedroni, Pusch, Richardson, Sloane, Sternberg, Strikland, Zipser.
Les OROTHERIUMI, Aymard,
paraissent devoir être rapprochés des cerfs; mais le petit nombre
de fragments que l’on en connaît laisse leurs affinités très dou-
teuses. Ils avaient probablement des appendices frontaux en forme
de bois.
L'Orotherium Ligeris, Aymard (2), est la seule espèce connue. Elle se trouve
dans les calcaires lacustres du Puy en Velay (miocène inférieur).
3e FamiLze. — ANTILOPIDES.
Cette famille comprend tous les ruminants à cornes creuses,
c’est-à-dire formées d’un axe osseux enveloppé d’un étui corné.
Les molaires se distinguent facilement de celles des cerfs par leur
fût très allongé et par leur racine très peu divisée. (Atlas,
pl. XVII, fig. 3-6.)
(1) Fauna Americ., p. 245.
(2) Ann. Soc. du Puy, t. XII, p. 247, et t. XIV, p. 81.
360 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS.
Les ANTILOPES, Lin.,
ont les cornes insérées au-dessus des orbites, et composées d’un
tissu assez compacte qui ne présente pas les grandes cellules ca -
ractéristiques des genres suivants. Elles se distinguent aussi par
la forme de leurs dents molaires, qui n’ont jamais de pointes ni
de colonnettes entre leurs collines. Ce dernier caractère, qui
permet toujours de les distinguer des cerfs et des bœufs, peut les
faire confondre avec les moutons et les chèvres. II est souvent dif-
ficile de décider auquel de ces genres appartient une espèce fos-
sile dont on ne connaît que les dents.
Quoique les antilopes forment, de nos jours, un genre très
nombreux, elles ne paraissent pas, jusqu'à présent, appelées à
jouer un bien grand rôle en paléontologie. Il est vrai que nous
connaissons peu encore les fossiles des pays qui sont principale-
ment leur patrie actuelle; mais ce que nous savons peut faire
croire qu'en Europe leur apparition à été tardive, et qu’elles n’ont
eu à aucune époque un développement numérique bien grand.
Il ne paraît pas que les antilopes aient habité l’Europe avant le
milieu de l’époque tertiaire, dans laquelle leur existence est dé-
montrée par quelques fragments trouvés dans diverses localités
qu'on rapporte aux tertiaires moyens et supérieurs.
On en cite quelques espèces dans les terrains miocènes supé-
rieurs.
L’'A. clavata, Gervais (1) (4. sansaniensis, Lartet), rappelle par ses cornes
les grimms du Sénégal. Elle a été trouvée à Sansan.
L’A. martiniana, Lartet, du même gisement, est douteuse.
L’'A. molassica, Jaeger (2), n’est connue que par un os de la mollasse de
la Souabe supérieure.
La mollasse du mont de la Molière renferme aussi des débris qu’on rap-
porte à ce genre.
Les terrains pliocènes en ont aussi conservé quelques ossements.
L'A. Cordieri, Gervais (3), a été trouvée dans les terrains pliocènes de
Montpellier.
,
(1) Zool. et pal. franç., p.78; Lartet, Notice sur la colline de Sansan, p. 36.
(2) Foss. saug. Wurt.
(3) Zool. et pal. franç., p. 78, pl. 7; A. recticornis, Marcel de Serres,
Lunel-Viel, p. 250.
ANTILOPIDES, — LEPTOTHERIUM. 361
L'A. deperdita, Gervais (1), provient de Cucuron (Vaucluse). Elle avait été
rapportée au genre Mourox par M. de Christol.
L'A.? borbonida, Brav., n’est rapportée qu'avec doute à ce genre. Elle
caractérise les dépôts sous-volcaniques d'Auvergne (2).
On trouve aussi des antilopes dans _les terrains dilnviens, et
en particulier dans les cavernes. La plupart de ces cavités du midi
de la France, ainsi que celles de Belgique et d'Angleterre, ren-
ferment quelques ossements qui appartiennent à ce genre.
M. Marcel de Serres indique l'Antilope Christoliü, Marcel de Serres et
Pittore (3), des cavernes de Bize et Salleles.
L’A. dichotoma, Gervais (‘), a été trouvée dans les sables diluviens des
environs de Lectoure (Gers).
Quelques autres espèces sont encore citées dans les brèches osseuses de
Nice, d'Espagne, etc,
Il est probable que les terrains récents d'Asie en renferment
plusieurs espèces. MM. Cautley et Falconer en ont trouvé quel-
ques unes dans les montagnes Sivalik (Himalaya), mais elles n'ont
pas encore été étudiées.
Un fait plus remarquable est la découverte d'ossements d'anti-
lopes dans l'Amérique méridionale, où ce genre n'existe plus au-
jourd’hui.
M. Lund a trouvé, dans les cavernes du Brésil, une espèce à laquelle il a
donné le nom d’Antilope maquinensis.
Le même naturaliste a établi, sous le nom de
LePTOTHERIUM, Lund,
un nouveau genre qui renferme deux espèces trouvées aussi dans
les cavernes du Brésil.
Ce sont les Leptotherium majus et minus, Lund (5).
(1) Compt. rend. de l'Acad. sc., t. XXIV, p. 801; Zool. et pal. franç.,
D 18, pl:112
(2) Gervais, Zool. et pal. franç., explic. de la pl. 26.
(3) Journ. de géol., t. HT, p. 260; Gervais, Zoo!. et pal. franç., p. 77.
(
4) Compt. rend. Acad. sc., t. XXVIIT, p. 549; Zoo!. el pal. franc., p. 78.
(5) Lund, Ann. sc. nat., 2° série, t. XX, p. 222 ; € XIIL, p. 311.
362 MAMMIFÈRES. —— RUMINANTS.
Les Mouroxs (Ovis, Lin.), — Atlas, pl. XVIT, fig. 3,
ont une dentition très voisine des antilopes, pas de colonnettes
entre les lobes des molaires, et se distinguent par leurs cornes
naissant en arrière des orbites, dirigées en arrière et revenant
en avant et en bas.
M. Gervais distingue les MourLons à cornes rapprochées, sim-
plement arquées et à axe celluleux dans toute sa longueur, et les
Mourows proprement dits, à cornes plus écartées, plus en spirale
et sans cellules.
C'est à cette dernière division qu'appartiennent les seuls restes
fossiles qu'on ait trouvés de ce genre. Ils caractérisent tous
l'époque diluvienne.
M. Gervais (!) nomme Ovis primæva une espèce connue par une corne
trouvée dans la caverne de Saint-Julien-d'Écosse, près d’Alais (Gard). Il est
difficile de savoir si elle appartient à la même espèce que le métatarsien dé-
crit par MM. Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-Jean (2), comme caractéri-
sant un mouton qu’ils ont nommé Ovis tragelaphus. D’autres débris ont été
découverts dans plusieurs cavernes du midi de Ja France, les brèches osseuses
et le diluvium.
Le colonel Colvin a découvert, dans les montagnes Sivalik, la tête et les
cornes d’une espèce qui paraît très voisine de l’Argali (Ovis Ammon, Lin.)
qui vit aujourd’hui en Sibérie ($).
Les Caèvres (Capra, Lin.)
ont encore la même dentition que les moutons; mais les cornes,
très rapprochées à leur base, sont dirigées en haut et arquées en
arrière; elles sont prismatiques et creusées de larges cellules.
Leurs pieds sont plus robustes que ceux des moutons.
M. Gervais y distingue deux groupes : les BouquETINs ou IBEx,
à cornes peu divergentes , larges, noueuses, celluleuses dans toute
leur étendue, et les CHÈvres proprement dites, à cornes plus di-
vergentes, tranchantes, pas noueuses , et celluleuses seulement à
leur base.
Les espèces fossiles appartiennent toutes à l’époque diluvienne.
(t) Zool. et pal. franç., p. T6.
(2) Cavernes de Lunel-Viel, p. 194.
(8) Ann. and mag. of nat. history, 1843, t. XI, p. 78.
ANTILOPIDES. —— BOEUFS. 363
On cite dans le groupe des Isex, l’Zbex Cebennarum, Bouquetin des
Cévennes, Gervais (1), de la caverne de Mialet.
L'Ibex Rozeti (Capra Rozeti, Pomel) (2), connu par des molaires plus fortes
que celles des chèvres, trouvées dans les terrains diluviens de Malbattu, près
d'Issoire (Puy-de-Dôme).
MM. Croizet et Robert citent aussi des fragments trouvés dans les mêmes
gisements.
Dans le groupe des Cuivres, M. Owen (3) cite un frontal et des cornes trou-
vés dans le nouveau pliocène d’eau douce (diluvien) de Walton (Essex). Leurs
caractères paraissent identiques avec ceux de la chèvre ordinaire (C. hircus).
M. Gervais ne pense pas que des débris analogues aient été trouvés en
France (4).
Les Bogurs (Zos, Lin.), — Atlas, pl. XVIL, fig. 4-8,
se distinguent des autres ruminants par leur tête forte, qui porte
des cornes à noyau caverneux et dirigées de côté. Leurs arrière
molaires ont entre leurs collines de petites colonnes qui différent
des pointes caractéristiques des cerfs, parce qu'elles ne sont pas
détachées , et parce que leur longueur plus grande fait qu’elles
atteignent la surface de mastication et s’usent avec elle. Ces colon-
nettes manquent dans les chèvres et les moutons. Elles sont in-
ternes aux dents supérieures et externes aux inférieures.
Toutes les espèces de bœufs déterminées avec une précision
suffisante appartiennent à l’époque diluvienne on aux dépôts les
plus superficiels de l’époque tertiaire.
On ne peut pas, en effet, compter comme prouvant l'existence
d'un bœuf miocène une simple indication faite avec doute par
M. Lartet (5). Il annonce que M. Barrère a trouvé à Sauveterre,
près de Lombez, un fragment de métatarsien à découvert sur les
dernières assises du terrain tertiaire. Ses formes font penser à
M. Lartet qu'il a appartenu à une grande espèce de bœuf (Bos?
Barreri, Lart.).
À l'histoire des bœufs fossiles se rattachent des questions assez
(1) Compt. rend. Acad. des sc., t. XXIV, p. 691; Zoo!. et pal. franç.,
p. 73, pl. 10
(2) Compt. rend. Acad. des sc., 1844, t, XIX, p. 224; Gervais, Zool. et pal.
franc., p. 74.
(3) Brit. foss. mamm., p. 489.
(4) Zool. et pal. franç., p. 74.
(5) Compt. rend. Acad. des sc., t. IV, p. 85 , et Notice sur la colline de
Sansan, p. 37.
364 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS.
importantes, et en particulier celle qui a trait à l’origine des
races domestiques. Elle n’a point été résolue de la même manière
par tous les naturalistes.
Lorsque J. César pénétra dans les Gaules, il trouva les forêts
de ce pays habitées par une espèce de bœuf de grande taille, à
laquelle il donna le nom d’Urus, et dans ses Commentaires 1]
ajoute qu'il diffère du taureau par la grandeur et la figure de ses
cornes,
Les commentateurs ont souvent appliqué ce passage de J. César
à l’aurochs, qui vit encore dans les forêts de la Lithuanie; mais
plusieurs raisons peuvent faire croire que deux espèces différentes
vivaient à la même époque, et étaient distinguées déjà sous les
noms d'Urus et de Bison. I faut remarquer, en effet, que J. César,
dans sa description de lurus, ne parle ni de la crinière ni de
l'épaisse fourrure qui rendent l'aurochs si remarquable. De plus,
Sénèque (!) et Pline (?) citent le bison et l’urus comme deux ani-
maux distincts.
L'Urus paraît caractérisé par sa taille très grande, ses cornes
très longues, dirigées en avant, et par son front plat : c'est une
espèce éteinte, au moins à l’état sauvage.
Le bison (qu'il ne faut pas confondre avec le bison d'Amérique,
qui lui ressemble beaucoup, mais qui paraît distinct) était recon-
naissable à sa crinière, à son épaisse fourrure, à ses jambes grêles,
à ses cornes plus courtes non recourbées en avant, et à son front
bombé.
Nos races domestiques n’ont aucune ressemblance avec le bison,
et beaucoup plus avec l’urus, d’où quelques naturalistes ont inféré
que cette dernière espèce était probablement la source d’où elles
étaient dérivées. La comparaison des crânes ne me paraît pas ce-
pendant en fournir la prenve, et il est bien possible qu’elles aient
été amenées en Europe par les diverses peuplades asiatiques qui
l'ont successivement occupée.
(1) Tibi dant variæ pectora tigres,
Tibi villosæ terga bisontes,
Latisque feri cornibus uri.
(Hippolyte, act. 1, v. 63.)
(2) Jubatos bisontes excellentique vi et velocilate uros, quibus imperilum
vulqus bubalorum nomen imposuit. (Lib. VITE, cap. xv.)
ANTILOPIDES. — BOËUFS. 36
La paléontologie confirme la distinction entre l'urus et le bison
en montrant que, dans les terrains diluviens, on trouve les dé-
bris de deux espèces qui offrent des caractères analogues (].
L'espèce que l’on peut, avec quelque probabilité, rapporter à l’urus de
César, et considérer comme la souche possible des bœufs domestiques, est le
Bos primigenius, Bojanus (2), Bos urus priscus, Schl., Taurus fossilis, Baer
(Atlas, pl. XVI, fig. 8), caractérisé, ainsi que nos races actuelles, par des
membres trapus, un front aplati et carré ainsi que l’occipital, dépassant
d’un tiers environ nos bœufs actuels, et ayant les cornes recourbées et rabat-
tues en avant. Ses débris ont été trouvés dans plusieurs cavernes, tour-
bières et dépôts diluviens ().
Il est peu probable que l’on puisse en séparer le Bos trochocerus, H. de
Meyer (4).
Il faut aussi lui réunir le Bos synophris, Fischer, et, suivant M. Gervais,
les Bos giganteus, Croizet, velaunus, Robert, intermedius, Marcel de Serres.
Une seconde espèce a été trouvée en Angleterre et appartient aussi au
même type que les bœufs domestiques : c’est le Bos longifrons, Owen (?) (Bos
brachyceros, Owen olim, non Gray), découvert en Irlande.
La troisième espèce est celle que l’on peut rapprocher du bison et de l’au-
rochs actuel des forêts de Lithuanie. Elle n’a certainement fourni aucune de
nos races domestiques : c’est l’Aurochs fossile de Cuvier (6), Bos buffalus,
Pallas, Bos priscus, Bojanus (7), caractérisé par ses membres plus élancés, le
développement plus fort à proportion de la partie antérieure, le front arrondi
et les cornes divergentes très faiblement courbées. Il a été trouvé fossile
dans les dépôts diluviens d’Abbeville, de Vaugirard, du canal de l’Ourcq,
d’Issoire, dans la caverne de Brengues (Lot), etc. Ses formes sont assez carac-
térisées pour que quelques auteurs aient proposé d’en faire un sous-genre
sous le nom de Bison. (Atlas, pl. XVII, fig. 9.)
Le buffle (Bos bubalus, L.) n’a pas encore été trouvé fossile d’une manière
certaine, les ossements qu'on lui a rapportés appartiennent aux espèces pré-
cédentes; mais M. Duvernoy (5) a décrit un crâne fossile d'Algérie apparte-
(1) Voyez, pour cette question des bœufs fossiles, Cuvier, Ossem. foss. ;
Owen, Foss. brit. mamm.; Gervais, Zool. et pal. franc.; Nilsson, Ann. and
mag. of nat. hist., 2° série, 1849, t. IV, p. 256 et 349.
(2) Nova act. Acad. nat. cur., t. XI, p. 422, pl. 21, 24.
(8) Voyez, pour ces détails, Gervais, Zool. et pal. franç., p. 70.
() Nov. act. nat. cur., t. XVII, p. 152, pl. 12, fig. 12-14.
(5) Brit. foss. mamm., p. 508.
(6) Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p. 281.
(7) Nov. act. nat. cur., t. XIII.
(8) Compt. rend. Acad. des sc., 1851, 1°" déc.
366 MAMMIFÈRES. — RUMINANTS.
pant au même groupe que les buffles (BugaLus), qu'il propose de désigner
sous le nom de Bubalus antiquus.
On doit probablement considérer comme une espèce distincte du groupe
des Ovi8os, le Bos Pallasii, de Kay, auquel il faut peut-être rapporter le Bos
canaliculatus, Fischer, Buffle musqué fossile, Cuvier (!), caractérisé par ses
cornes rapprochées sur le front, comme dans le bœuf musqué du Canada.
Ïl a été trouvé en Sibérie et dans le nord de l'Amérique.
La seule espèce de bœuf qui paraisse avoir existé pendant la fin de l’époque
tertiaire est le Bos elatus, Croizet (Bos elatus magnus et minor, Brav., Au-
rochs antilope, Pomel), des terrains sous-volcaniques d'Auvergne (2).
Les bœufs paraissent, pendant l’époque diluvienne, avoir eu
une patrie très étendue.
Outre l'espèce précédente, on en a trouvé plusieurs ossements dans l'Amé-
rique septentrionale.
M. Harlan a établi les Bos bombifrons et Bos latifrons sur des fragments
trouvés dans l’État de Kentucky; mais ces espèces n’ont peut-être pas été
assez comparées au bison et à l’aurochs.
M. Smith a trouvé en Afrique, sur les bords d’un des tributaires de la
rivière Orange, une partie de la tête d’un animal de ce genre ().
MM. Cautley et Falconer citent, comme trouvées dans les montagnes
Sivalik (Himalaya), plusieurs espèces dont une doit, suivant eux, former une
nouvelle section.
Des ossements trouvés sur les bords de l’Irawadi (Birmanie) indiquent une
espèce de la taille d’un bœuf ordinaire.
Voyez encore, pour le genre BŒurF, à l’APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les arti-
cles Faujas, Fischer, Frémery, Hageau, Vogel.
Nous plaçons provisoirement à la fin des mammifères ongulés
terrestres un genre qui ofre des transitions avec presque tous les
ordres inférieurs de la classe des mammifères. C'est celui des
Toxopon, Owen, — Atlas, pl. XVII, fig. 4-8,
connu d’abord seulement par une tête dont les caractères prin-
cipaux sont d'avoir le crâne déprimé , surtout sur ses régions occi-
pitales, la cavité encéphalique petite, les arcades zygomatiques
grandes et fortes, une cavité glénoïde transversale. La dentition
de sa mâchoire supérieure est composée de molaires et d’incisives.
(1) Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p. 211.
(2) Gervais, Zoo! et pal. franç., explic. de la pl. 26,
(3) Proceed, geol. Soc., t. II, p. 152.
TOXODON. 307
Les molaires sont au nombre de sept de chaque côté, implantées
dans la mâchoire en sens inverse de celles des rongeurs, c’est-à-
dire la convexité tournée en dehors. Ces dents sont longues, ar-
quées, sans racines; l'émail forme un tube prismatique irrégulier
avec quelques sillons et moulures dont la planche XVIIL peut don-
ner une idée. Les incisives, au nombre de quatre, sont analogues
pour la composition à celles des rongeurs, et ont dù s’user en bi-
seau ; les intermédiaires sont petites et les externes plus grandes.
On à trouvé une mächoire inférieure qui, si elle appartient
réellement à ce genre, compléterait la dentition. Celle de la mà-
choire inférieure serait composée de sept molaires et de six in-
cisives rangées en demi-cercle.
Le Musée de Paris a depuis lors acquis quelques os des membres
qui montrent que l'animal était bas sur jambes : l’acromion a une
apophyse récurrente, comme certains rongeurs, le fémur rappelle
celui de l'hippopotame , et l’astragale a une forme toute spéciale.
Ce genre, comme je l'ai dit, a des rapports avec plusieurs
groupes de mamimuiieres. Îl ressemble aux rongeurs par la compo-
sition de ses incisives (mais non par leur nombre) ; il en difière
par la forme du crâne, et par sa cavité giénoïde transverse.
Ïl a des rapports evidents avec les cétacés par son occiput aplati,
son cerveau pelit, qui denote très peu d'intelligence, et son nez
largement ouvert en dessus, comme dans les lamantins. il s'en
éloigne par la grandeur de ses sinus frontaux el par ses incisives.
Ses formes lourdes et la composition de ses molaires peuvent le
rapprocher aussi de quelques édentés gigantesques; mais l'exis-
tence des incisives empêche de le placer dans cet ordre.
Enfin le nombre de ses molaires, ses incisives, et ces mêmes
formes lourdes dont je viens de parler, peuvent aussi le faire con-
sidérer comme un pachyderme, et c'est la place que l’on paraît dis-
posé à lui assigner jusqu'à ce quon connaisse le reste de son
squelette.
L'espèce qui a été la première connue est le Toxodon platensis, Owen (1),
dont on à trouvé sur les bords du rio Negro, à 120 milles nord-ouest de Mon-
tevideo, une tête enfouie dans une terre argileuse. Cette tête était longue
de 2 pieds 4 pouces.
(1) Voyage of the Beagle.
368 MAMMIFÈRES. -—— SIRÉNOÏDES,
La mâchoire inférieure que l’on croit pouvoir lui rapporter a été trouvée
à Bahia-Bianca.
M. Owen (!) parle d’une seconde espèce qui égalait presque le T. platensis
par sa taille (Toxæodon angustidens, Owen, de Buénos-Ayres).
M. d’Orbigny (2) rapporte avec doute à ce genre un humérus qui aurait
appartenu à une troisième espèce, le Toxodon paranensis ; mais ce rapproche-
ment nous paraît encore bien douteux.
A° ORDRE.
SIRÉNOIDES.
Les sirénoïdes, anciennement connus sous le nom de
CÉTAGÉS HERBIVORES, sont caractérisés par leur corps
allongé en forme de poisson, par l'absence de membres
postérieurs représentés seulement par un bassin rudi-
mentaire, par leurs membres antérieurs aplatis en na-
geoires, quelquefois encore munies d'ongles, par une
nagcoire déprimée qui remplace la queue, par leur den-
tition incomplète, composée quelquefois d’incisives en
forme de défenses et de molaires à couronne plate qui
rappellent souvent celles des pachydermes.
Les premiers caractères que nous avons indiqués les
rapprochent beaucoup des cétacés; mais ils s’en éloi-
enent par leur dentition et par leur appareil nasal qui
est constitué comme dans les mammifères ordinaires
et n’a pas la singulière disposition qui caractérise les
cétacés souffleurs. La forme de leur tête, leur peau
souvent épaisse, et leur dentition pourraient les faire
associer aux pachydermes. Îls paraissent en effet être
une dégénérescence à formes aquatiques de ce type,
comme les phoques et les morses représentent dans les
eaux les carnassiers terrestres.
() Congrès de Southampton (Institut, n° 700).
(2) Voyage en Amérique, Paléontologie, p. 112.
DINOTHERIUM. 369
Il est donc naturel d’en faire un ordre à part, inter-
médiaire entre les pachydermes et les cétacés. L'état
rudimentaire des membres les rend trop différents
des premiers pour qu'on puisse les considérer comme
une famille de cet ordre. [ls sont moins voisins de leurs
représentants terrestres que les phoques et les morses
ne le sont des leurs.
On connaît actuellement trois senres de sirénoïdes.
Nous aurons à en ajouter trois qui ne se trouvent qu’à
l’état fossile.
Je commencerai leur histoire par celle d’un genre cé-
lèbre, connu seulement par sa tête, rapporté par plu-
sieurs auteurs à l’ordre des pachydermes, et dont la
place sera contestable tant qu'on ne connaîtra pas le
reste du squelette. C'est celui des
DinOTHERIUM , Kaup, — Atlas, pl. XVIIL, fig. 9-13,
dont la tête colossale est caractérisée par un occipital très aplati,
des fosses nasales larges et ouvertes en dessus, de grands trous
sous-orbitaires , qui, joints à la forme du nez, peuvent faire con-
jecturer l'existence d’une trompe. La mâchoire inférieure est ter-
minée par deux énormes défenses dirigées en bas. Les molaires,
au nombre de ©, rappellent celles des tapirs et des lamantins.
Cet animal singulier à été connu d'abord seulement par quel-
ques dents molaires, que Cuvier (!) pensa devoir rapporter au
genre des tapirs, et qui lui firent croire à l’existence d’une très
grande espèce, qu'il nomma Zapir gigantesque. Plus tard on
trouva à Eppelsheim des morceaux de la mâchoire inférieure qui
forcèrent à établir un genre nouveau. Sa grande taille et la puis-
sante armure qu'indiquent les défenses le firent nommer Dino-
therium (Save, terrible); car, dans l'origine, on se trompa sur ses
véritables formes, et des divers fragments que l’on possédait on
reconstruisit la mâchoire, en dirigeant les défenses en haut.
(1) Ossem. foss., 4° édit., t. IE, p. 308.
Le 24
370 MAMMIFÈRES. —— SIRÉNOÏDES.
La découverte par M. Klipstein d'une tête complète dans les
sables d'Eppelsheim , et la description qu'en a publiée M. Kaup (1),
ont fourni, pour la première fois, des données parfaitement exactes
sur cette partie essentielle de l'animal. Elle fut retirée avec de
très grandes peines du fond d’une fosse de dix-huit pieds de pro-
fondeur, où elle était engagée par une partie de son crâne dans
une couche d'argile marneuse. Cette tête, moulée par les soins
des savants naturalistes dont nous venons de parler, existe main-
tenant dans la plupart des musées de l'Europe , et est un des mo-
numents les plus remarquables des êtres qui ont peuplé nos con-
tinents pendant l’époque tertiaire.
Les paléontologistes, d'accord aujourd’hui pour reconnaître
dans le dinotherium un genre tout à fait perdu, ne le sont plus
dès qu'il s’agit de lui assigner une place, c'est-à-dire de décider
quels sont ses rapports naturels avec les autres mammifères , et
quelle était la forme de son corps.
Il à été successivement rapproché des tapirs, des pangolins, des
phoques, des éléphants et des lamantins. Nous ne discuterons pas
en détail toutes ces opinions, car plusieurs d’entre elles ont été
abandonnées même par leurs auteurs. L'idée que les dinotherium
étaient de vrais tapirs n'a été soutenue par Cuvier que parce que
cet illustre anatomiste connaissait seulement des dents molaires.
Leur association avec les pangolins (Manis), proposée par
M. Kaup, ne reposait que sur une phalange unguéale qu’on leur
attribuait évidemment à tort. Ils n'ont aussi aucun des caractères
des phoques. Mais il est plus douteux de savoir si l’on doit les rap-
procher des proboscidiens et les considérer comme terrestres, ou
les envisager comme voisins des lamantins et comme ayant eu des
formes tout à fait aquatiques.
Je ferai remarquer d’abord que cette question perd une partie
de son importance depuis que Fon a reconnu que les sirénoïdes
doivent être rapprochés des pachydermes , et qu'ils sont le type
aquatique qui représente cette division terrestre. Le dinotherium
peut former un des anneaux de cette chaîne; il est probable qu'il
est intermédiaire entre les proboscidiens et les Jlamantins. La
question se réduit donc à savoir s’il est plus voisin des uns ou
des autres.
(1) Ossem. foss. de Darmstadt, 4" livr., pl. 4-5, et dans un ouvrage spécial,
Description du crâne colossal, etc.
DINOTHERIUM, 371
Pour la résoudre , il importe en premier lieu de savoir sur quels
matériaux on peut s'appuyer. Je pense que la tête seule est con-
nue, et que c'est à tort, ou du moins sur des présomptions impos-
sibles à justifier, que quelques paléontologistes lui rapportent des
grands os de membres trouvés à Eppelsheim et ailleurs. Ces os
appartiennent plus probablement à des mastodontes, qui sont
abondants dans les mêmes gisements.
Or cette tête montre quelques rapports avec les mastodontes et
les tapirs , principalement dans la dentition. La longue symphyse
du Mastodon longirostris et les défenses qui terminent la mâchoire
inférieure ont aussi une certaine analogie avec les dinotherium.
Mais, tout en reconnaissant la réalité de ces analogies, je suis
plus porté à rapprocher le dinotherium des lamantins. Les argu-
ments qui me paraissent venir à l'appui de cette opinion sont :
4° le peu de probabilité que ces défenses inférieures, si massives
et si prolongées, aient pu être utiles à un animal terrestre ; 2° la
dépression de l’occipital, dont on chercherait en vain un exemple
dans les pachydermes , et qui rappelle au contraire tout à fait ce
qui existe chez les lamantins; 3° la large ouverture des fosses
nasales, qui se retrouve dans la plupart des sirénoïdes; 4° la
forme des os incisifs, qui ressemble bien plus à celle des laman-
fins qu’à celle des pachydermes; 5° la forme des fosses oculaires
et temporales. Les dents molaires, d’ailleurs, ne s'opposent point
à ce rapprochement, car elles ressemblent à peu près autant à
celles des Jlamantins qu’à celles des tapirs.
Je ne me dissimule pas, du reste, que MM. Owen, Gervais et de
Blainville, sont d'une opinion contraire à la mienne. Ce dernier en
particulier, qui l'avait précédemment soutenue, a changé d’avis
depuis qu'il a cru pouvoir attribuer au dinotherium les ossements
que nous pensons appartenir plutôt aux proboscidiens.
Je persiste à croire, en me fondant sur les arguments ci-dessus
énoncés, que le dinotherium était un animal aquatique, plus voi-
sin des proboscidiens que ne le sont les sirénoïdes actuels, mais
appartenant probablement au même ordre que ces derniers. Je
pense qu'il vivait volontiers vers les embouchures des fleuves, et
qu'il se servait de ses grandes dents pour déraciner les plantes,
dont il recherchait surtout les portions charnues. Espérons que
de nouvelles découvertes pourront une fois résoudre ces questions.
Les dinotherium n'ont apparu que vers le milieu de époque
2 7 (4 MAMMIFÈRES. —— SIRÉNOIÏDES,
tertiaire, et n'ont pas eu une durée bien longue. On n'en cite de
certains que dans les terrains miocènes. On en à trouvé en
France, en Allemagne, en Suisse, etc. L'espèce la mieux connue est :
Le Dinotherium giganteum, Tapir gigantesque, Cuvier (1), de France,
d'Eppelsheim, etc. C’est à lui qu'appartient la belle tête découverte par
M. Klipstein. I faut lui réunir les D. maximum et medium de M. Kaup.
Le D. Cuvieri, Kaup (2), paraît différer du précédent. M. H. de Meyer lui
réunit le D. bavaricum (3), le D. secundarium, Kaup, et le D. Konigü, id.
Il faut, suivant le même auteur, considérer comme des espèces distinctes
le D. minutum, H. de Meyer ({), et le D. proavum, Eichwald (5), (Tapirus
proavus, Eichwald, Hastodon podolicus, id.).
Le D. uralense, Eichwald, est très douteux.
M. de Blainville n’admet pas cette distribution des espèces, et il établit un
D. intermedium qui serait peut-être le même que les D. medium et secunda-
rium (6).
On a aussi trouvé des dinotherium dans l'Inde.
MM. Cautley et Falconer (7) indiquent le D. iñdicum comme provenant des
montagnes Siwalick,
Les LAMANTINS (Manatus, Cuv.)
ont été quelquelois signalés à l’état fossile; mais il faut suppri-
mer la plus grande partie des déterminations qui se rapportent à
ce genre.
En particulier, le Manatus fossilis, Cuvier (8), doit être placé dans le genre
Hauraeriuu dont je parlerai ci-dessous.
Les autres indications sont trop vagues pour mériter une pleine confiance,
si ce n’est peut-être pour une espèce de l’Amérique septentrionale, indiquée
par Harlan (Manatus americanus fossilis) (°).
M. R. W. Gibbes (10) cite aussi des vertèbres et des côtes de Manatus dans
les terrains éocènes de Ja Caroline du Sud.
(1) Ossem. foss., 4° édit., t. ILE, p. 308.
(2) Ossem. foss. de Darmstadt, 1'° livr., p. 14, pl. 4 et 8.
(8) Nova act. Acad. nat. cur., t. XVI, p. 487.
(*) Neues Jahrb., 1841, p. 459.
(5) Nova act. Acad. nat. cur., t. XNII, p. 734
(6) Gervais, Zoo!. et pal. franç., p. 41.
7) Fauna antig. sivalensis, pl. 3 et 35.
8) Ossem. foss., 4° édit., t. VIIL, 2° part., p. 63.
9) Voyez Harlan, Journ. Acad. Philad., t. IV, p. 32, etc.
(
(
(
(10) Proceed. Americ, Assoc., 1849, p. 193.
HALITHERIUM, 313
Le genre des
Duconcs (Æalicore, Wlig.)
a aussi quelquefois été indiqué comme fossile; mais les ossements
qu'on lui à rapportés paraissent appartenir au genre suivant.
Les HALITHERIUN, Kaup
(Halianassa, H. de Meyer, Pugmeodon, Kaup, F'ucotherium, Kaup,
Pontotherium, 1d., Cheirotherium, Bruno, Wetaxytherium, de
Christol, écrit aussi ÆZalytherium),— Atlas, pl. XIX, fig. 1-4,
ont tous les caractères osseux du dugong et un cräne de formes
très voisines. Ils ont comme eux des incisives supérieures en forme
de défenses, et des petites incisives inférieures (5 au lieu de 4).
Ils en différent par leurs molaires, qui ont des tubercules masto-
dontiformes , et qui sont plus voisines de celles des lamantins. Les
dents supérieures ont trois racines, les inférieures deux; les der-
nières’ molaires inférieures de chaque mâchoire ont un talon plus
fort. Les côtes sont pleines, sans cavité spongieuse.
Ce genre a été établi dans la même année (1838), par M. Kaup,
sous le nom d'HaziTRERIUM, et par M. H. de Meyer sous celui
d'HaLranassaA. En 1839, Bruno découvrit en Piémont un animal
de même genre, et le décrivit sous le nom de CaeiroraEeRIUM. Plus
tard, M. de Christol publia un très bon mémoire (1) sur ses ca-
ractères ; mais ne connaissant pas les noms déjà donnés, il lappela
MeraxyTHEerIUM. Les noms de PuGuEopon, de Fucornerium et de
PonraoTaeriuM de M. Kaup ont été donnés à des espèces qui doivent
lui être réunies.
Ce genre paraît devoir réunir divers fragments attribués par
Cuvier à des groupes différents.
On doit considérer comme des halitherium :
Les molaires supérieures rapportées par Cuvier à l’Hippopotamus dubius (2).
Les molaires inférieures attribuées par le même auteur à l'Hippopotamus
medius (t. II, p. 492).
Les humérus rapportés par Cuvier à deux phoques (t. VII, 1, p. 454).
Le crâne du Lamantin fossile d'Angers du même auteur (t. VIE, 2, p. 63).
Un avant-bras du même animal, Cuvier (id.), trouvé aussi à Angers.
(1) Ann. sc. nat., 2° série, t. XV.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. Il, p. 495.
37/1 MAMMIFÈRES. — SIRÉNOÏDES.
Les halitherium vivaient probablement sur les côtes de la
mer et vers l'embouchure des fleuves, comme aujourd’hui les du-
gongs et les lamantins. Il est probable qu'il y en avait plusieurs
espèces, et leur synonymie est passablement embrouillée. On les
trouve depuis le calcaire grossier jusqu'au terrain pliocène. Au-
cune n’a encore été découverte dans les terrains diluviens.
L’'Halitherium dubium (Hippopotamus dubius, Cuvier) a été trouvé fossile
à Blaye (Gironde) dans un calcaire qui paraît correspondre à l’âge des lophio-
dons (parisien inférieur).
L'H. Guettardi, Gervais (!), provient d'Étampes et de Longjumeau. Le
terrain où il a été trouvé paraît supérieur au gypse (3° faune) et inférieur
aux mollasses du Midi (5° faune).
Les terrains miocènes proprement dits renferment quelques espèces aux-
quelles ‘on a donné les noms de H. fossile, Beaumonti, Collinü, Renggeri,
Schinzi, etc. Les auteurs ne sont point d'accord sur leur synonymie.
M. Gervais admet deux espèces; ce sont :
L'H. fossile, comprenant le phoque et le morse fossile de Cuvier, le
M. Cuvieri, Laurill., non Christol, et le M. Cordieri, Christol, de la mollasse
marine et des faluns de Doué, Angers, Rennes, ete.; et l’H. Beaumonti,
Christol, de la mollasse de Beaucaire,
Il faut y ajouter le Metaxytherium Studeri, H, de Meyer, de la mollasse
du canton d'Argovie (2), si cette espèce ne rentre pas dans une des précédentes.
Les terrains pliocènes paraissent ne renfermer qu’une seule espèce qui a
été décrite en Piémont par Bruno, sous le nom de Cheirotherium, et en
France sous ceux de Lamantin, d’Hippopotame et de Dugong. C'est l'H. Ser-
resii, Gervais (3), d'Asti, de Montpellier, etc,
Le genre des
TRACHYTHERIUM, Gervais, — Atlas, pl. XIX, fig. 6,
est tout à fait provisoire. Il n’a été établi que sur une dernière
dent molaire inférieure. Gette dent a trois collines, composées
chacune de deux tubercules mousses, et en outre un tubercule
supplémentaire. Elle semble se rapprocher de son analogue dans
les halitherium.
(1) Zool.et pal. franç., p. 144; Vache marine, Guettard; partie du Ma-
natus fossilis, Cuvier, Manatus Guettardi, Blainville.
(2) Neues Jahrb., 1837, p. 677.
(3) Zool. et pal. franç., p. 143, H. Brocchii, H. de Meyer, M. Cuvieri,
Christol.
ZEUGLODONTES. 319
La seule espèce indiquée, T. Raulinü, Gervais (t), provient du calcaire
marin miocène de la Réole (Gironde).
Les STELLÈRES (Æhyfina où Rytina, Wig.)
n'ont pas été trouvées fossiles.
A2 ORDRE.
ZEUGLODONTES.
Je place à la suite des sirénoïdes un ordre nouveau
qu'il devient nécessaire d'établir, comme l’a déjà fait
pressentir M. H. de Meyer. Il devra renfermer quel-
ques genres remarquables qui ont été rapprochés des
sirénoïdes lorsqu'ils étaient moins connus. Ces genres
ont les formes aquatiques de ce groupe et de celui des
cétacés, mais l'ensemble de leurs caractères les éloigne
de tous les deux; leur museau allongé et leurs dents
tranchantes empêchent de les réunir aux sirénoïdes ;
leurs dents de deux sortes, dont les molaires à deux ra-
cines, ainsi que leurs ouvertures nasales normales, les
distinguent encore mieux des cétacés.
Leurs caractères généraux sont : un museau allongé
et mince, des os nasaux grêles ; des dents de deux sortes,
les antérieures coniques et pointues, les postérieures à
deux racines et à couronne comprimée, composée de
pyramides disposées sur un seul plan; des vertèbres à
corps allongé, à apophyses épineuses soudées au corps,
mais petites; des membres antérieurs petits et en
nageoires, des membres postérieurs probablement nuls.
Le mieux connu de ces genres est celui des :
(1) Zool. et pal. franç., p. 145, pl. 41, fig. 2.
376 MAMMIFÈRES. — ZEUGLODONTES.
ZEUGLODON, Owen
(Basilosaurus, Harlan, Æydrarchus, Koch, Dorudon, Gibbes,
Zugodon et Zygodon, olim) , — Atlas, pl. XIX, fig. 12,
qui a été d'abord placé dans les reptiles, puis dans les cétacés, et
replacé plus tard dans les reptiles.
La première découverte de ce genre a été faite par Harlan en
1835 (!), qui en trouva des ossements dans le terrain tertiaire
de FArkansas (Mississipi), et qui les décrivit en les rapportant aux
reptiles sous le nom de BasiLosaurus.
En 1839, il transporta ces ossements à Londres, où M. Owen
démontra par l’analyse microscopique des dents que l’animal de-
vait être, au contraire, rapproché des lamantins. En 1843,
M. Buckley, et en 1845 M. Koch, trouvèrent d’autres ossements
dans l’Alabama; ceux qui ont été recueillis par ce dernier ont été
l'objet de travaux par MM. Carus, Geinitz, Günther et Reïchen-
bach , qui cherchèrent à prouver que ces fossiles appartiennent à
la classe des reptiles, et par MM. Burmeister et Müller, qui sou-
tinrent l'opinion de M: Owen. En 1847, M. Gibbes donna une
figure et une description de quelques ossements (?).
A cette époque, les documents apportés en Europe ne donnaient
encore qu'une idée assez incomplète de l'animal. La même année,
M. Koch repartit pour l'Amérique, et en 1848 il put recueillir une
quantité considérable d'ossements qui ont été exposés publique-
ment par lui à Dresde et à Vienne en 1849 et en 1850.
Les caractères des zeuglodon , tels qu'ils résultent de l'étude
de ces ossements , sont les suivants : le crâne est très allongé et
étranglé en arrière des frontaux; la région occipitale se relève par
une pente abrupte à peu près comme dans les cochons; les fron-
taux sont très développés en largeur au-dessus des orbites; la face
est grêle, les os nasaux sont allongés, l'ouverture du nez est tout
à fait normale, et n'a aucun rapport avec celle des véritables céta-
(!) Trans. of the Americ. philos. Soc., vol. IV, N. S., et Medic. phys.
research., p. 337. :
(2) Journ. of the Acad. of nal. sc. of Philadelphia, new series, vol. E,
in-4°, p. 5. M. Tuomey en a décrit un fragment de crâne dans le même
recueil, id., p. 16.
ZEUGLODON. 4
cés; les intermaxillaires sont grêles et allongés, la mâchoire
inférieure rappelle celle des dauphins et des cachalots.
La dentition présente des caractères tout à fait particuliers. La
formule dentaire de la plus grande espèce paraît être :
Inc. $; can. anorm. +; mol. à — $.
A la màachoire supérieure, l'os incisif porte trois dents à une
seule racine, dont la couronne est en forme de cône pointu et
recourbé en arrière; vient ensuite une dent à deux racines, dont
la couronne est semblable à celle des ineisives, et qui peut passer
soit pour une canine, soit pour une prémolaire. Les molaires ont,
pour la plupart, deux grandes racines, dont la longueur est quel-
quefois double de celle de la couronne; celle-ci est comprimée et
composée de pyramides disposées sur un même plan au nombre
de quatre à neuf, la dernière est la plus petite.
L'intervalle des racines se continue sur la couronne par une
dépression assez marquée, de sorte que, quand la dent est usée
jusque près de cette racine, elle semble composée de deux parties
réunies par un mince pédicelle. Cest cette particularité que
M. Owen a voulu exprimer par le mot de Zeuglodon.
A la mâchoire inférieure, on trouve d'abord quatre dents à une
seule racine et à couronne conique, qui paraissent les homologues
des incisives ; il n’y à point de dent qu'on puisse comparer à la
canine, et les molaires, semblables à ceiles de la mâchoire supé-
rieure, sont aussi au nombre de cinq.
La colonne épinière , si l’on en croyait la restauration qui a été
faite par M. Koch, serait composée d'au moms cent vingt vertè-
bres; mais il y a tout lieu de croire qu'il a mélangé plusieurs in-
dividus, et même, suivant M. Müller, deux espèces. IL est très
probable que l'animal était beaucoup plus court que ne le repré-
sente M. Koch (1). Ces vertèbres sont composées de corps cylin-
driques, allongés, avec des apophyses épineuses et transverses
relativement petites; les épineuses sont soudées avec le corps,
mais ne se touchent pas entre elles: les vertèbres cervicales sont
très courtes; les côtes sont un peu épaissies et comme en massue
vers leur extrémité inférieure.
On ne connaît du membre antérieur qu'une omoplate, un hu-
1) Mémoires de Haidinger, t, IV.
378 MAMMIFÈRES. — ZEUGLODONTES.
mérus et une portion de l’avant-bras; il paraît avoir été très court
relativement à la taille de l’animal, et disposé pour la natation.
L'existence du membre postérieur est tout à fait douteuse, etquoique
M. Koch l’ait supposé dans sa restauration, elle ne repose que sur
quelques fragments presque indéterminables.
Ces caractères démontrent :
1° Que l’animal n’est pas un véritable cétacé, les ouvertures
nasales et la dentition ne peuvent laisser aucun doute; 2° qu'il
ne peut pas être beaucoup plus rapproché des lamantins, car ces
derniers, avec leur tête courte et large et leurs molaires à cou-
ronne plate, appartiennent à un type tout différent ; 3° que cepen-
dant leurs affinités sont plus grandes avec ces mammifères aqua-
tiques qu'avec aucun autre.
M. Koch rapporte au terrain tertiaire ancien les gisements dans
lesquels ces animaux ont été découverts.
I] paraît qu'on en doit distinguer plusieurs espèces.
Le Zeuglodon macrospondylus, qui est celui dont nous avons parlé.
Le Z. hydrarchus, Carus, avait à la mâchoire supérieure deux dents à
double racine et à couronne conique au lieu d’une.
Le Z. trachyspondylus, Müller, est celui dont les vertèbres, quoique plus
courtes, ont servi à M. Koch à allonger le squelette du Z. mascrospondylus.
M. Koch admet la possibilité d’une quatrième espèce encore mal déter-
minée (1).
Il faut aussi rapporter à ce genre les dents trouvées par M. le
docteur Robert Gibbes dans les terrains tertiaires de la Caroline
du Sud, et qui ont été décrites sous le nom de Dorupon (2) (quel-
ques auteurs écrivent Dorydon), M. Gibbes admet lui-même ce rap-
prochement (#).
(1) On pourra consulter sur ce genre remarquable les travaux suivants :
Carus, Geinitz, Günther and Reichenbach, Resultat geol. anatom. and
zool. Unlersuchungen über Hydrarchos, Dresden et Leipzig, 1847, in-folio;
Müller, Bemerkungen über die mehreren arten bestehende familie der Hy-
drarchen; Owen, Transact. of the geol. Soc., 2° série, t. VI, p. 69; Kock,
Mém. de Haiding., t. IV, p. 53; H. de Meyer, Neues Jahrb., 1847, p. 669
et 757; Tuomey, Neues Jahrb., 1849, p. 497.
(2) London geol. journ., t. 1, p. 37.
(3) Journ. of the Acad. of Philadelphia, in-4°.
BALÆNODON. 379
Les SQUALODON, Grateloup
(Crenidelphinus, Laurillard, Delphinoides, Pedroni, PAocodon?
Ag.), — Atlas, pl. XIX, fig. 5,
caractérisés par des dents fortes à couronne comprimée et com-
posée aussi de pyramides dans un même plan qui les rendent cré-
nelées, à racine double ou triple, et par un museau allongé in-
complétement connu, ont été d'abord associés aux reptiles par
M. Grateloup, puis rapprochés des dauphins par M. Van Beneden.
Le petit nombre de fragments que l’on en connaît pouvait, en effet,
rendre la question douteuse jusqu’à la découverte des zeuglodon.
Il est maintenant évident qu'ils présentent les plus grandes ana-
logies avec ce genre; il est même possible qu'ils doivent plus tard
lui être réunis.
Leurs dents sont au moins au nombre de #? {la partie antérieure
du museau est cassée). Les postérieures ou molaires rappellent
celles des zeuglodon par la forme de leur couronne, mais les ra-
cines de quelques unes sont triquètres. Les antérieures ne sont
connues que par leurs alvéoles. La mâchoire inférieure est in-
connue.
C'est à ce genre (ou au précédent) qu'il faut rapporter la dent
provenant de Malte, décrite par Scilla (1), étudiée plus tard par
M. Agassiz à l’université de Cambridge, et désignée par ce savant
paléontologiste sous le nom de Paocopox.
La seule espèce citée est le Squalodon Grateloupii, Gervais (2), Squalodon,
Grateloup, Delphinoides Grateloupi, Pedroni. Elle a été trouvée dans le
grès marin de Léognan (Gironde) (miocène), dans la mollasse de Saint-
Jean-de-Vedas (Hérault), et dans la haute Autriche.
Il est possible que ce soit à cet ordre que l’on doive rapporter,
quand il sera mieux connu, le genre des
BALÆNODON, Owen,
connu par des dents semblables à celles des cachalots (%). M. H. de
Meyer, par l'étude d’un crâne trouvé à Lintz, en Autriche, qu'il
(1) Scilla, De corporibus marinis lapidescentibus, pl. 42, fig, 1.
(2) Ann. sc. nat., 3° série, t. V, p. 263; Zool. et pal. franç.; p. 151,
pl. 8et 41; Grateloup, Act. Soc. Linn. de Bordeaux, 1840, p. 201.
(3) Owen, Brit. foss. mamm., p. 536.
380 MAMMIFÈRES. -— CÉTACÉS.
attribue au même genre, croit pouvoir en déduire une affinité pro-
bable avec les zeuglodon (1)
M. Owen indique, dans le crag rouge (miocène) de Felixstow, le Balænodon
physaloides. Il faut y ajouter le Balænodon linlianus, H. de Meyer, de
Lintz.
Le genre des
SMILOCAMPTUS, Gervais,
est fondé sur une seule dent, qui rappelle un peu les dents anté-
rieures des zeuglodontes, sans qu'il soit possible, cependant, d’en
conclure avec quelque certitude si l'animal qu'elle représente avait
des rapports réels avec cet ordre. M. Gervais lui trouve ie
analogie avec les phoques.
La seule dent connue, Smilocamptus Bourgueli, Gervais (?), a été trouvée
dans le falun de Salele.
13° ORDRE.
CÉTACÉS.
Les animaux de cet ordre se distinguent facilement
par la forme singulière de leur appareil nasal qui forme
un canal vertical, allant directement du fond du palais à
la base du front; par leurs dents, qui sont, ou nulles,
ou égales, uniformes , à une seule racine et coniques ;
par leurs os d'un tissu grossier et par leurs doigts
à phalanges nombreuses. Leurs formes sont encore
plus celles des poissons. Leurs membres postérieurs
manquent toujours; leur queue est terminée par une
grande nageoire déprimée, et l’on voit quelquefois sur
leur dos une nageoire verticale.
M. Duvernoy, dans un mémoire récent (°), divise les
(1y Neues Jahrb., 1859, p. 203.
(2) Compt. rend. de l'Acad. sc., 4849, t. XXVIIL, p. 645; Zool. et pal.
franç., pl. 41.
(3) Ann. des sc. nat., 3° série, t. XV, p. 5.
DELPHINIDES. — DAUPHINS. 381
cétacés d’une manière très naturelle en cinq familles
que nous adoptons en changeant la forme d’une partie
des noms, M. Duvernoy leur ayant laissé ceux des
genres principaux qui les composent. Ce sont :
4. Les Delphinides (Dauphins, Duv.), à dents nombreuses aux
deux màchoires.
2. Les Monodontes, Duv., caractérisés par une défense droite à
la mâchoire supérieure, et sans autres dents.
3. Les Hétérodontes, qui n’ont qu’une ou deux paires de dents
à racines , et quelquefois des dents rudimentaires portées par les
gencives.
h. Les Physétérides (Cachalots, Duv.), sans dents à la mâchoire
supérieure, et à dents nombreuses à l’inférieure.
5. Les Palénides (Baleines, Duv.), qui n'ont de dents ni à l’une
ni à l’autre mâchoire, et des fanons cornés à la supérieure.
Are Famizze. — DELPHINIDES.
Cette famille comprend tous les cétacés à dents nombreuses et
égales aux deux mächoires. Le genre principal est celui des
Daupins (Delphinus, Lin.), — Atlas, pl. XIX, fig. 14,
qui ont des dents coniques et allongées. Ils ont habité les mers
de l’époque tertiaire, où l’on en compte plusieurs espèces, dont
quelques unes sont peu éloignées par leurs formes des espèces
actuelles, et dont d’autres, au contraire, s'en écartent beaucoup.
Quelques espèces ont été trouvées dans les terrains miocènes.
On cite en particulier :
Le Delphinus pseudodelphis, Gervais (1), de la mollasse de Vendargues
(Hérault),
Le D. dationum, Laurillard (2), de Dax (Landes).
Ces deux espèces se rapprochent, par leurs formes, du dauphin commun.
(t) Zool. et pal. franç., p. 150, pl. 9.
(2) Dict. de d'Orbigny, t. IV, p. 634; Gervais, loc. cit., p. 151; Cuvier,
Ossem. foss., t. VIT, p. 166.
382 MAMMIFÈRES. — CÉTACÉS.
Le D. Renovi, Laurillard (1), est remarquable par l'allongement de son
museau, et parce que Ja saillie pyramidale et descendante des arrière-nari-
nes commence plus en arrière que dans aucune espèce connue. Il a été
trouvé dans la mollasse miocène du département de l'Orne.
Il faut probablement ajouter une espèce indéterminée de Romans (Drôme)
(Gervais, p. 150).
D’autres sont indiquées dans les terrains pliocènes. Ce sont :
Le Delphinus Cortesii, Epaulard fossile, Cuvier (2), trouvé dans les collines
des Apennins, au sud de Fiorenzuola, par Cortesi. Sa tête était longue de
0,620 et sa mâchoire avait 14 dents de chaque côté. Il est voisin des dau-
phins épaulard et globiceps, sans toutefois pouvoir être confondu avec ces
espèces.
Le D. Brocchii, confondu avec le précédent et distingué par M. Balsamo
Cruvelli (3), du même gisement.
Une espèce indéterminée des sables pliocènes de Montpellier ().
Une espèce a été trouvée dans le terrain diluvien.
C'est le Delphinus (Phocænd) crassidens, Owen, du Lincolnshire (5).
Une espèce a été citée dans les terrains tertiaires de l'Amé-
rique septentrionale. |
C’est le Delphinus vermontanus, Zadock Thompson (f), dont un squelette
presque entier a été découvert près du lac Champlain.
Le Delphinus Karsteinii, trouvé par M. Olfers dans les États
prussiens, forme une transition entre le Delphinus globiceps et le
genre des Ziphius (7).
Les STEREODELPHIS, Gervais,
diffèrent des dauphins par leurs dents assez grosses, à couronne
très courte et presque hémisphérique.
(1) Dict. de d'Orbigny, t. IV, p. 634; Gervais, Zool. et pal. franç., p. 151;
Dauphin à long museau, Cuvier, id., p. 168; D. longirostris, Auct.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. VIII, 2° part, p. 153.
(3) Giorn. Lomb., 1842.
(#) Gervais, Zool. et pal. franç., p. 150.
(5) Owen, Brit. foss. mamm., p. 516 (Atlas, pl. XIX, fig. 14.)
(6) Sillim. journ., 1850, IX, p. 256; Neues Jahrb., 1850, p. 747.
(7) Acad. de Berlin, 19 décemb. 1819.
DELPHINIDES. — ARIONIUS. 389
On n’en connaît qu’une espèce, le Delphinus brevidens, Dubreuil et Ger-
vais (!), de la mollasse de Castries (Hérault).
Les CHAMPSODELPHIS, Gervais,
ont le rostre allongé comme les delphinorhynques ; la symphyse de
la mâchoire inférieure occupe les deux tiers de la longueur totale ;
les dents sont fortes, à racines plus épaisses que la couronne.
On rapporte à ce genre deux espèces des terrains miocènes.
Le Delphinus macrogenius, Dauphin fossile de Sort à longue symphyse,
Cuvier (2), découvert à Sort, département des Landes, dans les couches
d’une espèce de falun, et par conséquent dans le tertiaire miocène, On avait
d'abord attribué ces ossements au gavial du Gange; mais Cuvier a montré
qu'ils caractérisent un dauphin voisin du Delphinus rostralus. Il a, comme
cette espèce vivante et comme les cachalots, les branches-de la mâchoire
inférieure réunies dans une grande longueur; mais ses dents montrent qu’il
ne peut être confondu avec aucune espèce actuelle.
Le Champsodelphis Bordæ (>) trouvé à Léognan (Gironde).
Les ARIoNIUS, H. de Meyer,
sont aussi des delphinides, puisqu'ils ont des dents nombreuses
aux deux mâchoires. Ces dents ont une couronne ‘pointue et aiguë
à peine recourbée, munie d’une arête antérieure et d’une arête
postérieure aiguës, et sur les côtés d’une impression longitudi-
pale irrégulière, faible. Les racines sont presque rondes.
La seule espèce connue, Arionis servatus, H. de Meyer ({), a été trouvée
dans la mollasse de Valtringen en Wurtemberg. Il faut probablement lui réu-
nirle Delphinus molassicus, Jaeger (5), et le genre CETAGEUM du même auteur.
2% Famizze. — MONODONTES.
Cette famille, si clairement caractérisée par l'absence de dents
(1) Compt. rend. Acad. des sc., 1849, t. XXVIII, p. 139; Gervais, Zool.
et pal. franç., p. 452, pl. 9.
(2) Ossem. foss., t. VII, 2° part., p. 459; Gervais, Zool, et pal. frang.,
p. 152, pl. 41.
(3) Gervais, id., p. 153, pl. 41.
(4) Wüiegm. Archiv., 1842, t, IL, p. 57; Giebel, Fauna der Vorwell, t, I,
p. 257.
(5) Saüg. Wurlemb., p. 200.
384 MAMMIFÈRES. -— CÉTACÉS,
proprement dites et par une défense unique, droite, dirigée en
avant, implantée dans un des maxillaires supérieurs, et striée en
spirale, ne renferme que le genre des
NarvaLs (Monodon, Lin.).
Ces cétacés ont été quelquefois indiqués comme ayant été trouvés
fossiles. Georgi , dans sa description de la Russie, parle d’une dent
fossile de narval de Sibérie du cabinet de Pétersbourg et de deux
autres fragments trouvés aussi en Sibérie. Parkinson dit aussi
qu'on en a déterré sur la côte d'Essex, et M: Cuvier en a vu lui-
même un morceau dans le musée de Lyon. Mais l'authenticité de
ces observations laisse quelque chose à désirer, et il n’est pas cer-
tain que ces fragments soient réellement fossiles.
3° Fanize. — HÉTÉRODONTES.
Cette famille, qui correspond aux genres HYPEROODON et ZiPHIUS
de Lacépède et de Cuvier, est caractérisée par des dents très peu
nombreuses : les unes sont logées dans des alvéoles, et n’exeèdent
pas une ou deux paires à chaque màchoire; les autres sont rudi-
mentaires et portées par les gencives. La face supérieure du crâne,
ou plutôt la base frontale de la face présente fréquemment des
saillies ou proéminences qui élèvent le front et raccourcissent le
rosire.
M. Duvernoy, dans le mémoire précité, a principalement étudié
les hétérodontes,, et il y distingue cinq genres, dont deux n’ont
pas encore été trouvés à l’état fossile (les HyPEroopon et les
BERARDIUS) (!).
Les Zipmius, Cuv., — Atlas, pl. XIX, fig. 13,
ont les, intermaxillaires inégaux, et sont caractérisés par une
cavité considérable à la base du rostre, au fond de laquelle les
narines communiquent en arrière, et que le vomer borde en avant.
(1) Voyez sur ces mêmes cétacés, Gervais, Ann. des sciences nalt., 3° sér.,
t. XIV, et Zool, et pal. franç., p. 155; Van Beneden, Bull, Acad. Bruxelles,
t. XIII.
HÉTÉRODONTES. — CHONEZIPHIUS. 385
Le Ziphius cavirostris, Cuvier (1), est la seule espèce de Cuvier qui reste
dans ce genre, si toutefois elle est vraiment fossile. M. Gervais pense qu’elle
a seulement séjourné longtemps sous l’eau, et qu’elle doit être réunie à une
espèce vivante (?) trouvée À la plage des Aresquiers (Hérault). M. Duvernoy est
d’une opinion contraire; il rapporte l’espèce vivante au genre HyPERo0DON,
Lac. (Chænodelphinus et Chænocetus, Eschr.), sous le nomde H. Gervaisii, et
il considère le Ziphius cavirostris comme fossile et formant une espèce et
même un genre distinct (3). La comparaison des crânes de ces deux espèces,
conservées au Musée de Paris, me fait adopter l'opinion de M. Duvyernoy et
croire à la nécessité de leur séparation. Quant à la question de la fossilisation
du Ziphius cavirostris, elle est difficile à résoudre.
Les Dioropox , Gervais
(Mesodiodon, Duvernoy, Aodon, Lesson, Modus et Diodon,
Wagner),
ont une forte dent implantée de chaque côté de la mâchoire infé-
rieure, au commencement du second tiers. L'extrémité n’en porte
aucune ni à l'une ni à l’autre mâchoire, sauf peut-être des dents
rudimentaires non alvéolaires.
On en connaît trois espèces vivantes et une ou deux fossiles.
Le D. longirostre, Duv. (Ziphius longirostris, Cuvier), est d’un gisement
inconnu. Celui qui a été trouvé par M. Van Beneden dans le crag d’An-
vers est peut-être une autre espèce (D, ? Becanii, Gervais). Le crag d’An-
gleterre en contient probablement encore les débris d’une troisième espèce ().
Les Caoxgzrpaius, Duvernoy,
ont les intermaxillaires très inégaux à la base du rostre {le droit
étant le plus large), et creusés en entonnoir. Vers l'extrémité an-
térieure ils deviennent symétriques , se joignent, et forment une
large cannelure saillante. :
Le Ziphius planirostris, Cuvier (id., p. 257), du bassin d'Anvers (crag),
appartient à ce genre.
(1) Ossem. foss., 4° édit., t, VIII, 2, p. 233.
(2) Zool. et pal. franç., p. 154.
© (3) Voyez Gervais, pl. 39, avec une nouvelle dissertation sur ce sujet
dans l'explication de la planche. M. Gervais persiste dans son opinion, que le
Z. cavirostris n’est pas fossile.
° (f) Duvernoy, Ann. des sc. nat., 3° série, t. XIV; Gervais, loc. cit.; Cuvier,
Ossem. foss., 4° édit., t. VII, 2, p. 245.
1: 25
386 MAMMIFÈRES. — CÉTACÉS.
4° Fame. — PHYSÉTÉRIDES.
Cette famille, établie pour les cétacés qui n'ont point de dents
à la mâchoire supérieure, et des dents nombreuses, égales et
coniques à l'inférieure, ne comprend que le genre des
CacuaLors (Physeter, Lin., Megistosaurus, Godm.,
Nephrosteon, Ral.),
remarquables par leur tête volumineuse , renflée en avant, et dont
la partie supérieure consiste en de grandes cavités cartilagineuses
qui renferment de l'huile.
Le Physeter molassicus, Jaeger (Saug, t. IV, p. 200), a été cité dans la
mollasse.
Le P. antiquus, Gervais (1), est mieux connu, et a été trouvé dans les
sables pliocènes de Montpellier. Il égalait à peu près par sa taille les cacha-
lots actuels.
M. Owen (2?) indique, dans les terrains diluviens de la côte d’Essex, des
dents qui prouvent qu’en mème temps que le mammouth vivaient des cacha-
lots que l’on ne peut pas distinguer de l’espèce actuelle.
C’est probablement aussi à ce genre qu'il faut rapporter des ossements
trouvés aux États-Unis par Harlan, et décrits par lui comme des reptiles
sous le nom de NEPHROSTEON (3).
5° Famizze. — BALÉNIDES.
Cette famille comprend les cétacés complétement dépourvus de
dents et dont la mâchoire supérieure est armée de fanons cornés.
Ces gigantesques habitants de nos mers ne paraissent pas avoir
vécu dans des époques très anciennes. On ne trouve leurs restes
que dans les terrains tertiaires supérieurs et dans les dépôts dilu-
viens, et le plus souvent par fragments qui rendent difficile une
détermination exacte.
(1) Compt. rend. Acad. des 6e,, 1849, t. XXVII, p. 646; Zoo!. et pal.
franç., p. 156, pl. 3.
(2) Brit. foss. mamm., p. 524.
(3) Jameson, Edinb. new. phil, journ., 4834, t, XVII, p. 342; Giebel,
Fauna der Vorwelt, t, I, p. 236,
BALÉNIDES, —— HALEINES. 387
Les RorQuaLs (/orqualus, F. Cu.)
ont le corps plus allongé et la tête moins grosse et moins arquée
que les baleines.
On en trouve des débris fossiles dans plusieurs terrains mio-
cènes et pliocènes de France (*); mais leur comparaison avec les
baleines et les cachalots, ainsi que la distinction des espèces, lais-
sent beaucoup à désirer,
On peut considérer comme mieux établies deux espèces des ter-
rains pliocènes du Piémont. Ce sont (?) :
La Balæna Cuvieri, Desmoul,, dont M. Cortesi a trouvé deux sque-
lettes en Lombardie dans un terrain d’origine marine. Cette baleine n'avait
que 21 pieds de long, dimension bien petite si elle était adulte, Elle était
remarquable par la dépression de sa tête et par la grandeur de ses fosses tem-
porales. L'évent était presque horizontal; la mâchoire inférieure dépassait la
supérieure, y
La Balæna Cortesii, Desmoul., trouvée aussi par M. Cortesi, près d'un
des affluents du Pô. Tous les caractères des os indiquent un animal adulte,
cependant la longueur du corps n’était que de 12 pieds. Cette espèce était
très voisine de la précédente et n’en différait guère que par sa taille,
Les Baies (Balæna, Lin.)
sont au contraire moins effilées, et ont la tête plus grosse, On
place dans ce genre :
La Balæna Lamanonü, Cuvier (3). Un fragment en fut trouvé, en 1779,
dans la cave d’un marchand de vin de la rue Dauphine à Paris. Celui-ci, ne
voulant pas se livrer aux travaux nécessaires pour l'extraction complete du
morceau, le brisa et en enleva une portion qui pesait 227 livres, ct la mon-
tra à un grand nombre de curieux. Lamanon est le seul naturaliste qui en
ait pris connaissance et en ait publié une description (#). Cuvier reconnut que
cet os, qui est une partie du crâne, indiquait une baleine d'environ 53 pieds
(18 mètres) et montrait un temporal moins oblique et une cavité articulaire
moins étendue que la baleine franche.
Je terminerai l'ordre des cétacés en indiquant quelques genres
(1) Gervais, Zoo!. et pal. franç., p. 458, etc,
(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VIII, 2, p. 309; Desmoulins, Dict.
class. d'hist. nat.
(8) Cuvier, Ossem, foss., 4° édit., t, VILLE, 2, p. 345,
(*) Journ, de physique, mai 1781,
388 MAMMIFÈRES DIDELPHES
encore trop peu connus pour pouvoir être attribués avec certitude
à une des familles que nous avons admises.
Les CETOTHERIUM, Brandt,
ne sont connus que par des ossements rapportés d'abord aux z1-
phius. L’occipital est large et plat, l'arcade zygomatique forte et
épaisse. Ses véritables affinités ne peuvent pas encore être établies.
Le C, Rathkei, Brandt (1), a été trouvé dans le terrain diluvien de Russie.
Les HopLocErus, Gervais,
forment un genre encore plus incertain, fondé uniquement sur
quelques dents à racine simple, mais épaisse et renflée , et à cou-
ronne courte en forme de cône tronqué.
L'H. crassidens, Gervais (2), appartient à la faune miocène du départe-
ment de la Drôme.
On a désigné sous le nom de CÉTOTOLITHES des os tympaniques
détachés , que l’on reconnaît évidemment avoir appartenu à des
cétacés, mais qu'il est plus difficile de rapporter à des genres cer-
tains.
M. Owen en décrit plusieurs sous le nom de Bazæna (3). Ce sont les
B. affinis, definita, gibbosa et marginata. Quelques auteurs les associent
aux BALÆNODON, d’autres aux CACHALOTS.
Voyez encore pour les cétacés, et en particulier pour les balénides, à
l'APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les articles Berniard, Drummond, Kilian, Kedoch,
Mackenzie, Merian, Rathke, Rose.
2° SOUS-CLASSE.
MAMMIFÈRES DIDELPHES
(Marsupiaux).
Les didelphes, comme je l'ai dit plus haut (p. 128),
se distinguent des véritables mammifères par un en-
(1) Bull. Acad. Pétersb., 1842 et 1843; Ziphius priscus, Eichwald,
Rapp. des trav. Acad. de Pétersb,, 1842; de Verneuil, Mém. Soc. géol. de
France, t. II, p. 14.
(2) Zool. et pal. franç., pl. 20.
(3) Foss. Brit, mamm., p. 536.
OU MARSUPIAUX. 389
semble de caractères importants qui prouvent évidem-
ment leur infériorité organique. Leur mode de généra-
tion tout spécial, qui laisse comme traces sur le sque-
lette un bassin très étroit et des os marsupiaux, est la
modification la plus importante qu'ils présentent au
type normal. À ce point essentiel se joignent la forme du
crâne qui, plus petit et plus resserré, contient un encé-
phale en général moins développé; et la nature de la
dentition qui, tout en répétant à peu près dans les di-
verses familles des didelphes les types principaux des
monodelphes, ne présente presque jamais des ressem-
blances complètes avec aucun d'eux. Ainsi il y a
parmi les didelphes des herbivores et des carnivores;
mais ces derniers ont des dents plus nombreuses et plus
égales que les monodelphes, et dans cette circonstance
aussi bien que dans leur forme on peut déjà voir une
sorte de transition aux reptiles.
Par toutes ces raisons et par d’autres encore, plu-
sieurs naturalistes considèrent, je crois avec raison,
les didelphes comme formant une série parallèle à celle
des monodelphes, qui doit être placée après cette
dernière. J’ai déjà dit aussi que la paléontologie sem-
ble confirmer cette manière de voir; car autant qu'on
en peut juger par le petit nombre de faits qui ont été
observés, les didelphes ont apparu sur la terre longtemps
avant les monodelphes.
Ce fait de l'existence des mammifères didelphes dès
l'époque jurassique, démontrée par quelques mâchoires
trouvées dans les schistes de Stonesfield , est un des
points les plus importants de l’histoire paléontologique
de cette classe, soit par lui-même, soit par les discus-
sions auxquelles il a donné lieu.
C'est en 1823 que M. Buckland établit pour la pre-
390 MAMMIFÈRES DIDELPHES
mière fois, sur l’examen de deux portions de mâchoires
inférieures, que des mammifères didelphes avaient vécu
pendant l’époque jurassique.
Une pareille assertion ne pouvait pas être accueillie
sans débats, car elle renversait les idées reçues sur la
succession des êtres organisés. Il était tellement admis
alors que les mammifères n'avaient pu apparaître
qu'avec l'époque LR Le que ce ne fut qu'avec une
grande réserve qu'on admit la réalité de la découverte
de M. Buckland.
Mais la confiance qu'inspirait avecraison ce savant pa-
léontologiste, ne permettant pas de douter de la réalité
même du fait, on chercha par des explications plus ou
moins heureuses à le faire concorder avec les théories
admises.
La première, imaginée et soutenue par M. Constant
Prévost, fut que les schistes de Stoncsfield n'appartien-
nent point à l’époque jurassique, mais qu'ils sont réel-
lement supérieurs à la craie. Dès lors il devenait naturel
qu'ils renfermassent des ossements de mammifères
commeles autres terrains supra-crétacés. Mais cette ex-
plication ne put pas résister à un examen approfondi,
et il resta démontré que le terrain de Stonesfield fait
bien partie de la formation jurassique.
Une seconde manière d’envisager ces faits fut de con-
sidérer les mâchoires de Stonesfield comme ayant ap-
partenu à desreptiles et non à des mammifères. M. Grant
et M. de Blainville ont soutenu cette opinion, en se fon-
dant sur le nombre des dents molaires plus grand que
dans aucun matnmifère alors connu, sur leur espace-
ment révulier, sur ce qu'elles sont presque semblables
entre elles, etc. (*). On trouvait encore des arguments
(1) Compt. rénd, Acad, dés se., À, VIT, p. 402.
OÙ MARSUPIAUX, 991
dans la récente découverte du reptile connu sous le
nom de Basilosaurus, qui avait des dents pourvues de
deux racines, et qui semblait réfuter par là l’objection
que l’on aurait pu tirer de la forme des dents des fos-
siles de Stonesfield, qui ne ressemblent à celles d’au-
cun reptile connu.
Mais déjà à l'Académie des sciences de Paris MM, Va-
lenciennes, Duméril, etc., s'élevèrentcontrel’opinionde
M. de Blainville, et M. R. Owen a publié un mémoire
détaillé (*), dans lequel il a prouvé, ce me semble jus-
qu'à l'évidence, que ces mâchoires ont bien appartenu à
des mammifères. Le savant paléontologiste anglais a eu
à sa disposition des matériaux plus nombreux que ses
prédécesseurs. De nouvelles mâchoires plus entières
lui ont permis de montrer que le mode d'insertion des
dents, la forme de l’apophyse coronoïde et celle du con-
dyle, qui est proéminent et convexe, ne pouvaient lais-
ser aucun doute sérieux. La découverte d’ailleurs, dans
la nature vivante , du genre Myrmecoprus a fourni un
exemple d’un didelphe à dents nombreuses, égales et
également espacées ; et l’areument tiré du BasiLosaurus
a été annulé, parce que, comme je l'ai dit plus haut
(p. 376), ce prétendu reptile a été reconnu être un cé-
tacé (Zeuglodon).
Je crois donc qu’il est maintenant hors de doute
que ces débris de mâchoires attestent bien l’existence
des mammifères pendant l'époque jurassique. Il n’est
pas tout à fait aussi certain que ces animaux aient été
des didelphes.
Trois opinions ont élé émises sur leurs affinités:
quelques auteurs les considèrent comme des insecti-
vores monodelphes, d’autres les rapprochent des pho-
(1) Trans. of the geol. Soc. of London, 2° série, t. VI, p. 47.
392 MAMMIFÈRES DIDELPHES,
ques, à cause de leurs dents nettement tricuspides; d’au-
tres enfin les considèrent comme des didelphes. Nous
ne pouvons pas entrer ici dans une discussion minu-
tieuse ; je dirai seulement que M. Owen, dans le mé-
moire précité, montre que cette dernière opinion est la
plus probable. Il se fonde surtout sur le nombre des
dents, et sur un processus particulier vers l'angle de la
mâchoire qui est spécial aux didelphes, et dont les
fossiles offrent des traces évidentes. Les fragments les
plus anciennement connus sont tout à fait intermé-
diaires par leurs formes de détail entre les sarigues
et les myrmecobius.
Ce n'est pas seulement pendant l’époque secondaire
que les mammifères didelphes ont vécu en Europe ;
on en trouve des traces plus évidentes encore dans
les terrains tertiaires anciens. Cuvier à décrit une
partie d’un squelette, trouvé dans les gypses de Mont-
martre, qui présente clairement les os marsupiaux, et
qui ne peut par conséquent laisser aucun doute, D’autres
faits d’ailleurs sont venus s’ajouter à celui-là.
Dans les terrains récents, on ne retrouve des di-
delphes que dans les pays ou ces animaux vivent en-
core aujourd'hui; c’est-à-dire que les terrains dilu-
viens d'Amérique renferment des ossements de sari-
ques, et ceux de la Nouvelle-Hollande des fragments de
la plupart des autres genres, La distribution géographi-
que actuelle paraît dater ducommencement de l’époque
diluvienne.
Pour la classification des marsupiaux, je n’ai pas
adopté ici la subdivision en sept familles de M. Water-
house, parce que les fossiles ne sont pas tous assez
connus pour se prêter à une aussi grande multiplica-
tion des groupes, J'ai préféré conserver à peu près la
SARCOPHAGES. -—— THYLACOTHERIUM. 393
distribution proposée par M. Owen, en réunissant tou-
tefois en un même ordreses sarcophages et ses entomo-
phages, ainsi que les carpophages, les poephages et les
rhizophages. J’adopte donc trois ordres dont un (celui
des MonorrRÈMEes) n'a pas encore été trouvé fossile.
A° ORDRE.
SARCOPHAGES.
Cet ordre comprend tous les mammifères didelphes
qui ont des incisives petites, des canines grandes et
des molaires de carnivores ou d’insectivores. Ses carac-
tères correspondent donc tout à fait à ceux des car-
nassiers dans la série des monodelphes. Il renferme les
Diezpnbz, Dasyurinz et Myrmecosnipx de M. Water-
house.
Les sarcophages sont les seuls didelphes dont quel-
ques espèces aient été trouvées hors de la Nouvelle-
Hollande ou des îles adjacentes. Dans l’état actuel du
globe, quelques unes habitent l'Amérique. C’est à cet
ordre qu’appartiennent les fossiles européens dont nous
avons parlé ci-dessus, c’est-à-dire les célèbres mâchoi-
res trouvées dans les schistes de Stonesfield. Elles ont
nécessité la formation de deux genres nouveaux, J’indi-
que d’abord celui des
TayLacorTHERIUN (1), Owen, — Atlas, pl. XX, fig. 4 et 2,
qui difière des sarigues par ses molaires plus nombreuses et plus
petites, et des myrmecobius parce qu'au contraire ces dents sont
un peu plus grandes à proportion. On ne connaît que sa mâchoire
(1) M. de Blainville, qui ne croyait pas que ces animaux fussent des mam-
mifères, avait proposé pour eux le nom de Helerotherium et de Amphithe-
rium,; M. Agassiz avait employé celui d’'Amphigonus,
394 MAMMIFÈRES DIDELPHES.
inférieure, qui a & incisives espacées, 1 canine médiocre, 6 fausses
molaires et 6 vraies qui sont tricuspides,
Le Thylacotherium Prevosti, Cuvier (1), était à peu près de la taille d'un
rat. (Atlas, fig. 1.)
Le T. Broderipiüi, Owen, avait une mâchoire un peu plus allongée et plus
grêle. (Atlas, fig. 2.)
Le second genre, trouvé à Stonesfield , est celui des
PaasCoLoT&ERIUM, Broderip, — Atlas, pl. XX, fig. 3,
qui se rapprochait davantage encore des sarigues, car il n'avait
que 3 fausses molaires et 4 vraies. Il pourrait par conséquent, si
c'était nécessaire, fournir encore une preuve plus forte pour mon-
trer que ces animaux sont de vrais mammifères (2). Il à encore
toutefois quelques rapports avec les myrmecobius dans la forme
des dents.
La seule espèce connue est :
Le Phascolotherium Bucklandi, Broderip (?), qui était un peu plus grande
que les thylacotherium.
Quelques auteurs rapportent à la même division le genre
MicrozesTes, Plieninger (écrit aussi Microlistes),
qui semble présenter dans l’époque de son apparition les mêmes
circonstances remarquables que les précédents. Il à été établi
sur deux petites dents à deux racines, dont la couronne a plusieurs
pointes, et qui ont été trouvées sur les limites du lias et du keu-
per. Si elles se rapportent, en réalité, à un mammifère didelphe,
ce fait avancerait encore l'époque à laquelle ces animaux ont vécu
pour la première fois, puisqu'elle les ferait remonter jusqu'à la
période triasique (4).
(1) Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 197; Owen, loc. cil., pl. 5.
(2) Cette mâchoire fossile présente sur ses côtés des traces de sillons que
M. de Blainville a considérées comme des preuves certaines qu'elle était parta-
gée en plusieurs parties, ét par conséquent comme démontrant des analogies
avec les sauriens ; mais M. Owen les regarde, je crois avec raison, comme des
accidents ou des traces de sillons vasculaires.
(3) Owen, id., pl. 6.
(#) Plien., Wurt.nat. Jahr Hefle, 1847, p.164; NeuesJahrb.,1888,p, 111.
SARCOPHAGES. —— SARIGUES. 395
Les didelphes fossiles des terrains tertiaires européens parais-
sent appartenir au groupe des
SaRIGUES (Didelphis, Lin.), — Atlas, pl. XX, fig. 6,
qui est de nos jours tout à fait américain. Toutes les espèces dont
la dentition à pu être étudiée d'une manière un peu com-
plète ont paru s’accorder, sous ce point de vue, avec les sarigues
plutôt qu'avec les marsupiaux de la Nouvelle-Hollande. En parti-
culier, le nombre des incisives (+) paraît caractériser la plupart
d'entre elles. On en a trouvé plusieurs fragments dans les ter-
rains tertiaires anciens ; mais les espèces n'en ont pas encore été
très bien précisées. La mieux connue appartient si évidemment
par sa dentition, et surtout par ses os marsupiaux (!), au type des
mammifères didelphes, qu'elle prouve, sans aucune possibilité de
contestation, que ces animaux ont vécu en Europe avec les palæo-
therium et les autres pachydermes perdus de l’époque tertiaire
ancienne. C'est :
La Didelphis Cuvieri, H, de Meyer, Sarigue fossile, Cuvier (2), trouvée à
Montmartre. Cette espèce avait à peu près la taille de la marmose (Didelphis
murinus), mais avec des proportions très différentes.
La Didelphis Laurillardi, Gervais (3), provient aussi des plâtrières de Paris.
Elle ne dépassait pas la taille du Mus minutus.
MM. Bravard et Pomel (4) ont trouvé, dans le terrain parisien supérieur de
la Débruge (dép. de Vaucluse), deux espèces qu’ils n’ont pas caractérisées.
M. Gervais (°) en inscrit trois, comme provenant de ce gisement en compre-
nant probablement les deux de MM. Bravard et Pomel, sous les noms de
D. parva, Gervais, affinis, Gervais, et antiqua, Gervais.
M. Aymard possède dans sa riche collection trois espèces de
sarigues, trouvées aux environs du Puy dans les marnes lacustres
(1) On peut voir dans l'ouvrage de Cuvier avec quelle sécurité ce savant
auatomiste sacrifia les vertèbres lombaires pour creuser la pierre où était ce
squelette, afin d’y trouver les os marsupiaux. Sa confiance était telle, qu'il
avait invité quelques personnes à assister à cette recherche, pensant bien
que l’on verrait là une preuve remarquable de la justesse des lois qu’il cher-
chait à établir.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 518; Atlas, fig. 6.
(3) Zool. et pal, franç., p. 133.
() Ossem. foss. de la Débruge.
{5) Zoo!, et pal. franc., pl. 45.
396 = MAMMIFÈRES DIDELPHES.
(miocène inférieur). Il en forme un genre particulier sous le nom
de PERATHERIUM, qui diffère des sarigues d'Amérique par ses
prémolaires, dont la troisième est la plus forte, par ses arrière-
molaires, qui augmentent davantage en allant de la première à
la dernière, et par un talon bicuspide à la dernière. La dentition
des sarigues fossiles de Paris n'est pas assez connue pour qu’on
puisse savoir si ces caractères s’y appliquent.
Les trois espèces décrites par M. Aymard sont les D. elegans (nom changé
en Bertrandi par M. Gervais, parce que celui d’elegans appartient déjà à une
espèce vivante, mais qui doit être repris si, comme cela me paraît néces-
saire, on admet le genre PErATHERIUM), D. crassa et D. minuta (1).
Deux espèces ont été trouvées par M. Croizet dans les calcaires
lacustres (miocène inférieur) de la Limagne d'Auvergne (Issoire).
Ce sont :
Les D, arvernensis et Blainvillei (2). M. Gervais en ajoute une troisième des
mêmes gisements D. exilis, Gervais.
Il faut probablement encore rapporter à ce genre un fragment de mâchoire
trouvé dans le terrain éocène de Kyson en Suffolk, et décrit par M. Charles-
worth, sous le nom de D. Colchesteri (3).
Les terrains diluviens d'Amérique renferment, comme on pou-
vait s'y attendre, un grand nombre d’ossements de sarigues.
M. Lund en cite sept espèces, dont six ressemblent beaucoup à
celles qui vivent actuellement dans le même pays.
Le même naturaliste à trouvé dans les cavernes du Brésil une
dent molaire qui indique un animal voisin des sarigues par ses
caractères génériques, mais qui à dù atteindre la taille du jaguar.
Il avait proposé d’en former un nouveau genre, qu'il appelait
THYLACOTHERIUM , mais il a retiré ce nom, déjà donné aux fossiles
de Stonesfield ; depuis lors il n’en a pas substitué d'autre. Il con-
viendra d’ailleurs que l’on puisse l'établir sur de plus nombreux
fragments.
(1) Voyez Aymard, Ann. Soc. du Puy, 1848, t. XII, p. 248, et t. XV,
p. 83; Gervais, Zool. et pal. franç., p. 134.
(2) Croizet, Écho du monde savant; Gervais, Zool. et pal. franç., pl. 45.
(3) Voyez Lyell, Ann. of nat. hist., t. IV, p. 190; Charlesworth, Mag. of
nat, hist., 1839, p. 450, fig. 60; Owen, Brit. foss. mamm., p. 71.
POFPHAGES. | 397
Les GALETHYLAX, Gervais,
diffèrent des sarigues parce qu'ils ont une prémolaire de plus
et une arrière-molaire de moins. Les incisives sont grêles et
n'ont pas pu être comptées.
La seule espèce connue, Galelhylax Blainvillei, Gervais (1), a été trouvée
au Petit-Bicêtre, dans l'étage du gypse (parisien supérieur).
Les SPALACODON, Searles Wood,
ne sont connus que par un fragment de màchoire inférieure dé-
couvert par M. Flover de Croydon, à Hordwell (parisien supérieur),
et dont les caractères encore mal établis laissent en suspens la
véritable place. Quelques auteurs l’associent aux insectivores mo-
nodelphes. M. Pomel (comme nous l'avons dit page 169) le range
parmi les marsupiaux (?).
Les DasyuREs (Dasyurus, Geoffr.)
ont été trouvés fossiles à la Nouvelle-Hollande, où ils vivent en-
core de nos jours. On en cite une espèce des cavernes et des
brèches osseuses de ce pays qui atteignait la taille du €. wrsinus.
C'est le D. laniarius, Owen (5).
Le prétendu dasyure des gypses de Paris est un hyænodon.
Les THyLACINES (7hylacinus, Temm.)
sont dans le même cas ; une espèce vit aujourd’hui à la Nouvelle-
Hollande, et l’on en a trouvé une autre fossile dans les terrains
diluviens du même pays (‘).
2° ORDRE.
POEPHAGES.
Cette division renferme les marsupiaux dont les inci-
(1) Zool. et pal. franç., p. 133.
(2) Voyez Searles Wood., Ann. and mag. of nat, hist., 1844, t. XIV, p. 349.
(8) In Mitchell expéd. Penny cyclop., t. XIV, p. 469, et Brit. assoc. , 1844,
(#) Th. spelæus, Owen, Catal, collect, of surgeons, p. 333,
398 MAMMIFÈRES DIDELPHES.
sives antérieures sont grandes et longues à chaque mà-
choire, et les canines petites et variables. On y distin-
gue trois tribus.
Are TriBu. — PHALANGISTIDES.
Ce sont ceux dont les pieds antérieurs et postérieurs sont dans
les proportions normales. On n’y a encore rapporté que quelques
ossements, trouvés dans une brèche de la Nouvelle-Galles du Sud,
qui indiquaient un PHALANGER (Balantia, Ilig.) (1).
2° Traigu. — MACROPODIDES où KANGUROOS,.
Ces animaux ont les jambes postérieures très longues par rap-
port aux antérieures : aussi sont-ils éminemment sauteurs. Ils
habitent aujourd’hui la Nouvelle-Hollande, et les seuls fossiles
qu'on en connaisse ont été trouvés dans les terrains diluviens de
ce pays.
Les Kancuroos (Macropus, Shaw, Halmaturus, Ilig.),
qui forment de nos jours une partie importante de la population
de la Nouvelle-Hollande, paraissent aussi avoir été un des genres
les plus abondants dans les époques antérieures à la nôtre. On en
cite, des cavernes et des brèches osseuses , deux ou trois espèces,
encore mal déterminées, et qui exigeront peut-être une fois la
formation d'un genre nouveau.
M. Owen indique les M. affinis, Atlas et Titan. Ces derniers atteignaient
une taille beaucoup plus grande que les kanguroos actuels.
Les HypsIPRYMNES (Zypsiprymnus, Nlig.)
ou petits kanguroos à canines, ont aussi une espèce fossile dans
les brèches calcaires de la rivière de Hunter, au nord-est de la
Nouvelle-Hollande (?).
ge Tru. — RHIZOPHAGES.
Cette iribu ne comprend, dans la nature vivante, qu'un seul
(1) Voyez Owen, loc. cit.
(2) Oweu, loc. cit.
RHIZOPHAGES. — DIPROTODON. 399
genre, caractérisé par une dentition semblable à celle des ron-
geurs, c'est-à-dire par l'absence de canines et par à incisives
en biseau. C’est celui des
Wompars (Phascolomys, Geoffr.),
dont on a aussi trouvé une espèce fossile dans les cavernes et les
brèches osseuses de l’Australasie, seul pays où vive actuellement
l'espèce unique qui compose ce genre ().
Il faut probablement y ajouter deux genres fossiles très remar-
quables, qui proviennent aussi de la Nouvelle-Hollande.
Les Dirroronon , Owen, — Atlas, pl. XX, fig. 4,
sont connus par des mâchoires trouvées dans les cavernes de la
vallée de Wellington et sur les bords de la rivière de Condamine,
à l’ouest de la baie de Morton (?), ainsi que par des os longs, rap-
portés d’abord à des mastodontes (3), et qui appartiennent très
probablement à la même espèce que les màchoires.
Ce genre est caractérisé par des incisives en forme de défenses
et par des molaires au nombre de #, dont la couronne est formée
de deux collines transversales, disposées comme dans les tapirs et
les kanguroos, mais plus comprimées et plus élevées. L’angle infé-
rieur de la mâchoire, qui se prolonge en apophyse horizontale,
comme dans tous les marsupiaux, montre l'analogie de ce fossile
avec cette classe.
Le diprotodon doit probablement être rapproché des wombats ;
ses rapports de dentition avec quelques pachydermes le peuvent
faire aussi considérer comme représentant cet ordre dans la série
des marsupiaux, et comme fournissant une nouvelle preuve du
parallélisme qui existe entre les monodelphes et les didelphes.
La seule espèce connue est le D. australis, Owen (#), qui atteignait à peu
près la taille de l’hippopotame,
(!) Owen, loc. cit.
(2) Oven, Report Brit. assoc., 1844.
(8) Ann. and mag. of nat. hist., t, XT, p, 7.
(# Owen, loc, cit.
3400 OISEAUX.
Les NorTorTHEerIUM , Owen, — Atlas, pl. XX, fig. 5, a et b,
manquent d'incisives, autant du moins qu'on en peut juger par
une mâchoire inférieure, qui est trop mince en avant pour avoir
pu en supporter, Les molaires, au nombre de 4, ont deux racines
sillonnées en long, la couronne a probablement eu deux collines.
La mâchoire est arrondie comme dans l'éléphant.
Ce genre est aussi un représentant du type des pachydermes
dans la division des marsupiaux. M. Owen croit qu’il ne devait
pas être éloigné du diprotodon.
On en connaît deux espèces, le Nototherium inerme et le N. Mülchelli (1).
Elles ont été trouvées dans les cavernes de la vallée de Wellington (Nouvelle-
Hollande).
Plusieurs auteurs rapportent aux mammifères didelphes des
traces de pieds très remarquables trouvées en diverses parties de
l'Europe, dans des terrains qui appartiennent au commencement
de l’époque secondaire.
Ces traces sont probablement formées par un animal qui à mar-
ché sur une couche de terrain avant son entier endurcissement.
Elles sont assez bien conservées pour montrer que l'animal avait
aux pattes postérieures cinq doigts, dont les quatre antérieurs
étaient munis d'ongles assez forts, et dont le pouce, détaché et
dirigé de côté, était sans ongle. Les pattes antérieures avaient
aussi cinq doigts, mais le pouce petit et rapproché. Une pareille
organisation rappelle les pieds des sarigues, et sur cette analogie
a été établi le genre des CHIROTHERIUM, Kaup, ou CHEIROTHERIUM.
Mais il est beaucoup plus probable qu’elles ont été produites par
des animaux à sang froid, et nous en parlerons plus tard en trai-
tant des reptiles.
DEUXIÈME CLASSE.
OISEAUX.
La classe brillante et variée des oiseaux, qui joueun
rôle si important dans la population actuelle du globe,
(1) Owen, Report Brit. assoc., 1844.
OISEAUX. 401
est une de celles dont l'histoire paléontolosique est la
moins avancée. Les débris fossiles de ces animaux sont
rares, et ils n’ont pas encore fourni matière à des étu-
des bien importantes; aussi est-il impossible d’en pré-
senter ici une histoire détaillée, comme je l'ai fait pour
les mammifères, et comme je Île ferai plus tard pour la
plupart des autres classes. Je me bornerai à exposer
les faits essentiels et généraux, en cherchant toutefois,
sous ce point de vue, à être aussi complet que possible.
Le peu de précision des caractères ornitholosiques
s’opposera d'ailleurs probablement à ce que cette par-
tie de la paléontologie puisse jamais s’asseoir sur des ba-
ses aussi rigoureuses et aussi certaines que celles qui
traitent d'animaux dont les différences ostéologiques
sont plus nombreuses et plus tranchées. L'absence de
dents, qui sont les moyens les plus certain de distin-
suer les genres dans les mammifères, forme une lacune
d'autant plus fâcheuse, que les caractères déjà si incer-
tains dans la nature vivante de la forme et des dente-
lures du bec ne laissent pas toujours des traces sur les
os. Toutefois une étude bien faite des parties les
plus caractéristiques du squelette permettra, dans beau-
coup de cas, des approximations assez grandes; et il
est très probable que, maintenant que la paléontolopie
est cultivée par tant de naturalistes, l'histoire des oi-
seaux fossiles est aussi destinée à faire des progrès.
Leurs ossements sont d’ailleurs faciles à reconnaître.
Leur tissu très compacte, formant dans les os longs des
cylindres dont la cavité intérieure est grande et vide, et
dans les os plats des lames minces presque sans diploé,
empêche deles confondre avec ceux des autres vertébrés.
Leur sternum développé en un large bouclier et muni
d'un bréchet en forme de quille, leur épaule composée
ï. 26
102 OISEAUX.
de trois os (omoplate, coracoïde et clavicule), leur
membre antérieur en forme d'aile, etc., constituent en
outre un ensemble de caractères tout à fait spéciaux.
La rareté des ossements fossiles d'oiseaux peut tenir
à ce que ces êtres ont été moins nombreux dans les épo-
ques antérieures à la nôtre; mais il est bien possible
aussi qu'il faille en chercher ailleurs la raison.
Ces animaux ont dû avoir bien plus de moyens d’évi-
ter les inondations et les autres causes de destruc-
tion auxquelles on doit attribuer la fossilisation des
animaux terrestres et aquatiques. [ls ont pu, à l’aide de
leurs ailes, fuir les terres submergées pour chercher
ailleurs un asile. La nature même de leur organisation
peut aussi avoir été une cause qui ait empêché leur en-
fouissement, car leur pesanteur spécifique, moindre
que celle de l’eau, a dû les faire surnager dans les cas
où ils ont été entraînés par les courants. Dans cette
position, ils auront souvent pu être mangés par des pois-
sons ou d’autres animaux carnassiers ; et leurs débris
osseux n’auront que rarement été enfouis au fond des
eaux.
Au reste, depuis que l'on étudie sérieusement les
fossiles, on a trouvé bien des preuves de leur existence,
et quelques géologues pensent même que leur appari-
tion sur la terre est plus ancienne que ne l’admet-
tait la théorie du perfectionnement graduel. Des traces
de pas, si toutefois leur détermination est bien exacte,
paraissent prouver leur existence dès l’époque du
grès rouge; C'est-à-dire que les oiseaux seraient aussi
anciens que les reptiles ! Ce fait important montre com-
bien il faut se préserver des généralisations trop promp-
tes et trop absolues, ou plutôt il prouve que, tout en
acceptant les théories, qui ont l'avantage de rendre Ia
OISFAUX. 403
science plus intéressante et d'attirer l'attention sur ses
points les plus vitaux, il faut être toujours prêt à les
modifier par l'étude des faits, et ne pas oublier que, dans
une science aussi peu avancée que la paléontologie, elles
sont forcément provisoires et variables.
Les ossements d'oiseaux et les traces de pas ne sont
pas les seules preuves de leur existence dans les époques
antéricures à la nôtre, car on a cité des plumes trou-
vées dans différents terrains tertiaires { Aix, Monte-
Bolca et Auvergne); ainsi que des œufs (Aix, Auvergne,
Weimar) (!).
Nous commencerons l'histoire des oiseaux en donnant
quelques détails sur les impressions de pas (?), men-
tionnées ci-dessus.
On à, dans diverses contrées, observé, au point de
contact des couches de certains terrains, des traces qui
ressemblent à celles que font les oiseaux, en marchant
sur le sable ou sur la terre argileuse mouillée. Quelques
unes de ces traces, formées probablement par des ani-
maux qui ont marché sur les roches non encore endur-
cies, ont paru assez évidentes pour qu'on ait cru être
autorisé à en déduire l'existence des oiseaux à des épo-
ques où ils ne sont connus par aucun autre indice.
Parmi ces traces, les plus remarquables sont celles qui
ont été observées sur le grès rouge du Massachusetts et
qui ont été décrites par M. le professeur E. Hitchcock (#),
Ce naturaliste en a découvert en abondance dans cinq
endroits différents de Ja vallée du Connecticut, sur des
couches de grès rouge inclinées à l’est d’environ 5 de-
(t) Neues Jahrb., 1847, p. 310.
(2) On a, dans ces derniers temps, désigné sous le nom d’/chnologie la partie
de la paléontologie qui s'occupe de ces traces.
(3) Amer journ. of sc. by Silliman, janv. 1836, et Ann. des se. nat.,
2° série, t. V, p. 154,
404 OISEAUX.
grés, et élevées d’à peu près 100 pieds au-dessus des
eaux actuelles. On les trouve lorsque les couches supé-
rieures ont été enlevées par le travail de l’homme ou
par l’action des eaux.
Elles ressemblent à des traces d'oiseaux parce qu’elles
sont en majorité composées de trois impressions,
comme celles que feraient les trois doigts d’un oiseau,
la médiane étant la plus longue. On voit que les doigts
qui les ont formées étaient terminés par des ongles.
Quelquefois on voit un pouce en arrière, plus rarement
un dirigé en avant; une partie d’entre elles n’en ont
point. Le géologue américain fait observer en outre que
ces empreintes sont évidemment les traces d’un animal
à deux pieds; car, dans les cas où l’on voit clairement
que l’animal a marché, on ne trouve jamais qu'il y en
ait plus d’une rangée à la suite les unes des autres.
Toutefois des paléontologistes dont l'autorité a un
grand poids se refusent à voir dans ces traces des
preuves suffisantes de l'existence des oiseaux à ces
époques anciennes. J'avoue aussi que ce n'est que par
une détermination assez hardie que l’on peut affirmer
que ces animaux, par le fait que leurs traces ressem-
blent à celles que les oiseaux font de nos jours, ont eu
tous les caractères essentiels de cette classe. Il serait
possible que quelque reptile inconnu, par exemple,
eût pu laisser des impressions pareilles. Mais il faut re-
connaître en même temps que la comparaison avec ce
que nous présente le monde actuel montre que ces
traces ressemblent plus à celles des oiseaux () qu’à
(1) Il y a, comme je le dirai plus bas, de grandes différences entre ces
traces, relativement à l’analogie qu'elles présentent avec celles des oiseaux.
Ainsi les traces des ©. giganteus et tuberosus sont plus probantes que celles
de l'O. diversus, etc.
OISEAUX. 405
celles de quelque autre animal que ce soit, et que de
là on peut déduire la probabilité que ces êtres ont déjà
vécu à cette époque. Il est probable d’ailleurs qu’on
trouvera une fois les ossements des animaux qui ont
marché sur ces couches, et que l’on pourra ainsi ré-
soudre définitivement cette question, qui a une impor-
tance réelle.
Je ne puis pas d’ailleurs admettre l'opinion des pa-
léontolosistes qui considèrent ces traces comme des
éponges ou des zoophytes. Je n'en connais que les
figures; mais quelques unes d’entre elles, et en parti-
culier celles de l’O. giganteus, me semblent rendre cette
explication impossible.
Admettant donc provisoirement et jusqu’à nouvel-
les preuves, que ces pas imprimés sur la roche repré-
sentent bien des oiseaux, il reste à savoir si l’on peut
avoir quelques données sur leurs formes et sur leurs
affinités.
M. Hitchcock fait remarquer que la longueur des enjambées,
comparée à la longueur du pied, doit faire présumer que la plupart
d’entre eux avaient des jambes longues , et étaient par conséquent
des échassiers, ce que rend d’ailleurs probable leur présence sur
une terre humide. On n'a que rarement trouvé des palmipèdes ,
qui sont reconnaissables à l'empreinte de la palmure, comme on
la voit dans les traces des oiseaux vivants.
Quelques unes de ces traces présentent une apparence très re-
marquable; on voit en arrière du talon des marques minces qui
semblent avoir été faites par des plumes qui auraient revêtu la
totalité du tarse. Cette circonstance s accorde mal avec les carac-
tères actuels de la famille des échassiers, et 11 est difficile d'en
déduire ce qu'a dû être l'oiseau qui les a formées. Ces empreintes
sont celles qui appartiennent le moins sûrement à cette classe.
La figure 7 de la planche XX représente une de ces empreintes
d'oiseau avec des gouttes de pluie, tout à fait semblables à celles
406 OISEAUX.
que l'on peut observer aujourd'hui sur les marnes, sables, etc.
Elles ont été recueillies par M. Hitchcock.
Les dépôts observés par le naturaliste qui a fourni ces descrip-
tions contiennent les traces d'au moins huit espèces, qui diffèrent
beaucoup par leur taille et leurs caractères. La planche XX les re-
présente toutes réduites au huitième, et par conséquent dans leurs
grandeurs proportionnelles.
Les unes ont des doigts forts et épais. Ce sont :
1° L'espèce nommée O. (1) giganteus, H., dont la longueur du pied, sans
les ongles, est de 15 pouces, et qui faisait des enjambées de 4 à 6 pieds! Ces
dimensions indiqueraient un animal bien plus grand que l’autruche et le
casoar. (Voyez pl. XX, fig. 8.)
2° L'O. tuberosus, H., qui a des renflements tuberculeux tres distincts au-
dessous des doigts. Les pieds ont de 7 à 8 pouces de long, et les enjambées
de 24 à 33. (PI. XX, fig. 9.)
Les autres ont des doigts minces et coniques.
Deux d'entre elles ont en arrière ces appendices soyeux dont
jai parlé, et présentent des formes qui ressemblent bien moins
que les précédentes aux traces des oiseaux actuels. Aussi me pa-
raissent-elles moins certaines. Ce sont :
L’O. ingens, H., qui a trois doigts dans lesquels l’ongle n’est jamais visi-
ble. Le pied avait de 15 à 16 pouces sans les appendices soyeux, qui eux-
mêmes en avaient 8 à 9. L’enjambée, vérifiée sur un tres petit nombre de
cas, parait avoir été de 6 pieds. J'avoue que je doute beaucoup de l’existence
réelle de cette espèce gigantesque. (PI. XX, fig, 10.)
Une variété plus petite, suivant M. Hitchcock, se retrouve aussi dans quel-
ques localités.
L'O. diversus, H., a aussi trois doigts ct un appendice soyeux. Cette
espèce forme deux variétés : l'O. clarus, qui a le pied de 4 à 6 pouces et
l’appendice de 2 à 3 (pl. XX, fig. 11), et l'O. platydactylus, dont le pied
n'aurait que 2 à 3 pouces. (PI. XX, fig. 12.)
Trois espèces n’ont aucune marque de plumes vers le talon. On
y reconnaît plus distinctement des traces que dans les formes
bizarres qui précèdent, surtout dans la première. Ce sont :
() M. Hitchcock a formé, pour les oiscaux indiqués par ces traces, qu'il
est impossible de rapporter à des genres actuels, le nom générique de
ORNITICHNITES.
VISEAUX.. 07
L'O. letradactylus, H., où l’on voit trois doigts dirigés en avant et l’im-
pression de l'extrémité du pouce, qui était en arrière, et probablement inséré
un peu plus haut que les autres doigts. Le pied (sans le pouce) était long de
2 4/2 à 3 1/2 pouces. (PI. XX, fig. 13.)
L'O palmatus, H., à quatre doigts dirigés en avant ; le pied est long de
2 1/2 à 3 pouces. La figure 14 de la planche XX représente ces traces qu’il me
paraît bien difficile d'attribuer avec certitude à un oiseau.
L'O. minimus, H., à trois doigts et à pied de 1 à 1 1/2 pouce de long.
Celles-ci me paraissent bien larges et bien courtes pour des traces d'oiseaux.
(PI. XX, fig. 15.)
Depuis ces travaux de M. Hitchcock, M. Deane a découvert de
nouvelles impressions très bien conservées près de Turners-Falls
(Massachusetts). Elles prouvent l'existence de diverses espèces
de taille différente. Les unes étaient plus légères, comme on peut
le voir par les traces plus faiblement marquées. D'autres ont laissé
une impression très distincte de la palmure (1).
M. Hitchcock a découvert des coprolites associés à des orniti-
chnites. L'analyse chimique justifie par la quantité d’urée qui y a été
signalée l'opinion que les uns et les autres sont dus à des oiseaux.
Quelques graines trouvées dans l’intérieur prouvent que les es-
pèces qui les ont produites étaient granivores.
Si l’on admet que ces faits se rapportent à des oiseaux,
on en conclura que cette classe a eu sa première appa-
rition pendant l'époque triasique. Il faut toutefois re-
marquer que rien ne prouve qu'elle ait existé pen-
dant la longue période jurassique , et que cependant,
comme nous l'avons fait remarquer ailleurs, on ne voit
jamais d'interruption dans l’existence d'un groupe na-
turel. Si les oiseaux ont vécu dans l’époque triasique,
ils ont dù vivre aussi dans l’époque jurassique, et s'ils
n’ont pas existé dans cette dernière, les traces que nous
avons signalées n'ont pas été produites par des animaux
de cette classe. Mais, comme nous l'avons dit plus haut,
il y à trop de lacunes dans l'histoire des oiseaux et
(1) Sillim. journ., janvier 1844.
408 OISEAUX.
leurs ossements fossiles sont trop rares pour qu’on puisse
donner une grande importance à des faits purement né-
gatifs.
Quelle que soit l’opinion que l’onse forme sur lapre-
mière apparition des oiseaux, leur existence dans l’épo-
que crétacée est incontestablement démontrée par des
ossements qui ne peuvent laisser aucun doute. Parmi
les faits les plus certains je citerai les suivants.
Lord Enniskillen à trouvé près de Maidstone quel-
ques os, et en particulier un humérus de la dimension
de celui d’un albatros, qui indiquent probablement
une espèce perdue de Fa famille des palmipèdes, dont
M. Owen a fait son genre CrmoLiorNis.
Une espèce voisine de la bécasse a été indiquée dans
le terrain crétacé de New-Jersey.
Il n’est donc plus permis de douter que les oiseaux
n'aient déjà vécu dans nos continents pendant l’époque
secondaire et qu’ils n'aient par conséquent été contem-
porans des grands reptiles et des ammonites. Il est donc
probable aussi qu’ils ont précédé les mammifères mo-
nodelphes.
Les oiseaux signalés par M. Mantell dans le ter-
rain wealdien sont probablement des ptérodactyles.
Puisque les oiseaux existaient dès l'époque secon-
daire , il est naturel qu’on en retrouve des traces dans
l'époque tertiaire. Des observations nombreuses confir-
ment leur présence par des ossements trouvés dans di-
vers gisements.
Cuvier a moniré que les gypses de Montmartre ren-
ferment les débris d’au moins onze espèces. Quelques
unes sont connues par des squelettes presque entiers,
d’autres seulement par des os isolés ().
(1) Cuvier, Ossem, foss., 4° édit,, t. V,p. 549.
OISEAUX. 109
M. Owen à décrit quelques ossements d'oiseaux trou-
vés dans l'argile de Londres. M. Koenig en a découvert
aussi dans le mème gisement.
MM. Jourdan, Gervais, etc., en ont signalé plusieurs
dans les terrains tertiaires du midi de la France.
Les paléontologistes allemands en ont recueilli dans
les terrains miocènes de Weisenau, Wiesbaden, etc.
Les ossements de cette classe deviennent bien plus
nombreux pendant l’époque diluvienne. Les sables etles
graviers, les cavernes et les brèches osseuses de la plus
grande partie de l’Europe contiennent des ossements
d'oiseaux qui jusqu’à présent ont été fort négligés par
les paléontologistes. On n’a en général sur leur déter-
mination que des données très incomplètes, que la na-
ture même des caractères ornithologiques rendra peut-
être toujours difficile de préciser davantage.
Les cavernes de Belgique étudiées par M. Schmer-
line, celle de Kirkdale en Angleterre, celles du midi de
la France dont les ossements ont été recueillis par
MM. Marcel de Serres, Dubreuil, etc., et quelques brè-
ches de la Méditerranée, sont les gisements les plus im-
portants.
La plupart des musées et des collections particu-
lières, où l’on a réuni des ossements de mammifères
des cavernes, renferment aussi des débris d'oiseaux.
Les naturalistes qui voudront se livrer à leur étude
trouveront immédiatement de riches matériaux qui
permettront certainement de dresser un catalogue
considérable des oiseaux de l’époque diluvienne. Mais,
d’après les principes que j'ai émis ailleurs, je doute
qu'il y ait bien des espèces nouvelles à établir par leur
examen. Je me bornerai à signaler ici les indications
qui existent dans les ouvrages principaux, et qui, comme
410 OISEAUX.
on le verra , sont trop vagues pour avoir une impor-
tance réelle.
Enfin, dans Les dépôts récents de quelques pays plus
ou moins éloignés de l'Europe, on a fait des décou-
vertes intéressantes d'oiseaux fossiles. Nous traiterons
avec quelques détails des oiseaux gigantesques de
la Nouvelle-Zélande, et nous aurons occasion de citer le
grand œuf de Madagascar, ainsi que quelques osse -
ments trouvés dans l'Amérique méridionale et dans
l'Inde.
À ORDRE.
OISEAUX DE PROIE.
Les oiseaux de ce groupe ont été trouvés fossiles dans
les terrains tertiaires et diluviens. Aucun d’eux n’a en-
core été signalé dans l’époque crétacée.
tre Fame. — DIURNES.
M. Jourdan parle d’un CargarTe dont les ossements ont été découverts
dans le terrain d’eau douce du département du Cantal (1).
M. Lund rapporte au même genre des ossements trouvés avec les mega-
therium dans les cavernes du Brésil.
Un oiseau trouvé par M. Owen dans l'argile de Sheppy (parisien inférieur)
appartient à la famille des oiseaux de proie diurnes. Ce savant paléontologiste
a montré que le sternum peu échancré, et les formes de la colonne épinière et
de l'os coracoïde indiquent un oiseau de proie de la division des vautours,
mais plus petit qu'aucun oiseau de proie connu. Il a cru nécessaire de créer
pour cet animal un genre nouveau, et il l’a nommé Lithornis vullurinus (2).
(Voyez Atlas, pl. XXI, fig. 2.)
Le genre des Vaurouns (Vultur, Lin.) a été trouvé fossile dans le dilu-
(1) Institut, 1837, p. 343.
2) Transact. of the geoi. Soc., 2° série, t. VI, p. 206: Brit. foss. mamm.
and birds, p. 549.
OISEAUX DE PROIE. A1
vium des environs de Magdebourg (Vultur cinereus, Holl.) (!), et dans les
brèches de Sardaigne (2).
Les Érenviers (Nisus, Cuvier) ont été trouvés dans les cavernes du midi
de la France. M. Marcel de Serres en indique une espèce dans les cavernes
de Sallèle et de Bize, très voisine du F. nisus (3).
Une espèce du genre Faucon (Falco, Lin.) a été décrite par M. Gervais (#)
comme trouvée dans le terrain pliocène de Montpellier.
Les brèches de Sardaigne ont fourni des ossements que Waguer a rapportés
au genre Buse (Buteo, Bechstein), et Nitzsch à celui des Aires (Aquila,
Briss) (5),
Suivant M. Marcel de Serres (6), quelques ossements des cavernes du dépar-
tement de l'Aude se rapportent au premier de ces genres.
Les gypses des environs de Paris (parisien supérieur) contiennent des
ossements d'un oiseau voisin du BazBuzarD (Pandion, Savigny) (7).
Le Gryphus antiquitatis, Schubert, paraît avoir été établi sur des frag-
ments du rhinocéros de Sibérie.
2e FamiLzze. — NOCTURNES.
Le genre des Caouerres (Striæ, Lin.) est un de ceux dont on a trouvé des
ossements dans les gypses de Montmartre (8) (sous-genre Ulula).
Ce même genre est indiqué dans la caverne de Nabrigas et dans le dilu-
vium de Kostritz (°).
Des ossements des brèches de Sardaigne rapportés par Wagner aux MiLaxs
sont considérés par Nitzsch comme très semblables à ceux de la Strix
nycle«.
M. Lund en a trouvé aussi des débris dans les cavernes du Brésil (10).
M. Marcel de Serres (ff) indique des ossements de Duc (Bubo, Cuvier) dans
les cavernes du département de l'Aude.
(1) Petref., p. 76; V. fossilis, Germar, Bronn, Lethæa, t. IE, p. 824;
Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2° partie, p. 9.
(2) De la Marmora, Journ. de géol., t. HI, p. 313,
(3) Journ. de géol., t. III, p. 262.
(4) Zool. et pal. franç., p. 220.
(5) Neues Jahrb., 1833, p. 324; Giebel, t. I, 2, p. 9.
(6) Institut, 1842, p. 388.
(7) Cuvier, Ossem. foss., t. V, p. 577.
(8) Cuvier, Ossem. foss.; Giebel, t. I, 2, p. 11.
(?) Biblioth. univ., 1835, Archives, t. XVIII, p. 349; Isis, 1829, p. 739.
(10) Institut, 1844, p. 294.
(1) Institut, 1842, p. 385$.
412 OISEAUX.
2° ORDRE.
PASSEREAUX.
Les passereaux paraissent aussi n'avoir pas encoreélé
trouvés fossiles dans les terrains de l'époque crétacée.
Le plus ancien est celui qui a été découvert à Glaris dans
les schistes du Plattenbers, que les séologues considèrent
maintenant comme appartenant à l'époque nummu-
litique.
Cet oiseau, décrit par M. H. de Meyer sous le nom de PROTORNIS GLARNIENSIS (1)
(Osteornis scolopacinus, Gervais), est encore trop peu connu pour être rapporté
avec certitude à une des familles suivantes.
Are Famizze. —- DENTIROSTRES.
On a trouvé, dans les brèches de Cette, les ossements d’un HOocHEQUEUE
(Motacilla, Bechst.) (?).
Le même gisement renferme les débris d’une Grive (Turdus bresciensis,
Wagner).
Les breches de Sardaigne (Wagner), celles de Nice (3) et le diluvium de la
vallée de la Lahn (f) ont aussi fourni des fragments que l’on a rapportés au
même genre.
Les terrains tertiaires miocènes de Weisenau en renferment également ().
Des oiseaux voisins des grives, et paraissant se rapporter au genre ANABATES,
(Spix), ou OPeriorayncaus (Temm.), ont été trouvés dans les cavernes du
Brésil par M. Lund (6).
2 FamiLze. — FISSIROSTRES.
M. Giebel (7) décrit une HirONDELLE (Hirundo fossilis, Giebel) du diluvien
des environs de Quedlimbourg.
(1) Neues Jahrb., 1839, p.682; 1840, p. 211 ; 1841, p. 187 ; 1844, p. 338.
(2) Wagner, Abh. Bayer. Acad., 1832, p. 751.
(8) Phil. trans., 1794, t. 1, p. 412.
(4) Neues Jahrb., 1846, p. 515.
() Neues Jahrb., 1843, p. 399.
(6) Bull. Acad. Copenh., 1841; Giebel, Palæozool., p. 313; Fauna der
Vorwelt, 1, 2;p.13:
(?) Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 18.
PASSEREAUX. 113
M. Lund indique un Martiner (Cypselus collaris), et M. Claussen un
Excoucevenr (Caprimulgus, Lin.) trouvés dans les cavernes du Brésil (1),
3e Famizze. — CONIROSTRES.
M. Giebel (2?) décrit un Moreau (Fringilla trochanteria, Giebel) du dilu-
vium des environs de Quedlimbourg.
Les brèches de Sardaigne contiennent des ossements du même genre qui
ressemblent beaucoup à ceux du moineau domestique (3).
Les terrains miocènes de Weisenau () et ceux de Sansan (°) en renfer-
ment aussi.
Les brèches de Sardaigne (Wagner), la caverne de Kirkdale (6) et celles
de Liége (Schmerling) ont conservé des débris d’oiseaux du genre des
ALOURTTES (Alauda, Lin.).
4e FamiLe. — CORACES.
M. Giebel (7) décrit deux Corseaux trouvés dans le terrain diluvien des
environs de Quedlimbourg (Corvus fossilis, Giebel, et Corvus crassipennis,
Giebel).
M. H. de Meyer a trouvé une espèce du même genre très voisine du cor-
beau commun dans le diluvium de la vallée de la Lahn. Des débris analogues
ont été observés, par Wagner, dans les brèches de Sardaigne, et par Buckland
dans la caverne de Kirkdale.
Une espèce plus voisine de la corneille (Corvus corone, Lin.), et, suivant
Nitzsch, de la corneille mantelée (Corvus cornix, Lin.), a été observée aussi
par Wagner dans les mêmes brèches ($).
Quelques ossements, qui rappellent ceux de la pie (Corvus pica, Lin.), ont
été observés par Puel dans la caverne de Brengues (?), et par Buckland dans
celle de Kirkdale (10).
(1) Münch. Gel. Anseig., 1842, p. 886; Gervais, Thèse, p. 34.
(?) Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 15.
(3) Wagner, Abh. Bayer. Acad., 1832, p. 751.
(#) Neues Jahrb., 1839, p. 399.
(5) Lartet, Institut, 1839, p. 263.
(5) Buckland, Relig. diluv.
(7) Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 16.
(5) Abh. Acad. Bayer, 1832, p. 751.
(9) Bull. Soc. géol., 1837, p. 43.
(10) Reliq. diluv.
MA OISEAUX.
5° Famizze. — TENUIROSTRES.
M. Lund rapporte au genre PicucuLe (Dendrocolaptes, Herm.), subdivision
des GnimPerEAUx, dés ossements trouvés dans les cavernes du Brésil (1).
6° Fame. — SYNDACTYLES.
C'est probablement à cette famille et au groupe des MarTiINs-PÉCHEURS ou
Hazcyoss (Alcedo, Lin.) qu'il faut rapporter un nouveau genre établi par
M. Owen (2) sous le nom de Harcyonnis pour des ossements de l'argile de
Sheppy (4. toliapicus). I faut rayer du catalogue des oiseaux le genre Bucx-
LAnptum de Koenig (3), car M. Owen a reconnu que la tête sur laquelle il
avait été établi est celle d'un poisson.
7° Famizze. — GRIMPEURS.
M. Wagner (4) décrit des fragments osseux, provenant des brèches de Sar-
daigne, comme ayant appartenu à un Pic, voisin du Picus martius (Lin.).
Des ossements de diverses espèces, trouvés par M. Lund dans les cavernes
du Brésil (5), ont été rapportés par cet infatigablé naturaliste au genre Coc-
cyzus, Vieill. (groupe des Coucous), à celui des Cariro, Temm. (groupe des
Bareus), et à celui des PerroQuETS (Psitlacus, Lin.).
3° ORDRE.
GALLINACÉS.
Les gallinacés manquent, comme les ordres précé-
dents, aux terrains crélacés. Leurs ossements sont rares
dans les terrains de l'époque tertiaire et abondants dans
les dépôts diluviens.
(1) Münch. Gel. Anzeig., 1842, p. 886.
(2) Brit. foss. mamm., p. 554.
(8) Koenig, /con. sect., n° 91; Gervais, Thèse, p. 25.
(4 Abh. Bayer. Acad., 1832, p.751.
(5) Münch. Gel. Anzeig., 1842.
GALLINACÉS. 415
dre Famisze, — COLOMBINS.
MM. Buckland (1) et Marcel de Serres (?) ont trouvé des ossements de
Piceoxs (Columba, Lin.) dans les cavernes d'Angleterre et de France.
9e Famizze. — GALLINACÉS PROPREMENT DITS.
On à trouvé des restes de Terras (Tetrao, Lin.) dans le diluvium (3) et
dans la caverne de Brengues ({).
Cuvier (5) cite, dans les gypses de Paris, un gallinacé plus petit que la
CaiLce (Coturnix, Mohr.).
Des fragments qui rappellent les Perprix (Perdix, Briss.) ont été trouvés
das le tertiaire miocène de Weisenau et en Auvergne (6).
Ce même genre se retrouve souvent dans le terrain diluvien. On en cite des
ossements découverts dans les cavernes de Liége (Schmerling), de Bize (7), de
Kirkdale (Buckland), dans le diluvium de la vallée de la Lahn (H. de Meyer), ete.
M. Lund () l’a trouvé aussi dans les cavernes du Brésil.
M. Marcel de Serres indique des ossements de Faisan (Phasianus, Lin.)
dans la caverne de Bize, et M. Gervais dans le diluvium de Paris (°),
Des fragments osseux, trouvés dans la mollasse du mont de la Molière et
dans le sable tertiaire d'Auvergne, semblent se rapprocher du genre des
Coos (Gallus, Brisson).
M. Gervais cite à Ardé une nouvelle espèce (Gallus Bravardi, Gervais).
De nombreux ossements, trouvés dans les cavernes de Lunel-Vie]l (Marcel
dé Serres) et de Liége (Schmerling), ainsi que dans le diluviurs de Kos-
tritz et de la vallée de la Lahn (H. de Meyer), semblent même ne pas pou-
voir être distingués de ceux du Cog ordinaire domestique. Ce dernier point
soulève les mêmes questions que nous avons déjà indiquées au sujet du
chien, du bœuf et du cheval. Le coq domestique passe pour indigène de
l'Inde et pour provenir d'une des deux espèces sauvages connues sous le nom
de Cog de Sonnerat et de Coq de Bancks, On croit généralement que les popu-
lations qui ont, par leurs migrations, peuplé l'Europe ont amené cette
éspèce, domestiquée dans leur pays natal. Si la détermination de M. Schmer-
(t) Reliq. diluv.
(2) Journ. géol., t. TE, p. 362.
(3) Giebel, Fauna der Voriwelt, I, 2, p. 22.
(#) Puel, Bull. Soc, géol., t. IX, p. 45.
(5) Ossem. foss., 4° édit., t. V.
(6, Giebel, loc. cit., p. 22; Gervais, Thèse, p. 22.
(7) Marcel de Serres, Journ. géol., t. II.
(8) Münch. Gel, Anzeig., 1842.
(®) Journ, géol., t. IT, p. 263 ; l’Institut, 1844, t. XII, p. 293,
416 OISEAUX.
ling est exacte, on devrait admettre l’existence d’une espèce qui aurait vécu
en Europe avant que l’homme en eût pris possession, et dès lors l’origine des
poules domestiques pourrait tout aussi bien lui être rapportée.
M. H. de Meyer signale, dans ie loess de Sasbach, l’existence d’une PINTADE
(Numida, Lin.).
M. Lund (1) a recueilli, dans les cavernes du Brésil, des débris d’oiseaux
du genre Tinamou (Tinamus, Lath., Crypturus, Illig.), qui est aujourd’hui
encore spécial à l'Amérique.
h° ORDRE.
COUREURS (Cursores, Struthionides).
Cet ordre comprend les oiseaux à ailes trop courtes
pour voler, qui ont été réunis autrefois aux échassiers.
Leurs pattes sont robustes, leurs vertèbres moins sou-
dées ensemble que dans les autres, leur sternum est dé-
pourvu de bréchet. Il renferme dans la nature actuelle
les autruches, les casoars et les apteryx.
Les cavernes du Brésil paraissent renfermer des Aurrucxes (Struthio, Lin.).
On doit en particulier à M. Lund la découverte intéressante de deux espèces
à trois doigts (sous-genre RaeA) dont une est bien plus grande que celle qui
vit aujourd’hui dans l'Amérique méridionale (2).
La découverte la plus remarquable est celle qui a été faite par
le Rév. Williams d’un oiseau plus grand que l’autruche d’Afri-
que, dans les terrains les plus récents de la partie du nord de la
Nouvelle-Zélande. M. Owen, qui a décrit ces ossements intéres-
sants (*), a montré que cette espèce avait des rapports avec les
grands échassiers coureurs, sans pouvoir toutefois être rapportée
génériquement à aucun d'eux.
De nombreux ossements rapportés en Angleterre, et étudiés par
M. Owen, ont prouvé l’existence de plusieurs espèces et même
de deux genres, dont l’ensemble à dû donner une apparence très
remarquable à la faune de cette époque dans la Nouvelle-Zélande.
(1) Münch. Gel. Anzeig., 1842.
(2) Münch. Gel. Anseig., 1842.
(@) Mag. of nat. hist.,t. XII, p. 444.
COUREURS. 417
Le genre le plus nombreux et le plus anciennement connu est
celui des Dinornis, Owen (Hegalornis, olim), Atlas, pl. XXI,
fig. 3, 4. Leurs os étaient pleins de moelle à l'intérieur, et leur
fémur en particulier ne présentait pas le trou pour l'air qui est
caractéristique de la plupart des oiseaux. On peut conclure de Jà
que l'animal était incapable de voler, et plus lourd encore que
l’autruche. Les proportions des membres montrent aussi un
énorme développement dans la jambe, surtout sous le point de
vue de la force et de la grosseur. Le tarse était plus court à pro-
portion que dans l’autruche et les casoars. Les doigts étaient au
nombre de trois. M. Owen pense que, malgré sa taille, ses affi-
nités les plus réelles étaient avec l’apteryx plutôt qu'avec l'au-
truche. Le bec n'était ni aplati comme dans cette dernière, ni
allongé comme dans le premier, mais rappelant un peu celui des
outardes (fig. 3).
M. Owen en distingue sept espèces qui sont :
Le Dinornis giganteus, le premier connu, qui a duü atteindre la taille
de près de 10 pieds ; son tibia est long de 2 pieds 10 pouces. (Voyez Atlas,
pl. XXI, fig. 4.)
Le Dinornis struthioides, de la taille de l’autruche.
Le Dinornis didiformis, se rapprochant davantage du dronte.
Le Dinornis crassus, remarquable par l'épaisseur de ses os.
Le Dinornis casuarinus.
Le Dinornis curtus.
Le Dinornis otidiformis, qui ne dépassait pas la taille de l’outarde.
Les Pazapteryx, Owen, — Atlas, pl. XXE, fig. 5 et 6,
avaient un rudiment de pouce outre les trois doigts des dinornis.
Leur bec était plus comprimé, et leurs formes évidemment inter-
médiaires entre celles des casoars de la Nouvelle-Hollande et
celles des apteryx.
M. Owen en cite trois espèces :
Le Palapteryx ingens, un peu plus petit que le Dinornis giganteus,
Le Palapteryx dromioides.
Le Palapteryx geranioides.
Un tibia rapporté d’abord au Déinornis otidiformis devra peut-
être, suivant M. Owen, former le type d’un nouveau genre :
APTERORNIS (1).
(1) Voyez sur ces oiseaux de la Nouvelle-Zélande les mémoires de M. Owen
1. 27
418 OISEAUX.
Il n’est pas impossible que ces singuliers animaux aient vécu
dans la Nouvelle-Zélande, pendant l’époque actuelle et qu'ils aient
été détruits comme le dronte. L'état de conservation de leurs os
et leur gisement tout superficiel peuvent le faire penser. On trouve
chez les naturels du pays des traditions sur un grand oiseau, movie
ou moa, qui vit encore, suivant eux, dans l’intérieur du pays, qui se
retire dans des cavernes inaccessibles, et auquel ils attribuent les
os du dinornis.
M. Walter Mantell (‘) annonce avoir trouvé des fragments de
leurs œufs.
On devra probablement placer dans la même famille l'oiseau
plus gigantesque encore, dont on a trouvé des œufs et quelques
rares fragments osseux dans l'île de Madagascar.
La même incertitude règne sur son antiquité. Il à été trouvé
dans des alluvions récentes, et 1l est possible que, comme le moa,
l'espèce vive encore dans l'intérieur, ce que des traditions analo-
gues peuvent faire supposer.
Ces œufs ont été découverts en 1850 par M. Abadie et décrits
par M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire. Ils ont de 32 à 34 centi-
mètres de longueur et une capacité de huit litres trois quarts
(six fois autant que l'œuf de l’autruche, et cent quarante-huit fois
autant que l'œuf de poule). L'épaisseur de la coquille est de trois
lignes. Un fragment de métatarsien montre que l'oiseau avait
trois doigts comme le dinornis.
Il est devenu le type d'un genre nouveau nommé ÉPyornis
(Æpyornis), par M. Isidore Geoffroy. La taille, calculée par les
œufs et par l'os, paraît ne pas s'éloigner beaucoup de 4 mètres (?).
5° ORDRE.
ÉCHASSIERS (Grallæ).
Les échassiers sont plus abondants à proportion dans
les terrains tertiaires anciens que les ordres précédents.
insérés dans les Trans. of the zool. Sociely, vol. KT, part. 4, 3, 4 et 5,
t vol. IV, part. 1, et à l'APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE, les articles Buckland,
Deane, Gray, Mantell, Strickland.
(t) Athenœum, 25 septembre 1847; Biblioth. univ. de Genève, Archives,
t. VI, p. 266.
(2) Compt. rend. de l'Acad. des sc., 27 janvier 4851.
ÉCHASSIERS. 419
On en a trouvé en outre (bécasse), dans le terrain cré-
tacé d'Amérique.
re Famizze. — PRESSIROSTRES.
M. Giebel décrit une Ouranpe (Otis breviceps, Giebel) (1), du terrain dilu-
vien des environs de Quedlimbourg. F
M. Lund (2) a trouvé un Carrama (Microdactylus, Geoffroy, Dicholophus,
Ilig.) dans les cavernes d'Amérique.
9e FamiLze. — CULTRIROSTRES.
M. Gervais cite des ossements de FLAManT (Phœnicopterus, Lin.) comme
trouvés dans le terrain tertiaire miocène d'Auvergne (Ph. Croizeli, Gervais).
M. H. de Meyer (3) a trouvé, dans le tertiaire miocène de Wiesbaden, des
débris qu’il rapporte avec doute aux C1Go6NEs (Ciconia, Lin.),
La cigogne commune est indiquée par MM. Marcel de Serres, Dubreuil et
Jean-Jean comme trouvée dans la caverne de Lunel-Viel.
Des ossements voisins du Héron ont été trouvés par M. Croizet dans le
terrain tertiaire d'Auvergne.
M. de la Marmora ({) a trouvé, dans les brèches de Sardaigne, un eubilus
qui indique une espèce de TanTaLe (T. bresciensis).
3° Famizze. — LONGIROSTRES.
M. Gervais nomme Numenius gypsorum (CourLis) une espèce des gypses de
Montmartre, considérée, par Cuvier comme voisine de l’Jbis, C'est l'espèce qui
a été nommée par quelques auteurs Tantalus fossilis (5).
Une autre espèce du même gisement se rapproche, par ses formes, des
Bécasses (Scolopar, Lin.).
Un oiseau du même genre est conservé dans les tertiaires miocènes de
Weisenau (6).
Des fragments indéterminés d'OEningen (pliocène) s’y rapportent peut-
être aussi (?).
La caverne de Kirkdale (5) et le tuf diluvien de Meissen en ont aussi
fourni.
(1) Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 26.
(2) Münch. Gel. Anzeig., 1842, p. 886.
(3) Neues Jahrb., 1839, p. 77.
(4) Journ. de géol., t. I, p. 310.
(5) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 597, pl. 154, fig. 14.
(6) Neues Jahrb., 1843, p. 398.
(7) Blumembach, Spec.; Karg. Denks.; Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p.28.
(8) Buckland, Reliq. diluv.; Giebel, loc. cit,
120 OISEAUX.
Harlan (1) rapporte à ce même genre un os du grès vert (sénonien) de
New-Jersey, conservé au Musée de Philadelphie.
Des ossements de Montmartre ont été assimilés par Cuvier au genre des
ALOUETTES DE MER (Pelidna, Cuvier). D’autres sont rapportés par M. Gervais à
celui des TrinGA (2).
4e Famizze. — MACRODACTYLES.
Un os de la jambe, des lignites de Kaltennordheim, paraît se rapporter à
une FouLque (Fulica, Lin.) (3).
MM. Const. Prévost et Dunoyer ont trouvé dans les brèches de Montmo-
rency des ossements qu’ils attribuent aux RazLes (Rallus, Lin.) (f).
M. Lund a trouvé dans les cavernes du Brésil ($) des fragments d’un
oiseau du même genre.
Le genre des Norornis, Owen, présente une histoire plus sin-
oulière. Ia été fondé sur quelques ossements trouvés à la Nouvelle-
Zélande avec ceux des dinornis. Puis, contrairement à ce qui
s'est passé pour beaucoup d'espèces qui, connues d’abord à l'état
vivant, ont été trouvées fossiles dans les terrains diluviens, cet
oiseau, après avoir été inscrit seulement dans les catalogues de
paléontologie, a été trouvé vivant à la Nouvelle-Zélande par M. Wal-
ter Mantell. Un très bel exemplaire existe à Londres, dans les
collections de M. le docteur Mantell, et montre que ce genre est
voisin des TALÈVES ou POULES SULTANES (Porphyrio, Brisson),
dont il a la riche coloration (*).
6° ORDRE.
PALMIPÉDES.
Les palmipèdes, autant qu'on peut en juger dans
cette histoire encore si pleine de lacunes, paraissent plus
anciens en Europe que les autres oiseaux. On en a
(1) Phys. et med. Res., p. 280.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. V ; Gervais, Thèse, p. 16 et 18.
(3) Schlotheim, Petrefacten, p. 26; Giebel, loc. cit,, p. 29.
(4) L'Institut, 1844, t. XII, p. 293.
(°) Münch. Gel. Anzeig., 1842.
(6) Voyez Owen, Mém. cités sur le Dinornis; Mantell, Ann. et mag. of
nat, hist., novembre 1850; Bibl, univ., 1851, Archives, t. XVE, p. 73.
PALMIPÈDES. 421
trouvé une espèce (Cimoriornis) dans la craie de Maïd-
stone. Ils se continuent dans les terrains tertiaires et
diluviens.
4re Famizze. — LONGIPENNES,.
M. Giebel {t) décrit une MouerTe (Larus priscus) trouvée dans les terrains
diluviens de Quedlimbourg.
Les brèches de Nice paraissent renfermer des ossements que l'on peut
attribuer au même genre ou à celui des HiRONDELLES DE MER (Sterna, Lin.)
Lord Enniskillen a trouvé, dans la craie de Maidstone, quelques os qui,
suivant M. Owen, appartiennent à une espèce voisine des ALBATRos (Dio-
medea, Lin.), mais qui doit former un genre nouveau. Il l'a nommée Cimo-
LIORNIS (xuw)tx, Craie) (écrit quelquefois par erreur Cincoliornis), et l'espèce
C. diomedeus (?), c’est l'Osteornis diomedeus, Gervais (Thèse).
Cet oiseau est le seul dont l’existence soit clairement démontrée dans la
craie d'Europe.
9 FamLLe. — TOTIPALMES.
Les gypses de Montmartre ont fourni à Cuvier () des ossements que cet
illustre anatomiste considère comme plus voisins du PéLicAN (Pelicanus, Lin.)
que de tout autre oiseau, mais avec des formes intermédiaires entre celles
du grand pélican et celles du cormoran.
Le calcaire tertiaire paludin de Mombach paraît renfermer une autre
espèce de ce dernier genre, celui des Cormoraxs (Phalacrocoraæ, Briss.,
Carbo, Meyer, Halieus, Iig.) (#).
Le genre des PÉricans est peut-être aussi représenté parmi les fossiles des
cavernes d'Angleterre (?).
3e Famizze. — LAMELLIROSTRES.
MM. Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-Jean citent avec doute le CYGNE
(Cycnus olor) dans la caverne de Lunel-Viel.
Les OiEs (Anser, Briss.) ont été trouvées fossiles dans le diluvien de
Lawford et de France (6).
(1) Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 31.
(2) Owen, Trans. geol. Soc., 2° série, t. VI, p. 411; Brit. foss. mamm.,
p. 45.
) Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 596.
Neues Jahrb., 1839, p. 70; Giebel, loc. cit., p. 33.
Bull. Férussac;, t. XIX, p. 211 ; Giebel, loc. cit.
(6) Buckland, Reliqg. diluv.; Gervais, Thèse ; Giebel, loc. cit.
422 REPTILES EN GÉNÉRAL.
Les CanarDs (Anas, Lin.) paraissent dater de l’époque des tertiaires d'Au-
vergne (1), et avoir laissé plusieurs espèces dans les brèches de Sardaigne (2),
le diluvium de la vallée de la Lahn (H. de Meyer) et la caverne de Kirkdale
(Buckland).
Les Harces (Mergus, Lin.) ont été représentés par une espèce pendant
l'époque tertiaire ancienne. M. Gervais (Thèse) en cite une espèce trouvée à
Ronzon, près le Puy (miocène inférieur), et il l'a nommée plus tard Mergus
Ronzoni, Gervais.
4 Fame. — PLONGEURS.
(Brachyptères, Pygopodes.)
M. Buckland rapporte au genre des PLonGEons (Colymbus, Lin.) quelques
ossements de la caverne de Kirkdale.
Nous ne parlerons pas ici du DroxTE ou Dopo (Didus ineptus),
quoique cet oiseau ait disparu de la nature vivante. Il n'a en effet
été détruit qu'à une époque récente, et son histoire n'appartient
pas à la paléontologie.
TROISIÈME CLASSE.
REPIELES.
La classe des reptiles est une de celles qui présen-
tent le plus d'intérêt sous le point de vue paléontolo-
gique. Les débris fossiles de ces animaux révèlent des
formes si bizarres dans plusieurs espèces, une taille si
gigantesque dans d'autres et une distribution géogra-
phique si différente de celle qui existe aujourd’hui,
qu'ils doivent nécessairement attirer l'attention du
séologue et du zoologiste.
Il résulte d’ailleurs de l'antique apparition des rep-
(1) Gervais, Thèse, etc.
(2, Wagner, Abh. Bayer. Acad., 1832, p. 751,
REPTILES EN GÉNÉRAL. 423
tiles et de leur existence pendant la totalité des pério-
des secondaire et tertiaire, que leurs ossements se trou-
vent dans beaucoup de terrains. Ils sont par là plus
propres que les mammifères et les oiseaux à donner
une idée de ces renouvellements remarquables de l’or-
ganisation et de cette succession des différentes faunes
dont nous avons parlé dans la première partie de cet
ouvrage.
On divise ordinairement les reptiles en quatre or-
dres : les CHÉLONIENS, ou tortues; les SauriENS, qui
sont les crocodiles, les lézards, etc.; les Opnipiens, ou
serpents, et les BaTRAGIENS, qui comprennent les gre-
nouilles, les salamandres, les protées, etc. Cette clas-
sification, proposée pour la première fois par M. Alexan-
dre Brongniart, repose sur des caractères d’une obser-
vation facile; mais on peut lui reprocher de ne pas
tenir compte de l’importance relative des différences
qui existent entre ces quatre divisions. Les batraciens
forment un type très distinct des autres reptiles ; ils
présentent un ensemble de caractères qui force à
les en séparer davantase, et à les considérer comme
constituant une sous-classe distincte. Leur peau nue,
leurs métamorphoses, l’existence des branchies dans
le jeune âge, leur cœur à deux loges, justifient cette
séparation et ont même aux yeux de quelques natu-
ralistes une valeur suffisante pour en faire une classe
distincte.
Les chéloniens, les sauriens et les ophidiens sont au
contraire réunis ensemble par de nombreuses analo-
pics. Leurs écailles, l'absence de métamorphoses, leur
respiration pulmonaire à tous les âges et leur cœur à
quatre ou trois loges, démontrent évidemment chez eux
une organisation supérieure à celle des batraciens ot
424 REPTILES EN GÉNÉRAL.
prouvent qu'ils sont bien plus éloignés de cette sous-
classe qu'ils ne diffèrent les uns des autres.
Ces trois ordres sont du reste faciles à distinguer.
Les chéloniens sont remarquables par leur enveloppe
osseuse, leurs côtes et les apophyses épineuses de leurs
vertèbres qui se soudent pour former une carapace, et
leur sternum qui s’élargit en un plastron. Les sauriens
ont presque toujours quatre membres, et des mâchoires
non extensibles. Les ophidiens n’ont pour squelette
qu'une tête, une colonne épinière et des côtes; leurs
mâchoires sont susceptibles d’être très écartées, soit
de la tête, soit l’une de l’autre, pour donner à la bou-
che une très grande dimension.
L'étude des reptiles fossiles force à admettre un plus
grand nombre de divisions; les reptiles aiïlés etles rep-
tiles à nageoires ne peuvent plus, en particulier, rester
dans le même groupe que les crocodiles et les lézards.
Ils en diffèrent par des caractères au moins aussi im-
portants que ceux qui ont servi dans les autres classes
à établir des ordres. Nous devons donc, aux trois ordres
que nous venons d'indiquer et qui sont fondés sur lé-
tude des reptiles vivants, en ajouter trois autres qui
Sont :
Les PréropacryLiEns, caractérisés par l'allongement
extraordinaire de l'os externe de la main qui a dû sou-
tenir des ailes membraneuses analogues à celles des
chauves-souris.
Les Énariosauriens, chez lesquels les pattes n’ont
plus de doigts distincts, mais sont converties en nageol-
res composées de plaques uniformes.
Les LagyriNrHoponres qui, par la singulière compli-
cation du tissu de leurs dents, par l'implantation de
quelques uns de ces organes sur le vomer, et par leurs
REPTILES EN GÉNÉRAL. 425
doubles condyles occipitaux, s’éloisnent considérable-
ment du type normal des sauriens et font un passage
aux batraciens, et sous certains points de vue, aux pois-
sons.
Quelques auteurs vont plus loin encore et séparent
les crocodiliens et les sauriens proprement dits en deux
ordres distincts. de suis tout prêt à reconnaître que cette
classification repose sur des caractères importants, et en
particulier que les organes de la circulation semblent
la justifier ; mais elle est, pour le moment au moins, inap-
plicable à la paléontologie. Il est impossible de répartir
avec quelque certitude les genres fossiles de manière
qu’on puisse assurer que les uns ont eu tous les carac-
tères des crocodiliens, et que les autres sont analogues
aux sauriens proprement dits. Beaucoup de genres que
nous associons par leurs dents et par la forme de leur
crâne aux crocodiles peuvent en différer par le reste
de l'organisme. Quelques uns peuvent former des tran-
sitions. Ce serait donc augmenter les chances d’er-
reur, que d'admettre une division imparfaitement ca-
ractérisée par les parties solides, et nous continuerons à
ne faire des crocodiles, des dinosauriens et des lacerti-
formes, que des familles d’un ordre unique, celui des
sauriens.
La distinction des genres et des espèces présente
plus de difficulté que dans les mammifères. L'unifor-
mité plus grande dans la forme externe des dents, la con-
naissance moins complète de l'anatomie comparée des
reptiles vivants, des différences plus considérables
entre les types actuels et ceux qui ont disparu dans les
époques antérieures à la nôtre, en sont les causes prin-
cipales. Il faut y joindre le fait que les dimensions ab-
solues ne peuvent jouer qu'un rôle très secondaire.
126 REPTILES EN GÉNÉRAL.
Ces dimensions, dont il ne faut déjà pas exagérer
importance dans les mammifères, deviennent dans les
reptiles un caractère tout à fait accessoire. Cesanimaux,
en effet, croissent longtemps après qu'ils ont atteint
leurs caractères définitifs, et tandis que les animaux
supérieurs ont à l'âge adulte une taille presque con-
stante, où dont les variations sont renfermées dans des
limites très peu étendues, on voit les reptiles changer
complétement de dimension depuis le moment où leur
squelette est tout à fait ossifié et où ils ont acquis la
propriété de se reproduire.
1 résulte de là, que nous aurons dans les reptiles
bien plus de genres et d'espèces douteuses à énumé-
rer. Plusieurs genres ne peuvent pas être placés dans
une familie certaine, et quelques uns même ne peuvent
pas être rapportés à un ordre plutôt qu'à un autre.
L'étude de dents isolées ne peut plus ici, comme dans
les mammifères, fournir des déterminations de quelque
certitude, et l’on aurait probablement mieux fait de ne
pas établir autant de genres nouveaux sur des données
insuffisantes.
Les reptiles manquent ou sont très peu abondants
dans les époques les plus anciennes. On n’en a jusqu’à
présent trouvé aucun débris dans les terrains siluriens.
De nouvelles découvertes de M. Mantell prouvent leur
existence pendant l'époque dévonienne. Des ossements
peu nombreux et de petite dimension démontrent éga-
lement qu’ils ont vécu dans l’époque carbonifère. Ils
ont augmenté un peu de nombre dans les dépôts pé-
néens.
Mais pendant l'époque secondaire, cette classe a pris
un très grand développement. Les terrains triasiques
renferment déjà des espèces de srande taille et de ca-
REPTILES EN GÉNÉRAL. 497
ractères remarquables, Les mers jurassiques et créta-
cées ont été habitées, surtout vers leurs rivages, par
une grande quantité de ces animaux de formes très dif-
férentes de celles que nous observons aujourd'hui. Ces
reptiles paraissent par leurs dents puissantes, leur force
et leur grande taille, avoir été de redoutables carnas-
siers, et avoir régné en Lyrans sur les populations con-
temporaines de poissons et de mollusques. C’est à cette
époque, en particulier, qu'appartiennent ces grands
ichthyosaures dont la forme du corps et des pattes rap-
pelle les cétacés, et les plésiosaures qui joignent aux
caractères des reptiles et à ceux des cétacés le cou
délié et la petite tête des oiseaux aquatiques !
Pendant le temps où les mers renfermaient ces êtres
remarquables, les airs en possédaient d'autres encore
plus singuliers peut-être. Tandis que de nos jours les
oiseaux seuls et quelques mammifères (les chauves-sou-
ris) sont organisés de manière à pouvoir s'élever dans
l'air, nous voyons avec étonnement quelques reptiles de
l’époque secondaire présenter des ailes d’une forme
toute spéciale, dont les membranes considérables
étaient soutenues au moyen d’un seul doigt très long.
Ces ptérodactyles avaient une mâchoire puissante, mu-
nie de longues dents, et quelques uns ont atteint une
taille considérable,
Les reptiles terrestres de cette même époque se-
condaire sont plus remarquables encore par leur gran-
deur, tandis que leurs formes se rapprochent davantage
de celles des vivants. Vers la fin de cette époque, les
continents européens ont été habités par quelques sen-
res, dont les formes lourdes et les pieds courts rap-
pellent les pachydermes, mais dont les caractères essen-
tiels sont ceux des monitors et des lézards. Nos plus
128 REPTILES EN GÉNÉRAL.
grands reptiles terrestres ont aujourd’hui au plus cinq
ou six pieds de longueur, tandis que nous voyons les
mégalosaures en avoir trente, et l’iguanodon atteindre
la taille énorme de soixante pieds !
Avec la fin de l'époque secondaire on voit s’éteindre
ces races monstrueuses, et l’époque tertiaire n’a ren-
fermé que des reptiles à peu près semblables aux nô-
tres, et dont les mœurs et la distribution ont eu, sauf
quelques modifications , beaucoup de rapports avec
celles des reptiles actuels.
Ainsi, en résumé, la classe des reptiles, inconnue
dans les premiers âges du monde, à pris naissance vers
le milieu de la période primaire, a acquis dans l’époque
secondaire un prodigieux développement, a eu en quel-
que sorte alors une époque de règne et de domination
sur le reste de la création; puis est rentrée avec la pé-
riode tertiaire dans des conditions plus modestes, qui
l'ont peu à peu amenée au point où elle est aujour-
d'hui. E nous faut chercher quelles conclusions théori-
ques on peut tirer des principaux faits que présente
leur histoire. |
L'étude des reptiles fossiles fournit, en premier lieu,
une preuve constante et sans réplique de la loi essen-
tielle que les espèces fossiles ont eu une durée limitée.
On n’a pas encore découvert, avant l’époque diluvienne,
un seul reptile fossile que l'on puisse rapporter à une
espèce vivante, et, pour la plupart d’entre eux, on a été
obligé d'établir des genres nouveaux. Sans parler ici
des ptérodactyles, des ichthyosaures, etc., il est quel-
ques faits qui méritent d'être cités. Ainsi on n’a pas
trouvé avant l'époque tertiaire un seul crocodilien qui
ait les vertèbres formées sur le type de ceux qui vivent
actuellement; ainsi la plupart des lacertiens des terrains
REPTILES EN GÉNÉRAL. 429
anciens ont les dents implantées autrement qu’au-
jourd’hui.
Si l’on compare entre eux les reptiles des divers ter-
rains, On arrivera aussi facilement à se convaincre qu’ils
forment une série de faunes distinctes ; ceux des terrains
dévonien, carbonifère, pénéen et triasique , ont tous
des caractères assez tranchés pour qu’on ait dû en former
des genres nouveaux. Les reptiles des terrains jurassi-
ques et crélacés ont aussi leurs formes spéciales, et ne
ressemblent ni aux précédents, ni à ceux des terrains
tertiaires. Ces derniers correspondent, pour les genres,
avec ceux qui vivent aujourd'hui; mais les espèces sont
toujours nettement distinctes,
Il faut toutefois remarquer que si l’on consulte les
catalogues que renferment la plupart des traités de géo-
logie, on trouvera quelques exceptions à cette loi. Ainsi
l'Ichthyosaurus communis est indiqué dans les anciens
catalogues comme se trouvant dans le lias et dans la
craie, etc. Plusieurs faits de ce genre ont été reconnus
faux, et il faut remarquer que l'identité des espèces a
souvent été établie sur l'étude d’un nombre très insuf-
fisant de fragments, et dans un temps où les principes
de la science n'étaient pas assez connus pour qu'on
sentit toute [a gravité de ces rapprochements. Leur réa-
lité s’évanouit presque toujours devant un examen ap-
profondi.
Il est encore d’autres lois que confirme l'étude des
reptiles fossiles. Ainsi on y trouve des preuves de celle
que j'ai établie plus haut (p.57, 3° loi), en montrant que
les différences qui existent entre les faunes perdues et
les animaux actuels sont d'autant plus grandes que les
faunes sont plus anciennes. Si l’on compare , en effet,
la création actuelle avec la faune tertiaire, on verra,
À30 REPTILES EN GÉNÉRAL.
comme je l'ai dit, qu'il n'y a presque aucune différence
générique; landis qu'une comparaison analogue avec
la faune secondaire montrerail au contraire de très
oraudes dissemblances. Les ichthyosaures, les ptéro-
dactyles, etc., rendent ce fait évident.
Mais nous pouvons voir aussi, comme je le disais alors,
qu'il ne faut pas exagérer celte loi en voulant la trop gé-
néraliser. Si nous remontons, en effet, à des terrains
plus anciens encore, nous trouverons, il est vrai, quel-
ques types qui, tels que les labyrinthodontes s’éloignent
beaucoup des genres actuels; mais nous verrons aussi,
dans ces mêmes terrains, des lacertiens qui ressemblent
bien plus à ceux qui vivent aujourd’hui que les genres
anomaux des terrains secondaires que je viens de rap-
peler.
On trouve aussi dans l’histoire des reptiles une con-
firmation de notre huitième loi (p.71), qui rappelle que
la température de la terre à varié. Ces grands reptiles
ont dù vivre dans des climats plus chauds que le nôtre.
On peut voir, en particulier, une preuve de la tempé-
rature plus élevée de l’époque tertiaire, dans le fait
qu'alors le nord du continent européen nourrissait des
serpents semblables aux boas ou aux pythons, qui sont
aujourd’hui spéciaux à la zone torride. On en peut tirer
aussi de ce que les tortues et les crocodiles habitaient
les mers et les estuaires d'Angleterre, tandis qu’ils ne
vivent aujourd’hui que dans les eaux des régions chau-
des du globe.
La dixième loi (p. 75), qui établit que tous les ani-
maux fossiles ont été formés sur le même plan que les
animaux actuels, reçoit aussi de l'étude des reptiles une
importante confirmation. Les types les plus bizarres et
les plus éloignés par leur forme des habitants du monde
REPTILES EN GÉNÉRAL. 431
actuel ont toujours leur squelette composé de pièces dont
l’homologie est évidente.
Mais si la paléontologie des reptiles fournit des
preuves en faveur des lois que j'ai indiquées comme
probables, elle sert aussi à réfuter et à restreindre
celle du perfectionnement graduel des êtres (5° Loi,
p. 62) que j'ai déjà montré être fondée sur une
généralisation hasardée de faits incomplétement ob-
servés.
On peut remarquer en premier lieu que, dans Ja
faune la plus ancienne, deux ordres sont représentés,
et que ces deux ordres, les chéloniens et les sauriens,
loin d’être les plus imparfaits, sont au contraire re-
gardés comme les plus élevés par leur organisation.
Si nous examinons aussi quels sont les types de cha-
cun de ces ordres, nous trouverons dans leur compa-
raison une seconde preuve contre le perfectionnement
graduel, Plusieurs sauriens des terrains anciens sont
des lacertiens thécodontes ; c’est-à-dire que, s'ils sont
moins parfaits que les crocodiliens, ils le sont plus que
les iguaniens et les lacertiens actuels.
Dans l’époque secondaire, nous trouvons des chélo-
niens d’une perfection égale aux actuels ; nous y voyons
aussi des crocodiliens (*) et des lacertiens inférieurs à
(1) Je dois faire remarquer ici que la comparaison de la perfection des or-
ganismes soulève des questions si délicates et si difficiles, que l’on trouve
quelquefois, si l’on veut, des preuves pour ou contre, et qu'il est important,
dans une discussion de cette nature, de regarder l'ensemble, et non tel ou
tel détail. Les crocodiliens des terrains secondaires en fournissent une preuve.
Js sont inférieurs, sous uu point de vue, à leurs successeurs, car ils ont les
vertèbres biconcaves, circonstance qui prend quelque importance du fait que
les crocodiliens actuels passent, dans l’état embryonnaire, par cette forme
de vertèbres biconcaves, et que l’on peut dire, jusqu’à un certain point, que
les téléosaures sont des crocodiliens qui n’ont pas atteint leur terme complet
de développement. Ce fait est remarquable; mais il est isolé et il w’infirme
432 REPTILES EN GÉNÉRAL.
quelques types vivants et supérieurs à d’autres. Les
ichthyosaures et les plésiosaures font, il est vrai, un
passage aux poissons; mais en admettant leur infério-
rité d'organisation relativement aux reptiles actuels, on
n’en pourrait rien conclure en faveur du perfectionne-
ment graduel, car ils sont en même temps inférieurs
à la plupart des reptiles qui les ont précédés dans les
terrains pénéen et triasique.
On doit donc reconnaître que chacune des faunes,
qui a ses caractères tranchés et spéciaux, a eu en même
temps une moyenne de perfection qu’on ne peut esti-
mer ni supérieure, ni inférieure aux autres, et que l’on
ne peut en conséquence admettre en aucune manière que
les reptiles se soient graduellement perfectionnés.
L'étude de ces animaux fournit aussi des preuves
contre l’idée de la transition des espèces, que j'ai mon-
trée ailleurs être la véritable base de la théorie du per-
fectionnement graduel. On ne trouve aucune transition
admissible entre les ichthyosaures etles reptiles qui sont
venus avant ou après eux. Les ptérodactyles forment un
type unique et tranché que rien ne lie à aucun genre
qui les ait précédés ou suivis. On peut dire la même
chose de presque tous, et l’on est forcé d’en conclure
que chacun de ces genres remarquables a été créé tel
que nous le connaissons, et à eu son existence tout à
fait indépendante des autres.
Les détails qui vont suivre fourniront d’ailleurs des
explications et des confirmations de ce que je viens d’in-
diquer d’une manière générale. Il ne me reste plus ici
qu'à dire quelques mots des terrains où l'on a trouvé
des ossements de reptiles.
pas ceux plus essentiels qui démontrent l'égalité de perfection de l’ensem-
ble des faunes. Il se rapporte du reste à notre sixième loi, p. 69.
REPTILES EN GÉNÉRAL. 433
Les rares débris des reptiles qui ont vécu pendant
l’époque dévonienne ont été découverts à Cummington,
près Elgin (Morayshire).
Les terrains de l’époque carbonifère où l'on a trouvé
quelques ossements de ces animaux sont les étages les
plus supérieurs de cette formation, aux environs de
Saarbruck (Archegosaurus); auxquels on pourrait ajou-
ter, si la détermination des fossiles était plus cer-
taine, ceux de Munsterappel dans la Bavière rhénane
(Apateon). Les dépôts carbonifères de Greensburg
(Pensylvanie, Amérique septentrionale) contiennent
des impressions de pas que l’on considère comme indi-
quant aussi l’existence d'animaux de cette classe.
Dans l’époque pénéenne on cite les conglomérats
dolomitiques des environs de Bristol, le zechstein de
la Thuringe, et quelques localités de la Russie, où l’on
a trouvé des ossements.
Le terrain triasique renferme des ossements de rep-
tiles dans ses trois étages, le grès bigarré, le muschel-
kalk et le keuper. On cite en Allemagne, les environs
de Nuremberg, de Stuttgardt, de Bayreuth, de Sulzbad,
quelques gisements de Bohême et de Franconie, etc.; en
Angleterre, les dépôts de Leamington et de Grinsill; en
France, ceux de Lunéville, etc. Quelques gisements du
nouveau grès rouge d'Angleterre, d'Allemagne et des
États-Unis ont conservé des empreintes de pas.
Le terrain jurassique est plus riche. Sa formation
inférieure, ou lias, est un des terrains où les reptiles
sont les plus abondants. Parmi les localités principales
on peut citer, en Angleterre, le lias de Lyme Regis, de
Bristol et de quelques autres points, où l’on à trouvé
les squelettes les plus beaux et les plus complets de
plésiosaures et d’ichthyosaures, et en Allemagne le
Le 28
434 REPTILES EN GÉNÉRAL.
lias d’Altdorf et de Boll en Wurtemberg, qui ont fourni
de nombreux crocodiliens, etc.
Les reptiles de loolithe inférieure sont principale-
ment connus par l'exploitation des carrières de Stones-
field en Angleterre, ainsi que par celles des calcaires de
Caen et de quelques autres parties de la Normandie.
Parmi les localités les plus célèbres du terrain juras-
sique supérieur sont les schistes calcaires de Monheim
et de Solenhofen qui ont fourni des crocodiliens, des
lacertiens, et surtout les plus beaux échantillons connus
du genre ptérodactyle. On peut citer aussi les dépôts
kimméridgiens de Shotover, du Havre, de Honfleur,
de Soleure, etc.
Le terrain wealdien, qui, comme je lai dit ailleurs,
correspond à la fin de la période jurassique ou au com-
mencement de l’époque crétacée, a été exploité avec
un grand succès dans diverses parties de l'Angleterre,
et en particulier dans l'île de Wight, les environs de
Purbeck, la forêt de Tilgate, etc. C’est à ce terrain, qui
a été déposé par l’eau douce et probablement dans des
estuaires, que l’on doit la conservation de plusieurs
genres gisantesques, tels que l’iguanodon, le mégalo-
saure et l'hyléosaure.
Dans les terrains crétacés, on peut citer principale-
ment quelques gisements en Angleterre (Maidstone,
Cambridge, etc.), la craie de la montagne de Maestricht,
dans laquelle on a trouvé les restes du mosasaure, et
les grès verts supérieurs de New-Jersey ( Amérique
septentrionale).
La plupart des grands dépôts tertiaires que nous avons
cités en parlant des mammifères ont aussi fourni quel-
ques ossements de reptiles. Les plus riches sont:
l'argile des environs de Londres; les dépôts inférieurs
CHÉLONIENS EN GÉNÉRAL. 435
du basssin de Paris, quelques autres localités de France
(Aix, Auverene, Argenton, etc.\; les moliasses de
Suisse, celles d'Allemagne (Wiesbaden, Weisenau,
Georgensgmund, etc.); les terrains pliocènes d’Asti,
de Montpellier, d'OEningen, le crag d'Angleterre, etc.
Dans ces divers gisements les os sont quelquefois
conservés par une véritable pétrification; quelquefois
aussi leur tissu est moins changé. Tantôt, comme je l'ai
dit ailleurs, les squelettes sont trouvés entiers et prou-
vent que l’animal a été mis à mort presque en mème
temps qu'il a été enseveli: c'est ce qu'on voit pour
beaucoup d'ichthyosaures et de plésiosaures du has, et
pour les téléosaures de l’oolithe. Quelquefois aussi les
os sont trouvés épars, ont été dépouillés de leurs parties
molles et charriés par les eaux, avant que d'être recou-
verts par la vase ou le sable. C’est ce qu'on remarque
souvent dans les terrains wealdiens; c'est ce qui arrive
aussi à quelques ossements du terrain kimméridgien,
que l’on voit recouverts par des mollusques qui ont eu
le temps de s’y fixer, entre le moment où les chairs ont
élé macérées et celui où les os ont été définitivement
ensevelis.
re SOUS-CLASSE.
REPTILES PROPREMENT DITS.
1° ORDRE.
CHÉLONIENS , ou TORTUES.
Les chéloniens sont faciles à distinguer de tous les
reptiles par l'énorme développement de leur sternum
qui forme un plastron, et par la soudure de leurs côtes
436 REPTILES. — CHÉLONIENS.
avec les apophyses épineuses des vertèbres dorsales
en une carapace, qui fournit un mode de protection
impérieusement réclamé par la lenteur de la marche
de ces animaux.
Ils manquent tous de dents et leurs mâchoires sont
protégées par un étui corné en forme de bec. Leur tête
est courte, avec une cavité encéphalique médiocre,
l'os carré est soudé au temporal; l’occipital s'articule
avec l’atlas par un seul condyle qui correspend au
corps de la vertèbre.
La carapace est composée de cinq séries de pièces
unies ensemble par des sutures dentées. La série
médiane correspond aux apophyses épineuses des ver-
tèbres (pièces dorsales ou vertébrales), les deux séries
qui les bordent à droite et à gauche proviennent de
l’épatement des côtes ( pièces costales), et les deux séries
qui forment le bord (pièces marginales) ont été consi-
dérées par quelques auteurs comme représentant les
cartilages des côtes ; mais le fait que souvent elles ne
se soudent pas avec le sternum, peut aussi bien en faire
des épiphyses des vraies côtes. IT faut d’ailleurs remar-
quer que souvent les antérieures ou nuchales et tou-
jours la postérieure ou sus-caudale, sont impaires.
Le sternum est dilaté en un vaste plastron composé
de neuf pièces dont une médiane (endosternal), et huit
formant quatre paires que M. £. Geoffroy désigne sous
les noms de épisternaux, hyosternaux, hyposternaux
et æiphisternaux.
Les membres sont placés en dedans des os du tronc
ou de la carapace, disposition anormale et unique
parmi les vertébrés. L’épaule est composée de trois os
homologues de ceux des oiseaux, et les pattes sortent
par des échancrures du plastron. Le bassin est normal.
CHÉLONIENS EN GÉNÉRAL. 437
La carapace et le plastron sont recouverts par une
peau qui est ordinairement divisée en écailles. Leur
bord laisse une trace sous la forme d’un sillon, en sorte
que leur disposition est visible lors même que l'os seul
a été conservé. Elles correspondent, sauf des change-
ments de nombre et de proportion, aux pièces de la ca-
rapace et du plastron; sur la première on trouve une
série médiane de plaques vertébrales, deux séries (une
de chaque côté) de plaques costales, et le bord est oc-
cupé par des plaques marginales. I faut avoir soin de
ne pas confondre les sillons larges et peu profonds qui
sont formés par le bord des plaques, avec les sutures
dentées des véritables pièces du squelette. Le sternum
présente aussi des plaques qui correspondent à peu
près aux pièces osseuses. On nomme plaques qulaires
celles qui couvrent les épisternaux et qui sont situées
sous la gorge; plaques axillaires celles qui sont dans
les échancrures par où sortent Les pattes antérieures, et
plaques inguinales celles des échancrures postérieures.
On distingue les chéloniens en quatre ordres, d’après
la forme de leurs pieds, de leur carapace et de leur
plastron.
Les ToRTUES DE TERRE, Où CHERSITES, Ont une carapace
solide, très bombée, où toutes les pièces sont en con-
tact; un plastron également plein, largement soudé à
la carapace ; des membres courts, à doigts réunis en
moignons arrondis et protégés par de gros ongles qui
méritent presque le nom de sabots. (Atlas, pl. XXIT,
fig. { et 2.)
Les TorTUES D'EAU DOUCE, où ÉLODITES, ont une cara-
pace moins solide, moins bombée, composée aussi de
pièces complétement en contact, mais souvent soudées
tardivement ; un plastron plus petit, quelquefois percé
4138 REPTILES. —— CHÉLONIENS.
par une ouverture, quelquefois aussi imparfaitement
soudé à la carapace ; des doigts longs, dont quatre ou
cinq ont des ongles, et qui sont réunis par une pal-
mure. (Atlas, pl. XXIL, fig. 3 et 4.)
Les TorRTUES FLUVIALES, ou POoTAMITES, à caparace très
déprimée, composée de pièces incomplétement réunies,
sans pièces marginales ; à plastron composé d'éléments
non soudés; à lèvres charnues et non cornées; à peau
molle non divisée en écailles, et à doigts distincts dont
trois seulement portent des ongles. (Atlas, pl. XXII,
fig. 5 et 6.)
Les TORTUES MARINES, Où TIHALASSITES, à carapace dé-
primée, cordiforme, composée de pièces incompléte-
ment réunies, mais ayant des pièces marginales; à
plastron composé d’éléments non soudés ; à lèvres cor-
nées ; à doigts comprimés, cachés et empâtés par des
écailles, en sorte que le membre antérieur est converti
en une nageoire puissante. (Atlas, pl. XXI, fig. 7 à 9.)
On n’a pas de preuves incontestables de l’existence
des chéloniens à la surface de la terre avant le commen-
cement de l’époque secondaire, car on n’en a encore
trouvé aucun ossement dans les terrains de l’époque
primaire.
Mais des impressions de pas laissées sur les couches
encore molles, et qui rappellent la forme des pieds des
tortues plus que celle de tous les autres reptiles, sem-
blent faire remonter leur apparition plus haut. On en
a cité depuis longtemps dans les terrains du nouveau
grès rouge (terrain triasique). Le capitaine Lambart
Brickenden vient d'en découvrir dans des formations
plus anciennes encore (le terrain dévonien). Je n'ai pas
besoin d’ajouter qu'il est difficile d'attribuer à ces
traces une autorité équivalente à celle qu'aurait la dé-
CHÉLONIENS EN GÉNÉRAL. 139
couverte de pièces osseuses. L'existence des chéloniens
n'est démontrée par ces preuves plus positives que
dans ies terrains jurassiques et dans ceux qui les ont
suivis.
Les circonstances qui accompagnent leur appari-
tion donnent matière à quelques considérations inté-
ressantes.
En premier lieu, on peut tirer, de l’histoire paléon-
tologique des tortues, les mêmes conclusions que nous
avons déjà vu que fournissait la comparaison pius géné-
rale des reptiles, contre le prétendu principe du perfec-
tionnement graduel des êtres. Les quatre types que nous
venons de caractériser ont apparu ensemble ; car, sans
tenir compte des traces de pas dont nous venons de
parler, on les trouve tous dans Les terrains jurassiques.
Quant à leur distribution géographique , on trouve
une confirmation de la loi que j'ai rappelée plus haut,
que la température du globe a été plus uniforme qu’elle
ne l’est aujourd'hui; car les chéloniens, qui de nos jours
sont principalement habitants des régions chaudes,
ont vécu anciennement dans les parties septentrionales
de l’Europe et de l'Asie.
La taille des chéloniens fossiles ne paraît pas avoir
en général excédé celle des tortues actuelles, et les di-
mensions qu'acquiert de nos jours la tortue franche sont
supérieures à celles de presque tous les fossiles euro-
péens. La même chosen’a pas lieu pour lestortues d’Asie;
car les terrains subhimalayens recèlent les débris d’un
immense animal de cet ordre qui dépasse de beaucoup
tous les chéloniens actuels.
Enfin, un des faits les plus remarquables de la dis-
tribution géologique des chéloniens, est le mélange qui
existe souvent entre les tortues de mer et ceiles d'eau
440 REPTILES. — CHÉLONIENS.
douce ; tandis que de nos jours les chélonées sont tou-
jours exclusivement marines, et que les émydes et les
trionyx n’habitent que les fleuves, les lacs ou les marais
d’eau douce.
On trouve, par exemple, quelques chélonées ou tor-
tues marines fossilisées dans les terrains jurassique
et néocomien, dans le grès vert, et dans la craie, qui
sont des dépôts formés par la mer; tandis que d’autres
espèces ont leurs ossements dans le calcaire de Purbeck
ou dans les terrains wealdiens qui ont été formés par
des eaux douces.
Ainsi, encore, on trouve des émydes dans diverses
localités marines des terrains jurassiques, et d’autres
dans des terrains d’eau douce, tels que le wealdien, les
mollasses, les schistes d’O£ningen, etc. Les trionyx pré-
sentent le même mélange.
IL en résulte que quelquefois un même gisement ren-
ferme des débris confondus de tortues de mer et de tor-
tues d’eau douce. Ainsi les terrains wealdiens ont des
émydes et des chélonées, et les argiles de Sheppy ren-
ferment en quantité considérable ces deux genres réu-
nis avec des trionyx.
Doit-on conclure de ces faits que les tortues du monde
ancien avaient une habitation moins stricte que celles du
monde actuel, et que les émydes pouvaient vivre dans
la mer et les chélonées dans l’eau douce ? Cette suppo-
sition n'est pas absolument impossible, car l'étude de
ces espèces montre des transitions qui manquent aujour-
d’hui, et l’on connaît quelques émydes fossiles plus tha-
lassines de formes qu’elles ne le sont actuellement , et
surtout quelques chélonées qui présententdes transitions
aux émydes.
Mais cette explication peut n'être pas la seule. I est
CHÉLONIENS EN GÉNÉRAL. 441
possible aussi que des inondations subites, en augmen-
tant les fleuves et en accélérant leur cours, aient trans-
porté dans Îa mer les animaux qui les peuplaient, et
les aient ainsi mélangés avec des êtres exclusivement
marins. C’est, pour le dire en passant, le seul moyen
d'expliquer la fossilisation des tortues terrestres.
Il est possible aussi que la différence de salure entre
les diverses eaux du globe n’ait pas été toujours aussi
prononcée qu'aujourd'hui. Nous verrons, dans l'histoire
des poissons, des faits qui semblent montrer qu'aux
… époques géologiquesanciennes, les eaux qui recouvraient
la surface du globe n’offraient pas des différences aussi
tranchées que celles qui distinguent de nos jours les
eaux pélagiques des eaux terrestres.
On peut enfin remarquer que quelques unes de ces
localités où sont réunies des tortues d’eau douce et de
mer ont des caractères paléontologiques mixtes qui
peuvent faire penser que ces terrains ont été formés
dans des estuaires, auprès des embouchuresdes grands
fleuves. Ainsi les argiles de Sheppy renferment des co-
quilles marines et des coquilles fluviatiles dont la réu-
nion a été expliquée en supposant qu'elles ont été dé-
posées naturellement, les unes par la mer, les autres
par un grand fleuve qui y versait ses eaux. Il peut s’être
passé quelque chose de pareil pour les tortues. de dois
toutefois faire remarquer que cette explication ne parait
plausible que pour quelques localités.
442 REPTILES. —— CHÉLONIENS.
1 Famizze. — TORTUES TERRESTRES,
ou CHERSITES.
(Testudinides.)
Les tortues de terre sont caractérisées, comme nous l'avons vu
plus baut, par la hauteur de leur carapace qui est très bombée et
qui peut résister à de fortes pressions; par leur plastron dont les
pièces sont complétement soudées entre elles et unies à la cara-
pace avec la même solidité, et par leurs doigts courts et réunis,
appropriés à la marche sur la terre, mais incapables de servir à
la natation.
Les mêmes raisons générales que j'ai données ailleurs, pour
expliquer pourquoi les débris fossiles des animaux terrestres sont
en général plus rares que ceux des êtres qui ont vécu dans les eaux,
peuvent faire présumer que les ossements de cette famille
ont été trouvés moins fréquemment que ceux qui appartiennent
aux divisions suivantes. On à toutefois des preuves que ces tor-
tues terrestres ont vécu à des époques assez reculées et en parti-
culier pendant la période secondaire.
Les traces les plus anciennes, mais les moins certaines de leur
existence, sont des impressions de pieds trouvées sur les vieux
grès rouges (terrain dévonien) de Cummington, près Elgin,
dans le Morayshire, et décrites par le capitaine Lambart Bricken-
den (1). Ces traces sont évidemment dues à un animal à quatre
pieds; leur forme arrondie, sans doigts bien marqués, leur
absence même de caractères précis, peuvent les faire attribuer à
des tortues de terre; mais je ne saurais voir là qu'une présomption
peu démontrée. D'autres plus récentes ont été découvertes
sur le nouveau grès rouge (terrain triasique) des carrières de
Corn-Cockle-Muir, dans le comté de Dumfries, et décrites par
M. Duncan (?). Ces traces, formées comme les précédentes par un
animal à quatre pieds, sont trop courtes pour avoir été faites par
des crocodiles ou par d’autres sauriens, et ce même caractère em-
(1) Quarterly journal of the geological Society, mai 1852, t. VIII.
(2) Transactions of the royal Society of Edinburgh, 1828 ; Buckland, Traité
Bridgewater, traduit par Doyère, p. 225.
TORTUES TERRESTRES. 443
pêche de les attribuer à des émydes. Leur comparaison avec des
impressions que des reptiles du monde actuel formeraient sur le
sable montre que c'est avec celles des tortues de terre qu'elles
ont le plus de rapports. On ne peut également voir dans ces faits
qu'une probabilité, et il faut attendre la découverte de quelques
ossements, pour pouvoir prononcer avec certitude que les tor-
tues de terre ont vécu dès l’époque primaire.
Leur existence dans l’époque jurassique paraît mieux démon-
trée. M. Owen cite (1) des impressions d’écussons carrés, ana-
logues à ceux qui recouvriraient une tortue terrestre de 10 pouces
de long, comme se trouvant quelquefois dans les couches ool1-
thiques de Stonesfield.
Les fragments trouvés dans les terrains tertiaires et diluviens
sont plus abondants, et ont pu être déterminés avec plus d’exacti-
tude. La plupart d’entre eux se rapportent au genre des
TORTUES PROPREMENT DITES
(Festudo, Brong.), — Atlas, pl. XXIL fig. 1 et 2.
Les espèces des terrains tertiaires sont les suivantes :
La plus anciennement connue est celle qui a été trouvée dans les environs
d'Aix, en Provence, dans un terrain probablement contemporain de celui
qui recèle des restes si nombreux de poissons. Elle a été décrite et figurée
pour la première fois par Lamanon (2), et Cuvier a démontré que la hauteur
de la carapace et la forme des lames costales ne peuvent se rapporter qu'à
une tortue terrestre. La convexité est même si grande que les premiers frag-
ments que l’on a découverts ont élé pris pour des crânes humains, et plus
tard pour des Nautiles.
Une seconde espèce (3) est la Testudo antiqua, Bronn, des gypses d'eau douce
de Hohenhoewen, qui paraît avoir été retrouvée dans les mollasses de Suisse.
Elle se rapproche surtout par la courbure de sa carapace de la T. græca,
vivante. C’est cette espèce qui est figurée dans l’atlas.
Outre l'espèce précédente, les mollasses de Suisse renferment des débris
(!) Report of the British association, 1841,
@) Journ. de phys., t. XVI, p. 868. Voyez aussi Cuvier, Ossem. foss.,
4° édit., t. IX, p. 486, pl. 241, fig. 9-11; Fitzinger, Ann. des Wien. mus.,
I, 1, 1835, p. 123; Giebel, Faura der Vorwell, 1, 2, p. 52. M. Gray lui
donne le nom de Testudo Lamanonti (Syn. rept., p. 14).
(3) Voyez Bronn, Neues Jahrb.,1832, p.116: et Nov. acta Acad. nai. cur.,
XV, part. Il, p.201, pl. 63 et 64; d'Althaus, Mém. soc. de Strasbourg, t. 1,
1830; Fitzing., Ann. Wien. Mmus.; Giebe!, Fauna der Vorrvelt, 1, 2, p. 52.
44% \EPTILES, — CHÉLONIENS.
de tortues que l'on n’a pas encore pu caractériser d’une maniere suffisante (1).
Une espèce de la mollasse du Vengeron, près Genève, n’est connue que par
une omoplate qui indique une taille analogue à celle de la T. antiqua.
La T. punctata, Bourdet de la Nièvre (2), de la mollasse du mont de la
Molière, n’est connue que par une simple indication et n’a pas été décrite.
Des ossements indiquant l’existence d’au moins deux tortues de grande
taille ont été trouvés en Auvergne. L'une de ces espèces est citée sous le
nom de Testudo gigantea, Bravard, mais n’a pas été décrite (#). Elle a été
découverte à Bournoucle-Saint-Pierre (pliocène ?)
L'autre, qui provient du terrain miocène inférieur, est un peu moins
grande et n’a été ni nommée ni décrite (#).
Une espèce de fort petite taille a été trouvée par M. Marcel de Serres
dans les terrains tertiaires pliocènes de Montpellier (5).
M. Lartet (6) en indique quatre espèces dans les terrains miocènes du
département du Gers. Ce sont :
La Testudo Larteli (T. gigantea, Lartet, nom qui ne peut pas être conservé,
car il a été déjà employé par M. Bravard), de 8 à 9 pieds de circonférence.
De Sansan et de Laymont?
La Testudo Canetiotana, Lartet, longue de 8 à 9 pouces, et voisine de la
T. græca. De Sansan, Chelan et Marsolan.
La Testudo Friyaciana, Lartet, d’un tiers moindre. De Sansan.
La Testudo pygmæa, Lartet, de la grosseur d’un œuf de poule, De Sansan.
Dans les terrains diluviens on peut citer :
Une espèce voisine de la Testudo græca, découverte par M. Marcel de
Serres (7), dans les cavernes du midi de la France.
Une espèce voisine de la Testudo radiata, qui vit aujourd’hui à la Nouvelle-
Hollande, a été signalée par Cuvier ($) dans les brèches osseuses de Nice,
(1) Voyez H. de Meyer, Neues Jahrb., 1839, p. 5 ; 1843, p. 699.
(2) Ann. Soc. lin. de Paris, sept. 1825, p. 361; AI. Brongn., Tableau des
terrains.
(8) Voyez Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t. IT, p. 371; M. Laurillard,
Dict. de d'Orbigny, la cite sous le nom de T. gigas.
(£) Pomel, Bull. Soc. géol., 2° série, t. IV, p. 382.
(5) Ann. des sciences nat., 2° série, t. IX, p. 286. C’est la Testudo Serresi,
Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 53. Voyez sur ces mêmes terrains et
sur les débris de tortues terrestres qu’ils contiennent, De Christol, Ann. sc.
du midi de la France, 1832, mars, et Bull. Soc. géol., 1833.
(6) Notice sur la colline de Sansan, p. 38.
(7) Marcel de Serres, Cav. de Lunel-Viel, p. 216.
(8) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p.383. C’est la T. radiata fossilis,
H. de Meyer, Palæologica, p. 104, et probablement aussi la T. Cuvieri,
Fitzinger, Ann. Wien. mus.: Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 53.
TORTUES TERRESTRES. 445
Les tortues terrestres ont aussi été trouvées fossiles hors de
l'Europe.
Des ossements découverts. par M. Morton (!) dans l'étage inférieur du
terrain crétacé des États-Unis indiquent probablement une espèce du genre
TESTUDO.
C'est aussi à ce même genre qu’il faut rapporter l'espèce trouvée à l’île
de France, dans un banc crayeux fort épais situé sous la lave. Il n’est pas
bien démontré que cette couche ne soit pas d’origine moderne, et les osse-
ments qui y ont été trouvés ne diffèrent pas sensiblement de ceux de la
grande espèce qui vit encore aujourd’hui dans ces îles (Testudo elephantina,
Dum. et Bibron). Cuvier (?) dit que l’humérus ne s’en distingue que parce
qu'il est un peu plus gros en proportion de sa longueur, et parce que l’em-
preinte qu’il a en avant pour un vaisseau est plus large et moins profonde.
Un tibia de la même localité est au contraire plus long et moins gros.
C'est dans le voisinage de cette espèce que doit se placer une
tortue remarquable par ses dimensions gigantesques, et dont
MM. Cautley et Falconer ont fait le genre CoLossocaezys (indi-
qué aussi sous le nom de Mecazocugzys.) De nombreux et remar-
quables fragments, envoyés par ces infatigables naturalistes au
Musée britannique, indiquent une carapace qui à dû avoir plus de
12 pieds anglais de longueur sur 6 de hauteur, dimensions qui,
à en juger par les espèces vivantes les plus voisines, donneraient
à l'animal une longueur de 48 à 20 pieds. Les membres devaient
être aussi massifs que ceux du rhinocéros. Ces ossements ont été
trouvés dans les couches tertiaires subhimalayennes, dont nous
avons déjà parlé fréquemment en traitant des mammifères. Il est
possible que cet animal colossal ait été connu depuis longtemps
des habitants de l'Inde, car les tortues gigantesques jouent un
certain rôle dans les fables cosmogoniques indiennes.
Cette grande espèce est connue sous le nom de Colossochelys atlas (3), Cau-
tley et Falconer.
(1) Journ. Acad. Phil., t. VIIE, part. 2, p. 219.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 493, et pl. 245, fig. 17. Cette espèce
a été nommée Testudo Neraudii, par M. Gray, Syn. rept., p. 14. Voyez
encore Dubreuil et M. de Serres, Ann. sc. nat., t. IX, p. 394,ett. X, pl. 10,
fig. 3; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 52.
(3) Ann. sc. nat., 2° série, 1844, t. XIV, p. 501; 1845, t. XV, p.35: ct
Proceed. zool. Soc., 1844, p. 501; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 54;
Megalochelys sivalensis, Cautley et Falc., Asiatic Journal, t. VI, p. 354.
,
5.46 REPTILES. —— CHÉLONIENS.
à
Les dépôts récents de l'Amérique méridionale renferment
aussi des débris de tortues terrestres qui ont été décrits par
M. Weiss (1). La forme de leur carapace rappelle aussi celle de
la tortue éléphantine; mais il y a, dans les plaques marginales
antérieures, des différences que M. Weiss considère comme suff-
santes pour motiver l'établissement du genre TESTUDINITES.
La seule espèce connue a été trouvée avec des ossements de megatherium
dans la Banda orientale ; M. Weiss la nomme T. Selowi.
Les PrycHocasrer, Pomel,
joignent aux formes des tortues terrestres un plastron qui n’a son
analogue que dans la famille des élodites. Les troisième et qua-
trième paires de pièces (hyposternaux et xiphisternaux) forment
une plaque mobile sur le reste du sternum qui est solidement
uni à la carapace. Le peu d'étendue des échancrures destinées
au passage des pattes postérieures rendait nécessaire cette
mobilité.
M. Pomel (2) signale l'existence de deux espèces dans les terrains miocènes
inférieurs du département de l'Allier. L'espèce figurée est le P. emydoides,
Pom.
9e Famize. — TORTUES PALUDINES, ou ÉLODITES.
(Emydides.)
Les tortues paludines, ou tortues de marais, sont caractérisées
par une carapace plus plate et moins solide que celle de la fa-
mille précédente, et par des doigts plus longs, susceptibles de
porter des palmures, et par conséquent de servir à la natation ;
mais ces doigts conservent encore la forme ordinaire, n'étant
point aplatis et allongés en nageoires, et chaque pied à toujours
quatre ou cinq ongles.
Ces animaux, si nombreux de nos jours, ont laissé des débris
(!) Abh. der Acad. der Wissensch. zu Berlin, 1830, p. 286. Voyez aussi
Bronn, Lethæa, t. I, p. 1170; Fitzinger, Ann. Wien. mus.; Giebel, Fauna
der Vorwelt, I, 2, p. 53.
(2) Bull. Soc, géol., 2° série, t. IV, p. 385, et pl. 4, fig, 9.
TORTUES PALUDINES. 44%
fossiles dans diverses époques. On peut dire sur eux ce que
j'ai dit plus haut des tortues terrestres, que les couches des ter-
rains anciens ont reçu les impressions de quelques pieds qu'on
croit pouvoir rapporter à cette famille, et que des preuves cer-
taines, fondées sur la découverte d'ossements, prouvent que ces
tortues ont existé dès l'époque jurassique.
C'est dans le nouveau grès rouge (1) de Stourton Quarries, dans
le Cheshire, que l’on a trouvé ces impressions de pieds.
Les ossements des tortues paludines n'ont pas encore été tous
étudiés de manière à pouvoir être rapportés avec quelque certi-
tude à leurs genres et sous-genres. La plupart d'entre eux ont
été provisoirement attribués au genre des
Émvpes (Æmys, Duméril), — Atlas, pl. XXII, fig. 8,
qui renferme les espèces vivantes les plus communes. Il est ca-
ractérisé par une carapace passablement bombée et par un
plastron large, non mobile, solidement articulé à la carapace. En
supposant que toutes les espèces qu'on attribue à ce genre doi-
vent y rester, on le trouve fossile dans les terrains jurassiques,
tertiaires et diluviens.
Les espèces jurassiques ont principalement été trouvées par
M. Hugi dans les environs de Soleure. La pierre qui renferme ces
débris remarquables est un calcaire qui appartient au terrain
jurassique supérieur, probablement à l'étage kimméridgien, et
qui contient aussi des mollusques qui prouvent son origine ma-
rine. Cette association des émydes et des mollusques marins est
surprenante ; ces tortues, en effet, habitent aujourd'hui exclusi-
vement l’eau douce, et leur conformation rend peu probable
qu’elles aient jamais pu vivre dans la mer : leurs membres sont
de trop faibles instruments de natation pour qu'elles aient pu
s'aventurer dans une eau profonde et agitée. Peut-être, comme je
lai dit, leurs débris ont-ils été transportés par des courants
d’eau douce?
M. Hugi (2) affirme qu’il possède les débris d’environ vingt espèces; une
étude convenable de ces fragments fournirait certainement des résultats in-
(1) Owen, Report of the Brit. ass., 1841, p. 168.
(2) Alpenreise, p. 10.
ANS REPTILES. — CHÉLONIENS.
téressants. Cuvier a décrit trois grandes carapaces qui ne peuvent être con-
fondues avec celles d'aucune tortue actuelle (1).
Les autres émydes citées par divers auteurs dans les terrains jurassiques,
sont maintenant rapportées aux genres que nous indiquerons plus bas.
On cite une véritable émyde (?) dans le terrain wealdien.
C'est l'Emys Menkei, Roëmer (2), de la formation wealdienne d'Obern-
kirchen.
Dans les terrains tertiaires les ossements d’émydes ne sont pas
moins nombreux.
M. Pomel (3) en indique une espèce dans le calcaire grossier de Cuise-la-
Motte.
Les plâtrières de Paris renferment quelques fragments qui appartiennent
probablement à plusieurs espèces (4).
M. Gray (°) nomme la moins incomplète de ces espèces, Emys parisiensis.
Mais il nous semble plus prudent d’imiter la réserve de Cuvier, qui considé-
rait ces fragments comme ne pouvant pas caractériser une espèce d’une ma-
nière suffisamment précise.
Les terrains éocènes d'Angleterre (f) ont fourni des ossements
qui sont mieux connus. de citerai :
L'Emys testudiniformis, Owen, dont la carapace est plus convexe que dans
la plupart des espèces d’eau douce, et qui ressemble, sous ce point de vue,
à la Cistudo carolina, mais sans avoir de charnière au plastron. Sa taille est
double de celle de la Cistudo europæa. C’est une des émydes de Sheppy de
(1) Ossem. foss., 4° édit. t. IX, p. 451. — Ce sont : l'Emys Grayi, Giebel,
Fauna der Vorwelt, t, If, p. 56 (Emys jurensis, Keferstein), figurée par Cuv.,
pl. 243, fig. 4et 5;
L'Emys Hugii, Gray, Syn., figurée par Cuv., pl. 243, fig. 6;
L'Emys trionychoides, Gray, Syn., Cuv., pl. 243, fig. 7.
Des espèces indéterminées sont figurées encore planche 243, fig. 8-11.
(2) Verst. nord-Deutsch. Ool. Geb., p.14, pl. 16, fig. 11; Dunker, Weal-
den Bildungen, p. 79, pl. 16; Giebel, Fauna, I, 2, p. 57.
(8) Bibl. univ. de Genève, 1847, Archives, t. IV, p. 328.
(f) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. V, p. 600.
(5) Syn., rept., p. 33. C’est la Clemmys parisiensis, Fitz., Ann. Wiener
mus.
(6) Voyez pour ces espèces : Owen, Report. Brit. assoc., 1841, p. 161;
Owen et Bell, Palæontographical Society, Reptiles of London clay, Chelonia,
p. 67, et pl. 20 à 28; Cuvier, Ossem, foss., 4° édit., t, IX, p. 464; Giebel,
Fauna der Vorwelt, E, 2, p. 57, etc.
TORTUES PALUDINES. 449
Cuvier. Elle a été désignée sous le nom d'E. Parkinsonü, par M. Gray, qui
lui rapporte à tort un plastron, figuré par Parkinson, qui appartient à une
chélonée. Cette tortue a été trouvée dans l'argile de Sheppy.
L'Emys lœvis, Bell, qui diffère de tous les chéloniens connus par deux
pièces irrégulièrement arrondies, intercalées dans le plastron entre les hyo-
sternaux et les hyposternaux vers leur bord externe. Elle provient aussi de
Sheppy. (Atlas, pl. XXIL, fig. 5.)
L'Emys Comploni, Bell, qui a des rapports très grands avec les tortues de
terre et qui a été rapportée aux émydes au moins autant à cause de sa posi-
tion géologique que pour ses caractères. Elle avait seulement 3 pouces de
long.
L'Emys bicarinata, Bell, longue d’un pied, et remarquable par l’étroitesse
des plaques ou écailles vertébrales, ainsi que par trois carènes longitudinales
sur ces plaques, une médiane et une en dehors de chaque côté. (La planche
porte comme explication le nom de tricarinata.)
L'Emys de la Bechü, Bell, longue de 1 pied 9 pouces, et plus plate que toutes
les précédentes. Elle provient de Sheppy.
L'Emys crassa, Bell, n’est connue que par des fragments de plastron qui
sont remarquables par leur épaisseur. Elle à été trouvée dans les sables
éocènes d'Hordwell.
M. Owen avait indiqué, en 1841, une espèce des sables éocènes d'Hardwich,
plus plate que VE. testudiniformis (1). Mais dans le travail plus récent et
plus complet qu'il a publié avec M. Bell, dans les mémoires de la Société
paléontographique, il ne la mentionne plus, Peut-être rentre-t-elle dans une
des précédentes.
Les émydes paraissent nombreuses dans les terrains miocènes.
Cuvier (2?) indique une espèce des mollasses de la Grave (Dordogne), dont
M. H. de Meyer (Bronn, Index) a fait l'Emys Brongniarti, et M. Gray l'Emys
Cuvieri, en confondant avec elle une espèce de la mollasse suisse.
M. Lartet (3) cite deux espèces des terrains miocènes de Sansan : l'Emys
sansaniensis, Lart., de 15 à 18 pouces de long, et l'Emys Dumeriliana, très
petite et remarquable par la compression de la tête de son fémur.
M. Pomel (f) annonce l'existence de deux espèces dans les terrains ter-
tiaires du Bourbonnais. M. Bravard (5) en indique une d'Auvergne que Fit-
zinger a inscrite sous le nom de Clemmys Bravardi. Je ne sais pas si c’est la
(?) M. Giebel (Fauna der Vorwell, 1, 1, 2, p. 57) l'a inscrite sous le nom
de Emys Owenii.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 463, pl. 243, fig. 19,
(*) Notice sur la colline de Sansan, p. 38.
(*) Bull. Soc. géol., 2° série, t. IX, p. 371.
(5) Monogr. de la mont. de Perrier et de deu Felis, p. 114,
Fe 29
450 REPTILES. :— CHÉLONIENS.
même qui est indiquée, par M. Laurillard (f), sous le nom de Emys Elaveris,
Brav. Elles n’ont été décrites ni l’une ni l’autre.
La mollasse suisse (2) contient de nombreux ossements d’émydes. On les
trouve souvent trop fragmentés pour qu’il soit facile d’en préciser les carac-
tères spécifiques et leur histoire est encore à faire. Parmi les espèces qui ont
été indiquées nous citerons les suivantes, dont aucune n’a été décrite avec
des détails suffisants.
L'Emys Wytltembachii, Bourdet (#), à laquelle il faut, suivant M. H. de
Meyer, réunir la Chelonia Meissneri, Bourdet, n’est connue que par une por-
tion du plastron et par une pièce marginale trouvée dans la mollasse des
environs d’Arberg (canton de Berne).
L’'Emys Cordieri, Bourdet, et l’'Emys de Fonte, Bourdet, sont aussi in-
complétement connues et proviennent du mont de la Molière (f).
Les Emys Fleischeri, H. de Meyer et Gessneri, id, sont indiquées comme
trouvées dans la mollasse d’Aarau.
L'Emys hospes , H. de Meyer (°), trouvée à Flonheim ; l'Emys Loretana,
H. de Meyer (6), des terrains tertiaires de Vienne; et l’Emys striala, H. de
Meyer (*), de Georgensgmund, ne sont aussi connues que par de simples
indications ou par la description de fragments insuffisants.
L'Emys Turnoviensis, H. de Meyer (8), présente un caractère remarquable
dans l’extrème développement des plaques vertébrales de la carapace
(écailles), qui repoussent les plaques costales de manière à s’articuler direc-
tement avec les marginales. Cette espèce provient des terrains tertiaires de
la Styrie.
Il faut aussi, je pense, placer ici une espèce (?) séparée sous le nom de
CLemwys, car ce genre de Wagler rentre dans celui des émydes, tel que nous
l'avons limité. C’est la C. Rhenana, H. de Meyer, du terrain tertiaire de
Mombach et de Weisenau.
On connaît aussi plusieurs émydes des terrains tertiaires
pliocènes.
(1) Dict. de d'Orbigny, t. XIE, p. 614.
(2) Voyez pour les émydes de la mollasse suisse, H. de Meyer, Leonhard
und Bronn Neues Jahrb., 1838, p. 667 ; 1839, p. 4; 1843, p. 393; 1845,
p. 309, et 1846, p. 469.
() Bull. Soc. phil., 1821; et Schweiz. Verh., 1823, p. 49; Cuvier, Ossem.
foss., 4° édit., t. IX, p. 464; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 58.
(4) Schweiz. Verh., 1823, p. 50.
(*) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 702.
(6) Id., 1847, p. 579.
(7) Id., 1835, p. 364; Georg. Gm., p. 121, pl. 10, fig. 83.
(8) Bronn, Index ; E. Turnauensis, id., Leonh. und Bronn, Neues Jahrb.,
1847, p. 183.
(°) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 391 et 586; 1847, p. 194.
TORTUES PALUDINES, 451
Le cabinet de M. Deluc, à Genève, renferme une empreinte qui provient
des sables marneux d’Asti, en Piémont, et qui a été décrite sous le nom d’Emys
Delucii, Bourdet (1).
M. H. de Meyer (?)a décrit un fragment de carapace d'OEningen sous le nom
de Emys scutella, H. de Meyer.
Les tertiaires supérieurs de Bruxelles renferment des émydes qui ont été
étudiées par Burtin, Faujas et Cuvier (3), et qui forment probablement plu-
sieurs espèces. La mieux connue, c’est-à-dire celle qui a été figurée par
Cuvier, est désignée par M. Gray, sous le nom d'Emys C'amperi.
Les terrains pliocènes de Montpellier en contiennent aussi (4).
On en cite aussi quelques espèces trouvées dans les terrains
diluviens.
L’'Emys lutaria, actuellement vivante ou une espèce bien voisine, se trouve
dans les terrains récents de la Suède (5).
M. H. de Meyer {f) a décrit une Emys turfa, H. de Meyer, des tourbières
d'Enkheim.
On en cite aussi des débris du val d’Arno (7), et Schlotheim (8) en indique
dans un tuf calcaire à éléphants, des environs de Burgtonna.
Enfin on en a rapporté aussi quelques débris du continent
asiatique. MM. Cautley et Falconer en ont trouvé dans les ter-
rains subhimalayens, et M. Clift en cite des bord de l’Irawadi en
Birmanie (°).
MM. Cautley et Falconer en ont en particulier trouvé une espèce que l’on
ne peut pas, suivant eux, distinguer de l’Emys tectum, Gray, actuellement
vivante dans l'Inde. Il paraît toutefois singulier qu’une espèce actuelle se
retrouve avec les Sivatherium, les Colossochelys, ete.
(1) Bull. Soc. phil., 1821; Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 473.
(2) Zur Fauna der Vorwelt, OŒEningen, p. 17, pl. 7, fig. 2.
(3) Voyez Burtin, Oryctog. de Bruxelles, p. 3; Faujas, Hist. de la mont.
de Saint-Pierre; Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 468, pl. 243, fig. 16:
Gray, Syn. Rept., p. 33.
(4) De Christol, Ann. sc.et ind. du midi de la France, mars 1832; Marcel
de Serres, Ann. des sc. nat., 2° série, t. IX, p. 286.
(5) Nilsson, Kongl. Vet. Akad. Handl., 1839.
(6) Mus. Senkenberg., t. Il, p. 60, pl. 5 et 6.
(T) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 474.
(8) Petrefactenkunde, p. 35.
(°) Voyez Buckland, Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. IL, p. 379, pl. 49,
Cautl, et Falc., Asiat. Journ., sept. 1835.
452 REPTILES. —— CHÉLONIENS.
Les genres suivants ont été séparés des émydes proprement
dites.
Les PazæocneLzys, H. de Meyer,
n'en diffèrent que par quelques détails dans les relations des
pièces costales avec les vertébrales et dans la disposition des
sillons formés par le bord des écailles. La troisième pièce costale
(osseuse) n’est articulée qu’à la troisième pièce vertébrale ; la
quatrième l’est à la fois à la troisième, à la quatrième et à la
cinquième. Le contraire a lieu suivant M. H. de Meyer dans les
tortues vivantes. Dans ce même genre fossile les pièces costales
articulées à une seule vertébrale n’ont pas la ligne d'impression
qui sépare deux écailles costales consécutives. Cette ligne
se retrouve sur les pièces costales à trois adhérences vertébrales.
Ces caractères permettraient de distinguer les palæochelys même
quand on n’en à que des fragments; mais je n'ai pas eu des col-
lections suffisantes pour en vérifier la généralité et la constance.
Il faut placer dans ce genre la Palæochelys Bussinensis, H. de Meyer (?),
trouvée dans un calcaire tertiaire d’eau douce au pied du Bussen, dans la
vallée du Danube.
11 faut, suivant le même auteur, y rapporter aussi l'espèce qui avait été
décrite sous le nom de Clemmys taunica, H. de Meyer (2).
M. H. de Meyer (3) ajoute encore deux espèces du calcaire tertiaire de Has-
lach, les P, Haslachensis et costula, H. de Meyer.
Les EuRYsTERNUM, Münster,
ne sont connus que par un squelette trouvé à Solenhofen. Ce
fossile est assez complet, mais fortement altéré dans toute sa
partie centrale, en sorte que l’on ne peut pas juger des détails du
plastron et que la carapace n’est connue que par sa partie posté-
rieure. La forme se rapporte à celle des émydiens, mais les
membres sont presque aussi courts que dans les tortues de terre,
principalement l’avant-bras et les doigts.
(1) Neues Jahrb., 1847, p. 456; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 91,
pl. 5, fig. 5.
(2) Neues Jahrb., 1843, p. 391, 405 et 586.
(8) Neues Jahrb., 1851, p. 77.
ke
Qt
©
TORTUES PALUDINES,
La seule espèce connue est l'Eurysternum Wagleri, Münster (!).
Les PLatemys, Wagler,
forment un genre établi pour des espèces vivantes, et caractérisé
par une carapace très déprimée, un sternum non mobile, une
tête aplatie, cinq ongles aux pattes antérieures et quatre aux
postérieures.
On Ini rapporte quelques espèces fossiles des terrains wealdiens
et tertiaires.
La Platemys Mantelli, Owen (2), n’est connue que par quelques fragments
trouvés dans la forêt de Tilgate, comté de Sussex (wealdien).
Les espèces tertiaires sont mieux connues.
La Platemys Boverbanki, Owen (3), a un rudiment de pièce accessoire
entre l’hyosternal et l’hyposternal du côté externe, comme l'Emys lœvis,
mais moins développé. Elle a été trouvée dans l'argile éocène de l’île de
Sheppy.
La Platemys Bullochii, Owen (f), est remarquable par l'existence d’une
pièce surnuméraire bien plus complète entre l'hyosternal et l'hyposternal,
car elle est aussi développée que ces deux os et forme de chaque côté une
plaque qui se réunit à son homologue sur la ligne médiane, en sorte que le
plastron a cinq paires de pièces au lieu de quatre. Elle provient du même
gisement,
Les CRÉLYDRES, Chelydra, Schw.
(Chelonura, Flem, Emysaurus, Dum. et Bib.), — Atlas, pl. XXIT,
fig. 4,
ont également été séparées des émydes par des caractères étudiés
sur une espèce vivante. Elles sont caractérisées par leur plastron
(1) Voyez H. de Meyer, in Münster Beilr.,t.1, p.75, pl. 19; Bronn, Lethæa,
3° édit., Terr. jur., p. 362; Giebel, Fauna der Vorwell, t. 1, 2, p. 62.
(2) Report Brit. ass., 1841, p. 167; Emys Mantelli, Gray, Syn. Rept.;
Fitzing., Ann. Wien. mus.; Emyde de Sussex, Cuv., Ossem. foss., 4° édit.,
t. IX, p. 461; Mantell, Geol. of Sussec, p. 61, pl. 6 et 7; Giebel, Fauna
der Vorwelt, t. I, 2, p. 63.
(3) Report Brit. ass., 1841, p. 163; Palæont. Sociely, Reptilia Chelon.,
p. 66, pl. 23; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 63.
(# Report, etc.; Palæont. Soc., p.62, pl. 21; Giebel, loc, ci£., t. 1, 2, p. 63.
454 REPTILES. — CHÉLONIENS.
non mobile, cruciforme, composé de branches étroites, par leur
tête large, leur museau court et leurs mâchoires crochues.
Ce genre ne comprend aujourd'hui qu'une seule espèce de
l'Amérique septentrionale; on lui rapporte une grande espèce
fossile d'OEningen (pliocène).
La Chelydra Murchisoni, Bell (1), belle espèce longue de 16 pouces, pré-
sente un rapport remarquable avec la chélydre serpentine vivante, par son
plastron cruciforme, sa longue queue, etc.
F1 faut, suivant M. Pomel (?), ajouter une seconde espèce des terrains mio-
cènes d'Auvergne, l'E. Meilheuratiæ, Pomel.
Les TRETOSTERNON, Owen,
sont caractérisés par une carapace large, aplatie, sculptée et
pointillée, circonstances qui les rapprochent en apparence des
trionyx avec lesquels on peut facilement les confondre. Ils s’en
distinguent clairement par des sillons formés par les bords des
écailles qui montrent que la carapace et le plastron ont été pro-
tégés par des plaques écailleuses comme dans les émydes, tandis
que les trionyx ont une peau molle et uniforme qui ne laisse au-
cure trace de sillons sur le squelette. Les tretosternon se rappro-
chent encore des trionyx par d’autres caractères, et en particulier
par l’état rudimentaire des pièces osseuses marginales.
La seule espèce citée est le Tretosternon punciatum, Owen (3). Elle a été
trouvée dans le calcaire de Purbeck (wealdien).
Je ne comprends pas bien sur quels caractères M. H. de Meyer
en distingue le genre TracHYAsPIS, connu seulement par quelques
fragments de Ja moillasse suisse, qui ont le double caractère d'être
!
(1) Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. IT, p. 281; t. IV, p. 379, pl. 24;
H. de Meyer, Zür fauna der Vorwelt, OEningen, p. 12, pl. 11 et 12; Hy-
draspis OEningensis et Ciemmys Kargüi, Fitz., Ann. Wien. mus., t.T, p.127;
Testudo orbicularis, Karg., Denk. nat. Schwabens ; Testudo indica, Murchi-
son, Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. IT, p. 281; Giebel, Fauna der
Vorwelt, t. I, 2, p. 64.
(2) Bull. Soc. geol., 2° série, t. III, p. 372.
(8) Report Brit. ass., 1841, p. 165; Mantell, Geol. of Sussex, pl. 6,
fig. 1, 3 et 5; Gicbel, Fauna der Voriwelt, t. I, 2, p. 62.
TORTUES FLUVIALES. 455
creusés de peutes fossettes et de présenter des sillons de bords
d'écailles.
M. H. de Meyer (1) indique le T, Lardyü, de la mollasse de Lausanne.
Les APHOLIDEMYS, Pomel,
ont aussi des caractères intermédiaires entre les émydes et les
trionyx, mais en quelque sorte inverses de ceux des tretosternon.
La carapace est bordée par des pièces marginales aussi dévelop-
pées que dans les émydes, mais il n’y a pas plus de traces d’écail-
les que dans les trionyx, dont elles se rapprochent aussi par leur
surface tuberculeuse.
Les Apholidemys sublævis et granosa, Pomel (2), ont été trouvées dans le
calcaire grossier de Cuise-la-Motte.
Les ProTEMYs, Owen,
présentent aussi une transition remarquable aux familles sui-
vantes par l’incomplète ossification de leur sternum. La suture
des hyosternaux et des hyposternaux est interrompue sur le milieu
et sur les bords du plastron.
La Protemys serrata, Owen (?), a été trouvée dans le grès vert supérieur
des environs de Maidstone,
3° FamiLEe.— TORTUES FLUVIALES, où POTAMITES.
(Trionychides.)
Ces tortues se distinguent facilement par leur corps très dé-
primé; leur carapace et leur plastron unis seulement par des car-
tilages et recouverts d’une peau molle qui ne laisse aucune impres-
sion scutale; et leurs pattes à cinq doigts, dont trois seulement
ont des ongles. Les pièces marginales de la carapace sont nulles ou
rudimentaires. Les espèces habitent de nos jours les grands fleu-
ves des pays chauds.
Leur antiquité à la surface de la terre paraît être assez grande.
(1) Leonh. und Br., Neues Jahrb., 1843, p. 699.
(2) Bibl. univ. de Genève, 1847, Archives, t. IV, p. 328.
(3) Palæont. Society, Reptilia, part. 3, p. 15, pl. 7.
456 REPTILES. —— CHÉLONIENS.
Toutefois il faut rayer de leur liste plusieurs espèces indiquées
comme trouvées dans les terrains secondaires (1).
M. Wagler les a divisées en deux genres mal caractérisés. Il
laisse le nom de TRrioNYx à une espèce connue seulement dans son
jeune âge et distinguée à cause de cela par la séparation des pièces
de la carapace, et donne celui de AsPibonECTESs à toutes les autres,
MM. Duméril et Bibron en forment deux sous-genres, les
CryPTorones, dont le plastron est assez développé en avant et en
arrière pour cacher les pattes, et les GYmNoropes, dont le plastron
est étroit, sans appendices et les pattes tout à fait libres.
Beaucoup d'espèces fossiles sont trop incomplétement connues
pour qu'on puisse les répartir entre ces deux genres. Nous n'ad-
mettrons donc que celui qui à été établi par Geoffroy et adopté par
Cuvier, c’est-à-dire celui des
Trionyx, Geoffr., — Atlas, pl. XXIT, fig. 5 et 6.
Ces chéloniens paraissent dater de l'époque du lias (?).
Un fémur, trouvé dans ce terrain à Linksfield, est rapporté par M. Owen (2)
au genre des trionyx. Il n’est identique avec celui d'aucune espèce vivante;
mais il s’en rapproche plus que des tortues des autres familles,
On a signalé des trionyx dans diverses localités des terrains
tertiaires.
Les suivants appartiennent probablement à l’époque éocène,
Le Trionyæ villatus, Pomel (3), a été trouvé dans les lignites du Sois-
sonnais (suessonien).
Les plâtrières de Paris en renferment des fragments nombreux, qui n'ont
toutefois pas encore suffi pour caractériser clairement une espèce. Elle a été
provisoirement nommée Trionyæ parisiensis (4).
(1) Ainsi les prétendus trionyx du nouveau grès rouge d'Angleterre ont
été reconnus par M. Agassiz n'être que des poissons. Il en est de même des
ossements trouvés, par M. Kutorga, à Dorpat, dans le grès bigarré. L’écusson
indiqué par M. Mantell dans le terrain wealdien, et rapporté à un trionyx,
appartient à un crocodilien. Les ossements du calcaire de Purbeck sont ceux
du Tretosternon punclalum dont j’ai parlé plus haut. Les fragments du mus-
chelkak de Lunéville appartiennent à des labyrinthodontes.
(2) Report Brit. ass., 1841, p. 168.
(3) Bibl. univ. de Genève, 1847, Archives, t. IV, p. 328.
(4 Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t, V, p. 601.
TORTUES FLUVIALES. 457
L'argile de Londres en contient aussi des ossements, ainsi que quelques
autres dépôts éocènes d'Angleterre,
MM. Owen et Bell (!) en décrivent plusieurs espèces. Ce sont le Trionyx
Henrici, Owen, du sable éocène de Hordwell-Clifr.
Le Trionyx Barbaræ, Owen, du même gisement, (Atlas, pl. XXIT, fig, 5).
Le Trionyx incrassatus, Owen, des formations éocènes de l’île de Wight,
Le Trionyx marginatus, Owen , d'Hordwell-Clifr.
Le Trionyx rivosus, Owen, du même gisement. (Atlas, pl. XXIL, fig. 6.)
Le Trionyæ planus, Owen, également d'Hordwell-Clifr.
Le Trionyx circumsulcatus, Owen, espèce connue par un petit nombre de
fragments.
Le Trionyx pustulatus, Owen, de Sheppy, également représenté par un
très petit nombre de pièces.
On devra probablement y ajouter une espèce encore indéterminée de
Bracklesham.
Cuvier indique un trionyx trouvé dans une mollasse de la Gironde
avec des palæotherium (probablement du terrain parisien supérieur). Cette
espèce atteignait la taille de la trionyx d'Égypte (2).
Quelques côtes, insuffisantes pour déterminer une espèce (3), ont été trou-
vées avec des lophiodon, aux environs de Castelnaudary (parisien inférieur).
Le Trionyx Maunoir, Bourdet (), est une espèce trouvée dans les plà-
trières d’Aix en Provence, clairement caractérisée par sa convexité transver-
sale, dont la flèche de l'arc est moindre du cinquième de la corde, par la
forme de la pièce impaire en avant de la première côte, et par les plaques
vertébrales un peu relevées en carène.
Quelques espèces ont été trouvées dans les terrains miocènes.
Cuvier (5) en indique une trouvée à Haute-Vigne (Lot-et-Garonne), avec
son Anthracotherium minimum (G. Chœromorus).
(1) Palæont. Society Reptilia of London clay, Cheloniens, p. 46, etc., pl.16
à 19.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 445; voyez aussi Fitz., Ann. Wien.
mus., t. 1; Giebel, Fâuna der Vorwelt, t. I, 2, p. 67; Trionyæ Laurillardi,
Gray, Syn. Rept.
(3) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 449; Giebel, Fauna der Vorw.,
t. 1, 2, p. 67, Trionyæ Dodunii, Gray, Syn. Rept.
() Bull. Soc. philomatique, 1821; et Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX
p. 442.
(5) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 448 : c’est la Trionyx Amansiü, Gray,
Syn. Rept.; Fitz., Ann. Wie». mus.; Giebel, Fauna der Vorwell, t.1, 2,
p. 67.
458 REPTILES. — CHÉLONIENS.
Le même auteur parle d’une espèce (1) trouvée à Avaray avec des dents
de dinotherium et de mastodontes.
M. Pomel (?) en cite une des terrains tertiaires du Bourbonnais.
Le Trionyx Partschii, Fitz (3) a été trouvé dans le calcaire de Leith.
Le Trionyx Gergensii (Aspidonectes Gergensii, H. de Meyer) (4), a été dé-
couvert dans le terrain tertiaire des environs de Mayence.
Les mollasses de la Suisse (canton de Vaud, d’Argovie, etc.) renferment des
débris de trionyx. Les fragments découverts jusqu’à présent n’ont pas permis
de caractériser des espèces (5).
On en cite aussi dans les dépôts pliocènes.
M. A. de Sismonda (6) a décrit et figuré une espèce des terrains supérieurs
du Piémont, qui paraît très voisine du Trionyx œægyptiacus vivant.
Les sables tertiaires de Montpellier en renferment aussi (7).
Les trionyx ont aussi vécu pendant l’époque quaternaire.
Le Trionyx Schlotheimii, Fitz. (8), provient du diluvium de Burgtonna en
Thuringe.
Enfin, hors d'Europe on en à trouvé dans les terrains subhi-
malayens et sur les bords de l'Irawadi en Birmanie (°).
%e Famizze. — TORTUES MARINES,
ou THALASSITES.
(Chélonées.)
Les tortues de mer se distinguent de toutes les autres par leurs
(!) Cuvier, id., t. IX, p. 450 : c’est la Trionyx Lockardi, Gray, Syn.:
Fitz., Ann. Wien. mus., t. 1; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 67.
(2) Bull. Soc. géol., 2° série, t. III, p. 372.
(3) Ann. Wien. mus., t.1; Neues Jarhb., 1846, p. 380; Giebel, Fauna
der Vorwelt, t. I, 2, p. 67.
(4) Neues Jahrb., 1844, p. 565.
(5) Voyez H. de Meyer, Neues Jahrb., 1837, p. 677; 1839, p. 5; 1843,
p009!
(6, Mém. Acad. de Turin, 2° série, t. I, p. 88 ; Giebel, Fauna der Vorwell,
tn °103
(7) Voyez de Christol, Ann. des sc. du Midi, mars 1832; Bull. Soc. géol.,
1833; Marcel de Serres, Ann. des sc. nat., 2° série, t. IX, p. 286.
(8) Ann. Wien. mus., t. 1; Schlotheim Petref., p. 35.
(9) Voyez Cautley et Falconer, Journ. Asiat. Soc. of Bengale, sept. 1835;
Ann. sc. nat., 2° série, t. IV, p. 60; Buckland, Trans. of the geol. Soc.,
2° série, t. 11, p. 379; Fitz., Ann. Wien. mus. (T. Clifti).
TORTUES MARINES. 459
pattes comprimées et étalées comme des rames, tellement qu'on
a peine à reconnaître les doigts sous les écailles qui les couvrent.
Les antérieures sont plus grandes que les postérieures. La cara-
pace est large, peu bombée et cordiforme. Les côtes libres, à leur
extrémité, s’articulent par des cartilages avec les pièces margina-
les. Le plastron est composé de pièces osseuses dentelées et pla-
_cées à distance. La tête est protégée en dessus par une sorte de
bouclier résultant de l’union et du prolongement des os supérieurs
du cräne.
Ces animaux vivent aujourd'hui dans les régions chaudes du
globe, quittant rarement la mer, sauf pour la ponte des œufs, et
s’éloignant quelquefois des côtes jusqu'à une distance de sept ou
huit cents lieues. Il y a donc, comme je l'ai dit plus haut, lieu de
s'étonner quand on voit leurs ossements réunis avec ceux des
émydes, des trionyx et mème des tortues terrestres. Il est pro-
bable que leur habitation n’a pas toujours été aussi tranchée qu'ac-
tuellement.
Les tortues de mer appartiennent presque toutes au genre des
CaéLonÉEs (Chelonia, Brong.), — Atlas, pl. XXIL fig. 7-9.
Elles ont été citées dans les terrains triasiques; mais les preuves
de leur existence à cette époque sont très douteuses.
Cuvier (1) cite un radius et un pubis qui rappellent ceux des chélonées et
qui correspondraient à une carapace de 8 pieds de longueur. Maïs ces débris
isolés ne peuvent pas donner une certitude, et il est même probable qu'ils
ont appartenu à d’autres reptiles. On n’a jamais trouvé aucun fragment de
carapace ou de plastron. Quelques auteurs cependant lui ont donné un nom.
C'est la Ch. Cuvieri, de M. Gray, et la Ch. Lunevillensis, de Keferstein;
M. H, de Meyer attribue ces os au genre NOTHOSAURUS.
On a pu démontrer d’une manière plus certaine leur existence
à la fin de l’époque jurassique.
M. Owen a décrit sous le nom de Chelone planiceps (?) une espèce du
portlandstone, qui diffère de toutes celles que l’on connaît par son crâne
tres large et déprimé, ses os préfrontaux, ses nasaux séparés, etc. Elle forme
(1) Ossem. foss., 4e édit., t. IX, p. 483.
(2) Report Brit. ass., 1841, p. 168; et Giebel, Fauna der Vorwell, t. I, ?,
D'i
160 REPTILES. — CHÉLONIENS.
par ces caractères une sorte de passage aux platemys, tout en présentant,
dans le bouclier supérieur de la tête, une preuve évidente qu’elle appartient
bien au genre des Chélonées.
Deux espèces ont été indiquées dans le terrain wealdien.
La Chelone obovata, Owen (1), a été trouvée dans le calcaire de Purbeck.
Elle se distingue facilement par sa carapace ovoïde, dont la plus grande lar-
geur est vers les cinquième et sixième côtes, de sorte que le petit bout est en
avant. Cette carapace a environ 10 pouces de long ; son ossification est plus
grande que dans la plupart des autres chélonées.
On trouve encore dans les terrains wealdiens supérieurs des ossements in-
déterminés de chélonées. M. Mantell (?) a figuré une carapace de 3 pieds
trouvée dans ja forêt de Tilgate,
On connaît aussi des chélonées des terrains crétacés.
Les grès verts inférieurs d'Angleterre renferment une espèce nommée par
M. Owen, Chelone pulchriceps (3), et caractérisée par une tête très déprimée,
longue d'environ 2 pouces. Cette tortue ressemble un peu à la Ch. planiceps,
mais en diffère par plusieurs détails, et en particulier par sa taille qui est
moitié plus petite.
La craie inférieure de Durham (Kent) a conservé les traces d'une tortue
décrite par M. Owen sous le nom de Chelone Benstedi (4). Elle est devenue,
sans motifs suffisants, le type du genre CImMoCHELYSs,
La Chelone Camperi, Owen (5) a été trouvée dans la craie supérieure d’An-
gleterre et paraît se rapporter à une des espèces décrites par Camper.
M. Owen (f) signale plusieurs débris indéterminés de chélonées provenant
de Tonbridge et de Maidstone.
La craie sablonneuse de la montagne de Maestricht contient. aussi de nom-
breux ossements de tortues; ils ont été décrits (7) d’abord par Faujas de
(*) Report, etc., p. 170; et Giebel, Fauna der Vorwelt, t.1, 2, p. 71.
(2) I. of the geol. of Sussex, p. 62, pl. 6, fig. 2; Ch. Mantelli, Fitz.,
Ann. Wien. mus.; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 71
() Rept. Brit. ass., 1841, p. 172; et Palæont. Soc., Rept., part. 3, p.8,
pl. 7 À, fig. 4-3; et Giebel, loc. cit.
(4) Report Brit. ass., 1841, p. 73; et Palæont. Soc., Rept., part. 3, p. 4,
pl. 1,2 et 3; Emys Benstedi, Mantell, Philos. trans., 1841.
($) Palæont. Soc., Rept., part. 3, p. 9, pl. 5; Camper? Phil. trans., 1786,
t. LXX VI.
(6) Palæont. Soc., id., p. 11
(?) Hist. nat. de la montagne de Saint-Pierre; Cuvier, Ossem. foss.,
4° édit., t. IX, p. 475; Chelonia cretacea, Kefcrst., Naturg., t. II, p. 253;
Ch. Ho aanE, Gray, Syn.; Fitz., Ann. Wien. mus.; Ch. Hoffmanni et Ch.
Faujasii, Giebel, Fauna der Voriwelt, t. 1, 2, p. 72,
TORTUES MARINES, 461
Saint-Fond, qui en figura des pièces détachées du plastron (pl. 15 et 16), sous
le nom de bois d'un quadrupède voisin de l'élan, et attribua les autres débris
à la véritable famille à laquelle ils appartiennent. Mais il pensa en même
temps qu’elles devaient former un genre nouveau, Cuvier en fit une meilleure
étude et démontra que ces fossiles sont de vraies chélonées,
Les chélonées ont été très abondantes à l’époque tertiaire et
se sont avancées bien plus au nord qu'aujourd'hui. On en a trouvé,
dans les seuls terrains éocènes d'Angleterre, autant d'espèces qu'on
en connaît de nos jours dans tout le globe. La taille de ces espèces
fossiles ne paraît pas avoir atteint celle des tortues qu’on trouve
dans nos mers actuelles.
M. Pomel (!) cite des chélonées dans le calcaire grossier de Cuise-la-Motte
(parisien inférieur).
Cuvier parle d’une espèce trouvée dans les schistes de Glaris, mais dans
un état de conservation trop imparfait pour permettre une détermination
exacte (2). Cette tortue, déjà figurée par Knorr, a été représentée de nouveau
par Andreæ et dans l'ouvrage de Cuvier. L'allongement de ses doigts prouve
que c’était une tortue de mer. Les schistes de Glaris rapportés d’abord à une
époque très ancienne, puis à la période crétacée par M. Agassiz, sont main-
tenant considérés comme appartenant au terrain nummulitique.
Les terrains éocènes d'Angleterre en renferment, comme nous l'avons dit,
de nombreuses espèces qui ont été décrites par M. Owen ($). Ce sont les
suivantes.
La Chelonia breviceps, Owen, ressemble aux vivantes par sa carapace ovoïde,
appointie en arrière. Elle était un peu plus grande que la Ch. planimentum,
et a été découverte dans l'argile de Sheppy. C'est l'Emys Parkinsonii, Gray
et Ja Ch. antiqua (?), Koenig. (Atlas, pl. XXII, fig. 9.)
La Chelonia longiceps, Owen, y paraît assez commune et se distingue
par l'allongement du crâne et le prolongement du rostre, qui rappellent
les trionyx, avec toutefois les formes essentielles des chélonées. Cette
espèce provient aussi de l’île de Sheppy. (Atlas, pl. XXII, fig. 8.)
La Chelonia latiscutata, Owen, est remarquable par ses écussons très
larges; mais il est possible que ce ne soit qu'un jeune âge de la Chelonia
longiceps.
(1) Bibl. univ. de Genève, 1847, Archives, t. IV, p. 328,
(2) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 484, et pl. 249, fig. 4; Knorr,
t. 1, pl. 34; Andreæ, Briefe, pl. 16. C’est la Chelonia glaricensis, Keferst.,
Natur., t. Il, p.253; la Ch. Knorrü, Gray, Syn., Fitz., Ann. Wien. mus.:
Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 71.
(3) Report Brit. ass., 1841; ct Palæont. Soc., Rept., part, 1, Chelonia,
pl. 1 à 15; Giebel, Fauna der Vorwelt, t, 1, 2, p. 73.
462 HEPTILES. —- CHÉLONIENS.
La Chelonia convexa, Owen, ressemble à la tortue franche , mais avec uné
carapace plus bombée que toutes les autres espèces connues, vivantes et
fossiles. Elle vient, comme les précédentes, de l’argile de Sheppy.
La Chelonia subcristala, Owen, qui est aussi de l'ile Sheppy, a, avec les
mêmes formes générales, des différences dans la forme des plaques et une
espèce de carène sur les 6°, 7° et 8° plaques vertébrales. ,
La Chelonia planimentum, Owen, a la symphyse de la mâchoire inférieure
longue et plate, le crâne haut et convexe, le museau ordinaire et les côtes
fortes, Cette espèce, longue de 12 pouces, a été trouvée sur la côte orien-
tale du comté d’Essex.
La Chelonia crassicostata, Owen, provient de l'argile d'Hardwich. C'est la
Testudo plana, de Koenig.
La Chelonia declivis, Owen, a été découverte dans les dépôts éocènes de
Bognor (Sussex).
La Chelonia trigoniceps, Owen, a été trouvée dans l’argile d'Hardwich.
La Chelonia cuneiceps, Owen, provient de l’île de Sheppy.
La Chelonia subcarinala, Bell, a été trouvée dans la même localité.
Quelques autres fragments indéterminés de l’argile d’Hardwich sont encore
indiqués par M. Owen.
Il a encore d’autres chélonées plus imparfaitement connues qui
ont été trouvées dans divers terrains plus récents.
M. Marcel de Serres (1) indique plusieurs espèces des terrains tertiaires
supérieurs de Montpellier.
Il faut ajouter la Chelonia radiata, Fischer (2), trouvée en Sibérie.
Je ne connais pas la Chelonia Wagleri, Fitzinger (3).
Les chélonées ont aussi été trouvées fossiles en Amérique. On
cite en particulier dans le terrain crétacé :
La Chelonia Couperi, Harlan (4).
Les SrPHarGis, Merrem
(Coriudo, Flem., Dermatochelys, Blainv.),
sont des chélonées dont la cuirasse est enveloppée d’une peau
(1) Ann. des sc. nat., 2° série, 1. IX, p. 286.
(2) Actes de Moscou , t. VIT.
(8) Ann. Wien. mus., t. I, p. 107.
(#) Sillim. Journ., 1842-43 , p. 141; Giebel, Fauna der Vorwell, t. I, 2,
p. 74:
TORTUES MARINES. 463
coriace, tuberculeuse chez les jeunes et lisse chez les adultes.
Elles n’ont jamais d’écailles.
On en connaît une espèce vivante, le Zatk, I est probable
qu'il faut rapporter au même genre des fragments considérés
d'abord comme étant des portions de la peau d’un coffre (Os-
tracion).
Ces débris ont été trouvés dans la mollasse bleue (miocène) de Vendargues
(Hérault), et désignés par M. Gervais (1), sous le nom de Sphargis pseudo-
stracion.
M. H. de Meyer rapproche des émydes deux genres qui nous
paraissent avoir plus de rapports avec les tortues de mer.
Les IniocHezys, H. de-Meyer, — Atlas, pl. XXIE, fig. 40,
sont remarquables par une perturbation complète dans les pièces
(osseuses) vertébrales dont les premières sont encore visibles,
mais sans se toucher l'une l’autre, et dont les dernières ont com-
plétement disparu, en sorte que les pièces costales sont directe-
ment en contact sur la ligne médiane. L'extrémité des côtes, qui
est libre et reçue dans des fossettes des pièces marginales où elles
étaient évidemment attachées par des cartilages, semble prou-
ver leur affinité avec les tortues marines. Le plastron n’est connu
que très imparfaitement ; il me semble tendre au même résultat,
car 1] est composé de pièces dentelées et séparées. On peut objec-
ter, il est vrai, la longueur de la queue, qui rappelle plutôt les
tortues d’eau douce; mais la brièveté des pieds que l’on a aussi
invoquée a peu d'importance, vu qu'on ne connaît que les posté-
rieurs qui ne sont jamais très allongés.
On en connaît deux espèces des schistes de Solenhofen.
L'I. Fitzingeri, H. de Meyer (2).
L'J. Wagneri, H. de Meyer (3), lui ressemble beaucoup.
(1) Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 48.
(2) Elle a été décrite et figurée dans les Beitr. zur Pelref. du comte de
Munster, t. 1, p. 59, pl. 7, fig. 1; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 61.
(8) Zd., t. UE, p. 41, pl. 8, fig. 1; Giebel, id.
464 REPTILES. — SAURIENS.
Les ApLax, Meyer,
ne sont connus que par un échantillon des schistes lithogra-
phiques de Kelheim, caractérisé par des côtes étroites, non soudées
ensemble, formant une carapace plus incomplète que dans aucun
autre chélonien. M. H. de Meyer ne pense pas que cette circon-
stance soit due au jeune âge.
L'espèce connue, qui est la plus petite de tous les chéloniens, a été nom-
mée À. Oberndorferi, H, de Meyer (1).
2° ORDRE.
SAURIENS.
Les sauriens se distinguent des chéleniens par
l'absence de carapace; des ophidiens, parce qu'ils ont
ordinairement quatre membres, des paupières mobiles
et des mâchoires fixes; et des batraciens par leur peau
écailleuse et par l'absence des métamorphoses. Ils n’ont
ni les ailes des ptérodactyles, ni les nageoires des
énalio-sauriens, ni les doubles condyles occipitaux et
les dents à issu compliqué des labyrinthodontes.
Ils forment dans le monde actuel l'ordre le plus
essentiel des reptiles, et sont aujourd'hui nombreux
en genres et en espèces. Îls ont apparu vers le milieu
de l’époque primaire; ont pris un très grand dévelop-
pement dans la partie jurassique de l'époque secondaire,
et ont eu alors des formes remarquables, une taille
souvent gigantesque et un développement numérique
considérable. Avec l’époque tertiaire ils sont rentrés
dans des bornes plus restreintes, et par leurs dimensions
moindres ils ne représentent plus une partie aussi im-
portante de la population animale du globe.
(t) Neues Jahrb,, 1843, p. 585 ; Giebel, Fauna der Vorwell, 1. 1, 2, p. 75.
REPTILES. —— SAURIENS. 465
Jde n'ai pas pu adopter ici la classification que l'on
suit généralement pour l'étude des sauriens vivants.
Elle tire le plus souvent ses caractères essentiels de la
formede la lançue et surtoutde la dispositiondes écailles,
et ne se lie que très indirectement avec la forme du
squelette. Par exemple, les iguaniens, les lacertiens, les
scincoïdiens et les chalcidiens, qui sont faciles à dis-
tinguer par leurs tésuments et par leurs caractères
extérieurs, ne peuvent presque pas l'être par l'étude
de leurs os. Il m'a paru convenable de simplifier la
méthode pour la plier à l’état actuel de la paléontologie
des reptiles; et, à l’exemple des anciens erpétolopistes
allemands, Oppel et Merrem, et autorisé par celui plus
récent de M. de Blainville, je ne partage les sauriens
vivants qu’en deux familles, en distinguant les croco-
diles ou sauriens cuirassés, et les sauriens squameux
ou lacertiformes. À ces deux divisions je suis obligé
pour quelques reptiles fossiles, dont les formes au-
jourd’hui perdues ne rentrent pas dans nos classifi-
cations modernes, d’en ajouter une, celle des dinosau-
riens.
Les trois familles qui composent ainsi cet ordre sont
distinguées comme suit.
Les DiNosauRIENS sont caractérisés par leurs os longs,
qui ont à l'intérieur une cavité médullaire comme
les mammifères; par des pieds courts, presque sembla-
bles, sauf dans les phalanges unguéales, à ceux des pa-
chydermes; par un sacrum composé de plusieurs ver-
tèbres ankylosées (au moins cinq), et par une mâchoire
inférieure qui, dans quelques uns au moins, est sus-
ceptible d’un mouvement horizontal pour la trituration.
Les CroconiLiens ont le corps protégé par des plaques
osseuses; une bouche grande, armée de dents coniques,
1 30
166 REPTILES. —— SAURIENS.
implantées dans des alvéoles; des doigts grèles, pal-
més, et le sacrum composé en général de deux vertè-
bres.
Les LacErRTIFORMES ont des écailles cornées , une
bouche plus courte, des dents rarement implantées dans
des alvéoles, des doigts srêles, et aussi un sacrum à
vertèbres peu nombreuses.
Are Fame. — DINOSAURIENS.
Ces reptiles, qui ne se retrouvent plus dans la création actuelle,
sont remarquables par leur taille gigantesque, aussi bien que par
leurs caractères qui présentent des transitions aux mammifères.
Ils rappellent les animaux de cette classe par leurs membres
très développés. Leurs os longs, grands ét forts, à apophyses puis-
santes, sont pourvus d’un canal médullaire très marqué. Leurs
pieds sont courts et ressemblent à ceux des pachydermes pesants.
Leurs côtes s’attachent au tronc par une double articulation; et
les lames tectrices des vertèbres sont très développées. Enfin ils
ont dans leur sacrum un caractère remarquable, car cet os est
formé de cinq vertèbres soudées, ce qui est fréquent dans les
mammifères, mais qui n'existe dans aucun reptile. Dans tous les
autres animaux de cette classe, vivants et fossiles, le sacrum
n'est jamais composé que d’une ou de deux vertèbres.
Les dinosauriens semblent se rapprocher, au contraire, par
leurs dents, des dernières familles des sauriens. Ces organes, com-
primés et dentelés, ont dans la nature vivante leurs analogues
chez les iguaniens et les lacertiens. La forme des os de l'épaule
et plusieurs détails du squelette rappellent les scinques et divers
genres très éloignés des crocodiliens.
La découverte et la reconstitution de ces reptiles peuvent être
considérées comme un des résultats remarquables de la paléontolo-
gie. Tandis que nous voyons aujourd'hui les iguanes et les monitors,
qui sont les plus grands reptiles terrestres connus, arriver à peine
à la taille de 5 ou 6 pieds; les débris fossiles nous prouvent
que le mégalosaure a dû avoir 30 à 40 pieds de longueur, l'igua-
nodon 60, et le pélorosaure 70. Leur anatomie démontre qu'ils
DINOSAURIENS. —— MEGALOSAURUS. 467
ont dû vivre sur la terre, ce qui rend ces gigantesques proportions
encore plus étonnantes.
Les dinosauriens n’ont vécu que pendant la période secondaire.
Leur existence dans l’époque triasique est peu certaine; leurs
ossements ont été trouvés dans divers gisements jurassiques et
deviennent surtout abondants dans les terrains wealdiens. Un seul
genre (liguanodon) paraît avoir vécu jusqu’à l’époque néocomienne.
J'ai dit que ces reptiles avaient dù être terrestres. On en
trouve la preuve dans la forme et la nature de leurs o$ pourvus
d'un canal médullaire, et surtout dans la brièveté de leurs pieds
tout à fait impropres à la natation. Leurs dents indiquent des
différences dans leurs habitudes, car tandis que le mégalosaure
était un puissant carnassier, il est probable que le gigantesque
iguanodon ne se nourrissait que de végétaux.
Parmi les genres qui composent cette famille, trois seulement
sont connus d'une manière un peu complète. Le premier est
celui ds
MecaLosaurus, Buckl., — Atlas, pl. XXII, fig. 4-5,
qui présente dans son squelette les caractères généraux de la fa-
mille et qui se distingue facilement par sa dentition. M. Buckland
a figuré une portion de la mâchoire inférieure (voy. pl. XXII,
fig. 4), qui montre que la tête se terminait probablement en avant
par un museau droit, mince et comprimé latéralement. Les dents
à leur naissance (fig. 4 et 2) sont droites, comprimées, dentées
en scie sur leurs bords et en forme de pointe de sabre; à mesure
quelles croissent, elles prennent une courbure en arrière, qui
leur donne la forme d’une serpette, et l'émail dentelé se continue
le long dé l’arète postérieure ou tranchante de la dent, tandis
que du côté opposé il ne descend qu’à une petite distance du
sommet. Ces dents sont donc, comme celles de plusieurs reptiles
et poissons, disposées de manière que la proie une fois saisie
ne puisse plus s'échapper. L'extrémité pointue se fixait dans
les chairs, et le côté postérieur tranchant y faisait de profondes
déchirures.
Le bord externe de la mâchoire est plus haut que le bord in-
terne, et ces deux côtés sont réunis par des cloisons qui forment
de larges alvéoles dans lesquels on voit des dents de remplace-
168 REPTILES. —- SAURIENS.
ment placées en réserve. Cette disposition est intermédiaire entre
l'organisation des crocodiles et celle des lézards. Les premiers ont
des alvéoles dentaires, mais le bord externe de la mâchoire ne
dépasse pas l’interne. Les lézards présentent au contraire cette
inégalité, mais n'ont pas d’alvéoles.
Les corps des vertèbres ont une surface articulaire plane ou
légèrement concave, la partie annulaire est remarquablement polie
et jointe au corps par une suture flexueuse. La tête des côtes est
portée par un col long et comprimé. Le coracoïdien (pl. XXII,
fig. 3) est très grand et rappelle celui des varans. Le fémur
(pl. XXI, fig. 5) a une tête dirigée en avant et un trochanter
saillant; il a une double courbure et est intermédiaire entre celui
des crocodiles et celui des varans.
On a trouvé des ossements de mégalosaures dans divers ter-
rains. Il sont surtout fréquents dans les schistes de Stonesfield
(grande oolithe); on en trouve aussi dans le calcaire de
Caen et dans les trois étages du terrain wealdien : le calcaire de
Purbeck, les sables d'Hastings et le wealdien proprement dit. Je
ne crois pas que l’on doive rapporter à la même espèce les débris
trouvés dans toutes ces localités.
La seule qui ait été admise par les géologues anglais, est le Megalosaurus
Bucklandi, Cuvier (1). M. Owen estime sa taille à 30 pieds. Quelques frag-
ments semblent même indiquer que certains individus Ja dépassaient. Si l’on
reconnaît l'existence de plusieurs espèces dans ce genre, ce nom doit rester
à celle de Stonesfield, car c’est dans ce gisement que M. Buckland a décou-
vert les os qui ont servi à la première description. Quelques autres fragments
ont été trouvés dans l’oolithe de Bath (Somersetshire).
M. Caumont (2?) indique une dent de megalosaurus dans le calcaire de
Caen (Normandie).
M. Bertrand Geslin en a trouvé une vertèbre dans l’oolithe moyenne du
canal de Bellecroix, près la Rochelle.
On en cite aussi plusieurs fragments des environs de Besançon, de So-
leure, etc.
M. Manteill en a découvert de nombreux ossements dans la formation weal-
dienne (3). M. Owen les assimile au M. Bucklandi.
Le Jura blanc de Schnaitheim (Kimméridgien ?) renferme des débris d’os-
(!) Buckl., Trans. of the geol. Soc. , 2° série, 1; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit,
t. X, p. 185.
(2) Mém. Soc. linn. de Normandie, t. IV, p. 207, pl. 8.
(8) Voy. Mantell, Geol. of Sussex, p. 67, pl. 9, fig. 18 et 19; Owen, Report
Brit. ass., 4841, p. 103, etc.
DINOSAURIENS. — HYLÆOSAURUS. 469
sements et des dents que M. Quenstedt (1) rapporte aux megalosaurus. Ils
indiquent peut-être l’existence de plusieurs espèces ; l’une d’elles aurait sur-
passé par sa taille celles d'Angleterre. Ce géologue rapporte au même genre
des dents qui ont été décrites par M. H. de Meyer sous le nom de BrACHYTÆ-
NIUS (B. perennis) (?), du Jura supérieur de Aalen, et qui se retrouvent à
Schnaitheim. Le Geosaurus maæximus, Plieninger (#), du Jura supérieur
d'Ulm, n’est probablement aussi qu'un mégalosaure (#).
Le second genre est celui des
HyLÆosaurus, Mantell, — Atlas, pl. XXII, fig. 6-11,
qui à été trouvé dans la forêt de Tilgate (terrain wealdien). 11 pré-
sente dans son squelette quelques caractères spéciaux. Les corps
des vertèbres sont subbiconcaves, plus courts que dans les deux
autres genres ; les lames tectrices sont très développées et ont de
grandes apophyses; les transverses en particulier se dirigent con-
tre l'enveloppe extérieure et contribuent à la soutenir comme chez
les tatous. Ces vertèbres vont en augmentant à mesure qu’elles
s’'approchent du bassin. L’omoplate est longue et étroite, et los
coracoïdien est plus simple que dans les mégalosaures (pl. XXII,
fig. 6). Ces deux os ressemblent surtout à ceux des scinques et
des caméléons et s’éloignent assez du type des crocodiles et des
varans.
La peau était recouverte par des écussons elliptiques ou cireu-
laires, sans imbrication (pl. XXIIT, fig. 10). Le sommet des plus
petits porte un tubercule qui s’efface dans les grands. Une des par-
ties qui ont le plus embarrassé les anatomistes, ce sont de grandes
plaques, longues de 17, 14 et 11 pouces, aplaties, triangulaires
et pointues (pl. XXHIT, fig. 9). M. Mantell (5) les compare aux
écailles dorsales qui forment une crête dans beaucoup d'iguaniens.
M. Owen doute si l’on ne doit pas les regarder comme des côtes
abdominales.
(!) Floetzgebirge Wurt., p. 493; et Handb. der Petref., p. 112.
(2) Munster, Beitr., t. V, pl. 8, fig. 2.
(3) Jahreshefle, 1849, t. I, p. 7.
(4 Voyez encore pour ce genre : Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 80;
Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. jur., p. 497; Laurillard, Dict. de d'Orbigny,
LV D: 94
(5) Voyez un mémoire spécial sur ces épines, Philos. trans., 1850, 2€ part.,
p.391, pl. 27.
470 REPTILES. — SAURIENS.
Il est probable que l’on doit rapporter à l'hylæosaurus des dents
trouvées dans le même gisement et qui ne peuvent pas apparte-
tenir àdes crocodiliens. Ces dents (pl. XXITE, fig. 11) ont desbords
épais et plats, non dentés, et une base subcylindrique qui s’élar-
git en une épaule angulaire obtuse ; elles sont obscurément striées
longitudinalement. Elles sont portées par une mâchoire inférieure
courbée en bas à un degré inusité, et placées dans des alvéoles
peu profonds, régulièrement divisés, presque complets. Dans
l'origine, M. Mantell, doutant qu'elles appartinssent aux hylæosau-
rus, les avait attribuées au genre CyLiNpricopon de Jaeger.
On n’en connaît qu’une seule espèce, l'Hylæosaurus armatus, Mantell, qui
atteignait probablement une longueur de 35 pieds, et qui a été trouvée, comme
nous l'avons dit, dans la formation wealdienne de Tilgate, de Bolney et de .
Battle (1).
Le troisième genre, celui des
IGUANODON, Mantell
(Iquanosaurus , Conyvh.; Therosaurus, Fitz.; Hikanodon, Kefers-
tein), — Atlas, pl. XXIV, fig. 1-45,
n’est pas moins remarquable que les précédents et les dépasse
par sa taille. Ses dents présentent un caractère tout à fait spécial ;
elles s’usent par Ja mastication en une surface plane, tandis que
dans tous les autres reptiles ces organes conservent leurs formes
primitives et ne servent ordinairement qu'à retenir la proie et
non à la triturer. Ces dents (pl. XXIV, fig. 1-8) ont une surface
externe plate, couverte d'émail et ornée de trois carènes mousses
longitudinales. Leur diamètre transversal ou leur épaisseur est
un peu moins forte que leur largeur, et leur coupe horizontale
forme un triangle dont l'angle le plus obtus est dirigé en dedans.
Leur couronne a des bords tranchants, fortement dentelés, qui rap-
(1) Voyez Mantell, Geol. of south-east of England, p. 316, pl. 1, 5 et6;
Medals of creal., t. 1, p. 704 et 734, fig. 1-4; et Philosoph. trans., 1841,
p. 141, pl. 10 ; Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 503; Giebel, Fauna der
Vorwelt, t. [, 2, p. 82; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 115, pl. 8,
fig. 2; Laurillard, Dict. de d'Orbigny, t. V, p. 34; Owen, Report Brit.
ass., 1841, p. 111, etc,
DINOSAURIENS. — IGUANODON. 471
pellent un peu l’organisation des dents des iguanes vivants. La
mastication use inégalement cette couronne; la face externe étant,
comme nous l'avons dit, couverte d'émail, se conserve plus
longtemps, en sorte que la surface triturante forme un triangle
oblique.
La mâchoire inférieure (pl. XXIV, fig. 1 et 2), s'amincit en avant
etse termine en un processus horizontal, qui rappelle un peu les
formes de quelques édentés (Mylodon, etc.) Les dents sont logées
dans un sillon dont le parapet extérieur est très grand ; elles ne
sont pas soudées au bord, comme on l'avait cru une fois, mais bien
libres comme dans les mégalosaures ; les alvéoles paraissent man-
quer de cloisons de séparation. Les dents n'existent pas dans la
partie antérieure de la mâchoire.
Ces faits ont été observés pour la première fois par M. le doc-
teur Mantell (!). Ce savant paléontologiste a même pu reconnaître,
d'après quelques fragments, le mode de développement des dents ;
la couronne se formait la première etse complétait comme dans les
mammifères avant que commençât la sécrétion de la racine.
Il à montré aussi que l'existence d’une véritable mastication
chez l'iguanodon devait entraîner dans la tête et dans les mâchoires
des modifications importantes au type des reptiles. L’articulation
glénoïde devait permettre un mouvement horizontal de la mâchoire
inférieure et les trous par lesquels sortent les nerfs de la face prou-
vent par leur grandeur que l'animal a dû être muni de joues et de
lèvres bien plus charnues et plus développées que les crocodiles
ou les lézards actuels.
La tête de ce gigantesque reptile n'est du reste connue que par
des fragments imparfaits. M. Mantell lui attribue un os conique
qui devait, suivant lui, former une corne nasale analogue à celles
qui se trouvent sur le front de l’/guana cornuta.
Le squelette est remarquable par la force et la grandeur des os
qui le composent. Il est connu principalement par une grande
plaque, qui fait maintenant partie de la collection du Zritish
Museum et qui a été possédée et étudiée d’abord par M. Man-
tell.
(1) Voyez Mantell, Phil. mag., 1824; Geol. of Sussex, p. 67, pl. 4, 11,
12, 44, etc.; Geol. of south-east Engl., p. 268, 308; Wonders of geology.
t. 1, p. 427; Phil. trans., 1841, part. 2, p. 131, pl. 6, 7, S et 9.
472 REPTILES. —- SAURIENS.
M. Owen (1) vient de la figurer et de la décrire de nouveau. Les
vertèbres ont des corps courts, cunéiformes, à faces articulaires,
planes ou subconcaves; l’are neural (lames tectrices) est solidement
soudé au corps; les apophyses transverses sont robustes et les apo-
physes épineuses très grandes. Dans la région coccygienne on re-
marque des apophyses verticales inférieures très développées (arc
hæmal, osen V) (pl. XXIV, fig. 9 et 10).
La clavicule (pl. XXIV, fig. 41) est l'os le plus long du corps
(37 pouces anglais) et a une forme tout à fait particulière , elle
est amincie au milieu et étalée à son extrémité interne. L’humérus
n'a que 19 pouces (pl. XXIV, fig. 12), et est par conséquent très
court relativement au fémur.
Le sacrum est composé de six vertèbres soudées.
Le fémur (pl. XXIV, fig. 13), long de 33 pouces anglais, est plus
droit que dans le megalosaurus ; 1l à une tête arrondie et bien dé-
tachée et un fort trochanter médian. Le tibia est presque aussi
long que lui (31 pouces), le péroné est assez considérable. Les
métatarsiens sont très gros et longs; les phalanges des doigts
courtes et grosses (pl. XXIV, fig. 14 et 15); les pénultièmes sont
presque cuboïdes, et les dernières, plus amincies et déprimées, pré-
sentent sur leur face supérieure la trace d'insertion d’un ongle
probablement aplati. Ces dimensions comparatives des os de
l'iguanodon montrent qu'il a été haut sur jambes, le membre pos-
térieur étant sensiblement plus long que l’antérieur, et que’'ses
pieds ont été courts el robustes. Quelques auteurs (?) estiment
même qu'ils égalaient huit fois en volume ceux de l’éléphant.
Les iguanodons ont dù être des animaux herbivores et terres-
tres. On les a trouvés dans les terrains wealdiens et crétacés. Tous
les fragments ont été jusqu'à présent rapportés à la même espèce;
mais on n’a peut-être pas encore eu des pièces suffisantes pour
que cette assimilation fût incontestable.
M. Mantell estime que l’iguanodon du terrain Wealdien (3) (/guanodon
Mantelli, H. de Meyer) atteignait la taille de plus de 60 pieds, avec une cir-
conférence de 14 pieds 1/2. M. Owen ne lui donne que 9 mètres de lon-
gueur.
(!) Palæontogr. Soc., Foss. repl., part. 3, Cretac. form., p.105, pl. 33
et 34.
(2) Laurillard, Dict. de d'Orbigny, t. V, p. 35.
3) Voyez, outre les ouvrages précités de M. Mantell, Bronn, Lethæa, pl, 34;
DINOSAURIENS. —— PELOROSAURUS. 473
La portion considérable de squelette dont nous avons parlé ci-dessus (1)
a été trouvée dans des carrières de Kentish-Rag, près de Maidstone (grès
vert inférieur appartenant à la formation néocomienne). M. Mantell fait re-
marquer que les phalanges unguéales ne sont pas les mêmes que celles de
l’iguanodon des terrains wealdiens.
Les PELOoROSAURUS, Mantell, — Atlas, pl. XXIV, fig. 16-18,
sont encore incomplétement connus. M. Mantell a établi ce
genre sur quelques ossements qui font partie de sa riche collection
et qui proviennent aussi des terrains wealdiens ; il le caractérise
principalement d’après l'examen d’un humérus et de quelques
vertèbres caudales.
L'humérus (pl. XXIV, fig. 18) rappelle celui des iguanodon,
mais a des formes et des proportions un peu différentes. Il a une
longueur de 4 pieds anglais, ce qui semblerait indiquer un rep-
tile de plus de 80 pieds (!), si on le comparait avec celui du cro-
codile; mais les membres étant plus longs dans les dinosauriens,
cette estimation est probablement exagérée. Il est plus droit que
celui de l’iguanodon et beaucoup moins élargi à ses extrémités
que celui de l’hylæosaurus.
Les vertèbres (pl. XXIV, fig. 16) qui ont été trouvées avec cet os
ont été rapportées d'abord aux iguanodon, puis par M. Owen au
genre CeriosauRus. Elles ont des corps subquadrangulaires et leur
diamètre antéro-postérieur est très court; elles sont concaves en
avant et plates en arrière, les arcs neuraux (lames tectrices) sont
solidement soudés au corps, les apophyses articulaires antérieures
sont allongées en avant, les arcs hæmaux (os en V) existaient au
moins dans quelques unes d’entre elles (pl. XXIV, fig. 17). M. Man-
tell à en particulier figuré une vertèbre caudale dans laquelle cet
os en V est soudé avec le corps comme dans les poissons et dans
le mosasaure.
Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 199; Buckland, Geol. et min., Traité
Bridgewater, t. 1, p.210; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 86; Owen
Ondontogr., p. 229; Report Brit. ass., 1841, p. 120; Quenstedt, Handb. !
p. 113; etc.
(!) Voyez Owen, Pal. Soc., loc. cit.; Mantell, Ann. sc. nat., 2° série, t, IL,
p. 63.
474 REPTILES. — SAURIENS.
Le Pelorosaurus Conybeari, Mantell (1), auquel on doit probablement
réunir le Cetiosaurus brevis, Owen (2), a été trouvé dans le terrain wealdien
de la forêt de Tilgate.
M. Mantell ajoute dans le même mémoire que quelques ossements des
couches oolithiques de l’Oxfordshire devront peut-être être rapportés au
même genre.
Quelques auteurs associent à cette famille deux genres encore
très incomplétement connus (3).
Les Recnosaurus, Mantell (4),
ne sont connus que par une petite mächoire (longue de 3 pouces
anglais), remarquable par les irrégularités de sa surface extérieure
et parce qu'elle se courbe en bas d’une manière extraordinaire.
Les dents étaient reçues dans des cavités profondes et cylin-
driques, séparées par des cloisons régulières comme dans les véri-
tables thécodontes. Cette mâchoire n’a pas encore été figurée.
Le Regnosaurus Northamptoni, Mantell, a été trouvé dans la formation
wealdienne (5).
Les PLarsosaurus, H. de Meyer,
s'ils appartiennent réellement à cette famille, Jui assigneraient
une existence bien plus ancienne que les genres précédents; mais
ils ne sont connus que d’une manière très imparfaite. Des ver-
tèbres et des os des membres trouvés dans les terrains triasiques
sont les seuls fragments que l’on en connaisse. Ils paraissent par
leur grosseur, leur pesanteur et leurs cavités internes, se rappro-
cher des ossements analogues des megalosaurus et des iguanodon.
(1) Mantell, On the pelorosaurus, Phil. trans., 1850, part. 2, p. 379,
pl. 21-26 ; voyez encore Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. jur., p. 508.
(2) Report Brit. ass., 1841, p. 94.
(3) Il faudra probablement ajouter le genre HerErosAuRuS, Cornuel, Bull.
Soc. géol., 2° série, t. VII, p. 702, qui a de grands os des membres, creux
à l'intérieur. Il paraît qu’on doit lui attribuer des dents coniques, longues de
plus de 73 millimètres, lisses et seulement un peu striées à la base, qui le
distingueraient de tous les dinosauriens connus. LH. neocomiensis, Cornuel,
a été trouvé à Vassy (Haute-Marne), dans le terrain néocomien inférieur.
(4) Ann. et mag. of nat. history, 2° série, 1848, t. II, p. 51.
(5) Voyez aussi Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 509.
CROCODILIENS. 475
Le Plateosaurus Engelhardti, H. de Meyer (1), est la seule espèce connue
et provient des grès supérieurs du keuper des environs de Nuremberg.
2° Famizze. — CROCODILIENS, ou SAURIENS
CUIRASSES.
(Emydo-Sauri, Blainv.)
Ces reptiles sont caractérisés par des plaques osseuses qui re-
couvrent le dos et une partie des flancs; par un crâne très allongé
et puissant, fort rugueux, et qui n'est recouvert que par de la
peau; par des dents nombreuses, grosses, coniques, en rang
simple, implantées par une véritable gomphose ; par leurs narines
ouvertes à l'extrémité du museau et dans l’arrière-gorge; et par
leur mâchoire inférieure très longue, articulée en arrière de l’oc-
cipital, sur des os carrés soudés au crane.
A ces caractères tirés des parties dures, qui sont les seules
qu'on peut vérifier sur les fossiles, on peut en ajouter plusieurs
pris dans les organes plus importants. Ce sont en particulier les
seuls reptiles où le cœur ait encore quatre loges; le mélange des
sangs est principalement dû à la persistance du canal artériel,
c'est-à-dire à une communication entre l'artère pulmonaire et
l'aorte, par laquelle une partie du sang veineux est versé dans
le système artériel.
Dans le monde actuel, les crocodiliens forment un groupe très
naturel, composé seulement des crocodiles, des gavials et des
caïmans. Les fossiles ont des formes beaucoup plus variées, et
les animaux de cette famille qui ont vécu dans des époques an-
ciennes, tout en conservant les caractères essentiels des crocodiles
modernes, en diffèrent par des modifications d'organes d'une
haute importance.
Parmi ces différences, une des plus remarquables est la forme
des vertèbres. Dans les crocodiliens actuels. les vertèbres cervi-
cales à partir de la troisième, et celles du dos et des lombes, ont
leurs corps concaves en avant, et convexes en arrière. On re-
trouve le même caractère dans les crocodiliens des terrains ter-
tiaires; mais parmi ceux des époques antérieures on observe deux
modifications singulières. Quelques uns ont les corps de leurs
(1) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1837, p. 316; et 1839, p. 77. Voyez
aussi Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. trias., p. 110.
476 REPTILES. — SAURIENS.
vertebres terminés aux deux extrémités par une surface plane ou
un peu concave, rappelant sous ce point de vue l’organisation des
poissons. D’autres ont l'articulation antérieure convexe et la pos-
térieure concave, c'est-à-dire en quelque sorte que la vertèbre
chez eux occupe une position inverse de celle qu’elle a chez les
crocodiles modernes. Ces circonstances peuvent servir à les subdi-
viser en trois tribus.
Les crocodiliens ont apparu avec l’époque jurassique (1). On en
trouve de nombreux débris dans le lias, ainsi que dans les étages
suivants, et en particulier dans les terrains oxfordiens, coralliens
et wealdiens. Ils ont été pendant cette époque plus nombreux en
espèces et plus variés en formes que dans aucune autre. Ils pa-
raissent avoir diminué pendant les périodes crétacée et tertiaire;
et leurs formes se sont peu à peu rapprochées des types qui vivent
de nos jours.
1re Trisu. — CROCODILIENS A VERTÈBRES CONCAVO-
CONVEXES
(Procæli, Owen),
c'est-à-dire à vertèbres qui ont des corps concaves en avant et
convexes en arrière. Le genre principal est celui des
CroconiLes (Crocodilus, Brong.), — Atlas, pl. XXV, fig. 1 et 2,
qui contient toutes les espèces vivantes de la famille des crocodi-
liens, et qui se subdivise en trois sous-genres :
Les CROCODILES proprement dits (Champsè, Merrem), à museau
médiocre, formant avec la tête un triangle isocèle, la quatrième
paire des dents inférieures passant dans une échancrure de la mà-
choire supérieure. (Atlas, pl. XXV, fig. 1.)
Les Caïmans {Alligator, Cuv., Champsa, Wagler), à museau
médiocre ou court, large, la quatrième paire des dents inférieures
étant reçue dans des fossettes de la mâchoire supérieure. (Atlas
pl. XXV, fig. 2.)
Les Gaviars (Gavialis où Longirostris, Cuv.; Leptorhynchus,
Clift), à museau rétréci, cylindrique, extrêmement allongé, les pre-
(1) A moins qu'il n’y ait de véritables crocodiliens parmi les reptiles des
terrains triasiques que nous avons provisoirement placés avec les genres dont
les affinités sont douteuses.
CROCODILIENS. — CROCODILES. 471
miere et quatrième paires des dents inférieures passant dans des
échancrures de la mâchoire supérieure.
Ces reptiles ne paraissent pas avoir existé en Europe avant la
fin de l’époque secondaire; il est probable qu'il faut rapporter aux
genres suivants les nombreuses citations qui semblent indiquer
qu'on en a trouvé des ossements dans les terrains jurassiques et
crétacés proprement dits (‘). Quelques fragments semblent seule-
ment, comme nous le dirons plus bas, faire remonter leur appari-
tion jusqu'aux dépôts les plus récents de l'époque crétacée que
l'on a désignés sous le nom de terrain danien, époque encore im-
parfaitement déterminée et qui est intermédiaire entre la craie
blanche et les terrains tertiaires anciens.
Les crocodiles se trouvent en général dans les dépôts d'eau
douce, et dans ceux qu'on peut supposer avoir été formés près
des embouchures des fleuves; d’où lon peut conclure que les
mœurs de ce genre étaient, pendant l'époque tertiaire, les mêmes
qu'aujourd'hui. On doit seulement remarquer qu'ils s'étendaient
plus au nord qu’actuellement, car on en a trouvé des débris en An-
gleterre et dans les parties tempérées de la France.
L'espèce la plus ancienne parmi celles d'Europe, en ne tenant
pas compte de la dent de Meudon {?), appartient, avons-nous dit, au
terrain danien.
C’est le Crocodilus isorhynchus, Pomel (3), intermédiaire entre les croco-
diles proprement dits et les gavials; mais plus voisin de ces derniers, Il a
été trouvé au Mont-Aimé, près de Vertus, à quelques lieues de Sézanne
(Marne).
Quelques espèces paraissent appartenir à la faune nummuli-
tique, ou suessonienne.
Cuvier (#) cite un humérus et des dents trouvés dans les lignites et l'argile
({) Le crocodile de Meudon, s’il est véritablement un crocodile, aurait bien
vécu dans l’époque secondaire, car il a été trouvé dans la craie. Mais cet
animal n’est connu que par une seule dent (Cuv., Ossem. foss., 4° édit.,
t. IX, p. 320), et l’on ne peut pas, sur un si faible indice , décider de ses
véritables affinités génériques.
(2) Malgré le peu de certitude de cette espèce, M. Gray lui a donné un
nom (C. Brongniarli, Gray, Syn. rept., p. 60).
(3) Bibl. univ. de Genève, 1847, Archives, t. V, p. 303.
(4) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 324.
478 REPTILES. — SAURIENS.
plastique d'Auteuil, près Paris. M. Giebel (1) en a fait le Crocodilus indetér-
minatus, et M. Gray (2), le C. Becquereli. À
Cuvier($) rapporte à la même époque (?) les débris d’une espèce très voisine
découverte dans les lignites de la Provence : c’est le C. Blavieri, Gray.
M. Pomel (f) indique dans l'argile plastique de Meudon {avec le Coryphodon
eocænus) une espèce sous le nom de Crocodilus cælorhinus. M. Gervais ($)
le réunit au Crocodilus depressifrons, Blainv., découvert à Noyon par
M. Graves.
L'étage parisien inférieur, ou calcaire grossier, en contient
aussi.
Cuvier en indique quelques uns qui sont encore imparfaitement indéter-
minés.
Les ossements d’une espèce provenant des marnières d’Argenton (5) mon-
trent que des crocodiles ont vécu à la même époque que les lophiodon. Leurs
dents étaient plus comprimées que celles des crocodiles vivants, et dentelées
sur leurs bords; leurs ongles ont dû être plus courts et plus plats (C. com-
munis, Giebel, C. Rallinali, Gray).
Les graviers de Castelnaudary (7) en renferment aussi des débris mêlés
avec ceux des lophiodon (C. Dodunii, Gray).
Quelques dents trouvées dans un calcaire marneux d’eau douce, près de
Blaye ($), me paraissent incertaines soit quant à la détermination spécifique,
soit quant à l’âge du terrain qui les renferme.
Il en est de même de quelques débris trouvés près du Mans (?).
L’argile de Londres, qui, comme nous l'avons dit ailleurs, est probable-
ment contemporaine du calcaire grossier, renferme de beaux fragments de
crocodiles.
M. Owen (10) décrit les espèces suivantes :
Le Crocodilus toliapicus, Owen (11), à museau aminci vers l’extrémité, rap-
(1) Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 121.
(2) Synops. rept., p. 61.
(5) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 326.
(*) Bibl. univ., loc. cit., p. 302.
(5) Dict, de d'Orbigny, Reptiles, t. XI, p. 56.
(6) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 330.
(7) Id., p. 334.
(8) 1d., p. 335. C'est le C. Jouannetti, Gray, Syn. rept., p. 61.
(°) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t, IX, p. 337.
(10) Palæontogr. Soc., 1849; Replilia, part. 2; Crocodilia and ophidians of
the London clay.
(1) Owen, loc. cit., p. 29, pl. 2, fig, 4 et 2 A. C’est le C. Spenceri, Buckl.,
CROCODILIENS. —- CROCODILES. 479
pelant plus celui du C. acutus que celui de l’espèce du Nil. Ses dents sont
au nombre de + — 84, plus uniformes, plus régulières et plus espacées que
dans les deux espèces suivantes. Il a été trouvé dans l'argile de Sheppy.
Le Crocodilus champsoides, Owen (!), à museau plus allongé que le pré-
cédent, mais moins aminci à l'extrémité où les os incisifs forment une partie
arrondie. Il ressemble davantage au Crocodilus Schlegelii, de Bornéo, et
provient aussi de Sheppy.
Le terrain éocène supérieur contient aussi quelques crocodiles
remarquables.
Cuvier (2?) a trouvé, dans les plâtrières de Montmartre, un os frontal qui
prouve l'existence d’un crocodile appartenant au sous-genre des caïmans ou
à celui des crocodiles proprement dits, et probablement voisin du C. sclerops.
Un humérus des mêmes gisements indique ou la même espèce, ou une très
voisine du C. lucius. M. Giebel (3) attribue le premier de ces fragments à
une espèce qu’il nomme Crocodilus parisiensis, et M. Gray, C. Cuvieri. Ce
dernier auteur établit pour l'humérus un Crocodilus Trimmeri.
MM. Requien, Matheron , Jourdan, etc., en ont trouvé des fragments à
Gargas, près d’Apt (#). Gaultier de Claubry () en a découvert avec des
palæotherium dans une tranchée de chemin de fer près de Bert. M. Naudot (6)
en a recueilli à Provins dans un banc de calcaire lacustre avec des mammi-
fères de la faune éocène.
Les terrains d'Angleterre supérieurs à l'argile de Londres et plus ou moins
contemporains des gypses de Paris, ont fourni quelques espèces. M. Owen (7)
a décrit :
Le Crocodilus Hastingsiæ, Owen ($), découvert par la marquise de Hastings
dans les dépôts éocènes de Hordle-Cliff (Hampshire); sa tête est beaucoup
plus large que dans les Crocodilus toliapicus et champsoides ; il appartient
cependant comme eux au sous-genre des crocodiles proprement dits. Il a
aussi = -— 84 dents. (Atlas, pl. XXV, fig. 1.)
Traité Bridg., t. 1, p. 251, et probablement en partie le Crocodile de Sheppy,
Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 327.
(1) Owen, loc. cit., p. 31, pl. 2, fig. 2 et 3. Cette espèce a été confondue
avec la précédente par M. Buckland.
(2) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 329.
(8) Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 121.
(4) Gervais, Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 56.
(5) Compt. rendus de l’Acad. des sc., 1840, 2° sem., p. 362.
(6) Ann. des sc. nat., 1829, t. XVIII, p. 426.
(7) Owen, Palæontogr. Society, loc. cit.
@) Zd., p. 37, pl. 6,7, 8, 9et19, fig. 2 et 3.
480 REPTILES. — SAURIENS.
Le Crocodilus Hantoniensis (Alligator Hantoniensis, Owen) (!) fait partie
du groupe des caïmans et a été trouvé dans la même localité. (Atlas, pl. XXV,
fig. 2.)
Le Crocodilus Dixoni (Gavialis Dixoni, Owen) (2) appartient au groupe des
gavials. Il n’est connu que par des fragments découverts à Bracklesham.
Les lignites de Steyermark, rapportés par M. Giebel ($) à l’époque éocène,
renferment les débris d’un crocodile qui a été séparé par Pranger (4) sous le
nom d'ENNEODON (E. Ungeri), parce qu’il paraissait avoir une dent incisive
impaire en avant. M. Fitzinger (5) a montré que la dentition était bien nor-
male et que M. Pranger avait été trompé par l’imparfaite conservation du
bout du museau. On en connaît aussi quelques plaques dermales.
Les crocodiles des terrains miocènes sont mal connus. On en
cite dans les dépôts miocènes inférieurs d'Auvergne.
M. Pomel (f) indique deux espèces de crocodiles du groupe des caïmans.
Ils forment, suivant cet auteur, un sous-genre distinct (DiPLOGYNODON) carac-
térisé par la troisième et la quatrième paire de dents de la mâchoire infé-
rieure, qui pénètrent ensemble dans la supérieure. Les dents sont peu nom-
breuses. M. Pomel figure le D. Ratelli. (Est-ce le même que le Crocodilus
elaveris, Bravard ??)
M. E. Geoffroy-Saint-Hilaire (7) a établi pour quelques fragments de cro-
codiles du calcaire à indusies d'Auvergne, le genre OrTHosAuRus, caractérisé
par des mâchoires droites semblables, du reste, ainsi que le crâne, aux 0r-
ganes analogues des crocodiles proprement dits.
Dans les terrains miocènes proprement dits, nous pouvons indi-
quer quelques espèces.
M. H. de Meyer a annoncé la découverte de quelques crocodiles dans les
dépôts de Weisenau; maisils n’ont pas encore été décrits. Ce sont les Croco-
dilus Bruchii, Rathii, medius et Brauniorum ($).
Le Crocodilus plenidens, H. de Meyer (?), du même gisement, n’a pas de
(t) Owen, Palæontogr. Soc., p. 42, pl. 8, fig. 2; Searles Wood, London
geolog. journal, septembre 1846, t. I, p. 6.
(2) Owen, id., p. 46, pl. 10.
(3) Fauna der Vorwell, t. I, 2, p. 123.
() Steyermarkische Leilung, 1845, t. I, p. 8.
(5) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1846, p. 188.
(6) Bull. Soc. géol., 2° série, 1846, t. INT, p. 372, et t. IV, p. 383.
(7) Etudes progress. d'un naturaliste, p. 108.
(8) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 393, et 1846,
p. 190; Giebel, Fauna der Vorwelt , t. 1, 2, p. 123.
(°) Neues Jahrb., 1838, p. 667.
CROCODILIÈNS. — CROCODILES. 481
cavité dans l'intérieur des dents, M. H. de Meyer (!) en a fait le genre PLe-
RODON (PI. crocodiloides); mais il reste à savoir ce qu’il peut y avoir de con-
stant dans cette organisation.
M. Quenstedt (2) indique l'existence de dents de crocodiles dans le calcaire
d'eau douce d’Ulm et dans le Bohnerz de Moeskirch.
M. Lartet ($) signale un os de l’avant-bras trouvé à Sansan, qui peut être
rapporté à un erocodile, et dit que M. Noulet en a trouvé une dent à Lavar-
dens (Gers), et deux autres à Cauville (Lot-et-Garonne).
Les espèces des terrains pliocènes sont à peine indiquées.
M. Marcel de Serres () en a trouvé dans les terrains tertiaires supérieurs
des environs de Montpellier.
MM. Croizet et Jobert (5), suivant quelques auteurs, en ont recueilli en
Auvergne; mais seulement, je crois, daus les calcaires miocènes.
Les crocodiles existent aussi dans les terrains diluviens.
Cuvier (6) parle d'un calcanéum trouvé à Brentfort {Middlesex), qui fait
partie de la collection de M. Deluc. C’est le C. Delucii, Giebel(7) (non Gray),
et le C. Maunyi, Gray.
Le continent européen n’a pas seul fourni aux paléontologistes
des ossements fossiles de crocodiles. L’Asie paraît en renfermer
beaucoup dans ses terrains tertiaires et diluviens.
MM. Cautley et Falconer ($), qui ont si heureusement exploité les terrains
tertiaires subhimalayens, en ont trouvé trois espèces.
La première appartient au sous-genre des crocodiles proprement dits, et
se rapproche beaucoup du C. biporcatus, Cuv., qui vit encore aujourd'hui
dans le Gaage. Cet animal a dû atteindre 18 à 20 pieds (anglais) de lon-
gueur.
Les deux autres sont du sous-genre des gavials.
L'une ressemble beaucoup à celle qui habite aujourd'hui l'Inde.
(1) Neues Jahrb., 1839, p. 77; Giebel, Fauna der Vorwell, TL, 2, p. 124,
(2) Handb. der Petref., p. 105.
3) Notice sur la colline de Sunsan, p. 39.
4) Ann. des sc. nat., 2° série, t. IX, p. 286.
5) Rech. sur les ossem. foss. du Puy-de-Dôme, p. 25.
(6) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 336.
(7) Fauna der Vorwell., t 1, 2, p. 122.
(8) Journ. Asial. Soc., sept. 1835, p. 354; Ann. sc. nal., 2° série, t. IV,
p. 60,ett. iX, p. 126, Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 122,
1. 31
(
(
{
482 REPTILES. — SAURIENS.
L'autre, C. crassidens (1), a les dents plus grosses et atteignait une très
grande stature.
M. Clift (2) a trouvé sur les bords de l'Irawadi, en Birmanie, une espèce
qui rentre aussi dans le sous-genre des gavials; c’est le C. Cliftii (Leptorhyn-
chus Cliftii, H. de Meyer).
L'Amérique a aussi des crocodiles fossiles. Ils y ont apparu déjà
à la fin de l’époque crétacée.
M. Harlan en indique deux espèces. Le €. macrorhynchus, Harl. (à) (C. Har-
lani, H. de Meyer), a été trouvé dans le grès vert de New-Jersey (terrain
sénonien).
Le C. clavirostris, Harlan (4), provient des environs de Vincentown (New-
Jersey), et a été recueilli dans une craie marneuse dont l’âge est incertain.
M. Owen (5) a décrit quelques vertèbres de crocodiles trouvées aussi dans
le grès vert de New-Jersey, par M. le professeur Rogers. Il établit sur ces
ossements deux espèces, le C. basifissus, Owen, qui paraît se rapprocher des
caimans, et le C. basitruncatus, Owen, qui est probablement un vrai cro-
codile (6).
2e TRIBU. — CROCODILIENS A VERTÈBRES BICONCAVES.
(Amphicæli, Owen.)
Dans cette tribu sont comprises aussi les espèces qui ont les
corps des vertèbres terminés par deux surfaces planes, ainsi que
celles où il y a une surface plane et une concave. Les crocodiliens
de cette division n'ont vécu que dans l’époque secondaire. Le
genre qui en forme en quelque sorte le type est celui des
(1) Proceed. geol. Soc., t. II, p. 569.
(2) Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. I, pl. 43, fig. 1-12; H. de Meyer,
Palæolog., p. 108 ; Giebel, Fauna der Vorwelt, t, 1, 2, p. 123.
(3) Journ. Acad. Philad., t. IV, p. 15, pl. 1; Med. and phys. researches,
p. 369; H. de Meyer, Palæol., p. 108; Lyell, Voyage en Amérique, etc.
(4) Proceed. Acad. nat. Soc. Philad., 1844, p. 82.
(®) Quarterly journ. of the geol, Soc., 1849, t. V, p. 380.
(6) I ne faut pas attribuer aux véritables crocodiles les citations suivantes:
Franc, Sur les os de crocodiles trouvés à la Favorite, près de Lonigo, prov. de
Vicence ( Bull. Fér., 1827, t. X, p. 291); Scortegagna, sur les mêmes os
(Exercitat. dell” Ateneo di Venezia, 1838, 4°, avec une planche). Ces ossements
appartiennent au terrain jurassique, ct quoiqu'ils soient très mel connus, on
peut les rejeter dans une des tribus suivantes.
CROCODILIENS. — TÉLÉOSAURES. 483
TéLéosauREs (Zeleosaurus, Geoffr.) , — Atlas, pl. XXV, fig. 3-8,
qui joint au caractère essentiel des vertèbres biconcaves plusieurs
différences d'avec les crocodiles vivants. La forme générale du
crâne est celle des gavials. Les narines s'étendent beaucoup moins
en arrière, car leur ouverture palatine a lieu au niveau de l’arcade
jugale ; l'ouverture antérieure est terminale. La mâchoire infé-
rieure s'élargit à son extrémité en forme de cuilleron, et porte
sur ses côtés des dents semblables à des canines. Les autres dents
sont minces, coniques, aiguës et égales, propres à saisir une proie.
Le sternum ressemble à celui des crocodiles vivants; le membre
antérieur est plus petit à proportion, et le membre postérieur pré-
sente quelques transitions au type des énaliosauriens. Le corps
était recouvert par une armure plus solide que celle des crocodiles
actuels; car elle était composée de plaques plus grandes, disposées
de manière que le bord postérieur de chaque écusson recouvrait
la base du suivant.
On peut conclure de ces caractères que les téléosaures avaient
des mœurs à peu près analogues à celles des gavials, et que comme
eux ils étaient aquatiques et vivaient de poissons. Quelques cir-
constances de leur organisation peuvent même faire penser qu’ils
étaient encore mieux organisés pour la natation, plus essentielle -
ment aquatiques, et probablement marins, comme les gisements
où l’on trouve leurs os semblent le prouver. Leurs vertèbres bicon-
caves, qui sont de nos jours l'apanage des poissons, le nombre
plus grand de leurs côtes et leur armure plus forte, justifient cette
manière de voir. |
Les téléosaures sont connus depuis fort longtemps, car un de
leurs squelettes, trouvé dans le las, a été figuré et décrit en 1758:
leurs caractères n’ont été précisés que bien plus tard.
Ce genre a été fort subdivisé dans ces dernières années; mais
je crois que l’on a souvent donné trop d'importance à des carac-
tères secondaires, qui paraissent plus propres à faciliter létude
des espèces qu'à servir de base à des genres. Je ne dois cepen-
dant pas passer sous silence ces travaux, d'autant plus que les
groupes qui ont été établis concordent souvent avec la distribu-
tion géologique. Je les admets provisoirement, à titre de sous-
genres.
484 REPTILES. — SAUIIENS.
Je commencerai par ceux du lias.
Les MysTRIOSAURUS (1) Kaup, auxquels on est d'accord de réunir
les ENGyYoMMaAsAURUS du même auteur, ont le museau très long,
les yeux dirigés en haut, le crâne aplati. Les dents sont nom-
breuses, les antérieures recourbées en arrière, légèrement striées.
On n'en a trouvé que dans le lias.
Le Téléosaure de Chapmann (?) (T. Chapmanni, Koenig) a été trouvé
d'abord près de Whitby (Yorkshire), et décrit, en 1758, par MM. Woller et
Chapman. Plus tard un squelette entier, long de 5 mètres 1/2, fut décou-
vert à Saltwick. Ces deux gisements appartiennent au lias supérieur. Ses
dents sont sensiblement égales entre elles et au nombre de + + 5 — 140,
Ses vertèbres sont au nombre de 64, dont 16 dorsales. Ses écussons der-
maux sont forts et ont jusqu’à 3 pouces 1/2 de longueur dans leur plus grand
diamètre qui est transversal; ils sont marqués de trous et d’incrustations
très prononcées.
Quelques auteurs réunissent à cette espèce le T. de Laurillard (3) (Mys-
triosaurus Laurillardi, Kaup), trouvé dans le lias d’Altdorf; M. Bronn le con-
sidère comme formant une espèce distincte, caractérisée par + + À — 130
dents et par des trous palatins plus petits. L'animal atteignait une longueur
de 13 pieds. (Atlas, pl. XXV, fig. 4.)
M. Bronn considère encore comme une espèce distincte (4) celle qui a été
(1) Kaup, Catalog. von Gyps-Abgüssen, 1834; Bronn and Kaup, 4bhand,
über die Gavial-artigen rept. der lias formation ; Munster, in Neues Jahrb.,
1838, p. 127; Theodori, id., 1844, p. 340 et 697; H. de Meyer, id., 1844,
p. 689; Quenstedt, id., 1850, p. 319; etc.
(2) Woller et Chapmann, Philos. trans., 1758, t. L, pl. 22 et 30; Young
and Bird, Yorkshire, 1828, p. 287; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 222;
Owen, Rep. Brit. ass., 1841, p. 75; Buckland, Traité Pridg., pl. 25, fig. 1
et 25, fig. 2; Hunter, Lond. and Edinb. philos. mag., 1836, t. IX, p. 498;
Bronn, Lethœæa, 3° édit., Terr. jurass., p. 527; Giebel, Fauna der Vorwelt,
t. 1, 2, p. 409.
() Walch, Naturf., 1776, t. IX, p. 279, pl. 4, fig. 8; Merck, 1786,
3° leltre, et Hess. Beitraege, 1787, t. II, p. 81; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit.,
t.IX, p. 229; Faujas, Hist. de la mont. de Saint-Pierre, pl. 54; Sæœmmerring,
Munch. Denks., t. V, p.28; Crocodilus altdorfensis, Holl. Petref., p. 83;
Streptospondylus altdorfensis, H. de Meyer, Palæol., p. 106; Bronn et Kaup,
loc. cit.; Giebel, Fauna der Vorwelt, ib.
(*) Collini, Act, Acad. Theod. Palatin, 1784, t, V, p. 84, pl. 5, fig. 4 et 2;
Faujas de Saint-Fond, Hist. nat. de la mont. de Saint-Pierre, pl. 53; Sæmmer-
ring, Munch. Denks., t. V, p. 28; Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 30;
Engyommasaurus Brongniarti, Kaup, Verst., p. 28 ; Bronn, Lethæa, 3° édit.,
CROCODILIENS. —— TÉLÉOSAURES. 485
décrite par Collini sous le nom de Poisson scie ou d'Espadon, et qui provient
aussi du lias d’Altdorf. Il la désigne sous le nom de M. Brongniarti, et lui
attribue + + 2? — 152? dents et les branches de la mâchoire plus longues
que la symphyse; la forme des orbites avait motivé l'établissement du genre
ENGYOMMASAURUS.
Je ne puis admettre l'assimilation que font plusieurs auteurs allemands
entre ces deux dernières espèces et les crocodiles de Honfleur, décrits par
Cuvier, dont je parlerai en traitant des téléosaures du terrain kimméridgien.
Le T. longipes (1) (Myst. longipes, Bronn) a une mächoire inférieure à
longue symphyse, un crâne étroit vers les orbites et des membres antérieurs
plus longs à proportion que les autres espèces. Sa taille était de 6 pieds. Il
a été trouvé dans le lias supérieur de Boll (Wurtemberg).
A ces espèces, il faudra probablement en ajouter encore quelques-unes.
Je ne pense pas toutefois que l’on doive inscrire définitivement et sans nou-
vel examen, toutes celles qui ont été indiquées par les auteurs allemands
comme trouvées dans le lias du Wurtemberg. Je citerai parmi elles :
Le T'. Egertoni (Myst. Egertoni, Kaup) (2), dont les dents du milieu de la
symphyse sont plus petites et plus éloignées que dans les autres espèces. La
mâchoire inférieure est conique et amincie en avant, la symphyse est plus
grande que les branches. Les dents sont au nombre de 154. Ce reptile a dû
atteindre 17 pieds.
Le T, Tiedemanni (Myst. Tiedemanni, Kaup) (), dont le crâne est long
et le museau linéaire, et chez qui la symphyse de la mâchoire inférieure est
plus longue que dans aucune espèce, car elle a 60 pour 100 de la longueur
du crâne. Ses extrémités antérieures sont plus grandes à proportion des
postérieures. Ses dents ont dû être environ au nombre de 140. Un échantil-
lon de cette espèce, de 7 pieds de longueur, a été très bien figuré dans l’ou-
yrage précité de MM. Bronn et Kaup.
Le T. Schmidti (Myst. Schmidti, Kaup) (#), chez lequel la surface élevée
des palatins est en forme de rectangle allongé.
Le T. Mandelslohi (Myst. Mandelslohi, Kaup) ($), qui a la même surface à
Terr. jur., p. 528 ; Bronn ct Kaup, Gavial-artig, p. 31, pl. 4; Giebel, Fauna
der Vorwelt, t. I, 2, p. 112 ; etc.
(1) Bronn et Kaup, Gavial-art., p. 46, pl. 6; Bronu, Lethœa, 3° édit..
Terr. jur., p. 529; Gicbel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 113; etc.
(2) Broun et Kaup, Gavial-art., p. 28, pl. 4, fig. 7; Leonh. und Bronn,
Neues Jahrb., 1842, p. 374; et 1843, p. 123; Giebel, Fauna der Vor-
welt, t. 1, 2, p. 109.
(8) Bronn et Kaup, Gavial-art., p. 28, pl. 2; Leonh. und Bronn, Neues
Jahrb., 1842, p. 373; Giebel, Fauna der Vorwelt, t.1, 2, p. 110.
(4) Bronn et Kaup, Gavial-art., p. 12 et 28.
(5) 1., pl. 3, fig. 7, et pl. 5 ; Leonh. und Bronn, Neucs Jahrb., 1844, p. 689
486 REPTILES. — SAURIENS.
sept côtés, plus large que longue, et dont les orbites sont très petites et éloi-
gnées. L’exemplaire que l’on connaît indique une longueur de 8 pieds. (Atlas,
pl. XXV, fig. 5.)
Le T. du Museum Senkenbergianum (1) a le crâne court par rapport à là
colonne épinière, la symphyse courte, les arcades orbitaires très grañdes et
les extrémités antérieures petites. Il a dü atteindre 11 picds de longueur.
Le T, minimus, Quenstedt (2), paraît une des plus petites espèces connues.
(Atlas, pl. XXV, fig. 3.)
Le T, Murkii (3), Theodori, provient du lias de Banz; ses os de l’avaut-bras
sont plus courbés que davs les autres espèces.
Le 1. Munsteri (*) (Myst. Munsteri, Giebel), a été trouvé à Halzmaden:
Le comte de Munster (5) à décrit en outre quatre espèces qui sont : le
A. speciosus, de Berg, près d'Altdorf; le M. canalifer, de Holzmaden; le M.
Franconicus, des environs de Bayreuth; et le M. tenuirostris, de Berg.
Les MacrosponpyLus, H. de Meyer(Geosaurus, Jaeger, non Cur.),
ne différent des mystriosaurus que par leurs vertèbres plus
longues et par les proportions du membre postérieur, où le fémur
en forme dS n'est guère plus long que la jambe. M. Bronn
réunit ce groupe au précédent.
Le Teleosaurus bollensis (6) (Gavial de Bol, Cuvier ; Crocodilus bollensis,
Jacger; Macrospondylus bollensis, H. de Meyer), a été trouvé dans le lias
et 871; Macrospondylus, H. de Meyer, Neues Jahrb., 1840, p. 584; Giebel,
Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 111.
(1) M. Senkenbergianus, H. de Meyer, Neues Jahrb., 1841, p. 98, et 1844,
p. 689; Bronn et Kaup, Gavial-artig., p. 28.
(2) Handb. der Petref., p. 104, pl. 6, fig. 15.
(@) Theodori, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1844, p. 340 et 699;
Munster, id., 1843, p. 135.
(4) Leonh. und Bronn, Neues Jahrbuch, 1843, p. 132; Giebel, Fauna der
Vorwelt, t. 1, 2; p. 113.
(5) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 129 à 134.
(6) Eilenburg, Description du cabinet royal de Dresde, 1755, p. 27; Walch,
Merlwurdigkeiten der Natur., p.195; Walch et Knorr, t. If, p. 170 ; Dussdorf,
Merlwur.der koen. Residenz. Dresden, p. 300 ; Potsch, Beschr. der Kabinetes
in Dresden, 1805, p. 15; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 250 ; Sæm-
merring, Münch. Denks., 1815, t. V, p. 23; Jaeger, Foss. Rept. Würtembergs,
p. 6, pl. 3, fig. 1-3; H. de Meyer, Jsis, 1830, p. 518, et Nova act. nat.
cur., t. XV, 2, p. 196, etc. ; Bronn et Kaup, Gavial-arlig., p. 27; Bronn,
Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 529; Giebel, Fauna der Vorwell, t. I, 2,
p. 107.
CROCODILIENS. — TÉLÉOSAURES. 487
supérieur de Boll, Une plaque de schiste contenant la partie postérieure du
corps d’un de ces animaux est conservée depuis près d’un siècle dans le cabi-
net de Dresde. (Atlas, pl. XXV, fig. 6, écusson dorsal).
Le Geosaurus bollensis (1), Jaeger, appartient évidemment à ce genre et,
suivant M. Bronn, il doit même être réuni à l'espèce précédente; mais
M. Giebel pense que les vertèbres ont des proportions différentes, et il le
nomme Macrospondylus Jaegeri. I a été trouvé à Hainingen (lias supérieur
du Wurtembereg).
Les Pecacosaurus, Bronn, diffèrent des mystriosaurus et des
macrospondylus par leurs yeux plus écartés, séparés par un espace
plus grand que leur propre largeur, par la symphyse de leur mà-
choire inférieure plus courte que les branches, par leurs dents au
nombre de # + ?5;, — 110 (à 116?), par le développement plus
grand des apophyses de l'os sphénoïde et par la petitesse relative
de leurs membres antérieurs qui n’atteignent que la moitié de la
longueur des postérieurs.
La seule espèce citée est le Pelagosaurus typus, Bronn (2), (Steneosaurus
Bronni, Laurillard), du lias de Boll (Wurtemberg). Elle atteignait une lon-
gueur de plus de cinq pieds. (Atlas, pl. XXV, fig. 7 et 8.)
Les téléosaures de l’oolithe inférieure et de la grande oolithe
ont été placés dans deux genres.
On réserve le nom de TeLEOSAURUS proprement dits à l’espèce
qui à été trouvée dans le calcaire de Caen (Normandie) et qui est
caractérisée par des orbites grandes et rapprochées, par des trous
crotaphidiens plus larges que longs, par 160 dents alternant de
grandeur comme dans la plupart des mystriosaurus, par un mu-
seau aplati et cinq fois aussi long que large (mesuré de l'extré-
mité jusqu'au pariéto-frontal), par des vertèbres dorsales dont les
apophyses transverses sont plus longues que dans aucun autre ero-
codilien, par des écailles épaisses, rectangulaires, formant des
(1) Jaeger, Foss. Rept. VW ürlemb., p. T, pl. 4, fig. 1; Giebel, Fauna der
Forwell, t. L, 2, p. 108.
(2) Bronn et Kaup, Gavwial-artig., p. 28, pl. 3, fig. 1-6; Bronn, Lethæa,
3° édit., Terr. jur., p. 332; et Neues Jahrb., 1842, p. 376; 1843, p. 131;
Munster, id.; Laurillard, Dict. de d'Orbigny, t. IV, p. 365 ; Giebel, Fauna
der Vorwelt, t.1, 2, p.104; Geinitz, Verstein, pl. 6, fig. 4. Cette espèce a été
confondue par Schmidt (L. und B., Neues Jahrb., 1838, p. 669) avec le Ma-
crospondylus Bollensis.
488 REPTILES. — SAURIENS.
séries régulières au nombre de 10, composées chacune de 15 à
16 écailles.
Cette espece (!), décrite d'abord par Lamouroux sous le nom de Crocodile
de Caen (1820), puis par Cuvier sous celui de Gavial de Caen, et nommée
Teleosaurus cadomensis par Et. Geoffroy, est connue par les débris d’au
moins dix individus, et a dû atteindre la taille de vingt pieds. Ces débris
ont été trouvés dans des terrains qui paraissent correspondre à l'étage de la
grande oolithe.
M. Owen en a décrit de l’oolithe de Bath et des schistes de Stonesfield,
qui sont contemporains de cette époque, et une variété provenant de l’oolithe
de Chipping Norton. Quelques citations plus douteuses sembleraient indi-
quer aussi son existence dans les terrains jurassiques supérieurs. Nous y re-
viendrons plus loin.
Le genre GLarayoraYNcaUS, H. de Meyer, a été établi pour un
téléosaure de l’oolithe ferrugineuse de Aalen (Wurtemberg); mais
il n'a pas encore été caractérisé.
La seule espèce indiquée est le G. aalensis, H. de Meyer (?).
Les calcaires lithographiques de Bavière (terrain corallien)
renferment aussi des téléosaures qui différent par quelques ea-
ractères de ceux du lias. On a aussi formé des genres que nous
n acceptons également que comme sous-genres ou groupes provi-
soires.
Les AEOLODON (*), H. de Meyer (Palæosaurus, Et. Geoffroy,
non Riley, non Fitz.), ont aussi le museau allongé, les narines ter-
minales et les dents nombreuses (106) des autres téléosaures. Les
(*) Lamouroux, Ann. des sc, phys., t. WE, p.163; Cuvier, Ossem. foss.,
4e édit., t.IX, p. 253; Geoffroy, Mém. du Muséum, 18925, t. XIL, p. 135;
Rech. sur les grands Sauriens, p. 43, et Ann. sc. nal., 1831, t. XXIII;
H. de Meyer, Palæol., p.114; Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 81; Bronn,
Lethæa, 3° édit., Terr.jur., p. 519; Giebel, Fauna der Vorwelt, T, 2, p. 103.
C’est le Gavialis Lamourouœxii, de Gray, Syn. repl., p. 57. M. Et. Geoffroy,
dans son mémoire sur les grands sauriens, p. 53, indique à l’occasion du
fossile de Caen, un genre nouveau de téléosaures : Cysrosaurus, qui n’a
pas été décrit.
(2) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 303; 1845, p.282;
Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 532; Giebel, Fauna der Vorweit,
tal, 22; p.147:
($) Ce nom a été écrit quelquefois par erreur AELODON.
CRGCODILIENS. —- TÉLÉOSAURES. 489
trous crotaphidiens sont plus grands que les orbites et plus longs
que larges, la symphyse de la mâchoire plus grande que les
branches, les dents très longues et épaisses, subuliformes. Les
vertèbres sont plus nombreuses (au moins de 10) que dans les
crocodiliens connus ; on compte 7 cervicales, 42 à 13 dorsales,
L à 5 lombaires, 2 sacrées et 52 coccygiennes. La jambe a seule-
ment la moitié de la longueur de la cuisse, et le métatarse est très
court. Le corps est couvert de grands et de petits écussons carrés,
un peu bombés en dehors, rugueux et ponctués, les plus grands
étant en outre marqués de stries longitudinales.
Sœmmerring a décrit, en 1814, sous le nom de Crocodilus priscus, la
seule espèce (1) que l’on rapporte à ce genre, et Cuvier en parle sous le nom
de Gavial des schistes calcaires de Monheim. C’est le Teleosaurus priscus,
Owen (Aeolodon priscus, H. de Meyer).
On n’en connaît qu’un seul exemplaire; il est complet sauf les pattes an-
térieures, mais médiocrement conservé. Sa longueur est de 3 pieds. Il a été
trouvé en 1812 à Meulinhard, près Daiting, à deux lieues de Monheim
(Bavière).
Les Gnarnosaurus, H. de Meyer, peuvent à peine être séparés
des acolodon, au moins par les caractères que l’on en connaît. La
mâchoire inférieure est le seul fragment que l’on possède. Elle
est longue, non épaissie en avant, et porte des dents subuliformes
nombreuses (40).
Le Gnathosaurus subulatus, H. de Meyer (?), a été trouvé dans les schistes
lithographiques de Solenhofen.
Les téléosaures des terrains kimméridgiens ont été étudiés par
Cuvier qui a eu à sa disposition des fragments recueillis au Havre
et à Honfleur, mélangés avec ceux d’un autre genre dont nous
parlerons plus loin (Séencosaurus). Ce mélange était même si com-
(1) Sœmmerring, Münch. Denks., 1814, t, V, p. 45, pl. 1; Cuvier, Ossem.
foss., 4° édit., t. IX, p. 249 ; Holl., Petref., p. 87 (Teleos. Sæmmerringi) ;
Gray, Syn., p, 56 (Gavialis priscus); Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 76;
H. de Meyer, Jsis, 1830, p. 518; Palæolog., p. 105; Giebel, Fauna der
Vorwelt, t. I, 2, p. 106; Bronn, Lethæa, 3° édit,, Terr. jur., p. 535.
(2) H. de Meyer, Museum Senkenberg., 1833, t. [. p. 1, pl. 1, fig. 1-2;
Leonh.und Bronn, Neues Jahrb.,1834, p.113; Giebel, Fauna der Vorwelt,
[, 2, p. 107; Bronn, Leihæa, 3° édit., Terr. jur., p. 536.
490 REPTILES. -— SAURIENS.
plet, que Cuvier éprouva du doute dans l'association à établir
entre les crânes et les vertèbres. Il reconnut promptement
l'existence de deux types différents, l'un des crânes étant carac-
térisé par un museau plus long, l’autre par un plus court. Les
verièbres étaient aussi de deux natures: les unes avaient les
deux extrémités des corps concaves, les autres avaient la face an-
térieure convexe et la postérieure concave. Ce savant anatomiste
associa les vertèbres biconcaves aux longs museaux et les ver-
tèbres convexo-concaves aux têtes plus courtes. Le motif qui le
décida fut que les têtes longues diffèrent moins de celles des cro-
codiles actuels que les autres, qu'il en est de même des ver-
tèbres biconcaves comparées aux convexo-concaves; et qu'il est
naturel de supposer que les différences ont été proportionnelles
dans toutes les parties du corps. Cette opinion de Cuvier, généra-
lement partagée aujourd'hui, n’a pas été toujours admise (1). Je
(1) De ces divergences est résultée une très grande complication dans la
synonymie des deux genres auxquels on peut attribuer ces fossiles du Havre
et d'Honfleur. M. Et. Geoffroy les avait réunis sous le nom de STENEOSAURUS.
En 1830, M. H. de Meyer proposa le premier, avec raison, de les séparer en
deux genres. Mais malheureusement il associa les museaux longs aux ver-
tèbres convexo-concaves, et les museaux courts aux vertèbres biconcaves. Il
nomma les premiers SrREPrOSsPONDYLUS et les autres MerrioRayNcuus. En 1837,
M. Bronn, dans la première édition de la Lethæa, adopta l'opinion de Cuvier;
et ne conserva pas le nom de Streptospondylus pour le gavial à long museau,
car ce nom impliquait l'existence de vertèbres convexo-concaves. M. Bronn
le changea contre celui de LeéprocrAnius et conserva celui de METRIORHYNCHUS,
M Owen, en 1841, proposa pour ce dernier de revenir au nom de Stenco-
saurus et il associa aussi les vertèbres et les crânes comme Cuvier. En 1847,
M. H. de Meyer, dans l’Zndex palæontologicus, revint à cette dernière opi-
nion, et alors il transporta son nom de Streptospondylus aux museaux courts
et donna celui de Steneosaurus aux museaux longs. Daus la troisième édition
de la Lethæa, M. Bronn propose, vu les rapports évidents des museaux longs
avec les Mystriosaurus (téléosaures), de les placer dans ce genre et de laisser
aux courts le nom de Metriorhynchus. En résumé, on voit que les crocodiliens
à long museau, du Havre et d'Honfleur, ont été des Streplospondylus pour
M. H. de Meyer en 1830; des Leplocranius pour M. Bronn en 1837; des
Steneosaurus pour M. H. de Meyer en 1847, et des Mystriosaurus pour
M. Bronn en 1851. Nous les cousidérons comme des téléosaures. Les croco-
diliens à museau court ont été, en 1830, des Metriorhynchus, H. de Meyer;
en 1821, des Steneosaurus, Owen; en 1847, des Slreptospondylus, H. de
Meyer; en1851, ils sont redevenus des Melriorhynchus, pour M. Bronn. Nous
en parlerons plus loin sous le nom de sténéosaures.
CROCODILIENS. — TÉLÉOSAURES. 491
l’adopte dans cette seconde édition en ajoutant un argument qui
me parait très puissant. Les museaux longs sont tout à fait sem-
blables à ceux des téléosaures ; il est probable en conséquence
que les vertèbres qui les accompagnaient ont dû être biconcaves
comme celles des animaux de ce genre.
L'espèce à long museau ne présente aucun caractère appréciable qui puisse
la séparer des véritables téléosaures. M. Broun iui-même renonce maintenant
à son genre LEPTOCRANIUS pour la placer avec les mystriosaurus. Il va trop
loin , je crois, en la considérant comme de même espèce que les téléosaures
du lias d’Altdorf. Nous l’inscrivons ici sous le nom de Teleosaurus longi-
rostris (1) (Steneosaurus rostromajor, Geoff. ; Leplocranius longirostris, Bronn;
Premier Gavial (à museau allongé) d'Honfleur, Cuvier). Les branches de Ja
mâchoire sont plus longues que la symphyse et ne s'ouvrent que sous un
angle de 30 degrés. Les dents sont au nombre de 22 de chaque côté de la
mâchoire inférieure. La tête mesurait à peu près trois pieds de longueur ;
le crâne est joint au museau par un rétrécissement graduel; les trous crota-
phidiens sont grands, plus longs que larges ; l'os frontal est plat, peu échan-
cré par les orbites.
On a trouvé en Angleterre une seconde espèce du terrain kimméridgien,
le Teleosaurus asthenodeirus, Owen (2), caractérisé par des côtes cervicales
plus petites, par un cou plus faible, par des écussons plus lisses et probable-
ment plus fortement imbriqués. Il provient de l’argile de Shotover.
On a trouvé dans les terrains jurassiques supérieurs de Soleure
(calcaire à tortues, terrain kimméridgien) des débris de téléosaures.
Cuvier (3) a comparé leurs vertèbres à celles du Teleosaurus cadomensis sans
pouvoir y trouver de différences ; quelques dents semblent aussi s’y rappor-
ter, d’autres sont différentes. Il est impossible sans de nouvelles preuves
d'admettre, comme on l’a fait, l'identité de ces espèces.
3e TRiBu. — CROCODILIENS A VERTÈBRES CONVEXO-
CONCAVES
( Prosthocæli, Owen),
c'est-à-dire à vertèbres dont les corps ont l'articulation antérieure
(1) Voyez Et. Geoffroy, Mém. Mus., t. XII, p. 146 ; Cuvier, Ossem. foss.,
4° édit., t. IX, p. 284; H. de Meyer, Palæolog., p. 106; Bronn, Lethæa,
3° édit., Terr. jur., p. 528 ; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 114.
(2) Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 81; Giebel, Fauna der Vorwelt,
I, 2, p.104.
(3) Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 282.
492 REPTILES. — SAURIENS.
convexe et l'articulation postérieure concave, disposition inverse
de celle qui existe dans les crocodiles actuels, et analogue au con-
traire à ce qu'on trouve dans le cou de la plupart des grands
mammifères herbivores.
Les STÉNÉOSAURES { Sfeneosaurus, Geoffr.)
(Metriorhynchus, H. de Meyer, 1830 ; Séreptospondylus, id., 1847,
non 1830), — Atlas, pl. XXI, fig. 9,
sont caractérisés, en outre de la forme anormale de leurs ver-
tèbres, par leurs narines externes moins terminales que dans la
plupart des téléosaures, ouvertes à la partie supérieure du museau
qui n'est pas élargi. Les yeux sont latéraux et les formes générales
de la tête sont encore celles des gavials. Les apophyses transverses
des vertèbres naissent de quatre petites côtes saillantes qui leur
font une base pyramidale.
J'ai dit plus haut quels sont les doutes (1) qui se sont présentés
pour savoir si c'était bien à ces têtes que se rapportaient les ver-
tèbres convexo-concaves et quels sont les motifs qui ont engagé à
répartir les deux espèces comme nous l'avons fait. J'ai conservé à
ce genre le nom de steneosaurus, parce qu'il est le plus ancien.
Lors même que Geoffroy l'appliquait à deux espèces dont une a
dû passer dans le genre des téléosaures, il me paraît conforme aux
principes de la nomenclature de le conserver pour celle qui con-
tinue à former un genre distinet. Les auteurs allemands ont pré-
féré le nom de Aetriorhynchus, quoique plus récent. Le nom de
Streptospondylus peut encore moins être conservé, puisque, posté-
rieur à celui que nous adoptons, il a successivement désigné les
deux types réunis par Geoffroy sous le nom de Seneosaurus.
L'espèce (2) qui a donné lieu à ces discussions est le Steneosaurus rostro-
minor, Geoff. (2° Gavial d'Honfleur à museau plus court, Cuv.; Metrio-
rhynchus Geoffroyi, H. de Meyer, 1830, ct Bronn, 1851; Streptospondylus
(1) Vuyez la note de la page 490.
(2) Diquemarre, Journ. de phys., 1786, t. VIT, p. 406 ; Faujas de Saint-
Fond, Mont. de Saint-Picrre, p. 295; Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX,
p. 284; Geoffroy, Mém. Mus., 1895, t. XIT, p. 146 ; H. de Meyer, /sis, 1830,
P. 518, Palæologica, p. 106, et Index palæont.; Gray, Syn. repl., p. 57;
Owen, Report Brit. ass., 1841,p. 82; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p.118;
Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr, jur., p. 517.
CROCODILIENS, —— CETIOSAURUS. 493
Geoffroyi, H. de Meyer, 1847; Streptospondylus Jurinei, Gray). Elle est
connue par un petit nombre de fragments, parmi lesquels un des principaux
est un museau conservé dans le musée d'histoire naturelle de Genève, qui a
été figuré par Cuvier et que nous reproduisons ici. (Atlas, pl. XXV, fig. 9.)
Suivant M. Owen, la mème espèce se trouve dans les argiles de Shotover
(kimméridgien).
M. Owen (!) décrit des vertèbres convexo-concaves, trouvées dans quelques
localités d'Angleterre. Elles appartiennent probablement au genre steneo-
saurus; mais les espèces qui ont été formées d'après ces rares débris ne
peuvent être considérées que comme tout à fait provisoires.
Il désigne sous le nom de Streptospondylus Cuvieri, une vertèbre décou-
verte dans la grande oolithe de Chipping-Norton.
Il en cite une seconde trouvée dans le lias de Whitby.
Il nomme Streptospondylus major une espèce dont l’existence semble dé-
montrée par des vertèbres trouvées dans les terrains wealdiens ; mais il est
probable que ces ossements appartiennent à un des grands dinosauriens.
On doit probablement classer encore dans les crocodiliens de
la troisième tribu le genre des
CETIOSAURUS, Owen,
qui n’est connu que par des vertèbres et des os des membres trou-
vés dans les terrains wealdiens et jurassiques supérieurs d’Angle-
terre. Toutefois ce n’est que dans un petit nombre de vertèbres
qu'on a observé la forme convexo-concave des corps, et la plupart
des autres sont biconcaves. Mais M. Owen fait remarquer que
toutes ces vertèbres biconcaves sont de la partie postérieure du
tronc, et qu'il est probable, conformément à ce qui existe en géné-
ral, que les articulations des corps étaient plus rondes dans les
vertèbres plus antérieures.
Le caractère principal des cetiosaurus est le tissu spongieux
de leurs os, qui rappelle celui des cétacés; ce caractère est
joint à l’absence complète de cavité médullaire dans Les os longs ;
les phalanges unguéales semblent démontrer qu'ils ont pu être
terrestres. Ces animaux ont atteint des tailles considérables.
On en connaît quatre espèces (?).
(1) Report Brit. ass., 1841, p.88.
(2) Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 100; Kingdon, Geol. Soc. 1835,
3 juin (Whale and Crocodile) ; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2,p. 120 ; Bronn,
Lethæa, 3° édit., Terr, jur., p. 512.
49% REPTILES. — SAURIENS.
Le Celiosaurus medius, Owen, de la grande oolithe de Enstone, près
Woodstock, de l’oolithe inférieure de Chipping-Norton, etc.
Le Cetiosaurus longus, Owen, du terrain portlandien de Garsington, près
d'Oxford, connu par quelques vertèbres; le corps d’une d’entre elles est long
de 178 millimètres,
Le Cetiosaurus brevis, Owen, du terrain wealdien, dont les vertèbres sont
plus courtes à proportion.
Le Cetiosaurus brachyurus, id., du terrain wealdien.
CROCODILIENS DOUTEUX.
A la suite des trois tribus que nous avons admises, nous devons
indiquer quelques genres qui paraissent appartenir à la famille
des crocodiliens, mais qui sont trop incomplétement connus pour
qu'on puisse leur attribuer une place certaine.
Nous commencerons en énumérant quelques genres qui se trou-
vent dans les terrains wealdiens, et qui n’ont pas pu être comparés
d'une manière convenable, parce que les uns sont connus par leurs
dents et d’autres par diverses parties du squelette.
Les SuccaosauRus, Owen, — Atlas pl. XXV, fig. 10,
sont caractérisés par des dents arquées et comprimées latéra-
lement, qui ont deux bords tranchants, mais non en scie, l’un en
arrière sur la ligne concave, l’autre en avant sur la ligne convexe.
Les côtés de ces dents sont en outre traversés par de petites côtes
relevées, longitudinales, parallèles, avec des intervalles réguliers
d'une ligne dans une dent d’un pouce et demi. Ces côtes se ter-
minent avant l'extrémité de la dent, et plus promptement au côté
convexe qu’au côté concave.
Ces reptiles, encore très imparfaitement connus dans le reste
de leur organisation, sont fossiles dans les terrains wealdiens d’An-
gleterre.
Ce gisement indique qu'ils ont véeu dans l'eau douce.
M. Owen, qui les a fait connaître (1), n’en indique qu’une espèce, le Suc-
chosaurus cultridens.
(1) Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 67, et Odontography, pl. 62 À,
fig. 9 et 10. Ce sont peut-être ces dents qui ont été décrites par M. Mantell
comme appartenant à un gavial, Just. geol. of Sussex, pl. 5, fig. 5, etc.;
CROCODILIENS. — GONIOPHOLIS. 495
Les Goniopnozts, Owen, — Atlas, pl. XXV, fig. 41,
ont des dents qui diffèrent de celles des téléosaures par des carac-
tères inverses. Elles sont remarquables par leur épaisseur et par
leur couronne arrondie et obtuse ; elles ont aussi des petites côtes
saillantes, longitudinales, mais les deux plus marquées sont sur
les côtés et non en avant et en arrière.
Les vertèbres ont l'extrémité des corps presque plats, ou sont un
peu biconcaves ; les caudales portent de grands arcs hæmaux (osse-
lets en V) non ankylosés. L'ilium est plus large que dans les cro-
codiles vivants. Les extrémités sont inconnues.
Les écussons de la peau présentent des caractères assez parti-
culiers. Ils sont nombreux, foris et osseux, ressemblant, en ce point,
plus à ceux des téléosaures qu'aux plaques des crocodiles actuels.
Mais ils en diffèrent parce qu'ils forment des quadrilatères plus
réguliers, et surtout parce qu'ils ont un processus conique qui est
reçu dans une dépression analogue de l'écusson voisin. Ces pla-
ques sont unies ainsi d'une manière très solide, et présentent une
organisation dont il n y à pas d'autre exemple dans la classe des
reptiles.
Les goniopholis ont habité les eaux douces comme les crocodiles
actuels. Leurs dents obtuses peuvent faire penser qu'ils étaient
moins carnassiers et qu'ils poursuivaient peu les poissons. Peut-
être étaient-ils herbivores ; peut-être aussi leurs denis ont-elles
pu leur servir à briser des coquilles et des crustacés.
L'espèce décrite par M. Owen (1) est le Goniopholis crassidens, Crocodile
de Swanage, Mantell, trouvé dans les terrains wealdiens d'Angleterre
(sables d’'Hastings et calcaire de Purbeck). Ce reptile, par ses formrs
lourdes, représentait assez bien les caïmans dans l’époque jurassique, qui a
été surtout riche en crocodiles à museau allongé.
Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 537; Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. jur.,
p. 536.
(1) Owen, Report Brit. ass., 1841, p. 69; Swanage Crocodile, Mantell,
Wonders of geology, t. 1, p. 353; Crocodilus Mantelli, Gray, Syn. rept.,
p. 61; Giebel, Fauna der Forwelt, I, 2, p. 117; Bronn, Lethæa, 3° édit.,
Jerr, jur., p. 541.
396 REPTILES, — SAURIENS.
Les MacroruyNCaus, Dunker,
me paraissent se rapprocher beaucoup de la tribu des téléosau-
riens. Ils ont une tête allongée comme les gavials, et ils présen-
tent dans leurs os nasaux et temporaux, ainsi que dans leurs or-
bites, les caractères généraux de ces crocodiliens vivants et des
téléosaures. Leur museau est renflé à l'extrémité, les narines sont
terminales. Les dents manquent et l’on ne voit que la matière qui
a rempli les alvéoles (1) comme dans les phytosaurus. Elles
sont au nombre de 34 de chaque côté, dont 4 incisives. Leurs carac-
tères distinctifs principaux consistent dans l’amincissement du
museau qui commence déjà vers les yeux et qui est peu émoussé
à l'extrémité, dans la brièveté des os nasaux, dans les orbites
qui ne sont pas fermées à leur angle extéro-postérieur et qui sont
assez grandes et écartées, et dans leurs temporaux plus petits.
On n’en connaît qu’une espèce, le Macrorhynchus Meyeri, Dunker (2), du
terrain wealdien d'Oberkirchen en Westphalie.
Les Paocinosaurus, H. de Meyer,
sont, comme nous l'avons dit plus haut, difficiles à comparer avec
les autres crocodiles, et en particulier avec les macrerhynchus et
les goniopholis dont il est possible qu'ils se rapprochent, car ils
ne sont connus que par une partie du squeleite, c'est-à-dire par
des vertèbres, des côtes et des écusssons dermaux.
Les vertèbres sont biconcaves (ou convexo-concaves), plus lon-
gues que larges ; les apophyses épineuses ne paraissent pas tou-
cher l’armure tégumentaire. Celle-ci est composée de trois sortes
de plaques. Les dorsales sont beaucoup plus larges que longues, se
recouvrent d’une manière peu marquée par leur bord postérieur et
forment deux rangées longitudinales en toit aplati. Les plaques la-
térales ne forment probablement qu’une rangée; elles sont aussi
longues queles dorsales, mais encor eplus larges, et se recouvrent de
(1) L'animal n’est connu que par deux crânes dont les os sont détruits et
dont on possède le moule intérieur et l'empreinte externe.
2) Duvker, Nord-Deutsch. Weald. büldung, p.74, pl. 20; H. de Meyer,
Leonh und Bronn, Neues Jahrb., 1844, p. 366; Plieninger, id., 1818, p. 109;
Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. jur., p. 538.
CROCODILIENS. — POERCILOPLEURON. 497
même. Les plaques ventrales sont rhomboïdales et sont simplement
en contact sans se recouvrir. Toutes ces plaques sont couvertes
extérieurement de fossettes et de stries transverses.
On n’en connait qu'une seule espèce (1), le Pholidosaurus Schaumber-
gensis, H. de Meyer, des terrains wealdiens de la principauté de Lippe-
Schaumbourg. Les écussons dermaux ont été décrits (2) comme des écailles
de trionyx.
Quelques autres genres sont caractérisés par le développement
des côtes postérieures qui protégent l'abdomen d’une manière plus
complète que dans les précédents. Ce sont les PosciLorLEuRoN, les
RACHEOSAURUS et les PLEUROSAURUS, qui, quand ils seront mieux
connus, devront peut-être former une tribu distincte.
Les PosciLoPLEURON, Deslongchamps (nommés aussi Pœkilopleuron
et Poikilopleuron),
sont principalement caractérisés par la forme de leurs côtes qui
sont de trois sortes. Les côfes ordinaires sont grêles, les anté-
rieures cylindriques, les postérieures canaliculées, etles moyennes
triangulaires vers leur extrémité. Les deux dernières sont termi-
nées vers leur bord postérieur par un processus horizontal cartila-
gineux. Les côfes ventrales antérieures, dont on trouve sept en
arrière du sternum, symétriquement placées des deux côtés de la
ligne médiane de l'abäomen, forment un angle dirigéen avantetsont
amincies à leurs deux extrémités. Les côtes ventrales postérieures,
qui sont aussi au nombre de sept, ressemblent aux précédentes,
mais sont composées de deux pièces retenues seulement par des li-
gaments. [1 faut y joindre une quatrième sorte de corps ressemblant
aussi à des côtes, mais très longs, minces, en forme d'S ; une
moitié de leur longueur estenchâssée dans le canal qui creuse le
bord supérieur des côtes ventrales postérieures, et l'autre moitié
est en connexion avec la colonne épinière.
Les vertèbres sont biconcaves, mais très peu creusées; les cau-
dales, fortes et nombreuses, ont des arcs hæmaux (osselets en V)
(1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrh., 1841, p.443 ; Dunker,
Nord-Deutsch. Weald. bild., p. 71, pl. 17-19; Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr.
jur., p. 530.
(2) /sis, 1840, p. 868.
E 92
498 © REPTILES. —- SAURIENS.
ankylosés. Les extrémités antérieures n’ont que la moitié de la lon-
gueur des postérieures (comme beaucoup de téléosaures); leurs os
sont creux et ont des caractères très spéciaux, et en particulier
de grandes cavités internes. Chaque extrémité porte cinq doigts
onguiculés. Aux pattes antérieures la forme crochue des ongles
parait propre à saisir une proie. On ne connaît pas d'écussons
dermaux.
Les cavités internes des os longs, la forme de la queue, l’absence
probable d’écussons, ont fait penser à quelques paléontologistes
que ces reptiles pourraient se rapprocher des dinosauriens. Mais
la brièveté du membre antérieur et la disposition des côtes peu-
vent faire croire qu'ils étaient aquatiques. M. Owen a montré d’ail-
leurs que la forme des vertèbres et des parties connues du sque-
lette se rapprochent beaucoup plus de celle des crocodiliens.
On n’en connaît qu’une seule espèce (1), le Pœcilopleuron Bucklandii,
Eudes Deslongchamps. 11 à été trouvé en 1835 dans la grande oolithe de
Caen, et était, par conséquent, contemporain du megalosaurus. Il a dû at-
teindre 25 pieds de longueur.
M. Owen (2) rapporte à cette même espèce une vertèbre du terrain weal-
dien de la forêt de Tilgate. Ce rapprochement ne me paraît pas reposer sur
des preuves suffisantes.
Les RacaeosauRus, H. de Meyer,
ne peuvent pas encore être classés définitivement, parce qu'on ne
connaît ni leur tête, ni leur cou, ni leurs membres postérieurs.
Ils sont caractérisés par des vertèbres longues, munies d’apophyses
épineuses très larges. Les côtes s'étendent jusque vers le bassin,
de sorte qu'il y a à peine une vertèbre lombaire. Elles sont élar-
gies vers les extrémités et sont là articulées avec un petit fragment
de même forme qui s'étend jusqu'à la ligne médiane du corps pour
fortifier les côtes qui ne se rendent pas au sternum. Ce caractère
prouve leur analogie probable avec les pæcilopleuron plutôt qu'a-
vec les acolodon. Le fémur est fort, mais la jambe n’a que le tiers
de sa longueur ; le métatarse est aussi long que le tibia.
(*) Eudes Deslongchamps, Mém. Soc. lin. de Normandie, 1836, t. VI,
p. 33, et à part sous le titre de Mém. sur le Pæœcilopleuron Bucklandii, in-4° ;
Giebel, Fauna der Vorwelt, X, 2, p.101; Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. jur.,
p. 542.
(2) Report Brit. assoc., 1841, p. 84.
CROCODILIENS. — PLEUROSAURUS. 498
Le Racheosaurus gracilis (1), H. de Meyer, a été trouvé dans les schistes
de Monheim (terrain corallien), Le seul individu connu a dû atteindre la
taille de 5 1/2 pieds.
Les PLEuRosaURUS, H. de Mever,
ont dans leurs côtes une complication qui dépasse même celle des
pæcilopleuron, en présentant des différences assez marquées. Ils
ne sont connus aussi que par une partie du squelette assez mal
conservée, si l’on en juge par la planche qu’en a donnée M. H. de
Meyer. La tête, le cou, une partie de la poitrine et les membres
antérieurs manquent tout à fait.
Les côtes sont poriées par toutes les vertèbres antérieures au
bassin. Chacune d'elles est unie avec une pièce allongée, courbée
en demi-cercle qui s'élargit en approchant de la ligne médiane du
ventre: d'autres pièces, aussi en forme de côtes, mais plus cour-
tes et minces, se voient entre les précédentes, de sorte que chaque
vertèbre semble porter une double côte de chaque côté. Ces os ser-
vent probablement à unir les côtes ordinaires avec les ventrales en
s’attachant aux unes et aux autres. La queue est composée de ver-
tèbres considérables et munies de fortes apophyses hæmales (os
en V). La jambe a les deux tiers de la longueur de la cuisse. Les
doigts sont courts et au moins au nombre de quatre. On n'a point
trouvé de plaques dermales.
On n’en connaît qu’une espèce, le Pleurosaurus Goldfussii, H. de Meyer à,
trouvé dans les schistes lithographiques de Daiting.
M. Bronn dit qu'il ne serait pas impossible que ce genre fût le
même que celui des ANGuisaURUS , Münster (*), et que M. H. de
(1) H. de Meyer, Nova acta Acad. nat, cur., 1831, t. XV, part. 2, p. 173,
pl. 41 et 42; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p.115; Bronn, Lethœa, 3*édit.,
Terr. jur., p. 545.
(2) H. de Meyer, Nova acta Acad, nat. cur.,t. XV, part. 2, p. 194; Leonh.
und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 487; Münster, Beitraege, t. 1, p. 52,
pl. 6; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p.101; Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr.
jur., p. 546. |
(8) Münster, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1839, p. 676; Giebel,
Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 141; Bronn, Lethœæa , 2° édit., Terr. jur,, p. 546
et 558,
500 REPTILES. —— SAURIENS.
Meyer annonce aussi la possibilité de ce rapprochement. Je n'ai
pas eu à ma disposition les matériaux nécessaires pour me former
une opinion à cet égard. Le genre ANGUISAURUS n’a pas été figuré;
mais en lisant la courte et incomplète description qui en a été
donnée, où on le représente comme rappelant les pygopus et comme
n'ayant que deux courts membres postérieurs (sans membres an-
térieurs), Je l'aurais jugé fort différent.
3° Fame. — SAURIENS SQUAMEUX,
ou LACERTIFORMES.
Cette famille, moins naturelle que les deux précédentes et formée
plutôt à cause de l’imperfection de nos connaissances paléontolo-
giques, renferme tous les sauriens qui sont revêtus de petites
écailles, et en particulier ceux qui ont pour types les lézards, les
iguanes et les monitors. Ils se distinguent des crocodiliens par
leur tête plus courte, leur crane plus lisse, leur mâchoire inférieure
plus petite et par l’absence d'écussons dermaux. Leursmembres
médiocres ou petits, leurs doigts minces, leurs formes grèles, et
leur sacrum composé au plus de deux vertèbres, empêchent de les
confondre avec les dinosauriens.
On ne connaît encore qu'un petitnombre de reptiles fossiles ap-
partenant à cette division, surtout si on le compare à l'immense
quantité d'espèces qui vivent de nos jours. Mais parmi ces fossiles
il y en à qui méritent tout à fait d'attirer l'attention, soit par leur
grande taille, soit par leur forme bizarre. Ainsi que dans les fa-
milles précédentes, on voit que de très grandes espèces ont habité
notre globe avant la création actuelle; mais ici les plus remar-
quables ont vécu dans la mer, et elles sont d’ailleurs restées bien
au-dessous de la taille gigantesque de l’iguanodon.
La famille des lacertiformes se trouve dans tous les terrains de
l’époque secondaire et même dans les plus récents de la période
primaire, car les dépôts pénéens en renferment plusieurs espèces.
Ils se continuent moins nombreux et moins remarquables dans l'é-
poque tertiaire.
Je commencerai leur histoire par celle de quelques genres in-
téressants à Ja fois par leur haute antiquité et par leur dentition,
où l'on voit des caractères qui ne se retrouvent plus dans les sau-
LACERTIFORMES, — PROTOROSAURUS. 501
riens squameux vivants. Ces derniers ont deux modes d'implan-
tation pour les dents : la forme acrodonte, où la dent est soudée
solidement sur le bord saillant et plein de l'os de la mâchoire; et
Ja forme pleurodonte, où ces organes sont implantés dans un sillon
dont le bord externe se relève plus haut que l'interne, de sorte
que l’attache a surtout lieu par le côté extérieur de la dent.
Les reptiles fossiles dont il s’agit ici joignent aux caractères
essentiels des lacertiformes un mode d'implantation de dents qui
rappelle les crocodiliens, c’est-à-dire qu'il y a des alvéoles dis-
tincts plus ou moins séparés. Cette forme, que l’on a désignée sous
le nom de {hécodonte, ne se trouve jointe aux formes lacertiennes
que dans quelques sauriens d’un âge très reculé, qui forment une
transition remarquable des lacertiformes aux crocodiles, et en par-
ticulier à ceux qui ont des vertèbres biconcaves.
Le premier genre dont nous parlerons parmi ces lacertiformes
thécodontes est celui des
Prororosaurus, H. de Meyer (1),
qui se rapprochent beaucoup des monitors par leurs formes et par
leur taille. Ils ont la plupart des caractères du squelette de ce genre,
mais ils en diffèrent par l'implantation de leurs dents dans des al-
véoles distincts, comme chez les thécodontes. La mâchoire infé-
rieure en à quatorze; ces dents sont plus longues, plus minces et
plus cylindriques que dans le thécodontosaure. Les pieds, qui
sont très bien conservés, sont tout à fait ceux des monitors.
Ces sauriens sont parmi les plus anciens que l'on connaisse, car
ils se trouvent dans les schistes cuivreux de la Thuringe (terrain
pénéen). On en connaît deux espèces.
La plus anciennement connue est le Protorosaurus Spexeri, H. de Meyer
(Monitor fossile de la Thuringe, Cuvier),
Cette espèce (?) a déjà été figurée, en 1710, par C.-M, Spener, médecin
(1) Quelques auteurs écrivent PROTEROSAURUS,
(2) Spener, Miscellanea Berolinensia, 4710, 1, fig. 24 et 25; Link, Lettre
à Woodward, 1718, et Acla eruditorum, 1718, p. 188, pl. 2; Swendenborg,
De cupro, pl. 2; d’Argenville, Oryctologie, p. 331; Walch, Comm. sur Knorr,
2, sect. 2, p. 150 ; Zenker, De primis anim. verleb. vestigiis, 1836, p. 9;
Kurtze, Comm. de petref. Mansf., 1839, p. 33; Holl., Petref., p. 82
(Monitor antiquus) ; Kundmann, Rariora nat. et art,, p. T6; Sæœmmerriog,
902 : REPTILES. — SAURIENS.
de Berlin, sur l'invitation de Leibnitz, puis par Link et par Swedenborg. Ce
dernier la décrivit sous le nom de chat de mer (meer katze), entendant pro-
bablement par là un phoque ou un animal marin. Plusieurs auteurs ont de-
puis lors interprété le mot meer kalze comme signifiant un singe, et l’on à
considéré cette empreinte comme prouvant l’existence des singes fossiles
(voyez p. 155). Sa taille ne dépassait pas celle des varans actuels.
Le Protorosaurus macronyæ (1), H. de Meyer, se distingue par des pattes
antérieures beaucoup plus fortes et munies d'ongles plus considérables.
Les naturalistes anglais ont fait connaître quelques genres qui
ont le même mode d'implantation des dents, et qui sont au moins
aussi anciens que le précédent.
Les Tascoponrosaurus, Riley et Stutchbury,
se rapprochent beaucoup des varaniens, dont ils diffèrent tou-
tefois par leurs dents thécodontes. Ces dents sont rapprochées,
coniques, comprimées, très aiguës. Leurs bords antérieurs et pos-
térieurs sont finement denticulés, et l'extrémité est légèrement
recourbée.
On rapporte à ce genre quelques pièces du squelette trouvées
avec les dents, entre autres des vertèbres biconcaves très dévelop-
pées dans leur partie supérieure, et des côtes qui par leurs deux
têtes bien distinctes rappellent celles des crocodiles.
La seule espèce connue (2) a vingt et une dents à la mâchoire inférieure.
C’est le Thecodontosaurus antiquus, Ril. et Stutch., trouvé dans le conglomérat
dolomitique des environs de Bristol (3) (terrain pénéen, étage inférieur).
Denk. Acad. Munch., V, p. 14; Bronn, Lethæa, 1'° édit., t. I, p. 229; H. de
Meyer, dans Münster, Beitraege, t. V, pl. 8, fig. 1; Cuvier, Ossem. , foss.,
4° édit.,t. X, p. 99, pl. 237, fig. 1; Germar, Die Verstein. des Mansf.
kupfersch., fig. 16 (Monitor Speneri) ; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p.128;
Quenstedt, Handb. der Petref., p. 108, etc.
(1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1845, p. 797 ; Giebel,
Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 130.
@) Riley et Stutchbury, Trans. of the geol. Soc., 2° sér., 1840, 1. V,
p. 359, pl. 29 et 30; Owen, Odontography, p. 266, et Report Brit. assoc.,
1821, p. 153; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 131; Quenstedt, Hand.
der Petref., p. 109.
(3) Les géologues anglais considèrent ce conglomérat de Bristol comme
plus ancien que le zechstein de la Thuringe (Lyell, Man. of elem. geology,
p. 365).
LACERTIFORMES. — CLADYODON. 503
Les Pa Æosaurus, Riley et Stutchbury (non Palæosaurus, Geoftr.,
nec Fitzinger), — Atlas, pl. XXVI, fig. 1,
ont aussi des dents comprimées et pointues; mais un seul des bords
est denticulé, et l’autre est simplement tranchant. Les dents, d’une
des espèces surtout, sont très larges par rapport à leur longueur.
Les vertèbres sont biconcaves, et la forme du squelette est tout à
fait lacertienne.
On en connaît deux espèces (1) qui proviennent des mêmes terrains que
les thécodontosaures ; ce sont le Palæosaurus cylindrodon, Ril. et Stutch., et
le Palæosaurus platyodon, id.,qui sont distingués par le degré de compression
des dents.
Les CLapyopon, Owen (C/adeiodon, Quenst.; Xladeisteriodon,
Plien.), — Atlas, pl. XXVE, fig. 2,
sont caractérisés par des dents encore aiguës et en scie, presque
aussi recourbées que celles des mégalosaures ; leur compression,
plus grande que dans ce genre et que dans les thécodontosaures,
ne l’est cependant pas autant que dans le Palæosaurus platyodon.
On en cite une seule espèce (2), le Cladyodon Lloydii, Owen, connue seu-
lement par des dents détachées.
M. Quenstedt réunit à ce genre celui des ZANcLODON, Plienin-
ger, nommé d'abord par le même auteur SmiLopon. Dans ce cas il
formerait un passage aux lacertiformes acrodontes, car les dents,
très éloignées les unes des autres et longues d'un pouce, sont
logées dans des entailles profondes seulement de 3 lignes et
paraissent soudées avec l’os de la mâchoire. On a trouvé avec ces
dents des vertèbres biconcaves et des plaques osseuses dermales,
variant d'un quart de ligne à une ligne et demie de diamètre, et
finement striées sur leur surface externe.
(1) Riley et Stutchbury, loc. cit.; Owen, Report Brit. assoc., 1841, p. 154:
Williams, Lond. and Edinb. phil. mag., 1835, t. VI, p. 149 ; Giebel, Fauna
der Vorwelt, I, 2, p: 130.
(2) Owen, Trans. of the geol. Soc., 2° série, t. V, pl. 28, fig. 6, et Report
Brit. assoc., 1841, p.181; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 132; Quensteat,
Handb. der Petref., p. 109.
504 REPTILES. -— SAURIENS.
On en connait deux espèces (1). Le Zanclodon lœvis, Plien., a été trouvé
dans les schistes bitumineux du Lettenkohle (Keuper), de Gaildorf ( Wur-
temberg).
Le Zanclodon crenatus, id,, a été recueilli dans le même terrain et dans
le muschelkalk.
D'autres lacertiformes appartiennent pour la dentition aux for-
mes actuelles, et renferment quelques genres remarquables par
Jeur taille colossale. Nous indiquerons d'abord celui des
Mosasaurus, Conybeare
(Sauro-champsa, Wagler ; Cetaceum, P. Camper; Monitor, AÀ.Cam-
per), — Atlas, pl. XXVE, fig. 3,
ainsi nommé, parce qu'il a été trouvé pour la première fois sur
les bords de la Meuse près de Maestricht. Ses ossements furent dans
l'origine considérés comme ayant appartenu à un cétacé, puis à
un crocodile (2). Adrien Camper, et après lui Cuvier, montrèrent
par les caractères de la dentition et du squelette que le mosasaurus
a des affinités plus marquées avec les monitors et les iguaniens
qu'avec aucun autre genre de reptiles.
Les os du cràne et de la face ressemblent beaucoup à ceux des
varans, et les dents dépourvues de vraies racines, et soudées
aux os de la mâchoire, prouvent que cet animal se lie à ce genre
par des caractères importants, et s'éloigne considérablement des
crocodiles. L'existence des dents sur les ptérygoïdiens augmente
encore les différences avec ce dernier genre, et semble le rappro-
cher des iguaniens; ces dents manquent dans les varans vivants.
La mâchoire supérieure portait probablement quatorze dents, nom-
bre qui paraît aussi avoir été celui de la mâchoire inférieure. Ces
dents sont pyramidales, un peu arquées; leur face externe est
plane et se distingue par deux arêtes aiguës de leur face interne
qui est en demi-cône. Leur base est épatée.
Les vertèbres sont concavo-convexes, Celles du cou, du dos et
(1) Plieninger, Wurt. Jahreshefte, 1816, 2, p. 132, pl. 1 (Smilodon); et
p. 247 (Zanclodon); Quenstedt, Handb. der Petref., p. 110 ; Bronn, Lethæa,
3° édit., Terr. trias., p. 121.
@) P. Camper, Phil. trans., 1786, t. LXXVI, p. 443, pl. 15 ct 16 (Cela-
ceum), et Œuvres, édit. franç., t. 1, p. 357; Van Marum, Mém. de la Soc.
Teylérienne, 1760 ; Faujas de Saint-Fond, Jlist. de la mont, de Saint-Pierre,
p. 59, etc., pl, 4-9, 11, 18, 49, 51 et 52 (Crocodile).
LACERTIFORMES. —- MOSASAURUS. 505
des lombes sont au nombre de 34; il paraît que la queue en a
eu 97. Les apophyses articulaires manquent depuis le milieu du
dos, et cette circonstance, jointe à la forme des vertèbres du cou,
indique une flexibilité plus grande que dans les crocodiliens. La
queue a été comprimée ; elle est très haute dans le sens vertical,
et a des os en chevron forts; elle a dû être un puissant instrument
de natation. Les côtes n’ont qu'une seule tête.
L'humérus est épais et court comme celui des ichthyosaures, et
l'on peut conjecturer de l’aplatissement des os des membres que
les pieds ont été peut-être convertis en nageoires comme chez les
énaliosauriens. Si cette conjecture est vraie, le mosasaurus devra
devenir le type d'une nouvelle famille, et ne pourra plus être rap-
proché des varans et des iguanes.
De ces caractères il résulte évidemment que le mosasaurus a été
un reptile carnassier aquatique, bien organisé pour une natation
rapide, et assez agile et souple pour saisir avec facilité les pois-
sons dont il a dû faire sa nourriture ordinaire. Le gisement où l’on
trouve ses débris montre qu'il à été marin.
L'espèce la mieux connue (1) a été décrite par de nombreux auteurs: c’est
le Mosasaurus Camperi ou Mosasaurus Hofmanni, dont les premiers ossements
ont été trouvés dans le terrain crétacé supérieur des environs de Maestricht,
et qu’on a retrouvé depuis dans la craie de Lewes. Sa taille a dû être de
25 pieds.
La seconde espèce (?) a été trouvée dans le grès vert de New-Jersey (ter-
rain de la craie blanche) et dans quelques autres gisements analogues de
l'Amérique septentrionale : c'est le Mosasaurus Maximiliani, Goldf. (M.
Neovidii, H. de Meyer; M. Dekayi, Bronn; Ichthyosaurus Missuriensis, Harlan).
Elle est surtout connue par un crâne très bien conservé qui a été apporté par
(1) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 119; Adrien Camper, Journ. de
phys., t. XLI, p. 278, pl. 2, fig. 4 (Monilor);, Mantell, Geol. of Sussex, pl. 53
etil; Bronn, Lethæa, tA, p.759 ; Owen, Report Brit, assoc., 1841, p. 144 ;
Buckland, Traité Bridgew., trad. Doyère, 1, 188 ; Sæœmmerring, Denks. Acad.
Munch.,t. V,p. 33; t. VI, p. 37 (Lacerla gigantea); Wagler, Syst. der
Amphibien, p.139 (Saurochampsa) ; Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p.136 ;
Quenstedt, Ælandb. der Petref., p. 116, etc.
(2) Goldfuss, Nova act. Acad. nat. cur., t. XXI, part. 1, p.173, pl. 6-9:
H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 18245, p. 312; Bronn,
Lethæa, t. 1, p. 760; Dekay, Ann. lyc. de New-York, 1830, t. I, p. 138, et
Sillim. journ., 1830,t. XVII, p. 243; Harlan, Medical and phys. researches,
p. 344 (/chthyosaurus), et Journal, Acad. Phil. , t. IV, pl. 14.
506 REPTILES. — SAURIENS.
le prince de Neuwied, donné au musée de Bonn et étudié par Goldfuss. Sa
taille totale a dû être de 24 pieds.
M. Harlan (1), en s’exagérant les rapports qui existent entre ce
reptile et les batraciens, a cru devoir en faire un genre nouveau qu'il
a nommé BATRACHIOSAURUS et BATRACHIOTHERIUM. Le premier de
ces noms a été aussi donné par Fitzinger à un genre tout différent
dont nous parlerons plus bas.
Les GEOSAURUS, Cuv.
(non Geosaurus, Jæger, Halilimnosaurus, Ritgen), — Atlas,
pl. XXVI, fig. 4,
ont, comme le genre précédent, les dents soudées aux mâchoires ;
mais ces dents sont comprimées, tranchantes en avant et en ar-
rière, pointues, un peu arquées, et leur tranchant offre une den-
telure fine et serrée. La mâchoire supérieure en porte dix-neuf
à vingt et une. L’œil était protégé par quelques écailles osseuses,
comme on en retrouve dans les oiseaux et dans plusieurs reptiles.
Les vertèbres sont biconcaves. Le bassin a plus de ressemblance
avec celui du erocodile qu'avec celui du monitor. La même
analogie existe pour les fémurs.
La seule espèce européenne (?) est le Geosaurus Sœmmerringii (Lacerta
gigantea, Sæmmerring; Halilimnosaurus crocodiloides, Ritgen; Grand sau-
rien de Monheim, Cuy.). Elle a été trouvée dans les schistes calcaires de Mon--
heim et de Solenhofen, et a dû atteindre la taille de 12 à 13 pieds.
Le Geosaurus Mitchelli, Dekay, provient du grès vert (terrain de la craie
blanche) de New-Jersey.
Le Geosaurus maæimus, Plieninger, est probablement, comme nous l’avons
dit, un Megalosaurus.
(1) Lond. and Edinb. phil. mag., 1839, t. XIX, p. 302; Bull. Soc. geol.,
1839, t. X, p. 89.
(2) Sæœmmerring, Denk. Acad. Munch., 1816, t. VI, p. 36, fig. 1-10 ; Cuy.,
Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 175; Ritgen, Nova act. Acad. nat. cur.,
t. XIII, part. 4, p. 329; Holl., Petref., p. 85 ( Mosasaurus bavaricus),
H. de Meyer, Nova acta, t. XV, part. 2, p. 184; Giebel, Fauna der Vorwelt,
t.[, 2,p. 134; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 115; Bronn, Lethæa, 3° édit.,
Terr. jur., p. 554.
LACERTIFORMES. — CONIOSAURUS. 507
Les Lzionon, Owen,— Atlas, pl. XXVE, fig. 5 et 6,
ont des rapports avec les mosasaurus par leurs dents soudées à l'os
de la mâchoire, comme les reptiles connus sous le nom d’acrodon-
tes. Ces dents diffèrent de celles des mosasaurus, parce que leur
côté externe est aussi convexe que l'intérieur, et parce que la cou-
ronne, qui est elliptique, est bordée à ses côtés intérieur et pos-
térieur par une petite côte tranchante. La base de la dent est cir-
culaire et soudée à un processus conique. Il est probable que le
squelette présentait des rapports avec celui du mosasaurus.
Les dents de la seule espèce connue (1), Leiodon anceps, Owen, ont été trou-
vées dans la craie de Norfolk. Elles indiquent un animal d’une taille moitié
de celle du mosasaurus de Maestricht. I! faut peut-être aussi lui rapporter des
vertèbres trouvées dans la même lecalité que les dents.
Les Rapmiosaurus, Owen, — Atlas, pl. XXVE, fig. 7,
ne sont connus que par une portion de mâchoire inférieure conte-
nant vingt-deux dents rapprochées et soudées à un os maxillaire
dont le bord externe est plus élevé que l’interne, comme dans les
reptiles pleurodontes.
Cet échantillon (Raphiosaurus subulidens, Owen), a été trouvé dans la craie
de Cambridge. On ne sait si l’on peut lui rapporter des vertèbres découvertes
dans la craie de Maidstone, qui ont tous les caractères de celles des lacertiens
modernes (?).
Les ContosAURus, Owen,
ressemblent aussi aux lézards par le mode d'implantation des
dents ; mais la forme de ces organes rappelle plutôt la famille des
iguaniens. On en connaît un os maxillaire qui porte de dix-huit à
vingt dents : les cinqou six premières sont grêles et laniariformes,
(1) Owen, Odontogr., p. 261, pl. 72, et Report Brit. assoc., 1841, p. 144;
Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 138.
(2) Owen, Trans. of the geol. Soc., 2° série, &. VI, p., 39; Report Brit.
assoc., 1841, p. 145, et Palæont. Soc., Rept., part. 3, p. 19, pl. 10, fig. 5 et
6; Giebel, Fauna der Vorwelt, X, 2, p. 139.
508 REPTILES. — SAURIENS.
et les autres augmentent progressivement d'épaisseur; elles sont
comprimées, infléchies en dedans et finement striées.
On rapporte au même genre quelques vertèbres trouvées avec les
dents; elles sont concavo-convexes et assez allongées.
Le Coniosaurus crassidens (1), Owen, a été trouvé dans la craie moyenne
de Clayton (Sussex), de Worting et de Fealmer,
Les Doricaosaurus, Owen,
sont remarquables par l'allongement considérable de leur corps,
par le grand nombre de leurs vertèbres et par la petitesse de leur
tête. On reconnaît facilement chez eux des caractères intermé-
diaires entre les lacertiens et les ophidiens ; il semble même qu'on
pourrait les rapprocher tout à fait des sauriens à pieds rudimen-
taires ou nuls, comme les seps, les bipes et les ophisaures. Mais
les os des membres qui sont conservés prouvent plus de rapports
avec le type des lézards que n’en ont ces genres vivants. Le déve-
loppement de l'arc scapulaire, du bassin, du fémur, etc., est
beaucoup plus grand. Les dolichosaurus forment donc un type
nouveau appartenant aux lacertiformes, mais avec des déviations
vers le type ophidien, quant à la forme des os du tronc, et avec des
pattes plus développées que dans les genres qui de nos jours ont
le même allongement de la colonne vertébrale,
Le Dolichosaurus longicollis (?), Owen, provient de la craie marneuse du
comté de Kent,
Les Homososaurus, H. de Meyer,
sont de petits reptiles, à tête courte rappelant celle des lézards, à
mâchoire supérieure armée de vingt-six dents de chaque côté, plns
fortes et moins pointues que dans les lézards de même taille, les
quatre premières éloignées des autres et plus grosses. Les formes
du corps sont celles des lézards, avec le cou un peu plus long et le
tronc plus court. Les pattes rappellent aussi celles de ce genre;
les doigts sont inégaux et au nombre de cinq à chaque pied.
(1) Owen, Palæont. Soc., Rept., part. 3, p. 21, pl. 9, fig. 13, 4A4/et 145;
Dixon, Geol. and foss. of Sussex, in-4°, p. 386.
(2) Owen, Palæont. Soc., Repl., part. 8, p. 22, pl. 10, fig. 1-4; Dixon,
Geol. and foss. of Sussex, p. 388.
LACERTIFORMES. — SAPHÆOSAURUS. 509
Ce genre parait renfermer deux espèces des schistes de Solen-
hofen. Ce sont :
L'Homæosaurus Maximiliani (1), H. de Meyer, et l'Homæosaurus Nep-
tunius, id. Cette dernière espèce (2) a été rapportée par Goldfuss au genre
des lézards, M. Fitzinger en avait fait un genre distinct sous le nom de
LEPTOSAURUS.
Les Saraxosaurus, H. de Meyer,
paraissent voisins des homæosaurus et sont connus par nn sque-
lette complet (sauf la tête) remarquablement bien conservé, qui
fait partie de la collection de M. Thiollière, à Lyon.
Les vertèbres sont au nombre de quatre cervicales, rappelant
le type des lézards ; vingt-trois dorsales à apophyses articulaires
développées et à apophyses épineuses en cordon mince et peu élevé;
pas de lombaires, car la vertèbre la plus près du bassin porte en-
core des côtes ; deux sacrées, et à peu près quarante caudales. Les
vraies côtes sont un peu renflées à leur extrémité; elles se ratta-
chent aux côtes ventrales au moyen de côtes intermédiaires pro-
bablement cartilagineuses. Les os en V (arcs hæmaux) s’attachent,
comme dans les crocodiles, entre deux vertèbres consécutives,
tandis que dans les lézards ils sont articulés sur des apophyses
spéciales de chaque vertèbre.
L'omoplate est quadrangulaire, longue de 10 1/2 millimètres
et large de 8 ; le coracoïdien est à peu près aussi long qu’elle. La
clavicule ressemble, ainsi queles os précédents, aux organes ana-
logues des lézards. Les mêmes ressemblances se retrouvent dans
le reste du membre antérieur, sauf que les doigts, également au
nombre de cinq, ont des phalanges d'une longueur plus uniforme.
Le membre postérieur ne présente pas non plus de différences
marquées.
Les caractères qui précèdent montrent que le saphæosaurus est
très voisin des lézards, mais avec trop de différences pour qu'on
(t) H. de Meyer, Homæosaurus und Ramphorhynchus, etc., in-4°, avec
planches.
2) Goldfuss, Nova acta Acad. nat. cur., t. XV, part. 1, p. 115,
pl. 114, fig. 2 (Lacerta neptunia) ; Fitzinger, Ann, der Wien. mus. (Lepto-
saurus) ; H. de Meyer, loc. cil,, p.5.
510 REPTILES, —— SAURIENS.
puisse les confondre en un même genre. IT est plus rapproché des
homæosaurus et n’en diffère même que par les proportions de
l'avant-bras et du bras, par celles de la cuisse et de la jambe,
par la longueur de la queue, etc. Il me paraît douteux que ces
différences aient une véritable valeur générique.
Le Saphæosaurus Thiollieri (1), H. de Meyer, a été trouvé dans les schistes
lithographiques (terrain corallien) de Cirin, dans le département de l'Ain.
Sa longueur totale, sans Ia tête, est de 54 centimètres.
Quelques sauriens lacertiformes des terrains tertiaires(?) ont été
rapportés à des genres vivants. La plupart n’ont encore été com-
parés que d’une manière très superficielle.
M. Pomel (*) a trouvé dans les terrains miocènes d'Auvergne
des débris d’un saurien qui est voisin par sa dentition de la Dra-
GONNE (Dracæna, Daudin), c'est-à-dire des reptiles qui sont main-
tenant répartis entre les genres CROCODILURUS, Spix, et THORICrES,
Wagler. Il rapporte à la même espèce des écailles osseuses qu'il
avait d'abord attribuées avec doute à un Moxrror. Plus tard il a
désigné sous le nom de DracÆNosaURus le genre nouveau que
ces débris pourront caractériser quand ils seront mieux connus.
M. Gervais (*) attribue ces fragments avec doute à un SciNQUE
(Scincus Croizeti, Gerv.).
M. H. de Meyer (°) a rapporté aux IGuanes (/quana, Daud.), sous le
nom de /quana Haueri,des dents trouvées dans le terrain tertiaire
(1) H. de Meyer, Lettre à M. V. Thiollière, traduite dans : Thidllière,
Deuxième notice sur le gisement, etc., des calc. lith. du départ. del’ Ain, Lyon,
4851, in-4° (avec une belle planche).
(2) Je ne parle ici que des reptiles de l’époque tertiaire. Les assimilations
qui ont été faites entre les sauriens des terrains plus anciens et les genres
vivants sont toutes (sauf de rares exceptions) plus que contestables. J’en ai
signalé plusieurs ci-dessus. On peut en ajouter quelques autres : les Varans
(Varanus Merr), et les Monrrons, Cuvier, décrits par Kutorga, sont des pois-
sons (Lamnodus). Le scincoïdien indiqué par M.Owen (/eport Brit. assoc. , 1841,
p. 145), de l’oolithe d'Angleterre, n'est pas encore suffisamment connu.
(3) Pomel, Bull. Soc. geol., 2° série, t. 1, 1844, p. 593; et t. III, 1846,
p. 372.
(4) Gervais, Dict. univ. d'hist. nat. de Ch. d'Orbigny, t. XI, p. 56.
(5) H. de Meyer, dans Münster, Beitraege zur Petref., t. V, p. 32, pl. 6,
fig. 12; Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 494; Giebel, Fauna der
Vorwelt, I, 2, p. 441.
LACERTIFORMES. — ORVETS. oi
de Vienne. M. Agassiz (1) à reconnu qu'elles appartenaient à un
poisson (Acanthurus Haueri.)
Des ossements qui rappellent les formes des Gecxos, Daudin
(Stellio, Schn. ; Ascalabotes, Cuv.), ont été signalés par M. Eich-
wald (2) dans les tertiaires supérieurs de Russie, et par M. Pent-
land (#) dans les terrains pliocènes d'Australie.
Les Lézarps (Lacerta, Lin.).
ont été trouvés fossiles plus fréquemment et d’une manière plus
certaine.
M. Owen (f) en indique un de la grandeur d’un iguane, trouvé dans les
sables éocènes de Kingston en Suffolk.
M. Pomel (°) en cite un autre (voisin du L. veloæ, vivant) trouvé dans les
terrains tertiaires miocènes d'Auvergne.
Cinq espèces, dont une douteuse, sont indiquées par M. Lartet dans le ter-
rain miocène de Sansan (f). Ce sont les Lacerta sansaniensis, Ponsortiana ,
bifidentata, Philippiana, et ambigua (?), Lartet,
M. le comte de Munster (7) a nommé Lacerta spelæa, une espèce trouvée
dans le terrain diluvien d'Allemagne.
M. Tournal ($) a découvert, dans les cavernes du midi de la France, un
lézard qui ne paraît pas différer du Lacerta ocellata, vivant.
Dan. Hermann en a cité un dans l’ambre de Prusse (?).
Les ORvETs (Anguis, Lin.),
associés autrefois aux ophidiens à cause de leurs membres nuls, et
placés maintenant dans les sauriens à cause de leur mâchoire
non extensible et de leurs paupières, n’ont été cités qu'avec doute
à l'état fossile.
(1) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1846, p. 471.
(2) l'erhandl. der Kürland. Gessellschaft , t. 1, p. 35.
(3) Edinb. phil. journ., 1820 et 1833.
(4) Report Brit. assoc., 1841, p. 145.
(5) Bull. Soc. géol., 2° série, t. I, p. 593.
(6) Notice sur la colline de Sansan, p. 39.
(T) Bayreuth Petref., p. 69.
(8) Ann. de chimie et de physiqg., février 1838. -
(*) Dan. Hermann, De rana et lacerla succino Prussiaco insitis, Cracovy.,
1580, in-8°,; et Rigæ, 1600, in-4°,
512 REPTILES. — SAURIENS.
M. Lartet (!) en indique trois espèces douteuses des terrains miocènes
de Sansan : les Anguis (?) Laurillardi, Bibronianus, et acutidentatus ,
Lartet,
SAURIENS INCOMPLÉTEMENT CONNUS.
Un grand nombre de genres de reptiles ont été établis, principa-
lement dans ces dernières années, sur des fragments très incom-
plets. L’ardeur des paléontologistes à faire connaître des fossiles
nouveaux les a souvent entraînés trop loin, et l’on ne peut se
dissimuler qu'une trop grande facilité à donner des noms et à
classer des corps en réalité indéterminables n'ait augmenté beau-
coup les difficultés de la science. J'ai réuni ici à titre d'indication
la plupart de ces genres incertains, qui sont plus ou moins voi-
sins des sauriens. Quelques-uns peut-être devront, quand ils se-
ront connus, se placer dans les ordres suivants, et en particulier
dans ceux des énaliosauriens et des labyrinthodontes.
Î. — Sauriens des terrains pénéens.
Les DEuTERoSAURUS, Eichwald,
sont connus par des vertèbres et des côtes (?). Les premières ap-
partiennent à la région dorsale et sont au nombre de onze ; elles
ont peut-être quelques rapports avec celles des Palæosaurus, Ri-
ley et Stutchbury.
Le Deuterosaurus biarmicus, Eichwald, a été trouvé dans les schistes cui-
vreux (Zechstein), du gouvernement d'Oremburg.
Les ‘Ruopazonow, Fischer de Waldheim,
n'ont primitivement été connus () que par un fragment de mà-
choire inférieure qui contient neuf dents, éloignées, non insérées
dans des alvéoles, mais soudées au bord de la mâchoire. Elles sont
(t) Notice sur la colline de Sansan, p. 40.
(2) Eichwald, Géognosie de la Russie (en russe), Saint-Pétersbourg, 1846,
p.457; Bull. de la Soc. des nat. de Moscou, 1848, t. XXI, p. 151.
(8) Ficher de Waldheim, Lettre à Murchison sur le Rhopalodon , Moscou,
4841; Gicbel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 173.
DICYNODON. 513
en forme de massue allongée, pointue, pédonculée, bordées
d'émail lisse, avec une arête externe dentée.
Depuis lors la découverte d’une seconde espèce a fait connaître
de nouveaux caractères. La mâchoire supérieure porte une forte
canine qui rappelle celles de quelques mammifères et du genre Di-
eynodon dont nous allons parler. Cette circonstance avait engagé
M. Fischer de Waldheim à en faire un genre nouveau sous le nom
de Dinosaurus. C'est probablement aussi une dent analogue qui
a été décrite par M. Kutorga {!) comme appartenant à un mammi-
fère, sous le nom de Syopon (S. biarmicum). On observe aussi quel-
ques petites dents palatines inégales portées sur l’apophyse pté-
rygoïde du sphénoïde. La mâchoire inférieure à une symphyse
très forte et portait probablement aussi une grande canine.
La première espèce connue (2) est le Rh. Wangheimii, Fischer, des conglo-
mérats du zechstein de FOural.
La seconde est le Rh. Murchisoni, Fischer (3), du zechstein du gouverne-
ment d'Orenburg. Une troisième est indiquée avec doute par M. Eichwald.
Les Dicynopon, Owen,
forment un genre très bizarre, connu par des crânes trouvés au
cap de Bonne-Espérance, par M. Bain, dans des terrains que l’on
doit probablement rapporter à l'époque pénéenne. Ces crânes ont
à la fois des caractères des chéloniens, des crocodiliens et des la-
certiformes. Ils ressemblent assez aux premiers par leur tête
courie et arrondie pour qu'on les ait décrits d’abord sous le nom
de Tortues bidentées du Cap. Is ont les formes occipitales des cro-
codiles, et se rapprochent surtout des lézards par leurs narines sé-
parées, par leurs intermaxillaires réunis, par leur crâne comprimé
en avant, et par la forme du condyle oceipital.
Ils se distinguent de tous les reptiles vivants par un carac-
tère qui les rapproche au contraire, comme nous l'avons dit, des rho-
palodon. La mâchoire supérieure porte de chaque côté une seule
erande dent semblable aux canines prolongées en défense des
chevrotains, des morses ou des machairodus. Leur examen
(1) Beitr. zur Kentnitz des Kupfer-Sandsteins, Saint-Pétersbourg, 1838,
() Fischer de Waldheim, Loc. cit.
(5) Bull. Soc. des nat.de Moscou, 1845, t. IV; Eichwald, id., 1848, t, XXI,
2 141.
“) P:
oo
I. re)
b14 REPTILES. — SAURIENS.
microscopique montre qu'elles sont fort éloignées de celles des
labyrinthodontes et qu’elles ont la simplicité de tissu des dents
des crocodiles.
On en connaît quatre espèces (1), les Dicynodon Baini, lacerticeps, strigi-
ceps et lestudiceps (testudiniformis), décrits par M. Owen.
Il. — Sauriens du terrain triasique.
Les Payrosaurus, Jaeger
(Belodon, H. de Meyer; Belosaurus, id., 1842), — Atlas, pl. XXVF,
fig. 9, a, b,
ne sont connus que par des fragments de mâàchoires et des denis
isolées. Les premiers montrent que l’animal avait un museau al-
longé comme celui des gavials. Les dents implantées dans des
alvéoles complets semblent démontrer que la place de ce genre
n’est pas loin de la famille des crocodiliens.
Le mode de conservation de ces fragments a donné lieu à une
erreur. La substance qui a formé la roche où ils sont contenus à
pénétré pendant qu'elle était encore liquide dans les alvéoles vides,
dans les canaux de la mâchoire et dans les cavités nutritives des
dents. Lorsqu'elle a été solidifiée, l'os lui-même s'est détruit et a
laissé à découvert la matière moulée dans ces diverses parties ; celle
qui remplissait les alvéoles s’est présentée sous la forme de cylin-
dres plus ou moins réguliers, terminés par des surfaces arrondies
correspondant aux cavités de la base des dents (pl. XXVE, fig. 9, b).
On a pris ces moules pour les vraies dents et on les a décrits comme
caractérisant un reptile herbivore. à
Les véritables dents (pl. XXVL, fig. 9, a) sont au contraire al-
longées, coniques, très légèrement courbées à l'extrémité qui est
peu pointue. Le reptile dont elles indiquent l'existence a done dû
avoir des mœurs semblables à celles des sauriens carnivores, et le
nom de Phytosaurus est devenu inexact.
Jaeger, qui les a le premier fait connaître (?) et qui a commis
(1) Owen, Trans. of the geol. Soc. of London, vol. VII, 2° partie, 1845;
Bibl. univ., 1846, Archives, t. I, p. 230.
(2) Jaeger, Foss. rept. Würtembergs, p. 22, pl. 6; Alberti, Trias,
p. 151; H. de Meyer etPlieninger, Beilr. zur pal, Würtembergs, p. 91, pl. 11
et 12; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p.172; Bronn, Lethœa, 3° édit, Terr.
triasiques, p. 118.
TERMATOSAURUS. 219
l'erreur que nous venons de signaler, a distingué deux espèces
auxquelles 1l pensait même à donner une valeur générique sous
les noms de CuBicopox et de CyLiNpRICODON. Quelques uns de ces
moules, en effet, sont assez régulièrement cylindriques et d’autres
ont une coupe un peu quadrilatère. De nombreuses transitions
lient ces deux formes et l’on ne doit probablement admettre qu'une
seule espèce.
Ce serait le Phytosaurus cylindricodon , Jaeger, ou mieux le Belodon Plie-
ningeri, H. de Meyer. Il a été trouvé dans le Wurtemberg, près de Lowens-
tein, Leonberg, etc., et aux environs de Tubingen, dans le terrain du keuper
(formation supérieure du terrain triasique).
Les Mexopow, H. de Meyer, — Atlas, pl. XXVE, fig. 40,
ont été caractérisés par un fragment de mâchoire inférieure et par
un 0s coracoïde. Le premier est très mince, comprimé et long de
deux pouces huit lignes. Il paraît avoir porté trente dents, dispo-
sées sur un seul rang et insérées par des racines solides dans des
alvéoles séparés, mais peu profonds. Elles sont très petites,
cylindriques à leur base, peut-être (?) un peu comprimées, poin-
tues, en forme de cône à leur extrémité, et ont quelques stries lon-
gitudinales.
Le Menodon plicatus, H. de Meyer (1), a été trouvé dans les couches supé-
rieures du grès bigarré dé Soulz-les-Bains.
Les TermaTosauRus, Plieninger, — Atlas, pl. XXVE, fig. 41,
sont encore moins bien caractérisés, car ce genre n’a été établi
que sur quelques dents, longues d’un demi-pouce à un pouce et
demi. Elles sont presque cylindriques, diminuant peu jusqu’à la
pointe qui est en cône mousse. Leur caractère principal consiste
dans la cannelure très distinete de l'émail, qui présente des stries
longitudinales demi-cylindriques très élevées, séparées par des
sillons profonds et un peu plus étroits. La pointe de la dent est
souvent lisse. La substance en dessous de l'émail est finement
(t) H. de Meyer, Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Strasbourg, &, IL, liv, 3,
pl. 1, fig. 3; Broun, Lethæo, 3° édit,, Terr, trias,, p. 118,
516 REPTILES. — SAURIENS.
fendillée dans sa longueur, mais on n’y voit aucun repli comme
dans les labyrinthodontes.
Le Termalosaurus Alberti, Plieninger (1), a été trouvé dans les terrains les
plus supérieurs du keuper du Wurtemberg, ou plutôt dans les brèches qui
sont intermédiaires entre ce terrain et le lias.
Les RyYsosTEUs, Owen,
ne sont connus que par des fragments de vertèbres biconcaves,
par un fémur qui rappelle celui des teleosaurus et par un humé-
rus. Il est possible que les vertèbres aient été en contact avec une
armure osseuse. Ces débris sont insuffisants pour éclairer sur les
rapports zoologiques du genre.
La seule espèce connue (2) provient d’une couche ossifère située au-dessous
du lias de Bristol et de Glocester. Ce terrain est rapporté au lias par quelques
auteurs et à la formation triasique par d’autres (3). Ses débris organiques
me paraissent rendre cette dernière opinion plus probable.
Les RayNcaosaAuRus, Owen,
sont un peu mieux déterminés, car on en a découvert divers osse-
ments, et aussi des traces de pas qui paraissent se rapporter à la
même espèce que les os. Les caractères du squelette s'accordent
tout à fait avec ceux des lacertiens vivants, sauf que les vertèbres
sont fortement biconcaves. Le crâne a des caractères tout spé-
ciaux, ilest en forme de pyramide quadrangulaire, et les mà-
choires du seul échantillon que l’on connaisse sont si rapprochées
l'une contre l’autre, qu’il paraît impossible qu'il y ait eu des denis.
Il est vrai que, comme dans quelques reptiles actuels, ces dents
pourraient, quand la bouche est fermée, être cachées par le bord
saillant des mächoires; mais la forme des os incisifs et maxillai-
res, qui rappellent en plusieurs points ceux des chéloniens, sem-
blent donner une réalité à cette apparence. Il est possible que le
rhynchosaurus présente le singulier caractère d’un lacertien dont
les mâchoires seraient dépourvues de dents, et peut-être revêlues
(*) H. de Meyer et Plieninger, Beitr. zur palæont. Wurtembergs, p. 123,
pl. 12, fig. 25, 27, 93 et 94.
(2) Owen, Report Brit. assoc., 1841, p.159 ; Bronn, Lethœæa, 3° édit., Terr..
Jur., p. 549.
(3) Voyez Lyell, À manual of elem. geol., p. 289.
MACROMIOSAURUS, 517
d’un bee corné comme celles des chéloniens. On ne pourra toute-
fois regarder ces conclusions comme certaines que quand on aura
pu observer le bord alvéolaire des os des mâchoires.
L'espèce connue, Rhynchosaurus articeps, Owen (1), a été trouvée dans le
nouveau grès rouge de Grinsill.
Les Psammosaurus, Zenker (?) (non Psammosaurus, Fitz.),
n'ont été distingués que par quelques ossements tout à fait indé-
terminables. Ge genre ne peut pas être admis.
IL — Sauriens du lias.
Les Macromiosaurus, Curioni,
paraissent réunir des caractères qu’on n’est pas habitué à trouver
ensemble, si toutefois on peut se fier à la description qui en à été
donnée (3). Cette description en effet est loin d'être claire et pa-
raît en certains points presque impossible (f).
Les caractères essentiels sont : 1° un très long cou (vingt et une
vertèbres) ;: 2° des côtes ventrales semblables à celles des ichthyo-
saures et des plésiosaures ; 3° des pieds à cinq doigts distincts,
courts, le quatrième le plus long ; les phalanges sont au nombre
de deux, trois, quatre, cinq, trois; 4° le fémur très court, n'attei-
gnant que le tiers de la longueur de l’humérus. Les deux premiers
caractères semblent placer ce genre dans les énaliosauriens, mais
le troisième s’y oppose tout à fait.
La seule espece connue est le Macromiosaurus Plinii, Curioni, du lias du
lac de Côme; sa longueur était de 8 pouces 4 lignes.
Les Lariosaurus, Curioni,
ne paraissent pas pouvoir être distingués des macromiosaurus.
(1) Owen, Report Brit. assoc., 1841, p. 145; Trans. of the Cambridge
phil. Soc., 1842, t. VII, p. 335, pl. 5,et 6.
(2) Zenker, Beitr. zur naturg. der Vorwelt, lena, 1833, p. 60, pl. 6,
fig. C-I.
(3) Curioni , Giornale lombardo, 1847, t. XVI, p. 157; Bronn, Lethæa,
3° édit Terra QUT.. D. HAT.
(*) En particulier dans la disposition des vertèbres lombaires, cachées en
partie par les côtes ventrales et dont on en voit cependant 16 ! dont 8 sur la
région du pubis et 8 en dessous. Deux d’entre elles ont des côtes (!)
518 REPTILES. —— SAURIENS.
Leur cou a aussi vingt et ne vertèbres ou à peu près, et les pha
langes sont de formes normales. Les os du bras rappellent ceux
des plésiosaures.
Le Lariosaurus Balsami, Curioni, a été trouvé aussi dans le lias des en-
virons de Côme. On en connaît plusieurs exemplaires (1). Cette espèce n’at-
teignait, à ce qu’il paraît, qu’une longueur d’un décimètre depuis l’extrémité
du museau jusqu’à l’origine de la queue.
IV. — Espèces des terrains oolithiques et oxfordiens.
Les G£APaYOREYNCEUS, H. de Meyer,
ne sont connus que par une mâchoire grêle qui porte des alvéoles
ovales-obliques. Ce genre n'a été ni décrit ni figuré.
La seule espèce indiquée (?) est le Gl. aalensis, H. de Meyer, trouvé
dans l’oolithe ferrugineuse du Wurtemberg (grande oolithe).
Les TaaumaTosauRus, H. de Meyer,
sont des reptiles gigantesques qui rappellent par leurs dimensions
les dinosauriens, mais dont les os n'ont pas de cavités médullaires
à l'intérieur. Les rugosités de la surface des os de la mâchoire
semblent indiquer que la tête était couverte d’écussons. Les dents
sont placées dans des alvéoles bordés par des parois minces et
incomplètes du côté interne. Elles ont de grandes racines creuses
et sont coniques, égales, un peu courbées; la couronne est légère-
ment striée. Ce genre n’a pas été figuré. M. H. de Meyer le rap-
proche des crocodiliens et M. Quenstedt des énaliosauriens.
La seule espèce connue (3), Thaumatosaurus oolithicus, H. de Meyer, a été
trouvée près de Neuffen en Wurtemberg, dans le calcaire marneux du jura
brun (oolithe inférieure).
(1) Balsamo Crivelli, Politecn. di Milano, mai 1839; Curioni, Giornale
lombardo, 1847, t. XVI, p. 157; Bronn, Lelhœa, 3° édit., Terr. jurassiques,
p. 48.
(2) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 303 ; 1845,
p. 282; Giebel, Fauna der Vorwell, I, 2, p. 117.
(8) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1841, p. 176;
Quenstedt, Die Floelzgeb. Wurt., p. 352; Bronn, Lethæa, 3° édit, Terr. jur.,
p. 550; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 125.
ATOPOSAURUS. 519
Les Iscnyropon, Mérian,
ne reposent que sur une seule dent de grande dimension, qui est
striée en long dans le milieu de son côté concave et lisse dans le
reste. Les stries sont tranchantes. Sa hauteur est d'un décimètre,
quoique sa base et sa pointe soient cassées. Son plus grand dia-
mètre à sa base est de 1 pouce 11 lignes (0*,052), et son plus petit
de 1 pouce 7 lignes (0,043).
L’Ischyrodon Meriani, H. de Meyer (1), a été trouvé dans l’oolithe ferru-
gineuse de Wolfliswyl, en Argovie (terrain kellowien ?).
Les BracayTænius, H. de Meyer, — Atlas, pl. XXVI, fig. 42,
ne sont également connus que par quelques dents cylindriques,
très peu courbées et ornées vers l'extrémité de deux arêtes oppo-
sées, tranchantes, courtes, qui s’évanouissent en arrière avant le
milieu de la dent. La surface de la base est striée de quelques li-
gnes longitudinales, qui, vues à la loupe, sont un peu noueuses.
On ne connaît (2) que le Brachytænius perennis, H. de Meyer, du calcaire
jaune jurassique de Aalen, en Wurtemberg (grande oolithe ?).
V. — Espèces des schistes lifhographiques et des étages jurassiques
supérieurs.
Les ArorosauRus, H. de Meyer,
ont dans leur squelette des caractères qui les rapprochent des cro-
codiliens, et en particulier le carpe, qui n’est composé que de deux
os à sa première rangée, la forme du tarse et celle ‘du pied pos-
térieur, ainsi que la symphyse de la mâchoire inférieure. Le peu
que l’on connaît de la tête et la forme des doigts antérieurs rap-
pellent plutôt les lézards ; les dents sont celles des geckos et des
genres voisins, le bassin a des caractères spéciaux.
(1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1838, p. 414; 1841,
p.183; et 1845, p. 282; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 126.
(2) H. de Meyer, dans Münster, Beir, zur Petref., t. V, pl. 8, fig. 2; ct
Leonh. und Bronn, Neues Jahrb,, 1842, p. 303, et 1845, p. 282; Bronn,
Lethæa, 3° édit., Terr. jur., p.551; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p, 126.
520 REPTILES. — SAURIENS.
On en connaît deux espèces des schistes lithographiques (terrain corallien).
L’4. Oberndorferi, H. de Meyer (1), a été trouvé à Kehlheim.
L'4. Jourdani, H. de Meyer (2), provient des schistes lithographiques de
Cirin (département de l’Ain), et fait partie de la collection de M. Thiollière.
Les AxGuisAuRUSs, Münster,
paraissent manquer de membres antérieurs, et par conséquent £e
rapprocher des types nombreux qui forment une transition des
sauriens aux ophidiens. Ils ont une tête qui rappelle un peu celle
des serpents, des vertèbres allongées, à apophyses épineuses four-
chues, etdes côtes ventrales coudées comme celles des ptérodactyles.
Nous conservons ici ce genre, malgré l'autorité de quelques au-
teurs qui le réunissent aux pleurosaurus (voy. p. 499). Ce rap-
prochement ne paraît pas suffisamment démontré.
L’Anguisaurus bipes, Münster (3), a été découvert dans les schistes litho-
graphiques de Solenhofen.
Les Macuimosaurus, H. de Meyer (Madrimosaurus, 1d.),
ne sont connus que par quelques dents fortes, en forme de cône
mousse, à base circulaire et à couronne fortement striée.
Le Machimosaurus Hugü, H. de Meyer ({), a été trouvé dans le terrain
portlandien de Soleure et du Hanovre.
Les Sericopon, H. de Meyer (Sericosaurus, 14.),
n'ont aussi été établis que sur des dents. Elles sont grêles et poin-
tues, à base ovale, sans arêtes, avec les environs de la pointe très
finement et légèrement striés.
(1) H. de Meyer, Leonh, und Bronn, Neues Jahrb., 1850, p. 198; Bronn,
Lethœæa, 3° édit., Terr. jur., p. 552.
(2) H. de Meyer, id., et dans une lettre traduite par M. Thiollière, dans
sa Deuxième notice sur le gisement, etc., des calcaires lithographiques du dépar-
tement de l'Ain, Lyon, 4851, in-4°, avec planches.
(3) Münster, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1839, p. 6 et 76; Bronn,
Lethæa, 3° édit., Terr. jur., p. 558.
(*) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1838, p. 415 ; 1845,
p. 310; Rœmer, Ool. Geb., pl. 12, fig. 19 (Ichthyosaurus).
POLY PEXCHODON, 521
Le S. Jugleri, H. de Meyer (1), provient des mêmes gisements que le genre
précédent,
M. H. de Meyer (?) cite un genre EPHOENOSAURUS trouvé aussi
dans le portlandien de Soleure. Il paraît avoir été simplement
cité une fois dans l’A//gemeine Schuveitz. Zeitung.
VI. — Espèces des terrains crétacés,
Les Neusrosaurus, E. Raspail,
forment un genre qui paraît avoir été étudié avec soin par
M. E. Raspail, mais qui présenterait une association de caractères
bien anomale. On n’en connaît pas le crâne. Les membres posté-
rieurs, qui sont assez bien conservés, ressemblent à ceux des croco-
dilesetontquatredoigts libres. Les antérieurs sont courts et aplatis,
et des plaques discoïdes trouvées près de l’humérus font penser à
M. Raspailqu'ilsétaientorganisés commeceuxdesénaliosauriens(!).
Le Neustosaurus Gigondarum, E. Raspail (3), a été trouvé dans le terrain
néocomien de Gigondas (Vaucluse).
Les Mssocerres, Cornaglia et Chiozza,
ne sont connus que par un squelette qui manque de la tête, des
pattes et de la queue. Il paraît appartenir au type des lacerti-
formes et se distinguer par l'étranglement médian de ses vertèbres.
La seule espèce connue a été trouvée dans le calcaire noir des environs de
Comen, près Trieste, que M. Heckel rapporte à l’époque crétacée et qui est
situé sous le calcaire à hippurites. Elle a été décrite par MM. Cornaglia et
Chiozza (f).
Les PoLYPTYcHODON, Owen, — Atlas, pl. XXVI, fig. 413,
ont des dents coniques, marquées de plis longitudinaux nombreux
et serrés, dont un petit nombre se continuent jusque vers le
L ]
(1) H. de Meyer, idem.
(2) Dans Bronn, Index palæontologicus, Nomenclator, p. 464.
(3) E. Raspail, Observ, sur un nouveau genre de saurien fossile, Paris et
Avignon, 1849, in-8°; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 164.
(4) E. Cornaglia et L. Chiozza, Cenni geologici sull' Istria (Giornale dell’
Instituto Lombardo de sc. litt. et art., 1851, t. I, pl. 1).
22 REPTILES. — PTÉRODACEYLIENS,
sommet, ou cessent même un peu avant lui. Quelques os trouvés
avec ces dents rappellent par leurs dimensions les dinosauriens,
mais semblent avoir appartenu à un animal aquatique.
On en connaît deux espèces.
Le P, continuus, Owen (1), a été découvert dans le grès vert inférieur de
Maidstone (terrain aptien).
Le P. interruptus, id. (2), provient des craies marneuses d'Angleterre et
des grès verts supérieurs.
Les MacrosAURUS, Owen,
dont on ne connaît que quelques vertèbres concavo-convexes, se
rapprochent des mosasaures par les caractères généraux de ces or-
ganes qui sont cependant plus longs à proportion, qui ont des ares
hæmaux soudés au corps, et qui présentent quelques autres carac-
tères différentiels.
La seule espèce connue () a été trouvée dans le grès vert de New-Jersey,
par M. H, Rogers (terrain de la craie blancne).
Les Hyrosaurus, Owen,
ont des vertèbres biconcaves qui semblent indiquer le type des
téléosauriens, tout en ayant des caractères qui ne permettent
de les confondre avec aucun genre connu.
Ces vertèbres (4), la seule partie que l’on connaisse de ce genre, ont été
trouvées à New-Jersey avec les débris du genre précédent.
3° ORDRE,
PTÉRODACTYLIENS, ou REPTILES VOLANTS.
(Ornithosaurii, Pr. Canino; Pterosauria, Owen; Podoptera, Fischer ;
Ptéropodes, H. de Meyer.)
L'ordre dont il s’agit ici présente un rapprochement
remarquable entre les caractères des sauriens et ceux
(1) Owen, Report Brit. assoc., 1841, p. 156, Odontography, pl. 72, fig. 3
et 4, et dans Palæont. Soc., Rept., part. 3, p. 47, pl. 12, 13 et 14.
(2) Owen, Palæont. Soc., loc. cit,, p. 55, pl. 10, 11 et 14.
(3) Owen, Quart. journal of the geol. Soc, 1849, t. V, p. 380, pl. 10
et 14.
(4) Owen, idem.
OU REPTILES VOLANTS. hs)
des chauves-souris et des oiseaux ; aussi les animaux qui
le composent ont-ils été successivement placés dans les
oiseaux, les mammifères et les reptiles. Un examen ap-
profondi montre cependant jusqu’à l'évidence que leurs
rapports avec les chéiroptères et les oiseaux sont plus ap-
parents que réels. Leurs dents toutes égales et coniques,
leur encéphale très petit, leurs doigts à phalanges en nom-
bredifférent,leur sternum et leur épaulede reptiles,etce.,
prouvent qu'il est impossible de les considérer comme
des mammifères. L'existence même des dents, la brièveté
de leur cou, la minceur de leurs côtes, l’absence d’apo-
physes récurrentes, la forme de Jeur sternum, la min-
ceur de leur queue, le nombre de leurs doigts, etc.,
repoussent tout à fait l'idée de les réunir aux oiseaux.
Ces caractères, au contraire, les placent dans la classe
des reptiles, dont ils ont tout à fait les pieds, et en par-
ticulier le nombre des phalanges des doigis; mais ils
présentent le fait remarquable d’avoir eu de véritables
ailes pour voler, circonstance qui ne se retrouve pas au-
jourd'hui dans cette classe. Les dragons seuls ont des
membranes étendues, mais elles sont portées par leurs
côtes, et dans aucun type actuel le membre antérieur ne
prend une forme d’aile.
Ils ont en outre l’intérêt de présenter une forme d’aile
tout à fait nouvelle. Dans les oiseaux, les doists, peu dis-
tincts et réunis, servent de base à des plumes. Dans les
chéiroptères, quatre doigts s’allongent et portent des
membranes, le pouce seul reste rudimentaire. Dans les
ptérodactyliens, un seul doigt prend de très grandes di-
mensions en longueur, et les autres restent courts et
normaux.
Lesptérodactyliens sont, comme la plupartdes reptiles
précédents, caractéristiques de l'époque secondaire. On
924 XEPTILES. — PTÉRODACTYLIENS,
trouve principalement Icurs squelettes dans les schistes
de Solenhofen, ainsi que dans loolithe et le lias, dans
le terrain wealdien et jusque dans la craie.
Les formes que nous avons décrites ci-dessus mon-
trent que les ptérodactyliens ont dû vivre à peu près à
la manière des chauves-souris. La forme des dents et
la grandeur de la mâchoire indiquent des animaux car-
nassiers, mais pas très forts. Les plus petites espèces
ont dû être insectivores ; Les grandes ont pu saisir des
poissons ou de petits reptiles. La grandeur des yeux in-
dique des animaux nocturnes. Les pieds postérieurs
étaient assez forts pour que ces animaux aient pu avoir
une station analogue à celle des oiseaux et se percher sur
les arbres. Les criffes de leurs pieds et les doists courts
de leurs mains ont dû leur donner la faculté de grim-
per le long des rochers.
On peut les partager en trois genres, suivant le nombre
des phalanges du doigt qui porte Paile et la disposition
des dents.
Les PTÉRODACTYLES (Péerodactylus, Cu.)
(Ornithocephalus, Sœmmerring, partim ; Pterotherium, Fischer),
— Atlas, pl. XXVI, fig. 14-17,
ont le grand doigt qui soutient l'aile à quatre phalanges ; les mà-
choires portent des dents jusqu’à leur extrémité; l’omoplate et
l'os coracoïdien ne sont pas soudés ensemble ; la queue est courte
et mobile. Le crane est allongé, les intermaxillaires sont grands. Les
ouvertures nasales sont larges et situées vers le milieu du museau;
elles sont en partie fermées en avant par un petit os comme dans
les monitors et ont un cercle de petits osselets articulés ou non et
une petite ouverture entre l'orbite et le nez, comme dans les o1i-
sceaux. La mâchoire inférieure est composée comme dans le cro-
codile, sans processus coronaire; elle est articulée en arrière des
yeux. Les dents sont au nombre de cinq à dix-sept de chaque côté,
inégales, coniques ou piriformes, un peu arquées et comprimées,
pointues, insérées dans des cavités séparées et creuses à leur base.
OU REPTILES VOLANTS. 525
Suivant Münster, les dents de remplacement se logent dans la ca-
vité des autres; suivant Goldfuss, elles sont latérales. Le cou est
long, composé de sept vertèbres; on compte en outre treize à
quinze dorsales, deux ou trois lombaires, six vertèbres ankylosées
pour l'os sacrum, et dix à quinze caudales. Les pièces de l'épaule, du
sternum et du bassin sont organisées comme dans les lézards, sauf
que ce dernier semble porter des os marsupiaux. Les os longs sont
creux et ont des ouvertures aériennes commedans les oiseaux. Il y
à Cinq Ou Six os du carpe, cinq mélacarpiens, cinq doigts aux mem-
bres antérieurs à une, deux, trois, quatre et quatre phalanges: les
quatre premiers sont courts et terminés par des ongles crochus,
l'externe est très long, sans ongle. Les membres postérieurs ont
aussi cinq doigts, mais aucun n’est allongé.
On en connaît plusieurs espèees qui proviennent uniquement
des étages jurassiques supérieurs, du terrain wealdien et du ter-
rain crétacé.
Les plus certains ont été trouvés dans les schistes lithographi-
ques (terrain corallien).
Le Pterodactylus longirostris, Oken (1), est le plus anciennement connu.
On en a trouvé à Pappenheim un squelette presque entier. La longueur
totale est de 10 pouces, l’envergure de 21. Les dents sont au nombre de ©.
(Atlas, pl. XX VI, fig. 15.)
Le Plerodactylus crassirostris, Goldf. (2), a 4 pied de longueur et 35 pouces
d'envergure. Les dents paraissent au nombre de =. La tête est grande et le
cou plus court. Il a été trouvé avec le précédent. (Atlas, pl. XXVI, fig. 14.)
Le Pterodactylus brevirostris,Cuv. (5), ale museau beaucoup plus court que
(1) Collini, Comment. Palat. phys., 1782, t. V, p. 58; Oken, Isis, 1819,
p. 1788, pl. 20; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 216; Sœmmerring,
Munch. Denks., 1812, t. IV, p. 89, pl. 5-7, et 1820, t. VI, p. 102 (Orni-
thocephalus antiquus et longirostris); Goldfuss, Nova acta Acad. nat. cur.,
t. XV, 1° part., p. 63, pl. 10; Buckland, Traité Bridgew., pl, 21 ; Ritgen,
Nova acia,t. XHE, 1 part., p. 329, pl. 16 (P. crocodilocephaloides); Giebel,
Fauna der Vorweit, 1, 2, p. 92; Bronn, Lethæa, 3° éd., Terr. jur., p. 492;
Quenstedt, Handb. der Pelref., p. 139.
(2) Goldfuss, Nova acta Acad. nat. cur., t. XV, 1'° part., p. 63, pl. 7-10;
Buckland, Traité Bridgew., pl. 22 ; Giebel, Bronn, Quenstedt, loc. cit.
(3) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 250; Goldfuss, Nova acta Acad.
nat. cur.,t. XV,2° part., p. 69, pl. 10 ; Buckland, Traité Bridgew., pl. 22 ;
Ritgen, Nova acta, t. XIE, 1° part., p. 329 (P. neltecephaloides); Sæmmer-
ring, Denks. Acad. Munch., t. VI, p.89, pl.1 et 2 (Ornithocephalus brevirostris);
Giebel, Fauna der Vorweil, 1, 2, p.94; Quenstedt, Handb. der Peiref., p.139,
526 REPTILES. — PTÉRODACTYLIENS,
les deux espèces précédentes, et sa tête ressemble plutôt, comme le dit Cuvier,
à celle d’une oie sortant de l’œuf qu’à celle d'un reptile. Sa taille est d'un
tiers plus petite que le PE. longirostris ; il provient d’Eischstaedt en Bavière,
Les dents sont très petites, et, suivant Sæœmmerring, au nombre seulement
de ; sa longueur est de 2 pouces 6 1/2 lignes. Les pieds postérieurs n'ont
que quatre doigts (1), (Atlas, pl. XXVI, fig. 46).
Le Pterodactylus Kochii, Wagner (2), des schistes lithographiques de
Kehlheim. Le cercle osseux de l’œil est simple, le cou rappelle celui du
Pt. crassirostris. Il a 4 doigts comme le précédent, accompagnés d’un rudiment
de pouce sans ongles ; sa longueur est de 8 pouces.
Le Pterodactylus medius, Münster (3), de Meulenhard près Daiting, tient
le milieu entre le P£. crassirostris et le Pt. longirostris,
Le Plerodactylus Meyeri (4), Münster, de Kehlheim, est très petit et n’a
que 1 2/3 pouce de longueur. Il ressemble beaucoup au Pt. brevirostris. Le
cercle osseux des yeux est composé de plusieurs pièces en forme de tuiles, ce
qui est peut-être un caractère du jeune âge. Les pieds ont 4 doigts.
Le Pterodactylus grandis, Cuv. (5), n’est connu que par quelques os des
membres qui proviennent aussi de Solenhofen, et qui indiquent une espèce
bien plus grande que les trois précédentes.
Ce même gisement a fourni encore quelques espèces très incomplétement
déterminées (6), et entre autres les Pterodactylus dubius, Münster, longipes,
Münster, et secundarius, H. de Meyer.
Les ptérodactyles des terrains wealdiens ne sont connus que
par des fragments d'os longs qui ont été d’abord décrits par M. Man-
tell comme appartenant à des oiseaux (Palæornis). Leurs os, en
effet, qui sont creusés de grandes cavités aériennes, rappellent tout
à fait ceux de cette classe. M. Owen a démontré qu'ils doivent être
rapportés à des ptérodactyles.
(t) MM. H. de Meyer et Giebel ont partagé les PTÉRODACTYLES en trois sOus-
genres (Jahres Bericht des Naturw. Vereins zu Halle, 1849-50, p. 2). Ils lais-
sent le nom de PrÉRODAGTYLES à ceux qui ont 4 doigts aux pieds postérieurs,
ils donnent celui de MacroTRACuELUS à ceux qui ont 5 doigts et = dents, et
celui de BRACHYTRACHELUS à ceux qui ont 5 doigts et — dents.
(2) Wagner, Abhand. der Bayr. Acad. der Wiss., 2, p. 163, pl. 1 ; Giebel,
Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 94.
(8) Müuster, Nova acta Acad. nat. cur., t. XV, 2° part., p. 51, pl. 6;
Giebel, Fauna der Vorwelt, F, 2, p. 95.
(‘) Münster, Leonh. und Bronn, Neues Jarhb., 1842, p. 35 ; H. de Meyer,
dans Münster, Beitr. zur Petrefact., t. V,p. 24, pl. 7, fig. 2; Giebel, loc. cit.
(5) Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 257; Giebel, loc. cit.
(6) Münster, Beitr. zur Petref., t. 1‘, p. 83, pl. 7, fig. 2; H, de Meyer,
Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 584; Giebel, loc, cit.
OU REPTILES VOLANTS. 527
L'espèce dont ils indiquent l'existence a été nommée Pterodactylus ornis
par M. Giebel (1). Sa taille était à peu près double de celle du P£, crassirostris.
On à trouvé aussi des ptérodactyles dans les terrains crétacés.
Is sont en général connus seulement par des fragments qui indi-
quent des espèces d’une très grande taille.
M. Bowerbanck a, le premier, découvert des ossements de ce genre dans la
craie blanche de Maidstone (Kent), et a donné le nom de Pterodactylus gigan-
teus, Bow. (2), non Goldf., à une espèce qui dépassait beaucoup par sa taille
toutes celles qui étaient connues (6 à 7 pieds d'envergure). Après de longues
discussions on est aujourd'hui d'accord pour lui attribuer les ossements que
M. Owen rapportait aux oiseaux sous le nom de Cimoliornis diomedeus, Owen,
et que nous avons inscrits sous cette désignation à la page 421, imprimée
ayant que les dernières publications sur ce sujet nous fusseut parvenucs.
Le Pt. giganteus devra changer son nom contre celui de Pt. diomedeus,
soit à cause de l’antériorité, soit parce que ce nom est devênu faux par la
découverte de deux espèces bien plus grandes encore (#), le PE. compressi-
rostris, Owen, et le PL. Cuvieri, Bowerb. Ce dernier paraît avoir atteint une
envergure de 16 pieds 6 pouces (5 mètres).
Les RampnorayNcus, H. de Meyer
(Ornithocephalus, Sæmm., partim), — Atlas, pl. XXVF, fig. 18,
différent des ptérodactyles par leurs mâchoires dépourvuesde dents
vers leur extrémité antérieure qui était probablement recouverte
par un bec corné. Leur omoplate et leurs os coracoïdiens sont
soudés ensemble. La queue est longue et roide, composée d’en-
viron trente vertèbres. Ils ont comme eux quatre articulations au
doigt qui porte l'aile.
On n’en a trouvé que dans les terrains jurassiques, mais ils
paraissent plus anciens que le genre précédent. Une espèce
appartient au las.
Le Ramphorhynchus macronyæ (#), Buckl., a été trouvé dans le lias de
{!) Mantell, Trans, of the geolog. Sociely of London, 2° série, t. V, p.175,
pl. 13, fig. 1; Owen, London geolog. journal, 186, t. IE,p. 96, fig. 1-7; Giebel,
Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 99; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 142.
(2) Quart. journ. of the geol. Soc., 1846, p. T, et 1848, p. 2; Annals
and mag. of natural hist., novembre 1852; Owen, Palæontographical
Society, Reptiles, p. S0 ; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 142.
(3) British. assoc., 1851; Owen, loc. cit.
(*) Buckland, Proceed. geol. Soc., février 1829, Transactions of the geol.
Soc., 2° série, III, 217, p. 27, et Traité Bridgew., pl. 22; Owen, Report
Brit, ass., 1841, p. 36, Il faut lui réunir les Pt, Banthensis et Goldfussi,
028 REPTILES. — PTÉRODACTYLIENS,
Lyme-Regis et dans celui de Bavière. 11 est caractérisé par une taille qui
dépasse de moitié celle du PE. crassirostris, par des dents petites, compri-
mées et à deux tranchants, par un cou aussi long à proportion que celui du
Pt, longirostris, et par de grandes phalanges unguéales.
Les autres espèces proviennent des schistes lithographiques de
Bavière.
Le Ramphorhynchus Gemingii, H. de Meyer (1), est connu par un sque-
lette presque complet. Les arcades orbitaires sont très grandes. Les dents,
au nombre de +, sont éloignées et faiblement courbées. La queue est lon-
gue et composée d’au moins dix-neuf vertèbres soudées entre elles. C’est
l'espèce figurée dans l'Atlas.
Le Ramphorhynchus Münsteri, H. de Meyer (2), a été décrit par Sæmmer-
ring COMME un oiseau.
Le Ramphorhynchus longicaudus, H. de Meyer, est une petite espèce
d'Eichstaedt figurée et décrite en détail par M. H. de Meyer (5).
Les Crniruopterus, H. de Meyer,
diffèrent des deux genres précédents par le long doigt de laile,
qui n'est composé que de deux phalanges. Ce genre est encore in-
complétement caractérisé et ne renferme qu'une espèce de Solen-
hofen.
C’est l'Ornithopterus Lavateri, H. de Meyer (), qui n’est connu que par
des fragments du membre antérieur, conservés dans la collection Lavater, à
Zurich.
Quelques espèces sont trop mal connues pour pouvoir être asso-
Thecodori, Frorieps Nolizen, 1830-39, n° 623. Voyez encore H. de Meyer,
Nova acta Acad. nat. cur., t. XV, 2° part., p. 198, pl. 40; Münster, Beitr.,
V, 31; Giebel, Faura der Vorwelt, I, 2, p. 96; Bronn, Lethœæa, 3° édit.,
Terr. jur., p. 494.
(1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1846, I, 1, et Palæon-
tographica, 1, p. 20, pl. 5; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 97;
Bronn, Lethœæa, 3° édit., Terr. jur., p. 495.
(2) Goldfuss, Nova acta Acad. nat. cur., XV, 1, p. 112, pl. 11, fig. 1;
Münster, Nachtræge zu Ornith. Münsleri, Bayreuth, 1830 ; Giebel, loc. cil.;
Bronn, loc, cit.
(3) Homæosaurus Maximiliani und Ramphorhynchus longicaudus, Francf.,
1847, in-4°.
(*) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jarb., 1838, p. 415 et 668;
1845, p. 282; 1848, p. 114; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, 91; Bronn,
Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 496.
ÉNALIOSAURIENS. b29
ciées avec certitude à l'un de ces trois genres plutôt qu'aux
autres.
En particulier, le Pt. Bucklandi (1), Goldf., qui est la seule espece trouvée
à Stonesfield (grande oolithe), n’a pas été décrit, et je ne sais pas s’il doit
être rapporté aux ptérodactyles où aux ramphorhynchus (2).
° ORDRE.
ENALIOSAURIENS.
( Neæipodes, H. de Meyer.)
Nous arrivons aux reptiles les plus bizarres et les
plus remarquables peut-être qu'ait fait connaître la
oéologie, car ils réunissent des caractères qui semblent,
au premier coup d'œil, incompatibles. [ls ont des ver-
tèbres semblables à celles des poissons, leurs dents rap-
pellent celles des crocodiliens, leur trone est celui des
lézards, et leurs pattes sont formées comme celles
des cétacés. Quelques uns d’entre eux ont atteint des
dimensions considérables, et ont dù exercer leur domi-
nation sur les mers de presque toute l’époque secon-
daire.
Leurs véritables affinités ont été l'objet de plusieurs
contestations; nous les considérons comme plus voisins
des sauriens que de tous les autres types, mais séparés
toutefois de ceux qui vivent actuellement par des diffé-
rences assez importantes pour nécessiter [a formation
d’un ordrenouveau. Les caractères principaux des éna-
liosauriens sont: des vertèbres biconcaves plus larges que
longues, et dont les lames tectrices sont faiblement unies
(1) Owen, Report Brit. assoc., 1841, p. 156 ; Giebel, Fauna der Vor-
Jvell, X,.2, pe 99:
(2) Voyez encore Spix, Denks. Bayer. Acad., 1816-17, t. VI (Pleropus de
Solenhofen).
I, 34
530 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS,
aux corps; des dents coniques, sans cavité à leur base,
implantées dans un canal commun de la mâchoire, qui
n’a que de courts alvéoles à sa partie profonde ; et qua-
tre membres courts et aplatis, dont les doigts sont for-
més par de nombreux osselets discoïdaux disposés comme
dans les cétacés.
Ïls ont vécu en très grande abondance à l’époque du
lias ; on en trouve aussi dans les terrains qui ont pré-
cédé cette formation (trias); et ils se continuent jusque
vers la fin de la période crétacée. Les traces les plus ré-
centes qu’on en ait signalées sont des fragments trouvés
dans la craie marneuse de Douvres. Ces reptiles ont
donc été limités à l’époque secondaire; leur apparition
concorde à peu près, comme on le voit, avec celle des
ammonites, et leur présence peut servir à caractériser
les mêmes terrains.
On peut les diviser en deux familles dont les carac-
tères correspondent avec fa distribution géologique.
Les IcnrayosAüRiENs ({chihyosaures et Plésiosaures)
ont les os du crâne assez développés, de sorte que quand
on voit la tête en dessus, les ouvertures n’en échancrent
qu’une faible partie. Tous les reptiles de cette famille
ontété trouvés dans les terrains jurassiques et cré-
tacés.
Les Simosaurrens ont les fosses temporales et les ca-
vités orbitaires et nasales très considérables, disposées
de manière à occuper la plus grande partie de la sur-
face du crâne et à laisser peu de place pour le dévelop-
pement des os. Îis ne se trouvent que dans les terrains
triasiques.
ICHTHYOSAURIENS. —— IiCHTIVOSÂAULUS, 531
1" Fame. — ICHTHYOSAURIENS.
Cette famille, qui comprend, comme nous l'avons dit, les énalio-
sauriens des terrains jurassiques et crétacés, renferme les genres
les mieux connus. Le premier est celui des
Icatayosaurus, Kœnig
(Proteosaurus, Home ; Gryphus, Wagler), — Atias, pl. XXVH,
fig. 1-45,
caractérisés par des formes lourdes , un cou court, une tête très
forte, des veux énormes revêtus de plaques osseuses, et des dents
nombreuses. La figure 1 dela planche XXVIT représente le squelette
restauré de ce singulier reptile, dont je vais tâcher de donner une
idée par une courte description.
La tête est grande et allongée (fig. 2 et 3) ; lé museau est formé
presque en entier par les intermaxillaires, les maxillaires sont
reléoués aux côtés de sa base; les narines sont percées entré les
nasaux ; les autres os ressemblent à ceux des lézards et des iguanes.
L'œil est très grand et protégé en avant par un cercle de pièce:
osseuses qui rappellent ce qu’on trouve dans les oiseaux, les tor-
tues et quelques sauriens. Ilest probable que cet organe si déve-
Joppé a permis à l’ichthyosaure de voir clair la nuit.
Les dents (fig. 4-11) sont coniques et ressemblent beaucoup à
celles des crocodiles ; mais elles sont pleines à leur base, et en
ouire elles sont plus nombreuses, car on en trouve jusqu'à ceñt
quatre-vingts. Elles sont assujetties dans un canal de l'os maxil-
laire qui n’est point divisé en loges, mais qui est seulement mar-
qué dans sa partie profonde de petites cavités alvéolaires rudimen-
taires. Les dents se remplacent comme dans les crocodiles, sauf
que, ces organes n'étant pas creux, la nouvelle dent ne se loge
pas dans l’ancienne, si ce n’est dans une petite cavité qu'elle y
creuse elle-même par sa pression continue (voy. fig. 4).
Les vertèbres sont nombreuses (jusqu'à 126). Leurs corps sont
fortement biconcaves (fig. 13-15) et d’une forme discoïdale, étant
courts par rapport à leur largeur. Les lames tectrices (ares neu-
raux) sont peu développées, et, comme dans les poissons, elles soni
imparfaitement soudées aux corps; aussi les trouve-t-on le plus
532 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS.
souvent séparées. La queue est courte, presque toujours fracturée
ou fortement déviée, ce qui fait penser à M. Owen qu’il y avait sur
cet organe une nageoire tégumentaire. Les côtes sont minces et
s'étendent depuis la vertèbre axis jusqu'aux deux premiers tiers
des vertèbres caudales: les thoraciques ont une double articula-
tion supérieure. Le sternum (fig. 12) est très développé et offre
quelques uns des caractères de celui des ornithorhynques et des
monitors ; il est formé d’une pièce impaire.
Les pattes (fig. 12) sont au nombre de quatre et tout à fait en
forme de nageoires. L'épaule, composée d'une omoplate, d'une
clavicule et d’un os coracoïdien, a les caractères essentiels des
lézards. L'humérus est court et solide ; les os de l’avant-bras sont
aussi larges que longs et en forme de disque. Ceux de la main
sont plats et disposés en séries qui correspondent aux doigts; ils
s’ajustent par leurs angles en forme de pavé, et forment, comme
dans les cétacés, une nageoire dont les parties ont dû avoir très
peu de mouvement les unes sur les autres. Le nombre de ces piè-
ces est considérable; les séries sont au nombre de cinq à sept, et
chacune compte jusqu'à vingt osselets. On voit que la forme ordi-
naire des pieds antérieurs des reptiles a été singulièrement modi-
fiée. Les membres postérieurs sont organisés comme les anté-
ricurs.
De cette description il résulte que les ichthyosaures ont été des
reptiles éminemment aquatiques. Îl est probable qu'ils ne quit -
taient jamais volontairement la mer, et que si un accident quel-
conque les rejetait sur la côte, ils devaient y rester échoués et
immobiles comme les cétacés. Ils étaient admirablement organi-
sés pour nager, et leurs mâchoires fortement armées indiquent
qu'ils ont été des carnassiers d'autant plus redoutables que leur
grande taille exigeait une nourriture abondante. Quelques es-
pèces en effet ont dù atteindre une longueur de trente pieds.
Une observation deM.S. Charring Pearce (!), d’un petit ichthyo-
saure compris dans un grand, pourrait peut-être faire supposer
que ces animaux étaient vivipares (?).
Les espèces d’ichthyosaures paraissent avoir été nombreuses (?).
(1) Ann. and mag. of nat. hist. janv. 1846; Bibl. univ., 1846, Archives,
t. I, p. 232.
(@) Voy. principalement pour les ichthyosaures : sir Ev. Home, Philosoph.
trans, 1814, 4816 et 4819; Conybeare, Trans. of (he geol. Soc., t. V,
ICHTHYOSAURIENS. — ICHTIYOSAURUS, 233
La plupart ont été trouvés dans le lias.
L'Ichthyosaurus communis, de la Bèche et Conyb., du lias de Lyme-Regis
et de Boll en Wurtemberg, a des dents à couronne conique, médiocrement
aiguës, légèrement arquées et profondément striées. Cette espèce a atteint
une grande taille. (Atlas, pl. XXVIL fig. 1, 5, etc.)
L'Ichthyosaurus platyodon, de la Bèche et Conyb., des mêmes localités, a
la couronne des dents comprimée, offrant de chaque côté uve arête tran-
chante. Cette espèce varie de 5 à 15 pieds. (Atlas, fig. 2, 3 et 11.)
L’Ichthyosaurus tenuirostris, de la Bèche et Conyb., des mêmes localités,
a des dents plus grêles et un museau plus long et plus mince, Moitié plus
petit que l’Z. communis. (Atlas, fig. 8.)
L'Ichthyosaurus intermedius, de la Bèche et Conyb., des mêmes localités,
a des dents plus aiguës et moins profondément striées que celles du commu-
nis, moins grêles que dans le {enuirostris. De la taille du précédent. (Atlas,
fig. 7.)
L’Ichthyosaurus acutirostris, Owen, provient du lias de Whitby, de
Boll, etc.
L’Ichthyosaurus latifrons, Koenig, du lias de Lyme-Regis.
L’Ichthyosaurus latimanus, Owen, du lias de Bristol.
L’Ichthyosaurus conchiodon, Owen, du lias de Lyme-Regis.
L’Ichthyosaurus thyreospondylus, Owen, du lias de Bristol.
L’Ichthyosaurus integer, Bronn, du lias de Boll; il est très voisin de
l’Z, communis,
L’Ichthyosaurus trigonodon, Theodori (f), du lias de Banz.
L'Ichthyosaurus coniformis, Harlan (2), est très douteux.
Une espèce a été indiquée dans les terrains jurassiques moyens
C'est :
L'Ichthyosaurus trigonus, Owen, des roches de Kelloway (terrain kello-
vien).
Une espèce plus récente a été découverte en 1845 dans les ter-
rains crétacés, c'est :
p. 214, et 2° série, t. [, p. 108; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t, X,
p. 390; Buckland, Traité Bridg., trad. par Doyère; Jaeger, De Ichthyosauri
sive Proteosauri fossilis speciminibus in agro bollensi repertis, Stuttg., 1824,
in-4°; Hawkins, Memoir on Ichthyosauri and Plesiosauri, Londres, 1834, in-
folio; Owen, Report on British rept., 1839 et 1841 (British assoc. ); Bronn,
Uber Ichthyosauren von Boll. (Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1844, et
Lethæa, 3° édit.); Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 151; Quenstedt,
llaxdb. der Petref., p.120 ; Sternberg, Bull. Fér., 1898, etc.
(1) Munch. Gel. Anzeigen, 1843, p. 905; Giebel, loc. cit., etc.
(?) Journ. Acad. Philad., ME, p. 338.
234 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS.
L'Ichthyosaurus campylodon, Carter, trouvé dans la craie inférieure de
Cambriäge (1). (Atlas, fig. 9 et 10.)
Il faut retrancher du genre des ICHTHYOSAURES :
L’I. lunevillensis, Alberti, qui est un Nothosaurus.
L'I. missouriensis, Harlan, qui est un Mosasaurus.
L’I. macrospondylus, Jaeger, qui est un Teleosaurus.
Les espèces décrites par M. Kutorga, qui sont des poissons (Laïmnodus).
Le deuxième genre des énaliosauriens, celui des
PLEsiosauRus, Conybeare,
(Halidracon, Wagl.), — Atlas, pl. XXVI, fig. 1-4,
se distingue facilement des ichthyosaures par ses formes plus
élancées, son cou très allongé semblable au corps d’un serpent,
et sa tête petite et moins fortement armée. Ces deux genres, du
reste, ont été contemporains l’un de l'autre et ont habité les
mêmes mers. Le plésiosaure, moins fort que lichthyosaure, de-
vait avoir plus de souplesse et d'agilité pour saisir sa proie, soit un
peu au-dessus des eaux, soit au-dessousde la surface, en plongeant
sa tête et son long cou comme le font aujourd'hui les cygnes. (Vox.
pl. XXVIIL fig. 1, un squelette restauré.)
Le plésiosaure s'éloigne encore plus que Îe genre précédent des
formes actuelles de la création. Sa tête a des caractères de F'ich-
thyosaure, du crocodile et surtout du lézard. Ses dents (fig. 4)
sont grèles, pointues, un peu arquées et cannelées longitudinale-
ment; les postérieures sont les plus grandes, tant en haut qu'en
bas ; elles sont implantées dans des alvéoles plus profonds que
ceux de l'ichthyosaure.
Les vertèbres sont moins concaves et moins discoïdales que dans
ce genre; elles sont marquées en dessous de deux fossettes. Le
çou égale presque en étendue le corps et la queue réunis: dans
le P. dolichodeirus, i a trente-trois vertèbres, nombre supérieur
à celui du cygne (qui en à vingt-trois), celui de tous les oiseaux
dont le cou est le plus long. Elles s'étendent aussi de la vertèbre
axis aux deux tiers de la queue, mais les cervicales sont courtes ;
chaque côte abdominale est unie à celle de l’autre côté par la réu-
(!) London geol. journ., 1, p. 7, 1846; Owen, Palæont, Soc., Reptil.,
part, 3, p, 69,
ICHTHYOSAURIENS. —— PLESIOSAURUS. 999
nion directe des deux cartilages, comme dans le caméléon, ce qui
indique une facilité très grande à gonfler les poumons, et par con-
séqueni à faire provision d'air pour pouvoir plonger. Ces cartilages
sont composés de sept pièces, une médiane et trois de chaque côté.
Les membres ressemblent beaucoup à ceux des ichthyosaures ;
mais ils sont encore plus grands à proportion; les coracoïdiens
sont très développés et entraînent un allongement du sternum.
Cette organisation prouve que les plésiosaures étaient aquatiques,
et qu'ils ont dù avoir beaucoup de peine à se traîner sur la terre.
Leur tête moins forte et leurs dents moins nombreuses peuvent
faire penser qu'ils étaient moins carnassiers que les ichthyosaures.
Ils ont dû rechercher les eaux plus tranquilles ; car plus grèles et
plus faibles qu'eux, ils étaient moins bien taillés pour résister aux
vagues.
On connaît beaucoup d'espèces de plésiosaures, dont quelques
unes ont dù atteindre une taille assez considérable, sans toutefois
égaler les grands ichthyosaures. indique ici les plus connues.
Les plus anciennes se trouvent dans le lias.
Le Plesiosaurus dolichodeirus, Coayb. (1) (Plésiosaure à long cou, Cuvier,
est l'espèce qui a le cou le plus allongé et la tête la plus petite à proportion
du corps. (Atlas, fig. 4 et 2.)
Le Plesiosaurus macrocephalus, Conyb. (2) (Alias, fig. 3), a la tête beau-
coup plus grande et le cou plus fort. Il a été trouyé dans le lias de Lyme-
Regis.
Le Plesiosaurus Hawkinsii, Owen, du même terrain, a le museau moins
allongé et plus étroit.
M. Owen (?) en indique encore plusieurs espéces, moins complétement
connues, du lias d'Angleterre. Ce sont :
Le Plesiosaurus arcuatus, Owen, du lias de Bath et de Cheltenham.
Le Plesiosaurus brachycephalus, Owen, du lias de Whitby, de Boli, ete,
{1) Conybeare, Trans. of the geol. Soc., 2% série, t. I, p. 119, pl. 18, 19, 48
et 49 ; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 466; de la Bèche, Trans. of
the geol. Soc., 2° série, t. 11, p. 27 ; Lonsdale, id., t. IF, p. 272,pl. 4, 17 et
18; Buckland, Trailé Bridgew., pl. 16, 17 et 18; Owen, Report Brit. ass.,
1839, p. 60; P. priscus, Miller; P. Homi, Gray, Syn. Rept., p.66; P. ex-
tarsostinus, Hawkins, Hem. on Ichthyos.; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I, 2,
p. 146; Bronn, Lethœa, 5° édit., Terr. jur., p. 485.
(2) Conybeare, loc. cit.; Buckland, Traité Bridg., pl. 19; Owen, Trans.
of the geol. Soc., 2° série, t. V, p. 515, et Report Brit. ass., 1839, p. 62;
Giebel, Fauna der Vorwelt, t. 1, 2, p. 147.
(3) Report Brit. ass., 1839,
536 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS.
Le Plesiosaurus coslatus, Owen, du lias de Bristol.
Le Plesiosaurus macromus, Owen, du lias de Lyme-Regis.
Le Plesiosaurus rugosus, Owen, du lias de Lyme et de Whitby.
Le Plesiosaurus subtrigonus, Owen, du lias de Weston, près Bath.
Une espèce indéterminée est encore indiquée par Bryce (!) dars le lias
d'irlande.
Le Plesiosaurus megacephalus, Stutchbury (?), a été découvert dans Ie
lias de Bristol.
Les plésiosaures de Foolithe sont encore mal connus.
Trois espéces ont été établies par Cuvier (ë) d’après l'étude de quelques
vertèbres, Ce sont :
Le Plesiosaurus carinatus, Cuv., connu par une vertèbre ceryicale, qui a
à sa surface inférieure une arête qui manque dans les autres espèces. Eile
provient probablement de Boulogne-sur-Mer.
Le Plesiosaurus pentagonus, Cuv., est indiqué par une vertèbre de Îa
queue d’une forme pentagonale; elle provient de l’Auxoïis.
Le Plesiosaurus trigonus, Cuv., n’est aussi connu que par une vertébre
caudale, mais qui est triangulaire. Il a été trouvé dans l’oolithe du Cai-
vados.
D'autres proviennent des étages supéricurs du terrain juras-
sique.
Le Plesiosaurus affinis, Owen (f), a été trouvé dans les argiles kimmérid-
giennes des environs d'Oxford et d'Heddingtou.
Le Plesiosaurus dœdicomus, id., et le Plesiosaurus trochanterius, id., pro-
viennent des gisements analogues de Shotover et d'Oxford,
Dans ces mêmes terrains kimméridgiens d'Angleterre, on a trouvé une
grande espèce remarquable par la brièveté de ses vertèbres qu’on peut com-
parer à des dames à jouer. C’est le Plesiosaurus brachyspondylus, Owen (5)
(P. recentior et P. giganteus, Conybeare?), que quelques auteurs ont voulu
rapprocher du genre SPONDYLOSAURUS, dont nous parlerons plus bas. Cette
association paraît prématurée.
Les plésiosaures, comme les ichthyosaures, ont vécu pendant
l’époque crétacée (6).
(1) Lond. and Edinb. phil. mag., 1831, t, IX, p. 321.
(2) Quarterly journ. of the geol. Soc., n° 8, nov. 1846, t. II, p. 411.
(3) Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 466,
(4) Report Nrit. ass., 1839.
(5) Owen, Report Brit. ass., 1839; Conybeare, Trans. of the geol. Soc.,
9Crsérie,it.21; p.149:
(6) Voyez, pour les espèces de la craie d'Angleterre, Owen, Report Brit.
ass., 1841, et surtout son mémoire dans les publications du Palæontographi-
cal Soc., Rept., part. 3, p. 58 à 68.
ICIHFHYOSAURIENS. — SPONDYLOSAURUS. 9297
Le Plesiosaurus pachyomus, Owen, a été trouvé dans le grès vert des en-
virons de Cambridge.
Le Plesiosaurus Bernardi, Owen, provient de la craie des environs de
Douvres.
Le Plesiosaurus constrictus, Owen, a été découvert dans la craie de Stey-
ning (Sussex).
Les naturalistes américains en ont aussi décrit des ossements
de l'Amérique septentrionale (1).
M. Harlan en indique une espèce des grès verts de New-Jersey.
Les SroxpyLosaurus, Fischer (2),
ne sont connus que par quelques vertèbres dorsales qui réunissent
les caractères des ichthyosaures et des plésiosaures. M. Owen les
a rapportés, comme nous l'avons dit, àson P/esiosaurus brachyspon-
dylus, mais M. Bronn conteste cette association. Les vertèbres
du spondylosaure sont plus cylindriques, moins profondément con-
caves en avant, plus larges que longues et plus longues que hautes.
Les trous nutritifs et les arcs neuraux présentent aussi des diffé-
rences.
Les fragments connus me paraissent insuffisants pour décider
cette question.
Deux espèces (peut-être trois) ont été indiquées ( Spondylosaurus Frearsii
et Fahrenkohli, Fischer). Elles proviennent du terrain oxfordien des environs
de Moscou.
Le genre des
Prosaurus, Owen, — Atlas, pl. XXVIIE, fig. 5,
renferme des reptiles gigantesques des terrains kimméridgiens
et oxfordiens, dont les caractères sont également intermédiaires
entre les ichthyosaures et les plésiosaures.
Leurs dents grandes, simples, coniques, à petites arêtes bien
(t) Harlan, Journ. Acad. Phil., IV, p. 232; Giebel, Fauna der Vorwelt,
1, 2, p. 151.
(2) Fischer de Waldheim, Bull. de la Soc. des nal. de Moscou, 1845,
t. XVIL p. 343 ; 1846, t. XVII, p. 877 ; 1846, t. XIX, p. 90 ; 1848, t. XXI,
p. 133 ; Owen, in WMurchison Russie, I, p. 417; Bronn, Lethœæa, 3° édit., Terr.
jur., p. 487.
238 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS.
déinies, longitudinales ou cbiiques, ressemblent tout à fait à
celles des plésiosaures, sauf qu'elles sont plus épaisses, subtrié-
drales, et qu’elles ont leur côté externe séparé de l’interne par
deux bords un peu tranchants. Les os des extrémités sont aussi
ceux des plésiosaures ; les coracoïdes sont énormes; le fémur, très
fort, cylindrique à la base et épaté à l'extrémité, est dépourvu de
cavité médullaire. Les vertèbres ont, comme dans ce même genre,
les corps unis par des faceties presque planes.
Mais à ces ressemblances se joignent de très grandes différences
de formes. Au lieu du cou long et mince des plésiosaures, les plio-
saures on un cou très court, composé de vertèbres discoïdales, et
une tête énorme et massive, qui leur donnent cette forme de cé-
tacés qui caractérise les ichthyosaures.
Ces reptiles paraissent avoir apparu plus tard que les deux
genres entre lesquels ils sont intermédiaires; car on n'a encore
trouvé aucun fragment de leurs squelettes dans le lias ni dans
l’oolithe, et comme je l'ai dit ci-dessus, ils n'ont été recueillis que
dans les terrains oxfordiens et kimmériägiens.
On en connait en Angleterre deux espèces qui sout principalement caracté-
risées par la forme de leurs côtes cervicales. Ce sont les Pliosaurus bracly-
deirus, Owen, et P. trochanterius, Owen (1). Une partie des ossements de la
première espèce ont été rapportés par le même auteur au gerre plésiosaure.
Plus tard elle a été désignée sous le nom de Pliosaurus grandis.
M. Fischer (?) ajoute une troisième espèce de Russie, le Pliosaurus Wo-
sinskii, Fischer.
9° FamiLze. — SIMOSAURIENS.
Cette famille renferme tous les énaliosauriens des terrains tria-
siques et est caractérisée par les énormes trous qui échancrent
le crâne.
_ Les Nornosaurus, Münster
(Dracosaurus, Münst.), — Atlas, pl. XXVIT, fig. 6 et 7,
ressemblent aux plésiosaures par la longueur de leur cou qui est
composé d’au moins vingt vertèbres, par la forme de leurs mem-
bres et par la plupart des détails du squelette. Ils en diffèrent par
(1) Odontography, London, 1840-1845, t. I, p. 282, et Report Brit. ass.,
1841, p. 60.
(2) Bull. de la Soe, des nat. de Moscou, 1846, t. XIX, part, 2, p. 405.
SIMOSAURIENS. — NOTHOSAURUS. 939
quelques caractères importanis. Leur tête est étroite; Les fosses
temporales, orbitaires et nasales, sont largement ouvertes et beau-
coup plus apparentes à la face supérieure. Les ptérygoiïdiens, les
maxillaires et les palatins, sont soudés en une plaque continue.
Les orbites sont rapprochées de la partie antérieure du museau
et par contre les ouvertures nasales sont loin d'être terminales.
Les dents sont nombreuses, minces, coniques, trois à cinq fois
aussi longues que larges, légèrement infléchies et implantées
dans des alvéoles distincts. Les antérieures, portées par l'os inc1-
sif, sont de grandeur médiocre, elles sont suivies par deux à cinq
dents beaucoup plus fortes, disposées comme des canines; les pos-
térieures sont les plus petites. Toutes ces dents sont striées d'une
trentaine de lignes longitudinales plates ou peu relevées qui se
continuent jusqu'à la pointe en diminuant de nombre. Les vertè-
bres sont plus fortement biconcaves que dans les plésiosaures,
mais leurs corps manqnent des fossettes caractéristiques de ce
genre. Le fémur et l’humérus sont un peu plus courts à proportion.
Les membres antérieurs sont plus allongés que les postérieurs.
Ces reptiles sont spéciaux à l'époque triasique, et 1ls ont été
remplacés dans le lias par les plésiosaures. Ces deux genres ne se
trouvent pas dans les mêmes terrains et n’ont pas vécu ensemble.
On connaît une seule espèce de l'étage inférieur ou formation pæcilienne :
C’est le Nothosaurus Schimperi (1), H. de Meyer, qui a été trouvé dans le
grès bigarré de Soulz-les-Bains. Il est caractérisé par la brièveté de la sym-
physe de la mâchoire inférieure, et parce que la dernière grosse dent est im-
plantée en arrière de sa terminaison postérieure.
L’étage moyen ou muschelkalk en renferme plusieurs.
La mieux connue (2) est le Nothosaurus mirabilis, Münster (Saurien de
Lunéville, Cuv.; Dracosaurus Bronni, Münster; Plesiosaurus speciosus et
lunevillensis, id.; Ichthyosaurus lunevillensis, Aberti, Chelonia Cuvieri,
(1) H. de Meyer, iu Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 101, et
Mém. de la Soc. d'hist. nat. de Strasbourg, t. , p. 7, pl. 4, fig. 2; Giebel,
Fauna der Vorwell, K, 2, p. 161.
(2) Münster, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1834, p.525 et 538; 1835,
p. 335; Alberti, id., 1838, p. 469, et Trias, p. 51; H. de Meyer et Plien.,
Pal. Wurtemb., p.48; Zenker, Jena, p. 236; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit.,
t. X, p. 208; Bronn, Lethœæa, 3° édit., Terr. triasiques, p. 106. Voyez
surtout H. de Meyer, Zur Fauna der Vorwell, Rept. des Muschellalks, p. 15,
pl. 1, 2, etc,
940 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS.
Gray; Chelonia lunevi lensis, Keferst), qui a été trouvé à Lunéville, à Bay-
reuth, à Laineck, dans la baute Silésie, etc. Plusieurs ossements importants
de cette espèce ont été très bien figurés dans la belle monographie de M. H, de
Meyer. Elle a dû atteindre une longueur de 7 pieds. (Atlas, fig. 6 et T7.)
Le Nothosaurus giganteus (1), Münster, est plus rare, et a été trouvé dans
les mêmes gisements.
Le Nothosaurus venustus (2), Münster, trouvé à Querfurt, à Iéna, dans le
Harz, à Bayreuth, ete, n’a pas dû dépasser le quart de la taille du N. mira-
bilis.
Le Nothosaurus Münsteri (3), H. de Meyer, de Bayreuth, est le plus petit
de tous.
Le Nothosaurus Andriani (4), H. de Meyer, provient aussi de Bayreuth.
Le Nothosaurus angustifrons (5), H. de Meyer, a été découvert dans le
muschelkalk de Krailsheim.
M. H. de Meyer rapporte avec doute à ce genre l’espèce qu’il avait d’abord
décrite sous le nom de Simosaurus Mougeolti, et qui a été trouvée à Lunéville.
Les Pisrosaurus, H. de Meyer,
sont, suivant M. H. de Mever (f), caractérisés par la forme du con-
tour de leur crâne qui ressemble à une bouteille à col étroit. Ils
différent en outre des nothosaurus par Jeurs orbites situées en ar-
rière du milieu et par les ouvertures nasales situées sur les côtés et
non en dessus.
Le Pistosaurus longævus, H. de Meyer, a été trouvé dans le muschelkalk
de Bayreuth. La planche destinée à le représenter, et annoncée comme de-
vant faire partie du Fauna der Vorwelt, n’a pas encore paru.
Les ConcuiosauRus, H. de Meyer,
ont un museau beaucoup moins allongé que les nothosaurus et qui
(1) Münster, id.; H. de Meyer, Zur Fauna der Vorwelt, p. 22, pl. 11, 14
et 22:
(2) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1839, p. 525 ; H. de Meyer, id., 1840,
p. 96.
(3) H. de Meyer, Neues Jahrb., 1839, p. 559 ; 1843, p. 587; Zur Fauna,
p. 20, pl. 9.
(4) H. de Meyer, Neues Jahrb., 1839, p. 559; Pal. Wurtemb., pl. 48;
Zur Fauna, p. 21, pl. 12.
(5) H. de Meyer, Neues Jahrb., 1849, p. 584, et Pal. Wurlemb. p. 47, pl.10,
fig. 2. Voyez encore, pour toutes ces espèces, Gicbel, Fauna der Vorwell, I, 2,
p. 160 ; Quenstedt, Handb. der Petref., p.132.
(6) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1839, p. 699 ; 1843,
p. 587,et 1847, p. 573; Zur Fauna der Vorwelt, Rept. des Musch., p. 23.
SIMOSAURIENS. — SIMOSAURUS. 541
rappelle plutôt la forme de celui des caïmans. Les narines sont
terminales. Les dents, au nombre seulement de douze de chaque
côté, sont à peu près égales , éloignées les unes des autres, non
comprimées, creuses, un peu renflées au-dessus de la racine et
appoimties à l'extrémité, en sorte que les plus petites sont un peu
globuliformes et les plus grandes piriformes. Elles sont striées
dans leur longueur et quelques stries n'atteignent pas la pointe.
Il y avait en avant au moins une grosse canine et quelques peti-
tes antérieures.
On ne connaît qu'une seule espèce. Elle appartient, comme les
précédentes, à l’époque triasique.
C’est le Conchiosaurus clavatus (1), H. de Meyer, trouvé à Laineck, près
de Bayreuth.
Les Simosaurus, H. de Meyer, — Atlas, pl. XXVIT, fig. 16 à 18,
ont également une tête beaucoup plus courte que les nothosaurus.
Elle est remarquable par la grandeur des ouvertures, principale-
ment des fosses temporales qui laissent très peu de place aux os
du crane, et en particulier à la cavité encéphalique. Les orbites
sont également grandes et largement ouvertes en dessus, ainsi que
les narines, qui ne sont pas terminales. Les dents, au nombre de
vingt-cinq à vingt-six de chaque côté, occupent des alvéoles com-
plets disposés dans l'os maxillaire jusqu'au niveau du milieu des
temporaux. Elles sont un peu inégales, mais on n’y distingue pas de
canines. Elles ‘sont moins minces que dans les nothosaurus, gé-
néralement recourbées et ont une petite carène externe. Elles sont
striées de lignes profondes qui arrivent toutes jusqu'à la pointe,
mais qui disparaissent vers la racine. La mâchoire inférieure à
une symphyse courte près de laquelle les dents sont un peu plus
fortes.
Ce genre est encore spécial à l'époque triasique.
La seule espèce certaine est le Simosaurus Gaillardoti (2), H. de Meyer,
du muschelkalk de Lunéville, de Louisbourg et de Kraïlsheim. C'est à cette
(1) Mus. Senkenberg., 1833, 1, part. 1, p. 8, pl. 1, Neues Jahrb., 1834,
p.114;1838, p.415; Giebel, Fauna der Vorwell,T, 2, p.162 ; Bronn, Lethua,
3° édit., Terr. trias., p. 107.
(2) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrh., 1849, p. 99, 184
242 REPTILES. — ÉNALIOSAURIENS.
espèce qu’il faut rapporter quelques uns des débris attribués par Cuvier À deà
tortues ou à des plésiosaures.
Nous avons dit plus haut que le Simosaurus Mougeoti (1), H. de Meyer, était
peut-être un vrai nothosaure. Il provient aussi du muschelkalk de Lunéville.
{uelques auteurs rapprochent de ces divers genres célui des
CHakirosAuRUS, H. de Mever, mais il a été transporté dans la classe
des püissons sous le nom de Charitodon.
Les Srnexosaurus, H. de Meyer, (Palæosaurus, Fitzinger; non
Palæosaurus, Riley et Stütch , nec Geoffroy),
ont des vertèbres très courtes à corps presque plats ou faiblement
biconcaves. Leur caractère principal consiste dans üne pläqué os-
seuse, ovale-transverse, qui se trouve en dessous du corps dés
vertèbres dorsales, lombaires et sacrées, et même sous les pre-
mières caudales, et qui renforce comme une sorte de coin la co-
lonne épinière. Cette organisation se retrouve dans les premières
vertèbres cervicales des ichthyosaures. Le fémur fort rappelle
celui des racheosaurus.
Ce genre fait probablement partie de la famille des énaliosau-
riens. M. Giebel l’associe aux lacertiformes.
Le Sphenosaurus Sternbergi, H. de Meyer (Palæosaurus Sternbergüi, Fitzin-
ger) (2), a été trouvé dans un gisement de Bohême qui appartient probable-
ment au Rothliegende (terrain pénéen, étage inférieur). Un échantillon est
conservé daus le musée de Prague ; il atteignait une longueur de 4 1/2 pieds.
Nous ne pouvons pas terminer l'histoire des énaliosauriens sans
dire quelques mois de fossiles très remarquables qui paraissent
être leurs excréments pétrifiés, et qu'on a nommés coprolithes. Le
lias de Lyme-Regiset les craies marneuses de Lewes en renferment
une quantité considérable, et leur étude à permis au docteur
Buckland d’ajouter de nouveaux faits à l’histoire des genres fos-
et 583; 1843, p. 587: H.de Meyer et Plien., Rept. Wurt., p. 45, pl. 11, fig. 1;
H. de Meyer, Zur Fauna der l'orwelt, Rept.der Musch., pl. 15, 16 et 17; Giebel,
Fauna der Vorwelt, X, 2, p.162; Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr.trias., p.109.
(1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 196 ; Gicbel,
Fauna der Voriwelt, I, 2, p. 162.
(2) Fitzinger, Ann. der Wiener Mus., 1837, Il, p. 171, pl. 2; H. dé Meyet
Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1847, p. 182; Giebel, Fauna der Vorwell, I,
2, p. 132.
LABYRINTHODONTES. 43
siles de cette famille. Quelques uns sont assez bien conservés pour
que l’on trouve dans leur intérieur des écailles et autres débris,
qui montrent quels sont les êtres dont les énaliosauriens faisaient
leur nourriture ordinaire. On a pu ainsi déterminer quelques es-
pèces de poissons, et reconnaître que ces voraces reptiles ava-
laient des animaux d’une taille considérable, ce qui suppose qu'ils
avaient un estomac volumineux. La forme même des excréments
montre que l'intestin a eu une disposition intérieure en spirale
conime certains poissons; et il est vraisemblable que cette circon-
Stance, én retardant là marche des aliments, a compensé la
brièveté probable du canal alimentaire, auquel la grandeur de
l'estomac laissait peu de place pour son développement. (Atlas,
pl. XXVIIE, fig. 8-11).
5° ORDRE.
LABYRINTHODONTES.
Ces reptiles sont caractérisés par une singulière com-
plicalion dans le tissu de leurs dents, par les plaques
osséuses vermiculées qui recouvrent et protésent leur
crâne, par leurs condyles occipitaux et leur vomer sem-
blables à ceux des batraciens, tandis que le reste du
crâne a plutôt les caractères des crocodiles, et par une
peau couverte d’écailles.
Les premiers qui aient été signalés sont ceux du keuper
du Wurtemberg. Hs ont été décrits pardaegersousle nom
de Masroponsaurus, nom qui, comme le fait observer
M. Owen, présente une erreur, car leurs dents n’ont
"aücun rapport avec celles des mastodontes. Cette pre-
mière espèce fut nommée M. salamandroides, et, peu
de temps après, le nom d'espèce, contrairementaux prin-
cipes de la nomenclature, devint le nom de genre, et ces
mèmes reptiles furent appelés Salamandroides gigan-
teus et Salamandroides Jaegeri. Leurs dents, dont la
544 REPTILES. — LABYRINTIHODONTES.
texture est très compliquée, leur ont fait maintenant
donner le nom de LaBYRINTHODONTES.
Ces reptiles remarquables ont été rapprochés tantôt
des sauriens, tantôt des batraciens ; il n’est pas facile
de décider quelles sont leurs véritables affinités. Les
différences qui séparent aujourd’hui ces deux ordres
sont en effet tirées principalement d'organes qui ne luis-
sent aucune trace dans les squelettes fossiles. Les ba-
traciens sont essentiellement caractérisés par leur
cœur à deux loges et leurs branchies dans le jeune âge,
tandis que leurs caractères ostéologiques ne sont pas à
beaucoup près aussi évidents.
On comprend donc facilement que les paléontologistes
soient en désaccord sur ce point. Nous passerons rapi-
dement en revue les motifs qui peuvent faire prévaloir
l'une ou l'autre opinion.
Ceux qui les rapprochent des batraciens s'appuient
sur les faits suivants :
1° Les labyrinthodontes ont comme eux deux con-
dyles occipitaux portés chacun par un des os occipitaux
latéraux. Cette circonstance avait déjà frappé daeger
comme étant très caractéristique.
2Jls ont souvent des dents sur le vomer et les pala-
tins, ce qui est conforme à ce qu’on trouve dans plu-
sieurs batraciens, et est fort différent de ce qu'offrent
lessauriens, chez quiles dents palatines, si elles existent,
sont portées par les ptérygoïdiens.
3° Ils manquent d’occipitaux supérieurs et ont les os
temporaux organisés comme ceux des batraciens.
4° Parmi plusieurs pièces du squelette on n’a encore
trouvé aucune côte, ce qui peut faire penser qu’elles
manquaient ou étaient très courtes.
5° Ils manquent de l’os lacrymal.
LABYRINTIHODONTES. 545
6° Les trous palatins sont très grands.
Ces arguments (') ont paru décisifs à plusieurs pa-
léontologistes, ct en particulier ont décidé MM. Jaeger,
Fitzinger, Owen , Quenstedt, etc., à les placer dans
la division des batraciens.
Mais à ces motifs on en oppose d’autres qui prouvent
des analogies avec les sauriens.
1° Les dents des labyrinthodontes sont grandes, for-
tes, coniques, implantées dans des alvéoles, tandis
que dans les batraciens ces organes sont nuls ou très
petits.
2° La tête estcouverted’une armure osseuse, et Le corps
est revêtu d'écailles, caractères généraux à tous les sau-
riens et qui ne se retrouvent jamais dans les batraciens.
3° La forme de !a tête dans quelques uns d’entre eux
rappelle tout à fait les crocodiles.
4° La grande taille de plusieurs de ces reptiles donne
peu de probabilité à l’idée qu’ils aient eu des métamor-
phoses. On n’a jamais trouvé d’ossements qui pussent
faire préjuger de l'existence d’un état de farve.
L'opinion queles labyrinthodontes doivent plutôt être
rapprochés des sauriens à été admise par MM. H. de
Meyer, Bronn, Mantell, etc.
Jai déjà dit plus haut que nous manquions, pour dé-
cider cette question, de fa connaissance des faits les plus
essentiels, et qu’en conséquence on ne peut conclure
qu'avec doute. Je persiste à les rapprocher provisoire-
ment des sauriens plutôt que des batraciens, parce que
les arguments rés des dents et des écailles me parais-
(1) Je dois faire remarquer que ces arguments ont une valeur inégale sui-
vant les genres. Les mastodonsaurus ressemblent plus aux batraciens que les
archegosaurus. Ces derniers ont des ouvertures palatines médiocres et les os
de la voûte du palais soudés à la manière des crocodiliens et non comme dans
les grenouilles.
1. 35
546 REPTILES. — LABYRINTHODONTES.
sent plus puissants que les autres. Je les place dans la
sous-classe desreptiles proprementdits, etjusqu’à preuve
contraire je ne suppose pas qu'ils aient eu des iméta-
morphoses. Je les considère comme devant constituer
un ordre particulier , placé à l'extrémité de cette série
et formant une transition évidente aux batraciens (").
Je dois ajouter encore quelques détails sur leur orga-
nisation :
Leurs dents sont, comme je l'ai dit, grandes et fortes,
coniques, très légèrement arquées et striées. Leur com-
position microscopique est des plus remarquables, et
ne résout point la question de leur affinité, car elle ne
les rapprocheni des crocodiliens, ni desbatraciens ; leur
section montre des lames osseuses très compliquées et
sinueuses, et de nombreux plis très infléchis de la sur-
face externe du cément, qui, en convergeant vers la ca-
vitéinterne, forment un dédale de lignes inextricables,
(voy. Atlas, pl. XXIX, fig. #). L'organisation de ces dents
rappelle plutôt les poissons que les reptiles.
Le crâne se compose d’un squelette intérieur, re-
marquable par l'immense étendue des trous palatins et
par l’amincissement des os qui les séparent. Il à une
forme tantôt parabolique, tantôt allongée. Il est recou-
vertpar une carapace de pièces osseuses solides qui n’est
percée que par les orbites et par les ouvertures nasales
qui sont peu étendues.
Des pièces osseuses analogues recouvrent le corps
(1) Voyez principalement, pour toute cette discussion, H. de Meyer et Plie-
ninger, Beitr. zur Palæont. Wurtemb., 1844, in-f°; Owen, Proceed. of the
geol. Soc., HT, p. 389, Trans., id., 2° série, VI, part. 2, et Ondontography;
Burmeister, Die Labyrinthodonten aus dem Saabrucher Steinkohlengebirge,
gr. in-4°; Quenstedt, Die Mastodonsaurier in grünen Keupersandstein Wurt.
sind Batrachier, Tubing., 1850, in-f°.
MASTOLONSAURUS. 547
au moins dans quelques parties. Elles sont creusées de
sillons ou de fossettes et ont été quelquefois confon-
dues avec des carapaces de chéloniens. (Atlas, pl. XXIX,
fig. 5 et 6.)
Les os des membres sont peu connus et paraissent,
comme tout le reste de l'organisme, démontrer des
formes intermédiaires entre les sauriens et les batra-
ciens.
Les Jabyrinthodontes ont apparu pour la première
fois dans les terrains carbonifères. Un genre parait
avoir vécu dans la période pénéenne. Ils se trouvent en
abondance dans ceux de l’époque triasique et se sont
probablement éteints avant [a période jurassique, à
l'exception toutefois du genre rhinosaurus qui à été
trouvé dans le lias, mais dont les rapports zoologiques
sont encore contesiés.
Les premiers labyrinthodontes ont été de petite taille;
le crâne des espèces carbonifères varie de 1 1/2 pouee à
7 pouces de longueur. Ils ont augmenté de dimension
dans l'étage inférieur du terrain triasique où l’on trouve
des crânes de 9 à £0 pouces, et ont atteint dansle letten-
kohle (keuper inférieur) une longueur de 30 pouces.
Enfin, dans les étages moyens du keuper on a décou-
vert des têtes qui mesuraient 4 pieds.
Les MasropoxsauRus, Jaeger
(Salumandroides, Jaeger; Batrachosaurus, Fitzinger), — Atlas,
pl. XXIX, fig. 1-6),
sont connus par des crânes et par quelques os. La tête (fig. 4 et 2)
est courte, plate, parabolique, large; les orbites sont situées dans
la moitié postérieure, leur bord antérieur correspondant au milieu
de la tête. Elles sont rapprochées l'une de l’autre et aussi grandes
que la distance qui les sépare. Les dents (fig. 3) sont petites et
nombreuses; les narines sont terminales.
548 REPTILES. — LABYRINTHODONTES.
On en connaît quatre espèces qui sont réparties dans les divers
étages du terrain triasique.
La plus ancienne est le Mastodonsaurus vaslenensis, H. de Meyer (:), du
grès bigarré. Il n’a pas encore été décrit.
Le Mastodonsaurus Meyeri, Münst. (2), est une espèce douteuse, connue
seulement par des dents du muschelkalk de Rothemburg.
Le Mastodonsaurus Jaegeri, Alberti(!) (Salamandroides giganteus, Jaeger ;
Mastod. giganteus, Quenstedt; Labyrinthodon Jaegeri, Owen), est, au contraire,
connu par de belles têtes, bien conservées, des dents, plusieurs os, etc., qui
ont été figurés par MM. H. de Meyer cet Plieninger. La tête mesure 27 pouces
en longueur et 24 dans sa plus grande largeur, qui est à sa partie postérieure.
Les dents de la mâchoire supérieure sont sur deux rangées. Les externes,
dont le nombre dépasse cent, sont portées sept par l’intermaxillaire, et les
autres par le maxillaire. Celles de la seconde rangée sont portées par le vo-
mer et les palatins, les trois antérieures sont plus grosses. Les dents de la
mâchoire inférieure sont sur une seule rangée; mais on en voit, en avant de
chaque côté, une grande, hors de ligne, qui perce la mâchoire supérieure et
sort par une petite ouverture du nez. Ce reptile a été trouvé dans le letten-
koble (keuper inférieur) du Wurtemberg, et en particulier dans les schistes
alumineux de Gaïlsdorf, Il n’est pas certain que les ossements d'Angleterre,
qu'a décrits sous ce nom M. Owen, se rapportent bien à la même espèce.
Le Mastodonsaurus Andriari, Münster (), des étages supérieurs du keuper
de Bayreuth et de Wurzbourg, paraît se distinguer de l'espèce précédente par
ses dents dans lesquelles les stries sont alternativement larges et étroites (?).
Les CarirosAURUS, Miünster, — Atlas, pl. XXIX, fig. 7,
ne diffèrent des mastodonsaurus que par leurs cavités orbitaires
beaucoup plus petites que l'espace qui les sépare et situées plus
en arrière. On remarque sur le sommet de la tête un petit trou
rond (trou du vertex), qui dans ce genre est peu éloigné des or-
bites. On en connaît deux ou trois espèces du terrain triasique.
(1) H. de Meyer, Bronn Index pal., IH, p. 690.
(2) Münster, Beilr. zur Petref., I, p. 102; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2,
p. 167.
(3) Jaeger, Rept., p. 35, pl. 4 et 5; Alberti, Trias, p. 120 et 314; H. de
Meyer et Plieninger, Beit. zur Pal. Wurtemb., p.11, pl.3 à 7; Owen, Report
Brit. ass., 1841, p. 181 ; Giebel, Fauna der Vorwell, I, 2, p.166 ; Bronn,
Lethæa, 3° édit., Terr. trias., p.113 ; Quenstedt, Handb. der Petref., p. 155
(M. giganteus).
(#) Münster, Beitr. Petref., 1, p. 402, pl. 13, fig. 8 ; Giebel, Loc. cit.
TREMATOSAURUS. 549
Le Capitosaurus robustus, H. de Meyer (1), a été trouvé dans les étages
supérieurs du keuper, près de Stuttgardt. M. Quenstedt pense qu’on doit le
réunir aux mastodonsaurus.
Le Capitosaurus arenaceus, Münster (2), a été découvert dans le keuper de
Bentz, en Franconie.
Les Merorias, H. de Meyer,
ont encore, comme les genres précédents, une tête parabolique,
large. Leurs orbites sont petites et séparées comme dans le genre
précédent, mais ouvertesdans la moitié antérieure de la tête. Letron
du vertex est fort éloigné des orbites et près du bord postérieur
du crâne. Les dents ressemblent, autant qu'on en peut juger, à
celles des mastodonsaurus; celles de la mâchoire supérieure sont
pombreuses et forment aussi deux rangées.
On n'en connaît qu'une espèce.
Le Metopias diagnosticus, H. de Meyer (3), a été trouvé dans lés étages
supérieurs du keuper du Wurtemberg.
Les TREMATOsAURUS, Braun,
ont la tête plus allongée et triangulaire ; les veux sont au milieu
de la longueur. Les ouvertures nasales sont séparées de l’extré-
mité par une distance égale à leur double largeur. Les dents de
la mâchoire supérieure sont au nombre de soixante-huit dans le
rang externe, dont lessept antérieures plus grosses et les autres très
petites. Celles du rang interne sont au nombre de trente-six dont
neuf environ, placées entre les veux et les ouvertures nasales,
dépassent toutes les autres par leurs dimensions. Elles sont sépa-
rées en deux groupes par un intervalle dans lequel on remarque
quatre petites dents. La mâchoire inférieure n’en porte qu'un rang,
dans lequel on n’en remarque qu'une plus grosse en avant.
(1) H. de Meyer et Plien., Beitr. sur Pal. Wurtemb., p. 6, pl. 9, fig. 1 et 2;
Quenstedt, Mastod. Yurt., p. 34, pl. 1 et 2.
(2) Münster, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb ,1836, p. 588; 1838, p. 469;
1840, p. 585; 1842, p. 302; 1844, p. 503 ; Giebel, loc. cit.
(8) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 302; H. de
Meyer et Plieninger, Beitr. zur Pal. Wurtemb., p.18, pl. 10, fig. 1 et pl. 11,
fig. 11,4, b; Giebel, Fauna der Vorwelt, t, 1, 2, p. 108; Bronn, Lethæa, 3° édit,
Ter. trias., p. 115.
290 REPTILES. — LABYRINTHODONTES.
On n’en connaît qu’une espèce du grès bigarré de Bernbourg. C’est le
Trematosaurus Brauni, H. de Meyer (1), auquel il faut réunir le Tremato-
saurus ocella, Dunker.
Les ZYGOsAURUS, Eichwald,
ont la tête parabolique des mastodonsaurus et des metopias, de
grandes orbites séparées par un intervalle plus petit qu'elles, un
très grand trou du vertex, et leurs dents composées comme celles
des autres labyrinthodontes. Is diffèrent de tous les genres précé-
dents par de très grandes fosses temporales et par leurs os zygo-
matiques très grands et très développés, circonstance d’où
M. Eichwald a tiré le nom de genre. Les dents sont petites, coni-
ques, soudées aux os par un socle épaissi, mais sans alvéoles. La
mâchoire supérieure en porte de trois sortes, savoir: environ
seize petites postérieures , deux incisives beaucoup plus fortes et
de grosses dents palatines devant lesquelles on en observe de pe-
tites disposées comme les dentelures d’une ràpe.
Ce genre est le seul qui ait été trouvé dans les terrains pé-
néens.
Le Zygosaurus lucius, Eichwald (?), provient du grès cuivreux du gouver-
nement d'Orenburg.
Les Oponrosaurus, H. de Meyer,
ne sont encore qu'incomplétement connus. On en a trouvé une
portion de màchoire inférieure, brisée en avant et contenant cin-
quante dents insérées dans un sillon peu profond. Elles augmen-
tent de dimension en s’approchant de la partie antérieure; les plus
petites ont une ligne et demie de hauteur et les plus grandes quatre
lignes; ces dernières sont épaisses d’une ligne. Leur tissu paraît
composé comme celui des dents des mastodonsaurus, mais elles
sont presque cylindriques, un peu arquées et terminées par une
pointe conique.
(1) V. Braun, Amstl. Bericht. naturfors. Ges. Braunschweig, 1841, p. T4;
1842, p. 96; 1844, p. 569; Burmeister, Die Labyrinthodonten, 1, Tremato-
saurus, p. 71; H. de Meyer, Neues Jahrb., 1848, p. 569; Giebel, Fauna
der Vorwelt, T, 2, p. 170; Bronn, Lethæa, 3° édit., Terr. trias., p. 112.
(2) Eichwald, Bull. de la Soc. des nat. de Moscou, 1848, t. XXI, p. 159,
pl. 2, 3et 4; Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1850, p. 876.
ARCHEGOSAURUS. 551
La seule espèce connue, l’Odontosaurus Voltzü, H. de Meyer (!),a été
trouvée dans le grès bigarré moyen de Soultz-les-Bains.
Les ARCHEGOSAURUS, Goldfuss, — Atlas, pl. XXIX, fig. 9-12,
sont intéressants à étudier comme étant les seuls reptiles qui aient
été trouvés dans les terrains carbonifères. Ils s’éloignent un peu
du type des vrais labyrinthodontes. Leur tête est allongée et rap-
pelle même dans quelques espèces celle des crocodiles. Leur corps
est couvert de petites écailles anguleuses. Leurs pieds sont assez
semblables à ceux des protées, terminés probablement par qua-
tre doigts. Leurs côtes sont minces.
Les motifs qui peuvent justifier une certaine analogie avec les
labyrinthodontes sont :
1° Les pièces osseuses dermales qui protégent le crâne sur toute
la surface supérieure et sur ses flancs.
9° L'existence d'un trou au vertex disposé comme dans les
metopias.
3° La disposition des dents sur deux rangées à la mâchoire
supérieure, l'interne étant portée également par les vomers et les
palatins.
h° L'existence de deux condyles occipitaux, comme dans les
labyrinthodontes, les batraciens et les mammifères.
5° Les orbites grandes, ouvertes en-dessus du crâne et un peu
en arrière de son milieu, comme dans les mastodonsaurus.
Le corps est protégé par un système d'écailles très particulier.
En arrière de la tête, sur la ligne médiane, on voit une grande
plaque rhomboïdale allongée (pl. XXIX , fig. 11, a). De chaque côté
de cette plaque on en voit une autre terminée en arrière par une
longue tige articulée, dirigée en dehors, et élargie à l'extrémité
(fig. 11, 6). M. Burmeister les considère comme des clavicules ;
M. Goldfuss pense qu’elles ont recouvert des branchies (?. Tout
le reste du corps est couvert de petites écailles. Les unes entou-
rent par des lignes concentriques la pièce rhomboïdale (fig. 11, e);
({) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1835, p. 68; 1839,
p. 242; et dans les Mémoires de la Soc. d'hist. nat. de Strasbourg, t. IT,
3e livr.; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 169; Bronn, Lethæa, 3° édit.,
Terr.trias., p. 116.
292 REPTILES, -— LABYRINTHODONTES.
d'autres forment des chevrons dirigés en avant, dont les pointes
correspondent à la ligne du dos (fig. 41, d, et 12).
Les dents (fig. 10) sont striées de profondes lignes longitudi-
nales ; elles rappellent celles des labyrinthodontes par les lames de
cément qui pénètrent dans leur intérieur en rayonnant égale-
ment vers la cavité de la pulpe. Elles en diffèrent, en étant beau-
coup plus simples , car ces lames sont presque droites et n’ont
point la complication que nous avons signalée dans les mastodon-
saurus.
On en connaît quatre (?) espèces (1).
L’A. Dechenii, Goldfuss, a un crâne long de 6 1/2 pouces, dont la largeur
égale la moitié de la longueur.
L’A, medius, Goldfuss, a un crâne un peu plus large à proportion (£ de la
longueur) et les orbites un peu plus écartées.
L’A. minor, Goldfuss, est distingué par une largeur du crâne plus grande
encore (< de la longueur) et par des orbites plus grandes situées à peu près
vers le milieu.
Il n’est pas impossible que ces différences tiennent en partie à l’âge. Ces
trois espèces ont été trouvées dans des géodes contenues dans des couches de
fer argileux qui dépendent des terrains carbonifères supérieurs de Saarbruck.
Il faut ajouter l’A. latirostris (2), Jordan, des terrains carbonifères des
environs de Bonn.
Il serait possible qu’on dût encore placer dans ce genre quelques têtes plus
ou moins bien conservées qui ont été attribuées à des poissons cuirassés, et
entre autres, suivant M. H. de Meyer, le Sclerocephalus Hauseri, Goldfuss (3),
des terrains carboniferes de Heimkirchen au nord de Keiserlautern. M.Quens-
tedt pense que le Pygopterus lucius, Agassiz, est dans le même cas.
Les Rainosaurus, Fischer de Waldheim, — Atlas, pl. XXIX,
fig. 8,
sont plus récents que tous les vrais labyrinthodontes, car ils ont
été trouvés dans le lias. Is en diffèrent d’ailleurs par plusieurs
(1) Voyez, pour toutes ces espèces et pour les caractères du genre, Goldfuss,
Leonh. und Bronn , Neues Jahrb., 1847, p. 400, et son mémoire intitulé:
Beitraege zur vorweltlichen Fauna des Steinkohlengebirges, Bonn, 1847, in-4;
Burmeister, Die Labyrinthodonten aus dem Saarbrüker Sleinkohlengebirge,
part. 3 (Archegosaurus), Berlin , 1850, gr. in-4; Quenstedt, Handb. der
Petrefactenlunde, p. 153 ; H. de Meyer, Palæontographica, 1, p. 112,
(2) Verhandl. der naturf. Vereins des Rheinlande, t. IV, pl. 4, fig. 2 et 3;
Burmeister, loc. cit.
(3) Beilr. sur vorweltlichen Fauna des Steinkohleng., etc.
RHINOSAURUS. 599
caractères, eten particulier par la hauteur plus grande de la tête,
rappelant celle des chéloniens, tandis qu'elle est déprimée dans
les labyrinthodontes.
On ne connaît pas encore les caractères qui seraient les plus
importants pour fixer les rapports zoologiques de ce genre, et en
particulier dans la tête, qui est seule connue, on n'a pu observer
pi les condyles occipitaux, ni la structure intime des dents ; on
pe sait pas non plus si ces dernières sont implantées sur deux
rangs.
La tête est couverte de plaques osseuses qui forment une ar-
mure semblable à celle des labyrinthodontes et qui sont sillonnées
de la même manière. Elle forme un cône obtus. Les orbites sont
grandes, mais ouvertes sur les côtés de la tête ; on remarque sur
le sommet du crâne le trou du vertex caractéristique de quelques
uns des genres précédents.
Les narines sont grandes, situées près de l'extrémité du mu-
seau et séparées l’une de l'autre par une distance égale à la moi-
tié de leur largeur. La mâchoire inférieure est arrondie en arrière
et ne dépasse pas le crâne. Les deux mâchoires étant rapprochées
l'une de l’autre, c’est-à-dire la bouche étant fermée, on ne peut
pas voir s'il y a eu des dents internes. Les externes sont au
nombre de vingt-quatre à la mâchoire supérieure, dont huit inci-
sives. Elles sont fines, un peu comprimées, distantes et très poin-
tues. Les inférieures sont plus petites.
On ne connaît qu’une espèce du lias du gouvernement de Simbirsk : le
Rhinosaurus Jasykovi, Fischer de Waldh (?). La tête a 3 pouces 5 lignes
de longueur.
En terminant l'histoire de l'ordre des labyrinthodontes, je dois
faire remarquer d’abord que les espèces décrites par M. Owen
sous le nom de Zabyrinthodon, n'étant connues que par quelques
fragments, ne peuvent pas facilement être comparées aux genres
précédents, et qu'il y a probablément des doubles emplois.
Les grès rouges supérieurs d'Angleterre (terrain triasique) renferment,
outre le Mastodonsaurus Jaegeri, qui y a été cité, mais dont l’existence n’est
pas certaine, les espèces suivantes (2) :
(1) Fischer de Waldheim, Bull. de la Soc. imp. des nat. de Moscou, 1847,
t. XX, p. 366, pl. 5; Bronn, Lethœa, 3° édit., Terr. jur., p. 472.
(2) Owen, Proceed. of the geol. Soc., t. TL, p. 389, et Odontography,
WA p:195:
554 REPTILES. —— LABYRINTHODONTES.
Le Labyr. leptognathus, Owen.
Le Labyr. pachygnathus, Owen.
Le Labyr. ventricosus, Owen.
Le Labyr. scutulatus, Owen,
Je dois indiquer aussi quelques genres qui sont trop incomplé-
tement connus pour être classés.
Les XEsrorruyTiAs, H. de Meyer (!), ne sont connus que par
une portion postérieure de crâne qui n’a été encore ni décrite ni
figurée.
Le X. Perrinii, a été trouvé dans le muschelkaik de Lunéville.
Les TELERPETON, Mantell, — Atlas, pl. XXIX, fig. 13,
1e peuvent point être appréciés dans leurs véritables affinités, car
on n'en connaît que des portions postérieures du squelette, qui ne
s'accordent avec aucun des genres connus. Nous les plaçons pro-
visoirement à la suite de l’ordre des labyrinthodontes, car ils
semblent comme eux former une transition entre les sauriens et
les batraciens.
Ces reptiles sont plus anciens que tous ceux que l’on connaît;
ils ont été découverts dans les couches dévoniennes du Morayshire.
Des fragments découverts par M. Patrick Duff, et décrits par
M. Mantell (2), prouvent l'existence de cette classe dans une époque
qu'on croyait, jusqu'à présent, complétement dépourvue de verté-
brés plus parfaits que les poissons.
On n’a jusqu'à présent trouvé que des colonnes épinières, de-
puis le milieu de la région dorsale jusqu'à la queue, en connexion
avec des membres postérieurs incomplets, une trace confuse du
crâne, un fragment très mal conservé de mâchoire inférieure et
des petites dents. M. Mantell décrit ces pièces osseuses comme
appartenant au type lacertien, avec une tendance vers les batra-
Cciens.
Les dents sont très petites, coniques et polies; les vertèbres
ressemblent surtout à celles des salamandres, par leurs ares neu-
raux, les caudales ont de très longues apophyses. Les côtes, dont
1) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1842, p. 584;
Giebel, Fauna der Vorwell, I, 2, p. 168.
(2) Mantell, Quarterly journ. of the geol. Soc., vol. VILLE, p.100 (mai 1852).
OPHIDIENS: 559
il y avait probablement vingt-quatre paires, sont minces; leur
attache avec la colonne épinière est indistincte; elles sont notable-
ment plus longues que dans les batraciens (sauf peut-être dans le
genre des Pleurodeles, Waltl.). Le bassin est subquadrangulaire ;
le fémur à un trochanter assez marqué; le tibia et le péroné sont
séparés, les doigts sont inconnus.
La seule espèce connue est le Terlepeton elginense, Mantell, trouvé près
d'Elgin, dans fe Morayshire.
Je cite encore ici avec le plus grand doute le genre APATEON,
H. de Meyer (!), établi sur une empreinte vague, découverte dans
les schistes bitumineux (terrain carbonifère) de Münsterappel, dans
la Bavière rhénane. Elle est longue de 16 lignes; on y voit la
trace d'une colonne épinière composée d’environ vingt-deux ver-
tèbres, celle de quelques os des membres, et l'impression confuse
d'une tête. M. Quenstedt nous paraît avoir raison, quand il dit
qu'il est impossible de décider si c’est un poisson, un saurien, op
un batracien.
Cette empreinte a reçu le nom d’Apateon pedestris, H. de Meyer.
G° ORDRE.
OPHIDIENS.
L'ordre des ophidiens, ou serpents, comprenait, dans
les méthodes de Brongniart et de Cuvier, tous les reptiles
très allongés et dépourvus de membres. On a reconnu
plus tard que l’on ne devait pas associer aux vrais ser-
pents les cécilies, qui sont des batraciens, ni les orvets
et quelques genres voisins qui ont des affinités plus
srandes avec les lézards.
On est actuellement d'accord pour réduire l’ordre
des ophidiens aux reptiles qui joignent aux caractères
indiqués ci-dessus, des écailles, des mâchoires très
extensibles et mobiles, et des yeux sans paupières.
() Palæont., t. 1, p. 153, pl. 20, fig. 1; Quenstedt, Handb. der Pelref.,
(#1
96 REPTILES. —-— OPHIDIENS.
Ces animaux sont en outre caractérisés par une petite
tète, attachée sur un seul condyle occipital, et par des
vertèbres très nombreuses, dont les corps sont termi-
nés en arrière par une tête arrondie reçue dans une
cavité correspondante profonde de la vertèbre suivante.
Ils sont bien loin de jouer en paléontologie le rôle
qu'ils ont de nos jours. Leurs débris fossiles n’ent en-
core été observés dans aucun terrain antérieur à l’épo-
que tertiaire (*), ce qui semblerait prouver que leur ap-
parition a été toute récente, et qu'ils n'ont eu aucun
représentant dans les faunes de l’époque secondaire, où
les autres reptiles ont été si variés, si nombreux et si
remarquables.
Leurs ossements sont même très rares à l’époque
tertiaire. Jusqu'à ces dernières années on en cilait seu-
lement dans les terrains tertiaires supérieurs. M. Owen
en à fait connaître quelques uns des dépôts éocènes
d’Anpleterre.
Les ossements de ces terrains se rapportent à deux
senres. Le premier est celui des
Pazæopais, Owen, — Atlas, pl. XXX, fig. 1-3.
Leurs vertèbres ont à peu près les caractères de celles des boas et
des pythons, et diffèrent davantage de celles des couleuvres et
des serpents venimeux. Elles se distinguent par leur turber-
cule costal plus bas, leur apophyse épineuse plus haute et moins
longue, etc.
Quelques espèces ont atteint des dimensions considérables (jus-
qu'à 20 pieds de longueur), fait qui tend à confirmer ce que nous
avons souvent dit, que la température du nord de l’Europe a été
plus chaude pendant la période tertiaire qu'aujourd'hui. Les ser-
(1) Il ne faut, en effet, tenir aucun compte de quelques assertions des
anciens auteurs, qui attribuent à des serpents des débris ou des empreintes
mal observés,
COULEUVRES. 557
penis d'une si grande taille ne peuvent, en effet, vivre actuellement
que sous le climat de la zone torride, et rien n'autorise à croire
qu'il en ait pu être autrement dans les temps plus anciens.
M. Owen (1) en indique quatre espèces :
Le P. typhœus, Owen, de l'argile éocène de Bracklesham (Sussex).
Le P. porcatus, Owen, du même gisement.
Le P, loliapicus, Owen, de Sheppy.
Le P. (?) longus, Owen, du même gisement.
Les PaLERYx, Owen, — Atlas, pl. XXX, fig. 4-6,
différent des palæophis par l'absence du processus aliforme apoint:
du bord postérieur de la neurapophyse, et par la ressemblance plus
grande de leurs vertèbres avec les eryx.
On en connaît deux espèces du sable éocène d'Hordwell-CHiff
(parisien supérieur) (?.
Ce sont les P, rhombifer et depressus, Owen, d'une taille tres inférieure
aux palæophis.
Les ophidiens plus récents ont, en général, été rapportés aux
genres actuels. La plus grande partie des espèces paraît appar-
tenir à celui des
CouLceuvres (Coluber, Lin.),
qui est aussi, de nos jours, un des plus abondants. On en cite
quelques espèces dans les terrains tertiaires moyens et supérieurs,
ainsi que dans les terrains diluviens.
Les terrains miocènes en renferment une, c’est le Coluber sansaniensis,
Lartet (3), de Sansan, de dimensions très variables, et dont les plus grosses
vertèbres dépassent d’un tiers le volume de celles des couleuvres vivantes de
moyenne grandeur.
On en cite un plus grand nombre dans les terrains pliocènes,
(1) Palæont. Soc., Rept. of London clay, p. 56. Le P. toliapicus avait déjà
été décrit par le même auteur à la Société géologique, 18 déc. 1839, et cité
dans le Report Brit. assoc., 1811, p. 180.
(2) Palæont. Soc., Rept. of London clay, part. 2, p. 67, pi. 13.
(3) Notice sur la colline de Sansan, p. 40.
558 REPTILES. — OPHIDIENS.
Les schistes d'OEningen (1), en particulier, en renferment trois espèces.
Le C. Owenii, H. de Meyer, long de 3 pieds; le C. Kargü, H. de Meyer,
de 10 1/2 pouces, et le C. arcuatus, id., connu seulement par une extré-
mité postérieure.
Les formations tertiaires des environs du Dniester, Podolie, ont fourni
le C. podolicus, H. de Meyer (2).
Les couleuvres des terrains diluviens paraissent se rapprocher
beaucoup des espèces vivantes.
Les brèches de Cette renferment des ossements que Cuvier (3) dit ne pas
pouvoir être distingués de ceux de la couleuvre à collier (C. natriæ, Lin.).
Cette même espèce se retrouve dans quelques £avernes et dans d’autres
dépôts diluviens ().
OPHIDIENS MAL CONNUS.
Nous terminerons ce qui tient aux ophidiens en indiquant quel-
ques espèces trop imparfaitement connues pour être classées.
M. Morren (°) a découvert, dans les environs de Bruxelles, des
ossements de serpents qui paraissent appartenir à deux ou trois
espèces. IT cite :
Des dents à venin rappelant l'organisation des CROTALES et
indiquant une espèce très venimeuse ;
Des vertèbres qui ressemblent à celles des COULEUVRES, des
DeEnproprsis, etc.
Goldfuss ($) a rapporté au genre Opuis, et décrit sous le nom
d'Ophis dubius, l'impression d'un fragment de corps enroulé en
spirale et montrant de petites écailles disposées en ligne. Ce frag-
(1) H. de Meyer, Zur Fauna der Vorwelt, OEningen, p. 41, pl. 2 et 6;
Giebel, Fauna der Vorwelt, T, 2, p. 175.
(2) H. de Meyer, loc. cit., p. 41; Pusch., Pol. pal., p. 168, pl. 15, fig. 5;
Giebel, Fauna der Vorwelt, 1, 2, p. 176.
(8) Ossem. foss., 4° édit., t. VI, p. 357.
(#) Schmerling, Ossem. foss. des cavernes de Liége, p. 173; Münster, Bay-
reuth Petref., p. 83; etc.
(5) Morren, Revue syst. des nouv. découv. d’ossem. fossiles du Brabant,
p. 56.
(6) Nova Act. Acad. nat. cur., t. X,1"* partie, p. 127, pl. 43, fig. 8; Kefers-
tein, Naturg., t. I, p. 269 (Coluber fossilis); Giebel, Fauna der Vorwelt,
12 p 470
BATRACIENS. 999
ment peu caractérisé a été trouvé dans les lignites tertiaires des
Siebengebirge.
M. Pomel (1) indique une espèce, de la taille des plus grands
pythons, trouvée à Cuise-la-Motte (terr. suessonien?), et une
autre, voisine des couleuvres et surtout de la ÆAinechis Agassizii,
découverte en Auvergne (de la taille d’une Vaÿa).
M. Kolder (2) rapproche des Éryx une espèce asiatique (ter-
tiaire miocène ?).
M. Lartet (3) rapporte avec doute aux VipëRes ( Vipera sansa-
niensis ?) des dents canaliculées du terrain tertiaire micocène de
Sansan.
Le CROTALE décrit par Eaton (f) est un fragment de végétal
(Lepidodendron).
2e SOUS-CLASSE.
AMPHIBIENS, ou BATRACIENS.
Nous réunissons dans celte sous-classe tous les rep-
üles qui ont des métamorphoses et qui respirent par
des branchies pendant leur jeune âpe. Ils ont tous la
peau nue et le cœur à deux loges ; leur encéphale est
petit et leur tête est unie au tronc par deux condyles
occipitaux; leurs côtes sont courtes, rudimentaires ou
nulles.
On peut les diviser en trois ordres (*) :
Les BATRAGIENS ANOURES, qui n’ont pas de queue, très
peu de vertèbres et des membres longs.
Les BATRACIENS URODÈLES, qui ont une longue queue,
et des membres courts.
Les PseupoPHipiens, ou CÉGILIES, qui ont la forme de
(!) Gervais, Dict. d'hist. nat. de d'Orbigny, t. XL, p. 56.
(2) Gleanings in scienc., 1831, n° 30.
(3) Notice sur la colline de Sansan, p. 41.
(#) Sillim. journal, t. XX, p. 122.
(5) Quelques auteurs ajoutent l’ordre des LÉPIDOSIRÉNIENS, que d’autres
placent dans la classe des poissons. On n’en connaît pas de fossiles.
560 REPTILES. —- BATRACIENS.
serpents et manquent de membres. Ce dernier ordre
n’a pas été trouvé fossile.
Les débris d'amphibiens fossiles sont presque aussi
rares que ceux des ophidiens, et leur apparition est
tout aussi récente, si toutefois on ne leur réunit pas les
labyrinthodontes. On n’en connaît aucun qui soit plus
ancien que l’époque tertiaire. Leurs formes se rappro-
chent beaucoup de celles des êtres qui vivent encore
aujourd’hui.
AT ORDRE.
BATRACIENS ANOURES.
Les batraciens anoures sont faciles à distinguer par
leurs pattes très grandes, surtout les postérieures, leur
larse bouche, l’absence de queue, etc.
On peut les diviser en quatre familles dont trois seu-
lement sont connues à l’état fossile.
Les Ranirormes (Grenouilles) ont des dents à la mà-
choire supérieure, des doigts pointus, et ordinairement
des jambes postérieures très longues qui leur permet-
tent de sauter.
Les Buronirormes (Crapauds) n’ont pas de dents à la
mâchoire supérieure, des doigts pointus et ordinaire-
ment des jambes postérieures médiocres qui les forcent
à ramper.
Les HyLærormes (Raineltes) ont les doigts élargis en
disque et peuvent grimper aux arbres. On n’en connait
pas de fossiles.
Les PHrynAGLosses (Pipa) diffèrent de tous les précé-
dents, parce qu'ils n’ont pas de langue et parce que les
deux trompes, d'Eustachi sont réunies et n’ont qu'une
seule ouverture médiane.
ANOURES. — RANIFORMES. 561
{re Fame. — RANIFORMES.
Cette famille est la plus nombreuse en espèces fossiles.
Les GRENOUILLES (Æana, Lin.),
qui en forment le type principal, ont laissé quelques débris dans
les terrains tertiaires et diluviens.
La Rana aquensis, Coquand (1), a été trouvée dans le terrain tertiaire
d’eau douce d’Aix en Provence.
Les terrains miocènes d'Auvergne renferment quelques débris d'espèces
indéterminées (collections de MM. de Laizer, Croizet, Bravard) (2).
M. Lartet ($) en indique cinq espèces dans les terrains miocènes de Sansan.
Ce sont: les Rana gigantea, Lartet, sansaniensis, id., lœvis, id., rugosa, id.,
et pygmæx, id.
M. H. de Meyer (f) croit à l'existence d’une quantité considérable d'espèces
de grenouilles dans les terrains tertiaires de Weisenau et dans les graviers
de Hellern près d'Osnabruck. L'étude de nombreux humérus le porte à ad-
mettre vingt-quatre (!) espèces à Weisenau et trois à Hellern.
La R. luschitzana, H. de Meyer (°), a été trouvée dans les terrains ter-
tiaires de Bohême.
La R. Jaegeri, H. de Meyer (6), provient des terrains miocènes de
Halsbach.
La R. antiqua, Münster (7), a été découverte dans les terrains tertiaires
d’'Osnabruck.
Les sables tertiaires de Volhynie ont fourni la R, vothynica, Eichwald ($).
M. Pusch en indique aussi une espèce des schistes tertiaires de Podolie (°).
M.Schmidt a fait connaître une grenouille renfermée dans l’ambre jaune (10).
(1) Marcel de Serres, Ann. des sc. nat., 1845, 3° série, t. IV, p. 249.
(2) Gervais, Dict. de d'Orbigny, t. XI, p. 56; Pomel, Bull. Soc. géol.,
2° série, €. III, p. 372.
(3) Notice sur la colline de Sansan, p. 41.
(*) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1845, p. 798.
(5) Idem, 1847, p. 181, et Palæontographica, t. IT, p. 66.
(6) Neues Jahrb., 1851, p. 78.
(7) Neues Jahrb., 1835, p. 446; Giebel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 180.
(8) Nova act. Acad. nat. cur., t. XVIT, 2° part., p. 755, pl. 61, fig, 41;
Giebel, loc. cit. «
() Pusch, Polens pal., p. 168, pl. 45, fig. 5.
(10) Ann. sc. nat., 2° série, t. XI, p. 379. Voyez aussi Dan. Hermann, De
rana el lacerta succin., ete., 1580, in-8°, et Rigæ, 4609, in-4°,
I, 36
562 REPTILES. — PATRACIENS.
Elle a les caractères de la À, temporaria avee des doigts plus grèles et plus
délicats.
La R. pusilla, Owen (!), a été trouvée dans des fragments de roches schis-
teuses de Bombay.
Les terrains diluviens en contiennent aussi quelques espèces.
On cite, dans divers gisements de cette époque (2), les À. temporaria et
esculenta, actuellement vivantes.
Les AsPnærION, H. de Meyer,
me paraissent à peine distincts des grenouilles. Ge nom leur a été
donné parce que l’humérus n'a pas de tête inférieure arrondie,
mais s’unit avec l’avant-bras par une surface presque plate.
La seule espèce connue, l'A. Reussii, H. de Meyer (3), a été trouvée en
Bohême dans les environs de Luschitz (tertiaire d’eau douce) avec la Rana
luschitzana.
Les ParæoparTracaus, Tschudi, — Atlas, pl. XXX, fig. 7et8,
diffèrent des grenouilles par quelques modifications dans les pro-
portions. Leur tête est très large, leur colonne épinière est courte
et solide, et cependant à onze vertèbres, tandis que les grenouilles
en ont dix. Les membres sont forts.
La seule espèce connue (f) est le P. Goldfussiü, Tschudi (Rana diluviana,
Goldfuss), des lignites des Siebengebirge. On a trouvé aussi quelques em-
preintes de ses premiers états. La figure 8 représente un têtard.
Les Laronta, H. de Mever,
sont de grands batraciens qui ont des caractères intermédiaires
entre les crapauds et les grenouilles. Leur mâchoire supérieure
munie de petites dents coniques, et la longueur de leurs pattes
postérieures, les rapprochent davantage de ces dernières, et forcent
(1) Quart. journ. of the geol. Soc, t. UE, p. 224.
(2) Münster, Bayreuth. Petref., p. 83 ; Jaeger, Saügethiere Wurt., p. 127
et 149.
(3) Palæontographica, t. Il, p. 68.
(4) Tschudi, Mém. Soc. hist. nat. Neuchâtel, 1839, t. If, p. 23; Mus. Sen-
kenb.,t. I, p. 220, pl. 45 ; Goldfuss, Nova act. Acad. nat. cur., t. XV,
1" part., p. 449, pl. 42 et 13; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I, 2, p. 181.
ANOURES. —— BUFONIFORMES. 263
à les placer dans la famille des raniformes. La forme de leur tête
rappelle celle des crapauds cornus d'Amérique, sauf que les or-
bites sont sur le milieu de la longueur et que les ouvertures nasales
sont pius éloignées.
La Laionia Seyfriedii, H. de Meyer ({), a été trouvée dans les schistes
d'OEniagen. Lavater (2) l'avait décrite comme un ornitholithe,
Les SonxeuRs (Pormbinator, Wagl.)
ont les dents des grenouilles et les membres postérieurs courts
des crapauds. La peau couvre l'orifice externe de l'oreille sans
s'amincir.
Quelques espèces de ce genre ont été citées parmi les fossiles ;
mais les unes doivent entrer dans le genre suivant, les autres sont
très incertaines (?).
Les Pscoraicus, Tschudi,
différent des précédents par quelques proportions dans les os du
crâne et par le prolongement postérieur de la mâchoire inférieure
fort et arrondi.
Le Pelophilus Agassizü, Tschudi (#) (Bombinator œningensis, Agassiz), a été
trouvé à OEningen.
2e FamizLze. — BUFONIFORMES.
Cette famille renferme les genres qui n’ont point de dents à la
mächoire supérieure.
Les CrapauDs (Zufo, Lin.)
ont été cités, mais d’une manière peu certaine, dans quelques ter-
rains récents.
(1) H. de Meyer, Neues Jahrb., 1843, p. 580, etc.; et Zur Fauna der Vor-
welt, OEningen, p. 48, pl. 4, 5 et 6; Giebel, Fauna der Vorwell, T, 2, p.185,
(2) Taschenbuch fur Mineralogie, 1808, p. 71.
(8) Wiegmann, Leonh. und Bronn Neues Jahrb., 1842, p. 180.
(#) Tschudi, Mém. Soc. hist, nat. Neuchtel, t. I, p. 22, pl. 1; H, de Meyer,
Zur Fauna der Vorwelt, OEningen, p. 27, pl. 5, fig. 4 et 5; Agassiz, Mém.
Soc. hist. nat. Neuchâtel, t. 1, 4835, p. 27 ; Gicbel, Fauna der Vorwelt, I,
2, p. 182.
56% REPTILES. — BATRACIENS.
MM. Marcel de Serres, Dubreuil et Jeanjean citent, dans la caverne de
Lunel-Viel (!), deux espèces, dont une est de la taille du Bufo agua, qui vit à
la Guyanne.
Les PazæoraryNos, Tschudi,
sont très voisins des crapauds et en diffèrent à peine par un crane
plus comprimé, un occipital élargi sur les côtés et par les apo-
physes transverses des vertèbres plus développées.
Le P. Gessneri, Tschudi, est connu depuis longtemps (?) comme se trouvant
à OEningen.
Le P. dissimilis, H. de Meyer (3), provient du même gisement.
3e Famizze. — HYLÆFORMES.
Cette famille, qui comprend les RaingtTes (//yla), n’a pas de
représentants fossiles, ainsi que nous l'avons dit plus haut.
4e Famizze. — PHRYNAGLOSSES.
L'existence de cette famille à l'état fossile est très douteuse.
M. Pome! (#) rapporte avec doute aux Pira quelques fragments des terrains
miocènes d'Auvergne.
2 ORDRE.
BATRACIENS URODEÈLES.
Les batraciens urodèles (ou batraciens à queue, voi-
sins des salamandres) ont laissé dans cette même épo-
que tertiaire des débris plus remarquables. De ce nom-
bre est le fameux fossile d'OEningen, pris par Scheuzer
(1) Cav. de Lunel-Viel, p. 249, pl. 20, fig. 20 et 21.
(2) Andreæ, Briefe, 1776, p. 267, pl. 15; Karg, Denk. Naturf. Schwabens,
4805, p. 28; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit., t. X, p. 471; Tschudi, Mém.
Soc. hist. nat. Neuchdtel, t. IE, p. 22, etc., pl. 1; H. de Meyer, Zur Fauna der
Vorwelt, OEningen, p. 24, pl. 5, fig. 2; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2,
p. 183.
(8) H. de Meyer, loc, cit., p. 26, pl. 5, fig. 3; Giebel, loc. cit.
(#) Bull. Soc. géol., 2° série, €. 1, p. 593.
URODÈLES. 965
pour un squelette humain, et qui forme maintenant le
genre :
Anprias, Tschudi, — Atlas, pl. XXX, fig. 9.
On comprend difficilement comment Scheuzer à commis une
erreur aussi grave que de voir dans cette salamandre gigantesque
un fossile humain, et de la nommer Æomo diluvii testis. Ses for-
mes sont intermédiaires entre celles de la grande salamandre de
Java et les ménopomes, et ne peuvent laisser aucun doute sur la
famille à laquelle à appartenu cet animal remarquable.
L'erreur de Scheuzer a été corrigée par divers auteurs. Cuvier
a démontré que ce fossile est voisin des salamandres, et l’a
nommé Salamandre gigantesque. Depuis lors il a reçu des noms
divers, et il possède maintenant une synonymie très embrouillée.
Harlan le rapporte aux M£Noroues, Gessner aux SILURES; Barton
en fait le genre Proroxopsis; Wagler, celui de SALAMANDROPSIS ;
Eichwald, celui de PRoreocorpyLus ; Fitzinger, de PALÆOTRITON ;
Leuckart, de HypROsSALAMaANDRA ; van der Hœven, de CRYPTOBRAN-
CHUS.
Ce fossile, dont on connaît maintenant une quinzaine d’échan-
tillons, ressemble dans presque tout son squelette à la Salamandra
mazima (1). Les rochers et les ptérygoïdiens ont plutôt les carac-
tères des ménopomes d'Amérique. Les doigts diffèrent de ceux de
ces deux genres par leur longueur plus grande, surtout aux pattes
antérieures, où ils dépassent tous la longueur de l’avant-bras.
On n’en connaît qu’une espèce (?) des schistes d'OEningen. C’est l’An-
drias Scheuxzeri, Tschudi;, sa longueur à un peu dépassé 3 pieds,
(1) Cettesalamandre, décrite sous le nom de S. maxima par MM. Temminck
et Schlegel, a reçu les noms de MEGATRITON, SIEBOLDIA, MEGALOBATRACHUS, etc.
(2) Scheuzer, Phil. trans., 1726, t. XXXIV, p. 38 ; 1d., Phys. sacra, p. 66,
et dans un mémoire spécial: Homo diluvii teslis; Gessner, De petrif. diffe-
rentiis, Tiguri, 1752, p. 47; De petrificalis, Lugd. Bat., 1758, p.76; Andreæ,
Briefe, p. 32; Camper, Verhandl. Wetens., Harlem, 1790, t. VIIE, p. 35;
Razoumowski, Mém. Soc. Lausanne, 1788, t. III, p. 216; Karg., Denks.
naturf. Schwabens, t.T, p. 34, pl. 2, fig. 3; Cuvier, Ossem. foss., 4° édit.,
t. X, p. 360; Fitzinger, Ann. der Wien. Mus., 1837, t, Il; Vander Hæœven,
Tijdsh. v. natuurl. Ges., 1838, et Mém. Soc. d'hist. nat. de Strasb., 1840,
£. IL, part. 1"; Leuckart, Froriep’'s Neue Notizen, 1840, t. XIE, p. 19; Tschudi,
Mém, Soc. hist. nat. de Neuchâtel, 1839, t. I, p. 22, pl. 3, 4 et 5; H. de
566 REPTILES. — BATRACIENS.
Les SALAMANDRES (Sa/amandra, Lin.), — Atlas, pl. XXX, fig. 40,
ont vécu avec les grenouilles et les crapauds dont nous avons
parlé plus haut.
M. Goldfuss (1) a décrit sous le nom de Salamandra ogygia une espèce des
lignites schisteux des Siebengebirge, près de Bonn. (C’est l'espèce figurée.)
Il faut ajouter des fragments indéterminés des terrains miocènes de Ho-
cheim et de Weisenau (?) et deux espèces douteuses (3) de Sansan , les S. san-
saniensis et Goussardiana, Lartet.
Les Tritons (7riton, Laur.), — Atlas, pl. XXX, fig. 41,
ou salamandres aquatiques, à queue comprimée, paraissent plus
fréquents à l’état fossile.
Goldfuss cite dans les mêmes lignites des Siebengebirge le Triton noachi-
cus, Goldfuss (‘). (C’est l'espèce figurée dans l’Atlas.)
Le T. opalinus, H. de Meyer (5), a été trouvé dans les terrains tertiaires
d’eau douce de Luschitz, en Bohême.
M. Lartet (6) indique deux espèces dans les terrains miocènes de Sansan,
les T. sansaniense, Lart., et Lacasianum, id.
C'est avec doute que nous ajoutons à la fin de cet ordre le
genre des
OrraopnyA, H. de Meyer,
caractérisés par un corps allongé, un crâne petit et étroit, des
dents nombreuses, petites et coniques, des vertèbres biconcaves
à apophyses épineuses plates et sans transverses. On n’y voit ni
côtes ni membres.
Deux espèces ont été trouvées dans les terrains tertiaires d'OEningen ; ce
sont les O. longa et solida, H. de Meyer (?).
Meyer, Zur Fauna der Vorwelt, OEningen, p. 28, pl. 8, 9 et 10; Gicbel,
Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 186, etc.
(1) Nova acta Acad. nat. cur., t. XV, 2° part., p. 124, pl. 43, fig. 4 et 5.
(2) H. de Meyer, Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1843, p. 396 et 407.
(3) Lartet, Notice sur la colline de Sansan, p. 42.
(4) Nova acia Acad. nat. cur., t. XV, 2° part., p. 126, pl. 13, fig.6et 7;
Giebel, Fauna der Voriwell, I, 2, p. 187.
(5) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1847, p. 192.
(6) Notice sur la colline de Sansan, p. 42.
(7) H. de Meyer, Zur Fauna der Vorwelt, OEningen, p. 39 et 40, pl. 3,
fig. 3 et pl. 2, fig. 4; Giebel, Fauna der Vorwelt, t. I, 2, p. 188.
TRACES DE PAS. 567
APPENDICE.
TRACES DE PAS ATTRIBUÉES A DES REPTILES.
Atlas, pl. XXX, fig. 12,
Nous avons parlé, page 403, de traces de pas apparte-
nant à des oiseaux. Des impressions plus fréquentes et
plus variées paraissent pouvoir être rapportées à la
classe des reptiles.
La disposition de ces traces de pas prouve très sou-
ventque l'animal avait quatre pattes, et exclut par con-
séquent les oiseaux de Fa comparaison. On voit fréquem-
ment les pas régulièrement disposés comme ceux d’un
quadrupède marchant surle sable, eties impressions des
pattes postérieures se distinguent facilement de celles
des antérieures.
L'absence complète d'ossements de mammifères dans
les terrains qui recouvrent immédiatement ces traces,
et la fréquence au contraire des débris de reptiles, sem-
blent démontrer qu’elles sont dues à ces derniers.
I! faut cependant reconnaître que parmi les formes
que l’on a découvertes, il en est plusieurs qui ne sem-
blent correspondre à aucun animal connu, d’autres qui
se retrouvent encore moins dans les reptiles actuels que
dans les mammifères. Cette partie de la science est en-
tourée en conséquence de difficultés presque inextri-
cables.
Les premières traces ont été découvertes en 1814
dans le grès bigarré de Dumfries (Écosse). Depuis lors
de nombreuses découvertes ont montré des formes bi-
zarres et variées. Je n’essaierai pas ici de les décrire en
détail, et, vule peu de certitude des résultats auxquels
568 REPTILES.
on est arrivé, je me bornerai à indiquer les principales
el à citer les mémoires les plus importants dans les-
quels elles ont été décrites ou fipurées.
Elles ont été désignées sous des noms variés. On a
nommé TETRAPODICHNITES celles qu'on a attribuées à des
animaux à quatre paites; DipopicuniTes, celles qu'on à
supposées produites par des animaux sautant sur leurs
pattes de derrière; on les appelle Sauromicunires et
BATRACHIOIDICHNITES, lorsqu'on les à attribuées à des
sauriens ou à des batraciens ; PAcaypacryzt et Pacux-
DACTYLO-PrEropACTY LIN (1), quand on a voulu exprimer
leurs formes.
Les plus anciennes ont été trouvées dans les terrains dévoniens.
Nous avons déjà parlé, page 442, de traces attribuées par M. Mantell à des
tortues, et trouvées daus le vieux grès rauge du Morrayshire.
Des terrains du même âge dans l'Amérique du Nord ont fourni à M. Lea (?)
des traces qui ont les caractères de celles des sauriens et qui ressemblent en
particulier aux impressions faites par un caïman, sauf quelques différences
qui ont paru à M. Lea suffisantes pour établir un genre nouveau, celui des
SAUROPUS (S. primævus).
Les terrains carbonifères en ont aussi conservé en Amérique.
M. Lyell a décrit des empreintes d’un animal quadrupède dans le terrain
houiller de la Pensylvanie (3). 11 se rapprochait probablement du cheirothe-
rium, mais en marchant il posait les pieds à une plus grande distance trans-
versale que lui, les pouces alternaient à droite et à gauche ct paraissent avoir
été externes (!).
Les plus remarquables et les mieux connues appartiennent aux
terrains pénéens et triasiques.
(1) Voyez, pour ces noms, Hitchcock, Final report on the geol. of Massa-
chusetts, 2 vol. in-4°, Philadel., 1842, el dans Sillim. journ. Les Spnæro-
PEZIUM , King, Süllim. journ., t. XLVIIH, paraissent en grande partie n’être
pas de vraies traces de pas.
(2) Silliman journal, 2° série, 1849, t. VIIE, p. 160; ett. IX, p. 124.
($) Quarterly journ. of the geol. Soc., 1846, t. Il, p. 417; Manual of ele-
mentary geol., p. 337; Athenœum, 1848, 12 fév.; King, Sillim. journ.,
4845, t. XLVIIL, p. 343.
TRACES DE PAS. 269
On a découvert en 1834 dans le grès Lbigarré de Hessen, aux environs de
Hildburghausen (1), des traces remarquables par leurs cinq doigts disposés
presque comme dans une main, ce qui leur à fait donner par M. Kaup le
nom de CHiROTHERIUM Où CHEIROTHERIUM et de Cuirosaurus (Atlas, pl. XXX,
fig. 12). Le pouce est écarté des autres doigts, et l'on voit distinctement
l'impression des phalanges et des ongles. Quelques auteurs, entre autres
MM. Duncan, Bronn, Wiegmann, de Humboldt, les ont attribuées à des mam-
mifères et surtout à des didelphes. C’est le Pazæopiruecus, de Voigt, p. 155.
MM. Linck, de Münster, Owen, Kaup., etc., en ont fait des batraciens.
M. Owen a même été jusqu’à y voir les pas du labyrinthodon.
M. Schmidt (2) le compare aux salamandres, et se base sur des observations
qu’il a faites sur la marche de ces animaux dans un terrain qui les gène.
Des traces de pas ont aussi été trouvées dans des terrains analogues des
environs de Jéna ct de Pælzig (3).
M. Plieninger ex a signalé dans le keuper (4).
Les grès rouges supérieurs d'Angleterre (terr. triasique) ont offert des em-
preintes analogues à celles du cheirotherium, d’autres que l’on a comparées
à des tortues et quelques types nouveaux.
Nous avons parlé, en traitant des tortues, de traces observées dans le Dum-
frieshire par M. Duncan. Ces traces ont été aussi étudiées par MM. Strickland,
Harkness et Jardine (5). Ce dernier a établi les genres Caecicnus et CurLas-
Propos pour les tortues, et le genre HerPETICANUS pour des traces de sauriens.
Des tortues à doigts plus allongés paraissent avoir marché dans le grès bi-
garré de Stourton (6).
Le nouveau grès rouge d'Amérique renferme des empreintes très abon-
dantes. On en a trouvé dans le Massachusetts, le Connecticut et New-Jersey.
M. Deane (7)en adécrit plusieurs, et MM. Mantell, Black, etc., s’en sont occupés.
(1) Voyez, pour les traces d'Hildburghausen , Kaup, Leonh. und Bron»,
Neues Jahrb., 1835, p. 128; Bronn, id., 1835, p. 232; Wiegmann Archiv,
1835, p. 127 et 395; Berthold, Goctting. Anzeig., 1835; Kessler, Die
Plastik der Urwelt, ete.; Hildburg., 1° cahier ; de Humboldt, Ann. sc. nal.,
2e série, t. IV, p.135; Link, id., p. 139; Giebel, Fauna der Vorwelt, I,
2, p.190; Bronn, Lethæa, 3e édit., Terr. trias., p. 122.
(2) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1846, p. 1.
(8) Koch und Schmidt, Die Faehrten abdrücke, 1841 ; Cotta, Ueber Thier
faehrten in bundten sandst. Dresden, Leipsig, 1839, in-8.
(4) Leonh. und Bronn, Neues Jahrb., 1838, p. 536, et 1839, p. 247.
(5) Strickland, Athenœum, 1845, p.724; Harkness, Ann. and mag. of nat.
hist., 2° série, t. VI, p. 203, et t. VIN, p. 90; sir W. Jardine, id., p. 208.
(6) Mag. of nat. hist., janv. 1838.
(7) Deane, Silliman journ., t. XLVII, XLIX, et 2° série, t. V; Boston
journ., t. V. Voyez aussi Mantell, Quarterly journ. of the geol. Soc., 1846,
t. Il, p. 38; Black, id., p. 65; Dexter Marsh., Sillim. journ., 2° série, t. VI,
p.272.
570 REPTILES.
De graudes traces trouvées dans les Alleghanys sont devenues pour
M. Kiog (1) le type du genre Tnexaropus (7. helerodactylus).
M. Hitchcock (2) nomme Orozoux des empreintes de 20 pouces de long d'un
quadrupède qui a marché sur les grès bigarrés du Connecticut.
Il paraît qu'on en a retrouvé jusque dans le terrain crétacé.
M. Saxby (3) en décrit quelques unes des grès verts supérieurs de l'ile de
Wight. La plupart paraissent se rapporter à des oiseaux ; quelques unes ont
été formées par des quadrupèdes.
(*) Froriep's Nolisen, n° 806, février 1846.
(2) Sillim. journ., 2° série, t. IV, p. 54; Deane, id., t. UE, p. 78; Quens-
tedt, Handb. der Pelref., p. 157.
(3) Saxby, Philos, mag., 1846, t. XXIX, p. 310.
NOTES, 571
NOTE A.
SUR LES LIMITES DE L'ESPÈCE EN PALÉONTOLOGIE.
Jai fait remarquer, page 42, qu'il est très important, dans la
discussion des faits généraux de la paléontologie, de donner au mot
espèce une valeur aussi précise que possible. Plusieurs natura-
listes ont été entrainés par des idées préconçues à lui accorder un
peu plus de latitude que dans la nature vivante, en faisant la
part de l'influence possible des modifications géologiques sur les
caractères spécifiques.
On ne saurait trop insister sur les dangers d’une pareille mé-
thode qui ouvre la porte à l'arbitraire, et qui, en introduisant le
vague et l’incertain dans la signification du mot espèce, empêche
toute certitude et toute précision dans la discussion sur les modi-
fications des faunes zoologiques pendant la série des temps.
Pour nous, l'espèce, en paléontologie, est limitée exactement de
la même manière que dans la nature vivante, et nous considérons
les débris organiques fossiles comme appartenant à la même es-
pèce, ou comme formant des espèces différentes, suivant qu'ils
présentent des caractères qui dans la nature vivante amèneraient
à l’une ou à l’autre de ces conclusions. En dehors de ces limites
fixées par l'étude des animaux actuels, nous ne voyons aucun
moyen de trouver une règle rationnelle et constante.
On voit donc, par là, que nous dégageons complétement la no-
tion d’espèce de l'influence possible, mais contestée, des change-
ments géologiques sur l'organisme animal. Nous avons reconnu,
par exemple, que dans l'immense majorité des cas, les animaux
d'une faune différent de ceux qui leur ressemblent le plus dans
les faunes voisines, par des caractères égaux ou supérieurs à ceux
qui forceraient dans la nature vivante à admettre des espèces dif-
férentes. Nous traduisons ces faits en disant que chaque faune a
ses espèces particulières. Puis quand vient la question de la possi-
bilité qu'une partie des animaux d'une faune donnée proviennent
par voie de génération directe de ceux qui les ont précédés dans la
faune inférieure, sans revenir sur les limites de l’espèce nous
discutons le plus où moins de probabilité de la modification de
F2 NOTES.
l'espèce dans la sèrie des temps. Saus cette méthode, on confond
en une seuie discussion qui ne peut aboutir à rien des idées qui
doivent rester distinctes.
Nous dirons même que nous voyons dans cette méthode la con-
ciliation des deux écoles opposées qui ont si longtemps discuté
sur lespèce. M. Isidore Geoffroy, un des plus illustres représen-
tants de celle qui n'admet pas son existence absolue, se rapproche
singulièrement de notre opinion lorsqu'il dit (‘) « que les circon-
» stances étant permanentes, l'espèce l’est aussi, et que les carac-
» tères des espèces ne sont ni absolument fixes, comme plusieurs
» l'ont dit, ni surtout indéfiniment variables, comme d’autres l'ont
» soutenu. »
Je voudrais pouvoir donner aux commencçants quelques conseils
pratiques pour les guider dans l'étude des limites des espèces,
mais il est presque impossible de fixer à cet égard des règles gé-
nérales. On y arrive, soit au moyen d'un tact naturel qui aide
certains naturalistes plus que d’autres, soit surtout par l'étude
d'un très grand nombre d'échantillons. Il faut, pour ainsi dire,
faire un travail préparatoire et spécial pour chaque groupe na-
turel, afin de comprendre l'étendue des variations accidentelles
qui diffèrent beaucoup de l’un à l’autre. Une pareille analyse
indiquera quels sont les meilleurs caractères spécifiques, et quels
sont ceux qui peuvent induire en erreur.
M. de Blainville a soutenu un principe qui, à mon sens, est
trop absolu, mais qui repose sur une idée juste et féconde. Ii pense
que chaque genre n'existe qu'en vertu d’un caractère prineipal, et
que les variations de ec caractère peuvent seules fournir les moyens
de distinguer les espèces. Par exemple, les lièvres ont pour ca-
ractère principal la disproportion des membres antérieurs et des
postérienrs. Le plus ou moins de différence entre ces organes
devra être le seul caractère spécifique certain.
J'ai dit que je ne crois pas ce principe applicable d’une manière
absolue, mais j'ai reconnu en même temps qu'il repose sur une
idée vraie. On pourrait l'exprimer en disant que les caractères
spécifiques les plus importants sont les modifications dont l’exa-
gération peut servir à former des genres lors même que ces mo-
difications seraient en elles-mêmes très légères; et qu'au contraire
(1) Revue et magasin de zoologie, janvier 1851.
NOTES. 549
des variations en apparence plus intenses ne seront que de mé-
diocres caractères spécifiques si dans les types voisins leur impor-
tance n'augmente pas jusqu'à fournir des caractères génériques.
Par exemple, la dent carnassière peut varier dans toutes les par-
ties de sa couronne. Le talon plus ou moins développé fournit de
bons caractères génériques et même sert à distinguer des tribus.
La moindre variation dans ce talon sera un bon caractère d’es-
pèce, tandis que des modifications plus graves dans le reste de
la couronne pourront être sans valeur spécifique. Ainsi encore,
dans les mollusques acéphales, le moindre changement dans la
forme de la ligne palléale aura plus d'importance que des change-
ments d'ornements en apparence plus graves, ete.
En se préoccupant de cette idée, on pourra en général, dans l'é-
tude de chaque genre, reconnaître le plus ou moins d'importance
des caractères. On verra aussi que dans tous les cas et d’une ma-
nière générale les caractères tirés de la couleur et de la taille
sont les pires de tous, car ils ne s'élèvent jamais, quelle que soit
l'intensité de leurs différences, à une valeur générique.
NOTE B.
SUR LA DÉTERMINATION DES OSSEMENTS FOSSILES.
J'ai dit, page 95, que, pour déterminer un os fossile, la pre-
mière chose à faire était de reconnaître quelle place il occupe
dans le squelette. Je crois devoir entrer ici dans quelques détails
qui auraient peut-être été déplacés dans le corps de l'ouvrage, et
qui pourront guider l'élève dans cette recherche essentielle.
Les os du squelette, soit dans les mammifères, soit aussi dans
les oiseaux et les reptiles, peuvent se diviser en cinq catégories
faciles à reconnaitre.
4° Les os plats, qui sont sous forme de lames, ayant peu d'é-
paisseur, et ne présentant pas dans l'intérieur de cavité propre-
ment dite, mais seulement un tissu moins serré. Ces os forment la
tête, le bassin et l'omoplate, et quelquefois aussi le sternum (oi-
seaux).
2° Les os longs, qui sont cylindriques et qui présentent à leurs
extrémités des facettes d’articulation. Ces os naissent de divers
574 NOTES.
centres d’ossification, dont un forme le corps, ou diaphyse, qui est
lisse etsans articulations, et dont les autres forment les épiphyses,
ou extrémités. L'intérieur de ces os présente une cavité qui est
médullaire dans les mammifères et aérienne dans les oiseaux, et
qui, dans les reptiles, est remplie d’un tissu osseux lâche. Ces os
sont principalement ceux des membres.
3° Les os courts, dont les dimensions sont égales en tous sens,
et qui s’articulent par des facettes plus ou moins planes qui occu-
pent presque tout un côté. Leur tissu est uniforme, un peu poreux ;
ils naissent ordinairement d’un seul centre d’ossification. On les
trouve surtout dans le carpe ou poignet et le tarse ; ils forment
aussi le sternum des mammifères.
L° Les vertèbres, qui sont une réunion d'os courts et d’os plats,
et qui ont pour caractère de former un anneau, dont un des côtés
est épais et poreux comme les os courts (corps de la vertèbre), et
dont l’autre est formé par deux os plats(lames tectrices) qui vien-
nent se réunir ensemble, en formant une pointe (apophyse épi-
neuse). Ces os, par leur complication, sont toujours faciles à dis-
tinguer des autres. Les seuls qui peuvent laisser de l'incertitude
sont les vertèbres de la queue, qui ne forment pas un anneau et
qui sont réduites à leurs corps. On les distinguera toutefois parce
qu'elles sont terminées aux deux extrémités par une facette arti-
culaire plate et circulaire.
5° Les côtes, qui participent de la nature des os plats, en for-
mant toutefois une transition aux os longs. Elles ont pour carac-
tère principal d’être courbées en demi-cerele, et d’être terminées
à une des extrémités par deux facettes articulaires écartées, dont
l’une est en forme de tête, et l’autre plate, tandis que leur autre
extrémité est poreuse et terminée sans facettes.
Le premier soin de l'élève sera d'apprendre à distinguer ces cinq
catégories, et il y arrivera facilement par une étude un peu atten-
tive de la nature vivante. Il devra ensuite, dans chacune d’entre
elles, chercher à connaître quels sont les caractères qui peuvent
servir à aller plus loin et permettre une détermination plus pré-
cise. Je ne puis pas entrer ici dans des détails qui équivaudraient
à un cours d'ostéologie; mais j'ai essayé, par quelques tableaux
analytiques, de faire comprendre quelle est la nature de la mé-
thode à suivre, et je prendrai pour exemples les os longs et les
vertèbres des mammifères.
[SE
J
[æE]
NOTES.
4° OS LONGS.
Le présentant à une de leurs extrémités une seule
surface articulaire, en forme de tête plus ou moins
arrondie et latérale à l'axe.
Os terminés à leurs deux extrémités par des facettes
planes ou des protubérances articulaires ou non, si-
tuées à peu près dans l'axe, ou symétriques par rap-
port à cet axe.
! Tête détachée et portée par un col passablement pro-
| noncé: l’autre extrémité terminée par deux condy-
les où protubérances articulaires, arrondies et sépa-
}4
={
«
2%
Le
2
[A
rées en arrière par un profond sillon. . . . . . . Fénur.
Tête peu dégagée de l'os, col court et large, quelque-
articulaire en poulie ; présentant ordinairement une
partie cylindrique et une partie un peu arrondie,
mais ces deux parties étant toujours continues ou
séparées par une crête saillante et jamais par un
SON ON . Humérus.
‘Une des articulations Gotéblémént distante dé Ib Éatr é-
mité et creusée en demi-cylindre sur une des arêtes
latérales de’ logs vtr 001 LWMNOU TE OUbitES:
Les deux articulations formées par des facettes termi-
nales ou subterminales.
/ Une des articulations ayant sa face principale latérale
et parallèle à l'axe de l'os. .
Les deux articulations ayant leur face pr incipale form mée
par une ou plusieurs facettes tout à fait terminales et
perpendiculaires à l'axe de l'os.
‘Os courbé en S, une des articulations terminale, l'a au-
| fois nul; l’autre extrémité terminée par une facette
l
6
tre latéralé. : . . . : ie shine CCTaviculss
los droit, les deux arbeation latéi ES ti. . à Péroné.
/ Une des extrémités dépourvue d’articulation.
Phalange unguéale.
Les deux extrémités terminées par des facettes articu-
res A LU : ÿ
Os grand, les sxticutaiiois des dévx extrémités furiänt
HE CAVILÉE. . 0. . £
Os petit; une des articulations CORVEXE, 472 4
516 NOTES.
f Une des articulations (la plus large) formée de deux
cavités arrondies peu profondes , séparées par une
arête médiane; l’autre extrémité en forme de demi-
cylindre concave et terminée d'un côté par une
pointe perpendiculaire à la face articulaire. . . . . Tibua.
Les deux articulations formées chacune d’une cavité
unique sphérique ou FAP et sans pointe la-
\ léralemee es fe de Te
Une des articulations formée par une e facette plane plus
| ou moins triangulaire, avec des traces de facettes
9 plus petites sur les côtés. . . Mélatarsien ou Métacarpien.
Une des articulations présentant une cavité très mar-
TE LM SL RS EE 10
FE simple, uniformément arrondie. . . . . . . Premiere
10 phalange des doigts ou des orteils.
lots partagée en deux parties. . . . Seconde phalange, id.
20 VERTÈBRES.
Les vertèbres, comme je l'ai dit, forment un anneau dont un
des côtés est formé par un os discoïdal et poreux qu’on nomme
le corps. A l’opposite est une pointe, ou apophyse épineuse, qui est
dirigée dans le plan médian du corps. Sur les côtés sont des 4po-
physes transverses perpendiculaires à ce plan. Les vertèbres sont
unies entre elles par les corps et par les apophyses articulaires,
qui sont des facettes situées en avant et en arrière près de la
base des apophyses épineuses et transverses. Les proportions et
les formes de ces diverses parties peuvent servir à reconnaître à
quelle région appartient une vertèbre.
Apophyse transverse percée d’un trou longitudinal.
À Vertèbre cervicale.
Apophyse transverse n'étant percée d'aucun trou. . . 2
IonEe transverse épatée à l'extrémité et montrant
! des traces évidentes de soudure avec un os voisin (le
| bassin); les corps de plusieurs vertèbres souvent
2 soudés ensemble, et, dans ces cas-là, les espaces
intertransversaires réduits à n'être que des trous.
Vertèbre sacrée.
Apophyse transverse libre et sans soudures. . . . . . 3
NOTES. ot
le presque réduite à son corps ; canal presque
toujours imparfait: pas d'apophyses articulaires.
Vertébre on.
re de forme normale. . . . . .. (A
Apophyse transverse, présentant à son extrémité ou à
sa face inférieure, une facette d’articulation; une
cavité semblable sur les côtés du corps. Apophyse
L Épineuse longue. . 04. (Véftebre dorsale.
Apophyse transverse longue et large, sans facettes ar-
ticulaires. Apophyse épineuse large. Corps grand.
Vertèbre lombaire.
La région de la vertébre une fois déterminée, on pourra encore
arriver à un peu plus de précision.
Dans la région cervicale on reconnaîtra facilement la première,
ou atlas, qui à une cavité très grande, et dont le corps est pres-
que nul, au point que l'épaisseur de l'anneau est à peu près la
même en dessus qu'en dessous. Ses ailes sont grandes, ete. L'axis
se reconnaitra facilement à ce que le corps présente en avant une
dent ou un demi-cylindre dirigé suivant l'axe de l'animal, et qui
dépasse la facette antérieure d’articulation. Les autres vertè-
bres sont d'autant plus postérieures qu'elles ont l'apophyse épi-
neuse plus grande.
Dans la région dorsale les vertèbres sont en général d'autant
plus antérieures qu'elles ont la facette articulaire de l’apophyse
transverse plus éloignée de celle du corps. Celles de la partie pos-
térieure de la région sont plus étroites.
Dans la région lombaire les plus caractérisées sont les posté-
rieures ; les antérieures forment des transitions aux dorsales.
Dans la région coccygienne les vertèbres les plus grandes et les
plus complètes sont à la base. Celles de l'extrémité sont le plus
souvent réduites à un petit corps cylindrique.
Au reste je n'ai donné ces détails que comme des exemples ct
pour faire comprendre aux commençants d’après quelle méthode
et quelle nature de caractères on peut arriver à se mettre en état
d'opérer le premier point de la détermination d’un os fossile,
c'est-à-dire, reconnaître quelle place il à occupée dans le sque-
lette.
FIN DU TOME PREMIER,
37
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME PREMIER.
Préface de la seconde édition........... RS Los :
Préface de la première édition....... PORN ARR E RER
PREMIÈRE PARTIE.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA PALÉONTOLOGIE.
CHAPITRE I. Coup d'œil sur l'histoire de la paléontologie. .........
CHAPITRE IT. Définition du mot fossile. But et limites de la paléon-
DIDS IC eme ee ceereer ne eli ce 2e le de eme ee MS soc
CHAPITRE IT. De la manière dont les fossiles ont été déposés et de leurs
dIVETSLSRANPATEN CES. APR ENTER EN, 0
CHAPITRE IV. Des changements de position éprouvés par les fossiles
après leur enfouissement......##°t).. st he sais 54e dsetaietets 10 dé
CHAPITRE V. De la distribution des fossiles dans les divers terrains,
et des rapports zoologiques qui existent entre les faunes successives.
CHAPITRE VI. Des causes auxquelles on peut attribuer le renouvelle-
ment des MaUNES Z00INSIQUES ee ee roses Ed. Foi0
CHAPITRE VIS. Principes Hetgiqés de la SGD À et Là la dé-
termination des fossiles............
CHAPITRE VII. Des AL AGE de la paléontologie à \ la géologie. .,
CHAPITRE IX. Classification des terrains.
CCR .…..
1. Période primaire. ...... sado np SE og pe on
2-PÉriodessetonddlles eee Rerioie eeepc Eee eee ee ee
De MPÉTIODONTENDIUIRE ses sieste ete siele jo aod dd : ‘ SÉE
4: Période quaternaire et moderne... 0.0.0. nn Os
DEUXIÈME PARTIE.
HISTOIRE NATURELLE SPÉCIALE DES ANIMAUX FOSSILES.
PREMIER EMBRANCHEMENT, — VERTÉBRÉS soc.
Première classe. — Mammifères
eue taie Mallsl en vien let
TABLE
L'e sous-CLAssE. HMamanifères mo-
NOLCIPRESNS ARIANE UNE
127 Onpre. BIMANES (hommes)
2eOrpre. QUADRUMANES LE
mates, Blainv.)..
1'e Famille. SINSEE ‘…
1'e Tribu Singes de l’ancien
CONHBENE ss: + M AMITA
2° Tribu. Singes d'Amérique.
2° Famille. Ouisriris. .
CRC
3° Famille. LÉMURIENS. .
3e Orpre. CHEIROPTERES. ..
17° Famille. Cnauves - souris
FRUGIVORES OU ROUSSETTES. .
2° Famille. CHAUVES-sOuRIS IN-
SECTIVORES « « 5.3 3 3 40 :
Molosses :: : 2UmRX Did
Phyllostomes. 4257.21 ‘
Rhinolophes .......,...
Mespertilions: 21e 40:
4° Orpre. INSECTIVORES..
1° Tribu. Echinoïdiens....
HérissOns 24.21.1523. 310
Menrecss ess: o
Galerixsz 22:45:20
Echinogales: …. ...,.. De
2° Tribu. GLISORICIENS. . ....
Cladobates..... Sante
Oxygomphius..........
3e Tribu: Soriciens. ...... :
Musaraigness 3:40
Miysarachness Mae
Plesiosorex 000 da
Desmans +... Soon
4e Tribu. Talpiens..:....
Taupes.... OH LÉ ë
DiyIuss AM en .
Palæospalax....... Gocko
GeOIEYpUS SN NNNRIRE
Galeospalax.2.1 77m
Hyporissus: 4.001
ANOMOAUNE ser eee ste
5e Orpre. CARNASSIERS...
dre Famille. CARNIVORES. ....
Are nbusaUrsides ss: 35:
QUES EE AT NS are
Hyænarctose "em"
RatOns ele tete ee
CUatiS eee DB Te
Blaireauxs 27248800 HE
EVIOdOn eee eee
IATCLDGYOR ARE este etes :
ATGPRICYON SAT
DES
168
170
170
171
CS ES ES OS ES CS CS OS D |
1
Dès ie On Open mn des jee pen jen jen je
U UT UT I A 1 1
© © (© Co O0 CO 1 D Où QE À QG D D D D
MATIÈRES,
Hyænodon....
Acanthodon........
Harpagodon. . ... oo
2° Tribu.
Chiensits:329
Cynodon ....
Galecynus ...,.
Palæocyon:s::524
Speothos .
Canides (chiens). .
3° Tribu. Viverrides(Civ ttes)
Civettes. ...... :
PalæonyCtiS er
Soricictis
..... .
# Tribu. V cire Facile
Gloutons :::3:3410000mM0E
Galictis
CCC
Palæomephitis........
Télagons es: 555000
Martes:s 207 GEO
Plésiogales. . ..
Plesictiss' a PP 00m
Paléogales.......
PULOIS SES A
Putoriodus: 35:54
Loutres ::::3;
Potamotherium....,.
Thalassietis. ....
Galeotherium
5° Tribu.
Hyènes
6° Tribu. Félides (chats). .
Chats.
Machairodus ......,
Pseudælurus ......,
.........
9° Famille. AMPMIBIES. .... :
Phoques ects settr :
Morses.
4'e Tribu. Sciuriens....
Ecureuils ss: s 007
Marmottes. 12.2...
Plesiarctomys ......
Spermophiles...
Lithomys . .
2 Tribu. Myoxins...
6° ORDRE. RONGEURS. D'oooe
Hyénides Amour :
........
oirs tiers rer
Brachymnysis eee.
3e Tribu. Macropodes. ....,
Gerboises: ::::.:: OST
Issiodoromys...
4° Tribu. Lagostomides. ...
Miscaches: sr 32770
580 TABLE DES MATIÈRES.
Megamys... ..seliretet 240 Ochotheriumase 10972
5° Tribu. Psammoryctins... 2%41| 3° Famille. Dasyrines ou Ta-
Archæomys..... DS 0 0 010 ve A HUE ATdo D boncode020000 fl
Theridomys.."..."...1.1..01242 Glÿptodon EE RPAREE CE 7
NÉlomyse =. ee V0 24 Chlamydotherium ...... 7
EChIMYSRE tee cce 4 Pachytherium ..... tte 7
Lonchophorus ......... 24 Tatous tt. #téere 3 OT
Phyllomys...... Doc 4 Eurvxodon tete 21
AUelOMYS ee ------ serre 4 Heterodont®tee-cce ct 5e 7
a
4° Famille. MYRMÉCOPHAGES. . .
Macrotherium 2.10.
Fourmiliers- etre
Oryctéropes- CR -RRE
Glossotherium.........
8° ORDRE. PROBOSCIDIENS...
Eléphants® 0... ."#ecrr 280
Mastodontes . .. ....:-." 286
9° OrDRE. PACHYDERMES... 291
1" Famille. PÉRISSODACTYLES. 294%
1" Tribu. Rhinocéroïdes.... 294
ra
6e Tribu. Cténomyens.....
Cténomys centrer
7° Tribu. Cuniculaires.....
8° Tribu. Murins....-.....
Rats. vetement
Cricetodon---..e.....
Hamsierss 1... etii.
Campagnols...........
Decticus..:chren....1te
Elomysk ee". ete
9SMTrIDUACASIONNS....-..t
1 1
© OÙ On 1 Où Or Ur O7 CE ns CD LD
1
RS RS LS OS EURE RO URS RO Re SES
ER HE
1
EE +
D & D D D © D D ND D D 1 19 1 D tk
DD AIDE OR À À OO À 19 ND = © © © © © OO OO C7 Cr CE Er ES C9 Co
©r Cr Cr
(COOL ovd I 0080 60 AE Rhinocéros een -rerec 295
Steneofiber ..... 30000 9 mn Elasmotherium ........ 300
Castoroïdes ........... 25 2e Tribu. Tapiroïdes ...... 301
Chalicomys ....... 20 Dapirse ere se renom o0i
Couiasereerceeeete tent 25 Harlanus-... Ft 508
Palæomys 5 010 à ME) Platygonus . ..... nr 00
Osteopera ECS Eee een 25 Coryphodon....... "304
Omécadonte PRE 25 Lophiodon..... sschett 304
10° Tribu. Hystricins. .... 1, 25 Pachynolophus......... 306
Pores-épics ........ cr Da) Anchilopus ..... LÉRCrTeOUr
Coendous eee e EC e2S Lophiotherium......... 307
11° Tribu. Leporins..... To RS) Tapirulus...... NOT omoil|S
HEMES oomocouvodooos Listriodon . SO 00 300 0 mile
Lagomys . DDC 000 00 mo 3° Tribu. Palæotbérioides: 1 509
Titanomys. . 3e 100 + 25 Palæotherium ......... 309
12° Tribu. See Soda DE Propalæotherium ...... 311
Cobayes.…. Sd 00 0 0 0 ME Paloplotherium....".." 312
Met. er APEDE 259 M4 Tribu: Solipédes......"-. 315
ATOUTS secret 200 Anchitherium "#1". 315
Pacas se -ceecte- 1 R260 Hipparion ..... DO 0 Co moi
Gabiais SoSocoovc 260 Chevaux... . ... spot 010
7° Onnre. ÉDENTÉS (Maldentés, Macrauchenia ......... 318
Blainy-). 2.0.2 DH300 00 + 260 Nesodonmt.".1. 21 .1..319
1'° Famille. Pos ou Tar- 2° Famille. PACHYDERMES ARTIO-
DIGRADES e,..ee es 00000 263 DAGTYLESLe - - cmpeprite se el]
2° Famille. MÉGATHÉRIOIDES OU 1'° Tribu. HipPopotanites. -: 920
GRAVIGRADES . cos cece 203 Hippopotames ..... sert 20
Megathérium.......... 264 Tetraprotodon ..... + 21
Megalonyx.-....0...0.068 Hexaprotodon ...... 322
Mylodon...... pci 209 Potamohippus..... th 329
Scelidotherium ......1.. 271)" 2° Tribu. Suilliens.- 2°. 523
Cœlodon eee CCE mO T2 Cochons. . ...... PUS 070
SphenodON. cette 272 PéCaris . rer e 320
Hyops
Calydonius ..
Palæochæœrus...
Chæromorus : ...
Entelodon ..
Elotherium .
Chæropotames..
Hyotherium ....
Bothriodon .
Hyopotamus ..
Anthracother
Hyracotherium .
Microchærus ....
Acotherulum...,.
Heterohyus .
nano sise
TABLE
.….....
.......
ium..
3° Tribu. Aaoplothérioides c
Anoplotherium ........
Eurytherium
Chalicotherium
Tapinodon®s. . +... set.
Xiphodontes ........
Dichobunes recette
Aphelotherium.........
Geboch@rus
Oplotherium.,........
Zooligus .
DiDIocuS Een ere ct
Hyægulus. ..."."
Microtherium ....
.......
ATAPIS er aeere eietere Dci a
Dichodone 7 rtf erilte
Merycopotamus........
Chœromeryx
10° OrnrEe. RUMINANTS...
4'° Famille. CAMÉLIDES...
Chameaux estelle É
Merycotherium ...
Lamas
9° Famille. CERVIDES. ....
Girafes :
Sivatherium. tt
Bramatherium
Chevrotains......
Amphitragulus.......
Dremotheriuimm ….
Dorcatherium .......
Poebrotherium . .....
Palæomeryx . .......
Cerfs
Orotherium.
...
.
3° Famille. ANTILOPIDES « « « «
Antilopes ...
........
C2
©) © ©
© © © © ©
C2 O2 QG Co
9 1
© @ D D A1 1
Ce © Co
© © ©
D = ©
333
334
334
334
335
339
339
336
331
SON
338
338
339
339
339
340
340
340
341
341
342
342
342
332
344
345
314312
345
345
346
346
347
347
348
349
349
330
350
351
39
359
360
ep
MATIÈRES.
Leptotherium .........
Moutonsee tenter
Ghévres rer nooio
BŒUSS SC: -ecent
Toxodon.-... sc
11° ORDRE. SIRÉNOIDES. . ne
Dinotheniumiese.#..ttt
lamantinsse"te.##".00.
Dugongs®cte HOT 0
Halifheriumeeeer...
Trachytherium.. ......…
StCIlereS eee 2: -.0 :
12° Ornre. ZEUGLODONTES. .
Zeuglodon..... do 0 :
SŒUAIOdOnE Sert. :
BalænOdON.....8.
Smilocamptus .........
13° OnvRe. CÉTACÉS. .. .… .
1'e Famille. DELPHINIDES. . ...
Dauphins-s3.:-0.21..
Stereodelphis..........
Champsodelphis .......
AMIONIUS EE eee sie rese
2e Famille. MoNoDONTES. .....
NADVAIS ER eee ces
3° Famille. HÉTÉRODONTES at
Ziphius ... soie
Diaplodon eee re. te
Choneziphius...... ..
4° Famille. PHYSÉTÉRIDES. . ...
Cachalots ..... SI erieiele
5° Famille, BALÉNIDES. .....,
Rorquals Ge erERErRRr
Baleines..…........ she
Cetotherium A0
Hoplocetus.s"1"2.1.. ciel
Cétotolithes....... -
© SOUS-CLASSE. Mammifères didel-
phes (marsupiaux).....
1°" Orne. SARCOPH ÂGES.
Thylacotherium.......,
Phascolotherium .......
Microlestes............
Sarigues. "sertie
Galethylax.27 tee
Spalacodon ete M
Dasyures .......... cher.
Thylacines........1 he
2° ORDRE. POEPHAGES. . . .
1° Tribu. Phalangistides...
2° Tribu. Macropodides ou
Kanguro0$.........eee
Kanguroos..,,,,..
982
TABLE DES MATIÈRES.
Hypsiprymnesss..r%liret 398 Diprotodon .. D
3° Tribu. Rhizophages..., 398 Nototheriume. rh
Wombatls 270: ess t 1399
Deuxième classe. — Oiseaux...,..,.,............ CARE
1° Onpre. OISEAUX DE PROIE. 410/4° Orpre. COUREURS (Cursores
1" Famille. DIuRNES . .... 410] Struthionides).....,.......
2° Famille. NOCTURNES. . ..... 411 DiNDEHIS ECC CEE
2 Onvre. PASSEREAUX: ee 412 Rs on "Aie Fed
1"° Famille. DENTIROSTRES . . 412 Palapteryxe 0 Has
2° Famille. FissROSTRES.. . . 41215 Onore. ÉCHASSIERS (Grallæ)
3° Famille. CONIROSTRES .. . . .. 413! 1'° Famille. PRESSIROSTRES. . . .
LEMFamille CORACES SRE 413| 2° Famille. CULTRIROSTRES.. . ..
5° Famille. TENuIROSTRES.. ... 414| 3° Famille. LONGIROSTRES. . .
6e Famille. SYNDACTYLES, .... 414| 4° Famille. MACRODACTYLES. . .
7° Famille. GRIMPEURS....... 414 NOtOTHIS eee ie
, 6° ORDRE. PALMIPÈDES. eee à
3° OrDRE. GALLINACES...... 414 1'e Famille. LONGIPENNES. ....
4" Famille. Coromnins...... 415| 2° Famille. TOTIPALMES. . . .
2® Famille. GALLINACÉS propre- 3° Famille. LAMELLIROSTRES,. .
MEL UUIESE Eee sise ses 7 415| 4° Famille. PLONGEURS. .. ....
Froisième classe. — Reptiles
1" sous-CLASSE. Reptiles propre-
HU CORÉEN “IL
1e Ornre. CHÉLONIE NS
ou
LTORTURSSR TT: re tummenet
1'° Famille. TORTUES TERRESTRES
DUMCHERSITES sa see EUR
Tortues proprement dites
Megalochelys...... Sub
Lestadinitess.-2t-t# À
Plychogasten fusils D5 6
2° Famille. TORTUES PALUPINES
ou ÉLODITES .. … : anses
Émglessaaendé oz
Palæpchelys ereRpette,
EUuLYS er AUMENMEAE 6e
Platemys- ne
Chélydres een
Tretosternon..
Apholidemys..:. 1142
Protemys era
3e Famille. TORTUES FLUVIALES
OUPOTAMITES . eee de netiae
HR CAD COUR
4° Famille. TORTUES MARINES ou
THALASSIE Seat I
Chélonées
Sphargis ......
Idiochelys . ..
SRE
Es à À
& à
&
O © Cr © ND
5 ES D
UE
CS
Ce
Qt © Or CE Cr
Gr Cr & © © D D 1 ©
ER &
Aplax. strict
2e Orpre. SAURIENS.......
4" Famille. DINOsAURIENS.
Megalosaurus ..,......
Hylæosaurus....,.,....
Jsuanodon.- "#17
Pélorosaurus .. 2e
Regnosaurus,.........
Plateosaurus.... M...
Famille. CROCODILIENS ou
SAURIENS CUIRASSÉS « «0 « :
4" Tribu. Crocodiliens à ver-
tèbres concavo-convexes. .
Grocodiles . +...
2€ Tribu. Crocodiliens à vertè-
bres biconcaves...,....2.
Téléosaures.. "ne.
3° Tribu. Crocodiliens à ver-
tèbres convexo-concaves. .
Sténéosaures . .
GCétiosaurus rentrer er
Crocodiliens douteux....
Succhosaurus..........
Goniopholis......
Macrorhynchus .....,...
Pholidosaurus tteente en
Pœcilopleuron .........
Racheosaurus.......,..,
2°
TABLE
Pleurosaurus 1. : 2 21 9
3° Famille. SAURIENS SQUAMEUX
OU LACERTIFORNES,. ,,
Protorosaurus 445400
Thecodontosaurus......
Palæosaurus ..........
Gladyodone
MOSS AUS eee eee ne
GÉDSAUTUS Se eee
MOOAONEE +. ce
Raphiosaurus.. ..:.:::.
Coniosaurus...........
Dolichosaurus ...,.,....
Homæosaurus . ........
Saphæosaurus...,.....
DrASONNeS 5...
SCINQUES Eee se ces
Jeuaness 5.22...
ÉCHOS Res -- ss...
MÉZAEAS sectes
Orvets . ..
SAURIENS INCOMPLÉTEMENT CON-
NUS 00:
1° Sauriens des terrains
DÉDÉCNSEE es ere
Deuterosaurus........,
Rhopalodon. 4... ...
DiICYnOUONE 7...
2° Sauriens des terrains
triasiques. . «1340192 €
PDYÉOSAULUS. 2...
Menodon: :. 2:30:
Termatosaurus ........
RIVSOSTOUS Screen
Rhynchosaurus........
Psammosaurus ....,...
3° Sauriens du lias.....
Macromiosaurus .......
J'ATIOSAUPUS 2.0 ete
4° Espèces des
oolithiques
terrains
et oxfor-
HIENS = se sos ee cent
Glaphyorhynchus......
Thaumatosaurus....
Ischyrodon”. "0...
Brachytænius. ---.....
5° Espèces des schistes li-
thographiques et des
étages jurassiques supé-
TIEUTS he sac eees ss
ATOPOSAUTUS =...
ANEUISAUTUS es
Machimosaurus...,,,...
d1S
MATIÈRES.
Sericodon:: 55 T#r#eRr
6” Espèces des terrairis
CTÉTACÉS 22 + NET
Neustosaurus #6 NA
MeSOIE PES SE
Polyptychodon . ...,...
Macrosaurus..........
HYposaurus ere
3° ORDRE. PTÉRODACTYLIENS
ou REPTILES VOLANTS...
PIÉTOdACEVIBS te eee
Ramphorhynehus .....
Ornithopterus. .......
4° ORDRE. ENALIOSAURIENS.
1'° Famille. IcHTHYOSAURIENS.
Ichthyosaurus . ....
Plesiosaurus .'.....
Spondylosaurus....
Bliosaurus
2° Famille. SiMosAURIENS.
Nothosaurus ......
Pisfosaurus-......
Conchiosaurus. ....
Simosaurus .......
Sphenosaurus
5° OrDre.
TES er
Mastodonsaurus. . ..
Capitosaurus,.....
MetÜpiasil
Trematosaurus ....
ZiYSOSAUrUS 2...
Odontosaurus .....
Archegosaurus ....
Rhinosaurus ......
Xestorrhytias .....
ilfelcrpeton.#..""e
ADAleON-s eee.
6° Onvre. OPHIDIENS .…
e
LABYRINTHODON-
._..........
.
Palæophis 6. rec
PERTE 006 0 de
Couleuyres 5.0
518] OPHIDIENS MAL CONNUS...
51812 sous-CLASSE.
519
519
519,
520}
520:
Amphibiens ou
COARAENSS ES TT SEE
51911 ORDRE. BATRACIENS ANOU-
RES Reco
1° Famille. Ranirones .
Grenouilles....,..,
Asphærion........
Palæobatrachus....
Hatonias. 2217 2.
SONNGULSs 1e he
Or Cr Or Cr Or Cr
D D © D ND D
19 HD = ee me ps
a €
Or Cr Cr
(eh
Selor Grher
Cr ©
Cr O7 ©
Æ & # O9 © CO C2 9 Co LD 19 19 19 D D
»
ÿ
D => © © © CO «I Ti en = CO D 1 me RO
©r Cr
7 ©7 Or Q7r Or Or Or Qr Cr C7 Cr © ©r Cr Cr
Or De CO Or Or Cr Cr Ôr Cr QC Or À À EE
DUO R E& D æ © © © © D I Co
C7 Qt C7 CE Cr CE Et C7 Cr Cr
O © © © © © ©
QU ND 19 9 = æ © ©
(e>
584 TABLE DES MATIÈRES
Pelophilus.=." "4.010... 563/2e ORDRE. BATRACIENS URO-
9° Famille. BUFONIFORMES.. .… B63| DÉLES............. Soc
Crapauds....... ons. DOS Anmdrids.---<emeet-r-e
Palæophrynos. ........ 564 Salamandres..........
3° Famille. HyLærorMes ..... 564 Tritons --LECAREEEE
4e Famille. PHRYNAGLOSSES.. .. 564 Ortophya............
TES ESS 0e 00 0 0 00 2 Mb
APPENDICE.
Traces de pas attribuées à des reptiles... ................esese
Note À. Sur les limites de l'espèce en paléontologie... ............
Note B. Sur la détermination des ossements fossiles... ..........
FIN DE LA TABLE DU TOME PREMIER.
Le hs
NT
n
4
Ÿ .. went ie
ÿ | FAR ve sit LATE ve (fn
re A ER DRUTAA us Fais
‘wi x LEA yat OR
Fa D
4
; [
\ à |
(
"1
j
t (
Ty
(
' À Î n
i[? \
É
“ n
(à PUR AY LE ® | LR
l
| l
{ 1e
Ï
li
(l
3 |
%
k
NL Ll
b
î
[) mn"
4 "
.
fa
;
Qt, t
Le
a”
L L Be L
# à .
’ v |
! ’ 1 eu
f à l
ï fu 100 nm!
; 1
10e
PCA 1
L'ART ON AU DEA
Date Due
HOMO TLC
TO Ÿ H 4; ,